- :^4 THi BIBLIOTHEQUE DU PRQGRES AGRICOLE ET VITICOLE ETUDE COMPARES DE LA TAILLE DANS LES DIFFERENTS VIGNOBLES PAR (Joseph.) . Stagiaire agricole MONTPELLIER Aux BUREAUX DU Progres agricole et viticole Rue Albisson, 1 (Maison Batigne) 1890 Sb ETUDE COMI'AUEE DE LA TAILLE DANS LES DtFFfiRENTS VIGNOBLES Considerations generates. La taille est une des operations les plusimportantes de la culture de la vigne elle a pour but : 1° D'assurerla production, de la regularises et aussi de 1'augmenter; 2° D'obtenir des fruits plus gros, de meilleure qualite et plushatifs; 3° De dormer aux ceps une.forme etun developpement determines, en repur- tissant la seve le plus egalement possible entre toutes les parties ; 4° De faire fructifier les pieds qui y sont peu disposes ; 5° De permcttre la pratique des differentes fagons culturales le plus econo- miquement possible. Pour la vigne plus que pour tout autre arbre, la taille est indispensable, car elle a une grande propension a pousser en bois et ses produits spontanes sont presquenuls. La vigueur d'une vigne peut etre en relation directe ou inverse avec la pro- duction. Alnsiplus il y a de rameaux verts, plus il yade materiaux elabores, et par copsequent plus les fruits en ont a leur disposition ; mais quand ces materiaux sont en exces ils se portent sur les bourgeons et sont ainsi perdus pour les fruits : il y a chloranthie. II faut done laisser assez de rameaux pour que la vigueur -soit suffisante, mais non exageree. 372062 Lorsquo,"au coiitrair.e, ia vegetation d'une vigne est tres faiblc ii y a produc- tion exageree de fruits ; cette remarque porterait done a croire qu'il faut di- minuer la vigueur le plus possible afin d'avoir le plus grand nombre de fruits, mais on sait qu'une forte production affaiblit ce vegetal et plusieurs do suite finiraient par le.faire perir: il faut done se maintenir dans un juste milieu. Mais comment savoir, au moment de la taille, si une vigne est trop faiblc ou trop yigoureuse ? Dans tous les cas, lorsqu'une vigne est trop vigoureuse, il pousse sur les bras ou letronc des bourgeons adventifs appeles gourmands ; lorsqu'une sou- che est trop faible tous les bourgeons laisses a la taille precedente ne se deve- loppent pas. Ge sont la des indices aussi simples que surs. .D'une fagon general e la direction des rameaux influe sur leur vigueur. Les rameaux verticaux sont les plusvigoureux et ceux aussi qui donnent le moins de fruits; ceux, au contraire qui sont plus ou moins inclines sont les plus fai- bles et les plus fructiferes. Sur un meme rameau, ce sont les bourgeons les plus eloignesdu centre dans le sens vertical q'ui se developpent le plus activement. II existe des procedes artiftciels* qui permettent de ralentir la vigueur d'un rameau et par suite d'augmenter la production : 1'arcure qui entre, comme nous le verrons, dans la pratique de certains systemes de taille, et la torsion des garments qui n'est pas usitee. II decoule de ce procede que, dans un systeme de taille quelconque, lorsque Ton aura sur une m£me souche des rameaux trop vigoureux et d'autres trop faibles pour retablir 1'equilibre, il suffirade placer verticalement les rameaux les plus faibles et d'incliner les autres. La vigne porte ses fruits sur les rameaux de 1'annee produits sur les bois de 1'annee precedente. 11 est done indispensable de faire produire du bois nouveau chaque annee; d'ouresulte la necessite d'obtenir en meme temps que des fruits des sarments pour remplacer ceux qui ont fructifie. Les rameaux qui poussent sur vieux bois ne portent generalement pas de fruits: cependant, pour certains cepages tres fructiferes, tel (jue 1'Aramon, on trouve des raisins sur des gourmands encore appeles sauvageons ou sagattes. Si on laissait sur la souche tous les vieux bois sans les soumettrea la taille, on obtiendrait un nombre considerable de rameaux et de fruits tres peu de- veloppes II est done necessaire de supprimer chaque annee un grand nombre de sarments et de raccourcir ceux que Ton conserve. Si Ton considere plusieurs cepages, on s'apergoit que certains comme 1'Aramon, la Carignane, le Morrastel ne portent de fruits que sur les rameaux devt'loppes a la base des sarments de 1'annee precedente; pour ceux- la, on a intereta ne conserver que les bases de sarments; d'autres tels qne la Sy- rah, le Cabernet, le Pinot, la Mondeuse donnent du fruit sur les /fets qui poussent aux extremites : ici une taille longue s'impose. Quelques-uns ont la propriety de donner des rameaux fractiferes sur tous les bourgeons ; dan^ce cas on taillera long ou court sans s'occuper de cette consideration. On peut done distinguer, en se plagant a ce point de vue, 2 types de taille : a court-bois et a long-bois ; mais le choix de Tun ou de Tautre de ces types n'est rs ^° J^us souvcn* arbitruirc, 11 depend des aptitudes specifies do • chag- cepage. Q. appelle court-bois, courson, cot, etc., un rameau aoute sur lequel on }ajse au plus 3 yeux francs et lo faux-oeil on bourrillon. Le long-bois est un sarmcnt qui porte au moins 4 ou 5 yeux francs ; on 1'appelle encore aste, playon, courgee, etc. II existe encore desbois speciaux appeles oreilles de lievre : ce sont deux sarments partant du memo point ; dans la taille en gobelet, ils permettont de bien etablirla symetrie des bras. D'une fac,on generale, les longs-bois sont, pour tous les cepages, plus fruc- tiferes que les courts-bois ; mais ils donnent toujours naissance a des fruits relativement peu volumineux et a des rameaux peu vigoureux. Les court s- bqis^au contraire, donnent moins de production et plus de vigueur. Une vigne toujours taillee a long-bois, fmirait par s'affaiblir. II faut done, m6me dans la taille a long-bois, conserver des coursons destines a fournir successivement les rameaux; les longs-bois destines a donner des fruits sont supprimes 1'annee suivante. Dans des systemes de taille combines, on re- courbe generalement les longs-bois et on donne aux jets qui poussent sur les coursons, une direction verticale afin d'activer lour developpement. D'apres ces principes, on peut pratiquer des tallies uniquement a court bois, des tallies combinees a coursons et long-bois, mais jamais o\es tallies exclu- sivement a long-bois. Connaissant la vigueur d'une souche et le systemc de taille a lui appliquer, gucls sarments doit-on conserver? Au point do vue de la fructification, on doit choisirles rameaux de moyenne vigueur, les sarments les plus forts pro- duisent surtout du bois et les plus chetifs n'assurent pas une vigueur suffi- sante. Ilfautaussi que les rameaux conserves soient sains et bien aoutes. On doit veiller, dans une souche, au maintien de Tequilibrc dans la vege- tation de ses differentes parties. On peut augmenter la vigueur d'un bras fai- ble en le relevant; mais ce moyen n'est employe que dans certains cas. On y arrive encore en laissant sur ce b*ras plus de coursons que sur les autres ; on obtient ainsi plus de surface elaborante et il arrive par consequent dans cette partie plus de materiaux nuiritifs. Mais si on continuait ainsi plusieurs ann6es de suite sur le m6me bras, il ne tarderait pas a prendre, au detriment du reste de la souche, une vigueur exageree : do la, on conclut que sur une vigne normalemerit etablie, il ne faut jamais laisser sur un bras plus de cour- sons que sur les autres. Cependant, on peut laisser sur un bras plusieurs coursons, a condition que chaque bras en supporte a son tour un meme nom- bre. On peut encore augmenter la vigueur d'un bras en ne lui laissant qu'un seul courson que Ton taille tres court sur un seul oeil par exemple, et qui donnera un jet tres vigoureux. Comme la seve tend toujours a se rendre vers les parties les plus elevees du vegetal, il en resulte que dans tous les systemes de taille, les bras ont une tendance a s'allonger: c'estlaun inconvenient nu'il fauteviter. En effet, a mesure qu'un bras s'allongc il devient tortueux, les matieres absorbees circulent difficilement et la seve n'arrivant plus jusqu'aux bour- geons de I'extremite, ils meurent. - 6 - Pour eviter Fallongement excessif dcs bras, on doit, chaquo fois qu\i'on taille, prendre le courson le plus rapproche du vieux bois. Quand un bras cst trop long, pour le raccourcir, on fait ce quo Ton app} unc taille de secours. On ne laisse sur le bras qu'un courson taille tres coul et dont les rameaux ne sufliront par consequent pas a utiliser toute la seve ;N par suite, les yeux latents places sur le vieux bois se developperont,et Fannee suivante on ravalera le bras au-dessus du rameau adventif lemieux situe. Contrairemcnt a cesprincipes, dans certaines regions, comme laBourgogne et la Champagne, le courson est choisi loin de 1'origine, mais les provignages frequents que Ton execute dans ces contrees, font disparaitre les bras sous terre. Le sarment qui fournit le courson ou le long-bois est coupe, si le merithalle n'est pas trop long, sur le noeud immediatement superieur au dernier bour- geon reserve ; on taille ainsi sur une cloison ligneuse qui preserve la moelle de la penetration de 1'eau et de la pourriture. Dans le cas ou le merithalle est tres long, on le coupe obliquement sur sa longueur de fagon a ce que la section soit du cote oppose au dernier oeil : Feau s'egoute ainsi facilement. La taille peut se faire pendant toute la duree du repos de la vegetation, du 15 novembre a fin mars. On ne doit cependant pas tailler au moment des grands froids, caj> les sarments sont alors cassants et les sections ne sont pas regulieres". Les tallies precoces ou tardivesne doivent pas etre faites indifferemment. En effet, les bourgeons se developpent d'autant plus rapidement qu'il en reste unjnoins grand nombre sur la souche, par consequent il faut tailler le plus tard possible dans les milieux ou Ton craint les gelees. Cependant dans les grandes proprietes on est oblige de se soumettre aux exi- gences de la culture ; on prend alors uri moyen terme : on commence a sup- primer tous les sarments qui ne doivent pas servir a former les coursons, et les dernicrs sont coupes a 0,30 c. ou 0,40 c. pour les rabattre plus tard a la longueur voulue. Cette premiere taille porte* dans le Midi le nom d'Espou- dassage. Hauteur et forme que Ton donne aux souches. Plus les raisins sont pres de terre, et plus ils absorbent les rayons calori- fiques reflechis, et par consequent plus parfaites seront la qualite et la ma- turite. Dans les regions septentrionales on aurait done inter^t de rapprocher les souches le plus possible de terre. Mais il faut tenir compte d'uneautre con- sideration : en effet, Faction du rayonnement, qui en etc se manifeste par une emission de chaleur, setraduit en hiver et au printemps parun refroidissement quelquefois tres intense. Dans les regions ou les gelees sont a craindre, les souches devront done atteindre une hauteur assez considerable pour les soustraire autant que pos- sible a Faction du rayonnement. Dans le midi, au contraire, ou la quantite de chaleur esttoujours suffisante, — 7 — dndevraittenir les vignes hautes, mais alors les rayons solaires frappant directement les fruits pourraient produire le grillage ; comme d'autre part les froidsne sont pas trop a redouter, lessouches sont tailleesleplus bas possible. Les nombreuses formes de tallies -quo Ton fait subir a la vigne peuvent se ramener a 3 types : Formes en gobelet. en espalier. .— en cordon. La forme en gobelet est celle dans laquelle tous les bras de la souche rayon- nent autour d'un centre commun en suivant les generatrices d'un c6ne ren- verse plus ou rnoins ouvert. « Cette forme, usitee dans le Languedoc, la Provence, le Beaujolais, le Rous- sillon, etc., presente de nombreux avantages. Elle assure une egale reparti- tion des rameaux tout autour de la souche, ce qui permet, dans le midi, d'a- briter le sol contre la dessiccation et les raisins centre le grillage. Le gobelet employe avec un e~chalas, comme dans le Beaujolais, rend fa- cile le relevement des rameaux et 1'exposition des grappes au soleil. II a encore 1'avantage de pouvoir 6tre conduit a taille courte ou longue, et de permettre les labours croises. ^'espalier comprend diverses formes usitees dans Test et 1'ouest de la France (Gironde, Jura, Isere, Savoie). Ici les bras sont disposes autour d'un nidme centre mais symetriquement et dans un seul plan. Cette disposition a 1'inconvenient de supprimer les labours eroises, et en pays chaud, d'exposer les raisins au grillage. Mais elle convienf aux regions ou le raisin a besoin, pour arriver a bonne maturite, d'etre expose directement a 1'ardeur du soleil. D'autre part 1'espalier demande, pour le maintien de 1'equilibre de ses bras, une taille soignee. Le cordon comprend tous les systemes dans lesquels les bras suivent une direction unique (Bourgogne, Ermitage, systemes Guyot, Cazenave, etc.) C'est cette forme, qui, au point de vue de la conduite de la taille, presente les plus grands avantages; la seve se portant du me"me c6te, il n'y a pas a se preoccuper de I'tiquilibre, Apres ces considerations generales, nous allons etudier, aussi complement que possible, les difterents systemes de taille usites dans les diverses regions viticoles. Nous nous proposons, dans cette etude comparee, de prendre la Vigne des sa premiere annee de plantation et de la suivre jusqu'a son complet developpement. — 8 — La taille dans le Languedoc. Cctte region, dans laquelle nous comprendrons les departements de 1'He- rault, de FAude, du Gard et la Carnargue, est caracterisee par la culture de la vigne en souche basse, taillee en gobelct, a coursons et sans echalas. L'anneem£mecie~la plantation, le sarmcnt unique du jeune plant est ra- battu a deux yeux au-dessus de terre ; mai£ souvent on laisse un bois plus long, enayantsoin d'eborgner les bourgeons superieurs, afin de rendre plus apparent le jeune plant au moment des labours. Dans les terrains bas qui craignent 1'humidite, on eleve la souche a 0,20 ou 0,25 centimetres ; on laisse dans ce cas trois yeux au sarment au lieu de deux et on le soutient avec un tuteurles premieres annees. Dans les c6teaux et en terrains sees, on donne aux souches une hauteur de 0,10 a 0,15 seulement. Sile jeune plant pouwse vigoureusement, on peut asseoir la taille des la premiere annee . Quand Foeil le mieux place pour la naissance des bras donne deux sarments (ou bien que sans partir du me"me point, les deux sarments sont assez rapproches), on les taille sur deux ou trois yeux francs : on a ainsi deux coursons. Mais si la souche est trop faible ou les rameaux mal situes, on ne laisse qu'un seul sarment, le plus droit que Ton coupe a une longueur variable. En effet, il faut que les deux yeux extremes forment la ttHe de la souche : si done les deux boflrgeons de base sont a la hauteur voulue, on taille au-dessus, mais quand la souche doit etre plus elevee, on coupe le sarment sur cinq ou six yeux, en ayant soin de ne laisser que les superieurs et d'eborgner les autres. Quand la souche est trop faible, on taille sur un seul bourgeon, on ob- tient ainsi un rameau plus vigou- reux. Au commencement de la deuxie- me annee, c'est-a-dire apres la pre- miere taille qui precede la seconde feuille, la jeune plante presente 1'aspect de la figure \ ou 2. Fig. 1 et 3. — Souches tail!6es au commencement de la 2m« ann6e. Au commencement de la troisieme annee, c'est-a-dire, avant la troisieme feuille, on opere la deuxieme taille. On laisse au cep deux, trois ou quatre coursons, suivant la puissance de vegetation et on les taille sur deux ou trois yeux francs. Cette annee, la vegetation est exuberante et le decollage des jeunes rameaux est a craindre ; cet inconvenient est evit<§ en laissant un grand nombre de bourgeons. A cette taille on ne doit encore se preoccuper que de la F. 3 _ Souche taill(5 formation de la souche et ne pas tenir compte de la fruc- tification. - 9 - A cotto deuxiome taillo, on doit laissor quatre coursons toutes les fois qu'on le pout, mais la chose est assez rare. , A la troisieme taille, au commencement de la qua- trieme annee7 la vigne pout etre consideree comme adulte : les sarments sont gros et vigoureux, la mem- brure est formee. On supprime souvent un des qua- tre coursons laisses preeedemment et on coupe les autres a deux yeux francs et le bourrillon, on obtient ainsi six rameaux vigoureux, qui, I'anne.e suivante, pourront former six coursons bien etablis ; mais quand la vigueur est suffisante, on conserve quatre bras. • .: M „ , . ,, Fig. 4. — Souche taill<§e au com- Comme on le voit, il faut quatreians pour bien for- mencement de io 4- ann6e. mer un gobelet quand la vegetation est belle et qu'il n'arrive aucun accident. Mais souvent, quand la vigueur nVst pas suffisante et que les rameaux sont mal disposes, on met 5 ans et quelquefois 6 ans avant d'avoir une souche de- finitivement etablie. La charp^nte une fois formee, on continue tous les ans la taille en laissant sur chaque bras un courson que Ton taille sur deux yeux francs et le faux ocil. Le nombre de bras et de coursons varie naturellement avec la force de vegetation de chaque souche et la richesse du terrain. En terrain pen fertile, on laisse de trois a quatre bras et, sui- vant la vigueur, de quatre a cinq coursons. Mais, comme nous 1'avons fait remarquer en insistant sur ce point dans les con- siderations generates qui precedent, ilne faut jamais laisser deux annees de suite les coursons supplomontaircs sur les mthncs bras. De plus, quand on veut conserver deux coursons sur un bras, il faut, toutes les fois que la chose est possible, choisir ceux qui partent du m^me point (oreilles de lievre). 'd'uncimson e Dans Iks terrains de nmyenne fertilito, on laisse quatre bras et de cinq a six coursons. Dans les terrains riches on conserve cinq bras, et de sept a huit coursons. Mais quelle que soil la fertilite du sol, ii ne faut pas, autant que possible, laisscr aux souches plus de six bras et de sept a huit coursons. Regie generale, on doit eviter Taccumu- lation du vieux bois et l'allongement des bras. Pour cela on choisit pour former les coursons les sarments vigoureux les plus rapproches du bois de TannSe precedente. On veille aussi a conserver a la souche l^i regularite et I'equilibre dans ses difl'6- rentes parties. Les coursons sont ainsi sym6triquement places sur des bras re- gulieremenr espaces. Ce syste,me convient tres bien au climat meridional ainsi qu'aux cepages qui y sont cultives ; il presente en effet Tavant^ge, dans cette region, de per- Fig. 5. — Choix d'un courson. - id - mettre le recouvf ement complet du sol par les rameaux qui 1'abritent centre la dessiccation. Les raisins sont ainsi dans un milieu relativcmont humide et a 1'abri du grillage si frequent en etc. D'autre part tous les cepages meridionaux demandent une taille courte, car tous ont la propriete d'etre fructi feres sur les yeux de la base du sarment. Au point devue economique ce systeme jouit aussi de grands avantages; en effet il supprime les echalas, les tallies en vert et de plus rend facile les labours croises au moyen d'instruments atteles, assure aux ceps une longue dur6e et une production abondante. Le gobelet peut aussi e"tre taille a long bois. Ainsi quand on a de vieilles vignes tres vigotlreuses, on laisse des longs boisde deux sortes : des coursons quel'on taille sur cinq ou six yeux et que»l'on appelle pisse-vin, a cause du nombre considerable de raisins qu'ils peuvent porter, <»u blendes rameaux tallies sur 10 yeux que Ton plie en cerceaux. Fig. 7. — Vieille souche taille avec deux longs bois. Fig. 8. — Souche avant le rabaissement. La taille en gobelet dans le Midi comporte encore une operation que Ton designe sous le nom de rabaissement. Quand, malgre'toutes les precautions que Ton a pu prendr e, la vigne est trop chargee de vieux bois, ce qui affaiblit beaucoup la vegetation, il faut, si on vent lui rendre sa vigueur, coupor les vieux bois au-dessus des sarments adventifs qui poussent sur les parties vieilles de la souche. Nous avons vu comment on pouvait provoquer artifi- ciellement la poussee de ces rameaux par les tallies de secours. On rabaisse ainsi le cep sur du jeune bois qui peut lui rendre sa fertilite premiere. - 11 - Taille des'vignes submergees et exposees aux ge!6es. Dans les terrains humides, exposes aux gelees et en meTne temps fertiles on donne aux souches Line hauteur de 0,25 a 0,35 ; de plus, on la charge de coursons cton conserve des longs bois appelespfl^7/es, tallies a quatre ou cinq yeux. Ces pailles doivent e"tre supprimees chaque annee et remplacees par de nouvelles tant quo la vigne ne parait pas fatiguee. Les pailles diminuent con- siderablement les desastreux effets des gelees du printemps et permettent d'obtenir certaines annees d'abondantes recoltes. Dans les vignes submergees, la taille subit aussiquelques modifications. On peut tailler indilforemment soit avant, soitapres la submersion, sans aucun inconvenient pour la souche. II est me"me preferable de supprimer tousles sarments qui ne doivent pas donner de coursons avant la submersion et de tailler les autres apres. On taille sur deux yeux etle bourillon et on donne a la souche la forme en gobelet. II y a lieu de distingucr les souches hautes et les souches ordinaires. Le systeme de vignos hautes s'impose pour les parties basses des vignobles et les rangees avoisinant les bourrelets, la vigne ayant dans ces situations a soufTrir bcaucoup de Texces d'bumidite. Pour cette raison, on met de prefe- rence dans ces m^mos positions le Petit-Bouschet beaucoup plus resistant que TAramon aux maladies cryptogamiques et a la pourriture. On (ToTmelT ces souches une~TTauteur de 0,50 a 0,60 que Ton obtient faci- lement a 1'aidc d'uri systeme de taille praticulier. On opere de la fagon s uivtmte : au moment de la premiere taillo, on ne laisse a la souche qu'un seul sarment de 0,50 de long, que Ton attache a un piquet, afin d'eviter les insectes et les gelees qui sont plus a craindre dans les voisinages des bourrelets enherbes que partout ailleurs. Ce sarment donne pendant 1'ete des bourgeons qui peuvent porter des fruits. Les Petits-Bouchet ainsi conduits arrivent a produire 50 hectolitres de vina la 2° feuille. A la deuxieme taille on conserve trois ou quatre coursons au sommet de la tige. Ala quatrieme laille la souche est definitivement 6tablie en gobelet a 0,50. Ce systeme donne d'execellenls resultats. Dan;s le Languedoc, on ne pratique ordinairement aucune operation de taille en vert; hi Glairett^fceule estparroissoumiseauxpincements. Onebourgeonne jiussi I res raivment dans 'quelques milieux lorsque la vigne dej^, trop feuillue est souniiso a des con litions atmospheriques speciales, propres a favoriser son developpoment herbace. En somme la taille on gobelet telle qu'on la pratique dans le Languedoc est, comnn- on voit, (Vune grande simplicity et donne pleine satisfaction aux viti- culteurs, a tons points dc vue : elle assure aux ceps unetres longue duree et permetd'obtenir le plus economiquement possible, suivant les milieux et les cepages, des recoltes d'une abondance exccptionnelle. La taille en Provence. Jusqu'a ce jour, dans la Provence, on ne trouvait pas de vastos surface* r6gulierement plantees en vignes comrne dans le Languedoc. Ley anciennes plantations appelees manouilleres, comprenaient des lignes simples, doubles ou quadruples de ceps, melangees parfois d'oliviers et separees par des planches de cultures intercalaires. Aujourd'hui on plante le plus souvent sans cultures intercalaires, mais presque toujours en ligne et non en carre ou en quinconce, comme dansle Languedoc. D'une fac.on generale, le taille provengale est trop courte. La souche est formce en gobelet a trois bras au plus qui portent chacun un courson unique taille sur un oeil franc etle bourrillon. A.VCC un systeme de taille aussi severe, tantque les souches sont jeunes, on voit se devclopper sur le vieux bois des drageons et des rameaux adventifs. Ces productions, on le sait, sont infertiles et demandent pour 1'abondatice d<; la recolte a tHre supprimees. II est evident que Ton a interet a faire reporter des materiaux qui sej'aient utilises en pure perte sur les bois fructiferes. Fig. 9. — Souche de Provence portant des rameaux odventifs. Dans le Var, toutes les vignes sont tonucs ft snuchos tres basses et portent deux bras la troisieme annee et trois bras la tjiiatfifcrae oU la ciuqnieme, suivant la puissance de vegetation. La vegetation est generalement forte les premieres annees, miiis la taille trop courte qu'on pratique 1'arrete bientot. La premiere annee on taille le sarnieut sur deux yeux francs et le bour- rillon. On obtient ainsi des rameaux excL-ssivement vigoureux. La 2e ari«ee quelques vignerons taillent ces rameaux sur le bourrUlon en a au lieu de les — 13 — tailler en b ou en c sur deux ou me"me trois yeux, vu leur grande vigueur ; les rameaux d et fsont supprimes. Fig. 10. — Taille d'une jeune souche Fig. 11. — Souche de "2 ans On mutilcainsi la souche, et les rameaux Jaisses ne pouvant uliliser toute* la seve au priri temps suivant, ilse developpesur la souche plusieurs gourmands qui 1'epuisent en pureperte et que Ton doit supprimer. La troisierne annee on etablit deux bras (fig. 11) et la quatrieme ou la ciriquieme, on en laisse un troisieme, tres rarement quatre(fig. 12). Dans les Bouches-du-Rh6ne, on laisse souvent la pre- miere pousse sans la tailler et quelquefois la dpuxieme, de sorte que Ton est oblige, la troisieme annee, de tout supprimer au niveau du sol pour former une souche reguliere. Ce precede deplorable retarde d'un an ou de deux toute production. La vigne est ensuite etublie sur trois bras quel- quefois deux, tres rarement quatre. Dans le Vaucluse une souche for- mee presente I'aspect de la fig. 13. On voit combien ces systemes de taille s'ecartent des principesration- nels que nous avons etablis au debut de cette etude. En Provence on recherche avant tout la symetrie de la souche; en Languedoc, au contraire,on recherche la production. Aussi les vignes provengab'S vivenl jusqu'a 100 ans en donnant regulierement leur petite recolte; en Languedoc, au contraire, a 50 ans une vigne est sur le point d'etre fcpuisee ; mais pendant ce temps elle a donne plus de produit qu'une vigne provengale .narquant le double d'age. Aujourd'hui cependant les anciens precedes de culture "tendent de plus en plus a disparaitre et sont avantageusement remplaces par les pratiques Lau- guedociennes. Fig. 1-2. — Souche de 3 Fig. 13. -- Souche form6e de Vaucluse. - 14 - La taille en Roussillon. Fig. 14, 45 et 16. — Souches a la 1«, 2- plantation et 3mc ann^es de Ici encore les vignes sont conduites en souches basses, en gobelet, le plus souvent a trois bras. Chaque bras porte un courson presque toujours taille sur un seul oeil franc. Comme dans le Languedoc et J:i Provence, les vignes ne sont pas echalassees. La plantation en Roussillon se fait par boutures quo Ton enfonce profondementdans des trous creuses au pal. A la se- conde annee de plantation, ,on coupe le plant au ras du sol, de fagon a obtenir un rameau vigoureux sur lequel on assied ensuite la taille (fig. 14 et 15). La troisieme annee, la souche presente Taspect de la fig. 16. Les annees suivantes, le cep est dresse sur deux ct trois bras, mais sans aucurie regularite (Fig. 17). On nelaisse a la souche sur chaque bras qu'un cour- son taille le plus souvent a un seul oeil franc, a deux parfois; aussi la vegetation et la production sont elles faibles dans ce vignoble. Aucune opera- tion de taille en vert n'est prati- Cette region. Ici encore la taille est trop courte et ne se fait pas suivant les principes de physiologic et d'economie qui doivent plus que jamais guider le viticulteur. Outre que le nombre de bras de chaque souche est trop faible, la taille annuelle de chaque courson est trop courte. La pousse de gourmands et de forts sarments prouve qu'une taille aussi severe favorable a la production du bois, mais contraire a la fructification, restreint dans des limites insuffisantes, les conditions de la vegetation. On pourrait atteindre une production supe- rieure tout en augmentantla vigueur desceps, enapportant plus de soin dans la taille et la conduite de la vigne. Pig. 17.- Souche la tallle- Fig. 18. — Souche formic avaiit la taille. - 15- La taille dans les Charentes La region viticole des Charentes pourrait &tre caracterisee par la diversite des systemes de taille et de conduite de la vigne qui y sont usites . Ainsi, bien que la taille en souche basse et a coursons soit la regie gen6rale, suivant IPS milieux que Ton considere, la vigne affecte des formes qui varient depuis le gobelet ordinaire jusqu'a la souche.aplatie sur le sol, en forme de champi- gnon, de 1'Aunis. La plantation dans cette contree se fait a la haque, qui est une sorte de pal, avec desboutures laissees en stratification jusqu'au moment oul'on apergoit de petites rackies ou bien les tubercules qui indiquent leur sortie prochaine. Une fois mises en place, les boutures sont rabattues soit au niveau du sol, soit sur deux ou trois yeux. Dans ces conditions, la reprise est bonne ; mais la vegetation, au debut, est toujours tres faible, On ne taille generalement pas la premiere annee, ni m£me la seconde ; c'est, le plus souvent, au commencement de la troisieme annee seulement. que Ton applique la premiere taille, rarement au commencement de la denxieme. La jeune souche prSsente ainsi une tdte en buisson. Pour cette premiere taille, on opere de deux fagons : on conserve sur la souche une, deux ou trois branches les mieux disposees, que Ton taille a deux noeuds, et on supprime tout le reste ; ou Men on conpe fi roz terre la t&te tout entiere. Ce dernier procede, qui mutile le ccp, est'evidemment a rejeter. La quatrieme ou la cinquieme annee, on laisse trois ou quatre coursons pour former des bras. A Cognac, les souches ont quelquefois de 8 a 9 bras, mais le plus souvent de 5a6, rarement 4. Mais, dans les autres vignobles, le nombre de bras est moins considerable ; ainsi, a Barb6zieux, ou Ton trouve encore des souches de 7 a 8 bras, la plupart n'ont que 3 bras, et aux environs d'AngoulSme, on voit beaucoup de souches a 2 bras et quelquefois m£me a un seul. A Cognac, chaque bras porte un seul courson dc i a, 5 yeux pour la Folle et de 2 a 3 yeux pour le Balzac. La figure 19 repre- sente le type de taille de la frolle blanche a 6 bras et 6 coursons. C'est la une taille genereuse qui ex- plique le fort rendement que Ton obtient dans ce vi- gnoble. A Barbezieux, la taille est moins g6n<§reuse et plus irreguliere. Nous avons vu, en effet, qu'on laissait moins de bras sur les souches et, de plus, quand on donne deux coursons au m6me bras, on les taille plus court qu'a Cognac, sur 3 yeux pour la pig 19 Folle etsur 2 yeux pour le Balzac. (Voirfig. 20 et 21. d Cognac • ^ Angouleme, les ancienncs vignes n'ont le plus sotivent que deux bras et quelquefois un seul. (Voir fig. 22 et 23.) Aujour- (f hui, dans les nouvelles plantations, on s'applique a imiter, aveo raison, ce „ qui se fait a Cognac. Fig. 20. — Souche avant la taille A Barb6ziem. Dans 1'Aunis, on applique a la vigne un systeme de taillo tout a fait parti- culier, on pourrait dire local ; car, nulle autre part, on ne retrouve des vignes ainsi conduites. Fig. 21. — Souche toill<5e a Barbt'ziout Fig. 22 et 23. — Souches taillees a Angoul^me. Dans cette region et quolques parties de la Saintonge, on donne au gobelet une forme aplatie, et lat(He ducep, formee parlareunion des bras, constitue un disque irregulier place a la surface du sol, presque sous terre, si ce n'etait les billons que Ton forme entre les rangees de ceps. Pour obtenir une pareille souche, on tailie tres court tous les sarments qui sortent du collet m&me de la vigne. — 17 — On obtient ainsi 5 ou 6 bras tallies a un oeil, qui deviennent bientdt de gros tifbercules, finissent par se toucher et former une sorte de plateau ru- gueux et irregulier. De ce plateau sortent de courts moignons qui por- tent les sarments, dont les uns sont supprimes et les autres tallies tres court, sur un ou deux yeux, suijpant la force de vegetation du cep. Pour remplacer un bras qui ne pro- duit plus, on taille a un ou deux yeux Fig. 24.— Souche taiiiee dans rAunis. les gourmands qui sortent souvent de dessous cette tete de champignon ; au bout de deux ans, ce sarment est devenu un bras producteur de sarments fructiferes ; c'est ainsi qu'on entre- tient la production. C'est la une taille barbare, a laquelle laFolle et le Colombar se pr&tent a peu pres seuls. La taille a coursons a un ou deux y*eux n'est pas exclusivement appliquee : on reserve souvent au moment de la taille un ou deux longs bois, que Ton recourbe en argon et que Ton rattache a la souche. La taille tres courte que Ton applique aux vignes de la Charente-Inferieure determine, les premieres annees, une vegetation ligneuse considerable et, par centre, une faible production. C'est la un inconvenient auquel il serait facile de remedier, en laissant a la base du cep beaucoup d'yeux fructiferes. Cette production exageree du bois aff'aiblit d'ailleurs beaucoup la souche qui, vers Tage de 20 ans, a deja perdu beaucoup de sa vigueur. Mais ce que Ton perd en bois on le gagne en fruit, et vers 40 ans, alors que la production ligneuse est tres faible, les recoltes deviennent plus abondantes. La taille s'effectue, dans les Charentes, du milieu de decembre a la fin de mars ; on la pratique souvent en deux fois, comme cela a iieu dans THerault. La premiere operation, appelee «fianc.ailies», se fait en d6cembre ou Janvier: on 'supprime a ce moment tous les sarmenta qui ne doivent pas servir a la formation des nouveaux coursons. Les diverses operations de taille en vert ne sont pas pratiqu6es dans les Charentes et les vignes sont conduites sans echalas. « Dans la Vendee, Tlndre, la Loire- Inferieure, le Loiret, la conduite de la vigne offre beaucoup d'ana- logie avec la culture des Charentes. Ainsi, dans ia Vendee, le Pinot est conduit en gobelet gen6rale- ment a 4 bras, quelquefois 5 avec un long bois. La Folle blanche est taill6e en t6te d'osier a 15 cent, de terre avec *4 ou 5 coursons a un oeil et un long Fig. 25. — Souche de Folle blanche apres la taille uois flottant (fig* 25) en Vended. - 18 - Dans le Gatinais (Loiret), la vigne pr6sente Faspect de celle de TAunis, mais avec quelques differences qu'il est iwteressant de signaler. Dans cette region, les vignes, tres r6gulierement distancees, sont toutes en t6te d'osier, en boule plate ou en champignon centre terre. De ces te"tes partent, sans bras, tons les sarments fructiferes. La taille a un ceil engendre sur ces tetes les formes les plus bizarres. Toutes les souches sont obtenues en laissant, la premiere annee, un seul sar- ment taille sur un oeil ; la seconde annee, en taillant toujours a un 021!, tous les sarments pousses ; les ann6es suivantes, en taillant encore sur un ceil, de quatre a six des sarments les plus vigoureux et en supprimant a ras tous les autres. Cette taille a une raison d'etre comme la taille des osiers et des saules en t6tard ; on obtient ainsi une base fixe et large portant une multitude d'yeux, d'oii partent toujours des sarments pouvant se maintenir sans 6chalas. Mais cette economic se traduit finalement en perte ; car, avec un tel systeme de taille, la vigne est loin d'atteindre son maximum de production. La taille dans le Gatinais est invariablement a coursons a un osil ; aujour- d'hui, cependant, on taille sur deux yeux. Cette conduite de la wgne du Gatinais offre sur celle de 1'Aunis cette supe- riorite que les sarments sont releves et attaches au-dessus de la souche, les raisins sont ainsi mieux exposes au soleil, mais les bourgeons fructiferes, places trop pres du sol, n'en restent pas moins exposes aux gel6es. Nous en aurions fini avec l'6tude si int^ressante de la con- duite de la vigne dans cette r6gion de la France, si nous ne voulions dire quelques mots encore du vignoble d'Orleans. Mais le mode de culture de la ^vigne dans cette partie du Loiret est trop curieux pour ne pas 6tre signale a Inattention de nos Fig. 26. - Souche lecteurs. du Gfltinais. La t3te fe gaule esi encore la base de la culture dans TOrlea- nais, mais les systemes de taille appliques different completement de ceux que nous venons de voir. Ici, chaque souche est munie d'autant d'echalas qu'il y a de bras a soutenir. Les plantations sont generalement faites en quinconce a 0,80 centim. L'in- pTOWw Fig. 27.— Conduite de la taille dan* I'0rl6anais, d'apr£g J. Guyot. - 19 - tervalle qui separe deux rangees de ceps est relev6 en billon plus oumoins bombe, suivant l'6poque de la culture. Sur la te"te de champignon, dressee comme dans le Gatinais, on laisse plusieurs sarments : un cot a 1 oeil, un cot a 2 yeux ; puis un long bois (demi- viette) de 5 ou 6 yeux et enfln un autre long bois (viette) de 0,60 a 0,80 de longueur. Au debut, les longs bois sont le plus souvent attaches ensemble au grand echalas et I'extremit6 de la viette est en outre fixee sur un petit echalas plante au milieu de 1'ados. Souvent il y a deux viettes sur un m^me cep, quelquefois trois ; ordinai- rement, les nouvelles viettes sont prises sur les anciennes, ce qui fait que les bras s'allongent indefinitivement, soutenus cha*cun par un echalas. Pour dresser ainsi la vigne, on netaille generalement pas la premiere annee ; la deuxieme et la troisieme annee, on taille sur 1 ceil seulement pour obtenir lat^te de saule ; la quatrieme annee, on laisse 1 ou2 coursons a 2 yeux et un long bois de 4 ou 5 yeux. Cette demi-viette n'est souvent conservee que la cinquieme annee; 1'annee d'apres, suivant lavigueurdu cep, on laisse une demi-viette et une viette. A 7 ou 8 ans, la souche est completement formee de ses deux coursons et de ses deux longs bois. Ce systeme de taille a I'inconv6nient d'accumuler, avec le temps, du vieux bois sur le cep et par suite de lui faire perdre de sa fertilite. Aussi, dans quelques endroits, a-t-on modifie un peu ce systeme en supprimant ses plus graves inconvenients. A Chateauneuf, par exemple, la vigne est conduite, comme nous venons de le voir, jusqu'a quatre ou cinq ans. A ce moment, chaque cep porte un courson a deux yeux, une demi-viette et une viette que Ton recourbe en anneau et qui deja porte a son pied un courson de retour. De cette fac,on, un seul'echalas suffit pour sou- tenir toutes les pousses. Dans 1'Indre, la premiere annee, on rabat la jeune vigne sur un ceil; la deuxieme annee, on taille encore sur un ceil les 3 ou 4 sarments qui Fig 28 Souche taillee & Chfiteauneuf. Ont pOUSSC. La quatrieme ann6e, on choisit 4 ou 5 sarments les mieux situes pour les tailler sur 2 yeux ; les autres sont supprimSs. Ces coursons forment des commencements de bras tres irreguliers partant de la te"te de saule que Ton a ainsi formee. Tous les ceps ontle plus souvent un long bois de 5 a t> yeux (fig. 29). A La Chatro, la vigne est conduite diffe- remment; latete de sauie n'existe pour Fig 29.— Souche taillee dans 1'Indre, - 20 - ainsi dire plus. La premiere annee, on rabat le sarment sur un oeil ; mais, les annees suivantes, on s'applique a conserver a la souche 3 ou4bras, qui portent chacun soit un courson a 2 ou3 yeux, soit2 coursons. D'une fagon generale, les Charentes out 6tendu leur influence sur la plus grande partie des regions avoisinantes : la Vendee, les Deux-Sevres, la Loire- Inferieure, la Vienne, 1'Indre, etc., en y propageant, avec leurs principaux cepages, la Folle et le Balzac, la plupart de leurs pratiques viticoles. La taille dans le Beaujolais et les cbtes du Rh6ne Dans le Beaujolais, la vigne conduite en souche basse et en gobelet est dressee sur 2, 3 ou 4 cornes. Chaque corne porte en general un courson taille a 2 yeux francs. Les souches sont echalassees pendant les pre- mieres annees; mais, vers Sou 10 ans, on sup- prime les echalas, jugeant, a tort, que les vignes sont assez fortes pourse soutenir d'elles-m6mes. Mais le plus souvent, cependant, lorsqu'on ne met Fig.- Souche taillee du Beaujolais. plus d'echalaS) leg SOUcheS SOnt attaches deUX a deux outrois a trois par le sommet des rameaux. C'est la une pratique regrettable sous un climat pluvieux et relativement frais; car les raisins enfouis sous un ibuillis de verdure, prives de'air t de solei^ ont de la peine a bien murir et sont sujets & la coulure ainsi qu'a la« pourriture. La premiere annee, la souche est taillee sur 1'oeil le plus rapproche de terre ; la deuxieme annee, sur un ceil encore et, latroisieme annee, la t» ; un moyen cependant pour concilier les choses serait d'etablir un roiilement periodique dans le renouvellement des cornes; de cette fac,on, la souche auraittoujours 2 ou 3 vieux bras, qui n'atteindraient jamais les grandes dimensions que Ton rencontre quelquefois. Dans le vignobl^ des c6tes du Rhone, la vigne est conduite d'une fac,on tout a fait differente de celles que nous avons vues jusqu'ici. L'ancienne taille de cette region comprend pour chaque souche une branche a bois et une branche a fruit. Chaque cep porte un courson ou crochet taille a 2 yeux francs et un long bois ou argon qui ost attache sur un petit echalas appele engarde, pique obli- quement en terre et qui est fixe au grand 6chalas qui va lui-me'me se reunir par son sommet avec deux autres echalas semblables. Le tout constitue une sorte de pyramide triangulaire. Fig. 31. — Souches taillges et 6chalass£es dang les cfites da Rhdne, d'aprt-s le Dr Guyot. Les coursons sont destines a donner des rameaux vigoureux qui servent 1'annee suivante a former les argons. Les longs bois, qui ont 8 ou 10 yeux, sont inclines lapointe en bas et fixes centre Fengarde; destines a porter des fruits, ils ne donnent que de frSles sarments. Tous les rameaux qui se developpent sont releves et attaches le long du grand echalas et trois souches sont ainsi reliees ensemble par leur sommet. C'est 1£ une charpente compliquee et couteuse, mais qui n6anmoins a son utilite, dans cette region, ou le vent souffle souvent avec violence. En resume, dans le Lyonnais, noustrouvons deux systemes de taille bien differents : Tun, le systeme beaujolais, caracterise par la conduite de la vigne - 22 — en gobelet tres has, & cornes et a coursons, et par Temploi temporaire des echalas qui sont plus tard supprimes; Fautre, le systeme des C6tes-Roties, qui admet la branche a fruit et la branche a bois. Cette derniere taille est int6ressante a signaler, elle est conforme aux prin- cipes de la physiologic de la vigne ot elle permet de concilier avec une fructi- fication abondante, au moyen de la taille longue, une bonne production de bois de remplacement au moyen da courson. Tous les vignobles que nous venons de passer en revue pr6sentent, au point de vue de la conduite de la vigne, de grandes analogies. Aussi M. Foex, 1'eminent Directeur de TEcole de Montpellier, dans son Cours de Viticulture, les a-t-il rassembles pour en former le groupe meri- dional, bien qu'ils s'etendent jusque vers le Centre et 1'Ouest; car la vigne, sur cette immense surface, est cultivee d'une fagon presque invariable en souche basse taillee en gobelet et a coursons. La taille dans le vignoble Girondin. Le vignoble girondin a et<5 depuis longtemps divise en plusieurs contrees viticoles, bien que presentant dans son ensemble des caracteres generaux communs dans les precedes culturaux, les produits et les conditions de sol et de climat. En nous plagant a notre point de vue special, nous trouvons neanmoins des differences assez notables dans les divers systemes de taille usites dans cha- cune de ces regions. D'une fa£on generate, les vignes de la Gironde sont conduites en souches basses ou moyennes, suivant les situations qu'elles occupent. Dans le Medoc, elles sont formees en espalier, a 2 bras symetriques, inclines a 45 centim. en forme de V; chaque bras se termine par un long bois ou aste et porte pres de son extr6mite un courson a 2 yeux appele cot. Le cot est destine & donner les bois servant au remplacement des astes. Quelquefois on substitue au cot des sarments verticaux appeles tirants, coupes assez longs pour etre fixes aux traverses hurizontales de la charpente et dont on eborgne tous les yeux, £ 1'exception des deux de la base. Cette modification a certainement son iriter6t, car les jets donnes par le ti- rarit, poussant verticalement, deviendront plus vigoureux que danstoute autre position et formeront ainsi d'excellents bois de remplacement. La conduite de la vigne dans le Medoc est tres simple. Les souches sont etalees sur de petits treillis formes par des piquets appeles carassons, de 40 cent, de hauteur, a la partie superieure desquels on attache horizontalement des tiges minces et droites auxquelles on donne le nom de lattes. Fig. 33. — Vigne du Medoc avec astes et cots d* retour. Fig. 32, — Vigne du Medoc avec nstes et tiranti. _ 23 - A trois ans on forme la souche sur deux bras a a" ; les deux bras sont termi_ nes chacun par un sarment de I'annee, auquel on laisse 2, 3 ou 4 yeux, sui- vant la vigueur de la souche ; maia on conserve le prolongement du sarment, dont on supprime les yeux, afin de pouvoir Fattacher a la latte. Pour eviter Fallongement de ces bras, on conserve un sarment pousse en b &', que Ton taille pendant un an ou deux sur 1 ou 2 yeux ; a la deuxieme annee, les bras sont coupes au-dessus de b et de b' et les coursons constituent les nou- veaux bras. Quandles souches sonttrop vieilles, on pratique un ravalement plus radi- cal, on conserve le bourgeon qui sort une annee ou Fautre sur le pied de la souche ; le bourgeon est tail!6 sur un ceil, qui donne pendant Fannee un sarment vi- goureux que Fon taille au printemps sui- vant sur deux yeux ; la vieille souche est alors rabattue immediatement au-dessus de ce courson qui doit former la nouvelle tete. Fig. 34.— Souche a ravaier. Dans les Graves (fig. 35), la taille ne dif- ere pas beaucoup en principe de celle chi Medoc. Tandis que dans le Medoc les souches atteignent de 15 a 20 centim. tout au plus de hauteur, dans les Graves les souches sont formees sur un pied dont la hauteur varie de 35 a 40 cent. Quand elles sont agees, elles atteignent 50 et 60 cent. Chaque cep porte egale- ment deux bras en V se terminant cha- cun par un aste, dont on attache Fextre- mit6 a un echalas de 1*50 a 2m de hau- teur. Les eunes rameaux de Fann6e sont aussi egalement accoles contre les echalas. Dans les Palus, les vignes, beaucoup plus vigoureuses que partout ailleurs, ont generalement 3 bras. Elles sont taillees quelquefois a un ou plusieurs crochets et a un long bois par chaque bras. Le plus souvent, elles sont conduites comme Findique la fig. 36. Deux des bras sont etendus horizontale- ment et chacune de leurs astes est H6e a un echalas de 2m30 a 2m70 de hauteur. Un troi- sieme echalas, place au milieu, soutient la souche et souvent la troisieme aste qui y est fixee en forme d'argon. A Sauterne, les vignes sont formees en espalier habituellement sur 2 bras, quelquefois sur 3 ou 4 disposes en eventail dans le m6me plan ; chaque bras porte un courson a 2 ou 3 yeux francs, sans aste. Fig. 36 — Vigno des Palus Fig. 35. — Vigne dos Graves. - 24 - Les souches ont de 0,20 £ 0,30 centimetres, ot un grand echalas de 2m30 de hauteur, place aupied de chacune d'elles, sert a soutenir les rameaux de Fan- nee qui y sont attaches. Quelquefois aussi, les rameaux sont palisses sur des treillages en fil de fer formes de deux fils, Pun a 0,60, i'autre a Im30 au-dessus du sol. A Saint-Emilion, la vigne est conduite d'une fagon un peu diff6rente. Les deux ou trois premieres annees (fig. 38;, on taille sur un seul sarment & trois yeux que Ton attache a Fechalas ; gen^ralement, ce n'est que la quatrieme ou la cinquieme annee que la te"te est dressee a 25 ou 30 centimetres de terre a un, deux ou trois bras et ct coursons pour le Cot et a une, deux ou trois astes avec ou sans cot de retour pour le Merlot et le Cabernet. Autrefois, a Saint-Emilion, les vignes 6taient le plus souvent formees par un tronc unique sur- monte d'une aste avec cot ou sans cot de re- tour. Lesfig.39et40repre- sentent les types les plus communs. La disposition que re- pr6sente la fig. 40 avec un cot de retour a deux yeux, est evidemment Fig. 38. — jeune meilleure que Tautre, souche a St-Emi- ,, lion. en ce qu elle donne d a- Fig. 37.— Vigne de Sauternc. Fig. 39. Fig. 40. Types de souches A St-Emilion. bord plus de develop- pement et surtout parce qu'elle permet de reprendre, Fannee suivante, le cot de retour sur I'oeil le plus bas du courson et Taste sur le sarment sorti de Tceil superieur du courson; Tancienne aste est ainsi completement supprimee et la t&te de la souche s'eleve tres peu chaque annee. Dans la conduite, de la vigne sans cot de retour, lanouvelle aste est toujours prise sur 1'ancienne, de sorte que, en 10 ou 15 ans, la souche atteirit 1 metre et plus (fig. 41). II faut alors mutiler la souche en recepant au-dessus d'un courson conserve sur vieux bois. II est a remarquer que les souches a plusieurs astes et a coursons de retour, non seulement s'elevent tres lentement, mais encore ne pr<§sentent pas les enormes difformations que Ton trouve sur la generalite des souches a une seule aste. Aussi, aujourd'hui, donne-t-on plus de developpement a la taille en conservant sur chaque souche plusieurs bras avec aste et cot de retour (fig. 42). Le vignoble girondin offre, comme on vient de le voir, une association in- telligente de la taille longue et de la taille courte. - 25 - Le Medoc, les Graves, les Palus, les Cotes, sont tallies a aste et a cot de retour. Le systeme de taille bilateral pour toutes les vignes pali^sees, offre Fincon- venient d'etre difficile a conduire ; c'est, qu'en effet, il arrive tres souvent que la seve ne se porte pas egalement dans les deux bras ; Tun des bras devient languissant, tandis que Fautre prend un developpement exagere. Aussi, les vignerons du Medoc eprouvent-ils de grandes difficulte~s & bien maintenir leurs vignes avec des bras egaux. . Cette difficulte serait moindre si comme dans FIsere et la Savoie, la vigne etait montee en treilles et atteignait de grandes dimensions; conduite en souche basse, elle est plus disposee & s'emporter dans Fig. 42. — Nouyeiie taille & un sens ou dans 1'autre. st-Emiiion. La forme en espalier, sur echalas ou treillages, adoptee dans la Gironde, repond parfaitement aux conditions speciales de ce climat. Fig. 41.— Ancienne taille A st-Emiiion. En effet, elle permet une bonne aeration, necessaire dans un milieu souvent trop humide, et d'autre part, les raisins bien exposes recoivent directement Faction du soleil, ce qui est tres utile sous un ciel sou- vent couvert. En resume, le vignoble Girondin se distingue par la conduite des souches en espalier et par Femploi general de la taille a long bois, avec coursons pour le remplacement. La taille dans ie vignoble pyreneen Gette region, danslaquelle nous comprendrons les departements.de TAriege, Haute-Garonne, Hautes-Pyrenees, Basses-Pyrenees, Gers, Landes, Tarn-et- Garonne et Lot-et-Garonne, constitue un groupe viticole bien caract6rise dans son ensemble par son climat, ses precedes de culture et ses cepages. La partie la plus meridionale de cette vaste region est aussila partie la plus froide ; en effet, occupant le versant nord de la chaine pyreneenne, elle est exposee aux froids intenses de Fhiver et aux gelees prin'tanieres, la gr61e y est aussi frequente et y commet souvent de terribles d6gats. A part quelques rares situations privilegi6es, ou la temperature est plus chaude et plus constante, quelques cepages speciaux et les cepages du centre et du nord de la France conviennent seulsa cette region. - 26 - Nous aliens voirque dans toute cette vaste contree, la viticulture, bien que presentant un caractere special, s'est inspirec des pratiques girondaines qui dominent en quelqi^ sorte la culture du sud-ouest. Les desastres causes par les gelees et par la gre"le out beaucoup restreint Fextension dela vigne dans la zone pyreneenne des departements de 1'Ariege, de la Haute-Garonne, des Hautes et Basses-Pyrenees. Dans tous ces departements pyreneens, la culture de la vigne presente des dispositions des plus diffe~rentes et parfois des plus bizarres. On y trouve, en effet, des vignes en ligne sur souches basses, sans echalas, des vignes en treilles ou en espaliers, sur echalas a Om60 ou £ "Im20 dc terre, des vignes en hautains et sur fourchauts a Im80, et enfin des vignes sur arbres £ 2,3 et jusqu'a 5 met. de hauteur. Les vignes les plus hautes se trouvent dans la partie sud, qui est en m6rne temps la plus elevee etla plus froide, ou les gelees de printemps sortt le plus a craindre. On sait, en effet, qu'une vigne redoute d'autant moins la gelee qu'elle est plus elevee au-dessus du sol. En suivant un ordre geographique,nous commencerons par le departemcnt de 1'Ariege, qui occupe la partie sud-est de la region. UAriege offre un climat de plus en plus froid a mesure que Ton approchp davantage des Pyrenees ; il est plus temp6re", au contraire, du cote de 1'Aude et de la Haute-Garonne. Dans 1'arrondissement de Pamiers, on cultive la vigne comme dans la Haute-Garonne et dans 1'Aude ; mais, a mesure qu'on s'approche de Foix, les vignes en souches basses sans echalas disparaissent, et la taille au lieu d'etre a coursons est toujours a long bois. tLes fig. 43 et 44 represented une souche taillee et non taillee des environs de Pamiers. Chaque . bras porte un courson taille & un seul ceil ; cette taille, beaucoup trop courte, occasionne la sortie de gourmands qui epuisent la souche en pure perte. La fig. 45 donne le croquis d'une vigne apres la taille aux environs de Foix. Ici les souches sont montees sur un trcillis en bois dont la hauteur varie de Fig. 43. — Souche taillee Pamiers. Fig. 44. — Souche arant la taille. Om50 a 2 met. au-dessus du sol. Les plus hautes se trouvent dans les bas-fonds - 27 - humides et froids, etles plus basses dans lescoteaux et dans les lieux elev6s ou les gelees printanierss sont moins a redouter. Pig. 45. — Taille do la vigne a Foix. Ce treillis se compose essentiellement de petits en bois, de hauteur varia- ble, comme nous venons de le voir,.supportant, attachees aleur sommet, des lianes ou des lattes placets horizontalement. Ces traverses servent a maintenir les bras de la souche disposes en espalier. Chaque cep est 6galement fixe a un echalas. A la taille, on laisse deux bran- ches a fruit aa bb, de Om50 & \ met. de longueur -chacune, ainsi qu'un cro- chet cc. (Test a tortqu'on ne laisse pas toujours autant de crochets de remplacement quMl y a de branches a fruit a renouveler. L'etablissement de la vigne est egalement beaucouptrop long; on met en effet de 10 a!2ans pour la monter £ sa hauteur definitive, alors qu'on pourrait la dresser, suivant sa vigueur, de 4 a 6 ans ; jusqu'a ce moment, on ne laisse que des branches a fruit, les crochets n'apparaissent que lorsque la souche est completement formee. Ce sont assurement la des pratiques que Ton pourrait avantageusement modifier en formant la souche d'un seul sarment des que sa vigueur le per- mettrait, et en laissant des les premieres annees, avec les branches a fruit, des cour? ons de remplacement. Le departement de la Haute-Garonne est, au point de vue viticole, beau- coup plus important que le precedent. La conduite de la vigne, dans ce depar- tement, presente assez d'analogie avec celle de 1'Aude et de FHerault. On la cultive en effet sur souches basses a bras et a coursons sans echalas; mais on la dresse le plus generalement sur trois bras en 6ventail, suivant la ligne des 6eps, au lieu de la former en gobelet sur 4, 5 ou 6 bras; on facilite ainsi les labours & la charrue, D'autre part, lesplantations sont leplussouvent disposees en lignes distantes de lm,80, les ceps etant de 1 metre alm,20 les unsdes autres. On ne taille pas la seconde annee, on rogne tout simplement les jeunes pousses ; la troisieme et la quatrieme annee on dresse la souche en e"ventail a 2, 3 et 4 bras, ^ 10 ou 15 cent, au-dessus du sol. Ici la taille se fait a deux reprises differentes : pendant le cours de 1'hiver on precede au moyen de la serpe et de la scie a une taille prcparatoire qui ne - 28 - laisse qu'un sarment sur chaque bras ; en mars et en avril, on pratique la taille definitive qui consiste a rabattre avec le secateur les sarments lalsses. Fig. 46.— Souche de la Hante-Garonne avant la [taille. Cette taille provisoire rappelle 1'operation que Ton designe dans THerault sousle nom ftespoudassage et dans les Charentes sous celui de fian^ailles. Aux environs de Saint-Gaudens, la vigne etait, aulrefois surtout, cultivc'e d'une fac,on tout a fait differente de celle que nous venons de voir pour le Fig. 47.— Re'sultat de la taille prSparatoiro . Fig. 48.— Cop tail!4. reste du departement. Les souches basses disparaissent pour laisser la place a des vignes dressees sur des arbres soit en bordure, soit en plein champ. Ces vignes, a 3,4 et 5 met. du sol, forment de veritables vergers. L'arbre sur - 29 - lequel elles s'etalent estdresse en gobelet a la hauteur voulue,etchaque annee touteslesjeunespousses,^l'excep- tion d'une seule destines a entre- tenir la vitality sont rabattues sur le vieux bois, on obtient ainsi un tetard a I'extremite de chaque branche. L'erable est 1'arbre que Ton choisit de preference pour ce genre de culture (fig. 49). Le plus souvent on plante en meme temps 1'arbre et la vigne ; quand 1'arbre est suffisamment eleve, on forme un gobelet avec 5 ou 6 de ses branches; ace moment, la vigne, que Ton avait maintenu pendant une dizaine d'annees, est dressee sur aut&nt de bras atta- ches a chacun des supports for- mes par 1'arbre. On laisse a cha- que bras un ou deux longs bois de Om,50 a Om,80, et, apartir de!2ans, chaque arbre peut produire, annee moyenrie, de 10 a 15 kil. de raisins. Aujourd'hui, on a re'nonce pros- — — ^~ , ~ijj , , - — que partout a cette conduite des vignes sur arbrcs ; on leur a subs- titue des vignes sur souches bas- ses qui presentent des avantages incontestables. A part les grandes difficul- tes que Ton eprouvait pour 1'execution des operations de culture (taille et vendange), on n'obtenait toujours qu'une recolte dont la qualite laissait a d6si- rer, parceque, a travers les feuilles et a cette hauteur, le raisin n'arrivait jamais qu'a une imparfaite maturite. Dans le departement des Haules-Pyren&es, la vigne est conduite suivant trois modes bien differents : 1° sur arbre, 2° en hautains et en espaliers, 3° en vignes basses. Les vignes sur arbre sont menees comme celles que nous venons de voir dans 1'arrondissement de Saint-Gaudens, sous des formes exactement sem- blablcs; nous n'y reviendrons pas. Comme ailleurs, elles disparaissent. Pour eviter les inconvenients^ des feuilles d'arbres sur la bonne maturite des raisins, on leur a substitue dans beau- coup d'endroits, notamment sur les coteaux de Madiran et de Jurangon, des poteaux de 3 a 4 metres de hauteur, sur lesquels on fixe a 1 m. 80 ou a 2 metres de terre un ou deux echalas en croix Je 1 metre environ de longueur (fig. 50). Ce sont-la des charpentes un peu couteuses, vu la valeur des poteaux, mais qui neanmoins sont bien prefe- rables aux arbres; en offet, ils n'ont point de feuilles et permettent de dresser de suite la vigne a la hauteur voulue ; f. 50_Su ort d'autre part, ils n'epuisent pas le sol et ne necessitent pas de vigne d Madiran. Fig. 49. — Conduite de la vigne sur arbre A Saint-Gaudens d'apres le DrJ. Guyot. - 30 - Souvent des echalas croises sont relies los uns aux autres par des lianes tendues et fortement attachees. « On plante au pied de chaque poteau des ceps que Ton eleve jusqu'a la hauteur de 1 m. 70 a 1 m. 80. On met huit ans pour leur faire atteindre cette hauteur, au lieu de quatre ou cinq qui devraient suffire. Us sont alors tailles chacun a deux branches a fruit et a deux cordons do remplacement, (voir fig. 51). Dans la culture en espalier, les ceps sont places a 1 metre les uns des autres et les lignes sont espacees de 1 m. 80 a 2 m. 80. Les lattes horizontales sont a une hauteur variant de 0,60 aim. 10. Les souches sont taill6es generalement a un Fi&-51-— 0Ha"ta,iade8ou deux longs bois et un a ou deux coursons de remplace- Hautes-Pyrenees, d'apre* D' j. Guyot. nient, (voir fig. 52). Les astes sont recourbees en forme d'archet et leur extremite est fixee a la traverse a 1'aide d'un lien. il Fig. 5?. — Vignes taillees en espalier. La culture en vignes basses sur souches en lignes sans echalas, coinme dans la Haute- Garonne, 1'Aude, THerault, tend aujourd'hui a se generaliser dans toutes les conditions favorables. Ces souches sont le plus souvent dressees sur 2 ou 3 bras, rarement sur 4 et quelquefois sur un seul. Chaque bras porte un courson taille sur un ou deux 53. — Vigne basse taill^e avec un pisse«vin. Fig. 54. — Vigne basso tail!6e avec un long bois. yeux ; beaucoup de souches presentent, en outre, un pisse-vin (fig. 53) et d'autres sont munies d'un long bois (fig. 54). Dans certains milieux, on n'adopte que le pisse-vin ; dans d'autreSjque la branche a fruit. Le pisse-vin est pris sur un ceil sorti du vieux bois au dehors de la taille r^guliere de la souche. Au sujet de ces differentes tailles, nous ferons quelques observations inte- ressantes. Nous avons deja enoncr les inconverients que presentait la culture de la vigne sur arbres vivants, nous ne saurions trop insister sur ce point : le precede usite dans plusieurs parties de FItalie ne se trouve plus guere represente chez nous qu'a Saint-Gaudens. Le plus grand reproche que Ton puisse adresser a ces arbres vivants, c'est d'enlever aux raisins de la lumiere et de la chaleur, et a la vigne elle-meme une partie de ses aliments. En effet, 1'arbre plante en meme temps que la vigne enle\e a cette dcrniere une grande partie des principes nutritifs qui lui etaient destines. Ceux dont la tete sera la plus reduite, qui porteront le moins de braset offriront par suite les plus grands intervalles pour le passage de la lumiere et de la chaleur, seront les moins pernicieux. Cest aussi a tort que Ton a pretendu que ces arbres, plantes de 4 metres en 4 metres, ne nuisaient pas auxrecoltes cultivees dessous et ne diminuaient en rien leur production. Mais, aujourd'hui, les vignerons ont reconnules funesteseffets de cette cul- ture et y ont renonce partout, me" me a Saint-Gaudens. La culture sur hautains, comme elle se pratique dans le Jurangon, evite ces inconvenients et est a tous points de vue plus avantageuse. Les vignes ainsi elevees a 2 metres ou plus au-dessus du sol ont l^ur rai- son d'etre dans les pays ou Ton redoute Faction des gelees printanieres. Les gelees de printemps attaquent en effet d'autant moins les vignes qu'elles sont tenues plus hautes au-dessus du sol. Dans un pays ou la maturite est toujours plut6t excessive qu'insuffisante, cette grande elevation remplit bien son but. Mais dans les climats plus froids, ou le* raisin, pour arriver a parfaite maturite, a besoin d'utiliser toute la cha- leur del'ete, il n'en serait pas de m6me, car il est demontre que plus le raisin est pres de terre et mieux il murit. II faudra done dans ces regions choisir un juste milieu qui permettra aux fruits de bien murir tout en preservant la souche,dans la mesure du possible, de Faction des gelees. Nous reviendrons plus loin, en traitant des vignobfes de FIsereet de la Savoie, sur cette interessante question. Quant a la conduite en vignes basses, telle qu'elle se pratique dans les Hautes- Pyrenees, elle n'est certainement pas parfaite. Dans la plupart des cas, la taille est trop courte, ce qui engendre la sortie de gourmands steriles. On devraitlaisser davantage de coursons ou de longs bois et supprimer les pisse- vins qui sont despoussesanormales et ne sont pas toujours fertiles ; d'ailleurs, contrairement a Fopinion generale des vignerens de ces pays, le pisse-vin epuise davantage la souche que ne le fait une branche a fruit normale . Le dSpartement des Basses-Pyrenees possede un climat tout specialement favorable a la vigne. A Jurangon, les vignes soat, comme nous Favons vu elevees a 2 metres sur de grands poteaux portant des echalas en croix ; cha- cune d'elles esttaillee a deux branches a fruit eta deux coursons de deux yeux chacun. A part les vignes hautes, on trouve dans ce departement des vignes en es- palier. Ces vignes, montees a environ 60 centimetres de terre, sont dressees sur un ou deux bras. Chaque souche est munie d'un echalas qui soutient satige; sur les cehalas en travers sont fixees deux lignes de lattes horizontales, Tune a Om60 et 1'autre a lm ou Im20 de terre. Chaque bras porte un courson et un long boisde Om50 a Om70 replie en archet et attache aux traverses horizontales (fig. 55). Les echalas ont de 2m20 a Fig. 55. — Vignes tailless en espalier dans les Bassos-Pyrenees. 2m50 de hauteur et servent a soutenir les jeunes rameaux que Ton y attache pendant la vegetation, Du cdte d'Orthez, la vigne est conduite d'une fagon differente ; les souchess disposees en lignes, sont dressees sur un, auelquefois deux bras, a 25 ou 30 centimetres de terre et sontmunies.d'un grand echalas de 2m de hauteur. Le bras j3orte un courson et un archet replie en cercle et attache a Pechalas ; quelquefois 1'archet n'existe pas (fig. 56). En approchant des Landes, on rencontre encore des vignes en souches bas- ses £ un, deux ou trois bras et a coursons a un ou deux yeux, sans archet ni echalas (fig. 57). Dans le departement des Landes, la vigne vient bien partout ou le sol est cultivable. Dans les sables purs sur alios, on ne rencontre pas de vignobfes a cause du niveau des eaux qui affleurent le sol dans presquetouteson etendue ; si ce niveau etait Im50 sculement au-dessous du sol, la vigne y pousserait bien partout. Fig. 56. — Taillede la yigno ft Orthez. Fig. 57. - Autro taille sans archet dans les Basses-Pyrenees On rencontre dans ce departement des vignes hautes et des vignes basses ; des vignes avec echalas, des vignes sans echalas ; des vignes a longs bois et a coursons ; des vignes a coursons sans longs bois, et reciproquement. Depuis plusieurs siecles on a plante la vigne dans les sables mouvants des dunes,t sur les versants opposes a 1'action directe des vents marins. On y a — 33 — 6tabli, a cct effet, des cnclos au moyon de haies en bruyeres de Im50 de haU- tour fortement fixees; en divisant cnsuite ces enclos en petits compartiments de 1 a 2 ares, on a reussi a fixer les vignes qui ontainsi line bonne vegetation. Dans chacun de ces compartiments, les vignes sont disposes en lignes a Om50 environ d'intervalle et les sarments sortent du sable a la distance de 25 a 30 centimetres les uns des autres. Les souches sont enterrees chaque annee : la moiti6 des rangees par du sable apporte de 1'exterieur de la vigne et Pautre moitie par le couchage dans un fosse creuse le long de la ligne ; on met un peu de fumier et on achieve de remplir avec le sable extrait. On laisse a la soucbe un seul sarment et on tasse le sable avec les pieds. La souche que Ton recouvre de sable conserve deux sarments. Cette operation terminee, on taille en mars tous les sarments laisses sur quatre ou cinq yeux, et au mois d'avril, on met au pied de chaque souche un echalas de Im50 de hauteur (fig. 58). Ces vignes des sables don- nent de bons et forts produits. Dans la region des Chalosses, on trouve des vignes munies d'echalas et d'autres cultivees en souches basses a 2, 3 ou 4 bras, a coursons et sans echalas, comme le represente la fig. 57; les vignes echalassees sont tantot a coursons ot archet (fig. 56), tant6t sans archet. Dans le department du Gers, on retrouve tous los modes de culture usites dans les de- partements que nous venons de passer en re- vue. Ainsi, dans 1'arrondissement de Mirande, on voit des vignes sur arbre, mais surtout des vignes hautes, en espaliers, avec ou sans echalas; mais les vignes basses sans echalas dominent partout. On rencontre encore des souches basses avec archet replie comme le represente la fig. 56. On pratique aussi dans ce d6partement un mode special de conduite de la vigne connu sous le nom de vignes basses tendues. Chaque souche dress£e suivant ce systeme porte un courson et un long bois. Ce long bois est dis- pose horizontalement et attache au long bois de la souche voisine ou bien relive par un sarment intermediate de fagon a former une ligne continue. Fig. 58. — Taille de la vigno dans les sables des Landes. Fig. 59. — Taille des vignes basses lendues. Quelquefois, aulieu d'un courson, le cep a deux longs bois. Ces vignes sont echalassees et plantees a \ metre environ en tous sens (fig. 59.) t)u c6te" d'Auch, les vignes sont le plus souvent conduites en souches bas- ses, dressees a un, deux, trois, quelquefois quatre bras en eventail (fig. 60). Quand il y a plusieurs bras,chacun d'eux porte un courson taille a un ou deux yeux au plus ; quand il n'y a qu'un bras, on laisse deux coursons, Tun a deux yeux, 1'autre a cinq ou six yeux. Dans le departement de Tarn-et-Garonne, les souches sont dressees de 15 a 30 centimetres au-dessus du sol, sur deux, trois ou quatre bras en eventail, dans les vignes cultiv<§es a la charrue, et engobelet dans les vignes travaillees a la main. La souche est eiablie des que la vigueur des sarments le permet et elle est munie d'un tuteur pendant les premieres annees. Fig. 60. — Souche taillee en e>entail. Fig. 61. — Vigne en espalier a coursons et a asies. C'estla la pratique la plus communement employee dans lepays, mais on retrouve ici encore les tailles a astes. Les vignes conduites suivant ce systeme presentent 1'aspect de la fig. 61. Chaque souche porte deux astes et trois ou quatre coursons et est palissee en espalier. Un autre systeme donne a la souche la disposition suivante, representee par la fig. 62. Chaque cep porte generalement quatre bras munis chacun d'un courson ; deux des bras portent, en outre, une aste d'environ dix yeux. Les astes sont portees chaque annee et a tour de r61e par des bras differents. Le chasselas est I'objet d'une culture speciale aux environs de Montauban Fig. G2. — Souche taill^e d quatre bras dont deux portant des astes. Fig. 63. — Souche de chasselas conduite en espalier aux environs de Montauban. et sa conduite offre quelques particularity s que nous allons signaler. On le cultive soit en souche basse, soit en espalier. - 35 - Les souches basses sont en gobclot a quatre ou cinq bras portant chacun uri courson taille sur deux yeux. Chaque cep a un echalas auquel sont attaches les sarments au moment de la vegetation. Les souches en espalier ont generalement trois bras munis chacun d'une aste et d'un courson a deux yeux. Ces vignes sont palissees contre un treil- lage fort simple compose d'echalas et d'un fil de fer (fig. 63). Com me on pourra en juger quand nous aurons decrit la conduite de la vigne, devenue classique, quo Ton pratique pour les raisins de table a Tho- mery, on fait subir a ces chasselas une taille trop rigoureuse ; un plus grand developpement serait 6videmment favorable a la production. Nous ne nous arre"terons pas au departement du Lot-et-Garonne, qui ne prescnte aucun mode dc culture qui lui soit propre ni aucun systeme de taille qui n'ait etc decrit pr6cedemment. Par ce que nous venons de voir, la taille qui domine dans le Tarn-ct-Ga- ronne, Lot-et-Garonne, Gers et Haute-Garonne estla taille courte sur deux ou trois bras; mais dans les Basses et Hautes-Pyrenees et dans TAriege, la taille longue s'observe sur les vignes basses, moyennes et hautes, ainsi que sur les vignes on arbro. Dans la plupart de ces vignobles, on pratique la taille en fevrier et mars, rarement en novembre, decembre et Janvier. La taille dans le Maconnais Avec le groupe pyreneen, nous avons termine la revue de tous les vigno- bles delapartie meridionale de la France qui offre, sauf sur quelques points, le climat le plus favorable a la vegetation de la vigne, ainsi qu'a sa production. Nous aliens etudier maintenant les differents systemes de taille pratiques dans les vignobles septentrionaux jusqu'a la limite extreme de la culture de la vigne. Le Maconnais doit sa reputation et sa position elev6e, dans le commerce des vins,ala culture, on peut dire exclusive, de trois cepages seulement : le Gamay, le Pinot noir et le Pinot blanc. Chacun de ces cepages comporte un mode de conduite et de taille diffe- rent. Les Pinots blancs sont dresses sur deux ou trois cornes, terminees par un, souvent par deux, parfois par trois longs bois encore appel6s queues dans le pays, avec ou sans courson de retour. Ces longs bois sont replies et attaches deux fois a des echalas dont sont munies les souches pendant les quinze pre- mieres annees, puis fixes ensuite a la soucheelle-meme. Les Pinots noirs sont tailles a-un courson de retour, a deux, trois et quatre yeux, et a un long bois ou verge de cinq a dixyeux. Ce long bois est aussi recourbe et attache deux fois a un echalas plac6 a une certaine distance de la souche; on met parfois, au pied de la souche, un autre echalas pour le cour- son de retour. Les Gamays sont, au contraire, conduits en souches aussi basses que pos- — 36 - sible, avec deilx, trois ou quatre corncs, portant chacune un courson taille £ deux yeux, rarement a trois. A Romaneche-Thorins et dans tout le canton de la Chapelle-de-Guinchay, Fig. 64. — Premiere taillo. Fig. 65. — Deuxieme laille. qui fait suite au Beaujolais, la vigne est conduite suivant un systeme qui rappelle beaucoup celui quo nous avons d6crit pour ce dernier vignoble. La vigne est taill6e surla premiere pousse, et on etablit des cornes au nombre de trois ou quatre, aussitot quo la force des sarments le permet, des la deuxieme et la troisieme annee. A la premiere taille, on coupe les sarments, le plus pres de terre, sur deux yeux, et on laisse souvent le faux oeii du sarment superieur (fig. 64). A la Fig. 66. — Premiere taille dans le Maconnais. Fig. 67. — Deuxieme taille. deuxieme taille, on peut ainsi conserver trois cornes (fig. 65). Les jeunes sou- ches sont soutenues par des echalas jusqu'a la sixieme annee, epoque ou ils sont supprimes. Dans le Maconnais proprement dit, on dresse la jeune vigne suivant deux systemes differents. D'apres Fun de ces systemes, on taille la pousse de pre- miere ann6e sur le sarment le plus bas £ un ou deux yeux (fig. 66) ; & la deuxieme taille, on laisse encore un ou deux coursons rabattus & deux yeux (fig. 67). Ala troisieme ou a laquatrieme taille, on choisit le meilleur sarment et le plus central, que Ton coupe a 40 ou 60 centimetres de hauteur, et que Ton attache a un echalas ; on supprime ensuite tous les autres sarments a rez- - 37 - souche, ou bien on laisse encore un ou deux coursons a deux yeux (fig. 68). Le long bois, que Ton appelle baguette, est attache le long d'un 6chalas (fig. 69). Fig. 68. — Troisieme ou quatriemo taille. Fig. 69. — Souche taillde avec une baguette. D'apres Tautre systeme, qui doit conduire aux monies resultats, on ne taille pas la premiere ni meme la seconde annee ; on abandonne ainsi la vigne a elle-mdme pendant deux et quelquefois trois ans ; c'est ce qu'on appelle la conduite en peloussier. F'g. 70. — Taille (Tune vigne conduile en peloussier. Fig. 71.— Resullat de la taille precedento. La figure 70 represente une vigne ainsi conduite, qui, taillee aux points in- diques, donnera Pannee suivante la figure 71. Gette taille a pour but d'obtenir sur le courson r6serv6 en a un sarment vigoureux; cette souche ainsi etablie est tail!6e I'ann6e suiyante en a, a, et e sarment b est rogne en cpour former la baguette . Ces deux systemes poursuivent done par des voies differentes le me"me but ; - 38 - obtenir, la quatrieme anne"e, une baguette qui ne doit exister qu'une seule annee pour ne plus reparaitre. Cette baguette, que Ton forme dans le but de fortifier le cep et d'obtenir beaucoup de produits, est supprimee totalement Fannee suivante. On conserve seulement deux ou trois coursons pris sur les sarments les mieux places qui ont pousse sur la souche. Ces coursons tallies & deux yeux formeront les cornes de la souche qui sera ainsi definitivement etablie (fig. 72). II est preferable de former les cornes avec des coursons conserves 1'annee me"me de la baguette (fig. 69). La baguette est un des traits caracteristiques de la viticulture maconnaise. Dans tout le departement, la taille des Pinots differ e essentiellement de celle des Gamais. Le Pinot noir est dresse sur deux membres, 1'un qui portera le courson et Tautre la couronne, plaine ou archelet (fig. 73). Le plus souvent on laisse de deux a quatre yeux au courson et de 8 a 12 a la couronne. Fig. 72 Taille definitive supprimant la baguette.; Fig. 73.— Souche de Pinot taillee. La couronne portee par un prolongement de la souche, appetee traine, est courb6e en forme de cercle et attachee a un echalas ainsi eloigne du cep. Dans quelques localites, la branche-courson est elle-m^me munie d'un echalas. La traine se forme successivement par des reprises annuelles faites a chaque taille sur le sarment de la couronne en a ou b . Elle s'allon^e ainsi chaque annee jusqu'au moment ou, faute de beau bois a son extremite, on reprend la couronne surle courson c, on la supprime alors en d. C'est la une taille bien severe qui mutile les souches tout en diminuant beaucoup leur duree. Les Pinots blancs ou Chardenets sont conduits d'une fagon diff6rente. On ne taille pas la premiere pousse (fig. 74) et on obtient, laseconde anm'-e, une vigne presentant Taspect de la fig. 75. A la fin de cette mfime annee, on taille - 39 - en #et6, ct au commencement de la quatrieme annee, on ne laisseque le sarment c d(Rg. 76) s'il cst assez vigoureux pour former un long boisou queue; Fig. 74 — Premiere annee. Fig. 75. — Deuxieme anne"e. on le recourbe en fixant son extremite dans la terre comme le represente la Fig. 76. — Troisieme annee. )fig. 77), sinon on le rabat sur deux yeux, et ce n'est que I'annee suivante que Ton etablit la queue sans courson de retour. Fig. 77. — Souche taillee avec queue piquee en terre. Fig. 78.- Souche taillde l'anne"e sui- vante avec courson et queue Sur le long bois on conserve a la taille qui suit un courson a 2 yeux pris sur — 40 — le sarment Ic plus bas ct la queue nouvelle prise sur le sarment superieur ; on obtient ainsi une souche offrant I'aspect do la figure 78. Plus tard, quand la souche a plus de vigueur, on lui donnedeux que ue et deux cdts de retour. Chaque ceps est alors muni, generalement, de deux echalas enfonces obliquement et -attaches par leur sommet qui ser- vent a fixer les queues et les jeunes rameaux qui y sont accoles enjuin (fig. 79). Dans la Sa6ne-et-Loire , on trouve encore des vignes conduites en hau- tains entre les coteaux et les bords de la Saone : Cette disposition est mo- tivee par la nature des lieux baset humides, ou les gelees sont plus a redouter. Le treillage destine a soutenir ces vignes est constitue par de forts piquets places a 4, 5, 6 metres au plus les ims des autres, s'elevant a Im40 au-dessus du sol, ou ils sont solidement fixes. Ces poteaux supportcnt 2 ou 3 lignes de fils de fer, la plus basse a 0,20 ou 0,30 du sol et les autres respectivement a 0,50 centimetres de distance (fig. 80) . Fig. 79 Vicille soucho taill^e A deux coursons et deux queues. Fig. 80. — Taille et conduite de la vigne en treillage dans le M&connais. Les vignes sont en general & Im80 de distance. .La premiere annee, on taille sur le sarment le plus bas, & deux yeux ; la deuxiemeon laisse deux coursons, sur chacun desquels on conservera deja Fannee suivante un courson et une queue s'il y a lieu. A la troisieme taille, on laisse toujours au moins un long bras par souche (fig. 80). Les annees suivantes on donne a chaque vigne 4ou 5 bras qui portent autant de longs bois, que Ton recourbe, en les attachant aux fils de fer. On reserve des coursons sur les bras de fac,on a pouvoir les rabattre des qu'ils sont trop longs. - 41 — Le ill de for superieur sert a maintenir les jeunes pousscs dc I'annce. Les vignes ainsi conduites donnent de bons rendements ; mais le vin est de qualite inferieure a celui recolte sur les vignes basses en coteaux avec le m6me cepage. La taille dans le vignoble du Centre Nous passerons en revue dans ce groupe qui, en continuant Fordre geogra- phique que nous avons suivi, trouve ici sa place, les departements de 1'Allier, de la Nievre, du Cher et du Puy- de-Dome, qui n'offrent, au point de vue viti- cole, qu'une importance secondaire. Dans le departement de YAllier, aux environs de Moulins, les vignes sont conduites tres pros de terre, sur deux ou trois petites comes, quelquefois quatre, portant chacune un seul sarment taille a un, deux ou trois yeux pour les cepages rouges. On ne met que rarement des echalas. Parfois on laisse cinq et six cornes et, plus rarement encore, une verge piquee en terre. Les ceps sont en lignes distantes de lm,30 environ et a Om,50 ou Om,60 dans la ligne. Les c6pages blancs subissent une taille plus expansive, on leur donne qua- tre, cinq et six cornes, et on laisse en plus une ou plusieurs verges. Chaque ct p comporte alors deux 6chalas destines a recevoir les archelets disposes a v .< ite et & gauche du cep. Dans ccrtaines localitesdu departernent, on trouve une conduite originale des vignes a vins blancs. Les ceps sont plantes en planches d'environ 2 metres de largeur, separees par des sentiers. Quelle que soit d'ailleurs la largeur des planches, de chaque cote sont plantes des cepages qui devront garnir les bords, ainsi que le dessus des planches reconvert par des especes de tonnelles. Ces tonnelles sont constitutes par deux rangs d'echalas places dans Fali- gnement des ceps et relies par une latte fixee a environ 70 centimetres du sol. Fig. 81. — Tonnelle de 1'Allier ponr la conduite Jos vignes. La figure 81 represente la disposition deces tonnelles, ainsi que les rangees de ceps. — 42 — Entravers des planches et attachees auxlattos, on dispose dos traverses qui sont soutenues dans leur milieu par une troisieme ranged d'echalas relies egalement par une longrine. Afin iaugmenter la resistance de ces traverses, qui flechiraient sous le poids des pampres et des raisins, on les incurve I6gerement vers leur milieu en les fixant a la longrine centrale. Suivant la largeur des planches, on peut placer plusieurs longrines inter- mediates. La conduite de la vigne sur ces especes de berceaux se rapproche, comme le fait remarquer M. le Dr Jules Guyot dans sa magnifique Etude des vigno- bles de France, de la culture en Kammerbau de la Baviere rhenane. Des que la jeune vigne donne un sarment assez long, on 1'attache a la per- chette sans eborgner aucun osil. Aussit6t que cette tige,destinee a former une maitresse branche, est etablie, on reserve pros de sa base un petit membre appele boulet, qui doit porter tous les ans un courson a deux ou trois yeux pour produire des archelets. La figure 82 montredes vignes ainsiconduites. Fig. 82.— Taille des vignes en tonnelle. Ces archelets, renouveles chaque annee, garnissent de raisins les flancs et les extremites des tonnelles. Successivement, on ajoute d'autres membres au premier qui, comme lui, sont attaches a la traverse. A la taille, on reserve sur chacun d'eux un long bois de Om,60 a 1 metre. Ces verges sont attachees aux longrines ou bien ten- dues par un osier qui les prolonge et va se fixer a la traverse opposee. Ces longs bois de 1'extremite des membres couvrent le dessus des tonnelles qui sont ainsi completement enveloppees de verdure et de raisins. Les archelets des flancs sont parfois recourbes et leur extremite est plantee en terre ; chaque annee, ils sont supprimes et renouveles par de nouveaux garments pris sur le boulet. Ces sortes de versadis s'enracinant peuvent — 43 - servir, quand il cst besoin, au remplaccment do vicux ccps on a de nouvclles plantations. Nous avons tenu a signaler ce curie ux precede de culture quo nous n'avons encore rencontre nulle part et qui donne a la fois une vegetation luxuriante et une fructification abondante. Dans le d6partement de la Nievre, la viticulture, assez peu developpee, pourrait prendre une plus grande extension, le sol et le climat 6tant tout spa- eialement favorables a la vigne. Dans la plus grande partie de ce departement, les vignes sont etablies en ligne, sur une seule t6te avec deux coursons, le plus bas taille sur deux yeux et le superieur sur trois ou quatre yeux (fig. 83). Fig. 83. — Souches tallies ,d'apr6s la m4thode ordinaire. Le provignage est usite pour le remplacement des vieux ceps. La plantation se fait en fosses avec des sujets de deux ans racines ou de simples boutures que Ton coude au fond des fosses. Vers la troisieme annee, les ceps sont echalasses. Pendant le cours de la vegetation, on 6bourgeonne et on releve les pampres par un lien contre les echalas. A. c6te de cette culture ordinaire, on trouve les precedes originaux prati- ques dans les vignobles de Riousse et de Pouilly . A Riousse, les vignes sont plantees au milieu d'un billon en lignes dis- tantes de 1 met. 60 environ; elles sont & 50 centim. les unesdes autres et por- tent chacune deux longs bois de 10 a 15 yeux, recourbes symetriquement dans un plan perpendiculaire a la direction da billon ; chacun d'eux est fixe £ un echalas. Chaque bras porte en outre un courson de retour a deux ou trois yeux. Les courgees sont remplacees tous les ans par un sarment pris sur le courson ou bien a la base des anciennes courgees. La fig. 84 reproduit cette disposition. Ce systeme de taille se rapproche beaucoup de celui que nous verrons pra- tiquer dans 1'Auvergne aux environs de Clermont-Ferrand ; on pourrait m^me le considerer comme en etant un perfectionnement. - 44 - Dans ce vignoble, on cbourgeonne, on pincc ct on releve les sarmcnts quc Ton attache aux echalas. A Pouilly, les vignes ont une disposition tout a fait differente. Ala premiere taille on ne conserve que le sarmentle plus has que Ton rabat sur deux yeux. A partirde la deuxieme, on laisse autant de cornes qu'il y a de sarments bien Fig. 84. — Vigne de Rioussc aprds la taille. places, de fagon a avoir quatre meinbres la quatriemc annee. On etablit jus- qu'a six et sept bras, portant chacun un courson terminal de 3 ou 4 yeux. La figure 85 repr6sente une de ces souches. La vigne possede ainsi une grande arborescence. On ne provigne pas; les souches mortes seuiement sont rein- placSes par marcottage. Fig. 85.— Souche taille a Pouilly. Le departement du Cher offre un climat et des terrains des plus favorables a la viticulture, et cependant la vigne n'y recouvre qu'une faible'partie de la surface qu'elle pourrait avantageusement occuper. — 45 — A Sancerrn, les vignes sont taillAos a doux ou trois coursons; In plus ('-love a 3 ou 4 youx ot los inferiours a 1 ou 2 yeux. Cette taille, uniformement employee, n'nst dcfinitivement etablie que vers la quatrieme annee, epoque ou chaque cep est muni d'un echalas (fig. 86). Les tailles en vert sont ici soigneusement pratiqu^es; on releve et on attache les pampres & 1'echalas, on les rogne ensuite & sa hauteur amesurequ'ils grandissent. Vers I'epoque de la maturite, on decouvre legerement les souches afin de mieux laisser penetrer la chaleur et la lu- miere . La vigne est entretenue par le provignage et compte jus- qu'a 40,000 pieds & Thectare sans aucun alignement. A Vierzon, au contraire, les vignes demeurent align6es; on plante en fosses distantes de 1 met. 40; on ne met ainsi que la moitie des ceps avec lesquels on fera vers laquatricme ou lacinquieme ann6e, par le provignage, des lignes intermediates tons les TOcontim.; la vigne n'est done complete que vers cinq ou six ans. Chaque souche est ensuite munie, des qu'elle est assez forte, d'un echalas. Ici aussi 1'entretien se fait par le provignage. On pratique encore une taille dite en pistolet, expression qui rappelle la formede la souche: chacune d'elles porte en effet un courson inferieur a 2 yeux ctun courson superieur a 4 ou 5 yeux (fig. 87). Les cepages blancs sont tailles avec une verge de 1 m. a 1 m. 20 de longueur que Ton recourbe en cercle et qui est fix6e a Techalas (fig. 88). Fig. 86.— Vigne tail. 14e A Sancerre Fig. 87. Taille dite en pistolet Fig. 88. Taille arec long bois Fig. 89. Conduite de ChAteaumeillan Comme dans la taille precedente, qui ne differe que par la longueur du sarment sup6rieur, on conserve un courson a 2 yeux. On ne taille pas en vert, on releve simplement les sarments. A Cateaumeillant, les souches, au nombre de 20,000 & l'hectare,sont tenues £ 2, 3 ou 4 cornes surmontees chacune d'un courson a 2 ou 3 yeux (fig. 89). Dans le canton du Chatelet, on trouve aussi des vignes conduites suivant la methode du Puy-de-Ddme, avec une verge. - 46 — Aux environs de Bourges, on pratique generalement deux systemes de taille suivant les plants : dans Pun, la souche est monte"e sur 3 comes sur- montees d'un courson a 1, 2 et quelquefois 3 yeux; dans 1'autro, on ajoute a Tune des cornes, suivant sa force, une demi-verge a 4 ou 5 yeux ou une verge a 7 ou 8 yeux. Aux deux premieres tailles, on ne laisse que le sarment inferieur que Ton coupe sur un oeil ; a la troisieme on laisse gen6ralement trois sarments disposes en gobelet et portant chacun deux yeux (fig. 90) ; a la quatneme on Fig. 90. Souches tailless des environs de Bourges en ajoute souvent un nouveau, comme le represente la fig. 91. A la cinquieme ou la sixieme annee, on reserve d'abordla demi-verge sur les cepages qui l'admettent[(fig. 92). puis plus tard la verge est recourbee et attachee a T6chalas (fig. 93). Tallies A longs bois Les rameaux de Tannee sont relev6s et attaches plusieurs fois pendant le cours de la vegetation. Dans Tetude des vignobles precedents, nous avons fait souvent allusion aux m6thodes usitees dans le departement du Puy-de-Ddme, ou la vigne joue un oleimportant. - 47 - Lc fond de cos methodes, d'aillcurs tres rationnelles, consiste invariable- mont en I'emploi d'une branche a bois appolee coutel etd'ane branche a fruit denommee arquet ou vinouse. La plantation se fait le plus generalement avec des boutures bien selec- tionnees choisics parmi les sarments les plus fructiferes, ce qui est une precaution que Ton devrait nejamais omettre. Onplanteenligne, soit dans de petites fosses, soit a la cheville, de 10 a 13,000 pieds a 1'hectare. Dans le Puy-de-Ddme, on connait et pratique depuis longtemps la strati- fication des sarments, ce qui les entretient dans les meilleures conditions de reprise. En outre, les plantations se font pleines, c'est-a-dire que Ton met en place autant de boutures que la vigne doit contenir de ceps et on les maintient de franc pied jusqu'au moment de les remplacer. Dans quelques parties seule- ment, on ne plante que le tiers ou la moiti6 des ceps et on garnit ensuite par le couchage des sarments ; on retarde ainsi la production. Mais, dans la generality des cas, le provignage n'est employe, dans ce de- partement, que pour remplacer les ceps manquants. A la premiere taille, on rabat sur le sarment, le plus bas que Ton taille, de deux a cinq yeux, suivant sa force. La figure 94 repre"sente la disposition de cette taille. Fig. 94. Fig. 95. Fig. 96. Tallies successives de formation. Fig. 97. L'ann6e suivante, on obtiendra la vegetation indiquee par la figure 95; on a ainsi souvent des sarments assez vigoureux pour permettre de dresser la sou- che la troisieme ann6e. Dans les milieux bien exposes, ou le froid n'est pas a craindre, on conserve a la troisieme taille le sarment le plus bas pour former la branche a bois appe- lee coutet ou chevillon que Ton coupe sur deux ou trois yeux. Le sarment median constitue la branche a fruit nomm6e arquet quand elle est courbee en dcmi-cercle, et vinouse quand elle reste droite. Le sarment le plus elev<§ est supprime. La figure 96 montre le resultat de cette taille. Dans les milieux ou Ton redoute les gelees, les souches sont dressees £ - 48 - 0m30; dans ce cas, on conserve pour coutet le sarmcnt median, et pour arquet le sarment superieur; on supprimc le sarmont le plus has (fig. 97). Choisir pour branche a bois le sarment inferieur et pour branche a fruit le sarment superieur, est le principe sur lequel repose I'etablissement de toutes les tallies suivantes. Quelquefois on laisse deux ou trois coursons ou deux ou trois verges sur la m3me souche. Les branches a fruit de six & quinze veux sont generalement laissees, avec beaucoup de raison, plus longues dans les milieux bas exposes au froid. On a soin aussi, dans le but egalement d'eviter les gelees de printemps, de les lais- ser verticales et flottantes jusqu'apres laperiode critique : ce sont 1& d'excel- lentes pratiques. Generalenient apres la plantation, chaque cep est muni d'un grand echalas de 2 metres de hauteur. Pendant les premieres annees, on reunit ensemble quatre echalas que Ton attache fortement et qui forment ainsi une pyramide qui resistera a 1'action des vents. Des que Ton etablit les verges ou vinouses, chaque cep est muni de deux echalas reunis par leur sommet, dont Tun est plante au pied m6me de la sou- che et Tautre incline par rapport au premier, destine a fixer la vinouse ou Tarquet. Les figures 98 et 99 rendent ces deux dispositions. Fig. 98. — Taille a vinouse. Fig. 99. — Taille A arquot. Toutes ces vignes sontd'une regularite parfaite pendant leur jeunesse ; mais & mesure qu'elles vieillissent, on leur donne parfois des formes bizarres qui font contraste. La figure 100 represente une souche dej& vieille ayant un faisceau de trois echalas et deux arquets. D'autres en ont trois; d'autres ont un, deux et trois coutets places sans symetrie. Dans ce departement, le Gamai, quise contente d'une taille courte, & bras et a cours'ons, est dresse suivantlamethode ordinaire avecde longs bois. Le principe de ce systeme de taille est identique, comme on le verra, a celui du systeme Guyot que nous decrirons dans un chapitre special. II consiste en quelque sorte a obtenir separ(?ment et simultanement une belle production de bois, ainsi qu'une recolte abondante ; de la les denominations de branche a — 49 — fruit et de branche a bois donnoe aux rameaux conserves suivant leur desti- nation. Fig. 100. — Ancionne souclio avec deux arquets. La branche a bois ou courson doit donner de beaux sarments de rempla- cement, parmilesquels on choisira les nouvelles branches a fruit pour 1'annee suivante. D'autre part, en prenant un courson de retour au-dessous de la branche fruitiere,on empSche a la souche de s'elevertrop vite. Mais par la negligence du principe dans ses applications, le vigneron reprend trop souvent la nou- velle branche a fruit sur Fancienne au lieu de la choisir sur le courson qui perd ainsi sa veritable attribution. En prenant vinouse sur vinouse, on obtient bientot une souche trop elevee et une fertility de plus en plus reduite, le vigneron est alors oblige de rabat- tre le tout au-dessus du courson inferieur qui formera la nouvelle t6te; il perd ainsi les avantages de la taille rationnelle qui a pour but d'assurer une fecon- dite constante. A part 1'ebourgeonnage, que Ton pratique d'ailleurs assez irregulieremen , danslePuy-de-D6me, on fait soigneusement une autre operation appelee cha- bannage. Cette operation, qui se pratique egalement dans le Beaujolais et dans d'autres vignobles, consiste a r6unir^au second relevage, a 1'epoque de la ve- raison, tous les pampres en faisceaux au-dessus de l'6chalas et de nouer en les tordant ensemble en forme d'arc, les faisceaux de deux ceps voisins. Quel- quefois on reunit simplement en les contournant les pampres de chaque cep en formant des faisceaux separes. Ces operations, tout en permettant a la chaleur et a la lumiere de p6netrer plus facilement, remplacent en quelque sorte le rognage et ont pour but de refouler la seve sur les parties inferieures de lavigne. En resume, la viticulture du Puy-de-D6me est caracterisee, d'une fagon ge- nerale, par 1'emploi de la taille longue, par 1'absence du provignage qui ne se pratique que pour le rcmplaccrnent, par la plantation en ligne et un grand luxe d'echalas. Dans une partie de laNi-'-vre, lesvignes sont 6galement maintenues en ligne et de franc pied. Au contraire, le Cher et 1'Allier, en imitant les cultures de la - 50 - C6te-d'Or et de TAube, les entretiennent par le prcvignage et presque partout en foule. Les vignes y sont echalassees; dans une partie de 1'Allier cependant, elles ne sont Schalassees que vers 7 cm 8 ans. Dans ce departement, nous Pavons vu, les vignes blanches sont conduites & taille longue et les rouges a taille courte. La taille dans le vignoble de 1'Est Nous comprendrons dans ce groupe viticole, si bien caracteris6 par ses systemes de culture, ses cepages et son climat, les d<§partements de Flsere, de la Savoie et de 1'Ain, qui en constituent la partie originale, auxquels nous adjoindrons le Jura et le Doubs. DEPARTEMENT DE L'lSERE Dans ce departement, la viticulture a pris une grande importance, grace a la valeur remun&ratrice des produits et £ la nature du sol qui, sauf sur les parties escarp6es des montagnes et les versants sans soleil de quelques profondes vallees froides et humides, est des plus favorables a la vegetation de la vigne. C'est une des regions viticoles les plus complexes par le nombre etlavarie"t6 des methodes culturales qui y sont usit6es. Aux environs de Grenoble, dans la vallee du Gresivaudan qui s'etend en suivant 1'Isere, presque aux portes de la Savoie, les modes de culture sont analogues a ceux suivis dans cette derniere region et les principaux cepages identiques. Suivant la situation des lieux, les vignobles presentent des dispositions differentes. Les coteaux et les terrains situes sur les rampes des montagnes sont converts de vignes basses, en foule, soutenues par des echalas plantes a demeure. Dans la plaine et les parties basses, on a pr6fere le systeme des souches moyennes et des treillages elev6s craignant moins les gelees de printemps quiy sont beaucoup plus sensibles que sur les coteaux. A Bourgoin, la Tour-du-Pin, on trouve les treillons de Belley, ainsi que les cepages de 1'Ain. A Vienne, la vigne est conduite en partie commedans le Lyonnais,avec un echalas, mais surtout a la fac,on des G6tes-R6ties, avec la pyramide d'echalas et les cepages de ce vignoble. A Saint-Mar cellin, on trouve les cepages de la Drome avec ses precedes de culture. A Grenoble, les plantations se font sur defoncement a 60 ou 70 centimetres et on les entretient par le provignage. Pour planter, on emploiedes plants enracines ou rajus ou bien des boutures, generalement en crossettes, que Ton met en place soit au pal, soit en fosse a 80 centimetres de distance, le plus souvent en lignes, qui sontbientot detruites par le provignage. — 51 — On trouve dans 1'arrondissement de Grenoble des vignes basses, des vignes en lisses etdes treillages. Les vignes basses sont dressees a 25 ou 30 centimetres, sur 2 bras ou cornes quelquefois 3. On laisse sur chaque bras un courson a 1 ou 2 yeux francs, comme le represente la fig. 101. Certains plants cependant, ceux conduits ordinairement en treillage, exigent, pour dormer des fruits en vignes basses, un argon a long bois. Ces argons ontde 6 a 8 yeux etsont fixes aux echalas apres lataille, comme le represente la fig. 102. Ges vignes ne sont pas rares aux environs immediats de Grenoble. Chaque soucho est munie d'un echalas plante a demeure, delm80de hauteur, en chataigner, en sapin ou en saule ; ces deux dernieres essences sulfatees font un aussi long service. A peu pres partout, on ebourgeonne et on releve ; ce sont les seules opera- tions en vert que Ton pratique. On remplace les vieilles souches ou celles qui disparaissent pour toute cause par le provignage. Les lisses sont des vignes disposees en espalier sur une charpente en bois etalbie seulement a 50 ou 60 centimetres du sol. Ces sortes de treilles sont constitutes par de forts pieux, contre lesquels on cloue de longues traverses ; la plus basse, de 50 a 60 centimetres, et la deuxieme a 80 centimetres ou 1 metre plus haut; sur ces perches suivant la verticale, on attache solidement des echalas appeles palissons. Fig- 101. Fig. 102. Souches basses, apres la taille, aux enrirons de Grenoble Les vignes sont plantees en fosses, puis elevees jusqu'& la hauteur de la traverse inferieure, mais apres 2 ou 3 ans seulement ; ' des sarments qui con- stituent les bras de la souche sont ensuite etablis £ droite et a gauche du tronc ; tousles 25 ou 30 centimetres, on laisse un brassecondaire & demeure que Ton monte et que 1'on attache le long des palissons. Cliacun de ces bras porte un long bois ou archet de 80 centimetres, quelquefois un metre et plus, que Ton attache en le recourbant. - 52 - La fig. 103 represente les dispositions de ces vignes, ainsi que la construc- tion des treilles en bois destinees a les supporter. JL L_J! I ^V'T- : =sfc^^^i£=iijjijF-. Fig. 103. — Vignes en lissos aux environs de Grenoble. Chaque annee, aux tailles successives, on conserve le plus beau sarment sorti du premier, du deuxieme et me"me du troisieme ceil, pour former le nou- vel archet. En prenant ainsi des sarments eloigne"s de la base, le vigneron neglige un point important: celui de conserver le moms possible de vieux bois sur les souches. Aussi les portants atteignent-ils, en peu d'annees, des longueurs considerables, ce qui diminue d'autant la fertilite de la vigne. La souche de gauche de la figure 103 represente le r6sultat de cette taille. Ilest aremarquer que plus les vignes sont jeunes, moins les archets sont recourbes etplus ils se rapprochent de Fhorizontale; plus les bras secondai- res s'elevent, et plus ils sont recourbes et se rapprochent de la verticale pour 1'atteindre souvent sur les vieux ceps. Ces divers degres d'inclinaison des archets, depuis 1'horizontaie jusqu'a la verticale, pratiques par le vigneron a peu pres d'une fagon graduelle, sui- vantl'age des souches, ont assur6ment leur raison d'etre qui a 6t6 consacr6e par une longue observation et dont on peut donner, croyons-nous, une expli- cation'rationnelle . En discutant, au commencement de ce travail, les principes generaux de cette operation si importante de la taille, n'avons-nous pas, en effet, etabli que, pourdiminuer la vigueur d'une partie quelconque du vegetal, il suffisait de lui donner une position se rapprochant plus ou moins de I'liorizontale. Eh bien, les pratiques que nous venons de signaler peuvent serattacher a ce principe et n'en sont en quelque sorte que des applications. D'autre part, nous 1'avons dit aussi, ramoncellement du vieux bois sur une souche est a la fois pour elle une cause d'affaiblissement et de sterilite. Par une inclinaison variable et bien comprise des rameaux, on pourra done contrebalancer, jusqu'a un certain point, les effets dus a Famoncellement du vieux bois sur les bras d'un cep ; c'est ce que les vignerons ont observe. La souche, pendant les premieres annees, n'a que des rameaux portes par de jeunes bois, elle est alprs danstoute sa vigueur, que Ton se trouve dans — 53 — I'obligation de moderer, pour la production des fruits, par une forte inclinai- son des rameaux conserves. Maispeuapeu, surtout avec 1'allongement excessif, le vieux bois s'accu- mule et la vigueur diminue ; les beaux rameaux, d'abord abondants, devien- nent de plus en plus rares et le choix des bois de taille de moins en moins facile. Le moment de parer Ji ce resultat, qui risquerait de devenir prejudi- ciable, est arrive ; c'est alors que le vigneron eleve verticalement les sarments pour les recourber ensuite brusquement en archet et donner a leur extre- mit£ une direction parallele a leur base ; car s'il semble ignorer les conse- quences facheuses de rallongement des bras, il salt fort bien que la partie du sarment conserve, situee verticalement en dega de la courbure, lui donnerade beaux bois qui assureront le remplacement pour Tannee suivante. Si cette conduite des vignes peut subir des variantes suivant les conditions de milieu, de vegetation ou des caprices du tailleur, les principes et les resul- tats restent sensiblement les monies. Les travees de lisses sont generalement placees a 3 ou 4 metres, souvent davantage, quand on fait des recoltes intercalaires. Nous discuterons plus loin les modifications avantageuses que Ton pourrait apporter dans ce sys- teme de culture. Dans les bas-fonds et les plaines, ou Ton craintles gelees de printemps, et ou Ton fait des cultures en joualles, on a preTere le systeme des treillages Sieves qui constitue un mode de conduite que Ton retrouve dans la Savoie et le Bugey, et qui caracterise nettement ces regions. C'est dans la vallee du Gresivaudan que nous allons etudier le type de cette culture. Ce n'est pas sans etonnement que Ton voit, pour la premiere fois, ces vignes immenses plantees enrangees paralleles, distantes en moyenne de 7 a 8 me- tres, souvent plus, avec ecartement dans la ligne de 4 et 5 metres. Et on se demande pourquoi des corps de souches de 1 met. 20 a 1 met. 40 de hauteur ; pourquoi une charpente aussi elevee et aussi dispendieuse ? La reponse, on la trouve, d'une part, dans la crainte, malheureusement trop justifiee, des gelees printanieres ; d'autre part, dans la pratique des cultures intercalaires soumises a un assolement regulier, comme dans une terre completement nue. On comprend alors que Ton demande a un sol privilegie un double produit : Tun aerien, 1'autre superficiel. Les rangees de treillages sont soutenues tous les 4 ou 5 metres par de forts piquets appeles fourchauts. Contre les fourchauts, qui ont de |4 a 5 metres de hauteur, on cloue de longues perches, la premiere a la hauteur ou Ton veut etablir le corps de la souche, c'est-a-dire de 1 met. 20 a 1 met. 40, et la deuxieme, 1 met. ou 1 met. 20au-dessus, ce qui donne au treillage une hau- teur totale de 2 met. 60 environ. Sur ces perches, verticalement, se placent, tous les 25 ou 30 centimet., des echalas ou palissons que Ton y attache soli- dement. La fig. 104 montre une souche ainsi etablie. Dans les anciens treillages, on voit quelquefois encore les fourchauts remplacespar desarbres vivants, erables ou merisiers, qui sont arrdtes a 2 ou 2 met. 50 et formes sur 6 ou 8 maitresses branches, largement ouvertes en gobelet et dont les pousses annuelles sont regulierement supprim<§es. Des sarments de vigne ployes en arc sont attaches a chacune dalles. - 54 - Dcpuis longtemps deja, dans les vignobles de I'lscre, on ne plante plus d'arbres vivants, et ce genre de culture designe sous le nom de hautain ne se retrouveplus aujourd'hui que dans quelques cantons de la Savoie. Fig. 104. — Yieillo souche conduite en treillago apres la taille. II n'est pas rare de rencontrer des treilles de plus de 150 ans d' existence et des ceps mesurant 25 centimet. et plus de diametre et 10 metres d'envergure avec de nombreuses branches & fruit. Chaque annee on remplace dans les treillages un certain nombredesouches mortes ; pour cela, on plante generalement & 1'avance un jeune plant pres du cep dont on pr6voit la fin. Pour mettre en perche, selon le terme consacre, c'est-a-dire pour former le corps de souche et lui faire atteindre la hauteur du treillage, on met de 6 a Sans; pendant toute cette periode, la recolte est insignifiante ; ce n'est que vers la 9me ou 10me annee qu'elle devient abondante. Le systeme de taille usite pour les treillages est le meTne que celui que nous avons decrit pour les lisses, nous n'y reviendrons pas. A c6t6 des avantages que presente ce systeme des grands treillages et que nous avons fait ressortir, il offre de grands inconvenients. Vula hauteur qu'atteignent ces souches, la taille et la vendange sont ren- dues difficiles et nepeuvent plus s'effectuer qu'a 1'aide d'echelles. C'est laun desavantage auquel on pourrait facilement remedierenabaissant les treillages jusqu'aportee de la main, c'est-a-dire en 6tablissant des lisses telles que nous les decrirons plus loin. On pourrait acesujet, cependant, presenter une objection : c'est que les cultures intercalates mal comprises et a grand developpement seront plus prejudiciables aux vignes en lisses qu'& cellesen treillages. II est aujourd'hui admis par tout le monde que deux cultures etablies sur le me" me terrain se nuisentmutuellement; mais les monies espacements etant conserves dans Tun et Fautre cas, les conditions resteront les m6mes au point de vue de 1'ali- mentation. Uinconvenient resultera done de ce fait que les lisses basses, dont la hau- teur totale ne depasse pas 1 met. 80, seront en partie cachees si Ton cultive, ce qui n'est pas rare, des cereales ou d'autres plantes elevees et que les vignes ne pourront pas beneficier, jusqu'a Fenlevement de ces recoltes, de Faction directe et bienfaisante du soleil. — 55 — Mais la recolte de ces plantes se fait de bonne heure et les champs se troti- vent decouverts juste au moment ou le raisin exige le plus de lumiere etde chaleur. On aura soin egalement de n'ensemencer que jusqu'£ une distance convenable des rangees de vignes, afln d'eviter autantque possible lesincon- vSnients precites et de permettre en outre la circulation de chaque c6t6 des treilles pour 1'execution des diverses operations a effectuer (relevage, sulfa- tage, etc. )• C'est la un point important, jusqu'ici trop neglig6 par le vigneron, auquei il en coute de laisser unproductive une partie de ses terres, si minime qu'elle soit. Mais cette improduction sera largement compensee par la plus- value en quantite et qualite des recoltes pendantes. Nous voyons done que dans les milieux a cultures intercalaires, qui ne constituent point un systeme rationnel, Finferiorite que semblaient presenter les lisses sur les treiilages n'existe pas en r6alite, mais qu'au contraire, comme nous allons le montrer, elles offrent de serieux avantages. En effet, chacun sait que plus le raisin est pres de terre, plus il murit vite etplus ilacquiert de qualites. Pourquoi ne pas profiter deces avantages tout en les conciliant avec les conditions que Ton doit observer pour se preserver des gelees? Les treiilages donnent avec les monies cepages des vins juges inferieurs a ceux des vignes basses. Ces differences de qualite dans le vin tiennent essentiellement aux differences de position des raisins. Les treiilages sont parfaitement exposes au soleil, mais etant eloignes de terre ils ne jouissent pas directement de la reflexion calorifique et lumineuse qui joue un si grand rdle dans la perfection des fruits et des bois m^mes, par suite leurs raisins rmirissent mal et tardivement. D'autre part, les raisins des treilles se trouvent a des altitudes bien diffe- rentes et la maturite ne s'opere jamais simultanement pour tous les fruits, parfois m6me on remarque de grandes differences. Ges difficultes peuvent disparaltre en rapprochant les treilles de terre, autrement dit en adoptant d'une fagon generale le systeme des lisses qui permettra une maturity meilleure et plus uniforme. Comme nous le faisions remarquer en etudiant le vignoble des Hautes-Py- renees, qui offre un systeme de culture a peu pres analogue dans un pays ou Ton redoute les gelees priritanieres, mais ou la maturite est toujours suf- fisante, les vignes elevees &- 2 metres et plus au-dessus du sol remplissent bien leur but. Mais dans un climat plus froid comme celui de cette region , ou le raisin pour bien murira besoin d'utiliser le mieux possible la chaleur de Tete, il est essentiel de se tenir dans un juste milieu qui, tout en preservant la souche autant que faire se peut de 1'action des gelees, permettra une bonne maturite. Les lisses repondent parfaitement a. ce desiderata. D'autre part, les treilles hautes sont d'une construction compliquee et toujours tres couteuse, et les lisses basses se present admirablement au sys- teme beaucoup plus simple etplus economique qui consiste a substituer aux traverses en bois des fils de fer, et aux fourehauts des piliers en ciment ou en fer corniere. - 56 - Cos colonnes en ciment, plus grosses a la pavlie inferieure qu'a la partie superieure, sont a section octogonale a diametres inegaux, et au moment du moulage on introduit a leur centre dans toute leur longueur un ou plu- sieurs fils de fer galvanises qui en augmentent lasolidite. Cos treillis, dont la hauteur totale ne depasse pas 1 metre 80, tres apprecies a cause de leur economic, de leur solidite et de leur duree, sont deja nom- breux aux environs de Grenoble, et il est vraisemblable que dans un avenir prochain ils auront completement et avantageusement remplace les treillards actuels. Au point de vue de la treille elle-m6me, nous ferons pour les hautains les me"mes objectionsque cellesexposeespr6c6demment pour les lisses. Onlaisse trop accumulerle vieux bois, cequidonne tres rapidement des bras secondaires de"charnes d'une longueur demesuree ; on n'oubliera done pas que le renou- vel lenient des'vieux bras et leur allongement repete cbaque annee sont les causes principales de la fecondite des souches. Les archets et les rameaux de 1'annee sont palisses sur des treillages a mesure du developpement de la vegetation. Dans beaucoup de points, le systeme de taille ordinaire a ete remplace par la me"thode Sylvoz, qui en est en quelque sorte un perfectionnement et que nous etudierons avec detail dansun chapitre special. Dans Tarrondissement de Saint-Marcellin, la conduite des vignes basses diff6re de celle de Grenoble et rappelle surtout la culture del'Hermitage. La vigne est dressee sur une t6te et un seul sarment qui est taille, les premieres ann6es,sur 2 ou 3 yeux francs. Plus tard on laisse 6 yeux a ce sarment, qui est alors courbe et attache a 1'echalas qui soutient la souche. Comme les souches s'elevent rapidement, on reserve le plus souvent un courson d'attente pour le renouvellement de la souche par rabattage. Les fig. 105 et 100 representent deux souches d'ages diff6rents qui montrent Tanalogie de conduite avec 1'Hermitage. Fig. 106 Taille des vignes basses a Saint-Marcellin. On trouve aussi a Saint-Marcellin des souches dressres a 2, 3 et 4 bras. Les vignes y sont entretenues par le provignage. — 57 — egalement conduite* Lcs vignes en lisses sont egalement conduites d'une i'agon differente de celle que nousavons vue a Grenoble. Ainsi, a Tullins, les bras de la souche, au lieu d'etre etendus sur la traverse inferieure, sont dresses sur la traverse ^uperieure et les archets sont courbes de haut en bas (fig. 107). Fig. 107 Lisse de Tullins (d'apres le Dr Guyot) De plus, on laisse a la base de chaque branche a fruit un courson de rem- placement, ce qui evite Fallongement indefini des bras. Dans le vignoble de la Cote-Saint-Andre (arrondissement de Vienne), on trouve surtout des vignes basses dont la culture rappelle encore celle de la Drdme. Les vignes basses qui dominent sont d'abord plantees a 80 centimetres au carre, mais les lignes sont bient6t brisees par suite du provignage qu'on y pratique. Chaque souche, munie d'un grand echalas plante a demeure, est montee a 30 ou 40 centimetres sur une seule tige terminee par un seul sarment de 6, 7 ou 8 yeux que Ton recourbe et dont on attache I'extremite a 1'echalas au- dessous de la tete du cep, comme le montre la fig. 108. On ne conserve pas de courson de retour ; mais, d'une fagon generate, a la Cote-Saint-Andre, c'est le premier ceil de 1' argon qui donne toujours le sarment del'annee suivante ; la souche monte ainsi moms rapidement le long de 1'6- rhalas. Pendant le courant de la vegetation on releve les pampres et on les attache 2 et meme 3 fois le long du grand echalas, avant et apres la fleur, et aussi en aout. A Yienne, la vigne est conduite comme a Condrieu et a C6tes-R6ties. Les ceps sont munis de grands echalas que Ton reunit par leur sommet en faisceaux de trois ; on a ainsi des series de pyramides triangulaires (voir vignoble des C6tes-R6ties, Lyonnais). Les souches ont chacune un courson & deux yeux et une branche a fruit attachee £ un petit echalas obliquementfixe au grand et que Ton appelle erigarde ; ce systeme de taille s'applique surtout au Vionnier. Fig. 108 Taille de la C6te- Soint Andr6. — 58 — On trouve aussi a Vienne le Gamai du Beaujolais, conduit, comme dans ce vignoble, en souches basses a 3 ou 4 comes, avec un courson et munies d'un echalas pendant les premieres annees. On trouve aussi des treilles a RoussilLon. Dans 1'arrondissement de la Tour-du-Pin, les souches sont en lignes dressees sur 3 ou 4 comes et taillees a coursons g6neralement a un seul ceil franc. Certains plants cependant, tels que la Mondeuse et le Pulsart, conserventun argon, chaque souche estmunie d'un e~chalas. A Bourgoin, centre viticole important, les vignes hautes sont enlisses, dont la premiere traverse est a la hauteur du genou et la seconde a la hauteur de i'epaule; des fils de fer tendus remplacent generalement les palissons de bois. Les rangers sont distantes de 3 metres seulement; malgre ce faible espace, on fait partout la culture intercalaire. Les vins recoltes aux environs de Bourgoin jouissent d'une bonne reputation dans la region. DEPARTEMENT DE LA SAVOIE En Savoie, 1'aspect general du vignoble oftrede grandes ressemblancesavec celui de 1'Isere. Les vignes occupent surtout les rampes inferieures des hautes' montagnes, ainsi que les mamelons ; mais on en trouve aussi dans les alluvions du fond des vallees. La vigne, sous ce climat, morite jusqu'a 400 metres et plus d'altitude aux bonnes expositions. La vigne basse est la forme dominante, mais les souches sont conduites tres irregulierement a un, deux, trois ou quatre bras et a des hauteurs variant de 20 a 50 centimetres. On trouve me"me des souches en te"te de saule en Maurienne. Le provignage d6truit tout alignement dans les plantations, et la distance moyenne entre les ceps est d'environ 70 centimetres. On plante soit au trou, soit au pal, des racines ou des boutures ; quelquefois aussi, on plante en fosses distants de 6 pieds et, pour garnir la vigne la troi- sieme ann6e, on recouche des sarments a droite et a gauche a 2 pieds de distance. Cette methode exige moiris de plants, mais, par suite du recouchage, elle devient plus cotiteuse et retarde la recolte ; aussi, doit-on lui preferer la plan- tation pleine. Dans les vignes basses, chaque bras porte un seul^courson a deux yeux francs et souvent a un seul. En Maurienne, sur les vignes en te"te de saule, on laisse 2 ou 3 crochets, quelquefois, quand la vigueur est suffisante, un archet de 7 a 8 yeux que Ton recourbe. Cette taille trop cou^te ne convient pas a la plupart des plants de ce pays, qui sont d'une grande vigueur et exigent, pour produire, la taille longue. L'exemple, pour les vignerons de ce pays, est cependant saisissant, car, a cote de leurs vignes basses, relativement ste~rilisees, ils possedent leurs grands treillages d'une fecondite admirable. Aux environs de Chambery, la ou Ton recolte de bons vins, a Montmeillan, - 59 - Saint-Picrre-cTAlbigny, chaque souche rnunie d'un echalas est dresscc sur un, deux ou trois bras de 20 a 30 centimetres du sol. A part les vignes basses, on rencontre a peu pres partout des vignes en espalier sur fils de fer de lm a Im50 du sol, puis des treillages eleves, absolu- ment semblables a ceux que nous avons decritsprecedemment. Ces treilles. v6ritables charpentes, sontsupportees & 2 metres et plus par de forts piquets; des arbres vivants sont intercales de loin en loin pour assurer la solidite. Puis, on trouve aussi des arbres isoles, plantes en ligne ou en quinconce, destines a supporter de grands ceps qui les recouvrent bientdt. Ces vignes en arbres sont communes aux environs de Chambery et d'Aix-les-Bains. On les trouve surtout dans les bas-fonds humides, mais aussi ailleurs. Quelquefois les arbres sont relies les uns aux autres par des guirlandes de ranieaux, d'un effet vraiement feerique, qui ont maintes fois attir6 1'attention et excite la curiosite des voyageurs se rendant a Aix-les-Bains. Nous ne nous arr^terons pas sur ce systeme de culture, dont nous avons eu pr6cedemment Toccasion de montrer Iesinconv6nients. Les vignes en treilles offrent ici les dispositions les plus variees, mais celle que nous avons decrite pour Flsere est la plus repandue. Les rang6es sont de 7 a 12 metres les unes des autres et permettent, par consequent, les cultures intercalaires. Gen6ralement ces treilles sont formees par un cordon ou bras principal, toujours tres long, qui porte, a des distances souvent inegales, des bras secondaires, terminus chacun par un sarment qui a jusqu'a lm,20 de long ; ce sarment est inclin6 en trajectoire ou recourbe" en demi-cercle avec son extre- mite attached suivant la perpendiculaire. Ces treillages produisent beaucoup et on cherche a leur faire donner davan- tage encore en 6tablissant des sorties. On dresse pour cela, perpendiculaire- ment au treillage, des traverses sur lesquelles on couche horizontalement, a peu pres au niveau de la partie infe'rieure de la treille, un beau sarment de Fannee, un par cep le plus souvent. Ces sarments ou sorties que Ton renou- velle generalement tous les ans, se couvrent de raisins. Parfois, vers le mois dejuin, on 6bourgeonne eton effeuille au-dessous des raisins, mais on ne pince que rarement. UextremitS des pampres, toujours tres longs, retombe de part et d'autre de la treille en formant des berceaux. Aujourd'hui cependant, de m£me que dans Flsere, on pratique le rognage dans beaucoup de points. C'est par ce temps de maladies cryptogamiques une bonne operation qui, avec celle du relevage, sont recommandables, surtout la ou Ton fait des cul- tures intercalaires & grand d6veloppement. En effet, sous ces rideaux de verdure, les champignons parasites trouvent une atmosphere humide et chaude tres favorable & leur developpement. En supprimant Fexces de vege- tation, on favorisera -Iteration, excellente a tous les points de vue, et on facilitera, d'autre part, Tapplication des remedes a donner a la vigne. La Mondeuse et le Persan, cepages a vegetation exuberante, forment le fond de ces vignobles. - 60 - DEPARTEMENT DE LA IIAUTE-SAVOIE La Haute-Savoie, vu 1'altitude do scs montagnes ct de scs plateaux, le voisinage des glaces eternelles et sa situation septentrionale, offre des sur- faces moins etendues et moins favorables a la vigne que la Savoie. Les bords du lacLeman, Evian et Thonon, les bords du lac d'Annecy, Saint-Julien et Seyssel,sontles centres vignobles du d<§partement. On trouve encore d6sseminees quelques vignes, mais de peu d'importance. La caracteristique de la viticulture de la Haute-Savoie sont les cultures en crosses d'Evian que nous allons d6crire. Ces crosses sont constitutes par de grands arbres morts auquels on a laisse toutes leurs branches et qui sont recouverts du sommet jusqu'a la base par les ramifications des vignes qui poussent a leur pied. Ces arbres qui representent d'immensesechalas ramifies ontde 30 a 40 centi- metres de diametre et de 8 a 10 metres de hauteur; ils sont ecorces avec soin dans la fortH puis amenes sur place, redresses et enfonces d'un metre et demi en terre, on en met environ 150 par hectare. G6neralement on place trois ceps au pied de chaque crosse, parfois un seul et quelquefois 4 ou 5. On choisit de preference des plants enracines de deux ou trois ans. Ces vignes sont surtout destinies a la production des vinsblancs et le plant prefere est le Pendant ou Chasselas. Le ou les jeunes plants une fois enterres sont tallies a trois yeux au-dessus du sol (fig. 109). Si les trois bourgeons poussent bien, on conserve de pre- fe"rence, a la premiere taille, le superieur afin de monter la tige plus rapide- ment. On coupe rez souche les sarments inferieurs et on taille le plus eleve sur deux ou trois yeux (fig. 110 et 111). Fig. 109. Fig. 110. Fig. 111. Premieres tailles pour la formation des vignes en crosse. A la troisieme taille, le serment le plus eleve sera encore seul conserve et taille comme les precedents a deux ou trois yeux. S'il est tres vigoureux - 61 — on lui laisse 4 yeux et la souche £ ce moment presente 1'aspect de la fig. 112 ; apresla vegetation elle aura 1'aspect de la fig. 113. A la quatrieme taille (4e annee), on reserve souvent (fig. 113) sur 1'oeil le plus has, un courson a un oeil rarement £ deux. Les rameaux intermediates sont supprimes et le plus eleve taille" encore a trois ou quatre yeux ; mais, si la souche est vigoureuse, on lui laisse de six a huit yeux (fig. 114). Fig. 112. Fig. 113. Troisigme et qaatridme taille. Fig. 1U. A la cinquieme taille, on continue le premier courson a un osil et on en r6- serve un deuxieme £ la base du rameau de 1'annee pr6cedente (fig. 115) ou bien on laisse & la m6me place un bois long. Tous les autres sarments au- dessus sont encore supprimes, & 1'exception du plus haut que i'on taille long et qui est attache a 1'echalas comme le represente la fig. 115. On reserve souvent encore un troisieme courson en dessous de cette nouvelle taille. Apartirde la cinquieme ou sixieme annee, on monte lavigne de Om40 a un metre par an, en laissant des coursons tous les 30 centimetres environ dans le but de fortifier la tige. Quelques vignerons m6me ne la montentquede trois a quatre noeuds par an, il faut alors de 20 a 25 ans au cep pour atteindre le sornmet d'une crosse. La fig. 116 represente, d'apres le Dr Guyot, un cep ainsi conduit. Quelques viticulteurs, cependant, vont plus vite et operent de la fagon sui- vante : ils prennent le sarment le plus fort de la troisieme pousse, et le dressent de suite a Im50 et meme 2 metres, jusqu'a rembranchement de la crosse, en. supprimant tous les autres sarments (fig. 117). Mais on ne conserve que les trois ou quatre yeux du sommet et on eborgne tous les autres; c'est un precede beaucoup plus rapide pour former la souche et obtenir des produits. G6n6ralement les jeunes vignes sont montees lo long de la crosse, mais - 62 - quolquefois on les guide le long d'un echalas voisin en attendant qu'on lesfixe a Farbre. Fig. 115. Fig. 116. Cops & la cinqaidmo taille. Fig. 117. Longue taillapermettant r£l£vntion rapide duce.p Des que la tige de la vigne est a la hauteur de la premiere branche de la crosse, on lui laisse a ce point un courson a deux yeux (fig. 118), on conti- Fig. 118. — Pr«mi&re romifleati a d uno vieno en crosie. — 63 - nue a faire monter la tige par un long bois et 1'annee suivante on conserve un courson de ramification au point de bifurcation. Le role de chaque courson, laisse ainsi, a lanaissance d'une branche, est de donner une ramification de la souche que 1'on etendra par des tallies longues et qui fournira a son tour des coursons partout ou il est necessaire de subdi- viser, et aussi a 1'extremite de chaque bras pour y reproduire successivement le courson a un ceil et la branche terminate. Les branches a fruit sont recour- be"esen archet et attachees a la crosse, comme le montre la fig. 119, repre~sen- tant une crosse en voie de developpement. Fig. 119. Crosse en formation. On comprend quelle puissance de vegetation atteignent ces souches et on se figure la quantite 6norme de raisins qu'elles peuvent produire, Les souches basses d'Evian n'offrent rien de particulier, sinon le contraste le plus Evident avec les vignes en crosse. Elles sont planters a 75 centimetres et munies chacune d'un Schalas. A la taille de premiere annee, on conserve de preference le sarmentsup6rieur quand il a v6get<§ pour former latete de la souche a 15 ou 20 centimetres du sol. En mars, on coupe le sarment superieur a un oeil et on supprime 1'autre. Tous les sarments sortis de la te"te sont taill6s pendant 3 ou 4 ans a un ceil seulement (fig. 120 A); on obtient ainsi une.couronne sur laquelle serontassis Sou 4 bras que Ton taillera a un oeil (iig. 120 B). Plustard, les coursons de chaque bras seront tallies & deux yeux (fig. 120 C). Au mois de mai on ebourgeonne ; a la fleur, fin juin et fin juillet, on releve et on attache les pampres a 1'echalas, en aout ou pratique un rognage. Le remplacement des ceps se fait par provignage ; mais ici, g6neralement, — 64 — on enfouit completement line souche qui donne un sarment & sa meme place et un autre ik la place du manquant. On mainticnt 1'alignement dans les plan- tations. A B c Fg. 120. — Tallies successives des souches basses. La culture des vignes basses est pour ainsi dire divise"e en deux camps Tun s'est inspire des mSthodes savoisiennes et 1'autre des methodes suisses. Sur la limite existe la confusion qui fait place a des methodes franchement dominantes, a mesure que Ton se rapproche davantage de 1'un de ces pays. Ge n'est point la un fait exceptionnel, car nous avons vu et nous verrons dans la suite de ce travail, maintes regions, surtout celles ou la vigne ne joue pas le grand r61e dans la production agricole, epouser ou copier avec quelques variantes les systemes de culture^des pays voisins qui presentent des types pour la viticulture. Sur les frontieres de la Suisse, les deToncements se pratlquent comme dans ce pays; les vignes sont alignees & Om80 en tous sens et chacune d'elles est munie d'un echalas. Les tallies en vert, les fac,ons et les fumures se font soigneusement. Enfin le cepage principal est celui du canton de Vaud. le Pendant ou Chasselas. Du c6te de la Savoie, au contraire, on ne defonce pas profondement ; les vignes sont p6le-mele, quelquefois sans echalas ; les operations en vert ne s'y pratiquent pasd'une fagon aussi rigoureuse et les plants savoisiens dominent. DEPARTEMENT DE L?AIN La viticulture, dans ce departement, n'offre pas de traits caract6ristiques qui lui appartiennent en propre. Ses methodes de culture sont emprimtees un peu a tous les vignobles environnants. Suivant les milieux que Ton con- sidere, on retrouve les procedSs ainsi que les cepages du Jura, du Maconnais, duBeaujolais oudu Lyonnais ; Gex et Nantua ont copie la Haute-Savoie ; le Bugey avec ses vignes en foule sur lescoteaux et ses treillages danslaplaine, presente, en tout points, les cultures de I'lsere et de la Savoie. Ge sont ces derniers traits les mieux caracterises qui permeltent de rattacher ce vignoble au groupe viticole de TEst. Sauf les Dombes et la Bresse, le climat et surtout le sol de ce departement, conviennent a la vigne ; les gelees de printemps font parfois du mal, mais, malgre cela, les recoltes se tiennent dans une bonne moyenne. L'arrondissement de Belley, qui est le centre vignoble le plus important, comprend les 3 systemes de culture que nous avons etudies dans I'lsere : 1° des vignes basses avec ou sans echalas, a 2 ou 3 bras irre~guliers tallies a 2 yeux francs; 2° des vignes en treillages dont les lignes distantes de 10 a 12 - 65 - metres comprennent entre elles les cultures intercalaires les plus variees ; 3° des vignes en treillons qui sont de bas treillages representant les lisses de 1'Isere. Le palissage et la conduite de ces vignes sont £ peu pres identiques & cellesdes grands treillages, avec cette difference, cependant, que les rangees sont rapprochees a 1 met. 50 environ et sans intervalle de culture. Ges treillons, formes de deux traverses paralleles, sont soutenus par des piquets distants de 1 met. a 1 met. 50 environ. Les ceps portent 3 et 4 longs bois avec des coursons de remplacement & deux et trois yeux. Les longs bois sont courb£s par dessus la perche superieure et attaches par leur extremite a la perche inferieure. C'est la une pratique que nous avons dej£ rencontree dans le vignoble du Jurangon. Les treilles occupent gen6ralement les plaines, bien qu'aux environs immediats de Belley Ton rencontre des treillons sur les coteaux oii se trouvent generalement les vignes basses. Dans le Bas-Bugey, les vignes sont encore dressees sur deux ou trois bras portant chacun un ou deux crochets tallies £ un ou deux yeux francs. L'an- cienne habitude est de planter, comme dans le Haut-Bugey, en fosses de 4 metres de distance ; c'est vers la troisieme ann<§e seulement que Ton garnit la vigne par provinage en etablissant des ceps a chaque metre environ. Ici, chaque cep est muni d'un grand echalas auquel on attache, a deux et trois reprises differentes, les pampres de 1'annee. Nous citerons encore, a titre de comparaison, les vignes en perchettes du Revermont. Dans ce vignoble, on cultive aussi la vigne basse sans echalas en laissant a chaque souche un courson de remplacement a 2 yeux et un long bois de 8 a 10 yeux que Ton courbe en archet et dont I'extremitS est piquee en terre. Les vignes en perchettes sont etablies comme dans le Medoc, sur une tra- verse fixee horizontalement £ 0,30 ou 0,40 cent, de terre. Les ceps sont £ 0,80 ou 1 met de distance dans la ligne, et portent, comme les vignes basses, un courson a 2 yeux et un long bois de 0,50 a 1 met. attach^ a la perche. Les vignes ainsi conduites sont tr&s fertiles. DEPARTEMENTS DU JURA ET DU DOUBS Le departement du Jura est relativement peu important au point de vue vi- ticole, en tant que surface occup6e, bien que la vigne y pousse bien partout oii elle existe et qu'elle y donne des produits tres varies. Sa taille et sa con- duite offrent des traits remarquables et caracteristiques que nous allons signaler. Les ceps sont a 0,80 ou 1 met. de distance, et vers 3, 4 ou 5 ans, lorsqu'ils sont assez hauts et assez forts, on etablit des courgees, qui sont des longs bois, au nombre de 1, 2 ou 3 par cep suivant leur age et leur vigueur. Nousrepresentons, dans la fig. 121, une souche ainsi conduite avec deux courgees. Le tronc se bifurque en deux bras terminus chacun parun long bois de 10 a 15 yeux. Chaque cep est muni de deux 6chalas qui servent & fixer chacune des courgees que Ton replie en archet ; leur extremit6 inferieure est attachee a 0,25 ou 0,30 centimetres du sol. Quelquefois les souches n'ont qu'une courgee. Dans les plaines et les milieux has et humides, les courgees sont mainte- nuesplus hautes quo sur les coteaux et les'lieux Sieves, ou Ton a moins a redouter Faction de 1'humidite ou du froid. A mesure que les souches pren- nent de 1'age et de la vigueur, on augmente lenombre de bras et de courgees. Fig. 121 — Taille A courg<§es da Jura. Chaque annee la courgee est supprimSe a 2, 3 et qaelquefois 4 yeux a partir de sa base et c'est ainsi le 2me, le 3mc ou le 4me sarment qui formera la nouvelle branche, et c'est le seul que Ton conserve, tous les autres sont abattus arez bois. Pour avoir de beaux sarments de remplacement, apres lafleur, on rogne les derniers bourgeons de la courgee a 2 ou 3 feuilles au-dessus du raisin, on emp^che ainsi la seve de se porter en pure perte sur les rameaux de 1'extre- mite. Cotte taille presente pour cette region de pr^cieux avantages: d'abord elle assure la fertility de plants qui produiraient beaucoup moins a la taille courte, puis elle permet d'eviter en partie les effets de la gelee. Mais, a c6te" de cela, elle a rinconvenient d'allonger les bras de la souche tres rapidement. En effet, la m<§thode qui consiste a prendre, comme bois de remplacement, le 2me, 3me ou 4me sarment de la courg6e precedente, accumule forcement chaque ann6e plusieurs centimetres de vieux bois sur chaque bras, et auboutd'une periode assez courte, on a des souches d'une grande etendue. Quand la chose est necessaire et qu'on le peut, on conserve sur les bras un sarment sorti du vieux bois. On taille ce sarment, destine a former le nouveau bras, pendant un an ou deux et, des qu'il est assez fort pour donner la courgee, on supprime immediatement au dela tout 1'ancien bois. La souche est ainsi renouvelee. On voit dans la fig. 122 une vieille souche portant sur ses bras deux jeunes sarments qui permettront de les raccourcir. Quand la souche est trop vieiile, contournee et couverte de cicatrices, on prepare son ravallement. Pour cela, lorsqu'il sort sur letronc un gourmand, on le conserve et on le taille pendant un an ou deux, et, des qu'il est assez vigoureux, on coupe au- dessus la souche entiere que Ton forme avec du nouveau bois (fig. 122). Un moyen simple pour eviter cet allongement excessif des bras serait de conserver, a la base de chaque courgee, un courson a 2 yeux, par exemple, — 67 — qui donnerait deux vigoureux sarments, bien propres a fournir Fannee sui- vante et la nouvelle courgee et le nouveau courson. Fig. 12-. — Vioille souche pr6par6e pour le ravallcmont. Dans le Jura, tous les plants ne sont pas conduits d'apres le systeme que nous venons de decrire, et ceux qui produisent a la taille courte sont conduits a cornes et a coursons. L'ebourgeonnement et le pingage sont pratiques partout avec soin. Dans le departement du Doubs, qui comprend un petit vignoble, on apporte un grand soin a la vigne. C'est par provignage que se fait son entretien. Le Pinot, le Pulsart, qui demandent de Texpansion, portent generalement un long bois de 8 a 15 yeux, ainsi qu'un courson de renouvelleme^t a 2 yeux. A Besangon, les vignes sont conduites suivant plusieurs modes. Le plus souvent elles sont isolees, munies chacune d'un echalas a demeure , parfois, une traverse horizontale relie les echalas a Om60 de terre; dans ce cas, les vignes sont dites en perches. Quelquefois aussi, les echalas d'une ligne sont relies par leur sommet aux echalas de la ligne voisine etuneperche reunit les sommets entre eux, alors elles sont dites en chevalet. Suivant le mode d'echalassage, qui ne change rien au principe de la taille, on donne a la courgee differentes positions. Quand les ceps sont isoies, elle est attachee droite le long de Techalas ; quand ils sont en perche ou en chevalet, elle est attach<§e obliquement ; quelquefois aussi elle est reployee en demi cercle. Comme dans le Jura le plus souvent, au lieu de garder un courson de rem- placement, la nouvelle courgee est prise sur celle de 1'annee precedente; mais aussi la souche s'eleve-t-elle tres rapidement, ce qui explique les modes de palissage employes. On trouve aussi dans le Doubs des vignes conduites en souches basses a deux ou trois cornes et a coursons a deux yeux francs. En resume, le vignoble de 1'Est presente des caracteres nettement tranches par sa topographic, sa climature et ses methodes culturales. Chacun des de- partements que nous avons examines offre les sols et les climats les plus op- pose's suivant les situations et les expositions. - 68 — De telles conditions ont n^cessairement conduit a adopter pour chaque point des cepages speciaux repondant aux exigences du milieu et des sys- temes de culture offrant des garanties possibles. Dans cette vaste region on trouve les trois systemes de conduite de la vigne: en souches basses, en souches moyennes, lisses et treillons, et en souches hautes, treillages et hautains. L'Isere et la Savoie renferment tous les types de ces cultures. Ces differents modes ne sontpas disposers au hasard,mais occupent griieralement des situa- tions identiques. En effet, Faire de la culture de la vigne dans cette vaste region peut dtre comparee a un immense amphitheatre dont les parties superieures seraient occupees par les souches basses; les parties moyennes, par les lisses oupe- tits treillages; enfin lepied desgradins, ou les bases des montagnes et des plaines, par les grands treillages a vegetation luxuriante. D'une fagon generale on pourrait dire que la hauteur des souches est en rai- son inverse de 1'altitude des lieux. Nous avcns montre prccedemment, en nous reppsant sur des donnees ra- tionnelles, qu'il serait avantageux a tous points de vue de diminuer la hau- teur des treillages pour ne faire que des lisses plus ou moins elevees, suivant les cas, mais toujours a la portee de la main, sans que les chances de securite pour la vigne ne soient en rien diminuees. G'est done d'apres ce systeme, beaucoup plus simple et plus 6conomique, qu'il sera preferable d'etablir la reconstitution dans tous les milieux ou les ceps doivent atteindre une cer- taine hauteur. Dans toute la region, les plantations se font soit sur defoncement general, soit sur defoncement partiel, en fosses. Le provignage est partout pratique parfois pour completer les plantations, toujours pour Tentretien, aussi, excepte quelques points, les vignes sont pe~le-me~le sans aucun alignement. Les souches basses sont 6chalass<5es et les vignes a grande extension sont paliss6es avec luxe et le plus grand soin dans 1'Isere, la Savoie et le Bugey. On a vu que les crosses d'Evian etaient Tobjet d'un travail complique ; quant a la culture sur arbres vivants, qui constituent a prpprement parler les hau- tains, elle tend a disparaitre partout ou elle est encore pratiquee. Les vignes a grand developpernent portent en grand nombre des longs hois de 60 centimetres a un metre et plus avec ou sans courson de retour. Les vignes basses sont taillees a coursons a un ou deux yeux francs. Ce n'est pas indifferemment que Ton pratique 1'une ou 1'autre de ces tallies, car on sait distinguer parmi les nombreux cepages cultiv6s ceux qui demandent la taille longue ou la taille courte. - 69 - La taille dans les vignobles & provignage perpetuel (ERMITAGE — BOURGOGNE — CHAMPAGNE) Ce litre g6n6ral que nous adoptons pour designer ce chapitre nous permet de grouper, ensuivant la classification de M. Foex, les vignobles de laBour- gogne, de la Champagne et de FErmitage, en plagant en Evidence le caractere commun le plus saillant, au moins au point de vue qui nous interesse. La Cdte-d'Or et la Champagne offrent en effet des procedes culturaux et un ensemble de conditions a peu pres analogues; le vignoble de 1'Ermitage, quoique meridional par sa situation, presente avec elles de grandes ressem- blances. A part 1'usage constant du provignage comme pratique culturale, ce groupe peut 6tre caract6rise encore d'une fac.on generale par la culture en coteaux des cepages fins, le nombre considerable de ceps dans les plantations et la taille pratiquee sur une tige unique. Dans la phase nouvelle que traverse la viticulture, la question de reconsti- tution est evidemment la plus grave que Ton ait a resoudre. A ce point de vue encore, ce titre embrasse des regions qui se presentent dans des condi- tions absolument identiqueset exigent, en tant que culture, la m6me solution. VIGNOBLE DE I/ERMITAGE Le vignoble' de 1'Ermitage, d'une faible etendue, ost compris dans Le depar- tement de la Dr6me ; il donne des vins dignes de figurer parmi les premiers crus de France. C'est grace a son sol, a son climat et surtout a son cepage special, la petite Syrah, que ce vignoble a acquis sa grande et legitime repu- tation. 11 est caracterise par les defoncements profonds que Fon y pratique et qui atteignent et depassent souvent 1 metre. Pour les plantations quise font tres rarement, on pratique, a Faide d'un pal de fer, un trou de Om80 a 1 metre de profondeur, ou Fon enfonce une bouture de Om70 a Om80. On tasse tout autour du terreau ou du sable et on laisse sortir deux yeux au-dessus de terre. Ce mode de plantation, d'ailleurs irrationnel, ne donne les premieres annees que des vignes tres irregulieres, par suite d'un grand nombre de manquants. Les plants qui reprennent poussent tres faiblement et ce n'est que la quatrieme ou cinquieme ann6o que Fon obtient des sarments assez longs pour 6tre pro- Le provignage est ici une operation essentielle. II se pratique d'une fagon speciale. Leprovin est creuse a Om70 de Om75 de profondeur et la souche que Fon y couche est ainsi a peu pres completement d6racinee. De 1& Ian6cessite vicieuse de planter les boutures profondement. La fig. 123 re presente Foperation. La souche est abattue au fond de la fosse et on releve de chaque cdt6 les sarments qu'on lui a conserves en leur lais- sant 3 ou 4 yeux au-dessus de terre. La fosse est ensuite remplie aux deux - ro - tiers en ayant soin d'interposer entre deux terres environ 20 kil. de fumier par provin. La petite Syrah demande, pour donner suffisamment, une taille longue, et cette premiere annee de provignage, par lalongueur des sarments provignes, repond parfaitement a cette necessite : aussi les bourgeons que Ton reserve exterieurement sont-ils tres fructiferes. La seconde annee etles annees sui- Fig. 123 Fig. 124 vanteson ne laisseplus qu'un sarment ou argon de trois yeux francs (fig. 124). Quelquefois on reserve le plus bas possible un courson, au-dessus duquel on ravalle la souche quand elle est trop elevee. Les souches sont munies d'6cha- las contre lesquels on releve et on attache les rameaux de 1'annee. On ebour- geonne et on effeuille quand la chose est necessaire. En somme cette taille de la Syrah, al'Ermitage, presente d'etroits rapports, comme on verra, avec celle qui est appliquee au Pinot, en Bourgogne et en Champagne; la diffe- rence consiste seulement & choisir le plus souvent pour argon le sarment le plus bas, au lieu de conserver pour cet objet le sarment superieur, comme on le fait dans ces contrees; on evite ainsi rallongement trop rapide de la souche. Cette taille subit parfois de petites variantes. Cest ainsi qu'on \aisse quel- quefoisun sarment de4 yeux et au-dessous un courson de ^emplacement de 2 yeux, qui donne Tann6e suivante la nouvelle branche a fruit et le nouveau courson (fig. 125). De cette fagon la souche ne s'eleve que tres lentement. En suivant la methode ordinaire, malgre les precautions, le cep s'eleve rapidement, et au bout de peu d'annees il faut le rabattre ou provigner. Les figures 126 et 127 montrent la difference des resultats que Ton obtient par ces deux systemes de taille. On concoit ais6ment qu'en conservant comme nouvelle branche a fruit le deuxicme ou troisieme sarment de la fig. 126, la souche aura bien vite atteint le sommet de 1'echalas, tandis que la souche de la fig. 127, rabattue chaque annee sur le courson, ne s'61evera que tres lentement. — 71 — Le provignage sort & computer les plantations, mais on le pratique en outre chaque annee dans la proportion de 800 fosses par hectare pour remplacer les pieds les moins vigoureux. Fig. 125 Fig. 126 Fig. 127 Les precedes culturaux usites a I'Ermitage off rent, comme onle verra,une grande ressemblance avec ceux de la Bourgogne : les ceps sont formes d'une seule tige portant un seul sarment et le provignage s'opere par couchage de la souche. Ce vignoble etant au sud de ceux qui, par analogic, peuvent 6tre rattaches a ce groupe viticole, il presente avec eux, dans les precedes de culture, quel- ques differences dues aux conditions climateriques et dont la principale con- siste en la plus grande profondeur des defoncements et provins. VIGNOBLE DE LA HAUTE ET BASSE- BOURGOGNE Le fond du vignoble de la C6te-d'Or est forme par deux cepages et leurs sous-races : le Pinot et le Gamai. Le Pinot est I'Slement de qualite et se trouve exclusivement dans les grands crus ; le Gamai, au contraire, fournit la quantite. Ges deux cepages ont donne lieu a deux modes de culture differents que nous aliens etudier separ6ment. Le climat de la C6te-d'Or convient a la vigne, mais elie y redoute les gelees du printemps, lacoulure et aussi la gr61e ; c'est d'ailleurs ce qui s'observe sous la meme latitude dans la plupart des contrees voisines des montagnes. La C6te-d'Or doit la reputation de ses grands vins au choix et a I'unit6 de son cepage, le Pinot, qui trouve la les conditions qui permettent le develop- pement parfait de toutes ses qualites. On peut dire qu'en Bourgogne, les Pinots sont eternises sur le m^me sol par les provignages annuels. Gette operation, bien connuo des vignerons, — 72 - consiste a coucher completement dans des fosses, pratiquees en des points determines, les souches les plus vigoureuses et les plus fertiles, que Ton a soin de marquer de preference avant la vendange pour en faire deux et trois ceps nouveaux par autant de sarments qu'on a laisse sur la souche enterree. On laisse sortir au-dessus de terre les extremites de ces sarments, que Ton taille a deux, trois yeux, suivant la vigueur. On fait de 400 a 700 fosses par hectare. On rajeunit ainsi la vignepar quinzieme en moyenne; les ceps environ- nants sont engraiss6s par une partie de la terre sortie des fosses, qu'on fume et qu'on remplit completement la seconde annee. Ce provignage constant a eupour grand merite de conserver eternellement sur les monies terrains le cepage par excellence de la Bourgogne ; mais il a aussi pour consequence d'entrainer £ des depenses superieures a celles ne- cessitees par un arrachage complet et une replantation operee tous les 40 ou 60 ans. Le provin coute environ 10 centimes par quatre saillies oupointes, c'est-a- dire & peu pres 200 fr . par hectare et par an. Mais, d'une fac,on g6n6rale, rien ne donne a supposer que le vin obtenu de la vigne franc pied ne serait pas aussi bon que le vin obtenu de la vigne pro- vignee. A ce sujet, il est m6me des considerations qu'il ne sera pas superflu de rappeler a une epoque ou le phylloxera est venu jeter le trouble dans nos anciennes methodes culturales, considerations que le Dr Guyot a signalees dans ses magnifiques Etudes des vignobles de France. D'abord on peut etablir que dans la plupart des cas, sinon to uj ours, les faits le prouvent en maints endroits, qu'un cep a deux et trois membres au lieu d'un seul et tallies de la me"me fagon que le membre unique donne une qualit6 de vin parfaite- inent identique. II serait d'ailleurs facile et utile de s'en assurer dans les grands crus. D'autre part, on admet g6neralement que lesproduits des pro vins, nota- bles la premiere annee et abondants la seconde, sont des produits inferieurs. Done, la vendange ou entre le produit des provins d'un an et de deux ans est de qualite inferieure a celle qui resulterait de francs pieds a partir d'un cer- tain age. On a done la une cause d'abaissemcnt dans la qualite, cause qui n'existe pas dans le franc pied. Ces quelques considerations permettent d'envisager 1'avenir avec plus de surete, et les vignerons bourguignons n'ont nullement a redouter, pour la re- putation de leurs vins, les consequences des modifications qu'ils pourraient 6tre amenes a introduire dans leur systeme de culture par suite de la recons- titution de leur vignoble. Les vignes de la C6te-d'Or sont done entretenues par le provignage et les plantations sont tres rares. Quand on en fait, on plante en fosses transversaux a la pente de 0,35 de profondeur en plants enracines ou en chapons coudes. Les fosses sont a 1 m. 60 de distance pour dgle g6nerale. La fig. 146 represente une ^ieille souche de Joigny, Dans le Tonnerrois, la vigne est plantee en bouturees que Ton glisse dans une fente pratiquee obliquement et simplement avec une pioche. On a 'ainsi — 79 — beaucoup de manquants a la premiere reprise et des sujets tres faibles les pre- mieres annees. Fig. 144. Vigne taillee a 3 ans. Fig. 145. Vigne taill<§e a 5 ans. Fig. 146. Vieille souche a Joigny. Fig. 147. Fig. 148. On ne laisse, jusqu'a 3 ans, qu'un sarment a 2 ou 3 yeux et un courson & un oeilsur chaque souche (fig. 147). La 5e annee, on laisse 2 ou 3 yeux au cour- son destine a former un 2e membre Tann6e sui- vante (fig. 148) ; on laisse alors un nouveau cour- son qui donnera a son tour un 3e membre ; on en etablit ainsi 3 ou 4 en ayant soin de reserver des coursons de retour pour les rabattre lorsqu'ils sont trop longs. Chaque membre qui ne porte qu'un seul courson a 2 ou 3 yeux regoit un echalas. La region que nous venons d'etudier et qui comprend la Gdte-d'Or, 1'Yonne, la Haute et la Basse-Bourgogne, est a la fois une de celles que Ton place~au premier rang du vignoble francais et une des mieux caract<5risees par ses.sys- temes de culture. La vigne y est partout cultivee en souches basses, a 1'exception des treil- lons de 1'Aube. Dans une partie de 1'Yonne, les vignes sont en lignes et de ?^*^urr; ^ i-1' "'"^ji" --"^" franc pied ; partout ailleurs elles sont entretenues par le provignage et pres- que partout en foule. La taille courtc a 2 yeux, quelquefois 3, est appliquee au Gamai, qui, a part quelques exceptions, est dress6 & deux coursons sur un m6me membre, tan- dis que dans le Maconnais et le Beaujolais, il est etabli en gobelet a 3 ou 4 bras. Le Pinot, au contraire, est taille a 3 et 4 yeux. En somme, dans la Botirgogne, le but poursuivi, tant par la taille que par les autres operations culturales, semble etrede reduire la vigne aune faible vegetation, afin de favoriser le developpement des qualites des produits. Dans la C6te-d'Or, 1'Aube et 1'Yonne, les vignes fines sont conservees par un provignage perpetuel. * VlGNOBLE DE LA CHAMPAGNE La region qui donne les merveilleux vins de Champagne est comprise dans les arrondissements de Reims et d'Epernay. Dans ce vignoble on ne trouve que les races d'un seul plant, le Pinot. Ici encore on a su faire le choix judicieux des cepages qui pouvaient profiter le mieux du sol et du climat. C'est 1£ un des problemes les plus importants qu'aient a resoudre les viti- culteurs et cependant jusqu'a ce jour, en maints endroits, on n'a pas paru s'en soucier. C'est ainsi qu'a chaque pas on rencontre sous les climats diffi- ciles ou froids, des cepages qui n'amvent jarnais a parfaite maturite, alors que des plants precoces devraient seuls exister.En ce temps de reconstitution, on ne saurait done trop insister sur le choix que Ton doit faire dans chaque region, parmi les nombreuses varietes de cepages, car de la depend evidem- ment la qualite des vins produits. On trouve dans la Champagne des methodes culturales parfaitement 6ta- blies et uniformement suivies. Quand on plante une nouvelle vigne, c'est sur Fig. 150. — Vigne champennoise avant la taille. un sol defonc6 de Om,35 ^ Om,60, le plus souvent par suite de 1'arrachage d'une ancienne vigne . — 81 — La plantation se fait generalement en fosses de 30 a 40 centimetres de pro- fondeur avec des plants enracines de deux ou trois ans ou des marcottes d'un an, au nombre de 16,000 a 20,000 qui, plus tard, donneront par le provignage de 40,000 a 60,000 broches par hectares. Jusqu'ala troisieme ou quatrieme an- nee, les ceps restent en lignes distantes de Om,80 ou 1 metre ; mais a partir de ce moment, on complete la plantation par le provignage. En Champagne, chaque annee, apres le premier bSchage, en mars etavril, on enterre tout ie bois de deux ans, de fagon a ne laisser en dehors que le sar- ment de Fannie. La fig. 150 represente une vigne avec tous ses sarments et ses echalas que Ton enleve en automne. On taille en fevrier ou mars tous les sarments inutiles et on n'en laisse a chaque souche qu'un ou rarement deux. C'est alors qu'on fait la becherie, sorte de culture generale a 15 ou 20 centimetres, qui degage les racines poussSes sur le bois de deux ans et permet de coucher ce bois dans la jauge ouverte comme le represente la fig. 151. Fig. 151. — Bachage des vignes. C'est apres le couchage que Ton taille les raineaux sortant de terre a trois yeux francs pour les cepages noirs et a quatre yeux pour les cepages blancs. Ces rameaux sont choisis parmi les plus forts et les plus haut places sur les souches. C'est a ce moment que Ton place les echalas. La multiplication des ceps se fait en Champagne par 6cart et avance; c'est ce que Ton appelle assizeler. On laisse aux ceps que Ton veut avancer ou ecarter deux sarments a la taille precedente. Pour ecarter, on choisira sur chacune des deux broches le sar- ment le mieux dispos6, et au moment du bdchage, on ecarte ces sarments en en fixant un a 1'aide d'un crochet a la place voulue pendant que Ton enterre Tautre. La fig. 152 indique cette operation. Pour avancer, on conserve sur une. des broches le sarment le plus has que Ton couche dans 1'alignement transversal des ceps; sur 1'autre broche, au contraire, on conserve le sarment le plus 61ev6 que Ton enterre jusqu'au rang sup6rieur, point ou on le fait sortir pour le tailler. Par ces 6cartements et ces avancements successifs, tout alignement est rompu etla vigne compte de 40,000 a 60,000 ceps a 30 ou 50 centimetres envi- ron les uns des autres. Le plus souvent, on ne laisse qu'une broche a chaque souche souterraine; quand elle est forte, cependant, on lui en laisse deux. Chaque souche a ainsi sous terre un d6reloppement considerable; formee de longues tiges portant de nombreux faisceaux de racines peu developpees, mais vivant a la surface I -^ - ^_r S*Z -% -• ^^•'--^ •* : ~r^ -^ -. "^ -'-1* b^~^— ~V^^^T---rd^l- if >| --Vf . Fig. 152. — Assizelage des vignes en Champagne. et par consequent tres accessible a Fechauffement, elle puise sa principale vi- gueur des racines meres ; d'autrc part, les rameaux fructiferes 6tant tres pres du sol, les raisins sont parfaitement exposes a Faction de la chaleur rayonn6e et refle'chie. Dans ce provignage annuel, on n'enterre le vieux bois que tres peu profon- d£ment, de fac,on a ce quo tout Ip bois de la broche a trois yeux destine a donnerles rameaux de Fannee soit hors de terre. Quelquefois, cependant, dans le but de parer dans la mesure du possible aux d6gats que peuvent causer les arelees printanieres, on laisse a la bran- che un ceil de plus qui est enterre et que Ton sort dans le cas ou les bourgeons ext6rieurs sont d6truits. C'est aussi par le provignage que Ton remplit les vides quand ils viennent a se produire. Pour cela, on reserve au b^chage, pres de Tendroit a garnir, une forte souche a laquelle on laisse autant de sarments qu'il en faut pour remplir le vide. Au mois d'avril ou mai> on enterre la souche et on'releve les sarments aux points voulus. Dans quelques communes de Farrondissement de Reims, on plante r6gu- lierement a Om,40 sur des lignes distantes de Om,60. Les vignes restent de franc pied et Valignement est conserve ; Fentretien se fait par plants rapporte~s et chaque cep est muni d'un 6chalas. On distingue les vignes basses taillees a deux coursons a deux uu trois yeux et les vignes hautes qui portent un coursona deux yeux et une verge de dix a quinze yeux. Fig. 153 Taille particultere pra- tiqueeenquelques points de I'arrondissement de Reims. La fig. 153 indique une de ces souches dontla verge recourbee est fixee a 1'echalas. Le plus souvent on conserve en outre sur le cep un courson a un ceil au- dessus duquel on rabat la souche lorsqu'elle est trop haute. Comme partout les vignes sont relevees et ro- gnees. Toute cette vaste region viticole est, comme on voit caracterisee par 1'usage habituel et constant du provi- gnage comme procede cultural. Mais, a premiere vue, cette pratique du provignage, telle que nous venons de la faire connaitre, ne semble- t-elle pas incompatible avec celle du greffage de nos cepages sur pied americain ? L'experience a demontre qu'il n'en etait rien et que des souches greffees et pro- vignees depuis plusieurs annees conservaient, jusqu'a present, une resistance suffisante a la condition que reparation n'ait lieu que deux ans au moinsapres le greffage. M. Foe"x, mon savant maitre, directeur de 1'Ecole de Montpellier, poursuit, depuis 1877, ces tres interessantes recherches. Des essais de provignage de vignes de Champagne greffees sur Taylor se sont maintenues en bon etat depuis cette epoque jusqu'a ce jour. Dans une lettre adressee au Journal de Vagriculture (le 14 fSvrier 1891), M. Foex dit, en parlant de ces vignes : «Jusqu'ici, effectivement, les racines primordiales americaines les ont bien nourries et leur ont assure une belle vegetation». L'experience semble done confirmer cette opinion que les racines primordiales jouent dans la vie de la plante le rdle principal et que la des- truction des racines franchises des provins ne peut avoir sur la vigne qu'une influence secondaire. C'est la un fait d'une importance d'autant plus grande qu'il est permis d'esperer que ce probleme, si ardu, de la recherche des porte- greffes pour les terrains crayeux, aura bientdt une solution satisfaisante. Des experiences que poursuit M. Ravaz au Comite de viticulture dans les terrains crayeux de la Champagne de Cognac, il resulte, en effet, que si le Berlandieri, quand il est greffe et que les circonstances sont tout a fait defa- vorables, jaunit parfoia, les greffes sur les hybrides de CabernetXBerlandieri Nos 333 (Tisserand) et 329 de 1'Ecole de Montpellier ne se chlorosent pas jus- qu'a present, meme dans les plus mauvais sols de Cognac. On est done cndroit de compter sur des precedes certains pour la reconsti- tution des vignobles dont le sol a etc jusqu'ici refractaire a la vegetation des vignes americaines. D'ailleurs, nous 1'avons discute precedemment en nous reposant sur nos connaissances actuelles,les viticulteurs n'ontpas a craindre les consequences des modifications qu'ils pourraient faire subir a leur systeme de culture, par suite de la reconstitution sur pieds americains. La taille dans le vignoble du Nord-Est Dans cette region, placeea 1' extreme limite de la culture de la vigne, nous comprendrons les interessants vignobles des ancienne^ provinces d' Alsace et de Lorraine. LA TAILLE EN ALSACE Les departements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, qui constituaient 1'an- cienne province franchise, produisent des vins, surtout en blanc, qui posse- dent de reelles qualites. Le climat de 1'ancien departement du Haut-Rhin, comme celui du Bas-Rhin, est tres favorable a la vigne, a 1'exception de quelques points moins privile- gies; ainsi les gelees blanches ne s'y font presque pas sentir. La vigne y est dressee et taillee suivant une methode originale que le Dr Guyot a justement denommee culture en quenouille a cause de son aspect' La fig. 154 represente une souche ainsi conduite. Au pied de chaque cep est plante a demeure un fort echalas de 2m50 a 3 metres de haut. Autrefois surtout on plantait dans le m6me trou, les uns a cdte des autres, 2 ou 3 ceps ; aujourd'hui on n'en met qu'un le plus souvent ; ce ou ces plants donnent trois troncs que Ton eleve en moyenne de Om60 a 1 metre et que Ton attache a Techalas. L'extremite de ces membres est ployee horizontalement en de- hors et chacun d'eux porte un long bois de Om75 a un metre que Ton recourbe et dont on attache la pointe au tronc a Om 20 du sol. Ces longs bois doivent pourvoir & la production du bois et a la production du fruit. Les rameaux de la partie moyenne et inferieure ne devant produire que des fruits, on les pince en j uin et j uillet ; au con- traire, les bourgeons de la base etant surtout des- tines a fournir les bois de remplacement sont atta- ches le long de 1'echalas. Vigne engquenouilie II est a la fois rationnel et avantageux de ne mettre qu'un plant par echalas et de prendre sur le tronc les trois membres destines a former la quenouille. Dans certaines localites on ne laisse de longs bois que sur deux membres et letroisieme, a tour de rdle, est taille a cou^son ; dans d'autres, au contraire, on laisse jusqu'a deux courbes par bras. L'abaissement horizontal de la t6te des membres est une bonne pratique, quelquefois delaissee, qui evite Tallongement des bras de la souche. Le cep s'etendra simplemont en largeur, ce qui facilitera Taeration et par suite la maturite, §j Ton a soin, 1'annee suivante, de tailler le premier garment sorti - 85 - a la base sur un ou deux yeux, qui donneront de vigoureux rameaux, on pourra ensuite raccourcir 1'epaule. De cette fagon on evite 1'allongement exager6 des membres et on a des souches regulieres. Dans la plaine, ou les gelees de printemps sont plus & craindre, la tete des souches est etablie & Om90 ou 1 metre ; sur les hauteurs on la tient £ Om60 environ. Autrefois la vigne se garnissait par provignage ; aujourd'hui on plante en plein. La premiere taille se fait & deux ou trois yeux, la seconde a Om30 et la quatrieme a Cm80 ; la quatrieme annee, souvent lacinquieme, on laisse la courbe. Les tallies en vert se font avec soin. On ebourgeonne avant lafleur; en juin on releve et on attache, puis on rogne les rameaux a fruit le long des courbes £ deux ou quatre feuilles au-dessus du dernier raisin. Les vignes restent generalement de franc pied et on les remplace qnand elles sont 6pui- sees. Outre les vignes en quenouille, on trouve a Thann des vignes dites en tra- verses. Gette methode consisto a attachor ade petits echalas, places a 1 metre les uns des autres, des traverses- horizontales aOm50 dusol. La fig. 155 represente cette disposition. Fig. 155. — Vigne en traverse a Thann Au pied de chaque echalas sont .deux ceps qui montent presque & la perche ou ils sont fixes. Chaque cep porte unlongbois dont rextr6mite est attachee a la perche et un courson derenouvellementpres duquel onraccourcit les mem- bres lorsqu'ils sont trop allonges. Ces vignes prodtiisent moins que les vignes en quenouilles, mais donnent nn vin superieur, parce que les raisins sont pres de terre et ont une maturite egale et plus complete. Dans le Bas-Rhin, sauf quelques details, la culture de la vigne est lameme en principe que celle du Haut-Rhin. D'une fagon generale, la vigne en que- nouille caracterise la viticulture de Tancienne Alsace. A partir de Vissembourgcependant, on trouve un systeme de conduite par- ticulier, la culture en kammerbau de la Baviere. Cette methode est incom- mode et dispendieuse : nous allons la decrire pour en faire connaitre 1'ori- ginalite. Le kammerbau, qui est une chambre a vigne, consiste en une seric de chassis, portes par des pieux, surlesqueis la souclie doit s'etaler absolument commesurles tonnelles clejardin, - 86 - La fig. 156 represente ce mode curieux de culture; les pieux depassent le sol de 0,50 a 0,80 et portent des longrines. Les pieux sont a 0,80 dans un sens et & Im50 environ dans 1'autre. On congoit aisement quetoutes les ope- Fig. 156. — Gonduile en kammerbau. rations de culture sont rendues tres difficiles par ce mode de palissage. Le vigneron doit ramper sous les chassis pour cultiver le sol et ne peut pe- netrer dans la vigne que par enjambees. Pendant les deux premieres anne~es, la vigne n'est pastaillee; latroisieme, on la coupe sur terre ; la quatrieme annee, la tige estattachee a la longrine du kammerbau et son extremite est courb6e et fixee horizontalement a cette longrine. L'annee suivante, on etablit deux branches a fruit disposees en espalier et.portant chacune & leur base un courson de- remplacement. Quelquefois, les vignes ont trois bras. Les tallies en vert sont negligees. Dans le mois de septembre, on supprime i'extremit<§ des rameaux que Ton fait consommer en vert aux vaches ou que Ton fait secher pour Thiver. Les ceps sont de 60 cent, a 1 metre de distance et les rangs sont generalement a Im40, groupes par trois, quatre et cinq, en formant des planches s6parees entre elles par un fosse ou un espace libre d'un metre au moins. Dans les intervalles et les carrcs, on cultive de 1'herbe de prairie et d'autres plantes fourrageres, de sorte que la vigne est exploitee presque autant pour la production de fourrage que pour la production du vin. Le principe de cette taille & long bois et coursons de retour est tout £ fait rationnel ; mais les mauvaises pratiques usitees en detruisent tous les bons effets. D'ailleurs, retablissement d'un pareil palissage est tres couteux et d'autre part les fac,ons a donner au sol ou a la vigne sont rendues tr£s difficiles. -.87 - frien ne«erait plus facile quo de stibstituer £ cette methode un systeme de conduite qui, en conservant les quelques avantages du kammerbau, suppri- merait ses nombreux inconvenients. LA TAILLE EN LORRAINE Le vignoble lorrain differe essentiellement par le palissage, la taille et la conduite des vignes de celui d' Alsace. Nous venons de voir, en effet, dans cette derniere contree, que la conduite en quenouille et en kammerbau donne a chaque cep une grande arborescence et que la taille a longs bois et coursons est partout genereuse. En Lorraine , au contraire, les ceps sont tres rapproches , d'apparence chetive et ne portent que de petits bras avec des coursons de deux a quatre yeux. Dans le departement des Vosges on ne rencontre que peu de vignes. Presque partout on plante en fosses distants de Im25 environ ; on met une rangee de plants de chaque c6te du fosse. A la troisieme ou quatrierne arinee on double les rangs deceps en garnissant par provignage Fmtervalle des fosses. La vigne ainsi peuplee a environ 40,000 ceps a Fhectare. Ghaque souche est dress6e a deux bras tres pres de terre portant chacun un courson a deux ou trois yeux (fig. 157). Pour les Pinots cependant, un des bras porte un long bois de cinq a huit yeux, qui quelquefois est replie en couronne (fig. 158). En mai on precede a un s6rieux ebourgeon- nage, qui consiste £ jeter bas tous le bour- geons qui n'ont pas de raisins, al'exception de deux qui sont montes centre T6chalas et destines gen6ralement "k etablir la taille de Tannee suivante ; ceux qui ont des raisins sontpinces £ deux feuilles au-dessus du plus haut fruit. Dans les Vosges, la gelee de printemps est le plus terrible fleau de la vigne; aussiest-on Fis- 157- FiS- en droit de s'etonner que sous un climat aussi Taille de la vlsne dans les Vosges redoutable on ne cherche pis a beneficier des avantages de certaines m6tho- des de conduite, ni a tirer parti des plus grandes garanties que procurent les tallies a long bois. Ghaque bras est ensuite taille comme s'il s'agissait d'un cep isole suivant la methode ordinaire : pour les plants communs, chaque bras porte generale- ment un courson a deux yeux et un a quatre ;pour les plants fins, un courson de renouvellement a 2 yeux et un long bois de 7 a 8 yeux ; quelquefois, le courson n'existe pas. La fig. ISQ'donne Faspect d'une souche en cuveau avec ses longs bois recourbes. Le long de chaque 6chalas on eleve le rameau pris sur Tosil le plus bas des coursons, quelquefois, des courbes ; toutes les operations, on le voit, sont pratiquees sur les vignes en cuveau comme sur les autres vignes. Le departement de la Meurthe jouit d'un climat moins rigoureux que celui des Vosges ; cependant les gelees de printemps y font encore beaucoup de mal. Fig. 159. — Taille en cuveau. Ici encore on suit la methode lorraine qui consiste en I'etablissement d'une petite souche a deux bras, tres pres de terre, portant, pour les plants ordi- naires, chacun un courson a deux ou trols yeux ; pour les]plants fins, 1'un des bras porte un long bois de sept a huit yeux que Ton recourbe en cercle. Comme dans les Vosges, deux des bourgeons les plus bas sont dresses et attaches a 1'echalas ; tous les autres, a 1'exception de ceux portant des fruits, qui sont pinces a une ou deux feuilles au-dessus des raisins, sont supprimes. Les contre-bourgeons sortis apres 1'ebourgeonnage et le pinc.age sont a leur tour jetes bas. Ge sont la les traits caracteristiques de la methode lorraine. Le departement de la Moselle offre encore un des climats les moins favo- rables a la bonne production de la vigne; les gelees printanieres, la cou- lure, une imparfaite maturite, y sont a redouter; neanmoins, il donne des vins d'une finesse et d'une perfection remarquables. Ce vignoble se distingue aussi par la variete et 1'intelligence des cultures qui y sont pratiqu6es. La conduite la plus generate est la memo que celle des Vosges et de la Meurthe, avec cette difference generalement observee que la plantation se fait par trous isoles et que la vigne est garnie de franc pied des le debut, sans avoir recours au provignage : c'est la un avantage. La souche est le plus souvent dressee sur deux bras, pres de terre, portant 1'un un courson de deux yeux, 1'autre un courson de quatre yeux ; pour les cepages fins on laisse a ce dernier de sept a huit yeux et on 1'attache a 1'echalas tout droit, ou bien en le recourbant en cercle. Dans tous les cas le rameau le plus beau est eleve verticalement le long de 1'echalas et constitue le sarment de renouvellement; les tallies en vert se pra- tiquent comme dans les departements precedents. Les vignes sont entretenues par provignage, ce quidetruit toutalignement. - 89 - A cote de cette taille, generalement pratiquee, on trouve, dans la Moselle, d'autres conduites speciales, dont la principale est celle dite en cuveau. Pour Tetablir, on met dans de petites fosses deux plants que Ton laisse pen- dant deux ans sans 6tre tallies. Au commencement de latroisieme annee, on recepe les souches au niveau du sol ; ii sort alors de nombreux sarments. A la taille suivante, on en choisit quatre par souche que Ton coupe sur quatre yeux chacun ; tous les autres sont supprimes ; on coucheles sarments gardes et on les dispose en cercle tout autour des troncs. Chaque rameau ou bras est muni d'un echalas et le cuveau est ainsi constitue par 8 echalas. La lre annee de son etablissement, le cuveau a un diametre de 60 centim. environ, mais il s'agrandit successivement jusqu'£ prendre plus d'un metre de diametre. Dans le departement de la Meuse, les pratiques de la viticulture sont ab- solument les memes que celles que nous venons d'etudier pour les troisdepar- tements precedents . On fait les plantations pleines ou bien par moitie avec 1'intention de lescom- pleter a 3 ou 4 ans par le provignage. Les souches sont encore tres basses et le principe dominant est d'elever le long de 1'echalas un ou deux sarments, de supprimer tous les bourgeons sans fruit et de pincer les autres. Le plus souvent ici on ne conserve qu'un sarment; dans ce cas, il est pris sur le 2° ou 3e bourgeon de la couronne et les ceps s'elevent tres rapidement ; on reserve alors un courson sur le tronc de la souche pour le rabattre lorsqu'il sera trop haut. Quand il y a deux sarments, le plus eleve sert a f aire la couronne et le plus bas le courson de remplacement £ 2 yeux qui donnera le courson et le long bois de Tannee suivante. Ce'dernier systeme donne des ceps a la fois plus vi- goureux et plus fertiles. Dans la Meuse, les vignes sont entretenues par le provignage. Dans cette region de TextrSme Nord, malgre les rigueurs du climat, la vi- gne est encore une culture qui assure de forts revenus. II faut evidemment rapporter ce resultat a 1'adoption de bons principes et de bonnes pratiques viticoles. On y trouve Tassociation de la taille courte et de la taille longue et la distinction parfaite des plants auxquels elles conviennent le mieux respectivement. Les tallies en vert, pratiquSes partout avec soin et en temps voulu, sont une des caracteristiques de la viti- culture de cette region. — 90 — La taille dans le bassin parisien et la region limite de la vig-ne La region qui nous reste a etudier forme en France I'extrSme limite de 1'aire de culture de la vigne. Nous allons voir queis sont les systemes de taille et de conduite adopted sous ce climat extreme, ou Ton trouve encore, dans quel- ques parties, des vignobles d'une certaine importance. Dans la Seine-et-Marne, aux environs de Melun, on cultive la vigne en planches de 3 a 5 rangs et en billons. Lcs ceps, munis de petits echalas, sont dresses & 15 ou 20 centim. de terre sur 2 ou 3 bras portant cha- cun un coursona 2 yeux, quelquefois 3. La figure 160 repre- sente une souche ainsi conduite apres la taille. A Provins, les vignes sont disposees en rangees rappro- Fi jgQ chees et accouplees deux par deux. Les ceps sont a 50 centim. Souche apres la entre les rangs et a 80 centim. dans la vigne. Chaque couple taille aux en- . . , , vironsde Me- es^ separe de son voism par un ados de 1 metre. lun- Le systeme de taille usite rappelle celui du Gatinais et d'Or- leans. On forme sur chaque cep une te"te de saule a 10 ou 15 centim. du sol en rognant pendant les trois premieres annees chaque sarment & un seul ceil. Ensuite on laisse 3 coursons & 2 yeux, ou bien, ce qui se fait generalement, un court a 2ou 3 yeux, un a 4 ou 6, et un troisieme de 80 centim . a 1 metre de long appelee nouee qui reste libre jusqn'apres les gelees de printemps. La figure f61 represente une vigne ainsi taillee. En mai, la nouee est recourbee et le coude est mis en terre ; on laisse sortir verticalement 5 ou 6 yeux. Ces sarments ainsi enterres forment des racings que Ton peut utiliser, mais c'est comme branche a fruit qu'ils jouent le principal r61e. La figure 162 represente une variante decette taille. A Fontainebleau, les vignes sont egalement dressees en tete de saule avec 1, 3 et jusqu'a 4 cornes, comme dans le Gatinais, mais on ne conserve jamais 2ed ongs bois, comme a Provins. Fig. 161. Fig. 162. Conduile de la vigne a Provins. Autre taille a Provins. On ebourgeonne, on rogne et on lie partout avec soin. C'est la que se trouve Fig. 163 Souche tail lee a Coulommiers. - 91 - Thomery, celebre par la culture des raisins de table qui m6rite un examen special et dont nous parlerons plus loin. A Coulommiers, la viticulture est caracterisee par ce fait qu'on laisse £ cha- que cep deux courgees la 3e ou 4e annee ; Tune est enterree pour donner un jeune plant et Fautre est repliee en raquette et attachee a 1'echalas dont est inunie chaque souche. Gette double courgee n'est donnee que quand on a besoin de plants. La fig. 163 represente une souche taill6e a Coulommiers. Dans la Seine-et-Oise, les souches sont generalement tres basses, dressees a cornes et a coursons. La taille est en general trop restreinte et trop courte. A Mantes, les vignes, d'abord plantees a 1 metre, sont garnies par le provignage la troisieme ou quatrieme annee. Les ceps en foule et munis d'echalas sont tailles a cornes et a coursons a deux yeux. Les vignes sont entre- tenues indefiniment par provignage et subissent les ope- rations de tailles en vert. A Etampes, les vignes sont moins Men soignees ; ellos sont rarement munies d'echalas, on lie ensemble les ra- meaux de deux ou trois souches voisines. Les quatre ou cinq premieres annees on taille a un oeil pour former la t6te du cep, ensuite on laisse deux ou trois crochets £ deux yeux, rarement a trois. Les plantations se font a plein et le provignage n'est employe cpie pour le remplacement des manquants. A Corbeil, les vignes, garnies des le dSbut, sont munies d'echalas et dispo- sees en billons. Pour former la te"te, on tailie & un osil les premieres annees ; on laisse ensuite trois ou quatre coursons taill6s a deux yeux. On ebourgeonne en mai, on releve en juin et on rogne en juillet. Aux environs de Rambouillet, on trouve encore des vignes conduites a peu pres de la mSme fa^on ; cependant, a Meudon et a Montmorency, on rencontre parfois, sur quelques eepages, un long bois de 60 a 80 centimetres que Ton pique en terre ou que Ton attache au cep voisin. A Argenteuil, si connu pour la production de ses fruits, on cultive aussi la vigne. Generalement, apres la taille, les ceps sont recouches comme en Cham" pagne. Chaque souche estmunie d'un echalas. Dans le d6partement de la Seine, on trouve aussi quelques vignes ; suivant les eepages, elles sont conduites a cornes et a coursons ou bien a crochets avec un long bois dont I'extremite est piquee en terre ou attachee au cep voisin. La fig. 164 represente une souche avec long bois piquee en terre comme Ton en trouve aux environs de Paris. Dans VEure-et-Loir, la vigne est rabattue „. Fig. 164.— Taille de la vigne dans pendant les premieres annees sur un seul la Seine. sarment a un ou deux yeux . La quatrieme ann6e, si le plant est vigoureux, on lui laisse deux sarments - 92 - tallies a deux yeux chacun. Ges garments sont destines a former les membres les annees suivantes. La fig. 165 repr6sente en trois croquis les tallies successives de 3, 4 et 5 ou 6ans. On voit egalement que les souches sont munies d'echalas plantes obli- quement. A partir de ce moment, plus tot ou plus tard, suivant la vigueur des ceps, lavigne est conduite differemment. Ainsi, a Chartros, des que la vegetation est suffisante, on laisse au cep un Fig. 165. —Tallies successives des premieres annees dans l'Eure-et- Loir. Fig. 166. — Taille d'une souche Stabile a Chartres. crochet etun long bois. L'archet qui est toujours pris au-dessous du courson a six ou huit yeux, on le recourbe et son extremite est enfoncee en terre comme le represente la figure 166. Quand la souche a deux bras, on dispose naturellement le courson sur Tun d'eux et I'archet sur 1'autre . Mais sous ce climat, ou les gelees printa- nieres sont tres a redouter, on dispose sou- vent I'archet d'une fagon differente, afin d'en eviter en partie les funestes effets. On lui donne de douze a quinze yeux au lieu de six ou huit et on le laisse libre jusqu'en mai, epoque a laquelle on 1'enterre vers son milieu. A part sa grande fertilite, ce long bois joue le ro~le des sarments de precaution que nous avons vu conserver dans THe- rault; c'est la un avantage dont on ne saurait trop tirer parti dans les vigno- bles septentrionaux, ou les gelees causent tant de degats. Dans ce pays, il y a lieu de distinguer les vignes en riots et les vignes meres qui presentent, au point de vue des fagonsculturales, des differences notables, mais le cadre que nous nous sommes trace ne nous permet pas d'insister sur ces pratiques originales. Dans le departement de YEure, le climat est tres peu favorable a la v6geta- tion de la vigne qui n'y peut faire esperer que des produits trop incertains; tant par laqualite que par la quantite. Aussi ne trouve-t-on dans ce departe- ment qu'un vignoble tout a fait restreint. Les quelques vignes plantees son- entretenues par le provignage et cultivees suivant des principes analogues a ceux du departement precedent. - 93 - Les plantations se font en fosses & deux metres de distance les uns des au- tres; les plants courbes au fond des fosses sont coupes £ trois yeux au-dessus du sol. La deuxieme annee, si la vegetation le permet, on laisse deux sarments que Ton taille a deux yeux ; a la troisieme ou quatrieme annee, des que les sar- ments sont assez longs, on forme £ 50 centimetres de la ligne de plantation un rang de provins. Les annees suivantes, on continue les provignages et on etablit ainsi trois nouveaux rangs de ceps entre les rangees primitives. Ce n'est qu'a 7 ou 8 ans et meme plus tard que la vigne est complete. Quand les plants sont jeunes, on les conduit £ deux coursons, le plus bas a Fig. 167. — Taille des premieres anne"es dans 1'Eure. Fig. 168. — Taille des vieilles souches dans 1'Eure. deux yeux et I'autre & trois ou quatre comme le montre la fig. 167. Plus tard, quand les ceps sont en pleine vigueur, on ne laisse qu'un courson et on etablit une courgee de dix £ douze yeux que Ton recourbe et que Ton fixe & 1'echalas (fig. 168). Le d6partement de la Sarthe offre un climat beaucoup plus favorable a la vigne ; cependant son vignoble n'occupe qu'une surface peu etendue. Presque partout, la vigne est conduite en souche basse avec un ou deux bras portant chacun un courson a un ou deux yeux francs. Queiquefois, cependant, les ceps portent quatre, cinq et six bras munis d'autant de coursons. Le plus souvent on ne met pas d'echalas et les plantations perp6tuees par le provignage sont en foule. On rencontre aussi, quelquefois, dans les parties basses, des vignes en rangees ou lisses taillees & plusieurs coursons et a verges. II est evident que la viticulture de ce pays aurait tout a gagner de modifier son systeme de taille beaucoup trop reduit et d'adopter des cepages repon- dant aux exigences du climat. Cette derniere observation peut s'appliquer a toute la region que nous venons d'etudier, car a peu prf3 partout on trouve des cepages £ maturite trop tardive et dont les fruits n'atteignent jamais la perfection que possederaient ceux des plants bien appropries. L'abaissament de la qualite des vins de ces contrees est du a 1'adoption de cepages choisis dans des climats plus chauds, alors que Ton devrait toujours — 94 — demander aux pays plus froids les plants qui doivent entrer dans la constitu- tion d'un vignoble. II est probable qu'en empruntant au Nord-Est les bons cepages qu'il pos- sede, on pourrait reculer la limite de la culture de la vigne dansle Nord-Ouest ou tout au moins permettre son extension sur les points ou elle existe dej& en assurant des recoltes lucratives. TABLE DBS MATIERES Considerations generates Page 3 Hauteur et forme que Ton donne aux souches 6 La taille dans le Languedoc 8 Taille des vignes submergees et exposees aux gelees 11 La taille en Provence 12 La taille en Roussillon 14 La taille dans les Charentes 15 La taille dans le Beaujolais et les cotes du Rhone 20 La taille dans le vignoble Girondin '. 22 La taille dans le vignoble Pyreneen 25 La taille dans le Maconnais 35 La taille dans le vignoble du Centre 41 La taille dans le vignoble de 1'Est 50 Departement de 1'Isere 50 Departement de la Savoie, 58 Departement de la Haute- Savoie 60 Departement de 1'Ain 64 Departements du Jura et du Doubs. 65 La taille dans les vignobles a provignage perpetuel 69 Vignoble de 1'Ermitage < 69 Vignoble de la Haute et Basse-Bourgogne 71 Departement de 1'Aube 75 Departement de T Yonne 77 Vignoble de la Champagne 80 La taille dans le vignoble du Nord-Est , 84 La taille en Alsace • 84 La taille en Lorraine , 87 La taille dans le bassin parisien et la region limite de la vigne 90 Extrait du Progres agricole et viticole Monlpellier. — Iraprimerie Serre et Ricdme, rue Vieille-Iutendance* r£ 4 ^f "&*-" ^, ESSAI SUR L' HYBRIDATION DE LA VIGNE PAR A. MILLARDET PROFESSEUR A LA FACULTE DES SCIENCES DE BORDEAUX Correspondan t de I'lnstitut Extrait des Mtmoires de la SocitU des Sciences physiques ct natiirelks de Bordeaux, t. II (4<> Serie). PARIS G. MAS SON, EDITEUR 120, boulevard Saint-Germain. BORDEAUX. FERET ET FlLS, LIBRAIRES 15, GOUTS de I'lntendance. 1891 SUR I/HYBRIDATION DE LA VIGNE i Considerations generates. On salt ce qu'est un hybride : c'est le produit du croisement de deux especes differentes. Le mulet, issu de la jument et du baudet, en est Texemple le plus universellement connu peut-etre, et, pour cette raison, on designe frequemment les hybrides sous le nom de mulcts. Par le terme de metis on de'signe le produit du croisement non plus de deux especes distinctes, mais de deux races de la meme espece. Ainsi deux varietes de chiens, deux races de poules appariees ensemble produisent non des hybrides, mais des metis. A ces deux phenomenes differents correspondent des termes differents, ceux d'hybridation et de metissage. D'une maniere generale, Thybridation est un phenomene rare dans les deux regnes a Tetat de nature, tandis que le metissage, a 1'etat de domestication ou de culture, est frequent. Une propriete extremement remarquable distingue en general, sauf de Ires rares exceptions, les hybrides des metis. Tandis que chez ces derniers la sexualite reste normale, chez les hybrides die est presque toujours serieusement atteinte : le inulet par — 4 — example est incapable de procreer, de meme les hybrides de serin et de chardonneret, etc. Les exemples precedents onf ete tires du regne animal, de preference, parce qu'ils sont connus de tout le monde. Le regne vegetal n'en fournirait pas moins. Les saules, ronces, rosiers, glaVeuls, etc., laissent reconnaitre au botaniste une foule d'hy- brides. La plupart de nos races de cereales et de legumes ne se mainliennent pures qu'a la condition d'etre isolees : lorsqu'elles sont rapprochees, elles ne tardent pas a degenerer par le metis- sage. Les melons sont un exemple classique pour ce dernier cas. Ces donnees elementaires ctaient necessaires pour s'entendre au prealable sur ce qu'on doit entendre par un bybride de vigne, et pour faire appre'cier Tinteret considerable qu'offrent ces by- brides au point de vue purement scientifique. D'apres cela, en effet, les vignes designees communement sous le nom ^Hybrides Bouschetj etant le resultat du croisement de diverses races (Tcinturier, Aramon, Alicante, etc.) d'une seulc espece (V. vinifera), constituent des metis et non des by brides. Quant a I'inter6t scientifique qui s'attache aux bybrides de vignes, il provient de Fexception remarquable, unique m6me en tant qu'etant portee a ce degre, que font les hybrides en question a la loi d'alteration de la sexualite enoncee plus haut. Non setile- inont le croisement a reussi jusqu'a present entre toutes les especes de vignes que j'ai tente d'bybrider (quinze especes du Nouveau-Monde et deux de TAncien), mais tous les hybrides, quelle que soil leur complexite, meme les hybrides quaternaircs (formes par le concours de quatre especes), se laissent croiser a leur tour soit cntre eux, soit avec leurs parents, soit meme avec d'autres especes et sont pleinement feconds. En un mot, ces hybrides se conduisent comme des metis (l). (l) L'ubservation suivante peut servir a montrer combien 1'hybridation est facile dans les vignes. Sur un pied de Chasselas, cultive dans une orangerie, je cueille en septembre quatre grappes {A, B, C, D) de grandeur et d'aspect moyens qui avaient ete tecondees naturellement. Ja compte, pour chaque grappe, le nombre de grains - 5 — Cette promiscuite sans pareille s'exerce aussi bien a Fetal sauvage que sous Tinfluence de la culture. II m'en a coute quelque peine pour faire admettre ce fait par les botanistes (!). M. Viala, au cours de sa mission en Amerique, en a reconnu la parfaile exactitude (2). L'hybridation de la vigne merite done d'etre eludiee au point de vue purement scientifique. Quant a son importance pratique, deux mots suffiront a la faire apprecier. En effet, non seulement rhybridation artificielle nous a deja dotes, en dix ans, de porte- greffes superieurs a tous ceux qif on connaissait jusqu'ici, mais qui ont atteint une grosseur normale; j'en extrais les pepins et jette ces derniers dans un vcrre d'eau. Les pepins capables de germination tomberit seuls aa fond de 1'eau; j'en fais le compte. Sur ce meme pied de Chasselas se trouvaient trois grappes (E, F, G) qui, en mai, avaient ete castrees et fecondees par le pollen d'un meme pied de V. riparia. Je compte de la m6me facon leurs baies de grosseur normale et les pepins bien constitues de ces dernieres. Voici les resultats de ces denombraments : A pour 39 baies, fournit 64 pepins normaux, soil 164 0/0 B — 17 29 1700/0 G - 26 39 1500/0 D — 33 52 1540/0 Soil pour les quatre grappes non hybridees une moyenne de 160 pepins pour 100 baies. E pour 39 baies, fournit 45 pepins normaux, soit 115 0/0 F - 21 33 1570/0 G - 29 50 1720/0 Soit pour les trois grappes hybridees une moyenne de 148 pepins pour 100 baie;-:. Les differences entre ces moyenne? sont si faibles qu'elles peuvent etre regar- dees comme nulles, et cela avec d'autant pins de raison qu'on trouve d'une grappe a l'aut;-e, aussi bien dans le cas de fecondation naturelle que dans celui d'hybri- dation, des differences de fecondite beaucoup plus considerables (grappes E et G surtout, 115 0/0 et 172 0/0). On peut done dire qu'il n'y a pas de difference notable dans la puissance fecon- dante du pollen du F. riparia applique au Chasselas comparee a celle du pollen du Chasselas lui-meme. Ce fait curieux m'a amene dernierement a rechercher si le pollen d'une espece americaine ne serait pas favorise en quelque maniere dans la fecondation d'un cppage europeen. Je donnerai quelque jour le resultal de ces essais, s'il en vaut la peine. (!) Millai'det, Histoire des principales vanetes et especes de vignes d'oriyine americaine^ p. 153 et suiv. (2) P. Viala, Une mission viticole en Amerique, 1889, p. 170 et suiv. — 6 — encore elle nous a fourni des producteurs qui, a une resistance complete au phylloxera et au mildiou, joignent une abondance et une qualite de fruits a peu pres satisfaisantes. Or 11 est extreme- ment remarquable qu'un resultat aussi complexe ait pu etre atteint en si peu d'annees. II semble par consequent qu'il n'y ait aucune variation desirable qu'il soit impossible d'obtenir avec le temps, si Ton reflechit conibien est grande la variabilite de la vigne-, combien extraordinaire sa faculte d'hybridation et la fertilite de ses bybrides. L'hybridation constitue, on le sait, la cause la plus puissante de variation. Si par la culture seule lo V. vinifera a pu nous dormer les innombrables varietes actuelle- ment cultivees, quels merveilleux resultats ne devons-nous pas attendre, lorsqu'a la culture nous joindrons Thybridation! Pour aujourd'hui je me bornerai a trailer presque exclusivement de la technique de Thybridation. II Constitution de la fleur de la vigne. et f^condation. Floraison Considerons, en premier lieu, la constitution de la fleur de la vignc et la facon dont se font naturellement la floraison et la fecondation chez cette plante. Toutes nos vignes cultivees sont des plantes fertiles, et leurs fleurs, offrant a la fois les organes males (etamines) et femelles (pistils), sont appelees, pour cette raison, hermaphrodites (fig. \ a, b). A Tetat sauvage, il n'en est point ainsi. Le V. vinifera, qui est la souche de toutes nos varietes cultivees, com me tons les autres Vitis, presente en effet deux sortes d'individus : les uns fertiles, ont des fleurs hermaphrodites (fig. 1 c.); les autres, steriles, ont des fleurs males, c'est-a-dire dans lesquelles on ne trouve que les organes males completement developpes; les organes femelles y Fig. 1. a, fleur hermaphrodite de Chasselas a elamines longues. — b, id. d'Allanillo bianco Jt examines courtcs. — c, id. de Rupestris-Cinerea a 6tamines courtes. — d, fleur male de Rttpcstrix-Ganzin. tsont plus on moins atrophies (fig. 1, d). Le pistil n'y est repre- sente que par un globule plus ou moins gros et plus ou moins dissemblable quant a la forme et la structure a un pistil normal, et sur lequel se trouve raremcnt un rudiment de style. D'apres cela, on pout considerer les fleurs males comme derivant de fleurs hermaphrodites, dans lesquelles le pistil, ainsi qu'on Fa vu precedemment, aurait ete frappe d'une atrophie plus ou moins complete. On trouve frequemment, en elTet, parmi les plantes males (surtout chez le V. rupestris), tous les degres dans le developpement du pistil depuis sa disparition a peu pres complete jusqu'a son developpement presque normal. Aussi ne faut-il pas s'etonner si, en certaines annees, dans certaines conditions qui sont favorables au developpement du pistil, celui-ci arrive a tout son accroissement dans des fleurs habit u el lenient males, et si celles-ci deviennent fertiles. J'ai vu, par exemple, une fois en dix ans, le Cordifolia nipestris de Grassel, plante habituellement sterile, porter une- petite recolte. Le greffage produit quelquefois le meme effet sur les plantes males : il provoque le developpement du pistil, et ces plantes deviennent fertiles. J'ai constate ce fait deux fois; dans un de ces cas, sur la plante que je viens de nommer; mais je nc saurais dire si cette fertilite produite par le greffage est persistante, II y a encore entre les fleurs hermaphrodites et les fleurs males une difference extremement curieuse et importante, ainsi quon va le voir : les etamines des unes et des autres ne sont pas semblables. On sait que Tetamine est constitute par deux parties distinctes : Tanthere, petit corps renfle, bilobe, qui contient la poussiere fecondante (pollen) et qui est au sommet de Tetamine; et le filet, mince filament translucide, de cinq a huit millimetres de long, qui supporte Tanthere (fig. 2, a). Or, dans les fleurs males, les filets sont a peu pres deux fois aussi longs que dans les fleurs hermaphrodites, et de plus, tandis que dans les fleurs males, pendant la floraison, les filets restent droits, dans les fleurs hermaphrodites ils se recourbent en dehors et meme au-dessous de la fleur, de maniere a eloigner autant que possible les antheres du stigmate (fig. 1, c, d). Ceci a Fetat sauvage. — 9 — Nos plantes cultivees ont toutes, comme on Ta vu plus haul, des fleurs hermaphrodites (fig. 1, a et b\ fig. 2, a); et ceci se comprend facilement,rhomme n'ayant pas manque deselectionner les plantes fer tiles seules, a Fexclusion des autres. Mais si les fleurs des varietes cultivees sont toutes pourvues d'etamines, ces dernieres ne sont pas toujours semblables. Chez la plupart de nos cepages, chose curieuse, les elamines ont des filets longs et Fig. 2. a, coupe longitudinale d'une fleur do Malbec au moment de la chute de la corolle. Une seuie examine a e"t6 figured. — a', coupe transversale de 1'ovaire de cette fleur un peu au-dessus du point d'insertion des ovules. — b, examine frlsabelle vue par le dos. —I', lamfime; le filet est vu de c6t6, 1'anthere par la face ventrale. Les loges de cette derniere viennent de s'ouvrir et laissent (Schapper le pollen. — c, coupe longitudinale d'une fleur hermaphro- dite de V. cordi folia donl la corolle est en place. — c' coupe transversale de 1'ovaire de la meme fleur un peu au-dessus de 1'insertion des ovules. — d, fleur de V. cestivalis encore ferme"e. — d' coupe longitudinale d'une fleur hermaphrodite de V. cestivalis un peu avant son e"panouissement ; la corolle a e"te enleve~e. — et. = etamine. — an. = anlhere. — fi = filet. — ovr. = ovaire. — ovl. = ovule. — sty. = style. — stg. = stigmate. — d. s. = disque superieur ou nectaires. — d. i. = disque infe'rieur. — ca. = calice. — co. = corolle. — re". = receptacle de la fleur. droits comme dans les fleurs males des plantes sauvages (fig.l,cr, et fig. 2, a et 6), tandis que chez un plus petit nombre les — 10 — etamines sont courtes et recourbees sous la fleur, pendant la floraison, comme cela a lieu dans les fleurs hermaphrodites a 1'etat sauvage. Le Chasselas, le Malbec, VAramon, par exemple, ont des etamines longues et droites; tandis que le Muscat cTAlexandrie, le Damas blanc, le Bakalor, la Pause jaune> VAlbanillo bianco, le Schiraz, etc., possedent des etamines courtes et recourbees. Ge dernier fait, mentionne deja par quelques auteurs, mais presque oublie, a ete remis dernierement en lumiere par M. Rathay (1), professeur a Tecole de viticulture de Klosterneu- burg, qui 1'a examine plus attentivement que ses devanciers et en a tire des consequences d'un grand interet pratique. Get auteur, en effet, ayant examine comparativement le pollen contenu dans les antheres des etamines a filets longs et droits et celui des antheres a filets courts et courbes, a constate qu'il y a entre les deux sortes de pollen, en outre de differences remar- quables de forme et de constitution, des differences essentielles au point de vue du fonctionnement. Tandis que le premier pollen ernet tres facilement des tubes dans Teau pure ou sucree, celui des etamines courtes n'y subit aucun changement. II en tire cette conclusion que ce dernier pollen ne germe pas sur le stigmate et n'est pas apte a operer la fecondation. La fertilite generalement beaucoup moindre, la coulure plus frequente des cepages a etamines courtes et courbes, corroborent singulierement ces conclusions. J'ai repete ces observations sur le pollen de plusieurs fleurs a etamines courtes soit sauvages, soit cultivees (Rupeslris-Cinerea, Rupeslris-jEstivalis, Scuppernong, Albanillo bianco) , et deux de mes hybrides fertiles franco-americains, et les ai trouvees exactes (2). Mais si Tobservation semble vraie, au moins jusqu'a plus ample information, les conclusions qu'en tire 1'auteur ont 0 Emerich Rathay, Die Geschlechtsverhaeltnisse der Reben. — Wien, Wil- helm Frick, 1888. (2) Le pollen de Scuppernong seul, plac£ dans 1'eau sucree, a pr^sente un com- mencement de germination bientot arretee. — 11 — besoin mis de suivre Tepanouissement de leurs fleurs; mais il semble probable que ce dernier offre de Tanalogie avec celui des fleurs hermaphrodites des vignes sauvages. Chez ces dernieres, on constate, comme caractere special, une tres grande rapidite et une grande amplitude dans les mouvements que font les eta- mines pour s'eloigner du pistil. Tandis que dans les fleurs a etamines longues, les filets des 6tamines n'arrivent a former avec le pistil qu'un angle de 45° a 60° seulement; dans ces dernieres, ils se recourbent jusque sous Tovaire (fig. 1, b et c), et au lieu d'employer pour ce mouvement, conune chez les premieres, plusieurs minutes, ils Texecutent en quelques secondes seulement. On dirait quelquefois, tellement ces mouvements sont rapides, que les filets sont de veritables ressorls. — 21 — III Technique de 1'hybridation artificielle. Nous voici arrives a Fhybridation artificielle. Une premiere et tres grande difficulte resulte de la difference des epoques de floraison des diverses especes de vignes ameri- caines et de nos varietes europeennes. Ainsi, le V. riparia fleurit quinze jours au moins avant nos cepages et le V. rupestris huit jours. Les V. cestivalis et cor di folia commencent a peine leur floraison quand la vigne europeenne vient de terminer la sienne. Ce n'est que huit a dix jours apres que cette dernidre a passe fleur que le V. Berlandieri d'abord et le V. cinerea ensuite commencent a fleurir. Les V. rubra et rotundifolia terminent la serie, et il y a entre leur floraison et celle de nos cepages un intervalle de trois a quatre semaines. Heureusement que chez quelques especes , le V. rupestris surtout, la floraison des plantes males vigoureuses dure tres longtemps. Lorsque les grosses grappes sont defleuries, on voit apparaitre une foule de grappillons qui, pendant une quinzaine de jours, fournissent encore du pollen en quantite suffisante. II m'est arrive frequemment aussi, pour les hybridations les plus tardives, d'uti- liser les fleurs que mWraient les boutures mises de bonne heure en pepiniere. Mais ces ressources sont habituellement insuffisantes, et, pour faire coincider les epoques de floraison, on est oblige de la retar- der chez les plantes precoces, de Tavancer chez les tardives. II y a divers moyens de retarder la floraison. Le meilleur, je crois, consiste a conserver sur la souche que Ton veut retarder un long sarment que Ton couche dans un fosse rempli ensuite de •— 22 — terre, ne laissant sortir que le dernier ceil. Au moment favorable, on le retire de terre, on pince la pousse terminate, et les rameaux qui se developpent successivement fournissent pendant longtemps des fleurs a divers degres de developpement. On peut aussi laisser les longs bois comme ceux dont je viens de parler a Fair libre. Quinze jours avant la floraison, on pince toutes les pousses a 6 ou 8 centimetres au-dessus de leur base. II s'en produit d'autres qui, quinze jours ou trois semaines apres la floraison normale, presentent des fleurs en bon etat. Lorsqu'il s'agit de plantes males que Ton ne craint pas de fatiguer, des que leurs pousses ont 15 a 20 centimetres de long, on les pince toutes a 6 ou 8 centimetres de leur base. Un mois a six semaines apres, ces plantes sont chargees de fleurs. Enfin on peut encore se servir de marcottes en pots que Ton aura preparees des Tannee precedente, en ayant soin de faire sur la marcotte, au niveau du fond du pot, une ligature au fil de fer, pour forcer les racines a se developper a 1'interieur du pot. A la fin de fevrier, on d6tache les marcottes de la plante mere, on met les pots dans une cave ou une glaciere d'ou on les retire au moment opportun pour les mettre a 1'air libre. Ge precede donne de tr&s bons resultats pour les plantes males, qui fournissent ainsi d'excellent pollen. Pour avancer la floraison, on enferme la plante dans une caisse vitree. On peut meme prendre la precaution de mettre de temps en temps sur ses racines une couche de Om25 de fumier frais. Avec beaucoup de soins, on peut avancer la floraison de huit a douze jours par ce moyen. Les marcottes en pots,mises a temps en serre chaude,donnent aussi de bons resultats. Mais je dois dire que, jusqu'a present, ces deux derniers precedes ne m'ont reussi que pour les plantes males. Les fleurs fertiles ne supportent pas ces differentes manipulations et tombent invariablement apres la floraison. Les plantes qui doivent servir de pere et de mere etant supposees pretes pour Toperation, nous avons maintenant a nous — 23 — occuper des fleurs qui doivent etre fecondees. On choisit, sur la plante destinee a servir de mere, une ou plusieurs grappes dc grandeur moyenne, bien nourries, qui aient deja une dizaine dc fleurs epanouies. Avec des ciseaux Ires fins on detache toutes ces dernieres fleurs aussi bien que les fleurs les plus en retard, les plus petites par consequent, qui ne fleuriraient que quatre ou Fig. 4. Castration d'une fleur de vigne. En a et fc, la piuce prend la corolle obliquement, successive- ment des deux cote's, afin de ne pas blesser le stigmate. cinq jours plus tard. On peut aussi employer pour cette operation la pince fine qui sert a castrer : avec les mors on saisit le pedicelle des fleurs que Ton veut re( rancher, on serre et on tire a soi. Les pinces a castrer sont de fines pinces en acier de 8 a 10 centimetres de longueur, a mors longs et aigus, de 1 milli- metre d'epaisseur au plus a Textremite (l). Avec les mors, Foperateur saisit Textremite de la corolle soit transversalement (fig. 4), soit un pen obliquement (fig. 4, a et b). II imprime a la pince un leger mouvement de torsion et tire a lui. Le plus souvent la corolle tout entiere et quelques antheres se trouvent arrache'es ainsi du premier coup. Quelques coups de pince supplementaires (!) On les trouve chez les fabricants d'instruments de chirurgie, sous le nom de pinces fines d dissection. — 24 — sont ensuite necessaires pour arracher les autres antheres. Une fleur castree, on passe a une autre, et ainsi de suite jusqu'a la derniere. On examine ensuite avec attention la grappe tout entiere pour voir s'il n'y reste pas quelque anthere, ce qtii arrive frequemment. La castration est en general une operation tres simple. II faut seulement un peu d'adresse et d'habitude pour ne pas ecraser ou blesser le stigmate, qui souvent n'est guere qu'a un millimetre au-dessous du sommet de la corolle, quelquefois moins encore. Tout stigmate blesse devient incapable de ft3condation. La castration peut se faire a toute heure de la journee et par tous les temps. Fig. 5. Grappe castr<5e recouvertc d'un sac de gaze, tendu par une spirale do laiton inWrieure et retcnu a une feuille par une 6pingle. Des qu'elle est terminee, on applique le pollen ou, si on ne doit le faire qtfapres quelque temps, on enveloppe la grappe avec — 25 — precaution dans un sac de papier huile (15 a 20 centimetres de haut sur 10 a 12 de diametre) ou un sachet de gaze fine conte- nant un fil de laiton roule en spirale qui sert a le tendre dans tous les sens. L'ouverture en est assujettie a la queue de la grappe par un fil ordinaire ou un fil mince de fer ou de laiton (fig. 5). Cette precaution est indispensable pour empecher la fecondation par un pollen autre que celui quon veut employer. Je me sers aussi souvent, pour plus de commodite, de simples triangles en papier resistant (fig. 6, a), que j'enroule comme un cornet autour de la grappe et de la tige, assujettissant les extremites du triangle avec Fig. 6 Giappe castr<5e enfcrm<5e dans un cornet de papier. — a, forme du triangle de papier. des epingles, ainsi que le montre la figure 6, de maniere a ne laisser que des ouvertures aussi petites que possible. Ges cornets 3 — 26 — suffisent contre le pollen que transported vent, maisils permettent Ten tree du sac aux insectes dont il a ete question precedemment. Nennmoins, je les regarde comme suffisants an point de vue pra- tique et n'emploie les sacs de papier ou de mousseline que lorsque loute cause d'erreur doit etre ecartee et quand Fapport du pollen doit etre retarde plusieurs jours. Reste a considerer Fapplication du pollen. La grappe destinee a fournir ce dernier doit offrir plusieurs fleurs fraichement epanouies. On cherche parmi ces dernieres une fleur dont les antheres soient ouvertes. S'il n'y en a pas en cet clat, on expose la grappe au soleil pendant quelques minutes. Sous Tinfluence de la dessiccation, les antheres s'ouvrent et le pollen se presente entre leurs valves, sous forme d'une fine pous- siere jaunatre ou blanchatre (fig. 2, b'). Avec la pince on saisit une de ces fleurs par la partie superieure du pedicelle, on Farra- che et on touche legerement et successivement,avec ses antheres, les stigmates dont on veut operer la pollinisation. Une fleur male suffit a en polliniser une dizaine. On continue la meme operation jusqu'a ce que tous les stigmates de la grappe qu'il s'agit d'hy- brider aient recu du pollen. On enferme alors et sans tarder la grappe pollinisee dans un sac de papier ou de mousseline ou dans un cornet de papier, ainsi qu'il a ete dit plus haut, pour prevenir Tapport du pollen etranger. Huit a dix jours apres, on enleve ces abris et on les rem place par des sacs de crin destines a proteger les fruits contre les oiseaux et les insectes. L'ope*ration est ter- mine'e. Grace a toutes ces precautions, on obtient a peu pres un grain de raisin pour deux ou trois fleurs castrees et pollinisees, et il est excessivement rare que tous les pepins obtenus ne soient pas hybrides. Ce cas se presente a peine quatre a cinq fois sur mille et s'explique par quelque castration incomplete. A ceux qui trouveraient ces operations trop delicates, je pro- poserai le precede suivi par Bouschet de Bernard et, plus re"cem- ment, par le docteur Davin. — 27 — Au moment ou la grappe que Ton veut feconder artificiellement commence a fleurir, on y accroche une ou deux grappes en pleine floraison de Tespece qui doit servir de pere. Chaque matin on repete la me1 me operation, apres avoir enleve la grappe de la veille, jusqu'a ce que la floraison soit terminee. Sur tous les pepins que fournira cette grappe, festime qu'il peut y en avoir de un tiers a la moitie qui sont reellement le produit de I'hybridation. Je sais que le docteur Davin a obtenu par ce precede une plus forte pro- portion de graines hybridees, mais il ne faut pas oublier que dans ses essais la plante mere 6tait un V. Berlandieri fertile, par consequent a etamines courtes. On peut appliquer le pollen sur les fleurs Castries ou imme- diatement apres la castration ou seulement quelques jours plus tard. D'une maniere generate, aussi longlemps que les stigmates ne sont pas desseches, de couleur brune, ils sont capables de fecondation. J'ai conserve des stigmates en bon etat pendant huit a neuf jours. Puisque les stigmates gardent leur vitalite pendant plusieurs jours, on peut se demander quel est, pendant ce laps de temps, le moment le plus opportun pour Implication du pollen. LTexpc- rience rn'a appris que c'est le quatrieme ou le cinquieme jour apres la castration (l). Gela tient vraisemblablement a ce que, par (*) G'est ce que prouve 1'experience suivante : Le 9 juin,je castre six grappes d'Aramon et immediatement apres j'applique (a 2 heures du soir), sur une de ces grappes (A), le pollen du Rupestris de Fort- worth. Toutes ces grappes sont aussitot renfermees dans des sacs de gaze fine. Le lendemain (10 juin), je passe en revue avec attention les fleurs de toutes les grappes castrees la veille et supprime toutes celles dont les ovaires ou les stigmates ont ete leses par les pinces pendant la castration, ce qui se distingue facilement a la couleur brune des parties blessees. Les grappes sont renfermees de nouveau dans leurs sacs. Apres cette operation, il reste : Sur la grappe A, 212 fleurs en bon etat. B, 87 B', 155 G, 140 C', 98 D, 88 — Le 11 juin, a 2 heures, application du pollen du meme Rupestris defortworth, — 28 — cetle derniere operation, on ouvre prematurement une foule de fleurs qui ne se seraient epanouies que quelques jours plus lard. Dans ce qui precede, j'ai suppose* quc Toperateur employait, pour la fecondation, du pollen frais pris sur des fleurs fraiches. par le m3me precede que pour la grappe A, sur les grappes B et B'. — Remis les grappes dans les sacs. Le 14, a 2 heures, meme operation avec le m£me pollen pour les grappes C et C'. Le 16, a 2 heures, meme operation avec le meme pollen pour la grappe D. Je remarque que sur cette grappe un grand nombre de stigmates sont bruns (morts) et que la plupart ont perdu leur fraicheur. Les stigmates humides constituent a peine un quart du nombre total des fleurs. Pendant ces huit jours et meme apres, le temps a ete exceptionnellement sec et chaud. Le 20, les sacs de gaze sont remplaces par des sacs de crin. Fin septembre, les grappes sont cueillies et examinees avec soin. Leurs bales fertiles, de grosseur normale, sont comptees; de merae les millerandees, steriles. Les pepins en sont extraits et nettoyes, puis jetes dans un verre d'eau. Ceux qui vont au fond du verre (fertiles) et ceux qui surnagent (steriles) sont comptes a part. Voici les chiffres : Grappe A. 212 fleurs ont fourni 109 baies normales, fertiles, et 12 baies millerandees, steriles. Ces 109 baies ont donne 127 pepins fertiles et 7 steriles; C'est-a-dire que 100 fleurs ont produit 51 baies fertiles et que 100 baies fertiles ont produit 116 pepins fertiles, Ce qui fait 59 pepins fertiles pour 100 fleurs fecondees, Grappes B et B'. 2i2 fleurs ont fourni 113 baies normales, fertiles, et 12 baies millerandees, steriles. Ces 113 baies ont donne 157 pepins fertiles et 27 steriles; C'est-a-dire que 100 fleurs ont produit 46 baies fertiles et que 100 baies fertiles ont produit 138 pepins fertiles, Ce qui fait 64 pepins fertiles pour 100 flenrs fecondees. Grappes C et C'. 238 fleurs ont fourni 134 baies normales, fertiles, et 0 baie millerande"e, sterile. Ces 134 baies ont donne 263 pepins fertiles et 39 pepins steriles; C'est-a-dire que 100 fleurs ont produit 56 baies fertiles et que 100 baies fertiles ont produit 196 pepins fertiles, Ce qui fait 110 pepins fertiles pour 100 fleurs fecondees. Grappe D. 88 fleurs ont fourni 21 baies normales, fertiles, et 1 baie millerandee, sterile. Ces 21 baies ont donne 23 pepins fertiles et 2 pepins steriles; C'est-a-dire que 100 fleurs ont produit 23 baies fertiles et que 100 baies fertiles ont produit 19 pepins fertiles, Ce qui fait 26 pepins fertiles pour 100 fleurs fecondees. 1 - C'est done la fecondation du 14 juin, c'est-a-dire au cinquieme jour apres la castration, qui a produit le resultat le plus avantageux au point de vue du nombre des graines. — 29 — 11 est important desavoir s'il est possible de maintenir les fleurs fraiches pendant plusieurs jours et d'utiliser le pollen sec. Pour conserver en bon etat les fleurs sur lesquelles doit etre pris le pollen, il faut avoir soin d'abord de ne s'adresser qu'a des grappes sur lesquelles il n'y ait encore qu'un petit nombre de fleurs epanouies. Apres les avoir cueillies par un temps sec, on en roule une a quatre ensemble, suivant leur grosseur, dans une ou deux feuilles de vigne bien secbes, sans les comprimer, et on met ce petit paquet dans un etui de papier, que Ton ferme en le froissant a chaque extremite. Letout est depose dans un lieu frais et sec. Apres trois jours, on examine les grappes. S1il y a des traces d'humidite sur les feuilles (buee plus on moins forte), on ouvre le papier a chaque bout de I'etui pour faciliter Faeces de Fair et prevenir la moisissureet la fermentation. De cette fac, on , les fleurs se conservent de cinq a sept jours en bon e*tat. Elles s'ou- vrent successivement dans le paquet, detelle fac.on qu'au moment ou on en a besoin on en trouve toujours qui sont fraichement epanouies. Si alors les antheres n'etaient pas ouvertes, quelques minutes d'exposition au soleil suffiraient a determiner la rupture de leurs loges et la mise en liberte du pollen. Ce precede reussit admirablement avec les fleurs males. Lors- qu'on ouvre le paquet, la plupart des corollessont detachees; elles tombent au moindre choc et les antheres s'ouvrent. Dans ce cas, au lieu de prendre peniblement avec la pince et une a une les fleurs en question, pour toucher successivement, avec leurs antheres, les stigmates des fleurs a feconder, je me contente de promener la grappe male a la surface de la grappe castree; le pollen s'echappe en veritables nuages, couvrant tous les organes, les stigmates com me les autres. On peut aussi, a Taide des grappes (males surtout) qui sont dans Tetat dont je viens de parler, preparer une grande quantite de pollen pur. Pour cela, on fait tomber avec precaution toutes les corolles qui tiennent encore, puis on place la grappe sur une feuille de papier dans un lieu sec. On la secoue de temps en temps; le pollen sort des antheres et tombe sur le papier. Apres — 30 — vingt-quatre heures de sejour a Fair libre dans uri lieu sec, on le verse dans une boite ou un petit tube de verre court, ou il se conserve tres bien. Ge pollen est d'un emploi tres commode. On en prend de petites quantites sur un pinceau a aquarelle sec, et on touche 16gerement avec ce dernier les stigmates que Ton veut polliniser. II faut avoir autant de pinceaux que de sortes de pollen, ou avoir soin, pour ne pas melanger ces derniers, lorsqu'on veut changer de pollen, de plonger le pinceau dans Palcool et de le laisser se'cher. On a vu tout a 1'heure qu'il est possible de conserver fraiches des fleurs pendant six a sept jours. Passe ce temps, elles sont generalement envahies par la pourriture, el le seul moyen de conserver plus longtemps le pollen est alors de laisser secher le tout. Pour cela, vers le sixieme jour on ouvre definitivement les etuis de papier doubles d'une feuille de vigne dans lesquels se trouvent les grappes frniches, et on secoue ces dernieres sur une feuille de papier. Les fleurs se detachent ainsi que la corolle, les etamines et les antheres, et tombent sur le papier ou on les etale en couche mince. II ne reste entre les mains de Toperateur que la grappe, qui est jetee. La feuille de papier est mise dans un lieu sec, aere*, ou tous les debris qui la couvrent se dessechent completement en trois ou quatre jours. On conserve cetle poussiere dans une boite. Elle est d'un usage tres commode pour rhybridation. On peut en preparer facilement de tres grandes quantites. Pour polliniser les grappes castrees, d'une main on ticnt sous ces dernieres une feuille de papier, tandis que de fautre on verse doucement la poussiere de la boite sur les differentes parties de la grappe qu'il s'agit de feconder. On verse de nouveau la poussiere recueillie sur le papier dans la boite et on recommence. Apr&s deux ou trois operations, on peut etre certain que la fe*condation est assuree et on met de c6te la boite pour d'autres hybridations. Nous avons reussi, M. de Grasset et moi, plusieurs bybridations par ce precede, avec des fleurs cueillies depuis quinze jours et dessechees depuis neuf a dix. II est clair qu'avec la poussiere de — 31 — debris de fleurs doni je parle, on pourrait hybrider au pinceau comme avec le pollen pur dont il a ete parle plus haut. En effet, lorsqu'on examine a la loupe les debris de toutes sortes, antheres, corolles, etamines qui la constituent, on voit qu'ils sont absolu- ment couverts de pollen qui s'attache facilement et en quantite au pinceau. Cette derniere methode offre plusieurs avantages : une grande facilile de preparation du pollen, la rapidite de la pollinisation des stigmates, et la possibilite de conserver du pollen utilisable pendant deux semaines. Ce serait la, d'apres Wichura, Nietner et divers auteurs, la longevite maximum du pollen dans les saules, les rosiers, etc. Je n'ai pas essaye de pollen plus vieux; mais M. P. Castel, ancien president de la Societe d'Agriculture de TAude, nVaffirmaH, en septembre 1890, que depuis plusiewrs annees il fait couramment, sur une grande echelle, des hybrida- tions de vignes au pinceau avec du pollen de Tannee precedente. C'est la un fait extremement interessant tant au point de vue botanique qu'a celui de la pratique. Le pollen (des etamines longues) de la vigne germe facilement et presque immediatement dans 1'eau pure et Feau additionnee de 1 a 10 0/0 de sucre. Dans Teau pure ou sucree a 4 0/0, en vingt-quatre heures, au mois de juin, par une temperature nor- male, les tubes polliniques du Cliasselas atteignent une longueur de un demi-millimetre a un millimetre. Je me suis assure que dans YAramon pollinise par son propre pollen, par une tempera- ture normale, quarante-huit heures apres que le pollen a ete depose sur le stigmate, on trouve deja des tubes polliniques dans Tinterieur de Tovaire, au voisinage du micropyle; huit heures plus tard (c'est-a-dire apres cinquante-six heures), on en voit qui out penetre dans Tendostome. Mais comme la papille mucellaire est epaisse et constitute par une douzaine de couches de cellules, il faut au boyau pollinique un assez long temps pour la traverser, et ce n'est que le cinquieme jour apres le depot du pollen sur les stigmates (dans le Chasselas) que j'ai ete a meme de constater la — 32 — fecondation de 1'oosphere. Au huitieme jour (Chasselas), 1'em- bryon est constitue par une petite boule d'une trentaine de cellules. A ce moment, Tendosperme est forme; Tovaire et Tovule com- mencent a grossir rapidement, et, du dixieme au douzieme jour, alors que les ovaires et les ovules non fecondes n'ont pas change, on voit dans ceux qui sont fecondes les proportions doublees : les ovules ont alors deux millimetres de long. On salt qu'en general, apres la fecondation d'une fleur par le pollen soit d'une race, soit d'une espece distincte, rien, ni dans les fruits ni dans les graines qui sont le resultat du croisernent, ne peut servir a reconnaitre ce dernier, les fruits et les graines restant conformes a ce qu'ils sont habituellement dans la plante mere. II y a cependant quelques exceptions a cette regie et juste- mentdans le genre vigne. Ainsi, Henry Bouschet et son pere ont observe plusieurs fois, au cours de leurs croisements entre VAra- mon, \' Alicante, la Corignaneei \e Teinturier (ce dernier fonction- nant comme pere), qu'un certain nombre de fruits, au lieu d'avoir le jus incolore comme il Test naturellement dans ces cepages, Tavaient colore en rouge comme dans le pere (Teinturier) . Cette particularity etait pour eux la preuve que le croisement avait reussi, et les graines provenant des fruits ainsi modifies etaient semees a Texclusion des autres (!). II existe encore sur celte question d'autres donnees que Ton pourrait discuter (2). Mais comme les fails bien etablis seuls doivent etre pris en considera- tion, je crois plus utile de passer outre et d'en rapporter deux bien certains, dont je dois la connaissance au baron Antonio Mendola,un des ampelographes europeens actuels les plus emi- nents. II m'ecrivait, a la date du 7 fevrier 1883 : « J'ai obtenu de helles varietes par la fecondation artificielle selon la methode de M. Bouschet... Dans divers croisemenls, quoique rarement, j'ai observe un changement de coloration sur la grappe fecondee. (*) Bulletin de la Societe d' Agriculture de VHerault, 1865, p. 39 et 40. (2) Mdme recueil, 186i, p. 339, et 1865, p. 123. — 33 — Ainsi, ayant feconde le raisin blanc Sanginella de Naples par le pollen du Sabalkansko'i rouge de Grimee, plusieurs baies de la grappe fecondee montrerent la couleur rouge du Sabalkansko'i. J'ai vu les memes phenomenes sur les Muscats blancs fecondes par les rouges; maisje n'ai jamais observe Tinverse, c'est-a-dire la decoloration de raisins noirs par Faction du pollen des varietes a fruits blancs. » La modification de la couleur normale du fruit par le croise- ment est done un fait bien etabli. Mais il est a remarquer que, jusqu'a present, il n'a etc constate que dans le metissage. Malgr£ les tres nombreuses hybridations que nous avons faites M. de Grasset et moi, jamais un cas de ce genre ne s'est presente a nous. Jamais non plus nous n'avons observe de variations dans la forme des graines qui sont le resultat direct de Fhybridation. Nous les avons toujours vues offrir uniquernent les caracteres de celles de la plante mere. Une graine tfAramon conserve toujours les caracteres d'une graine tfAramon et n'en presente pas d'autres, qu'elle soit le produit de la fecondation normale de YAramon ou de son croisement avec les V. riparia, rupestris ou autres. La reciproque est egalement vraie. Je disais, au commencement, que toutes mes tentatives d'hybridation ont reussi avec la plus grande facilite. II y a cepen- dant a cette regie une exception que je dois signaler parce qu'elle est unique et qu'elle presenle de curieuses particularit^s. En 1884, je pollinisai cinq grappes castrees de V. rupestris par YAramon-Teinturier-Bouschet, plante a etamines longues et qui n'offre rien d'anormal dans sa fructification. La coulure fut presque generale, et je ne recoltai que cinq pepins bien constitues en apparence, mais dont aucun ne germa. L'operation inverse donna le merne resulat. Une grappe tout entiere ft Aramon -Teinturier (ces grappes sont tres grandes) pollinisee par un Rupestris male ne produisit que quelques baies dont aucun pepin ne leva. En 1885, je pollinisai une grappe entiere de ce rnerae cepage — 34 — par un Rupestris-Cinerea a etamines courtes. Une autre grappe fut aussi pollinisee par un Rupestris-sEslivalis a etamines egalement courtes. (Je savais par cTautres essais que le pollen de ces deux plantes jouit d'une activite sinon entiere, du moins a peu pres normale.) Sur chacune de ces grappes, il se developpa de vingt a trente bales normales. Mais presque tous les pepins furent tres petits et creux. II n'y en eut que quatre de grosseur normale, dont Irois etaient creux; 1'unique qui fut bon en apparence ne germa pas. L'operation inverse fut faite avec le meme Rupestris-^Estivalis, c'est-a-dire que ce dernier fut pollinise par YAramon-Teinturier. II en resulta un nombre normal de baies et de graines (74), bonnes en apparence, mais dont neuf seulement germerent. Une grappe de ce me'me Aramon pollinisee par un Riparia- jEstivalis male dont le pollen est tres actif, produisit un petit nombre de baies fertiles dans lesquelles se trouverent tres peu de graines (12) normales en apparence, mais dont aucune ne germa. Et cependant une derniere grappe du me'me cepage pollinisee par le Rupestris-Ganzin male, plante a pollen tres actif, produisit une ample recolte de baies bien developpees. Celles-ci fournirent soixante et un pepins sensiblement normaux, mais tombant assez lentement au fond de Teau. Sur ce grand nombre de graines trois seulement ont germe*. Voila done un cepage qui ne se laisse hybrider que tres dif- ficilement et d'une maniere lout a fait irreguliere et capricieuse. — 35 — IV Principales combinaisons dans le oroiseinent. II resterait a discuter un point tres important : celui des com- binaisons les plus favorables au but que Ton se propose par Thybridation. Faute d'une experience suffisante, je me bornerai pour aujourd'hui a quelques rapides indications. Un hybride tfAramon et de Rupestris pent etreproduitdedeux fagons : ou bien en fecondant le Rupestris par VAramon ou bien par Poperation inverse. Ce dernier cas presente lui-meme deux variantes, YAramon pouvant £tre feconde par des fleurs males (a eta mines longues) ou bien par des fleurs hermaphrodites (a eta- mines courtes) de Rupeslris. Bien que la possibilite de ce dernier genre d'hybridation soit niee par M. Rathay (op. cil.), elle existe cependant, ainsi que je Fai fait remarquer plus haut. Mais je manque d'observations pour dire au juste si Fhybridation avec ce pollen est plus ou moins facile qu'avec le pollen des fleurs males; ce dernier cas toutefois me semble plus probable. II m'est egalement impossible de deter- miner d'urie facon exacte les resultats de ce mode d'hybridation pour les plantes qui en sont le produit. Tout ce que je peux dire aujourd'hui, c'est que les deux cent cinquante a trois cents hy- brides de ce genre que nous possedons actuellemenl, M. de Grasset et moi, sont en general notablement inferieurs comme vigueur et resistance aux memes hybrides faits avec du pollen de fleurs maMes. Ce dernier mode d'hybridation est celui qui nous a donne les meilleurs resultats au point de vue de la vigueur et de la resistance au phylloxera, et celui que nous avons pratique sur la plus grande echelle depuis 1880. La comparaison des hybrides obtenus en fecondant une variete — 36 — europeenne par le pollen male (Tune espece americaine ou inver- sement en fecondant la plante americaine hermaphrodite de la meme espece par le pollen (provenant d'etamines longues) de la me'me variete europeenne, nous a amenes depuis quelque temps, M. de Grasset et moi, a la constatation d'un fait general Ires curieux et des plus importants : ^influence preponderate de la plante qui fonctionne comme pere dans ces croisements. Nous possedons, en effet, des cenlaines de chaque sorte de ces hybrides, par exemple Aramon X Rupeslris (l) et Rupestris X Aramon, Alicante-Boiischety^Eupeslris et RupestrisX Alicante- Boiischet.etc.j d'une maniere generale et sauf de ra res exceptions, les hybrides dans lesquels le Rupestris est le pere sont plus resis- tants au phylloxera, a grappes beaucoup moinsgrandes et a fruits beaucoup plus petits que cela n'a lieu dans les hybridations inverses. En hybridant Teuropeen par Famericain, on obtientune tres haute resistance au phylloxera, mais la fructification est insuffisante. Par Toperation inverse, la fructification est bonne, mais la resistance a disparu en grande partie. Cette loi, qui semble ne souffrir que tres peu ^exceptions, a, on le concoit facilement, une importance considerable au point de vue pratique. II est vrai que Darwin ne Tadmet pas comme loi generale, mais pour le genre vigne elle existe certainement, et il est bien pro- bable que ce n'est pas la un fait isole. On en connait d'autres, sinon identiques, du moins analogues. Ainsi, dans un ouvrage recent (2),.M. Nietner nous dit (p. 4-09) : « ^experience a appris que dans les hybrides artificiels de rosiers, la fleur a plus d'ana- logie pour la forme avec celle de la plante mere, tandis que le feuillage et le port general se rapprochent davanlage de ceux du pere... [/influence du pere se fait sentir surtout dans Fhabitus general de Thybride, mais elle est egalement preponderante dans la couleur de sa fleur. » Aussi conseille-t-il de choisir pour meres les varietes a fleurs doubles et d\me belle forme et pour peres (1) Le signe X signifie feconde par. (2) Th. Nietner, Die Rose. Berlin, 1880. — 37 — celles a belle vegetation et dont la fleur est remarquable par un coloris brillant, lors m£me qu'elles seraient peu doubles. Je n'ai pas fait de recherches bibliographiques sur ce sujet,, ma is je ne doute guere qu'on ne puisse trouver dans la litterature botanique d'assez nombreux exemples de cas ou 1'influence tant6t du pere, tant6t de la mere, sur certains organes de Thybride, se monlre preponderate. Tous les hybrides fails jusqu'a present par M. de Grasset et moi ne conliennent du sang europeen et americain que dans deux proportions differentes : ou bien un demi de chaque ou trois quarts de Tun centre un quart de Tautre. Parmi les premiers, les plus simples sont constitues par un cepage europeen seulement et une seule espece americaine (Aramon X Rupestris). D'autres sont un peu plus complexes et formes d'un seul cepage europeen et de deux especes americaines (Aramon X Cordifolia-Rupestris) . Enfin il y en a qui sont cons- titues par deux cepages europeens et deux especes americaines (Aramon-Rupestris X Carignane-Riparia) . L'^tudedecesdiverses combinaisons ne nous a encore revele aucune particularite im- portante. " Quant aux hybrides a trois quarts de sang, s'ils contiennent trois quarts de sang americain (Chasselas-Riparia X Riparici) , ils sont tellement semblables a Tamericain et leur fructification par consequent est tellement rudimentaire, quils ne peuvent servir que de porte-greffes. 11 est permis d'attendre des hybrides a trois quarts de sang europeen (Chasselas-Riparia X Chasselas ou inversement) une fertilite notable, mais leur resistance au phylloxera et au mildiou sera-t-elle suffisante? Deux a trois annees seront encore necessaires pour repondre a cette question ('). (*) J'ai deja traite brievement ce sujet dans une notice inseree au volume du Congres international d 'agriculture, tenu a Paris en 1889, p. 714 : Notes sur les resultats de I' hybridation de la vigne. — 38 — V Education des Hybrides. Cette notice serait incomplete si je n'indiquais les precautions a prendre pour la conservation et le semis des graines obtenues par 1'hybridation aussi bien que les soins particuliers qui sont necessaires aux hybrides pendant leur jeune age. On laisse les grappes fecondees artificiellement aussi longtemps que possible sur les souches, afin d'en parfaire la maturite. Apres les avoir cueillies par le beau temps, on les suspend en tin lieu sec, puis, en decembre ou Janvier, lorsque la pourriture y apparait, on separe avec precaution les pepins des rapes, pulpes, etc. On les lave et on jette ceux qui surnagent et sont creux. Ceux qui tombenl au fond de Teau sont essuyes dans un linge fin, et quand ils ne presentent plus de traces d'humidite, mis dans une boite en lieu sec. Au premier printemps, un mois avant Tepoque du semis, les pepins sont immerges pendant cinq a six jours dans Teau pure en faible epaisseur (un centimetre a deux) pour que Tairs'y renou- velle facilement. Durant cet intervalle on change Teau deux ou trois fois. On les retire alors. On remplit de tres petits pots a fleurs de terre de jardin ou de bruyere humide jusqu'a un centimetre du bord. On tasse la terre et on depose dessus les pepins sortant de Veau. On recouvre d'un centimetre de sable fin humide. Les pots sont places dans des assiettes ou on maintient un peu d'eau et reconverts d'une lame de verre. Ils sont conserves a une temperature basse ou moderee. Celte stratification dure trois semaines ou un mois. Ellea pour — 39 — effet de rendre les germinations plus nombreuses ct la levee plus rapide et plus reguliere. On peut semer en plein air ou sur couche chaude. Dans ce dernier cas, sous Tinfluence d'une temperature comprise entre vingt et trente-cinq degres centigrades, suivant les heures de la nuit et de la journe'e, vers le quinzieme jour paraissent les premieres plantes, et au trentieme la germination est terminee. Lorsqu'on obtient, en moyenne, quatre-vingts germinations pour cent pepins semes, on a lieu d'etre satisfait. En plein air, la germination dure deux ou trois fois plus longtemps. Un bon tiers des graines ne germe pas ou trop tard ou seulement Tannee suivante. Nous avons Phabitude, M. de Grasset et moi, de semer les graines les plus precieuses sur couche chaude et sous chassis, en pots de sept a huit centimetres de diametre, dans de la terre de bruyere qui a ete purgee prealablement de toute espece d'insectes par le sulfure de carbone. Dans les premiers jours de mai, lorsque le danger des gelees n'existe plus et que les jeunes plantes ont une hauteur de cinq a sept centimetres, elles sont depotees en plein air, soit dans des grands pots de vingt-cinq centimetres de diametre, soit en pleine terre, a la meme distance les unes des autres. II est bon, dans Tun et 1'autre cas, de purger prealable- ment la terre des pots ou le sol des insectes qui peuvent s'y trouver, par une energique application de sulfure de carbone. G'cst le seul moyen de se mettre a 1'abri des larves de noctuelle qui exerccnt quelquefois de grands ravages sur les jeunes plantes, pendant les deux ou trois premiers mois de leur existence. On arrive ainsi, si le sol est de bonne qualite* et bien prepare, et en ayant soin d'aider a la vegetation par quelques engrais liquides (floral), a obtenir, a la fin de la saison, des tiges de 1 metre a Im50 de longueur et par consequent des plantes bonnes a etre mises en grande culture des Fannee suivante. On pourrait, des la premiere annee, au moment du de'polage, introduire le phylloxera dans les pots ou dans le sol ou vegetent les jeunes planles, de maniere a juger rapidement de la resistance — 40 — de ces dernieres. Pour diverses raisons, nous avons jusqu'ici suivi un autre procede, M. de Grasset et moi. Au mois de mars de Tannee qui suit le semis, toutes les plantes les plus vigoureuses sont transplanted en plein vignoble, apres un bon defoncement, aux distances habituelles; et, a partir de ce moment, la plantation est traitee comme une vigne ordinaire. Comme elle a ete etablie sur une vieille vigne morte du phylloxera et arrachee des la seconde annee, toutes les plantes se trouvent envahies par Tinsecte. A la troisieme annee, les racines des plus belles sont visitees avec attention, et si Vexamen n'y fait pas reconnaitre la presence de I'ennemi, elles sont empoisonnees par des poignees de racines phylloxerees. La meme operation est repe'tee une seconde fois, Tannee suivante, pour les pieds ou le phylloxera n'a pas encore paru, de telle sorte qu'a la qua trie me ou cinquieme annee il est possible de juger exactement du degre de resistance a Tinsecte, tant par le developpement des plantes que par Tetat de leurs racines. Des Tannee qui suit celle du semis, quelques plantes males se mettent a fleur, un plus grand nombre a la suivante, la plupart a la troisieme annee. Les plantes fertiles fleurissent plus tardive- ment; je dois dire cependant que nous avons obtenu deux fois, sur sept a huit mille hybrides, quelques baies des Tanne'e apres le semis, malgre la transplantation par consequent. Mais ce sont la de tres rares exceptions, et, en general, les plantes fertiles ne commencent a fleurir qu'a la troisieme ou a la quatrieme annee, et ce n'est guere avant la sixieme ou la septieme que la grappe presente ses caracteres defmitifs. Tous les hybrides, meme ceux qui seront presque cornplete- ment refractaires au mildiou lorsqu'ils seront arrives a Tetat adulte, sont extreraement sensibles a cette maladie dans leur jeune Sge et jusqu'a la fin de la premiere annee. On n'arrive souvent a les sauver que par des traitements repetes a la bouillie, les hybrides a trois quarts de sang europeen surtout. Pour ces derniers, urie application de bouillie tous les dix jours est indispensable pendant la premiere annee. — 41 -- II faut dire encore que parmi les hybrides americainsaussi bien que dans les franco-americains ou Pespece sauvage americaine a fonctionne comrne pere, la moitie aux deux tiers environ des plantes sont males; il y a en outre pas mal de plantes coulardes et seulement un quart a un cinquieme de plantes d\me fertilite normale (hermaphrodites). Parmi ces dernieres, les deux tiers environ sont a etamines longues, et le reste a etamines courtes. Toutes ces proportions varient dans des limites assez larges d'une hybridation (cest-a-dire suivant la nature des parents) a 1'autre. II en est de meme pour la resistance au phylloxera : il y a de tres grandes variations d'une hybridation a Fautre. Cependant, au milieu de toutes ces irregularites, 1'influence de Theredite se revele de la facxm la plus frappante, de sorte qu'on pent aflirmer, en these generate, que la resistance des hybridesest d'autantplus grande que la somrne de celle des deux parents Test da vantage elle-meme. Lfinfluence preponderate du pere, dont il a ete question, masque ou contrarie quelquefois cette loi, mais ne la delruit pas. Et, a ce propos, je dois ajouter que c'est vraisem- blablement a la preponderance du pere qu'est du ce fait si remarquable chez quelques hybrides de rimmunite" phylloxerique complete : la resistance du pere passant integralement dans ses descendants sans se laisser affaiblir en eux par la non-resistance de la mere. Mais je irfaperc.ois qu'au lieu de me borner, com me je le voulais d'abord, a faire connaitre la technique de 1'hybridation et la culture des hybrides, je me suis laisse entrainer plus d'une fois a des considerations d'un ordre different, relatives a Teffet des di verses combinaisons que pent realiser rexperinientateur. Or, c'est la un sujet encore bien obscur, qui ne pourra etre aborde avec fruit que lorsque plusieurs annecs d'observations seront venues cornpleler mon experience actuelle. 15 Janvier 1891. BIBLIOGRAPHIE. Henry BOUSCHET. Collection de vigncs a jus rouge obtenucs par lc semis, apres croisemcnt des cepages mcridionaux avcc lc Tcinturicr. (Bulletin de la Societe d' Agriculture de I'Hcrault, 1864, p. 339.) V. GANZIN. De I' Hybridation artificielle. (Revue scientifiqae, 30 juillet 1881.) MILLARDET. Notes sur les vignes americaincs, 1881, chapitre V. P. VIALA. Les Hebrides Bouschet, 1886, introduction. G. COUDERC. Etude sur I' hybridation artificielle de la vigne. (Congrcs viticole de Mdcon, 1887.) G. DAVIN. Hybridation des vigncs. (La Provence Iwrticolc, mars 1888.) . — Imp. G. GouNnuiuiou, rue Guiraudc. il. LA CHLOROSE RECHERCHE DE SES CAUSES & DE SES REMEDES MA<;O.\, IMPRIMER1E 1MJOTAT FRERES LA GHLOROSE RECHERCHE DE SES CAUSES & DE SES REMEDES PAH Ingenieur >1emlnv des Connies phylloxeriques departementaux de la Gironde et do la Loire ol de I'arrondissement de Roanne (Loire) ; rriTiaiiv ilc la set'tion de viticulture de la Societe des Agriculteurs de France: Laiireat du Conseil general de la Gironde ; Proprietaire-Viticulteur. Prix 1 Fr. 5O BORDEAUX CHEZ FERET ET PILS, EDITEURS CotiRS DH L'INTENDANCE , 15 1888 LA GHLOROSE RECHERCHE DE SES CAUSES & DE SES REMEDES Dans une recente communication & la section de viticulture de la Socie'te des Agriculteurs de France, relative a 1'adapta- tion et incidemment a la chlorose, je rappelais l'importance de cette derniere question et insistais sur rutilite* des recherches relatives £ ses efiets et aux conditions dans les- quelles elle se produit, pour pouvoir de ces faits remonter aux causes, fixer celles-ci, et en deduire le remede. II me semble que cette question des causes reste controversy plus qu'elle ne devrait 1'etre. Les faits d'observation et ceux d' experience, bien qu'en quantite moindre, sont assez nombreux pour qu'on puisse, avec des chances de certitude, y chercher une lumiere qui semble vouloir deserter la question. Dans le coarant de 1886, jepr^cisai, dans une note inse*ree au compte rendu du Congres de Bordeaux, une thSorie de la chlorose que m'avaient suggeree des observations anterieures, et dont je retro uvais la confirmation dans 1'examen d'un cas qui me parut typique au point de vue du raisonnement. Lors du Gongres, je ne rencontrai guere 1'echo net de ces vues que chez le docteur Despetis, qui n'he"sita pas £ voir dans 1'ordre des phenomenes respiratoires des racines, la cause immediate de la chlorose, sans toutefois degager aussi nette- ment qu'il nous apparaissait, la theorie de son me"canisme des influences accessoires encombrantes telles que celle de la chaleur. Ge point de vue dut passer inapergu, car on attribua alors, et depuis, a Men des causes autres que celles que nous avons dites. des insucces plus ou moins permanenls de plantations ame'ncaines, faits pour de'courager, surtout en 1'absence de la connaissance precise de leur origine et des consequences pra- tiques qa'elle peut dieter1. (1) CAZEAUX-CAZALET ET GOMIGE DE CADILLAC. (Congres viticole de Bordeaux, 1886, f'° 179.) « Tout le monde est d'accord pour attribuer la cause de la jaunisse du >» printemps a Texces d'eau, au moment de la vegetation, soil que cette » eau agi^se directement sur la plante, soit qu'elle agisse indirectement » en moditiant I'etat physique du sol sous 1'action de la temperature exte- » rieure. Le remede est connu : il sufh't de drainer le sol. » La cause de la chlorose permanente es>t moins connue; tout au plus » peut-on aflirmer qu'elle est localisee a un genre de sols. On peut aussi » rappeler : que les cepages americains non grefles y sont beaucoup moins » sensibles que les memes cepages grelFes ; que sur les pieds les plus ages » elle apparait rarement et avec moins d'intensite; que les pieds qui » 1'eprouvent n'ont de racines qu au talon. » (i'° 26'*.) « J'attribue la chlorose au manque des conditions necessaires » dans le sol pour L'EMISSION DES RACINES; c'est aussi, au plus haut de^re, » urie mauvaise adaptation des cepages au sol qui permet a cette alfec- » tion de se produire. » « II est pen probable que les faibles differences de chaleur qu'on a con- » statees soient 1'unique cause d'insulnsance des racines... Je crois plutot » a une influence d'atiratiun et a une insuf'fisance de fmiclieur durable, » par consequent a une influence d'etat physique du sol. » (Journal du Cornice de Cadillac, Janvier 186S. Rapport sur 1'adaptation de la jaunisse, par Cazeaux-Cazalet, secretaire.) « Vous avez toujours pense, dans ces etudes, que la jaunisse venait d'un » DEFAUT DE DEVELOE'PEMENT DES RACINES, SOit 8. CaUS6 de YeXCeS d kumi- » due, soit a cause du de/aut d'ameublissement du sol, soit a cause d'im- » pression recue de Yatmosphere par le feuillage. — Faits venant a 1'appui, » etc... » DESPETIS. (Cong res de Bordeaux, 1886, f» 219.) « Le tassement du sous-sol, I'liumidite stagnante au printemps, une cer- » taine quantite d'eau en exces, empechant le RECHAUFFEMENT du sol des » terres de couleur foncee, la lenteur de 1'absorption de la cfiaieur solaire » dans les terres blanchdtres, sutfisent pour empecherles racines de respi- » rer et pour amener la production de la chlorose. » « Ce n est que quand la temperature a acquis un certain degre que les » radicelles commencent a absorber des matieres organiques et surtout de » 1'acide carbon ique. » « Si la chaleur penetre autour des racines, la vegetation reprend. Si au » cpntraire les circonstances meteorologiques defavorables persistent, la » vigne se chlorose, se rabougrit de plus en plus... » FOEX. (Congres de Bordeaux, 1886, f° 223.) « La chlorose se manifesto plus specialement dans un sol froid (mais je ne crois pas que ce soit le defaut d air pour la racine qui en gene le f'onc- tionneinent) Les terres appelees J'errugineuses ont un pouvoir absorbant plus grand pour les RAYONS CALORIFIQUES que les terres culorees. La coloration du sol permet (probablement) aux terres d'absorber des quantites d'elements nutritils plus considtirables que lorsqu'ils ne sont pas colores. Dans les terres rouges ou colorees, les jeunes racines qui sont les agents actit's de 1'absorption paraissent beaucoup plus natives 3 — — J'estimequ'en examinant les faits d'observations ou d'expS- rience acquis, il est facile d'y trouver la confirmation d'une » que dans les terres grises. G'est probablement la cause la plus ge"ne"rale » de la chlorose. » (f° 226.) « La vigne s'alimente mal lorsqu'elle ne possede pas les radl- » celles qui constituent ses organes d'absorption souterraine. Les radi- » CRlles apparaissent dans les parties chaudes, pen apres le d6bourrement; » dans les parties froides, au contraire, 1'apparition des radicelles n'ar- » rive que longtemps apres ce ph6nomene; la plante depense pour creer » son appareil ext6rieur et ne pent pas absorber de quoi renouveler ses » reserves; de la, un e"puisement qui se traduit par la disparition de la » chlorophylle. » MENUDIER. (Congres de Bordeaux, 1886, f° 228.) « On peut attribuer au MANQUE DE CHALEUR le d6veloppement de la chlo- » rose. J'engagerais a transporter des terres rouges, argilo-siliceuses, » foncees en couleur, sur des teFres de champagne ou terres calcaires. » Vous diminueriez ainsi considerablement la chlorose. » SAHUT. (Congres de Bordeaux, 1886, f° 238,) Attri'bue la chlorose a des causes DIVERSES : Perturbations atmosphe1- riques, soudure incomplete de la greffe, plantation dans des sols se re'chauf- fant mal, manquant de permeabilite, de profondeur ou d'oxyde de fer directement utile (f° 241.) « Dans les terres blanches qui, par consequent, » n'ont pas ete colorees avec de 1'oxyde de fer, dans le.3 sols fortement » argileux ou calcaires, pas assez ferrugineux, peu profonds et trop imper- » meables, les vignes araericaines, d'une maniere generate, ne peu vent » vivre longtemps et finissent par depe"rir. » DUCHESSE DE FlTZ-jAMES. (La Vigne americaine, en 1887, f° XIII.) « Admet la theorie de M. Foex qui attribue en grande partie la chlorose » a Yecart de la temperature dtt sol et de celle de I'air, autrement dit : entre » les conditions inverses presidant aux evolutions radiculaires et foliacees, » et Tefficacite du sult'ate de fer centre la chlorose. » (f°32.) Groit pouvoir conclure des 6tudes et rapports de MM. Sahut et Cazeaux-Cazalet : « Dans tous les terrains argilo-calcaires, les racines trouvent les facilites necessaires a leur existence pendant la dur6e (variable selon les terrains) des bons effets du defoncement. Mais une fois le terrain revenu a sa compacit6 premiere, ces racines subissent des pressions entravant a des degr^s dilf^ronts la circulation de la seve, depuis celui qui se traduit par une chlorose passagere lorsque 1'exces d humidite ou de secheresse exagere moinentanement 1'eiret de la com- » pacite, jusqu'a celui ou, apres une 911 phlsieurs anne"es de rabougrisse- » ment, la vigne ineurt. Certaines varietes, a produit direct, ont de grosses » racines charnues, a la fois compressibles, eiastiques et flexibles, que ce » melange de force et de souplesse arme pour la Jutte contre les pressions » exterieures. Leur cas se rapproche de celui des vignes fraiicaises qui » s'accommodaient des sols compacts. » (f° 45.) Meme explication par la COMPRESSION des racines par le sol. (f° 73.) Meme explication par la Compression, en y joignant : les effets de la chaleur variables suivant la coloration du sol (f° 75), les effets du fer (f° 70), les effets de la direction des racines sur le cube nutritif dispo- nible : « De 1 angle forme par les racines avec la souche resulte un de"iaut » de volume du cone nutritif qui se fait remarquer au bout d'un nombre » d'annees variable pour s'accentuer jusqu'a ce que la transformation par » la greffe amene un systeme radiculaire plus large ou jusqu'a la mort du » cep, a defaut. » (f° 34 et 78.) Propose comme remedes le racinage superftciel obtenu par la surgreffe (affranchie), le bouturage a un ceil, le choix des ce"pages, etc. the"orie, pr£cieuse, si elle est exacte, en raison de la simplicite de sa formule et de la netted de 1'objectif qui s'en d6gage (1). G'est ce que nous allons essayer de faire, au fur et a mesure, en les passant successivement en revue. Les points que j'ai nettement specifies sont particulierement les suivants : La chlorose a une origine souterraine. La composition chimique d'un sol n'est qu'une cause d'ordre primaire, lointaine. Elle est I'origine d'un certain etat physique. Vetat physique n6 de cette cause reste seul £ considerer. Selon cet etat, cause secondaire* un sol retient d'une fagon differente Fair sou terrain qui lui vient de 1'exterieur et 1'eau qui lui vient du sous-sol oti des pluies. MlLLARDET. (Note sur les vignes americaines : Journal d Agriculture pratique et Feuille vinicole, 22 dec. 1887.) « Les terrains blancs ou de couleur pale n'absorbent que tres difficile- » merit la clialeur solaire en raison meme de leur coloration et restent » froids. Quant a ceux qui, limites par un sous-sol impermeable, ou en » raison de leur nature argileuse ou marneuse, retiennent une forte quan- » tite d'eau; ce n'est que tardivement, quelle que soit du reste leur cou- » leur en juin, juillet ou meme aout, qu'ils arrivent a une temperature » compatible avec les racines de la vigne. Gelles-ci restent rudimentaires » pendant un temps plus ou moins long et la partie aerienne du vegetal » subit dans son accroissement un arret correspondant. Le feuiilage reste » etiole, chlorose, et les pampres rabougris jusqu'au moment ou la cha- » leur ayant penetre jusqu'aux racines, provoque leur developpement. » Dans les plus mauvaises conditions, 1'etiolement et le rabougrissement » durent toute la belle saison et se renouvellent chaque annee, jusqu'au » jour ou la plante finit par p6rir. » II m'est malheureusement impossible d'en dire plus sur ce sujet qu'ii » y a trois ans. Le seul remede reellement efficace centre la chlorose. par » exces d'humidite, c'est le drainage. Encore faut-il savoir que toutes les » vignes americaines sont infmiment plus sensibles a I'humidite du ter- » rain que celle qui Test le plus, etc. » Apres la FROIDEUR DU SOL, il convient de mentionner parmi les » obstacles qui s'opposent a la reconstitution des vignobles par les vignes » americaines , sa trop grande COMPACITE, etc. » En resum6, les auteurs cites donnent surtout comme cause de la chlo- rose : LE DEFAUT DE DEVELOPPEMENT DES RACINES (Cazeaux-Cazalet et Cornice de Cadillac.) UNE CHALEUR INSUFFHANTE DU SOL Despetis, Focx, Menudier, Millardet). DES CAUSES MULTIPLES, fer, chaleur, etc. (Menudier, duchesse de Fitz- James, etc.), en particulier la compression par le sol et sa durete ou com' pacite (duchesse de Fitz-James, etc.) •Nous nous bornons a ces citations; la chlorose a ete attribuee a oYautres causes, moins plausibles que celles-ci, dont plusieurs orit leurs c6tes vrais. (1) Voir : Gompte rendu in-extenso du Congres viticole de Bordeaux, Feret editeur, 1886, f« GXX a GXXVII; et Feuille vinicole de la Gironde, Kerig, ^fliteur, n° du 13 Janvier 1887. — Voir : f° 43, Annexe. , cause tertiaire, agit mecaniquement. Ses effets se traduisent par la desaeration du sol. La desaeration du sol, cause quaternaire, est contraire aux besoins normaux, respiratoires, des racines. L'asphyxie, qui en re'sulte, reste finalement la cause cin- quieme et immediate des phenomenes physiologiqaes qui entrainent la nutrition insuffisante et Taspect languissant du vegetal. Les may ens a opposer a la chlorose, qu'il s'agisse d'agir sur lesol. le cepage, ou de rechercher les cepages susceptibles de s'accommoder des sols en vue, doivent surtout s'inspirer du besoin d'air des racines. La sensibilite*, ge"neralement plus grande, des vignes greffees, & cette affection, doit tenir a 1'obstacle mecanique apport£ par la greffe a une circulation favorable, en particulier, k la formation du chevelu. II est bien entendu que cette the'orie vise les circonstances les plus ordinaires des cas de cfcilorose grave, dite ge'ne'rale, c'est-a-dire ayant un caractere d'etendue et de duree, qu'on constate pour certains ce'pages, certains sols ou certaines conditions de sols; la chlorose pouvant aussi se manifester sous Finfluence de causes, telles qu*e Textreme secheresse, dans certains sols, et, plus generalement, de toutes celles qui peuvent entrainer un deTaut de nutrition du cep (1). Nous ne voyons rien a en retrancher. ni d'essentiel ^ lui ajouter. Examinons maintenant la serie des principaux faits acquis, relatifs a Faction des divers elements en jeu dans la vegetation et susceptibles d'influencer la tenue de la vigne au point de vue de la chlorose. Pour plus de facility, nous les grouperons, autant que possible, par nature de cause. (1) L'dtat chlorotique est susceptible de se fixer corame tous les accidents vegetaux. De meme qu'en prqpageant des boutures ayant coule on peut constituer une iamille d'intertiles, on arriverait, en selectionnant des bou- tures chlorosees, a avoir une iamille d'anemiques, coristitutionnellement chlorotiques. On ne peut guere qu'en conclure que la chronicite du mal constitue un 616ment deTavorable a ajouter aux autres. LUMIERE. La lumiere est un agent utile a la ve'ge'tation. Son influence sur la nature chimique des phe'nomenes respiratoires dont les organes des plantes sont le siege, est connue. Le manque de cet element nuirait a I'accomplissement de fonctions reductrices necessaires a la nutrition, et produi- rait, entre autres resultats apparents, le blanchiment des parties vertes, par suite de la disparition de leur chlorophylle. Ces effets cesseraient avec son retour. Pratiquement. il n'y a pas a s'occuper de 1'exces de ses variations, d'effet general sur unvignoble. Les accidents dits : coup de soleil, grillade, qui tiennent plus specialement a 1'action calorifique des rayons solaires. sont non moins distincts de la chlorose qui nous occupe. CHALEUR. Plus encore que la lumiere, la chaleur est, par des raisons multiples, un agent essentiel a l'accomplissement des fonc- tions v6g£tales. Un de"faut de chaleur, en entravant la nutrition du cep, est favorable a la production de la chlorose. Un exces de chaleur a 1'exterieur peut entrainer accidentel- lement des effets de dessication ou de disorganisation etran- gers, nous venons de le dire, au cas qui nous occupe. Ges faits sont exceptionnels. Sur les sols, les effets d'une chaleur, m&ne excessive, sont differents suivant qu'il y a exces ou manque d'eau. Dans le premier cas, ils sont favorables. Dans le second, ils sont defavorables et susceptibles, plus specialement pour certains sols, d'entrainer la chlorose par un arr6t de nutrition dii a leur dessication par evaporation trop complete du fait de cette chaleur, sans parler du durcissement qu'entraine leur dessication. Mais ce second cas n'est pas le plus habituel ; generalement, au contraire, on voit, a 1'arrivee des chaleurs, la chlorose s'atte'nuer par suite de la situation meilleure que cr^ent aux racines, parallelement, F^chauffement et la dessication du sol, favorables, pourvu qu'il n'y ait pas exces de ce dernier cote. Dans les deux cas, on le voit, c'est specia- lement en agissant sur 1'eau, plut6t que directement sur le vegetal, que s'exerce Faction de la chaleur, envisaged au point de vue de la chlorose. Ajoutons que, toutes choses egales, I'echauffement des sols sous 1'influence des rayons solaires varie en intensite suivant leur nature et leur e"tat cultural, les plus tasses et les plus dess^ches s'echaufiant plus durant 1'ete que les autres , ce qui s'explique facilement par la difference de conductibilite des couches formees d'elements continus ou discontinus, et la difference des quantites de chaleur latente absorbees par 1' evaporation suivant la quantile d'eau a evaporer et le plus ou moins d'activite de cette evaporation. (Par des raisons semblables, 1'hiver, ces memes sols se refroidissent moins que les sols meubles; les pluies uniformisent la temperature des sols.) La couleur des sols entraine force"ment des variations de leur pouvoir absorbant, mais on ne saurait, malgre' Timportance des conditions calorifiques, trouver dans ces differences, I'experimentation et 1'observation semblent le prouver, la clef des'effets observes, si ce n'est exception- nellement. En resume, la chaleur est un agent indispensable a la vegetation. Son action, soit sur le vegetal a 1'exterieur, soit surtout sur le sol qu'elle echauffe et desseche avec re"percus- sion sur le vegetal, generalement favorable, peut en oertains cas etre defavorable. On peut la regard er comme n'ayant, sur la chlorose, qu'une influence d'un caractere accidentel et surtout indirect. II n'en est pas de ineme de 1'eau. EAU. L'utilite* de 1'eau, Element constituant et ve*hicule, est non moins grande pour la vegetation que celle des agents prece- dents. L'air en contient les quantity's les plus variables de sa — 8 — teneur possible sans, ge"ne"ralement, constituer pour cela, un obstacle a une vegetation normale. II en est autrement du sol. Gelui-ci ne saurait etre impu- nement ni sature" de toute Feau qu'il peut contenir, ni sec. Une certaine teneur moyenne lui est necessaire pour que les racines d'un vegetal donne puissenty puiser de quoi satisfaire aux besoins des organes qu'elles ont a servir (Feau et les mineraux qu'elle transporte, 1'air oxygene indispensable). Aussi voit-on les racines de la vigne s'etablir dans Fetage du sol ou elles trouveront, avec les autres elements qfli lui sont utiles, particulierement la quantite d'humidite dont elle a besoin. Comprise dans ces limites, Fhumldite favorise le grossis- sement et F elongation normaux des racines de la vigne et le developpement parallele de ses organes exterieurs. Un deTaut de cet element, contraire aux besoins d'absorp- tion du vegetal, entrave ce developpement des Taeines et du cep et favorise le durcissement de leurs tissue. Ges effets, susceptibles de se traduire par la chlorose, vont s'aggravant jusqu'a la secheresse extreme, specialement dangereuse pour certains sols pourvus de proprietes capillaires speciales et sus- ceptibles en se de'sse'chant d'un durcissement qui ne peut qu'etre nuisible(l). Us peuvent, dans les cas extremes, aller jusqu'a la cessation de Fabsorption souterraine, voire meme, finalement, la mort par inanition et dessication du vegetal appauvri(2). Us seront e'videmment d'autant plus accentuesque (1) Les extremites de leurs radicelles protegees par 1'eperon utile a leur allongement (qui se fait en un point tres yoisin) portent late"ralement, sur une certaine longueur, les nombreux poils radicaux dont les jeunes cel- lules sqnt, avec celles des couches epidermiques de la racine, actuellement regardees comme constituant les organes essentials de 1'absorptiou. On conceit (juelle est la delicatesse de cet organisme et Taction nuisible pos- sible, soit d'un durcissement capable de s opposer a son avancement, soit de mouvements susceptibles de I'alteYer. (2) L'eau du sol est, nousl'avons dit. en particulier le vehicule necessaire des molecules utiles a la constitution du vegetal (provenant du sol, a Fexception du carbone qui resulte de la decomposition de 1'acide carbo- nique de 1'air par la chlorophylle des organes qui en sont pourvus, tels que les feuilles). La possibilite des phenomenes d endosmose et de capillarite d'ou r^sultent I'aosorption souterraine et la circulation interieurc du veg6- tal, est done subordonnee a 1'existence d'une couche d'eau suffisante au contact des particules terreuses et des cellules absprbantes des racines. S'il n'y a pas en meme temps dessication, 1'inanition se traduira par la chlorose. Ces effets se produisent suivant les sols et les cepages. Voir note suivante c. — 9 — les cepages auront des organes exterieurs dotes de besoins de nutrition ou de facultes d'evaporation plus considerables, etdes organes souterrains moins aptes a 1'absorption (parleur nature leur e"tendue ou leur situation). Si ces effets, au lieu d'etre graduels et limites, sont trop rapides et trop intenses, la pe"riode d'inanition pourra etre ecourtee par 1'arrivee de la dessication. D'apres cela, en dehors du choix du cepage ou de la modi- fication du sol, 1'arrosage serait, dans ces cas-la, un palliatif. Mais le precede semble a priori d'autant plus difficile a realiser avec precision que ce sont, comme nous le verrons, ces memes sols (argileux par exemple) susceptibles de se dessecher le plus dangereusement , pour lesquels le moindre exces d'eau a le plus d'inconvenients au point de vue de 1^ chlorose possible, et que, d'ordinaire, ce sont, comme on va le com- prendre, les effets de 1'eau, plus que ceux de son defaut, qui les rendent nuisibles. (On risquerait, en particulier, a defaut d'un sondage qui renseignerait sur l'6tat precis du sol, d'ag- graver la situation qu'on voudrait amender.) Un exces d'eau amene la chlorose. G'est, en effet, plus particulierement apres la saison humide qu'on voit la chlorose se produire dans certains sols, et a la suite des chaleurs qui ont pules assecher qu'elle disparait ou s'amende. Dans un sol ordinaire, compact surtout, noye par des eaux exterieures ou souterraines, la chlorose peut se manifester d'une fagon variable selon la nature du sol et la phase de la vegetation. Mais cette chlorose accidentelle disparait avec 1'egouttage du sol et le retour des chaleurs. (Exemple : les plantations americaines des alluvions limoneuses de la Garonne a Preignac, a la suite des debordements de 1886.) Si dans ce second cas 1'eau ne peut qu'agir comme nous 1'avons dit(l), on peut aussi concevoir, bien qu'a premiere vue (1) (a.) Les radicelles d'un meme vegetal nees dans un milieu aere" ne peuvent vivre dans 1'eau, et sont remplacees par d'autres d'une constitu- tion differente, lorsqu'on les submerge, et r6ciproquement en ce qui con- cerne ses racines aquatiques. II est, a priori, probable que les unes et les autres ont pour 1'eau et 1'air des pouvoirs absorbants differents, placees dans un meme milieu, et que leurs effets d'absorption changent lorsqu'on intervertit leur milieu, c'est-a-dire, en particulier, que les racines ter- restres de la vigne ne peuvent fonctionner normalement dans 1'eau. (ft) Une humidite excessive du sol entraine un defaut d'absorption des racines. Faut-il, en cette action du changement de milieu, voir seulement — 10 — ce soit moins saisissable, qu'il en est de meme du pre'ce'dent (celui de certains sols se comportant d'une fa^on spgciale en presence de 1'eau, cas de la majeure partie des fails de chlorose). Expliquons-nous. En 1'espece (c'est-a-dire dans le second cas, celui d'un sol non refractaire, rendu tel par suite d'accidents hygrome'- triques). le mal vient moins encore de 1'eHat hygrometrique du sol que des variations de cet etat. II est palpable, en effet, que des racines etablies dans un 6tage moyennement conve- nable, s'il existe, ne peuvent voir les conditions d'humidite" de leur milieu se modifier desavantageusement d'une fac,on sensible, sans en souffrir avec repercussion sur le vegetal. L'assechage est evidemment le remede a cette situation. les effets pnysiologiques du defaut d'air oxygene sur les racines? Peut etre conviendrait-il de ne pas oublier le cote chimique ou physique de cette meme action : par exemple, la dilution plus grande des elements mine'raux utiles dans un sol gorge d'eau, ou me'me la modification apporte*e Sar la saturation au rapport des actions capillaires du sol et du vegetal? je botaniste allemand Sachs, dans son traite de physiologic, imagine, pour I'ex-plication des phenomenes d'absorption par les racines, un grou- pement des elements solides, liquides et gazeux des sols, absolument plausible. On peut concevoir que la saturation, c'est-a-dire la disparition plus ou moins complete des vides qui occupent le centre des interstices des parcelles solides mouillees, et la substitution plus ou moms complete de 1'eau au gaz qui les remplissait, puisse changer les conditions d'absor- ption, non seulement du fait de la difference du fonctionnement des cel- lules absorbantes dans un milieu insuftisamment oxygSne, mais encore du fait de la ditference des proprietes capillaires d'un sol humide ou sature , absorbant, plus ou moins contractile.) Nous ne mentionnons ce dernier ordre d'id^es que pour memoire, a titre d'hypothese a examiner. La difference de permeabilite d'un milieu p^oreux pour 1'air et 1'eau, suivant son etnt de mouillage (sec, humide, gorge), est un fait. Mais a priori Faction consideree semblerait devoir 6tre favorable. (o) fl en est-aiitrement des cas de dessication. La, 1'influence de la modi- fication de la resultante des forces capillaires en jeu, dans un sens deTavo- rable au vegetal, apparait nettement. Au fur et a mesure que la dessir-ation vient amincir la couche liquide, dont les particules qui composent les con- duits capillaires du sol sont recpuvertes, i intensity de 1'action capillaire du sol augmente necessairement, jusqu'a tenir en echec la force d'absorption du v6gt3tal pour des teneurs en liquides d'autant plus grandes, evidem- ment, que le pouvoir d'attraction capillaire, inherent a la constitution de ce sol sera plus considerable. (Ge fait qii'une meme quantite d'engrais pro- duit des eHets moindres sur un sol argileux qu'avec un terrain sableux, doit tenir de meme, particulierement, a des causes capillaires.) Ainsi peut s'expliquer que les faculte's chlorotiques des sols , qu'il s'agisse de la chlorose par humidite ou par siccite, marchent parallelement- Les actions immediates (desaeration, defaut d'apports liquides) spnt diffe. rentes, mais procedant de la meme cause (capillarity), les facultes qui les engendrent vont de pair. Et si les memes cepages sensibles a la chlorose par humidite le sont aussi aux effets de la secheresse extreme, ce serait, en particulier, par suite d'une puissance d'absorption moindre , sans parler des conditions qui peuvent resulter des niveaux d'etablissement de leurs racines, (soit mdme de besoins superieurs.) Mais ce n'est point 1£ le cas le plus ordinaire des vignes chlorose'es par Fhumidite*. Un sol peut n'4tre en aucune de ses parties un milieu suffisamment convenable. Tout au plus, ses couches super- rieures, plus facilement assechables et aerables, seront-elles dans des conditions moins mauvaises. Deux cas peuvent se presenter. le Le terrain chlorotique constitue la totalite de la masse cultivable. 2e Le terrain chlorotique en constitue une portion souter- raine. Dans la premiere hypothese, malgre rinsuffisance du milieu, le cep a pu pousser dans les couches superficielles avec moins de difficult^ que par la suite. A defaut de conditions moyen- nement bonnes, il aura choisi les moins mauvaises. Seule- ment il aura, dangereusement mais fatalement, eHendu son domaine, de plus en plus, dans les parlies profondes de ce sol pendant lesperiodes favorables, pour en souffrir sitot que les variations de son etat hygrometrique, en auront fait un mauvais milieu. Gette situation est d'autant plus dangereuse que les memes sols qui se comportent mal en presence de Feau sont aussi, nous Favons dit, generalement ceux qui, par leur essence, seront eusceptibles de se comporter le plus de"savantageusement en cas de secheresse extreme. La tenue du cep dans ces conditions de moins en moins favorables sera graduellement de moins en moins bonne. Sa situation peut se comparer & celle d'un animal qu'a la faveur d'un appat on attirerait dans un piege; en Fespece, Fappat serait constitue par les conditions favorables, le piege par celles defavorables. Le cas de la seconde hypothese, d'apparence plus bizarre, est au fond analogue et resteje plus typique au point de vue de lachlorose (1). Nous supposons, Men entendu, que le niveau superieur du sol chlorotique n'excede pas la profondeur limite du raci- (1) Le cas invoqu^ a Pappui de cette theorie (Gompte rendu du Gongres de Bordeaux 1886, f° GXX) comprenait, a la fois, les diverses situation des ceps en terrains difficiles. nage; autrement il ne pourrait, tout au plus, agir que comme sous-sol, indirectement. Tout d'abord, le cep s'est developpe normalement. Get gtat dure jusqu'au moment ou les ratines atteignent la couche refractaire. II se developpe dans celle-ci pendant la premiere pe'riode, m6me courte, durant laquelle ses ratines y trouve- ront un milieu possible, surtout si la constitution chimique de cette couche est favorable. Que Feau vienne modifier la convenance de ce milieu, si cette atteinte, portee a une partie du systeme radiculaire absorbant, embrasse une frac- tion suffisante de sa to tali te, la chlorose se manifestera pour s'amender lors du retour de ce milieu a un e*tat meilleur; et ainsi de suite, a chaque succession de periodes favorable et defavorable, le pied s'y engageant de plus en plus jusqu'a etre aussi chlorose" que s'il etit ete plante en un sol chlorotique dans toute sa profondeur, malgre que celui-ci ne le soit qu'a la base et que ses racines aient assez de bon terrain pour pouvoir s'y suffire. A voir un cep devenir chlorotique a toucher certains sols, alors qu'il a a sa disposition une epaisseur suffisante d'un ter- rain qui lui convient et qu'il est palpable que s'il eut rencontre' a leur place un bloc de granit, par exemple, il fut reste sain, on est tente de croire a une sorte d'empoisonnement du a la nature du sol. Ge que nous venons de dire Fexplique. Ce n'est pas a un poison mais a une souriciere, que ses racines ont a faire. Dans ces deux cas, 1'action de Feau en jeu sur 1'aeration, et de 1'aeration sur le cep, seraient ce que nous avons dit. J'estime que la the'orie de la chlorose est la tout entiere. On concoit, dans ces conditions, que les variations de 1'etat hygrometrique du sol et i'importance de ces variations soient un facteur capital de la chlorose, plus important encore a considerer que le quantum de cet etat hygrometrique. . Les causes dont depend 1'etat hygrometrique d'un sol sont : non seulement les circonstances exterieures climateriques telles que le regime des pluies, de la chaleur, des vents, ou les autres influences (telles que 1'evaporation due a la vegeta- tion voulue ou parasitaire), susceptibles de lui apporter ou — 13 — de lui enlever de 1'eau; mais encore, et surtout, la fagon dont ce sol est susceptible de se comporter vis £ vis de ces elements, en raison de Fetal physique inherent a sa nature ou qui lui a ete cree par des conditions fortuites ou voulues. Les terres formees d'elements tenus, compactes, calcaires, marneuses, argileuses, sont celles qui absorbent le plus d'eau et dessechent de la fagon la plus dangereuse. Celles formees d'elements plus grossiers ou susceptibles de conserver leur division en particules, graves, argiles fortement cimeritees et ameublees, presentent des proprietes in verses. Lelassement (1) naturel aux premiers de ces sols accentue ces effets; un e"tat cultural meilleur, rameublissemeht, Fegouttage les attenueut au contraire. La raison de ces faits qui git principalement dans une difference de capillarite est palpable. On congoit, en effet , que les sols composes d'elements tenus et rapproche's forment un vaste reseau capillaire susceptible d' effets d'emmagasinement et de retenue, plus intenses que ceux dont sont susceptibles les sols dont les interstices facilitent Fegouttage et qui ne peuvent rester gorges. Si Ton considere que ces memes causes climateriques ou relatives au sol, dont nous venons de dire Faction sur Fetat hygrometrique, agissent paralellement sur la chlorose, il est difficile de meconnaitre le lien qui les rattache et de ne pas voir dans les variations de cet etat hygrometrique un facteur essentiel de Faffection qui nous occupe. AIR. Les vegetaux, £ Fexterieur, sont baignes d'un air dont le role est connu. II est impossible d'admettre que Fair qui impregne la terre dans les couches superficielles n'ait pas aussi le sien. La disposition des racines, les effets qui se produisent sur les ve'getaux suivant qu'on exhausse ou qu'on (1) Le tassement des sols results non seulement des effets mecaniques de leur poids et des actions exterieures auxquelles ils sont soumis, mais encore et surtout de ceux de 1'eau susceptible d'agir, soit en vertu de son poids, directement et par aspiration capillaire, soit comme lubriflant en Facilitant le mouvement relatif de leurs elements. II est favorisS, par consequent, par toutes les conditions susceptibles de maintenir dans le sol un exces d'eau jusqu'a la periode active d'evaporation : nature du sol, impermeability du sous-sol, tassement ant^rieur. — 14 — abaisse le niveau du sol, ceux des fagons culturales dont 1'infiuence sur Taxation est palpable, cette consequence obligee du fait de 1'adaptation des racines a leur milieu : qu'on ne doit paspouvoir leur en creer un autre impunement, sont autaut de raisons d'admettre Tatilite de 1'air pour les racines, et pour celles-ci la ne*cessite de ne point les priver de cet element (1). La vigne ne saurait echapper a cette loi commune. II faut done admettre que les gaz du sol jouent dans sa culture un role trop m6connu, indispensable com me celui de la lumiere, la chaleur, Teau et Fair exte>ieur. D'une facon generate, Inexperience semble montrer qu'un sol n'est jamais trop acre". Par centre, un defaut d'aeration se traduit finalement tou- jours par la souffrance, qu'il s'agisse de la vigne ou d'autres vegetaux (2). (1) L'atmosphere du sol est un air dont I'oxygenation decroit avec la pro- fonueur, charge d'acide carbonique produit, en particuiier, par la decom- position et la fermentation des matieres organiques. Les racines des v£ge- taux ontbesoin d'oxygene, car elles perissent dans 1'azote, 1'hydrogene et surtout 1'acide carbonicjue purs (Saussure). On admet g6neralement qu'elle n'absorbent pas d'acide carbonique (Gorewinder), mais en excretents comme le font les autres organes depourvus de chlorophylle, par suite de leur absorption d'oxygene et de la combustion interieure qui s'opere au depens de leur substance. (Dans les organes a chlorophylle, ce phenomene est double du phenomene inverse. L'observation ne percoit que la resul- tante.) (2) S'il fallait entrer dans le detail de quelques faits d'observation ou d'ex- p6nence, nous pourrions entre autres citer ceux-ci : (a) Les racines reglent leur niveau suivant la nature, 1'etat physique des sols et 1'exigence des vegetaux, a une distance r6guliere de la surface aeree. la meme a conditions 6gales et sous un meme climat. (b> L'etat chetif des plantations d'arbres des villes, qui n'ont a leur dis- position pour s'etendre que des sols tasses. paves ou bitumes, est assez typique pour que chacun ait pu le remarquer. Au fur etamesure que leur developpemeni. les force a s'eloigner des parties respirables, les elfets d'une aeration insuffisante peuvent se constater. Si i'on plante de la vigne, par exemple, trop profondement dans un sol recemment ameubli, ses racines se relevent, et elle souffre a mesure que le tassement se produit. Les effets depressifs des inondations de duree en cours de vegetation s'expliquent, en particuiier, par le defaut d'aeration qu'elles entrainent. Nous connaissons deux plantations, Tune de platanes, a Lyon, 1'autre d'ormeaux et charmes, a Vichy, qui furent remblayees de quelques deci- metres; elles devinrent uniformement rabougries. chlorotiques et durent disparaitre en partie. Dans 1'un ni 1'autre cas, les conditions d'assainisse- ment n'avaient ete aggravees ; la diminution d'aeration m'avait paru pal- pables. J'ai vu de 1868 a 1870 pratiquer des arrachages dans cette derniere; on y trouvait des racines avortees a ecorce nori adherente, noiratres, en voie de decomposition ou putr«fiees, analogues a celles que j'ai pu consta- ter depuis sur des vignes de la Loire ou du Bordelais souffrant surtout a — 15 — Sur la vigne, on constate que Ta^ration favorise la division des ratines, la formation du chevelu, son grossissement et la lignification. Si 1'abondance duchevelu(effet d'abord et cause ulterieure), indice d'une vegetation active, marche toujours, pour les la suite des saisons humides, et localisees sur certains points ou probable- ment la vigne americaine se montrera non moins susceptible. (c) Dans les cultures en pots ou en caisse, on trouve toujours au contact de ces recipients, c'est a-qire dans la zone la plus aeree, le racinage le plus abondant et le plus divise. Dana une culture de vigne faite dans une meme caisse remplie de sols varies, M. Cazeaux-Cazalet a constate des dif- ferences dans le developpement des racines suivant ces sols ; le plus grand avait eu lieu soit au contact des parois, soit dans les terres permenbles : terreau, sable; le plus petit dans la marne. Evidemment, ce sont la des faits dans lesquels I'aeration joue un role predominant. L'allure superiicielle et les menues dimensions des racines des vegelaux qui surmontent les tranchees argileuses ou marmeuses, est facile a obser- ver. II en est de meme de leur tendance au developpement et a la ramifi- cation dans les conditions ou avec une humidit6 suflisante, regne une sura- bondance d'air. Partbis on rencontre des racines d'une £norme longueur. Presque tou- jours on peut constater qu'a cote d'autres causes auxquelles on est tente d'attribuer cet effet, existent ou ont existe des causes d aeration exception- nelles. A Saint-Maurice en Brionnais (Sa6ne-et-Loire), dans une tranchee de carriere calcaire, j'ai vu des racines de vigne de plus de dix metres, verticales. poussees dans une fissure a6ree. Dans la Gironde, j'ai fait suivre une racine de tilleul pendant une vingtaine de metres sans en trou- ver la fin. Elle etait dans une tranch6e remplie originairement d'un sol rapporte, certainement favorable, mais qui n'en avait pas moins ete pourvu, lui-meme, d'un ameublissement non moins favorable. Des tranchees trans versales a des series de drainages de sarments m'ont montre des racines de vignes qui s y etaient developp6es et les suivaient, des lors sans interruption, sur une grande longueur. II n'est pas rare de trouver dans les drains en poterie ou cpule une eau aeree des racines semblant s'y complaire. Ces faits sont Evidemment des tails d' aeration. II en est de meme de 1'accroissemeut de pousse et de verdeur que j'ai eu 1'occasion de constater au dessus de certains drainages. Le d<§veloppemerit des radicelles et du chevelu au contact des fumiers, ou des amendements (tels que la marne) diyises, differents de celui que doanent la marne en bloc ou les engrais mineraux employes avec suite sans apport de matures vegetales, ne peut-il pas tenir, non settlement a leur action chimique, mais encore a leur action physique; et si certains elements en masse compacte semblent refractaire a la vegetation, si 1'em- ploi continu des seuls engrais mine'raux semble, au moins pour certains sols, moins favorable que leuremploi comme complement ou adjuvant des fumures vegetales, n'est-ce point, en particulier, a cause des necessites d'a6ration? J'ai eu occasion de faire enlever une tranche, variant de 0 a 40 centi- metres sur un jardin d'environ 1 hectare, contenant d'anciens arbres d'essences diverses; sur aucun d'eux Teffet n'a ete det'avorable. II m'a semble, au contraire, reconnaitre sur plusieurs un accroissement de vigueur. Sur deux cedres notamment, cet accroissement etait palpable. (Je constatai toutefois que, sur deux autres places de meme en apparence, Tun restait relativemeut en retard et languissait, laissant tomber ses feuilles et perir son menu branchage. Graignant un elfet de s^cheresse, je IH fis arroser, sans succes. Un sondage m en montra la cause dans une difference de terrain, jointe a une petite perte de canalisation d'eau. A sa portee se trouvait une veine de terrain argilo-marneux, dans lequel il — 16 — cepages qui en ont, de pair avec I'ae'ration, les ce'pages qui en ont pen ou point s'accommodent mieux des profondeurs. G'est toujours superficiellement qu'on le retrouve. L'allure plon- geante des racines de certains cepages indique en particulier des besoins moindres d'air. Leur constitution molle, leur peu de ramification, la rarete* ou F absence de chevelu, sa tenuite*, sont evidemment lie's a leurs besoins et a leur fonc- tionnement respiratoire. La chlorose, qu'on observe plut6t sur les cepages a chevelu, est toujours amendee par les causes qui ont pu amener Fae'ra- tion. Elle se produit gene'ralement, dans les sols et pour les ce'pages defavorables, sous I'influence des variations sur lesquelles nous nous sommes expliques des deux elements : chaleur et eau ; mais il ne faut pas oublier les actions, dont nous avons par!6, de la chaleur sur 1'eau et plus particuliere- ment de 1'eau sur Fair. Que conclure de tout cela, sinon qu'en Fespece, 1'air est Men le facteur predominant a viser, que notre theorie de 1'asphyxie doit etre exacte, qu'on peut, pour 1'explication de Faction des differents agents en jeu sur la chlorose, consi- derer surtout leur action directe ou indirecte sur Fair du sol, et s'inspirer du meme point de vue dans la recherche de ses remedes. Les causes susceptibles de modifier I'ae'ration du sol sont, comme pour Feau, les influences exterieures climateriques et Fetat physique qui derive de sa nature ou de conditions acces- soires tel que son e*gouttage et son etat cultural. (Elle dimi- avait pousse" ses racines ; le filet d'eau avail contribue a en faire un milieu irrespirable d'autant plus fatal que, pour compenser la destruction de quelques-unes , il lui fallait tous ses moyens. 11 fut , des lors , ais6 d'y remedier. Ges exemples, qu'il serait facile de multiplier, suffiront pour mettre en lumiere, si besoin est, 1'action favorable et necessaire de 1'air oxygene sur les racines, qu'il s'agisse de la vigne ou d'autres ve^etaux (II ne faudrait point croire que Ja chlorose soit speciale aux vis;nes ame- ricaines, ni chose nouvelle. On peut se convaincre, non seulement qu'elle a existe de tout temps sur les vignes du genre vinifera, mais encore qu'on rencontre sur des arores ou v^getaux divers des accidents analogues, evi- demment dus a un defaut de nutrition imputable certainement, dans la plupart des cas, aux memes causes que celles auxquelles nous rapportons fa chlorose de la vigne, particulierement a celles d'ordre respiratoire. II suffit pour cela d'examiner avec quelque attention les conditions (jui sont celles des vegetaux etiol^s qu'on peut rencontrer, plus particulierement dans certains sols.) — 17 — mie necessairementavec la proforideur des couches qu'on peut oonsiderer.) Les m&mes sols qui semblent avoir pour 1'eau une capacite on, plus exactement, une affinite plus grande, qui font eponge, et perdent le plus de leur volume en se dessechant, sont evidemment ceux dans lesquels les reduc- tions d'aeration sont susceptibles d'etre les plus considerables. Pareillement, les meraes causes telles que la nature siliceuse des sols, Fegouttage (naturel ou artificiel), les pratiques cul- turales ^defoncage, fac.ons courantes), leur perfection, leur profondeur, contraires a Feau, sont favorables a Faeration. Si les elements contraires a Faeration favorisent la chlorose, alors que ceux doues de proprietes opposees au point de vue dc 1'eau et de Fair sont contraires a cette affection, si les deux actions marchent de pair, n'est-ce point que Fetat chlorotique qui nous occupe a bien sa source dans le manque d'un air necessaire aux fonctions des racines. SOL. (CONSTITUTION CHIMIQUE.) L'influence que la composition chimique d'un sol exerce sur Fattitude des vegetaux est incontestable. Sa richesse en Elements utiles et la ponderation de leurs quantites relatives constituent des elements favorables, sinon indispensables. Sa pauvrete ou le defaut relatif de certains elements exergent, par contre, une influence nuisible a une bonne tenue. Mais on arrive bien vite a reconnaitre que. s'il est incontestablement des sols qui predisposent a la chlorose et d'autres dans lesquels on ne la rencontre point, c'est moins le defaut d'elements indispensables a la vegetation qu'une composition speciale qui entrainent a leur suite la chlorose de caractere permanent. Les premiers sont generalement des calcaires crayeux, marneux ou argiieux, les seconds sont plutbt sableux et sili- ceux. En examinant la question de plus pres, on arrive aise"ment a reconnaitre : que les premiers sont souvent loin d'etre des sols pauvres, et que leur famille comprend des types de com- position differente ; par contre, que leur constitution physique — 18 — pre"sente des caracteres coinmuns de spongiosite et d'iniper- meahilite inverse de ceux que presentent les seconds. D'autre part, on constate aussi que les memes sols qui, dans certaines conditions physiques, engendrent la chlorose de certains cepages, leur restenr favorables dans des conditions opposees. Enfin, 1'experimentation et Tobservation montrent, parti- culierement, rinsuffisance des substances inspirees d'un defaut de composition chimique : engrais, composes ferrugi- neux-, etc. (1) On ne saurait qu'en conclure : que la nature chimique des sols, facteur capital de la vegetation, est tout au plus un facteur secondaire au point de vue de la chlorose ; qu'elle est a ce point de^vue, surtout 1'occasion d'une certaine consti- tution physique speciale ; et que c'est dans des influences exterieures, favorisees par 1'allure physique qu'entraine cette constitution, qu'il faut rechercher la cause de la chlorose qu'on serait, comme nous Favons dit, tente a premiere vue de rapporter a une sorte d'empoisonnement par le sol. SOL. (CONSTITUTION ET ETAT PHYSIQUE.) II en est autrement de 1'etat physique des sols. II y a des terrains chlorotiques, d'autres non chlorotiques, et c'est, nous venons de le dire, dans 1'e'tat physique de ces sols qu'il faut rechercher, Toccasion des phenomenes de chlorose qu'entraine 1'eau dont nous avons explique le mode d'action. Tout ce que nous revelent Tobservation et rexp6rimentation vient confirmei1 ce point de vue. Les classifications des sols par nature, etablies au point de (t) Sauf quelques cas speciaux, ces agents sont rested inefficaces. II n'en faut pas moins considerer que, s'il taut rechercher la cause du defaut de nutrition qui constitue la chlorose, ailleurs que dans un defaut d'elements utiles, leur richesse ne peut qu'influencer favorablement le vegetal au point de vue de la chlorose. Le fer merae joue un role utile, bien que secondaire, dans les phenomenes relatii's a la nutrition. L'emploi du sullate de fer se traduit, en particulier, par un accroisseraent de teneur en acide phosphorique et le developpement de la chlorophylle des organes verts. J'ai constat6 cet effet de verdissement sur des vignes traitees au sulfate de fer contre 1'anthracnose. — 19 — vue de latenuedesce'pages (1), se resument en fait a. deux cat6- gories, comprenant necessairement des degre's interme'- diaires : L'une , des sols qui gardent mal I'ameublissement , ou sont mal egouttes ; L' autre de ceux qui le gardent et sont sans ex ces d'eau. L'examen montre qu'on trouve dans les premiers des racines necessairement d'allures variable suivant les cepages, mais generalement moins ramifiees pour un meme cepage et d'une ramification moins precoce. (Le chevelu ne s'y deve- loppe souvent qu'a la pousse d'aout.) G'est dans ceux-la que se produit la chlorose. Dans les seconds, pour un meme cepage, on trouve des racines generalement plus ramifiees et plus dures, un chevelu plus abondant et plus precoce. 11 est palpable que cette division, basee sur le seul examen des faits, sans aucun parti pris de theorie, confirme absolu- ment ce que nous presumons des effets combine's de 1'eau, de 1'air et de Failure des sols eri presence de ces elements. Si partant de nos vues, on eut voulu a priori remonter a une classification hypo the' tiqufi, il parait difficile de concevoir comment on 1'eut presume'e autre. L'experience directe montre, d'ailleurs, qu'on peut agir sur cet etat d'un meme sol et que, parallelement aux differences physiques apporte'es. les resultats se modifient. La profon- deur, le tassement, engendrent des effets differents de ceux qu'on peut constater a la superficie des sols ou dans des sols ineubles et bien egoutte's. Le caractere, la grosseur, la divi- (1) Les observations relatives a 1'adaptatiqn, faites par le Cornice de Cadillac, 1'ont conduit a definir comme il suit les terrains envisages au point de vue du tassement et classes selon la tenue des cepages. (Bulletin du Cornice de Cadillac, Janvier 1888. Rapport de la commission d'adapta- tion.) On voit dans les sols arables •. « une categorie de terrains capables « oY absorber et de retenir dans leur masse une tbrte quantity d'eau, et dont « le tassement est energique sous deux formes dilferentes : tassement « avec fendillement et tassement dans toute la masse sans fendillement. » (G'est dans ceux-la que se produit la jaunisse ou chlorose); et une autre categorie de a Terrains qui contiennent moins d'argile et moins de calcaire « mais plus de silice, dont le tassement se produit toujours sous les « memes apparences, sans fendillement, et avec rt'autarit plus d'iritensite' « que le sol est plus pauvre, moins argileux, deja plus tasse et a sous sol « impermeable. » Dans ces terrains, on ne rencontre jamais de vignes ehlo- ros6es. — 20 — sion, la precocite des racines se modifient desavantageusement dans le premier cas, avantageusement dans le second ; a teJ point que la chlorose peut apparaitre dans un terrain rebel le a la vegetation d'uncepage, ou en disparailre, du seul fait de ces modifications physiques. Ainsi, on obtient par le tassement : des racines charnues plus grosses, des radicelles plus fines et en moindre quantite ; avecl'ameublissement, des racines plus lignifiees, dediametre moindre, des ramifications extremes plus abondantes et plus developpees. Parallelement, des effets sur la vegetation exte- rieure se manifestent, necessairement variables et meme differents selon 1'intensite des causes et les besoins des cepages, mais generalement, nearimoins, dans un sens defa- vorable dans le premier cas, favorable dans le second. (Dans une mtoe argile, M. Gazeaux-Cazalet a vu des Riparias se chloroser ou non suivant le tassement. J'ai eu 1'occasion de faire etablir des drains en branchages et de constater sur les parties qu'ils traversent, specialement, une difference de colo- ration qui permettait d'en rnarquer la place. Get accroissement remarquable de verdeur etait certainement, en particulier, un effet de 1'aeration.) Les actions susceptibles de modifier 1'etat physique des sols sont. particulierement : le tassement naturel ou accidentel produit par le poids du sol, le 'travail cultural ou la circula- tion, 1'eau, les pluies; 1'etat cultural et les precedes d'egout- tage, drainage, etc. L'eau est 1'agent me'canique par excellence du tassement. Lorsqu'on veut comprimer un sol, 1'effet des actions me'ca- niques : charge, percussion, auxquelles on peut le soumettre sont, quelles qu'aient et6 leur energie, toujours 1'occasion d'un nouveau tassement lorqu'on les renouvelle apres un mouillage qui facilite le mouvement relatif de leurs parcelles. De plus, Feau par elle-meme agit mecaniquement, sinon en vertu de sa vitesse, du moins par son poids et par capillarite, ass'ez energiquement pour que, sans 1'intervention d'autres actions exterieures, le tassement ait lieu. G'est surtout pen- dant la periode d'e'gouttage ou d'evaporation qu'il se produit. L'aptitude des sols au tassement depend de la capacite pour 1'eau qu'entrainent : soil leur nature calcaire ou argi- leuse, soit un tassement anterieur. Ge que nous venons de dire de Faction de 1'eau Fexplique. Ge sont la des effets obliges d'une capillarite que favorise leur nature plastique egalement favorable au glissement de leurs parties. Un mauvais egouttage facilite done le tassement. L'enlevement des eaux par le drainage ne peut, par suite, qu'e'tre avanta- geux. Les pratiques culturales ameublissantes telles que les defon- cements et facons, 1'emploi des fumures vegetales ou de cer- tains amendements, agissent non seulement directement sur 1'aeration , mais encore , on le voit , indirectement ( en rompant la capillarite), par leur action sur 1'eau agent du tassement (1). (Les effets imme'diats de rameublissement sont multiples : An point de vue de la chaleur, i) diminue sa transmission. Au point de vue de 1'eau, il augmente 1'egouttage et diminue Fevaporation. Au point de vue de Fair, il augmente Faera- tion. Au point de vue de ses consequences sur le vegetal, nous venons de dire qu'elles etaient, en regard des effets, inverses, du tassement. Dans 1 'ensemble, on s'explique ainsi ses effets et on voit qu'il ne peut qu'e'tre favorable & la vegetation des racines qui ont besoin, non seulement d'une certaine temperature, mais encore d'humidite sans exces et d'air. L'ameublissement n'est jamais trop parfait. II peut 6tre excessif sans risquer d'etre nuisible.) Dans cette analyse des effets d'actions diverses sur les sols et Fetat physique des sols, il est facile de voir qu'ils aboutissent a des modifications de leur etat d'aeration (1'eau agissant parallelement), la compacite des sols et F exces d'eau agissant (1) Nous pourrions, a ce que nous venons de dire de cette action de rameublissement sur 1'aeration et le tassement ult6rieur, ajouter que cette action ne peut qu'etre favorable, au cas ou, dans les memes sols, une secheresse extreme serait de nature a entrainer 1'etat chlorotique. La diminution de 1'activite capillaire des couches sui»erficielles, produite par leur division, retarde necessairement la dessication par evaporation. D'une maniere generale, on peut considerer que rameublissement agit comme un regulateur sur I'humidite du. sol. Si ses eiFets durant la saison humide n'auront pu qu'etre favorables a 1'egouttage, ils seront, dans la saison seche et chaude, plus utiles encore en ralentissant I'ovaporation. deTavorablementsur cette aeration, alorsque Fameublissement et Fegouttage la favodsent. En resume, on voit quelle est 1'importance des quality's physique des sols, leur role dans la bonne tenue des cepages, et on ne saurait douter que leur action ne se resume plus specialement en un effet sur Fair, facteur principal a consi- derer dans la chlorose qui nous occupe. PENTE. EXPOSITION. CLIMAT. Ces elements sont & considered dans la question de la chlorose comme facteurs susceptibles d'influencer Fe'tat phy- sique des sols. L'influence de la pente ne peut qu'6tre favorable. L'influence d'une exposition chaude est plutot favorable que nuisible, Nous avons dit a propos de Faction de la chaleurque, sauf lescas accidentels ou la chlorose derive d'un exces de secheresse, cet agent est favorable. Les climats chauds seraient. par la meme raison, plut6t favorables. II en est de me'me des sees par rapport aux humides. Mais c'est surtout Ja Constance de leur regime qu'il importe de conside'rer. Les plus reguliers au point de vue de la chaleur et surtout de Feau, sont certainement les meilleurs au point de vue qui nous pr^occupe. Les raisons en sont, d'apres ce que nous avons dit, faciles & concevoir. La nature des cdpages exerce une influence varied sur leur tenue et leur propension £ la chlorose. A priori, il etait facile de presumer que tous ne doivent pas se comporter de meme. II en est effectivement de plus ou moins facilement chlorotiques, et d'autres qu'on peut qualifier de refractaires. L'expe'rience acquise en Europe Favait montre, les re'centes recherches de M. Viala en Amerique Font con- firm^ et et ont mis en lumiere des varie'tes susceptibles d'etre conside're'es comme indemnes, (Ginerea, Gordifolia, Berlan- dieri). — 23 — Si la chlorose vient du sol, on doit trouver a ces cepages des racines d'une nature differente de celle des ce'pages chlorotiques. G'est en effet ce qui a lieu : leurs racines out une constitution speciale aux cepages qui s'accommodent des sols non aeres, sur laquelle nous reviendrons. D'autre part, les cepages doivent se comporter suivant les sols. G'est aussi ee qui a lieu. Selon les ce'pages et selon les sols, on a ou non la chlorose. Certains sols convieuuent a certains cepages et moins a d'autres. Pareillement un meme cepage ne se plaira pas e'galement dans tous les sols. Le choix des ce'pages susceptibles de s'accommoder d'un sol determine, ou des sols susceptibles de convenir a un cepage donne, I1 adaptation, en un mot, des cepages aux sols est de la plus haute importance, puisqu'une mauvaise adaptation peut engendrer la chlorose ou, pour parler plus exactement, en e"tre Foccasion. Les nombreuses observations de cepages et de sols faites par le Cornice de Cadillac et son rapporteur, M. Cazeaux- Cazalet, ont fourni, relatiyement a la constitution des racines et la tenue des cepages, une serie d'inte'ressantes donnees qui se rattachent a notre maniere de vor , la confirment, et que voici(l) : L' allure des racines (variable, en particulier, suivant 1'espece et 1'e'tat du sol) et cet etat du sol, sont les facteurs essentiels a considerer en matiere d'adaptation. L'examen des racines des cepages permet de les classer comme il suit. (Nous avons dit plus haul comment on peut classer les sols.) lre se'rie (types : Riparia et Rupestris). Gette serie com- (1) Voir : Bulletin du Cornice de Cadillac, 1" vol., n' 7, fevrier 1886, Enquete sur la jaunisse d'un vignoble americain, f° 197 2e vol., n° 1, Janvier- fevrier, 1887; Communication sur 1'adaptation, f° ; 35; n° 2, mars- ayril 1887; Rapport de la commission d'enquete sur 1'adaptation et la jau- nisse, f° 73; n° 4, juillet-aout, 1887; Notes sur la formation des nouvelles racines de la vigne. f° 152 a 163; Journal du Cornice de Cadillac, n° 12, decembre 1887 et 13, Janvier 1888; Nouveau rapport de la Commission d'enquete sur 1'adaptation et la jaunisse; (Cazeaux-Cazalet, secretaire du Cornice). Bulletin de la Societe des agriculleurs de France, session de 1888, section de viticulture, seance du 11 feVrier 1888 : Communication relative aux observations du Cornice de Cadillac, relatives a 1'adaptation, par E. Petit (membre du Cornice), secretaire de la section, f« 327. — 24 — prend les cepages dont les racines sont les plus faibles de diametre, les plus rarnifiees, et ont le chevelu le plus gros et le plus abondant. Eiles ont leur corps ligneux central d'un diametre relativement considerable et 1'enveioppe exterieure non lignifiee peu epaisse. 2e serie (types : Solonis, Herbemont, Vialla, Jacquez, etc.). Les cepages de cette serie ont leurs racines d'un diametre plus considerable, moms rarnifiees, un chevelu espace d'autarit plus grele que la racine est plus grosse. 3e serie (types : Gordifolia, Ginerea, Berlandieri). Ges cepages ont encore, plus que les precedents, leurs racines d'un fort diametre, a chevelu grele et a enveloppe non lignifiee tres epaisse. Ges caracteres (susceptibles de se modifier suivant les sols pour un m£me cepage ou pour un merne cepage et un mtae sol, selon les influences exterieures susceptibles de modifier Fetat physique du sol, telles qu'un climat sec ou chaud susceptible d'abaisser le niveau de la zone humide) sont la physionomie-type que presentent generalement les cepages dont la bonne tenue prouve la bonne adaptation. Si, au contraire, 1'adaptation est mauvaise, on trouve dans leurs racines des caracteres differents. Les cepages de la premiere serie exigent done des conditions favorables a 1'emission precoce et continue des radicelles nouvelles, n'amenant pas trop vite leur lignification (de la fraicheur sans humidite) ; les cepages de la seconde serie et, surtout, ceux de la troisieme sont moins exigeants a ce point de vue. L'observation montre que ces conditions favorables se trouvent plutot dans les etages superieurs que dans ceux inferieurs des sols arables , meubles , susceptibles par leur nature et leur 6gouttage d'offrir une certaine resistance an tassement, c'est-a-dire : d'abord dans les terrains sablonneux, puis dans les terrains moyennement argileux, sans fendil- lement, profonds et Men egouttes, et dans les terrains argi- leux susceptibles de se fendiller, bien ameublis et bien egouttes. Ges cepages se de'veloppent mal, au contraire, dans les sols dont le tassement est considerable tels que les sols — 25 — moyennement argileux a sous-sol impermeable et peu pro fond, et surtoutles sols argileux a fort fendillement, mal ameublis, et les sols calcaires. Les cepages de la 2e serie s'accommoderont mieux de ces derniers terrains. Ceux de la 3e convenablement. La chlorose est le fait d'une mauvaise adaptation. Les cepages de la lre serie y sont les plus sensibles ce sont ceux de la derniere qui la favorisent le moins. Tel est tres approximativement le resume des donnees fournies par les observations du Cornice de Cadillac, que nous avons communiquees a la Socie'te' des Agriculteurs de France, (section de viticulture, seance du 11 fevrier, 1888). En somme : 1° Chaque cepage aune allure speciale de racines normale. 2° Elle veut, pour se produire, des conditions physiques speciales de sol. A une allure speciale des racines correspond une certaine constitution du sol (ainsi, aux racines ramifiees a chevelu developpe et abondant, minces, fibreuses, a enve- loppe corticale non lignifiee de peu d'e"paisseur, correspondent les couches superficielles et les sols meubles et egouttes ; aux racines peu ramifiees, a chevelu grele espace ou nul, grosses, molles, montrant une forte epaisseur d'enveloppe corticale non lignifiee, correspondent plutot les couches profondes et les sols asseches rnoins meubles ou moins sains), et vice versa, c'est-a-dire que la nature du sol tend a engendrer la constitution de racines correspondante. 3° Si le rapport qui convient entre 1'etat physique du sol et la nature du racinage n'est pas observe, le cepage peut souffrir et la chlorose apparaitre (plutot sur les cepages a* chevelu que sur ceux a grosses racines, et avec certains sols). 11 nous semble difficile de ne pas voir en toute cette ques- tion de 1'adaptation, comme influence predominante sur la tenue des cepages, celle de 1'aeration ; les cepages les plus sensibles a la chlorose (ceux a chevelu) seraient ceux dont les besoms respiratoires seraient les plus considerables, les cepages refractaires (ceux a grosses racines) ceux dortt les besoins respiratoirs seraient moindres (1). (1) Ajpiitons une remarque a ce que nous venons de dire des cepages considers d'apres leur tenue : — 26 — Les vignes franchises ne sont pas indemnes de la chlorose. Si on a moins parle de leur chlorose que de celle des vignes americaines, c'est beaucoup parce que Taitention n'etait pas jusqu'ici appelee sur cette affection, moins a craindre pour elles, et que les observations manquaient. II est facile d'en constater 1'anciennete et 1'allure analogue a celle des vignes americaines. Si elles sont relativement rebeiles a la chlorose, ne faut-il pas Tattribuer aussi particulierement a des besoins respiratoires moindres. L'etude comparative des genres doit eclairer la question. (Les examens microscopiques de racines (a) Les plus enclins a la chlorose sont de reprise, par bouture, facile. (Riparia, Rupestris, par exemple.) Les plus refractaires (Cinerea, CordHolia, Berlandieri) sont de reprise difficile. Ceux intermediaires sont de reprise variee, plus ou moins facile. II est probable que ce n'est pas la une simple coincidence, mais 1'effet oblige de la meme constitution qui les rend moins sensibles a la chlorose. D'une facon generate, les vegetaux a racine pivotantepeu ramifige, rebeiles an bouturage, supponent diftMlement la transplantation (a moins que le pivot, n'ayantete coupe, la racine nese soil ramifiee lateralement.) J'estime qu'il y a un lien, non seulement entre leur constitution plus ou moins ramifiee, leur nature fibreuse ou molle, leur allure superficielle ou pro- fonde et leurs besoins respiratoires plus grands ou moindres, mais encore entre ces elements et leur plus ou moins de facility a la reprise. (b) Chez les ce~pages de bouturage relativement difficile (tels que le Gynthiana, 1'Herbemont, le Jacquez, etc.), la tete a plus d'avance sur le pied que chez les autres. Sur le Cynthiana, par exemple, on voit partir les yeux sans le plus souvent qu'aucune racine se montre au talon : leurs pousses ne tardentpas a se fletrir, on s'apercoit alors du defaut de reprise. On pent constater, d'autre part, qu'en retardant la tete de ces cepages par rapport aux racines (et vice versa), on augmente les reprises. Ainsi, en plantant des Jacquez par exemple, couches et recouvrant la tete relevee d'un peu de terre, on reussit mieux. On peut observer aussi que la reprise de ces especes greffees, c'est-a-dire plantees sous la forme de greffes bou- tures avec une tete etrangere qui met obstacle au depart de leur vegetation exterieure, est meilleure. (On sait aussi que sur couches chauffees leur reprise est meilleure.) Cette faculte d'emissipn des racines et celle du depart des parties aeriennes seraient-elles inverses et n'y aurait-il pas la une quantite de plus liee aux prec^dentes? Cela me parait possible. (c) II en est probablement de meme de 1'^poque de ce depart. Les cepages les moins chlorotiques : Cinerea, Cordifolia, Berlandieri, semblent relati- vement precoces. (Je dis semblent, car, en comparant mes observations de dates des debourrage, floraison, aoutement et maturation , entre elles et avec d' autres, j'y trouve des contradictions telles qu'il me parait difficile de classer, au point de vue de la precocite, les cepages d'une facon fixe. Dans ces conditions, je n'oserais rien en conclure avec certitude. Norma- lement, les cepages a racinage superficiel doivent et semblent en general acGomplir, plus rapidement que les autres, le cycle annuel de leurs fonctions.) Tout cela n'indiquerait-il pas qu'ils exigent moins de leurs racines, et plus de leurs reserves? (L'analyse chimique fournirait sur ce point d'inte- ressantes donnees.) Par centre, leur floraison semble notablement plus tardive crue celle des Riparias. Cette quantite ne serait-elle point liee a la nature et a la profon- deurde leurs racines? faits au point de vue du phylloxera a Fecole de Montpellier, les observations comparatives de cepages faites au point de vue de 1'adaptation par le Cornice de Cadillac, n'infirment en rien ce point de vue. Les premieres le confirment plulot par les differences de structure qu'elles ont revelees, les deuxiemes en montrant Failure de leurs racines intermediates entre les cepages les plus enclins a la chlorose et ceux qui lui sont reTractaires. CONDITIONS Les conditions d'e"tablissement d'une plantation sont suscep- tibles d'influer sur sa tenue ulterieure. En ce qui concerne le sol, il faut considerer son ameublis- sement originel a une profondeur plus grande que celui cultural, courant, plus superficiel. Cette preparation 'du sol ne saurait jamais etfe trop parfaite. Certaines natures du sol gardent plus facilement les effets de rameublissement originel. Ce sont les plus compacts et les plus sees (les argiles fortement cimentees et drainers, par exemple). Mais il faut observer que pour ces sols rameublis- sement est indispensable, et qu'avec ses effets Fae"ration cfisparaissant plus completement que pour d'autres, ce sont ceux pour lesquels il faut se preoccuper le plus des effets ulte- rieurs. (Peut-e"tre y aurait-il lieu de se demander s'il ne vaudrait pas mieux, dans ces sols surtout, attendre pour planter, un commencement de tassement qui rende le milieu suffisamment stable, de telle sorte que les racines du cep soient, tout d'abord, moins sollicitees durant leur periode de jeunesse de plonger vers les couches profondes ou elles pour- raient se trouver plus tard dans des conditions inferieures au point de vue de Fair et de Feau (1). (1) II nous est arrive de planter avec succes sur des prairies defrichees superficiellement. J'ai trouve, dans la Loire, une opposition syste'matique au defoncage profond de certains terrains, basee sur 1'experience, de la part d'un vieux vigneron. En examinant ces terrains, j'ai constate leur tassement. Cette pratique serait done susceptible d'etre motivee. La duchesse de Fitz-James espere de la bouture a un oeil ou du sur- greffage affranchi un racinage plus superficiei. Ge resultat, s'il etait r4el serait g^n^ralement plutot favorable que deTavorable. — 28 — La profondeur de la plantation importe aussi. Le talon, point de depart du racinage doit etre forcement au-dessous du plan de culture, mais il vaut mieux planter superficiellement queprofondement; cela s'explique de meme. Lesracines pour- ront descendre et s'etablir dans la couche favorable si Ton a plante trop haut. Si Ton a plante tropbas et qu'il leur faille remonter pour la trouver, ce sera evidemment pourellesune situation anormale. CONDITIONS DE CULTURE. L'ameublissement cultural courant, plus superficiel. n'est jamais trop parfait ni trop frequemment renouvele. (Nous avons dit qu'un defaut d'ameublissement pouvait entrainer la chlorose.) Ses effets durent moins que ceux du defoncement, sous ^'influence des actions mecaniques exterieures (pietinement, pluie, action des successions de secheresse et d'humidit6, etc.), par suite de leur action plus immediate. Les fagons peuvent etre plus ou moins profondes, et meme superficielles ; les necessites de sol et de climat guident et peuvent imposer certaines formules. Le principal est d'eviter les changernents du niveau de la sole. Les racines se consti- tuent dans une zone, la plus convenable, dont on ne peut changer impunement Fequilibre. Rien en tout cela qui ne s'accorde avec ce que nous pre- sumons de Faction de Fair et 1'eau. LESIONS. On a vu des lesions produire la chlorose. La cause n'en peut qu'etre le ralentissement qu'elles occa- sionnent, d'une circulation qui devient insuffisante pour la nutrition. Ges cas sont distincts de ceux qui nous occupent (1). (1) M. Dezeimeris a fait sur 1'inconvenient des lesions dues a la taille d'interessantes remarques. II en conclut au ro^na^e des gros bois en deux annees, eta 1'emploi de la serpe conjointement a celui du secateur L'imita- tion des procedt§s de coupe et d'enduits employes par la sylviculture ne pourrait certainement qu'etre avantageux a 1'attenuation des mauvaiscdtes de cette operation obligee. — 29 — GREFFAGE. On peut dire que, d'une facon generate , le greffage predis- pose a la chlorose. J'ai vu a 1'origine attribuer ce fait & un defaut de soudure qui ne saurait £tre general, ou une carie que des sections longitudinales de pieds chioroses ne m'ont que rarement montre'e, alors que les me'mes especes (Riparia par exemple), non greffees, dans Jes memes conditions de sol et d'eau, n'etaient pas chlorosees. La greffe peut done entrainer la chlorose. Mais si on refle'- chit qu'elle constitue urie entrave mecanique a la circulation (dont le bourrelet et la difference de grosseur tlu porte greffe et du greffon sorit des manifestations), variable suivant la correlation des vaisseaux des deux cepages et la perfection de la soudure, de meme ordre que les ligature, incision annu- laire, inclinaison ou arcure du branchage, etc., on comprend que les effets de procedes, en apparence dissemblables, au fond analogues (1), soient pareillement analogues (fructification plus abondante, maturation plus precoce, titre gleucome"trique plus eleve, etc.). On congoit ainsi que. dans ces conditions, le fonctionnement des racines privies d'une seve utile a leur developpement ne puisse suffire a alimenter le vegetal et que la chlorose en reste facilitee. Neanmoins. puisque la chlorose atteint les cepages non greffes, on ne saurait evidemment voir dans la greffe autre chose qu'une influence possible; d'autant mieux que son resultat, non seulement n'est pas toujours nuisible au point de vue de la chlorose, mais meme peut-etre favorable (2). (1) Ces divers procedes tendent plus particulierement a creer un obstacle a la circulation de la seve descendante, elaboree par le feuillage et pro- voquer ainsi un engorgement relatif favorable au fruit. (2) (a) En greffant des Aramons sur des Herbemonts chlorosis, M. i«'oex a vu disparaitre la chlorose. (II attribue ce resultat a la puissance veg6ta- tive plus active de 1'Aramon dont les feuilles transpirent plus que celles de lllerbemont.) Dans son traite des vignes ame>icaines, M. Sahut envisage avec raison F influence du porte-gretfe sur ie grelfon et du grelfon sur le porte-greffe. En observant ce qui se passe au point de vue de la vigueur, chez les pieds greftes, selon les varietes. on est trappe par 1'evidence de fails sur lesquels — 30 — GHLOROSE. Les effets apparents de la chlorose sont en particulier le jaunissement des feuilles et le ralentissement de la croissance. Sur les racines, on ne trouve pas de chevelu re'cent. Avec le rctour du cep a 1'etat normal, on constate la pousse des radi- celles. ,(Gotte -consequence est, a la fois, 1'indice d'un meilleur e*tat de la couche du sol ou elles ont pousse, et 1'effet force" du re'tablissement des fonctions et d'une circulation normale, consequence de cette amelioration (1). Tout cela n'est que conforme a I'idee que la chlorose (quelle qu'en soil la cause imme'diate) consiste en un trouble de fonctions relatives a la nutrition (respiratoires et de cir- culation nutritive) qui aboutit a un defaut de nutrition et se traduit visiblement par 1'aspect languissant du vegetal. A priori il semble qu'on doive presumer de ce defaut de nutrition un manque d'elements utiles chez les pousses de ceps chloroses. L'analyse chimique consultee a ce sujet a donne des resul- tats qui ont surpris (2). Alors qu'il semblait qu'on dut s'at- tendre a un deficit des elements chimiques essentiels, il se trouve, au contraire. qu'il y a d'une faQon ge"nerale, sinon absolue, un exces de ces elements dans la pousse de I'anne'e. il serait long de s'6tendre, et on ne peut que rester, sur ces points, d'ac- cord avec lui. (&) M. Dezeimeris a pu constater, dans une plantation de Rupestris greffes, que les rejets americains des ceps chlorosis 1'etaient aussi. On ne peut qu'en conclure, une fois de plus, a 1'origine souterraine de la chlorose. (1) Si on considere que les cellules absorbantes des poils radicaux et des couches epidermiques des jeunes racines sont vivantes, c'est-a-dire soumises aux lois devolution qui sont celles de 1'or^anisme vegetal et ani- mal, il faut bien adraettre que leur role ne peut qu etre temporaire. Elles ont done besoin d'etre renouvelees, et ne peuyent i'etre qu'autant que le vegetal qui les engendre sera dans des conditions d'alimentation et de circulation convenables et que le sol leur constituera un milieu propice. De la : la necessite de 1'avenement et de 1'elongation continue des radi- celles qui portent pres de leurs extremites ces organes absorbants, cette consequence de leur non developpement dans 1'etat chlorotique, 1'indice qu'est leur pousse ou son defaut de 1'etat du sol et du vegetal, et la ten- aance au maintien de 1'etat chlorotique ou a sa disparition, suivant 1'allure de cette pousse. (2) Voici des moyennes calculees d'apres quelques chiffres trouv^s par M. Joulie (Bulletin de la Societe des agriculteurs de France, 1888, f° 77) : — 31 — A premiere vue, cet e*tat plgthorique est fait pour sur- prendre. En y reflechissant, on voit qu'il n'infirme en rien les notions acquises, ni notre thgorie. Nous croyons que la chose doit pouvoir s'expliquer comme il suit. (a) Dans les cas de chlorose (quelle que soit d'ailleurs la cause qui agisse me les racines), la vegetation exterieiire se ralentit. Si Ton veut bien observer que les chiffres indi- ques sont, non des teneurs absolues , mais des teneurs pour cent, on voit que les pourcentages ont pu augmenter sans que pour cela la teneur totale ait augmente. (Gelle-ci, a priori, ne peut qu'etre moindre.) (b) Dire que le pourcentage a pu auguienter, c'est, il est vrai, dire qu'il y a plethore a poids egal. Mais, si Ton y refle- chit, on voit que cette plethore semble plutot obligee, qu'elle n'a lieu d'elonner. II ressort en effet, non seulement de ce qu'on peut pre- sume^ de 1'observation de ce qui se passe au depart de la vegetation pour les boutures, ou pour la vigne racine'e alors que ses racines, dans un sol a peine tiede, n'ont pu lui fournir encore que des apports insignifiants, mais encore de 1'analyse chimique, que : 1° Durant la premiere partie de la vegetation, les parties aeriennes se forment aux depens des DIFFERENCES POUR CENT DE LA TENEUR EN ELEMENTS UTILES DE PIEDS DE VIQNE CHLOROSES ET NON CHLOROSEB. i o f f f I * H p Q 9 * PH 04 B •= H •< o P • Q O g 3 I g 2 i . O g Trois cepages : H. Bouschet (greffes), + 19 4- 32 4- 94 4- 73 + 120 4- 260 " Jacquez ( non greffe ) . . — 2,78 + " + 86 + 72 + 33 4- 43 Nous avons s^pare a dessein les chitfres qui coneernent le Jacquez. On y remarquera que les diiferences sont plus faibles. Ce cepage n'est pas des plus chlorotiques; d'autre part il n'etait pas grefie, deux raisons pour qu'il ait et6 moins atteint. L'etat plethorique moindre qu'accuse le pourcen- tage des differences s'explique ainsi. — 32 — reserves clu cep (souches et racines); 2° que, de la floraison a la maturation, ce mouvement se continue pour se traduire par une diminution de teneur pour cent en elements utiles ; 3° que ces reserves se ^constituent de la maturation du fruit a la chute des feuilles. Voici ci-dessous des chiffres extraits de recentes analyses d'echantillons de Se'millon et Sauvignon du vignoble blanc du chateau de Suduiraut, a la floraison et a maturation en sols de grave et d'argile, suffisants pour donner ide"e du phe'norneiie (1), (1) En comparant les huit analyses faites par M. Joulie, dont quatre a la floraison et quatre a maturation, calculant les pourcentages moyens, et les differential j'en ai deduit le tableau approximatif qui suit. Le signe 4- indique un gain, le signe — une perte, de la floraison a la maturation. Ses chiffres sont rapportes a la floraison (de teneurs £$•). VARIATIONS MOTENNES POUR CENT DK LA FLORAISON A LA MATURATION DE LA TENEUR EN ELEMENTS UTILES DE SEMILLON ET SAUVIGNON BLANCS EN SOLS DE GRAVE ET D'ARGILE (chateau de Suduiraut-Sauternes, 1883. o 5. 0 d fc §, 5" 0 0 0 OH s% W* p w cC fc * §0; 0 ft,' W M S 8' H >< « Ed o n ^ 3 p H ^5 o 0 £ O < I g O •4 o co M o g a M p^ Q-l CO Souches et racines .... — 22 4-3 — 34 — 21 — 10 + 9 — 1 — 36 — 72 Sarments Feuilles — 36 — 14 — 17 — 9 — 34 — b ++,L fT — 47 — 24 4- 150 + 1 4- 2 ^ __ 2 4- 2 — 82 Fruit 4- 4- 4- + + 4- 4- 4- 4- Sarments , feuilles et fruit — 39 — 23 — 39 4- 74 — 6 — 31 — 6 — 34 — 92 Pied entier — 19 4- 7 — 26 — 21 4- 10 4- 17 + 0.1 — 39 — 96 Ces chiffres mettent en evidence 1'importance des reserves du cep (souche et racines) anterieures a la pousse, et celle du transport des ele- ments utiles qui s'opere successivement dans 1'interieur du vegetal au fur et a mesure de son accroissement. (Des analyses de cepages du Midi montrent des r^sultats analogues.) Ces faits ne sont point particuliers a la vigne. Us semblent devoir etre une loi commune pour les veg^taux. (Sur le me, M. Isidore Pierre a etudie les migrations de 1'acide phosphonque qui quitte successivement les — 33 — On congoit que si la vegetation exterieure, entravee par le mauvais fonctionnement des racines, subit un ralentissement, le cheminement de ces reserves puisse amener une concen- tration qui se traduise par un accroissement de pourcentage malgre que la teneur totale reste moindre que si la vegeta- tion eiit suivi son cours normal, et qu'il y ait chez le vege- tal atteint dans sa nutrition, plethore, la ou Ton pouvait s'at- tendre a 1'inverse en oubliant ces phenomenes de transport. II n'y a done en tout cela, non seulement rien d'anormal, mais meme rien qui ne fut oblige. Si les racines eussent pu fonctionner normalement, la vegetation exterieure eiit continue sans que cette accumula- tion se produise et le developpement des extremites des racines (consequence de la circulation de la seve elaboree par les feuilles, effet et indice d'abord, cause ensuite) eiit dote la vigne d'organes de nutrition qui 1'eussent, a leur tour, ai'dee dans 1'accomplissement du cycle de ses fonctions. CONCLUSIONS. La vigne exige, comme tous les vegetaux, certaines condi- tions (chimiques et physiques) de milieu. Ges necessites ne sont pas exactement les memes pour toutes les varietes de cette plante. Ou ces varietes viennent ces conditions existent, puisque ce sont elles qui ont du presider a 1'adaptation ; c'est la qu'il faut rechercher les elements favorables. Reciproquement, ou elles existent ces varietes doivent venir, les memes causes engendrant les memes effets ; c'est la qu'il faut etudier leurs effets normaux. Inversement, ou ces varietes souffrent, ces conditions doivent faire defaut ; c'est la qu'il faut rechercher les elements defavorables et en apprecier la valeur. Et reci- parties basses pour se concentrer finalement en majeure partie dans la graine.) Des analyses successives de pousses de vigne au fur et a mesure de leur croissance qnt montr£ que la teneur des plus jeunes e"tait la plus conside- rable (Joulie). Ge fait est connexe du precedent. II est naturel que les pousses avortees ties pieds chloroses offrent une concentration analogue, plus grande que si leur developpement eut ete normal. — 34 — proquement, ou ces conditions manquent, ces varietes doivent souffrir et on y pent etudier les effets pernicieux de Jeur defaut. L'examen de ces effets favorables et defavorables fait au point de vue de la chlorose semble conduire aux conclusions suivantes (conformes a celles que nous avions emises ante- rieurement). L'insuffisance de certaines de ces conditions de milieu peut entra'iner le trouble des fonctions de nutrition qui se traduit plus particulierement par le ralentissement ou 1'arret de la pousse et la decoloration du feuillage. Get etat peut avoir un caractere, soit temporaire, soit plu- tot permanent, qu'on serait tente de rattacher dans le premier cas a des influences temporaires. telles que celles exterieures; dans le second, a des influences permanentes, telles que celles souterraines. L'examen conduit a ecarter Fidee exclusive d'une cause exterieure et a ne voir, dans la generalite des cas de chlorose que les effets d'une meme action souterraine de causes tant exterieures que souterraines. Un defaut dans les conditions chimiques du sol, le manque oula surabondance de certains elements, ne parait, en Fespece, exercer qu'une action faible ou nulle. Si des sols de certaine composition penvent etre consideres comme chloro- tiques, on peut considerer aussi que les sols chlorotiques sont de composition variee. L'insuflisance des agents chimiques, contre cette etat, confirme ce point de vue. On ne peut qu'en conclure soit a un defaut ou exces d' ele- ments physiques, soit a un vice dans les conditions physiques, susceptible d'entrainer une action speciale de ces elements : chaleur, eau, air. Le defaut ou 1'exces dans le sol de certain de ces agents, nuisible a Ja vegetation souterraine, peut entrainer la chlorose. Tels sont : le defaut (ou 1'exces) de chaleur, et plus speciale- ment, 1'exces d'eau (ou son detaut qui resulte, en particulier, de Fetat calorifique). Mais il faut se convaincre que 1'effet de ces agents depend specialement des conditions de sol suscep- tibles de les aggraver (ainsi que de la sensibilite relative des cepages). — 35 — En Fespece, en dehors des cas ou nne secheresse excessive du sol est la cause palpable de Far-ret des fonctions d' absorp- tion souterraine d'ou resulte le defaut de nutrition dont 1'etat chlorotique est a la fois la consequence et 1'indice, 1'action du second de ces deux elements (1'eau) n'est qu'indi- recte. G'est surtout 1'atmosphere du sol qu'il faut consi- derer (1). Les racines respirent (elles absorbent de Foxygene et expirent de 1'acide carbonique a la lagon des autres organes vegetaux depourvus de chlorophylle ou prives de lumiere). Si 1'atmosphere immediate des racines, confinee, est de volume trop restreint, elle se vicie d'autant plus, et il y a asphyxie relative des racines; si elle est supprimee, il y a forcement suppression de leur fonctions respiratoires, asphyxie complete. Tout porte a croire que la cause imme- diate de la chlorose git dans cette asphyxie. Ces conditions de 1'atmosphere oxygenee des racines et, en particulier, son manque plus oumoins absolu, sont 1'effet des actions superposees, favorables ou defavorables, des autres agents, particulierement la chaleur et surtout 1'eau, suscep- tibles d'agir : la chaleur par son action sur 1'eau, 1'eau par son action directe sur 1'atmosphere du sol. L'intensite de -cette action varie suivant le sol. Son effet nuisible (ou utile) varie en proportion de deux facultes des sols qu'on peut denornmer : capacite pour Fair (contenance et facilite de circulation); affinite pour Feau (aptitude a Fabsor- ber et a la conserver). L'accroissement de la premiere, la diminution de la seconde sont favorables. La premiere est un effet de capacite relative (rapport des vides au plein); quant a la facility de circulation, elle est faci- litee par la grandeur des interstices. La deuxieme est moins un effet de capacite que de spongiosite ou capillarite. (Le maximum de capacite est, pour des raisons d'ordre geome- trique, obtenu avec des elements egaux en grosseur. La (1) Le cas ou Ton pourrait imputer au seul defaut de la chaleur du so la nutrition insuflisante du cep vegetal sollicite a Texterieur par des con- ditions favorables et une vegetation active, nous semblent tout au moins rares. G'est dire que, dans 1'ordre des palliatifs, la voie qui viserait cette cause nous parait devoir etre infeconde. — 36 — capillarite, par des raisons de meme ordre irait plutot en augmentant avec 1'inegalite de ces elements. Elle depend surtout de la tenuite des elements favorable a la multiplicity et 1'exiguite des conduits capillaires, sieges des phenomenes d'attraction capillaire.) La premiere serait plutot independante de leur nature, la seconde serait plutot liee a leur consti- tution . G'est la plus importante a considerer et, parmi ses facteurs, la constitution physique qui resulte de la nature chimique des molecules. On concoit, en effet, que du sable pur, me'me forme d'elements inegaux et tasse au maximum, jouisse de pro- prietes capillaires moindres qu'une pate liante formee d'ele"- ments moleculaires d'une tenuite extreme, de caractere plastique, et susceptible, par suite de sa capillarite plus grande, d'etre, sous sa forme compacte, a la fois, d'une pene- tration par Fair plus difficile et d'un pouvoir absorbant pour 1'eau d'autant plus considerable que sa ftuidite permet un accroissement de volume qui en favorise Tabsorption. Nous estimons done que la cause des differences d'intensite qu'offrent. suivant les sols (toutes autres influences egales), les phenomenes de chlorose, c'est-a-dire la cause de la diffe- rence entre le pouvoir chlorotique des terrains, git dans la difference des facultes capillaires de la substance qui les con- stitue (proprietes physiques inherentes a la constitution moleculaire speciale qui derive de leur nature chimique.) Ainsi, un sol de nature chlorotique sera non seulement celui qui offrira, tasse, un rapport moindre du vide au plein et une tenuite d'elements defavorables £ la circulation de Fair, mais encore, et surtout, devra a sa nature, au plus haut degre, des facultes capillaires susceptibles de se traduire par une aptitude au remplissage le plus complet de ses vides moleculaires par 1'eau, et une plus grande facilite a devenir dans cet etat fluide et susceptible, par suite, de gonflement, c'est-a-dire celui qui sera apte a mal conserver Fair, a absorber 1'eau et a la retenir. (Ajoutons que ces memes sols, dont la puissance d'attraction capillaire, antagoniste de celle de 1' absorption ve'getale, est susceptible de la tenir en echec a un certain degre de, dessication, sont ceux qu'atteignent force- — 37 — ment le plus les secheresses extremes susceptibles d'engen- drer Fetat que nous pourrions appeler Morose par siccite (ou seche] . La chlorose qui nous occupe (et qu'on pourrait, par opposition, appeler Morose par humidite ou humide) varie, non seulement selon le sol, mais encore suivant les quantites d'eau et, surtout, suivant le regime de Fapport et de la disparition de cette eau. Pour un regime regulierement constant, il s'etablirait un etat d'equilibre. L'etat d'aeration des divers sols et des diverses couches, different pour chaque, resterait sans varia- tions ; les racines s'etageraient, et sauf le cas, bien entendu defavorable, ou la profondeur de la couche suffisamment aeree serait trop faible pour le libre developpement des racines, la vigne pousserait sans accident respiratoire et nutritif. Mais il n'en peut etre ainsi. Les moyens de depart par egouttage (sous-sol permeable, drains, pente) fussent-ils parfaits et susceptibles d'un debit quelconque, le depart par evaporation (suivant la temperature, le rayonnement solaire, Fetat hygrometrique de Fair, le vent, la vegetation parasitaire ou voulue), et surtout Fafflux d'eau, varient. II en resulte forcement des contenances en eau et air tres differentes, tout specialement pour les materiaux d'une constitution mole- culaire telle que leur pouvoir capillaire et leur faculte de retenue, par suite, sont considerables. Tandis que les uns (ceux non plastiques), facilement egouttables. ne seront que faiblement influences defavorable- ment par la traversee de Feau qui (agissant en particulier comme piston) sera pour eux une occasion de rentree d'air, ceux plastiques, au contraire, se comporteront comme une eponge, se remplissant d'eau et se dilatant comme elle, en meme temps que, se vidant d'air, Feau se substituant a Fair. Mais, quel que soit Fegouttage, ils ne la rendront que lente- ment, par apport du centre a la surface en se contractant a mesure, conservant ainsi pendant une longue periode le sol qu'ils constituent, prive d'air. On concoit que les racines qui, durant la periode favorable, avaient pu se loger, tout au moinssuperficiellemeiit, dans ces sols (qui se fendent d'autant — 38 — moins qu'ils sont en sous-sol), sont alors dans des conditions d'asphyxie incompatibles avec la vie vegetale et leurs besoins normaux, que le vegetal en souffre, et que 1'etat chlorotique puisse en resulter. On s'explique ainsi la chlorose, non seulement dans les terrains on les couches refractaires sont superficielles, mais encore dans le cas ou elles sont en sous-sol, et ce fait que des pieds, qui ont pourtant a leur disposition une epaisseur de sol non chlorotique suffisante, puissent s'y chloroser a mesure qu'ils atteignent la couche refractaire qui se comporte d'une faQon qui a pu faire croire a un veritable empoisonnement du cep. Si, par suite d'une periode chaude et seche assez longue, les conditions redeviennent favorables. la vigne, s'accommodant d'un milieu souvent tres bon chimiquement, y poussera de nouveau des racines destinees a redevenir pour elle, avec le retour de la periode humide, 1'occasion de nouveaux troubles susceptibles de se traduire par une nouvelle chlorose. Cette lutte d'elements opposes, dont le resultat sera, selon les cas, dans un sens ou dans 1'autre, constitue pour le cep une per- petuelle souriciere. Ainsi, etant donne un sol chlorotique, c'est moins 1' existence ou 1'intensite des causes de mbuillage, ou que celle de leurs variations et Finconstance de leur regime qu'il importe de considerer. (Nous appelons 1'attention sur ce point de vue dont on peut, en particulier, conclure qu'il faut, dans les observa- tions relatives a rindemnite des sols ou des cepages, tenir compte, du regime de leur climat.) Les effets de cette asphyxie, absolue ou relative, se tra- duisent par une circulation , une nutrition et un develop- pement moindres. Pendant ce temps, le vegetal vit des reserves du tronc et des racines qui s'accumulent dans se's pousses (branchage et feuilles) en quantite relativement plus grande par suite de leur elongation moindre. Dans ces conditions, tant par suite de ce trouble fonction- nel general que de Finsuffisance de leur milieu, les racines ont leur developpement entrave et sont d'autant moins aptes a concourir a la restitution de nouveaux elements. — 39 - L'epuisement qui s'en suit peut aller jusqu'a la mort du cep. Les causes disparaissant, I'apparence chlorotique cesse, et on constate la pousse des jeunes racines. C'est la, a la fois, une consequence etun indice (mais non une cause); reciproquement cette pousse sera d'un effet favorable, contraire a la chlorose. (Dire que la jaunisse vient d'un defaut de developpement des racines, serait prendre un effet pour la cause qui 1'a produit.) Si ces effets des modifications du milieu varient suivant les sols, ils varient aussi suivant les cepages. Les uns semblent refractaires a la chlorose, les autres y sont sensibles, d'autres le sont a un degre intermediate. L'allure differente de leurs racines, les variations d 'allures de ces racines suivant les sols et les climals, leurs facultes d'enracinement differentes sont de nature a faire presumer pour les premiers des besoins moindres de 1'air du sol. A 1'inverse, les seconds, plus exigeants, auraient des besoins respiratoires plus considerables. Leur tenue dans des condi- tions favorables on defavorables suffit a le prouver. G'est en particulier dans la difference de structure de leurs racines (pour les premiers plutot grosses et plongeantes, pour les seconds plutot fibreuses et a chevelu), qu'il faut vraisem- blablement chercher la clef de leur difference de tenue, et ce sont elles qu'il faut consulter pour avoir la meilleure adapta- tion, un mauvais choix de sol pouvant'etre pour les cepages les pins sensibles une occasion de chlorose. Ges considerations s'appliquent aussi bien aux especes du genre Vinifera qu'a celles americaines. Si la greffe favorise generalement la chlorose, cela ne peut que tenir a 1'obstacle mecanique qu'elle cree a une circulation riecessaire au developpement du cep et des racines. Les plantations faites en plants greffes (sur boutures ou mieuxsur racines), soudes en pepiniereset selectionnes, sont, a priori, mieux constitutes au point de vue des inconvenients de soudure que celles greffees sur place. (Et Ton peut esperer pour elles un racinage satisfaisant si Ton considere qu'il se sera produit dans des conditions plus en rapport avec leur etat definitif.) — 40 — Les moyens a opposer a la chlorose ne peuvent qu'etre : le choix du c6page ou du sol, et les actions susceptibles d'agir sur Tun ou Tautre. Si notre theorie est exacte, ils devront s'inspirer des pro- prietes capillaires des sols et des besoins d'eau et d'air (d'air sur tout), des racines. II importe avant tout de choisir pour un sol donne un cepage qui s'y plaise, et pour un cepage dorme un sol qui lui canvienne, en un mot d'avoir la meilleure adaptation. Pour trouver le cepage susceptible de s'accommoder de cer- tains sols qu'on pent qualifier de chlorotiques, il faut choisir a 1' extreme de la classification qui derive de Fexamen des racines, la categoric des cepages les moins exigeants, qu'on peut conside'rer comme indemnes (en se disant toutefois, non seulement qu'il est bon de connaitre les sols dont ils s'accom- modent, mais encore qu'il ne faudrait pas perdre de vue les conditions de climat et particulierement le regime hygrom6- trique des regions ou on les a le plus observes jusqu'ici). On est moins maitre du sol ; chacun a celui qu'il peut. Si on a le choix, 11 sera bon de ne pas oublier qu'aucun vegetal ne s'accommode de tous les milieux, et de ne pas vouloir planter partout de la vigue. Rien n'oblige a en etablir. Us s'en va faire assez, probablement meme plus que ne le voudraient la consommation et la prosperite de ces entreprises si le mou- vement actuel, universel, provoque par 1'invasion phylloxe- rique, se poursuit comme il semble probable. Agir directement sur les cepages auxquels on peut tenir a un point de vue special, tel que celui de la chlorose, n'est pas absolument impossible, bien que difficile. En outre de la selection, des moyens relatifs a la greffe ou au bouturage et a la plantation (susceptibles de viser le meilleur accouplage et un racinage plut6t .superficiel que profond). on a a son service, pour les modifier, les hasards du semis et les chances de 1'hybridation. Agir sur le sol est plus aise et plus pratique. On peut entre- prendre d'en modifier la masse par des apports, en particulier siliceux. susceptibles de modifier son etat capillaire, de le rendre moins plastique et plus permeable (sable siliceux, — 41 — graves, terres assechantes, enfouissage de plantes, debris et engrais vege'taux, etc.). Forcement parfois, cestravaux seront- ils susceptibles d'un cout superieur a la valeur du resultat a obtenir et faudra-t-il y renoncer. II suffira, le plus souvent. des moyens tendant a 1'egouttage et 1'aeration : pentes, fosses, drains, (en poterie, pierres, vegetaux : branchages, sarments, etc.), sansparlerde rameublissement originel et cultural (1). En resume : La chlorose est a la fois la consequence et 1'indice d'un defaut de nutrition. Gelui-ci resulte generalement, soit des effets de la dessication du sol, soit le plus souvent de leur mouillage. Dans le premier cas (chlorose par siccite) , les effets de cette dessication sur les liquides nourriciers ou les organes d'absorption suffisent a 1'expliquer. Dans le second (chlorose par humidite), le plus a considerer, la cause immediate de ces effets de 1'eau reside surtout dans Fasphyxie qu'entraine 1'expulsion, par 1'eau, de Fair du sol. Les proprietes capillaires (variees) des sols, les besoins d'humidite et d'aeration des ce'pages (varies aussi), sont 1'ori- gine de ces effets. (1) TABLEAU DES PRINCIPAUX MOYKNS POSSIBLES CONTRE LA CHLOROSE. ELEMENTS. PROCEDES OBJECTIF POUR IMMEDIAT. CONTRB EFPETS. Bacinage superficial Aeration .... Adaptation (des porte-greffes et greffons) Circulation. . I Durables. Gep. Bonne soudure , etc Circulation.. Durables. Selection Tenue » Durables. Portes-greffes refractaires (s'il y a lieu ) Tenue Durables. Gep et sol . Adaptation (des ce pages et des sols ) . . .... Tenue Durables. Ameublissement Aeration Temporaires. Sol Aeration Humidite Durables. Egouttage Humidit6 . . . Durables. — 42 — Les moyens £ opposer a la chlorose sont surtout preventifs. Qu'ils visent le sol ou les cepages, ils ne peuvent que deriver de ces vues. Ou, s'il fallal t conclure en deux mots : La cause immediate de la chlorose la plus a considerer est 1'asphyxie des racines ; ses remedes doivent surtout s'inspirer de cette idee. EMILE PETIT. 30 mars 1888. — 43 — ANNEXE NOTE RELATIVE A UN GAS DE GHLOROSE II m'a ete donne d'observer un cas de chlorose frappant par certains cotes ; les conclusions qu'il suggere m'ont paru de nature a pouvoir etre rapportees utilement. Chez M. Dezeimeris, a Loupiac, se trouve une vigne, greffee sur Riparia, chloros6e. Le sol de cette piece offre, en certaines places, la m6me terre calcaire, blanchatre, d'aspect crayeux qu'on retrouve a Sainte-Croix-du- Mont et sur d'autres points de cette rive de la Garonne. Partout ou on 1'y voit, il y a de la chlorose. Elle en est done la cause ou Toccasion. Ailleurs, le meme fait s'observe par endroits. II faut done supposer que cette meme formation calcaire y existe en sous-sol. Des tranchees de drai- nage montrent effectivement qu'il en est ainsi. Parmi celles-ci, il en etait une, moitie en vigne chlorosee, moitie en vigne d'aspect normal, dont voici la figure ci-contre. A B ' G D (2) . \ E (1) F G ADD : Surface du sol. BG : Plan de separation des deux terrains, normal a droite (n° 1), crayeux a gauche (n° 2). EF etage inferieur des racines ; ce plan est parallele a la surface du sol BD et rencontre en E le plan BG. AB est chlorose. BG est chlorose". CD ne Test pas; en G la chlorose cesse. Tels sont les faits. AB est chlorose. Le milieu constitue par le terrain n° 2 est done impropre a la vigne. GD ne Test pas. Le milieu n° 1 lui convient done. BG est chlorose\ Done un sol (tel que celui n° 1), reposant sur un milieu refractaire (n° 2), est susceptible d'entrainer les memes inconve"nients que ce dernier ameurant a la surface. A droite de G (en GD), pas de chlorose; a gauche (en GB), chlorose. G'est montrer que des pieds qui poussent normalement dans un sol nor- mal, se chlorosent a mesure qu ils atteignent la couche anormale qui leur constitue un milieu impropre. Et cependant en C, le premier pied chloros6 a une profondeur sumsante pour son libre d^veloppement. Evidemment s'il se fut trouve en E, au lieu du sol n° 2, une matiere inerte et dure (granit, marbre, poterie, m6tal, etc.), 1'accident n'existerait pas ; il y a la 1'action bien defmie d'un milieu (le n°2) de constitution chimique differente de celle de son voisinle n° 1. En faudrait-il conclure a une sorte d'empoisonnement produit par le defaut, 1'existence ou la surbondance de certains elements dans cette couche, puisque maintenant que ce pied 1'atteint, il en souffre etpeut-etre en mourra? — 44 — Mais continuous 1'examen. Quelques radicelles du pied en G et de ceux en CB existent, il est vrai, superficielles et faiblement developpe"es, incrustees dans ce sous-sol ou elles puisent la mort. En AB, c'e"tait oblige, puisqu'elles n'avaient pas le choix, mais en G? Le milieu (n° 2) etait done partiellement favorable. Et cependant nous conslatons qu'il est impropre, a en juger par le resul- tat en AB. On ne peut qu'en conclure que ce milieu qui ne pent etre a la fois refractaire et propice, est Tun ou 1'autre selon les moments. Sa composition chimique est fixe ou peu variable. G'est done dans les conditions physiques cm'il faut chercher ces variations, causes secon- daires, dont la nature physique du sol, consequence elle-meme de sa con- stitution chimique, entrame la possibilite. Quelles sont les causes physiques dont les variations, influencant le sol, sont su'sceptibles de modifier amsi son etat physique? Un sol, parmi les agents physiques, subit surtout 1' action de la chaleur, de 1'air et de 1 eau. L air reste le meme, la quantite de chaleur et d'eau qu'il recoit varie. Evi- demment, ce n'est point 1'air. G'est bien peu, ou point non plus, la chaleur; son action, relativement reguliere et lente, s'exergant en G chlorose, de m&me qu'en CD non chlorose'. Serait-ce 1'eau? — Tantot cet element fait defaut, tantot il arrive abon- dant, brusquement, de la couche permeable (n° 1 ), qu'il traverse avec faci- lite, a la couche (n° 2) refractaire. Evidemment, c'est surtout elle qu'il faut, en I'espece, considerer. II faudrait done en conclure a une permeabilite moindre de la couche refractaire jointe a une certaine spongiosit6 ? — Tel semble etre, en effet, le caractere du sol observe. Le n° 1 parait plus siliceux et plus meuble ; le n° 2, mouille, est d'un autre aspect; il doit agir vraisemblablement a la facon d'une eponge gluante. Ce caratere semble commun a la marne et aux argiles refractaires aux vignes americaines, greffees surtout. Mais cette eau, comment agirait-elle ? — Un homme qui se noie, le phylloxera qu'on submerge, une plante dont on tient, en cours de vegeta- tion, les racines plongees dans une eau, stagnante surtout, perissent non empoisonnes, mais asphyxias. Nous ne respirons pas seulement par les poumons, un vegetal n exige pas seulement de 1'air pour sa ramure feuil- lee ; ses racines respirent aussi, 1'inverse serait plutot etonnant. Adaptees a leur milieu comme tous les etres anciens le sont au leur, elles ont besqin de 1'air qui s'y trouve, comme le poisson demande a reau la faible quantite de ce gaz qu'il peut dissoudre, et meurt si, par un artifice quelconque, on interrompt le renouvellement de son aeration. Du reste, ce fait reconnu de la respiration des racines n'est-il pas tan- gible? — Si 1'etage inferieur des racines s'arrete suivant EF, parallelement a la surface du sol dont il re"pete les ondulations, si ces racines sont des- tinees a s'arreter a une distance limite de la surface meme dans un sol profond, si tous les v^getaux se comportent de meme, si plantes trop pro- fond ils souffrent et poussent des racines qui se relevent, si on les tue en les enterrant outre mesure, n'est-ce point parce que ces organes souter- rains ont besoin non seulement de chaleur et d'humidite, mais encore d'air? La vigne en C (et ABC) souffre done d'asphyxie. En temps sec, elle a pu trouver dans le sous-sol (n° 2) un milieu favorable et y a pousse des radi- celles. Noye d'eau, ce milieu est devenu impropre, alors que dansle sol n° 1 facilement egouttable, 1'air. un instant partiellement chasse, est rentre, aspire par la descente de 1'eau vers ce sous- sol qui fait eponge, la recoit, raJbsorbe vite, et ne s'en separera qu'avec lenteur. Ce qui montre, d'ailleurs, que les sols refractaires doivent agir moins en vertu des elements qu'ils contiennent que par les proprietes physiques qui re"sultent de la nature de ces elements, c'est le fait que ces memes terrains, les marnes par exemple, dont les banes compacts sont hostiles a la vege- tation, n'en restent pas moins susceptibles d'etre utilement meles a d'autres sols ingrats, voire meme a des elements inertes, pour en faire un tout meilleur. Dans un sol marne, 1'examen montre attachees aux parcelles de cette meme marne, et y penetrant par ses fissures comme la recher- chant, ces memes radicelles dont elle favorise le developpement alors qu'en masse elle leur e"tait refractaire. — 45 — Du reste, ces vues sur 1'action du sol ne me sont point particulieres : elles se rattachent a I'importance qu'attribuent a 1'etat physique du sol divers auteurs, en particulier le docteur Guilbert, M. Cazeaux-Cazalet, M. Vassiliere. Un point reste a examiner. Pourquoi les vignes greffees (comme il arrive pour les Riparias) sont- elles plus sujettes a la chlorose que non greffees? Vraisemblablement ne serait-ce point parce que la reconstitutiqn du chevelu, dont la vie et le developpement ont souffert pendant la periode defavorable, est, pendant la periode favorable, entravee par Faction (egalement physique) de la sou- dure qui gene la circulation de la seve descendants, et que cet effet, cause a son tour, entraine une nutrition insuffisante du cep dont 1'anemie se tra- duit par la chlorose ? Conclusion. — Tous les cas de chlorose rentrent-ils dans cette categorie? Pour d'autres, sans doute, le defaut de nutrition qui entraine 1'anemie du vegetal est du a d'autres causes, mais il me parait probable que ce sont-la les inoins nombreux, et que 1'explication qui precede est admissible pour la plupart. Si elie etait exacte, qu'en conclure, sinon que c'est dans la voie de nom- breux drainages, de melanges dft terres assechantes perme"ables (siliceuses surtout pent-etre) sur une epaisseur superieure a la profondeur maximum que pourront atteindre les racines, et plus generalement de tous les pro- cedes susceptibles de favoriser 1'egouttage du sol et Iteration des racines, qu'il faudrait chercher le remede, plutot que dans 1'addition de substances inspirees d'un defaut de composition, alors que la nature physique du sol serait surtout en jeu? Peut-etre encore, si on pense agir sur le ye'getal, pourrait-il convenir d'attendre pour planter que le sol ainsi remue se soit tasse de telle sorte que les racines n'y descendent point trop vite, de planter superficiellement plutot que profondement (peut-etre meme, si on greffe sur place, d'at- tendre pour le faire d' avoir un pied bien installe). Cela n'empechera pas la recherche des porte-greffes- susceptibles de s'accommoder mieux que d'autres de conditions defavorables, moyen commode assurement, mais sur 1'efficacite possible duquel il ne faudrait pas se reposer d'une facon trop absolue. II y aura certainement, malheureusement, des cas ou le prix de revient trop eleve des travaux a faire pour la transformation du sol en un milieu favorable sera un obstacle et conduira a renoncer a la culture de la vigne. Mais n'en est-il pas ainsi de toutes les autres cultures? Aucune ne s'ac- commpde de tous les milieux. Les difficultes de cet ordre n'infirment en rien, evidemment, la valeur technique d'un principe et les precedes qu'on pent deduire de la connaissance des causes. En 1'espece, ces causes sont-elles celles que nous presumons? G'est la surtout ce qu'il importe de fixer. G'est a ce point de vue que la serie des deductions qui precedent nous a paru susceptible d'interet. (II serait non seulement utile de comparer les compositions des sols refractaires, mais encore d'experimenter, entre autres essais, leur capacite pour Fair et 1'eau. Peut-etre y trouverait-on la confirmation de ces vues). (Communication faite au Congres viticole de Bordeaux, 1886, par M. Emile Petit, ingenieur civil, proprietaire au chateau de Suduiraut par Preignac (Gironde). Extrait du compte-rendu in-extenso : f» CXX.) — 46 — TABLEAU DE I/ACTION, RECIPROQUE ET SUR LE CEP, DBS PR1NCIPAUX ELEMENTS EN JEU DANS LA VEGETATION ET PLUS SPEC1ALEMENT DANS LA CHLOROSE. 1 ^ ~ "S" • o K- •? •§ =* S « •» "3 "5 . S 'S 1 § 111! stlfpitffl -tJI a I •| | || 1 1 l£lal|S-A^™ J-jjf^ -s i ** * 1°" ill'50! ^ * i f & o !i ft j xt6rieur. ^ , 3 IfflL 3 3 ~Jl£-fL 0) p w ,c« * S a g W 2 terrainem1. i 3 H H s | 1 o •§ OB -fe •* ^Tgo'-i^o^0 J %2^ft K % £ . ^^^ ^.-S. ^.^-v-^L^ - — >^ ^v^.^-~ r^ e; ^ • 1 O s -*^ -4^ * r-- -^2 r I $> X H ^ *^ S &, *t CH 1 ^. « * a « « , a *1«- •••";"•;'• i? .CO •8 « S a „• 1 a (0 i= | [H ;, i-2 b i 0 / "> H o t> *t )S . c •gj S •M ? c & fl fl H X &s" J -a H p g ^ C fej s s s ft •S ^> . ,^ '•'•' til -w !i 2 2 E«e FAVORI. terieur. 1 f* « s o | 3 4 •< c. 0 JO • • s s *• ; S • : : : : .s* .2- § : s • g 3 g" f I i • 1 I fll E [ | 3 ^ 5 J s re (exterieu 1 -1 * ^ '.** 'a * * ^ 1 S •S S ? 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" -gSf '? 1§ 11\1 |LsJir= a za= ||| "- '-3 - llf « W k 1 soutcrrainem*. 11^1 1 ^P liiil^Hft-I^i^lKr^til 81 '°S.8<2'fa'a5S'^ *Jt28>o • S • oow- ci-es — ~<3«U FAVORI J * 4*t* 111 1 | ||||1 ^§^ ! 1 ! • IRr " -sit •?_S --' » •§£« c r'i i •4 :::::: : ^'J3"]* ! j i - • < 5 a 3 j £^ ?; « -" 5 a % n j i II!! ff-i 4^4 a 1 -3 § gsg 111? i .*! ! i i! 1 lil §^^al§«53^ ~~* ftO S 'co^Jft^ i-5UCJHW I • • £ 1 1 1 ' t « S> 1 1 I | 1 £ 5 1 i Jts Jti -3 -3 1 .§• § § 'S 2 g- hJ a o M w «< •< 35 CAJ & oaoJoo — 49 — — 50 — [ 1 errainem1. M 1 "s •K i « • >• fa 'S -63 0 t^ 0) 03 ^J vlrl O J 0 1 1 £ 2 H 3 -£ i_ •H GO P . j h 15 FAVO a l'ext(?rieu . i H 1 53 c ??^2 -"2 ~ '*s a) $-1 * 1 1 s 1 * s 5 1 illl ^ « ff s 1 s E* Kv 1 3 s o 1 1 1 1 y | " rs| T & 2 . s . 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