-"/i ^.U t-^ .. >*V s^-: %mi ^m. >t^^-^- '^N^ ^^:> r-:^^-' ■f^\ LA CELLULE LA CELLULE RECUEIL DE CYTOLOGIE ET D'HISTOLOGIE GÉNÉRALE PUBLIE PAR J, 13. UAlvJNUl, PROFESSEUR DE BOTANIQUE ET DE BIOLOGIE CELLULAIRE, (j. (jl-LoUJN, PROFESSEUR DE ZOOLOGIE ET d'eMBRYOL03IE, A l' Université catholique de Louvain AVEC LA COLLABORATION DE LEURS ÉLÈVES ET DES SAVANTS ÉTRANGERS TOME XIII i"' FASCICULE. I. Sur la graine et spécialement sur l'endosperme du Ceratonia siliqua. Étude critique et chimique, par H MARLIÈRE. II. La fécondation chez l'Ascaris megalocephala, par J. B. CARNOY et H. LEBRUN. III. Les cinèses spermatogénétiques chez IHelix pomatia, par Arthur BOLLES LEE. \^ LIERRE j^ PARIS Typ. de JOSEPH VAN IN & 0\ ' ', G. CARRÉ & C. NAUD, Éditeurs, rue Droite, 48. rue Racine, 3. 1897 Mémoire de botanique PRÉSENTÉ AU CONCOURS DE 1 S96 POUR LA COLLATION DES BOURSES DE VOYAGE ET AGRÉÉ PAR LE JURY. Sur la Graine et spécialement sur FEndosperme DU CERATONIA SILIQUA ÉTUDE CYTOLOGIQUE ET CHIMIQUE PAR H. MARLIÈRE DOCTEUR EN SCIENCES NATURELLES. (Mémoire déposé le 30 juin 1896.) 1 SUR LA GRAINE ET SPÉCIALEMENT SUR L'ENDÛSPERME DU CERATONIA SILIQUA. INTRODUCTION. L'endosperme du Ceratonia siliqua, vulgairement caroubier, plante ligneuse méridionale de la famille des légumineuses, est une véritable cu- riosité scientifique. Chaque année, depuis la fondation du cours de Biologie cellulaire à l'Université de Louvain, les étudiants des facultés de Médecine et des Sciences l'observent au microscope. Les membranes énormes, sans structure apparente, des cellules de ce tissu présentent, au point de vue bio- logique, une grande affinité avec la substance fondamentale du cartilage. C'est un objet classique, et presque tous les auteurs, lorsqu'ils traitent de la membrane cellulaire, se croient obligés de le citer. Personne cependant, à notre connaissance, n'en a fait une étude suffisamment approfondie. En abordant le présent travail, nous n'avions qu'une idée : chercher si, par des méthodes appropriées, il ne serait pas possible de définir exactement, tant au point de vue chimique que dans ses particularités cytologiques, la nature de ces membranes singulières. L'histoire du Cerato- nia siliqua, et elle est déjà longue, comme on le verra bientôt, nous laissait encore beaucoup à faire sur ce point. Cette question, si exiguë en apparence, revêtira plus d'importance, si l'on songe que les substances mucilagineuses, dont il faudra nous occuper, sont encore peu connues en dépit des nombreux travaux cju'ellcs ont pro- voqués. Elles ont d'un objet naturel à l'autre des propriétés fort différentes. 8 H. MARLIÈRE mal caractérisées, et il semble que ces matières, si répandues dans le do- maine de la botanique, résisteraient beaucoup moins aux investigations de la science, si l'on s'efforçait de les étudier minutieusement une à une, plutôt que de généraliser d'une manière trop hâtive. A cet édifice d'une synthèse dûment fondée sur les gommes et les mucilages, nous apportons notre pierre, si modeste et si peu façonnée qu'elle soit. Puisse-t-elle y trouver sa place ! En route, nous ne nous sommes pas borné à l'étude de la membrane de l'endosperme du Ceratonia. Allant du connu à l'inconnu, nous avions commencé cette analyse par la graine mûre, livrée au commerce avec son énorme gousse, tout imprégnée de saccharose. C'est en effet à ce stade que les auteurs empruntent généralement la description de l'endosperme du caroubier. Dès l'abord, nous fûmes intrigué par l'aspect du spermoderme, dont la structure cellulaire, à part l'assise épidermique, est entièrement méconnaissable avant l'emploi des réactifs. Personne, pensons-nous, ne s'est occupé de ce détail. Il y a donc ici une lacune, et nous avons l'espoir de la combler. Enfin, en parcourant la littérature de notre sujet, nous nous sommes aperçu d'une double erreur commise par un botaniste fort connu, M. Van TiEGHEM, à propos du contenu cellulaire de l'endosperme (i). Nous n'avons pas manqué de la relever, en dirigeant notre attention de ce côté. Cet essai comprendra deux parties, l'une histologique et cytologique à la fois, l'autre chimique. Toutefois, cette division n'a pas été observée avec une rigueur absolue, ce qui serait de l'affectation et entraînerait dans l'ex- posé des recherches de fastidieuses redites. Le côté historique de chaque question sera traité à mesure que l'occa- sion s'en présentera. (I) Ph. Van TieghiiM : Traité de Botanique, z" éd., Paris, 1891. PREMIERE PARTIE. La graine du Carou'.jier au double point de vue histologique et cytologique. La FiG. 1 représente l'intérieur de la graine mûre, sectionnée transver- salement à son grand axe, examinée à la loupe. Nous y trouvons dans leur ensemble les trois parties qui seront soumises à l'examen du microscope : le spermoderme, s, l'endosperme, end, et les cotylédons de l'embryon, ce. L'embryon tout entier, extrait de la graine, a fourni la fig. 2, dessinée au même grossissement et réduite de moitié par le graveur. Commençons par l'étude du spermoderme. I. Primine. Le spermoderme est composé de deux téguments, dont le développement réalise le type anatrope, fig. 3. Cette forme est d'ailleurs constante dans la tribu des Césalpiniées, à laquelle appartient le caroubier. La FIG. 4 donne, sous une forme réduite, l'aspect général des coupes transversales de la graine desséchée, vues dans le mélange à parties égales de glycérine et d'alcool absolu. Ce milieu pénètre les diverses parties des coupes sans y apporter la moindre modification, pourvu toutefois qu'on ne lui laisse pas le temps de se diluer au contact de l'air humide. Pour conserver indéfiniment ces coupes dans leur aspect naturel, il est préférable d'employer l'acétate basique de plomb (extrait de saturne). Il suffit de mouiller les coupes une minute avec ce réactif et de les laver à l'eau. Les membranes mucilagineuses sont ainsi parfaitement fixées et ne se gonflent plus par l'eau. Impossible de rien distinguer nettement dans le spermoderme, même avec les meilleurs grossissements, sauf l'épiderme en palissade et son énorme cuticule. Celle-ci, incolore ou légèrement grisâtre en coupes minces, est d'une constitution physique spéciale, sur laquelle il faudra revenir. Elle est séparée de l'épiderme par une Hgne brillante bordée de chaque côté par une ligne plus sombre, //. C'est la ligne de lumière (Lichtlinie) ou ligne lumi- neuse, signalée depuis longtemps par tous ceux qui ont étudié la graine des légumineuses. lO H. MARLIÉRE D'après Mettenius, Hanstein et Russow, le tégument du fruit du Marsilia fournirait aussi une image du même genre (Cfr. Sempolowski : Samenschale der Lineen, Papil. und Crucif., dans Jiisi's Botan. Jahres- bericht, 1874, P- 505). Tschirch figure la ligne lumineuse plusieurs fois, notamment dans l'épiderme de la graine du Pisiini satimun, de VAbriis precatorius, du Trigonella Fœuum-Graeciim (i). Il dit d'une manière géné- rale que ce phénomène et autres semblables sont simplement des effets de réfringence produits à la limite de deux substances chimiquement et physiquement différentes. Remarquons d'abord, en passant, que nous n'avons pas vu se produire cette ligne chez Y Abnis precatorius, sur des coupes suffisamment minces. Un autre auteur, bien antérieur à Tschirch, Sempolowski (2), avait tenté d'expliquer le fait en admettant une transformation chimique de la paroi cellulaire à la hauteur de la ligne de lumière. Suivant cette ligne, dit-il, par l'action de l'iode et de l'acide sulfurique, la membrane se teint en jaune, tandis que partout ailleurs elle se colore uniformément en bleu. Ce serait une erreur d'en juger ainsi dans le cas du Ceratonia. Ce qui prend la couleur jaune, ce n'est pas la ligne lumineuse, qui se trouve à l'intérieur de l'épiderme, mais le sommet des cellules en contact avec la cuticule, à cause de la substance cuticulaire moins rapidement dissoute en cet endroit par l'acide sulfurique. L'ensemble des membranes de l'épiderme se colore intensément en bleu avec une égale rapidité, si bien qu'on n'y voit plus trace de ligne lumineuse. Nous l'avons constaté en toute évidence. L'opinion de Russow, qui avait supposé une déshydratation plus com- plète de la membrane à l'endroit de la ligne de lumière, a été réfutée vic- torieusement par une série d'expériences de Gunther Beck(3). -GoDFRiN, en 1880, dit : r. Avec les moyens d'observation dont nous disposons actuellement, nous ne pouvons que constater le fait de la ligne lumineuse, sans lui trouver aucune explication plausible (4). " Plus récemment encore, Marcel Brandza fait remarquer qu'en traitant les cellules avec du carmin ou de la teinture d'aniline, on voit, suivant la (i) A. Tschirch : Angcivandtc Pflan^cnanatomie; Wien und Leipzig, iSSg. (2) Sempolowski : Beitrâge :{iir Kcniitniss des Baiies der Samenschale; Leipzig, 1S74. (3) G. Beck ; Vergl. Aiiat. der Samen von Vicia und Erviim; Arb. des pflanzenphys. Institut K. K. Wiener Univ., B. LXXVU, 187S. (4) Julien Godfrin : Étude histologique sur les téguments séminaux des Angiospermes; Nancy, 1880, p. 35. LA GRAINE DU CERATONIA SILIQUA 1 1 bande lumineuse, une coloration moins intense. D'où il conclut que cette diminution d'intensité doit certainement correspondre à un moindre épais- sissement (i). Nous nous sommes livré à l'étude de ce phénomène sans nous laisser guider par ces différentes théories. Nous sommes parvenu à une explication toute différente. La cause véritable de cette impression lumineuse réside, selon nous, dans la structure particulière des membranes secondaires de l'épiderme. Vues en coupe tangentielle, perpendiculaire à leur grand axe, les cel- lules de l'épiderme ont une cavité irrégulière fort réduite projetant à travers les membranes secondaires des ponctuations ou fentes étroites, assez sou- vent ramifiées. Ces ponctuations pénètrent presque jusqu'à la membrane primaire, fig. 5, B. Elles découpent ainsi le revêtement secondaire de la cellule en cannelures fortement accusées, généralement demi-cylindriques, adossées à la membrane primaire. De là provient l'aspect fibrillaire de ce même revêtement secondaire dans les coupes parallèles au grand axe des cellules en palissade. Mais ce qui devient très difficile à observer, c'est le mode suivant lequel ces colonnes vont se terminer au sommet de la cellule, contre la cuticule. Nous nous y sommes trompé pendant longtemps. Il faut pour bien voir, examiner les parois cellulaires dans toutes les positions possibles, les dégager complètement par l'action peu prolongée de l'acide sulfurique de moyenne force, et les colorer ensuite par le bleu de méthylène ou tout autre colorant du même genre. Au niveau de la ligne de lumièi"e, les cannelures de la membrane secondaire portent un gros point d'épaississement, par lequel elles se rejoigent presque les unes les autres; au-dessus, elles reprennent leurs dimensions ordinaires, s'infléchissent lé- gèrement et vont se renconter au centre de la voûte de la cellule, fig. 5, C et fig. 6. Ces épaississements brusques de la membrane, qui encombrent la cavité cellulaire, constituent, pour la lumière, en cet endroit, un milieu presque homogène, fortement réfringent, tandis que de part et d'autre de cette ligne, les accidents profonds des parois font subir aux rayons lumi- neux de multiples réflexions aux dépens de leur intensité. Telle est, nous semble-t-il, l'explication de la ligne de lumière. (i) M. Brandza : Développcmeut des téguments de la graine; Revue génér. de Botanique, iSgi, p. iS. 12 H. MARLIERE D'autres faits confirment notre idée : en examinant sur champ noir une coupe de l'épiderme, on s'aperçoit qu'une raie sombre a pris la place de la ligne lumineuse. Quand on fait agir sur les membranes un colorant vif, par ex. le bleu de méthylène ou le rouge Congo ou le rouge de ruthé- nium, la ligne lumineuse est remplacée par un trait fortement coloré qui indique l'endroit où les membranes sont plus épaissies. De plus, si on se livre à une étude comparée de ce phénomène, paraissant dans des condi- tions semblables, on constate que le plus souvent il est connexe à une mo- dification anatomique locale de la membrane cellulaire. Ainsi va-t-il dans l'épiderme en palissade de la graine de Trigonella Fœunni-Graeciim, de Tawarindus iudica, de Physostigma venenosum, de Liipinus tennis, de Dolichos lubia et sesquipedalis, de Cassia fistiilosa, de Cœsalpinia coriaria et d'autres graines encore que nous avons examinées (i). La ligne de lumière est plus ou moins intense, plus ou moins large, selon que les détails de la membrane qui la produisent sont plus ou moins accentués. Si ces différen- tiations de la membrane manquent, la ligne de lumière fait aussi défaut {Abrus precaiorius, Alyristica odorata). (i) On sait que cette forme en palissade des cellules du tissu épidermique est fréquente dans les graines, surtout chez les lé.-umineuses, où ces cellules atteignent parfuis des dimensions considéra- bles. Dans plusieurs genres de cette famille, la cuticule est également fort développée. Voici quelques chiffres qui appuieront cette remarque. Les dimensions ont été relevées sur les graines mùr^s. Ceratonia siliqua . Cas■, FiG. 21, al. Ils creusent dans le protoplasme des alvéoles à parois minces, qu'on peut mettre en relief et colorer, avec le noyau tout petit, après disso- lution de l'aleurone par un séjour suffisant des coupes dans le phosphate de sodium. On s'aperçoit alors que les lamelles protoplasmatiques ne sont pas massives et homogènes, mais finement fibrillaires, telles que nous les avons dessinées en p, fig. 22. III. Analyse chimique des membranes miicilagineiises de l'eudosperme. Pour plus de clarté, nous diviserons ce troisième chapitre de nos re- cherches chimiques en deux paragraphes, dont l'un sera consacré à l'analyse qualitative, l'autre aux essais d'analyse quantitative. § I. Analyse qualitative Préparation du mucilage. Quelques mots d'abord, en guise de préli- minaires. Puisque nos réactions n'auront pour objet principal que l'eudo- sperme, il faut en premier lieu, cela va de soi, isoler celui-ci. En frappant au marteau la graine sur sa tranche, on parvient assez aisément à la fendre; on se sert ensuite du couteau pour enlever les cotylédons et le tégument. Cette opération, très fastidieuse, est considérablement simplifiée, si l'on prend soin de faire gonfler les graines dans l'eau; mais les matériaux pré- parés de cette façon présentent des désavantages évidents, eu égard au but que nous poursuivons. Les endospermes ont été d'abord mis à digérer dans de l'eau distillée, à froid. Après avoir décanté plusieurs fois le mucilage ainsi obtenu, nous avons continué à extraire la matière gommeuse par l'eau distillée, mais cette fais au bain-marie bouillant. L'extraction à froid dura quinze jours, l'épuisement à chaud huit jours encore. Les liquides ainsi obtenus furent filtrés primitivement à froid sur des tubes de Soxhlet garnis de laine de verre et d'amiante en fibres, et soumis à la succion d'une trompe à eau de Geissler. La filtration était très pénible et fournissait à peine un écoulement de 100 ce. après 15 heures. Nous eûmes alors recours à la filtration à chaud, par l'emploi de l'entonnoir à double enveloppe et d'un simple tampon d'ouate hydrophile au lieu du papier-filtre. En remplaçant LA GRAINE DU CERATONIA SILIQUA 43 fréquemment ce tampon, on obtient avec le secours de la trompe une fil- tration beaucoup plus rapide et des liquides moins opalescents. Le maximum de densité (i) du filtrat obtenu d'après cette première méthode fut trouvé égal à 1,00282 à 15° C. Le liquide, très filant, contenait dans ico ce. 0,831 gr. de substance séchée à 100°. A 1 10°, on trouva 0,828 gr., soit une perte d'eau de 0,36 0/0. Le poids des cendres fut de 0,0^342 gr., ce qui équivaut à o,55 0/0. C'est fort peu de chose, et si l'on songe au temps nécessaire pour obtenir quelques grammes de mucilage en solution plus ou moins réelle, on ne sera guère tenté de faire l'analyse de ce résidu minéral. C'est pourquoi nous y avons renoncé. La substance mucilagineuse, capable, avec le temps, de se prendre en gelée à la concentration de moins de 1 0/0, ne jouit à aucun degré de pro- priétés agglutinatives. Elle se sèche à l'air en masses écailleuses, à demi transparentes, très peu solubles. Propriétés physiques et chimiques. Voici maintenant quelques réac- tions du liquide muqueux. Le réactif de Millon, fraîchement préparé d'après l'une ou l'autre des méthodes citées plus haut, ne donne pas l'ombre d'une coloration rouge ou rosée; ce fait implique l'absence des matières albuminoïdes ordinaires, des phénols et des dérivés tyrosiniques(2j. Le mucilage précipite en gros flocons blancs par l'acétate neutre, ainsi que par le sous-acétate de plomb ; ces flocons sont insolubles dans l'eau et dans un excès de réactif. Il précipite également par l'acide tannique, mais en longs filaments, que l'eau redissout assez facilement. Même chose en présence de l'alcool, gros filaments s'agglutinant très facilement. Ceux-ci se lavent aisément dans l'alcool faible et se redissolvent lentement dans l'eau, quand la préparation est récente; mais il devient très difficile de les redissoudre, quand la masse déshydratée par l'alcool a pris la consistance de la chair d'huitre. Le chlorure de baryum et celui de calcium ne donnent pas de précipité. L'hydrate de baryte en solution saturée et en excès précipite le mucilage (1) Par le flotteur de Reimann à la 5" décimale. (2) C£r. Hoppe-Seyler : Handbuch dcr physiol.-pathol.-chemischcn Analyse; Berlin, 1893. DucLAux : Leçons orales de chimie physiologique. Nickel. Emil, et Pluqge : Ouv. cités. 44 H. MARLIÉRE en une masse blanche. Avec la chaux ou le chlorure ferrique, on n'obtient pas de dépôt du mucilage. La liqueur ne réduit pas le réactif de Fehling (i), mais celui-ci en pré- cipite des flocons bleu pâle assez volumineux, qui même après plusieurs heures au bain-marie gardent leur couleur. Chose assez curieuse, dont nous n'avons pas l'explication, ces flocons attaquent assez fortement le verre des récipients qui les renferment. On obtient des précipités cuivriques du même genre avec toutes les solutions cuivriques renfermant un alcali libre, liqueur de Schweitzer, sulfate de cuivre additionné de soude ou de potasse, etc. Le précipité obtenu de cette dernière manière, après plusieurs lavages par décantation, nous a fourni les données analytiques suivantes : Poids du précipité séché à loo o/o 0,0691 gr. V r, résidu du calcination 0,0477 gr. Oxyde de cuivre o,037ci gr., soit 53,54 0/0 de la masse. Matière organique 0,0214 gr. On obtient pour composition centésimale du produit : Matière organique 3o,97 0/0 Cendres 67,03 0/0 Les cendres renferment : CuO 0/0 77,56 Alcali 0/0 '■^'■^,44, soit approximativement, tous calculs faits, 4 molécules de CuO pour 1 mol. de K^O. Pour mieux nous assurer que le mucilage ne réduit pas les sels cui- vriques, nous avons eu recours à la liqueur carbonatée de Ost (2}, qui ne donne aucun précipité grumeleux; la réduction a été nulle, comme d'ailleurs (i) Liqueur de Fehling préparée d'après Violette, avec tables de réduction : 1° Faire dissoudre 260 gr. de sel de Seignette dans 200 zz. d'eau distillée, ajouter 5oo gr. de soude caustique à 24° Baume. 2" Faire dissoudre 36 gr. 46 de sulfate de cuivre cristallisé dans 140 zz. d'eau. 30 Mélanger les deux solutions en versant la seconde dans la première et compléter à i litre à iS". Conserver à l'abri de la lumière. 10 Ce. de cette liqueur correspondent à o gr. o3o de saccharose ou à o gr. 0.S26 de glucose ou de sucre inverti. (2) V. LiPP.MANN : Chemie der Zuckcrartai ; Braunschweig, iSgS, p. 304. Cette liqueur se com- pose d'une solution de 25o gr. de carbonate neutre de potassium et de 100 gr. de bicarbonate dans 700 ce. d'eau chaude; ajouter une solution de 23 gr. 5 de sulfate de cuivre, agiter, filtrer et com- pléter à I litre. LA GRAINE DU CERATONIA SILIQUA ^ 45 avec la liqueur de Pellet (i). La liqueur de Barfoed et la solution alcaline de bleu de méthylène confirment encore ces indications. Le mucilage possède un pouvoir rotatoire dextrogyre qui a été trouvé égal à + lo ° à 20 0 c. pour la raie D du sodium (2). Il est insensible à l'action de la diastase du malt. L'eau sous pression n'influe aucunement sur son pouvoir rotatoire et n'y détermine aucun pouvoir réducteur, mais elle en facilite la filtration. L'acide salicylique, préconisé par Baudry(3) après Marx (4) pour la dis- solution et l'analyse polarimétrique de l'amidon, diminue encore plus que l'eau sous pression la cohésion du mucilage et en permet la filtration relati- vement rapide sur un simple filtre de papier. On fait ressortir facilement cette division de la matière, quand, après avoir enlevé l'acide salicylique par agitation avec l'éther, on précipite la gomme par l'alcool. Au lieu des gros filaments que nous connaissons déjà, on obtient des grumeaux très pe- tits, dont le dépôt se fait fort lentement. Cependant, si l'on abandonne une portion de liquide non débarrassée de l'acide salicylique, elle ne tarde pas à se prendre en une masse à demi consistante, comme si aucun changement n'était survenu. L'acide tartrique, dont on a fait l'éloge dans la pratique pour le même usage que l'acide salicylique, opère une dissolution complète, absolument incolore, comme la précédente; mais il suffit que la solution en contienne seulement 1 0/0 pour que le pouvoir rotatoire augmente de moitié. De plus, on obtient par ce traitement une forte réduction des liqueurs cuivriques et mercuriques, avec suppression totale des grumeaux bleus. Nous devons ajouter toutefois qu'au lieu d'une simple ébuUition avec tube de reflux, nous avons ici chauffé pendant une heure à trois atmosphères. Dans les mêmes conditions, i 0/00 d'acide oxalique double le pouvoir rotatoire obtenu par l'acide salicylique et fournit le pouvoir réducteur maximum. La solution est également incolore. L'acide sulfuriqueau looo"'"^, sur une autre portion du même liquide et dans les mêmes conditions, donne une solution jaune indiquant un commencement de destruction, avec une proportion d'humus quasi nulle. Les pouvoirs rotatoire et réducteur sont cependant exactement les mêmes qu'avec l'acide oxalique. (1) Pellet : Bulletin de l'assoc. belge des Chimistes, Févr. iSSg, p. 149. (2) Polarimètre de Laurent, avec analyseur modifié par Landolt-Lippig, avec champ de vision partagé en trois. Construit par Schmitt et Haensch, Berlin. (3) Baudry : Bull, de l'Assoc. belge des Chimistes, oct.-déc. 1S92, p. iSg. (4) Marx : Laboi-aloire du brasseur; procédé de Bungener et Pries, Valence, 1SS9. G 46 H. MARLIERE Au contraire, des proportions plus fortes d'acide sulfurique, et surtout d'acide chlorhydrique, détruisent des quantités notables de sucres dérivant du mucilage. C'est ainsi que 1,11 0/0 de HCl donnent des proportions d'humus qui empêchent la lecture polarimétrique, même après de nom- breuses filtrations sur filtres à sulfate de bar3-um ; le résultat final, bien que concordant assez bien avec les précédents, laisse peu de satisfaction. L'acide sulfurique à la dose de 3,68 0/0 attaque également les sucres, mais son action cesse dès que le liquide est refroidi, et l'on obtient beaucoup plus facilement une filtration claire. Produits d'hydratation. Pour faire l'analyse qualitative des sucres ob- tenus par hydratation du mucilage de Ceralonia, nous avons suivi les règles posées par Tollens (1) et contrôlé nos expériences par les essais rappelés par VON LiPPMANN (2), refaits ou modifiés par MM. Van der Plancken et BiouRGE (3) dans leur travail sur la miellée du Hêtre rouge. Cinq grammes de matière supposée sèche ont été traités par 25 ce. d'acide nitrique de D=i,i5. Évaporée avec précaution de façon à ne pas dépasser 60-70° à la fin de la réaction, la matière gommeuse fournit d'abord de l'acide mucique qu'on sépare par filtration sur de la laine de verre. Le sirop est ensuite saturé au bain-marie avec du carbonate de potassium sec, jusqu'à ce que le liquide soit fortement alcalin. On y ajoute alors de l'acide acétique concentré en excès. Au bout d'un temps assez long, il s'est séparé du saccharate acide de potassium, dont la forme cristalline fut trouvée au microscope absolument conforme à celle des saccharates provenant du sac- charose et de la fécule. Dans une autre expérience,le sirop, après séparation de l'acide mucique, abandonne par cristallisation des prismes caractéristiques d'acide oxalique. Nous n'avons pas observé la présence des cristaux d'acide tartrique. Cette réaction implique la présence des groupes galactose et dextrose, et laisse supposer celle du groupement lévulose. La présence de celui-ci est confirmée parla facilité de production d'hu- mus sous l'action de l'acide chlorhydrique dilué, à chaud. En second lieu, les réactions de la résorcine, de la phoroglucine, du thymol, en présence de l'acide chlorhydrique, indiquent positivement la présence du lévulose. lien (1) B. Tollens -. Handbuch der Kohlenhydrate; Breslau, iSSS et iSgS. (2) VoN LiPPMANN : Cliemie der Ziickerarten ; Braunschvveig, iSgS. (3) Van der Plancken et Biourge : La Miellée du Hêtre rouge; Li Cellule, t. XI, z" fasc. LA GRAINE DU CERATONIA SILIQUA • 47 est de même de la réaction au nitrate de cobalt. Le molybdate ammonique ne nous a donné que des indications vagues. D'un autre côté, les réactions de réductions sont typiques pour le lévu- lose. La liqueur de Fehling, celle de Barfoed, la solution acéto-tartrique de M. BiouRGE (i), la liqueur de Ost sont réduites à froid, cette dernière très rapidement. Nous avons vérifié sa sensibilité pour le lévulose en la faisant agir dans les mêmes conditions sur notre produit d'hydratation du mucilage de Ceratonia, sur une solution de glucose à lo o/o, renfermant du lévulose en très petite quantité, et de saccharose inverti à 0,5 0/0. En moins d'une heure, cette dernière solution avait séparé une forte proportion d'oxydule de cuivre d'un rouge extrêmement vif et pur. Il en était de même de notre solution de Ceratonia; quant au glucose suspect, il avait précipité un léger enduit de sous-oxyde de cuivre parfaitement caractérisé. Il n'est pas douteux que du dextrose pur n'aurait pas réduit d'oxyde cuivrique. Enfin la liqueur acéto-tartrique de M. Biourge à 1 0/0 d'acide tartrique a été réduite lentement à chaud, caractère que l'auteur, en l'absence de pentose, attribue au seul lévulose (2). En ce qui regarde le mannose, d'après nos essais, les solutions oxalique et sulfurique, débarrassées des acides par la chaux et la baryte et de l'excès de celles-ci par l'acide carbonique, ne précipitent nullement par le sous-acé- tate de plomb, et nous n'avons pas obtenu à froid son hydrazone caractéri- stique, même après deux jours de contact. La phloroglucine fait aussi re- marquer l'absence du groupe pentose. L'essai au chlorhydrate de phénylhydrasine et à l'acétate de sodium à chaud (deux parties du premier pour trois du second) nous a donné des aiguilles groupées, longues et jaunes, de glucosazone, fig. 23, mélangées d'une très faible quantité d'un autre osazone ; nous noterons encore que la couleur du précipité est un peu différente de celle du précipité fourni par le saccharose inverti. Celui-ci est jaune serin, le premier est d'un jaune assez foncé, comme le galactosazone; mais nous n'avons pas trouvé dans le filtrat, après lavage à chaud, les grandes aiguilles du galactosazone, peut-être à cause de la faible proportion de galactose dans le mélange. (i) J. Van der Plancken et Ph. Biourge : Ouv. cité. M. Biourge remplace Tacide acétique de la liqueur de Barfoed par i o/o d'acide tartrique. (2) Ibid. 48 H. MARLIÉRE On n'y découvrait que de courtes aiguilles, fig. 24, qui plus tard s'orien- tent lentement en sphéro-cristaux. Enfin, le mucilage, traité préalablement par les acides, a été soumis à un essai de précipitation fractionnée. On a fait d'abord usage d'un mélange d'alcool et d'éther à chaud, et le résidu est repris successivement par l'alcool bouillant à 97° et 75°, et enfin par l'alcool à 50°. On obtient ainsi après plu- sieurs semaines une série de cristallisations de formes différentes, mais en si faible quantité que l'identification au polarimètre ou par le point de fusion ne pouvait réussir. La substance restée en solution dans le mélange d'alcool et d'éther, après cristallisation, a été évaporée, puis reprise par l'eau, et a fourni une lecture polarimétrique lévogyre de 5'. C'est la preuve la plus palpable de la présence du lévulose, s'il pouvait subsister encore le moindre doute à cet égard. En résumé, il est hors de contestation que le mucilage de Ceratoiiia, hydraté par les acides, renferme du dextrose, du lévulose et du galactose; on ne constate la présence d'aucun autre sucre. § II. Analyse quantitative. Les difficultés inhérentes aux déterminations quantitatives de sucres réducteurs en mélange sont nombreuses; il faut spécialement faire abstrac- tion des pertes inévitables lors de l'inversion prolongée par les acides. Nous avons voulu cependant soumettre la graine du Ceratonia à des recherches de ce genre. Certes, on ne doit pas s'attendre à trouver ici des résultats ri- goureusement précis. Aux yeux des savants qui connaissent exactement, telle qu'elle est aujourd'hui, cette partie de la chimie, des conclusions trop positives seraient la meilleure marque de l'inexactitude des essais accomplis (1). L'endosperme, séparé comme précédemment des cotylédons et des té- guments, a été moulu aussi finement que possible, après dessiccation, et ensuite épuisé par l'alcool à 60°, légèrement ammoniacal et bouillant. Par cette opération, on a enlevé une assez forte proportion de matières, auxquelles il faut attribuer, pour la plus grande part, la difficulté que l'on éprouve à polariser le liquide mucilagineux. (1) V. LiPPMANN : ouv. cité. LA GRAINE DU CERATONIA SILIQUA^ 4 9 Après cela, nous avons soumis la masse à l'action d'une solution d'acide tartrique à 2 0/00, à la température de 135° pendant deux heures. La désa- grégation n'ayant pas été jugée suffisante, nous avons ajouté 1 0/000 d'acide sulfurique, et la température a été maintenue pendant une heure encore à 135° à l'autoclave. La filtration s'opère assez aisément sur filtre plissé, préa- lablement dégraissé par l'éther dans un appareil de Soxhlet. Nous avons ainsi obtenu 200 ce. d'une solution ayant une densité de 1,0117, et renfermant environ 30/0 de substance sèche. Le résidu non dissous fut ensuite lavé à Feau bouillante jusqu'à épuisement et la réunion des eaux de lavage fournit une seconde solution qui renfermait sensiblement 1 0/0 d'extrait. Ces eaux furent évaporées pour le dosage du galactose par la méthode de Tollens-Creydt, par oxydation à l'acide nitrique de D= 1,15. Le poids de l'acide mucique formé sert de base au calcul. Pendant cette évaporation, le mucilage, au fur et à mesure de la disparition de l'eau, for- mait à la surface du liquide et sur les bords du récipient des croûtes opa- lescentes. Nous en primes occasion pour purifier notre produit par une pré- cipitation à l'alcool. La ma-se coagulée fut bouillie à différentes reprises avec de l'alcool et finalement pesée. Cinq grammes de substance sèche et blanche furent placés dans un Bechergias ayant au fond un diamètre de 6 cm., conformément aux indications de Tollens et Creydt, et mis à éva- porer sur un bain-marie en présence de 60 ce. d'acide nitrique de D= 1,15. La réaction fut arrêtée après réduction du liquide au tiers de sa hauteur primitive. Le contenu du récipient fut alors refroidi sous un filet d'eau, et le lendemain on constata la formation d'un volumineux dépôt d'acide mu- cique. Après avoir fait séjourner le tout dans une cave, pour activer la séparation de l'acide mucique, le dépôt fut pesé sur un filtre taré, après lavage avec lo à 12 ce. d'eau à 15°. Le poids d'acide mucique trouvé, 0,4044, correspond à 10,79 0/0 de galactose; 100 gr. de galactose pur correspondent par la méthode Creydt et Tollens (v. Lippmann) à 75 gr. d'acide mucique. Dans une seconde expérience, on trouva o,359 gr., ce qui conduit à 9,57 0/0 de galactose. Mais il est à remarquer que ces proportions de galactose sont inférieures à la réalité. En effet, si l'on conserve le filtrat dont on a séparé l'acide mu- cique, on peut voir au bout d'un certain temps qu'il dépose encore de l'acide mucique, mais en minime quantité. D'après nos appréciations, le chiffre du galactose doit être très approximativement 12-13 0/0. 50 H. MARLIÉRE Nous fîmes ensuite, sur des portions égales de la solution de mucilage à 3 o/o, des essais d'hydratation méthodiques. û) 40 ce. additionnés de i ce. d'acide chlorhydrique renfermant 0,443 gi". de gaz chlorhydrique (1,1 ujoj furent chauffés dans un bain-marie bouillant pendant une heure; le ballon était fermé par un bouchon traversé d'un tube de 0,60 m. placé dans le but de condenser les vapeurs et de main- tenir la concentration primitive. Après une heure, le liquide refroidi, très peu coloré, fut filtré et polarisé à 20° au tube de 100 mm. x fut trouvé égal à + o°,37'. . On prit alors le pouvoir réducteur du reste de la solution. La moyenne de plusieurs dosages concordants donne 1,91 0/0, soit sensiblement 2 0/0 avec le facteur moyen connu : 1 ce. de solution de Fehling = 5 mg. de sucre réducteur. Si donc nous supposons qu'un tiers de la substance mucilagineuse est encore à son état primitif, en lui attribuant son pouvoir rotatoire originel de oe D = + 10°, nous aurons pour une solution à 1 0/0 de cette substance une déviation dextrogyre de o°,6'(i). Déduction faite, il nous reste pour nos sucres réducteurs une rotation de -|- o°,3i', ce qui, d'après la formule a D = ^^, nous donne pour 1,91 0/0 de sucres réducteurs un pouvoir rota- toire de -f 270,02. t>) 40 ce. de la même solution additionnés de 1 ce. d'acide nitrique de D = 1,39-1,40, soit presque exactement 2 0/0 de HNO,, dans les mêmes conditions de température que l'essai précédent, donnèrent après une heure une lecture polarimétrique de o°,4o', après trois heures, de o°,46'. Après avoir étendu cette solution à 250 ce, nous en avons pris le pou- voir réducteur. L'essai, basé sur le facteur ordinaire indiqué plus haut, in- diquait 2,79 0/0 de sucres réducteurs. Si l'on applique ces données à la lecture polarimétrique obtenue en dernier' lieu, en considérant que la partie du mucilage non hydratée est réduite à moins de 0,5 0/0, proportion qui rend négligeable son influence sur le polari mètre, le pouvoir rotatoire des sucres réducteurs sera sensible- ment le même que précédemment, ïD = 27043. c) Un troisième essai toujours dans les mêmes conditions, mais avec 0,5 ce. d'acide sulfurique de D = 1,84, soit 0,92 de H^SO^ ou 2 1/40/0, a fourni les données polarimétriques suivantes : (i) Nous avons trouvé oo,5' pour une solution de mucilage pur à 0,660/0, LA GRAINE DU CERATONIA SILIQUA 51 Après 1 heure de chauffe, « = o°37'. - 3 "^ - a = 0047' 1/-'. Si 6 - 1/2 - a = o°4q'. Arrivé là, nous avons procédé au dosage des sucres réducteurs. Il fut trouvé égal à 2,76 0/0 ; le précédent donnait le chiffre 2,79; l'accord ne pourrait être plus parfait dans la pratique. Tout au plus pourrait-on obser- ver une tendance à la condensation, avec une augmentation légère de la déviation et une diminution du pouvoir réducteur. En supposant que le maximum du pouvoir réducteur était après trois heures égal à ce que nous l'avons évalué après 6 1/2 heures, les pouvoirs rotatoires sont pour les deux derniers essais respectivement de aD = -f 28", 69 et aD = + 29^,47. La moyenne des quatre pouvoirs rotatoires qu'on vient de déterminer est de 28°, 16, soit en chiffre rond 28°. Cela étant, le problème à résoudre se pose dans les conditions sui- vantes. Un mélange de glucose, de lévulose et de galactose donne au polarimètre une déviation dextrogyre de 28° à la température de 20° C. A cette même température, le lévulose seul donne un angle de rotation de — 90°, 6, le glucose + 52°, le galactose + 80°, 5. On demande la proportion de chacun de ces sucres dans le mélange. Avec ces seules données, il ne nous est possible de poser que deux équations, dans lesquelles trois inconnues sont à déterminer. On a, si l'on représente par x,y, { les quantités 0/0 de dextrose, galac- tose et lévulose : (1) x+y + 1=100. (2) 52 X -f 80,5 J' — 90,6 ^ = 28 X 100 = 2800 On ne peut aboutir à une solution que si l'on introduit dans les équa- tions la valeur de l'une des inconnues. Or, nous savons, par ce qui a été dit plus haut, que le galactose doit être dans le mélange à la dose de 12 — -13 0/0. En éliminant y qui est remplacé par l'une ou l'autre de ces valeurs et en résolvant les équations, nous trouvons : Pour galactose 12 0/0 ; dextrose 68,8 0/0; lévulose 19,2 0/0 « '. 12,5 0/0; " 68,2 0/0; « 19,3 0/0 13 0/0; - 67,60/0; - 19,40/0 Ces trois séries de résultats ne donnent que des variations très faibles de lévulose (0,2 0/0) à cause de sa puissante déviation polarimétrique ; le glucose, pour la raison opposée, varie plus que le lévulose et le galactose. L'analyse qualitative n'ayant pas dans le mélange décelé la présence d'autres 52 H. MARLIERE sucres que le galactose, le lévulose et le dextrose, et d'autre part le galactose ayant été dosé avec une précision suffisante pour autoriser nos calculs, nous devons nous en tenir, pour contrôler les résultats des autres méthodes d'ana- lyse quantitative, aux chiffres déduits des lectures polarimétriques. Les autres procédés dont nous avons fait usage sont empruntés aux faits d'expérience suivants : 1° Les pouvoirs rotatoires du galactose et du lévulose, ce dernier surtout, sont influencés par la température, mais en sens inverse, le lévulose déviant moins à gauche, le galactose moins à droite, à mesure que la tem- pérature s'élève. Quant au glucose, il n'est pas sensiblement influencé. Les effets des variations de température pourront donc être annulés ou devenir sensibles au polarimètre par un déplacement positif ou négatif de la rota- tion, suivant la proportion des deux premiers sucres dans le mélange. 2° Il y a un rapport déterminé entre la quantité de liqueur de Fehling nécessaire pour oxyder un poids donné de sucre et la quantité d'une autre liqueur, par exemple de la liqueur mercurique de Sachsse, nécessaire pour le même but. Ce rapport est variable pour les différents sucres purs et pour leurs mélanges en proportions diverses. Les chiffres sur lesquels sont basés ces rapports qu'on désigne pas les lettres F/S ont été déterminés avec soin par Soxhlet pour les différents su- cres considérés comme purs. En se servant de ces rapports et en déterminant expérimentalement le quotient F/S d'un mélange quelconque de sucres con- nus, on peut arriver à des indications analogues à celles du polarimètre sur la proportion de chacun des sucres dans le mélange. 3° Des poids égaux de différents sucres traités de la même manière, avec des quantités constantes de phénylhydrasine et d'acide acétique glacial, donnent des poids d'osazones déterminés, différents pour chaque sucre (i). Les recherches entreprises en suivant ces divers procédés sont extrême- ment délicates et, quoique les expériences tentées dans ces différentes voies soient déjà nombreuses, nous n'avons pu jusqu'ici les faire concorder suffi- samment avec les déductions fournies par le polarimètre. Nous réservons donc les résultats jusqu'à ce qu'ils soient mieux établis. Conclusions. — Quoi qu'il en soit, nous croyons pouvoir affirmer dès maintenant les conclusions d'analyse suivantes : (i) Méchode de Macluenne : Comptes rendus, Paris, t. 112, p. 799. LA GRAINE DU CEKATONIA SILIQUA, 53 1° Le mucilage du Ger(7/07?/j, dissous sans inversion, dévie de io°à droite le plan de la lumière polarisée, à la température de 20°. 2° Par hydratation en présence des acides, ce mucilage fournit trois sucres réducteurs, le dextrose, le lévulose et le galactose. 3° Après hydratation, le dosage provisoire, que nous espérons confir- mer, mdique dans le mélange 68 0/0 de glucose, 19 0/0 de lévulose, 1-2-13 0/0 de galactose. Dosage de l'azote. Nous avons évalué d'abord la proportion d'eau contenue dans la graine entière, et séparément dans l'endosperme, dans les cotylédons à l'état natu- rel, et après enlèvement des corps gras et autres solubles dans l'éther. 1° Dans la graine entière, la proportion d'eau = 10,8 0/0. 2° Dans l'endosperme seul i3,5 0/0. 3° Dans les cotylédons à l'état naturel . . . 8,7 0/0. 4° Dans les cotylédons traités par l'éther dans un appareil SoxHLET pendant 6 heures 8,60/0. Le dosage de l'azote, effectué dans le même ordre, par le procédé KjELDAHL indique : 1° Dans la graine entière 2,22 0/0, soit pour le poids sec, en tenant compte de la proportion d'eau, 15,55 o/odematièresalbuminoïdes(i). 2° Dans l'endosperme seul, azote 3,8 1 0/0, albuminoïdes 27,5 0/0. 3° Dans les cotylédons. . . . 7,72 0/0 52,950/0. 4° Dans les cotylédons traités par l'éther 9,040/0 61,80/0. Qu'il nous soit permis, en terminant ce travail, de présenter nos remerciements à Monsieur le chanoine Carnoy, professeur de Biologie cellulaire et de Botanique, et à Monsieur Biourge, professeur de Chimie agricole, à l'Université de Louvain. Leur précieuse direction nous a été de la plus grande utilité. (1) En multipliant par le facteur 6,25. EXPLICATION DES FIGURES Nos dessins ont été tracés à la chambre claire, en faisant usage d'objectifs nombreux, A, DD, J, 1J12 et apochromatique i,3o, 2 mm., de ZErss. Nous note- rons simplement le diamètre du grossissement. FIG. 1. Section transversale de la graine, s, spermoderme ; end, endosperme; ce, cotylédons. G : lo/i. FIG. 2. Embryon isolé de la graine, vu à plat après enlèvement d'un des cotylédons, r, hypocotyle ; t, tigelle ; c, cotylédon sillonné de nervures, n. G : lo/i, réduit de moitié. FIG. 3. Section longitudinale médiane d'une toute jeune graine, coupe micro- tomique montrant les diverses parties de la graine, m, micropyle; ch, chalaze ; fv, faisceau vasculaire; pr, primine et son parenchyme, p ; s, secondine; eo, épi- derme ovulaire; se, place du sac embryonnaire. G : 5o/i. FIG. 4. Graine mûre. Coupe transversale dans la partie la plus large de la graine. Aspect des différents tissus à l'état naturel, dans le mélange de glj^cérine et d'alcool absolu, c, cuticule; ep, épiderme; //, ligne lumineuse; se, e, scléréides e.xternes; se, i, scléréides internes; p, parenchyme du spermoderme; rn, restes écrasés du nucelle; ap, assise protéique ; end, m, endosperme mucilagineux; end, par, en- dosperme parenchymateux, écrasé; cot, cotylédon. G : 170/1, réduit au tiers. FIG. 5. Cellules de l'épiderme, en coupe tangentielle, perpendiculaire au grand axe : A, à. la hauteur de la ligne lumineuse, cavité cellulaire très réduite; B, en dessous de la ligne lumineuse, cavité cellulaire plus spacieuse ; D, vue superficielle de la cuticule, chagrinée et cutinisée ; C, mêmes cellules vues obliquement. //, points d'épaississement à la hauteur de la ligne lumineuse, fortement colorés, après action momentanée de l'acide sulfurique et coloration par le bleu de méthylène. — Le graveur n'a pas tracé assez fidèlement les points d'épaississement. G : A, B, D, 450/1 ; C, 800/1. FIG. 6. Spermoderme mùr après l'action de KOH diluée ou de l'eau de javelle. C, restes de la cuticule disloquée par les acides, fortement cutinisés ; me, arcades de la membrane épidermique engagées dans la cuticule ; à l'intérieur se voient des granules et des bâtonnets d'oxalate calcique ; ep, cellules en palissade ; //, ligne de lumière. Les autres lettres comme plus haut. G : 3ooi. 56 H. MARLIÉRE FIG. 7. Coupe du spermoderme d'une graine développée, non mûre, pour faire voir les membranes non encore épaissies, sauf la membrane cuticulaire, à plusieurs couches visibles, c. m, méats latéraux des scléréides; n, noyau; p, protoplasme. G : 220/1. FIG. 8. Graine jeune (3 mm.), coupe transversale, ti, tégument interne de 2 à 3 assises cellulaires; eo, épiderme ovulaire dédoublé; le, tégument externe; se, si, scléréides externes et internes non épaissies, sans méats. G : 220/1. FIG. 9. Graine jeune (5 mm.), coupe transversale, fv, faisceau vasculaire, avec hadrome vers l'intérieur et stéréome vers l'extérieur. G : 170/1. FIG. 10. Vue superficielle de l'assise protéique de l'albumen inûr : membranes secondaires régulières, stratifiées. KOH à froid 1/2 heure. G : 32o/i. FIG. 11. Vue d'une portion du faisceau vasculaire et du tissu environnant à la maturité, en coupe transversale, p, parenclwme à membranes épaisses, canaliculées ; h, hadrome; /, leptome ; 5^ stéréome; t, caillot de tannin dans les cellules du parenchyme et du leptome. — L'un des deux traits de la gravure convergeant en / porte à faux sur l'hadrome. G : 220/1. FIG. 12. Endosperme gonflé dans l'eau, pris dans une graine mûre. /, lignes formées par letirement; mp, lambeau de membrane primaire qui a persisté; ce, ca- vités cellulaires; mm, membranes mucilagineuses. G : 220/1. FIG. 13. Membranes secondaires au bord interne de l'endosperme après l'action de la liqueur de Schweitzer ou du nitrate d'argent à i 0/0. mp, membrane pri- maire; ms, membranes secondaires; mt, membrane tertiaire; p, ponctuation tapissée par la membrane tertiaire. G : 450/1. FIG. 14. Cellules de l'endosperme mûr, après ébullition dans la potasse caustique. t, trabécules radiales et transversales de la membrane; en a, elles sont rompues et séparées de la membrane tertiaire, qu'elles devraient rejoindre partout ailleurs, si le graveur avait mieux saisi notre dessin; en mp, membrane primaire fortement gon- flée, contenue de chaque côté par une lamelle de la membrane tertiaire, tapissant le fond de la ponctuation. La fig. 17 représente beaucoup mieux la réalité. G : 600/1. FIG. 15. Endosperme de graine en voie de maturité (8 à 12 mm.), pr, pro- toplasme contracté par l'alcool ; tr, trabécules granuleuses, étirées, reliant le proto- plasme aux membranes secondaires déjà formées, ms ; mp , membrane primaire. G : 600/ 1'. FIG. 16. Graine de 8 mm ; portion interne de l'endosperme d'une préparation à la gélatine glycérinée de K.mser. Même aspect que la fig. 13. G : 600/1. FIG. 17. Endosperme mûr, après un séjour prolongé dans l'eau alcoolisée; trabécules radiales et transversales des membranes secondaires comme dans la fig. 14. p, protoplasme ratatiné; h, globules d'huile; mp, lambeau de membrane primaire. G : 600/1. FIG. 18. Endosperme, plaques cribreuses après l'action prolongée de l'acide sulfurique ou du chlorure de zinc iodé. G : 450/1. LA GRAINE DU CERATONIA SILIQUA 5 7 FIG. 19. Endosperme de la graine développée, non mûre, après l'action de l'iode -1- H ,50^. mp et mt, membranes primaire et tertiaire, colorées en bleu vif; ms, ensemble des membranes secondaires en bleu pâle; m, méats formés par le clivage des membranes primaires, sous l'influence de l'acide. G : 450/1. FIG. 20. Lambeau de protoplasme aréole du sac embryonnaire, pris d'une graine toute jeune, p, protoplasme; a, aréoles. G : 52o/i. FIG. 21. Grains d'aleurone des cellules de l'endosperme, vues dans l'huile ou l'essence de térébenthine. G : 800/1. FIG. 22. p, protoplasme; n, noyau d'une cellule de l'endosperme, après dis- solution complète de l'aleurone ; /;, globules d'huile ou de graisse. G : 800/1. FIG. 23. Aiguilles groupées de glucosazone obtenues dans la solution de mu- cilage de Ceratonia. G : 220/1. FIG. 24. Petites aiguilles recueillies dans les eaux de lavage après action de la phénj'lhydrasine, commencement de sphéro-cristaux. G : 220/1. TABLE DES MATIÈRES Introduction PREMIÈRE PARTIE, La graine du Caroubier au double point de vue hisfologique et cytologique, I. Primine II. Secondine Tissu ovulaire et endosperme I. Tissu ovulaire II. Endosperme . État de la question. Observations personnelles Conclusions Cotylédons 9 9 i5 i8 i8 19 19 22 32 34 DEUXIEIME PARTIE. Étude chimique de la graine du Caroubier I. Tégument de la graine .... II. Contenu cellulaire de l'endosperme et de l'embryon III. Analyse chimique des membranes mucilagineuses de l'endosperme § I. Analyse qualitative § 2. Analyse quantitative Conclusions Dosage de l'azote Explication des figures 35 35 39 42 42 48 52 53 55 Planche I Marhère.scl nar de;.-: •ih Fc'jujc- T^epen/nvjjiw . B nu-i 'i Ohonrix scu.' Planche II Liiri . h&U/jc P'p'imMjit Ij!M Die Angaben neuerer Autoren dass sich doch an der Rich- tungsspindeln von Ascaris finden (Centrosomen), beruhen sicher auf Irr- tumern - (i)- Comme si les faits positifs signalés par un grand nombre d'observateurs distingués ne devaient compter pour rien devant une simple négation de Boveri. C'est aller un peu loin. Eh bien! il y a certainement des corpuscules dans les cinéses polaires de \ Ascaris. Les auteurs, qui se sont occupés des corpuscules des globules polaires chez cet animal, ont constaté la présence à chaque pôle de la figure de deux à cinq granules colorables. Sala a recherché leur origine ; il ne peut la préciser. Il suppose qu'ils pourraient bien provenir de la désagrégation en morceaux du nucléole à l'intcrieur du noyau avant la cinèse, désagré- gation semblable à celle qu'a décrite O. Hertwig dans les spermatocytes. Seulement, il ajoute que les restes du nucléole, après s'être rapprochés de la membrane nucléaire, deviennent invisibles et qu'il est impossible de les suivre. Nous ne nions pas la possibilité de la fragmentation nucléolaire. Mais les figures 2 et suivantes de Sala ne nous paraissent pas démonstratives. Nous connaissons depuis longtemps ces amas de granulations irrégulières, reliant le plus souvent les deux groupes de quatre bâtonnets, que figure Sala. D'après nos observations, ces granulations, aussi bien que celles qui ont été signalées par O. Hertwig dans les spermatocytes, sont des restes de l'élément nucléinien qui n'ont pas été enrobés dans les huit bâton- nets, qui le seront peut-être plus tard, mais qui, en tout cas, disparaissent totalement avant la cinèse. Elles ne proviennent donc pas des nucléoles. Si ceux-ci se fragmentent, c'est an moment même de la cinèse; car jusque-là on constate aisément avec l'hématoxyline au fer la présence de deux gros nucléoles, parfaitement conservés dans leur forme et leur volume. Exposons maintenant nos observations récentes. Elles confirment pleinement les premières recherches de Lebrun. Il y a des corpuscules bien évidents dans les deux figures des globules polaires. En outre, ces figures sont munies d'asters. (1) SoEOTTA ; L c , p. 5i4, en note. Y5 J B. CARNOY et H LEBRUN I. Corpuscules polaires. Les phénomènes que nous avons observés étant identiques à ceux que nous devrons décrire en détail plus loin, à pro- pos de la segmentation, nous ne ferons que les indiquer brièvement. A côté des deux groupes de quatre bâtonnets, on trouve dans la vési- cule germinative de l'Ascaris deux petits corps sphériques, que Van Bene- DEN appelait pseudo-nucléoles, et que nous avons montré appartenir à la classe des nucléoles plasmatiques, c'est-à-dire des nucléoles vrais ou nu- cléoles proprement dits. Chez les Ascaris, ces nucléoles se comportent vis- à-vis des matières colorantes comme les corpuscules polaires ; c'est ainsi, en particulier, qu'ils se colorent avec la plus grande facilité en noir d'ébène par l'hématoxyline au fer, et résistent à la décoloration autant que les cor- puscules eux-mêmes. Or, chez les Ascaris, ces nucléoles représentent les corpuscules de Vovocyte au repos, fig. 10. Ceci demande quelques mots d'explication , par anticipation sur les chapitres suivants. Il n'y a pas de centrosome dans le cytoplasme de l'ovocyte; on pour- rait même dire qu'il ne peut y en avoir. Car les corpuscules qui ont servi à la dernière division des ovogonies, laquelle donne naissance aux ovocytes, ou œufs proprement dits, ont disparu depuis longtemps dans le cytoplasme de ces derniers. Aussi, la plupart des auteurs qui les ont recherchés ne les y ont point trouvés. Mais Boveri, et beaucoup d'autres après lui, ont tiré de cette absence de centrosome dans le cytoplasme ovulaire des conclusions illégitimes et tout à fait erronées, dont nous ne mentionnerons que les sui- vantes pour le moment. 1° L'œuf est dépourvu de centrosome; c'est une cellule incomplète. 2° L'œuf diffère des cellules ordinaires par ce que son centrosome s'est dégradé ou dissous. 3° Il y a une différence fondamentale entre l'œuf et la cellule sperma- tique; car celle-ci possède dans son corps un centrosome actif qui produira la segmentation. 4° Les figures polaires n'ont pas de corpuscules, parce que le cyto- plasme ovulaire en est dépourvu. Reprenons chacune de ces conclusions. 1'^' De ce qu'il n'y a pas de corpuscule dans le cytoplasme ovulaire, il ne s'en suit nullement que l'œuf en soit dépourvu. En effet, ce n'est pas dans le cytoplasme que git ce corps dans les cellules quiescentes, ainsi que LA FÉCONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 77 nous le verrons plus loin, mais bien dans le noyau. Or, les corpuscules naissent très tôt dans le noyau ovulaire ; — l'un de nous a signalé leur présence dans les œufs les plus jeunes, après la dernière division des ovogonies(i) — et ils y restent jusqu'au moment précis de la première cinèse polaire. Ainsi, à aucun âge, l'œuf n'en est dépourvu; il n'est donc pas de ce chef une cellule incomplète. La fig. 10 montre ces deux beaux corpuscules. 2° La vérité est que le centrosome de division se dégrade dans toutes les cellules somatiques, aussi bien que dans l'œuf, et disparait totalement dans le cytoplasme. L'ovocyte ne diffère donc nullement de ce chef des autres cellules au repos. 3" Il n'y a aucune différence entre l'œuf et la cellule spermatique. Pas plus que celui de l'œuf, le corps plasmatique du spermatozoïde ne renferme de centrosome. Celui-ci s'est évanoui totalement après la dernière division des spermatocytes ; aussi c'est en vain qu'on scrute la jeune spermatide, même à l'aide de l'hématoxyline au fer, pour y déceler un corpuscule. C'est dans le noyau du spermatozoïde que se formeront les centrosomes actifs dont parle Boveri. 4° Tout est faux également dans la dernière conclusion : l'antécé- dent et la conséquence. Il y a des corpuscules dans les cinèses polaires. Et, s'il n'y en avait pas, ce ne serait nullement parce que le cytoplasme en est dépourvu — il en est toujours et partout dépourvu, il n'y aurait donc de corpuscule dans aucune cinèse! — mais parce que le noyau n'en contien- drait pas. Or, celui-ci en possède toujours. Il y a donc des corpuscules dans l'ovocyte de V Ascaris, pendant tout son développement, mais c'est dans le noyau qu'ils résident. Voyons ce qu'ils deviennent. Au moment de la première cinèse polaire, ils sont généralement placés dans la vésicule, comme l'indique notre fig. 10, c'est-à-dire qu'ils occupent la place des pôles du fuseau futur. Nous ne les avons pas vu sortir du noyau en perforant la membrane — phénomène que nous décrirons plus loin — , avant la formation du fuseau. Mais, lorsque la membrane nucléaire est résolue, on les trouve placés aux pôles du fuseau qui s'élabore, et ils y restent pendant tout le temps de la cinèse, ainsi que l'indique la fig. 11. (1) J. B. Carnoy : La vésic. germ., etc. chej l'Asc. megaloc; p. lO. 10 78 J. B. CARNOY et H. LEBRUN Ils sont généralement plus petits que dans la vésicule ; nous dirons plus tard la raison de ce fait. Assez souvent il ny en a qu'un à chaque pôle, détail qui n'a pas été vu par Sala. Assez souvent aussi, on en trouve un d'un côté et deux de l'autre, fig. ii, et alors ceux-ci sont généralement écartés, comme dans la figure. Enfin, il n'est pas rare non plus d'en voir trois, quatre, cinq et plus à chaque pôle ; ce sont les figures de ce genre qui ont été vues et mention- nées par les observateurs. Lorsque le corpuscule est unique, il est beaucoup plus volumineux que lorsqu'il y en a plusieurs. Ce qui indique, nous sembletil, suffisamment que les corps multiples dérivent de la fragmentation du corpuscule primitif. D'ailleurs, plus ils sont nombreux, plus ils sont ténus. Nous ne pourrions dire si cette fragmentation a lieu aux pôles de la figure ou immédiatement avant la formation de cette dernière; nous avons dit plus haut qu'elle n'avait pas lieu avant le moment de la cinèse. Cette désagrégation du corpuscule n'a rien de surprenant. Car nous verrons bientôt que tout corpuscule est destiné à disparaître après la divi- sion à laquelle il a servi. Les corpuscules existent aussi, sans nul doute, dans la figure du second globule : témoin la fig. 12. Ils y présentent les mêmes particularités que dans la première cinèse. Mais nous n'avons pu découvrir leur origine. A en juger par ce qui se passe durant la segmentation, ils sont de récente forma- tion et ne dérivent pas des anciens; ceux-ci d'ailleurs, semblent disparaître rapidement, et nous avons vu que souvent déjà ils sont en voie de désagré- gation dans la figure elle-même. Les corpuscules de la seconde cinèse ne se maintiennent pas davan- tage. Ils doivent se dissoudre très tôt dans le cytoplasme, car nous les avons recherchés en vain au moment où le noyau femelle commence seule- ment à s'entourer d'une membrane, ou un peu plus tard; on n'en trouve jamais 'à côté des jeunes noyaux. Ainsi : a) Les corpuscules ou centrosomes existent dans les deux cinèses des globules polaires, comme dans les cinèses ordinaires ; b) Ils s'effacent sans retour avec la figure, comme dans ces dernières. Il n'y a donc pas à'ovocentre dans le cytoplasme ovulaire, après l'expulsion du second globule. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 79 IL Asters. Il y a longtemps que l'un de nous a décrit les asters des figures polaires de l'Ascaris et d'autres nématodes, en utilisant des objets aussi frais que possible et traités par un grand nombre de fixations, dont plusieurs tuent les œufs presque instantanément et momifient sur l'heure les figures ciné- tiques, sans trop les altérer (i). Nous n'avons pas l'intention d'entrer de nouveau en discussion avec Boveri, Hertwig, Sala, Sobotta, etc., et en général avec ceux qui nient encore l'existence des asters dans ces figures, ou qui les considèrent comme des productions pathologiques, dans tous les cas et sans distinction. Nous nous contenterons de donner ici deux nouvelles figures, FiG. 11 et 12, recueillies sur des matériaux récents, transmis direc- tement de l'abattoir de Louvain à notre institut, et fixés de suite par la liqueur de Gilson et notre nouveau réactif au chloroforme et au sublimé. Les asters y sont évidents. Leurs nombreux rayons, d'une délicatesse extrême, descendent latéralement des bords du plateau fusorial et viennent se croiser à l'équateur en se perdant dans le réseau cytoplasmique. Tout le monde sait que la plupart des fuseaux, chez l'Ascaris, sont tronqués, ter- minés qu'ils sont par deux plateaux, dans lesquels se terminent séparément les filaments. Ceux-ci ne convergent pas vers un point commun, pas plus que les rayons astériens. Malgré la présence d'un centrosome, il n'y a ni aster ni fuseau véritables, dans le sens de Sobotta. Il n'existe donc aucun rapport nécessaire entre le centrosome et le centrage des radiations asté- riennes et fusoriales. Le raisonnement de Sobotta était donc vicieux. Certes, toutes les figures d'une même préparation ne portent pas des asters aussi caractérisés que ceux des fig. 11 et 12. Mais il est aisé d'en saisir des vestiges évidents sur un très grand nombre d'entre elles. Leurs rayons sont d'une grande finesse et très altérables. Ensuite, les œufs d'^5- caris, à cet âge, sont très vacuoleux, surtout près des figures ; il n'est pas rare d'y rencontrer des fuseaux qui sont suspendus à de simples cordons, comme les noyaux des spirogyres. Les réactifs ont donc beau jeu pour y introduire toutes sortes de déformations. Nous ne connaissons pas en- core un bon fixateur des œufs d'Ascaris à cette période, et Dieu sait si nous en avons essayés ! Néanmoins, malgré ces circonstances très défavo- rables, nous trouvons toujours çà et là des asters bien nets, à côté d'autres (1) J. B. Carnoy : Normalité des Jîgiires cinétiques; La Cellule, t. III, p. 274. 80 J. B. CARNOY et H. LEBRUN qui sont plus ou moins dégradés ou indistincts, mais dont l'existence n'est pas douteuse. Cette question de la présence des asters normaux dans les figures po- laires des Ascaris et des autres nématodes est, pour nous, une question vidée; nous n'y reviendrons plus désormais. SoBOTTA ne pouvant nier l'existence de radiations astériennes chez beaucoup de vertébrés et surtout d'invertébrés, soutient, nous l'avons vu, qu'elles ne constituent pas de véritables asters ; en effet, dit-il, ces radiations naissent latéralement, au sommet tronqué du fuseau, et n'aboutissent pas à un centre commun, comme dans les asters ordinaires. C'est là une distinc- tion par trop scolastique, et qu'on ne saurait d'ailleurs maintenir. Les asters polaires dont les rayons aboutissent à un centre, voire même à un centro- some, ne manquent pas. Kostanecki vient d'en figurer encore de très ca- ractéristiques chez les Physa, au sommet d'un fuseau, dont tous les fila- ments convergent vers un point central. Nous aurons bientôt l'occasion de décrire chez les vertébrés des figures polaires aussi démonstratives à tous égards ; leurs nombreux filaments fusoriaux aboutissent également à un centre commun et ponctiforme, qui sert en même temps de centre à un aster typique. Il résulte de ce qui précède, qu'il n'existe, de ce double chef, aucune différence fondamentale entre les cinèses polaires et les cincses ordinaires. Contrairement à ce que prétend Sobotta, on trouve dans les unes comme dans les autres des corpuscules et des asters véritables, ainsi que des fuseaux à filaments convergents. La présence de corpuscules dans les figures polaires de Y Ascaris achève la démonstration tentée autrefois (i) par l'un de nous pour com- battre l'opinion de Van Beneden, qui considérait aussi les divisions polaires de cet animal comme des pseudo-cinèses. (i) J. B. Carnoy : La vés. genn. etc. diej l'Ascaris megalocephala; La Cellule, t. II, i. iSS6. LA FÉCONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 8l CHAPITRE III. Le spermatozoïde, le corpuscule spermatique, l'archoplasme et les sphères attractives. § 1. Le spermatozoïde. 1° Structure. Le spermatozoïde de VAscaris megalocephala a été étudié au point de vue cytologique, pour la première fois, par l'un de nous; le Prospectus de la Biologie cellulaire, qui a paru au commencement de 1883, en fait foi : p. 9 et 10. A la page 10, on y a représenté, fig. 215, 2, un spermatozoïde pénétrant dans l'œuf; on y voit un réticulum très net dans la couronne ou partie anté- rieure, et à la périphérie du cône, ou partie postérieure. La portion centrale de ce dernier est occupée par une masse hyaline et réfringente ; celle-ci est due à un dépôt d'enchylème myosique qui s'est fait dans les mailles du réseau du cône : c'est ce dépôt qui lui donne un aspect brillant et homo- gène. Lorsque le spermatozoïde a pénétré dans l'œuf, cet enchylème se dis- sout peu à peu de l'extérieur à l'intérieur, et le réseau apparaît. Les diges- tions artificielles mettent d'ailleurs ce dernier en toute évidence, fig. 202, d, p. 9 du même Prospectus. Dans son premier travail sur le même animal, paru au mois d'avril de l'année suivante(i). Van Beneden s'occupe longuement du spermatozoïde, maissurtout au point de vue morphologique. 11 admet, comme le Prospectus, la structure réticulée de ce corps. A ce propos, nous ne pouvons nous empê- cher de faire remarquer que toutes les figures de van Beneden pèchent en un détail essentiel. Les gros points nodaux de son réticulum n'appartien- nent pas à ce dernier ; ce sont les sphérules d'enchylème, situées au milieu des mailles. Les trabécules n'y aboutissent donc pas; elles passent à côté dans les espaces laissés en blanc sur ses figures ; le vrai réticulum n'y est pas représenté. En 1888, BovERi(2) s'est également occupé du spermatozoïde. Ses fi- gures n'indiquent aucune trace de réseau. Il y représente seulement des (1) E. VAN Beneden : Rech. sur la mat. de l'œuf et la fécond.; Arch. de Biol., i883. (2) BovERi : Die Befr. und Teil. d. Etes v. Asc. megaloc; Zellenstudien ; lena, 1888. 82 J B. CARNOY et H. LEBRUN granules, ou plutôt des sphérules alignées avec ordre, radialement et con centriquement dans la couronne. Or, ces sphérules ne sont non plus que l'enchylème des mailles. L'auteur n'a pas aperçu les trabécules réticulaires : sans doute parce qu'elles ont été altérées ou rendues indistinctes par les fixateurs infidèles dont il s'est servi. Les auteurs qui ont suivi n'ont rien dit de saillant sur la structure du spermatozoïde. Notons seulement que v. Erlanger (i) y mentionne une structure alvéolaire, laquelle correspond à notre réseau et à ses mailles. Nous ne pouvons admettre cette manière de voir. Il suffit de toucher la vis micrométrique pour constater l'absence de membrane alvéolaire; les trabécules disparaissent subitement pour faire place à d'autres. Cette question ayant été traité dans un travail récent(2), nous ne nous y arrêterons pas davantage. Nos observations nouvelles fournissent peu de chose à ajouter à ce qui a été dit dans le „ Prospectus " sur la structure du spermatozoïde. Il est formé dans toute son épaisseur d'un réseau plastinien, dont les points nodaux sont peu marqués. On peut s'en assurer en le soumettant à la digestion, qui enlève la majeure partie de l'enchylème et dégage le réseau, fig. 202, d, du Prospectus. Au lieu de recourir à la digestion artificielle, on peut se contenter de fouiller la région de l'ovaire où la fécondation a eu lieu. Il n'est pas rare d'y rencontrer un nombre, parfois très grand, de spermatozoïdes digérés, réduits exclusivement à leur réseau plastinien, qui est d'une netteté et d'une régularité remarquables. Dans les mailles de la spermatide, en même temps que celle-ci prend sa forme définitive, se dépose peu à peu un enchylème très riche et très dense, surtout à partir de la couronne, ou partie antérieure évasée. Dans celle-ci, le dépôt se fait également, mais il est beaucoup plus faible et n'empêche pas de voir les trabécules sur des objets bien fixés. Dans toute là partie inférieure, au contraire, le dépôt est tellement dense qu'il devient tout à fait réfringent, et, comme toutes les mailles en sont gor- gées, les trabécules y sont noyées et indécelables sans avoir recours à la digestion. Quant à la nature de cet enchylème, nous avons dit qu'il était myo- sique. Aujourd'hui, nous devons ajouter quà côté de l'albumine il renferme (i) V.Erlanger : Bcitràge :^. Kenntn. d. Structur d. Protojpl.; Arch. f. mikr. Anat., B. 49, p. 3og, 1897. (2) ]. B. Carnoy et H. Lebrun : La vcs. germin., etc. chc^ les batraciens, p. 204. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 83 un composé nucléinien, très probablement une nucléo-albumine, qui est peut-être d'une nature spéciale. C'est à la présence de ce composé que le corps du spermatozoïde doit de se colorer si fortement en noir par l'héma- toxyline au fer, aussi fortement que les corpuscules polaires, et en bleu- violet par le vert de méthyle. L'enchylème des mailles de la couronne se colore aussi, mais moins vivement; parfois, seulement en jaune brun par le premier de ces réactifs. 00 Le spermatozoïde dans l'œuf. D'après Van Beneden, le corps tout entier du spermatozoïde, après son entrée dans l'œuf, se ratatine et se résorbe ou est expulsé, sans plus servir. L'un de nous a combattu aussitôt cette opinion; voici ce qu'il écrivait en 1886(1). « La fécondation fait de l'œuf une production nouvelle, une entité or- « ganique nouvelle. Dans cet acte suprême, la cellule mâle et la cellule li femelle se fusionnent intimement, protoplasme à protoplasme, noyau à " noyau, en perdant leur individualité propre pour constituer une indivi- " dualité nouvelle, l'œuf fécondé ou la cellule de segmentation (2) «. En " effet, les éléments de la cellule ovulaire sont complètement remaniés, « pendant cette fusion, non seulement son noyau, mais son protoplasme. " La plupart des observateurs admettent aujourdhui la fusion des noyaux " — que cette fusion se fasse avant, ou pendant la cinèse (E. Van Beneden), « qu'elle se fasse de telle ou telle façon, il importe fort peu. — Quant à la " fusion du protoplasme, elle s'observe avec la plus grande facilité dans la « conjugaison des végétaux ; elle s'observe également chez V Ascaris megalo- « cephala. En traitant les œufs de cet animal par le vert de méthyle (3), le >- brun Bismarck, etc., on peut constater l'union intime qui s'établit entre ^ le réticulum puissant de la cellule mâle (4) et celui de l'œuf, après que « l'enchylème, répandu dans ses mailles, s'est dissous dans l'enchylème (i) J. B. Carnoy : La vésicule germinative et les globules polaires che:( l'Asc. megalocephala; La Cellule, t. II, p. 69. (2) Biologie, p. 187. (3) Le vert de méthyle colore généralement le corps du spermatozoïde en bleu, ou en bleu vio- lacé; cette coloration le fait distinguer aisément dans l'œuf. (4) Nous avons indiqué le réticulum plastinien du spermatozoïde avant et après sa pénétration dans l'œuf, à la p. g, fig. 202, d, et à la p. 10, fig. 2i5, 2, du Prospectus de la Biologie, et nous considérions déjà alors le corps brillant comme étant du à un dépôt enchylémateux s'accumulant dans les mailles de ce réticulum. 84 J- B. CARNOY et H. LEBRUN « ovulaire. La cellule mâle de l'Ascaris, qui est très volumineuse et très « dense, déverse donc une quantité considérable de principes nouveaux « dans le protoplasme de la cellule femelle ; elle contribue en outre à lui « donner une nouvelle structure : elle lui imprime, pour ainsi dire, son « cachet ». Dans son second travail (i), E. van Beneden combat cette opinion, sans la citer. '• Au moment où il prend naissance, dit-il, le pronucleus mâle est enveloppé par le résidu dégénéré du corps protoplasmatique du zoosperme; celui-ci ne se confond pas avec le protoplasme ovulaire; il con- stitue autour du noyau du spermatozoïde une couche parfaitement délimi- tée y, et il y reste bien longtemps sous la forme d'une calotte. Celle-ci, après s'être détachée - se ramasse sur elle-même; elle diminue rapide- ment de volume... enfin toute trace du corps dégénéré du zoosperme dis- paraît complètement y par une sorte de digestion. D'après l'auteur, ces faits sont faciles à observer sur des préparations fixées par l'acide acétique et traitées par la glycérine additionnée de vert de malachite et de vésuvine : le corps dégénéré du zoosperme, ou la calotte, se colore vivement en brun et tranche nettement sur le vitellus à peu près incolore. BovERi se range à l'opinion de van Beneden ; le corps sperraatique est résorbé. Seulement il suppose qu'il fournit un centrosome à l'archoplasme. KuLTSCHiTZKY (2) 3. VU la partie antérieure du spermatozoïde émettre, dans le cytoplasme ovulaire, des bras divergents qu'il qualifie de pseudo- podes, sa figure 18; mais il affirme que ces bras se brisent et se mor- cellent, puis se répandent en se dissolvant dans l'œuf. V, Erlanger (3) est aussi d'avis que le protoplasme sperraatique ne joue aucun rôle dans la fécondation. La partie postérieure avec la masse réfringente se dissout d'abord pendant qu'il se dirige vers le centre de l'œuf. Arrivée là, la tête se désagrège en granules fournis par les points nodaux des alvéoles. Cet amas de granulations entoure le noyau sper- matique et correspond à l'archoplasme de Boveri; il l'appelle zone de (i) E. VAN Beneden et Neyt : Nouvelles recherches, etc.; Bull, de TAcad. royale des Se. de Belgique, 1887, n" 8, p. 222. (2) KULTSCHITZKY : Die Bcfruchtungsvorgànge bel Ascaris megalocephala; Arch. f. mikr. Anat., B. 3i. p. 567. (3} V. Erlanger : Recherches sur l'origine, etc. du corpuscule central; C. r. de la Soc biol., Paris, 10 avril 1897. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 85 détritus. Enfin, la partie médiane se résorbe. Pour le surplus, il admet comme Boveri que le corps spermatique fournit à l'œuf le corpuscule de segmentation. Cependant, Kostanecki et Siedlecki (i) ont rompu récemment avec ces idées. Ils admettent, conformément à notre opinion, rappelée dans la citation précédente, que le spermatozoïde livre du protoplasme à l'œuf et détermine une irradiation dans le réseau cytoplasmique de celui-ci. Ils rap- prochent avec raison ce phénomène de celui qui se rencontre chez d'autres animaux, la Physafoiitinalis, par exemple. Dans les œufs de ce mollusque on aperçoit un rayonnement puissant, qui débute dans le Aliltehtïtck et qui envahit ensuite progressivement tout le cytoplasme. Aux yeux de ces savants, cette modification du réseau de l'œuf a pour but de faciliter le rapprochement des noyaux sexuels et, en même temps, d'amener près d'eux l'aire protoplasmatique rayonnante, formée sous l'in- fluence de la portion intermédiaire du spermatozo'ide. Une fois arrivée à destination, cette aire diminue peu à peu d'étendue et cesse d'être distincte. Chez la Physa, on ne peut plus guère en saisir de trace à l'aide des meilleurs instruments sur les préparations les mieux réussies. Pendant que s'opère cette atténuation, ou plutôt cette disparition de l'aire, les noyaux sexuels parcourent toutes les étapes de la iTiaturation. Lorsque celle-ci est atteinte, ou à peu près, l'aire réapparaît clairement près des noyaux. En même temps, l'hématoxyline au fer y fait déceler un centrosome d'une grande petitesse; celui-ci provient du corps spermatique; les auteurs sont, sur ce dernier point, du même avis que Boveri et Erlanger. Ce corpuscule se divise, et bientôt l'aire protoplasmatique elle-même, pour fournir les deux sphères de segmentation. Exposons maintenant nos observations. A. Modification du spenuatO{oïde. Plage de fusion. Rien n'est plus aisé que de constater l'influence remarquable que le spermatozo'ide exerce sur le cytoplasme de l'œuf, à la condition, cependant, d'user de préparations irréprochables. Malheureusement, "Van Beneden et la plupart des observateurs n'y ont pris garde. Ils se sont généralement servis de liqueurs acétiques ou (i) Kostanecki et Siedlecki : Ueber die Vo-liûltiiiss d. Centrosomcn ^. ProtopL; Arch. f. mikr. Anat., B. 48, 1899. 11 86 J- B. CARNOY et H. LEBRUN nitriques, qui sont détestables pour l'étude des détails cytologiques ; elles gonflent, détruisent, dérangent ou confondent les éléments du cytoplasme, et y introduisent en outre des vacuoles qui achèvent le désarroi. Le réseau particulièrement en pâtit. Surtout si la glycérine vient brocher sur le tout, elle qui, seule, rend déjà les trabécules indistinctes ! Mieux vau- drait encore se servir de la liqueur de Perenyi qui n'est cependant pas recommandable. Mais le pire, c'est d'employer l'acide acétique glacial pur pour étudier la fusion du spermatozoïde avec l'œuf. Cela est vrai- ment étrange de la part de Van Beneden, qui écrit quelques pages plus loin, dans le même travail : " Les œufs tués brusquement par l'acide acé- « tique pur conservent fort incomplètement les détails de structure du « protoplasme L'acide paraît gonfler les microsomes et résoudre les « fibrilles en granulations qui, n'étant plus reliées entre elles, ne permettent « plus de reconnaître les fibrilles dont elles proviennent r^. Était-ce bien là le réactif qu'il convenait d'employer pour l'étude des rapports intimes du spermatozoïde avec l'œuf Si l'on veut se servir de l'acide acétique, il faut qu'il soit pris en petite quantité, et que son action dissolvante soit contre-balancée par un ou plu- sieurs fixateurs énergiques en quantité prédominante, particulièrement par le chloroforme et le sublimé. C'est de cette manière que nous avons pro- cédé, ainsi qu'il a été mentionné dans l'introduction de ce travail. Nous avons dit que les digestions artificielles dissolvent l'enchylème du spermatozoïde et mettent en évidence le réseau dans les mailles duquel il est renfermé. Il se passe quelque chose de semblable sur le spermato- zoïde, après son entrée dans l'œuf; mais cette digestion naturelle se com- plique de phénomènes très intéressants, que nous allons décrire sur des préparations traitées par l'hématoxyline au fer. La partie antérieure, déjà distendue, et la portion périphérique du cône perdent très tôt la majeure partie de leur enchylème. Celui-ci se ramollit et se dissout peu à peu, fig, 1 et 2. C'est pour cette raison que le spermatozoïde prend alors plus fortement les colorants; ceux-ci pénètrent plus facilement l'enchylème et se fixent de prédilection — ici comme par- tout ailleurs — sur les nucléo-albumines qu'il renferme. "Van Beneden fait erreur en attribuant cette facilité de coloration à la présence de la nucléine, qui serait expulsée du noyau spermatique et rejetée dans le protoplasme. Car, il est aisé de voir que ce sont les sphérules de l'enchylème qui se teignent : sphérules qui étaient déjà renfermées dans les mailles du réseau du spermatozoïde avant son entrée dans l'œuf, comme on peut s'en assurer LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 8? par le vert de méthyle qui les colore en bleu violet, et l'hématoxyline au fer qui les colore en noir. D'ailleurs, la nucléine ne diminue pas dans le noyau; elle augmente au contraire graduellement jusqu'à sa maturité. Si Van Beneden a constaté que le noyau, à l'époque dont nous parlons, se teignait moins fortement, cela résulte uniquement de ce que l'acide acé- tique glacial, qu'il emploie pur, lui enlève, comme tous les acides forts, une portion de sa nucléine. Dans les fig. l et 2 tout l'enchylème a disparu; les mailles du ré- seau commencent à se détendre. Dans la fig. 3, ce dernier phénomène se marque davantage ; le réseau s'épanouit dans le cytoplasme ovulaire. En même temps, le corps réfringent central, dont l'enchylème se digère peu à peu en libérant les trabécules, diminue de volume. Les corpuscules noirs, irréguliers, qu'on aperçoit collés contre le réseau de cette figure, proviennent du corps central; ce sont des masses enchylémateuses qui se détachent et se répandent au dehors, au lieu de se dissoudre sur place; ce phénomène est fréquent. Dans ces trois figures, le spermatozoïde est vu de côté. Dans les figures suivantes, il est vu d'en haut; la couronne se présente alors de face et le noyau se projette sur le corps réfringent encore intact. On voit sur la fig. 4, à la partie inférieure, comment ce corps développe son réseau en rejetant l'enchylème, qui se répand partout le long des trabécules en s'}' accolant. La FIG. 5 représente un autre type, assez commun aussi. Il est carac- térisé en ce que le réseau de la couronne est vierge de granules colorables par les réactifs ; c'est que l'enchylème du corps central se dissout lentement sur place, au lieu d'être expulsé d'abord des mailles. La FIG. 6 est plus âgée ; le réseau s'est étendu davantage et irrégulière- ment en formant des bras, et le corps central est presque entièrement dégagé de son enchylème; il n'en reste plus qu'à la périphérie, où il est en voie de se répandre sur la partie extérieure du réseau. On remarquera que le réti- culum de ce corps est entièrement respecté et qu'il fait corps commun avec le réseau qui l'entoure. Nous arrivons à la fig. 7, à laquelle il faut rattacher la fig. 11. Ces figures sont fréquentes au stade auquel nous sommes arrivés. On y voit deux plages d'aspect différent : une plage centrale étoilée, plus sombre, et une plage extérieure plus claire. Celle-ci a des dimensions très variables. Tantôt elle forme un mince liséré, tantôt une bande plus large qui grandit progressivement jusqu'à atteindre les dimensions de la figure. A un fort grossissement : 1,30 X 6, on peut constater sûrement que les deux plages 88 J- B. CARNOY et H. LEBRUN sont en continuation, c'est-à-dire en liaison trabéculaire et qu'elles passent insensiblement l'une dans l'autre. Sur les bras de la plage centrale, on aperçoit des sphérules fortement teintées en noir. Elles proviennent, sans aucun doute, de la coalescence des petites masses enchylémateuses qui sont expulsées des mailles et qui s'unissent lorsqu'elles se rencontrent. Nous avons déjà appelé l'attention sur la tendance qu'ont tous les corps nucléiniens à se fusionner (i). Or, ce sont ces sphérules que Kultschitzky a considérées à tort comme des fragments détachés des bras ou pseudopodes du spermato- zoïde; pour s'en convaincre, il suffit de comparer sa fig. 8 avec notre fig. 7. Les bras réticulés, loin de disparaître, se fusionnent avec le cytoplasme. Nous avons dit plus haut que la plage étoilée centrale des fig. 7 et 11 était en liaison trabéculaire avec la zone extérieure; on pourrait être porté à en conclure que celle-ci n'est qu'un simple épanouissement de la première. Nous croyons cependant qu'il n'en est pas tout à fait ainsi. Nous considérons la plage centrale comme étant due au réticulum spermatique fusionné ou mélangé intimement avec le cytoplasme ovulaire, et la zone extérieure comme étant une modification du cytoplasme seul. Cette modification trabéculaire serait déterminée par l'action des substances nucléo-albumineuses qui s'échappent du corps spermatique ; nous revien- drons un peu plus loin sur ce sujet. Quoi qu'il en soit, la distinction entre les deux plages dont nous par- lons s'efface sans tarder. En effet, les granules enchylémateux nombreux, qui rendent la zone centrale plus sombre, se répandent bientôt uniformé- ment partout; il n'y a plus alors qu'une plage homogène, comme dans les FIG. 8, 9, 12 et 13. A propos de la fig. 6, nous avons dit que le corps réfringent perdait de bonne heure tout son enchylème, et persistait sous la forme d'un réseau faisant corps avec la couronne. Ailleurs, sa dissolution est beaucoup moins rapide; telle est même la règle générale. Aussi ne pouvons-nous admettre avec Erlanger que la partie postérieure avec son sorps réfringent se dissout pendant la marche du spermatozoïde vers le centre de l'œuf; cela n'a presque jamais lieu. C'est, au contraire, le corps réfringent qui persiste le plus long- temps dans l'œuf, parfois jusques après la segmentation. Dans nos fig. 4 et 5, il existe encore tout entier au centre de l'œuf; dans la fig. 9, représentant un œuf plus âgé, la plus grosse part persiste encore. L'erreur de v. Erlan- (i) J. B. Carnoy et Lebrun : La vésic. germ etc. des batraciens; p. 282 LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 89 GER provient de ce qu'il distingue du corps réfringent ce qu'il appelle la calotte, ou partie médiane. Or, cette calotte qui, d'après lui, persiste en dernier lieu n'est que la portion supérieure du corps réfringent lui-même. Il arrive, en effet, que ce soit cette portion qui se maintienne, et alors le no)'au est comme entouré d'une calotte. Mais il arrive non moins souvent que c'est la partie inférieure, fig. 9 et 11, ou même la partie centrale du corps réfringent qui persiste le plus longtemps La manière dont ce corps s'efface au centre de l'œuf est variable. Ici, l'enchylème se dissout lentement sur place en respectant le réseau, FIG. 9, 11, 12. Ailleurs, il est comme expulsé et rejeté en un seul bloc sur le côté. Ailleurs encore, il se scinde en sphérules ou en fragments irréguliers qui se répandent au loin, et dont les plus gros restent souvent près du noyau, fig. 8. Or, ce sont les masses régulières ou irrégulières de ces di- verses catégories qui constituent les corps résiduels, qu'on retrouvera dans les étapes subséquentes et, parfois, jusqu'à la seconde et la troisième seg- mentation. Ces corps perdent peu à peu leur enchylème colorable et laissent un résidu plastinien brillant, provenant de leur réseau primitif; c'est ce résidu que l'on voit parfois près des noyaux de conjugaison ou de segmen- tation, sous la forme d'une sphérule brillante, qui disparait bientôt pour toujours. Il résulte clairement de cet exposé que les corps résiduels ne repré- sentent pas le corps du spermatozoïde tout entier, ainsi que le prétendent Van Beneden et BovERi(r}, mais une portion seulement de la masse cen- trale ou corps réfringent. Les parties coronaires et périphériques se sont maintenues en s'étalant dans le cytoplasme ovulaire et en se fusionnant apparemment avec lui. La masse centrale tout entière peut même prendre part à cette fusion, fig. 6, 7, 12, et alors il n'y a pas de corps résiduel. Il n'y en a pas davantage lorsque cette masse se scinde en fragments ou sphé- rules peu volumineuses, qui s'éparpillent et se dissolvent aisément. Aussi, les œufs sans corps résiduels à l'époque de la segmentation sont-ils nom- breux. Mais leur nombre varie beaucoup d'un individu à l'autre; ici presque tous les œufs en possèdent ; là, la plus grande partie en est dépourvue. (i) Les fig. 5. 7, etc. de Boveri, ne représentent nullement le corps tout entier du spermatozoïde, mais uniquement la masse centrale, comme dans nos fig. 4 et 5. Seulement cetie masse est gonflée et déformée par son réactif qui es-t détestable pour l'étude du spermatozoïde. Les granules qui en- tourent les corps résiduels sur ces figures représentent notre plage de fusion; c'est son réactif également qui l'a empêché de voir le réseau très fourni qui s'y trouve, car il ne respecte que les granules nucléo-albumineux de l'enchy'ème. go J. B. CARNOY et H. LEBRUN Ces variations dépendent uniquement de la manière dont se sont effectuées les modifications que subit le corps réfringent au centre de l'œuf et, avant tout, de la rapidité avec laquelle l'enchylème s'est dissous. Revenons maintenant à la plage centrale, que l'on pourrait appeler plage de fusion ou de pulliilation . Les fig. 6 à 13 indiquent bien comment cette plage se propage et s'étend dans tout l'œuf, en modifiant fondamenta- lement sa structure. Nous n'avons pas besoin de faire remarquer que, par ce mot plage nous ne voulons pas indiquer un plan. Car elle est une sphère, comme la portion antérieure du spermatozoïde, qui a été son point de dé- part en se débandant de tous côtés et en répandant son enchylème dans toutes les directions. Nos figures la représentent en coupe optique. A un stade un peu plus avancé que celui de la fig. 12, le cytoplasme primitif est totalement envahi; la plage n'est plus visible alors, car la plage c'est l'œuf tout entier. Mais combien différente est la structure de l'œuf! Au stade des glo- bules polaires, le cytoplasme était rempli de vacuoles, souvent volumi- neuses, séparées par de minces cordons, fig. 7 à 12 ; son réseau était pauvre. Maintenant, il est pauvre en vacuoles et très riche en réseau. Le réticulum ovulaire primitif, sous l'influence du spermatozoïde, est entré en pullulation très active; il a multiplié considérablement ses trabécules pour donner naissance à un nombre immense de mailles d'une grande petitesse. La même activité a régné dans les cordons ; ils se sont étendus en multipliant aussi leurs trabécules, et ont presque fait disparaître les vacuoles par leur envahissement, fig. 12. En un mot, le cytoplasme a subi une transformation complète, aussi complète qu'on pourrait la rêver. Le travail de refonte n'est cependant pas achevé. A cette période de pullulation succède une période d'élaboration finale. Il s'opère, en effet, bientôt un travail intime dans le réseau de pullu- lation, qui amène la formation de mailles plus grandes et moins nom- breuses, et de trabécules plus épaisses. Cette dernière élaboration suit une marche inverse de la première : elle débute à la périphérie et s'achève vers le centre, près des noyaux sexuels ou un peu à côté, fig. 14 et 15. Dans cette dernière figure, il ne reste plus qu'une minime portion du réseau de pullulation, à mailles très petites; le restant s'est transformé en réticulum définitif. Cette transformation est complète dans la fig. 16. Cette figure, ainsi que les suivantes, fig. 17 à 27, peuvent donner une idée du cyto- plasme fécondé ou cytoplasme de segmentation, à l'état de repos. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 91 Le moment où la disparition des derniers restes de la plage de fusion s'effectue, n'est pas le même partout. Tantôt c'est au stade de la fig. 14 et 15, tantôt à celui de la fig. 16; le plus souvent c'est à l'étape inter- médiaire entre la fig. 15 et 16. Nous avons vu que la plage empruntait sa teinte sombre à un grand nombre de granules enchylémateux, très résistants aux réactifs. En effet, les composés nucléiniens du corps spermatique n'agissent pas seulement sur le réticulum, ils exercent aussi une influence marquée sur le contenu des mailles. De hyalin qu'il était, celui-ci devient très granuleux. Ces nou- veaux granules résultent de l'action chimique des nucléo-albumines du spermatozoïde sur les albumines de l'œuf; car ils n'apparaissent que lorsque les sphérules enchylémateuses de la tête se sont dissoutes. Ils sont visible- ment situés dans les mailles du réseau qui pullule. C'est donc doublement à tort que v. Erlanger les fait dériver des points nodaux du réseau désagrégé de la tète du spermatozoïde, pour former sa zone de détritus. Ils sont eux-mêmes de nature nucléo-albumineuse ; ils répondent sensi- blement, comme tous les corps de cette catégorie à l'action des colorants : le vert de malachite, le Wasserblau, etc. L'hématoxyline au fer leur im- prime une teinte légère. C'est pour cette raison, uniquement, que la plage de fusion se colore plus fortement que le reste de l'œuf, surtout au début. Alors, en effet, les nombreux granules qui s'élaborent incessamment sont accumulés sur une zone limitée; pour peu qu'ils soient teintés, celle-ci ressort vivement. Cela explique pourquoi l'archoplasme et les soi-disant sphères attrac- tives sont mis en évidence par les réactifs de Van Beneden et Boveri. En effet, l'acide acétique glacial, seul ou mélangé avec son volume d'alcool, l'acide picro-acétique, rendent le cytoplasme de l'œuf homogène et plus ou moins transparent, et respectent les granules. L'archoplasme de Boveri n'est autre chose, en effet, que l'ensemble des granules enchylémateux de nos plages de fusion, sans plus. Egalement, ce qui fait ressortir les sphères attractives, c'est-à-dire les asters, c'est la présence de granules semblables dans l'enchylème qui est interposé aux rayons. A mesure que la plage grandit, ces granules se répandent dans tout l'œuf en même temps que le réseau. Plus tard, pendant l'élaboration défi- nitive de ce dernier, ils deviennent de moins en moins nombreux : soit qu'ils se dissolvent dans l'enchylème, soit qu'ils servent à nourrir le réseau. A partir du stade de la fig. 16, l'enchylème est hyalin et pauvre en gra- nules ; c'est toujours au centre qu'il reste le plus longtemps granuleux. Ç2 J- B. CARNOY et H LEBRUN A. Fusion. Nous avons prononcé plusieurs fois, dans cet exposé, le mot///5zb;7. Y.a-t-il réellement fusion entre le réseau du spermatozoïde et celui de l'œuf; en d'autres termes, les trabécules du premier persistent-elles comme élé- ments figurés du cytoplasme modifié? Cette question n'est pas facile à résoudre. Deux faits nous paraissent certains, d'après nos observations. 1° Lorsque le réseau du spermatozoïde se répand dans l'œuf, des tra- bécules se mettent sûrement en rapport de continuité avec les trabécules de ce dernier, nous avons constaté trop de fois cette continuité sur des coupes minces pour en douter encore. 2° La plage due au spermatozo'ïde ne se transforme certainement pas en corps résiduel figuré, soit en se rétractant en masse, soit en tombant en lambeaux, ou autrement. Elle reste toujours comme partie intégrante de la zone qui envahit l'œuf peu à peu. Nous avons déjà montré que Kultschitzky et Erlanger s'étaient mépris en ad- mettant la dislocation et la résolution soit de la tête, soit des bras sper- matiques. C'est pourquoi, si le réseau du spermatozoïde engagé dans l'œuf disparaît, ce ne peut être que par une dissolution moléculaire lente et insensible. Or, une pareille résolution se dérobe à l'observation, et, portée sur ce terrain, la question est insoluble. Nous nous en tiendrons pour le moment à la conclusion qui se dégage tout naturellement des deux faits que nous venons de signaler : selon toute apparence, il y a fusion organique d'une portion notable du protoplasme spermatique avec le cytoplasme ovulaire. Du reste, est-il nécessaire de recourir à cette fusion, pour admettre que le corps du spermatozo'ïde modifie et change la structure organique du cyto- plasme ovulaire? Non, assurément. Pour cela faire, il suffit qu'il introduise dans l'œuf des substances chimiques, capables d'agir sur son réseau plasti- nien, et de s'y incorporer comme éléments constitutifs nouveaux. Or, tel est bien le cas pour les substances nucléo-albuminifères, qui sont si abon- dantes dans le corps spermatique. Ces substances ont, en effet, une influence marquée sur le réseau. Té- moins les figures en goupillon et autres de toute forme, qui se produisent dans l'œuf des batraciens pendant la résolution des nucléoles, et qui modi- fient toute la structure du caryoplasme(i). Témoins encore les asters et les (1) J. B. Carnoï et Lebrun : 1. c, passim. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 93 auréoles qui surgissent dans le cytoplasme au début de toute cinèse, sous l'in- fluence des corpuscules, qui sont aussi de cette nature. Enfin, ces substances renferment une quantité notable d'un acide nucléinien, probablement l'acide paranucléinique, qui peut être incorporé soit comme tel, soit en combinai- son par les trabécules du réseau. Celles-ci s'en nourrissent, s'en accroissent, et peuvent ainsi se multiplier et donner naissance à un réticulum très riche, qui tranche sur la partie lâche non encore modifiée. Une fois commencée, cette transformation progresse à mesure que l'enchylème du spermatozoïde se dissout et se répand au loin, et bientôt envahit l'œuf tout entier. En résumé, qu'il y ait fusion ou non, la structure primitive du cyto- plasme ovulaire est complètement remaniée et transformée sous l'influence du corps spermatique, et cela définitivement et sans retour. C'est là un fait patent d'observation. On est donc autorisé à affirmer qu'il est devenu un être nouveau, tenant à la fois de l'œuf et du spermatozoïde par sa constitu- tion organique et chimique, c'est à-dire un être de nature mixte. Tel est le but et le terme final du travail physiologique qui s'exécute dans notre plage de fusion, ou dans l'aire protoplasmatique de Kostanecki et Siedlecki. C'est assez dire que ce travail ne peut avoir pour but de four- nir les sphères de segmentation, comme le prétendent ces savants ( i). Nous verrons bientôt que ces sphères sont des productions nouvelles et indépen- dantes de l'aire plasmatiquc, et que le centrosome qu'elles renferment ne provient pas du spermatozo'ïde. § II. Corpuscule spcnnalique. A. Il 11 existe pas. L'œuf ainsi modifié ne renferme plus que les deux no3-aux sexuels et le corps résiduel, quand il existe. A partir de l'étape de la fig. 16, et même souvent auparavant déjà, on n'y voit aucune trace d'archoplasme, ni de centrosome, ni de sphère d'aucune sorte, fig. 16 à 20. Les recherches les plus soignées et les plus minutieuses à l'aide de rhématox\'line fcrrique nous permettent d'être tout à fait affirmatifs à cet égard. Et il n'y aura pas trace de ces corps jusqu'au moment où les no3-aux de conjugaison se met- tront en mouvement pour la première segmentation. Mais alors, nous dira ton, comment expliquer que Boveri et les autres (i) Voir plus haut, p 85. 12 94 J. B, CARNOY et H. LEBRUN observateurs, attribuent tous, hormis Herla(i), une origine spcrmatiquc au centrosome de segmentation? D'abord Boveri n'a pas vu le centrosome encore engagé dans le sper- matozoïde; il ne l'a pas vu non plus en sortir. Il y a plus. Il n'en a rien découvert dans l'œuf, depuis l'entrée du spermatozoïde jusqu'à la segmen- tation ! C'est seulement lorsque la forme pelotonnée commence à se dessi- ner dans les pronucléi(j) qu'il trouve une sphérule colorable dans son archo- plasmc. Et, s'il croit que cette sphérule provient du spermatozoïde, c'est uniquement parce que ce dernier, lui aussi, s'est trouvé auparavant dans l'archoplasmc : r- Ciun hoc; ergo propler hocl ^ Ce raisonnement n'est pas très convainquant. N'y a-t-il pas lieu plutôt de s'étonner que Boveri se soit cru autorisé à faire d'une pareille observation la pierre angulaire de sa théorie sur la fécondation? Tant insuffisante qu'elle fût, cette observation eut d'ailleurs une influence néfaste sur les recherches subséquentes : les savants s'évertuèrent à trouver partout un centrosome spermatique. Tel KOSTANECKI et SiEDLECKI, tel V. KrLANGER. A en juger par leur mémoire, les premiers de ces auteurs ne paraissent pas avoir fait des recherches spéciales, pour constater l'origine du petit cen- trosome qui apparaît près des noyaux sexuels arrivés à maturité (3) ; ils se contentent d'affirmer qu'il est fourni par le corps du spermatozoïde. Nous n'avons plus besoin de répéter que le corpuscule dont ils parlent a une tout autre origine. Il n'en est pas de même de v. Erlanger. Ce savant a fait de sérieuses recherches concernant la provenance du centrosome de segmentation. Il aboutit à la conclusion qu'il est d'abord renfermé dans le corps du sper- matozoïde, sous le noyau. Il produit plusieurs photographies à l'appui de son assertion. Nous ne pouvons nous empêcher de penser que v. Erlanger a consi- déré comme centrosome l'une ou l'autre sp)hérule d'enchylème, dont nous avons parle plus haut, à propos de la fusion du spermatozoïde avec l'œuf (4). Cette confusion se comprend aisément chez les observateurs imbus des idées de Boveri, qui s'attendent à voir sortir le corpuscule du corps sperma- tique. Nous l'avons déjà dit, les sphérules de la plage de fusion ont absolu- (il Herl/i : 1. c, p. 470, combat l'opinion de Boveki; pour lui le corpuscule est d'origire cj-:o- plasm'que. puisqu'il npparaît spontanément ave; l.i sphcrj clans le cytoplasme ovulaire. (2) DovEKi : 1. c, à l'étape de sa fig. 25 et 3j. (':>) Voir plus haut, p. 85. (41 Voir ci-dessus, p. 87, 88. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 95 ment les mêmes réactions que les centrosomes véritables, surtout vis-à-vis de l'hématoxyline au fer, et elles en ont souvent la forme et le volume. Mais, d'un autre côté, on les trouve à des endroits divers. Tantôt dans le corps spermatique : soit au sommet, sous le noyau; soit au milieu ; soit à la partie inférieure, fig. 9 et 11 ; tantôt dans l'aire de fusion, fig. 7, 8, 13. Leur nombre est variable : ici on en trouve une ou deux; là, jusqu'à lo et plus. Mais, souvent aussi, elles manquent coinplctcinetU; cela a lieu chaque fois que le corps réfringent se dissout rapidement sur place. Le volume de ces sphères varie dans le même œuf, et d'un œuf à l'autre. Enfin, on les trouve souvent au milieu d'un amas de fragments irréguliers, provenant de la désagrégation de la masse centrale toute entière. Tout est donc variable et capricieux dans les allures de ces corps. Rien, chez eux, ne rappelle un vrai centrosome : qui est unique, qui doit être constant, avoir sensiblement le même volume et se trouver à la même place dans le spcrmatozo'ide. En outre, un examen attentif montre que ces prétendus centrosomes se dissolvent intégralement. En effet, ils diminuent très vite de volume et, dans la grande majorité des œufs, ils ont disparu asse- longtemps avant la maturité des noyaux sexuels. Ce n'est que par exception que l'on trouve, rà et là, une sphérulc qui pourrait rappeler un centrosome, au stade de notre fig. 15. Depuis cette étape jusqu'à la segmentation, ils font défaut; nous avons déjà insisté sur ce point important. A moins qu'on ne prenne pour un corpuscule un corps résiduel de minime volume, comme il s'en présente un au bas de notre fig. 14; on en rencontre de plus petits encore. Si l'on joint à tous ces faits Fimpossibilité oii l'on est de mettre un een- trosome en évidence dans les Jeunes speinnatidcs — et v. Erlanger l'avoue, — on trouvera sans doute que les raisons sont suffisantes pour ne pas admettre l'identification de ces sphérulcs avec le vrai centrosome de division. Il est aisé, à l'aide de ce qui a été écrit ci dessus concernant la dissolu- tion et la fragmentation du corps réfringent central, d'expliquer les photo- graphies de V. Erlanger et d'en donner la ^'raie signification. Dans sa fig. -', il représente un centrosome dans le corps spermaticjuc, sous le noyau. Cette figure est à rapprocher de notre fig. il, dans laquelle la sphérulc supérieure marque le prétendu centrosome de v. Erlanger. Nous savons que c'est une portion en voie de digestion du corps central. Le centrosome est au milieu du corps dans sa fig. 3. Nous savons éga- lement que la portion non digérée du corps réfringent peut se trouver au centre, aussi bien qu'aux extrémités. Les corpuscules de ses fig. 8 et 10 appartiennent aux sphérules de réso- lution qui sont indiquées sur nos fig. 13 et 15; à cette étape on trouve g6 J. B. CARNOY et H. LEBRUN fréquemment une ou plusieurs de ces sphérules, de dimension variable, dans la plage de fusion. Celui de sa fig. 13 est un corps du même genre, analogue à celui de notre fig. 15. Ou bien, peut-être, un corps résiduel, un peu moins volumineux que celui de notre fig. 14. Quant aux centrosomes de ses fig. 15 et 19, le doute n'est pas possible : ce sont les nouveaux corpuscules sortis du noyau au début de la cinèse ; ils sont donc parfaitement étrangers au corps spermatique. B. Il ne se divise pas. Les auteurs ont aussi parlé de la division du ccntrosome spermatique avant la cinèse. D'après v. Erlanger (1), sa division ne s'effectue le plus souvent que quand il est venu se placer entre les pronucléi accolés; cependant, ajoutc-t-il, elle peut avoir lieu plus tôt, avant même qu'il ne sorte de la zone de détritus. Le ccntrosome qui, prétendument, se divise entre les pronucléi acco- lés, ne vient pas du spermatozoïde, nous venons de le dire. Quant à la division plus précoce, ce nest qu'une apparence. On voit, rà et là, des sphé- rules de résolution très rapprochées, fig. 13, ou accolées, voire même à demi-fusionnées; ce sont ces images qu'on prend pour les divers stades d'une division centrosoinique. A propos de ses fig. 26, 32 et 33, Boveri parle aussi de division. Les centrosomes de sa fig. 33, pourraient dit-il, provenir du ccntrosome unique de sa fig. 32 ; mais il est loin d'être affirmatif : il est possible, ajoute-t-il, qu'il y en ait eu un second de caché dans cette dernière figure. D'ailleurs, cette division n'est pas ad rem, les corpuscules de ces figures n'étant pas d'origine spermatique : ils viennent de sortir du noyau. Après l'étude que nous avions faite des transformations du spermato- zoïde dans l'œuf, nous étions tellement convaincus que le ccntrosome de division ne pouvait en provenir, que nous nous étions arrêtés à cette con- clusion : ou bien ce ccntrosome nait de toute pièce dans le cytoplasme, au moment même de la cinèse, ou bien il sort du noyau. D'ailleurs, si, ce qui est plus que probable, les phénomènes se passent dans la dernière di^■ision des spcrmatocj'tes, comme dans les cinèses ordi- naires, il ne peut y avoir de speniinccnlrc, la spcrmatidc ayant perdu son ccntrosome immédiatement après la cinèse. Nous avons vu cjuc, défait, la jeune spcrmatidc en est dépourvue. (i) V. Erlang'r : Recherches, etc- du corps central; Comp'es rendus de la Soc. biol., Taris, i5 avril, iL-57. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 97 § m. L'archoplasinc et les sphcrcs altractivcs. 1° Archoplasnie. Nous parlerons ici de l'archoplasmc, une fois pour toutes; nous n'y re- viendrons plus. 1° BovERi donne le nom â'ûrchoplasnie à une masse granuleuse, limi- tée et compacte, provenant du cytoplasme de l'œuf, mais qui en est dis- tincte par ses caractères. Les granules y sont nombreux; il les croit libres et indépendants, non reliés entre eux. 2" L'acide picroacétique le met en évidence. En effet, dit Boveri, ce réactif gonfle tous les éléments cellulaires : filaments, granules, plaques vitellines, etc. et en fait une masse homogène et transparente, dans laquelle on distingue les noyaux et l'archoplasmc, qui sont seuls respectés par le réactif. 3° Cette réaction commence à se manifester entre Texpulsion du pre- mier et du second globule polaire ; on voit alors l'archoplasmc régulière- ment granuleux entourer le spermatozoïde. 4° Il admet que c'est par attraction du spermatozoïde que l'archo- plasmc vient l'entourer. 5° Après l'expulsion du second globule, le spermatozoïde abandonne l'archoplasmc. Celui-ci, tantôt reste au centre en masse limitée, comme auparavant; tantôt se répand dans tout l'œuf. JMais bientôt, dans ce dernier cas, il se rétracte et tend à reprendre sa forme première. 6° A un stade plus avancé, lorsque les noyaux montrent la forme pe- lotonnée, la contraction s'accentue davantage et l'archoplasmc reprend sa forme compacte. 7° Alors on y voit un centrosome — dérivant du spermatozoïde — qui se divise bientôt. Sous l'influence de ces deux nouveaux centres, l'archo- plasmc se segmente en deux sphères : les sphères de division. 8° L'archoplasmc est la seule partie active pendant la division ; le restant du cytoplasme est passif, et simplement coupé eu deux par l'étran- glement final. Le noyau aussi est inactif : il ne se divise pas; il est divisé. Après cette description, Boveri ajoute, d'ailleurs, que l'étude de l'archo- plasme et des divers aspects qu'il présente est difficile et pleine d'obscurité. Il ne manque pas d'œufs, dit il, qu'on peut retourner et examiner de toute 98 J. B. CARNOY et H. LEBRUN façon, sans qu'on puisse en avoir une image claire, et il avoue que, dans tout ce qu'il a dit (du l^ au 6"), il s'est mù sur un terrain incertain. Un mot de critique sur chacune de ces assertions. 1° Le lecteur sait déjà ce qu'il faut penser de la masse granuleuse de BovERi. Elle est formée de granules résultant de l'action de l'enchylème spermatique sur l'enchylème ovulaire; elle n'est donc pas seulement due à l'œuf D'ailleurs, n'ayant pas de réseau, d'après l'auteur, elle ne saurait être une portion différentiée du cytoplasme. Certes, le réseau y existe, et il est très accentué. Si Boveri ne l'a pas aperçu, c'est uniquement à cause de son réactif qui, il l'avoue lui-même, confond tous les éléments de la cellule. Mais ce réseau n'appartient pas précisément au protoplasme de l'œuf; c'est un réseau nouveau qui est l'œuvre du spermatozoïde. 2° Pour mettre l'archoplasme en évidence dans son intégrité, loin qu'il taille recourir à l'acide picro-acétique, il faut au contraire éviter soi- gneusement son emploi, puisqu'il altère sa partie principale : le réseau. 3° Quant à l'époque de son apparition, elle coïncide avec l'entrée du spermatozoïde, et non avec la formation des globules; car, aussitôt entré, son corps se transforme. On peut voir sur notre fig. il, combien la plage de fusion s'est étendue déjà au stade équatorial de la première figure polaire. 4° Inutile d'ajouter que l'archoplasme s'élabore sur place, à l'cntour du spermatozoïde; il n'est donc pas attiré des profondeurs de l'œuf par ce dernier. T)" Le spermatozoïde ne peut sortir de lui-même. Rien ne peut sortir de l'archoplasme après l'expulsion du second globule, parce qu'il occupe tout l'œ'uf. Ce qui est vrai, c'est que le corps résiduel peut être rejeté du centre sur les côtés. 6'' Au début de la forme pelotonnée, il y a bien longtemps que la plage a envahi le cytoplasme; jamais elle ne se maintient en masse limitée au centre de l'œuf. Elle ne se rétracte pas davantage; car sa transformation en réseau définitif est déjà achevée. Boveri s'est mépris. Il a vu sur certains œufs un reste de la plage première à petites mailles, non encore transfor- mée définitivement, comme dans notre fig. 15, et il Ta considéré comme résultant de la rétraction des territoires plus étendus de nos figures précé- dentes. De pareilles images sont très rares à cette période, et il n'est pas étonnant (juc, sur beaucoup d'œufs, Boveri n'ait pu découvrir d'indices certains de son archoplasme. 7° Cette rétraction n'ayant pas lieu, elle ne peut donner lieu aux LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 99 masses compactes dont parle l'auteur au stade peloton. L'archoplasme n'y est pour rien ; ce sont les asters de segmentation qui débutent. 8° De ces observations, il résulte clairement que l'archoplasme, tel que le comprend Boveri, ne peut jouer le rôle qu'il lui attribue. Ce n'est que de rench3-lème granuleux, qui n'est pas même organisé. Ensuite, il dis- parait totalement comme tel. Car, au moment où le réseau définitif s'établit, les granules se fusionnent sur place et rench3-lcme redevient h3'alin. Pour cette double raison, archopLisme ne peut fournir les sphères de segmenta- tion, ni jouer un rôle actif comme élément morphologique; encore moins devenir le fac tolum de la division, à l'exclusion du cytoplasme et du noyau ! Voulùt-on adjoindre à la masse granuleuse de Boveri le réseau qui s'y trouve, et faire de l'archoplasme un synonyme de notre plage de fusion, ou de l'aire de Kostanecki, il ne pourrait encore prétendre à ce rôle. Car, de fait, nous l'avons déjà dit, et nous venons de le répéter encore, les préten- dues sphères compactes qui en résulteraient, d'après Boveri, ont une toute autre origine et sont étrangères à l'archoplasme. Boveri n'avait-il pas raison de dire qu'en écrivant ses longues pages sur l'archoplasme, il se sentait porté sur un sol mouvant et incertain? 2° Sphères altraclii'cs. On peut définir la sphère attractive de Van Beneden un archoplasme dont les granules seraient reliés dans les divers sens par de minces fibrilles, et dont les fibrilles radiales aboutissent au centrosome. En dernière anal3'se, c'est un s3-stème fibrillaire à points nodaux accentués, et a3'ant le corpus- cule pour centre. Près du centrosome existe une zone circulaire plus claire, dans les limites de laquelle les radiations sont peu marquées et peu nom- breuses. Elle est délimitée par un cercle de granulations assez volumi- neuses. De là, les deux zones mcdullairc et corticale, que l'auteur distingue dans la sphère. Les deux sphères, d'après l'auteur, sont des portions différentiécs du cytoplasme ovulaire, mais elles en sont limitées nettement et indépen- dantes. Elles existent sûrement pendant le stade peloton, et même avant, alors que les no3"aux sont encore réticulés. Quant à leur origine, il incline à croire, sans en être certain, qu'elles dérivent de la seconde figure polaire. Elles se maintiennent avec leurs limites et leurs caractères à travers toutes les segmentations; ce sont des éléments permanents du cytoplasme. 100 J. B. CARNOY et H. LEBRUN Enfin, il les considère comme les organes actifs de la division, de même que BovEKi son archoplasme. Nous avons donné il y a quelques semaines, dans un travail sur - La vé- sicule gevminative des batraciens -, p. 207-2 1 1 , notre appréciation sur la na- ture, la signification et la destinée éphémère des sphères attractives. Elles ne sont autre chose que les asters vulgaires de la première segmentation, c"est-à dire des modifications transitoires du cytoplasme ordinaire en vue de la division. Elles ne constituent donc pas des cléments indépendants et permanents de la cellule ; elles disparaissent à chaque division. Quant au centrosome il ne provient nullement du cytoplasme, ainsi que nous allons le voir. En parlant plus loin des asters et du fuseau, nous aurons l'occasion de revenir sur la manière erronée dont \'an Beneden conçoit la structure de ses sphères, et le rolc qu'il leur fait jouer à tort durant la cinèse. IJn mot seulement concernant leur origine. Ce sont certaines images où les sphères paraissent exister au voisi- nage du pronucleus femelle, encore peu éloigné du second globule polaire, qui ont porté Van Beneden à penser que les sphères pourraient bien déri- ver de la seconde figure. L'auteur fait sans doute allusion à sa fig. 1, PI. 1. Il y représente, en efi'et, des manières de sphères avec corpuscule central, près d'un jeune noyau femelle. Boveri affirme n'avoir rien vu de semblable. Nous avons dit dans le premier chapitre que, malgré nos recherches minu- tieuses, nous n'avions jamais vu de corpuscules près des noyaux jeunes ou qui commencent seulement à s'entourer d'une membrane. Aussi, croyons- nous avec Boveri que la fig. 1 de Van Beneden ne peut avoir d'impor- tance. Il s'agit là d'un accident de préparation. A moins que, peut-être, par une exception rarissime, le corpuscule inférieur de la seconde cinèse polaire ne se soit maintenu très longtemps et fragmenté en deux morceaux. Dans tous les cas, cette figure n'a pu persister et donner naissance aux sphères attractives. Car jamais on ne trouve ces sphères dans le cytoplasme aux étapes suivantes, jusqu'au moment où les noyaux de conjugaison entrent en mouvement, c'est-à-dire jusqu'au stade des fig. 2 et 3, PI- 1, de Van Beneden, et des fig. 29, 32 et 33, PL 2, de Boveri, dans lesquelles le pe- lelnu coniniencc à se dessiner. Or, les sphères de ces figures sont de récente formation et ne peuvent avoir aucun lien génétique avec les autres corps trouvés dans l'œuf jusque là, quelle que soit leur ressemblance avec des sphères de division, ou avec des centrosomes. LA FÉCONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 101 CHAPITRE IV. La segmentation (i). Nous pouvons tirer des deux chapitres précédents les conclusions suivantes : Il n'y a pas d'ovocentre. Le spermocentre n'existe pas davantage. Avant la segmentation, le protoplasme fécondé est dénué de tout cor- puscule ou centrosome. Il est également dépourvu de toute sphère : archoplasmique, attractive, plasmatique ou autre. S'il en est ainsi, il y a lieu de se demander : comment peut s'effectuer la segmentation? Les corpuscules de segmentation sont fournis par les noyaux. Les prétendues sphères sont l'œuvre exclusive des corpuscules qui vien- nent de s'échapper des noyaux sexuels, oit il sont nés et restés enfermés jusque là. Telle est la double proposition que nous devons maintenant démontrer. Nous parlerons d'abord des corpuscules et de leur sortie, puis de leur rôle dans la segmentation, c'est-à-dire de la production des asters et du fu- seau. Il nous restera ensuite à traiter du retour des bâtonnets vers les pôles et de la reconstitution des noyaux, § I- Les corpuscules de segmentation. Les corpuscules qui servent à la première division sont renfermés dans les noyaux sexuels : ce sont simplement leurs nucléoles plasmatiques. Bo- VERi, KuLTSCHiTZKY, KosTANECKi et Erlanger Ont VU et figuré de ces corps, qu'ils appellent nucléoles achromatiques. On peut constater sur nos figures qu'ils existent aussi bien dans le noyau femelle que dans le noyau mâle. Les auteurs précités avaient déjà constaté ce fait pour leurs nucléoles. (i) La seconde segmentation éiant dans tous ses traits essentiels identique à la première, nous traiterons des deux à la fois. 13 102 J B. CARNOY et H. LEBRUN 1° Leurs propriétés. Ils ont peu d'affinité pour les colorants habituels de la nucléine : le vert de méthyle ne les colore pas; l'hématoxyline les teint faiblement. Ils sont moins revèches vis-à-vis des colorants particuliers du centrosome : fuchsine acide, safranine, orange, etc. ; sous ce rapport, ils se conduisent comme le corpuscule central. C'est pourquoi, leur meilleur réactif est aussi l'hématoxyline ferrique. Sous son influence, ils se colorent en noir d'ébène, qui tranche vivement sur le caryoplasme h3'alin où ils se trouvent dissémi- nés. On les aperçoit clairement sous la forme d'une petite sphère, occupant une position quelconque dans les noyaux sexuels, sur toutes nos figures, Pl. I et II. Après notre mode de traitement, ils sont parfaitement homogènes et uniformément colorés. Ils sont toujours nus, c'est-à-dire dépourvus de zone périphérique hyaline, ou zone claire. Jamais on n'y voit de vacuoles. Jamais non plus ils ne représentent un amas de granules. Il n'est pas impossible qu'ils renferment un nodule central, sorte de nucléolule ; nous avons trouvé à plusieurs reprises quelques indices de ce corps, mais rien de net ; il est possible qu'on soit plus heureux en employant d'autres procédés. Quant à leur nature chimique, nous devons nous borner à dire qu'ils renferment une nucléo-albumine, qui est peut-être d'un caractère spécial. Cette substance présente les plus grands analogies avec le composé du même groupe, qui remplit les mailles du corps ou de la portion intermé- diaire -i Mittelstuck r, du spermatozoïde, et qui se colore avec la même intensité par l'hématoxyline au fer. 2° Leur origine. Nous n'avons étudié l'origine des corpuscules dans les noyaux sexuels que chez la variété bivalens. Les corpuscules apparaissent très tôt dans les noyaux, fig. 13. Le noyau femelle de cette figure vient de se reformer. On aperçoit, entre les deux bâtonnets, un pont qui les relie et qui porte trois ou quatre petites sphérules, premiers indices des corpuscules. Sur d'autres œufs, ces corpuscules sont situés aux bouts des bâtonnets, ou bien ils sont libres dans le caryoplasme. Nous croyons que le pont dont nous venons de parler est une production de l'un ou l'autre bâtonnet, et que souvent c'est une expansion de ce genre qui donne les corpuscules. Cette interprétation est corroborée par les phénomènes qui se passent dans la couronne polaire de segmentation chez Y Ascaris univalens, comme nous le verrons bientôt. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 103 A l'intérieur du noyau mâle de la même figure, on aperçoit un corpus- cule très net qui est encore relié par un très mince pédicelle à un bâtonnet ; à côté, on en voit deux qui semblent accolés. Si nous interprétons bien la fig. 13, il faudrait admettre que les cor- puscules dérivent de l'élément nucléinien, et que leur apparition coïncide avec le premier début du développement des noyaux sexuels. Nous verrons qu'il en est ainsi aux divisions suivantes. A part toute interprétation, on doit admettre que les corpuscules nais- sent très tôt. Les noyaux étant très petits, il est difficile d'en déterminer le nombre. On en compte 2, 3 et 4. Lorsque les noyaux sont un peu plus volumi- neux, FIG. 14 et 15, on en compte fréquemment 4. Nous croyons que ce nombre est le nombre typique. BovERi a figuré également des nucléoles dans des noyaux sexuels très jeunes. C'est à tort qu'HERLA(i) affirme qu'ils apparaissent seulement lorsque les pronucleus ont atteint leur diamètre définitif. Nous ne pourrons parler de l'origine des corpuscules de la seconde segmentation qu'en analysant les couronnes polaires. 3° Leur nombre. Leur nombre aux étapes qui précèdent la cinèse est variable : a) Lorsque les noyaux sexuels ne se fusionnent pas, on en trouve un, souvent deux, trois ou même quatre dans chacun d'eux. KuLTSCHiTSKY pensait qu'ils étaient toujours en nombre égal dans chaque pronucleus. Il n'en est rien. Tantôt il en a un dans le premier et deux ou trois dans le second, ou deux d'un coté et trois ou quatre de l'autre : en un mot, on trouve toutes les combinaisons possibles durant la matura- tion des noyaux. Nous croyons pouvoir donner la raison de cette variation. En effet, d'après ce que nous avons dit plus haut, on peut admettre que le chiffre quatre est le chiffre initial normal, ou du moins le plus fréquent pour chaque noyau. Or, pendant le développement, ils peuvent se fusionner à tous les degrés. On peut apporter deux preuves à l'appui de cette fusion. D'abord, on^rouve fréquemment dans les noyaux sexuels deux corpuscules rappro- chés et comme accolés, fig. 17 b et 19, Pl. I, ou du moins réunis par paire, FIG. 17 «, noyau de gauche, et fig. 18. Ensuite, lorsque leur nombre est ■ ' (,) Herla : Étude des variations de la mitose ehe; lasearis megaioeephala; Arch, de Biol., t. XIII, 1893, p. 43i- 104 J- B. CARNOY et H. LEBRUN moindre que quatre, ils sont presque toujours d'inégal volume; on en voit un gros et deux petits, par exemple, fig. 17 a et b, fig. 19; le premier résulte de la fusion de deux plus petits. On nous objectera peut-être que les apparences seraient les mêmes, si l'on admettait l'existence d'un nucléole primitif unique, qui se diviserait une ou deux fois dans le cours du déve- loppement. En effet, les apparences seraient les mêmes. Mais on ne peut admettre cette explication, parce que dans les noyaux très jeunes, comme ceux de la fig. 13, on trouve fréquemment trois ou quatre petits corpuscules égaux; ils apparaissent toujours plusieurs à la fois. Il en sera, d'ailleurs, de même dans les noyaux des générations suivantes. Au moment où les noyaux sexuels entrent en mouvement, les corpus- cules peuvent s'y trouver encore en nombre variable. Mais, habituellement il n'y en a plus qu'un seul; parfois cependant on en voit deux, très rare- ment trois. Herla n'a jamais constaté, dit-il, qu'un seul nucléole dans les noyaux de Yunivalens arrivés à maturité. On en trouve aussi deux, et mêmes trois dans cette variété, fig. 2, Pl. II; mais ces cas sont rares. b) Lorsque les noyaux sexuels se sont fusionnés avant la cincse en un noyau unique, on peut y trouver de 8 à i corpuscules; nous en avons souvent compté 7, 6 et 5 au début de la fusion. Chez un individu excep- tionnel où presque tous les noyaux étaient fusionnés, il nous a été facile de constater ces faits. Nous y avons trouvé tous les intermédiaires entre 8 et 1 ; le plus souvent ils se sont fusionnés en deux nucléoles volumineux au moment de la segmentation. C'est cet individu qui a fourni nos fig. 19 à 24. Nous avons pu constater aisément ici la fusion des corpuscules. En effet, on pouvait en compter 3 ou 4 dans les noyaux contigus où la fusion ne faisait que commencer au point de contact. Après la fusion ce nombre tend à, diminuer : on en compte 6, 5, 4 et 3 ; en même temps on trouve des nucléoles accolés, fig. 19, et de volume très inégal. Lorsque la fusion est complète, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a plus qu'un seul corpuscule, celui-ci est énorme. Ce cas d'un corpuscule unique n'est pas commun, mais il n'est pas très rare non plus. Habituellement il y en a deux, parfois trois et même quatre, au moment de la cinèse. c) Les noyaux destinés aux segmentations suivantes présentent aussi un nombre variable de corpuscules. Néanmoins le chiffre deux est de loin le plus fréquent chez les deux variétés, comme on peut le constater sur nos deux planches. On en trouve cependant trois, fig. 37, à droite, rarement LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCE.PHALA 105 quatre, parfois tm seul, et ce cas n'est pas très rare, fig.35 et 36, à gauche, Pl. I. Au moment où le noyau se reforme ils sont souvent plus nombreux que par la suite; ils peuvent donc aussi se fusionner pendant le développe- ment du noyau. 4° Leur rôle. Le rôle des corpuscules nucléaires a été méconnu. Les auteurs qui se sont occupés des nucléoles de V Ascaris, affirment qu'ils disparaissent; un peu plus tôt pour les uns, un peu plus tard pour les autres, en se dissol- vant soit dans le noyau, soit dans le cytoplasme. Boveri et Herla pensent contrairement à l'opinion de Flemming, qu'ils ne sont pas absorbés par l'élément nucléinien. Tous sont unanimes à affirmer qu'ils ne servent pas à la division. Herla est plus catégorique encore : il nie formellement tout lien de parenté entre le nucléole et le corpuscule de division. ?> Une étude » minutieuse de nos préparations, dit-il à la p. 420, m'a convaincu qu'il » n'existait aucun rapport entre ces deux corps : l'un, le nucléole, dispa- » raissant toujours avant que l'autre, le corpuscule central, ne fût visible. « A part BovERi, qui soutient que le nucléole disparait seulement après la dissolution de la membrane nucléaire, les auteurs s'accordent à placer cette disparition au stade de peloton. Ils disparaissent quand le cordon commence à s'organiser, dit Herla; et Kultschitzky dit de même : il est très difficile de constater encore la présence du nucléole au stade de pelo- ton lâche. Il en est bien ainsi, l'opinion de Boveri est erronée. C'est à dessein que nous insistons sur ce fait. Voyons en effet, ce que deviennent les corpuscules nucléaires. Et d'abord : lorsque les noyaux se préparent à la ciuèse, ces corpuscules émigrent dans le cytoplasme. a) Considérons d'abord le cas où il n'y a qu'un noyau de segmenta- tion, FiG. 20 à 24, Pl. I. Nous avons vu que, habituellement : normalement, pourrait-on dire, il y a deux nucléoles dans le noyau, fig. 20. Nous avons déjà fait remarquer qu'à cette époque, c'est-à-dire lorsque le filament nucléinien commence à se marquer nettement, il n'est pas possible de découvrir la moindre trace d'un organite quelconque dans le cytoplasme : celui-ci est parfaitement régulier et homogène dans toutes ses parties, même près du noyau. Cepen- dant on y voit bientôt apparaître les corpuscules. Dans la fig. 21, un seu- lement est sorti, l'autre est encore à fintérieur, mais contre la membrane. 106 J B. CARNOY et H LEBRUN Dans la FiG. 22, ils sont sortis tous les deux; il n'est plus possible d'en- trouver à l'intérieur du noyau. On voit que l'endroit de leur sortie est variable. Sur la fig.21, ils seront à l'opposite l'un de l'autre, à peu près, et ils se trouveront sensiblement aux pôles du futur fuseau. Sur la fig. 22, ils sont sortis l'un près de l'autre; ils devront donc s'éloigner pour venir occuper les pôles de la figure. On peut constater aussi qu'ils restent près de la membrane nucléaire; ils ne s'en éloignent guère. Il arrive, avons-nous dit, qu'il n'existe qu'un seul nucléole volumineux dans le no3'au. Il doit alors fournir à lui seul les deux centrosomes de la figure; il doit se diviser. Nous ne pouvons dire si cette division se fait avant ou après la sortie. Nous pouvons affirmer seulement que nous n'avons jamais vu de corpuscules se diviser dans le cytoplasme. D'après certaines images qu'on rencontre à la seconde segmentation, nous sommes portés à croire que la division a lieu à l'intérieur du noyau. b) Lorsqu'il y a deux noyaux de conjugaison, les phénomènes sont les mêmes, seulement cJiacitn des noyaux livre un corpuscule polaire. Ce fait est de la plus haute importance : fig. 25 à 30, Pl. I ; fig. 1 et fig. 4— 6, Pl. il Dans la fig. 25, on aperçoit un gros corpuscule dans chacun des noyaux. Sur la fig. 26, le corpuscule du noyau de droite est sorti, celui du noyau de gauche est encore au repos. Il en est de même dans la fig. 27, seule- ment il y a deux corpuscules dans le pronucleus de gauche. Dans les deux figures suivantes, il sont sortis récemment; les noyaux en sont dépourvus. Sur toutes ces figures, les nucléoles sortent à l'endroit voulu pour qu'ils viennent immédiatement occuper les pôles des figures cinétiques. Il n'en est pas toujours ainsi, bien que ce cas soit de loin le plus fréquent dans nos préparations. Parfois ils sortent tous deux au même pôle ; ils sont alors l'un près de l'autre, — comme dans la fig. 22 — ; parfois aussi ils sortent latéralement : soit obliquement, soit en position équatoriale par rapport à la figure future, etc. Les mêmes phénomènes se passent chez Viinivalens. Dans la fig. J, Pl. II, on voit un gros corpuscule dans chacun des noyaux encore au repos. Sur la fig. 4, le corpuscule du noyau de droite est sorti, tandis que celui de l'autre y est encore renfermé. La fig. 5 est intéressante : deux nucléoles sont dans le cytoplasme, mais il en existe encore un dans un noyau : l'un des pronuclei en avait deux. Le corpuscule du noyau de gauche est sorti latéralement, à peu près à l'équateur de la figure future. Nous LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 10? avons dit que cette particularité se présente aussi parfois chez le bivalens. Enfin, dans la fig. 6, les corpuscules sont sortis en position polaire : c'est la règle générale. Il arrive cependant aussi, comme chez l'autre variété, que les corpuscules des deux noyaux se libèrent à un pôle et se trouvent plus ou moins rapprochés, comme dans la fig. 22, Pl. I. A la seconde segmentation, ainsi qu'à toutes les divisions suivantes, on constate exactement les mêmes faits. Donnons seulement quelques exem- ples, pris dans les deux variétés. Dans la fig. 37, Pl. I, les deux corpuscules de la cellule de gauche viennent de sortir; car ils n'ont encore produit qu'une légère modification dans le réseau du cytoplasme et l'auréole granuleuse n'existe pas encore. Les trois corpuscules de la cellule de droite sont encore internes ; ce sont vraisemblablement les deux qui sont plus rapprochés de la membrane qui prendront part à la division. La fig. 38 est à peu près au même stade; seulement les corpuscules sont déjà entourés d'une irradiation et d'une auréole assez large. La fig. 39 est digne d'attention. Dans la cellule de droite, les deux cor- puscules sont sortis ensemble d'un côté, l'un près de l'autre, et leurs auréoles sont confluentes; on pourrait penser qu'on assiste à la division d'une sphère primitive unique. Dans le noyau de la cellule de gauche, les deux corpus- cules sont encore à l'intérieur et ils sont presque contigus. Nous croyons que ces deux noyaux ne possédaient qu'un corpuscule unique, comme dans la fig. 35. Ce corpuscule se diviserait immédiatement avant de quitter le noyau. Il en résulte, qu'après leur expulsion, les deux corpuscules jumeaux se retrouvent à une faible distance l'un de l'autre. On sait que Brader a décrit aussi la division du centrosome des spermatocytes de V Ascaris iini- valens à l'intérieur du noyau, avant son émigration. Les FIG. 17 à 23, Pl. II, extraites de Yunivalens, montrent tous les stades de la sortie. Dans la fig. 17 et dans la fig. 22, en bas, ils sont accolés à la mem- brane et sont sur le point d'émigrer. Dans la fig. 18, ils sont en voie d'émigration : il y en a un de sorti de chaque noyau. Le second de la cellule supérieure est engagé dans la membrane ; celui de la cellule infé- rieure est encore dans le noyau. Nous appelons l'attention sur ce fait, que les corpuscules récemment sortis, sont encore nus, tels qu'ils l'étaient dans le noyau ; ils ne sont entou- rés d'aucun rayon astérien, ni d'aucune auréole granuleuse. En effet, ils n'ont pas encore eu le temps d'agir sur le cytoplasme. On constate le même jo8 J- B. CARNOY et H. LEBRUN fait sur la cellule inférieure des fig. 19 et 20, et sur la cellule supérieure de la FIG. 23 ; on n'y voit non plus la moindre trace d'aster ni d'auréole. L'aster est en voie de formation sur les cellules supérieures des fig. 19, 20, 22, ainsi que sur la cellule inférieure des fig. 23 et 24, parce que les corpus- cules sont sortis depuis quelque temps déjà. On peut suivre aisément tous les stades de cette formation chez Vunivalens. Faisons aussi remarquer que nous avons vu, à plusieurs reprises, chez Vunivalens surtout, des corpuscules encore engagés dans la membrane nu- comme dans la fig. 18. Il est difficile de voir le corpuscule en train de s'échapper du noyau. En effet, jamais nous n'avons pu saisir la moindre boursouflure, la moindre ouverture ou déchirure dans la membrane nucléaire. Ici, on trouve ce corps contre la face interne de la membrane ; là, on le trouve au dehors, contre la face externe. On doit admettre, nous semble-t-il, qu'il digère la portion de la membrane qu'il vient à toucher ; il se fait une trouée comme à l'em- porte-pièce, rien de plus. Nous n'avons pas rencontré d'image semblable à la fig. 131 de Brauer, tirée des spermatocytes de V Ascaris iiniralens, dans laquelle la membrane est largement ouverte. Nous croyons que dans cette figure les centrosomes sont sortis depuis quelque temps déjà, et que la membrane nucléaire est entrée ensuite en résolution; au moment où ils se sont échappés, Brauer n'aurait pu voir cette image, à moins que les choses ne se passent tout autrement que dans les œufs en segmentation du même animal. Le moment de la sortie du corpuscule est le même pour les deux segmentations. Ce moment est un peu variable, mais il coïncide toujours avec le stade peloton. Assez souvent le cordon est encore mince et très long, comme dans notre eig. 27, Pl. I, où les noyaux sont dessinés en coupe optique, et dans les fig. 18 et 21, Pl. II. Tantôt aussi, le peloton est déjà épais et plus court, fig. 21, 22, 37. Pl. I ; fig. 4, 19, 22, 33, Pl. II. Enfin", parfois les anses de division sont déjà préparées qu'on trouve encore les corpuscules à l'intérieur du noyau ou en voie d'émigration, fig. 3, 17, 20, Pl. II; fig. 25, 26, Pl. I. Remarquons ce fait très important : le stade peloton est précisément le moment que Kultschitsky, Herla, etc., assignent à la disparition ou dissolution de leurs nucléoles, d'une part; et d'autre part, celui qui est fixé par Van Beneden et Herla(i) pour l'apparition de leurs sphères attractives ; (1) La fig. 2 de Van Beneden est rr.anifestement au stade peloton de notre fig. 27, Pl. I. LA FÉCONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA lOQ par BovERi, pour celle du centrosome archoplasmique ; par Kostanecki et SiEDLECKi pour la réapparition de leur aire plasmatique et de son corpus- cule. Cette triple coïncidence : disparition des nucléoles, apparition du cen- trosome, manifestation des sphères attractives ou plasmatiques, ne peut manquer de frapper le lecteur. Nous en connaissons maintenant le secret : Les nucléoles disparaissent et semblent se dissoudre? Ils pénètrent dans le cytoplasme. Si Herla avait pu se servir de l'héma- toxyline au fer, il les eût retrouvés, sans aucun doute. Le centrosome de Boveri, de Kostanecki, de v. Erlanger? C'est le corpuscule nucléaire qui vient d'émigrer dans le protoplasme. Les sphères attractives ou plasmatiques? Ce sont les asters avec leur auréole naissante, dont le corpuscule nu- cléaire détermine l'apparition aussitôt son arrivée dans le cytoplasme. Pour achever notre démonstration, il suffira de rappeler que les corpus- cules internes et externes ont exactement les mêmes propriétés vis-à-vis des matières colorantes, et ces propriétés sont celles des centrosomes de division. En outre, ils ont exactement le même aspect, la même forme et le même volume; impossible de les distinguer les uns des autres. Enfin, lorsqu'on aperçoit un corpuscule seulement à l'extérieur, on en trouve toujours un encore à l'intérieur, et alors il est le plus souvent situé contre la face interne du côté opposé. Quand on en voit deux au dehors, il n'y en a plus du tout dans le noyau. On constate les mêmes faits sur les deux noyaux de conjugaison. Lorsqu'on trouve un centrosome externe, l'un des noyaux en est dépourvu ; aucun des deux n'en possède, s'il y en a deux dans le cytoplasme. Nous entendons parler des cas les plus fréquents, qu'on peut appeler normaux : celui où les deux pronuclei n'ont qu'un nucléole, et celui où les noyaux conjugués et les noyaux de segmentation n'en possèdent que deux. Lorsque les corpuscules sont plus nombreux, il en reste évidemment un, parfois deux dans le noyau jusqu'à la résolution de la membrane. Ainsi, d'après nos observations, les nucléoles, che{ F Ascaris, servent de corpuscule central dans la figure de division. Les nucléoles ne seraient donc que des centrosomes au repos, attendant le moment voulu pour se mettre en activité. Or, cette activité, nous le savons déjà, se manifeste par la formation des asters et du fuseau. Nous allons nous en occuper. 14 no J. B. CARNOY et H. LEBRUN § II. Les asters. . I. Formation. Lorsque le corpuscule sort, il est nu, c'est-à-dire sans zone hyaline. On le retrouve tel près de la membrane nucléaire, immédiatement après son entrée dans le cytoplasme, fig. 4, Pl. II. Il conserve ses caractères primitifs : il est sphérique et homogène; nous n'avons rencontré ni à cette époque, ni plus tard un seul exemple de corpuscule central formé d'un amas de granules; ce qui serait normal chez Y Ascaris, d'après Van Beneden. Sur nos préparations, on n'y aperçoit jamais les vacuoles, ou alvéoles signa- lées par BliTSCHLi et von Erlanger(i). Ce dernier auteur avoue d'ailleurs que les alvéoles se voient seulement avec netteté sur les préparations con- servées dans la glycérine; celle-ci, en effet, rend aisément vacuoleux les corps nucléo-albumineux, qui ont un pouvoir osmotique considérable. Les alvéoles sont donc des productions artificielles, ou accidentelles. Cet état dure peu. Aussi, faut-il chercher quelquefois assez longtemps pour rencontrer des corpuscules nus dans le cytoplasme ; il arrive cependant qu'on en trouve plusieurs dans une même coupe. Ils nous ont paru plus fréquents dans la seconde segmentation, fig. i8, 19, 20, 23, Pl. IL Bientôt se marquent trois phénomènes concomitants : le corpuscule diminue, il s'entoure de granules et le cytoplasme s'irradie, fig. 21, 26, 27, 28, Pl. I. La diminution de volume peut se constater sur les fig. 21 et 26, par la comparaison du nucléole sorti avec celui qui est encore renfermé dans le noyau. Sur les autres figures, on voit également que les corpuscules sont réduits, si on les met en regard des corpuscules en repos des fig. 20 et 25. Cette diminution n'est pas toujours sensible, parce que, ainsi que nous l'avons dit, les nucléoles d'un noyau, quand ils sont plusieurs, ont souvent des dimensions différentes. L'apparition des granules et des rayons est très visible également dans ces dessins; ils le sont autant sur les fig. 5 et 6, Pl. IL La FIG. 28 marque le début du phénomène ; les granules sont rares et le réseau n'est guèi'e modifié dans son ordonnance. Les rayons sont déjà mieux marqués dans les fig. 21, 26 et 27, et l'auréole granuleuse s'étend peu à peu. Ce double phénomène s'accentue sur les fig. 29, 22 et 23. Dans (i) V. Erlanger : Neuere Ansichtcn, etc. ; Zool. Centralblali, t. III, n» g, :SgG, p. 3o5. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 1 1 1 la première de ces figures, l'auréole est beaucoup plus dense que dans les deux autres; dans celles-ci, au contraire, les rayons sont plus visibles, sur- tout vers le centre, précisément parce que cette région est plus pauvre de granules. Il est très aisé de constater sur toutes ces images, que les rayons ne sont qu'une modification du réseau cytoplasmique originel : les trabé- cules s'y ordonnent radialement en s'accentuant un peu. Quant à l'auréole sombre, elle est due à une modification introduite dans l'enchylôme primitif; celui-ci, d'hj'alin qu'il était, s'est chargé sur un certain périmètre d'un grand nombre de sphérules minuscules. L'enchylème des mailles est maintenant répandu entre les rayons, et c'est là que se trouvent les granules. Les, rayons eux-mêmes en sont dépourvus; ils sont toujours unis, non noueux; quand ils paraissent moniliformes, c'est uniquement parce que les granules enchylémateux sont blottis ou collés contre eux. Ces détails se voient avec netteté lorsque l'auréole est peu fournie; lorsqu'elle est dense, ce qui arrive assez souvent, fig. 29, ils sont plus difficiles à constater. Néanmoins, sur des coupes minces, surtout quand le rasoir sort en entamant un de ces petits asters, l'indépendance des rayons vis-à-vis des granules est évidente. Les rayons débutent contre le corpuscule sur tout son pourtour; c'est pourquoi ils y aboutissent. Cette disposition se maintiendra pendant toute la cinèse. Le corpuscule produit le rayonnement et en reste le centre. Cependant il n'y a pas de connexion organique entre ces éléments; le cen- trosome reste libre ; cela se voit très bien lorsqu'il se dissout tôt après la cinèse, comme dans les fig. 10 et 26, Pl. II; l'espace qu'il y occupait est toujours vide de filaments ou de rayons. En résumé, sous l'influence du corpuscule, les trabécules du réseau cytoplasmique se mettent en mouvement et s'ordonnent radialement; en même temps, chez VAscaris, l'enchylème hyalin se remplit de granules ténus, interposés aux rayons. Ainsi se forme l'aster, et telle en est la con- stitution. Nous n'ajoutons rien à la description qui en a été faite pour la première fois, en 1885, dans la Cytodiérèse. Aussitôt établis, l'aster et son auréole s'étendent progressivement pen- dant que la figure se développe et achève son évolution, fig. 23, 24, 30 et 31, Pl. I ; FIG. 5, 7 et 8, Pl. II. On voit sur ces figures que l'irradiation grandit jusqu'au stade des couronnes polaires. C'est seulement alors que les asters sont dans tout leur épanouissement. Nous n'ignorons pas que les observa- teurs font généralement co'incider ce moment avec le stade de la couronne équatoriale. Mais sur les matériaux fixés par notre méthode, il n'en est pas 112 J. B. CARNOY et H. LEBRUN ainsi; en général, la différence d'étendue des asters au stade équatorial et au stade polaire est frappante sur nos coupes. Il en est de même de l'auréole granuleuse; elle s'étend aussi progres- sivement, mais lentement jusqu'à la fin du stade de la couronne équatoriale. A partir de ce moment, elle grandit rapidement, fig. 7, 8, 9, Pl. II; 24, 31 et 32, Pl I. Nous reviendrons plus loin sur ce phénomène. Nous avons vu que les rayons astériens naissaient sur place dans le réseau, par une simple modification dans l'orientation des trabécules; à leur extrémité ils doivent donc rester toujours en connexion avec les trabécules qui sont encore au repos. Ce fait est frappant chez V Ascaris, lorsqu'on em- ploie un liquide qui tue très rapidement les œufs et qui en même temps les anesthésie fortement, de façon à ce qu'aucune modification sensible ne puisse se produire dans le réseau cytoplasmique avant qu'il se soit momifié, fixé. On peut suivre aisément cette connexion sur la plupart de nos figures; sur le périmètre extérieur des asters, tous les rayons y sont en liaison orga- nique avec les trabécules du réseau. II. Modifications des corpuscules. Pendant le développement de l'aster, le corpuscule subit de légères modifications. Après avoir diminué de volume, parfois notablement, il ne tarde pas à se marquer davantage. Ses dimensions augmentent peu à peu, le plus souvent jusqu'au stade des couronnes polaires, voire même jusqu'à la reconstitution complète des nouveaux noyaux, fig. 7, 8, il à 14, Pl. II. Il est impossible néanmoins de formuler aucune règle à cet égard; ainsi, dans les figures équatoriales, tantôt il est très gros, tantôt au contraire beaucoup plus petit que sur certains œufs aux stades antérieurs. De même, dans les figures polaires. Cela dépend de la rapidité avec laquelle il se gonfle et se dissout. IL se dissout, en effet. A peine entré dans le cytoplasme, il perd de sa substance; il se réduit, et l'on doit admettre que sa partie périphérique se liquéfie d'abord. C'est le fait de cette réduction qui nous avait engagés à rechercher si le corpuscule au repos n'était pas formé de deux parties : une zone périphérique se dissolvant plus aisément, et un nodule central plus résistant. Nous n'avons pu élucider ce point. Tous les phénomènes qui se passent ensuite dans les figures indiquent nettement que le corpuscule n'a qu'une existence temporaire, et finit bientôt par se fondre entièrement. Cela étant, il est tout naturel d'admettre que l'augmentation de volume qu'il subit aux stades intermédiaires des figures est due à un phénomène d'imbibition, précurseur de la dissolution. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 113 Il est aisé d'expliquer, grâce à ces faits, comment le corpuscule agit pour produire les asters et son auréole. Il est riche en nucléo-albumine qui, en se dissolvant, se répand d'abord dans le cytoplasme qui l'environne immédiatement. Ces substances, nous l'avons répété, jouissent de la pro- priété de mettre en jeu l'irritabilité du réseau et d'y déterminer une pullu- lation ou une irradiation. En outre, elles réagissent sur les composés albu- mineux de l'enchylème ovulaire en donnant naissance aux granules nucléo- albuminifères des auréoles. D'après nous, on le voit, l'action du corpuscule de division serait tout à fait comparable à celle du corps spermatique sur le protoplasme de l'œuf. Les granules de l'auréole astérienne et ceux de la plage de fusion paraissent identiques ; ils présentent en effet tous les mêmes caractères : la même résistance aux réactifs, la même aptitude aux colorations. Ainsi, l'hématoxyline au fer brunit aussi un peu l'auréole; après l'action des réactifs de Van Beneden et de Boveki, l'auréole aussi bien que l'archoplasme persiste et apparaît comme une sphère granuleuse sur la masse confondue du cytoplasme. C'est là, sans doute, ce qui a fait songer à une sphère attractive indépendante. III. Corpuscules superflus. Lorsqu'il y a deux ou trois corpuscules dans chacun des noyaux de conjugaison, ce sont les deux premiers sortis qui deviennent actifs et con- tribuent à la formation des asters. Les autres semblent rester immobiles dans le noyau et se libérer seulement après la disparition de la membrane nucléaire ; nous n'en avons jamais vu trois à la fois hors de la membrane avant l'élaboration du fuseau. Mais on en trouve parfois, quoique rarement, près du fuseau tout formé : soit contre son sommet, soit un peu plus loin, en dessous des rayons astériens. Nous en avons vu aussi un, parfois deux, déjà beaucoup diminués de volume vis-à-vis d'une couronne équatoriale. Ces corpuscules superflus disparaissent donc sans être utilisés pour la division. C'est là un phénomène intéressant. Car on pourrait croire que ces corpuscules multiples en s'échappant devraient produire des figures multi- polaires. Il n'en est rien; nous n'en avons pas rencontré une seule pendant la préparation de ce travail. Une fois qu'il y a deux centres de radiation formés, le cytoplasme, dirait-on, est comme déterminé et fixé dans ses mouvements. Si un troisième corpuscule survient, son action est inopé- rante. Peut-être, faudrait-il admettre comme condition indispensable de la formation d'une figure multipolaire, la libération tout à fait simultanée de plusieurs corpuscules ; ou bien, un état plus ou moins anormal ou patholo- gique du protoplasme, qui ne lui permette plus de fonctionner normalement. 114 J- B- CARNOY et H. LEBRUN IV. Les auteurs. Tous les auteurs n'ont pas compris comme nous la formation et la constitution des asters. KuLTscHiTZKY et vQN Erlanger n'admettent pas plus que nous de sphère attractive ou autre, préexistant à la division, et qui contribuerait à la formation de l'aster. D'après le premier de ces auteurs, l'aster nait dans le protoplasme ordinaire. Au moment de la cinèse, von Erlanger ne trouve que le corpuscule plongé dans le cytoplasme ovulaire. Ces deux savants admettent donc, comme nous, que l'irradiation astcrienne est tout entière d'origine cytoplasmique. Pour Van Beneden, le centre de l'aster est occupé par sa sphère at- tractive, autonome et indépendante, et celle-ci prend part à sa formation. En effet, pour lui, les asters se constituent d'une portion centrale, la sphère attractive, à fibrilles très apparentes, et d'une portion corticale ou périphé- rique, située dans le vitellus où les fibrilles sont beaucoup plus minces (i). Les asters auraient donc une double origine, et seraient formes de deux parties raccordées. Nous savons que la sphère autonome n'existe pas. Elle ne peut donc fournir la partie centrale des asters. Nous avons vu plus haut (2) quelle idée Van Beneden s'était faite de la constitution de sa sphère. Nous ne pouvons partager sa manière de voir. Les fibrilles de la sphère, c'est-à-dire de l'aster, ne sont pas munies de points nodaux. Ces points ne sont autre chose que les granules enchy- lémateux de notre auréole centrale; ils sont entre les fibrilles et n'entrent jamais dans leur constitution; ils peuvent seulement s'y accoler et chemi- ner sur elles. L'auteur a versé ici dans la même confusion que pour le sper- matozoïde (3), il a fait entrer les granules de l'cnchylème comme élément constitutif dans le réseau. BbvERi renchérit sur Van Beneden. Celui-ci, du moins, admettait que la partie corticale des asters était due au cytoplasme; mais pour Boveri ce dernier n'y contribue peu ni point. On pourrait croire, dit cet auteur (4), que les rayons des asters se sont différentiés dans le cytoplasme, mais il n'en est rien; on peut prouver avec certitude que ces filaments sont dus à la transformation de la couche périphérique de l'archoplasme. Les microsomes (i) Van fc'ENEDEN et Neyt : Nouvelles recherches, etc., p. 203. (21 Voir plus haut, cb. III, Sphères attractives. (3) Ci-devant, p. Si. (4) Boveri : L. c, pp. 79, 97 et So. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 115 se disposant radialement et se reliant par des fibrilles (il ne dit pas d'où elles viennent!), il en résulte un filament continu dont les microsomes forment les renflements. Ces filaments s'étendent, rayonnent dans le cytoplasme de tous côtés et gagnent de plus en plus en longueur, aux dépens de la partie centrale de l'archoplasme. Celui-ci diminue ainsi graduellement d'étendue, et il arrive que les microsomes les plus centraux disparaissent cuxrmémes en subissant cette transformation en rayons. En résumé, les asters dérivent exclusivement de la substance de l'archoplasme. Il est à peine besoin de réfuter une pareille opinion. L'archoplasme n'existe plus depuis longtemps. Les microsomes sont des granules de l'en- chylcme, tout à fait et toujours indépendants des filaments ou rayons. Les fibrilles qu'on fait surgir à point nommé ne sont autres que les trabécules or- dinaires du cytoplasme, etc. La description de Boveri est toute de fantaisie. § IIL Sorl des corpuscules et des asters. Nous avons laissé le corpuscule et les asters au stade des couronnes équatoriales et polaires. Quel est leur sort ultérieur? Le corpuscule est voué à la dissolution, il disparait sans laisser de trace. Il ne se divise donc pas pour fournir les corpuscules de la segmentation suivante. Les asters s'effacent à leur tour, sans se diviser jamais. Nous nous trouvons, ici encore, en contradiction avec Van Beneden, Boveri, Herla, Kultschitzky, Kostanecki et Siedlecki, von Erlanger, c'est-à-dire avec tous ceux qui ont écrit depuis 18S7 sur la segmentation de V Ascaris megalocephala, ainsi qu'avec la plupart des savants qui ont étudié la segmentation chez une foule d'autres animaux. Il serait oiseux de les citer tous et de faire une critique détaillée de leurs observations. Conten- tons-nous d'étudier soigneusement les faits chez V Ascaris. Nous tenons à faire remarquer tout d'abord que nous avons eu bien soin de décolorer au mordant lentement et modérément, même d'une ma- nière insuffisante pour rendre le protoplasme hyalin, afin d'être à l'abri de toute objection, d'être certains que les centrosomes n'étaient pas devenus in- distincts par le départ de l'hématoxyline. Il est facile d'ailleurs de s'assurer de l'état des préparations en les examinant itérativement au micros cope. Il6 J B. CARNOY et H LEBRUN Lorsqu'elles sont réussies, les ccntrosomes sont tous d'un noir d'ébène, même quand ils sont réduits à l'état de granulations à peine perceptibles, comme dans la fig. 33, à gauche. 1° Les corpuscules et les asters disparaissent. Examinons d'abord, chez le bivalens, les fig. 31 et 32, pl. I, qui vont arriver au stade des couronnes polaires. Dans la première, les deux corpus- cules volumineux existent encore; dans la seconde l'un a disparu déjà, l'autre s'est aplati et allonge transversalement. Les images comme celles de la FIG. 32 ne sont pas si rares qu'on pourrait le penser, nous les avons rencontrées assez souvent; maintes fois aussi les deux corpuscules avaient déjà disparu à ce stade. Sur ces deux figures, les asters étaient très développés, beaucoup plus que sur les figures précédentes. Les rayons plastiniens sont encore bien conservés et bien visibles. Mais l'auréole granuleuse est en voie de désagré- gation. Les granules s'en détachent et se répandent au loin sur les rayons. Sur la cellule de droite, fig. 32, l'aster s'est aplati avec le corpuscule ; ail- leurs il a conservé sa forme. La fig. 33 marque un stade plus avancé, il y a déjà quelque temps que les noyaux sont reformés. Les rayons astériens y ont complètement disparu. Mais les corpuscules y existent encore ; cependant ils sont déjà réduits ; l'un d'eux n'apparaît plus que comme un granule ténu. On voit aussi que l'auréole a diminué considérablement d'étendue et d'intensité ; il n'en reste plus que la partie centrale, surtout à gauche. La FIG. 34 est à peu près au même stade. On n'y voit plus trace de corpuscules; les rayons ont presque disparu, mais l'auréole granuleuse est encore très fournie. Dans les fig. 35 et 36, les phénomènes sont plus avancés. On n'y voit plus que les derniers vestiges de l'auréole; celle-ci a disparu entièrement sur la cellule de gauche de la fig. 36. Enfin, sur la fig. 37, où les noyaux entrent en mouvement pour la deuxième segmentation, le cytoplasme est revenu entièrement à l'état où il se trouvait avant la première division. Il ne reste donc rien ni des asters, ni de l'auréole, ni des corpuscules polaires. Il en est de même chez Vuuivalens, non seulement à la première, mais à la seconde, à la troisième et à la quatrième segmentation. C'est surtout sur cette variété que nous avons pu constater facilement la disparition des corpuscules à chaque cinèse et leur néoformation. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 117 Considérons les fig. 9 à 18, Pl. II d'abord, puis les fig. 26 à 30. Les fig. 9 à 12 sont au stade de la couronne polaire; les corpuscules sont intègres en 9 et 11; l'un a disparu en 12; en 10 il n'y en a plus. Dans les fig. 13 et 14, qui sont beaucoup plus avancées, les noyaux étant déjà reformés intégralement, ils existent encore et sont très volumineux; un seulement a disparu sur la fig. 13. Enfin, dans la fig. 15, il n'en reste plus de trace. A partir de l'étape de cette figure, 012 les cherche en vain jusqu'à la segmentation suivante. On constate la même inégalité dans le moment de la disparition à la seconde division. Ainsi, dans la fig. 2G, où les couronnes polaires sont à peine formées, il n'y en a plu; ; de même dans la fig. 29, moins avancée encore, en bas, un corpuscule a disparu, l'autre, ainsi que ceux de la cellule supérieure sont déjà très réduits. Au contraire, sur la fig. 27 où les noyaux sont reconstitués, ils existent encore tous deux; sur la fig. 30, il en reste encore un, volumineux. Aux stades qui suivent cette figure, on ne peut plus les mettre en évidence. Il en est de même aux deux segmentations suivantes. Cette disparition est donc un phénomène général et régulier, bien qu'il se présente à des mo- ments très différents. Les asters s'effacent en même temps que les corpuscules : ici plus tôt, là plus tard, mais toujours et totalement. Ils sont encore dans leur plein épanouissement dans la fig. 9 et dans la fig. Il; ils ont diminué considérablement sur les fig. 10 et 12 qui sont au même stade que la fig. 11. On peut suivre pas à pas sur ces figures la retransformation des rayons en réseau; sur la fig. 12 elle est presque achevée. Les asters se sont maintenus beaucoup plus longtemps sur la fig. 14; ils y sont encore en pleine vigueur, alors que le no3''au est déjà refait. Ils sont amoindris dans la fig. 13. La transformation est beaucoup plus avancée au bas de la fig. 15; en haut elle est complète, tout est redevenu réticulum ordinaire. Cette métamorphose est indiquée encore on ne peut plus clairement sur les FIG. 26, 27 et 30 de la seconde cinèse. Quant à Vauréole, elle suit la même marche dans sa disparition. Nous avons dit qu'elle augmente peu à peu d'étendue, à mesure que la substance du centrosome se dissout. Les granules, qui se forment ainsi continuelle- ment dans lenchylème de l'œuf, se répandent au dehors, en cheminant le 15 Il8 J. B. CARNOY et H. LEBRUN long des rayons, sur un périmètre qui s'accroît toujours jusqu'à épuisement du corpuscule. Nos fig. 8 à 14 montrent bien ce phénomène. A la fin ils sont distribués dans tout l'aster. La masse centrale s'épuise ainsi de plus en plus et finit par disparaître. Ces granules font partie de l'enchylème du réseau, lorsque celui-ci s'est reconstitué, et restent souvent accolés aux trabécules, ainsi que l'indiquent nos figures; c'est pour cette raison que les mailles sont hyalines. Les restes de l'auréole, fig. 15 et 26, persistent plus longtemps que les corpuscules; mais ils disparaissent avec l'achèvement du réseau, fig. 15 en haut, et cela, sans retour. Chez Yiinivaleus, il ne reste donc non plus rien : ni des corpuscules, ni des asters, ni de l'auréole granuleuse. Il résulte de ce que nous venons de dire que le corpuscule perd toute sa substance dans le cytoplasme. Ce corps n'est pas volumineux, mais il est très dense et, à en juger par l'immense quantité de granules qu'il contri- bue à produire, on doit dire que le corpuscule — et par conséquent le noyau — déverse, à chaque cinèse, dans les mailles du protoplasme une quantité appréciable de substances nucléo-albumineuses, qui sont peut-être de nature particulière et peuvent encore jouer un rôle dans la vie cellulaire. 2" Les corpuscules et les asters ne se divisent pas. Mais, nous dira-t-on, s'il est vrai que les corpuscules et les asters s'éva- nouissent sans laisser de traces, comment expliquer que tous les auteurs, qui se sont occupés de la segmentation, décrivent la division du corpuscule et de la sphère à chaque cinèse, et la participation de ces nouveaux élé- ments à la cinèse suivante. Examinons d'abord la première segmentation. Pour Van Beneden et Herla, les deux sphères naissent simultanément : En effet, nous savons que les deux corpuscules s'échappent souvent en même temps du noyau. Pour BovERi, Kostanecki et Siedlecki, elles naissent de la segmen- tation d'une sphère primitive : Il sufirt de jeter les yeux sur les figures de ces auteurs, pour en saisir l'explication et trouver la cause de leur méprise. Kostanecki représente un œuf avec une sphère unique : Il n'y avait encore qu'un corpuscule de sorti, comme dans nos fig. 28 et 27, Pl. I ; le second sortira bientôt. Dans les figures suivantes il en figure en voie de division apparente : LA FECONDATION CHEZ LASCARIS MEGALOCEPHALA 119 Les deux corpuscules étaient sortis côte à côte, et leurs auréoles res- pectives confluaient latéralement, comme dans notre fig. 39, Pl. I. Il faut direlaméme chose des figures 33 à 36 de Boveri. Dans sa fig. 33, le centrosome paraît se diviser, mais l'auteur lui-même hésite à l'affirmer : ce pourrait être, dit-il, deux centrosomes contigus. En eff'et, il en est ainsi. Sur cette figure, il y a deux corpuscules de libérés, et il en reste encore un dans chaque noyau : nous savons que les noyaux de conjugaison ont parfois deux de ces corps. Dans les figures sui- vantes du même auteur, il y en a deux au dehors, et il n'en figure plus à l'intérieur des noyaux : en effet, nous savons qu'en règle générale il n'y en a qu'un dans chacun d'eux. Dans toutes ces figures, les corpuscules à leur sortie se sont trouvés près l'un de l'autre, et leurs auréoles se sont plus ou moins confondues. Comme Boveri voulait trouver des sphères en division, il a porté son atten- tion sur ces sortes de figures. Mais elles sont toujours rares. Dans tous les cas, loin de dériver d'une sphère unique, elles représentent toujours deux asters indépendants dès l'origine, et qui restent parfaitement distincts, malgré que leurs rayons viennent accidentellement s'enchevêtrer. Aux segmentations suivantes, les prétendues figures de division des corpuscules et des sphères n'existent pas davantage. Plusieurs auteurs représentent, au stade des couronnes polaires et de la première reconstitution des no3'aux, des corpuscules étirés latéralement, comme s'ils se divisaient par étranglement. Ces figures existent, mais elles ne sont pas communes sur les prépara- tions bien faites, et elles n'ont nullement la signification qu'on leur attribue. Elles sont dues à un aplatissement de l'aster et, par suite, du corpuscule qu'elles renferment; nous en donnons un exemple dans notre fig. 32, Pl. I. Quant aux figures des auteurs qui représentent deux corpuscules dis- tincts et voisins, elles s'expliquent en admettant que ces corpuscules dérivent d'une fragmentation accidentelle du corpuscule primitif. Cette fragmentation existe souvent dans les figures des globules polaires, ainsi que nous l'avons dit. Mais nous ne l'avons rencontrée qu'une seule fois sur les figures de segmentation de Y Ascaris. Elle doit y être très rare. A moins qu'à l'aide des réactifs acétique, picrique et nitrique le corpuscule ne se désagrège plus facilement. Inutile, du reste, d'ajouter que ces figures n'ont pas, d'importance, puisque les corps qu'on y trouve doivent se dissoudre avant la cinèse suivante. 120 J- B. CARNOY et H. LEBRUN D'ailleurs il faut noter que beaucoup d'observateurs ont affirmé que la segmentation du centrosome se faisait beaucoup plus tard, au stade peloton de la cinèse suivante. Or, nous savons que cette segmentation n'est qu'apparente ; les corpuscules contigus qu'on trouve alors sont nouveaux et viennent de s'échapper des noyaux Quant à la prétendue division de l'aster, les auteurs ne l'ont observée qu'au moment où le no3'au va entrer en cinèse. Van Beneden seul, croyons- nous, a figuré — fig. 9 et lo — un commencement de division de la sphère à côté de noyaux qui, d'après lui, sont encore assez éloignés de la cinèse. BovERi affirme qu'il n'en a jamais vu si tôt; lious n'en avons pas vu davan- tage. Nous croyons que les noyaux de Van Beneden sont à un stade plus avancé; d'après ses figures, on doit admettre qu'ils sont au stade initial du peloton, comme dans notre fig. 27, Pl. I. Les deux sphères qui accom- pagnent chacun des noyaux des figures précitées de Van Beneden sont de récente formation, et n'ont rien de commun avec les anciennes. En résumé, ici, comme dans la première segmentation, les sphères ne fûraissciit se diviser que lorsque la cinèse se prépare, c'est-à-dire au moment où les corpuscules s'échappent du noyau et forment leurs auréoles. Celles-ci peuvent s'accoler lorsqu'elles sont rapprochées, et donner l'impression d'une division à l'observateur qui désire en trouver. Ces cas de confluence sont, du reste, rares ; il faut souvent chercher une journée pour en trouver un exemple. Cela se conçoit; car les nucléoles, à leur sortie, occupent habituellement les futurs pôles ou leur voisinage immédiat. D'ailleurs, si la division de la sphère était un phénomène général, comme l'admettent les auteurs, on en trouverait partout dans les coupes d'œufs en segmentation de l'Ascaris. En effet, en les parcourant l'obser- vateur a sous les yeux des milliers d'œufs en cinèse, à toutes les étapes. Cela est d'autant plus vrai, qu'il est impossible de ne pas voir les auréoles quand elles existent. Or, nous le répétons, les cas d'auréoles confluentes de façon à donner l'image d'une haltère, la seule qui puisse faire songer à une division, sont presque introuvables, lorsque les œufs n'ont pas subi de rétraction ou de gonflement. En effet, même lorsqu'elles sont très rap- prochées, les auréoles demeurent généralement très distinctes. D'ailleurs, cette division n'aurait aucun but. Car les nouvelles sphères qui en résulte- raient ne pourraient être utilisées pour la cinèse suivante, attendu que les sphères qui fonctionnent alors sont de formation nouvelle et tout à fait indépendantes des anciennes. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 12 1 § IV. Le fuseau. Parlons d abord de l'opinion des auteurs. Ils ont émis tous des vues différentes sur la formation et la constitution du fuseau. Celui-ci, aux yeux de E. Van Beneden(i), n'est qu'une portion diffé- rentiée des asters, dans les limites de laquelle les fibrilles se font remarquer par une plus grande épaisseur. Elle est formée de deux cônes qui se réunis- sent par leur base à l'équateur. Chaque cône ou demi-fuseau comprend deux portions, l'une polaire qui fait partie des sphères attractives, l'autre, équa- toriale qui correspond à la partie périphérique ou protoplasmatique des asters. Le fuseau, comme l'aster, a donc une double origine. Pour BovERi, les sphères archoplasmiques envoient un certain nombre de rayons dans le noyau, rayons qui se réunissent à l'équateur pour consti- tuer le fuseau; celui-ci est donc l'œuvre exclusive de ces sphères. KuLTSCHiTZKY, qui n'admet pas les sphères attractives, fait dériver le fuseau tout entier des asters, c'est-à-dire du protoplasme modifié. -^ Nul doute, dit-il, que les Richtuugssonnen ne fournissent le fuseau -r. Enfin, Kostanecki admet les idées d'HERMANN quant au mode de for- mation du fuseau. Lors de la division de son aire plasmatique, qui vient de réapparaître, les deux moitiés restent unies par un petit faisceau de fila- ments, qui deviendra le fuseau central ; les filaments périphériques, « Mati- telschicht -, proviennent des asters. On le voit, pour tous ces auteurs, le noyau demeure complètement étranger à l'élaboration du fuseau. Seul, voN Erlanger a récemment émis l'avis que le fuseau dérive en grande partie des pronuclci, conformément à ce qui avait été dit et figuré plusieurs années auparavant par l'un de nous (2). Les sphères attractives, archoplasmiques, plasmatiqucs n'existant pas comme telles, ne peuvent rien produire, pas plus le fuseau que les asters. Nous avons vu, d'autre part, que ces prétendues sphères ne se divi- saient pas; elles sont donc incapables de donner naissance au fuseau cen- tral de Hermann et de Kostanecki ; un tel fuseau ne peut exister. (i) E. Van Beneden et Neyt : I. c, p. 263, 263. (2) J. B. Carnoy : La segment, de l'œuf che^ les nématodes; La Cellule, t. III, p. 67, 1SS7. 122 J B. CARNOY et H LEBRUN Ces deux points ont été suffisamment discutés; nous n'avons plus qu'à nous occuper de l'opinion de ceux qui attribuent au fuseau une origine cy- toplasmique. 1° Structure des noyaux. Nous avons étudié avec un soin tout spécial cette question de l'origine du fuseau chez les nématodes. Nos recherches récentes sur l'Ascaris mega- locephala n'ont fait que confirmer nos observations antérieures : Le fuseau, ici comme partout, est d'origine nucléaire; il est l'œuvre du noyau (i). La plupart des observateurs qui ont étudié Y Ascaris, principalement les partisans des sphères de division, se sont, croyons-nous, laissés influen- cer par des idées préconçues, qui leur ont fait prendre des apparences pour des réalités. Il faut dire aussi qu'ils sont loin d'admettre nos idées sur la constitution du caryoplasme. C'est ainsi que Boveri, Van Beneden, etc., à propos du no)'au, parlent constamment de vacuole, de vésicule, etc., dans laquelle plongerait l'élément nucléinien. Toujours l'ancienne Kernsaft qui hante les esprits ! Aussi, ne trouvons-nous aucun indice de notre caryo- plasme réticulé dans les figures de Van Beneden, Boveiu, Kultschitzky, KosTANECKi, etc. Il est vrai qu'en employant leurs réactifs fixateurs, il est bien difficile de conserver les structures déliceites ; nous avons déjà traité ce sujet dans notre introduction. Notre réseau plastinien est cependant bien évident sur tous les noyaux de conjugaison, traités suivant de bonnes méthodes, surtout à partir du moment où l'élément nucléinien arrive à tapisser la membrane. Car, alors plus rien ne masque le caryoplasme et l'intérieur du noyau peut être fouillé aisément. Nous avons reproduit aussi exactement que possible cette portion du noyau dans nos figures, à partir de la eig. 16, pl. I, et de la ne. 1, pl. II. Partout on y distingue un réticulum magnifique et un enchylème légère- ment granuleux, structure qui rappelle de tout point celle du cytoplasme extérieur. Il serait difficile de trouver de plus beaux exemples de l'organi- sation nucléaire typique que dans les noyaux sexuels des nématodes, aux étapes qui précèdent la cinèse. Il semble cependant qu'on n'ait pas observé cette structure; ce qui est certain, c'est qu'on n'y a pas attaché toute l'im- portance qu'elle mérite. Car, c'est ce réticulum caryoplasmatique qui fournit le fuseau de division. (i) J. B. Carnoy : Ibidem. — La Cylodiércse; La Cellule, i8S5. — J. B. Carnoy çt Lebrun La vésic, etc. des batraciens; 1. c, p. 202. LA FÉCONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 123 Mais, avant cVallcr plus loin, nous devons dire un mot de la position des noyaux sexuels. 2° Leur position. En règle générale, lorsque la fusion n'a pas eu lieu, les deux noyaux sexuels sont très rapproches l'un de l'autre; le plus souvent ils sont même accolés. Témoins nos fig. 14, 15, 25, 26, 28 et 29, fl. I et fig. 1-6, pl. II. Plus rarement, ils se maintiennent à une certaine distance, fig. 27. Ce der- nier cas se présente surtout lorsque les corpuscules sortent très tôt, alors que le boyau nucléinien est encore mince, comme l'indique cette figure. Dans ses fig. 32, 33, 35, 37, 56, 62 et 63, Boveri représente les noyaux à une très grande distance. Ces figures, pour nous, ne sont pas naturelles. En outre, il est manifeste que les fuseaux de ses fig. 40 à 42, 60, sont déchirés et écartelés. Tout cela est le résultat du gonflement produit par des réactifs (1). Jamais, on ne voit rien de semblable sur les préparations traitées par un fixateur fidèle. Tout ce que Boveri dit de la formation du fuseau, de l'attache des filaments aux bâtonnets de la couronne, en s'ap- puyant sur de pareilles figures, tombe donc à faux; nous ne nous y arrête- rons pas davantage. Les auteurs qui sont venus après lui n'ont, du reste, rien figuré d'aussi aberrant. Néanmoins, dans les fig. 1 et 26 de Kostanecki, les noyaux nous semblent avoir été écartés également par le réactif; l'état dans lequel se trouve l'élément nucléinien indique assez que les cellules ont été altérées. 3° Formation du fuseau. Nous avons dit que le fuseau prenait son origine dans le caryoplasme. En effet, quand on examine attentivement les noyaux de conjugaison uniques ou doubles, au moment où les corpuscules viennent de s'en échap- per et commencent à former leur auréole, il n'est pas très rare de rencon- trer les fig. 23 et 29, pl. I; nous en avons relevé une cinquantaine de sem- blables dans nos croquis. On voit, sur ces figures, la transformation du ré- seau plastinien du noyau en filaments longitudinaux. Au début, ceux-ci ne font que s'indiquer vaguement, mais au stade de nos figures ils sont déjà de toute évidence, malgré que la transformation du réseau ne soit pas complète. Ils sont encore ondulés, lâches, plus ou moins enchevêtrés et reliés par des trabécules transversales ou obliques. La membrane du noyau a cependant (i) Voir à rinlroduction, p. 65 et 66. 124 J. B. CARNOY et H LEBRUN conservé toute son intégrité; elle est encore aussi marquée qu'auparavant; on n'y remarque ni ouverture, ni plage de dissolution. L'orientation du caryoplasme commence toujours à se dessiner aux pôles, contre les corpuscules, bien que ceux-ci en soient apparemment sé- parés par la membrane nucléaire. Elle commence en un point qui sert de centre et gagne de proche en proche, comme cela a lieu pour les asters. Lorsque les corpuscules ne sont pas sortis en même temps, elle se marque d'abord près de celui qui s'est échappé en premier lieu : ce dont on peut juger par le développement de l'auréole qui l'entoure. Il faut conclure de là que c'est, avant tout, sous l'influence du corpuscule que le fuseau intérieur s'élabore, tout aussi bien que l'aster lui-même. L'un se forme dans le noyau, l'autre dans le protoplasme; mais il est à la fois le foyer commun de l'un et de l'autre. Les mêmes phénomènes se répètent aux segmentations suivantes, FIG. 38. On objectera peut être que le corpuscule peut cnvo3'er des filaments à l'intérieur du noyau par l'ouverture qu'il a créée pour en sortir. La réponse est facile. D'abord remarquons que le corpuscule n'a pas de quoi livrer des fila- ments; il est sorti nu du noyau, il n'avaitpas même de zone claire. Ensuite l'observation attentive montre qu'il n'envoie rien d'aucun côté. En effet les rayons astériens se forment sur place, à l'aide des trabéculcs préexistantes du cytoplasme. Or, ces rayons demeurent où ils naissent, car ils sont reliés par leurs extrémités aux trabéculcs non modifiées, à toutes les étapes de la cinèse; ils ne se détachent donc pas pour se porter dans le noyau. Cela est tellement vrai, que nous n'avons jamais vu, pas plus que Kultschitzky, un rayon astérien attaché au fuseau, ni même aux bâtonnets saillants de la couronne; ils sont toujours latéraux et indépendants, comme le cytoplasme d'où ils proviennent. C'est là un fait important, que nous avons tenu à constater avec autant de soin que Kultchitzky. Car, il prouve que les filaments des asters — sphères attractives, archoplasmiqucs, etc., qui ne sont en réalité que des asters — ne peuvent, à la façon de fibrilles musculaires, attirer en se ré- tractant les bâtonnets de la couronne équatoriale vers les pôles, ainsi que le soutiennent Van Beneden, Boveri et tant d'autres. Et c'est avec infini- ment de raison que l'auteur précité s'élève contre l'emploi du mot sphère attractive; il n'y a rien dans l'aster qui puisse remorquer les bâtonnets, faute de connexion avec les chromosomes. LA FÉCONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 125 Il faut dire la même chose de l'irradiation nucléaire. Il est aussi aisé, en effet, de surprendre la transformation graduelle des trabécules caryoplas- matiques en filaments continus, surtout au premier moment où le corpus- cule y fait sentir son action. Ces filaments se forment donc aussi sur place et ne sont amenés de nulle part. Nous avons vu cette transformation avec tant de netteté chez les deux variétés à' Ascaris, que le moindre doute pour nous n'est plus possible. L'un de nous a déjà, du reste, décrit plusieurs fois des phénomènes semblables, et il y a longtemps qu'il a appelé l'attention sur les cinéses intérieures, c'est-à-dire qui évoluent au sein d'un noyau dont la membrane reste intacte pendant toute la durée du phénomène. Le fuseau est donc tout entier l'œuvre du noyau. Ajoutons seulement une remarque. Lorsque le corpuscule, à sa sortie, s'avance dans le cytoplasme à une certaine distance de la membrane nucléaire, ce qui est assez rare du reste, il produit une irradiation dans la bande de cytoplasme interposé, ainsi qu'on peut le voir sur la fig. 29, Pl. I. Les quelques bouts de filaments qui en résultent viennent jusqu'à la membrane du noyau, et il est bien probable qu'après la résolution de celle-ci ils fassent corps commun avec le fuseau; car, cela se voit ailleurs, par exemple chez les spyrogyres. Mais c'est là une ajoute accidentelle et insignifiante, qui ne peut en rien modifier notre thèse. C'est pour avoir vu de semblables irradiations que les auteurs ont conclu à l'introduction des rayons cytoplasmatiques dans le noyau pour y constituer le fuseau. Cette déduction n'est pas légitime. Car ces ra3'ons ne peuvent aller plus loin que le cytoplasme lui-même, dans lequel et aux dépens duquel ils se forment ; ils se terminent donc nécessairement à la membrane nucléaire. BovERi représente sur plusieurs de ses figures, 38 à 42, 55 et 56, des siphères situées à une grande distance des noyaux ; le cytoplasme fournirait alors une partie notable, sinon la totalité du fuseau. Ces figures ne sont pas naturelles; c'est son réactif picro-acétique qui a produit cet écartcmcnt en modifiant profondément l'ordonnance du cytoplasme (1). Sur des prépara- tions mieux conservées, de pareilles figures sont extraordinaircmcnt rares, FIG. 39, Pl. I. A l'étape qui suit celle des fig. 28 et 29, la membrane nucléaire se résout sur place, sans que le noyau subisse la moindre rétraction ou dimi- nution de volume. (i) Voir plus haut, p. 8i et Sa. 16 126 J- B. CARNOY et H. LEBRUN Pour BovERi(0, les choses ne se passent pas ainsi. Le protoplasme, dit-il, en substance, soutire la Kernsaft, alors que la membrane est encore intacte : de là, le ratatinement de plus en plus prononcé du noyau et son rapetissement, au point qu'il est réduit au volume des éléments chromati- ques repoussés et pressés les uns sur les autres. Après la dissolution de la membrane, les bâtonnets gisent donc directement dans le cytoplasme. S'il en était ainsi, le no3'au ne pourrait évidemment fournir le fuseau. Mais, rien de semblable ne s'est montre à nos regards. Nous n'avons jamais rencontre de noyau ratatiné, ni rapetissé; le noyau reste aussi volumineux et aussi turgide au moment de la division qu'auparavant. En outre, après la dissolution delà membrane, les éléments chromatiques ne sont jamais plongés directement dans le cytoplasme; ils sont, comme antérieurement, situés au milieu du caryoplasme qui est déjà plus ou moins organisé en fuseau. Cette description de Boveri suffirait à elle seule pour prouver qu'il s'est servi de réactifs désorganisants. Il y a tout lieu de penser que la résolution de la membrane nucléaire se fait sous l'influence du corpuscule. En effet, elle débute sous ce dernier et s'étend progressivement à partir des deux pôles, et il n'est pas très rare de trouver encore des indices certains de la membrane à l'équateur de la figure, jusqu'au stade de la couronne équatoriale. La fig. 30 en fournit un bel exemple. 4° Constitution du fuseau. Le fuseau ne tarde pas à se marquer davantage; les filaments se recti- fient et se tendent, fig. 30. Cette figure tient le milieu entre les fig. 23 et 29 d'un côté, et la fig. 24 qui représente le stade équatorial, de l'autre. Dans la FIG. 30, il y a encore des filaments ondulés, et la part qui revient dans le fuseau à chacun des noyaux de conjugaison est encore visible; le fuseau est dimidié. En se redressant et en s' allongeant, le fuseau de- vient généralement simple, comme celui de la fig. 24 ; nous avons cepen- dant vu des fuseaux bipartites jusqu'au stade de retour des bâtonnets vers les pôles. Au stade de la couronne équatoriale, fig. 24, Pl. I, fig.7 et 28, Pl. II, le fuseau est généralement assez large. Il est formé d'un grand nombre de filaments rapprochés, mais libres et assez également espacés. Nous ne les avons pas vus réunis en petits faisceaux distincts, comme le représentent (i) Boveri : 1. c, p. :48, 149. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 12? BovERi, dans ses fig. 43, 44, 59, et Kostanecki, dans ses fig. g et lo; ce fait n'aurait, d'ailleurs, aucune importance à nos yeux. Les filaments sont unis, c'est-à-dire non granuleux, sur tout leur par- cours, et l'on ne voit pas, comme l'admet Van Beneden, de distinction entre leur partie polaire et leur partie équatoriale. Si la partie polaire semble parfois plus dense et plus granuleuse, c'est uniquement parce qu'elle n'est pas mise au point exactement; les granules de l'auréole se projettent alors sur les filaments et semblent faire corps avec eux. Il arrive parfois que les filaments, sans être moniliformes, sont irré- guliers, formés de parties plus épaisses et plus déliées, alternativement : comme' dans notre fig. 28, pl. II. Ces figures font l'effet d'un cordon plastique qui serait étiré et dont la masse s'étendrait irrégulièrement. Cet aspect est peut-être dû, en effet, à l'allongement du fuseau ; car, il est surtout marqué au stade des couronnes polaires, fig. 32, Pl. I. Nous ne pouvons admettre avec Boveri et Van Beneden que les fi- laments du fuseau forment deux cônes distincts attachés aux faces op- posées des bâtonnets nucléiniens. Pour nous, ils sont continus d'un pôle à l'autre, et les bâtonnets y sont simplement accolés. Boveri reconnaît du reste (i) que lorsque le fuseau est formé, il est très difficile de constater que les filaments sont attachés aux bâtonnets et s'y terminent. Voici, d'ailleurs, nos raisons. D'abord, quand on suit le mode de formation des filaments, fig. 23, 29 et 38, Pl. I, on peut constater déjà qu'ils vont d'un bout à l'autre du noyau encore intacte. Ensuite, au stade de la couronne, on peut en suivre beaucoup dans toute l'étendue du fuseau : fig. 30 et 24, Pl. I ; fig. 7 et 28, Pl. II. Certes, on ne peut les suivre tous; cela est impossible, car ceux auxquels les bâtonnets sont accolés sont indistincts sur toute l'épaisseur de ceux-ci. Mais il est deux faits qui nous ont toujours frappés. Le premier, c'est que les filaments se correspondent toujours exactement de part et d'autre du bâtonnet, comme si un filament unique passait à travers ce dernier. Le second est aussi important. Lorsqu'on rencontre d'un côté du fuseau des filaments reconnaissables à un caractère particulier, plus volumineux ou plus granuleux, par exemple, on trouve de l'autre côté et correspondant exactement aux premiers des filaments ayant absolument les mêmes caractères. Si le fuseau était formé de deux cônes distincts, for- (i) Boveri : 1. c , p. 94. 128 J- B. CARNOY et H. LEBRUN mes d'une manière indépendante à chaque pôle, ne serait-il pas bien étrange que ses deux moitiés fussent toujours constitués de la môme manière, et cela jusque dans les moindre détails? Toutes les figures équatoriales des auteurs, celles de Boveri en particulier — ses fig. 57, 38, 59, 65, 7S — prouvent aussi à l'évidence les deux faits que nous venons de signaler. Tous les filaments du fuseau convergent en un point unique, et ce point touche au corpuscule ; ils ne s'arrêtent donc point à l'auréole granu- leuse. D'ailleurs, le corpuscule n'est jamais, sur nos préparations, entouré de cette zone hyaline qui a été tant de fois figurée à l'entour du centro- some, et que Boveri marque à tort dans beaucoup de ses figures, ni de la zone médullaire de Van Beneden ; ces zones existent seulement lorsque le cj'toplasme a subi une rétraction. De même que les rayons astériens aboutissent au corpuscule, de même les pointes du fuseau y touchent direc- tement, FIG. 24, 30 et 31, Pl. I, FIG. 7, 8, 28, 29, etc., Pl. II. Les figures de KosTANECKi et Siedlecki sont très exactes sous ce rapport. § V. Couronnes polaires. Après la division longitudinale équatoriale, les demi-bâtonnets se met- tent en marche vers leur pôle respectif. 1° Retour aux pôles. Ce retour est marqué d'abord sur deux figures de VAscaris bivalens, FIG. 31 et 32, Pl, I. A partir de la dislocation de la couronne, le fuseau s'allonge considérablement. D'après nos préparations, il s'allonge plus que ne l'ont figuré les auteurs. Dans la fig. 31, le fuseau a conservé l'aspect qu'il avait auparavant, il n'a fait que s'étendre. Ses filaments paraissent aussi nombreux et aussi réguliers. En outre, on remarquera aisément qu'ils sont continus d'un pôle à l'autre. Les figures où les bâtonnets sont aussi courts et trapus ne sont pas très communes. Habituellement, ils sont beaucoup plus allongés et forment des anses assez minces, comme dans la fig. 32. Il n'entre pas dans nos intentions de donner plus de détails à ce sujet. Nous avons reproduit, fig. 31, un exemple à bâtonnets trapus, parce que dans ces sortes de figures, le fuseau nous a paru beaucoup mieux conservé que dans les autres. On peut s'en convaincre en jetant les yeux sur la fig. 32; ici, les filaments sont beaucoup moins nombreux, plus irréguliers et comme LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 139 étirés. On trouve des retours où ils sont moins nombreux encore et parais- sent être en voie de désagrégation. Nous avons figuré les mêmes stades chez la variété unwalcns, aux di- verses segmentations, fig. 8 à 12, 26, 28, 29 et 31. Cette variété a été de notre part l'objet d'une étude plus suivie, parce que, grâce au petit nombre de ses bâtonnets, on y saisit mieux les phénomènes intimes qui se .passent dans les couronnes. Herla a aussi étudié spécialement la segmentation dans cet Ascaris. Comparons nos observations avec celles de ce savant. D'après Herla, au début du retour, les anses jumelles se soulèvent par leur partie moyenne, et celle-ci arrive toujours la première au pôle. Il en est certainement ainsi dans le cas de sa figure doliforme, fig. 19, qui correspond à notre fig. 8. Mais il n'en est pas de même dans ses autres figures, ses fig. 20-32. Nous avons reproduit dans nos fig. 28 et 29 un cas qui se présente fréquemment. Souvent, en eiïet, les anses, au lieu de se disjoindre par leur milieu, se séparent très tôt à une de leurs extrémités seulement, et c'est le bout détaché qui arrive le premier au pôle. Nous allons voir ce qui survient ensuite. Dans les retours comme ceux de la fig. 8, la formation de la couronne polaire s'explique aisément; les anses n'ont qu'à se détacher à leurs extré- mités et se rapprocher un peu des pôles pour lui donner naissance. Re- marquons cependant un détail qui ne correspond pas à la description de Herla. En se portant vers les pôles, les deux anses finissent par se croiser, ainsi qu'on l'a marqué dans la fig. 9 ; elles ne sont pas simplement côte à côte. Ce phénomène nous semble général. Il en est de même lorsque les retours se font comme dans nos fig. 28 et 29. Voici comment les choses se passent. On voit sur ces deux figures : 28 en bas, 29 en haut, que les extrémités libres des anses, arrivées aux pôles, se recourbent en sens opposé, c'est-à-dire l'une à droite, l'autre à gauche, de façon à se croiser. Dans la fig. 29, en bas, le phénomène est plus avancé, les bouts se recourbent davantage en chevauchant l'un sur l'autre. Entre- temps les extrémités équatoriales se sont libérées. Enfin, dans la fig. 26, les couronnes sont achevées; elles sont identiques à celles de la fig. 9; les deux anses y sont placées en croix. Telles sont, à nos yeux, les couronnes polaires normales, et tel est leur mode de formation régulier. 130 J. B. CARNOY et H LEBRUN 2° Corpuscules nouveaitx. Les phénomènes qui se passent ensuite dans la couronne, avant la re- formation des noyaux, sont dignes de fixer un instant notre attention; d'autant plus qu'ils n'ont pas été remarqués. D'abord l'angle ou la courbure des anses tend à s'effacer et est remplacé par une portion rectiligne d'une certaine étendue; il en résulte deux angles au lieu d'un, fig. il, 12. Ce phénomène n'est donc pas primordial, comme semble l'admettre Herla, p. 443; au début les anses n'ont qu'un angle, comme nous l'avons dit. Cet étirement de la portion anguleuse a pour effet d'écarter les deux branches, ainsi que l'indiquent nos figures. Bientôt cette portion s'atténue, en même temps qu'elle se teint moins fortement par les colorants nucléiniens : on dirait qu'une portion de la nucléine émigré dans les branches, ou s'altère. Mais, à l'aide de l'hématoxylinc au fer, on y re- marque aisément de un à trois ou même quatre granules minuscules, qui se colorent intensément en noir. Finalement, le pont disparaît et les gra- nules sont mis en liberté. Ailleurs, les choses se passent un peu autrernent. Le pont se maintient avec son épaisseur, et l'on voit apparaître à l'intérieur une ou plusieurs sphérules, parfois assez volumineuses, qui se colorent plus vivement que le restant de la masse où elles sont enrobées, fig. 11. Enfin, il arrive que le pont est vide de granules colorables; on trouve alors ceux-ci blottis contre l'extrémité des demi-bâtonnets. Telle est, cro3'ons-nous, la genèse des nouveaux corpuscules polaires. Ces granules ont en effet tous les caractères de ces corps, et on les retrouve à côté des demi-bàtonnets dans toutes les étapes suivantes; seulement ils grossissent avec l'âge, fig. 13 à 15. Flabitucllcment, à partir du moment où les noyaux sont reconstitués, on en trouve deux seulement parfois trois dans chaque noyau ; les trois ou quatre granules originels de chaque pont ont donc dû se fusionner, ainsi que cela a lieu dans les noyaux sexuels. 3° Groupes binaires. Par le fait môme que les ponts disparaissent et que les corpuscules sont mis en liberté, les deux anses primitives sont coupées chacune en deux moitiés. Désormais il y aura donc quatre bâtonnets au lieu de deux. Or, ces bâtonnets forment deux groupes binaires, fig. 10 et 12, plus ou moins espa- cés. On voit sur la fig. 12, l'aspect que prennent à ce moment les anses croisées de la couronne; les ponts sont aussi croisés. Et il est bien évident L'A FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 131 sur cette figure que chaque groupe binaire est formé de deux bâtonnets ap- partenant chacun à une des deux anses primitives; il y a donc dans chaque groupe un bâtonnet paternel et un bâtonnet maternel. Ce nouveau fait pour- rait aussi peut-être avoir son importance; nous y reviendrons plus loin. Herla a constaté l'existence accidentelle de ces groupes binaires, mais il en a méconnu l'origine et la nature. Pour lui, en effet, ils dérivent chacun de la division longitudinale d'une anse tout entière de la couronne. Division qu'il appelle secondaire, p. 446, pour la distinguer de la division principale qui a eu lieu dans la couronne équatoriale. S'il en était ainsi, les deux bâtonnets de chaque groupe seraient de même nature; ils seraient tous deux respectivement d'origine paternelle ou maternelle. Les faits cjue nous venons d'analyser sont contraires à cette manière de voir. D'abord, il n'y a pas de seconde division longitudinale dans la couronne polaire, les anses de celle-ci sont coupées en leur milieu par une sorte de scission transversale. Mais, la manière dont cette scission s'opère a pour résultat la création de deuxgi"oupes binaires à bâtonnets sensiblement égaux et souvent parallèles; ce qui peut donner l'illusion d'une division longitudinale. Ensuite, les deux bâtonnets de chaque groupe sont de provenance différente, l'un vient de l'anse paternelle, l'autre de l'anse maternelle. Les phénomènes sont donc tout autres que l'a pensé Herla. Une remarque encore. Les deux bâtonnets des groupes binaires sont loin d'être toujours parfaitement parallèles, fig. 14. Cela se comprend, puisqu'ils ne résultent pas d'une division longitudinale; leur position défi- nitive est, au contraire, le résultat d'un phénomène complexe. Il arrive aussi que des deux bâtonnets destines à un groupe ne par- viennent pas à se réunir; on peut voir ce détail sur la fig. 13, en bas : les deux éléments du groupe de gauche y sont très éloignés l'un de l'autre. Mais ces cas exceptionnels et plus ou moins aberrants ne sont pas de na- ture à masquer l'arrangement typique des bâtonnets en groupes binaires. A la seconde segmentation, tous les mêmes phénomènes se présentent. Les anses de la couronne polaire de la fig. 26 subissent le même étirement et la même scission à leur partie médiane. On y voit aussi les futurs cor- puscules dans les ponts, et les deux groupements binaires, fig. 27 et 30. Chacun des bâtonnets de ces derniers provient aussi d'une anse diffé- rente; ces groupements sont donc aussi de nature mixte. Jetons maintenant un coup d'œil sur les couronnes polaires de la va- riété bivalens, et voyons si l'on peut y constater les mêmes phénomènes. 13^ J- B. CARNOY et H LEBRUN Quoique ces couronnes ne possèdent que quatre anses, il est déjà diffi- cile d'y voir clairement. Cependant, en les comparant avec les images correspondantes de l'univalens, on arrive à la conviction que tous les phé- nomènes se déroulent comme chez cette dernière variété. Nous avons représenté dans les fig. 31 et 32 deux couronnes que nous considérons comme deux types extrêmes. Entre la couronne à anses déliées et très allongées et l'autre à bâtonnets courts et trapus on trouve tous les intermédiaires. Dans la fig. 31, les couronnes ne sont pas encore complè- tement achevées. Pendant leur retour aux pôles, les anses chevauchent l'une sur l'autre et finissent par se croiser dans la couronne, mais jamais d'une manière aussi régulière que chez Vunivalens. Ce qui est plus difficile à voir, c'est la naissance des granules, ou futurs corpuscules, dans les ponts qui ne tardent pas à apparaître aux courbures des anses. Ces ponts sont moins longs que chez l'univalens, mais il s'en forme un aussi dans chaque anse. En outre, on y voit des granules en nombre variable. Le fait est que l'on peut compter aisément deux ou trois corpuscules, parfois quatre lorsqu'ils ont été mis en liberté, fig. 34. Ici, comme dans l'autre variété, les corpuscules se fusionnent, et cela très tôt. En effet, par la suite, on n'en trouve plus généralement que deux dans chaque noyau, voire même qu'un seul, fig. 33, 35 et 36, Pl. I. Après la scission transversale, il y a donc huit bâtonnets dans chaque couronne, et ils paraissent disposés par paire comme chez Vunivalens. Mais cette disposition est loin d'être aussi frappante; assez souvent cependant on trouve des paires bien marquées, fig. 33 et 34. Il serait â plus forte raison bien difficile de constater si, des deux bâtonnets l'un est paternel, et l'autre maternel. On peut admettre cependant qu'il en est ainsi, puisque tous les phénomènes s'y déroulent comme dans la première variété. Van Beneden(i) avait cru remarquer parfois une division longitudi- nale dans les anses de la couronne polaire du bivalens. Nous avons critiqué cette opinion depuis longtemps (2) : il n'y a jamais, avons-nous dit, de division semblable dans la couronne polaire , quand il s'en est déjà fait une à l'équateur de la figure. Nous venons de voir d'ailleurs que la multi- plication des bâtonnets est due â une scission transversale, qui est, non pas accidentelle, mais selon toute apparence normale et générale dans les deux variétés. (i) Van Beneden et Neyt : 1. c, p. 258. (2) J. B. Carnoy : La cytodicrcsc, etc., p. 336. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 133 4° Mécanisme du retour polaire. ~- Disparition du fuseau. La discussion approfondie des théories émises sur le mécanisme du retour vers les pôles sortirait du cadre de ce travail, qui n'a en vue que V Ascaris. D'autant plus que les causes intimes qui président à ce phéno- mène nous sont encore inconnues, malgré les nombreux travaux auxquels elles ont servi de thème. La question n'est pas mûre; on ne fait- que de- viner. Nous nous permettrons seulement quelques rembarques suggérées par nos résultats. Nos observations sur V Ascaris nous autorisent d'abord à rejeter l'opi- nion de Van Beneden, Boveri, etc., qui admettent que le fuseau est formé de deux cônes de filaments remorqueurs, dérivant des asters ou de leur équivalent. Nous avons vu, en effet, qu'aucun des filaments astériens n'est attaché aux bâtonnets équatoriaux ; ils ne peuvent donc remplir le rôle qu'on leur attribue. Ensuite, et pour les mômes raisons, nous devons combattre l'opinion de KosTANECKi et Siedlecki, qui admettent, à côté du fuseau central de Hermann, une zone périphérique de filaments rétracteurs : ,,AIantelschicht." Or, ceux-ci pas plus que ceux des cônes n'aboutissent aux bâtonnets, puis- qu'ils sont aussi d'origine astérienne. Du reste, tous ces observateurs se sont mépris sur l'origine et la consti- tution du fuseau : leurs cônes, leur couche palléale et leur fuseau central ne proviennent pas des sphères ou des asters, c'est-à-dire en réalité du cytoplasme, mais bien du noyau qui est le créateur du fuseau. C'est donc au noyau, et nullement au cytoplasme, qu'il faudrait attribuer la formation des couronnes polaires, si l'on voulait admettre l'existence de filaments remorqueurs. On pourrait peut-être, en effet, se demander si le fuseau ne renferme, pas de semblables filaments. Nous n'avons rien remarqué qui plaidât en faveur de cette hypothèse. Sans doute, bien souvent, le faisceau de filaments qui relie les cou- ronnes en voie de progression vers les pôles est moins fourni que le fuseau primitif au stade équatorial, fig. 10, 29, Pl. II, fig. 32, Pl. I, et alors on pourrait penser que certains filaments se sont rétractés avec les bâtonnets. Mais parfois aussi, on n'y voit guère de différence, fig. 31, Pl. I, fig. 31, Pl. II. Nous avons représenté, dans les fig. 31 et 32, Pl. II de Y univaleus, la couronne équatoriale et le retour vers les pôles de ces segmentations 17 134 J. B. CARNOY et H. LEBRUN particulières, découvertes par Boveri, et dans lesquelles les portions termi- nales des anses sont rejetées dans le cytoplasme. Dans toutes les figures de ce genre on chercherait en vain la moindre différence entre le fuseau pro- prement dit, ou fuseau du stade équatoriale, fig. 32, et le fuseau connectif interposé aux couronnes polaires, fig. 31 ; les filaments sont aussi nom- breux d'un côté que de l'autre. Or, s'il y avait des filaments chargés de retirer les demi-bâtonnets vers les pôles, il n'en serait pas ainsi. En effet, il n'en resterait plus alors entre les couronnes polaires, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas de fuseau connectif, attendu qu'il n'y a pas de filaments sans bâtonnets dans la couronne équa- toriale, qui est une couronne pleine. A moins de soutenir que le fuseau réunissant ne soit formé, suivant l'opinion de 'Van Beneden et Boveri, par les parties étirées des demi- bâtonnets qui se séparent. Mais on n'y peut songer. Il suffit de jeter les yeux sur nos deux figures pour voir que c'est le même fuseau des deux côtés. Ensuite, les filaments qui sont entre les couronnes et ceux qui sont au-delà et aboutissent aux pôles dans la fig. 31, sont identiques d'aspect et d'épaisseur, ils sont identiques aussi à ceux de la fig. 32. Comment con- cevoir que des parties étirées de force puissent produire un fuseau réunis- sant aussi régulier, à filaments tous les mêmes, sans qu'aucun ne se brise et, en outre, absolument semblables à ceux du premier fuseau? Comment concevoir, au surplus, que les parties étirées de bâtonnets, ou plutôt de granules aussi ténus que ceux des couronnes polaires de la fig. 31, puissent fournir le fuseau intermédiaire, alors que celui-ci représente une masse plus volumineuse que les granules eux-mêmes, et que, d'ailleurs, ces derniers ne diminuent nullement de volume durant leur trajet jusqu'aux pôles? Cela est impossible. Ces figures nous paraissent prouver à suffisance que les demi-bâtonnets cheminent simplement sur les filaments de l'ancien fuseau, et que, par con- séquent, les filaments réunissants ne sont que les filaments de ce dernier, visibles à l'équateur après le départ de l'élément nucléinien. Nous ne pou- vons donc admettre l'existence des filaments remorqueurs dans le fuseau de ces figures. Et combien nombreuses sont les figures semblables qui se rencontrent chez les animaux et les végétaux ! Telles, toutes celles qui ont été désignées dans la Cytodiérèse sous le nom de couronnes pleines à bâtonnets droits, courts et ténus. Pourquoi en serait-il autrement dans les figures où les élé- LA FÉCONDATION CHEZ l' ASCARIS MEGALOCEPHALA 135 ments nucléiniens sont volumineux et forment des anses accentuées, comme dans les deux premières segmentations de V Ascaris, par exemple? On ne le voit pas trop. Nous avons dit, il est vrai que, assez souvent, le fuseau connectif diffère notablement du faisceau primitif: il est moins fourni; ses filaments sont plus irréguliers et comme en voie de désagrégation. Il ne semble pas irra- tionnel d'admettre que des bâtonnets volumineux et très allongés en se retirant vers les pôles dérangent et brisent des filaments aussi délicats que ceux du fuseau. Lorsqu'ils sont courts et trapus, les filaments connectifs sont en général plus nombreux et mieux conserves : témoins notre fig. 31, Pl. I, dan^'s laquelle le fuseau est aussi fourni que celui d'une couronne équato- riale, fig. 24. Nous avons apppelé l'attention sur cette particularité dans notre description. Une autre raison à alléguer, et qui est peut-être la principale, c'est la précocité de la disparition du fuseau dans les premières segmentations, et la rapidité avec laquelle elle s'effectue. Le fuseau s'eff-ace, en général, avant les asters et même avant le centrosorae. On peut s'en convaincre en exami- nant les fig. 9 à 14, Pl IL Une seule, la fig. 10 a conservé encore son fuseau; sur toutes les autres il a disparu. Parfois les couronnes polaires sont à peine formées, qu'il est remplacé par un réseau ordinaire, fig. 9, il, 12. Cette transformation se marque d'abord à la partie cquatoriale inter- posée aux couronnes polaires. Le plus souvent, au stade des fig. 9 et 11, elle est envahie par une quantité de granules, au milieu desquels on aper- çoit des tronçons de filaments, ou des trabécules dirigées dans divers sens. Celles-ci s'accentuent de plus en plus et la masse tout entière est transfor- mée en réseau, identique à celui du cytoplasme extérieur, fig. 9 et 12. Les phénomènes s'exécutent semblablement à la seconde cmèse, fig. 27 et 30. On voit sur toutes ces figures la manière dont progresse la formation du réseau de la partie médiane du fuseau connectif vers les couronnes, qui sont envahies peu à peu, fig. 9, il et 12. C'est alors, habituellement, qu'apparaît la membrane du nouveau noyau, fig. 13, 14. La portion du fuseau qui est laissée en dehors du noyau, du côté du centrosome, se trans- forme à son tour avec l'aster qui l'environne, fig. 27 et 30. Lorsque 1 aster disparait tôt, comme dans les fig. 12, la portion polaire du fuseau est deja remplacée par le réseau avant l'apparition de la membrane nucléaire. De cette description, nous pouvons tirer les conclusions suivantes : l36 J. B. CARNOY et H. LEBRUN Le fuseau commence déjà à se modifier et à s'effacer pendant le retour vers les pôles. Il n'est donc pas étonnant qu'il soit généralement peu fourni au stade des couronnes polaires, ni que ses filaments soient moins fermes, plus on- dulés et granuleux que ceux du fuseau au stade équatorial. Le fuseau cinétique disparaît totalement comme tel, sans laisser de résidu figuré, analogue à ceux qu'on remarque dans diverses cellules, dans les spermatocytes en particulier. Il est remplacé par un réseau identique à celui du cytoplasme environ- nant. § VI. Reconstitution des noyaux, i" Reformation des noyaux. r II est certain, dit E. Van Beneden(i;, à propos du bivalens, que le « noyau se reconstitue exclusivement aux dépens des éléments chromatiques « du dyaster, qui s'imbibent à la façon d'une éponge; aucune portion du « corps protoplasmatique de la cellule n'intervient directement dans la réé- " dification du noyau, y Herla(2) est du même avis concernant Vunivalens. BovERi tient le même langage^) : ^ en dehors des éléments chroma- " tiques aucun élément figuré de la cellule n'est enrobé dans le noyau. -^ Nous regrettons d'être, ici encore, en contraction avec nos devanciers. Les noyaux se reconstituent de la façon qui a été décrite tant de fois dans la Cytodiérèse des arthropodes et des nématodes : Une portion no- table de protoplasme est enrobée dans le jeune noyau par la nouvelle mem- brane nucléaire. 1° Ce fait fondamental est surtout frappant chez Y Ascaris univalens, à cause du petit nombre de ses bâtonnets et de leur écartement qui est no- table. Pour ce double motif, il est aisé devoir la large plage de caryoplasme au sein du nouveau noyau, au moment où sa membrane s'élabore, fig. 13 et 14. Ces figures sont absolument démonstratives. La membrane vient de s'élaborer ; elle est encore granuleuse comme une plaque cellulaire récente. (i) Van Beneden et Neyt : 1. c , p 259. (2) Herla ; 1. c, 445. (3) BovERi : 1. c, p. i38. LA FÉCONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 137 On voit qu'elle s'établit dans le protoplasme en dehors des bâtonnets nucléi- niens, et qu'elle est tout à fait indépendante de ces derniers. Seulement elle contourne les groupements binaires, de façon que le nouveau noyau est bilo- bulé dès son origine. Nous disons bilobulé : car, typiquement, ces lobules sont au nombre de deux chez Yunivalens; ils correspondent aux bouts des deux groupements binaires, qui sont tournés vers l'équateur; du côté du pôle ou de l'aster, la membrane s'établit circulairement et d'une manière régulière. Les fig. 15 et 16, en haut, sont typiques pour cet objet. Il y a sans doute des irrégularités qui se produisent. Ainsi, dans la fig. 13, il n'y qu'une corne au noyau supérieur, tandis qu'il y en a deux dans celui d'en bas, mais qui sont obliques. Rarement, on en voit trois ou quatre; parfois aussi les noyaux en sont dépourvus. A partir de la seconde ou delà troisième cinêse, les lobes deviennent plus rares, ou sont beaucoup moins marqués. Le nom- bre de protubérances dépend uniquement de la disposition des bâtonnets à cette période, position qui n'est pas toujours typique. Ainsi dans la fig. 13, en bas, il y a un bâtonnet aberrant au sommet du noyau, et qui a donné naissance à une corne, tandis que le groupe binaire de droite, un peu rentré en dedans, n'y a pas donné lieu. Mais ce sont là des exceptions, peu nombreuses d'ailleurs. Cette description diffère totalement de celle de Herla. Pour cet auteur le noyau qui se reconstitue porte normalement quatre cornes correspondant aux quatre bouts des deux anses de la couronne. Il n'en est rien. Ce chiffre est tout à fait exceptionnel et anormal. Herla semble d'ailleurs en être convaincu, car, un peu plus loin, il dit expressément ; ^ 'Le plus souvent les noyaux au repos, au lieu d'être pourvus de quatre digitations correspondant aux quatre bouts des anses ne possèdent que deux prolongements. - C'est donc plutôt ce chiffre qui devrait être considéré comme normal. S'il existait un prolongement correspondant â chaque bout, il devrait y en avoir non pas quatre, mais huit, puisqu'il y a toujours en réalité (i) quatre bâtonnets avant la reconstitution du noyau. Le fait est que les cornes ne correspon- dent pas â un bout d'anse et ne représentent pas un chromosome. Elles correspondent normalement à un groupe binaire de bâtonnets, et renferment deux chromosomes distincts provenant de deux anses primitives différentes. C'est tout autre chose. Pour expliquer la réduction des digitations de quatre â deux, Herla admet que deux des quatre extrémités des anses rentreraient dans la portion (i) Herla n'admet que deux anses parce qu'il n'a pas observé leur scission transversale dans la couronne polaire. l38 J B. CARNOY et H LEBRUN centrale du noyau. Cette supposition est contraire à l'observation, car les bâtonnets restent en place dans les cornes ; le restant du noyau en est dé- pourvu. Herla fait remarquer lui-même, p. 445, que les digitations parais- sent plus riches en chromatine que la partie centrale et que, dans celle-ci, il lui a toujours été impossible de retrouver la limite entre les chromoso- mes. Mais il attribue ce fait au gonflement qui est plus marqué dans la partie médiane des chromosomes et qui a pour effet de la transformer plus vite en réseau chromatique central. Tout cela doit s'expliquer autrement. Car l'élément nucléinien est localisé dans les cornes. Celles-ci, non seule- ment sont plus riches en nucléine, mais sont seules à en posséder. Si on ne peut distinguer la limite des chromosomes dans la partie centrale, ce n'est pas pour la raison qu'il allègue, mais bien parce que les chromosomes n'y existent pas; le prétendu réticulum chromatique central, dont parle Herla, n'est en effet autre chose que notre caryoplasme réticulé. Dans les deux cor- nes de safig. 28, l'auteur représente deux bâtonnets, qu'il considère comme la portion terminale des anses, lesquelles ne gagneraient pas aussi rapidement que la portion centrale l'aspect réticulé du noyau au repos. Ces prétendues portions terminales constituent en réalité l'élément nucléinien tout entier; le restant c'est la partie caryoplasmatique. 2° On constate des phénomènes semblables chez le bivalens. La mem- brane nucléaire s'y forme de la même manière et le jeune noyau, dès son début, possède un caryoplasme bien marqué, fig. 33. On y voit aussi un certain nombre de protubérances, mais ce nombre est très variable. Si les groupes binaires de bâtonnets pouvaient se former aussi régulièrement que dans Viiuivaleus, le nombre typique des cornes se- rait de quatre. Mais nous avons vu que déjà, dans cette dernière variété, les bâtonnets, quoique de moitié moins nombreux, étaient sujets à des dé- rangements. Il n'est donc pas étonnant que le nombre de digitations soit plus changeant encore dans le bivalens. On en compte souvent 4 ou 3 ; par- fois deux seulement, mais aussi 5 ou 6. Ce nombre dépend de la position et de l'état des groupes de bâtonnets au moment où la membrane s'élabore. 2° Noyaux aux repos. Étudions maintenant les changements qui surviennent dans l'élément nucléinien du jeune noyau jusqu'au moment où il entrera en cinèse. Ces changements ont été décrits différemment par Van Beneden et Herla et par Boveri. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 1 SQ D'après les deux premiers de ces observateurs, les anses des couronnes polaires, au nombre de 4 ou de 2, suivant la variété, se gonflent en gros boyaux dans lesquels la chromatine se distribue en fin réticulum granuleux; puis les 4 boyaux volumineux se touchent et s'accolent pour former le noyau au repos. BovERi envisage les choses autrement. Les éléments chromatiques des couronnes envoient latéralement des prolongements déliés qui se réunissent en s'anastomosant pour former le réticulum chromatique, ou „ Geriist", du noyau quiescent. Dès que les éléments chromatiques commencent à se transformer, ils soutirent du liquide au cytoplasme et l'accumulent autour d'eux; de là, la " Kernsaft „ qui remplit tout le noyau. Nos prédécesseurs versent dans une erreur commune : la négation im- plicite ou explicite d'un caryoplasme organisé, en dehors de l'élément nu- clcinicn; le réseau plastinien n'existant pas pour eux, ils ont fait de tout ce qu'ils voyaient à l'intérieur du noyau un réseau chromatique. Ainsi, les prétendus prolongements que Boveri dit émaner des bâtonnets nucléiniens pour former le réticulum chromatique, ou Geriist, ne sont nullement une dépendance de ces bâtonnets ; ce sont simplement les trabécules de notre réseau caryoplasmique, au milieu desquelles ils sont plongés. Nous avons vu plus haut, qu'HERLA avait fait la même confusion. Van Beneden l'a faite également ; le réseau chromatique qui dériverait de la masse centrale des couronnes, n'est rien de plus que notre réseau plastinien. En outre, ils ont fait usage de réactifs qui détériorent les bâtonnets en les gonflant et en les désagrégeant. On peut s'assurer par l'inspection de toutes nos figures, qui sont au stade qui nous occupe, que les bâtonnets restent absolument tels qu'ils étaient dans la couronne débutante. Jamais nous ne les avons vu se gonfler, se vacuoliser, ni se transformer en ces masses spongieuses dont parlent V.an Beneden et Herla, et que plusieurs auteurs ont décrites aussi chez d'autres animaux. Ces masses vacuolisées sont certainement dues â l'action des réactifs employés, ainsi que l'a soup- çonné Flemming. Lorsque les bâtonnets sont bien fixés par des réactifs qui ne mettent pas en jeu le pouvoir osmotique des composés nucléiniens, on ne trouve rien de semblable. Chez Vunipalens, par exemple, nous n'avons pas rencontré une seule fois les figures 27, 29 et 30 de Herla, sa figure 28 est seule fidèle en ce qui concerne l'élément nucléinicn. On conçoit, au sur- plus, que lorsque cette vacuolisation et le gonflement qui en résulte se pro- duisent, le caryoplasme soit envahi et devienne indistinct. 140 J. B. CARNOY et H. LEBRUN Enfin, le lecteur sait que la partie centrale des anses de la couronne et, par conséquent, de la couronne elle-même n'existe plus; les anses se sont coupées et séparées en leur milieu; le centre est donc libre d'élément nucléi- nien, fig. lO et 12, Pl. II. La partie centrale des couronnes n'a donc pu se transformer en réseau chromatique, comme le soutiennent Van Beneden et Herla. Les choses se passent beaucoup plus simplement et, surtout, plus cy- tologiquement. Nous avons établi que chaque protubérance du noyau, après l'élabo- ration de la membrane, renfermait deux bâtonnets plus ou moins paral- lèles, FIG. 15, Pl. II; tout le reste du noyau étant occupé par le caryoplasme réticulé. Les modifications du noyau pendant son repos consistent seulement dans quelques changements de forme de l'élément nucléinien. D'abord, les bâtonnets des cornes s'allongent et pénètrent plus avant dans le caryoplasme, FIG. 16, Pl. II, FIG. 33 et 34, Pl. I. Ce faisant, ils s'atténuent et prennent souvent un aspect granuleux ; en même temps qu'ils décrivent des sinuosités, souvent très nombreuses, et se croisent ça et là. Ils finissent ainsi par en- vahir une portion plus ou moins notable du caryoplasme, voir même sa totalité 16, 18. 21, Pl. II, fig. 34 à 36, Pl. I. Pendant ce développement, les extrémités extérieures des bâtonnets restent engagées le plus souvent dans les cornes, comme elles l'étaient primitivement. Ce fait est surtout patent chez Yitnivalens, fig. 16 à 19, etc. mais on peut le constater aussi sur l'autre variété, fig. 34, 36. Chez le bivalens tout le caryoplasme est bientôt parcouru par des fila- ments granuleux et ténus, qui se croisent en tous sens, mais sans s'anasto- moser ni former de réseau, fig. 35; ils conservent toujours leur indépen- dance. On voit aussi dans Vunivalens des noyaux encore jeunes qui sont parcourus en tous sens par des filaments sinueux. Cependant, assez sou- vent, ces filaments se localisent à la base des cornes, en laissant libre une portion plus ou moins étendue du caryoplasme; en effet, à tous les stades de développement jusqu'au moment de la cinèse, on trouve les images des fig. 16 et 18 : cellules d'en haut, et fig. 17. Il est bien plus facile encore de constater dans cette variété que les filaments restent indépendants et ne forment jamais de réseau, comme l'ont prétendu les auteurs précités. Les bâtonnets primitifs peuvent cependant contracter des rapports entre eux : à une époque que l'on ne peut fixer, ils arrivent à se souder bout-à-bout. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA I4I Notons d'abord qu'il y a toujours au moins une soudure qui se fait. Car, au moment de la cinèse qui viendra, au lieu de 4 ou de 8 bâtonnets, il n'y en aura plus que 2 ou 4, suivant que l'on considère Vuiiivalens ou le bivaleus. Mais il s'en fait parfois plusieurs. En effet, nous avons constaté à di- verses reprises, et cela dans les deux variétés, l'existence d'un boyau unique à l'intérieur du noyau : fig. 21, 22 en haut, Pl. II; fig. 37, Pl. I. Dans Yiitiivalens, la continuité du filament n'est pas très difficile à suivre; ainsi, sur les FIG. 21 et 22 il était aisé de s'assurer qu'il n'y avait que deux bouts libres. Herla et "Van Beneden n'ont pu constater ce fait; Boveri le nie, bien à tort, en soutenant que les anses primitives des couronnes polaires restent indépendantes dans le noyau au repos. Chez le bivaleus, au lieu d'un cordon on en trouve parfois deux, fig. 38, à gauche (1). Van Beneden voit dans l'existence de ces deux cordons un fait général (2), et il croit que ces cordons existent déjà comme tels dans le noyau au repos depuis sa reformation ; nous savons par ce qui précède que cette double assertion est erronée. Il serait intéressant de savoir comment, c'est-à-dire entre quels éléments ces attaches s'établissent. Les faits que l'on peut observer chez Vunivalens sont peut-être de nature à nous éclairer sur ce point. Il y a dans cette variété deux paires de bâtonnets libres, une paire dans chaque corne, et, pendant qu'ils s'allongent et se répandent dans le caryoplasme, leurs extrémités restent constamment engagées dans la protubérance jusqu'à la cinèse. C'est là un fait frappant, qui se manifeste sur tous les noyaux typiques, c'est-à-dire qui ont deux lobes bien marqués. Or, au moment où la cinèse se déclare, chaque corne renferme une des deux anses de division, fig. 17, 18, 19 en haut, 22, 24, 25. Il faut conclure de là que les deux bâtonnets primitivement libres de la corne se sont soudés ensemble; ce qui revient à dire que l'anse de la nouvelle division renferme une moitié paternelle et une moitié maternelle. Cette union se fait le plus souvent par les bouts qui se sont allongés et répandus dans le caryoplasme; en effet, les bouts libres de l'anse sont au sommet de la corne, fig. 18 et 19, en haut, fig. 24 et 25, en bas. (i) Les deux bouts équivoques qui se trouvent à gauche n'étaient ni dans le dessin, ni dans la gravure, le pont très pâle qui les reliait n'a pas pris à l'impression; on ne doii tenir compte que des deux bouts du haut et des deux bouts du bas de la figure. (2) Van Beneden et Neyt : 1. c, p. 260. 18 142 J. B. CARNOY et H. LEBRUN D'autres fois, cependant, ce sont ces derniers qui se sont soudés, et les bouts internes qui sont restés libres, fig. 17, 18 en bas, 22. Nous croyons que le premier cas est plus fréquent, plus normal; car, par ce procédé, les anses, lors de la formation du fuseau, sont dans la position qu'elles doivent occuper dans la couronne équatoriale, c'est-à-dire qu'elles ont la courbure en dedans et les bouts libres en dehors. Lorsque les quatres bâtonnets des cornes se sont fusionnés en un boyau unique, comme dans les fig. 21, 22 en haut, on peut admettre que les deux anses, qui s'en détacheront bientôt, auront la même constitution; la scission du peloton se faisant de façon à ce que la portion engagée dans chaque corne constitue une anse : comme cela aurait eu lieu, par exemple, dans les cellules inférieures des fig. 18 et 22, si elles avaient renfermé un boyau unique. Rien ne s'oppose donc à ce que l'on considère, ici également, les anses de division comme représentant les deux bâtonnets primitifs d'une corne ; elles seraient donc aussi d'origine paternelle et maternelle à la fois. il est beaucoup plus difficile de s'orienter chez le bii'alens. Cependant, lorsque les cornes sont bien évidentes, on peut constater, au moment de la cinèse, qu'il y a assez souvent deux bouts libres au sommet de la corne et que ces bouts appartiennent à une anse de division, fig. 39 a\ les deux bâ- tonnets primitifs des cornes, fig. 33 et 34, se seraient donc unis simplement, comme dans Vunivalens, par leurs bouts internes. Des images comme celle de la fig. 38, à droite, où les 4 anses de division se sont dessinées également, il est impossible de rien conclure ; ce n'est que par analogie avec d'autres figures, et surtout avec celles de Yunivaleiis, qu'on peut ad- mettre que les anses de division sont, ici aussi, de nature mixte. Ainsi, en résumé, chaque paire de bâtonnets issus de la cinèse précé- dente donne naissance à une anse nouvelle, formée de deux moitiés qui ont appartenu â des anses différentes dans la cinèse antérieure. A la pre- mière segmentation, une des anses était tout entière paternelle et l'autre maternelle. A la seconde segmentation les anses sont, au contraire, de nature mixte, c'est-à-dire formées d'une moitié paternelle et d'une moitié maternelle. A la fin de la seconde segmentation, il se forme encore deux paires de bâtonnets, fig. 27 et 30, Pl. II. Ceux-ci sont-ils encore, l'un paternel et l'autre maternel dans chaque paire? Les deux anses qui ont participé à la seconde division étaient mixtes. Il se pourrait qu'après s'être croisées dans la couronne polaire, fig. 26, leurs portions maternelles et paternelles LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 143 vinssent à se trouver ensemble, respectivement, pour donner naissance à deux groupes de même nature. Et, dans ce cas, les anses qui prendraient part à la division suivante seraient tout entières, l'une paternelle et l'autre maternelle. Mais alors, on le voit, nous retombons dans les conditions de la première segmentation et, à la cinèse qui suivra, les groupes binaires redeviendront nécessairement mixtes. De toute manière, nous sommes donc obligés d'admettre que l'élément nucléinien, devenu mixte à la première segmentation, continue de l'être, à parler d'une manière générale, et fonc- tionne comme tel dans les segmentations suivantes. Après cet exposé, nous pouvons nous dispenser d'insister sur l'opinion de BovERi et d'autres auteurs qui admettent l'indépendance permanente ou l'autonomie des chromosomes. Ce sont, dit BovERifi), en parlant du bivalens, les mêmes chromosomes que ceux de la couronne polaire précé- dente qui prennent part à la seconde segmentation; il y en a deux pater- nels e\ deux maternels encore. Ces éléments conservent donc leur indivi- dualité à travers les divisions. On vient de dire que les chromosomes se sont scindés en deux à la première segmentation. Les 8 bâtonnets qui en résultent se réunissent deux à deux pour former les 4 anses mixtes de la division suivante. En supposant que ce phénomène ne se fasse pas aussi régulièrement que chez Viinipalens, parce que les bâtonnets se mélangeraient plus facilement, il faudrait encore admettre qu'ils donnent naissance à des anses de diverse nature en se réunissant pêle-mêle bout-à-bout. Nous avons dit aussi que les quatre anses des couronnes polaires pouvaient se souder pour former deux cor- dons, voire même un seul peloton avant la cinèse suivante. Un mot, pour finir, sur la fig. 39, b. Cette image est fréquente au début de la troisième segmentation, lorsque la membrane nucléaire a disparu. Aussi , a-t-elle été signalée par Boveri et Van Beneden , avec certaines variantes. Cette figure s'explique aisément en la rapprochant de la fig. 39, a, que nous connaissons. Il suffit que les deux anses qui ont leurs extrémités engagées dans les cornes s'ouvrent, et que les deux anses du milieu se recti- fient un peu pour obtenir la fig. 39, b. Ces images se rencontrent assez souvent, mais on en trouve beaucoup d'autres également ; le noyau de la fig. 38, à droite, aurait donné une autre image. La position relative des anses dans la figure, au stade qui précède la couronne équatoriale, dépend de leur ordonnance à l'intérieur du noyau. (i) Boveri : L. c, p. 154. 144 J- B. CARNOY et H. LEBRUN CHAPITRE V. Nucléoles et corpuscules. 1° Propriétés des nucléoles et des corpuscules. Les nucléoles et les corpuscules ont beaucoup de propriétés communes. Leur constitution chimique paraît assez semblable. Jusqu'ici on n'avait pas constaté la présence de nucléo-albumines dans les nucléoles plasmatiques; mais leur manière de se comporter vis-à-vis de l'hématoxyline ferrique nous a permis d'affirmer qu'ils contiennent une de ces substances; ils se colorent, en effet, en noir par ce réactif. C'est ainsi, du moins que se sont comportés tous les nucléoles que nous avons étudiés récemment chez les liliacées, les narcissées, les orchidées, etc., ainsi que chez divers animaux. Ils se con- duisent donc comme les corpuscules. La fuchsine acide, la safranine, l'orange, etc., sont absorbés par ces deux sortes de corps, plus ou moins fortement; l'hématoxyline ordinaire ne l'est presque pas; le vert de méthyle moins encore. Sous l'influence des doubles ou triples colorants employés habi- tuellement, ils se colorent aussi semblablement et d'une autre teinte que l'élément nucléinien. On sait que la constitution organique apparente des nucléoles, quoique assez uniforme, n'est cependant par la même partout. Ici, ce sont des sphé- rules homogènes ou légèrement granuleuses; là, ce sont des corps hétéro- gènes, c'est-à-dire formés de plusieurs parties distinctes. On y distingue une portion périphérique, ou enveloppe, et un globule central, connu de- puis longtemps sous le nom de nucléolule; parfois, celui-ci renferme encore une petite sphérule à son intérieur. Généralement, le nucléolule se colore plus facilement et plus intensément que le reste du nucléole. Les quelques recherches que nous avons faites sur ces nucléoles composés, chez les Alliiim et quelques orchidées, nous ont montré que l'hématoxyline ferrique teignait plus fortement le nucléolule, et que celui-ci résistait beaucoup plus longtemps à la décoloration. Les corpuscules se présentent aussi sous deux aspects. Le plus sou- vent ils paraissent homogènes, mais parfois on y trouve un nodule central, manière de nucléolule, qui se colore aussi plus facilement. On a signalé également dans ces corps une ou plusieurs sphérules claires, sortes de vacuoles. On en trouve de semblables au sein des nucléoles. Ces vacuoles sont le plus souvent artificielles, mais elles se voient aussi, çà et là, sur des LA FÉCONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 145 nucléoles vivants ; ce sont des enclaves accidentelles qui ne font pas partie de la constitution organique de ces corps (i). Nous venons de dire que le nucléolule se colorait plus fortement que son enveloppe, sans doute parce qu'il est plus riche en nucléo albumine. C'est à cause de cette affinité plus grande pour les colorants, que Lavdowski considère le nucléolule comme étant le vrai centrosome, la seule partie ac- tive dans la division, la partie périphérique s'émiettant pour être résorbée. Les observations de ce savant demandent à être confirmées et étendues à d'autres objets, avant qu'on puisse en tirer une conclusion certaine. D'au- tant plus que, d'après les auteurs, les centrosomes constitués d'une partie périphérique et d'un nodule central, celui que Brauer dessine dans les spermatocytes de l'Ascaris, par exemple, participeraient tout entiers à la division, tout aussi bien que les corpuscules homogènes qu'on rencontre ailleurs. 2° Entrée en actiinte du nucléole. Chez V Ascaris, le nucléole se met en mouvement en vue de la division, de bonne heure, avant la résolution de la membrane nucléaire (2). Brauer, sur les spermatocytes de VAscaris, et Lavdowski, sur des cel- lules végétales, ont constaté également la sortie du corpuscule, alors que la membrane nucléaire était encore intacte. Karsten a vu, chez le Psilotum, le nucléole se mettre en mouvement pour venir se blottir contre la mem- brane et s'échapper dans le cytoplasme, au moment où cette membrane se résorbe. Dans son étude sur la division des ovogonies de VAscaris, von Wasilewsky affirme qu'on ne peut plus trouver de nucléoles dans le noyau lorsque la membrane de ce dernier commence à s'effacer. Beaucoup de bo- tanistes ont décrit la disparition du nucléole ou sa fragmentation dans les noyaux encore intacts, dès le début du stade peloton. Strasburger vient d'insister spécialement sur la précocité de cette disparition. Nous pouvons ajouter que, d'après nos préparations récentes faites à l'aide de l'hématoxy- line au fer, le nucléole entre en mouvement et se dissout entièrement, avant que la membrane nucléaire disparaisse, sur plusieurs endospermes végétaux. On a fait des constatations semblables sur les animaux et, bien que 11) Voir plus haut, p. iio, ce qui a été dit de l'opinion de v. Erlanger et de Bùtschli sur la prétendue structure alvéolaire de ces corps. {z) L'opinion contraire de Boveri repose sur des observations fautives; voir plus haut, p io5. 146 J B. CARNOY et H. LEBRUN plusieurs observateurs aient négligé de préciser le moment de la disparition du nucléole, beaucoup d'entre eux l'ont placé au stade peloton. Ces faits sufîfisent pour affirmer que ce corps est un des premiers à entrer en activité lors de la cinèse. Nous avons tenu à constater ce fait, qui est important, pour justifier le rôle que nous avons attribué au nucléole chez l'Ascaris : il est, avons-nous dit, le primiim movens da la division. 3° Manière d'être du nucléole pendant la cinèse. Les observations des auteurs sur ce point sont extrêmement discor- dantes. Nous ne pouvons discuter ici toutes les opinions; contentons-nous de rappeler quelques faits qui nous intéressent davantage et qui sont suffi- samment établis. Les nucléoles émigrent ou n'émigrent pas, ils se fragmentent ou ne se fragmentent pas, ils se dissolvent à des moments très différents et à des en- droits différents. a) O. Hertwig, nous le savons, a admis la fragmentation du nucléole dans les spermatocytes de r^5Cd'775; mais, pour nous, cette fragmentation est fort douteuse(i). Néanmoins, ce phénomène existe. Plusieurs botanistes l'ont constaté d'une manière certaine soit à l'intérieur du noyau, soit dans le C37toplasme après la résolution de la membrane nucléaire. A la suite des nouvelles recherches qu'il a faites récemment à ce sujet, Strasburger (2) est très affirmatif en ce qui concerne les Galanthus et les Leucoium. Les observations de Zimmermann sur divers objets sont également démonstra- tives. Ce fait ne peut être révoqué en doute. b) Il est bien certain aussi que les nucléoles n'émigrent pas toujours du noyau. Ils peuvent se dissoudre intégralement sur place soit directe- ment, soit après s'être désagrégés en fragments, et cela avant même que la membrane nucléaire ne disparaisse. Cette dissolution précoce des nucléoles vient d'être constatée à nouveau, à la suite de recherches faites ex professa à ce sujet, par Strasburger sur les cellules-mères des grains de pollen des Liliuin et Fritillaria, ainsi que sur le sac embryonnaire de ces plantes. Les préparations que Meunier a bien voulu faire, à notre demande, sur les en- dospermes végétaux, en particulier sur celui du Colchicum autumnale, àVaide de rhématox3'line ferrique, sont également des plus démonstratives à cet égard. Chez le colchique, tous les nucléoles sont dissous en totalité avant le (1) \'oir plus haut, p. 75. (2) Strasburger : Karyokin. Problème: Jahrb, f. wiss. Bot,, B. 28. iSgS. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 147 disparition de la membrane nucléaire; aussi, est-il impossible d'apercevoir la moindre trace d'un de ces corps dans le cytoplasme en division. Divers botanistes ont également constaté la dissolution des nucléoles ou de leurs fragments, lorsqu'ils persistent plus longtemps et arrivent dans le proto- plasme. Cette dissolution peut se faire au début de la division, immédiate- ment après la résolution de la membrane nucléaire, ou plus tard, voire même à la fin de la cinèse seulement. Ces faits nous paraissent aussi certains. Il faut donc bien admettre que les nucléoles sont loin de se comporter tous de la même façon durant la cinèse. c) Néanmoins, tôt ou tard, ils subissent le même sort : ils se dissol- vent intégralement. Telle est l'opinion commune des botanistes ; telle est aussi celle de la majorité des zoologistes. Cependant, parmi les botanistes, Zimmermann (i) et Karsten (2) ont récemment fait entendre une voix discordante. D'après le premier de ces savants, les fragments nucléolaires formés dans le noyau seraient rejetés dans le cytoplasme, et là, au lieu de se dissoudre, ils se maintiendraient et seraient repris par les jeunes no)'aux pour reconstituer leurs nouveaux nuclé- oles. Karsten admet que le nucléole intégral du Psilolum triquetnun, après avoir servi de centrosome dans la division (3), est réintégré dans les noyaux nouveaux. D'après ces auteurs, le nucléole serait donc un élément perma- nent, se transmettant de division en division : ce qui a donné lieu à l'adage : oinnis nucleolus e nucleolo. Cette opinion a été combattue aussitôt avec succès par Humphrey, Guignard, Belajeff et Strasburger(4). r, Dans nombre de cas dûment ob- servés, conclut Guignard, les nucléoles disparaissent par résorption totale au cours de la caryocinèse -^ . Quelques zoologistes, à la suite de O. Hertwig(5), ont aussi admis la rentrée du nucléole-corpuscule dans le noyau. Pour Hertwig, en effet, ce corps est un élément permanent, qui est logé dans le noyau au repos et en sort au début de chaque division, pour y rentrer ensuite. Brauer a accepté ces idées, seulement il regarde le centrosome comme distinct du nucléole. Quant à JuLiN, il est également partisan de la réintégration du nucléole, mais il (1) Zimmermann : Beitràge j. Phys. d. Pflaii^cnjelle; B. II, iSg3. (2) Kaesten : Die Be:;ie/iii):gC)i dcr Niuieolei! pi den Ccntrosomcii bci Psilotiim triquetrum; Ber. d. deutsch. bot. Ges., XI, iSg^. (3) Voir plus loin, p. 149. (4) Voir Strasburger : 1. c. (5) O. Hertwig ; La Cellule, etc., p. 55. 148 J B. CARNOY et H LEBRUN n'admet pas qu'il soit un organe permanent; il est résorbé après sa rentrée dans le noyau et remplacé par un élément nouveau. Nous ne pouvons admettre cette réintégration du nucléole-corpuscule dans le noyau, pas plus chez les animaux que chez les végétaux. Elle n'est qu'apparente. Nous avons vu que, chez V Ascaris, les nouveaux nucléoles se refor- maient très tôt dans la couronne, avant même que la nouvelle membrane nucléaire ne fût élaborée, et qu'ils sont déjà volumineux lorsque celle-ci s'est établie, fig, 13 et 14, Pl. II. D'un autre côté, les centrosomes des asters commencent à disparaître à la même étape. C'est cette coïncidence qui a induit les observateurs en erreur, et qui les a portés à admettre que les corpuscules émigraient vers les nouveaux noyaux à la fin de la cinèse. En réalité, aucun lien n'existe entre la disparition des corpuscules anciens et l'apparition des nucléoles nouveaux dans les noyaux récents : les pre- miers se sont dissous; les seconds sont de formation nouvelle. Chez les végétaux, la formation des nouveaux nucléoles est également très précoce. Ce fait a déjà été constaté par maints observateurs, et les recherches récentes qui ont été faites à ce sujet, dans notre institut, sur les endospermes végétaux nous autorisent à affirmer qu'elle est presque aussi prompte que chez ï Ascaris, et qu'elle se fait semblablement. Nous nous réservons de publier plus tard, s'il y a lieu, les résultats de ces recherches. Pour le moment, qu'il nous suffise d'affirmer que nous n'avons pu découvrir le moindre indice du passage des nucléoles anciens dans les noyaux nouveaux; ils finissent toujours par disparaître dans le cy- toplasme, parfois assez tardivement, il est vrai. Nos observations sur les végétaux ne font que confirmer celles des sa- vants qui ont combattu l'opinion de Zimmermann et de Karsten. 4° Rôle des nucléoles. Nous admettons donc que les nucléoles plasmatiques se dissolvent et disparaissent à chaque cinèse : soit à l'intérieur du noyau, soit dans le cyto- plasme; soit directement, soit après avoir subi la fragmentation. S'il en est ainsi, on peut se demander s'ils ont un rôle à jouer dans la division. Cette question a été agitée depuis longtemps par les observateurs, sans qu'ils soient parvenus à se mettre d'accord. a) La plupart des auteurs sont d'avis que les nucléoles disparaissent sans jouer un rôle spécial dans la division, ou bien ils se contentent d'avouer qu'ils ne connaissent leur destinée. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 149 b) Flemming, Wendt et d'autres auteurs pensent que la substance des nucléoles est absorbée par les éléments chromatiques, parce que ceux-ci deviennent safranophiles quand les nucléoles ont disparu, de cyanophiles qu'ils étaient auparavant. Wendt admet, en outre, que la substance nuclé- olaire sort des chromosomes après la division, pour former les nucléoles des noyaux-filles, et que c'est pour cette raison que les chromosonies rede- viennent cyanophiles. Hertwig soutient également que certains fragments nucléolaires sont incorporés comme tels par les chromosomes, tandis que d'autres formeraient le centrosome. Inutile de dire que les colorants sont impuissants à nous éclairer sur ce point ; la teinte des chromosomes peut varier pendant la division pour bien d'autres raisons que celle alléguée par ces auteurs. Ensuite il est bien pos- sible, lorsque les nucléoles se dissolvent à l'intérieur du noyau, ce qui se voit, avons-nous dit, qu'une partie de la substance dissoute pénètre dans les chromosomes comme dans tous les autres éléments nucléaires. Mais cela ne prouve nullement qu'ils n'aient un autre rôle plus important à remplir. Boveri et Herla, ainsi que plusieurs autres observateurs ont déjà combattu cette opinion (i). c) Strasburger croit, au contraire, que ce sont les éléments achro- matiques : filaments du fuseau, plaque cellulaire, nouvelle membrane nu- cléaire qui profitent de la substance nucléolaire et s'en accroissent. C'est là une hypothèse qui demanderait à être justifiée. d) Enfin, plus récemment, plusieurs observateurs ont pensé que les nucléoles pourraient bien fournir les corpuscules de division, après leur sortie du noyau. Déjà en 1888, Bolles-Lee(2) avait observé dans son étude sur les sper- matides de Sagitla la sortie du noyau, au moment de la division, d'un cor- puscule en tout semblable à un nucléole. O. Hertwig(3) est porté à considérer le nucléole des spermatocytes de \ Ascaris comme étant le point de départ du centrosome de division; il avoue cependant que ses études ne lui permettent pas d'émettre une opinion certaine à ce sujet. Karsten('4) est beaucoup plus affirmatif que O. Hertwig. Chez le (1) Voir ci-dessus, p. io5. (2) Bolles-Lee ; La spermatogénese clie^ les chétognathes ; La Cellule, t. IV, i, 1888. (3) o. Hertwig : La Cellule, etc., p. 194, p. 55, édit. franc. (4) Karsten : Die Be^iehungen der Nucleolen ^u den Centrosomen bci Psilotum triquctruin- Ber. d. deutsch. bot. Ces , XI, 1894. 19 150 J. B. CARNOY et H. LEBRUN Psilotiim triquetrum, les corpuscules proviennent certainement des nu- cléoles. Au moment de la cinèse, ceux-ci se rapprochent de la membrane nucléaire et passent dans le cytoplasme, en même temps que cette membrane se résorbe. Là, ils se rendent, sans doute, aux deux pôles du fuseau nucléaire pour y jouer le rôle de corpuscules. Lorsque leur nombre dépasse deux, il se réduit à ce chififre par fusion, ou par dissolution des nucléoles superflus. Dans sa communication préliminaire sur les glandes sexuelles de la Styelopsis grossularia, Julin (i) émet un avis semblable. D'après lui, en effet, le centrosome dérive du nucléole, qui lui-même se forme aux dépens d'une partie de la chromatine. Farmer(2) croit également que les nucléoles ne sont pas étrangers à la formation du corpuscule dans les divisions des cellules-mères poUiniques du Lilium martagon. De la coïncidence qu'il a remarquée entre l'apparition du centrosome et la disparition des nucléoles dans les cellules spermatiques du Bombyx mon', ToYAMA NoGAKUSHi (3) cst porté à admette, sans en être certain, l'origine nucléolaire du corpuscule. A la suite de son étude sur la division des ovogonies de V Ascaris mega- locephala, von Wasielewski (4) conclut si non à l'identité des nucléoles et des corpuscules, du moins à une relation très étroite entre ces corps, et il ajoute que les recherches ultérieures, exécutées avec d'autres méthodes, pourront sans doute déterminer avec certitude le rôle des nucléoles dans la division. Wager (5) est disposé à admettre que les corps archoplasmiques pro- viennent du noyau et sont formés par les nucléoles, chez les basides des champignons qu'il a étudiés. Lavdowsky (6) admet franchement l'origine nucléolaire du corpuscule de division. Ce corpuscule serait fourni par le nucléolule ou sphérule cen- (1) Julin : Structure et développement des glandes sexuelles : ovogén'esc. spermatogcnèse et fécondation che^ Styelopsis grossularia ; Bullet. scientifiq. de la France et de la Belgique, XXIV, 1S93. (2) Farmer : On nuclear division in thc pollen-mother cells of Lilium martagon; Ann of Bot., VII, i8g3, p. 392 (3) ToYAMA NoGAKUSHi : On the spermatogenesis oft/te silk-worm; Bullet of ihe agricuhural Collège Imper. Univ. Tokyo, Japan, II, 1894. (4; VON Wasielewski : D/e ATe/m^fOiit' î« den Genitalscklâuclien von Ascaris megalocephala; Arch. f. mikr. Anat., t. 41, 1893. (5) Wager ; On the présence of Centrospheres in fungi; Annals of Botany, V. 1894. (6) Lavdowsky : Von der Entstehung der c hromaiischen und achroynatischcn Substan\en in den thieri- schen und pjlan^lichen Zellen; Anat. Hefte, 1894. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 15 1 traie des nucléoles; la partie périphérique de ces derniers tomberait en mor- ceaux et serait résorbée. Il figure une cellule avec les ouvertures béantes par lesquelles s'échapperaient les nucléoles. Balbiani (i), dans un travail récent, a assimilé le nucléole à une sphère attractive munie de son centrosome. Il se range du côté de ceux qui n'éta- blissent pas de différence fondamentale entre un nucléole et un centrosome, et considèrent ces éléments comme morphologiquement homologues, mais dont le rôle varie suivant qu'ils persistent dans le noyau ou en sont expulsés. On voit, par cet exposé, que l'origine nucléolaire du centrosome est loin d'être établie sur des faits positifs. La plupart des auteurs : Hertwig, von Wasielewski, Toyama, etc., concluent à cette origine en se fondant uniquement sur la coïncidence entre l'apparition du centrosome et la disparition du nucléole. Cela n'est pas suffisant pour entraîner la conviction, loin de là. JuLiN base son opinion sur l'identité de teinte que prennent le nucléole et le corpuscule par la triple coloration de Flemming. On peut contester à bon droit la valeur d'un pareil critérium, ainsi que l'a déjà fait observer Prenant (2). Les observations de Karsten et de Lavdowski ne sont pas non plus absolument convaincantes, bien qu'elles soient plus précises. Les résultats de Karsten ont été mis en doute par Humphrey et Guignard, mais les raisons alléguées par ces deux savants n'ont pas grande valeur. A notre avis, une chose manque aux observations de Karsten : il n'a pas constaté à suffi- sance que le nucléole devenait le centre du rayonnement astérien. Il ne suffit pas, en effet, de montrer que le nucléole s'échappe dans le cytoplasme, il faut encore, et surtout, prouver que c'est lui qui joue le rôle du corpuscule et produit l'aster. Les observations de Lavdowski sont passibles du même reproche. En outre, nous pensons que sa figure qui représente un noyau avec des ouver- tures saillantes pour laisser passer les nucléoles, n'est pas conforme à la réalité; ce noyau semble avoir été gonflé et crevé par les réactifs. Nous n'avons jamais rien vu de semblable dans nos recherches sur le nucléole végétal. Il y a, du reste, dans le travail que nous critiquons, plusieurs détails indiquant que les matériaux qui ont servi aux recherches de l'auteur ont été fort détériorés. / (1) Balbiani : Sur la structure et division du noyau chc:; te Spirochona gemmipara ; Ann. de microgra- phie, 1895. (2) Prenant : Sur le corpusc. central; Bull. Soc. Se, Nancy, 1894, p. 29. 152 J. B. CARNOY et H. LEBRUN On connaît notre opinion au sujet du rôle des nucléoles plasmatiques ou nucléoles vrais : Chei F Ascaris megalocephala, ce sont des corpuscules polaires au repos, qui émigrent du noyau au début de la cinèse et entrent aussitôt en fonctions ; ce sont des organites de division. Nous laissons au lecteur le soin d'apprécier jusqu'à quel point nous avons réussi à fournir la preuve de cette thèse. Loin de nous la pensée de faire porter nos conclusions plus loin que nos observations elles-mêmes; c'est pourquoi nous écrivons : che^ F Ascaris megalocephala. Néanmoins, on peut regarder comme probable l'opinion qui admettrait que tous les vrais nucléoles plasmatiques doivent jouer le même rôle, étant données l'identité de leur composition, l'analogie de leurs pro- priétés et la généralité de leur présence dans les deux règnes. On doit aussi tenir compte des observations qui ont été rapportées par les auteurs que nous venons de citer, et qui tentent à faire attribuer aux corpuscules une origine nucléolaire. Il est possible cependant de soulever plusieurs objections contre cette manière de voir. a) On pourrait se demander d'abord s'il n'y aurait pas dans le noyau plusieurs sortes de corps nucléolaires ayant sensiblement les mêmes pro- priétés et les mêmes réactions, mais dont les uns seraient de vrais corpus- cules de division, et les autres des nucléoles proprement dits. Brauer admet qu'il en est ainsi dans les spermatocytes de Y Ascaris; il établit une distinction nette entre le corpuscule, qui est volumineux et ren- ferme un nodule central, et les nucléoles, qui sont homogènes et de moindre taille. Mais les raisons qu'il apporte à l'appui de son interprétation ne nous paraissent pas probantes. Nous savons en effet que, dans les noyaux sexuels et les noyaux de seg- mentation, il y a assez souvent des nucléoles multiples et très différents de volume. Brauer n'aurait-il pas eu devant lui un cas semblable? C'est bien probable. Il eût alors considéré indûment le nucléole le plus volumineux comme un centrosome, à l'exclusion des autres. Les observations de Brauer doivent être reprises à l'aide de l'hématoxyline ferrique. Il faudrait surtout étudier la genèse des nucléoles dans les couronnes de la dernière division des spermatogonies et dans les jeunes noyaux qui en résultent. On pourrait alors vérifier, peut-être, si les choses se passent comme dans les jeunes noyaux sexuels et les couronnes de segmentation, c'est-à-dire : si les nucléoles LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 153 ont la même origine, s'ils sont multiples dès le début et, enfin, s'ils se fusi- onnent durant le développement. S'il en était ainsi, ce qui nous parait assez probable, tous les nucléoles seraient identiques et représenteraient de véri- tables corpuscules, variables seulement par leurs dimensions. Karsten considère les nucléoles multiples du Psilotiiin comme étant de même nature. Car, dit-il, lorsque leur nombre dépasse deux, ils se fusi- onnent, ou les superflus se dissolvent au moment de la cinèse et ne servent pas. Ce langage fait supposer qu'il n'établit pas de distinction entre eux, qu'ils les considère tout comme des corpuscules. Lavdowski semble être du même avis. Parmi les auteurs qui ont admis l'origine nucléolaire du centrosome, aucun n'a songé à établir la distinction admise par Brauer. Il faut bien avouer cependant que l'attention des observateurs n'a pas été appelée suffisamment sur ce point. De nombreuses recherches sont en- core nécessaires pour élucider la question. b) Une autre objection, plus sérieuse en apparence, est celle que l'on pourrait tirer de la diversité des modifications que subissent les nucléoles pendant la cinèse. Chez V Ascaris, le nucléole sort du noyau et entre immé- diatement en fonction comme centrosome. Si les choses se passaient ainsi partout, elles ne soulèveraient aucune difficulté. Mais il n'en est pas ainsi (i). Ici, le nucléole tombe en morceaux : soit dans le noyau, soit dans le cyto- plasme; là, fait beaucoup plus grave, il se dissout entièrement, avant même que la membrane nucléaire ne se soit effacée. Comment, dans ces conditions, peut-il servir de corpuscule de division? Cette objection ne nous paraît pas insoluble. En parlant du rôle des corpuscules et de la manière dont ils l'exercent, nous avons insisté sur ce fait : que le corpuscule agit comme substance chimique, plutôt que comme corps morphologique. Ce sont, avons-nous dit, les substances nucléo-albu- mineuses qu'il renferme qui mettent en jeu l'irritabilité du cytoplasme pour former l'aster, et celle du noyau pour former le fuseau. Aussi, entre- t-il bientôt en dissolution : c'est en se dissolvant qu'il agit. S'il en est ainsi, il importe peu que le nucléole se fragmente ou reste entier, pourvu qu'il parvienne à se fondre. Lorsque sa liquéfaction est précoce à l'intérieur du noyau intact, le ca- ryoplasme qui en est imbibé subit son influence bien plus facilement que (i) Voir plus haut, p. 146. 154 J- B. CARNOY et H. LEBRUN lorsque sa résolution a lieu en dehors dans le protoplasme. Celui-ci, de son côté, ne tardera pas à ressentir son action, grâce à l'osmose d'abord, et à la résolution de la membrane nucléaire ensuite. Le fuseau et l'irradiation asté- rienne pourront donc s'établir sans retard et aisément, bien qu'il n'y ait pas de centrosome figuré dans le cytoplasme. Dans le cas où les fragments nucléolaires amenés dans le protoplasme se dissolvent très vite, il ne peut non plus y avoir de corpuscule visible dans la figure. Il en serait de même si le nucléole intact se liquéfiait incontinent au moment de sa libération. Telle est, selon nous, l'explication qu'il faut donner des cinèses dans lesquelles les observateurs les plus minutieux n'ont pu découvrir la présence de corpuscules. La dissolution de celui-ci a eu lieu très tôt; il n'y a pas d'autre différence entre ces cinèses acentrosomiques et les autres. Ce serait donc bien inutilement qu'onseserait tant chamaillé à propos de l'existence ou de la nécessité d'un corpuscule figuré pour opérer la division. Nous avons cherché à soumettre cette explication au contrôle de l'ob- servation. Si elle est fondée, on ne peut trouver de corpuscule polaire au sein des figures cinétiques, lorsque le nucléole disparaît intégralement dans le noyau, dès le premier début de la cinèse. Cette condition est remplie dans l'endosperme de plusieurs végétaux, du colchique en particulier. Or, sur les préparations à l'hématoxyline ferrique, traitées avec le plus grand soin, nous n'avons pu, sur des centaines de figures, saisir la moindre trace d'un corpuscule polaire. C'est peut-être à cause de la résolution précoce du nucléole, que les corpuscules paraissent si rares chez les végétaux, et que les asters y sont moins réguliers et moins accentués. C'est pour cette raison également que, à côté de divisions à corpus- cules, on en trouve d'autres qui en sont dépourvues. Ce fait, déjà men- tionné dans la Cytodiérèse, en 1885(1), nous l'avons constaté également durant nos recherches subséquentes. Ainsi, lorsqu'on examine attentivement les œufs en segmentation de l'Ascaris, on en trouve, çà et là, sans corpuscules visibles, déjà avant le stade de la couronne équatoriale, sur des préparations parfaitement réussies. On serait porté à croire que cette absence est due à la décoloration, mais nous pensons qu'il n'en est pas ainsi. Car, les corpuscules qui sont réduits à de (1) J. B. Cabnoy : La Cytodiérèse clic^ les A rthropodes; La Cellule, t. 1, p. 349. LA FÉCONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 155 simples granulations dans des figures plus avancées sont marqués avec la plus grande netteté, sur les mêmes coupes et aux mêmes endi'oits de la coupe. Selons nous, cette absence est due à une dissolution précoce du centrosome. Quoi qu'il en soit de ce dernier détail, de l'absence de corpuscule dans la figure on ne peut conclure à Fabsence de corpuscule dans la division. c) On pourrait insister encore. On ne peut admettre la dissolution dont vous parlez; car, tous les auteurs, même ceux qui ne sont pas parti- sans de la permanence du centrosome : tels que Burger, Watasé, Mitro- PHANOW, JuLiN, Reinke, Wilson, sout obligés néanmoins de reconnaître que dans les cas où les divisions se font rapidement et coup sur coup, comme dans la segmentation des œufs ou la double cinèse des spermatocytes, c'est le même centrosome qui fonctionne, en se multipliant lui-même à chaque division, sans disparaître jamais des cellules. Cette nouvelle objection n'est rien moins que fondée. En effet, la per- manence et la multiplication du centrosome dans les divisions rapides, sur lesquelles elle s'appuie, ne sont pas plus réelles que dans les divisions sépa- rées par un long temps de repos. Ce sont des apparences. Les faits décrits dans ce mémoire le prouvent suffisamment. D'abord, les corpuscules s'évanouissent à chaque cinèse. Seulement, lorsque les divisions se succèdent rapidement, ils ont à peine disparu que les nouveaux sortent des noyaux pour opérer la cinèse suivante, et l'on a cru bien à tort que ceux-ci n'étaient que la continuation des premiers. Quant à la division des corpuscules dans les asters, elle n'est pas plus réelle. Beaucoup d'auteurs ont signalé la présence de corpuscules multiples au sein des asters. En 1S85, époque à laquelle ces corps étaient déjà l'objet d'études sérieuses à Louvain, on a appelé l'attention sur ce fait dans la Cy- todiérèse, en décrivant les corpuscules multiples dans les cellules sperma- tiques des crustacés et des myriapodes. La fig. 246, pi. VII, représente une cellule testiculaire à^ Astacus portant trois gros corpuscules au milieu de chaque aster, et d'autres cellules avec des corpuscules plus nombreux encore. Prenant (1) affirme avoir retrouvé ces corps dans les mêmes cel- lules. Henneguy représente également des corpuscules multiples dans les figures de segmentation de la truite (2). (1) Prenant : Sur le corpuscule central; p. g, en note. (2) Henneguy : Leçons sur la cellule; p. 3i2, fig. 208. 150 J B. CARNOY et H. LEBRUN Depuis lors, plusieurs auteurs ont constaté, à la fin de la cinèse surtout, l'existence de plusieurs corpuscules. Les uns en ont vu deux; les autres, trois et même quatre à chaque pôle. Souvent les deux pôles se comportent différemment à cet égard; on en trouve un d'un côté et deux de l'autre. IsHiKAWA en trouve deux d'un côté et trois de l'autre, etc. Nous ne pouvons entrer dans plus de développements; ce serait, d'ailleurs, inutile. Or, les auteurs voient dans cette multiplicité un phénomène de division normale du centrosome. Lorsque les deux pôles renferment respectivement un et deux corpuscules, ils disent que la division est plus précoce à un pôle qu'à l'autre. Lorsqu'il y a trois corpuscules, c'est que l'un des deux, qui sont issus de la première division, s'est déjà divisé une seconde fois; tandis que, lorsqu'ils se sont divisés tous deux, on en trouve quatre, etc., etc. Le lecteur sait que nous n'admettons pas cette interprétation (i). Nous voyons dans cette multiplicité le résultat d'une simple fragmentation, pré- curseur de la dissolution. Phénomène toujours très irrégulier de sa nature : il peut se présenter à un pôle, et pas à l'autre ; il peut donner naissance à un nombre variable de corpuscules-fragments : ici à deux, là à trois, ailleurs à un plus grand nombre, etc., et ces corpuscules peuvent être de volume très différent comme dans la figure de Henneguy, par exemple. Nous retrouvons donc ici la fragmentation des nucléoles végétaux; seule- ment, cette fragmentation est plus tardive que dans la majorité des cas sig- nalés chez les plantes. Nous avons ajouté que ce phénomène était l'avant-coureur de la disso- lution. En effet, nous savons que les corpuscules ne servent qu'une fois, et qu'ils finissent toujours par se liquéfier intégralement dans le cytoplasme. Nous ne voulons pas nier que, dans certains circonstances, ils ne puissent rester pendant un temps plus ou moins long dans le cytoplasme au repos, à côté du nouveau noyau : il y a là une question de fait qu'il s'agit de vérifier dans les cas particuliers. Ce que nous ne pouvons admet- tre, c'est que de pareils centrosomes conservent leur activité et servent à la division suivante. Du reste, nous ne pouvons nous empêcher de penser que les auteurs qui ont cru voir des corpuscules dans les cellules au repos, ont considéré comme tels des corps étrangers, spécialement des sphérules ou des enclaves nucléo-albumineuses qui présentent, nous l'avons vu, les réactions des cen- trosomes vis-à-vis de l'hématoxyline ferrique. Et, comme beaucoup de ces (i) Voir plus haut, p. 119. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 157 corps en voie d'activité chimique produisent aisément des irradiations dans le cytoplasme environnant, les partisans des sphères ont conclu à l'existence de celles-ci,.... lorsqu'ils n'ont pas pris pour telles les corps les plus disparates de la cellule (i) ! 5° Origine des nucléoles et des corpuscules. 1° Opinions des auteurs. En 1882, Strasburger (2) émit l'opinion que les nucléoles dérivent de l'élément nucléinien; il considérait, en effet, ces corps comme des microsomes qui ont grandi et ont fini par sortir du boyau. La Biologie (3) a combattu cette opinion et a attribué aux nucléoles une origine caryoplasmique, en se basant sur ce fait qu'ils ne l'enfermaient pas de composé nucléinien, qu'on y trouvait seulement de la plastine et de l'albumine. Cette raison tombe d'elle-même aujourd'hui que nous y avons reconnu l'existence d'une substance nucléo-albumineuse. JuLiN admet l'opinion de Strasburger. Schewiakoff (4) attribue au contraire une origine achromatique au nucléole-corpuscule des noyaux de VEuglypha alveolata. Nous avons vu que certains auteurs pensaient avec Zimmermann que les nucléoles étaient des corps sui generis, autonomes et permanents, déri- vant toujours par division d'un nucléole préexistant. Beaucoup de naturalistes ne se sont pas prononcés sur cette question de l'origine des nucléoles. Nous avons eu l'occasion dans le courant de ce mémoire de parler de l'opinion des auteurs sur l'origine du corpuscule polaire. Nous connaissons la manière de voir de Boveri, qui a été admise par le plus grand nombre des auteurs modernes : le corpuscule originel dérive du corps spermatique et se maintient, par segmentation régulière, de divi- sion en division, durant tout le développement. Il constitue donc un corps permanent. Pour Van Beneden et Herla, les corpuscules sont également des corps permanents, mais les corpuscules originels, ceux de la première segmenta- tion, apparaissent d'un coup dans le cytoplasme, et doivent par conséquent en dériver. (i) Voir, à ee sujet, notre récent travail : La vésic. gerininat. des batraciens, p. 20S. (2) Strasburger ; Ueber d. Theiliingsvorg. d. Zellkerns; Arch. f. mik. Anat., 18S2, p. Syo, etc. (3) J. B. Carnoy ; La biologie cellulaire; 1SS4, p. 249. (4) Schewiakoff : Ueber d. karj-ok. Kenitheiluttg, etc.; Morph. Jahrb,, B. XIIl, 18S7. 20 158 J- B. CARNOY et H. LEBRUN Pour ces auteurs, le corpuscule reste dans le cytoplasme en perma- nence; il ne rentre pas dans le noyau. Pour d'autres, qui admettent également l'origine spermatique et la per- manence du corpuscule, celui-ci, après chaque cinèse, rentrerait dans le noyau où il passerait son temps de repos : excepté lorsque les divisions se suc- cèdent rapidement ; il reste alors entretemps dans le cytoplasme. Telle est l'opinion de O. Hertwig. Parmi les auteurs qui ont contesté la permanence du corpuscule, beau- coup admettent qu'il se forme à chaque cinèse dans le cytoplasme. D'autres prétendent que ce ne sont pas des corps particuliers, que ce sont des modifi- cations transitoires et inconstantes, chimiques ou physiques du cytoplasme. JuLiN, au contraire, soutient qu'il se forme dans le noyau, d'où il sort pour opérer la cinèse, et où il rentre pour mourir et être remplacé par un autre. Cependant, d'après Julin, le corpuscule de la première segmentation dériverait du corps spermatique. Après les deux divisions qui ont donné les 4 spermatides, le centrosome, contrairement à ce que l'auteur admet pour les autres divisions, se dissout dans le cytoplasme, ne rentre pas dans le noyau. Or, il s'en forme un nouveau dans le noyau de chaque spermatide, mais il en sort sans tarder pour aller se loger dans le corps du spermato- zoïde : c'est lui qui sera le controsome de segmentation. Les auteurs dont nous venons de parler, c'est-à-dire qui ne sont pas partisans de la permanence du corpuscule, admettent cependant avec Hert- wig que c'est le même centrosome qui sert, lorsque les divisions se succèdent rapidement, comme dans la segmentatation de l'œuf et la formation des spermatides. Heidenhain est plus radical. Pour lui, les corpuscules sont des élé- ments siii geiieris. Ils ne dérivent ni du cytoplasme ni du noyau; mais ils constituent une partie intégrante de la cellule, au même titre que le proto- plasme et le noyau, et ils se multiplient comme eux pendant la division : omne centrosoma e centrosomate. Cette opinion concorde avec celle de Zimmermann sur les nucléoles(t). On voit qu'on a émis toutes les opinions possibles sur la provenance du corpuscule. Nous en passons sous silence, et plus d'une! La plupart de ces opinions ont déjà été suffisamment refutées dans le courant de ce travail. Nous savons que le centrosome originel de Boveri ne dérive pas du (i) Voir ci-dessus, p. 147. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 159 spermatozoïde. Les centrosomes originels de Van Beneden et Herla, ce sont les corpuscules qui viennent de s'échapper des noyaux sexuels. Les corpuscules ne sont jamais permanents ; ils disparaissent toujours après la cinèse, tout aussi bien lorsque celle-ci s'exécute coup sur coup que lors- qu'elle se répète à de longs intervalles seulement. Le lecteur se rappelle que nous venons de combattre l'opinion de ceux qui sont partisans de la réintégration du corpuscule dans le noyau (i). Nous avons montré plus haut (2) que les corpuscules qui se forment de bonne heure dans les noyaux sexuels y demeurent enfermés jusqu'au mo- ment de la segmentation, loin d'en sortir de suite et d'aller se loger dans le cytoplasme, comme l'affirme Julin. Enfin le corpuscule ne naît jamais dans le cytoplasme ; il est toujours d'origine nucléaire. 2° Mode de formation des corpuscules. D'un autre coté, on a bien peu de données sur le mode de formation précis des corpuscules, ou des nucléoles-corpuscules. Julin qui est si catégorique en affirmant l'origine chromatique du nucléole-corpuscule des Styelopsis, ne donne aucun détail circonstantié sur son mode de formation. Strasburger est peut-être le seul qui ait observé la genèse des nucléoles. Il a vu dans le boyau des micro- somes qui augmentaient de volume et devenaient semblables à de petits nucléoles qui plus tard étaient mis en liberté. Mais il ne paraît pas que l'auteur ait constaté leur migration dans le caryoplasme. C'est cependant là un point essentiel. Car, on peut observer souvent dans le boyau des sphérules semblables, qui font partie de l'élément nucléinien et qui ne sont nullement destinées à devenir des nucléoles. Le mode de formation des nucléoles-corpuscules chez l'Ascaris pré- sente beaucoup d'analogie avec celui qu'a décrit Strasburger chez les végé- taux. Nous avons donné assez de détails à ce sujet pour ne plus y revenir longuement. Dans les jeunes noyaux sexuels, ils apparaissent à l'extrémité de l'un ou l'autre bâtonnet sous la forme d'une sphérule qui s'en détache, ou bien dans un prolongement émis par l'un d'eux. Pendant la segmentation, les nucléoles naissent dans le boyau nucléi- nien, au stade des couronnes polaires, vers le milieu des anses. On les y voit apparaître sous la forme de petites sphérules, souvent multiples, qui (1) Ci-devant, p. 147. (2; Voir plus haut, p. 102, l6o J- B. CARNOY et H. LEBRUN sont mises en liberté, sans tarder, par résorption de la portion du boyau qui les contient. Ils grossissent alors rapidement. En même temps, ils se fusionnent, s'ils ne l'avaient fait déjà avant leur mise en liberté, jusqu'à se réduire, en régie générale, au nombre de deux dans chaque noyau. Nous avons cherché à surprendre leur mode d'accroissement, sans y parvenir. On aurait pu penser qu'ils augmentaient de volume en accumulant autour d'eux une portion de caryoplasme, de façon à former un nucléole avec son nucléolule. — C'est encore là une des raisons pour lesquelles nous avons recherché un globule central dans ces corps. — Ils nous ont toujours paru homogènes pendant tout leur développement. On pourrait peut-être en conclure qu'ils s'accroissent d'eux-mêmes par nutrition, à la façon d'un corps organisé ; mais nous préférons ne pas entrer dans le domaine de l'hypothèse, Que les grains primitifs se fusionnent souvent, c'est un fait certain. Car nous avons compté bien des fois de 3 à 5 sphérules dans chaque pont, chez Yunivalens. Nous ne voulons pas affirmer, cependant, qu'il y ait tou- jours fusion. En effet, à plus d'une reprise aussi, nous avons vu un seul glo- bule au milieu du pont, ou au bout de l'un ou l'autre des deux bâtonnets déjà libérés. Peut-être y avait-il déjà eu alors fusion entre les granules pri- mitifs. On peut constater sur la fig. 10, Pl. II, que chaque anse donne nais- sance à un corpuscule; dans ce cas il y a un corpuscule paternel et un ma- ternel. Mais on en trouve aussi parfois 4 ou 5 de libres à chaque pôle de la figure, les ponts ayant complètement disparu. Il est bien probable qu'alors ces granules peuvent se fusionner indifféremment, suivant qu'ils se ren- contrent, et donner des nucléoles mixtes, c'est-à-dire qui sont à la fois d'ori- gine paternelle et maternelle. Toujours est-il que, chez Vuniv.alens, les deux anses de la couronne participent à la formation des deux nucléoles définitifs; ceux-ci sont donc toujours d'une double origine et d'une double nature. Il est impossible, à cause du plus grand nombre de bâtonnets, de saisir exactement ce qui se passe au sein des couronnes du biualens, mais on peut s'assurer que les nucléoles se forment de la même manière, au milieu de chaque anse, et qu'ils se fusionnent aussi (i). Ils sont donc également d'ori- gine paternelle et maternelle. (1) Voir ci-dessus, p. i32. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA l6l Ce fait de la double origine des corpuscules de chaque noyau pourrait peut-être acquérir de l'importance, s'il pouvait être généralisé. C'est à l'ob- servation attentive des phénomènes qui se passent chez les autres animaux de nous dire s'il en est ainsi, ou bien s'il ne faut voir dans cette duplicité d'origine qu'un fait accidentel et particulier à V Ascaris. Quoi qu'il en soit, la provenance nucléinienne des corpuscules nous paraît certaine. Pour leur donner naissance, la nucléine du boyau subit des change- ments, car ces corps ont des propriétés qui les distinguent de l'élément nucléinien proprement dit. Nous avons insisté plus haut sur ce point. On peut admettre, comme nous l'avons fait, qu'ils renferment un dérivé pro- chain de la nucléine, une nucléo-albumine L'acide nucléinique du boyau, en perdant ses bases, se transformerait en un acide paranucléinique (i), peut-être de nature spéciale, qui en s'unissant à l'albumine fournirait le composé nucléinien des corpuscules et des nucléoles. Ceux-ci sont donc de nature complexe ; ils renferment, outre la plastine et l'albumine, une nucléo-albumine particulière. C'est grâce surtout à cette dernière substance, que les nucléoles jouent un rôle si actif dans la division. (i) J. B. Carnoy et Lebrun ; La vésic. etc. des batraciens; p. 197 et 254. 162 J B. CARNOY et H. LEBRUN CHAPITRE VI. Fécondation et hérédité. § 1. Fécondation. La fécondation est l'acte par lequel l'œuf devient capable de segmenta- tion et de développement normal, c'est-à-dire capable de donner naissance à un nouvel individu. En quoi consiste cet acte? La plus grande divergence d"opinion a régné entre les savants à ce sujet.- Après la découverte de la pénétration du spermatozoïde et de sa dis- parition dans l'œuf, on était généralement porté à considérer la féconda- tion comme une fusion intégrale de deux cellules d'origine différente, l'une mâle, l'autre femelle. Bientôt O. Hertwig restreignit cette définition. Ayant observé la fu- sion des deux no5'aux sexuels au sein de l'œuf, il considéra cette fusion comme l'acte essentiel de la fécondation ; le protoplasme du spermatozoïde n'y contribue en rien; celui-ci n'apporte qu'un noyau. Cette opinion eut cours pendant quelque temps, jusqu'à l'apparition du travail de Boveri sur V Ascaris. BovERi ayant cru constater que le corps spermatique envoyait dans l'œuf un centrosome destiné à en déterminer la segmentation, imagina une théorie nouvelle qui a été acceptée aussitôt par la généralité des savants, un peu à la légère, il faut bien le dire, et sans examen suffisant. Le lecteur aura vu par ce qui précède que cette théorie ne peut plus se soutenir, car elle pèche par la base et est absolument contraire aux faits. Rés.umons la brièvement, d'après Boveri lui-même (i). L Tliéoiie. de Boveri ; sa réfutation. 1° L'œuf et le spermatozo'ïde mûrs sont incapables de se développer par eux-mêmes; il leur manque quelque chose. L'œuf manque de centro- some, ou du moins son centrosome est dégradé, atténué. Quant au sperma- tozoïde, il manque de protoplasme ; le peu qu'il possède est trop différentié pour pouvoir servir encore. (i) Boveri : Befrticktuug; Ergebnisse f. Anat., etc., t. I, 1891; Wiesbaden, 1892, p. 386. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 103 2° Or, lors de la fécondation, ce qui manque à une cellule l'autre l'apporte; le corps de l'œuf fournit le protoplasme, celui du spermatozoïde, le centrosome. C'est ainsi que les deux cellules se complètent en produisant une individualité nouvelle et capable de développement. 3° L'apport du centrosome spermatique suffit au développement de l'œuf. Car la fusion des deux noyaux sexuels, leur présence même n'est pas nécessaire ; un seul noyau suffit, qu'il soit mâle ou femelUe. Boveri a cherché à appuyer cette assertion sur les données de l'expérimentation. A. Après avoir secoué des œufs àeSphœrechinus granularis de façon à en détacher des portions sans noyau, il opère la fécondation croisée avec du sperme d'Echiniis inicroiiiberculatiis. Or, parmi les larves hybrides typiques provenant d'œufs intacts fécondés, il en trouve d'autres qui sont exclusive- ment du type paternel, Echinus. Celles-ci ont des noyaux très petits, ce qui indique que le noyau seul du spermatozo'ïde est intervenu dans la segmen- tation; elles doivent donc dériver des portions d'œufs dépourvues de noyau maternel. B. D'un autre côté, des œufs où le spermatozo'ïde a pénétré se déve- loppent parfois sans que le noyau de ce dernier intervienne dans la segmen- tation; il suffit que son centrosome se porte vers le noyau de l'œuf. Le noyau du spermatozoïde reste dans l'une des deux cellules-filles et la seg- mentation continue ainsi normalement jusqu'à ce que le noyau mâle se fu- sionne avec celui de la cellule où il se trouve; ce qui se fait seulement par- fois après la quatrième ou la sixième segmentation. Ainsi, un seul noyau : soit celui de l'œuf, soit celui du spermatozoïde, suffit pour opérer la segmentation normale. 4° Le centrosome spermatique se maintient dans le cytoplasme après la première cinèse. Il se divise pour former les deux centrosomes de la divi- sion suivante, et ainsi de suite indéfiniment à travers toutes les générations cellulaires; en d'autres termes, ce corps constitue un organe permanent de la cellule. C'est seulement dans les ovocytes de la génération suivante, qu'il dis- paraîtra ou entrera en dégénérescence; de là la nécessité de l'introduction d'un nouveau centrosome spermatique pour opérer une nouvelle fécondation. En résumé, d'après Boveri, la fécondation consiste essentiellement dans l'apport du centrosome somatique du spermatozoïde ; il en résulte que la segmentation est tout entière sous la dépendance de ce dernier. Reprenons chacun de ces points. 104 J- B. CARNOY et H. LEBRUN if' D'après Boveri, le cytoplasme de l'œuf est dépourvu de centro- some, du moins de centrosome actif. Mais, nous le savons, il n'y a là rien de particulier à l'œuf. Car, après chaque cinèse, le centrosome disparaît. Toutes les cellules au repos sont donc dépourvues de centrosome cytoplasmatique actif, aussi bien que l'ovocyte. Néanmoins, après cette disparition, les cellules ordinaires sont encore ca- pables de segmentation. Ce n'est donc pas dans l'absence de centrosome cytoplasmatique qu'il faut chercher la cause de l'impuissance de l'œuf à se segmenter, ou à se développer. Du reste, ce centrosome existerait qu'il ne pourrait servir à la segmentation, puisque ce sont les centrosomes nucléaires qui interviennent. Il importe donc fort peu qu'il y ait, ou qu'il n'y ait pas de centrosome dans le cytoplasme ovulaire. 2° Lors de la fécondation, le corps du spermatozo'ïde fournit à l'œuf le centrosome qui lui fait défaut. C'est là une erreur profonde. Le corps du spermatozo'ïde ne peut four- nir de centrosome actif, puis qu'il en est dépourvu ; nous avons vu qu'il n'y a pas de spermocentre. Ce fait renverse toute la théorie de Boveri. Le prétendu centrosome de cet auteur, nous l'avons dit, est un corpus- cule qui vient de s'échapper d'un pronucleus; celui de Kostanecki et de v. Erlanger n'est que l'une ou l'autre sphérule d'enchylème spermatique, destinée à se dissoudre dans le cytoplasme ovulaire. Ce n'est donc pas de cette manière que l'œuf peut se compléter et de- venir capable de développement. 3° Boveri s'est efforcé de démontrer expérimentalement qu'un seul des deux noyaux sexuels suffit à la segmentation. Les expériences de Boveri ne sont pas probantes. A. Morgan (i), ayant répété ces expériences sur des espèces des genres Asterias et Arbacia, est arrivé à des résultats tout différents. a) Il fait d'abord observer justement que l'agitation à laquelle on soumet les œufs pour les fragmenter a pour résultat parfois de briser la membrane nucléaire et de rendre ainsi le noyau invisible. Si le contenu de celui-ci persiste en totalité ou en partie avec le centrosome, le développe- ment pourra se faire, et cela apparemment avec le noyau spermatique seul, pour un observateur non prévenu. Pour éviter cette objection, Boveri aurait dû couper les œufs, comme Ziegler l'a fait plus tard chez le Strongylocen- trotiis lii'idits, afin d'être certain que le pronucleus femelle n'était pas lésé et qu'il ne pouvait s'en trouver une portion dans le fragment sans noyau. (i) Morgan : Experim. Studies on Echinoderm Eggs. ; Anat. Abz., IX, n"^ 5 et 6, 1S94. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 165 b) Jamais, dans les expériences de fécondation croisée bien conduites Morgan n'a rencontré de larves exclusivement paternelles; les produits présentent tous des caractères mixtes. Nous disons dans les expériences bien conduites, car Morgan a constaté que, pour se mettre à l'abri de toute erreur, il était nécessaire de faire bouillir l'eau de mer dans laquelle on veut expérimenter, afin de détruire les spermatozoïdes ou les œufs qui pourraient s'y trouver. Sans cette précaution, si l'on fait la fécondation croisée, on voit surgir, au milieu des larves mixtes, des larves à caractères ordinaires. Cette circonstance explique, d'après Morgan, les résultats de Boveri. c) On admettrait du reste difficilement aujourd'hui qu'un morceau d'œuf sans noyau, dans lequel on introduit un spermatozoïde, puisse pro- duire une larve. D'après les nouvelles expériences de Morgan (i) et celles de Ziegler(2), il donne à peine naissance à une blastula; ce qui est bien différent (3). B. Quant aux expériences dans lesquelles Boveri croit avoir observé la segmentation à l'aide du noyau femelle seul, à l'exclusion du noyau sper- matique, elles ne sont pas non plus de nature à entraîner la conviction. a) Remarquons d'abord que le centrosome spermatique, qui se porte- rait près du noyau femelle pour en opérer la segmentation, n'existe pas. b) Ensuite on peut croire que l'auteur a eu devant lui des cas de polyspennie, si fréquents dans les fécondations artificielles. Un des noyaux spermatiques se fusionne alors avec le noyau ovulaire, qui devient ainsi capable de développement, tandis que l'autre reste inutilisé dans le cyto- plasme; c'est la règle dans ces circonstances. Ce noyau superflu est ensuite promené de segmentation en segmentation jusqu'à ce qu'il disparaisse ou se fusionne avec le no)'au de la cellule où il se trouve éventuellement. La segmentation dont parle Boveri serait donc une segmentation ordinaire, s'effectuant à l'aide des deux noyaux conjugués, nullement à l'aide du noyau ovulaire seul. (i) Morgan : The fertilisation of non-nucleated Fragments of Echinodcrm-Eggs ; Arch. f. Ent- wick.-Mechan., II, 2, iSgS, p. 26S. — L'auteur a poursuivi la division de ces fragments jusqu'au stade de 16 cellules. (2) ZiEGLER : Einigc Beob. 7. Entw. d. Echinodermcn ; Verhand. d. deutsch. Zool. Gesells , 1896, p. 149. (3) Nous recevons à l'instant les n'" 9 et 10 des Sit^.-Beric/it d. Phys.-med. Gesellschaft f. 'Wiïr^- burg, qui renferment un travail de Boveri sur la physiologie de la division cellulaire. L'auteur relate certaines expériences qu'il a faites sur des fragments d'œufs dépourvus de noyau et fécondés par un spermatozoide. Ces fragments se segmentent et donnent naissance à une petite blastula qu'il a pu, dit-il, conserver vivante pendant trois jours, mais qui est morte ensuite. — Ces nouveaux résultats de Boveri sont loin de concorder avec ceux qu'il a publiés autrefois et que nous venons d'analyser. 21 l66 J- B. CARNOY et H. LEBRUN c) D'ailleurs, les expériences récentes de Ziegler(i) ont produit de tout autres résultats que celles de Boveri. Les fragments cl' œufs renfer- mant le noyau ovulaire, séparés après l'entrée du spermatozoïde, ne se segmentent pas. Le noyau entre en figure, revient au repos, entre en figure de nouveau, etc.; puis le fragment se désagrège complètement (2). Les expériences sur lesquelles Boveri s'appuie pour prouver sa thèse, à savoir : que la fusion, la présence même des deux noyaux sexuels n'est pas requise pour le développement de l'œuf, sont donc dénuées de toute valeur. Le pronucleus femelle ne peut pas même achever la première seg- mentation ; le pronucleus mâle peut amener la formation d'une blastula (3). Mais, de là à produire un individu normal, il y a un abime! (1) ZiEGLER : 1. C, p. l5o. (2) Boveri, dans le travail que nous venons de citer, dit que ses observations récentes confirment pleinement celles de Ziegler; il n'a non plus obtenu que des figures sans segmentation des fragments. Ces résultats sont tout différents de ceux qu'il a prétendu avoir obtenus jadis. (3) Comment expliquer cette inégalité cinétique entre les fragments d'œufs renfermant le pronucleus femelle et les fragments contenant le spermatozoïde? Récemment, Ziegler a cherché à s'en rendre compte. D'après lui, les centrosomes ovulaires qui accompagnent le pronucleus femelle ont perdu de leur activité cinétique (Tlwihmgslcra/t). Ils peuvent encore former des asters; ils peuvent même faire entrer le noyau en figure, mais ils sont incapables d'opérer sa division; au lieu de se séparer en deux moitiés, celui-ci se reconstitue. Le centrosome sper- matique a, au contraire, conservé toute son activité. Il lui semble, en outre, que le spermatozo'ide, aus- sitôt qu'il a pénétré dans l'œuf, exerce son action no:i seulement sur le cytoplasme en déterminant celui-ci à élaborer une membrane autour du fragment, mais aussi sur le pronucleus femelle en y produisant une excitation qui le fait entrer en mitose. On sait que des fragments d'œufs semblables, mais qui n'out pas subi l'influence du spermatozoïde, ne peuvent présenter ce double phénomène. Les vues de Ziegler ne sont p.-s à l'abri de toute critique D'abord, le centrosome ovulaire n'existe pas; le centrosome spermatique n'existe pas d'avantage. Ils n'ont donc rien à faire dans la segmentation. Les corpuscules existent seulement dans les deux pronu- clei. Or, ceux qui se trouvent dans le noyau femelle ne sont nullement dégradés; ils sont neufs et tout prêts h entrer en fonction, aussi bien que ceux du noyau mâle. 11 n'y a aucune différence entre les corpuscules des noyaux sexuels au point de vue de l'activité cinétique. Ainsi, si le fragment muni du noyau ovulaire ne se segmente pas, ne donne pas de blastula, comme le fait le fragment à noyau spermatique, ce ne peut être à cause de son centrosome. Ensuite, rien ne nous autorise à admettre que la présencû du corps spermatique détermine une excitation cinétique particulière dans le pronu- cleus femelle. L'explication donnée par Ziegler ne nous parait donc pas acceptable. Suivant notre manière de voir, il faut chercher avant tout la raison de celte différence dans le fait que le cytoplasme qui accompagne le spermatozoïde est mieux fécondé que celui qui accompagne le noyau femelle. Nous avons vu que, chez VAscai-is, les substances nucléo-albumineuses provenant du corps sper- matique, lesquelles déterminent une puUulation et un changement de structure dans le cytoplasme ovulaire, ne se répandent que peu à peu dans l'œuf. Il en résulte que, peu de temps après la péné- tration du spermatozoïde, la zone qui l'entoure immédiatement renferme la majeure partie, sinon la totalité de ces substances, et cette zone est la seule portion du cytoplasme dont la structure soit déjà LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 16? Jusqu'à preuve de contraire, on doit donc admettre que la présence des deux noyaux est indispensable pour que la segmentation puisse aboutir à la production d'un être complet. 4° Le centrosome spermatique se maintiendrait à travers toutes les cinèses; il serait un organe permanent du cytoplasme. C'est encore une erreur. Ce centrosome n'existe pas, il ne peut donc se maintenir. En supposant même qu'il existât, il ne persisterait pas davan- tage. Nous avons vu, en effet, que les corpuscules s'évanouissent après la première cinèse. A chaque segmentation, il s'en forme de nouveaux dans le noyau pour remplacer les anciens. Bien loin d'être permanents, ils ne servent qu'une fois; ce sont des organes transitoires de division, transitoires au même titre que les asters et le fuseau. Sous ce rapport encore, la théorie de BovERi est aussi opposée aux faits que possible. II. Conditions de la segmentation. Laissons donc de côté cette théorie, et demandons-nous à notre tour : que manque-t-il à l'œuf pour qu'il puisse se développer en un individu nouveau? En d'autres termes, qu'elles sont les conditions de la fécondation? 1° D'abord il faudrait rechercher si l'émission des globules n'enlève pas à l'œuf un élément nécessaire à son développement, élément qu''il s'agirait de remplacer avant tout. L'un de nous a montré, il y a longtemps déjà, que les globules polaires avaient pour effet d'éliminer les trois quarts de l'élément nucléinien, quant à la quantité, mais non par rapport au nombre de ses chromosomes. La double division qui donne les quatre spermatides produit le même résultat; chacune de celles-ci possède, en quantité, un quart de l'élément nucléi- nien de la cellule-mère. Au début, les noyaux sexuels ont à eux deux la modifiée sensiblement. Qu'on vienne à fraj,menter Tœuf à ce moment, — et c'est ainsi que l'on procède dans ces sortes d'expériences, — il est évident que c'est le fragment qui renferme le spermatozoïde qui a tous les avantages; il est plus remanié et mieux nourri. D.îas ces conditions, quoi d'étonnant à ce qu'il soit plus actif, qu'il réponde avec plus d'efficacité à l'action du corpus:ule émigrant du noyau î On conçoit qu'il puisse n n seulement s'entourer d'une membrane et produire des asters, comme le fait le fragment à nnyau femelle, mais encore parvenir à se segmenter à U fin de la caryocinèse et à former une blastula, ce dont l'autre fragment parait être incapable. Nous pourrions aussi faire remarquer que le pronucleus spermatique se trouve dans les conditions les plus favorables à son développement. Car il est plongé dans un cytoplasme riche en composés nucléo- albumineux, très voisins des nucléines et des plastines du noyau ; tandis que le pronucleus femelle vi* dans un milieu relativement pauvre. De ce chef encore, le fragment qui possède le spermatozoïde est le mieux partagé et son activité cinétique doit s'en ressentir. ]68 J- B. CARNOY et H. LEBRUN moitié en quantité de l'élément normal. Ensemble ils représentent, comme le dit fort bien Julin, l'élément nucléinien d'une couronne polaire à la fin d'une cinèse ordinaire; cette couronne renferme en effet la moitié en poids de l'élément nucléinien de la cellule avant sa division. On peut admettre, comme on le fait d'ailleurs, que pendant le repos qui suit la division, les couronnes polaires, ou les nouveaux noyaux dou- blent leur quantité de nucléine. S'il en est de même pour les noyaux sexuels pendant leur développement au sein de l'œuf, d'un quart ils montent à un demi, et les deux en s'unissant lors de la segmentation représentent la totalité de l'élément nucléinien de l'ovocyte ou, plus généralement, des cellules ordinaires de l'espèce considérée. D'un autre côté, on tend à admettre aussi aujourd'hui que les œufs parthénogénétiques n'émettent qu'un globule, ou du moins ne perdent que la moitié de leur élément nucléinien, et ce serait pour cette raison préci- sément qu'ils sont encore aptes à se développer. En se doublant avant la segmentation, cette moitié devient équivalente à la totalité de l'élément renfermé primitivement dans l'ovocyte. S'il en est ainsi, on peut penser que l'œuf qui a subi deux divisions polaires immédiates devient trop pauvre en nucléine pour pouvoir réparer ses pertes. Le spermatozo'ïde viendrait justement combler le déficit. D'où l'on pourrait conclure : a) Première condition du développement. La présence du noyau sper- matique est indispensable, car il doit apporter la moitié de l'élément nucléi- nien nécessaire à la segmentation normale. Cette première condition peut être regardée comme indispensable. Mais, pour en démontrer la nécessité absolue, il faudrait prouver que le quart qui reste dans l'œuf ne peut par son développement récupérer les 3/4 perdus. C'est là le point faible de l'argumentation, 2° . Les observations que nous avons faites sur la segmentation de l'As- caris megalocephala nous ont révélé, entre autres, les faits suivants. La segmentation n'est pas l'œuvre d'un centrosome unique, mais de deux centrosomes différents et étrangers l'un à l'autre. En effet, ces corpus- cules naissent séparément dans chacun des noyaux sexuels et y demeurent enfermés jusqu'à la première division. Ils sortent alors et viennent se placer chacun à un pôle de la figure. La segmentation est donc leur œuvre commune. LA FÉCONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 169 Il suit de là, que chacun des deux noyaux sexuels y concourt également, et que, en dernière anal3^se, les deux cellules, mâle et femelle, interviennent dans cet acte éminemment important. En outre, si nous ne nous trompons, chez l'Ascaris inn'i'ûlcns, les deux nouveaux corpuscules destinés aux segmentations suivantes, tirent leur origine l'un d'un segment paternel, l'autre d'un segment maternel, ou bien ils sont de nature mixte. Si cette observation venait à se généraliser par l'étude d'autres animaux, il deviendrait extrêmement probable que la seg- mentation ne peut se faire sans le concours du corpuscule émis par le noyau mâle. Ainsi : b) Deuxième condition du développement. La présence du noyau spermatique est indispensable parce qu'il doit, aussi bien que le noyau de l'œuf, fournir un corpuscule au fuseau de division. Cette condition est-elle d'une absolue nécessité, le noyau ovulaire ne pourrait-il fournir les deux corpuscules? Peut être. Mais il faudrait le prouver (i). 3° Ces deux conditions suffisent-elles? L'influence du spermatozoïde ne doit-elle pas se faire sentir également sur le cytoplasme de l'œuf, pour qu'il se mette en mouvement sous l'influence des corpuscules polaires? Il est certain que chez Y Ascaris le cj'toplasme ovulaire est retravaillé, remanié entièrement par le concours et sous l'influence du corps sperma- tique; sa structure organique et sa constitution chimique sont changées ou modifiées. Les auteurs qui ont étudié la fécondation chez les animaux les (1) Lorsqu'il y a plusieurs corpuscules dans les noyaux suxuels, on no saurait dire si ceux qui sont aux pôles de la figure proviennent de deux noyaux ou d'un noyau unique. Considérons, par exemple, un cas qui se présente assez fréquemment, celui ou l'un des noyaux renferme encore un corpuscule lorsqu'on en trouve déjà deux dans le cytoplasme. Ceux-ci peuvent provenir des deux noyaux : il en reste alors un dans celui qui en avait deux; ou bien ils proviennent tous deux du noyau qui n'en a plus, l'autre noyau ayant conservé l'unique qu'il possédait. Si l'observateur n'avait que des cas sem- blables pour asseoir son jugement, il resterait nécessairement dans le doute. Il pourrait supposer que les deux corpuscules de la figure proviennent inJiÊféremmcnt tantôt du noyau mâle, tantôt du noyau femelle, tantôt des deux à la fois. 11 n'en est plus de mène dans le cas normal, celui ou c'iaque pronudeus ne renferme qu'un seul corpuscule L'observation prouve qu'ils servent tous deux. Nous venons de voir, p. i55, qu'un fragment d'ceuf avec le pronucleus femelle peut donner une figure, et qu'un fragment renTermant le pronucleus mâle est capable de produire une blastula. Dans ces deux cas. ce sont les centrosomes d'un seul noyau qui fonctionnent, c'est é^ident. Il faut en conclure que les corpuscules du noyau mâle sont capables de produire la segmentation. C^tte segmentation est- elle normale? Suffirait-elle à produire un nouvel individu normal, en supposant que toutes les autres conditions requises soient remplies? Nous n'en savons rien pour le moment. On peut croire que non jusqu'à preuve du contraire. 17t) J B. CARNOY et H. LEBRUN plus divers, sont unanimes à signaler dans l'œuf des irradiations semblables à celles que nous avons décrites chez V Ascaris, et qui ont pour point de départ le MittelstUck ou, d'une manière plus générale, le corps du sperma- tozoïde. On peut donc admettre sans témérité que c'est là un fait général. Or, un phénomène qui revêt ce caractère de généralité dans un acte aussi important que la fécondation, doit avoir une haute portée, une signification biologique considérable. C'est ainsi que l'ont compris tous les savants. Ils en font tous un r, archoplasme ". Celui-ci, en effet, d'après les auteurs récents, provient du spermatozoïde et non du cytoplasme, comme le pré- tendaient BovERi et Van Beneden. " L'archoplasme ", dit Wilson (i), " dérive entièrement du spermatozoïde, ou est formé sous l'influence d'une y substance qui en provient, et qui est située à l'intérieur ou au voisinage » du MittelstUck ^. Pour certains observateurs, en effet, la masse qui s'irra- die est une portion du corps spermatique : nous dirions que c'est une por- tion réticulée de ce corps qui, en arri\ant dans l'œuf se transforme en rayons astériens ; ceux-ci seraient donc de nature spermatique, au même titre que ceux que nous avons décrits chez V Ascaris. Pour d'autres, ces rayons appartiennent au cytoplasme ovulaire, mais ils se forment grâce à l'action d'une substance cjui s'échappe du spermatozoïde : nous dirions que l'enchy- lème nucléo albuminifère du corps spermatique, en se dissolvant dans le cytoplasme, agit sur son réseau et y produit des irradiations. Or, pour la plupart des auteurs, ce corps irradié renferme un centro- some d'origine spermatique. Il se porte vers les noyaux sexuels, et bientôt la division du centrosome entraîne sa séparation en deux parties : les sphères de division, qu'on retrouvera avec leur centrosome aux pôles du premier fuseau de segmentation. On voit par cet exposé que les auteurs font jouer aux irradiations dont nous parlons un rôle important; celui de produire la segmentation en four- nissant à l'œuf les corpuscules et les sphères. Nous savons que ce n'est pas ainsi qu'il faut envisager les choses. Elles se passent tout autrement. Ces masses irradiées n'ont pas de centrosomes, et n'ont rien de commun avec les sphères de division. Elles se perdent dans le cytoplasme ovulaire, en modifiant sa structure et sa composition chimique. De tous les auteurs qui ont parlé de ces irradiations, c'est Kostanecki qui s'est le plus approché de la vérité, en ce sens, du moins, qu'il a observé (i) Wilson : On fertilisation etc. of tlic cgg in Toxopicustcs lividus ; New-York Acad. of Se, Biolog. Sect. — Anat. Anz., X, 8, 1894, p. 272. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA I7I leur effacement graduel et leur disparition dans le cytoplasme, tout en in- terprétant fort mal, d'ailleurs, l'ensemble des phénomènes. Voici ce qu'il dit en substance dans une note (i), à propos des Physa. - Chez la Physa r> foiiliimlis, la radiation spermatique se divise très tôt en deux parties et r> les deux nouvelles sphères atteignent sans tarder leur endroit prédestiné, n le plan de copulation. Alors commence un long stade où les pronuclei y croissent jusqu'à devenir de grosses vésicules. Pendant ce temps, les n deux systèmes de rayons groupés autour des deux centres disparaissent. » Ils traversaient auparavant tout le corps de la cellule ; il n'est plus » possible maintenant que d'en retrouver de maigres restes, des traces » inperceptibles, et cela seulement sur des préparations très réussies et y> particulièrement bien colorées. Dans ces préparations, les centrosomes, r> qui étaient auparavant très gros, ne subsistent plus qu'à l'état de petits y granules. C'est seulement lorsque les noyaux sont arrivés au stade de y peloton que le rayonnement réapparaît puissant. ^ KosTANECKi a donc constaté la disparition, on peut dire complète, des radiations spermatiques. C'est ainsi en effet que les choses se passent. Mais il a eu le grand tort d'ajouter que ces radiations réapparaissent au stade peloton. En effet, ce ne sont pas ces radiations qui réapparaissent alors. Au stade peloton, les centrosomes sortent des noyaux sexuels et déterminent clans le cytoplasme la formation de nouvelles radiations, celles des asters proprement dits, qui n'ont aucun lien génétique avec les anciennes radia- tions, disparues pour toujours. KosTANECKi a prétendument observé la division de l'archoplasme pen- dant sa marche vers les noyaux. En réalité, c'est la masse échappée du spermatozoïde qui s'est fragmentée en route et a donné naissance à deux centres de rayonnement. Nous avons montré que le corps central du sper- matozoïde de r^sa7;75 présentait souvent une fragmentation semblable. Au moment où l'irradiation primitive disparaissait près des noyaux, KosTANECKi a observé que les centrosomes, jusque là volumineux, se ré- duisaient à l'état de granules. L'auteur ici a assisté à la fin de la résolution de l'enchylème nucléo-albuminifère des sphérules échappées des spermato- zo'ides, et il a pris ces sphérules elles-mêmes pour des centrosomes. Elles n'en ont que l'apparence (2). (1) KosTANECKi und SiEDLECKi : Ucbcr dus Verhalten der Centrosomen ^itin Protoplasma; p. 1S8, 189. (2) C'est ainsi également que nous avons interprété, au Congres des anatomisies à Gand, les préparations de notre ami Van der Stricht, montrant le quaJrille des centres chez le Thysanozoon, Ij2 J. B. CARNOY et H. LEBRUN Le rôle que les irradiations spermatiques sont appelées à jouer, n'est donc pas tel que les auteurs l'ont conçu. Si elles servent à la segmenta- tion, ce n'est pas en fournissant les centrosomes et les sphères de division, mais par leur incorporation définitive dans la masse ovulaire. On peut ad- mettre, en effet, que le cytoplasme ovulaire, avant d'avoir subi l'action du cytoplasme spermatique, est incapable de répondre à l'action des centro- somes échappés des noyaux, incapable de se mettre en mouvement en vue de la division. D'où : c) Troisième condition du développement : Le cytoplasme ovulaire doit être soumis à l'influence du cytoplasme spermatique pour pouvoir en- trer en activité. On pourrait penser que les modifications introduites dans le proto- plasme ovulaire par le corps spermatique ont plutôt un rôle à jouer dans l'hérédité, c'est-à-dire dans la transmission des caractères paternels. Nous croyons ce rôle réel, mais nous croyons aussi que la transformation du cyto- plasme ovulaire est indispensable à la segmentation; l'un n'empêche pas l'autre. En résumé, il manquerait à l'œuf pour qu'il puisse effectuer son déve- loppement normal et produise un nouvel individu : 1° La moitié en poids de l'élément nucléinien d'une cellule ordinaire ou somatique de l'espèce considérée; 2° Un centrosome spermatique, fourni par le noyau mâle; 3° Une portion de protoplasme spermatique ou, au moins, une ou plusieurs substances chimiques, destinées à remanier le protoplasme ovu- laire et à le mettre en activité. Les deux premiers éléments sont apportés par le noyau du spermato- zoïde, le troisième par son cytoplasme. Il n'y a là, selon nous, que des irradiations produites par des fragments du Mittehtûck, irradiations qui disparaîtront avant la segmentation. Nous recevons de l'auteur, pendant !a correction de cette feuille, le travail de Mac Farland sur la fécondation de certains mollusques (Cellulàre Studien an MoUusken Eieni). L'auteur a constaté dans les œufs de Pk'iirofhxllidia californica la disparition précoce des radiations provenant du f.permato- zoïde. Il admet, comme Kostanecki, quelles réapparaissent avec leur centrosome au moment de la segmentation. Les remarques que nous avons faites au sujet des Pkysa s'appliquent exactement au mollusque étudié par Mac Farland. Nous nous demandons aussi jusqu'à quel point on est autorisé à affirmer qu'un corps qui s'est évanoui réapparaît ensuite comme tel, parce qu'on voit surgir un corps semblable dans l'œuf au mo- ment de la cinèse. Les deux sphères soi disant réapparues de la fig. lo de Mac Farland ne sont, selon nous, que les deux nucléoles, très bien représentés par lui dans ses figures précédentes au sein du noyau, qui viennent d'émigrer dans le cytoplasme pour produire la figure. LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 173 C'est ainsi que la cellule-œuf se complète et se féconde. En définitive, la fécondation est l'union de deux cellules noyau à noyau, protoplasme à protoplasme, en une individualité' nouvelle et capable de développement (i). III. Primum movens de la segmentation. Nous pouvons nous poser maintenant une dernière question. Quel est celui des éléments de l'œuf fécondé qui est le primum movens de la segmentation, celui qui entre le premier en activité et qui détermine les autres à le suivre? Pour Van Beneden, Boveri et leurs nombreux partisans, ce sont les sphères attractives ou archoplasmiques qui non seulement donnent le signal de la division, mais qui sont seules actives dans le phénomène. Ce sont elles, en effet, qui font tout : elles produisent l'aster, le fuseau, elles ra- mènent les bâtonnets vers les pôles; le restant du protoplasme, dit Boveri, est passif et subit l'étranglement final qui achève la segmentation. Le noyau l'est tout autant : il ne se divise pas, ajoute Boveri, il est divisé. Pour ces auteurs, c'est donc une portion différentiée du cytoplasme qui est l'agent actif unique de la division; le noyau n'y est pour rien, il se laisse faire. Ces idées ne sont pas nouvelles. Elles ne sont au fond qu'une réminis- cence habillée de neuf du kinoplasme de Strasburger, et Strasburger lui-même n'avait fait que spécifier davantage l'opinion généralement reçue alors, que l'impulsion à la division émanait du cytoplasme. Nous avons toujours combattu cette opinion. Déjà en 1885, la Cyto- diérèse (2) revendiquait ce privilège pour le noyau : c'est lui qui entre le premier en activité, c'est lui qui forme le fuseau, et c'est sous son influence directe que le cytoplasme entre en mouvement pour former les asters; il élabore lui-même la plaque fusoriale ; le cytoplasme intervient seulement pour former la plaque complétive. Les rôles, selon nous, étaient donc renversés; le noyau était le primum movens et le principal agent de la division cellulaire. Mais ces vues ne pouvaient prévaloir. L'engouement que suscitèrent bientôt les sphères attractives ferma les yeux ou les dirigea d'un autre côté. Il fallut attendre jusqu'à la publication du travail de Demoor (3). Les ex- (1) Nous arrivons donc aux mêmes résultats qu'en i8S5. Voir plus haut, à la p. S3, la citation que nous avons rapportée. (2) La Cytodiér'ese; pp. 340, 365, etc. (3) Demoor : Contribution à l'étude de la phys. de la Cellule; Arch. Biol., XIII, 1S94. 22 174 J. B. CARNOY et H. LEBRUN périences de se savant, confirmées par d'autres plus récentes, rappelèrent heureusement l'attention sur elles (i). Néanmoins, le rôle du noyau est toujours relégué à l'arrière plan par les auteurs modernes. Bien à tort, cependant. Car, les phénomènes que nous avons décrits chez les Ascaris montrent à toute évidence que le noyau joue un rôle pré- pondérant dans la segmentation ; il en est l'initiateur et le facteur principal, sinon exclusif. Il suffit pour le prouver de rappeler les faits que nous con- naissons. C'est le noyau qui forme le corpuscule de division. Or, c'est ce corpuscule qui met toute la cellule en mouvement. A peine sorti de sa demeure, il devient le centre d'une double irradiation : l'une qui a son siège dans le cytoplasme, et qui produit l'aster; l'autre qui se manifeste dans le caryoplasme et qui produit le fuseau. Ensuite les phénomènes qui se passent dans le fuseau pendant toute la cinèse doivent aussi lui être attribués : tels sont la formation de la couronne équatoriale, sa dislocation, le retour des deux bâtonnets vers les pôles. Nous avons vu en effet que le noyau, sous la forme de fuseau, conserve toute son autonomie au sein de la figure; jamais les filaments des asters ne s'y mêlent, ni ne viennent s'attacher aux bâtonnets pour les remorquer vers les pôles. S'il y a des filaments à ce destinés, ce sont des filaments du fuseau, qui appartiennent au noyau, par conséquent. Enfin, le fuseau forme lui-même la portion de la plaque cellu- laire qui lui correspond, la plaque fusoriale; le cytoplasme n'intervient que pour la portion qui le concerne, la plaque complétive. Les expériences de Demoor ont mis ce dernier fait en toute évidence. La segmentation est donc bien l'œuvre du noyau. Parmi les éléments du noyau, ce sont évidemment les corpuscules qui sont le primum movens et les facteurs immédiats de la segmentation; ils sont éminemment des organiles de division. § 2. Hérédité. Après avoir analysé les phénomènes de la fécondation, il ne nous reste plus qu'à dire un mot de Vhérédité. L'observation la plus superficielle suffit à montrer que le nouvel être résultant de la fécondation n'est pas un individu quelconque; il ressemble (i) Voir notre publication récente ; La vésic. genn., etc. clie^ les Batraciens ; La Cellule, t. XII, p 202. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 175 toujours d'une manière frappante aux parents qui lui ont donné naissance, et, le plus souvent, autant à lun qu'à l'autre. On appelle hérédité la faculté que possèdent les œufs fécondés de produire un être semblable à ses parents, à part certaines propriétés individuelles qui lui sont propres. On désigne sous le nom d'héréditaires les propriétés qui sont ainsi transmissibles des parents aux descendants par la génération. Or, on s'est demandé quel est, dans l'œuf fécondé, le substratum ma- tériel dL ces caractères. Est-ce le protoplasme; est-ce le noyau ou les deux à la fois? La réponse à cette question constitue ce que l'on a appelé la théorie de l'hérédité. Voici, esquissée à grands traits, d'après l'exposé de Boveri(i), la théorie qui jouit de la faveur générale. 10 Ainsi que Njîgeli l'a établi, le substratum des propriétés hérédi- taires ne peut être un corps chimique; il faut nécessairement qu'il soit organisé. Sans cela, on ne comprendrait pas comment il peut diriger le développement de façon à produire un être en tout semblable aux parents, souvent jusque dans les moindres détails. 20 II est bien établi que le père et la mère ou, en d'autres termes, l'œuf et le spermatozo'ide ont une part égale dans l'hérédité. Le rejeton ressemble autant à l'un qu'à l'autre parent; de même les hybrides tiennent le milieu par leurs caractères entre les espèces qui leur ont donné naissance. Le substratum organisé doit donc avoir la même masse approximative et être de même nature, ou de même structure dans l'œuf et dans le sperma- tozoïde. 3" Mais, comme le protoplasme du spermatozoïde est tellement réduit qu'il est souvent à peine décelable et que, d'ailleurs, il est différentié au plus haut degré et très différent de celui de l'œuf, on s'esttourné du côtédu noyau. 40 ^Et, en effet, en étudiant les phénomènes de la fécondation on trouve que le noyau présente tous les caractères requis pour devenir le substratum cherché. a) Les noyaux mâle et femelle sont toujours sensiblement égaux et ont la même structure, au moment où ils se rencontrent au centre de l'œuf pour se fusionner. b) En outre, ils renferment le même nombre de chromosomes, et (i) BovEBi, dans Ergebnisse, 1. c 176 J- B. CARNOY et H. LEBRUN ceux-ci sont identiques dans leur aspect, leur volume et jusque dans leurs propriétés chimiques. c) Enfin, après la division longitudinale équatoriale, la moitié de chacun d'eux se retire vers les pôles ; les deux nouveaux noyaux ont donc aussi le même nombre de chromosomes mâles et femelles. Et ainsi dans les segmentations suivantes. Les noyaux, et surtout leurs chromosomes, présentent donc tous les caractères requis pour le substratum des propriétés héréditaires et leur transmission aux descendants ; tandis que les autres éléments de la cellule ne jouissent pas de ces caractères. En résumé, ce sont les chromosomes seuls qui sont porteurs de l'hérédité. Cette théorie est-elle fondée? Examinons la point par point. 1° Nous admettons volontiers qu'il faut nécessairement un corps or- ganisé pour diriger le développement de façon à produire un être semblable aux parents. Ce corps organisé, c'est l'œuf. Mais s'en suit-il que les substances chimiques ne peuvent pas intervenir dans la transmission des propriétés au rejeton? En aucune façon. Car on conçoit très bien que ces substances puissent déterminer par leur action une modification, même profonde, dans la structure de l'élément organisé, modification qui se traduira par des caractères particuliers chez les descendants. Les exemples ne manquent pas pour appuyer cette assertion. Tels les hybrides de greffe, en particulier ceux de Daniel et de Lefort. L'hybride de Daniel (ij a été obtenu en greffant le Sisymbrium alliaria sur le chou cultivé. Le greffon fleurit et mûrit ses graines. Or, celles-ci ayant été semées donnèrent naissance à des plantes mixtes, rappelant les deux espèces par leurs caractères. Elles avaient du sujet le port trapu, les feuilles larges et crépues, les tiges et tous les organes végétatifs de consistance charnue; tandis que l'appareil florifère rappelait celui du greffon. Edouard Lefort (2) a produit récemment une variété remarquable en greffant la pomme de terre imperator sur marjolin. Elle tient du greffon par sa grande production, la forme arrondie et la couleur rouge de ses tubercules; le sujet lui a communiqué la précocité, des fanes courtes et une chair bien jaune. Ce résultat n'est pas resté isolé. Lefort est parvenu par le greffage à (i) Daniel : Sur quelques applications de la greffe herbacée; Rev. génér. de bot., t. V'I, 1S94. p. 356. (2) E. Lefort : Journal de la Société nationale d'horticulture de France. Supplément, 1S96. LA FÉCONDATION CHEZ l' ASCARIS MEGALOCEPHALA 177 rendre les pommes de terre industrielles, comestibles, sans qu'elles cessent de donner un grand rendement, et aussi de les rendre plus précoces lors- qu'on les greffe sur marjolin. Ces faits d'hybridation par la greffe sont des plus intéressants, car ils montrent à toute évidence l'influence considérable que les substances chi- miques peuvent exercer sur la structure cellulaire, et par suite sur- celle des organes. On ne conçoit pas, en effet, comment le sujet pourrait influencer le greffon autrement qu'en lui fournissant par osmose divers principes chi- miques. Il n'y a pas, par exemple,- de rapport organique possible entre 'le sujet et les graines dans l'hybride de Daniel. Dans un article remarquable, Gautier (i) a mis en relief récemment l'action qu'exercent les substances chimiques sur l'organisation cellulaire. D'après lui, la transmission des principes chimiques originaires des cellules génératrices modifient la structure élémentaire du protoplasme et, par suite, l'être tout entier jusque dans ses formes extérieures. La variation des races, dit-il encore, n'est pas seulement anatomique, mais chimique; elle commence avec les principes transmis par la génération, et l'introduction de ces prin- cipes peut créer des races nouvelles. Ainsi, les substances chimiques du spermatozoïde pourraient agir, à défaut même d'élément organisé, sur le cytoplasme ovulaire, pour lui faire prendre une tout autre structure et lui imprimer le cachet paternel; en un mot, en faire un être mixte. 2° On dit : puisque l'œuf et le spermatozoïde ont une part égale dans l'hérédité, le substratum organisé doit avoir la même masse et être de même nature dans chacun d'eux. Cette seconde assertion n'est pas justifiée. Car, s'il est vrai qu'une mi- nime quantité de substance chimique peut produire les hybrides de greffe, il doit en être de même, à plus forte raison, d'une masse organisée, si petite qu'on la suppose; elle pourra bien plus aisément encore produire un être à caractères mixtes. Quant à l'identité de nature qu'on réclame, nous avouons n'y rien com- prendre. Pourquoi le substratum des propriétés paternelles devrait-il avoir la même nature ou structure que le substratum des propriétés maternelles? On croirait plutôt le contraire, c'est-à-dire qu'ils doivent être de nature dif- férente, puisqu'ils sont destinés à transmettre des caractères différents. 3° Or, s'il en est ainsi, comment, de ce que le cytoplasme spermatique (i) Gautier : Le mécanisme de la variation des races; Revue scient., 1897, n» 6, p. i6i. 178 J- B. CARNOY et H. LEBRUN est réduit et très différent de celui de l'œuf, pourrait-on conclure qu'il n'est pas apte à transmettre les propriétés paternelles? 4° Quant à la dernière assertion, les chromosomes présentent seuls les caractères demandés : les paternels et les maternels sont égaux en nom- bre, en volume et ont la même nature chimique, elle n'est pas fondée davantage. Supposons, pour un instant, que la corrélation entre l'égalité en masse et en nature du substratum et la transmission des propriétés héréditaires soit établie. Que faudrait-il en conclure? Que les chromosomes sont seuls porteurs de l'hérédité? Assurément non. En effet, les caryoplasmes des deux noyaux sexuels sont égaux et apparemment de même nature; les corpuscules polaires mâles et femelles sont aussi égaux et, sans doute, de même nature; enfin le cytoplasme est devenu à la fois et également paternel et maternel dans toutes ses parties. Il en résulte que tous ces éléments possèdent, au même titre que les chromosomes, les caractères requis pour devenir le sub- stratum des propriétés héréditaires. D'où il faudrait conclure, qu'ils trans- mettent ces propriétés aussi bien que l'élément nucléinien. Mais alors! Que devient le privilège singulier attribué aux chromo- somes? Que devient la théorie elle-même? Les auteurs ont été amenés à formuler cette théorie, ou à y adhérer, parce qu'ils ont méconnu la réalité. Pour eux, le protoplasme de l'œuf fé- condé n'est que le protoplasme de l'ovocyte, sans plus; le spermatozoïde y reste étranger. Ensuite le corpuscule de segmentation dérive du corps sper- matique, l'œuf en est dépourvu. Quant au caryoplasme, ils en ont fait une goutte d'eau. Dans ces conditions, on ne pouvait regarder ces divers élé- ments comme capables de transmettre à la fois les caractères paternels et maternels. Restait l'élément nucléinien, le seul organisé du noyau, d'après eux, et, d'après eux aussi, le seul qui fût commun aux deux cellules sexuelles. Il fallait donc bien y recourir pour tenter une explication de l'hérédité. On a fait de nécessité, théorie. Cette théorie n'est qu'un ensemble de faux supposés, démentis par les faits. Les phénomènes qui se passent durant la fécondation chez les .4sc^- 775 le prouvent à suffisance. A partir de l'expulsion des globules polaires, l'œuf subit, grâce à l'in- troduction du spermatozo'ïde, des modifications profondes dans toutes ses parties. D'abord son protoplasme est transformé. Il s'imprègne du proto- LA FÉCONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 179 plasme spermatique en absorbant tous ses éléments organiques et chimi- ques. Le corps ovulaire primitif, œuvre de la mère, devient ainsi également l'œuvre du père; celui-ci lui imprime son cachet. Ensuite, le noyau de l'œuf n'est plus seul; il est doublé du noyau spermatique. Désormais il sera mi-paternel et mi-maternel dans tous ses éléments : chromosomes, caryo- plasme, corpuscules polaires, et exactement dans les mêmes proportions. C'est ainsi que l'œuf devient une entité nouvelle. Les deux cellules qui ont contribué à sa formation ont perdu leur individualité propre, en se fusion- nant, élément par élément, en une individualité unique. Celle-ci est néces- sairement de nature mixte, aussi mixte que possible, dans tous ses élé- ments constituants. Dès lors, quoi d'étonnant à ce que cette entité nouvelle donne nais- sance à un produit tenant, à la fois et pour part égale, du père et de la mère par tous ses caractères ? Car ses éléments : cytoplasme, caryoplasme, corpuscules, chromosomes, fonctionnent tous en même temps et comme êtres mixtes, non seulement pendant la première segmentation, mais pendant les cinèses suivantes et toute la durée du développement. Nous avons vu, en effet, que les corpus- cules nouveaux continuaient à être mixtes, et que l'élément nucléinien le devenait plus encore après la première cinèse, puisque les anses issues de la fusion des groupes binaires possédaient une moitié paternelle et une moitié maternelle. Il en est de même des associations qu'elles forment : tissus et organes, et, par conséquent du descendant tout entier. Est-il surprenant que celui- ci révèle à la fois les caractères du père et de la mère? Il ne saurait en être autrement. En résumé : 1° L'œuf fécondé transmet également les caractères paternels et ma- ternels, parce qu'il est également mixte dans tous ses éléments, et non dans ses chromosomes seulement, comme on l'a admis jusqu'à présent. 2° Le substratum des propriétés héréditaires, c'est l'œuf tout entier, c'est-à-dire son protoplasme aussi bien que son noyau. Et cela, parce qu'il est à la fois paternel et maternel, autant dans l'une que dans l'autre de ses deux parties constitutives. Nous nous garderons bien de pénétrer plus avant dans les profondeurs de l'hérédité, le plus grand problème de la vie, qui n'est elle-même qu'une longue chaîne de phénomènes mystérieux et inexpliqués. Nous ne savons l8o J B. CARNOY et H. LEBRUN ce qu'est la vie, et nous ne le saurons de longtemps. Que dire de la pré- tention du savant qui voudrait scruter les secrets de sa transmission, les secrets, surtout, de cette double vie qui se manifeste dans l'œuf fécondé et qui aboutit à la naissance d'un descendant, à la fois simple et double : simple, parce qu'il a une individualité propre; double, parce qu'il résume en lui les caractères de deux êtres, qu'il est la copie de son père et de sa mère? Ce serait folie ! Sachons avouer notre ignorance profonde et nous arrêter à la limite de notre modeste savoir. Vouloir aller au-delà, c'est s'aventurer dans le domaine ténébreux de l'hypothèse et des théories fantaisistes. C'est dange- reux pour la science. Car la manie de l'hypothèse tue l'observation autant que l'idée préconçue; ce sont là les deux plus grands ennemis des sciences positives. Elles ont, en outre, le grave inconvénient de fausser l'esprit des jeunes générations qui s'imaginent aisément que, pour faire de la haute science, au goût du jour, il faut planer dans les nuages et dédaigner la terre ! Arrière les théories! clamait Cuvier aux faiseurs d'hypothèses de son temps : des faits, encore des faits, toujours des faits! CONCLUSIONS. Résumons, sous la forme de conclusions, les principaux résultats de cette étude. Les plus importantes ont été lues le 26 avril au Congrès des anatomistcs, tenu à Gand, cette année. 1° A la dernière division des ovogonies, le corpuscule disparaît, comme après toute division; l'ovocyte ne renferme donc aucun centrosome dans son cytoplasme. Il est sous ce rapport comparable à toute cellule ordinaire à l'état quiescent. C'est donc bien à tort que Boveri voudrait voir dans cette absence un caractère distinctif de l'ovocyte. 2° Celui-ci n'est d'ailleurs jamais dépourvu de corpuscules. Car, il s'en forme aussitôt de nouveaux dans le jeune noyau, et ils y restent jusqu'à la formation des globules polaires. 3° Ils servent alors de corpuscule de division dans la première figure; puis ils disparaissent, selon toute probabilité. 40 Nous croyons, en effet, qu'il s'en forme de nouveaux pour la figure du second globule. 5° Les deux figures polaires sont donc pourvues de corpuscules. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA i8i En outre, elles sont munies d'asters. De ce double chef, elles sont des cinèses ordinaires. 6° Les corpuscules et les asters qui fonctionnent pendant les cinèses polaires s'évanouissent sans tarder; il en résulte qu'après l'expulsion du second globule il n'y a pas de corpuscule dans le cytoplasme ovulaire. // lî'y a donc pas d'ovocentre. 7° L'archoplasme de Boveri n'existe pas tel que cet auteur l'a conçu. Ce n'est pas, en effet, une simple portion différentiée du cytoplasme ordi- naire. C'est une irradiation produite avec le concours et sous l'influence du corps du spermatozoïde. Il représente les irradiations décrites par les auteurs, qui s'échappent du Mitlelstiick chez d'autres animaux. 8° Contrairement à ce qu'on admet généralement, ces irradiations ne renferment pas de centrosome véritable; leur prétendu centrosome n'est qu'une sphérule d'enchylème nucléo-albuminifère du corps spermatique, laquelle se dissout dans l'œuf. // n'y a pas non plus de spennocentre. 9° S'il en est ainsi, le quadrille des centres de Fol, de Guignard, de Blanc, de Conklin, de "Van der Stricht, etc., est impossible. io° Ces irradiations se répandent dans tout le cytoplasme ovulaire, à l'effet de le remanier, de modifier profondément sa structure et d'en faire une entité nouvelle de nature mixte. Ainsi, elles ne produisent jamais les sphères archoplasmiques. 1 1° Jusques avant la segmentation, il n'y a ni centrosomes, ni sphères d'aucune sorte dans le cytoplasme ovulaire ; rien que les deux noyaux sexuels. D'où viennent donc les centrosomes et les prétendues sphères de seg- mentation? 1 2° Les corpuscules polaires qui doivent servir à la première segmen- tation naissent dans les noyaux sexuels, dès le début de leur développement, et ils y restent enfermés jusqu'au moment de la cinèse; c'est pourquoi il est impossible d'en rencontrer dans le cytoplasme auparavant. Ces corpus- cules sont les nucléoles plasmatiques ou achromatiques de Carnoy, Boveri, Herla, Kultschitzky. 13° Ils sortent du noyau au début de la division, au stade peloton de l'élément nucléinien. 14° lien sort un de chaque noyau sexuel; d'où il faut conclure que le noyau femelle contribue autant que le noyau mâle à la segmentation et au développement subséquent. La segmentation est une œuvre commune ou mixte. 23 182 J. B. CARNOY et H. LEBRUN 15° Ils entrent en activité aussitôt qu'ils arrivent dans le cytoplasme, en y déterminant la formation progressive de l'aster et de son auréole gra- nuleuse centrale, c'est-à-dire de la prétendue sphère attractive. On voit que celle-ci ne peut exister avant la sortie des corpuscules. 16° C'est sous leur influence également que le reticulum caryoplas- matique s'irradie de son côté pour former le fuseau; celui-ci est toujours d'origine nucléaire. 17° Après la cinèse, les corpuscules disparaissent totalement; ils ne se divisent pour former les corpuscules de la cinèse subséquente, ni ne rentrent dans le noyau, comme l'ont prétendu divers observateurs : Hert- WIG, JULIN, ZiMMERMANN, KaRSTEN, CtC. 18° Les asters et leur auréole s'évanouissent en même temps; ils ne se divisent pas non plus en deux sphères destinées à la segmentation suivante. Le fuseau central d'HERMANN ne peut donc exister. 1 9° Loin d'être des éléments permanents de la cellule, les corpuscules et les asters, ou sphères attractives et autres, sont des productions transi- toires, au même titre que le fuseau. 20° Aussitôt après la cinèse, de nouveaux corpuscules naissent dans le noyau non encore reformé, au stade des couronnes polaires, aux dépens de l'élément nucléinien; ils n'en sortiront qu'au moment précis de la cinèse suivante. 21° On voit combien se sont égarés les nombreux observateurs qui se sont lancés à la poursuite des corpuscules et des sphères attractives dans les cellules au repos, si, ce qui est plus que probable, les choses se passent ailleurs comme chez l'Ascaris. 2 3° Il se forme finalement deux corpuscules dans chaque couronne. Chez Yunivalens, l'un provient de l'anse paternelle, l'autre de l'anse mater- nelle. A la seconde cinèse, comme à la première, les corpuscules sont donc d'origine différente. Il en sera ainsi vraisemblablement aux cinèses suivantes. 23° Les anses des premières couronnes polaires se scindent transver- salement en deux moitiés. Il en résulte que les nouveaux noyaux possèdent un nombre double de bâtonnets. Ceux-ci sont disposés par paire dans une protubérance du noyau, et chaque paire renferme un bâtonnet mâle et un bâtonnet femelle. 24° Pendant la période de repos qui suit, les bâtonnets de chaque LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA I83 groupe binaire s'unissent, de telle sorte que les anses qui concourent à la seconde cinèse sont mixtes; tandis qu'à la première cinèse elles étaient ex- clusivement paternelles ou maternelles. 25° Contrairement à ce qu'ont soutenu Van Beneden et Boveri, lors- que le noyau se reconstitue, la nouvelle membrane enrobe comme caryo- plasme une portion notable de protoplasme mixte. 26° Puisque le corpuscule est le prinium movens de la formation des asters et du fuseau, il s'en suit que la division cellulaire est sous la dépen- dance du noyau qui le produit, et nullement sous la dépendance des pré- tendues sphères ou du cytoplasme : ainsi que l'ont proclamé bien haut beau- coup d'auteurs, pour qui le noyau est purement passif, suivant l'expression de BovERi. 270 La théorie de la fécondation émise par ce savant ne peut plus se soutenir; elle pèche par la base et est contraire aux faits. Car le spermo- centre qui doit venir compléter l'œuf et le rendre apte au développement n'existe pas. S'il existait, il disparaîtrait à la première cinèse et ne pourrait se perpétuer par division répétée à travers toutes les cinèses suivantes. 28° La fécondation est un acte très compliqué et très intime. Il con- siste dans la fusion de deux individualités d'origine différente en une entité nouvelle et de nature mixte. Mixte, non seulement dans ses chromosomes, comme le pensent les auteurs modernes, mais dans toutes ses parties : cytoplasme, caryoplasme, centrosomes, élément nucléinien, tout y est à la fois et dans les mêmes proportions paternel et maternel. 29° L'œuf fécondé transmet les propriétés héréditaires des deux pa- rents, parce que ses éléments, à la fois d'origine paternelle et maternelle, fonctionnent tous en même temps comme être mixtes pendant la segmen- tation et toute la durée du développement. EXPLICATIONS DES PLANCHES La plupart des figures ont été dessinées à la chambre claire avec l'objectif apo- chromatique i,3o ou 1,40 et l'oculaire compensateur 8. PLANCHE I. Ascaris megalocephala bivalens. FIG. 1 et 2. Spermatozoïdes après leur entrée dans l'œuf, vus de côté. L'en- chylème a disparu de la couronne et de la partie périphérique ; le réseau y est à nu. Au centre, le corps réfringent. FIG. 3. Le réticulum s'est étendu; les sphérules noires qui courent sur le ré- seau proviennent de la digestion du corps central, qui diminue de volume. FIG. 4. Spermatozoïde vu d'en haut. La tête, ou couronne, est vue de face et le noyau se projette sur le corps central. Le réseau de la couronne s'est déve- loppé davantage. Mêmes sphérules que dans la fig 3. FIG. 5. Même vue de face. La couronne est à réseau très serré et sans spérules ; on a dessiné la bande périphérique du cytoplasme. On voit dans le noyau les deux bâtonnets nucléinicns. FIG. 6. La couronne s'étend de plus en plus en formant des bras. Le corps réfringent a perdu son enchylème, à part quelques sphérules non encore dissoutes, et a conservé son réseau. FIG. 7. Section optique d'un œuf entier. La plage de fusion : au centre, portion due au spermatozoïde avec quelques sphérules nucléo-albumineuses restantes ; à l'extérieur, portion formée dans le cytoplasme; plus loin, jusqu'à la membrane, protoplasma vacuoleux non modifié et à réseau lâche. Gross. i,3o X 6. FIG. 8. Plage devenue uniforme. Le corps réfringent est désagrégé en un grand nombre de sphérules. FIG. 9. Coupe optique de la plage, le corps réfringent étant vu de côté, c'est-à-dire suivant sa longueur. L'enchylème n'est pas encore dissous à la partie inférieure de ce corps. FIG. 10 Vésicule germinative à l'état de repos : caryoplasme réticulé; deux groupes de 4 bâtonnets; deux nucléoles ou futurs corpuscules. l86 J- B. CARNOY et H. LEBRUN FIG. 11. État de l'œuf pendant la première cinêse polaire. Plage de fusion avec ses deux parties, coinme dans la fig. 7. Le corps réfringent, vu en long, est encore représenté par deux sphérules non dissoutes : une en dessous du noyau, l'autre à la partie inférieure. En haut, la figure du premier globule, avec asters et corpuscules polaires. FIG. 12. Second globule. Figure avec asters et corpuscules. La plage de fu- sion, presque uniforme, s'étend sur les cordons plasmatiques interposés aux vacuoles, et remplit tout l'œuf. FIG. 13. La plage n'a pas encore envahi tout l'œuf. En haut, corps résiduel; à droite, noj-au mâle avec nucléoles naissants; en bas, noyau femelle avec nucléoles dans le pont qui relie les deux bâtonnets. FIG. 14. La transformation de la plage de fusion en réseau définitif; mais elle n'est pas encore complète, à droite surtout. Deux corps résiduels. Deux corpus- cules dans le noyau supérieur, quatre dans l'inférieur. FIG. 15. Il n'y a plus qu'un reste de la plage, à droite. Quatre corpuscules dans chaque noyau. Corps résiduel accompagné d'une sphérule enchylémateuse. FIG. 16. Réticulum définitif de l'œuf. Un corpuscule dans chaque pronucleus. A partir de cette figure, on remarquera le carj'oplasme réticulé. FIG. 17. a) Deux noyaux sexuels dans leur position naturelle. Quatre et trois corpuscules de dimension variable. — bj Item; deux et trois corpuscules; dans le noyau de droite, deux vont se fusionner. FIG. 18. De même. Deux corpuscules dans chaque noyau. FIG. 19. Noj-au de conjugaison au début du stade peloton ; les nucléoles des deux groupes binaires vont se fusionner. FIG. 20. Noyau de conjugaison au même stade, avec deux corpuscules. Corps résiduel. FIG. 21. Noyau avec peloton plus avancé. Un corpuscule est sorti, et l'aster commence à se former. FIG. 22. Stade plus avancé. Les deux corpuscules sont sortis l'un près de l'autre; début des asters. FIG. 23. Deux corpuscules en position de figure, avec asters naissants. For- mation du fuseau dans le caryoplasme. FIG. 24 Stade équatorial, à peu près. Fuseau achevé. FIG. 25. Deux pronuclei accolés, chacun avec deux anses nucléiniennes et un corpuscule. FIG. 26. De même. Un peloton dans chaque noyau. Le corpuscule est sorti du noyau de droite. La fécondation chez l'ascaris megalocephala 187 FIG. 27. Peloton débutant; le nucléole est sorti très tôt d'un noj'au ; il y en a deux dans l'autre. FIG. 28. Deux anses encore très allongées dans chaque noj'au. Les corpus- cules sont sortis des deux noyaux, en position polaire. FIG. 29. Peloton non encore scindé en deux anses. Corpuscules sortis en po- sition de figure. Naissance du fuseau dans les deux noyaux accolés. L'auréole as- tcriennc est très marquée. FIG. 30. Le fuseau est formé; les anses ne sont pas encore en position équatoriale; auréole moins marquée que dans la figure précédente. FIG. 31. Retour vers les pôles. Fuseau riche. Bâtonnets trapus. Asters dé- veloppés; les granules de l'auréole se répandent sur tous les rayons. Les corpuscules existent encore. FIG. 32. Retour vers les pôles. Fuseau moins fourni. Anses minces et très allongées qui se croisent en formant les couronnes. Asters et auréoles comme dans la figure précédente. Le corpuscule de gauche a disparu; celui de droite s'est aplati avec l'aster. FIG. 33. Les noyaux sont reformés depuis quelque temps; on voit deux bâ- tonnets dans chacune des deux cornes sur les deux noyaux. Les asters et l'auréole ont presque disparu; le centrosome de gauche est réduit à l'état de granule ponc- tiforme. FIG. 34. Les noyaux sont à un stade plus avancé. On y voit deux filaments dans les cornes, qui se sont allongés vers l'intérieur du noyau. Les auréoles sont encore très fournies, mais elles sont dépourvues de corpuscules anciens. Il y a deux et quatre corpuscules nouveaux. FIG. 35. L'auréole disparaît, surtout à gauche. Les filaments se sont répandus dans tout le noj'au en s'enchevètrant. Il n'y a qu'un corpuscule dans chaque noj^au. FIG. 36. Il ne reste plus qu'une trace de l'auréole dans la cellule de droite. Un et deux corpuscules nucléaires. L'élément nucléinien est typique pour le noyau au repos avant la seconde cinèse. Dans la corne d'en haut, à gauche, on voit encore les extrémités des deux filaments primitifs. FIG. 37. Plus de trace de corpuscule ni d'auréole dans le cytoplasme. Stade peloton; un cordon continu dans chaque noyau. A gauche, les deux nouveaux corpus- cules viennent de sortir : premier début des rayons astériens ; pas encore d'auréole. FIG. 38. Même stade : deux cordons à gauche (voir note dans le texte); quatre anses, à droite. A gauche, l'auréole et l'aster se forment autour des corpus- cules libérés ; à droite, ceux-ci sont encore internes. FIG. 39. Même stade. Quatre anses; les extrémités d'une même anse se voient nettement dans les cornes de gauche, et en haut, à droite. Après la résolution de 188 J B. CARNOY et H. LEBRUN la membrane, les anses de a s'ouvrent, se détendent et prennent la position de b. A droite, les corpuscules sont sortis et se sont portés loin du noyau ; à gauche, deux corpuscules contigus, provenant probablement d'une division. PLANCHE II. Ascaris inegalocephala iinivalens. FIG. 1. Œuf avec ses deux no}'aux vus en coupe. Car3'oplasme réticulé. Un nucléole-corpuscule dans chaque noj'au. FIG. 2. Deux pronuclei dans leur position naturelle, vus en coupe. Deux corpuscules dans chaque noyau. FIG. 3. Pronuclei accolés. Deux anses au lieu d'une dans chacun. Un et deux corpuscules. FIG. 4. Un corpuscule est sorti du noyau de droite, il n'est pas encore en- touré d'aster ni d'auréole ; dans le noyau de gauche, le corpuscule est encore interne. FIG. 5. Deux corpuscules sont sortis ; les rayons astériens et l'auréole com- mencent à se marquer. Il reste un corpuscule dans l'un des noj^aux qui en avait deux. FIG. 6. Chaque noyau a émis son corpuscule en position polaire. Début des asters. FIG. 7. Stade précédant la couronne équatoriale ; les deux anses sont encore très allongées et non orientées. Les asters se développent. Fuseau bien développé, très large parce qu'il est vu de face (voir fig. 24). FIG. 8. Dislocation de la couronne. Les anses-filles, soulevées par le milieu, . se tiennent encore par leurs extrémités. Le fuseau s'est allongé fortement. Les asters sont pleinement épanouis. FIG, 9. Les couronnes polaires sont à peu près formées; les deux anses se croisent. Les corpuscules existent encore. Les granules de l'auréole se répandent sur les filaments des asters. Le fuseau n'existe déjà plus et est remplacé par un réseau. FIG. 10. Les anses se scindent transversalement; les deux branches de l'une d'elles sont encore reliées par un pont qui renferme les nouveaux corpuscules nais- sant. Le corpuscule de l'autre anse est libéré. — Les corpuscules anciens ont dis- paru du centre des asters ; ceux-ci sont déjà réduits. Le fuseau existe encore. FIG. 11. Même stade. Corpuscules nouveaux dans les ponts demeurés plus épais. Les deux corpuscules anciens existent encore. L'aster n'a guère diminué. Le fuseau est remplacé par un réticulum. FIG. 12. Même stade. L'un des corpuscules anciens a disparu. Les asters se sont presque entièrement transformés en réseau. L'auréole a beaucoup diminué. LA FÉCONDATION CHEZ l'aSCARIS MEGALOCEPHALA 189 On remarquera sur cette figure et sur la fig. 10 la formation des deux groupes binaires de bâtonnets, après la scission des anses. Chacune des deux anses primitives fournit un bâtonnet à chaque groupe. FIG. 13. Formation de la membrane des deux noyaux nouveaux; elle en- robe une large plage de caryoplasme et contourne les bâtonnets en formant des cornes. Les deux nouveaux corpuscules de chaque noyau sont déjà volumineux. FIG. 14. Même stade; seulement les groupes binaires sont irréguliers. Les asters, l'auréole et les corpuscules anciens se sont maintenus. FIG. 15. Jeunes noyaux typiques : deux cornes ; un groupe binaire dans chaque corne. Corpuscule, aster et auréole ont totalement disparu dans la cellule supérieure ; dans l'autre cellule, un reste de l'aster et de l'auréole. FIG. 16. Les bâtonnets du groupe binaires s'amincissent et se répandent dans le caryoplasme, sous la forme de longs filaments irrégulièrement ondulés. FIG. 17. État du noyau un peu avant la cinèse. Les filaments se sont retractés et soudés pour former une anse dans chaque corne. Les bouts de l'anse sont à l'intérieur. Les corpuscules sont venus s'accoler à la membrane du noyau. FIG. 18. Sortie des corpuscules; l'un d'eux est engagé dans la membrane du noyau supérieur. Dans ce noj'au, les anses ont leurs extrémités dans les cornes; dans le noyau inférieur, où les anses ne sont pas encore achevées, ce sera le contraire. FIG. 19. En bas, l'un des corpuscules est sorti; mais, comme dans la figure précédente, il n'a pas encore formé d'aster. En haut, les deux corpuscules sont sortis depuis plus longtemps, l'aster se dessine nettement. FIG. 20. Mêmes détails. FIG. 21. Le filament-peloton ne s'est pas encore scindé en deux anses. Un corpuscule est sorti; il en reste deux dans le noyau. — Gross. : i,3o X 4- FIG. 22. Également peloton unique; les deux nucléoles sont sortis et foncti- onnent déjà. FIG. 23. Les deux nucléoles récemment sortis sont encore inactifs dans la cel- lule supérieure ; ils ont déjà formé l'aster et l'auréole dans la cellule inférieure. FIG. 24. Cellule inférieure : comme dans la cellule inférieure de la fig. 23. Le bout des anses est dans les cornes. La cellule supérieure est au même stade que la fig. 7; seulement le fuseau paraît plus étroit parce qu'il est vu de côté; le fuseau est, en effet, lenticulaire. FIG. 25. Cellule inférieure; comme dans les deux figures précédentes. Les extrémités des anses sont au fond des cornes, et leur courbure à l'intérieur. La cellule supérieure est au stade équatorial. Fuseau vu de face, comme dans la FIG. 7. 24 igo J B. CARNOY et H. LEBRUN FIG. 26. Couronnes polaires typiques, à anses croisées. Les corpuscules ont déjà disparu et les asters sont en voie de régression. FIG. 27. Les noyaux sont reformés. Deux groupes binaires de bâtonnets, comme après la première segmentation. Deux corpuscules nouveaux. Les anciens ne se sont pas encore effacés, l'aster est presque retransformé en réseau ; le fuseau l'est entièrement. FIG. 28. La cellule supérieure est au stade équatorial; le fuseau de face est très large, quadrangulaire et à filaments variqueux. Les asters sont très développés; l'auréole se répand déjà sur les noyaux astériens. — La cellule inférieure marque le retour vers les pôles, lorsque les anses-filles se détachent d'abord par une extré- mité au sein de la couronne. Les corpuscules ont diminué de volume. FIG. 29. En haut, même retour; les extrémités des anses, arrivées au pôles, se croisent. — En bas, stade plus avancé. Les extrémités équatoriales se sont déta- chées, les polaires se sont croisées davantage et vont donner la fig. 26. Le corpuscule supérieur a disparu; l'inférieur est réduit à l'état de granule. FIG. 30. Même que fig. 27; mais les groupes binaires sont plus typiques. Le corpuscule inférieur a disparu. FIG. 31. Stade équatorial des figures particulières, avec rejet de l'extrémité des anses dans le cytoplasme. FIG. 32 Retour vers les pôles dans ces mêmes figures. Voir texte. TABLE DES MATIÈRES Introduction PAG. 63 CHAPITRE I. Matériaux et méthodes. § I. Méthodes antérieures. Remarques critiques concernant le; fixateurs employés par Van Beneden, Boveri, Kos- TANECKi, VON Erlanger, etc. ...... 65 Remarques concernant la confection et l'examen de leurs préparations . . 67 § II. Nos méthodes. Fixation des matériaux ....... 68 Enrobage à la paraffine et à la celloïdine ..... 69 Coloration. Hématoxyline ferrique pour corpuscules et nucléoles ... 70 Dessins : remarques à propos des figures des auteurs .... 72 CHAPITRE II. Les corpuscules et les asters des cinèses polaires. Aperçu historique ...... Absence de corpuscule dans le cytoplasme de l'ovocyte . Réfutation des conclusions que Boveri avait déduites de cette absence Les corpuscules-nucléoles sont dans le noyau Les corpuscules existent dans les deux figures polaires Leur disparition précoce. Il n'y a pas d'ovocentrc Les asters existent dans les figures des deux globules Les cinèses polaires sont des cinèses ordinaires . 74 75 75 75 77 78 79 So CHAPITRE III. Le spermatozoïde, le corpuscule spermatique, l'archoplasme et les sphères attractives. § I. Le spermatozoïde - 1° Sa structure. Aperçu historique ........ Nos observations. Réseau, enchylème, corps réfringent . . . . 2° Le spermatozoïde dans l'œuf. Critique de l'opinion des auteurs sur le sort du spermatozoïde après sa pénétration. Nos observations ........ 81 82 83 85 192 J. B. CARNOY et H. LEBRUN B. II Modification du sperma.to:{Oïde. — Plage de fusion. Critique des méthodes employées par les auteurs Le corps spermatique se répand dans l'œuf Son influence sur le cytoplasme ovulaire; pullulation du réseau Les corps résiduels; ce qu'ils représentent La plage de fusion ou de pullulation . Elaboration finale; structure définitive du cytoplasme fécondé Modification de l'enchylème ovulaire par l'enchylème spermatique Fusion. Y at-il fusion organique entre le corps du spermatozoïde et celui de l'œuf ? Influence des substances chimiques sur la structure du cytoplasme Signification de l'aire plasmatique de Kostanecki, etc. Corpuscule spermatique. A . Il n'e.viste pas ....... Explication des résultats de Boveri et de v. Erlanger . B. Il ne se divise pas ....... Pourquoi on a cru qu'il se divisait ..... § III. L'archoplasme et tes sphh-es attractives. 1° A rchoplasme. II n'existe pas comme tel. Critique des observations de Boveri . 2° Sphères attractives. Elles n'existent pas comme corps autonomes. Critique des observations de Van Beneden 85 86 88 89 go 90 91 93 92 93 93 94 95 96 97 99 CHAPITRE IV. La segmentation. § I. Les corpuscules de segmentation. Ce sont les nucléoles plasmatiques 10 Leurs propriétés . 2° Leur origine 3° Leur nombre 40 Leur rôle Ils sortent du noyau, au stade peloton, avant la résolution de la membrane nucléaire Les nucléoles servent de corpuscules de division Co'incidence entre cette sortie et l'apparition du centrosome et des sphères des auteurs § II. Les asters. I. Formation. Ils naissent dans le cytoplasme ordinaire sous l'influeuce du corpuscule Rayons et auréole centrale ...... II. Modifications du corpuscule. 11 se dissout. Comment il produit l'aster. .... III. Corpuscules superflus. Leur sort. — Figures multipolaires ..... IV. Auteurs. Critique de l'opinion de Van Beneden et de Boveri sur la formation et la consti tution de l'aster ....... § III. Sort des corpuscules et des asters. 1° Les corpuscules, les asters et l'auréole disparaissent à chaque segmentation 2° Les corpuscules et les asters ne se divisent pas lOI 102 103 io3 io5 106 109 109 1 10 n 1 ii3 114 116 118 LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 193 PAG. Pourquoi on a cru à leur division . . . . . .119 § IV. Le fuseau. Opinions des auteurs sur sa formation et sa constitution. Réfutation . . 121 Le fuseau est d'origine nucléaire ...... 122 1° Structure des prouudei. Caryoplasme réticulé; Kernsaft des auteurs . . 122 2° Leur position. Ils sont rapprochés ou accolés. Critique des observations de Boveri . . 128 3° Formation du fuseau. Il se forme tout entier dans le caryoplasme réticulé sous Tinfîuence du corpuscule i23 Il est autonome et indépendant des asters ..... 125 Critique des observations de Boveri . . . . . .125 40 Constitution du fuseau. Les filaments sont unis, continus, convergents en un point qui touche au corpuscule i25 Les deux cônes distincts de Van Beneden et de Boveki n'existent pas . . i25 § V. Couronnes polaires. \° Retour aux pôles. Critique des observations de Herla ...... 129 Couronnes polaires normales ....... 129 2° Corpuscules nouveaux Leur formation au milieu des anses de la couronne. .... i3o 3° Groupes binaires. Scission transversale des anses. ...... i3i Formation des groupes binaires et mixtes ..... i3i C'est à tort que Van Beneden et Herl.i ont admis la division longitudinale dans les couronnes polaires . . . . . . . i32 40 Mécanisme du retour polaire. Les deux cônes remorqueurs de Van Beneden et BovERt, la zone périphérique de KosTANECKi n'existent pas ....... i33 Il n'y a pas de filaments rétracteurs dans le fuseau . . . . i33 Le faisceau connectif est d'origine fusoriale ..... 134 Pourquoi il est moins fourni que le fuseau ..... i35 Le fuseau se retransforme intégralement en réseau .... i35 § VI. Reconstitution des noyau.x Opinion des auteurs ....... . l36 Une portion de protoplasme est enrobée par la membrane nucléaire . . i36 Protubérances du noyau ....... 137 Critique des observations de Herla ...... 137 Changements qui s'observent dans l'élément nucléinien .... i38 Critique des observations de Van Beneden, Herla et Boveri . . . i3g Ce qui se passe dans le noyau au repos . . . . .140 Formation du peloton et des anses de la seconde cirèse. . . . 141 Les anses sont de nature mixte ...... 142 Les chromosomes ne sont pas autonomes et permanents .... 143 CHAPITRE V. Nucléoles et corpuscules. 10 Propriétés des nucléoles cl des corpuscules Leur constitution chimique et organique est semblable . 144 194 J. B. CARNOY et H. LEBRUN 2° Entrée en activité des nucléoles. Ils entrent très tôt en activité, au stade peloton. 3° Manière d'être du nucléole pendant la cin'ese. Elle est très variable, fragmentation, dissolution, émigration Us ne rentrent pas dans le noyau, comme l'ont pensé Zimmermann, Hertwig, Julin, etc 4» Rôle des nucléoles. Opinions diverses des auteurs . Les nucléoles fournissent les corpuscules Historique .... Critique des observations des auteurs . Notre opinion. Réponse aux objections . Y a-t-il plusieurs sortes de nucléoles? . Explication des figures sans corpuscule figuré Les corpuscules multiples sont dus à la fragmentation Les corpuscules se dissolvent après la cinèse; il n'y en a pas dans le cytoplasme au repos 5o Origine des nucléoles. I" Opinion des auteurs Critique .... 2° Mode de formation des corpuscules. Chez y Ascaris, ils sont d'origine nucléinienne Modifications chimiques de la nucléine. 145 146 147 148 149 149 i5i l52 l52 i53 i55 i56 157 i58 iSg 160 161 CHAPITRE VI. Fécondation et hérédité. us actif que le fragment à § L Fécondation. I. Théorie de Bovcri ; sa réfutation. Exposé de la théorie ....... Sa réfutation ....... L'absence de cenirosome cytoplasmatique n'empêcherait pas l'œuf de se diviser Le corps spermatique ne fournit pas le centrosome de segmentation Les expériences de Boveri ne sont pas probantes Résultats des expériences de Morgan et de Ziegler Pourquoi le fragment d'œuf à noyau spermatique est pi pronucleus femelle Le centrosome spermatique ne peut être permanent II. Conditions de la segmentation. a) Les deux pronuclei sont nécessaires. b) Le noyau spermatique doit fournir un corpuscule c) Le cytoplasme ovulaire doit subir l'influence du corps spermatique Rôle des irradiations produites par le Mittelstûck; critique de l'opinion de Kostanecki ■Van der Stricht et Mac Farla.n'd . . . • Définition de la fécondation ...... III. Primum movens de la segmentation. Ce ne sont pas les sphères, ni le cytoplasme; critique de l'opinion de Van Beneden et Boveri ........ L impulsion vient du noyau; .«on rôle dans la division . . . . C'est le corpuscule qui est le primum movens , , . • ■ 162 164 164 164 164 i65 16e 167 168 i6g 170 171 172 173 174 174 LA FECONDATION CHEZ L ASCARIS MEGALOCEPHALA 195 § II. Hérédité. Sa notion. ..... Exposé de la ihcorie actuelle de l'hérédité. Examen de cette théorie 10 Rôle des substances chimiques Hybrides de greffe de Daniel et de Lefort Vues de A. Gautier 2° Qualités du substratum des propriétés héréditaires 3° Le corps spermatique peut jouer un rôle actif 40 Les chromosomes ne sont pas seuls chargés de la transmission des caractères Pourquoi on a considéré ces éléments comme seuls porteurs de l'héré.lité . L'œuf fécondé transir.et les propriétés des deux parents parce qu'il est mixte dans tous ses éléments. ....... Le substratum des propriétés héréditaires est l'œuf tout entier : protoplasme et noyau 174 175 176 176 176 177 177 177 178 178 179 179 Conclusions Explication des Planches 180 i85 Foldout Hère ♦ ♦ ♦ Hère ♦ ♦ ♦ t t LES CINESE8 SPERMAT0GENET1QUE8 CHEZ L'HELIX POMATIA PAR Arthur BOLLES LEE (Mémoire déposé le lo mai 1897.) 25 ^ ^ LES CINESES SPERMATOGENETIQUES CHEZ L'HELIX POMATIA(*) INTRODUCTION Les phénomènes de la spermatogénèse chez les gastéropodes pulmo- nés ont été, à plusieurs reprises, l'objet de l'attention des anatomistes. En 1887, M. Duval(i) énonce les conclusions suivantes : Au printemps, certaines cellules de l'épithélium germinatif de l'ovo- testis, qu'il appelle ovules mâles, augmentent de volume et produisent dans leur protoplasme par voie de formation endogène de nombreux noyaux. Ces noyaux se divisent et, par leur multiplication répétée, donnent lieu à la formation d'une masse de cellules piriformes disposées en grappe au- tour de l'ovule mâle. Chacune de ces cellules deviendrait, selon Duval, par différentiation ultérieure, un spermatozoïde. Blomfield (2), dans son mémoire de 1881, arrive à des conclusions qui, pour ce qui regarde les masses de cellules piriformes disposées en grappes autour d'une grande cellule centrale, ne diffèrent guère de celles de Duval. La différence essentielle entre les deux auteurs est que Duval avait admis que les petites cellules piriformes avaient pris naissance par formation endogène dans le corps de la grande cellule, tandis que Blom- field pense qu'elles dérivent de la division régulière du noyau de celle-ci. (1) Duval : Revue des sciences naturelles, t. \'II, juin, 1S7S. (2) Blomfield ; Quart Journ. Mie. Se, vol. XXI, July, 18S1, p 4i5. (■) Note. — La Rédaction croit de son devoir de faire remarquer que le manuscrit de M. Bolles Lee lui est parvenu le 10 mai 1897. c'est-à-dire à une époque où le mémoire de MM. Carnoy et Lebrun netait pas encore sorti de presse. Les résultats exposés par M- Bolles Lee ont donc été obtenus d'une manière absolument indépendante des conclusions que MM. C.vk.noy et Lebrun ont formulées dans le travail précédent. 200 Arthur BOLLES LEE Il admet comme Duval que les petites cellules piriformes se transforment directement en spermatozoïdes. Il donne aux grandes cellules centrales, c'est-à-dire aux ovules mâles ou cellules-mères de Duval, le nom de cellule blastophorale ou blastophore ; il appelle spermatoblastes les petites cellules piriformes, et sperm-polyplasls les grappes cellulaires formées par l'ensem- ble de ces deux sortes d'éléments. Ni l'un ni l'autre de ces auteurs n'ont étudié les processus cytologiques de la division de ces cellules. De ces deux mémoires nous pouvons retenir comme un fait établi la production, pendant la spermatogénèse des Hélix, de masses cellulaires en forme de grappes de cellules plus ou moins piriformes disposées autour d'une cellule plus grande, centrale, ou, pour mieux dire, basale. Je pense que nous ne risquons pas beaucoup de nous tromper en admettant l'homologie de cette grande cellule basale avec la grande cellule basale des colonies spermatogénétiques des mammifères, avec les cellules de Sertoli ou cel- lules de soutien de Renson. Mais quant aux liens de filiation admis par Duval et Blomfield entre la cellule basale et les cellules piriformes aux- quelles elle sert de soutien, je ne puis regarder leur manière de voir comme exacte. Ces auteurs supposent que les petites cellules sont produites par la grande, ou du moins que les deux sortes d'éléments dérivent d'une com- mune cellule-mère. J'admets que cette manière de voir a pour elle beaucoup de vraisemblance : mais lorsque j'ai essayé de la vérifier par l'observation directe, j'ai échoué. Un coup d'œil rapide sur la manière d'être de ces deux sortes d'éléments fera peut-être comprendre la difficulté qu'il y a à résoudre ce problème, et servira en même temps d'orientation générale dans le sujet qui va nous occuper. La-FiG. 1 représente, sous un faible grossissement, une coupe d'un cul- de-sac d'un ovotestis de Hélix pomatia pris sur un individu adulte sacrifié à la fin de mai, et en conséquence en pleine activité fonctionnelle. La coupe ne comprend que des éléments de la lignée mâle et des cellules indiffé- rentes, c'est-à-dire qu'elle ne contient ni ovules ni cellules folliculaires. La paroi du cul-de-sac est constituée par une membrane basale, m. t., dont je n'ai pas étudié la structure, tapissée intérieurement par un épithélium ger- minatif, ep. Dans la préparation en question, cet épithélium se présente sous la forme d'un syncytium. On n'y voit qu'une couche de protoplasme LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ l" HELIX POMATIA 201 d'épaisseur médiocre, ayant un réticulum plasmatique dont les travées sont orientées surtout dans un sens parallèle à la membrane basale, et conte- nant une seule couche de noyaux, ou, au plus, en quelques endroits deux couches, et ne montrant aucune trace d'une division de sa masse générale en des territoires appropriés aux divers noyaux. Hàtons-nous de le dire, cet état des choses n'est pas le seul qui puisse se présenter, il n'est. pas même typique. Le cas le plus ordinaire est que les cellules constitutives de l'épi- thélium sont nettement différentiées les unes des autres, et sont toutes en- tourées de toutes parts d'une membrane cellulaire parfaitement évidente. Les noyaux de cet épithélium n'ont rien de particulier, ils offrent l'aspect ordinaire de noyaux au repos, c'est-à-dire en somme un élément chroma- tique affectant la disposition qui, pour les uns, est l'expression d'un élé- ment filoïde pelotonné, et pour les autres, un réticulum contenant des gra- nules : ici cependant cet élément chromatique est très fourni et se colore très vigoureusement. Au-dessus de cet épithélium s'élèvent les énormes masses irrégulières des cellules basales, c. b. Ces cellules peuvent avoir jusqu'à 60 \>-, 70 i^-, So !•>• ou même jusqu'à 100 i>- et 120 [>■ dans toutes leurs dimensions. Elles repo- sent sur l'épithélium par un pied élargi et aplati, souvent à tel point qu'il peut être difficile d'en raccorder les zones les plus éloignées avec la masse centrale. La masse générale de la cellule s'élève comme une colline au- dessus de ce pied. Elle peut ne présenter qu'une seule élévation partant directement du pied, ou elle en peut présenter plusieurs, comme c'est le cas pour la cellule à l'angle inférieur de la coupe, au-dessus du trait du renvoi, ni. b. Les collines peuvent être simplement arrondies, comme dans la cel- lule en question, ou bien, elles peuvent être profondément échancrées ou fortement lobées, à lobes même subdivisés en ramifications quelquefois très longues et grêles qui s'insinuent au loin entre les divers groupes de cel- lules spermatogénétiques qu'elles portent à leur surface, Les cellules basales ont, au moins du côté qui est tourné vers la lu- mière du cul-de-sac, pour la plupart une membrane cellulaire distincte; mais cette membrane est quelquefois très difficile à voir, et je ne voudrais pas assurer qu'elle ne puisse faire défaut dans de certaines conditions phy- siologiques. Leur protoplasme est très clair, d'aspect gélatineux, à réticu- lum cytoplasmique très peu fourni, à travées très fines et très espacées. Mais le détail le plus remarquable de ces cellules, détail qui leur donne un aspect particulier qui les fait reconnaître à première vue, c'est l'abondance 202 Arthur BOLLES LEE extraordinaire de certaines enclaves particulières qu elles contiennent. Ces enclaves se présentent sous la forme de gouttelettes réfringentes d'une sub- stance visqueuse qui brunit fortement dans le mélange de Flemming et à laquelle on peut en conséquence attribuer avec un certain degré de proba- bilité une nature graisseuse (je n'ai pas fait d'autres épreuves micro- chimiques pour vérifier cette supposition). Ces gouttelettes peuvent être rondes, mais elles sont souvent allongées, ovales ou fusiformes, et en ce cas s'étirent volontiers en des fils qui les réunissent les unes aux autres ou se perdent bientôt dans le cytoplasme. Ce sont ces corps qui ont attiré l'at- tention de DuvAL et de Blomfield, et qui ont fait que ces auteurs ont dé- crit ces cellules sous le nom de cellules granuleuses. Ces enclaves, sur lesquelles je reviendrai peut-être dans une autre occa- sion, ne doivent pas nous retenir plus longtemps; ce qui nous intéresse davantage en ce moment, c'est la structure des noyaux de ces cellules. Ces noyaux, fig. 1, ;;. c. b., et fig. 2, sont sphériques ou le plus souvent ovales, et sont situés sans exception dans la partie basale de la cellule. Ils sont très gros, de 25 \>- de diamètre, et même plus dans les cellules déve- loppées. Ils ont un aspect tout différent de celui des noyaux de la série spermatogénétique. Ces derniers, en effet, nous présentent, d'après l'inter- prétation que je leur donne, un élément filoïde de chromatine enrobé dans un caryoplasme réticulé; ou bien, selon l'interprétation que leur donnerait l'école de Flemming, une charpente nucléaire chromatique plongée dans un suc nucléaire finement granuleux; en tout cas, dans les cellules au repos, un élément filoïde ou réticulé chromatique se présentant sur un fond d'apparence granuleuse et sombre, c'est-à-dire teinté par les réactifs. L'aspect des noyaux des cellules basales est tout autre. L'élément chroma- tique ne s'y présente pas sous la forme filoïde ou réticulée sur fond sombre; il se présente sous la forme d'une quantité innombrable de petits chro- mosomes de forme définie, se détachant sur un fond parfaitement clair, ce qui donne à tout le noyau, dans les préparations colorées, un aspect particulièrement brillant, et permet immédiatement de distinguer ces noyaux de ceux de la série spermatogénétique. Ces chromosomes, fig. 2, ont la forme de petits bâtonnets plats ou ronds, droits ou incurvés, mesurant environ de 1 v sur 0,5 u., jusqu'à 2 iJ-sur 1 ]x. Souvent, ils ont un certain aspect dimidié ou géminé, qui fait penser à une division longitudinale; même ils donnent souvent à l'observateur l'im- pression de figures en V dont les deux branches seraient extrêmement rap- prochées. Ils peuvent se prolonger en des fils achromatiques à leurs extré- LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L'HELIX POMATIA 203 mités; mais je n'ai jamais pu constater qu'ils fussent en rapport avec des fils latéraux. Je ne puis affirmer avec certitude que ces fils relient les chro- mosomes entre eux; certains noyaux me font l'impression d'un boyau nu- cléinien fortement étranglé, mais dont les étranglements chromatiques peuvent être reliés entre eux par des trajets achromatiques très ténus. D'autres noyaux, au contraire, ne laissent point voir de fils du tout et pa- raissent ne contenir que des chromosomes entièrement isolés, et ayant des extrémités arrondies. Là où le noyau porte les sillons ou fentes mentionnés plus bas, ces chromosomes s'agencent d'une façon assez régulière le long des sillons dans une position normale au contour des sillons, en y formant une sorte de palissade qui rappelle un épithélium cylindrique, fig. 2. Ils sont très chromatiques, et se colorent avec autant de vigueur que les chro- mosomes des couronnes équatoriales des cellules spermatogénétiques voisines. Outre les chromosomes, ces noyaux contiennent un ou plusieurs gros nucléoles plasmatiques. Quelle serait donc, d'après ces données, la nature de l'image que nous devrions pouvoir mettre en évidence pour prouver que les petites cellules piriformes ont été produites par les grandes cellules basales qui les portent, ou que les unes et les autres sont issues d'une même cellule-mère? Nous devrions pouvoir montrer, semblc-t-il, une cellule à deux ou à plusieurs noyaux, ou bien un cyste à plusieurs cellules, 'dont un des noyaux aurait les caractères particuliers des noyaux des cellules basales, tandis que les autres noyaux auraient les caractères des noyaux ordinaires de la série spermato- génétique. Or, je n'ai pas pu établir jusqu'ici l'existence de pareilles images. On trouve en abondance dans les glandes génitales, surtout dans celles de sujets jeunes, des cellules à deux ou à plusieurs noyaux, et même, mais beaucoup plus rarement, des cystes formels. Mais toujours j'ai trouvé que tous les noyaux de ces groupes cellulaires présentaient les caractères des noyaux ordinaires, et non ceux des noyaux des cellules basales. Il y a plus. On trouve en abondance des cellules basales nues, c'est- à-dire, ne portant pas de spermatogonies ni de spermatocytes. Ces cellules basales seraient-elles destinées à se diviser pour donner naissance à des cellules-filles qui se constitueraient en spermatogonies? Nous pouvons har- diment affirmer que non. Jamais je n'ai vu se diviser, ni par cinèse ni par sténose, une cellule ayant nettement les caractères d'une cellule basale. Il est vrai que les noyaux de ces cellules présentent souvent des apparences qui peuvent faire songera une division imminente. Le contour de ces noyaux 204 Arthur BOLLES LEE est en somme, comme il a été dit, sphérique ou ovale. Mais très souvent il porte des dépressions étroites et profondes de la surface, des sillons qui simulent des fentes, fig. 2, et qui peuvent intéresser presque toute l'épais- seur du noyau, qui devient ainsi profondément bilobé, ainsi que cela a lieu si souvent dans les cellules épithéliales et autres des amphibiens. Mais il ne faudrait pas pour cela supposer que ces sillons doivent amener une division du noyau. Au contraire, ce processus parait s'arrêter toujours avant que la division du noyau n'ait eu lieu ; et je ne puis pas me rappeler avoir jamais observé deux noyaux dans une même cellule basale. Quant à une division possible par cinèse, il ne faudrait pas y songer : jamais ces cellules n'en présentent le moindre indice. Si donc il y a des cellules basales nues, et si ces cellules ne peuvent pas engendrer les cellules spermatogénétiques, il faut bien, semble-t-il, ad- mettre que les colonies cellulaires en question se forment d'une autre manière. Je suis porté à admettre que les choses se passent comme il suit. Une cellule quelconque de l'épithélium germinatif se met à augmenter rapidement de taille et à revêtir les caractères d'une cellule basale. Une telle cellule se voit au haut de la fig. 1, enx. En même temps, les cellules- avoisinantes de l'épithélium germinatif se mettent à se diviser et à revêtir les caractères de spermatogonies. Leur progéniture, rapidement produite, ne peut pas s'étendre latéralement, empêchée qu'elle est par les cellules fixes de l'épithélium. Il se produit donc une poussée : les spermatogonies nouvelles se casent à la seule place qui leur est ouverte, c'est-à-dire sur les larges flancs de la cellule basale augmentant rapidement de surface et se levant en colline au-dessus de la foule des cellules quiescentes de l'épithé- lium. Chaque colonie (i) représenterait donc une colline épithéliale dont le centre serait constitué par une seule cellule énorme, supportante et nu- tritive. Nous avons prononcé le mot de nitlritif. Que la cellule basale soit une cellule de soutien, cela ressort avec évidence de ses rapports anatomiques. Que ce soit aussi une cellule nourricière, cela me paraît aussi résulter avec (I) Pour ne rien préjuger, je me sers du terme de colonie pour désigner les groupes cellulaires formés par runion d'une cellule basale et de cellules spermatogénétiques. Le terme de polyplaste pro- posé par Blomfield pour marquer le lien génétique qu'il admet entre ces deux sortes d'éléments me paraît superflu, d'autant plus que le terme de spermatogemme, proposé par von la Valette St. George dans le même but et avec la même signification, s le droit de priorité. LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ l'hELIX POMATIA 205 non moins d'évidence de sa structure cytologique. L'énorme provision d'en- claves, graisseuses ou autres, que renferment ces cellules, fait penser immé- diatement à une sorte de vitellus nutritif destiné à la nutrition des sperma- togonies, des spermatocytes et des spermatides, même des spermatozoïdes. Il n'y a guère de doute, je crois, qu'il en soit ainsi. Car on constate qu'au fur et à mesure que les cellules spermatogénétiques se développent, cette provision d'enclaves diminue; et à la -fin de la spermatogénèse, il ne reste plus dans la cellule basale qu'un noyau dégénéré entouré d'un cyto- plasme également en dégénérescence et entièrement dépouillé de ses en- claves graisseuses. Quant à la façon dont s'opère la nutrition des cellules spermatogéné- tiques par ce pabulum, c'est une question à laquelle je ne puis répondre en ce moment d'une façon définitive. Ces gouttelettes graisseuses traversent-elles comme telles la membrane de la cellule basale et celle de la cellule sperma- togénétique, pour être ensuite digérées par celle-ci? Ou bien se dissolvent- elles dans la cellule basale, pour passer à travers sa membrane à l'état liquide? Pour les spermatogonies, qui possèdent une membrane cellulaire extrêmement mince, ou qui même peuvent en être dépourvues, je crois bien que c'est le premier cas qui se réalise. Car j'ai rencontré fréquemment des colonies de spermatogonies dont toutes les cellules contenaient un ou même deux globules assez exactement comparables aux gouttelettes des cellules basales. Je n'ai pas observé ces inclusions chez les spermatocytes, ce qui pourrait bien être en rapport avec le fait que ceux-ci sont munis d'une membrane cellulaire très forte. J'admets que pour eux la nutrition doit se faire par l'absorption du pabulum à l'état liquide. Encore un mot sur la structure particulière des noyaux des cellules basales : j'admets que cette structure particulière des noyaux des cellules basales est en rapport avec la fonction de ces éléments. Mais po'arquoi, se demande-t-on, une cellule ayant telle ou telle fonction, mais étant essentiel- lement une cellule de repos, aurait-elle son noyau constitué d'une façon qui rappelle celui d'un noyau en cinèse, c'est-à-dire un noyau contenant des chromosomes indépendants, au lieu d'un élément chromatique continu? Il serait impossible de donner aujourd'hui une réponse satisfaisante à cette demande; mais voici un fait qui est peut-être essentiellement de même ordre, et qui contribuera peut-être un jour à éclairer la question. M^"^ Huie(i), (i) M»* HuiE : Quart. Journ. mie Sci , vol. 39, N. S, 1S97. 26 206 Arthur BOLLES LEE en nourrissant des feuilles de Drosera rotundifolia avec du blanc d'œuf, a pu provoquer la formation de chromosomes isolés dans les noyaux des cel- lules glandulaires de ces feuilles. Elle a obtenu ainsi la formation de chro- mosomes isolés d'une forme définie de V, formation qui ne se trouve pas dans les cellules quiescentes normales, et au nombre constant de 8, et cela sans que cette production aboutît à une cinèse. M"*^ Huie conclut de ces expériences que la formation de chromosomes n'est pas nécessairement un trait caractérisant uniquement l'état de cinèse, mais qu'elle peut être sim- plement l'expression d'un grande activité fonctionnelle du noyau. Voici une autre observation qui a peut-être une signification pareille. Meves(i) a trouvé que dans les glandes filières de certaines chenilles la chromatine se présente sous la forme d'innombrables microsomes isolés : donc, de nouveau une disposition semblable dans des cellules à fonction glandulaire. Je ne cherche pas pour le moment à approfondir davantage les pre- miers phénomènes de l'évolution de la glande génitale. Cette question, dif- ficile partout, est ici compliquée par le fait que nous avons affaire à une glande hermaphrodite. Les jeunes ovules, aux premiers stades de leur dé- veloppement, ne se laissent souvent distinguer en rien des spermatogonies; Leurs cellules folliculaires i^essemblent, à s'y méprendre, à de jeunes cel- lules basales (les noyaux des cellules folliculaires ont une structure sinon identique, au moins très semblable à celle des noyaux des cellules basales, détail intéressant parce qu'il indique une correspondance de structure et de fonction : car les cellules folliculaires sont, comme on le sait, les cellules nourricières de l'œuf). Il est donc très difficile de distinguer aux pre- miers stades de leur développement les éléments de la série femelle. J"ai donc jugé plus prudent, pour éviter toute méprise qui pourrait être causée par cette source d'erreur, de renoncer à l'étude de ces phénomènes primor- diaux et de me borner à l'étude de l'évolution des éléments de la série màle à partir d'un moment où les caractères de cette série sont nettement pro- noncés. Mes études négligent donc pour le moment les cellules sexuelles primordiales, et commencent par les spermatogonies. Le sujet spécial qui va dorénavant nous occuper, à savoir l'étade des cellules spermatogénétiques depuis les spermatogonies jusqu'aux spcrma- (ij Meves : Arch f. mik. Anat., XXXXVIII, 1S97. p. 573. LES CINBSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 207 tocytes de deuxième ordre, a déjà été traité avec plus ou moins de détail par trois auteurs. Platner a donné (i) une description assez détaillée des faits qu'il croit avoir observés dans la spermatogénèse des Pulmonés, description que je prie le lecteur do bien vouloir consulter dans l'original en me bornant à en relever ce qui suit. D'après Platner (2), le noyau des spermatogonies consisterait d'abord en des granules de chromatine alignés dans une charpente filamenteuse. Cette charpente disparaîtrait ensuite (3), et les granules de chromatine de- viendraient libres dans le noyau. Ces granules ainsi libérés se fusionneraient ensuite pour former des grains plus gros, toujours libres dans le noyau et ne présentant pas de connexions entre eux (4). Ces gros grains se divisent à plusieurs reprises par sténose (5). Ensuite de ces divisions répétées, le noyau finit par ne plus contenir (6) qu'une quantité très grande de petits grains ronds, sans connexions entre eux, et distribués d'une manière uni- forme dans le noyau (7). Ces gi-ains chromatiques libres, que Platner ap- pelle désormais des microsomes, s'agencent maintenant en des lignes courbes, orientées vers un pôle dont la place est déterminée par le Neben- kern(8). Puis les bandes courbes de microsomes ainsi orientés se contractent vers le Nebenkern, et des filaments réunissants se forment entre les micro- somes (9). Le peloton ainsi formé se dilate (loj de manière à former une étoile (11). Les anses chromatiques de cette étoile se contractent vers l'équa- teur, et leurs microsomes se fusionnent en de gros grains; en même temps le fuseau se dessine aux pôles de la figure (12). Ces gros grains se concentrent encore davantage pour former des grains encore plus gros, ronds ou ovales, (Il Platner : Ucbcr die Eiitstehung des Neienkerns und seine Be^ielmng ^ur Kcrntheilung ; Arch. f mikr. Anat., XXVI, i8S6, p. 343. (2) Ibidem ; 1. c , p. 346. (3) Ibidem : 1. c, p. 346. (4) Ibidem : fig. 4. (5) Ibidem : p. 347 et fig. 5. (5) Ibidem : 1. c, p, 347. (7) Ibidem : fig. 6. (S) Ibidem : fig. 7. (g) Ibidem : fig, 8; cf. Fia 7 et 8. (10) Ibidem : p. 348. (11) Ibidem : fig. 10 ; peut-être la prophase de spermatogonie que nous avons figurée en fig. 13 à 15. (ij) Ibidem : 1. c, p. 349, et fig. 11 : é.'idemment une métacinèse de spermatocyte; comparez les FIG. 45 et 46 2o8 Arthur BOLLES LEE qui s'arrangent en une couronne équatoriale (i). Suit alors une description assez exacte de la métacinèse des éléments de cette couronne et de leur ascension polaire et de la reconstitution en noyaux-filles. Mais ici une surprise nous attend. Les couronnes polaires, selon Plat- NER (2), s'excavent en forme de croissant; ce croissant se différentie en des anses orientées vers un nouveau Nebenkern qui se forme à ce moment, et les anses s'agencent en une charpente filamenteuse de noyau au repos (3). On le voit, dans toute cette description, il n'est question que du cycle cinétique d'une seule sorte de cellules; Platner ne se doute pas que dans la spermatogénèse des Hélix il puisse se trouver plus d'un type de cinèse et par conséquent plus d'une catégorie de cellules. Le travail de Prenant (4) est certainement déjà connu des lecteurs de ces pages. Je puis donc me contenter d'en rappeler un pu deux points. Prenant y critique avec raison l'assertion de Platner, d'après laquelle les granules isolés de sa fig. 1 1 se concentreraient de manière à former les grains volumineux de la couronne équatoriale de sa fig. 12. Il fait remar- quer que d'habitude, à mesure que le boyau nucléinien s'approche du stade équatorial, ses tendances au contraire à la segmentation transversale d'abord, longitudinale ensuite, se manifestent de plus en plus. Cette réflexion fort juste l'a conduit à des vues beaucoup plus conformes à la réalité que celles de son devancier. Il a bien reconnu dans tous les noyaux observés le réticulum achroma- tique qui avait échappé à Platner, erreur d'observation qui avait conduit cet anatomiste à énoncer sa curieuse doctrine de l'édification des figures cinétiques aux dépens de granules chromatiques libres. Quant aux images qu'il a observées et dont il donne la description, on pourrait les faire coïncider jusqu'à un certain point avec celles de Platner; mais si l'on voulait les mettre en série, l'ordre de cette série serait l'inverse de celui.de Platner. Malheureusement, tout comme Platner, Prenant a tenté la sériation des images qu'il avait observées sous l'empire de la supposition qu'elles se rapportaient toutes à un seul type de cinèse, à une seule catégorie de cel- (i) Platner : fig. 12 : évidemment une couronne équatoriale de spermatocyte 1, m. 42 et 43. 12) Ibidem : 1- c, p. 35i et fig. 22 : évidemment une prophase de spermatogonie; comparez la FIG. 12. (3; Ibidem : 1. c, p. 352, et fig. 23. (4I Prenant : Observations cytologiques sur les éléments séminaux des Gastéropodes pulmonés ; La Cellule, IV, i, 1SS8, p. 137. LES CINESES SPERMATOGENETIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 209 Iules. La série hypothétique à laquelle il était arrivé ainsi ne lui parut ce- pendant pas complète : elle lui parut présenter une lacune. Les difficultés qu'il sentit le conduisirent enfin à admettre la supposition que peut-être il s'agissait là de cinèses de deux sortes d'éléments; par exemple, de sperma- togonies et de spermatocytes. Mais cette supposition, Prenant n'y a pas donné suite et, comme résultat, son travail ne nous offre qu'une- seule série de figures cinétiques contenant des lacunes avouées. Dans un travail subséquent, Platner (i) admet, p. 128, la nouvelle sé- riation des figures proposée par Prenant, mais sans poursuivre la sugges- tion de cet auteur que peut-être ces figures appartiendraient à deux types de cinèse et à deux catégories de cellules. En dernier lieu, K. W. Zimmermann (2) a rendu compte d'une façon assez abrégée et sans figures de ses observations sur ce sujet. Il distingue deux sortes de cinèse, appartenant à deux sortes de cellules. La première sorte de cellules serait plutôt petite et posséderait fort peu de cytoplasme. A l'état de repos, sa chromatine existerait sous la forme d'anses orientées vers le Nebenkern (3). Il ne décrit pas avec détail la suite des figures ciné- tiques de ces cellules, vu qu'il n'a pas pu les observer. La deuxième sorte de cellules, selon Zimmermann, consisterait en des cellules plutôt grosses et riches en cytoplasme. Le noyau au repos de ces cellules (4) aui'ait une structure particulière. Sa chromatine existerait sous la forme de petits amas, Kli'impchen, arrondis et troués. Évidemment ici, Zimmermann a fait la même méprise que pour les spermatogonies : ce qu'il décrit n'est point un stade de repos du spermatocyte, mais de nouveau une prophase avancée, celle même qui précède immédiatement la couronne équatoriale, fig. 31 à 37. Les phases suivantes de la cinèse de cette sorte de cellules sont décrites par Zimmermann avec assez d'exactitude, mais d'une façon extrêmement sommaire. Leur progéniture se transformerait, selon lui, directement en spermatozo'ides. (i) Platner : Beitràge :jur Kenntniss der Zclle wtd ihrcr Theilungserscheinungen; iKTch, l mik. Anat , XXXIII, iSSg, p. 128. (2) K. W. Zimmekmann : Verhandlungen d. anatomischen Gesellschaft, V. Vers., Mai, 1S91, p. 1S7. (3) Ibidem : 1. c, p. i8g. — Évidemment ce que Zimmermann décrit ici, ce sont les sperma- togonies à l'état de peloton segmenté, fig. 7 à 11, et, comme à Platner, le stade de repos de ces cellules lui a échappé. (4) Ibidem : 1. c, p. 199. 210 Arthur BOLLES LEE Pour ZiMMERMANN, il y aurait donc dans la spermatogénèse de Y Hélix deux catégories de cellules, se divisant selon deux types de cinèse pour donner naissance aux spermatides. Or, j'ai trouvé qu'il n'y a pas que deux catégories de cellules et deux cinèses : il y a trois catégories de cellules parfaitement distinctes, se divi- sant selon trois types de cinèse. Ce sont ces cellules et ces cinèses que nous allons maintenant étudier, en réservant pour une autre occasion l'étude de la métamorphose des spermatides en spermatozoïdes. La terminologie employée dans ce travail est celle de von la Valette St. George, dans la forme modifiée proposée par Boveri (i). Je distingue en conséquence dans la glande évoluante de VHelix : 1° Les cellules sexuelles primordiales, cellules de l'épithélium germi- natif, dont nous avons décidé de ne pas nous occuper dans le présent travail. 2° Les spermatogonies, cellules essentiellement prolifératives, se mul- tipliant avec une telle rapidité que, le temps nécessaire pour la croissance faisant défaut, elles en arrivent à être très dépourvues de cytoplasme, et souvent à être réduites à une taille excessivement petite. 3° Les spermatocytes de premier ordre, ou spermatocytes I, qui ne sont en vérité autre chose que la dernière génération des spermatogonies, mais après récupération par un repos prolongé, et se présentant sous la forme de très grosses cellules munies d'un cytoplasme particulièrement abondant. 4° Les spermatocytes de deuxième ordre, ou spermatocytes II, issus des spermatocytes I, et présentant les mêmes caractères cytologiques, si (i) Boveri : Ergebnisse der Anatomie, I, iSgi (1892), p. 444. Tout en employant cette terminologie, je dois dire que je ne la trouve pas entièrement bonne. Il me semble qu'il y aurait peut-être utilité à distinguer par des dénominations plus distinctives les deux catégories de cellules qui se divisent selon des cinèses aussi diverses que celles des spermato- cytes I et des spermatocytes II. Il sera peut-être utile un jour de donner aux premières 1 appellation d'Aiixocvtcs, pour marquer en même temps leur caractère physique et leur rang physiologique. Car évidemment le rôle essentiel de ces éléments, c"est de croître beaucoup avant de se multiplier, cir- constance rendue nécessaiie par la rapidité excessive de multiplication de leurs ancêtres, les sperma- togonies. En tout cas, en employant la terminologie de Boveri. je n'entends pas souscrire à la doctrine qu'elle implique concernant l'homologie stricte des spermatides et des globules polaires des œufs. C'est- à-dire que je n'entends pas affirmer que les spermatocytes I ne se divisent qu'une seule fois et qu'il en est de même des spermatocytes II. Il se peut bien qu'il en soit ainsi; mais je. n'ai pas pu en avoir la preuve. LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L'HELIX POMATIA 2 1 1 ce n'est qu'ils sont de plus petite taille et qu'ils se divisent selon un autre type de cinèse. 5° Les spermatides ou cellules spermatiques qui ne se diviseront plus, mais se transformeront directement en spermatozoïdes. Un mot sur le degré de certitude qu'il convient d'attribuer aux résultats qui vont être exposés ! L'ordre de succession attribué aux trois catégories de cellules que je vais décrire est absolument certain. Il s'établit d'une façon très simple. Si nous examinons la glande génitale de sujets très jeunes, par exemple d'escargots dont la coquille ne mesure pas plus d'une dizaine de millimètres en diamètre, nous trouvons qu'à part les cellules sexuelles pri- mordiales, elle ne renferme que des cellules ayant les caractères que nous allons attribuer aux spermatogonies. Cela nous permet du coup d'établir les spermatogonies comme tête de ligne. Passons maintenant à l'autre bout de la série, et prenons un escargot adulte au mois de mai ou de juin, et cherchons un follicule où se trouvent des spermatides se transformant en spermatozo'ïdes. Les caractères des spermatides sont fort marqués. Avec un peu d'attention, on arrive à les reconnaître à l'état de jeunes cellules-filles en reconstruction de leurs noyaux, et à établir ainsi de quelle sorte de cel- lules elles sont issues. Cela nous permet de reconnaître et de définir les sper- matocytes II. Il n'en faut pas davantage pour établir la succession des trois cinèses, car il est évident que les spermatocytes I doivent venir se placer entre les deux cinèses ainsi établies, supposition qui se confirme pleinement par l'étude des diverses phases de l'histoire de ces éléments. La sériation des phases des trois cinèses n'est pas moins solidement établie. Voici le principe de dialectique qui permet d'établir la succession des phases pour chaque cinèse. Il est facile de constater qu'une seule et même colonie ne porte jamais que des cellules d'une seule catégorie. En conséquence, toutes les figures cinétiques observées dans une même colonie sont des phases d'une même cinèse. De plus, toutes les cellules d'une même colonie se trouvent en général au même stade approximativement de la cinèse : non pas exactement à la même phase, comme l'a dit Zimmermann, mais approximativement. iVinsi, je ne me rappelle pas avoir jamais vu une colonie contenant en même temps des cellules au repos et des cellules au stade équatorial. Mais on en trouve qui contiennent en même temps des cellules au repos et d'autres qui montrent les débuts de la cinèse. On en trouve qui montrent en même temps la phase de peloton segmenté et une phase qui conduit directement à la couronne équatoriale. Et j'ai trouvé dans 2 1 2 Arthur BOLLES LEE une même colonie des couronnes équatoriales, des métacinèses et des ana- phases montrant les chromosomes-filles arrivés à la position polaire ou à peu près. L'étude attentive d'un grand nombre de semblables images per- met d'établir la sériation des images sans aucune lacune. Les descriptions suivantes ont trait en premier lieu aux cellules de \ Hélix pomatia : j'y ai joint cependant quelques figures tirées de l'iJe/Z-v hortensis. J'ai examiné plusieurs autres espèces de Hélix, et j'ai toujours trouvé les mêmes images chez chacune d'elles. Si j'ai choisi comme thème de ce travail V Hélix pomatia, cela a été surtout parce que c'était cette espèce qui a fait l'objet des travaux de Platner, de Prenant et de Zimmermann, et qu'il m'a paru désirable que mes résultats pussent être comparés stricte- ment à ceux de ces auteurs. Le lecteur cependant qui désirerait contrô- ler mes assertions, et qui ne disposerait pas d'exemplaires de Hélix poma- tia, pourra en toute sécurité, pour la plupart du moins des problèmes en question, s'adresser à l'espèce cosmopolite Hélix hortensis, à condition de sacrifier au printemps les exemplaires destinés à l'étude. Cette espèce pos- sède des cellules tout aussi belles que celles de V Hélix pomatia : il me sem- ble même que ses spermatogonies sont plus grandes. Mais il y a un incon- vénient. Cette espèce est infestée, du moins dans la localité où ce travail a été fait, par les formes larvaires, Rédies et Cercaires (Cercaria armata), du distome, Distomum caudatum. Ces parasites se trouvent d'abord dans la cavité péritonéale, et de là gagnent plus tard la glande génitale. Jusqu'à mi-mai, ils font défaut ou sont peu nombreux : mais pendant les mois d'été, on est exposé à les trouver pullulant en une telle abondance que la glande génitale en est envahie au point de nuire beaucoup à la netteté des prépa- rations : elle en est même quelquefois envahie au point de subir la castra- tion complète. Le présent mémoire forme la troisième partie d'une série de travaux destinés à faire connaître les résultats de mes recherches sur la spermato- génèse des gastéropodes pulmonés. Dans les deux mémoires précédents (i), j'ai traité avec détail la question de l'origine, de la structure et du sort de la figure achromatique de la cinèse. Le terrain se trouvant ainsi déblayé, les pages suivantes pourront être consacrées en majeure partie à l'étude de la figure achromatique des trois cinèses. (0 A. BoLLES Lee : La régression du fuseau caryocinétique : Le corps problématique ^f Platser et le ligament intercellulaire de Zimmermann dans les spermatocytes des Hélix ; La Cellule, XI, i, 1S95, p. 28; et Sur le Nebenkcrn et sur la formation du fuseau dans les spermatocytes des Hélix; Ibid., XI, 2, 1897, p. 224. CHAPITRE I. Les spermatogonies. Les spermatogonies, fig. l, spg:, et fig. 3 à 29, sont des éléments de taille extrêmement variable. Les plus petites mesurent moins de 4 i'- de dia- mètre, les plus grandes dépassent 20 a. Elles sont en général piriformes, mais elles peuvent être sphériqucs ou à peu près. Si dans la plupart des fi- gures les cellules paraissent sphériques, cela tient surtout à ce qu'il ne m'a pas toujours été possible de choisir pour le dessin des cellules se présentant avec leur grand axe dans le plan de la coupe. Un caractère plus constant que celui de la taille, c'est le rapport de volume du noyau et du cytoplasme dans ces cellules. Dans une spermato- gonie typique, c'est-à-dire appartenant aux générations intermédiaires entre les cellules sexuelles primordiales et les spermatocytes I, le volume du noyau est énorme par rapport à celui du corps de la cellule, et le peu de cytoplasme qui existe est d'une constitution extrêmement délicate, très hj^a- lin, à élément réticulé très peu fourni, fig. 3, 4 et 6 à 29. On rencontre même souvent des spermatogonies qui paraissent être tout en noyau, dans lesquelles on ne distingue plus du tout de cytoplasme. Cependant ce ne sont pas là des cellules dégénérées, incapables de se diviser : j'ai rencontré des cellules en pleine phase équatoriale, dans lesquelles il était impossible de distinguer le moindre cytoplasme. Mais cette réduction si frappante de l'élément cytoplasmique n'est pas un caractère obligé de toutes les spermatogonies. On comprend bien que les cellules de la dernière génération des spermatogonies, — celles qui de- viendront des spermatocytes I et pour lesquelles j'ai suggéré le nom d'Aiixocytes, — on comprend bien que celles-ci, à mesure qu'elles revêtent le caractère de spermatocytes, se garnissent d'un cytoplasme abondant. De même, la prem.ière génération du moins, issue des cellules sexuelles primor- diales, possède un cytoplasme normal, fig. 5. Ce ne sont que les nom- breuses générations intermédiaires, apparemment épuisées par la rapidité de leur multiplication, qui se montrent si pauvres en cytoplasme. Ce sont ces générations intermédiaires qu'on peut considérer comme typiques, et que nous aurons surtout en vue dans le cours de la description suivante. 27 214 Arthur BOLLES LEE Il est un autre caractère des spermatogonies qu'il convient de men- tionner ici, comme étant peut-être en rapport avec leur pauvreté en cyto- plasme. C'est que, si elles possèdent une membrane cellulaire, celle-ci est toujours extrêmement mince : je ne saurais même pas assurer qu'il en existe toujours une. Ainsi, dans la cellule de la fig. 3, mes notes disent membrane cellulaire à peine visible; et pour les cellules des fig. 4 et 5, point de membrane cellulaire (les contours de ces cellules ont été rendus trop fortement à la gravure). La membrane nucléaire est normalement constituée. Le noyau des spermatogonies piriformes est situé dans leur portion élargie, laquelle se trouve dirigée vers la lumière de la glande. Dans la por- tion basale de la cellule se voit souvent un Nebenkern, et souvent aussi un reste fusorial ou pont fusorial unissant deux cellules-sœurs, fig. 4, 5, 8, 10, 11 et fig. 3 de mon travail La Régression du Fuseau. L'un et l'autre de ces éléments sont constitués comme il a été décrit dans mes deux tra- vaux antérieurs, mais ils sont plus petits et surtout beaucoup plus délicats que dans les spermatocytes; il est souvent très difficile et quelquefois im- possible de les démontrer. Le cytoplasme des spermatogonies peut contenir un ou plusieurs gra- nules colorables par l'hématoxyline au fer, et dont il sera question dans le chapitre consacré aux corpuscules polaires. Les spermatogonies possèdent un stade de repos parfaitement bien marqué et parfaitement normal, fig. 3 à 5. Le noyau en cet état montre la structure typique des noyaux quiescents : un élément nucléinien filamen- teux, assez faiblement chronTatique, plongé dans un caryoplasme apparem- ment très finement granuleux et se teintant faiblement dans les préparations fixées par les mélanges osmiques et colorées par les anilines basiques ou par l'hématoxyline; puis un ou plusieurs nucléoles plasraatiques. Ces cel- lules se trouvent en abondance dans toutes les préparations, et j'avoue que je ne comprends pas comment il s'est fait qu'elles aient échappé à Platner et à ZiMMERMANN. Dans la cellule parfaitement au repos, le fond du noyau est sombre, et l'on n'y distingue pas de tache centrale claire. Le premier symptôme d'une cinèse imminente s'observe, si je ne me trompe, par l'apparition d'une tache claire dans le fond sombre du noyau, fig. 4 à 6. Cette tache se montre le plus souvent comme une simple tache irrégulière ou sphérique sans contour arrêté, fig. 6. Mais dans certaines cellules au contraire, avec beaucoup d'attention, on arrive à lui discerner, fig. 5, une figure allongée de fuseau ou de navette, en même temps qu'un LES CINESES SPERMATOGENETIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 2 15 contour plus arrêté et un aspect brillant et réfringent, qui indique qu'on a devant soi un corps solide et non une vacuole. Il est possible que ce corps puisse correspondre au fuseau central de Hermann chez les amphibiens. Mais comme je n'ai pas pu établir une homologie parfaite entre ces deux formations, je préfère appeler le corps en question corps hyalin. Je pense qu'il a en général la forme allongée de la fig. 5, et que lorsqu'on n'aperçoit qu'une tache irrégulière ou ronde, comme dans la fig. 6, c'est ou bien que le corps allongé se présente alors par le bout, ou bien que ses contours sont masqués par le développement autour de lui d'une substance hyaline sem- blable à celle dont il est lui-même composé, mais moins dense. Il est par- faitement homogène, on n'y aperçoit aucune fibrillation ni même aucune striation. La tache claire représentée par l'ensemble du corps hyalin et de la substance h3-aline qui l'entoure (ou par celle-ci seule, si le corps hyalin peut faire défaut) grandit, fig. 6 et 7, et bientôt elle a envahi tout le noyau, qui ne présente plus alors de trace de fond sombre, fig. 8 à 16. Pendant ces stades, j'ai perdu de vue jusqu'à présent le corps h3'alin, que je soup- çonne être caché dans la substance claire englobante; mais je l'ai retrouvé au stade équatorial, fig. 18 à 20, dans les couronnes polaires, fig. 29, et même dans des noyaux-filles déjà munis d'une membrane, fig. 4 de mou travail La Régression du Fuseau. En effet, la tache claire ronde que j'ai dessinée dans le noyau de cette figure, sans la comprendre, n'est évidem- ment autre chose qu'un de ces corpuscules vu par le bout. Ces phénomènes, le lecteur l'aura bien deviné, ne sont pour moi autre chose que l'expression des processus de métamorphose du noyau qui abou- tissent à laformation du fuseau. Qu'il me soit permis de rappeler en quels termes généraux j'ai décrit {Sur le Nebenkern et sur la formation du fuseau, p. 229) la formation du fuseau dans les spermatocytes 1 L'histoire de cette formation, y est-il dit, peut être sommairement divisée comme il suit : a) transformation du caryoplasme réticulé et granuleux du noyau quiescent en une substance spéciale, parfaitement hyaline, sans granules et absolument achromatique; Z^j fibrillation de cette substance, c'est-à-dire production en son sein, par une différentiation ultérieure, de filaments de nature particu- lière, réfringents, homogènes et parfaitement achromatiques envers la plu- part des colorants, qui deviendront les filaments fusoriaux; c) apparition des pôles du fuseau ; et finalement, d) agencement des filaments fusoriaux, jusque là irrégulièrement distribués dans le noyau, en une figure fusiforme. Je prie le lecteur de bien vouloir se reporter à la description détaillée 2i6 Arthur BOLLES LEE de ces processus, 1. c, pp. 229 à 232. Cette description s'applique exac- tement à la formation du fuseau dans les spermatogonics, sauf par les deux points suivants. Je n'ai pas observé clans les spermatogonics la forma- tion de ces points brillants que j'ai décrits comme étant les précurseurs des filaments fusoriaux dans les spermatocytes. Et la découverte du corps hyalin apporte un nouvel élément qu'il convient d'ajouter à mon ancienne description. Mais les deux processus n'en restent pas moins identiques, pour autant que je puis voir. La découverte du corps hyalin n'y change rien; car, comme nous le verrons plus tard, j'ai retrouvé ce corps également dans les spermatocytes, La seule différence que je puis noter entre le noyau des spermatogonies et celui des spermatocytes pendant l'élaboration du fuseau est que dans les spermatogonies la substance hyaline parait être plus liquide que dans les spermatocytes, et avoir une grande tendance à se gon- fler à l'état post movtcm, ce qui donne à ces noyaux l'aspect vacuoleux caractéristique de la fig. 12. Pour en revenir aux débuts de la figure chromatique, à mesure que la substance claire se développe dans le noyau, il s'y débrouille avec tou- jours plus de netteté un élément chromatique filamenteux, fig. 5 et 6. Il ne se forme pas de peloton nucléinien régulier, comme dans les cellules des amphibiens, et je ne me rappelle pas avoir jamais observé de peloton, même irrégulier, qui ne consistât qu'en un cordon unique. Ce qui se forme, c'est un filament ou cordon chromatique qui se segmente au fur et à mesure qu'il se débrouille de la masse inanalysable du noyau quiescent. Le stade de peloton est donc représenté ici par un certain nombre de filaments chro- matiques, disons de six à douze, pour donner une idée des images les plus fréquentes, de diverses longueurs, et gisant sans ordre dans le noyau. Ils sont apparemment sans ordre, parce qu'ils ne forment pas à ce stade une figure régulière ; mais l'ébauche d'une figure est cependant déjà manifeste, car par le développement de la substance hyaline les segments chromatiques sont rejetés, avec ce qui reste de caryoplasme non différencié, vers la sur- face du noyau, fig. 6. Ces filaments sont grêles, mesurant environ 0,5 h- en diamètre, et irrégulièrement variqueux, fig. 6. L'élément nucléinien continue à se segmenter jusqu'à ce qu'il se soit produit le nombre voulu, c'est-à-dire 24, de segments de longueur approxi- mativement égale. Ces segments se contractent, et en se contractant devien- nent plus épais, fig. 7. (Les segments de ce noyau mesuraient en moyenne 0,75 v-.) Ils prennent des positions plus régulières. Quelques-uns demeurent LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L'HELIX POMATIA 217 encore étendus et se croisent pêle-mêle sans direction apparente ; d'autres ont pris la forme d'anses et commencent à montrer une orientation définie, les bouts libres des anses, un peu incurvés, étant dirigés vers ce que j'appellerai le fond du noyau, c'est-à-dire cette partie du noyau qui regarde la portion basale de la cellule, fig. 7 à 10. Les segments sont de- venus maintenant plus régulièrement variqueux, ils se montrent composés de séries assez régulières de renflements globuleux, ou mieux biconiques, FIG. 7 et 8. De fins fils partent de ces filaments, ou s'y insèrent, et se per- dent bientôt dans le caryoplasme. Les anses chromatiques se contractent encore, leur orientation s'accuse davantage et toute la figure gagne en régularité, fig. 8 et 10. Les anses, maintenant approximativement égales en longueur, sont toutes orientées avec une grande précision, leurs bouts libres occupant le fond du noyau et leurs sommets étant disposés avec assez de régularité autour de la substance hyaline du caryoplasme métamorphosé. On dirait d'une corolle de fleur, les pétales étant représentés par les anses chromatiques. Les nucléoles plasmatiques existent pour la plupart encore à ce stade, mais il n'est pas toujours possible de les apercevoir. Les bouts libres des anses ne sont pas localisés en un espace étroite- ment circonscrit du noyau, mais en occupent une plage très étendue, à savoir tout le fond du noyau. Ce fait s'observe en toute évidence par l'étude des vues polaires, fig. 9. Ces vues polaires permettent également de com- pter le nombre des anses avec une certitude approximative; ainsi dans la fig. 9, on aperçoit 41 bouts libres, ce qui donne une vingtaine d'anses. Le chiffre normal, établi après un grand nombre d'estimations, est de 24. Cette jolie figure en corolle de fleur est la figure de la cinèse des sper- matogonies qui au premier abord attire le plus le regard. Elle est vraisem- blablement de longue durée, car elle est très abondante dans les préparations, ce qui explique peut-être pourquoi Platner et Zimmermann en avaient fait une figure de repos. On ne peut s'empêcher de se demander la raison de cette orientation si régulière des bouts libres des anses vers le fond du noyau. Platner(i) avait attribué cette disposition à une attraction exercée par le Nebenkern, qui se trouve effectivement placé à ce moment vis-à-vis du fond du noyau. Mais cette supposition me paraît loin d'être satisfaisante. Il est possible que les (1) Platner : Uebcr die EiitsUliiaig des Nebcnkeriis; Arch. f. mik. Anat , XXVl, iSS5, pp. 347, 34S. 2 1 8 Arthur BOLLES LEE anses chromatiques soient à ce moment en rapport, d'une façon dont le détail nous est inconnu, avec le Nebenkern; mais cela n'est pas prouvé. Que le Nebenkern se trouve en cette portion de la cellule, c'est un fait qui s'explique facilement par une autre considération : il ne saurait guère être ailleurs! Les spermatogonies sont pour la plupart des cellules piriformes, et sont aussi, comme nous l'avons vu, des cellules qui ne sont munies que d'une quantité extrêmement petite de cj'toplasme. Leur noyau très volumi- neux remplit à peu près toute la portion dilatée de la cellule, de sorte qu'il ne reste de place pour le Nebenkern que dans la partie basale. Il semble que pour le moment il est impossible d'expliquer cette curieuse orientation. Avec l'établissement de la figure régulière de corolle de fleur, la sub- stance hyaline a envahi tout le noyau, et il ne reste plus trace de caryo- plasme non modifié, fig. 8 et suivantes. La phase suivante, fig. 10 et il, est celle de la scission longitudinale des anses chromatiques. Il est possible que cette scission soit préparée à un stade antérieur, mais en tout cas elle ne s'accuse avec netteté qu'au stade de corolle de fleur. Les anses se fendent sur toute leur longueur, je crois à peu près simultanément, fig. 10, et produisent ainsi des anses secondaires grêles, ayant la moitié du diamètre des anses-mères, et présentant comme celles-ci des séries de renflements assez réguliers, fig. il. Les anses secondaires ne restent pas juxtaposées et parallèles, mais, chose digne de remarque, s'écartent F une de F autre, fig. Il, au point que dans un noyau à ce stade il n'est plus possible de reconnaître lesquelles sont les anses-sœurs, mais qu'au contraire on se trouve en présence d'un noyau contenant environ 48 anses apparemment indépendantes!! Ces anses appa- remment indépendantes conservent encore pendant quelque temps leur orientation primitive vers le fond du noyau, fig.- 11. La scission longitudinale peut, je crois, être différée jusqu'à la phase suivante, ou phase de l'éparpillement des anses; mais je ne suis pas tout à fait certain de cela. La FIG. 12 représente une image qui est très commune dans certaines préparations et dont Platner et Prenant avaient fait une phase particulière. Il n'en est cependant rien. Cette figure, qui représente un élément filamen- teux chromatique pelotonné au fond du noyau au point qu'il est impossible d'en analyser le détail, n'est autre chose qu'une figure pathologique! Ce peloton chromatique indéchiffrable n'est autre chose que l'ensemble des anses de la figure en corolle, soit à l'état de scission, soit à l'état d'anses LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L HELIX POMATL\ 2 19 primaires, toutes rétractées au fond du noyau. Que cette rétraction soit un phénomène pathologique et non un pliénomène physiologique, c'est ce dont j'ai pu m'assurer de la façon la plus positive. En observant des cellules vivantes, maintes et maintes fois j'ai vu se dérouler sous mes yeux le phé- nomène suivant. On voit les anses, d'abord largement étalées en pétales, se rétracter peu à peu, et à la fin s'agglomérer en une masse informe au fond du noyau. Le phénomène de la rétraction dure de vingt minutes à plusieurs heures. Les cellules au stade de corolle, qui se trouvent dans de bonnes conditions dans la préparation, peuvent conserver leur figure intacte pendant de longues heures, tandis que celles qui se trouvent dans de mau- vaises conditions passent rapidement à l'état rétracté de la fig. 12. Abandonne-t-on une dissociation très longtemps, par exemple douze à dix-huit heures, sur le porte-objets, on trouvera à la fin de ce temps que l'im- mense majorité des spermatogonies du stade de corolle auront revêtu cette forme caractéristique. C'est une figure léthale. Il va sans dire que ces figures sont particulièrement abondantes dans les préparations mal fixées; j'ai l'ha- bitude de rejeter comme impropres à l'étude toutes les préparations qui les montrent en quantité considérable. Avec la scission longitudinale des anses chromatiques et l'écartement des anses-filles de manière à donner des anses secondaires apparemment libres, nous sommes encore loin de la couronne équatoriale; il y a encore deux ou trois phases assez nettement caractérisées à parcourir. La première de ces phases, peut-être pour nous la plus importante des phases de cette cinèse, c'est la phase de léparpillement des anses. Elle con- siste en ce que les anses secondaires abandonnent leur orientation vers le fond du noyau, leurs branches s'ouvrent, leurs extrémités s'écartent l'une de l'autre, elles deviennent des filaments plus ou moins rectilignes, et ces filaments sont jetés sans ordre apparent à travers la masse générale du noyau, FIG. 13 et \3bis. Il semble qu'en ce faisant les filaments tendent à s'étendre autant que possible, et qu'ils le font jusqu'à ce que leurs extrémités viennent heurter contre la membrane nucléaire, souvent, mais pas toujours, en des points diaméti'alement opposés du noyau. Cependant cette figure est très difficile à analyser, et je ne voudrais pas assurer qu'un degré modéré d'écar- tement ne soit pas plutôt la règle, les filaments conservant ainsi leur carac- tère d'anses, mais d'anses plus ouvertes. En tout cas, je crois que leurs extrémités viennent buter contre la membrane nucléaire et y adhèrent. Le point sur lequel je dois insister ici, c'est la séparation absolue en 2 20 Arthur BOLLES LEE apparence des anses-sœurs issues d'une même anse-mère, l'une de l'autre. L'ordre exquis qui régnait dans la phase en corolle de fleur a été aban- donné, et à sa place règne un enchevêtrement désordonné de filaments, dans lequel il est impossible de discerner la moindre trace de la disposition pri- mitive, et dans lequel surtout il est impossible de trouver le moindre motif pour admettre que les anses-sœurs ont gardé entre elles des rapports quel- conques indiquant leur communauté d'origine. L'œil n'aperçoit dans ces imao-es rien qui fasse penser qu'on se trouve en présence d'éléments réunis par paires. On ne voit que des filaments parfaitement isolés et indépendants, et l'on ne peut reconnaître dans la disposition de ces filaments isolés aucun rapport de position, aucun rapport par exemple d'orientation ou de paral- lélisme, qui fournisse le moindre prétexte pour leur attribuer une dis- tribution par paires. On n'aperçoit non plus entre ces filaments isolés et éparpillés sans ordre aucune trace de connexions anatomiques, telles que lames ou filaments tendus entre eux qui serviraient de liens rappelant leur connexité originelle et propres à les réunir plus tard, dans la couronne équatoriale, en groupes binaires de segments-sœurs. On dirait au contraire, en regardant ces singulières images, que l'effet de la tumultueuse disloca- tion dont nous sommes témoin doit être d'effectuer le divorce définitif de la plupart des couples originaux, et de réaliser un remaniement aussi com- plet que possible de l'ancien ordre de disposition des éléments chromatiques du noyau ! En même temps que les anses chromatiques libérées s'ouvrent et s'étendent comme nous venons de le dire, elles commencent à s'effiler vers leurs bouts et à s'épaissir vers le milieu. On aperçoit déjà les débuts de ce changement de forme dans la fig. 13, il est encore plus manifeste dans les FiG. 14 et 15. Les anses s'étant ouvertes largement de façon à devenir plus ou moins rectilignes, il en résulte que leurs portions centrales se croisent abondamment dans la région centrale du noyau, et les bouts libres étant dirigés sans distinction dans toutes les directions, nous avons comme résul- tat une figure plus ou moins stellaire, fig. 14. Les bouts libres, adhérant maintenant pour la plupart à la membrane nucléaire, continuent à s'efiiler et en même temps les portions centrales s'épaississent toujours davantage. Il en résulte que vers le centre du noyau les segments sont si étroitement tassés qu'il est impossible d'analyser l'image qu'ils présentent, car souvent ils sont si serrés en cet endroit qu'ils pa- raissent être fondus en une masse indivise de chromatine. De cette masse LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 221 centrale partent alors en rayonnant les bouts libres, qui, là où ils arrivent à buter contre la membrane nucléaire, sont tout à fait distincts. Nous avons à ce moment une image stellaire qui rappelle celle d'une roue, la masse centrale étroitement tassée représentant le moyeu, et les bouts libres adhé- rents à la membrane représentant, les rayons, fig. 14, Le processus de concentration de la substance des segments chroma- tiques vers leurs centres, avec amincissement simultané de leurs extré- mités, continuant toujours, nous obtenons l'image représentée par la fig. 15, image qui laisse facilement reconnaître qu'il n'y a qu'un pas de plus à faire dans cette voie pour que nous n'ayons plus désormais devant nous des segments chromatiques, mais des chromosomes achevés (i). En effet, la masse centrale est composée maintenant de petits chromo- somes assez trapus, assez réguliers et lisses, ayant une forme de V, et dont les bouts sont réunis à la membrane nucléaire par des filaments pâles et minces, fig. 15. Ces filaments se brisent, la membrane nucléaire, jusqu'a- lors parfaitement distincte, disparaît (ou bien, peut être devrait-on dire, la membrane nucléaire se résout, ce qui brise naturellement les filaments qui la reliaient aux chromosomes), et les chromosomes devenus libres demeurent plongés dans la masse hyaline fusoriale du noyau au centre de la cellule, fig. 16 à 18. De ce qui a été dit du mode de formation des groupes d'éléments nucléiniens ainsi libérés dans la cellule, il résulte qu'ils ont été formés par la concentration au centre du noyau de 48 éléments nucléiniens, chromo- somes ou demi-chromosomes comme on voudra. On s'attend naturellement en conséquence à pouvoir constater le chiffre de 48 éléments dans ces grou- pes précurseurs de la couronne équatoriale, fig. 16 à 18. Je n'y ai jamais réussi. J'y ai constaté souvent un chiffre apparemment bien supérieur à 24. Ainsi, pour la cellule de la fig. 17, mes notes disent » apparemment beaucoup plus de 24 chromosomes « ; et dans la fig. 16 j'en ai dessiné cer- tainement plus de 24. Cette figure explique, je crois, assez bien la difficulté qu'il y a à faire ces numérations. Les éléments y paraissent être rapprochés par paires, même souvent être collés ensemble par paires; de sorte que (1) C'est, je crois, Brauer qui a proposé d'appeler segments chromatiques les tronçons primordiaux, encore inégaux et hérissés d'aspérités, qui résultent de la segmenlation du boyau nucléinien, et de réserver la dénomination de chromosomes aux éléments plus réguliers, plus compacts et plus lisses auxquels les segments se réduisent avant d'entrer dans la couronne équatoriale, en un mot à leur forme définitive et achevée. Cette distinction me parait utile. 28 222 Arthur BOLLES LEE l'observateur doute constamment pour savoir s'il doit interpréter tel ou tel groupe binaire comme un seul élément ou comme deux. Il paraît impossible de ne pas en conclure qu'à ce stade les 48 éléments isolés ou apparemment isolés de la phase de l'éparpillement se rassemblent en 24 groupes binaires. Mais quant au mécanisme par lequel ce rassemblement s'effectue, je n'ai pas pu le dévoiler. Naturellement il est impossible de décider par l'observation si les groupes binaires ainsi formés sont composés chacun d'éléments-sœurs, c'est-à-dire si les éléments-sœurs séparés par la phase de l'éparpillement se retrouvent réunis dans la couronne équato- riale, ou si les nouveaux groupes binaires sont formés en partie d'éléments hétéi-ogènes. Tout indice de liens quelconques entre les segments pendant la phase d'éparpillement faisant défaut, c'est cette dernière supposition qui paraît de beaucoup la plus probable. Les chromosomes sont jetés sans ordre à travers l'espace qui aupar- avant était occupé par le noyau. Cependant, on distingue souvent en leur milieu un espace clair, sorte de méandre informe, qu'ils paraissent éviter, FiG. 16. Et dans des cas heureux je suis arrivé à distinguer plusieurs fois au milieu de la masse dense des chromosomes, fig. 18, le corps hyalin dont l'existence a été signalée plus haut pendant les premières prophases. Nous approchons de la couronne équatoriale. Un fuseau très délicat se dessine. J'ai pu constater plusieurs fois que son axe était occupé par le corps hyalin, un peu allongé et atténué, fig. 19. Au-delà des pôles du fuseau, on aperçoit souvent deux entonnoirs polaires ou cônes antipodes de ■Van Beneden, mais la différentiation du cytoplasme ne paraît pas aller plus loin que cela ; quelquefois autour des entonnoirs on entrevoit un très faible rayonnement du cytoplasme, mais jamais dans les spermatogonies je n'ai constaté d'asters formels. On dirait que leur cytoplasme est trop faible pour pouvoir en fournir. Quelquefois, à côté des entonnoirs polaires, on aperçoit un corpuscule polaire, fig. 19 en c. Les chromosomes sont main- tenant arrangés sur ce fuseau en une sorte d'étoile irrégulière, fig. 19. On pourrait être fortement tenté de penser que cette image, qui est très commune dans les coupes, représente la couronne équatoriale. Ce serait, je crois, une erreur. Car, si je ne me trompe, la véritable couronne équatoriale, image très rare, présente l'apparence de la fig. 20. Elle se distingue par une régularité très grande, tout aussi grande que dans n'importe quelle couronne équatoriale des plus régulières. Les chro- mosomes se sont régularisés complètement sous le rapport de leurs formes LES CINESES SPERMATOGENETIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 223 et de leurs dimensions. Ils sont devenus approximativement égaux, au lieu de présenter les irrégularités frappantes de taille qu'on leur reconnaît dans la couronne non encore régularisée, c'est-à-dire dans les figures comme celle de la FiG. 19, et ils ont pris une forme de V assez régulière. Ils sont très étroitement serrés ensemble en un disque régulier, qui n'est interrompu que sur un petit espace central pour livrer passage au corps hyalin (si tant est que celui-ci existe d'une façon constante), fig. 20. Ils sont même le plus souvent si étroitement juxtaposés dans ce disque que le tout donne l'impres- sion d'une bande ininterrompue de substance chromatique, dont la tranche serait évidée en une dépression annulaire, à fond anguleux, seulement re- connaissable aux bords de la figure. C'est seulement dans des couronnes exceptionnellement ouvertes, comme celle de la fig. 20, qu'on arrive à ré- soudre cette masse compacte en des éléments en V. Quelle est la position de ces éléments dans la couronne? Un regard jeté sur la figure montrera qu'il n'est pas facile de répondre avec certitude à cette question. Les images qu'on obtient pourraient ou bien être l'ex- pression optique d'une seule série de paires de V très ouverts et disposés dans la couronne avec leurs sommets dirigés vers le centre et leurs branches orientées selon les plans des méridiens du fuseau ; ou bien elles pourraient être l'expression de deux séries de V, juxtaposés par leurs sommets, ayant ces sommets dirigés vers le centre, et ayant leurs branches tournées en de- hors, non orientées sur les méridiens, mais dirigées de façon à se trouver dans une succession de plans faisant chacun seulement nu petit angle avec le plan équatorial. En d'autres termes, selon cette interprétation, les V seraient couchés dans le plan équatorial, si ce n'était que leurs pieds sont un peu tirés vers les pôles de la figure. C'est cette disposition que j'ai voulue représenter par le schéma, fig. 72. C'est bien cette interprétation que je préfère, tant d'après l'étude de ces images que d'après la considération des processus que nous avons appris à connaître comme conduisant à l'établis- sement de la couronne équatoriale, c'est-à-dire des processus des phases d'éparpillement. Le fuseau de ces figures est régulier, mais de forme assez variable. Il peut-être très grêle et allongé, comme dans la fig. 19, ou à peu près globulaire, comme dans la fig. 20, ou bien encore plus déprimé et forte- ment aplati aux pôles. Au-delà des pôles, on aperçoit souvent, comme il a été dit, un faible rayonnement dans le cytoplasme, indiquant la présence d'une ébauche d'entonnoirs polaires ou cônes antipodes de Van Bene- 224 Arthur BOLLES LEE DEN. Mais souvent aussi les pôles viennent buter immédiatement contre la membrane cellulaire, comme dans les fig. 24, 26 et 28. En ce cas, il n'y a rien au-delà, et les entonnoirs polaires, s'ils ont existé, se sont effacés. J'ai même vu des fuseaux dont les pôles, fortement acuminés, faisaient formel- lement saillie au-delà de la surface géométrique de la cellule : circonstance qui pourrait, semble-t-il, donner à réfléchir aux savants qui admettent que les pôles des fuseaux sont constitués par des centrosomes ayant pour mis- sion d'attirer les chromosomes vers la région polaire. Évidemment en ces cas il ne pourrait y avoir de corpuscule pareil dans le prolongement de l'axe de la figure. Mais j'ai souvent observé des centrosomes ou corpuscules polaires situés à côté de la région polaire, fig. 19 et 20. Le fuseau est en tous les cas d'une structure extrêmement délicate, ses filaments sont très fins et très pâles. Dans son axe, j'ai souvent constaté la présence d'un corps hyalin, brillant et homogène, fig. 20. L'étude de la métacinèse, c'est-à-dire de la dislocation de la couronne équatoriale, confirme l'interprétation de la structure de cette couronne à laquelle nous nous sommes arrêté plus haut; — c'est-à-dire que la couronne doit être composée de chromosomes en V superposés dans le plan équatorial et non juxtaposés dans les plans des méridiens. Les chromosomes se sépa- rent d'une façon assez régulière, non pas il est vrai avec une régularité parfaite, mais toutefois sans montrer avec une abondance suffisante ces images de changement d'orientation qui en résulteraient, si dans la couronne ils avaient été orientés dans les plans des méridiens. Nous n'entendons pas nier que des mouvements de rotation ou de renversement partiel ne se produisent (car il s'en produit, voyez les fig. 21 et 22); mais l'impression gé- nérale que produisent les images de cette phase, c'est que les chromosomes sont simplement attirés vers les pôles par l'angle du V, ne subissant d'autre changement d'orientation que le renversement partiel qui résulte de ce fait ; — c'est-à-dire qu'au lieu de se trouver avec leurs sommets dirigés vers le centre de la figure, ces sommets sont maintenant dirigés vers les pôles et se trouvent en conséquence être situés plus haut que les bouts libres, ainsi que cela se trouve être le cas le plus souvent dans les cinèses ordinaires. Les deux bataillons de chromosomes s'éloignent l'un de l'autre avec assez de régularité et marchent vers les pôles en se déployant en deux bandes larges qui remplissent souvent la majeure partie de la cellule, fig. 21 et 22. Les images de cette phase varient du reste beaucoup selon le plus ou moins d'abondance de la chromatine dans les différentes cellu les. C'est LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 225 pourquoi il m'a semblé utile de mettre sous les yeux du lecteur les fig. 21 à 26, qui serviront, je pense, à faire reconnaître les apparences variées que peuvent présenter les cellules de ce stade. C'est pendant le stade de la fig. 21 que dans des cellules favorables on peut compter les chromosomes et constater qu'il y en a 24 environ dans chaque groupe. Les couronnes polaires, auxquelles ces figures nous ont déjà conduit, sont le plus souvent très étroitement tassées, et en ce cas peuvent se pré- senter sous la forme de bandes compactes de chromatine, dans lesquelles il est difficile de constater l'existence de chromosomes isolés, fig. 27 et 28. Mais dans d'autres cellules, les anaphases sont beaucoup plus ouvertes, et l'on peut assister à quelques-uns des détails de la réédification des noyaux- filles, fig. 29, On constate alors qu'à ce moment les chromosomes perdent leur figure régulière de V, s'amincissent et deviennent plus grêles, comme s'ils abandonnaient une partie de leur substance. Que ce soit en réalité parce qu'une partie de leur substance se liquéfie et les abandonne à ce moment, ou que ce soit simplement parce qu'ils se contractent en une masse plus com- pacte, c'est ce que je ne puis pas décider; mais il me semble certain qu'à ce moment ils deviennent plus petits. En même temps, leurs contours, de lisses qu'ils étaient, deviennent granuleux, hérissés, et paraissent émettre des fils. Enfin les corps irréguliers qui résultent de ces changements paraissent se réunir en une figure filo'ide, spirème ou réseau, je ne puis dire laquelle, FIG. 29. Dans ces figures, j'ai plusieurs fois constaté l'existence d'un corps hyalin central, brillant, homogène et achromatique, fig. 29. Et comme on en peut constater un dans chaque no3fau-fille, je pense que le corps hyalin originel s'étrangle en son milieu au moment de la dislocation de la couronne et que ses deux moitiés se rendent aux pôles avec les chromosomes. Le reste du fuseau s'étrangle en formant une plaque fusoriale, fig. 29, ainsi que je l'ai décrit et figuré dans mon travail La Régression du Fuseau, FIG. 1 à 5. Puis les filaments connectifs se coupent près des nouveaux noyaux et se retirent vers la plaque fusoriale, pour former dans la suite un reste fusorial compact qui persiste en formant un trait d'union entre les deux nouvelles cellules, ainsi que je l'ai décrit et figuré dans le travail cité. La division du noyau n'est pas toujours suivie de près par la division du cytoplasme chez les spermatogonies ; la formation de cellules à deux ou à plusieurs noyaux est extrêmement commune dans cette sorte de cellules. Mais ces cellules bi- ou multi-nucléées ne m'ont pas paru présenter un 226 Arthur BOLLES LEE intérêt particulier, et il me semble qu'il suffira que j'en fasse mention pour mémoire. Le trait le plus remarquable de la cinèse que nous venons de passer en revue, c'est assurément la possession de cette curieuse phase de l'e'par- pillement des segments nucléiniens secondaires. C'est la présence de cette phase qui fait que cette cinèse se différencie nettement des cinèses ordi- naires. C'est une phase nouvelle, greffée sur des phases qui sans cela se ramèneraient assez bien à celles d'une cinèse ordinaire. Elle a vraisem- blablement pour effet, comme nous l'avons dit, d'effectuer le divorce définitif des éléments-sœurs résultant de la scission longitudinale des seg- ments chromatiques primordiaux et d'assurer que ces éléments ne se retrou- vent pas tous ensemble dans la couronne équatoriale. C'est le contre-pied absolu de ce qui a lieu dans la cinèse suivante, celle des spermatocytes I. Car dans celle-ci, comme nous allons le voir, non seulement les éléments- sœurs résultant de la scission longitudinale demeurent réunis, mais en le faisant ils se fusionnent complètement ensemble en un chromosome unique qui ne présente plus trace de dimidiation. CHAPITRE II. Les spermatocytes I. Les spermatocytes I sont, à l'encontre des spermatogonies, des cellules toujours très grosses et d'une facture très robuste. Comme toutes ces cel- lules, elles sont pour la plupart piriformes, et souvent très longuement pé- diculées, fig. l, 30, 42. Elles mesurent en moyenne selon leur petit axe de 251^ à 30 \>-, et beaucoup plus selon leur grand axe. Ainsi la cellule de la FIG. 30 mesure 60 i^- de longueur, et j'en ai rencontré qui avaient près de 100 v-. Leur cytoplasme est assez dense, à réticulum puissant, assez régulier, à mailles fines et régulières. Il est toujours très abondant par rapport au volume du noyau. Il contient dans la règle un Nebenkern volumineux et robuste, et non petit et délicat comme celui des spermatogonies; il présente aussi en général un ou plusieurs restes de fuseaux, qui se montrent sous la forme d'un simple moignon, par exemple fig. 30, ou d'un pont reliant deux cellules, FIG. 39, 39 bis et 42. Il peut contenir en outre des débris d'anciens fuseaux dissociés en leurs éléments constitutifs et éparpillés dans le cyto- plasme sous la forme de petits bâtonnets courbés, fig. 35 et 44. Il contient également très souvent, mais nullement d'une manière constante, des traî- nées volumineuses de granules ou de plaquettes (1). Ces enclaves se colorent intensément sur la cellule vivante par le bleu de méthylène, et prennent une teinte sombre dans les préparations fixées par le mélange de Flemming. Elles affectent très souvent la disposition d'une longue bande, qui entoure totalement ou partiellement le noyau, fig. 35 (la bande s'y montre en coupe, on en voit la section à gauche de la figure). Ce sont ces granules qui, dans l'opinion de Prenant, op. cit., serviraient à former le Nebenkern par un processus de condensation. J'ai déjà montré, dans mon travail Sur le Ne- benkern et sur la Formation du Fuseau, qu'il n'en est cependant rien, et que le Nebenkern a une origine tout autre. J'ai dit dans le travail cité, p. 241 : " Je connais très bien ces granules, et je puis assurer qu'ils ne servent pas ^ à former le Nebenkern, car on les voit en masse à côté de lui. - En effet. (i) « Cytomicrosomes )) de Prenant : La Cellule, t. IV, u' fasc, i88S, p. 137. 228 Arthur BOLLES LEE il en est ainsi, et la fig. 35 en témoigne. On y aperçoit un croissant, coupe d'une bande puissante de ces granules, bande qui entoure presque tout le noyau ; et à côté, un Nebenkern en état de dégénérescence marquée, repré- senté seulement par quelques bâtonnets, c'est-à-dire quelques restes de fila- ments fusoriaux, en train de s'éparpiller et de se dissoudre dans le cyto- plasme... J'ai étudié toutes ces enclaves avec beaucoup de détail dans mes deux travaux antérieurs, et je prie le lecteur de bien vouloir s'y reporter. Le cytoplasme des spermatocytes contient aussi souvent, mais non, je pense, d'une manière constante, certains granules ou microsomes spé- ciaux, c, dans les figures. Ces corps représentent, je pense les centrosomes des auteurs. Mais comme ils ne paraissent jouer aucun rôle mécanique dans la cinèse, il suffira de les mentionner ici pour mémoire, et d'en réserver l'étude plus détaillée pour le Chapitre IV. Le noyau au repos des spermatocytes I ne présente aucun caractère particulier qui doive nous arrêter. J'ai déjà figuré un de ces noyaux dans mon travail 5/;r le Nebenkern, fig. i, et je prie le lecteur de bien vouloir s'y reporter. J'ai décrit ces no)^aux, op. cit., p. 230, comme possédant un élément chromatique filamenteux uniformément répandu à travers toute l'épaisseur du noyau, et plongé dani un caryoplasme consistant en un réti- culum achromatique et un enchylème finement granuleux contenu dans les mailles de ce réticulum. J'ai ajouté que ces noyaux ont un certain aspect sombre et mat dans les coupes, aspect dû à la coloration partielle par les réactifs de ces deux éléments achromatiques, du réticulum plastinien et de l'enchylème granuleux qui l'enrobe. Enfin, j'ai ajouté qu'ils contiennent deux ou trois nucléoles plasmatiques, dont le plus gros ou les deux plus gros se montrent souvent entourés d'une auréole claire, au milieu de laquelle ils sont comme suspendus par des fils rayonnants, fig. 1 et 2, op. cit., et FIG. 30 et 32. Ces noyaux se trouvent par milliers dans toutes les coupes. Je ne puis vraiment pas m'expliquer comment il se soit fait qu'ils aient échappé à Zim- MERMANN, qui décrit le noyau au repos comme ayant sa chromatine distri- buée sous la forme d'amas (Klïimpchen) arrondis et troués, c'est-à-dire sous la forme qu'elle prend dans une prophase très avancée, fig. 32 à 38. Dans mon travail Sur le Nebenkern, j'ai expliqué en détail comment le caryoplasme réticulé et granuleux du noyau au repos subit une métamor- phose hyaline qui le transforme en une substance spéciale, parfaitement homogène et sans granules, qui devient le fuseau. J'y ai dit que le début LES CINESES SPERMATOGENETIQUES CHEZ L'HELIX POMATIA 229 de la métamorphose hyaline est marqué par l'apparition dans la masse sombre du caryoplasme d'un espace ou plutôt d'un corps parfaitement clair et homogène (i) et ayant une forme sphérique ou ovale; et que la suite de cette métamorphose consiste en l'envahissement graduel de tout le noyau par cet élém.ent clair. J'ai maintenant un fait nouveau à ajouter à cette des- cription. En effet, le corps clair m'avait toujours paru alors être sphérique ou ovale. Mais depuis, il m'est arrivé nombre de fois de lui trouver assez nettement une forme de fuseau, de croissant ou de navette, fig. 30, .v. Comme dans les spermatogonies, ce corps est parfaitement homogène et ne montre aucune trace de fibrillation ni même aucune striation, et possède un aspect brillant et réfringent qui indique qu'on a devant soi un corps so- lide et non une vacuole. Comme il me paraît évident que ce corps corres- pond à celui que j'ai appelé corps hyalin dans les spermatogonies, je l'appellerai du même nom ici. La première apparition de ce corps paraît co'ïncider avec le début des prophases de la cinèse, fig. 30; je n'ai du moins jamais pu le mettre en évidence dans un noyau incontestablement au repos. Il paraît donc néces- saire d'admettre, du moins d'une façon provisoire, qu'il ne représente pas un élément permanent du noyau, mais qu'il se forme seulement lors de la dififérentiation du caryoplasme en substance hyaline fusoriale. Je n'ai pu constater son existence avec certitude que pendant les premiers moments des prophases et à la fin de la cinèse, au moment de la réédification des noyaux-filles. Il paraît probable que pendant les phases intermédiaires il est caché par la masse générale de substance hyaline moins dense, mais également claire, qui l'entoure. Quant à la question de savoir s'il se forme toujours, c'est un point qui demeure encore douteux pour moi. L'évolution de la figure achromatique ayant été décrite avec détail dans mon mémoire Sur le Nebenkern, nous n'aurons plus à nous occujîer main- tenant que de la figure chromatique. Comme dans les spermatogonies, la phase du pelotonneraent ne paraît pas comprendre la formation d'un peloton ou spirème régulier, à un seul filament ou à un très petit nombre de filaments; ou du moins je ne le crois pas. De l'état confus et indéchiffrable du noyau au repos, fig. 1 de Sur le Nebenkern, il se débrouille un élément chromatique certainement filamen- teux, mais apparemment discontinu et consistant en un nombre considérable (i) L. c, p 23o et 23i. 29 230 Arthur BOLLES LEE de tronçons, fig. 30. Les tronçons de filaments qu'on aperçoit sont assez grêles, assez tortueux et enchevêtrés, et montrent une certaine tendance à affecter la forme d'anses et une certaine apparence d'orientation gros- sière autour d'un centre ou d'un pôle, fig. 30. Ils se raccourcissent; et en se raccourcissant, ils deviennent plus épais. A mesure qu'ils se con- tractent et qu'ils s'épaississent, ils subissent la scission longitudinale, fig. 31 et 32, et certains endroits des fig. 33, 34, 35 et 37. A ce stade, on peut arriver à compter approximativement le nombre de segments nucléiniens : il est de 24, c'est-à-dire qu'il y a 24 segments divisés ou non en segments secondaires (1). Les éléments nucléiniens, qu'on les considère avant ou après la scission longitudinale, sont de dimensions extrêmement variables, tant en longueur qu'en épaisseur. Les fig. 31 à 34, dont tous les éléments ont été soigneu- sement mesurés avant d'être dessinés, en font foi, mais cependant pas d'une façon suffisante. La diversité est beaucoup plus grande que ne lindiquent ces quelques figures. Cela suffit déjà pour donner à ces images un aspect assez compliqué. Il est une autre circonstance qui les rend encore plus com- pliquées et difficiles à comprendre. En effet, avant que le processus analy- tique, catabolique, de la scission longitudinale (voire même celui de la seg- mentation transversale) n'ait eu le temps de s'effectuer pour tous les éléments du noyau, les plus avancés de ces éléments sont déjà engagés dans la voie (i) O. VOM Rath, dans son travail Zur Spermatogenese von Gryllotalpa vulgaris Latr., (Arch. f. mik. Anat., XL, 1S92, p. 102), décrit comme il suit la division des spermatocytes I de V Hélix pomatia. Ces cellules, selon lui, montreraient à la cinèse 48 chromosomes, réunis par groupes de quatre. Ces groupes sont évidemment les tétrades dont nous allons parler. Comment se fait-il que VOM Rath nait compté que douze de ces groupes, au lieu des 24 que j'ai trouvés? Je pense que VOM R.\TH a pu avoir devant lui des noyaux dans lesquels il y avait des tétrades déji formées et en même temps des tronçons nucléiniens qui n'avaient pas encore subi la segmentation transversale; et que de cette façon il a bien pu avoir devant lui un total de douze amas nucléiniens environ. Mais ce chiffre réduit n'est qu'apparent ; et je suis convaincu que si vom Rath voulait bien se don- ner la p^ine de reprendre ses préparations, il n'aura pas beaucoup de difficulté à établir que, lorsque la segmentation transversale de l'élément nucléinien est définitivement terminée, le noyau contient une somme de 24 amas chromatiques, comme je l'ai dit, et non douze seulement. Les deux processus de segmentation et de formation de tétrades ne se suivent nullement d'une façon régulière; les premiers segments primaires qui ont éié formés passent en effet à la formation de létrades et d'ellip«es long- temps avant que la segmentation de tout l'élément nuclciiiien du noyau n'ait été achevée, comme en témoignent suffisamment les fig. 31 à 34. Du reste, vom Rath peut très bien avoir mal compté, comme il l'a fait pour les spermatides. Car il ajoute que des 48 chromosomes qu'il admet, 24 sont distribués à chacun des noyaux filles par une première division réductionnelle; el que ce chiffre de 24 est réduit à 12 par une deuxième division réductionnelle. Or, comme nous allons le voir, ces réductions numériques n'existent pas, et les jeunes noyaux des spermatides reçoivent en partage 24 élé- ments, comme tous les autres noyaux de la série spermatogénétique. LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ l'hÉLIX POMATIA 23 1 d'un autre processus de nature contraire, d'un processus synthétique de conjugaison et de fusion. En effet, à peine les segments-sœurs issus de la scission longitudinale se sont-ils séparés l'un de l'autre, que par des processus compliqués et dif- ficiles à suivre ils se fusionnent de nouveau en un corps compact qui ne porte plus d'indice de la séparation originelle. On pourrait peut-être distinguer deux modes d'après lesquels cette fu- sion s'opère : l'un, le plus ordinaire, qui débute par la soudure des bouts libres des segments, et l'autre qui débute par la soudure au milieu. Le pre- mier mode donne lieu, comme forme de passage à l'élément définitif, à des figures d'anneaux elliptiques ou ronds. L'autre mode donne lieu, comme forme de passage à l'élément définitif, à des figures quadrilatères pleines. Mais cette distinction n'est peut-être pas très importante; car dans l'un et l'autre cas le résultat définitif est le même : formation d'un corpuscule unique et homogène. Nous allons essayer de décrire et d'interpréter les images très compli- quées qui surgissent pendant la marche de ces processus, ou de ce pro- cessus, s'il n'y en a qu'un. Les segments-sœurs issus de la scission longitudinale ne s'éloignent pas l'un de l'autre, mais demeurent l'un à côté de l'autre en gardant pendant quelque temps leur parallélisme originel, fig. 31 à 33. Je soupçonne même que la scission peut souvent ne pas intéresser toute la longueur des segments, mais qu'à chaque bout les segments-filles peuvent demeurer réunis par un mince pont de substance chromatique, sans avoir jamais été séparés en ce point; on en voit deux ou trois exemples dans la fig. 32. Les segments sont à ce moment très rugueux, richement hérissés de petites épines, d'où partent de fins fils achromatiques qui se perdent bientôt pour la plupart dans le caryoplasme, mais dont quelques-uns en tout cas parais- sent relier les segments entre eux par leurs bouts. Que la scission longitudinale intéresse ou non toute la longueur des segments, toujours est-il qu'à partir de ce qu'on peut appeler, si l'on veut, la phase suivante, fig. 33 et 34, on trouve la plupart des segments-sœurs unis par leurs extrémités et en train de s'écarter l'un de l'autre par leurs milieux. La contraction longitudinale continuant en même temps, les cou- ples réunis prennent peu à peu pour la plupart une forme de bagues allon- gées, d'ellipses irrégulières, fig. 32 à 34. D'autres couples cependant parais- sent'garder leur parallélisme ou montrer même leurs moitiés rapprochées par le milieu, fig. 32, à droite en bas, fig. 34, à gauche, etc. 232 Arthur BOLLES LEE La contraction et la condensation de la substance des éléments chro- matiques continuent à se manifester, et bientôt les ellipses, les anneaux, ou les parallélogrammes n'ont plus la moitié des dimensions qu'ils possé- daient lors de leur première formation, comme le montre la comparaison des FiG. 33 et 34 avec la fig. 35. A peine la contraction at-elle progressé jusqu'à nous donner des groupes de dimensions à peu près égales à celles des plus petits groupes de la fig. 34, qu'un autre processus entre en jeu. Les images résultant de ce processus, fig. 35 et 36, sont un objet assez difficile. Voici de quelle façon je les interprète... Prenons la fig. 36. En a, nous avons une ellipse au stade de celles de la fig. 34, c'est-à-dire à éléments encore rugueux, un peu moniliformes, mais à part cela de calibre assez égal dans toute leur longueur. En b, nous avons une ellipse dans laquelle les éléments se sont amincis en leurs milieux et se sont épaissis à leurs bouts; c'est-à-dire que dans chacun d'eux la substance a en partie déserté le milieu du segment pour se porter à ses extrémités, où elle a dé- terminé des renflements en forme de boule. En c, d et e, nous avons ou bien des éléments au même stade qu'en b, mais se présentant de telle sorte que la portion amincie n'est pas nettement visible; ou bien des figures de parallé- logramme résultant de l'épaississement des bouts libres de segments-sœurs qui ne se sont pas écartés l'un de l'autre par leur région moyenne. En/, les deux extrémités renflées de chaque moitié de l'ellipse paraissent s'être con- fondues avec celles de l'autre moitié, de sorte que l'ellipse ne possède plus quatre renflements en boule, mais seulement deux. En g- et h, nous avons ou bien le même stade, mais l'ellipse se présentant de telle façon qu'on ne voit distinctement qu'un seul de ses côtés amincis (effet de raccourcissement qu'il est extrêmement difficile de reproduire par le dessin : cette image peut également être déterminée très souvent par le fait que l'ellipse se trouve placée contre la membrane nucléaire, dont le contour masque un de ses côtés); où bien, ces images peuvent procéder de figures en parallélogramme comme celle de d, les deux segments s'étant repliés en V après la formation des renflements en boule, processus qui expliquerait également l'image de c. En z et /, nous avons des figures résultant du raccourcissement d'éléments à bouts renflés, mais parallèles ou même rapprochés et fusionnés par leurs régions moyennes, comme nous avons admis que cela pouvait être le cas pour c, d et e. Les groupes dessinés dans la fig. 36 ont été choisis parmi ceux qui se LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L HELIX POMATLV 233 présentaient avec le plus de netteté dans plusieurs cellules; mais le no3'au de la FiG. 35 offre également des exemples de toutes ces formes typiques. L'une et l'autre de ces deux sortes de figures ont une certaine appa- rence quadripartite; car l'une et l'autre montrent quatre renflements en boule. Mais ce n'est là qu'une apparence : ces groupes ne sont pas en réa- lité quadripartites, mais bipartites : car toujours les deux renflements d'un même segment secondaire demeurent réunis par la région moyenne, tou- jours chromatique, de ce segment. Il y a même, si je ne me trompe, bien des groupes dans lesquels il ne se forme point de renflements du tout, qui passent à la phase suivante, celle de la coalescence de leurs moitiés, sans que ces moitiés aient montré aucune différentiation spéciale de leur forme. En tout cas, le sort de l'une et de l'autre de ces figures est le même : les deux moitiés, jusque là plus ou moins indépendantes, se fusionnent en un seul élément homogène. Les ellipses se contractent et s'épaississent; leurs deux moitiés se fu- sionnent par les bouts renflés ; la figure de l'ellipse passe à celle d'un cercle, FIG. 37; la substance amassée dans les bouts renflés se répand de nouveau, semble-t-il, dans toute la longueur de l'élément. Les deux éléments des groupes en parallélogramme se rapprochent l'un de l'autre; ils se fusion- nent, semble-t-il, dans toute leur longueur; et la différentiation terminale en boules s'efface, fig. 35, 36, 37 et 39. Les cercles résultant des ellipses se contractent encore et perdent la petite lumière centrale qu'ils avaient en- core au stade delà fig. 37; les figures quadrilatères achèvent de se fusionner; les unes et les autres perdent leurs rugosités et se lissent ; les fils latéraux qui en dépendaient disparaissent et nous n'avons plus que les petits amas ronds ou anguleux-arrondis, sans lumière centrale et sans trace de fente, des fig. 38, 39, 39 bis et des figures i6, 17, 18 du mémoire 5;ir la régres- sion du fuseau, et des figures 9 à 1 1 du mémoire Sur le Nebeiikeru. Ainsi s'achève la formation des chromosomes définitifs de la couronne équatoriale. Dans la fig. 38, les chromosomes sont distribués d'une façon à peu près uniforme sur toute la surface du noyau. Or, dans la cellule qui a fourni cette figure, il n'y avait pas encore d'asters. Il n'en est pas ainsi de la cellule de la fig. 39. Cette cellule possède des asters, et l'on remar- quera que les chromosomes sont distribués en deux groupes réunis seule- ment par une traînée de deux ou trois chromosomes isolés, groupes qui paraissent être attirés par les asters. La même disposition se reconnaît, 2 34 Arthur BOLLES LEE quoique d'une façon moins frappante, dans la fig. Sdbis. Elle s'observe aussi dans les figures 17 et 18 du mémoire Sur la régression du fuseau. Je crois que c'est là un fait assez général, et qu'il y a un moment, peu après l'établissement des asters, où les chromosomes se présentent en un ou deux groupes au voisinage immédiat des deux asters ou de l'un d'eux. Je n'ai pas d'explication parfaitement satisfaisante à offrir de ce phénomène. Je soupçonne qu'à ce moment il s'établit à chaque pôle du noyau un pore, par lequel le noyau est mis en communication ouverte avec le cytoplasme : que par ces pores le noyau déverse une substance mi-liquide dans le corps de la cellule, substance qui y forme les entonnoirs polaires ou cônes antipodes de Van Beneden, dont il a été question dans mon dernier travail; et que c'est à la faveur des courants déterminés par ce déversement de substance liquide que les chromosomes sont portés aux pôles. En tout cas, ce phéno- mène parait être digne d'attention. La couronne équatoriale est pleine, en ce sens qu'elle porte ses chro- mosomes distribués d'une manière uniforme à travers toute la section équatoriale du fuseau, et non rangés en cercle régulier à sa périphérie seule- ment, FIG. 41. Je n'entends pas par là nier qu'elle ne puisse posséder un fuseau central sans bâtonnets qui ait jusqu'ici échappé à l'observation. Je l'admets d'autant plus volontiers que je soupçonne même qu'il doit en être ainsi, vu que, comme cela a été dit plus haut, j'ai pu démontrer un corps semblable dans les premières prophases et dans les dernières anaphases, FIG. 30 et 50 à 52. Même il me semble que, dans des vues polaires des couronnes, j'ai pu apercevoir ce corps, quoique pas avec une netteté suffi- sante pour m'autoriser à le dessiner. Tant que les chromosomes ne sont pas arrangés en une couronne équatoriale régulière, ils présentent les formes irrégulières et variées des FIG. 39 et 39 In's, c'est-à-dire qu'ils sont irrégulièrement sphériques, ovales ou quadrilatères. Mais une fois arrangés dans la couronne équatoriale, ils présentent des formes plus régulières, dues sans doute à la traction exercée sur eux par les filaments du fuseau, qui dès ce moment est en rapport avec eux. Ils ont maintenant assez nettement la forme de fuseau, ou mieux de navette, fig. 40, 42, 43. Ils ont leur grand axe parallèle à l'axe du fuseau, et leurs bouts effilés paraissent se continuer chacun en un filament fuso- rial, de sorte que les filaments paraissent n'être que des prolongements achromatiques des chromosomes, ou bien que les chromosomes paraissent être des renflements des filaments, fig. 42 à 46. Ils varient beaucoup de LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 235 dimensions, comparez les fig. 42 et 43. Comme nous l'avons dit, il est facile de constater par les vues polaires que la couronne contient 34 élé- ments, FIG. 41. Le premier indice de la séparation des éléments constitutifs de la cou- ronne consiste en ce que les chromosomes, jusque là en apparence parfai- tement homogènes, s'éclaircissent un peu à l'intérieur, fig. 43. On dirait que leur substance commence à déserter leur région centrale pour se con- denser en leur région corticale. Puis en Téquateur de chaque chromosome se marque un étroit sillon, qui se trahit comme une fente pour les éléments qui sont vus de profil, et comme une fine ligne claire pour ceux qui sont vus de face, fig. 44. Il faut noter cependant que cette fente n'apparait pas d'abord sous la forme d'un sillon régulier intéressant tout le pourtour du chromosome, mais plutôt comme une dépression ou incision médiane, qui ne devient annulaire qu'au moment de la séparation définitive des chromo- somes-filles. L'inspection des fig. 44 et 45 fera sans doute comprendre cette disposition. Cette dépression médiane devenant ainsi une constriction annulaire aboutit à la segmentation transversale des chromosomes. Mais comme cette dépression se propage en même temps dans le sens de Taxe des chro- mosomes, il en résulte que les chromosomes-filles se séparent sous la forme de corpuscules en forme d'as de cœur, ou si l'on veut, de petits éléments en V très trapus. Pendant la séparation, les pieds des V sont étirés en des ponts de chromatine qui les réunissent pendant quelque temps à ceux de leurs vis-à-vis, fig. 45 et 46. Les chromosomes-filles marchent vers les pôles en deux phalanges assez régulières. A mesure qu'ils approchent des pôles, les chromosomes se rapetissent tant et si bien qu'au moment de se grouper en noyaux- filles ils n'ont plus la moitié des dimensions linéaires qu'ils avaient au moment de la dislocation de la couronne équatoriale, fig. 45 à 49 (les fig. 45, 47, 48 et 49 proviennent de cellules-sœurs qui se trouvent côte à côte dans la même colonie; la comparaison que je fais de la taille de leurs éléments est donc strictement autorisée, ce qui ne serait pas le cas si les cellules appartenaient à des colonies diverses). Ce fait me paraît absolument général : il est l'expression de la généralisation d'un très grand nombre d'observations contrôlées par des mesures précises. Je n'ai pas pu suivre en détail la reconstruction des noyaux filles. Les chromosomes deviennent grêles, paraissent émettre des fils, ce qui leur 2j6 Arthur BOLLES LEE donne un aspect un peu étoile, fig. 50 à 52, mais je n'ai pas pu établir si ces fils les relient entre eux. Bientôt on les voit enrobés par un caryoplasme ordinaire, qui se teint légèrement par les réactifs, et le tout s'entoure d'une membrane, mêmes figures. C'est à ce moment qu'on arrive souvent à distinguer un corps clair, homogène, brillant, en forme de fuseau, de navette ou de croissant, tranchant sur le fond sombre des jeunes noyaux, mêmes figures, x. Dans la fig. 50, ce corps est situé dans la profondeur des noyaux. Mais dans les fig. 51 et 52, il paraît être en train d'en sortir. Je n'ai pas pu m'assurer si cette apparence n'est qu'accidentelle, ou si elle répond à une sortie véritable de cet élément, qui aurait lieu à ce moment. J'ai déjà figuré un de ces petits fuseaux hyalins, fig. 12 de mon travail Sur le Nebenkern, et je l'y ai décrit, p. 240, comme faisant l'impression T d'une sphère hyaline, incolore, qui serait en train de sortir du groupe des chromosomes. (1) « J'ai déjà dit que, ayant observé des corps pareils pendant les premières prophases, je suis tout disposé à admettre qu'il s'agit d'un élément ayant une certaine permanence, qui doit exister également pendant les phases inter- médiaires. Je l'admets d'autant plus volontiers que je l'ai trouvé dans la phase équatoriale des spermatogonies, comme on se le rappellera, fig. 18 à 20, et aussi, comme nous allons le voir, dans des couronnes équatoriales des spermatocytes IL II semble donc naturel d'admettre qu'il peut exister dans la figure équatoriale des spermatocytes I et qu'il y doit occuper l'axe de la figure, comme pour les spermatogonies. Et, comme je l'ai dit plus haut, je crois même l'y avoir vu. Il me semble en effet que dans les vues polaires des couronnes équatoriales des spermatocytes I, j'ai pu l'apercevoir, mais pas avec une netteté suffisante pour me permettre de le dessiner. J'ai décrit et figuré, il y a longtemps, des détails dont la signification m'était alors inconnue, mais qui trouvent une explication toute naturelle dans (i) S'il se vérifiait que ces petits fuseaux hyalins peuvent soriir des jeunes noyaux et se main- tenir pendant quelque temps dans le cytoplasme, nous aurions peut-être là une explication des ob- servations des auteurs qui, avec Hermann, figurent de petits fuseaux existant dans le cytoplasme de cellules entrant en division et en font dériver le «fuseau central» de la nouvelle division. Mais de là à admettre que ces petits fuseaux puissent pénétrer de nouveau dans les noyaux pour devenir les fuseaux de la nouvelle cinèse. il y a loin. Il n'y aurait peut-être rien de très déraisonnable à ad- mettre que le fuseau hyalin soit un élément permanent et que ses moitiés persistent dans les noyaux- filles pour servir de germe aux fuseaux des cinèses à venir. Mais si telle était leur destinée, pour- quoi sortiraient-ils du noyau en premier lieu? LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L'HELIX POMATIA 237 l'existence d'un corps hyalin fusiforme. En effet, dans mon mémoire sur La régression du fuseau, j'ai dessiné, fig. g, lo, ii, 14 et 15, des moignons de fuseaux portant des pores ou canaux axiaux. J'y ai dit, p. 36, que « la base du moignon parait être forée d'un minuscule canal axial, large d'un demi-micron environ. - Et j'ai ajouté que certaines apparences me portaient à croire que ce canal représentait le reste d'un canal axial, qui autrefois parcourait le fuseau d'un pôle à l'autre. Je n'en doute plus : ce canal est effectivement ou bien un canal indiquant l'emplacement d'un fuseau cen- tral, ou bien une portion équatoriale de ce fuseau lui-même, portion équatoriale qui aura été séparée de la portion polaire par la même déchi- rure ou le même étranglement qui a séparé la portion équatoriale du reste du fuseau de sa portion polaire. Je puis maintenant ajouter qu'il me paraît à peu près certain que ce dernier cas se réalise quelquefois, sinon toujours; car dans des images comme celles de la fig. 10, op. cit., j'ai vu plusieurs fois et nettement une petite papille brillante qui sortait du pore. Le lecteur se rappellera sans doute qu'il a été expliqué à la p. 38 de ce même travail, que les microsomes ou renflements des plaques fusoriales se trouvent seulement à la périphérie des plaques, et non distribués à travers toute leur épaisseur. L'existence du fuseau central hyalin rend également compte de cette observation. 30 CHAPITRE III. Les spermatocytes II. Platner(i) a affirmé que la dernière division des spermatocytes opère une réduction de moitié du nombre des chromosomes de ces éléments. Cette réduction, selon Platner, serait effectuée de la manière suivante. A la fin de l'avant-dernière division, les anaphases usuelles feraient défaut; il se formerait un nouveau fuseau, sur lequel les chromosomes des groupes polaires s'arrangeraient en couronne équatoriale sans avoir passé par au- cune phase de repos; il en résulterait, selon lui, qu'à la dislocation de cette couronne chaque noyau-fille ne recevrait en partage que la moitié du nombre habituel des chromosomes. Une affirmation semblable a également été faite par O. vom Rath, comme nous l'avons vu plus haut; voyez la note de la p. 230. D'après mes observations, cette affirmation est doublement inexacte : il y a une phase de repos et des prophases régulières, et il n'y a pas de réduction du nombre des chromosomes. Je crois cependant que dans l'asser- tion de Platner il y a une part de vérité. Il me semble en effet que même lorsqu'il y a des anaphases régulières de l'avant-dernière division, une phase de repos et des prophases régulières, ces phases sont pour ainsi dire réduites à une expression plus simple que les phases correspondantes de la cinèse ordinaire, et qu'elles sont plus ou moins abrégées. Les noyaux-filles des spermatocytes I se présentent pendant leur re- construction sous deux formes. Dans l'une, que j'ai figurée dans mon travail Sur leNebenkern, fig. 12 et 13, les chromosomes se contractent en une masse d'apparence pâteuse dans laquelle on ne distingue plus d'éléments séparés. Dans ces figures, qui sont celles qu'on trouve le plus fréquemment, il est impossible de distinguer ce qui se passe à l'intérieur du noyau en reconstruction. Dans l'autre forme de reconstruction, les choses se passent tout (I) Platner •. Beitrâge pu- KemUniss der Zelle xntd ihrev Thcilungserscheinung^n ; Arch. f. ik. Anat., XXXIII, iSSg, p. I25. Le passage cité se trouve p. iSg. LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ l'hÉLIX POMATIA 239 autrement. Chez certains individus, — je ne sais si c'est un pliénomène phy- siologique ou tout simplement un effet de la fixation, — on trouve des figures oupcrtc's. Ces figures, fig. 49 à 54, nous permettent de saisir au moins quelques indices de ce qui se passe dans les jeunes noyaux. Au stade où nous les avons laissés à la fin du chapitre dernier, fig. 50 à 52, les noyaux sont ovoïdes ou en forme de godet aplati. Déjà ils s'étaient entourés d'une membrane, comme nous l'avons vu dans le chapitre précé- dent. Autour des chromosomes se développe un caryoplasme qui se teint par les réactifs, et les chromosomes deviennent en même temps plus pâles et difficiles à distinguer, fig. 53. A ce moment, on voit apparaître de nom- breux nucléoles, à situation surtout superficielle, dont les plus gros sont entourés d'auréoles claires, fig. 53. En même temps, on aperçoit dans le cytoplasme un Nebenkern, tantôt très rapproché du noyau, tantôt au contraire très éloigné de lui, fig. 53. Nous pouvons, je pense, certaine- ment dire des cellules arrivées à ce stade que leurs noyaux sont recon- struits. Cependant, si l'on compare ces jeunes noyaux à ceux de pareil stade des spermatogonies ou des spermatocytes, on est frappé d'une cer- taine différence d'aspect, dont il est difficile de se rendre compte au premier abord. Malgré la difficulté très grande qu'il y a à bien débrouiller les images, je crois pouvoir expliquer cette différence comme il suit. — Dans les spermatogonies et les spermatocytes I, la chromatine se présente sous un aspect qui donne assez nettement l'impression d'un élément filamenteux continu, tandis que dans les spermatocytes II il en est autrement. Ici, à travers le fond sombre du caryoplasme, il me semble toujours que dans les bonnes images je puis distinguer des éléments chromatiques libres et isolés. En un mot, il semble que les chromosomes ne se reconstituent pas en un boyau nucléinien continu, ni en un réticulum chromatique ou charpente nucléaire de certains auteurs; mais que, quoique devenus pâles et indistincts, ils ont gardé leur indépendance. Il semblerait donc que nous pouvons admettre que, s'il y a une phase de repos, — et assurément la possession d'une membrane nucléaire et de nucléoles en témoigne suffisamment, — cette reconstruction fondamentale des noyaux qui a lieu dans les cinèses ordinaires ne se produit cependant pas. Au stade représenté dans la fig. 53, je n'ai jamais pu apercevoir le pe- tit fuseau hyalin des fig. 50 à 52, et je pense qu'il n'y existe plus. Car à ce moment, les conditions seraient, à ce qu'il semble, plutôt favorables pour le voir, s'il y existait. Je ne puis pas dire ce qu'il est devenu; je l'ai cherché 240 Arthur BOLLES LEE avec soin dans le cytoplasme et dans le Nebenkern, mais jusqu'à présent sans résultat. Les jeunes noyaux ne grandissent que peu. Il serait peut-être plus exact de dire qu'ils ne grandissent pas du tout, si par ce terme on entend un accroissement physiologique de substance. Ils se dilatent plutôt au fur et à mesure que la nouvelle cinèse se développe, fig. 53 à 59. Comme pour les spermatogonies et pour les spermatocytes I, le pre- mier indice d'une cinèse imminente que j"ai pu saisir consiste en l'apparition dans le caryoplasme sombre d'une tache claire. Dans un grand nombre de cas, j'ai pu constater que cette tache a tous les caractères du petit corpus- cule hyalin qui a été décrit pour les spermatogonies et les spermatocytes I ; la FIG. 54 en donne une assez bonne idée. En même temps, l'élément chro- matique, jusque là pâle et indistinct, redevient facilement colorable et se révèle nettement sous la forme de chromosomes un peu irréguliers, mais isolés, et de même taille environ que ceux qui étaient entrés dans le noyau lors de son édification, fig. 54. Le fond du noyau s'éclaircit et se dilate, et les chromosomes deviennent plus lisses, réguliers, et plus espacés dans le noyau, fig. 55. A ce moment, ils ont la forme de petits bâtonnets légèrement recourbés et montrant une tendance à un certain épaississement de leurs extrémités, fig. 55 à 57. Ils montrent souvent une ligne axiale claire, qui pourrait faire penser au début d'une scission longitudinale. Mais je suis convaincu qu'il n'en est rien, et que cette ligne claire, si elle est autre chose qu'une ligne de réfraction, in- dique seulement une différence de densité entre l'axe des bâtonnets et leur région corticale. J'ai recherché avec le plus grand soin des indices d'une scission longitudinale des bâtonnets, et je suis convaincu qu'elle fait entière- ment défaut. Les chromosomes achevés ont une tendance à se rassembler en un groupe serré ou en deux groupes en une région quelconque du noyau, fig. 57, comme dans les spermatocytes I. Je n'ai pas pu me rendre compte de la raison d'être de ce phénomène. J'ai souvent pu apercevoir le corpuscule hyalin au milieu de ces groupes, fig. 57. Cette dernière figure mène directement à la couronne équatoriale, fig. 58 à 59. Dans les vues polaires de la couronne, on distingue très souvent avec une remarquable facilité le corpuscule hyalin, fig. 58, et l'on constate avec la plus grande certitude que le nombre des chromosomes est de 24, FIG. 58 et 58t>is. La couronne est pleine, c'est-à-dire que les chromosomes LES CINESES SPERMATOGENETIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 24 1 sont également distribués sur toute sa section, sauf dans l'étroit espace axial qui est occupé par le corpuscule hyalin (j'ai pu apercevoir ce corps dans des vues de profil, mais pas avec une netteté suffisante pour me sentir auto- risé à le dessiner). Les chromosomes achevés ont la forme représentée dans la fig. 60. Ils sont environ deux fois aussi longs que larges, mesurant en moyenne un micron de largeur sur deux de longueur. Ils sont placés sur le fuseau avec leurs axes majeurs parallèles à l'axe du fuseau, fig. 59 et 61. Ensuite de l'épaississement de leurs extrémités, qui à ce moment peuvent montrer un léger sillon longitudinal qui leur donne un aspect un peu bilobé, ils pré- sentent souvent l'apparence de deux petites boules irrégulières reliées par un pont étroit, fig. 61; mais ils ne sont pas en réalité bipartites. La métacinèse consiste en ce que les chromosomes subissent la division transversale au niveau du pont étroit qui relie leurs extrémités renflées, et que les moitiés métamères se rendent chacune à un pôle différent sous la forme de petits corpuscules triangulaires ou cordiformes, fig. 62 à 69. L'ascension polaire se fait sur deux bandes larges et très régulières, fig. 62, 64 et 66. On peut constater avec la plus grande certitude que le nombre d'éléments dans chacune de ces bandes est de 24, et que ce même nombre d'éléments entre intégralement dans le noyau de chaque spermatide. En conséquence, il n'y a point de réduction numérique de chromosomes dans la cinèse des spermatocytes II. Puisque ce point est important et que l'absence de toute réduction de chromosomes tant dans la dernière cinèse que dans toutes les cinèses pré- cédentes de la spermatogénèse des Hélix est en désaccord complet avec les faits qui paraissent avoir été établis pour toutes les spermatogénèses les mieux étudiées jusqu'ici, je dois prier le lecteur de bien vouloir me per- mettre de décrire avec un certain détail les anaphases représentées dans les fig. 62 à 70. La FIG. 62 représente une cellule dans laquelle la dislocation de la cou- ronne n'est pas achevée. La couronne s'est divisée du côté qui est tourné vers l'observateur un peu plus tôt que dans le fond. Le plan de séparation est indiqué par les flèches. Au-dessous de ce plan, je compte nettement 18 éléments, mais il se peut très bien qu'il y en ait encore deux ou trois. Au-dessus de ce plan, il y en a certainement 14. La cellule est coupée un peu obliquement, et au-dessous il n'y a qu'une tranche de la portion polaire du fuseau. Le reste de la cellule est contenu dans la coupe suivante, fig. 63. 2 42 Arthur BOLLES LEE Au-dessous du plan de séparation indiqué par les flèches, on trouve le reste de la portion polaire du fuseau, qui est montré entamé dans la fig. 62, et trois chromosomes, ce qui fait en tout 21 chromosomes pour la couronne polaire de dessous, ou 24 environ si nous admettons l'existence des deux ou trois autres indiqués comme possibles dans la fig. 62. Au-dessus des flèches il y en a dix; ce qui fait pour la couronne-fille supérieure 24 exactement. La FIG. 64 représente une anaphase plus avancée. Dans la couronne inférieure, on compte 22 éléments, et dans le groupe supérieur, 16. La cel- lule se continue dans la coupe suivante, qui montre encore S éléments dans le groupe supérieur : total, 22 éléments dans la couronne inférieure et 24 dans la supérieure. Les FIG. 65 et 66 montrent une cellule bien typique. Qui est-ce qui, hanté par la conviction que dans la cinèse des spermatocytes II il doit né- cessairement y avoir une réduction de chromosomes, ne serait convaincu en abordant l'examen de ces figures qu'il a devant lui des couronnes polaires à douze chromosomes? A l'examen au faible grossissement de la fig. 65, cette conviction paraît irrésistible. Et même à l'examen avec des objectifs puis- sants, il faut beaucoup d'attention pour arriver à se rendre compte de l'état véritable des choses. Car ces couronnes sont très régulières et se présentent exactement par la tranche. En conséquence, un nombre considérable de chromosomes sont recouverts par d'autres au point d'être très difficilement visibles. La FIG. 66 donne une très bonne idée de l'apparence de cette cellule telle qu'elle se présente par la combinaison des coupes optiques résultant de deux positions seulement de la vis micrométrique. On a l'illusion de deux groupes composés seulement de douze chromosomes environ. Mais ce n'est là qu'une illusion. La FIG. 67 donne l'analj'se définitive de ces deux couronnes polaires, les chromosomes étant dessinés exactement, mais déplacés juste autant qu'il faut pour que chacun d'eux soit dessiné distinctement. Or il y en a 16 en haut et 19 en bas. Donc déjà bien plus de douze. Ensuite, la cellule se continue dans la coupe suivante ; et l'on y compte encore 8 en haut et 5 en bas. Total, 24 éléments dans chaque couronne. Je crains d'ennuyer le lecteur, mais la question est importante; conti- nuons ! La FIG. 68 montre une cellule coupée très obliquement. Dans la cou- ronne de gauche, je compte 24 chromosomes, et dans celle de droite, 6. LES CINÈSES SPERMATOGÉNETIQUES CHEZ L HELIX POMATLA. 243 Dans la coupe suivante, il y a 18 chromosomes à droite, ce qui fait 24 exac- tement pour chaque couronne. Enfin, la fig. 69 montre également une cellule coupée obliquement. On y voit 24 chromosomes en haut et environ 20 en bas. Malheureuse- ment, il n'a pas été possible de reconstruire cette cellule d'après une coupe suivante, car elle provient d'une coupe qui est la dernière de la série. J'espère en avoir dit assez pour convaincre le lecteur que je ne parle pas à la légère lorsque j'affirme que le nombre de chromosomes de la der- nière cinèse est le même que dans toutes les cinèses précédentes. 24 chro- mosomes entrent dans la composition de la couronne équatoriale, et 24 en- trent dans les couronnes polaires. La reconstruction des noyaux-filles se calque sur celle des figures ouvertes des spermatocytes I. Les figures étant ouvertes, on constate faci- lement que les noyaux reçoivent le nombre total d'éléments, 24 environ, sans fusion ni réduction d'aucune sorte. Les chromosomes s'entourent d'un car3roplasme ordinaire et d'une membrane nucléaire, et souvent on distingue avec beaucoup de netteté dans les jeunes noyaux un petit fuseau hyalin, FIG. 70. Comme dans les spermatocytes I, à mesure que les chromosomes se reconstituent en noyau, ils se rapetissseiit, de sorte que dans le noyau achevé ils sont beaucoup plus petits que dans la couronne encore libre, FIG. 69 et 70. CHAPITRE IV. Les corpuscules polaires et les corpuscules sidérophiles du cytoplasme et du noyau J'entends par corpuscules polaires des granules achromatiques, -- c'est- à-dire qui se colorent peu ou point par les anilines basiques et la plupart des réactifs, ~ qui se trouvent au voisinage des pôles du fuseau. Dans mon travail Sur le Nebcnkeni, j'ai dit que dans les spermatocytes des Hélix il n'y a point de corpuscules polaires. Il y a lieu de rectifier cette assertion. Le caractère diagnostique principal de ces corpuscules est que, quoique achromatiques envers la plupart des colorants, ils se colorent avec facilité et avec une remarquable intensité par l'hématoxyline au fer de Benda ou de M. Heidenhain. Ils ne se coloi'ent point ou seulement d'une façon spora- dique et incomplète par les hématoxylines alunées, telles que l'hématoxyline de Delafield ou le Hémalun de Mayer. C'est donc au/er des hématoxylines de Benda ou de Heidenhain qu'est due la coloration par ces réactifs : ce sont donc des corps sidérophiles, à position polaire. D'autres corpuscules d'apparence identique et offrant les mêmes réac- tions se trouvent également dans des situations quelconques dans le cyto- plasme. Il en a été question dans mon travail Sur le Nebenkern, p. 249 et fig. 26 et 27. Enfin, des corpuscules tout à fait pareils se trouvent dans les noyaux des spermatocytes en prophase. Je pense que ces trois sortes d'éléments ne sont qu'une seule et même chose dans trois situations diverses, et qu'il convient de les réunir sous la commune dénomination de corpuscules sidérophiles. Cependant pour la commodité de l'étude, il sera peut-être utile de tenir compte de leurs rap- ports de situation, et de les étudier séparément sous les rubriques de cor- puscules polaires, corpuscules sidérophiles du cytoplasme et corpuscules sidérophiles du noyau. Nous n'étudierons que les corpuscules sidérophiles des spermatogonies et des spermatocytes, réservant pour une autre occasion les corpuscules des spermatides. LES CINÈSES SPERMATOGENETIQUES CHEZ L'HELIX POMATIA 245 Les corpuscules polaires se rencontrent dans lesspermatogonies, lessper- matocytes I et II, et dans les jeunes spermatides. Ils sont sphériques ou à peu près. Leurs dimensions varient entre 0,25 i-i et 1 [^ de diamètre, mais le plus grand nombre d'entre eux offrent des dimensions moyennes de 0,5 (j- en- viron. Ils peuvent être entourés d'une auréole claire, ayant un rayon de une à deux fois leur diamètre, par exemple fig. 39, c; ou bien ils peuvent être nus, par exemple fig. 39Z'/5, c. p., ou fig. 43. Ils se présentent sous deux aspects différents. Ils peuvent avoir un contour parfaitement net et défini, fig. 19, 20, 29, 39, 39 bis, 50, 64,- ou bien leurs contours peuvent être plus ou moins indécis, comme c'est le cas pour la cellule de la fig. 43. Cette dernière catégorie mène à des cas comme celui de la fig. 42, qui montre la région centrale des asters occupée par une masse sombre, à contours vagues. Cette masse, à un examen superficiel, peut en imposer pour un corpuscule distinct, mais elle n'est certainement pas autre chose qu'une condensation de la substance de l'aster, ou même seulement un effet de l'irrésolvabilité optique de l'image. Cette gradation dans le caractère des images porte à penser que nous avons affaire à un corps qui se montre souvent en voie de dissolution. Les corpuscules polaires se trouvent quelquefois, ou peut-être même souvent, situés très près du centre des asters ou du pôle géométrique du fuseau, fig. 39^/5 et 43. Je dis très près, car même dans les cas où le cor- puscule parait se présenter de la façon la moins équivoque en la situation polaire, il semble le plus souvent qu'avec assez d'attention on découvre qu'il est situé en réalité un peu en deçà, au-delà ou à côté de ce qui paraît être la position polaire géométrique. Ainsi, les corpuscules de la fig. 43 paraissent être situés un peu au-dessus du point mathématique de réunion des filaments du fuseau. Le plus souvent, ils sont situes dans des positions qui sont indis- cutablement en dehors des pôles géométriques du noyau, et très souvent ils s'écartent si notablement de cette position qu'il est impossible de dire si l'on fait bien de les classer comme corpuscules polaires ou s'ils ne trouve- raient pas mieux leur place dans le groupe des corpuscules sidérophiles du cytoplasme. Pareils cas sont représentés dans les fig. 19, 20, 39, 44, 59, 62, 64, 69. Assez souvent, on les trouve comme collés sur les parois des entonnoirs polaires, fig. 39, 39^z5 à droite. Nous pourrons désigner ces corpuscules éloignés sous le nom de corpuscules péripolaires. Les corpuscules qui occupent à peu près la position polaire géométrique ne sont jamais entourés dune aréole claire, fig. 3Q bis et 43. 31 246 Arthur BOLLES LEE Les corpuscules polaires sont-ils une formation constante, complément obligé de toute cinèse? Je crois pouvoir affirmer que non. Il ne suffit sans cloute pas, pour prouver une pareille affirmation, de faire observer qu'on ne trouve nullement des corpuscules polaires dans toutes les cellules.- Car il se peut que ce soit des éléments dont la colorabilité par les réactifs dépend de certaines conditions inconnues, qui ne se réalisent pas dans toutes les préparations, ni même dans toutes les parties d'une seule et même préparation. Je pense cependant que, si dans une seule et même région d'une prépa- ration, et même dans une seule colonie de cellules, nous trouvons côte à côte des cellules qui montrent des corpuscules polaires parfaitement nets et intensément colorés, et d'autres qui n'en montrent pas trace, nous sommes en plein droit de supposer que ces dernières n'en possèdent pas. A plus forte raison, si nous trouvons des fuseaux dont l'un des pôles montre un corpuscule, tandis que l'autre en est dépourvu. Or, c'est ce qui arrive. Prenons les fig. 39, 39 bis, 42 et 4t5. Les cellules de ces figures se trouvent dans deux colonies adjacentes, qui se trouvent dans des condi- tions absolument identiques dans la préparation. La fixation est parfaite, et la coloration paraît ne rien laisser à désirer. Ces deux colonies con- tiennent ensemble 102 cellules; dans l'une d'elles, il n'y a que des phases de peloton segmenté et des couronnes équatoriales, fig. 39, 39 bis et 42; dans l'autre, il y a des couronnes équatoriales, des métacinèses et des anaphases avancées. Sur ces 102 cellules, 70 au moins ont des asters, et devraient en conséquence montrer toutes des corpuscules polaires, si ces éléments étaient un accompagnement obligé des pôles cellulaires. Or, voici le bilan de ces 70 cellules : 9 possèdent des corpuscules polaires à position assez précisément po- laire, comme dans la fig. 39 bis, en haut; 13 autres possèdent des corpuscules péripolaires, c'est-à-dire situés dans le voisinage du pôle, mais non pas au pôle géométrique précis, comme dans la fig. 39, en haut à gauche; 6 sont douteuses; 27 ne possèdent certainement aucun corpuscule sidérophile quelconque; et les autres, tout en étant privées de corpuscules polaires ou péripo- laires, possèdent en revanche des corpuscules sidérophiles situés dans le noyau ou dans le cytoplasme, dans les régions équatoriales. LES CINESES SP^RMATOGÉNÉTIQUES CHEZ l'hÉLIX POMATIA 24/ Il est à noter que la colonie des cellules 39, 39 bis et 42 montre beau- coup plus de corpuscules polaires que celle de la cellule 46. Les deux se trouvent cependant dans des conditions absolument identiques de fixation et de coloration. Prenons les fig. 43 et 47 à 49. Ces figures représentent des cellules qui se trouvent dans la même coupe, la cellule de la fig. 43 en haut près du bord, les autres en bas, à pareille distance de la surface de la glande. Elles sont donc dans des conditions à peu près identiques de fixation et de coloration. La FIG. 43 provient d'une colonie dont six cellules seulement se trouvent dans la préparation. Elles portent toutes des coi^puscules polaires d'un as- pect semblable à ceux de la fig. 43. Deux d'entre eux montrent en outre un corpuscule sidérophile situe dans la région équatoriale du cytoplasme. Les FIG. 47 à 49 proviennent d'une colonie dont il n'y a que sept cel- lules dans la préparation. Elles sont toutes en anaphase et apparaissent avec une clarté admirable. Deux de ces cellules possèdent des corpuscules situés dans la région polaire de la cellule, mais pas assez près des pôles pour qu'on puisse les appeler corpuscules polaires. Les cinq autres ne montrent aucun corpuscule en aucune région de la cellule. On ne peut que s'étonner que, si ces corpuscules sont des ceiitrosomes, des organes permanents de la cellule, la colonie de la fig. 43 en montre si clairement dans toutes les cellules qui se trouvent dans la préparation; tan- dis que la colonie des fig. 47 à 49 n'en montre que dans deux cellules sur sept, et encore en dehors de la situation polaire. Voici, dans une autre série de coupes, une petite colonie de 15 cellules, toutes parfaitement démontrées. Elles sont toutes au stade de la couronne équatoriale, et douze de ces couronnes se présentent de profil. Quatre mon- trent d'une façon parfaitement nette des corpuscules à situation polaire approximativement précise. Une possède un corpuscule péripolaire. Les trois qui se présentent en vue polaire ne montrent rien; mais étant donnée la difficulté qu'il y a à déterminer l'existence d'un corpuscule polaire dans les vues de pôle, on peut les classer comme douteuses. Les sept autres ne montrent certainement aucun corpuscule à position polaire ou péripolaire; une seule présente un corpuscule cytoplasmique. Il serait inutile de pousser plus loin ces études statistiques. Nous ob- tiendrions toujours le même résultat : dans une seule et même préparation, dans une seule et même colonie et côte à côte, des cellules qui montrent 248 Arthur BOLLES LEE des corpuscules polaires, et d'autres qui n'en montrent pas. J'en ai conclu que ces corpuscules ne sont pas des formations constantes.' Il ne reste qu'à signaler un point qui paraît avoir son importance. C'est que parmi ces corpuscules, ceux qui sont à position assez précisément polaire sont extrêmement rares ; tandis que ceux auxquels nous avons reconnu une position péripolaire sont assez abondants. Ni les uns ni les autres n'ont en aucun cas des rapports quelconques avec les rayons des asters. Aucun filament protoplasmique ne s'insère jamais sur eux. Ils sont libres dans la cellule, comme des corps étrangers. Considérons maintenant les corpuscules sidérophiles du cytoplasme. Nous avons déjà indiqué les caractères de ces éléments. Ce sont des corpuscules sidérophiles de 0.25 i-i à 1 [-^ de diamètre, en moyenne de 0,5 i-^, entoures ou non d'une aréole claire. Cette aréole claire est souvent limitée au-dehors par une légère condensation du cytoplasme environnant; on dirait que le cytoplasme a subi en cet endroit une sorte de tassement dû à ce qu'il a été refoulé par la substance claire de l'aréole. Mais en aucun, cas les tra- béculcs du cytoplasme ne prennent insertion ni sur les corpuscules ni dans la substance des are'oles. Les corpuscules sont au contraire libres dans le cytoplasme, à la manière de corps étrangers. On peut distinguer deux aspects sous lesquels les corpuscules sidéro- philes du cytoplasme peuvent se présenter. Ils peuvent se colorer d'une façon extrêmement intense ; ou bien — et cela dans une seule et même cellule — ils peuvent être très pâles, au point d'être à peine perceptibles, FiG. 46. Je pense qu'il s'agit dans ces cas de corpuscules qui sont en train de se dissoudre dans le cytoplasme. Quelquefois on trouve deux de ces corpuscules dans une aréole claire commune, comme par exemple dans les fig. 25, 35 et 70. Mais je n'ai jamais vu d'image qui m'aurait porté à croire que cette gémination fut l'effet de la division d'un corpuscule unique. Il nous reste à examiner leurs rapports de nombre et de position. Et d'abord, existent-ils en nombre déterminé? La réponse n'est pas douteuse. Ils n'existent pas en nombre déterminé. Il peut y en avoir un, il peut y en avoir deux ou trois, il peut y en avoir quatre, cinq ou six, comme dans la fig. 44, ou même davantage, je crois jusqu'à une douzaine. Ils peuvent manquer entièrement, c'est peut- être le cas le plus fréquent. Ainsi, des 102 cellules qui ont fourni la LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ l'hELIX POMATIA 249 statistique des corpuscules polaires donnée plus haut, 29 m'ont montré un seul corpuscule cytoplasmique, 9 m'ont montré plus d'un, et toutes les autres ne m'en ont pas montré du tout (il est bien entendu que, pour établir ces chiffres, j'ai eu soin de ne pas compter les corpuscules que j'avais consi- dérés comme corpuscules polaires, de sorte que nous ne devons admettre comme étant entièrement dépourvues de corpuscules sidérophiles que les 27 cellules mentionnées plus haut dans la discussion des corpuscules polaires). Or, ce cas est parfaitement typique. Les corpuscules cytoplasmiques n'existent pas en nombre déterminé; très souvent ils n'existent même pas du tout; et comme pour les corpuscules polaires, j'ai conclu de ces observa- tions que ce ne sont pas des formations constantes. Notons que les corpuscules cytoplasmiques sont beaucoup moins nom- breux dans les spermatogonies que dans les spermatocytes. Notons enfin que le nombre de corpuscules cytoplasmiques parait aug- menter au fur et à mesure que se poursuit la cinèse. Comme l'indiquent assez bien les figures, on ne trouve guère pendant le stade de repos qu'un ou deux corpuscules dans le cytoplasme. Pendant les prophases, ce chiffre peut monter jusqu'à quatre, fig. 35. Au stade équatorial et pendant les anaphases, nous pouvons en trouver six et plus, fig. 44 et 59... Je dirai plus loin que l'explication probable de ce fait me parait être que ces cor- puscules sont formés dans le no3'au pendant le repos, et de là évacues dans le cytoplasme au fur et à mesure que la cinèse se déroule. 'Voyons maintenant quels sont les rapports de position qu'ils affectent dans la cellule. Ils peuvent occuper n'importe quelle position dans le cytoplasme, tant pendant l'état de ïe\)os de la cellule que pendant les cinèses. Il n'y a, je crois, qu'une exception à cette règle, c'est le cas des spermatogonies. Ces cellules ont un noyau souvent énorme, à situation distale en général, et entouré d'une couche excessivement mince de cytoplasme. Or, les corpuscules sidé- rophiles évitent cette région de la cellule et se trouvent presque toujours dans sa région basale, fig. 4, comme s'ils avaient été refoulés dans cette position par la pression exercée par le noyau sur le cytoplasme distal. Ce ne sont que les spermatogonies munies d'un cytoplasme exceptionnellement volumineux qui fassent exception à cette règle, fig. 5. Peut-être en est-il de même pour les spermatocytes. En effet, dans ces cellules, à l'état de repos, on trouve les corpuscules situés plus sou- vent dans la région basale que dans la région distale, fig. 30, 42, 5-4 et 55. 250 Arthur BOLLES LEE Ceux d'entre eux qui se trouvent situés franchement dans la région basale des cellules au repos se trouvent nécessairement à proximité du Nebenkern, fig. 30. Ils peuvent être beaucoup plus rapprochés du Neben- kern que ne le montre cette figure; qu'on veuille comparer par exemple la prophase, fig. 35, qui montre qu'ils peuvent être pour ainsi dire mêlés aux filaments du Nebenkern en dissolution. On en voit souvent deux, placés assez symétriquement de chaque côté du Nebenkern. Cette position pour- rait suggérer la pensée qu'ils viennent de sortir du Nebenkern, mais c'est là une supposition qu'une étude attentive m'a fait rejeter. Il va sans dire que les corpuscules, se trouvant souvent à proximité du Nebenkern, se montrent quelquefois optiquement superposés à cet élément, ce qui peut faire naître l'illusion qu'ils sont à l'intérieur de ce corps. Mais dans la grande majorité des cas, une étude attentive avec de forts grossissements permet de recon- naître que ce n'est là qu'une illusion, et que les corpuscules qui en imposent comme tels se trouvent en réalité en dehors du Nebenkern. Je ne voudrais cependant pas exclure la possibilité que dans quelques cas fort rares le Ne- benkern ne puisse contenir des corpuscules sidérophiles ; mais dans ces cas j'admettrais qu'ils s'y seraient introduits du dehors. Ce fait n'aurait rien d'étonnant; car, comme je l'ai montré dans mon travail Sur le Nebenkern, cet élément a essentiellement la forme d'une cloche, et rien ne s'opposerait à ce qu'un corpuscule cytoplasmique ne put s'introduire dans sa cavité. Il est une autre situation fort remarquable où peuvent se trouver les corpuscules cytoplasmiqucs des cellules au repos. Ils peuvent être colles sur la membrane nucléaire, de telle sorte qu'ils font l'effet d'être en train de sortir du noyau en soulevant un mince feuillet de la membrane nucléaire. J'ai figuré ce phénomène dans mon travail Sur le Nebenkern, fig. 26 et 27. Les corpuscules qui se trouvent dans cette position sont toujours nus, c'est-à-dire qu'ils ne sont entourés d'aucune aréole claire. Sous ce rapport donc, ils ressemblent aux corpuscules polaires à position strictement polaire, qui, comme nous l'avons vu plus haut, sont également toujours dépourvus d'aréole. Pendant la cinèse, les corpuscules cytoplasmiqucs paraissent pour la plupart être jetés sans ordre dans le cytoplasme. Cependant, détail qui ne ressort pas clairement des figures, qui n'ont pas été choisies à cet effet, il est une situation qu'ils paraissent affectionner : j'ai été frappé de la fréquence avec laquelle on les trouve, au nombre de un ou deux, ou même jusqu'à quatre, situés à peu près dans le plan cquatorial de la figure cinétique. LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 25 I FiG. 25 et 59. Cela est tellement vrai que rien n'est plus commun que de rencontrer des corpuscules sidérophiles dans les vues polaires des cou- ronnes équatoriales, comme dans les fig. 16 et 58 bis. Et maintenant, les corpuscules sidérophiles du noyau! Je n'ai trouvé ces corpuscules jusqu'à présent que dans les spermatocytes I, et je n'ai pu les démontrer avec certitude que dans les cellules au stade des fig. 39 et 39 bis. Dans certaines colonies, on les trouve en grande abondance, et dans d'autres plus rarement. Je pense que si je n'ai pu les démontrer avec certi- tude dans les stades antérieurs, cela tient à ce qu'ils y sont masqués par l'abondance de la chromatine assez uniformément distribuée dans le noyau, et par le réticulum caryoplasmique qui existe également en plus ou moins grande abondance pendant ces stades. Ce ne serait, semble-t-il, qu'après que le caryoplasme s'est converti pour la plus grande partie en substance fusoriale h3'aline et que les segments nucléiniens se sont contractés en des chromosomes lisses qu'il devient facile d'apercevoir ces corps. Ils ont tous les caractèi'es des corpuscules polaires à situation exacte- ment polaire. Ils ont la même taille, de 0.25 .j. à i ]x, avec une moyenne de n.5 i'- environ. Ils se colorent intensément par l'hématoxyline au fer, et ils doivent être à peu près réfractaires à la coloration par les colorants de la chromatine. Car jamais je n'en ai pu apercevoir un seul dans les pré- parations faites avec ces derniers réactifs, tandis que dans les préparations faites avec l'hématoxyline au fer on les trouve en abondance. Ces corpuscules se trouvent souvent collés sur les trabécules du réti- culum caryoplasmique ou bien sur la membrane nucléaire; je n'ai pas pu m'assurer s'il y en a de libres dans le noyau. Comme les corpuscules polaires à situation exactement polaire, et comme les corpuscules cytoplasmiques qui se montrent collés sur la membrane nucléaire, ces corpuscules sont tou- jours nus!! Je ne puis pas donner de renseignements précis sur le nombre de ces éléments. Il me parait être très variable. Souvent dans des noyaux qui pa- raissent être bien placés pour l'observation, on n'en aperçoit qu'un ou deux, ou point du tout. D'autres fois, ils sont bien plus nombreux : j'en ai souvent compté avec une entière certitude jusqu'à six dans un noyau, fig. 39 et 39bis, et je suis convaincu qu'ils peuvent être bien plus nombreux que cela. A partir du moment de la disparition de la membrane nucléaire, on en trouve beaucoup moins dans le noyau. Mais ils n'y font pas toujours défaut à ce moment. Car souvent on observe des corpuscules en tous points sem- 252 Arthur BOLLES LEE blables engagés dans le fuseau, et cela surtout dans la région cquatoriale du fuseau pendant les anaphases. Si je ne me trompe, ce sont là les éléments qui ont déjà été observés par Flemming, et qui, d'après cet auteur, ser- viraient à former les microsomes de la plaque fusoriale. Cette dernière opi- nion, d'après mes observations, est inexacte : les microsomes de la plaque fusoriale sont constitués par des renflements des filaments du fuseau, comme je l'ai dit dans mon travail sur La régression du fuseau caryocinétique, p. 33. Résumons tous ces faits en une synthèse qui me parait des plus pro- bables. Ces faits paraissent indiquer que, pendant la période de repos, il se forme dans le noyau des spermatogonies et des spermatocytes des corpus- cules sidérophiles nus en nombre variable. Pendant la période de repos et pendant les prophases de la cinèse aussi, certains de ces corpuscules sont éliminés du noyau en passant à travers la membrane nucléaire, fig. 26 et 27 de mon travail Sur le Nebenkern. Arrivés dans le cytoplasme, ils s'en- tourent ou non d'une aréole claire et deviennent les centrosomes des auteurs. Ceux de ces corpuscules nucléaires qui n'ont pas été éliminés pendant les prophases sont évacués par les pôles du noyau au moment de l'établisse- ment du fuseau, en passant par un porc qui se forme à ce moment en ce point et qui sert également à l'émission d'une certaine quantité de sub- stance nucléaire hyaline destinée à former les entonnoirs polaires, comme je l'ai dit dans mon travail Sur le Nebenkern, p. 234. Les corpuscules éva- cués de cette façon sont les corpuscules polaires connus de longue date comme apparaissant souvent aux pôles de la figure au stade équatorial. Quelques-uns d'entre eux sont rejetés entièrement en dehors du fuseau, et, s entourant d'une aréole claire, demeurent dans les régions sous-polaires sous la forme de corps que nous avons distingués comme corpuscules péripolaires. D'autres demeurent engagés dans le col qui relie le sommet du fuseau à l'entonnoir polaire, point autour duquel se forment les asters. Ceux-ci sont encore -les centrosomes des auteurs. Ils ne s'entourent pas d'une aréole claire, mais bientôt se dissolvent sur place, leurs produits de dissolution servant à comnmniquer aux centres des asters cet aspect sombre qu'ils pré- sentent si souvent. Dans tous les cas, ces éléments formés dans le noyau sont destinés à se dissoudre dans le cytoplasme sans y avoir jamais joué un rôle mécanique quelconque. C'est bien à tort qu'on voudrait leur imposer la dénomination de centrosomes, car ils ne sont les centres obligés d'aucun organe ou système organique de la cellule. CHAPITRE V. V Le cytoplasme et le caryoplasme. Le cytoplasme des spermatocyles. Sans avoir l'intention d'entrer en une discussion détaillée de la structure du cytoplasme de ces cellules, je crois cependant utile d'en dire quelques mots. En présence des opinions diverses qui ont cours aujourd'hui sur la structure du cytoplasme en général, il y a peut-être intérêt à ce que chacun fasse connaître les résultats aux- quels il est arrivé par l'étude spéciale d'un genre particulier de cellules. Il n'y a pour moi le moindre doute que le cytoplasme des spermatocytes des Hélix, — objet très favorable à l'étude, — ne possède une structure réticulée, et non granuleuse comme le veut Altmann, ni alvéolaire comme le veut BUtschli. Il est composé d'un réseau de filaments, réticulum de Carnoy ou spongioplasme de Leydig, filaments courant dans tous les sens selon les trois dimensions de l'espace et plongés dans une substance amor- phe et demi-liquide, fortement chargée de granules excessivement petits, l'hyaloplasme de Leydig ou enchylème de Carnoy. Les filaments du réticulum me paraissent être essentiellement homo- gènes, c'est-à-dire que ce sont de véritables filaments continus et non de simples alignements de microsomes. Ils peuvent contenir des granules, qu'on peut appeler microsomes si l'on veut, sans faire beaucoup de tort à la science, mais aussi sans la faire avancer beaucoup. Mais alors ces granules y sont à titre d'enclaves et non d'éléments de structure essentiels. Les fila- ments courent pêle-mêle dans le réticulum en décrivant d'inextricables sinuosités. Ils ne poursuivent jamais, dans la cellule quiescente, que des trajets très courts dans la même direction. Ils changent de direction très brusquement, revenant sur eux-mêmes selon des angles très aigus. Ils se dichotomisent, se trichotomisent, ou présentent même très fréquemment des points de subdivision qui sont de véritables verticilles de rameaux secondaires. Ces divisions se font souvent sous des angles droits, et lorsque dans ce cas plusieurs rameaux secondaires viennent à rayonner d'un seul point, il se forme dans le réticulum de véritables petits asters. Arrive-t-il que le rameau-mère se présente par le bout, il produit l'effet d'un granule 32 î54 Arthur BOLLES LEE isolé; et l'observateur peu habitué à ce genre de recherches peut se croire en présence d'un microsome entouré de rayons. J'ai vu des cellules qui contenaient peut-être une douzaine de ces petits asters. Dans les cellules au repos, les filaments ou trabécules du réticulum courent dans tous les sens sans montrer pour la plupart aucune orientation marquée. Cependant, on leur reconnaît souvent une certaine velléité d'orien- tation ou tendance à suivre une direction plutôt qu'une autre. Quelquefois, on en distingue qui sont orientés selon des rayons de la cellule et centrés par rapport au noyau; il en est ainsi, quoique faiblement, dans la cellule de la FiG. 5, D'autres fois, on distingue des couches de trabécules plus fortes disposées d'une façon concentrique autour du noyau, c'est un cas qui n'est pas rare. Souvent, on en distingue qui sont orientées en traînées, en éventail ou en pinceau, qui divergent du moignon fusorial, s'il y en a un dans la cellule, fig. 30 et 55. Mais en aucun cas, les filaments sont orientés sur un centrosome, une sphère attractive, ou sur un point de la cellule qu'on puisse appeler un centre. Les filaments ou trabécules s'insèrent sur la membrane nucléaire et sur la membrane cellulaire. Mais ces insertions sont beaucoup plus rares qu'on ne le pense peut-être. En étudiant avec soin la surface des noyaux, on constate que relativement peu de filaments y adhèrent. Au contraire, un grand nombre d'entre eux, arrivés près du noyau, rebroussent chemin, comme s'ils voulaient l'éviter et vont se perdre de nouveau dans le réseau général. Il y a même beaucoup de noyaux qui paraissent ne posséder que des connexions tout à fait accidentelles avec le réticulum. C'est probable- ment pour ce motif qu'on trouve très fréquemment dans les dissociations, et quelquefois dans les coupes, des cellules énucléées, dont le noyau a été expulsé du cytoplasme sans qu'un lambeau du réticulum y adhère. Ce fait, soit dit en passant, paraît prouver suffisamment que la mem- brane nucléaire appartient anatomiquement au noyau et non au cyto- plasme. Les trabécules du réticulum s'insèrent, comme il a été dit, sur la membrane cellulaire, mais ces insertions sont aussi beaucoup plus rares qu'on ne le pense peut-être. Très souvent, en arrivant près de cette mem- brane, elles rebroussent chemin comme si elles voulaient l'éviter, et vont se perdre de nouveau dans le réticulum. En tout cas, le cytoplasme peut pour ainsi dire à volonté se détacher par places de la membrane cellu- laire. C'est ce qui arrive d'une façon normale pendant les cinèses. Ainsi LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ l'hÉLIX POMATIA 255 dans la fig. 21 (vaguement) et dans les fig. 44 (ici très nettement), 46, 47 et 59, on voit que le cytoplasme s'est retiré de la membrane sur toute l'étendue d'une plage circulaire qui entoure les pôles de la cellule, en lais- sant cette plage complètement vide de tout élément figuré, sauf les enton- noirs polaires, qui se maintiennent raides et détachés en son centre, fig. 44 et 59. Ce phénomène se présente aussi, quoique plus rarement,- dans les cellules au repos ou en prophase, comme par exemple dans la fig. 55, où l'on voit le cytoplasme parfaitement détaché de la membrane sur une large plage qui a pour centre le moignon fusorial. Il n'y a pour moi aucun doute que le cytoplasme ne puisse être à un certain degré indépendant de la membrane cellulaire. Les trabécules du réticulum cytoplasmique décrivent de nombreuses si- nuosités ; si l'on en pouvait isoler une sur toute sa longueur, elle se trouverait être certainement beaucoup plus longue que la distance d'un point quelconque de la cellule à la membrane cellulaire. En conséquence, elles ne sauraient, sans subir un degré de contraction incroyable, produire un effet de tension directe entre un point central du cytoplasme et la membrane cellulaire. Il n'y a rien dans ces cellules qui nous autorise à admettre l'hypothèse connue sous le nom de Spannungsgeseti ou loi de la tension de M. Heidenhain, d'après laquelle les phénomènes de la cinèse trouveraient leur explication dans les tensions diverses de trabécules cytoplasmiques, dites rayons orga- niques, tendues entre les centrosomes et la membrane cellulaire. Il n'y a pas plus de rayons organiques dans ces cellules qu'il n'y a de centrosomes pour leur servir de centres d'insertion. Je n'ai du reste jamais vu de cellule qui me parût bâtie comme une roue de bicyclette. Si l'observation de la cellule au repos ne nous offre rien qui nous autorise à admettre l'existence des rayons organiques de M. Heidenhain, l'observation de la cellule en cinèse nous oblige à les rejeter. Car dans la cellule en cinèse, les rayons organiques seraient représentés par les trabé- cules principales, les trabécules fortes et homogènes des asters. Or, rien de plus facile que de s'assurer ici que ces trabécules ne s'insèrent pas sur la membrane cellulaire. Elles ne s'y insèrent pas plus qu'elles ne s'insèrent sur le corpuscule polaire, lorsque celui-ci existe. Il est facile de s'assurer au contraire que les rayons des asters, ou au moins l'immense majorité d'entre eux, n'atteignent pas la membrane cellulaire, mais se perdent dans le réticu- lum cytoplasmique, dont ils font partie intégrante par leurs ramifications terminales. Cette disposition a été figurée dans toutes les figures d'asters de ce travail et des deux travaux précédents. 356 Arthur BOLLES LEE Les mailles du réticulum sont remplies par un enchylème granuleux. Ce point est assez difficile à établir, mais je le crois parfaitement démontré. Les granules en question font l'effet d'une poussière extrêmement fine, qui se teinte par les colorants plasmatiques. On ne peut les confondre avec certains globules de dimensions plus fortes qui remplissent ces cellules à la suite d'une fixation excessive par les liquides osmiques et, plus rarement, par le sublimé corrosif. Ces globules ont été décrits, si je ne me trompe, comme éléments constitutifs de la cellule. Mais je les considère comme des productions artificielles. Les granules véritables de l'enchylème cytoplasmique sont si petits que je n'ai pas essayé de les introduire dans mes dessins, sauf pour les asters, où j'ai essayé de les rendre, sans cependant avoir pu réussir à leur donner la finesse voulue. Le cytoplasme peut contenir des amas ou des traînées de microsomes assez remarquables. Ces enclaves ont été décrites au commencement du chapitre II. Le caryoplasme des spermatocytes. D'après mes observations, le ca- ryoplasme a exactement la même structure que le cytoplasme, si ce n'est que les trabécules de son réticulum paraissent être en général plus fines que celles du réticulum du cytoplasme. Il contient donc un spongioplasme ou réticulum tout à fait semblable, et dans les mailles de ce réticulum un hyaloplasme ou enchylème granuleux d'une apparence identique à celui du cytoplasme. Ces faits se constatent avec une parfaite netteté sur des sper- matocytes au stade de peloton segmenté. Le noyau s'étant à ce moment éclairci en partie par la métamorphose hyaline, ce qui reste de caryoplasme non modifié se détache nettement avec tous les caractères qui ont été décrits. Je ne comprendrais pas qu'en regardant les lambeaux de réticulum caryo- plasmique représentés par exemple dans les fig. 39 et 39tis, un observateur puisse'se persuader qu'ils ne représentent que des portions de charpente nu- cléaire, desquelles la chroniatine a émigré — chromatinfreie Portionen des Kerngerïists. Les trabécules du réticulum se voient à cote des filaments achromatiques adhérents aux chromosomes et dérivant de la segmentation du boyau nucléinien, et s'en distinguent, pas toujours, naturellement, mais souvent. La théorie de la structure du noyau que je viens d'esquisser, en disant que cette structure est réalisée dans les cellules que nous étudions en ce mo- ment, est, comme on le sait, celle qui a été enseignée pour la première fois LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L HpLIX POMATIA 257 par Carnoy. Elle constitue la contrepartie de la doctrine admise par l'école de Flemming, d'après laquelle les noyaux ne contiennent, outre l'élément chromatique que les partisans de cette doctrine se figurent exister toujours sous la forme d'un réseau, qu'un suc amorphe ou Kernsaft. Or, si j'insiste ici sur le fait que les noyaux que nous étudions ont bien la structure attribuée aux noyaux en général par Carnoy, et non celle qui leur est attribuée par Flemming, c'est que ce n'est point là un détail insignifiant, mais au con- traire une question qui est grosse de conséquences. Car, ou je me trompe fort, la doctrine du Kernsaft, si elle n'est pas la mère de la doctrine de l'origine cytoplasmique du fuseau, a du moins puissamment contribué à la faire accepter. Il répugne assez naturellement à l'esprit de penser qu'un liquide, tel que se le figurent les partisans du Kernsaft, puisse s'organiser en un ensemble d'éléments fibreux aussi solides, aussi tenaces que les filaments du fuseau. Pour l'école qui n'admet pas le caryoplasme, le noyau ne saurait guère former son fuseau; car, d'après cette doctrine, il ne contient pas en lui les éléments nécessaires pour l'édifier. Il fallait donc trouver un mécanisme par lequel le fuseau put lui être apporté tout fait du dehors : et ce fut non seulement sans répugnance, mais avec reconnaissance, qu'on accueillit toute cette mythologie fantaisiste des fuseaux cytoplasmiques et des sphères attractives aux émanations pseudopodiales servant à les compléter. CHAPITRE VI. Revue critique. La cinèse des spennatogouies. La cinèse des spermatogonies nous a montre une phase de repos normal, une phase de pelotonnement et de seg- mentation qui n'a rien d'anormal, une phase de scission longitudinale nor- male et remarquable par la régularité de ses figures, une couronne équato- riale qui paraît normale, si l'on en juge d'après son aspect extérieur, enfin des anaphases qui ne diff"èrent en rien d'essentiel de celles des cinèses ordi- naires des tissus. Mais elle nous a montré en outre une phase fort remarquable, interca- lée au milieu des prophases ordinaires, quelque chose de surajouté aux opérations de la cinèse ordinaire, — la.phase de l'éparpillement des segments- filles. L'introduction de cette phase nouvelle dans le cycle cinétique est-elle une chose en quelque sorte accidentelle, un épiphénomène, déterminé par des circonstances que nous ignorons, mais non essentielle? Ou bien est-ce au contraire un phénomène de nature entièrement essentielle, pour ainsi dire quelque chose de voulu? Je crois que nous sommes obligé d'admettre que c'est une chose voulue. Cette nouvelle phase est intercalée entre la phase de la scission longitu- dinale des segments du peloton et la couronne équatoriale. Or la phase de la scission longitudinale se présente ici avec des caractères qui nous permet- tent d'assurer, aussi positivement que possible, qu'aucune nouvelle phase de la sorte ne serait nécessaire, pour des motifs d'ordre mécanique, pour arriver à la couronne équatoriale. Que le lecteur veuille bien se reporter à la FiG. 10 ! Les segments nucléiniens y sont évidemment disposés de telle sorte qu'avec un déplacement minime ou nul ils se trouveraient agencés en couronne équatoriale. Évidemment, tout ce qu'ils auraient à faire pour cela, ce serait de se raccourcir et de s'orienter sur place, de façon à avoir les sommets des anses tournés vers l'axe de la figure et leurs bouts libres tournés en dehors. C'est ce qui se fait dans les cinèses ordinaires : pour- quoi cela ne se fait-il pas ici? LES CINESES SPERMATOGENETIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 259 La réponse, pour moi, n'est pas douteuse. Cela ne se fait pas ici parce que, si cela se faisait, nous aurions une cinèse ordinaire divisant le noyau en deux noyaux-filles identiques entre eux et identiques au noyau-mère, et que la nature ne veut pas d'une cinèse ordinaire. Au contraire, elle veut une cinèse fournissant des noyaux-filles qui ne sont pas identiques entre eux ni au noyau-mère. Elle atteint ce but en éparpillant les segments de telle sorte que les couples de segments-sœurs ne se retrouvent pas nécessairement ensemble dans la couronne équatoriale, pour être de là régulièrement distri- bués entre les deux pôles, mais de sorte que la couronne se trouve composée en partie du moins de couples à antimères hétérogènes. Cette disposition conduit à la formation de noyaux n'ayant pas une composition identique. En un mot, l'éparpillement des segments rend possible une division rédiictionnelle de Weismann, mais qualitative seulement, et non quantita- tive en même temps. Qu'il me soit permis de rappeler en aussi peu de mots que possible, ce que c'est que la division rédiictionnelle de l'ingénieuse hypothèse de Weismann. Weismann admet que c'est le boyau nucléinien qui recèle et transmet les qualités héréditaires de la cellule, les tendances qu'elle a reçues de ces ancêtres et qu'elle transmettra en partie à sa progéniture : vitdi lampada tradit. Il admet aussi que ces qualités ou tendances sont liées matériellement aux microsomes du boyau, c'est-à-dire aux renflements de cet élément qui sont aussi connus sous le nom de granules de Pfitzner, et auxquels pour marquer leur caractère de plasmas ancestraiix il donne le nom de ides. Ces microsomes ou ides sont d'habitude distribués dans le boyau selon une série linéaire unique, de sorte que les divers segments métamères du boyau, con- tenant des ides de provenances et de qualités diverses, sont qualitativement différents entre eux. Lorsque dans la cinèse ordinaire le boyau subit la scission longitudinale, cette scission n'est autre chose que le résultat de la division, selon des axes transversaux, des microsomes ou ides. En consé- quence, chaque segment-sœur résultant de la scission reçoit en partage un héritage identique de moitiés de microsomes, et sa constitution en ides est identique à celle du segment-mère. La cinèse ordinaire est donc une divi- sion équationnelle. Mais si dans une division la scission longitudinale est supprimée et remplacée par une division transversale qui n'intéresse pas les ides, mais les laisse entiers, cette division est rédiictionnelle, et donne lieu à des noyaux à chromosomes qualitativement différents de ceux du noyau- ,^Q Arthur BOLLES LEE mère. Elle est réductionnelle, parce que les ides ne s'étant pas divisés, il ne peut y en avoir dans chaque chromosome-fille qu'un nombre moitié de celui du chromosome originel. Elle donne lieu à des noyaux qualitative- ment différents du noyau-mère, parce que les chromosomes-filles étant des métamères et non des antimères contiennent d'après l'hypothèse des ides différents. On voit facilement qu'une telle division opérerait une réduction du nombre des ides, mais non une réduction du nombre des chromosomes. Or pour Weismann, partisan de l'hypothèse de l'individualité des chromosomes, il est nécessaire qu'il y ait aussi une réduction de moitié du nombre des chromosomes pendant l'évolution des produits sexuels, pour expliquer le fait d'observation que le nombre des chromosomes fourni aux pronuclei mâle et femelle est toujours la moitié de celui qui se constate dans les cel- lules embryonnaires et les cellules des tissus. Cette réduction numérique, Weismann pense quelle doit être réalisée par une cmèse, dans laquelle non plus des moitiés de chromosomes, mais des chromosomes entiers, indivis, seraient distribués entre les deux noyaux. Une telle cinèse donnerait, comme on le voit, à la fois une réduction qualitative et une réduction quantitative. Le but de la réduction quantitative serait de rendre possible la conju- gaison des pronuclei sans doubler à chaque fécondation le nombre de chro- mosomes caractéristique de l'espèce. Le but de la réduction qualitative serait de rendre possible une plus grande variation dans la progéniture d'un même couple. En effet, s'il n'y avait point de division réductionnelle qualitative, toutes les cellules issues des nombreuses divisions de la spermatogénèse ou de l'ovogénèse seraient identiques quant à la composition en ides de leurs noyaux; et tous les enfants d'un même couple auraient en partage un héri- tage identique de plasmes ancestraux et se ressembleraient tous. Ce qui n'est pas le cas. Un schéma très simple suffira maintenant pour faire voir que l'éparpil- lement'des segments-filles avant la formation de la couronne équatoriale rend possible une réduction de Weismann, mais une réduction qualitative seulement et non quantitative en même temps. Je pense que ce processus a sur les autres processus qui ont été admis comme réductionnels l'avantage de nous offrir une division non équationnelle, sans nous obliger à admettre l'existence des ides de Weismann, conception hypothétique dont il serait sage de ne pas s'embarrasser sans nécessité. Un boyau nucléinien se divise en les segments J, B, C, D. Dans la LES CINESES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L'HELIX POMATIA 26 1 cinèse ordinaire ces segments, après avoir subi la scission longitudinale, donnent la couronne équatoriale ^ — ^ — ' — . a, t>, c, d En conséquence, chaque noyau-fille recevra les éléments a, b, c, d; et les deux seront forcément identiques entr'eux et au noyau-mère. Mais si, après la scission longitudinale, il y a éparpillement des seg- ments-filles, nous pouvons avoir une couronne équatoriale tout autrement constituée. L'élément a de la série supérieure, par exemple, peut ne pas rester uni à sa sœur, mais avoir pris la place de c de la série inférieure, celui-ci passant dans la série supérieure. Nous aurions alors une couronne , • , , . . c, b, c, d , , équatoriale composée ainsi: "— ' — ^ — ,. Les deux nouveaux noyaux c, /', c, d a, b, a, d ^ > > > et a, b, a, d seraient difterents entr'eux et différents du noyau-mère. Poursuivons encore ce processus. La cellule a, b, a, d peut se diviser de nouveau, non selon la cinèse équationnelle, qui donnerait la couronne -^-^ — ^— „ mais avec éparpillement. Pendant l'éparpillement, b et d de la a, b, a, d ^ ^ série supérieure peuvent changer de place avec a et a de la série inférieure, car il n'est nullement nécessaire que dans l'éparpillement deux segments seulement changent de place. Alors nous aurons la couronne -- — '- — ^ — , qui b, b, d, d donnera naissance aux deux nouveaux noyaux a, a, a, a et b, b, d, d. On le voit, ce processus est non seulement un processus de dijferentiation , produisant à chaque division des noyaux différents entr'eux; mais il est aussi un processus d'éiiminalioii et de simplification. Chaque changement de place d'un segment constitue une élimination de ce chromosome de la couronne-fille à laquelle il aurait appartenu, si les choses s'étaient passées comme dans la cinèse équationnelle. Cette simplification va si loin qu'au bout de peu de divisions nous pouvons avoir des noyaux qui sont réduits au point de n'avoir plus que des chromosomes d'une seule sorte, comme dans le noyau a, a, a, a. Je pense donc que l'éparpillement des segments rend possibles des di- visions réalisant une des conditions postulées par Weismann, l'introduction de la variété dans l'ensemble des cellules sexuelles. Ce fait nous permettrait de comprendre pourquoi tous les enfants d'un même couple ne se ressemblent pas comme des jumeaux. L'éparpillement des segments dans les cinèses des spermatogonies réalise cette variété beaucoup plus complètement que ne le fait le processus supposé par Weismann de la dimidiation du nombre 33 262 Arthur BOLLKS LEE des chromosomes par une cinèse qui distribuerait aux couronnes-filles des chromosomes entiers au lieu de moitiés de chromosomes. Ce processus, en effet, ne portant que sur une seule cinèse ne saurait donner lieu qu'à deux cellules différentes, tandis que le processus de l'éparpillement, se répétant à travers les innombrables cinèses de la multiplication des spermatogonies, peut donner lieu à autant de cellules dfféveutes que le permet la loi arithmé- tique des combinaisons : ce qui pour 2.] chromosomes donnerait un chififre extrêmement élevé. Je n'insiste pas sur le fait indiqué plus haut que l'éparpillement des segments peut avoir pour effet une grande simplification des noyaux, car nous ne voyons pas en ce moment quel rôle une telle simplification pourrait bien jouer dans l'économie de la reproduction. Quant à la deuxième condition postulée par VVeismann et par d'autres, la dimidiation du nombre de chromosomes en vue de permettre la con- jugaison des pronuclei sans doubler le nombre des chromosomes dans les cellules embrj'onnaires, la cinèse avec éparpillement ne la réaliserait pas. Les deux cinèses suivantes ne la réalisent pas non plus chez les Hélix. Mais j'estime que cela ne doit pas nous inquiéter. La nécessité supposée de cette réduction numérique repose uniquement sur l'hypothèse de l'individualité et de la persistance des chromosomes. Or, j'espère démontrer dans une autre communication que les spermatozoïdes mûrs chez les Hélix ne contiennent non seulement point de chromosomes persistant comme tels, mais encore point de chromatine à l'état figuré. La chromatine qu'ils contiennent, si tant est qu'ils en contiennent, y est à l'état de dissolution.- Des cinèses semblables à celle que nous étudions en ce moment, c'est- à-dire possédant une phase d'éparpillement avant la couronne équatoriàle, ont-elles déjà été décrites ailleurs? Je n'ai pu trouver dans la littérature qu'un seul cas où il soit fait une mention expresse d'une phase d'éparpillement (i). Ce cas est celui qui a (I) Dans le travail récent de Auereach, Untcrsucbungen ûbcr die Spermatogcncse von PLtlndina vivipara; Jenaische Zeitschr. f. Naturw., XXX, 4, 1S96, p. 405, se trouvent une figure, fig. 8 Ar de la PI. XXI, et une description, p. 463 et 46S du texte, qui peuvent se rapporter à une phase d'épar- pillement comme celle que nous étudions ici. Muis je n'ai pas pu me convaincre que Auep.each ait bien établi la sériation de ses figures; j^ ne vois pas de preuve que les 16 grains de sa fig. Si soient réellement issus de la division des 4 anses de sa fig. 8 /; en conséquence, la preuve fait défaut qu'ils contiennent des segu'.ents soeurs. J'ajouterai qu'il me semble même douteux que Auerbach ait bien établi la sé.iation des cinèses qu'il décrit. LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L HÉLIX POMATIA 203 été observé par Julin (i) dans l'ovogénèse de Siyelopsis grossit laria. Les quatre chromosomes s'y divisent, dit Julin, par scission longitu- dinale en huit chromosomes secondaires qui se dispersent dans le noyau sans aucun ordre, et séparés à tel point qu'on ne reconnaît plus d'indice d'une distribution par paires. Il me parait fort probable que de pareilles phases ont été souvent aperçues, sans que leur signification exacte ait été reconnue. Carnoy doit en avoir vu. En effet, nous lisons dans son mémoire sur La segmentation de l'œuf che{ les nématodes{2), p. 77 et 78, que dans cer- tains noyaux de VOphiostomum mucronatuni le boyau se segmente, les seg- ments subissent la division longitudinale, et que plus tard les bâtonnets, d'abord répandus dans tout le noyau, s'acheminent vers l'équateur pour y former une couronne de 24 bâtonnets. Plusieurs des figures et descriptions de la Cytodiérèse chei les Arthropodes du même auteur pourraient bien se rapporter également à des phases d'éparpillement. Une phase d'éparpillement pourrait également, à ce qu'il me semble, avoir été observée dans la cinèse des spermatogonies de la salamandre. Comme on sait, cette cinèse a été décrite par Flemming (3) sous le nom de division honiôotypique. D'après Flemming, cette cinèse montre un spirème qui subit la scission longitudinale, puis se segmente, comme à l'ordinaire. Mais elle offre cette particularité que (4) les segments -soeurs sont très rapidement et complètement séparés, „ dass die Spaltfâden rasch vôllig getrennt werden ". Que cette dislocation a lieu avant la forma- tion de la couronne équatoriale, c'est ce qui ressort de l'explication donnée plus loin par Flemming, p. 440, là où il dit que cette cinèse diffère de la cinèse ordinaire en ce que la Métacinèse se place ici au début de la figure monocentrique, alors que dans la cinèse ordinaire elle en constitue la fin, „ darin, dass die Metakinese hier schon in den Anfang der monocentrischen „ Form fallt, wâhrend sie bel jener das Ende derselben bildet " — (l'ex- pression métacinèse dans ce passage signifie simplement dislocation des segments-sœurs, comme il ressort de l'explication de la fig. 37, p. 463). Le texte de Flemming, malheureusement très peu détaillé, suggère (i) Julin : Bull. se. de la France et de la Belgique, XXV, iSgS; cité d'après Rûckert : Eigsb, der Anat., 111, iSg3 {1894), p. 55i. (2) ]. B. Carnoy : La Cellule, III, i, 1886, p. 63. (3) Flemming : Nei:e Beitràgc :;iir Keiintiuss der ZcUc ; Arch. f. mik. Auat., XXIX, 3, 1887^ p. 3S9. (4) Ibidem ; I. c, p. 439. 2 04 Arthur BOLLES LEE donc un éparpillement plus ou moins prononcé. Mais les figures de Flemming, que l'on pourrait être tenté d'attribuer à une phase d' éparpillement avant la couronne équatoriale, sont interprétées différemment par lui, c'est-à-dire comme représentant des métaphases. Les figures auxquelles je fais allusion sont les FiG. 36 à 40 de la Planche XXV. Dans la première de ces figures, Flemming voit une couronne équatoriale, dans les autres des métacinèses. Ce n'est qu'avec beaucoup d'hésitation que je me permettrai de critiquer l'in- terprétation de ces figures, à laquelle s'est arrêté l'éminent cytologiste : mais je me hasarderai à émettre un doute. La fig. 36 de Flemming, qu'il donne comme couronne équatoriale, est une figure assez irrégulière, oblique, à éléments assez nettement éparpillés, tout en montrant un certain parallé- lisme entr'eux. Elle ressemble assez à notre fig. 19 pour qu'on puisse ad- mettre, — et j'avoue que cela me paraît la supposition la plus probable — que les deux représentent la même phase. Or j'ai trouvé, comme on se le rappellera bien, que la fig. 19 ne représente pas la couronne équatoriale, mais une phase pré-équatoriale, la véritable couronne étant représentée par une image parfaitement régulière et beaucoup plus rare, celle de la fig. 20. J'admettrais difficilement qu'une figure irrégulière puisse représenter une couronne équatoriale. Il me semble que la couronne équatoriale indique le moment précis de la vie de la cellule où toutes les forces cinétiques, qui sont en train de se libérer en elle, se trouvent en état d'équilibre parfait : et qu'en conséquence cette figure doit être d'une régularité frappante. Il est peut-être permis de penser qu'il en est ainsi des spermatogonies de la salamandre; qu'elles possèdent une couronne équatoriale régulière, mais rare, comme la FIG. 20, et que par suite de sa rareté cette figure a échappé à Flemming. Alors sa fig. 36 aux segments éparpillés serait une phase pré-équatoriale. Peut-être en pourrait-on dire autant de ses fig. 37 à 40. Cette interprétation me paraît d'autant plus permise que Flemming (i) raconte que lui-même avait longtemps interprété ces figures comme étant des formes d'aster [Aster-Formen) précédant la métacinèse, et que le seul motif pour lequel il a abandonné cette interprétation, c'est que le nombre de segments observé était double de celui des dyasters, ce qui lui parut incompréhensible d'après les données de la cinèse ordinaire. J'avoue que je n'ai pas compris d'après le texte de Flemming pour quel motif il a changé d'avis. (i) Flemming : loc. c, p. 441. LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ l'hELIX POMATIA 205 La ciuèse des spennatocytes I. La cinèse des spermatocytes I débute comme une cinèse ordinaire par la segmentation et la scission longitudinale de l'élément nucléinien. Elle en diffère par un nouveau processus intercalé entre la phase de peloton segmenté et divisé longitudinalement et la cou- ronne équatoriale, c'est-à-dire par le processus de la formation des ellipses ou anneaux et la fusion définitive des segments secondaires en des chromo- somes indivis. Ce nouveau processus est-il une chose accidentelle, un épiphénomène provoqué par exemple par la forte contraction des segments nucléiniens pendant les prophases, et sans signification essentielle? Ou bien, est-ce au contraire un phénomène essentiel en lui-même et pour ainsi dire une chose voulue? Comme pour la phase d'éparpillement des spermatogonies, je crois que nous sommes obligé d'admettre que c'est une chose voulue. Car l'étude la plus approfondie des images du stade de peloton seg- menté ne nous offre rien qui nous fasse comprendre pourquoi les segments existant à ce stade ne passeraient pas sans métamorphose à la figure de la couronne équatoriale. Pour le faire, ils n'auraient qu'à se lisser et peut-être à se contracter un peu, et à s'agencer en couronne. Mais au lieu de cela, ils s'engagent dans un processus des plus compliqués, aboutissant à une méta- morphose profonde. J'admets volontiers qu'une simple contraction de la substance des segments secondaires pourrait aboutir à la production de bâtonnets très denses et très trapus et qu'elle pourrait même aboutir à confondre deux bâtonnets-sœurs en un chromosome unique. Mais une simple contraction de cette substance ne saurait guère avoir pour effet la produc- tion des curieuses figures de segments à bouts renflés simulant des paires de haltères accouplés, d'anneaux et d'ellipses, qui accompagnent la métamor- phose de ces éléments. On conçoit même diflicilement qu'une simple con- traction pût amener la fusion totale et intime de la substance dé deux seg- ments secondaires, primitivement nettement séparés, en un seul chromo- some. Force nous est donc d'admettre que ce processus est un processus voulu, et qu'il a pour but la fusion en un seul élément des deux éléments préalablement séparés par la scission longitudinale. Le lecteur sait sans doute que de semblables images sont très répan- dues dans la spermatogénèse, et qu'on leur a donné des interprétations différentes de celle à laquelle je m'arrête pour les spermatocytes des Hélix. La formation des ellipses aux dépens des segments secondaires issus du 266 Arthur BOLLES LES peloton nucléinien a été observée et décrite en détail par Flemming(i) dans les spermatoc3'tes de la salamandre. Ce phénomène constitue le trait essentiel de la cinèse que Flemming a nommée dh'ision hétéroty pique. Chez la salamandre, le mode de formation des ellipses est identique à celui que j'ai décrit pour celles des spermatocytes des Hciix, mais le processus ne se poursuit pas aussi loin qu'ici. Chez la salamandre, d'après la description de Flemming, il se forme des ellipses portant des renflements qui indiquent la place des bouts libres des segments accolés ; mais les ellipses ne subissent pas de changement ultérieur, elles ne se contractent pas, leur lumière ne s'efface pas, et il n'y a pas fusion totale de la substance des segments-secondaires, tout au plus y a-t-il copulation de la substance des deux segments par leurs bouts anastomosés. Flemming admet que les deux segments se conservent ainsi jusqu'à ce que, à la dislo- cation de la couronne équatoriale, ils soient distribués entre les deux pôles du fuseau. En conséquence, Flemming admet que cette curieuse cinèse n'est qu'un cas particulier de la cinèse ordinaire, et qu'elle est conduite selon les principes et avec l'effet d'une division équationnelle. Cette interprétation a été adoptée par plusieurs auteurs pour les ellip- ses observées dans d'autres spermatogénèses. Je ne discute pas pour le mo- ment l'exactitude de cette interprétation pour les objets étudiés par ces auteurs; mais je dois dire que je ne la trouve nullement applicable aux Hélix. Car ici, comme il a été dit, il y a fusion totale de la substance des deux segments en un chromosome unique et homogène. Il est impossible, en observant des chromosomes achevés comme ceux des fig. 39 à 43, d'at- tribuer à l'un ou à l'autre de leurs côtés le caractère de représentant persis- tant de l'un ou l'autre des segments sœurs qui ont contribué à former ces corps si homogènes en apparence. Par conséquent, il n'est plus possible d'affirmer que la séparation qui a lieu à la métacinèse est une séparation d'éléments correspondant à ces segments : ce n'est pas une séparation d'élé- ments préformés, c'est une nouvelle division, par segmentation transversale, d'un nouvel élément. Ne serait-il pas possible que le processus décrit chez la salamandre ne soit qu'une forme abrégée de ce processus de fusion totale et qu'on puisse lui attribuer une signification tout autre que celle d'une division équation- nelle des cinèses ordinaires? J'avoue que pour ma part j'hésite à lui attri- buer la signification d'une division par scission longitudinale. (i) Flemming : Neue Beitràge etc.; Arch. f. mik. Anal., XXIX, 3. 1887, p. 403. LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉTIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 267 Nous avons vu que, pendant la formation des anneaux ou des ellipses, il se produit des images de haltères accouplés par paires, ou bien, ce qui revient au même, de groupes de quatre boules réunies par des ponts. De semblables images ont été décrites dans les spermatogénèses les plus di- verses, et représentent évidemment un phénomène des plus répandus. Les auteurs qui les ont décrites ont été surtout frappés de l'aspect quaterne que présentent ces images. Ils décrivent ces groupes chromatiques sous le nom de Vierergriippen , terme qu'on pourrait rendre en français par celui de tétrades. Les auteurs les regardent comme composés de quatre éléments et non de deux; aussi admettent-ils généralement que deux de ces éléments sont séparés par une première cinèse, et les deux autres, sans intervention d'une phase de repos, par une deuxième cinèse; de sorte que les cellules- filles recevraient chacune la moitié et les cellules-petites-filles chacune le quart de chaque tétrade. Or, je pense que cette interprétation n'est pas acceptable dans le cas qui nous occupe, pour deux motifs. Le premier est que les groupes chro- matiques à quatre boules ne sont ici en aucune façon des tétrades ; ce sont des dyades si l'on veut, mais rien de plus. Les deux boules constituées par les renflements terminaux de chaque segment sont toujours reliées par la portion moyenne de ce segment : elles ne deviennent jamais des boules isolées, elles ne sont jamais autre chose que des renflements termi- naux. Et le groupe chromatique ne contient jamais à aucun moment plus de deux éléments. Le deuxième motif est qu'ici ces éléments, qu'on les conçoive doubles ou quadruples, ne persistent pas comme tels, mais se fusionnent en un élément unique. Comme conclusion, il me parait impossible de décider si la cinèse des spermatocytes I des Hélix constitue une division équationnelle ou une division réductionnelle. Mais, en revanche, il me semble bien falloir ad- mettre qu'en tout cas elle constitue une division bien différente de celle de la cinèse ordinaire. Quel peut être le but de l'introduction de cette cinèse spéciale dans la série spermatogénéti'que? J'avoue que pour le moment je ne puis pas en proposer d'explication satisfaisante, ne fut-ce qu'à titre de simple hypothèse. La cinèse des spermatocytes II. Cette cinèse diffère de la cinèse or- dinaire en ce que les phases de pelotonnement et de segmentation paraissent être supprimées, les chromosomes hérités des spermatocytes I ayant con- servé leur indépendance pendant le stade de repos. Elle en diffère aussi, — 268 Arthur BOLLES LEE et c'est une différence bien plus essentielle, — par la constitution de la couronne équatoriale. Dans la cinèse ordinaire, les couples de chromosomes- sœurs se disposent dans la couronne de telle sorte que le plan qui les sépare coïncide avec le plan de dislocation de la couronne, c'est-à-dire avec le plan équatorial, disposition qui assure que l'un des chromosomes-sœurs est distribué à l'un des pôles de la cellule, et l'autre à l'autre. Mais ici, ce qui entre dans la constitution de la couronne, ce ne sont plus des couples de chromosomes, mais des chromosomes simples. Ces chromosomes se placent dans la couronne de telle sorte que leur grand axe est parallèle au grand axe du fuseau, c'est-à-dire perpendiculaire au plan équatorial de la fio-ure. Ils subissent dans cette position une segmentation transversale, et les moitiés métamêres, non antimêres, résultant de cette segmentation sont distribuées, l'une à l'un des pôles de la figure et l'autre à l'autre. Il en résulte que chaque noyau-fille reçoit non pas 24 chromosomes issus de la scission longitudmale de 24 segments primaires, mais 24 demi-chro- mosomes qui représentent les moitiés métamêres de 24 chromosomes pri- maires. En conséquence, la division des spermatocytes II est une division ré- ductionnelle dans le sens de Weismann, qualitative et quantitative, mais non numérique. Elle est qualitative, parce que la division des chromosomes étant transversale fournit aux noyaux-filles des produits métamêres et par conséquent, en vertu de l'hypothèse, hétérogènes de qualité. Elle est quanti- tative, parce que la période précédente de repos ayant été incomplète, il n'y a pas eu d'accroissement de l'élément nucléinien, qui se trouve par ce fait être réduit de moitié pour chaque noyau de spermatide par cette dernière division. Elle n'est pas numérique, car chaque spermatide reçoit en partage 24 éléments distincts. De semblables cinèses paraissent être très répandues dans la sperma- too-énèse des groupes les plus variés d'animaux, car elles ont été décrites par un nombre considérable d'observateurs. L'un des premiers auteurs qui ont décrit ces cinèses avec détail et précision a été Carnoy, qui dans sa Cytodiérèse che{ les arthropodes (1) en a donné de nombreux exemples sous le nom de cinèses à bâtonnets recourbés. Pour plusieurs de ces cinèses, mais non pas pour toutes, Carnoy a admis comme probable, mais non comme entièrement certaine, la division transversale des bâtonnets au sein de la (i) Carnoy : La Cellule, I, 2, iSS5. LES CINÈSES SPERMATOGÉNÉÏIQUES CHEZ L'HELIX POMATIA 209 couronne. Cette admission, tout entourée de réserves qu'elle rétait(i), a été l'objet d'une critique de la part de Flemming(2). Celui-ci a objecté à Carnoy que les figures en question pourraient bien n'être que des images de division se rapportant au mode décrit par lui sous le nom de division hétér atypique, mode dans lequel, selon Flemming, la division qui se fait à l'équateur, quoique en apparence transversale, n'est qu'une division longitudinale dé- guisée. 11 me semble que cette critique porte à faux. Flemming englobe en effet dans une réprobation commune sous le nom de cinèses à bâtonnets droits au moins deux sortes de cinèses très différentes. L'éminent cytologiste de Kiel paraît ne pas avoir remarqué que Carnoy avait nettement distingué entre des couronnes à bâtonnets droits et des couronnes à bâtonnets recourbés. Les premières correspondent peut- être en partie aux couronnes des spermatocytes I des Hélix et aux cinèses hétérotypiques de Flemming. Or, pour ces cinèses à bâtonnets droits ou du moins pour quelques-unes d'elles, Carnoy avait lui-même admis la division longitudinale, témoins les nombreuses figures citées avec cette interprétation, p. 333 de son travail. L'explication de ces figures présentée par Flemming à titre d'interprétation nouvelle suggérée par l'étude des spermatocytes de la salamandre n'est donc pas autre que celle que Carnoy avait lui-même ex- pressément donnée à ses figures. En conséquence, pour ce qui regarde les figures à bâtonnets droits de Carnoy, la critique de Flemming tombe à faux. Elle ne pourrait s'adresser qu'aux figures à bâtonnets recourbés. Celles-ci me paraissent, à n'en pas douter, représenter les cinèses des spermatocytes II des Hélix. S'il en est ainsi, il y a de fortes raisons pour admettre que la division transversale que Carnoy leur avait attribuée à titre de probabilité seulement et non de certitude, s'y réalise effectivement, et qii elle n'a été précédée d'aucune scission longitudinale. Comme je l'ai dit en effet, dans les spermatocytes II des Hélix, je me suis convaincu qu'il n'y a point de scission longitudinale. En tout cas, ce n'est pas sur une analogie supposée avec les figures hétérotypiques de Flemming qu'on pourrait se fonder pour leur attribuer une division capable de s'expliquer par la sépa- ration de moitiés issues d'une scission longitudinale et resoudées par les bouts. Car ces deux sortes défigures n'ont absolument rien de commun. (i) Carnoy : op. cit., pp. 334 à 335. (2) Flemming : Netie Beitràge :^iir Keiuitniss der Zelle; Arch. f. mik. Anat., XXIX, 3, 1887, p. 389; le passage cité se trouve p. 452. S4 270 Arthur BOLLES LEE A la page 456 du mémoire de Flemming, l'éminent anatomiste pose comme condition de la démonstration d'une division transversale la dé- monstration préalable de l'absence de toute scission longitudinale dans la forme pelotonnée. Il ajoute : « Si Carnoy peut démontrer cela, je recon- naîtrai volontiers que nous nous sommes tous trompés ". Or, cette condi- tion, je crois l'avoir remplie. Comme je l'ai dit, je crois avoir la certitude que dans la cinèse qui nous occupe la scission longitudinale fait absolument défaut. Le lecteur sait du reste sans doute que la littérature récente de la spermatogénèse contient de nombreuses observations de divisions transver- sales dans les cinèses dites de maturation. De plus, la plupart des auteurs qui décrivent ces observations admettent que ces divisions se font sans que les éléments divisés aient passé par une phase de repos. En ce cas, il ne pourrait évidemment y avoir de scission préalable au sein de la forme pelo- tonnée ; car la forme pelotonnée n'y existe pas. II serait difficile, je crois, de ne pas se rendre à l'évidence des faits. Aussi, dans son excellent rapport sur les progrès de la cytologie, publié dans les Ergebnisse der Anatomie pour l'année 1891, Flemming reconnaît (p. 81) comme étant connu depuis longtemps, que dans les cinèses ovogénétiques et spermatogénétiques il existe des divisions transversales de chromosomes. Il a donc avoué que sa critique de Carnoy, auquel il m'a fait l'honneur de m'associer pour une faible part, était dénuée de fondement. CONCLUSIONS. 1. Les cellules basales, ovules mâles de Duval ou cellules blasto- phorales de Blomfield, ne produisent pas les cellules spermatogénétiques qu'elles portent à leur surface. Elles ne jouent que le rôle de cellules sup- portantes et nutritives. Les noyaux de ces cellules possèdent une structure particulière qui est vraisemblablement en rapport avec leur fonction nutritive. 2. La spermatogénèse des Hélix comprend trois catégories de cellules (sans compter les spermatides et sans compter les cellules sexuelles primor- diales), se divisant selon trois types distincts de cinèse. Ce sont les spermatogonies, les spermatocytes I et les spermatocytesIL 3. La cinèse des spermatogonies se distingue d'abord par une phase de peloton segmenté d'une régularité remarquable, simulant une corolle de fleur. Mais ce qui la distingue surtout, c'est la possession d'une phase sin- gulière intercalée entre la phase de peloton segmenté et celle de couronne équatoriale, — la phase de l éparpillement des segments secondaires. Dans cette phase, les segments secondaires sont éparpillés sans ordre dans tout le noyau, de telle sorte qu'il paraît impossible que les segments- sœurs puissent tous se retrouver réunis dans la couronne équatoriale. Il est possible que cette phase donne lieu à une division réduction- nelle qualitative de Weismann. 4. La cinèse des spermatocytes I rappelle la cinèse dite à bâtonnets droits de Carnoy et celle dite hétérotypique de Flemming. Son trait essen- tiel consiste en la fusion en un chromosome unique des segments issus de la scission longitudinale d'un segment nucléinien primaire. Pendant la marche de ce processus de fusion, il se produit des figures d'anneaux ou d'ellipses, et des figures de boules réunies au nombre de quatre, qui sont sans doute les Vievergi'uppen des auteurs. Mais ces tétrades, comme on pourrait les appeler, ne sont pas des formations quadripartites, elles ne sont jamais que bipartites. Elles ne sont jamais que des formations pas- sagères, des étapes du processus de fusion des segments. Il en est de même de la formation des anneaux ou ellipses. Les segments se fusionnent d'une façon totale et définitive en un chro- mosoine unique. Ce chromosome subit dans la couronne équatoriale une 272 Arthur BOLLES LEE segmentation transversale à son axe de figure, sans que rien nous autorise à supposer que cette segmentation ne serait que l'achèvement de la scission longitudinale du segment nucléinien primaire, duquel ce chromosome a tiré son origine. 5. Entre la cinèse des spermatocytes I et la cinèse des spermatocytes II, il y a une phase de repos. Mais cette phase ne paraît pas être totale ni comprendre une reconstruction totale des noyaux. Au contraire, pendant cette phase, les chromosomes paraissent garder leur indépendance et persis- ter jusqu'à la nouvelle cinèse. 6. La cinèse des spermatocytes II se distingue surtout par la structure et le mode de dislocation de sa couronne équatoriale. Cette couronne est composée de 24 bâtonnets recourbés, qui ne sont autre chose que les chro- mosomes hérités de la dernière cinèse, et qui n'ont subi aucune scission longitudinale pendant les prophases. Ces bâtonnets sont placés dans la cou- ronne avec leurs axes parallèles à l'axe du fuseau, et dans cette position ils subissent une segmentation transversale. L'une des moitiés métamères pro- duites par cette segmentation est distribuée à l'un des pôles de la figure, et l'autre à l'autre. Cette cinèse est donc une division réductionnelle de Weismann, qua- litative et quantitative, mais non numériqne en même temps. 7. Il n'y a point de réduction numérique des chromosomes dans la spermatogénèse de Y Hélix pomatia. 8. Le fuseau caryocinétique contient une portion axiale homogène, non différentiée en filaments et ne portant pas de chromosomes ; elle a peut- être quelque rapport avec le fuseau central de Hermann. Cet élément ne provient pas du cytoplasme, mais du noyau, et paraît être formé de nouveau par lui au commencement de chaque cinèse. 9. Le noyau, aussi bien que le c}'toplasme, contient en nombre varia- ble des corpuscules sidérophiles. Ces corpuscules paraissent être produits par le noyau et être expulsés de lui pendant le repos et lors de la cinèse. Ils représentent les centrosomes des auteurs. Mais ils ne constituent pas des centres et ne jouent aucun rôle mécanique ni dans la cinèse ni dans l'économie cellulaire à aucun moment. 10. Le caryoplasme, comme le cytoplasme, a une structure réticulée. 11. Le cytoplasme n'est centré par rapport à aucun centrosomc et ne possède ni - rayons organiques ^ ni - sphères attractives r^. EXPLICATION DES FIGURES DES PLANCHES. Toutes les figures ont été dessinées au grossissement de i5oo, excepté celles pour lesquelles un autre chiffre a été indiqué. Toutes les figures se rapportent à /'Hélix pomatia, excepté celles qui sont expressément attribuées à /'Hélix hortensis ou à /'Hélix nemoralis. Toutes les figures proviennent de coupes à la paraffine faites sur du matériel fixé par le liquide fort de Flemming, ou par le liquide de Hermann, excepté là oit un autre mode de fixation a été indiqué La méthode de coloration est indiquée pour chaque figure. Il n'a été dessiné pour chaque cellule que les chromosomes qui sont nettement visibles et qui ont pu trouver place dans le dessin sans trop Vencombrer. Le chiffre réel est pour toutes les cellules celui qui a été indiqué dans le texte. Toutes les cellules ont été soigneusement mesurées avant d'être dessinées, avec un micromètre spécialement réglé qui donne avec l'objectif employé pour les dessins 0,5 |J- par division. LÉGENDE GÉNÉRALE. — A'A-, Nebenkern ; /,NA-, filaments provenant du Nebenkern; m./, mui- gnon de la portion équatoriale du dernier fuseau; m. f. a, moignon du fuseau antérieur; n. p. nu- cléoles plasmatiques; c, corpuscules sidérophiles ; .v, corps hyalin (excepté pour la fig. 1). PLANCHE I. S p e r m a t 0 g 0 n i e s. FIG. 1. Coupe d'un cul-de-sac testiculaire d'un individu adulte; grossissement X 300. m. b., membrane basale ; ep., épithélium germinatif ; n ep , ses noyaux; c. b , cellules basales; «, c. b., leurs noyaux; spg., spermatogonies ; spc , sperma- tocytes I (il n'y a pas de spermatocytes H dans cette coupe); spd., spermatides. Wasserblau suivi de safranine. FIG. 2. Noyau d'une cellule basale, voir le texte, p. 202 et 2o5. Hématoxyline au fer de M. Heidenhain. Les figures suivantes, jusqu'à la figure 29 inclusivement, sont toutes des spermato- gonies. FIG. 3. Spermatogonie, petite, au repos. Hélix hortensis. Fixation au sublimé, coloration à l'hématoxyline au fer. FIG. 4. Spermatogonie de la coupe de la fig, 1. Repos ou début de la cinèse. 2 74 Arthur BOLLES LEE FIG. 5. Spermatogonie d'un escargot très jeune. Elle est très grosse et remar- quable par l'abondance exceptionnelle de son cytoplasme. Notez le corps hyalin, x. Safranine suivie de violet de gentiane. FIG. 6. Spermatogonie de taille moyenne. Phase du pelotonnement. Violet de gentiane par la méthode de Bizzozero. FIG. 7. Le peloton se segmente. Même prép. FIG. 8. Peloton segmenté, figure de corolle de fleur. Même prép. FIG. 9. Tilême figure, vue polaire sur le fond du noyau, montrant les bouts libres des anses occupant tout le fond du noyau. Même prép. que la fig. 1. FIG. 10. Scission longitudinale des anses. Même prép. que les fig. 6 à 8. FIG. 11. La scission est achevée. Même prép. FIG 12. Figure rétractée de la même phase, figure pathologique, voyez le te.xte, p. 2i8. Même prép. FIG 13. Eparpillement des segments secondaires. Hématoxyline au fer de Bend.\. FIG. 13^/5. Autre étude de la phase d'éparpillement, coupe optique. Même prép. que les fig. 10 et 11. FIG. 14. Figure étoiléc résultant de la contraction des segments éparpillés vers le centre du noyau. Même prép. FIG. 15. Figure en roue, effet de cette contraction à un stade plus avancé. Même prép. que fig. 5. FIG. 16. Les segments commencent à s'agencer en couronne équatoriale, voir le texte. Vue polaire. Bordeaux, hématoxyline au fer de M. Heidenhain. FIG. 17. Autre étude d'un stade pareil. H. hortensis. Même prép. que fig. 3. FIG. 18. Cellule au même stade, montrant le corps hyalin. Même prép. que FIG. 16. FIG. 19. Couronne équatoriale pas encore régularisée. Même prép. FIG. 20. Couronne équatoriale achevée. Même prép. FIG. 21. Dislocation de la couronne ou métacinèse. Même prép. FIG. 22. Autre étude du même stade. Hélix hortensis; même préparation que les fig. 3 et 17. FIG. 23. Ascension polaire plus avancée. Chromosomes beaucoup plus longs. Hélix hortensis; même préparation que la dernière figure. FIG. 24. Autre étude du même stade. Hélix hortensis; même préparation. LES CINESES SPERMATOGENETIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 275 FIG. 25. Autre étude du même stade. Hélix pomatia; même prép. que fig. 15. FIG. 26. Autre étude du même stade. Hélix hortensis; même préparation que FIG. 24. FIG. 27. Couronnes polaires plus avancées, compactes. Même préparation que FIG. 6. Le cytoplasme n'a pas été dessiné. FIG. 28. Même stade, couronnes très étroites. Hélix nemoralis; coloration par le liquide Ehrlich-Biondi. FIG. 29. Plasmodiérèse, reconstruction des noyaux-filles. Figure de recon- struction ouverte. Corps hyalins apparents. PLANCHE II. S p e r m a t 0 c y t e s I. Les figures suivantes, Jusqu'à la figure 52 inclusivement, se rapportent toutes aux spermatocytes I. FIG. 30. Spermatocyte I, de taille moyenne. Phase de pelotonnement du noyau. Corps hyalin apparent. Hématoxyline au fer de M. Heidenhain. FIG. 31. Noj'au au stade de peloton segmenté, débuts de la scission longi- tudinale. Hématoxyline au fer de Benda. FIG. 32. Scission longitudinale plus avancée. Même prép. que fig. 16. FIG. 33. Même stade environ, mais la segmentation transversale n'est pas achevée dans toutes les parties du noyau. En revanche, on voit que certains des bouts des segments secondaires demeurent unis ou se sont réunis. Hématoxyline au fer de Benda. FIG. 34. Les segments secondaires s'écartent par leurs milieux pour former des ellipses. Même préparation. FIG. 35. Cellule à la même phase. Dans le noyau, formation de Vierergrup- pen ou tétrades et d'ellipses. Nebenkern. A côté de lui, la section d'une bande péri- nucléaire sombre, c. m., de cyto-micr osâmes. Même prép. que fig. 1. FIG. 36. Diverses images, tétrades et autres, de différentes étapes de la for- mation des ellipses. Même prép. FIG. 37. Contraction des ellipses, rétrécissement de leur lumière. Même prép. que FIG. 33. FIG. 38. Contraction plus avancée, la lumière des ellipses a disparu. Cellule voisine de la dernière. 276 Arthur BOLLES LEE FIG. 39. Cellule à une phase légèrement plus avancée. Fusion totale des seg- ments secondaires en un chromosome homogène. Des asters; les chromosomes tendent à se grouper près de ces asters. Corpuscules sidérophiles apparents, engagés dans leréticulum caryoplasmique. Hématoxyline au fer de M. Heidenhain. FIG. 39 bis. Cellule-sœur de la précédente. Mêmes détails. Corpuscule polaire dans l'entonnoir polaire en haut, très petit. FIG. 40. Chromosomes achevés, en place sur le fuseau. Même prép. FIG. 41. Couronne équatoriale presque régularisée, vue polaire, 24 chromo- somes. Cellule-sœur de la dernière. FIG. 42. Cellule de la même colonie, couronne équatoriale. Centres des asters sombres et vagues, mais ne contenant pas de corpuscule central distinct. Ces centres sombres paraissent être produits par le tassement de l'enchylème granuleux des asters, et peut-être leur coloration est-elle due à ce que des corpuscules polaires sidérophiles se sont dissous en cette situation. FIG. 43. Cellule à la phase de la couronne équatoriale, coupée. Il y a douze chromosomes; les douze autres se trouvent dans la coupe suivante. Corpuscules po- laires, mesurant 0.5 ij^, distincts, mais à contours un peu vagues. Même prép. que FIG. 30. FIG. 44. Cellule en métacinèse, segmentation transversale des chromosomes. Dans le cytoplasme, au moins six corpuscules sidérophiles, ou centrosomes des auteurs, et de nombreux petits filaments sinueux, provenant probablement d'un Nebenkern désagrégé. Notez les entonnoirs polaires, libres dans une plage circulaire de laquelle le cytoplasme s'est retiré. Hématoxyline au fer de M. Heidenhain. FIG. 45. Étude de la segmentation des chromosomes et dislocation des chro- mosomes-filles. Même préparation que fig. 43. FIG. 46. Métacinèse en partie plus avancée. i3 chromosomes en haut, 11 en bas, le reste se trouve dans la coupe suivante. Centrosomes très pâles dans le cytoplasme. Même préparation que les fig. 39 à 42. FIG. 47. Cellule en coupe, anaphase avancée. Point de corpuscules sidéro- philes, " quoique ce soit une préparation à l'hématoxyline au fer. Même préparation que FIG. 30 et 43. FIG. 48. Cellule-sœur, anaphase plus avancée. FIG. 49. Autre cellule de la même colonie, les couronnes polaires ne sont pas coupées et le chiffre de 24 chromosomes environ y a été constaté. FIG. 50. Cellules-filles entières. Figures de reconstruction ouvertes. Le chiffre de 24 chromosomes environ a été constaté dans chaque noyau-fille. Corps hyalins apparents. Même préparation que fig. 16. 1 LES CINESES SPERMATOGENETIQUES CHEZ L HELIX POMATIA 277 FIG. 51. Noyau d'une autre cellule de la même colonie. Reconstruction un peu plus avancée. Corps hyalin. FIG. 52. Noyau de cellule-sœur de la dernière figure. Le corps hyalin à moitié sorti du noyau, voir le texte.' PLANCHE III. S p e r m a t 0 c y t e s II. Toutes les figures, de 53 à 70 inclusivement, se rapportent à des spermatocytes II. FIG. 53. Cellule au repos. Dans le noyau, on voit des chromosomes pâles, isolés, et de nombreu.K nucléoles. Point de corps clair dans le noyau. Hématoxy- line au fer de Benda. FIG. 54 Début de la cinèse. Centrosomes plus foncés. Nebenkern en dégéné- rescence granuleuse, donnant une figure stellaire ou pseud-aster. Dans le noyau, de grands nucléoles et un corps hyalin. Wasserblau suivi de safranine. FIG. 55. Prophase plus avancée, le noyau s'est éclairci. Environ 24 chromo- somes ont été comptés. Même prép. FIG. 56. Étude de chromosomes choisis dans des cellules de la même colonie que les deux dernières. FIG. 57. Cinèse plus avancée, chromosomes tassés en un groupe central. Corps hyalin très grêle. Environ 24 chromosomes ont été comptés Même prép. FIG. 58. Membrane nucléaire disparue, mais la couronne équatoriale n'est pas encore régularisée. 23 chromosomes ont été comptés. Cellule fortement osmiquée. Corps hvalin apparent. Kernschwarz, hématoxyline au fer de M. Heidenhain. FIG. hSbis. Couronne équatoriale non complètement régularisée. 24 chromo- somes. Même prép. que fig. 44. Vue polaire. FIG. 59. Couronne équatoriale parfaitement régularisée. Même prép. 17 chro- mosomes ont été comptés, et il y en a 5 autres dans la coupe suivante. FIG. 60. Études de chromosomes pris dans des couronnes de la môme colonie que la fig. 59. Grossissement X 2000. FIG. 61. Chromosomes d'une couronne de la même prép. que les fig. 50 à 52. FIG. 62. Dislocation de la couronne. Les flèches indiquent le plan de sépa- ration. Voir le texte. Bordeaux, hématoxyline au fer de M. Heidenhain. FIG. 63. Complément de la figure précédente. FIG. 64. Autre étude d'une cellule au même stade, voir le texte. Hématoxyline au fer de Benda. 35 278 Arthur BOLLES LEE FIG. 65. Anaphase plus avancée. Même prép. que fig. 62. Grossissement X 5oo. Voir le texte. FIG. 66. La même cellule au grossissement de X i^oo. Voir le texte FIG. 67. Analyse définitive de la même cellule. Voir le texte. FIG. 68. Cellule au même stade, coupée. Même préparation. Voir le texte. FIG. 69. Autre étude d'une cellule au même stade, voir le texte. Bordeaux, hématoxyline au fer de M. Heidenhain. FIG. 70. Cellules -filles en reconstruction, figures ouvertes des noyaux. 24 chro- mosomes environ ont été nettement constatés dans chaque noyau. A droite, un corps hyalin dans le noyau. FIG. 71. Schéma de la phase d'éparpillement des spermatogonies. FIG. 72. Schéma de la couronne équatoriale des spermatogonies. FIG. 73. Schéma de la couronne équatoriale des spermatocytes I. FIG. 74. Schéma de la couronne équatoriale des spermatocytes II. TABLE DES MATIÈRES Introduction ........ Chapitre I. Les spermatogonies ..... Chapitre II. Les spermatocytes I . Chapitre III. Les spermatocytes 11. Chapitre IV. Les corpuscule.? polaires et les corpuscules .sidérophiles du cyto plasme et du noyau Chapitre V. Le cytoplasme et le caryoplasme Chapitre VI. Revue critique Conclusions ..... Explication des figures .... 199 2l3 227 238 244 253 258 270 275 c PlnnclK^ 1. ■7' 'fn/j/r//(r/( ////:) r- ch m /, .# (• n' *'/ « 71 «> • \' e spH J '. . 9 •'. o o ncb Jr •* ^P9 •jfcs. ^.p.c \ ' *••, ^ * *• '5f^"'' ^'^ /^^. VJ<: l-uf. 2 :À \9 spg f , ^ào ?â ; nt h W ' ■7>V 'P'J '/" 1 ^'" •* v. .^^>^ m h VUf.15 Fig.73 ''l' /-'i,f. -'f Pu, y 2 <îk ilA' /^)<7 ?# ,.^«^^ Fi if 3 "if ""%r' FUJ.+ Ficf!) rîv .,,a, '.,»,, }ÀÎ7 ;VA Fuf 10 F,^.ff ar. FLq.1T ■m Fx^.18 lim^K ii^à -a .nsT" i^i/n /•'l,f ,", ■T^-i-^-'-^ F.yG Fnf.n Fi^.19 Fiq ?ry Fuj.7 Fur. 13 c Fuf.^jy I'h,l„/ir II yy^('ny/^■^^», ^^ /■■»/ ■/.: \-u, 4.9 ;-i^ .îry \ 1 W VxqA-ft /•■(./ .7/ X PÀp-erm ans Sru^eiJe Vkmchclïï. I Fiq. 55 F uy. 66 Fixf 5f -Ficf . &/ Fuj.62 "/ Fig.GG "/ Fi^.68 w Fiq 71 nq72 \k -*i^ fis»-  !■'■ Lee . ed nat rfé/. Fia. 63 c...\ Ficf 69 Fier 73 '"f r ••/.- \\ Fuf 58 Fui 58 ^' Fiq. 65 Fixj.6f Fx,g70 FujJi- ■-■ U/} Fe.ii.c Pefevnans Sru./x(lx^ 1 OhoprJ>(. Sixdp. LA CELLULE LA CELLULE RECUEIL DE CYTOLOGIE ET D'HISTOLOGIE GÉNÉRALE PUBLIE PAR J. 15, OAxvJNCJX, professeur de botanique et de biologie cellulaire, Cj. OlLoO^Sj PROFESSEUR DE ZOOLOGIE ET d'eMBRYOLOGIE, A l' Université catholique de Louvain AVEC LA COLLABORATION DE LEURS ELEVES ET DES SAVANTS ETRANGERS TOME XIII 2J FASCICULE. I. Recherches sur la fermentation ammoniacale due aux Mucédinées simples, par Oscar SEMAL. II. L'Anatomie fine de la cellule nerveuse, par A. VAN GEHUCHTEN. III. Nouvelles recherches sur les sécrétions gastriques, par le D' A. VERHAEGEN. IV. Matières colorantes azotées chez des champignons, par R. VAN DEN DRIES. LIERRE \\ PARIS Typ. de JOSEPH VAN IN & O', ' ' G. CARRÉ & C. NAUD, Éditeurs, Grand'place, jg. , , rue Racine, 3. 1897 REC H ERC H ES SUR LA FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCÉDINÉES SIMPLES PAR Oscar SEMAL DOCTEUR EN SCIENCES NATURELLES (Mémoire dépose le 7 octobre 1897.J 36 RECHERCHES SUR LA Fermentation ammoniacale due aux Mucédinées simples INTRODUCTION. Le sujet de ce travail nous a été suggéré, lors d'une visite au labora- toire de Monsieur le Professeur Biourge, qui nous montra un flacon d'une solution (ÏHayduck, primitivement stérilisée, qui s'était accidentellement infecté malgré son tampon de ouate. Il renfermait un Pénicillium en plein développement; sous le mycélium de ce champignon se trouvait un cristal assez volumineux, dont la longueur atteignait trois à quatre centimètres. La coexistence du Pénicillium et du cristal attira notre attention et nous suggéra l'hypothèse vraisemblable qu'une relation devait exister entre la présence de celui-ci et celle du Pénicillium. L'analyse qualitative du cristal nous renseigna bientôt sur ses éléments, qui étaient : l'ammoniaque, le magnésium et l'acide phosphorique; d'où nous avons conclu que ce devait être un phosphate ammoniaco-magnésien. Comment ce sel avait-il pu se former? Pour répondre à cette question, nous avons songé à la composition du milieu dans lequel il s'était produit. La solution d'Hayduck renferme en effet de l'asparagine, du phosphate acide de potassium et du sulfate de magnésium. L'asparagine seule avait pu fournir la quantité nécessaire d'am- moniaque ; elle avait donc dû subir une transformation sous l'influence soit du champignon, soit d'un ferment soluble sécrété par ce dernier, soit aussi d'un microbe quelconque ; c'est ce qu'il s'agissait de vérifier. 288 Oscar SEMAL LITTERATURE. Préalablement à toutes recherches, nous avons consulté les travaux qui ont paru jusqu'à ce jour sur les fermentations ammoniacales. Les ren- seignements que nous avons pu recueillir sur ce sujet sont peu nombreux, et nous voyons les auteurs qui traitent des fermentations ammoniacales les attribuer le plus souvent à des micro-organismes, tels que ceux qui font fermenter l'urée pour la dédoubler en ammoniaque et acide carbonique d'après la formule : CO(NH,), + 2H,0 = (NH,)X03. Nous trouvons dans VVilhem Zopf (Die Pil{e, p. 185) : « Sachs (1) a prétendu que tous les champignons en pleine végétation, frais et bien vivants, peuvent dégager de l'ammoniaque; cette conclusion a été for- mulée à la suite d'expériences dans lesquelles il a obtenu des fumées, en tenant un papier imprégné d'acide chlorhydrique au-dessus des champi- gnons écrasés. BoRzcow (2) a soumis différents champignons à chapeau à cette expé- rience; les résultats furent positifs; il croit même que c'est une fonction nécessaire. Zopf fait, au sujet de ces expériences, une remarque judicieuse qui mérite grande attention; c'est qu'elles ne sont pas concluantes du tout, attendu qu'on a oublié de prendre les précautions les plus élémentaires pour éviter l'invasion des microbes qui se développent si rapidement et produisent tous les phénomènes de la pourriture; l'ammoniaque dégagée dans ces conditions pourrait, par conséquent, très bien provenir d'autres agents de putréfaction. Des recherches consciencieuses faites par 'Wolf et Zimmerman (3) sur des Miicov, Pénicillium, Ergot de seigle, Ammanita muscaria et autres champignons à chapeau, il résulte qu'ils n'ont pu déceler aucune trace d'ammoniaque libre, mais bien de la triméthylamine; et Zopf est de leur avis. « (1) Sachs : Handbuch der Expérimental Physiologie, p. 273. (2) Zur Frage ûbcr die Ausscheidung des freien Ammoniak bei den Pil^en; Mélang. biologiques. Bull, de l'acad. impér. de S.-Pétersbourg, 1868, t. 14, p. 1 — 23. (3) Beitrdge :{ur Chemie und Physiologie der Pil^e; Bot. Zeitung, 1871, p. 2S0. FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCÉDINÉES SIMPLES 289 A propos d'un ferment de l'urée étudié par Miquel, nous trouvons dans DucLAUx (i) ce qui suit : " Un des ferments de l'urée est une Mucédinée de la famille des Asper- gillus, qui pousse dans l'urine un mycélium volumineux, d'où sortent des tubes fructifères à tètes légèrement renflées et portant une seule chaîne de spores incolores. Ces spores ont entre 6 et 7 [^ de diamètre et on peut les voir, quand elles sont en grand nombre, formant au-dessus de l'urine des traînées denses, d'apparence farineuse. L'action de cette moisissure sur l'urée peut aboutir à la disparition de huit à dix grammes d'urée par litre. Lorsque la quantité d'urée transformée en carbonate d'ammoniaque atteint cinq à six grammes par litre, la moisissure dépérit. ^ En 1876, MuscuLus a signalé l'existence d'un autre ferment soluble sécrété par des Schi^ophytes dédoublant l'urée. Ce ferment a été étudié par MiQUEL en 1S89 : Bourquelot le désigne sous le nom d'Uréase. Nous aurons l'occasion d'en parler un peu plus loin. Telles sont les seules indications que nous avons pu recueillir au sujet des fermentations ammoniacales produites par les champignons et les micro-organismes. Nous avons donc entrepris ce travail au double point de vue de savoir si les champignons Mucédinéens simples, qui se développent dans des mi- lieux renfermant des composés azotés organiques à radical amidogène, peuvent produire un dédoublement de ceux-ci, en mettant en liberté de l'ammoniaque; et si ce dédoublement s'opère à l'aide d'un ferment soluble sécrété par ces champignons; questions qui jusqu'à ce jour n'ont guère fixé l'attention des savants qui se sont livrés à l'étude des fermentations. (i) Encyclopédie de Fremy. — T. IX, Microbiologie, p. 702. ■ CHAPITRE I. Existence d'une fermentation ammoniacale. Préparation des expériences. Nous avons mis en culture, dans des flacons renfermant une solution préparée suivant la formule Haydiick (i), différents champignons : 1"^ Un Pénicillium que nous avons pris dans une culture faite sur plaque de gélatine; nous appellerons ce Penicilliimi à spores violettes, dont nous n'avons pu déterminer exactement l'espèce, Pénicillium violaceum. 2° le Fusarium Hordei. 3° Y Aspergillus niger. 4° l 'A spergillus fu liginosus . 5° Un Aspergillus indéterminé que nous appellerons Aspergillus B. 6° le Pénicillium glaucum. 7° le Botrytis cinerea. Afin d'éviter toute infection, nous avons procédé à la mise en culture, en observant les plus minutieuses précautions : tous les milieux de culture ont été stérilisés à Tautoclave à une atmosphère pendant 20 minutes. Nous avons placé à côté des solutions mises à l'autoclave un flacon témoin, pour vérifier si l'asparagine, comme certains auteurs le prétendent, n'avait pas subi de modification sous l'influence de l'ébullition sous pres- sion et n'avait pas donné, par suite d'une hydratation, quelque peu d'aspar- tate d'ammoniaque. En vérifiant la solution témoin au moyen du réactif de Nessler très sensible additionné de soude caustique en excès pour détruire" l'acidité, nous n'avons jamais observé le moindre trouble; nous avons donc pu en déduire que les solutions étaient absolument exemptes d'ammoniaque. Bien plus, durant tout le temps consacré au développement des champignons, nous avons conservé de ces flacons témoins et nous avons constaté chaque fois l'absence de l'ammoniaque. L'hydrogène acide du (1) Par litre : 25 gr. phosphate acide de potassium. 8 gr. sulfate de magnésium. 20 gr. asparagine. FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCEDINEES SIMPLES 29 1 phosphate acide de potassium n'avait non plus exercé une action lente sur l'asparagine. Après le développement des champignons, nous nous sommes rendu compte, par une analyse microscopique, qu'aucun microbe n'infestait les solutions de culture. Nous avons donc porté les flacons à solution de culture à des températures différentes, 20° et 30° ; nous avons pu constater au bout de quelques jours, tout particulièrement pour le Pénicillium violaceum, que le développement était beaucoup plus rapide à 30° qu'à 20". Voulant également nous assurer si ces champignons ne faisaient subir à l'urée aucune modification, nous avons mis en culture, en usant des mêmes procédés de stérilisation et des mêmes précautions que précédem- ment, le Pénicillium violaceum, dans une solution préparée suivant la for- mule Hayduck, mais dans laquelle l'asparagine était remplacée par une quantité correspondante d'urée. Cet essai, sans emploi de substance adjuvante, ne nous a donné aucun résultat satisfaisant; nous avons donc cru nécessaire de joindre à l'urée un élément où l'hydrogène se trouvât directement fixé au carbone. Notre choix s'est porté naturellement sur l'acide tartrique et le sucre. Nous avons adopté la formule suivante : Par litre : 25 gr. phosphate acide de potassium. 8 gr. sulfate de magnésium. 19 gr. 09 urée. 10 gr. acide tartrique. Solution de sucre au 1/10. L'acidité de nos flacons avant et après la mise à l'autoclave a été dosée ; en tenant compte du liquide évaporé, nous arrivons à une quantité d'aci- dité sensiblement la même. Avant la mise à l'autoclave, l'échantillon de 10 ce. dosé au moyen de la soude caustique N/io avec phénolphtaléine comme indicateur, donne 2 1 ,5 ce. Après la mise à l'autoclave, lo ce. d'échantillon donne 22,3. La différence en poids du flacon est de 5 gr. sur 222 gr. 98. Dans la crainte que l'acidité de la solution ne fût trop forte et n'entravât le déve- loppement du champignon, nous l'avons mis en culture dans une nouvelle solution. A 640 ce. de solution primitive, nous avons ajouté 5 gr. de CaCO parfaitement pur et 300 ce. de solution sucrée et avons complété le litre par l'addition de 60 ce. d"eau de lavage. L'acidité totale par 10 ce. corres- 292 Oscar SEMÂL pondait à 6 ce. 5 de NaOH N/10 en employant la phénolphtaléine comme indicateur. Nous avons aussi employé pour mettre en culture une solution exempte d'acide tartrique ainsi préparée : Par 250 ce. : 6 gr. 22 phosphate acide de potassium. 2 gr. sulfate de magnésium. 25 gr. urée. 25 gr. sucre. Résultats des expériences. I. Au bout de 8 jours, la surface de^ solutions à asparagine et à urée était complètement couverte par le mycélium du Penicilliutn donnant des spores en grande abondance ; vers le cinquième jour, on pouvait déjà constater l'apparition de quelques cristaux appendus au mycélium. Quand les solu- tions sont laissées au repos, en prenant soin de ne les remuer que le moins souvent possible, on peut obtenir de très beaux et très gros cristaux portant à leur surface de nombreuses trémies; quand, au contraire, on imprime de temps à autre des secousses au ballon, les cristaux restent petits, mais en revanche, on en obtient un très grand nombre. Le Pénicillium violaceum dans les solutions à asparagine a atteint, au bout de quinze jours, son maximum de développement; on trouve alors une infinité de cristaux encore attachés au mycélium ; et au fond du vase un fort dépôt de cristaux plus ou moins volumineux qui se sont détachés par suite du remous imprimé au liquide. Dans les solutions d'urée, le Pénicillium a mis au moins un mois avant d'atteindre son entier développement. La proportion de cristaux formés était beaucoup plus forte dans les solutions renfermant une plus grande quantité d'acide tartrique. Notons en passant, qu'au moment où le champignon atteint son plein développement, \e Pénicillium poilaceum, ainsi que les autres champignons cités précédemment, communiquent aux solutions à asparagine une teinte plus ou moins vert-bleuâtre ; aux solutions d'urée, le Pénicillium violaceum nous a toujours donné une forte coloration brune. FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCEDINEES SIMPLES 293 Le Fusariiim Hordei et V Aspergilliis niger mettent au début beaucoup de lenteur à se développer dans la solution de Hayduck; mais une fois que le développement est en bonne voie, leur mycélium couvre très rapi- dement la surface des solutions nutritives; il s'épaissit considérablement, et donne de nombreux cristaux, qui y restent en grande partie appendus. Avec le Fusariuin Hordei, les cristaux se présentent sous la forme de grains de chapelet attachés à des fils qui descendent du mycélium prin- cipal et plongent dans le liquide. U Aspergillus B, le Fuliginosiis, le Pénicillium glaiiciiin, de même que le Peuicilliuni violaceiaii, acquièrent bientôt leur complet développement et donnent également de gros cristaux. , Dans un essai de culture dans la solution Hayduck, le Fusariuin nous avait donné de nombreux et beaux cristaux; mais la solution ayant été abandonnée pendant une couple de mois, ne présenta, au moment de nous en servir pour l'analyse, que deux ou trois très petits cristaux; tous ceux qui s'étaient déposés au fond du vase avaient complètement disparu, repris très probablement par le champignon qui avait envahi tout le flacon. Le Botrytis cinerea a mis beaucoup de mauvais vouloir à pousser et ne nous a donné que deux à trois cristaux en mâcles, complètement différents des précédents; cette quantité minime de cristaux ne nous a pas permis d'en déterminer la nature, bien que nous ayons essayé d'obtenir une culture dans un grand flacon de solution Hayduck ; toutes nos tentatives ont été vaines et nous avons dû y renoncer. Composition des cristaux. Préparation. — Pour retirer les cristaux, on agite très fortement le flacon de façon à dissocier le plus promptement pos- sible le mycélium et à détacher les cristaux qui y adhèrent; en laissant repo- ser une minute, les cristaux tombent au fond du vase; on verse ensuite le mycélium sur un filtre, on recueille les eaux-mères pour laver les cristaux et les débarrasser, autant que possible, des spores et des fragments de mycé- lium qui peuvent encore y être attachés ; enfin on dépose les cristaux sur un verre de montre avec un peu d'eau, car à l'air au bout d'un certain temps, ils s'effleurissent légèrement. Après les avoir pressés à différentes reprises entre des feuilles de papier Joseph pour les avoir bien secs, nous avons procédé à leur analyse qualitative et quantitative. Analyse qualitative. Préalablement à toute opération, nous exami- nons si les différents réactifs à employer : NaOH, HCl, eau distillée, sont 37 294 Oscar SEMAL absolument exempts d'ammoniaque; il suffit pour cela de les vérifier au moyen du réactif de Nessler, très sensible. On prend alors quelques cristaux que Ton dissout dans un peu d'HCl; enchauffant avec de la NaOH suffisamment en excès, nous obtenons ou non un dégagement d'NHj. La seconde opération consiste dans l'emploi du réactif de Nessler qui nous donne un fort précipité brun en présence d'ammoniaque; cette opé- ration se fait naturellement à froid et avec un excès de soude caustique. La troisième opération comporte la reprécipitation du phosphate ammoniaco-magnésien; à cet effet, on dissout quelques cristaux dans l'HCl dilué, qu'on additionne d'un léger excès d'NH, : on obtient le précipité de MgNH^PO^ très caractéristique au microscope. Nous avons également fait l'essai au charbon, flamme oxydante avec Co.NOj), , qui nous donne la coloration violette caractéristique du MgHPO,. En résumé, l'analyse qualitative a donné les résultats suivants : RÉSULTATS DE L'ANALYSE QUALITATIVE. Cristaux retirés des solutions Hayduck dissous dans HCl-j-NaOH en excès à chaud dissous dans HCl + NaOH excès à froid -)- r. Nessler dans HCl-f-NH, en excès charbon FI. oxydante + Co(NO,), Pénicillium violaceum Odeur dégag. de NH, Abondante précipitation Reprécip. du MgNH^POj caract. au micr. Color. violette du MgHPO^ Pénicillium glaiicum Idem Idem Idem Idem A spergillus fuliginos. Idem Idem Idem Idem Aspergillus niger Idem Idem Idem Idem Aspergillus B. Idem Idem Idem Idem Fusarium hordei Idem Idem Idem Idem Botrytis cinerea Néant Néant Nota. Le Botrytis cinerea n'a pas ni de précipité au second. donné de dégagement de NH^ a u premier essai, FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCEDINEES SIMPLES 295 Analyse des cristaux retirés des solutions de : Pénicillium violaceiim dans HCl+NaOH ^""^ HCl+NaOHi ^^^^ ^^^ ^ ^^^ excès, a froid ! en excès -\- r. Nessler en excès, à chaud t Urée j Acide tartrique f Sucre Odeur dégagem. de NHj Abond. précipité Reprécipitation du MgNH.PO, i Urée \ Ac. tartrique (quant, moindre) ' Sucre Idem Idem Idem ^Urée ) Sucre Idem Idem Idem Analyse quantitative : 1° Dosage de l'NH, contenue dans les cristaux de MgNH^PO^ôaq. Premier essai : Nous avons pesé une quantité déterminée de cristaux fi g. 1574 renfermant o g. 080 d'NH,). Nous l'avons dissoute dans l'HCl, additionné de NaOH en grand excès; nous avons ensuite distillé en recueil- lant le distillât dans un flacon renfermant un nombre de ce. d'H^SO^ N/io correspondant â la quantité d'NH, à recueillir. La quantité d'NH, calculée était 80 mg. La quantité d'NH, trouvée est 78 mg. 2. Second essai : Quantité de substance pesée 1 60 mg. Quantité d'NH, calculée 11 mg. 1. Quantité d'NH, trouvée 10 mg. 7. 2° Dosage d'NHj par la perte de poids après calcination. En appliquant la formule de la réaction : ^ Mg NH.PO, 6aq _ ^_ a) Sur 850 mg. de cristaux pesés, la perte exacte de poids représentant la quantité d'NH. et d'eau perdue devait être égale à 464 mg. La quantité trouvée par la pesée = 467 mg. On ne parvient que difficilement à se débarrasser complètement de 296 Oscar SEMA.L quelques filaments de mycélium très ténus qui adhèrent trop fortement aux cristaux, ce qui explique la légère différence obtenue. b) Sur 1 g. 008, la perte calculée est de 551 mg. 3, la perte trouvée est de 550 mg. 5. 3° Dosage du magnésium comme pyrophosphate magnésien. Si nous considérons le résultat précédent, nous devions avoir 456 mg. 8; nous avons trouvé 458,2. Nous pouvons donc conclure que les cristaux produits dans les solu- tions d'Hayduck et d'urée sont bien des cristaux de phosphate ammoniaco- magnésien, et comme nous nous sommes rendu compte, par une analyse microscopique, qu'aucun microbe n'infestait les solutions de culture, nous pouvons dès à présent tirer cette conclusion : l' ammoniaque présente dans les solutions et dans les cristaux provient d'une transformation de l'aspara- gine, qui s hydrate sous l'influence du champignon. On pourrait établir comme équation de la réaction : ^^ NH, 'r^ OH CHNH, + So = CHNH, + NH3. ! I CH, CH, ' ^O '^ O *^\ OH ^^ OH n. Mais la réaction s'arrête-t-elle là? Le radical aminé contenu dans l'acide aspartique ne peut-il être attaqué? Nous avons cherché à répondre à cette question. L'urée, en nous donnant des cristaux, nous a démontré que le radical amide est toujours attaqué; pour savoir si le radical aminé pouvait l'être éga- lement et si cet azote aminé pouvait donner de l'NH, comme l'azote amide, il suffisait de choisir un milieu de culture renfermant un composé aminé. Nous avons pris l'alanine qui a pour formule C/^ QH— CHNH — CH Nous avons donc préparé une solution suivant la formule Hayduck, en remplaçant l'asparagine par une quantité correspondante d'alanine; le FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCÉDINÉES SIMPLES 297 champignon {PenidlHiim piolaceum) se développe assez régulièrement, quoi- que moins bien que dans la solution Hayduck. Au bout de neuf jours, nous avons procédé au dosage de l'ammoniaque, qui nous a donné 1 19 mg. par litre. Au bout de treize jours, un second dosage fournit 306 mg. Nous pou- vons donc dire que les composés aminés peuvent tout aussi bien que les composés amidés fournir de l'ammoniaque, sous Tinfluence hydratante du champignon et que, dans le cas de l'asparagine qui est un composé à la fois aminé et amide, l'hydratation a lieu sur les deux radicaux. Ce fait devient encore plus évident en mettant en culture différents champignons dans des solutions Hayduck et en suivant pas à pas leur développement, ainsi qu'en dosant successivement la quantité d'asparagine transformée et la quantité d'ammoniaque produite. Ce sont précisément ces expériences que nous avons exécutées avec le plus grand soin. CHAPITRE il. I. Mécanisme de la fermentation. L'ammoniaque ainsi produite est-elle le résultat d'une excrétion? Prend-elle naissance lors de la désassimilation des matières albuminoïdes employées à l'édification de la cellule? Ou provient-elle d'une simple hy- drolyse de l'asparagine avant son assimilation? Telles sont les questions que nous avons cherché à résoudre dans cette deuxième partie. Si l'ammoniaque est un produit d'excrétion rejeté par la plante lors de la désassimilation des matières albumino'ides, nous pouvons aisément nous en assurer en fournissant comme élément nutritif, par exemple, de l'azote nitrique. Nous avons donc mis en culture le Pénicillium violaceum dans une solution ainsi préparée : Pour 125 ce. : 3 gr. 1 phosphate acide de potassium. 1 gr. sulfate de magnésium. 1 gr. nitrate de potassium. 25 gr. sucre. Si nous parvenons à constater la présence d'ammoniaque dans le fla- con, c'est à la désassimilation qu'il faut attribuer sa production. 298 Oscar SEMAL Le champignon s'est très bien développé dans ce milieu de culture et au bout de trois semaines environ, il avait atteint son maximum de végéta- tion; nous avons alors prélevé un échantillon de 10 ce. et nous avons dosé l'NHj qui pouvait s'y trouver au moyen du carbonate calcique; mais nous n'avons pu en constater la moindre trace. Il nous était donc permis d'affir- mer que l'ammoniaque ne pouvait provenir d'un simple phénomène de dés- assimilation cellulaire. Les analyses successives indiquant la proportion d'ammoniaque pro- duite et d'asparagine transformée, ainsi que les opérations de dialyse, vien- nent à point pour confirmer notre conclusion. Nous indiquerons d'abord le mode opératoire que nous avons adopté pour l'étude des transformations de l'azote. /. Dosage de /'NH3 libre ou combinée. La plus grande difficulté pour effectuer ces diff"érents dosages rési- dait dans l'emploi d'un réactif capable de chasser l'ammoniaque sans attaquer l'asparagine. Pour le dosage de l'asparagine, quelle pouvait être la méthode la plus sûre et la plus rapide pour donner exactement la quantité d'azote correspondante à la quantité de cette substance non encore attaquée? Après un grand nombre d'essais, notre choix s'est définitivement fixé sur le CaCO-, qui présente l'avantage de nous livrer toute l'ammoniaque, tout en laissant intacte l'asparagine. Pour donner une idée de la valeur de cette méthode, il suffira entre tous nos nombreux essais d'en citer un seul. Une quantité déterminée 100 mmgr. de (NH^),S04 desséché renfer- me 25 mmgr. 7 de NH,. L'analyse au carbonate de calcium donne 25 mgr. 2. L'erreur n'est donc que de 2 0/0, en supposant le sulfate ammonique absolument pur. L'asparagine avec le CaC03 ne nous donne rien. //. Dosage de l'azote amide — CONH,. Quand on distille une quantité connue d'asparagine dissoute, avec de la NaOH concentrée, on trouve dans le distillât sous la forme de NH3 très exaclemcnt la moitié de Papote renfermé dans l'asparagine, dès qu'on a soin d'éviter la fusion de la soude caustique. Des expériences répétées nous ont donné des résultats très positifs à cet égard. FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCEDINEES SIMPLES 299 ///. Dosage de l'azote aminé — H^C — NH.,. Au contraire, si on maintient la fusion de la soude caustique pendant un quart d'heure, on obtient l'azote total de l'asparagine. Les expériences faites à ce point de vue ne sont pas moins concluantes ; le seul désagré- ment de cette méthode à la soude caustique en fusion, c'est de ne pouvoir utiliser le ballon que pour une ou deux expériences au plus ; mais elle présente des avantages qui ne sont pas à dédaigner : économie de temps, l'opération durant au maximum une heure; et économie d'argent, en com- paraison avec la méthode Kjeldahl. Le radical aminé reste stable pendant la première partie de l'opération. Ce qui nous permet de le prétendre, c'est l'essai à l'alanine qui nous donne un résultat complètement négatif, tandis que tout l'azote passe à la fusion. Ce dernier point ofi'rait un intérêt d'autant plus grand pour nous que, pour éviter une casse inutile de ballon, il suffisait pour doser l'aspara- gine NqN TRANSFORMÉE daus les solutions de nous contenter de la première opération, les causes d'erreur provenant de l'acide aspartique qui aurait pu éventuellement s'y trouver étant ainsi écartées. Voici donc la marche choisie pour les dosages successifs d'ammoniaque et d'asparagine. Nous prélevons, d'un jour à l'autre, dans des ballons Pasteur renfer- mant les milieux de culture, un échantillon de lo ce. que nous traitons par du CaCOj dans un ballon Kjeldahl muni d'un réfrigérant, pour chasser l'ammoniaque que nous recueillons dans des flacons renfermant des solu- tions titrées d'acide sulfurique N/io, avec le méthyl orange comme in- dicateur; nous filtrons ensuite le résidu de distillation dans un nouveau Kjeldahl et, après lavage soigné à l'eau distillée, nous introduisons quelques morceaux de soude caustique en bâtons et nous distillons en évitant la fusion de la soude. Nous recueillons ainsi la moitié de l'azote de l'asparagine sous la forme d'ammoniaque; il suffit donc de doubler le résultat obtenu pour avoir la quantité exacte d'ammoniaque correspondant à l'asparagine non transformée. L'azote non retrouvé ainsi peut être sous la forme d'acide aspartique ou sous toute autre forme. Les ballons Kjeldahl conviennent admirablement à ce genre d'opéra- tion, attendu qu'on peut franchement les chauffer à la flamme nue et que dans ces conditions les distillations se réduisent au minimum de temps : une demi-heure. •^oo Oscar SEMÂL Résultats des dosages obtenus avec les différents champignons calculés en grammes d'NH.3 et d'asparagine par litre. /. Penîcilliuin violaceum. Le Penicilliitm violaceum a été ensemencé dans une solution Hayduck renfermant 19 gr. 65 d'asparagine par litre pouvant donc donner au maxi- mum 4 gr. 45 d'ammoniaque. Toutes les cultures ont été faites dans des ballons Pasteur à deux tubulures. i"" dosage. — - 3 jours après la mise en culture, le champignon étant encore peu développé. 0 gr. 425 NH, 9.5 0/0 ] ^ , , ,. * ' . ,85,2 0/0 de 1 azote total. 15 gr. 15 asparagme 75-7 0/0 ) 2^ dosage. — 6 jours après la mise en culture, le champignon com- mence à prendre un certain développement; assez bien de cristaux formés. 1 gr. 36 NH3 30.4 0/0 / * '82.1 0/0. 10 gr. 35 asparagine 51.7 0/0 / 3= dosage. — 8^ jour : le champignon couvre la surface du liquide. 2 gr. 397 NH, 53 0/0 1 ,65 0/0. 2 gr. 4 asparagine 1 2 0/0 ; 4^ dosage. — 9^^ jour : léger dépôt de cristaux au fond du récipient. 2 gr. 618 NH, 58 0/0 ) ,63 0/0. 1 gr. 35 asparagine 5 0/0 ) 5"= dosage. -- 10^ jour : le dépôt s'accentue. 2 gr. 94. NH, _ 65 0/0 j ^^ 1 gr. 05 asparagine 5 0/0 ) 6^ dosage. — 11^ jour. 2 gr. 992 NH. 66.9 0/0 ) . . , 66.9 0/0. Asparagine o 0/0 » 7^ dosage. — iS"-' jour. 3 gr. 876 NH3 86 0/0 j ^^ Asparagine o 0/0 ) FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCÉDINÉES SIMPLES 301 Nous avons, en usant de précautions infinies, recueilli les cristaux for- més; après les avoir séchés, la pesée nous a donné 2 gr. 461, renfermant o gr. 340 NH3; si nous ajoutons cette quantité d'ammoniaque à la précé- dente, nous obtenons 4 gr. 216 (94 0/0). Sur les 4 gr. 450 d'ammoniaque que la solution pouvait donner, nous en trouvons donc 4 gr. 216; il y a donc près de 94 0/0 de l'azote de l'asparagine retrouvé sous la forme am- moniacale, ce qui représente évidemment la totalité, en tenant compte des légères causes d'erreur. Nous avons voulu contrôler la marche des opérations précédentes au moyen d'une nouvelle solution, dans laquelle on avait ensemencé également le Pénicillium violaceum ; la solution renferme 19 gr. 95 d'asparagine pou- vant donner 4 gr. 522 d'ammoniaque. 1'' dosage. — 2 jours après la mise en culture. 0 gr. 204 NH, 4 0/0 17 gr. 85 asparagine 89 0/0 2-= dosage. — 3^ jour. 0 gr. 323 NH3 7 0/0 17 gr. 1 asparagine 85 0/0 3^ dosage. — A<^ jour. ogr. 595 NH, 13 0/0 1 5 gr. 90 asparagine 74 0/0 4"= dosage. — 5*^ jour : apparition de cris 93 0/0 de l'azote calculé comme ammoniaque. 92 0/0, o gr. 969 NH5 21 0/0 ) 13 gr. 725 asparagine 68 0/0 ( 87 0/0. 89 0/0. 5*^ dosage. •- 6'" jour. 1 gr. 25S NH, 27 0/0 3 gr. 05 asparagine 65 0/0 92 0/0. 6= dosage. — 8'= jour : la surface du liquide est complètement couverte par le mycélium fortement épaissi; dépôt de cristaux au fond du récipient. 3 gr. 213 NH3 o gr. 450 asparagine 0/0 0/0 ?3 0/0. dosage. — 9<^ jour. 3 gr. 222 NH, o gr. 450 asparagine 71 0/0 (),'o 73 0/0. 38 302 Oscar SEMAL Ayant dû utiliser le flacon pour des opérations subséquentes, nous avons dû nous contenter de ces résultats. L'ammoniaque renfermée dans les cristaux n'a pas été dosée. //. Fusariiiiii hordei. Culture avec 19,65 gr. d'asparagine pouvant donner 4 gr. 45 NH^. 1"" dosage. •— 3 jours après la mise en culture. ogr. 136 NH3 3 0/0 ) 92 0/0. 17 gr. 85 asparagine 89 00 ' 88 0/0. 2<^ dosage. — 4'= jour. G gr. 136 NH3 3 0/0 17 gr. 17 asparagine 85 o'o 3^ dosage. — 6^ jour : apparition de cristaux, o gr. 323 NH3 _ 7 0/0 j ^^ 15 gr. 90 asparagine 79 0/0 1 4'= dosage. • — 7<^ jour. o gr. 761 NH, 12 0/0 ) l ■ «5 0/0. 14 gr. 60 asparagine 73 0/0 ' 5^ dosage. — 8^ jour. 0 gr. 8i6 NH, 18 0/0 ■) ^ . ,71 0/0. 13 gr. 68 asparagine 53 0/0 ] 6^ dosage, — 9*^ jour. ogr.969NH3 _ 21 0/0 j ^^ 13 gr. 05 asparagine 65 0/0 ' 7 '^ dosage. — lo'^jour. 1 gr. 836 N H, 40,90/0 ) , ( 71 0/0. 6 gr. 45 asparagine 30.2 0/0 ) 8"= dosage. — u^jour. 1 gr. 972 NH3 27 0/0 5 gr. 55 asparagine 44 0/0 9^ dosage. — i4<=jour. 2 gr. 431 NH3 54 0/0 2 gr. 85 asparagine 14 0/0 7 1 0/0. 68 0/0. FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCÉDINÉES SIMPLES 303 loe dosage. — i séjour. 2 gr. 516 NH3 56 0/0 1 gr. 80 asparagine 9 0/0 65 0/0. ii« dosage. — 16^ jour. 2 gr. 703 NH3 _ 60 0/0 ) ^^ 1 gr. 35 asparagine 6 0/0 ) 12= dosage. — i7<=jour. 2 gr. 907 NH, _ 63 0/0 I ^. o gr. 450 asparagine 2 0/0 ) 13^ dosage. ■ — iS^ jour. 3 gr. 043 NH, 68 0/0 I ^g o gr. 150 asparagine 0.7 0/0 ) 14E dosage. — 20'= jour. 3 gr. 23 NH, 72 0/0 I ^ ' . 72 0/0. o gr. 075 asparagine o 0/0 ' 15^ dosage. — 21= jour. 76 0/01 , 76 0/0. o 0/0 1 3 gr. 417 NH3 Asparagine o o/c III. Aspergillus B. (indéterminé;. La solution renferme 20 gr. 10 asparagine pouvant donner 4 gr. 556 NH3. r dosage. — 4 jours après la mise en culture : le champignon est au début de sa végétation. o gr. 034 NH, 0.6 0/0 18 gr. 90 asparagine 94.5 0/0 95 0/0. 2^ dosage, — 5"" jour. o gr. 102 NH- 20/01 ^ '94 0/0. 18 gr. 525 asparagine 92 0/0 ) 3^ dosage. — 6= jour. o gr. 289 N H. 6 o/o j ^ ' . 92 0/0. 17 gr- 30 asparagine 86 0/0 \ 38. 304 Oscar SEMAL 4« dosage. — 8<^ jour. ogr. 422 NH, 8.30/0 ) 89 0/0. 16 gr. 20 asparagine Si 0/0 i qu 83 0/0. 5= dosage. — 9^ jour : apparition de quelques gros cristaux. ogr. 714 NH3 15 0/0 13 gr. 758 asparagine 68 0/0 6= dosage. — lo^jour. 2 gr. 580 NH3 54 0/0 2 gr. 10 asparagine 10 0/0 7^ dosage. — ii*^ jour. 2 gr. 750 NH5 58 0/0 1 gr. 80 asparagine 9 0/0 8^ dosage. — 12^ jour. 2 gr. 822 NH3 59 0/0 j 1 gr. 35 asparagine 6 0/0 \ 9" dosage. — 15' jour. 2 gr. 975 NH3 62 0/0 1 gr. 05 asparagine 5 0/0 10^ dosage. — ^.à'^ jour. 3 gr. 213 NHj 68 0/0 o gr. 750 asparagine 3 0/0 1 1" dosage. — il" jour. 3 gr. 383 NH3 71 0/0 o gr. 600 asparagine 3 0/0 1 2^ dosage. • — 1 8= jour. 3 gr. 621 NH5 76 0/0 o gr. 300 asparagine 1.5 0/0 64 0/0. 67 0/0. 65 0/0. 67 0/0. 1 71 0/0. 74 0/0. 77 0/0. IV. Pénicillium glaucum. Solution Hayduck renfermant 20 gr. 10 asparagine pouvant donner 4 gr. 556 NH3. Les 5 premiers jours, le champignon éprouve beaucoup de difficulté à se développer; puis le mycélium, en un seul jour, prend un tel développement, qu'il couvre en grande partie la surface du liquide. FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCEDINEES SIMPLES 305 f dosage. — 6 jours après la mise en culture : apparition de quel- ques gros cristaux. o gr. 344 N H, 7 0/0 8 gr. 15 asparagine 90 0/0 2^ dosage. — 8= jour. o gr. 748 NH, 15 0/0 97 0/0. / I 94 0/0. 17 gr. 85 asparagine 79 0/0 ' 3^ dosage. — 9 jours après la mise en culture 2 gr. 159 NH, 45 0/0 4 gr. 950 asparagine 24 0/0 4*^ dosage. — ic^jour. 2 gr. 822 NHj 59 0/0 69 0/0. . , 63 0/0. o gr. 900 asparagine 4 0/0 1 5= dosage. — 12'= jour. 3 gr. 06 NHj 64.8 0/0 o gr. 450 asparagine 2 0/0 66 0/0. 6= dosage. — 1 3"= jour. 3 gr. 147 NH, 66 0/0 , . ,67 0/0. o gr. 225 asparagine 1 0/0 ' 7= dosage. — 17= jour. 3 gr. 757 NH, 79 0/0 ^^ o gr. 075 asparagine o 0/0 ' F. Aspergillus niger. Solution renfermant 20gr. 10 asparagine pouvant donner 4gr. 586 NH,. 1"" dosage. — 7' jour : quelques plaques de mycélium. o gr. 136 NH, 2 0/0 s * ' (95 0/0. 18 gr. 60 asparagine 93 0/0 95 0/0. 2« dosage. — 8*^ jour. o gr. 170 N H, 3 0/0 18 gr. 45 asparagine 92 0/0 306 Oscar SEMAL 3^ dosage. 4^ dosage. — 9= jour, o gr. 306 N H. 6 0/0 17 gr. 40 asparagine 87 0/0 93 0/0. 10= jour : apparition de cristaux. . ogr. 425 NH, 15 gr. 95 asparagine 5' dosage. — 11' jour. o gr. 680 NH, 1 5 gr. 65 asparagine 9 79 14 78 6^ dosage. — 14" jour. 2 gr. 686 NH, 57 2 gr. 250 asparagine 1 1 0/0 0/0 0/0 0/0 0/0 c/o 88 0/0. 92 0/0. 68 0/0. 7^ dosage. — 15= jour après la mise en culture. 0/0 0/0 8' dosage. 9^ dosage. io« dosage. 2 gr. 890 NH, 61 o gr. 900 asparagine 4 — 16= jour. 3 gr. 009 NH, 63 0/0 o gr. 600 asparagine 3 0/0 — 17= jour. 3 gr. 145 NH, 66 o gr. 450 asparagine 2 — 1 S"' jour. 3 gr. 366 NH, 71 o gr. 3C0 asparagine 1 0/0 0/0 0/0 0/0 } 65 0/0. 66 0/0. I 68 0/0. 0/0. Dans les quatre dernières solutions, nous n'avons pas fait le dosage de l'ammoniaque renfermée dans les cristaux. Quand on examine le tableau du pourcentage total, représentant la quantité en 0/0 d'NH^ produite, ad- ditionnée à la quantité en 0/0 d'asparagine transformée, nous voyons que ce pourcentage total subit trois phases bien distinctes qui peuvent s'expli- quer de la manière suivante : 1° Le pourcentage total va en diminuant jusqu'à l'apparition des cris- taux; une certaine quantité d'azote est utilisée par la plante et une certaine quantité d'asparagine est transformée en acide aspartique; or, cet acide aspartique, dans les conditions où nous opérions, ne pouvait être dosé; FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCÉDINÉES SIMPLES 30? c'est pourquoi nous obtenons nécessairement une diminution dans le pourcentage de l'asparagine ; ces deux causes exercent une influence sur le pourcentage total qui, par le fait même, se trouve diminué. 2° A partir de ce moment, le pourcentage total subit quelques varia- tions provenant de ce qu'une certaine quantité d'ammoniaque est utilisée pour la formation des cristaux; mais, à la rigueur, on peut ne pas en tenir compte, parce que cette quantité est minime. La principale cause d'erreur provient toujours de l'asparagine transformée en acide aspartique; cet acide aspartique ne pouvant être dosé occasionne une perte dans le pourcentage. 30 Dès que l'ammoniaque n'est plus fournie que par l'acide aspartique, le pourcentage total se relève peu à peu et en dosant l'ammoniaque renfermée dans les cristaux on peut même réatteindre 94 o/o. Comme on peut le remarquer, ces différents champignons, arrivés à un certain degré de développement, transforment tout à coup une notable quan- tité dasparagine, donnant ainsi, du jour au lendemain, une quantité double et parfois triple d'ammoniaque. L'apparition des cristaux a lieu quand la solution renferme de 400 à 700 mgr. d'NHj par litre. Les expériences qui précèdent nous démontrent donc : 10 Que la quantité d'ammoniaque produite augmente au fur et à me- sure de la transformation de l'asparagine et suit même de très près, dans une certaine proportion, cette transformation; 2° Que l'asparagine est attaquée dans ses deux chaînons, aminé et amide, pour donner de l'ammoniaque; 30 Que cette transformation présente tous les caractères d'une fermen- tation. Nous avons voulu également rechercher si ces champignons exerçaient une action quelconque sur les peptones et dédoublaient ces composés amides complexes. Nous avons ensemencé le Pénicillium violaceum dans un milieu peptonisé stérile renfermant du sulfate de magnésium et du phos- phate acide de potassium. Nous nous sommes assuré par un essai au car- bonate calcique de la quantité d'ammoniaque que pouvait renfermer ces peptones; quoique cette quantité soit peu appréciable, nous en avons tenu compte; nous trouvons au dosage pratiqué 13 jours après la mise en culture que la solution renferme 408 mgr. d'ammoniaque par litre, et nous consta- tons la présence de cristaux bien formés appendus au mycélium. L'analyse de ces cristaux a établi qu'ils étaient composés par du phos- phate ammoniaco-magnésien. 308 Oscar SEMAL II. Recherche d'un ferment soluble. Il nous restait à rechercher si cette transformation de l'asparagine était l'œuvre d'un ferment soluble sécrété par les champignons. Déjà en 1876, Musculus signala la présence dans les urines d'un fer- ment soluble sécrété par des Schizophytes, se rapprochant' de- la diastase, de la ptyaline et du suc gastrique, et capable de transformer l'urée en carbonate d'ammoniaque en l'absence de ferment figuré. Dans leur com- munication à l'Institut (ij, Pasteur et Joubert laissent supposer qu'ils ont reconnu l'existence de ce ferment, auquel Miquel propose d'appliquer le nom d'urase le jour où son existence sera clairement démontrée. Les pre- miers résultats obtenus par Miquel en vue d'isoler le ferment soluble de l'urée et de rendre son existence palpable n'ayant pas répondu à son attente, il laissait entendre dans son Mémoire que la sécrétion du ferment soluble par les Schizophytes était loin d'être démontrée ; quelques mois plus tard, grâce à un modus faciendi spécial, il parvenait à le mettre en évidence et à en obtenir des quantités considérables. Nous avons recherché la présence du ferment soluble sécrété par les différentes mucédinées simples étudiées ci-dessus, capable d'opérer le dé- doublement de l'asparagine et de l'urée. Pour l'isoler, les solutions nutri- tives, au moment où le champignon est en pleine vigueur, sont mises à dialyser. L'appareil à dialyser que nous utilisons consiste en un récipient en verre, dans lequel on fait plonger, soit des boyaux dialyseurs renfermant les solutions nutritives, soit du parchemin maintenu par un cercle en bois, de façon à pouvoir contenir les solutions à dialyser, le tout recouvert d'une cloche en verre. Pour stériliser, nous avions de prime abord employé une solution de sublimé à 5 0/0 ; mais, malgré les lavages à l'eau distillée stérile, il restait toujours une trace de chlorure mercurique suffisante pour entraver l'activité de la diastase; du moins avons-nous attribué à cette cause les premiers résultats obtenus, bien différents des résultats subséquents. C'est ce qui nous a déterminé à adopter un autre mode de stérilisation. On introduit le récipient en verre, ainsi que les boyaux dialyseurs, dans une marmite remplie d'eau que l'on porte lentement à l'ébuUition et que (1) Comptes rendus de l'Académie des Sciences, t. XXX. FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCÉDINEES SIMPLES 309 l'on maintient à cette température pendant un quart d'heure; on retire l'appreil au moyen de pinces stériles et on recouvre immédiatement le tout de la cloche stérilisée au sublimé à 5 0/00. On introduit dans le récipient en verre un litre d'eau stérilisée par ébullition ; on y fait plonger le boyau dialyseur rempli de la solution nutritive et, au bout de 48 heures, le dialysat est prêt à être employé. Chaque fois que nous désirions prélever des échan- tillons, nous avons eu soin d'asperger tout ce qui se trouvait à proximité de l'appareil, d'une solution à 5 0/00 de sublimé au moyen d'un pulvérisa- teur. Les pipettes destinées à prélever les échantillons étaient portées à l'étuve à air à 180° et munies d'un tampon de ouate. Dans le dialysat d'une solution nutritive d'asparagine ayant servi au Pénicillium violaceum, nous avons prélevé, au moyen d'une pipette stérile, trois échantillons de 10 ce. chacun, que nous avons mis en contact avec 30 ce. d'asparagine N/io et répartis dans trois tubes stérilisés dans l'eau bouillante. Ces trois tubes munis chacun d'un tampon de ouate stérile sont laissés à 25° pendant 7 heures. Comme il y a toujours une certaine quantité d'ammoniaque qui dialyse, nous avons dû doser cette quantité qui repré- sente le témoin. Tous les dosages ont été faits au carbonate de chaux précipité. Témoin 13 mgr. 600 NH^. Après 5 h. de contact 15 mgr. 385. Après 6 h. 15 mgr. 725. Après 7 h. 15 mgr, 98. Nous avons donc après 7 h. de contact à 25°, 2 mgr. 38 NH,. Trois nouveaux échantillons prélevés dans les mêmes conditions que précédemment sont laissés pendant 6 h. au bain-marie, en maintenant la température à 50°. Témoin 13 mgr. 6 NH,. Après 2 heures 15 mgr. 13. Après 3 heures 15 mgr. 81. Après 6 heures 18 mgr. 02. Après 6 heures, nous avons 4 mgr. 42 d'NH, formée, soit 442 mg-r. par litre. Nous avons renouvelé ces expériences en nous servant de solutions nu- tritives des différents champignons, hormis celles du Botrytis cinerea et du Fiisariiim, et en variant les températures. 310 Oscar SEMAL A 40° au bout de 3 heures 1 mgr. 02 NH^ formée, 44° " " 1 mgr. 7 „ 50° » » 2 mgr. 04 „ 52° » " 2 mgr. 38 y> 58° au bout de 4 h. 1/2 5 mgr. 10 « 60° au bout de 3 heures 1 mgr. 3 » Des expériences précédentes nous concluons à la présence d'un ferment soluble sécrété par les différents champignons soumis à l'étude et à la pro- priété qu'a ce ferment de produire le dédoublement de l'asparagine. Il ré- sulterait des différentes expériences que nous avons faites, que la température optimum du ferment aspartique serait voisine de 58°; mais cette donnée n'est qu'approximative, attendu que nous avons dû employer, pour nos expériences, des dialysats provenant de différentes solutions nutritives. Nous avons également répété les expériences précédentes sur les dia- lysats de l'urée, ayant servi de nourriture au Pénicillium violaceiim. Nous nous sommes préalablement assuré de l'absence de tout microbe par un examen microscopique et nous avons pris les plus minutieuses précautions pour éviter une infection. lo ce. de ce dialysat, mis en contact avec 5 ce. d'une solution normale d'urée, donnent au bout de 6 h., à 40°, 3 mgr. 57 NH^. L'urée se dédouble donc également sous l'influence d'un ferment soluble. Mais le ferment soluble sécrété par le Pénicillium violaceum dans l'urée est-il le même que celui qui est sécrété par le même Pénicillium dans l'aspa- ragine? En un mot, le ferment soluble de l'urée peut-il transformer l'aspa- ragine et réciproquement? A cet effet, nous avons mis dans deux tubes à essai du dialysat prove- nant d'une solution nutritive d'urée en contact avec une solution N/10 d'asparagine ; et dans deux autres tubes à essai du même dialysat en contact avec une solution normale d'urée. Les tubes à asparagine n'ont absolument rien donné, tandis que l'urée avait subi une transformation assez notable. Pour que l'expérience fut tout à fait concluante, nous avons fait l'in- verse. Pendant 2 jours, une certaine quantité de dialysat (10 ce. renfermant le ferment aspartique) a été mise en contact avec 10 ce. N/io urée. Le dosage de l'ammoniaque ne révèle aucun changement dans l'urée, tandis que l'asparagine accuse une assez forte quantité d'ammoniaque. Ces résultats répétés nous permettent de tirer une conclusion rigou- FERMENTATION AMMONIACALE DUE AUX MUCEDINEES SIMPLES 311 reuse à cet égard : les ferments solnbles aspartique et uréique possèdent une individualité propre. Température de destruction du ferment de l'urée. Pour déterminer la température de destruction du ferment, nous avons suivi la méthode indiquée par Bourquelot (i). L'urée contenue dans un des ballons Pasteur ayant servi de nourriture au Pénicillium violaceum est enlevée et remplacée par de l'eau distillée qu'on maintient 48 heures sous cette culture. On introduit dans chacun des 15 tubes stérilisés 10 ce. de cette eau distillée. On porte les tubes au bain-marie, en réglant la chaleur produite de façon que la température s'élève de 2 degrés par minute. Les tubes sont retirés successivement à partir du moment où le thermomètre marque 40°, le dernier tube est retiré à 70°. Après refroidissement, le dia- lysat de chaque tube est additionné de 5 ce. d'une solution normale d'urée, on laisse ces solutions en contact pendant 24 heures, puis on procède au dosage de l'ammoniaque dans les différents tubes. La quantité d'ammoniaque produite est sensiblement la même à 42°, 44°, 46"; à partir de 48°, elle va en augmentant jusque 58°; à 58°, le maxi- mum est atteint et se maintient jusque 60°; à partir de 60°, l'activité du ferment va en s'affaiblissant jusque 68°; à 68°, on ne trouve plus d'am- moniaque produite. La température de destruction du ferment soluble de l'urée, dans les conditions où ces expériences ont été faites, se trouverait donc entre 66" et 68°. Température de destruction du ferment aspartique. En procédant de la même façon que pour le ferment soluble de l'urée, l'analyse nous donne pour le ferment aspartique les résultats suivants : Les tubes à 42°, 44°, accusent une légère augmentation; à 46° et 48°, l'activité du ferment est sensiblement la même; on peut noter une augmen- tation progressive dans les tubes suivants, à 50° et 52°. A 52", le maximum est atteint; l'activité du ferment va alors en s'atténuant jusque 70°; à cette température, nous ne trouvons plus de trace d'ammoniaque. (I) Bourquelot : Ferments solnbles; p. iSy. 3 1 2 Oscar SEMAL Il résulterait de là que la température de destruction du ferment as- partique serait située entre 68° et 70°. Comme on le voit, cette température est voisine de la température de destruction du ferment uréique. CONCLUSIONS GÉNÉRALES. Des différentes expériences auxquelles nous nous sommes livré dans ce travail, nous pouvons déduire les conclusions suivantes : 1° Certaines mucédinées simples, telles que Pénicillium, Aspergillus, Fusarium, cultivées dans des milieux renfermant des composés organiques à radicaux amidogènes NH,, sont capables de produire la fermentation am- moniacale; 2° Le dédoublement de ces composés azotés se fait à l'aide d'un fer- ment soluble sécrété par ces différents champignons; 3° Ce ferment soluble, dans les deux cas étudiés, possède une indivi- dualité propre à chaque composé. L'ANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE PAR A. VAN GEHUCHTEN Professeur a l'Université de Louvain, (Rapport présenté au XII'™ Congrès international de Médecine tenu a Moscou du 19 au 26 août 1897.) 39 L'ANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE. INTRODUCTION. Nos connaissances concernant l'anatomie fine de la cellule nerveuse datent à peine de quelques années. Elles sont dues, en majeure partie, à l'introduction, dans la technique microscopique, de la méthode de colora- tion au bleu de méthylène connue sous le nom de méthode de Nissl. Vous n'attendez pas de moi que je fasse ici le relevé de tous les travaux antérieurs à cette époque, qui se rapportent à la structure du protoplasme des cellules nerveuses. Qu'il me suffise de vous rappeler que tous les histo- logistes semblent avoir été pénétrés de l'idée que le protoplasme des cellules nerveuses était organisé d'après un type uniforme, commun à toutes les cellules du névraxe. Il en résultait que les observations faites sur le proto- plasme, soit des cellules de la corne antérieure de la moelle, soit des cellules des ganglions spinaux, étaient appliquées directement au protoplasme de toute cellule nerveuse indistinctement. Les premières données se rapportant à une structure quelque peu com- plexe du protoplasme des cellules nerveuses semblent dues à Remak(i) et datent de l'année 1853. Pour ce savant, les cellules des ganglions spinaux de raies sont formées d'une masse fibrillaire (fibrillôse Masse) qui se conti- nue avec des stries analogues dans les parois du cylindre-axe. Pour Stil- ling(2), les fibres nerveuses et les cellules nerveuses étaient composées de fins tubes capillaires. Leydig, Beale et d'autres auteurs encore parlent d'une fine striation en partie concentrique, en partie dirigée dans le sens des prolongements protoplasmatiques, sans mentionner l'existence de véritables fibrilles. Une structure nettement fibrillaire fut admise encore par Frommann. Cet auteur décrit, dans le protoplasme cellulaire, un système complexe de fibrilles par- (i) Remak : Monatsberich. d. Berl. Akad., Sitz. v. 12. Mai iS53. (3) Stilling : Ueber cicii Bail dcr Ncrvenprimitivfasci-n und dcr Nervenzelle, i856. 3l6 A. VAN GEHUCHTEN tant du noyau et du nucléole et rayonnant dans tous les sens dans le corps cellulaire. M. Schultze, Leydig, Kolliker et d'autres ne purent se con- vaincre de cette disposition spéciale des fibrilles protoplasmatiques. C'est alors que M. Schultze(i), se basant sur des observations faites sur les cel- lules nerveuses de la corne antérieure du veau examinées à frais dans le sérum sanguin et sur les cellules nerveuses du lobe électrique de la torpille, admet l'existence, dans le protoplasme cellulaire et dans les prolongements qui en dépendent, de fibrilles séparées les unes des autres par une substance fondamentale chargée de séries linéaires de fines granulations. Ces fibrilles nettement visibles dans les prolongements protoplasmatiques, s'écartent les unes des autres dès leur entrée dans le corps cellulaire. Dans les cellules de la moelle épinière du veau, elles se perdent bientôt - in dem Gewirr sich durchkreuzender Faserchen » et dans un protoplasme granuleux entourant le noyau. Il résulte d'une telle structure, dit M. Schultze, que la cellule nerveuse de la corne antérieure représente uniquement r ein Anfangsorgan fiir den Axencylinder - en ce sens, que les fibrilles qui constituent le pro- longement cylindraxile - ihm auf dem Wege der verastelten Fortsâtze der Ganglienzelle zugefuhrt werden, die Fibrillen also, welche man die Gan- glienzellensubstanz durchziehen sieht, in der Zelle nicht ihren Ursprung nehmen, sondern in derselben nur eine Umlagening erfahren berufs For- mirung des Axencylinderfortsatzes und Ueberleitung in andere verastelte Fortsâtze «. Ranvier(2) admet également la structure fibrillaire des prolongements protoplasmatiques et cylindraxiles. Ces fibrilles peuvent se poursuivre jus- que dans le corps de la cellule nerveuse, dit-il ; mais là, elles ne forment que la couche superficielle, la couche corticale fibrillaire entourant un globe central granuleux. Boll(3) a combattu énergiquement la théorie fibiillaire; pour lui, le protoplasme des cellules nerveuses de l'organe électrique de la torpille est dépourvu de fibrilles préexistantes et se présente uniquement comme fine- ment granuleux. Frommann, Schwalbe(4) et plus tard Carnoy(5) admettent une structure réticulée. (i) M. Schultze : Allgemeincs ùber die Strukturelcmante des Ncrvcnsystcms; Siricker' s na.nàhvich., 1871, pp. 129-133. {2) Raxvier : Traité technique d'histologie, 18S9, pp. 544-545. (3) BOLL : Die Histologie und Histiogenese der nervosen Centra/organe; Berlin, 1872. (4) SCHW.\LBE : Bemerknngen ùber d. Kern der Ganglien^ellen; Jenaische Zeitsch., Bd. X. (5) C.\RNOY : La Biologie cellulaire, 1S84. LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 317 La structure fibrillaire du protoplasme cellulaire, telle qu'elle a été schématisée en quelque sorte par M. Schultze, a compté le plus grand nombre de partisans. A NissL revient le mérite incontestable d'avoir montré l'existence, dans un grand nombre de cellules nerveuses, d'éléments particuliers se colorant vivement par le bleu de méthylène et par les couleurs basiques d'aniline. Ces éléments ont été désignés successivement sous le nom de granules (Nissl), de granulations et concrétions chromophiles (Benda), de stries chromatiques (Friedmann), fuseaux chromophiles (Quervain), corpuscules chromatiques, portions de la substance colorable du corps cellu- laire (Nissl), granulations, filaments et bâtonnets de chromatine (Schaffer), granulations et corpuscules de Nissl (Held), grumeaux et granulations chromatiques (Cajal), corpuscules et éléments chromatophiles (Marinesco), blocs et éléments chromatiques (Van Gehuchten), corpuscules cellulaires de Nissl (Goldscheider et Flatau), etc. La substance qui les constitue, et dont la nature intime nous échappe encore, porte généralement le nom de substance chromatique. Dans ces derniers temps, v. Lenhossek a proposé de la désigner sous le nom de substance tigroïde, voulant rappeler par là l'aspect tout particulier, en quelque sorte tigré, que ces blocs chromatiques donnent au protoplasme des cellules motrices. Ces éléments figurés du corps cellulaire avaient déjà été décrits par Flemming(0 en 1882, Nissl (2) les colora pour la première fois dans les cellules pyramidales de l'écorce par le bleu de méthylène en 1885. Benda (3) les signala, en 1886, dans les cellules nerveuses de la moelle. Virchow (4), RosiN (5), et Kronthal (6), en se servant de méthodes variées, ont observé également, d'une façon indépendante de Nissl, des granulations plus ou moins volumineuses dans le protoplasme d'un grand nombre de cellules Ci) Flemming : \'oin Ban der Spinalganglienr^ellcn ; Beitrage zur Anatomie und Embryologie als Festgabe fur J. Henle, Bonn, 1883. (2) Nissl : Ueber die Untersnchttngsmethodcn der Gross/unvhuic ; Tagebl. der Naturforschcr zu Strasburg, iS85. (3) Benda : Ueber eiiie nette Fdrbemethode des Centralnervensystems und Theoretisches iiber Hàmatoxylinfdrbiingen ; Verhandl. der physiol. Geselsch. zu Berlin. Sitz. 18. Mai 1886. Benda: Ueber die Bedeulung der durch basische Aniliiifdrben darstellbaren Nerven^ellstructuren; Neurolog. Centralbl , iSgS, pp. 759-767. (4) Virchow : Ueber grosse Granula in Nerven^cUen des Kaninchenriickenmarkcs ; Centralbl. f. Nervenheilkunde, 18SS, p. 34. (5) RosiN : Ueber eine neite Fàrbnngsmethode des gesammten Nervcnsystems; Neurolog. Cen- tralbl., 1893, pp. S03-809. (6) Kronthal : Histologisches von den grossen Zcllen in don Vorderhijrnen; "^nurolog. Centr., 1S90. 3l8 A. VAN GEHUCHTEN nerveuses. Il est difficile de dire jusqu'à quel point les granulations décrites par ces auteurs correspondent aux éléments figurés mis en relief par la méthode de Nissl. Ce qui nous paraît indiscutable, c'est que c'est Nissl qui nous a fourni une méthode de coloration en quelque sorte spécifique des éléments chromatophiles; c'est lui qui, le premier, en a donné une des- cription complète et qui a appelé l'attention sur leur valeur morphologique et fonctionnelle. Par sa méthode au bleu de méthylène, Nissl a démontré que le pro- toplasme des cellules nerveuses n'avait pas une organisation uniforme. En colorant des coupes du névraxe par le bleu de méthylène, il a mis en lu- mière ce fait important, c'est qu'au point de vue de leur organisation interne il faut diviser les cellules nerveuses en deux groupes nettement distincts par la façon dont leur protoplasme se comporte vis-à-vis du bleu de méthylène. Les unes se colorent à la fois dans leur noyau et dans leur protoplasme : ce sont les cellules somatochromes de Nissl. Les autres ne fixent le bleu de méthylène que dans leur noyau : ce sont les cellules caryochvonies de Nissl. La structure interne des cellules caryochromes n'a guère encore été étudiée. Je me permettrai donc de les passer sous silence pour m'occuper exclusivement de l'anatomie fine des cellules somatochromes. Le protoplasme des cellules somatochromes est formé essentiellement de deux parties : une partie chromatique ou chromophile se colorant vive- ment par le bleu de méthylène (Nissl), lathionine (v. Lenhossek) ou le bleu de toluidine (Mann) et une partie achromatique vis-à-vis des couleurs d'ani- line. Ces deux parties présentent partout la même organisation interne, ainsi que nous le montrerons dans le courant de ce travail, mais la façon dont elles sont réparties dans le corps cellulaire donne à celui-ci un aspect caractéristique; Nissl s'en est servi pour essayer d'introduire une certaine classification dans le groupe important des cellules somatochromes. Il m'est impossible d'insister ici sur les caractères différentiels de ces multiples types cellulaires, d'autant plus que cet essai de classification fait par Nissl n'est que provisoire. Il repose tout entier sur des caractères mor- phologiques dont, dans l'état actuel de la science, il nous est encore impos- sible d'apprécier la valeur réelle. Le groupe des cellules somatochromes de Nissl correspond à un grand nombre de types cellulaires assez bien distincts au point de vue morpho- logique. Je me permettrai de limiter mon rapport à l'anatomie fine des deux types cellulaires les mieux connus et les plus étudiés jusqu'à présent : les LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 3l9 cellules motrices de la partie inférieure du névraxe et les cellules des gan- glions cérébro-spinaux. Pour chacun de ces deux types cellulaires, je me propose d'étudier avec vous : 1° L'organisation interne du protoplasme et du noyau. 2° Les modifications qu'y déterminent les différents états fonctionnels. 3° Les modifications consécutives aux lésions pathologiques et expé- rimentales des fibres nerveuses qui en dépendent. 4° Les modifications consécutives aux troubles circulatoires et aux intoxications. CHAPITRE I. Organisation interne des cellules nerveuses. A. Cellules motrices. Le protoplasme des cellules motrices, coloré par le bleu de méthylène, se trouve donc constitué d'une partie chromatique et d'une partie achroma- tique. Ces deux parties diffèrent l'une de l'autre non seulement par la façon dont elles se comportent vis-à-vis des matières colorantes, mais encore par leur organisation interne et par leur valeur fonctionnelle. La substance chromatique se présente généralement, dans les cellules motrices, sous forme de blocs irréguliers, plus ou moins volumineux, répar- tis sans ordre apparent dans toute l'étendue du corps de la cellule nerveuse. Ces blocs envahissent également les gros troncs protoplasmatiques; dans ceux-ci ils se présentent sous forme de bâtonnets allongés, fusiformes, placés parallèlement à la direction du prolongement lui-même. Au point de bifur- cation du tronc protoplasmatique, on trouve, d'une façon constante, un cône triangulaire de substance chromatique; c'est le cône de remplissage (Aus- ftillungskegel) de Benda, le cône de bifurcation de Nissl. Les auteurs admettent généralement, avec Simarro et Schaffer, que la substance chromatique manque totalement dans le prolongement cylin- draxile et dans la partie du corps cellulaire immédiatement voisine du point d'origine de l'axone. Ce fait peut s'observer, avec la plus grande faci- lité, dans les cellules des ganglions cérébro-spinaux, ainsi que nous le ver- rons plus loin ; il nous semble cependant difficile à établir, comme règle absolue,, pour les cellules motrices du névraxe. Nous avons étudié des cen- taines de coupes des diverses parties du névraxe colorées à la fois par le bleu de méthylène, qui met en relief la substance chromatique, et par l'éry- throsine, qui colore intensément la substance achromatique, et ce n'est que dans de rares cas que nous avons pu établir, avec quelque certitude, lequel des prolongements de la cellule nerveuse devait être considéré comme le prolongement cylindraxile. Les éléments chromatiques, qu'ils se présentent sous forme de blocs irréguliers et plus ou moins volumineux, ou sous forme de bâtonnets plus LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 32 1 OU moins allongés, ont d'abord été considéi^és comme des masses homo- gènes. DE Quervain(i), le premier, leur décrit des contours irréguliers et les considère comme des agglomérations de granulations plus fines. Quand les préparations sont un peu trop décolorées, dit-il, ?> so sieht man in ihrem Innern blaue Punkte und grossere unregelmâssige blaue Flecke, zwischen denen kleinere oder grossere Liicken liegen. Die feinen Enden dieser Spin- deln scheinen haufig auch aus feinsten Kôrnchen zu bestehen und hângen oft mit den Enden benachbarter Spindeln zusammen. « Nissl(2) a appelé aussi l'attention sur leurs contours irréguliers et sur les fins prolongements filiformes qui en partent pour se perdre dans la substance achromatique. De plus, il a signalé, au centre des éléments chromatophiles, l'existence de petites places incolores, taillées comme à l'emporte-pièce au sein de la masse colorée, qu'il considère comme des vacuoles. On voit, dit-il, ^ in ihrem Innern nicht selten eine oder mehrere scharf umrandete, gewissermaassen mit einem Locheisen geschlagene kleine ungefarbte Stellen die ich M^egen ihres Aussehens Kôrperchenvacuolen genannt habe '-. Benda(3) et Juliusburger(4) les décrivent comme formés d'une sub- stance fondamentale homogène et incolore chargée de granulations exces- sivement fines. V. Lenhossek(5) fait ressortir également les contours irréguliers des éléments chromatophiles; ils ne sont pas homogènes, dit-il, mais on y ob- serve un mélange de tâches claires et obscures et on a l'impression que ces blocs chromatiques ne sont rien d'autres que des agglomérations d'éléments plus petits. " Betrachtet man mit Hilfe starkerer Linse die Konturen der einzelnen Schollen, so ergiebt sich, dass sie selten von ganz scharfen Linien begrenzt sind, vielmehr in der Regel unregelmâssige, oft zackige Grenzen aufweiien, vielfach auch an ihren Randern wie in kleine Granula aufgelôst erscheinen. Auch im Innern lassen sie eine vollkommene Homogenitât ver- missen, belle und dunkle Stellen wechseln in ihnen ab, Vakuolen sind ab und zu sichtbar, und man bekommt oft den Eindruck, als hâtte man es in (i) DE QuEKVAiN : Ueber die Verânderungen des Centralnervensystems bei experimentellen Cachcxia thyreopriva der Thiere; Virchow's Archiv, Bd. i33, 1893, p. 527. (2) NissL : Ueber Rosin's neiie Fârbemethode des gesammten Nervensystems itnd desscn Bemer- kungen i'iber Ganglien^ellen ; Neurolog. Centralbl., 1894, p. loi. (3) Benda : Ueber die Bedeutung der durch basische Anilin/arben darstcllbaren Nerven^iellstnik- tttren; Neurolog. Centr., iSgô. {4) JuLiuSBURGER : Bemerkuiigeit ^ur Patliologie der Gajiglien^elle ; Neurol. Centr., 1896. (5; V. Lenhossek : Der feinere Ban des Nervensystems ; Berlin, iSgS, pp. i55 et i55. 40 322 A. VAN GEHUCHTEN den Schollen mit nichts anderem als mit Konglomeraten von kleineren Bil- dungen zu thun «. D'après des recherches plus récentes (i), il admet encore que les élé- ments chromatophiles sont formés de granulations sphériques excessivement fines et de grosseur variable. Mais à côté de ces microsomes fortement chro- matophiles, les éléments chromatiques renferment encore un second élément constituant » eine blass gefârbte, in ihrem inneren Geftige schwer definirbare Zwischensubstanz, die die Tigroidkorner als Grundmasse zusammenhâlt -. Pour Flemming (2), les éléments chromatophiles sont des aggloméra- tions de granulations plus fines. Becker(3) les croit formés de granulations nombreuses incorporées dans une substance intermédiaire plus fluide. Cajal(4) a insisté également sur les contours irréguliers des blocs chro- matiques signalés par Nissl et v. Lenhossek, ainsi que sur l'existence dans leur intérieur de taches claires. Mais, pour le savant espagnol, les taches claires ne sont pas des vacuoles creusées dans l'épaisseur du bloc chroma- tique et les prolongements filiformes qui relient les éléments chromatophiles à la substance achromatique ne forment pas partie intégrante de la substance qui se colore. Les éléments chromatophiles sont, d'après Cajal, formés de deux parties : une partie incolore, d'une structure soit réticulée, soit spon- gieuse, qui n'appartient pas en propre aux blocs chromatiques, mais qui représente une partie du spongioplasme qui occupe toute l'étendue de la cellule nerveuse; et une partie colorable, sensible au bleu de méthylène, qui ne se présente pas sous une forme nettement figurée, mais qui imprègne les trabécules du réseau ou les parois des mailles du spongioplasme et les couvre d'une couche continue de substance chromatique, dont l'épaisseur varie d'une trabécule à l'autre. C'est cette incrustation irrégulière des tra- bécules du spongioplasme qui fait disparaître plus ou moins la disposition alvéolaire primitive. Si cette incrustation est très abondante, un grand nombre d'alvéoles du spongioplasme peuvent être occupées entièrement par la sub'stance chromatique; on se trouvera alors en présence de blocs plus (i) V. Lenhossek : Uebcr JS'erven^ellenstnictureii ; Verhandl. der Anatom. Gesellsdi., Berlin, 1896, p i5. (2) Flemming : Ueher die Struciur der Xcrrenganglien^ellen; Verhandl. der Anatom. Gesellsch., 1895. — Ucber den Ban der Spinalganglien^ellen bci Sângethieren ; Arch. f. mikr. Anat., iSgS, p. 384. (3) Becker : XX. Wandversammlung der sûdwestd. Xeurol. u. Irrenârzte in Baden ; Archiv f. Psychiatrie, Bd. XXVII, iSgS, p. 953. (4; CVAL ; Estnictitra del protoplasma nervioso; Revisto trimestral Micrograiica, 1S96. LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 323 OU moins homogènes. Si l'incrustation des parois alvéolaires est moins pro- noncée, les blocs chromatiques présenteront un nombre plus ou moins grand de taches claires, qui ne sont rien d'autre que les alvéoles primitives du spongioplasme incomplètement oblitérées. Held(i) admet que les corpuscules de Nissl ont une structure com- plexe. Ils seraient formés de granulations chromatiques englobées dans une masse fondamentale ayant l'aspect d'un coagulum (gerinnselartige Masse), nettement distincte de la masse fondamentale du protoplasme cellulaire, et de vacuoles. D'après Held, les corpuscules de Nissl, de même que les gra- nulations qui les constituent, ne préexisteraient pas comme tels dans la cel- lule vivante. La substance qui les constitue existerait dissoute dans le pro- toplasme cellulaire et serait précipitée sous une forme granuleuse par les réactifs durcissants. Dogiel (2) partage la même manière de voir. Nous nous sommes élevé (3) avec v. Lenhossek (4) contre une telle interprétation. LuGARO (5) considère la substance chromatique comme une substance secondaire qui s'est déposée entre les fibrilles des prolongements protoplas- matiques et aux endroits du corps cellulaire non occupés par le réticulum protoplasmatique. Pour Lugaro, l'image obtenue par la méthode de Nissl n'est que l'épreuve négative de la configuration structurale du protoplasme cellulaire. Dans les blocs chromatiques eux-mêmes, il ne lui paraît pas possible de faire une distinction nette entre une partie fondamentale homogène et des grains qui y seraient inclus. Pour Lugaro, la substance chromatique est constituée d'un mélange de parties plus ou moins confluentes, de colo- rabilité diverse et disposées en forme d'épongé. Marinesco (6) considère les blocs chromatiques, ou mieux éléments chromatophiles, comme il les appelle, comme constitués par des granula- tions élémentaires réunies entre elles par une substance amorphe. (i) Held : Beitràge ^ur Struciiir der Nerven^ellcn und ihrcr Fortsât^e; Archiv f. Anat. und Phys., Anat. Abth., iSgS. (2) Dogiel : Zur Frage ûber dcn fcineren Bail des sympathischen Nervcmtystems bci dcn Sduge- tliieren; Archiv f. micr. Anat., Bd. 46, iSgS. (3) Van Gehuchten : Anatomie du système nerveux de l'homme; 2"? éd., 1S97, p. 242. (4) V. Lenhossek : Ueber Nerven^ellenstructuren ; loc. cit. (5) Lugaro : Siil valore rispettivo délia parte cromatica e délia acromatica nel citoplasma délie cellule nervose; Rivista di patologia nervosa e mentale, 1S96. — Lugaro : Nuovi dati e nuovi pro- blemi délia patologia dclla cellula nervosa; Ibid., 1896, p. 3ii. (6) Marinesco : Pathologie générale de la cellule nerveuse; La Presse médicale, 27 janvier 1897. 324 A. VAN GEHUCHTEN Les recherches que nous avons faites nous-même sur la structure des éléments chromatophiles nous font partager la manière de voir de Cajal. Avant d'exposer le résultat de ces recherches, nous croyons utile de résumer l'état actuel de la science sur la structure de la substance achromatique. La substance achromatique a été considérée, par quelques auteurs, comme une substance amorphe. En 1882, Flemming y a signalé l'existence de fins filaments à trajet irrégulier et flexueux. Rosin (1) admet une fine striation dans la substance fondamentale des cellules nerveuses : r Zwei Substanzen setzen das Proto- plasma der Ganglienzellen zusammen, conclut-il; eine grobkôrnige baso- phile, und eine feinfaserige acidophile Substanz, welche letztere bei Nissl farblos bleibt. " Nissl (2) distingue trois substances dans le corps cellulaire : une sub- stance se colorant fortement par le bleu de méthylène; c'est elle qui con- stitue les -^ tiefgefarbten Korper « de Nissl, généralement connus sous le nom d'éléments chromatophiles. A côté de ces éléments chromatiques, Nissl admet encore l'existence d'une deuxième substance se colorant faible- ment par le bleu de méthylène et d'une troisième substance complètement incolore. Dans la substance incolore interposée entre les blocs chroma- tiques, on trouve, dit-il, r, eine sich blass farbende Substanz die in Form von feinster Kôrnchen, von feinsten Kornchenfaden wohl auch in allerfein- sten glatten Faden auftritt.« En général on peut dire, continue-t-il, - dass dièse schwach gefarbte Substanz ebenso wie die tief gefârbten Korper in der ungefârbten Substanz eingebettet liegen und dass auch die Kôrner und Faden der blass gefârbten Substanz in der Richtung der Langsaxe der Korper angeordnet sind, vielfach auch sich den Langspolen der Korper besonders aber der Spindeln anlegen, so dass beide oder nur eine Spitze der Spindeln hâufig in einen blass gefârbten Faden oder in eine Korner- reihe auszulaufen pflegen «. V. Lenhossek (3) admet, pour la substance achromatique, une structure excessivement délicate dont il n'est pas parvenu à se faire une idée précise : » hellere ungefarbte Plinktchen, dit-il, tauchen in dicht gedrângter Lage- rung auf und verleihen dem Protoplasma ein schaum- oder wabcnartiges (i) Rosin : Ueber eine nette Fàrbungsmethode des gesamynten Nervensystems nebst Bemerkungen ûber Ganglienzellen und Glia:{elle; Neiirolog. Ccntralbl., 1893,. p. 80S. (2) Nissl : Ueber Rosin's neue Fàrbemethode...; NeuroL Centr., 1894, p. loi et 102. (3) V. Lenhossek : Der feinere Ban des Nervensystems; Berlin, 1896, p. iSg. l'anatomie fine de la cellule nerveuse 325 Aussehen. « Il ignore quelle signification il doit donner à ces granulations excessivement fines et il se demande si l'on a devant soi : » ob ein netzfôr- miger oder ein aus zarten Fadchen bestehender Bau « De l'ensemble de ses observations il croit cependant être en droit de tirer les deux conclu- sions suivantes : 1° c'est que si les points clairs qu'il a vus sont des fibrilles, celles-ci doivent être très courtes ; 2° c'est que si ces fibrilles existent, elles sont indépendantes des éléments chromatophiles. La masse fondamentale du protoplasme, dit Held (1), présente mani- festement les apparences d'une structure réticulée (macht entschieden einen netzartigen Eindruck). On y distingue des granulations excessivement fines laissant entre elles des lacunes plus ou moins grandes ; nulle part on n'y distingue de véritables fibrilles. Au niveau du cône d'origine de l'axone, les granulations se juxtaposent en séries linéaires, se rapprochent les unes des autres pour se transformer en fibrilles. Cette structure fibrillaire est nette- ment visible dans les prolongements protoplasmatiques et cylindraxiles. Lugaro admet que la partie achromatique du protoplasme de la cellule nerveuse représente la masse filaire de Flemming; elle présente une struc- ture fibrillaire dans les prolongements protoplasmatiques, dit-il, (2) et réti- culée dans le corps cellulaire. En colorant par l'hématoxyline la substance achromatique de certaines cellules nerveuses en état de chromatolyse, il lui a reconnu une structure nettement fibrillaire. Ces fibrilles sont, sans aucun doute, dit-il, anastomosées entre elles de manière à produire un réti- culum fibrillaire. Becker est parvenu à colorer d'une façon spéciale la partie du corps cellulaire qui reste incolore avec la méthode de Nissl. Il affirme que la partie achromatique du protoplasme cellulaire est la continuation directe dans le corps cellulaire, des fibrilles du prolongement cylindraxile et des prolongements protoplasmatiques. Nissl s'est rallié à cette manière de voir. Flemming (3) affirme que, dans la substance achromatique des prolon- gements protoplasmatiques et de la partie du corps cellulaire immédiate- ment voisine, on voit nettement, entre les blocs chromatiques « eine sehr feine, ziemlich parallèle Streifung ". (i) Held : Loc. cit. (2) Lugaro : SuUe valore rispettivo délia parte cromatica.., ; Revista di patologia nervosa e mentale, 1896, p. 12. — Siille altera^ioni degli elemcnti nervosi ncgU avvelenamenti per arsenico e per piombo; Ibid., 2 février 1897. (3) Flemming : Ueber dcn Bau dcr Spinalganglien^ellen; Arch. f. mikr. Anat., iSgS, p. 392. 326 A. VAN GEHUCHTEN II est possible, dit-il, que cette structure fibrillaire existe aussi au mi- lieu du corps cellulaire, mais je ne puis l'affirmer en toute certitude, parce que sur des coupes fines, il est impossible de poursuivre ces fibrilles sur une certaine longueur. Sur des coupes qui passent par le milieu du corps cellulaire, dit-il ail- leurs (i), on ne voit pas cette structure fibrillaire. Aux endroits dépourvus de blocs chromatiques ^ sieht man nicht punktartige Quer und Schrag- schnitte, sondern den Ausdruck von Durchschnitten eines verastelten Faser- werks. Es macht also den Eindruck, als ob die parallelen FibrillenzUge, zu denen die Zellsubstanz in den Fortsâtzen geformt ist, im Mittelleib der Zelle diesen Parallelismus aufgeben und sich in ein dreidimensional ver- teiltes Fadenwerk umsetzen. ^ V. Lenhossek (2) a signalé également l'existence de fibrilles dans le pro- toplasme des cellules motrices de la moelle épinière de la grenouille et dans les cellules de Purkinje du chien et du cobaye. Mais quand on examine ces fibrilles avec de forts grossissements, dit-il, on voit qu'il ne s'agit pas du tout de véritables filaments, „ sondern um eine undeutlich begrenzte, verschwommene Masse, die sich streifenformig an die Spitzen der Tigroid- schollen anschliesst. " „ Nicht eine directe Differenzirung der Grundmasse des Protoplasmas liegt hier vor, dit von Lenhossek, sondern die streifenfôrmige Einlagerung einer besonderen, wie er scheint feingranulâren Substanz in die kôrnigwabig gebaute Grundsubstanz des Zellkôrpers. " Cajal (3) admet pour la substance achromatique une structure nette- ment réticulée. Les trabécules de ce réseau sont pâles, membraniformes, courtes et droites; elles limitent des mailles polygonales. A chaque nœud de ce réseau on trouve une petite granulation colorable. Ces trabécules achromatiques relient l'un à l'autre les blocs chromatiques, soit directement, quand les blocs sont très rapprochés, soit au moyen de deux ou trois séries de mailles interposées. A la base des prolongements protoplasmatiques, les filaments pâles s'amincissent, les mailles qu'ils délimitent se rétrécissent, (i) Flemming : Ueber die Stniktiir centrale!- Nerven^cllen der Wirbellkiere; Anatomische Hefte, 1896, p. 566. (2) V. Lenhossek : Ueber Nerven^eUenstructuren ; Verhandl. der Anatomischen Gesellschaft zu Berlin, 1S96, p. 17. (3) Cajal : Estructura del protoplasma nervioso; Rivista trimestral micrografica, 1896, p. 7 et 8. LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 32? les grains chromophiles des points d'entrecroisement disparaissent et insen- siblement il se forme une trame incolore, très serrée, que les meilleurs ob- jectifs ne permettent pas de débrouiller d'une façon satisfaisante. La même chose se passe du côté du cylindre axe : les grumeaux et les grains chroma- tiques disparaissant rapidement, les filaments du spongioplasme se con- densent en un réseau très serré et pâle, continu avec la trame fibrillaire du prolongement cylindraxile. L'apparence fibrillaire décrite par les auteurs dans le corps cellulaire résulte peut-être, dit Cajal, de la perception confuse des trabécules longitudinales du réticulum ainsi que des bâtonnets chroma- tiques élargis. Il ne nie pas d'une manière absolue l'existence des fibrilles achromatiques indépendantes décrites par Flemming et Dogiel. Ces fibrilles pourraient exister, dit-il, entre les grumeaux chromatiques; mais la niéthode de Nissl ne permet pas d'en étudier ni la disposition ni les con- nexions. Dans la deuxième édition de notre „ Anatomie du système nerveux " nous avons confirmé (i) la manière de voir de Cajal. Dans quelques-unes des cellules d'origine du nerf oculo-moteur commun du lapin, nous avons pu constater, en toute évidence nous semble-t-il, la structure réticulée de la partie achromatique. Marinesco (2) avait d'abord admis, pour la substance achromatique, une structure fibrillaire, d'accord en cela avec Becker. Dans un travail ulté- rieur (3), il admet que la substance achromatique est „ une substance d'as- pect fibrillaire ou strié dans les prolongements protoplasmatiques et dans le cylindre-axe, semblant former un réseau intra-cellulaire ". Dans son der- nier travail (4), il se base principalement sur la structure de la substance achromatique dans les cellules nerveuses en état de chromatolyse expéri- mentale pour admettre, avec nous, que la partie achromatique est formée de deux éléments : un élément achromatique figuré et un élément achroma- tique amorphe ou substance fondamentale. Cette substance achromatique (i) Van Gehuchten : Anatomie du système nerveux de l'homme; 2e édition, Louvain, 1897, pp. 242 et 243. (2) Marinesco : Des polynévrites en rapport avec les lésions secondaires et les lésions primi- tives des cellules nerveuses; Revue neurologique, 1896, pp. 129-141. (3) Marin'esco : Pathologie générale de la cellule nerveuse; La Presse médicale, 27 jan\ier 1S97. (4) I\L\RiNESco : Kouvelles recherches sur la structure fine de la cellule nerveuse; La Presse mé- dicale, 16 juin 1S97. 328 A. VAN GEHUCHTEN figurée présente une structure fibrillaire dans les prolongements protoplas- matiques et cylindraxiles; dans le corps cellulaire „ elle est constituée par un réseau qui donne au corps de la cellule l'apparence d'une masse spon- gieuse, le spongioplasme ". La structure réticulée de la partie achromatique du protoplasme des cellules nerveuses est encore la conclusion à laquelle nous ont conduit toutes les recherches que nous avons entreprises, dans ces derniers temps, sur l'anatomie fine de la cellule nerveuse. Quand on examine au microscope, avec un objectif à immersion homo- gène, un grand nombre de cellules motrices dans les diverses régions du névraxe, on est sur de rencontrer le type moteur de Nissl au moins sous trois aspects diff'érents. Le plus grand nombre des cellules motrices sont très riches en substance chromatique ; celle-ci se présente sous forme de blocs homogènes ou de blocs granuleux plus ou moins volumineux, répartis dans toute l'étendue du protoplasme cellulaire; la partie achromatique, réduite à de minces traînées séparant les éléments chromatiques, paraît homogène et sans structure. D'autres cellules cependant sont moins riches en substance chromatique; les éléments chromatophiles s'y concentrent plus ou moins dans la partie du protoplasme qui avoisine le noyau en lais- sant libre presque toute la zone périphérique^ Ces cellules se prêtent mieux à l'étude de la partie achromatique. Dans quelques-unes d'entre elles on voit nettement que la partie achromatique du protoplasme cellulaire est formée d'un nombre considérable de fines granulations colorées par le bleu de méthylène, placées presque à égale distance l'une de l'autre et qui peu- vent se poursuivre très loin dans les prolongements protoplasmatiques. Ces granulations ont été observées par un grand nombre d'auteurs et notamment par Nissl qui les décrivait comme représentant une » schwach gefarbte Substanz « et par v. Lenhossek. Dans d'autres cellules nerveuses, ces granulations sont plus pâles, le bleu de méthylène leur a donné à peine une légère teinte bleuâtre, mais toutes ces granulations sont reliées les unes aux autres par de fins filaments délimitant ainsi des mailles plus ou moins régulières de manière à constituer un véritable réseau. Ce réseau protoplasmatique nous paraît exister dans toute l'étendue du corps de la cellule nerveuse; il existe aussi dans les prolongements, mais ici les mailles semblent présenter une disposition plus régulière; il s'ensuit que les points nodaux, superposés en séries plus ou moins régulières, don- nent à ces prolongements un aspect fibrillaire. LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 329 Les mailles de ce réseau sont occupées par une substance amorphe. La partie achromatique du protoplasme des cellules nerveuses n'est donc pas formée exclusivement de fibrilles comme le pensent Benda, Nissl, Becker, Dogiel et Lugaro; elle a une structure beaucoup plus complexe. Elle représente à nos yeux le véritable protoplasme de la cellule nerveuse. Ce qui le prouve, c'est qu'elle forme à elle seule le corps cellulaire de toutes les cellules nerveuses dépourvues de substance chromatique que Nissl a réunies sous le nom de cellules caryochromes. Comme tout protoplasme cellulaire, la partie achromatique de la cellule nerveuse est formée par une partie organisée, la masse filaire de Flemming, le réiiculum plastinien de Carnoy, et une partie non organisée, la masse interfilaire de Flemming, l'enchylème de Carnoy. Ces deux parties entrent également dans la constitution des prolonge- ments protoplasmatiques et du pi-olongement cylindraxile ; la partie orga- nisée y prend une disposition plus régulière donnant naissance à des fibrilles granuleuses dans les prolongements dendritiques, à des fibrilles plus régu- lières et plus nettement distinctes dans toute l'étendue de l'axone. C'est dans ce protoplasme cellulaire ainsi constitué que vient se dépo- ser la substance chromatique. Ce dépôt se fait, d'après nous, sur la partie organisée, c'est-à-dire sur le réticulum. Cette substance chimique spéciale, sensible aux couleurs basiques d'aniline, imprègne d'abord les points nodaux du réseau. A ce stade, la partie achromatique du protoplasme cellulaire, colorée par le bleu de méthylène, présente une structure finement granu- leuse. A certains endroits, quelques granulations superposées s'épaississent considérablement et peuvent même finir par se fusionner complètement; elles donnent ainsi naissance à des bâtonnets chromatiques granuleux ou homogènes de longueur et d'épaisseur variables. A d'autres endroits, la substance chromatique imprègne aussi les tra- bécules qui partent des points nodaux : les granulations devenues un peu plus épaisses présentent un aspect étoile et semblent donner naissance à ces petits prolongements chromatiques, signalés d'abord par de Quervain et par Nissl, qui se perdent dans la substance achromatique. D'autres fois la substance chromatique imprègne les trabécules qui relient les points no- daux; l'on observe alors, dans le protoplasme cellulaire, des filaments chro- matiques à trajet irrégulier, plus ou moins longs, d'où partent de chaque côté de petits prolongements se perdant dans la partie achromatique voi. sine. Cette incrustation des points nodaux et des trabécules voisines par la 41 330 A. VAN GEHUCHTEN substance chromatique peut aller plus loin encore; on comprend facilement qu'au fur et à mesure que les trabécules s'épaississent, les mailles doivent se rétrécir. Si l'incrustation par la substance chromatique se fait sur un grand nombre de trabécules et de points nodaux voisins, toutes ces parties épais- sies finiront par se rapprocher plus ou moins et par donner naissance à un bloc chromatique. Celui-ci ne sera pas homogène, puisque les mailles du réticulum, considérablement réduites, ne sont pas occupées entièrement par la substance chromatique : ces mailles claires au sein du bloc chroma- tique représentent les vacuoles décrites par de Quervain, Nissl et v. Len- HOSSEK. Le bloc chromatique n'aura pas non plus des contours réguliers, parce que de tout son pourtour on verra partir de petites trabécules légère- ment imprégnées par la substance chromatique et qui vont se perdre dans les traînées achromatiques voisines. Si cette incrustation par la substance chromatique devient plus abondante encore, les points nodaux et les trabé- cules arriveront en contact et produiront un élément chromatophile teinté uniformément par le bleu de méthylène et en apparence homogène. Cette façon de comprendre la structure du protoplasme des cellules nerveuses, à laquelle nous ont conduit nos recherches personnelles, cadre complètement avec la manière de voir de Cajal que nous avons exposée plus haut. Elle se rapproche aussi beaucoup des idées de Flemming. Celui-ci admet, il est vrai, une structure fibrillaire pour la partie achromatique, mais ces fibrilles ne sont nettement visibles, dit-il, que dans les prolongements protoplasmatiques et cylindraxiles, tandis que dans le corps cellulaire ces fibrilles semblent se transformer r in ein dreidimensional verteiltes Faden- werk " (i). Les fibrilles du corps protoplasmique, dit-il encore (2), sont en connexion le plus souvent, si pas toujours, avec les amas de granulations chromatiques et on a l'impression „ als ob letztere nur Ein- oder Auflagerun- gen von tingirbaren Granulis an den Faden waren ". Lés éléments chromatophiles ne sont donc pas complètement indépen- dants de la substance achromatique et ils ne sont pas exclusivement formés par des granulations chromatiques unies entre elles par une substance amorphe comme le pensent Nissl, Becker, v. Lenhossek et Lugaro; mais dans la constitution de chaque élément chromatophile, quelque petit qu'il (i) Flemming : Ueber die Stnictur centrale)- Nerven^ellen bei Wirbelthieren ; Anat. Hefte, 1896, p. 567. (2) Flemming : Ueber den Ban der SpinalgangUen^ellen ; Arch. f. mikr. Anat., iSgS, p. 385. LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 331 soit, intervient une partie du réseau protoplasmatique. Ce réseau forme en quelque sorte la charpente du bloc chromatique. Ce sont les points nodaux et les trabécules de ce réseau qui, en s'imprégnant et en s'incrustant de substance chromatique, s'épaississent, se rencontrent, se fusionnent et pro- duisent les éléments chromatophiles de forme et de grandeur variées. La partie chromatique du protoplasme cellulaire ne peut donc pas être regardée, avec Benda (i), comme du protoplasme non différentié ou neiiro- plasnie ayant une tendance à s'imprégner plus ou moins complètement de granulations basophiles; par opposition avec la partie achromatique, la- quelle, formée probablement de fibrilles nerveuses, représenterait la seule partie différentiée, Vaxoplasme de Benda. La partie chromatique ne peut pas non plus être regardée avec Lugaro comme formée uniquement de substance chromatique occupant les inter- valles laissés libres par les fibrilles protoplasmatiques. La partie chromatique présente, pour nous, la même structure que la partie achromatique; toutes deux sont formées d'un réseau protoplasmatique baignant dans un liquide incolore : l'enchylème. Ce qui distingue la partie chromatique de la partie achromatique, c'est que les trabécules du réseau protoplasmatique se sont imprégnées, à ce niveau, d'une substance chimique spéciale sensible aux couleurs basiques d'aniline. Cette structure du protoplasme cellulaire n'appartient pas en propre aux cellules motrices; elle s'observe aussi, plus ou moins nettement accusée, dans toutes les cellules somatochromes du névraxe. Partout on retrouve comme éléments constituants : un réseau protoplasmatique baignant dans un liquide incolore, puis de la substance chromatique imprégnant une par- tie plus ou moins considérable de ce réseau. Ce qui fait donc que les cel- lules nerveuses, colorées par le bleu de méthylène, diffèrent l'une de l'autre au point de vue morphologique, c'est uniquement la façon particulière dont la substance chromatique s'y trouve répartie. Si Ton considère maintenant, d'après les recherches de Nissl, que toutes les cellules qui remplissent les mêmes fonctions présentent une répartition plus ou moins identique de la substance chromatique; tandis que les cellules nerveuses, qui remplissent des fonctions physiologiques différentes, diffèrent aussi l'une de l'autre par le mode dont la substance chromatique y imprègne le réseau achromatique, on arrive à la conclusion que le mode de répartition de la substance sensible (i) Benda : Ueber die Bedeiitiing der diirch basiscke Anilinfdrben darstellbarcn Ncrven;;el!en- structuren ; Neurolog. Centralbl., 1895. 332 A. VAN GEHUCHTEN aux couleurs d'aniline dépend sans aucun doute de la forme et de la dispo- sition spéciale du réseau protoplasmatique, et que celles-ci à leur tour sont en connexion étroite avec la fonction du neurone. Cette manière de comprendre l'anatomie fine de la cellule nerveuse et le mode de constitution des éléments chromatophiles fait entrevoir, par le fait même, la valeur fonctionnelle que nous avons attribuée à la partie chromatique et à la partie achromatique du protoplasme cellulaire. ■ Pour nous, la partie achromatique représente l'élément constituant principal de la cellule nerveuse; la substance chromatique, au contraire, n'est qu'une substance secondaire, nullement indispensable, à l'élément ner- veux; r- espèce de substance de réserve, disions-nous ailleurs (i), qui s'ac- cumule dans le protoplasme cellulaire pendant l'état de repos du neurone, qui diminue pendant son activité fonctionnelle, qui se désagrège et se dis- sout dès que le neurone est lésé dans son intégrité anatomique ou fonction- nelle. Cette substance chromatique n'existe d'ailleurs pas dans toute cellule nerveuse; elle n'est donc pas indispensable à la vie du neurone -. B. Cellules des ganglions spinaux. Le protoplasme des cellules nerveuses constituant les ganglions céré- bro-spinaux est formé, comme le protoplasme des cellules motrices que nous venons de décrire, d'une partie sensible aux couleurs basiques d'aniline ou partie chromatique et d'une partie achromatique. Flemming a décrit le premier, en 1882, dans les cellules des ganglions spinaux des mammifères, l'existence de granulations (Kôrner) fixant les matières colorantes et de fins filaments à trajet irrégulier et fluxueux. Ces deux éléments figurés du protoplasme cellulaire, granulations et filaments, peuvent se présenter sous une forme différente d'une cellule à l'autre : dans les petites cellules, les granulations chromophiles sont généralement fines et les filaments plus serrés, ce qui donne à ces cellules un aspect foncé; dans les cellules plus grandes, les granulations chromophiles sont plus volumineuses et plus distantes l'une de l'autre, ce qui donne au protoplasme de ces cellules un aspect plus clair. Nissl(2) a étudié ces granulations avec sa méthode de coloration au bleu de méthylène. Il les décrit comme des « grôsseren oder kleineren rund- (i) Van Geiiuchten : Anatomie du système nerveux de l'homme; 2'^ édition, Louvain, 1S97, p. 253. (2) Nissi, : MittheUungen ^ur Anatomie der Nerven^elle ; Jahressitz. des Vereins der deutschen Irrenarzte zu Frankfurt a/M., 1893; Allgem. Zeitschr. f. Psych,, Bd. 5o, 1894, pp. 370-376. l'anatomie fine de la cellule nerveuse 333 lichen, ovalen oder spharischen, manchmal auch eckig und unregelmassig gefôrmten Knôtchen die allerfeinste fadige Auslaufer besitzen ". Ces granu- lations chromatiques sont disposées, d'après lui, en couches concentriques autour du noyau. V. Lenhossek(i) n'a pu retrouver, dans les cellules des ganglions spi- naux du bœuf :- weder eigentliche Fibrillen, noch aber kurze, Fadchen, sondern eine schwach fârbbare Grundsubstanz und in dièse in grosserMenge eingestreut lauter kleine Kornchen, die den angewandten Farbstoffen gegen- llber grosse Affinitat zeigen «. Ces corps chromophiles sont en général beaucoup plus fins que les blocs plasmatiques (Plasmaschollen) décrits dans les cellules nerveuses du névraxe et ne leur sont nullement comparables. Ces granulations n'émettent pas de prolongements, contrairement à la ma- nière de voir de Nissl. v. Lenhossek ne trouve partout que des « abge- rundete, scharf begrenzte Knôtchen « . Flemming (2) a repris alors l'étude de la structure interne des cellules des ganglions spinaux. Il avoue que la description donnée par v. Lenhossek des cellules des ganglions spinaux du bœuf est conforme à la réalité : les granulations chromophiles sont petites et leur disposition en couches con- centriques n'est guère nettement prononcée. Dans les cellules du ganglion de Casser de l'homme, la structure est presque la même, avec cette seule différence que les granulations sont plus grosses. Dans les ganglions spinaux du lapin, du chat et du chien, il trouve un mélange de cellules à granulations fines et de cellules à granulations plus volumineuses atteignant et dépassant même le volume des blocs chroma- tiques des cellules nerveuses du névraxe. Ces blocs granuleux (Kôrnerschol- len) ne sont que des agglomérations de granulations plus fines. Il n'existe pas de motif pour ne pas attribuer la même valeur à ces blocs chromatiques des cellules des ganglions spinaux et à ceux des cellules nerveuses centrales, puisqu'ils possèdent la même affinité pour les matières colorantes et qu'ils peuvent se présenter sous le même volume. S'il en est ainsi, dit Flemming, on doit attribuer la même valeur aux granulations plus fines qui caracté- risent les cellules des ganghons spinaux chez le bœuf et chez l'homme. A côté de ces granulations chromophiles, Flemming admet encore l'exis- (,) V Lenhossek : Der feincren Ban des Ncrvensy stems... ; Berlin, 1895. (2) Flemming : Ueber den Bat, dcr Spinalganglien-.ellen bei Sàugetbieven, und Bemerkungen ûber den der centralen Zellen ; Arch. f. mikr. Anat., Bd. 46, i895, PP- 379-394- 334 A. VAN GEHUCHTEN tence de filaments dans le protoplasme cellulaire. Ces filaments sont, d'a- près lui, généralement en rapport avec les amas granuleux. Ils ont un trajet irrégulier et flexueux; on peut les poursuivre quelquefois sur une certaine longueur, sans qu'il soit cependant possible d'établir, d'une façon précise, si ces filaments s'anastomosent les uns avec les autres de façon à donner naissance à un réseau. A côté de ces éléments figurés, granulations et filaments, tous les deux plus ou moins sensibles aux matières colorantes, il existe encore, d'après Flemming, une substance interfilaire, plutôt granuleuse que spongieuse, sans qu'il lui soit possible d'affirmer si cet aspect granuleux de la substance interfilaire est artificiel ou naturel. ■" Die Existenz eines Fadenwerkes in den Zellen an den Praparaten, conclut Flemming, steht also ausser Zweifel. « Cette structure fibrillaire de la partie achromatique a été admise éga- lement par Levi (i). A la io« réunion de la Société anatomique tenue à Berlin en 1896, V. Lenhossek a répondu aux objections de Flemming. Il avoue que, dans les cellules des ganglions spinaux du chien et du chat, il existe des blocs chromatiques souvent disposés en couches concentriques, contrairement à ce que l'on observe dans les ganglions spinaux du bœuf où les granulations chromatiques sont excessivement fines et réparties sans ordre dans toute l'étendue du corps cellulaire. A côté de cette substance chromatique, les cellules des ganglions spinaux présentent encore une substance achroma- tique ou fondamentale, v. Lenhossek n'admet pas l'existence des fibrilles décrites par Flemming, pas plus que les prolongements filiformes qui, d'après Nissl, portent des blocs chromatiques. Sur toutes ses préparations la substance fondamentale présente " ein feinwabig-kôrniges Gefiige. " Dans la discussion qui a suivi cette communication de v. Lenhossek, Reinke a annoncé que, dans les ganglions spinaux du chat, il se rencontre quelques grosses cellules nerveuses complètement dépourvues d'éléments chromatophiles. Dans ces cellules il a pu se convaincre, en toute évidence, de l'existence de fibrilles excessivement fines, aussi fines que les fibrilles du prolongement cylindraxile. La disposition fibrillaire des granulations de Nissl dans les cellules qui en sont pourvues repose, d'après lui, unique- ment sur la structure fibrillaire du protoplasme lui-même. (i) Levi : Contrihuto alla Jîsiologia delta ccUula nervosa; Rivista di patologia nerviosa e men- tale, 1896. LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 335 LuGARo(i)a étudié la structure de la partie achromatique dans les cellules des ganglions spinaux atteintes de chromatolyse périphérique à la suite d'intoxication expérimentale. Il affirme que, dans ces conditions, la coloration du protoplasme cellulaire par l'hématoxyline de Delafield mon- tre, en toute évidence, des fibrilles anastomosées entre elles, de façon à produire un réseau à mailles serrées clans les couches profondes et un réseau à mailles plus larges dans la zone périphérique. Le volume, la forme et la disposition des éléments chromatophiles sont excessivement variables d'une cellule à l'autre. Lugaro ne distingue pas moins de cinq formes cellulaires différentes d'après la manière dont se com- porte la substance chromatique. DoGiEL (2) admet que le protoplasme des cellules des ganglions spinaux est formé d'une substance chromophile, d'une substance fondamentale et de fibrilles. La substance chromophile se présente le plus souvent sous forme de petites granulations, plus rarement sous forme de grains, plus rarement encore sous forme de blocs irréguliers. La substance fondamentale est ho- mogène; quant aux fibrilles, elles se colorent plus ou moins vivement. Elles sont très fines, constituent deux systèmes (des fibrilles équatoriales et des fibrilles méridionales) et n'existent pas seulement dans le cône d'origine du prolongement unique, mais encore dans toute l'étendue du corps cellu- laire. Entre ces fibrilles se trouvent des rangées de granulations chro- mophiles. V. Lenhossek (3) a publié un travail étendu sur la structure des cel- lules des ganglions spinaux de l'homme. Il signale, dans ces cellules, l'exis- tence d'une zone périphérique complètement dépourvue de granulations chromatiques. Cette zone périphérique ne renferme rien d'autre, dit-il, que de fines granulations achromatiques : « feine, glanzende, ungleichmassige hervor- tretende Ptinktchen. - La disposition de ces granulations achromatiques peut être régulière; le plus souvent elle est telle qu'elles semblent consti- tuer un réseau àmailles très étroites. « Ihre Anordnung schien bald eine gleichmassige, bald aber — und dies entspricht wohl dem gewôhnlichen Verhalten — eine derartige zu sein dass sic sich mehr oder weniger zu (i) Lugaro : Siilla altera^ione dcgli elcmenti nervosi negli avvelinamenti per arscnico e per piombo; Rivista di patologia nerviosa e mentale, 1897. (2) DoGiEL : Der Ban der SpinalgangUen bei den Sdugetldercn ; Anat. Anz., 1S96, p. i5o. (3) V. Lenhossek : Ueber den Bail der SpinalgangHcn^cllen des Menschcn; Archiv f. Psych., Bd. 29, 1897, pp. 345-380. 336 A. VAN GEHUCHTEN einem Netzwerk mit sehr engen Maschen zusammenordnen, so dass der Eindruck einer wabigen Structur hervorgerufen wird. ^ La partie achromatique du protoplasme des cellules nerveuses, conclut V. Lenhossek, possède donc une structure granulo-spongieuse (kôrnig-wabi- gen) ou mieux encore pseudo-spongieuse (pseudo-wabigen). Dans aucune de ses préparations il n'a pu se convaincre de l'existence d'une véritable structure fibrillaire. Les fibrilles décrites et figurées par Dogiel lui paraissent trop grosses et trop régulières pour qu'on puisse les identifier avec les fibrilles de Flemming. Marinesco, en étudiant les cellules des ganglions spinaux atteintes de chromatolyse périphérique, s'est prononcé également en faveur d'une struc- ture réticulée du protoplasme de ces cellules nerveuses. Les recherches que nous avons faites nous-méme sur la structure du protoplasme des cellules des ganglions spinaux ne nous ont pas conduit à des résultats assez positifs pour prendre position dans le débat. Les coupes colorées par la méthode de Nissl, les seules que nous ayons eu le temps d'étudier jusqu'ici, ne permettent pas de pénétrer la structure de la partie achromatique. Quant à la partie chromatique, elle peut se présenter sous les formes les plus diverses. Dans les ganglions spinaux de porc, nous n'avons rencontré que de fines granulations chromatiques réparties sans ordre appa- rent dans toute l'étendue du corps cellulaire. Dans les ganglions spinaux du lapin, au contraire, on peut rencontrer, côte à côte, des cellules nerveuses dont les unes sont chargées de granulations chromophiles plus ou moins régulières, tandis que les autres présentent des blocs chromatiques en tous points comparables aux éléments chromatophiles des cellules motrices. Dans un certain nombre de cellules atteintes de chromatolyse à la suite de la section du nerf périphérique, nous avons cependant rencontré d'une façon plus ou moins évidente, une structure réticulée. En nous basant sur les recherches de Lugaro, de Flemming, de v. Lenhossek, et de Marinesco et sur nos propres observations, quelque in- complètes qu'elles soient, nous croyons pouvoir admettre, pour le proto- plasme des cellules des ganglions spinaux, la même structure réticulée que nous avons décrite pour le protoplasme des cellules motrices. Ce qui caractérise les cellules des ganglions spinaux et ce qui les diffé- rencie des cellules motrices, c'est la forme spéciale sous laquelle s'y présente le plus souvent la substance chromatique. l'anatomie fine de la cellule nerveuse 337 Celle-ci, en effet, est généralement peu abondante dans les cellules des ganglions spinaux; de plus, elle semble se déposer de préférence aa niveau des points nodaux du réseau protoplasmatique, pour donner naissance à ces granulations chromatiques qui, dans les ganglions spinaux du bœuf, du porc et de l'homme, envahissent tout le corps cellulaire. Chez certains animaux cependant (lapin, chien et chat) les cellules des ganglions spinaux sont plus riches en substance chromatique; dans ces conditions elle incruste, avec les points nodaux, quelques-unes des trabécules du réseau pour donner nais- sance aux corpuscules chromatiques étoiles décrits par Nissl ou même aux filaments granuleux et aux éléments chromatophiles plus volumineux décrits par Flemming, Lugaro et Marinesco et que nous avons rencontrés également dans un grand nombre de cellules nerveuses. Quelle que soit d'ailleurs la forme sous laquelle se présente la substance chromatique dans les cellules des ganglions spinaux, une chose nous parait certaine, c'est que, d'accord en cela avec Flemming, les éléments chromato- philes de ces cellules nous paraissent avoir la même valeur morphologique et fonctionnelle que les éléments chromatiques des cellules motrices. Et ce qui prouve bien qu'il en est ainsi, ce sont les deux faits suivants : 1° dans les cellules des ganglions spinaux excessivement riches en substance chromatique, les éléments chromatophiles prennent très souvent la forme, le volume et tous les autres caractères morphologiques des éléments chro- matophiles des cellules motrices, la cellule des ganglions spinaux ressemble alors morphologiquement au corps d'une cellule motrice, abstraction faite des prolongements protoplasmatiques; 2'^' quand, dans une cellule motrice, la substance chromatique diminue considérablement, comme cela s'observe dans certains stades consécutifs à la section expérimentale du nerf périphé- rique, par suite de la désagrégation et surtout de la dissolution des blocs chromatiques, il arrive un moment où tout le corps cellulaire se trouve par- semé de fines granulations chromatiques. La cellule motrice ressemble alors en tous points à une cellule des ganglions cérébro-spinaux. C. Cône d'origine de l'axone. Dans l'étude que nous venons de faire de la structure interne du pro- toplasme des cellules motrices et des cellules des ganglions spinaux, nous avons négligé, à dessein, de parler du cône d'origine du prolongement cylin- draxile. Le moment est venu d'en aborder l'étude. L'endroit du corps cellulaire d'où nait le prolongement cylindraxilc a 42 338 A. VAN GEHUCHTEN été signalé, pour la première fois, par Benda en 1886 : » Der Axencylinder- fortsatz, dit-il (1), zeigt gleichmassige dunkle Farbung und scheint meist einem dunkleren Theil der Zellen zu entspringen. « En se basant sur les résultats fournis par une méthode spéciale de coloration à l'hématoxyline, Benda . considéra ce cône d'origine comme dépourvu de granulations chro- mophiles, et comme formé de la même substance chromatique que celle qui consitue les éléments chromatophiles, Simarro (2) et Schaffer (3), sans connaître les observations de Benda, ont alors décrit ce cône d'origine de l'axone, dans les cellules nerveuses de la corne antérieure, comme complète- ment formé de substance achromatique. Le prolongement cylindraxile, dit Schaffer, est homogène; il prend naissance « aus einem homogen-blassen, chromatinbaren,kegelartigenAbschnitt des ZelUeibes. Das Chromatingertist erscheint gegen diesen homogenen Hiigel zu allmahlich feiner gekôrnelt ". Benda (4) s'est rallié à cette manière de voir. Ce cône cellulaire, que Flemming (5) a désigné dans la suite sous le nom de Polstelle ou Polkegel, se montre avec la plus grande netteté dans les cellules des ganglions spinaux à la base du prolongement unique. Nit3L(6) le décrit clans les termes suivants : „ Der Fortsatz, dit-il, entspringt meist aus einem Hofe von vorwiegend ungefarbten Substanz, der an der Peripherie der Zelle gelegen, sich gegen den ubrigen Zellleib halb- kreis- oder hufeisenfôrmig abgrenzt. " Nissl ne dit rien de sa structure in- terne si ce n'est qu'il est formé de substance achromatique. v. Lenhossek partage la même manière de voir. Pour les cellules mo- trices de la corne antérieure de la moelle (7), il décrit le cône d'origine de l'axone comme transparent et homogène (durchsichtiger, homogener Be- schaffenheit). Il revient sur ce cône d'origine à propos des cellules des gan- glions spinaux (8) et le décrit également comme homogène : » Ich habe den Hiigel " homogen « genannt, dit-il, Avcil er nicht nur irn Verhilltniss zu dem mit Kôrnchen iiberfiillten Zellleib diesen Namen in vollem Masse (i) Benda : Ueber eine neiie Fàrbemethode des Centralnervensystems und Theoretisches ûber Hàynatoxylinfdrbungcn; Verhandl. der phys. Ges. zu Berlin, i8 mai iS86. (3) SiMAKRO : Investigacioncs sobre la estructura de las ccllulas nerviosas; iSgo (cité par Cajal). (3) Schaffer : Kur^e Anmerkung ûber die morphologische Différent des Achsencylinders im Vcrhàltnisse ^u den protoplasmatisehen beim Nissl's Fortsat^en/drbiing ; Neurolog. Centralbl., iSgS, p. 173. (4) Benda : Neurolog. Centralbl., 1894, P- Si. (5) Flemming : Ueber den Ban der SpinalgangUen^ellen bel Sâugethieren ; Arch. f. mikr. Anat., Bd. 46, 1895. (6) Nissl ; Mittheihingen :^ur Anatomie der Nerven^^ellen ; Allg. Zeitschr. f. Ps}'ch., BJ. 5o, 1894. (7) V. Lenhossek : Der feinere Bail des Servensystems ; iSgô, p. 157. (8) Ibidem, p. 173. l'anatomie fine de la cellule nerveuse 339 verdient, sondern bei mittleren Vergrosserungen in der That auch vollkom- men strukturlos, glasig durchsichtig erscheint. Mit den stârksten Immer- sionen betrachtet, bemerkt man freilich eine feine intime Struktur darin, dasselbe zarte achromatische schaumartige Gefiige, von dem oben die Rede war ". Ce cône d'origine, pas plus que le prolongement cylindraxile, ne présente aucune trace de structure fibrillaire. Pour mieux mettre en évidence la partie du protoplasme cellulaire qui ne se colore pas avec la méthode de Nissl, Held(i) s'est servi d'un procédé de double coloration : l'érythrosine qui colore intensément la sub- stance achromatique de Nissl et le bleu de méthylène. Avec ce procédé, il a retrouvé le cône d'origine du prolongement cylindraxile dépourvu de gra- nulations chromatophiles vis-à-vis des couleurs basiques d'aniline. Ce cône n'est pas homogène, pas plus que le prolongement qui en provient ; mais il se montre nettement fibrillaire. On vuit clairement, dit-il, - wie die fein- sten, mit Erythrosin leuchtend roth gefârbten Kôrnchen sich dem eigent- lichen Achsencylinder zu in Reihen ordnen, sich fester aneinanderfiigen und, deutlicher von den Nebenreihen getrennt, zu Fibrillen sich zusammen- drangen. Der Achsencylinder selbst erscheint langstreifig «. Des observa- tions de Held il résulte encore, que le cône d'origine de l'axone se continue insensiblement avec la substance achromatique du protoplasme cellulaire; contrairement à la manière de voir de v. Lenhossek qui semble vouloir établir une limite précise entre les deux parties : " Die Kôrnelung des Zellprotoplasmas, dit v. Lenhossek, hurt an der Basis des Hugels mit einer scharfen, konkaven Linie auf «. Flemming (2) a étudié, à la même époque, le prolongement conique des cellules des ganglions spinaux sur des matériaux durcis par l'alcool et par le sublimé et colorés lentement par l'hématoxyline. Il a trouvé, dans ces conditions que ce prolongement conique avait une structure nettement fibrillaire. Cette structure fibrillaire, dit Flemming, avait été vue, pour la pre- mière fois, par Reinke, vers la fin de l'année 1894, sur des matériaux fixés par le liquide de Hermann. Cet épanouissement fibrillaire de l'axone dans le corps de la cellule nerveuse n'existe que dans la partie périphérique du cône, tandis que sa partie centrale présente 7, eine mehr verworren-faserige Structur, keineswegs aber eine bloss kôrnige oder schaumige «. Cette même structure fibrillaire se rencontre dans le prolongement cylindraxile. (i) Held : Loc. cit. (2) Flemming : Uebcr dm Bau dev Spinalganglien^dlen bei Sàugethiere; Arc\\. i. mXkr. A.n3X., \d<)5. 340 A. VAN GEHUCHTEN Cajal(i) décrit le cône polaire comme dépourvu de grumeaux et de grains chromatiques; ceux-ci disparaissent insensiblement et les filaments du spongioplasme se condensent en un réseau serré et pâle se continuant avec la trame fibrillaire de cette expansion. A la 10-- réunion de la Société Anatomique tenue à Berlin en 1896, V. Lenhossek (2) est revenu sur la structure du cône d'origine de l'axone. Il confirme cette fois les observations de Flemming concernant la fine stria- tion fibrillaire du prolongement cylindraxile et de son cône d'origine, mais il croit que la disposition de ces fibrilles dans le cône n'est pas telle que Flemming l'a décrite : r^ Die Fibrillen scheinen ihm nicht einfach pinsel- formig aus dem Fortsatz in dem Hugel, sondern in letzterem eine Art Wir- bel zu bilden mit der Einpflanzungsstelle des Fortsatzes als Mittelpunkt. « Dans son travail le plus récent sur la structure des cellules des gan- glions spinaux de l'homme (3), v. Lenhossek a signalé également la struc- ture fibrillaire du prolongement de ces cellules nerveuses. Dans le cône d'origine de ce prolongement il n"a pu retrouver des fibrilles, mais bien '^ eine undeutliche feinkôrnige Structur. - Dans les cellules des ganglions spinaux du chien il a pu poursuivre les fibrilles jusque dans le cône polaire, mais ces fibrilles ne présentent pas la disposition décrite par Flemming. Sur des coupes longitudinales il n'a jamais vu que r- eine feine dichte Punk- tirung oder Andeutungen einer verworrenen Geflechtstructur '^. Sur des coupes transversales du cône lui-même il a vu r eine feine blasse circularen Streifung um den Fortsatz herum die sich gegen die Rander der Scheibe hin allmahlig verlor «. Il conclut de ces observations ^ dass die Fibrillen des Fortsatzes im Kegel eine Spiraltour, eine Art von Wirbel mit dem Fort- satz als Mittelpunkt beschreiben, dass sie aber schon in einiger Entfernung vom Rande des Kegels, ohne an das kôrnige Zellplasma heranzutreten, ihr Ende erreichen «, D0GIEL (4) a étudié, à l'aide de sa méthode au bleu de méthylène, la structure des cellules nerveuses des ganglions spinaux. D'après lui, le cône d'origine du prolongement unique renferme des granulations chromophiles comme le reste du protoplasme cellulaire. Il présente une structure nette- ment fibrillaire. Ces fibrilles peuvent être poursuivies à travers toute l'éten- due du corps de la cellule nerveuse. (i) Cajal : Estructura de! protoplasma ncrvioso; Rivista trim. micrographica, iSgô. (2) V. Lenhossek : Ueber Nerven^ellenstructuren ; Loc. cit. (3) V. Lenhossek : Ueber den Bail der SpinalgangUen^ellen des Mensc/ten ; Arch. f. Psychiatrie, 1S97. (4) DoGiEL : Der Bau der Spinalganglien bei den Sâugethieren ; Anat. Anz., 1S96, p. i5o. LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 341 LuGARO et Marinesco admettent également que le cône d'origine du prolongement cylindraxile des cellules des ganglions spinaux, dépourvu d'éléments chromatophiles, présente une structure nettement fibrillaire et que ces fibrilles peuvent être poursuivies jusque dans le protoplasm.e cellu- laire où elles se continuent avec les trabécules du réseau. Un fait dont on peut se convaincre avec la plus grande facilité, en employant la double coloration à l'érythrosine et au bleu de méthylène, c'est que le cône d'origine du prolongement unique des cellules nerveuses des ganglions spinaux est complètement dépourvu de granulations chroma- tophiles. Nos observations nous obligent donc à nous ranger du côté de Benda, Nissl, V. Lenhossek, Flemming, Lugaro et Marinesco et à com- battre l'opinion de Dogiel, d'après laquelle les éléments chromatophiles s'observeraient également dans ce cône. Quant à la structure interne de ce cône d'origine, nous devons admettre avec V. Lenhossek, que, sur des coupes provenant de pièces fixées dans l'alcool à 96° et colorées à la fois par l'érythrosine et le bleu de méthylène, la structure fibrillaire de ce cône n'est nullement évidente. Un cône achromatique a été décrit également, par la plupart des au- teurs, au point d'origine de l'axone des cellules motrices. Nous ne voulons nullement contester la rectitude de cette observation. Mais nous devons cependant faire remarquer que, dans les centaines de coupes passant par des noyaux moteurs des diverses régions du névraxe que nous avons étu- diées, il nous a été rarement possible d'affirmer avec toute certitude que le cône dégarni d'éléments chromatophiles que l'on voyait à l'une ou l'autre cellule était bien le cône d'origine de l'axone. Il arrive, en effet, très fré- quemment, que les granulations et les bâtonnets chromatiques font défaut à l'origine des prolongements protoplasmatiques; de telle sorte que si ces prolongements ont été coupés dans le voisinage du corps cellulaire, ils peu- vent en imposer pour le cône d'origine de l'axone. Nous savons d'ailleurs, par la méthode de Golgi, que le prolongement cylindraxile des cellules motrices ne nait pas toujours du corps même de la cellule nerveuse, mais que très souvent il provient d'un tronc protoplas- mique dans le voisinage plus ou moins immédiat du corps cellulai:"e. Dogiel admet d'ailleurs (1), pour les cellules des ganglions sympathiques et pour (1) Dogiel : Zur Frage liber den feineren Ban des sympathischen Nervensystems bci den Sâu- gcthkren; Arch. f. mikr. Anat., Ed. 46, iSyS, p. 33o. — Die Struchir der Nen'eiqellen der Retina ; ibidem, p. 408. 342 A. VAN GEHUCHTEN les cellules ganglionnaires de la rétine, que le cône d'origine de l'axone est pourvu de granulations chromatiques comme les cônes d'origine des pro- longements protoplasmatiques, que tous ces cônes ont une structure nette- ment fibrillaire et que la seule différence qui existe entre l'origine de l'axone et l'origine des prolongements dendritiques, c'est que des trois éléments qui constituent tout le protoplasme cellulaire (fibrilles, substance fondamentale et granulations chromatiques), les fibrilles prédominent dans le cône d'ori- gine de l'axone, tandis que la substance fondamentale prédomine dans le cône d'origine des prolongements protoplasmatiques. Les deux renferment des granulations chromatiques. V. Lenhossek (1 ), rappelant ces observations de Dogiel, fait remar- quer à juste titre que l'absence de pôle conique achromatique au point d'origine du cylindre-axe dans les cellules étudiées par Dogiel ne prouve nullement que ce cône doit faire défaut également aux cellules motrices et aux cellules des ganglions spinaux. Ce cône d'origine (Ursprungshtigel) ne lui paraît exister que pour certaines espèces de cellules; c'est ainsi qu'il fait défaut aux cellules de Purkinje du cervelet et aux cellules pyramidales de l'écorce. De toutes ces observations sur le cône d'origine de l'axone, il semble donc résulter que, s'il existe d'une façon constante aux cellules des ganglions spinaux, il peut faire défaut aux cellules motrices et manque le plus souvent pour toutes les autres cellules du névraxe. Ce cône présente une structure nettement fibrillaire; les fibrilles qui le constituent s'écartent les unes des autres à leur entrée dans le corps cellulaire, pour se continuer avec les tra- bécules du réseau protoplasmatique. D. Le Noyau. Pour terminer l'étude de l'anatomie fine de la cellule nerveuse, il nous reste encore à parler du noyau. Le noyau des cellules somatochromes (cellules motrices et cellules des ganglions spinaux) paraît avoir une structure excessivement simple. Sur des coupes du névraxe, fixées par l'alcool ou le sublimé corrosif et colorées par les couleurs basiques d'aniline, on voit que le noyau est nettement séparé du cytoplasme environnant par une membrane bien apparente. Son centre est occupé par un nucléole volumineux fixant énergiquement les matières (I) V. Lenhossek : Ueber den Bau dcr Spiiiali^iiiiglieii^cllcn des Menschen; Arch. f. Psychia- trie, 1S97, p. 373. l'anatomie fine de la cellule nerveuse 343 colorantes d'aniline. Ce nucléole est le plus souvent unique. Quelquefois cependant on en rencontre deux. Il n'est même pas très rare d'en observer trois ou quatre. Ce nucléole parait le plus souvent homogène. De temps en temps on y observe une ou plusieurs petites taches claires signalées déjà par NissL, Cajal et v. Lenhossek et que ce dernier considère comme des va- cuoles. Sur des coupes colorées par le bleu de méthylène on voit encore vaguement quelques trabécules irrégulières et anastomosées entre elles se rendre du pourtour du noyau vers la face profonde de la membrane nu- cléaire. Cette partie organisée du caryoplasme se colore vivement par l'éo- sine ou par l'érythrosine. Elle se présente sous la forme d'un réseau à mailles très larges et très irrégulières, occupées par un liquide incolore. Ce réseau nucléaire a été bien décrit par v. Lenhossek : les trabécules qui le constituent ont des contours irréguliers, elles semblent constituées d'une masse fondamentale chargée de granulations plus ou moins volumineuses. Ces granulations se colorent vivement par Thématoxyline diluée de Delafield. Dans le voisinage du nucléole et contre la face interne de la membrane nucléaire, ces granulations sont plus abondantes et plus serrées. Quand on emploie la double coloration recommandée par v. Lenhossek : bleu de méthylène et érythrosine, le nucléole seul fixe le bleu de méthylène, tandis que le réseau du caryoplasme se colore vivement en rouge : le nu- cléole est donc basophile tandis que la partie organisée du caryoplasme se montre acidophile. Levi(i) a coloré les cellules nerveuses du cobaye parla liqueur de Biondi diluée et par un mélange de safranine, de fuchsine et de vert de méthyle. Le nucléole et le réseau du caryoplasme ont fixé la fuchsine, tandis que le vert de méthyle a mis en évidence quelques blocs irréguliers situés dans le voisinage immédiat du nucléole et qui, pour Levi, représentent seuls la chromatine basique de Heidenhain. V. Lenhossek, qui a contrôlé les observations de Levi sur les cellules nerveuses du chien et de l'homme, n'a pu retrouver les blocs basophiles de Levi. Cet auteur semble attacher une grande importance à ce fait que le réseau du caryoplasme est acidophile; il en tire la conclusion que le noyau des cellules nerveuses forme exception à la règle commune : il serait privé complètement de chromatine ou de nucléine, contrairement à ce que l'on observe dans les noyaux des autres cellules de l'organisme. Nous ne pou- (i) Levi : Su alcune particolariia di striitturci dcl nucleo délie cellule nervosc ; Rivista di pa- tologia nervosa e mentale, 1896, pp. 141-148. 344 A. VAN GEHUCHTEN vons partager cette manière de voir de v. Lenhossek. Pour nous, d'accord en cela avec Cajal, le noyau des cellules nerveuses (cellules motrices et cellules des ganglions spinaux) renferme de la chromatine ou mieux de la nucléine. Mais au lieu d'être répartie dans toute l'étendue du réseau car3'0- plasmatique, cette nucléine s'est condensée en un amas central pour consti- tuer le nucléole : celui-ci serait donc un nucléole micléinien dans le sens de Carnoy, tel qu'on en observe dans un grand nombre de cellules animales et végétales, notamment dans le noyau des œufs et dans les cellules de Spirogyra. CHAPITRE 11. Modifications qui accompagnent les différents états fonctionnels. Quand on compare entre elles les cellules nerveuses qui appartiennent à un même type morphologique, soit les cellules des ganglions spinaux, soit les cellules des noyaux moteurs, on trouve entre elles des différences plus ou moins profondes dans le degré de colorabilité. Ce fait a été signalé déjà par Flemming en 18S2 pour les cellules des ganglions spinaux et a été attri- bué par lui à une richesse plus ou moins grande de ces cellules en granula- tions chromophiles. Cette différence dans l'intensité plus ou moins grande avec laquelle se colore le protoplasme des cellules nerveuses a été étudiée principalement par Flesch (1) et ses élèves, Hélène Koneff (2), Anna Gitiss (3) et Anna Kotlarevsky(4), pour les cellules des ganglions cérébro-spinaux. Ces auteurs divisent ces cellules en deux groupes : en éléments chromophiles et en élé- ments clirojuophobes. D'après eux, cette différence de colorabilité est liée à une composition chimique différente du protoplasme cellulaire (indépen- damment de la richesse de ces cellules en granulations) et celle-ci n'est que la résultante d'un état fonctionnel différent. Ces éléments chromophobes et chromophiles existeraient aussi, d'après Flesch, dans le système nerveux central. Le fait que le protoplasme d'une cellule nerveuse, toutes conditions étant égales, se colore tantôt fortement, tantôt faiblement et qu'entre ces deux extrêmes on peut rencontrer tous les degrés intermédiaires, prouve, dit Flesch, que le protoplasme se comporte différemment au point de vue chimique; cette substance chimiquement différente du corps protoplasmique (i) Flesch : Sti-ucturverschiedenheiten der Ganglien^eltcn in Spinalganglien; Tagebl. der Sy. Vers, deutsch. Naturforscher, 1S84. — Ueber die Nerven^cllen in den periphere Ganglien; Tagebl, der Naturforscher zu Strassburg. (2) Flesch et Koneff : Bemevknngen ùber die Strucliir der Gang/ien^cllen; NeuroL CentralbL, 1886. H Koneff : Beitrâge ^iir Kenntniss der Nerven^ellen in der peripheren Ganglien; Inaug. Diss., Bern, 1SS6. (3) A. GiTrss : Beitrâge ^tir vergleichenden Histologie der peripheren Ganglien; Inaug. Diss,, Bern, 1887. (4) KoTLAKEvsKV : Pliysiulogischc tind microchcynische Beitnige ,;»• Kenntniss der Nerven^ellen ; Inaug. Diss , Berne, 1SS7. 43 346 A. VAN GEHUCHTEN est, pour Flesch, en relation intime avec l'état fonctionnel de la cellule nerveuse. Nissl(i) s'est élevé contre cette manière de voir. Pour lui, la différence dans la coloration n'est pas liée à des différences dans la composition chi- mique du protoplasme, mais elle est due uniquement à ce fait, déjà signalé par Flemming, que la substance chromatique est plus ou moins abondante, que les granulations sont plus ou moins grosses et plus ou moins serrées dans des cellules qui ont toutes la même structure. Ces mêmes variations dans le degré de la coloration, que l'on observe si facilement dans les cellules des ganglions spinaux, se retrouvent dans les cellules du névraxe. Elles ne sont dues ni à des différences chimicjues dans le protoplasme, ni à des structures cellulaires variables, mais uniquement et exclusivement à une richesse plus ou moins grande en substance chroma- tique. En excitant, par le courant faradique, le bout central d'un nerf facial du lapin, Nissl a observé que dans le noyau d'origine du nerf excité les cel- lules intensément colorées étaient plus nombreuses que dans le noyau du côté opposé. Pour certaines de ces cellules, dit-il, on avait l'impression que la substance chromatique avait augmenté. Il ne veut tirer de ce fait unique aucune conclusion, mais exprime l'idée » dass môglicher Weise der verschie- dene Tinctionsgrad der einzelnen Zellen innerhalb einer bestimmten Zell- form doch insofern eine functionelle Bedeutung haben kônnte, als dadurch innerhalb ein und derselben Function verschiedene physiologische Zustan- den dieser Function anatomisch zum Ausdruck gelangten -. Ainsi donc, conclut-il, il n'y a pas d'opposition entre cellules chromo- philes et cellules chromophobes ; les cellules fortement colorées et les cel- lules faiblement colorées ne sont pas nécessairement des cellules à fonction physiologique différente; mais une structure anatomique différente est seule la preuve morphologique d'une fonction différente. Pour les cellules qui appartiennent à un même type anatomique et qui, par conséquent, remplissent la même fonction physiologique, on peut ob- server des variations dans le degré de la coloi-ation; ces variations sont dues, d'après Nissl, à un état physiologique momentané différent. Le degré de coloration d'une cellule nerveuse dépendant de sa richesse plus ou moins grande en substance chromatique, on peut admettre, pour les cellules d'un même groupe, trois états chromatiques correspondant à (i) Nissl : Mittheihingeii :^ur Anatomie der Nerven:;eUen; Allgem. Zeitschr. f. Psychiatrie, Bd. 5o, 1S94, pp. 270-376. L ANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 347 trois états fonctionnels que Nissl désigne sons les noms de état pyktio- morphe, état apyknomorphe et état parapyknomorphe. Une cellule est en état pyknomorphe quand la substance chromatique, très abondante, se pré- sente en masses compactes, de telle sorte que la cellule se colore fortement par le bleu de méthylène. Cet état pyknomorphe serait, d'après Nissl, l'expression anatomique de l'état de fatigue. Une cellule est en état apyknomorphe, quand la substance chromatique, peu abondante, se trouve éparpillée dans le protoplasme cellulaire; elle est alors, au point de vue fonctionnel, dans un état de repos relatif. Les stades fonctionnels intermédiaires entre ces deux extrêmes corres- pondent à Vétat parapyknomorphe. Nissl avait décrit encore un quatrième état anatomique, dans lequel la substance chromatique se présente comme dissoute dans le protoplasme cellulaire, de telle sorte que tout le corps cellulaire prend une teinte uni- forme. C'était Xétat chromophile de Nissl. Les cellules en état chromophile avaient d'abord été considérées par Nissl (i), en partie comme des produc- tions artificielles dues aux réactifs, en partie comme des cellules normales devenues impropres au fonctionnement et subissant par là même des modi- fications régressives. Plus tard ('j), il est revenu sur cette manière de voir et il a considéré les cellules chromophiles comme des productions artificielles dues aux réactifs. Ces dénominations de état pyknomorphe, état apyknomorphe et état parapyknomorphe n'ont encore, au point de vue fonctionnel, qu'une valeur relative. On commence seulement à entrevoir à quel stade fonctionnel cor- respond chacun de ces trois états chromatiques par lesquels peut passer le protoplasme d'une cellule nerveuse. Contrairement à la manière de voir de Nissl, Hodge (3) et Mann (4) considèrent Y état pyknomorphe comme étant i' expression anatomique de Vétat de repos de la cellule nerveuse. Nissl (5) s'est rallié tout récemment à cette manière de voir. (1) Nissl : Mittheilungen ^ur Anatomic dcr Nervcn^ellen ; AUgem. Zeitschr. f. Psych , BJ. 5o, 1894. (2) Nissl : Ueber die Nomenklatur in dcr Xervcn^cllciianatomie itnd ihre wlchtsten Ziele ; Neu- rolog. Centralbl , iSg5, p. io6, note. (3) Hodge : A microscopical stiidy of changes duc to fiinctional activitj' in ncrvc-cclls ; Journ. of Morphology, 1S92. (4) Mann : Histological changes indticcd in sympathctic, motor and sensory nerve-ccUs by fiinc- tional activity; Journal of Anat. and Pliys., 1894. (5) Nissl : Die Be^ichiingen dcr Ncrvcn^cllcnsubstan^cn pi den thâtigen, ruhcndcn iind crmû- detcn Zellpistànden; Allgem. Zeitschr. f. Psychiatrie, 1896, p. 1253. 348 A. VAN GEHUCHTEN L'étude de la cellule nerveuse dans les différents états fonctionnels est une étude excessivement difficile. Nous avons vu plus haut que Nissl a excité, par le courant faradique, les fibres du bout central d'un nerf section- né. Il a observé des variations dans le degré de coloration des cellules excitées, mais rien ne nous permet de considérer ces variations comme l'ex- pression anatomique d'un état physiologique normal. En étudiant l'action qu'exerce sur la constitution du protoplasme des cellules nerveuses du sympathique, l'excitation pendant quinze minutes du ganglion cervical supérieur du lapin, Vas(i) a observé une augmentation notable (environ d'un tiers) dans le volume du corps cellulaire, une diminu- tion et quelquefois la disparition complète de la substance chromatique dans le voisinage immédiat des noyaux et une accumulation de la substance chromatique dans la couche périphérique du protoplasme cellulaire. Il en conclut que, pendant l'activité de la cellule nerveuse, les éléments chromo- philes ont une tendance à se déplacer vers la périphérie du corps cellulaire. Des modifications considérables surviennent aussi dans le noyau : il devient plus volumineux, comme gonflé, en même temps qu'il quitte sa place pour se porter vers la périphérie; il peut aller si loin qu'il fasse saillie en dehors de la cellule. Ces modifications de la cellule nerveuse, dit Vas, doivent être regardées comme des propriétés morphologiques caractéristiques de son état d'excita- tion. Il est cependant plus que probable que, dans les conditions physiolo- giques, ces modifications n'atteignent pas le même degré, puisque l'excita- tion qui arrive physiologiquement aux cellules nerveuses ne peut pas, sous le rapport de l'intensité, être comparée à l'excitation produite par le courant induit. Hodge(2) a excité, par le courant induit, les ganglions intervertébraux de la grenouille et du chat pendant un temps qui varie depuis 30 minutes jusque 7 heures, avec des intervalles de repos variables. La méthode de coloration dont il s'est servi ne lui permettait pas d'étudier les modifications de la substance chromatique du protoplasme cellulaire. Dans les cellules (i) Vas : Studien ûber den Ban des Chromatins in der sympathischcn Ganglien^ellen; Archiv fiir mikr. Anat., i8g2. (2) HoDGE : Some effects of stimulating ganglion-cclls ; American Journ. of Psychology, vol. I. i88g. — Some effects of electrically stimulating ganglion-cells ; ibidem., vol. II, 1S89. — The pro- cess of recovery from the fatigue occasionned by the electrical stimulation of ganglion-cells; ibid., vol. III, 1891. — A microscopical study of changes due to functional Activity in Nervc-cclls ; Journ. of Morphology, vol. VII, 1892. LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 349 des ganglions excités, il a observé une diminution considérable dans le vo- lume du noyau, en même temps une déformation et une coloration plus foncée de ce dernier. Il y avait également une légère diminution dans le volume du corps cellulaire et un affaiblissement dans son pouvoir de réduc- tion vis-à-vis de l'acide osmique. Lambert (I) a repris les expériences de Vas. Il a retrouvé les mêmes modifications dans la partie chromatique du corps cellulaire ; mais il n'a pu se convaincre des modifications de volume signalées par Vas. Mann (2) a excité également pendant 15 minutes, par un courant fara- dique, le ganglion cervical supérieur du sympathique chez le lapin et le chat. Il a retrouvé les modifications signalées par Vas : augmentation de volume du corps cellulaire avec diminution de la substance chromatique dans la partie centrale de la cellule; mais, pour Mann, cette diminution n'est pas due à un déplacement des granulations chromatophiles du centre vers la périphérie, mais à une disparition sur place. A côté de ces modifications dans le protoplasme, il y avait des modifi- cations dans le noyau : le caryoplasme est devenu incolore et la chromatine du noyau a légèrement diminué; le noyau et les nucléoles ont augmenté de volume. L'excitation intermittente du ganglion pendant 6 à 9 heures amène des modifications plus profondes : les no3'aux se foncent et se ratatinent ; les éléments chromatophiles sont moins nombreux et plus pâles. LuGARO (3) a repris les expériences de Vas et de Mann. Il arrive à la conclusion que, pendant les premiers temps qui suivent l'excitation, on con- state une augmentation de volume du corps cellulaire due à un état de tur- gescence de son corps protoplasmatique, accompagnée d'une légère augmen- tation de la substance chromatique ; après un certain temps la cellule se fatigue, ce qui amène une diminution progressive dans le volume de son protoplasme avec une diminution correspondante dans la substance chro- matique. Toutes ces recherches ont été faites dans le but d'étudier les modifica- tions qui surviennent dans le corps de la cellule nerveuse pendant son (i) Lambert : Notes siir les modifications produites par l'excitation électrique dans les cellules nerveuses des ganglions sympathiques; Comptes-rendus de la Société de Biologie, 4 nov. 1S93. (2) Mann : Histological changes induced in sympathetic, motor and sensory nerve cells by func- tional actii'ity; Journal of Anat. and Phys., Ed. XXIX, 1894. (3) LuGARo : Sulle modijica^ioni délie cellule nervose nei diversi stati fun-{ionali ; Lo Sperimen- tale, 1S95. 350 A. VAN GEHUCHTEN activité physiologique. Mais comme Nissl (i) le remarque ajuste titi^e, ces expériences ont manqué leur but. Rien ne nous autorise, en effet, à identi- fier une cellule en état d'activité physiologique avec une cellule excitée par le courant faradique. L'application d'un courant électrique sur un nerf n'est rien d'autre qu'une excitation anormale comparable en quelque sorte à n'importe quelle excitation chimique, thermique et traumatique. Et ce qui prouve qu'il en est bien ainsi, c'est que, en sectionnant ou en ligaturant le cordon intermédiaire du sympathique cervical chez le lapin, comme nous l'avons fait avec un de nos élèves, M. Moreau, on constate au bout de quelques jours, dans les cellules du ganglion cervical supérieur, une aug- mentation considérable de volume, une désagrégation et une dissolution de la substance chromatique au centre du corps cellulaire et un déplacement des noyaux vers la périphérie; c'est-à-dire les mêmes modifications que celles signalées par Vas, Mann et Lugaro après l'application d'un courant fara- dique. Les expériences sus-mentionnées sont donc intéressantes parce qu'elles nous montrent qu'une excitation électrique, portée sur un nerf, réagit au loin sur les cellules d'origine des fibres qui le consituent et y amène des modifications profondes visibles au microscope. Mais ces expériences sont insuffisantes pour nous renseigner sur les modifications qui accompa- gnent Vaclivité normale des cellules nerveuses. D'autres recherches entreprises par Hodge, Mann, Demogr et Pergens sont plus instructives à cet égard. Hodge (2) a pris des oiseaux (moineaux, hirondelles et pigeons) et les a tués les uns, le matin après une nuit de repos; les autres, le soir avant qu'ils ne rentrent au nid. Il a durci, dans l'acide osmique à 1 0/0 des ganglions spinaux et des portions de l'écorce cérébelleuse et de l'écorce cérébrale (lobe occipital). Il a noté, dans les cellules fatiguées, une diminution plus ou moins considérable de volume accompagnée d'une diminution de la sub- stance chromatique (affaiblissement du pouvoir de réduire l'acide osmique). Le noyau présentait également une diminution considérable de volume, ses contours étaient devenus irréguliers et les matières colorantes lui don- naient une teinte plus foncée. Ces recherches patientes de Hodge ne nous renseignent malheureuse- ment pas sur les modifications qui surviennent dans la substance chi^oma- (1) Nissl : Die Be^ie/iungeii der Nerven^ellensubstan^en jf» deu thâtigcu, ruhcndcn und crmïi- dcten Zcll^ustànden ; Allg. Zeitschr. f. Psych., 1896, pp. 1 147-1154. (2) Hodge : A microscopical study... ; Journal of Morphology, vol. VII, 1S92. LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 351 tique. Les recherches de Mann (i) sont, sous ce rapport, plus fructueuses, parce que cet auteur s'est servi d'une méthode permettant de colorer la substance chromatique du protoplasme. Mann a comparé les cellules pyramidales de l'écorce cérébrale et les cellules radiculaires de la moelle lombaire provenant de deux chiens dont l'un est resté au repos, tandis que l'autre avait été soumis pendant lo heures à un travail musculaire continu. Il a comparé également les cellules de la rétine, des corps genouillés externes, des tubercules quadrijumeaux et des lobes occipitaux de quatre chiens auxquels il avait bandé pendant 1 2 heures un des deux yeux. Toutes ces recherches ont donné des résultats concor- dants. Mann en conclut que, pendant le repos, la substance chromatique augmente dans les cellules nerveuses, tandis que cette substance diminue pendant l'activité cellulaire. Cette diminution de la substance chromatique est due à sa disparition sur place. L'activité cellulaire est accompagnée d'un agrandissement du corps de la cellule nerveuse ainsi que du noyau et des nucléoles, tandis que la fatigue de la cellule se caractérise par une rétraction de son protoplasme, par une rétraction du noj'au et la formation dans son intérieur d'une substance chromatique diffuse. NissL (2) a repris les expériences de Mann. N'ayant pu obtenir des résultats aussi nets que l'auteur anglais, il s'est adressé directement à ce dernier qui a bien voulu lui communiquer quelques-unes de ses prépara- tions. NissL conclut, de l'étude de ces dernières, que les dessins donnés par Mann sont beaucoup trop schématiques et que les observations microsco- piques ne sont pas assez démonstratives pour permettre d'en tirer les con- clusions formulées par le savant anglais. Pour NissL, la question des modifications anatomiques qui surviennent dans les cellules nerveuses pendant leur activité normale est loin encore d'être résolue. Il admet cependant avec Hodge et Mann que l'état pykno- morphe, qu'il avait considéré comme caractérisant l'état d'activité de la cel- lule nerveuse, est l'expression anatomique de l'état de repos. Par contre, ce que Mann et Hodge considèrent comme caractéristique de l'état de fatigue de la cellule nerveuse, sont des propriétés qui appartiennent aux cellules chromophiles; or celles-ci sont manifestement, pour Nissl, des états arti- ficiels. (i) ]\L\N.N' : Loc. cit. (2) Nissl : AUg. Zeitschi'. f. Psj'ch., 1896. 352 A. VAN GEHUCHTEN De Moor(i) a également repris les expériences de Mann sur les cel- lules du centre psycho-optique du chien. Après avoir fermé un seul des deux yeux pendant un temps variable, il a trouvé, comme Mann, que les cellules du centre optique correspondant à l'œil ouvert sont moins riches en sub- stance chromatique que les autres, que leur volume a diminué et que la forme du noyau est devenue irrégulière. Il affirme qu'après lo minutes d'éclairage unilatéral, il n'a pu relever aucun signe de différenciation; après 30 minutes, il a constaté une modification dans la richesse de la substance chromatique sans que le noyau présentât une modification quelconque de forme. Pergens (li) a institué des expériences très ingénieuses sur l'action que la lumière exerce sur les éléments constituants de la rétine des poissons. 11 a constaté, à côté d'une rétraction du corps cellulaire et des prolonge- ments qui en dépendent, une diminution du volume du noyau sous l'influence de l'excitant lumineux. Il a conclu de ses recherches que l'activité normale des cellules rétiniennes, depuis les cellules visuelles (cônes et bâtonnets) jusqu'aux cellules ganglionnaires, s'accompagnait d'une rétraction du noyau en même temps que d'une diminution dans la quantité de chromatine ou de nucléine de ces derniers. D'après Pergens, les noyaux des cellules de la rétine, provenant de poissons qui ont séjourné pendant 24 heures à l'obscurité, sont chargés de blocs denses et compacts de chromatine ou nucléine. Cette abondance de nucléine condensée dans les noyaux caractérise le stade obscurité ou le stade de repos. C'est donc en quelque sorte un état pyknomorphe du noyau com- parable à l'état pyknomorphe du protoplasme des cellules somatochromes. Dans le stade initial de travail (quelques secondes à une minute d'expo- sition à la lumière), une partie de cette nucléine passe à l'état liquide. Cela pourrait faire croire à une augmentation de la nucléine dans les noyaux, dit Pergens, puisque ceux-ci se colorent davantage; mais en réalité, il y a dimi- nution de la nucléine avec dissémination sur une surface plus grande. Dans le stade d'activité ou de travail proprement dit, les masses denses de nucléine se dissolvent et diminuent à mesure que la nucléine liquéfiée (i) De Moor : La plasticité morphologique des neurones cérébraux ; Arch. de Biologie, 1896, pp. 723-752. (2) Pekgens : Action de la lumière sur les éléments nerveux de la rétine; Bull, de l'Acad. royale de médecine de Belgique, 1S96. — Action de la lumière colorée sur la rétine; Annales de la Société royale des Sciences médic. et nat. de Bru.Kelles, t. VI, 1S97. l'anatomie fine de la cellule nerveuse 353 est consommée. Ce stade a une durée variable; il serait difficile de lui assi- gner une limite précise. Il aboutit au stade de fatigue. Ces résultats des recherches de Pergens sur les cellules de la rétine sont difficilement comparables aux résultats des recherches faites sur les cel- lules nerveuses du névraxe. Les éléments de la rétine (surtout les cônes, les bâtonnets et les cellules bipolaires) présentent des noyaux chargés de nu- cléine tandis que leur corps protoplasmatique, peu développé, est dépourvu de substance chromatique; au contraire, les cellules du névraxe, sur les- quelles ont porté les recherches de Mann et de De Moor, sont des cellules somatochromes à corps protoplasmatique chargé d'éléments chromatophiles et à noyau pauvre en nucléine. Peut-être la substance chromatique du protoplasme des cellules soma- tochromes remplit-elle, au point de vue de la nutrition de l'élément corres- pondant, le même rôle que la nucléine du noyau de certaines cellules caryo- chromes? S'il en était ainsi, les résultats des recherches de Pergens vien- draient donner un appui considérable aux résultats des recherches de Mann et de De Moor et l'on arriverait à la conclusion que l'eïia/ ?Ve i';;«e cellule nerveuse se caractérise par une augmentation de volume de son corps protoplasmique, accompagnée d'une diminution de sa partie chromatique. 44 CHAPITRE III. Modifications qui accompagnent les lésions du prolongement cylindraxile. A. Cellules motrices. Nous savons, grâce aux recherches de ces dernières années, que la sec- tion d'un nerf périphérique est suivie non seulement de la dégénérescence secondaire des fibres du bout périphérique (loi de Waller), mais encore de la dégénérescence plus tardive des fibres du bout central (Bergmann (i), Darkschewitsch (2), Mayer (3), Flatau (4), etc.). De plus, cette section périphérique entraîne des altérations manifestes et constantes dans les cel- lules d'origine des fibres du nerf sectionné. Ces altérations ont été vues depuis longtemps par Gudden, Forel et v. Monakow; mais c'est à Nissl que nous devons les premières recherches précises sur leur nature et leur localisation exactes. Nissl (5) a arraché le nerf facial chez des lapins, il a sectionné aussi des nerfs périphériques dépendant de la moelle épinière et il a recherché au moyen de sa méthode au bleu de méthylène, les altérations que ces lésions périphériques déterminent dans les cellules motrices. Quand la con- nexion entre une cellule nerveuse et le muscle périphérique est interrompu, dit Nissl, la cellule nerveuse subit des modifications régressives qui sur- gissent brusquement (sttirmisch) ; elles atteignent leur maximum du iS^ au (i) Bergmann : Ueber experimcntelle aiifsteigende Degeneration motovischer iind sensibler Hirn- nerven; Arbeiten aus dem Institut f. Anatomie und Phys. des Centralnervensysteins, Wien, 1892. (2) Darkschewitsch : Ueber die Veràndeningen in dem centralcn Abschnitt eines motorischen Nerven bei Verlet^ung des peripherischen Abschnitts; Neiirol. Centralbl., 1892, p. 65S. (3) Mayer : Beitrag ptr Kenntniss der aiifsteigenden Degeneration motorischer Hirnnervcn ; Jahrbûcher fiir Psychiatrie, Bd. XII. (4) Flatau : Peripherische Faciaïislàhmung mit rétrograder Neiirondegeneration ; Zeitschr. f. kl. Medicin, Bd. 32, 1897. (5) Nissl : Ueber die Veràndeningen der Ganglien^ellen am Facialiskern des Kaninchens naeh Ausreissiing der Nerven; AUgem. Zeitschr. f. Psychiatrie, Bd. 48, 1892, pp. 197-198. — Ueber ex- perimentell er^eugte Veràndeningen an den Vorderhorn::;ellen des Rûckenmarkes bei Kaninchen; AU- gem. Zeitschr. f. Psychiatrie, Bd. 48, 1892, pp. 675-681. — Ueber eine neite Untersuchungsmethode des Centralorgans speciell ptr Feststellnng der Localisation der Nerven^elle; Centralbl. f. Nerven- heilk. und Psj'chiatrie, 1S94, pp. 337-344. L ANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 355 30<= jour après la lésion, pour rester quelque temps stationnaires. Puis, l'on voit quelques cellules disparaître totalement, tandis que les autres, et ce sont les plus nombreuses, commencent insensiblement à se régénérer, de telle sorte que 50 à 60 jours après la section il devient difficile, pour un œil non exercé, de distinguer les cellules du côté lésé des cellules du côté sain. Ces modifications cellulaires, consécutives à la section d'un nerf mo- teur, consistent principalement dans une altération particulière des blocs de substance chromatique, dans un gonflement du corps cellulaire et dans un déplacement du noyau. Elles ont été étudiées d'une façon complète par NissL lui-même. Cette étude a été reprise par Marinesco (1), Lugaro (2), Flatau (3), Colenbrander (4) et VanGehuchten(5), qui n'ont fait que con- firmer les observations de Nissl. Les modifications de la substance chromatique sont les plus précoces. Il s'agit, dit Nissl, ^ entweder um eine kôrnerartige Umwandlung der fârb- baren Substanzportionen mit der Tendenz zum Rareficirung oder um eine Lockerung des Gefiiges derselben, wobei die scharfe Conturirung verloren geht und auch die Farbbarkeit eine geringere wird, oder auch um eine directe Rareficirung derselben mit Abnahme der Farbbarkeit «. A cet en- semble de modifications qui intéressent la substance chromatique, Mari- nesco a donné le nom bien approprié et généralement admis de chroma- tolyse. Cette chromatolyse se manifeste déjà, d'après Nissl, dans les cellules d'origine d'un nerf facial arraché, 24 heures après la lésion périphérique. Elle débute, d'après Nissl, Marinesco et Lugaro, au point d'origine de l'axone (Nissl), au niveau de la colline formée par le cylindre-axe (Mari- nesco), pour envahir insensiblement en 4, 5 ou 6 jours, toute l'étendue du corps cellulaire. Cette chromatolyse a été décrite d'une façon quelque peu différente par les trois auteurs. (1) Marinesco : Théorie des neurones; extrait de la Presse Médicale, Paris, iSg5. — Des po- lynévrites en rapport avec les lésions secondaires et les lésions primitives des celbdes nerveuses; Revue neurologique, iSgô, pp. i29-:4i. (2 Lugaro : Xnovi dati e nuovi problemi nclla patologia délia ccllula nervosa ; Rivista di pa- tologia nervosa e mentale, iSgô, pp. 3o3-322. (3) Flatau : Einige Betrachiungen ùber die Neiironlehre im Anscliluss an frich^citige, cxperi- mentell er:^eugte Verânderungen der Zellen des Oculomotoriuskerns ; Fortschritte der Medicin, 1896, pp. 201-224. (4I Colenbrander : Over de structuur der Ganglienccl uit den voorsten Hoorn ; Utrecht, 1S96. (5). Van Gehuchten : Anatomie du système nerveux de l'homme; ■2fi éd., 1897. 356 A. VAN GEHUCHTEN D'après Nissl, ^ der Zerfall der Granula besteht darin, dass sich die Coharenz der Chromatinkôrper lockert, dass dieselben blasser werden und sich schliessHch in allerfeinste blasse Kôrnchen auflosen ", Pour Marinesco, « la première lésion observée après la section d'un nerf, c'est la dissolution partielle des éléments chromatophiles, lésion qui commence tout près de l'origine du cylindre-axe. Il se produit probablement une hydratation de la substance chromatique «. LuGARo décrit la chromatolyse comme une fragmentation progressive des éléments chromatophiles. Dans les recherches que nous avons faites nous-même en vue du pré- sent rapport, nous avons vu la chromatolyse surgir directement au centre de la cellule nerveuse. Nous croyons qu'il ne s'agit pas simplement d'une désagrégation des blocs préexistants, mais de leur dissolution progressive et totale au sein du protoplasme cellulaire. Cette chromatolyse s'étend in- sensiblement aux blocs chromatiques des couches périphériques, de façon que vers le sixième jour elle a envahi presque toute l'étendue du corps cellulaire. Les diverses phases de ces modifications cellulaires ont été étudiées avec beaucoup de soin par Nissl. Au deuxième et au troisième jour qui suivent la lésion, dit-il, la chro- matolyse envahit insensiblement les couches périphériques; elle s'étend même aux blocs chromatiques des prolongements protoplasmatiques : ceux- ci prennent un aspect homogène. Le quatrième jour commence le gonfle- ment de toute la cellule nerveuse qui devient sphérique. Le sixième jour, toute la structure primitive du protoplasme cellulaire a disparu ; la cellule fortement gonflée et sphérique paraît comme recouverte de poussière : - der Zellleib erscheint wie bestaubt, dit-il, er macht den Eindruck als ob er von kleinen Fârbtheilen Uberriesselt wâre «. Les prolongements protoplasma- tiques ne sont plus visibles. A cette époque, le noyau se déplace, gagne les couches périphériques du corps cellulaire et même peut faire plus ou moins saillie en dehors du protoplasme cellulaire. A partir de ce moment, dit Nissl, il disparaît à la vue. Au dixième jour, on trouve déjà de nombreuses cellules dégénérées, » die sich als unregelmassige blasse und leicht gekornte Masse ohne Kernen und Fortsâtze zeigen «, Ces modifications ne surviennent pas en même temps dans toutes les cellules d'un même noyau moteur, de sorte que après lo jours, Nissl ren- contre encore des cellules complètement intactes, à côté d'autres en appa- rence complètement désorganisées (zerfallene). l'anatomie fine de la cellule nerveuse 357 A partir du douzième jour, les cellules gonflées, mais non dégénérées, commencent à diminuer de volume. Dans un autre travail, Nissl admet que la chromatolyse atteint son maximum à une époque qui varie de 18 à 30 jours après la section. A partir de ce moment, il y a une période pendant laquelle les modifications restent stationnaires, bientôt suivie de la destruction ou d'une régénération lente, qui ramène la cellule à un état voisin de l'état normal environ 50 à 60 jours après la section. Nissl ne se prononce pas sur le sort de ces cellules régénérées. Il croit cependant qu'elles sont destinées à disparaître, envahies qu'elles seraient à la longue par des modifications spéciales que l'on a désignées sous le nom d'atrophie cellulaire. Marinesco(i) donne des modifications cellulaires, consécutives à la section expérimentale d'un nerf moteur, une description qui concorde com- plètement avec celle de Nissl. Il distingue cependant deux phases au pro- cessus : une phase de réaction et une phase de dégénérescence. La phase de réaction consiste uniquement dans la dissolution plus ou moins complète des éléments chromatophiles ; elle n'intéresse que la substance chromatique, le kinéloplasme de Makinesco (2), en laissant complètement intacte la sub- stance achromatique ou trophoplasme de Marinesco (2). Pendant cette phase, le bout central du nerf sectionné reste intact. . Ces lésions du kiné- toplasme sont réparables, dit Marinesco, et à mesure que le travail de la régénérescence des fibres coupées s'accentue, les éléments chromatophiles réapparaissent. « Cette phase de réaction, il la désigne aussi sous le nom de dégénéres- cence de Nissl. La phase de dégénérescence serait caractérisée par une désintégration (,) M.KINESCO : Des lésions primitives et des lésions secondaires de la cellule nerveuse; Comptes rendus de la société de Biologie. 25 janvier ,896. - Des polynévrites...; Revue neurolog.gue, 1896, pp. 129-141. (2) Nous ne comprenons pas pourquoi Marinesco a donné le nom de kinétoplasme à la substance chromatique et le nom de trophoplasme à la substance achromatique. D'après les idées que nous nous formons de la valeur fonctionnelle des deux parties constitutives du protoplasme des cellules nerveuses, nous serions plutôt porté à renverser ces dénominations et à désigner sous le nom de trophoplasme la partie chromatique. Cette partie chromatique, dans l'état actuel de la science, semble représenter en réalité, une matière de réserve accumulée dans le corps cellulaire pendant son état de repos et destinée â être utilisée par le neurone pendant son état d'activité. Nous désignerions sous le nom de kinétoplasme la partie achromatique du protoplasme, celle qui, selon toutes les proba- bilités, sert, au moins par sa partie organisée, le réseau protoplasmatique et les fibrilles, à la trans- mission de l'influx nerveux. 358 A. VAN GEHUCHTEN du protoplasme accompagnant des lésions manifestes dans le bout central du nerf sectionné. Cette lésion nerveuse est irréparable, elle entraîne l'atrophie et la dégénérescence du cylindre-axe qui émane de la cellule. A cette seconde phase qui, chez le lapin, ne se manifeste qu'au bout d'un mois, Marinesco propose de donner le nom de dégénérescence de Hayem-Forel. LuGARO partage la manière de voir de Marinesco. En colorant les cel- lules altérées par l'hématoxyline de Delafield, il a pu constater que, pen- dant la phase de réaction, la partie achromatique conserve sa structure déli- cate normale, structure devenue apparente à cause de la désagrégation des éléments chromatophiles. Pendant la phase de dégénérescence au contraire, (phase qui commence par l'envahissement de tout le corps cellulaire par la chromatolyse et par le déplacement du noyau) la striation délicate du pro- toplasme cellulaire disparaît. Dans ce stade, la coloration par le bleu de méthylène montre que la partie la plus altérée du corps cellulaire reste claire et incolore; tandis que, avec la coloration par l'hématoxyline, le corps cel- lulaire se montre occupé par une quantité considérable de fines granulations. LuGARO ignore si ces granulations proviennent de la désagrégation de la substance chromatique et si elles représentent des parcelles altérées de cette substance, ayant perdu leur affinité naturelle pour les couleurs basiques, tout en ayant conservé leur affinité vis-à-vis de l'hématoxyline; ou bien, si ces granulations représentent un produit de la désagrégation de la substance achromatique. Dans un travail ultérieur (i), Marinesco est revenu sur sa première manière de voir. Il n'oppose plus l'une à l'autre la phase de réaction et la phase de dégénérescence, en ce sens que les cellules qui ne sont atteintes que par la phase de réaction seraient seules capables de revenir à l'état nor- mal, tandis que les cellules arrivées à la phase de dégénérescence seraient irrémédiablement perdues. Il considère maintenant ces deux phases comme deux étapes successives d'un même processus (processus de réaction à dis- tance) envahissant invariablement toutes les cellules d'origine d'un nerf sec- tionné. La phase de réaction conduit donc nécessairement à la phase de dégénérescence. Quant à celle-ci, ^ elle peut conduire à l'atrophie et à la disparition de la cellule nerveuse; mais, la plupart des cellules peuvent ré- parer leurs lésions, et, par conséquent, dit Marinesco, il faut admettre une troisième phase ou phase de réparation -, signalée d'ailleurs par Nissl. (i) Maeinesco : Pathologie générale de la cellule nerveuse; La Presse médicale, 27 janvier 1897. LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 359 Les phénomènes de réparation sont déjà très nets et certains au bout de vingt-quatre jours. Ils intéressent le volume de la cellule et sa richesse en substance chromatique. Les cellules en voie de réorganisation sont carac- térisées par un volume plus considérable, y Les cellules hypertrophiées sont de vraies cellules géantes à côté des cellules atrophiées. - Cette hypertro- phie s'accentue encore quarante-six jours après la section et se continue len- tement jusqu'à quatre-vingt dix jours, terme extrême des observations de Marinesco. En même temps que la cellule s'hypertrophie, elle reconstitue sa substance chromatique : les éléments chromatophiles deviennent denses et volumineux, ce qui donne à la cellule une coloration plus foncée qui ca- ractérise l'état p3dvnomorphe de Nissl. Enfin, tout récemment (i), Marinesco semble disposé à ne plus ad- mettre que deux phases : la phase de réaction et la phase de réparation. La phase de réaction n'atteint jamais que la substance chromatique, dit-il, elle ne retentit pas sur la structure du cylindre-axe et des nerfs périphériques. Pour que celui-ci soit atteint, il faut une altération de la substance achro- matique, éventualité qui se présente dans les cas de lésions primitives de la cellule nerveuse. A la phase de réaction fait suite la phase de réparation; pendant celle-ci, la cellule présente une hypertrophie considérable qui s'ac- croît jusqu'à 90 jours après la section et qui intéresse à la fois le volume général de la cellule et celui des éléments chromatophiles. Flatau a examiné les cellules d'origine du nerf oculo-moteur commun de deux jeunes chats, morts respectivement 3 et 13 jours après la section de ce nerf dans la cavité crânienne. Il y a constaté les phénomènes de chro- matolyse signalés par Nissl (2). Colenbrander a sectionné, chez le lapin, les deux troncs supérieurs du plexus brachial et a pu étudier les phénomènes de chromatolyse dans les cellules motrices de la corne antérieure de la partie correspondante de la moelle. (i) Marinesco : L'Iiistopathulogie de la cellule nerveuse; Revue générale des Sciences pures et appliquées, 3o mai 1S97, PP- 406-413. (2) Les cellules normales, que Flatau a observées dans le noyau du côté lésé,, nous semblent devoir représenter les cellules d'origine des fibres qui se rendent dans le nerf oculo-moteur commun du côté oppose. Nous sommes convaincu que si Fl.vtau avait examiné attentivement les cellules con- stitutives du noyau d'origine du côté sain, il y aurait rencontré quelques cellules en chromatolyse, c'est-à-dire les cellules d'origine des fibres croisées enfermées dans le nerf oculo-moteur commun sec- tionné. C'est ce que nous avons pu observer, en toute évidence, chez le lapin 10 jours après l'évide- ment d'une cavité orbitaire. Ces cellules normales dans le noyau du nerf sectionné et ces cellules en chromatolyse dans le no3'au du nerf intact occupent la partie postérieure et supérieure de la masse grise qui donne origine à ce nerf. 36o A. VAN GEHUCHTEN Nous même, nous avons signalé les phénomènes de chromatolyse dans les cellules d'origine du nerf oculo-moteur commun du lapin trois jours après sa section. Les recherches suivies que nous avons faites dans ces derniers temps sur les modifications qui surviennent dans les cellules nerveuses motrices à la suite de la section du nerf périphérique concordent, dans leurs grandes lignes, avec les descriptions données par Nissl, Marinesco, Lugaro, Fla- TAU et CoLENBRANDER. EUes Ont porté principalement sur les cellules d'ori- gine du nerf hypoglosse et du nerf pneumo gastrique chez le lapin, après la section de ces deux nerfs dans la région cervicale. Les animaux ont survécu 24, 32 et 40 heures, puis 2, 3, 4, 5, 6, 7, 10, 15, 20, 36, 52, 53 et 92 jours. La description détaillée de ces modifications cellulaires nous entraînerait trop loin. Nous devons nous contenter, dans ce rapport, de décrire le pro- cessus dans ses grandes lignes. Quand on examine le noj'au d'origine d'un nerf hypoglosse de lapin 5 ou 6 jours après la section du nerf dans la région sus-hyoïdienne, et que l'on compare les cellules de ce noyau avec celles du côté non lésé, on voit de la manière la plus manifeste que les cellules qui appartiennent au nerf lésé ont subi des modifications profondes. Ce qui frappe avant tout, même à un faible grossissement, c'est le vo- lume considérable de toutes ces cellules, c'est leur teinte spéciale, d'un bleu légèrement transparent, c'est la disparition presque complète des éléments chromatophiles et, enfin, le changement de place du noyau. Si l'on étudie ces cellules à un grossissement plus considérable, on voit que c'est surtout le centre du corps cellulaire qui a perdu ses éléments chromatophiles; il se montre uniformément coloré d'une teinte bleue pâle qui va en se fonçant légèrement vers les couches périphériques, où l'on rencontre encore un bord plus ou moins large de granulations chromophiles. Ce corps cellulaire, ainsi uniformément teinté en bleu, se montre parsemé d'un grand nombre de fines granulations, souvent reliées les unes aux autres par des trabécules plus ou moins apparentes, de manière à donner l'impression d'un réseau protoplas- matique. Le noyau a conservé son aspect normal : une membrane nucléaire régulièrement arrondie, un ou deux nucléoles et les trabécules vaguement indiquées du réseau caryoplasmatique. Il est situé dans les couches péri- phériques du protoplasme, faisant quelquefois même une légère saillie au-dehors. Comment ces modifications profondes ont-elles pu survenir? Si l'on l'anatomie fine de la cellule nerveuse 361 examine ces cellules d'origine d'un nerf hypoglosse pendant les premiers jours qui suivent la section, on voit que les premières modifications se ma- nifestent environ 40 heures après la lésion, qu'elles débutent généralement au centre du corps cellulaire et que, de là, elles envahissent insensiblement les couches périphériques. De l'étude attentive que nous avons faite de ces modifications aux diffé- rentes époques consécutives à la section du nerf, nous croyons pouvoir con- clure que la modification principale, sinon unique, consiste dans la dissolu- tion de la substance chromatique. Cette dissolution commence au centre même de la cellule nerveuse et, de là, progresse dans les couches les plus périphériques, jusque dans les prolongements protoplasmatiques. Elle a comme conséquence immédiate la désagrégation apparente des éléments chromatophiles et le gonflement ou mieux la turgescence plus ou moins considérable du corps cellulaire. Cette dissolution de la substance chroma- tique semble débuter d'une façon assez brusque, le gonflement de la partie centrale du corps cellulaire qui en est la conséquence réagit sur le noyau et celui-ci, comme un corps étranger, se trouve refoulé dans les couches péri- phériques. Ce qui prouve bien que la substance chromatique se dissout dans l'en- chylème du protoplasme, c'est ce fait évident entre tous que, dèsleti'oisième jour après la section, tout le protoplasme cellulaire se montre sensible au bleu de méthylène et prend une teinte uniforme, sur laquelle tranche la cou- leur plus foncée des granulations chromatophiles non encore dissoutes. Ces cellules nerveuses sont dans un véritable état de chromophilie, qui n'est nullement dû aux réactifs employés, mais qui n'est que la conséquence de la dissolution brusque de la substance chromatique. C'est sur ces préparations que l'on peut voir, en toute évidence, que les éléments chromatophiles ne sont pas formés exclusivement par de la sub- stance chromatique. Au fur et à mesure, en effet, que cette substance se dissout, on voit apparaître, à sa place, des granulations éparses qui ne sont rien d'autre que les points nodaux du réseau protoplasmique englobés dans l'élément chromatique. Au cinquième et au sixième jour qui suivent la section du nerf hypoglosse, toutes les cellules constitutives du noyau correspondant présentent, à peu peu de chose près, le même degré de chromatolyse. Si l'on examine cepen- dant les cellules de ce noyau 40 à 48 heures après la section, on voit que les modifications ne débutent pas au même instant et avec la même inten- sité dans toutes les cellules du noyau. 45 362 A. VAN GEHUCHTEN Les diverses cellules constitutives du noyau d'origine du nerf hypo- glosse semblent donc présenter un degré de résistance quelque peu variable à la section de leur prolongement cylindraxile, en ce sens que les modifica- tions de la substance chromatique, consécutives à cette section, se manifes- tent un peu plus rapidement dans une cellule que dans l'autre. Mais cette différence ne semble exister qu'au début; déjà au sixième jour qui suit la section, toutes les cellules présentent le même degré de chromatolyse. Les résultats de nos recherches diffèrent donc sensiblement de ceux obtenus par Nissl. D'après cet auteur, il existerait encore des cellules com- plètement intactes, à côté d'autres en apparence complètement désorgani- sées, dans le noyau d'origine du nerf facial lo jours après sa section. Ces cellules intactes ne nous semblent pas appartenir à des fibres sectionnées. Nissl aura probablement sectionné le nerf facial pendant son passage à travers la glande parotidienne, ou bien directement au sortir du trou stylo- mastoïdien. Mais, à ce niveau, le nerf facial a déjà abandonné quelques-unes de ses fibres constitutives. Rien d'étonnant donc que, dans le noj'au d'ori- eine, des cellules soient restées intactes. Les conditions sont tout autres pour le nerf hypoglosse. En le sectionnant dans la région sus-hyoïdienne, on est sûr d'interrompre toutes ses fibres constitutives; il s'en suit que toutes les cellules de son noyau d'origine doivent être atteintes par la chro- matolyse. Quelle est maintenant la marche ultérieure de ces modifications cellu- laires? Quand on étudie les cellules d'origine du nerf hypoglosse provenant de lapins ayant survécu plus longtemps à la section du nerf, on voit que la dissolution de la substance chromatique, le gonflement du corps cellulaire et la propulsion passive du noyau dans les couches périphériques augmentent jusque vers le quinzième jour après la section. A cette époque, toutes les cellules d'origine du nerf sectionné, sans exception aucune, sont débarras- sées complètement d'éléments chromatophiles; elles ont l'aspect de vésicules plus ou moins transparentes, presque incolores au centre, mais encore tein- tées en bleu dans les couches périphériques, preuve que la substance chro- matique dissoute impreigne encore une partie du protoplasme cellulaire. Le noyau, quelquefois légèrement déformé par suite de la tension intra- cellulaire à laquelle il est soumis, occupe la zone la plus périphérique de la cellule, souvent même il fait saillie en dehors du protoplasme cellulaire; nous l'avons aussi rencontré quelquefois à moitié engagé dans le cône d'ori- l'anatomie fine de la cellule nerveuse 363 gine d'un prolongement protoplasmatique, d'accord en cela avec une obser- vation analogue de Sano (1). Au quinzièmejouraprès la section, les modifications cellulaires semblent avoir atteint leur maximum d'intensité. Sur des coupes provenant du bulbe de lapins tués 20 jours après la section du nerf, on voit que les cellules commencent à se réorganiser : elles passent de la phase de réaction à la phase de réparation. Cette phase de réparation s'accentue dans les cellules provenant de lapins tués 30 et 40 jours après l'interruption du nerf. La teinte bleue du protoplasme cellulaire disparaît, l'état de chromophilie cesse, les éléments chromatophiles réapparaissent, en même temps que le noyau re- prend sa place au centre du corps cellulaire. Cette phase de réparation ne marche pas également vite pour toutes les cellules nerveuses. Dans les coupes du bulbe d'un lapin tué 36 jours après la section, on peut rencontrer les différences les plus profondes entre les cellules du noyau lésé. A côté de cellules nerveuses qui ont repris un aspect presque normal, on en trouve d'autres où les éléments chromatophiles se sont reformés autour du noyau, mais laissent encore inoccupée toute une zone périphérique du protoplasme. On y voit aussi des cellules où le noyau a conservé sa position périphérique et même quelques-unes où la substance chromatique, peu abondante, se présente sous forme de quelques rares granulations, A partir du 2o« jour qui suit la section, il nous a semblé que les cellules nerveuses commencent à diminuer de volume. Cette diminution est exces- sivement lente, mais elle est continue; même 92 jours après la section, les cellules ne sont pas encore revenues à leur état normal. Un autre caractère de ces cellules en voie de réparation, c'est que leur corps cellulaire devient bientôt beaucoup plus riche en substance chroma- tique que les cellules du noyau sain. Les éléments chromatophiles sont très volumineux, ils ont un aspect homogène et ne laissent entre eux que de minces traînées de substance achromatique, légèrement teintée elle-même par le bleu de méthylène. Ces cellules présentent manifestement l'état pyk- nomorphe au plus haut degré, ainsi que Marinesco l'a déjà signalé. Cet état pyknomorphe se retrouve encore sur des coupes provenant de lapins qui ont survécu 92 jours à la section du nerf (i) Sano : Les localisations motrices dans la moelle lombo-sacrâe; Journal de neurologie et d'hypnologie, 1897, PP- 253-260 et 274-278. 364 A. VAN GEHUCHTEN De cette étude rapide il résulte donc que les modifications qui survien- nent dans les cellules motrices, à la suite de la section expérimentale de leurs prolongements cylindraxiles, intéressent exclusivement la substance chromatique. Ces modifications font passer la cellule par deux phases bien distinctes : une phase de dissolution de la substance chromatique et une phase de reformation des éléments chromatophiles. La première phase se caractérise par la dissolution brusque de la substance chromatique débutant au centre de la cellule nerveuse et envahissant rapidement tous les éléments chromatophiles. Cette dissolution brusque de la substance chromatique entraîne la turgescence du protoplasme cellulaire; celle-ci produit une aug- mentation considérable du volume de la cellule nerveuse et est la cause de la propulsion passive du noyau dans les couches périphériques. Elle crée le stade de chromophilie. Cette première phase débute objectivement envi- ron 40 heures après la section, elle atteint presque en même temps toutes les cellules lésées et dure en moyenne 15 à 20 jours pour faire place à la phase de reformation des éléments chromatophiles. Cette seconde phase est la plus longue. Le travail de reconstitution des éléments chromatophiles se fait lentement, en même temps que la cel- lule diminue progressivement de volume. Cette phase persiste encore 92 jours après la section. Pendant toute sa durée, les cellules sont excessi- vement riches en blocs chromatiques denses et homogènes. Elle crée un véritable état pyknomorphe des cellules motrices. Pendant toute la durée de ces modifications cellulaires, le noyau semble rester intact. Il ne fait que se déplacer passivement au début de la phase de dissolution des éléments chromatophiles, pour revenir insensiblement à sa position primitive pendant la phase de reconstitution des mêmes éléments. Marinesco s'est demandé (1) pourquoi, après la section du prolonge- ment cylindraxile d'une cellule nerveuse, la substance chromatique disparaît? Reprenant une idée émise déjà par v. Lenhossek (2), il estime que cette disparition de la substance chromatique est due ?• à ce que la cellule ne peut plus déterminer la décharge nerveuse par suite de la solution de continuité du cylindre-axe. « Cette explication n'est certes pas la bonne, car, vingt jours après la section, la substance chromatique recommence à se déposer dans le protoplasme cellulaire ; elle y devient même plus abondante que (i) Marinesco : Des lésions primitives et des lésions secondaires de la cellule nerveuse; Comptes rendus de la Société de Biologie, 25 janvier 1S96. (2) V. Lenhossek : Der feinere Bail des Nervensystems ; Berlin, 1895, p. I23. l'anatomie fine de la cellule nerveuse 365 dans une cellule normale et cela malgré la persistance de la solution de continuité du cylindre-axe. Une question importante à résoudre est celle de savoir si toutes les cellules d'un noyau lésé passent de la phase de dissolution à la phase de reconstitution des éléments chromophiles. NissL(i) admet qu'un certain nombre de cellules nerveuses se détrui- sent, tandis que le plus grand nombre des cellules lésées retournent à l'état normal. Ces cellules, redevenues normales, seraient cependant destinées à disparaître plus tard par simple atrophie. En 1887, Forel(2) avait déjà détendu une opinion analogue. Chez un cobaye adulte, tué 262 jours après la section du nerf facial au sortir du trou stylo-mastoïdien, le nombre des cellules du noyau d'origine du facial était tombé de 224 a 120; chez un cobaye jeune, ayant survécu 141 jours à l'arra- chement du nerf facial, le nombre des cellules était réduit à 5. Marinesco et Lugaro ont partagé à peu près la même manière de voir. « On peut diviser les phénomènes qui se passent dans le bout central et la cellule avec laquelle il est en contact, après la section du nerf, en deux phases, disait Marinesco au mois de mars 1896 (3). Dans la première, le bout central reste intact, tandis que dans la cellule, il se produit une réac- tion à distance, caractérisée par la dissolution plus ou moins complète des éléments chromatophiles. Dans la deuxième phase, il y a désintégration du protoplasme et des lésions dans le bout central du nerf sectionné. « ^ Les lésions du kinétoplasma (lésion de la première phase) sont réparables, avait-il dit ailleurs (4), mais si, à la lésion du kinétoplasme succède une altération du trophoplasme (lésion de la seconde phase), la lésion de la cellule ner- veuse est irréparable. " Plus tard, le savant roumain, se basant sur de nouvelles recherches, a modifié quelque peu son opinion première. Toutes les cellules lésées ne parcourent pas nécessairement la phase de réaction et la phase de dégéné- (1) NissL : Ueber eine nette Untersuchmigsmcthode des Centralorgans; Centralbl. f. Nervenheilk. und Psychiatrie, 1S94, p. 339, note. (2,. FoREL : Einige hirnanatomische Betrachtungen imd ihre Ergebnisse; Archiv f. Psychiatrie, i886, p. 191. — Ucber dus Verhàltniss der experimentellen Atrophie und Degenerationsmcthode ^ur Anatomie und Histologie des Centralnervensystems ; Zûricher Festschrift fur Naegeu und Kôlliker, Zurich, 1891. (3) Marinesco : Des polynévrites...; Revue neurologique, 1896, pp. i34 et i35. (4) Marinesco : Des lésions primitives et des lésions secondaires de la cellule nerveuse; Comptes rendus de la Société de Biologie, 25 janvier 1896. 366 A. VAN GEHUCHTEN rescence, mais le plus grand nombre d'entre elles se conservent en passant de la phase de réaction à la phase de réparation. " La phase de dégénérescence, dit-il (i), peut conduire à l'atrophie et à la disparition de la cellule nerveuse; mais la plupart des cellules peuvent réparer leurs lésions et, par conséquent, il faut admettre une troisième phase, ou phase de réparation. « — ^ Certaines cellules, dit-il encore, ne pouvant suffire aux frais de réparation de leur prolongement périphérique s'atrophient et disparaissent, tandis que d'autres sont capables de fournir une quantité suffisante d'énergie et peuvent ainsi survivre à la section de leur cylindre-axe. « LuGARO admet que, aussi longtemps que les phénomènes de réaction ne consistent que dans la désagrégation des éléments chromatophiles, la cellule peut revenir à l'état normal ; mais dès que les troubles cellulaires sont assez profonds pour amener le déplacement du noyau, la lésion est irréparable et la cellule doit dégénérer. Or, nous avons vu que presque toutes les cellules nerveuses dont l'axone a été sectionné présentent ce dé- placement du noyau. Il s'ensuit que, pour Lugaro, toutes ces cellules sont destinées à disparaître. Le sort ultérieur de la cellule nerveuse motrice qui a subi la section de son prolongement cylindraxile, dit Flatau (2), dépend tout entier du point de savoir si ce prolongement se remet ou non en connexion avec l'organe périphérique. Quand cette connexion fait défaut, les cellules d'origine dis- paraissent insensiblement. De toutes ces recherches il semble résulter, que la section expérimen- tale d'un nerf moteur périphérique est suivie de la destruction complète d'un certain nombre des cellules nerveuses qui constituent son noyau d'origine. Pour expliquer cette dégénérescence complète de quelques-unes au moins des cellules nerveuses du noyau lésé, les auteurs ont eu recours aux hypothèses les plus variées, dont aucune ne nous paraît satisfaisante. NissL ne donne pas d'explication; il se contente de signaler le fait. Pour expliquer la manière différente dont se comportent les cellules d'origine d'un nerf facial arrache et d'un nerf sectionné, Forel part de l'idée (1) Marinesco : La Pathologie générale de la cellule nerveuse; La Presse médicale, 1897. (2) Flatau : Einige Betrac/itungen ùber die Neuronlekre im Anschluss an frûh:;eitige experi- mentell er:;eugte Veràndenmgen der Zellcn des Oculomotoriuskerns ; Fortschritte der Medicin, 1896, p. 20. l'anatomie fine de la cellule nerveuse 367 que la cellule nerveuse et la fibre nerveuse qui en dépend représentent une unité complète; chacune des parties qui la constituent est, au point de vue trophique, sous la dépendance de la partie voisine. Si la partie que l'on enlève à cette unité nerveuse est importante, dit Forel, comme c'est le cas lors de l'arrachement du nerf, alors toute la cellule doit disparaître. Si, au contraire, la partie enlevée est petite, comme c'est le cas dans une section pratiquée à la périphérie, alors l'élément nerveux correspondant peut se conserver en vie. V. Lenhossek fait remarquer à juste titre que cette explication donnée par Forel ne cadre pas avec lès résultats des recherches expérimentales de NissL : quelque soit, en effet, l'endroit où le nerf a été sectionné, dit Nissl, cette section est toujours suivie des mêmes modifications cellulaires. Pour expliquer les atrophies secondaires que l'on observe dans la moelle épinière d'anciens amputés, Marinesco(i) a émis l'idée que les cellules nerveuses de la corne antérieure de la moelle ne conservent leur pleine intégrité anatomique que pour autant qu'elles reçoivent, d'une façon per- manente, les excitations fonctionnelles qui leur viennent, par les fibres des racines postérieures, de la périphérie du corps. Goldscheider (2) a admis cette opinion de Marinesco. De plus, il pense que les excitations fonction- nelles nécessaires pour que la cellule nerveuse de la corne antérieure se conserve dans son état normal peuvent lui venir également, par les fibres pyramidales, des centres nerveux supérieurs. Flatau rappelle les opinions de Marinesco et de Goldscheider. Il pense, en outre, que, à la suite de la section d'un nerf moteur, les excita- tions normales transmises de l'écorce cérébrale aux cellules d'origine de ce nerf peuvent diminuer dans une large mesure et cela, parce que toutes les excitations venues de l'écorce se rendraient exclusivement dans le noyau du côté sain. Cette diminution dans le nombre des excitations, qui doivent entretenir l'état fonctionnel normal de la cellule motrice séparée de son prolongement cylindraxile, est considérée, par Flatau, comme la cause immédiate de la dégénérescence d'un certain nombre de cellules nerveuses. Nous reviendrons plus loin sur l'importance que ces excitations peuvent exercer et exercent réellement sur l'état anatomique et fonctionnel des neu- (i) ^Marinesco : Ueber Verândentng der Nerven und des Rfickcnmarks nach Amputationen ; ein Bcitrag ^ur Nerventrophik ; Neurolog. Centralbl., 1892. (2) Goldscheider : Ziir allgcmeine Pathologie des Ncrvensystems ; Berliner klin. Wochenschr., PP- 444-497- 368 A. VAN GEHUCHTEN rones, mais nous devons reconnaître, avec v. Lenhossek, que, dans le cas de la section périphérique d'un nerf exclusivement moteur, les cellules d'ori- gine de ce nerf conservent toutes leurs connexions primitives et que, par conséquent, une diminution dans le nombre des excitations qui arrivent à ces cellules motrices ne peut être invoquée comme cause de la destruction d'un certain nombre de cellules nerveuses. D'ailleurs, si ces facteurs (dont quelques-uns sont fort hypothétiques) avaient l'importance que leur attribue BYatau, nous ne comprenons pas pourquoi toutes les cellules du nerf sectionné ne subissent pas le même sort. v. Lenhossek (i) partage une autre manière de voir. Il pense, contrai- rement à l'opinion exprimée par Marinesco, Goldscheider et Flatau, que les impulsions qui continuent à arriver aux cellules d'origine d'un nerf sec- tionné, soit par les fibres cortico-spinales, soit par les fibres réflexes des cordons postérieurs, exercent plutôt une influence nuisible sur ces cellules, et accélèrent leur destruction, parce que ces cellules se trouvent dans l'im- possibilité absolue de se décharger des impulsions reçues. Mais si cette opinion de v. Lenhossek correspondait à la réalité, toutes les cellules d'origine d'un nerf sectionné devraient disparaître, puisque toutes se trouvent dans les mêmes conditions anatomiques et fonctionnelles. Pour nous, les modifications qui surviennent dans une cellule nerveuse à la suite de la section de son cylindre-axe ne sont pas aussi profondes et ne sont pas aussi importantes au point de vue fonctionnel du neurone que les auteurs le croient généralement. Ce ne sont pas des phénomènes régres- sifs comme Nissl les appelle; ce sont encore moins des phénomènes de dégénérescence , ainsi que semble le faire supposer la dénomination de dé- générescence de NissL sous laquelle Marinesco les désigne. Elles consti- tuent, à nos yeux, la manifestation extérieure d'un simple trouble cellulaire qui n'intéresse en définitive que la substance chromatique. Celle ci se dis- sout plus ou moins rapidement dans le protoplasme cellulaire; cette disso- lution entraîne, comme phénomènes passifs, une turgescence considérable du corps cellulaire ainsi qu'un déplacement du noyau. L'élément consti- tuant principal de la cellule nerveuse, le réseau protoplasmatique, se con- serve intact. Ces modifications qui surviennent dans la substance chromatique sont uniquement la conséquence immédiate de la section de l'axone. Le prolon- (i) V. Lenhossek : Der feinere Ban des Nervensystcms...; Berlin, iSgS, p. i23. l'anatomie fine de la cellule nerveuse 369 gement cylindraxile d'une cellule nerveuse forme une partie intégrante du neurone; ce prolongement se trouve, au point de vue génétique, nutritif et fonctionnel, sous la dépendance immédiate de la cellule nerveuse. La section de ce prolongement cylindraxile trouble profondément le neurone dans son unité anatomique et fonctionnelle. Rien d'étonnant que la cellule nerveuse dont dépend cet axone se ressente quelque peu de cette amputation. La dis- solution de la substance chromatique doit donc être regardée comme la ma- nière spéciale par laquelle la cellule nerveuse réagit pis-à-vis d'une lésion péri- phérique. Nous pouvons en conclure que cette substance chromatique elle- même doit jouer un rôle important dans la conservation anatomique du neurone ; elle représente peut-être une substance chimique spéciale que la cellule a en réserve et qui lui est indispensable pour entretenir son intégrité anatomique. Mais cette dissolution de la substance chromatique n'est pas le point de départ de la destruction de la cellule nerveuse. Ce qui le prouve, c'est que cette dissolution s'opère, avec la même intensité, dans toutes les cel- lules constitutives du noyau et, malgré cela, le plus grand nombre de ces cellules échappent à la destruction et redeviennent normales. Nous pensons que \&fait de la dégénérescence d'un certain nombre de cellules nerveuses à la suite de la section d'un nerf moteur périphérique n'est nullement prouvé. Colenbrander affirme que, sur des lapins tués 48 jours après la sec- tion des deux troncs supérieurs du plexus brachial, il n'a pu observé de diminution dans le nombre des cellules nerveuses dans la corne antérieure du côté lésé. Nous-même, nous avons examiné attentivement plusieurs coupes du noyau d'origine du nerf hypoglosse sectionné depuis 52 jours, sans trouver des différences manifestes entre le nombre des cellules du noyau sain et celui du noyau lésé. Sur un certain nombre de coupes provenant du bulbe d'un lapin tué 92 jours après la section du nerf, il nous semblait que le nombre des cellules nerveuses dans le nojau lésé était de beaucoup infé- rieur à celui du noyau sain, mais sur des coupes voisines, les rapports nous paraissent renversés. De plus, sur des coupes provenant du noyau d'origine du nerf oculo-moteur commun d'un lapin tué un an après la section du nerf, il était difficile de dire si les cellules étaient moins nombreuses dans le noyau lésé que dans le noyau sain. Pour trancher cette question, il ne suffit pas de compter, sur une coupe donnée, les cellules du noyau lésé et les cellules du noyau intact ; des dif- 46 370 A. VAN GEHUCHTEN férences considérables dans le nombre des cellules nerveuses qui existent, à un niveau donné, dans les noyaux d'origine des deux nerfs hypoglosses s'observent en effet, même chez le lapin normal. Pour arriver à un résultat positif, il faut compter toutes les cellules constitutives du noyau lésé et toutes les cellules du noyau sain. Le temps nous a manqué pour faire ces re- cherches. Nous devons cependant avouer que, de l'examen de nos nombreuses coupes, il nous est resté l'impression que, dans le noyau du côté lésé, il y a, selon toutes les apparences, une certaine diminution dans le nombre des cellules nerveuses. Si ce fait devait se confirmer, nous ne considérerions pourtant pas cette disparition d'un certain nombre de cellules nerveuses comme le stade final du trouble fonctionnel consécutif à la section du nerf, mais nous demande- rions si cette destruction d'un petit nombre de cellules nerveuses ne serait pas un fait purement accidentel dû à la dislocation exagérée du no3^au. La section d'un nerf périphérique amène, avons-nous vu, la dissolution de la substance chromatique. Cette dissolution provoque une turgescence consi- dérable dans le corps de la cellule nerveuse et le noyau se trouve brusque- ment refoulé vers les couches périphériques. Ce qui prouve que la direction suivie par ce noyau n'est pas toujours la même, c'est que tantôt on le trouve à la surface libre du corps cellulaire, tantôt il se trouve refoulé dans la base d'un prolongement protoplasmatique. Tous les auteurs ont observé et figuré des cellules où le noyau faisait même légèrement saillie au dehors du corps cellulaire. Tous signalent aussi l'existence d'un certain nombre de cellules en chromatolyse complète et sans noyau. Personne cependant n'a vu jus- qu'ici le noyau entièrement sorti du corps cellulaire. Nous demandons si une expulsion complète du noyau ne se produit pas, en réalité, dans un certain nombre de cellules nerveuses. S'il en était ainsi, la destruction com- plète de ces cellules s'expliquerait facilement, puisque nous savons que la conservation du noyau est une condition sine qua non de la conservation de la cellule correspondante. En résumé donc, la section expérimentale d'un nerf moteur périphé- rique provoque, dans les cellules d'origine de ce nerf, des troubles profonds qui consistent avant tout dans une dissolution rapide de la substance chro- matique suivie de la turgescence du protoplasme et d'un déplacement con- sidérable du noyau. Aucune de ces modifications n'est cependant assez profonde pour désorganiser complètement le protoplasme cellulaire; aussi, l'anatomie fine de la cellule nerveuse 371 celui-ci reconstitue-t-il bientôt la substance chromatique dissoute pour re- prendre son aspect normal. Ce n'est que dans des cas exceptionnels et tout à fait accidentels, quand la turgescence cellulaire a expulsé le noyau jusque en dehors de la cellule, que celle-ci dégénère et disparaît. Les phénomènes de chromatolyse ne se produisent pas seulement, dans une cellule motrice, à la suite de la section complète de son axone; on les voit survenir aussi à la suite d'une simple ligature de ce dernier, ainsi que cela résulte manifestement de nos recherches personnelles, sur lesquelles nous reviendrons plus loin. On les observe aussi à la suite de l'irritation de ce nerf par un courant électrique (Vas, Mann, Lambert, Lugaro), à la suite du trouble fonctionnel déterminé dans le nerf périphérique par l'application de cristaux de chlorure de sodium (Nissl), à la suite même des lésions patho- logiques les plus variées (compression, inflammation, etc.), qui interrompent momentanément ou définitivement la connexion anatomique ou fonction- nelle du neurone (Marinesco, Ballet et Dutil, Sang, etc.). La chromatolyse d'une cellule nerveuse peut donc être un phénomène important au point de vue des recherches anatomiques. Grâce à elle, nous avons entre les mains un moyen précieux, qui nous permettra d'aborder avec succès l'étude si importante des localisations des cellules nerveuses dans la substance grise de la moelle épinière, ainsi que Sang a déjà essayé de le faire. Mais au point de vue physiologique et pathologique, cette chromato- lyse ne présente rien de spécial, rien de spécifique : c'est un simple trouble de la cellule nerveuse qui se produit infailliblement chaque fois qu'un ob- stacle quelconque s'oppose au fonctionnement normal du neurone, quels que soient d'ailleurs le siège et la nature de cet obstacle. La durée de ces phénomènes de chromatolyse semble être en rapport immédiat avec l'état anatomique de l'axone au point lésé. Nous avons vu qu'à la suite de la section complète du nerf hypoglosse, la phase de dissolution de la substance chromatique arrivait à son terme environ 20 jours après la section. Nous avons pratiqué alors, sur une série de lapins, la simple ligature du nerf. Le nœud a été maintenu serré pendant une minute, puis nous l'avons défait en ayant bien soin de ne pas sectionner le nerf. Les fibres nerveuses du nerf ont donc été interrompues, sinon ana- tomiquement, au moins fonctionnellement, au point d'application du nœud. Mais les deux bouts du nerf sont restés en contact, condition éminemment favorable à la régénération des fibres nerveuses. Dans ces conditions, les cellules d'origine du nerf hypoglosse ont pré- 372 A. VAN GEHUCHTEN sente de la chromatolyse à partir du deuxième jour qui suit la section. Le degré de cette chromatolyse était quelque peu variable d'un lapin à l'autre, probablement à cause de la lésion plus ou moins profonde des fibres du nerf ligaturé. Le quatrième et le cinquième jour, la chromatolyse était assez avancée; toutes les cellules étaient gonflées et dans quelques-unes la chro- matolyse avait entraîné le déplacement du noyau. Mais, chez tous nos ani- maux, le travail de reformation des éléments chromatophiles se montrait manifestement à partir du neuvième jour après la ligature. Si la lésion du nerf périphérique, au lieu d'être nette et brusque comme l'est celle déterminée par la section ou la ligature, est, au contraire, une lésion qui persiste, même avec une intensité variable, pendant un temps plus ou moins long, nous voyons les phénomènes de chromatolyse des cel- lules correspondantes se prolonger également. C'est ici le lieu de signaler les observations de Marinesco, de Ballet et Dutil, de Fleming, etc. Ces auteurs ont constaté les phénomènes de chromatolyse dans les cellules de la corne antérieure de la moelle dans des cas de polynévrites ayant duré plusieurs mois. Ces faits sont importants à constater. Ils prouvent, à ne pouvoir en douter, que la dissolution de la substance chromatique n'est, au point de vue de l'intégrité anatomique du neurone, qu'un phénomène secon- daire, puisque cette chromatolyse peut persister pendant plusieurs mois sans amener la dégénérescence de la cellule elle-même. B. Cellules des ganglions spinaux. Des recherches expérimentales, sur les modifications qui surviennent dans les cellules des ganglions spinaux après la section de leur prolongement périphérique, ont été entreprises par Lugaro, Mering et R. Fleming. LuGARO a d'abord signalé (i) que, après la section d'un nerf spinal, les cellules, des ganglions spinaux, examinées vingt jours après la section, ne présentaient que la phase de réaction caractérisée par la désagrégation de la partie chromatique périnucléaire et de celle voisine du cône d'origine du prolongement unique. Dans toutes ces cellules, le noyau, resté intact, con- servait sa position normale au centre du corps cellulaire. Cette différence profonde entre la manière de réagir d'une cellule des ganglions spinaux et d'une cellule motrice de la moelle, après la section d'un nerf spinal, dépend (i) Lugaro : Nuovi dati e niiovi problcmi nclla patologia délia cclhila nervosa ; Rivista di pa- tologia nervosa e mentale, iSg6, p. 317. l'anatomie fine de la cellule nerveuse 373 plus que probablement, pensait Lugaro, du fait que la section d'un nerf spinal ne constitue qu'une mutilation partielle pour les cellules des gan- c^lions spinaux, celles-ci conservant toujours leur prolongement interne. Lugaro a repris alors ces expériences d'une manière plus suivie (i). Il a excisé, dans la région dorsale d'un chien, un lambeau de peau de 12 cen- timètres de largeur sur 30 centimètres de longueur. L'animal a été tué 18 jours après la lésion. Dans les ganglions spinaux en connexion avec le lambeau cutané excisé, Lugaro a trouvé quelques cellules altérées : les unes présentaient une chromatolyse plus ou moins avancée, sans altération ni déplacement du noyau; quelques autres, en très petit nombre, présen- taient une déformation manifeste du corps cellulaire et du noyau et le dé- placement de celui-ci à la périphérie du corps cellulaire, signe de lésion dégénérative, dit Lugaro, probablement irréparable. Il a sectionné, sur des chiens, le nerf sciatique au niveau de l'articula- tion coxo-fémorale et a tué les animaux à des époques variables après la lésion. Douze jours après la section, il a rencontré dans les ganglions spi- naux correspondants, à côté d'un grand nombre de cellules normales, toutes les phases possibles de l'altération cellulaire, depuis une légère chromatolyse avec noyau central, jusqu'à la déformation du corps cellulaire, désagréga- tion complète de tous les éléments chromatophiles, noyau ratatiné, coloré et déplacé vers la périphérie. Ces différences dans le degré de l'altération sont dues, d'après Lugaro, à la résistance variable que les cellules opposent à l'action perturbatrice. Les ganglions spinaux des chiens tués après 39 jours présentaient des lésions bien plus profondes. Lugaro y signale une prolifération abondante de tissu conjonctif, une diminution manifeste dans le nombre des cellules nerveuses et, parmi les cellules restantes, la prédominance des cellules intactes. De ces recherches, Lugaro tire la conclusion que la section du nerf périphérique détermine dans les cellules des ganglions spinaux, des modifi- cations cellulaires qui varient dans des limites très larges d'après la résis- tance variable que les cellules opposent à la lésion et qui, pour certaines d'entre elles, vont jusqu'à la destruction complète de l'élément nerveux. Les résultats obtenus chez le cobaye étaient quelque peu différents de ceux que nous venons de résumer. "Vingt jours après la lésion, les cellules (i) LuG.'iKO : Stdlc altcra^ioni délie cellule nervose dei gangli spinali in segnito al taglio délia branca periferica o centrale delloro prolungamento; Ibidem, 1S96, pp 457-470. 374 A. VAN GEHUCHTEN des ganglions spinaux ne présentent qu'une chromatolyse centrale périnu- cléaire. Ce n'est que plus tard que la forme dégénérative devient plus évi- dente et que l'on observe la prolifération du tissu conjonctif. LuGARO a sectionné aussi les racines postérieures des nerfs spinaux entre le ganglion et la moelle. Huit jours après la section, les cellules des ganglions spinaux étaient normales chez le chien, tandis que chez le chat elles présentaient un léger degré de diffusion de la partie chromatique, sans aucune modification de structure. Dans les ganglions spinaux d'un chien tué 40 jours après la section des racines postérieures, il n'a rencontré, comme fait anormale, qu'une accumulation extraordinaire de pigment, sans modifi- cation aucune dans la structure. De toutes ces recherches, Lugaro tire la conclusion que, à la suite de la lésion de leur prolongement périphérique, les cellules des ganglions spi- naux subissent un processus d'altération qui peut conduire à la mort et à la destruction de l'élément nerveux, tandis que ces cellules conservent leur structure normale à la suite de la section de leur prolongement central. Dans un travail publié par Darkschewisch, l'auteur cite les résultats des recherches faites par Mering (1) sur les modifications cellulaires consé- cutives à la section du nerf sciatique chez le cobaye. Il arrrive à la conclu- sion que, un certain temps après l'opération, les cellules d'origine de ce nerf présentent une atrophie manifeste. Robert Fleming (2) a sectionné le nerf sciatique chez le chien et le lapin et il a étudié, avec la méthode de Nissl, les cellules des ganglions spinaux à des époques variables après la section. Il conclut de ces recherches que les cellules s'altèrent manifestement; les modifications cellulaires débu- tent probablement au quatrième jour après la lésion, dit-il; elles sont indis- cutables déjà après 7 jours. Il signale, comme une des premières modifica- tions, une diminution de volume du no)'au et du nucléole et leur position excentrique. Fleming semble n'avoir constaté qu'une chromatolyse péri- phérique." D'après lui, les éléments chromatophiles s'amassent autour du noj^au en même temps que l'on constate leur diminution en nombre et en volume. Toutes ces recherches, dit Flatau, sont encore trop incomplètes pour qu'elles puissent nous permettre d'en tirer des conclusions générales. (i) Mering : Cité d'après Flatau : Neiie exyenmentclle Arbciten ûber die Pathologie der Ner- ven^ellen; Fortschritte der Medicin, 1897, p. 286. (2) Robert A. Flemming : The effect of « ascending degeneration » on the nervc-cells of the Canglia; The Edinburgh médical Journal, March 1897. (Cité d'après Flatau.) LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 375 Nous avons alors repris, avec un de nos élèves, M. Nelis, d'une ma- nière méthodique et suivie, l'étude des altérations qui surviennent dans les cellules des ganglions spinaux à la suite de la lésion du nerf périphérique. Nous avons opéré sur le lapin et nous avons choisi, comme ganglion d'étude, le ganglion plexiforme du pneumogastrique. Sur tous les lapins qui avaient subi la section du nerf hypoglosse pour l'étude des modifications cellulaires consécutives à la section d'un nerf moteur, nous avons sectionné également le nerf pneumo-gastrique et le nerf sympathique du côté corres- pondant. Sur tous les lapins qui avaient subi la ligature pendant une minute du nerf de la douzième paire, nous avons ligaturé, également pendant une minute, le cordon intermédiaire du sympathique et le nerf pneumo-gastrique vers la partie moyenne de la région cervicale. Nous disposons ainsi d'une série de ganglions enlevés à l'animal 24, 32 et 40 heures, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 10, 15, 20, 36, 52, 53 et 92 jours après la section du nerf et une autre série, plus nombreuse même, de ganglions dont le nerf périphérique avait été liga- turé. Les résultats de ces recherches seront publiés sous peu en détail. Les conclusions auxquelles nous sommes arrivés peuvent se résumer comme il suit. Après la section du nerf vague dans la région cervicale, à environ deux centimètres en dessous de l'extrémité inférieure de ce ganglion, les cellules présentent des troubles manifestes 32 heures et même 24 heures après la lésion. Ces troubles consistent dans une dissolution des éléments chromato- philes qui nous a toujours paru débuter au sein même du corps cellulaire. Cette chromatolyse progresse rapidement du centre vers la périphérie et, déjà 4 ou 5 jours après la section, les cellules lésées se présentent comme des vésicules claires, teintées uniformément en bleu par la couleur d'aniline, avec un bord périphérique de granulations chromophiles plus ou moins dis- tinctes. Cette dissolution de la substance chromatique est accompagnée d'une augmentation de volume du corps cellulaire et de la propulsion du noyau vers la périphérie. Ces phénomènes de chromatolyse s'accentuent de plus en plus pour atteindre leur maximum environ 15 jours après la section. Pendant les premières phases qui suivent la section, phase que nous avons appelée phase de dissolution des éléments chroniatophiles, les cellules des ganglions spinaux se comportent donc comme les cellules motrices. Mais à partir du quinzième jour environ la marche des phénomènes change. Les cellules motrices, à part peut-être un petit nombre, entrent alors dans 376 A. VAN GEHUCHTEN la phase de reconstitution des éléments chromatophiles. Pour les cellules des ganglions spinaux, il n'en est pas ainsi. A la phase de dissolution de la par- tie chromatique fait suite une phase de destruction ou de dégénérescence; de telle sorte que toutes les cellules profondément lésées sont destinées à disparaître. Les recherches que nous avons faites avec M. Nelis confirment donc, sur ce point, les observations de Lugaro. Rien n'est plus démonstra- tif à cet égard que de comparer la coupe d'un ganglion plexiforme normal avec la coupe d'un ganglion provenant d'un animal qui a été tué 92 jours après la section du nerf vague. Dans le ganglion normal, les cellules sont nombreuses, serrées les unes contre les autres, et le tissu conjonctif interposé est peu abondant ; dans le ganglion sectionné au contraire, les choses sont renversées; ici on constate de larges travées de tissu conjonctif séparant un petit nombre de cellules intactes. Il existe donc une différence profonde entre la manière dont une cellule motrice de la corne antérieure de la moelle et une cellule d'un ganglion spi- nal réagissent à la section de leur prolongement périphérique. La cellule motrice réagit par la dissolution de sa substance chroma- tique. Ce trouble cellulaire dure environ 15 jours, puis tout rentre insensi- blement dans l'ordre et la cellule non seulement reconstitue la substance chromatique qu'elle a perdue, mais encore s'en charge tellement qu'elle présente pendant plus de soixante-dix jours un véritable état pyknomorphe. La cellule sensitive réagit aussi par la dissolution de sa substance chro- matique. Ce trouble cellulaire est même plus précoce que dans la cellule motrice. Il augmente insensiblement jusqu'au quinzième jour après la sec- tion. Cette cellule parcourt donc, comme la cellule motrice, et même plus rapidement que cette dernière, la phase de dissolution des éléments chro- matophiles. Mais alors, au lieu de réorganiser sa partie chromatique utilisée, elle se désorganise et disparait. A quoi devons-nous attribuer cette différence profonde dans le mode de réaction d'une cellule motrice de la corne antérieure et d'une cellule des ganglions spinaux à la lésion de leur prolongement périphérique? Nous abordons ici un des problèmes les plus importants de la physio- logie et de la pathologie des neurones. Nous avons vu plus haut que Lugaro a constaté une différence fonda- mentale entre la manière dont une cellule des ganglions spinaux réagit à la section de son prolongement périphérique et à la section de son prolonge- ment central. LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 377 L'interruption complète du prolongement périphérique amène, à bref délai, la destruction de la cellule nerveuse; au contraire, l'interruption du prolongement central n'est suivi que d'une légère chromatolyse sans gonfle- ment du corps cellulaire, sans déplacement du noyau, chromatolyse qui dis- paraît bientôt sans laisser de trace. Lu GARD s'est demandé à quoi était due cette dififérence profonde dans la manière de réagir d'une cellule des ganglions spinaux à la suite de la section de son prolongement périphérique et de son prolongement central. La première idée qui se présente naturellement à l'esprit, dit-il, c'est • que cette différence est en rapport avec la différence de fonction de ces deux prolongements. Le prolongement périphérique recueille les excitations du dehors et les transmet à la cellule nerveuse, tandis que le prolongement central transmet aux masses grises de la moelle et du bulbe les impressions élaborées dans la cellule elle-même. On peut penser, dit-il, que la cellule, privée des excitations externes qui lui affluent d'une manière continue et condamnée ainsi à une complète inaction par suite de la section de son prolongement périphérique, peut s'altérer et dégénérer, tandis que séparée simplement des centres nerveux par suite de l'interruption de son prolon- gement central, elle perd bien, il est vrai, sa fonction dans le système de la collectivité nerveuse, mais elle continue à vivre, parce qu'elle continue à recevoir les excitations auxquelles elle est habituée. Cette supposition s'har- moniserait très bien, dit Lugaro, avec la doctrine que Marinesco a intro- duite dans la science et qui a été acceptée et élargie par Goldscheider, doctrine suivant laquelle les excitations physiologiques habituelles d'une cellule nerveuse exercent sur cette cellule nerveuse et sur toutes les parties qui en dépendent, une véritable action trophique indispensable à la conser- vation de l'intégrité anatomique et fonctionnelle du neurone. Mais Lugaro rejette cette explication. Les cellules de la corne anté- rieure de la moelle, dit-il, subissent, elles aussi, à la suite de la section du nerf périphérique, le même processus de dégénérescence que les cellules des ganglions spinaux. C'est là, pour Lugaro, un fait établi avec une entière certitude (un fatto ormai stabilito con ogni sicurezza). Et cependant, ces cellules se trouvent dans des conditions tout à fait opposées à celles qui existent pour les cellules des ganglions spinaux : les cellules motrices, en effet, après la section de leur cylindre-axe, ne peuvent plus exercer leur activité normale, mais elles ne sont nullement soustraites aux excitations qui leur viennent d'une façon continue, directement ou indirectement, soit 47 378 A. VAN GEHUCHTEN par les fibres des voies réflexes, soit par les fibres de la voie pyramidale. Si, malgré tout cela, ces cellules se détruisent, dit Lugaro, c'est que les exci- tations habituelles qui leur sont transmises n'interviennent pour rien dans la conservation de leur état normal. Lugaro se montre plus disposé à admettre l'opinion de v. Lenhossek, d'après laquelle les cellules motrices dégénèrent à la suite de la section de leur cylindre-axe, parce que ces cellules se trouvent dans l'impossibilité de décharger les excitations qu'elles reçoivent. Mais cette hypothèse laisse encore un point obscur; la cellule des ganglions spinaux ne s'altère pas après la section de son prolongement à conduction cellulifuge et cependant, comme la cellule motrice, elle se trouve alors dans l'impossibilité de dé- charger les excitations qui lui sont transmises. Pour expliquer les faits observés, Lugaro admet que la suppression des excitations physiologiques (section du prolongement périphérique des cellules des ganglions spinaux) et l'impossibilité pour une cellule nerveuse de mettre en liberté les excitations qui lui sont transmises (section de l'axone d'une cellule motrice et section du prolongement central d'une cellule des ganglions spinaux) peuvent amener l'altération et la dégénérescence de l'élé- ment correspondant. Si les cellules motrices et les cellules des ganglions spinaux, placées dans les mêmes conditions, se comportent différemment, il faut en conclure, d'après Lugaro, que les différents éléments du système nerveux peuvent opposer aux causes perturbatrices une résistance variable, que l'élément sensitif se ressent plus spécialement de la supression des ex- citations externes ; que l'élément moteur, au contraire, se ressent davantage de l'obstacle qui lui est fait à la décharge de l'énergie élaborée. Mais cette explication de Lugaro n'en est pas une. Pour arriver à cette conclusion, le savant italien, acceptant les affirma- tions de FoREL, NissL, v. Lenhossek, Flatau et les conclusions des pre- miers travaux de Marinesco, est parti d'un point de départ qui est faux : la section d'"un nerf moteur périphérique n'entraîne pas du tout la dégénéres- cence et la destruction des cellules d'origine de ce nerf. Bien au contraire, il résulte des recherches que nous avons exposées plus haut, que ces cellules d'origine ne présentent que la phase de dissolution des éléments chromato- philes, bientôt suivie de la phase de reconstitution des mêmes éléments, et que, si quelques-unes de ces cellules se détruisent en réalité, cela n'est pas dû à la section de leur prolongement cylindraxile, ni à l'impossibilité dans laquelle se trouvent ces cellules nerveuses de procéder à la décharge de LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 379 l'influx nerveux, mais bien à un phénomène purement accidentel : à la dis- location exagérée du noyau à la suite de la turgescence brusque du corps protoplasmatique. Ce qui prouve d'ailleurs bien que les cellules d'origine d'un nerf moteur sectionné ne dégénèrent pas, ce sont les recherches expé- rimentales faites entre autres par Vanlair. Ces recherches montrent que le nerf sectionné peut se régénérer dans sa totalité, si on le met dans certaines conditions qui favorisent ce travail de régénération. Ce sont encore les ob- servations cliniques incontestables qui ont prouvé que l'avivement et la suture consécutive des deux bouts d'un nerf sectionné chez l'homme peut encore amener la reconstitution de ce nerf, même si la section pathologique a persisté pendant plusieurs mois. Cette régénération du nerf serait absolument impossible si les cellules d'origine des fibres constitutives de ce nerf avaient été envahies par la dégénérescence. Nous nous trouvons donc devant ces deux faits qui nous paraissent bien établis : 1° La section du prolongement périphérique d'une cellule motrice de la moelle est suivie de la dissolution des éléments chromatophiles pendant les premiers jours qui suivent la section; la cellule nerveuse se conserve, elle régénère bientôt les éléments chromatiques utilisés. 2° La section du prolongement périphérique d'une cellule des gan- glions spinaux est suivie également, pendant les premiers jours qui suivent la lésion, de la dissolution des éléments chromatophiles; mais cette cellule ne se conserve pas, elle n'est plus en état de reformer les éléments chroma- tophiles utilisés, elle dégénère et elle disparaît. La seule cause possible de la manière profondément différente dont ces deux espèces de cellules nerveuses répondent à la section de leur prolonge- ment périphérique, nous devons la chercher dans l'intervention de l'action trophique exercée sur ces cellules par les excitations qui leur sont trans- mises. Si la cellule motrice se régénère, c'est qu'elle reste sous l'influence de l'action trophique qu'exercent sur elles les ramifications cylindraxiles des cellules nerveuses avec lesquelles elle est en contact. Si la cellule des ganglions spinaux dégénère et disparaît, c'est que, à la fin de la phase de dissolution de la substance chromatique, au moment où cette cellule devrait entrer dans la période de réparation, l'action trophique qu'exercent sur elle les excitations du dehors lui fait défaut. La cellule d'origine d'un neui^one moteur périphérique présente donc 48 38o A. VAN GEHUCHTEN de la chrornatolyse, parce que la section de son prolongement cylindraxile constitue pour elle une mutilation grave qu'elle tâchera de réparer. Ce tra- vail de réparation pourra s'effectuer, parce que cette cellule reste sous l'in- fluence qu'exercent sur elle les neurones avec lesquels elle entre en contact, La cellule d'origine d'un neurone sensible périphérique présente égale- ment de la chromatolyse à la suite de la section de son prolongement péri- phérique, parce que cette section constitue pour elle une mutilation grave. Mais le travail de réparation est devenu impossible pour elle, parce que, à côté de la mutilation que ce neurone a subie, il se trouve encore privé de l'action trophique qu'exerçaient sur lui les excitations du dehors. Ce qui prouve d'ailleurs que tel est bien le véritable mécanisme des troubles cellu- laires si différents que nous présentent les cellules motrices et les cellules des ganglions spinaux à la suite de la section du nerf périphérique, ce sont les observations de Lugaro sur les troubles cellulaires consécutifs à la sec- tion des racines postérieures, La section du prolongement interne des cellules des ganglions spinaux met ces cellules dans la même situation anatomique et fonctionnelle que celle qui est faite aux cellules motrices après la section du nerf périphérique. Dans les deux cas, les cellules présentent de la chromatolyse; mais ces cel- lules se conservent et redeviennent normales, parce qu'elles restent sous l'influencç de l'action trophique qu'exercent sur elles soit les fibres centrales, soit les fibres périphériques. La chromatolyse semble cependant plus profonde dans les cellules mo- trices que dans les cellules sensitives : les cellules motrices présentent des troubles profonds, tandis que les cellules des ganglions spinaux présente- raient à peine, d'après les recherches de Lugaro, une légère chromatolyse centrale sans déplacement du noyau. Mais il est évident que, avant de se prononcer, il faudra de nouvelles recherches pour contrôler si véritablement, comme Lugaro l'affirme, la section du prolongement interne des cellules des ganglions spinaux, n'est suivie que de la chromatolyse légère dont parle l'auteur italien. Nous avons entrepris ces expériences en sectionnant le nerf pneumo-gastrique du lapin, au-dessus du ganglion plexiforme. Le temps nous a fait défaut pour en recueillir les résultats. Cette action trophique, que les excitations qui arrivent habituellement à une cellule nerveuse exercent sur cette dernière, n'est pas seulement indis- pensable pour qu'une cellule lésée puisse faire face aux troubles cellulaires que la lésion y détermine; elle est encore indispensable pour qu'un neu- l'anatomie fine de la cellule nerveuse 381 rone entièrement intact puisse conserver son intégrité anatomique et fonc- tionnelle. Nous savons tous que, quand on sectionne un nerf moteur périphé- rique, les muscles innervés par ce nerf s'atrophient et disparaissent. Nous en concluons que, pour qu'un muscle conserve son intégrité, il faut qu'il soit en relation avec la cellule d'origine de sa fibre nerveuse et nous admet- tons que cette cellule nerveuse exerce sur ce muscle une action spéciale que nous désignons sous le nom d'action tropliiquc. Eh bien! cette action trophique, que les cellules de la corne antérieure de la moelle exercent sur le muscle périphérique, s'exerce aussi d'une cellule nerveuse à l'autre. Nous en trouvons la preuve dans le fait suivant. Dans les expériences qui ont servi de base au présent travail, nous avons sectionné, sur un grand nombre de lapins, le nerf pneumo-gastrique droit dans la région cervicale. Ainsi que Marinesco l'a signalé le premier(i), la section de ce nerf amène des troubles manifestes, non seulement dans le noyau ambigu que l'on considère comme le noyau d'origine des fibres mo- trices, mais encore dans le noyau dorsal du pneumogastrique généralement considéré comme noyau sensitif. » Déjà après six jours, dit Marinesco, on peut constater, dans le noyau dorsal du pneumo-gastrique, des lésions de réaction à distance, qui consis- tent dans la désintégration des éléments chromatophiles et la migration du noyau vers la périphérie. Ces lésions, qui apparaissent plus tard également dans le nucleus ambiguus, sont discrètes et gagnent la plupart des cellules du noyau dorsal du pneumo-gastrique au bout de quinze jours. Il m'a semblé qu'après la section du vague, c'est le noyau dorsal qui réagit en première ligne. Donc les lésions de ce noyau sont précoces. Quelle est l'interpréta- tion de cette constatation anatomique facile à vérifier pour tout le monde? La réaction du nucleus ambiguus est en conformité avec nos connaissances actuelles. Il s'agit là d'un neurone moteur qui constitue, ainsi que j'espère pouvoir le montrer dans une communication prochaine, la source de l'in- nervation des muscles du larynx. Mais pourquoi le noyau dorsal du pneu- mo-gastrique réagit-il? S'il était, en réalité, constitué uniquement par des neurones sensitifs indirects, on se demanderait quelle est la cause de cette réaction précoce. En effet, nous ne connaissons pas actuellement de lésions neurales secondaires (sensitif ou moteur) développées en quelques jours. (i) Marinesco : Les noyaux nuisculo-strics et muscido-lisses du pneumo-gastrique ; Comptes l'cndus de la Soc. de Biologie, i3 février 1S97. 382 A. VAN GEHUCHTEN Mes recherches m'ont prouvé et, à ce point de vue, elles confirment celles de NissL, que ces lésions neurales secondaires sont tardives. Je suis donc obligé d'admettre que le noyau doi'sal du pneumo-gastrique ne constitue pas une agglomération de neurones sensitifs indirects ; je pense au contraire qu'il s'agit là d'un neurone moteur. Quelle est la nature de ce neurone moteur? Je dois faire remarquer, à ce propos, que le type de ces cellules n'est pas celui des cellules du nucleus ambiguus ou de l'hypoglosse; aussi j'admets que le noyau dorsal du pneumog-astrique constitue un noyau moteur des muscles lisses innervés par le pneumo-gastrique et pour cela, je propose de lui donner le nom de noyau musculo-lisse, en opposition avec le nucleus ambiguus que j'appelle le noyau musculo-strié du pneumo-gastrique -. Ces modifications du noyau dorsal du pneumo-gastrique s'observent avec la plus grande facilité chez le lapin. Leur début est beaucoup plus précoce que Marinesco ne le signale chez le chien et le chat ; déjà au com- mencement du troisième jour, les cellules sont atteintes par une chromatolyse énergique, qui entraîne le gonflement de la cellule nerveuse et le déplace- menr du noyau. Les observations que nous avons faites sur les cellules constitutives de ce noyau dorsal ne nous permettent cependant pas de partager l'opinion de Marinesco. Pour nous, ce noyau dorsal est un noyau sensitif ; ce qui le prouve, c'est d'abord ce fait que les cellules qui le constituent ne présentent pas le type moteur de Nissl. Ensuite, un fait beaucoup plus important, c'est que ces cellules ne se comportent pas comme les cellules d'un noyau moteur. Nous avons vu que les cellules motrices périphériques commencent à se régénérer 15 à 20 jours après la section de leur prolongement cylin- draxile. Or, les cellules du noyau dorsal du pneumo-gastrique ne se régé- nèrent pas du tout; elles se comportent comme les cellules du ganglion plexiforme, elles dégénèrent et elles disparaissent. C'est ce que l'on voit m.anifestement sur des coupes du bulbe provenant de lapins tués 40, 50 ou 60 jours après la section. Vis-à-vis du noyau dorsal du côté sain, formé par un grand nombre de cellules nerveuses, on trouve le noyau dorsal du côté lésé réduit à quelques cellules éparses. Ce qui empêche Marinesco de considérer ce noyau dorsal comme un noyau sensitif, c'est la rapidité avec laquelle les lésions neurales secondaires, comme il les appelle, s'y développent. Pour avoir tout notre apaisement à cet égard, nous avons pratiqué, sur cinq lapins, la section intracranienne du nerf acoustique à son entrée dans le conduit auditif interne. Trois de LANATOMIE FINE DE LA CELLULE NERVEUSE 383 ces lapins n'ont survécu que quelques heures; le quatrième a survécu 3 jours et le cinquième 3 jours et 10 heures. Tous ont présenté, pendant tout le temps qu'ils ont survécu à la section du nerf acoustique, depuis le moment où on les enlevait de la table d'opération jusqu'au moment de leur mort et chaque fois qu"on les déplaçait dans leur cage, un mouvement particulier de rotation autour de l'axe longitudinal du corps, mouvement qui s'effec- tuait de droite à gauche quand on avait sectionné le nerf gauche et qui s'effectuait de gauche à droite après la section du nerf acoustique du côté droit. Les sections faites dans l'axe nerveux, au niveau de l'entrée des fibres du nerf acoustique, ont montré que toutes les cellules du noyau terminal de ce nerf étaient en chromatolyse. On observait même en chromatolyse quelques-unes des cellules volumineuses de la formation réticulaire qui ap- partiennent manifestement au type moteur de Nissl. La section d'un nerf sensible périphérique ne retentit donc pas seule- ment sur les cellules d'origine de ce nerf, elle retentit également sur la con- stitution de la cellule du second neurone avec laquelle les fibres du nerf périphérique arrivent en contact, preuve indiscutable, nous semble-t-il, que les neurones superposés exercent l'un sur l'autre une action trophique indis- pensable à la conservation de leur intégrité anatomique et fonctionnelle, absolument comme les cellules de la corne antérieure de la moelle exercent une action trophique sur les muscles périphériques. CHAPITRE IV. Modifications consécutives aux troubles circulatoires et aux intoxications. Il nous reste encore à parler des modifications qui surviennent dans les cellules nerveuses à la suite de troubles circulatoires et dans les intoxi- cations. Ces modifications cellulaires sont généralement regardées comme des lésions primitives, puisque l'agent nocif agit ici directement sur le proto- plasme cellulaire lui-même, par opposition aux troubles cellulaires que nous avons décrits dans le chapitre précédent et qui ne sont que des lésions secon- daires, directes ou indirectes suivant qu'elles font suite à la lésion d'une partie constituante du neurone lui-même (section ou ligature de l'axone) ou suivant qu'elles ne sont que la conséquence de l'altération d'un neurone voisin (suspension de l'action trophique que ce neurone lésé exerce sur la cellule avec laquelle il arrive en contact). Le temps nous a fait défaut pour consacrer à cette question importante toute l'attention qu'elle mérite. Nous n'avons d'ailleurs aucune observation personnelle à faire valoir en faveur de l'une ou de l'autre des idées qui ont été émises. Nous devons donc nous contenter de faire le relevé plus ou moins exact des travaux publiés et tâcher de résumer en quelques lignes les conclusions qui ont été formulées. Sarbo {\) Marinesco (2) et Juliusburger (3) ont étudié les lésions cel- lulaires consécutives à la ligature de l'aorte abdominale; Lamy (4I a pour- suivi celles qui suivent les embolies expérimentales déterminées par l'injec- tion intravasculaire de poudre de licopode. (i) Sarbo : Ueber die Rûckenmarksverândcrungen nach Verschliessiing der Bauchaorte ; Neurol. Centralbl., iSgS, pp. 664-669. (2) Marinesco : Lésions de la moelle épinière consécutives à la ligature de l'aorte abdominale ; Comptes rendus de la société de Biologie, 23 février iSgô. — Des polynévrites en rapport avec les lésions secondaires et les lésions primitives des cellules nerveuses; Revue neurologiqnc, 11° 5, 1896. (3) Juliusburger : Bemerkungen ^w Pathologie der Ganglien^ellcn; Neurolog. Centralbl., 1S96, pp 3S6-3g5, (4) Lamy : Archives de physiologie, 1S97. l'anatomie fine de la cellule nerveuse 385 Ces auteurs ont observé, pendant les premières heures qui suivent la ligature, la disparition des éléments chromatophiles bientôt suivie de la désagrégation du protoplasme cellulaire et de la destruction de la cellule nerveuse. Sarbo ne signale rien de spécial pour le phénomène de chroma- tolyse. Marinesco a observé que cette dissolution des éléments chromato- philes «commence dans un certain nombre de cellules à la périphérie - pour envahir insensiblement les éléments chromatophiles des couches les plus profondes. Cette chromatolyse serait accompagnée d'un œdème de la cellule nerveuse entraînant et le gonflement du corps cellulaire et la dissolution de la substance chromatique. JuLiusBURGER, au contraire, a vu la chromatolyse débuter dans le voi- sinage du noyau et, de là, envahir les couches périphériques. Pour Lamy, la chromatolyse débute dans les couches périphériques du protoplasme cellulaire et envahit insensiblement les parties centi'ales. Cet auteur signale aussi le déplacement du noyau vers la périphérie, fait que Marinesco considère comme tout à fait accidentel. Les troubles cellulaires consécutifs aux empoisonnements ont été étudiés par un grand nombre d'auteurs et avec les poisons les plus divers : empoisonnement par l'arsenic et par le plomb [Nissl(i), Schaf- FER (2), LuGARO (3), Marinesco (4)]; par le phosphore [Nissl (i), Sarbo (5)] ; par l'antimoine [Schaffer(2)] ; par le mercure [Dotto(6)];- par l'argent [Nissl (7)]; par l'alcool [Vas (8), Detrio (9), Berkley (10), (1) Nissl : Ueber experimentell er^eugte V erânderungen an den Vorderhoni^ellen des Rûcken- marks bei Kaninchen; Allg. Zeitschr. f. Psych., 1892, Bd. 48, pp. 675-6S2. (z) ScHAFFEK : Ueber die Verdndeningen der Nerveii^ellen beim experimentellen Blet-, Atsen- und Antimonvergiftung ; Ungarisches Arch. f. Med., Bd. II, 1893. (3) Lug.\ro : Sulle altera^ioni degli elementi nervosi negli avpelinamenti per arsenico e per piombo ; Rivista di patologia nervosa e mentale, 1S97, pp. 49-64. (4) Makinesco : NoiiveUes recherches sur la structure fine de la cellule nerveuse et sur les lé- sions produites par certaines intoxications; La Presse médicale, 16 juin 1897. (5) Sarbo : Ueber die normale Structur der Ganglien^ellen des Kaninchenrùclcenmarkes und ûber deren pathologische Verànderungen bei Vergiftungen mit Phosphor und Morphium; Ungar. Arch. f. Medicin, 1892. (6) DoTTO : Sulle altera^ioni del sistema nervoso deW avvelenamenio cronico per bichloruro di mercurio; Il Pisani, 1896 (cité d'après Lugaro). (7) Nissl : Cité d'après Flatau. 18) Vas : Zur Kcnntniss der chronischen Xicotin- und Alcoulvergiftung ; Arch. f. e.vperim Pa- thol. und Pharm., Bd. XXXIIl. (9) Detrio : Experimcntelle Untersuchungen ûber die Verànderungen der Ganglien^ellen bei der acutem Alcoholvergijtung ; Centralbl. f. Nervenheilk. und Psych., 1895. (10) Berkley : Lésions produced by the action of ethyl-alcohol on the cortical nerve cell- Ame- rican Journal o£ Insanity, 1895. — Lésions of the cortical tissue induced by acute expérimental al- cobolic poisoning ; Journal of nervous and mental disease, 1S96. 386 A. VAN GEHUCHTEN NissL, Trômmer (i), Marinesco]; par la morphine [Sarbo]; par le bro- mure, la cocaïne, l'antipyrine [Pandi (2)] ; par la nicotine [Pandi (2), Vas] ; par l'ergotine et la quinine [Dotto (3)]; par le trional [Trômmer (1), Nissl]; par la vératrine et la strychnine [NisslJ. GoLDSCHEiDER et Flatau (4) ont recherché les modifications cellulaires consécutives à l'empoisonnement par le nitrile malonique et le mode de reconstitution de ces cellules nerveuses à la suite de l'administration d'hypo- sulfite de soude, qui, d'après les recherches intéressantes de Heymans et Masoin, combat et fait disparaître les troubles déterminés par le nitrile malonique. Ils ont recherché également les modifications cellulaires déter- minées par une élévation artificielle de la température du corps. Beck (5) a étudié les altérations cellulaires consécutives à l'infection par le bacille du tétanos. Marinesco a fait des recherches sur les modifications cellulaires qui surviennent dans les cellules de la moelle épinière, à la suite de l'empoi- sonnement par la toxine du tétanos, les troubles cellulaires déterminés par la rage et par l'infection avec le Bacillus botuliiius (Van Ermengem). AcQUisiTo et Pusateri (6) ont recherché, par des expériences faites sur le chien, à établir les lésions cellulaires consécutives à l'urémie. Ce qui se dégage de toutes ces recherches expérimentales, c'est ce fait important que, quelle que soit la lésion qui retentit sur une cellule nerveuse somatochrome, celle-ci commence toujours par répondre de la même façon : par la dissolution de ses éléments chromatophiles. Tant que ce trouble cel- lulaire ne dépasse pas cette limite, il est réparable et la cellule peut revenir à l'état normal. C'est seulement quand la lésion cellulaire est plus profonde, quand elle intéresse à la fois les éléments chromatophiles et le réseau proto- plasmatique que la cellule dégénère et disparaît. Cette dissolution des éléments chromatophiles se présente toujours avec (1) Trômmer : Pathologische Verdnderungcn an Nervem^ellen und ilirc mikrophotographische Dar- stellung; Allg. Zeitschr. f. Psj'ch., Bd. 52, 1S96, pp. 1144-1146. (2) Pandi : Ueber die Verânderungen des Centralnervensystems nach chronischer Vergifticiig mit Brom, Kokain, Nikotin iind Antipyrin ; Ungarisches Arch. f. Med-, iSg6. (3) Dotto : Sidle altera^ioni degli elementi nervosi neW avvclcnamcnto subacuto per chinina ed ergotinina ; Il Pisani, 1S96 (cité d'après Luoaro). (4) GoLDSCHEiDER et Flatau : Beitràge :{ur Pathologie der Neriien^ellen: Fortschritte der Me- dicin, 1897, no 6 (5) Beck : Die Verânderungen der Nerven^cUen teint expcrimcntellen Tetanus; Neurolog. Cen- tralbl., 1894, 11° 24. (6) Acquisito et Pusateri : Sull' anatomia nervosa degli elementi nervosi nell iiremia acuta sperimentale; Rivista di patologia nervosa e mentale, 1896, l'anatomie fine de la cellule nerveuse 387 les mêmes caractères dans les lésions secondaires des cellules nerveuses. Elle semble cependant revêtir des caractères particuliers dans les diverses lésions primitives des cellules nerveuses; au point que des auteurs compé- tents, tels que Nissl et Marinesco, sont enclins à admettre une telle varia- bilité dans le mode de réagir d'une cellule nerveuse vis-à-vis des divers poi- sons et une telle constance dans la façon dont cette même cellule nerveuse répond à une lésion donnée, qu'ils croient que, entre la lésion et la réaction cellulaire, il existe un rapport tellement étroit que l'on arrivera un jour à pouvoir conclure du poison administré à un animal aux troubles cellulaires que l'on y rencontrera et, ce qui est beaucoup plus important, des troubles cellulaires observés au microscope à la nature du poison qui les a déter- minés. Ce qui nous parait établi, dans l'état actuel de la science, surtout par les recherches de Lugaro et de Marinesco, c'est que, dans les lésions pri- mitives de la cellule nerveuse, la chromatolyse débute généralement dans les couches périphériques du protoplasme cellulaire pour envahir, de là, les couches profondes. Dans les lésions secondaires, au contraire, la chromato- lyse s'étend des couches profondes vers les couches superficielles. Cette règle n'a cependant rien d'absolu et, pour notre part, nous avons rencontré de temps en temps, dans le noyau d'origine d'un nerf sectionné, aussi bien pour les cellules motrices que pour les cellules des ganglions spinaux, des cellules présentant nettement de la chromatolyse périphérique. Le fait important qui se dégage de ce trop long rapport et sur lequel nous voudrions appeler tout particuHèrement votre attention est le suivant. La dissolution des éléments chromatophiles dans le protoplasme d'une cellule nerveuse surgit chaque fois que cette cellule se trouve lésée soit dans son intégrité anatomique soit dans son intégrité fonctionnelle. Cette chromatolyse, pour autant qu'elle reste dans certaines limites et pour autant surtout qu'elle ne se produise pas d'une façon trop brusque, ne nous paraît pas être un trouble cellulaire bien profond. Il reste aux re- cherches à venir à établir si la chro7natolyse d'une cellule nerveuse est com- patible avec son fonctionnement normal. EXPLICATION DES FIGURES. FIG. 1. (Gross. : Zeiss, Imm. hom. 2 mm., oc. 4.) Trois types de cellules motrices : a, cellule motrice chargée d'éléments chromatophiles séparés les uns des autres par de minces traînées de substance achromatique. b, cellule motrice moins riche en éléments chromatophiles; aux endroits dé- pourvus de blocs chromatiques, on voit que la substance achromatique est parsemée de fines granulations quelque peu sensibles aux couleurs d'aniline. c, cellule motrice peu riche en éléments chromatophiles; la substance achroma- tique présente une structure nettement réticulée. FIG. 2. (Gross. : Zeiss, A, II.) Coupe transversale du bulbe d'un lapin ayant survécu sept jours à la section du nerf hypoglosse et du nerf pneumo-gastrique gauches. Les cellules du noyau d'origine du nerf hypoglosse sectionné (A) et les cellules du noyau dorsal du pneumo-gastrique (B) sectionné sont en chromatolyse. FIG. 3. (Gross. : Zeiss, Imm. hom. 2 mm., oc. 4.) Cellules normales du noyau de l'hypoglosse. FIG. 4. (Gross. : Zeiss, Imm. hom. 2 mm,, oc, 4.) Cellules du noyau du nerf hypoglosse six jours après la section. FIG. 5. (Gross. : Zeiss, Imm. hom. 2 mm., oc. 4.) Cellules du noyau du nerf hypoglosse quinze jours après la section. FIG. 6. (Gross. : Zeiss, Imm. hom. 2 mm., oc. 4.) Cellules normales du noyau dorsal du nerf pneumo-gastrique. FIG. 7. (Gross. : Zeiss, Imm. hom. 2 mm , oc. 4.) Cellules du noyau dorsal six jours après la section du nerf en dessous du ganglion plexiforme. FIG. 8. (Gross. : Zeiss, Imm. hom. 2 mm., oc. 4.) Cellules du noyau dorsal quinze jours après la section du nerf en dessous du ganglion plexiforme. FIG. 9. (Gross. : Zeiss, Imm. hom. 2 mm., oc, 4-) Cellules du noyau d'ori- gine du nerf hypoglosse 36 jours après la section. FIG 10 (Gross. : Zeiss, A, II.) Coupe transversale du bulbe d'un lapin tué 52 jours après la section du nerf hypoglosse et du nerf pneumo-gastrique droits. Les cellules du noyau d'origine du nerf hypoglosse (A) sont toutes à l'état pyknomorphe. Le noyau dorsal du pneumo-gastrique sectionné (B) se trouve réduit à quelques cellules éparses. 390 A. VAN GEHUCHTEN FIG. 11. (Gross. : Zeiss, Imm. hom. 2 mm., oc. 4.) Quelques cellules du noyau d'origine du nerf hypoglosse d'un lapin tué 52 jours après la section. Toutes ces cellules sont dans l'état pyknomorphe. FIG. 12. Coupe longitudinale d'un ganglion plexiforme normal de lapin. FIG. 13. Coupe longitudinale du ganglion plexiforme d'un lapin tué 92 jours après la section du nerf. De la comparaison des deux dernières figures il ressort en toute évidence que la section du nerf périphérique est suivie de la disparition complète d'un grand nombre de cellules^ du ganglion correspondant. - - ^Ïi^< F^10 1. * **à * •vi' y^ • X5 V * k À. * 4« AVan(lthuchX'ir)j aU.ncU.d&l. LUh. f(f>- 'enr\/7/rjù ~ hf/rx , Jjj--cxe'.-Ml. Nouvelles Reclierclies SUR LES SÉCRÉTIONS GASTRIQUES PAR le D-^ A. VERHAEGEN ASSISTANT A LA CLINIQUE MÉDICALE DE LoUVAIN. (Mémoire déposé le 23 novembre 1897,) 49 Nouvelles Recherches SUR LES SÉCRÉTIONS GASTRIQUES Les recherches de ces dernières années sur la nature et le mécanisme intime de la sécrétion gastrique ont établi ou élucidé certaines lois de cette sécrétion : en particulier l'influence du système nerveux central et du grand sympathique sur l'activité des glandes, l'action spéciale des différents ali- ments sur la sécrétion, les différences qualitatives dans le suc élaboré par les différentes parties de l'estomac. D'après les recherches de Pawlow et M''"'=Schumow-Simanowsky(i), la sécrétion acide de l'estomac est sous la dépendance du système nerveux central par l'intermédiaire du nerf pneumo-gastrique : » Des excitations psy- » chiques et un réflexe partant de la cavité buccale ont toujours pour effet 5» une abondante sécrétion de suc gastrique pur; la section des nerfs splanch- y> niques n'a aucune influence sur cette sécrétion réflexe; celle-ci disparaît » tout à fait et sans retour après la section des pneumo-gastriques. « Les auteurs pensent qu'il existe dans le nerf vague des fibres sécrétoires pour les glandes de l'estomac, parce que le réflexe en question produit la sécré- tion non seulement de l'eau, mais des ingrédients spécifiques du suc gastri- que : l'acide chlorhydrique et la pepsine. Sanotsky (2) confirme les conclusions de Pawlow relativement à l'in- fluence psychique et au réflexe buccal. Il démontre que « ce n'est pas une ?5 irritation purement mécanique de l'arrière bouche qui produit la sécrétion n réflexe, mais l'influence psychique qu'éveille l'idée de manger; ni les irri- « tations mécaniques de la muqueuse buccale, ni les irritations du goût, ni r, la mastication, ni la déglutition ne peuvent par elles-mêmes provoquer V la sécrétion du suc gastrique. Dans le phénomène de la sécrétion du suc (i) Pawlow et Schumow-Simanowsky : Du Bois Reymonds Archiv., i8g5. (2) Sanotsky : Archives des sciences biologiques de St. Petersboiirg, 1892. 394 A. VERHAEGEN y> gastrique après le repas fictif (c'est-à-dire le passage des aliments par la y> cavité buccale et le pharynx chez un animal œsophagotomisé), le point » principal est chez un animal affamé la vive représentation qu'il se fait y des aliments et de l'acte de manger. « Sanotsky répète les expériences de Heidenhain (i), qui avait été conduit à considérer comme primum movens de la sécrétion gastrique la résorption dans l'estomac de l'eau et des autres produits ingérés, et il conclut : ^ Il existe deux mécanismes distincts qui » déterminent la sécrétion du suc gastrique. L'impulsion, ainsi que les pro- n duits d'activité de ces mécanismes, diffère essentiellement. Le mécanisme r> qui renferme le pneumo-gastrique est stimulé par un procès psychique T particulier et a pour effet la formation d'un produit excessivement actif » au point de vue de la digestion. L'autre mécanisme nerveux aussi et dans r> lequel entre probablement le nerf sympathique est stimulé par le phéno- " mène de la résorption dans l'estomac et conduit à la formation d'un suc » doué d'un très faible pouvoir digestif. « Quant à l'excitabilité spécifique de la muqueuse gastrique, les données que nous possédons à ce sujet sont peu nombreuses et toutes récentes, RosENHEiM (2), après un repas de 50 gr. de pain blanc + 150 gr. d'eau chaude, voit l'acide chlorhydrique apparaître très rapidement et en quan- tité notable. Si, à la place du pain blanc, il donne sa teneur en amidon et en sucre comme tels, soit 25 gr. d'amidon et 5 gr. de sucre dans 200 gr. d'eau sous la forme d'empois, l'acide chlorhydrique apparaît plus tard et en quantité moindre qu'après le repas d'épreuve. L'auteur en conclut que la nature des ingesta règle le processus sécrétoire. Khigine (3j admet aussi une excitabilité spécifique de la muqueuse gastrique. « La sécrétion gastrique, dit-il, possède la faculté de s'adapter n au genre d'aliments ingérés. Cette adaptation s'exprime par ce fait que » la marche de l'acte digestif, loin de manifester quelque tendance à un » cours banal, montre au contraire une dépendance exacte et constante du » genre d'aliments à digérer pour le moment donné. « VON Mehring (4), opérant sur des chiens porteurs de fistules duodé- nales, constate que, lorsqu'il introduit dans l'estomac une solution de sucre, de peptone ou d'alcool, il s'écoule par la fistule plus de liquide qu'il n'en (i) Heidenhain : PJlûger's Archiv, t. XIX. 1S79. (2) RosENHEiM : Virchow's Arcliiv, Bd. m, 1888. (2) Khigine : Avchivcs des sciences biologiques de St. Pàtersbourg. iSgS (4) VON Mehring : Fortschritte der Medicin, 1893. RECHERCHES SUR LES SÉCRÉTIONS GASTRIQUES 395 avait introduit. L'estomac, au lieu d'absorber de l'eau, a donc cédé du liquide. Mais sur la nature de ce liquide, sur la présence ou l'absence d'acide chlorhydrique, l'auteur ne donne pas d'indication. Strauss (i) démontre que les solutions concentrées de sucre empêchent la sécrétion chlorhydrique et que l'estomac a le pouvoir de diluer ces solu- tions concentrées. Au contraire, les matières amylacées donnent une forte sécrétion acide. Il existe donc, conclut l'auteur, une différence marquée dans le produit sécrété suivant qu'on donne les hydrates de carbone sous une forme insoluble ou sous la forme de sucre dissous dans l'eau. ScHuLE (2) arrive aux mêmes conclusions : les féculents sous la forme de purée de pommes de terre produisent une sécrétion acide bien marquée; les petites quantités de sucre ne produisent aucune modification dans le processus sécrétoire ; les solutions concentrées prolongent la période di- gestive. Dans notre travail sur la sécrétion gastrique (3), nous avons établi : 1° Vexisletice d'une sécrétion neutre, indépendante de la sécrétion chlorhy- drique; cette sécrétion, qui appartient à la région pylorique, se constate le mieux par la sonde vers la fin de la période digestive lorsque la plus grande partie de la masse alimentaire a quitté le ventricule ; elle lutte alors avantageusement avec la sécrétion acide et produit un abaissement marqué et rapide de l'acidité absolue; 2° Vaclion élective des différents aliments sur la sécrétion acide de l'estomac. Sous ce rapport, nous avons distingué trois catégories de substances -.les albumines, qui constituent les vrais stimulants de la sécrétion acide; Xa. fécule qui est inerte et les sucres qui exercent une action inhibitive sur la sécrétion chlorhydrique. Au moment de mettre notre travail sous presse, nous recevons le mé- moire de LoBASsoFF (4) de l'école de Pawlow. L'auteur prouve par d'inté- ressantes expériences chez le chien qu'il existe une excitabilité sécrétoire spécifique de la muqueuse digestive pour chaque espèce d'aliment. Les viandes, les peptones, l'extrait de viande, le lait, excitent vivement la sécrétion; l'amidon et l'albumine du blanc de l'œuf ne l'excitent pas; les graisses l'empêchent. L'auteur a, comme nous, cherché en vain à isoler le corps chimique. ^i) Strauss : Zeitschrift fur klinische Mediciii. iSg5. (2) ScHÛLE : Zeitschrift f. klin. Mcd., 1S96. (3) Vekhaegen : La Cellule, iSg6. (4J J- O. LoBASSOFF : Archives des sciences biologiques de St-Pctersbourg, 1897, tome V, 4 et 5. 396 A. VERHAEGEN qui donne son activité à l'extrait Liebig. Il ne s'est pas occupé du sucre ni de la myosine. Par contre, il a étudié attentivement la sécrétion psychique et la variation des ferments gastriques dans chaque alimentation. Nous avons cru qu'il n'était pas inutile de vérifier encore chez d'autres sujets nos deux propositions citées plus haut, surtout la seconde, où nous étions, pour un point, l'inactivité de la fécule, en contradiction apparente avec les autres observateurs. Comme pour notre premier mémoire, nous avons tâché d'expérimenter sur des sujets bien portants. Nous avons mis à contribution trois sujets de 25 à 30 ans, n'ayant jamais souffert de l'estomac; l'acidité du suc gastrique chez tous les trois répond à la moyenne habituelle. L'un est un compagnon de laboratoire (nous le désignerons simplement par le n° III), le second est un jeune homme traité à l'hôpital pour rhumatisme gonococcique léger et qui s'est sondé pour la première fois trois semaines après la guérison com- plète de son affection; il ne présentait d'ailleurs plus aucune trace de blen- norhagie à son entrée à l'hôpital (ce sera le n" II); le troisième, atteint de sclérose en plaques commençante, n'a pas des antécédents irréprochables. Jusqu'il y a trois ans, il a fait une consommation exagérée de boissons alcooliques. La digestion est ralentie par rapport aux deux autres sujets; mais en dehors de cette particularité, nous n'avons observé chez lui aucun trouble dans le processus digestif. Pendant quatre mois que nous l'avons observé, il a engraissé de quatre kilogrammes (ce sera le n° I). Aucun d'eux n'avait l'estomac dilaté. Il va sans dire que nous n'avons institué des expé- riences sur nos sujets qu'après les avoir préalablement habitués à la sonde. METHODE. Pour ce qui regarde la méthode suivie dans l'analyse du suc gastrique, nous renvoyons à notre premier mémoire. Le suc retiré par la sonde est essayé d'abord au papier Congo. Le papier que nous possédons est ex- trêmement sensible. Il décèle 0,005 p. mille d'acide chlorhydrique libre. Mais il ne révèle pas seulement la présence de cet acide à l'état de liberté; il est sensible à l'acide chlorhydrique combiné, comme nous avons pu le démontrer directement, et aux acides organiques. Ceux-ci le font virer au violet foncé, tandis que l'acide chlorhydrique donne une belle coloration bleu d'azur. Cependant quand les acides organiques sont un peu concentrés, RECHERCHES SUR LES SÉCRÉTIONS GASTRIQUES 397 la différence n'est pas très nette. Aussi l'épreuve positive au papier Congo ne permet-elle pas de conclure rigoureusement à la présence d'acide chlorhj-drique libre. Mais l'épreuve négative a plus de valeur. Lorsque le papier Congo ne change pas de couleur, on peut affirmer avec certitude qu'il n'y a pas trace d'acide chlorhydrique libre et on peut se dispenser dès lors d'en faire l'analyse quantitative. Le liquide filtré, nous dosons l'acidité absolue, puis le chlore sous ses différentes formes : chlore total, chlore libre, chlore combiné, chlore fixe. Comme précédemment, nous nous sommes servi exclusivement de la méthode de Winter-Hayem. Nous avons suffisamment justifié notre choix. C'est à notre avis la méthode la plus rigoureuse et la plus recommandable dans les recherches de ce genre. Nencki et Mizersky fi), examinant la valeur des différents procédés en usage pour l'analyse quantitative du chlore dans le suc gastrique, donnent également la préférence à la méthode de Winter. CHAPITRE I. Existence d'une sécrétion diluante. Comme nous l'avons dit, l'existence de cette sécrétion est démontrée par ce que nous avons appelé la dilution finale. Nous allons donner quelques exemples de dilution recueillis chez chacun de nos sujets. Remarque. Les tableaux sont composés comme dans notre premier mémoire : la première colonne indique le moment du sondage en comptant à partir du commencement du repas; dans la seconde, nous signalons, s'il y a lieu, les caractères extérieurs du suc ramené par la sonde soit avant, soit après la filtration (surtout la consistance et la couleur) ; la troisième indique la réaction au papier Congo avant la filtration; la quatrième est réservée à l'acidité absolue; les autres concernent le dosage du chlore sous ses différentes formes. (i) Nen'Cki et Mizersky : Archives des sciences biologiques de St. Pctcrsboiirg, 1892. 398 A. VERHAEGEN SUJET No I. TEMPS CARACT. EXTER. REACT. CONGO , AC. ABS HCIl. Cl COMB. 3 h. 3 h. 3o 4 h. 120 gr. de pain -|- 35o ce. café au lait. marquée franche id. 5o gr. de pain -\- loo gr. de viande -j- soupe. 2 h. 45 suc filtré: brun clair pas énergique 3.14 3 h. 3o id. id. franche 3.94 4 h. id. pâle id. 3.28 2 h. filtré : brun 2 h. 3o id. 3 h. id. 3 h. 3o plus dilué filtré : jaune 4 h. j épais (filtré : brun 4 h. 3o jaune clair 120 gr. de pain -\- i tasse café au lait. nulle id. franche id. id. id. 3.57 4.62 0 2.4 3.5 4.8 0.2 2.6 307 4.62 0.62 1.8 2.19 4.2 0 1.2 2.62 4.48 0 1.8 2.92 4.65 0.3 2 2.26 4.1S 0.8 1.2 3 4.5 0.58 2.1 2 65 3.7 0.5 1.6 2.22 2 2.2 3 2.68 2.1 2.18 1.8 1.6 Remarque. Nous avons ici un exemple manifeste de double dilution à mettre à côté de ceux que nous avons trouvés chez notre n superacide. " 800 cent, cubes de lait bouilli. 2 h. nulle 4.38 4.4 0 3 1.4 2 h. 3o id. 4.88 4.26 0 3 1.26 3 h. , dilut. manifeste franche 3.86 4.38 0.84 27 0.85 3 h. 3o vide 10 ce. id. I h 2 h. 2 h. 3o 3 h. 3 h. 3o Un demi-litre de lait -j- 2 œufs. franche id. id. id. id. 2.4 3 96 0 1.38 2.58 2.76 4.08 0.33 1.53 2.22 3 21 4.1 1,1 1.63 1.37 3.35 4.5 1.2 I 44 1.85 2.62 4 1.42 0.84 1.74 RECHERCHES SUR LES SÉCRÉTIONS GASTRIQUES 399 SUJET N" II. TEMPS CARACT. EXTER. REACT. CONGO AC. ABS^ TOTAL HCl L. CICOMB. 2 h. 2 h. 3o 2 h. 2 h. 3o 3 h. 2 h. 2 h. 3o 3 h. 2 h. 2 h. 3o 3 h. 3 h. 3o 2 h. 3o 3 h. 3 h. 3o 4 h. 1 h. 2 h. 2 h. 3o 3 h. 70 gr. de pain -|- i tasse café au lait. franche id. 2.4 1.17 3 I 3.4 0.4 0.6 100 gr. de pain -\- i tasse café au lait. dilution manifeste franche id. id. 100 gr. de pain -\- i tasse café au lait. 125 gr. de viande -\- 70 gr. de pain I nulle faible franche id. Un demi-litre de lait + 2 œufs. nulle douteuse franche id. aq. 1.2 0.4 2.19 3.3 0.18 1.6 2.92 3.72 0.22 2.08 1.96 3 0.36 1.14 FIXE 3.14 4 0 19 3.65 4.56 0 24 3.83 4.76 0.2 2.6 3.1 4.3 0.6 1.8 1.46 2.8 0 0.7 2 4 3 0 I 4 2.8 3.4 0.3 I 6 2.1 3 0.6 0.9 1.5 2.4 1.5 1.42 1.5 franche 2.34 2.94 0.06 1,32 1.56 id. 2 34 3 0.42 1.08 1.5 id. 1.96 3.48 1.02 0.72 '•74 800 cent, c . de lai nulle 2.4 pas énergique 2.9 franche 3.2 id. 2.7 2.1 2.14 1.94 1.9 2.1 1.6 1.5 1.5 50 400 A. VERHAEGEN SUJET No III. 2 h. 3o 3 h. I h. 1 h. 3o 2 h. 2 h. 3o 3 h. 3 h. 3o 3 h. 3o 4 h. 4 h. 3o 2 h. 2 h. 3o 3 h. 3 h. 3o 4 h. 2 h. 2 h. 3o 3 h. 3 h. 3o 4 h. CARACT, EXTER. REACT. CONGO AC. AB8. TOTAL HCI L. COMB. 120 gr. de pain -(- i tasse café au lait. 120 gr. de pain -\~ i tasse café au lait. vide 10 ce. i5o gr. de viande -|- loo gr. de pain -)- aq. franche 3.76 id. 3.97 id. 2.4 t 125 gr. de pain -|- 70 gr. nulle faible franche id. id. de viande -j- 35o ce. aq. 2.55 4.6S 0 1.9 3 65 4-74 0 2.28 3 6 4.56 0 36 2.04 2.4 3 84 0.84 1.08 1.97 3.54 0 6 1.14 Un demi-litre de lait -|- 2 œufs. nulle faible franche id. id. 2.92 3.36 0 1.92 3.2 3.8 0.12 2.1 3.9 4.2 1.02 2.1 3.1 3 84 1.38 1.38 1.83 3.24 0,42 0.9 FIXE franche 3.5 4.14 0.6 1.68 1.86 id. 3 4.08 0.9 1-7 I 5 nulle 1.66 3 0 0.8 2.2 id. 2.2 3.56 0 I 66 1.9 assez marquée 3 4 0.12 2.2 1.68 franche 3.3 4.2 0.4 2,2 16 id. 2.6 3.86 0.4 I 5 I 96 nulle o.g5 2.76 2.52 2. 16 1.92 I 8 1.44 1.3 1.08 1.08 1.92 RECHERCHES SUR LES SÉCRÉTIONS GASTRIQUES 401 CONCLUSIONS DU CHAPITRE I. Dans toutes ces expériences, nous constatons à la fin de la période digestive les phénomènes que nous avons signalés dans notre premier mé- moire : a) Abaissement rapide de l'acidité absolue, qui peut atteindre i p. mille et davantage en une demi-heure. b) Diminution du chlore combiné. c) Manière d'être variable de l'acide chlorhydrique libre, qui reste sta- tionnaire ou qui le plus souvent augmente. Ces trois phénomènes ne s'expliquent que par l'hypothèse d'une sécrétion relativement neutre, diluante, qui intervient en ce moment et qui contrebalance plus ou moins énergiquement la sécrétion acide qui continue à se faire. Cette hypothèse trouve sa confirmation dans les autres preuves que nous avons données : expériences de superacidification artificielle, modification brusque dans la consistance et dans la couleur du chyme, dilutions successives. Ce dernier fait prouve en même temps que la sécrétion diluante ne se manifeste pas seulement à la fin de la période digestive, mais qu'elle intervient plusieurs fois dans le cours de la digestion d'un repas. Nous avons dit que cette sécrétion diluante appartient à la région pylorique. Il y a longtemps déjà, Heidenhain et son école ont démontré que les glandes de la région pylorique de l'estomac ne sécrètent pas d'acide chlorhydrique. Enfin, la dilution des solutions concentrées de sucre, d'alcool et de peptone observée par von Mehring et Strauss vient à l'appui de notre interprétation. Cette sécrétion neutre se fait-elle d'une façon continue à la région py- lorique depuis le début de la période digestive jusqu'à l'évacuation de l'esto- mac, ou bien constitue-t-elle un réflexe intermittent qui intervient à un moment donné, c'est-à-dire lorsque l'acidification du chyme a atteint son apogée? La première opinion est la plus simple; seulement la rapidité avec laquelle se produisent les changements dans l'acidité absolue, dans la con- sistance et la couleur du chyme, nous a fait croire qu'il s'agit plutôt d'un réflexe intermittent. Les recherches sur l'influence du système nerveux dans la sécrétion gastrique que nous avons mentionnées plus haut permettent cette conception. Nous laissons la question indécise. 402 A. VERHAEGEN CHAPITRE II. Influence de la nature des aliments sur la sécrétion acide de l'estomac. Nous avons examiné l'action de l'eau distillée, de la fécule, des sucres, des albumines et de l'extrait de viande. TEMPS CARACT. EXTER. SUJET No I. REACT. CONGO AC. ABS. HCl L. jClcOMB. FIXE Eau distillée. 400 cent. c. d'eau distillée. 0 h. 3o 1 h. I h. 3o 0 h. 3o 1 h. 0 h. 3o 1 h. I h. 3o 0 h. 3o 1 h. I h. 3o franche 2.04 27 1.44 0.48 0.78 id. 2.41 3.72 1.14 0.9 1.68 vide 1 400 cent. c. d'eau distillée. franche 2.42 3.68 1.4 0.8 1.48 vide id. 10 ce. 1.68 Fécule. 100 gr. de fécule -j- 200 ce. aq. franche 2.77 4 2.2 0.6 1.2 id. 3.35 4.1 2.58 id. 2.84 4.02 2.16 0.6 1.26 100 gr. de fécule -j- 200 ce. aq. franche 2.19 3.32 1-7 0.48 1.14 id. 3 3 96 2.3 0.3 I 36 vide id. 2.34 Albumine et extrait de viande. 5 gr. de peptone -j- 200 ce. aq. (acidité du mélange : i 46 0/00). 0 h. 3o 1 h. I h. 3o forte 4.2 4.62 3.12 0.65 0.85 id. 3 3.6 1.86 0.6 1.14 , forte réact. RECHERCHES SUR LES SECRETIONS GAS-TRIQUES 403 TEMPS CARACT. EXTÉR. RÉACT. CONGO AC ABS. TOTAL HCIl. Cl 00 MB FIXE 5 gr. de pcptone -j- 200 ce. aq. 0 h. 3o forte 4.16 1 4 56 27 1.86 I h. id. 3 4.02 2.1 1.92 5 gr. extrait de viande Liebig -|- 200 ce aq. (acidité du mélang 3:12 0/00). 0 h. 3o franche 4.36 4.96 3.46 0.56 0.94 I h. id. 3.65 4-74 2.88 0.6 1.26 I h. 3o vide id. 3 G h. 3o I h. I h 3o 0 h. 3o 1 h. I h. 3o 0 h. 3o 1 11. I h. 3o 0 h. 3o 1 h. 0 h. 3o 1 h. I h. 3o Sucre. 5o gr. de saccharose dans 400 ce. d'eau distillée. 100 gr. de fécule -\- 5o g nulle 0.3 ranche 1.38 2.04 1.14 0 vide 5o gr. de sucre de lait -j- 200 ce. aq. nulle 037 id. 0.87 faible 1.14 100 gr. de fécule -|- 5o gr. de sucre -\- 200 ce. aq. faible id. franche 5 gr. de peptone -j- 5o gr. saccharose -(- 200 ce. aq. nulle 2.19 franche 3.06 SUJET N" II. Eau distillée. 400 ce. d'eau distillée franche 1 .1 2.1 id. 1.6 2.8 vide 0.6 0.8 0.3 Q.5 0.8 1.74 0 3 o.g5 2.52 0.54 0.24 2.34 4.02 0.72 1.62 0.9 1.44 1-74 I 68 1.2 1.5 404 A. VERHAEGEN TEMPS CARACT. EXTEK. REACT. CONGO AC. ABS. TOTAL HCl L. 'CICOME. 400 ce. d'eau distillée. 0 h. 3o 1 h. 0 h. 3o 1 h. I h 3o 0 h. 3o 1 h. I h. 3o nulle franche 0.45 1.2 2,4 2.9 o 0.8 Fécule. 100 gr. de fécule -f- 200 ce. aq. franche 2.1 3 1.44 1.56 id. 146 3.3 0.9 2.4 id. fin 1.5 3.2 I 2.22 100 gr. de fécule -\- 200 ce. aq. franche id. vide 1.97 1.6 2. g 3 1.46 0.75 1.44 2.28 0 h. 3o 1 h. I h. 3o 0 h. 3o 1 h. I h. 3o 0 h. 3o 1 h. I h. 3o 0 h. 3o 1 h. I h. 3o franche 3 3.9 2.2 id. 2.8 3.6 1.6 id. 2.2 3.6 1.2 Albumine et extrait de viande. 5 gr. de peptone -f- 200 ce. aq. (acidité du mélange : 1.46 0/00). 0.52 0.66 0.42 5 gr. de peptone -\- 200 ce. aq. franche id. fin id. 5 gr. extrait de viande Liebig -f- 200 ce. aq. 1.2 1.24 3.2 4.2 2.3 075 2.6 3.7 I 5 0.6 2.6 3.5 I 2 0.8 franche 3 3.54 2 0.4 id. 2.8 3.36 1.6 0.76 id. 2.4 2.84 I 3 0.5 1.35 1.6 1.5 1.14 1.04 5 gr. extrait de viande Liebig -|- 200 ce. aq. franche 2.9 3.36 2 0.6 0.76 id. 2.4 3.06 1.6 0.9 0.56 estomac vide RECHERCHES SUR LES SECRETIONS GASTRIQUES 405 o h. 3o I oh. 3o I h. oh. 3o I h. oh. 3o I h. TEMPS I CARACT. EXTÉR. RÉACT. CONGO AC.ABS. TOTAL HCIl. ClcOMB. FIXE Sucre. 5o gr. sucre saccharose dans 400 ce. aq. distillée. 0 h. 3o nulle 0.3 I h. id. 0.5 I h. 3o id. 0.53 5o gr. sucre saccharose dans 400 ce. aq. distillée. 0 h. 3o nulle 0.55 I h. id. o.g5 100 gr. fécule -(- 5o gr. saccharose -\- 200 ce. aq. 0 h. 3o nulle 04 I h. nulle 0.95 I h. 3o vide 100 gr. fécule -|~ 50 gr. sucre lactose -(- 200 ce. aq. 0 h. 3o nulle 0.7 I h. très faible i.i 2.84 0.5 2 44 SUJET N° III. Fécule. 100 gr. fécule -\- 200 ce. aq. 0 11. 3o franche 1.53 2.28 1.14 0.36 0 78 I h. vide 100 gr. fécule -)- 200 ec. aq. I franche | 1.26 | 2.34 A Ibumine. 5 gr. de peptone -|- 200 ce. aq. 0.7 I 0.48 I 1.36 franche 3.35 3.72 1.92 0.72 1.14 id. I 96 2.96 0.44 0.96 1.56 Sucre . 100 gr. fécule -\- 5o gr. lactose -|- 200 ce. aq. nulle I o 56 très faible | 0.92 5 gr. peptone -[- 5o gr. sucre saccharose -(- 200 ce. aq. nulle franche 2.o5 1.76 • 05 A. VERHAEGEN CONCLUSIONS DU CHAPITRE IL 1° Les peptones et l'extrait de viande déterminent une production abondante d'HCl et doivent être considérés comme les vrais stimulants de la sécrétion chlorhydrique. Nous n'avons essayé ici que les peptones; ail- leurs nous avons démontré que d'autres substances albuminoïdes ; myosine, caséine, etc., agissent de la même façon. Rappelons ici toutefois que, chez le chien, 1" albumine du blanc de l'œuf est absolument inactive, d'après le mémoire récent de Lobassoff. 2° Le sucre (saccharose, glucose, lactose) ne donne lieu à aucune sé- crétion d'acide chlorhydrique. Il n'est pas seulement inactif, mais il neu- tralise la stimulation exercée par d'autres substances ; il exerce une véritable action inhibitive sur la sécrétion acide. Cette action inhibitive n'appartient qu'aux solutions concentrées. Lorsqu'il s'est opéré une dilution suffisante, l'acide chlorhydrique reparait. Est-ce à dire que le sucre n'exerce aucune action sur la muqueuse gas- trique? Nous avons constaté dans notre premier mémoire (expér. i47 et 151) que les solutions concentrées de sucre introduites dans l'estomac y perdent rapidement leur concentration. Cet affaiblissement n'est pas occasionné par l'absorption du sucre. En présence des expériences de von Mehring et de Strauss, il faut admettre que cette dilution est opérée par une sécrétion neutre fournie par l'estomac. 30 Reste la fécule. Nous avons conclu d'après nos premières expé- riences que la fécule est inerte vis-à-vis de la sécrétion chlorhydrique; nous nous basions sur les résultats recueillis chez les deux ^ Moyens. « Chez le superacide et chez les sujets du présent travail, la fécule produit une sécré- tion acide, toujours, il est vrai, en moindre quantité que les albumines. Ces derniers résultats sont conformes à ceux d'EwALD et Boas (1) et de ScHtlLE(2). Voulant élucider complètement la question, nous avons examiné l'ac- tion de la fécule chez plusieurs autres individus jeunes et bien portants (3) qui ont bien voulu se prêter à ces expériences, de sorte que nous avons au total les résultats de 15 sujets. Chez trois d'entre eux, nous avons trouvé absence complète d'HCl et même absence complète de sécrétion; une demi-heure après l'ingestion du repas, la sonde ne ramenait qu'avec grande difficulté quelques centimètres cubes d'un liquide muqueux. Chez (1) EwALD et Boas : Virchow's Arcliiv, Bd. loi. (2) ScHULE : Zeitschrift f. kl. Medicin, 1895. (3) Ces expériences sont consignées dans un travail qui paraîtra prochainement. RECHERCHES SUR LES SÉCRÉTIONS GASTRIQUES 40? ceux-là, la fécule était un corpsabsolument inerte. Chez tous les autres, nous avons trouvé, déjà après une demi-heure, une certaine quantité d'acide chlorhydrique. En réalité cependant, la quantité de suc sécrété est peu considérable. Chez deux de ces derniers sujets, dont le suc gastrique était caractérisé par une forte teneur en HCl, nous avons retiré par la sonde tout le contenu de l'estomac, une première fois 60', une seconde fois 40', une troisième fois 40' après' l'administration d'un repas composé de 100 gr. de fécule dans 200 ce. d'eau. Chaque fois, le liquide retiré ne dépassait pas 50 ce. Il faut donc envisager l'action de la fécule de la façon suivante : lorsque la suspen- sion de fécule est introduite dans l'estomac, l'eau quitte rapidement le ven- tricule, la fécule se dépose et reste là plus ou moins longtemps comme un corps étranger exerçant un minimum d'irritation sur la muqueuse. Si celle- ci est très sensible, elle répond à ce minimum de stimulation par une faible sécrétion d'un suc gastrique presque pur. 40 L'eau distillée est à comparer en tous points à la fécule. Nous croyons donc que la classification des aliments en substances stimulantes, substances inactives et substances inhibitives est parfaitement justifiée. CHAPITRE lli. L'évolution du processus digestif. Dans des publications déjà nombreuses (1), Hayem a étudié les varia- tions que présentaient les différentes formes du chlore : chlore total, chlore fixe, chlore combiné et chlore libre, pendant le cours de la digestion, à l'état physiologique et à l'état pathologique, ainsi que les rapports que présentent ces différentes valeurs entre elles. Après administration du repas d'épreuve d'EwALD et Boas (soit 60 gr. de pain blanc + 1/4 litre de thé léger), Hayem trouve l'évolution suivante : 1° L'acidité absolue A monte rapidement jusqu'à la bo^^ minute, puis décroit jusqu'à la 90'"'^ minute. (I) Hayem : Du chimismc stomacal. Paris, .891. Académie des sciences, 26 juin 1893. Bulletin médical, no 6, .894; Hayem et Lion : Maladies de l'estomac; Traité de Médecine et de Théra- peutiqiie de Brouardel et Gilbert, 1S97. 51 4o8 A. VERHAEGEN 2° Le chlore total T arrive aussi à son apogée au bout d'une heure et décroît ensuite comme la valeur précédente. 3° Le chlore combiné C, encore peu abondant à la 30"^^ minute, aug- mente rapidement jusqu'à la fin de la première heure, puis diminue légè- rement. 40 Le chlore fixe F marche en sens inverse. Au début de la période digestive, il représente presque la totalité de T. Sa courbe s'abaisse rapide- ment pour remonter pendant la dernière demi-heure. 5° HCl libre apparaît au bout d'une demi-heure. Sa quantité reste très faible pendant toute la durée de la digestion. D'après Hayem (1), " la somme des deux valeurs H + C peut servir à •< estimer l'intensité du travail chimique exécuté à un moment donné par T l'estomac. A l'état normal, toutes choses égales d'ailleurs (même repas T d'épreuve, même moment de l'extraction), cette somme est toujours la » même et ses valeurs constitutives C et H sont entre elles dans un rapport » constant. A l'état pathologique, au contraire, elle subit, suivant les cas, « des fluctuations en plus ou en moins Enfin, ^ à la période maximum d'une digestion mixte et, quel que soit le V repas employé, le rapport entre le chlore total et le chlore fixe est toujours T V sensiblement — = 3. Cette constance à l'acmé de l'évolution d'une diges- F y tion quelconque démontre d'une façon péremptoire que les fonctions gas- r> triques normales, quel que soit le travail à accomplir, tendent toujours » vers un état d'équilibre invariable. « Ces deux propositions jouent un rôle prépondérant chez Hayem dans l'analyse des troubles sécrétoires à l'état pathologique et sont à la base de sa classification des gastrites. Nous possédons de très nombreuses courbes des différentes valeurs du chlore, courbes qui ont toutes été faites à l'aide de sondages en série, c'est- à-dire de' sondages pratiqués pendant la digestion d'un même repas à de courts intervalles. Parmi les sujets examinés, cinq ont une acidité moyenne et sont donc comparables entre eux. Examinons quelques-unes de ces courbes. (1) Hayem et Lion : Loco citato RECHERCHES SUR LES SECRETIONS GASTRIQUES 409 3XI£ IDH ^vloi •sav ov axiH 00 to ri o~. 0 yj 0 (N KH M »H l-t 0 co U3 CJ (S lO 0 hH 01 ot "- Cl t-l -d- Tt- 0 0 0 0 0 «0 0 uo !S co m rO Th ~i- rn in ^ M vo - . M ro ro r< 0 •J") 0 vn 0 0 ro i-t fn ro )-l fv) c-\ 01 Cl Cî rO ro <^ 'h r/^ en o< -t- M ro q *-i q CTv 0) crt o^ *-< — ro CT. l-H CJ CN ■"i 0 "N -' 0 ro -*- 0 0 •-' t-i 0 ■O ^ Th ro C» 01 OU M ro 0-) ^ ro ro OJ ro CTi M cy> •- 00 !N ro ro to M 0 0 0 co eo CI -^ -^ _C^ ^ ^ _ ^ J3 •-H )-l 01 CI ro ro "*- 00 en + O lO 10 •aKOD IDH •sav 'OV axiH •awoD IDH + ^3 to bp -S C W co 01 m o 10 ►H ro ro O 3 O Xi 6 00 6 co ^ d 6 ro ro ro ^ CO ci Cl n ro ro ro CO ai Cl 00 d U3 yD d 00 o bp '3 CI ro ri~j co lO ro 00 d d M M M 00 co >o ro ^ ^ co ^ *-• M ^ 0 ivxox •SHV "OV w H o ro 00 co 10 o ^o M ro co O O O l-H ro MMCJcîClclrororo vo 00 U^ 0 — 10 ro Th •i- 'i- -J- vn ^ >o d rh t^ d co «D Cl d co CO d 0 0 0 ro rc) . CO ^ /q ^ ^ x: d d co co ■^ 410 A. VERHAEGEN Si nous analysons ces courbes et d'autres semblables, nous constatons : 1° Que l'acidité absolue augmente progressivement depuis le début jusqu'au dernier quart environ de la durée de la digestion. En ce moment, elle atteint son maximum, puis elle décline rapidement. 2° Le chlore total possède dès le début de la digestion une valeur élevée ; celle-ci augmente graduellement pour diminuer pendant le dernier quart. 3° Le chlore combiné suit les fluctuations de l'acidité absolue, sa courbe s'élève progressivement au-dessus de la ligne des abscisses pendant la période d'augment pour décroître plus ou moins rapidement pendant le dernier quart de la digestion. Il est en général beaucoup plus abondant que l'HCl libre et constitue, ainsi que Hayem l'a prétendu le premier, la partie la plus importante du chlore actif. 4° Le chlore fixe suit une marche inverse de celle de l'acidité absolue et du chlore combiné. Il est le plus abondant au début du repas, où il repré- sente la plus grande partie de T, il diminue graduellement pendant les trois premiers quarts ; pendant le dernier quart, il reste stationnaire ou aug- mente modérément. 5° L'HCl libre n'est appréciable qu'un certain temps après l'ingestion du repas. Il apparaît d'autant plus tardivement que le repas est plus co- pieux, qu'il est plus riche en substances albuminoïdes et que la puissance sécrétoire est plus faible. Une fois que HCl se montre à l'état de liberté, il ne disparaît plus et augmente de plus en plus jusqu'à la fin du repas. Ces conclusions sont assez conformes à celles de Hayem ; mais ici nous devons nous séparer de cet auteur, parce que nous n'attribuons à ces lois qu'une valeur relative : Les différentes valeurs, T, H, C, F, peuvent dans des conditions identiques, c'est-à-dire même repas d'épreuve et même mo- ment de l'extraction, se traduire par des chiffres très variables d'individu à autre et. cela sans qu'il existe un rapport entre leurs variations respectives; en d'autres termes, lorsque nous trouvons chez un individu une valeur plus grande pour T que chez un autre, F ou H ou C peuvent augmenter, dimi- nuer ou rester stationnaires. Il s'en suit naturellement que les rapports entre ces différentes valeurs n'ont aucune fixité. Ainsi dans le dernier exem- ple de la page précédente : un demi-litre de lait + 2 œufs, nous trouvons à l'acmé de la période digestive : (3 heures) Chez le n° I, T = 4,5, forte valeur; F = 1 ,86, forte valeur. Chez le n" H, T = 3, très faible valeur; F = 1,5, val. moyenne. Chez le n° III, T = 4,2, forte valeur; F = 1 ,08, faible valeur. RECHERCHES SUR LES SECRETIONS GASTRIQUES 4II T Le rapport -- donne respectivement 2,42, 2 et 3,9. Nous pouvons citer F des exemples encore plus démonstratifs. Comme nous aurons encore l'occasion de le dire, la sécrétion chlorhy- drique de l'estomac n'obéit pas à des lois tellement rigoureuses et nous croyons que c'est attacher trop d'importance à l'HCl que de vouloir trouver dans l'étude de ce seul facteur la clef des troubles gastriques. En terminant ce travail, je remercie M. le professeur Ide pour les con- seils éclairés qu'il n'a cessé de me donner pendant tout le temps que j'ai travaillé sous sa direction. MATIERES COLORANTES AZOTEES CHEZ DES CHAMPIGNONS [E VEGETALE Thèse de Physiologii présentée a l examen du doctorat en sciences naturelles PAR R. VAN DEN DRIES (Mémoire déposé le lo décembre 1897.) MATIÈRES COLORANTES AZOTÉES CHEZ DES CHAMPIGNONS INTRODUCTION Les recherches qui sont exposées dans ces pages ne constituent pas une étude complète. Ce n'est, espérons-nous, que le premier terme d'une série de travaux qui seront publiés dans la suite. Telles qu'elles sont, nous croyons qu'elles introduisent un fait nouveau dans le chapitre des matières colorantes chez les champignons, fait qu'il est bon de signaler. « Il n'y a, dit Zopf (i), sur les 33,ooo espèces de champignons relevés dans le sylloge de Saccardo que 2 ou 300 numéi^os sans mention de couleur spéciale Malgré cette extension des pigments, il n'y a que relativement peu de champignons qui aient fait l'objet de recherches concernant la nature de leur matière colorante. Nos connaissances sont très limitées par le fait même. Cependant les recherches ont amené la découverte de toute une série de colorants spécifiquement différents, et on peut espérer que de nou- velles recherches augmenteront considérablement la série. En tout cas, les botanistes et les chimistes ont encore un vaste champ de travail. -^ Le titre que nous donnons à cette étude indique suffisamment que c'est la présence d'azote dans de telles matières colorantes, que nous croyons digne d'être signalée. L'exposé de nos recherches sur ce point sera assez détaillé pour per- mettre à chacun de répéter nos expériences et, s'il y a lieu, de les utiliser dans des études du même genre. Elles nous ont coûté assez de peines et de (i) WiLHELM Zopf : Die Pil^c; Breslau, 1890, p. 143. 4i6 R. VAN DEN DRIES pertes de temps, pour q,ue nous souhaitions à d'autres de pouvoir entrer rapidement dans une voie qui conduit à des résultats dignes d'être enre- gistrés. EXPOSÉ DES RECHERCHES 1° Aspergillus niger. Dans une note présentée en 1891 à l'Académie des Sciences, M. Li- NossiER rend compte de la découverte d'une hématine végétale dans les spores de Y Aspergillus niger. Cette matière colorante, qu'il nomme aspergilline, aurait avec la ma- tière colorante du sang, l'hématine, de grands points de rapprochement. Il en donne quelques propriétés physiques : insolubilité dans l'eau , l'alcool, les dissolvants neutres en général, solubilité dans les alcalis dilués, l'eau ammoniacale, les sels à réaction alcaline. D'après lui, les solutions alcalines absorbent complètement tous les rayons du spectre. Enfin, comme l'hématine, l'aspergilline brûle à l'air en laissant comme cendres une forte proportion d'oxyde de fer. Il présume que l'aspergilline sert à fixer l'oxygène de l'air à la façon d'une véritable hématine. La présence d'une aussi grande quantité de fer dans l'aspergilline nous a paru extraordinaire : en effet, dans des milieux de culture où n'existaient que des traces de fer, V Aspergillus niger nous donnait une végétation très active, sans que nous ayons jamais observé de ralentissement dans la pro- duction de ses spores noires caractéristiques. Nous avons donc résolu d'entreprendre l'étude de cette matière colo- rante. U Aspergillus niger croît avec rapidité sur les milieux les plus divers. Son milieu de prédilection est la liqueur de Raulin, où la production est poussée à son maximum. Mais sur pomme de terre, pain, tranches de citron, moût de bière gélatine, sa végétation est assez intensive pour étouf- fer les autres cultures. Nous nous som.mes servi de la liqueur Raulin ou de pain arrosé de celle-ci. Les spores qui provenaient de cultures sur d'autres milieux nous ont donné les mêmes résultats, mais la production de la matière colorante y est moindre. Toutes nos cultures étaient pures et les milieux stérilisés à l'autoclave MATIERES COLORANTES AZOTÉES CHEZ_DES CHAMPIGNONS 417 à la pression d'une atmosphère. Nous avons, comme il convient, employé des récipients à très large surface pour éviter une végétation mycélienne plongeante se développant au détriment de la production des spores. Les récipients ensemencés sont portés à l'étuve à la température de 25° à 30". Au bout de quatre jours, un mycélium blanc a envahi toute la surface et les premiers rameaux sporifères apparaissent. Six jours après, on peut considé- rer la production des spores comme terminée. Voici la composition de la liqueur Raulin : Eau 1000 ce. Saccharose 46,6 v d'une solution à 10 0/0 Ac. tartrique 10 0/0 \ + > 2,66 r. » » Carbonate de magn. ) Nitrate ammonique 2,66 " « « Phosphate ^ 0,40 55 » » Carbonate de potassium 0,40 ?> » » Sulfate ammonique 0,16 " " » Sulfate de zinc 0,046 - y> -n Sulfate de fer 0,046 - « » Silicate de potassium 0,046 -^ » » Un litre de cette liqueur arrosant 1 Kg. de pain distribué en 15 réci- pients nous a fourni 3 grammes de matière colorante pure. Extraction de la matière colorante. On détache le mycélium avec ses spores du milieu de culture ; il forme en effet une croûte résistante, facile à séparer du substratuni. On le débarrasse par lavage à l'eau des impuretés y attachées. Ces précautions doivent être minutieusement observées; car, vu la grande masse à traiter pour un rendement si minime, il convient d'écar- ter toute cause d'impureté dans l'extrait. Si faire se peut, il est préférable de racler la surface supérieure, afin de n'enlever que les spores et d'écarter le mycélium non productif. Les spores sont ensuite mises en digestion dans de l'eau légèrement ammoniacale. Après six jours, l'eau a pris une coloration brun-foncé et les spores, au microscope, apparaissent complètement décolorées. On filtre la solution; une quantité de spores restent sur le filtre; mais ces spores étant fort petites (3,6 microns), il est difficile de s'en débarrasser tout à fait. Les filtres de plâtre et d'amiante conviennent pour de petites quantités de 4i8 R. VAN DEN DRIES liquide, mais avec de forts volumes, les spores ne tardent pas aies obstruer totalement. Nous avons obtenu des résultats on ne peut plus satisfaisants au moyen d'entonnoirs en porcelaine à cloison perforée garnis d'un double filtré durci n°575 de Schleicher et SchUll, de Diiren, et d'une trompe de Geissler. Après deux filtrations, nous avons vérifié que pas une spore n'avait passé dans le filtrat. Celui-ci est neutralisé par l'acide chlorhydrique très dilué jusqu'à réac- tion légèrement acide. Immédiatement, la matière colorante se précipite en grumeaux rouge-brun qui se déposent. On décante et filtre encore sur un filtre n° 575 de Schleicher et Schull, qui présente ici l'avantage de ne point adhérer à la matière amorphe et de se laisser racler sans abandonner de fibres de son tissu. Nous obtenons ainsi une pâte noire qui, en se desséchant, prend un aspect bleuâtre, brillant. On la met en suspension dans l'eau distillée et on refiltre; on opère de même avec l'alcool, l'éther et l'acide acétique. On lave ainsi jusqu'à ce que le liquide passe incolore. On dessèche ensuite définitivement dans un dessiccateur à H^SO^. On broie et on obtient une poudre noire, brillante, qui laisse sur le mortier une trace brune. L'aspergilline est alors suffisamment purifiée et prête pour l'analyse. Propriétés de raspergilline. L'aspergilline est insoluble dans l'eau, l'alcool, l'éther, l'acide acétique, les acides minéraux étendus, le sulfure de carbone, l'alcool amylique, l'éther de pétrole, la benzine, etc. Elle se dissout dans l'ammoniaque, les alcalis dilués, les carbonates alcalins. Elle est préci- pitée de sa solution ammoniacale par la baryte. La solution ammoniacale soumise à l'évaporation spontanée laisse déposer la matière à l'état amorphe. Jamais nous n'avons pu obtenir sa cristallisation. L'alcool légèrement chlor- hydrique en dissout des traces avec coloration verdâtre. L'acide sulfurique concentré la dissout avec sa couleur naturelle et sans dégagement de gaz. Par addition d'eau, cette solution donne un précipité brun formé de grumeaux analogues à ceux que donne la neutralisation de la solution am- moniacale par l'acide chlorhydrique. Cette matière précipitée a le même spectre que la matière non traitée, ce qui semble prouver qu'elle est soluble comme telle, sans aucun changement dans sa molécule. Ce spectre ne rappelle en rien celui de l'hématine. Les raies de la partie antérieure du spectre manquent. Elles seules auraient de l'importance au point de vue des fonctions physiologiques de la matière colorante et MATIERES COLORANTES AZOTEES CHEZ DES CHAMPIGNONS 419 surtout du rapprochement à faire avec l'hématine du sang et les autres ma- tières colorantes respiratoires. Pour ce qui est de l"hématine en particulier, le traitement à l'acide sulfurique concentré enlève le fer à sa molécule et le spectre devient celui de l'hémato-porphyrine. De plus, l'aspergilline ne subit pas, comme l'hémoglobine, l'action de l'acide cyanhydrique, ni celle de l'oxyde de carbone. Son spectre n'est aucunement modifié. Le spectre de l'aspergilline est un spectre continu. L'absorption part du violet et augmente en intensité et en largeur avec l'épaisseur du liquide ou sa concentration. A la limite de transparence, le rouge seul passe. En diluant la solution, le jaune et le vert apparaissent. En poussant la dilution jusqu'au jaune clair, sous une épaisseur de 6 cm., les rayons violets sont seuls absorbés en totalité, la région du bleu présente un obscurcissement faible. Dans aucune circonstance, nous n'avons pu observer de raie en aucun point du spectre. Sans vouloir rien préjuger sur la nature de la matière, nous constatons que l'acide tannique ordinaire, bruni par l'action de la lumière, donne un spectre absolument identique. Action des agents réducteurs. On peut faire passer pendant 2 heures un courant d'hydrogène dans une solution diluée d'aspergilline dans l'am- moniaque sans obtenir la moindre décoloration. Les sulfites décolorent les solutions. L'hydrosulfite de soude, fraîchement préparé d'après des indications de ScHUTZENBERGER, et en excès, les décolore rapidement jusqu'au jaune. C'est la confirmation de l'observation de M. Linossier. A l'air, la solution redevient lentement rouge. Étendue sur du papier buvard, la solution re- prend instantanément sa couleur. Il faut donc admettre dès à présent que la matière fixe énergiquement l'oxygène et qu'il faut les plus forts réducteurs connus pour le lui enlever. L'hydrogène naissant obtenu soit par la soude et la poudre de zinc, soit par l'acide acétique et le zinc, fait passer la solution au vert, puis au jaune. Le moindre contact avec l'oxygène de l'air suffit à ramener la teinte. Par contre, nous n'avons pas réussi à la décolorer avec le chlorure stanneux en solution alcaline. Action des agents oxydants. L'eau oxygénée n'a d'autre action que celle qui est due à l'acidité du réactif. La matière colorante précipite. 420 R. VAN DEN DRIES L'eau de brome la précipite en jaune. Le chlore agit de même. II suffit de faire passer dans les solutions un courant de ce gaz pour les décolorer, en même temps qu'il se précipite un corps jaune. Le chlorure de chaux produit un précipité jaune foncé qui se décolore ensuite complètement. C'est une réaction qui lui est commune avec l'extrait de châtaignier. Or on sait que cet extrait est fortement tannifère. L'acide nitrique ordinaire et l'acide nitrique rouge fumant donnent éga- lement des précipités. Le permanganate de potasse en solution alcaline ne donne pas de précipité. La coloration violette du permanganate fait place à une splendide couleur rouge cerise, absolument analogue à l'orseille. A chaud, toute coloration disparaît et l'oxyde brun de manganèse se préci- pite. Cette action est sensiblement différente de celle des autres oxydants. L'acide chromique dilué ou concentré ne donne qu'un précipité, comme tous les acides. Ce précipité ne se dissout pas à chaud. Action de la chaleur. Soumise à l'action de la chaleur sur une feuille de platine, la matière reste intacte jusque vers 150°, mais elle devient inso- luble. A une température plus élevée, elle perd de l'azote et dégage une odeur empyreumatique. Chauffée au rouge sombre dans un tube à combus- tion, sans être mélangée à de l'oxyde de cuivre, et dans une atmosphère d'acide carbonique, elle a fourni la totalité de son azote. Malgré cela, la matière avait gardé son aspect de poudre noire, mais douée d'un éclat beau- coup moindre. Elle avait en outre perdu la faculté de se dissoudre dans l'eau ammoniacale. A la même température, mais en présence de l'air, elle brûle avec in- candescence. Elle ne laisse pas de cendres en quantités appréciables. Celles- ci sont d'ailleurs absolument blanches. Nous reviendrons sur ce point. Analyse élémentaire. Dosage du carbone et de l'hydrogène. Pour opérer ces dosages, nous avons employé un tube à combustion ouvert, en verre d'Iena, rempli d'oxyde de cuivre. La substance exactement pesée est mélangée d'oxyde de cuivre et placée dans une nacelle en platine. Le tube à combustion est d'abord, à l'ordinaire, porté au rouge sombre dans la portion remplie d'oxyde de cuivre, puis lentement dans la région occupée MATIÈRES COLORANTES AZOTEES CHEZ DES CHAMPIGNONS 421 par la nacelle. Les produits formés sont chassés ensuite par un courant d'air sec et privé d'acide carbonique. L'eau et l'acide carbonique furent recueillis respectivement dans un tube à chlorure de calcium et dans un barboteur de Liebig garni de potasse caustique, préalablement pesés. Voici les résultats obtenus : F^ Analyse. Poids de la substance . . 0,2521 ■^ CO, . '0,5086 . H,0 . 0,1257 Composition centésimale C^'/„ 55,02 H°/o 5,5 2™e Analyse. Poids de la substance . . 0,3143 » " CO, . 0,6455 V H,0 . 0,1415 Composition centésimale C% 55,5 H% 5,25 Dosage de rA{ote. Nous avons choisi comme la plus exacte la méthode de Dumas. Le tube employé pour le dosage du carbone sert encore ici. Mais la combustion a lieu dans un milieu complètement privé d'azote. Ce dernier point est ob- tenu en adaptant au tube à combustion un tube en fer rempli de bicarbo- nate de potasse. En chauffant progressivement ce dernier, on obtient un courant modéré d'acide carbonique pur qui balaie complètement l'air de tout l'appareil. On ne commence la combustion qu'au moment où les gaz sortant du tube sont absorbés en totalité par l'appareil à potasse, ce qui démontre l'absence d'azote. Les composés azotés qui se dégagent pen- dant la combustion s'oxydent en passant sur la couche d'oxyde de cuivre chauffée au rouge. Pour les réduire à l'état d'azote libre, qu'il s'agit de me- surer, le tube porte à sa partie supérieure une spirale de cuivre métallique qui a été préalablement grillée, puis réduite à chaud par l'alcool méthylique. L'azote est recueilli dans une éprouvette graduée remplie de soude caus- tique concentrée. Pour la lecture du volume gazeux, on égalise la pression dans l'éprouvette à celle de l'atmosphère; on fait la correction nécessaire 53 42: R. VAN DEN DRIES pour ramener la lecture à la pression normale, en tenant compte de la tem- pérature et de la tension de vapeur qui y correspond. Voici les résultats : i" Analyse. Poids de la substance 0,2725 gr. Volume obtenu . 1 1,0 cm' Température 1 1° Pression 760 mm. Azote % . 4,55 2"^<^ Analyse. Poids de la substance 0,2447 gr. Volume obtenu , 9 cm' Température 1 2° Pression 761 mm. Azote % . 4,54 Recherches des cendres. 1. Poids de la substance 0,5666 gr. Cendres . 0,01 = 1,76% II. Poids de la substance 0,5552 gr. Cendres . 0,004 = 0,72% Analyse des cendres. La minime quantité obtenue ne nous a permis que des recherches ana- lytiques par voie sèche, qui sont d'ailleurs suffisamment concluantes. Recherche du fer. L'essai à la perle de borax devait nous donner, pour attester la présence du fer, une coloration jaune à la flamme d'oxyda- tion et verte à la flamme de réduction. Elle est restée incolore. Une partie des cendres a été dissoute dans l'acide chlorhydrique en oxydant avec un grain de chlorate de potasse. Le sulfocyanure ne nous a point donné de coloration rouge. Nous concluons à l'absence totale de fer. Nous avons fait ensuite la recherche du zinc et du magnésium, métaux qui entrent dans la formule nutritive de Raulin. Zinc. Sur le charbon, après calcination en présence d'azotate de cobalt, nous n'avons pas obtenu de coloration verte. De plus, les réactions par voie humide ont fourni des résultats négatifs. MATIERES COLORANTES AZOTÉES CHEZ DES CHAMPIGNONS 423 Magnésium. En solution ammoniacale, l'addition de phosphate de sodium et de chlorure ammonique n'a pas donné de précipité de phosphate ammoniaco-magnésien. Une partie des cendres étant soluble dans l'eau, nous en avons fait l'analyse spectroscopique, qui a amené la raie D du sodium et les 2 raies à\i potassium. Le résidu insoluble dans l'eau s'est dissous dans l'acide chlorhydrique. Il a fourni les raies 41 et 60 du calcium. Conclusions. La présence des sels alcalins et calciques doit être at- tribuée à des impuretés ; l'écart considérable entre les chiffres 1,760/0 et 0,72 0/0 le prouve à toute évidence. On peut d'ailleurs difficilement écarter toute trace d'impureté. Si la première analyse des cendres nous a quelque peu éloigné du résultat exact, nous devons l'attribuer à un lavage trop peu prolongé des précipités. La matière qui nous a servi provenait d'une de nos premières extractions. Nous n'avons donc trouvé aucune trace d'oxyde de fer. Au surplus, les cendres obtenues étaient blanches et non l'ouges comme l'exigerait la pré- sence d'oxyde de fer. Ces résultats concordent avec les formules nutritives de Raulin. Un litre contient 0,040 ce. d'une solution à 10 0/0 de FeSO^ 7aq. Le fer ne s'y trouve donc qu'en quantité infinitésimale ( ). \500ooooo/ Composition centésimale de l' aspergilline . La teneur en carbone, hydrogène, azote, nous conduisait à un total de 65,29 0/0. Restait 34, 7 1 0/0 à attribuer à l'oxygène, au soufre, au phos- phore, au chlore, etc., qui pourraient faire partie intégrante de la molécule. Pour la recherche du soufre, nous avons suivi la méthode de Liebig, spécialement destinée à l'analyse des substances organiques sulfurées non volatiles. De l'hydrate de potasse pur est fondu avec 1/8 de salpêtre dans une capsule en argent. On y ajoute après refroidissement un poids connu de matière. On chauffe et maintient la masse en fusion jusqu'à décoloration de la matière charbonnée. Dans ces conditions, le soufre est oxydé et donne du sulfate de potassium. On dissout la masse dans l'eau, on sursature d'acide 424 R VAN DEN DRIES chlorhydrique et on précipite par le chlorure barytique. L'aspergilline ne nous a donné aucun précipité ; elle est donc dépourvue de soufre. Recherche du phosphore. Elle se fait dans les mêmes conditions que pour le soufre. L'acide phosphorique formé serait précipité à l'état de phos- phate ammoniaco-magnésien. Nous n'avons obtenu qu'un résultat négatif. Donc, absence de phosphore. Recherche du chlore et des halogènes. On opère comme pour le soufre et le phosphore, mais on précipite par le AgNO, en solution nitrique. L'argent précipiterait le chlore, le brome, l'iode, à l'état de sels d'argent. Nous n'avons obtenu aucun précipité argentique. En conséquence, l'asper- gilline ne renferme ni chlore, ni brome, ni iode. Nous pouvons donc, sans crainte d'erreur, attribuer à roxygène seul le surplus de 34,71 0/0 qui reste après décompte du carbone, de l'hydrogène et de l'azote. Ainsi, cent parties de substance contiennent : Carbone Hydrogène . Azote .... Oxygène 99. «5 Ce qui concorde avec la formule minima : C,^H,„NO„. 2° Aspergillus fuliginosus. Nous avons recherché l'aspergilline dans d'autres champignons. U As- pergillus fuliginosus, par sa ressemblance physique avec V Aspergillus niger, devait un des premiers attirer notre attention. Il a pleinement répondu à notre attente. Traitées à l'eau ammoniacale, ses spores nous ont donné immédiatement une solution rouge sang identique à celle obtenue pré- cédemment. Nous avons autant que possible opéré dans les conditions mentionnées pour le précédent champignon, soit dans les modes de culture, soit dans l'extraction et la préparation de la matière colorante. Propriétés de la matière colorante de r Aspergillus fuliginosus. Comme celle de V Aspergillus niger, elle est insoluble dans l'eau, l'al- cool, l'éther et les dissolvants neutres en général. Elle se dissout dans les 55, .35 5. .25 4. .54 34-71 MATIERES COLORANTES AZOTEES CHEZ DES CHAMPIGNONS 425 alcalis dilués et les sels alcalins. Sa solution dans l'eau ammoniacale a la même coloration rouge brun et le même spectre que celle de VAspergillus nigev. De même, elle est précipitée de ses solutions par les acides. Pas plus que la première, elle ne nous a fourni de cristaux. Cette identité de propriétés physiques et chimiques nous permettait déjà de supposer que si les deux matières ne sont pas identiques, elles sont du moins très semblables et appartiennent à un même groupe. Les analyses qui suivent démontrent l'identité des deux produits. Combustions pour la recherche du carbone et de l'hydrogène. F'^ Combustion. Poids de la substance 0,2242 » CO, 0,4542 ^ H,0 0, 1 1 64 d'où nous tirons la composition centésimale : '^ /o 00,-^0 H % 5,68 2"^^ Combustion. Poids de la substance 0,2992 » CO, 0,6084 r' H,0 0,1387 d'où la composition centésimale : C% 55,46 H°/. 5,1 Moyenne j ^ ^^^ 35,35 5,36 Combustions pour le dosage de l'aiote. 1. Poids de la substance 0,2078 Volume obtenu . 8,5 cm' Température 10,5'^ Pression 746 mm. N "/o . 4,77 2. Poids de la substance 0,2846 Volume obtenu . 1 1 cm' Température 10° Pression . . . . 748 mm. N°/o 4,21 426 R- VAN DEN DRIES Dosage des cendres. 0,5130 de substance laissent 0,003 de cendres, soit 0,58 pour cent de matière séchée sur l'acide sulfurique. La recherche du soufre, du phosphore, du chlore, ne nous donne que des résultats négatifs. Nous concluons à la formule minima : CiJI,oNOo, qui est celle trouvée pour l Aspergillus niger. Le fait de l'existence commune d'un composé particulier aussi com- plexe que l'aspergilline dans deux espèces de champignons rapproche celles- ci l'une de l'autre. On peut cependant les distinguer à première vue. Les cultures mûres de \ Aspergillus niger ont, comme celles de X Aspergillus fu- liginosus, une couleur brun noir ; mais, dans le niger, les appareils sporifères sont sensiblement plus gros. La face inférieure du mycélium est toute blanche chez le niger, tandis que chez l'autre elle est verdâtre. La spécificité de V Aspergillus niger a été caractérisée par Raulin à l'aide de l'action du zinc. Nous avons pu constater sur nos cultures l'influence de ce métal. Nous avons ensemencé dans la liqueur Raulin des spores de V Aspergillus niger et de V Aspergillus fuliginosus . Le développement y est très actif pour les deux espèces, quoique plus marqué pour V Aspergillus niger. Ensemencés dans le liquide de Raulin privé de zinc, VAspergillus fuliginosus continue son développement normal, tandis que le rendement du niger diminue considérablement. Cultivés dans la liqueur Hayduck légèrement modifiée (1), tous deux ont une végétation très peu active; leurs spores sont peu nombreuses et n'apparaissent qu'après 10 jours. Le mycélium nage en grande partie dans le liquide en produisant des formes levures et une petite quantité de matière colorante rouge se dissolvant dans le liquide. Les spores ne sont point en contact avec la liqueur. Cultivée sur moût, sur moût gélatine, sur pomme de terre, pain et autres milieux divers, la végétation est toujours intensive, pour l'un comme pour l'autre. (1) La formule d'H.WDUCK comprend : Asparagine ..... 20 gr. Phosphate bipotassique .... 25 gr. Sulfate de magnésium .... 8 gr. C'est un milieu de culture pour les levures. / Acide tartrique Nous remplaçons l'asparagine par < Urce . . . . \ Glucose. ) ) pour 1 litre. 10 gr. 7-5 gr. 8.0 gr. MATIERES COLORANTES AZOTEES CHEZ DES CHAMPIGNONS 427 La propriété de colorer les milieux qui baignent le mycélium a été observée sur un grand nombre d'espèces distinctes de mucédinées. Nous avons observé chez les deux Aspergillus le spectre d'absorption de cette matière colorante dissoute. Il est identique à celui de l'asper- gilline (i). DISCUSSION DES RÉSULTATS. Maintenant que nous sommes en possession de la composition élémen- taire de l'aspergilline et de sa formule minima, nous allons essayer d'entrer un peu plus avant dans l'étude de ses propriétés intimes et, si c'est pos- sible, de lui fixer une formule chimique rationnelle, sinon une formule de structure. Recherches sur la nature et les fonctions de l'aspergilline (2). C'est sur l'azote que se porteront d'abord nos investigations. Ce sera avec d'autant plus de raison que c'est, croyons-nous, la première matière colorante azotée bien authentique qui soit signalée dans les champignons (abstraction faite des lichens). M. Zopf, qui donne la littérature de ce chapitre de la physiologie des champignons et qui lui-même a étudié plu- sieurs de ces pigments, n'en cite du moins aucun dans son " Pilze r> (3). L'a {Ole de l'aspergilline. La première chose que nous devions nous demander était celle-ci : « L'aspergilline n'est-elle pas un sel ammoniacal? " Étant donné le mode d'extraction que nous avions employé, il était possible, quoique peu proba- ble, que la matière eût retenu énergiquement une certaine quantité d'am- moniaque. D'un autre côté, on sait que Porcine, corps ternaire présent dans (i) Cette apparition de matières colorantes diffusant dans les liquides de culture varie assez notablement d'après les divers milieux. Nous avons cultivé pendant un an, dans les milieux de culture les plus divers, un Aspergillus qui nous avait donné dans le moiit de bière une magni- fique coloration rouge, sans jamais plus la voir réapparaître. Sur le pain arrosé du liquide de Raulin, elle se produit dès que les cultures vieillissent. (2) Nous gardons à la matière colorante des deux Aspergillus le nom qui lui a été donné par M. LiNOSSIER. 13) Die Pil^e, von Wilhelm Zopf, Breslau, iSgo. — Dragendokf a signalé la présence d'une ma- tière colorante azotée dans Fergot : il Va nommée scléroiodine. Rommier en a trouvé une autre dans des bois altérés par la Pe^i^a aeruginosa; celle-ci porte le nom de Xylindéine. Ces deux matières sont insuffisamment connues. 428 R- VAN DEN DRIES certains lichens, se transforme par l'ammoniaque en un corps azoté qui est l'orcéine (i). Nous avons employé les moyens nécessaires pour nous assurer de l'ab- sence totale d'ammoniaque, comme telle, dans l'aspergilline. Pour cela, nous avons eu recours aux méthodes de distillation qui permettent de chasser cette base sans attaquer aucun autre groupement azoté. A priori, il fallait rejeter la soude, la chaux, la baryte caustique. Il nous restait la méthode classique de Boussingault à la magnésie calcinée, celle au carbonate de baryum récemment précipité et enfin celle au carbonate de calcium préci- pité. Nous avons choisi cette dernière qui a l'avantage de garder indéfini- ment son action décomposante sur les sels ammoniacaux. Nous nous sommes assuré d'abord que du sulfate d'ammoniaque traité par un excès de ce sel, abandonne à la distillation la totalité de son ammoniaque. Après une ébullition de plusieurs heures, aucune trace d'ammoniaque n'a pu être décelée par le réactif de Nessler. On doit donc admettre que V aspergilline n'est pas un sel ammoniacal (2). Reste à voir si elle pourrait être aminé, ou acide amidé, ou encore une véritale amide renfermant les deux radicaux CONH^ et CHNH^ ou CH.NH,. En premier lieu, nous avons essayé l'hypobromite de soude, suivant les indications de Knop. On sait que l'urée donne dans cet essai tout son azote. D'autre part, l'aspara^ine n'en donne pas; du moins la réaction n'a pas l'instantanéité requise pour de pareils dosages. Traitée par l'hypobromite, l'aspergilline ne donne pas d'azote, sinon avec une très grande lenteur. Le dégagement d'azote dure plusieurs jours. C'est une nouvelle preuve de l'absence d'ammoniaque comme telle. En second lieu, nous pouvions essayer l'hydratation de la matière soit par les alcalis dilués, soit par les acides dilués à chaud. M. ScHiiT- ZENBERGER a aiusi dédoublé les albuminoïdes progressivement jusqu'aux termes acide carbonique et ammoniaque en se servant de l'eau de baryte sous pression. Mais nous avons craint que cette action fût trop éner- (i) WûRTZ : Dictionnaire de chimie pure et appliquée. — Articles Orcéine et Orcine. (2) On pourrait objecter, que l'intervention de rammoniaque dans la préparation de l'asper- gilline (p. 417) peut introduire Tazote dans sa molécule, comme cela se passe dans la fabrication de Torcéine au moyen de l' orcine ; on sait que ce dernier corps, par le contact de l'ammoniaque et de l'air, fixe de l'ammoniaqite et de l'oxygène, pour donner un composé qui n'est pas un sel am- monique. ^- Ce n'est pas ainsi que les choses se passent pour l'aspergilline. Car si l'on remplace l ammoniaque par la soude, l'aspergilline renferme encore de l'azote que l'analyse fractionne en trois portions d'égale valeur. MATIERES COLORANTES AZOTEES CHEZ DES CHAMPIGNONS 429 gique et nous avons préféré utiliser l'action hydratante de l'acide chlorhy- drique dilué. Les ainides ainsi traitées se transforment en un sel ammo- niacal, d'où l'on peut subséquemment dégager l'ammoniaque et retirer l'acide pour le soumettre à de nouvelles recherches. Ainsi l'asparagine, pour prendre un exemple vulgaire, se transforme en aspartate d'ammoniaque. Le dosage de l'ammoniaque prouve que l'opération se fait suivant l'équation suivante : C0NH,-CH2— CHNH,-COOH + HjO = COOH — CH^-CHNH^-COOH + NH Après avoir dégagé l'ammoniaque, un traitement à l'acide nitreux fait voir qu'il subsiste encore autant d'azote dans l'acide provenant du dédou- blement et que cet azote s'y trouve à l'état d'aminé primaire — CHNHj. Voici comment nous avons opéré : Dans un ballon de 250 à 300 ce, nous avons introduit o gr. 3298 de matière séchée sur l'acide sulfuiique dans le vide, 90 ce. d'eau, puis lo ce. d'acide chlorhydrique pur de D = 1,18. Après cela, nous avons adapté l'ap- pareil à un réfrigérant à reflux et chauffé à l'ébullition pendant 2 heures. L'appareil étant refroidi, nous avons neutralisé par du carbonate de chaux précipité en évitant toute projection, ajouté un excès de carbonate et soumis le liquide à la distillation. Les vapeurs condensées étaient recueillies dans de l'acide sulfurique normal décime. Après 1 3/4 heure de chauffe, 3 ce. de l'acide titré se trouvaient neutrali- sés ; nous avons poursuivi la distillation pendant trois autres quarts d'heure. Il avait passé assez d'ammoniaque pour neutraliser encore un demi-centi- mètre cube d'acide. Nous avons interrompu la distillation après avoir con- staté au moyen du réactif de Nessler l'absence totale d'ammoniaque dans les dernières gouttes distillées. Or, 3,5 ce. d'acide sulfurique normal décime annoncent 4 mg. 9 d'azote. Il y en avait d'après les résultats de l'analyse élémentaire 14 mg. 8 dans nos o gr. 3298 de matière ayant servi à cette recherche. D'où nous trouvons qu'un tiers exactement de l'aiote avait passé à la distillation. Dès à présent, si la méthode est bonne, nous pouvons admettre que l'aspergilline renferme trois atomes d'azote dans sa molécule et qu'il faut tripler sa formule minima. Pour nous assurer de l'exactitude de la méthode, nous avons soumis au même traitement 10 ce. d'une solution d'asparagine normale décime, devant neutraliser exactement 10 ce. d'acide sulfurique normal décime, puisque 1 molécule d'asparagine fournit 1 molécule d'ammoniaque. XA 430 R- VAN DEN DRIES Voici les résultats obtenus : Chauffage avec l'acide chlorhydrique étendu : 2 heures. Distillation avec excès de CaCOj. H,SO^ neutralisé après 30' 5,4 ce. n n r> 40' 6,4 » » " 50' 7,4 jî j) j! 1 h. 20' 10,0 Les résultats sont absolument exacts. Nous pouvons donc conclure qu'il n'y a que le 1/3 de l'azote de Pasper- gilline qui peut exister à Vétat de CO — NH, (1). Un second dosage fait sur o gr. 3750 de matière, en portant la quantité d'acide chlorh}^drique à 15 ce. pour 85 ce, d'eau, nous a fourni les résultats suivants. Après deux heures de chauffe, on a filtré le liquide et lavé soigneuse- ment la partie insoluble. Le filtrat distillé avec un excès de CaCO, précipité a donné : après 30' i,6cc. d'NHj normale décime 1 h. 1,0 1 h. 1/2 0,5 2 h. 0,4 2 h. 1/2 0,2 3 h. 0,1 Total 3,8 Le maximum d'ammoniaque qu'on put obtenir pour avoir le tiers de l'azote eût été 4 ce. Le dosage ayant été fractionné en 6 parties peut avoir été moins exact que le premier, mais il est cependant encore très satisfaisant. Un troisième essai, sur o,350 gr. de matière, a donné 3,''^5 d'ammo- niaque normale décime. Le total de l'azote de la substance employée, calculé en ammoniaque, comportait 1 1,3 ce., dont le 1/3 est 3,8. On voit que les résultats sont on ne peut plus concordants. Recherche d un radical aminé primaire , — CNH^. La méthode classique estl'emploi de l'acide nitreux Qualitativement, nous pouvons affirmer qu'elle nous a donné un résultat positif. Mais pour ce qui est du dosage de l'azote dégagé, nous avons éprouvé tant de difficultés pour nous procurer un nitrite (i) Il pourrait se faire qu'il ait la forme C — NOH ou encore C — NH. Voir à ce sujet Alexéyeff : Méthodes de transformations des combinaisons organiques. Paris, 1891. MATIÈRES COLORANTES AZOTÉES CHEZ DES CHAMPIGNONS 431 potassique ou sodique exempt de carbonate, que les mesures d'azote dégagé ne nous ont pas été possibles. Il faut en effet, pour opérer ce dosage, que les gaz dégagés par l'action des acides dilués sur le nitrite soient complètement absorbables par une solution concentrée de sulfate ferreux, à l'exception de l'azote seul, ce qui n'est pas facile à obtenir. Nous avons donc dû tourner la difficulté. Nous y sommes parvenu en nous basant sur l'expérience suivante : L'asparagine chauffée avec les alcalis se transforme en aspartate d'am- moniaque, et l'excès de soude ou de potasse chasse l'ammoniaque. Mais les auteurs recommandent aussi de ne pas chauffer trop longtemps ni trop fort, si l'on veut n'obtenir que l'ammoniaque dérivant du radical CONH2. Cela semble indiquer que la décomposition peut atteindre le radical CHNHj lui même. Nous nous sommes donc assuré qu'une distillation à fond d'aspa- ragine avec un excès de soude livre tout l'azote de la molécule sous la forme d'ammoniaque. D'après cela, quand le filtrat provenant du traitement de l'aspergilline par l'acide chlorhydrique cessa de donner la moindre trace d'ammoniaque en présence d'un excès de CaCO,, nous avons laissé refroidir le ballon de distillation. Après quoi, nous avons filtré et lavé le carbonate avec de l'eau distillée. Le filtrat, introduit dans un ballon, fut additionné de soude caustique concentrée exempte d'azote et soumis à une nouvelle distillation. Nous avons poussé celle-ci jusqu'à ce que le distillât ne colorât plus la liqueur de Nessler. Nous avons ainsi obtenu 3,14 ce. d ammoniaque normale décime, au lieu de 3,8 ce. que nous aurions dû obtenir pour avoir exactement le 1/3 de l'azote total renfermé dans 0,350 de matière. La filtration peut avoir affaibli le résultat obtenu, mais nous avions distrait une petite quantité de liquide pour vérifier si la matière colorante, qui avait conservé sa couleur primitive, précipitait encore par l'acide chlorhy- drique, ce qui en effet était le cas. Nous avions négligé de mesurer cette quan- tité, de sorte que l'exactitude de ce dernier résultat ne peut pas être prouvée. Nous ne sommes pourtant pas tout à fait dépourvu de contrôle. Sou- mise à l'action de l'acide chlorhydrique étendu et bouillant, l'aspergilline avait laissé une matière insoluble qui était restée sur le filtre. Ce filtre étant en papier de Suède composé de cellulose pure et exempte d'azote, nous l'avons introduit avec le résidu insoluble dans un ballon et chauffé avec de 432 R. VAN DEN DRIES la soude caustique à 5 0/0 pendant une couple d'heures. Nous aidons encore recueilli 3,4 ce. d'ammoniaque normale décime. Les trois portions 3,4, 3,85 et 3,14, sans tenir compte de la correction que nous avons reconnue impossible, sont suffisamment voisins du rapport 1 : 1 : 1 , pour que nous puissions admettre trois espèces d'a{ote dans l'aspergilline et lui fixer pour formule rationnelle : (Cj^HieNOfi).,. Nous avons admis pour le premier atome le groupement CONH,; nous avons vu qu'un second doit, d'après la réaction de l'acide nitreux, se trouver à l'état d'aminé primaire — C — NH,. Si la soude peut attaquer des groupements azotés autres que celui-là, nous n'avons aucune raison d'en admettre plusieurs dans la fraction que nous avons traitée par cet agent. Nous pouvons dans tous les cas éliminer — C — NOH et — C ^ — NH qui auraient passé à l'état ammoniacal par l'action de l'HCl dilué, et aussi C — NO. qui, nous le savons, reste inattaqué par l'ébuUition avec les alcalis. Quant au troisième atome, qui est respecté par l'acide chlorh3^drique et transformé par la soude en ammoniaque, nous pouvons simplement dire qu'il n'est pas à l'état de — C — NO,, ou du moins que le radical nitré, s'il existe, n'est pas aromatique. Recherches sur les fonctions des radicaux hydrogénés et hydro-oxygénés de l'aspergilline. Nous n'espérons pas apporter une solution parfaite à cette partie de notre étude. Nous disposions de trop peu de matière pour cela, malgré le nombre de cultures que nous avions faites, et le temps employé à la re- tirer et à la purifier. Nous allons simplement exposer le résultat des re- cherches qui donnent au moins des indications sérieuses. Fonction acide ou phénolique. — La prédilection marquée de l'asper- gilline pour tous les milieux alcalins, sa propriété de s'y dissoudre avec facilité et d'en être précipitée par tous les acides indiquent nettement le ca- ractère acide de la matière. Cette acidité n'est cependant pas décelable par les papiers réactifs. La coloration propre de la matière s'oppose à cette constatation. Il est, dans tous les cas, bien certain que c'est un acide faible. Nous n'avons pu obtenir aucun sel, du moins sous une forme cristalline, et de plus sa dissolution dans les carbonates ne donne lieu à aucun dégage- ment d'acide carbonique. Cette propriété lui est commune avec les phénols. Cette dernière indication nous conduisit immédiatement à rechercher dans l'aspergilline le ou les noyaux aromatiques possibles. MATIÈRES COLORANTES AZOTÉES CHEZ DES CHAMPIGNONS 433 Nous rappellerons, dès l'abord, les précipitations de corps colorés en jaune par l'action de l'acide nitrique concentré ordinaire et par l'action de l'acide nitrique rouge fumant, ou encore de l'eau de brome, qui ne sont que des indications. La recherche directe du noyau aromatique a été faite au moyen de l'acide chlorhydrique concentré et du chlorate de potasse. Beaucoup de corps aromatiques traités de cette façon donnent la quinone tétrachlorée, Q,C1_,0^ ou chloranile, facilement cristallisable en tables hexagonales brillantes. N'ayant pas obtenu ce corps, nous avons fait le même essai avec l'acide phénique et l'acide tannique. Le premier nous a fourni rapidement le pro- duit caractéristique. Au contraire, le tannin ne nous en donna pas du tout. Cet insuccès prouve qu'un résultat positif est concluant, mais qu'un résultat négatif n'exclut pas nécessairement la présence d'une chaine aromatique. Cette analogie entre l'action du chlore naissant sur le tannin et sur l'aspergilline, de même que l'identité des spectres de ces deux matières, nous a engagé à étudier Vaction de l'iode sur les deux substances. Dans une note insérée dans le Moniteur scientifique du D'"Quesneville, Ferdinand Jean rend compte du pouvoir absorbant du tannin pour l'iode en présence des carbonates alcalins. Sans avoir étudié le composé formé, il constate que i partie de tannin suffit pour que ; parties d'iode en solution dans l'iodure de potassium ne soient plus retrouvables par l'hyposulfite de soude. La méthode exige un certain nombre de solutions titrées dont voici, la liste : 1° Une solution normale de carbonate de soude; 2° une solution normale d'acide sulfurique; 3° une solution d'iode normale cinquantième; 4 N 4° une solution d'hyposulfite de soude à 9 gr. 920 par litre; 5° une solution d'acide gallo-tannique à o gr. 050 pour loo ce; 6° une solution fraîchement préparée d'amidon; 7° une solution à 0,5 milligramme par centimètre cube du corps à étudier. Il faut enfin un essai à blanc avec de l'eau distillée et tous les réactifs moins le tannin, pour tenir compte de l'action du volume du liquide, du fait que les solutions ne gardent pas indéfiniment leur titre, — ce qui est 434 I^ VAN DEN DRIES spécialement le cas pour les solutions d'hyposulfite, — et de l'action de la lumière. Voici maintenant la manière d'opérer : On prend trois flacons coniques de loo ce. environ; dans le premier, on verse lo ce. d'eau distillée; dans le second, .o ce. de solution d'acide gallo-tannique; dans le troisième, lo ce. de la solution à étudier. Puis, on ajoute à chacun 4 ce. de la solution de carbonate de soude et immédiatement après, en tenant compte de la minute où se fait cette addition, 20 ce. de la solution d'iode normale cinquantième. On s'assure qu'il y a un excès d'iode en posant sur une feuille de papier amidonné une goutte du deuxième et du troisième flacon, ce qui doit donner une coloration bleue. Si ce n'était pas le cas, on doublerait la dose d'iode dans chaque flacon. Après cinq minutes exactement comptées et suivant l'ordre de la pre- mière opération, on neutralise le carbonate par 4 ce. d'acide sulfurique normal, et on verse dans chaque flacon 10 ce. d'hyposulfite de soude 4 normal cinquantième, dose correspondante aux 20 ce. d'iode primiti- vement versés. Immédiatement après, on met dans chaque flacon quelques gouttes de solution amidonnée et on titre l'hyposulfite par l'iode. Quand les solutions sont bien au titre voulu, il ne faut qu'une ou deux gouttes d'iode pour colorer le témoin en bleu. Pour les autres flacons, il en faudra introduire un volume correspondant, pour le tannin, à l'expérience de Ferdinand Jean, et, pour le corps étudié, à sa capacité d'oxydation ou de fixation de l'iode. Une première expérience nous a donné pour l'aspergilline une capacité d'absorption d'environ la moitié de celle du tannin. Ce premier essai était encourageant, .car nulle part nous ne voyons l'iode se fixer aussi aisément sur les corps non aromatiques (1). Nous avons étudié de plus près cette réaction en comparaison avec des corps aromatiques non phénoliques et des phénols mono- et polyvalents. Nous avons employé en une première série l'acide salicylique, la résor- cine, la phloroglucine, un acide gallo-tannique obtenu récemment de la maison E. Merck de Darmstadt, avec la garantie » purissimum pro analysi «. (i) Les composés renfermant C=C, dit Alexéyeff, /. c, fixent seulement I, et encore avec d'énergie; par exemj lange jusqu'à la fusion. peu d'énergie; par exemple pour combiner le tolane 111. avec l'iode, il faut chauffer leur mé- C — CjUs MATIERES COLORANTES AZOTEES CHEZ DES CHAMPIGNONS 435 Nous avons obtenu les résultats suivants : Acide salicylique — lo ce. ou f) milligr. ont absorbé 8,7 ce. Iode N/50 Résorcine n « 11,4 -^ Tannin vieux « » 10,2 Tannin récent » » 10,5 » Phloroglucine (1. 3. 5-) " » H, 7 • » Le calcul montre que ces quantités d'iode correspondent pour l'acide salicylique à 4,8 atomes, en chiffres ronds 5, pour la résorcine à 5 atomes d'iode, pour les deux tannins à 13,7 et 14 atomes d'iode, pour la phloroglu- cine à 6 atomes d'iode. Ces chiffres correspondent à une fixation d'iode dépassant souvent le nombre d'atomes d'hydrogène substituables à première vue dans les formules de ces corps. Et même, en tenant compte du pouvoir additionnel des déri- vés benzéniques, nous serions encore loin de compte dans l'exemple du tannin. On pourrait croire, par exemple, que le dérivé iodé de la phloroglucine aurait pour formule C(,(l2)3 — (OH),, ce qui correspond à la quantité d'iode absorbée; mais il n'y a pas moyen, en admettant ce processus, d'expliquer la présence de 13 ou 14 atomes d'iode dans un dérivé iodé du tannin. La formule de ce dernier corps, communément admise, doit s'écrire C^H^ — (OH), — CO — O — CeH, — (OH), — COOH. Le dérivé iodé, par substi- tution et addition, serait Q(L),(OH),— CO— O— Q(LUOH),-COOH, soit 8 atomes d'iode au lieu de 13 ou 14 qui devraient y être introduits d'après les expériences rapportées plus haut. Force nous était donc de chercher autre chose. En parcourant dans le dictionnaire de Wurtz et les traités récents de chimie organique tout ce qui avait trait aux phénols mono- ou polyvalents, nous avions trouvé deux petites notes concernant l'action de l'iode sur l'or- cine et la phloroglucine. Elles sont toutes les deux de Hlasiwetz. La première est extraite du Journal f ur pract. Chemie, t. CI, p. 325 : " La solution aqueuse d'orcine, dit-il, dissout l'iode sans se colorer et sans donner d'acide iodhydrique. Elle enlève l'iode à sa solution dans le sulfure de carbone. Par évaporation de la liqueur dans le vide, l'orcine se sépare de nouveau inaltérée et l'iode se sublime ^ (Wurtz, t. II, p. 646). La seconde est tirée des Wiener Akad. Berichte, t. LU, 2^ partie, p. 84. « La phloroglucine dissout l'iode sans coloration sensible et le sulfure de carbone n'enlève pa:3 l'iode au liquide; mais lorsqu'on évapore dans le 436 R. VAN DEN DRIES vide, l'iode se sublime et il reste un résidu de phloroglucine. „ (Wurtz, t. II, 2^ partie, p. 929). Enfin, WilRTz rapporte également que l'iode n'agit sur l'acide pyrogal- lique que vers 200° (t. II, 2^ partie, p. 1236). Cette dernière note nous paraît se rapporter à l'action de l'iode sec sur l'acide pyrogallique solide, et partant ne nous intéresse pas. Quant aux observations de Hlasiwetz, sans avoir le loisir de contrôler les sources pour y trouver de plus amples détails, il nous paraît qu'elles ne peuvent se rapporter qu'à une addition simple. C'est bien ce qui i^ésulte de la sublimation d'iode qu'il a observée, ainsi que du fait que l'orcine et la phloroglucine se retrouvent comme telles dans le résidu. Dans tous les cas, en solution purement aqueuse, l absorption de l'iode est extrêmement limitée. Nous avons trouvé qu'en faisant agir l'iode par pe- tites portions, en présence d'amidon soluble fraîchement préparé, 5 milligr. de naphtol donnent la réaction de l'iode libre après addition d'un centimètre cube d'iode, 5 milligr. d'orcine après addition de 2,1 ce. d'iode et 5 milligr, de pyrogallol après addition de 3,6 ce. d'iode. La réaction est achevée après quelques minutes; un contact de plusieurs heures n'y change rien. Ces chiffres correspondent par molécule à 0,6, 1,1 et i,8 atomes d'iode par molécule de chacun de ces corps. Ils nous paraissent trop éloignés d'un rapport par nombres entiers de 1, 2, 3 atomes par molécule, pour que nous y attachions une grande importance. On ne peut cependant s'empêcher de remarquer qu'ils sont entre eux comme 1:2:3. Nous n'avons pas poursuivi la comparaison sur les autres corps cités plus haut, trouvant les quantités d'iode ainsi fixées absolument sans rap- port avec ce qui se passe en présence du carbonate sodique. Il ne faut d'ail- leurs qu'une quantité de ce réactif bien inférieure à celle qu'on emploie, pour que l'absorption de l'iode atteigne son maximum. Les composés ainsi formés sont certainement doués d'une assez grande stabilité. Nous avons laissé pendant des heures le précipité iodé obtenu avec le phénol et l'acide salicylique, avec un excès d'hyposulfite. Il est resté inaltéré. Nous doutons fort qu'une addition simple de l'iode aux phénols puisse résister à l'action de l'hyposulfite. Nous admettrons donc une ivraie substitution, atteignant d'ailleurs un très haut degré, de l'iode à un certain nombre de radicaux des phénols. Mais nous ne savons pas encore si l'absorption d'iode par les phénols en présence du carbonate de soude est bien caractéristique de la fonction phénol ni si MATIÈRES COLORANTES AZOTÉES CHEZ DES CHAMPIGNONS 437 elle lui est proportionnelle. De la réponse à ces deux questions dépendent toutes nos conclusions sur le rôle des radicaux hydrogénés et oxy-hydrogénés de l'aspergilline. Il nous restait donc une dernière série d'essais à exécuter et nous l'avons choisie aussi large et aussi concluante que possible. En partant du phénol qui est monosubstitué et qui n'a que les deux fonctions hydrocarbure et phénol, nous avons éliminé successivement l'in- fluence des radicaux - CHO, - COOH, -CO, — S0„ — N0„ en com- parant l'action de l'iode sur le phénol à celle qu'il exerce sur l'aldéhyde benzo'ique, l'acide benzoïque, la nitro-benzine, la saccharine et la nitro- saccharine, dont les formules respectives sont : C^Hj — OH, CgH^ — CHO, QH,-COOH, QN,NO„ QH, (g^ >NH, QH,NO,< so^ ^H. Le phénol seul a absorbé de l'iode, non enlevable par rhyposulJite{\.). Puis, passant aux phénols polysubstitués, mono- ou polyvalents, nous avons comparé à nouveau le naphtol, l'acide phénique, l'acide salicylique, tous monophénols, la résorcine, l'orcine ou méthylrésorcine, la phénolphta- léine, tous trois biphénols, la phloroglucine et l'acide pyrogallique, phénols trivalents, le tannin, pentaphcnol, l'orcéine, dérivé azoté de l'orcine, le tout en comparaison avec l'aspergilline. Voici les résultats obtenus : Naphtol 5 mill. absorbent 5,5 ce. iode N/50 Phénol r, 13,8 ^ Acide salicylique « io,o r> Résorcine » 11,9 7i Orcine » 9,7 r> Phénolphtaléîne » 5,o 7) Phloroglucine r> 8,8 w Pyrogallol » 17,5 r> Tannin » 12, 0 y> Orcéine » 1,8 n Aspergilline » 3,6 n Si nous transformons ces résultats analytiques en équations molécu- laires, nous trouvons que pour (l) Dans les mêmes conditions, laniline a absorbé i at. d'Io par molécule. 438 R- VAN DEN DRIES 1 molécule de naphtol, il entre en réaction 3 ; itomes d"iode Î5 phénol » 5,2 » » acide salicylique n 5,5 7t î> résorcine » 5,0 •n » orcine 77 5,5 n » phénolphtaléine m 6,3 rt « phloroglucine V 6,0 w M pyrogallol V 9,0 yi ?î tannin n 14,0 7) n orcéine n 3,6 rt n aspergilline r> 12,8 n Il y a, semble-t-il, dans cette série, assez d'éléments pour établir une loi de proportionnalité entre le nombre d'atomes utilisés pour chaque réaction et la constitution de chacun des phénols étudiés. Nous devons pourtant avouer qu'elle nous échappe totalement. Si nous comparons les divers phénols au point de vue de la proportion 0/0 du radical OH qu'ils contiennent, nous obtenons le tableau suivant : Pyrogallol OH 0/0 37,5 Nombre proportionnel d'iode 17,5 ^Phloroglucine ^ 29,9 » 8,8 (Orcine « 27,4 „ 9,7 Tannin 2 aq. ?. 25,1 r> 12,0 Phénol « 18 r, 13,8 (Résorcine " 15,4 » 11, 9 'Phénolphtaléine n 14,1 r 5,0 (Ac. salicylique „ 12,3 » 10,0 (Naphtol » 11,8 T 5,5 Il suffit de rapprocher la phloroglucine et l'orcine de la résorcine pour voir que. les deux premières renferment deux fois autant d'OH 0/0 que la troisième, et ont un chiffre proportionnel d'iode inférieur à celui de cette dernière. Pour chacun des points du tableau, on peut faire la même ob- servation. Pour ce qui est de l'hydrogène, nous obtiendrions le classement sui- vant : Pyrogallol 7<^, phloroglucine 8*, tannin 9'-.., phénol i«'', naphtol 3". Il en est exactement de même pour les sommes d'OH et de H 0/0. Si l'on veut au contraire ne tenir compte que du nombre des OH et et des H substituables, on a : Pyrogallol H, (0H)3 = 6 Phloroglucine H, (OH), = 6 Tannin H, (0H)5 = 9 O ici ne H3 (0H),= 5 Phénol H5 (OH), = 6 Phénolphtaléine H« (0H)3 = 10 Résorcine H, (0H).= 6 Ac. salicylique H, (0H),= 5 Naphtol H. (OHX = 8 MATIÈRES COLORANTES AZOTÉES CHEZ DES CHAMPIGNONS 439 Iode employé 9 atomes. 6 » 5,5 " 5,2 6,3 , " 5,0 " 5,5 " " 3,0 " On voit que le nombre des oxhydriles ne peut pas nous servir davantage de guide que celui des atomes d'hydrogène. Rien ne nous indique le nombre d'atomes d'hydrogène qui peuvent être substitués dans l'une quelconque des réactions. Bien plus, pour l'acide pyrogallique et le tannin, la somme des oxhydriles et des hydrogènes est inférieure au nombre des atomes d'iode entrés en réaction d'une quantité égale à celle des atomes d'hydrogène (i). Nous étions désorienté par l'absence d'indications sur des dérivés aussi riches en iode, quand nous tomba sous les yeux la description d'un composé brome de la résorcine, auquel on donnait la formule CgHBr,\^Qr)„, puis d'un second CgH^Br, — OBr de l'acide salicylique en solution étendue, par l'eau de brome. Nous avons aussitôt contrôlé l'action de l'eau de brome sur noire série de phénols, et nous avons été frappé de la différence extrême entre les pro- duits obtenus par l'addition lente de l'eau de brome et par l'addition rapide d'un fort excès de réactif {2). Pour l'acide salicylique et le phénol, il fallut employer exactement 4 atomes de brome pour obtenir une réaction totale. Celle-ci répond à la formation du tribromophénol et d'une molécule d'acide bromhydrique QH^ErjOH 4- HBr, comme aussi à la formation du tribro- mophénate de brome, lequel se forme en réalité. (Voir Friedel : Cours de chimie organique, 2" partie. Paris, 1888, p. 49.) C'est un corps blanc s'agglomérant rapidement en même temps que la liqueur s'éclaircit, juste au moment où il y a assez de brome pour former le composé susdit : cette réaction permet le dosage direct des phénols et de l'acide salicylique par le brome et réciproquement. Mais il faut verser petit (i) Le chiffre 14 atomes d'iode indiqué par la dernière série d'essais est certainement trop fort pour le tannin. Nous préférons le chiffre i3, trouvé dans d'autres essais, ce qui nous donne 5(OH) + 4H + 4 = i3, et pour le pyrogallol 3(0H)+ 3H + 3 = 9. N (2) L eau de brome, étant comme l'iode, — 5o. 440 R. VAN DEN DRIES à petit le brome dans les phénols, parce que en présence d'un grand excès de brome rapidement ajouté, on obtient un corps qui cristallise en petites paillettes jaunes et qui pourrait être le pentabromophénaie de brome, QBr^— OBr. Pour l'orcine et la phloroglucine, les composés renfermant 4 atomes de brome ne précipitent pas, du moins en solution aussi étendue, mais les com- posés bromes au maximum se précipitent dans un excès de brome. Ce sont également des paillettes, les unes brunes, les autres blanches. L'aspergilline traitée par l'eau de brome ne pouvait fournir de bons résultats, étant forcément dissoute dans un sel alcalin, et se précipitant quand, sous l'action du brome, le sel devient neutre. Nous pouvions seule- ment après ces essais chercher à établir des formules de phénols iodés cor- respondants aux mêmes corps bromes dont nous avions constaté l'existence. Nous aurions ainsi, par exemple : avec l'acide salicylique le tétra-iodo- phénate d'iode QH!^ — 01; avec l'orcine et la résorcine les triiodo-orcinate et résorcinate d'iode QHl3(OI)3 et CH3— QI., — (OI)^; avec le naphtol le diiodo-naphtolate d'iode (1). Mais aucune des réactions ainsi indiquées ne rend compte du nombre d'atomes diode fixés par l'acide pyrogallique et par le tannin. Il pourrait se faire qu'il y ait pour ces deux corps formation de dérivés de substitution et d'addition delaformeQ(LMOI)3etC„(LyOI),.,-CO-0-C„(LUOI)3-COOH renfermant respectivement 9 et 13 atomes d'iode. Il serait certainement in- téressant d'étudier à ce point de vue tous les dérivés galliques. Mais ce se- rait sortir de notre cadre. Il nous suffit que de tels composés soient possibles pour que nous soyons obligé de partir de là pour calculer le nombre de radicaux phénoliques pouvant exister dans le corps que nous étudions. Si nous supposons un groupement pyrogallique — QH2(OH)3, dans l'essai à l'iode 7 atomes de ce corps seront utilisés. S'il s'agissait d'acide gallique, le groupement — QHi'OH)., — COOH pourrait utiliser 5 atomes d'iode; un groupement gallo-tannique — QH(0H)3 — CO - O — QH2(0HX — COOH en demanderait 1 1 (2). (1) Depuis la rédaction de ce travail, nous avons appris que la chimie a lancé dans le commerce pharmaceutique un antiseptique, sous le nom de nosophène, qui est un tétra-iodo-phtaléinate de soude, lequel correspondrait parfaitement à un tétra-iodo-phtaléinate d'iode. Ce corps renfermerait donc 6 atomes d'iode, chiifre que nous avons trouvé dans nos essais sur la phénolphtaléine, p. 43S. (2) Si la soudure se faisait au détriment d'un oxhydrile, l'absorption d'iode devrait être d'une unité plus élevée pour chacun des cas, que l'iode entre dans la molécule sous la forme Ij à la place de chaque hydrogène substitué, ou bien qu'il se forme une molécule d'acide iodhydrique en même temps qu'un atome d'iode remplace un atome d'hydrogène, chose qui est certainement plus probable, mais que nous n'avons pas le loisir de vérifier. MATIÈRES COLORANTES AZOTEES CHEZ DES CHAMPIGNONS 441 Comme, d'autre part, le spectre de l'aspergilline concorde si parfaite- ment avec celui du tannin et que la matière colorante est acide, nous nous croyons autorisé à admettre dans sa molécule l'existence d'un groupement monovalent — C,H(OH),— CO— O— QH,(OH), -COOH, lequel utiliserait dans la réaction de Ferdinand Jean 1 1 atomes d'iode. Nous ne pouvons supposer ce que devient le 1 2= atome d'iode absorbé, à moins qu'il ne se sub- stitue au radical aminé de l'amide résiduelle QgH^igN^Og, auquel serait com- biné le tannin. Il va sans dire, en effet, que nous n'avons pas la prétention d'affirmer que le groupement tannique, dont nous admettons l'existence dans la molécule de l'aspergilline, soit précisément le groupement gallo-tannique. Nous savons parfaitement que la réaction sur laquelle nous nous appuyons n'a fait l'objet d'aucune étude approfondie, et que la centaine d'essais dont nous avons rapporté déjà trop longuement, mais incomplètement pourtant, les résultats, n'éclaircissent qu'imparfaitement son mécanisme. Un groupe- ment OH en plus ou en moins, une chaîne latérale courte ou longue remplaçant un atome d'hydrogène peuvent très bien s'accorder avec les données analytiques que nous avons obtenues, et modifier par le fait même la formule tannique et celle de l'amide à laquelle elle serait soudée. D'après ce qui précède, nous pouvons donc admettre que l'aspergilline renferme cinq oxhydriles phénoliques, avec deux chaînes benzéniques. Pour ce qui est de l'azote, nous croyons avoir démontré que ce corps se trouve engagé dans un groupement — CH — NH,, et un groupement C<>jtt . Le troisième groupement azoté pourrait encore être — CH — NH,; il nest sûrement pas — CHNO,. Nous espérons arriver un jour à étudier de plus près l'acide amidé qui reste dans la solution, d'où le carbonate élimine l'ammoniaque provenant du radical — CONH^, après traitement par HCl. RECHERCHES SUR D'AUTRES CHAMPIGNONS. Nous nous sommes demandé si l'aspergilline forme une exception par- mi le grand nombre de matières colorantes des champignons, ou si elle n'est que le type d'une série de corps analogues constituant une famille naturelle. Les hyménomycétes nous présentent sous ce rapport un bel exemple : les travaux de Stahlschmidt et de Bôhm ont mis en lumière l'existence dans ces végétaux d'une série d'acides (Polyporsâure, Luridussaure, Pantherinus- sâure), que leur constitution chimique range pour ainsi dire en une série 442 R- VAN DEN DRIES d'homologues (i). Le même fait se représente pour un groupe de matières colorantes jaunes réunies sous le nom de lipochromes, dont les propriétés physiques et chimiques, étudiées par Bachmann, font des corps très voi- sins (2). Pour trancher cette question, il nous fallait extraire la matière colo- rante d'un certain nombre de champignons appartenant à divers groupes non encore étudiés à ce point de vue, et en rechercher les points de rap- prochement avec l'aspergilline. Fiisariinn hordei. Ce champignon, récemment étudié par Saccardo, est un parasite du blé. Sa forme périthécienne l'identifie, ou du moins le rap- proche du genre Sphœroderma. Il envahit les germoirs de brasserie et y dé- veloppe activement son mycélium d'un blanc d'ouate. S'il est semé sur des milieux humides et riches en matières amylacées, on voit apparaître au bout de quelques jours une teinte rose dans les parties du mycélium en contact avec le substratum. C'est ce que Saccardo avait déjà observé. Mais dans des milieux favorables, notamment sur du pain arrosé de liquide Raulin, cette coloration s'accentue, devient écarlate et même pourpre virant au noir. L'extraction de cette matière est difficile, vu son insolubilité dans la plupart des réactifs. L'acide acétique glacial et bouillant nous a donné une solution rouge foncé, d'où la matière colorante cristallise en fines aiguilles s'agglomérant en sphéro-cristaux rouges. Elle est insoluble dans le chloroforme, l'alcool, l'éther, l'alcool amy- lique, très peu soluble dans l'éther acétique. Elle est insoluble aussi dans l'eau ammoniacale et les solutions alca- lines. Elle ne rentre donc pas dans la série de corps dont nous cherchons l'existence. Il n'y a qu'à mentionner son spectre, analogue à celui de l'aspergilline, sans bandes ni raies. Aspergillus terricola. Ses spores brunes restent intactes dans l'eau, l'eau ammoniacale, l'alcool et l'éther. L'acide acétique en extrait une matière jaune, dont le spectre d'absorption correspond à celui du champignon pré- cédemment étudié. Nous devons donc aussi l'écarter, tout en signalant sa grande analogie de propriétés avec celle du Fusarium. (1) ZoPF : Die Pilje ; chapitre de la physiologie, p. 148-150. (2) ZoPF : Id. id. p. 144-14S, MATIÈRES COLORANTES AZOTÉES CHEZ DES CHAMPIGNONS 443 Aspergilliis purpureiis ? La matière colorante de ce champignon réside, comme chez le Fusarium, dans son mycélium âgé. Les cultures jeunes ont à peine une coloration rosée. Les spores en sont vertes. Il nous a été impos- sible de séparer le mycélium de son substratum solide. Sur des milieux aqueux les plus divers, la production de matière est insignifiante et celle-ci diffuse dans le liquide. Nous avons donc traité champignon et substratum par ralcoolàchaud(i). La solution rouge-brun fut évaporée à siccité et le résidu lavé à l'eau chaude et à l'alcool à froid. On obtient ainsi une masse sirupeuse presque noire qui, broyée après dessiccation, donne une poudre brun foncé soluble en tota- lité dans l'eau ammoniacale. Elle est soluble aussi dans l'éther, l'alcool méthylique, insoluble dans l'acide sulfurique concentré. Les sels à réaction alcaline, la potasse et la soude, la dissolvent égale- ment bien. Un essai de saponification à la potasse alcoolique ne nous a point donné de résultats, car la matière précipite en grande partie par la potasse en excès et à chaud. Les solutions alcalines d'un rouge magnifique virent au jaune par les acides. Cette propriété est extrêmement sensible. Elle est décelée, comme pour la phénolphtaléine, par une goutte d'acide sulfurique N/io en excès. Ce caractère tend à faire admettre que cette matière colorante est une base. Elle n'est point encore à rapprocher de l'aspergilline; sa manière d'être vis-à-vis des acides et sa solubilité dans les dissolvants ordinaires l'en écartent. Le peu de matière extraite ne nous a pas permis d'en faire des recher- ches plus approfondies. Polyporus sulphiireiis. La pulpe de ce champignon est imprégnée d'une matière colorante qui lui donne sa teinte jaune caractéristique. Pour l'extraction de cette matière, on dessèche progressivement les chapeaux découpés, on les broie et on traite la poudre brune, odorante, qui en résulte par l'alcool à chaud. Dans l'extrait concentré se trouve une ma- tière colorante brune mélangée à des impuretés de toute espèce, donnant par concentration et refroidissement des masses cristallines. (i) L'eau ammoniacale dissout cette matière colorante, mais elle est impuissante à l'extraire des cellules du mycélium. 444 R- VAN DEN DRIES Nous n'avons pu déterminer la nature de cette matière; elle est insolu- ble dans l'alcool, l'éther, soluble en faible quantité dans l'eau ammoniacale, insoluble dans les acides dilués. Ses propriétés ne correspondent pas à celles de l'aspergilline ; nous ne nous en sommes pas occupé plus longuement. Les résidus, après extraction à fond par l'alcool bouillant, sont colorés en jaune. Rien ne nous décèle la présence d'une autre matière colorante. Mais lorsqu'ils sont délayés dans de l'eau ammoniacale, il se produit une coloration rouge foncé qui diffuse dans le liquide. Nous mettons donc en évidence la présence d'une matière colorante acide, qui se colore intensé- ment au contact des alcalis. Il y a lieu de supposer que la pulpe du cham- pignon était à réaction acide et nous en cachait l'existence. Après 2 jours de digestion, nous filtrons la masse et opérons la précipi- tation par l'acide chlorhydrique dilué. Nous obtenons des grumeaux jaunes que nous filtrons. Les opérations de lavage sont les mêmes que celles dé- crites pour l'aspergilline. Après dessiccation dans le vide sur de l'acide sulfurique, la matière se présente sous la forme d'une poudre brune. Propriétés. Elles sont identiques à celles de l'aspergilline : même solubilité dans les alcalis et sels à réaction alcaline ; même insolubilité dans l'alcool, l'éther, les dissolvants ordinaires. L'acide acétique glacial en dissout des quantités notables avec coloration jaune. Toutes les solutions alcalines ont la coloration rouge brun de l'aspergilline dans l'ammoniaque. Les solu- tions ammoniacales précipitent par la baryte en flocons jaunes. L'acide azotique fumant nous donne une décoloration complète avec un précipité amorphe, jaune. Spectre. Il est analogue à celui de l'aspergilline : absorption du violet au bleu inclus. Action de la chaleur. Lorsqu'on chauffe à l'air sur une feuille de platine, il se dégage une odeur de corne brûlée, qui rappelle celle de l'asper- gilline dans les mêmes conditions. Cette propriété nous décelait presque certainement la présence de l'azote. Dosage de l'a:{ote. Nous avons poursuivi la recherche et le dosage de ce corps en faisant emploi de la méthode précédemment décrite. Une portion de o gr. 27 de substance a été introduite dans un ballon avec 90 ce. d'eau distillée et 10 ce. HCl. Après 2 heures d'ébuUition à l'appareil à reflux, on filtre à froid et on lave soigneusement. MATIERES COLORANTES AZOTEES CHEZ DES CHAMPIGNONS 445 Le filtrat est neutralisé par CaCO. précipité. On en ajoute un excès et distille en recueillant l'ammoniaque dégagée dans l'acide sulfurique normal décime. Après 1 h. 1/2, ont passé 2,3 ce. de NH, normale décime. Déjà à ce moment, tout l'azote transformé est chassé, car une nouvelle distillation de 1/2 h. n'a même plus donné de traces d'ammoniaque. Cette première distillation achevée, nous ajoutons de la soude caustique au résidu et nous poursuivons l'opération. Voici les chiffres : Après 1/2 h. ont passé 0,4 ce. d'NH, normale décime «In. ,,1,2 „ „ 1 h. 1/2 „ 0,5 Total : 2,1 L'opération est terminée, car il n'y a plus trace d'NHj dégagée après une distillation nouvelle d'une 1/2 heure. Nous observons encore ici que la soude a son maximum d'efficacité après concentration de la solution. La portion restée insoluble dans le premier traitement à l'acide chlorhy- drique et distillée avec de la soude nous donne : Après 1/2 h. — 0,7 ce. d'NHj normale décime r> 1 h. — 1,2 » !» r> 1 1/2 h. — ■ 0,5 » » Total 2,4 Nous concluons donc à un total de 6,8 ce. d'NH^ pour 0,21 gr. de substance, ce qui donne 3,5 d'azote 0/0 et 3 atonies de ce corps dans la mo- lécule. Nous leur attribuons en outre la même nature que dans l'aspergilline. Notre matière a été obtenue dans des conditions au moins aussi favo- rables que l'aspergilline. Le dosage des cendres nous a donné : Pour 0,393 gr. de substance, 0,003 de cendres, soit 0,75 0/0 de cendres très peu colorées (1). Les chiffres 2,3, 2,1, 2,4 sont absolument concordants avec ceux de nos précédentes opérations. Ils nous paraissent une preuve certaine de l'exactitude. de nos dosages antérieurs. De plus, cette façon identique de se conduire sous l'action de l'acide chlorhydrique, du carbonate calcique et (1) Nos matériaux étant épuisés, nous n'avons pu rechercher la composition centésimale de la substance. 446 R- VAN DEN DRIES de la soude, ne saurait être attribuée qu'à une parenté très étroite de cette nouvelle matière colorante avec celle des Aspergillus. La concordance des propriétés physiques et chimiques nous force aussi à placer ces corps dans une même catégorie de composés chimiques, dont l'aspergilline constitue le type. CONCLUSIONS. L II existe chez les Aspergillus niger etfitliginosus, ainsi que dans le Polyponis sulphiireiis, des matières colorantes azotées, dont X aspergilline est le type. IL Ces substances sont extrêmement voisines, sans qu'elles soient identiques. Il y a des différences d'aspect extérieur et de solubilité dans les agents dissolvants ordinaires. III. Elles ont un caractère acide. IV. D'après nos observations, elles sont des amides vraies. V. L'aspergilline paraît renfermer des chaînons benzéniques jouant le rôle de phénols. VI. L'aspergilline n'est pas une hématine. Elle ne renferme pas trace de fer, et son spectre n'a pas de bande caractéristique. VIL L'aspergilline paraît se rattacher étroitement aux tannins. VIII. Dans d'autres Aspergillus et dans le Fusarium hordei, nous avons trouvé des matières colorantes de caractère notablement différent. L'une d'elle possède plutôt le caractère basique. TABLE DES MATIÈRES DU TOME XIII. I. Sui' la graine et spécialement sur l'endosperme du Ceratonia siliqua. Étude critique et chimique, par H. Marlière ... 5 II. La fécondation chez l'Ascaris megalocephala, par J. B. Carnoy et H. Lebrun ........ 6i III. Les cinèses spermatogénétiques chez Y Hélix pomatia, par Arthur BoLLEs Lee . . . . . . . . 197 IV. Recherches sur la fermentation ammoniacale due aux Mucédinées simples, par Oscar Semal ...... 285 V. L'anatomie fine de la cellule nerveuse, par A. Van Gehuchten . 3i3 VI. Nouvelles recherches sur les sécrétions gastriques, par le Docteur A. Verhaegen ........ Sgi VII. Matières colorantes azotées chez des champignons, par R. Van den Dries. 413 ^/^ yS 1^'^'^ ^ -^-l i"**,-" .vmj i^: î..> X ■V>A C" */'i^- 'J^S^ '^^^^^^ ^*5- ■«^x— ^»^- , .(