"a FE, g Ph UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY The Jason A.Hannah Collection in the History of Medical and Related Sciences on” TRS k = DU PRET CS sat a g +6 or fi ee sé, ; “GENERATION HE L'HOMME, O U | TABLEAU DE L'AMOUR ÉONIJUGAL, Confidéré dans l'etat du Mariage. Par M. NICOLAS VENETTE, : | Dofkeuren Médecine, Profeffeur du Roi en Ana- 1omie 7 Chirurgie, & Doïen des Médecins, aggrègez au Collège Rotal de la Rocheile, NOUVELLE EDITION, … Revüë, corrigée, augmentée & enrichie de Figures , deffinées par lui-mème, | TOME PREMIER, il ete A HAMBOURG, Aux dépens de a Compagnie, M DCC, LI \ A VIS DE L'ÉDITEUR. N°: avons crà que M. Nisolas Venerte , Docteur en Médecine, Profefleur du Roien Anatomie & Chirurgie, & Doïendes Médecins aggrégez au Collége Roïal de la Rochelle, ne trouverdit pas mauvais que nous le nommafhons ici, puifqu’on le connoit prefentement par tout pour être l’Auteur de ce Livre. Il avoit caché fon nom, par un rétrograde , fous celui de Salocini, Venntien,, pour des raifons que nous ignorons juiqu'à prefent : mais on pouvoit connoitre par plu- fieurs endroits de ce Livre qu'il étoit Méde- cin de la Rochelie. Plufieurs fe font écriez contre fon Ouvrage , comme contre un piége que l’on tendoit aux jeunes gens, foit qu'ils l'euflent Ià avec préocupation, ou qu'ils en euffent entendu mal parler à des gens qui ne l'avoient pas 1à. D’autres, qui font en plus rand nombre que ceux-là , en ont dit deg oüanges, & il n’y à guéres de perfonnes {a- vantes en France, & même en Europe, qui n'aient ce Livre dans leur gabinet , quine l'ef- timent beaucoup, puilqu'il a été imprimé plu- fieurs fois en François , en Allemand, en Fla- mand. Le premier qui en a dit du bien aété le dote M. Baile, Auteur ds la EE, ue Zone i, des AVIS DE L'EDITEUR, des Lettres, qui à la pag. 1221. de l'imptef fion d’Amfterdam 1686. fur la fin de l'année 1687. témoigne que l’Auteur de ce Livre lui aapris mille chofes importantes, prouvées par des faits:c'eft beaucoup dire, que d'a- prendre mille chofes à l’un des plus favans de l'Europe : puis au commencement de l’année 1638. il parle encor de lui en des termes qui font bien voir qu’il avoit de l’eftime pour foi Livre, puifqu’iln'y a guéres d'exemples dans fes Journaux où il ait parlé deux fois d'un mé me Auteur. D'ailleurs, M. Daniel Tauvry, Doéteur en Médecine, dans fon Livre des Médicamens, garle encor de lui, en des termes qui font bien connoître qu’il l’eftime beaucoup. Enfin le laborieux Abbé de Fureriére, un des Membres de l’Académie FranGoïfe de _ Paris, dansfon grand Diétionnaire fur le mot de pacelage , le nomme fameux Médecin, & le compare à Joubert, Doéteur en Médecine & Chancelier de la Faculté de Médecine de Montpellier. / Tout cela fait bien voir que cet Ouvrage à fes Aprobateurs , puifqu’on lui donne tant de loüanges, dont | Auteur eft la fource. Et pour être convaincu de ce que je dis, l'on nagu& FE ja Préface, qui efi comme l'apologie du yre. PRE- ae: 206020: 62 PRÉFACE. Ç Iles Livres des Anciens, qui traitoient de l'amour , ne Sétoient point mal- beureufement perdus , ot par la malice des hommes , ou par l'injure des tems , nous nurions fans doute par la lellure ang- menté nos obfèrvations [ur la génération É hommes, © par-la nous aurions fait ceffer les jufles plaintes de l'illufre Viraquel. Maïs quoique nous En MANQUIONS , NOUS avons, ce me fémble, par netre propre experience @ par celle de nos amis, allez de lumière pour faire un gros volume fur des ordres que la nature nous 4 perfcrits pour la produition des hommes, fans que nous aÿons recours pour cela aux penf£es des anciens. La nature, quin'eft que Dien méme ; ou pour mieux dire, [a divine Providence rê= panduë par l'Univers , nous fournira encor des lumiéres fur cette matiere, [ans en aller chercher ailleurs. En cela nous [uivrons fes préceptes, € nous obéïrons 4 ces de- Greis : mais comme la vérité eff un atri= ee bus 1v PREFACE. | bat qui lui eff ssftparable, nous ne la de gwferons point , afin que la nature € la vérité jointes enfemble , foient les deux guides quinous puiffent conduire dans tout cet Ouvrage. as INous découvrirens donc [ans fcrupule des fecrets de la nature , © nous ferons pa roître aux yeux tout ce qu'il y 4 de plus ve- ritable & de plus cache dans Phifloire de la génération des hommes. Je fai bien que tout le monde n'a pas une force d'ame pour en confidérer les admiir ables produitions : que parmi les hommes , il y en a beaucosp de foibles G* de fcrupuleux , qui [e fcandalifent de tout ce qui nef pas à leur gout, qui fe plaignent toujours quand on n'eff pas de leur fentiment. La verire tonte nuë wa point de charmes pour eux , elle leur fait horreur, ft elle n'efl deguifre. Ils veulent qu'elle fois mafquée pour étre belle, & comme s'ils n'étoient point hommes ; aux moindres amorces de l'amour ils s'eton- nent , ils Sofenfent , ils crient , 1ls S’allar- ment © ils fuient. M Les premiers bommes tioient tout, au- tres que nous. Ils Étoient bien moins fire . | puleux PREFACE. + | puleux Œ bien plus raifonnables que nous ne le fommes. Leur audite ne leur caufoit aucune emotion deréglee. La nature © la raifon étoient les maïtreffes de leurs mou- vemens amoureux , © Lamour même, tout fier qu’il eff, fembloit obéir à [es or- dres, quand ils $y opofoient tant [oit peu. Ils regardoient une femme comme une ffatué, quand il wétoit pas permis de laimer ; © fi par hazard l'Amour leur échaufoit le cœur , alors leur raifon © leur force d'ame ménagevient fi adroite- ment leurs paflions , qu’ils fouvoient en- ticrement fe garantir de [ès charmes. La nudite d'un homme ou d'une fimme ne faifoit pas plus d'impreffion fur leur ame, que les filles de Lacedemone en firent autrefois [ur lefprit des peuples ; lors gwelles danfoient toutes nuës dans un car- four , fans être couvertes que de l'houné- télé publique. Aaïs cette force d'ame ef - aijourd’hui bannie de nos Provinces, @ « il fèmble quelle ne fe foit conférute que » parmi les fauvages , qui en cela font bien . gnoins fauvages que nous. Lorfque je confidire l'avenglement de + Phomme S [es sonirarittez qui décou- Eu Re. YYCnÉ vI PRE FACE) vrent [a mifére , j'entre en chagrin de. de voir en cet état. Sur cela je m'étonne de ce qwil wentre pas en défifpoir de me fe pas connoître [oi-même, & de ne favoir d'ou 1l vient © comment il eff fait. Je lui demande, s'il ef} mieux inf= éruit que moi [ur les parties qui le com- pofent © fur la maniere dont il à été engendre, © je connois par [a converfa- ton que fur cela nous formes fort igno- vans l'un © l'autre. Nous regardons tous deux autour de nous , © nous y voïons des gens qui sont far cela pas plus de lumiére que nous en avons. Nous trou- vons par hazard un homme qui nous infirust des principes de la generation , gui nous en montre les parties , qui nous. en fait voir les allions , © qui nous. fait connoître Pordre que Dieu a donné aux hommes pour multiplier leur efpe- ce dans le mariage , © les malheurs. qui arrivent dans les: plaifirs exceflifs que lon y prend. Cet homme avec qui. je m'entretiens , comme S'il avoit depis de fe connoître [oi-même @ de favoir. fo. origine, infulte à la perfonne qui l'inf-. trait de l'admirable defféin de la me | | AUS MREFFACE VI£ dans la génération des hommes. Pour moi, qui vois que ce font les commandemens € Les ordres de Diem , je les admire je my foñmers. J'avonë que l'on nous 4 élevez dans la 48 ge a nommer les parties naturel. les de lun ® de l'autre [èxe , que nous avons apellees hounteufes , quoique Moïle des ait nommees faintes , puifqn'il netois pas permis à une femme de les tocher. fans avoir la main coupée, C* nous fom- mes acoutumiez, à avoir de Phorreur pour leurs ailions ; comme fi Dieu, f£lon La penfce de S. Clément d’Aléxandrie , ne les avoit pas fabriqués , & fi les Eoïx Divines & humaines ne nous permettoïent pas d’en ufer. Nous [avons que l'on peut parler des chofes les plus impudiques les plus aborminables | fans. bleffer la bienfeance 4 quand on parle d'une manière à marquer Petat où les perfonnes [ort , lorfqw’elles les commettent , où montrer par [4 re- - tnnë qu'on les envifage avec pese € gwon les COMMANIQUE AUX AUITES AVEC des circonflance; de ménagement, Les chofes les plus infames , qui fans repre… (en + vrit PREFACE. fentées fans ce voile d'horreur , font la caufe qu'on. les regarde ‘comme des cri- mes , ‘©. elles fisnifient plutot les cho- fes que D'ailion méme ; parce que cha= que penfee exprimée aïant deux fortes de fignifications ; l'une propre , l'autre accefloire , elle eff confidérée en divers fers. Ainfi une chofe pent étre infame honnéte | difenduëé © permife. Ces idées accefoirésene (ont pas toñjours ata- chées aux mas par un ufage commun ; il faut Sen raportèr 4 celui qui s'en fert Œ lire fon Lidre.fous cette condition. Car les mots n'étant que des fons , © les chofes étant :indifrentes d'elles - mêmes, ils ve font -impudiques ni les uns ni les autres > Ceft une maladie ou une foi- blefe d'ame de s'en [candalifer. C'ej air fi que S. Auguflin ex a ufe , lorfqwil di, que s’il y a quelque perfonne 1m- pudique qui life ce qu’il a écrit des plaifirs de amour dans le marrage, elie acufe plûtôt fa turpitude que les paroles , dont il a été obligé de.fe fervir , pour expliquer fa penfée fur Ja génération des hommes: & sl ajet- # , qu’il efpére que le lecteur pudi- is PREFACE 1X que & le fage auditeur , faï par- donneront aïfément la mantére de parler , dont il s’eft fervi pour s’ex- pliquer fur cette matiére. C’eff auffi de la même forte qu'en a uf[c P Aporre, lor(qw'il parle des horribles crimes des hommes & des femmes , qui avoient change lufage na- turel de leurs parties , en celui qui ejl con- ire les loix de la nature. Celui qui fait ce que c’eft que du mon de | regarde tout avec indiference, & & limitation du [oleil, il ne peut etre taché d'aucune chofe, quelque fale qu'elle puiile être. Si par hazard ce Livre tombe entre fes mains , il le lira [ans [crupule , & 1l admirers les ordres [acrez que Dieu 4 donnez à la nature pour perpétuer Pefpé- ce des hommes. | > à Maïs parce que Ceff par Pamour que #ous fommes engendrez , © que l'amour que l'Ecriture nomme charite , [elon le [ents. ment de S. Jérôme , eff la plus forte de tou tes les paffions , dl y trouvera de quoi la ménager © la dompter , même quand il fera embaralfe ; fibien que je ne doute pas que ce Livre ne puif]e etre &'un tres-grand fecours à plufieurs perfonnes ; méme à celles œ ERE RAGE. celle qui [ont d'une vertu difingnée. Un jeune homme connoîtra donc de quel tempérament il eff , quelle difpe- fition 1l à peur la continence ou pour le mariage. Ily aprendra 4 quel age il doit fe marier , pour ne pas Seneruer dans le commencement de [a vie @ pour vi- vre long-tems avec plaifir : en quelle faifon on à quelle heure du jour on peut faire , fans sincommoder | des enfans fains © fpirituels | qui foient un jour l'honneur & la gloire de leur pere € Le foutien de PEtat. Mais parce que les jeu- nes gens r'envifagent que la volupte, lorf- qu'ils fe marient , ils y verront depeintes les incommoditez incurables que caufent des plaifirs exce]ifs du mariage, afin qu'a- vant d'avoir éprouvé les malheurs qwils nous caufent ; ils puiffent les eviter G* er garantir €n meme-tems. Un vicillard y trouvera jufqu’a quel age on peut fe marier ; G S'il a deffair de (e procurer des héritiers par le mariage , ily verra comment il doit fe comporter auprès d'une femme pour en avoir des enfans , @ comment auffi dans la froideur de [on âge , il doit exciter auprés d'elle , fans qu'il 1 | | PREFACE. x? quil puife courir aucun rifque d'altérer fa fanté , ni de commettre aucune fante contre les maximes de la Religion. Un Théologien | un -Cafuife © ur Confefeur y aprendront les véritables caufes de la validité © de la diffiluz tion du mariage , les vices qui sy ren- contrent , @ meme les pechez que l'or commet parmi les voluptez permifes. Car on y examine avec beaucoup de foin ce qui S’opofe à la génération , Ë par confequent tout ce qui eff contraire aux decrets de Dieu, aux loix du mariage © a l'intention de PEülife. Un Juge y trouvera des dificultez de Droit & de Médecine , établies Œ de- _cidées fi clairement , que les Jurifcon- fulies n'ont jamais aflez bien éclaircies, S quapres cela il [aura lui-même dif- tinguer les véritables caufes de limpuif- fance d'ur homme @ de la ficrilité d'u- ne femme , © ne [e laifera plus abufer gsand on lui prefèntera des enfans fupo- fez. Cette [orence par [oi-méême n'eff point fufpeile ; au lien quun Médecis , un Chirurgien © une Matrone, à qui pour l'ordinaire on [e raporte dans ces fre € p] XII PREFAC'E. de matitres, peuvent étre gagnez , 04 par complaifance , 1 par interet. On } Mrar- quera encor les defants qui peuvent cau- fer le divorceentre des perfonnes inarites, l'âge dans lequel on commence 4 ensendrer ; Œ celui dans lequel on finit, @ Les fignes quipeuvent marquer véritablement La grof2 fee. Or y verra fr la nature à fixe aux fermes un terms pour acoñcher , files Char- mes , les. /Æagiciens , ou les Démons pe:- vent empêcher des perfonres marites- de confommer le mariage. Enfir on y apren- dra fi les Hermaphrodites @ les En- nuques doivent fe märier , © S'ils peuvent faire des enjans. | Un. Philifôrhe © ur Médecin J trou- veront, ce me femble, de quoi fe fanisfaie re en lifant quelques découvertes que j'ai He fur les parties paturelies de la fem- me , © fur les nouvelles conjeélures que j'avance fur le lieu de la conception des hommes, © fur la caufe des régles C du lait des femmes, © [ur quantite d’autres 7natieres que l'on Wa port encor bien exe plquees jufqu'scr. | Une femme aprendra dans ce Livre à régler fes monvemens amoureux © a mê naïer. PREFACE. XIIX mager la réputation de [és filles. Elle y ver- ra quelle complexion ef? la plus propre pour de Cloitre ou pour le Mariage ; 4fn de _ perfader Pun ou Pauire Ctat 4 [es en fans, qui enfuite ne fe défe efpereront point ” pour avoir embraffe un état auquel ils me éoteñt point propres. Elle y CONHOLT A COM= ment on doit rendre le devoir 4 fon Mari , © les égards que l'on doit avoir pour Fa ; quand 8 aime [a fanté Sque lon n ef point cfclave de fa paffion. Une flle fera infiruite par avance de tous les defordres que peut caufer l'amour, fans éprouver abparavant fer clle- meme : car comme les liens du mariage font indi[- folubles , il fèroit 4 fonhaiter que toutes les filles fufent avant que d'être marices, les peines © les chagrins que l'on y Jos: A Un Athee méme qui lira atentivement ceLivre, © qui obferucra fans preocupa- tio toutes les demarches que fait la nature dans les actions © dans la formation de l'homme ÿ J trouvera, de quoi changer de féntiment. Et je fuis auré gwiulrya rm b- “vre ni raifonnement qui ln: faffle connoitre plus clairement Dieu , que ce que j'écris de la generation des Se y Tome L. ve Uz my PREFAGCE, Un débauche y connoïtra quels faz cheux chagrins © quelles maladies incu= rables caufe un amour dérégle; © apres y avoir fait de [erienfes réflexions , 1l y trou. vera des remedes, ou pour S'opofer 4 la vio- lence de l'amour , on pour cor:ferver [4 fan- té, ou pour être fort retenu a l'avenir, Il feroit à fouhaster que le lecleur , de quelque fèxe qu'il fut, ent l'efbrit fort € régle, © qu'il fat ce que c'eff que l'a- mour © le monde : qu'apres cela, il ne fût ni libertin ni impudique ; je defirerois même quil fut d'un age raifonnable pour étre en ctat d'en profiter. INous pouvons donc regarder le portrait de l'amour, que j'ai fait d'après natu- re, pour évier les défauts © les cri- mes que jy ai remarquer. J'ai préten- du réformer les mœurs des liberuns, & montrer aux [ages les fonpleffes de l'amour pour s’en diveriir, @ de plas pour con- ferver leur fanté G les obliger 4 choïfir les voyes les plus affurées pour la génération, fans en abnfer. Erjin fi nous admettions les plaintes que lon nous fait, on auroit fujet d'acw fer celui qui à forme les parties natu- relles PREFACE. xv yélles de lux © de l'autre [exe ; dont on abnfe tous les jours ft lachement | Pen pourroit encor blamer celui qui nous a fait prefent de la vigne , lorfque lon ennivre fi aifement de [on jus. Car fi noms pefions les bienfaits les prefens de la nature , par le mauvais ufage de ceux qui en ufent, en verite nous les pren= drions toujours en mauvaife part. Nous férions encor réduits 4 cette ex trémité | que de fuprimer la plüpart dis Livres anciens © nouveaux. Nous ban- mirions de nos Bibliothéques , Catule , Juvenal, Horace, © Virgile meme , qui nous entretiennent agréablement de Pamour. Il fandroit déchirer Ariftote, Platon & Plutarque, qui ont écrit de la génération © des voluptez naturel. les. Il faudroit encore abhorrer les Ou- vrages de Dante, & Pétrarque , de Bocace , Marfille Ficin , de Plati- ne © d'Equicola, qui nous expliquent les vitloires C° les triomphes de l'a- mour. Nous ne dévrions point lire ce Livre que Jérôme Mengus Cordelier dédia an Cardinal Paléole : ceux du Pere Delrio Jefuite, ni ceux du Pe- 14 re > à PREFACE. re Sprenger Domminicain | des conjonc- “tions abominables .que font au f«bat les “Sorciers avec les Diables ; non plus que de Livre de l'Amour deFlammius No- bilis , lux des grands Théologiens de fon tems ; qui apres avoir tradmile à Pedi- sion de la Bible latine | par l'ordre du Pape Sixte V. crut gwil ’étoit ni deshon- nête, ni indigne de lui de compofer celui- da, comme le chef-d'œuvre de [4 vie. Il fandroit jetter an feu tous les Cafuiftes qui nous enfeignent tant de chofes [ur ces ma- tiéres : © le Pere Sanchez Jéfuite , ne [e- voit point exemt de blime , lui qui à fait un “gros volume de ce qui fe pale de plus fecret entre des perfonnes marices, Or 2e liroit plus S. Auguftin , S. Grégoire de Nice, #i Tertullien , qui parlent de D'amour conjugal en des termes que je #'o- ferois traduire en François, gwen les pa= Taphrafant. , De-plus , touchant la Mcdecine l'Anatomie , je tronverai par tout le Livre des erreurs populaires de Joubert, qui traite des aîlions des parties des deux fexes , © qui o[a bien le dédier 4 Marguerite de Navarre , grand’ mere d'Hen- PREFACE XVIÉ d'Henri le Grand ; de giorieufe me- moire ; ceux d'Ambroïle Paré © de du Laurens , qui traite de la géne- vation des hommes, & celui de 24. Mau- riceau ;. qui parle de l'aconchement des femmes , auec des figures qui femblent deshonnêtes © impndiques : que Por debitera ouvertement un Livre, qui txat- te des paffions de l'ame , où l’on nous infinuëé adroitement dans le cœur les mouvemens les plus tendres de l'amour. Que des Livres deBodin Avocat , Ô de Deiancre, Confeiller au Parlement de Bordeaux , nous ferons voir les impu- dicitez. © les abominations que commettent les Sorciers au [abat : que le Roman de la Rofe & du Bourdon, dont Jean de Meun fut l'Anteur | (e trouvera encor chez nos Libraires : que les pieces en vers , les fati- res © les comédies de nos Poëtes fe vendront publiquement : © quenfin le plus faint de tous les Livres [e trouvera entre les mains de prefque toutes les femmes ; je ne crois … pasque l'on puiffe trouver mauvais quej'aie » agité dans ma langue tontes les quejtions qui compofent ce Livre. Je fai quil y à quelques perfonnes fi + x 3 if VIII PREFAEE. ; fufcepribles d'amour , qwils ne penvens voir aucun objet amoureux, ni lire au: cun livre quien traite, fans ctre émuës jufqgw'au crime par cette paflion. Je con- faille à ces perfonnes-la de fuir la con verfation des hommes , on d'habiter les defirts © la folitude , pour ne rien voir qui des choque, ou pour ne rien entendre que Pon puiffe dire de la génération des hommes. Que fi par nos forts om par notre adrele, nous pouvions nous priver des mouvemens de l'amour , on en exem- ter Les autres, j'avouë que j'anrois tort sy ces ce Livre aux yeux de tout le monde. Mais parce que l'amour eft une pallion à laquelle nous nous laiffons tous Vivement toucher , [ans pouvoir [ou- vent nous en dcfendre, il me femble que l'on doit plutot louer que blamer un Li- vre qui enfèigne à la modérer € à fe conferver la fante, en fé garantiffans des foupleffes dont il fe fert toujours pour nous maltraïiter : car Céfl une partie de la prudence humaine ; que les Peres de L'Eclife ont apellee Prudentia Car. nis , que de fe conferver la [anté dans la modera:ion des plaifirs du mariage. Ce PREFACE XT£ Ce ne font pas tonjours les Livres qui nous aprennent ce que nous ne devons pas Javoir ; la manvaife complexion, les exemples @ les converfations deshonnétes font plus fouvent plus de mal. On ne peut pas dire véritablement que J'aprens dans ce Livre les exces de l'a mour, nique j'enfeigne les foupleffes de cette paffion pour en abufer. Si je les expofe aux yeux de tout le monde , je me le fais que pour décrier les voluptez illicites, pour les fair € pour les abhor- rer en mémehtems, comme des caufes de la perte de nètre fanté © de la per- pétusté de noire efpece. Car ce nef} pas pour réduire en méthode les ouvrages de la génération, ni les allons des parties génitales des deux fexes | que j'ai fait ce Livre. On fuir qwil y à déja long-tems que cette afaire a été réduite à la perfetiion par les feules forces de la gature. La [Gience ne fait rien à cela; les plus ignorans © les plus lourds y font les. » maitres: mais nous y AVONS voul# marquer » la modération que lon doit avoir dans les laifirs de Pamonur | afin que pour les repc- ter une autrefois on en fae un bon ufage. XX P:K:E FAIC'?E: Je ne doute pas pourtant que fr Por me juge de ce Livre que par le titre de fes Chapures , il ne paroiffe indiferent C impudique à quelques perfonnes qui ont été mal élevées ; qui ont de mauvaifés snclinations © l'efprit mal tourne. AMaïs ft on l'ouvre, qu'on le hfe © qu’on juge fans préocupation du deffein que j'ai en en le compolänt | on y adorera fans doute la Sagefe Divine , qui nous a embraxe le cœur par le moïen de l'amour, pour per- pétuer nôtre efpéce. Mais tout le sonde n'eft pas capable de bien juger de mon Livre. 1l ef} cora- ane un Tableau, que toutes fortes de per- onnes ne font pas capables de con- aoître. Pour en bien juger ; il faut avoir la Jéence de la peinture , © puis fe mettre dans le véritable point de vüë; car 1 ny en a qu'un [eut , qu eff in- divifible , © qui eff le véritable lieu d'on on le puille voir. Ceux qui veu- lent en juger , fouvent ne sy meltent pas. Il fe placent trop près | trop loin, 2r0p haut , trop bas, @ ainfi ils en ju- gent mal. De plus , les ignorans ne font point cepables d'en juger, © ceux cncor ERHEFAC E. XXI encor qui ne Lort V# que par oùi dire on par préocupation., Ja donc de trois fortes de perfonnes* qui, [e font établis por fon jure. “Les prémiers ; qui font dans une pure innorañce , difent , “apres les .antres , qu'il ne vant rien , wa être brélé par les mains du bourreau. Les feconds , qui font favans , en jugent bien , on ren difent mot, © y admirent les ordres de la nature GC les pre- ceptes de Dien pour la génération des “hommes. Enfin les troifitmes , qui font des demi-[avans © en plus grand nom- « Dre que les deux autres , publient que mon Livre eff pernicieux : ils font les entendus , ils troublent tout. le monde, Œ jugent plus mal que les autres. Ils font itleriques , © difent que C’eff moi, qui fais barbouillé de jaune. En vérité tout le monde a pas le don de bien juger. Pour cela il faut avoir Pefprit droit , bon gout © bon fens , © pes. de perfonnes Pont ainff : témoin ce que à noms fait remarquer Quintilien , qw'il y avoit de [on tems des hommes qui efli- » moient plus Lucréce que Virgile , hier que le premier, fi on le compare à Faus tre, XxIT PREFAEGE tre , ne mérite pas le nom de Poëe. Enfin je ne voudrois , pour défendre mon Livre, que P Apologie, qw'a fait le Pere Théophile Renaud , en faveur de [on Compatriote le Pere Sanchez Jéfuite, qui a écrit du mariage , comme j'ai fait , © alors il feroit bien défendu. Quel Prédicateur de l'Eglife 4 préché avec plus de zele de force que moi la mo- dération des plaifirs © la fuite des volup- tez dans le mariage ? Qui eff-ce qui s’eft opofe plus que moi à Pexcès de l'amour C qui a enfeigné de plus [ärs moïens pour fe garantir de [es apas ? Pon n'a qu'a bre Part. 2. du chap. 3. de la premiére par- tie , le chap. 1. 2. & 6. Part. 1. & 2. Chap. 8. les chap. 10.& 11. dela feconde, Le chap. 1. de la troïfiéme partie de ce Livre, © plujieurs autres endroits, pour favoir fi je porte les hommes an vice pli= #0t qw’a la vertu. | Que l'on juge mal, quand Pon ne juge des chofes que par l'écorce & par l'aparen- ce ! Si nous confidérons que Loth careffe amonreufement [es filles ; que Samfon fait des merveilles, que S. Jérôme apelle des fables à la lettre; que David commet É _ #l PREFACE XXIIE #n adultére, que Thamar fe profiirne #Ofée fe marie impudiquement par le confeil de Dieu , que Holla © [4 fœur cou- rent après des impudiques, ne croirons= ous pas que ce font des chofes deshonnetes , abominables indignes d'etre placées dans PEcriture-Sainte ? D'ailleurs, je les prie encor qu'ils ne jugent pas de mon Livre [ans lavoir di , comme lon fit autrefois des Li- vres de S. Thomas GC de Roger Ba- con, Chancelier d'Angletèrre, que lon efima Magicien, [ur le [eul titre de leurs Livres : © enfin, qwils me [e laiffent aller lourdement ni aux perfuafions de mes ennemis , n1 4 la malignité des ign0= rans ; car il y à beaucoup plus d'idiots au monde qui s'arrêtent à des peintures gro- tefques, que de [ages qui s'apliquent à con templer la beauté de la nature. Apres tout, S'ils le tronvent mauvais, je confens qu'ils le bläment, © meme qu'ils le faffent bruler ; comme fit autrefois Néron, les Satires de Fabricius Vejento ; le Sénat Romain, les Livres de Cremunus Cordus. Mais pourquoi metonner de ce que lon critique fi malicienfement mon Lt- vreÀ YXIV PR ERA GE vre ? Les ouvrages les plus parfaits n'ont ss pas été cruiquez ? Ÿ ç'a été centre ces memes ouvrages que l'envie € la haine ont ete les plus acharnées. N'a- on pas dit qw Homère dormoit fouvent , Œ quil etoit plein de fautes ? Que Dé- molthène ne fatisfailoit quêéres ceux qui. le lifoient ? Que Cicéron étoit un Com- pilateur des Grecs , dont on à même marque tous les pallages : qu'il étoit ti- mide, lache, plat , trop copieux & trop lent aux exordes © aux digreffions , trop ennuieux dans 14 cadence de [es pério- des ; © enfin trop tardif à S'émouvoir ? Que Sénèque lexpere., n'avoit point de bafon , © que fon difcours n'étoit que comme du [able fans chaux ? Que Pii- ne l'Hifiorien avaloit tout [ans jugement, & qwil ne digéroit rien ? Que Virgile avoit pen d'efprit CC étoit un u Hrpateur, des penfees d'autrui? QwOvide étoit trop défabondant ? Qw'Horace étoit trop dés- bonnete , C qu'il avoit écrit des vers er rofe ? Que.S. Ambroife étoit la Cor= neille de la Fable , © que [es Cormen- taires [ur S. Luc étaient des chanfons Œ des bagatelles ? Enfin l'envie ne [6 censer- ve PREFACE. XXV D te pas féulement d'ataquer la réputation de ceux contre qui elle Sen prend , mais méme encor aux perfonnes qu'elle haït. Quoiqu'il en foit, j'ai bien vouiu me réfoudre en faifant ce Livre , à avoir au- tant de juges que de lelleurs. Cela ne me aroît ni onereux n1 injulie. ÆEnfr je nai pi faire autrement, quelque menagement que j aïe ph aporter dans mor difcours. Je ferai fort [atisfait, [i un petit nombre de perfonnes doiles & bien enten- duës ejliment mon Livre: je les préférerai toñjours à une multitude groffiere , qui fou- vent ef} un trés-mauvais interpréte de la vérité. C’eft fans doute ce que vouloit dire le Sage , quand il nous à luiffe par écrit , que lopinion du peuple étoit fouvent l’o- pinion des fois; & ce que nous a vou- du infinuer Horace, qui commence une de fes plus beiles Odes par ces paroles: Odi profanum vulgus , & arceo. Si tu veux, cher Le&teur , avoir encor l’au- L. dace … De critiquer.tous mes Ecrits ; Fais-moi paroitre en quelle place Tu dis mieux que ce que je dis, Tome Z. rx Ver- Verbis offendi morbi aut imbecillireris argu- omentum et. Cic. Cui hic Ludus nofter non placebit ;, ne Jegerit ; aut fi legerit , oblivifcatur : Et ve- lit , nolit , aliter hæc facra non conftant, Quifquis ad has litteras impudicus accedit, culpam refugiat , non Naturam ; faëta deno- tet fuæ turpitudinis , non verba nofiræ necef- fitatis, in quibus mihi facillimé pudicus > religiofus Letkor 7 Audnor ignofcet. Auguft, de Civit, Dei , L 14; C Ze L TABLEAU ECS DE L'AMOUR CONJUGAL. Regarde qui voudra d’un aix [ombre &y pédant Ce langage innocent ; On n’eff point criminel pour faire une peinture Des tendres fentimens qu'infpire la nature. Chacun [ent en [en cœur ces mêmes mouvemenss Etre] qui les étoufe a perdu le bon fens.Pétrone. DRHRAS HS RIFAR LIKE É ESS AXES AH “à 7 er” PREMIERE PARTIE. LÉTLELIELTSIT TS RHIIIIIINERIIIRIIIRAEG * CHAPITRE PREMIER. Des parties de l'homme © de la femme , qus fervent à la generation. 2] U 1 auroit cru que Dieu auroït Éf fait en créant le Monde, com- tent jamais d’abord de faire voir ce A que > 2 Tableau del Amour conjugal, que leur art a de plus excellent; mais qui attendent toûjours fur la fin à don- ner des marques de leur chef-d'œuvre? . C'eft pourtant aïnfi que Dieu voulut commencer fon ouvrage par les créa- tures les moins parfaites, & qu’il ne fe repofa qu'après avoir montré les plus beaux traits de fa puiflance , en for- -mant l’homme à fa reflemblance & à fon image. La matiére qu’ilprit pour nous for mer , futuneterre , qu’on peut apeller _ vierge, puifqu’elle avoit encore fer- vi à aucune produéion. Ce fut ce lr- mon, que Dieu lui-même prit la pei- ne de pétrir pour faire toutes les par- ties qui nous compofent. La femme, qui devoit avoir des qualitez toutes: diférentes des nôtres , ne fut pas for- mée de cette matiére ; &c.1l étoit bien jufte qu'elle fut faite d’une matiére plus noble & plus relevée, puifqu’elle devoit contribuer beaucoup plus que Phomme au grand ouvrage de la gé- nération. - En éfet , il femble qu’en général, tant dans Phomme que dans fa fem me, confidéré dans l'état du Mariage. 3 me , Dieu ait formé avec une étude particuliére , s’il el permis de parler ainfr, les parties qui devotent fervir à [a propagation de l'efpéce. À voir leur afflemblage , leur proportion , leur figure & leur ation : à confidé- rer les efprits qui y font portez , le chatoüillement & les plaïfirs que Pon y reflent, lame même qui y réfide, puifque c’eft par-là qu’elle fort pour fe communiquer, ä n’y a point d’hom- me qui ne les admire & qui n’y dot- ve faire de particuliéres reflexions. DÉLÉILILLLLILTLLILL ELLILLIL LES. ELLES.) Ds TCEr Des parties naturelles © externes de l'homme. NT Ous apellons fe membre viril, | (4) la principale des parties na- turelles de Phomme , que les Anciens ont mife au nombre des Dieux, fous le nom de Fafèinus , pour nous aprendre Pempire qu’elle s’étoit aquis dans le monde. Car il »y a ni charmes nten- À 2 chan- & Tableau del Amour conjugal, chantemens qui la puiflent égaler, fi par hazard une femme laperçoit parle défaut de quelques replis, fon cœur fe fent au même inflant échaufé par une paflion , de laquelle elle ne peut fe défendre qu’avec peine. En éfet, dans ces derniers fiécles, auff-bien que dans les premiers, on a eu beaucoup de vénération pour cette partie-là ; parce qu’elle eft le pere du genre-humain & Porigine des parties qui nous compofent. Villandré, ainfi que remarque l’Hiftoire de France, commit uñ crime de Leze - Majefté pour avoir touché de la maïn les par- ues naturelles de CHARLES IX. La Loï de l'Ancien Tefiament comman- de de couper la main à une femme qui auroit manié ces mêmes parties , OU par mépris ou par injure ; & cette mé- me Loï, auffi-bien que la nouvelle ne permet pas qu’un homme qui a quel- que défaut dans les parties de Ia géné- ration , foit admis dans l’Eglile de Dieu. Et les Cafres fe trouvent glo- rieux quandils ont coupé en guerre à leurs ennemis plufieurs ne ils, tre r Lee mr nn, * Sa L à ” cphhmits Nr “ F n DCE 2 E_ 4 ra 1 CPE #° ne 70 : J HV: « (0 MEME L FEAR LES + La : L di ” * 0 0 ER FPE er , L - 4 à, + A RCE . Tr : : VE 1e LE LIT AZRA . pé VS y A 3 LE 2 r. Pr Le 0 CSSS f ù Te Vus cu confideré dans l'état du Mariage: $ vils, dont ils font prefent à leurs fem- mes ou à leurs amis, qui par honneur s’en font des colliers qu’elles fe met- tent au col. Le membre viril aun no= table commerce avec toutes les autres parties du corps: fi on le touche quel- quefois un peu rudement, le cœur s’en xeflent aufi-tôt par des foibleffes fur prenantes, la tête en pâtit par des pe- fanteurs infuportables, & les yeux en foufrent par des vertiges & des éblouif= femens funeftes. A confidérer en gros cette partie 3 on diroït qu’elle eff toute d’une piéce, maïs fi on Pexamine par parties, on çonnoïtra aïfément qu’elle efl couver< te d’une petite peau fort déliée, & d’u= ne autre plus épaïlle , Lui eft garnie de veines & d’artéres , atachez fortement au gland par un lier robufte & mem- braneux , (b) qu'elle a une membrane toute de chair, qui lenvelope & prefle comme un étui toutes les parties qui la compofent. Sa fubftance n’eft ni foli- de n1 offeufe ; fi elle avoit été comme celle des chiens ou des loups, il y au- roit eu beaucoup de défordres dans a difé- 6 Tableau del Arnour conjugal, diférentes rencontres des hommes âvec les femmes , & 1l n’eût pas fallu tant de témoins pour juftifier un lar- cin amoureux qu’il en faut aujour- d’hui, fi en fe careffant on eût été ar- rêté par cette partie-là. à : Le conduit commun de Purme & de Ja femence ( c) eft placé aumilieu de cette partie. Le gland couvert de fon prépuce, qui eft à l’une de ces ex- trémitez , a fa chair fidélicate ( d ) & fi fenfible , que c’eft-[à que la nature a établi le trône de la volupté dans les embraflemens des femmes. Deux tuïaux, que Pon nomme rer- veux (e) ou cavernaux , acompagnent le conduit commun de l'urine & de ia femence ; ils font remplis d’une matié- re déliée & fpongieufe, qui reffembie à du fang caïllé & noïrci. C’eft dans eurs petites cavitez que les artéres & les nerfs portent des efprits, qui sy multipliant , font enfuite enfler ces deux parties , qui roïdifilent & quien- durciffent tout le corps de la verge, fouvent contre notre volonté. C’eft fans doute pour cela qu’Arifhore a dit, que conjidéré dans Pétat du Mariage. T que le cœur & la verge étorent dans Phomme deux fortes d'animaux, qui fe remuoïent d'eux-mêmes. Tout ce- ei ne fe fait pas fans mifiére. La natu- re a fes defleins dans tout ce qw’elle entreprend ; & cette dureté que nous foufrons fouvent malgré nous, narri- ve pas feulement pour fe lier étroite- ment à une femme ; mais pour darder avec violence dans fes parties [es plus profondes la matiére dont on fait les hommes. La verge ne fauroït s'élever fans mufcles (f)-ni fe maintenir roïde fans un continuel abord d’efprits. Il feroit même impoflble que la femence fut dardée comme elle Peft , (2 ) fr d’au- tres petits mufcles {h) ne prefloient fon conduit pour l’en faire fortir avec précipitation. ARTI- 8 Tableau de l Amour conjugal ER LL SR SSD SSSR SSL LL SL ES ART EE D'EURE Des parties naturelles @* internes de l'homme. T Es teflicules font renfermez dans une bourfe (:) comme quelque chofe de fort précieux ; aufh eft-ce de- là que la nature puife incefflamment la matiére dont elle fait tous les Jours des miracles dans la prodution des hom- mes. Ces parties font les témoins de Ia virilité & de la force ; & 1l n’étoit pas permis autrefois dans le Barreau de Rome de porter témoïgnage contre quelqu'un, fi l’on en étoit privé. Chaque homme a ordinairement deux tefticules ; fi l’un eft icommo- dé , flétri, ou bleffé, autre peut fer- vir à la génération ; & il s’en trouve qui ren ont naturellement qu’un, comme autrefois les Sylles & les Co- tes ; maïs la nature renferme dans cet-, te feule partie toute la vertu qui de- voit être dans les deux. Ceux confi déré dans l'état du Mariagt. 9 Ceux qui en ont trois ou quatre , font bien plus communs que ceux qui n’en ont qu’un: & nos Hiftoires de Mé- deciné remarquent qu’il n’y a guéres de Roïaumes qui ne fourniflent des fa- milles où ïl n’y aït des hommes à trois tefticules ; maïs ceux-ci n’ont pas l'a vantage des premiers; puifqu’au lieu d’être fertiles par la multitude de leurs parties , ils en deviennent impuiffans, la vertu prolifique étant divifée en trop de parties pour avoir de la force. Agathocles Roï de Sicile , & Mr Pint… de cette Ville, connufent bien que le plus grand nombre de teflicules n'é- toit pas le meïlleur pour Ia généra- tion , quoiqu’il le fut pour Pardeur & pour le plaifr ir; & qu’il valoit beaucoup mieux n’en avoir qu’un ou deux, que d’en avoir davantage. Si l’homme, ditun Philofophe an- cien, avoit les teflicules cachez dans le ventre , il n’y auroit point entre les animaux d'animal plus laicif que lui. Afin donc d’éviter les défordres de fa lafciveté, la nature , ajoûte-t-ii,, a pla- . g au-dehorsles parties de Ja généra- tion, 4o Tableau del Amour conjugal, tion , pour recevoir incefflamment les impreffions des injures de Pair. Ce- pendant, pourrois-je repliquer , cela n'empêche pas que homme ne foit le plus lafcif de tous Îes animaux, puif- qu’en tout tems & à toute heure il eft difpofé aux délices de Pamour , & que la plüpart des antmaux atendent 1a belle faïlon pour s’acoupler: Maïs la nature a eu une toute au- tre raïfon de mettre ces parties au-de- hors. La femence en eft beaucoup mieux préparée , lorfqu’elle a plus d’é- tendue & de tems à fe perfectionner. Et c’eft fans doute cette même raïfon ui fait que fa femence des femmes n’eft pas fi reéifice que la notre, par- ce queles vaifleaux qui en préparent la matiére , {ont incomparablement plus courts & moiïns entrelaffez que ceux des hommes. | Prefque tous les enfans ont les tef ticules cachez dans le ventre, ou dans les aînes, & 1l s’en trouve peu à qui les tefticules.paroïifent avant Pâge de huit ou dix ans ; c’eft alors qué 1a chaleur commencant à être vigou= IEU—= confidére dans l'état du Mariage, tr reufe , difpole toutes les parties dé la génération pour lPadmirable ou vrage de la nature, & qu’elle poufle au-dehors les parties qui étoient des meurées cachées jufqu’en ce tems-là, De tous ces enfans , ïl y en a quel. ques-uns à qui les tefticules ne defs cendent que fort tard , où quelque- fois jamais , & alors l’on prendroit ces hommes pour des Eunuques, s’ils n°2. voient d’autres marques pour nous perfuader qu’ils font des hommes par- faits. Jamais la femme du Seigneur d’Argenton wauroit douté de Ia puif. fance de fon mari, f elle Lui avoit trou vé des teflicules dans la bourfe, & l’on - mauroit fçû juflifier fa fécondité par toutes les autres marques qu’il en avoit , f après fa mort Ambroifè Paré n'eut trouvé fes tefticules dans {e ven ire. Et jamais le Lapidaïre , dont parle Kerckingius ; Obf. 13. n’eut fi forte- ment chanté, s’il n’eut eu fes tefticu= ailes cachez danse ventre,qui lui {orti. sent à 1 8. ans, après une fiévre chaude; Quoïqu’en veille dire Æippocrate, àl n’y. a pas d’aparence de croire ce Tome L B qui 22 Tablean de P Amour'conjupal ; qu’il nous veut perfuader , que le tef= ucule droit foit plus chaud que le gauche , & que ce foit lui auffi qui engendre les mâles , au, lieu que le gauche ne produit que les. femeiles. L'expérience & la raïfon mw’obligent de nv’éloïgner du fentiment de ce Mé- decin. Car nous favons que la femence _ de l’un & de l’autre tefticule, fe mê= ant enfemble lorfqu’elle fort, on ne fauroit attribuer lefet que nous en voions plütôt à l’un qu’à Pautre , & que la génération des mâles ne doit point plütôt s’imputer à lune de ces deux petites parties, qu’à la comple- xion de tout le corps de l’homme ou de la femme, aïnfi que nous l’exami- nerons ailleurs. Au refte, dans Ia diffe&ion que Tai faite plufieurs fois des tefticules des hommes , j'ai fouvent remarqué que :le gauche avoit des veines & des artéres plus grofles que Pautre , &c que par conféquent ïl étoit plus échaufé par le fang & plus vivifié par les efprits , & que d’ailleurs 1l étoit ordinairement plus gros, plus | | . feune "confidéré dans l'état du Mariage. 1% ferme & plus plein de femence que Pautre , d’où l’on pourroit conclure contre le fentiment d’Æypocrate, qu’il contribueroït plütôt que le droit à la génération des mâies. Mais à dire vrai , pour le répéter encor , ni Pun nt Pautre ne produit pas plûtot un mâle qu'une femelle 5 témoin l’hiftoire que nous fait Gaf. fendi d’un homme, qui s'étant fait couper un telticule , ne laïffa pas pourtant de faire des enfans de l'un & de l’autre fexe. Les tefticules font fort ordinaires ment couverts de plufeurs membra- nes , très-dures à la pointe de la [ana cette , (4) de peur que les efprits qui font dellinez pour la vie des hom- mes à venir ne fe diffipent par leurs pores. Leur fubftance eft un entrela: cis de vaifleaux fpermatiques , (b) qu’on pourroit dire être la fin des préparans & le commencement des éjaculatoires. Elle eft faite d’un nom= bre infini de petits filets , (b) qui font comme les réfervoirs d’une ma ticre féminale , qui vient d’un fang B 2 arté= x4 Tablean de P Amour conjugal, - artériel filtré par mille petits conduits > & d’un fuc nerveux qui s’y ef auffi gliffé par mille petits détours. Une matiére glanduleufe ocupe lentre- deux de ces vaïfleaux & leur commu- nique la vertu d’engendrer de la fe- mence. Les artéres (c) & les nerfs {f) portent inceffamment aux tefti- cules ce qu’il y a de plus épuré dans le corps de l’homme. Des mufcles pref- fent & préfervent ces deux petites par- tes & les fufpendent , de peur que les vailleaux qui préparent & contien- nent la femence , ne fe rompent par la pefanteur des teflicuies & par les agir tations violentes de amour. I! leur arriveroit fans doute. dans les mouvemens de cette pañion des accidens funeftes, fi ces mêmes muf- clesen les tirant en haut ne les en ga- rantifloient , & fouvent la femence manqueroit ‘d'efprits dans cette oca- fion , s'ils ne les aprochoïent de la ra- cine de la verge, Quelques Phiiofophes, & après eux quelques Médecins, ne demeurent pas d'accord que la femence fe forme : ‘dans - confidéré dans l'état du Mariage. 15 dans les tiflicules ; parce, difent-ils , qu’il n’y. a point de cavitez fenfibles, ni de paflage pour y porter la matiére; que ces parties étant froides, il ne peut s’y faire aucune cottion d’une matiére fpiritueufe ; qu’on a beau faire la dif- feäion des tefticules , on n’y trouve ja- mais de femence ; qu’il y a des ani- maux qui n’ont pas de tefticules & qui cependant ne laïffent pas d’engen- drer. Enfin , que nous avons des Hif- toires qui nous aflurent que des hom- mes qui en avoient été privez , ont fait néanmoins des enfans, Toutes ces raïfons paroïffent bien fortes à ceux qui n’examinent les cho- fes que par. les Livres des Auteurs. mais f-nous recherchons diligemment Ja vérité de tout cela, par la diffe&ion de ces parties & par d’autres meiïlleu- res raïfons , nous ferons bien-t0t d’un autre fentiment. Car on fait que les artéres fperma- tiques ( 4) vont tout droit aux telti- cules ; qu’en fe partageant en deux rameaux , elles portent à l’épidime (ce) & au corps du tefticule la matié- | 83 re ” 16 Tableau de l Amour conjugal ; re de la femence. On fait encor que les nerfs qui viennent de la fixiéme paire (f) & ceux qui fortent du cor- don des nerfs qui viennent du bas de Tépine du dos , (ff) communiquent aux tefticules une matiére fpiritueufe : propre à la génération. D’aïlleurs , que les tefticules n’étant qu’un entree lacis de vaïffeaux , (b ) ïls ont à caufe de cela des cavitez , quoï qu'elles ne foient pas fenfibles : que la femence r’étant qu’un excrément , la nature ne foufre pas long-tems dans les tef- ticules, à moins qu’ils ne foient ma- lades, ce que lhiftoire de Dodone nous confirme , qui aïant trouvé dans le corps d’un Efpagnol un tefticule d’une groffeur prodigieule , & l’aïant enfuite coupé , en fit rejaiïllir La femen- ce aux yeux de ceux qui étoient pre- fens : que les poiffons ont des parties qui ont du raport aux tefticules des au- tres animaux ; & qu’enfin les hiftoires que l’on trouve par écrit des hommes & des animaux qui ont engendré fans teflicules , font ou fabuleules , ou que du moins elles doivent être enten- dues, confidéré dans l'etat du Mariage. 17 dnés , ainf que nous expliquerons au Chapitre des Eunuques. | Mais la principale raïfon que lon objeûe eft prife du tempérament des tefticules. Cependant on fait que le cerveau eft d’un tempérament froid, & d’uné fubitance affez folide , pour être de fa nature une glande : que lon ne voit aucunes cavitez dans le lieu où les nerfs prennent leur origi- ne : & que jamais, dans Îes diffe&ions que lon en a faites, Pon n’a remar- qué ce que devenoit le fang qui fe filtroit au travers de fa fubfiance, & qu’elle étoit la matiére prochaïné des efprits quinous font mouvoir & {en- tir : & fi j'ai fouvent obfervé en pref= fant la fubftance du cerveau d’un hom- me mort, un peu de férofité rougif= fante dans les endroits les plus folides , ce r’étoit néanmoïns que du fang qu commençoit à ce changer en fuc ner= veux. Ainfi , bien que le cerveau foit d’un tampérament froïd, comme je viens de le dire, & qu’il wait été lait que pour tempérer lardeur du cœur , felon la penlée a RS ) 18 Tables de l Amour conjugal, Jaïffe pourtant pas d’engendrer des ef. prits beaucoup plus fubtiis & plus épu- rez que ceux du cœur ; car le fang des artéres tout ouvert & tout plein d’ef- prits , montant en haut avec précipita- tion par le mouvement que. lui donne le cœur , entre dans Ia fubftance du cerveau pour en recevoir toutes les impreffions fpiritueufes. Les Chimifies en font à peu près de même, lorfqu’ils veulent faire de J'eau-de-vie : ear les efprits de vin qu'ils mettent dans Palambic ,. s’éle- vant peu à peu au chapiteau, & fe dif- tribuant enfuite par un long conduit dans un vaïffeau qui les reçoit , au- roïent des qualitez âpres & peu agréa- bles au goût , s’ils n’étoient adoucis dans la ferpentine par la frotdeur d’an tonneau d’eau , comme fi le froïd condenfant & raflemblant les efprits du vin , les rendoit enfuite plus rec+ tifiez & plus doux. | Il en arrive autant dans le cerveau; car le fang qui fort tout houïllant du cœur , & qui rejaillit en haut, entre dans la fublance du cerveau, qui pas à Li Zi OI - LP [74 a 18 FU il ñ ? A) À confidéré dans Pétat du Mariage. 19 fa froideur en condenfe les efprits, & qui le rend la liqueur la plus fubtile & la plus épurée de toutes celles que nous aïons dans le corps. | Cela étant ainfi établi , il me fem= ble qu’il n’eft pas maintenant dificile de rendre raïfon pourquoi les tefti- cules font les ouvriers de [a femence de l’homme. Car perfonne n’ignore qu’ils ne foïent des parties froïdes , puifqw'ils font des entrelacis de vaif- feaux (b) preffez par de petites glan- des-: & f; l’on eft perfuadé que le fang fe fubtilife en pañlant par le cer- veau, & devient efprit animal , on doit auflr croire que ce même fang fe rec: fie en pénétrant les tefticules , & qu’il devient efprit féminal, pour pare ler de la forte. Deux fortes de vaïfleaux font ata< chez aux deux extrémitez du tefi- cule ; les uns , qui font un entrelacis d’artéres, (4) de veines, ( g ) de nerfs (ff) & de vaïlleaux limphatiques, : (h) y portent la matiére pour faire la femence , & les autres en rapor- tent la femence toute faite (i) & s’en déchar: | Û 80. Tableau de Amour conjugal, déchargent dans le corps variqueux ou piramidal,(;) qu’on nomme pa- raftate ; & puis, felon le fentiment de tous les Anatomiftes, ïis s’en déchar- gent dans de petits réfervoirs qui font a la racine de la verge. (k) On pourroit comparer ces réfervoirs aux petites cavitez d'une grenade dont on a Ôté les grains. C’eft-là que a femence fe forme & fe conierve pour plufieurs embraffemens & pour diférentes générations. J'ai eu fou- vent la curiofité de preller avec les deux doigts ces petites veflies glandu= leufes , & des glandes (!) que lon nomme protaftes qui fe trouvent au- près pour en faire fortir la femence : & en même-tems j'apercevois, malgré la froideur du cadavre , une liqueur blan= che & épaiffe fortir des protaftes (/) & une claire & pâle fuinter des veffis - cules (4) & enfuite fe filtrer Pune & l'autre au travers d’une membrane prés d’une petite verrué , que les Anatomiltes ont nommée Vers monta» num , & puis s’épancher dans le con- | duit de la femence & de Purine. rs 4 eff \ HR AAAEEL MAPS W) OPEN {A (UV AN \ QT buy confidéré dans l'etat du Mariage. 2x C'’eit plûütôt la callofité & ia dure= té de ces cellules & de cette chair glanduleufe , que l’on appelle prof- tate , qui rend les Scytes flériles, qu’une legére perte de fang , qui cou- le d’une veine coupée à la temple, Car comme les Tartares font incef- fimment à cheval , ils preflent tel- lement ces petits réfervoirs , par la pefanteur & par agitation continuel- le de leurs corps, qu’ils les endurcif- fent, & les rendent enfuite incapables de recevoir la femence qui vient des tefticules. BR AROMER ME ON PE EN EME EEE SO ES MR TCLE TTE: "Les parties naturelles externes de | la femme. Près avoir diligemment exami- né les parties de l’homme qui fervent à la génération , il me fem- ble qu’il eft à propos de confdérer celles de la femme , & d'admirer en même-tems lartifice dont la né ii 5e 22 Tableau de l'Amour conjugal, s’eft fervie à les former, & le merveil- leux arrangement avec Îequel elle les a difpofées. | Si les parties naturelles des fem- mes étoïent toutes femblables à cel- les des hommes , & qu’il n’y eût feulement de diférence que dans le renverfement de ces mêmes parties, on auroit raïfon de dire que {a fem- me eft un homme imparfait , & que la froïdeur de fon fexe eft caufe que fes parties font demeurées au-dedans, au lieu de fortir au-dehors comme cel: les des hommes. Gallien, & Faloppe après luï, quel- ques favans Anatomiftes qu’ils foïent, auroient de la peine à foutenircette opinion. Car fi lon obferve ia difé- rente flruture des parties des deux fexes ; fi l’on en examine le nombre & la figure ; ii Pon en confidére les ca- vitez & la figure ; enfin fi l’on en compare l’aétion & lufage , on ver- ra bien-tôt qu’elles font tout -à- fait diférentes les unes des autres. Car quelle proportion y a-t-il entre la matrice & le gland , ou, fi l'on veut, | LS. confidére dans Pétat du Mariage. 2% Ja bourfe de homme ? Entre le mem- bre viril & le clitoris? Les vaïffeaux qui contiennent [a femence des fem- mes , ne reflemblent pas à ceux des hommes & leurs tefticules font faits d’une toute autre façon. Maïs fans m’arrêter à ces fortes de queftions qui ne fervent prefque de rien à mon fujet, examinons en peu de mots les parties naturelles de Ja femme que nous apercevons les premiéres. La nature eft admirable dans tous fes éfets, & ne produit jamais rien fans deffein. Le poil commence à poindre à douze ou à quinze ans, lorfque , fe- Jon la penfée de Théodoret, l’ame peut diftinguer le vice de la vertu. C’eft alors que la nature met un voile fur les parties naturelles de Pun & de lautre fexe, pour leur marquer que l'honnêteté & la pudeur y doivent établir leur principal domicile. Les parties naturelles de [a femme ; que lon apelle nature , parce que tous Îes hommes y prennent leur ori- gine , font la caufe de la plüpart de nos chagrins, aufli-bien que de nos Tome Ç plai= 24 Tablean de P Amour conjugal, piaïfirs ; & j’ofe dire que prefque tous les défordres qui ont paru dans le monde , & qui y arrivent encor tous les jours, viennent de ces parties- là. On n’a qu’à lire Pérrone & à en- tendre bien lhiftoire des huit an- nées qu’il décrit de la Cour débau- chee de Véror, pour être perfuadé de ce que Je dis. Les lévres (4) & les rides(b ) de ces parties ne font que les replis que la peau y fait ; elles reffemblent à peu près à la crête d’un jeune coq, & les rides y marquent auffi - bien [a vietileffe que fur le vifage , lorfque les filles vieiiliflent , ou qu’elles ont profüitué leur pudicité. Ce font ces rides internes que l'on appelle nim- phes, qui dans lévacuation de Puri- ne , caufent un fi grand bruit, qui nous furprendroit fans doute, fi nous n’y étions accoûtumez. | Quatre petits morceaux de chair , de la figure d’une feuille de mirthe (c) font placez après les nimphes , qui bien qu’ils fotent incellamment arrolez m'éteignent pourtant pas pour : ce sonfidere dans Pétat du Mariage. 3 cela le feu que la nature à allumé dans ces parties. Souvent c’eft come me de l’eau, qui tombant fur de Ia chaux, les excite & les échaufe davan- tage. Ces caroncules, (6 ) que les Me decins appellent mirtiformes , font quelquefois liées les unes aux autres par des membranes , qui font l’en- rée de ia matrice fi petite, (d) qu'à peine lextrémité de lun des doigts y pourroit entrer dansune fille de neuf ou de dix ans , à moins que de lui faire violence en la déchirant. C’eft ce que les Matrônes veulent dire , _Horfqu’en faifant leur raport du vio- lement d’une vierge , elles difent que la corde eff rompuë, & e’eft auffi [a féparation de ces mêmes parties, qui en donnant du fang la premiére nuït | des nôces , étoit autrefois parmi les . Juifs un figne de défloration ; ce que nous éxaminerons ci-après avec beaus | coup de curiofité. | On voit au haut des nimphes une partie plus ou moins longue que 14 moitié du doïet, que les Anatomifz tes appellent clitoris ,(e) & que je | 2 pouls 26 Tablean del Amour conjugal , pourrois nommer Îa fougue & [a ra- ge de Pamour. C’eft-là que la nature a mis le trône de fes plaïürs & de fes voluptez , comme elle a fait dans le gland de l’homme. C'’eft-là qu’elle a placé ces chatoüiïllemens excefifs & qu'elle a établi le lieu de Ia lafcive- té des femmes. Car dans laétion de Pamour , le clitoris fe remplit d’ef- prits -& fe roïdit enfin comme Îa verge d’un homme ; auffi en a-t-il les . parties toutes femblables. On peut voir fes tuiaux , (f) fes nerfs (g) & fes mufcles , (k) il ne lui manque ni gland (:) ni prépuce, (k) & s’il étoit troué par le bout , on diroiït qu’il eft tout femblable au membre viril. C’eft de cette partie qu’abufent fouvent les femmes Iafcives. Jamaïs Sapho Lefbienne ne fe feroit aquife une méchante réputation , fi elle avoit eu cette partie plus petite. Jai vü une fille de huit ans qui avoit dé- ja le clitoris auM long que la moi- tié du petit doiot ; & fi cette par- tie croît avec l’âge, comme il y a de Paparence , je me perfuade que | | pre- confidere dans l'état du Afariage. 2? prefentement elle eft auf grofle & auffi longue que celle de la femme que Platerus dit avoir vüe , qui Pa- voit auf groffe & aufli longue que le col d’un oïe. Cette partie s’enfle tellement pen- dant la vié de quelques femmes, lorf- que lamour y envoie des efprits, que la peine que l’on a de Ia rencontrer dans une femme morte , fembleroiït incroïable , à moins que d’en avoir fait Pexpérience , tant il eft vrai que les parties ne font pas toüjours en même état pendant [a vie & après la mort. Maïs fi cette partie caufe fouvent des defordres aux femimes, elle leur aporte auffi des avantages : car elle eft à la matrice ce que la luette eft aux poumons ; & le clitoris avec les caroncules , corrige Pair froid qui pourroit incommoder [a matrice 5. il empêche en même-tems qu’il n’y en tre quelque chofe d’étranger. Toutes les parties que je viens de nommer feroient inutiles à [a géné- ration , f1 l'himen que les Poëtes prophanes ont dit être le Dieu des C 3 nô« 28 Tableau del Amour conjugal, nôces , n’en étoit du nombre. Les Anatomiites anciens , qui ne s’ocu- poient qu'aux chofes les plus com- munes de lAnatomie, ont pris pour ‘himen les caroncules dont nous avons parié ci- deffus, qui fouvent étant jointes enfemble par des mem- Branes aflez fortes , s’opofent à l’en- trée du Dieu Priape; car il n’eût pas été raïfonnable que quelque autre Iu= F5 | confidére dans l'état ds Mariage. 579 lufeurs enfemble , pour laïffer couler es régles, & pour donner quelquefois entrée à la femence de l’homme. Car bien que ces femmes ne foïent pas capables de copulation , elles peuvent pourtant quelquefois concevoir ; & c’eft ainfi qu’engendra Corntlis mere des Gragues, à qui il fallut faire incifion avant que d’acoucher. _ L’acouchement eft quelquefois acompagné d’accidens fâcheux , que les femmes fe fendent d’une maniére étonnante ; & J'en aï vû une dont les deux trous n’en faïfoient qu’un. Ces parties fe déchirent d’une telle façon, & la nature en les repoulfant y envoie tant de matiére, qu’il s’y engendre plus de chaïr qu'auparavant. fi bien qu’après cela ouverture en eft prefque toute bouchée ; & quand ces femmes fontun jour en état d’être embraffées par leurs maris, elles font fort furprifes de n’être pas ouvertes comme auparavant, _ Lesulcéres véroliques qui arrivent aux parties naturelles des femmes font 1a même chofe ; ils foulent tellement la chair d’un côté & d'autre quand ils fe : | gué- 38 Tableau del Amour conjugal, guériflent, qu’il ne refte le plus fou« vent qu'un petit trou qui fert à vuider de tems en tems les ordures des fem- mes. Souvent il y a du rifque pour la vie , fi on les coupe & fr on élargit le conduit de |a pudeur. Celle qui dans une pareïlle occalion demandoit du fe- cours à Benivenins, n’en fut pas pour cela exaucée ; car ce Médecin crai- gnant que s’il Ja coupoit , il n’en arri- vaät quelque funefte accident , aima mieux la laïfler vivre de la forte. I! arrive tant de défauts dans les par- ties naturelles des femmes, qui s’opo- fent à la confommation du mariage & par conféquent à la génération, qu’il faudroiït faire un livre tout entier, pour parler des uns après les autres.Il me fu- fira feulement d’ajouter à ce que nous # avons dit ci-deffus, qu’il naît quelque-# fois desexcrefcences de chairdansle col # : À s . L L2”1 per aux filles avant que de les PAT | _confidéré dans l'état du Mariage. ss RS ed EG Dr CEE Er Le Pi Le LEE CE DE PE SE ER GUAPITIRE ITE Des rémédes qui corricent les défauts des parties natnrelles de l'homme @ de la femme. I je n’avois remarqué en lifant les D) Livres des Cafuites & des Jurif- confultes, plufieurs erreurs que les uns & les autres commettent lorfqu'ils par- lent des caufes de la diflolution du ma- riage, Je ie ferois contenté du Chapi- tre précédent & ne me feroïs pas don- né la peine d’obferver dans celui-cf, qui n’en eft qu’une fuite , les remédes que Pon doit aporter aux parties natu- relles des hommes & des femmes, qui font icommodez de maladies,quel?on juge le plus fouvent incurables. . Cefont ces maladies qui les empé- chent de fe careffer & fe donner réci- proquement les libertez que le maria ge leur permet de prendre. Jene parleraï ici que des incommo- ditez qui afligent les dehors des par- Toms Z. F ues ds | 6o Tableau del Amour conjugal, ties naturelles de lun & de l’autre {es : xe, & je n’examinerai que celles que | Pon peut guérir , aïant deffein de dif- courir ailleurs de toutes les caufes in- curcbles, qui font lPimpuiffance des hommes & la flérilité des femmes, & qui peuvent donner lieu au djvorce entre des perfonnes mariées. PALRLELELELSLEILLLILLELLILILLLi LIL tt) ART TOMATE Des maladies qui arrivent au membre viril qui peuvent etre gueries. P Uïifque le mariage n’eft inftitué que pour avoir des enfans, on doit croire que fi les parties génitales de « Pun & de l’autre fexe ne font pas en. état de fe joindre étroitement, on ne fauroit exécuter le deflein qu’a PEglife lorfqw’elle nous confere ce Sacrement. La conjoné&ion du mâle & de la fe- melle doit précéder la génération : fi Ia’ copulation manque par des défauts na- turels, ou par quelque accident ino- piné, lefpérance que lon a d’avoir“ nn . des. : eonfidére dans Pétat du Mariage. 6% des enfans elt veine, puifque celle-ci n’eft qu’une fuite de Pautre. Etpour aexpliquer plus clatrement ar des exemples , je diraï que cette une Demoifelle veut fe plaindre hau- tement en Juftice de la longueur du membre de fon mari, dont Paproche Jui eft un cruel fuplice. En éfet, fa dou- eur qu’elle reffent quand elle en ef touchée , lui fait perdre [e fentiment & fouvent la rend comme immobile ; car cet homme lui déchire {es nim- phes, lui meurtrit les caroncules, lui fait fendre le conduit de la pudeur , & enfonce le fonds de fa matrice ; c’eft de-1à que vient une grande éfufion de fang, un flux de ventre ennuïeux, & les autres incommoditezqu’elle foufire après avoir été careflée de la forte. : Ces maux ne font pas pourtant fans reméde : car fi l’on a foin de trouer pr le milieu un morceau deliége de Ia auteur d’un ou deux pouces , felon l'excès de Ia longueur du membre, & qu'on le garniffe enfuite de coton, def- fus & deffous, que ce coton foit garnk d’une toile molette, qui doit être pi- AT | F 2 ‘que 62 Tableau de P Amour conjugal, quée près à prés, & que ce bourlet ; ou pour mieux dire, cet écuflon foit convexe par le haut & par le bas ; qu’enfuite on y coufe à chaque côté deux petits rubans ; & que quand la- mour fera reflentir fon feu, on fafle palier le membre par le trou de Pécuf- fon, & qu’on lie à chaque cuïfle les deux petits rubans que lon y acoufus pour le tenir aflujéti,on jouira après ce- Ja des nouveaux plaifirs que l’artifice aurainventez.C’eft alors que laDemoi- felle ne fuira plus les carefles de fon mari & qu’elle ne lui refufera plus fes, embrafflemens amoureux. Si par hafard | fon mari oublie l’écuflon.,elle aura foin | d’en porter un autre, ou la néceffité lut | fera trouver agréable fa main , dont el- le évitera les douleurs qu’elle reffen- toit autrefois & le défefpoir où elle étoit d’avoir des enfans dans la fuite de : fon mariage. La groffeur du membre de l’homme n’eft pas fi facheufe à une femme que fa Tongueur exceffive.Elle ne fait qu’é- Jargir des parties, qui étant membra- » neufes & charnuës , s’élargiflent affez arc À confidére dans Pétat du Mariage. 63% aifément quand on le veut. La nature lesa faites pour cela, & aujourd’hui if fe trouve peu de femmes qui fe plat- gnent de la groffeur de la verge de leux mari pourvû qu’une femme foit d’u- .ne taïlle médiocre, qu’elle nait point es flancs rétrécis , ni de défauts à fes parties naturelles, je ne vois pas de fä- cheux accidens à craindre, quand dans le mariage elle fe fervira d’une grofle werge. Si fes parties font trop étroites, ïl n’y a qu’à les faire dilater par les re- médes que nous expoferons à Particle fuivant ; ou , fi on veut, iln’y a qu’à faire diminuer {a groffeur exceffive du membre de Phomme , ce que l’on peut faire par des cataplâmes frords & aftrin- gens. J’apréhenderois pourtant que ces fortes de remédes ne détruififfent Ja femence, & ne la rendiffent incapa- - ble d’être féconde, fi bien qu’il vau- droit beaucoup mieux élargir le con= - duit de la pudeur, que de s’arrêter trop Jong-tems à diminuer la groffeur de cette autre partie. J’aï déja dit que je ne parlerotïs point ‘ici des maladies incurables, ni de la M: F 3 grof= € Tableau del Amour conjugal, groffeur prodigieufe de la verge de homme, qui auroit été caufée par quelque maladie. Je fai que lon n’eft point alors difpolé à s’en fervir pour plaire à fa femme, ni pour engendrer: & je ne fauroïs croire que Pierre Per- rod, Maréchal du Vilage de Crefeïat en Suïfle, eut eu envie à l’âge de 40. ans de fe joindre amoureufement à fa femme, lorfque fa verge étoit aufli grofle qu’un enfant naïfflant ; car, au raport de Fabrice de Hilden , portoit entre fes cuifles une grofle mafle de chair inégale, livide & molette com- ame un champignon, que ce Médecin Allemand lui coupa. Bien loïn de mou- rir de cette opération, il fe porta en- fuite beaucoup mieux , & avoit de tems en tems des mouvemens de con- cupifcence, lorfqu’il étoit couché au près de fa femme ; mais malheureufe- ment 1] manquoit des parties pour exé= cuter les ordres fecrets de la nature. Le membre viril étant roïde devient tortu , lorfque le fil qui lie par- def- fous le prépuce au giand , s’avance jufqu’au conduit de Pure, fi bien æ. que _ confidéré dans l'état du Mariage. 63% que la tête du membre Ctant uirée en bas par cette bride, la verge eft con- trainte de fe plier en forme d’arc. Si avec cette incommodité un homme veut fe joindre amoureufement à fa femme , il augmente fa douleur & s’a- perçoit que fa verge fe courbe encor plus qu'auparavant. Néamoins la paf- fion extrême de amour fait quelque- foïs oublier la douleur , témoin ce Mi- nifire Luthérien, dont parle Fofinan, qui la méprifant généreufement, ft plufieurs enfans à fa femme , malgré cette Incommodité. ; | Il r’eft pas fort dificile de trouver un reméde à ce défaut ; ïl n'y a qu’à donner un coup de cifeau au lieu qui tient Île gland trop gêné, & à empê- cher enfuite la jondion du prépuce avec le gland. Pour guérir promte- ment le mal qu’aura fait le cifeau , on mettra entre la plaie un linge trem- pé dans un blanc d'œuf batu, & Pon continuera ce reméde quelques jours de fuite, pour donner le tems à la na- ture d’y former la cicatrice. Les Matrdnes lialiennes ont une fort | mals 66 Tableau del Amour conjugal, mauvaife coûtume fur ce fujet ; elles {e faïfent croître l’ongle du pouce de Ja main droite, & après avoir aperçû le fil de la langue, ou du gland des petits enfans , elles le coupent de leur ongle, & brifent ainfi ce qui tient ces parties trop aflujéties. Maïs pour dire ce que je penfe fur ces fortes de déchiremens, tne peut arriver de-là que des inflam- mations , qui fouvent font bien-tôt après fuivies de la mort. Il a encor une autre caufe qui rend tortu le membre de l’homme; favoir, lorfque le prépuce eft tellement joint au gland, foit par un défaut naturel, ou par des ulcéres négligez, que l’on ne fauroït alors carefler une femme fans reffentir des douleurs extrêmes. Nos . Médecins, qui n’ont pastrouvé indi- gne d’eux de contribuer par leurs pro- pres mains à la fanté des hommes, prétendent que cette incommodité peut étre guérie , fi l’on y aporte le foin & ladreffe qui yeft néceflaire ; cependant ils font d’un avis contraire fur Popération. Les uns croient qu’il. faut couper beaucoup plus de prépuce | que confidéré dans l'état du Afariage. 67 que de gland; parce que le prépuce étant une peau qui ne peut donner beaucoup de fang , nt caufer une in- flammation confidérable , ainfi qu’on le remarque tous les jours dans la Cir- concifion des Juifs , Popération en doit être plus aïfée & moins dangereu- fe. Les autres au contraire veulent qu’on coupe plus de gland que de pré- puce ; parce, difent-ils, que la cicatrt- ce s’en doit plütôt faire , que lon eft enfuite plus difpofé à faire des enfans, & qu’il eft même dela bienféance de fe tenir toujours le gland couvert.Maïs pour mot, ii me femble que le meïlleur eft de tenir le milieu de ces opinions, &c que fi lon doit en favorifer quelqu’une, | ge doit toûjours être la premiére. Après que Popération ef faite & que Von a découvert le gland autant qu’il le faut , on met entre deux, comme q'aidit ci-deflus , un linge trempé dans un blanc d'œuf batu , ou dans un digeftif que le Chirurgien aura com- polé , felon les indications qu’il aura prifes de la partie malade, de la dou- leur & des accidens qu’il doit toüjours | con= 68 Tableau de Amour conjugal, confidéreren faifant ces remédes. Sur cela Fabrice de Hilden nous fait une hif- toire d’un homme de vingt ans, qui s’étant marié avec une très-belle fille, fe trouva impuïiffant le premier jour de fes nôces, étant incommodé de cette forte de maladie ; ce favant Médecin en fit lui-même l'opération, & le jeu- ne homme étant guéri de fon incom- modité , fatisfit fi bien fa femme, qwa- près celaelle ne fe plaïgnit plus de Pim- puïffance de fon mari. I! fe rencontre encor une troïfiéme caufe, qui rend le membre tortu quand il fe roïdit. Après les complaïfances qu’un homme a euës pour une Cour- tifane infâme , en fe tenant long-tems en état de fatisfaire les apétits déréglez de cette femme, il vient quelquefois à l’un des cotez de la verge, ce que nous apellons Modus ou Ganglior, qui n’eft qu’une dureté, groffe ordinairement comme une fêve, placée fur les nerfs de cette partie. Quand on prefle forte- ment cette dureté, on n’y fent qu’une douleur obfcure ; maïs quand le mem- bre vient à fe roidir, c’eft alors see les ni ré confidére dans l'état du Mariage. 6Q douleurs font extrêmes, par la gêne &c fa torture que foufre la verge, dans une figure courbée qui eft contre les loïx de la nature. If y en a qui ont voulu guérir cette maladie , en ramnûliffant {a dureté qui la caufoit ; maïs ils ont jetté les malades dans un défefpoir de guériïfon. Ils n’ont pas prévû que les remédes ramoliffans qu'ils y apliquoïent , augmentoient le mal en dilatant les parties nerveufes de la verge, quirecevoit enfuite plus d’ef- prits vaporeux qu'auparavant. Car en humedant le ÆVodus , ils élargiffotent _ ainf les ligamens poreux, à la façon des varices & des aneurifmes, & aug- mentoient le mal par ce moïen-là,plü- tot que le guérir. L'expérience nous enfeigne qu’il en falloit ufer d’une toute autre maniére, -Elle nous a montré que les remédes aftringens contribuoient feuls à la gué- rifon de cette maladie , tellement que fi l’on moüilloit des plumaceaux & des linges & qu’on les apliquât tiédes fur » fa partie malade , on guérifloit bien-tôt cette incommodité. k Jäques 70 Tablean de l Amour conjugal, Jaques Floullier nous aprend un re: méde induftrieux, pour donner à une verge tortue la figure qui lui eft propre & naturelle. Ii nous raporte , qu’un homme qui étoit impuiffant de Ja for- te fut parfaitement guéri de fon in- commodité , après avoir fait entrer fa verge dans un canaï de plomb, propor- tionné à fa groffeur & avoir retenu lé canal affujéti par des attelles pendant un tems allez confidérabie. La verge de Phomme ef molette & flétrie , par beaucoup de caufes qui s’opofent à faction pour laquelle la nature la for- mée. Si un homme efttrop jeune ou trop vieux, fon membre ne fe roidit point ; & fi quelquefois cela luï arrive, la dureté eft fans éfet & l’on ne peut en atendre des fuites avantageufes pour la prodnétion d’un homme.Souventles : efprits vaporeux en font la caufe, & * une femence prolifique ne fe trouve prefque jamais dans ces âges-là. D'ailleurs, fi Poneft malade, ou que lon ne fafle que relever de quelque fa- cheufe maladie, ou enfin que la verge foit incommodée dans quelques-unes m confidere dans Pétat du Mariage. Er le fes parties, 11 nya pas d’aparence qu’elle agiffe, à moins que l’on y apor- e auparavant les remédes néceffaires, D’autre part, fi Pon a pris par la bou- he , ou que l’on fe foit apliqué des re- édes pour éteindre le feu de la con- upifcence & combatre les éguillons e la chair, comme nous le remar- uerons aïlleurs , les parties naturelles tant trop molettes ne font point lors en état de contribuer à la gé- ération. Enfin, fi l'on eft enchanté & enfor- elé, comme onle dit, toutesles par- es génitales languïflent & ne peuvent lors fe joindre étroitement à celles d’une femme. De toutes ces caufes qui afligent nos parties naturelles, nous n’exami- erons prefentement que celles qui euvent produire des maladies que ’on peut guérir, & encor nous ne ous arrêterons qu'a ces feules ma- adies qui ataquent principalement a verge de l’homme & qui la ren- lent molette, fans en chercher d’au- res qui peuvent avoir leur fource Bdene L G de 1 92 Tableau del Amour conjugal, de plus loin, me réfervant d’en parlet®w lorfque je traiteraï en général de lim puiflance des hommes. | Une maladie aiguë détruit nôtre paf= fion. L'amour eft languiïffant quand nous fouirons, & nous ne faurions nous lier amoureufement à une femme, fi" nôtre chaleur naturelle & nos eipritss ne fe font multipliez en nous-mêmes” & qu’ils ne forent communiquez à nos parties naturelles. Une vie miferable éteindra fans dou te notre feu, & il n’y a point d'homme qui fe trouve en état de fe divertitm avec les Dames, fi fa table eft très médiocre. Le travail exceffifnousrendn fages fur cette matiére, & nous nes penfons qu’au repos quand nous fom= mes fatiguez. D'ailleurs, fi notre efprit eft fortement ocupé à quelques afais fes, nos parties naturelles font slot comme engourdies, quand il faut sas pliquer à l'amour ; témoins ceux qui, gouvernent par eux-mêmes les Roïats#s mes & les Républiques, qui font prefa que toujours des enfans étourdis,com# me fi Pefprit du pere étoit prefque tou demeus eonfideré dans l'etat du Mariage. 73 demeuré , plütôt dansles afaires d'Etat. qu'ila ménagées, que dans les corps des enfans qu’il a engendrez. Souvent nous nous fommes tant di- vertis avec les femmes, que nos par- ties naturelles font devenués fi foibles & filanguiffantes, que même dans la fleur de nôtre âge, elles refufent de nous obéir, quand nous leur comman- dons de fe mouvoir. Toutes ces foiblefles & ces maladies ne font point fans reméde. Il ne faut gu’être jeune pour fe remettre bientôt d’une maladie qui nous aura afoiïbli ; & avec cela nous avons la belle faïfon, de bon vin & des alimens choïfis, les forces que nous aurions prefque tou- tes perduës renaîtront bien-tôt aprés, & ce que le jeûne auroit détruit, la bonne chére le rétablira aufi-tot, & alors nous ferons en état de nous fervir de toutes nos parties. Le repos eft le reméde du travail : & les médicamens qui nous font ennemis peuvent trouver leur antidote, com- me firent les parties naturelles d’un Gentilhomme , qui étant devenuës flé- hs | G 2 tries 74 Tableau de l'Amour conjugal tries par un onguent jaune , fait ayec « de Pargent vif dont il s’'étoit froté, fu-" rent bien-tôt après rétablies par lhxi- de de lavande qu’il y apliqua. L’épuilement que l’on a foufert au- près des femmes fe répare par la fuite & par Péloïgnement;& jamaïs ce jeune Re et , dont Chriftophe à V'eiga nous fait l'hifloire, n’eût pris de nouveaux plaïlirs avec fa femme sil n’en eut ufé de la forte. Cette hiftoire eft trop con- fidérable fur cette matiére, pour ne pas la raporter ici toute entiére & pour ne ia pas traduire en François. Je confeil- lai à un jeune Gentiilhomme, dit ce Médecin, de s’abfenter durant quinze jours de la ville où il demeuroit, de monter à cheval le feiziéme jour de fon abfence far le foir & de faire deux ‘ ou trois lieuës de chemin , après-quoi il viendroit chez lui fouper avec fa femme, qui fe découvriroit la gorge & qui fe mettroït à table vis-à-vis de lui : or javois commandé, pourfuit - il, qu’on lui aprêtät à fouper un chapon xoti & un ragoût de mouton, bouilif avec de la roquette : le bon vin rouge : Us 2 . . ds RE PP ES 2 TS OT 7, PU NT A confidére dans l'état du Mariage. 7$ fumeux & aftrmgent ne nous man= quoit point , non plus que le vin doux pour le deffert. Trois heures après fou per, Je lui confeillaï de fe mettre au lit avec fa femme, qui lui échauferoit les reins en fe Jorgnant de bien près & de dormir en cette poflure : qu’à fon ré- veil il s’entretint avec elle de difcours amoureux & qu’il s’endormit enfuite, s'il pouvoit ; la petite pointe du jour étant venuëé, qu’il careffät fa femme, _& qu'il s’aquitat de fon devoir en va leureux cavalier. Mon confeil, ajoûte- t-il, fut fort favorable à ce Gentilhom- me, non pour une fois feulement, maïs pour plufieurs; & comme je ne vou- lois point alléguer cette hifloire, fans avoir auparavant éprouvé la même chofe en plufieurs perfonnes, jar ex- périmenté , dit-il, que cette façon d'a: gir eft fort propre à rendre vigoureux ceux qui fe font épuifezauprès des fem- mes. Il faut done conclure, après tour cela, que la moleffe des parties natu- relles un homme, quia pris quelque- fois fes divertilemens avec trop de chaleur, nel pas toñjours icurable., n G 3 com- \ 46 Tableau dél Amour conjugal, comme la plüpart fe le perfuadent ; fi : cela étoit, le Gentilhomme du Duc d’Albe, dont Æoullier nous fait Phiftoi- xe , n’auroit pas été guéri fi promte- ment avec l'admiration de tous ceux « qui l’acompagnoiïent; & le reméde, : que lon apelle en Provence Semba- jeu, ne feroït pas encor prefentement des merveilles fur ceux qui ont les « parties naturelles flétries, f: nous en « voulons croire Väalleriola. Car ïl n'ya rien au monde de meïlleur contre les foibleffes des parties naturelles que les œufs, le fucre , le fafran , la canelle & Je vin, dont ce breuvage eft compolc. D’autres maladies ataquentencor le « membre viril avec autant de force que les précédentes ; maïs entre toutes cel- les qu’il foufre , il yen a de bénignes, qui fe guériflent par les premiers re- « médes que lon y aporte, & il s’en trouve de malignes,qui quelquefoisne « cédent ni aux fueurs ni à la falivation, ni au fer ni au feu, & ce font ces dernté- ‘res qui viennent d’un commerce infà- me & qui afligent les hommes d’une 4 manére (Qut-a-fait furprenante. … . « ; | Quel " LA confidere dans l'état du Mariage. 79 - Quelques hommes ont le prépuce fi long , qu’ils ne font pas difpofez à ce joindre amoureufement à leurs fem- mes. La verge eft importune en cet état & elle ne peut communiquer fa _ femence qu’elle ne foitéventée & que par ce moïien elle ne foit incapable de génération. Ceux qui ont ce défaut fe faliflent inceflamment quand ïls veu- lent uriner, témoin l’homme de 22, ans, dont Fabrice de Hilden nous fait Phiftoire. De peur que dans cette maladie 4 n’arrive une rétention d'urine & une inflammation au col de la veffie , qui font fouvent deux maladies mortelles, ilne faut pas éviter à couper le prépu- ce. Il y a nonplus de danger dans cette opération,qu’il y en eut à couper celur de cet homme dont nous venons de parler , qui fe maria quelque-tems après qu’on lui eut coupé le prépuce, qui avoit fi pouces de long. Nos Chi- rurgiens Grecs apellent cette maladie, Pimocis, qui rend quelquefois la verge tortue, quand ie prépuce ne pouvant être retroullé,elt ataché au gland,com- , me LS PE 98 Tableau del Amour conjugal, me nous avons remarqué ci- deffus. Il y a une autre maladie, qui eft tou- te opofée à celle-ci. Les mêmes Chi- rurgiens la nomment Papapimocis , lorf- que le prépuce étant retrouflé , preffe tellement laracine du gland, qu’ilne peut être remis dans fa place, quoi- qu’on letire ou qu’onle preffe forte- ment avec les doigts. Cette incommo= dité vientde plufieurscaufesdiférentes. Quelquefoïis en voïageant pendant la rigueur de lhiver , le gland & le def- fous da prépuce touchent rudement un linge ou un drap, & alors Hs s’en- flent l’un & autre. Le prépuce fe re- trouffe, & ne peut être remis, quel- que violence que l’on y faffe; fi bien que dans cette ocafion ïül arrive aflez fouvent un étranglement de verge, ce qu’un homme favant, dont fadévotion lui a fait prendre une robe de péniten- ce, éprouva l’année derniére avec un danger évident de perdre la vie. Je ne fauroïs dire combien le froid caufe de maux à [a verge de Phomme : f dans le Septentrion on r’avoir foin de la conferver par des fourrures con- ire confidéré dans Pétat du Mariage. 79 tre la rigueur du climat, les hommes . de ces contrées finiroient bien-tot par cette partir , au lieu de s’en multiplier. Le froïd Ia fait fouvent devenir dure comme une pierre ; & elle demeure- roit long-tems en cet état, fi l'expé- rience ne nous avoit apris que le feu ja faifoit ramolir & en diminuer [a douleur , ainfi qu’il arriva à George de Tranfilvanie , au raport de Smece. Les jeunes gens qui ne font pas acoutumez aux violens exercices de l'amour , font quelquefois aflivez du renverfement du prépuce, qu’un peu d’eau fraiche & d’abflinence guérif- fent tout aufli-tôt, témoin le jeune homme de vingt-quatre ans que F4a- brice de Hilden guérit de la forte. Mais fi la prifon & Pétranglement du gland ont des caufes maliynes, &c fi elles ont été produites par une con- jonétion infâme , ïl ne faut pas efpérer une guérifon fi promte ni fi heureufe; car la verge, qui eft naturellement po- reufe , étant enflée de fang & animce d’efprits, foufre aifément une impref- _fion pernicieufe que fait une Courti- fane So Tableau del Amour conjugal, fane corrompuë , & elle eft fouvent afligée de maladies malignes. Îl me refte encor à parler d’une ma- ladie qui arrive quelquefois dans le conduit commun de l'urine & de la femence , lorfqu’après un ulcére viru- lent, il s’y engendre une caroncule & une chair molette & baveufe. Bien que cette incommodité foit fort difici- le à guérir, cependant je n’aï pas ju gé à propos dela placer entre celle qui rendent un homme impuiflant , puifquelle ne paroït pas incurable. Car fi Charles IX. donna deux mille écus à un Gentilhomme Italien pour luï avoir communiqué un reméde con- tre ce mal, on doit croire que cette maladie peut être guérie, puifque ce bon Prince récompenfa fi magnitique- ment celui qui lui en avoit donné le moien. Afin de ne pafler rien fous filence qui puifle en quelque façon plaire au leeur , j'ai bien voulu mettre icice reméde pour s’en fervir dans ’ocafon. On prendra #rois onces de cérufe, 1 d. de camfre, © autant d'antimoinecru, demi- | | | ençe _ ND TE POP CR confidéré dans l'état du Mariage. Br once de tutie, préparée avec de l'ean de rofe, 6 dragmes de litarge d'or lavée , 2 dragmes de blanc rhafis [ans opium , 2 fcrupules de maflic, antant d’encess , autant de cendres de Savonier, C* autant d’aloës, avec une fufifante quantité d'huile rofat pour faire longuent ur pen épais. Maïs avant que de le faire, on prépara & on pulvérifera à part toutes les chofes que l’on doit pluvérifer, & on les paf. fera parle tamis, pour être plus difpo: fées à entrer dans la compofition du reméde. Après cela l’on en embarraf- fera le bout d’une bougie, dont on fe fervira au beloin. | Ce reméde eft beaucoup plus fou- verain & plus afluré, que celuiquelon emploïa pour un Gentilhomme Pari. fien qui étoit incommodé d’une pa- reille maladie ; on ne luï eut pas plütôt jetté dans Ja verge un reméde âpre, qu’une inflammation & une rétention d'urine y furvinrent, fi bien qu’il ne vécut guéres après tous ces maux , comme nous le fait remarquer Fabrice de Hilden | qui nous enfeigne qu'il ne faut prefque point de remédes apres | pOur - 82 Tableau del Amour conjugal, pour guérir Îes maux de la verge, I! naît quelquefoïs des vérués & des excrefcences de chair fur le gland, qui viennent apres des ulcéres mal guéris & qui empêchent la conjonion. Pour guérir ces maladies, nous fom- mes fouvent obligez de couper ces por- reaux & de les faire enfuite cicatrifer avec de la poudre de la pierre que l’on nomme Calcite. Quelques-uns y apii- quent le feu : ce que je ne voudrois fai- re que fort Iegérement fur la peau de cette partie; parce que le membre vi- ril étant de lui-même tout nerf, j’apré- henderois qu’il n’arrivât aû patient, ce qui arriva 1! nya pas long-tems à M. Brancacci, Grand Prieur de Maithe, qui s’étant fait apliquer un fer rouge au gros doigt du pié , quieftune autre partie du corps extrémement nerveu- fe, mourut bien-tot après, par la dou- leur, par la fiévre & par la gangrêne. On a quelquefois bien de la peine à arrèter le fang des veines & des arté- res que l'on a coupées, dans les opéra- tions que l’on a faites {ur la verge d’un homme ; & Fabrice de Hildennous fait - LEMALe TT PS confideré dans l'état du ZLaringe. 83 remarquer , qu’un Chirurgien aïant coupé une excrefcence fur le giand d’un homme de 40.ans, cet homme perdit tant de fang pendant quele Chi- rurgien faifoit chaufer un fer, que trois jours après il en mourut. J’aimeroiïs donc beaucoup mieux ufer du reméde dont j’aï parlé ci-def- fus , ou d’une forte déco&ron d’une tê- te de mort & de vitriol , qui arrête comme par miracle le fang des veines & des artéres coupées, que de me fer- vir du feu, par les raïfons que j'ai alié- guées ci-defius. Ce fut fans doute le prefent que fit le Roï d'Angleterre , y a quelques années, à M. le Duc d'Ef trées , Vice-Amiral de France, lorfqu’il étoit aux côtes de ce premier Rojau- me, afin que s’il arrivoit dans Parmee navale, dont ïl avoit la conduite , quel- ques grandes pertes de fang , on püût les arrêter tout-d’un-coup parle moïen ge ce reméde, Jimi : (H ARTE 84 Tableau de l Amour tonjagal ; PFTLRELLELLS LME ES CELLES LIL. 1 | A R FFC LE "ME Des maladies qui arrivent aux parties naturelles de la femme © qui peuvent être guéries. À Es parties naturelles des femmes ont des défauts ,auffi-bien que cel+ les des hommes ; il s’en trouve d’in- curables, qui feront marquées au Cha- pitre de Ia flérilité des hommes ; & il « y en a d’autres que l’on peut corriger « & que je vais examiner. Les filles font trop larges , trop étroi- tes , ou quelquefois prefque toutes” fermées ; il y en a qui ontles lévres de « leurs parties trop longues & trop pen- dantes , & qui ont encor d’autres dé- fauts qui les empêchent de fe joindre « amoureufement à un homme. | La nature , qui eft admirable dané tout ce qu’elle fait, a compofé de” membranes charnuës le conduit de la pudeur des femmes , afin que ces par-: ues s’élargiffent comme il iaut dans Pa couche- confidére dans état du Mariage. 8$ couchement , elles puïflent enfuite fe \ rétreffir pour empêcher les incommo- ditez qui en pourroïent arriver fi elles demeurotïent toûüjours ouvertes. Quel« quefois dans de fauffes & de fâcheufes couches , elles ne fe reflerrent plus comme auparavant , après s'être ex- trèmement élargies , f1 bien qu’elles demeurent tellement lâches & ouver- tes, qu’elles font importunes aux fem mes & défagréables à leurs maris. C’eft ce conduit que lon trouve trop large dans quelques filles, qui font d’u- ne taille avantageufe & d’une conftitu- tion fanguine , & qui avec cela ont la poitrine quarrce , les flancs larges & Ia voix forte.Un homme qui aura la verge petite ou médiocre & qui fera marié à une telle fille, ne pourra avoir aucun foupçon contre fa vertu, puifqu'à l’é- gard de fon mari fon défaut eft naturel. La médecine, qui trouve des remé- des prefque pour toutes fortes de ma- ladies , n’en marque pas pour celle-ci. Elle en fournit à une honnête fille qui va fe marier, afin d’ôterle foupçon que pourroit avoir {on mari de quelques H 2 pré= 86 Tableau de l'Amour conjugal, prétendus défordres de fa vie. Elle en communique encor à une femme qui: a fait depuis peu de pénibles couches, pour r’être pas dans la fuite du tems défagréable à fon mari, pour confer- ver dans fon mariage la paix & la tran- quilité, & pour avoir un fecond en- : fant, qu’elle n’auroit point, fr elle de- meuroit dans l’état où elle fe trouvé * maintenant. | Ces fujets étans raïfonnables, Pon doit trouver bon que l’on ufe de nos remédes par un fi jufte motif. Je ne prétens point IcI être l’auteur de Pa- bus que l’on en peut faire. Mon def- fein n’eft pas de favorifer le crime,maïs « de guérir les maladies qui afligent les * femmes & d'entretenir une amoureu= « fe complaifance parmi des perfonnes marices, Autrement nous ferions ré- duits à retrancher de nos livres & de notre pratique , l'artimoine , le fublimé , le réagal, & les autres poifons , dont « nous nous fervons tous les jours fi heu- reufement pour la guérifon des mala- dies. ii me femble qu'il fufit de faire fon devoir en guériffant les maladies « qui confidére dans l'état du Mariage. 87 qui fe prefentent, fans fe mettre beau- coup en peine des mauvaifes incli- nations de quelques perfonnes qui abufent de ce qu'il yade meïlleur au monde. | Les femmes des régions chaudes préviennent le défaut que nous avons marqué, en fe lavant les parties natu- relles avec de Peas de myrre diftillée , qu’elles aromatifent avec un peu def fence de girofle ou avec quelques you- tes d’efprit de vin ambre, ou avec des décoctions aflringentes. Maïs la dé- coûion de grande confoude eft encor meïlleure que tout cela , fi nous en eroïons la femme dont parle Sezxert, qui s'étant mife dans un bain, que fa fervante avoit prépare pour foi-même, fut fort fatiguée la nuit fuivante par fon mari, parce qu’elle fe trouva prefque toute fermée. Cette expérience n’eft pas feule ; Benivénius nous fait une fem- blable hiftoire fur ce fujet ; & nous en produirions quelques autres 1 l’on pouvoit douter de cette vérité. … Onne doit pourtant fe laver de ces fortes de remédes que pendant 7.ou 8. H°3 Jours 83 Tableau de P Amour conjugal, jours de fuite , afin que les parties na« turelles ne deviennent pas trop étroi- tes ; mais parce que fouvent elles s’é« largiffent beaucoup après les régles, on pourra cinq jours après qu’elles auront entiérement ceflé, s’en humec- ter encor pendant 8. autres jours. On doit avoir d’autres précautions pour les femmes qui font depuis peu acouchées ; car les vuïdanges de la- couchement doivent couler pendant un mois, tout au moins, après-QuOE on peut fe laver avec les eaux que nous avons propofées ; mais avec ne telle prudence , que les femmes ne de- viennent pas fi étroites, qu’elles puif- fent donner de [a peine à leurs maris, quand la pafñon les obligera à étein- . dre leurs flâmes. Car ces remédes agiffent quelquefois avec tant de for- ce, qu’il s’eft trouvé des femmes, fi nous en Croions Bemivenius , QUI Par Pimprudence de leurs Matrônes s’é- toient lavées fi fouvent de ces fortes, d'eaux, qu’elles s’étoient enfuite re- penties d’avoir fuivi les avis qu’on leur avoit donnez. ; Jai confidéré dans Pétat du Mariage. $Q J’aï fait remarquer au Chapitre pré * cédent quelle peine on avoit à dépu- celer une jeune femme étroite, quelles douleurs on reffentoit à la verge, & quelles enflures ïl y furvenoit. La fem- me qui n’eft guéres ouverte, n’a pas moins de douleur de fon côté, lorf- qu’elle fe joint à un homme qui a le membre affez gros ou qui Pa même médiocre. l'outes les parties délicates du conduit de la pudeur en font déchi- res; & fi Pon n’y prend garde avec beaucoup dexaûitude, il s’y engendre des ulcéres qui ne donnent pas peu de peine à guérir. Si la femme de qualité, que je guéris il y a quelques jours, avoit caché fon mal plus long-tems, fans doute qu’elle n’auroit pas été fi- tot foulagée par fe reméde que je lu propofar. Il étoit fait de parties égales, de htarge d’or pulvérifée , de cérufe & de corne de cerfbrulee, avec autant qu’ik falloit de rucilage de femence de cair., ex= trait avec de l'eau de plantain. Après s'être pointe de cet onguent,& s’être enfuite lavée de tems en tems avec de leau-ra« fe, elle fe trouva entiérement guérie. Lavis 99 Tableau de P Amour conjugal, L'avis que je donne ici aux filles qui font ncommodées de tumeurs de | rate & vapeurs, & qui font encor ex- trémement pâles , ne doit pas être mé- prifé. Elles doivent fe fouvenir de n’ufer pas fouvent d’un reméde fort commun, qui contribué beaucoup à la guérifon de toutes ces maladies. Car bien que la lirsaille de fer où d'acier ait des qualitez apéritives , elle en a auffi d’aftringentes, qui refferrent tellement les filles qui s’en fervent long-tems , qu’enfuite elles foufrent beaucoup les premiéres femaines de leur marïage, & fans doute que preflées par la dou- leur , elles abandonneroïent alors leur mart , fi la bienféance & lPamour con2 jugal ne les en empéchoient. La fille dun Chaudronnier que je vis il ya deux ans, n’auroit pas gardé toutes ces mefures avec fon mari, fi je n’avois donné ordre d'élargir fes parties natu- relles par des décodions de piez de mouton , de cornes de çerf, de moële de bœuf , de racines de guimauves , de fe- emence de Lin, d'hérhe aux puces bouille dans de Peau. Le confidere dans Pétat an Mariage. 9% Le canal de la pudeur fe trouve quelquefois prefque tout fermé par les caroncules , liées Îles unes aux autres par une membrane délicate , ou pat une qui eft quelquefois bien forte à déchirer. Dans cette premiére ocafion un homme fe fait hardiment pañlage, quand il aime avec ardeur. Les petites membranes fe déchirent aïfément, & par une petite perte de fang , elles donnent des marques d’une virginité perdue. C’eft alors que l’on montre de Ia fe- nètre des mariez à ceux qui paflent,les _ Iinges tachez de fang , felon la coûtu- me de quelques villes d’Efpagne , où les Efpagnols difent aujourd’hui en leur fangage , Virgen la tenemos. On en fait prefque de même aux Roïaumes de Fez & de Maroc ; car après quele marié eft entré dans fa chambre avec fa femme, & qu’il y a hadiné la premiére nuit de fes nôces, il y a une vieille fem- me qui atend à la porte pour recevoir de la mariée le linge fanglant, qui eft Ia marque de fa virginité ravie, puis La vieille va le montrer aux parens pi ont 92 Tableau del Amour conjugal, font encor à table , & elle crie à haute voix: Elle etoit pucelle jufqu’ à aujourd'hui, Que sil ne fe trouve point de linge teint de fang , on renvoie la mariée chez fes parens avec deshonneur. Maïs fi les membranes qui joint les caroncules eft forte, dure & prefque cartilagineufe , on a beau poufler, rien ne s’ouvre, & l’on fe perdroit plutôt que de forcer une barriére qui eft dé- fenduë avec tant d’opiniatreté. I n’y a point d'autre meïlleur reméde dans cette ocafion, que de prendre un bif- tour! courbé, & de couper la membra- ne qui défend avec tant de réfifance les avenués du palais de amour : c’eft ce que Pare dit avoir fait dans une fille de 17.ans, qui fut enfuite en état de fe marier & d’avoir des enfans. Souvent les caroncules joïntes,qu’on nomme hyme#, font percées pour don- ner pafñlage aux humeurs qui fortent de la matrice & qui y entrent aufi quelquefois ; & ïl ne faut pas s'étonner s’il y a eu des femmes quiont conçu, ne pouvant même foufirir d'homme ; comme il arriva à Cornélia mere des : Gras confidere dans l'état du Mariage. 93 Graques, & comme il arrive encor tous les Jours à plufeurs femmes de Amé= rique Méridionale , qui conçoiïvent fans être ouvertes ; maïs auffi qui meu- rent fouvent en mettant un homme au monde. Ambroife Pare nous raporte une hif- toire fur ce fujet, qui mérite d’être ra- contée tout au long. Un Orfévre, dit- il , qui demeuroïit à Paris fur le Pont au-Change , époufa une jeune filie ; & parce que lPamour eft pour Pordinaire violent dans les premiéres aproches, ils fe prefférent fi fort l’un l’autre, qu’ils commencérent tous deux de fe plaïin- dre ; ’un, de ce que fa femme n’étoit point ouverte , & l’autre de ce que dans les careffes de fon mari , elle fou froit une douleur incroïable. Is com- muniquérent leurs défordres à leurs parens , qui agiflant en cela avec pru- dence, firent apeller dans la chambre des*mariez Jérome de la Nonë, & le fa- vent Simon Pierre, Doûeurs en Méde- cine, avec Loÿis Hubert & François de la Leurie , Chirurgiens. Tous d’une com- mune voix tombérent d’acord qu’il y | avoit 94 Tablean de P Amour conjugal, avoit une membrane au milieu du con: duit de la pudeur; & 1ls en furent d’au- tant plus perfuadez, qu'ils Ja trouvé- rent dure & calleufe avec un petit trou au milieu, par lequel les régles avoient acoûtumé de couler, & par lequel aufi étoit entrée la matiére , qui avoit don- né lieu à la groffeur de cette femme ; car fix moïs après qu’elle eut été cou- pée elle fit un bel enfant à fon mari, qui fe réconcilia enfuite avec elle. Maïs quand cette membrane n'’eft point trouée, & que les régles {ont fur le point de paroïtre dans les jeunes per- fonnes,je ne fauroïs direquelsaccidens funeftes elles ne caufent point. On s’a- perçoittous les moiïsde quelque dégor- gement d’humeurs , ou de queique ex- trémedouleur de ventre:les filiesquien font incommodées foufrent degrandes défaiHlances,des vertiges & des épilep- fies extraordinaires ; le fang fort même périodiquement par les oreïiles,par les yeux , ou par le nez, ainf qu’ilfaifoit à une jeune Demoileile de 16. ans, qui aima mieux vivre avec langreur , que de fe faire couper une membrane fer- ki à mé confidéré dans l'état du Mariage. 95 me & prefque folide, qui empêchoït Yépanchement de fes régles, & qui par ce moïen la rendoit incapable de Ia fo- ciété d’un homme. La fille de 21. an, dont Jean Ier nousraporte lhifloire, fut bien plus fage que cette autre ; car celle-ci aïant été eftimée grofle par toutes fes voifines , ce Médecin juftifa hautement fon innocence , après lui avoir coupé une membrane dure qui s’opofoit à la fortie de fes régles, fi bien qu'après cela elle en reçut le foulage ment qu’elle en pouvoit efpérer & 1a réputation qu’elle avoit perduë. Pour empêcher la honte du divorce, ou le hazard de mourir par la pudeur, qui acompagne ordinatrement le beau fexe , il faudroit que les peres fiflent examiner toutes leurs filles à l’âge de 9. ans , afin de remédier d’abord à tou tes les dificultez qui s’opofent à l’épan- chement des régles & aux carefles des hommes. Ce feroït un moiïen aflüré d'éviter les accidents qui en peuvent arriver ; & parce que la pudeur des fil- les n’eft pas en cet âge-là dans fon plus haut degré, 1i feroït aifé de les guérir, Tome Î. I au 96 Tableau de P Amour conjugal, au lieu de les abandonner à une mort certaine , à une éternelle folitude, ou à une infirmité déplorable. Les excrefcences qui viennent au canal de Ia pudeur par une conjondion infâme , peuvent être guéries ; mais avec quelque dificulté. On commence dans ces fortes de maladies la guérifon | par les remédes,que nous apellons gé- néraux ; on la continué par les fueurs & la falivation, & on lachéve en cou- pant & en brûlant la chair baveufe qui embaraffe le conduit de la pudeur. Les femmes ne peuvent encor fou- frir leurs maris , fi leurs parties naturel- les font ulcérées & garnies de fentes, f les hémorroïdes de la matrice & du fié- ge les incommodent, & fi une tumeur ou une pierre prefle fortement le col de la veffie & le conduit de la pudeur, comme il arriva à Diféris, dont Æypo- crate nous raporte l’hifioire , qui pen- dant fa jeunefle ne pouvoit foufrir la compagnie d'un homme. | Les remédes qui font propres à com batre toutes ces maladies font fort aï- fez à trouver ; & fans m’y arrêter à def“ fein confidéré dans Pétat du Mariage. 99 fein , on doit feuiement fe reflouve- nir que les ulcéres & les fentes de la matrice n’en demandent pas d’äpres, mais de doux & de bénins. Les lévres & les nimphes des parties naturelles des femmes , deviennent quelquefois f longues & fi pendantes, qu’ileft impoffible alors qu’un homme en puilfe aprocher. Ces fortes dacci- densarrivent fouvent aux filles Africai- nes, fi l’on en croit Léon d'Afrique , qui nous raporte que ces incommoditez font fi communes dans les régions du Midi, qu'il y a des hommes qui allant par les ruës des villes de ces contrées- da,crient à haute voix: Qui eff-ce qui vent étre coupée ? de même qu'en ce païs-ci, il y a des hommes qui font connoître par leur fiflet habitude qu'ils ont à couper les chevaux , à biftourner les veaux & à travailler enfin fur les par ties génitales des autres animaux. La honte qu’ont quelquefois nos femmes Françoifes , lorfque ces replis de {a peau de leurs parties naturelles font exce(fs en longueur, les empé- che de s’expofer à un Chirurgien à | I 2 e 93 Tableau de P Amour conjugal, fe les faire couper,comme font les vier- ges Egyptiennes avant de fe marier. Ces nimphes allongées font fi vérita- bles, que dans l'Empire du Pretre Jean, où l’on circoncitles femmes aufli- bien que les hommes, l’on en fait une céré- monie. Bien que le conduit de Ia pudeur foit naturellement un peu tortu , com- me je l'ai dit, il ne laïfle pas d’être dif- pofé à recevoir la verge d’un homme; & c’eft par cette figure, qu’il la preffe agréablement & qu’il jui donne tant de chatouillemens dans la copulation. Cependant sil eft exceflivement tor- tu, ou par labftinence de lacompagnie | d’un homme,ou par les agitationscon- ! tinuelles qu’il foufire dans les fuffoca- tions, ou enfin par quelque autre cau- fe que ce foit, il ’eft point alors en état de foufrir un homme. La femme y reflent trop de douleur quand on la prefle , & elle a même de la répugnan- ce pour ce qui plaît à toutes les autres. Ceite maladie n’eft pas toûjours in- curable ; & les femmes que nous pen- fons bien fouvent ne pouvoir être gué- ries ; confidére dans l'état du Mariage. 9% ties, ne font intraïtables que par leuk pudeur ou par notre ignorance. Tous les Médecins de France ne purent au- trefois guérir une des plus grandes Princefles de ce monde, qui étoit in- commodée de ce défaut : ïl n’y eut que Fernel qui aflura le Rot, des plus glo- rieux de fon tems, de la guérifon de Ia Reïne. Après avoir donc connu exac- tement la caufe de fa flérilité , il pria le Roï de coucher avec elle , lorfque le conduit de la pudeur feroit humed&é & élargt par les régles qui feroïent fur fe pot de ceffer.Ce qui réuffit fi bien, qu'après dix ans de ftérilité, la Reine donna à cet invincible Monarque cinq ou fix enfans, qui valurent dix mille écus chacun à ce fayant Médecin. [3 AVIS M avoir examine les parties de la génération de lun © de l'autre [exe en avoir decouvert les maladies € indiqué les remcdes , 1l eff tems , ce me femble, Len montrer les aëlions © les efets; Ÿ avant que d’éplucher les merveilles de la Génération, il me femble encor que je dois dire quelque chofe de la Virginité, © des marques que lon doit avoir pour la connoître ; ce que js vais faire dans la Partie [uivante TABLEAU TAB DE L'AMOUR CONJUGAL DIEU 2 ENCR D PCA 24 EXC Ce HI SECONDE PARTIE. BEC HEC Le MERCI > EC FICHE HÏCÉS CHAPITRE PREMIER. Des aëlions , éfets G merveilles de la Gêne= ration, © des marques de la Virginité. MARTAICLE "E Eloge de la Virginité. = E ne fuis pas du fentiment de à J el ces Hérétiques , qui préfé= ssl roient le mariage à la virgint- y té, & qui comparoient le pre- mier à un arbre tout chargé de fruits, que “102 Tableau de l Amour conjugal, que le Jardinier veut conferver, & le fecond à un autre arbre ftérile ,comme étoit le figuier de PEcriture, qui fut maudit & jetté enfuite au feu , comme indigne d’ocuper une place fur la ter- re & comme l’objet de l’indignation de fon Maître. Entre tous les états de Ia vie , Ia virginité peut être contée la premité- re. La difhculté qu’on a de réfifter à la nature, eft affürément l’une des cho- fes qui la rend plus recommandable dans le monde , où elle et lorsement des mœurs, la fainteté des fexes , le lien de la pudeur , la paix des familles , © la fonr= ce des plus faintes amitiez. C’eft une belle fleur , confervée chére- ment dans un jardin muré de toutes parts. Elle eff inconnue aux bêtes, il n'y a point de fer qui Pait bleffée en La cxlivant : ur air favorable levente, une chaleur tempe- ree La conferve, © une donce pluie l'arrofe © la fait croître. Tous les jeunes gens la dé firent avec pallion ; mais il ne l'a pas plutôt cucillie, qu'ils la meprifent. C’eft de cette façon que je puis dire, avec Catulle, qu'une fille ejt chérie de tous fes confideré dans l'état du Mariage. 103 fes amis, quana elle garde la fleur de [4 virginité ; maïs elle ne l’a pas plutot lailfe prendre ,qwil ne fe trouve pas même des enfans qui la regardent, ni des filles qui la reçoivent dans leur fociere. Ce ne font pas feulement les Chré- tiens qui ont eu la virginité en vénéra- tion ; les Païens & les Barbares mêmes ont eu pour elle une eftime toute par ticuliére. Les Romains autrefois lui firent Bä- tir un temple & élever une flatue, qu’ils apelloient Bucca Veritatis. Cette flatue décidoit de la virginité ou de Pinfamie des filles. Témoin la fille du Roï de la Volaterre , qui après lui avoir mis le doïgt dans la bouche n’en fut point morduë , & ainfi fe jufifia de Pinjure qu’une vieille femme avoit fait à fa pu- dicité. Il n’en arriva pas de même, à ce qu’on dit, à Pégard d’un autre,qui étant acufée du même crime, eut Îe doigr emporté par la bouche de la flatué. On fait encore quelle vénération ont eu ces mêmes peuples pour les Vierges Veflales , & le fameux Edit que l'Empes reur Tibere fit publier. La fille de Séjaz, qui 404 Tableau de P Amour conjugal, qui n’avoit pas encor ateint l’âge de puberté , fut déflorée par le Bourreau avant d’être étranglée, pour ne pas fai- re deshonneur à la virginité. Les Poëtes nous ont aufii marqué quelle eftime 1ls en faïfoïent : & leur fable nous aprend que Daphné, changée en faurier , ne peut aujourd’hui foufrir le feu fans fe plaindre, comme autre- fois elle ne pouvoit foufrir le feu im- pudique de la concupifcence. Les Théologiens & les Médecins confidérent la virginité d’une manïére toute diférente. Les premiers difent,, qu’elle eft une vertu de l’ame quir’a rien de commun avec le corps. Qu'on a beau baïfer amoureufement une fille, elle ne perd pas pour cela fa virginité, à moins qu’elle n’y confente. Les Médecins, au contraire, penfent que la virginité eft un lien & unaflem- blage naturel des parties d’une fille qui n’a pas été corrompuë par lPaproche d’un homme. Maïs quoïqu’il en foït, nous n’exa= | minerons ici que cette virginité maté-. rielle , pour parler aïnfi , alin que ceux qui confideré dans l'état du Mariage. 105 quijfont affis fur les fleurs-de-lis, & qui ont la gloire de juger des diférends des hommes ,. en foïent pleinement inf- truits. Ils doivent favoir fr l’on acufe injuftement une fille d’avoir été vio- lée , fi une femme fe plaint à tort d’être . mariée à un homme impuilfant , & en- fin fi l'innocence d’un homme eft véri- table , qui veut fe juflifier de l’infamie ou de la lâcheté qu’on lui impute. L'TFLÉLLLILLLLLLLLLLLLLLEZSSISELLSES SE. AL ICLE IT Des fignes de la Virginie prefente. Es Matrônes , que lufage a ren duës arbitres de la virginité des filles & de la chafteté des fenimes, ont des lumiéres trop foibles fur cette ma- tiére, pour être les feules perfonnes en qui on puille fe fier pour en décider. On doit être éclairé dans PAnatomie plus qu’elles ne le font , pour faire des raports aufli juftes & auffi véritables, que ceux qui font la caufe du crédit & de la réputation des Juges , de Phon- neur 106 Tableau de P Amour conjugal, neur des filles & des femmes , de 1a jufification d’un mari & du repos dela fociété humaine. : If faut donc examiner foïgneufe- ment toutes les marques de la virgini- té , afin de conferver l’honneur aux fil- les à qui on veut le ravir, & de donner:. de la confufon aux autres qui veulent le conferver fans jufiice. pure Je ne w’arrêterai point ici à toutes les marques extcrieures dont fe fer- voient les anciens pour connoître Îa virginité. L’Oracle du Dieu Pan, Pin- fenfibilité pour le feu , les eaux amëres des Hébreux , la fumée de quelques plantes on de quelques pierres, owenfin la mefure du col d'une fill, font des fignes trop in- -certains , du moins dans le fiécle où nous fommes , pour former lä-deflus de véritables jugemens. La dureté de la gore, La couleur F3 mammelons, Ÿ le rou- gequela pudeur fait paroître fur le vifage des filles , ne font pas des fignes plus af furez que les précédens. La virginité ef plus dificile à con- ! noiïtre qu’onne croit, ti faut bien d’au- tres artifices que ceux-là pour être vé- | ; rita- confidéré dans l'état du Mariare. 109 ritablement perfuadé de la pudicité d’une fille. Quand nous aurions au- tant de foin à les chercher chacun en particulier, qu’en a encor préfente- ment le Grand Duc-de Mofcovie pour choïfir une femme vierge,Jje crois que nous aurions bien de la peine à y réuf- fr. Car le poil frife & récoquille des par- ties amoureufes, le conduit de la pudeur fort humide Ÿ fort ouvert, des nimphes fleiries @ décolorées, l'abfence de l'himen , l'orifie ce interne de la matrice fort élargi © deco- le, le changement de la voix , tout cela n’eft point une marque évidente de Ia proflitution d’une fille. Celles qui montent à cheval à PI- taltenne, qui commencent à avoir leurs régies, ou qui les ont attuellement celles qu'une maladie afige ïl y a déja long-tems; & celles enfin qui n’ont point naturellement d’hinen ni de membranes, qui lient les caroncules de leurs parties les unes aux autres , ne font pas moins chaftes ni moins pudi- ques, pour avoir des marques contrai- res à celles dont on fe fertle plus fou- vent pour connoitre fa virginité des Ton: L K filles. 108 Tableau del’ Amour conjugal, filles. La fervante, dont ÆAquapendens nous fait Phifioire , qui n’avoit pû être déflorée par tous fes Ecoliers, & une autre jeune femme d’un Orfêvre de Paris, dont parle Pare, qui devint grof- fe fans que lhimen fut déchiré, né- toïent pas plus vierges l’une que lau- tres , quoïqu’elles euffent des marques de virginité. IT eft donc vraï , aïnfi que nous laf- fürent Riolan & Pinay, qu’il n’y a rien dans toute la médecine de plus dificile à connoître que la virginité, & que’ même, felon la penfée de Cujas , il eft prefque impoffible d’en avoir des mar- ques affürées. Il n’eft point d’induftrie ni de remédes que les filles n’inven- tent pour diffimuler la perte qu’elles en ont une fois faite : &, s’il effimpoffible, felon le fentiment d’un grand Ror, dc connoître dans la mer le chemin d’un vaif- feau, dans Pair celui d'un aigle , [ur un ro- cher celui d'un ferpent , sl fera aulfi impoift- ble de découvrir le chemin que fait un hom= me quand il preffe amoureufement une fille. S1 Efope avoit de la peine àrépon= dre de la virginité d’une fille qu’il avoit incef= confidére dans l'etat du Mariage. 109 inceflamment devant les yeux , au- rions-nous plus de certitude de laflü- rer dans une autre que nous ne ver rions que fort rarement ? Le meïlleur expédient pour confer- ver la pudicité des filles, felon Ia dif- tinction qu’en font les Médecins , & pour en être bien afflüré, ce feroit de coudre leurs parties naturelles, dès qu’elles font nées,aïnfi que Pierre Bem- bo dit qu’on fait aux vierges Africai- nes. Maïs parce que cette coûtume r’eft pas ufitée en France ; il faut que éducation , la fagefle & la pudeur s’o+ pofent à la pafñion amoureufe des fil- les, que la nature , la fanté & la jeunef- fe leur font naître à tous momens , & qu'avec cela elles confervent encor leur virginité par un don du Ciel, que Dieu ne donne qu’à celles qui dur plaifent. K 2 ARTI- Y10 Tablean del Amour conjugal, BARRE IRAN RE NE A ER RTERRE Ke K# A°RT'T CEE Des fignes de la Virginité abfente. à *Oracle que ?Phéror, Roi des Egyp- tiens , Interrogea fur fon aveugle- ment, lur répondit, que pour être guéri, il devoit [e laver les yeux avec de Purine d'une vierge , ou d'une femme qui fe conten- tat des carefes de fon mari. Ce reméde ne fe trouva pas chezlui; & fi la fille d’un Jardinier ne le fui eût donné, je crois qu’il eut atendu long- tems avant que de recevoir la vûüë , la virginité & la chafteté étant alors quel- que chofe de fort rare. Quoique nous aïons dit à Particle précédent, qu’il ny avoit rien de fi di- ficile à connoître que la virginité pre- fente , il y a cependant quelques Mé- decins qui fe perfuadent qu’il y a des fignes & des conjeétures qui nous peuvent faire découvrir l’abfence de la virginité. Car fi [a défloration vient d’être commile, fi homme qui À efk | ’at= confidére dans l'état du Mariage. 113 Pauteur eft Bien fourni de fes parties , & enfin fi la. file eft naturellement étroite, Hn’yarien, à ce qu’ils difent, de plus aife à connoitre que Îa perte de fa virginité. Les lévres © les nimphes de [es parties naturelles, tontes rouges de fang © toutes enflées de douleur , font des témoins irrépro- chables de fon impudicite. K n’y a plus de liaifon dans fes parties amoureufes ; & à la voir marcher , elle porte le pié d’u- ne certaine façon, qu’à moins qu’elle ne s’obferve exattement , on s’aperce- vra toûjours qu’elle s’eft mal conduite. Mais fi lon atend quelque-tems à chercher des marques de fa déflora- tion , tout eft réunt , & tout femble na- turel chez elle. On ne connoïitra rien dans fes parties qui puifle la faire foup- çonner d’avoir pris des-plaifirs illicites. La nature, d'un côté, travaïile incef- famment à rétablir les parties divifées. ou élargies; & l’on n’avoit jamais foup- conné de lafciveté la fille des Topianr- bous, que Riolan trouva fr étroite en [a difféquant. L’artifice , d’un autre cô- té, éternt tellement ces*parties, qu'il L DE d'y 512 Tablean de Amour conjugal, n’y a qu’un artilice qui en découvre la fourberie, Maïs il eft incomparablement plus dificile d’affeoir un jugement afluré d'une groffe & grande fille de 25. ans, qui a paffé quelques nuits entre les bras d’un homme affez mal fourni de fes piéces. Bien qu’ils fe foïent fouvent baifez, cependant fi on la vifite le len- demain, on ne trouvera pas un grand changement dans fes parties naturel- les, & ïl feroit même impofhible de ju- ger par-là de fa défloration. Pour peu d’éfronterie aw’ait la fille, elle fera comme la femme dont parle Salomon, qui fe lave la bouche après avoir man- gé, & qui fait enfuite des fermens exé- crables qu’elle n’a goûté derien. L’examen qu’on doit faire des hom- mes dans cette ocañon, eft quelque chofe de fort confidérabie pour décou- vrir le violement d’une fille ; çar ïl s’en eft trouvé de fi impudentes, qu’el- les ont accufé des hommes innocens. Marie-Francoife Gifmode en ula de la {forte à Rome envers Erienne Nocéti , qui après avoir montré aux Juges fes pal= confidéré dans l'etat du Mariage. 11% parties naturelles, pour fe juftifier dé Pafront qu’on lui faïfoit , fut abfous par Ja Rote, & renvoïé avec dépens. L'on croït quele fang qui s’épanche la premiére nuit desnôces, & que le lait qu’on trouve danses mammelles d’une fille, font des marques manifef- tes de la perte de fa virginité. C’eft pourquoi ÆMoïfe commanda aux Juifs de garder foïgneufement les linges qui avoient {ervi la premiére nuit aux ma riez , afin de difculper un jour la fem me à l'égard de fon mari. Ce que l'on obferve encor aujourd’hui dans les Roïaumes de Fez & de Maroc, finous en croïons les Hifloriens. Le Iaït ne peut couler du fein d’une fille , qu’elle n'ait auparavant conçu dans fes entraïl- les ; & Pon ne doit pas apeller vierge, . celle qui donne à teter aun enfant. Maïs Pon me permettra de dire, que le fang &le lait ne font pas toüjours des marques d’une file proftituée ; car une grande & grofle fille qu’on marie avec un petit homme , n’eit pas moins ucelle pour ne répandre point de ang la premiére nuit defes noces ; : e 114 Tableaw de l'Amour conjugal, le fang qui coule des parties naturel+ les d’une autre fille , n’eft pas non plus un figne de fa vertu, Partifice faifant quelquefois paroître un fang étran- ger, qui auroit été auparavant mis dans une petite veffie de mouton, & renfermée enfuite adroïtement dans le conduit de la pudeur. Sile fang des régles cefle de cou- ler a une fille, ce fang remontant aux mammelles fe change en lait, felonle fentiment d’Æypocrate ; & la petite fille dont Alexandre Benoit nous fait lhif- toire , qui fut ftérile toute favie , don- pa des marques de fa proflitution de- puis fon enfance, fi le fait eft un figne affuré d’une mauvaiïfe conduite, Maïs ce qui eft encor de plus remarquable fur ce fujet , c’efl que le Sirien du mé- me Benoit & le Soldat Benzo de Cardan avoient tous deux du lait, bien qu’ils fuflent des hommes robuftes. Dans l'Orient d'Afrique , du côté de Mozambique & du Païs des Cafires, f nous en croïons les Hiftoriens, plu- feurs hommes nouriffent leurs enfans du fait de leurs mammelles ; & pour prous. confidéré dans Pétat du Mariage. Y1$ prouver ceci par un exemple familier, j'ai demeuré plus de quatre ans à Paris avec un honnête homme Médecin , qui s’appelloit Roerette. I] étoit fanguin de tempéramment , & ïl étoit âgé d'environ 30. ou 35. ans. Quandil fe refloit la mammelle & le mammelon, il en faïloit fortir des cuillerées d’une : humeur blanchôtre & laitée, qui eût pû fans doute nourir un enfant , fielle : eutété fuccée. Sur cela Pon n’a qu’à lire Théephile Bonnet, pag. 163 quinous fournit plu- fieurs hifloires d'hommes & de filles vierges qui ont eu du lait; maïs fans aller fi loin mandier des preuves de ce que je dis, une hifloire fameufe arrivée en cette ville de Ia Rochelle, eft feule capable de convaincre fur cela les plus opiniâtres. L'an 1670. Madame Ia Perere fille de M. Defhérence, Capitaine au Fort de la Pointe du Sable à $. Chriftophe, fut obligée de s’embarquer pour veniren France au mois d’A vril de la même an- pée, afin d'éviter les défordres d’une guerre qui s’allumoit entre les Fran- 4 çois 116 Tablean del Amour conjugal, çois & les Angloïs de cette Ifle, Elle emmena avec elle trois Négrefles ; Pu- ne vielle , Pautre âgée de 30. ans, & la derniére de 16. ou de 18. qu’elle avoit élevée chez elle dès fon bas âge, Cette Demoifelle qui avoit une petite fille de deux mois à la mammelle de fa nourrice, s’embarqua précipitamment avec fon enfant croïant que fa nourri- ce s’étoit embarquée auparavant, fe- Jon qu’elle le lur avoit promis. Mais après avoir mis à la voile & n’aïant point trouvé fa nourrice , qui étoit vo- Jontarrement demeurée à terre, elle fut obligée de nourrir fon enfant avec du bifcuit, du fucre & de l’eau, dont elle faïfoit une foupe. Cet enfant ne fe contentoit pas de cet aliment. Elle Incommodoit pär fes cris tout Péqui- page, principalement pendant la nuit. Pour cela, on confeïllaà la mere de faire amufer fon enfant au teton dela jeune Négreffe fon efclave ; maïs Pen- fant ne Peut pas plutôt tetée pendant deux jours, qu’elle lui fit venir fufifam- ment du lait pour fe nourrir. Après deux mois de traverfée, cette De- confidèré dans l'état du Mariage. 117 _ Demoifelle arriva en cette ville avec fon enfant grofle & grafle, & au mois de Mars furvant elle s’embarqua pour S. Chriftophe avec fon enfant de 3. mois qui avoit toüjours été nourri par le lait de la Négrelfe vierge. Apréstout ce que nous venons de dire, nous devons croire qu’il n’y a point de marque affurée de la virgimi- té, ni du violement d’une fille, Que tous les fignes dont nous avons parié, font prefque toüjours équivoques & incertaïns , à moins qu’on n'ufät de conjedures évidentes, ainfi que font aujourd’hui les Jurifconfuites, qui re- marquent tout , quand ïleft queftion de juger de Pimpudicité d’une fille. Ils obfervent jufqu'à la rencontre des yeux, aux foûris, aux rendez-vous, aux familiaritez, aux collations, aux habits, aux vifites particuliéres ;enun mot, ils nous font remarquer ce que Pon peut connoître de plus fecret en- tre deux amans. Maïs après-tout , ïls ne favent pas encor certainement la Vérité, | n’y a donc rien, je Le dirai encor une 118 Tableau de l Amour conjugal, vue fois, de fi diticile à connoitre que la virginité , puifque même une femme grolffe, fr nous en croïons Severin Piray, peut en avoir toutes les marques. A moins qu’une fille nait été trouvée entre les bras d’un homme, & qu’on ne l’examine au même inftant , ïl n’y a guéres de moïen de connoitre fa dé- floration. Car fi lon atend quelque- tems , tous les fignes qui ’acuferoïent alors , ne paroîtront plus; & l’on n’ofe- roit, fans lui faire injuftice , la taxer d’impudicité. Si bien que je conclus hardiment , que puïfque la nature ou Partifice peut cacher aux yeux des plus favans Médecins & des plus adroites Matrônes les marques de [a virginité, onne peut avec certitude connoïître véritablement la défloration ou le vio- Jement d’une fille. Quoi que cela foit très - véritable ; néamoins les Réglemens de Paris .or- donnent, que les Matrônes jurées de cette ville-là, faffent leur raport de vio- lement par-devant le Prevôt de ladite Ville, qui doit lerecevoir, pourren- dre jufice à qui il apartiendra. . [a confidéré dans l'etat du Mariage. 119 - Er afin qu’il ne manque rien à la cu- riofité de ceux qui iiront ce Traité, jai bien voulu décrire ct un Rapore de Matrônes , que lPon m’envoiïa de Paris ïl y a quelques années. Nous, Marie Mirah , Chriflophlette Peine, & Jeanne Portepouler, Ma tronesjurées de la ville de Paris, certions à tous qw'il apartiendra , que le 22. jour d'Oiiobre de l'année prefente , par POr- donnance de Monfieur le Preuct de Pa- ris, en date du 15. de cedit mois , nous nous fommes tranfportées dans la ruë de Dampierre, dans la maifon qui ef} finée à l'Occident, de ceile on l'Ecu d'Argent pend pour Enfaigne une petile ruë entre deux , on nous avons vh vifite Olive Tille= rand, agé de trente ans ; on environ, [nr la plainte par elle faite en Juftice contre Jâques Mudont , Bourgeois de la ville de la Roche- r- Mer , duquel elle 4 dit avoir été forcée © violée ; & Le tout vh g vifisé îtée an doigt à œil, nOUS AVONS rouve qwelle 4 Les Tontons devoïez ; c'eft-à-dire , la go'£e ficirie, dons À, L Les _ 120 Tableau del Amour conjugal, Les Barres froiffées 3 (1) c’ef-a-dire ; Dos pubis on bertrand. | | Le Lippion récoquillé ; (m ) ’efl-a-di. re , be poil. L'entrepet ride ; (n) c’efl-a-dire , le périnee. Le Pouvant debife ; (o ) c’efi-a-dire, la nature de la femme qui peut tout. Les Balunaus pendans ; ( a ) c'eft-a-di- re . les levres. Le Lippendis pelé ;(p) ©’eft-4-dire, le bord des levres. | © Les Baboles abatuës ; (Bb) c'eff-a-dire, des nimphes. Les Halérons démis ; (DB) c'éff-a-dire, les caroncules. | L’entechenat retourné , @ la corde rom- pué;(q) c’eft-a-dire , les membranes qui diet les caroncules les unes aux autres. Le Barbidan écorché ; (e ) c’et-4-dire, de chtoris. Le Guilboquet fendu ; ( d ) C'efl-a-dire, de col de la matrice. Le Cuillenard élargi ; ( d ) c’eft-à-dire, Le conduit de la pudeur. PF” © La Dame dusnilien retirée 3 (c) Cefl- dire, l'humen. 7) | Z' Aa | confidere dans Petat du Mariage. 12% + L'arricre-foffe ouverte ; c’eft-a-dire , l'a- rifice interne de la matrice. Le tont vé © vifite feuillet par feuillet, nous avons trouvé qu'il y avoit trace de.…. G ainfi, Nous, dites Matrones , certifions étrevraia vous, Monfieur le Prevot, an fèrment qw'avons fait à ladite ville. Fait 4 Paris le 25. d'Oülobre 1672. Si les Matrônes de France avoïent foin daffifter aux Anatomies des fem mes que l’on fait publiquement aux Ecoles des Médecins , comme font celles d’'Efpagne, je fuïs affuré qu’elles ne donneroïent pas des atteflations fa- briquées de [a forte. Car fi je voulois prendre la peine d'en examiner les parties , Je feroïs voir que les fignes dont elles fe fervent pour prouver le violement d’une fille , font {a plüpart très-faux ou très-legers, & qu'ainfi ïl ne faut jamais s’en fier à ces femmes; quand il eft queftion de juger de l’hons neur & de la virginité d’une fille. Ce n’eft pas feulement en Efpagne que les Sages-Femmes font inftruites fur ce qu’elles doivent faire dans les L 2 acou= 222 Tableau del Amour conjugal, acouchemens ; j'aprens de Théophile Bonnet, qu’en 1673. le Roï de Danne= mark fit une Ordonnance ; parlaquel- le ïl étoit enjoint aux Matrônes d’affif- ter aux difleions des femmes, que feifoit le Sieur Sreron, Doëteur en Mé- decine de Coppenhague , afindes’inf- truire de leur profeflion. Et Bartholen le jeune nous affüre aufli que le même Roï avoit ordonné, que des Députez de la Facuité de Médecine de la même Ville , interrogeroïent les Sages: Fem- mes avant que de les admettre à l’exer- cicé de leur profeffion. La Sage - Femme de Rachel | dont parle A1oïfe avec éloge ; Soryra & Salpé, que Pline louënttant,étoient fansdoute mieux infiruites dans feur métier que celles-là , puifqu’elles fe font atiré des loüanges de ces deux grands hommes. Elles ne les auroïent pas fans doute mé- ritées , fr elles euffent été auffignoran- tes que celles qui certifiérent qu’une femme n’étoit pas groffe , parce qu’el- le étoit réglée, & qui furent lacaufe, par leur ignorance , qu’elle fut pendue à Paris en 1666. avec fon enfant de S | qua confidéré dans l'état du Mariage. 12% quatre mois qu’elle avoit dans fes en trailles. | Parce qué nous avons dit cï-deflus ;’ que l’artifice découvroit les rufes dont les filles ufoïent pour paroître vierges ; lorfqw’elles ne Pétotent pas, il me fem- ble que pour ne laïffer rien échaper qui puiile fervir à la curiofté du lec- teur , nous devons examiner ici les moiens dont on peut découvrir la vir- ginité fardée. Car fouvent les files font parade d’une vertu qu’elles n’ont pas, &: fe perfuadent même qu’il eftimpof. fible de connoître ce qu’elles ont per- du en fecret. Pour les détromper dans cette occafon, on fera un demi bain de décoction de feuilles de #auve , de fe- neçon , d’arroches, de branche urfine, &c. avec quélques poigaées de graine de En © de femence d'herbe aux puces. Elles demeureront une heure dans ce bain, après-quoi on les efluiera , & onles exainera deux ou trois heures après le bain , les aïant cependant fait obfer- ver de bien près. Si une fille eft pucel- le , toutes fes parties amoureufes fe- yont prellées & jointes les unes aux au | L 3 tres 3 534 Tablean del Amour conjugal, tres ; maïs fi elle ne l’eft point, elles feront lâches, molettes & pendantes, au lieu de ridées & de reflerrées qu’el- les étoient auparavant , lorfqwelle vouloit nous impofer. Er 6 4e Ge Ge seGe Le Le Ée QG Le 8 Gt GE de © 48 CHAPITRE IL S'il y à des remédes capables de rendre La virginie 4 une fille. Aint Jérome écrivant à une fille dé- vote, que lon apelloït Ex/fochion, & luï interprétant ce beau paffage de PEcriture : La Vierge d’Ifraël eff tombée , © 1l ny a perfonne qui la pusffe releuer , dit dans une autre langue ces mêmes pa- roles : Je vous dirai hardiment , ma chère file , que bien que Dieu [oit tout-puiffant , 1} ne pént toutefois rendre la virginité 4 une flle qui Daura une fois perduë : il peut bier dui pardonner [on crime , mais il n’ef} pas en for pouvoir de lui rendre la fleur de [a virginite qu'elle S’'eff lasffee ravir. r Enéfet, ïl n’y a point de remédes que nos Médecins aïent pü inventer ; | Di confidere dans l'état du Mariage. 135 ni d'artifices que nos courtifanes aïent pû pratiquer, qui la puiflent faire re- naître. C’eft une vertu qui s’éclipfe une fois dans la vie & que l’on ne voit jamais reparoître. C’eft une liaïfon de parties , qui étant une fois féparées, ne fe réunifflent plus, comme elles “étoïent auparavant. Parce qu’il n’y a point de fignes qui la puïflent clairement découvrir, ny a point aufl de reméde qui la rétablif= fe quand elle eft une foïs perduë. Nous avons bien fe pouvoir de limiter & de faire une vierge mafquée , pour aïnfi dire ; maïs nous ne pouvons remettre le naturel , qui eft quelque chofe de plus cher & de plus précieux. Jar été long-tems à me déterminer, favoir , fl un Médecin devoit écrire ouvertement fur ces fortes de matié- res. Maïs après y avoir fait de férieufes réflexions , ai été obligé, par de puif- fans motifs , à faire ce chapitre. Car le mépris & l’infamie que peut encourir une fille imnocente , qui fe marie lorf.… qu’elle eft naturellement trop ouver- re, &'une autre qui pax fragilité s’eft he | kLuTé 4 126 Tableau de l'Amour conjugal, Jaïflé aller aux perfuafrons d’un hommé qui l’a trompée, font de fortes raïfons pour ne me pas taire fur ce chapitre, La paix des familles & la tranquilité de Pefprit d’un mari, font prefque toù- jours rétablies par les remédes que nous avons deffein de propofer ; c’eft par eux encor que la volupté licite du … mariage eft fomentée & que fouvent la génération eft procurée ; car il s’eft vû des femmes qui ne pouvoient avoir des enfans que parles remédes, que je propoferai dans la fuite de ce difcours. Les hommes, pour parler en géné- ral, n’efiment la virginité d’une fille que par l'ouverture étroite de fes par- ties naturelles, par la poliffure de fon ventre, & par la rondeur & la dureté de fa gorge. Souvent ils ne fe mettent guéres en peine de quelques gouttes de fang , qui doivent couler dans les premierés carefles du mariage , &c ils ne vont pas examiner tous les fignes que nous avons raportez au chapitre précédent, pour être aflürez de la vir- ginité des filles qu’iis époufent ; il fufit que leurs femmes aïent les trois quali- | Lez confidéré dans l'état du Mariage. 127 tez que nous avons remarquées ci-def- fas,pour être bien reçuës'auprès d’eux. Sr elles font trop ouvertes, ou qu’elles aïent la gorge trop lâche & trop mo- Jette ; quand elles feroïent des Agnes & des Catherines , le chagrin les prend auffictôt, & la paffion infenfe, que l'on apelle jaloufie , s’empare en mê- me-tems de leurs efprits & leur fait foupçonner des chofes infâmes, dont ces! femmes: font fouvent tout-à-fait Hinocentes. - Pouréviter donc tous ces défordres, gui ne font. que trop frequens dans le monde , & qui ne troublent que trop tôt la tranquilité du mariage , je rapor- terai ici des remédes qui mettent à couvert les filles & les femmes des mauvais préjugez que lon pourroit avoir pour elles. Les premiéres s’en pourront fervir,lorfqu’elles feront trop ouvertes &' qu’elles auront les mamel- les trop pendantes; que d’ailleurs par foibleffe elles fe feront abandonnées à leur paññonïindifcrete , & qu’elles au- xont été meres avant que d’être ma= Hiées. Les autres en pourront ufer poug 128 Tableau del Amour conjugal; pour plaire à leurs maris & pour facili- ter la conception dans leurs entraïlles. J’avouë que l’on peut abufer de ces remédes comme des chofes les plus excellentes du monde; maïs on ne fau- roit pourtant blâmer la nature, qui permet que le foleil échaufe Ia terre , aufi-bien pour les Aconits & pourles Colchiques, que pour les Didtams & es Gentianes. | S’il fe trouve donc qu'une: fille na- turellement étroite ait acouché fecre- tement & qu’elle veuille enfuite fe ma- rier , fans que fon mari puiffe s’aperce- voir de fa foïbleffe paflée,, le meïlleur reméde que je luipuïffle donner dans cette ocafon, c’eft qu’elle foitchafte & pudique quatre ou cinq ans avant fon mariage, qu’elle ne s’échaufe point Pimagination d’amourettes, par des danfes, des converfations & des leäus res impudiques, & qu’elle vive dans la modeltie qui eft bienféante aux filles qui fe repentent ; je lui promets que fon mari la prendra pour pucelle, & qu’il ne croira jamaïs avoir été trom= pé. Car fi l’on fait réflexion fur Phiftoi- | IS : confidére dans Pétat du Mariage. 139 Ye que nous avons raportée au chapitre précédent , d’une fille de vingt-cinq ans, du Païs des Topirnambous nous n’au- rons pas de peine à nous perfuader que Je reméde que je confeïlle ici, ne foit le meïlleur de tous ceux que Pon pour- roit mettre en ufage. | Maïs pour celles qui font naturelle- ment fort ouvertes, qui ont le ventre fort ridé , & les mamelles molettes & pendantes, je fuis d’avis qu’elles ufent des remédes qui les reflerrent & qui les rendent agréables à leurs maris. La vapeur d’un peu de vinaigre, où lon aura jetté un fer ou tine brique rou- ge, la décottion affringente de gland , de prunelles fauvages, de myrrhe, de rofés de Provins, & de noix de cypres , ongnent aftringent de Fernel, les eaux difhilées de myrrhe ; font tous des remédes qui ref- ferrent les parties naturelles des fem- mes qui font trop ouvertes. Pour remédier à ce défaut, quel- ques Médecins veulent que l’on jette dans la matrice un lavement aitrin- gent , fait de la décottion des cholfes que nous ayons propolées ci-dellus. y Mais 1230 Tableau del Amour conjugal, Mais Je ne confeïlle pas l’ufage de ce reméde, à moins qu’une femme n'ait fait de facheules couches, & qu’elle ne foit toute ouverte par Les éforts qu’elle y auroit fouferts; autrement ces li- queurs aflringentes pourroient çauler des douleurs & des tranchées infupor- tables, fielles étoient une fois renfer- mées dans ces parties-là & qu'elles n’en puffent fortir,ainfi que l’expérien- ce me la quelquefois fait connoitre. Ne feroit.il pas permis à une fille, qui a paflé quelques années de fa vie dans des voluptez illicites, de rafurer le premier jour de fes nôces l’efprit de fon mari, en prenant un peu de fus d'agneau, qu’elle auroit fait fécher au- paravant , & en fe le mettant dans lé conduit de la pudeur après en avoir formé deux ou trois petites boules ? Ne lui feroit-il pas permis, dis-je, pour conferver la paix dans fa famille, de faire tons fes éforts pour paroître fage à Pégard de fon mari 2 Maïs Penvie de paroître pucelle. va quelquefois j1fques-Jà même, que l’on ne craint point de s’expofer aux dou- leurs gonfidéré dans Pétat du Mariage. 19% Téurs les plus cuïfantes ; car il s’eft fou- vemt trouvé des Courtilanes qui fe {ont ulcéré les parties naturelles, pour être eflimées vierges , quand elles ont voulu fe lier icittement avec un homme. Le ventre eft quelquefois fi défiguré de rides & de cicatrices après un acou- chement, que celles que Fon eflime filles, nofent fe marier à caufe de ces défauts : celales oblige fouvent à me- ner une vie débauchée & à paller le refte de Leurs jours dans des voiuptez illicites. Les femmes mêmes ont de la honte de fe laïfler voir en cet état à leurs maris, & ainfi quelquefois elles fe privent des douceurs du mariage & de la naïffance de piufeurs enfans. Afin donc que ces filles puiflent abandonner leur façon de vivre des- honnête & impudique, qu’elles fe ma- rient avantageufement, & que les fem- mes n'aient plus de fcrupule dans le mariage ; je veux bien écrire ici ce que j'ai apris d’un Médecin, le plus fameux de toute litalre. On prendra 40.piez de mouton, dont Tome L. M on 232 Tableau deP Amour conjugal, on brifera les os, & après les avoir fait bouillir dans une fufifante quantité d’eau , l’on prendra avec une cueïllier ce qui nagera par-deflus, à quoi l’on ajoûtera deux gros de fperme de baleine, - deux onces de graiffe fraiche de pourceau femelle, autant de beure frais fans [el, on fera fondre tout cela dans un pot de terre verniflé ; & après que l’onguent fera refroïdi, on le lavera avec de l’eau. rofe jufqu’à ce qu’il bianchiffe ; on le mettra enfuite dans une boëte de ver- re, pour en ufer felon la nécefité. Après que la perfonne fe fera fervi de ce reméde, elle s’apliquera fur le ventre une peau de chien ou de chévre, préparée de cette façon, que l’on apel- le peau d'occagne ; on prendra deux on- ces de chacune de ces huïles ; favoir , d'amandes douces , de millepertmis , de. "smirtils. On les lavera avec de l’esu-rof ; & après avoir été ainfi préparées, l’on en oindra une de ces peaux parfumées, que l’on aporte ordinairement d’Efpa- gne ou d'Italie. On lalaïflera humec- ter pendant toute une nuit, & le len-" demain on {a frotera fortement entre | les _ confidéré dans l'état du Mariage. 17% Jes mains pendant une heure : & après lavoir enfuite, pendant deux jours en tiers, expoléé à l'air, ou le foleïl ne _ donne pas, on prendra la mefure du ventre pour là couper, & puis only apliquera , principalement pendant 1à nuit, Si quelques femaïnes fe pañlent fans que les cicatrices s’éfacent, on doit prendre de l'huile de myrrhe, qui en adouciffant la peau, en emporte les taches avec plus de force, fans l’en- dommagets fi l’on veut que ce remé- de foît plus fort ; Pon ajoûtera à cette huïle du fnc de citron & un peu de fe! armoniac ; & par une forte agitation lon en fera un onguent. I[ne me refte plus qu’à remédier au défaut d’une groffe gorge molette, qui fait quelquefois foupçonner une fillé d’être lafcive & d’aimer le vin: car il y ën a qui portent comme deux couflins fur la poitrine , & qui font tellement émbarraflces quand elles veulent agir ; qu’à peine peuvent - elles faire jouer leurs bras. C'eft peut-être pour ce fu< Jet, f nous en croïons lhiftoire, que es Amazônes fe brüloïent l’une des “ M 2 ma= 734 Tableau del Amour conjugal, mamelles, pour être enfuite plus agi les & plusadroites. -, | - Outre les remédes que nous avons alléguez ci-deflus , qui peuvent fervir à diminuer la gorge on peut encor ufer de gros vin rouge, ou d’eau de forse, dans laquelle on aura fait bouillir du bierre, de Ta pervenche, du myrrhe , du perfil & de la cigué même, fans apré- hender la mauvaïfe qualité de cette derniére plante ; notre cigueé étant bien diférente de celle des Athéniens, avec le fuc de laquelle ïis fifént mourir le plus fage des hommes , comme Po: xacle Pavoit nomme. | Il y en a qui fe fervent de formes de plomb pour diminuer les mamelles. En éfet, c’eft un bon reméde pour ces for. tes de défauts : maïs fi lon a auparavant Bumed&é le dedans du plomb avec de Phuile de jufquiame, le reméde fera en- cor plus excellent; car cette huile a une, vertu particuliére pour diminuer la gorge & pour la faire endurcir; elle s’opofe même à la génération du lait après lacouchement.. _ | Mais afin qu’il arrive point d’ac- . cident ! l confidere dans l'etat dé Mariage. 13% æident de l’ufage de tous ces remédes, je répéteraï ici ce que J'ai confeillé ail- leurs aux filles & aux femmes ; c’eft qu’il n’en faut ufer pour la gorge , ni pour les parties naturelles, que troïs où quatre jours après les régles, & huit jours auparavant. Et les femmes qui ont. depuis peu acouché , ne doi. vent s’en fervir que fur la fin de leurs vidanges ; ce qui peut arriver après ‘le trentiéme ou le quarantiéme jour de leur acouchement. RRR RHUME KR RME RTER MER IRRARRE CHAPITRE IIL À quel âge un garcon G* une fille doivens | fe marier. Ï Lne faut pas s'étonner fi nous foms .mes mortels, puifque nous fommes compolez de parties {1 diférentes & fi opofées entre elles. Les clémens qui fe font tous les jours la guerre ennous- mêmes, fans que nous nous en aperce- vions, & la chaleur naturelle qui difli- pe inceffanment l'humeur radicale qui M 3 nous 136 Tablean de l Amour conjugal, nous foutient , font les deux caufes de la fin où nous courons avec précipita- tion. Notre chaleur agiffant toujours fur notre humidité , la confume & 1a détruit peu-à-peu ; fi bien que comme le feu d’une lampe finit par la diffipa- tion de l’huïle qui le fomente, notre chaleur s’éteint par le défaut de l’humit- dité qui la conferve. L’air , les alimens & la boïffon ne font pas fufifans pour Ia réparer éternellement ; s’ils le font, ce n’eft que pour un tems, &les parties qui entretiennent notre feü, venant à Vieïllir, fe laffent enfin d’agir inceflam- ment de la même forte , &'de recevoir en méme-tems ce qui les fait fubffter & ce qui les fait périr. : | La nature prévoïant bien la perte du monde, fi en quelque façon elle ny mettoit ordre, donna dès le commen- cement des fiécles, à Pun & à Pautre fexe, un admirable affemblage de par- ties pour produire leur femblable , & en même-tems des feux fecrets pour les perpétuer. Ce fut dans la naïflance du monde qu’elle établit cette douce fociété de vie, & qu’elle ne fit pas | es étoient d’un tempérament: plus chaud; car, fi parlant en général, di- fent-ils, elles ont plus de fang, elles ont aufli plus de chaleur; puifque la chaieur naturelle réfide davantage où H y a plus de cette humeur. D’aïlleurs on remarque,ajoûtent-ils, que les femmes font plus ingénieufes & plus agiflantes que les hommes ; parce qu’aïant plus de fang, ellesont auffi plus d’efprits , qui font la caufe de leur aûivité. Elles ont encor plütot du poil aux parties naturelles ; & 1l s’en eft vü qui r’étoient prefque pas entrées dans l’âge de difcrétion , à quila natu- re commençoit à voiler leurs parties haturelles par le poil qu’elle y faïfoit naître : ces mêmes femmes croïffent & vieiliiffent encor plutôt, parce que Îa chaleur agiffant plus fortement fur leurs corps que fur ceux des hommes, elle en avance auffi plutôtles a&ions &c en diffipe plutôt les humiditez. Aurefte , elles font beaucoup plus amoureules que les hommes ; & com- me Îles paflereaux ne vivent pas long- tems, parce qu’ils font trop chauds & | trop confidére dans Pétat du Mariage. 749 trop fufceptibles de Pamour, Îles fem- mes auffi durent beaucoup moins, par= ce qu’elles ont une chaleur dévorante qui les confume peu-à-peu. Il fe trou- ve encor aujourd’hui des ÆA4effalines ; qui par l’excés de leur chaleur, feroïent en état de difputer avec plufieurs hom mes des plus vigoureux, lequel des deux ef le plus d'a) En éfet, elles foufrentle froïd avec plus de conftances & fila chaleur naturelle, qu’elles ont abondamment, ne s’opofoit au froïd de lhyver, nous verrions autant de fem- mes que d'hommes fe plaindre de la ri= gueur de cette faïfon. S'il m’étoit permis de m’éloïgner un peu de fa matiére que je traite, ilme femble que je n’auroïs pas de peine à prouver le contraire de ce que l’on dit du tempérament des femmes : je feroiïs voir que la grande quantité de fang vient plutôt de la médiocrité de la cha- leur, que de fon excès : que les fem mes font plutôt , lecéres qu’ingénieu- fes : que fi elles engendrent & vieillif- fent plutôt, c’eft auffi une margue de Ja foiblefle de leur chaleur : que Pex- ces 150 Tableau de l'Amour conjugal, cès de l'amour ne peut être principa= lement atribué à la force de cette mé- me chaleur, mais à l’inconftance de leur imagination, ou plutot à la Pro- vidence de la nature, qui les a faites pour nous fervir de joiet après nos plus férieufes ocupations. Après-tout, f elles ne font pas fi fufceptibles du froïd, ne faut en chercher la caufe que dans leur embonpoint ordisaire, qui s’opofe inceffamment àla pénétra- tion des qualitez les plus actives. L'homme au contraire agit avec plus de fermeté, fe nourrit avec plus de bonheur, fe défend avec plus de courage & de prefence d’efprit, raï- fonne avec plus de force, & contribuë à faire un enfant avec pius de prompti- tude. C’eft lui principalement qui agit dans la génération , où il fe communi- que foi-même, & qui par {es autres adions de corps & d’efprit, donne par tout des marques de fa force & de fa chaleur , au lieu que la femme ne fait que foufrir les imprefMions que Phom- me veut lui donner; & fouvent elle peft pas fi-10t prête que lui + G confidére dans l'état dn Mariage. 1S1%: de quoi former un homme, En un mot, elle n’elt faite que pour concevoir , pour allaiter & pour élever fes enfans. De plus, un mâle eft plutôt acom- pli dans Le feïn de fa mere, qu’une fe- melle : il s’agite avec plus de force, & vient auffi au monde un peu plutôt ; ce que l’on doit atribuüer à la force de fa chaleur & de fon tempérament ; car c’elt à ceite même chaleur à perfec- tionner & à avancer plus prompte- ment les chofes par tout où elle fe trou- ve plus abondante ; ,& par cette mé- me raifon, on ne voit prefque jamais vivre de jumeaux de diférent fexe. Il y a trop d’inégalité de chaleur & de tem- pérament, quand ils fe trou vent tous deux embaraflez dans les mêmes Irens, Maïs reprenant la matiére que nous avons laiflée , pour faire une digreffion qui ne me paroît pas inutile, je diraï maintenant, pour continuer à parler des âges des hommes , que les Jurif- conultes , qui dans ces fortes de ma- tiéres ne fuivent pour l'ordinaire que le fentiment des Médecins , ont fixé un tems pour le mariage , au milieu de . Pâge 252 Tableau de l Amour conjugal, l’âge de difcrétion. Et parce que ceux<’ là font extrêmement rares, qui com- mencent à engendrer à neufou à dix ans, au M-bien qué celles qui ne pour- roïent le faire à feize ou à dix-huit, ils ont déterminé Pâge de quatotze ans pour les garçons; & de douze pour les filles, ces années fe rencontrant dans le milieu de la puberté ; fi bien que céux qui font au-deffous de ces der- niers âges, font eflimez pupilles, & Ja Loï ne permet pas qu’ils forent acu- fez d’adultére, ni qu’ils puiffent fe marier. SI quelqu’ un fa viole par un rhariage prématuré, les Juges décla- rent ce mariage nul & invalide, & met- tent ceux qui ï lauroient contradé au même état qu’ils étoient auparavant 3 parce qu'ileit, difent-ils, de Peffence du mariage d’être en état de faire un énfant, & que ceux qui font au-deflous de ces âges ne font pas préfumez en être capables. 3 Les Politiques, qui confidérent Îa durée d’un état floriflant, ne font pas du fentiment des Jurifconfultes pour le 1ems qu'il faut marier les jeunes gens, confideré dans l'état du Mariage. 153 gens. Ils favent que ce n’eft pas feule- ment la bonté du climat , la fertilité de la terre, ni les richefies des hab'tans qui font un Monarque redoutabie , maïs {a fanté & la vigueur des peusies qui lui apartiennent. L’âge de douze & de quatorze ans, eft un âge trop foibie pour faire un prefent à l'Etat d'hommes fpirituels & robulles ; & ces mêmes Politiques apreniient des Mé- decins , qu’il faut un âge plus avancé pour engendrer des hommes capabies de gouverner un Roïaume, ou de mé- nager une République. En éfet, le ventre d’une femme eft trop étroit à ces âges-là , pourengen- drer des enfans bien faits ; fes parties internes ne font pas allez larges pour les porter à terme ; & une femme fi jeune ne peut fufire tout enfemble, & à fon propre acroïflement & àla nour- xiture de fonenfant. Les couches doi- vent être ordinatrement funefles, & doivent lui faire apréhender de perdre la vie en la donnant à un autre, Les Brafiliens font bien plus fages que nous: Hs ne marient jamais leurs filles qu’el- les z$4 Tableau del Amour conjugal, Jesn’aienteuleursrégles parce que c’eft par-la que la nature leur marque qw’el- les fonten’état de porter des enfans. D’ailleursun jeune hommea lefprit & le corps trop fotbles à l’âge de quator- ze ans;fa femence n’eft nraflez cuite, nt afiez digérée pour produire un enfant fort & fpirituel; & s’il eft alors capable d’engendrer,lesenfansquienviennent, font ou trop petits ou trop délicats. Platon & Ariftote, ces deux grands génies de antiquité , ne permettoient pas de fe marïer avant l’âge de 30. ans, & prefentement une perfonne n’ofe- roit fe marier avant ce tems-là fans le confentement de fon pere & de fa me- re. Ce qui obligea Gratien à faire une Lot, par laquelle il établiffoit la per- feûtion d’un homme à cet äge-là: Car c’eft alors que lon ne croit plus, & que 1a chaleur naturelle ne s’ocupant plus à dilater les parties du corps de ’hom- me , elle s'emploie feulement àle con- ferver & à fomenter fes parties amou- reufes, pour produire avec plus defor- fce une matière capable de perpétuer on efpéce. Le a es Lette, ne à confidére dans l'état du Mariage. 154 Le meilleur eft de fuivre ià-deflus le fentiment le plus commun ; c’eft-à-di- re, d’eflimer parfait un homme à 24. ans & une filie à 20. C’eft alors qu'ils font tous deux plutôt en état de fe ma- rier que dans un âge moins avancé ; car , pour parler de cet homme , 4 ne lui manque rien à cet âge-là pour contenter une femme ; fes parties na- turelles ont les dimenfrons qu’elles doivent avoir. pour bien agir dans les -embraffemens amoureux ; fa femence eft féconde. Les efprits qui doivent fer. vir à la génération s’engendrent alors ex plus grande abondance, & fa verge elt prefque toûjours en état de fournir de quoi faire un homme , contre [a vo- lonté même de celui qui la porte. En- fin cet:homme doit d'autant pluôt fe marier, qu’il eft d’un tempérament chaud & humide , d’un fang bouillant, bilreux & mélancolique ; qu’il a la taïl- le médiocre, la tête groffe, les yeux étincelans , le nez gros, la bouche bie fenduë , les joués teintes de fang &le menton arrondi. L'on en doit à pro portion dire autant d’une fille de 20, Tom O ans ; \ 156 Tablean dél Amour conjugal, ans , qui, à limitation de cette Fabiola; dont parie S. Jérome , ne peut vivre fans jouir des plaïifirs de Pamour & fans vivre le confeïl que PEglife donne en fe mariant. En éfet , l’âge de douze ou de qua- torze ans eft un âge trop tendre pour {oufrir le joug du mariage ; il faut des perfonnes fortes & robultes, fi elles veulent y avoir du contentement. BICH DEC LE MEN BH MEN LE DEC HIS ARTICLE IIÉE De la conception , de la grofféfe & de Penfantement. Orfqu'’une femme a conçu, elle À; a fuivi en celale confeiïl que E- glife ui a donné en la martant , & elle a exécuté Îes ordres de la nature. Maïs je ne fai par quel malheur, ordinaire à Vamour, elle paroït plus abatuéquau- paravant. Tout lui dépilait, elle ne 4 mange point : & fi elle met quelque chole dans la bouche , ce font des cho- fes hors de Pufage commu des hom- 4 mes, confidére dans l'état du Mariage. 157 mes , encor les rejette-v’elle, dès qu’el< le les a prifes. Les meïlleurs alimens lui font mal au cœur ; elle n’en peut même foufrir {a fumée. Les nuits lut font inquiétes ; fon fommeil eft inter- rompu , & quelquefois acompagné de la maladie que lon apelle Zrcube, com: me s’il ne fuffifoit pas que le corps päâ- tit , fans que lame eut encor fes peï- nes. La vapeur d’une chandelle éteinte eft infuportable à cette même femme, qui foufre de tems en tems de legers tremblemens par tout Îe corps. Le ventre lui fait mal & s’aplatit, fi bien qu’il y a leu de croire , felon le Pro- verbe : Qwen ventre plat , enfant y ai Souvent le véntre démeure parefleux, & cette parefle lui caufe pour l’ordi- naïre des tranchées. Les sraces ne font plus fur fon vifage ; fes yeux font lan- guifflans & meurtris : & le feu dont l'amour fe fervoit autrefois pour des conquêtes , les a abandonntes pour quelque-tems. Elle ne peut marcher qu’elle ne boëte & qu’elle ne reffente d’extrêmes douleurs aux reins , aux cuiffes & aux jambes. Enfin, dans la O 2 Jane | 158 Tableau del Amour conjugal, langueur où elle eit , elle foufre fans cefTe pour avoir trop aimé.Ces incom- moditez Îa font prefque repentir de s'être alliée à un homme, fi elle n’ef- péroit au bout de neuf mois de récom- penfer fes foufrances par la Joie d’un enfant qui lui doit venir. L'expérience nous aprend qu une femme groffe eft plus amoureufe au commencement de fa grofese qu’au- paravant. Beaucoup plus de.fang d’efprits ocupent fes parties naturel- les ; & fr on la baïle en.ce temsà, c’eft de Peau que l'on Jette fur le feu d' une forge , qui, HS il ef arrofé, plus ileft ardent, Les François ne font pas fi retenus à carefler les femmes grofles, que quelques autres Nations, Il y a même des Médecins qui font d’avis qu’on les doit baïfer avec. plus d’ardeur , pour obéir aux loix.de la nature, qui,les rend alors plusamoureufes. Mais à di- re le vrai, fi.nous fuivonsle fentiment 'Hypocrate , eilés font de plus véhé- mentes couches, quandeltes ne font point carellces pendant leur groflefle , confideré dans état du Mariage. 159 & nous voïons fouvent arriver des ac-. cidens funelles aux femmes qui fe di- vertiflent avecun homme quandelles font groffés ; car fi elles ne font pas de. faufles-couches, au moins deviennent- elles grofles une feconde fois. Les femmes du Brefil font bien plus retenuês que nos Françoïfes, puifque dès qu’elles fe fentent groffes., elle fe féparent de la compagnie de leurs ma- vis. Elles n’apréhendent pas que les fortes fecoufles de Pamour ébranlent un enfant qui et fort délicat dans fes premiers mois, & que les régles qui fout fouvent provoquées par la cha- leur , que les baïfers réitérez excitent dans les parties naturelles d'une fem-- me , l’étoufent & le fufoquent. Il ne peut même s’en garanti: fur la fin de fa prifon , lorfqu’il eft pjus robufte, Les liens qui le tiennent faifi fe relächent par fa pefanteur , aux moindres éforts amoureux de la mere : & il eft aïnfi contraint de perdre la vie, en naïffant avant le tems , lui qui ne Pa prefque pas encor reçüê. … Quoique la plüpart des Médecins , " 00 2 apres {69 Tablean de P Amour conjugal, après Hypocrate , difent que la matrice ef tellement fermée après la concep- tion, qu’il n’eft pas pofible d’y faire éntrer fa pointe d’une éguille, nous fommes pourtant perfuadez du con- traire. Car on fait qu’elle fe décharge fouvent de fes humiditez fuperfluës & que les femmes font engroffées une fe< conde fois. Nous ne manquons pas de femmes qui nous ont inftruits de per- tes rouges où blanches qu’elles font dans les premiers moïs de leur groffef= fes, & nous avons des exemples de fu- perfétation , & peut-être plus fouvene que nous ne le penfons ; car les ju- meaux qui naïffent envelopez de membranes diférentes , & qui font ata- chez à un feul arriére-faix, font d’ordi- paire autant de fuperfétations dont on ne s'aperçoit pas. Foute la Rochel- le a fçu la fuperfétation de Mademoi- felle Zonvean , qui quelque-tems après avoir accouché d’une fille , monta à cheval pour aller à la campagne, où elle acoucha d’un garçon vingt-neuf jours après fes premiéres couches. La file véçut fept ans, & la gar- con confidéré dans l'état du Mariage. 16É gon ne vécut que fept jours. Les femmes feroïent trop malheu« reufes , fi Ia douleur & les autres peï- res ne les abandonnoïènt point penis dant leur groffeffé. Une femme grofie qui a demeuré 3.où 4. mois dans des langueurs extrêmes, dans des dégoûts & des vomiffemens continuels, joùft prefentement dune fanté pa:faïte. El- de ne fe fouvient plus d’avoir été in commodée ; & fi elle ne fentoit dans fes entraïlles quelques petits mouvé- mens comme des fourmis, elle ne s’t+ magineroit pas d’être groffe. Maïs cet- te fanté ne dure pas long-tems. Car dès que lenfant aura de Ia force, fes douleurs fe renouvelleront, & en tou- chant fon pouls qui luï bat fort , on di- roit qu’elle a la fiévre. Enfin le tems d’acoucher s’aproche ; l'enfant lui fra- pe le côté , les eaux commencent à couler pour humecter & élargir le paf= fage ; & fi Pacouchement n’efl malkeu- reux , en moins d’une heure elle fe dé< hvre. C’eft alors que lon doit confidé< rer la pudeur d’une femme qui acou- che, & que l’on doit avoir pour M 162 Tableau de l'Amour conjagal: …, de la pitié & dela vénération, à caufe. du mal qu’elle foufre & du péril où el- le eft expoñce, & auf à caufe de lhon- neur qwelle a d’être l'origine & lafour- ce des beaux ouvrages de {a nature. … On a foin, d’un.coôté ,-de l’enfant; on lui coupe ie cordon le plusIong que on peut, fi c’eit un garçon; & le plus court, fi c’eftune fille. Tout. cela fe fait par ordre de la Matrône, qui s’imagine que le membre du garçon en devien- dra plus grand, & que la fille en fe- ra plus étroite: après cela on lui donne du beurre & du miel fondus , pour s’o- pofer aux douleurs du ventre, aufquel- les l’enfant eft fujet après être né ,& pour vuider les excrémens noirs qui font dans fes boïaux il y a long-tems. D'un autre côté, on foulage laimere ; on lui ferre d’abord doucement le ventre , & l’on étuve avec du vin tiéde fes parties naturelles. En un mot, on y aporte tous les foins, que Pon a ac- coûtumé d’aporter aux femmes nou- vellement acouchées. ARTE: confidéré dans l'état du Mariage. 163 DEN A PFICH © RICA ee PPOKCR É MOCH SEICES ARTICEE IV. Si la nature a fixe ur: tems pour aconcher. Es Médecins & les Jurifconfultes _: agitent cette même queftion, & les uns & les autres ’examinent avec beaucoup de foin. Les Jurifconfultes veuient être aflurez d’un tems fixe pourla naïflance des enfans,afin de par- tager juftement un patrimoine, & de n’en pas faire héritier un enfant qui ne feroït pas iégitime. Et parce que ceux- çi ne jugent,que fur le fentiment des Médecins, je veux bien raporter ici en peu de mots ce que la plüpart en pen- fent. Maïs avant que de dire quelque chofe d’afluré fur cela , il me femble qu’il eft à propos de répondre d’abord à quelquesdificultez qui fe prefenient. Quelques Médecins ont fait des Ii vres exprès, où ils prétendent prouver qu’il n’y a point de tems déterminé pour la naïflance des hommes, & que la natuxe étant la maïtrefle d’elle-mê- | me, 164 Tableau del Amour conjugal, me , avance ou retarde le tems des couches quand il lui plaît. En éfet, ceux qui font dans ce fentiment, ne manquent nt de raïfons ni d’autorité pour faire valoir leur opinion; carïls difent que les tempéramens des hom- mes étant prefqu’infinis , les enfans qui ont le plus de chaleur , font plütôt formez dans les entrailles de leur mere & naïffent auf plutot, aïnfi qu’il yen a qui viennent au monde à fix mois, comme fit Livia , femme d Augulte , fe- Ion le fentiment des Médecins de ce teins-la ; & d’autres qur ayant moins de vigueur, ne peuvent naïîtré qu’a- près plufieurs moiïs , témoin Raffus , que Vefhlia fit à onze mois, & lenfant dont une femme de 60. ans accoucha ; lequel demeura dans es flancs de fa mere pendant quinze mois, fi nous en voulons croire A44/fr. | Ils difent encor , qu’une femme qui a la matrice petite & étroite, & qui d’ailleurs a fort peu de nourriture pour donner à fon enfant , ne fauroit s’em- pêcher d’acoucher à fix ou fept mois, au lieu qu’une autre qui fera Se 5 & - En confidéré dans l'état du Mariage. 16% bien nourrie , portera fon enfant juf- qu’à dix ou douze mois. Is ajoûtent ; que fa femme partici: pant de a nature des animaux , qui font beaucoup de petits d’une feule ventrée , & de la nature de ceux qui n’en font qu’un, elle ne doit pas avoir un tems fixe pour acoucher. Que l’homme r’aïant point de tems déters miné pour careffer fa femme , la nature n’en a point auffi de fixe pour le faire naître : qu’il n’en eft pas de même des autres animaux , qui ont leur tems ré- glé pour faire leurs petits, fi bien que l’on ne verra pas en hyver une linotte pondre & couver fes œufs, Qu’au ref- te, autorité d'Aypocrate décide cette queftion , qui a été fuivie des Jurif- confultes ; favoir , que les enfans peu- vent naître depuis le feptiéme jufqu’à lonziéme mois. Maïs fr nous voulions examiner de près tous ces raïfonnemens, nous pou- rions dire, que bien que les femmes & les enfans aïent des compléxions bien diférentes entr'eux , il y a lieu néamoins d’être perfuadé qu’une vieil- - 3e *66 Tableau deD Amour conjugal, le Efpagnole , & qu’une jeune Lapos noife acouchent naturellement l’une & l’autre au bout de neuf mois acom- plis. Que Pon ne doit pas établir un fentiment fur ce que les femmes nous difent du nombre des moïs de leur groffeffe. Que la grandeur de la matri- ce dévroit plutôt avancér fes produc- tions que de les retarder. Qw'une fem- me qui a peu de fang dévroit acoucher plus tard, zïant befoin de plus de tems pour perfeétionner cé qu'élle porte dans fes entrailles , & qu’enfin on ne doit pas regarder les défauts d’une par- tie, ni les erreurs de la nature, pour établir un principe üuniverfel, Nous pourrions encor dire, que Îa nature des femmes n’efl point entre la nature de ces difétens animaux , & qu’Averroës s’eft fort malexpliqué ià- deflus ! que quand les femmes font plufieurs enfans dans les mêmes cou- : ches, nous pouvons dire que ces acou- chemens font contre les ordres de Îa nature, qui a prefcrit aux femmes de n’en faire qu’un, ainfi que l'expérience nous le fait remarquer tousies jours. Après confidéré dans l'état du Mariage. 167 Après - tout , que les femmes ont un tems auf fixe pour accoucher, qu’ont les autres animaux pour faire leurs pe- tits 3 & qu’il ne faut pas confondre, par un fophifme évident , la faifon & Ie tems auquel nous careffons les femmes & auquel elles conçoivent , avec le tems que la nature garde comme 1in- violable pour 1a naïffance des enfans. Enfin nous pourrions opofer Æype- crate à Hypocrate même , & nous pour- rions alléguer cette belle vérité qu’il nous a laïflé par écrit ; favoir , quela nature eft toujours ftable dans fes ac- tions, & qu’il ne faut pas tant regarder ce qui arrive rarement pour établir une régle générale , que ce qui s’y paf- fe le plus communément. Fortifions encor ce fentiment par d’autres preuves , & difons que fr la nature garde une loi fixe dans les corps des bêtes , lorfqu’elles font pleines, & que cette même nature ne manque pas prefque d’un jour à les irriter, pour mettre bas , quand leur fruit a reçu tout l’acompliflement qui lui eft nécef- faire , on ne peut douter que Phomme, Tome L. P qui 168 Tableau de l'Amour conjugal; qui eft le plus parfait de tous [esani- maux, ne foit réglé par les mêmes loix: La nature ne manque jamais d’obfer- ver un tems limité, quandil eft quef- tion de guérir une tumeur ou de finir une fiévre. Ses loix font certaines & indubitables dans les crifes, & les Médecins ont paflé pour des Magi- ciens, qui ont remarqué les mouve- mens avec le plus d’exactitude. La groffefTe eft une efpéce de maladie; les accidens qui arrivent aux femmes groffes en font comme les fymptômes, & l’acouchement en eft comme la cri- fe & la fin. On ne dénie point à la fem- me [es mouvemens fixes de la nature, quand ïl faut fe défendre de queique maladie qui Poprefle , ïl n’y a que dans la groffefle & dans Pacouchement qu’on lui refufe ces ordres invariables ; & parce que Pon obferve que les acou- : chemens arrivent en divers tems,, par des caufes étrangéres , quiies avancent ou qui les retardent ; on ft tellement prévenu [à-deflus que Pon prend Pom- bre pour le corps & le hazard pouria nature , {: bien que on ne peutreve- nr confidére dans l'état du Mariage. 163 nir de ce que l’on s’eft une fois imagi- né , qu’il n'y a poiut de tems précis pour lPacouchement des femmes. Au refte, puifque lexpérience nous montre que la plûpart des enfans naïf- fent depuis les dix derniers jours du neuviéme mois , jufqu'aux dix pre- miers du dixiéme ; c’eft-a-dire , dans lefpace de vingt jours, & qu’ils vivent prefque tous : que ceux qui naïffent à fept ou huit mois, font toüjours impar- faits ou valétudinaires, & que de vingt, il den vit pas troïs : n’avouera-t-on pas , que ces derniers naïffent dansun _ tems que la nature n’a pas ordonné, & qu’ils fortent plutôt par quelque mala- die des entraïlles de leurs meres, qué par les ordres fecrets de cette admira= ble modératrice de Univers ? C’eft fans doute ce qui obligea les Romains à déclarer illégitimes les en- fans qui naïflotent avant les neuf moïs acomplis ; & c’eft ce qui par Arrêt du Parlement de Paris, fit débouter un pere de la fucceffion de fon enfant, bien qu'après être né il eût reçu le bâtême. Fe P2 - Ceux x70 Tableau del Amour conjugal, Ceux qui ont fait de férieufes réfle- xions fur {es mouvemens de la nature dans les acouchemens des femmes, & qui fe font long-tems apliquez à obfer- ver toutes les petites circonftances & de la groffeffe & des couches, décou- vrent aïfément la dificulté de cette queftion. IÎs ont remarqué , comme jai fait dans les Hôpitaux & par tout ailleurs, que la nature conferve toü- Jours untems fixe & déterminé , pour les acouchemens qui fe font felon fes ordres, & que les enfans les plus acom- plis & les plus tempérez nallent tou- jours dans les dix preiniers jours du dixiéme mois, & le plus fouvent à la même heure du jour qu’ils ont été faits ; les autres naïffent, comme je Paï défa dit , depuis le vingtiéme jour du neuviéme mois, jufqu’au dixiéme jour du dixiéme mois; c’eft-à-dire , depuis le deux cens cinquante - cinquième jour de leur conception, Jufqu’au deux cens foixante & quinzième , «bien qu’il y en ait d’autres qui naïlfent quel- quefois plutôt ou plus tard, quand il y a quelque caufe étrangére quien, avan-= Le confidéré dans état du Mariage. 174: avance ou retarde {a naïilance. Je pourroiïs prouver cette vérité, pag beaucoup d’hiftoires que m’ont four ni.mes amis fur ce fujet , fi je n’em avois de domeftiques; fix enfans , que ma femme a faits, ont demeuré dans les flancs de leur mere, depuis les deux cens cinquante-fixiéme jour , jufqu’au deux cens foixante & dixiéme ; c’eft- à-dire , qu’ils font tousnez fur la fin dus neuviéme mois , Où au Commence ment du dixiéme , fr nous comptons les acouchemens par les mois de [u- ne, comme le prétendent [a plüpart de nos Médecins. Mais la preuve inconteflable, de cette quellion ne peut être prife d’ail- teurs que de la naïiffance de Jefus-Chriff, qui a été le pius parfait de tous les bommes.S. Auguffin nousaprend qu'il demeura dans le fein de la bienheureu- fe Marie , pendant deux cens foixante & treize jours , qui elt le même-tems que l’Eglile a obfervé pour en célébrer la mémoire ; c’eit-à-dire, qu’il nâquit dans {e commencement du dixième mois. | Fr E 372 Tableau del Amour conjugal, Il eft vrai qu'il y quelques enfans : qui naiffent vers le dixiéme jour du ! feptiéme mois , ou le dixiéme delon- ! ziéme mois ; maïs les uns & les autres ne vivent pas Ilong-tems ; ou étant nez contre les ordres de Ia nature , ainfr que nous lavons dit , ils font fujets à mille incommoditez. Si les enfans naïffent dans une efpa- ce de tems fi vafle, il n’en faut acufer que la diférente & mauvaife façon de vivre des femmes ; le païs où elles de- meurent ; la faifon dans laquelle elles acouchent ; l’oifiveté dont elles jouif- fent ; la variété de leur tempérament ; les plaïfirs déréglez qu’elles prennent avec les hornmes pendant leur groflef- fe ; les paflions & les maladies donë | # D elles font attaquées. Tout cela avance ou retarde leurs couches, & force la pature à fufpendre ou à rompre le cours ordinaire de fes opérations; ce qui n’arrive prefque jainaïs aux autres animaux, qui vivent felon lesloïx de Ja nature. On doit donc conclure de tout ce ” dilcours , que les bons acouchemens, | qui | confideré dans Pétat du Mariage. 17% qui fe font felon les ordres de la natu- re, arrivent le plus fouvent dans l’efx pace de dix jours & rarement de vingt; maïs cela n'empêche pas que les enfans ne vivent quelquefoïs , & qu’en France ils ne fotent eftimez légitimes, lorfqw’ils naiflent depuis les dix pre- miers jours du feptiéme mois ; c’eft-à- dire , depuis le cént quatre-vingt-fep= tiéme jour de leur conception , juf“ qu'aux dix premiers jours de l’onzié= me mois; c’eft-à-dire, jufqu’au trois cens cinquiéme jour ; tellement que devant ou après ce tems-là, ’oferois dire qu’on doit les eftimer ou bâtards ou fupofez. Et fi la fille de Jear Pellort, Marchand de Lyon, étoit née quelques jours après le trois cens quatrième four de fa conception, jamais le Par- lement de Paris nauroït donné un Ar- rêt en fa faveur , par lequel il Ia décla- toit capable d’être héritiére de fon pe- re. En eflet, par un autre Arrêt, cette illufire Compagnie déclara illégrtime un autre enfant, qui étoit né le douzié- me jour de Fonziéme mois après la mort de fon pere. ARTE 174 Tableau del Ainour corjugal, . DER ARS HR M RES HR ER RONMRER ER IANREMIR A R T'I1:C6CE2E M Du devoir des MAariez. : A Près les travaux de l’enfante ment , la femme ne fe fouviene plus des douleurs qu’elle y a foufertes, & fes vuidanges ne font pas plutôt écoulées , qu’elle ataque derechef fon mari & qu’elle lui livre amoureufe-. ment la bataille. Je ne doute point qu’elle ny foit vidorieufe comme au- paravant , & qu’elle.ne mérite d’être couronnée de myrrhe , comme lé- toient autrefois celles qui faïloient des . conquêtes en amour. £t je ne doute point aufli qu’elle ne mérite cet hon- peur , elle quiataque avec tant de cou- rage, qui triomphe avec tant de gioï- re, & qui partage avec fon antagoni£ te les fruits de {a viéoire. Elle revient inceflamment à iachar- ge, & ne dit jamais c’eft aflez. Ses par- ” ties naturelles deviennent de Jour en jour plus ardentes & plus ampuieqies ; plus confidére dans état du Mariage. 175 plus inquiétes , plus mconftantes & plus fufceptibles de lafciveté. En éfet, elles font un animal dans un autre ani- mal , qui fait fouvent tant de défordre dans le corps des femmes , qu’elles font obligées de chercher le motïen de Faffouvir & de Fapaifer, pour Pem- pêcher de leur nurre. _ Le marirend donc exactement à fa femme ce qu’il lui doit, & [a femme ce qu’elle doit à fon mari. Si ce devoir manque du côté du mari , la femme devient de mauvaife humeur & lui fait adroïtement connoître Îe chagrin qu’elle conçoit de n'être pas aimée , fi bien que l'on doit dire que les ca reffes conjugales font les nœuds de Pa- mour dans le mariage & qu’elles en font véritablement lPeffence. _< Mais il y a des ocafons où un homme ne commet point de crime contre les loix de l’Ecriture nt de la fociété , lorfqu’il refufe ce plaifir à fa femme. S1 s’imcommoder pour plaire à quel qu'un, eft une faute contre fa fanté, felon le fentiment des Médecins , au moins , 176 Tableau de l'Amour conjugal, moins , fi l’incommodité eft tant foit peu confidérable ; peut-on fournir ious les jours aux voluptez déréglées d’une femme, lorfque la vuë fe dimi- nuë , que le fommeil fe perd , que l'eftomac & la tête fe ruinent , & que les jambes s’afoibliffent ? Un homnie -r’eft guéres en état de faire fon devoir à l’égard des afaires domeftiques & étrangéres , après s'être épuifé dans Vexces des voluptez conjugales. Les moindres incommoditez qui viennent de l'excès de ces plaïfrs , le difpen- fent abfolument de ce qu'il doit en cela à fa femme. En ufer autrement, c’eft pécher contre foï-même, s’atiret de grandes maladies & une vieiïllefle prématurée. | | _ Ceux-là font bien plutôt difpenfez de ce devoir , qui font tombez une feule fois dans les maladies qui ata- quent les parties néceflaires à la vie; & quand même ils n’y auroïent que de legéres difpofitions,cela dévroit les empêcher de careffer leur femme. Les maladies du cerveau, de la poitrine & des extrémitez du corps, qui font fi KR périodi- rs ER œ: confidére dansl'etat du Mariage. 177 périodiques, doivent encor les exemp- ter de ce devoir , à moins qu’ils ne . veuillent que le plaïfir ne foit la caufe de leur mifére. L'homme a bien plus d’occafion que la femme de s’excufer fur le devoir du mariage. C’eft lui qui dans les ca- reffes conjugales agit prefque tout feul, & qui femble par fes mouvemens précipitez fe hâter de voir la fin de fes plaïfirs, pour les renouveller une au- tre fois : comme fi la nature étant char- gée d’un homme ; vouloit par lexces des voluptez nous ôter la penfée de ce que nous y faïfons de principal, pour s’en réferver toute la gloire à elle-même. Ii ren eft pas de même de Ia fem- me qui ne fait que foufrir les careffes d’un homme dans une poflure aïfee ; ïl ne fe trouve guéres d’obftacies de fon côté qui la puilfe difpenfer de ce qu’el- le doit à fon mari. La maladie n’eit pas une caufe aflez légitime pour cela. El- le en foufre même quelques-unes qui ne fe guériflent que par Pamour ; &les remédes des Médecins font fouvent trop Lu 158 Tableis del Amour conjusal, := trop foibies pour ies dompter. Priapez fils du vin & de loiliveté, a bien plus de pouvoir & de force que nos dro- gues ; fon autorité eftplus fouveraine, & fon reméde eft beaucoup plus éfi- cace que lArmoife , le Karabe, les Tef- ticules de Caftor, & tous les autres remé- des que lantiquité a inventez pour ces fortes de maladies. Nous remarquons tous Îles ans dans les bêtes , que Îa nature fait dans leurs corps une fermentation & une agitation d’humeurs ; & qu’elle en- voie à leurs parties naturelles du fang, des efprits & de a matiére qui les y chatouillent. Cette matiére dans les bêtes eft, par raport aux femmes, ce que nous apellons les régles, Si bien qu’il ne faut pas s’étonner fi fes bêtes cherthentalors plutôt qu’en un autre tems,le mâle que la nature leur amon- tré être le fouverain reméde à leurs tourmens. C’eft la raïfon pour laquelie la plüpart des femmes font plus amou- reufes Iorfque leurs régles commen- cent à couler; car le fang & les efprits {e portant précipiiamment à leurs par- ties confidere dans l'étät du AAariage. 179 parties naturelles qui en font échau- fées , elles cherchoïent en ce tems-là dequoï fe fatisfaire , fi Ia loï du Vieux Teftament ne punifloit de mort les hommes qui les touchent en cet état. On doit pourtant en quelque façon pardonner à Pexcès de lPamour du beau fexe ; ïl a alors plus de feu & d’empreflement pour aimer qu’en tout autre tems , pourvü toutefois qu’il fe porte bien; maïs un homme n’eft pas innocent quand il commet cette indé- cence. J’avouëé que lun & lautre ne font point ordinairement incommodez quand ils fe careffent pendant les ré- gles ; il n’y a que la femme qui perd un peu plus de fang qu’elle ne feroit; mais l’homme n’en reffent aucun dom- mage. Tous les défordres de fes con- jondtions impures ne tombent que fur Penfant qui en eft engendré. Car fouvent il meurt avant que de vieillir, ou pale toute fa vie dans une ian- gueur continuelle. Ileneft à peu près de même des vui- danges de Pacouchement. Ce que la (2 inere LT t80 Tableaudel Amour conjugal, mere & l'enfant ont refufé , comme inutile pendant la groffeffe, cela même fe purge peu-à-peu quinze ou vingt jours après les couches. Si un homme carefle fa femme avant ce tems-là, il ja met en danger de perdre la vie, ou de pañler malheureufement fa groffef- fe fielle devient groffe peu de tems après être acouchée ; car les ordures qui doivent couler par ces lieux, de- meurant dans fon corps , infeûtent & la mere & l'enfant à venir. C’étoit fans doute fur cela qu’étoit fondée la lot de PAncien Feftament , quine. permet- toit à aucun homme de toucher une femme que trente fours après avoir fait un garçon , & foixante après avoir fait une fille. Il y a beaucoup plus de dificulté à favoir , fi une femme groffe peut man- quer à ce qu’elle doit à fon mar. Les fentimens font partagez là - deffus. Quelques-uns veulent que Pon puifle baifer aufli vigoureufement une fem- me lorfqu’elle eft grofle, que lorfqwel- le eft vuide. J’en prens a témoin Je, fille de PEmpereur Awgufle, qui etant grolle : confidéré dans l'état du Afariage. 18% groffe voulut perfuader aux gens , que Von ne faïfoit point tort à fon mari de faire pañler d’autres hommes dans fa barque , lorfqu’elle étoit chargée de marchandifes humaines , pour me fer- vir de la penfée de cette femme. Les autres ont tant de fcrupule dans cette ocañon, qu’ils s’imaginent que lon commettroit un grand crime fi l’on ca- reffoit une femme groffe , & que l’on contribueroït à la perte de fon enfant. Pour décider cette queftion , on n’a qu’à obferver ce qui fe pañfe dans la nature parmi les bêtes , & on y verra que les cerfs , les taureaux, les béliers, & quelques autres animaux, ne tous chent plus leurs femelles, quand elles font une fois pleines. Les accidens fà- cheux que nous avons remarqué ci- deflus pouvoir arriver à une femme graffe qui reçoit les careffes de fon ma 11, font des caufes légitimes pour em- pêcher un homme de careffer fa fem- me. De fauffes-couches peuvent arri- ver , par un flux de fang que les agita- tions amoureufes excitent : une fuper- ftation peut furvenir : un faux-germe À 104 ou 182 Tableau de l Amour conjugal, ou un fardeau peut fufoquer lenfant ; comme Rsolan nous témoigne Pavoir vû. En un mot, ces accidens peuvent ôter la vie à la mere & à Penfant. Au contraire, les acouchemens feront plus libres, fi l'on ne touche point une fem- me pendant fa groffefle, & les enfans, felon la penfée d’Æypocrare , ne naï- tront pas avant le terme. Ce furent fans doute cesraïfons qui empêéchérent le fage Empereur de Confiantinople , I[aac Commene, de tou- cher fa femme après qu’elle eût conçu: & quoique fes Médecins le lui confeil-. laffent pour la confervation de fa fan- té, il n’en voulut pourtant rien faire, préférant aïnfi la fanté de deux per- fonnes à la fienne propre. - C’étoit même une loi parmi quelques peuples paiens , fi nous en croïons S. Clé- ment , de ne connoître jamais une fem- me grofle. J'en dis autant des nourrices, qui ne peuvent rendre fans danger ce qu’elles doïvent à leurs maris. Car quelle aparence qu'un lait foit bon, fi la mere a des dégoûts & des vomiflemens con confidère dans Pétat du Mariage. 183 continuels , ft elle eft épuifée par les plaïfirs de Pamour , qui échaufe & qui corrompt le lait, par la chaleur excelfi- ve de ces mêmes plaïfirs ; & fi elle a Les autres incommoditez, qui arrivent or äinairement aux femmes groffes, & qui infeûent le läit d’une mauvaïfe odeur quand elles font careflées. Ce- pendant fi une nourrice deyient groffe d'un même homme, fi elle n’eft gué- res malade au commencement de fa groffefle , & que d’ailleurs elle. fsit vigoureufe & fanguine , je ne vois pas de raifon qui puifle Pempècher de rendre ce qu’elle doit à fon ma- rt, & même allaiter fon enfant du- rant les deux ou troïs premiers moïs de fa groffeffe. Car l'enfant qu’elle por= te dans fes entrailles étant alors fort petit, n’a pas befoïn d’abord de beau- coup d’aliment. ÎI y a même des fem- mes qui fe portent beaucohp mieux, fi elles allaitent alors , que fi elles con- fervoient toutes leurs humeurs pour: Penfant qu’elles ont conçu. Ces hu- meurs qu’elles ont en abondance peus vent fufoquer le petit enfant qu’elles ! Qa' po 284 Tableau de l Amour conjugal, portent dans leur fein, fi elles ne font épanchées pour d’autres ufages. C’eft pourquoi nous fommes quelquefois obligez de faire faïgner ces perfonnes-. là , pour les décharger de labondance de leur fang & les faire enfuite acou- cher plus heureufement. + ax DEA HE DEMO DE EE EE EN PO EEE NÉ A R'TI CL E'SNV°E0 Dan tems o4 les hommes @ les femmes cefent d'engendrer. E monde eft plein de produ&ions. L }! s’en fait par tout, jufques dans lés entrailles de la terre. C’eft le feul moïen qui fait fubfifler toute la liaïfon de ce grand Univers. Les hommes qui en font lornement , ne manquent point, de leur côté, à faire de conti- puelles générations. Depuis l’âge de difcrétion jufqu’à la vieillefle, ïis s’em- plotent inceflämment à cet amoureux commerce , comme s'ils avoient en vüë d’éternifer la nature - humaine, plutot que de conferver leur vie & leur | fanté. % confidéré dans l'état du Mariage. 185 fanté. Car il eft certaïn que les plus laf- cifs & les plus voluptueux font ceux qui vivent le moins. Les paflereaux qui aiment fi éperduement leurs fe melles , ne vivent que troïs ou quatre ans ; la chaleur naturelle qui s’épuife par l'amour leur manquant avant le tems , les fait auff finir plutôt. C’eft pour cela que les Peintres voulant marquer une Voluptueufe , ont fait ti- rer par des Paffereaux le char où Szphe étoit reprefentée comme en triomphe. Nous avons ci- defflus obfervé le tems où les hommes & les femmes commençoient à engendrer ; il faut prefentement examiner celui où ils f- niflent. | _ Quoïque les Médecins prolongent le tems de la premiére vieïliefle jufqu’à 6s.ans, & qu’ils croïent qu’un hom= me puifle engendrer ordinairement jufqu’à eet âge-là, cependant les Jurif- confultes fe reftraignent à l’âge de 60. ans , après-quoi ils prétendent qu'un homme foit impuiffant ; c’eft pourquoi ils en ont fait une loï exprefle. En éfet, ç’eft alars que Pamour nous abandon- | - ne; 2 \ * 186 Tableau de P Amour conjugal, ne , & bien que dans le fonds du cœur nous le confervions toûjours jufqu’à la mort , il ne fe fait pourtant que fort ra- rement connoître dans nos parties na- turelles après cet âge-Hà. La vieillef- fe nous.glace, & nous r”’avons prefque plus de chaleur & d’efprits que pour nous conferver, bien loïn d’en.avoir pour en donner à un autre. Il ne nous faut avoir que la penfée des plaifirs pañlez du mariage, quand nous fommes vieux , pour exciter le mouvement de notre cœur & pour multiplier notre chaleur naturelle & nos efprits. I n'y antfeu, ni couflins ni peaux d'animaux qui nous échau- fent, comme les penfées & les réfle- xions que nous faifons fur les amours de notre jeuneffe. Le corps d’une fille de quinze ans eft encor plus éficace ; quand nous l’apliquons au nôtre , ül nous communique fa chaleur , quieft de la même efpéce que celle que nous avons ; & Pexpérience de David nous fait bien voir qu’il n’y a point au mon- de de meïlleur reméde que celui-là, Mais les pauvres filles ne durent pas | Ê iong- confidéré dans l'érat du Mariage. 1387 long - tems. Elles donnent aux vieil- lards ce qu’elles ont de doux & d'a gréable , & prennent pour elles ce qu'ils ont d’äpre & de fâcheux. Ces aproches inñocentes dans un âge fr avancé ne doivent pas pourtant obli- ger un vieillard à carefler amoureufe- ment une fille; & je ne faï fr fe bon Roï David ne pafla point les bornes de Ia bienféance, quand il tenoit entre fes bras la belie Abifag , puifque PHifiorien nous aprend qu’il mourut bien- tot après. La nature à fes mouvemens réglez & fes produions déterminées, ainff que nous Pavons prouvé ci- deffus ; (ea s’il fe trouve quelques exemples d'hommes vieux qui aïent fait des en- fans à l’âge de foïxante & dix, de qua- tre-vingt, ou même de cent ans, fs ne nous doivent pas fervir de régle pour établir la fin de la génération dans les hommes. C’eft un prodige de ce que l’on nous raporte, que M. le Duc de Saint Simon, gui vit encor, a fait un enfant à Pâge de foixante & douze ans , que leRoi 188 Tableau de l Amour conjusal, & la Reine ont tenu fur les fonds du bâtême. On nv'écrit de Paris, dans le tems que je retouche ce livre, que ce prétendu garçon aïant douze ou treize ans , avoit eu des éfufons qui font dif- iinguer les hommes des femmes , & que la Matrône après l’acouchement de la mere, s’ctoit lourdement trom- péeenne diftinguant pas biene fexe. C’eft un autre prodige , ce que nous dit Valcre Maxime, que Maffamifa , Roi de Numidie , engendra Methynnate 3 après quatre-vingt-fix ans. Ç’en eftun autre , ce que nous aprend Ænezs Sil- vius, d'Uladiflas Roï de Pologne , qui fit deux garçons à l’âge de quatre-vingt dix ans. C’en ef encor un autre beau- coup plus grand, ce que nous raconte Felix Platérus, de fon grand-pere , qui engendra à l’âge de cent ans. Et enfin ce que nous dit Æfaff4, et encor quel- que chofe de plus incroïable là-deflus, qu'un homme de foïxante & dix ans fit un enfant à fa femme de 60. ans, qui viut au monde fans avoir toutes les parties accomplies, & nâquit le quin- zicme mois de fa conception. À confidére dans l'état du Mariage. 189 I! n’en eft pas de même à l’égard des femmes. Elles ont un tems plus limité & plus court que les hommes. Si une fois les régles les abandonnent :crs qu’elles font un peu âgées, elles cef- fent en même-tems d’engendrer. C’eft pour cela que la loï a déterminé aufr judicieufement un terms à égard des femmes qu’à l'égard des hommes. Eile eflime les acouchemens prodigieux qui fe font après l’âge de 50. ans, & h’admet point les enfans pour légiti- mes qui naiflent après ce téms-là ; par- ce que, felon le fentiment des Méde- cins, les régles ceflant aux femmes en- viron à l’âge de 45. ou $o.ans, il eit impoffible qu’il fe puiffe naturellement engendrer un enfant, fi la femme man- que de chofes néceffaires à le former & à le nourrir. Cependant fi après cet âge-là il fe trouve encor quelques femmes vigou- reufes qui puïflent avoir leurs régles, je ne doute point que lon ne fit une grande injuftice à un enfant qui en nai- troit, fi on le privoit du bien de fes pa- rens, Ce fut fans doute la feule raïfon qui DR D 2090 Tableau de ? Amour conjugal, qui obligea PEmpereur Æerr: de faire acoucher fa femme , âgée de cinquan- te ans , à la vue de tout le monde, pour ôter le foupçon que lon auroit pü avoir de fon acouchement. Ainfi, bien que la loi foit établie pour les termes des productions des hommes qui arrivent le plus fouvent, 1! peut cependant naïître des ocafions où elle ne doit pas avoir lieu, pourvü que les hommes aïent de la vigueur & que les régles ne manquent point aux femmes. Car on ne fauroit faire une loï juite , qu’elle ne püût caufer quelque- fois du dommage à quelques particu- liers ; & parce qu’elleeft générale, fe trouve des ocafions où elle ne favo- rife pas tout le mende. | CHA: confidèré dans Pétat du Mariagé, 19% RÉGOSÉSHOSHÉS LEE CHAPITRE I V. Ur 7/15 Quel tempérament ef le plus propre À.) 2 . Le homme pour être fort lafaif, femme pour etre fort amonreufe, 4 4 À à Our expliquer le mélange & Ia compoftion des mixtes qui fe rena contrent dans l'Univers & qui ont tous un tempérement diférent, Les Philofo= phes fe font fervis de deux moïens. Les uns ont confidéré la matiére qui les forme ; ils en ont obfervé fa figure, la grandeur & la haïfon, & fe font image nez , comme Ont fait Demacrite & Def= cartes, qu’ils en expliqueroïent futifa- ment {a nature par les atômes qui les compolent. Les autres , comme Æypo= crate & Ariflote , fe font perfuadez que la matiére des mixtes ne pouvoit être fans qualité, & que le toucher étant le juge des premiéres & des fecondes qualitez , ils pourrotent auffi par-la en faire mieux connoitre la nature, 4rifs toe apelie les fecondes , quaiitez des Ton L K élets 292 Tablean del Amour conjugal, éfets corporels ou des conditions ma: térielles, que je pourroïs nommer des qualitez de lamatiére.llena fait de deux fortes; les unes actives, comme la puif- fance d’endurcir, de ramolir, d’épaiflr, &c. & les autres paflives , qui font des éfets de cette même faculté;comme eft Ja dureté, Pépaifleur , laténuité, &c. De ce corps, ainfi compofé de matié- res & de quañhitez, pour parler avec ces derniers Philofophes, il naït une autre qualité, que on peut nommer, avec Gallien , propriété de la fubflance ; avec Villefine, qualité du mélange de la matiére , ou enfin avec d’autres quali- tez ocultes, qui eft à proprement par- ler, l’eflence & le tempérament du mixte. Si bien que l’on peut dire, que le tempérament n’efl autre chofe qu’u- ne qualité , qui réfulte du mélange de Ja matiére & des qualitez des élémens. Car comme plufieurs voix diférentes fontune mélodie quand elies font bien mélées, tout de même ces matiéres &c ces qualitez bien contraires, fe lient fi étroitement les unes aux autres pour faire un tempérament, que Fon ne fau- rOIt confideré dans l'état du Mariage. 19% roit les difcerner , tant il eft vraï de di- re que le tempérament eft une union & un ordre des chofes qui font incef- fament opofées entr’elles. Il y a beaucoup de chofes à obfer- ver dans la compoñtion des corps ; mais il y en a peu que nous puiflions clairement connoïtre. J’avoué que nous favons qui en eft l’auteur, que nous voiïons tous les jours fes ouvrages & que la matiere sous en eft fenfible ; mais qu’il eft diticile de concevoir comment par un peu de femence,pour me renfermer dans lexemple de 1a formation de FPhomme, , il fe peut fai- re une fi grande variété de tem- ramens | Ceux qui veulent s'élever dans ces fortes de connoïffances par-deflus le refte des hommes, font obligez d’a- voüer, après avoir bien cherché, qu’ils en favent moins que lesenfans, & que le tempérament des hommes qu’ils examinenteft fi dificile à comp rendre qu’ils font contraints de dire qu’on ne le peut connoître qu’en gros. Les Médecins admettent quatre for- "Ka tes 294 Tablcau del Amour conjugal,’ tes de tempéramens'où une feule qua- lité prend le deffus, & ils en content auf quatre autres, qu'ils apellent compolez , ou deux qualitez font ma- nifeltes. Les premiers tempéramens font rares, & ïl ne fe trouve prefque ja- mais de qualité quine foit acompagnée d’une autre quine iureft pas ennemie. Quelques-uns ajoûtent un neuviéme tempérament, qu’ils apellent égal ou tempéré, où il n’y a point de qualité qui fe furpaffe une Pautre : maïs parce que l’on ne le rencontre point dans les hommes , & que les matiéres & les qualitez des élémens ne fort pas mé- léesenfemble fi juflement qu'iltn’y en paroiffe quelqu’une qui domine, nous ne parlons point de celui-ci , qui n’a été inventé dans les Ecoles que pour fervir de régleaux autres. Pour expliquer mieux les tempéra- mens des hommes , les Médecins ont atribué les matiéres & les qualitez des élémens à chaque humeur du corps. Ils ont dit que la bile étoit chaude & féche comme le feu ; que la mélancolie étoit froide & féche comme la terre ; que la | | pituite confidèré dans l'état du Mariage. 19% pituite étoit froide & humide comme Veau ; & qu’enfin le fang étoit chaud & humide comme Pair. ÉTTTILLLLILLILL LCL LLLLS CLSC. LE A REC LE; LI Quel tempérament doit avoir un homme Re TA ' pour étre fort lafcif. Près avoir expliqué en général les tempéramens des hommes, il faut prefentement defcendre dans le particulier & examiner quel tempéra- ment doivent avoir les deux féxes pour être fort lafcifs. A voir ce jeune homme de vingt-cinqgans, on le pren- droit pour un Satyre , qui cherche in- ceflament par tout de quoi affouvir fa paflion. Toutes les femmes lui font agréables dans l’obfcurité ; il n’en refu- fe aucune, quelque laïde qu’elle foit, & il eft toûjours en état de la fatisfaire. Sa raïfon n’eft pas capable de retenir fes emportemens amoureux , & fon. tempérament eft trop bouïllant pour loufrir qu’elle en foitla maîtrefle. Juf- ques-la même , qu’il ef fl amoureux &c KR 3 fr F*96 Tableau del Amour conjugal, fi lafcif, que fi le Magiftrat veut Ju£ accorder la permiflion d’époufer la fla- tuë de la Fortune, qu’il aime avec ex- cès , il le fera publiquement, comme fit un autre impudique qui careffa la flatué de Vénus Gnidienne , faite par Praxitelle. / Il eft vraï que tout favorife fon tem pérament & fes voluptez déréglées. Rien ne lui manque dans Ia vie : s’il y a au monde des alimens fucculens & des breuvages délicieux , ls font pour lui. Parce qu'il eft inceffament dans la bonne chére, fon ventre eft toüjours plein, & fes parties amoureufes, qui n’en {ont pas fort éloignées , font auffi toûjours enflées de leur côté, felon Ia remarque de S. Jérome, f bien que les bon alimens & excellent vin contri- buent beaucoup à fa lafciveté. C’eft fans doute de-là qu’eft venu ce beau proverbe Latin, qui n’a point de gra- ce fi on le traduit en notre langue : fine. Cerere & Baccho friget Venus. En éfet, tout eft glacé dans Pamour , fans ce qui eit marqué parle pepin de raïfin & par le grain de froment, qui font des figu- LES confidéré dans Pétat du Mariage. 197 res bien faites des parties naturelles de l'homme & de la femme. L’oifiveté eft une des fources de Pa- mour deshonnèête , & la Fable n’a ma- trié Mars avec Venus, & wa fait Priape fils de Bacchus & de lenus ; c'eft-a-di- re, qu’elle na joint loifiveté avec Mars & Bacchus, que. pour cette raï- fon. Auffi trouve-t-on dans les armées beaucoup plus de défordres amoureux que dans tout un Roïaume, parce que les foldats ne font pastoüjours ocupez à la guerre. La région &le climatne contribuent pas peu à la lafciveté des hommes; nous voions plus de chaftes à Srockolm , qu’à Séville ou à Naples , villes où fou- vent Il naît des Monfîres, qui font les. éfets d’un amour abominable. L’hiftoi- re que nous fait S. Auguflis et une preuve de ce que j'avance. Le Gou- verneur d’Antioche, dit-il, prelloit un: jour un Marchand de lui donner une: livre d’or ; cet homme au défefpoir de: ne fe pas trouver en état de le fatisfai- re , le communioua à fa femme, qui pour mettre fon mart hors de ar ,. s UE ds à | 398 Tablean de l Amour conjugal, lui demanda permiflion de {e profti- tuer à un riche Marchand qui la prioit d'amour il y avoit quelques jours. Elle efpéroit par ce moïen aflouvir lavidi- té du Gouverneur & tirer fon mari de Pembaras où il fe trouvoit , enrece- vant de cet homme une pareïlle fom- me d’or. Le mari ÿ confent ; la femme fe profitué, & le Marchand au lieu de lui donner une livre d’or, comme ïüls étoient convenus, lui fit donner une livre de terre. La femme fort furprife de cette infidélité, porta fes plaintes au Gouverneur, qui fit paier au Mar- chand ce qu’il avoit promis à la femme. Un bomme donc qui fera ému par ioutes les caufes de lafciveté , dont je viens de parler , & qui d’ailleurs eft d’un tempérament chaud & fec , laïfle: ra le plus fonvent agir fa pafñon indif- crette fans vouloir la modérer. Carila le cœur f échaufé , qu’il pouffe fans ceffe un fang extrêmement chaud, fubtil & plein d’efprits dans toutesles parties du corps qu’il enflâme ; & fon pouls agité en eft un figne & unéfet tout enfemble, li paroït plus ferme & plus confidére dans Pétat du Mariage. 109 plus fréquent quand one touche.C’eft par-là qu'un Æypocrate connut Pamour déréglé de Perdiccas pour Phile, mai- trefle de fon pere. Son foie, qui eff la partie où Pamour a établi fon fiége , felon la penfée de Galien , eft plein de feu & de foufre, & le corps à qui il communique incefla- ment fes humeurs, eft tout jaune par Ia bile qu’il engendre. Cette chaleur excellive épaiflit fon fang , & le rend épais & mélancolique ; fi bien que par cette qualité il conferve plus long- tems la chaleur qui fui a été commu- niquée ; & comme le liévre eft le plus mélancolique de tous les anï- maux, il en eft auffi plus lafcif. Le cerveau de cet homme n’a pas af. fez de froïdeur pour tempérer lardeur de fon cœur & de fon foie : ïl eft pref- que tout defleché par le feu de Pa- mour, & 1l n’a pas plus de cerveau que cet impudique Trsacleur , dont on fit depuis peu la difle&ion. Ses reins, où PEcriture met le fiége de la concupifcence, font fi chauds, qu’ils enflâment les parties yoifines , la 200 Tableau de l Amour conjugal, la chaleur dilate les vaifleaux fperma- tiques & y faitaufli couler la femence plus abondamment. Si bien qu’un hom- me amoureux de [a forte, n’auroit point de honte de fe faire fervir à table par des filles nuëés, aïnfi que faifoit l'Empereur Tibére, nide fe faire trat- per en public par d’autres filles nuës, comme faïfoit Pinfame Æébogabale. Si nous confidérons maintenant cet homme par le dehors, on diroït qu’il vole quand il marche; fon embonpoint ne lembarafle guéres ; ïl fufit qu’il foit charnu & nerveux, pour être agile & lafcif tout enfemble. Sa taïlle eft mé- diocre , fa poitrine large , fa voix forte & groffe ; la couleur de fon vifage eft brune & bazanée , mêlée d’un peu de rouge ; & fi on le découvre, fa peau ne paroïtra pas tout-à-fait blanche ; fes yeux font brillans & bien ouverts ; fon nez eft grand & aquilin ; fes bras font garnis de veines, qui renferment un fang fubtil & pétillant. Si on le touche, on s’imagine mettre la main fur du feu. Sa peau eft fi rude & fi féche, que le poil qui la couvre prefque par tout, ce | LFTTA Hhh is fait confidéré dans l'état du Mariage. ot fait que ladoucir un peu. Ses cheveux font durs , noirs & frifez : il n’a garde de fe les faire couper, fur ce qu’il a oui dire des Auvergnacs, que pour avoir plus de bétail , ils ne coupoient jamais 1a laine de leurs brebis , niles crins de leurs chevaux ; parce qu'ils ont remar- qué , par expérience, qu’il fe fait par- là une difipation d’efprits qui s’opofe à la lafciveté & à [a génération. Sa bar- be, qui eft un figne de ladmirable puiffance de faire des enfans , marque la force & la vigueur de fa complexion; elle ef épaïffe , noire & dure. Ses pat- ties naturelles font comme enfévelies dans le poil ; & fi la nature s’eft hâtée à ÿ en faire naître dès l’âge de 13. ou de 14. ans, ce n’a été que pour donner des marques d’une lafciveté défordon- née qui fe manifefte dans le tems. I ef certain, felon que les naturalif- tes le remarquent , que les oifeaux qui ont le plus de plumes, aiment le plus éperdument leurs femelles, parce qu’ils ont beaucoup plus d’excrémens vapo- reux. Aïnfi les hommes qui ont le plus de poil, font les plus amoureux, iu- 202 Tableau de É Amour conjugal, humidité étant vaincuë par l'excès d'u: ne chaleur qui n’efl pourtant pas capa- ble de les rendre malades. C’eft cette même chaleur qui def- féche le cerveau & le crâne des hom2 mes lafcifs, & qui les fait promptemrent devenir chauves : car comme ïls man- quent à la tête de vapeurs terreltres dont {es cheveux font produits, & que d’ailleurs les cheveux ne peuvent per- cer une péau dure & féche, comme l'ont ceux qui font d’un tempérament chaud & fec ,on ne doit pas s'étonner s'ils deviennent chauves , & fi cette chauveté s’augmente tousles jours par Pufage des femmes.C’eft ce qui atira fur Jules Céfar cette raïllerre piquante, que lon publia à Rome Iorfqu’on l'y me- noït entriomphe:Romani, féruate,uxores, maœchumcalvum adducimus.Ajoûtez à ce- la, que cet Empereur fut fi amoureux & fi lafcif, qu’il changea quatre fois de’ femmes légitimes ; qu’il dépucela C/e0- parre, dont il eut Ccfarion 3 qu'il aima éperdûment Eunoë , Reine de Maurita- nie ; qu’il carefla Pothumis, femme de Servius Sulpitius; Lollia, femme de Gabi« Ans ÿ confidéré dans Pétat du Mariare. 203%. ins ; Tertulla , femme de Craffis ; Mur- cia , femme de Pompee ; & Servila, fœur de Caton & mere de Afarcus Bru- sus. De plus, fi cet homme lafcifa per- du une jambe , 1[ s’aquitera Beaucoup mieux qu’un autre de fon devoir au- près de fa femme; parce que les parties mutilées ne recevant point d’aliment, le fang s'arrête dans les parties de Ia génération & lesrend pius fortes & plus lafcives que dans [es autres hommes. Cet homme dont nous venons de faire le portrait , eft d’un tempéra- ment fi chaud & fr amoureux , qu’il auroit beau avoir Îa vertu des perfon- nes les plus faïntes, fa nature lui don- nera toüjours une pente à l'amour des femmes ; on auroit plutôt éteint un grand feu avec une goute d’eau, & Pon obligeroit plutôt un fleuve rapide à re- monter vers fa fource , que de corri- ger linclination de cet homme. Cet- te paflion déréglée qui lui échaufe in- cefflamment lnagination , eft la caufe de tous les défordres de fa vie ; c’eftun apétit qui s’arme avec violence contre fa raïfon , & qui détruit à toute heure Terme I. 175 ce 204 Tableau de P Amour conjugal, ce beau prefent que Dieu luï a fait. En un mot, c’eftune maladie habituelle, qui ne s’empare ordinarrement qué des amesfoles, qui fe laïffent ébloüir par la beduté de quelque femme. Les Rois &le vin font bien puilfans; maïs à dire. le vrai, la femme left encor plus, & il faudroit que Dieu fit un mi< racle f: on vouloit que cet homme-[à corrigeät fon humeur amoureufe, Quand on s’abandonne trop môlement aux plaifirs du mariage, felon la pen- fée de S. Auguffin dans fes Confeffions ; ces plaïfirs deviennent coûtume, & cette coûtume néceffité, Son ame, qui eft auffi éprife d'amour que fon corps eft échaufe, rend fa paf: fion fans exemple. Il ne voit pas plutôt une femme un peu découverte, que fes parties naturelles en font émués ; & ïl ne l’a pas plutôt obfervée avec réflexion, que cét objet fait autant d'impreflion fur lui, que le fouet en faïfoit fur cet autre , dont on nous ra conte, qu’il ne carefloit jamaïs plus ardernment une femme, que lorfqu’on le fouettori le pius cruellement, Mars 4 confidére dans état du Mariage. 120$ Mais quand ce feu fera un peu apaï- fé par la froïdeur de l’âge , Pamour qui agite à cette heure cet homme, lui donnera en ce tems-là de Pefprit & de l'agrément ; maïs ïl n’étoufera pas entiérement la flâme qu’il a nourrie dans fon fein ; au contraire, elle fera plus violente qu’autrefois. Ce fera alors un feu allumé dans du fer qui con- fervera plus long-tems fa chaleur ; & cette bile quiétoit autrefois la fource de tous fes emportemens amoureux, fe changera peu à peu en une humeur épaifle & mélancolique , qui feroit en- cor la caufe de fes voluptez déré- glées, fi fes parties étoient alors en état de luï obéir. If eft donc véritable , par tous les fi- gnes que nous venons de raporter,que les hommes qui font d’un tempéra- ment chaud & fec , bilieux ou mélan= colique, font les plus lafcifs. Ils ne manquent ni d’apétit naturel, ni de mouvemens de concupifcence : ils ont en abondance de Ia matiére & des ef- prits vaporeurs, qui difpofent incefa- ment leurs parties naturelles à fe joïn- de | S 2 dre 206 Tableau del Amour conjugal, dre amoureufement à une femme. Et f ceux qui font d’un tempérament chaud & humide que nous apelions fanguins, aiment plus éperdûment que ces au- tres , cependant {eur femence n’eft pas accompagnée d’une qualité fi âpre, qui les chatouïlle à toute heure & qui les rend ainfi plus amoureux. Perscles étoit du nombre de ces derniéres per- fonnes, puifqu’il époufa une Courtifa- ne , après s’être enquis de fa vie paflée. I! y a des Suiïfles & des Aliemans qui en font de même aujourd’hui, & la plüpart s’en trouvent bien, HKEXS RARÉIIIE RER HNE HR ÉÉRIMIREIHERKNR ARTIGEE#FS Quel tempérament doit avoir une femme pour être fort amoureule. ] ’Amour embrâfe tellement le cœur d’une jeune fille qui aime Poifiveté , les louanges, les habits fom- ptueux, les feftins & les difcours d’a- mourettes, qu’enfin elle fuccombe à fes apas, & qu’elle ne peut fedéfendre | de | confidere dans l'état du Mariage. 207 dé fes ateintes. Elle y a même d’ailleurs une pente & une inclination naturelle; car fi on la confidére par le dehors, fa taille eft médiocre, fon marcher chan- celant & badin , & fon embonpoint modéré. Elle eft brune , & fes yeux éteincelans font des marques d'une flâme cachée. Sa bouche eft belle & bien faite, maïs un peu grande & fé- che; fon nez un peu camus & retrouf- fé ; fa gorge eft sroffe & dure ; fa voix forte & fes flancs bien ouverts. Ses cheveux font noirs, longs & un peu rudes ; & dès l’âge d’onze ou de dou- ze ans, elle s’aperçut que le poil fortoï à fes parties naturelles & qu’il y exci- toit déja des émotions amoureufes. Ce fut alors que la chaleur de fon tempé- rament bilieux avança fes réoles & ut fit faire des démarches deshonnêtes pour fon fexe ; fi bien qu’il ne faut pas s’étonner fi elle continuë encor pre= fentement fon commerce indifcret. Plus le fang & les efprits coulent dans une partie que la douleur ou la volupté irrite, plus ils’ y fait de violen- tes fluxions. D’abord cette jeune fille J 2 né 208 Tableau del Amour conjugal, : métoit qu’émue dansfes embraflemens amoureux, à cet heure que les con= duits font fortouverts, & qu’ils por tent abondament du fang & desefprits à fes parties naturelles , dès 1a moindre petite émotion amoureufe, fa paflion eft fi violente qu’elle ne fauroit la mo- dérer. Les avis de {es parens font vains, les régles de la pudeur & de l'honnête- té foninutiles, & les réflexions qw’el- le y peut faire ne font plus de faïfon. II n’y a point de lieu pour la vertu ni pour la tempérance, quand Ia pañion domine & que notre tempérament nous force à aimer :témoin Bonne de Savoie , femme de Galeas Sforce, que Ponne put jamais faire revenir de fox ämpudicité. L'on épuiferoit plutôt la mer, & Pon prendroit plutôt les aftres avec les mains , que de rompre les mauvaïfes inclinations de cette jeune fille. Sa na- ture, fa beauté, .fa fanté & fa jeuneffe font de grands obfacles à fa pudicité , & tout cela lui a fervi de bon maître poui luï aprendre à aimer tendrement. Ului femble quelle a de la en confidere dans l'état du Mariage. 209 & qu'elle fait quelque chofe contre la bienféance , quand elle refufe un jeu- ne homme bien fait qui la prie de bon- ne grace. Et fi par hazard elle paroît quelquefois Ie refufer, par quelque pudeur du fexe qui lui refte encor , e’elt alors qu’elle en a le plus d'envie & qu’elle s’'abandonnerott avec le plus de pañion. Elle reffent dans elle-mêé- me un apétit fecret pour {e lier amou= reufement à un homme, & il femble que la côte dont fa pre miére mere lui a laiffé une petite partie , veuille incef- fament, par un infin& naturel, fe joins dre à la perfonne dont elle a été fépa- rée, & qu’elle veuille imiter Eve, après fa création, qui ne mangea & ne but qu'après avoir été careflée de fon mari. I n°ya point d'excès d'amour où gette jeune fille ne fe porte; & fon imas ination eft fi échaufée par les objets, que fi elle manque quelquefois d’oca- fon pour fe fatisfaire , elle tombe au même inftant dans une fureur d’amour que l’on ne peut corriger qu’avec pei- ne. C’eft alors que fes difcours font impudiques &fes aétionslafcives , &c | quel 210 Tableau del Amour conjugal, w’elle cherche avecles yeux; quand la maladie fui en permet Pufage , quel- que perfonne capable de la guérir. Cette fureur amoureufe vient fou- vent atel point, qu’elle la force à fol- liciter un homme de l’embraffer ten- drement & à fe proftituer même au premier venu. Mais fi par hazard elle devient groffe, tout fe calme chez el- le , & fes parties amoureufes font alors comme aflouvies, ainfi qu’il arriva à cette femme , quoique vertueule , dont Æfathieu de Gradis nous raporte lhiftoire. Au refte , toutes les femmes amou- reufes ne font pas femblables ; Pon en voit d’agiles , d’inconitantes, de babil- lardes,de hardies ou d’inquiétes. D’au- tres paroï{fent mornes , folitaires , tt- mides ou Janguiffantes. I s’en eft trou- vé qui mont pas eu de honte de-pu- blier ce que les autres cachent avec tant de foin. Su’rone nous aprend que Tibére fit peindre autour de fa fale tou- tes les poflures lafcives qu’il avoit tr- rées du iivre de la Courtilane Eliphaë- #53. On en a vu d’autres, qui raisin È LES confidere dans l'état du JMariage. 31% les fuites ficheufes de l'amour, fe di- vertifloïent avec des filles, comme ft elles euffent été des hommes; c’eft ce que le Poëête Æfartial reproche aïgre- ment à B4/f4. On fait encore que ÆAfegi- le méritoit le même reproche : & que Sapho Lefbienne, avoit chez elle quan- tite de fervantes pour un pareïl diver- tiflement. Sinous en voulons croire S. Jerome, & après lui S. Thomas , une fille defire avec plus de paflion qu’une femme d’être careffée d’un homme , parce, difent-ïls, qu’elie n’a jamais goûté les plaïlirs que caufe une conjonion amoureufe , & qu’elle s’Imagine qu’ils font tout autre qu'ils ne font. Maïs Pexpérience que ces deux grands hom- mes n’avoient point , nous fait voir tout le contraire ; & nous favons qu’u- ne femme qui fait ce que c’elt que de Pamour , a beaucoup plus de peine qu’une fille à fe garantir de fes atraits. J’en apelle à témoïn la Reine Sémira- mis , qui après avoir pleuré [a mort de fon mari, fe proflitua à beaucoup de perfonnes, & qui pour cacher fes a on” OL= : 212 Tableau de Amour conjugal, fordres amoureux , fit bâtir quantité de Maufolées pour enterrer tout vi- vans ceux avec qui elle avoit pris des plaïfirs illicites, afin que fon impudici- té fut cachée aux yeux des hommes. On dit qu’une femme flérile eft plus amoureufe qu’une femme féconde ; & l’on ne manque point de raïfons là-def- fus ; car fi on confidére l’envie déré- glée qu’a la premiére de fe perpétuer par la génération , & la caufe la plus ordinaïre de fa ficrilité qui eft Pardeur de fes entraïlies, on avouera qu’elle doit être plus lafcive que l’autre : té- moin les femmes de A{alabar , qui ne font pas les pius fécondes du monde, à caufe de la chaleur du païs, & qui à caufe de cela ont la permiflion de prendre autant de maris qu’illeur plaît; parce que les enfans, felon leur loï, ne {ont nobles que de leur coté. C’eft af- fürement une piperie pour lelibertis nage où les Orïentaux font plongez. Maïs une femme qui devient groffe, & qui dévroit avoir aflouvi fa pafhon, ne laifle pas encor d'aimer éperdü- ment. J'en prens à témoin Popilia, qui | étani gonfidére dans l'état du Mariage. 213% étant un jour interrogée fur la paflion déréglée d’une femme grofle , par ra- port aux autres animaux, répondit fort . . fpiritueliement, qu’elle ne s'étonnoit pas de ce que les femelles des betes fuïvient alors la compagnie des males, parce qu'en tfet el les étosent des bêtes. Peut-être ne manquerons-nous pas ici de raïfons pour excufer cette ar- deur dans les femmes grofles ; & fi nous avions deffein de nous fervir de la morale, nous pourrionsdire, que fi Dieu leura donné ces defirs ardens, ce ra été que pour conferver la chaf. teté de leurs maris, & pour fe mériter la gloire d’être vertueufes en réfiftant fortement à l’amour. Cette paflion d’amour déréglée, en quelque état que foïent les femmes, caufe le plus fouvent de fi étranges défordres, quand elle s’eft une fois faï- fie de leur efprit, qu’il n’y a point de meurtres, de trahifons, ni d’empoi- fonnemens qu’elles n’entreprennent pour venir à bout de leurs defleins impudiques. Pantia empoiïfonna fes deux enfans avec de Paconit , pour faï- re 214 Tableau del Amour.conjugal, re un aduitére ; & Tarpéia trahit fa Pa trie ,en donnant des moiïens aux Gau- lois pour prendre le Capitole, parce qu’elle aïmoit leur Roi ; Jeanne de Na- ples, cette infime Princelle , fit étran- gler Ardreffe fon premier mariaux grii- les de fa fenêtre , parce que ce jeune Prince infortuné n’aflouvifloit pas fa pañlion indifcrette. Maïs quelle apa- rence qu’un homme feul pût éteindre la flâme d’une femme iafcive, fi cin- quante ne ie pürent faire autrement à Pégard de Mefiline ? La matrice d’une femme eft du nombre des chofes infa- tiables dont parle Ecriture ; & je ne fai sil y a quelque chofe au monde à quoi on puiile comparer fon avidité ;. car ni l’enfer , ni le feu, nt la terrene font pas fi dévorans que fontles par- ties naturelles d’une femme lafcive. A-t-on vû plus de paflions criminel- les & plus d’éfronterie que dans Pefh- La , femmeide Titus Laveo, laquelle dé- clara hautement devant les Ediles de Rome, qu'elle proteltoit de vivre dé- formais en femme publique ? La pañion de fe joindre étrortement | aun a \ #2" confidére dans l'état du Mariage. 215 à un homme eft extrême dans Pefprit d’une femme : c’eft un apétit fans juge- ment & fans mefure ; car il s’en eft vü qui font devenuës fort pauvres pour contentér leur lafcivetc. Chloé fut la dupe de Lupercus par fa prodigalité : &c Sempronia , qui étoit fi favante , atma plutôt les hommes qu’elle n’en fut at- mée, & n’épargna non plus fa bourfe que fa renommée pour fausfaire fa pafion. Pavouë que l'amour fait des indif- crettes; mais celles qui paflent pour les plus chaftes , n’ont fouvent pas moins de flâme que toutes les autres, pour être beaucoup plus retenues. Celle-là eft chafte que l’on n’a peut- être Jamaïs priée d’amour ; & fi Pon . examinoit dans le particulier celies qui paflent pour les plus vertueufes,on trouveroit peut-être qu’elles font aufh crimineiles que les autres, & qu’il y en auroit peu de pudiques & d’honné- tes. La Matrone d’Ephèfe , dont Pe- | srane faït raconter fi agréablement à Séncque Phifloire , laquelle étoit en chafteté admiration des Provinces Tome LL | di VOI- 216 Tableau de l Amour conjugal, voifines , fe laïfla molement perfuadér à un foldat. Pénélope, qui étoit Pexemple de Ia vertu parmi les Anciens, fut fi aban- donnée à fes plaïfirs illicites pendant Pabfence d'Ulyfe fon mari, qu’elle fit un enfant, qui prit le nomde tous ceux qui avoient contribué à le faire : & Lu- créce , qui palloit parmi les Romains pour la vertu même, n’eft pas exempté de ce crime pour s’être mis Je poignard dans le fein. Si ce n’eft pas une impu- dicité d’être violée , ce ne doit pas être auf une juftice de fe tuer lorfqaue lon n'eft pas coupable : & fielle s’eft punie de la forte, elle s’eft perfuadé que le crime qu’elle avoit commis, étoit fi énorme, qu’il méritoit la mort de fa propre main. I! faut donc avouer que les femmes font naturellement portées à amour, & que leur tempérament eft l’une des caufes de cette paflion ; maïs auffi que l'éducation & la liberte qu’on leur donne aujourd’hui ne contribuent pas peu à leurs defordres ; & quoique lon uife , je ne trouve point injuite ce que | on LA confidere dans l'état du Mariage. 217 Pon ordonnoit & ce que l'on prati- quoit même autrefois à Paris, lorfque l'impudicité d’une femme étoit avérée. On faïloit monter le mari fur un âne, duquel iltenoiït la queuë à [a main; fa femme menoit l'âne, & un Héraut crioit par les ruës : L'on er fera de meme à celui qui le fera. Une prefque fembla- ble coûtume étoit étahlie en Catalo- gne. Le mart païoit amende quand la femme étoit convaincuëé d’adultére 3 comme fi par-là on eût dû plutôt im puter la faute au mari qu’à la femme. EE AE RH MER ON NO OO ET EE OR ARTICLE IIL Qui eff le plus amoureux de [homme ot: | de la femme. N confond ordinairement l’a- mour avec le plaïfir, & la chaleur avec la lafciveté ; maïs à dire le vrai, le plaïfir n’eft qu’un éfet de amour, & Ia . lafciveté ne fe trouve pas toujours avec la plus grande chaleur. Nous avons deflein d'examiner ici lequel | T 2 des 218 Tableau del Amour conjugal, des deux fexes eft le plus amoureux & Le plus lafcif, nous réfervant de traïter ailleurs cette queftion , qui prend le plus de plaïfir de Phomme ou de Ia femme, lorfqw’ils fe careffent amou- reufement. | Ceux qui veulent que les hommes foient plus lafcifs que les femmes, di- fent que l’homme à plus de chaleur, qu’il a le pouls plus ferme, {a refpira- tion plus forte , les entraïlles & la peau plus chaudes & plus féches; qu’il a plus de poil , qu’il vit plus long-tems, qu’il eft plus agiffant ; enfin qu’il ataquetes femmes avec plus de vigueur. | If eft vraï que l’homme eftbeaucoup plus chaud que la femme, & qu’il a les autres qualitez qu’on lui attribuë, mais pour cela il n’eft pas plus lafcif. L’a- mour ne trouble le plus fouvent que es foibles efprits : mais l’homme aïant Pefprit plus fort que la femme , fl n’eft pas fujet à des tranfports ni a des em- portemens fi extraordinaires ; il fem- ble que fa paffion foit en quelque façon , réglée par le jugement, au‘lieu que celle de la femme eft fans ordre & fans mefu- confideré dans Pétat du Mariage. 219 mefure; car s’il elt queflion de parier de Pamour & d’en exécuter les ordres, nous ne fommes que des enfans, au prix des femmes qui en favent plus que nous, & quinous ferotent long-teins leçon fur ces fortes de matiéres. D'ailleurs Les femmes ont Pimagcina- . tion plus vive que nous;& parce qu’el- les font ordinairement dans Poifiveté, au lieu que les hommes font dans l’em- barras des afaires, elles ont plus de loi- fir à fe reprefenter les objets qui leur peuvent donner de Pamour. Le deñr qu’elles ont de fe remplir & d’empé- cher par-là le vuide que Ia nature ab2 borre tant, eft en vérité infatiable , an leu que notre paflion eft modérée & qu’elle ne nous Invite que pour nous décharger. Auf leur imagination eft émué par deux fortes d’objets ; l’un eft de s’humecter en fe rempiiflant , & VPautre de fe défaire en même-tems de la matiére qu’elles engendrent en plus grande abondance que nous. Perfonne ne nie qu’elles ne foient plus humides que nous ; leur embon- point, leur beanté & leurs régles er 3 font 220 Tableau de P Aniour conjugal, font des marques évidemes. C’eft leuz tempérament qui leur fournit plus de femence qu'à nous, & qui les expofe fouvent aux vapeurs & à [a fureur: car fi leur femence fe corrompt, ces mala- dies en font caufces, aïnfi qu’il arriva, H n’y a pas long-tems, aux Vierges de Londur , felon ia penfée de Senert & de Duncan. Les hommes ne font pas fujets aux défordres que caufent les vapeurs d’u- ne femence corrompuë , quoiqu’en veuillent dire quelques-uns; ïls ont peu de femence en comparaifon des femmes; & ïls ne font jamaïs incom- rodez de fa rétention ; la nature a trauvé des moïens pour les en déchar- ger en dormant, lorfque fouvent elle leur fait naître des idées agréables qui la leur font épancher. Ce n’eft pas une preuve de lafcive- té que de demeurer fort peu de tems dans les carefles amoureufes; maïs c’eft plutot parce que la matiére n’eft pas tort clorgnée du lieu d’où elle fort. Les femmes y demeureroïent un jour en- éler , come fit autrefois Æeffaline, # I confidere dans Petat dan Mariage: 22% ÿ ne leur tarderoiït pas de s’en eloïgner comme à nous, après y avoir pris les plaifirs que nous en efpérions. Si les animaux qui ont le plus de femence font les plus lafcifs, nous ne pouvons pas douter que [a femme ne foit plus amoureufe que nous, puifque lPenfant qu’elle a conçü ne fe nourrit d’abord que de cette matiére, ain f que nous le prouverons ajlleurs. Nous obferverons encor parmi les ani- maux, que les plus lafcifs font les plus petits & ceux qui vivent le moins ; fs cela eft ainfi, comme perfonne n’en doute, la femme eft plus lafcive que homme, puifqu'en général elle eft plus petite & vit beaucoup moins que lur. j _ La matrice & les tefticules font des parties fituées dans le corps des fem- mes, fans être expofées comme les nôtres aux injures d’un aïr froïd qué éteint notre flame. Aufliremarquons- nous que les animaux, qui ont feurs parties génitales cachées, font plus laf- cifs que ies autres. C’eft pour placer la matrice que la nature a fait les femmes avec 322 Tableau de? Amour conjugal, avec des flancs ouverts & des hanches élevées, qw’elle [eur a donné de grof- fes fefles & des cuifles charnuës ; au Heu que les hommes ont les parties d’enhaut plus larges & plus grofles que celles d'en bas, la chaleur aïant dilaté les unes & fortifié les autres. Après-tout , s’il m’étoit permis de: joindre Pexpérience aux raïfons, je di- rois que nous n’avons que trop d’e- xemples dans les écrits des Païens, & même dans PEcriture - Sainte , qu’il n’eft pas befoïn de raporter ici. Veck- méêne & Valeria recherchérent toutes deux des carefles de leur propre pere. Aggripine fe proftitua à fon fils. Julie reçut des plaïfirs amoureux de l'Empe- reur Caracalla fon gendre, qu’il épou- fa enfuite. Sériramiss'abandonna à une infinité d'hommes. Une fille de Fofca- ne , du tems du Pape Pie F. fe fit cou- vrir d’un chien, & la plûpart desfilles Egyptiennes s’acouplent encor aujour- d’huï avec des boucs ; & je doute fort que la Satyre, que lon menaà Sylla, lorfqu’il pafloit par la Æ4acédoine, ne füt plutôt une marque de la lafciveté d'une conjidere dans l'état du Mariage. 223 dune femme que d'un homme. Je ne parie point Ici des deux Fanf- tines , ni des deux Jeannes de Naples. L’on fait qu’elles ont été rmpudiques & lafcives dès leur bas âge , & qu’elles n’ont enfuite rien éparoné pour fe bien divertir avecles hommes. Et jamaïs les Conciles d'Elibhtri & de Neéocefarée n’euflent fait des ordonnances contre les femmes, fr elles n’euffent été lafcr- ves. Le premier commanda aux gens d’Eglife mariez de répudier leurs fem- mes quand elles font dans le dérégle- ment, autrement il les prive de la com- munion à Particle de ia mort. Le fe: cond , de donner les Ordres à celui dont la femme eft adultére, à moins qu’il ne la répudie. Toutes les femmes étoïent d’un autre tempérament que Bérénice, qui , au raport de Joféphe , fe fépara de fon mari pour en être trop careffée. En éfet , une perfonne amou- reufe l’eft en toute forte d'état; ellea beau être fille ou femme , mariée ou veuve, vuide ou pleine, flérile ou fé- conde , tout cela n’empêche pas qu’el- le ne foit plus lafcive qu’un homme. Enfn, 224 Tableau de Amour conjugal, Enfin, on peut ajoûter àtout cela Pautorité des 1 héologiens & des Jurif- confulies. Les premiers avouent ingé- nüment que la pañion de l'amour eft plus excufable dans les femmes que dans les hommes ; parce , ajoûtent-ils, qu’elles en font plus fufceptibles ; & les feconds, par la même raifon, pu- niflent de mort un homme adultére , & ne foufrent pas qu’une femme foit privée de la vie pour être tombée dans un femblable defordre. Ils fe conten- ient feulement de la faire fouetter , de la tondre & de la jetter dans un Convent. I! faut donc conclure après tout ce- la , que les femmes font beaucoup plus lafcives & plus amoureufes que les hommes. Et fi la crainte & l'honneur ne Îles retenoit bien fouvent dans la violence naturelle de leur paffon , ïl y. en auroit très-peu qui n’y fuccombaf- fent, ou pour nous arrêter , ou pour nous engager, elles feroïent pour nous ce que nous avons acoûtumé de farre pourelles. Pour moi j'admire tous les jours la force d’ame de ces filles _. - confidére dans Petat du Mariage. 228. & jeunes, qui réfiflent courageufe- ment : leurs combats m’etonnent ; mais leurs viétoires me raviflent. Par tout l'amour leur tend des piéges & leur livre des combats; par tout eiles fe défendent fortement, & font beau- coup plus heuréufes en amour, qu’A- lexandre & que Cefar en vitoires. El- les font fouvent des conquêtes avant que d’avoir combatu. Maïs enfin ïl faut un jour fe rendre à cette paflion natu- relle, tant ïl eft vrar de dire en para- phrafant les deux vers d” Alceat : Qu'aifément l'amoureüx poifon S'introduit dans le cœur d’une jeune pucelle ; Et qu'une mere, avecrailon, Fait pour l'en garantir une garde fidèle, D'un ennemi qui plait, l’abord eft dangereux ; Un fige furveillant a peu de deux bons yeux, Pour être toùiours en défenfe, Argusenavoit cent, dont il découvroit tout, Cependant de fa vigilance Cupidon fçut venir à bout, * CHA» 226 Tableau de l'Amour conjagal, RS ra Gr GE Gr Le Cr Lu de Ga DL Le G LE CHA PTT ER. En quille [aifon l'on fe careffe avec le plus de chaleur © d'emprelfement. Es opinions font fi diférentes fur cette matiére dans les livres des Auteurs, & par le raport des hommes à qui J'en ai parlé , qu’il me femble im- poflible de réfoudre d’abord cette gueflion, fans diftimguerauparavantles climats & les faifons, fans prendre gar- de à l’un & à l'autre ‘fexe, & fans faire réflexion fur l’âge , furle tempérament & fur la coûtume des hommes. La chaleur eft fi diférente , felon la variété des climats , que les cfets qu’el- le produit dans les corps ne font pas femb'ables. Les Efpagnols du Roïaume d: Grenade, ont des mœurs très-élor- gnées de celles des FAESraE par Ia di lance des lieux qu’ils habitent & par 1 : diférence de {a chaleur qui les échau- fe. Et l’on ne peut douter que la paf- fin de Pamour ne {oit plus viotente dans confidéré dans l'état du Mariage. 227 dans {es uns que dans les autres. La chaleurexceffive de l'air eft ordinaire- ment la caufe de la bile & de la violen- ce de nos inclinations. Elle ouvre aï- fément les pores pour s’infinuer dans les corps; elle élargit les conduits pour faire couler plus fortement les hu- meurs , & elle échaufe les parties qui font froïdes par leur propre tempéra= ment;au leu que la froïdeur:c’eft-à-di- re, la chaleur modérée de l’air,fait tout le contraire : elle produit de {a pituite, qui caufe enfuite des éfets tout opofez. Venus ne veut que des perfonnes vi- goureufes pour exécuter fes ordres. Les jeunes gens font trop moûs & trop fcrupuleux pour cela, & les vieillards trop foibles & trop timides : ïl en faut d’un âge médiocre , depuis vingt-cinq ans jufqu’à quarante-cinq ans , pour s’aquiter parfaitement de leur devoir; & parmi tous ces âges, ïl faut encor choïiffr ceux qui font d’un tempéra- ment chaud & fec, dans lefquels la bi- le ou la mélancolie chaude domine , & avec tout cela qui foient fermes, har- dis & amoureux, Tome Z, V Les 228 Tableau de l Amour conjugal, Les Médecins difent que la coùûtumeé eft une feconde nature. En éfet, ceux qui ont accoutumé de jouir fouvent des voluptez du mariage, ont les con- duits de ia génération plus ouverts, & les parties plus groffes & plus larges que ceux qui dans les déferts & dans la {olitude ne voïent des femnies qu’en fonge. Jen prens à témoin PEmpe- reur Véror, fous le nom d’Eucolpe , & le Chevalier Claude Sénetlon, 1ous le nom d'Aftylte, à qui Pamour réitéré avoit fait de fi groffes parties, qu’on les diflinguoit par-là des autres hommes, f nous en croions l’hifloire de Pétrone. La rétention des régles & de Ja fe- mence ne caufe pas tant de deéfordres aux femmes, aprèsavoir fouvent joüt des plaïfirs de amour, qu’elle leur en caule auparavant. Les efprits & le fang , à force de paffer dans les parties fecretes de l’un & de Pautre fexe, y entretiennent une chaleur qui les di- late , au lieu que dans les parties natu- relles de ces vénérables Hermites & de ces bienheureufes Vierg=s, à peine y - _a-t-il des conduits qui y partent des efprits confideré dans l'état du Mariage. 229 efprits pourles vivifier,& des vaifleaux qui y conduifent du fang pour les nour- rir, ainf que les obfervations d’Anato- mie nous le font connorttre. Nous avons fait voir que le tempé- rament de l’homme eft diférent de ce- lui de la femme : que homme, à par- ler en général, elt chaud & fec, aw’il eft plein de bile & de mélancolie, & qu’il a d’ailieurs une ame intrépide, un, corps ferme, refferré & endurci, On fait auf que la femme eft froïde & humide ; c’eft-a-dire , moins chaude que lui:que le fang & la pituite font les deux principales humeurs, qui do- minent dans fon corps & qui le ren- dent poli, molet & délicat. Les faïfons ne font pas réglées par es Médecins comme par les Aftroio- gues. Elles n’ont pas un tems limité, felon le fentiment des premiers, niun certain nombre de jours qui les déter- minent. Îl n’y a que la chaleur & Ia froideur qui {eur impofe des bornes, Le moïs de Septembre fera PAutomne, quand ïl fera un tems inconftant & tempéré ; PEté, quand la chaleur fe ee in fera 230 Tableau de P Amour conjugal, quelquefois que d’un mois ; la rigueur du froid n’étant exceflive que pendant ce tems-la ; & le Printems en durera quatre, la douce température de Pair fe faifant connoître pendant un long ef- pace de tems. Ce font donc ces deux qualitez premiéres qui réglent princi- palement les faïfons , & non un nom bre déterminé de Jours. Nos corps reçoivent de l'air, fans pouvoir nous y opofer , les diférentes qualitez qu’il nous communique. S'il eft froid ou chaud, rude ou tempéré, 1] fait une telle impreffion fur nous, que nous en devenons fains ou mala- des , felon les divers états où l’on fe trouve, quand on le refpire & que Pon en change. Cela ctant ainfi, il me femble que Pon peut maintenant répondre à la queflion propofée , & concilier en même-tems tous ceux qui ont eu fur cette matiére des fentimens diférens. Je ne m'arrêterai point ici à en citer les paflages ni à en faire la critique. Ce feroit une chofe trop embaraflante, & | pour fera fentir avec excès : ’Hyver ne fera cenfidère dans l'état du Mariage. 23% pour les autres & pour moi-même. Je me contenterai feulement de dire ce que je penfe fur les diférentes émo- tions amoureufes que nous avons dans chaque faïfon de lPannée, & j’exami- neraï avec quel ardeur un homme & une femme fe careffent plus dansun tems que dans un autre. La chaleur exceffive de PEté nous épuife & nous afoiblittellement , que nous ne fommes pas alors capables d'entreprendre une afaïire où 1l y a beaucoup à travailler ; témoins en font les Habitans du Midi , qui naturelle+ ment font fi lâäches & fi pareffeux , qu’ils aiment mieux demeurer incef. fament dans Poïfiveté , que de mé- nager une afaire qui peut leur caufex un peu de peine. L’excès de la chaleur des moïs de Juillet & d’Août, jointe à notre com- plexion bouïllante , détruit notre cha- eur naturelle , diffipe nos efprits & afoiblit toutes nos parties. Elle produit beaucoup de bile & d’excrémens äpres, qui enfuite nous rendent foi bles & languiflans. Si nous voulons V 3 alors 232 Tableau del Amour conjugal, alors nous joindre amoureufement à une femme, nos forces nous man- quent aufli-tot, & bien qu’au com- mencement la paffion nous en fournif… fe affez pour faire quelque éfort, nous. reflentons néamoiïns bientôt après des foïbleffes & des épuifemens ex- traordinaires qui nous empêchent d’é- tre vaïllans. Et fi nous voulons nous. afoiblir tout-à-fait & nous procurer des maladies , nous n’avons alors qu’à careffer fouvent une femme. Au contraire, les femmes font beau coup plus amoureufes pendant Eté ; leur tempérament froïd & humide eft corrigé par les ardeurs du foleiïl ; leurs conduits font plus ouverts, leurs hu- meurs plus agitées, & leur imagina- tion plus émué. C’eft en ce tems-là que quelques-unes follicitent plutôt les hommes qu’elles n’en font foilict- tées, & qu’une nudité négligée de leur part, nous fait aïfément connoître qu’elles meurent d'envie d’éteindre ie. feu que la nature leur a allumé dans le fein. En vérité ces pallions M ont La confidéré dans l'état du Afariage. 233 font mal partagées. Pendant que les femmes font ardentes , nous fommes languiffans. Leur paflion ne commen- ce pas plutôt à paroître , que Îa nôtre fe diffipe , comme fi la nature nous vouloit montrer par-là que Pexcès de Pamour eft tout-à-fait contraire à la fanté des hommes. L’Automne, qui dure ordinairement peu, eft plus propre pour nous à le- xercice de amour. Bien que Pair en foit chaud & fec, il eft pourtant tempé- ré par la fraîcheur des nuits & par l’in- conftance de la faïfon. Les honimes ne font pas échaufez en ce tems-là, & leur chaleur natureile eft un peu plus forte. La diffipation ne s’en fait pas f-t16t, leurs pores n'étant pas alors fi ouverts. Cependant, parce qu’il y a peu de tems que nous fommes fortis des ar dentes chaleurs de l'Eté, &que nous, fommes tout afoiblis par les indipof- tions facheufes qui arrivent fouvent dans PAutomne , 1l faut avouer que: nous ne foinmes encor guéres en état de faire'de grands éforts dans Les caref.. fes des femmes. | Je 234 Tableau del Amour conjugal, Je n’en ofe pas dire autant d’une jeu ne filie. La chaleur qu’elle a contraäée dans le cœur par la violence de Pa- mour, & celle que l’air chaud de l'Eté précédent lui a communiquée ,ne s'é- teïgnent pas fi-tôt. Son tempérament m’eft pas refroïdi, & le mouvement de fes humeurs n°eft pas apaïfé. C’eft une mera gitée, dont le caline ne peut pa- roitre que iong-tems après la tempête. | sers fps eft incommode par ces gla- , fes neïges & fes pluïes froides; nous en fommes vivement touchez, & pos parties amoureufes,qui font expos fées au-dehors,enreffentent fouvent de f fâcheufes ateintes,que fi dans ke Sep- tentrion on n’avoit foin de fe les cou- vrir avec des fourrures, on courroit rif- que de fe les faire couper & de perdre enfuite la vie ; parce qr’elles font d’un tempérament froid & fec, & qu’elles ne font échaufces que par les efprits qui y font portez en abondance; je ne m'étonne pas fr eiles fe retirent vers le ventre pour fe conferver pr la chaleur gu’eiles y rencontrent. Ceft eñ Hyver que nous faïfons beaucoup de ge confidéré dans Petai du Mariage. 23% & de cruditez, & bien que nous aïons plus de chaleur naturelle qu’enEté,nous ne laiflons pas dans cette faïfon d’être prefque auffi lents que dans Pautre. Ce iveft pourtant pas ce que penfent plufieurs , qui croïent que l’'Hyver ef une faïfon où lon fe careffe avec le plus d’ardeur & de paffon. Car, di- fent -ïls, nous mangeons alors beau. coup plus, nous fommes plus agiles, & notre chaleur naturelle femble être beaucoup plus forte. Si ceux qui raïfonnent de Ia forte prennent lHyver pour une faïfon tem- pérée & exempte de grands froids, ainf qu’il arrive dans les païs du Mi- di , je feroïs fans doute de leur fenti« ment : mais s'ils vouloïent qu’un Sué- dois, qui eft près de cinq mois danses glaces & dans les frimats de fon païs, eût dans PHyver des empreflemens amoureux ; je ne faurois foufcrire a cette penfée. Cet homme , quelque vigoureux qu’il fût, eft fi pénétré de froïd , que Fenus , que les Poëtes ont crû être faite de la partie Ia plus chau- de des eaux, ne fauroit l’exciter, i luf axe 236 Tablean del Amour conjugal, fait naître dans le cœur aucune ardeur, Les femmes font encor plus languif- fantesenHyver que nous ne le fommes: leur tempérament froid le devient en cor plus; & lPamour ne s’eft jamais fi bien fait connoiïtre parmi elles dans les contrées du Septentrion , que dans celles du Midi. I oute la nature eft en ce tems-là en repos : pas une plante ne fe difpole à la produ&ion ; & les arbres ne nous donnent prefque aucune mar- que de vie, If n’y a que Le Printems quinousinf- pire du courage & de la vigueur pour Pamour : maïs c’eft ce beau Printems, qui n’eft plus acompagné de gelées ni de frimats. C’eft cette aimable faïfon où toute la nature , par fon verd & par fes fleurs, ne refpire que production. Alors {e fang bouïllonne dans les vei- nes de l’un & de Pautre fexe, & fur le gazon, nous contons fouvent notre martyre à une belle, pendant que le roffignol conte le fien à l’éco des forets. Nous ne manquons alors ni de dif- pofition ni de matiére pour fatisfaire : notre paflion autant de fois qu’elle | nous confidéré dans l'état du Mariage. 237 nous excite. Nous faifons aflez de fang pour nous foûtenir dans lexercice amoureux, & lair froid ne nous em- pêche plus d'agir avec liberté. Tout nous in{pire de Pamowur ; il n’eft pas jufqu’aux oïfeaux & aux infees , qui dans le mois de A4 ne fe careffent avec plaifir. L'amour qui fe fait reffen- tir en cetems-là plus que dans un au= tre, eft peut-être {a caufe de ce que on dit ordinairement, que les enfans en- gendrez au mois de Æfai, font le plus fouvent, ou fois ou hébêtez : on y va alors avectrop d’ardeur ; & les éforts trop fouvent réitérez font fans doute la caufe des défauts qui fe remarquent aux enfans qui font produits en ce tems-là. C’eft pour cela fans doute que les Romaïns défendoiïent avec tant de févérité de-faire des nôces au mois de Mai, & que dans ce même moïs ils en faïfoïent fermer tous les Tem- piles , pendant que Pon célébroit Îles Fetes Lémuriennes;parce qu’ils croïoient que les nôces étoïent alors malheureu- fes, & que les enfans qui étoïent con- çüûs dans cette faïfon, étoient trop vifs, trcp 238 Tableau de P Amour conjugal, trop pétulans & trop étourdis. Cepen= dant c’eft la faïfon , dans laquelle les hommes les plus fages & les plus fpiri- tuels ont été engendrez , pourvû tou- tefois que leurs peres n'aient pas pris de trop fréquens ni de trop violens plaïfirs en les engendrant. Nous pouvons donc dire que le Printems ef la faifon où les hommes & les femmes font plus amoureux. I nous fait naître des envies naturelles de nous joindre amoureufement les uns aux autres, & nous y fommes princi- palement conviez par les exemples qu’il nous en fournit de toutes parts; LÉLELIILILLIILILTILILILE. LL. LIL. LLLS | ARTICLE L À quel heure du jour on doit baïfer amoureufement fa femme. L- À bonne digeftion de l’eftomac ne contribue pas peu à notre fanté ; f: elie eft bien fañe , notre chyle eft bon , notre fang eft pur , nos efprits font agitez & pénétrans , notre femen- <= confidére dans l'état du Mariage. 239 ce eftépaifle & féconde , toutes nos parties folides font robuftes : en un mot , nous jouiflons d’une fanté par- faite. Maïs fi quelque chofe trouble Fattion dé notre eliomac, nous fom- mes pleins de cruditez;uotre fang n’eft que pituite, noselprits qu’une eau lan- guiffante ,. & notre femence que du phlegme. Nous reflentons au-dedans de nous des indigeftions & des foiblef- fes , qui nous empêchent d’être en état de faire aucune action de vigueur. Entre toutes Îles caufes qui ruinent notre eftomac , & qui en afoibliffent la digeftion, il n’y en a point de plus for- te que l'amour. IE nous épuife de telle force , par la diffipation de notre cha- leur naturelle & par la perte denos ef- prits, qu'après cela nous en reffentons de Pincommodité dans les principales parties qui nous compofent. L’eflomac, qui eft la partie qui con- tribuë le plus à la fanté , quand il fait bien fa fonction, eft donc le premier ataqué dans les excès de amour. Mais le cerveau & les nerfs n’en foufrent pas moins; & leur foufrance a été quelque- Tome Z X fois 340 Tableau del Amour hé j fois jufques-là dans quelques hommes; qu’ils en ont perdu lefprit, & Poppée dans Pétrone craïgnoït fort que ÆVeéron n’en devint paralitique. Toutes les parties fpermatiques étant naturellement froides, font afoi- blies par l'excès de l'amour. L’eflomac, quieneft une des plus confidérabies, n’eft pas des derniéres à s’en reflentir , & Pon peut dire que c’efl elle qui eft la fource de toutes les incommoditez, quand nous abufons de ces plaïfirs: Puifque Vers eft donc une des cau- fes étrangéres qui eft la plus contraire à notre vie , quand nous nous y adon- nons avec excès où à contre-tems, & que d’ailleurs , felon Pexpérience que nous en avons, elle entretient notre fanté, lorfque nous en ufons à propos, examinons quelle heure du jour eft la plus commode pour n’en recevoir au- cune incommodité. Ce ne font niïles divertiflemens du Jour ou de la nuit, ni les plaifirs du matin ou du foir qui nous caufent des Incommoditez. Que ce {oit avant ou es le iommeiïl que nous nous jet- tions éd confidére dans état du Mariage. 24% tions entre les bras d'une femme, ce n’eft pas ce qui détruit notre fanté, &e qui nous fait des foïbleffes d’eflomac & des nerfs, ni des maux de tête pe- fante. Tous les défordres qui nous viennent dés femmes , ne naïllent que de l'excès de notre paflion & de loca- fon que nous ménagons fouvent fort mal lorfque nous voulons Îles carelier. Si notre paffion étoit modérée & que nos emportemens amoureux fuflent mieux réglez, f avec cela nous Îles baifions, quand nous ne fonnnes ni trop vuides ni trop pleins, je fnis affü- ré que Venus, bien loïn de nuire, en- tretrendroit la fanté d’un jeune hom- me, car ce qui ef felon les loix & la nature, ne peut nous caufer de mal, fi nous n’en abufons. Quelques Médecins penfent que les plaïlirs amoureux que nous prenons pendant Le jour, font plus funeftes que ceux de la nuit; & que comme les ca- refles des femmes nous épuifent excef- fivement, nous devons être en repos après les avoir faites, & réparer par le fommeil & la tranquilité les efprits que Aa nous 242 Tableau de! Amonr conjugal, nous y avons perdus ; au lieu qu'après les ocupations ordinaires du Jour, nous nous fatiguons encor auprès: d'une femme ; & nos lafitudes ne fe guérif- fent pas par d’autres laffitudes. Hi y en a d’autres qui s'expliquent mieux là-deflus , & qui croient que le point du jour eft temsle plus pro- pre à fe careffer. C’eft alors, difent-ils, que nous fommes dans un état moins inégal ; que nos forces ne font pas diffipées par les adions du jour ; que notre eftomac n’eft point acablé par Jes alimens, & que le fommeil a multiplié nos efprits & fortifié notre chaleur naturelle. Nous n’apréhen- dons point alors les cruditez , qui fou- vent nous incommodent. La coction eft achevée , & les nerfs tout pleins defprits ne fe relâchent point fi promptement. C’eft ce que nous veut dire Hypocrate , quand il met par ordre ce que nous devons faire pour con- ferver notre fanté, & qu’il nous con- feïlle le travaïl avant le manger & Ie boire , & le fommeiïl avant Venus. En éfet , l'aurore qui répond au Prin confidére dans l'état di Afariast. 24% Printems , paroït plus commode pour la génération : car après qu’un homme s’eft agréablement diverti avec {a fein- me, & qu'il s’eft un peu endormi après fes plaïfrs légitimes , il répare aïnfr toutes {es pertes qu’il vient de faire, & guérit les laffitudes qu’il vient de gagner amoureufement. Après cela ïl fe leve & va où fes occupations or- dinaires lPapellent , pendant que fa femme demeure au fit pour confer- ver le précieux dépôt qu’il vient de lux confier. C’eft ainf qu’en ufent fa plü- part des artifans , qui fe portent fi bien & qui ont des enfans fi bien faits & fi robufles : car après s'être laffez du tra- vail du jour précédent , ils atendent prefque toüjours l'aurore à poindre pour embraffer leurs femmes. C’eft par-là fans doute qu’ils évitent les in- commoditez qu'ont les autres hom- mes , qui fans faire réflexion à {eur fanté , s’abandonnent à toute heure à la violence de ieur pañion. Zous les Médecins demeurent d’a-- cord qu’il ne faut pas baïfer {a femme à jeun, parce que l’on ne doit point tra= X 3 vails 2AA Tableau de l Amour conjugal, : vaïller quand on a fair. letravaïl épui- fe & defleche nos corps, maïs le tra- vail de l’amour énerve entiérement. Nous devons au contraire nous ré- jouir avec elle, felon la penfée de quel- ques-uns, quand nous avons le ventré médiocrement plein; car c’eft en ce tems-là, difent-ils, que par la chaleur & les efprits que les alimens nous com- myniquent, il nous vient je ne farquel- le envie de les toucher ; après-quoi nous pouvons réparer par le fommeïl Ja perte que nous avons faite , le repos étant l’unique reméde pour ces fortes de faffitudes. | Mais à parler franchement, il y a quelque chofe à dire fur toutes ces opt: nions. Le jour n’a rien de facheux, ni la nuit rien de favorable pour la- mour; au contraire, on diroit que Île jour a quelques atraits que [a nuit n’a pas, notre paflion fe réveille & s’ex- cite de nouveau ala vue d’une belle perfonne, & la lumiére d’une bougie ne nous la fait pas paroïître avec tant de charmes que celles du foleïl J’en apel- le à témoin S. Grécoire de Nazianze, qui L confidéré dans l'état du Mariage. 24% qui à foïxante ans fut tellement épris de la beauté de la femme de fon voïfin, qui logeoit vis-à-vis de fa maïfon de campagne, qu’il fe réfolut à abandon- ner fa demeure, pourne pas fe laïffer furprendre aux atraits de amour. Au refle , le matin ferotitle véritable tems de nous embraffer, finous avions quelque chofe de bon dans l’eflomac, & fi toutes les co&ions qui fe font en nous nétoient point acomplies. Maïs én ce tems-là il ne fe trouve dans notre eftomac que la pituite & des cruditez, qui font des reltes de notre dernier re: pas, & qui ne font capables d’être émués par les plaïfirs de amour que pour notre perte. C’eft à caufe des cru- ditez matiniéres, que les Médecins, pour conferver la fanté, confeillent de manger un peu le matin , afin que la digeftion fe faifant par les alimens quon a pris, l’eflomac foit déchargé des ordures qui s’y étoient affembiées pendant le fommeiïl, & foït enfuité plus pur pour recevoir ce que nous voudrons lui donner à diner. Sinous embraflons donc amoureu- fement 246 Tableau del Amour conjugal, fement une femme aïant Peflomac vur- de, nous langui{Tons un moment après, nous reflentons plus fortement les douleurs & les foïbleffes que caufe cet épuifement. Nous avons perdu de no- tre chaleur & de nos efprits par ces ca- refles , & nous n’avons pas chez nous de quoi les réparer auffi-tot. Bien loin de les réparer ,nous augmentons par- Ja les cruditez que nous avons ; & par les mouvemens pafionnez de la- mour , nous les contraïgnons de fe méler parmi notre fang & d’en cor- rompre la mafe. Pour réfoudre donc la queftion, après avoir dit ce que l’on peut dire fur cette matiére , on me permettra de n’obferver ni le jour ni la nuit, ni les heures ni ies momens ; maïs la feu- le difpofition dans laquelle nous fom- mes, quand nous fentons les éguilions de Vénus. Si par hazard nous nous fentons pe- fans ; fi une douieur de tête nous aca- ble, qu’une pefanteur de reins nous preife , que nous foïons chagrins & mélancoliques, fans en avoir de fujet, & confidéré dans l'etat du Mariage. 247 qu'avec cela, contre notre coûtu- me, il y ait fong-tems que nous n’aions careflé de femme , alors on ne doit point obférver de tems ni prendre de mefures. I nimporte d’embraffer une ‘femme à jeun ou après le repas , le matin ou le foir , quand ïl eft queftion de nous défaire d’une matiére qui nous incommode. On fe délafle , lorfque Von change d’ocupation ; le travail amoureux nous paroit doux après les ocupations ordinaires du Jour, nous nous fentons plus lecers & plus gaïs, la digeftion fe fait mieux, notre fang s’agite avec plus de liberté ; en un mot, notre. corps ne nous embarafle plus comme auparavant. Mais il ne faut pas fe trouver dans ces fortes d’ocafions , qui font plus rares que lon ne fe perfuade, parce que la nature pendant le fommeil nous décharge fouvent de ces humeurs fu- perflues ;'après cela il n’en refle plusle lendemain pour nous faire de [a peine. Sr nous nous trompons, & que nous penfons être incommodez de beau- coup de femence,lorfque nous Res LITE malas 248 Tableau de l Amour conjugal, malades d’une autre caufe nous en ref. fentons aufli-tôt des éfets malheureux, & à peine pouvons-nous enfuite répa- rer la faute que nous avons commife,. Il vaut bien mieux atendre que la premiére digeftion foit faite, & que la feconde s’acomplifle, que l'eflomac fe foit déchargé de ce qu’on luïa don- né à digérer , & que le cœur, le foie & les autres vifcéres fanguins.achevent de changer en fangle chyle qu'ils ont nouvellement recû : alors tout notre corps eft plein de chaleur & d’efprits, & notre eftomac a été depuis peu fatis- “fait & raffafié , notre cérveau & nos nerfs font vivifiez par de nouveauxef- prits, qui en fourniffent incefflament à nos parties naturelles. Ainfi quelqu’é- fort que nous faffions en ce tems pour nous épuifer, nous recevons-fans cef- fe au-dedans dequoï réparer la perte que nous venons de faire. Après ces grandes maximes,qui font établies fur l’expérience, j’ofe dire qu'il y a dans 24. heures deux tems confidérables pour obéir à Pamour ; Pun eft à 4. ou 5. heures après diner, & | _ Fau- confidéré dans l'état du Mariage. 249 l'autre à 4. ou 5: heures après fouper, Alors nôtre corps n’eft ni trop plein nf trop viude,la cotion de notre eftomac eft en quelque facon acomplie nos en- traïlles font réjouies par Pabord d’une nouvelle humeur ; notre chaleur natu- relle eft récréée; nos efprits font muiti- pliez; & quand nous en diffiperions beaucoup dans :ce moment, nousen aurions toûjours aflez pour n'être pas incommodez de leur perte. C’eft en ce tems-là que nos embrafflemens ne font pas inutiles ; bien Join d’en reffentir des douleurs & des vertiges, nous en avons de la joie & nous en recevons du foulagement ; fi bien qu’il me feroiït permis de dire, felon Pavis d’Æermoge- ze, que lanuitles plaïfirs de l'amour font doux, & que le jourils font fa- lutaires. Ce queje trouve pourtant de plus avantaseux dans lPune de ces deux ocafons, c’eft que nous nous forti- fions par deux moïens; lorfque nous Careflons une femme après diner , nous réparons en partie nos forces par le fouper , nous les augmentons tout- àS à-fait x 250 Tableau del Amour conjugal, . à-fait par le fommeiïl de la nuit fuivan- te ; au lieu que ffnous [a baïfons après fouper , nous n'avons que ie repos de la nuit pour réparer ce que nous ve-= nons de perdre. Les oïfeaux, qui ne fuivent que les mouvemens de la nature , pour ne pas parler ici des autres animaux, ne fe joignent le plus fouvent que le foir. On entend alors de toutes parts :au. mois de Maï le mâle apeller fa femel- le , & la femelle répondre à fon mâle. La chaleur du jour les a difpofez à fe carefler ; les alimens qu’ils ont pris pendant le jour ont échaufé leur fang, & l’humeur qui s’eft engendrée dans leurs parties amoureufes depuis le foir précédent , les irrite alors à s’en dé- : charger. Pius les plaifirs font grands , plus ils nous caufent de maux, quand nous ne prenons pas aflez de précautions pour nous garantir de feurs apas. Sous cette aparence de volupté, il fe glifle inceflament des caufes de dou- leur & de chagrin , & nous prenons volontairement ce fin poïfon , dont méme _confidéré dans Péiat du Mariage. 25% même nous ne nous apercevons pas. Si amour nous fait reflentir la poin- te de fes fléches , & qu’il nousembrä- fe le cœur après Ja débauche , ainfi qu’il ne manque pas de faire à ceux qui font les plus lafcifs , nous devons en ce tems-là faire tous nos éforts pour éviter fes atraits, fi nous fommes en état de les connoître. Nous favons que le vin nous rend hardis & amoureux, mais aufl; qu’il étoufe peu-à-peu notre chaleur naturelle , f nous en prenons avec excès. Nous paroïflons à la véri- té plus gaïs & plus enjouez après avoir bien bü , & nous fommes alors capa- bles d'entreprendre plus que dans un autre tems. Peut-être que nous reffem- blons à un arbre , au pié duquel on jet- te de la chaux pour en échaufer les ra- cines, le fruit en vient plutot, & il eft même beaucoup plus coloré; maïs lar- bre apres cela ne vit pas long-tems : & fr Pamour & le vin agiflent également fur nos parties , il ne faut point dou- ter qu’ils ne nous incommodent dou- biement. . /Oa doit donc éviter toutes les oca- Tome Z ) à fions 2$2 Tableau de P Amour éonjngal, £ fions qui nous peuvent donner de Paz mour, äprès avoir fait la débauche, f nous voulons éviter des maux dont fouvent nous ne connoïffons pas les fuites fâächeufes. ” Les épuifemens qué nous foufrons d’ailleurs, joints aux plaïfirs que nous prenons à contre-teims avec {es fem- mes, ne peuvent que nous incommo- der de la même forte ; &i Je ne confeil- leroïs jamais à un Roëste d’embraffer fa femme après une fargnee., un flux de ventre, ou une maladie confidéra- ble, à moins que de ne vouloir abréger fa vie. Car Venus ne peut être agréable après d’autres épuifemens;quelque rO- bufte que foit un homme, il ne fauroit éviter les accidens funeftes que peu- vent lui procurer ces plaïfirs déréglez. Jai connu des hommes, qui n’étans pas encor tout-à-fait guéris d’une ma- ladie aigue, font morts bien-t6t après avoir careflé leurs femmes , quoiqu’il n’y eût aucun figne qui nouseut donné des marques de ieur mort , & a: jour- d’hui j'en connoïs même d’autres qui n’en peuvent revenir: Ce= confidéré dans l'état du Mariage. 25% Cependant, s’il faut faire une fois une faute , il vaut beaucoup mieux fe joindre à fa femmele ventre plein que vuide , les accidens n’en font pas fi fâcheux, & nousavons plus de remé- des pour fubvenir à la plénitude qu’aux épuifemens. L'expérience nous a apris jufqu’ict que les femmes doivent obferver les temsipour être careffces. Les humeurs qu’elles épanchent , lorfque nous les embraflons, ne font pas fi fpiritueu- fes que les nôtres, & leur foiblefle ne vient pas tant de la perte’de leur ma- tiére,que de l'excès du chatouïllemient & de la laffitude du mouvement de Pa- mour : au lieu que la nôtre eft caufée par la difipation de nos efprits & de nôtre chaleur naturelle. Si bien qu’on peut dire que les femmes le peuvent faire en tout tems, & que les hommes doivent prendre des précautions, puif- que l'expérience nousle fait connoitre, Y2 ARTE 254 Tableau del Ainour conjugal , DER PER SE EICHER EE HEC EH ARTE CPRRRE Combien de fois pendant une nuit Don peut career amoureufement [4 femme. T A vanité eftune paffion naturelle à l’homme : il s’y laïffe aller quand il y penfe le moins ;:& nous pouvons dire , fans exagération , qu’elle eft un des plus grands maux auxquels il eit fujet. En éfet , Phomme r’eft qu'un fonge de l'ombre, finousen voulons croire un Poëte Grec ; & à le bien confidérer , il n’eft que foiïblefle & que mifére. Il ne paroït jamaïs plus ri- dicule & plus foïble que dans la vanité; & c’eft fans doute ce qui obligea Dé- nocrite à fe moquer de lui. Maïs il n’y a point d’ocafons où Ia vanité fe faffe voir davantage que dans les matiéres de Pamour, quand pour nous faire admirer , nous nous atri- buons des exploits que nous n’avons jamais faits. C’eft ainf que l'Empereur Proculus nous en impofe, lors qu’écri- van confidere dans Pétat du Mariage. 255 vant à fon ami Aérianus , il nous veut perfuader qu’aïant pris en guerre cent filles Sarmates , il les avoit toutes baï- fées en moins de quinze jours, & le Poëte qui eft le maitre de la galante- rie, fe vante aufli de lavoir fait neuf fois pendant une nuit. J’avouë que nous fommes vaillans en parlant de Pamour ; maïs nous fom- mes fouvent bien lâches quand ïl faut exécuter fes ordres. Ce n’eft pas affez que de badiner avec une femme, ïl faut encor quelque chofe de réel, par où if paroïffe qu'on eft homme & qu’on peut produire fon femblable. Je fai qu’il y en a qui font d’un tem- pérament fi lafcif, qu’ils pourroïent baïfer plus d’une femine plufieurs nuits de fuite : ils fe fentent prefque toûjours en état d’en fatisfaire quelqu’une : mais enfin fils s’afoibliffent , & ils s’'énervent d’une telle façon , que leur femence r’elt plus féconde , & que leurs parties naturelles refufent mêine de leur obéir, L'Empereur Véro ne fut pas le feul qui manqua de force & de courage en- tre les bras de la helle Poppée ; comme | X' 2 le 256 Tublean de l Amour conjugal, le raporte Perone. Nous en avons au- mr une infinité d’autres exem- piles; & s’il m’étoit permis de nommer les perfonnes qui ont paru épuifées & impuiflantes entre les bras des belles qu'ils aimoient, j'en rempliroiïs plus d’une page de ce Livre. I! faut tenir pour fabuleux ce que Crucius nous raporte d’un ferviteur , qui engrofa dix fervantes pendantune nuit, & ce que Clement Alexandrin nous dit d'Hercules, qui aïant couché pen- dant 12. ou 14. heures avec 5e. filles Aibénienges , ieur fit à chacune un gar- çon, qu’on apellaeniuite les Thefpiades, Nous favons , ainfi que nous l'avons remarqué aïlleurs, que la femence de Phomme eft confervée dans des réfer- voirs { k) & dans des plandes, (7) qui font à ia racine de la verge : que ces ré- fervoirs reflemblent à de petites vef- lies, qui ont communication Îles unes avècles autres, & qui font arrangées à peu prés com: me font les places d’une grenade dont on a ôté les grains. y en a 3. Ou 4. de chaque coté, ou plü= ttiinyena qu’une qui a | plutieurs pe- Lites confideré dans l'état du Mariage. 257 tites cavitez. Ces vefhes, aufli-bien que ces glandes, font pleines de fe- mence dans un jeune homme qui fe porte bien, & qui d’ailleurs eft d’un tempérament amoureux, fr bien que l’une & Pautre de ces parties peuvent à peu près contenir autant de femence qu’il en faut pour 3. ou 4. épanche- mens, & il s’en peut même trouver en- cor pour un autre danses vaïfleaux qui viennent des tefticules. Je ne fuïs pas ici fi exa& que ceux qui difent qu'il ya de trois fortes de femences , qui ont chacune leur vertu. Je fuis convaincu par lexpérience , qu’il ny en a que. d’une forte, que l’on voit fortir de [a verge. Et bien que lon en trouve en divers lieux de plus liquides & de plus épaifles ; cependant parce qu’elles fe mêlent enfemble , lorfqu’elles fortent, elles ne paroiïffent que d’une feule matiére & que d’une feule confiftence. Dès que l'imagination eft touchée , & que les petits fibres du cerveau font ébranlées par la penfée de amour , il fe fait auffi-1ôt une fueur interne dans nos parties 1 naturelles, & les efprits qui s’ Y 258 Tableau del Amour conjugal, s’y portent avec tumulte & précipitas tion , font fortir des proftates ( /) une matiére liquide , qui prépare le con- duit pour le paffage de 1a femence ; mais quand on s’eft joint amoureufe- ment à une femme , alors 2. ou 3.peti- tes veflies, ( À) qui font les plus pré- tes à fe vuider, fe vuident incontinent, & par-là on donne des marques que Pon eft homme parfait. Cependant la naturetâche de répa- rer un moment aprés ce que l’on vient d’épancher , & puis Pon eft bien-1ot encor en état de joüir des voluptez de Famour, & on épanche une feconde fois l'humeur qui fe trouve la plus dif- polée à fortir. La nature, qui dans cette ation n’a pour but que la génération des hom- mes, raflemble encor promptement la matiére dont elle a befoïn. Elle difpo- fe cette huümeur à fe répandre quand Pon voudra ; fi bien que l'imagination étant inceffament émuë par la beauté & les charmes de la perfonne que Pon tient entre fes bras, la paflion fe réveil- le, & les parties naturelles fe wouvent EnCOx confidére dans Pétat du Mariage. 259 encor en état de lui obéir. On fe lie donc étroitement à elle , & on lui fait part une troiliéme fois de ce que Pon a de plus pur & de plus précieux. Silon veut aller plus loin, & que le cœur foit encor embrafé, pendant que les parties naturelles commencent à perdre leurs forces, par la diffipation de notre chaleur naturelle & de nos efprits , la nature fait encor un éfort pour ramafler ce qui refte de matiére dans les veflies féminaires ( £) & dans les parties voilines. I femble qu’elle les prelfe de toutes parts, & qu’elle fe pré- pare à faire fortir avec empreflement cette humeur, qu’elle a raffemblée avec tant de promptitude. Il fe fait alors un nouveau concours d’efprits, & le feu qui paroïfloit auparavant éteint, fe ral- lume dans le moment & fe fait reflen- tir aux parties naturelles. C’elt alors qu’un homme carefle encor amoureu- fement une femme,qu'il la preffe étroi- tement , & qu’il peut même la rendre féconde par fes épanchemens réitérez. + Enfin après s'être repofé quelque- tems & avoir un peu réparé par le pe mel 260 Tableau de l Amour conjugal, meil :es efprits diflipés,on fetrouve en- cor près d’une perfonne que l’on aime éperdument, les carefles font récipro- ques , quoiqu’ii femble qu’elles foïent alors plus preffantes du côté de la fem- me, qui commence à s’'échaufer, quand l'homme eft épuifé, & qui Pinvite à cette heure, au lieu que l’homme Pinvitoit au commencement. Après tout, on fe fent encor ému, & les parties naturelles, de flétries qu’elles étoient auparavant, commen- . cent à fe roïdir. La nature ramafle des parties voifines ce qu’elle peut defe- mences , elle en tire même des tefticu les, afin de la difpofer à un cinquiéme épanchement. J’avoué qu’elle ne peut faire cela fi- 1ôt,& qu’il faut du tems pour remplacer par la imatiére qui s’eft depuis peu ré- panduë. Néamoïns de tous les éforts qu’elle fait en nous, il nyenapas un “de plus prompt ni de lus violent , que celui avec lequel elle entreprend Ja génération. # Fe imagination s’échaufe Fe, r, & Pon ne manque ni de couragé. ni _ confideré dans l'état dn Mariage. 261 ni de matiére pour faire un nouveau facrifice à l'amour. Les parties natu- relles ont äflez d’efprits pour fe tenir quelque-tems en état de faire leur de- voir, & aux moindres carefles d’une femme, on fembrafle encor & on lui fait part de l'humeur qu’elle defñre avec tant de paffion. Mais s’il y fautretourner une fixié- me fois, quoïque nous éprouvions en cor une envie fecreite de continuer nos careffes amoureufes , nos parties {ont pourtant glacées; & fi après l’é- puifement qu’elles ont foufert à cinq diférentes reprifes, il en fort encor une humeur; c’eft une matiére crue & aqueufe , qui n’eft point propre à la gé- nération , ou du fang vermeil, comme celur d’un poulet que lon vient d’é- gorger, qui ferépand quelquefois en telle abondance par ia fotbleffe des parties naturelles , que l’on a bien de la | à en revenir, témoin un galant omme de ma connoïffance , qui vit encor , mais qui vit miférablement, le- quelaprès avoir embrafle deux Cour- Mianes cinq fois dans une après-dince, ren- 262 Tableau del Armour conjugal, rendit par [a verge, à la fixième fois; lus de deux onces de fang. I! faut donc croire que les plus grands éforts que l’on puiffe faire auprès d’u- ne femme pendant une nuit , ne fau- roient aller qu’à quatre ou cinq em- brafemens. Tous ces grands excès d’a- mour que l’on nous raconte , font au- tant de fables que lon nous debite ; & f nous en voulions croire les hommes fur ce qu’ils nous difentlà-deffus , fans confulter la raïfon , nous nous laïfie- rions aller auffi-bien qu’eux à limpof- ture & à Ia foiblefle d’ame. Un Roi d’Arragor rendit autrefois un Arrêt autentique fur cette matiére. Une femme mariée à un Catalan, fut obligée de fe jetter un jour aux piez du Roï, pour implorer fon fecours fur les fréquentes careffes de fon mart, qui, felon fon raport , lui ôteroït bien- 1Ôt la vie, fi Pon n’y mettoit ordre. Le Roi fit venir le mari pour en favoir la vérité. Le Catalan avoüa fincérement que chaque nuit 1l la baïfoit dix fois. / Sur quiie Roï lui défendit, fur peine. de la vie, de la baifer plus de fix fois, de conjidere dans l'état du Mariage. 263% de peur qu’il ne laccablät par les ex- cès de fes embraffemens. | Je fai que ies Efpagnols, qui demeu- rent dans un pais chaud , font beau- coup plus amoureux que nous ne ie fommes en.France. La chaleur excef- five de leur climat, leurs alimens fuc- culens , leurs femmes renfermées & voiïlées , le tempérament bilieux & mélancolique des hommes , qui aïi- ment naturellement Poifivété,font fans doute les caufes de leur iafciveté ordr- naïire : au lieu qu’en France, la chaleur eft modérée , les alimens nourriffent moins , les femmes font libres, & eiles- vconverfent avec nous ; les hommes font moins biliéux & moins mélanco- liques : enfin nous nous apliquons à quantité de chofes, & loiliveité nous eft naturellement odieufe. Si bien qu’à parler en général, fiun Efpagnol peut baïfer fa femme fix fois pendant une nuit , un François ne la pourra ca- relier que cinq. | Les Rabins , qui n’avoient en vüe que a confervation de leur Nation, jaxoient le devoir qu’un Pzi/4s devoit nu Torue L Z Ten 264 Tableau de P Amour conjugal , rendre à fa femme, à une nuit par fe: maine ; celui d’un Marchand ou Poitu rier à une nuit par mois ; celui d’un Matelot à deux nuits par an; celui d’un homme d'Etude à une nuit en deux ans. Je fuis afluré que fi les femmes faï- foient les loiïx, elles n’en uferoïent pas de la forte, témoin la femme d’un Avo- cat qui fur cela me dit Pautre jour fort ingénument, qu’elle eut mieux aimé avoir été la femme du Païfan que de tous les autres. Les Anciens avoient acoütumé de mettre Mercure près de Venus, quand ils faifoient le portrait de cette Déelfe, our nous aprendre que la raïfon dont ils penfoient que ÆAfercure étoit le Dieu , devoit toüjours ménager nos voluptez. En éfet , nous les goütons avec plus de tranquilité , lorfque Pufa- ge n’en eft pas f fréquent. Souvent nous nous dégoûütons des alimens que nous avons en abondance, & quelque- fois nous fommes bien-aïfes de quitter la table des Grands pour celle d’un pauvre homme. Sila modération eft louable en quel- que confidére dans l'état du Alariage. 265 que chofe , c’elt fans doute dans la- mour. Solor , qui fut eftimé de POracle, un des plus fages de la Grece, pré- voiïoit bienles malheurs qui devotent arriver aux hommes par l'ufage indif= cret de l'amour, lorfqw’il ordonna à fes Citoïens qu’il ne falloit baïfer fa fem- me que trois fois le mois. Les carefles trop fréquentes des fem- mes nous épuifent entiérement ; au lieu que fi elles nous font modérées, notre fanté s’en conferve & notre corps en devient beaucoup plus libre qu'auparavant : fi bien que je ne con- feïlieroïs pas à un jeune homme, ni de fuir Venus avec horreur , ni de fe laïffer aller à fes charmes avec trop de molef- fe & de complaifance. Je feroiïs ici le fouhait qu’Euripide faïloit autrefois en parlant à Venus : Vénus, en beauté fi parfaite, Infpire de grace à mon cœur » Ta plus belle & plus vive ardeur; Et rends dans mes amours mon ame fatisfaite : Mais tiens fi bien la bride à mss ardens defirs ; Que fans en reflentir ni douleur ni foibleffe, Jufques dans l'extrême vieilleffe Je prenne part à tes plaifirs. | FAT Je 266 Tablean del Amour conjugal, Je ne fauroïs louer ie Philofophe Acas, quine baifa fa femme que trois fois pendant fon mariage , bien qu’il dur fit un garçon chaque fois. Pour Xe- nocrate , qui parut plutôt une pierre qu’un homme auprès de la Courtifane Phryne, on doit croire que ce fut un éfet de la continence , qu’il devoit à étude de fa Philofophie , plutôt que le défaut du mouveinent de fes parties zaturelles. Le tempérament , Pâge, le climat, la faifon , & la façon de vivre , régient toutes les carefles que nous faifons aux zmmes. Un homme de 25. ans, qui eft d’une complexion chaude , rempli de fang & d’efprits , quihabite les plaines fertiles de Barbarie , qui eft lun des plus aifez de ces contrées-là, baïfera plutôt cinq fois une femme pendant une nuit du mois d'Avril, qu’un au- tre de 40. ans, qui eft d’un tempéra- ment froïd, & demeure dans les mon- tagnes ftériles de Suéde, & quiavec ce- 3a a de la peine à vivre , n’en connoï- tra une autre deux fois pendant une du mois de Janvier. | Les SAS confidéré dans Pétat dn Mariage. 267 Les femmes n’ont point leurs volup- tez bornées comme nous les avons ; autrement les Nobles de Lithuanie ne permettroient pas aux leurs, comme ils font, d’avoir des aïdes dans leur ma- riage. En éfet, les femmes ne fe fen- tent pas épuifées, quand même elles foufriroient long-tems de fuite Îes ata- gues amoureufes d’une multitude d'hommes. Témoin l’impudique 44ef- fäline & Vinfâme Clcopatre. La premiére aïant pris le nom de Zycifca, fameufe Courtifane de Rome, furpañla de 25. coups en moins de 24. heures, dansun lieu public, la Courtifane que lon ef- timoit la plus brave en amour, & après cela elle avoua qu’elle n’étoit pas en- cor tout - à- fait affouvie. L’autre , f nous en voulons croire la lettre de Marc-Antoine , à Vun de fes Amans, foufrit pendant une nuit les éforts amoureux de cent fix hommes, fans témoigner d'en être fatiguée. Z3 ARTE 2638 Tableau de l'Amour conjugal; ( BERRRAARRRERÉÉÉHEREERAÉRERERERERIIÉERES ARTICLE IITL S: l'on doit prendre des remédes pour dom pter fon humeur amoureufe, on pour s'ex= citer AVEC une femme. L n’y a rien qui foit plus incapable EF troubler notre tempérament , que finous changeons tout-d’un-coup & à contre-tems notre façon de vivre. L'air , le manger, le boire & les autres chofes , que nous apellons naturelles , peuvent beaucoup fur nous , & ce font principalement ces caufes auxquelles nous devons tout le bonheur ou Île malheur de notre vie , felon {a manié- re dont nous en ufons. C’eft un axiôme dans la Médecine: qu’Æypocrate a remarqué le premier, que le changement qui fe fait en nous avec précipitation , nous caufe tou- jours des maladies , à moins que nous ne foïons affez forts pour nous y opo- fer. Si l'on veut , par exemple, corri- ger le tempérament trop chaud & re ec confideré dans l'état du Mariage. 269 fec d’un homime amoureux , on doit y procéder avec tant de lenteur & de prudence , qu’il ne s’aperçoive pref- que pas lui-même de Padion des remé« des , qui le rafraîchiffent & qui lPhu- medent , autrement on Île jetteroit dans une intempérie contraire qui le rendroït malade. PERMIEER 5 EH HDI ECS D EE IC PT CEE TI Ÿ. Des remédes qui domptent le tempérament amoureux. Le hommes qui dans Ia fleur de leur âge joüiflent d’une fanté par- faite , & qui font d’un tempérament chaud & humide , ont beaucoup plus de femence que ceux qui font d’un tempérament chaud & fec ; mais ce- pendant ceux-ci font les plus lafcifs, ainfi que nous Pavons dit ailleurs. S£ ces derniers n’ont pas tant de femen- ce, elle eft du moins plus äâpre, plus chatouïllante & plus pleine defprits & de vents, c’eft ce quiles rend har- dis. 270 Tabicas de ? Amour conjugal, dis & amoureux , au lieu que les pre+ miers font fimples & debonnaires. En quelque lieu que vive un hom- me lafcif, ii eft toujours embaraffé de fon tempérament amoureux. La vertu ne peut rien où l’amour agit naturelle- ment, & la Relfgion même a trop peu de pouvoir fur fon ame , pour retenir fes premiers mouvemens & pour vain- cre la complexion qui lui fournit aätou- te heure des objets amoureux, dont fon imagination eft échaufée. Dans ie chagrin où il en ef , H cher- che par tout des remédes qui puiffent dompter fa pañion. Celui que la natu- re lui prefente pour éteindre fon feu lui plairoii plus que tous les autres, ii étoit permis ; maïs il a de certaines confidérations pour ne les pas pren- dre. Cependant tous les autres remé- des dont on peut ufer par dedans ou par dehors , font tous en-quelque fa- çon inuties ou dangereux pour Jui. Leur fraicheur éteint prefque notre chaleur naturelle ; leur attri&ion épaif- fit trop nos efprits; & Fun & l’autre detruiient preique notre ÉRPOE & ont confidére dans Petat du Mariage. 27% font tort à notre jugement. C’eft ce qui a fait dire à plufieurs Médecins, qu'il ne faloit pas tout-à-fait s’opofer à la violence de Pamour , & qui infpira l'Oracle d’Apollon Delphique , que Diogéne interrogea pour fon fils amou. reux : Qu'on fe gardat bien d'arrêter la violence de cette pallion , fi l'or vouloit con- férver la vie des hommes. En éfet, fi Pon s’opiniâtre à détruire notre humeur amoureufe , on détruit en même-tems notre tempérament, & par-là on nous caufe des maladies, dont fouvent nous ne guériflons jamais. | Cependant fi notre pañlion ef fi for- te , qu’elle nous aporte quelques in- commoditez fâcheufes , & que même elle nous en fafle apréhender d’autres qui ne le font pas moins , nous pou- vons alors nous fervir des remédes que les Médecins nous propofent fur ce fujet ; maïs avec une telle modéra- tion , que nous ne faflions rien dont nous aïions lieu enfuite de nous re- penuir. | L'expérience nous aprend que Pair froid , les alimens qui font peu de Jarg Œ L ÊI= 272 Tableau de P Amour conjugal, d’efprits , le jeune , l'eau en boiffon , l'aplica- tion à l'étude, le travail © les veilles , [ons - des remcdes propres a combattre un amour. deregle. De plus, éviter la compagnie de la perfonne que lon aime éperdument , [fe lier d'amitié avec une autre , fuir La nudité dans les portraits @ dans les flatnës ; ne li- re jamais de livres qui nous excitent 4 l'a- mour , ne point regarder d'animaux qui fe carefflent, font encor de puiffans moiens pour corriger cette paflion: car le grand fecret pour vaincre ici & pour remporter la vidoire , c’eft de ne com- battre point , ou de ne combattre qu’en fuïant. Maïs tous ces remédes font peu de chofe pour un homme;qui aime paf- fionnément, & qui d’atileurs eft d’une telle complexion,qu'il aimeroiït quand il ne voudroit pas aimer. Il faut quel- que autre reméde qui faffe plus d’im- preffion fur [ui-même , & qui lui arra- che par force, pour parler ain , Pa mour déréglé dont fon imagination eft bleffée. Je ne m’arrêterai point ici à décrire tous les remédes que nos Médecins eme confidere dans état du Mariage. 27% emploïent à combattre cette paflion. . Je propoferai feulement ceux qui ont le plus de force à la détruire, on plutôt à la diminuer. Maïs avant que de les propofer , il me femble que lon doit favoir que tous Îles tempéramens ne font pas égaux, & qu’il y a des remé- des qui diminuent le fang , les efprits & la femence ,en émouffant la pointe dans les uns, & qui cependant en d’au- tres en produifent abondamment. Ce que j'avance feroit dificile à croi- re , fi l’expérience par laquelle nous fa- vons prefque tout ce que nous favons, ne nous en Inftruifoit.La laitue & la chie corée, par exenpie, s’opolfent prefque dans tous les hommes à la génération de la femence ; maïs je far certaine- ment, que dans quelques-uns princi- palement , s’ils en mangent le foir , el- les en engendrent une telle abondan- ce , qu’ils fe polluent la nuit en dor- mant. La même expérience nous aprend encor, que le poivre & le sin- gembre diminuent la femence , & diii- pent les vents qui font fi néceflaires a l’action de l'amour ; cependant ïl y DEL en 274 Tablean del Arnour conjugal, en a d’autres qui font beaucoup plus amoureux qu'auparavant, quand ils en ont ufé. La raïfon de ces éfets {1 diférens n’eft fondée que fur la variété des comple- xions des hommes. La laitué qui nous rend pour lordinaire lâches en amour, par aveu de toute PAntiquité, rend ceux-ci plus amoureux, en tempérant leur chaleur & leur féchereffe exceffi- ve , par {a froideur & par fon humidité, Leurs parties naturelles étant ainfi tempérées aquiérent enfuite un tem- pérament égal , qui ef la caufe de la vigueur de toutes ces parties-là. Le poivre, au contraire , diffipant les hu meurs fuperflués de ces autres, échau- fe & defléche leurs parties génitales, qui font naturellement froides & hu mides, & leur procurant aïnf un tem- pérament égal , il augmente leur force, qui eft enfuite la caufe d’une coétion plus avantageufe , ou , pour parler avec le favant Daniel Tanvri, Doûeux en Médecine, qui me cite cet endroit dans fon Livre de Médicamens. Les renédes qui augmentent la (co 1 on8 confidére dans l'état du Aariagés 275 font prefque tous remplis de parties _huïleufes & volatiles, fi bien que les = froids & les chauds agiffant diférem- ment fur diverfes complexions, cau- fent une abondance de femence & des pollutions noûurnes dans les hommes; car les permiers calment le mouve- ‘meñt du fang & tempérent les parties de la génération, les autres qui trou= vent le fang en quelque efpéce de re- pos , lui donnent du mouvement ; & ainfi procnrent aux parties de la géné ration une filtration abondante de fes mence dans iesuns & dansles autres. C’eft encor par la même expérience que nous favons-qu’il y a des remédes chauds ou froids, que lesuns & les au- tres diffipent ou étouffent notre feu & s’opolent à notre concupifcence. Nous en prenons par la bouche, & nous nous en apliquons par dehors, afin d’éterndre de toutes parts cet amour dérégle, qui nous caufe tous les jours tant de défordres. Je ne dirai rien ici des ceintures raz fraichiflantes , des lames de plomb que . Pon s’aplique fur les reins , des rofés Tome Z, Âa blan- 276 Tableau de l Amour conjugal, élanches dont on parfeme fonliit, de /4 #andragore , des grofeilles rouges, du ci- sron aîgre, & de tous les autres remé- des qui s’cpofent à la génération de Ia femence, en nous rafraichiffant & en nous defféchant beaucoup. Je diraï feu- Jement quelque chofe de ceux qui ont le plus de force à éteindre notre feu & à détruire notre femence. Le /y5 d'étang blanc, que quelques- uns appellent Volet, & que nos Apoti- caires nomment Veérupar , auff-bien que les Arabes, a une qualité fr par- ticuliere pour combatre nos defirs amoureux, qu’au raport de Plire, fon ufage pendant douze jours confecutifs empêche la génération de la femence ; & fi nous en ufons pendant quarante jours, nous ne fentirons plus les éguil- Jons de amour. Sa fécherefle, jointe à la froïdeur de cette plante, eft fi a@i- ve, qu’elle deflèche & rafraîchit tou- tes nos parties, fans que d’ailleurs nous en reflentions aucune incommodité. Ceift par ces quaiitez, fi nous en croions Galier , qu’elle entretient no- tre voix & nourrit notre corps, & que confidèré dans l'état du AAariage. 277 que s’oppofant à la re de Ja fe- mence, elle empêche ladifpation des efprits qui fe pourroit faire par les mouvemens de l'amour. Onen ufe diverfement ; tantôt l’on en fait une décoûion, du fyrop, de fa conferve , de l’eau diftilée au baïn ma- rie, & tantôt l’on en compole un lini- men. Bien que nous n’aïons pas [a Ciguë des Atheéniens , qui eft d’un verd obfcur & d’une puanteur infuportable , ce- pendant la nôtre ne laïffe pas de nous incommoder par fa froïideur quand nous la mangeons , témoin François Trampelinus, Précepteur de Pomponace, qui en aïant mangé dans un fouper , fut troublé bien-tôt après : témoin encot 1e Chevalier Mafarimus-Bafenus, quien ajant auffi mangé en guife de racines de perfil, en devint auffi-tôt infenfé. Nous favons pourtant, fur le raport de Scaliger & d’Anguillara , que les Pié- montoiïs en coupent le germe, quand elle pouffe au Printems & qu'ils en mêlent dans des falades, & que quel- ques pauvres d’Italie s’en fervent en- | | Aa 2 COY 275 Tableau del Amour conjugal, cor aujourd’hui avec du pain, en for> me d’afperges. Julesi Scaliger avouë même en avoir mangé en guife de Chervi, fans en avoir été incommo- dé ; & S, Jérome nous'aflure que les Prétres d’Athénes par l'ufage qu’ils fais foient de la Ciguë, cefloient de reflen= tir les mouvemens de la concupifcen- ce. La Cigue n’a donc point de mau- vaïfes qualitez , felon la penfée de ces Auteurs ; & Mercurialnw’auroit Jamais confeillé aux femines d’en boire la dé- co“ion , pour empêcher de tomber dans les excès de l’amour , s’il n’eut été perfuadé qu’elle ne produifoit point de mauvais éfets. ù De tout cela on peut conclure qu’il y a des efpéces diférentes de Ciguë, ou que la force des perfonnes qui en ufent réfiflent plus ou moins à la vertu de cette plante : ou qu’enfin, ce que je croirois plutot, les unes en prennent peu & les autres beaucoup : car Gahien nous aprend que fi nous en ufons avec modération , elle nous rafraîchit & dif- fipe notre femence : au contraire, fr nous en prenons un peu plus, elle _. ren 10 confideré dans Pétat du Alariage. 279 rend{tupides : & enfin eile noustuë , fi nousen mangeons beaucoup. Après cela l’on ne doit point être f fcrupuleux dans l’ufage de notre Ciguë que le font quelques Médecins d’au- jourd’huï, qui ne veulent pas même que l’on s’en ferve par dehors en petite quantité; & lhifloire de So- crate, qui mourut aprés avoir bü un mélange” de Ciguë, ne nous doit pas faire cramdre d’ufer de Ia nôtre avee modération, Puifque la boïffon de Ia Ciguëé des Athéniens étoit un poifon éguife avec de l’Opium que Pon met- toit dans du vin. Cependant nous aprenons de S. Bajile, dans fa feptiéme Homélie, que non-feulement les Pré- tres Athéniens uforent de leur Cioué, qui eft plus ennemie de l’homme que la nôtre , pour dompter leur tempéra- ment amoureux & pour éfacer de leur elprit les idées lafcives ; maïs encor, que les femmes incommodées de la fu- reur de la matrice en étoient entiére- ment guéries, quand elles s’en étoient fervies. | De tous les remédes chauds, qui dé- À a . AR LULS 28o Tableau del Amour conjugal, truifent ia femence & qui combattent les vens, ïl n’y en a point que Pon eflime avoir plus de force, que le Cam- fre, V'Agnus-caflus, & la Ruë. Ce 4ont ces remédes, à ce que l’on dit, qui caufent aux hommes & aux femmes la chafteté & la férilité même, & qui dif- fipent tous les fantômes que l’amout peut préfenter à leur imagination. Le Camfrecrud, que on nous apor- te de Perfe, de la Chine ou de V’/fle de Bornce, eft une efpéce de gomme, que quelques Médecins penfent être frot- de & féche , parce qu’étant mêlée avec quelques remédes froïds, ces re- médes rafraichiffent avec beaucoup plus de force. Mais d’autres foütiennent le con- traire , & croïent que le Camfre eft chaud & fec au fecond degré, parce qu’il échaufe la langue & Peflomac , qu’il a une odeurpénétrante , qu’il en- fläme & qu’il brûle même dans Peau. En éfet, je n’aï point trouvé de meïl- leurs remedes dans les épuifemens que caule ’étuve, que de metire dans la bouche ie grus de Camfre,comme la té- LE confidéré dans l'état du Mariage. 38% te d’une épingle; dès qu’il fe fond à Phumidité de la bouche, il envoïe par tout le corps des efprits qui nous rés créent , & tombant enfuite dans notre eftomac, il nous échaufe & nous inz commode même par fa chaleur , fi nous en prenons beaucoup. Quelques Médecins penfent que les hommes qui en ufent fouvent font pour la plüpart flériles, parce qu'ils ont apris qu’il avoit la propriété dé- teindre notre feu & la femence même. En éfet , fa féchereffe efttrop confidé- rable pour ne pas deffécher nos humi- ditez, & fa matiére trop fubtile pour pe pas faire évaporer les parties fpirt- tueufes de notre femence. Maïs cette penfée, quelque apa- rence qu’elle aït , & expérience qu’en fit Scaliger fur une chienne de chaffe, n’empêchent pas que nous ne demeu- rions toujours dans notre fentiment; favoir , que nous ne croïons pas qu’il puifle éteindre la femence , ni empé- cher la génération. Car comme Popi- pion contraire n’eft pas bienétablre par expérience , & que l’hifloire de Jules Scaliger 82 Tableau del Armour conjugal, Scaliger eft unique , nous avons lieu de croire qu’il n’efl pas ennemi de la gé- nération des hommes. Ce que je pour- rois prouver par moi-même & par Ta- chénius, qui nous aflure que ceux qui : purifient le Camfre à Venile & à Am- flerdam font très-amoureux & très= féconds. Les femmes Athéniennes, qui fer- voient aux cérémonies que l’on failoit à Phonneur de Cérès, préparoïent des lits avec des branches d’Agsus-caftus dans le Temple confacré à cette Déef- fe. Elles avoient apris par Pufage, que lodeur desbranches de cet arbre com- battoit les penfces impudiques & les fonges amoureux. A leur exemple, quelques Moines Chrétiens fe font en- cor des ceintures avec des branches de cet arbre, qui le plient comme de lPo- zier, & ils prétendent par-là s’arra- cher du cœur tous les defirs que Pa- mour y pourroit faire naître. En vért- té la femence de cet arbre , que les Ita- liens apellent Piperella , & que Sérapio nomme ie poivre des Moines, fait de merveilleux efets pour fe conferver dans + confidére dans l'état du Mariage. 283 dans Pinnocence ; car fi Pon en prend le poïds d’un écu d’or, elle empêche la génération de la femence ; &sil s’en fait encore après en avoir ufé, elle la difipe par fa fécherefle ; & puis fa qua- lité aftringente reflerre tellement les parties fecrettes, qu'après cela elles ne reçoivent prefque plus de fang pour en fabriquer de nouvelle. N'eft - ce point pour cela que [a Statue d'Efcula- peétoit faite de bois d’Agnus-caflus ; & qu'aujourd'hui dans la cérémonie du Doctorat des Médecins, on ceint les reins du nouveau Dodeur avec une chaine d’or, qui rafraichit de lui-mé- me, pour [ui marquer qu’en faifant [a Médecine, 1! doit être pudique & re- tenu avec les femmes. La Ruë féche produit les mêmes éfets. Sa femence, qui eft chaude & féche au troïfiéme degré, auffi - bien que celle de lAszus - caflus, defféche tellement notre femence,, qu’il n’en refle prefque point pour faire des épanchemens amoureux : & fi Pon en prend de tems en tems le poïds d’un éçu d’or, Pon fe trouve enfuite impuif- | fant 284 Tableau del Amour conjugal, fant auprès d’une femme, quelqu’éfort que l’on puiffe faire. Je ne fauroiïs pañler ici fous filence le reméde horrible dont fe fervit Fauf= sine , fille de l'Empereur Artoinele De- bonnaire, pour calmer amour déréglé qu’elle portoit à un Gladiateur. L’Em- pereur qui lannoït tendrement , fe perfuadoit qu’elle avoit été enchan- tée, & ilcroiïoiït qu’il étoit Impoffible, fans charmes , qu’une femme abandone nât un mari, qui avoit de fi belles qua- litez, comme avoit Antoine le Philofo- phe, pour aimer un Gladiateur. C’elt ce qui l’obligea à envoiïer confuiter les Caidéens, qui lui firent réponfe , que Faufline devoit boire du fang de celui qu’elle aimoit, &coucherenfuite avec fon mari, pour haïr horriblement ce premier homme. En éfet , le fuccès ré- pondit à la promeffe : & Antonius Com modus naquit de ces embraffemens ; qui dans le tems fe déle“a au meurtre, comme le meurtre avoit été la caufe de fa vie. ARTI- confidéré dans l'état du Mariage, 285 RE RER EEE BONE AR ICE AO EE ME ONE ON NOTÉE OMC CP ER CET Des remtdes qui excitent l'homme 4 eme brafer ardemment une fenime. TE dis encor une fois, que je ne prés 5 hs point écrire pour des perfon- nes qui ont lefprit mal tourné; mon deffein n’étant pas d’enfeigner les ex- cès de l'amour; ce feroit favorifer le vice , & en même-tems détruire la fan- té des hommes. La matiére que Je traite eft comme un couteau à deux tranchans , qui fait du bien à ceux qui le prennent à pro- pos, & du mal aux autres qui ne favent pas ie manier. Si je fuis [a caufe de quelques excès, 1l ne faut pas m’en im- puter le blâme ; on doit plutôt blâmer ceux qui fe laïfflent molement aller au crime, & quin’ont pas aflez de vertu pour fe foutenir. La terre n’eft pasla caufe de notre yvrefle, bien qu’elle nous donne tous les ans fes liqueurs agréables : elle n’eft pas non plus fa cau- 286 Tableañ dél'Arur chnjs gas caufe de notre mort, auoïqu’elle nous prefente fes herbes vénimeufes. | J'écris donc pour des maris qui font foibles , par des défauts naturels, par l'âge, par les défordres deleur vie : paf fée i ou par quelque longue maladie ; quin’ont pas affez de force pour en- gendrer ni pour fatisfaire leur femme ; qui cherchent par tout des moïens pour avoir des fucceffeurs légitimes, & qui r’épargnent n1 leur bien, nileur fanté même pour y réuffr. Je m'étonne de ce que les Cafuifles, qui ont écrit tant de bagateiles fur la matiére que je traite dans ce Livre " aïent oublié cette queilion importan- te, & qu'ils ne nous aïent point du tout enfeigné , fr C’étoit un crime de s’exciter, ou pour rendre le devoir à une femme , ou pour engendrer un en- fant ; car ces deux fins font , ce mefem- bie , fort raïfonnables , au lieu que la volupté ne left pas. Quoiqu il ea foit, noustâcherons d’en parler, felon que la nature nous en Inftruira, & que l’expé- rience nous donnera des Jumiéres pour connoitre 1es remédes quifont les | plu: coufidere dans l'état du Mariage. 287 plus propres à nous exciter à l’amour. La nature a mis dans Île cœur de tous les hommes un violent defir d’avoir des enfans pour fucceileurs & pour he- ritiers de leurnom & de leur bien. Je ne vois donc pas de crime à feconder cette inclination fi: naturelle, pourvu qu’elle tienne dans de juites bornes ; mais hormis cela , je ne craindrois point d’imiter un Médecin Italren , qu£ donna à un vieillard un reméde purga- tif pour unreméde amoureux. Je ne veux point parler ici de tous les remédes qui nous excitent à l’a- mour, & qui produifent beaucoup de matiéres dans nos parties fecrettes, comme font les jaunes d'œufs , les tefticu- les de cog , les chancres , les chevrettes , les £creviffes , la moële de bœuf, le vin doux, le lait, & les autres chofes qui nourrif- fent beaucoup. Je ne dirai rien auff des remédes qui caufent des vents, comme les artichauts , l'ail cuit , Phippa- _mance le membre de cerf ou de taureau, tue au mois de Mai ou d’O&obre, les cubcbes, &c. Je n'arréterai feulement à ceux qui ont plus de force pour en- Tome L. bb COUs 288 Tableau del Amour conjugal, courager un homme à embrafler vis goureufement une femme. Je diraï donc en peu de mots ce que je penlé du petit Crocodile, que les 1 a- uns apellent Scincus , & que l’on pour roit nommer Crocodile terrèffre, & que lon apelle aux Antilles Afabouia & Brochet terreffre, du Cherus , du Satyrion, du Borax, de l'Opiam , des Canthärides., & de l’Herbe dont parle Thcophralte : mais j’avertiraï encor ici ceux qui font lents dans l’exercice de amour, de né fe fervir de ces remcdes qu’apres avoir inutilement emploïé les autres moïens naturels & légitimes. Parce que nous ne connoïffons pref- que point en France le petit Crocod:- le , qui fe trouve ordinairement en Egypte, & que nous n’en avons l’ex- ptrience que par leraport d’autrui, nous nous contenterons de dire que la chair d’autour de fes reins , mife en poudre & buëé dans du vin doux, du poids d’un écu d’or, fait des mer- veilles pour exciter un homme à las mour ; auffi l’a-t- on fait entrer dans la compofition qui irrite nos paties fee. CIt= confidcre dans l'état du Mariage. 289 œretes & qui fait aimer éperdüment, Ce ne font que les noms diferens que chaque Nation donne aux plantes, qui nous troublent le plus fouvent quand il en faut parler : plus une plan- te a de vertu, plus on lui a donné de noms : témoin le Chervi, dont ies Au- teurs qui en ont traité, ont fait une telle confufion, qu’il faut avouer que les plus éclairrez dans la fcience des Plantes ont bien de ia peine aujour- d’huiï à débroüiller ce que les anciens & les nouveaux Herborifies nous en ont voulu dire. les uns Pont nom mée Genicula , où Gexichella ; les autres Pont apeilée Fraxinelle. Avicenne ini à donné le nom de Langue d'Oyftaw , Pline de Langue d'Oyfon, K les Arabes l'ont défignée pas celui de Secacul. Ce neft pourtant ni la Renoäce, ni ie Scean de Marie de Dioftoride, nile Ditlam , nile Frene, ni enfin lOrrithagalon des An- ciens; parce que tous CEs Noms Mar quent des plantes particuiiéres & di- férentes. | Ce que nous apellons Chervi, & qui eft aujourd'hui en France affez connu BB à paï 290 Tableau deP Amour conjugal, par cenom- là ,a tant de vertu pour exciter les hommes à aimer, que 7:- bére, Pun des pius lafcifs de tous les Empereurs, fr nous en croïons l’Hifto- rien, en failoit venir tous les:ans d’AI- lemagne pour s’exciter avec fes fem. mes. En éfet, tous les Médecins de- meurent d’acord de fes qualitez, & difent qu’il engendre beaucoup de vents & de femence , aufli - bien que lartichaut. Ce qui oblige encor au- ourd’hui les femmes Ssédoifés, au ra- port des Matelots qui viennent du Septentrion, d’en donner à leurs ma- ris quand elles les trouvent trop lâches à lation de l'amour. Le Saiyrior eft une plante dont on fait plufieurs efpéces, & ‘dont on peut ufer indiféremment pour les éfets que nous en efpérons ; fa racine reprefen- te ordinairement deux tefticules de chien ; la bulbe baffe eft fucculente & dure, &la haute toute flétrie & mo- Jette, comme étant [a plus vieille : c’eft cette premiére racine que lon doit toujours prendre quand on ena befoin. Cependant le Saryrien , qui n'a confideré dans l'état du Mariage. 29% pa qu’une feule racine buibeufe , doit être préféré aux autres, felon le fenti- ment de plufieurs Médecins ; mais quoiqu'il en foit , les bulbes de tou- tes ces plantes font beaucoup de fe- mence & engendrent beaucoup de vents, fi on les fait cuire fous [a cen- dre, comme des Truffés, & fi on les mêle enfuite avec du beure frais, du lait & du girofle en poudre, ou qu’on les faffe confire au fucre, comme lon en vend aujourq’hui chez les Droguif- tes de Paris. Ces racines, parleur hu- midité fuperfluë , enflant nos parties naturelles, nous rendent femblables à des Satyres , d’où cette plante a pris fon nom. On lur atribuë tant de vertu, qw’il yen a qui penfent que pour s’exciter puiflamment à amour, il ne faut qu’en tenir dans [es deux mains pendant Pac- tion même. .- C’eft cette racine qui a donné le nom à ce fameux mélange que les Mé- decins ont nommé Diafaryrion. Sion en prend le matin &le foir la pefan- teur d’un demi écu d’or, avec du vin doux ou du lait de vache , pendant fept Bb 3 ou 292 Tableau de Amour conjugal, où huit jours, ils aflürent que les vieil: lards reprendront la vigueur de leurs jeunes ans, pour fatisfaire leurs fem2 mes & pour fe faire des fucceffeurs. On débite une boiïffon gluante dans les ca- barets de Perfe, dont la bafe eft une efpéce de Satyrioz , qui eft fort commun dans ce KRoraume-1à ; elle échaufe beaucoup ; auffi la boit - on chaude, comme le café. C’eft pour cela que les Perfes en ufent plutôt pendant PHyver que durant l'Eté, principalement dans les Villes Septentrionales de ce païs-là. Is Papellent Scareb-T haleb ; cel - a-di- re, Sirop de renard ; parce que le Satÿ- rion a {es bulbes fembiables aux teflicu- les de cet animal. Quelques - uns ont crû que ctoit l’herbe amoureufe de Théophrafte; ce que nous examinerons ci-après. 62 KES SA Le Borax rafiné eft du nombre de ces remédes qui excitent puiffament à Pamour. 1i ef une efpéce de fel, dont ufent aujourd’hui nos Oriêvres, pour faire fondre plus aifement Por qu’ils mettent en œuvre. il pénétre toutes les parties de notre corps, ilen ouvre tous confidére dans Petat du Mariage. 293 tous les vaifleaux, & parla ténuité de fa fubflance , il conduit aux parties gé- nitales tout ce qui eft capable en nous de fervir de maticre à la femence. Il1a tant de vertu, ainfi que l’expérience me la fouvent fait connoïtre , que {1 lon en donne à une femme qui ne peut acoucher un ou deux fcrupules dans quelque liqueur convenable, Pon en verra bien-1ôt des éfets furprenans. 1! fe porte d’abord aux parties naturel- les, & y produit tout ce que Pon peut _atendre d’un reméde qui a été tenu fort long-tems pour un fecret. On ne doit pas apréhender d'en ufer par la bouche ; lufage n’en ef point dangereux : & ‘fi quelques Médecins ontécrit qu’il étoit un poifon, ils ont confondu la Chryfocolte des Grecs avec le Banrach des Arabes ; l’un & l’autre fervant à faire fondre Por plus aïfément. C'elt ainf que les mêmes éfets des dro- gues , & que la diférence des noms que Von impofe aux chofes, ont fouvent trompe les hommes les plus doctes & les plus eclairez. 5: Fallope ; de Lobel, Rodriguez à Cafe dogs dut db sa & 294 Tableau de l Amour conjugal, & Mercurial s'en font heureufement fervis dans des maladies des femmes, nous ne devons pas en avoir de lhor- reur ; & fi ce dernier Médecin nous af- füre qu’il agit fi puiffamment fur les parties naturelles de Pun & de Pautre fexe , qu’il jette même les hommes dans le priapifme , fi on en ufe avec excès, nous pouvons hardiment nous en fervir avec modération. Peut-être me blâmera-t-on de ce que je place ici avec les remédes qui excitent à Pamour, POpium , que toute PAntiquité a crû être froïd au quatrié- me degré, & tuer les hommes par l’'ex- cès de cette qualité. Bien loin , dira- t-on, de nous enflämer auprès d’une femme , il nous caufe le fommeïl & nous rend ftupides , au lieu de nous rendre amoureux. Maïs fi nous faïfons réflexion qu'il eft amer & âpre à la bou- che, qu’il s’enflâme au feu, & que les Orientaux en ufent pour être vatilans à la guerre & auprès des femmes, nous ferons fans doute d’un tout autre fen- timent. Quand PEmpereur des Turcs leve un£ … confidéré dans Pétat du Mariage. 295$ une ärmée., les foldats fe garniffene d'Opium , qu’ils apellent Azwfam , où Affior , pour s’en fervir comme nos ma- telots de tabac, f nous en croïons Bel- ln. Une petite dofe prife par la bou- che excite des vapeurs qui montent au cerveau, troublent bénignement Pi- magination,comme fait le vinsmaisune dofe excefive fait entiérement évapo- rer notre chaleur naturelle, & diffipe tout-à-fait nos efprits, comme le f4=. fran, finous en prenons beaucoup. Les Orientaux , qui aiment naturel- lement l’excès de Pamour, ont limagi- nation incefamment embarafée d’ob- jets lafcifs : & orfqu’ils ont pris un peu d'Opinm, auquel ils font accoûtumez, elle s’échaufe alors & le trouble.plus qu'auparavant; & comme ils reffentene des démangeaïfons & des chatouïlle- mens par tout le corps, & principale- ment à feurs parties naturelles, je ne m'étonne pas sils font {i étourdis à {a guerre & f lafcifs avec les femmes. C’eft un poifon pour nous qui n’y fommes point acoûtumez, à moins que nous ne foïons auffi fains & auf robuf- tc$ 296 Tableau del Amour conjugal ; tes que l’étoit A2. Charas, quandiïl en prit douze grains. Pour mof, J'aï de la peine à en donner deux ou trois grains de crud à mes malades les plus vigou- reux, me fouvenant toujours des fu- neftes éfets que jai vû arriver par le mauvais ufage de ce reméde & des pré- ceptes que nous donne Zæingérus fur cette drogue. Je ne nvétonne pas fi les Turcs & les autres Orientaux ont une inclina- tion fi déréglée à prendre de POpium pour joùir d’une volupté indicibie. Pour moï , quiar éprouvé les vertus de cette drogue dans une maladie prefque défefpérée en 1688. je dirai fincére- ment ce que j'enai reflenti. Tous les rémedes m'étoient alors inutiles dans les vomifflemens exceflifs, dans le fa- cheux cours de ventre que je reffen- tois. Je crüs qu’il n’y avoit point au monde d’autre moïen de me fauver que de prendre 2. grains d'extrait fim= ple d’Opium. Je ne l’eus pas phûtôt pris que je me fentis guéri , comme par mi- racle, & que pendant un jour entier, je reflentis des plaifirs que je ne faurois | Expr'I- sonfidere dans Pétat du Mariage. 29% exprimer ; une petite vapeur douce & chatouillante couloit infenfiblement, comme je le penfe ; par les nerfs & par les membranes externes de mon corps. Cette vapeur me caufoit une volupté exceflive ; car depuisla nuque du col & les épaules jufqu’au croupion, je fentois un chatouiliement qui me caufoit un plaifir parfait, puis cette va- peur agréable étoit portée aux piez & aux genoux, où Je reffentois encor, -principalement autour de la rotule, des chatouillemens inexplicables. Ce plaï- fir fe fit reflentir plufeurs fois en fom- meïllant pendant ce jour-là, fi bien que je ne fus pas fâché d’avoir été malade, pour avoir reffenti des plaifirs, qui font un nombre de ceux du Ciel & une ima= ge d’une félicité bien imaginée. Je ne m'étonne donc pas files Lévantins font fi friands d’Opium , puifqu’il caufe tant de plaïfir à ceux qui en ufent. Les Mouches Cantharides ont tant de pouvoir fur la veflie & fur les parties génitales de l’un & de Pautrefexe, que f: l’on en prend deux ou trois grains, Pon en reilent de telies ardeurs , que Lu cf l'en 208 Tableau de l'Amour conjugal, | lon en eft enfurte malade : témoin ce qui arriva ces années pafñlées à un de mes amis qui vit encor. Son rival étant au défefpoir de ce qu’il époufoit fa maïtrelle, s’avifa de mettre des Camtha- rides dans une pâte de poires qu’il lui fit préfenter le foïr de fes nôces. La nuit étant venuc , lemmarié careffatellement fa femme, qu’elle fut incommodée ; mais ces délices fe changérent bien-tôt en trifteffe, lorfque cet homme fur le minuit fe fentant extrémementéchau- fé avec une grande dificulté d’uriner, s’aperçut qu’il faifoit du fang parla ver- ge. La peur lui augmenta ie mal, qui ut acompagné de quelques foibleffes, On le traïta avec tout le foin poflble , & lon apliqua à fon mal les reinédes qui le guérirent avec de fa peine. L’herbe qu’ Ærdrophile Roï desndes envoia au Roï Artiochus, éroit Yherbe de Théophrafte, fort éficace pour exci- ter les homimes à embrafler amoureu- fement les femmes, & en cela furpaf- foit toutes les vertus des autres plan- tes , s’il faut en croire l’Indien quien étoitle porteur. Il afluroït qu’elle lui avoit L confidére dans Pétat da Mariage. 299 avoit donné de la vigueur pour foixan- te-dix embrafflemens ; maïs il avoüoît auffi qu'aux derniers éforts , ce qu’il rendoit n’étoit plus de la femnence. Nous favons par ceux qui ont voïa- gé dans les Indes , que les Indiens font beaucoup plus lafcifs que nous ne le fommes , & que l’une de leurs princi- pales ocupations eft de prendre avec les femmes les plaïfirs que amour leur prefente. Parce qu’ils fe plaïfent à cet exercice amoureux , Ils ont trouvé des remédes pour s’y exciter davantage.lls ufent ordinairement de Zretel, d Aréca ou de Banghé, qu’ils prennent quel- quefois feui, & qu’ils mêlent fouvent les uns avec les autres, où avec un pey * de chaux de Coquille. L’herbe dont parle Thcophrafle, ef fans doute l’une de ces troïs chofes : & fi je fuis un bon devin , je choïfirois plutôt le Bznghe que les deux autres, fondé fur cetie conje&ure, que le Bz7- ghé , au raport de Clufins , a des qualitez femblables à celles de Æ£4flach, Mef- Jack, où Maeflack des Turcs ; qui eff autre chofe que PA4mfam des Orien- Tome 4 : CC taux, 300 Tableau de l'Amour conjugal, taux, felon la penfée de Banbin.Si ? 4m: fiam rend les hommes plus allégres & plus lafcifs , aïnfi que nous l'avons ra- porté ci-deflus , le Barghé ne produira pas de moindres éfets , fi nous en croions ceux qui en ont ulé ; c’eft-a- dire, qu’il nous rendra ardens à caref- fer les femmes, & nous caufera en dor- mant d’acréables rêveries, fi lons’en fert en petite quantité. Maïs fiPonen prend beaucoup , Pon en devient in- fenfé ; témoin les femmes Indiennes, qui voulant témoigner l'afe&ion qu’el- les portoient à leurs maris pendant leurs vies, prennent beaucoup de B4»- ghe , qu’elles mêlent avec du Séfane , & fe jettent ainfi toutes infenfées dans le feu,où l’on fait brûler les corps de leurs maris défunts. Cette conjecture men fait naître deux'autres ; l’une , que le Barghé des Orientaux eft le Bamjain des Egvp- tens,que Céfalpinus dit avotr la femen- ce dure & femblable à celle d’un petit cochon: Pautre que c’eft l'herbe que nous apellons Srrammoninm où Pompe épineafe , qui eftune efpéce de Solanum, ou sonfdcre dans Petat du Mariage. 301 ou plutôt que nous nommons Chau- vre , de la femence de laquelle on fait commerce dans l'Orient, comme dans POccident, de Tabac. Ces conjedures font apuïées fur le raport d’un honnête homme, qui a paf- fé quelques années dans les Indes, & qui nva dit que les Ortentaux ufoïent d’une petite femence qui les rendoit comme infenfez auprès des femmes, & ïl me la dépeinte femblable à celle du Strammoninm. À quot fe raporte fort bien ce qu’avoit apris Hofinar du Mé- decin Ratzembach , qui luï avoit dit que les Turcs avorent dans une Forte- reffe, qui fut prife par les Chrétiens en Pan 1$95.une grande quantité de cet- te femence. D'ailleurs le Sirammoninm , que les Turcs apellent Tatoula où Datonla,pro- duit des éfets femblables à ceux du Banghe ; car fi Pon donne un peu de fa femence avec du vin aux perfonnes qui y fontacoutumées,ïlles rend joïeu- fes , & remplit leur imagination d’ob- jets qui ne font point défagréables ; & parce que la plus grande pañlion des C2 Orien- 302 Tableau del Amour conjugal , | Orientaux , c’ef celles qu’ils ont pour les femmes ; ïl ne faut pas s'étonner fr atant l’efprit un peu troublé par la ver- tu de cette plante , ils ont en dormant d’agréables rêveries , qu’en veiïllant même ïs fe fentent extrêmement émüs auprès des femmes. Maïs il ne faut pas trop s’y joüer: car fi ceux qui y font le plus acoûtu- mez , en prennent la pefanteur de deux écus d’or, ils en deviennentin- fenfez pendant trois jours : f la dofe elt un peu plus forte, tls en meurent, & une demie once tué le plus robufte de tous les hommes. Ces conjedures que l’avois faites au« trefois n’étoient pas,ce me fembie,mal fondées:cependant j'ai apris depuis,de bonne part , que le Banghé des Orien« taux étoit une herbe*& une compofi- tion, qu'ils apellent Barghe Pune & Pautre ,au moins les Perfes & les Lé- vantins fes nomment ainfi. Les Bar- bares de Madagafcar & des Ifles adja- centes les plus voifines de l'Afrique, les apellent A/e1b, Aangha ; les Egyp- tiens 4/5, Aflis ou Axis ; & les LS Las confideré dans l'état du Mariage. 30% A=arath ; or Affis des Egyptiens ne fi- gnifie que de l'herbe par excellence, que je crois être notre Chanvre. Puis examinant le Barghé des Aliatiques & le Bamjain des Epyptiens , Je trouve qu’ils font le Afangha des Africains, à quelques lettres près. Ainfr on peut conclure que l'herbe lafcive dont Théophrafte fait mention , eft plutôt le Chauvre, que tout autre chofe , puif- qu’elle a une odeur vireufe , qu’elle caufe l’ivreffe, & qu’elle trouble l’ima- gination. J'en dis de même de [a com- pofition que l’on en fait, comme Je l'ai écrit fort au long dans mon Livre de Ia Boïtion des Peuples. Aïnfi il ne faut pas croire que ce foit ni le Saryrion ni le Strammonium , comme je Paï dit, nile Surnag des Africains , qui eft peut-être motre Satyrion , ntenfin le Ginzeng des : Chinoïs & des Tartares. J'avoue que les Européens ne reffen- tent pas les mêmes éfets de l’ufage de ces Varcotiques, que font les Afiatiques & les Africains. La coûtume fait que ces drogues produifent des éfets difé- rens dans ceux qui en ufent, & nous Ce 3 n’ok- 304 Tablean del Arsour conjugal, n’obfervons chez nous que la tranqui- lité de lame, le plaifir & [a démangeai- fon du corps , au lieu des égaremens amoureux qui fe remarquent chez les autres. Si tous ces remédes font affai- fonnez avec de l’ambre ou du muft , ils feront beaucoup plus éficaces & exci- teront davantage à l'amour, Pexpé- rience nous montrant que ces deux parfums portent les humeurs aux par- ties naturelles qui en fontchatouïllées. Je ne parleraï point ici de la chair de bon ; parce que Pexpérience a fait con- noître qu’elle étoit ennemie des hom- mes ; car un Médecin en aïant donné trois gros au Cafe Vaticus pour lexci- ter à aimer, il le tua au lieu de le guérir. Les remédes que Pon prend par la bouche ne font pasles feuls qui exci- tent les hommes à embrafferamoureu- fement les femmes.Ceux que l’on apli- que par dehors y contribuent beau- coup , & l’on en forme des linimens pour en oïndre lesreins & les parties paturelles.Ceslinimens fe font avec du miel, du fferax liquide , de l'huile de four- enis volans , du beure frais, ou de la graif- fe confidéré dans l'état du Mariage. 305 & d'oïe fauvage ; on y ajoûte un peu d'Euphorbe , de pie d'Alexandrie , de çin- gembre ou de poivre, pour faire péné- trer le reméde, & l’on y mêle quelques grains d’ambre gris, de muft ou de civet. te pour le parfumer, | On peut encor apliquer des remédes fur. les tefticules des hommes lents, pour les exciter à aimer; & comme ces parties font a feconde fource de la chaleur, felon le fentiment de Galier , ils la communiquent auf à tout le corps ; car outre la force d’engendrer, ils fabriquent encor une humeur fpiri- tueufe, qui nousrend robulites, hardis & courageux. Pour ceia, on peut pren- dre de la poudre de canelle , de girofle , de gingembre & de rojés , avec de la Théria- que , de la ie de pain & du vin ronge. Mais cet homme , dont nous avons parlé aïlleurs, après Célius Rhodiginus , fe fervoit d’un plaifant remcde pour s’exciter avec une femme. I fe faïfoit bien fouéter dans lation ; & fi quel- quefoïs, par refpe& ou par pitié, onle fouétoit avec plus de modération, il fe mettoit en çcolére contre celui qui l’é- par- 306 Tableau de l Amour conjugal, pargnoit , fi bien qu’il n'étoit jamais plus content, que lorfque la douleur l’o- biigeoït à fatisfaire fa pafion déréglée. PEOSA RUCH © HOCH HE CR Ge HIER OH CHAPITRE VE Si l'homme prend plus de plafir que la femme lorfqwiis fe careffent. Ï L n’y a point de plaifir ni plus prompt ni plus grand que celui de l'anour ; il rcjoüit dans un inftant tout notre corps & ravit de joie toute no- tre ame, Nous n'avons befoïin nt d’in- dultrie ni de maître pour nous apren- dre à atmer. La nature nous a imprimé dans le cœur je ne faï quoï d’amoureux, qu’elle cultive peu-à-peu , à melure que nous croiffons ; & quand elle nous incite à carefler une femme, je ne fau- rois dire en combien de maniéres elle nous fait naïire des contentemens. Les _aproches de l'amour font auffi déli- efeufes que la joüifance même. Le plaïfr eft extrémie quand nous y pen- fons par avance , & le fouvenir en ef agréas confidére dans Fétat du Afariage. 307 ägréable. La douleur que nous foufrons à aimer, nous plait autant que le plai- fir même. Enfin toutes les pallions de l'ame font pour ainfi dire les efclaves de cette paflion amoureufe. . Le fentiment vif & indicible que nous avons dans Îles plaïfirs du maria- ge , nous fait connoître celui qui en eft l’auteur ; & je me perfuade que Dieu a voulu nous y en faire connoitre l'excès & la grandeur , pour nous indiquer ceux que nous devons efpérer à l'ave- nir. Je n’auroiïs ofé avancer cette pen- fée fi S. Auguflin ne me Pavoit four- nie dans fon Livre 14. de la Cité de Dieu, Chap. 17. & je ne m'étonne pas, pourfuit-il, files plaïfirs que nous pre . nons avec les femmes font fi excefhfs , & s’ils furpaflent tous ceux que les ommes peuvent reffentir, & s’ils nous touchent fi vivement au-dedans &au- dehors : puifque notre ame & noire corps.en font fi puiffamment émus. La nature ne nous a pas permis d’éviter ces voluptez, quelques faits que nous foïons, quand dansle mariage nousvou- ons nous apliquer à faire des enfans. à : { 308 Tableau deP Amour conjugal, * St la nature n’avoit mis des délices extrêmes dans lPaäion de l'amour, je ne fauroiïs croire qu’un homme d’ef- prit püût fe plaire à fe repentir fi fou- vent. Maïs les rdées trompeufes de la- mour font fiengageantes, qu’il eft com- me impofibie pour s’en garantir; & ïl faut que le plaïlir que lon prend avec les femmes foit bien grand, puifque fe- lonle fentiment de la plupart des l'héo- logiens , les diabies en font fi friands. L'expérience de tous les jours nous fait voir que les plaïfirs du mariage pe nous rendent pas heureux : au con- traire , il y a peu de perfonnes qui ne fe repentent après les avoir pris, comme nous venons de dire. I! faut faire peu de réflexions fur les atraits de amour, dont a nature nous a charmez, pour connoître que ce n’eft pas où il faut nous arrêter : fi bien que pour parler jufte, il ne faut aimer les plaïfirs du ma- riage que pour la génération, & peut- être pour être chaftes & pour obéir aux ordres de Dieu , qui veut garnir le Ciel de Bienheureux , dont nous fommes les organes & les inftrumens, Les hom- mes confidére dans l'état du Mariagè. 309 mes charnels n’entendent pas ce lan- gage ; iln’yaque les fpirituels qui Ie goutent : car ceux qui croient que le bien de homme dans le mariage eft dans la chair , & que le mal eft ce qui les détourne des plaïfirs ; que ceux-là s’en foulent , & qu’ils y meurent !'Maïs ceux qui n’ont en vüë que d’obéir à Dieu, & de fatisfaire à fes Comman- demens, qui ont une femme, comme s’ils n’en avoient point, comme parle S. Paul , & qui ont pour ennemis ceux qui les empêchent de faire leur de- voir; que ces perfonnes-là fe confolent en Nôtre-Sergneur. | Que fi nous confidérons le mariage ; avec toutes fes fuites,en qualité d’hom- : mes charnels , nous n’y trouverons que des malheurs & des imperfe&ions: maïs fi nous Pexaminons en qualité de Chrétiens , nous verrons que c’eft Pou- vrage de Dieu , que Jefus-Chrift a per- fectionné par fa grace, que nous avions perduë par notre corruption. Si nous ne nous fervons du milieu de Jefus- Chriff , tous nos plaifirs, quelques lici- tes qu’ils puiflent être , ne feront que des 310 Tableau del Amour conjugal, des maiheurs & des difaraces. Le ma- riage , fans Jefus-Chrift , eft abomina- ble ;'avec Jefus-Chrift, ilelt aimable & faint, puifqu’il l'a fan@ifié, avec tout ce qui en dépend. J’avoué que nous ne faurions empé- cher que l'amour ne fe faffe par tout reffentir, & que les hommes ies plus retirez qui habitent les grotes & les de ferts, ne fauroïent éviter fes ateintes. I! les touche auffi-bien que nous, & cette pafon fe fait connoïtre dans les forêts les plus afreufes, auffi-bien que dans les villes les plus peuplées. La volupté du corps confifie à ne ref. fentir aucune. douleur. Celle de lef- prit réfide dans la joie intérieure de rêtre point efclave de fes -pafñons : maïs les plaïfirs que nous prenons dans Je marïage font quelque chofe de di- . vin, s’ils ne paffent pas les bornes de la raifon. C’eft ce qui obligea les Anciens à étabiir une Vtrus honnête & modefte, qui veilloit aux actions licites des fem- mes mariées ; & c’eli cette volupté que a nature a donnée comme des atraits pour la perpétuité de notre La > & EE confidéré dans l'état du AAariage, 21% Ce r’eft pointun crime que de pren- dre des plaïfirs amoureux avec fa fem me , f nous en voulons croire S. Bon venture , & Salomon, le plus fage & le plus heureux des hommes , qui a le mieux parlé des plaifirs de l’amour, par l'expérience qu’il en avoit faite , & on ne doit point fe perfuader que la na- ture ait joint les plaïfirs àlaconjon@ion des fexes pout nous faire des crimes. De ces trois fortes de voluptez; fa- voir, du corps, de lefprit & de Pa- mour , la derniére efl fans doute la plus forte & la plus grande ; notre corps & notre ame fe fondent de joïe , pour - ainfi dire , lorfque nous nous perpé- tuons : & ces deux parties de nous-mè- mes reflentent tant de contentement, qu’on ne les a pü encor bien exprimer jufqu’à cette heure. | St Pamour caufe des égaremens & nous fait fouvent perdre l’efprit , c’eft ‘une preuve de la violence de fes voluwp- tez. Notre fiécle nous fournit affez d’e- xemples malheureux , fans eñ aller “chercher dans les fiécles paflez, pour nous aprendre cette vérité. La Cham- Tome L. Dd bre 312 Tablean de l'Amour conjugal; bre de Juflice que notre grand Monar< que a depuis peu établie contre les em poifonneurs, nous marque affez par les Arrêts qu’elle donne , jufqwoù peu- vent aller les emportemens de l'amour, Si fes voluptez n’étoient pas f. char- mantes, & qu’elles r’euflent pas tant d’empire fur notre efprit , nous n’en verrions pas tous les jours tant de fu- nefles éfets, & jamais Viturio & Ferrier n’auroient perdu [a vie en la voulant donner à un autre, f: l'amour ne les avoit charmez. L'homme & Ia femme goûtent tous deux des plaïfirs extrêmes quand ils fe careffent, & j’aurois peine à dire lequel des deux en reçoit le plus. Cependant, fi lon peut découvrir celui qui a ies parties de la génération plus fenfibles & plus entortillées , qui engendrent plus de vents, qui alimagination plus for- te & le fang plus chaud & plus mobile, je me perfuade que la queflion fera aifée à décider. On ne doute point que nos parties : fecrettes ne foïent beaucoup plus fenfi- bles que celles des femmes ; elles font tous 263 confidére dans l'état du Mariage. 212 toutes nerveufes , où pour mieux dire, elles ne font que des nerfs : au lieu que les parties des femmes font charnués . & par conféquent moins fenfibles que les nôtres. Si entre toutes les parties de notre corps, les nerfs reffentent une , plus vive douleur quand on les touche; ils recevront auf une plus grande vo- lupté. D’aïlleurs nos vaiffeaux fperma- tiques par où pale la femence, font ex- trêémement entortillez, & nos tefticules ne font,à proprement parler,quun tiflu de nerfs & de vaï{feaux,pliez les uns fur les autres : fi on pouvoit déveloper nos vai{leaux fpermatiques & qu'enfui- te on les mefurât , je ne mentirois pes en difant qu’ils font plus longs uit ou dix fois que nous ne fommes hauts , au lieu que ceux des femmes ne font pas plus longs que le doigt. Si les vents font néceflaires pour les plaïfirs de amour, ainfi que nous l’a vons prouvé ailleurs, nous avouerons que les hommes n'étant pas fi réglez dans leur façon de vivre que les fem- mes , ils engendrent auffi Beaucoup plus de vents & d’efprits âteurs. D d 3 Nous 314 Tableau de P Amour conjugal, Nous avons encor l’efprit plus ferme & l’imagination plus forte que les fem- mes ; les filets de notre cerveau font plus tendus & plus durs ; & quand nous aimons , nous aimons plus fortement & plus voluptueufement. Les femmes au contraire ont l’efprit plus mconflant & limagination plus foible. Les fibres de leur cerveau font plus molettes & plus flexibles ; & bien qu’elles paroiïf- fent quelquefois aimer plus ardem- ment , elles ne reflentent pas pour ce- la plus de volupté que nous dans les çcareffes amoureufes. Enfin notre fang eft plus chaud & plus âpre que le leur ; 1 sagite avec plus de force ; & il s’eft vü des hom- mes trembler de froïd à Paproche d’u- ne femme qu’ils vouloient embrafler, le cœur & le cerveau fe défaïfant alors Ge la plus grande partie de leur chaleur & de leurs efprits, pour les envoïer avec précipitation aux parties natureïles. ._ Nous fommesnavrez de joïe, quand la femence toute enflée d’efprits fe fait pañläge au travers de nos vaïffleaux en- tortillez. Les vapeurs chaudes & cha- toüil confidere dans l'état du Mariage. 314 touillantes qui s’en elévent, & le mou- vement précipité des efprits , qui pé- hétrent nos membranes , ne contri buent pas peu à nos voluptez ex- ceffives. Bien que les femmes foïent vive ment touchées des plaifirs de Pamour, quand nous les embraffons , je ne fau- rois croire que leur volupté y foit plus grande : leur femence eft plus liquide & moins chaude ; elle n’eft pas remplie de tant d’efprits, & ne fe darde pasfi promptement que la nôtre. Quoiqu'il en foit, on pourroit dire que {a queflion demeure toujours In= décile , & quel on ne fauroïit la décider fi lon ne prend pour juge 7 iréffas, qui aiant été femme & homme tout en- femble , peut mieux juge er qu’aucün autre du plus grand plaifir de Pun ou de Pautre des fexes. Ce fut lui qui déci- da en faveur de Jupiter contre Junon, &c qui prononça que les femmes pre- noiïent plus de plaïfir que les hommes, quand elles en étoïent embraffces. En éfet, on pourroit dire que les parties naturelles des femmes s ’agitent D d 3 avec 316 Tableau de Amour conjugal, avec plus de violence , quand elles veulent être humedées par la femen- ce de l'homme , & la femme reflent un plus grand plaiïfir, lorfque ces parties atirent & fuccent nos humeurs, qu’el- les les preffent de toutes parts par la conception, & qu’elles s’épuifent el- les-mêmes par des épanchemens con- fidérables ; fi bien qu’il s’eft trouvé quelqu'un qui a hardiment. avancé que le plaifir des femmes furpañoit d’un tiers celuï des hommes. Maïs fans m’arrêter à ce dernier fen- timent , qui ne me paroît pas le plus véritable , je conclurai avec Aypocrate, que les femmes ont beaucoup moins de volupté que nous, maïs que leur plaïfir dure plus long-tems. Car puif- que la nature fait notre plaïlir de peu de durée , elle a auf voulu qu’il fût ex- trêéme , au lieu que le contentement des femmes étant moindre, elle les à récompenfces en le faifant beaucoup plus durer ; & c’eft fans doute cette raïfon qui fit déterminer Tiréfias a don- ner gain de caufe à Jupiter , prenant la durée pour l'excès du plaifir. ARII- cenfidére dans l'état du Mariage. 317 C'TFTÉLLLLEILLLLZEL LE. ELLES LL LIL. LE.) ER'LICLESE De la manitre dont les perfonnes mariées doivent fe careffer. E n’auroïs jamaïs traïté cette matié- re, fije ne l’avois trouvée dansles Livres des Cafuiftes fi mal agitée, qu’il eft impofhbie que lon ne puïfle tirer des conféquences véritables, à moins que de fairé tort à la vérité. Le fonde- ment de cette queftion fe trouve dans Pexpérience, dans les Livres de la Na- ture , ou dans ceux des fameux Méde- cins , que la plüpart des Théologiens, des Cafuiftes & des Confeffeurs n’ont jamais lûs, fi bien que je ne m’étonne pas s'ils fe trompent fr lourdement dans ces fortes de matiéres. La fin du mariage , felon le fenti- ment de l’'Eglife, eft de faire des en- fans ou d’aflouvir médiocrement fa concupifcence. Elle blime la feule volupté dans les carefles des fem- mes , & la condamne comme un cri- 318 Tablean de l'Amour conjugal, crime capital, fi elle pañe les bornes de la raïfon. La Religion Chrétienne a donc en abomination les careffes de l’homme & de la femme qui ne fe font que par délices ; & la Médecine qui s’emploïe à conferver la fanté des hommes, nous donne des loïx qui ne peuvent foufrir que nous abufions des contentemens que ja nature nous y prefente. C’eft contre ce vice abominable que S. Paul crie fi haut dans le Chapitre I. de fon Epitre aux Romains. Toutes les poftures que la Courtifa- ne Cyrere inventa autrefois, Jufqu’au nombre de douze pour fe ésitiie 3 que Phéilénis & Afiyrale publiérent , qu'Elphanits compofa en vers Leonins, & que l'Empereur Tibére fit enfuite peindre autour de fa fale, nous font bien voir que les femmes favent mieux que nous toutes les fouplefles de Pa- mour, & qu’elles s’abandonnent plus aux voluptez amoureules : en éfet, leur paffion eft plus violente & leur plaïfr dure plus Iong-tems ; c’eft com- gne un feu qui s’entretient dans du à ver confidére dans l'Etat du Afariagé. 319 verd, par la fotblelle & la legereté de _ leurjugement. Quoi qu’un homme aït entrepris de parler dans ces derniers fiécles des pof- tures de l'amour, & qu’il en ait fait graver de belles planches parles Cara- ches, je fuis pourtant perfuadé qu’il ny a pas fi bien réufli que les femmes qui s’en font mêlées : car dans ces fortes de matiéres , par tout où elles font elies emportent le prix. La nature a apris à Pun & à Pautre fexe les poflures permifes & celles qui contribuent à la génération , & lexpé- rience a montré celles qui font dé- fendués & celles qui font contraires à la fanté. Nos parties amoureufes n’ont pas été faites pour nous carefler debout, comme les ériflons ; nous altérons no- tre fanté dans ceite poflure, & nous nous opofons même à la génération, car toutes nos parties nerveules tra- vaillent alors & fe reffentent de [a pei- ne que nous nous donnons. Les yeux en font ébloüis , la tête en pâtuit, Pépr- ne du dos en foufre ,les genoux en [reine 920 Tableau del Amour conjugal, tremblent , & les jambes femblent fuc« comber à la pefanteur de tout le corps, C'eft la fource de toutes nos laffitudes, de nos goutes & de nos rhumatifmes, Mais encor la génération en eft empé- chée ; car la matiére que nous com- muniquons à une femme, n’eft jamaïs bien reçue dans le lieu que Ia nature a deftiné à cet ufage. Le Conduit de Ia pudeur ef trop preflé par la poflure de la femme, quand nous les embraffons ainfi. Etre affis n°eft pas non plus une pof- ture qu’il faut àun amour bien réglé, Les parties naturelles ne fe joignent qu'avec peine, & [a femence n’eft pas toute reçuë pour faire un enfant acoms= pli dans toutes fes parties. L'homme , qui felon les loïx de Ia nature, doit avoir l'empire fur fa fem= me, & qui pafle pour le maïtre de tous les animaux, eft bien lâche de fe fou- mettre à une femme, quand ils veulent prendre enfemble des plaifirs amou- reux. Si cette femme elt émué d'une paffion déréglée, & qu’elle veuille s’a- bandonner aux voluptez d’un amour Jm= confidére dans l'etat du Mariage. 32% impudique, 1l n’eft pas de lPhonnête homme de lui plaire ni de fe foûmettre lâchementà elle. C’eft une ateinte qu’il donne à fon privilége &une honte qu’il s’atire par fa propre complaifance. Au lieu de faire des enfans, on rend par cette pofture une femme flérile ; & fi par hazardil en vient quelqu'un, ïl eft petit ou imparfait. Le peu de matié- re que le pere a donné pour le former, aété fi peu fournie d’efprits, que la- me qui doit un Jour s’en fervir comme d'inftrumens pour fes plus belles facul- tez , ne fait dans la fuite rien qui vaille, & les enfans en deviennent nains, boï- teux, boflus, louches, imprudens & ftupides. Il ne faut point aller chercher ailleurs des marques du déréglement de ceux qui leuront donné la vie, que ces mêmes enfans contrefaits. La plus commune des pofiures eft celle qui eft la plus licite & Ia plus vo- luptueufe ; on fe parle bouche à bou- che, on fe baife & on fe careffe, quand on s’embrafle par devant. Si un homme eft trop pefant, & que la femme foit extrèmement délicate, il 322 Tableau del Amour sonjugal, ilmefemble qu'on ragiroït pas con: tre les loix de la nature, f: lon fe ca- refloit de côté, à limitation des re= nards : on éviteroit par cette poflure tous les accidens auxquels une femme délicate peut être expofée dans la pof- ture Ja plus commune, & il n’arrive- roit jamaïs par-là de fufocations ni de faufles-couches. Je mettrois ïcï la pofture de careffer une femme par derriére, parmi celles qui font contre les loïx de la nature ; fi un Philofophe & deux Médecins ne me difoient le contraire. En éfet, tou- tes les bêtes, fi nous en exceptions quelques-unes, fe joïgnent de la for- te; & pour engendrer, la nature ne leur a point apris d’autre moien que celui-là. La matrice des femmes eft alors plus en état de recevoir la femen- ce du mâle; elle la retient & la fomen- te plus commodément ; fi bien que ne s’écoulant pas fi aïifément de leurs par- ties naturelles que dans une autre pof- ture, l’expérience Îeur a faït voir que lon rendoit ainfi des femmes fécondes, qui étaient fiériles auparavant, L D I confideré dans l'état du Mariage. 32%. 11 eft certain que Anatomie nous montre que la matrice eft beaucoup mieux ftuée pour la conception, lorf- gwune femme eft fur fes mains & fur fes piez, que quandelle eft fur le dos, Le fond de cette partie eft alors plus bas queYon orifice, & il n’y a qu’a jet- ter de la femence, elle y coule d’elle- même, & par fa propre pefanteur elle tombe où elle doit être confervée pour Ja génération. Cette pofture eft la plus naturelle & la moïns voluptueufe : Pac- tion de l'amour nous donne d’elle-mé- me aflez de plaïfir., fans en chercher de plus grands par une autre figure , & Je ne doute pas que les Cafuifles ne nous permifent d’en ufer de Ia forte, pour éviter excès de la volupté dans les embraffemens des femmes. Si une femme eft naturellement fr grafle , qu’elle ait le ventre en pointe, qui s’opole à ’aproche de fon mari; fe- ra-t-on un diffolution de mariage, plutôt que de confeiïiler à cet homme de careffer fa femme par derriére ? Maïs encore puifque la Ioï comman= de à un mari de rendre le devoir à fa Tome Z, Ee feme 324 Tableau del Amour conjugal, femme , quand elle témoigne laimer ardemment , elle oblige auffi la femme de rendre ce même devoir à fon mari; quand il ne peut dompter fa paffon. St par hazard 1 veut éteindre fa concu- pifcence fur la fin de la grofleffe de fa femme; ne pourroit-on pas alors lut' permettre de la careffer par derriére, plutôt que d’étoufer Penfant qui eft fur le point de naître, ou que d’aller lui- même chercher aïlleurs à faire un cri- me ? Dans cette pofture 1l n’y aura point de crainte pour une fauffe-couche, l’é- pine du dos foufre plutôt que le ventre les fecoufles que lPamour infpire aux hommes dans cette rencontre. Enéfet, S. Thomas, * qui eft eflimé parmi les Théologiens pour un des meilleurs Cafuiftes qu’il y ait, eft de ce fentiment. Il nous aprend qu'il nya point de crime, quand des perfonnes ma- * Monuerim aliquandoconverfionem debr- r1 fitus omnino culpä vocare ,quam non cap- tanda volupratis gratiä, [ed aliqua juita caufz intercedir , [cilicer ob pinguedinem vir1, fuffocandique fœrummotum; 4. d. 31 än finein expog. lirerali confidéré dans l'état du Mariage. 325. mariées fe careffent par derriére , pour- vû que cene foit pas à deflein de pren- dre des plaifirs exceffifs, mais feule« ment pour des caufes lésitimes, com- me lorfqu’un homme ale ventre trop gros, & qu’il a peur d’étoufer dans les entrailles de fa femme lenfant qui en doit bien-tôt naître. | Si Paul Enipette & Mercurial, après le Philofophe Lucréce ont été de ce fen- timent, que les femmes concevoiïent plutôt en les careffant par derriére que par devant , je ne faurois me perfuader qu’ils aïent voulu parler de ce crime énorme , auquel PÉcriture ne donne point de nom. On ne conçoit jamais de la forte, & les Philofophes qui fui- vent les loix de Ia nature, ne font ja- maïs infectez d'opinions qui foïent con- tre fes maximes. Ilefl donc permis de careffer fa femme de quelque maniere que ce foit, pourvüû que la volupté ne foit pas exceflive , que notre fanté n’y foit pas interreffée, & que l’on ne com- mette point de faute contre la propas gation des hommes. C’eft ainfi que le penfe S. Thomas , comme je lai dit, Ee 2 le 1 A4l 326 Tablean del Amour conjngal, le Cardinal Cajéran, Albert le Grand, Abulenfis fur S. Mathien, & quelques autres Cafuiftes. Maïs je m'aperçois ici plus qu’ail- leurs, que les chofes dont Je parie font trop délicates pour en dire davantage. Je protefle que je n’aï pû choïlir des termes moins durs , pour expliquer mon fentiment fur ce fujet : & fi pat pañfé quelquefois les bornes de la bien- féance, comme le fit autrefois S. 44- gufhiz, on peut croïre que ce n’a été que par la force de la matiere que je traite. ÉTÉLRÉZILILLEILLIILIMHILIL LL ZLE ELLE LL L.. AR TICE MR Si lon fe trouve plus incommode de baïfer une laide femme qw'une belle. A beauté eft un des plus grands priviléges que la nature nous ait donnez, pour avoir de lautorité fur les autres, C’eft cette qualité qui exerce fur les hommes une efpéce de tirannie, & qui les charme d’une maniére fi ex- | traor- confidéré dans l'état du Mariage. 327 traordinaire, que même les plus bar- bares en fentent les atraits. C’eft ce qui oblige encor aujourd’hui quelques peu- ples de PAfrique , de mettre fur le Frô- ne les hommes les mieux faits d’en- tr'eux ; & c’eft aufli ce qui infpiroit à un Evêque de Milan, de choïlir pour fes Jaquaïs des perfonnes les mieux faites &'les plus acomplies. La beauté que lon admire dans les femmes eft un piiffant éguillon pour ‘nous exciter aux délices de Pamour 3 elle nous engage à les aimer ; & ce que PAvocat Æipéris navoit pü gagner par fon éloquence fur lPefprit des Juges, la beaute de Phryré Pemporta hautement. H n’y a pas moiïen de fe garantir des charmes d’une jeune perfonne qui a toutes les graces à fa fuite. Elle ména- ge nos inciinations comme il fur plaît, & la tyrannie de la heauté dont elle eft ornée , eft fi puñflante , que malgré nous, nous devenonslesefclaves. Té- -moïn Méros, quigagné parles attraits _ de Popée, ne püt jamais s’en garantir, de même que de fes charmes. Sa beau- té lur enflâma le cœur & l’apella au der- - É 63 nier 328 Tableau del Amour conjugal, nier plailir, comme Perrone* nous le raporte. On diroit que la naturea fait un chef- d'œuvre en formant cette femme ; en éfet, fa taïlie eft haute, bien prife & des plus fines ; fon air a Je ne fai quoi ft rempli de majefé, qu’il infpire du ref- pe aux plus hardis; fon humeur ef agréable & fon efprit vif & brillant. A la confidérer en particulier, fon em- bonpoint eftacompli, & le tour de fon vifage merveilleux. Ses dents font blanches, fes joués & fes lévres font de couleur de rofe , fon front eft aflez lar- ge, fes yeux grands & bleus, bien ou- verts & pleins de feu, fes fourcils noirs, fa bouche & fes oreïiles petites, fon ez bien fait , fa gorge un peu éievée, fes mains longues & {es doigts déliez, fa poitrine large , fon flanc preffé , fes piez petits & délicats; en un mot, fa beauté femelle a tout ce qui peut nous féduire , en s’emparant de notre raïfon. Et fi l'on veut une beauté qui plaïfoit aux * 1p/a corporis pulchritudine adfe vocanre trahebar ob Vénerer, | confidére dans l'état du Mariage. 329 aux Anciens, Je dirai avec Pétrone , qu’elle a les cheveux naturellement frifez, qui lui batent agréablementles épaules: que fon front eft petit, au- deflus duquel on voit de véritables cheveux retrouflez agréablement , que {es fourcilis fe courbent, que fes yeux font plus brillans que les étoiles dans Pobfcurité de la nuit, que fon nez eft un peu aquilain : que fa bouche eft pe- tite, femblable à celle de Peuns & de Praxiele. Enfin que fon vilage, fa gor- ge, fes bras & fes jambes ornez de liens, de coliers & de braflelets d’or, éfacent la blancheur du marbre le plus eflimé. En vérité, ïl eft bien mal-aiïifé de garder une fille pour qui tous les hom- mes foûpirent. Un homme même à qui Ja nature a fait prefent d’une beauté ex- trême , a bien de la peine à fe garantir des infulites des autres hommes; & fi Spurine, Gentiihomme Tofcan, ne fe fut bleffé au vifage, pour en éfacer la beauté, jamais il n’eut été à lui-même, .& cette beauté eût été affürémentune des principales fources de l’embaras & des 330 Tableau de D Amour conjugal, des defordres de fa vie. Pour les belles femmes , Il y ena peu qui n’aïent été ou fuperbes ou impudiques, & il fem- ble aujourd'hui qu’il ne faut être que belle , pour n’être pas eftimce vertueu- fe, ou pour ne l'être pasen éfet. Que rarement la chaffeté Se foutient avec la hessste ; Qu'il eff charmant de plaire G° de païfer pour belle : : Et que ce plaifir flateur k À l'engagement de [on cœur La pente ef douce © naturelle. C’étoit autrefois cette beauté à la- quelle Pon donnoit des couronnes de myrthe ; & c’eft encor aujourd’hui cet- te même beauté qui a tant de pouvoir fur lame des hommes, qu’il s’en eft vû, qui étant prefque impuiffans à Pa- mour , par la froideur de leur tempé- rament, en ont été échaufez & fe font trouvez capables de la génération. Cette beauté, qui eftun don de Dieu, : a tant d'empire fur notre ame, & mé- nage f fort nos pallions, qu’elle les fait agit confidèré dans l'état du Mariage. 331 agir, comme fi elles [ui aprtenoïent ; & jamais Urie nauroit été facritié à la * paion d’un Prince, fi Berfabce n’avoit été belle. À la vue d’une belle femme, tout s’é- ment chez nous , & notre amour qui reft autre chofe dans Ecriture que la charité, au raport de S. Jerome, &le defir de la beauté , ef fouvent ñ excef- fif, que nous ne pouvons nous meéna- ger là-deflus, fans avoir des forces fur- naturelles. Un Cafuifle feroit-bien fà- cheux , s’il vouloit nous perfuader que nos adions fout criminelles, lorfque tranfportez de la beauté d’une femme, nous la careflons avec ardeur. Alors notre chaleur s’augmente dans noire corps & {e fait reflentir à notre cœur, nos parties naturelles fe gonflent & s’a+ gitent en dépit de nous, fi bien qu’el- les nous montrent parleur mouvement importun, que la beauté a des atraits pour elles. En éfet, les jours ne nous feinblent durer que des momens , enla compagnie d’une belle femme, & alors nous ne nous apercevons prefque pas que nous ayons farm, & nous mépri- fons 332 Tableau del Amour conjugal, fons toutes les incommoditez qui accompagnent ordinairement le plarfr de amour. Nos carefles réïitérées ne nous fembient ni fades ni ennuïeufes ; Ja beauté les fait renaître fans peine, & nous donne de nouveaux defirs & de nouvelies forces pour La jouiflance. Je m'étonne que les plaïlirs du ma- riage foient préfentement en horreur, & qu’on nous défende d’en jouir. Je ne fai fi cela eft bien dans l'ordre, que d'établir le mariage comme une chofe fainte & vénérable, & d’avoir de l’hor- reur pour fes plaïfirs, qui en font infé- parables. C’eft avoir de Papétit, & vou- loir manger & boire, fans s’apercevoir que l’on en a. Qu’y a-t-il de plus con- traire à la raïfon, que d’honorer un Sacrement & en même-tems d’abhor- rer ce qui en eft le fceau? Maïs Dieu eft admirable dans tout ce qu’il fait ; ïl a mis dans la femme une beauté qui nous charme , & en même-tems des plaifirs excefMifs pour Pa&ion du maria- ge, & en même-tems il nous défend d’en Joüiravec excès. Sans ce contre- poids nous ferions malheureux, & nous nous TT tr UN cenfidére dans etat dn Mariage. 333 nous jetterions du côté des plaïfirs, qui nous expoleroient fans doute à toutes fortes de maux, & quiempécheroïient la génération, quieft le veritable def- feïn de Dieu. La laïdeur au contraire calme tous nos tranfports : bien loin de nous exci= terà aimer , elle nous fait abhorrer les plaïfirs de Pamour. Si par hafard nous fommes obligez de nous aprocher d’u- ne laide femme, nos parties naturelles s’abattent au lieu de fe roïdir, & nous fentons dans notre cœur je ne fai quot qui nous rebute & qui nous empêche de nous joindre amoureufement. Si nous voulons le faire par des principes de devoir ou de néceflité, ïl nous faut du tems pour nous y difpofer, & encor après cela, nous ne nous trouvons prefque jamais en état de preffer étrot- tement une femme laide. II faut au’ 4 nacarfis fe touche & s’excite long-tems, fans cela il n’agiroit point & fes parties nobéiroient jamais à {a paflion an- guiffante. | Alors nous reffentons en nous du feu -& un glaçon. La nature nous embrâfe le 334 Tableau de P Amour conjugal, ie cœur pour nous Joindre, & en mé- me-tems cette même nature glace nos parties amoureules pour fuir , pour tra- duïre icila penfée de S. Aucufhin. Ces deux pañlions opofées nous caufent d’étranges peines : & fi Pamour lem- porte quelquefois fur horreur , ce que nous prétons à cette femme,nous épui- fe tellement , que nous fommes enfuite acablez des mêmes incommoditez qui arrivent à ceux qui abufent des piaïfirs de amour. Le cœur , en qui la haine a éteint la plüpart de fesefprits , eft fort Incommodé après en avoir communi- qué à nos parties naturelles, & le cer- veau où ces paflions opofées fe font la guerre s’'afoiblitinceffamment, quand H faut envoier fes efprits ailleurs;fi bien que l’on pourroit dire qu’une feule ca- refle faite à une femme laide ,caufe plus de foiblefle & de défaillance, que fix que l’on aura faites à une belle : la beau- té a des charmes qui dilatent notre cœur & qui en multiplient les efprits ; mais {a laideur a je ne fai quoi qui le ferme & qui le glace. il naït par hazard des enfans de ces con- confidere dans l'état du Jariage. 325 conjonétions forcées, ce ne font que des perfonnes pefantes & flupides, qui nous marquent évidemment le peu de contentement qu’a pris leur pere dans les carefles de leur mere. I! eft donc vraï que l’on fe trouve beaucoup plus incommodé, quand lon embraffe une femme laïde, que quand Von en careffe une belle : & que fi j’ofe décider en Théologien, c’elt un plus grand crime de carefler une femme laï- de que d’en carefler une belle. Car s’il y a des charmes dans celles-ci dont on ne puille fe garantir , ïl y des défauts dans l’autre qui ne dévroïent pas per- mettre de s’en aprocher : fi on le fait fans y être atiré par la beauté, c’eft la bonne grace & les autres agrémens qui nous éblouïflent pour lPordinaire. Il faut croire , avec S. Chryfoffome , que s’excitant contre les loix de lanature, le crime eft beaucoup plus grand de ce côté-là que de Pautre. Si je vouloïs confeiiler à quelqu'un de fe marier, je lui dirois qu’il népou- fât ni une belle ni une laide femme. La premiére auroit trop d’empire fur fut, Tome Z, Ff & 336 Tablean deP Amosr conjugal, & feroït plutôt commune que particu- liére. L'autre lui cauferoit cent repen- tirs, & peut-être le divorce, s’il na- | voit une vertu toute particuliére. de Led Gr RE Or LE Le Ge Cp Sr Le ON LE Cr Gr Ce GE CH APR ENErrE Si ceux qui ne boivent que de Lean ; font plus amoureux , © s'ils vivent plus que les autres ? Ous commençons à mourir, dés | que nous commençons à vivre; | & bien que les caufes de la vie & de la mort femblent être f opofées entr’el- les, elles font pourtant très - étroite- ment unies en nous-mêmes. La vie fubfifte par le moïen de la chaleur na- turelle , dont l'ame fe fert comime d’un inftrument qui lui eft abfolument né- ceffaire. La mort eit la perte de cette même chaleur, qui agiffant continuelle- ment fur notre humide radical, le difi- pe fans cefle en fe détruifant foï-même. . La nature qui a une prévoiance ad- mirable pour conferver tout ce qu’elle afait, . confidene dans l'éiat du Mariage. 337 afait, n’a jamais fü confentir à a perte de fes produ&ions. Elle a voulu sy opofer par deux moïens. Sa nourriture répare inceffament ce que la chaleur naturelle confume dans les antmaux, & Ja génération perpétué leur efpéce. D'un côté , parce que les animaux diffipent tousles jours de trois fortes de matiéres qui les compofent, la natu- re a donné l'air, les alimens & la boile fon,pour réparer,par autant de moiens, ce qu’ils perdent à tout moment. La premiére remplace les parties les plus fpiritueules ; l'autre rétablit les plus fo- lides, & la derniére enfinrépare les plus humides. D’un autre côté, cette même nature a caché dans les animaux des feux fecrets, qu’elle ménage adroite- ment pour conferver leur efpéce. Elle a diftingué leur fexe , non-feulement par leur compléxion, maïs par la fitua- tion & par la diférence de leurs parties. Tous les animaux fe joignent de la même façon les uns que les autres:la be- dette , la vipére & les poiffors ne concçoï- vent pas par la bouche , aïinfi que quel- ques-uns nous Pont voulu perfuader, Ff 2 mais 338 Tableau del Amour conjugal, mais par les parties que la nature leur æ données pour la génération. Les Cava- les de Portugal engendrent de la même façon que les femmes ; il faut être fol pour croire que ce foit le vent du Sep- tentrion qui les rend fécondes. On ne fauroit exprimer quels ardens defirs les animaux ont de fe joindre; quels contentemens ils reffentent lor{- que l'amour les y convie ; & pour ne parler ici que de l’homme, quels plai- firs accompagnent dans cette a&ion amoureufe. L’air eff fr néceffaire pour remplacer dans nos corps les parties les plus fubti- les qui s’évaporent inceffament , qu’au même Inftant que nous en manquons, nous ceffons de vivre ; & nous vivons même miférablement, sil ef impur & mélé des vapeurs & des exhalaïfons qui nous font contraires. Il eft encor auf ennemi de nous-mêmes, s’il neft pas agité par des vents, qui en corrigent les mauvaifes qualitez & qui l’'empêchent de fe corrompre. Delà vient auffi que prefque tous les ans l’on eft afligé de pelle dans la ville de Génes, le vent du Sep-, confidere dans Pétat du Mariage. 7339 . Septentrion ne pouvant y faire fentir fes qualitez falutaires, à caufe des mon- tagnes qui couvrent cette ville de ce coté-la. L’aliment ne nous eft pas moins né- ceflaire que Pair ; 1 ne doït pas avoir des qualitez exceflives, ni une matiére trop étrangére pour nousnourrir, mais un certain tempérament & une certai- ne matiére qui le fafle aïfément chan- ger en toutes nos parties. Cet aliment que reçoit tous les jours notre eftomac, ne fauroit s’y cuire fans qu’il y ait quelque liqueur pour le dif- foudre : & nous ne faurions vivre fans qu’il fe faffe dans cette partie noble une efpéce d’ébulition, par le moïen de laquelle nous puiffions enfuite nous nourrir. Car comme dans une grande fécherefle les plantes meurent faute de pluie, ainfi nous cefferions bien-tôt de vivre , fi nous ne nous fervions de quelque breuvage , qui favorifant nos coctions , réparât inceflament les par- ties humides , qui s’évaporent tousles ours en nous-mêmes, Plus les chofes font néceflaires à Ia Ff3 vi, 240 Tableau del Amour conjugal, vie, plus a-t-on de plaïfir à les poffé- der ; & parce qu’il n’y a rien au monde de plus néceffaire que la boïflon , auf le contentement eft exceffif, quand nous en affouviffons notre foif. La faim n’eft pas fi violente que [a foif, qui eft un defir de fe rafraïchir & de s’humec- ter , ce qui fait que les buveurs d’eau preunent tous les jours beaucoup plus de précaution , & pour Pefpéce du breuvage & pour la maniére de s’en fervir. | Maïs parce qu’il y a de plufieurs for- tes de breuvages , dont Îes uns font plus fains que les autres; celur qui eft le plus propre à étancher la foif,eft auffi celui que la nature , comme une mere & une nourrice commune , NOUS à ren- du le plus commun. Je fai que Part en a inventé de plufieurs fortes, que Fon a faits par l’expreffion de quelques fruïis , ou par linfufion & par la coc- tion de quelques racines, de quelques . fleurs, de quelques femences ; ou en- fin par ie mélange de fucre, de mil, de canelle, de levain , de vinaigre, & de quantité d’autres chofes , que les hom- | mes confideré dans l'Etat du Mariage. 341 mes ont cherchées, pour s'empêcher de boire de Peau cruë & pour le faire » mourir, ce me fembie , avec plus de : volupté. Ceft aïnfs que l’on a fait le Vin , le Cidre, \a Biere, V'Aydromel , le E Chitles. le Te cher : en un mot, toutes } fortes de boiflons. De toutes les boiflons, nous ne nous fervons guéres ici que de vin & de l’eau ; car pour les autres liqueurs, & principalement pour la biére & pour _ie cidre, l’on en ufe guéres où le vin D eftcommun. Mais parce qu on en boit quelquefois , je diraï que la biére , ou- tre qu’elle eft un peu amére & défa- gréable à boire , elle embaraffe fort les entrailles par lépaiffeur & par la vifco- fité de fa matiére, & fouvent y fait naï= tre des vents & des tranchées. Elle caufe des ardeurs d'urine. Les nerfs & les reins en font incommodez. Elle aporte même des douleurs de tête. En- En , par fon ufage continuel , elle don- ne quelquefois ja naïffance au fcorbut & à la ladrerie blanche, aimfi que nous le fimes voir il à a quelques années dans un Traité de cetie premiére ma:adie, que 342 Tableau de P Amour conjugal, que nous fimes imprimer par le com- mandement de Monfeigneur Colber: de Terren. Le cidre eft accompagné d'une bu- midité fuperfluë , qui ruïne le foie & qui y allemble avec le tems beaucoup de mauvaifes humeurs. La gale & a foiblefle des fens viennent fouvent de fon ufage immodéré , & nous avons quelquefoïs obfervé que pour peu que l'on ait de difpofition à la /adrerie blan. che , le cidre fufifoit pour rendre cette maladie incurable. Le vin , que lon peut nommer le fang de la terre , eft l'ennemi capital des enfans. La jeunefle en eft corrom- pué , parce qu’elle s’en fert fouvent comme d’un doux poiïfon. Mais pour ne m’etendre pas davantage fur ce fu- jet, l’on me permettra de dire en gé- néral, qu’il eft contraire à toute forte d'âge, par l’excès de fa chaleur & de {on humidité : d'où vient que les ma- iadies chaudes ou froïdes, qui font caufées par fon excès, conduifent ceux qui en font ataguez dans des fuites fu- nefles & dns des convuifons horri- bles, confidére dans l'état du Mariage. 343 bles, qui les ménent indubitabiement a la mort. Nous avons prefque , tous tant que nous fommes , les entrailles échaufées, Ja tête foible , le fang trop chaud ; & nous fommes fujets,principalement en cette ville , à des fluxions importunes. Ce fiécle eft rempli de bilieux & de mélancoliques , par l’excès d’une bile brûlée. Les maladies arouës font tou- tes ordinairement accompagnées d’u- ne chaleur infuportable ; & ce feroiït alors faire une grande faute que d’ufer de vin, puifqu’il ne convient pas mé- me aux perfonnes faines , à moins qu’il ne foit bien trempé. L'eau au contraire apaile d’abord Ia fureur des fiévres; elle tempére les entraïlles qui en font incommodées , & guérit prefque el- le feule les grands maux, qui fouvent ne peuvent être combatus fans fon fecours. L’eau eft un élément le plus beau & le plus néceffaire de tous. Elle ef telle- ment utile à la vie fpirituelle & tempo- relle , que nos plus Sacrez Myftéres ne fauroïent être célébrez fans eau , & que 344 Tableau de l Amour conjugal, que nous ne faurions vivre fans en avoir. La nature même, pour le répé- ter, l’a eftimé fi nécellaire aux hom- mes, qu’elle en a mis par tout où l’on fe peut trouver ; & je puis dire que c’a été Peau plutot que le feu , qui a été la caufe que les hommes fe font mis en- femble pour faire des villes. La meïlleure de toutes les eaux eft celle qui eft froide, claire, pure, le- gére & fans faveur, ce que l'on peut apeller douceur dans l’eau , qui s’é- chaufe en peu de tems & qui fe refroi- . dit de même ; enfin , pour être bonne, elle doit être fans odeur , elle doit plaï- re à la langue &r au palais, & être agréa- ble à la vüé. Ce font des marques aflu- rées qu’elle paflera bien-t0t par les uri< nes, & qu’elle ne chargera pas l'efto- mac après l'avoir buc. Celle qui fort de la crevaffe d’un rocher expolé au foleil levant , aura toutes ces bonnes qualitez ; maïs Pon doit bien prendre garde de ne sy pas tromper, comme fit autrefois Parmée du Prince Céfxr Germanicus aux côtes de Frife, où elle büt de l’eau d’une Fontaine minérale, qui ja confidéré dans Pétat du Mariage. 345 {à rendit en peu de tems prefque toute fcorbutique. L’eau de fontaine , de puits, de citer- ne, ou deriviere, elt très-excellente à boire, pourvû qu’elle ait les qualitez que nous venons de dire. Il faut que la fontaine foit fort nette, le puits décou- vert, la céterne garnie de gros fablons ou de petits caïlloux, & que la rivie= re n’ait point de bouë dans fon lit. L'eau de quelqu’une de ces efpéces étanche merveiïlleufement la foif, re- pare l'humeur radicale, & empêche la diffipation , tempére la chaleur des hommes , de quelqu'âge & de quelque région qu'ils puiffent être. Elle fert à toutes les co@ions qui fe font dans no- tre corps ; elle diftribuë lalfment qui nourrit nos parties ; elle apaife puilla- ment les ardeurs de la colére & de Ia bile , que le vin excite d’une maniere extraordinaire. C’eft l'ufage de l’eau qui fit autrefois nommer Sages les Rois de Perfe, qui faifoient porter par tout où ils alloient de l’eau du fleuve d’Ew- lée ou de Choafpe. En éfet, l’eau nous caufe de grands biens. Elle nous hu- mede 346 Tableau de l Amour conjugal, Mnedte & nous donne une liberté de ventre. Elle empêche que les vapeurs chaudes & bilieufes ne nous faflent mal à la tête. Elle nous fait dormir avec beaucoup de plaïfir & de tranquilité, & les fluxions n’en font jamais exci- tées comme par le vin. Après-tout , fi nous confidérons !es bons éfets que produit Peau dans ceux qui en ufent ordinairement, nous ver- rons qu’elle rend la couleur plus agréa- ble , haleine plus douce & les fens plus vifs : qu’elle répare les forces, & qu’enfin elle fait vivre plus doucement. Et encefet, Samfon n’eût jamais été f fort , fi fa boïflon ordinaire eût été au- tre chofe que de Peau. Le vin au contraire émoufe [a poin- te des fens, augmente les douleurs de tête, & fomente la chaleur des entrail- les, qui eft fouvent exceffive: il brouil- le Pimagination : ïl éface la mémoire & trouble la raïfon : il corrompt les humeurs , & fouvent il caufe par fon excès la flérilité des femmes , ou du moins des maladies incurables aux en- fans qui naiffent de parens débauchez. Qwon confidere dans l'état du Mariage. 347 -Qu’on ne me dife donc pas que le vin réveille Pame & qu’il excite lef- prit; car je répondrai que cette vi- gueur artificielle ne dure pas long- tems, quand on en ufe avec excès.Il eft comme de la chaux vive que l’on jette au pié d’un arbre, quirend à la vérité fon fruit & plus coloré & plutôt mûr, mais qui tué Parbre bien-tôt après. Qu'on ne me dife pas encor , pour méprifer Peau , qu’elle ne convient nt aux fains ni aux malades, & qu’Æ;po= crate & Galien fe fervoïent de vin pour guérir la plüpart des maladies arguës. Car fi lon examiue de bien près ce que ces deux Médecins en raportent, Von verra auffi-tot que [a boiïflon qu’ils donnoïent quelquefois à leurs mala- des, étoit plutot de Peau que du vin, puifqu’ils ne méloïent cette liqueur parmi Peau que pour en ôter Ja crudi- té. Je pourroïs raporter ict, pour fai- re valoir Peau, ce que ce dernier Mé- decin a laïflé par écrit, qu’il n’a jamais vû perfonne attaqué de fiévre ardente qu'il n’ait guéri, après lui avoir donné abondamment de l’eau fraîche à boire. Tome I. Gg Mais 348 Tablean del Amour conjugal, Maïs ce ne feroït pas encor ailez pour l'éloge de Peau , que d’avoir raporté ce que nous avons dit ci-deflus , fi la fe- mence dont nous fommes formez ne lui étoit femblable ; fi nous ne nagions parmi les eaux dans le ventre de nos meres , & fi notre cœur même n’en étoit imceffamment arrofé. La nature, qui eft louvriére de tou- tes chofes, nous veut fans doute mar- quer par-là, que comme Peau eft ce qui nous donne Pêtre & nous le confer- ve enfuite dans les eaux de nos meres, elle doit auffi être la principale chofe qui nous fafle vivre, lorfque nous en fommes fortis , puifqw’elle nous fert de principe pour perpétuer notre efpéce, Vénus , qui n’eft autre chofe que la pañlion de Pamour , nous fait encor voir que l’eau eftune excellente chofe, & qu’on la doit préférer à toutes les [r- queurs , puifqu’elle en a voulu tirer fon origine. Avant le Déluge les hom- mes ne büvoient que de l’eau, & lon fait quel âge ils vivoient alors, puifqu’il s’en eft vü qui ont ateint les huit & neuf cens ans. Et prefentement même el confidére dans etat du Mariage. 349 1l-y a plus des trois quarts des hommes qui ne fe fervent que de cette boïffon, parmi lefquels il y en a beaucoup qui vivent des fiécles entiers. Cette facon de vivre n’eft point miférable , comme quelques-uns fe ie perfuadent; c’eft un refuge afluré contre la mifére, & ceft par cet artifice que de grands hommes ont vécu long-tems, qu’ils ont eu Pel- prit fain & le corps robuite , & qu’ils ont éte agréables à Dieu & aux hom- mes. Depuis que Pona porté du vi & de Peau-de-vie dans le Canada, les Zro- quois , les Aurons & les Algonquins ,ne vivent pas fi long-tems qu’ils faiforent auparavant. Ils font même fujets, pen- dant le peu de tems qu’ils vivent, à des maladies furprenantes |, qui ne viennent fans doute que de ce qu'ils ne boivent plus d’eau. Ajoûtons encor à cela, que la natu- re a des apétits fecrets pour demandef ce qui eft le plus propre à la vie ; & par ce qu’il y a dans de certaines perfonnes une répugnance à boire du vin & une inclination à boire de l’eau , il faut auf- f: croire qu’elle leur a donné aflez de Gg 2 chas 340 Tableau de l'Amour conjugal, chaleur , pour ne pas en devoir cher cher au-dehors par Pufage du vin. Ceux qui ne boïvent que de Peau ont fouvent plus de fanté que les au- tres : ils ont la vûe plus perçante, & Pefprit plus éclairé ; ils aiment davan- tage les fcrences, & font plus propres au confeil & aux grandes afaires. Il eft vrai que le vin nous donne du feu & nous fait paroître plus fpirituels que nous ne le fommes ; maïs en vérité ïl ne nous cafe de léclat que dans 1a fuperficie. L'amour des femmes fuit notre tem- pérament , & l’expérience nous fait voir qu’il y a des hommes plus chauds & plus amoureux les uns que les autres. La chaleur eft le principe de toutes chofes. Elle entre dans toutes les ac- tions de {a nature ; & parce que la gé- nération eft la plus belle & la plus con- fidérable,auffi ne s’acomplit elle jamaïs fans qu’elle y foit. L’humidité y a fa Bonne part, fans laquelle la chaleur ne fauroit en aucune façon agir dans 1a produ&ion des animaux. Ce font par- ticuliérement ces deux principes qie confidéré dans l'état du Mariage. YS1 Ja nature emploie tous les jours pour engendrer toutes chofes, & j’aurois de la peine à dire lequet des deux eft le plus néceflaire , fi je n’aprenois de quelques Philofophes & de Pexpérien- ce même, que l'eaueft ce qui doit te- nir le premier lieu dans la génération des animaux. Car , outre tout ce que nous avons dit ci-deflus , nous favons que les pais médiocrement froïds , font beaucoup plus peuplez que ceux du Midi, & qu’il fe trouve plus de Villes furle rivage de la mer & fur le bord des lacs & des riviéres , que dans la plaine. On n’en fauroit donner de plus forte raifon , finon aue les Païs du Septen- trion & les bords des étangs, des ri- vicres ou de la mer, étant beaucoup plus humides que la plaine , ils font auf plus propres à la génération. Et la mer ne produit-elle par des poïffons, qui multiplient bien plus que les ant- maux terrefires? Nous avons lexpé- rience en France, que ceux quine vi- vent prefque que de coquillages & de poiffons, qui ne font que de l’eau raf- femblée , font pius ardens à Pamour Gg 3 que 842 Tableau del Amour conjugal, que les autres. En éfet, nous nous ÿ fentons bien plus portez en Carême qu’en tout autre faifon ; parce qu’en ce tems-là nous ne nous nourriffons ue de poiffons & d'herbes, qui font es alimens compofez de beaucoup d’eau. Après-tout, Pilluftre Tiraqueau n’eût pas engendré 39. enfans légitimes, s’il n’eüût été un büveur d’eau : & les Turcs mauroient pas aujourd’hui plufeurs femmes, fi le vin ne leur étoit défen- du. Car puifque l'eau eft d’elle-inême venteufe , elle caufe auf aux hommes qui en ufent pour boiffon , plus de chatouillement que n’en ont ceux qui ne boivent que du vin: & je fuis aflu- ré que pour la génération, Phumidité & les vents font deux chofes qui font : les plus néceffaires. I: eft donc évident , après tout ce que nous venons de dire , que ceux qui ne boïvent que de l’eau, fent plus amoureux & qu’ils vivent plus que les autres. CHA: tonfidere dans l'état du Adariage. 353 | CHAPITRE VIIL Si la femme eff plus conffante eu amour que | l'homme. Es faifons ont beaucoup d’empire furnos corps & fur nos humeurs : nous ne fommes pas le même en été comme en hyver. La bile domine dans cette faifon-ià, & la pituite dans celle- ci. Ainti l’aproche ou Péloignement du foleil caufe la variété de notre tempé- rament. L'été nous échaufeie fang,l’au- tomne le féche,l'hyver le refroïdit,& le printems Phumede & le rend fluide : f jen que la varitté des faifons change notre tempérament, parce qu’elle chan- gelesliqueurs de notre corps; comme nos inclinations fuivent notre tempé- rament, au report de Galien , fi notre complexion eft changée par la variété des faïfons, felon que expérience nous le montre, ilne faut pas douter que nous ne foiïons prefentement tout au- tres que nous n’étions auparavant. , a 354 Tableau del Amowr conjugal, La variété des climats fait encor en nous la variété de nos inciinations. Nous fommes à Arcangel d’une autre humeur pendant l’'hyver, que nous ne le fommes à Alexandrie d'Egypte l’an- née fuivante pendant {a même faifon. L'air, les eaux, la façon de vivre, & les autres chofes, changent fi fort no- tre complexion , & elle eft fi diférente dans ces deux lieux, qu’elle produit en nous des éfets tout opolez. L’âge nous rend plus inconflans que tout ce que nous avons dit. Dans no- tre enfance, nous voulions ce que nous abhoïrrons prefentement dans un âge plus avancé ; & notre vieïllefie ne peut fuporter le fouvenir des foibleffes de nos premiéres années: fi bien qu’il y a des plaifirs & des haines de tout âge. Bien plus, nous changeons tous les ans, tous les mois, toutes les femai- nes,& même tous les jours; deforte qu’il he faut pas s’étonner fi notre ame ef fi chancelante, puifqu’elle fe fert de no- tre fang & de notre tempérament pour faire {es plus belles a@ions. I! femble que le changement np OIt confidèré dans l'état du AHariage. 355$ foit naturel; car lorfque nous avons trouvé quelque chofe d’afluré & de conftant, bien-tôt après nous nous en rebutons, & notre conflance n’elt pas de longue durée. Nous fommies de véritables Pyrrhoniens tous tant que nous fommes, & nous flottons entre la vérité & le menfonge. Quand nous faïfons reflexion fur notre nature , nous avons peine à CroÏ- re que tant de contradiéions viennent de nous. Nous fommes donc inconf- tans, puifque nous Île connoi{ions. Que l'on regarde dans Antiquité, fr Von trouvera quelqu'homme confiant, qui ait dreffé fa vie fur quelque chofe de ferme & d’aflüré. Sion le rencon- tre, qu’on lexamine, s’il n’a rien de fardé qwon le pratique dans fa mai- fon , qu’on le voïe dans fon particulier, pour favoir s'il exécutera bien le mo- dèle de vie qwil s’eft prefcrit; & après cela, je fuis affüré que l’on ne trouve- ra perfonnedont les actions de fa vie {oient conftantes. On ne verra que faïl- lies qui naiffent d’un principe inconf- tant. L’imagination grofft les ge 2$6 Tablean de Amour conjugal, & nous les fait voir tout autres qu’ils ne font. Ce n’eft pas notre raifon qui nous conduit, c’eft la coûtume, Ia mode ,Vo- pinion, Pinclination, l’apétit & les oca- fions qui nous ménagent. Notre vo- Jonté r’eft point jufte ; nous voulons & nous ne voulons pas. Nous défirons préfentement une femme & demain une amie. En vérité, notre vie neft qu'un mouvement inégal & irrégulier, Nous nous troublons nous - mêmes par l'inflabilité de notre nature; & je puis dire hardiment , que l’homme eftun animal le plus inconflant € le Pluscontrefait qui foit an monde. Le Magifirat , dont la réputation eft établie & la vieillefle vénérable, qui donne du refpe& à tout le monde par fa gravité, fe gouverne, comme on le croït, par une faine rai- fon de Juge, felon l’aparence des cho- fes,avec juftice, fans s’arrêter aux vaines circonflances, qui fouvent les acom- pashent & quine frapent que les foi- les efprits. li entre au Palais avec une gravité Catonique. Il fe place fur les fleurs-de-lys pour y rendre la juflice. Mais fi PAvocat ne fui plaît pas, qu'il alt EE" confidéré dans l'etat du Mariage. 357 ait une voix enrouée ou une langue bégue, qu’il foit laid de vifage, ou que par hazard il laïffe choiïr fon bonnet; alors la gravité du Magifirat fe perd, ilenrit, il en badine; ïl n’eft plus ce qu’il étoit auparavant. Et cela féul fu- fit quelquefois pour faire une injuftice & pour faire perdre le procès à l'Avo- cat. Bon Dieu , quelle inconftance il # a dans l’homme ! [la fouvent des mou vemens de fiévre que fa fanté ne faus roit imiter. #2 Cetie Demoifelle, dont Pétrone nous fait l’hifloire par la bouche de Se réque, pour en parler encor ici, qui étoit l'exemple de Ia chafteté & de la conftance de fon voïfinage, & qui avoit réfolu de mourir dans le fépulcre auprès du corps de fon défunt mari, fe Jaïile lâchement perfuader à un Soldat, qui lui en conte , qui fait avec elle ce que fa bienféance ne me permet pas de dire. Cette femme étoit depuis peu iifte jufqu’à la mort, & prefentement il n’y a point de joïe à laquelle on puif- fe comparer la fienne. Elle fe fent heu- reufe; mais c’eft d’un bonheur de fré- néti= 358 Tableau de l Amour conjugal, nétique , qui a fes fougues & fes faïllies: En vérité l’homme eftun Caméleon, qui change de couleur felon les diférens lieux où il eft. If n’eft pas befoin d’en raporter ici d’autres exemples pour le prouver ; & {1 d’un nombre infininous en voulions choifir quelqu'un , nous dirons que l'Empereur Augufie ; quel- que grand qu’il füt, ternit fa gloire par fa grande inconftance. Certes, nous n’allons pas, on nous emporte, tantôt doucement, tantôt avec violence. Cet homme qui étoit hier courageux, par- ce que la néceffité, Ia colére & le via lui échaufoïent l'imagination, eft au- jourd’huï le plus grand poitron du monde. Quelle inégalité & quelle in- conftance eft ceci ! Cette variété a pourtant fes caufes, puifqu’elle ferible être fi naturelle à Phomme. On ne fe tromperoit peut-être pas, fi nous atribuons notre inconflance à l’ordre que Dieu a donné à lanature, quine fe conferve que par des chan- gemens réciproques & fucceflifs. Les aitres ne demeurent jamaïs en repos. Les faïfons font opolfees les unes aux autres : confidére dans l'état du Mariage. 359 autres : les élémens qui entrent dans la compofition des mixtes fe font incef= famment la guerre , fans fe détruire : toutes les générations du monde ne fe font & ne fe confervent que par des changemens : l’homme même ne fe for- me danslesentraiiles de fa mere que par des matiéres difcrentes, & ne fe con- ferve que par la diverfité de fes mou= vemens. Le cœur où réfide Pame, comme dans fon trône, eft-il toüjours dans une même afette ? Le fang par lequel nous vivons elt coimpolé de parties fi diférentes, que nous ne vive- rions pas fi fa matière étoit égale & fes qualitez femblables. Enfin, tout ce qui eft au monde ne fe fait & ne fe confer- ve que par la variété & Pinconftance. Ainfr Pinftabilité de notre tempéra- ment faifant Pinftance de nos inclina- tions, contribué à la beauté du monde raifonnable & à nous rendre variables & legers. Or puifque nos a&tions dépendent de nôtre tempérament, & que notre tempérament eft fi confiant par Île changement de nos humeurs, nous Tome Z. Hh pou s6o Tablean del Amonr conjugal, pouvons conclure que l’homme eff le plus changeant © le plus inconflant de tous les animaux , & que fa raïfon, bien loin de détruire fa foïblefle , {ert fouvent à lui augmenter fon inconftance. Après avoir prouvé que les deux fe« xes font naturellement inconftans & en avoir découvert la caufe , il me femble que je puis prefentement examiner le- quel des deux, ou de l’homme ou de la femme, eft en général le plus in- conftant, & puis à ha dens le : particulier , voir lequel des deux ef Le plus leger en amour. Nous avons prouvé fort clairement au Eu. 2. ch. 3. art. 2. queles hommes en énéral étoiïent plus chauds que les D parce qu’ilsétoient plutot for- mez dans le fein de leurs meres, qu’ils s’agitoient plutôt dans leurs flancs & qu'ils naïfloient aufli plutot ; qu’étant nez , ils agifloient avec plus de force & de fermeté dans tout ce qu’ils entre prenoient, qu’ils avoient le pouls plus lein & plus fort ; & qu’enfin, comme + bêtes mâles étoient les plus fermes, & les moins môles, les hommes aulli | L 4 eonfidere dans l'état du Mariage. 367 étoient plus vigoureux & par confé- quent plus chauds; & bien que nous ajons dit au même lieu, qu’il y en avoit qui croïoient que les femmes fuffent fus chaudes de tempérament que les Lomme , nous y avons pourtant fait voir qu'ils fe trompoient lourdement, puifque les raïfons que nous y avons aléguées ont fait connoître que les femmes en général étoïent plus froïdes & plus humides que nous. Nous ne nous arrêterons donc point Ici à ces dificultez, qui font décidées ailleurs d’une manïére claire & con- vainquante. ll fufit que nous difions feu- lement , que les Loue: en général étant froides & humides, fi on les come pare aux hommes , elles ont aufi Pr« magination-plus foible , laraifon moins folide & la volonté plus legére , parce que la force de ces facultez ne dépen- dant que de la chaleur des efprits & de la fermeté des parties, dont l’ame fe fert pour les dre agir , & que les femmes n’aïant ni tant de chaleur d’ef- es hommes, on peut dire que les fa Hhe cul» 1 Le , Ni tant de fermeté de parties que 362 Tableau del Amour conjugal, cultez de leur ame font plus foibles & plus languiffantes. Sur ce principe, les Juriconfultes veulent que Îles femmes aïent des C#- rateurs , & qu’elles rendent conte de Padminifiration du bien de leurs en- fans ; parce que, felon le fentiment de Cicéron , elles font fi foibles, qu’elles ne font pas capables de donner un bon avis. [ls veulent encor qu’elles foient miles à mort avant les hommes, pour découvrir ce qu’ils ont dellein de fa- voir dans des confpirations notables ; car comme les femmes , ajoûtent-ilis, font plus foibles que les hommes, l'ex périence leur a montré qu'ilen faloit ufer dela forte. En éfet , les femmes ne font pas plus conitantes que lesenfans , dontletem- pérament eft prefque tout femblable ; car elles font humides comme eux, & eur chaleur médiocre ef fi embaraffée dans Pabondance de leur humidité , qu’à tout moment elles donnent des marques de leur foibleffe & de leur in gonftance. | Salomor, le plus fage de sousles hom- LÉ | mes, 7 confidéré dans l'état du Mariage. 363 mes, qui connoïfioit mieux ies fem- mes que nous, les compare au vent, & dit fort à propos , que celui qui a une femme dans fa poffeffion, qui tà- che de la retenir pour lui feul, refflem- le à celui qui veut retenir le vent en- tre fes bras. En vérité eile eft bien le- gére par {a nature & fe laïfle aller aïfé- ment aux petites chofes par la foiblef… fe de fon jugement; elie s'arrête à la bagateile, & pale toute fa vie à faire ce qui marque linftabilité de fon fexe. _ Sa taille eft petite, fes forces médio- cres , fes actions languiflantes : en un mot , elleeft plus foible & plus inconf- tante que homme. L'homme au contraire eft plus Er , plus vigoureux, plus agiffant : es conceptions font meilleures & fon raifonnement plus fort, Ileft plus ré- folu & plus ferme dans fes afaires, plus conftant dans fes entrepriles & plus hardi dans fes a&tions, parce qu’il a une complexion plus chaude, plus fé che & plus forte. C’eft fans doute pour cette raïfon que lEcriture veut qu’il ait la fupériorité fur Ja femme & qu’il Eh 3 foit 364 Tableau di: D Amour conjugal, foitlie maïtre & le feigneur de la fa mille. | La confiance de quelques femmes expofées aux tourmens, ne me fera pis ici changer de fentiment. Nous fa- vons que la belle Léere aïma mieux fe couper la langue & la cracher aux yeux du bourreau, que ce rien révéler de meurtre du Tyran, & que la conf- tarte Epicaris le refolut plutôt à mou- rir, que de rien avoüer dans la confpi- ration de ÂVéron ; mais comme ces exemples foni fort rares ; & que pour faire une maxime générale on doit en avoir plufieurs , je demeuréraï toù- jours dans mon fentiment, & je dirai que les femines en général font plus variables que les hommes. Mais peut- être fe trouvera t-il des occañons où elles le feront moins que-nous, &c c'efl ce que nous voulons prefente- rent examiner. . l'amour efl une paffion fi badine & fi violente , qu’on laremarque ordinai- rénent avec plus d’excès dans les pe=. tites que dans les grandes ames: J’ae, vouc que nous en fommes tous: tou chez; confidere dans l'état du Mariage. 36% chez ; mais à dire le vrai, les plus foi- bles , du nombre defquels font les fem- mes, en font plus embaraffées que nous. Et comme la perfévérance eft une qualité inféparabie de Pamour, nous pouvons conclure que les fem- mes aiment plus long-tems, & qu’ain- fi elles font en amour pius conflantes que nous. Car amour ceffe quand on n'aime plus, & lon doit toujours aimer réellement, pour dire que l’on ame. Si nous confidérons ce qui fe pale tous les jours parmi nous dans le mon- de, nous ferons convaincus de ceite vérité. L'expérience nous aprend , que la pudeur des femmes les empêche de s’évaporer & les oblige en même-tems à n’aimer que ceux avec quielles ont plus de libertez permifes. La pudeur efl encor une certaine honte qui les rétient dans leur devoir & qui fouvent les rend conflantes malgré elles. J’en dis de même de la timidité, qui acom- pagre ordinairement le beau fexe. Cette retenuë, qui eft naturelle aux femmes, ne s'éloigne guéres de la confiance, & je pourrois dire qu’el- Ie 366 Tableau de l Amour conjugal, lef eft fa compagne inféparable. D'ailleurs il y a peu des femmes qui m’aiment éperdûment ceux avec qui elles ont pris le dernier plaïfr. Elles font tellement attachées à {eur premier amant , que fi par quelque grande con- fidération elles font obligées de s’allier à d’autres, elles confervent toujours dans leur cœur un je ne fai quoi de tendre pour celuï quileur a ravi la fleur de feur vriginité. Au reftenous favons qu’elles font plus fédentaires & moins propres aux afaires que nous, &que la folitude & lPembaras de leur ménage les éloi- gne des compagnies, fi bien qu’elles n’ont pas fi fouvent que nous des oca- fions où elles puiffent être infidèles. Enfin les Îotx les retiennent, en pu- niflant févérement celles qui ont été trop legéres , en les condamnant à être rafées & à être mifes dans une prifon perpétuelle, pour avoir été trop in- conftantes en amour. Je ne arrête poïint ici à exemple de quelques femmes abandonnées par la chaleur dé leur tempérament : car quoique Lépides tante de Nero, içi € confidtre dans Ditat du Mariage. 367 Je nom de Quartille dans Pétrone, ne fe foit jamais connuë vierge, que les deux Tullies, les deux Jeannes de Nas ples , & quelques autres, aïent fait gloi- re d’être careffées par plufieurs hom- mes , cela empêche pourtant pas que la propofition générale ne foit vérita- ble; favoir, que les femmes font plus conftantes en amour que les hommes. Que fi nous faifons réflexion fur n6- tre tempérament & les inclinations qui les fuivent, nous ferons convain- cus par nous-mêmes, que amour ne nous affujétit pas avec tant de tiran« nie qu'il fat les femmes. La multipli- cité des afaires nous embarafle ; & pour nous délaffer, nous prenons le premier Joûet & le premier divertifle- ment que nous trouvons. Notre gran= de chigleur nous donne de la hardieffe à faire de nouvelles conquêtes. Nous en contons hardiment aux premiéres que nous trouvons, & fouvent nous nous fatisfaifons où les ocafions nous font favorables. Notre efprit eft trop libre, pour nous aflujétir à une conf- tance tiranique ; & les dégoûts que l’a- 368 Tablean del Amour conjugal, Pamour nous fait naître pour une per fonne , nous obligent fouveñntà chan- ger de diverufilement. Celle qui nous a plu pendant huit jours, nous déplait enfure, & lés petits chagrins que l’a- mour fait naître dans les carefles de cette femme, font bien - tôt changez en de nouveiles efpérances pour une autre. 1i nous fait acroire que les nou- veaux contentemens font d’une autre hature que les paflez,; & ainf il fomen- te notre inconftance naturelle, par cette nouvelle piperie & par ces vai« nes efptrances. k. | Au refle comme les plaifirs & les | épuifemens font plus grands dans les hommes que dans les femmes, -&-que d’aileurs nos dégoûts font plus infu- portables & mieux fondez, l’'amoux quine cherche qu’à nous furpr#hdre, pour rendre fon empire plus gränd &c plus peuplé, nous perfuade adroite- ment par des fentimens fecrets;-que le changement nous fera plus agréable & plus voluptueux que la confiance ; ec alors nous fommes fi fimplés que bien que nous aions lexpérience au con- trai- Re confidèré dans l'état du Mariare. 369 traire, nous nous jarfons lächement aller à fes perfuañons fecretes & à {es mouvemens cachez : témoin une infi- nité d'hommes qui fürent parfaitement aimer , & qui, à ’imitatton d’Ovide, fu- rent les plus inconftans de tous. Cer« tes, Tibulle& Properce ont bonne gra« ce de taxer les femmes d’inconftance, quand il eft queftion d'aimer, puifque le premier fabandonna Deélie pour AVe- nefe, & qu'il fe dégoüta de toutesdeux, pour carefler Neere, que l’autre ne fe contenta pas de Cinthie. Si une femme a dit fpirituellement qu’elle cherchoiït avec empreffement les careffes de plufieurs hommes, par- ce qu’elle étoit raifonnable, ne puis-je pas dire que la raifon étant plus forte dans les hommes que dans les femmes, Hs peuvent aufli s’en ferviraux mêmes conditions? Plus lon eft raïifonnabie, plus l’on eftexpofé aux foupiefles de Jamour; & comme l'amour eit quel- que chofe de naturel, & qu’il obfede tout le monde, on peut dire que tous ne peuvent fe défendre de fes 2pas, & qu'ordigaement ii trouble lame des = nn 270 Tablean del Ainour conjugal, uns & des autres. Maïs commelPamorir exceffif eft une maladie commune aux deux fexes , ceux qui ont le plus de for- ce d’ame réfiftent plus courageufement à fa tiranie ; & fr quelquefois ilsen font épris , ils changent fouvent d’objets, our éviter les allarmes & 1ès embarras qu’il donne toûjours ; au lieu que les petits efprits n’aïant pas aflez de force d’ame pour réfifter à fes mouvemens fecrets, & d’ailleurs étant plus timides, ils fe laiffent lâchement emporter par la foibleffe de leur condition , & de- meurent ainfi continuellement liées à la perfonne qu’ils aiment. S'il eft donc vrai, comme lexpé- rience nous le fait voir, que tous les hommes ne peuvent s’aflujétir long- tems à l'empire de l'amour & qu’ils ne fuivent qu'avec faillies fes infpirations fecretes, on doit conclure, après ce ’ que nous venons de dire, qu’ils font en amour beaucoup plus inconfians | que les femmes. Ja CHA confidéré dans état du Mariage, 271 PERCH HENCH Le ECS > LICIS MOCHE HEICRÉ MAD PITKRE TX Si l'on Peut aimer fans être jaloux, E ne fauroïs me perfuader que les Stoïcrens | QUI ont tenu le premier rang parmi les anciens Philofophes, fiffent leurs Sages exempts de toutes fortes de paions. Ils favotent très-bien que Îa pafñon lui étoit fi naturelle, qu’il étoit impollible de détruire dans Phomme ce qui lui étoit fi effentiel. Sj nous avons quelque fo pour ce que nous dit le Philofophe Sérégue , qui étoit le Maître de cette See , nous fe- rons convaincus de cette vérité, JI avoué franchement , que le Sage ne peut s'empêcher d’avoir des émotions _ dans Pame, maïs auffi que fa raifon peut bien s’opofer puiflament à leurs excès, En éfet, puifque nous fommes coms polez d’intelligence, d’ame, defprits & de corps, comme nous le prouve- rons aïlleurs ; que notre intelligence a quelque raport aux Anges, & que no= Tome L de : tre 372 Tableau de l'Amour conjugal, tre ame venué de nos parens participe de la nature de celle des bêtes , il ny a as lieu de douter que les paflions ne foient naturelles à lun & à Pautre. Moife nous aprend que les Anges ont été jaloux & orgueïlleux tout enfem- ble ; & nous voions par expérience , ue les bêtes fe laiffent tous les jours Aller à leurs paffions déréglées : témoin Je Bouc qui tua le Pafteur Crans, parce qu’il avoit careflé amoureufement fa Chévre. Nous favons que les maladies font comme naturelles à lhomme , quoi- qu’en veüillent dire les Médecins, puif- que depuis Le commencement des fié- cles jufqu’à prefent, Pon n’en a trouvé aucun qui en ait été exempt. Notre corps eft compofé de parties fi diféren- tes en tempérament , & nous fommes expofez à tant d’accidens , qu’il eft im polible que dans notre vie nous ne foufirions quelque incommodité. Il eft vrai qu’il y en a de legéres & de fortes, & que de ces derniéres il yen a de dan gereufes , dont on ne meurt point, & d’autres pernicieufes, dont on ne | peut! confidere dans l'état du Mariate. 373 peut réchaper , à caufe de la corrup- tion d’une partie néceflaire à la vie, ou de quelqu’autre caufe violente. Ce font ces derniéres maladies , que les Médecins difent être contre les loïx de la nature. Maïs les hoinmes- qui ont un bon tempérament ne font expofez qu'aux lesgéres maladies, ce qui leur fait dire qu’ils fe portent toû- jours bien. J’en dis de même des paffions de l’a< me. Elles font fi naturelles à l’homme, que ceux qui ont voulu en exempter tout-à-fait le Sage, ont ayoïüé facile- ment qu’il n’en avoit que des émotions legéres, qui pouvoiïent être domptées par fa raïfon. Et c’eft ce qu'i a fait dire à quelques-uns,que le Sage étoit exempt de paffion. Mais ïls font demeurez d’acord que les autres hommes y étoïent fujets , comme les bêtes , & que la partie inférieure de leur ame étoit le lieu où elles réfidoient. Defor- te qu’il y avoit des pañlions fi enra- cinées dans ces hommes - là, qu’elles étotent fans reméde, & d’autres, quoi- que grandes, que l’on pouvoit guérir | à 15 2 par 374 Tableau de P Amour conjugal, par des remédes éficaces & falutaires. Puis donc que les paffions font na- tureiles à Phomme , comme nous ve- nons de le dire, la jaloufie qui en eft une des plus violentes, & qui eft com- parée à la mort & à l’enfer par PEcritu- re , ne l’abandonnera jamais ; & com- me elle vient de l'amour, nous fommes obligez de croire que tous ceux qui ai- ment font jaloux ; c’eft ce que nous avons deffein de prouver par ce dif- cours. Il n’eft pas befoin de dépeïndre icï Pamour. Nous en avons fait diverfes peintures dans tout ce Livre, où nous avons expofe aux veux de tout le mon- dé fa nature & fes éfets ; il fufira feule- ment de parier ici de la jaloufie, qui en eft comme la fille. Nous avons dit aïlleurs, que Ia beau- té avoit des charmes fi putffans , prin- cipalement fi elle fe trouvoit dans un fexe fi diferent du nôtre, qu’elle nous entraïnoit même contre notre volonté, & que quelques éforts que nous puif- fons faire , il étoit prefque impoffble de nous en défendre. En éfet , elle a 4 tant ff confidere dans l'état du Mariage. 375 tant d’atraits pour nous , qu’elle em- brafe d’abord notre cœur , qu’elle for- ce notre volonté & qu’elle fait obéir nos parties amoureufes à fes invinci- bles apas. Alors elle caufe en nous un ardent defrr de pofféder une belle per. fonne ; & c’eft ce defir que nous nom- _mons Amour, qui eft fans doute la four- ce de toutes les pafhons de notre ame, Quand on aime bien, l’ame confer- ve des idées prefentes de lPobjet ab- fent , & recoit une extrême Joïe, quand on lui parle de ce qu’elle arme. Maïs parmi les véritez que l’on en debïte, fouvent il s’y glifle des menfonges & des Impoñtures;& les véritablesraports font fouvent mêlez avec les faux. C’eft ce qui méne l'ame dans l'erreur, & qui la fait entrer en défiance par des foup- çons , des conjedures & des doutes qu’elle fe forge. Souvent on croit n’a- voir pas aflez de charmes pour mériter les bonnes graces d’une perfonne , & en même-tems on penfe que cette per- fonne peut être inconftante & qu’elle celle d'aimer ; c’eft ce qui arriva à 20p- pée, qui examinoit apres l’impuiffance [13 dé 376 Tableau del Amour conjugal, de Aron , comme Pétrone Yobferve. Alors par Ia fotbielTe de notre nature & par l’impofture de amour, ces conjec- tures fe changent en preuves , & ces doutes en convidions , quelque aflu- rance que lon ait de Ia perfonne ai- mée. En vérité nous ne faurions bien aimer fans être jaloux ; car après être arrivez à ce haut degré d'amour, où nous ne pouvons demeurer par notre inconflance naturelle , nous fommes obligez de tomber dans la froïdeur ou dans la haine, en paffant toujours par ia jaloufie. Le Médecin Celfe, * qui eftun maître dans la connoïffance de la nature de l’homme, a dit fort à pro- pos, qu'un homme qui eft plus gras qu’à l'ordinaire , devoit craindre de tomber malade; parce que les chofes de ce monde étant toutes inconftantes, il ne devoit pas demeurer long -tems dans cet embonpoint. C’eft parmi tous ces troubles que la- me eft en défordre & comme en délire, : &c * Qui fpeciofior [e ipfoeft deber habere fefpeita nés AE ie | confideré dans l'état du Mariage. 377 & qu'après s’être défendue des aparen- ces & avoir coupé, pour aïnf dire , une tête à Phydre,elle fe laïffe fuborner aux foiblefles de Pamour , qui lui fait fou- vent paroître des chimres pour des véritez, & qui fait naître à l’hydre dix têtes pour une qu’on luï a coupée. If n’eft pas aïfé qu’une perfonne émué d’une paflion violente , comme eft la jaloufe , puiffe juger jufte dans fa propre caufe , & qu’elle puiffe voir la lumiére parmi tant de ténèbres , dont amour lui ofufque Ia raïfon. Z40;fe avoit trouvé unexpédient fur cela, fans que l’homme & la femme fuffent eux- mêmes leur propre juge. Le Grand- Prêtre faïfoit boire aux femmes acu- fées d’impudicité,un grand verre d’eau très-amére , qu’on apelloit Eux de Ja- loufie. I prétendoiït par-là guérir l’ef- prit des maris jaloux, en faïfant paroi- tre le crime par l’éfet de cette Eau de Probation, qui devoit faire pourir le ven- tre de la femme criminelle, ou confer- ver la fanté de celle qui étoit innocen= te. Nous aurions de la peine aujour- d’huï à faire de pareilles épreuves, & je ne 378 Tableau de l Amour conjugal, ne fai fi nous pourrions croire qu’un Jarcin fecret püût être découvert par ces fortes de moïens. Cependant, l'ame agitée de diverfes paffions , cherche toutes fortes de moiens pour fe dégager des doutes qu'elle s’eft fait. Alors la curiofité Pani- me à examiner toutes les circonftances de l’afaire. Elle obferve & épie exacte- ment ce qu’elle aïme , de peur qu’el- le ne le perde ; maïs cette recherche extravagante fait fon mal pire qu’il n’é- toit; & au lieu de le guérir,elle y aporte fouvent la gangrenne. C’efl ce que nous ont voulu dire les T héologiens Paiens, par la Fable qu’ils nous ont dé- bite ; favoir , que Vulcain ennuïe un jour des impudicitez de fa femmé, fe réfolut, pour fe venger d'elle, à faire éclater fa jaloufie en prefence de tous les Dieux , quil croïoit lui être propi- ces & favorables. Maïs après avoir tén- du des rêts pour furprendre Afars & Vénus enfemb e;bien loin de guérir par- jà fa pafon,il fe l’acrut & fut eftimé m= fâme parimiles Dieux , pour avoir dé- couvert un ctine caché. Et de plus , les Dieux confidéré dans l'état du Mariage. 379 Dieux furent fi fcandalifez de laétion de ’ulcain , qu’en le chaffant honteufe- ment du Ciel, il tomba à terre & fe caf- fa une jambe. Voïlà ce qui arrive à nos jaloux. La vengeance fe mêle avec Ia jaloufie; & pour avoir le plaïfir de faire tonnoître aux hommes la foiblefle de leur femme , en découvrant leur fecret amoureux, ils s’atirent la rifée de tout le monde & une tache perpétuelle pour leur réputation. Maïs comme lame n’ignore pas que tout ce quieftau monde ne foit fujet au changement , elle commence à craindre de perdre tout ce qui fait fon bonheur & fon plaifir & qu’une autre ne s’en empare. C’eft proprement cet- te crainte , que nous apellons Jalon- fie, qui a l'amour pour pere, & qui ne peut dénier pour mere la craïnte qui Pa engendrée. Cela n’eft-ïl pas étrange, que les mêmes inclinations qui caufent Pamitié dans le commerce des hom- mes , foient dans Pamour excefff Ia caufe de ia haïne ? Cette jaloufie ef fi forte & fi puif- fante dans lefprit de quelques hom- mes ; 380 Tableau de l Amour conjugal, mes, qu’il yen aeu, felon le raport de Tertullier, qu’au moindre petit bruitque faïfoit le vent, ou untrat à la porte de leur chambre, ils apréhendoïent qu’on n’enlevät ieur femme d’auprès d’eux. Cette crainte ne s’eft pas plutôt em- parée d’une ame foible, que la haine y trouve auffi-t0t fa place: maïs comme l'amour n’en eft pas entiérement ban- ni, il s’y pafle d’étranges défordres, par tant de paffions fi opofées les unes aux autres : & fi lame n’en eft point détrui- | te , elle ne doit affurément fa vie qu’au nombre de fes ennemis : car d’un côté la haine glace le cœur , où l’ame fait fa | principale demeure. Elle y éteint pref- que les efprits & y fufoque la chaleur naturelle : d’un autre, Pamour le brüle, & en y dilatant fes petites cavitez, ilen augmente les efprits & la chaleur. Pau- vre cœur, que ce monftre de pañion te fait foufrir ! C’eft de ces pañlions con- traïres que naïflent la colére , les cha- grins, la fraude, Pefpérance, le defef- poir, la joïe, la triftefle, la fureur,la rage, & puis envie de fe venger aux dépens de fa réputation. Il y en aeu même qui | on? _confidére dans l’état du Mariage. 387 ont pouffé leur jaloufie jufqu’après leur mort; comme fit ce Roï de Maroc, qui après avoir été défait en guerre , ne voulut pas que perfonne joüit de fa | femme après fa mort ; c’eft pour cela qu’il Pa mit en croupe derriére lui fur fon cheval,& que le pouffant vivement, il fe précipita du haut d’une montagne, ainfi que nous le raporte Jean de Leone. Maïs n’allons point chercher les hif. toires de l’Antiquité fur les éfets de la jaloufie , nous n’en faurions trouver de | {1 notables que celles qui arriva l'autre jour à Nice en Provence. Le Seigneur de Caftel Nuovo , âgé de 67. ans, devint | 1 éperdûment amoureux de fa bru Per- vine de Harcoñette, deS. Jean de Morien= me, que fon mart & fa femme lui étant un grand obftacle pour lexécution de fon pernicieux deffein , ïl les fit tous deux empoifonner par la fille - de- chambre de fa femme. Mais comme Pamour & la jaloufie font expofez à mille accidens divers , le beau - pere trouva la mort, où il penfoit trouver des plaïfirs ; car fa belle-fille lui plon- gea le poignard dans le fein , comme il vou: 392 Tableau del Amour conjugal, voulut prendre avec elle des divertiffe- mens amoureux. Comme rien n’eft caché dans le mon- de , tôt ou tard la vengeanceéclate, le fcandale arrive , & par-là on publie. fouvent un crime , dont le malheur s’é- tend quelquefois aux fuccefleurs.Si par hazard la perfonne jaloufe vient à fe reconnoître, lorfque la maladie ef for: mée & qu’elle n’eft pas incurable , elle a pourtant pour toutes fes peines la douleur & le repentir, qui font leséfets d’un amour déréglé & la fin de la jalou- fie. Car par tout où fe trouve la Jalou- | fie, par tout fe trouve l’amour.Et com- me la vie accompagne toujours les ma- | lades & que la douleur ne touche ja- mais Les morts : ainfi la jaloufie n’aban- donne jamais les amoureux, & ne fe trouve jamais où il n’y aque des froids & des indiferens. Après avoir découvert [a naïffance, Ja caufe, la nature & le progrès de la jaloufie , il me femble qu’il ne fera pas hors de propos d’en examiner prefens tement les diférences & les éfets, L'expérience nous fait voir tous Îles Jours confidéré dans l'état du Mariage. 383 jours que la raïfon eft quelquefois Ia maître{le de nos paflions , & qu’elle les modére avec tant de force, quand on s’eftacoûtumé dès le bas âge à les dom- pter , que Ponne doit pas s'étonner s’il y a des hommes & des femmes qui ne fe laiflent point lâächement empor- ter à leurs mouvemens impétueux. Jo- féph eut en aparence de légitimes foup- çons de la bienheureufe Agarie ; mais 11 fat fi bien les étoufer dans leur naïf- fance, qu’il ne fe iaïffa point aller aux excès de la jaloufie. Jules-Céfar avoit tant de force fur fon ame , que bien qu’il eût de véritables caufes pour être jaloux, fa grande ame ne fuccomba ja- | maïs à cette horrible paflion. C’eft ain- fi qu’en uférent Augufle, Luculle, An toine & Pompée. Ces grands hommes qui avoient fujet d’être jaloux, n’en firent point de bruit. On les plaïgnit plutôt de ce qu’ils étoient vertueux , que Pon ne les bläma de ce qu’ils étoient 1m- rudens. Ils favoïent bien qu'ils ne de- voient pas fe fcandalifer de la mauvaife conduite de leurs femmes, & que s'ils le faïfoïent , il n’y auroit pas ppienr Tome L. R en= 384 Tablean de l'Amour conjugal, enfans qui ne les en raïllaflent. Les femmes naturellement font plus jaloules que les hommes, comme nous le prouverons enfuite , & ont quelque- fois la même force d’ame dans de fem= blables ocafions.Sara eut d’abord quel- que legére jaloufie de ce que fon mari Abraham carefloïit Agar ; maïs la raïfon vint aufli-tot au fecours de fa pafion, & après lavoir heureufement comba- tué, elle confentit que fon mari fit des enfans à fa fervante. C’eft ainfi que fit Stratonice , qui touchée de ce qu’elle mavoit point d’enfans de fon mari De- jotarus, & agitée de quelque crainte de le perdre, confentit enfin qu’il en fit à Eleitra , à condition qu’elle les adop- teroit & les réputeroit pour les fiens propres. Il ren eft pas de même des ames “bafles & rampantes : Pamour & la ja- Joufie s’y font reflentir avec plus d’em- pire, & y font paroître avec plus d’é- clat le nombre des pañlions qui les accompagnent. Quand l'amour eft arri- véàce haut point où il ne peut plus croître , ceux qui en font ennivrezs apré confidére dans Pctat du Mariage. 358$ aäpréhendent tout , une œiliade [es in- commode , une converfation Îles im- portune , une promenade les inquiéte, une colation leur déplait & une lettre les chagrine. Ils refflemblent à ceux qui font fur un précipice à qui les yeux s’é- bloütffent , les piez chancellent , le corps tremble.lls crargnent de tomber, quoiïqu’ils foient dans un lieu de füre- té. Il n’y a que les fages & les ftupides qui foïent exempts de l'excès de cette pafhon. Les autres , qui tiennent le mi- dieu & qui compofent prefque tout le monde raïfonnable , font du nombre des efprits foibles ou médiocres. Ils ont un chancre caché dans le cœur; &, comme parlent les Médecins, un 0h me tangere , qui ne s’entretient que par des ordures croupiffantes ; c’eft-à-di- re, que la jaloufe ne s’entretient dans Je cœur de ces petits efprits, que par des pañions ennemies & des rêveries continuelles ; c’eft de-là que viennent les inquiétudes , les extravagances & même la folie & la rage des jaloux, qui femblent pourtant avoir quelque efpé- ce de raïfon ; comme ZLépidus fembloit Kk 2 en Bi | 286 Tableau del Amour conjugal, en avoir, lorfque devenant malade ,ïl | en mourut. Nous ferons plus convaïncus de ce que je dis, fi nous examinons en parti- culier la jaloufie dans l’homme & dans la femme , & fi nous cherchons lequel des deux eft le plus jaloux. La crainte de perdre ce que lon aï- me , eft bien plusforte dans Pefprit d’u- ne femme , que celle qui ocupe lame d’un homme; & bien que la femme foit naturellement timide ; lexpérience nous fait pourtant voir qu’elle eft telle- ment hardie, quand elle eft jaloufe,que s’il eft queftion de faire un crime, elle eftbeaucoup plus intrépide que nous. D'ailleurs, comme elle eft naturel- lement plus foible , & que par-là elle a plus befoin du fecours & de laput de l’homme, elle a auffi plus de crain- te de le perdre , quand elle aime beaucoup. D'autre part , parce qu’elle eft plus . conftante en amour que nous, com- me nous Pavons prouvé au chapitre précédent, elle reçoit aufli beaucoup plus d’impreffion par les mouvemens 7 _ confidère dans l'état du Mariage. 387 de lamour & de la jaloufe. La lafciveté eft encor une puiffante caufe de l’excès de cette paffion , elle la preffe plus que nous & l’engage plus fortement à être plus jaloufe. Enéfet, elle s’imagine que fon mari n’en aura pas aflez pour elle, & dans cette pen- fée fafcive , elle craint qu'une autre ne partage avec elle les contentemens qu’elle defire avec ardeur & le bien qu’elle pente lut apartenir. Aureîle , elle fe met plus fouvent en colére & y demeure davantage , & alors la jaloufie devenant fureur , elle eft capable de faire tout ce qui peut y avoir de mal au monde. Enfin , il n’y a point de bête farou- | che qui foit plus cruelle que la fem- me , lorfqw’elle eft troubiée par la ja- dJoufie; il n’en faut point d’autre preuve que celle de A£édée, qui tua fes propres enfans pour fe vanger de fon mari, nt que celle de Laodicée , femme d’Atio- chus, furnommé Dies, laquelle, felon le raport de S. Jérome fur Daniel , fit mourir Bérénice avec fon enfant, parce qu'Antiochus en étoit le pere, & puis Kk 3 elle 388 Tableau del Amour conjugal, elle s'empoifonna de défefpoir. C’eft cette pallion dérégiée qui a fait dire fort à propos à l’Écciéfiafte , que /4 femme jaloufe ctoit la douleur du cœur de fon mari Ô* les plaintes de [a farmille. Les hommes en ufent à peu près de Ja même façon, fi ce n’eft que la lafci- veté n’a point tant de part dans leur ja- loufe qu’elle en a dans celle des fem- 1es. fs apréhendent feuiement qu’un autre ne raviile le bien qu’ils penfent n’apartenir qu’à eux feuls ; & dans cet- te noire penfée , ils fechargent d’une des plus cruelies pafñions de l'ame. C’eft la jaloufie qui fit perdre la vie à AAarianne , parce que fon mari Héro- de ne pouvoit foufirir que l’on aimät fa beaute. C’eft auffi la même pañion qui obiigea le mari de la belle Aenniére à donner du mal à fa femme, pour le communiquer enfuite à un Monarque | des plus tiluftres de l'Europe , qui aï- moit beaucoup les belles lettres ; & comme il ne pût, ou ne voulut pas fe. vanger fur fa Perfonne Royale , il fe vengea fur le corps de fa femme , qui enfuite infe@a le Roï. Je ne fauroiïs ici“ pañfer confidere dans l'état du Mariage. 389 pañler fous filence ce que l’on nous dit d'Oélavius , qui après avoir baïfe amou- reufement Postia Pofthumia , fut fi vive- ment choqué de ce que cette femme ne voulut pas lépoufer, après l’en avoir priée , que fon amour fe changea en fu- reur , fi bien qu’il arracha la vie à celle qui entre fes bras la lui avoit fi fouvent redonnée. | En vérité les hommes reflemblent bien aux cerfs, qui étant naturellement fort craintifs , font extrémement jaloux de leurs biches ; auf les naturalifles ont-ils remarqué que le poil de leur tête étoit garni de vers, qui la leur ron. geolent inceffamment. Francois Torre en avoit un gros dans la tête, felon que PHifloire d’Italie nous le raporte, lorf- qu’il fe pendit à Modène, pendant que dans le dernier fiécle François Guichar- din en étoit Gouverneur , parce que la Courtifane la Calore, qu’il aimoit éper- dûment, toucha la main d’un Gentil- homme qui joüoit aux échecs aveclui, Maïs s’il y a de legéres maladies que nous domptons par notre façon de vi- vre ; ilyen auneinfinité re ont 390 Tableau del Amour conjugal, font périlleufes & même funelles, ou par notre faute , ou par leur propre na- ture , que nous ne pouvons combattre = nos remédes. Ainfi la raifon guérit es legéres jaloufies , maïs elle ne com- bat pas aifément les fortes ni les défef- pérées. Je ne fai fi on eût pü guérir la violente maladie de Procris, que fon mari Céphale tua pour une bête- fauve, ni celle de Thébe & de Luculla. La pre- miére , au raport de Cicéron , tua Phéree fon mari, fur un fort leger foupçon ; & l'autre empoifonna fon mari l'Empe- reur Antoninus Vérus, parce qu’ilaimoit Fabia. IL eft donc vrai que les grandes ames favent , par la force de leur raïfon , ré- fifter à la jaloufie ; qu’elles ne la reçoi- vent jamais qu’à la porte, pour parler ainf , fans la laïffer entrer dans le logis, où fans doute comme un foldat enne- mi , eile ruineroit fon hôte. En éfet, un homme prudent, felon la penfée d’4- riflote, doit favoir l'honneur qu’il doit à fes parens, à fa femme, à fes enfans & à lui-même , afin que le rendant à ceux qui le méritent , il foit eftimé juf- Le d 4 À | L confidére dans état du Mariage. 39% te & faint dans fa famille. II n’en eft pas ainf des petits efprits & des médio- cres ; jamaïs la raïfon ne vient à leur fecours. lis fe laifent entraîner à la vio- Jence d’une pañlion qui les agite , & n’ont pas affez de force pour réfifter à fes mouvemens exceffs. Je puis donc conclure que Pamour n’eft jamaïs fans jaloufie , & que Pon ne fauroit aïmer fans être jaloux. Qt 6 Cd éd de GG D dde € Cr St CHPABPPTRE X Si la femme timide aime plus que la bar die G l’enjouce. Ous avons prouvé aïlleurs que les femmes étoient d’un autre tempérament que les hommes, & qu’é- tant plus froïdes & plus hnmides , ïl étoit bien raïfonnable que la nature les eût créées de ce tempérament, parce qu’elles avoïent été faites d’une autre matiére que nous & pour d’autres ufa- ges. En éfet , elles ont plus de part dans la génération & dans la perpétuité de notre 392 Tableau del Amour conjuval, EE notre efpéce , que les hommes mêmes, : C’eft fans doute pour cette raifon qu’eiles font ordinairement plus fan- guines, ou plutôt qu’elles ne diflipent pas tant de fang que nous, & que d’aiïl- leurs elles font plus fujettes à des épan- chemens périodiques & à des régles de tous les mois, qui ne manquent ja- mais à celles à qui l’âge & la fanté le permettent. Maïs comme leur tempérament eft Bien diférent du nôtre, ïl n’eft pas moins diffemblabie parmielles. Il y en a de fanguines, de bilieufes, de pitui- teufes & de mélancoliques, ou pour mieux parler , d'humides , de chaudes, de froides & de féches. Ces qualitez ne font pas ordinairement feules , elles font acompagnées d’une autre qui ne. Jeur eft pas incompatible ; aïnfï les fan- guines font chaudes & humides; les bilieufes , chaudes & féches; les pitui- teufes , froides & humides ; & les mé- lancoliques, froides & féches. Or de tous ces tempéramens, il nya que les fanguines qui peuvent fervir à mon fu- jet, mais ce font ces tempéramens fan- guins confidéré dans Pétat du Mariage. 39% guins qui participent un peu de Ja bile ou de la mélancolie , d’où naïffent des humeurs & des inclinations fort difé- rentes. Car Ja femme fanguine-bilieu- fe ; c'eft-à-dire, la chaude & humide ; qui aura un peu de bile mêlée parmi fon fang , fera gaïe & badine : & la fan- uine-mélancolique ; c’eft-à-dire , Ia chaude & humide, où la mélancolie aura un peu de part, fera timide , mé- lancolique & férieufe. Le fang, qui ef la liqueur dominante dans le tempérament de ces deux fem- mes, fera plus fubtil, plus ému & plus fluide dans la folâtre que dans la timi- de : fes efprits feront plus clairs, plus mobiles & plus obéïffans à ame ; par- ce que Îa bile, felon le fentiment des Médecins, qui eft la partie la plus chau- de , la plus féche & la plus legére du fang, y fera mêlée d’une maniére à ne pas nuire à la fanté : au lieu que le fang de la mélancolique fera plus épais, plus terreftre & moins propre à s’agi- ter ; fes efprits feront aufli plus téné- breux, moins mobiles & plus rebelles aux ordres de lame : parce que la mé- k lan- 394 Tableau del Amour conjugal, lancolie , qui eft une liqueur la plus épaifle du fang , fera une bonne partie de fa mafle. Je ne prétens point parler ici de ces mélancoliques malades, qui ont Fima- gination troublée & qui font vérita- blement foles, ni de ces autres mélan- coliques froides & féches , qu’il faut incefamment poufler pour les faire agir ; maïs ces mélancoliques qui ont Je fang chaud & fec, & qui , felon Pa- veu d” Ariflote & felon l'expérience mé- me, font des perfonnes fages & fpiri- tuelles.Celles qui ont ce tempérament, pe font ni fitriftes , ni fi mornes que le peuple fe le perfuade : au contraire, elles font gaïes & enjouées, par le fang qui domine dans leurs veines ; maïs à la vérité, elles ne le font pas tant que les bitieufes. Je ne prétens pas auffñ parler ici de ces tempéramens de femmes fort fan- guines , qui n’ont que fept ou huit jours de libres pendant un mois , & qui font fujettes pendant vingt ou vingt - deux jours à des écoulemens ennuieux, comme étoit Mademoiïlelle : de confidére dans l'etat du Mariage. 39$ de Ling... qui de plus fentoit ie bouc dès âge de douze ans, qui font bon. nes & pacifiques, & qui dans leur ex- trême vieillefle | deviennent flupides & hébêtées ; mais feulement de celles qui n’ont leurs régles que quatre ou cinqgjours de fuite , qui font fimples, mais adroites & enjouées , & qui dans un âge décrépit, ont les fens auffi raffis, que dans leur plus vigoureufe jeuneffe. Après avoir fait toutes ces diflinc- tions de tempéramens , examinons à | cette heureies fignes qui conviennent en général à ces deux complexions, & ceux qui leur font propres en parti= culier. Les filles fanguines-bilieufes ont des _ fignes communs, qui peuvent conve- nir aux fanguines-mélancoliques. Les unes & les autres font de toutes fortes de taïlles : il y en a de grandes , de mé- diocres & de petites , toutes deux font belles ou laïdes ; l’une & l’autre ont de grofles veines aux bras & aux mains, & du poil au chignon du col & le long de l’épine du dos. L’amour les a mar- quées toutes deux de fa marque , & Tome Z. LI Jeur 396 Tableau del Amour conjugal, leur a imprimé fur les jouës & fur les | lévres le caractére de fa cruauté. Leurs pomettes de joués font rouges com- ine des rofes, & leurs lévres comme du corail ; elles font au toucher fermes & un peu féches, & la chaleur dominan- te ne leur permet pas d’avoit une peau humide & fade, ni le coloris du teint plâtré & dégoütant. Il n’en eft pas aïinfi des autres mar- ques particuliéres, qui'diftinguent les filles fanguines-bilieufes d’avec les fan: guines - mélancoliques. Celles - là ont un fang plus délié & plus fluide ; au lieu que celles-ci en ont un plus grof- fier & plus vifqueux. Dans celles là Ja bile fe fait connoître par fes éfets; c’eft-à-dire , une proportion du fang ia plus chaude & la plus féche ; & dans celles-ci, la mélancolie ; c’elt-à-dire, une bile brülée & un fang épais, qui eft beaucoup plus chaud & plus fec que la bile dont fouvent elle eft faite, Celles-là ont comme un feu, qui brûle comme dans de la paille ; & celles-ci en reffentent un autre qui eft allumé dans {eurs entraïlles çomme dans du -bois : V £ : ' 4 4 2] confidére dans l'etat du Mariage. 397 bois verd , qui, bien qu'il n’ait pas tant d'éclat ni de lumiére que lautre , a pourtant beaucoup plus de chaleur. C’eft donc du fang que naïflent les di- férences que nous obfervons dans ces deux fortes de tempéramens , & que nous découvrons dans le corps & dans l'ame de ces deux filles. D'ailleurs, bien qu’elles aïent tou- tes deux de l’embonpoint ; cependant la bilieufe aïant un fang plus délié, plus a&if & plus pétillant , & fes ac- tions étant plus badines ; de plus, dif- fipant plus de fang que l’autre , elle doit auf être plus maigre, & fes ré- gles ne doïvent couler que trois ou quatre Jours de fuite, & encor en fort petite quantité : au lieu que les régles de la mélancolique coulent plus abon- dament pendant fept ou huit jours ; & parce que le fang de celle-ci eft plus épais & moins a&if , que fa vie eft plus fédentaire , qui ne lui permet pas d’en faire une fi grande diffipation , & d’ail- leurs qu’elle dort davantage , fes ac- tions doivent auffi être plus lentes & fon embonpoint plus acompli., 2 ÀAu 398 Tableau de P Amour conjugal, Au refte, la bilieufe a ordinairement Ja tête petite & les cheveux blonds ou châtains : mais la mélancolique la un peu plus groffe & mieux faite , & fon poil & fes cheveux font noirs: & com- me Ja fancuine-bilieufe eft plus lujette que l’autre à toucher dans les foïbiefes de fon fexe par la force de fon tempé- rament ; les anciens Romains avoient acoûtumé de dépeindre les Courtifa- nes avec des cheveux & des perru- ques blondes ; & les fages Matrônes avec des noires : témoin Perrôre, qui dans fon Hiftoire Satirique, donne des trefles blondes à Lépida , à Agrippine & à Poppée , les trois plus grandes Courtifanes de leur tems. De plus, la fanguine-bilieufe a une gorge médio- cre & des tetons fermes qui ne fe tou- chent point , & qui femblent être comme colez à fa poitrine : maïs la fan- guine-mélancolique a une groffe gor- ge , & fes mammelles dures fe tou- chent & fe baïfent Pune Pautre, pour marquer fes inclinations fecretes & amoureufes. Si deux jeunes filles font difiinguées par confidtre dans l'état du Mariage. 399 par des fignes effentiels que Pon ob- ferve dans leurs corps ; elles ne font pas diférentes par les diverfes pañlions qui ocupent leur ame. La fille fanguine-bilieufe eft de fon naturel agiflante & legére, hardie & enjoice , inquiète & inconflante : elle chante,elle danfe, elle folâtre toùjours; jamais en repos, toûjours badine. L’a- mour paroît à découvert dans fes yeux & fur fon vifage , comme ïl eft dans fon cœur : enfin, c’eft [a fincérité mêé- me & la candeur. Que f un homme Jui plait , d’abord elle s'engage à Par- mer ; alors fon feu eft violent, maïs il ne dure pas : C’eft un feu de paille, dont Pa&ivité eft bren-tôt ralentie. Le premier venu la perfuade aifément & lui fait changer de deflein ; deforte qu’elle fe fait autant d’amans qu’il y a de perfonnes qui lui plaifent. Son tem- pérament elt la canfe de fes inclina- tions. Les efprits de fon fang, qui font les organes dont lame fe fert pour agir, font toujours émus avec violen- ce au moindre objet qui fe prefente. Jis ne trouvent point d’abftacle dans f1 | A | 3 pe-= 400 Tableas de l Amour conjugal, petite tête qui les y arrêtent , &ilsne demeurent point où la raïfon réfide. C'eft ce quila fait réfoudre trop promp- tement & juger avec trop de précipi- tation. Elle ne regarde jamais Pavenir ; elle n’envifage que le prefent , qui paf- fant fort vite , n’efl accompagné que de fort peu de circonftances : auffi fe re- pent-elle fouvent de fes deffeins , & fe trompe prefque toujours dans le com- merce de la vie. Toutes ces legéres inclinations n’empéchent pourtant pas qu’elle nait meilleure grace & moins de contrain- te que l’autre, & quoi qu’elle foit fort enjoiée & fort libre au-dehors, elle eft pourtant fort modelte & fort retenuë au-dedans. Ce n’eft pas une gaïeté de malade qui rit en mourant, & qui eft un frgne des ordures qui Pont excitée. Sa joie & fon enjoûment marquent la tranquilité de fon efprit , le repos de fon ame, la fagefe & la vertu qui ne fe iient jamais qu’ avec Pinnocence & Ja fimplicité ; & fi elle efl fi facile à per- fuader, eile eft affurément fort diucile à prendre, / j'a confidéré dans Pétat du Mariage. 407 + J'avouë que c’eft un des malheurs du fiécle de n’ofer badiner , fans que l'on s’en plaigne & fans que l’on en médife , comme fi Peau dormante étoit meilleure à boire que celle qui court. En vérité ces aimables perfonnes méri- tent nos refpeûs. La naïveté de leurs adions nous charme, & la fincérité de leurs fentimens nous enchante. Les ef- prits du fang de cette jeune fille tou- jours émuë , enflâment fon cœur par la viteffe de leurs mouvemens : ils échau- fent fon cerveau par le paflage qu'ils y font avec précipitation : en un mot , ils mettent tout fon fang dans un mouve- ment précipité,ce quieft la caufe de line conftance & de l’enjoûment de la belle. C’eft donc fon tempérament qui la rend legére , non vicieufe, gaie, non vaporée , fimple & non flupide. Si par hazard elle s’atache à un homme pour le martage , elle le fait plutôt par confi- dération & par obciffance, que par fa propre Inclination: & comme elle en- tre dans un état où le badinage en fait Veffence, jugez fi l'amour , qui n’eft qu’un enfant & qui fe plaît _. 9 AGIT 402 Tablean del Amour conjugal, badiner, n'augmentera pas fon inclina- tion enjoüée ? Elle folâtrera même jaf- ques entre les bras de fon mari, quand elle (e fouinettra aux ordres que ia na- ture {ur a impofé, pour lui rendre ce qu’eile lut doit. Son corps ne fera pas plus en repos que fon ame,qui pourtant ne s’égarera jamais par les plaïfirs ex- ceffifs du mariage : fes membres ne de- viendront jamaïs immobiles ni froïds, parce que fon cœur ne fera point navré par Pexcès des contentemens amou- reux : fi fa voix eft quelquefoïs chance- Jante , fes foûpirsfuHoquans , fa parole mourante & entrecoupée , ïl ne faut qu’en acufer l'amour qui la bleffe , maïs qui ne Ja fait pas mourir.Sa legéreté na- tureile , qui ne lui permet pas de s’ata- cher fi fortement à fon mart, lorfqu’eile fait ce que l’on fait dans le mariage, Pe- xempte des coups mortels de l'amour. Mais la fille fanguine-mélancolique a . bien d’autres inclinations que celle-là. Son ame eft bien plus conftante & moins legére. Quand elle badine , v’eft avec plus de rerenuë ; quand elie chan- » te ou danfe, c’eft avec plus de model- | tie. À confidére dans l'état du Mariage. 403 tie. Si l'amour paroit dans fes yeux & fur fon vifage , c’eft d’une maniére for- te & afurée , qui marque bien qu’il s’eftemparé de fon cœur & qu’il y loge comme dans fon trône. Sa timidité na- turelie ne l’oblige pas à s'engager fr-1ôt à la vüé d’une perfonne qui lui plaît. El- le y penfe long-tems avant que da1- mer. L’amour touche Iong-tems fon cœur fans Péchaufer ; & quand il lé- chaufe par fon feu, qui a de legers com- meneemens, elle en reffent infenfble- ment la chaleur, qui croît toûjours. Et quand ce feu eftune fois allumé , il eft ardent & même violent; c’eft un feu dans du bois verd & dans une matiére épaïfle , qui ne s'éteint pas fi-tôt. Il ny a ni perfuañons , ni raïfons aflez fortes qui puillent détourner cette fille d’ai- mer, quand elle eft une fois attachée à un homme qu’elle eftime. C’eft un éfet de fa complexion, qui la rend fi conftante dans fes deffeins & fi réfoluë dans fes entreprifes. Son fang & ces efprits bouillans qui coulent lentement dans fes veines, font tant d’'impreffion fur fon cœur & fur fon C4 404 Tableau del Amour conjugal, fon cerveau , que toutes les parties de fon corps s’en reflentent également. Le feu qui l’anime eft d’une matiére fi tenace , qu’il ne l’äbandonne jamais qu'après lavoir confumée. De-là vient qu’elle confulte avec raïfon., qu’elle raifonne avec prudence, & qu'elle s’a- bandonne avec difcrétion. Elle fe perd bien loin dans Pavenir & y va chercher des plaifirs, pour s’aflurer de fon bon- heur qu’elle groffit toüjours. Sa pru- dence la rend malheureufe. Elle eft ingénieufe à fe tourmenter. L’efpé- rance la flâte & lui fait voir des volup- tez excellives ; ainfi elle trouve des plaifirs réels par la force de fon imagi- pation, qui ne font véritablement qu’I- maginaires. Les circonftances infinies de l'avenir embaraflent fon ame amou- reufe ; & pour n'être point trompée, elle fe feint des contentemens dans toute leur étendué. Son imagination vive eft échaufée par le defir extrême de la joüiffance. Son efprit même, que Jai nommé ailleurs intelligence, femble extrémement emporté par Îles émo- tions de fon ame , qui eftla partie fpi= rituel- confidéré dans l'état du Afariage. 405 rituelle, la plus baffle & plus voiline des fens. Ses rêveries en amour font extra vagantes ; elles vont jufqu’a lPexiafe, d’où elle ne fortira pas fr-tôt, à moins que l’on ne l’en tire comme par mira- cle. Car comme le Démon fe mêle quelquefois parmi les vapeurs de 1a terre qui forment Porage, pour cau- fer quelque part du défordre , s’il en faut croire nos Démonographes : ainf lamour fe mêle quelquefois parmi les famées noires d’une bile brülée pour Jeurrer le beau fexe , fous Pefpérance d’'un_bonheur ou de quelque grand plaifir à venir. Enfin , l'amour qui agite cette fille eft f violent , qu’elle tomberoit fans doute dans quelque defordre odieux pour fon fexe, fi la timidité & la crain- te n’étoient de puiflans obflacles pour s’opofer aux éfets de fa pailion amou reufe. Sa timidité naturelle ef même une marque de fon efclavage amou- reux & du trouble qu’elle fent au de- dans; & fi elle paroït retenue , elle n’eft pas innocente. Les ames les plus diff. mulées , font celles qui font les moins hope YEI= 406 Tableau de l'Amour conjugal, vertueufes , parce que le maîfque dont elles fe couvrent, empêche que lon ne découvre ce qu’elles font véri- tablement. Si nous cherchons la caufe de toutes les inclinations de cette fille, nous trou- verons fans doute que fon fang chaud & groffier, fes efprits brülans & agitez font la fource de toutes fes pafñons : car fon ame amoureufe , qui fe fert de ces efprits enflâmez pour Pufage de fes pañons, lesexcite avec tant de force dans fon cœur, qu’il en eit lui - même fort ému & fort échaufé ; & puis le cœur agitant encor dans fes petites ca- vitez ces mêmes efprits , les rend en- cor plus chauds & plus pénétrans , f bien qu’étant enfuite dardez avec vi- gueur dans le cerveau, ïis ÿ ébranlent fes petits fibres qui excitent f’imagi- nation. C’eft donc par le moïen du fœu du cœur & par la vivacité de l’ima- gination , qu’il fe fait une multiplica- tion & un concours d’efprits , qui aca- blent pour aïnfi dire le cœur & le cer- veau de cette jeune perfonne. Il eft vrai que ces parties fe déchargent fur * Jeurs confidèré dans l'état du Alariage. 207. feurs propres canaux de ce qui les troubie fur les autres parties du corps, & principalement fur les parties natu« relles de cette fille , où ces efprits font une telle impreffon , qw’il n’eft pas ai- fé de détruire , par la tenacité de ja me= tére dont ïls font faits & dont l’ame fe fert pour exécuter fes paflions. | Si par hazard on parle de mariage à cette fille , alors tout eft en trouble chez elle ; elle devient réveufe, mor- ne, chagrine & plus timide qw’à lor- dinaire. Ces delordres font des mar. ques affurées que amour fait du rava- ge dans fon cœur. Alors elle defre avec emprellement ce qu’elle refufe avec crainte. Enfin , fi Pamour l’em- porte fur fa timidité, & qu’elle con- fente à fe jetter entre les bras d’un homme , fa timidité naturelle refufera toûjours des faveurs qu’ele voudra _bien laïfler prendre , afin d’acufer {orx »confentement par la force, Alors la mour extrême fui Otera les forces & s’emparant entiérement de fon cœur ,. la laïffera froide & immobile comme un glaçon , faute de chaieur & d’efpiiis + Tome Z, Mm qui 4083 Tableau de P Amour conjugal, qui n’auront été précipitez que dans fes parties naturelles pour obéir aux ordres de la nature. Que fi alors elle donne quelque marque de vie , ce n’eft que par des foûpirs & des fanglots en- trecoupez, & fon extafe ef fi grande, qu’elle na pas même fenti les com- mencements des voluptez qui Pont caufée. Ceft donc le fang & fes efprits, qui étant de diférente nature, font {a varié= té dela complexion de ces deux per- fonnes. Car s’il eft vrai que les plus ti- mides engendrent plus de fang & plus d’humeurs fuperflues , parce qu’elles aiment plus Poifiveté & {e repos, il fe- ra auf vrai de dire qu’eiles font plus de femence & que par conféquent el- les font plus amoureufes : témoin les Lapines, qui étant les plus timides des animaux, font auffi Les plus amoureufes & les plus fécondes: elles n’ont pas fi- tôt mis bas, qu’elles conçoivent une autrefois, ou qu’elles ont déja conçü. Cela eft fiafluré, qu'Ovide , quiet le maître en Part d'aimer , a dit adieu à « Pamour , fi on bannifloit loifiveté , & que confidéré dans Pétat dun Mariage. 409 que Théophrafle à defini Pamour par une afeilion d'une ame pareffeufe. C’eft fans doute dans cette vüé que deux fa- meux Sculpteurs de PAntiquité , Car- racus & Phidias ; firent Venus d’une mé- me inclination , par la pofture qu’ils lui donnérent ; car Punla fitafife, & Pautre lur donna une tortue fous les 1ez. Il n’en eff pas de même des gaïes & des enjoüées ; elles font plus féches & n’engendrent pas tant d’excrémens ; elles n’ont pas le tems de demeurer en repos, ni de rêver à amour ; & fi elles font amoureufes , elles ne le font qu’a- vec inconfiance, à caufe de Paüivité _de leur fang & de Ia multiplicité des objets qui leur plaïfent. Aïinfi je puis véritablement conclure que les timi- des font plus amoureufes que les en joüées. NAS Mm 2 CHA: 410 Tableau de P Amour cénjugal, BEC HOOH SHC HO > ENCR Ée HOICH Hé CHA PA TRIERR S'il y a plus de peine à gagner les bennes gra< ces d’une femme qu'a fe les conferver. L n'étoit pas , ce me femble , be- foin que Dieu contraïgnit les deux fexes par des commandemens févéres à s’aimer lun lautre. Il avoit mis dans nos cœurs , en nous créant, des defirs fuffans | pour nous porter a-aïmer. L'émoin Adam, qui n’eût pas plütôt vû Eve, qu’il en devint amoureux; & je penfe que les careffes qu’il fit à fa fem- me , furent les premiéres occupations de fa vie. Son feu fut d’abord violent aufli-bien que dans la fuite, puifqu’il pe s’éteronit qu'avec fa vie. Eve, de {on côté , n’en fut pas moins émuë ;fa flä- me s’augmenta par le feu de fon mar: ; & l'amour qui n’etoit alors-qu’un en- fant , non plus qu’à cette heure, badina avec eux, comme il fait prefentement avec nous. | Que fi Dieu a fait des préceptes pour# nous confidéré dans l'état du Mariage, AYY fous engager à anner , il faut croire que ce n'a été qu’à caufe de la corrup- tion de notre nature. ]| nous avoit donne d’abord aflez d’inclinations de part & d’autre, pour ne nous pas refu- fer des faveurs : maïs il fe trouva dans Ja fuite destems des perfonnes fi bar- bares & fr peu humaines , qu’elles éteignirent ce feu naturel & ces flâmes innocentes, par une injufice qui en fit faire une loi. Ü y a pourtant peu de perfonnes au- jourd’hut qui foient fi cruelies , que de hair piûtôt que d'aimer. La plüpart font d'une autre humeur, & ils fe trouvent fi indifpenfablement obligez à aimer, par une inclination fecrette & naturel- ie , qw’iis cefleroient plutôt d’être, qu'ils ne cefleroient d’aimer. La fem- ne principalement eft de cette com- piexion ; elle aime naturellement ; el- le n’a qu’à voir un homme , pour avoir d'abord de Peflime pour lui, parce qu’il eft d'un autre fexe : auf eft- ce pour cela que quelques Philofophes dont appellée un Arimal fociable. Gomme elle eft fâite d’une matiére “ Mim 3 plus 412 Tablean del Amour conjugal, plus douce & plus polie que celle de l'homme , elle a aufli des parties plus molettes & plus tendres. Son cœur eft plus porté à la compafñlion que le no- tre, & fa pitie s’étend fouvent jufqu’à foulager nos langueurs, quand ïl iroït même de la perte de fa réputation & de fa vie. El!e auroit de la peine à voir un homme proflerné à fes piez , fans le relever aufli-tôt , pour l’embrafier en- fuite avec des foupirs réitérez, ou des larmes abondantes, qui font des mar- ques évidentes de fa tendreffe. Auffi nous avons remarqué aïlleurs, qu’elle aimoit avec plus de force & de conf- tance que l’homme, & qu’il fembloit que la nature lui eût fait un cœur pro- pre pour aimer, fi bien que les Hifto- riens ne nous ont jamaïs parlé des fem- mes Zfifanthropes, comme ils ont fait de plufieurs honunes. D’atlleurs Penvie déréglée qu’elles ont de fe rendre immortelles par les moiïens de la génération , eft encor une puiflante caufe qui les oblige à aï- mer ; & parce qu’elles ne fauroïenten- gendrer feules , elles cherchent avec eEn= > AS re menm <> per ir confidére dans l'état du Mariage. 412 empreflement une compagne avec qui elles puiffent fe lier étroitement, & par lajondion de leurs feux, pro- duire une éteïncelle qui foit la caufe d'un autre feu , qui s’allumera un jour dans le cœur de enfant qu’ils auront engendré. Je ne veux poïnt m’arrêter ici aux fables que Antiquité nous a débitées, lors qu’elle nous a fait connoître des exemples de produ&ions extraordi- naires,& qu’elle a publié que fes Dieux & nos hommes avoient fait leurs fem- blables fans le commerce d’un fexe di- férent. Cela me paroît fi impoffible, que jai deffein de faire un difcours, lorfque je traiteraï des Zrcubes , pour defabufer ceux qui penfent qu’il y en a qui peuvent engendrer fans le fe- cours & fans le mélange d’un fexe di- férent. D’autre part, [a femme étant natu- rellement fort humide , elle engendre auf beaucoup de fang & de femence , dont fouvent elle ne fauroit fe déba- rafler toute feule. Elie fe trouve quel- guefoïs fi chargée de cette is | Ua ât4a Tablean del Amour conjugal, humeur, pour ne rien dire de la pre miere , qu’au raport de Galier ,1la fallu ufer d'artifice & de reméde à légard de quelques-unes , dont l’état ne per- mettoit pas les careffles des hommes, pourles dcharraîler de cette matiére fmportune. C’elt cette femence qui leur caufe tant de maux, quandelle ef retenue ou corrompueé dans ces recep- tacles & dans fes cornes, ou quandel- le en fort par l'ouverture frangce de fes trompes, pour fe répandre dans la cavité du ventre. C’eft elle qui trou- ble l'imagination, qui déprave la mé- moire, quiruine laraifon , & quicon- tre les loix de la nature , arrétant le mouvement du fang , ou le faifant bouillonner , rendles femmes froïdes, flupides , & mêmes extafiées ou em- portées, hardies & maniaques: Enfin c'’elt elle qui rend quelquefois: leur corps tremb'ant & convulfifs frbien que la nature qui par un infliné fecret leur a montré un reméde affuré pour leurs maux , leur infpire un defrar- dent de fe joindre amoureufement à un homme; & c'elt cètte union que es 2 confidére dans Petat du Mariage. ATS. les cherchent quelquefois avec em- preffement, fans favoir fouvent ce qui jes porte à aimer: Au refte, la pañlion d’aimer ne feroït pas fans doute fi violente , fi Ia nature n’avoit établi dans les carefles des fem- mes avec les hommes, des plaïfirs qui furpañlent toutes les autres voluptez, par la fenfibilité des parties nerveufes . & naturelles de Ia femme, & fr elle n’a- voit continué ces mêmes plaïfirs hors des embraflemens amoureux. Car quand ïl eft queftion d’armer, la fem- ie a une imagination fi vive & fi obéïf- fante aux ordres de l'amour , que fou- vent fes parties amoureufes font échau- fées , & plus irritées dans l’abfence que dans la prefence même d’un homme. Ainf la volupté étant continuelle dans les femmes amoureufes , foit par la for- ce de leur imagination , ou par des ca- refles véritables ; il n’y a pas lieu de douter que le plaïfir ne foit une puif- fante caufe qui les oblige à anmer. Maïs encor la femme qui eft foible de fon naturel, & qui, feion le fentiment de Platon, pourroit être mile au rang | des 416 Tableau de l Amour conjugal, des animaux irréfonnables , n’envifa- ge fouvent que [a volupté pour lPuni- que but des embraffemens amoureux. Son ation étant d'elle-même une ac- tion animale , ne fomente dans fon ef- prit d’autre idée que celle dont elle porte le nom ; & comme fe plaïfr eft opofé à [a douleur que la nature abhor- re extrémement, la femme ne confidé- re la volupté dans les carefles amou- reufes, que comme l'unique reméde à fes maux. Enfin elle a encore une raïfon , auffi civile que naturelle, qui l'oblige à at- mer. La nature la faite auffi foïble que timide ; c’eft pour cela qu’elle eft con- trainte de chercher:aïlleurs que dans foï-même de la force pour fe défendre contre fes ennemis & de lapui pour fe foûtenir dans les occafions. La foümif- fion qu’elle fait paroître dans Paétion amoureufe & la foiblefle de fa taïlle, marquent affez qu’elle a befoin du fecours & de lapui de l’homme : ajoûtez à cela qu’elle a un efprit fort leger , qui demande de [a pruden- ce pour être utile à quelque chofe. C'eft confidéré dans l'état du Mariage. 417 Cet une giroüette qui tourne au moîndre vent , & qui feroit fans doute emportée par la tempête , fr [a verge qui la foutient ne la retenoit. Que l’on ne me dife pas qu'ilyena aujourd’hui d’affez fortes, pour gou- verner des Roïaumes entiers que la Loï a fait tomber en quenouïlle , & qu’au- trefoïs les Amazônes , qui entrepre- noïent des guerres fanglantes & qui en raportoïent d’heureufes vi&oiïres, n’é- toient ni foibles ni timides. Car Pex- périence de tous les jours nous fait voir, qu’outre qu’il y ena peu de ce nombre, celles qui font les feules Reï- ne d’un grand païs , ne gouvernent or- dinaïrement que par lavis des Grands de Ja Nation ; & quoique 41. Petit nous ait dit depuis peu des merveïlles tou- chant les Amazônes, cependant elles ne conviennent n1 à notre climat, nià notre façon de faire , ni à nos tempéra- mens , la force & Ia hardieffe n’étant attachées naturellement qu'aux hom- mes de nos régions. I eft donc vraï que la femme eft plus timide & plus foible que nous,& qu’el- le 418 Tableau de L Amour conjugal, : le a aufi des inclinations plus fortes que nous à aimer : & puifqu’elle a pris nai{lance d’une de noscôtes, comme nous le marque lEcriture, & que tout retourne , felon l’ordre de la nature, dans le lieu d’où il eff forti ; il eft bien raïfonnable que la femme aime lhom- me & qu’elle fe joigne naturellement à lui , pour fe remettre dans la place qu'elle ocupoit autrefois. | Pour Phomme, il ne lui eft pas difi- cile d'aimer une femme qui l'aime :on a autant d’inclination pour elle , qu’el- le en a pour nous. [li ne faut que lui marquer de {a douceur pour Pobliger à aimer. Ce font des mouches qui fe prennent avec un peu de miel. Pour la femme , la complaïfance la rend fou- mife. Faire ce qu’elle veut , c’eft la ga- gner avec peu de peine. Mais Paffidur- té que lon a auprès d’elle l’a rend ef- clave ; car comme elle eft de la nature des enfans qui aiment toüjours à badi- ner, quand ils en trouvent l’occalon ; -ainf quand fa femme manque de jouet pour s’ébatre, fouventelle cefle d’ai- mer. Enfin la pudeur lui étant quel« que | R : confideré dans l'état du Mariage. a19 que chofe de naturel , elle defire laïffer prendre ce qu’elle ne veut pas donner; En vérité un homme timide ne s’acor- de guéres alors avec la timidité d’une femme ; il faut qu’il Pataque hardiment & qu’elle fe défende avec foibieffe. Il eft donc fort aifé de s'aimer réci- proquement , puifque Pamour eft Par- rhe de Pamour , & que dans le païs amoureux lon ne change jamais de monoiïe. Mais ïl eft très-dificile de fe conferver leflime que l’on s’eft acqui- fe auprès d’une belle:car fi fe conferver lesbonnes graces dépendoit de la na- ture qui agit toûjours réguliérement , je croiroiïs qu’il feroit auffi aïfé de fe les conferver que de fe les aquérir ; mais comme il ne dépend que du ca- price & de la legéreté d’une femme de nous continuer fes faveurs, 1l faut efpé- rer de les perdre fouvent , & même quelquefois dès le moment que nous les avons aquilfes. L’orgueil & [a vanité des femmes font ia véritable caufe de cette perte. Elles s’imaginent qu'elles font ce qu’elles ne font pas. Ii leur femble que Tome 1. Nn leur 410 Tableau del Amour conjugal, leur régne eft éternel, & qw’elles feront toûjours belles, agréables & maïtref- fes, comme elles étoiïent autrefois : maïs l'homme qui aime naturellement fa liberté , a de la peine à fe foumettre long-tems à une belle ; & comme cet- te foumiffion lui ôte un peu de fon droit , il s'échape quelquefois, ïl fe dé- robe ; & ce qui pis eft, il fe dégoûte d’une même perfonne ; aïnfi il déplaït à la belle , qui le chaffe comme un per- fide & uninconftant, & comme un in- digne de fon amour. D'ailleurs la femme qui aime beau- coup , eît fort impatiente ; elle vou- | droit que fa paffion füt aflouvie dès awelle la prelle ; & fi un homme épui- fé, qui ne laura mife qu’en apétit, s’ab- fente pour fe rétablir de fes langueurs, tout eft perdu. C’eft Poppée qui s’allar- me de lPabfcence de ÆVero», ou Agrip- pire de celle de Crépérius Gallus. Enfin ce fexe ne veut point d’abfence , au- trement il s’ofenfe & ii fe plaint. Tou- jours badiner & carefier , c’eft fon afai- re ; fi on n’elt pas aflez prompt à lui acorder tout ce qu’elle demande, Pin- quié= DR confidére dans Petat du Mariage. 421 quiétude la prend & Pobiige fouvent à rompre le refpe& qu’elle doit à fon Amant, qui d’ailleurs laffé du caprice & de l’impatience de cette femme laf- cive , l’abandonne pour en chercher une autre qui ait de meïlleures incli- nations. D’autre part , elle eff fort amoureu- fe de fon naturel, fa complexion la por- te naturellement à aimer ; & pendant que fa pudeur couvre fa paffion, fa paf. fon excite fes humeurs dans fes parties naturelles , d’où fouvent naïflent des vapeurs malignes & déliées, qui égui- fent fon imagination & qui la rendent plus amoureufe qu’elle n’étoit aupara- vant. Dans cette fouge de pañlion, elle r’eft plus à elle-même; quoïqu’il en coute, elle veut être fatisfaite. Et fi un homme veut alors fe fervir d’elle, comme de reméde , où qu’étant un peu indifpolé, foit par la maladie ou par lâ- ge, il ne puïffe fournir aux plaifirs de la belle , tout eft perdu. Point d’excufe pour lui : on s’en lafle, on s’en dégoûte, & lon en cherche aïlleurs un autre, qui par la nouveauté s’aquitera mieux Nn 2 de 492 Tableau del Amour corjugal; de fon devoir, maïs qui quittera enfin la partie par les épuifemens excefllfs qu’il fouirira avec cette femme amou- reufe. _: Lajaloufe fuit de bien près fon in- fime volupté ; elle penfe qu’on eft tou- jours prêt à fatisfaire fa pafion; & quand on ne l’eft pas , elle s’'imagine que l’on fait aïlleurs des débourfez, au lieu d’en faire chez elle. Alors elle ne peut voir fon Amant , qw’elle ne mur- mure , qu’elle ne fe plaïgne , & qu’elle ne devienne trifte, morne , chagrine & infuportabie. Elle voudroit toujours aflujétir un homme auprès d’elle & le tenir toujours en prifon. Mais comme ji! ne peut long-tems foufrir fes chaînes & fon efclavage ; il s’échape, il fuit &c cherche ailleurs dequoï fe divertir. Alors la jaloufie augmente ; fouvent el- le fe change en rage &en defefpoir , & alors on trouve la belle plutôt difpofée à la vengeance qu’à l'amour. Cet ob- jet n’elt plus aïmabie ; c’eft un démon vifbie qui nous a tenté, mais quinous fait horreur prefentement. Enfin fon opiniâtreté eft fans exem- pie; confidéré dans Pétat du Mariage. 43%: ple ; on n’a qu’à [ui marquer fa volon- té, pour l’obliger à faire le contraire. Si Pamour, par fes enchantemens ordi- naïres , cachoit tous les défauts de cet te femme, on fe laïfleroit furprendre à fes artifices ; maïs comme fa pañlion eft trop violente pour feindre, on défille enfin les veux & l’on s'ennuie d’être efciave d’une belle, qui eft fi capricieu- fe & fi incommode: & quoïque l’on aït pû faire pour conferver fes bonnes gra- ces , elle elt fi bouruë & fi inégale, qu’il eft impofible de vivre auprès d’elle dans une bonne intelligence. Siellea quelque efpéce de vertu , elle eft vi- cieufe, & les ciiconftances qui Pacom- pagnent ne {a rendent pas aimable. Enfin, quelque amoureux que foit un homme , il ne peut long-tems fe plaire aupres d'une femme qui a de femblables défauts ; & comme la plü- part des femmes aprochent fort deÏa complexion de celle-ci , il me femble qu’il me fera permis de conciure qu’il eft plus dificiie de fe conferver les bon- nes graces d’une femme que de fe les aquérir. N n 3 CHA: 824 Tableau de l'Amour conjugal, 9 red 4 der Er dde Le Le Le Sr de Cr Er Se D CHA PFPREMTS Si La belle plait plus que la complaifante. Ouvent il faut un ficcle entier pour faire naître une belle perfonne ; parce que la nature a befoin pour cela de tant de parties proportionnées les unes aux autres, & de tant de condi- tions diferentes du côté de ceux qui lJengendrent , qu’il eft bien dificile qu’elle y réüfliffe. Souvent ame des parens n’eft pas toujours dans des dif- poftions convenables , & la matiére dont les hommes font faits n’eft pas toujours flexible pour lui obéir , fi bien que je ne m’étonne pas s’il y a fi peu de belles perfonnes au monde. La beauté ne confifie pas feulemenÿ dans la jufte proportion de toutes les parties du corps , maïs encor dans Ia fanté , dans la jeuneffe & dans l’embon- point , qui rendent la peau polie & blanche , & outre cela, quelques par- ties du corps vermeiïlles comme du ee rai confidère dans l'état du Aariage. 42$ raïl rouge. La bonne grace eft encor tellement eflentielle à ia beauté, par la conduite du mouvement du corps, & principalement du vifage & des yeux, qui font les truchemens de lame , que fouvent c’eft cette feule bonne grace, qui faïfant une grande partie de la beauté , nous engage à aimer. Mais Ia beauté n’eft point parfaite, fi ame n’a fes agrémens , & fi une belle perfonne n’eft point la maïtrefle de fes paflions, Le Cardinal Cajétan & le Philofophe Socrate , les plus laïds honimes du mon- de , fürent fi bien embellir leur ame, par la modération de leurs pafhons, qu'ils fe font fait aimer à ceux qui euf- fent eu de Paverfion pour eux, s’ilsne les euflent regardez que par les yeux du corps. Ceft cette beauté parfaite du corps & de Pame, qui procédant de la Divi- nié, nous perfuade aïfément fans rien dire. Elle atire promptement nos yeux, & en même-tems, par une tirannie fe- crete, elle fe rend maïîtrefle de notre volonté. Elle eft placée dans toutes les parties proportionnées du corps, com- me 426 Tableau de l Amour conjugal, me nous avons dit au Chap. 1. de cé Livre : maïs elle paroit principalement dans le vifage & dans les yeux ,où Pa- me fe reprefente elle-même & où la beauté a “étabii fon trone ; auf les Peintres n’ont acoûtumé que de nous peïnüre le vifage, parce qu’il eft feuf Pabregé de tout Phomme & que c’eft par - là qu’en diffinguant fes traits, nous connoïflons les diférences des hommes. | Cette beauté ne fe conferve, ni par des voluptez exceflives, ni par des contentemens réitérez : au contraire, elle en ef ternie & fouvent éfacée. Le feu flétrit une belle fleur & en détruit Péciat ; il n’y a que la fraicheur de l’eau qui lui puille long-tems conferver fa beauté : il en eft de même d'une belle femme , que le feu de la concupifcen- ce defféche peu-à-peu, au lieu que la tempérance la conferve long - tems . dans un même état. é Ceift cette beauté qui a eu , depuis le commencement du monde ; juiqu’à prefent , tant de crédit dans le com- Merce des hommes. Elle nous entraï- ne confidéré dans l'état dn Marrage. 477 he en dépit de nous ,. quelques forts & quelques conflans que nous foïons , ft bien que nous fommes auffi-tôt vain- cus par laproche d’une belle perfon- ne, que nous fommes farcez à aimer fi elle eft de notre fexe ; maïs fi elle èft d’un fexe diférent au nôtre, la nature par des flâmes fecretes qu’elle a exci- tées dans notre cœur, nous y entraine avec beaucoup plus d’empreffement. Il ne faut pas s'étonner fi nous fom- mes naturellement portez à aimer Îa beauté, puifque , felon le raport des Poëtes, les Dieux qui ne combatirent jamais entreux pourquoi que ce foit , eurent pourtant de cruelles guérres pour la beauté d’'Heléne. Les Déelles ne furent pas plus d’acord qu’eux fur ce même fujet, & jamais elles ne fe fuffent cédé ie droit qu’elles préten- dotent avoir ; fi Paris n’eut décidé là- deffus , & s’il n'eut prononcé en faveur de Vénus, comme étant la plus belle & Ja plus agréeble des trois Déefles amoureufes. Ce n’eft point de la beauté trom- peufe & mafquée , dont je prétens pars 423 Tableau de l Amour conjugal, parler ici, Partifice ne convient point à un beau vifage; & fi la nature fui a don- né quelques agrémens, le fard éface & ternit ce qu’il y a de plus précieux. Ce n’eft pas non plus ce qui a le plus d'éclat qui eit le plus beau &le meïl- leur ; les mouches à miel, qui nous donnent une fi agréable liqueur , ne nous paroïflent pas fi belles que les Cantharides | qui par leur faux-bril- lant cachent un venin mortel , qui nous ronge les entraïlles fi nous en ufons. Ce n’efi donc pas cette beauté fardée & aparente que nous voulons aimer ; c’efl cette beauté Simple & na- turelle , qui de l’ame fe communique au corps , & qui nous charge fi fort quand nous la regardons de bien près. Aprèsavoir exaniiné la beaute dans fa nature & dans fes éfets , voïons maintenant ce que c’eft que la com- plaïfance , & puis nous nous détermi- nerons à anner une belle femme ou une complaifante. La complaifance eft tellement né- ceffaire dans le commerce des hom- mes, que li elle en étoit bannie, tou- tes confidére dans l'état du Mariage. 429 tes les converfations deviendroient des difputes & des quéreiies ; & au lieu de la douceur & de la franchife, dont la nature nous a fait prefent, nous n’au- rions parmi nous que de Ja flâterie & des déguifemens. Sans Part de plaire, tout feroit en confufion dans la fociété des hommes. La complaifance eft sre charité civile, qui Ilouë fans flâter, qui corrige fans ofenfer , qui guérit fans blefler , & qui te amertume des re- médes, fans en détruire la vertu. C’eft elle qui encourage les timides , qui en- feigne les ignorans , qui reléve les fcrupuleux , & qui fortifie les foibles. Le jugement & la difcrétion ne Paban- donnent jamais ; elle eft fage dans fes entrepriles , avifée dans fes paroles, prudente dans fes deffeins , franche dans fes aétions, égale dans fes pen- fées ; enfin c’eft une vertu fecrete qui _ charme les cœurs des plus grands & des plus petits efprits. Je puis la com- parer à un aïman qui atire le fer, quel- que réliftance qu’il fafle ; je veux dire qu’elle ménage comme elle veut les efprits les plus grofliers. Elle n’eft ni aveu 430. Tablean del Amour conjugal, aveugle ni muette, comme quelques: ? uns l'ont dit ; elle a des yeux pour re- marquer les vertus & les vices, & une : langue pour loüer fans fläterie & pour blèmer fans rigueur. C’eft une dou- ceur naturelle qui convient bien aux deux fexes , mais principalement à ce-: lui qui eft le plus beau. Elle le rend amoureux fans crime , libéral fans pro- digalité, & complaifant fans diffimu- lation. IL n’y a que les wrandes ames qui font complaifantes de la forte ; & c’eft cette complaifance que j'ai def- fein de mettre en parallele avec la beauté, pour favoir laqueïlle des deux nous charme & nous enchante le plus. Ce n’efl pas de la lâche complaifan ce dont je veux m’entretenir prefen- tement. Elle efl un art qui trompe agréablement , qui charme & empoit- fonne en même-tems tout le monde. C’eft une agréable meurtriére , dont les bleffures nous plaïfent & nous font mourir. Elle eft le partage des petits efprits & du peuple ; témorn le foible Achab , dont parle lEcriture , fequel n’aima que des Prophêtes flâteurs &c. com- confidére dans l'etat du Alariage. 43% complaifans , maïs aufh qui en fut trompé dans la fuite. L’expérience nous fait voir que les faux-complaïfans nous flâtent pour nous détruire , & qu’ils reffemblent à ceux qui chatoüil- lent les pourceaux fur le dos, pouries jetter à terre & pour les tuer enfuite. C’eft cette complaifance trompeufe qui fait la guerre à la vertu, qui blâme avec les médifans, & qui paliie le vice avec les impies & les débauchez. Eile dit que la témérité eftun grand coura- ge, que lavarice eft une œconomie, que Péfronterie eft une bonne hu- meur , que lPéloquence eft un babil, que la modeftie eft une fiupidité & que la franchife eft une infolence. Ce fut cette complaïfance qui fit prendre au lâche Serdanapale des habits de fem- mes pour converfer avec elles, & qui obligea Hercules à laïler fa mafluë pour prendre une quenoüille, à la perfua- fion d'Orphale. Ces foiblefles furent fans doute la caufe qu’Eliogabale fit un Edit contre les lâches complaifans, par lequel ïl ordonnoit qu'ils fuffent atachez à une roué, qui auroït un de Tome Z. 00 {es 32 Tableau del Amour conjugal, ré raïons en l’eau , & qui tourneroît de la forte , pour nous montrer par-là lin- conftance & la molefle de leur vie. Si Agrippine eut été traitée de la for- te, pour l’infame complaïfance qu’el- le eût pour Baffianus , elle eût afluré- ment foufert un fuplice proportionné à fon crime : l’eau où elle auroiït été plongée , auroît peut-être éteint le feu de fa concupifcence , qu’elle fit plutot aflouvir qu’éteindre par les carelles de fon propre fils En vérité cette fale complaifance eft bien reprefentée par de foibles rofeaux , qui plient à tout vent & qui croiffent dans la boue : car ellé eft la nourrice des vices , comme Ja concupifcence eftla mere de {a ma- lice qui les fait naître. Il n’y a que les petits efprits qui fe laïffent corrompre par cette baffle complaiïfance. Les Sa- ges fe moquent de fes fouplefles & mé- prifent fes fineffes , fes inégalitez & fes trahifons. Ce fut cette funefte com- plaifance qui fit pécher notre premié- re mere , & qui entraïna Adam dans fes défordres, dont nous fentons aujour- d’hui les éfets, | Ce’ confidéré dans Pétat du Mariage. 433 Ce n’eft donc point de cette fonte complaïfance , dont je veux parler maintenant , ni de cette beauté rude & fade , que l’on trouve ordinairement parmi les femmes mal élevées , qui n’ont ni la bonne grace, niles qualitez de l’ame , qui font prefque l’effence de la beauté dont nous parlons. Ceia étant ainf établi ,il me femble qu'ii efl aife à cette heure de fe deter- miner fur la queflion propofée ; favoir, fi la belle nous charne plus que la combplaifante. L'expérience nous fait voir que Îa beauté des femmes nous excite à les aimer:majs fi cette beauté eft acomplie par le mélange de la bonne grace & des belles qualitez de l’ame, dont nous avons parle ci-deflus, ïl n’y a ni char- mes ni enchantemens qui foïent plus violens que ceux-là La belle taïile des femmes, leur embonpoint, & leur beau vilage , avec les autres parties de leur corps, proportionnées les unes aux au tres , forcent avec violence notre vo- Jonte : maïs fi un je ne fai quoi qui nous plait, & qui acompagne leurs aions & | 00 2 le LL: 494 Tablean de l Amour conjugal, le mouvement de leur corps, eft infé- parable de leur beauté, & que d’ailleurs elles ménagent avec empire leurs paf- fions ; c'elt-a-dire, qu’elles foient ver- tueufes, prudentes, difcretes, conftan- tes, fidèles, complaïfantes : en un mot, qu’elles foïent fages , nous fommes alors obligez à les aimer, & par raïfon, & par une pente fecreite que la nature nous a communiquée. J’avoué qu’il n’y à point au monde de fitres plus violens , nt d’enchantemens plus forts que cette beauté parfaite. Témoin fa belle Theffalienne, qui pafoit pour for- ciére dans [a Province où elle étoit, & qui ne paffa pas pour telle dans Pefprit d'Olsmpie , bien qu’elle eut enforcelé le Roï Philippes fon mari. Cette Reine connut bien que fa beauté, fa bonne grace , fa douceur & fa complaïfance, étoient les feuls filtres dont elle fe fer- voit pour charmer les hommes,& ceux dont elle avoit ufé pour enchanter fon mari. Quand même ces femimes n’au- roient que des qualitez médiocres, cela fufiroit pour nous entraîner & pour nous forcer à les aimer. Ellesmé= | Dage- ‘ confidére dans l'état du Mariage. 435 nageroïent nos inclinations , feroïent pancher notre volonté du côté qu'il leur plaïroït;& par une tirannie fecrete & aïmable,elles s’empareroïent de nô- we cœur & féduiroïent nôtre raïfon, quelque réfiflance & quelques éforts que nous puiflions faire.C’eil une puiïf- fance naturelle à laquelle nous ne pou- vons réfifter ; nous en fommes même vaincus dans [a fuite & captivez dans Pabfence. Mon Dieu ! quelie force eft- ce-là qui nous entraine fi puiflamment, & qui fait même agir nos parties amou- reufes, fans que nous aïons le pouvoir de les arrêter ? Je veux dire, que nos parties naturelles, quelques impuiflan- tes à Pamñour qu’elles puiffent être, obéiflent à cette beauté, qui nous fra- pant l'imagination , nous embrafe le cœur, nous échaufe le fang, nous enflä- me nos parties natureiles,& qui par l’a- Bondance des efprits qui y font portez, les rend propres à la génération. Si Lu- cilie eût eu fes charmes, elle n’eût pas donné à fon mari Zucréce une boiïflon pour être aimée : car au lieu de fuï pro- curer de Pamour pour elle, Z#crecene O0 3 devint 436 Tableau de l Amour conjugal, devint fs fou, qu’il fe tua de {a propre main. Cefonie , femme de l'Empereur Caligula , manquoit auffi de cette beau- té enchanterefle, puifqu’elle donna à fon mari un breuvage , qui au lieu de Pexciter à l’añmer , lui caufa de la rage & de la fureur. Des boïflons qui exci- tent à aimer, troublent notre tempéra- ment , & par-:à font opoltes aux prin- cipes de notre vie, comme nous la- vons remarqué ailleurs : au lieu que les remédes dont nous parlons, font na- turels & ainfi ne font point ennemis des parties principales qui nous com- pofent. La complaïfante n’agit pas comme le Beaute parfaite, fes charmes font plus lents & fes atraits ne nous emportent pas avec tant de vitefle & de précipi- tation. Bien qu’elle ne foit acompa- gnée que d’une médiocre Beauté de corps , & d’un je ne fai quoi qui efl in- féparable de fes mouvemens & qui fait agir les femmes d’une maniére qui nous plaît ; cependant cette force n’eft pas fi violente que celle qui vient de la beauté. Il faut du 1ems pour aimer | | ne « confidéré dans l'état du Mariage. 237 une femme complaifante. On obferve fes aions,on regarde fes mouvemens, on confidere fon humeur ; & comme elle a quelque raport à la nôtre , nous nous laïflons aifément aller à ce qui nous reflemble, & nous aimons en el- le ce qui eft en nous. Il n’en eft pas ain- fi dela beauté que nous avons décrite: d’abord elle s'empare de notre raifon, elle fait ploïer notre volonté & nous atire avec violence. Notre fang en eft promptement émû, nos efprits forte- ment agitez, notre imagination vives ment frapée , & nos parties naturelles, quelques foibles & quelques vieïiles qu’elles foiïent, en font d’abord fi anï- mces , qu’elles fe trouvent alors en état d'exécuter les ordres que la natu- re nous a prefcrits. Maïs comme la belle & a complai- fante ont chacune des qualitez parti- culiéres qui charment ; que la premié- re nous ébloûit à fa premiére vue, & que l’autre nous enchante après l'avoir examinée de près , les fentimens fe trouvent partagez fur le choix que l’on en doit faire, Car ceux qui ne fe pren- nent 433 Tableau del Amour conjugal, nent que par les yeux du corps, feront affurément pour la belle ; maïs ceux qui font pris par ceux de Pame ; préfé- reront toujours la complaïfante à la belle ; car la beauté étant une qualité paflagé re, ne peut pas toüjours plaire, au lieu que Îa complailancé étant une qualité parmanente , & s’augmentant toujours à force de vieïllir ; les perfon- nes fages & pofées auront fans doute plus d’eftime pour là complaifante que pour la belie, pourvü que celle-là ait quelque efpéce de beauté. Maïs fr la belle efl accompagnée de la complai- fince , comme nous en avons fait le portrait , qui eft-ce qui doutera.que Pon ne la doive préférer à celle qui fe- ra feulement compiaifante , & qui manquera de ce qui eit ordinairement Inféparable de ia beauté ? Il »° 7 4 point d'hommes plus vains que ceux qui fe la: ffent [otiement perfuader , ni de plus étourdis que ceux qui font les [everes € Les [trupaleux. PETRONE Fin de la IL. Partie & du Tome. ! TABLE PES PEN LES PRES) TABLE DES CHAPITRES CONTENUS EN LA TL ET IL PARTIE, MAD AM ER RRU OR OOEE RARE RRRERREENÉ PREMIERE PARTIE. Cap. 1. D Es parties de l'homme € de la femme qui [érvenr à la génération. Pag.1 Àrt. I. Des parties naturelles © externes de l'homme. 3 Art. IL. Des parries naturelles €ÿ internes de l’homme. 8 Art. IL Des parries naturelles €ÿ exrer- nes de la femme. 21 Art. IV. Des parties narurelles € inrer- nes de la fèmme. 29 Cuap. Il. De la proportion naturelle , € des défauts des parties génitales de l’homme € de la femme. 37 Art. I. De la proportion des parties natu- relles de l'homme &5 de la femme , [elon Les loix de la nature. 41 Art. Il. Des défaurs des parties polie” | e TA BEL E de lhorime. 4 Art. [il Des défauts des parties naturel- les de la femme. I Cap. Il Des remédes qui corrigent les défauts des parties naturelles de l'hom- me @ÿ de la femme. $9 Art. I Les maladies qui arrivent au mem- breviril,@ÿ qui peuvent étre guéries. Go Art. Il. fes maladies qui arrivent aux parries naturelles de la femme ; Ÿ' qui peuvent érre guéries. 54 DRRKMERERIHIREEMRERI OH RHEREHELÉRENARTE SECONDE PARTIE. Cuar. L D Es aëtions , éfers €ÿ mer- eilles de la Générarton , © des marques de la Vir- £luité. IOI Art. J. Eloge de la wirginire. ibid. Art. Il. Des fignes de la virg'nüé pre- 10$ Me Il. Des fignes de la virginité ab- +. fente. 110 Car. Il. Sy a des reméies capables de rendre la virginité à ure fille. 124 Car. IL 4 quel ge un garçon Ü une fille doivent fé marier. 13$ Art. I. Eloge du Mariage. 137 Art. II. L £ge le plus propre au Mariage. 142 Art. Ll, De la conceprion > de la ge DES CHAPITRES © de l'enfantemeur. 156 Art. IV. Si la nature a fixé un rems pour _acoucher. 163 Art. V. Du devoir des mariez. 174 Ait. VI Du tems où les hommes € les femmes ceffenr d’engendrer. 18 4 CHap. IV. Quel rempérament eff le plus Propre à un homme pour être fort lafeif E4 © a une femme pour étre forr amou- reufe. L 191 Art. L Quel rempéramenr doit avoir ur homme pour érre fort lafcif. 19$ Art. Il. Quel rempérament doit avoir une femne pour érre forr amoureufe. 106 Art. I, Quieft le plus anoureux de l'hsr. me ou de la femme. 213 CHap. V. En quelle [aifon l'on fe caref= JE avec le plus de chaleur & d'empref: femenr. 226 Aït, I. quel heure du jour on baife amor reufermenr [a femme. 23 Art. IL Combien de fo's pendant une nuie l’on peur careffer amoureufemenr [a fèm- me. 254 Art. HI. S7 l'on doir prendre des remédes pour dompter [on hu neur amoureufe » Uu Dour s'excIter avec une f2mme. 268 Art. L/. Des reméles qui domprent le rem- pérament amoureux. 269 Art. V. Des reméies qui excirent un hom- me à embralfer ardemmenr une femme, 2Y$ Caar. VL Si l'homme prend plus de plaifir TABLE DES CHAPITRES. plaifir que la ferme lorfqu'ils fe caref- nt. 306 Art. I. De la maniére dont les perfonnes mariées doivent fe carcijer. 317 Arr, Il. 51 l'on fe trouve plus incommodé de baïfèr une laide ei qu'une belle. | 326 Cuar. VI. Siceux qui ne En que de l'eau, font plus arnoureux ; €ÿ 5 als #4 vent plus que les autres? : Cuar. VIIL S7 la femme eft plus pa rante en amour que l’homme. 353 Cuar. IX. S5 l'on peur aimer fans être jaloux. 271 Cas. X. Si la femme timide aime Slus que la hardie &ÿ l'enjoée. 391 2 Car. XI. S'il y a plus de peine à gagner les bonnes graces d'une femme qw° î pi | les conferuer. Cuap». XII. Sr la belle plaît plus je La | complaifante. 424 Fin de la Table de la I. & IL. Partie du Tome I. -" AE ae 1 A,