See ppt D TR LR ras AE Au ve Vr dE 35 LUDOVIC LEGRÉ |A BOTANIQUE EN PROVENCE AU XVI SIÈCLE Le LOUIS ANGUILLARA PIERRE BELON CHARLES DE L'ESCLUSE ANTOINE CONSTANTIN MARSEILLE H. AUBERTIN & G. ROLLE LIBRAIRES - ÉDITEURS Rue Paradis, 34, et rue de la Darse, 41-43 1901 i { E EN PROVENCE XVI SIÈCLE rie, : LUDOVIC LEGRÉ EN = — LOUIS ANGUILLARA 4 PIERRE BELON | CHARLE S DE L'ESCLUSE ANTOINE CONSTANTIN NEW YORE BUTANICAR GARDEN MARSEILLE ALTER PEN &° CG. ROLLE LIBRAIRES - ÉDITEURS Rue Paradis, 34, et rue de la Darse, 41-43 1901 4 1 LYS SEL CEA ñ né S ; e HO ; Pa } | À “à À er é À . k L 6 tb 4 | } LÉ . 4 IS ANGUILLARA L LIFR ARY NE YORE BuTANICAR GARDEN LOUIS ANGUILLARA En un siècle où la Botanique, alors dans toute J’exubérance de sa jeune vitalité, prenait le plus large essor, — et tandis que la plupart des phytogra- phes, pour enregistrer et commenter leurs découver- tes, ne procédaient que par d’épais in-folio qu'ils agrémentaient de nombreuses plantes gravées sur bois, — le botaniste italien dont nous allons étudier les rapports avec la Provence se contenta de léguer à la postérité un mince volume de format petit in- octavo, orné seulement de deux modestes figures (1). Cet opuscule, qui ne semblait pas avoir été écrit en vue de l’impression, et qui fut livré à la publicité non point par l’auteur, mais par un ami de celui-ci, a suffi néanmoins pour assurer à Louis Anguillara une place glorieuse dans le panthéon des rénova- teurs de la Res herbaria au xvr° siècle. Les origines de ce botanographe illustre sont demeurées obscures. Nous ne savons même pas com- (1) Ce volume, dont les plats ont quinze centimètres et demi de haut et dix centimètres de large, contient 304 pages de texte et un index non paginé remplissant 16 feuillets. Nous donnerons plus loin les autres indications bibliographiques. LUE ment il se nommait. Car Anguillara n’était point son nom. C'était celui d’une bourgade des États de l'Église (1) où il naquit à une date inconnue, proba- blement vers les premières années du siècle (2). On n’a guère, pour reconstituer l'histoire de sa vie, que les renseignements qu’il consigna, d’une facon incidente et discrète, dans le livre dont nous venons de parler. Ce qui, — en quelque sorte à première vue, — ressort avec éclat de cet ouvrage, c’est le haut degré de science et d'autorité auquel avait atteint Louis Anguillara, d’abord par une étude approfondie du texte des auteurs anciens, et ensuite par une série d’herborisations persévérantes qui le conduisirent dans toutes les provinces de l'Italie, des Alpes à la Calabre, et lui firent parcourir une vaste étendue de pays étrangers. Presque tous les biographes d’Anguillara ont loué sa modestie, On ne peut, effectivement, méconnaitre chez lui cette aimable vertu, quand on a lu le récit de ses herborisations (3). Il se met en scène le moins possible. Il tient que le moi est haïssable : aussi n’emploie-t-il que bien rarement la première per- sonne du singulier. Au lieu de dire qu'il a trouvé telle plante en Grèce ou en Syrie, il préfère cette for- mule : « On trouve en Morée..….., on voit à Alep... » (1) « ANGuILLARA, bourg de la province, circondario, et à 30 kil. N.-O. de Rome (anciens Etats de l'Eglise, Italie centrale) sur le bord méridional du lac de Bracciano, au point où l’Ar- rone, affluent de la Méditerranée, s’en écoule. 880 habitants. — On y voit des restes de monuments romains. » VIVIEN DE SAINT- Martin, Nouveau Dictionnaire de Géographie universelle). (2) Tiraboschi, Storia della letteratura italiana (édition de Florence, 1810, tome VII, 2° partie). (3) En dédiant un de ses Parères « al molto magnifico signor Pietro-Antonio Michiele », Anguillara lui disait : « En quelle ma- nière puis-je, moi, pauvre Rhizotome, si petit à côté des autres, espérer qu'aucun de mes Parères puisse être jugé bon par votre haute science ? » CU TRES Nous sommes forcé de regretter qu'il se soit ainsi _ attaché à effacer sa personnalité. Nous aurions été heureux de rencontrer dans ses écrits un plus grand _ nombre de détails personnels qui eussent permis à la biographie de dresser avec certitude la liste de toutes. les localités qu'il visita en dehors de FlItalie continentale. Mais ilest hors de doute qu'Anguillara entreprit _ de longues et pénibles pérégrinations. En écrivant, le 25 octobre 1560, à un médecin de Venise, Messer _ Nicolù da San Michiele Comasco, il parlait du très grand désir, qu’il avait toujours éprouvé, de se ren- dre utile autant qu'il dépendait de lui, et il ajoutait: « C’est ce désir qui m'a induit maintes fois à entre- « prendre de lointains et périlleux voyages où je « mettais ma vie au pouvoir des Turcs et autres bar- « bares, sans avoir jamais, pour cela, reçu ni même « espéré aucune récompense ; j y ai, au contraire, « très largement dépensé mon bien. » Nous avons pris une connaissance minutieuse des écrits d'Anguillara, et d’après les détails qu'il y a donnés, voici quels sont, à notre avis, les itinéraires que dut suivre le voyageur. En herborisant dans le nord de l'Italie, il franchit les Alpes et s'avança en Suisse, dans le canton des Grisons, jusqu'à Coire. Puis, lorsqu'il prit la mer, il visita l’Istrie, la Dal- matie (Zara, Sebenico et quelques-unes des iles de l’Archipel illyrien, entre autres Lesina), l’Albanie, les grandes îles Ioniennes, Corfou, Céphalonie et Zante, la Morée, plusieurs des Cyclades et des Spo- rades, l’île de Chio. Nous croyons quil poussa jusqu’à Constantinople (1). Il vit les îles de Chypre (1) La ville de Constantinople est nommée deux fois dans le livre d’Anguillara. Il dit du Reupontico : « A Constantinople, on en voit moins qu'en d’autres lieux »; ct de la Réglisse : & On la trouve sur le chemin de Constantinople, vers la Le 198 et de Crète (1), où il paraît avoir fait un séjour d’une certaine durée. Il aborda en Syrie, où il a nommé Alep et Damas. Il relàcha très probablement à Alexandrie d'Égypte. De là, faisant voile vers l’ouest, il s'arrêta en Sicile, en Sardaigne, en Corse, et finale- ment il gagna le port de Marseille où il mit pied à terre et d’où il partit pour aller explorer une partie de la Provence. Ces longs et difficiles voyages qui, chez Anguil- lara, n'avaient pas eu d'autre mobile que l'ambition de s’instruire (2), lui procurèrent, quand il fut de retour en Italie, une grande renommée. Aussi, la République de Venise s’empressa-t-elle de lui confier, en 1546, la direction du Jardin hbota- nique de Padoue, dont un décret du Sénat, rendu le 30 juin de l’année précédente, avait décidé la création. Le titre officiel que lui conférait l'acte de nomination était celui de Gran Semplicista dell Illustrissima Signoria di Vinegia nel studio di Pa- dova (3). Thrace ». Il nous semble que cette double affirmation de faits précis procède d’une constatation de visu. Et, du reste, sa présence, en beaucoup d’autres endroits, est certifiée unique- ment par de menus détails que, seul, peut avoir rapportés un témoin oculaire. (1) En Crète, Anguillara s'était lié avec un speziale (pharma- cien) originaire de Rhodes, qu’il appelle Constantino Rhodioto et dont. il paraît avoir fait le plus grand cas. Il le proclame « son ami très cher, très célèbre en l’art pharmaceutique, nella sua arte molto celebre et mio carissimo amico ». Comme en un autre passage il lui donne le nom de maesti'o, on s’est demandé s’il ne s'était pas constitué l’élève du savant speziale. Que ce fût en qualité d'ami ou à titre d'élève, il avait certainement essayé, pendant son séjour à Candie, de mettre à profit le savoir et l'expérience de Constantin le Rhodiote. (2) Dans une lettre adressée à un de ceux qui lui avaient écrit pour le consulter, il disait : «J'ai fait de nombreux voyages étant seul, et j'en ai obtenu profit et consolation non petite ». (3) Gaspard Baubhin, en inscrivant sur une liste d'auteurs qu'il a insérée en tête du Pinax le nom de Louis Anguillara, lui Le goût de la botanique était, en ce temps-là, fort . répandu dans toute l'Italie. Non seulement les méde- cins et les speziali étudiaient, recherchaient et cul- tivaient les plantes, sur lesquelles l’art de guérir fondait alors de si belles espérances, mais il y avait aussi, parmi l'aristocratie et jusque dans le haut clergé, des botanophiles passionnés qui herbori- saient avec zèle et livraient leurs jardins à la culture des simples. Au nombre des compagnons qui le sui- virent dans ses herborisations d'Italie, Anguillara cite, — outre Cesare Odoni, «médecin et philosophe », professeur à l’université de Bologne (1), et l'Allemand Jean Prinster, médecin à Nuremberg, — l’évêque de Cesena, Monsignor Reverendo Vescovo di Cesena, qu'il donne le titre de troisième directeur du Jardin de Padoue, « horti Patavini tertius in ordine præfectus ». Le prédécesseur d'Anguillara à Padoue, au dire du même G. Bauhin, aurait été Louis Mundella, auteur d’un recueil de lettres De natura Stir- _ pium au sujet desquelles Tournefort a dit dans l’Zsagoge de ses Institutiones : « Aloysius Mundella scripsit Epistolas de Stir- pium natura eximias quidem et elegantes, sed ad rem Herba- riam parüm conducentes ». — Mais Tiraboschi, — qui affirme avoir eu communication des documents officiels à ce relatifs, — déclare formellement que la fondation du jardin botanique de Padoue avait été décrétée par le Sénat de Venise à la date in- diquée plus haut, et que la charge de l’organiser et de l'adminis- trer fut, dès le principe, attribuée, avec d’honorables appointe- ments, à Louis Anguillara : « Il Senato veneto a’ 30 di giugno del 1545 saggiamente ordiné che a pubbliche spese si formasse un orto botanico. Questa & la vera epoca del principio dell’orto de’ simplici in Padova... Alla formazione e alla custodia di esso, fu chiamato con onorevole stipendio nel 1546 l'Anguillara, il qual n’ebbe la cura fino al 1561 ». (Tiraboschi , Sforia della letteratura italiana). (1) César Odon publia, en 1561, à Bologne, un volume intitulé Theophrasti sparsæ de plantis sententiæ in continuam seriem ad propria capita nominaque secundum literarum ordinem dispo- sitæ. (Seguier, Bibl. bot.) — Il fut en rapport avec les auteurs du Stirpium Adversaria, où son nom est mentionné. — Le titre qu'Anguillara donnait à César Odon était celui de Lettore dignis- simo di praticca nello studio di Bologna. LS SAÉE nomme plusieurs fois ; puis deux gentilshommes, l’un Pisan, Odoardo Gualandi, et Fabricio Candiano, de Milan. La haute autorité que Louis Anguillara devait à ses études, à ses recherches, à ses voyages, à son titre de « grand Simpliciste de la Seigneurie de Venise » était cause que de tous côtés ces profes- seurs, Ces médecins, ces grands seigneurs pris d'un beau zèle pour la botanique avaient l’idée de recou- rir à luiet de le consulter au sujet des espèces criti- ques. Pour les botanistes de cette époque, l’impor- tante question était de pouvoir reconnaître, parmi les plantes qui s’épanouissaient sous leurs yeux, celles qu'avait prônées l’antiquité médicale. Louis Anguillara, avec cette bonhomie qui était un des traits de sa nature, déférait volontiers aux désirs de ses correspondants : il leur fournissait sur les cas difficiles des avis que sa grande expérience rendait infiniment précieux. Il donnait à ces répon- ses le nom de parere, «avis, opinion, consultation » (1). Un de ces consultants, il magnifico et eccellente Messer Giovanni Marinello, coneut le projet de réunir au parère dont il avait été lui-même gratifié ceux que d’autres correspondants avaient reçus (2), et (1) Le mot français parère serait l'exacte traduction de l'ita- lien parere, si en français cette expression n'avait pas un sens plus restreint qu’en italien. Chez nous le mot parère n'est guère usité que dans la langue des affaires. « PARÈRE, dit Littré. sentiment, avis de négociants sur des questions de commerce. » Ces avis de négociants sont le plus souvent rédi- gés, pour être produits, sous forme d’attestation, devant la juridiction compétente, quand il s’agit, par exemple, d'établir l'existence d'un usage commercial actuellement en vigueur. (2) Tous les Parères d'Anguillara furent adressés à des per- sonnages italiens, à l'exception du premier, qui eut pour des- tinataire un Français, Ludovic Demoulins de Rochefort, « médecin de Madame Marguerite de France, duchesse de Berry, sœur unique du Roi Très Chrétien Henri IT». La lettre de Ludovic Demoulins, à laquelle Anguillara répondit de — 15 — de les publier en un volume. Il demanda et obtint l’autorisation d'Anguillara, et ce recueil fut imprimé à Venise, en 1561, par Vincenzo Valgrisi (1). Il parut sous le titre de SEMPLICI DELL’ ECCELLENTE M. LuiGr ANGUILLARA, liquali in piu Pareri à diversi nobili huomini scritti appaiono, et nuovamente da M. GiovANNI MARINELLO mandati in luce (2). Padoue le 10 avril 1558, lui avait été écrite de Marseille. Le médecin de la duchesse de Berry se disposait à faire un voyage dans le Levant, et il aurait bien voulu décider le bota- niste de Padoue à l’y accompagner. Mais celui-ci, pour s’en dispenser, allègue dans sa réponse qu'il est retenu par la charge que lui a confiée le Sénat de Venise et quelques affai- res particulières, « le cure publiche del giardino, e qualch’ altro mio negocio privato, che mal mio grado mi ritengono. » (1) Seguier (Bibliotheca botanica) a prétendu que Valgrisi aurait successivement imprimé, en 1561. deux éditions du livre d’Anguillara : la première du format in-4° et dépourvue des deux gravures qui se trouvent dans l'édition in-8° (Seguier dit in-12). — Pritzel (Thesaurus literaturæ botanicæ) n'a pas men- tionné cette prétendue première édition. — Tournefort (Inst, Isagoge) invoquant une énonciation de Schenck, en sa Biblio- thèque iatrique, a signalé l'existence d’une traduction latine du recueil des Parères faite par Gaspard Baubhin ; laquelle, d’après Seguier, aurait été imprimée à Bâle en 1593. L'article ANGuIL-: LARA de la Biographie universelle (signé par Dupetit-Thouars) affirme, après recherches, que si cette traduction a été faite, elle n’a jamais été imprimée. Cependant Pritzel donne, à ce sujet, les indications suivantes : « Latinè, cum notis Casparis _ Bauhini, Basileæ ap. Henric. Petrum. 1593. 8. Liber perrarus exstat in Bibl. regia Berolinensi, in bibl. civ. Hamburgensis, in Marciana Veneta, in Horto Patavino, nec non in Palatina Vindobonensi, ubi Tournefortii exemplum servatur. » (2) Au risque d'offenser, par un jugement téméraire, la mémoire de Jean Marinello, nous croyons qu'en se faisant l'éditeur de ce recueil il obéissait à un sentiment de vanité personnelle. IL était riche, comme le démontre, — en même _ temps que son offre de payer l'impression du livre, — l'épi- thète de magnifico que lui avait appliquée Anguillara. Mais il n'était pas noble puisqu'on lui donnait seulement le titre de Messer et non point celui de Signor réservé à des gentilhom- mes, tels que Contarini ou Loredano, figurant en majorité = 1 = Ce livre, devenu aux yeux de la postérité le titre de gloire d’Anguillara, lui suscita tout d’abord de vifs désagréments. Au cours de ses consultations, Anguillara fut plus d'une fois amené à contredire des affirmations for- mulées par Matthiole en ses Commentaires sur Dios- coride. Il le faisait toujours avec une irréprochable courtoisie et de facon à ménager les susceptibilités du botaniste de Sienne. D'ailleurs, dans ses Parè- res, il le louait encore plus souvent qu'il ne le criti- quait, et jamais il ne le citait sans l'appeler « l’eccel- : lentissimo e dottissimo Messer Pietro - Andrea Matthioli. » Mais on rencontre quelquefois des botanistes devenus irritables autant que peuvent l'être les poètes. Quand on leur démontre qu’en tel endroit ils ont commis une erreur, leur orgueil se cabre, et dans leurs colères il ne gardent plus aucune mesure. Ainsi fit le commentateur de Dioscoride. Il conçut pour Anguillara une violente inimitié. Il rechercha toutes les occasions de lui nuire. Il parvint même à faire partager sa haine par Aldrovande. = Tiraboschi a cité divers passages des lettres que Matthiole écrivit à ce dernier, et dans lesquelles, aveuglé par sa fureur, il ne craignit pas de descen- dre jusqu'aux pires injures. parmi les clients auxquels l’auteur des Parères avait répondu. Cette dernière circonstance permettait à Marinello d'indiquer sur le frontispice du volume que les Parères étaient adressés à des nobles, à diversi nobili huominiscritti; et de cette façon iltrouvait le moyen de s’affilier à la noblesse, et de laisser croire qu'il était gentilhomme, lui aussi. — Nous supposons que c’est le même Jean Marinello qui composa un traité relatif à la toilette des dames, intitulé : Gli ornamenti delle donne scritti per Giovanni Marinello et divisi in quattro libri, imprimé à Venise chez Valgrisi en 1562, et traduit en français par S. Liebault (Paris, 1582). « J'ai lu avec le plus grand plaisir, disait-il, _ « que vous m'écrivez au sujet de ce lâche fripon de «€ Louis Anguiilara ; je suis charmé que vous l’ayez « reconnu tout d'abord pour très ignorant, puis pour . « très méchant et très envieux (1). » L'historien italien a supposé que ces inexcusables attaques portèrent une grave atteinte à la réputation _ d'Anguillara. Allèrent elles jusqu à influencer le gouvernement de Venise? Toujours est-il que le directeur du jardin de Padoue fut en butte à des tra- casseries administratives. Son traitement fut sus- _ pendu, et quatre esattori (2)eurent mission de vérifier, si, sous son autorité, les intérêts du jardin n'avaient pas eu à souffrir. Qi Le résultat de l'enquête fut entièrement favorable à notre botaniste (3). Mais tous ces ennuis finirent par le décourager. Brusquement, en 1561, il se démit _ de ses fonctions, et partit aussitôt pour Ferrare. On a prétendu que, retiré dans cette ville, ïl résolut d'y enseigner publiquement la médecine. . Mais ce fait est contesté par Tiraboschi. En réalité | # Anguillara occupa ses loisirs et mit toute son appli- - cation à composer de la thériaque, aidé par un _ moine augustin, Frate Evangelista Quadramio, que . (1) « Con grandissimo piacere veramente ho poi letto tutto . « quello che mi scrivete di quel vigliacco mariolo d'Aluigi An- _« guillara, e molto me piace che lo abbiate conosciuto prima «per ignorantissimo, e poi per malignissimo et invidiosissimo.» | — Dans une autre lettre Matthiole, jouant sur le nom d’An- | guillara, l'appelle scortica anguilla, anguille écorchée. …. (2) Littéralement « percepteurs », mais ici il conviendrait de traduire par « inspecteurs des finances ». (3) Tiraboschi nous apprend, d’après Faccioli (Fasti Gymna- si Patavini), que l'Université de Padoue prit parti pour Anguil- lara et fit justice des calomnies dont il était victime : «nella qual occasione pero l’'Università stessa rendette all Anguillara onorevole testimonianza, e ribatté le calunnie appostegli. » 2 LENS protégeait le duc de Ferrare (1). D'un voyage dans la Pouille, entrepris en compagnie du religieux pour aller y cueillir des simples, Anguillara rapporta une fièvre pestilentielle dont il ne put se guérir (2): il s’éteignit à Ferrare au mois d'octobre 1570. Si, pendant cette retraite de dix années, il n’enseigna point, comme professeur attitré, la médecine et la botanique, du moins continua-t-il à être recherché et consulté par des étudiants ou des botanistes, désireux de s’instruire en recourant à ses lumières et à son expérience. Cette circonstance nous est révélée dans le grand ouvrage que publièrent en 1571 Pierre Pena et Mathias de Lobel, le Stirpium Adversaria. Des relations familières et suivies s’établirent entre Anguillara et les deux signataires de ce livre célèbre, ou tout au moins celui des deux qui en fut le principal rédacteur, — le Provençal Pierre Pena (3). Pena qui, en 1561,. était déjà arrivé en Italie, y demeura jusqu'en 1565, où il alla continuer ses études à Montpellier. Nous devons admettre qu'entre ces deux dates il vint plusieurs fois à Ferrare, ou qu'il y prolongea son séjour, Car il eut avec Anguillara de fréquents entretiens. (1) Haller (Bibl. bot.) indique que le frère Evangelista Qua- dramio fit paraître à Ferrare, en 1597, un traité ayant pour titre : Degli ingredienti della theriaca e mithridatio. (2) Tiraboschi ajoute que cette « febre pestilenziale » lui avait été occasionnée « per molti suoi disordini ». (3) Voir à ce sujet ce que nous avons exposé dans l'ouvrage qui a pour titre : La Bolanique en Provence au XVIe siècle ; Picrre Pena et Mathias de Lobel (Marseille, 1899). — Mathias de Lobel était certainement venu étudier en Italie. Dans le Stirpium Observationes, œuvre qui lui est propre, il cite divers personnages italiens avec lesquels il avait été en rapport. Mais il n'a pas nommé Anguillara, ce qui fait supposer qu’il n'était pas allé à Ferrare. | A : en : | + # LE tee L'illustre botaniste est cité quinze fois dans le Stirpium Adversaria et presque toujours avec des épithètes amicales et flatteuses qui montrent com- bien l'étudiant provençal avait concu pour lui d’attachement et d'estime : « doctissimus, sedulus, materiæ medicæ callentissimus, non vulgaris ami- cus » (1). Deux fois le superlatif modestissimus vient témoigner de cette modestie qui avait été chez Anguillara une vertu si manifeste, et l’adjectif can- didus exprimait, pensons-nous, l’aimable franchise avec laquelle le vétéran consulté répondait à ses jeunes interlocuteurs. Ceux-ci mettaient parfois à l’interroger une certaine insistance : « negabat Anguillara, nobis | anæiè sciscitantibus » ; mais ses réponses étaient | toujours affables : « cüm multa alia doctè et amicè nos moneret », ajoute le texte. C'était à propos d’un « Tragium » qu'il avait rencontré jadis dans les | collines de Pise ; et comme Pierre Pena montrait un vif désir de connaitre la station de cette plante, | Anguillara eut l’obligeance d'écrire à un pharma- . cien de Lucques pour le prier d'y conduire son jeune D ami (2). … On sait que Matthiole est fort maltraité dans l’ou- - vrage auquel Pena et Lobel ont attaché leur nom. Le rédacteur du Stirpium Adversaria ne laisse échap- per aucune occasion de lui reprocher ses bévues, _ dele tourner en ridicule, de témoigner à son égard _ une animosité, une aversion des plus ardentes. Il (1) Dans son Rariorum aliquot stirpium per Hispanias obser- valarum, Charles de l'Escluse fait plusieurs fois mention d’An- guillara, en lui appliquant les qualificatifs de peritissimus et diligentissimus. (2) Mais ils ne retrouvèrent pas le Tragium ; « Nobis literas dedit [Anguillara] ad quendam perbonum et industrium Lucensem pharmacopæum : qui tamen plantam neque ipse potuit, neque quisquam alius, illic quo loco esset, indicare. » (Stirp. Adv. p. 360.) Lie FE CIE est permis de supposer que ces colères furent sus- citées ou avivées par le souvenir des invectives grossières dont le Commentateur (1) avait si injuste- ment accablé le doux Arguillara. Dans les quatorzes Parères dont se compose le recueil édité par Jean Marinello, Anguillara a étudié environ quinze cents espèces. Ce livre demeure, pour l’histoire tant de la flore italienne que de celle du Levant, un document du plus haut intérêt. Quand Anguillara parcourut la Provence, il y revit beaucoup de plantes qu'il avait déjà rencon- trées en Italie et dans les autres pays où il s'était transporté. Aussi ne devons-nous pas nous étonner s’il m'a mentionné qu'un petit nombre des espèces indigènes en Provence. Avant de passer en revue celles dont il a parlé, nous avons à dire quelques mots de l'itinéraire qu'il suivit dans ses excursions à travers le territoire provençal. Nous avons supposé, suivant toute probabilité, qu'il arriva par mer à Marseille. Il s'arrêta sans doute pendant un certain temps dans cette grande ville, aux environs de laquelle il herborisa tout d’abord : Marseille est citée trois fois dans les Parères. Puis il traversa toute la partie nord-ouest de la province pour atteindre Avignon et de là Carpentras. Ces deux villes appartenaient alors au Saint-Siège. Mais on les considérait toujours comme faisant partie de la Provence. Les autres localités dont Anguillara a fait mention sont : (1) C'est presque toujours par cette expression que Matthiole est désigné dans les diatribes du Slirpium Adversaria. | 1 . DL, ? A Les Pennes et Lancon (1), qui dépendent actuelle- ment du département des Bouches-du-Rhône ; Roussillon, Mazan et l'Isle, qui appartiennent au département de Vaucluse. C’est chose fort regrettable, nous l’avons dit, que dans ses notices Anguillara ait toujours été si sobre de détails personnels. Il n’a pas même fait connaitre l’année de sa venue en Provence (2). Les diverses plantes dont il a signalé l'habitat provençal sont mentionnées en cinq de ses Parères : le plus ancien des cinq est daté du 18 février 1559. C’est donc antérieurement à cette année 1559 qu'il avait effectué son voyage de Provence. Nous pensons qu'il fit en ce pays un séjour assez long. Nous en avons pour preuve cette circonstance qu'il avait eu le temps de se familiariser avec la langue provençale. Il a, en effet, indiqué le nom provençal d’un Buplèvre. Et comme le mot avait, dans la langue populaire, une signification spéciale, il en donnait, au cours du chapitre relatif à cette Ombellifère, une exacte explication (3). _ Voici maintenant quelles sont, avec leurs noms modernes, les espèces que, dans ie recueil des Sem- (1) Au temps où Anguillara vint à Lançon, ce village était protégé par une enceinte flanquée de tours dont quelques-unes subsistent et ont encore grand air. (2) Pour les nombreuses herborisations qu'il fit en Italie, Anguillara, dans les Semplici, cite fréquemment des dates : ainsi nous savons qu’en 1539 il explora les alentours de Bologne ; en 1542, le Monte-Nero de Livourne ; en 1544 et 1545, le Monte- Nero de Pise ; en 1546, le Vicentin ; en 1548 et 1549, l’Abruzze. Sans que l’on puisse expliquer cette anomalie, lorsqu'il vient à parler de ses voyages hors de l'Italie, il n'inscrit plus aucun millésime ; et nous n'avons à ce sujet pas d'autre renseignement que celui fourni par Tiraboschi, d’après lequel Anguillara était jeune quand il se mit en route : « Avea l’Anguillara negli anni suoi giovanili corse molte provincie straniere. » (3) Pour ne point exagérer la portée de cet argument, nous devons reconnaître qu'étant Italien, Anguillara avait eu beau- coup de facilité à s'initier au provençal. —29 plici, Anguillara déclarait avoir rencontrées sur le territoire de la Provence : CisTUS ALBIDUS L., C. SALVLÆFOLIUS L., C. MONSPE- LIENSIS L., CYTINus HypocisTis L. — Il est question de ces quatre espèces dans le chapitre qui est intitulé DEL Cisro E LADANO (1) : « Il existe, écrivait Anguil- lara, deux espèces de Ciste, ainsi que l’enseigne Dioscoride : le Ciste mâle et le Ciste femelle ». Le premier est notre Cistus albidus L. et le second, C. salviæfolius L. Puis, après avoir indiqué des stations de l’une et l’autre espèce en divers pays, notre auteur ajoutait : «Le même Ciste se voit encore en Provence et les deux espèces y produisent l’Hipocisto(2).»— Par le nom de Ladano, il désignait le Cistus monspeliensis L. Il constatait que celui-ci donnait aussi naissance à l'Hypociste, et pour l'habitat il répétait : « Si puo vedere... in Provenza (3) ». CYTISUS SESSILIFOLIUS L. — Anguillara le nomme Citiso. Il énonce qu’on le trouve en Corse et en Pro- vence (4), et il en donne une description dont les détails se rapportent bien au Cytise à feuilles sessi- les. « C’est, dit:1l, un arbrisseau de quatre coudées, (1) Semplici, p. 61. (2) Cytinus Hypocislis. (3) Dans le Pinax, Gaspard Bauhin a fait du Cisto maschio d’Anguillara un synonyme de son « Cistus mas folio rotundiore hirsutissimo », auquel Linné a donné le nom de Cistus villosus. Mais il y a ici une erreur évidente. Anguillara n'avait pas pu voir en Provence le C. villosus L. qui ne s’y trouve point. Nous devons donc admettre qu'il entendait par Ciste mâle le C. albidus actuel, comme le firent d’autres floristes du xvie sié- cle, Gesner, Pena et Lobel, Camerarius, Charles de lEscluse, etc.— Pour le Cisto femina et le Ladano, notre interprétation concorde avec celle de Gaspard Bauhin. (4) Semplici, p. 83: « Questo tale si trova in Corsica e per la Provenza, » à écorce lisse, avec des feuilles petites et semblables à celle du Fénugrec [c’est-à-dire trifoliolées], un peu charnues, et de petites fleurs de couleur jaune comme celles du Genêt (Spartium junceum Box (l). ULEX PARVIFLORUS Pourr. — Dans la plupart des cas, Anguillara se contente de donner aux plantes qu'il étudie leur nom italien. Ici, et par exception, il applique à l’Ulex les noms latins de Scorpio et Nepa (2). « Bien que cette plante, dit-il, soit très abondante en Grèce, néanmoins on la trouve aussi en Provence, entre Lancon et les Pennes, et en beaucoup d’autres endroits près de Marseille (3). » Puis il la décrit et après avoir noté que la floraison commence dès le mois de septembre, il termine son article par cette singulière observation : « Les fleurs tombent ensuite sans produire aucun fruit, selon ce que je puis affirmer ; sauf certaines petites capsules (1) Ibid. : « La pianta & di quattro gombitti.. con corteccia liscia.. Sono tutti [i suoi rami] carichi di foglie picciole simili à quelle del Fienugreco, di sostanza carnose, e da esse escono alcuni surcoli piccioli che producono i fiori piccioli simili à quelli della Genestra di color giallo. » Gaspard Baubhin, dans le Pinax, et Jean Bauhin, dans l’Historia plantarum universalis, n’ont proposé que sous forme interrogative l'assimilation du Citiso d'Anguillara avec l'espèce que plus tard Linné nomma Citisus sessilifolius. Nous ne trouvons pas dans la flore de la Provence d'autre arbrisseau à feuilles trifoliolées et à fleurs papilionacées jaunes auquel puisse se mieux appliquer la des- cription d’'Anguillara. (2) En latin ces deux mots signifient scorpion. Les Adversaria (p.353) expliquaient ainsi la dénomination appliquée à l’Ulex : « Nepa vocatur cognomine ab animalculo caudæ ictu metuendo. » La langue italienne a conservé, avec le même sens, celui de scorpio. (3) Semplici, p. 143: « Anchor che in Grecia questa pianta si trovi copiossima, nientedimento si trova anchora in Provenza tra Lansone e le Penne, e in molti luoghi apprezzo à Marsiglia. » NIV RIT MS RS ds [2% 2 es de forme ovale à l'intérieur desquelles il n’y a rien (1). » CNICUS BENEDICTUS L. — L'auteur des Parères appelait cette Carduacée Atrattile, mot qui tradui- sait le latin Afractylis. Il l'avait rencontrée « nella Provenza, tra Masan e Lilla (2). » BUPLEURUM FRUTICOSUM L. — Suivant les erre- ments de Ia plupart des botanographes du xvi* siècle, qui voyaient en cette grande Ombellifère le Seseli æthiopicum de Dioscoride, Anguillara l’appelait Seseli ethiopico. Voici textuellement ce qu'il en dit : « On le trouve entre Roussillon et Marseille en Pro- vence, où les paysans le nomment Tacobugada. Ce mot n’a pas d'autre signification que celle de Tache- lessive ; il vient de ce que la plante, quand on la brûle, donne des cendres qui laissent des taches aux endroits qu'elles touchent. Le Séséli éthiopique est un arbrisseau pareil au Verbasco salvatico (Phlomis fruticosa L.). Ses feuilles imitent celle du Chèvrefeuille, mais elles sont un peu plus allon- gées. Cet arbrisseau produit de grandes ombel- les, comme la Férule. La semence a la même forme que celle du Séséli de Marseille (Seseli tortuosum L.), mais elle est dure, de couleur noire. La plante, qui conserve ses feuilles toute l’année, est entièrement odorante, mais la graine l’est plus que tout le reste. C’est une odeur qui rappelle celle du Téré- binthe (3). » (1) Zbid. : QI fiori cascano poi senza lasciarne frutto alcuno, secondo che pote io avvertir : eccetto certi vasetti di figura olivari, dentro de qual non vi & cosa alcuna. » (2) Semplici, p. 149. — Mazan et l'Isle font partie aujourd’hui du département de Vaucluse, ainsi que nous l'avons dit plus haut. (3) Semplici p.212: « Si trova fra Rossiglione e Marsiglia nella . “ | LL ae ut or A SET d'a OR ES 9° QuERCUS COCCIFERA L. — Le long chapitre dans lequel Anguillara a décrit le Chêne-nain porte pour titre Cocco. Le mot de Cocco, ou Cocco baphico (en latin Coccus baphicus), désignait, ainsi que celui de Grana (graine), l’insecte parasite, — sur la nature duquel on n'avait alors que des notions très confu- ses, — qui procurait la couleur écarlate. Le phyto- graphe italien s’exprimait à ce sujet de la facon que voici : « La Grana ou Cocco baphico est produite par deux sortes de plantes : par l’Ilex (Quercus coccifera L.) et par une plante particulière. La Grana de l’Ilex se trouve encore aujourd’hui en diverses parties de la Provence et dans l’Esclavonie où elle est appelée Cervach; ce qui signifie teinture. Elle existe aussi en Macédoine et là elle senomme pareillement Cervach, mais avec une aspiration à la première syllabe. La même plante fournit la liqueur que Théophraste nommait Vsias. laquelle est de couleur rouge et de la nature du miel. Les dames du pays s’en servent pour se rougir et se rendre belles. Les Provençaux l’appellent Chermes... (1). » — Anguillara parle en- Provenza, e da paesani chiamasi hoggi Tacobugada, laqual parola altro non vuole significare, che Macchia bucada ; perche la cenere di questa pianta abbruciata dove tocca, lascia le mac- chie. La pianta & un frutice simile al Verbasco salvatico, legnoso piu del detto Verbasco. Le foglie paiono quelle del Periclimeno, ma alquanto piu lunghe. Produce ombelle grandi simili à quelle della Ferula. Il seme mostra il Seseli di Marsiglia, ma duro, di color nero. Ë pianta, che sempreè vestita delle sue foglie, e tutta odorata : ma piu il seme, che’! resto ; l’odore del quale rassem- bra quello del Terebintho. » (1) Semplici, p. 260 : « La Grana, over Cocco Baphico, è pro- dotto da due maniere di piante : dal} Ilice, e della pianta pro- pria. Quello dell’ Ilice si trova ancora hoggidi nelle parti della Provenza, e in Schiavonia, ove & chiamato Cervach, che significa tintura. Ne è anco per la Macedonia, e ivi medesimamente si chiama Chervach, ma con l’aspiratione nella prima sillaba. Questa medesima pianta produce quel liquore, che Theofrasto chiama üoius, il qual è rosso di colore, e di sostanza di mele. Le donne del paese l’usano per farsi rosse, e belle. I Provenzali il chiamano Chermes. » ee D suite de l’autre espèce, pianta propria, et il entre en beaucoup de détails au sujet de la substance tincto- riale extraite de cette plante qu'il considérait com- me une Pimprenelle. Il est tombé ici dans une confusion manifeste (1). Mais comme, d'après ses indications, ce n’est pas la Provence qui nourrissait cette prétendue Pimprenelle, nous n’avons pas à le suivre dans les longues explications qu'il a données à ce propos. Pour les neuf espèces que nous venons d’énumé- rer, nous ne pensons pas qu'il puisse y avoir doute, et nous croyons exacte l’application que nous leur avons faite des noms actuellement en usage dans nos flores. A l’égard de cinq autres plantes, attribuées par Anguillara à la Provence, la tâche du traducteur de- vient plus ardue. Nous allons examiner ces espèces critiques, en les présentant sous le nom que leur donnait en italien l’auteur des Parères : ERINGIO DI ARCHIGENE. — Aussitôt après avoir traité de l’Atrattile (Cnicus benedictus L.), Anguillara décrivait en ces termes un Eringio dont Aetius, dit-il, a fait mention d’après Archigène (2) : (1) Confusion que Jean Bauhin a relevée dans l'Hisloria plan- taram universalis (t. 1, 2 part., p. 109): « Singularis et plane ma9400%0: nobis videtur Anguillara quando de cocco et plantis cocciferis scribens ait: Italis la grana dicta, vel coccus ba- phica, nascitur in duabus plantis distinctis : Ilice, et in planta propria. Coccus Ilicis adhuc hodie reperitur in Provincia... Provinciales Chermes nuncupant. » — Et Bauhin déclare expres- sément que, pour lui, la prétendue pianta propria décrite par Anguillara ne diffère pas de l’Ilex coccifera que le botaniste voyageur avait vu en Provence: « Planta igitur quam Anguillara propriè cocciferam appellitat ac describit, eadem nobis est cum Hice coccifera Provinciæ. » (2) Archigène, médecin grec né en Syrie, vint s'établir à dés res Le ls TR RP ee PET LS the Ti Ath NE L'orcttbmlé Ass n RS Ré ; D & — 21 — « Les feuilles ressemblent à celles de l’Atrattile, mais elles sont d’une consistance plus dure et d’une teinte plus claire; tirant sur le blanc. Une racine unique produit plusieurs rameaux (tiges) qui s’élè- vent à la hauteur d’une coudée. Les fleurs sont sem- blables à celles de l'Œiüil de bœuf, c’est-à-dire du Buphthalme, mais il y pousse au milieu quelques étamines qui altèrent la ressemblance avec un œil. Cette plante est très abondante dans toute la Pro- vence. Mais je n’en connais pas le nom vulgaire(1).» Gaspard Bauhin, toutes les fois qu’il peut les dé- terminer, a grand soin de faire figurer les plantes d’Anguillara parmi les synonymes des espèces pour lesquelles il a lui-même, dans le Pinax, établi une dénomination nouvelle. Il a identifié (p. 379) l’« Éryngium Archigenis Anguil. » avec la plante qu'il nommait « Acarna flore luteo patulo », et dont Linné, dans le Species, a fait le Carlina racemosa. Mais cette Carline ne se trouve point sur le territoire de la Provence. Dans leur Flore de France (t. IX, p. 283) Grenier et Godron, sous la rubrique « Espèces exclues », s'expriment ainsi : « Carlina racemosa L. (C. sulphurea Desf.). — Indiqué par Gouan à Mont- pellier et par De Candolle en Corse, nous n’avons pu constater sa présence ni dans l’une ni dans l’autre de ces deux localités. De Candolle ne la possède pas de Corse dans son herbier. Il existe en Sardaigne ». Il est infiniment probable qu'Anguillara appliquait le nom d’Éringio di Archigene à notre Carlina corym- Rome et y acquit une grande réputation sous Domitien, Nerva et Trajan. (1) Semplici, p. 150 : « Aetio di sententia di Archigene des- crive un’ Eringio, il quale fa le foglie simili all Atrattile, ma sono di sostanze piu dure, e il color & piu chiaro che trahe al pallido. Fa molti rami à una radice, i quali si inalzano alla grandezza d’un gombito. I fiori sono simili à quelli dell’ occhio di bue, ci è Buphthalmo, ma crescendo poi alcune stamine in mezo,guastano la forma del occhio. Ë questa pianta copiosissima per tuta la Provenza, Ma non vi so nome volgare, » D bosa L., qui est bien, comme il le constatait, « très abondant dans toute la Provence ». Il comparait, on l’a vu, la fleur de l’Eringio à celle du Buphlhalmo : or, dans le chapitre qu’il consacrait à cette dernière espèce, il indiquait le caractère suivant: «fleurs entiè- rement jaunes et non point, comme quelques-uns l'ont prétendu, jaunes au milieu et blanches au- tour (1). » Justement les fleurs du Carlina corym- bosa sont toutes jaunes. PoLIRIZO D1 PLINIO. — « Cette plante, écrit Anguil- lara, naît en Provence entre Mazan et Roussillon (2). Elle est semblable au Rusco (Ruscus aculeatus L.), mais elle n’est pas piquante. Elle a de nombreuses racines qui ressemblent à celles de l'Hellébore noir, tout en étant quelque peu plus minces et sans aucune odeur. La saveur est astringente (3) ». Pline, au sujet du Polyrrhizon (XX VII, 103), s'était contenté de dire : « Le Polyrrhizon a les feuilles du Myrte et des racines nombreuses. » — Dans la tra- duction qu’il a donnée de l'Histoire naturelle, Littré (1) Semplici, p. 239 : «Fiore tutto giallo, e non, come vogliano alcuni, bianco attorno, e in mezo giallo ». (2) Nous avons lieu d’être quelque peu surpris qu'Anguillara, qui n'a nommé qu'un très petit nombre des localités de la Provence, ait cité deux fois des endroits d'aussi minime impor- tance que Mazan et Roussillon. Lorsqu'il veut marquer les limites du vaste périmètre dans lequel croît le Buplèvre ligneux, n'est-ce pas singulier que de le voir, en désignant Marseille pour l’une des extrémités, choisir comme terme opposé l'humble village de Roussillon ? Peut-être avait-il lié connaissance avec quelque botanophile provençal qui, ayant des intérêts en ce pays, l’y conduisit et l’y retint pendant un certain laps de temps. (3) Semplici, p. 213 : «Questa pianta nasce in Provenza fra Masan e Rossiglione, & simile al Rusco, ma non punge. Le sue radici sono molte. Somigliano quelle dello Helleboro nero, ma aliquanto piu sottili, e di niun’ odore. Il sapore & astringente ». a pris soin d'adapter un nom linnéen à toutes les plantes déerites ou mentionnées par Pline. Mais il n'en a point indiqué pour le Polyrrhizon et dans une note spéciale il s’est exprimé ainsi : «Le Polyr- rhizon a été rapporté à l’Aristolochia Pistolochia L. parce que Pline (dans un autre passage, XXV, 54), donne le nom de Polyrrhizos à une espèce d’Aristo- loche. Mais cette Aristoloche n’a pas les feuilles du Myrte que Pline attribue ici à son Polyrrhizon. Il ne paraît donc pas possible de déterminer celui-ci (1).» . ODONTIDE D1 PzINIO. — Dans le chapitre qui est ainsi intitulé, Anguillara commence par indiquer avec précision la station de la plante : « Nasce la Odontide nella Provenza verso Carpentras, e nel contado d’Avignone. » Puis il formule la descrip- tion suivante : «Les racines donnent naissance à plu- sieurs petits rameaux (tiges) triangulaires, pleins de nœuds, semblables aux tiges du Polygonum mâle. Les feuilles, étroites et allongées, sont placées près des nœuds : il y en a trois à chaque nœud. Au som- met des rameaux (ou tiges) surgit en son temps un petit épi chargé de petites fleurs roses; après celles-ci apparaît un fruit semblable à l'orge, mais plus petit. Les racines, assez épaisses, sont de nul usage. Cette plante vient dans les prés (2). » (1) Histoire naturelle de Pline, avec la traduction en français, par M. E. Littré. (Paris, Firmin Didot et Cie, 1877), t. Il, p 2415. (2) Semplici, p. 220 : « ... Fa molti rametti triangolari dalle radici, piene di nodi,simili à quelli del Poligono maschio, ap- presso i quali sono le foglie strette e lunghette tre per ciascun geniculo. In cima de rami sorge al suo tempo una spighetta piena di fiori rossetti piccioli, e doppo quelli esce un frutto simile all’orzo, ma piu piccolo. Le radice sono grossette di niun uso. Nasce ne’prati. » Ton 20 Cette description est empruntée presque littérale- ment au texte de Pline (1). Littré, dans sa traduc- tion, a identifié l’Odontites du naturaliste romain avec l’Euphrasia Odontites de Linné. Si cette assimi- lation est fondée, et rien dans la diagnose n’y répugne absolument, Anguillara aurait vu à Carpentras et aux environs d'Avignon une des deux espèces qui ont remplacé, chez les floristes modernes, l’espèce linnéenne primitive : Odontites rubra Pers. ou une espèce affine, O. serotina Rchpb. PoriGALA.— Voici exactement ce que, sous ce titre, Anguillara a écrit : « En Provence, la Poligala se sème et se donne aux bestiaux. Elle naît aussi en Italie, dans les monta- gnes de Bologne, et dans l’Abruzze, mais je ne connais pas son nom vulgaire. C'est une plante semblable à la Lentille, mais plus charnue; #È fait une fleur jaune avec une silique mince (2). » Il s’agit évidemment d’une En ES mais laquelle ”? Matthiole, l’Historia Lugdunensis et Tabernæmon- tanus ont appelé «Polygala », et Charles de l'Escluse a nommé «Polygala Valentina secunda» une plante à laquelle Gaspard Bauhin a plus tard conféré le nom de « Polygala major Massiliotica » et qui est présen- tement Coronilla juncea L. (1) Pline avait dit (XXVII, 84) : « L'Odontitis est une espèce de foin. Il jette d’une seule racine plusieurs petites tiges serrées, pleines de nœuds, triangulaires, noirâtres. Les nœuds sont garnis de petites feuilles, plus longues cependant que celles du Polygonon. La graine, semblable à l'orge, est dans les aisselles des feuilles. La fleur est pourpre, petite. Il croît dans les prés.» (Traduction Littré.) (2) Semplici, p. 290 : « La Poligala si semina nella Provenza, e dassi alle bestie. Nasce ancora in Italia per gli monti di Bol- logna et nell’ Abruzzo. É pianta simile alla Lente, ma piu gras- setta, e fa un fior giallo con una siliqua sottile. » AR: Vs Le même G. Bauhin nomma « Polygala altera » une autre espèce qui était antérieurement le « Poly- gala Valentina prima » de Clusius ; et lorsqu'il en établit la synonymie il se demanda d’une façon du- bitative s’il ne devait pas identifier son espèce avec le Polygala d’Anguillara. Linné a fait, du « Polygala altera » du Pinax, son Coronilla Valentina. . Mais il nous paraît de toute évidence que ce n'est ni le Coronillu juncea ni le C. Valentina que les Pro- vençaux semaient pour en nourrir leurs bestiaux. Et d’ailleurs, quoique trop courte, la description donnée par Anguillara de son Polygala énonce des caractères qui nous semblent inapplicables à ces deux Coronilles (1). TiITIMALO PETREO. — Ici encore il convient tout d’abord de traduire fidèlement le texte du Semplici : « Le Titimalo Petreo ou Dendroide se trouve au _Saut-de-la-Biche en Toscane, dans la Ligurie entre (1) M. le docteur Saint-Lager ayant publié, dans les Annales de la Société botanique de Lyon (1898), une note sur les Accep- tions diverses du nom de « Polygala », nous lui avons sou- mis, en le priant de nous faire connaître son sentiment, le passage du Semplici relatif à la plante qu'Anguillara appelait de _ce nom. Notre éminent confrère de Lyon, dont la compétence en ces matières est si grande, a bien voulu nous répondre qu'à son avis le Polygala d’Anguillara devait être notre Coronilla minima L., var. australis Godr. « Anguillara, nous écrit M. Saint-Lager, compare la foliaison de son Polygala à celle de la Lentille, mais cette comparaison, déjà faite par les botanis- tes de l'Antiquité, doit s'entendre dans un sens large ; on a voulu seulement indiquer que les rameaux portent plusieurs paires de folioles, et non des feuilles trifoliollées. Le Polygala, dit encore Anguillara, a une silique mince. Cette expression convient mieux aux Coronilles qu'à aucun autre genre de Papi- lionacées. » La variété australis du C. minima est, en effet, très commune sur toutes les collines calcaires de la Provence méridionale. Les cultivateurs provençaux du XVI: siècle propageaient-ils 4 MOTOR Y FE LR Nice et Savone, et aux alentours 7 Marseille. Cette plante croît à la manière d’un arbre, atteignant la hauteur d’un homme de stature élevée, avec un tronc dépourvu de feuilles, très ligneux. Au sommet se voit une tête pleine de rameaux minces, chargés de feuilles semblables à celles du Myrte, mais un peu plus étroites. Les fleurs sont jaunes et les graines telles que les ont les autres Tithymales. Elle naît dans les \ bg Je n’en connais pas le nom vulgaire (1). En PAU PA la liste des synonymes de son « Tithymalus myrtifolius arboreus », dont Linné a fait ensuite Euphorbia dendroides, Gaspard Baubhin y a inséré, mais avec l'expression d’un doute (an), le Tithymalus petræus d'Anguillara L'Euphorbia dendroides L. croissait-il, au xvre sie- cle, dans les environs de Marseille ? Nous sommes porté à répondre affirmativement. L’attestation d'Anguillara est précise, et c’est celle d’un témoin digne de foi. On ne saurait mettre en doute qu'il ait vu près de Marseille, sur des rochers, une plante ligneuse ayant véritablement les caractères rapportés plus haut. Peut-être dans l'indication de la taille y a-t-il eu quelque exagération. Et encore se pourrait-il qu'il yeüût alors sur le territoire de Marseille de dans leurs champs, par des semis, cette plante frutescente ? C'est là un problème qu'auront à résoudre ceux qui entrepren- dront d'écrire une histoire de l’agriculture en Provence. (1) Semplici, p.29: « Il Titimalo Petreo, over Dendroide, si trova al Salto della Cerva in Toscana, e per Liguria tra Nizza e Savona,e nel contorno di Marsiglia. Cresce questa pianta à guisa di albero, all’altezza di un'huomo, che sia ben grande, con un tronco nudo di frondi, legnosissimo. Nella cui cima si vede una chioma piena di surcolisottili, carichi di foglie simili à quello del Mirto, ma alquanto piu strette : i fiori sono gialli, e’ 1 seme tale qual & quello degli altri Titimali, e nasce ne gli sassi, Non vi so nome volgare, » t ANA _— 39 — vieux pieds de cette Euphorbe ayant atteint les pro- portions énoncées par l’auteur du Semplici. L'Euphorbia dendroides se rencontre actuellement près de Toulon, au milieu des rochers qui avoisinent le fort de Sainte-Marguerite. Pourquoi la même plante n’aurait-elle pas végété aussi dans une sta- tion identique aux environs de Marseille ? Mais, dira-t-on, si l'E. dendroides habitait, au xvr° siècle, le terroir de Marseille, pourquoi ne l'y voit- on plus aujourd’hui? L'expression employée par Anguillara, « nel con- torno di Marsiglia », marque qu'il avait découvert le Titimalo Petreo dans les alentours immédiats de la ville. Or depuis le xvr° siècle ces alentours, singu- lièrement remaniés, ont changé d'aspect et de desti- nation. La station marseillaise d’'E. dendroides devait être unique, comme l’est présentement celle de Tou- lon. La grande ville s'étendant toujours davantage, cette unique station fut ainsi détruite, et voilà comment on peut expliquer que l'Euphorbe arbo- rescente ait cessé d’appartenir à la florule des en vi- rons de Marseille. Quelles sont, parmi les plantes qu'Anguillara déclare avoir vues en Provence et dont l'identité peut être reconnue avec certitude, celles qu'il a été le premier à y signaler ? Avant lui, dans un ouvrage publié en 1549 (les Scholies sur Aetius), Hugues de Solier avait noté la présence sur le territoire provençal de quatre des espèces mentionnées ensuite par les Parères : Cistus albidus, C. salviæfolius, Bupleurum fruticosum, Quercus coccifera (1). En ne tenant aucun compte de celles dont la déter- mination demeure hypothétique, Anguillara con- (1) Ludovic Legré, La Botanique en Provence au XVIe siècle : Hugues de Solier (Marseille, Aubertin et Rolle, éditeurs, 1899, 3 — 34 — serve incontestablement la primauté pour cinq espèces qui sont les suivantes : Cistus monspe- liensis, Ulex parviflorus, Cytisus sessilifolius, Cnicus benedictus, Cytinus Hypocistis. « Les botanistes désireux de compléter leur ins- truction, — a dit le docteur Saint-Lager, — ont cer- tainement grand profit à étudier l'histoire des acqui- sitions successives de notre science, et, en ce qui concerne plus particulièrement la phytostatique, à constater combien il a fallu de temps et d’efforts pour acquérir la somme de connaissances que nous possédons actuellement. » Et ïl ajoute avec beau- coup de raison : « Toutefois cette étude historique, lorsqu'elle s'applique à un grand pays comme la France, doit être fractionnée par régions. » Nous croyons nous-même que rien ne serait plus intéressant qu'une histoire des plantes de France qui ferait connaître le nom du premier inventeur de toutes les espèces indigènes en chacune de nos provinces. Dans une œuvre de cette nature, entreprise pour la Provence, il y aurait à inscrire au moins cinq fois le nom de Louis Anguillara (1). (1) Au début de ce travail, nous avons dit, d’après Tiraboschi, que l’on ne savait pas quel fut le nom patronymique de Louis Anguillara. Nous devons ajouter, pour être tout à fait exact, que M. le professeur Saccardo lui a, — mais avec doute, — attribué le nom de Squalermo. Dans un ouvrage intitulé La Botanica in Italia (Venezia, 1895), il s'exprime ainsi : « Anguillara (meglio forse Luigi Squalermo detto Anguillara) nat. Anguillara presso Bracciano intorno 1512, m. Ferrara 1570... » Cette question est, à notre avis, dénuée de tout intérêt. Le botaniste avait lui-même. adopté le nom d’Anguillara, puisqu'il a signé ainsi le recueil de ses Parères. Ce nom lui est donc irrévocablement acquis, et quel avantage y aurait-il à le remplacer aujourd'hui par un autre, quand même il serait établi que le nom de Squalermo lui appartenait véritablement ? a + Et OO NT NP PP Le IERRE BELON p de te il de TRE doit PIERRE BELON Pierre Belon fut un naturaliste de large enver- gure et de haute valeur : la postérité ne saurait, sans grande injustice, lui refuser ce témoignage. Rien de ce qui dépend du domaine de l’histoire naturelle ne lui fut indifférent. Il manifesta de remarquables qualités d’observateur aussi bien en botanique qu'en zoologie, et quand, en ouvrant son Histoire de la nature des oyseaux, on tombe sur la page où il a représenté en regard l’une de l’autre, pour en accuser les analogies, la charpente osseuse de l'homme et celle de l'oiseau, il faut bien que lon salue en lui le fondateur de l'anatomie comparée. Né en 1517, aux environs du Mans (1), il eut pour premier protecteur René du Bellay, évêque de cette (1) Dans un de ses ouvrages (Les Observations de plusieurs singularitez), Belon a indiqué d’une facon précise l'endroit où il naquit. A propos d’un Ciste qu’il vit en Orient, il écrivait : « Il y a une espece de Cistus,croissant sauvage par les landes de Oise [Oizé] au pays du Maine, et principalement joignant le bourg de Fouletourte pres de la Soulletiere (qui est le lieu de nostre naissance). » — 38 — ville (1). Il commenca ses études à Paris et les poursuivit en Allemagne, où il devint l’élève, l’ami et le compagnon de voyage d’un botaniste de rare mérite, Valerius Cordus (2). Sous le patronage du célèbre cardinal de Tournon, avec des subsides fournis par celui-ci (2), il entre- prit, en 1546, un long voyage en Orient. Il vit la (1) Parlant dans un autre de ses livres (Les Remonstrances), de ceux qui furent ses protecteurs, il disait de René du Bellay : « Aussi estoit de feu monsieur René du Bellay evesque du Mans, et duquel autresfois avons receu bienfaicts des nostre jeune aage, et non que pour luy avoir communiqué des semen- ces de plusieurs plantes apportées d'Italie et Almaigne et Flan- dres, et desquelles encore en durent aucunes, embellissans le jardin de Touvoie qu'il a edifié pres la ville du Mans. » — René du Bellay était un ardent botanophile. Belon, dans son traité des Conifères, en a encore témoigné par ces mots : « Renatus Bellayus episcopus Cenomanensis, qui unicè rei herbariæ stu- debat... » Le prélat avait accumulé dans son jardin de Touvoie les végétaux les plus rares, et Conrard Gesner déclarait que ce jardin était le plus riche de l'Europe. (Horti Germaniæ). (2) Valerius Cordus (son véritable nom était Eberwein), né en 1515 à Siemershausen, n’était que de deux ans l'aîné de Pierre Belon. Il avait, par ses études et ses voyages, acquis de très bonne heure une grande réputation. Après avoir parcouru lAI- lemagne et l'Italie, il mourut à Romeen 1544, avant d’avoir accompli sa trentième année. Belon l'accompagna dans ses voyages. À propos de l’un des arbres dont il s’est occupé dans les Remonstrances, il a écrit : « Duquel en devoss raporter la cognoissance prinse du deffunct Valerius Cordus, Almand, tres expert en ceste matiere, gratieux personnage et modeste, qui d’une grande gaieté et franche bonté. qui est commune à tous Almans, nous l’a autresfois monstré, et en Pomeranie et Saxoi- ne. » Il le suivit aussi en Italie, ainsi qu'il l’a rappelé dans ce passage du De arboribus coniferis où il dit au sujet du Gené- vrier de Phénicie: « Cum atiquando Valerium Cordum comitarer, et Lyciam quam jam nuper descripsi non procul ab arce ad mare Mediterraneum quem vulgus Ligornum [Livourne| nomi- nat.... enatam offendissemus, ille ut erat ingenii acerrimi Thuiam esse conjecit, atque cum ramos amicis impertiretur, Lyciam offerre asserebat. » (3) En dédiant au cardinal de Tournon l’ouvrage dans lequel il raconta son voyage, Belon s'exprimait en çes termes : « Apres PP ER PCR NET CON VO PT CNT OT ne, Re Grèce, Constantinople, l'Asie Mineure, la Syrie, l'Égypte. Cette expédition, dont il publia le récit en un volume intitulé : Les Observations de plusieurs singularitez et choses memorables, trouvées en Grèce, Asie, Judée, Egypte, Arabie et autres pays estran- ges (1), lui valut une éclatante renommée : il eut même l'honneur insigne d’être chanté par Ronsard : Or si Jason a tant receu De gloire pour avoir deceu Une jeune infante amoureuse, Et pour n'avoir passé sinon Qu'un fleuve de petit renom, Combien Belon, au prix de luy, Doibt avoir en France aujourd'huy D'honneur, de faveur et de gloire Qui a veu ce grand univers Et de longueur et de travers Et la gent blanche et la gent noire ? (2) qu'eustes cogneu le desir que j'avoye de parvenir à l'intelligence des choses concernantes la matiere des medicaments et des plantes (laquelle je ne pouvoye bonnement acquerir sinon par une loingtaine peregrination), il vous pleut me commander les aller veoir es regions loingtaines, et les chercher jusques aux lieux de leurs naissances, chose que je n’eusse peu ny osé en- treprendre sans vostre aide, sachant que la difficulté eust esté es frais et despens. » (1) Paris, 1553 « chez Guillaume Cavellat, à l'enseigne de la Poulle grasse, devant le College de Cambray. » — Cet ouvrage eut plusieurs éditions et fut traduit en latin par Charles de l’Escluse. (2) Notre profond respect pour la vérité nous oblige à déclarer que ce ne sont point les exploits de Belon qui avaient d'abord inspiré la muse de Ronsard. L’ode dont nous venons de citer quelques vers fut composée pour célébrer la gloire d'André Thevet, d'Angoulême, moine cordelier qui fit un long voyage en Orient (1549-1554). Dans l'édition des Odes de P. de Ronsard que nous avons sous les yeux (Paris, 1567), cette pièce a pour titre Pierre Belon fut aussi l’objet des faveurs royales. Il obtint du roi Henri IT une pension et Charles IX lui accorda le droit de loger au château de Madrid près Paris, grâce qui devait être fatale au natura- liste-voyageur, car il fut tué dans le bois de Boulo- gne, probablement par un voleur, mais en tout cas au milieu de circonstances demeurées mystérieuses. C'était en avril 1564 ; Belon avait alors quarante- sept ans. Au cours de sa carrière scientifique, il ne s'était pas contenté de visiter l'Orient. Il avait accompli de nombreux voyages en Allemagne, dans les Flandres, en Italie, en France. Il explora plusieurs de nos provinces, entre autres l'Auvergne et le Dauphiné. Il parcourut aussi la Provence ; et c’est le relevé des observations botaniques faites par lui sur le territoire provençal qui va faire le sujet de ce travail. En compulsant les œuvres de Belon, nous fimes une remarque qu'avaient déjà provoquée plus d’une fois les écrits des botanographes du xvie siècle, notamment ceux de Louis Anguillara. La plupart de leurs observations sont consignées dans leurs livres sous une forme impersonnelle ; on dirait qu'appré- la dédicace même À André Thevet Angoumoysin, et le vers où le poète rabaisse le mérite de Jason : Combien Belon, au prix de luy, y porte : Combien Thevet...., Le nom de Belon fut, dans les éditions postérieures, substitué à celui de Thevet. Quelle circonstance motiva ce changement ? Sans doute l'amitié qui s'était formée entre Ronsard et Belon. Celui-ci, revenant d'Allemagne et se dirigeant vers Metz, avait été arrêté près de Thionville par les soldats espagnols qui occu- paient le pays. Il raconte, dans les Remonstrances, qu'il dut, pour sortir de prison, payer une forte somme dont une partie fut comptée par « un gentilhomme nommé de Hammes qui, en faveur du sçavoir de mon de Ronsard, fournit ce qui restoit pour parachever ma rançon. » Le doni ié ef à dut" à ds ti CU Plée ht MST + lil dd ré Siné AR <. ciant outre mesure le mérite de la modestie, ils élu- dent le plus souvent les occasions de se mettre en scène et de se citer eux-mêmes. C’est ainsi que dans les nombreux ouvrages de Pierre Belon, nous n'avons pas trouvé une seule phrase où 1l dise expressément qu'il est venu en Provence. Mais il donne sur ce pays une multitude de menus détails qui, manifestement, ont été cons- tatés de visu. Quand, par exemple, il nous apprend qu'à Ramatuelle croît le pin maritime, et qu’à Salon de Crau on voyait, en dehors des remparts, à côté d’une fontaine, deux superbes micocouliers, nous sommes bien obligés d'admettre que ce sont là des faits qu'il avait personnellement remarqués et notés. Indépendamment de la relation de son voyage d'Orient, en laquelle il a fait une assez large place aux végétaux observés, Pierre Belon écrivit deux ouvrages spécialement consacrés à la res herbaria. Le premier, qui parut en 1553 (1), est intitulé : De - arboribus coniferis, resiniferis, aliis quoque nonnullis sempilerna fronde virentibus. Ce titre indique suffi- samment de quelle catégorie d’arbres.l’auteur s’est occupé dans ce livre. L'autre, publié cinq ans plus tard, a pour titre : Les remonstrances sur le default du labour et culture des plantes et de la cognoissance d’icelles, contenant la maniere d'affranchir et apprivoiser les arbres sauvages (2). (1) Voici le titre complet : P. Bellonii Cenomani de arboribus coniferis, resiniferis, aliis quoque nonnullis sempiterna fronde virentibus cum earundem iconibus ad vivum expressis. — Pari- siis, apud Gulielmum Cavellat, in pingui Gallina, ex adverso Collegii Cameracensis, 1553. — Ce livre est dédié « ad illustris- simum dominum Franciscum Olivarium, Franciæ Cancellarium, virum amplissimum ». François Ollivier, chancelier de France, fut un des bienfaiteurs de Pierre Belon. (2) « A Paris, chez Guillaume Cavellat, à l'enseigne de la Poulle grasse devant le College de Cambrai, 1558. » — Charles de l’Es- cluse a aussi donné de cette œuvre de Belon une traduction latine sous le titre de De neglecta cultura. LT Une supplique présentée au roi Henri II et dont le texte est reproduit dans l’ouvrage, fait connaître, mieux que la bizarre phraséologie du frontispice, quel était l’objet de ces « remonstrances ». Une pension de six cents Livres avait été précé- demment accordée à Pierre Belon. Mais le brevet royal était resté lettre-morte, et le bénéficiaire n'avait jamais rien touché. Il s’en plaint et promet, s’il obtient satisfaction, d'employer les fonds à se pro- curer les graines d’une grande quantité d'arbres qui ne croissent pas dans les forêts « des plaines de France »,et qui cependant pourraient fort bien y être introduits et acclimatés. La proposition est ainsi formulée dans cette curieuse requête : Sire, depuis le temps qu’il vous pleut accorder que ceux à qui vous donneriez bienfaicts de valeur feroient obtenir six cens livres de pension annuelle à Pierre Belon du Mans, plusieurs ayants depuis esté pourveuz par vous s’en sont exemptez. Et iceluy sachant qu'on ne donne le bien à personnes inutiles, a cherché le moyen de s'’employer à vous faire service : c’est qu’il vous pourra recouvrer les semences de maintes especes d’ar- bres qu’on ne veit onc, ne en voz jardins, ne en ceux des autres, ne es forests des plaines de France. Et se con- fiant de les avoir fraiches et en grande quantité, il se faict fort d’en eslever tel nombre que voudrez, telle part où bon vous semblera. Par quoy, Sire, vostre bon plai- sir soit commander aux Secretaires de voz finances que, sans rien excepter, ils mettent en execution suivant le contenu des brevets que de vostre grace vous a pleu luy signer de vostre propre main : à fin que lorsque l’occa- sion se présentera, il soit jouyssant du don que luy avez ottroié et en depeschent lettres où besoing sera: et il se soubmet donner moyen de vous faire naistre les arbres dont les noms s’ensuivent : La requête est en effet suivie d’une longue liste d'arbres et d’arbustes qu'il a remarqués en ses Les. #27 CU ENT DT FT PA hu voyages. Les divers chapitres de l’ouvrage ont pour but d'indiquer en quels lieux ils croissent, par quels procédés, d’un emploi généralement facile et peu coûteux, on en pourrait acquérir les semences, et. quels seraient les moyens à prendre pour les « apprivoiser » et en doter les forêts francaises. Nous avons classé suivant l'ordre méthodique les diverses espèces végétales mentionnées par Pierre Belon, avec indication d'habitat provençal, dans les rois ouvrages dont nous avons cité les titres et fait connaître le contenu ; et pour chacune de ces espèces nous reproduisons texiuellement les détails que l’auteur a donnés. PALIURUS AUSTRALIS Rœm. et Schult. — Pierre Belon appliquait à cet arbuste épineux le nom de Rhamnus (1). Il l’a mentionné deux fois dans les Remonstrances. En premier lieu, au chapitre où il examine quelles sont les espèces dont on peut se servir pour former des haies autour des champs cultivés : « Auecuns sont propres pour enclorre les labourages et faire haies, dont les uns sont espi-. neux, les autres non. Voyez Halimus sur le terrouer de Jerusalem et en Crete, les Tamarisques en Egypte..., estre propres à faire haies, toutes fois sans estre espineux: car icy faire les haies aux champs de Bourgespine, d'Aubespine, et d'Espine noire et d'Espine vinette, en Provence de Rhamnus..., et ailleurs de Ronces, est chose accommodant chacune region, par l’usage de ce qu’elle a. » Et dans la « remonslrance » suivante, où il insère « les noms des arbres sauvages propres pour les faire eslever et apprivoiser en tous endroicts », il (1) Ainsi que le firent la plupart des floristes du xvi siccle. Linné lui-même considéra le Paliure comme une espèce du genre Rhamnus, Rh. Paliurus, A écrit : (A peine trouveroit on arbres autour d’Antibe et de Farjus (1), et quasi par toute la Provence, plus frequents que sont ceux de Rhamnus. » RHAMNUS ALATERNUS L. — C’est encore dans les Remonstrances qu'il est question de ce Nerprun. Belon l'appelle Phylica, se conformant ainsi à la nomenclature de l’époque. « Les Philicæ,; dit-il, ont nom au port de Lespecie (2) Soudre ou Sondre, et autour de Rome Salvestrille, et dont y a si grande quantité que dernierement les facines des rempars pour la fortification de la ville contre les Espagnols n’estoient d'autre arbre pour la plus part que de Salvestrille. Aucuns en Provence le nomment Pin- cerfi, et à Rochabruna (3) pres Lespecie, Pincervin. » — Pincerfi ou Pincervin est une déformation des mots Spina Cervina, nom populaire que certains botanographes du xvie siècle avaient adopté pour l'appliquer à l’Alaterne. PisraciA LENTIscus L.— Dans les Observations de plusieurs singularitez, Belon écrit : « Les Lentisques qui croissent par le Languedoc, Provence et Italie sont tels que ceux de Chio, toutes fois ne rendent point de mastic. » RHUS CORIARIA L. — « Sumac ont leurs semences vulgairement vendues es boutiques des Apoticaires, cueillies des guarrigues d’autour Montalimar et (1) Fréjus, actuellement chef-lieu de canton du département du Var, et siège d’un évêché. (2) La Spezzia. (3) Roquebrune, bourg du département des Alpes-Maritimes, arrondissement de Nice. — Roquebrune, qui faisait partie de la principauté de Monaco, s'en sépara en 18148, comme Menton, et se donna à la France en 186): II Se til Mn dé te té: MS î £ SE re Orenge pres du Rhosne. » Dans la traduction latine qu'il a donnée des Remonstrances, Charles de l'Escluse a joint ici une note pour dire que lui- même, faisant route à travers la même contrée, n’y avait pas aperçu le Sumac, mais y avait trouvé en grande quantité le Fustet, non moins utile que le Sumac pour corroyer les peaux : « Carolo Clusio istac iter facienti nullum Rhus conspectum, sed Coccigrya plurima, non minus Rhoë ad densanda coria utilis. » CNEORUM TRICOCCUM L. — Ce rest qu'incidem- ment que dans les Remonstrances Belon a parlé de cette Térébinthacée. Nous avons déjà dit, — et nous citerons le texte un peu plus loin, — qu'il signalait la présence du Pin maritime à Ramatuelle, Il ajou- tait : « là où la Chamælea en provençal est nommée Garoupe ». — Les botanistes du xvi° siècle donnaient en effet le nom de Chamælea à l'espèce devenue depuis Linné Cneorum tricoccum. L’appellation pro- vençale Garoupo n’est point tombée en désuétude et s'applique toujours à la même plante (1). CERATONIA SILIQUA L. — Le Caroubier croit spon- tanément et n'est point rare dans cette région des Alpes-Maritimes où la Provence confine à la Ligu- rie (2). Le fait se trouve indiqué dans les ouvrages (1) V. le Trésor du Félibrige, dictionnaire provencal-fran- çais, de Frédéric Mistral. — Le Cneorum Tricoccum est rare en Provence. D’après le Catalogue des plantes de Provence, d'Honoré Roux, on ne le trouve aujourd’hui que dans le dépar- tement des Alpes-Maritimes. Le village de Ramatuelle, cité par Belon, appartient au département du Var, mais n'est pas très éloigné de la partie du département des Alpes-Maritimes où croît le Cneorum. (2) « Le Caroubier peut être observé dans de nombreuses lo- calités, surtout près des rives de la mer, entre les environs NAN de divers auteurs du xvr° siècle (1), et c’est Pierre Belon qui le premier l’a divulgué. Dans le mémoire adressé au roi, et dont nous avons plus haut reproduit le début, il prévoyait une objection qui certainement lui serait faite : à savoir, que certains arbres, qu'il conseillait de propager en France, n’y supporteraient pas la rigueur du climat. A quoi il répondait en invoquant l’exemple du Ca- roubier « qui endure vivre au jardin de Touvoie pres le Mans, dont grands arbres y sont presente- ment en essence (2). » Mais comment sera-t-il possible d’amasser des graines de Caroubier en quantité suffisante pour assurer de nombreux semis ? | Il réfute cette nouvelle objection au moyen des détails suivants : « Le fruict de ce Caroubier, qui est proposé le premier, est nommé des Grecs Keration; sa semense, pesant six grains, a faict dire Xarats au poix de l'or. Il n’est de moindre revenu aux habitants des orées de Gennes, Savonne et Villefranche, que les Noyers sont par les plaines de France. Ce sont arbres qui aiment à naistre sur les pendans pierreux, au pied des montaignes, et aux rivages de la mer, et aussi en terre ferme, ayans si grande affluence de grandes gousses ou siliques, qui sont leurs fruicts, qu’en faulte d’Orge, Foin et Avoine, ils nourrissent leurs Anes, Mulets et Chevaux d'elles. Mais iceux, en les mangeant, laissent les graines es mangcoires, et qui n’avoient accoustumé estre amassées avant que les d'Albenga et le golfe de la Napoule ». (Emile Burnat, Flore des Alpes Maritimes, t. 11, p. 226). (1) Notamment par les auteurs du Sfirpium Adversaria. V. les détails donnés au sujet au Caroubier dans notre ouvrage in- titulé : La Botanique en Provence au xvie siècle : Pierre Pena et Mathias de Lobel (Marseille, 1899). (2) Nous rappelons qu'il s’agit ici du beau jardin botanique créé par René du Bellay, évêque du Mans, À ESA eussions advertiz de les serrer. Voyla pourquoy fai- sant mention des Caroubes, qui est le premier arbre proposé, ne sera difficile de recouvrer leur semence, d'autant qu'il y a asseurance des personnes du pays quien délivreront plus de vingt livres pour chacun escu. » AMYGDALUS PERSICA L. — On trouve mentionnés dans les Remonstrances certains végétaux pour les- quels Pierre Belon n’a pas indiqué d'habitat en Pro- vence, mais qu'il a désignés par leur nom proven- çal ;, preuve manifeste qu’'étant venu en Provence, _1l y avait séjourné assez longtemps pour s’y familia- riser avec la langue du pays (1); preuve non moins évidente qu'il avait vu là les espèces auxquelles nous faisons allusion : quelles raisons aurait-il eues d'appliquer une dénomination provençale à des plantes observées en d’autres contrées ? Le Pêcher est une de ces espèces. Belon n’a donné, au sujet de cet arbre fruitier, aucun détail qui mé- rite d’être rapporté ; mais il l’a mentionné plusieurs fois sous le nom provençal! de Perseguier (2). (1) Le fait que Pierre Belon fit en Provence un séjour pro- longé se trouvera confirmé jusqu’à la dernière évidence au moyen des détails que nous donnerons plus loin sur les obser- vations icthyologiques faites à Marseille par le naturaliste _ manceau. (2) Le mot perseguié est toujours employé dans certains cantons de la Provence et du Languedoc ; mais, en beaucoup d’autres endroits, l'usage, de par la loi de l’euphonie, en a adouci la prononciation, et la forme la plus usitée est actuelle- ment pesseguié. — Hugues de Solier, dont l'ouvrage (Scholies sur Aetius) vit le jour en 1549, et par conséquent neuf ans avant les Remonstrances de Belon, avait indiqué que le nom provençal de la pêche était persegue. (Ludovic Legré, La Botanique en Provence au XVIe siècle : Hugues de Solier, Marseille, 1899.) QT a MYRTUS COMMUNIS L.— Même observation pour le Myrte. Les Provençaux appellent cet arbuste Nerto. Le mot, sans doute, avait plu à Pierre Belon, car il semble l'employer de préférence toutes les fois qu’il a l’occasion de parler du Myrte. «Voiez, dit-il dans les Remonstrances, les Romains mesmes, encor fail- loit-il qu'ils defendissent les Nertes dans leurs jar- dins contre le froid, disants : Dum teneras defendo à frigore Myrtos. » Et plus loin, à propos d’un parasite qui vit sur le Myrte, il écrit : « C’est une excrescence rouge et platte qu'on trouve au commencement de l’esté sur les Nertes, de la grandeur d’une lentille, et qui est: presque de mesme nature que le Vermillon (1). ». PHILLYREA ANGUSTIFOLIA L.— Le mot Daladèr (2) est encore, à l'heure qu'il est, employé par les Pro- vençaux qui l’appliquent généralement au Filaria à feuilles étroites. « Qui vouldra, déclare Belon, ob- server le bois dont il se chauffera au Sainct Esprit (3) apporté des prochaines forests, n’en trouvera de plus frequent qu'est le Dalader ». L (1) Le Kermès ou Cochenille du Chêne-nain (Coccus Ilicis L.). V. plus loin les détails que nous donnons à ce sujet. (2) On dit aussi Aladèr, et cette forme serait plus correcte si, comme c'est probable, le mot provençal dérive du latin Alater- nus. La plupart des floristes du xvie siècle donnaient ce nom au Nerprun Alaterne (Rhamnus Alaternus L.). Pourtant quel- ques-uns, notamment les rédacteurs de l’Historia Lugdunensis, avaient appelé Alaternusle Filaria.— Hugues de Solier qui, dans ses Scholies, a fait connaître le nom provençal de beaucoup de plantes, écrivait Alaverd, dont l’étymologie, croyait-il, aurait été Olea viridis. Nous n’avons pas besoin de rappeler que les genres Phillyrea et Olea sont très voisins, et appartiennent, non seule- ment à la même famille, mais aussi à la même tribu. (3) Le Pont-Saint-Esprit, chef-lieu de canton de l’arrondisse- ment d'Uzès (Gard). EP Si Se. nn, TE 4 Chose curieuse à noter: en se servant de ces divers noms provençaux, Pierre Belon les admettait comme des expressions appartenant à la langue française. Il dit expressément en un autre endroit des Remons- trances : « Alaterni, en François Daladers, et autre- ment Sanguins blancs. » Il considérait sans doute comme francais tous les mots usités dans des pro- vinces qui faisaient partie intégrante du royaume de France (1). BUPLEURUM FRUTICOSUM L.— Dans le même ou- vrage, Belon s'exprime ainsi au sujet de cette Om- bellifère : «La Cachebugade, que les Latins nomment Seseli æthyopicum, est toujours vert, croissant sauvage près d’Orgon (2), vers Salon de Craux (3). » — Cachebugade est une expression provençale que notre auteur ici défigure (4). Cette appellation, en (1) Les rénovateurs de la littérature provençale au x1x° siècle ont pu dire avec raison du provençal qu’il est une langue fran- çaise; c'était déjà, au xvr° siècle, l'avis de Pierre Belon. Il se croyait en droit d'adopter tous les mots provençaux qu’il trou- vait à sa convenance. Nous l'avons vu, à propos du Sumac, em- ployer le mot garrigue. On sait que cette expression, essentiel- lement provençale, désigne les collines ou les plaines incultes et arides, si communes dans le Midi de la France, où domine le le Chêne à Kermès, Quercus coccifera L. Garrigo dérive de Garric (on dit aussi Garrus ou Agarrus), nom provençal de ce Chêne.— Il est à remarquer que Belon, en insérant dans son texte ces divers mots provençaux, n’indiquait pas leur origine : il les considérait donc bien comme des mots français. Il a cependant fait exception pour Garoupo, nom provençal du Cneorum tricoccum. (2) Orgon, qu’en un autre endroit Belon appelle Ourgon, est actuellement chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Arles (Bouches-du-Rhône). (3) Salon, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Aix (Bou- ches-du-Rhône). (4) I y a très probablement ici une faute d'impression. Belon, voulant traduire en français la première partie de ce mot 4 usage chez les Provençaux du xvie siècle pour dési- gner le Buplèvre ligneux, est aujourd'hui abandon- née. Louis Aya rA te nous a fait connaître la forme correcte, qui était T'acobugado. « On le trouve, — disait de ce Buplèvre le botaniste italien, — entre Roussillon (1) et Marseille en Provence, où les pay- sans le nomment T'acobugado.Ce mot n’a pas d'autre signification que celle de Tache-lessive ; il vient de ce que la plante, quand on la brüle, donne des cen- dres qui laissent des taches aux endroits qu’elles touchent (2). » ArnguTus UNEDO L.— En parcourant la Provence, comane il le fit d’une extrémité à l’autre, Pierre Belon ne pouvail pas manquer de rencontrer l’'Arbousier, espèce ligneuse très répandue dans le pays (3). C’est d’upe facon implicite qu'il Fa signalé sur le terri- loire provençal. Il l'avait d'abord aperçu dans le Vivarais et aux environs de Pont-Saint-Esprit ; et dans le chapitre où il examine comment on peut faire provision de graines pour les semis d'arbres dontil voudrait que legouvernement royal prescrivit la culture, il écrit: «L'on peult donner ordre de faire secher les Arbouses, tant en Vivarais et au Sainet composé (le verbe Laca, tacher), avait dû écrire Tache-bugade ; et ce sont les typographes qui auront substitué fautivement un C au T du manuserit. (1) Village du département de Vaucluse. (2) Voir plus haut notre travail sur Louis Angaillara. (3) Le nom d’Arbousier a pris place maintenant dans les lexi- ques français ; mais, désignant un arbre qui croît principale- ment dans une région où l’on ne parlait autrefois que la langue provencale, le mot a été provençal longtemps avant de devenir français. Le récent Diclionnaire général de La langue française de MM. Hatzfeld, Darmesteter et Thomas reconnaît, après Littré, que le mot Arbouse (nom francais du fruit de l'Arbutus Unedo, d'où a été formé le mot Arbousier), dérive de l'ancien pro- vencal Arbossu. Eng s M Esprit, comme aussi en diverses autres contrées assises le long du Rosne. » — Ces contrées, assises le long du Rhône en aval du Pont-Saint-Esprit, fai- saient évidemment partie de la Provence. THYMUS VULGARIS L. — Cette Labiée, une .de celles qui contribuent le plus à parfumer les ga- rigues de la Provence, est nommée dans les Obser- valions de plusieurs singularitez , à propos d’une autre plante aromatique que Belon avait rencontrée en Grèce, et qu'il considérait comme le véritable Thym des anciens auteurs. «... Si les choses que nous nominons par noms propres ne conviennent avec la description des dictz anciens, il fault con- clure que ce ne sont celles qu’ils ont entendu. Nostre Thym en soit exemple, duquel l'appellation est si commune à tous, qu'il ne le sache appeler et nommer du nom de Thym, et neantmoins ce nom luy est faussement donné. Car l'herbe que nous appellons Thym n'est pas celle à qui ce nom puisse convenir, ains à une autre qui croist commune- ment par le pays de Grèce, c’est à sçavoir duquel les avettes recueillent l'excellent miel pres d’Athe- _hes, au mont Hymettus, et en Sicile, au mont Hy- bla... Pour semblable raison, combien que l'herbe que nous nommons vulgairement le Thym croisse copieusement sauvage es guarigues de Provence et de Languedoc, sans estre cultivée, ressemblant à celle de nos jardins : toutes fois n'ayant les mer- ques dessus dictes, ne peut estre le vray Thym (1) ». (1) Pierre Belon tenait, autant que les autres botanistes du xvio siècle, à faire aux plantes une exacte application des noms employés par les auteurs de l'antiquité. Il regardait comme « le vray » Thym celui que Dioscoride avait ainsi appelé : c'est la Labiée que Linné a nommée Satureia capitata. ER CE VITEX AGNUS CASTUS L. — Le Gattilier Agneau- chaste, que l’on trouve actuellement sur le littoral de la Provence orientale, — Alpes-Maritimes, Var et confins du Var et des Bouches-du-Rhône, — croissait, au xvi° siècle, à l'extrême limite occiden- tale de ce dernier département, près des embou- chures du Rhône. La formule dont se sert Belon dans les Remonstrances nous autorise à croire que c'était là une constatation qu'il avait faite, comme toutes les autres, personnellement : « Des Agneaux chastes, dit-il, trouverez le long du Rhosne, vers l'entrée de la mer, et dont encores sont vendues ses semences es boutiques ». — Le dernier membre de phrase fait supposer que les apothicaires allaient en cet endroit récolter les graines pour en alimenter leurs officines. CELTIS AUSTRALIS L. — L'auteur des Remonstran- ces y parle plusieurs fois de cet arbre dont il fait connaître les noms français, Fregolier (1) et Mica- coulier, et le nom latin, CR (2). Pour les divers arbres qu’il recommandait de propager, il s’éver- tuait à démontrer que l’on pourrait aisément et à peu de frais s’en procurer les semences. Il dit de celles du Micocoulier : « D'autant moindre est la difficulté de les recouvrer qu’en pourrons avoir à charge de chevaux dés environs de Tournon, là où il y en a quantité, sans nee cute que le port. C’est luy dont l'on voit moult grands arbres à la (1) Cet ancien nom français, — ou prétendu tel par Pierre 3elon, et qui, en tout cas, ne figure plus dans les lexiques modernes, — est à rapprocher de Fabregoulié, l'une des formes du nom provençal du Celtis austlralis. (2) Les floristes du xvime siècle donnaient le nom de Lotus à divers végétaux. Quand il s'agissait du Micocoulier, ils disaient Lotus arbor. | nd tDathé -S Us LÉ DC S, one Sd dE dd ete à LC PA Zuëque de Venise, qu’ils nomment Bagolaro. Aussi y en a deux grands arbres joignant la fontaine de Salon de Craux, hors la porte, et memorables, pour leur aage et haulteur , possible tels que ceux dont Pline à faict si grand cas, parlant des riclosses romaines. » Quercus ILEX L., Q. cocciFERA L. — Nous inscri- vons ces deux Chênes sur notre liste parce qu’ils sont au nombre des arbres que Pierre Belon a men- tionnés en indiquant leur nom provençal. — Le Quercus Ilex est ainsi désigné dans les Remons- trances : « Chesne verd ou Eouse. » Cette dernière forme, exclusivement provençale, n’a pas cessé d'être appliquée par les Provençaux au Chêne- vert (1). — Quant au Q. coccifera, Belon en parle plusieurs fois et l’appelle toujours Arbre de Vermil- lon. Vermillon est un mot provençal qui signifie « pelit ver » : c'est un diminutif de verme, ver (2). Les Provençaux prenaient pour un petit ver, à rai- son de son apparence, la femelle du Kermès (Coccus Ilicis L.), insecte producteur de la couleur d’écar- late. Pendant tout le moyen-âge, la récolte et la vente du Kermès constituèrent pour les populations rurales de la Provence une source d'importants profits (3). Très recherché à cause de sa qualité, le (1) Belon a écrit ce mot en notant exactement la facon dont les Provençaux le prononcaient et le prononcent encore. Mais en vertu de la réforme orthographique opérée par F. Mistral (d’après laquelle la voyelle u, placée à la suite d’une autre voyelle, prend le son ou), la graphie actuelle est Éuse. Le mot Yeuse est en français l'équivalent de l'appellation provençale du Chêne-vert. (2) La jangue provençale possède, pour désigner le Coccus Ilicis, d’autres expressions, toujours dérivées de la racine verme : vermet, vermèêu, vermiho, vermeiado. V. le Dictionnaire provencal-français de F. Mistral. (3) De nombreux documents conservés aux archives des 54 — Kermès de ce pays faisait l’objet d’un actif com- merce d'exportation. Il était donc naturel que la couleur extraite de cette matière prit le nom qu’on donnait à celle-ci dans la contrée d’où elle était originaire. PiNuS HALEPENSIS Mill, P. PINEA L., P. MARITIMA Lamk. — Les diverses espèces du genre Pinus ont donné lieu, chez les anciens botanistes, à de nom- breuses confusions. Nous avons la certitude que Pierre Belon distingua parfaitement les trois espè- ces énoncées ci-dessus. ) Ne fût-ce que par la nature de ses fruits, le Pin Pignon a toujours été le plus facile à discerner. Dans le De arboribus coniferis, Belon déclare qu'on le trouve cultivé ou spontané, mais toujours iden- tique à lui-même, produisant en l’un et l’autre cas des cônes de grandeur égale, et procurant, aux gens du pays, un important revenu, à raison de ses pignons qui sont le remède le plus efficace que l'on ait jamais employé contre la toux (1). Il ajoute qu'on le rencontre à l’état spontané dans une multitude d’endroits, même en plaine, sur le territoire de la Gaule Narbonaise (Provence et Languedoc), aux environs de Marseille, et dans beaucoup de localités d'Italie, telles que Ravenne, où cet arbre peuple des forêts très étendues. Les marchands vendent indif- féremment les noyaux de ceux qui ont été plantés dans les lieux cultivés et de ceux qui sont nés sauvages. Bouches-du-Rhône montrent que la cueillette du Kermës, sur laquelle les comtes de Provence avaient établi un impôt, donnait lieu à un grand mouvement d'affaires. (1) Déjà, au xvre siècle, les pharmaciens du Languedoc con- fectionnaient avec les pignons des dragées ou pastilles appelées pignolats et dont le Stirpium Adversaria de Pena et Lobel donne la recette. | TRES Les Remonstrances nous apprennent qu'il existait aussi de véritable forêts de Pinus Pinea aux alentours d’Aigues-Mortes, circonstance parfaitement exacte, puisque cette végétation s’est perpétuée là jusqu'à nos jours; les pignons en provenant étaient à Mar- seille l’objet d'un assez grand commerce. Toujours préoccupé de justifier du bon marché des graines à acquérir pour la diffusion des arbres, il écrit: € Un temps fut que voyant les noyaux des pignons desja triez, cassez et frais, n’estre venduz chez les drogucurs que cinq ou six sols la livre, donnoit merveille. Mais considerants les forests, et autour d’Aigues-Mortes en estre toutes, et aussi autour de Ravenne à deux journées es environs y en avoir en si grande abondance, cessa, ains pensa que c'estoit trop. Qui seroit à Marseille, et en vouldroit avoir à charges de chevaux, les trouvera pour les plus chers à quatre tournois la livre, ou pour le plus six deniers, c’est le bout du monde : mais entendez de ceux qui ne sont cassez. Donc en cela, qu’en doit on estimer que le port?» C'est à Ramatuelle, — nous avons cu plus haut l'occasion de le dire, - que Belon, dans les Remons- trances, a signalé la présence du Pin maritime, au- quel il donne le nom de Piceastre. I le distingue du Pin Pignon d’après la forme des cônes : « Piceastres, dit-il, sont tels que ceulx qu'on voit porter pommes, moindres que les francs Pins» ; et il ajoute aussitôt: « dont y en a forests pres Ramatauele en Provence où la Chamælea en provençal est nommée Ga- roupe ». n'a pas davantage confondu le Pin maritime avec le Pin d’Alep ; et dans le même chapitre des Remonstrances, il poursuit ainsi : « Encore y a autre espece de ces Piceastres, moult frequente autour de Marseille et d'Aix en Provence et à Gule,faisants forests es endroicts sur leterriloire là où mons. le president Destrets est seigneur, » — 56 — Cette « autre espèce » de « Piceastre », que Belon juge différente du Pin maritime, est manifestement le Pin d'Alep, toujours très commun et seul spon- tané aux alentours de Marseille et d'Aix. Quel était le personnage que Belon appelait «le president Destrets » ? A cet égard, aucun doute n’est possible. Il s’agit de Jean-Augustin de Foresta, baron de Trets,qui fut reçu en 1554 président à mortier au Parlement d'Aix, et qui devint premier président en 1558 (1). Les hauts protecteurs quiencourageaientles études, les recherches et les voyages de Pierre Belon, non seu- lement lui procuraient des subsides, mais en outre se faisaient un devoir de l’accréditer auprès de certaines notabilités des pays qu'il se proposait de visiter. Assurément l’auteur des Remonstrances n'aurait pas parlé du président de Foresta, s’il n’était pas entré en relation avec ce magistrat et n'avait pas été à même de parcourir le fief qu'il a cité sous le nom de Gule. Où se trouvait cette localité ? Ici nous sommes complètement dérouté. Gule est un mot qui a été dénaturé lors de l'impression du livre, et nous n'’a- vons pas pu découvrir quel est celui que devait por- ter le manuscrit original. JuNIPERUS OxYcEDRUS L., J. PHÆNICEA L. — Ces deux espèces sont aussi répandues l’une que l’autre dans toute la Provence méridionale. Leur foliaison bien différente empêche qui que ce soit de les con- fondre. Aussi ne ferons-nous pas un mérite à Pierre Belon de les avoir distinguées. Dans son traité des Conifères, il a donné à l'Oxy- cèdre la dénomination de Cedrus Phenica sive Punica ; (1) Artefeuil, Histoire héroïque et universelle de la Noblesse de Provence (Avignon, 1757), t, Ier, p. 414, mobil té _ ENT SP et celle de Cedrus Lycia sive Retusa, à noire Gené- vrier de Phénicie (1). Dans les Remonstrances, il adopte pour le premier le nom provençal de Cade, et il indique, comme habitat de Provence, les environs d'Orgon : « Cades, dit-il, se trouvent autour d’Ourgon, dont ils font de l’huille de Cade. C’est le premier lieu où s’est peu voir du charbon blanc, qui est faict des souches d’icelles. » Pour le Genévrier de Phénicie, il en signale la présence aux environs de Marseille, et il fait con- naître l'appellation provencale de Mourven. C’est dans le De arboribus coniferis qu'il écrit : « Circa Massiliam Lycia hæc Cedrus affatim nascitur, vul- gus Morveinc vocat. » Il ajoute que ce même Gené- vrier est appelé Cade Serbin par les gens d'Avignon : « quemadmodum et Avignionenses, apud quos fre- quentissima est, duabus appellationibus, Cade Serbin appellant (2). Nous venons de voir que dans le passage des Remonstrances relatif à l'Oxycèdre, il est question de l'huile de cade. Il résulte d’une énonciation contenue (1) Voici en quels termes Belon indique les différences qui distinguent les deux espèces, et comment il justifie les noms qu'il leur donne : « Phenica autem, ab aculeorum rigentium in extremis mucrone, Oxycedros à Græcis dicta est, Lyciam verd à foliorum tenuitate obtusorum, Retusam ad differentiam alterius vocare malui. Hæc à Lycia provincia nomen habet. » (2) Cade, Mourven, Serbin sont des noms provençaux encore usités aujourd’hui. Belon a écrit dans les Remonstrances : « Serbin est comme Cade, ou Genevrier rouge, tous trois noms françois, ainsi les nomment en Avignon : mais ceux de Ragouse [Raguse] le prennent pour Savinier, qui eit erreur. » Le fait que notre auteur déclarait français des mots provençaux en usage à Avignon confirme une observation que nous avons déjà formulée (note 1 de la page 49). II semble résulter de cette déclaration que Belon considérait Avignon comme dépendant du territoire français, quoique étant alors au pouvoir du Saint-Siège. Le second membre de phrase nous montre qu'il ne confondait nul- lement le Juniperus phænicea avec le J, Sabina. MR, hi dans le De arboribus coniferis que ce produit, obtenu indifféremment des deux Genévriers, portait aussi, tant en Provence qu'en Languedoc, le nom de Cade Serbin. Il y a, dans ce même traité des Conifères, un chapitre consacré à la Cedria ou poix liquide que, d’après les anciens auteurs, les Egyptiens employaient à l'embaumement des cadavres. Nous : traduisons ainsi qu'il suit le passage qui termine ce chapitre : | « En France, le populaire est en possession de quelque chose qui répond parfaitement à la Cedria ou poix liquide. Il appelle cela de deux noms, dont l’un est : Huile de Cade, et l’autre : du Tac (1). Mais de même que cette substance porte des noms diffé- rents, elle s'obtient aussi de matières diverses. Il y a, en effet, des paysans qui, du bois de Genévrier (2), de Frêne, de Sabine, de Cèdre, et de n'importe quel autre, pourvu qu'il soitfraichement coupé, parvien- nent à extraire une liqueur semblable à la Cedria ou poix liquide. Les habitants d'Avignon, de la Pro- vence et du Languedoc se servent surtout d'une huile qui provient du Cedrus Phenica et du Lycia, et à laquelle ils donnent pour nom les deux mots de Cade Serbin. Celle qu'emploient nos compairiotes de la Gaule Celtique, et qu'ils nomment du Tac, paraît véritablement être extraite du bois de Genévrier : elle a pris le nom de la maladie qu’elle est apte à guérir (3). C'est un mal contagicux, qui se propage parmi les troupeaux et tue les brebis. Lorsque, pour le combattre, les paysans, qui en cela sont nos mai- tres, ont besoin de cette huile, ils vont chez les phar- (1) Les mots que nous soulignons sont écrits en français dans le texte. (2) Belon entend ici notre Juniperus communis L. (3) Phlegmasie éruptive de la peau, contagieuse chez le mou- ton, le chien et le cheval, PA TON css: ts = # » DA ST Lu maciens et leur demandent du Tac et, dans la France méridionale, du Cade Serbin, nom vulgaire que les Juifs auraient mis en usage chez le peuple (1). » S'il faut en croire Belon, notre Genévrier de Phé- nicie, en un certain endroit de la Provence, aurait été pourvu d’un autre nom, d’origine arabe, dit-il. Le passage du De arboribus coniferis cité plus haut, et dans lequel il nous apprend que son Cedrus Lycia vel Retusa, vulgairement appelé Morveinc, est très abondant autour de Marseille, se termine par cette phrase : « Sed qui apud Sirpontem versus Massiliam agunt, arbusculam ipsa Cotranum voce Arabica dicunt. » Le mot provençal cotran, catran ou quitran dési- gne le goudron : était-ce parce que le Genévrier de Phénicie pouvait aussi fournir du goudron, que les habitants d'une localité voisine de Marseille lui don- naient le nom de cotran (2) ? (1) Vulgus Galliarum habet aliquid quod Cedriæ aut Pici liquidæ prorsus respondeat. Duobus autem nominibus id appel- lare solet. Uno modo, Huile de Cade, alio verd, du Tac. Sed quemadmodum variam sortitur nomenclaturam, sic ex variis materiebus fieri consuevit. Sunt enim artifices, sed alioqui rus- tici, qui ex quibusvis materiebus veluti Juniperi, Fraxini, Sabi- næ, Cedri, et ejusmodi lignis adhuc virentibus, liquorem pici liquidæ aut Cedriæ similem exsudare cogant : nam indigenæ Avignionenses, Provinciales et Linguoscitones eo maxime oleo utuntur, quod ex Phœænica et Lycia Cedro fit, et duobus nomi- nibus De Cade Serbin vocant. Id autem quo nostri hîc in Gallia Celtica utuntur, quod Tacum vocant, verius & lignis Juniperorum perfici videtur, idque à morbo ovium cui mederi solet, nomen habet. Est autem contagiosa quædam lues, quæ populatim sævit et interficit oves : in quo medendo rustici, cùm nobis doctiores sint, eo opus habentes, pharmacopolas adeunt, à qui- bus et Tacum postulant, quemadmodum in inferiori Gallia du Cade Serbin nomine quidem vulgari, sed quod Judæi populum sic docuerunt. (2) Dans son Historia plantarum universalis (t. Ier, 2 partie, p. 3:0) Jean Bauhin a reproduit textuellement la phrase de Belon citée plus haut. Maïs une annotation insérée en marge LA "4 TMS Et quelle est cette localité, dont le nom latinisé par Belon, devenant à l’accusatif Sirpontem, devait être au nominatif Sirpons ? $ Il n'existe actuellement, et nous pouvons affirmer qu'au xvi° siècle il n'existait, dans les environs de Marseille, aucun lieu qui portât le nom de Sir- pons (1). Il n'est pas douteux que nous nous trouvons encore en présence d’un mot estropié par les typo- graphes parisiens : n'ayant pas pu lire exactement, sur le manuscrit de l’auteur, un nom qui leur était inconnu, ils l'ont quelque peu défiguré. Nous pensons qu'il s’agit ici de Saint-Pons de Gé- menos, où il y avait, au moyen âge, un monastère de religieuses appartenant à l’ordre de Citeaux (2). Il est vrai qu'il n’y a jamais eu, à Saint-Pons même, de population rurale agglomérée, tandis que la formule employée par Belon : « qui apud Sirpon- tem... agunt » semble indiquer que, de son temps, beaucoup de gens fréquentaient cet endroit. Les deux choses ne sont pas inconciliables. La vallée de Saint-Pons est comprise dans l’itiné- raire qu'avaient à suivre les voyageurs désireux indique qu'il faut lire Corranum au lieu de Cotranum. Nous ne nous expliquons pas cette rectification. Belon lui-même a d’ail- leurs usé pour ce mot d’une graphie différente dans les Observa- tions de plusieurs singularitez : « En passant par l’Hellespont, dit-il, on voit les montagnes revestues de belles forests de Pins sauvages nommés Piceæ : les habitants prennent de son bois nommé Teda, qui estant aliumé esclaire de soymesme comme une chandelle : duquel ils font la poix noire et la Cedria, que les François appellent du nom Arabe Quodran, ou Quatran, et en Avignon du Cade Cerbin. » (1) Nous n'avons pas manqué de consulter l'excellent Diction- naire Lopographique de l'arrondissement de Marseille, compre- nant les noms anciens et modernes, de Mortreuil (Marseille, 1872). Gule n’y figure pas. (2) Dont les ruines subsistent encore, dans un site éminem- ment pittoresque, chanté par Delille, MERE d'atteindre, par la voie la plus directe, le pèlerinage fameux de la Sainte-Baume. Belon, sans doute, s’y était rendu, et c’est ainsi qu'il eut l’occasion de pas- ser par Saint-Pons et d'observer là le Mourven qui n’a pas cessé de croître en grande abondance sur toutes les collines d’alentour. Le De arboribus coniferis contient encore une indi- cation que nous devons recueillir. Ainsi que nous venons de le voir, Pierre Belon, suivant en cela les errements des botanistes anciens et de ceux de son temps, appelait Cedrus le Genévrier Oxycèdre et le Genévrier de Phénicie. On donnait le même nom au vrai Cèdre (Pinus Cedrus L. — Cedrus Libani Barr.) mais pour différencier celui-ci des autres, on employait une épithète, et l’on disait ; Cedrus magna ou Cedrus alta. Dans le chapitre où il s’est occupé de cet arbre, Belon raconte que, selon ce qui lui a été affirmé par quelques personnes très dignes de foi, le grand Cèdre croit dans les montagnes situées au-dessus de Nice : «Audivi à quibusdam fide valde dignis hominibus Cedrum magnam supra Niceam in mon- tibus nasci. » Le fait était certainement inexact, et ces hommes si dignes de foi avaient induit le botaniste en erreur. Mais la phrase que nous venons de reproduire a une portée sur laquelle il convient d’insister. Puisque notre auteur, quand ïil consigne dans ses écrits une circonstance qu'il ne peut pas attester _ personnellement, a bien soin de le déclarer, nous devons en conclure que lorsqu'il ne prend pas la même précaution, c’est qu'il rapporte des faits directement observés par lui. Nous en étions bien sûr : nous n’en sommes pas moins très heureux de rencontrer une confirmation émanée de Belon lui- même. ET UN Non seulement Pierre Belon parcourut la Pro- vence d’un bout à l’autre, depuis Orange et Avignon jusqu’à Ramatuelle, Fréjus, Antibes et Nice, mais nous avons acquis la certitude qu'il y fit un long séjour. C’est à Marseille qu’il demeura le plus longtemps. Au cours de ses voyages en Provence, il ne s'était pas uniquement occupé de botanique. Comme l’icthyologie avait aussi beaucoup d’attrait pour lui, un stage dans la grande cité maritime lui offrait une occasion excellente de s’adonner avec profit à cette branche de l’histoire naturelle. Dans un des ouvrages où il a traité de l’histoire des poissons, — celui qui a pour titre De aquatilibus libri duo (1), — il a fait connaitre le nom provençal, usité à Marseille, de plus de soixante des espèces qu'il a décrites et presque toujours dessinées. Il indique cette appellation populaire au moyen d’une formule qui varie peu : « Massilienses vocant..., à Massiliensibus nominatur.…, Massiliensium vulgus appellat... » Et nous pouvons constater que ces applications de vocables provençaux ont été faites avec une irréprochable exactitude. Quand, par exemple, nous entendons Belon nous dire que les Marseillais nomment tel et tel poisson Bauldroy, Bogue, Cabasson, Clavellade, Fiela, Giarret, Malar- mat, Palamide, Roquau, Rascasse, Sarg, Suvereau, Serran, etc., nous nous trouvons en présence de dénominations qui n'ont pas cessé d’être familières aux Provençaux d'aujourd'hui (2). (1) Petri Bellonii Cenomani de aquatilibus Libri duo cum etconibus ad vivam ipsorum effigicm, quoad ejus fieri potuit, expressis. — Parisiis, apud Carolum Stephanum, Typographum Regium, M. D. LI. — L'ouvrage est dédié ad amplissimum Cardinalem Castillionœum (le cardinal de Châtillon). (2) Nous avons exactement reproduit pour les noms eités l'orthographe adoptée par Belon. PR UT + | Pr c UT METE DE CCR DE Or, pour arriver à connaître exactement le nom marseillais d’une soixantaine d'espèces, il a bien fallu que Belon fit à Marseille un séjour prolongé. Ses observations icthyologiques exigeaient beau- coup de temps. Ce n’était qu’en faisant, en des sai- sons différentes, de longues stations dans le voisi- nage de la mer, que le naturaliste pouvait réaliser ce qu'il ambitionnait : connaitre un grand nombre de poissons, étudicr leur conformation, les dessiner, apprendre leur nom vulgaire. Il devait, pour cela, s’astreindre à vivre dans l'intimité des pêcheurs, à les attendre sur le rivage quand ils y débarquaient le produit de leur pêche, à les accompagner quelque- fois sur leurs bateaux pour assister à la levée des filets ; à fréquenter aussi les marchés et les halles où le poisson était mis en vente ; à interroger patiemment pêcheurs et poissonnières ; et comme, en ce temps-là, ni les uns, ni les autres ne parlaient, n’entendaient même le français, il avait bien été obligé de s'exercer au préalable à se servir lui-même de la langue provençale. C’est vraisemblablement à Marseille, en fréquen- tant les pêcheurs, que Pierre Belon eut occasion de goûler d’un mets dont il a parlé dans l'Histoire des estranges poissons, et fait, en ces termes, connaître la pecetle : «Je veul racompter combien l’artifice des hommes peult adjouster à naiure : car les paoures mariniers et pescheurs, aiants pris des poissons qui d’euls mesmes sont de saveur ingrate... ils leur sçavent faire une saulce si propre, que la saveur de la saulce surpasse la saveur ingrate du poisson, laquelle leur oste la mauvaise odeur et les rend delectables : et tout ainsi que les plus riches font telles saulces avec bonnes muscades, girofles, macis et canelle battue, beurre, sucre, vin aigre, pain rosti... aussi les paoures gents n’aiants point tant de choses à com- mandement, aiants tant seulement des aux et des APE noix, qu'ils battent avec du pain et de l’huille et du vin aigre, 1ls feront une saulce à leur poisson qu'ils rendent à leur appetit si delicieuse qu’on n’en peult manger [de meilleure] : et telle maniere de saulce est generalement cogneuë de touts pescheur, qu’ils nom- ment vulgairement l’Aïllade (1). » Au cours de sa carrière scientifique, Pierre Belon fit au moins deux fois le voyage de Provence. C’est là une circonstance dont l'exactitude semble établie par les dates de ses ouvrages : Le De aquatilibus, qui contient une multitude de détails recueillis à Marseille, a paru en 1553. Quel- ques-uns de ces détails figuraient déjà dans l'Histoire des estranges poissons, publiée en 1551. C'est donc antérieurement à l’année 1551 que Belon était venu une première fois en Provence et avait fait à Marseille un long séjour. Il faut faire remonter à ce premier voyage les quelques indications relatives à la flore provençale qui ont été consignées dans les Observations de plu- sieurs singularitez et dans le De arboribus coniferis, ces deux livres ayant vu le jour en la même année 1593. Pierre Belon était ensuite retourné à Paris, où les soins à donner à l'impression simultanée de trois de ses ouvrages devaient rendre sa présence néces- saire (2). (1) Aillade est encore un mot provençal, ainsi que le recon- naissent Littré et les auteurs du nouveau Dictionnaire général de la langue française. (2) L'épitre dédicatoire des Observalions, adressée au cardinal de Tournon, est ainsi datée : « De vostre maison de l'Abbaye de Sainct Germain des prez lez Paris, 1553. » — Le cardinal étant abbé de Saint-Germain des Prés, avait offert à Pierre Belon l'hospitalité dans cette célèbre abbaye. | “LED Il revit une seconde fois la Provence lorsque, se faisant l’apôtre du reboisement, il entreprit de se mettre en quête des essences forestières qui pou- vaient être introduites ou multipliées sur le sol. français. Les Remonstrances, qu'il écrivit pour divulguer le résultat de ses recherches et de ses observations, parurent en 1558. Nous avons vu que dans un passage de ce livre où il a fait allusion au Pin d’Alep, il a cité la ville d'Aix en Provence et mentionné une terre appartenant au « président Destrets », désignant ainsiJean-Augustin de Foresta, baron de Trets, président à mortier au Parlement de Provence, investi de cette charge seulement en 1554. Si donc, comme tout le fait supposer, Pierre Belon a été recu chez le président baron de Trets, c’est qu’il était revenu en Provence dans l'intervalle compris entre 1554 et 1558 (date de la publication des Remonstrances) ; et c’est alors qu’il a complété par de nouveaux détails les notes si pleines d’intérêt que, lors de son premier voyage, il avait commencé à prendre sur la flore de cette belle province (1). (1) I n'y à pas certitude absolue que Belon ait fait deux fois le voyage de Provence. Nous ne devons pas attacher une valeur décisive à l'argument tiré de ce qu'il a donné au baron de Trets un titre de président obtenu seulement en 1554. Le naturaliste- voyageur pouvait très bien avoir connu Jean-Augustin de Foresta à une époque antérieure, alors que celui-ci n’était encore que conseiller, et, lors de l'impression des Remonstrances, donner au magistrat provençal son nouveau titre. En tout cas, si Belon a revu la Provence, ce ne peut être que dans l'intervalle écoulé entre 1554 et 1558. Contre la réalité d’une seconde venue en cette province, on pourrait invoquer une phrase dans laquelle, faisant allusion aux divers voyages entrepris pour préparer son livre, il écrivait qu’il avait dû « retourner traverser tout expres- sement les summités des monts d'Auvergne, Savoie et Daulphiné, pour voir les arbres ». Pourquoi, dira-t-on, si à cette époque il avait de nouveau exploré la Provence, ne l’aurait-il pas nommée en même temps que l'Auvergne, la Savoie et le Dauphiné ? A quoi nous répondrions que dans ce passage il n’a parlé que des « summités », que les Alpes provençales confinent au Dauphiné, 5 ch : te pour bélon 1 vra ëS | inférieure du pays, de vus au al RLES DE L'ESCLUSE ; . L ? L * » l : rl L “ : : aie ‘ 13 < : L « 1 à (Pa è £ ' ; 4 L2 à A : é a , d : 1 , né ù 4 \ j (4 À , { CHARLES DE L'ESCLUSE Dans le groupe des phytographes illustres qui, au xvI° siècle, inaugurèrent le règne de l'observation scientifique et méritèrent d’être appelés les Pères de la Botanique, la figure de Charles de l’'Escluse (1), — on est d'accord pour le reconnaitre, — apparait au premier rang. La postérité a ratifié l’éloge que fit de lui l’auteur des /nstitutiones rei herbariæ : « Mira fuit, — écrivait Tournefort, — Carolo Clusio in inqui- rendis plantis diligentia » ; et lorsque, dans la même notice, il donnait la date de sa mort, il ajou- tait: « ... omnibus desiderium sui relinquens tris- (1) Aucun nom n’a été plus diversement présenté que celui de l'Escluse ; on rencontre tour à tour les formes l’Escluse, Les- cluze, l'Ecluse, l’'Ecluze, Lécluse, Lécluze. On n'attachait alors aucune importance à la graphie des noms propres, et le bota- niste lui-même a varié dans la façon d'écrire le sien. Au bas de son acte d'immatriculation à l'Université de Montpellier, il signa : Carolus de Lescluze. La forme que nous adoptons était, au xvIe siècle, la plus correcte et c’est celle qui figure sur le frontispice de la traduction française du Cruydtboeck de Do- doens, imprimée en 1557. — Pour se conformer à un usage uni- versellement suivi par les savants de ce temps-là, Charles de l'Escluse dut latiniser son nom, et le transformer en Clusius. Re pe tissimum, simulque memoriam nominis nunquam interituram (1). » La plupart des botanistes de cette époque ne s'étaient livrés aux études phytologiques que dans un intérêt professionnel : ils comptaient utiliser plus tard, au profit de la pratique médicale, leur connais- sance des plantes. Tel ne fut pas le cas de Clusius. Il n’exerça jamais la médecine, voulant demeurer uniquement botaniste ; et sa longue carrière, qui lui permit d'atteindre l’âge de quatre-vingt-quatre ans, fut tout entière consacrée à la res herbaria (2). Natif d'Arras, où il vit le jour le 19 février 1526, il était d'extraction nobiliaire. Son père, Michel de l’'Escluse, portait le titre de seigneur de Watènes et remplissait la charge de conseiller à la cour provin- ciale d'Artois (3). | Après avoir reçu, à Gand et à Louvain, une forte éducation Classique) le jeune Charles de l’Escluse se tourna tout d’abord vers la science juridique. Mais le droit n’était point son affaire. Toutes ses prédi- lections l’entraînaient vers l’histoire naturelle. Son goût pour la botanique, s’il faut en croire son con- temporain Boissard (4), prit naissance à Montpellier. (1) Isagoge in rem herbariam, p. 48. (2) Charles de l’Escluse a lui-même déclaré dans le Rariorum plantarum historia qu'il n'eut jamais la moindre envie de se vouer à la profession médicale. Dans le chapitre consacré à l’Aqui- legia, il fait connaître les vertus de cette plante, qui lui ont été signalées par un savant médecin de Bruges ; mais il ajoute aussitôt : « {ametsi ut medicinam facerem, nunquam in ani- mum induxissem meum. » — L'Université de Leyde possède une lettre autographe adressée à Clusius par Léonard Rauwolff, et sur la suscription de laquelle celui-ci donne à son correspon- dant le titre de medicus eximius. Nous avons publié cette lettre, qui était inédite, dans notre travail intitulé : La Botanique en Provence au xvie siècle : Léonard Rauwolff, Jacques Reynaudet (Marseille, Aubertin et Rolle, éditeurs, 1900). (3) Edouard Morren, tHäries de l’Escluse, sa vie et ses œuvres (Liège, 1875). - (4) Icones et vilæ virorum illustrium (Francfort, 1592). — Le Re à st Nous pensons quesa vocation datait de plus loin, et qu’il était poussé par la volonté d’en assurer le déve- loppement, quand il devint élève de l’Université alors en si grand renom. Il arriva dans le Languedoc en 1551, au commen- cement de l'automne (1). Il fut recu chez le célèbre professeur Guillaume Rondelet, dont il devint l'hôte, et auquel il servit de secrétaire pendant toute la durée de son séjour à Montpellier (2). Celui-ci travaillait alors au grand ouvrage d’icthyologie qui chapitre concernant Charles de l'Escluse a été reproduit dans le volume des Curæ posteriores, à la suite de l’oraison funèbre prononcée à Leyde par Everard Vorst, à qui fut attribuée la chaire devenue vacante à la mort de Clusius. (1) J.-E. et G. Planchon, dans l’Appendice de Rondelet et ses disciples (Montpellier, 1866), ont donné la date du 3 octobre 1551 comme celle de l’arrivée à Montpellier du jeune Charles de l'Escluse. (2) Dans notre ouvrage intitulé : La Botanique en Provence au xvIe siècle : Pierre Pena et Mathias de Lobel (Marseille, 1899), nous avons donné, au sujet de la carrière scientifique de Guillaume Rondelet, des détails sur lesquels il est inutile de revenir. — Le fait que Charles de l’Escluse, pendant son séjour à Montpellier, servit de secrétaire au célèbre professeur est attesté par Félix Platter, qui écrit dans ses curieux mémoires, sous la date du 6 janvier 1554 : « Nous nous réunîmes au Collège, pour tirer les Rois, entre nous autres Allemands. Le vieux bédeau, qui avait longtemps habité la Grèce, nous faisait la cuisine. André de Croatie eut la fève. Deux jours après, nous les tirâmes dans la maison de Rondelet, chez qui demeuraient Jérôme Betz de Constance, Clusius, qui était son secrétaire, et plusieurs autres. » (Félix et Thomas Platter à Montpellier, notes de voyage de deux étudiants bâlois, traduites par M. Kieffer.— Montpellier, 1892) — D’après Everard Vorst, Charles de l'Escluse, à cette époque, eut une hydropisie pour avoir imprudemment bu de l’eau froide en trop grande quantité. Rondelet le guérit par l'emploi du « Cichorium sylvestre », circonstance à laquelle Clusius a fait allusion dans les Curæ posteriores où, parlant de cette plante, il ajoutait : « cujus usum olim expertus sum mihi salutarem ex consilio et præscriptione C. V. Gulielmi Rondeletii, cüm apud ipsum viverem. » To a fait sa gloire (1). On s’est demandé si le jeune secrétaire n’aida pas son maître, tout au moins en coopérant à la rédaction latine de l'ouvrage et en concourant à en surveiller l'impression (2). Il quitta Montpellier un peu plus de trois ans après y être venu, et l’année même où parut le livre de Ron- delet. La date précise de son départ nous est connue par les mémoires de Félix Platter : ce fut le 27 jan- vier 1554. Ce jour-là, écrit Platter, « partit de Mont- pellier Carolus Clusius, le secrétaire de Rondelet, chez qui il logeait déjà avant mon arrivée. Il se rendit plus tard célèbre dans la science botanique, comme ses écrits en font foi, et ne pratiqua jamais la médecine. Il m'écrivit bien souvent pour me rappeler nos relations de Montpellier (3). » Jusqu'à la fin de sa vie, Clusius se complut à évoquer l’heureux temps où il avait été le disciple, le commensal et le secrétaire de Guillaume Rondelet. Lorsque, près d’un demi-siècle étant écoulé, il pré- pare le plus important de ses ouvrages, Rariorum (1) Gulielmi Rondeletii Doctoris Medici et Medicinæ in schola Monspeliensi professoris regii Libri de Piscibus marinis, in qui- bus veræ Piscium effigies expressæ sunt. — Lugduni, apud Matthiam Bonhomme, M. D. LH. (2) « Clusius était déjà ce qu’on l’a connu depuis, un écrivain élégant, presque un artiste dans le maniement de cette belle langue latine qui servait alors d’organe à l’Europe savante et lettrée. C’est, dit-on, sa plume qui donna la forme, non la matière, à la première édition latine de l’ouvrage de Rondelet sur les poissons. Trois ans, au moins, furent employés à cette tâche. » (J.-E. et G. Planchon, Rondelet el ses disciples). — Parmi les poésies liminaires qui, suivant l'usage du temps, ornent le De piscibus marinis, nous trouvons une longue pièce, d’une élégante latinité, intitulée : Caroli Clusii Elegia : Quisquis squamigeros pisces, genus omne natantum, Nosse cupis, præsens perlege Lector opus , + Ergo cum vario celebrentur carmine vates Et quisquis medica nomen ab arte tulit, Et qui solertis naturæ arcana recludunt, An laudem præsens non mereatur opus ? (3) Félix et Thomas Platter à Montpellier. Aa plantarum historia, il n’oublie presque jamais de dire, en parlant de Montpellier, qu’il y a vécu chez Rondelet. « Eo tempore quo Monspelii apud clarissi- mum virum Gulielmum Rondeletium, professorem regium, vivebam », et il donne de temps en temps quelque menu détail qui montre bien quelle fut l'intimité de leurs rapports. — Ils font ensemble de fréquentes promenades, quelquefois des voyages : un jour ils vont de compagnie jusqu’à Carcassonne (1). — Quoique Rondelet n’ait publié aucun ouvrage de phytographie, la botanique avait pour lui beaucoup d’attrait et il s’y était adonné avec ferveur. Comme la plupart des botanistes de cette époque, il possédait un jardin dans lequel il cultivait, avec les espèces médicinales, toutes celles qui offraient quelque intérêt au point de vue botanique. Quand, au cours de ses herborisations, Charles de l’Escluse rencontre un sujet remarquable, il le déracine pour en enrichir le jardin du professeur. C’est ainsi qu’il y transplante la bulbe d’un Narcisse-Tazette trouvé à Maguelone et dont le scape, — chose qui lui a paru bien singu- lière, — soutenait jusqu'à seize fleurs. Une autre fois, il y apporte une Fougère qu’il nomme « Phyllitis » et qu'il a prise dans les Cévennes (2). On voit déjà, par ces détails, combien fut grande l’ardeur du jeune botaniste pour l’herborisation. Il se mit à la conquête des plantes dès les premiers jours de son installation à Montpellier. Il nous apprend, dans le même ouvrage, qu'il avait commencé, vers la fin de 1551, à explorer le littoral maritime du Languedoc et qu’il y avait cueilli notamment le Medicago marina (3). A l’exemple du plus grand nombre des étudiants que réunissait autour de ses chaires l’Université de (1) Rariorum plantarum historia, p. 341. — En 1552. (2) Op. cit., pp. 154 et cexiij. (3) Op. cit., p. cexliij. mr Pa Montpellier, il devait être tenté de franchir la limite qui séparait le Languedoc de la Provence : il n’avait pour cela qu’à traverser le Rhône. , Ce fut au cours de l’année 1552 qu'il effectua son voyage en Provence (1). Il vint jusqu’à Marseille, où il avait l'intention de s’embarquer pour l'Italie. Il prit place à bord du navire qui devait l'y transporter. Au dernier moment, une raison imprévue, sur la nature de laquelle il ne s’est pas expliqué, l’'empêcha de partir. Vers la fin de sa carrière, faisant allusion à cette circonstance, il constatait, non sans une certaine mélancolie, qu’il n’était jamais allé en Italie : « Je n’ai jamais vu l'Italie, disait-il, bien qu’à trois reprises je me sois mis en route pour my rendre : une fois par mer, et, venu à Marseille, j'étais déjà monté sur le bateau qui allait m'y conduire ; les deux autres fois par les Alpes, jusqu’au pied desquelles je m'étais avancé, mais chaque fois des affaires me retinrent. Et c’est pour cela que plus tard je renonçai à toute nouvelle idée d'entreprendre ce voyage (2).» Nous savons quelle était la route que prenaient généralement les étudiants de Montpellier, lorsqu'ils (1) La date de i552 a été donnée par Clusius lui-même dans son Histoire de quelques plantes rares observées en Espagne. Il écrivait à propos du « Capnos Fumus terræ » rencontré par lui en ce pays, et précédemment dans la Crau d’Arles : « Observare memini... supra Arelatem, dum Massilia per eam urbem anno M. D. LI Mompelium redirem. » Il avait choisi le printemps pour venir en Provence. Il dit en effet dans le même ouvrage qu'à Marseille il trouva le « Tragacantha » (Astragalus Massi- liensis Lamk) couvert tout à la fois de fleurs et de fruits. Or, cette Papilionacée commence à fleurir dès le mois d'avril et en mai elle porte simultanément fleurs et fruits. (2) Rar. plant. hist., p. 22 : « Italiam enim nunquam vidi, licet ter profectionem tentarim, semel conscensa Massiliæ navi, bis ad Alpes usque progressus : sed negotia perpetuo me revoca- runt. Ideoque in posterum omnem adeundi Italiam cogitatio- nem deposui. » : Le Éd à à CAS avaient envie de venir visiter la grande cité maritime de la Provence (1). « L’itinéraire suivi au départ de Montpellier conduisait d’abord à Lunel, puis à Saint-Gilles. On franchissait là le petit Rhône, et sur la rive gauche de cette branche du fieuve, on abordaïit en Camargue. On parcourait toute la partie septentrionale du delta, et après avoir traversé le grand Rhône, on atteignait Arles. Au-delà d’Arles, on rencontrait la vaste plaine caïllouteuse de la Crau, où l’on faisait halte à l'auberge de Saint- Martin, et l'on se dirigeait ensuite soit vers le bourg de Saint-Chamas, soit vers la petite ville de Salon (2). » Certaines indications consignées dans le Rariorüm plantarum historia montrent que tel fut, en 1552, l'itinéraire de Clusius. Quelques-unes des étapes du trajet y sont mentionnées : Saint-Gilles, Ia Camar- gue, Arles, la Crau et l'auberge de Saint-Martin (3). Il eut l’occasion de traverser une autre partie de la (1) « Un passage des Adversaria nous apprend qu’en venant à Marseille, les étudiants de Montpellier n'avaient pas seulement en vue l'intérêt de leur éducation scientifique. Avant tout, c'était pour eux un voyage d'agrément... « Dum Monspellio Galloprovinciæ Massileam lusum iremus, complures commili- tones... » On pouvait d’ailleurs concilier aisément le grave et le doux, le plaisir et la science, et rien n’empêéchait de se livrer, le long du chemin, à des observations phytologiques.» (La Botanique en Provence : Pivrre Pena et Mathias de Lobel, p. 62.) (2) Ibid , p. C3. (3) Il est probable qu'en retournant Clusius suivit le même chemin. C’est ce que semble indiquer le texte relatif au « Cap- nos » que hous avons cité plus haut. En tout cas, il passa deux fois par Arles et par la Crau, à l'aller et au retour. Il y avait, d’ailleurs, pour les étudiants de Montpellier, d’autres facons de se rendre en Provence, et quelquefois ils venaient à Marseille par mer. Au sujet de ces voyages en Provence, nous avons donné de curieux détails dans nos diverses publications rela- tives à La Botanique en Provence an XVIe siècle (Pierre Pena et Mathias de Lobel, Félix et Thomas Platter, Léonard Rautwolf et Jacques Raynaudet.) LL Hs Provence lorsque, en 1554, il quitta définitivement Montpellier. Il se proposait de retourner dans sa patrie ; mais il ne put s'y rendre par le chemin le plus direct et le plus court, qui eût été celui du nord de la France. Il a raconté lui-même qu’à raison de la guerre qui avait éclaté entre l’empereur Charles- Quint et le roi de France Henri IT, et ne se souciant pas de traverser des territoires désolés par la présence des armées belligérantes (1), il dut faire un long détour et se diriger vers la Suisse, qu'il atteignit en passant par Nimes, Avignon, Orange, Bollène, Montélimar, Valence et Grenoble (2). Nous n’aurons pas à suivre au-delà d'Orange et de Bollène le botaniste artésien ; nous n'aurons pas davantage à retracer les divers évènements de sa longue existence. Le présent travail ayant pour uni- que objet l’historique de ses relations avec la Provence, nous devons nous borner à extraire, des nombreux ouvrages qu’il a publiés, tout ce qui se rapporte à la flore provençale. Rembert Dodoens (3) avait, en 1553, fait paraître son Cruydtboeck. « Cet ouvrage flamand, destiné à la (1) Rar. plant. hist., p. exxij : « Observare memini antè qua- draginta annos, dm per Helvetios è Gallià Narbonensi in patriam redirem, præclusà per reliquam Galliam vià, fer- vente bello inter imperatorem Carolum V et Galliæ regem Henricum II. » (2) Rariorum aliquot stirpium per Pannoniam observalarum historia, p. 100 : « Olim etiam legere memini, dum Avenione per Arausiorum agrum et Boulline ad Montelimar proficis- cerer, Valentiam Allobrogum et Gratianopolin petiturus. » (3) Rembert Dodoens, Dodonœus, né à Malines ou dans la région, vers 1517 ou 1518, embrassa la carrière médicale, et tant par ses ouvrages que par des cures heureuses, y acquit de bonne heure une brillante réputation. L’empereur Maximi- lien II l’appela dans sa capitale et le prit pour médecin. Au bout de quelques années, dégoûté de la cour, il se démit de ses fonctions. Plus tard l’Université de Leyde lui offrit une chaire qu’il occupa jusqu’à sa mort (1585) et dans laquelle il eut pour successeur Charles de l'Escluse. Une grande amitié liait les OCR Le 7 vulgarisation de la botanique, eut une grande vogue, mais il n'était guère accessible, ni aux provinces wallonnes des Pays-Bas, ni à la France (1). » Charles de l'Escluse, mis en relation, à son retour du Languedoc, avec le botaniste de Malines, entreprit de traduire le Cruydtboeck en francais. Cette traduction, imprimée à Anvers par Jean Loë, parut en 1557, sous le titre suivant: Histoire des plantes en laquelle est contenue la description entiere des herbes, c’est à dire, leurs Especes, Forme, Noms, Temperament, Vertus et Operations... par Rembert Dodoens Medecin de la Ville de Malines et nouvelle- ment traduite de bas Aleman en Francois par Charles de l'Escluse. Suit un petit traité, qui est une œuvre originale du traducteur (2), et qui est intitulé : Petit Recueil auquel est contenue la description d’aucunes -gommes et liqueurs, provenant tant des Arbres que des Herbes : ensemble de quelques Bois, Fruicts, et Racines aromatiques, desquelles on se sert és Boutiques... par celuy qui a traduit l'Herbier de bas Aleman en deux botanistes. Clusius, citant, dans son Histoire des plantes de Hongrie, le nom de Dodoens, ajoutait : « veteri amicitia mihi conjunctus ». Ce nom demeure attaché à de nombreuses publications botaniques, dont la plus importante est le Sfirpium historiæ Pemptades sex. (1) Edouard Morren, op. cit. (2) Le mot originale n'est peut-être pas tout-à-fait exact, car voici ce que dit l’auteur de cet opuscule dans son « Advertis- sement au Lecteur » : « J’ay prins ceste hardiesse de recueillir les descriptions de quelques Liqueurs et Racines aromatiques qui estoient semées cà et là par l’Herbier Aleman, et les tra- duire en langue Française, en y adjoustant les descriptions de quelques autres Liqueurs, et Fruicts, et Bois aromatiques qui n'y estoient contenues, lesquelles ay tiré hors des Auteurs anciens, et ramassé comme en un corps, sans le sceu toutes fois et consentement de celuy qui a fait l'Herbier... » — Nos lec- teurs comprennent que par Herbier, Clusius désigne le Cruydt- boeck. Le mot Herbier ou Herbaire, en latin Herbarium, s’appli- quait alors au genre d'ouvrage que nous appelons aujourd'hui une Flore, LL apte François. — Nous signalons ce premier ouvrage de Clusius parce que nous aurons à y prendre la description de l’une des plantes qu'il avait observées en 1552 aux environs de Marseille. En 1563, il fut appelé à Augsbourg par un riche habitant de cette ville, Antoine Fugger, qui dési- rait lui confier la mission de conduire ses deux jeunes fils en Italie (1). Le voyage eut lieu; mais par suite d’une circonstance demeurée obscure, le programme en fut modifié au dernier moment, et l’on substitua l'Espagne à l'Italie. Les trois voya- geurs parcoururent la péninsule ibérique, sur le sol de laquelle Clusius fit d'importantes découvertes botaniques. Il en rapporta les matériaux du livre qu'il fit imprimer en 1576 : Rariorum aliquot stir- pium per Hispanias observatarum historia (2). — II y a mentionné, avec leur habitat provençal, neuf des espèces dont il avait, au cours des herborisa- tions de 1552, constaté la présence sur le territoire de la Provence. L'Histoire des plantes d'Espagne fut dédiée à l'empereur d'Allemagne Maximilien II. Ce prince avait fait venir Charles de l’Escluse à Vienne, pour l'attacher à la maison impériale. Clusius profita de cette circonstance pour entreprendre , à travers l'Autriche et la Hongrie, de nombreuses herbori- sations dont il consigna plus tard les résultats dans son Rariorum aliquot stirpium per Pannoniam, Austriam et vicinas Provincias observatarum his- toria (3). Disgracié sous Rodolphe II, le botaniste (1) Ce fut en cette occasion que Charles de l'Escluse, venu à Augsbourg, y fit la connaissance de Léonard Rauwolff. Celui-ci lui montra son herbier, renfermant les plantes qu'il avait colli- gées en France, en Italie et en Suisse, de 1560 à 1563. (V. à ce sujet notre étude sur Léonard Rauiwolfj.) (2) Antverpiæ, ex officina Christophori Plantini, Archilypo- graphi Regii, M.D.LxXXVI. (3) Antverpiæ, ex officina Christophori Plantini, M.D.LxXXxIN. DES TO 2 . quitta la capitale de l'Autriche et s'établit à Franc- - fort-sur-le-Mein. Il y vécut dans une profonde re- traite, jusqu'en 1593, année où les curateurs de l’Université de Leyde lui offrirent la chaire que la mort de Dodoens venait de rendre vacante. Il l’ac- cepta et y siégea pendant seize ans. Il mourut à Leyde le 4 avril 1609 : il venait d'entrer dans sa quatre-vingt-quatrième année. Durant cette dernière période, « Clusius prépara les grands ouvrages qui résument l’activité d’une longue carrière de travail et qui l’ont fait placer au rang des fondateurs de la botanique. Ses œuvres complètes parurent en deux volumes in-folio suc- cessivement en 1601 et en 1605 (1) ». Le premier de ces volumes est le célèbre Rariorum plantarum his- toria (2); l’autre, un recueil de diverses œuvres dont la principale porte le titre de : ÆExoticorum libri decem (3). Enfin, deux ans après la mort de l’illustre écri- vain, ses éditeurs assemblèrent, sous le titre de Curæ posteriores (4) , différents opuscules que cet infatigable travailleur avait continué d'écrire pour amender ou compléter ses publications antérieures. Pendant le long intervalle qui s'était écoulé depuis son départ de Montpellier en 1554, Charles de l’'Es- cluse n'avait pas trouvé l’occasion de revoir le midi (1) Edouard Morren, op. cit. (2) Antverpiæ, ex officina Plantiniana, apud Joannem Mo- retum, 1601. — Clusius fondit dans ce grand ouvrage ses an- ciennes publications relatives à la flore espagnole et à celle de l’Autriche et de la Hongrie. (3) Ex officina Plantiniana Raphelengii (Leyde), 1605. — François Ravelingen, plus connu sous le nom de Rapheleng ou Raphelengius (Peirese écrivait Raphelenge), entré comme correc- teur dans l'imprimerie de Christophe Plantin à Anvers, devint en 1565 le gendre de celui-ci. Il vint à Leyde en 1585 pour di- riger l'imprimerie queson beau-père y avait établie, qui lui fut léguée par Plantin, et qu'il transmit à ses enfants. (4) In officina Plantiniana Raphelengii, 1611. EPS" aa de la France. Vers les dernières années de sa vie, et tandis qu’il s’occupait à Leyde de la révision et de la publication de ses écrits, une circonstance fortuite se produisit qui lui permit d'y ajouter quelques détails nouveaux, relatifs à des végétaux de la Provence. En 1602, le vieux botanographe eut à répondre aux avances que lui fit un jeune gentilhomme pro- vençal, alors inconnu, mais qui devait un jour rendre célèbre son nom seigneurial de Peiresc (1). Nous avons, dans un travail récent (2), exposé (1) Nicolas-Claude Fabri naquit le 1° décembre 1580, au château de Belgencier (petite commune qui appartient aujour- d'hui à l'arrondissement de Toulon). Il était fils de Raïinaud Fabri, sieur de Callas, conseiller à la Cour des Comptes, Aides et Finances séant à Aix. Il porta d’abord, comme son pére, le. titre nobiliaire de Callas. En 1604, il y substitua celui de Peiresc : c'était le nom d’une terre apportée en dot par sa mère et située dans la Haute-Provence ; mais, dans les premiers temps, au lieu de Peiresc, il écrivait Peirets. 11 notifia ce changement de nom à Charles de l’Escluse dans le post-scriptum d’une lettre qu’il lui adressait d'Aix le 25 février 1604 : «... Vous pourrés aussy sçavoir « qu’au lieu du dessus qu'aviés accoustumé de faire en mes « lettres, au s' de Callas, etc., il faudra changer et dire d’ores « en avant, au s' de Peirets chez Mons: le conseiller de Callas à « Aix en Provence. » Ce dernier, qui était l'oncle et le parrain de Nicolas-Claude, lui transmit en 1607 son office de conseiller au Parlement de Provence. Le rôle que l’érudit magistrat a joué dans « la République des Lettres », comme on disait alors, est trop connu pour que nous ayons besoin d’y insister. Qu'il nous suffise de remettre sous les yeux de nos lecteurs l’éloquente appréciation de M. Léopold Delisle, quand, ayant à grands traits résumé la carrière de Peiresc, il le louait d’avoir été « un ama- teur de génie, qui a largement contribué au progrès des connais- sances humaines, et qui a poussé jusqu'aux dernières limites la modestie, le désir d’obliger, la curiosité, le goût du beau, la passion de la lecture et l’amour désintéressé de la science. » (Un grand amateur français du xvrre siècle : FABRI DE PEIRESC, lecture faite par M, Léopold Delisle à la séance publique de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1888). (2) L’Indigénat en Provence du Styrax officinal: Pierre Pena el Fabri de Peiresc (Marseille, Aubertin et Rolle, éditeurs, 1901). # slt LS "18 en à a fer dial” hé tte à "0 Se PDU AR à PRO à 7 comment ce jeune homme se mit en rapport avec Charles de l’Escluse. « Peiresc, encore adolescent, s'était rendu à Padoue, ville savante où il comptait poursuivre ses études et donner satisfaction à l’ar- deur qui le portait indistinctement vers toutes les branches des connaissances humaines. Pendant son séjour à Padoue, il fut reçu, apprécié et pris en af- fection par un humaniste de mérite, Paul Gualdo, alors vicaire-général du diocèse, et aussi par Jean- Vincent Pinelli, un bibliophile érudit dont la renom- mée était grande, et qui correspondait avec Scaliger et Clusius. Pinelli mourut en 1601. Le duc della Cerenza, neveu du défunt, étant obligé de quitter Padoue, chargea Gualdo de recevoir en son absence les lettres qui viendraient à l’adresse de feu son oncle. Justement, il arriva des lettres de Scaliger et de Clusius, accompagnant l'envoi de divers objets offerts par chacun des deux savants à Pinelli. Gualdo montra le tout à Peiresc. Celui-ci, pris d’un vif désir d'entrer en correspondance avec ces hommes illus- tres, saisit au vol l’occasion qui se présentait de leur écrire : il leur offrit ses services, se déclarant tout disposé à leur fournir, le cas échéant, les communi- cations pour lesquelles ils avaient l’habitude de recourir à Pinelli (1). » * Charles de l’Escluse accueillit avec bienveillance les ouvertures de ce jeune correspondant si plein de (1) Pinelli était un botanophile, et il envoyait des plantes rares à Clusius. Celui-ci, dans un Appendice à son Histoire des plantes, écrit à propos d’un Narcisse : « Quum ejus bulbum ab illustri viro Joanne Vincentio Pinello, missum Patavio sub ini- tium Novembris à Christi nativitate millesimi sexcentesimi accepissem, illico in fictili terræ commitebam. » C’est au même Pinelli qu’il a dédié son Histoire des Champignons de Hongrie. Gassendi, dans sa Vie de Peiresc, rapporte que l'envoi fait par Clusius à Pinelli, arrivé à Padoue après la mort du destinataire, se composait du Rariorum plantarum historia et d’un portrait de Mathias de Lobel. LLNARRE, : bonne volonté, se montra reconnaissant, l’encou- ragea par le don de son portrait et d’un exemplaire du Rariorum plantarum historia,et lui envoya la liste des plantes méridionales qu’il désirait recevoir. Les lettres de Peiresc qui ont été conservées (1) témoignent du zèle avec lequel il s’efforça de donner la plus complète satisfaction aux desiderata du célè- bre professeur de Leyde. Il se met personnellement en campagne, et comme il se défie un peu de ses propres lumières, il se fait accompagner, dans ses herborisations, par un bota- niste expérimenté, capable de déterminer les plan- tes en toute saison (2). Il utilise, pour récolter des graines, même les parties de chasse auxquelles il prend part de temps en temps (3). De plus, « en homme toujours disposé à ne rien épargner pour rendre service à ses amis, il a recours à des méde- (1) Les lettres de Peiresc, éparses dans diverses bibliothèques, soit en originaux, soit à l'état de brouillons ou de copies, ont été publiées sur l'initiative du Ministre de l’Instruction publique et ont pris place dans la Collection de documents inédits sur l'Histoire de France. Le soin de les recueillir et de les coor- donner avait été confié à feu M. Tamizey de Larroque, corres- pondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Sept volumes ont paru de 1888 à 1828 (Paris, Imprimerie Nationale). Le tome VII contient sept lettres adressées à Charles de l'Escluse. Mais Tamizey de Larroque, ignorant que la Bibliothèque de l'Université de Leyde possède les originaux de huit lettres de Peiresc à Clusius, a involontairement exclu de son recueil deux lettres écrites de Paris, et restées inédites. Nous en citerons divers passages au cours de ce travail et nous les donnerons in exlenso dans un appendice final. (2) « Comitem adhibuit Botanicum quendam plantarum quovis tempore internoscendarum peritum. » (Gassendi, Vita Peireskii). (3) « J’ay prins plaisir moy-mesme souventesfois en allant à « la chasse de faire cueillir de toutes les semences qui me sem- « bloient les plus extraordinaires, afin de rencontrer celles que « vous aviez marqué ». (Lettre de Peiresc à Charles de l’Escluse Aix, 19 février 1605). PTS PUS DE NON DS NES NP SN NOR DT APR TE AS , £ , 5 JE Le AD r. Cdt: Per. be dpt D'AGbE re Anchor L4 LS Sa cins et à des apothicaires établis en différentes loca- lités de la Provence (1). » Tandis que ces relations épistolaires suivent leur cours, le jeune érudit provençal a concu pour Charles de l’'Escluse des sentiments d’affectueuse vénération dont la force augmente de jour en jour. Il a maintenant une ambition qui lui tient fort au cœur. Il voudrait que l’éminent botaniste, nonobs- tant son grand àge et ses infirmités, — il a près de quatre-vingts ans et il estgoutteux, — consentit à se mettre en route pour venir en Provence. Il lui offre l'hospitalité en son château de Belgencier. Il espère vaincre les hésitations que fera naître chez Clusius la perspective d’un long et difficile voyage, en lui parlant des « plantes singulieres » dont la contrée est abondamment pourvue, et surtout du Styrax découvert par Pierre Pena, quarante ans aupara- vant, sur les collines environnantes. C’est dans une lettre qui accompagnait un de ses envois de plantes, que Peiresc formule son invitation : « Il y en a quel- « ques-unes, écrit-il, que j'ay faict r'ammasser sur « le rivaige de la mer, mais la plus part sont esté « choisies par les bois et collines qui sont autour « d’un petit villaige nommé Beaugentier, lequel est « situé entre la ville de Tollon (2) et les montagnes « de la Sainte-Baulme (3), au dessoubs de la Colle (1) L’Indigénat en Provence du Styrax officinal : Pierre Pena et Fabri de Peiresc. (2) Toulon. (3) Pour ceux de nos lecteurs à qui le site célèbre de la Sainte- Baume n’est encore connu que de nom, nous reproduisons la description sommaire que nous en avons donnée dans notre livre sur Pierre Pena et Mathias de Lobel : « La Sainte-Baume tire son nom d'une grotte (baumo en provençal) au fond de laquelle, suivant une ancienne tradition, la Magdelaine de l'Evangile, miraculeusement transportée en Provence, serait venue expier les légéretés de sa vie passée et achever ses jours dans les larmes et la prière, Cette grotte s'ouvre, à une grande hauteur, au milieu de la paroi verticale d’une chaîne calcaire LME « d’Anis (1) tant renommée pour les plantes singu- « lieres que les médecins y treuvent d'ordinaire. « Nous y avons une maison où j'ay faict quelque « sesjour cest automne passé, mais je vous asseure « que ce n’a pas esté sans vous y regrelter, car je : « vouldrois bien vous y tenir, pour vous y caresser « suivant noz petites forces, et vous y faire remarquer « des plus belles et plus rares plantes de toute la « Provence, et nommement le Styrax qui y croist en « grande abondance et ne se treuve poinct en aucun « aultre lieu de ce païs hors du terroir dudict lieu de Beaugentier (2).» Le vieillard ne se laissa point séduire et dicton l'invitation : il avait pour cela de trop bonnes raïi- sons. Ce fut alors Peiresc qui résolut d’aller lui- même faire une visite à son illustre correspondant. Il entreprit ce voyage en 1606. Il se rendit d’abord en Angleterre, où il vit Mathias de Lobel. Au retour, RAR taillée à pic du côté du nord, et dont le point culminant atteint presque une altitude de 1200 mètres. Sur le versant septen- trional de la chaîne, au-dessous des escarpements. s'étale une superbe forêt que le scuvenir de sainte Magdelaine a de tout temps protégée contre la cognée. Le Hêtre, YIf, l'Erable à feuil- les d’Obier, le Tilleul, l'Ilex aquifolium y sont les essences domi- nantes. Sous ces grands arbres et dans les escarpements de la montagne se développe une florule subalpine qui, pour la Pro- vence partout ailleurs chaude et sèche, constitue une précieuse rareté. Aussi depuis le xvie siècle une multitude de botanistes sont venus y herboriser. » (1) Colle est un mot provençal qui signifie colline. Celle dont parle Peiresc continue à porter ie même nom, qui se prononce Agnis, avec l'accent tonique sur la première syllabe. Le sommet, appelé Mourre d'Agnis, a plus de 900 mètres d’ aitu et domine, du côté nord, le village de Signes. (2) Cette lettre est une de celles dont l'Université de Leyde possède l'original. Nous l’avons citée, non point d’après le texte publié par Tamizey de Larroque, mais d'après une copie soi- gneusement collationnée sur Foriginal, que M. le docteur P.-C. Molhuysen, conservateur de la Bibliothèque universitaire de Leyde, a eu la bonté de nous fournir. - Li a EE il aborda en Hollande, vint à Leyde, et se présenta chez Clusius. Il le trouva, rapporte Gassendi, en train de faire graver, pour un appendice à l'Histoire des plantes exotiques, un champignon que Peiresc lui avait envoyé de Provence, en même temps, ajoute le biographe, qu’une quantité presque innombrable de plantes, de racines et de graines. En outre, le visiteur, auquel, lorsqu'il traversa Paris, Vespasien Robin avait montré les fruits de certaines plantes étrangères inexactement décrites par Clusius, put signaler à celui-ci les rectifications à faire (1). Revenu en Provence, Peiresc continua de corres- pondre avec Charles de l’Escluse. La dernière lettre qu’il lui écrivit, partie d'Aix en février 1609, ne par- vint à Leyde qu'après la mort du botaniste, surve- nue, nous l'avons dit, le 4 avril de la mêmeannée (2). Cette lettre contenait un dessin de Tragacantha que l'éditeur des Curæ posteriores, comme nous le ver- _rons plus loin, eut soin de faire graver pour l’insé- rer dans le recueil posthume. Nous allons maintenant passer en revue les diver- _ ses espèces appartenant à la flore de Provence que (1) « Deprehendit autem f[Clusium] imprimi curantem in Appendice altera Exoticorum plantarum figuram Fungi (Coral- loidis quem ad illum ex Provincia, cum aliis penè innumeris plantarum, radicum, seminumque generibus transmiserat. .Commodüm etiam ïillum admonuit circa Indicas quasdam plantas, in quibus describendis errasset, et quasdam, de qui- bus nihil audiisset, idque prolatis commentariis juxta ostensos sibi Parisiis à Vespasiano Robino fructus. » (Gassendi, Vita Peireskii.) (2) Gassendi nous apprend que pour arriver à Leyde, une lettre devait passer par Augsbourg et Francfort. Elle y mettait du temps et courait bien des hasards. « Porro ambages erant magnæ, cüm oporteret literas Augustà, atque Francofurto transdere in Hollandiam. » (Op. cit.). MER je Charles de l’Escluse a mentionnées dans ses ouvra- ges avec indication de leur habitat provençal (1). Nous donnerons à la suite une des listes, — la seule qui nous soit parvenue, — de plantes envoyées à Leyde par Peiresc. FUMARIA SPICATA L. — Clusius donnait à cette espèce le nom de « Capnos tenuifolia ». Il l'avait observée en divers lieux de la Gaule Narbonaise (2), et « principalement, dit-il, au-dessus d’Arles, quand, en 1552, je retournai, par cette ville, de Marseille à Montpellier (3). » — Cette mention, insé- rée dans le Rariorum plantarum historia, avait déjà figuré dans le Rariorum stirpium per Hispanias observatarum {4). LepipiuM DRABA L. — C’est dans la Camargue que notre auteur rencontra cette Crucifère, si abon- dante partout, qu’il a enregistrée dans le Rariorum plantarum sous le nom de « Draba I vulgaris ». Il a (1) On ne s’étonnera pas que le nombre de ces espèces soit minime. Charles de l’Escluse ne vint qu’une seule fois en Pro- vence. En outre, comme la flore de la Provence ressemble fort à celle du Languedoc, il s’abstint, sans doute, de noter, pendant son voyage à Marseille, les plantes qu'il avait déjà observées aux alentours de Montpellier. (2) L'expression de « Gallia Narbonensis », — nom d’une ancienne division administrative qui, sous la domination romaine, avait, pendant quelque temps, englobé les territoires devenus plus tard ceux de la Provence et du Languedoc, — permettait aux écrivains du xvi- siècle de ne point distinguer entre les deux provinces et de les désigner simultanément. (3) Rariorum plantarum historia, p. clxxxviij : « Nonnullis Narbonensis Galliæ locis observare memini, præsertim supra Arelatem, dum Massilià per eam urbem, anno M. D, LH, Mompelium redirem. » (4) P. 374. SE Sd nm ciné. É DRE ps désigné d’une façon très précise le grand delta rho- danien. « Je me souviens, écrit-il, d’avoir cueilli cette plante dans l’île que forme le Rhône, partagé en deux bras, entre l’église de Saint-Gilles et Arles, tandis que je faisais route vers Marseille (1). » Raus Cornus L. — « Je me rappelle, — dit-il dans le Rariorum aliquot stirpium per Pannoniam observa- tarum historia, — avoir pris autrefois le Cotinus (2), lorsque, parti d'Avignon, je me dirigeais, à travers le territoire d'Orange et de Bollène, du côté de Mon- télimar, ayant l'intention de gagner ensuite Valence en Dauphiné et Grenoble (3). » — Pierre Belon, ayant affirmé, dans ses Remonstrances sur le default de labour, que « Sumacs ont leurs semences vulgaïi- rement vendues es boutiques des Apoticaires, cueil- lie des Guarrigues d'autour Montalimar et Orenge pres du Rhosne », Charles de l'Escluse, dans la ver- sion qu'il a donnée de cet ouvrage sous le titre de De neglecta cultura (4), a traduit ainsi ce passage : « Rhus in solitudinibus Montelimar et Auraicæ vicinis ad Rhodanum crescit, cujus semina in Phar- (1) Rar. plant. hist., p. exxiiij : « Memini etiam hanc plan- tam legere in insula illa quam facit Rhodanus in duo cornua divisus inter D. Ægidii phanum et Arelatem, dum Massiliam proficiscerer. » s (2) Quelques floristes du xvie siècle donnaient le nom de « Coccygria » ou « Coggygria » au Rhus Cotinus de Linné. D’au- tres l’appelaient « Cotinus Plinii ». Dans le Rariorum planta- rum historia, où il a transporté l'indication d'habitat déjà consignée dans sa Flore de Hongrie et d'Autriche, il s’est servi du mot Coggygria. (3) P. 100. (4) Petri Bellonii Cenomani medici de neglecta Plantarum Cultura, atque earum cognitione Libellus : edocens qua ratione Silvestres arbores cicurariet mitescere queant. — Imprimée une première fois séparément, cette traduction a été jointe ensuite au volume des Exotiques. ET LU macopolarum officinis venalia sunt. » Et il a joint à cette phrase une note marginale où il dit : « Carolo Clusio istac iter facienti nullum Rhus conspectum, sed Coccigrya plurima, non minus Rhoë ad den- sanda coria utilis : sed agro Mompelliano fre- quenter. » ANAGYRIS FŒTIDA L.— Il existe, à quatre kilomè- tres d'Arles, un petit massif de roches calcaires, qui formait un ilot, au temps où la ville elle-même était entourée d’étangs et de marais. Des ruines encore imposantes couronnent le sommet du monticule : ce sont les ruines de Montmajour, abbaye bénédic- tine dont jadis la célébrité fut grande (1). On trouve autour de ses vieilles murailles de nombreux pieds d’Anagyris fœtida, L’Anagyre se perpétue là depuis (1) « Non loin d’Arles, à Mont-Majour, sur un rocher alors entouré de marais, les Bénédictins avaient fondé, au x: siècle, un de leurs monastères. Il n’en reste aujourd’hui que des rui- nes ; au moyen âge, il était dans toute sa splendeur, et comptait parmi les Lieux saints de Provence les plus vénérés. En 14€9, au mois de mai, nous dit Boysset, fut donné lou perdon de S. Peyre de Montmajour. I1 a tout vu, et il déclare être en decà de la vérité, en évaluant à 150.000 le nombre des romieus qui y vinrent : en loqual perdon foron romieus, e vengueron de tot lo monde plus de cent cinquanta milia chrestians e chrestianas, e plus vous dic per verilat, non solamen per ausir, mas per veser. Louis II, roi de Sicile et comte de Provence, y était présent en noble compagnie. En cette année 1409, le 16 janvier, au château d’Angers, Yolande d'Aragon lui avait donné le deuxième de ses fils, celui-là même qui devait être le roi René, et l’heureux père, alors en Provence où il se préparait à entre- prendre à nouveau la conquête de Naples, s'était fait romieu à Montmajour pour en rendre grâces à Dieu. » (Charles de Ribbe, La Société provençale à la fin du moyen âge, Paris, 1898). — Bertrand Boysset, citoyen d'Arles, a laissé des mémoires « con- tenant ce qui est arrivé de plus remarquable, particulièrement à Arles et en Provence, depuis 1372 jusqu’en 1413 ». Ces mémoi- res ont été publiés dans le Musée, revue historique et littéraire d'Arles (1876-1877). se FA + | are sb sn" sn à à L er jus : ste. -2 un temps immémerial (1). Le premier document imprimé qui fasse mention de cet habitat est l’opus- cule que Conrad Gesner a intitulé Horti Germaniæ et qu'il fit imprimer à Strasbourg, en 1561, à la suite des œuvres de Valerius Cordus : « Anagyris, — écri- vait l’illustre naturaliste de Zurich, — prope Arela- ten locis paludosis gignitur, Matthiolo ignota… (2). » (1) Ch. Martins, directeur du Jardin botanique de Montpel- lier, a publié dans le Bulletin de la Sociélé botanique de France (t, xvr, pp. 100-102) un article intitulé: L'Anagyris fœtida con- sidéré comme un des types exotiques de la flore française, où il s'exprime ainsi : « La localité de Montmajour, ancien couvent de Bénédictins, bâti sur un îlot molassique de la plaine d’Arles, est connu depuis longtemps; mais le voisinage des ruines, au milieu desquelles il se trouve, pourrait faire concevoir quelques doutes sur sa spontanéité; il y existe en tout cas depuis fort longtemps, car il est cité p. 391 dans le Pinax de Gaspard Bauhin, imprimé à Bâle en 1623... Cette plante est, selon moi,une espèce tertiaire ou une forme dérivée d’une espèce tertiaire qui, comme d’autres types exotiques, le Palmier- nain (Chamærops humilis), le Myrte, le Caroubier (Ceratonia Siliqua), le Laurier d’Apollon et le Laurier-rose, ont survécu à l’époque glaciaire dans le midi de la France, seulement dans quelques localités privilégiées, mais se sont maintenus partout dans le reste du bassin méditerranéen. » — L’habitat arlésien de l’Anagyris fœtida était connu bien avant la publication du Pinax, ainsi qu’il résulte d’un texte de Conrad Gesner que nous allons citer et qui paraît avoir échappé à Ch. Martins. (2) A la façon dont est conçue la phrase de Gesner, il sem- blerait que l’Anagyris est une plante hydrophile, naissant au milieu des marais. L’indication donnée dans les Horti Germaniæ est pourtant d'une stricte exactitude, puisque le rocher de Montmajour, où croît cette plante, était alors, ainsi qu’on l’a vu, entouré d’eau stagnante. — Plus d’un siècle après Gesner, Tournefort se rendit à Arles pour y prendre l’Anagyre. « M" de Tournefort, écrivait Garidel, nous avoit aporté cet arbuste d’une petite colline qui est auprés d’Arles, où Clusius Pavoit obser- vée, pour la planter dans le jardin de M' de Beaumont, où elle a été cultivée pendant un fort longtems. » (Histoire des plantes qui naissent aux environs d'Aix, p. 32.) — Cette rare Papilio- nacée n’a point abandonné les ruines de la vieille abbaye et nous y avons nous-même constaté récemment sa persistance. — Dans le Catalogue des Plantes de Provence (Marseille, 1881- mdr (oil D'où Gesner tenait-il la connaissance de ce fait ? Avait-il lui-même vu et cueilli l’Aragyris lorsqu'il vint dans le Midi de la France (1)? Quoi qu'il en soit, la présence à Arles de cette rare espèce était connue à Montpellier, et quand Charles de l’Escluse manifesta l’intention de se rendre en Provence, Guil- laume Rondelet lui conseilla d’aller, puisqu'il devait passer par ÂArles, rechercher l’Anagyre de Montma- jour. C’est ce que Clusius ne manqua point de faire. Il retrouva plus tard en Espagne, près de Séville, de Malaga et de Valence, la même Podalyriée; et dans son histoire des plantes espagnoles, il raconta qu'il l’avait vue jadis, pour la première fois,aux environs d'Arles, d’après les indications que lui donna Ron- delet : « Primd hanc arbusculam nascentem inveni primo ab Arelate lapide, saxoso quodam colle qui dicitur Divi Antonii, monente clarissimo viro, eodemque professore primario Academiæ Monspe- lianæ D. Gulielmo Rondeletio (2).» Cette phrase a été reproduite, avec quelques légères variantes, dans le Rariorum plantarum historia (3). 1891), Honoré Roux a indiqué, pour l’Anagyris fœtida, la station de Montmajour, en ajoutant : « où il a été planté ». — L'auteur du Catalogue, que nous avons personnellement connu et quel- quefois accompagné dans ses herborisations, ne nous a jamais dit sur quelle autorité il se fondait pour affirmer que l’Anagyre n'était point spontané en cet endroit. (1) « Conrad Gesner, l’illustre naturaliste de Zurich, ne fit qu'une courte apparition à Montpellier, vers la fin de l’année 1540, peut-être au commencement de l’année 1541. Il ne s’y arrêta pas longtemps, dit-il, parce qu’il ne trouva pas de méde- cin qui pût le loger chez lui, et qu'il aurait voulu profiter de la conversation quotidienne de médecins distingués, plutôt que des lecons publiques. Il avoue, néanmoins, y avoir gagné quelques connaissances en anatomie et en botanique. » (J.-E. et G. Plan- chon, Rondelet et ses disciples, Appendice.) (2) P. 189. (9) :P, 93 PARTS OP IR OT, D. à ; x #] M s mt que . ASTRAGALUS MASSILIENSIS Lamk.— Lorsque Charles de l’Escluse vint à Marseille en 1552, il alla herbori- ser près du rivage de la mer ; il y rencontra la Papilionacée épineuse et frutescente que les floristes du xvi° siècle appelaient « Tragacantha », à laquelle nous appliquons aujourd'hui la dénomination, créée par Lamarck, d’Astragalus massiliensis. Il donna de celte plante une description détaillée dans le Petit Recueil d'aucunes gommes et liqueurs qu’il publia en 1557, nous l’avons dit, à la suite de sa traduction française du Cruydtboeck de Dodoens. _ Nous transcrivons ici en son entier le chapitre xvi1 de cet opuscule (1). Nos lecteurs y verront Clu- sius, alors à ses débuts comme descripteur, mani- fester déjà ces qualités de précision qui ont fondé sa renommée : « La forme. — Tragacantha à mout de branchettes ramues, lentes et flechiles (2), estendues au large, de sorte qu'une plante occupe aucune fois pied, ou pied et demi de terre en rondeur. Les feuilles sont petites, comme celles de la Lentille, blanchâtres, et quelque peu lanugineuses, situées l’une à l’opposite de l’au- - tre le long d’un pedicule ou queüe (3), ne plus ne moins qu’à la Lentille. La fleur ressemble à celle du Cicer, blanchâtre, aucune fois distinguée de lignes purpurées. La graine est enclose en petites siliques, semblable bien pres au Lotus sylvestris. Toute la plante est garnie de tous costés d’espines bien aigües, poignantes et fermes. La racine s’es- tend en longueur sous la terre, comme celle de la Regulisse vulgaire, jaulne par dedans et noire par dehors, lente et difficile à rompre, laquelle jette és grandes chaleurs, comme és jours caniculaires, une gomme blanche qui se trouve attachée à icelle, (1) Le titre de ce chapitre est ainsi conçu : « De Tragacantha. Chap. XVI. Tragacantha. Espine de bouq. » (2) Souples et flexibles. | (3) Rachis de la feuille. :L'an'ks « Le lieu. — Tragacantha croist en Mede et Crete, comme dit Pline; il s’en trouve aussi en autres regions, comme en la Province (1) pres de Marseille là où j'en ay trouvé en abondance. «Le temps.— Tragacantha fleurit au mois d'avril. La graine est meure en juin, et és jours caniculaires se trouve la gomme attachée à la racine. « Les noms, — Cette plante est appelée en Grec Touyaxävla : en Latin Tragacantha et Hirci spina : incognue és Boutiques, voire mesme de ceux chez lesquelz elle croist (2). » Le Petit Recueil présente en outre, encadré par le texte, une figure du « Tragacantha » gravée sur bois, d'une exactitude très suffisante, dessinée d’après nature, sans aucun doute, par l’auteur lui-même pendant son séjour à Marseille. En Espagne, Charles de l’Escluse trouva près de Cadix,eten une autre localité dépendant du royaume de Grenade, une plante, alors dépourvue de fleurs et de fruits, mais qui lui sembla presque identique « quàm simillima », disait-il, au Tragacantha de Marseille. Pourtant les folioles étaient caduques et non persistantes comme chez la plante de Provence. Il crut donc avoir affaire à une espèce différente, et en la décrivant dans l’ouvrage consacré à la flore d'Espagne, il lui donna le nom de « Tragacantha altera » ou « Poterium ». À cette occasion il rappelle sa trouvaille de Marseille : € Tragacanthæ, quam aliquando Massiliæ florentem et fructu prægnantem observavi, quàam simillima est hæc planta... (3). » (1) Provence. (2) Allusion évidente aux apothicaires de Marseille, chez les- quels, ou quelques-uns d’entre eux, Clusius était, sans doute, allé vérifier le fait. (3) Rar. per Hispan., p. 215. | | | hr à 2-6. Lé LL | L | L 2 D Tout ce passage fut ensuite reproduit dans le Rario- rum plantarum historia (1). Même après la publication de ce grand ouvrage, la question du Tragacantha continua de préoccuper Clusius ; il aurait eu le désir de revoir la curieuse plante observée par lui, cinquante ans avant, aux environs de Marseille, et qu'il avait décrite dans le Petit Recueil. Aussi, quand l'obligeant et zélé Peiresc offrit avec tant d'empressement de lui envoyer des plantes de Provence, il se hâta de réclamer des graines de Tra- gacantha, au moyen desquelles il espérait voir pousser à Leyde des sujets dont il aurait tout le loisir de suivre le développement. Par certaines lettres du jeune botanophile d’Aix qui nous sont parvenues, nous connaissons quelques-uns des desiderata du vieux botaniste. Celui-ci, envoyant à Aix, en 1603, son portrait et un exemplaire du Rariorum,demandait en même temps des graines de l’Astragale marseillais. Peiresc répondit le 25 février 1604 : « Je serois bien en peine de trouver des termes « tels que je desireroïs pour vous remercier selon « mon devoir de vostre livre des plantes et de vostre « portraict, que je reçus sur la fin de decembre der- « nier, le tout tres bien conditionné, dont je vous « demeureray redevable à jamais. Je n’ay regret « d’aultre chose si ce n’est de ce que vostre lettre ne « m'aesté rendue un mois plus tost, car j'eusse tasché « de recouvrer encor ceste année de la graine de « Tragacantha que vous desirez : ce qui ne se pourra « faire jusqu'à l’année qui vient. Cependant j'ay « jugé que vous ne treuveriez peult estre pas mau- « Vais que je vous envoyasse de la racine. Et de (A) P. 107. SR faict j'en ay mandé cüeillir à Marseille et ensemble un peu d’une aultre plus rare que les mariniers appellent Tartonraire et de laquelle ils se servent pour se purger d'autant qu'elle faict une merveil- leuse operation tant par le haut que par le bas. J'en ay rempli une petite boitte que je vous envoyerai par la premiere commodité, dans laquelle vous treuverez aussy un peu de graine fort fresche de nostre Seseli de Marseille, et la racine d’une aultre plante qui est assez familiere en cez quartiers, que l’apoticaire appelle Cento- nica : je ne sçay s’il se trompe. On m'a conseillé d’enfermer le tout dans un peu d’argille paistrie avec le miel. Dieu veuille que le tout puisse arriver sain et sauve! C’est bien en ceste sorte que se conservent les greffes qu'on nous apporte des pays orientaulx. » La boîte promise est partie pour Leyde. Aura-t-elle échappé à toutes les vicissitudes qui menacent de semblables expéditions et sera-t-elle arrivée en bon état ? Peiresc n’est pas sans quelque inquiétude. Il écrit de nouveau, et dans une lettre dont nous ne connaissons pas la date, mais qui est manifestement postérieure à celle du 25 février 1604, il s'exprime ainsi : « « « [C6 « « « « « (( en « Despuis avoir receu vostre beau livre Rariorum plantarum dont je vous remercie de rechef très humblement, je vous escrivis par la voye de messieurs les Bonvisi, et quelques jours apres je vous envoyai par la voye de la derniere foire de Francfort une boitte (dont le port estoit payé Jus- qu'à Francfort) plaine de racines de Tragacantha et de quelques autres plantes de cez quartiers... J'attends vostre response pour sçavoir si vous aurez pour agreable que je vous en envoye d’au- tres. Et cepandant je procureray d’avoir de la ve. — nn sééer e sde "be rs VLTN ONPS Pre ; F a ur fs ist. le es ns és sd ft Z r= + * tant un sat lé AE “né US. 08 ee « graine du Tragacantha pour vous la faire tenir, « s’il est possible, par la foire de septembre. » Une nouvelle lettre de Charles de l’Escluse arrive à Aix le 10 septembre 1604. Il insiste pour avoir ses graines de Tragacantha. Mais à cet égard Peiresc joue de malheur. Les apothicaires marseillais qu'il a chargés dela récolte de ces graines se sont moqués de lui, évidemment : ils soutiennent que le Traga- cantha ne fructifie pas dans le terroir de Marseille. En préparant un nouvel envoi, le bon Peiresc a donc le regret de ne pouvoir y joindre l’objet que Clusius désirait le plus ; il l'en informe par une lettre qu’il écrit d'Aix le 15 février 1605 : « Suivant ma promesse et voz commandements, « ayant mandé diverses copies de la liste des plantes « que vous desiriez à plusieurs medecins et apoti- « caires de ce païs, je n’ay sceu recouvrer aultres « graines pour ceste année que celles que vous « recevrez dans une boette à ovalle, à ceste prochaine « foire de Francfort dans laquelle boette est encloz « tout ce que vous treuverez cotté en l'inventaire « que je vous mande maintenant avec promesse « infaillible d'envoyer, s’il plaict à Dieu, l’année qui « vient toutes les aultres semences que nous n'avons « pas sceu recouvrer astheure (1), tant pource que « le temps de les recueillir estoit desja passé lorsque « vostre lettre me fust rendüe (qui ne fust que le « 10 septembre 1604) : que pour la negligence de « ceux à qui j'en avois donné la charge, laquelle « vrayment ne se peult excuser,nommement pour la « Tragacantha dont je suis resolu d'aller moy « mesme chercher la graine lorsque le temps en sera « venu, puisqu'eux n’en savent poinct trouver. Car (1) À cette heure. « TS de croire (ce que me veullent asseurer quelques- uns des plus capables apoticaires de Marseille) qu’elle ne face poinct de semence en ce païs, il m'est impossible, veu qu’ils m’accordent qu’elle y fleurit. J’ay prins plaisir moy mesme souventes fois en allant à la chasse de faire cüeillir de toutes les semences qui me sembloient les plus extra- ordinaires, afin de rencontrer celles que vous aviez marqué, et de faict en fin de conte par ce moyen là je m'en suis treuvé tout plein entre mains que les apoticaires n’avoient sceu treuver : mais il y en a eu aussy plusieurs aultres que vous n’aviez pas demandé, lesquelles neantmoins j'ay vouleu vous envoyer puisqu'elles estoient cüeillies, croyant que vous ne laisriez peult estre pas d'y prendre plaisir. » Ces graines de Tragacantha, qu'il n'avait pas pu O obtenir des apothicaires de Marseille, Peiresc, ainsi qu'il l’annoncçaiït, s'était décidé à les venir chercher lui-même. De Paris, où ils’est rendu dans le courant de cette même année 1605, il répond, le 25 août, à une lettre que lui a écrite Clusius : « Monsieur, quattre ou cinq jours avant mon despart de Provence je receus la vostre du 12 May, et fus bien aise d'entendre que la derniere boette que je vous avois envoyé estoit arrivée à bon port et qu’elle vous avoit esté agreable. J'escrivis incontinent à Frejus, à Thollon, à Mompellier, en Avignon et encor ailleurs, et priay tres instemment des amys que j'y ay partout de me recueillir toutes les semences que vous desirez. Je fus en mesme temps à Marseille et y laissay la mesme charge à quelqu'auitre ; tellement que j'espere qu'entre touts on aura tout ce que vous desirez : mais à grand peine se pourra 1l rien envoyer vers vous avant la foire de Pasques, avant lequel temps 1e ET SR : ; PU « j'espere estre de retour en Provence. Et quand cela « ne seroit, mon frere recevra le tout de toutes pars, « et me l’adressera en ceste ville afin que je vous le « puisse faire tenir par les marchands qui iront à la « foire. Estant à Marseille je me laissay porter à ma « Curiosité jusqu'au lieu où se treuve quantité de « Tragacantha, où en ayant diligemment esplusché « beaucoup de plantes enfin j'en recueillis la « semence que je vous envoye maintenant. Je vous : « en envoyerai dadvantaige lorsque je seray de retour « en Provence (1). ». Sur ces entrefaites, Charles de l’Escluse a reçu le précédent envoi de Peiresc. Mais, hélas! la boîte expédiée est restée si longtemps en route que les diverses racines qu’elle contenait, et notamment celles de l’Astragalus massiliensis, sont arrivées à Leyde entièrement desséchées. Peiresc en est informé pendant qu’il se trouve encore à Paris. Désolé de ce fâcheux contre-temps, il écrit aussitôt (6 février 1605) : « Monsieur, je suis marry que les plantes du Tra- « gacantha et Tartonraire que je vous avois envoyé « dans la premiere boitte ne vous ayent esté rendües « que si tard, que elles estoyent desja toutes fles- « tries : et suis toutefois bien aise que vous les ayiez « receües quand ce ne seroit pour autre chose que « pour vous servir de tesmoignage de ma diligence « et du desir que j'avois eu d’executer voz comman- (1) Cette lettre de Peirese à Clusius et celle qui suit sont inédites. Nous avons eu l’occasion d’expliquer, dans une note précédente, que ces deux lettres, ignorées de Tamizey de Larroque, ne figurent pas dans le recueil qu’il a publié. Nous en devons la communication à l’obligeance de M. le docteur P.-C. Molhuysen, conservateur de la Bibliothèque de l'Université de Leyde. Ainsi que nous l’avons annoncé, nous les imprimerons en entier à la fin de ce travail. Sue « dements. Que si cela n’est bien reusci, ce n’est « poinct par ma faulte, car j'y avois assez bien pour- « veu s'il me sembloit, et avois enveloppé cez « racines dans de l’argille si fraische, que si la boitte « fust allée par son droit chemin, c’est sans doubte « qu’elles ne se seroyent pas sitost sechées et que « vous les auriez eu toutes vives, mesmes attendu « la charge que j'avois donné au messagier qui s’en « chargea jusqu’à Lion, d'envelopper souvent la « boitte dans un drappeau mouillé. Des autres « plantes que vous aviez desiré depuis, je crains « bien que mon absence de Provence ne soit cause « qu'il en manque quelqu’une que nous aurions « possible recouvré : mais j'ay tant recommandé « cest affaire à mon frere, que je m'asseure que « nous en aurons la plus grande partie Je luy ai « escrit de me les envoyer icy, afin que je les vous « puisse faire tenir par les libraires qui s’en iront à « Francfort ceste foire de Pasques. Je les attends au « premier jour. » Les graines «espluschées » par Peiresc eurent-elles meilleur sort que les racines ? Clusius les reçcut-il en bon état ? La correspondance ne nous le dit pas. Mais il est certain que jusqu'à son dernier jour, l’éminent botaniste ne cessa point de s'intéresser au Tragacantha de Marseille; et ce fut sans doute sur sa demande que Peirese se mit en devoir de lui en fournir un dessin exécuté avec la plus conscien- cieuse fidélité (1). Une lettre partie d’Aix en février 1609 accompagnait l’envoi du dessin. Quand le pli arriva en Hollande, au mois d'avril suivant, Charles de l'Escluse venait de mourir. Mais l'éditeur chargé (1) La figure de l'Astragale de Marseille était accompagnée de divers détails d'analyse que le graveur a reproduits : feuille avec ses folioles, rachis de la feuille transformé en épine aprés la chute des folioles, fleur, gousse, graines. MT EC LUS par testament de donner, sous le titre de Curæ poste- riores, un recueil d’opuscules et de notes préparés par le défunt (1), fit graver la figure du Tragacantha et l’inséra dans l’ouvrage posthume avec cette légende : Tragacanthæ in Galliæ Provincià nascentis icon accuratior, et en rendant un juste hommage au zèle du magistrat provençal (2). PARONYCHIA ARGENTEA Lamk.— Clusius cueillit en Espagne cette Paronyque, à laquelle, dans sa florule espagnole (3), il donna le nom de « Parony- chia hispanica ». À cette occasion il rappela que jadis, passant par la Crau, lapidoso illo campo supra Arelatem, il rencontra la même plante « non loin de l'auberge de Saint-Martin où passe la route de Mar- seille », indication consignée ensuite dans le Rario- rum plantarum historia (4). SESELI TORTUOSUM L. — Les vertus merveilleuses que Dioscoride attribuait à son Séséli Massilioti- (1) « Posthuma hujus [Clusii] opera sive Posteriores Curas edidit curator testamento datus Franciscus Raphelengius. » (Gassendi, Vita Peireskii.) (2) Curæ posteriores, p. 112 : « Historiæ Rariorum plantarum, post finem capitis LxxvI de Tragacantha et Poterio, addi posset sequens Tragacanthæ icon, quæ nobis transmissa est è Galliæ Provincià, nempe Aquis Sextiis, ab amplissimo et nobilis- simo viro Nicolao Fabricio, Domino de Peiresc, Consiliario regio in supremo Senatu Aquensi, cum literis ad clarissimum Clusium anno 1609 destinatis mense Februario : quæ literæ quamvis aliquot diebus post obitum Cl. Clusii ad nos perlatæ sint ; tamen cm hanc Tragacanthæ exactiorem quàm usquam alibi excusa sit, delineationem animadverteremus, tantum tanti viri negligendum beneficium esse rati sumus : sed calci hujus capitis adjiciendam. » (3) P. 477. (4) P. clxxxij. tr PRE TRE — 100 — que (1) inspirèrent aux botanographes de la Renais- sance un vif désir de retrouver l’espèce décrite et prônée par le grand maître de la Matière médicale. Ils s’accordèrent généralement pour l’identifier avec lOmbellifère que l'Ecole de Montpellier nommait « Fœniculum tortuosum » et dont Linné a fait ” Seseli tortuosum. Charles de l’Escluse avait eu de fréquentes occa- sions d’apercevoir cette plante, à l’époque où il résidait chez Rondelet. Il la revit aux alentours de Salamanque, et dans son Histoire des plantes rares observées en Espagne il en fit mention sous le nom de « Selinum peregrinum ». Mais en écrivant ce nom en tête du chapitre y relatif, il eut soin d’ajouter entre parenthèses « Seseli Massiliense fortè » et d’in- troduire dans le texte cette déclaration : « mihi1 plu- rimüm ad Seseli Massiliensis descriptionem à Dios- coride traditam accedere videtur. » Il rappela que longtemps auparavant il avait vu cette « Ombelli- fère » dans la campagne de Montpellier, et sur tout le territoire qui s'étend jusqu’à Marseille, « multos annos antè agro Mompeliano, et toto illo tractu Mas- siliam usque (2). » — Ces divers détails passèrent ultérieurement dans le Rariorum plantarum his- toria (3). PLUMBAGO EUROPÆA L. — Certains floristes du xvIe siècle avaient déjà donné à cette espèce le nom de Plumbago. Aussi Clusius la désigne-t-1l sous cette forme : « Plumbago quorundam ». Il n’en indi- que pas de station précise : 1l se contente de dire qu'il l’a observée en divers endroits de la Provence (1) Nous les avons fait connaître dans notre première étude sur la Botanique en Provence au xvie siècle: Pierre Pena et Mathias de Lobel. (2) P. 432. (9) P,'ExcIix, — 101 — et du Languedoc. Il signale en même temps une propriété, singulière mais bienfaisante, qu'aurait eue le Plumbago. On le regardait comme souverain contre le mal aux dents. Il suffisait même, pour supprimer la douleur, nous dit Clusius, de tenir dans la main un rameau de la plante (1). Il ajoute qu'à raison de cette vertu, les gens de Montpellier l’appelaient « Dentilaria ». Le nom de Dentelaire a persisté, mais non point, hélas ! le pouvoir anti- odontalgique (2). OBIONE PORTULACOIDES Moq. - C’est en traver- sant la Camargue, quand il se rendait de Montpellier à Marseille, que Charles de l'Escluse remarqua son « Halimus IT ». Il trouva la même espèce en Espa- gne, et dans le livre consacré aux plantes de ce pays il écrivit (3): « Memini etiam vidisse in aggeribus (4) illius insulæ, quam duo Rhodani cornua faciunt inter Arelaten et Fanum D. Ægidii », phrase qu'il a plus tard transportée dans le Rariorum plantarum historia (5). (1) Rar. plant. hist., p. cxxiiij : « Mompellianis meo tem- pore Dentilaria appellabatur, quôd dentium dolori mederi cre- deretur , etiam manu retenta ». (2) Déjà le Sfirpium Adversaria de Pierre Pena et Mathias de Lobel nous avait appris que le nom en usage parmi les étu- diants de Montpellier était celui de « Dentillaria Rondelletii ». Ce fut, parait-il, le célèbre professeur qui, le premier, employa le Plumbago contre ce que l’on appelait alors, aussi bien qu’au- jourd’hui, les rages de dents. «Dentillariam , aut potius Denta- riam vulgus studiosorum putabat vocatam à Rondelletio qui, ut Pyrethris aut similibus curantibus utebatur, ad rabidum dentium cruciatum placandum. » (Stirp. Adv., p. 136). (3) P. 74. (4} Par le mot aggeribus , Clusius désignait les chaussées ou levées de terre bordant soit le cours du Rhône , soit les canaux du delta. (5) P. 54. — 102 — EuPpHorBIA CHARACIAS L. — Clusius a mentionné cette Euphorbe dans son grand ouvrage sous le nom de « Tithymalus Characias », en indiquant qu'il la rencontra jadis «au-dessus d'Arles, sur la route de Marseille » (1), renseignement qu'il avait déjà donné dans l'Histoire de quelques plantes rares obser- vées en Espagne (2). QuEercus ILEX L. — Sous la rubrique « De Ilice majore », nous lisons dans cette même Histoire (3) : « Narbonensis Gallia et Provincia eàdem etiam abundat, sed glande minore quàam Hispanica. — Nomen Græcum est moïvoc, Latinum Ilex, Hispa- nicum Euzina, Gallicum Eoule ou Chesne verd. » Eoule était une faute d'impression que l’auteur a corrigée quand il a inséré ce passage dans l'Histoire des plantes rares (4). Le mot Eouse estle nom proven- çal du Chêne-vert (5). QUERCUS COCCIFERA L. — Dans un chapitre de sa Flore d'Espagne intitulé «De Ilice coccigera» (6), Clusius écrivait : « Crescit multis Hispaniæ locis, in Gallia etiam Narborensi et Provincia. » Il a maintenu le même nom etles mêmes indica- tions dans le Rariorum plantarum historia (7). Il y a donné, en outre, au sujet de l’insecte para- site producteur de la couleur d’écarlate, — le « Coc- cus baphicus », ainsi l’appelait-on alors, — des détails empruntés à Quiqueran. (1) P. clxxxviij: « Supra Arelatem itinere Massiliensi ». (2) P. 435. (3) P. 33. (4) P. 23. (5) V. ce que nous avons dit à ce sujet dans l'étude sur Pierre Belon. qui précède celle-ci. (6) P. 33. (7) P. 34. PRE Te CP: 7. Sc ons sde 2 D nt 2 Co ns LS ri | pe RP LR NN D'P TT NU TT SEA TR Te INR r = : I EE TR CT OS + — 103 — L'Arlésien Pierre Quiqueran de Beaujeu, nommé, à dix-huit ans, évêque de Senez par le roi F rançois I, a composé, en l'honneur de la Provence, un panégyrique latin qu’il à intitulé De laudibus Provin- ciæ (1). Cet ouvrage, d’assez médiocre valeur, fut, un peu plus tard, traduit en français par un archi- diacre d’Arles (2). Quiqueran a résumé dans son livre tout ce que l’on savait à cette époque au sujet des métamor- phoses de la Cochenille que Linné a nommée Coccus Ilicis. Au lieu de reproduire, en son texte latin, le pas- sage extrait par Clusius, nous aimons mieux donner la naïve mais exacte traduction de l’archidiacre Claret : « Nous avons de deux races d’'Yeuse; l’un jette ses forces en tige et en branches, montant à la hau- teur d’un Arbre sans estre doûé d’autre singularité. L'autre n’est qu'un petit Arbuste ne passant plus outre que d'un pied et demy. Il se maintient tou- Jours vert, sans se faner. Ses feuilles crences et cochées en forme de scie, armées de petites pointes fort piquantes, sont tres luisantes.… Sur le mitan de la prime-vere ces arbres nains, arrousez de pluye, poussent le vermillon (3) en ceste sorte. Premiere- _ ment au bas de ceste plante, où le premier neud se separe en deux branches, comme font quasi tous (1) Petri Quiquerani Bellojocani Episcopi Senecensis, de Lau- dibus Provinciæ libri tres... — Parisiis, apud Lambertum Dodu, 1551.— Nous avons, dans Pierre Pena et Mathias de Lobel, donné sur Quiqueran de Beaujeu des détails auxquels nous renvoyons nos lecteurs. (2) La Provence louée par feu Messire P. de Quiqueran de Beaujeu gentilhome d’Arles Eveque de Senes divisée en trois livres traduitz du Latin par Mr F. de Claret Docteur es droitz, Archidiacre de la Se Eglise d’Arles.— A Lyon, pour Rob. Reynaud Libraire d'Arles, 1614. (3) Sur l’étymologie du mot Vermillon, v. ci-dessus Pierre Belon. — 104 — les arbrisseaux ne croissans en tige, ains multi- pliant par les rejets, là dis-je entre ces deux branches croît je ne sais quoi de rond, de la cou- leur et grosseur d’un pois. C’est ce qu’on appelle la Mere, parce que d'icelle naissent tous les autres grains. À l'entrée de l'Eté, voire mêmes au gros du chaud, ces Meres s’entrouvrent par en haut, et épan- dent des bandes de vermisseaux si drus et deliez qu’à peine les peut-on discerner avec la veüe. Cette nouvelle engeance sourd après en petites bestioles de couleur blanche, qui prenent la route pour s’en monter ez cimes de cet Arbuste; et l'endroit où elles rencontrent la ramure, là elles s’agrafent, et en leur accroissement deviennent à la grosseur d’un grain de millet. À même qu'elles croissent plus gayement, leur couleur blanche se change en gris cendré. Alors vous ne les prendriez plus pour des vers, ains de rechef pour des pois. » Et voici maintenant comment s'opère la cueillette : « Ces graines chargées de vermisseaux cramoisis, venues en parfaite maturité, sont cueillies en la saison. La gouffe, ou la peau, en serrant ce grain, est si deliée qu’en la transportant elle se froisse toute. Mais pour cela les Marchans ne la rejettent point. Le vermillon depoüillé vaut un écu d'or la livre. Celui qui est encore avec tout son marc, un quart d’écu. Cependant ces vermisseaux comme tous engourdis demeurent sans se remuer. Et le tems arrivé, on les amasse en un linge pour les exposer au soleil; de sorte qu'à mesure qu’ils en sont touchez, sentans la chaleur, vous les verriez grouiller dedans ce linge, cerchans à se derober à la fuitte. Celui qui se trouve là commis à les garder ne bouge de la place ; ains en secoüant le linge les fait rentrer si avant qu'il les void tous perir devant soi. Pendant qu’on s’attand à cela, voire trois jours après, un odeur s’exhale si douce qu’elle surpasse la senteur du Musc, de la Civette, de l’Ambre gris, ÿ VE Vin PPAUE Sr) — 105 — voire de la fleur même des Citrons, Si par megarde quelques grains eludent la veüe ou les mains de l’amasseur, ils epandent par l’air des bandes innu- merables de petis moucherons ailez. On a observé que le revenu du vermillon cueilly cette année au terroir d'Arles a eté evalué jusques à la somme de onze mil écus (1). » Après avoir cité ce passage, Charles de l’Escluse confirme le récit de Quiqueran en y ajoutant ses propres observations. Il fait d’abord cette remarque : l «lex coccigera», très répandu en Espagne, en Languedoc, en Pro- vence, et sans aucun doute en beaucoup d’autres pays, n'est point partout productif de kermès. On ne trouve le vermillon que dans les régions voisines de la Méditerranée et les mieux exposées à un soleil brûlant. | Comme il a lui-même assisté aux opérations de la récolte, il rapporte que dans les endroits où elle a lieu, les habitants ont des aires spéciales, entourées d’une petite margelle. On y étale un linceul de toile sur lequel on épand le Coccus. Malgré l’extrème ardeur du soleil, les gardiens ne s’éloignent pas un seul instant; il battent sans cesse avec une baguette les bords du linceul pour faire rétrograder vers le centre les vermisseaux prompts à s'évader. Et Clu- sius termine en disant qu’il n’a jamais senti, — bien qu'il ait l’odorat subtil et délicat, — l'odeur suave dont a parlé Quiqueran (2). (1) « La plus grande abondance et le meilleur du pays vient plantureusement de la Crau d’Arles », ajoutait Quique- ran (Traduction Claret). (2) Rar. plant. hist., p. 25 : « Similem Cocci parandi rationem in Gallià Narbonensi, atque in Hispanià, dum istic degerem, observare memini. Areas enim sub dio habebant ad eam rem destinatas, eminente aliquantulum margine, quibus lineo panno instratis coccum effundebant, custodibus summo fervore solis perpetuo assidentibus, et extrema lintei bacillo concutientibus, 27406" ASPHODELUS FISTULOSUS L. — L’Asphodèle fistu- leux, auquel Clusius appliquait le nom d’ « Asphode- lus minor », est, encore de nos jours, extrêmement commun dans toutes les parties incultes de la Crau d'Arles. C’est 1à même que l’illustre botaniste le récolta, 1l y a trois siècles et demi. « Je me rappelle, — dit-il dans le Rariorum plantarum historia, — l'avoir cueilli autrefois le long des sentiers, dans cette plaine pierreuse située au-dessus d’Arles, tandis que je me rendais à Marseille (1). » CLATHRUS CANCELLATUS L. — Dans sa lettre du 15 février 1605, dont nous avons plus haut donné un extrait, Peiresc annonçait à Clusius l'envoi « d’une merveilleuse espece de champignon » qu’il venait de trouver à Belgencier. Voici en quels termes il s’exprimait à ce sujet : « J’ay creu d’estre obligé de vous en mander, « pour avoir recogneu par vostre commentaire de « Fungis (2) qu'il vous a pleu m'envoyer, combien « vous aviez esté curieux de rechercher le naturel « de semblables choses, oultre que je m'y suis « aussy laissé porter par ma propre curiosité, n’en « ayant sceu voir jusqu'astheure aucune descrip- « tion en aucun lieu. Ils naissent sur terre en « forme d’un œuf de poulle blanc comme neige, et « venant à se meurir, l’œuf se cresve peu à peu, et de là dedans sort comme une bource (s’il est loisi- A ut vermiculos effugere properantes, in interiorem lintei partem repellerent : istam tamen summam odoris suavitatem non sensi licet satis acres et sagaces habeam nares. » (1) P. 197 : « ... Olim etiam campo illo lapidoso supra Are- latem, Massiliam proficiscens secus semitas colligere memini. » (2) Fungorum in Pannoniis observatorum brevis historia à Carolo Clusio conscripta. — Imprimée à la suite du Rariorum plantarum historia. £ 4 L — 107 — ble de parler ainsin) toute percée à jour (à la facon de l’ouvraige que les dames de France appellent rasoir) distinctione cancellatim reticu- latà, et semble que les cordons ou branches entre- lassées qui forment la figure de ceste bource soient aultant de branches de vray corail, tant pour la couleur qui est parfaitement rouge, que pour la grosseur qui est fort proportionnée à celle des rameaulx de corail. Au reste pour recevoir de la « terre la nourriture convenable, la nature leur a baïllé une racine fort deliée divisée en plusieurs petits filets de mesme blancheur que la peau de l'œuf, à laquelle 1ls sont attachez. Mais l’admi- rable beaullé de ceste creature insensible, qui ne sçaurait, s’il semble, estre plus belle en son espece par l'exterieur, est entierement r'avallée par l’odeur qu'elle rend si puante et fetide, qu'elle est presque insupportable,mesmes que par dedans la bource les rameaux rouges sont chargez d’une liqueur crasse et espoisse de couleur grize, qui est possible cause en partie d’une si grande puan- teur. Toutefois j'ay tousjours jugé qu'il y devoit avoir quelque bonne qualité en icelle et quelque vertu occulte bien signalée ; veu qu’à peine est elle achevée d’esclorre, qu’ell’est tout aussy tost mangée par une infinité de petis animaulx insec- tes, lesquels quittent (pour courir à celle-cy) toute aultre viande, mesmes plusieurs aultres sortes de champignons que nous estimons tres bons à manger. Si j'eusse eu un painctre sur le lieu, j'en eusse volontiers faict paindre quelques unes avec leurs vives couleurs, et leur vraye proportion, mais je tascheray de le faire faire à la premiere occasion. Cependant si vous faictes tremper dans l’eau quelqu’une de celles que je vous ay envoyé dans la boitte des graines (lesquelles en se des- seichant se sont diminuées de plus de la morltié, et mesmes se sont ternies beaucoup de leur pre- A AMEN: FE Ne en, 10e « miere couleur) vous la verrez r’enfler, et revenir « jusqu’à sa primitive grandeur, et reprendre quel- « que peu dadvantaige de couleur. J'en ay rencon- «tré quelquefois par les bois du susdict lieu de « Beaugentier, mais plus souvent entre des cannes « [roseaux] qu'on plante sur le bord d’une petite rivière (1) qui arrose la plus part de ce terroir (2). » RAR A Charles de l’Escluse créa pour ce champignon la dénomination de « Fungus coralloeides cancellatus ». Ayant, sur le conseil que lui donnait Peiresc, mis à macérer dans l’eau l’échantillon reçu, il put ensuite le faire dessiner et graver. Dans la descrip-. tion latine qu'il rédigea, il introduisit les détails que son correspondant lui avait communiqués. Cette description, accompagnée de la figure gravée, a pris place à la fin d’un supplément au second appendice de son Histoire des plantes rares (Aucta- rium appendicis alterius ad rariorum plantarum histo- riam), inséré dans le volume des Exotiques (3). (1) Le Gapeau, qui a sa source près de Signes et va se jeter directement dans la mer, au voisinage des Salins d'Hyères. (2) Nous rappelons que cette lettre, dont nous avons plus haut donné un extrait, est ici reproduite, non point d’après le texte fautif du recueil Tamizey de Larroque, mais d’après l’ori- ginal même conservé à Leyde. (3) Notre regretté confrère de la Société botanique de France, Ernest Roze, a traduit en français le Fungorum in Pannoniis observalorum brevis historia. Sa traduction, à laquelle il a donné pour titre : « Le petit traité des champignons comestibles et pernicieux de la Hongrie, décrits au xvie siècle par Charles de l’'Escluze, d'Arras », a paru dans le Bulletin de la Société myco- logique de France (t. XV). L'auteur y a joint la traduction du passage consacré par Clusius, dans l’Auctarium, au « Fungus coralloeides cancellatus ». — Précédemment, Ernest Roze avait publié, dans le Journal de Botanique (t. XII), sous le titre de Florule française de Charles de l’Escluse, une « liste des plantes observées en France par ce célèbre botaniste et signalées par lui dans son Rariorum plantarum historia. » # È 4 A — 109 — Charles de l’Escluse, en écrivant à Peiresc, avait annoncé qu'il lui ferait don d’un exemplaire sur grand papier de cet ouvrage (1). Peiresc, dans sa réponse du 25 août 1604, en exprima sa reconnais- sance : | « Je vous remercie par advance de tout mon « cœur, du livre qu'il vous plait me promettre de € VOZ PAODQUES en grand papier, lequel attendant, « je n’ay pas laissé d’en achepter icy un des com- « muns pour m'y entretenir, comme j'ay fait fort « souvent et avec beaucoup de contentement. » Et il ajoutait en post-scriptum : « J'oubliois de vous dire que le portraict que vous « avez fait faire de vostre Fungus coralloides « cancellatus represente fort bien le naturel. Je « suis bien aise qu'il vous aye agreé et vous remercie « de la mention de mon nom qu'il vous a pleu d'y « faire. Nostre petit village de Peiresc s'appelle (1) En conformité d'un désir que Peiresc avait formulé. Presque au début de ses relations avec Charles de l’'Escluse, il lui écri- vait : « Infiniment desireux de trouver des occasions de vous « rendre service et supportant impatiemment l'attente de voz « commandements pour vous donner sujet de m'en honorer « deshormais avec toute liberté, je suis contrainct de franchir « les bornes de mon devoir avant qu’avoir rien merité de pareil «en vostre endroict et vous prier de m'envoyer vostre por- « traict, et ensemble un exemplaire de vostre histoire des « plantes avec vostre nom au-dessus, et s’il est possible en plus « beau papier que les autres, car j'ai aprins de feu Mons’ Pinell « d’estre si curieux et delicat en matiere de livres et de tascher « tousjours de les avoir en plus grand papier que l'ordinaire. » — Il semble, du reste, que Clusius distribuait ses ouvrages avec beaucoup de générosité. Il avait envoyé à Pinelli quatre exem- plair es du Rariorum plantarum historia, qui arrivèrent à Padoue après le décès du destinataire. L'hér itier de Pinelli disposa d’un de ces exemplaires en faveur de Ferrante Imperato, pharmacien napolitain et botaniste renommé. — 110 — « dans les vieux cadastres latins Castrum de « Petrisco (1). » Au sujet des envois de plantes que Peiresc fit à Charles de l’'Escluse, nous possédons un document intéressant. C’est un « inventaire » des divers objets dont la lettre du 15 février 1605 annonçait le départ. Nous ailons y trouver mentionnés quelques-uns des desiderata de Clusius (2). (1) Dans l’Auclarium, Charles de l'Escluse, tout en donnant à Peiresc son nouveau titre de seigneur ou sieur de Peiresc « Peirets toparcha », continuait à l'appeler N. de Callas, ne tenant compte qu'à demi du changement de nom que Peirese lui avait signalé par le post-scriptum de la lettre du 25 février 1604. Cette mention élogieuse de Peiresc, à propos du champignon trouvé par celui-ci à Belgencier, Clusius la lui avait promise dans une lettre dont Gassendi eut connaissance, et qu’il a ainsi résumée dans sa Vila Peireskii, sous le millésime 1605 « Prætereo ipsi [Peiresc] deberi Fungum coralloidem dictum, de quo cüm Clusius rescriberet, menlionem, inquit, faciam in auctario ad Exolicorum hisloriam quam spero brevi publici juris facere, Fungi cognilionem tibi acceplam relaturus. » (2) Tamizey de Larroque a reproduit ce document dans le tome VII des Lettres de Peiresc, d'après une copie conservée à la Bibliothèque Méjanes (registre III, folio 287). Nous le donnons ici d’après l'original même existant à Leyde. — Anté- rieurement à la publication faite par Tamizey de Larroque, M. Charles Joret, aujourd’hui membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, alors professeur à la Faculté des Lettres d'Aix, avait inséré ce même Inventaire dans la Revue des langues romanes (t. VII de la 4° série), d’après l’exemplaire de la Méjanes. Il a fait suivre la liste dressée par Peiresc d’un tableau sur lequel il a inscrit : 1° les noms botaniques modernes ; 20 les noms français ; 3° les noms provençaux actuels. Au sujet des noms modernes de certaines espèces, nous sommes en désaccord avec le savant professeur. Nous indiquerons en note quelles sont celles pour lesquelles nous n'avons pas accepté ses déterminations. En ce qui touche les noms pro- vencaux, nous prendrons la liberté d’adresser à M. Charles Joret un petit reproche : pourquoi a-t-il adopté une ortho- es SPL: | — 111 — Cet inventaire est, en effet, divisé en deux par- ties (1). | La première contient l’énumération de certaines plantes (phanérogames) que le botaniste de Leyde avait expressément demandées. Les noms de ces plantes sont inscrits sur deux colonnes parallèles. La colonne de gauche est formée des noms latins que conférait à chaque espèce la nomenclature du temps (2), accompagnés, suivant le cas, de quelques indications en français. Sur la colonne de droite, Peiresc a inscrit, en regard des noms latins, les dénominations provençales parvenues à sa connais- sance. La seconde partie de l'inventaire donne la liste des plantes que Peiresc envoyait d'office à Clusius, sans que celui-ci les eût demandées. Elle est disposée de la même facon que la première (noms latins sur une colonne, noms provençaux vis-à-vis, sur l’autre). À la suite du texte original fidèlement reproduit, nous dresserons une liste comparative, destinée à fixer, avec autant d’exactitude qu’il sera possible, l'identité des espèces désignées par Peiresc. graphe fantaisiste qu'il n’était plus permis d'employer, nous semble-t-il, après l'œuvre considérable d'épuration accomplie par Frédéric Mistral, et fixée dans le Trésor du Félibrige dont un prix de dix mille francs accordé par l’Académie des Ins- criptions a consacré le mérite et l’autorité ? — Il y a beaucoup de fautes dans le texte de l’Inventaire imprimé par Tamizey de Larroque. Ignorant sans doute la langue provençale, il n’a pas su lire, notamment, quelques-uns des noms provençaux ins- crits par Peiresc sur ces listes. (1) Nous devrions, pour être exact, dire érois. Ainsi qu'on va le voir, deux listes de graines sont suivies d’une troisième qui mentionne, outre un échantillon de gomme d’Oranger et trois Champignons, les noms des divers fossiles que par la même occasion Peiresc expédiait à Clusius. (2) Les noms latins portés sur cette première liste de graines sont évidemment ceux mêmes que Charles de l'Escluse avait employés pour faire connaître les espèces dont il désirait rece- voir les semences. — 112 — INVENTAIRE DE CE QUI EST CONTENU EN LA BOITTE QUE DE PEIRETS ENVOYE A M' DE L'ESCLUSE PAR LA FOIRE DE FRANCFORT SEMENCES DE PLUSIEURS PLANTES DE PROVENCE de celles que ledict s' de l'Escluse avoit demandé 1. Arbutus (1) vulgù (2) d’Arboussier 2. Centonica Absynte marin Graine barboutine 3. Ilex major Eoüve 4. Ilex coccigera Avaux o. Lentiscus Lentiscle 6. Narcissus medioluteus Judioüves (les bulbes seulemt) 7. Olea Olivier (1) Les chiffres qui précèdent chaque nom de plante, sur la colonne de gauche, ne figurent pas à l'original. Nous avons numéroté tous ces noms afin d'établir une concordance entre l’Inventaire et le tableau comparatif qui suivra, dans lequel, d'une part, nous substituerons aux noms latins inscrits par Peiresc les dénominations actuelles, et d'autre part, nous rectifierons, d’après les règles de l'orthographe régnante, les appellations provençales placées en regard. (2) Le texte donné par Tamizey de Larroque d’après la copie de la Bibliothèque Méjanes porte, au lieu de vulgô, ces mots : « vulgairement en provençal ». — 113 — 8. Oleaster | Olivastre 4 9. Philirea tenuifolia d’Alader 4 10. Pinus sylvestris Pin sauvaige 11. Rhamnus. Aigue Sponche h 12. Rhus coriariorum, Sumac Foüvil | 13. Smilax aspera 4 0 Tartonraire 15. Terebinthus Petelin 16. Tithymalus ° < e su SA 17. Thymelea Bouffe-Galine _ de celles que de Peirets a rencontré par les champs . en allant à la chasse, tantost sur le rivaige de la mer, tantost par les bois et nommement par le terroir de Beaugentier. 18. Acer montanum que les - paysans appellent Agast 4 19. Cineraria . 20. Creta marina Bassilles Do. A ent vulgo Dagon * 22, Epithin 1 23. Hyppoglossum Valenti- 5% num de vostre livre D 24. Iva moscata Herbe de musquet RL de +: |. — 114 — 25. Ligustrum À Olivier sauvaige 26. Myrtus Nerte (de la blanche) 27. Paliurus seu Rhamnus Arnavez 28. Seseli Massiliensis Fenouil tort DR A EEE UE MEN GED Roussette 30. Stecas, cueilly au terroir d’Yêères, vulgù Mourrenieu 31. Styrax de Mr Pena Alibouffier dont les graines s’appellent Guilloffes 32. Tetragonia Bonnet de capellan 33. Tracheleon majus Herbe de nostre dame 34. Trifolium hemorroidalis 35. Viburnum mas l’'Arbre blanc Voici maintenant quelles sont, à notre avis, avec l’ap- pellation que la nomenclature moderne leur a conférée, les Phanérogames dont Peiresec envoyait les graines à Clusius, et comment doivent être présentement orthogra- phiés les noms provençaux que le collecteur de ces graines avait eu soin d'inscrire sur sa liste : 1. Arbutus Unedo L. Arboussié (1) (1) Le texte de Peiresc porte « d'Arboussier ». Encore aujourd’hui les Provençaux appellent indifféremment cet arbre Arboussié ou Dar- boussié. La première forme s’accorde mieux avec le latin Arbutus, d'où elle dérive. Dans la seconde, le D initial ne serait-il pas dû à l’'adjonction de l’article? A quelqu'un qui lui demandera le nom provençal de l'Arbousier, le paysan interrogé répondra de préfé- rence : «Es d’arboussié », au lieu de: « Es un arboussié ». C’est ainsi que l’article élidé a pu se confondre et faire corps avec le nom. Il semble que tel était l'avis de Peiresc, qui séparait par une apostrophe le D qu'il écrivait au-devant du mot Arboussier. Éd de aies on di dns 40 Te ta JS PEN RE TRE NS LV Ne TOR) ST PTE DU RS CT PUS UC PUS Vue PT, D c ‘ n'E st Re IT EU 7. CT NT els En D — 115 — 2. Santolina Chamæcypa- rissus L. ? Grano-barboutino (1) 3. Quercus Ilex L. Éuve (2) 4. Quercus coccifera L. Avaus 54 Pistacia Lentiscus Pi: Lentiscle 6. Narcissus Tazetta L. Judiéuvo (3) : Oulivié Olea europæa L. Oulivastre 9. Phillyrea angustifolia L. Aladèr (4) (1) L'Inventaire donne, comme nom latin, le mot Centonica. Cette appellation n’a jamais existé dans la nomenclature du xvie siècle. Si c’est Charles de l’Escluse qui l’a insérée lui-même sur sa liste de _ desiderata, il l'aura fait parce que Peiresc lui avait parlé le premier de cette plante dans sa lettre du 25 février 1604 : « Je vous envoyerai... « la racine d’une aultre plante qui est assez familiere en cez quartiers, « que l’apoticaire appelle Centonica; je ne sçay s’il se trompe.» Peut- être l’apothicaire ignorant dénaturait-il ainsi le «Centonia » de Conrad Gesner ou le « Santonicum minus » de Valerius Cordus. En ce cas, la plante serait bien, comme nous le croyons, le Santolina Chamæcypa- rissus de Linné. Il est vrai qu'à côté du mot Centonica le texte porte : « Absynte marin ». Le nom d’Absinthe s’appliquerait alors à l’un de nos Artemisia : ce ne pourrait être que l’A. glutinosa Gay ou l’A. gal- lica Willd. Le nom provençal mis en regard, Grano-barboutino (en français barbotine, semencine, semen-contra) s'applique à une poudre vermifuge dans la composition de laquelle les apothicaires faisaient entrer les capitules de diverses Armoises. (2) Le vrai nom provençal du Chêne-vert est Éuse. Mais en certaines parties de la Provence, et notamment dans la région que fréquentait Peiresc, la prononciation transforme souvent S en V; et c’est ainsi _ qu'Éuse devient Éuve. (3) Ici M. Charles Joret inscrit sur sa liste Narcissus poeticus L. “Nous croyons que c’est une erreur. Les floristes du xvre siècle don- naient le nom de « Narcissus medioluteus » au N. Tazetta L. Ils appe- laient « N. mediopurpureus » ou « N. mediocroceus » le Narcisse des poëtes. Le vocable provençal judiéuvo (littéralement juive) s'applique encore au Narcisse à bouquets (F. Mistral, Le Trésor du Félibrige). - (4) Ou Daladèr, Même observation que pour Darboussié. — 116 — 10. Pinus sylvestris L. ? Pin sôuvägi (1) 11. Rhamanus Alaternus L. Aigo-espouncho (2). 12. Rhus Coriaria L. Fäuvi 13. Smilax aspera L. si ue + ee 14. Passerina Tarton-raira DC. Tarton-rairo (3) 15. Pistacia Terebinthus L. Petelin | 16: Éuphor bit RU 0 NE 17. Daphne Gnidium L. Boufo-galino (5) (1) Les anciens botanistes employaient l’adjectif sylvestris par oppo- sition à celui de sativa qu'ils appliquaient au Pinus Pinea L. Il est impossible de savoir exactement si Peiresc avait envoyé à Clusius des graines de Pin d'Alep ou de notre Pinus sylvestris. Observation déjà faite, avec raison, par M. Charles Joret. (2) L'expression provençale Aigo-espouncho désigne le Nerprun, (F. Mistral, op. cit.), et non point, comme l’a cru M. Charles Joret, l'Hippophae rhamnoides L. qui se nomme en provencal Argousié ou Rebaudin. (3) Le lecteur curieux de connaître l’origine de ce singulier nom provençal en trouvera l'explication dans notre étude sur Pierre Pena et Mathias de. Lobel. (4) L’accolade qui figure, à cette fu sur l'original de l'Inven- taire, indique que Peiresc fit parvenir à Clusius des graines de trois espèces d'Euphorbe. M. Charles Joret a supposé que dans le nombre se trouvait l'Euphorbia Characias L. C’est bien possible. Mais nous ne pouvons pas le savoir avec certitude, le nombre des Eu- phorbes que possède la flore provençale étant de beaucoup supérieur à trois. (5) M. Charles Joret a traduit par Passerina annua Spreng. le « Thy- melæa » du texte. C’est inadmissible. Les floristes du xvre siècle furent unanimes à nommer ainsi l'espèce qui est devenue, de par Linné, Daphne Gnidium, tandis que notre Passerine annuelle fut appelée « Passerina » par Tragus, Camerarius, les Adversaria, Jean Bauhin, et « Lithospermum » par d’autres botanographes, notamment par Gas- pard Bauhin : aucun d’eux n'eut l'idée d’en faire une Thymelæa. L'expression provençale Boufo-galino (littéralement qui fait enfler les poules), allusion aux propriétés toxiques du Garou, est sans doute tombée en désuétude, puisque nous ne la trouvons pas dans le-Trésor de F. Mistral. | | | — 117 — 18. Acer monspessulanum L. Agast (1) 19. Senecio Cineraria D C. | 20. Crithmum maritimumL. Bacilo 1 ? 21. Aphyllanthes monspe- | a liensis L. Dragoun (2) 22. Cuscuta Epithymum L. . 23. Globularia Alypum L. bn LE à D o4. Ajuga Iva Schreb. Erbo dôu musquet 25. Ligustrum vulgare L. Oulivié-fér _ 26. Myrtus communis L. Nerto (4) 27. Paliurus australis Rœm. et Sch. Arnaves (5) 28. Seseli tortuosum L. Fenoui-tort (1) Agast est le nom provençal de l'Érable de Montpellier (F. Mis- tral, op. cit.) et non point de l’Acer campestre, ainsi que l'a traduit M. Charles Joret. D'ailleurs l’Inventaire porte « Acer montanum ». … Aucun des floristes du xvr: siècle, à notre connaissance, n'a nommé > ainsi l'A. campestre. - (2) L'Aphyllanthe de Montpellier porte aussi en provençal les noms _ de Barjavoun, Bragoun, Bregaloun. (3) C'est bien le Globularia Alypum que Charles de l'Escluse a décrit et figuré dans le Rariorum plantarum historia (p. 90) sous le nom de « Hippoglossum Valentinum », ainsi que l'indique l’Inventaire de Peiresc. Clusius explique pourquoi il repoussait le nom d’Alypum que - certains floristes avaient adopté : « Alii Alypum nominare malunt : » sed cüm plané arida sit et succi expers, non video qua ratione suam sententiam stabilire possint. » _ (4) Ici l’Inventaire ajoute entre parenthèses : « de la blanche ». Pei- ._ resc désigne ainsi une variété de Myrte dont les baies restent blan- - ches, variété qui se retrouve encore dans quelques localités de la | Provence maritime. - (5) Ou Arnavwèu, forme peut-être plus usitée. — 118 — La RE A ARE REeNTS | 2 Rousseto (1) 30. Lavandula Stœchas L. Mourreniéu (2) 31. Styrax officinale L. Aliboufié dont les graines s'appellent Gaiofo (3) 32. Evonymus europæus L. Bounet-de-capelan 50: CAMDAMNIA UE CRNT Erbo-de-Nosto-Damo (4) 2 FAURE LR Fee : 10/4 Ce LT 39. Viburnum Lantana L. Aubre-blanc (6) (1) Le Trésor du Félibrige ne mentionne aucune plante ainsi nom- mée en provençal. Comme Peiresc ne donne pas d’autre indication, il nous est impossible de savoir quelle était la graine qu'il envoyait sous ce nom. + (2) Ce nom à physionomie si provençale est probablement aban- donné. Il ne figure pas dans le Trésor. Le nom, le plus usité actuel- lement, de cette Lavande est Queirelet. (3) « Je n’ai pu trouver nulle part, écrit M. Charles Joret, quelle plante ou quel fruit Peiresc a pu désigner par les noms de Roussette et de Guilloffes. » Frédéric Mistral, que nous avons consulté, nous a répondu : « J’estime que Peiresc a mal entendu prononcer le mot « qu’il écrit Guilloffes. Ce mot ne peut être que le provençal classique « Gaiofo, que Brueys, contemporain et compatriote de Peirese, écrit « Galhofo et qui signifie « cosse de légumes, balle de maïs, etc. » « C’est un nom générique au fruit de diverses plantes et qui a pour « similaires caiofo, calofo, cofo. » Quant à Rousseto, l’auteur du Trésor suggère l’idée que Peiresc a peut-être employé ce mot en place d’Erbo-rousso, nom provençal du Pterotheca nemausensis Cass. Mais cette assimilation demeure forcément hypothétique. . (4) Test difficile desavoir au juste quelle était l’espèce de Campanule que Peiresc appelait « Tracheleon majus ». Clusius, en son Histoire des plantes rares, donnait le nom de « Trachelium majus » au Cam- panula latifolia L., qui n'appartient pas à la flore de la Provence. Mais l’épithète de majus, employée par Peiresc, ne pouvait être appli- quée qu'aux C. Medium L.,C. Trachelium L. ou C. persicifolia L. Le nom provençal Erbo-de-Nosto-Damo ne nous est ici d'aucun secours. Un assez grand nombre de plantes ont été ainsi nommées, « parce que, dit F. Mistral, on les a remarquées dans des lieux consacrés à Notre-Dame, ou parce qu’elles fleurissent à une fête de Notre-Dame. » (5) Pas plus que M. Charles Joret, nous ne sommes parvenu à découvrir ce que le bon Peiresc entendait (avec un solécisme !) par Trifolium hemorroidalis. (6) Appellation appliquée aussi à diverses espèces. NP NS ORNE NU, VEN 7 à nuls nt oies he éco dot dm dé ces: « à v Eh — 119 — La boîte expédiée par Peiresc à Charles de l’'Es- cluse au mois de février 1605 ne contenait pas seu- lement les graines de Phanérogames dont la liste précède. D’autres objets y avaient été joints, qu’il est intéressant de faire connaître. C’étaient d’abord : Gummi seu lacrymæ, ex Aureû malo fluentes, mense Octobri 1604 collectæ. Au sujet de ces gommes ou larmes, la lettre du 15 février 1605 donnait l'explication qui suit.Après avoir demandé à Clusius, à propos du Styrax, de lui « en- « seigner le moyen d'en tirer la goumme, car cez « arbres n'en produisent poinct sans artifice », Peiresce ajoutait : « Trop bien les Orangers, mais particulierement « ceux que l'Espaignol nomme Naraenias de figuras « que nous appellons Oranges bigarrez, sur lesquels « Jay souvent recüeilly de la goumme qui en dis- « tille sans aucun artifice, et vous en envoye un peu, « avec pasche (1) que si vous y descouvrez quelque _« belle proprieté, ou quelque qualité extraordinaire, « vous m'en cCommuniquerez s'il vous plaict quel- « que chose. » L’Inventaire mentionne ensuite trois espèces de Champignons dont un certain nombre d’échantil- lons avaient pris place dans la boîte : (1) Ce mot, qui a fort embarrassé Tamizey de Larroque (il l’a, dans une note, déclaré incompréhensible), est une expres- sion provençale signifiant pacte, convention, accord. Le sens de la phrase est celui-ci : « Il demeure convenu entre nous que si vous y découvrez... » — 120 — Fungorum reticulata species coralli effigie Alia Fungorum perniciosorum species gummosa, viscosum succum emil- } Belgenseri- tens Ex agro ensi Alia Fungorum arboreorum species, colore aureo Le premier de ces Champignons était le Clathrus cancellatus, au sujet duquel nous avons donné plus haut de longs détails. Relativement aux deux autres, voici ce qu’en di- sait Charles de l’Escluse, à la fin du chapitre consa- cré, dans l’Auctarium, au « Fungus coralloeides cancellatus » (1) : « Ce genre de Champignon {Clathrus cancellatus] doit prendre place parmi les Champignons perni- cieux (2); personne, je crois, ne sera d’un autre avis. Il en est de même de deux autres genres de Champi- gnons que N. de Callas avait ajoutés à son envoi. L'un était encore fixé à un fragment d’écorce de l’ar- bre ou du rameau de cet arbre qui gisait sur le sol, et sur lequel il avait pris naissance ; il était de cou- leur d’or et non très dissemblable du quatrième genre des Pernicieux (3) que j'ai décrit et fait con- naître et qui comprend des espèces variées, différant entre elles par la grandeur et la couleur. L'autre Champignon m'a paru avoir une grande ressem- (1) Nous citons la traduction d'Ernest Roze. (2) Charles de l’Escluse avait divisé ses Champignons de Hongrie en deux sections : les Comestibles (Fungi esculenti) et les Pernicieux (Fungi noxii et perniciosi). (3) Polyporus versicolor, d’après Fries (Note d’Ernest Roze). — 121 — blance avec la première espèce du vingtième genre des Pernicieux (1), car il s’en rapprochait par sa forme et sa grandeur ; mais lorsque N. de Callas _lexaminait, il avait remarqué qu'une certaine li- queur en imprégnait l'extrémité des bords et le pédicule, et cette liqueur, sur l'échantillon desséché, conservait encore sa couleur brune et son aspect luisant. » Enfin, passant du domaine de la botanique dans celui de la minéralogie, ou plutôt de la géologie, l’Inventaire annonçait, en dernier lieu, à Charles de l’'Escluse, l'envoi de divers échantillons que Peirese considérait comme des pierres, lapides varii, mais qui étaient, en réalité, des fossiles, (coquilles et polypiers). LAPIDES VARII Astriles, ejusque in formam plantæ nascenlis ramuli : Ex agro Lepadites, Lepas Alapede à CONCHITÆ concha univalvis Castelletio GENERA Conchites vera striata TRIA Ctenites Gesneri, striatus, Ex agro Antipolitano Voici les éclaircissements que fournissait à ce sujet la lettre du 15 février 1605 : « L'occasion de ceste boïitte m'a faict y adjous- « ter oultre voz semences, quelques petites pieces (1) Boletus pachypus, d’après Fries. Peut-être s’agissait-il ici du Boletus luteus ? (Id.). — 122 — « de nostre pierre Astrites, qui se treuve dans terre « en forme pareille à celle des rameaux de corail, _« vray est que les rameaux de corail sont rouges, là « où ceux cy sont de couleur grisastre et sont tous « parsemez d'’estoilles. On en treuve à deux lieües « de Beaugentier, au terroir d’un petit villaige « nommé le Castellet (1), où j'en ay veu un grand « rameau tout entier, qui sembloit estre de corail « blanc (2); et c’est aussy de là que j'ay eu une « espece de Conchites qui ressemble à la vraye « Concha striata (3) et une aultre sorte de pierre « qui est peult estre Trochites Jo. Kentmanni et « Gesneri (4), laquelle ressemble entierement à « une sorte de coquille de celles qui s’attachent « contre les rochers que les Marseillois appellent « des Alapedes (5), et pour ce je l’appellerois (s’il « m'estoit loisible) Lepadites, plus tost que Tro- « chites. L'autre espèce de Conchites, je lay (1) Le Castellet est actuellement une commune qui dépend du canton du Bausset et de l’arrondissement de Toulon (Var). On y trouve une grande quantité de fossiles. (2) Il s’agit ici d'un Polypier appartenant très probablement aux couches à Hippurites du Crétacé inférieur. Telle est l’opi- nion de l’'éminent professeur de géologie de la Faculté des Sciences de Marseille, M. Vasseur, que nous avons consulté à ce sujet. (3) Le nom de Concha striata avait été employé par Guillaume Rondelet, dans son livre De piscibus marinis, pour être appliqué à un Pecten ; et c’est sans doute un Pecten fossile que Peiresc avait trouvé au Castellet. (4) L'illustre Conrad Gesner, génie universel, publia en 1565 à Zurich un volume intitulé : De omni rerum fossilium genere, gemmis, lapidibus, metallis et hujusmodi libri aliquot. I] y inséra une œuvre personnelle (De rerum fossilium, lapidum etgemmarum mazximè figuris el similitudinibus liber) qu'il fit précéder de quelques opuscules relatifs au même sujet, et provenant de divers auteurs, parmi lesquels Jean Kentman, médecin à Dresde. (5) Les Marseillais donnent encore le nom d’Alapedo ou Arapedo aux Patelles ou Lépas, genre de mollusques qui s’atta- chent aux rochers. Nous supposons que le fossile pour lequel Peiresc crée ici le nom de Lepadites était en réalité un Cyclolite. « recouvrée d’Antibou (1) où lon les treuve en « coupant le roc et c’est peult estre Ctenites de « Gesnerus (2). Si cecy vous est agreable, je tas- « cheray de vous mander quelqu’ aultre curiosité ». Nous avons raconté plus haut que les relations épistolaires de Peirese avec Charles de l'Escluse se prolongèrent, toujours fréquentes, jusqu’à la mort de l’éminent botaniste (3). Quand la dernière lettre du magistrat provençal et ses dernières expéditions arrivèrent à Leyde, Clusius venait de rendre le der- nier soupir. Outre la figure du Tragacantha dont nous avons parlé, l’ultième envoi parti d'Aix con- tenait des échantillons de deux fruits exotiques, que Raphelenge, l'éditeur des Curæ posteriores, fit graver pour ce recueil (4). (1) Aujourd'hui Antibes, chef-lieu de canton de larrondis- sement de Nice. (2) Bien que Conrad Gesner, dans l’ouvrage précité, ait donré, sous le nom « Cfenitæ species », la figure d’une coquille trouvée à Hildesheim, et que lui avait communiquée Jean Kentman, il ne nous est pas possible d'indiquer, même de façon approxi- mative, quel était le fossile rapporté d'Antibes par Peiresc. (3) Peiresc avait un frère, plus jeune que lui, Palamède Fabri, sieur de Valavez, avec lequel il entretint toujours des relations d’étroite amitié. En 1608, Palamède se disposant à entreprendre un long voyage qui, de Paris, devait ensuite le conduire en Hollande, Peiresc lui donna ses instructions dans une note détaillée que Tamizey de Larroque a publiée (t. VI, Mémoire à mon frère de Vallavez). Voici ce qu’il prescrivait, sous l'intitulé LEIDEN : « M. Clusius, à qui vous pourrez baiïller la boyte que je « luy adresse avec l’espy des Indes qui y est enclos, dont je luy « ay cy devant envoyé le dessin. Que s’il offre de la vous randre « aprez en avoir prins ses memoires, vous la pourrez retirer. « Sinon ne la luy reclamez pas. » La même note nous apprend que Peiresc recevait par l’entremise du libraire Raphelenge « tout ce que M. Clusius m'a envoyé en diverses fois. » (4) Curæ posteriores, p. 84 (Fructus squammosi alia deli- neatio) et p. 85 (Nuculæ Indicæ secundæ accuratior delineatio;. — 124 — Peiresc avait joint à ce même envoi la copie d’une lettre écrite par un médecin d’Aix, le docteur Jac- ques Fontaine (1), au général Blaise Capisula, gou- verneur pour le pape dela cité d'Avignon et du Comtat Venaissin. Voici quel était l’objet de cette lettre : Il existait dans le jardin d’un bourgeois d'Avignon, nommé Doins, un pied d’« Aloes » (Agave ameri- cana L.), planté là depuis une centaine d'années, à ce que l’on croyait. Au mois de mai 1599, une hampe surgit tout-à-coup, qui, dans l’espace de quarante- cinq Jours, atteignit la hauteur de trente-deux pal- mes. Ce phénomène végétal, nouveau pour les Avi- gnonais, excita chez eux autant de surprise que de curiosité. Des gens de toute condition accoururent, même des villes voisines, parmi lesquels certains voyageurs, qui, se flattant d’avoir parcouru l’univers entier, déclaraient qu’en aucun lieu du monde ils n'avaient rien vu de pareil (2). | Le docteur Fontaine ne fut pas le moins étonné. Il médita sur cette extraordinaire croissance, qu'il regardait comme un prodige et qui lui parut une manifestation céleste provoquée par la piété des (1) Jacques Fontaine, né à Saint-Maximin (Var), en 1551, fut régent à la Faculté de Médecine de l’Université d’Aix. Il publia divers ouvrages, parmi lesquels nous citerons un Traité de la Thériaque (Avignon, 1601) et le Discours des marques des sor- ciers (Paris, 1611). La remarquable monographie due à M. F. Belin, recteur de l’Académie d'Aix, Histoire de l’ancienne Uni- versilé de Provence (Paris, 1896), contient des détails intéressants sur le docteur Fontaine. (2) « Accurebant cives undiquaque, nec non è proximis urbi- bus homines promiscuè omnis conditionis; inter quos multi aderant viri præstantissimi, qui plurimas orbis regiones suis peregrinationibus perlustraverant; qui ingenuë profitebantur se Aloës propè infinitas in variis mundi partibus conspexisse, nun- quam tamen caulem parem. » (Lettre de Fontaine à Capisula): — 125 — habitants d'Avignon (1). C’est pourquoi il voulut faire part de ses réflexions au gouverneur pontifical. Comme :1l était le médecin de Peirese, il eut l’oc- casion de parler de sa lettre à l’érudit Conseiller. Celui-ci jugea qu’elle méritait d’être transmise à Clusius. Elle n’arriva pas à Leyde assez tôt. Mais Raphe- lenge en prit connaissance, la trouva intéressante et l’inséra dans l’ouvrage posthume (2). Le caractère épisodique et tout spécial de ce tra- vail n’exige pas que nous lui donnions pour conclu- sion un jugement d'ensemble sur la haute person- nalité et la longue carrière de Charles de l’Escluse. Il y eut pourtant chez Clusius une vertu que nous tenons à mettre particulièrement en relief : ce fut sa probité scientifique. (1) « Forsan caulis hic, omnium sententià, incrementi celeri- tate prodigiosus, significat miram hujus nobilissimæ Civitatis pietatem et divini cultûs miram observantiam. » (Id.). (2) Curæ posteriores, p. 119 : Aloe quædam quœæ Avenione cre- vit. — Le botaniste anglais Jean Ray, auteur d’une Histoire des plantes et qui vint herboriser en Provence, se montra sceptique au sujet de ce phénomène de rapide croissance.« Credat Judœus Apella ! » disait-il. Cette incrédulité mit fort en colère l’hon- nête Garidel : « Sic’est une foiblesse de croire trop facilement, c’est aussi un entêtement de ne vouloir point croire ce que nous n'avons pas eu occasion de voir, quoique la chose nous paraisse extraordinaire; c’est à la vérité donner un démenti à bien de gens, et traiter un peu trop cavaliérement d’imposteurs tant d'honnêtes gens qui ont été témoins oculaires, et qui ne parlent pas sur un oui-dire. Jacques Fontaine étoit trop honnête pour vouloir en imposer, lorsqu'il écrivoit à un Gouverneur, et à toute une ville d'Avignon, à qui cette merveille étoit connuë. M. Raï aura un autre sentiment de Fontaine, quand il saura qu'il étoit honoré de l'estime et de la confiance de cet illustre et sçavant personnage M. Claude Fabri, sieur de Peyrese, comme on peut le voir dans Gassendy, in Vita Peireskii. » — 126 — La précision et la sincérité ne cessèrent jamais d’être son idéal. Il dut à ces qualités la considéra- tion dont l’entourèrent ses contemporains, et la renommée que la postérité a consacrée. « Il s'était fait une loi, a dit un de ses biographes, de ne se fier à personne et de n'en croire que ses yeux. Aussi l'exactitude la plus scrupuleuse règne dans ses des- criptions et dans ses figures (1). Et nous ne saurions mieux finir cette étude qu’en montrant, par une déclaration extraite du principal de ses ouvrages, combien scrupuleuse, en effet, était la conscience du grand botaniste. Il reprochaiïit à Mathias de Lobel, auquel d’ailleurs il témoignait une amicale estime (2), d’avoir, sans motifs suffisants, appliqué à certaine plante un nom nouveau. Et il exposait avec quelles précautions lui-même procédait en pareil cas. «A mon avis, dit-il, Lobelius ne devait point changer le nom d’une plante qu'il n'avait jamais vue. Pour ma part, je me tiens en garde contre une précipitation déréglée ; et avant de les avoir soi- gneusement observés, je m’abstiens de modifier le nom de végétaux jusque-là inconnus pour moi. Ce n'est qu'après une étude approfondie de leurs divers caractères et de toutes les circonstances qu'il importe de considérer, que je me décide à donner à l’un d'eux le nom qui me paraît lui convenir, ainsi que l’auront aisément remarqué tous ceux que mes écrits intéressent et qui les lisent avec une attention sou- tenue. J'aimerais mieux en réalité, — comme je l'ai fait quelquefois dans ces Commentaires, — laisser des plantes sans dénomination spéciale, quand le (1) Nouvelle Biographie générale, article LÉCLUSE. (2) Dans son Histoire des plantes rares, Charles de l Escluse cite quelquefois le nom de Mathias de Lobel, qu’il appelle presque toujours « Lobelius noster » et encore « doctissimus Lobelius ». — 127 — nom qu’on leur donne communément ne me satisfait _ pas, plutôt que de leur attribuer témérairement un nom quelconque ne répondant pas assez bien à la nature de l’objet (4). » La tendance qui pousse certains auteurs à chan- ger arbitrairement le nom des genres ou des espèces est, on le voit, un mal ancien. Et combien, parmi les modernes, auraient bien fait de s’en tenir aux sages conseils donnés, il y a trois siècles, par Char- les de l’'Escluse ! (1) Rar. plant. hist., p. Cxxx. RE te Clé 'E sh. ne Éd sous uit intattà ment dt ie PANNE Fr A? | APPENDICE a ——_—_— LETTRES (INÉDITES) de N.-C. FABRI DE PEIRESC d CHARLES DE L'ESCLUSE Monsieur, quattre ou cinq jours avant mon despart de Provence je receus la vostre du 12 May, et fus bien aise d’entendre que la derniere boette que je vous avois envoyé estoit arrivée à bon port et qu’elle vous avoit esté agreable. J’es- crivis incontinent à Frejus, à Thollon, à Mom- pelier, en Avignon et encor ailleurs, et priay tres instemment des amys que j'y ay partout de me recueillir toutes les semences que vous desirez. Je fus en mesme temps à Marseille et y laissay 9 + 1000 la mesme charge à quelqu’aultre ; tellement que j'espere qu'entre touts on aura tout ce que vous desirez : mais à grand peine se pourra il rien envoyer vers vous avant la foire de Pasques, avant lequel temps j'espere estre de retour en Provence. Et quand cela ne seroit, mon frere recevra le tout de toutes pars, et me l’adressera en ceste ville afin que je le vous puisse faire tenir par les marchands qui iront à la foire. Estant à Marseille je me laissay porter à ma curiosité : jusqu’au lieu où se treuve quantité de Traga- cantha où en ayant diligemment esplusché beau- coup de plantes enfin j'en recueillis la semence que je vous envoye maintenant. Je vous en envoyeray dadvantaige lorsque je seray de retour en Provence. On m'a promis à Aix de me faire avoir des bulbes du Narcissus totus albus qui croist es montaignes voisines. Mais il fauldra attendre l’année prochaine afin que voyant la fleur on en puisse marquer les plantes pour les arracher au mois d’Aoust, aultrement on ne les sçauroit distinguer des aultres qui sont presque semblables. Passant par Lyon, je voulus sçavoir de Mr Vincent marchand libraire, qu’estoit devenüe la premiere boëtte que je vous envoyay il y a un an et demy, pour laquelle il m’a faict payer deux escus de port de Lyon à Francfort, et toutefois vous ne me marquez poinct de l'avoir receüe. Il me respondit qu'elle avoit esté seure- ment consignée entre les mains de messieurs les Raphelenges à Francfort, et qu'il m'en fairoit voir le memoire du chargement. Je suis bien esbahi que ne l’ayez receüe, et en suis marry Ë | | | X — 131 — pour le dessein du puys artificiel de Mompelier et pour tout plein d’aultres curiositez que j'y avois encloses. J’ay veu le livre des Anneaulx antiques du s' Abr. Gorlaeus, et y ay prins plai- sir : mais parce quéil promet des aultres recueils de medailles et aultres antiquitez, je desirerois bien de sçavoir dans coribien de temps, à peu pres, il espere de les mettre en lumiere et nom- mement ce qui concerne les medailles grecques, desquelles j'ay recueilly grand nombre en mon voyage d'Italie. Vous m’obligerez beaucoup de m'en donner quelque particuliere information mais nommement de la capacité, humeur et com- plexion de l'autheur, parce que, si c’est un homme accostable, je desirerois avoir sa cognois- çance, pour conferer quelque fois quelqu’une de mes medailles avec les siennes pour nous servir d'entretien. Je n'ay pas encores veu M le presi- dant du Thou pour sçavoir par quel chemin se sont perdües les lettres que je luy avois recom- mandé pour vous envoyer. J'espere de ne m'ar- rester pas en ceste ville plus haut de deux ou trois mois tout au plus. Cependant vous pourrez laisser l'adresse de messieurs les Bonvisi de Lyon pour la reprendre quand je seray hors de Paris, et faire vos faulces couvertes € à Mr Hadrian Beys, Marchand Libraire à la rue St Jacques, à l'enseigne de la rose blanche » lequel me les faira tenir chez moy seurement. Quant aux vers qu’on avoit desiré en louange de Mr Pinelli, j'eusse creu que Mr H. Grottius ou quelqu'un de ces aultres messieurs qui l’ont cogneu, en eussent faict apres sa mort et particulierement Mr Scaliger : mais je — 132 — serois marry d’avoir importuné personne. Il me reste à vous r'amentavoir que je seray à jamais Monsieur Vostre tres affectionné serviteur N.-C. DE PEIRETS De Paris ce 25 Aoust 1605. De la main de Charles de l'Escluse : 1605 N.-C. DE PEIRETS Paris le 25 Aoust à celle du 12 May Receu en Leyden le 3 Novembre Respondu le 12 Adresse : À Monsieur Monsieur de l’Escluse à Leyden en Hollande. — 133 — Il Monsieur, je suis marry que les plantes du Tragacantha et Tartonraire que je vous avois envoyé dans la premiere boitte ne vous ayent esté rendües que si tard, que elles estoyent desja toutes flestries : et suis toutefois bien aise que vous les ayiez receües quand ce ne seroit pour autre chose que pour vous servir de tesmoignage de ma dili- gence et du desir que j'avois eu d’executer voz commandements. Que si cela n’est bien reusci, ce n’est poinct par ma faulte, car j y avois assez bien pourveu s’il me sembloit, et avois enveloppé cez racines dans de l’argille si fraische, que si la boitte fust allée par son droit chemin, c’est sans doubte qu’elles ne se seroyent pas sitost sechées et que vous les auriez eu toutes vives, mesmes attendu la charge que j’avois donné au messagier qui s’en chargea jusqu’à Lion, d'envelopper sou- vent la boitte dans un drappeau mouillé. Des aultres plantes que vous aviez desiré depuis, je — 134 — crains bien que mon absence de Provence ne soit cause qu'il en manque quelqu'une que nous aurions possible recouvré : maïs j’ay tant recom- mandé cest affaire à mon frere, que je m’asseure que nous en aurons la plus grande partie. Je lui ay escrit de me les envoyer icy, afin que je les vous puisse faire tenir par les libraires qui s’en iront à Francfort ceste foire de Pasques. Je les attends au premier jour. Et vous remercie par advance de tout mon cœur, du livre qu’il vous plait me promettre de voz Exotiques en grand papier, lequel attendant, je n’ay pas laissé d’en acheptericy un des communs pour m'y entretenir, comme j'ay fait fort souvent, et avec beaucoup de contentement. Mais à vous dire la vérité, j'ay esté bien estonné de voir que voz mariniers Hollandois qui vont si librement par toutes les Indes, se soyent si mal acquittez deleur devoir envers vous, et qu'ils ne vous ayent apporté plus grand nombre de curiositez, et notamment qu'ils n’ayent esté plus soigneux de vous apporter non seulement les semences ou fruicts, mais les branches mesmes de la pluspart des plantes où ils se cueillent. Je croyois que les nostres ne nous sceussent rien apporter qui ne vous fust commun : et c’est au contraire. Car je vois bien maintenant que je vous eusse peu envoyer tout plein de brouilleries que vous eussiez peut estre veu volontiers. Entr’autres choses pour ceste petite Noix qui est peinte au livre 2, chap. 26 num 2 j'ay un gros bouquet en forme d’espi pailleux et espineux, où il y a cinq ou six de cez Noixsettes lesquelles je n’eusse jamais creu devoir croistre en ceste sorte ; veu — 135 — la dureté de leur noyeau. On me l’apporta de la Guinée d'Afrique et me racontoit on des mer- veilles de l'arbre qui porte ce fruict et de ses usages. On m’apporta en mesme temps deux grands fruicts de Baobab de ce païs là lesquels avoient la poulpe fort rougeastre à la mode des melons, ce qui s'accorde aucunement à ce qu'en dit l’Alpinus. J'en fis semer plusieurs graines, dont il n’en sortit que deux seulles qui avoyent desja fait des feuilles comme celles de l’'Oranger, mais excessivement grandes ; on les laissa mourir dans peu de temps à mon grand regret. Quant à vostre Cancer Mollucanus, M: de Mons (qui a la commission d'occuper le païs de Canada) en a apporté un de Lacadie, avec un Aiïllan tout vif, un de voz oyseaux Ourissia (lequel oultre son aultre nom est aucunement divers du vostre) et mille aultres raretez : mais il dit que ceste Escri- vice a la coquille vuide et qu’elle est neantmoins pleine de chair fort delicate à manger et raconte mille aultres belles choses de ce païs là. L'Ichneu- mon de vostre Bellonius est assez bien descript verbalement, mais le portraict n’en est pas fait bien au naturel ; car il yen a un au Louvre qui se nourrit privement dans la propre chambre du Roy, lequel convient du tout à ce qu'en escrivent touts les anciens mais non pas au portraict de Bellonius. Je croys aussy qu’il aye aulcunement failly au portrait de Scaurus, car j'en ay un que feu mons. G. Vincenzo Pinelli avoit envoyé querir en Candie, lequel n’est pas semblable à celui-cy, particulièrement pour l’endroict de la bouche et des dents, en quoyilest plus approchant — 136 — de la description des anciens. Or il est meshuy temps de clore ceste lettre. Servez-vous de moy je vous supplie, monsieur, et me tenez s'il vous plaict tousjours pour Vostre plus affectionné serviteur PEIRESC. De Paris ce 15 Fevrier 1606. J’oubliois de vous dire que le portraict que vous avez fait faire de vostre Fungus coralloides can- cellatus représente fort bien le naturel. Je suis bien aise qu'il vous aye agreé et vous remercie de la mention de mon nom qu'il vous a pleu d’y faire. Nostre petit village de Peiresc s'appelle dans les vieux cadastres latins Castrum de Petrisco. De la main de Charles de l’Escluse : 1606 PEIRESC Paris le 15 de Fevrier à celle du 12 Novembre Receu A Leyden le 7 Mars Respondu le 28. ANTOINE CONSTANTIN se RATES ANTOINE CONSTANTIN Au cours de nos précédentes études sur l'histoire de la Botanique au xvi® siècle, nous avons eu maintes fois l’occasion de dire quelle fut alors l’im- portance du rôle dévolu, dans l’enseignement médi- cal, à la science phytologique, puisque, — il est inutile de le répéter, — c'était le règne végétal qui, presque seul, fournissait matière à l'art du pharmacien. Le botaniste dont nous allons maintenant nous occuper prétendit, — et c’est en cela que consiste sa principale originalité, — qu’en Provence croissent toutes les plantes propres à guérir les maladies aux- quelles les Provençaux peuvent être sujets ; d'où il concluait à une transformation complète de la Phar- maceutique provençale. La Provence cesserait d’être, pour ses médicaments, tributaire des pays orien- taux, et désormais ses apothicaires n'auraient plus besoin de se procurer à grands frais des drogues étrangères, dont le haut prix ruinait les malades, Sa thèse, basée sur cette croyance que l’auteur de la nature a toujours placé le remède à côté du mal, il l’étayait au moyen de différents exemples que lui avait suggérés son érudition biblique : — 140 — « Moyse, pour chasser l’amertume des eaux et les rendre potables, manda-il ses droguistes aux Anti- podes (comme nous faisons à tout propos) plustost que d’experimenter la vertu de l'arbre voisin du fleuve? — Elisée mundifia-il les eaux de Jericho avec autre drogue qu'avec celle qui est en chasque maison usuelle et familiere, assavoir avec le sel ? — Thobie le jeune, pour curer la cecité de son pere, de quel collyre ou de quelles autres drogues usa-il en ceste operation, que du fiel du poisson qu’il pescha dans le fleuve voisin ? » ; Or, s’il est de règle que partout l’antidote avoisine le venin, y aurait-il exception pour la Provence ? (1) « Quand on voudroit bien faire ce tort à la nature, de l’accuser qu’elle eust laissé quelques contrees des- pourveués et indigentes de remedes necessaires à la conservation et restauration de la santé des hommes qui les habitent: oserions nous dire cela de nostre Provence ? De laquelle semble que la mesme nature ait voulu faire un abregé de tout le monde, et y ren- fermer la fæcondité de tout ce qu’elle a esparsement distribué entre toutes les autres du globe. Elle nous a produit toutes les especes de grains, vins, huiles, sels, bestails, poissons, et toutes sortes de fruicts, soyes, laines, brief tout ce qui est propre pour la nourriture, entretien et plaisir des hommes. Elle nous exhibe le vermeillon, le safran, quand bon nous semble, la soulde, le pastel, la guesde. Elle nous (1) A l'appui de cette vérité, ou prétendue telle, que la nature place toujours le remède à proximité du mal, notre auteur in- voquait une observation faite par un conseiller au Parlement d’Aix. Cet ingénieux magistrat faisait remarquer que les fruits astringents, tels que ceux du Cornouiller ou du Sorbier, müû- rissent à l’époque même où ils peuvent servir à combattre les dyssenteries produites par l'excès des fruits laxatifs comme les melons et les raisins. Te presente pierre de toutes sortes, pour bastir et ediffier, plastrer, mouldre, cruser, et à faire verres. Le bolus (1) encores, le talc, le jayet, le coral, la croye (2) et l’ocre. Elle enferme dans ses flancs For l'argent, le mercure, le plomb, le soufre, le fer, le vernis et le charbon naturel (qui est une espece de bitume) pour purifier et rendre tous lesdicts mine- _raux propres à nostre usage. Et pour la guarison de plusieurs maladies, par autre artifice incurables, elle nous elixe, dans ses entrailles, de bains naturels et tres-salutaires, à Digne et dans ceste cité d'Aix. Et neantmoins, quoyque nous habitions une tant fer- tille province et si apte à la production de toutes choses : nous ne voulons confesser estre abondans _ettres-riches de remedes. » L'auteur de ce patriotique dithyrambe se nom- mait Antoine Constantin. Il était originaire de la Haute-Provence. « Il nâquit, dit Garidel(3), à Senez, ville Episcopale de cette Province (4). Après avoir (1) Bolus, bol d'Arménie, médicament qui, au xvi* Siècle, était employé contre la peste, et dans la composition duquel on faisait entrer une sorte de terre ou de pierre friable appor- tée d’Arménie.— Le botaniste provençal Hugues de Solier affirme dans ses Scholies sur Aetius, que l’on extrayait cette même terre « de certaines petites collines situées près de Mont- majour, aux environs d'Arles, ville très ancienne et très illustre de notre Provence. » (La Botanique en Provence au xvie siècle : Hugues de Solier.) (2) Nom provençal de la craie. (3) Histoire des plantes qui naissent aux environs d'Aix, Ex- plication des noms des Auteurs botanistes, p. VIII. — Antoine Constantin était fils de Claude Constantin, dont Garidel ne nous fait pas connaître la profession, et de Jaumette Maicox.La date de sa naissance n'est pas indiquée. Mais comme nous savons qu’il se maria en 1580, si nous admettons qu'il était alors âgé d'environ trente ans, il serait né vers le milieu du xvie siècle. (4) Le petit village de Senez, aujourd’hui chef-lieu de canton de l'arrondissement de Castellane (Basses-Alpes), fut jusqu’à la LR > fini ses études en Medecine, il prit le degré de Doc- teur dans l’Université d'Aix, où il exerça la Medecine pendant un assez long temps avec l’entiere satisfac- tion du Public... Il étoit très-versé dans la connois- sance de la matiere medicinale, il possedoit à fonds les Auteurs Arabes ; ce qui lui donna lieu d’exami- ner si, sans les drogues Arabesques, l’on ne pour- roit pas guérir aussi-bien les maladies avec les remedes du Païs. » L'exemple populaire avait, du reste, confirmé ce novateur dans l’idée de substituer les remèdes indi- gènes à ceux apportés des pays lointains : « Le vulgaire, et mesmes les femmelettes sem- blent en cecy avoir esté plus curieuses et diligentes que nous : car elles ont mises les facultez de plu- sieurs medicamens en lumiere, lesquelles nous estoyent auparavant incognuës. Et quant aux pur- gations la plebee coustumierement mesprise les estrangers, use de la catapuce, de la laureole, du tytimal, de l’hieble, et autres que la necessité leur a faictexperimenter. Brief la populace met en beson- gne les medicamens produits en nostre Provence, tant aux internes qu'aux externes maladies, quel- quefois avec meilleur succés et toujours avec moins de frais que nous qui, preferans le rheubarbe, les tamarins, les mirobolans, la casse et autres drogues estrangeres, adulterees ou vermoulues et chanssies de vieillesse, outre le trouble que donnons aux malades à cause de l’odeur et du goust mausade, odieux et ingrat, sommes cause que les Apothicaires sont contraints (estant les drogues estrangeres si cherement acheptées) d’espuiser la bource des pau- vres malades : tellement que nous en voyons plu- Révolution le siège d’un évêché.— Parmi les évêques de Senez, nous rappelons qu'il y eut, au xvie siècle, le jeune Quiqueran de Beaujeu, auteur du De laudibus Provinciæ. — 143 — sieurs ceder plustost à l’impetuosité des maladies et aymer mieux mourir, que de recourir à nous, sachans fort bien qu'ils ne pourroyent eviter les drogues Orientales et Indiennes, ny le registre des Apothicaires. » HA Mais Constantin se gardait bien de faire le procès aux apothicaires, avec lesquels, évidemment, il tenait à ne pas se brouiller : Les Apothicaires, quant en ce faict, doivent estre deschargez de toute accusation et blasme. Car ils ne peuvent ni doivent meubler leurs boutiques d’autres drogues que de celles que les Medecins mettent ordinairement en praticque. Lesquelles, estant EL st cheres, ne peuvent estre vendues qu'à cher prix. » Les médecins sont les seuls coupables. L'emploi des médicaments exotiques impose actuellement aux apothicaires des voyages coûteux et pénibles, qu'ils n'auront plus l'obligation d'entreprendre, lorsque la matière médicale leur sera fournie par la Provence : « S’ensuit donc que despuis qu'avec beaucoup moins de despence et autant ou plus de commo- dité, nous pouvons faire la medecine en ce pais, des medicamens qui sont en iceluy nourris, nous faisons tort à la nation Provençale de la frustrer des biens que nostre Seigneur semble avoir pre- parez pour elle et desquels nous avons esté faicts les fidelles dispensateurs : comme aussi les Apothi- caires et droguistes ont de quoy se plaindre de nous, de ce que nous les contraignons naviger jusques aux extremitez de la terre, pour recouvrer avec grands perils, frais et despens ce que se peut sans danger, sans grand pourchas et à bon conte recouvrer en Ce pais. » = Je Notre médecin, ayant longuement expérimenté sur ses malades l'effet des plantes médicinales récol- tées en Provence, prit le parti d'écrire un ouvrage spécial pour préconiser sa méthode. Le traité de la pharmacie provençale, — tel était le titre projeté, — devait, dans la pensée de l’auteur, exiger plus d’un volume. Un seul a paru. C’est celui où il est question des plantes purgatives, les pre- mières qu'Antoine Constantin tenait à faire con- naitre. Ce livre fut imprimé à Lyon par Thibaud Ancelin, imprimeur du roi, et vit le jour en 1597. La publication d’un livre nouveau était alors un événement que les amis de l’auteur, quand ils se croyaient poètes, célébraient à l’envi, toujours prodi- gues d’hyperboles ; et le volume étalait avec orgueil sur ses premières pages les sonnets ou autres pièces qu'il avait inspirées. S'il faut en juger d’après l'enthousiasme des poètes qui saluèrent par avance l’œuvre d'Antoine Cons- tantin, l’idée pour laquelle celui-ci s’était mis en campagne allait être accueillie avec la plus grande faveur. Dans un premier sonnet, un poète qui jouissait en ce temps-là d’une certaine renommée, Louis de Gallaup-Chasteuil (1), prévoyait le vide que la médi- (1) La Biographie universelle n’a point passé sous silence le poète Louis de Gallaup-Chasteuil. Voici la notice qui le con- cerne : «Issu d’une famille noble et ancienne, originaire de Naples selon quelques-uns, mais plus probablement du Lan- guedoc, laquelle vint s’établir à Aix-en-Provence à la fin du xv' siècle, il naquit dans cette ville, vers l'an 1550. Son pére et son aïeul s'étaient distingués dans la carrière des armes. Tous deux cultivèrent les lettres, goût que partagea Louis et qui fut com- mun à ses descendants. Louis fit de bonnes études et devint un des hommes les plus savants de son temps. Il faisait des vers avec facilité, et son génie brillait surtout dans les inscrip- tions et les devises. Charles-Emmanuel:le, duc de Savoie, l’ho- LR — 145 — cation nouvelle ferait bientôt sur les rives du Styx, et il s’alarmait, pour l'inventeur, de la colère des dieux infernaux : Je crains qu'un Dieu jaloux ne retranche son âge ; Sa main prive Caron de l’importun naulage (1); Æaque aux champs herbeux n’attend plus le mortel. Un avocat au Parlement d’Aix, N. Perrin, apostro- phait ainsi les Indiens qui, désormais, ne trouve- raient plus d'acheteurs pour leurs drogues : Dites-nous, Indiens, qui vous rend estonnez ? Quelle est votre douleur ? Quoy ! vos drogues moisies Ainsi qu'auparavant ne seront plus choisies, Ny vos fruits abuseurs dans nos havres trainez ? Un autre « Advocat au Parlement de Provence », B. Bernardi, vaticinait en ces termes : Fidelles gardiens du recours de la vie, Sacres-saincts heritiers de l’Epidaurien, N’allez plus outre-mer rechercher nostre bien, Ny relisez plus tant les secrets d'Arabie. Ce livre seul pourra contenter vostre envie Sans relire sans fin le divin Galien, Et fournira pour vous et au Pharmacien Le rheubarbe et la casse en vostre champ sortie. Cacochimes François, vous en estes aussi ; Et vous, Ô Provençaux, lisez ce livre icy, Car surtout c’est pour vous qu’il est mis en lumière... norait de son estime, et en recevait volontiers des conseils. Il rendit à Henri 1V, dans le temps de la Ligue, d’utiles services que ce prince reconnut par une charge de conseiller d'Etat. Il mourut à Aix, l’an 1598, n'étant âgé que de quarante-huit ans. » (1) Nolis, prix du passage (payé au batelier infernal). 10 — 146 — Et comme parmi les productions littéraires l’ana- gramme était alors fort en honneur, N. Perrin com- posa un second sonnet pour y insérer celle-ci : Nul d’eux (1) eut toutesfois l’authorité si grande Que nostre Constantin qui, des lors qu’il commande, Aux malades il donne incontinent santé. Nous ne devons pas nous étonner qu’au nombre des rimeurs qui prônèrent la Pharmacie provençale il y eût deux avocats : Constantin, bien aise de met- tre son traité sous la protection de l'autorité judi- ciaire, l’avait dédié «à mes seigneurs de la Cour de Parlement de Provence ». Il craignait que son succès ne lui suscitàt beaucoup d’envieux, et 1l essayait de s'attacher par avance d'illustres défenseurs : « Mes seigneurs, c’est l’ordinaire des hommes qui font profession des lettres, principalement de ceux qui recelent beaucoup plus à l'intérieur qu'ils n’en portent au front, d’estre long temps suffoquez et comme ensevelis parmi les tenebres des plebees, si quelque grand personnage ne les sousleve et leur soustienne le menton. C’est quasi aussi l’ordinaire entre ceux qui courent en mesme lice, de mesdire et detracter des labeurs et actions d’autruy. Et c’est pour autant qu’un chascun desirant sa renommee nager au-dessus, et gaigner le haut, tasche par tous moyens mettre à fons et ensevelir la memoire non eulement de ses contemporains, mais voire mesme de ses antecesseurs... Ce vice a faict que nostre medecine a perdu les escrits d’un Herophile, d’un Crisippe, d’un Diocle, d’un Prodique, d’un Praxa- gore, d’un Erasistrate, d’un Themisson, et d’une infinité d’autres... Si donc les detractions ont eu (1) Hippocrate et Galien. — 147 — tant de pouvoir sur les œuvres de tant et tant de renommez personnages, que doibs-je esperer de ce petit surgeon, sinon de le voir assailli par les mor- sures empestees de plusieurs mesdisans, plus addon- nez à detracter du labeur d’autruy que diligens et curieux de mieux faire ?... Tels mesdisans et mal affectionnez, considerans les merites et grandeurs de vostre tres auguste Compagnie, pleine d’huma- nité, de doctrine, de prudence, de pieté, de foy et de religion tout ensemble, seront contraincts poser les armes et caler les voiles, le voyant esclos soubs la protection et sauvegarde de ce tres illustre et royal Senat. » Il y avait donc, en ce bon vieux temps, chez les botanistes et les médecins, des mesdisans addonnez à detracter du labeur d’autruy! Maïs nous pensons bien qu'avec le puissant patronage du Parlement de Provence le subtil docteur aixois put échapper à leurs morsures empestées. Nous avons dit plus haut qu’en écrivant son livre, Constantin se proposait de l’intituler : « Traité de la pharmacie provençale ». Il n’avait point renoncé à ce titre lorsqu'il remit son manuscrit à l’impri- meur lyonnais, et durant l'impression du texte, rien ne fut modifié. En tête de la page qui porte le chif- fre 1, nous voyons un titre d’entrée ainsi concu : « Premiere partie de la pharmacie provençale »; ces mots : € de la pharmacie provençale » sont reproduits sur les titres-courants, au sommet des pages suivantes; et le volume se termine par cette formule : « Fin de la pharmacie provençale ». Mais quand, l'impression du corps de l’ouvrage étant achevée, il ne restait plus qu’à imprimer en dernier lieu, comme il est d'usage, une première feuille contenant le frontispice, l’avis au lecteur, la dédicace et les poésies liminaires, Constantin se TaAVISA. Le HSE Il jugea sans doute qu’il assurerait à son traité un débit plus étendu si, en modifiant le titre, il enlevait à l’ouvrage un aspect trop exclusivement provençal. Au mot provençale, qui accompagnait celui de phar- macie, il substitua l’adjectif provinciale, et il arrêta en cette forme la rédaction définitive du frontis- pice : « Brief traicté de pharmacie provinciale et familiere, suivant laquelle la Medecine peut estre faicte des remedes qui se treuvent en chasque pro- vince, sans qu'on soit contrainct les aller mandier ailleurs, dressé et faict vulgaire par M. Antoine Constantin, d. en medecine à Aix en Provence ». De cette facon, l'ouvrage paraissait écrit, non point seulement pour les Provençaux, mais pour les habitants de chacune des autres provinces du royaume ; ce que, du reste, l’auteur déclarait en termes exprès, dans son «Advertissement au lec- teur » : «Ne pense pas, ami lecteur, combien que ce traicté semble s'adresser seulement aux Proven- çaux, qu'il ne soit aussi basti pour toutes les provinces de la France, et ne se puisse encore esten- dre plus loing... ». D’après le-plan conçu par Constantin, ce volu- me, ainsi que nous l'avons indiqué, n’était que le commencement d’une série; uniquement réservé aux purgatifs, il avait pour objet de vulgariser les substances, douées de la virtus purgativa, qui pou- vaient être empruntées aux ressources particulières du terroir provençal. Le traité de la Pharmacie provencale est divisé en trois livres : Le premier, qui ne porte pas de titre spécial, est affecté à l’examen d’un groupe d'espèces végétales ayant la propriété de purger avec énergie et appar- Se thés de S 54: 3-À Eure. . " à es 2, ht EE dde" 2 1 CLR dé tr Con à id lé — 149 — tenant presque toutes à la flore spontanée de la Provence ; Le deuxième livre est intitulé : Des medicamens qui purgent sans faire aucune violence ou bien peu au corps humain; il y est encore fait mention de diverses plantes spontanées ; Enfin, le contenu du troisième est indiqué au moyen de l’énonciation suivante : Des medicamens qui, outre ce qu'ils purgent le corps, ont aussi quel- que pouvoir de le nourrir. Parmi ces médicaments alimentaires, l’auteur introduit un certain nombre d'arbres fruitiers ou de plantes potagères. Nous voulons ici demeurer fidèle à la règle dont nous ne nous sommes jamais départi en écrivant nos études de botanique rétrospective. Nous n’en- visagerons Antoine Constantin qu’en sa qualité de botaniste. Nous laisserons de côté tout ce qui, dans son œuvre, intéresse l’art médical ou phärma- ceutique Des divers chapitres consacrés aux plan- tes médicinales , nous extrairons seulement les passages qui peuvent offrir un intérêt botanique. L'auteur de l'Histoire des plantes qui naissent aux environs d'Aix a fait un reproche à Constantin, consi- déré comme botaniste. Après avoir reconnu qu’ «il possedoit à fonds les Auteurs Arabes », Garidel ajoutait : « Il paroit que nôtre Auteur n’avoit pas de grandes lumieres dans la Botanique moderne, qui lui auroit fourni infailliblement de quoi enrichir son livre »; et il appréciait ainsi la Pharmacie provençale: «Cet ouvrage est plus à estimer par raport au dessein de l’Auteur que par l’exécution ». L’instaurateur de la médication nouvelle était, il est vrai, profondément imbu de l'antique doctrine : il trouve des occasions fréquentes d’invoquer Hip- pocrate, Théophraste, Dioscoride, Galien, Oribase, Paul d’Egine, et, parmi les auteurs arabes, Mesué, Avicenne, Avenzoar, d’autres encore. Mais il semble — 150 — n'avoir eu qu'une Connaissance bien incomplète de ce que Garidel appelait «la Botanique moderne », c’est-à-dire l’ensemble de ces grands ouvrages de phytographie que la seconde moitié du xvie siècle vit éclore en si grand nombre et qui, en substituant au principe d'autorité l'observation directe des phé- nomènes de la nature, ouvrirent à la science éman- cipée la voie du progrès illimité. Des botanographes de son siècle, c'est à peine s’il nomme Ruel, Mat- thiole, Léonard Fuchs et Jean Costæus. Il est à remarquer que bien souvent Constantin évite de donner, aux plantes dont il traite, les noms latins inscrits dans les Flores contemporaines. Il les désigne par le nom français, auquel il ajoute quel- quefois le vocable provençal. Etait-ce parce qu’en pareil cas il ignoraït le nom latin ? On peut supposer aussi qu'étant désireux de laisser à son Brief traicté le caractère d'œuvre populaire et, suivant son ex- pression, « familière », c’est intentionnellement qu’il s’abstenait d'employer, pour la désignation des sim- ples, la langue scientifique. Nous allons maintenant passer en revue les plan- tes énumérées dans la Pharmacie provençale. Nous les présenterons sous le nom adopté par l’auteur et nous conserverons l’ordre qu'il a suivi. COCOMBRE SAUVAGE.— Il s’agit ici de la Cucurbi- tacée que nous nommons aujourd'hui Ecballium Elaterium Rich. (Momordica Elaterium L.) « Le vul- gaire, écrit Constantin, l’appelle Cocomerasse (1). — Il croit tout proche des murailles, presque de tous les lieux de ce païs, mais aussi il entre maugré nous jusques aux jardins, desquels il ne peut bonnement estre extirpé, dans l’enclos desdittes murailles. » (1) Ce nom provençal n’est point tombé en désuétude. Le Tré- sor du Félibrige donne aussi les formes Coucoumourasso, Cou- couroumasso, Coucoumbrasso. ONE TEeT. - ee 0 — 151 — CATAPUCE.— L'auteur réunit sous ce titre deux Euphorbiacées bien différentes : le Ricin (Ricinus communis L.)et l’Epurge (Euphorbia Lathyris L.). Voici comment 1l s'exprime au sujet de ces deux espèces : | «Je ne m'arresteray pas à descrire l’histoire de la catapuce, non plus que des autres simples desquels j'ay deliberé de parler, tant pour ce qu’ils sont co- gneus presque de tous et mesmement du vulgaire, qu'à cause que les herboristes (1) recens en ont suf- fisamment escrit. « Les herboristes en ont remarqué de deux sortes, l’une qui est grande, qu'autrement nous appellons ricinus à Cause que sa graine represente un petit animal livide, qui s'attache aux bœufs, aux chevres et autres bestes : on l'appelle en nostre langue pro- vençcale cascaillons (2). Le vulgaire nomme ceste plante palma christ (3). « L'autre espece est petite, qui proprement est celle que nous appellons catapucia, Galen la nomme lathiris. La catapucia minor, que les Provençaux entendent seulement par le nom de caquapuce (4), les François la nomment espurge. » TITHYMALE. — « C'est, dit Constantin, la plante que les barbares (5)appellent esula,les Latins lactuca (1) Le mot herboriste n'avait pas alors la signification que nous lui donnons aujourd'hui. Il s’appliquait aux botanistes, avec le sens plus spécial que comporte l'expression moderne de floriste. (2) Constantin veut ici parler de la fique, insecte que les Pro- vençaux continuent à nommer cascaioun. (3) Le nom provençal du ricin est présentement paumo- cristo ; palma-crist est la forme languedocienne (V.le Trésor de F. Mistral.) (4) Le mot catapucço est encore usité en Provence avec la même signification, ainsi que la forme altérée cacapuco. (5) Constantin entend par là ceux qui parlaient un latin bar- bare, et il visait, sans aucun doute, le personnel des officines où — 152 — caprina, herba capraria, les François l’herbe à lait, et les Provençaux lachuscle (1). Les Medecins qui ont escrit des simples medicamens, tous d’un com- mun accord confessent qu'il y en a de sept especes. . Ores qu’en ce païs, à mon opinion, nous ayons tou- tes les especes, tant aux parties maritimes que ès montagnes, nous prendrons neantmoins celui qui nous est plus à port, qui croit partout, jusques au- pres des murailles des villes et villages, ès lieux cultivez et incults, et n’est autre que celuy que Mathiol et Dioscoride appelle helioscopius; qui est en malignité et vehemence inferieur aux autres especes. » — C’est donc notre Euphorbia HelioscopiaL. que le médecin réformateur recommandait à ses malades sous le nom de « Tithymale ». THYMELEA ET CHAMELEA. — Nous nous trouvons ici en présence d’une difficulté. Le texte porte : « De ces deux plantes, les anciens n’en ont usé que de la graine : l’une desquelles ils appellent granum cni- dium, l’autre cneorum. » Par thymelea, il y a certitude que Constantin dési- gnait le Garou (Daphne Gnidium L.), nous avons, pour n’en point douter, l’autorité de Garidel (2). l’on désignait les plantes médicinales par des noms spéciaux, à désinence latine, mais différant des termes, réputés classi- ques, dont se servaient les botanistes. V. à ce sujet notre étude sur Hugues de Solier : cet auteur a, pour la plupart des plantes qu’il mentionnait, fait connaître les appellations en usage chez les apothicaires. (1) Nom que la langue provençale continue de donner aux diverses Euphorbes, et dont la racine est le mot la ou lach, lait. (2) « Le Garou, ou Thymelæa foliis Lini C. B. Pin., contient un sel âcre caustique .. Les plus anciens botanistes conviennent que le Granum Cnidium des Anciens est le fruit de cette plante, dont Hippocrate se servoit pour purger ses malades. Dioscoride a rangé cette plante parmi les remèdes purgatifs ; Mesué lui a — 153 — C’est du reste à cette espèce que beaucoup de floris- tes du xvie siècle avaient appliqué le nom de Thymelæa. Matthiole, Dodoens, Cordus, Pierre Belon, Coral Gesner et d’autres donnaient celui de Chamælea : à la plante que les Adversaria, l'Historia Lugdunensis, Charles de l’Escluse en son Hisloire des plantes rares, Jean et Gaspard Bauhin appelèrent Chamælea tricoccos et dont Linné a fait son Cneorum tricoccum. Nous serions donc porté à croire que c’est bien de cette espèce qu'il est question dans le passage cité plus haut, et le mot cneorum, qui y est employé, con- firmerait notre assimilation. Mais est-il possible de la concilier avec les détails donnés par Constantin au sujet du Thymelæa et de son prétendu Chamelæa ? « Ces deux plantes, dit-il, sont si vulgaires en ceste province, mesmement au païs bas, qu'il n'y a pres- que lieu incult qui n’en soit peuplé, mesme que tous les chemins pres la ville d’Aix en sont bordez. » Le Daphne Gnidium est assez commun dans la Basse-Provence (1), mais le Cneorum tricoccum y est d’une extrême rareté. Honoré Roux, l’auteur du Catalogue des plantes de Provence, ne l'a cité que dans le département des Alpes-Maritimes. Un ouvrage antérieur, le Catalogue des plantes qui croissent naturellement dans le département des Bouches-du-Rhône, de Castagne, l'avait signalé aux environs d'Arles. Mais on ne l'y a pas retrouvé, puisque le consciencieux Honoré Roux s’est abstenu de reproduire cette indication. Est-il possible donné la même place... Nôtre Constantin n’a pas fait difficulté de suivre Mesué et les Auteurs ci-devant citez. » (Hist. des pl., _p. 461.) (1) « Cette plante, écrivait Garidel, est fort commune dans nôtre terroir, on la trouve presque partout sur nos collines du Monteiguez, du Tholonet et ailleurs. » (/bid., p. 460). . — 154 — d'admettre que si le Cneorum, pendant le xvi* siècle, était aussi abondant aux alentours d’Aix que l’affirmait Constantin, il eût, depuis lors, entière- ment disparu ? (1). ELLEBORE.— « Les herboristes depeignent deux principales sortes d’ellebore, le blanc et le noir : toutes les deux on treuve en ceste province et prin- cipalement aux montaignes qui voisinent le Dau- phiné et Terre-Neuve (2) d’où elles peuvent estre transplantees en nos jardins, comme plusieurs autres plantes, afin que nous puissions au besoin estre plus promptement et commodement secourus. » Parmi les botanistes du xvr° siècle, les uns appelaient Helleborus niger l'espèce à laquelle Linné a confirmé ce nom (Helleborus niger flore roseo de Gaspard ‘Baubhin) ; les autres, celle que l’auteur du Species a nommée Helleborus viridis. Il est probable que par Ellébore noir Constantin entendait l’Helleborus niger L. « L’Hellebore noir dont nous nous servons (1) La rareté du Cneorum tricoccum en Provence au xvr° siècle avait été constatée par Pierre Pena qui a fourni au Slirpium Adversaria tous les articles relatifs à la flore provençale. Après avoir signalé une station de cette plante à Frontignan en Lan- guedoc, il déclarait qu’elle était rare partout ailleurs et notam- ment en Provence : («nec quidem in Galloprovincia, ubi tamen nascitur, multo prodit proventu. » (Stirp. Adv., p.157) Dans les nombreuses herborisations qui nous ont fait parcourir en tous sens les cinq départements découpés dans l’ancien terri- toire de la Provence, nous n’avons pas rencontré une seule fois le Cneorum. Honoré Roux, que nous venons de rappeler, ne l'avait jamais récolté lui-même; il l'indique à Antibes, d’après Huet, à Nice, Menton et Monaco, d’après Arduino. — Ona vu plus haut que Pierre Belon, vers le milieu du xvie siècle, trouva cette Térébinthacée à Ramatuelle, près Saint-Tropez (Var). (2) Vallée de Terre neuve, Terre neuve de Provence, sont les noms « que les Piémontais donnaient autrefois au comté de Nice, depuis son annexion au duché de Savoie en 1388. » (F. Mistral, Trésor du Félibrige). | — 155 — en Medecine, écrivait Garidel, est l’Helleborus niger flore roseo C. B. Pin., qui vient dans la haute Provence, dans les montagnes de Colmars et de Seyne, et dans celles du Dauphiné (1). » — Quant à. l'Ellébore blanc, il n’est pas douteux que c'était pour l’auteur de la Pharmacie provencale la Colchicacée à laquelle Dodoens, Valérius Cordus et d’autres avaient déjà conféré le nom de Veratrum album qu'elle porte encore de nos jours. « Nos Provençaux apellent cette espece Varaire, du nom corrompu de Veratrum, qui est l’'Hellebore blanc. Aujourd'hui on se sert rarement de l’Hellebore blanc, à cause des terribles symptômes qu'il excite (2). » TurgBirH. — Turbith est un nom arabe employé par Avicenne. Les écrivains de la Renaissance, qui tenaient tant à pouvoir appliquer avec certitude les noms anciens aux espèces qu'ils avaient sous les yeux, ne par- vinrent pas à se mettre d'accord sur l'identité du Turbith. Les uns donnèrent ce nom à diverses Euphorbes, d’autres à plusieurs Ombellifères, quel- ques-uns à la plante exotique que Linné nomma Convolvulus Turpethum. Les mêmes divergences (1) Histoire des plantes qui naissent aux environs d'Aix, p. 226. — Garidel avait recu cette plante de son correspondant Jean Saurin, apothicaire à Colmars, lequel avait aussi trouvé dans les mêmes parages l’Helleborus viridis L. Il disait de la première : « Mr Saurin nous assure que cette plante vient sur la pente de la montagne appelée le Col de Champ, ou la Couello de Champ, du côté d'Entreaunes, dans les lieux septentrionaux et couverts d'arbres, à une lieüe et demie de Colmars » ; et de l'Ellébore vert : «On trouve cette espece d’Hellebore dans les mêmes endroits du terroir de Colmars, comme l’a observé M: Saurin. » — Voir, au sujet du correspondant de Garidel, notre Notice sur le botaniste provençal Jean Saurin (Paris, 1899). (2) Garidel, loc. cit. — 156 — d'opinion se manifestèrent à propos du mot grec Thapsia, trouvé dans Théophraste. Les deux noms finirent par être confondus, certains auteurs, tels que Césalpin et Conrad Gesner, ayant indifférem- ment appelé la même plante Turbith ou Thapsia. C'est ce que fit aussi Constantin : « Je scay qu'on objectera que la thapsia, de laquelle je parle, n’est pas le turbith qui est mis en œuvre aux boutiques de nos Apothicaires; mais ce m'est tout un, pourveu que par experiences infaillibles, et par le tesmoignage de quelques auteurs recens, de renom- mee non vulgaire entre les Medecins, soit notoire et manifeste que nostre thapsia a les mesmes puissan- ces de purger la grosse et crasse phlegme, que Mathiol attribue au tripolion, qu'il pense estre le turbith. » - Le Turbith ou Thapsia qu’Antoine Constantin fai- sait figurer parmi les plantes purgatives indigènes, est une Ombellifère qui se rencontre assez commu- nément sur les collines de la Provence méridionale : le Thapsia villosa L., auquel, avant Linné, Gaspard Bauhin, dans le Pinaæ, avait déjà imposé l'appella- tion de Thapsia latifolia villosa (1). A cet égard aucun doute n’est possible; nous avons encore ici l'appui de Garidel. En son Histoire des Plantes, il a consacré un long article au Thapsia latifolia villosa du Pinax : « La racine de cette plante, dit-il, rend un suc lactici- neux, fort âcre et amer au goût, qui excite des nau- sées, et qui s’épaissit en forme de gomme quand il est sec... Plusieurs de nos Auteurs ont crû que le Turbith des Arabes étoit la racine du Thapsia... Nôtre Constantin étoit dans le même sentiment. Il assure qu'il s’en étoit servi avec heureux succez, dans le (1) La plupart des floristes du xvie siècle, antérieurs à G. Baubhin, l’appelaient Seseli Peloponesiacum. — 157 — village où 1l avait commencé de faire la Mede- cine (1). » S'il faut en croire l’auteur de la Pharmacopée provençale, le Thapsia villosa était extrêmement abondant aux alentours d'Aix. « Combien qu'il croisse en affluence en ce païs de Provence, mesme que les coustaux et montagnes, tant du terroir de la ville d'Aix que des lieux circonvoisins, en sont tou- tes couvertes (2), si est-ce que les droguistes et gros- siers (3) de Marseille (desquels nos Apothicaires l’acheptent bien cherement) le vont chercher, à grands frais et despens, en regions estradges. » Et il relatait ce détail qui n’est pas sans intérêt au point de vue de l'histoire du commerce : « Les marchands de la basse et haute Bretaigne le viennent querir au bas Languedoc, vers Montpellier et Nismes, auquel pais s'ils ne la trouvoyent, suis asseuré qu’ils vien- droyent querir le nostre et accuseroyent la negli- gence de nous autres Medecins Provençaux. » (1) « C’est une erreur de croire, ajoutait Garidel, que le Thapsia dont nous parlons, non plus que le Thapsia Montis Gargani, dont on se sert dans la Sicile, nous fournisse le véri- table Turbith. Le véritable Turbith est une espece de Lizeron, . qui croît à Guzarata, dans les Indes Orientales, et que l’illus- tre Mr Herman, Professeur Botaniste à Leyden, appelle Convol- vulus Indicus, alatus, maximus, foliis Ibisco non nihil simili- bus, Turbith officinarum. Caspar Bauhin l'appelle Turpethum repens foliis Altheæ, vel Indicum. » C’est cette plante que Linné a nommée Convolvulus Turpelhum. (2) IL semble qu’au siècle suivant, le Thapsia villosa était devenu plus rare aux environs d’Aix. « L’on trouvoit autrefois cette plante, déclarait Garidel, sur les collines du Montaiguez. M: Fouque [professeur de botanique à l’université d'Aix] l’a trouvée en decà du Pont dei tres Sautez : je l'ai trouvée en assez grande quantité dans l'endroit appelé lou Devens de Pourrieros, dans celui de Rians nommé la Garduello, et dans le bois d'Ollieres. » (3) Grossiers, marchands grossiers, commerçants en gros. — 158 — FLAMME OU GLAYEUL. — Constantin applique évi- demment ces deux synonymes à l’Jris germanica L. « La flamme, ou iris, ou glayeul, dit-il, est celui que nous voyons aux jardins : ausquels estant une fois tant soit peu enraciné, il pullule si bien qu'il n’a besoin de culture pour se presenter, avec ses cou- teaux verdoyans, enrichi de diverses couleurs. » Il nous apprend que déjà la parfumerie utilisait la bonne odeur qu’exhale, quand elle est desséchée, la racine d’iris, et il nous fait connaître les noms singuliers de deux des produits que cette industrie en obtenait. Il qualifiait l’Iris germanique de « fidelle conservateur de toutes odeurs plaisantes », et il ajoutait aussitôt : « lequel les perfumeurs met- tent pour fondement et base de leurs pommes, oyseaux de Cypres, et autres senteurs. » SUREAU ET HIEBLE.— La signification de ces deux mots français n’a pas varié. Ils désignaient, comme aujourd'hui, les deux espèces, l’une et l’autre très répandues en Provence, du genre Sambucus : l'espèce arborescente, Sambucus nigra L., et l’espèce her- bacée, Sambucus Ebulus L. « Dioscoride, écrit notre auteur, faict seulement deux especes de ceste plante : l’une qu'il appelle en sa langue grecque acte, l’autre chamæacte. La premiere est celle que les François nomment sureau, les Latins sambucus, desquels nous avons retenu le nom sambuc (1) ... Le chamæacte de Dioscoride est plustost herbe que arbrisseau, et (1) Nom provençal du Sambucus nigra. — Il est à remarquer que le pronom pluriel nous, dans ce membre de phrase, est mis par opposition aux substantifs qui précèdent : « Les François... les Latins... » ; il signifie : « Les Provençaux ». La Provence devant, aux termes du testament de son dernier Comte, être rattachée à la France « non point comme un accessoire à un principal, mais comme un principal à un autre principal », les Provençaux n’'entendaient pas abdiquer leur nationalité. — 159 — n'est autre que celle que nous appellons en François hieble, en latin ebulus : le vulgaire en Provence le nomme dooulgues (1) ». BRIONIA OÙ COLUVRÉE. — La nomenclature mo- derne a conservé, comme nom de genre, le vocable Bryonia. Il n’en existe en Provence qu’une seule espèce, Bryonia dioica Jacq., qui croît dans les haies, ainsi que Constantin l'indique fort exactement. Il nous révèle qu'elle était employée par les femmes à un usage cosmétique. « Combien que la brionia, que les Latins appellent vitis alba, les François la colu- vrée, ou feu ardant, soit un simple tres frequent, tant aux montaignes que aux païs bas de ceste pro- vince, et qu'elle croist au long des chemins, et prin- cipalement aux hayes des jardins et vignes : si n’est- elle que des herboristes cognuë, et de quelques femmes qui la recherchent curieusement, non pour la dedier à la purgation, ains plustost pour en faire un fard, tres accommodé pour l’embellissement de la face, et pour esfasser les taches et cicatrices des playes, à quoy elle est excellente, si au jus de sa racine on mesle la farine de febves, ou des pois ciches, et est faict un liniment pour l'appliquer sur le visage ou sur tout autre partie ». LAUREOLE. — C’est le Daphne Laureola L. Cons- tantin avoue que Mesué, son auteur de prédilection, n'ayant point fait mention de la Lauréole « en son catalogue des simples dediez aux purgations », il l’aurait lui-même passée sous silence, si un paysan de Lambesc n’était venu lui en révéler la « faculté purgative ». « Un rustique villageois de Lambesc m'en apporta une branche, de la laureole masle, de (1) La forme provençale, encore usitée, est Ougue. Le D initial qu'emploie Constantin a la valeur de J’article pluriel élidé d’. — 160 — laquelle (comme il m’asseura) luy et toute sa famille s’estoyent purgez ceste annee, craignans la peste : et mesme qu'il m’asseura qu’il avoit esté guari de la fievre quarte, par l’usage de la decoction des feuilles d’icelle. » Notre auteur a donné, relativement à l'habitat de la Lauréole, l'indication que voici : « Ce simple croit principalement aux montaignes, et par le rapport de plusieurs, il s’en trouve copieu- sement au bois de Valbonette (1) ». PIED DE VEAU. — « Ïl est un simple si frequent et cogneu en ce païis, qu’il n’y a personne, entre les plebees, qui ne le cognoisse fort bien : car il croit quasi partout, tant aux forests qu'aux lieux proches des villes, aux hayes des vignes et jardins, et com- bien qu’aucuns commandent de le cueillir au Prin- temps, les autres à l’Automne, si est-ce qu'il se trouve tousjours verdoyant et en toutes les parties de l’année mesmement en ce pais temperé : veu aussi qu'il se nourrit entre les buissons et les hayes vives, desquelles il se pare et defend du froid et neges. » Il est infiniment probable que Constantin ne dis- tinguait pas l’Arum maculatum L. de l'A. Italicum Mill., et les détails que nous venons de transcrire (1) Le bois de Valbonette est situé non loin de Lambesc. Du temps de Garidel, la Lauréole n’avait pas déserté cet habitat. « J'ay trouvé cette plante, écrivait-il, dans l'endroit apellé lou Devens de Rians et dans le Bois de la Sainte-Baume ; on la trouve aussi dans les Bois de Valbonette, de Valfere, et ailleurs. » Nous avons nous-même revu le Daphne Laureola, il y a quel- ques années, et tout récemment encore, dans les bois de Valbo- nette et de Valfère. V. notre note intitulée : Le Vallon du Dragon à Rognes dans la Revue Hortlicole, journal des travaux de la Société d'Horticulture et de Botanique des Bouches-du- Rhône (Marseille, 1897). ei — 161 — font supposer que les deux espèces ont été ici confondues. Le rédacteur de la Pharmacie provençale n’a pas manqué de mentionner les noms de « segueirons ou fugueirons » que les Provençaux donnaient au Pied- de-veau (1). Il nous apprend encore que les femmes s’en servaient pour accroître la beauté de leur visage : « de la racine tres belle et blanche, dit-il, elles composent un fard qui n’est de peu d’efficace.» GENESTE. — « Nous n'avons remarqué en ce pais que deux sortes de la geneste, l’une qui est grande, de laquelle les verges sont assés longues, et sans fueilles, laquelle est tres frequente en la basse Pro- vence, combien qu'on en despopule bien fort le terroir d'Aix, quoyque ce simple ne face injure à personne: car il n'occupe que les lieux incults, arides et steriles. » | A la description de cette première espèce de « Geneste », il est aisé de reconnaître le Spartium junceum L. Mais pourquoi les gens d’Aix tenaient- ils tant à en « despopuler » leur terroir ? « L'autre, poursuit Constantin, est beaucoup moindre, de laquelle les virgules sont beaucoup moins longues et moins rondes, vestues de quelques petites feuilles : cestuy-cy (à mon advis) ne croit qu'aux montagnes seulement. » Il devient ici bien difficile de se prononcer avec certitude, et nous devons simplement hasarder une hypothèse. Nous inclinons à croire que c’est au Coro- nilla juncea L. qu'il y aurait lieu d’appliquer la phrase qui précède. (1) Les formes Segueiroun, Fugueiroun ou Figueiroun n'ont pas cessé d’être employées, et le Thesaurus de F. Mistral constate qu'elles s'appliquent aussi bien à l’Arum maculatum qu'à l’A. italicum. 11 = 18 - Si, comme Garidel le lui a justement reproché, le docteur Antoine Constantin n'avait pas autant négligé de se familiariser avec la « Botanique mo- derne », il aurait donné aux ‘espèces dont il s’occu- pait les noms adoptés par les floristes contempo- rains : nous nous trouverions dès lors en présence de dénominations qu'il serait beaucoup plus facile de traduire. LENTISCLE. — Dans le chapitre consacré à la « Geneste », Constantin mentionne incidemiment le Pistacia Lentiscus L., à propos du mastic, dont il aurait bien, en certains cas, conseillé l'emploi ; mais, disait-il, «nous ne voulons chercher aucun medicament hors de nostre province, dans laquelle le mastic ne se treuve point, par nostre faute toutes- fois, et negligence de cultiver les lentiscles (1) d’où il est tiré, ou plustost de ne savoir le moyen de le faire, puisque nous avons lesdits lentiscles autant bons que scauroyent estre ceux de l'Isle de Cyo (2) ». ARISTOLOCHIE.— Sous ce titre il comprend trois espèces d’Aristoloche : Aristolochia Clematitis L., A. rotunda L., À. longa L.(3). Mais nous croyons qu'il les distinguait mal. Après avoir dit de l « Aristolochie » in genere : « Elle croit abondam- ment en ce païs de Provence », il ajoutait : « L’aris- tolochie clematis se treuve fort rarement et est (1) Les Provençaux traduisent par Lenliscle le nom latin Léntiscus. Dans Geneste, il est facile de retrouver l’étymologie Genista. (2) Chio. (3) Les noms spécifiques adoptés par Linné pour ces trois espèces d’Aristoloche leur avaient déjà été appliqués par la plupart des floristes du xvie siècle, Matthiole, Anguillara, Pierre Pena, Mathias de Lobel, Charles de l’Estluse, etc, — Sic, pour l’Aristolochia Pistolochia L. LL — 1635 — cognuë de bien peu de gens... — Quant à l’aristolo- chie ronde et longue, elles se trouvent assés frequentes en ce païs, celle-là croit le plus aux vallees pleines de joncs ét dans les prés qu’on n’arrouse guieres, Ceste-cy dans les vignes, desquelles les vignerons ne les en peuvent despeupler, » OIGNON MARIN.— Il applique cette expression à une Liliacée, Scilla maritima L. (Urginea Scilla Steinh.)et à une Amaryllidée, Pancratium maritimum L. « Dioscoride, dit-il, en faict de deux sortes, qu’il distingue en deux divers chapitres : l’une est grande, laquelle nous entendons principalement par le nom de scille, l’autre petite, que luy mesme appelle pancration. Toutes les deux ont mesme puissance, combien que la petite est de moindre vertu, elles sont aussi fort bien peuplees en ce païs principale- ment aux parties maritimes. » Il n’était pas tout-à- fait exact d'affirmer que ces deux espèces sont « fort bien peuplees en ce païs » : la Scille maritime, surtout, est une plante rare en Provence. CHOU MARIN. — Constantin désigne par ces mots le Convolvulus Soldanella L., que les botanistes du xvie siècle nommaient Brassica marina. « Nostre intention, dit-il, n’est pas de parler en ce lieu de toutes les especes de chous, quoyque toutes ayent puissance de purger : mais seulement de celuy qui se treuve au bord de la mer, ayant les fueilles sem- blables à celles de l’aristolochie ronde. Cette espece n'est pas tant vulguaire que les autres simples, desquels nous avons fait auparavant mention, à cause qu'elle ne croit qu'aux parties maritimes, meslee parmi le sablon de la mer... On fait à Montpellier une composition, intitulée. £lectuarium de soldanella incerti authoris : duquel le chou marin, qui n’est autre chose que la soldanella, est la — 164 — base et principal ingredient. » Notre docteur attri- buait spécialement à cette plante le pouvoir d'évacuer « les mucositez et la pituite, laquelle abonde plus aux gens maritimes qu'aux autres hommes » ; etil en prend texte pour nous « faire admirer la providence de Dieu, lequel a donné la varieté des remedes, accommodez à la diversité des maladies qui coustumierement adviennent selon la varieté des lieux. » Le Convolvulus Soldanella clôt la liste des simples qui forment la matière du premier livre de la Pharmacie provençale. L'auteur y ajoute cette conclusion : « Me semble d’avoir assés prouvé ma proposition en ce premier genre de medicamens, laquelle tend à cela, que, pour faire la medecine, il n’est ja de besoin que nous employons les drogues estran- geres.. Je ne doute point que si nous faisons une enqueste, avec les diligences requises, par tous les carrefours de ce païs, nous n’en trouvissions beau- coup plus qu'il ne nous en faut. De sorte qu’en lieu que nous fussions contraints d’aller mandier les estrangers, que plustost nous aurions de quoy fournir aux medecins moins Curieux, ès autres provinces. » Dans le deuxième livre, où vont être examinés, nous Île rappelons, les médicaments « qui purgent sans faire aucune violence au corps humain », nous ne relevons qu’un petit nombre de plantes apparte- nant à la végétation spontanée du pays. Les voici encore dans l’ordre où nous les rencontrons : FRANGULA.— « Pour commencer ce second catalo- gue par les medicamens qui purgent avec medio- crité, je mettray en tesle la frangula, qui estun + ME TSE À — 165 — arbre de médiocre grandeur, ayant les fueilles sem- blables à celles du cornouillier, ou acuernier en pro- vençal, des fleurs blanches, son fruict petit, de la grosseur d’un pois. Ce simple a le boïs fort imbecille et frelle, facile à rompre, de laquelle facilité elle porte le nom de frangula. » Matthiole, Dodoens et l’Historia Lugdunensis avaient appelé Frangula l’arbrisseau dont Linné a fait le Rhamnus Frangula. C'est bien cette espèce que Constantin a insérée parmi ses purgatifs bénins. fl en indique ainsi l'habitat : « Cette plante se treuve aux montagnes de l’haute Provence en plusieurs endroits : n’y a pas longtemps qu'elle y a esté recognuë, je suis asseuré qu'on la trouveroit à la saincte Baume (1), et qu’elle pourroit estre cultivee et nourrie par tout ce païs, mesme dans les jardins. » Par l'association des idées, à propos d’acclimata- tion, il s'étonne qu’on n'ait pas essayé de cultiver en Provence la rhubarbe : « Je m'esmerveille que depuis le temps qu’il y a que le rheubarbe a esté en si grand pris entre nous, qu'on n’aye taché d’en prouvoir ce pais, qui est une region temperée, tout ainsi qu'on y cultive maintenant les cannes à sucre, les pistaches, les palmes, et plusieurs autres plantes estrangeres (2). Mais en cela nous avons deux em- peschemens principaux : l’un est la non-chalance et (1) Il ressort de divers passages de la Pharmacie provençale qu’Antoine Constantin, assez piètre botaniste comme on a pu voir, n’avait pas dû herboriser beaucoup. S'il était allé à la Sainte-Baume, il aurait constaté lui-même que le Rhamnus Frangula ne s’y trouve point. Mais en montant tout près de la barre rocheuse que domine le Saint-Pilon, il n'aurait pas manqué d’apercevoir le Rh. alpinus. (2) IL est certain qu'au xvie siècle la canne à sucre était cultivée en certains endroits de la Provence. Ce que dit Antoine Constantin confirme à cet égard le témoignage formel de Pierre — 166 — negligence nostre, qui a faict que nous ne voulons ou n’osons adjouster rien à ce que nos predecesseurs ont inventé ; l’autre est l’impieté et meschanceté des barbares, lesquels trouvent si bon que nous n’em- ployons presque autres drogues que les leurs, qu’ils ne nous mandent rien qui ne soit adulteré et cor- rompu. Il est certain que le rheubarbe, en leur païs, est une drogue de grand efficace; mais celuy qu'ils nous envoyent est de fort peu de valeur, et la plu- part sert mieux à l’embellissement des cheveux des femmes que pour autres medecines. » Décidément nos Provençales du xvi° siècle pre- naient grand soin de leurs charmes, et, pour se faire belles, appelaient à leur aide non seulement des plantes indigènes, telles que la Bryone ou le Gouet, mais aussi l’exotique Rhubarbe ! EPITHYME OU GOUTTE DU THYM. — Ces deux syno- nymes nous présentent notre Cuscuta Epithymum L. « Il n’y a herboriste, écrit Constantin, qui n’aye en plusieurs endroits veu et recogneu l’epithime, qui est un simple de soy sans aucune racine qu’imme- diatement prenne nourriture de la terre, ains croit par dessus le thym, qu’il enveloppe en forme de cheveux rogeastres. D'iceluy nous avons aussi peu d'indigence que du thym son nourrissier. » ABSINTHE. — € Il n’y a herbe plus commune et plus cogneuë en ce païs que l’absinthe, et toutesfois le vulgaire n’a encores prins garde à sa faculté Iaxa- tive... Des especes d’absinthe que les herboristes ont cogneu et remarqué, nous n'en avons en ce pais que deux : l’une qui a les fueilles minces, petites et Pena dans les Adversaria, et celui de Thomas Platter en ses mémoires.— Voir, dans la série de nos études sur la Botanique en Provence au xvie siècle, Pierre Pena et Mathias de Lobel et Félix et Thomas Platter. — 167 — blanchastres, qu'on nomme absinthe romain ou pontique, duquel on en treuve seulement dans le jardin des Apothicaires quelques plantes : l’autre a les fueilles plus grosses et deschiquetees, lequel est tres-frequent, tant aux jardins de la basse Provence qu'aux lieux incults et pierreux des montagnes. Et de cestuy-cy je veux que nos Provençaux usent. » Nul doute que l’ € absinthe romain ou pontique », cultivée par les apothicaires en leurs jardins, ne fût l'Artemisia Absinthium L. Maïs quel nom porte dans la nomenclature actuelle l'espèce indigène, dont le seul caractère signalé ici est le suivant : « feuilles plus grosses et deschiquetees » ? On peut hésiter entre Santolina Chamæcyparissus L. (1) et l'une de nos Armoises méridionales : À. camphorata Vill. ou A. campestris L. (2). FuMETERRE. — « La fumeterre (ainsi appelée parce que si on met son suc sur les yeux pour les esclair- cir, à quoy elle a grand efficace, elle excite les larmes, tout ainsi que la fumee) croit en grande affluence aux vignes, aux jardins, et par tous les champs : de sorte qu’elle est cogneuë d’un chacun ». Il n’est pas toujours facile de distinguer telle et telle espèce de Fumaria, quand on les a vivantes sous les yeux. Il serait donc téméraire de tenter ici une spécification. Il est probable, du reste, que Constantin englobait sous le nom générique de Fumeterre les diverses espèces de Fumaria plus eu moins abondantes en Provence. (1) Le nom provençal de l’Absinthe est Aussent (b.latin. Absen- tum). Les Provençaux appellent Gros-Aussent la Santoline (F. Mistral, Trésor du Félibrige). (2) Peut-être aussi Artemisia glutinosa Gay ou A. gallica Willd, qui ne sont point rares en Provence. — 168 — MERCURIALE. — Notre auteur s’est contenté d'admettre la Mercuriale dans la seconde série de ses purgatifs, sans donner aucune indication phyto- graphique. Il envisageait vraisemblahlement le Mer- curialis annua L., qui est l’espèce de beaucoup la plus commune. CLOCHETTES. — « Celles que nous avons remar- quees en ce païs sont de deux sortes que le vulgaire appelle du nom commun de Corregioles (1). L'une est petite et croit aux champs cultivez et aux vignes: et de ceste-cy la plebee se sert à la guarison des playes..., et mesme les moissonniers, lorsqu'ils s’offensent et blessent avec leurs faucilles. L'autre est assés grande quant aux fueilles, laquelle se treuve embrassant les hayes des jardins, et bien souvent les chanvres, qu’elle suffoque quelquefois. » Les détails qui précèdent empêchent toute hésita- tion : ils s'appliquent manifestement au Convolvulus arvensis L. et au C. sepium L. PoLyPODE. — « Nous avons retenu le nom de polypode des Grecs, ainsi appellé, pource qu'il est une racine qui est attachee en beaucoup d’endroits, comme par plusieurs pieds : on l’appelle aussi la petite fougere, à cause de la similitude que ses fueil- les ont avec la fougere grande. Ce simple croit en nostre province, autant ou plus copieusement qu’en aucune autre : et se prend coustumierement aux chaines, rochers, en lieux humides et opaques ». La Fougère mise par Constantin au rang dés sim- ples qui ont la propriété de purger sans violence, est bien notre Polypodium vulgare. Cette dénomination binaire, adoptée par Linné, avait été créée par Gaspard (1) Tel est le nom que continue à porter en Provence le Con- volvulus arvensis L. L'orthographe actuelle est Courrejolo. Re 0 es Bauhin. L'auteur du Pinax s'était, d’ailleurs, borné à joindre l’épithète de vulgare au nom de Polypodium que la presque unanimité des botanographes du xvi* siècle appliquaient à la même Fougère. AGaRrIC. — Les anciens auteurs donnaient le nom d’Agaricus au Polyporus officinalis Fries. C’est vrai- semblablement de ce Champignon que la Pharmacie provençale disait : «On m'’estimera possible avoir oublié ma promesse de |ne] vouloir descrire autres simples purgatifs, en ce traicté, que ceux qui se treu- vent en Provence, puisque j'y nombre l’agaric, reputé estranger; mais outre que je le tiens nostre, mesme qu'il croit en plusieurs lieux qui de toute antiquité estoyent de la Provence, comme sont les contrees de Ferre neufve (1) et le Gapensois, il est de grande efficace pour nostre intention, et de peu de coust, et suis asseuré que si nous mettions diligence de le chercher, nous Ie treuverions presque par tout ce païs : car tous ceux qui en ontescrit nous asseu- rent qu'il provient non seulement sur les sapins et melezes, en figure d’esponges et de boulets, mais aussi qu’on l’a treuvé croistre sur les vieux chaînes, et houssons ou eusses (2) et autres arbres glandiferes, desquels nostre province est partout ornee. Je pense aussi qu'il se trouveroit sur les vieux faux {3) à nostre pais, vers les montagnes du Regeois (4) ». (1) Voir la note 2 de la page 154. (2) Les deux noms de Housson et Eusse s'appliquent au Quer- cus Ilex L. Housson est un diminutif du mot français Houx. Eusse est provençal. Ce mot, comme nous avons eu plus haut l’occasion de l'indiquer, s'écrit actuellement Éuse (on prononce Eouse).— Nous avons vu Pierre Belon, dans ses Remons{ran- ces, se servir de la forme Eouse. (3) Faus (lat. Fagus), nom provençal du Hôtre. (4) Lé pays de Riez, Regium. Cette petite ville, qui eut une certaine importance sous la domination romaine et devint ensuite un évêché, est présentement un simple chef-lieu de = 170— CABARET OÙ ASARON, — (Asarum europæum L,) « Le cabaret, que les Latins appellent asarum, comme aussi les Grecs, est abondant aux monta- gnes de nostre Provence, et est un simple de grande utilité pour la purgation. » Enfin, pour clore la série des plantes dont le deuxième livre s'est occupé, il nous reste à repro- duire ce que l’auteur a dit d’une espèce qui n’est point spontanée en Provence, mais que les horti- culteurs du xvir° siècle multipliaient volontiers, le Carthamus tinctorius L. CARTHAME OU SAFFRAN BASTARD. — (Carthamus tinctorius L.) « Combien que le carthame ne nous soit herbe champestre, je ne l’omettray pourtant en ce catalogue, veu qu'il se peut cultiver et se peupler de soy mesme dans nos jardins : il n’est autre chose que la plante qui produit la graine de laquelle on nourrit les perroquets : elle est ornée d’une fleur semblable au saffran, au lieu duquel les plebees quelquefois en usent. » Le troisième livre de la Pharmacie provençale a pour objet, nous l’avons dit, un certain nombre de substances végétales qui sont en réalité des aliments, mais des aliments laxatifs, fruits, légumes et plan- tes potagères ; « medicamens, disait le titre, qui outre ce qu'ils purgent le corps, ont aussi quelque pouvoir de le nourrir ». Bien que ces divers produits végétaux soient du ressort de l’horticulture plutôt que de la botanique, canton de l'arrondissement de Digne (Basses-Alpes). Par les mots « nostre païs », employés dans la même phrase, Constantin entendait la Haute-Provence, d’où il était originaire : Senez, son lieu natal, n’est pas très éloigné de Riez. — 1711 — nous en mentionnerons quelques-uns : ceux à rai- son desquels Constantin a donné des détails curieux qui méritent d’être relevés. En dépit du titre contenant le programme du troisième livre, l’auteur y a introduit un chapitre relatif à la manne qui, si elle est un purgatif, ne saurait être admise parmi les substances alimen- taires. La manne, produit d’exsudation de certains ar- bres, notamment du mélèze, était, au xvi° siècle, en très grande faveur. On estimait fort celle qui provenait des Alpes du Dauphiné et de la Haute- Provence, et que les droguistes vendaient sous le nom de manne de Briançon (1). Mais, au dire de Constantin, il était inutile de faire venir desi loin un remède que quelques arbres de la Basse-Provence pouvaient fournir aussi bien que les mélèzes de ces montagnes reculées. Voici comment il s’exprimait au sujet de la manne : « Je n'ay pas eu crainte de la mettre en mon cata- logue, tant pource qu’elle s’'engendre aux monta- gnes du Dauphiné et de Piedmont, voisines de nos- tre Provence, que pour autant que les montagnes de ce païs n'en sont pas toujours destituees, et encore la trouve-on assés souvent au bas pais : car on en a veu plusieurs fois les saules chargez au ter- roir de Pertuis, et moy mesmes les ay veu distiller la manne douce, laquelle la chaleur du soleil ayant liquefiee et fondüe, tumboit goutte à goutte, telle- ment que l’on en eusse peu remplir plusieurs vases... Les bergers et ceux qui paissent le hbestail aux champs, soubs la canicule, tesmoignent qu'à l'aube du jour, ils ont veu plusieurs fois les arbres et herbes chargees de ceste rousee celeste : et encores (1) Voir, relativement à la manne, ce que nous en avons dit dans Pierre Pena et Mathias de Lobel et aussi dans notre Notice sur le botaniste provençal Jean Saurin. AT — 172 — affirment avoir tres souvent apperceu leurs habille- mens comme oincts et moëttes, et leurs cheveux tous prins de ceste liqueur. » Et sa conclusion était celle-ci : «Nous laisserons donc l’usage de la manne Bri- gantine (1), et de celle de Calabre, et mettrons dili- gence de faire cueillir la nostre. » Les fruits laxatifs dont Antoine Constantin prô- nait l'emploi étaient les prunes, les figues, les ceri- ses, les müres et les melons. Il mettait les prunes au premier rang : « Entre les medicamens alimenteux, disait-il, qui ont aussi quelque puissance d’esvacuer le ventre, les prunes sont des plus insignes, tres-familieres et domesti- ques. » Et il exaltait les prunes de Brignoles, dont la renommée était alors universelle : « Celles de Brignoles sont en grande estime, non seulement en ce païs, mais aussi par toute la France (2). » A propos des figues, il entonnait un nouveau dithyrambe en l'honneur de la Provence. « Entre toutes les provinces de l’Europe, la Provence se peut glorifier, ou plustost doit remercier Dieu de ce qu'elle est la plus abondante et fertile en toutes les choses necessaires à la vie des hommes, et rem- plie de tout ce qui peut servir à la delectation et volupté : car on y admire l’abondance et bonté des oliviers, la bonté des pruniers, pomiers, cerisiers, amandriers, poiriers, et semblables et presque infi- nies especes d'arbres, desquelles les campagnes de ce païs sont naturellement pleines et verdoyantes. » (1) De Briançon. (2) Nous avons donné de curieux détails au sujet des prunes de Brignoles dans Pierre Pena et Mathias de Lobel. Dans notre étude sur Léonard Rauivolff, nous avons reproduit l’éloge que fit de ces prunes le voyageur allemand, lorsqu'il traversa Bri- gnoles pour se rendre à Marseille et de là en Syrie. — 173 — — Parmi toutes les variétés de figues que produit en si grande quantité le territoire provençal, c’est aux figues marseillaises qu’il accorde la prééminence : « Celles de Marseille, qui surmontent toutes les autres en bonté (1) (aussi ont-elles tres-grand bruit aux autres païs), en quelque autre terroir qu'elles soyent transplantees, degenerent de la premiere suavité et douceur. » Les cerises lui fournissent un argument en faveur de l’acclimatation de nombreux végétaux exotiques qui pourrait être tentée en Provence avec succès assuré : « Les cerises sont tesmoins, entre plusieurs ‘autres plantes que la culture peut rendre nostres quoy qu’elles soyent estrangeres et esloignees de nostre terroir : Car la terre provençale en est main- tenant si feconde qu'il n’y a aucune contree en tout ce païs, soit aux montaignes, vallees et plaines, qui ne soit tres fertille en toutes sortes de cerises, et toutesfois nous les avons receües des estrangers. » Les mûres que Constantin appelle domestiques sont, dit-il, « de deux especes, blanches et noires. » Il désigne ainsi les fruits des Morus alba et nigra; par opposition, il nomme champestres les mûres de Rubus. I] mentionne spécialement « celles qui croissent en une sorte de ronce que Dioscoride appelle Rubus Idæus, laquelle est differente des autres, n'ayant point ou fort peu d’espines. Ces meures-cy sont si plaisantes, et à la veué (car elles ont la couleur d’escarlate), au goust et à l’odorat, qu’elles surmontent toutes les autres en suavité : (1) Nous avons eu l’occasion de citer dans Pierre Pena et Mathias de Lobel le témoignage du célèbre botaniste allemand Valerius Cordus, rapportant que les figues sèches de Provence arrivaient jusqu'en Allemagne dans de petits cabas de forme conique en sparterie, in minutis et turbinatis sparteis corbibus, et ajoutant que les plus estimées étaient les figues marseillaises : « hæ parvæ quidem sunt, sed suavitate præstantes, Marsilische feigen dictæ,. » — 174 — c’est la ronce que vulgairement on nomme fram- boisier et son fruict framboises, desquelles plu- sieurs ont commencé à embellir leurs jardins. » Enfin, relativement au melon, le troisième livre de la Pharmacie provençale fournit à l’histoire horti- cole de cette Cucurbitacée la contribution suivante : « En ce païs, nous en avons de trois sortes, distin- guces selon leurs formes et saveurs : « L'une est de ceux qui sont fort ventreux et de figure d’ovale, les caneleures et rayes desquels sont continuees d’un bout à l’autre, et sont ceux qui sont entendus par le nom de poupon ; « L'autre est de ceux qui sont plus longs, ayans leurs rayes eminentes et plus petites, lesquels le vul- gaire nomme au genre feminin pouponnes ; « La troisieme espece est de ceux qui, pour estre de la forme d’un coing, sont appellez en latin melo- pepones, portans le nom de melon et coing ensemble: ceux-Ccy sont proprement entendus par le nom de melon. » Et l’auteur ajoute que chez ces derniers, la chair est « dure, amassee et blanchastre » etle goût « beaucoup plus plaisant et aggreable. » Parmi les plantes potagères douées de « vertu laxative », Antoine Constantin a rangé les « oignons domestiques, bettes, arroches et blettes, espinars et chous. » Au sujet des oignons, il prétendait, contrairement à l'opinion de Dioscoride, que ceux de forme ronde, cultivés en Provence, ont plus d’ «acrimonie » que les autres : « Combien que les oignons longs de Dioscoride surmontent en acrimonie les ronds, toutesfois nous experimentons le contraire en ceux de nostre Pro- vence : car l'experience journaliere nous fait voir que les longs en figure d’ovale, tels que croissent au — 175 — terroir de Bouc et de Gardane (1), cedent en acri- monie aux ronds et aplatis en forme de lentille : il s'en ireuve quelquefois de si debiles, qu’on les mange sans appercevoir aucune ingratitude pour raison de l’acrimonie, voire tous Crus, n’estant aucunement preparez. » Il nous apprend, incidemment, que l'ail était beaucoup moins en faveur que l’oignon chez les Provençaux du xvi° siècle ; c'était le contraire en Gascogne : « Bien est vraÿ qu'en nostre Provence l'usage des aulx n’est pas si frequent que celuy des oignons et pourreaux : Car nous contentans des deux derniers, sommes contens de quitter la possession du premier aux Gascons,. » Pour les arroches, il en distingue deux sortes : «une domestique, qui croit seulement aux jardins par la culture, l’autre sauvage, de laquelle le vulgaire use aussi » ; etil ajoute ; « les arroches sauvages, lesquelles le vulgaire en Provence entend soubs le nom de cenissons ou cinisclons (2), sont ie CD à plus laxatives que les domestiques. » Par «arroche domestique», il entendait certaine- ment l’Atriplex hortensis L.; et par « arroches sau- vages », suivant toute probabilité, les espèces spon- tanées qui abondent en Provence, À. rosea L., À. has- tata L., A. patula L. Dans le chapitre consacré aux « espinars », il se préoccupe d’abord de l'étymologie. (1) Gardanne est actuellement le chef-lieu d’un canton de l'arrondissement d’Aix; Bouc est une commune de ce même canton. (2) D’après le Trésor de Frédéric Mistral, le mot seniscle et le diminutif senisclet désignent encore en Languedoc l’arroche sauvage, La forme cenisclon, employée par Constantin, est aussi un diminutif de seniscle, 2" 1700 « Quelques-uns sont d'opinion que ceste herbe a esté premierement veüe en Espagne, d’où elle semble avoir retenu le nom de spanaceum ou hispanicum | olus, combien qu'il est vraysemblable qu’on les ! appelle espinars, pour raison de leur semence ä espineuse. » à Ici encore, il constate que « des espinars, les uns sont agrestes, les autres domestiques. » « Des espinars domestiques, nous en avons aussi deux sortes, l’une femelle qui est sans graine, ou si en a, est sterile sans pouvoir d’engendrer son sem- blable : l'autre masle qui en son temps est toujours chargé de semence espineuse et piquante, propre pour la purgation : de tous les deux on use coustu- mierement aux repas ordinaires, au printemps et à l'automne, et mesmement en caresme et une bonne partie de l'hiver : en quelque façon qu’on les appreste, ils gardent tousjours leur vertu laxative. » Quant aux « agrestes », voici ce qu'il en dit : € Ils se treuvent seulement aux montagnes du Dauphiné, de Terre neufve, et de la haute Provence, desquels les plebees de ces contrees là usent comme des herbes potageres, les appellans vulgairement sanguaris, ausquels recognoissent quelque pouvoir de nourrir et de laxer le ventre. » — Il est hors de doute qu'il s’agit ici du Chenopodium Bonus-Henricus L., auquel les Provençaux continuent à donner les noms de sangari et d’espinar-bastard (1). Enfin, relativement aux choux, Constantin an- nonce qu'il ne parlera pas des «sauvages » ; et des « domestiques desquels nous avons en ce païs de plusieurs espèces », il se contente de dire : (1) F. Mistral, Le Trésor du Félibrige. SE « Les uns sont blancs, les autres verds, et quelques rouges ; les uns ont les fueilles larges et crasses, les autres minces et crespees ; les uns les ont esparses et esgarees, les autres unies et amassees quasi comme en un globe, lesquels on nomme chous cabus ou capus : toutes ces espèces de chous semblent avoir mesme force laxative. » Le chapitre du chou clôt la première partie de la Pharmacie provençale ; l'auteur y ajoute seulement cette déclaration qui contenait une promesse : « Il y a une infinité d’autres simples en ce païis, de mesme vertu et efficace que ceux que j’ay rangez au premier, second, et en ce troisiesme livre, lesquels j eusse adjoustez pour la preuve de ma proposition _n’estoit que j'avois peur d’estre trop prolixe et de sembler descrire des choses qui sont de soy assés manifestes et probables. Joint aussi que tant de tesmoins inobjectables que j'ay produits doyvent suffire pour la confirmation de ceste verité, laquelle j'espere, avec l’aide de Dieu, d’establir et renforcer encores mieux, tant par le denombrement des remedes particuliers et chirurgicaux, repellens, atti- rans, suppuratifs, mondificatifs, agglutinatifs et sudorifiques, pour chasser hors de nos boutiques le gaïac, la sarza parille, la racine de cinna, et autres piperies que les estrangers nous ont faites avaller auparavant, que par un dispensaire qui sera dressé non seulement pour la nation provençale, mais aussi pour toutes les autres provinces de ce royaume de France. » ; Comme on le voit, Antoine Constantin promettait de donner une suite à son ouvrage. Il tint parole, et il écrivit, en effet, le complément dont il avait, dans le passage qui précède, tracé le programme. Mais cette seconde partie n’a jamais été imprimée. Au cours du siècle suivant, et quinze ans après 12 — 178 — la mort de l’auteur, Peiresc, mis en possession du manuscrit, manifesta l’intention de le donner au public. | L’illustre conseiller au Parlement de Provence s'était d’abord proposé de rééditer le premier volume. C’est ce que nous apprend Gassendi, dans sa Vie de Peiresc, où il écrit sous le millésime 1629 : « procurare intereà voluit iteratam editionem Phar- : maceutices Antonii Constantini Provincialis Medici, qui ante annos circiter triginta in id incubuerat, ut ostenderet nihil esse opus ad plantas exoticas, pere- grinaque remedia confugere; cüm, benignitate naturæ, idem patrium solum, quod homines gignit, ipsis nutriendis, curandisque consentanea et ali- menta et medicamenta provideat (1). » Tant pour cette réimpression que pour la publi- cation de la partie inédite, Peirese voulut s’assurer le concours d’un médecin de grand renom, le doc- teur René Moreau, que Gassendi appelle « magnum medicæ facultatis Parisiensis lumen (2) ». Moreau se montra tout d’abord disposé à faire imprimer lui-même l’œuvre de Constantin. Gas- sendi, se trouvant à Paris en 1628, écrivait le 2 décembre à son ami Peiresc : (1) Gassendi, Vita Peireskii, édition de Paris, 1641, p. 226. (2) « René Moreau, né à Montreuil-Bellay le 6 août 1587, mou- rut à Paris le 17 octobre 1656. Ce fut le grand ami de Gui Patin, qui parle si souvent de lui dans sa correspondance et toujours avec de grands éloges. » (Note de Tamizey de Larroque, édi- teur des Lettres de Peiresc). Le Dictionnaire historique de Maine-et-Loire, cité par Tamizey, disait de René Moreau : « Le succès de son enseignement à la Faculté, non moins que ses publications, le désignèrent au choix du grand Aumônier de France, Alphonse de Richelieu, qui le fit nommer à Paris pro- fesseur royal au Collège de Cambrai.» A sa mort, René Moreau laissa une bibliothèque qui « fut vendue, somme inouïe pour le temps, 22.000 livres. Fouquet en racheta pour 10.000 livres le principal fonds de médecine qui passa plus tard dans la Biblio- thèque Mazarine. » 2470 Mr Moreau, ayant veu ce que vous m’escriviez du livre de M" Constantin, me dit que vous n’aviez qu’à le nous envoyer par la premiere commodité parce qu’il prendroit le soin de le faire imprimer en ceste ville, et en tout cas à Geneve, ayant dessein de vous en faire l’addresse par une epistre liminaire. Il adjousta qu'il seroit bon de voir avant toute œuvre la partie imprimée parce que s’il faloit adjouster, retrancher ou changer quelque chose à ce manuscrit, on rapporteroit mieux toutes choses à l’in- tention de l’autheur (1) Mais ce projet de publication fut abandonné, à la suite de certaines difficultés qui s’élevèrent un peu plus tard entre Peiresc et Moreau, nous ne savons à quel propos. Le fait nous est connu seulement par une lettre que, neuf mois après, le même Gassendi, toujours à Paris, adressait à Peiresc le 4 septem- bre 1629 : Je ne me suis point encore souvenu de dire à Mr Moreau ce que vous m'escrivites dernierement du livre de Mr Constantin; pour moy j'en ay esté plus fasché pour la peine que vous y avez prise que pour autre chose. Ce monsieur là croyoit peut estre que ce fust là quelque grand tresor dont on se voulust prevaloir à son desad- vantage. Il en tirera luy mesme le fruict qu’il pourra, et pour vous vous devez estre satisfait de n’avoir rien oublié de ce qui pouvoit regarder soit la memoire du defunct, soit l'honneur du païs (2). Qu'est devenu le manuscrit de Constantin? Il existait encore, à Aix, au temps de Garidel. Celui-ci, dans sa notice relative à l’auteur de la Pharmacie provençale, s’exprimait ainsi à ce sujet : « Ce n’est proprement que des purgatifs que nôtre Auteur a parlé dans cet Ouvrage. Il en a composé un second, qui est la suite du premier, qui traite des diuréti- (1) Lettres de Peiresc publiées par Tamizey de Larroque, t. 1v. (2) Ibid., p. 210, —-180 — ques, des apéritifs, des diaphorétiques, et des alté- rants domestiques, qui n’a pas vû le jour, et qui est encore en manuscrit entre les mains de ses héritiers, que Mr Joannis, très habile Medecin, m'a assüré avoir lü. » La même notice complète ainsi qu’il suit la bio- graphie d'Antoine Constantin : « Septans après avoir mis son ouvrage au jour, écrit Garidel, il se retira à Lambesc (1) où il fut gagé par la communauté pour y exercer la Medecine. Il y mourut le 18 novembre 1616 et füt enseveli dans l'Eglise des RR. PP. dela Sainte Trinité. » | Trois ans avant sa mort, le docteur Consiantin fit paraître un autre ouvrage. Mais celui-ci n’était point, comme le premier, une pharmacopée. L'auteur avait tenu à faire, cette fois, œuvre de médecine pure. Son livre, imprimé à Lyon en 1613, a pour titre : OPUS MEDICÆ PROGNOSEOS in quo omnium quæ possunt in ægris animadverti symptomatum in omnibus morbis, causæ et eventus copiosè et luculenter exponuntur (2). Mais dans ce traité des différents symptômes qui permettront de dianostiquer toutes les maladies, nous he trouvons rien qui se rapporte à la botanique; nous n'avons pas, dès lors, à nous en occuper. | Jl y a, cependant, une particularité que nous tenons à signaler. L'ouvrage est dédié au gouverneur de la Provence, qui était alors Charles de Lorraine, duc de Guise, le (1) Sa retraite en ce lieu fut sans doute déterminée par cette circonstance qu'il avait épousé une jeune fille originaire de Lambesc. « Il s'était marié, dit encore la notice, le 20 novem- bre 1580 avec Damoïiselle Catherine Baroncelly, fille à feu Pierre, et de Marguerite Hemerique, de la ville de Lambesc. » (2) Lugduni, apud Ciaudium Morillon Typographum, M. D. C. XI, CALAE Ë — 181 — même qui rétablit à Marseille l'autorité royale, quand, en 1593, Pierre Libertat tua le consul Charles de Casaulx, le dernier des Ligueurs. Constantin, en son épître dédicatoire, ne manque pas de faire allu- sion à ce mémorable évènement; au mot de Provence, qu'il vient d'écrire, il joint cette phrase incidente qui certainement lui assura les bonnes grâces du gouver- neur : {u intrepidè è tyrannorum faucibus, Maciliæ urbi antiquissimæ et potentissimæ liberlate restituta, habenas Prorex mira providentia moderaris. Antoine Constantin laisse voir dans cette épitre qu'il n’était pas un auteur modeste et qu'il avait concu de son propre mérite la plus haute idée. Il ne craint pas d'appeler son nouveau traité sublime et excellens opus ; il insiste sur les efforts et la peine que ce livre lui a coûtés : fœtus quidem est summis vigilits, pertinaci et improbo labore, vartisque partus torminibus. Aussi, redoutant, comme jadis pour la Pharmacie provençale, les attaques des envieux, qu'il compare cette fois à des vautours et à des cor- beaux, il confie au duc de Guise le soin de protéger cet ouvrage, qui in liberam lucem proditurus, fui au- gusti nominis umbra et alis, ut à vulturum rostris et corvorum croticibus tutus avolaret, indigebat (1). Espérait-il que le duc de Guise le protègerait aussi contre l'oubli, d’où nous l'avons tiré pour quelques instants, et dans lequel, hélas! il est, ainsi que sa méthode, destiné à retomber ? (1) L'épître dédicatoire au duc de Guise est ainsi datée : « Ex nostro museolo Lambisci {uæ dominationis, Iib. Augusti, anno 1612. » Le fief de Lambese appartint pendant plusieurs siècles et jusqu’à la Révolution à la maison de Lorraine. Le P. Anselme donne le titre de comte de Lambesc et d'Orgon à François de Lorraine tué en 1524 à la bataille de Pavie. Plus tard Lambesce fut érigé en principauté. Les armoiries de cette petite ville sont « d'azur à la croix de Lorraine d’or », INDEX DES NOMS DE PERSONNES MENTIONNÉES DANS CE VOLUME Aetius : 26, 33, 47, 141. Aldrovande : 16. Alpin (Prosper), Alpinus : 135. Ancelin : 144. André de Croatie : 71. Anguillara (Louis) : 9-34, 40, 50, 162. Anselme (le P.) : 181. Archigène : 26, 27. »… Arduino : 154. Artefeuil : 56. Avenzoar : 149. Avicenne : 149, 155. Baroncelly : 180. Bauhin (Gaspard) : 12, 15, 15,022; 25, 27, 30-32, 89, 116, 153, 154, 156, 157, 169. Bauhin (Jean) : 23, 26, 59, 116, 153. Beaumont (de) : 89. Belin : 124. Bellay (René du) : 37, 38, 46. Belon (Pierre) : 37-66, 87, 102, 135, 153, 154, 169. Bernardi : 145. Berry (Marguerite, duchesse de) : 14, 15. Betz.::7# Beys : 151. Boissard : 70. Bonvisi : 94, 131. Boysset : 88. Brueys : 118. Burnat : 46. Callas (le conseiller de) : 80. Camerarius : 22, 116. Candiano : 14. Candolle (de) : 27. Capisula : 124. Casaulx (Charles de) : 181. Castagne : 153. Cerenza (le duc della) : 81. Césalpin : 156. Charles IX : 40. Charles-Emmanuel Ier : 144. Charles Quint : 76. Chatillon (le cardinal de) : 62. Chrysippe : 146. Claret (F. de) : 103, 105, Constantin (Antoine) : 137, 139, 141, 143, 144, 146-154, 156, 158-163, 165-168, 170- 181. | Constantin (Claude) : 141. 2 186 0 Constantin le Rhodiote : 12. Contarini : 15. Cordus (Valerius) : 115, 109, 198 174 Costæus : 150. 38, 89, Darmesteter : 50, 64. Delille : 60. Delisle (Léopold) : 80. Demoulins de Rochefort : 14. Dioclès : 146. Dioscoride : 16, 22, 24, 51, 99, 100, 149, 152, 158, 163, 173, 174. Dodoens (Rembert), Dodo- næus : 69, 76, 153, 155, 165. Doins : 124. Domitien : 27. Dupetit-Thouars : 15. Eberwein, V. Cordus. Elisée : 140. Erasistrate : 146. Escluse (Charles de l’), Clu- sius :10, 22, 30, 81, 39, 41, 45, 69-83, 85-93, 95-103, 105, 106, 108-111, 114-121, 123, 125-127, 129, 132, 136, 153, 162. Escluse (Michel de F) : 7 Fabri de Callas (Rainaud) : 80. Fabri de Peiresc (Nicolas- Claude) : 79-86, 93-99, 71, 19,01, 0. Haller : 106, 108-125, 129, 132, 1 136, # 178,279. Fab de Valavez (Pala- mède) : 123. Faccioli : 17. Fontaine : 124, 125. Fouque : 157. Fouquet : 178. François Ier : 103. Fries : 120; 191 Fuchs : 150. Fugger : 78. Galien : 145, 149, 151. Gallaup -Chasteuil (Louis de): 144. Garidel : 89, 125, 141, 149 150, 152, 155-157, 160, 162, 179, 180. Gassendi : 81, 82, 85, 99, 110, 125, A7 0% Gesner (Conrad) : 22, 38, 89, 90, 115, 122, 123, 153,400 Goorie (Abraham de), Gor- lœus :‘151. Gouan : 27. Grenier et Godron : 27. Groot (Hugot de), Grotius : 1931. Gualandi : 14 Gualdo : 81. 18. Hammes (de) : 40. Hatzfeld : 50, 64. Hémerique : 180. Henri IT : 14, 40, 42, 76. Henri IV : 145, — 185 — Herman : 157. Hérophile : 146. Hippocrate : 149, 152. Huet : 154. Imperato (Ferrante) : 109. Jason : 39, 40. Joannis : 180. Joret : 110, 115-118. Kentman : 122, 123. Kieffer : 71. À Lamarck : 91. Legré (Ludovic) : 33, 47. Libertat : 181. AU GT 0 1025 156162: 165. Maximilien IT : 76, 78. Mesué : 149, 152, 153, 159. Michiele : 10. Mistral (Frédéric) : 45, 53, 111,115-118, 151, 154, 161, 107, 1753 146: Moïse : 140. Molhuysen (le docteur P.- CHARGES TT. Mons (de) : 135. Moreau : 178, 179. Morren (Edouard) : 70, 77, 79. Mortreuil : 60. Mundella : 13. Liebault : 16. biané :22, 25, 27, 30-32, 43, Nerva : 27. 49:51, 87, 100, 103, 115, 116, 153-157, 162, 165, 168. Odon : 18. - Littré : 14, 28-30, 50, 64. Ollivier : 41. Lobel (Mathias de) : 18, 19, Oribase : 149. 29/46, 54, 71, 75, 81, 83, 84, 100, 101, 103, 116, 126, Patin (Gui) : 178. 162, 166, 171-173. Paul d'Egine : 149. Loë : 77. Peiresc, V. Fabri. Loredano : 15. Penas (Pierre) 189, 19% 29: Lorraine (Charles de), duc 46, 54, 71, 75, 80, 83, 100, Guise : 180, 181. 101, 103, ‘114, 116, 154, Lorraine (François de) : 181. 162, 166, 171-173. Louis II : 88. Perrin : 145, 146. Pinelli : 81; 109, 131:-195 Planchon : 71, 72, 90. Plantin : 79. Platter::74; 72:757106: Pline : 28, 29, 30. GER A: 20. Praxagore:; 146: Magdelaine (sainte) : 83, 84. Maicox : 141. Marinello : 14-16, 20. Martins (Ch.) : 88, 89. Matthiole M : Prinster : 13. Pritzel : 15. Prodicus : 146. Quadramio : 17, 18. Quiqueran de Beaujeu : 102, 103, 105, 142. Rauwolff : 70, 75, 78, 172. Ravelingen , Raphelengius : 79, 99, 123, 125, 130. Ray (Jean) : 125. Raynaudet : 70, 75. René (le roi) : 88. Ribbe (Charles de) : 88. Richelieu (Alphonse de) : 178. Robin (Vespasien) : 85. Rodolphe II : 78. Rondelet : 71-73, 90, 100, 101, 122: Ronsard : 39, 40. Roux (Honoré) : 45, 89, 90, 153, 154. Roze (Ernest) : 108, 120. Ruel : 150. Saccardo : 34. Saint-Lager : 31, 34. San Michiele Comasco : 11. Saurin : 155, 171. Scaliger : 81, 131, 177. Schenck : 15 Na PAS A pr: Lo ARE Nr Mr À: ? Rx à Seguier : 13, 15. Solier (Hugues de) : 48, 141, 152. Squalermo : 34 Tabernæmontanus : 30. Tamizey de Larroque : 82, 84, 97, 108, 110-112, 119, 123, 178, 179: Mhéinisot 146. Théophraste : Thevet : 39, 40. Thomas : 50, 64. Thou (le président de): 131. Tiraboschi : 10, 13, 16-18, 21, 34. Tobie : 140. Tournefort : 13, 15, 69, 89. Tournon (le cardinal de) : 38, 64. Tragus : 116. Trajan : 27. Trets (le baron de) 65. Valgrisi : 15, 16. Vasseur : 122. Vincent : 130. Vivien de Saint-Martin : 10. WOrSE: 75 Yolande d'Aragon : 88. 33, 47, 25, 149, 156. . [= ; : 09, 06, INDEX DES NOMS GÉOGRAPHIQUES Agnis (le Mourre d’) : 84. - Aigues-Mortes : 55. . Aix-en-Provence : 49, 55, 56, 65, 80, 82, 85, 89, 93-95, 98, 99, 110, 122, 124, 130, 140- 142, 144, 145, 148, 149, 153, | 154, 157, 161, 175, 179. _ Albenga : 46. Alep': 10, 12. Alexandrie : 12. Angers : 88. Angoulême : 39. Anguillara : 10, 34. Antibes : 44, 62, 121, 125, 154. Anvers : 77, 79. Arles : 49, 74, 55, 86-90, 99, 101-103, 105, 106, 141. Arras : 70, 108. Arrone (}) : 10. Athènes : 51. Augsbourg : 78, 85. Avignon: 20, 29, 30, 57-59, 62, 76, 87, 96, 124, 195, 199. brbâle:: 15, 89. Bausset (le) : 122. Belgencier : 80, 83, 84, 106, 108, 110, 113, 120, 122. Perl 190 Bollène : 76, 87. Bologne : 13, 21, 30. Bouc : 175. Boulogne (le bois de) : 40. Bracciano : 10, 34. Briançon ; 171, 172. Brignoles : 172. Bruges : 70. Cadix : 92: Camargue (la) : 75, 86, 101. Candie : 12. Carcassone : 73. Carpentras : 20, 29, 30. Castellane : 141. Castellet (le) : 121, 122. Céphalonie : 11. Chio : 11, 44, 162. Cesena : 13. Chypre : 11. Coire : 11. Lolmars : 155! Constance : 71. Constantinople : 11, 39. Corfou : 11. Crau (la): 74, 75, 106. 99, 105, Damas : 12. Digne : 141, 170. _— 188 — Dresde : 122. Entraunes : 155. Ferrare : 17, 18, 34. Fouletourte : 37. Francfort-sur-le-Mein : 79, 85, 94, 95, 98, 112, 130, 134. Fréjus : 44, 62, 96, 129. Frontignan : 154. Gand : 70. Gapeau (le) : 108. Gardanne : 175. Gênes : 46. Genève : 179. Grenoble : 76, 87. Gule (?) : 55, 56, 60. Guzarata : 157. Hambourg : 15. Hildesheim : 123. Hybla (le mont) : 51. Hyères : 115. Hymète (le mont) : 51. Isle (1°) : 21, 24. Jéricho : 140. Jérusalem : 43. Lambesc : 159, 160, 180, 181. Lancon : 21, 25. Lesina : 11. Leyde : 70, 71,76, 79, 80, 82, 84-86, 93, 94, 97, 108, 110, 111, 123, 125, 132, 136, 157. Livourne : 21, 38. Louvain : 70. Lucques : 19. Lunel : 75. en Lyon : 31, 98, 129, 130, 131, 133, 144, 180. û Maguelone : 73. Malaga : 90. Malines : 76, 77. Mans (le) : 37, 38, 42, 46. 7 Marseille : 12, 15, 20, 23-25, 28, 32, 33,47, 50, 55000 59, 60, 62-64, 74, 15,418, 86, 87, 91-102, 106, 121,0 129, 130, 157, 172, 173, 18000 Mazan : 21, 24, 28. Menton : 44, 154. Metz : 40. Milan : 14. | Monaco : 44, 154. vu Montaiguet (le) : 153, 157. | Monte-Nero : 21. 10 Montélimar : 44, 76, 87. 130 Montmajour : 88, 90, 141. +24 Montpellier : 18, 27, 69, 71- 76, 79, 86, 88-90, 96, 100, 101, 128, 129, 131, 157, 468 Montreuil-Bellay : 178. 55 Naples : 88, 144. Napoule (la) : 46. Nice : 32, 44, 61, 62,120 154. | À 3 Nimes : 76, 157. Nuremberg : 13. 140 Oizé : 37. Ollières : 157. Orange : 45, 62, 76, 87. Orgon : 49, 57, 181. — 189 — Padoue ::12, 13, 15, 17, 81, 108. Paris : 38, 40, 64, 85, 96, 97, 0, 191,132,150; 178, 179. Pavie : 181. Peiresc, Castrum de Petrisco: 80, 109, 110, 156. Pennes (les) : 21, 23. Pertuis : 171. Pise : 19, 21. Pont-Saint-Esprit (le) : 48, AU: 51: Pourrières : 157. Raguse : 57. Ramatuelle : 41, 45, 55, 62, 154. Ravenne : 54, 55. Rhodes : 12. Rhône (le): 45, 51, 52, 74, 15;:86, 87, 99. Rians : 157-160. Riez : 169, 170. Rognes : 160. Rome : 10, 27, 38, 44. Roquebrune : 44. Roussillon : 21, 24, 28, 50. Saint-Chamas : 75. Saint-Gilles : 75, 81, 99. Saint -Martin-de-Crau : 75, 99. Saint-Maximin : 124. Saint-Pilon (le) : 165. Saint-Pons-de-Gémenos : 60, 61. Saint-Tropez : 154. Sainte-Baume (la): 61, 83, 160, 165, Salamanque : 100. Salins d'Hyères (les) : 108. Salon : 41, 49, 53, 75. Salto della Cerva : 31, 32. Savone : 32, 46. pe Sebenico : 11. Senez : 103, 141, 142, 170. Séville : 90. Seyne : 155. Siemershausen : 38. Sienne : 16. Signes : 84, 107. Sirpons (?) : 59, 60. Soulletière (la) : 37. Spezzia (la): 44. Strasbourg : 89. Thionville : 40. Tholonet (le) : 153. Toulon : 33, 80, 83, 96, 122, 129. Tournon : 52. Touvoie : 38, 46. Uzés : 48. Valbonette : 160. Valence (Dauphiné) : 76, 87. Valence (Espagne) : 90. Valfère : 160. Venise : 12-17, 53. Vienne : 15, 78. Villefranche : 46. Watènes : 70. Zante : 11. Zara : 11. Zurich : 89, 90, 122. INDEX ALPHABÉTIQUE DES NOMS BOTANIQUES MODERNES DES ESPÈCES CITÉES Acer campestre L. : 117. — monspessulanum L. : 117. Agave americana L. : 124. Ajuga Iva Schreb. : 117. ‘Amygdalus persica L. : 47. _ Aphyllanthes monspeliensis L. 6 à Arbutus Unedo L. : 50, 113. Aristolochia Clematitis L. : 162. longa L. : 162. Pistolochia L. : 29, 162. rotunda L. : 162. Artemisia Absinthium L. : 167. campestris L. : 167. camphorata Vill. : — — | Y ARR — gallica Willd. : 115, 167. — glutinosa Gay : 115, 167. Arum italicum L. : 160, 161. maculatum L. : 160, 161. Asarum europæum L. : 170. Asphodelus fistulosus L. : 106. . Astragalus massiliensis Lamk : 74, 91. Atriplex hastata L. : 175. hortensis L,. : 175. patula L. : 175. rosea L. : 175. Boletus luteus Fries. : 121, pachypus Fries : 121. Bryonia dioica Jacq. : 159. Bupleurum fruticosum L. : 24, 33, 49. | Campanula latifolia L. : 118. Medium L. : 118. persicifolia L.:118. Trachelium L. : 118. Carlina corymbosa L. : 27, 28. racemosa L. : 27. sulphurea Desf. : 27. Carthamus tinctorius L. : 170. Cedrus Libani Barr. : 61. Celtis australis L. : 52. Ceratonia Siliqua L. : 45. Chamærops humilis L. : 89. Chenopodium Bonus-Henricus ke: 170, Cistus albidus L. : 22, 33. monspeliensis L. : 22, 34. salviæfolius L. : 22, 33. villosus L. : 22. Clathrus cancellatus L.:106,120. Cneorum tricoccum L. : 45, 49, 153, 154. Cnicus benedictus L. : 24, 26, 34. — Convolvulus arvensis L. : 168. de RAR sepium L. : 168. Soldanella L: : 163, 164. Turpethum L. : 157. Coronilla juncea L. : 30, 161. minima L. : 31. valentina L. : 31. a17: ET Crithmum maritimum L. : Cuscuta Epithymum L. : 166. . Cytinus Hypocistis L. : 22, 34. Cytisus sessilifolius L. : 22, 34. Daphne Gnidium L. : 153. Laureola L. 116, 152, : 160. Ecballium Elaterium Rich. : 150. Euphorbia Characias L. : 102, 116. —— dendroides L. : 32, 33. — Helioscopia L. : 152. Lathyris L. : 151. Euphrasia Odontites L. : 30. Evonymus europæus L. : 118. Fagus sylvatica L. : 169. Fumaria spicata L. : 86. Globularia Alypum L. : 117. Helleborus niger L. : 154. ire Es At 155: Hippophae rhamnoides L. : 116. Iris germanica L. : 158, b, “é 5 4 A AMEN DE st, PA RÉ =) ds : 4 JAUNE EST ñ k —+ Oxycedrus L. | phænicea L.: 56, Sabina L.: 57. — Lavandula Stæchas Le 118. Lepidium Draba L. ER Ligustrum vulgare L. Medicago marina L. : Mercurialis annua L. : Morus alba L. 7178, nigra L. : 179. | Myrtus communis L. : 48, 11° : ETES : 73, 11020 EU: LR Narcissus poeticus L. Tazetta L. Obione portulacoides Mod ES 101. Odontites rubra Pers. : 30. serotina Rchb. : Olea europæa L. : 115. Paliurus australis Rœm. et Sch. : 43, 117. e 163. 4 Paronychia argentea 7. 99. k Passerina annua Spreng. : 116. 52 Tarton-raira DC. : Pa 116. di fes F Phillyrea angustifolia L.: 48, … 115. ; dr. 2 | Phiomis fruticosa ES 4. 54e Pinus Cedrus L. : 61. FER — halepensis Mill. : 54, GG. à — maritima Lamk : SK NS — Pinea L. : 54,116. 0SS _ sylvestris L. 100 à “ acia Lentiscus L. : 44, 115, Ruscus aculeatus L. : 28. Terebinthus L. : 116. Sambucus Ebulus L. : 158. À umbago europæa L. : À olypodium vulgare Es ‘£ olyporus officinalis Friès : versicolor Fries : | Pterotheca nemausensis Cass. : Moirene coccifera L. a EM 10, 115. : Rhamnus Alaternus L. : 44, 48, . Paliurus L. : 43. Coran re 87. RI cinus communis L. : — nigra L. : 158. Santolina Chamæcyparissus L. 115, 167. Satureia capitata L. : 51. Scilla maritima L. : 163. Senecio Cineraria DC. : 117. Seseli tortuosum L.: 24, 99, 117. Smilax aspera L. : 116. Spartium junceum L. : 25, 161. Styrax officinale L. : 118. Thapsia villosa L. : 156, 157. Thymus vulgaris L. : 51. Ulex parviflorus Pourr. : 33, 34. Urginea Scilla Steinh. : 163, Veratrum album L. : 155. Viburnum Lantana L. : 116. Vitex Agnus castus L. : 52. TABLE RC ANGOLA. 2, PIERRE BELON. D Ke. CHARLES DE L'ESCLUSE . LE ÉTÉ PMR PET EE TR & : APPENDICE : Lettres Gnédites) de N.-C. Fabri de Peiresce à-Charles dé PEscluse. . . 2 . . : 1 * x Marseille. - Typ. et lith. BARLATIER, rue Venture, 19, Pages 129 139 183 1877 191 2MPRIMERIE LITHOGRAPHIE BARLATIER (Nr A MARSEILLE 8 — DU MÊME AUTEUR mia ÉTUDES D'HISTOIRE DE LA BOTANIQUE à La BOTANIQUE EN PROVENCE AU XVI® SIÈCLE : PIERRE PENA ET MATHIAS DE LOBEL (Marseille, 1899, in-8o, vix1-263 p.). LA BOTANIQUE EN PROVENCE AU XVIe SIÈCLE : HUGUES DE SOLIER (Marseille, 1899, in-8°, 45 p.). (Ces deux ouvrages ont obtenu de l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres la première mention au concours des Antiquités de la France, en 1899.) ; LE VALLON DU DRAGON A ROGNES (BOUCHES-DU-RHÔNE) (Mar- seille, 1897, in-8°, 6 p.). NOTICE SUR LE BOTANISTE PROVENÇAL JEAN SAURIN, DE CoL- MARS, 1647-1724 (Paris, 1899, in-80, 15 p.). LA BOTANIQUE EN PROVENCE AU XVI" SIÈCLE : FÉLIX ET THOMAS- PLATTER (Marseille, 1900, in-8°, vir1-93 p.). UN BOTANISTE FLAMAND DU XVI* SIÈCLE : VALERAND DOUREZ 47 (Lille, 1900, in-8°, 18 p.). ; F3 LA BOTANIQUE EN PROVENCE AU XVIII® SIÈCLE : PIERRE FORSKAL. % ET LE FLORULA EsraciEnsis (Marseille, 1900, in-8°, 27 p.). LA BOTANIQUE EN PROVENCE AU XVI" SIÈCLE : LÉONARD RAUWOLFF — JACQUES RAYNAUDET (Marseille, 1900, in-8 » # X-149 p.). LA BOTANIQUE EN PROVENCE AU XVilie SIÈCLE : LE FRÈRE GABRIEL, CAPUCIN (Marseille, 1901, in-8°, 8 p.). | î L'INDIGÉNAT EN PROVENCE DU STYRAX OFFICINAL : PIERRE PENA ET FABRI DE PEIRESC (Marseille, 1901, in-8, 23 p..). EN PRÉPARATION LA BOTANIQUE EN PROVENCE AU XVI* SIÈCLE : JEAN BAUHIN. — GASPARD BAUHIN. PIERRE DE QUIQUERAN DE BEAUJEU. FLoruza MaAssirroricA : Histoire des plantes auxquelles la no- menclature botanique a donné une dénomination spécifique dérivée du nom de MARSEILLE. Imprimerie du Sémaphore. — BARLATIER, Marseille. nn 5 00096 4 ER nt ane (initie) “14 E ROSE DC EEE I LS RENE AUS BTE ins "4 stotoloté es à