api dd UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY The Jason A.Hannah Collection in the History of Medical and Related Sciences v 1 NOR) ee +, . em AE don . , . LA 4 +4 3 L A GENERATION L'HOMME, TABLEAU DE L'AMOUR CONJUGAL, Confidéré dans l'état du Mariage. Par M. NICOLAS VENETTE, Doffeur en Médecine, Profeffeur du Roï en FE tomie & Chirurgie, & Doien des Médecins, aggrèégez au Collége Roïal de la Rochelle, NOUVELLE EDITION, Revüë, corrigée, augmentée & PA de Figures , deffinées par lui-mème, TOME SECOND, ez7® A HAMBOURG, Aux dépens de Ia Compagnie, M DCC.LL sd sie fe an DA UE ; &T PER Le ae tin se em than io M RAR LR rt Es De AN hs Le TES | f for es i ; Ph #itans -° ans Me 42 £ # 2 2404-ie + PE TABLEAU : DE L'AMOUR CONJUGAL. BR OEM EAN EE RE EE HRREREE TROISIE ME P ARTIE, PAPER NE HE SON EEE AR REX RUE CHAPITRE PREMIER, Les incommoditez que caufènt les plaifirs du Mariage. se] N dit que les plus grands mal. AÉS EI heurs qui arrivent aux home | mes, ne viennent ordinaire ment que de l’excès de la- mour ou du vin. Et pour ne parler ici que du premier, on doït avoüer qu’il a des emportemens que les plus fages ont bien de la peine à retenir. Cette Tome 11 À peffon - # , SE de + > Tableau de P Amour conjugal, paffion ne garde point de mefure ; & quand elle en garde, elle cefle d’être apellée +mour. Rien ne s’opofe à fa vio- lence ; tout lui obéit en nous-mêmes & hors de nous-mêmes, & elle trouve autant d’efclaves qu’elle trouve d’hom- mes. Ce n’eft point affez que de coucher une nuit ou deux avec une femme , & de jouir plufieurs fois avec elle des laifirs de l'amour , ïl faut encor que cela aille à plufieurs mois & à plulieurs années de fuite , comme ä cette paflion pe s’aflouvifloit jamais mieux par au- cune autre chofe que par elle-même. Ce n’eft pas dans cette rencontre qu'u- ne adion fouvent réitérée nous déplait & que notre délicatefle eft bieffée par Je moindre objet dégoûtant ; fi cela ar- yive quelquefois , l'amour a tant d’a- dreffe , qu’il fait bien-tôt nous guérir de nos petits dégouts. - Epicure , que Pona voulu faire paf- fer pour un voluptueux indifcret , ne pouvoit carefler des femmes, ni aprou- ver les plaïfrs de amour. Il foute- noit que leurs embraffemens - | es confidére dans Pétat du Mariage. 3 les ennemis capitaux de notre fanté: que quand nous les careffions , toutes nos parties principales en foufrotent , & que notre ame même en recevoit quelques ateintes. En éfet, cette paf- fion corrompt notre efprit, abat ro- tre courage , & empêche Pélévation de notre ame ; témoin Salomon , que l'Antiquité a furnommé le Sage , qui perdit l’efprit par Pexcès des diver- tiflemens avec les femmes ; témoins encor les Sardiens , qui aïant perdu leurs forces avec les fervantes des Sir- miens , furent honteufement vaincus par leurs ennemis. | Si nous voulions examiner ce que Ton foufre dans l’un & lautre fexe, Jorfque l’on aime éperdûment , nous verrions combien ïl eft dangereux de fe laïfler prendre aux amorces d’un amour excefif. Depuis qu’un homme s’eft abandon- né à fes plaïfirs, il a perdu fon embon- point & fa bonne mine ; fa tête n’elt plus garnie de cheveux comme aupa- ravant , fes yeux font ternis & livides, % l’on ne s'aperçoit plus du feu qui y À 2 bril- ie \ 5 : ou $, 4 Tableau de Amour conjugal, brifloit autrefois : ïl ne voit plus que de fort près, & encor faut-il que l’induf- trie des hommes lui fortifie la vüé. Maïs de l'humeur qu’il ef, il aimeroit mieux la perdre que de fe priver de fes plaïfirs, & j’atens à toute heure qu'il dife à fes yeux, ce que leur dit autre- fois Théotime , au raport de S. Jérome. Les plaïfrs de amour nous fafci- nent & nous aveuglent : ce qui a fait dire aux Poëtes , que amour étoit fans yeux ; car dans les contentemens qu’il nous caufe, ïl fe fait une telie diflipa- tion d’efprits, qu'il eft inpoffible après cela qw’il en refie aflez pour en fournir ces parties-|à. Le cerveau, quief le principal or- ane de toutes les facultez de l'ame, fe refroïdit & fe defléche tous les jours, par la perte que nous faifons inceffam- ment de nos humeurs dans les careffes des femmes. I! s’afoiblit encor ; ïl s’é- puife & fe confume ; fi bien que dans quelques hommes lafcifs , auraport de Galen, on a quelquefois trouvé cette partie tellement diminuée, qu’elle n’é- toit pas plus groffe que le poing. ee A e mn. confidére dans l'état du Mariage. $ fe aparence ÿ a-t-il, qu’étant ainfi dif- polée , elle pût contribuer à la fanté du corps & fournir de matiére pour faire toutes les belles fon&ions de Pame. Enfin, par la difette des efprits, les yeux font triftes & enfoncez, les jouës pendantes, les narines defféchées, le front aride & calleux , Poùie dure, Ia bouche puante : en un mot, nous ne voions que trop fouvent les éfets fu- neftes que caufe un amour déréglé. Si la rête a fes langueurs, la poitrine n’en foufre pas moins : & comme c’ef ici que la chaleur naturelle & l'humide radical ont leur principal fiége, c’eft aufli dans ce lieu que nous nous aper- cevons plus qu'ailleurs des défordres que caufent cette paflion indifcrete. Les hommes deviennent phtifiques & defféchez par les trop fréquentes ca- rees des femmes; & quelques fem- mes, fr elles allaïtent , après avoir fait plufieurs enfans, tombent auffi dans de femblables maladies. On remarque dans les uns & dans les autres un feu £tranger , qu'ils confument ce qu’ils: ont de plus humide dans le cœur, & la | A 3 fiévre 6 Tablian de l'Amour conjugal, fiévre lente qui ies mine, donne des marques de la caufe qui Pa produite, Ils ont une grande dificulté de refpirer; la foif les travaïlle ; ils ne favent ce que c’eft de dormir : ils touffent fans cefle, maïs ils ne crachent rien ; & s'ils cra- chent quelque chofe, c’eft un peu de fang. Quelques malades qu’ils foient, ils ne fe fentent prefque point de dou- leur, ou ne s’en plaignent que fort le- gérement. Hà ! que le mal que produit l'amour eft trompeur , jufqu’au mo- ment même où il eft le plus redoutable, Maïs c’eft dans fes parties naturelles que l'amour fait fes plus funeftes im- prefMions. Les parties voifines même s’en reffentent plus que les autres & font aïnfi punies d’avoir contribué de leur part à excès de nos plaïfirs. Les imcommoditez de nos parties naturelles font en trop grand nombre, pour nous arrêter ict à les nommer les unes après les autres. Il fufit d’en avoir parlé aïlleurs , & de dire prefentement que la douleur & le repentir fuivent toujours les contentemens réitérez que nous avons pris avec les femmes , & confidéré dans l'état du Mariage. 7 & qu’à force d’armer , nous avons apris à maimer plus ; d’où vient que le tom- beau de Venus, fi nous en croïons quel- ques-uns, eft encore maiatenanttout couvert d'herbes froides qui s’opofent à la fécondité des hommes. Si ce n’étoit encor qu’une douleur pañlagére , ou qu’un leger repentir, qui fuffent les éfets d’un amour déré- glé, peut-être qu’on en pouroit mé- prifer les ataques ; maïs outre la ftcrilt- té , la féchereffe des reins, le flux de ventre & d'urine , & la chute du fiége, oneft encor maltraité de cette infame maladie, quine finit fouvent nt par la falivation ni par la fueur. Elle eft telle- ment enracinée dans la moële des os de ces facheux débauchez, que pourlPen arracher , il faudrotit que amour qui Pa fait naître, fut éfedivement un Dieu, & qu’il füt faire des miracles. L’eflomac ne peut faire fa fon@ion ; fa chaleur eft dilfipée par la perte des efprits & par l'excès de la volupté.Hne fait plus que des cruditez , au lieu d’un bon chyle. C’eft d’où viennent tant de catarres, de fluxions, de goutes & de : dou 8 Tablean de P Amour conjugal, douleurs noûurnes ; que reflentent ceux qui pendant toute leur vie ont fuivi avec trop de complaïfance les infpirations de Vénus. On remarque de la foiblefle dans les joïntures de leur corps ; & au lieu d’une humeur douce & gluante , qui facilite pour Pordinai- re les mouvemens de toutes nos par- ties, on n’y trouve que du plâtre pour fymbole de Pimpofture de Pamour. En éfet, l'excès des plaifirs trouble notre repos par des inquiétudes con- unuelles & altére notre fanté par des qualitez contre nature. Pius le plaifir eft grand, plus fon excèsefl pernicieux; fi Bien qu’il faut le prendre avec me- furc pour n’en recevoir que de [a fatis- faäion. La volupté eft un poifon , qu’il faut corriger pour Pempêcher d’être funefte : elle eft comme lantimoine ou Pargent-vif, qu’il faut préparer f nous voulons qu’il sous profite, L’excès des viandes fufoque notre chaleur naturelle ; lexercice violent afoïblit nos forces , & les plaïfirs les plus innocens de amour deviennent des fuplices quand ils font mme , L'Er- confidére dans l'état du Mariage. 9 Pendant que Phomme ne vivoit que de gland , & ne büvoit que de Peau , 1 mavoit point d’humeurs fuperflués, & ne favoit ce que c’étoit que fiévre & fluxion. L’abftinence feule le guérif- foit des incommoditez qui Pataquoiïent quelquefois ; maïs depuis qu’il a tra verfe les mers pour aller aux Indes, qu’il a pereé une infinité de Roïaumes pour trouver la Chine , qu’il ne seft pas contenté des alimens communs que la nature lui fournifloit en qualité de mere, qu’il a mis fur la table des trufles, des champignons, deshuitres, & les autres chofes , quiirritent plutôt l'apétit, qu’elles ne fervent à l’entre= tien de la vie ; qu’il y a foufert des pâ« tez , des tartes, des ragoûts & des en tremets, dont il a farci fon eftomac 3 qu'il ne s’eft pas contenté de vin natu- rel, qu’il ya mêlé une infinité de dro- gues pour le rendre ou plus clair, ou plus fuave ; que la glace la emporté fur {a fraicheur de nos caves ; enfin, depuis qu’il eft voluptueux , il eft fujet à la pierre, à la colique , aux douleurs d’eflomac, & aux autres maladies que | nous 10 Tableau de l'Amour conjugal, nous voions lui arriver tous jes jours. Tandis que l’homme ne fuivoit que les mouvemens de la nature, qu’il ne carefloit fa femme qu’après avoir plu- fieurs foïs reffenti les éguillons de Ia concupifcence , & que fa raïfon étoit la maïtreffe de fa pañion, il étoit fort & robufte, & n’avoit jamais éprouvé les fuites facheufes des maladies fe- cretes & criminelles ; maïs depuis qu’il a fait gloire d’avoir plufieurs femmes, qu’il ne s’eft pas contenté des mouve- mens de la nature, qu’il sell excité lui- même par des remédes qui éguifent Papétit fenfuel: en un mot, depuis qu’il eft luxurieux , ïl eft auf ataqué de for- blefle de nerfs, de goute, de ftupidité, & d’une infinité d’autres maladies qui l'acabient. Maïs fr après avoir trop fouvent'em- braflé une femme , lame ne foufroit point dans fes principales facultez & dans fes fon@ions les plus néceffaires à la vie , au moins pouroit-on fe confo- ler des maux que le corps endure : mais , à dire le vrai , les langueurs de notre ame font encor bien plus ont: éra- confidéré dans Pétai du Mariage. 1Y dérables que celle de notre corps. Si elle eft malade , Pœconomie de notre corps en eft prefque toute détruite ; notre mémoire fe perd, notre imagi- nation s’égare , & notre raïfon fe dimi- nuë. Alors nous n’avons plus de pru- dence , pour nous conduire dans les ocafions de la vie où nous avons tant de befoin; & s’ilnous refte encor un peu d’entendement , ce n’eft que pour obferver que nous le perdons peu-à- eu. C’eft une des plus fortes raïfons que lEglife Latine a eué de ne per- mettre point à fes Prêtres l’ufage des femmes ; & S. Paul , qui préfére par tout la continence au mariage, favoit bien quels malheurs caufoït Pamour, qui dans fon a&ion & dans fes fuites ne pouvoit jamais être modéré. Car combien de paflions entraïne-t-ii après lui? Et pour ne parler ici que de la ja- loufe qui en efk une fuite aflez com- mune, combien ne fait-on point fou- frir ceux qui s’y abandonnent ? juf- ques - là qu’on en a vü qui en font morts , comme ZLépidus. La fanté, la vertu, le mérite & la ré- puta= 12 Tableau de l Amour conjugal, putation fervent à ce vice de prétexte | pour s'établir : & quand il s’eft une fois emparé d’un cœur, il y change l'amour en rage, le refpe& en mépris, & la tran. | quilité en défiance. Cet alors qu’un homme rend fon reméde plus dange- reux que fon mal ; & qu’aulieu de fe guérir par le filence , comme firent au- trelois Pompée & Caton , les deux plus fameux cocus de leur fiécle , 1l les met au Jour , & même fait connoître à {a poliérité fes infortunes domeftiques. Que les bêtes font heureufes dans leurs paffions ! Elles vivent fans fouci & fans allarmes. Elies ne forment Ja mais de defrs & ne féchent jamais de triftelle. Elles ont les plaifirs que l’a- mour ieur fuggére , fans en reffentir les maux. L'intérêt, Pambition , la va- nité & les autres paflions de lame ne les ocupent jamais. Cependant nous avons la raïfon , dont nous n’avons guéres Pufage. Elle n’eft pas un fi grand avantage pour nous, que les Philofo- . phes le publient. C’efl un foible remé- de contre la violence de nos pañons, & principalement contre celle de la- mour. = confidéré dans Pétat du Mariage. 13 mour. Un peu de vin la trouble ; un peu de complaifance la féduit. Quand nous l’apellons à notre aïde, Iorfque Pamour nous fufoque ; au lieu de nous foulager, elle aïde à nous déchirer le cœur. En vérité, c’eft une chimére inventée à plaïfir pour nous faire fou- frir davantage ; & ceux qui en ont le plus, font ceux qui font plus fortement maltraitez. Ne vaudroit-il pas mieux vivre comme les bêtes, dans une in- dolence & dans une oiïfiveté innocen- te, que d’avoir de Pefprit & de Ia raï- fon pour nous faire foufrir ? C’eft ce que me difoit l’autre jour un ami, fur Ja matiére que je traite. Je puis donc dire fans exagération, que Pamour déréglé eft la pete la plus pernicieufe qui puifle jamaïs afliger les hommes. Ilnous jette dans des maux qui font entiérement incurables : & Pépuifement quien eft la caule, fait la dificulté de {eur guérifon. Il aporte avec précipitation la vieillefle, & nous fait tomber fans qu’on s’en aperçoive, dans les infirmitez de cet âge-la: Car par la froideur & la fécherefle excef- Tome IL, B ve 14 Tableau de P Amour conjugal, ve qu’il nous caufe , qui font des qua= litez opofées aux principes de la vie, il nous avance la mort, à laquelle nous ne nous attendions pas fi-tot. I s’en eft même vû qui ont perdu [a vie dans le moment. Pindare eut la def- tinée de mourir par excès de amour, dont il avoit fait fi fouvent Péloge; & Tertullien nous fait remarquer , que le Philofophe Speucippus n’eut pas le tems avant de mourir, de s’atrifler ni de fe repentir , comme on fait ordinaire- ment, après qu’il eùt pris fes divertif- femens avec une femme : & de nos jours, le Cardinal de Sainte Cecile mou- rut à Rome pour avoir trop aïmé. Si bien que les chofes extrêmes font pour nous fort incommodes. rep de bruit nous rend fourds, trop de Iumiére nous aveugle, trop de diftance, ou de pro- ximité, nous empêche de voir , trop de plaïfr nous incommode. Les qualitez exceflives nous font mal: nous ne les fentons plus, nous les fuportons. C’eft cette J’énus du foir quieft la- vant- couriére de Ia nuit & des mal- heurs de notre vie. Si elle peut fe van- ter confidéré dans l'état du Mariage. ?$ teravec raifon de nous avoir fait naï- tre , nous pouvons juitement nous plaindre de ce qu’elle peut nous caufer fa mort. Auf s’eft-il trouvé des peuples qui lui ont fait bâtir des temples & qui ont eu pour elle de Ia vénération, fous le titre de ces deux propriétez. L’amour ne demande que des gens robuftes pour fes ations. Ceux qui font naturellement foïbles, auffi-bien que les convalefcens , ne font point en état d’obéir à fes ordres. Ils ont trop befoin pour eux-mêmes de chaleur na- turelle, fans la diffiner avec les fem- mes, comme fit autrefois celui dont parle Gaher, qui n’étant pas encor tout- à-fait guéri d’une violente maladie, mourut [a même nuit qu’il fe fut diver- ti avec fa femme : & Alexandre Benoit nous fait auflr remarquer, que le Sé- nateur ’rturio étant décrépit, n’eût pas été plutôt tranfporté par les plaïfirs de Pamour , qu’il en perdit la vie peu de tems après. Sur cela , Jean Dorat qui époufa dans fa vieïllefle une fille de vingt-deux ans, difoit fort agréable- ment , qu’il atmoit mieux mourir par | B 2 une 16 Tableau del Amour conjugal, une épée bien nette & bien polie, que par un vieil fer roulé. | De tous les animaux, il n’y en a point qui dans les plaïfirs amoureux s’épuife plus que Phomme ; un feui épanche- ment {ui caufera plus de foibleffe , f nous en voulons croire Avicenne , & Pexpérience même, que quarante fois autant de fang qu’on lui pourroit tirer. C’eft fans doute pour cela que Démo crite blâämoit fi fort les divertiflemens pris avec les femmes & que voulant fe conferver les forces que la nature luï avoit données, Il témoïgnoit qu’il né- toit pas d'humeur à les perdre dans leurs carefles. Les Arhlétes aufi ne fe marloient jamais, pour être plus forts & plus vaillans dans les jeux Olym- piques. | | . Enéfet, s’abftenir en quelque façon des femmes, eft l’une des trois chofes 2 peuvent le plus contribuer à notre orce & au bonheur de notre vie : car fi nous nous levons de table avec apé- tit, que nous ne méprilions pas le tra- vail, & que nous n’épanchions point notre femence, je fuis fort perfuadé que confidéere dans Pétat du Mariage. 19 que notre fanté fera parfaite & exem- pte de tous les maux qui la troublent ordinairement. Les embraflemens d’une femme ne font pas pour cela criminels ni dangereux , & l’aéion n’en efl pas im- pudique , fi nous en croïons $. Jérome & S. Auguflin; Hn’y a queles excès que nous y faifons fouvent, qui peuvent être défendus & produire toutes Îes incommoditez dont nous venons de parler. Doc o ES 606 db DS D 6 2 É EE oi AS ci Di di : 6 26 à Des utilitez, qgu’aporte les plaifirs 7 mariage. Ç 1 fa modération doïît être gardée en quelque chofe , ce doit être fans doute dans les embraffemens des fem- mes. Cette vertu eft néceffaire à con- ferver notre fanté, ou à la rétablir quand nous Pavons perduë; que fi nous nous en élotgnons tant foit peu, nous tombons infaïlliblemeut dans les B 3 in- 28 Tableau de l Amour conjural, incommoditez , dont nousavons parlé au Chapitre précédent. Que s’il n’y avoit point d’excès dans Ja pafion de amour , & que l’on n’en fut point incommodé, on n’efpéroit point de reméde. Ainf il eft non-feu- lement jufle, maïs utile pour nous de découvrir notre foibleffe & notre cor- ruption pour en chercher le reméde, & il eft également injufte , qu'après l’a- voir trouvé, nousne voulions pas nous en fervir, Et Ceft peut-être pour cela que préfentement, * felon le témoiï- gnage de Leonard Coquee , aufhi-bien que du tems de S. Augufhin, ** com- me ïlle raporte fui-méme , on perinet- toit à Rome les careïfes des Courtifa- nes, d’où procédent & nos maladies & nos remédes. Quoique amour foit la plus puif- fante * Ecclefia&ÿ Principes Chrifliani meretri- ces permirtunt , ut gravioribus malis occur- rant , Coqueus comm. In Auguit. ** Larebra requirunturinufu fcortorum ; quo terrena Civiras liciram fectr rurpitudi- mém. Liv. 14.0, 18. de Civ. Dei. s'& ec: 4, confidéré dans l'état du Afariage. 19 fante de toutes les paflions, qu’il n’y ait point d'homme qui ne vive fous fon empire & qui ne foit aflujéti à fes loix, je fuis pourtant perfuadé que nous pouvons en quelque façon réfifter à fa violence, & nous empêcher d’exécu- ter fi précifément fes ordres. Zenon en eut fervir de preuve , lui qui pendant Fa vie ne baïfa fa femme qu’une feule fois , & qui y fut encor obligé par civilité. Enéfet, notre fanté feroïit plus par- faite, fi nous ufions fagement des plai- firs de Pamour : nous aurions une cer- taine gravité dans la chaleur du plaïfir pour devenir peres, que nous n’avons pas quand nous ne cherchons que le contentement. Les impatiences & les chagrins qui troublent notre repos ne feroïent pas fi fréquens , nous vivrions fans inquié- tude, & la douleur ne prendroit pas fi fouvent la place de {a tranquilité. Nous nous divertirions fans peine, de quel- que tempérament que nous fuflions. Nous ne reffentirions ni langueurs ni lafitudes après avoir carefle une fem- me ; 20 Tableau de l Amour conjugal, me, & notre fanté feroit beaucoup mieux afermie qu'auparavant, après nous être déchargez de ce que nous avions de fuperflu. La chaleur naturel- le r’eft Jamais plus robufte que quand il n’y a plus d’impuretez qui embaraf- fent fes a@ions & qui en empêchent les éfets. Une même chofe peut être utile & préjudiciable , felon lufage que lon en fait : Pabfiinence guérit fouvent les incommoditez de Charlemagne; & ce fut prefque elle feule qui pendant fa vie fut [e remede pour toutes fes mala- dies ; & la même abftinence le mit en- fin dans ie tombeau. Le baïn d’eau froï- de qui foulagea Ausufie, tua Marcelline peu de tems après; & Pamour qui cau- fe tant de défordres quand nous en abufons, nous procure beaucoup de bien, quand la raïfon ou la néceffité nous fait fuivre fes mouvemens. If n’y a rien au monde qui rafrai- chifle davantage les bilieux que les ca- reffes des femmes; & fi dans l’aûion ils fe fentent un peu échaufez, cette cha- jeur n’eft que paflagére & ne dure pas plus. confidéré dans Pétat du Mariage. ‘23 plus que les divertifflemens qu'ils y prennent. Toute forte de tempéra- ment y trouve du fecours, & cette ac- tion échaufe auffi doucement les pi- tuiteux , qu’elle excite les fanguins. Les mélancoliquesen fout réjouis, & ils fe défont par ce moïen de leur trif- tefle & de leur timidité. Leur apétit perdu & leur eftomac débauché en font rétablis. C’eft ce qui donna le nom d’Anrievro à la Courtifane Æocz, parce qu’elle diftribuoit un reméde afluré contre l'humeur noire. En éfet , les plaifirs que nous prenons avec les fem- mes, guériflent notre mélancolie & font plus d’éfet fur nous que tous les ellebores des Médecins. La penfée même de Pamour nous réjouit & nous fortifie ; elle augmente notre chaieur & diflipe notre bile noïre & épaïffe. Cet homme, dont Gzlien nous fait Phiftoire | qui avoit été fi touché de la mort de fa femme, qu’il réfolut de n’en avoir jamais, fe trouvant quel- que-tems après fort incommodé par des indigeftions d'eflomac & par une trillefle dont ïl ne connoïfloit pas la 8 cau | LS 2% Tableau de l Amour conjugal caufe , fut enfin obligé de rompre fon vœu & de fe joindre amoureufement | à une autre, entre [es bras de laquelle ïl recouvra la fanté. Quoïque Ia copulation conjugale ait été nommée par quelques-uns une legére épilepfie, elle ne laïfe pas pour- tant de guérir cette grande maladie, & beaucoup d’autres, qui ceflent fou- vent aux premiers plaifirs que nous prenons avec les femmes , & au pre- mier fang que les filles répandent par leurs parties naturelles. L’on dompte les animaux Îles plus féroces par Paproche d’une de leurs fé- melles. Le tigre n’eft plus tigre auprès de ia fienne. Un homme, quelqu’em- porté qu’il foit, devient modelte & . traitable auprès d’une femme, & ïl fe trouve fouvent des vierges ou des veu- ves furteufes, quine s’apaifent que par les embraflemens des hommes. Toutes les grandes humiditez du cerveau , les fluxions funefles | qui nous caufent fouvent dans la gorge ou dans Ia poitrine des maladies incura- bles, ne font ordinairement prévenués que confidéré dans l'état du Mariage. 23 que par les plaifirs modérez que nous prenons avec les femmes. Cette pefan- teur du corps infuportable , & ces laf. fitudes que nous reffentons dans loifi- veté & après la bonne chére , ne font guéries que par ce reméde. Les Ærhle- tes avoient autrefois trouvé cet expé- dient pour fe délaffer de leur lute ; & ils fe fentoïent alégres & plus forts dés qu’ils s’étoient divertis avec une femme. Cet exercice amoureux éfice tous les fonges qui nous font de a peine; nous dormons enfuite avec tranquili- té ; & fi l'amour déréglé nous caufe Pa- veuglement , en diffipant nos efprits, l'amour modéré rend nos yeux plus clairs , en vuidant les humiditez qui nous troublent la vüe. La voix, de chancelante & d’entre- coupée qu’elle étoit auparavant , de- vient plus forte & plus ferme : [a cha lœur du cœur s’augmente , fans nous incommoder , & la force des entrailles fe fait connoître par la vigueur de leurs aions. L’eflomac n’engendre plus de vents & ne fait plus de cruditez ; On . n’en- Cd 24 Tableau de l'Amour conjugal, n'entend plus de murmure dans fes boïaux ; & les reins qui fe trouvoient apefantis par [a femence qui les aca- bioït , fe fentent en même-tems foula- : gez par la décharge de cette matiére. C’eft enfin le fouverain reméde des pâles-couleurs ; & une fille qui fait peur à tout le monde par fa jaunifle, reprendra peu de tems après fon ma- riage, ce teint de lys & de rofes , qui ef le figne affuré d’une fanté parfaite. Après les premiers combats amou- reux , elle fentira fortir du fang d’elle- même, comme une marque de fa vic- toire de Pamour. La paix & l’abondan- ce viendront bien-tôt après, la bonne complexion & la fécondité comble- ront de joïe cette perfonne , qui avoit prefque perdu lefpérance de les voir jamais. | Cette Jeune veuve qui tomboit f fouvent dans des fuffocations, qui la menaçoïent d’une mort fubite , n’eft plus fujette à ces maux depuis qu'elle s’eft remariée. Enfin, cette nus ma- tiniére ne nous préfage que la beauté du jour & les plaifrs de la vie. C’eft el- le, 4 confideré dans Pétat du Mariage. 25 le, qui étantréglée , nous fait devenir peres de plufreurs enfans , & nous rend Vembonpoint que nous avions perdu à force d’aimer. | Ce jeure homme à qui le vifage eft devenu pâle, les yeux meurtris & en- foncez, les lévres blêmes, la voix chan- celante , la refpiration entrecoupée de foupirs & interrompué de fanglots, qui ne boit & qui ne mange plus, qui va expirer par l’excès de fa paflion amou- reufe, n’a pas plutôt obtenu la poffef- fion de ce qu’il aime, qu’on lui voitre- prendre peu-à-peu fes forces ; fon em- bonpoint revient, fa fanté eftenfuite ferme & aflurée. Jamaïs Azriochus n’eut recouvre la fienne , fi Scleucus ne leut fait jouir de Srratonice ; & jamaïs Jufle,. femme du Conful Boëce, ne fut reve- nué de fa langueur , fans la pitié qu’en eutle Comédien Pylade. Je ne voudroïs pas imiter ici le Mé- decin Apollonides , qui fe trompa fi lour- dement dans la connoïflance de 1a ma- Jadie d” Amiris , fémme de Afegalizins &c fille de Xerxés ; car ce Médecin penfant que la fiévre étique de cette femme Tome IZ. C étoit 26 Tableau del Amour conjugal, étoit du nombre de celles qui fe gué- riflent par ’amour , il lui confeilla les embraffemens d’un homme. Mais comme quelque-tems après Awiris ne fe fentit point foulagée par cette forte de reméde, outrée de douleur contre le Médecin, elle s’en plaïgnit à fa me- re, quile dit enfuite à XYerxes. Le Roï en fut fi fort touché, qu'il condamna le Médecin à être enterré tout vif juf- qu’au cou, ce qui fut exécute à l'heure meme, La goute , qui felon les Médecins, eft fouvent engendrée par les carelles des femmes, en eft quelquefois guérie : & il s’eft vü des gouteux qui ont été fou- lagez lorfqu’ïls en ontufé avec modé- ration. En éfet, il n’y a point de moïen plus affuré pour nous conferver la fan- té, ou pour nous éviter une mort pré- cipitée, que de fe joindre quelquefois à urie femme. Le Poëte ZLucréce ne fe feroit jamais tué, s’il eût poffédé la bel- le qui Îe faïfoit foupirer ; & cerie fite de trente ans, dont Riola» fit un jour a diffé&ion , n’auroit pas perdu la vie , fi elle sétoit mariée; car la femence n'aU- . » 59 confidére dans l'état du Mariage. 27 r’auroit pas fuffoqué fa chaleur naturel- le , & fon teflicule gauche ne feroit pas devenu auffi gros que le poing, par Pa- bondance & la rétention de cette ma- tiére ; maïs encor la fille que. 2. le Duc difléqua derniérement dans l'Hôpital Général de la Salpètriére de Paris, ne fut point morte de fureur hiftérique, fi fon tefticule gauche ne fut devenu gros comme le poing par larétention d’une femence épaifle. Au lieu que l'amour déréglé nous rend flupides , l'amour que l’on ména- geavec prudence nous caufe de la fan- té, nous infpire de la hardieffe & nous fait naître de l'agrément. Un païfan, qui a l’efprit naturellement groffier , ne paroïîtra pasétre ce qu'ileft, quand il aime; & alors il fe trouvera peut-être en état de difputer avec un autre beau- coup plus fpirituel que luï de la finef- fe de lefprit & des mouvemens de fa paffion. IT eft donc vraï que Îes embraffe- mens des femmes ne nous peuvent fai- re de mal, pourvü que nous fuivionsle confeil dÆypocrate,qui ne veut pas mé- | 2 me 28 Tableau de l'Amour conjugal, me nous permettre que dans le Prin- tems, qui ef la faifon la plus propre à cet exercice amoureux, nous en faf- fions des excès. Ces voluptez lici- tes nous comblent de toute forte de bien; elles rendent notre ame fatis- faite & augmentent les forces de no- tre corps ; tellement que quand mé- me nous ferions ataquez de quel- que venin qui commenceroit à dé- truire les forces de notre cœur; la copulation, {1 nous en voulons croï- re les Naturaliftes , feroït un remé- de fufifant pour nous garantir de fa malignité. | Quand onne fe propofe que de fai- re des enfans, que l’on fuit fimplement les mouvemens de la nature, & qu’on eft ému par le chatouïilement de la fe- mence, que comme nous le fommes par les irritations des autres excrémens de notre corps, on n’intérefle jamaïs fa fanté par ces fortes de divertiffemens. C’eft ce qu’Euripide a fort bien expri- mé dans une autre [angue, lorfqu’il parle à Fénus de la forte. Vénus; er confidère dans Pétat du Mariage. 29 Vénus, en beauté fi parfaite, Infpire de grace à mon cœur, Taplus noble & plus vive ardeur , Etrends dans mes amours mon ame fatisfaite 5 Mais tiens fi bien la bride à mesardens defirs, Que fans en reffentir ni douleur ni foibleffe , Jufques dans l'extrême vieillefle Je prenne partàtes plaifirs. Et pour dire là-deffus ce que je pen- fe, un vieïllard de 70. ans fera encor en état de carefler une jeune fille & de lui faire un enfant, fi pendant fa jeu- nefle 1! na pas pris trop de liberté avec les Dames. C’eft ce que POracle vou- Jut dire aux Spartiates, quand ïl leur commanda d'élever une flatué à Pérus, avec ces mots écrits en d’autres carac- téres , V’énusqui retarde la vicilleffe , nous voulant faire connoitre par-là qu’el- le n’eft pas ennemie de notre fanté, fi nous fuivons fes confeils avec pru- dence. Enfin ce feroit peu que d’avoir par- lé des plaifirs du mariage, fans en dé- couvrir les remédes qui s’opofent à leurexcès, & les moïens donton doit fe fervir pour les éviter. Et nous ferions “ei C2. PIN + F «LU - Ve Po 30 Tablein de P'Amour conjugal, fort injuftes, fi nous favorifions le crt- me en favorifant la concupifcence de la chair, fans avoir égard à notre fanté & à l’obéiflance que nous devons aux ordres de Dieu. , xxx FAR RER KE RENE MORE MON MORE EX DRE SSH CHAPITRE. IE S'il y à de véritables Jignes de oroffefe. TN Uoique parmi les hommes il y ait des coutumes qui nous paroi fent ridicules , on doit pourtant ima- g'ner que l’on a eu de bonnes raifons de les établir. Le temsles a favorifées, & Pufage qui eftle maître & le tyran des aions des hommes, lesa foute- nuës. Ces coutumes fe font fortifiées dans [à fuite, comme les petits ruif- feaux , qui coulant vers la mer: {e grof- fiflent enfin & deviennent de grands fleuves. | L’exercice que font les mariez en danfant le jour de leurs nôces, paroît extravagant à plufeurs perfonnes, qui blâment toujours ce qui ne leur plait pas | Tom. IT ag.30. ! confidere dans Pétat dn Mariage. 3% pas. lisne fauroient fe perfuader que ce n’eft pas fans raïfon que lufage to- lére cette ancienne coutume. Maïs fi l’on faifoit un peu de réflexion fur les . éfets que caufent les mouvemens des mariez, peut-être trouveroit-on que la danfe des nôces n’a été inventée que pour perpétuer plus aïfément Pefpéce * des hommes. Car ce n’eftnila malice du fiécle, ni la dépravation des mœurs, ni l’adreffe de l'amour, n1 les voluptez déréglées qui font la caufe de cette cé- rémonie; c’eft la raïfon même qui a voulu que les mariez danfaffent le jour qu’ils fe marient, afin que par cette agi- tation jeur corps fut pluslibre, plus ou- vert & plus propre à la génération. Les Naturalifles nous font remar- quer, que filon veut avoir un cheval de prix, on doit fatiguer la cavale avant qu’elle foit couverte, & que de cette conjondion , plutôt que d’une autre, il nait ordinairement un animal fou- gueux & propre à la guerre. Ainfi les femmes s'étant agitées avant que de fe joindre amoureufe- ment à leurs maris, fe font défaites d’u- iE des ne "“ 32 Tableau del Amour conjusal, ne partie de leurs excrémens; & la cha- leur qu’elles ont aquife en danfant, a fervi à deflécher leurs parties amou- reufes, qui ne font le plus fouventque trop humides, & qui par ce moïen ne font pas difpofées à la génération : car la trop grande humidité de ces parties eft une des principales caufes de la fté- rilité des femmes. Après ces difpofitions, on doit ob- feiver dans le mari & dans la femme d’autres criconftances , qui fervent de conjedures pour établir la connoïflan- ce que nous pouvons avoir de la grof- fefle d’une femme. Car file mari n’eft nitrop jeune ni trop vieux, que fon tempérament foit robufle & fes parties principales bien faines, qu’ilne foit ni trop gras nitrop maigre, & qu’il ait les parties de la génération bien faites & bien difpofées ; que d’aïileurs la femme ait au{fi les mêmes difpofitions , qu’elle foit dans la fleur de fon âge , & qu’elle jouifle d’une fanté parfaite , qu’elle ne foit ni trop grande ni trop petite, & que fes régles aïent acoûtumé de cou- ler, felon Îles loix de la nature ; Le ou= confideré dans Pétat du Mariage. 33 - doute point que s’il ya les moindres marques que la femme foit groffe, on ne doive fe le perfuader , après tant de difpofitions d’un côté & d’autre. Mais parce que ces conjedures ne font pas des fignes évidens de la grof- feffe, il me femble que l’on en doitcher- cher quelqu’autre pour la connoitre avec certitude. On fait que la groffeffe eft ordinairement de neuf mois acom- plis ; ainfi nous examinerons d’abord les fignes qui nous fervent de conjeäu- re pour la découvrir dans les premiers mois, & puis ceux qui nous la rendent plus certaine dans les derniers. On alieu de croire qu’une femme a conçü, lorfqu’après s'être divertie avec un homme, elle demeure féche & qu’elle ne rend point ce qu’elle a re- cu, & qu'avec cela un homme fe retire fans être beaucoup humide. Au même- tems la femme reflent comme de pe- tits friflons, femblables à ceux qui nous arrivent après avoir mangé, Elle foufre quelquefoïs des foibleffes & des anéan- tiflemens dans le moment que la fe- mence de homme eft dardée vers le USE fond 34 Tableau del Amour conjugal, fond de fa matrice, & qu’elle eft reçuë dans l’une de fes cornes , pour fe join- dre avec la femence de cette femme & ÿ faire la conception. La matrice , comme fielle avoit de la joie d’avoir recû humeur quilui eft propre, fe reflerre pourlaretenir, ce qui caufe à la femme je ne fai quel mouvement dans fes partiesnaturelles, duquel elle reflent du chatouïllement & du plaïfir, & fait qu’elle recherche alofs plus ardemment la compagnie d’un homme. Si quelque-tems après la fage-fem- me latouche, & qu’elle rencontreure douce réfiflance à la matrice & fon ori- fice interne, fermé & molet comme le cul d’une poule, ou le mufeau dun chien naïfant ; il n’y a pas lieu de dou- ter que la femme r’aït conçü. Maïs on ne fe contente pas d’avoir des fignes communs, on en fait encor quantité d'expériences, à limitation de Pantiquité, pour découvrir la groffeffe d’une femme. Les uns frotent d’un rouge les yeux de celle que l’on feup- conne grofle , & fi la chaleur pénétre la pau- confidéré dans l'état du Mariage. 35 paupiére , onne doute plus après ceia que cette femme ne foit enceinte. Les autres tirent de fon corps quel- ques goutes de fang , & après les avoir laiffé tomber dans de l’eau , ils conjec- turent qu’elle eft groffe , fi le fang va au fond. li y en a d’autres qui lui donnent à boire cinq ou fix onces d’hidrome . fimple ou anife en fe mettant au fit, & ils jugent de la conception par les tranchées que cette boïffon caufe à !a femme. D’autres lui donnent encor une ou deux onces de fuc de férecon | mélé avec un peu d’eau de pluie , & s’imagi- nent qu’elle ef groffe, fielle ne la yo» mit point. Quelques-uns, après avoir mis dans {es parties naturelles une goufle d'xi/, ou fait brüler de la yrrhe, de Pencens ou quelqu’autre chofe aromatique , pour luï en faire recevoir la vapeur par je bas, croïent qu’elle eft grofle, fi elle ne reffent point quelque-tems après à la bouche ou au nez Podeur de Païl ou des chofes aromatiques. L y en a encor qui font diverfes ex | périen- 36 Tablean de l Amour corjugal, périences fur Purine : ils confidérent ! cette liqueur dès qu’on la rend;& après Pavoir trouvée trouble & de couleur de l'écorce de citron meur,avec de pe- tits atômes qui s’y élévent & qui y def- cendent, iis difent qu’elle a concü. D’autres laïffent l'urine pendant 1a nuit dans un baflin de cuivre , où l’on a mis une éguille fine , & s'ils obfervent le matin quelques points rouges fur Véguille , ils ne doutent plus de la grofleffe. Quelques autres prennent parties égales d'urine & de vin blanc; fi Puri- ne , aprés avoir été agitée, paroït fem- blable à du bouillon de fêves , ils affu- rent que la femine eft groffe. Les autres laïflent pendant trois jours repofer à Pombre dans un vaif- feau de verre bien bouché Purine d’u- ne femme, & après l'avoir coulée dans un tafletas clair , s’ils voient de petits animaux fur Îe tafletas, ils ne font pas dificuité d’afirmer que la femme eft rofle. Enfin je ne fauroïs dire combien d'expériences les hommes ont faites pour —— confidere dans l'état du Mariage. 37 pour découvrir ia groffefle d’une iem- me. Maïs les dégoûts, les envies de vo- mir,les vomiflemens mêmes, & les au- tres accidens qui leur arrivent , font des fignes bien plus certains; s’il yena au moiîns de certains , que toutes ÎJes bagateiles dont l’Antiquité a fait para- de pour connoître une femme grofle. Si les régles manquent à une iemme, fans qu’elle foit ataquée par des frif- fons ou par une facheufe fiévre, quefe ventre lui devienne plus plat & plus refferré qu'auparavant , felon [e pro- verbe des fages-femmes, ex ventre plat, enfant y 4 , que principalement après avoir mangé, elle foit lente, & qu’elle ne puifle fe toucher le ventre fans douleur , ce font aufli des marques de conception. Ses régles retenuës pour la généra- tion lui caufent ordinairement des amertumes de bouche , des raports âpres ou aïgres, des éblouillemens, des langueurs, des Jaffitudes , des douieurs de tête & de reïns, des chagrins cu des tranfports de joïe , dont elle ne fait pas £lle-même la çaufe , des taches au vifa+ Tome 11, D 8e) 33 Tableau de l Amour conjugal, ge , ou dans quelque autre lieu du corps, des affoupiffemens : enfin le plus fouvent un apétit déréglé ; ear il s'en eft vû qui ont mangé des charbons, de {a cendre,du plätre & d’autres chofes pa- reilles. Tous ces accidens ne font cau- fez que par Îe manquement des régles, que la nature a retenués pour fes ufa- ges particuliers; &c toutes les parties de la femme ne foufrent , que parce qu’ei- les font arrofées des humeurs qui doi- vent chaque mois être évacuées. Outre les accidens que nous venons de marquer, il en arrive d’autres, après les quatre premiers mois de groffefle, qui nous fervent de nouvelles preuves. Le fang qui croît tous les jours dans les veines d’une femme grofle, pour lufa- ge de l'enfant,qu' en a alors plus de be- foin, leur aporte piufieurs petits defor- dres qui nous infiruifent de Pétat où el- les font. Ii fe jeute fur la gorge, & leur caufe , aux unes plutôt & aux autres plus tard , des douleurs & des duretez -aux mammelles , lorfque le lait com- mence à s’y former , & que le mamme- lon, avec fon cercle, devient ve” aux | AR= 2 | ) | confidéré dans Pétat du Alariage. 39 blanches, & noir aux brunes. Leur voix commence alors à devenir plus groffe, par la chaleur naturelle qui fe multi- plie, & leur falive eft plus abondante ; car on n’a jamais guéres vû de femmes ’eroffes , au moïns de celles qui Joüif- fent d’un embonpoint, qui ne fuflent de grandes cracheules. I! paroît même aux jambes & aux cuifles des plus fanguines , des veines enflées de diverfe couleur, que nous apellons varices ; car on les remarque bleuës aux blanches, & noires aux bru- nes, par la variété de leur tempérament. Après -tout , lun des fignes les plus affürez qui nous peuvent décou- vrir la groffeife d’une femme, c’eft le mouvement de lenfant ; car fi l'on met {a maïn fur fon ventre , & qu’on Py tienne fort long -tems , l’on s’a- perçoit vers le quatriéme ou le cin- quiéme mois d’un mouvement doux, & fur la fin dela groffeffe , d’un mou- vement un peu plus fort , qui vient de haut en bas, & vers le devant du ventre de la femme quand elle ef couchée. Le fardeau ne fe meut point D 2 de 40 Tableau de l Amour conjugal, : de la forte, 1l fuit le mouvement du corps, & il tombe comme du plomb du côté qu'il fe panche. Les vents ont auf un mouvement diférent ; ils {e font fentir inégalement tantôt d’un co- te & tantot de l’autre ; & leur mouve- ment ne fe fait pas vers le devant du ventre , comme dans une véritable groffefle ; maïs on les fent le long des boïaux, que lon entend quelquefois gronder. Si l’on obferve le pouls des fem- mes grofles, on trouve qu’il eft beau- coup plus prompt & plus élevé que dans un autre tems , aufli ont-elles alors du fang & dela chaieur autant que deux perfonnes ; & des Médecins peu experimeñtez à toucher le pouls de ces femmes, s’imagineroïent aïfément qu’eles ont la fiévre. On ne fe contente pas de découvrir en général [a groffeffe d’une femme par Les fignes que nous avons expofez; on veut encor favoir f elieef grofle d’un garçon ou d’une fille, ou même encor fi elle ef vroffe de plufeurs enfans. - Âleñ vrai que les garçons nous don- nent confidere dans Pétat du Mariage. 43 qu’elle ne fait qu’éfleurer fon coi, quelles conjeures peut-on faire par cet excrément , fi ce n’eft de la difpo- fition de la vefe , des reins & des par- ties fupérieures ? Toutes les expériences que l’on fait ordinairement avec de lurine font fu- perilitieufes ; tout ce que l’on met dans la matrice eft dangereux ; laïl eft cauf- tique & brülant , fi on Paplique aux parties tendres du conduit de Îa pu- deur. Les vapeurs des chofes aromati- ques font fufpeñes, & il ne faut que cela pour faire des fauffes-couches. Maïs il y a d’autres fignes qui nous rendent plus certains que ceux-là de la groffeffe d’une femme ; car la féche- reffe de fes parties , après les carefles amoureules , les chatouiilemens & les friflens qu’elle reffent auffi-tôt, les fos- bieffes & les anéantiffemens où elle tombe dans le moment , font de fortes con- jedures pour nous faire croire qu’elle a déja conçu. D'autre part , fi la matrice eft fer- . mée, que les régles foïent retenués, que le ventre saplatifle d’abord & | qu'il # 44 Tableau del Arnour conjugal, qu'il s’enfle dans la fuite , que l’on s’a- perçoive du lait qui fe forme dans les mammelles , & qu’enfin on fente dans fon Hanc un mouvement qui ne peut venir que de l'agitation de lenfant, quiel, fi je puis parler ainf, une par- tie des entraïiles de fa mere : tous ces fignes , dis-je , joints enfemble , pa- roiflent d’aflez fortes preuves pour nous perfuader qu'une femme eft groffe. Maïs , à dire le vraf , il n’y a pas plus d'afurance à ia croire grofle, qu’à de- viner fi elle a une pierre dans la vefe , lorfqu'on en a quelques marques. Tant de fignes qu’ii vous plaira de la groffef- fe d’une femme, ce ne font pourtant que des conjeûtures qui nous peu- vent quelquefois tromper, & que des moiïens de confufion pourun Médecin qui s'y affure avec trop de confiance. J’avouë que lon eft affuré de la pier- re, quand on ia touche avec la fonde, & que l’on eft auffi perfuadé de la véri- té de la grofleffe ; lorfque lon toucar de la main la tête d'un enfant qui eft dans le Bas, se 2 confidére dans Pétat du Mariate. At ñent fouvent des marques que les filles ne nous donnent pas ; car celle qui eft enceinte d’un garçon, fe porte ordi- païrement beaucoup mieux, & fe fent même plutôt que fi elle left d’une fille, qui dès les premiéres actions de fa vie commence à donner plus de peine à fa mere, que ne fait un garçon pendant toute fa vie. Sïla mere fur fa fin de fa groffeffe tombe dans quelque dangereufe mala- die, fans faire de faufles-couches, c’eft une forte conjetture qu'elle porte en fes flancs plutôt une fille qu’un garçon; celui-ci a fes ataches plus feches que celle-là ; ïl ne fauroit rcfifler à des atas ques fi rudes. Mais encor un mâle rendra robuftes toutes les parties droites de fa mere, qui en voulant marcher , fe fervira plutôt du pié droiït; & en voulant pren- dre quelque chofe, agira plutôt de la ain droite que de la gauche. On re- marquera encor dans fon œil, dans fa mammelle & dans fon pouls, du côté droit , beaucoup plus d’éclat , & beau- Coup plus de changement & de force RS &2 Tableau del Amour conjugal, que du gauche ; & fi l’on tire de fes mammelles une goute de laït , lorf- qu’il y en aura de perfe“ionné , on verra qu’elle fe confervera ronde fur longle, fi elle porte un garçon ; au lieu que fi c'eft une fille , le laït étant fort féreux , ne fe foutiendra pas f bien. Pour le nombre des enfans, on ne peut confidérer que la groffeur ex- traordinaire du ventre, & par ie mi- lieu une efpèce d’enfonçure qui nous donne des marques des jumeaux. De tous ces fignes ,ily en a de très Jegers & de très-ridicules ; car de pen- fer que l’on puifle découvrir la groffef- fe d’une femme par fes urines, c’eft ce que je ne fauroïs me perfuader, Je fai bien jufqu’où l’avarice des hommes a pouife cette curiofité ; maïs les difé- rentes opinions où ils font fur ce fujet, me font juftement douter de la vérité de leurs expériences. L’urine ne nous peut donner tout au plus que des marques de Pétat des parties d’où elle vient , & de Ia difpofi- tion de celles par où elle pafle. Com- me elle ne traverfe pas la matrice & gu'elle confidéré dans l'état du Mariage. 4$ Si nous examinons en particulier tous ces fignes , que l'on croit être les plus propres à nous rendre certains de la groffeffe d’une femme , nous verrons clarrèment qu'ils font tous douteux ou équivoques : car de demeurer féches après avoir été embraflées,cela peut ve- nir de la complexion de la femme & de la chaleur exceffive de fes parties. De reffentir un plaifir extrême jufqu’à lé- vanouilfement , ce n’eft pas non plus une marque de conception. Le cœur reflent de preflantes ateintes de la- mour, quand on jouit avec pañion des délices du mariage , & le chatoüille- ment que reflent alors une femme, vient aufli-tôt des embralfemens d’un mari & de la compreffion de la poitri- ne, que des plaïfirs de la conception. Jufques-là même qu'il s’en eft vû qui ont engendré fans avoir reflenti de plaifir. IT y a des femmes flériles qui ont na- turellement la matrice fermée , & ïl s’en trouve d’autres qui ont leur oriti- ce dur & calleux, qui ne font pas grof= fes pour cela Les 46 Tableau del Amour conjugal, Les régles manquent fouvent aux filles , fans aucun foupçon qu’elles foïent enceintes ; & les pâles-couleurs, pour ne rien dire des autres maladies, font toüjours acompagnées du défaut des régles. L’on n’a guéres vû de fem- mes incommodées de faux-germes ou de fardeau , à qui les régles n’aïent manqué. Maïs encor il y a des fem- mes groffes qui font régiées les pre- miers mois de ieur groflefe ; & j'en connoïs même qui létoient régu- lierement pendant prefque tout Île tems qu’elles étoient enceintes. Et d’autres qui ne le font , ni avant ni après [a conception , comme if ar- riva à la femme de Gorgias , felon Îe témoïgnage d’Æipocrate, dans fes Epi- dem : qui n’aïant point fes régles, ne laïffa pas de devenir groffe | & d’en manquer après comme avant fa con- ception. Le ventre devient grêlé d’abord, fe groffit enfuite, aufli-bien par le faux- germe , par le fardeau & par d’autres maladies , que par la véritable groffef- fe, & fouvent on ne peut guéres dif- Un- confidéré dans Pétat du Mariage. 47 tinguer la tumeur caufée par ces difé- rentes incommoditez. Le lait & le mouvement de l'enfant, qui femblent être les marques les plus aflurées de la groffeffe ,ne le font pas plus que les autres:on voit des filles qui ont du laït par le manquement de leurs régles , fi nous en voulions croire Æi- _ pocrate, & d’autres Médecins après lur, & des femmes qui n’en ont point du tout , qu’elles ne foient acouchées. Le mouvement qu’elles fentent dans le ventre , peut être excité par des venis ou par des humeurs , & les exemples des femmes qui y font trom- pées ne font pas rares ; quelques fa- vans Médecins y ont même été furpris. Hipocrate , tout docte qu’il étoit, a dou- té de la groffelTe de la fœur de Téménes; & Avenzoar donna un violent purgatif à fa femme fans la connoître groffe. If y a d’ailleurs tant de fouplefles par- mi le fexe , qu’il faut être bien fin pour n’y être pas furpris, quand il veut nous en impoler. Car lorfqu’une femme 2 deffein de paroître féconde, pour être plus aimée de fon mari, ou pour rece- \ VOIX 48 Tableau de l Amour conjugal, voir quelque chofe de fon amant , x n’y a point de rufes qu’elle n’invente pour paroître groffle. II en eft de Ia groffefle comme des écritures ; on ne peut connoitre celles-là véritables & celles-ci faufles que par conjeäure. Ce ne font pas les premiers enfans qui ont été fupofez, après que l’on eft demeu- ré d’acord de la groffefle d’une femme. Lepida fut condamnée pour en avoit ufé de la forte ; &1ïl ne fe trouve au- jourd’hut que trop de femmes , qui fe font fort , ou de feindre leur groffefe ou de fupofer un enfant. Après tout cela, on peut conclure que l’on ne doit jamaïs afirmer pofitr- vement qu’une femme ef groffe, puif- que tous les fignes dont on peut fe fer- vir font incertains , & que la femme même qui en doit plutôt être le juge que nous , s’y trompe fort fouvent, 2e CH Aa Fois + SE Le NE: ds 7 Es ” SE beton) a confidéré dans l'état du Mariage. A9 DEN HEICR OR CR ECHEC EXC C'H'A PET RE ‘IV. De la formation de l'homme. E me trouve infenfiblement enga- gé , par la fuite de [a matiére que je traite, à parler de quelques queftions fort dificiles qu’agitent les Théolo- giens , les Philofophes & les Médecins. L’Antiquité s’eft trop atachée à la raï- fon , pour juger jufle fur ce qu’elle nous a laïflé par écrit : la plüpart des chofes qu’elle a dites, font, ou vaines ou douteufes, ou faufles par cette raï- fon-là. Et pour ne parler ici que de Ia formation de homme, tout ce qu’el- le nous a enfeïgné eft très-obfcur ou très- imparfait , tellement que nous avons été obligez de mettre, pour ain- fi dire, la main à l'œuvre, afin de dé- couvrir en ce point les fecrets de Ia nature. Nous ne nous fommes pas feu- lement fervis des découvertes qui ont été faites par les autres, nous avons auf pris beaucoup de foin d’en faire Tome IZ. E fur ce so Tableau del Amour conjusal, fui les animaux & fur les femmes mé- mes, afin de chercher plus exatement les admirabies principes qui ont fervi à nous former. : Nous fommes perfuadez que la fem- 1e donne de Ia matiére aufli-bien que l’homme, pour former lenfant qu’ils engendrent tous deux. Mais, parce que lon ne fauroit difcowrir de la for- mation d’un enfant, fans avoir aupara- vant obfervé avec exactitude les par- ties qui y travaïllent, il m’a femblé à propos d’ajoûter ici, à ce que nous avons dit au c4p. 1. de Fa premiére partie de ce Livre, quantité de cho- fes particuliéres que j'ai remarquées dans les parties naturelles de la fem- me , la connoïflance defquelles nous fervira beaucoup à comprendre com- ment |a nature agit en nous formant, Les deux femences de l’homme & de la femme étant jointes enfemble, ïl fe faït un enfant, par le moïen de Pintel- ligence qui fabrique pour elle-même toutes les parties dont nous admirons tous les jours les aions & les ufages. Maïs païce que ce compolé d’ame & | de confidére dans l'état du AAariage. ST de corps ne fauroïit vivre fans nourri- ture, nous parlerons du fang des ré- gles , & puis ngus obferverons par de- grez les démarches que fait la nature pour former un enfant dans les entrail- les de fa mere. LÉLLESSLLSSLSSLSSS SSD. PIPPPOTLENE De la femence de l'homme. A femence de homme eft l’écu- me de notre meilleur fang , felon Pythagore, & le doux écoulement de la moële de l'épine du dos, felon P/4- ton : elle eft la plus pure & la plus déli- cate partie du cerveau, ainfi que veut d’Alcméon , & une fubflance tirée de tout notre corps, comme l’efliment Démocrite & Hipocrate. Enfin , fi nous en croïons Epicure, elle eft un élixir, un extrait ou un abregé de notre ame & de notre corps. D'autres philofo- phes, comme Ariffote, fe font imagi- nez qu’elle étoit un excrément du der- nier aliment : en éfet, ce n’eft qu'un | AT pur 62 Tableau del Amour conjugal, pur excrément avant la conception ; & avant que Fintelligence y foit intro- duite, & lon ne doit la regarder que comme le fang que l’on nous tire dans des paletes, Maïs, felon idée qu’en a TZertullien , elle eft un éfet de nos defirs amoureux, & un flux de notre lafcive= té bouiliante. Sa fubftance doit être épaïfle & gluante, fi elle eft felon les loix de la nature, afin de conferver plus Tong- tems Pabondance des efprits & de 1a chaleur naturelle dont elle eft remplie. Elle eff ainf dansles hommes d’un âge médiocre, la chaleur dont ils abondent plus que ies autres, cuifant cette ma- tiére & la perfe“tionnant pour [a ren- dre féconde. Ce qu’elle a de propre, c’eft que la chaleur Pépaïffit, & que la froïdeur la fond & la noïrcit en même- tems. En éfet, l'air froïd en diflipe les eiprits & la rend un cadavre de femen- ce, pour parler aïnfi, au lieu que Îa chaleur en multiplie les parties fubti- les , pourvûü qu’elle foit dans un lieu où elle puifle conferver fon tempé- rament. Son confidére dans l'etat du Mariage. 5% Son odeur, que l’on peut apeller vi- reufe, eftune marque de fa fécondité ; & tous les animaux qui font en cha- leur, font exhaler de leur corps une odeur fi pénétrante, qu’à peine peut- on demeurer aurpès d’eux. Si on Îles tué en ce tems-là pour en manger la chair, leur odeur eft fi défagréebie, que jai connu des perfonnes qui étoient obligées de vomir après en avoir goûté. St on confidére exaûement la fe- mence de l’homme , on y trouvera deux fortes de fubftance ; l’une épaifle & gluante, l’autre déliée & fpiritueu- fe : c’eit dans cette derniére partie, aïnfi que nous expliquerons ci-après, que réfide le principe du mouvement, lequel principe eft d’une nature pro- portionnée à ce qui brille dans les aftres. Cette femence , ainfi compolée , ne vient pas feulement des tefticules ( 4b ) & des petites veflies ( À) qui la confer- vent , elle coule encor de tout le refte de notre corps ; ainfi que l’affure Æipo- craie , le plus ancien & le plus éclairé de nos Médecins. | E 3 Caz $A Tableau del Amour conjugal, Car fi elle ne venoit point de toutes les parties de notre corps, nous ne nous aperceverions pas d’un épuife- ment fi fubit & fi univerfel , lorfque nous embraffons une femme. Dans un moment notre cœur & notre cerveau ne s’épuiferoient pas d’efprits, & tout notre corps ne tomberoit pas dans un anéantiffement que lon ne fauroit ex- primer. L D’ailleurs nous ne treffaïllirions pas de joie, fi tout notre corps ne con- tribuoit à cet épanchement , & Îa volupté ne feroit pas fi exceffive , fi elie ne dépendoït de toutes nos arties. Aurefte, s’il eft vraï que les efprits de la femence foïent faits de la partie la plus fubtile du fuc nerveux, & que ce fuc foit fait du fang de nos artéres & de nos veines, Je ne vois pas pourquoi on refufe à ces mêmes efprits le cara- tére des parties d'où ils fortent ; car fi les urines nous marquent les diféren- tes difpofitions des parties par où elles pañlent , la femence coulant des parties de tout Phomme , portera auffi fans | doute confidére dans l'état du Mariage. 55 doute avec elle les idées de tout notre corps. En éfet , quelle raïfon pourrions- nous aporter de Îa reffemblance des enfans à leur pere ou à leur mere, fi nous n’etions perfuadez de cette véri- té ? Etcomment pourrions-nous nous imaginer qu’une femme naturellement boiteufe fit un enfant boiteux comme elle du même côté , & qu’elle en en- gendrât d’autres avec de pareïls dé- fauts aw’elle a aporiez du ventre de fa mere ? Silonen veut atribuer la caufe à Ja force de limagination , je n'ai qu’à raporter ici l’hiftoire que nous fait Gaf- fendi d’une petite chienne, qui etant botteufe , fit des chiens boiteux, pour faire voir en paflant, que l'imagination p’a point de part dans ces fortes de refflemblances , puifqu’une chienne à : Fimagination fort foible, ou men à point du tout. # . ARTI- 56 Tsbleas de l'Amour conjugal, BAKEEEEAIEIERÉEIEROREMEKEREREERIKRRERE A'R'T 'FCOE'EMRE Exalle deftription des parties natarelles internes de la femme. Vant que de parler de Ia femen- ce de la femme & de la maniére dont un enfant eit formé dans fes en- iraïlles , Jai jugé à propos de faire une defcription exacte de fes parties natu- relles, & de joindre les obfervations que j'en aï faites à ce que jen aï dit en général dans la premiére partie de ce Livre. Ce qui nous empêche ordinaire- ment d’examiner les chofes avec'dili- gence, C’eft la penfce où nous foimes que les anciens n’ont rien ignoré, & qu’il ne refle plus rien à favoir. Dans cette penfée, l’'efprit le plus prompt & le plus pénétrant fe ralentit & s’émouf- fe ; & parce que nous haïffons naturel- lement le travail, nous nous conten- tons d’aprendre fans peine ce que Pon nous di. Mais il me femble qu'il n’y a point confidéré dans l'état du AAariage. 53 point d'art qui ne fe perfe&ionne par les expériences que Pon y peut faire:on y doit toujours confulter Les fens , afin de nous défabufer par-là des faux fenti- mens que l’on nous auroit pü donner. La matrice eflune partie principa- le de la femme ; puifqu’elle lui caufe tant de maux par fes defordres & qu’el- le luï porte tant de bien par fa bonne difpofition. Car fi l’on fait réflexion aux maladies que foufrent les femmes par lincommodité de la matrice , nous demeurerons d’acord que toutes cel- les qui les afligent viennent plutôt de cette partie que des antres , ou du moins qu’elles ne fe font jamais fentir fans qu’elle en foit en quelque façon la caufe. Le corps n’eft pas feulement in- commodé , f’ame s’en reflent encor, & la maladie fait d’auff funefles im- preffions fur lune que fur l’autre par- tie. Au contraire, quand la matrice eft en bon état , on ne fauroit dire quels avantages elle aporte à une femme. La couleur de fon vifage eft vive, fes yeux font brillans & pleins de feu , fa voix eft agréable & Miche fon difcours | eil $3 Tableau del Amour conjugal, eft engageant : en un mot , l'amour lui infpire des fentimens de douceur & de complaifance. J'ai dit aïlleurs,que la matrice n’étoit pas dans le même ctat en toutes les femmes. El'e ne garde ni fa fubftan- ce , ni {a fituation, ni fa grandeur, ni fa figure ordinaire , quand une femme eft grofle. Sa couleur , fon épaifleur & fa fuperficie interne font encor alors toutes autres ; & fi l’on veut fe donner la peine de Ia difféquer en ce tems-là, à peine la pourroit-on aïfément di- vifer en 5. ou 6. membranes quand el- le eft vuide, Les tefticules ne font ordinairement éloïgnez de la matrice que de deux travers de doiïgt dans les femmes qui ne font pas encor enceïntes ; maïs dans les autres ils touchent tout- à-fait la matrice (4) & ils font beaucoup plus longs, plus plats & plus pleins de femence dans celle-ci que dans les pre- miéres. Pius les femimnes aprochent du teims de leur acouchement , plus ïls perdent, auffi-bien que la matrice, leur fituation & leur figure naturelle. La ma- confidiré dans l'etat du Mariage. 9 matiére blanche dont ïls font alors abondamment remplis, a du raport au blanc d’un œuf de poule , aïnfi que Bef- lérus témoïgne lavoir fouvent trouvé & que j’en fuis moi-même le témoin ; car étant à Padoue & difféquant avecle Sieur Siribaud une fille de 20.ans, qui s’'étoit précipitée dans un puits à caufe de fa grofleffe , je trouvaï fes tefticules fi pleines de femence, qu’au premier coup de fcapel , la matiere renfermée réjaillit auf tôt contre mon vifage, & n’en étant par hazard tombe fur les lé vres, jy portai [a langue, fans y pen- fer, & jen goûtaï affez pour la trouver : fade, dégoûtante & un peu äpre. Quatre vaifleaux viennent à droîte & à gauche des lieux que nous avons marquez ailleurs, (b) ïls fortent entor- tillez les uns dans les autres & liez en- femble par la produdion du péritoîne , qui les renferme en forme d’étui , & defcendant aïnfi vers la matrice, ils fe partagent en deux branches, dont Pu- ne, qui eft la plus groffe , eft difiribuée à la matrice, ( c ) & l’autre aux teflicu- les. (4) La premiere eft fouvent divifée À en éo Tablean del Amour conjugal, en trois rameaux, dont le premier & le plus gros efl difiribué dans le fond de la matrice, (e) pour y caufer les régles dans les femmes qui ne font pas en- ceintes; ce que l’expérience nous a montré dans les matrices renverfées, ou pour y porter dans les derniers mois de la groffeffe. Le fecond (f) eft plus petit & ne fert qu’à arrofer & nourrir la matrice. Enfin ie troifiéme (g) eft aflez gros , ii rampe Îe long des membranes de la matrice & va fe terminer par des conduits capillaires vers fon col, où il fe. mêle avec les vaïfleaux hypogaftriques & iliaques ; (b) c’eft ce vaifleau qui fait les régles dans les femmes grofles, & qui les décharge de abondance de leurs humeurs. Ji ny a point de parties dans le corps de la femme, où les anatoômofes ( ;) & les communications de vaifleaux pa- roiffent plus évidemment que dans Ia matrice ; Car on n'a qu’à foufler d’un côté, tous les vaïffeaux s’enflent de l’au- tre & fe rempliflent de vent ; fi bien qu’après cela on ne peut douter du mé- lange des humeurs dans cette partie. Pref- confidéré dans l'etat du Mariage. 61 Prefque tous les Anatomilies apel- lent les vaifleaux dont nous venons de- parler , des vaiffeaux fpermatiques (c) ou parce qu’ils fe font imaginez qu’ils _préparoient la femence , ou que la fe mence des femmes n’étoit pas diféren- te de leurs régles : maïs pourmoï, qui les ai toûjours trouvez pleins de fang, je les nommerai les vailleaux fanguins de la matrice. L'autre branche quiel difiribuée au teflicule, (£) eit divifée en deux ra- meaux, ainfi que je Par obfervé parun microfcope. L'un entre dans Pune des extrémitez du tefticule, (/)avecuntel artifice, que lartére & lenerf{#) fe di- vifent en mille petits conduits, & fil- trent leur humeur dans fa cavité. L’au- tre fe perdant dans le ligament large (1) quilui fert d’apuï, porte fans dou- te à la Tuba ( x ) des humeurs propres à faire & a entretenir les boules où fe forment les enfans. Ce que j'ai obfervé de particulier, c’eit que les vaïlleaux fpermatiques (# ) qui coulent en abondance dans le ligament large, (: )entrele tefticule (0) Tome II. F & 62 Tableau de Amor conjugal, & la Tuba, (p ) & que l’on peut nom mer vaifleaux nerveux, parce qu’on ne les aperçoit prefque point ,( # )ont un , deux ou trois troncs, que j'ai aper çûs dans quelques femmes toucher les cornes dela matrice, comme fi l’hu- meur venant des tefticules par des vaif- feaux capilaires, étoit portée par plu- fieurs troncs pour être communiquée aux cornes de la matrice. Les cornes de la matrice, que Von apeile la Tuba, (p ) ou la Trompe de la Fallope, ont du raport aux véficules fé- minaires des hommes; car elles confer- vent la femence des femmes: ces cor- nes fortent de chaque côté de la matri- ce vers le fond: ( 4 ) elles font dela ongueur de 7. pouces ou environ, & | de la groffeur à peu près d'un pouce dans les femines groffles; maïs dansies | jeunes filles ou dans les vieilies fem- mes, elles font fort petites & ne ref- femblent qu’à un ligament Du côtéde la matrice elles font grêlées, dures & blanches, (4) & puis devenant plus rouges & plus larges à mefure qu’elles s’en éloïgnent, elles forment à Pautre , ÊxUE=. confidére dans l'état du Mariage. 63 : extrémité, ce que nous apellons /æ frange de la Trompe.(r) Ces conduits que J'ai trouvé s’avancer dans le ventre au- deffous des tefticules, font plus preflez en quelques lieux qu’en, d’au- tres ; fi bien que chacun forme trois ou quatre petites cellules, qui pourroient être la caufe de plufieurs enfans qu’une femme peut faire à une feule fois. La frange (r )ef faite de petites fi- bres, entrelaflces les unes dans les au- tres, & embaraflces d’une humeur gluante , principalement quand une femme ef groffe. Ces fibres, qui ref- fembient à de petits nerfs, empêchent fans doute que la femence ne foite plus fouvent qu’elle ne fait par Pouveriure de la frange, ou plutôt elles y prépa- rent air, lorfque j’enfant commence à y être formé, quoiqu'il ne refpire pas: tout de même que la luette & Pépi- glotte le préparent pour le poulmon. Car cet élément eft un corps qui péné- tre jout, & qui même fe fait paflage dans les mativres les plus preffées & les plus folides. C’eft peut-être pour cela que Pona nomme cestuiaux, la F è Jospa- 64 Tableau de l'Amour conjugal, fonpape ou le foupirail de la matrice. Une femme n’a pas plutôt conçu, que l’on obferve en ce tems-là, plus qu’en tout autre, une élévation à Pou- verture de ces vaifleaux dans la matri- ce, & j'y ai fouvent rencontré comme une petite peau charnuë,que lon pour- roit apeller Valuule, (1) qui défendoit Pentrée & permettoit la fortie aux hu- meurs qui fe rencontroïent dans Îes | cornes de la matrice. Ces cornes , (p ) quel’on peut nom- mer vaifleaux ou conduits éjaculatoi- res, font remplies d’une matiére qui reffemble à du petit laït un peu épais: elle fe trouve fouvent en fi grande abondance dans les femmes qui aiment éperduëment, qu’elle fort des deux côtez, quand elle eft agitée; c’eft-à- dire , par la frange, pour caufer les ac- cidens qui arrivent aux femmes in- commodées des vapeurs, & par Pou- verture de la matrice, pour faire les pollutions que foufrent fouvent les lus amoureules. J'ai fouvent obfervé dans les chien- ne pleines, ce qu'AÆarvée à remarqué dans Mi »S #2 RME 140 ÈS + % ja z ttes A gs “ARR D 22 À . | 3 Tome LL pau.l£5, confidéré dans l'état du Mariage. 65 dansles biches, que les cornes de Ia matrice avoientun mouvement fem- blabie à peu près à celui de nos boïaux; & je ne doute point que celles des fem- me n’en aïent auf pour fe décharger de Penfant qui commence à fe former & pour fe défendre encor d’une abon- dance de femence corrompuë : fi bien que pour les afermir contre la violen- ce des mouvemens qu’elles font con- traintes de faire quelquefois, la nature les a fortifiées par un fort ligament , qui va d’un bout à l’autre. Car ce font ces cornes avec les teflicules, & non le corps dela matrice, que lon fent mou- voir avec tant de violence dans quel ques femmes hyfériques. CTPETELLLLLIILELI RS 212 ILLLI LL 11121 A RE I CL BTE De la femence de la femme. T'Ariflote, & fes Se@ateurs, ne sé toent pas aquis pendant plufieus fiécles une fi grande réputation, je me perfuade qu’il me feroit aïfé prelente- 3 ment OURS À 4e, A 66 Tableau del Amour conjugal, ment de prouver que les femmes ont de la femence qui contribué en partie à a génération. Car il n’y auroit qu'à examiner fans préocupation lation & l'ufage des parties que je viens de dé- crire, pour être convaincu que le {en timent où je fuis eft le plus vrai-fem- blable ; maïs avant que de létablir dans toute fa force, voions en peu de mots files raïfons des adverfaires ont quel- que folidité. 1. Siles femmes, difent-ïls, avoient de la femence, elles n’auroïent point de régles, puifque l’une & Pautre ma- tiére peut fufire à former un enfant ; mais parce que nous fommes aflurez, ajoutent-ïls, qu’elles ont des régles , & qu'elles n’engendrent jamais fans en avoir, on doit conclure qu’elies n’ont point de femence. 2. D'ailleurs fi les femmes avoiïent de ia femence, il s’enfuivroit qu’elles auroient un principe d’a&ion, par le- quel un enfant pourroit fe former dans leurs eniraïlles fans la participation d'un homme , leur femence agiflant fur les régies, Mais parce que nous n’a- yon$ confideré dans l'état du Mariage. 67 vons point d'exemple de cela, on doit auffñi avoüer qu’elles n’ont point de fe- mence. 3. Au refte, il n’y auroit jamais de conception fans volupté, fi les fem mes avoient de la femence : maïs par- ce, difent-ils, que nous fommes cer- tains , par lPaveu même des femmes, qu’elles font quelquefois devenuës grofles, fans avoir été touchées du moindre contentement , nous devons croire qu’elles n’ont point de femen- ce; car fi elles en avoient, elles fe- roïent fans doute averties de fon écou- lement par quelques petites voluptez. 4. Hs difent encor, que fi les fem- mes ont de la femence , au moïns n’eft- ele pas féconde, & ne peut fervir en aucune maniére à la génération : que ce n’eft qu'une humidité fuperflue , pour arrofer leurs parties naturelles, & pour les irriter quand il faut fe joindre amoureufement ; & que comme les Eunuques ont une efpèce de femence qui n’a aucune vertu, les femmes ont auffi une matiére qui n’a point de for- ce à former un enfant, | s.Les 65 Tableau del Amour conjugal, s- Les fmmes font femblables aux enfans & aux Eunuques, dans la voix, dans le poil, dans l'habitude du corps & dans la pafion de lame; elles n’ont donc pas plus de femence qu’eux ? Maïs 1. Pexpérience nous fait voir qu’il en eft tout autrement, & la raïfon n’y eft pas contraire : car la femence des femmes eft bien diférente de leurs régles ; l’une ef blanche , & lesautres fontronges. Celle-là fort en petite quantité, & ne s’Ccoule point ordinaï- rement fans quelque plaiïlir; & celles- ci s’épanchent le plus fouvent en abon- dance ; & bien loin deles rendre joïeu- fes, elles en deviennent trifles & aba- tués. Aprés-tout, la forte imagination peut fouvent contribuer à lécoule- ment de la femence : maïs, quelque vi- ve que fort cette faculté de l’ame, elle ne fauroit avancer ni retarder les ré- gles d’un feul jour. Et aïnfi les femmes ont de la femence & des régles tout enfemble , puifqu’elles ont diverfes pafions qui en font des marques évi- dentes, la premiére matiére fervant à engendrer , & la feconde à nourrir en confidéré dans l'étatdn Mariage. 69 en partie les enfans qu’elles font. 2. Le raifonnement de ces Philofo- phes fur la formation de l’homme eft fi éloïgné de la vérité,que je ne m’éton- ne pas fi leurs raïfons font foïbles. Ils fe perfuadent que le fang des régles fert d’abord à nous former, & l'expérience nous fait voir tout le contraire ; favoir, que nous fommes plufieurs moïs dans le fein de nos meres fans en avoir be- foin. Sur ce faux principe, ils étab!if- fent des raifonnemens qui fe détruifent d’eux-mêmes; car {a femence ne pou- vant rien faire elle feule, & n'étant qu’une caufe partiale, il eft impoffible qu’eile foit la caufe totale & adive de la génération. J'avoué que le plaïfir n’accompagne pas toujours la conception; & je ne faurois croire que ce foit le feul écou- lément de 1a femence des femmes qui leur caufe des contentemens. Le cha- touillement qu’elles reffentent des par- ties de Phomme, & la forte imagina- tion qu’elles ont dans le combat amou- reux, en font la principale caufe; fi. bien que je ne m'étonne pas s’il yena eu 70 Tableau del Amour conjugal, eu quelques-unes, qui n’aïant pas la li- berté de l'imagination & du chatoüilie- ment, ont engendré fans plaifir. 4. Après-tout, fi les femmes n’ont pas de feinence propre à engendrer; comment les enfans refflembient.ils fi pris à leur mere dans les qua- itez du corps, dans les paffñons de l’a- me, & dans les maladies auxqueiles el- les font fujettes ? Et que dira-t-on du mélange de diiérentes bêtes, comme d’un cheval & d’une âneffe qui font un muiet, frla femelle , par fa femence, ne contribue rien à la génération ? Maïs pour prouver encor davantage ce que nous venons de dire, on na- voüera que la nature ne fait rien en vain, & qu’il ne faloit pas un fi grand apareil de vaiffeaux fpermatiques , de tefticules, de cornes, &c. fi toutes ces parties r’étoient faites que pour hu- meder la matrice. Elles ont affürément un autre ofice que celui que les Péri- patéticiens leur donnent, elles fervent à faire de la femence pour former les hommes. Et quoique la femence des femmes ne foit point fi cuite que che es , + . mon + 2. à tm ne et Ve ARS sde SE sv « SE Tom. Lpag. 71 confidere dans l'etat du AAariage. 71 Jes des hommes, elie ne laïffe pas pour- tant d’être de la femence, comme ieur fang ef du lang, bien qu’il foit moins digéré que le nôtre. On fait à quelles maladies quelques femmes font fujettes , quand elles de- meurent vierges ou veuves, ou quand: elles ne font pas affez careflées de leurs maris ; & l’on fait auffi quel reméde eft le plus prompt & ie plus éficace pour le guérir. Si la femence qui eft retenuë dans les cornes de la matrice eft em- ploïée à former un enfant, toutes les- facheufes incommodiiez dont elles étoient auparavant tourmentées cef- fent dans un moment, & la caufe ma- térielle de leurs maux fervant à d’au- tres meilleurs ufages , elles joüiffent enfuite é’une fanté parfaite. Maïs encor, fi jofe faire comparai-" fon entre les oïfeaux femelles & les femmes, je pourrois dire, que pui£ qu’ils ont de la femence, qui contri- buë à former leurs petits , les femmes en ont aufli qui fert à la génération : car quel ufage auroïent les teflicules des femmes qui la fabriquent ? Et l'ex périen- - 72 Tableau de P Amour conjugal, périence ne nous fait-elle pas connof- tré que les bêtes femelles châtrées ne foufrent pas aproche de leurs mâles ? Nous remarquons deux fortes de fuB- fances dans un œuf de poule ; le pou- let fe forme du blanc, qui eft la femen- ce de la poule, & s’en nourrit dans les ‘premiers Jours de fa formation, & dans les derniers il fe nourrit du jaune, qui vient du plus pur fang de la poule ; fr bien que le blanc de l’œuf aïant du ra- port à la femence de la femme , on peut dire que la génération fe fait dans la femme comme dans les œufs , & qu’elle contribué à la formation d’un enfant , en donnant de la femence de {on côté , aufli-bien que les fémelles des oifeaux. Que dira-t-on des pou- es châtrées , à qui on a arraché Povai- re , comme le réceptacle de leur fe- mence, pour les rendre flériles, graf- fes & tendres ? Enfin , s’il m’eft permis de me fer- vir de l'Ecriture-Saïnte dans cette oca- fion, je pourrai conclure que la femme a de la femence qui contribue à la gé- nération , puifque Dieu menaçant ies hommes , Tom. L pag. 73. Fig. 10. LS … confidéré dans Pétat ds Mariage. hommes , leur dit par la bouche de Moïle, qu’! mettra une haine irréconci diable entre la [emence de la fmme € ja femence du férpent , en parlant de ia pof- térité de Pun & de Pautre. ES Ge GORE ED EE GORE S Se 54 HA LICLE EI, De l'ame de l'homme. ; Ous fommes perfuadez de l'exif. NS de beaucoup de chofes, bien que nous n’en connoiïflions pas les qualitez. Nous demeurons tous d’acord que nous avons une ame, fous empire de laquelle nous vivons , Maïs nous ignorons ce que c’eft que cette ame qui nous fait agir, & qui nous en empêche quand il lui plaît. Nous fUNnO= rons encor quel eft en nous le lieu de fa réfidence. Cette ame qui connoît tout , ne fe connoît pas elle-même : elle ef comme un œil qui découvre tous les objets , mais qui ne fe voit point & qui ne fait de quelles parties 3 elt compolfé, Tome LL. G : Où au £ 74 Tableau de l Amour conjugal, Cette dificulté que nous avons à comprendre la nature de Pame , eft une preuve évidente qu’elle ef faite à l'image d’un Dieu , qui ne peut être compris lui-même. Cependant, fi nous pouvons efpérer d'en avoir quelque connoïflance , il ne faut point: nous donner la peine d’interroger les Phi- lofophes fur cette matiére ; ils en ont trop dit, pour dire vrai. Leur inclina- tion naturelle & les diverfes paflions de leur ame, les ont fait fouvent tom- ber dans l'erreur ; parce que ces deux chofes ne les ont pas tant portez à exa- miner notre ame avec foin , qu'à en juger avec préocupation. Car l’inclination qu’ils ont euë pour la grandeur, élévation & lindépen- dance , les a engagez infenfiblement dans une fauffe érudition, où ils ont vû des chofes vaines & inutiles, qui ont flâté leur orgueil fecret , en les faïfant admirer de tout ie monde. Les pañlions les ont fait fortir hors d'eux-mêmes, pour leur reprelenter les chofes, non pas felon qu’elles étoient en elles-mé- mes, pour en former des jugemens de VÉr I Dim. IL pag. 74 a z A ; ji 1 | } h!i \\ Il qu { { l 1H fl jh uit : || | LU) eu quo | 11 5 x Ÿ dll | fl ie he | } Jill \ ms (| A AE UE ÆUN I * \ NHBUES ni | it QE PE QU £ L f - , re] Les Eee eonfidéré dans l'etat du Mariage. 75 vérité , mais felon le raport qu’elles avoient aveceux, pour flâter leur in- clination & celle de ceux à qui ils étoitent unis , Ou par nature OU par vO= Jonté. Car Punion naturelle que lona avec ceux qui font autour de nous, par la reflemblance du tempérament, de la profeffion & de la fauffe Religion où l'onaété élevé, eft fouvent la cau- fe de beaucoup d'erreurs où l’on tom- be tous les jours. Nous les communiquons enfuite à d’autres , parce qu’on nous les a com- muniquées , & nous en fommes per- fuadez,parce que nous ne les avons pas confidérées avec afflez d’atention , & que nous n’avons pas été affez défin- terreflez pour en bien juger. L'amour des chofes nouvelles & extraordinaï- res nous préocupent fouvent en faveur de ce que nous prenons pour des véri- tez cachées : & Jj’avoué fincérement que tout ce qui porte le caractére de Pinfini, comme lame , eft capable de troubler notre imagination & de nous feduire, à moins que d’avoir des prin- cipes infaïllibles qui nous puiffent con- G2 duire 76 Tableau de l Amour conjugal, : duire dans toutes les dificultez qui fe prefentent fur cette matiere. . Car quelle aparence de juger lequel des fentimens ef le plus véritable tou- chant la nature & l'origine de lame, dans les Livres de ceux qui en ont écrit ? Maïs fans m’arrêter ici aux Phi- lofophes Païens, je dirai que plufeurs Chrétiens ont cru que l'ame de l’hom- me étoit une fubftance corporelle, & par conféquent périffable , faite d’air où de feu , ainfi que l’a décidé quel- que Concile contre les Païens , qui {a croïoient incorporelle & par confé- quent immortelle ; comme ont été De- mocrite , les Epicuriens & les Stoïciens. D’autres Chrétiens ont foutenu lé contraire, & ont dit , avec les derniers Conciles, qu’elle étoit incorporelle, & par conféquent exempte de tous les accidens qui arrivent aux corps. Quel- ques-uns ont enfeïgné , que, felon le Jangage de PEcriture , elle étoit le fang de nos veines, puifque l'ame nous qui- toit quand nous en perdions beaucoup. D'autres, comme les Manichéens , ont dit qu’elle étoit une portion de la la- | MUCIe confidcre dans l'état du Mariage. 77 imiére célefle, & les Socinrens de no- tre tems ont publié qu’elle étoit un vent délie & fubtil. Enfin il y a tant d'opinions fur Ja na- ture de ame dans les Livres des Chré- tiens & des Païens , qu’il n’y a que Dieu feul qui fache laqueile eft Ia plus véritable ; & c’eft même une grande queftion de favoir celle qui a le plus de vraïfemblance. Cependant nous nous flätons de fa- voir que Pame eft ce quinous fait vi- vre , fentir, mouvoir & comprendre; qu'elle eft une fubftance qui en ocupe une autre dans toutes fes parties, & qu’elle n’ocupe point de lieu comme un corps , puilqu’elle eft indivifble, feloñ le fentiment même de quelque Philofophe Païen ; mais qu’elle a feu- lement une étenduë de vie, pour me fervir de lexpreffion de S. Augufhin ; qu’elle n’eft jamais dans le repos, & que le mouvement lui eft quelque cho- 4e de fi naturel, qu’il en ef inféparable, #5 bien qw’il ne faut pas s'étonner f elle eft raceffament dans l'agitation, puif- qu’elle prend fon origine de cet Efprit sl G 3 Cée a 78 Tableau del Amour conjugal, Célefte , qui l’a créée & qui eft d’une nature à ne demeurer jamais dans loi- fiveté. Enfin comme les plaïfirs du ma- riage font excellifs & qu’ils touchent f; vivement notre corps & notre ame, il faut que ce foit quelque chofe d’im- matériel qui fente tant de plaïfir en nous. Son origine eft auffi conteftée que fa nature. Les uns ont crû qu’elle for- toit de Dieu, qu’elle étoit une partie de fa fubfiance & une étincelle de fa Divinité. Les autres, qu’elle étoitune partie du foleïl & de l'ame du monde, laquelle étant partagée entre toutes les chofes animées, ceux des hommes qui en avoient le plus, étoïent auffi les plus fpirituels. Il ÿ en a qui fe font imaginé que toutes les ames avoient été con- fervées au Ciel, pour être enfuite dif- tribuées aux corps qui en avoient be- foin : d’autres, qu’elles étoient créées &c placées dans le corps de l'enfant au moment que la conception fe faifoit , ou après que l’embrion avoit toutes les parties acomplies & difpofées à la recevoir ; d’autres , qu’elle venoit de. lame CE . confidére dans l'état du Mariage. 79 _Pame de nos peres par le moïen de Ia femence. Enfin , il y a fur cette matié- re des penfces fi ridicules, que je per- droiïs le tems fi je les voulois toutes ra- porter ICI. Pour moi , après avoir examiné tout ce que l’on peut dire de la nature & de l’origine de lame , je prens Dieu à té- moin, pour me fervir de lexprefion de S. Jérôme, que je ne vois rien qui me puifle fatisfaire fur cela. En éfet, _c’eft une partie de la fagelfe humaine, que d’avoüer fincérement qu'il y a quelque chofe que nous ne favons pas. Maïs quoiqu'il en foit , s’il faut con- fidérer Phomme tel qu’il eft , nous le devons confidérer compofé de quatre fortes de fubftances difcrentes. L’entendement ou lintelligence , fi Pon veut , en eft comme le maître, étant une partie indépendante & im- matérielle. C’eft lui qui nous vient de dehors & qui n’eft pas comme les au- tres parties atachées à [a matiére. Il eft envoié dans le corps de l'enfant qui commence à fe former dans les flancs de fa mere , comme un Ange ou un pre- So Tableandel Amour conjugal, premier moteur, qui va bâtir un domi- cile pour fa demeure, felon-le fenti- mont de Tértullien, & quirendra comp- te un jour de fes bonnes où de fes mauvaïfes actions. Le corps eft comme lPefclave ; il foufre toutes les incommoditez aux- quelles nous fommes fujets, & obéit, en qualité d’inférieur , aux loix que lui impofe cette partie fupérieure de nous-mêmes. L’entendement & le corps de l’hom- me , font deux fubflances fi éloignées lune de Pautre , qu’il eft impolfible qu’elles f: pui‘fent Joindre fans un lien qui ies affeimbie. Il adoncfallu quelque chofe qui participât en quelque façon des deux extrémitez, pourles lier ’un à l’autre ; l'ame & les efprits font ce mervetlieux lien qui Joint l'entende- ment au corps de l’homme. L’ame eft une fubflance pure & comme un élixir de tous nos efprits. Les efprits font engendrez de la plus pure portion de notre fang ; ils font trés-purs , très-clairs, & avec cela très- ‘ptompts à fe mouvoif aux moiridres | ordres. 0 =. PT RS | PR 7 confideré dans l'etat du Mariage. 81 ordres de notre entendement. Le cœur eft la partie qui en fabrique la matiére, le cerveau la perfe&ionne , & les nerfs confervent les efprits & les portent en- fin par tout notre corps. - Puifque l'ame & les efprits lient Pen- tendement avec le corps , lame fert au de lien pour unir Pentendement aux efprits, & les efprits uniflent Pa me & le corps fi bien , que felon ce fentiment , lame aproche davantage de la fubflance de l’entendement, s’il m'eft permis de parler de la forte, & les efprits de [a fubflance du corps. Ainfi lentendement & lame font quelque chofe de fort diférent dans Phomme ; aufli remarquons-nous que tous les peuples ont divers termes pour les défigner , quand ils en parlent à deflein. En éfet , il femble que ce qui nous fait vivre | foit autre chofe que ce qui ñous fait penfer, felon la ré- flexion de Laélance; car l'ame eft affou- pie dans ceux qui dorment , lorfque l’entendement fe fait connoître par fes fondions ; au lieu que dans les fols lentendement ef comme éteint, lorf= S que 82 Tableau del Amour conjugal, que Pame ne laïffe pas de bien agir. L’entendement & lame font donc di- férens Pun de l'autre, s’il le faut dire une feconde fois , puifque le premier vient de Dieu , & que l’autre eft com- munique par le moïende la femence de nos peres ? Peut-être que le fentiment dans le- quel nous fommes que la femence eft animée, pourroit paroître étrange, fi nous mwaportions de bonnes raïfons pour en faire voir la vérité. S'il eft vrai que les efprits font des parties qui nous compofent , comme Penfergne Æypocrate, & que nos par- ties forent animées, felon le fentiment de tout le monde : il n’y a pas , ce me femble , Ireu de douter que la femence ne foit animée, puifqu’elle n’eft pref- que tout qu'efprit. D'ailleurs, fi la femence des plantes a un principe de mouvement qui les fait germer ; qui efl-ce qui niera que la femence de l’homme n’en a pas un qui l’anime & qui la fait agir ? On Pa- pellera, fi lon veut, felon le fentiment d’Ariflote , une partie de l'animal , puif- | qu’elle confidèré dans l'état du Mariage. 83 qu’elle eft la principale caufe de fon mouvement ; & c’elt-là ce qui eft le propre de lame. D'autre part, nous nous apercevons dans les plaïfirs que nous prenons avec les femmes , qu’il fort quelque chofe de notre ame qui nous fait tref- faïllir de joïe , puis nous demeurons languiï{fans & abatus , nos yeux s’a- foibiiflent & nous fentons que notre ame pâtit. Ce qui nous fait croire que lame renfermée dans la femence,, eft une diflilation de notre ame , comme la matiére de cette même femence eft un extrait & un élixir de notre corps. . Car qui pourroit s’imaginer que la nature peut palfer d’unlieu àun autre, par un milieu qui ne participät point des deux extrémitez , & que le pere étant animé auffi-bien que le fils, pût produire ce même fils, fans que la fe- mence du premier , qui a fervi de mi- lieu à ces deux perfonnes , fut elle-mê- me animée. Au refte, d'où vient l’amour déré- pie d'un jeune homme , qui reffemble 1 fort à fon pere dans cette paflion de | Pame ? e é— 84 Tableau de l'Amour conjugal ; Fame ? D’où lui vient encor cette am- bition extraordinaire , quieft fi natu- relle à fa mere , fi ces deux pañions qui le dominent ne coulent de l'ame de Pun & de l’autre ? En éfet, Pexpérience nous aprend que les bêtes mêmes de diférentes ef- péces en produifent une troïfiéme, qui a un inftinct mêlé , & que s’ilyade la variété de fon corps , il n’y en a pas moins de fon ame , par le mélange des deux matiéres & des deux ames de 1a femence de ces animaux. Nous favons encor, par la même ex- périence , que tout ce quielt au mon- de produit fon femblable , & je ne vois pas pourquoi entre toutes les chofes animées, les hommes feroient privez. de cet avantage. En un mot, fr nous voulons fuivre [a penfée de Senéque ; la femence à une ame qui ef} le principe d'un homme à venir ; elle en conferve tonte l'idée dans [a maticre: el- le y cache déja de la barbe © des cheveux blancs : enfin l'enfant qui n’ef} pas encor for- meet néanmoins enfevelitout entier dans La [ermence, Les traits de [on corps y font déja MAT- confidèré dans Pétat du Mariave. 8$ marquez ; lon peut dire que ceite fémence contient tout enfemble, un enfant , ur jeune homme © un vicillard. C’eft fur cela qu’Ovide reprochoit à Ponticus {a mauvaife coutume de per- dre un homme avec les doigts. En éfet, il n’eft pas permis par la Loï de fe pol- luer ; parce que, felon la penfce de Tertullien, C’eft un homicide prématu- ré, que d’empècher ainfi un homme de naître. Etles Jurifconfulies veulent que l'on punifle un homme de mort, où de groffe amende pécuntaire, s’il fait faire de faufles-couches à une fem- nte dans quelque-tems que ce foit de {a groflelle. Nous pouvons donc conclure que la femence de l'homme & de [a femme eft anime, mais qu’elle eft animée feuiement en puiffance; c’eft-à-dire; comme l'explique Pomporace, qu’il ne manque que les organes néceffaires pour produire fes aétions. Maïs après que la femence des deux fexes eft mé- lée l’une avec l'autre, les organes de fes mouvemens , qui étoient aupara- vant enfévelis dans la matiére , s’en dé- Tome IL À H ga- 86 Tableau de l Amour conjugal, gagent enfin & fe manifeftent par feurs mouvemens fenfibles : fi bien que dans la conception la femence celle d’être ce qu’elle étoit auparavant & devient ce qu’elle n’étoit pas; C’eit-a-dire , que lame de la femence nous donne alors des marques de fa prefence, au lieu qu'avant cela elle étoit comme enfé- velie dans l'embarras de la matiére. La femence eit comme un Architec- te, pour me fervir de la comparaifon d’Ariftote, qui conferve dansfa mémoi- re le deflein d’un éditice qu’il veut conftruire ; & lorfqu’il trouve Pocafon de le faire, en fait un matériel qui a toutes les mefures & les dimenfons pareilles à celui dont il s’étoit aupara- vant formé lidée. | Tout ce que Pon pouroït dire con tre ces principes, felon la penfée de Sérert, ne feroit qu’une injure que nous ferions à Dieu par notre propre ignorance ; car fs Dieu a commandé à la nature , qui n’eft qu’un ordre fecret de fa Providence , par lequel toutes chofes font ce qw’elles font & font ce qu’elles doiventiaire : s’il luia, dis-je, com- confidére daws l'état du Mariage. 87 commandé de faire croître & muiti- plier toutes chofes en produifant cha- cune fon femblable , je ne fai pourquoi ce commandement ne tomberoit que fur ce qui n’eft pas raïfonnable ? DER DEEE © ENCE à HEe SEICR Er SEE HIER ML LCL E.V, Du fang des Régles, À nature ne s’eft pas contentée de faire naître dans les hommes & dans les femmes de la matiere propre à engendrer des enfans ; elle a encor ordonné aux femmes de produire de quoi les entretenir aprés les avoir con- cüs, & dequoï les nourrir quand ïls font nez. Le fang des régles qui coule réguliérement tous les moïs dans [es femmes faines, & qui ne font ni en- ceintes ni trop vieilles, eft femblable au fang d'une vidime que lon vient d’égorger ; auffi eft-ïl une portion du fang de leurs artéres. Il eft vrai qu’elles fe déchargent quelquefois par-là de toutes les Impuretez dont leur corps eftrempii, & c’eft alors ce qui fait pa- H 2 [Oi- 88 Tableau de P Amour conjugal, roitre ce fang impur & corrompu. Bien que nous obfervions, quoïque rarement, dans quelques arbres des fruits fans fleurs, & que quelques fem- mes foient devenuëés grofles fans avoir leurs réles, comme nous le marque Hi- pocrate de la femme de Gorgias ; cepen- dant les fleurs des femmes devancent prefque toujours la conception, & font le plus fouvent un figne de fécondité. Ce fang eft pour l'ordinaire un fang fuperflu par fon abondance. La caufe de fes épanchemens périodiques fem- ble être quelque chofe de fort caché, puifqu’il fe trouve dans les écrits des Médecins tant de diférentes opinions fur ce fujet. 1, Les uns difent que loiïfiveté, {a bonne chére, & le tempérament froïd & humide des femmes, necontribuent pas peu à les faire ce qu’elles font. Elles ne diffipent pas tout le fang qu’elles engendrent ; ce qui refle tous les jours de fuperflu après qu’elles fe font nour- ries , faïfant peu-à-peu une plénitude confidérable dans la mafle de leur fang, vient enfin à un tel degré d’abondan- | ce, confidére dans l'état du Mariage. 89 ce, qu’au bout d’un mois, ou environ, la nature en étant comme accablée, les femmes s’en déchargent par les lieux deftinez à cette évacuation. 2. Lesautres croient que ce qui cau- fe les fleurs aux femmes, n’eft pas feu- ‘Jement l'abondance du fang, maïs une qualité fouvent manifefte & quelque- fois cachée ; fi bien que les régles des femmes, ajoûtent-ïls, étant âpres, pé- nétrantes, corrofives & malignes , Il n’y a paslieu de douter qu’elles ne puifilent ouvrir de tems en tems Îes vaïfleaux de la matrice, pour fe faire pañlage & pour délivrer aïnf les fem- mes des maux où elles tomberoïent par la demeure de ce fang tout-à-fait ennemi de la nature. D'où vient qu’il yenaeu qui s’en font déchargées par diférentes parties de leur corps, la na- ture ne pouvant foufrir cet excrément parmi fes liqueurs les plus pures. I ne faut pas douter, ajoûtent-ils, de [a mauvaïfe quaïité des régles , fr on confidére avec quels chagrins Îes emmes s’en déchargent, quelles foi- Biefles elle en reffentent , & quelle H 3 maus oo Tableau de l Amour conjugal, mauvaife couleur elles ont, lorfqu’el- les en font incommodées. Et fi lon obferve que les femmes qui font en cet état font mourir par leur toucher une vigne qui poufle, qu’elies rendent un arbre ftérile , qu’elles font aïgrir le vin, & rouùiller le fer & l'acier , qu’elle pro- curent de faufles-couches à une fem- me grofle, qu’elles en rendent une au- tre fiériie, qu’elles obfcurciflent la gla- ce & lPéciat d’un miroir ou d’une yvoi- re polie, qu’elles font enrager un chien, & rendent un homme fol, fi Pun ou Fautre goûte de ce fang : enfin, qw’éi- les caufent encor beaucoup d’autres accidens; on peut dire que la mauvaï- fe qualité des régles eft caufe de leur écoulement périodique. 3. Les autres atribuent Le flux des régles à des caufes fupérieures, & fe perfuadent que la lune eft la maîtrefle des mouvemens que nous y obfervons, car Ils ont remarqué que la mer s’en-- floit davantage, que les os des animaux étoient plus pleins de moële, que les arbres avoïent plus defêve, & queles femmes foufroient auffi plutôt ds | çcne- confidéré dans l'état du Mariage. OT chement de leurs humeurs au renou- veau, ou au plein, qu’en tout autre tems: fi bien que comme la lune a beaucoup d’empire fur les chofes hu- mides ; les fémmes étant d’un tempé- rament froid & humide , propre par conféquent à foufrir les impreffions de cetaftre, tlsne doutent pas auffi qu’il ne leur fafle reffentir les éfets de (a vertu. 4. Enfin, d’autres penfent qu’il ya quelque chofe de caché & d’inconnu dans la caufe des régles, & que c’eft plutôt la loï de la nature qu'aucune au- tre caufe, qui en a impofc aux femmes la néceffité & Pincommodité tout en- femble. Car ils ont remarqué qu’il ya des femmes auffi chaudes & féches que des hommes , qu’il s’en trouve qui tra- vaïllent , qui ne font guéres bonne ché- re, & qui néamoins font toutes aflez connoitre qu’elles font fécondes. Le fang desrégles n’eft pas fi mauvais qu’on fe le perfuade , pourvû que les femmes foïent faines, puifqu’il fert de nourritu- . re à l’enfant qu’elles portent dans leurs entrailles, & qu’elles les nourriflent enfuite du lait de leurs mammelles. La 92 Tableau del Amour conjugal, La fune n’eft pas toujours la maîtref- fe des régles; elles coulent auf-bien au dernier quartier qu’au renouveau, ou au plein ; fr bien qu'après tout, ils fe fentent obligez de croire que Dieu, ou plutôt la nature, par fes ordres qui nous font inconnus , communique aux femmes une nécellité fecrette de fe purger tous les mois. Mais toutes ces opinions diférentes ne fatisfont pas ceux qui veulent péné- trer dans les fecrets de la nature. Elles ont toutes des dificultez infurmonta- bles; &ädirele vraï, pas une ne me plaît. Il faut donc chercher quelqu’au- tre caufe du mouvement des régles dans une fille de quinze ans, qui contt- nue à fe purger réguliérement pen- dant une partie de fa vie. Si établis bien ce que je penfe, que le flux des régles n’eft caufé que par une fermentation que fait [a femence de cette fille fur toute la male de fon fang ; je me perfuade d’avoir trouvé la plus véritable caufe de ces épanche- mens périodiques. Pour éclaircir cette dificulté, on ds &e cofideré dans l'etat du Mariare. 9% favoir que le fang a une très-grande difpofition à fe fermenter ; tantot, fui- vant les ordres de la nature;tantôt,con- tre fes légitimes decrets. Nous Péprou- vons tous les jours de la premiére fa- çon, par le mouvement de notre cœur & le battement de nos artéres , & nous n'avons que trop d'expérience de la feconde , dans nos fiévres inter- mitentes où continués. Le levain naturel du cœur & des au tres vifcéres , felon le fentiment de quelques-uns , agitent le fang conti- nuellement par des ébulitions agréa- bles ; la pituite dépravée le fait tous les jours d’une maniére facheufe ; la bile, de deux jours l'un ; la bile noire , le troïfiéme jour ; & enfin {a femence de la femme ne le fait fermenter qu’au bout de 27. ou 30. jours. Cette femence , ainfi que nous l’a+ vons dit aïlleurs, étant d’une faveur in- fipide, fade & tant foït peu âpre, ce qui fe connoït même par fon odeur défa- greable , fait par toutes ces qualitez boüillonner le fang , qui fort ainfi tous les mois de fes vaifleaux, Exa- O4 Tableau del Amour conjugal, Examinons cette matiére de plus près, & voïons comment la femence . d'une jeune fille peut fe communiquer à toute la maffe de fon fang, pour le fat- re enfler & fermenter , quand fes pre- miéres régles font prêtes à paroître. Nous favons, par la defcription exa&e que nous avons faite des vaïffeaux de la matrice , que ceux que nous avons nommez fanguins, (b ) defcendant des parties fupérieures, fe divifent en deux rameaux , (cd) que l’un de ces rameaux va aux tefticules ( £ ) & à la trompe (x) & l’autre à la matrice. ( c ) Le premier eft compofé comme celui-ci d’artére, de veine, de nerf & de vaiïfleau Iym- phatique. L’artére (kb) &lenerf(”) portent au tefticule la matiére à faire la femence ; la veine ( b )& le vaiffeau lymphatique (y ) raportent en haut le réfidu des liqueurs, que le tefticule & les trompes n’ont pas trouvées pro- pres pour nourrir leur fubftance & pour fervir à leurs ufages : fi bien que cette matiére infeée , pour ainfi dire, d’une vapeur fubtile & feminaire du teflicule & des trompes , remontant en confidere dans l'etat du Afariage. 95 en haut , fe mêle parmi le fang ou dans la veine cave defcendante , (+ } eu dans Pune des émulgentes, (4) pour communiquer d’un côté & d’autre à toute la maffe du fang les efprits & Ia matiére vireufe, qui a été puifée dans le teflicule & dans Îles trompes. C’eft ce qui fait auffi la bonne grace des femmes & des filles , leur enjoû- ment , leur vigueur & leur hardiefles car , pour parler de cette forte , les va- peurs fulphurées & fpiritueufes de [a femence , fe mêlant parmileur fang, leur fert comme de levain , qui d’un côté caufe leurs régles, & d’un autre fait ce que nous trouvons d’agréable & d’engageant dans les femmes. La matïére qui revient des teflicules & des trompes, eft enfuite portée dans tout le corps par le mouvement du cœur & des artéres. Elle arrofe avec le fang toutes les parties, qui devien- nent enfuite plus échaufées & plus leines d’efprits ; fi bien que cette jeu- ne fille à l’âge de 1 5.ans, quieftletems où fes tefticules commencent à avoir de {a force pour répandre leurs vapeurs par 96 Tableau de D Amour conjugal , - par tout fon corps, devient plus active & plus amoureufe qwelle ne létoit au- paravant. Elie fe fent.en état d'atendre un homme de pié ferme. Elle Piroit même ataquer amoureufement , fi a pudeur & la bienféance ne Pen empé- choient. C’eft alors que la nature, qui n’eft jamais dans loifiveté, la difpofe à la propagation du genre- humain. El- le échaufe fes parties naturelles, & y conduit inceflament de Ia matière & des humeurs pour les faire fervir à per- pétuer fon efpéce. | Cette matiere féminaire , qui fe mé- le ainfi tous les jours peu-à-peu parmi fon fang,difsofe cette derniére humeur à la fermentation , jufqu’à ce qu'une fufifante quantité de vapeurs fperma- tiques y étant mélées , lébulition foit parfaite & acomplie , deforte que le fang puiffe fortir des vaïfleaux (efsh) que la nature à préparez pour fervir à cette évacuation. Le vin qui bout dans un tonneau ferme , fe fait paflage à tra- vers fes petites fentes, & évacué une fufifante quantité de moût pour rendre le calme au refte. Ainfi le fang qui bouil- Fe” Fe confidtré dans Petat du Mariage. 97 Bbouïllonne par le levain dont nous ve- nons de parler , fe fait des ouvertures par les extrémitez des vaïfleaux de Ia matrice , (efoh) & après que, pour l'ordinaire , ie plus mauvais s’eft épan- ché, celui qui refte demeure en repos, jufqu’à ce que dans un mois, ou envi- ron , il y ait encor une nouvelle matié- re quiletrouble & qui le fafle fortir. Car fi nous faïfons réflexion aux quar- tez de la femence de la femme, nous demeurerons d’acord que ce levair n’a point de force pour caufer de plus prompts mouvemens. Si le fang eft dans un jufte tempéra- ment, comme il arrive dans fes femmes qui fe portent bien, la fermentation s’acheve promptement,& l'évacuation de leurs régies finit à peu près dans 3. ou 4. jours. Maïsfi le fang eft plein d’excréinens, de cruditez ou de pitui- te, quelle aparence y a-t-1i qu'il s’é- chaufe & qu'il fermente f prompte- ment ? Sa fermentation dure alors plu- fieurs jours , & fon épanchement ne fe fait qu'avec douleur. Ce fang eft com- me du moût, quiaété depuis peu ex- Tome II. L pri- , 93 Tableau del Arnour conjugal, primé de quelques grapes de raïfins. On a beau l’aprocher du feu, il ne s’en- flâme point ; & sil s’'échaufe un peu, ce n’eft qu'avec peine. Au contraire, fi le fang contient des matiéres bilieu- fes & foufrées, la fermentation s’en fera plus promptement,& la femme qui en fera incommodée , ne manquera pas d’être ataquée de douleurs de tête, dé flancs & de fes parties naturelles, qui feront quelquefois enflées par l’4- preté de ’humeur quien fort. Ce font les accidens que caufentles régles dans une femme mal faine ; maïs tout eft pu dans une femme pure , & fes fleurs qui font aufli merveilles & aufli épurces que le fang qui lui refte dans les vei- nes, ne lui aportent que de ja Joie & de Paliégrefle. 1. Cette opinion ne paroïtroit pas encor afflez bien établie par tout ce que nous venons de dire, fi nous n’a- portions des raïfons pour la confirmer. Une des principales que Pon peut a!- léguer ; c’eft que la plüpart des fem- mes , dans le tems deleursrégles, font fujettes à une efpéce de fiévre, ou du moins des femmes. À confidére dans l'état du Mariage. 99 inoïns à une émotion univerfelle qui y a beaucoup de raport: ce qui mon- tre qu’il fe fait alors une fermentation dans toute la mafle du fang. 2. D'autre part, s’il ef vraï, comme je viens de le dire, que le. fang ne boüillonne dans les veines des femmes pour lévacuation desrégles, que par le moien de la femence qui s’y mêle; il eft abfolument néceflaire qu’elles aient cette femence, avant que de nous donner des marques de leur fé- condité par Pépanchement de leurs régles. C’eft la raïfon pour laquelle nous voions quelquefois des femmes nous donner des fruits, fans nous avoir fait paroître des fleurs, parce qu’elles n’ont pas affez de femence pour exci- ter leurs régles, & qu’elles en ont affez pour faire un enfant. Témoin cette femme de Montauban, dont parle Ror- delet, qui acoucha douze fois; & cette autre femme de Touloufe, dont Jou- bert nous fait l’hifoire , qui eût 18. en- fans, fans que l’une ni Pautre eufflent jamais çû ce que c’étoit que les fleurs E 3 3: D’ails 100 Tableau de Amour conjugal. 3. D'ailleurs, une jeune fille de 1. ans fe fent vigoureufe & entreprenan- te, de lâche & dé timide qu’elle étoit quelques années auparavant. La voix lui groffit alors. Ses yeux deviennent étincelans ; [a couleur de fon vifage eft vive ; fon humeur eft gaïe ; elle fait gloire de montrer fa gorge, quis’enfle peu-à-peu, pour faire connoitre qu’el- le eft en état d’être mife au rang des femmes : fon fein s’eft déja élevé juf- qu’à la hauteur de deux travers de doigts, & fon fang bouillonnant ef prét à fortir de fes vaifleaux. Elle donne même à fa mere des marques des feux fecrets que la nature com- mence à allumer dans fon fein; & com- me les petites chaleurs & les légers emportemens lui font alors fort natu- rels, is doivent aufli faire connoître qu’elle a befoin d’être obfervée de fort près, pour ne pas manquer à la pudeur du fexe, & encor ie plus fou- vent ny réüflit-on guéres. En vain de nos jeunes Coquettes, On vous voit, meres inquiettes, Conduire les yeux & les pas, confideré dans Pétat du Aariage. 101 L'amour a mille & mille appas : Et pour furprendre un cœur , fait des rou- tes fecrettes, Que vos foins ne connoiflent pas. En éfet, c’eft alors que la femence d'une fille mêlée parmi fon fang, nele fait pas feulement fermenter ; mais qu’elle éléve fa gorge , qu’elle lui échaufe Pimagination, & lui mfpire de amour, pour fe perpétuer par ie mo- jen de la génération. 4. C’eft affürement par le défaut de femence que Pharufe perdit fes régles à la fleur de fon âge. Elle devint fi féche, par la triftefle qu’elle conçût de Fab- fence de fon marï, que fans doute fes tefticules étant alors privez de leur fonéion ordinaire , & étant deve- nus étiques & defléchez, ne furent plus en état de fournir à la mafle du fang une matiere pour [a faire boütl- ionner. Et parce qu’eile n’étoit plus femme par lépanchement de fes ré- gles , elle perdit auffi fon tempérament pour prendre celui d’un homme, fans changer de fexe. On la vit toute ve- lue , & fon menton tout garni de 1 3 poil, ter Tableau del Ainour conjugal, poil, ainfi que le raporte Hipocrate. s. Enfin s’il eft vraï ce que nous ra- portent quelques Médecins, que les femmes à qui on a coupé la matrice & les tefticules, ont manqué des régles & qu’elles manquent auffi des mouve- mens ou des éforts que la nature fait de tems en tems pour fe décharger de fon fang fuperflu ; on doit croire qu’aïant perdu Îles principales parties qui contribuoïent à faire fermenter le fang dans leurs veines, elies ont auf été privées de ces épanchemens pério- diques. Car l’expérience nous aprend, que fi l'on arrache Povaire aux poules elles ne font plus d'œufs; & comme cette partie dans l’oïfeau a du raport aux tefiicules desfemmes, on ne peut douter que par la perte de ces dernié- res parties qui contribuoïent à faire Îa femence , elles ne perdent auf la puif- fance de fe perpétuer, & en même- teins d'être réputées parmi les femmes, faute de écoulement périodique de leurs régles. | FRE Il eft donc certain que la portion Ia plus fubrile de la femence des femmes, ou, confidère dans l'état du Mariage. 103 ou, fi l’on veut, des vapeurs féminaires, font la principale caufe de leurs régles: Que le tempérament , Pabondance du fang , l'empire des aftres, & les autres caufes que l’on aporte pour Pordinai- re fur cette matiére , n’en font que des caufes fecondes & éloïgnées, qui con- tribuent à faire les régles plus ou moins abondantes, & non à les faire paroitre plus ou moins fouvent. La quantité du fang des régles ne doit pas pafler 18. ou 20. onces. Cette quantité n’eft pas toûjours égale dans toutes les femmes ; les unes perdent peu en Beaucoup de teins, & les au- tres beaucoup en peu de tems. Je far que Mademoïfelle [....., n’a que dou- ze jours libres dans un mois, fes régles étant fi abondantes pendant dix - huit jours, qu’elles peñvent être mifes au nombre des chofes qui arrivent contre Jesloïx de la nature. Aiïnfi il n’y arien de déterminé , ni pour la quantité du fang, ni pour le tems que les régles doivent durer. La fanté, la maladie , le tempérament, la façon de vivre, les emplois, le climat, la faïfon, latem- pera= 104 Tableau del Amour conjugal, pérature de Pair, & beaucoup d’autres chofes, changent tout dans ces fortes d’évacuations. RARRERÉÉEAAEMAIEIERSMIAEREMIARIREMEEIR A KT TCB" VE Obfervations curienfes [ur les divers tems de La formation de l'homme. 1 Outes les parties & toutes les hu- meurs font difpofées pour 1a gé- nération d’un enfant dans Pun & dans Vautre fexe. Ce jeune homme eftenétat de fe joindre amoureufement, & cet- te jeune filie fent que la nature l’excite à fe perpétuer parle moïen de la géné- ration. Dansia difpofitior où elle ef, il faut peu de chofe pour un enfant, & fes parties amoureufes font fi difpofées à le former , qu’elle concevra à ia moindre aproche d’un homme. On pourroit comparer ces parties amou- reufes à un morceau d’ambre jaune échaufée par le mouvement, quiatire la païlle aufli-tot qu’on la lui prefente, La femme n’a donc pas plutôt Fe à ns A confidère dans l'état du Mariage. 10$ fa matiére de l’homme par ceite amou- reufe alliance, qu’elle la prefle de tou- tes parts , pour la faire paller prompte- ment dans l’un ou dans Pautre de fes vaiffleaux éjaculatoires, (p ) afin que s’y mêlant avec la fienne , elle y caufe la conception. C’eft donc dans Pun de ces con- duits que les principes de notre corps & de notre ame s’uniflent & {e mêient pour ne faire qu’un compofe ; & ceft aufli dans ce moment que Dieu, qui fait tout ce que nous faifons, femble s'être comme obligé d’y envoier un entendement, gi, feion la penfée de S. Grégoire de Nice, doit avoir foin de tous les organes du corps, où il doit loger pour régler enfuite les ocupations qu'ily doit fai- re, @les mœurs qu'ilz doit fuivre; afin ; ajoûte-il ailleurs, gw1! »’ast pas un jour à reprocher à Dieu d'avoir eu un corps C* sine ame, qui nauroient pas eu les difpojt- tions néceffäaires pour fuivre fes préceptes © fes monvemens intérieurs. Un homme qui a fait lui-même le luth dont il doit joüer , ra fujet de fe praindre de perfonne, fi, fon inftru- ment 106 Tableau de l Amour conjugal, ment n’elt pas d’acord dans toutes fes parties ; il étoit le maïtre de fa matié- re, & il pouvoit l'emploïer & ia difpo- fer comme il le jugeoït à propos ; de- forte qu’il ne s’en prendra jamais qu’à lui feul, s’il y a un défaut dans fon luth, ou un faux fon dans fon harmonie. Maïs parce que ce fujet eft de lui- même fort embrouillé & qu’il renfer- me des fentimens nouveaux, J'ai ré- foiu de le partager en quatre articles, où je ferai voir, autant qu’il me fera pofible, les dezrez dont la nature fe fert pour nous former dans les entraïl- les de nos meres. Parce que j'aurai befoïn dans la fui- re de ce difcours du mot de conception, pour exprimer ma penfée fur le fujet que jetraite , j'ai peur que lefprit du Lecteur ne demeure fouvent en fuf- peus dans la diverfe fignification que je lui donne , à moins que de en aver- tir auparavant. Quand je dis donc que la femme a conçu, & que fa conception cff avantageufe, je prens alors ce terme dans une fignification adtive. Maïs lors que je dis, que #otre conception s'acom- plis confidéré dans Pétat du Mariage. 107 plt dans les cornes de la matrice de la femme , & non dans fa matrice , aïnfi qu’on fe left perfuadé jufqu’ici ; ce mot a alors une fignification toute opofée, & onle doit prendre paflive- ment. REARIARERRERERÉESRRERERRERARERERERRRIS Premier degré de la formation de l'homme. L me femble qu'il n’y a rien de plus . À certain , que de dire que la concep- tion eft un mélange de Ia femence de Phomme & de la femme, & qu’il n'ya rien auffi de plus incertain n1 de pius caché que le lieu où cette conception fe fait. On a cru jufques ici que la matrice (T) étoit le lieu où nous commen- cions à être formez, parce que lon a prefque toujours trouvé des enfans dans fa cavité , & que l’on ne s’eft pas imaginé que la conception fe pût faire ailleurs. Car bien que lon ait vû des enfans dans les cornes de la matrice, (p ) ona crû cependant que ce n’étoit que contre les loix de Ia nature qu’ils fe 103 Tableau del Amüur conjugal, fe formotïent dans ces petits conduits 3 5 & Pon ne s’eft pas perfuadé que c'é- toit-ià que la Providence , par fes or- dres fecrets, avoit déterminé de leur donner le commencement de la vie. J'avoue que le fentiment, qui établit le lieu de ia conception hors de la ca- vité de la matrice, eft plein de dificul- tez, & que l’ona beloin de raiïfons & d'expérience pour en être convaincu. 1. Puifqu’après les embrafflemens amoureux, On n’a jamais trouvé de fe- mence dans [a cavité de ia matrice, au lieu que lon en trouve toujours dans fes cornes ; pourvû que ia femme foit faine & féconde , an m’avouera qu’il y a lieu de croïre que nous fommes plü- tôt formez dans ces petits conduits que dans un autre lieu, puifqw’il y a de fa matiere pour la génération, En éfet, toute l'exactitude que J'ai pü aporter en difféquant beaucoup de chiennes , qui s’étoient depuis peu acouplées , na fervi qu'à me con- firmer davantage dans Popinion où je fuis ; favoir, qu r'il en arrivoit de même dans les femmes , & que la QT à = confidere dans Pétat di Mariage. 109 fe faifoit plutôt dans les cornes , (p) dans {a trompe, ou dansles vaiffeäux ‘éjaculatoires de la matrice, ainfi qu’on voudra les apeller, que dans la cavité de cètte partie. 2. I n’y a point de fang qui pafle plus vite dans les artéres, ni de chyle qui fe diftribue plus promptement dans les vaifleaux laez , que {a femence du mâle s’infinué dans la matrice des animaux ; ce qui a fait croire à Harvée, qui a éventré pour ce fujet un nombre infini de biches , que la conception fe faifoit d’une autre forte , qu’on ne s’é- toit imaginé jufqu’alors. I! a crû, mais d’une mantére particuliére, que parce qu'il avoit rien rencontré ni de la fe- mence du coq , ni de ceile du cerf, dans les parties fecretes de la poule & de la biche , après s’être acouplées lu ne & lautre, il falloit que la femence du mâle, ou n’eût pas entré dans les lieux , ou fi elle y étoit entrée , qu’elle en fut fortie ,en y laiflant fon impref- fion & fon carañére. Sur cela il a for- me ce fentiment, que la génération fe failoit de la même forie qu'un homme Tome IL, K peili- 110 Tableau de D Amour conjugal, peitiféré communique fon mai à un au- tre ; favoir , par le moïen de la conta- gion ou de quelques efprits invifibles , ou encor comme un fer , qui a touché depuis peu une pierre d’aimarr, atire un autre fer par la vertu qui luiaété communiquée ; fi bien, ajoûte-t-il; que la conception de Penfant fe fait nt plus ni moins que celle de nos penfées. Nos yeux voient des objets, notre mémoire en conferve les idées, & no- ‘tre ame en conçoit les conféquences. Tout de même on touche une femme pour la rendre féconde, & elle ne con- çoit pas , parce que Îa femence de l’homme eft prefentée à fa matrice ; mais parce qu’elle la touchée & lui a communique fa vertu. C’eft ainf, dit- il , que le vingtiéme œuf d’une poule eft fecond, par limpreffion que la fe- mence du coq a fait fur le corps de la poule, qui n’en a été touchée qu’une ‘feule fois. Maïs fans m’arrêter à cette opinion, qui me paroit trop métaphifique dans les ouvrages de la nature, continuons à prouver que la véritable union de la femen- confidere dans l'état du ALariage. 111 femence de l'homme & de la femme, que nous apellons conception , fe fait d’une autre maniére plus naturelle. Nous obfervons tous les Jours que les femmes font plus amoureufes, avant ou après leurs régles, qu’en tout autre tems : la nature leur donnant alors beaucoup plus d'envie de fe join- dre, elles font aufli en ce tems-là beau: coup plus fujettes à concevoir. Si le fétus fe formoit dans la cavité de la matrice, quelle aparence y a-t-ïf qu’il pût réfifter au flux des régles, qui doivent couler en abondance du fond de cette partie ? L’enfant à venir er feroit détruit ; & la matrice étant toute humedée , ne fauroit le retenir ni l’em- pêcher d’en fortir avec le fang , & ainf il ne fe feroït point alors de concep- tion au commencement des régles, ce qui eft contraire à l’expérience. Il en arriveroit de même fur la fin des fleurs; car la matrice eft encor alors trop hu- mide, pour pouvoir conferver le pré- fent qu’on lui a fait: elle ie recevroit plûtôt 15. jours après; parce qu’étant plus féche, elle feroit plus difpofée à K 2 pref- t12 Tableau del Amour conjugal, preffer la femence qu’on lui auroit donnée. Maïs parce que l'expérience nous aprend que la conception qui fe fait entre les régles n'arrivent pas fi fou- vent que celle qui fe fait immédiate- ment avant ou après, Je fuis obligé de croire que la conception fe fait dans un autre lieu que dans la cavité de la matrice. Je n’en faurois trouver de plus propre à cet ufage, que les cornes ((p) de cette partie où fouvent l’on a trouvé des enfans formez. Car au com- Mmencement & à la fin des régles, tous les vaiffeaux de la matrice font ouverts, | ou pour fe décharger ( e{zh ) de labon- dance de leurs humeurs, ou pourre- cevoir ( f) la femence qu’on leur pré fente. C’eft aïnfi que le fétus peut éviter les défordres qui arrivent pour lordinaï- re au commencement de la groffeffe, au lieu qu’il ne fauroit s’en garantif, s’il commencçoit à fe former dans la ca- vité de la matrice. 3. Les Anciens ont fcu , aufi-bien que nous, que la matrice des femmes payoit ” confidéré dans l'état du Mariage. 119 pavoit qu’une feule cavité : ils nous ont pourtant laiflé par écrit, que les femmes groffes fentorent plus de dou- leur & de mouvement d’un côté que de l’autre, ce qui fe trouve encor au- jourd’huï conforme à l'expérience. Car les Médecins qui fe font apliquez à connoitre les éfets & les circonftances de la groffeffle , ont apris que les fem- mes fentent pour l'ordinaire plus de mouvement d’un côté du ventre que de lPautre. L'enfant commençant à avoir un peu d’agitation, par le mou- vement de fon cœur & de fes petites artéres , irrite le vaïileau éjaculatoire (p ) qu’il habite, afin qu’il fe défafle, en faveur de la matrice , de ce qu’il contient. Et parce que ce vaifleau ra pas aflez d’efpace pour élever un en- fant qui a beïoïin alors d’un lieu plus étendu & plus commode pour fes per- fettions , il s’en défait par fon mouve- ment circulaire & le jette dans la cavi- té de [a matrice. (+) On a crû jufqu’au tems de Fernel, que l4 pierre fe formoit dans la vee, où elle fe trouve prefque toûjours ; “Re K 3 mais 114 Tableau del Amour conjugal, mais depuis que ’onaété défabufé de cette opinion, lon croit , felon les ex- périences que l’on ena, que les reins lui donnent Îes premiers commence- mens. Car les douleurs qui précédent la pierre de la veflie , nous font bien croire que c’eft dans les reins que la pierre a été d’abord formée. Tout de méme, les petites douleurs & les mou- vemens délicats & prefque impercep- ubles, dont s’aperçoivent dans l’un ou dans l’autre de leurs côtez les femmes enceintes les plus fenfibies , me font conjeäurer que l'enfant commence à fe former dans l’une ou dans Pautre des cornes de [a matrice. La fubflance de ces vaifleaux leur , figure , leur ation & leur ufage font fort convenables à cet emploi. Ils font d’un fentiment exquis , étant tout mempbraneux , & charnus, pour s’élar- gir & pour fentir les irritations du fé- tus ; leur figure ef fort propre à fe dé- charger de ce qu’ils contiennent : ils font prefque toüjours pleins de femen- ce , & ontun mouvement par lequel ils fe défendent de ce qui les prefle és 16 confidére dans Pétat du Aariage. 115 de ce quiies incommode.Nous n'avons que trop de preuves de leur mouve- ment dans les fuffocations de matrice, & je puis affürer avoir vü plufieurs fois le mouvement de la matrice des chien- nes que j'ai difféquées en vie, quiétoit à peu près femblable à ceiui de nos boïaux , que nous-apellons périftal- tiques. Ce font donc Îes petits mouvemens des cornes de la matrice , que Îles fem- mes groffes fentent d’un coté ou d’au- tre, qui nous font croire que l'enfant y reçoit fes premiers traits. 4. Maïs encor , comment eft ce que la conception fe pourroit quelquefois faire après les grandes cicatrices que la matrice a reçués , fr elle ne fe faifoit hors de fa cavité ? Car nous favons, fe- lon même le raport de Roufflet & de Baunin, que quelques femmes ont con- çü après qu’on leur à ouvert la matri- ce , ou qu’elles y ont foufert de grands abcès, La matrice ne feroit point alors en état de faire fes actions. Elle feroit trop mal formée , & fes membranes afoiblies & deffechées par les plaies, ne 116 Tableau del Amon conjugal, ne pourroïent fe comprimer & fe re- ferrer pour la conception , au lieu que recevant de fes cornes l'enfant qui a été formé , elle n’a enfuite qu’à le con- tenir & le conferver jufqu’à fa derniére perfection. s- D'ailleurs , pour confirmer ma penfée, je puis direce que l'expérience m'a apris fur cette matiére. Je connoïs quelques femmes qui ont toüjours acoûütumé de fe coucher fur le côté droit lors qu’elles dorment avec leurs maris ; & c’eft auflhi dans cette pofturé qu’elles font careflées , & qu'elies con- coivent prefque toûjours des garçons, . On re fauroit donner d'autre raïfon de ce qui arrive de la forte , que celle qui favorife mon fentiment. Car la fe- mence de l’homme étant reçüûé dans la matrice de la femme, fituée dans la poflure que nous avons marquée, ne peut tomber par fon propre poïds qué dans fa corne droïte , où les garçons foit le plus fouvent formez. C’eftune remarque qu'a fait Rhafis, aufh-bien que moi , lorfqu'il dit que les fèmmes qui fe conchent ordinhirement we côté TO ; confidére dans l'état du Mariage. 117 droit , ne font prefque jamais de filles. 6. D'autre part, J'ai fouvent obfer- vé,auff-bien que Fallope, que la chair de larriére-faix n’étoit jamais au mi- lieu du fond de la matrice ; maïs vers l’on où l’autre de fes côtez ; parce qu’a- rès un mois , ou environ, ja boule où efl renfermé l'enfant , étant chaflée du lieu où elle eft , s’atache à l'endroit de la matrice le plus près de l’embouchu- re du vaifleau, d’où elle fort ; ce qui narriveroit pas de la forte, fi la con- ception fe faifoit dans la cavité de la matrice, comme on le voit dans les #- gures 10. C IE. 7. Au refle, Riolan , un des plus cé- Ièbres Anatomiftes de notre fiécle , au- torife mon opinion, lorfqu’il dit avoir fouvent trouvé des enfans formez dans les cornes de la matrice. Et cet enfant mort , qui étoit d’un pié de long, & qui fortit du fond de la matrice de cet- te pauvre femme qu’Æurute vouloit faire couper , ne fortit d’autre lieu que de l’un de fes vaiffeaux éjaculatoires. 8. Je trouve dans mes Mémoires, qu'il y a environ 23. ans qu’un vieux M£< 118 Tableau del Amour conjugal, Médecin, apeilé Jear Critier , perfon- nage très-favant & très-fincére, me ra- conta à Paris une bifloire , que M. Mercier , Médecin de Bourges, qui vi- voit encor alors, luï avoit faite de cette forte. La femme de M. Agard , Lieute- nant Criminel de cette ville-là, de la fanté de laquelle ce dernier -avoit le foin,devint groffe,& fe porta aflez bien jufqu’au quatriime mois , après-quoi elle foufrit des foibleffles & des dou- leurs extrêmes aux reins & dans le ven- tre, principalement du côté droït. Tout cela l’epuifa tellement , qu’elle mourut fans pouvoir fe délivrer. On louvritle 2. Janvier 1614. on trouva une fille longue de 7.pouces dans la corne droï- te de la matrice , la matrice étant alors dans fa fiyure & fituation ordinaire; f bien qu'après cela on peut dire que la conception la fait aïlleurs que dans la cavité de la matrice, &que le fétus étant ‘déja aflez grand & ne pouvant plus de- meurer dans l’une de fes cornes, ïl faut qu’il en forte pour fe perfeétionner ailleurs , ou que la mere en meure. 9. Je pourrois encor pe ici ’au- confidéré dans l'état du Mariage. 119 Pautorité d’Aipocrate , qui dit, en par- ant de la fuperfetation des femmes, que M Le fetus eff defcenda dans la marrice lorfque la femme engendre u7e ee fois, ce fécond fetus ne peut vivre, Ê la femme en fait une fauffe-couche. Laraïfon en eft évidente; car comme ce dernier fetus ne fe forme pas dans le lieu que la nature a deftiné pour la con- ception des enfans , il ne peut auffi trouver de quoi ailleurs , & pour fe former & pour fe nourrir. “Ariffore con- firme cette opinion , & l'expérience lautorife ; car nous voïons que les fé- condes conceptions qui fe font dansie premier mois de la groffeffe reuMffent pour l'ordinaire , que la femme nour- rit Pun & l’autre de fes enfans, & qu’el- le les met au monde comme s'ils étorent conçüs danse même moment, Maïs fi La fuperfetation arrive quelques mois après les premiers fétus formez, & après que les coïnes de [a matrice font embaraflées & bouchées par des humeurs , ou par l’enfant même qui ocupe toute la cavité ; CE qui arrive pourtant fort rarement, le fecond en- fant t20 Tableau del Amour conjugal, fant ne peut vivre ; ce que l’hifloire que raporte Ariffote fur ce fujet confir- me clairement, Après tout cela, l’on peut donc con- clure que Ja conception fe fait felon les [oïx de la nature, dans {es cornes de la matrice & non dans fa cavité. Maïs Kerkrinçe, IWarthon , de Graaf, & . quelques autres Médecins modernes, font d’un autre fentiment, puifqwils ne peuvent croire que la conception fe faffe ni dans la cavité de la matrice, (4) comme Pont crü les Anciens, ni dans fes cornes, (b ) comme je le pen- fe : mais ils foutiennent qu’elle fe fait dans les tefticules des femmes , (c) ief- quels font pleins d’œufs , (4 ) comme eft Povaire des oïfeaux : fi bien que re- nouvellant [a penfée des Poëtes an- ciens , qui publioient qu'Hékne avoit pris fa naiflance d’un œuf, ils s’imagt- nent pouvoir établir & prouver enfui- te cette opinion , par des raifons & par des expériences (ufifantes. Hs affürent donc que les teflicules des femmes (c) font de véritables ovaï- res où les hommes commencent . fe OL= coxfidéré dans Pétat du Mariage. 127 former : Que les véficules, (e) dont ces parties font compofées, font plet- nes d’une liqueur femblable au blanc d'œuf, laquelle ( voïez la figure 6.) fe- lon le fentiment de tous les Anatomi{- tes ; eft la femence de la femme. Que cette femme étant rendué féconde par les parties déliées & fpiritueufes de fa femence de Phomme,qui étant dardées dans la matrice ( #) fe fait paffage dans les trompes (b ) pour entrer enfuite dans les tefticules de [a femme , (c) communique fa vertu prolifique à l'œuf, ou aux œufs, (4) quifontles plus près des membranes des tefticu- les, ou les plus difoofez à recevoir fon impreffon féconde , quand ïl s’en en- endre un ou deux fétus : Que lune des trompes { b) fe courbe alors, pour communiquer à l'œuf, ( d ) qui eft dif- pofé dans l’ovaire à recevoir ce qu’el- le a reçû de [a matrice : ( 4) Qu’en ce tems-là ces mêmes trompes (h) de- meurent quelque-tems comme colées au teflicule , (f) pour y faire une im- preffion de fécondité , ou pour rece- voir l'œuf, (4 ) où l’homme commen- Tome IL. L. ce 122 Tableau del Amour conjugal ,: ce déja à fe former ; ce qui fe fait dans les lapines au troïfiéme jour , & peut- être dans les femmes quatre ou cinq jours après leur conception, comme le penfe Kerkringe: Que les véficules, (e) d'un côté, les boules ou les œufs (d) de Pautre , ( c’eft aïinfr qu’ils les apellent indiféremment ) fe groffiffent pendant quelque-teins dans le tefticu- le, (c ) & que lenvelope oula véficule (e ) qui contient la femence de la fem- me, & qui eft une partie effentielle du tefticule, fe groffit auffi & fe fait glan- dufeufe, afin de conferver les efprits de la femence de Phomme , qui font les agens de la créature à venir, & de four- nir auf à la boule des humeurs pour la formation & pour entretien de Phom- me à venir: Que cette même femen- ce féconde { d) prend d’autres enve- lopes que la fubftance glanduleufe qui Venvelope, (e) & que ces envelopes font le Corion & V Ammos du fétus : Que Pétui ou l’envelope glanduleule (e} s'ouvre , pour faïfler couler par le mammellon , (g ) qui fe forme fur les membranes du tefticule, Pœuf fécond, (4) qui “confidére dans Pétat du Mariage. 123 ( d ) quientre dans la trompe (4) par la propre vertu du tefticuie , ou par fa propre difpofition : Que pour ceia la trompe (à) embraile étroitement avec {a frange ( b ) une grande partie du tef- ticule : (c) Qu’enfuite cet œuf fécond ( d ) étant tombé dans la trompe, (b) tombe auf dans la cavité de la matri- ce, (4) où il fe meurit, pour aïnfi di- re, & devient un fétus parfait : Qu’en- fin l'œuf fecond eil diflingué des Hyda- . tiques , qui font plufieurs petites bou- les , qui fe tiennent par leur queuë à leur grape de chair, comme les grains de raïfins font atachez par leur grape de bois , ainfi que le marque la fyure 7. qui eft au chapitre des fardeaux & des faux-germes ; au lieu que les œufs féconds ( d ) où le fétus fe forme, man- quent d'atache , & defcendent ordi- nalrement feuls du tefticule ( «) dans les cornes { b } & puis dans la cavité de la matrice. {4 Cela étant donc aïnfi établi, ils con- cluent que le fétus prend fon origine dans le tefticule de la femme, & non dans fes cornes ni dans la cavité de la matrice, | Léa: JR 124 Tablean de Amour conjugal, Cette opinion renferme, ce me fem- ble , beaucoup plus de dificulté que celle des Anciens que nous avons exa- minée , & réfutée enfuite ; car elle foû- tient tant de chofes qui me femblent impoflibles , & qui ne peuvent être bien expliquées par ceux-mêmes qui la foûtiennent , que je ne m'étonne pas s’il y à aujourd’hui fi peu de Méde- cins qui aïent embrafle ce parti. 1. En éfet, peut-on concevoir que la trompe ( b ) fe courbe en ( f) & faf- fe obéir le itgament large, ( ) fans que Ja femme fente fon mouvement & fon pli qui ne fe peut faire fans douleur, & le teflicule ( c ) qui el ataché à ce liga- ment & qui flote dans la cavité du ventre, peut-il être fifiable, qu'il de- meure toujours dans fa fituation , & qu’il atende la jonétion de la trompe (bh}) pour recevoir Pimpreffion gé- nitale de la femence du mâle qui y eff renfermée ? En vérité, on fait faire ces mouvemens à ces parties-Jàa , pour apuier le fentiment où l’on eft & pour Hâter fa prévention. 2. D'ailleurs, qu’ils faffent [a femen- ce confidéré dass l'état du Afariage. 125 ce de l'homme fi déliée & fi fprritueu- fe qu’ils voudront , peut-elle entrer dans les tefticules { « } par les pores de deux fortes membranes dont il eft re- vétu ? Et où montreront-ils une fem- blable démarche que fait la nature dans le corps d’une femme ? Les efprits animaux qui font imperceptib'es ont des conduits par où is paflent , & la fe- mence de l’homme qui eft plus grof- fiére n’en aura pas ? 3. D'autre part, comment fe peut-il faire que l'œuf, ( 4 ) rendu fécond & animé , qui eft alors gros comme un pois verd , puille fe faire pañlage à tra- vers les envelopes glanduleufes ( e) & à travers les deux membranes du tefti- cule de Ia femme , pour entrer dans {a trompe {b) par la jonéion, {f) fans que la femme en reffente rien ? Ces membranes font-elles moïns fenfibles que celles du refte du corps ? &fi la membrane eft un nerfaplati, comme le penfe Galien, peut-elle fe rompre fans douleur ? De plus, le mammelon (2) que Graafa inventé , ferencontre-t-il dans toutes les femines, comme il nous L'3 l'affü 126 Tableau del Armour conjugal, Paflüre ? & n’y a-t-ïi pas lieu de croire qu’il invente à plaïfir pour couvrir l’a- veug'ement où 1l ef ? 4. Au relte, cette folution de conti- nuité , eft-elle felon les loïx de la natu- re qui en a tant d’horreur ? Et a-t-on vû quelquefois dans la femme pareiïlles chofes ? J’avouë qu’on a remarqué des parties fe dilater d’une maniére ex- traordinaire , comme fait le pas de la pudeur dans l’acouchement ; mais on n’a Jamais obfervé aucune partie fe rompre & s'ouvrir felon les loix de Ia nature , à moins que ce ne foit pour fi- nir une maladie, comme dans lesabcès. s. En un mot, peut-il fe faire une plaïe fans un épanchement de fang ? & ce fang extravafé & hors de fes vaif- feaux , fe peut-il conferver fans fe cor- rompre & fans que la femme sen aperçoive ? 6. La p'aie que Ia boule aura faite en fortant du tefticule, & l’uicére qui s’en enfuivra, peuvent-ils fe confoli- ner & fe cicatrifer dans une partie fpermatique , comme font les parties du teflicule de la femme, (c) fans que | É fa { confidéré dans l'état du Mariage. 127 Ja femine en reffente de la douleur ? 7. Enfin le teflicule a-t-1l un mouve- ment fenfble ou Infenfibie pour fe dé- faire de l'œuf qu’il contient ? Et cette vertu exBüultrice , que Graaf a imagi- née , peut-elle jetter l’œuf dehors par fa propre difpofition, comme fi c’étoit un excrément facheux ? Toutes ces dificultez m’ont con- traint d'abandonner ce parti, & n’ont fait dire en moi-même ; comment y a- t-il des perfonnes de bon fens qui peu- vent l’embraffer ? Cependant, comme ïl arrive quelquefois dans homme des adions dont nous ne connoïiflons pas les caufes , celle-ci pourroit bien être de ce nombre-là ; car s’il efl vrai, ce que l’on vient de m’aflürer, que M. de Verny , Anatomifie du Ro:, fit voir à Pa- ris en 1691. un tefticule de femme, qui contenoit une efpéce de tête , dans la- quelle on remarquoit {a fente d’un œil avec deux paupiéres garnies de glan- des ciliaires, & d’une efpéce de four- cil orné de poil, qui étoit au - deflus, un front d’où fortoït un toupet de che- veux , avec une éminence garnie de trois 428 Tableau de P Amour conjugal, trois dents molaires,difpofées en trian< gle , de la groffeur de celles d’un enfant de quatre ans; troïs autres dents dans la face antérieure de ce monftre, & à la poftérieure cinq autres; favoir , trois incifives & deux petites molaires ; fi cette hifloire et, dis-je , véritable, comme plufieurs perfonnes me Paffü- rent, nous pourrions dans cette oca- fon fufpendre notre fentiment, jufqu’à ce que la curiolité & le travaïi des Ana-. tomiftes nous püt faire voir quelqu’au- tre formation de fétus dans le tefticule d’une femme. Car comme un fertr- ment ne peut folidement être apuié dans la Médecine fur une feule expé- rience, qui fouvent eft un jeu delana- ture , ïl faut atendre que l’on nous ait fait voir quelqu’autre chofe de réel dans la même partie, pour être per- fuadé que l’homme y prend fes princi- pes & qu'il commence à s’y former. La conception n’eft pas plutôt faite, que Dieu, par les ordres qu’il a lui-mê- me établis, crée un entendement hu- main , pour le placer dans le petit Corps qui commence à fe former. Cet eEn- confidére dans l'état du Mariage. 129 éntendement y elt envoïé en qualité d'Ambañladeur , qui doit un jour ren- dre compte de fa négociation, & qui doit reprefenter par tout où il fe trouve le caraûére du Maître qui Penvoïe. Cet entendement fe mêle avec Pa- me, ou plutôt fe Joint ou s’unit à fa fubfiance , & ce qui nous furprend en- cor plus , aux efprits & au corps de l'homme , pour ne faire enfuite qu’un homme animé d’une feule forme. Il feroit dificile de s’imaginer com- ment fe joignent ces fubftances fi éloï- gnées entr'elles , fi lexpérience ne nous en convainquoit à tout moment, Car fi mourir eft la défunion de ces parties, vivre fera affurément l'union & la fociété de ces mêmes fubflances. Si jétois obligé de prouver ici des quatre parties qui nous compofent:en- tre toutes les preuves que je pourroïs choïfir, je n’en faurois trouver de meil- leure que celle que me fournit S.\Gré- goire de Nice , lorfqwil dit, que puifque Dieu, qui eft un être infini, s'eft mêle & S’eft ani [ans confufion toutefois 4 lame © au corps de Jefus-Chrifi, qui ef} une créature, nous - 130 Tableau del Amour conjugal, nous pouvons croire que notre entendement peut je joindre à notre ame © 4 notre corps par des decrets d’'enhaut ; deforte que de ces deux premieres [ubffances , 1l ne S'en faffe qu'une [eule forme dont nous [oions animez. La femence de l’homme etant donc entrée dans l’une des cornes de la ma- trice , fait enfler la femence de la fem- me & lui fert comme de levain pour Ia produ&ion d’un enfant. Une des cau- fes de la prompte difiribution, eftune matiére féreufe & fpermatique, qui fe trouve dans la matrice d’une femme féconde & qui fe mêle avec elle pour lui fervir de véficule. Cette matiére vient des vaïffeaux & des glandes de Ia matrice & de fon col, par Pexpreffion de ces parties , par la foule des efprits qui s’y portent, par le plaifir & le cha- touillement que la femme y reffent, L’adivité de lame de Ia femence de l’homme, & Pabondance de fes efprits, ne contribuent pas peu à l’y faire en- trer précipitament, La petite valvule (f) figure s. 9.& 11. qui efl à Pembou- chure du vaiffeau éjaculatoire ( b ) f- gure 6. favorife auf entrée de cette même confidéré dans l'état du Mariage. 134 même matére. Elie eft lâche avant & après les régles, pour faciliter [a con- ception qui fe fait en ce tems-là plutôt que dans un autre. La membrane in- terne de ces vaiffeaux a tant de replis, & le conduit qu’elle forme a lembou- chure fï étroite, qu’il n’y a pas lieu de craindre que ce qui y eft une foïs en- tré en puifle fortir que dans fon tems. I! feroit bon de remarquer ici ce que nous avons obfervé aïlleurs , que les cornes de Îa matrice d’une femme avoient 3. ou 4. petites cellules ,(p) figure <. qui fervorent comme de forme ou de mefure à la femence de la femme & à Id matrice de chaque enfant ; c’ef pour cela que quelques Jurifconfultes ont crû que la matrice de [a femme avoit fept cellules, prenant la cavité de fa matrice pour une feptiéme. La ma- tiére qui forme la femence de la fem- me, vient peu-à-peu des teflicules, & eftifiltrée au travers de la fubflance ner- veufe des vaiffleaux éjaculatoires, (k) figure 6. Cet excrément des teflicules tombant peu-à-peu dans les cavitez de ces varfieaux,, prend la figure de la cellu- 132 Tableau de PF Amour conjugal, cellule qui le reçoit, & la chaleur na- turelle qui agit inceflament fur tout ce qui eft dans je corps, agiffant auffi fur cette femence , produit tout autour une petite peau mince & délicate, qui forme une boule; quand cette boule ou cet œuf a été rendu fécond parla femence du mâle. Cette membrane n’eft pas fi ferme , ni fi dure danse lieu que la boule a reçû Ia derniére goute de femence, qu’elle eft ferme aïlleurs ; & c’eft par-là que la femence de Phom- me fe communique à celle de la fem- me , comme la femence du coq fe communique à l’œuf de la poule par la tache du jaune , & que humeur de la terre fe filtre dans la femence d’une plante par fon germe. J’ar renfarqué dans un œuf de poule couvé , qu’apres le premier jour, ongle du jaune, la cicatrice , ou le petit point blanc , ainf qu'on voudra Papeller, qui eft envi- ronné d’un cercle jaune oblcur, étoit beaucoup plus grand qw’il n’étoit avant que d’avoir été couvé. Le 2. & 3. jour, Ja tache s’étant aÿgmentée prefque de deux fois autant, j'ai jugé que l’ame du pou confidéré dans Pétat du Mariage. 133 poulet réfidoit dans cette partie; que . C’étoit par-là que [a femence du coq étoit entrée dans l’œuf, & que le cœur s’y vouloit former, puifque j'y remar-. quois un fi prompt changement. C’eft donc à un petit point de Ia fe- mence de la femme , s’il m’eft permis de comparer les bêtes aux femmes , que fe communique l’ame de Phom- me avec toute la matiére qui la porte: ce qui arrive au même infiant que Ja conception s’acomplit; & c’eft aufli alors, ainfi que nous Pavons dit aïil- leurs, que lentendement y paroît pour difpofer toutes les parties à obéir enfuite à fes ordres. Comme les fruits jouiffent de Ja mé- me ame que les arbres auxquels ils font atachez , & qu’en étant défunis , ïls portent dans leurs femences des prin- cipes femblables à ceux qui ont formé les arbres dont ils ont cté détachez 5 ain/i la boule de la femence de la fem- me étant attachée au vailleau éjacula- toire , jouit alors de la même ame que Ja femme ; mais dès que cette boule a été renduë féconde par la femence de Tome IL. M Phom- 134 Tableau del Amour conjugal, l’homme qui s’y eft mêlée, alors elle a un principe indépendant & une ame particuliére. | Ce qui me fait croire que cela eft de la forte ; c’eft ce que je vis la nuit du 23. Janvier 1650.que Mademoïifelle 1. après de preffantes tranchées, rendit environ 200. boules ou petits œufs fans coquille. (4) Et c’eft ce que quel- ques Anatomiftes modernes ont apel- lé fort improprement, Æydatides. (4) Chaque boule étoit atachée par fa pe- tite queuë , ( b ) qui tenoït à des fibres charnuës , tiflués & entrelaflées ‘en- femble. La moitié des boules étoient groffes comme Île bout du doïst, (4) & Pautre moitié comme de petits pois. (c) Elles étorent toutes tranfparen- tes, & la membrane qui les couvroit étoit affez dure. L’humeur qui y étoit contenue étoit claire & en quelque façon gluante. Elle étoit un peu falée & âpre au goût ; & je ne doute pas que ce ne foïent de pareïlles boules qui ocupent ordinairement les cornes de la matrice, quand elles font prolifi- ques. Comme celles-ci n’avoient pas ete confidere dans l'etat du Mariage. 135 été renduës fécondes par {a bonne fe- mence de fon mari, & que les vaïf- feaux éjaculatoires les avoient rejetées comme inutiles ; c’eft de-là fans dou- te qu’étoit venu ce faux-germe , com me on le voit dans les figures 6. Œ 7. Les femences de homme & de Ia femme étant mélées, fe communi- _quent lune à Pautre leurs qualitez ré- ciproques. Le peu d’âpreté de celle de l’homme, avec fon odeur vireufe & fulfurée , pénétre toutes les parties de la femence de la femme & en fait mou- voir tous les petits corps. Et Ia femen- ce de la femme étant d’une fubftance un peu vifqueufe & d’une qualité un peuâpre , n’obéït pas fi-10t à la péné- tration des qualitez de celle de l’'hom- me, Ainfi Paétion eft lente, & [es mou- vemens de toute la matiére enflée en font languiffans:fi bien que l’on ne peut remarquer aucune chofe dans la for- mation du fétus avant le neuf, ou le dixiéme Jour,ou pour mieux dire avant le quatorze, après lequel on peut ob- ferver jes veflies tranfparentes (4) & enfuite la goute de fang & le point 2 fail- 126 Tableau de l Arnour conjugal, faïllant, qui par fon mouvement don- “ne des marques affürées de vie. Si bien que ceux qui nous ont afluré avoir dé- couvert quelque chofe au fixiéme ou au huitiéme jour après la formation du fétus, nous ont voulu affurément fur- prendre. Maïs avant que de pañfer outre , dé- couvrons fa maniére dont la nature fe fert pour faire fermenter les deux fe- mences unies : car puifquw'on demeure d’acord que nous ne vivons que par Îa fermentation, il faut auffi que ce foit par fon moïen que nous commencions à être formez. Nous favons que Île levain a deux fortes de fubftances:la plus groffiére de- vient de même nature que la matiére avec laquelle on la mêle, & la plus fub- tile fait lever cette même matiére par fa pénétration & par l'agitation qu’elle excite dans les corps diférens de toute Ja maffe. Ainf la partie la plus terreftre & la plus vifqueufe de la femence de l’homme , fert en partie à compofer les parties fpermatiques de l'enfant, & la plus fpiritueufe elt emploïée auf: en pat confideré dans l'état du Mariage. 137 partie à produire les efprits & lame de cemêmeenfant. Ce qu’elle fait par la fermentation qu’elle feule caufe dans toute la matière qui fe compofe. Plus le levain a des parties fubtiles & pénétrantes, & plus la matiére fur la- quelle ïl agit eft fouple & aïfée à ména- ger , plus auffi il avance fon aûion, té- moin les garçons qui font plutôt for- mez que les filles, & les pigeons mâles qui naïflent le plus fouvent avant les femelles , la matiére dontïls font faits aïant plus de chaleurs & d’efprits. La femence de l’homme fermente donc peu-à-peu toute la mafle de la boule , en précipitant toutes les par- ties les plus groffiéres , & en élevant les plus agitées & les plus fpiritueufes. Son odeur virulente {a diflout & en ouvre la matiére, la fulfurée la préci- pite , & la qualité âpre de la femence de la femme la raffembie & l’endurcit f: bien, qu’au bout de dix ou de douze jours, il fe fait dans la partie inférieure de la boule une goute d’eau tranfpa- rente & claire comme un criftal fondu, (4 ) qui el Pélixir & l'extrait des ef. M 3 prits T 138 Tableau del Amour conjugal, prits de Phomme & de la femme. Cette petite ampoule d’eau ( d) fe divife ordinairement en deux, & quel- quefoïs en trois parties , fi nous en croïons Cognatus & Felix Platérus: Le dernier dit avoir yü une femme qui faï- foit prefque tous les ans de fauiles- couches, & qui rendit un jeur une boule ronde & blanche de la groffeur d’une noïfette, & qui étoit couverte d'une petite peau mince que lon pourroit apeller Æwrios , & qui ren- fermoit trois véficules tranfparentes , € c ) dont linférieure étoit ia plus pâ- le. ( d) | C’eft dans cette humeur diaphane & crifialine que Pame fe place, pour obéir de-là aux ordres fupérieurs de lenitendement, qui rocupe point de lieu, & qui eft cependant par tout ce petit corps, pour difpofer fes organes de la maniere qu’il le veut. Dans la partie inférieure de cette boule, où ce Médecin remarqua la véficule la plus pâle, eft placée la matiére la plus pelante des parties fpiritueufes des deux femences, Elle fert à former le 22 À confidéré dans l'état du Mariage. 139 cerveau , qui eft [a partie dans les en- fans la plus grande, fa plus pefante & la plus froide ; aufli obfervons - nous que la tête des enfans qui font dans les entraïlles de leurs meres eft toù- jours en bas, lorfqu’elle ef ftuée felon les loïx de la nature. . Enéfet, on aperçoit une goute d’eau tranfparente qui fe forme au commen- cement dutroifiéme jour dans un œuf de poule couvé, & je ne doute pas que ce ne foit là que le cœur fe place, pour faire enfuite tous les organes qui peuvent fervir à fon mouvement. Ce petit corps qui fe forme dans les entrailles de fa mere, eft déja comme un enfant émancipé qui n’a befoin d'aucune autre conduite que de la fien- pe propre, pour mettre toutes fes par- ties en ordre & pour les placer où elles doivent être. Cependant la nature qui prévoit les befoins de cet embrion , - gnfle le conduit où il fe forme, &tire peu-à-peu des teflicules & de quel- ques petits vaifleaux nerveux qui fe gliflent de la matrice aux cornes, les glimens qui lui font néceflaires. Elle En 140 Tableau del Amour conjugal, en fait de même de Pautre côté. Elle envoïe de la matrice à la corne vuide, auffi-bien qu’à celle quieft pieine. Et ainfi ces vaïfleaux éjaculatoires s’en- flent tous deux prefqwégalement, & j'en ai vü qui étoient auf gros que lun de mes doigts. Vers le 14. jour après la conception, plus ou moins, felon Ia chaleur de la matrice, labondance des efprits, la vivacité de l’ame, la diverfité du fexe, la difpoftion du tems & de la faïfon , & enfin Le tempérament de la femme & de la matrice même, il naît dans l’une des ampoules tranfparentes, un point rouge ou une goute de fang ,(e)qui s’agite d'elle-même : & je ne doute point que ce ne fotent les petites oreil- les du cœur , ou le cœur même, qui par fes premiers mouvemens de dilata- tion & de reflerrement , veut fe fabri- quer des organes, pour donner la vie au petit enfant qui commence à {e for- mer. Car, comme c’eft à lentende- ment à placer toutes les parties en leur leu , après leur avoir donné à chacune une figure convenable , c’eft auffi au cœur cenfideré dans Pétat du Afariage. 34% cœur àles perfectionner & à les nourir. J'avouë que je fuis en peine de dire fi le fang eft formé avant le cœur, ou le cœur avant le fang ; mais, quoïqu’il en foit , je fuis pourtant perfuadé que linflrument doit être fait le dernier, puifque l’entendement n’entreprend l'ouvrage du cœur que pour contenir le fang , pour diftribuer les humeurs, & pour communiquer la chaleur & la vie à toutes les parties les plus éloï- gnées du corps. Maïs parce que [a fer- mentation a donné l'être à ce petit corps, il eft auffi raïfonnable que la fer- mentation le perfe&tionne,par le moïen de lébulition qui fe fait incefflament dans fon cœur. Ceux qui ont examiné après le troï- fiéme jour un œuf de poule couvé, au- ront oblervé , aufli- bien que moi, qu’auprès de la cicatrice, où s’étoient formé les trois véficules claires comme Peau coulante d’un rocher , ïl paroît une goute de fang , que l’on apelie fort à propos le point faïllant, { e ) puifqu’il a des mouvemens réglez , & qu’il fe reflerre & s’élargit comme le cœur. Cette 142 Tableau del Amour conjugal, Cette partie de animal , qui fe for- me la premiére dans le blanc de l'œuf auprés de la cicatrice par l’induftrie de Pame qui y réfide, eft celle qui doit enfuite travailler à la perfe&ion du poulet. Cette goute de fang qui paroît qua- torze Jours après notre conception, eft une partie principale de notre corps , l’organe de toutes les opéra- tions de Pame , Porigine des efprits , la fource des parties fanguines , le fiége de la chaleur naturelle , le trône de humide radical , par lequel nous vi- vons : en un mot, l'extrait de Pame de nos parens, & une chofe qui a du ra- port à l’huile que nous tirons des fe- mences des plantes. RÉXEREAMÉSIARRAÉEIERRERÉRRARRIRHIENÉÉ Second degre de la formation de l'homme, A boule animée demeure encor dans ie Jieu où Îa nature la d’a- bord placée. Elle ne s’enflé guéres, “parce qu’elle ne reçoit prefque point d'humeur qui puifle abondamment fe com- > 7” se fifi ERP mods D + 0 confiäcre dans l'état du Afariage. 123 communiquer au petit projet qui y forme. L’entendement qui y eft renfer- mé eft alors ocupé à bâur un domicile pour fa demeure ; il a affez de matiére chez lui , fans en recevoir d’ailleurs, pour commencer toutes Îles parties qui lui font néceffaires. I a déja ména- gé ce qu'il y avoit de plus fpiritueux, dont il a fait comme une matiére de verre fondu , où il a placé le point faïl- lant , (e) figure 8. Il prétend de ce point diftribuer la matiére & les efprits, pour former & nourrir les parties principa- les qui doivent être fabriquées les premiéres. fi ne faut pas s'étonner fi de Ia plus pure portion des deux femences unies il fe forme une goute de fang. Des changemens femblables ne font pas extraordinaires dans la nature, ni au- defflus de fes forces ; car fi les femen ces de aos parens viennent de Ja plus pure portion de leur fang, quelle difi- cuité y a-t-1l de croire qu’elles ne puif- {ent encor retourner en une fubflance pareille ? Les aiimens, de quelque cou- leur qu'ils {oïent , fe changent dans le(- 144 Tableau del Amour cénjugal, Peflomac en une matiére blanche, & Partifice nous fait voir tous les Jours du blanc fe changer en rouge, du rouge en blanc , par le mélange de diverfes liqueurs ; {1 bien qu'après cela on ne doit pas s'étonner , fi avec du blanc, Pame , ou plutôt Pentendement, fait du rouge , & fr de la femence de nos parens, il fe forme du fang & des hu- meurs rouges. Le vingtiéme Jour , la génération s’avance d’une manïére furprenante. Alors le cœur bat plus fort qu’aupa- ravant , & s’agitant avec force pour obéir au maitre qui le commande, il commence à fraper doucementle vaif- feau, ({ b ) figure 6. où il eft renfermé & à Pirriter par fes battemens. Ce con- duit qui en fent Pagitation, commen- ce auffi à en être émü , & à faire de pe- tits mouvemens périltaltiques & fer- pentins, pour fe décharger en faveur de la matrice du riche dépôt que la na- ture lui a confié. Cependant le cœur femble alors être partagé en deux parties, qui reprefen- tent, ou fes petites oreilles ou fes ven- triCUs s en déré dans l'état du Ffariage. 14$ tricules. Il fe meut fans cefle , parles _efprits & par la fermentation de fon fang : & comme l'ame perfe&ionne le cœur de fon côté , le cœur darde au {li du fien par fes mouvemens réïtérez un peu de fang dans les peuits conduits, qu’il forme à mefure qu’il poule avec force i’humeur de fes petites cavitez: tellement que l’on aperçoit alors deux petits fils rouges fortir du point (ail- ess qui fe produifent & s ’allongent enfuite avec le tems. Au-deflous du cœur , on voit tous. jours une autre petite veflie un peu pâle de couieur de corne , comme l’a remarqué Cogratus, qui croit plus que Jerelte ; &: je : ne fan aucun doute, ainfi que Je lai remarqué aïileurs , que ce ne foit le cerveau , qui n ef d d’abord fait que pour le cœur, felon Ia penfée d’Ariflote , & qui doit auffi de fon cô= té travail lier a la formation des parties fpermatiques , comme le cœur fait du fien à la fabrique des fanguines, (4) figure 8. Le fang avec l’entendement fait tou tes chofes dans la formation d’un en- - Tome JL, N fant ; 146 Tableau de P Amour conjugal, fant; & fi dans les premiers mois de la génération , ïl nous eft impoffble d'apercevoir du fang, qui vienne des artéres de {a mere pour ia nourriture de l'enfant , cette humeur blanche, fpermatiqne & nerveufe qui yeft in- ceffament portée , ne laïfle pas pour- tant de le nourrir & de venir de fa pure portion du fang de la femme. Le fang eft fait de deux fortes de matiéres ; l’u- pe eft cuite, & l’autre eft cruë. Celle- ci n’eft autre chofe que le chyle , qui n’elt pas encor fang & qui pourtant eft ami de la nature. Cette derniére hu meur eft la matiére , qui el fi abondan- te dans la femme groife ou acouchée, & qui fert à nourir fon enfant : car cet- te maticre fe fitre par des pores qui lui font propres, & fert enfuite à nou- rir & faire croître Penfant. Outre que Ja femence de l’homme, qui a commu- niqué fa vertu fermentative à toute {a malle du fang de ia femme , a renduli- quide & comme fondu, pour ainfi di- re , une partie de fon fang, pour fervir aux mêmes ufages. Les cornes de la matrice fe rem- plif- confidere dans état de Mariage. 147 pliffent Pune & l'autre de cette femen- ce , pour fournir à l’embrion l'aliment qui lui eft alors plus convenable. Celle qui eft vuide en eft toute remplie, & Pautre qui conferve le précieux tréfor de la nature en eft auffi garni au côté de la frange , fans que cette humeur en puifle fortir. Elle s’y épaïiffit, & s’y em- baraffe tellement parmi les fibres , qui y font en grand nombre , que Pextré- mité de ces deux vaïifleaux en eft en- tiérement bouchée. La boule croît chaque jour d’une fa- çon étonnante ; & comme les femena ces jettées en terre s’enflent & fe nou riflent par l'humeur qui pénétre leurs membranes , aïnfi la plus fubtile por- tion de la femence de Ia femme qui touche la boule, fe fait paflage en for- me de fueur à travers la petite mem- brané qui la compofe, afin de fubve- nir à fes néceffitez. C’eft aïnfi enfin qué le petit œuf de poule fe sroffit en def- cendant de lovaire , fans qu’il foit ata= ché à aucune des parties de la poule, ainfi que Pexpérience nous le fait voir. Le vingt-cinquiéme jour , tout s’a- N 2 van= 148 Tablean dél Amour conjugal, vance encor plus. L'on aperçoit déja lë commencement du poulmon & du foïe qui naïflent à l'extrémité des ver- pes ou des ariéres,, car il n’eft pas aifé en cetems-]à de dire, quels vaifleaux font ceux que l’on voit, à caufe qw’ils font privez de mouvement. $’il le faut pourtant conjeâurer , je penfe que ce font plutôt des ariéres que des veines. Le poulmon & le foie naiflent donc à l'extrémité des vailleaux , comme } 4- garic fait la A{élaïfe. Ils paroiflent d’a- bord blanchâtres , par la difpoftion des fibres que l’entendement a fabri- quées , & puis rougeâtres par l’arro- fement du fang du cœur. Bien que l’humeur rouge du cœur croifle de jour en jour, elle n’a pour- tant point d'autre matiere pour fe mul- tipier , qu’une partie délicate de la fe- mence , qui eft confervée entre fes membranes , & qui coule destefticu- les de la femme, aïnfi que nous Pavons obfervé. 3 é . On voit clairement par les démar- ches de la nature, qu’il fe fair du fang avant le poulion & le foie; qu’il y a du mou- confideré dans Petat du Mariage. 149 mouvement avant que le cerveau foit formé , & que le corps fe nourrit & s’augmente avant que leflomac foit en état de faire un chvle , & les boïaux de le difiribuer,On voit même alors des excrémens de la feconde coûion, & ie foie ne commence pas piütot à fe faire, que l’on y aperçoit une petite veflie de fiel diflinguée par fa couleur verte. En ce tems-là {a matrice eft encor vuide dans quantité de femmes, (4) & les régles qui coulent fouvent à quelques jeunes perfonnes fanguines & pichoriques, pendant les premié- res femaines de leur groffe, ne trou- Blent point alors la génération qui fe fait ailleurs. Les vaiffeaux du fond de la matrice & ceux de fon col, donnent pour Pordinaire du fang en plus sran- de abondance qu’ils n’avoient acoûtu- mé ; & fi cela n’arrive point ainfi , ces femmes en font plus malades , & on les doit quelquefois faïgner , de peur que le fang qui féjourne autour de leurs parties naturelles , ne caufe quelque défordre & à la mere & à l'enfant , ou que là matrice en lhumectant trop, n€ N 3 puif. 1$0 Tableau del Amour conjugal, puiffe plus être capable de recevoir le préfent que ces vaïfleaux font fur le point de lui faire. Le vingt-neuviéme jour , le cerveau s'augmente confidérablement , & fon eau claire paroît plus abondante qu’au- paravant. Le poulmon eft manifefte, le foie eft prefque fait , la rate ef fur le point d’être formée , & les reins com- mencent à paroître ; mais toutes ces parties fanguines ne font pas tout-à- fait rouges. L’épine du dos & les côtes reflembient à de petits fibres. Enfin tout fe perfe&ionne avec une prome ptitude furprenante. Le cœur, qui n’eft pas plus rouge que les autres parties fanguines , a maintenant fes mouve- mens plus forts & plus réglez. Il frape & s’agite avec tant de force, queles vaifleaux éjaculatoires augmentent auffi de Îeur côté leurs mouvemens ferpentins. L’enfant ({ b) qui eft renfermé dans la boule animée, croît de telle forte, qu’il preffe fortement le lieu où il eft. (c) Eneflet, ïl a befoin alors d’un plus grand efpace , pour avoir la liberté de fe confidere dans l'état du Mariage. IST fe perfe&ionner & de chercher de fa nourriture , qu’il ne trouve pas fufi- famment où il ef, Enfin c’eft en ce tems-làä que quel- ques femmes groffes,des plus fenfbles fentent comme le mouvement d’une; fourmi dans l’un ou dans Pautre de leurs flancs. Mademoïfelle C.... qui a beaucoup d’enfans , a toujours fent le trente ou le trente-deuziéme jour de fa groffeffe , le mouvement de l’en- fant qu'elle avoit concu. Cela arrive par la fortie de Ia boule animée & par le mouvement de Pun des vaïffeaux éjaculatoires {c) qui s’en défait. On peut connoïre par-là fi ce que porte une femme dans fes entrailles eit un garçon ou une fiie. Le premier , étant ordinairement du côté droit, eft plutôt formé que l’autre , qui demeure le plus fouvent dans les conduits de [a matri- ce , Jufqu’au quarante ou au quarante deuziéme jour. ae Toi ÿs2 Tableau del Amour corjugal, BRICK ART Et EH EEM PEER MIE FH Troificme degré de la formation de l'homree. Près que l’ame a fabriqué le cœur, {A pour y faire {on principal fige & ! pour obtcir à l'entendement humain, elle le garantit de toutes parts des em- büches qui lui pourroiïent être drefices. Elle l’environne d’abord: d'une forte imembrane , pour ie defendre contre es affauts du dedans. Elle lui fait naï- tre une eau claire & douce, pour Phu- meer dans fesmouvemens coniinuels & quelquelois violens , & fabrique enfuite au-dehors des remparts d’otfe- ments pour le défendre contre fes en- nemis étrangers. FF . Le premier moïs de lune ne s’eft donc pas plutôt écoulé , que le petit enfant change de place & tombe dans le vuide de la matrice. {4) La ileftre- çù & confervé comme le plus riche trefor de la nature ; & fe fentant dou- cement preflé , comme par de petites careffes , fl! femble qu’il s'en rejoüiffé par éonfidéré dans Pétat du Mfariage. 153 par les legers mouvemens qu’il com- mence imperceptiblement à faire à fa mere... C’ef fans doute par ces preffemens que les femmes ont moins de ventre en ce tems - là qu'auparavant. Leurs entrailles ferrent alors , & couvrent chérement l'enfant qui vient d’arriver. 11 fe place donc à l’embouchure du vaiffeau duquel il eft forti; fi bien qu’il eft entre le milieu du fond de la matri- ce & l'ouverture de fon vaifleau éjas culatoire. Cette fituation lui efl com- me contrainte , puifque la cavité de [a matrice n’eft alors gucres plus fpacreu- fe que pour y loger une groffe aman- de verte. Cependant toutes les parties de lembrion ne font pas encor parfaites. Le cœur, le poulmon, larate, lesreins & les boïaux femblent être fufpendus & comme atachez hors de fon corps: les yeux font comme deux petits points noirs marquez à la tête. L’épine du dos & les côtez parotflent plus forts ; les inaïns & les piez commencent à fe for mer ; les vailleaux fe srofMiffens & s’al- Jon- 4 154 Tableau del Amour conjugal, longent. L’on s'aperçoit même de Ia produétion de ceux du nombril, qui font chercher dehors dequoi faire vi- vre cette petite créature. C’ef ce qu’a ‘remarqué Riolar, dans l'enfant d’une femme dont il fit la diffe&ion. L’embrion fe nourrit peu-àä-peu de ce qu’il choifit entre {a membrane qui lenvelope , & qui ‘élargit de jour en jour par l’acroilfement du petit corps quelle renferme. Ce qui n’empêche pourtant pas qu’il ne forte de Pune & de l’autre corne de la matrice une hu- meur blanche & fpermatique, qui n’a pes jufques-là abandonné le fétus, & qui lui eft teilement néceflaire , que fans ce principai aliment, je ne doute point qu’il ne ce{fat bien-tôt de vivre, Maïs parce que peut-être on di- roït que jen impofe , en raportant tant de particularitez fur la formation de homme , comme fi j'avois été le té- moin des ations de fanature, j'ai ré- folu de le confirmer par les expérien- ces que j'en aï faites, & par celles que les plus favans Médecins m’ont fait re- marquer fur ce fujet. . Ï confidéré dans l'état du Mariage. 155 Si fon peut comparer les animaux avec homme , je puis dire dans Ja re- marque que jai faite de la nourriture du poulet , que ce petit animal ne fe nourrit d’abord que du blanc de fon œuf. II Pépuife prefque entiérement avant que de toucher au jaune ; fi bien que le jaune eft prefque tout entier quelques jours avant qu’il forte de fa coquille. J’en dis de même d’un enfant qui fe nourrit dansles flancs de fa me- re. Une matiére blanche, qui n’eft au- tre chofe que la femence de la femme luï fert d’abord de nourriture; & com- me cette matiére n'eft pas fufifante pour le nourrir , le fang de la mere, qui a du raport au jaune d'œuf, lui fert auf de nourriture dans les derniers mois de fa prifon. Avicenne, Vun des plus curieux oB- fervateurs de ia nature, qui ait jamais paru , autorife cette vérité , lorfqu’il nous raporte , qu'il 4 aperçh de fétus comme fufbpendu par deux petites attaches fPermatiques, (à ) qui fortoient de l'une © de l'anire corne de la matrice, (Bb) je ne doute poin: que ce ne foi par-là qu'il fe nouT- 156 Tablean de l'Amour conjugal, nourrifle, avant qu’il vive du fr dec en trailles de [a mere. 2 V'arole a auf obfervé la même cho fe , lorfqw’il remarque , que les veines | dorfales du fetus, qui les fufpeñdent, for= tent des deux cornes de lamatrice en forme de cheveux. Ces petites ataches séfacent , felon [a remarque de ce Médecin, dis que les vaifèaux du nombril pénétrent la membrane qui environne le fetus, & que La matrice commence à difitler une pe- tite rofee de fang qui forme la petite charnuë de l’arriére-faix , qu’ Arantio apelie fort proprement le foje de [a matrice. Pour moï , qui me fuis beaucoup apliqué à examiner les principes de la formation de l’homme, j'ai remar- qué dans la matrice au commence- ment de la groffeffe de quelques fem- mes que J'ai difléquées , des vaïifeaux blancs & fymphatiques parmi de fan- guins. Ils defcendoïent vers fon oriti- ce, & il fembloit qu’ils formoient plu- fieurs valvules pour retenir plus aifc- ment l'humeur qu’ils contenoïent. En ce tems-là Le fétus eft gros cora- me confidéré dans l'état du Mariage. 157 ge le pouce , (c) & il paroi de la groffeur d’un œuf de poule lorfqw’il eft couvert de fes membranes. Satête, qui eftauffi groffe que tout le refte du corps , renferme une fubftañce fem- blable à du lait caiïllé : à voir fa bou- che fenduë , on diroit. que c’eft un chien, fans nez & fans oreilles. Ses par- ties principales ne parotïffent plus à dé- couvert : on diftingue alors plus aïfe- ment fe fexe par la diverfité des par- ties naturelles qui font faites les der- niéres. Car l’entendement aïant un chef-d'œuvre à faire , H étoit bien jufte qu'il y travaïilät long-tems avant que de le perfe&ionner ; & je ne doure pas que ce ne foient les grands avantages que poflédent les parties naturelles qui en ont retardé la formation. Le fiége de l'ame difiributive, & les par- _ties par lefqueiles la volupté fe com- munique à l’homme , & par lefquelles il devient vigoureux, hardf, ingénieux. & fécond , ne fe forment pas en peu de tems comme les autres. On commence au fecond moïs de Ia lune à diftinguer deux membranes, Tome IL. O dont 158 Tableau de l'Amour conjugal, dont l'enfant eftenvelopé. La premié- re qui paroït à nos yeux , & que les Anatomiites apellent Chorion , {embi'e avoir été faite par la femence de l’hom- me & par fa chaleur naturelle, qui agif- fant fur la femence de Ia femme lorf- qu'elles s’aflemblent dans lune des cornes de [a matrice, en a formé une boule. La feconde eft celle qui touche immédiatement Penfant, que les mé- mes Anatomiltes ont nommée Awmios, à caufe de la femence de l'homme & de la femme , par le moïen de ia même chaleur , dont l’entendement s’eft d’a- bord fervi pour faire la petite vefñie dizphane & tranfparente , que nous avons remarquée au commencement de la conception. | Ces deux membranes {4b) ren- ferment donc Penfant: (ec) & parce qwelles croilfent peu-à-peu, à mefu- re que Penfant fe nourrit, elles pref. fent aufli & élargiflent également [a matrice. La membrane externe tou- chant fortement fon fond , fe joint.& fe cole à la luperticie interne de cette partie-là , par un peu de fang quien coule confidéré dans l'état du Mariage. 159 coule goute à goute. Ce fang, en fe caïiliant par la vertu de ia femence de Phomme, devient chair & reçoit les vaifleaux (c) que lenfant y poufle pour y puifer laliment quilui eft con- venable fur {a fin de fa prifon. Deux artéres fortent des iliaques du petit enfant , une veine les accompa- gne , qui vient de la cavité du foie, & ces trois vaifleaux fe trouvant unis à fon nombril, avec le lien qui fufsend la veffie , font tous enfemble, ce que les Sages-femmes apellent le Cordon, qui n’ell autre chofe que Pétui des ar- téres & dés veines de lenfant allon- gées. Les artéres en évacuent le fang fuperflu, & vont donner du mouve- ment & communiquer de la chaleur & des efprits au fang qui fe trouve dans a partie charnuëé de larriére-faix. La veine qui eft fouvent double , porte du foïe de Ja matrice dans le foie de l'enfant , l'humeur qw’elle y a puifée, afin que cette humeur fcit encor per- fedionnée & épurée avant que de paf= fex par le cœur de l'enfant. | O 2 Qua 460 Tableau dé l Amour conjugal, HAGHÉFEIRRRRIMIISHRUIEREIÉHEEHAIREE SK Quatricme © dernier deoré de la forma tion de l’homme. ’Intelligence travaille fs prompte- ment à fon heureufe compoftion, que fi nous avions la faculté de ja voir agir de jour en jour , nous y remarque- rions à chaque moment quelque cho- fe de nouveau. Les membres qui envelopent len- fant , font dans le troifiéme mois de lu- .ne de la grofleur du poing , & le Cho- rio commence déja à fe coler au fond de la matrice ; mais de telle forte, qu’il n’empéche point écoulement des hu- meurs qui viennent des vailleaux éja= culatoires. Si cela r’étoit pas de la for- te, quelle sparence y auroit-il queles matiéres blanches & fpermatiques, dont l'enfant fe nourrit encor , en puif- fent fortir inceflamment ? Quoïque l’on ne demeure poïnt d’a- cord des vaïfleaux qui portent cette matiére blanche à enfant, cependant on doit croire qu’il yena, puifqué les hu- confidéré dans Petat du Mariage. 161 bumeurs qui font renfermées dans le Chorion & dans P Amrios, ont fervi juf- qu’alors de matiére à former toutes les parties de lenfaut , & puis à le nourrir pendant tout ce tems-là. Si bien que Von peut conjedurer que ces humeurs fpermatiques fe ferotent épuilées , ft elles n’avotent cté rafraichies par d’au- tres. Et je ne doute pas que les ata-. ches fpermaiiques & les racines dorfa- les d’Avicenne & de Varolene foïent les vaifleaux qui portent au fétus la femen- ce de la femie pour le nourrir. Car de s’aller perfuader qu’il fe nourriffe d'abord du farg de {a mere, c’eft ce que Je ne feurois croire , non plus que Galien & Fernel. | Si le fang des régles eftretenu quels ques jours dans une femme vuide, l’ex- périence nous montre qu’il fe cor- rompt & qu’il fait dans le corps de la femme tant de défordre en peu de tems , qu’il y met une difpofition à toute forte de maladies. A plus forte raïfon , s’il eit retenu plufieurs mois dans une femme groîle , fera-t-il moins capable de nourrir un enfant délicat, | O 3 qui 162 Tableau del Amour conjugal, qui ne s’eft jufques-ià entretenu qué d’a'ïmens fort purs & bien préparez. Ce fanz fuperfiu s'écoule donc les premiers mois de la groffele, en par- tie par les régles de quelques jeunes femmes fanguines : pour les autres qui ne fe purgent pas aïnfi , la partie la plus mauvaife demeure dans leurs veines, pour leur faire miférablement paf- fer tout le tems de leur groflefle , à moins qwelles ne foient extrême- ment fortes pour y réfiiter. Cepen- dant la nature qui ménage fagement fes produ&ions , diffipe ce mauvais fang des femmes , ou bien elle en évacuë les excrémens par la bouche, en vomillant, ou par les autres Ireux deftinez à cet ufage. Pour Pautre, qui en eft la meïilieure partie , elle la change en matiére bianche pour la nourriture de l’enfant , comme nous allons le prouver. La femence de lhomie n’a pas feu- lement la vertu d’être la principale matiére de la génération, elle rend eñ- cor la femence des femmes fécondé par fes efprits, qui fe broüillent par tou!€ cenfidéré dans Pétat du Mariage. 163 toute la malle de leur fang. Car quelle aparence que dans Îa plupart des fem- mes qui ne font pas ordinairement ré- glées , les premiers mois de leur grof- fee le fang des régles ne fit pas de dé- fordres, s’il nétoit changé en femence, par la faculté fermentative & particu- liére de la femence de l'homme ? Et quel moïen encor que Ia femme püt engendrer tant d’humeurs bia Ra durant les premiers mois de fa groffef- fe pour former & nourrir fon enfant , fi Je fang des régles , comme en étant la premiére matiere , ne fervoit à cet ufage ? | La femence de homme qui change en Jait le fang qui refle après que la femme groffe s'en eft nourrie , change auffi en matiére blanche & fpermati- que le même fang, pour fervir de nour- riture à l’enfant qu’elle porte dans fes entrarïiles. 1. Prefque tous les Médecins ont crü les uns après les autres, que l'humeur claire qui eft contenué dans l’Azrios , étoit Ja fueur de enfant , & que celle ti renfermoit Le Chorion en étoit l'u- rine. 164 Tableau del Arnour conjugal, rine. Et parce qu’ils n’ont pu décous vrir lorigine ni l’ufage de ces liqueurs, Ils ont acommodé la nature à leurs pen- fées & fe font imaginé que les chofes étoient autres qu’elles ne font vérita- blement, C’eft pourquot ïls ont fait pañler Pouraque , qui eft le fufpenfoir de la veffie, jufqu’au de - là de l'AÆmmios, afin de porter urine dans la cavite du Chorion , au lieu que ce lien fe termine feulement au nombril , & qu’il r’eft jamais troué que contre les ordres de la nature , ainfi que expérience nous le fait connoitre, 2. En fecond lieu , d’où pourroit ve- hir cette urine & cette fueur. dans un fétus qui n’a pas encor des reins fa- briquez ni de veffie formée , & quine s’exerce pas avec aflez de violence pour fuer ? 3. D'ailleurs , le petit oïfeau qui eft renfermé dans fa coquille , quine fuë & qui n’urine Famais, a pourtant ces deux humeurs féparées : & pour ne parler ici que du poulet , après. que Pœuf dans lequel ïl eft renfermé aété çouvé pendant 8. ou 10. Jours, on y remar- confidéré dans l'état du Mariage. 165 “femarque dans lune de fes membra- nes une humeur fort claire, que lon apelle le lait de Pœuf, & dans l’autre une matiére un peu plus épaille, que lon nomme le blanc. . Au refle, fi ces matiéres étoient de l'urine & de la fueur , qw’eft-ce qui auroit la vertu de les conferver fans fe corrompre , & fans corrompre les enfans , pendant tout le tems qu’ils demeurent dans les flancs de leurs meres ? Ii faut donc avouer que les humeurs renfermées entre.les membranes du fé- tus, font plutôt fon aliment que lPex- crément de fon petit corps. s. S’il faut prouver cette opinion par lPaxiome des Philofophes , on peut dire que nous devons d’abord nous nourrir de femence, puifque nous en avons été formez , car , outre qu’au commencement nous ne découvrons point de vaïileaux qui portent du fang de la mere au fétus, le fang des régles, comme nous Pavons dit, eitune nour= riture trop élorgnée pour fe changer dans les parties d’un petit corps ten- dre, 166 Tableau dé l'Amour conjugal, dre. Maïs quand Penfant eft accompli & qu'il a changé de tempérament, c’eft alors qu’il a befoïn de plus d’ali- ment & du fang des régles, quieft une autre forte de nourriture qui lui vient de la chair de larriére-faix. . 6. D'ailleurs , les femences étant des émanations & des extraits de la plus pure partie du fang de nos parens , quel inconvénient y a-t-il à croire qu’elles ne puiflent encor devenir fang , puifque la goute du fang qui paroit quelques jours après la con- ception , eft engendrée de fernen- ce & multipliée par cetie même mas tiére ? rt 7. L'expérience nous fait voir que tous les oïfeaux fe nourriflent d’abord du blanc de leur œuf par les veines qui y font difiribuées ; & que cette nourri ture leur manquant, ce qui arrive fur la fin de leur prifon, ils fe fervent du jau- né, que lon trouve attaché à leur nom bril 8. ou 10. jours après qu’ils font fortis de leur coquille. Si je fang des régles a du raport au jaune, & la fe= mence de la femme au blanc de œuf, ne confidére dans l'état du Mariage. 167 ne dévons-nous pas croire que les en fans fe nourriffent d’abord de la feinen- ce de leurs meres ; puis de leur fang fur la fin de la groffeffe ? 8. Nous trouvons dans lArmrios une humeur claire , douce & agréable au goût, que fa nature a ainfi pr'parée pour fervir aliment prochain à en fant ; & dans le Chorion une autre ma- tire un peu plus épaifle qui en eft la- nent le plus éloïgné. L’une & Pautre de ces matiéres fe figent & fe caïllent, quan on les expofe au feu; fi bien que Von ne fe tromperoit point , fi lon croïoit qu’elles ont les mêmes quali- tez &: les mêmes ufages que le blanc de Pœufà l'égard des oifsaux ; car fi le blanc nourrit le poulet , aïnfi que nous Favoris remarqué, Je ne vois point de raïfon pourquoï cette humeur blanche de la femme ne pourroit pas auffi fer: vir de nourriture à lPenfant , & avoir de pareils ufages. Il ne faut pas douter, felon ie fentiment d’Æipocrate , que la matiére claire de PAwmios ne pénétre le corps tendre de Penfant, que la bou- che me la fuce ,que fon gofier ne Pati- 6, 168 Tableau del Amour conjugal, re , que fon eflomac ne la recoiïve ; puifque nous trouvons dans lPeftomac des enfans nouveaux nez une matiére chyleufe & dans leurs gros boiaux des excrémens ROIS. 9. Après-tout, on doit être perfua- dé que l’enfant , pendant tout le tems qu’il demeure dans le ventre de fa me- re, fe nourrit des humeurs qui fe trou- vent renfermées dans fes membranes 3: car qui luf auroit apris , dès qu'il eft né , de prendre & de fucer la mammel- le de fa mere, fi auparavantil ren avoit apris l’ufage & le métier lorfqu’il étoit dans fes entraïlles ? On doit donc conclure de taut ce que nous venons de dire, que Îes hu- meurs contenues dans les deux mem- branes , qui envelopent le fétus , ne font pas de purs excrémens , maïs la matiére pour le former & pour le nourrir. Si nous avions des obfervations de tous les mois , nous aurions fans doute plus de lumiére que nous n’en avons, pour connoître de quelle façon la na- ture agit lorfqu’elle nous forme. Et f les LE déni iii conféré dans l'etat du ALariage. 169 4es Médecins voulotent fe donner un peu plus de peine qu'ils ne font ordi- nairement , je me perfuade que dans peu de tems nous ferions des décou- vertes , qui nous aprendroiïent des chofes admirables touchant fa forma- tion de l'homme. Il y à environ fix ans que je fis ou- vrir une femme qui étoit morte groffe de quatre mois | & après avoir coupé deux membranes qui couvroiïent len- fant , J'aperçüs que tous fes petits membres étoient diflinguez ; que fa tête étoit plus groffe à proportion que tout Le refte du corps ; que fon cerveau étoit comme du lait caïllé , avec quel- ques fibres rouges qui le traverfoient : que fes yeux manquoient de paupié- res, fon nez de chair, fa bouche de 1é- vres , & fon vifage de joués : que fa poitrine étoit divifée entroiïs cavitez prefque égales. La fagoné étoit placée dans la plus hante. Cette partie étoit beaucoup plus groffe que dans les hommes parfaits, & elle étoit pleine d'une liqueur blanche comme du lait. Le poulmon , le foïe, larate & les reins Tone IL. P qui 170 Tableau de l'Amour conjugal, : qui étoient tous d’unrouge mourant, ocupoient la capacité inférieure , & le cœur renfermé dans fon péricarde, étoit dans celle du milieu. Cette derniére partie fembloit être double , par la tu- meur de fon ventricule droït & de fes deux petites oreilles. L’eftomac étoit rempli d'une humeur un peuépaifle, femblable en quelque façon à celie que renfermoit lAwmios. Les petits boïaux contenotent une matiére chy- leufe , &les gros en renfermoient une autre un peu noire , qui étoit de Îa confiftance d’une opiate liquide. Le boïau cecum n’étoit qu'un apendice, non plus que dans les hommes , & ïl ne formoit pas un fecond inteflin, comme on laperçoit dans les pour- ceaux. Il y avoit un peu d’urine dans Ja veffie & un peu de bile dans le vé- ficule du fiel. La coëfe fembloit étre une petite nuce , qui flotoit fur les boïaux dans le haut du ventre. Les reins étoient divifez en plulieurs pett- tes boules , comme font ceux des veaux, & par-deffus on obfervoit dans la graiffe d’autres parties rougeâtes &c com- confiäcré dans l'état du Maïiage. V7X comme glanduieufes, que Partére adi- queufe arrofoit, qui étoit auf grofle que l'émulgente. Les tefticules étoïent dans le ventre, car c’étoit un garçon, au même jeu que ceux des femmes, un peu au-deflous des reins. Les piez & les mains commençcoiïent à fe garni d'ongles , & les mufcles paroïfloient rouges par le fang dont ils étoïent apa- remment déja pourris. Le Chorion etoit comme cole à quelque fang caïllé qui {ortoit.du fond de la matrice , de Ja méme maniére que nous voions un potiron ataché à un arbre ou à la raci- ne dun chardon qui lengendre. Je remarquois encor que les vaïlleaux ombilicaux venoient du bas & s’allon- geoïent en haut , après avoir percé les deux membranes de lenfant , pour fe joindre au milieu de la partie charnuë de Parriére-faix, ce qui fut fait apa- remment dans 8. ou 10. jours, fi la me re ne fut morte avec l'enfant. Je trou- vai aufli beaucoup de matiére blanche & mulcilagineufe , entre les membra- nés de Penfant & la matrice, & après avoir coupé moi-même un des vaif- | Pt2 feaux e $72 Tableau del Amour conjugal, feaux éjaculatoires de cette femme, qui étoit gros comme Îe doigt , il me parût rempli d’une matiére blanche, qui reflembloit à la femence d’une femme. La matrice dans fon fond ctoit épaifle d’un bon pouce, & fpongieufe comme une éponge. J’y aperçüs des varices en aflez grand nombre , & quelques veines remplies d’un fuc blanc , qui étoient vifqueufes en plu- fieurs endroits. Ce qui fert à l'enfant pour fon orne- ment & pour fa défenfe , eft formé dans cinq ou fix mois. Les cheveux percent alors la peau, & l’on voit ve- nir les ongles aux mains & aux piez. Les paupiéres commencent à couvrir les yeux , le nez à fe garnir de peau, les mufcles buccinateurs | qui font les joués à rougir, & les lévres font les der- niéres parties à fe former : on aperçüt encor alors les oreilles imparfaites , & Pon commence à voir la poitrine qui fe difingue des parties bafles , par le diaphragme qui fe forme. Pendant que toutes ces parties sla- vancent de la forte , celles que nous apei- confidéré dans Pétat du Mariage. 173 apellons principales & néceflaires à la vie , fe perfeionnent & s’acomplif- fent auf. Le Chorion elt attaché plus qu'auparavant à la partie charnuë de lParriére-faix qui eft de [a hauteur d’un travers de doigt , & qui reçoit déja linfertion des vaïffleaux ombilicaux. Ces vaïfleaux commencent à y puifer la matiére qui contribuë à nourrir l’en- fant, qui eft déja affez grand pour avoir Befoin de plus de nourriture qu’aupa- ravant. En éfet , Riolan me confirme dans mon opinion , par une hiftoire qu’il raporte d’une femme groffe de cinq mois dont il fit la difle&tion en l'an 1612. Ses teflicules étoient plats, blan- châtres & comme atachez au milieu du dehors de la matrice. Les cornes de cette partie étoient groffes comme Je doigt ; maïs [a droite létoit plus que Pautre, & toutes deux remplies d’une humeur blanche, Son col étoit dur & calleux , & cependant humeé d’une matiére gluante. La partie charnuë de wifarriére-faix étoit épaifle d’un travers de doigt , & jointe au fonds de la | ns mairie 174 Tableau del Amour conjugal, matrice par de petites fibres. Cette hifloire nous fait connoître que cet enfant étoit forti de la corne droite de la matrice , puifqw’elle étoit beaucoup plus élargie que Pautre : que les vaifleaux cjaculatoires ne feroient pas fi gros, & ne contiendroïent pas une fi gr rande quantité de matiére b'an- che, fi cette matiére n’avoit fes ufages particuliers : favoir, de nourrir l'enfant dans fes premiers mois & d’y contri- buer encor dans fes derniers : enfin, que l’enfant aïant communication avec la partie charnuë de Pariiére faix, il fait conjecturer qu’il fe nourrit de diférens alimens. La chair de Parriére-faix, eftun fang figé par la femence de la femme , quia été renduë féconde par les efprits de la femence de ’honme. Cette chair n’eit pas femmblabie à celle des vifcéres; elle fe déchire aifément avec les ongles: fa moleffe & fa fubflance fpongieule en étant une des principales caufes. C’eft ce qui la rend fi prompte à s'ahréuver du fans qui diitrie incefflament,, en forg- me de rofée, par les petites artéres de. confidére dans l'état du Mariage. 175. la matrice. Sa figure eft convexe, du côté qu’elle touche cette partie-là. EL. Je a des fentes, des f£zus , ou des iné- galitez qui Pempêchent d’être fuffo- quée par les humeurs, qui pourroïent lui être communiquées en abondance du côté de la matrice. Toute fa fubf- tance eft pleine de vaiffeaux , qui font plutôt des artéres que des veines, 2fin d’aténuer & d'inciter le fang qui a fer- viune fois de nourriture à l’enfant, & rectifier celui qui vient de nouveau du coté delamer. Ces vaiffeaux font des produé&ions de ceux de Penfant, que fon intelligence a pouffez jufques dans Parricre-faix , pour y chercher de quoi nourrir Ja petite créature qu’elie a formée. St la matrice ouvre de fon côté huit ou dix petites artéres, pour difiribuer du fang goute à goute à la chair de l’ar- riére-faix, cette chair en a pouffé plus de quarante dans le fonds de là matri- ce : & ainfi les femmes qui acouchent ne courent pas ordinairement tant de rifque de perdre la vie qw’on feie per- fuade, par Pépanchement du fang de : leurs 176 Tablean del Amour conjugal, leurs vidanges, puifqu’il y a de {eur côté fi peu de vaifeaux ouverts. L'enfant eft fitué d’une certaïne fa- çon dans les entrailles de fa mere, que fes vailleaux ombilicaux montent en haut pour chercher de quoi vivre, comme fait le germe d’une femence qui cherche Pair. Ils font fortifiez d’u- ne membrane épaifle & gluante, qui eftune production de la peau du ventre de enfant & des autres membranes communes. Après qu’ils fe font allon- gez de ia longueur d’environ cinq piez, ils fe jettent dans le milieu de la chair } _M, L£ - de Parriére-faix. Les autres s’y font faï- re place par ie mouvement de leur” fang, qui raréfie & fubrilife humeur qui s’y rencoñtre , qui n’eft pas ordi- pairement trop bonne; & après fut avoir imprime fon mouvement, ii Îa fait prompiement pafler dans Ja veine qui eft renfermée dans le même étur. Cette veine a de diftance en difiance ‘de petites vaivules, pour empêcher aue le fang ne coule avectrop de pré- cipitation, & qu’il ne fufoque lenfarkr. C'eft par ces petits nœuds que les Ma- i0= confidere dans Pétat du Afariase. 177 trônes devinent ce qui doitarriver à la mere , & c’eft aufli contre ce proncf- tic, que S. Chryfofiéme parle d’un ton fi haut & éloquent. Si lon veut favoir comment circu- le le fang dans la chair de Parriére-faix, & comment il fe communique à Pen- fant, l’on n’a qu'à lier le Cordon, & lon verra que la veine s’enfle du côté de Parriére-faix, & que lPariére bat du coté de l’enfant, & ainfi lon n'aura plus de doute fur le mouvement de fes humeurs. Nous avons fujet d’admirer {a fitua- tion de lPenfant dans le corps de Ia femme ; il a toujours la tête en bas, fe- Jon les loix de la nature, afin d’être prêt à fortir, quand ïl en fera queftion ; la groffeur & la pefanteur de fa tête lu faifant garder toujours cette pofture. Son vifage eft tourné vers!e dos de fa mere, fon nezelt entre {es genoux, & il a fes deux poings près de fes jouës. Ses coudes touchent fes cuiffes, & fes ta- lonsfes feffes; fi bien que dans cette pof- tire 1l demeure neuf mois, fouventen Gormant , & quelquefois en veillant & en 178 Tableau del Amour conjngal, en s’agitant avec affez de vigueur. Car quoique les nerfs des enfans ne foient pas durs, ils font pourtant auf gros & même plus gros que les nôtres, & af- fez capabies de caufer des mouvemens fenfibies. Au commencement du dixiéme mois de lune l'enfant eft dans fon en- ticre perfedion ; toutes fes parties font acomplies , & 11 n’afoire qu’à fa liberté, La irqueur dans laquelle il nage , de- vient vieille & corrompuë, parce que, d'un côté , il en a pris le meilleur, pour fe nourir depuis le commencement de fa vie, & que de lautre il s’y eft mêlé une infinité d’excrémens qui l'ont infectée. Son urine qui fort de fes par- es naturelles, & nond’aïlleurs , & les ordures de fa peau ont corrompu cet- te iiqueur. C’eft un prifonnier infedté de l’air de fa baffle - fofle : # brife fes liens, & fait un éfort pour aller ailleurs chercher une demeure plus commode. Son eflomac ne peut plus foufrir une liqueur corrompuë ; elle fait de mau- vaifes imprefBons fur fon cœur, & fe efprits en font altérez. Peut-être eft= ce confrdéré dans Pétat du Afariage. 179 ce pour cela que depuis le milieu juf- qu’à la fin de la grofieife de la mere, fa nature lui a fourni du fang affaïfonné de la mantére qu’il le faut, pour éviter la mauvaife nourriture des liqueurs renfermées entre les membranes de Varriére-faix. C’eflen ce tems-là que Porifice interne de la matrice, qui reflembloit au commencement de {a grofieffle au mufeau dun chien naif- fant , ou plutôt d’une poule , n’eft plus qu'un petit bourrelet, & encore eft-1l éfacé par Pélargiflement de Ja matrice ; ce qui eft le plus fûr & le plus véritable fgne de l’aproche des couches. Ces liqueurs qui font devenuës des excrémens , ne manquent pas pourtant d'ufages. Elles s’opofent, d’un côté à aux accidens externes qui pourroient Juï caufer la mort, lorfqu’ïl eft encor dans les flancs de fa mere; & de dau tre , elles doivent un jour faciliter Pae couchement en humeëant les parties turelles de [a femme. | * [y a encor une autre caufe de l’a4 couchement, qui eft auf naturelle que : celle 180 Tableau de l'Amour conjugaf, celle dont nous venons de parler. La chaleur qui réfide dans nôtre cœur ne peut durer long-tems, fielle n’eftéven- tée & frelie ne fe décharge de temsen tems des excrémens vaporeux qu’elle engendre. Lorfque ce feu efl venu à un degré de force qu’il ne peut plus fou- frir d’acroiflemens, fans courir rifque de périr par la fuffocation, Je cœur de l'enfant en feroit bien-tot étoufé, fien fe dégageant des liens dont il eft ata- ché, il ne cherchoït aïlleurs dequoi fe rafraîchir, par le moïen de Pair que fes poulmons doivent refpirer : c’elt aufli pour cela que Pon a quelquefois enten- du le cri de quelques enfans quiétoient dans le ventre de leurs meres, comme voulant refpirer avant que d’être nez. Cette caufe, aufli - bien que Pautre , oblige les enfans de forir pour fe don- per la liberié. Ce n’eft pas qu'ils man- quent de nourriture , puifqu’il leur en vient fufifamment du côté du Cordon. C’eft donc l'enfant qui par fes éforts donne le branle à Pacouchement; c’e Jui qui brife fesliens & les membran qui l'embarañlent; c’eft lui qui vent vivre « confidere dans l'état du Mariage. 181 vivre tout feul, & qui a deïfein de fe fervir de la nourrice. Pour cela il fra- pe fortement {es entrailles de fa mere, _ Qui étant extrêmement fenfibles, font obligées de s'élever contre lui & dele chafler dehors. Il caufe donc les pre- miers éforts , & la mere acheve; car dans Pacouchement, lorfaw’il eft dans le pas, la tête fortie, if eft fouvent fi étonné de fes propres forts & de ceux de fa mere, qu’il n'y a alors que 1a fem- me qui agifle, pour le mettre dehors par la violente agitation des mufcles de fon ventre. Quelques -uns ne peuvent croire qu'un enfant puiffe demeurer dans les flancs de fa mere fans refpirer ; parce, difent-ïls , que la vie eft tellement unie à [a refpiration , que nous ceflons de vivre, lorfque nous ceffons de ref- pirer. | Mais s’ils avoient exa@ement conf- déré les poulmons des enfans de huit ou neuf mois, ils feroient convaincus du contraire, Ils auroïent obfervé que le poulmon ne fait point alors les ac- tions qu’il fait dans les hommes par- Tome 1Z. Q Ru 3 182 Tablean de D Amour conjugal ; faits ; car dans les enfans cette partie fe nourrit fans fe mouvoir ; ainfi que la couleur de fa fubftance nous le mar- que. Îls auroïent encor apris que le fang ne circule pas dans leur pouimon comme dans le nôtre , puifqu’il paffe par le trou ovaiaire du féptm ou de Ventre- deux du cœur, aïnfr que la fort bien remarqué Botal. Au refte, f: quelques animaux par- faits vivent fans refpirer, aïnfi que font la piüpart des poiilons, ne pouvons- nous pas croire que les enfans peu vent bien vivre quelque-tems fans ref- pirer ? L’eau de la mer rafraïchit le cœur des poiflons,& fait [a même fonc- tion dans leur poulmon, que l'air dans le nôtre ; & Penfant qui nage auffi par- mi des eaux , fe rafraïchit par-1à, & tempére la chaleur qui eft d’abord aflez modérée ; fi bien qu’alors il n’eft pas néceffaire qw’il refpire, Jufqu’à ce que fa petite chaleur naturelle , & fe petit feu de fon cœur, fe foient aug- mentez , & l’aient obligé de rompre {es Jiens pour chercher fa liberté. Où peut encor ajoûter à cela, 48 es confidèéré dans l'état du Mariage. 183 les alimens dont il fe nourrit , font plus épurez & moins chargez d’excrémens, que ceux dont nous nous nourrifions ; car toutes les parties nourriciéres de la mere les nétoïent de leurs ordures & les filtrent pour les épurer davan= tage. Le foïe de larriére-faix les coule dans fa chair fpongieufe, & les vifcé- res de lenfant les corrige encor : fi bien qu'après cela les alimens font purs, & n’ont pas befoin d’être encor épurez par la refpiration : fon cœur n’eft pas fr incommodé des vapeurs fuligineufes du ang, & ïl peut faire fon action, fans avoir befoïn de refpiration comme le nôtre. - + Après que lenfant eft né & que Par- riére-faix eft forti, felon les loix de la nature , la matrice qui eft toute ouver- te alors fe referme incontinent, & trois heures après on n’y fauroit met- tre la main. C’eft ce qui m’a caufé fouvent de Padmiration , auffi- bien que la verge de Phomme , qui étant roïde pour engendrer , devient fi flé= trie & fi petite après fon ation, qu’en hyver on auroit quelquefois de la pei- 2 ne : - LS 184 Tableau de P Amour conjugal , ne à latrouver. Ce font des coups de ja nature , qui eft admirable dans tou- tes fes aétions , &'qui fait plus paroître la puiffance & fes merveïties dans la production de l’homme & des ani- inaux , que dans toute autre ocafion. HÉRTORHOHEEOTEHEHESEES C'HA PTT AR Du faux - genre CE dn faracan. 1É À nature dans fes ouvrages fe pro- | pofe toujours une fin: Elle n’en- treprend jamais de génération quelle n'ait un principe certain & déterminé. St elle manque quelquefois à faire ce qu'elle s’eft propofé, ïl faut plutôt en acufer les caufes qui concourent avec elle , que de publier qu’elle s’efttrom- pée. Si quelquefois eile ne faït point dans les femmes de veritable con- ception , on ne doit atribuer la fau- te qu’à la matière fur laquelle elle tra- vaïlle, qui n’efl pas difpofce à faire des générations humaines. Tant de con- ditions font néceliaires pour faire un enfant , ’ confidèéré dans état du Mariage. 185 enfant, que s’il en manque queiqu’une, il n’en faut atendre qu’un faux-germe ou un fârdeau, ou tous les deux enfem- ble. Et pour parler en particulier fur cetle matière qui me paroïît fort difict- le, on me permettra feulement de Pé- baucer , fans l’examiner au fond, f’aiant lü aucun Auteur , filon excep- te J’allériola , qui en dit auelque chofe, qui m’ait Indiqué commert fefontles irrégulariez de Ja génération. Je ne parle poimt ici des Monftres, qui font des chofes extraordinaires dans la nature , & qui re viennent point de la conception ni des femen- ces des fexes humains : maïs je parle des erreurs de la conception, qui font faites par le défaut & les maladies de la femence,ou par l'abondance & a mau- vaife qualité du fang des régles. Car la véritable , auffi-bien que la faufle con- ception , fe fait par le mélange de {a femence de homme & de la femme, ainfi que noûs lavons prouvé aileurs & que nous le ferons encor voir dans la fuite de ce difcours. Lä femme n’a pas [a puiffance de fe Q 3 pale 186 Tableau del Amour conjugal, olluer comme homme, ni de fe dé- charger de fa femence fuperfluë. Elie la garde quelquefois fort long - tems dans fes tefticules, ou dans les cornes de fa mairice , où elle fe corrompt , & devient jaune , trouble ou puante, de blanche & de claire qu’elle étoit aupa- ravant. Au lieu que l’homme fe pol- luant fouvent, même pendant le fom- meil, {a femence eft toujours nouvel- le, & ne demeure jamais dans fes con- duits pour s’y corrompre , à moins qu’il ne foit mcommodé. Alors fa ma- ladie Ia rend fouvent inféconde, Et fi elle eften ce tems-là communiquée à une femme faine & fertile, ou ellene caufe point tant de génération, ou fi elle en caufe , elle fait un enfant mala- de & valétudinaire. 1. Tous les vices & les irrégularitez de Ia conception viennent donc plu- 10t du côté de la femme que de Phom- me. Si par hazard la femence de Phom- me rencontre la femence corrompue de la femme, il ne faut pas alors en ef- pérer de véritable conception. La fe- mence de Phomme a beau avoir loupe es confidére dans l'état du Mariage. 187 les qualitez néceflaires pour engen- drer , elle ne peut néamoiïns produire un enfant , fielle trouve des humeurs qui la rendent incapable de faire fon adion naturelle : fi dans la matrice elle fe mêle avec une fcrofité corrompuë & virulente qui détruit fon ame, que Galisn apelle efprit génitif; & fi entn entrant dans lune de fes cornes & fe communiquant à la femence de la fem- me , elle ia rencontre trouble & inca- pable de recevoir fes impreffions. Car quelle aparence y a-t-ïl que la femen- ce de la femme foit émuë par les ef- prits actifs de celle de Phomme , & qu’elle en foit comme caïlite , pour me fervir de ’expreffion de PEcriiure, fi elle-même manque d’efprits, & fi el- le a perdu par fa corruption ce qu’elle avoit de meilleur & de plus actif? Cependant la nature qui n’eft ja- mais dens l’oïfiveté, ne laïlle pas d’a- gir inceflamment , & par le moïen des efprits de la femence de l’homme, d’a- gitér en quelque façon la femence corrompuc de la femme , qui r’aïant nulle difpofition à former les parties | d’un 158 Tableau de ? Amour conjugal, d’un enfant , s’enfle feuiement , fe mul- tiplie & fe fermente en quelque facon. Après quelques femaïines, la boule ainf enflée , eft jettée par le mouve- ment de la trompe daris la cavité de la matrice, où elle s’enfle encor davan- ce :elle eft la entretenu£c & fomentcé par des humeurs féreufes , ani péné- trent les pores de fa membrane & qui lui communiquent dequoi la faire croître, Deux mois & demi , trois ou quatre mois au plus ne fe font pas plutot écou- lez , que la natnre voïant qu’elle tra- vaille en vain fur une matiére qui n’eft point propre pour être animée, fe dé- jait enfin de ce faux- germe par des éforts & des douleurs infuportabies, & par des accidens irréguliers. Car }a femme qui le porte, fe fent plus groffe & plus incommodée , que fi elle avoit conçù un enfant : & la matrice pen- dant le tems de la faufle groffeffe, fai- fant tomber de fon fond une rofée con- tinuelle de fang , s’épuife peu-à-peu elle-même , ce fang ne pouvant êtré retenu par une Boulé aniinée, Enfin, | apres corfidére dans Pétat du Mariage. 189 après le tems prefcrit par la nature, ce _ faux-germe fort quelquefois auffi gros que le poing , comme l’expérience me Pa montre. I! efl couvert d’une peau allez dure , qui n’eft autre chofe que la membrane qui envelopoit la femence de la femme, lorfqu’elle étoit dans Pu- re des cornes de Ia matrice. Si Pon coupe cette boule, on y trouve une humeur jaune & corrompué , fouvent fembiable à de la bouilire, & cette humeur n’eft que la femenñce de la fem- me qui avoit de mauvaifes qualitez , & qui a cité enfuite fomentee & entrete- nué par une femblable matiere. 2. La feconde efpéce de faux-ger- me eft d’un autre die & s’engendre d'une autre forte. L’efprit génitif qui réfide dans la femence de l’homme, quelque fain & quelque air qu’il puif- fe être, eft prefque étoufé par le mé- lange des humeurs cruës & féreufes qu'il rencontre quelquefois dans la matrice dès qu'il y eft entré, fi bien que {e coulant enfuite dans lune de fes cornes , il ne peut y faire aucune production, s’il y trouve de pareïlles liqueurs 190 Tableau de P Amour conjugal, liqueurs qui foïent rebelles a fon im- preffion ; d’où vient qu'il ne faut pas s’etonner , s’il ne peut imprimer fon caractére fur des matiéres fi irrégulié- res, & s’il fe fait un fanx-germe ou une fauffe conception. H fort feulement de la femence de l’homme ainfi mêlée, quelques efprits foibles & languiffans, qui pénétrant plufieurs boules & le corps même de [a femme , mettent plutôt fes humeurs en mouvement, qu’ils n’en entreprennent de géné- ration. Les efprits de [a femence de lhom- me ne pouvant donc agiter la femence de la femme , ne laïffent pas de péné- trer Jufques dans la mafle de fon fang qu’ils excitent tant foit peu, & qu’ils font fufifamment fermenter , pour faire egouter dans la cavité des cornes plu- feurs goutes de femence , dont plu- fieurs boules font formées. Ces boules qui n’ont pas tout ce qu’il faut pour la génération, font fucceflivement chaf- fées dans la cavité de la matrice , après que Ja chaleur naturelle à fabriqué une petite peau mince à chacune gs, ou= Kw LE L confidére dans l'état du Mariage. 107 boules, comme le feu du four produit la croute du pain. Quelque - tems ne s’eft pas plutôt écoulé , que toutes ces petites boules fe joignant les unes aux autres par de petites fibres , font la grape du faux. erme , oUun Corps à peu près fem- blable à la chair du col d’un Coq d’in- de. Ces fibres charnuës font produites par quelques goutes de fang, qui fort plus ou moins abondamment du fond de [a matrice, dans le fecond ou le troi- fiéme mois de la fauffe-orofle. Je ne fauroïs prouver plus claire- ment ce que je dis , que par lhiftoire de Mademoifelle L... que je ne veux pas répéter ici , & que j'ai raportée tout au [long au chapitre précédent, article 6. figure 7. Ce que dit Vallériola fur cetie matiére de Louifon & de la femme de Georges, confirme ma penfée., La premiére, après fix mois de grof- fefle aparente , rendit une grofle grape membraneufe , à laquelle une infiuité de petites boules, femblables à des œufs de poiflon , étoient atachces ; elles contenoient un humeur qui étoit de- venuë 102 Taolean del Amour conjuzal, venué jaune , trouble & puante par un trop long fejour. La nature ne peut foufrir fong-tems ces fauffes-générations. Elle s’en défait quand eile le juge à propos , par des douleurs & des tranchées diférentes de celles des véritables acouchemens. Car ce faux-germe, auffi bien que l’au- tre , ne féjourne guéres plus de quatre mois dans la matrice fans (e corrom- pre; & s’il y demeure jufqu'au $. 6. ou 7. mois, qui eft Le plus iong féjour de es faux - germes , lPexpérience m'a apris que leurs humeurs ne font plus claires, ni blanches, maïs jaunes, trou- bles, corrompués, ou puantes. 3. La troilieme efpéce de faux-ger. me , eft un faux-germe animé. Je le 1omme aïnfi, parce qu'ilne reprefen- te pas la figure d’un homme, mais de quelqu’autre animal. Il fe forme de cette forte. | La femence qui eft renfermée dans l’une des cornes de la matrice d’une femme, ne contient pas toujours des matiéres entiérement corroimpuëes & incapables de recevoir jes Hrpseihons e ù | confideré dans l'état du Mariage. 193 de la femencé de l’homme , comme dans le premier & le fecond faux-ger- me:elle ne conferve pas aufli des ma tiéres pures comme dans la véritable conception; mais ilarrive quelquefois que la liqueur de la boule eft mêlée de bonnes & de mauvaïles humeurs, com- me nous voions de bon & de mauvais fang fortir d’une veine piquée ; fi bien que dans cette boule,il y a des liqueurs fléxibles & fecondes, & d’autres étran- géres & incapables de recevoir le ca- radére que peut leur imprimer la fe- mence de l’homme. Quelque forte & quelque a&ive que foit cette femence , eile ne peut com- muniquer fa vertu qu’aux matiéres dif. pofées à recevoir fos impreflion:defor- te que fi la femence de la femme & les efprits de cette même femence font en petite quantité , & qu'outre cela ils foïent en partie inflexibles , Irréguliers & languifans , quelle aparence y a-t-il qu’ils deviennent fertiles & qu'il sen faile une véritable conception ? _ If ne fe faut pas imaginer que lin- telligence fe mette en peine de fabri- Tome 1£, K quer 194 Tableau del Amour conjugal, :- quer le corps de ce faux-germe. Dieu n’envoie point une ame immatertelle & incorruptible dans le corps de ce qui n’eft point homme ; maïs toute la fabrique de ce corps doit être atribuée à l’ame, qui réfide dans la femence de l’homme qui agit comme elle peut, en fuivant les ordres que la nature lui a prefcrits. Cette ame donc, que Pon peut apel- 1er humaïne fe voïant obligée par lané- ceflité de fon effence de faire un corps de la matiére qu’elle rencontre,s’aquite de fon devoir , & travaïlle inceflament fur cette matiére inégale pour en faire quelque pénération. Car comme la na- ture veille inceflament à la perpétuité des hommes,elle arme beaucoup mieux faire travailler les agens fur quelque matiére que ce foit, que de les laïffer en repos. C’eft ce qu’eile fait dans cetie ocafon. Le défaut de matiére ne lem- pêche point d’agir, & bien qu’elle en manque pour former un enfant entier, & qu’elle ne trouve poïnt de quoï pour faire les bras ni les jambes , elle ne laif- fe pas pourtant de fbriquer quelque cho- ! cenfidère dans Pétat du Mariage. 195$ chofe , qui reffemble en quelque façon aux agens qui l'ont produit. -» Quoique la matiére fur laquelle la- me travaille , foït mélee avec d’autre qui n’a nulle difpofition à la génération humaine ; cependant elle qui a des dif pofitions convenables , fert à former un tronc animé , qui refflemble à un gros ver ou à un ferpent ; c'eft-à-dire, que ce corps na ni bras ni jambes. Si dans une autre ocafion elle ren- contre un peu plus de matiére, pour former les bras & les cuiffes d’un fétus, alors elle ne fait que les commencer, fans pouvoir les perfe&ionner , fau- te de matiére, & ainfi ces parties im parfaites n'étant pas proportionnées au refle du corps, ïl feforme un fétus, qui reflemble à un lézard, à un rat, fans queue & fans poil, ou enfin àune gre- nouille. Si dans une troïfiéme ocafon, la bou- le où fe forme le fétus efttrop près de Ja matrice , & que là elie foit trop pref- fée par les membranestrop dures d’u- ne de fes cornes, & qu’outre cela le fétus manque de matiére pour être 15e A 2 forme, 106 Tableau del Amour conjugal, formé , alors l’ame ne peut faire qu’un animal qui manquera de quelques par- ties & qui aura les autres en même- tems diformes. C’eft ce que lexpé- rence nous fait connoître , lorfqu’elle nous fait voir des femmes qui acou- chent de quelqw’enfant, qui a la figu- re d’un pourceau, d’un aïgle , ou de quelqu’autre animal femblable. | La boule où ce faux-germe animéeft forme , eft chaflée avec le tems dans la cavité de la matrice, comme le font les véritables enfans, & là cet animal recevant des cornes & du fond de la matrice des humeurs pour fe nourrir & fe perfedionner, croît de jour en jour , jufqu’à ce que la nature en étant Irritée , s’en défalle avec peine , fou- vant avant neuf mois, & quelquefois auf dans le terme ordinaire de la naïf- fance des véritables enfans ; ainft qu’Æoulie nous lapreñd, par Phifloire d’une femme qui acoucha de quelques enfans fembiables à des grenouilies. Quoique lame de la femence de l’homme , ou fi l’on veut, les efprits de cette même femence foient afoiblis pat confidéré dans état du Mariage. 197 par le mélange d’une matiére irrégu- liére , avec laquelle ïls fe font mêlez dans [a matrice un moment avant Îa conception même; cependant ils ont encor la vertu de pénétrer ie corps de la femme & de faire leur impreffion fur toutes fes humeurs qu’ils mettent en mouvement, & qu’ils font enfuite caïl- ler pour faire larriére-faix de ce faux- germe animé. Car le fang des régles coulant du fond de la matrice , acheve de nourrir cet animal, comme il fait le véritable enfant. Maïs parce que le fang de la femme auM-bien que la fe- mence , a des parties hétérogénes, & eft d’une fubftance toute diférente Les unes des autres, ïl ne faut pas s’eton- ner fi larriére-faix, aufMi-bien que Îe faux-germe , a des parties fi diformes, & fi peu femblables à celles d’un arrié- re-farx d'un véritable fétus. 1j y en a quine peuvent croire que ces faux-germes aïent des caufes natu- relles , aïnff que nous venons de Pex- pliquer. Ils penfent que les aftres par leurs diverfes rencontres, font la caufe de Ja génération de ces animaux: mais, R 3 com- 193 Tablean del Arnour conjugal, - comme nous l'avons dit ailieurs , les afs tres font trop éloïgnez de nous pour en être des caufes prochaines. Ils ne font feulement que concourir ,en qua» lité de caule commune , dans toutes les opérations véritables ou dépravées de la nature. | | Rondelet a une plaïfante penfée fur a génération de ces faux-germes animez. If croit que fi les femmes engendrent des fétus qui reflemblent à des lézards, à des hériflons, ou à d’autres pareïls animaux ; on doit les interroger , pour favoir fi elles n’ont point mangé d’her- bes ou büd’eau qui confervât la femen- ce de ces animaux. Car ïl fe perfuade que les vers , les grenouilles ou les au- tres animaux qui ‘engendrent quel- quefois dans les boïaux des hommes, ne peuvent venir que des femences qu’ils ont avalées, & que la chaleur na- turelle a fait éclore dans leurs corps, ainf que la femence de ces animaux étant difiribuée parmi le fang d’une femme , peut être envoïée à la matri- ce, & y produire une efpéce d'animal femblable à celle dont elle procéde. : Maïs confideré dans l'état du Mariage. 199 Mais le fentiment de Gordon & de quelques autres Médecins fur cette matiere , eft ce me femble bien plus probable que ceux-là. Is difent que la mauvaïfe nourriture des femmes fait de mauvaife femence , & qu’elle eft Ia caufe de tous les défordres qui arrivent dans la conception. C’eft pour ce:a, ajoûtent-ils , que l’on apelle, Frêres des nherds , on des Salernitains , les faux-germes animez, que Îles femmes Italiennes engendrent quelquefois avec de véritables enfans, parce qu’el- les fe nourriflent fort mal. Ainf les faufles conceptions fe font par un mé- Jange frrégulier & par une proportion inégale des femences des deux fexes, comme fix goutes d’efprit mêlées avec trois goutes d’eau forte font mal fer- menter la matiére ; maisil en faut fix, pour la bien faire agiter: j'en dis de même de la véritable conception ; il faut une véritable & une égale portion de femence faine des deux fexes pour la bien faire. _: L'expérience confirme cette opi- nion ; ; Car dans tous les lieux de PEuro- PE» oo Tableau de l Amour conjugal, pe , principalement dans les Méridio- naux, où la plüpart des femmes ne fe nourriflent que d'herbes, de légumes ou de fruiis, qui font de mauvais fang & de mauvaife femence , ïl arrive de pareïls défordres dans Ja génération. L'Italie & l'Efpagne nous. fourniffent affez d'exemples fur ce fujet , que nous raporterions ici, fr nous ne craï- gnions d’ennuier le Lecteur , qui pour- ra les lire dans les Auteurs qui les ont écrits. Il eft f vraï que la génération des faux - germes fe fait de la maniére que je l'ai dite , que fi l’on corrige lintempérie des entrailles des femmes, fi l’on purifie leur fang, & fr l’on éva- cuë fes mauvaifes humeurs , qui font de mauvaife femence , on verra bien- tot après arriver de véritables concep- tions, aïnfi que l’expérience nous ie montre. Après avoir prouvé que les faux- germes fe forment par les vices & les défauts de la femence, il faut expliquer à cette heure comment les fardeaux ‘engendrent par Pabondance & la malu- éonfidére dans l'Etat du Mariage. 30 mauvaile qualité du fang des régles. Il y a de deux fortes de fardeaux, quin'ont de cordon ni l’un ni Pautre, comme a le véritable fétus ; l’un paroît avoir quelque principe de vie, & lPau- tre eft tout-à-fait inanimé. Celui - [à ne vient pas feulement de [a femence de Phomme & de {a femme mélées en- fembie , mais encor de beaucoup de fang des régles: & c’eft la raïfon pour- quoi les bêtes n’en engendrent point, n’aiant pas tant de fang de régles que les femmes , & celui-ci ne procède que de la femence de l’homme & du fang des régles, ainfi que nous le fe- rons voir dans la fuite de ce difcoars. _ Le fardeau animé eft une mafie de chair couverte de peau , fans figure humaine, qui a des artéres & des vei- nes avec quelque mouvement obfcur. Ji fe forme de cette forte. Le fang des régles ne fort tous les mois du corps des femmes que par la fermentation que leur femence à excitée dans toute la mafle de leur fang , ainfi que nous Pavons prouvé ailleurs : fi bien qué ce fang a toûjours plus ou moins de fe- mence 202 Tableau del Amour conjugal, . mence dans fa mafle , & par confé« quent eft plus ou moins fufceptible des impreflions que peut lui faire la femence de l’homme. Car cette fes mence fait caïller le fang de la femme, au lieu que la femence de la femme ne le met qu’en mouvement. C’eft à Ia femence de l’homme que lon doit atribuer la formation du fétus. & de larriére-faix , & c’eft auf à cette mé- me femence que lon doit atribuer la vertu de faire les deux efpéces de far- deaux ; favoir , animé & lPinanimé, que nous avons tous deux fouvent ob- fervez dans les Hôpitaux des Païs du Midi , où les femmes groffes font re üés. | La femence de l’homme étant donc Jettce dans la matrice y trouve quel- quefois tant d’humeurs qui embaraf- fent les parties adives de fa fubftance, qu’elle ne peut pénétrer dans les cor nes de la matrice pour y former un en- fant. Elle demeure dans la cavité, comme engluée par labondance du fang des régles qui l’empêche de faire fon action, L’ame de cette femence qui confidére dans l'état du Mariage. 20% qui veut inceflaminent agir, lorfqw’ei- Ye trouve de la matiére tant foit peu difpofée à recevoir fon cara&ére, ne eut demeurer fans rien entrepren- dre. Elle agit donc fur fa femence de Ja femme, qui depuis peu eft fortie en âbondance des cornes de Îa matrice, & qui s’y trouve mêlée parmi beau- coup de fang des régles. Elle en forme quelque chofe d’antmé , maïs quelque chofe d’informe. Elle y fait de la chair qui croît peu-à-peu; elle ÿ forme des artéres, des veines , des figamens, une peau, & donne à tout ce compolé un mouvement tremblant & un fenti- ment obfcur ; comme la nature en donne de fembläbles aux éponges. C’eft de cette forte de fardeau qu’étoit celui qwobferva Æfathieu de Grados, qui après être né, ne vécut que quel- ques momens. 2. Maïs fi la femence de l’homme fe mêle dans [a matrice avec beaucoup de fang des régles, parmi lequel ïl y ait fort peu de femence de femme, alors il ne fe fait nulle conception, le fang des régles étoufe prefque lame & ds es 204 Tableau del Amour conjugal, les efprits de la femence de l’homme 3; & s'ilen refte quelques-uns, ils ne fer- vent qu’à faire caïller & à former quel- ques veines parmi une chair fans fiou- re, ou s’il fe fait quelque forte de con- ception , ce qui eft animé ne vit pas long-tems ; fi bien que Pun & l’autre fardeau ; c’eft-à-dire , & celui quia été peu ce tems animé, & celui qui n’a ja= mais eu de principe de vie, demeu- rant lun & autre fort Jong-tems dans la matrice , ils y croïflent comme des potirons ou des trufles ; & lon en ayüû y demeurer quelques années , ou tou- te la vie même, comme la femme d’un Potier d’étain de Paris, qui porta un fardeau dix-fept ans, & quien mou- rut enfin , felon la remarque d’Awbro;- fe Pare. | Tous ces faux - germes & ces far- deaux fe forment quelquefois tous feuls, comme nous venons de le dire, quelquefois avant Île véritable enfant, & quelquefois aufli après ; c’eft-à-di- re, par fuperfétation. Il n’eft pas plus dificile à croïre que Ja véritable conception fe fafle après Ja confidéré dans l'état du Mariage. 270$ a génération d’un faux-germe ou d’un fardeau , que de croire que la fuperfé- tation foit poffible, de laquelle Pon ne doute plus prefentement, & que de croire aufli que le véritable fétus fe puille former dans les entrailles d’une femme, après qu’elle a introduit dans la cavité de fa matrice un peffaire pour la tenir aflujétie, comme lexpérience me la fait voir, & que quelques autres hifloires nous laflurent. Car foit que le faux-germe fe forme dans une des cornes de la matrice, foit que le far- deau ocupe fon fond, cela n'empêche pourtant pas que le véritable fétus, ou que la femence de l’homme, ne s’em- pare de [a corne vuide. La fuperfération d’un faux-germe ou d’un fardeau arrive quelquefois , lorfqu’un enfant eft formé dans une des cornes de la mattice & qu'il ne defcend pas fi-1ôt dans fa cavité. Si pendant ce tems-là une fenme a nou- reufe ef careflée, alors elle peut con- cevoir une fois, par la vertu de ja fe. mence de l’homme qu’elle reçoit dans les premiéres femaines de fa groffeffe, Tome IL. > ê 206 Tablean de P Amour conjugal, & aïnG donner lieu à une feconde génération & à la formation d'un faux-serme ou d’un fardeau, felon que la matiére fera difpofée pour les former. La femence de l’homme entre donc dans la même corne où la véritable conception fe fait pour y produire un faux-germe animé, & y trouvant la fe- mence de la femme vers Pextrémité de Ja trompe qui touche la matrice, elle imprime fes caraûéres féconds fur une partie des humeurs qu’elle renferme & qui font propres à lesrecevoir. Maïs comme la corne de la matrice, où eft le premier fétus qui a toutes fes partie acomplies , en eft irritée après quel- ques femaines, elle fes jette dehors Pun & Pautre, le dernier conçu ne faï- fant que de recevoir fes premiers lini- mens. Le véritable & le faux-fétus tombent donc dans la cavité de la matrice, & là s’éforcent d’un côté & d’autre d’aurer des humeurs pour fe nourrir ; mais comme Île premier formé eft le plus fort , il s'empare auffi de ce qu’il y a de ÿ: | meil- confidere dans l'état du Mariage. 207 metïlleur dans les parties naturelles de la femme : au lieu que Pautre étant languiffant, & par fa premiére confor- mation & par fa privation de Paliment qui luieft convenable , 1! demeure im- parfait & prend la figure qui répond aux animaux dont nous avons parlé ci= deffus. Quelquefoïs au contraire le faux-fé- tus fuce ce qu’il trouve de meilleur, & ne laïffe au véritable que le fuperflu & les ordures ; d’où vient que ce fctus ne pouvant vivre de ce mauvais ali- ment , il languit & il meurt avant que de naître. C’eft de - là qu’eft venue la fable que l'enfant naïflant étoit mordu parle faux-germe, & que par fes morfures il Pempoifonnoit de fon venin. | On peut ici former une queflion ; favoir , fi une femme peut engendrer un faux - germe ou un fardeau, fans avoir été careffée d’un homme ? Ceux qui font d'avis que les vier- ges, aufli-bien que les femmes, font fujétes aux défordres de la conception, comme Jules Scaliger & Lévinus Lem- S 2 CUITE 208 Tableau de l Amour conjugal, nius le foutiennent , lorfqu'iis difent que Galien à juitement comparé les œufs des poules aux fardeaux des fem- mes, & que ces animaux faifant des œufs fans mâle, une femme pouvoit auf faire un fardeau fans la communi- cation d’un homme ; que la forte ima- gination d’une fille amoureufe pouvoit faire une impreffion fuffante fur des matiéres renfermées dans fes parties naturelles, & que de-là il pouvoit fe former aufli-bien un fardeau que des taches fur le corps d’un enfant : & qu’enfin on avoit des exemples de per- fonnes d’une vie exemplaire, qui avoient engendré des fardeaux fans avoir été carefées par des hommes. Mais ce fentiment, qui paroît fayo- rable aux femmes qui ont proftitué Jeur pudicité, ne fauroit forcer l’ef- prit de ceux-quiont examiné de bien près les a&ions de Îa nature fur le fait de a génération. Car il eft aïfé de fa- voir par expérience, qué de toutesles . Relisieufes & de toutes les filles qui font au monde , iln’yena pasune qui ait engendré un fardeau , & nous n’a- vons confidére dans Petat di Mariage. 209 vons point d’hiftoire qui nous le fafle remarquer ; & fi nous en avons quel- ques-unes , elles nous font fort fufpec- tes, & nous les croiïons fupofées : car outre plufieurs raifons, les filles n'ont pas les vaifleaux de [a matrice affez ouverts qui puiffent donner aflez de fang pour en former un. Il n’y a que les femmes fanguines & amoureulfes qui foient capabies de ces fortes de gé- nérations, quand elles s’allient à con- tre-tems avec un homme. La forte imagination d’une femmes non plus que Pardeur excelfive de Pa- mour , ne font point capables de faire quelque forte de génération, comme Lévinus nous le veut faire acroire. Car quelle aparence que Paion de lame, qui eft immatérielle, puifle former des taches fur le corps des enfans, & qui pius eft, un corps dans les flancs d’une femme ? C’eft ce que nous avons exa- miné ailleurs, en parlant des taches des enfans, & que nous examinerons encor au chap. 7. de ce Livre. Aurefte, on ne pourroit atribuer a caufe éficiente de cette efpéce de gé- 3 3 nera- 310 Tableau de P Amour conjugal, Nnération qu’à {a femence de la femme ; qui fe mêle parmi le fang de ces régles pour en faire un fardeau. Maïs com- ment fe pourroit-il faire que cette fe- mence, qui originairement eft du fang féminin, pût avoir des parties fi difé- rentes entr’elles pour faire caïlier le “fang dont elle procéde, & de plus ‘pour y former une peau, des artéres -& des veines ? Il n’y a que la femence -de homme qui eft d’une toute autre matiére , qui puifle caufer des éfets ; & ‘c’eft à celle-là auffi à qui l’on en doit attribuer la faute & la véritable généra- tion humaine. Ure 1ebafe ne peut agir fur “foi-même : 1 faut qu’elie ait des parties -de diférente fubflance , pour mettre -un corps en Re & pour en former quelque chofe. II eft vrai que -Ja femence de la femme peut faire mouvoir fon fang , comme fait la bile “lorfqu’elle y eft mêlée, maïs elle n’en “peut rien former. De plus, perfonne n'a dit jufqw’ici, que le faux-2erme s’engendroïit fans. de participation d’un homme, & cepen- -dant ii eft auffi-bien une erreur de la CON» confidére dans l'état du Mariage. 21% conception, que le fardeau qui r’eft ‘que la chair de larriére-faix mal faite. Difons encor , que fi le fardeau pou- voit fe former fans la femence d’un homme, nous ne verrions pas fi fou- vent des enfans conçus &liez avec des fardeaux ; & Alexandre Benoit ne nous feroït point obferver un enfant de 4. ou 5. mois étoufé au milteu d’un far- deau, dont 1l uiroït fon aliment, com- me de Parriére-faix. Et Kerkringe ne nous en montreroit pas Un autre, COM me nous l'avons remarqué ci-deflus. Ajoûtons à cela, que fi le fang des régles s’eft caïlle quelquefois , & qu’en fortant ïl ait donné des marques d’un fardeau , comme le témoigne Afarcel- lus, on doit croire que ce r’étoit que du fang qui fe caïlle aifément, lorfqu’il eft pur & qu’il eft hors de fes vaifleaux: f onle met en l'eau, il fe difloud in- continent , & on voit par-là que ce n’eft que du fang en grumeaux, & non une fauffe- conception. On peut encor dire que Féquivo- que du mot de Fardeau a été la feule caufe que plulieurs Médecins ont cru L que 312 Tableau del Amour conjugal, que le fardeau pouvoit être engendré fans la participation d’un homme. Ils étoient fondez fur les écrits de quel- ques anciens Médecins qui ont pris le fardeau pour une humeur de la matri- ce ; maïs la génération de ce fardeau ne dépend point du commerce d'un homme avec une femme : il n’en eft pas de même de celui dont nous par- ons, qui ne peut être engendré fans ue l’homme y ait contribué de fa part. Erin les œufs des poules n’ont nul- le proportion aux fardeaux des fem- mes. Il efl vrai que les femmes ont des matiéres quirépondent afiez bien aux matiéres des œufs, & que celles qui jouiffent d'une fanté parfaite, & qui font dans une belle teunefle, rendent fouvent de la femence proportionnée au blanc de Pœuf, & des régles qui re- pondent au jaune, qui ont lune & l'autre les mèmes ufages ; mais Pexpé- rience nous a montré que cette femen- ce & ce fang des régles n’engendroiïent rien, s'ils n’étoient touchez par un homme; comme ïl ne fortiroit point de poulet d’un œuf, à moins qu’ilne füt _ Iene confidéré dans l'état du Mariage. 213 rendu fécond par ja femence du coq. On peut donc conclure , après Æy- pocrate, Ariflotc, Galien, & piuñeurs autres, que les générations ne fe peu- vent faire fans qu’une femme ait été careflée par un homme. I! feroit bon de raporter ici les fi- gnes des faux-germes & des fardeaux, pour les diflinguer d'avec la véritable grofleffe , puifque - c’eft principale- ment lafaire d’un Médecin, qui ne doit jamais s’y tromper. Si donc une femme eft groffe d’un faux - germe ou d’un fardeau , elle a plus de douleur au ventre , que celle qui left d’un véritable enfant. Sa dou- leur procédant plutôt d’une caufe qui eft contre les loix de la nature, que de celle quieft contre fes équitables de- crets. Ç D'ailleurs elle a Iles mammelles moins dures & moins pleines de lait : il y en a même qui manquent de lait, & qui nous marquent par-là qu'elles n’ont point d’enfans dans les entraïlles. Au refte, Îe fardeau n’aïant point de mouvement par lui-même, il tombe du 214 Tableau del Amour conjugal, du côté que la femme fe tourne ; au lieu que lenfant demeure ataché par fa propre vertu dans le lieu où ül eft, & qu’on le fent mouvoir de bas en haut, quand on meta main fur le ven- tre d’une femme grofle de cing ou fix mois, ce que l’on p’aperçoit point dans un faux-germe niun fardeau. Enfin une femme a beaucoup plus de peine & plus de tranchées à rendre un faux - germe ou un fardeau, qu’un enfant qui donne le branie aux cou- ches; au lieu qu’un fardeau étant im- mobile , les éforts doivent tous venit du côté de la mere, HARRAURRMMEE MER ERRRRRERÉEURENRAMT HER E CH A PI TRE" MA S'il y à un art pour faire des garçons om des filles. | Y A nature a fait tant d’imprellion fur les honimes par la loï qu’elle a imprimée dans leur cœur, qu’en dépit d'eux ils ont une envie fecrete de fe perpétuen Cette paffion ef une ans ’ _ confidéré dans l'état du Mariage. 215 dans quelques perfonnes, & 1i s’en eit vû qui n’ont rien épargné pour avoir dés fuccefleurs, principalement de fe- xe le plus nobie. L’art qui enfergne ce fecret,ne fauroit être trop eftimé, puif- que c’eft fouvent de-là que dépend le bonheur des Roïaumes & la tranquili- té des familles. Avant que de découvrir les régles de cet art, & que de dire ce que Pexpé- fience m’a fourni fur cette matiére, il me femble qu’il faut auparavant expli- quer de quelie manïére s’engendrent les garçons & les fules , afin de faire des remarques plus exactes pour les règles que l’on en doit étabiir, & pour forti- fier enmême-tems mon opinion fur la formation de Phomme, que j'ai ex- pofée au chapitre quatriéme de cette Partie. J’avoué que la queftion eft grande, par laquelle on demande s’il ya un art pour faire des garçons ou des filles, & qu’elle eft peut-être la plus dificiie qui foit dans la Médecine : je crois néa- moins qu'elle deviendra aifée à com- prendre & à décider, fi on veut en- ITCX 216 Tableau del Amour conjugal, trer dans ma penfée, qui explique af. fez probablement, fi fe ne metrompe, Porigine & le progrès de la génération. Ce n’eft pas qu'il n’y ait de grandes dificultez ici aufli-bien qu'ailleurs, mais il me femble qu’il y a plusde vrai- femblance dans cette opinion que dans toute autre. Tout le monde démeure d’acord, qu'à parler en général , le tempéra- ment des hommes eft fort diférent de celui des femmes : que [es hommes font plus chauds & plus fecs ; qu'ils ontune chair plus reflerrée , une peau lus rude , des membres plus forts & plus robufies , un efprit plus péne- trant, qu’ils vivent d’alimens plus durs, plus chauds & plus fecs, & que leur exercice eft fouvent plus violent. Les femmes au contraire font plus froïdes & plus humides ; c’eft-à-dire, moins chaudes & moins féches : elles ont une chair plus molette, plus délicate & plus polie, un efprit plus aïfé ; elles ufent d’alimens plus froïds & plus hu- mides ; enfin, elles font prefque tou- “jours dans Poifiveté. F I be confidère dans l'état du Mariage. 217 Si la pature des hommes & des fem- mes eft de la forte, ïl eft certain que les uns & les autres ont pulfé cette na- ture & leur inclination, qui en eft coms me un éfet inféparable , qu’ils Pont puifée , dis-je , dans les flancs de leurs meres , lorfqu’elles leur ont fourni la premiére matiére dont ils font com- pofez. Pour expliquer cette penfée, on doit fe reflouvenir de ce que jai dit ailleurs & réfléchir un peu fur les prine cipes de notre formation. Dans une femme féconde, les cor- nes de ja matrice font remplies de fes mence , qui fe change en petites bou les groffes à peu près comme de petits pois , lefquelles font rangées dans leurs petites cellules, comme font en quelque maniére les œufs dans l’ovai- re d’une poule, dont il naît plufieurs enfans , quand ]a femence de ’homme en a touché plufieurs. La boule que la femence de l’homme a renduë fécone de, conferve parmi fes liqueurs le ger- me d’un enfant , qui d’abord fans dou te eft moindre qu'un ciron, & qui a Tome IL, T été 213 Tableau del Amour conjugal, été formé , fi c’eft un garçon , d’une matiére chaude , féche & épaîïfle, plei- ne de feu & d’efprit, avec des pores refferrez & des parties preffées. Mais fi c’eft une fille , la matiere en eftmoins chaude, plus humide & plus délicate. Les parties en font plus déliées , & les pores plus ouverts & plus polis. Elle ne contient pas tant de feu, & il nya pas une fi grande abondance d’efprits : fi bien que la diférence de lun & de -Pautre fexe, ne vient que de la diver- fité des fubftances des femences du pe- re & de la mere, de leurs qualitez pre- miéres, & de celles que lon apelle dé la matiére. Entre ces deux difpo- fitions de la femence féconde de Ia femme , il y en a une troiïfiéme qui tient le milieu, & qui a fon projet ex- trêmement tempéré dans toute forte. de maniére , fi bien qu’il naîtroit de-là une hermaphrodite, s’il n’étoit déter- miné pour un garçon ou pour une file , par lame de homme , & par l’adivité de fa femence , comme nous le ver- rons ci-après dans une diflertation particuliére, Her= confidére dans l'état du Mariage. 219 Hercule fi nous en croïons les Poë- tes, étoit fi robufte, qu’il n’engendra prefque jamaïs d’enfans qui ne fuffent mâles, & entre foïxante & douze qu’il fit,ine sy trouva qu’une feule fille. Mais fans m’arrêter à ce qui pourroit paroître fabuleux , je trouve dans lE- crituie que Gédéon , qui fut Pun des Princes du Peuple Hébreu, étoit d’un tempérament fi chaud & fi adif, qu’il engendra foïxante & onze enfans mâ- les, fans qu’il foit jamais parlé d’aucu- ne fille. : Lorfque la matrice reçoit la femen< ce de l'homme, & que fes cornes, par une vertu particuliére , atirent cette humeur , pour la communiquer à {a femence de la femme , qui a de Ia dif- pofition à recevoir une impreflion fu- bite par lacivité de la matiére fpiri- tueufe de l'homme , alors l’ame &les efprits de cette matiére agifflante fer- vent de principe fubaiterne à tout ce bel ouvrage. Si ces principes trouvent une boule où il y aït un germe de gar- çon, Ils [ut donnent de la fécondité, en faïfant fermenter toutes les petites Le par- 220 Tableau de l Amour conjugal, parties de l'humeur qui y eit renfer- | mée. Ils pénétrent &excitent ce petit ! projet que lintelligence de la mere avoit commencé à former. Mais fi Pa- me & les efprits qui font envelopez | dans ja feinence de l’homme , toucüent & rendent féconde une autre boule qui ait des difpofitions à faire une fille, la femence de l’homme y fera les mêmes impreffions , puifque fouvent elle eft indiférente à toute forte de fexe, ainfi que nous l’avons prouvé aïlleurs. Les inclinations fecrettes qui nous font naturelles , découvrent infailli- blement les principes de la généra- tion de l’un & de l’autre fexe; car fi je puis raifonner des caufes par fes éfets , il me fera permis de dire, que comme les hommes font naturelie- ment robuftes, & qu'avec cela ils ont un apétit naturel à vivre d’alimens chauds & fecs , à s’ocuper inceffam- ment, & à fe donner de la peine à la guerre & aux grandes afaires, on doit conclure que enés p'incipes font plus forts & plus groffiers que ceux dont les femmes font faites, Il s’en trouve peu qui æ confideré dans Pétat du Mariage. 221 qui haïffent le vin & qui rejettent les chofes qui leur piquent la langue. Les femmes au contraire font naturelle- ment délicates , & leur inclination, pour parler en général , ne fe porte guéres au travail : elles ufent, par une coûtume naturelle , d’aiimens froids & humides, qui font proportionnez à leur tempérament , & 1lne s’en eft guc- res vü qui n’eimaffent avec paflion & Île lait & les fruits ; la nature leur deman- dant par un apétit fecret dequoï faire fubfifter toutes leurs parties par des chofes qui leur font proportionnées, Les principes de l’homme & de la femme font donc fort diférers, puïf- que Pun & Pautre ont des imclinations fi opofées. Le principe de lun ef plus chaud , plus fec & plus refferré ; & le principe de Pautre, plus froid , pius humide & plus molet. L'expérience nous fait connoitre cette vérité ; car une femme grofle d’un garçon , fera ordinairement plus yermeille & fe portera beaucoup mieux , quefi elle létoit d’une.filie: Ja: chaleur d’un garçon échaufe & EX ee T3 xue + % | 222 Tableau del Amour conjugal , | cite la mere, au lieu qu’une fille par fa! froïdeur au gmente le froïd & lhumide | de fon tempérament ; ce qui la rend | valétudinaire & malade pendant toute | fa groffefe. S'il fe rencontre quelquefois des | femmes qui foïent d’un tempérament ! plus chaud que quelques hommes ,on | n’en doit pas imputer la caufe à la na- ture ; mais aux humeurs de la mere qui les a portées dans fes flancs , au laït de la notre quiles a allatées, à l’exer- cice & aux alimens chauds dont elles ont ufé pendant [eur vie. 1. Ainfi ce n’eft pas fa matrice qui eft la principale caufe des mâles ni des femelles. Elle n’eft que le champ de la nature où Pon feme , puifqu’el- le ne fait pas la génération , & ne reçoit que ce qu’on lui envoïe de côté & d'autre. Elle s’ocupe feulement à préparer la femence de l’homme & à Patirer dans fes cornes. Elle favorife enfuite la conception. Elle fomente les nouveaux germes & leur difiri- bue Paliment dont ïls ont befoin. En- fin elle agit comme une bonne mere, x confidere dans Pétat du Mariage. 223 qui fait vivre fon enfant aux dépens d’autrut. Bien qu’il femble qu’elle foit plus chaude du côté droit , à caufe du foie qui y ef placé ,que du côté gauche, Pexpérience cependant nous montre qu’elle reçoit également de Pun & de * VPautre des matiéres plus ou moins chaudes. Et il s’eft auffi-bien trouvé des garçons du côté gauche de Ia ma- trice, que des filles du coté droit. Nous avons même quelquefois trouvé dans la diffe&ion de quelques femmes , un mâle & une femelle du même côte.De- forte que ce n’eft ni la mairice, ni fes parties droïtes ou gauches qui font la caufe de Ia diférence des fexes. 2. Ce n’eft pas non plus le fang des régles ; car lorfque l’embrion fe nour- rit de fang , il a déja aquis fa nature & fon fexe , & il feroiït alors impoffible de les lui faire changer. Les alimens peuvent, à la vérité, altérer notre tem- pérament , maïs ils ne fauroïent jamais 1e transformer dans un autre, bien loin de pouvoir faire changer nos parties de lieu & de figure. di 3: Li _ 324 Tablean del Aniour conjugal, 3. L’imagination de {a femme, quel- que forte qu’elle foit , ne peut encor produire cet éfet. Car combien y a-t-il de femmes qui n’ont que des filies & qui ne peuvent avoir des garçons, bien que leur imagination foit incef- famment embäraflée & comme farcie de l’idée de ces derniers ? L’imagina- tion ne change ni nos humeurs ni leut tempérament ; la Bïle ne fauroit par fa force devenir pituite , & la matrice qui a des difpofitions pour une fille , ne fauroit par fon moïen en avoir pourun garçon, le tempérament de l’un & de Pautre étant trop éloigné , leur matic- re trop opofce, & leurs parties trop diférentes. | 4. L'expérience nous aprend qu'on fait des garçons & des filles en quelque tems de iune que ce foit , & bien que la lune aït Beaucoup d’empire fur nos humeurs , & qu’elle préfide d’autant . plus à [a génération, qu’elle joint fes influences à celles du folerl & des au- tres altres, cependant je ne crois pas qu’elle puiffe faire changer les fexes ; car quoiqu'elé énfle & multiplie la femen< confidere dans Pétat du Aariage. 215 femence dans fon croiffant & dans fa vigueur , & qu’elle en diminué la for- ce dans fon décours & dans fa défail- lance , on ne peut pourtant la regarder que comme une caufe fort éloignée pour la diférence du fexe. Enfin les Maquignons & les Métaïers perdent leur peine, quandils lient aux étalons & aux taureaux leur tefticule gauche, pour avoir des chevaux & des tau- reaux , ou le teflicule droit, pour sa- quérir des cavales & des vaches ; puif- que Pexpérience nous a défabufez 1à- deffus & nous a fait voir que les hom- mes qui avoient perdu à la guerre le tefticule droit, ne laïfloient pas d’en- gendrer des enfans de divers fexes. Il eft donc véritable , que ce n’eftni la matrice , ni le fang des régles, ni Pimagination de Ia femme, ni la ifga- ture des parties génitales du mâie, ni enfin les aftres qui font les caufes pro- chaines de la génération des mâles & des femelles : mais c’eft plutôt a dif- polition & le tempérament de [a ma- tiére dont nous fommes formez , aïnfi que nous lavons fait voir ci-deflus. Après 226 Tableau del Amour conjugal, Après avoir expliqué le plus exacte ment que nous avons pü les premié- res caufes de la génération des-garçons & des filles, & en avoir découvert les caufes immédiates , par le moïen de la matiére qui fert à les former, il faut prefentement donner des régles pour engendrer en cette matiére & ces efprits qui contribuent à la diférence des fexes. Premiére Régle. On ne voit guéres. de trop jeunes ni de trop vieilles gens engendrer des garcons. Ils ne font or- dinaitrement que des filles. La chaleur naturelle eft trop foible dans les pre- ders pour cuire & perfettionner [a femence. Les derniers font trop Ian- guiffans , & la glace de leur âge s’o- pofe à Pabondance & à Ia chaleur des efprits qui doivent contribuer à for- mer un garçon. Et parce que la femen- ce n’eft qu'un excrément de tout le corps & des teflicules, 1] faut que tou- tes les parties foient fortes & vigou- reufes pour engendrer de la matière à faire un garçon; ce qui ne fe rencontre ni dans les uns ni dans Les autres. SECOn= confidere dans l'état du Mariage. 227 Seconde Régle. La maniére de vi- vre eft une des principales caufes du fang & des humeurs : fi Pon mange & que l’on boive des chofes fucculentes, chaudes & pleines d’efprits , les hu meurs participent de ces mêmes dua- litez, & la femence a alors des difoofi- tions pour un garçon à venir. Mais fi les alimens font froids , quelle- apa- rence qu’elle puifle fervir à engendrer de [a matiére pour former un garçon ? Elle n’aura tout au plus que des dif- poftions pour le corps d’une fille. Et Pexpérience nous aprend , que ceux qui fe nourrifient d’alimens chauds & fucculens, & de chair d'animaux laf- cifs , aquiérent par-là , non-feulement Ja force d’engendrer , mais aufli de faire un garçon, pourvû qu'il y ait tant foit peu de vivacité dans leur tempé- rament. Troifiéme Régle. H n’eft pas befoïn de manger ni de boire beaucoup & à contre-tems , quand on a deffein de faire un garçon. La chaleur eft plus vi- ve & plus forie , quand nous fommes réglez. L’excès caufe des cruditez, 228 Tableau de D Amour conjugal, - & l’on ne voit guéres d'hommes ni de femmes déréglez à table qui en gendrent des garçons. Leur femence n’a prefque point de chaleur ni d’ef- priis : & parce qu’elle eft indigefte & imparfaite , elle n’eft propre qu’à for- mer une fille. Quatrième Regle. Si le manger & le boïre éteïgnent notre chaieur natu- relle , quand nous en ufons avec ex- ces ; l’action déréglée de l’amour nous épuife & nous rafraichit de telle for- te, qu'après nos embraffemens réité- rez nous n’engendrons que des filles. L'expérience nous Îe fait voir dans les jeunes gens , qui dans les premiers jours de leur mariage fe careflent fi éperdüment , qu’ils n’engendrent point du tout, ou s’ils engendrent, ce n’eft ordinairement que des filles. Que lon fafle réfléxion fur tous les ma- riages que l’on fait aujourd’hui parmi les hommes, l’on y verra fans doute beaucoup plus de filles ainées que Pon n’y rencontrera des garçons. Les Jar- diniers impatiens ne recueïllent jamais de bonnes graines. Hs défaffaifonnent Fou- confidére dans l'état du Mariage. 223 toujours la terre; & quand ils veulent la femer, ou ïls font fruftrez de leur atente , ou les plantes qui en viennent font foibles & ianguïffantes.Nous nous preflons trop pour l'ordinaire quand nousnous careflons , & fi nous favions nous modérer , notre ouvrage feroit plus parfait & dureroit plus Iong-tems. Si lorfque nous careffons une femme, nous nous contentions d’une fois , ïl en naîtroit aparemment un garçon, au. lieu que fi par hazard une femme con- coit de la feconde ou de Ia troifiéme fois qu’on Pembrafle Pune après Pau- tre , il n’en naïtra affürément qu’une fille ou s’il refte encor quelques efprits & pénétrans dans fa matiére qui doit fervir pour un garçon, il fera fort petit, & peut-être defiguré , par le peu de matière & d’efprits que lui fournira fon pere. Nous voïons tous Îles jours de jeu- nes femmes qui n’ont fait que des filles avec un homme, & qui étant mariées avec un autre ne produifent que des garçons. La chaleur de nôtre jeunef- fe nous précipite dans les délices de Tome I. V l’a- 230 Tablean del Amour conjugal, Pamour : notre femence n’eft pas plu tot faite, qu'elle eft épanchée , & nos emportemens amoureux durent fou- vent dans les deux fexes jufqu’à lâ- ge de vingt-cinq ou de trente ans. Maïs f: un homme ne carefloit fa fem- me que trois ou quatre fois Le mois, la femence de lun & de Pautre feroit plus cuite, plus épaiffe & plus remplie d’efprits ; elle auroit plus de difpof- tion à former un garçon , que fi on Pépanchoit plus fouvent. Et c'eft afü- rément pour cette raifon que les vieiïl- lards font quelquefois des mâles ; car comme ils manquent prefque de cha- leur naturelle , & que leur femence eft crue & foible , s’ils n’atendoïent deux ou troïs mois , pour donner le tems à la nature de Ia cuire & de la perfe“ionner , ils ne fauroïent déter- miner la femence de la femme à leur donner un fucceffeur. Cinquieme Régle. L'expérience m’a fait encor remarquer , que fi les fem- mes qui ont des régles modérées, con- çoivent apres leur écoulement , elles font pour l'ordinaire des garçons ; “84 1.el- confidéré dans l'état du Mariage. 231 fr elles ont des régles abondantes, & qu'elles engendrent avant que ces ré- gles paroïffent , ou dès qu’elles finif- fent , elles font toüjours des filles. Si nous examinons la caufe de ces dife- rentes productions que nous avons fouvent obfervées , nous trouverons qu’elles prouvent clairement lPopi- nion que j'ai établie. Car les femmes qui ont abondamment leurs régles, étant d’un tempérament plus humide que les autres ,elles ne peuvent pro- duire en elles-mêmes de femence pro- pre à faire un garçon , puifque la come. plexion de leur corps & de leurs hu- meurs eft opofece à la génération d’un mâle. Dans le tems que les régles cou- lent encor , la matrice en eft humeëée & rafraichie tout enfemble ; & bien que cette partie püt réferver alors une femence pleine de chaleur & gonflée d’efprits , fon intempérie & celle de tout le corps feroïit pourtant une cau- fe qui diminuéroit cette même cha- leur, & qui diffiperoiït une partie de ces efprits. Au lieu qu’une femme qui a fes régles modérées, eftagitée d’au- NURE DORE tant 232 Tableau del Amour conjugal, tant de feu & de chaleur qu’il lui en faut pour un garçon ; la femence qu’el- le engendre eft chaude , féche & bien cuite , & après que fa matrice s’eft une fois défaite de toutes fes impure- tez , & qu’elle a été échaufée parle paf- face du fang qui a coulé avec médio- crité , elle devient encor mieux difpo- fée qu’auparavant:fi bien que la femen- ce de l’homme y arrivant, elle la dif- foud & la raréfie alors plus prompte- ment, pour la faire devenir propre à donner des caractéres de fécondité au projet du mâle qu’elle conferve. Sixieme Régle. Enfin j'ai auffi obfervé que les régions du Midi n’étoient pas fi peuplées d'hommes que celles du Septentrion. Qu’il y avoit dans -les premiéres fix fois plus de femmes que d'hommes, & que dans lesautres, les hommes égaloïent prefque en nombre les femmes, ou les furpaflorent même. Left aïfé, ce me femble , d’en déçou- vrir la caufe. La chaleur des Païs Méridionaux di- minué infenfiblement la chaleur natu- relle. Elle diflipe continuellement des efprits, - confidére dans l'état du Mariage, 23% efprits, en tenant toüjours ouverts les pores des corps: fi bien que Pon r’eftni f vigoureux, ni fi grand mangeur que dans les Païs temperez ou froïds. Les humeurs ne font pas fi bien digérées dans ceux-là que dans ceux-ci, & la fe- mence dans les premiers eft plus pro- pre à engendrer des filles qu’à faire des garçons. Je dirai encor , que parce que les hommes y font inceffamment pénétrez d’une chaleur étrangére, & qu'ils ont acoütumé de jouir des fem- mes avec excès , ils ont une femence cruë & indigelle, qui eft toujours dif- pofée à faire des filles. J’ajouterai à ces raifons , que les femmes étant dans une continuelle oïiveté, & leur beau- té confiflant à ne point marcher pour être trop graffes , quelle aparence y a- t- 1] que dans cet état elles puillent avoir une femence forte & bien digé- rée , & que l'intelligence puiife former dans leurs flancs le projet d’un garçon d’une matiére ff mal cuite ? Au contrai- re , dans les Païs tempérez & dans ceux qui font médiocrement froids , on a beaucoup plus de chaleur naturelle. Le Y 3 froid L 4 234 Tableau del Amour conjugal, froid bouchant les pores des corps en empêche la diffipation , & la femence étant par cette raïfon plus chaude & plus remplie d’efprits ; on engendre auffi plus de garçons que de filles. C’eft encor pour cela même que l’on fait plutot des mâles, pendant que le vent foufle du côté du Nord. En éfet, les vents froïds qui régnent dans nos climats le matin & le foïr , pendant les faïfons les plus chaudes , empêchent J'épuifement de nôtre chaleur raturel-' le , en arrétant nos efprits , qui le diffi- peroient autrement. C’eft dans ce tems-là que notre chaleur & nos ef- prits fe multipliant dans nos corps, vi- vifient & animent, pour aïnfi dire, la femence qui doit fervir de principe à un garçon: & s’il eft vrai que les Ber- gers aïant remarqué la vertu de ce vent fur leurs troupeaux , font tous leurs éforts pour les faire acoupler pendant qu’il foufle, dans ’efpérance de profi- ter plus fur les-beliers qu’ils ne feroïent fur les brebis , on peut bien dire qu’il n’a pas moins de pouvoir fur la généra- tion des hommes. ? Pour confidéré dans Pétat du Mariage. 235 Pour moi, J'ai obfervé que le vent du Septentrion a une telle propriété pour conferver la vie des animaux & pour fortifier leur chaleur, que fi par exemple, on tire hors de Peau des car- pes ou des anguilles, & puis qu’on les mette dans la paille le ventre en haut, on empéchera par ce moïen Îles pre- miéres de mourir pendant trois jours, & les autres pendant fix : ce que on ne fauroit feulement faire pendant un Jour entier , lorfque le vent du Midi foufle médiocrement. En éfet, rl afoiblit [es animaux, en diffipant leur chaleur naturelle & en faïfant évaporer leurs efprits : fi bien que la coétion fe fait alors fort mal, le fang & les humeurs fe diltribuent très. lentement, & la femence ne peut avoit des efprits que pour animer le corps d’une femelle. On doit donc conclure après toutes ces raïifons , qu’il y a un art pour faire des garçons ou des filles, & que fi Phomme & la femme fe marïent lorf- qu’ilsmne croiffent plus , s’ils oBfervent exadement la façon de vivre que je viens 236 Tableau de l Amour conjugal, viens de prefcrire , s’ils ne fe careffent que rarement ; & qu’ils donnent Le tems l’un & Pautre à la chaleur natu- relle de cuire leur femence & à ame de la perfettionner, & s’ils attendent qu'un vent foufle du Septentrion au plein de Ia lune, je fuïs très-perfuadé, par lexpérience que j'en aï, qu’iis fe- ront un garçon plutôt qu'une fille. LÉ SES SSSR DÉS ÉSSLSS SES ER CHA P'ITTERME VER Si les enfans [ont batards ou légitimes, quand ls refemblent 4 leur pere ou À leur mere. Arce que la plûüpart des Jurtfcon- fultes , avec quelques favars Mé- decins , foutiennent qu'une femme penfant fortement à fon mari au milieu de fes plaïfirs illicites, fait par la force de fon imagination un enfant qui ref- femble parfaitement à celui qui n’en eft pas le pere ; il fera bon à examiner fi la reflemblance d’un enfant dépend de Pimagination , ou de quelqu’autre cau- e. confidéré dans Pétat du Mariage. 237 fe. C’eft pourquoi nous rechercherons ce que c’eft que la reflemblance des \ enfans à leurs ancêtres, nous en établi- rons les diférences, & nous tâcherons d’en découvrir les caufes les plus véri- tables. La reffemblance , felon le plus com- mun fentiment , eftune qualité natu- relle qui fait les hommes femblables les uns aux autres ; fi bien qu'en les re- gardant , ou en les voiant agir, on fe trompe fouvent, comme fit autrefois à Rome le Magüitrat Antomims , qui acheta pour jumeaux deux beaux gar- çons , que Toranriss lui vendit bien cher , quoique lun fut Afiatique &c l'autre Européen. Les enfans reffemblent en trois fa- ons à ceux dont ils font iffus. Ils leur reflemblent , dis-je , ou en qualité d'homme , ou en qualité de mäle & de fémelle ,ou en qualité de particu= lier ; deforte que l’efpéce , le fexe & Pindividu , établiffent les trois fortes de reffembiance. Et pour ne parler ici que de la derniére, je dirai que les en- fans reffemblent à leur pere on à leur mere, 238 Tableau de l'Amour conjugal, mere , dans lame & dans le corps. Quoïque lame de Phomme foit d’u- ne matiére extrêmement fubtile, que nous ne pouvons découvrir avec les yeux , elle nous donne pourtant des marques. de reffemblance par les éfets qu'elle produit. Les paffions & les in- clinations des enfans nous font con- noître ceux dont ils ont été engendrez. Je ne parle point ici de l'ame immor- telle, que j’aïnommée intelligence ; je fuis perfuadé qu’elle n’eft pas matériel- le, & qu’elle eft d’une autre nature que ame, qui ef la principale caufe de la reflemblance. Cette ame dont nous parlons, nous donnera, par exemple, des marques d’une exaûe œconomie dans les fils, comme nous avons ob- fervé dans le pere , & elle infpirera à ce même enfant les inclinations cri- minelles que lon remarque dans la mere. L’ame de cet enfant reflemble donc par fes qualitez à fon pere & à fa mere, Pour le corps, ilaura des pro- portions & des reffemblances, à la f- gure , à la couleur & aux adions de ceux qui Pont engendré : ou bien ; Tei= . confidére dans l'état du Mariage. 239 reflemblera à fon grand-pere ou à fon oncle : ou enfin il ne reffemblera nt aux uns ni aux autres ; maïs il retiendra les deux autres fortes de refflemblances dont nous avons parlé ci-deflus. J’avoué qu’il eft fort dificile de dé- couvrir les caufes de toutes ces ref- femblances , depuis que nous avons perdu [a fcrence qu’en avotïent les ?/l- les; ce qui a fait que les anciens ontété f partagez fur cette matiére , & que. prefque tous les Jurifconfultes ont plutôt atribué la caufe de la reflem- blañce à l'imagination de la mere, qu’à toute autre chofe. Mais avant que de dire ce que je penfe fur cette refflemblance , il me femble que je dois auparavant exami- ner fi l’imagtuation en peut être la vé- ritable caufe. | 1. Les Jurifconfultes difent, après quelques Médecins , que la femme a imagination ft prompte & Pefprit fr vif, que l’on ne doit pas s'étonner fi elle imprime fur ce qu’elle conçoit dans fes entraïlles, la reflemblance de ce qu’elle defire avec pafion & de ce qu'elle CFA 240 Tableau del Amour conjugal, qu’elle s’imagine fortement ; deforte que fr, par exemple , elle a un apétit déréglé pour le vin, pour des mures, ou pour quelqu’autre chofe, ou qu’el- le s’imagine fortement être careflée par quelque perfonne ; fon imagina- tion eft tellement atachée à ces fortes d’objets,que l'expérience nous fait voir tous les jours que l’enfant qui fe forme alors dans fon fein , reçoit les marques des defirs ou des idées de fa mere. Jufques-là même qu’il s’eft trouvé des femmes blanches engendrer des enfans noirs, femblabies aux Ethiopiens, pour avoir contemplé trop atentivement, pendant qu’elles concevoient , ou auf- f-tôt après avoir conçü , des Mores, foit réellement ou en peinture. L’ima- gination eft fi forte dans quelques fem- mes, qu’elles envoïent de leur cer- veau à l'enfant qui fe forme dans leurs entraïlles , les corpufcules des objets externes qu'elles y ont reçüs ; delor- . te que ces images corporelles fe com- muniquent aux parties tendres de l’en- fant, par une fuite de nerfs qui vien- nent du cerveau de la mere, 2. Bien confidére dans l'état du Mariage. 24% 2. Bien que les bêtes femelles aïent des ames incomparablement moins mobiles que les femmes, les Naturalif- tes nous font pourtant remarquer qu'’el- les ont aflez de force pour faire ces im- preffions fur leurs petits : car fi Pon en- velope d’un mouchoir blanc le col d’un paon qui couve, ou que lon peï- gne de diverfes couleursies œufs d’u- ne poule, qui couve auffr, les petits du paon deviendront tous blancs , & les poulets tout bigarrez. Maïs parce que l'imagination de la femme eft beaucoup plus vive que cel- le de ces animaux, elle communique au plus fortement à fon enfant ce qu’elle s’eft une foïs vivement imagi- né : deforte que fi elle penfe vivement à fon amant, à fon oncle , ou à fon grand-pere iorfqw’elle conçoit , l’en« fant qu’elle engendrera fera tout fem- blable à l’une de fes perfonnes. 3. La reffemblance n’eft pas une preuve de filiation, felon le fentiment des mêmes Jurifconfultes. L'enfant qui reffemble à fon pere n’eft pas pour ceia légitime. L’on ne fauroit fur cette Tome LL. X con= 242 Tableau de P Amour conjugal, conjecture le déclarer héritier de fon pere. Sa mere, dans des embrafle- mens illégitimes, a pü Pavoir engendré avec cette reflemblance par la force de fon imagination: car en penfant tou- jours à fon mari lorfqu’elle étoit entre les bras de fon amant,elle a imprimé fur le corps tendre de l'enfant, av’elle con- cevoit alors, les traits du corps & tous les caractéres de Pame de celuï fur le- quel fon imagination étoit fixement arrêtée. Sans doute que ce fut la mé- me caufe pour laquelle un Cuïfinier de Rome reflembloit fr bien à Porpée le Grand, que plufieurs le prenoïent pour ce grand Capitaine, On peut dire à tout cela, qu’il eft vrai que notre ame étant liée à notre corps aufh étroitement qu’elle left, peut faire fur nous de violentes im- preffions ; l'expérience de tous les Jours nous en donne affez de preuves. Maïs je ne fauroiïs me perfuader que lation de cette même ame foit capa- ble de produire les reflemblances dont il s’agit. Ceux qui le foutiennent, ne fe fondent que fur de vaines obferva- tions ; di confidéré dans l'état du AAariage, 243 tions; fur des preuves imaginées, & fur des raifonnemens mal établis. Car que peut limagination @un paon ou d’une poule fur des œufs qu’ils n’ont pas pondus ? L’ame de ces deux efpé- ces d'animaux eft fi peu adive, qu'il ny a pas d’aparence qu’elle pût agir hors d'eux-mêmes, & imprimer fur des œufs étrangers des caradéres qu’el- le fe feroit figuré , fi l’on peut parier de la forte. S'il naît tous les jours des poulets ‘bigarrez dans les fours d'Egypte, & que nos poules en faffent éclore de mélez, fans que les œufs aïent été au- paravant peints: peut-on aflurer que C’eft l'imagination de fes animaux qui efl la caufe de la variété du plumage de leurs petits ? Les taches, de quelque couleur qu’on Îles remarque aux enfans, ne viennent pas non plus de Pimagination de la mere , ainfi que nous Pavons ob- fervé ailleurs. L’imagination n’a point un pouvoir fi violent , que d'imprimer des cara@éres fur un corps étranger ; car lorfqw’un enfant fe forme dans les X z flancs 244 Tableau de Amour conjugal, flancs de fa mere , ïl n’agit que par fui- même, & alors ïl n’a befoïn d’elle, que comme une femence a befoin de la terre. Comment donc peut-on com- prendre qu'une femme groffe de deux, de trois ou de quatre mois, aïant un apetit défordonné de manger , par exemple, des müres , & fe mettant alors fortement ce fruit dans l’imagi- nation , puifle communiquer à fa main la vertu d'imprimer fur Pendroit de fon corps où elle fera pofée , la reffem- biance de ce fruit, qui paffant de-là,fans s'arrêter, & fe mélant parmi fon fang, fes efprits & fes fucs qui coulent alors inceffamment à fes parties naturelles , puiffent être imprimées fur le corps de enfant au même endroit que la mere aura touché le fien ? En vérité l’imagi- nation des hommes a ici plus de force que celle des femmes, & ce n’eft que celle des premiers qui a inventé ces fortes de raïfonnemens : ils n’ont pü trouver de caufe naturelle de ce qui ar- rive ; ils en ont allégué d’aparentes , pour ne demeurer pas court , aïant à rendre raïfon de cet éfer. Car de s’ima- giner confideré dans Déiat du Mariage. 245 giner qu’il y a une fuite de nerfs qui viennent du cerveau de la mere, & qui s’implantent dans le corps de ren- fant pour lui porter les corpufcules des objets externes, & pour lui rimpri- mer les marques de ces mêmes objets, c’eft ce que lAnatomie ne nous a pas montré jufqu'ici. Maïs il eft bien plus vraifemblable de dire que ces marques font des iné- galitez. des défauts de [a matiére dont nous fommes formez, que l’ame qui a ménagé le petit corps de lenfant ra pû en aucune façon corriger, ou plütôt que ce ne font que des contufions que le corps tendre de lenfant a recüés dans le commencement de fa vie. Et comme le fang eft une fois forti des veines par quelques coups, ou de la mere ou de Penfant, ne fe diffipe pas alors entiérement, les parties qui le reçoivent en demeurent toujours ta- chées. | ; Pour goûter Bien ce fentiment, lon n’a qu’à faire réflexion fur toutes les : marques que les enfans aportent du ventre de leur mere , & l’on obfervera X 3 Lou 246 Tablean del Amour conjugal, toujours qu’elles ont du rouge. H n’eft pas poffible que les femmes grofies n'aient jamais fouhaité ardemment que de manger des chofes de cette couleur ; nous voions tous les jours le contraire, & leur apétit déreglé eft auffi-bien pour des chofes vertes, jau- nes noires ou blanches , que pour des rouges. Cependant on n’obferve pref- que jamais aucune de fes couleurs-là imprimées fur la peau de leurs enfans. Mais encor, n’eft-ce pas une pure fable, quede dire qu’il y a eu des fem- mes Blanches & mariées avec des hom- mes biancs, qui par la force de leur Imagination aient fait des enfansnoirs ? Elles n’avoient pas fans doute le fecret de Julie fille d Azgufle, qui ne faïfoit jamais d’enfans quine reffemblaflent à fon mari, quoïqu’elle fut careffée par plufeurs autres; parce qu’elle ne fou- froit point leurs carefles qu’elle ne fut groffe de lui. | Pour moi je me perfuade aïfément que les femmes ont beaucoup contri- bué à introduire cette opinion, fur la caufe de la refflemblance des ns an confidéré dans l'etat dn Mariage. 247 afin de fe couvrir des fautes qu’elies commettent très - fouvent , & qu’en- fuite des perfonnes habiles & politi- ques, aïant confidéré que ce fentiment étoit aflez favorable pour le bien & pour la tranquilité de Etat, ont cher- ché des raïfons pour Papuier. n Maïs bien loin que Pimagination de Ja femme foit la caufe de la reffemblan- ce , il eft même impoffble qu’elle puiffe produire les éfets que Pon fe perfuade. 1. l'out le monde fait quels tranf- ports fent une femme dans fes parties amoureufes quand elle eft careflée ; 11 femble alors que la chaleur naturelle Pabandonne pour y courir avec préci- pitauon. Son imagination n’eft alors fixée fur aucun objet qui puiïffe [a dé- tourner ; & fi elle eft arrêtée fur quel- qu'un, c’eft aflurément fur celui qui eft préfent. | Quoique Ia peur trouble en quel- que façon fes voluptez, & qu’elle faffe quelqu’impreffion fur fon ame, forf- qu’elle s’'abandonne à des libertez ïlli- cites ; elle prend néamoins fes précau- il tions :48 Tableau del Amour conjugal, tions de telle forte, qu’elle peut jouir en aflurance de fes plaïfirs amoureux. Sr elle ne peut avoir cette force d’ef- prit, & que la crainte la trouble, bien loin de faire un enfant femblable à ce- lui que la peur reprefente à fon ima- gination, elle fait un avorton, qui manque de ce qu’il lui faut pour être formé : car fon ame étant ailleurs, & fon efprit étant dans un mouvement irrégulier , elle ne peut concourir en- tiérement à la génération d’un enfant parfait, C’eft delà même qu’il arrive que les grands hommes font quelque- fois des enfans qui font indignes d’être leurs fiis ; parce que lame des peres étant ocupée à de grandes afaires, ils ne communiquent pas affez de chaleur ni d’efprits à leur femence , qui eft ainfi la caufe d’un enfant diforme ; ce que nous examinerons en particulier au chapitre fuivant. 2. laïlleurs, s’ileft vrai que Pima- gination foit la caufe de {a refflemblan- ce ; pourra-t-on dire que les mouches, ou que les plantes mêmes ont de Pi- magination, pour engendrer ce es QUE confiâcre dans l'état du Mariage. 249 leureft femblable’Une mouche à miel, par exemple , ala même figure &c les mêmes inclinations que celles qui Pont engendrée, & celle-ci ef fr fem- blable, qu’il eft impoffñble qu’on ne les prenne Pune pour lPautre. Cependant peut-on dire que ©eft limagination de ces animaux qui eft la caufe de leur reflemblance ? 3. D’autre part, l'imagination de [a femme doit avoir éte vivement frapée par les objets, dont elle doit faire ?im- preflion fur le corps de Penfant qui fe forme dans fon fein. Maïs fi cette fein- me n’a jamaïs vû fon grand-pere, ou qu’elle nait jamais ouï parler des dé- fauts de fes ancêtres, pour fe les re- prefenter fortement à l’imagination , comment pourra-t-elle faire un enfant louche , borgne, boiteux, ou piébot ? Cependant lhifoire nous aprend qu’il y avoit autrefois des familles a Rome qu’on ne diftinguoit que par {es dé fauts de leurs ancêtres, qui étoient So- rabons | Conclnes où Scaures. Et à Sur- géres, dans notre voifinage, ii yaun muet qui eft fils-d’un homme qui par- le, 250 Tableau del Amour conjugal, le , & petit-fils d’un autre muet. Je connoïs une femme boiteufe du pié droit, qui fit fa premiére fille in- commodée du même pié ; cependant elle m’2 fouvent protefté qu’elle n’a- voit jamais penfé à fon incommodié pendant qu’elle concevoit, ni durant toute fa grofleffe. Auf eft - il certain que fon défaut eft peu fenfible , & qu’elle y eft tellement acoûtumée, qu’elle n’y penfe prefque jamais. Les petits hommes du Septentrion ont tous les cuïfles courbées en de- dans ; mais ce n’elt pas fans doute Pi- magination de leur mere qui les rend femblables à leurs ancêtres ; c’eit plu- tot queique chofe d’interne & d’eflen- tiel que nous découvrirons ci-après. Car de s’aller imaginèr que le caprice d’une femme puifle forcer les princi- pes das: Pame fe fert pour agir natu- rellement, j'avouë que c’eft ce que je ne faurois comprendre. 4. Au refte , fi l'imagination efl la caufe de [a reflemblance externe , elle doit auf: être une caufe univerfelle & agir incefflamment de la même on ans e- confidére dans l'état du Mariage. 2$1 dans tous les particuliers ; deforte que les enfans dévroïent toujours naître femblables à ceux que la mere seft fortement imaginé. Sielle a penfé , par exemple , à un Héros, Penfant quien naîtra aura la figure de la perfonne imaginée ; & cependant nous voïons tous les jours le contraire , & nous fommes témoins qu’un enfant reffem- ble à fon frére, à fon oncle, ou à fon bifaïeul , en qui la mere n’aura pas pen- fé , ni au moment de Îa conception, ni même après fa groflefle. s. Après-tout , pour faire une ref- femblance , 1l faut que toutes les peti- tes parties qui doivent concourir à compofer un enfant, foient tellement difpofées pour une grofle tête ; par exemple, pour un nez aquilin, pour de gros yeux noirs, & pour tout le ref- te du corps , que nous remarquions dans un enfant une fisure femblable à celle de fon aïeul. Ce n’eft point à li- magination de la mere, qui elt une fa- culté animale , comme ’apellent les Médecins, à former ainfi un corps & à en obferver toutes ies dimenfons ; elle 252 Tablean del Amour conjugal, elle manque d’inftrument pour cela, & n’a d’empire que fur ce qui lui apar- tient. La formation d’un enfant ne peut être que Paction de Pintelligence, qui fe fert de lame pour lui donner ia fiau- re convenable. C’efi donc à cette ame à donner la forme externe, & à chaque partie & à tout le corps même, Et ce feroit une chofe ridicule , que la facul- té formatrice de Pame, qui n’efl autre chofe que ’ame même, compofat une partie, & que d’un autre côté Pimagi- pation qui n’en eft qw’une faculté, lui donunat ia figure. La Boulangére qui mourut en cette ville , Il y a quatre ou cinq ans, à fa troifiéme couche dificile, parce qu’elle ne fe pouvoit délivrer d’un enfant , qui avoit , comme fon pere, les épaules fort larges, ne mou- rut que par l’éfort qu’elle fit en tächant de le mettre au monde.ll refflembloit fi par faitement à {on pere dans la largeur de fa poitrine, que je ne puis croire que cette conformation foit venue de imagination de la mere. Sur ce principe, la mere de Pierre Forefius, Pun de nos favans man LEIU= «“ confidére dans l'état dan Mariage. 253 refufa en mariage , pour fa fille , un homme fort riche , parce qu’il étoit lar- ge d’épaules, dans la crainte que fa fil- le ne mourut en couche , par l’expé- rience qu’elle en avoit. 6. Maïs encor eft - ce l'imagination de la mere, qui a engendré dans les reins de fon fils une pierre qui lui a été tirée à l’âge de cinq ans ? La mere a- t-elle jamais penfé à cette maladie , à laquelle le pere avoit des difpofitions, quand à Pâge de 18. ans ïl fit ceten- fant , puifque le pere même n’avoit point encor reffenti cette incommo- dité, dont ïl ne s’eft aperçüû qu’à l’âge de so. ans ? 7. Enfin on ne peut atribuer à Pima- gination de la mere , l'horreur qu’a- voient deux fréres pour du fromage, puifque leur mere aimoit avec paflion cet aliment : on dévroit plutôt atribuer cette répugnance à des caufes internes & eflentielles , puifque , felon la re- marque de Skerkins, qui nous en fait Phiftoire , leur pere ne pouvoit en fou- frir Podeur fans fe pâmer. Après tout cela , il faut donc dire Tome IZ, x que 254 Tableau del Amour conjugal, que ce n’eft point lPinagination de Ia mere qui eît la caufe de la reffemblan- ce des enfans, non plus que des incli- pations & des maladies auxquelles ils font fujets : que c’elt plutôt un pareïl, & je puis dire un même principe qui a fait le corps du pere, qui travaille {ur celui du fils , & que lame de celui-ci imprime des caractéres femblables fur une matiére qui lui obéit, & qui a des difpofitions à ces mêmes accidens. Afin d'examiner de plus près cette queftion , on doit obferver plufeurs chofes que je juge être nécefaires our la bien entendre. Premiérement , on doit remarquer que la femence eft animée de lame de l’homme qui eit communicative, com- me nous avons expliqué aïlieurs. Secondement, que les femences de l’homme & de la femme étant mêlées, ont des mâuvemens actuels & des mouvemens en puiflance : que les pre- miers font des puiffances prochaines, & que les autres ne font que des mou- vemens élotgnez. , En troïfiéme lieu , que Ia reffem- , blan= confidere dans Pétat dn Mariage. 255$ blance eft effentielle ou accidentelle ; que la naturelle, procédant des princi- pes internes de l'enfant , eft toujours certaine & conflante : au lieu que Pac- cidentelle ne Peft point. 1. Cela étant fupofé , examinons d’a- bord la caufe de la reflemblance du fils au pere, & de la fille à la mere, com- me la plus naturelle de toutes. 2. Recherchons enfuite la caufe de Ja reflemblance de la fille au pere , & du fils à la mere. 3. Obfervons auffi la caufe de fa ref- femblance que les enfans ont confufé- ment avec leur pere & leur mere. . Découvrons encor pourquoi Îes fréres & les fœurs fe reflemblent. s. Voïons après cela la fource de a refflemblance des enfans aux grands- peres , aux bifaïeuls & aux oncles. 6. Examinons enfin pourquoi un en- fant ne reffembie à aucun de fes parens. 1. La caufe de la reffemblance du fils au pere, & de la fille à la mere, ne peut être prife que des principes In= ternes qui fervent à former ces enfans ; c’eft-à-dire , des femences de l’homme Y>2 & 2$6 Tableau de l'Amour conjugal, & de la femme, qui étant unies enfem- ble ne font qu’un corps, fur lequel l’a- me , qui ef l’autre principe , venant à agir , fe fabrique un domicile pour fa demeure. Je le dis encor une foïs ; je ne parle point ici de l’ame immortelle, qui ne fe communique jamais, & qui ne fait point de reflemblances. Je parle feu- lement de lame maternelle, qui fert d’infirument à l'intelligence, qui la fait agir felon fes ordres. Les efprits ou l’ame qui réfide dans la femence de l’homme, s'étant donc mêlée avec l’ame qui eft dans la femen- ce de la femme, lorfque la conception s’acomplit , & ne faifant alors qu’un même compofe , travaïllé en qualité de principe fur la matiére la plus terreftre & la plus épaïfle de la femence de Pun & de l'autre fexe. Et parce que la fe- mence d’une femme peut être d’un tempérament chaud & fec, qu’elle a les parties de fa matiére preflées les unes auprès des autres, & qu’elle ne manque pas d’efprit pour produire un mâle , la femence de l’homme lui im- pri Fe De … confidére dans état du Mariage. 257 fprimant fon caradére , fait un mélange qui a toutes les qualitez convenables à former un garçon : car Pame qui eft dans la femence de Phomme , aïant le mouvement fort prompt & fort a&if, lemporte fur Pame qui eft dans la fe- mence de la femme & faït ainfi obéir Ia matiére fur laquelle elle travaille : f bien, que celle-ci étant pénétrée par celle-là , ïl fe fait un mélange dans la boule où fe forme Penfant , qui caufe la reffemblance qu’a cet enfant avec fon pere. Si on mêle du levain bien aïgre parmi de la pâte, le païn qui en fera fait fentira laigre, quoïquele levain y foit entré en beaucoup plus petite quantité. Tout de même , lame qui eft dans la femence du pere, ou, fi Pon veut , les efprits qui y réfident étant fort pénétrans, fe font connoître dans le mélange qui fe fait de deux femen- ces. Et c’eft ce qui arrive toujours fe- Jon les loïx de la nature, que le fils eft femblable au pere , & la fille à la mere; autrement , felon le fentiment d’Arifto- t , ce feroit un efpéce de monfüe, Fr EN s'ils 253 Tableau de l Amour conjugal, s’ils refembloïent à quelqu’autre per- fonne. Le projet de l’enfant aïant donc re- çü la complexion du pere , par les im- preflions qw’a fait fa femence, fur la fe- mence de la femme , fe perfedionne tous les jours par ces mêmes princi- pes. Si le pere , par exemple, eft bi- lieux & mélancolique, qu’il foit haut & prompt , & qu’il aït avec cela la voix grofle & de bonnes inclinations ; une portion de fon ame, qu’il commu- nique à fon enfant par le moïen de fa femence , portera par tout avec elle ces qualitez qui en font inféparab!es, Elle dilatera & étendra la maticére des os :elle produira de [a chaleur & de la fécherelfe dans les principales parties; elle caufera , en un mot , un tempéra- ment bilieux & mélancolique : enfin la partie de la femence du pere, qui n’eit autre chofe qu’une portion de fon ame , avec fa partie groffére , dontle corps eft en partie formé , l’'empor- tant fur l'ame, la matiére qui eft.dans la femence de la mere, ef la fource de la reflemblance qua un garçon res on. confidéré dans etat du Mariage. 259 fon pere , non- feulement d'efpéce, mais encor de fexe & d’individu. Il en arrive aïnfi de la reflemblance qu’a une fille avec fa mere : car [a ma- tiére qui eft renfermée dans une bou- le , étant d’une complexion froide & humide , f on la compare à [a matiere dont un garçon eft formé, ne peut fer- vir qu’à faire une fille, principalement fi la femence de l'homme ef fcible & languiffante & qu’elle aproche du tempérament de celle de [a femme, Pame aïant une force dominante prend le deffus fur Pame de la femence de l’homme, & étant unies enfemble , im- priment fur Ja matiére, qui elt difpo- fée à recevoir fon caradére féminin, des marques de reffemblance avec la femme dont elle procéde. Deforte que f la femme eft d’un tempérament froid & humide, qu’elle foit pituiteu- fe & fujette aux fluxions , que fes paf- fions foient modérées & fes mœurs raifonnables ; l’ame qui agit fortement fur la matiére du projet de l'enfant, produira aufli les mêmes éfets dans ia ile qui doit naitre. Car fi ie tempéra- £ ment 260 Tableau de ? Amour conjugal, ment de la mere eft ia caufe de tout ce que nous remarquons en elle ; que fes mœurs & fa fanté en foient des éfets, & que {a difpofition de l'ame & de la matiére de ia femence fuive auf par néceflité ce même tempérament, on doit fans doute aprendre que Ja fil- le foit fembiabie à fa mere & qu’elle ait les mêmes inclinations ; puifqu’elle poliéde plus de fon corps que de l'ame & du corps de fon pere. L’ame de la femence du pere, & fa femence mé- me, n’a fervi dans cette ocafion qu’à rendre la femence de la mere prolifi- que & à augmenter a maticre du pro- jet. Elle a foufert | pour ainf dire, plus qu’elle n’a agi, & l’on diroit mé- me que le pere n’a rien contribué | pour faire cette fille, tant eile reflem- ble à fa mere dans les qualitez du corps & dans les pafions de Pame. 2. Maïs fi la fille reffemble au pere, & le fils à la mere, ce qui arrive fou- vent, on doit concevoir d’une autre façon la caufe de la reflemblance indi- viduelie. Si Je pere, par exemple , eft grand & gros, s’ileft fanguin &pitui- feux, confidére dans l'état du Mariage. 261 teux , qu’il ait la chair molaïle & les adions lentes : fi la mere, au contraï- re, eft petite, féche & bilieufe,prompte & agiflante,& qu’elle ait la chair ferme; il peut arriver , & arrive même tous les jours , que la fille reffemblera au pere, & le fils à [a mere. La fource de cette reffemblance eft, que lame & la matiére qui fervent à la conception, font la caufe de la reffem- blance , lorfque lune ou l’autre fe- mence fait paroître dans le mélange de la formation fes qualitez premiéres & fecondes. Je pourroïs dire , pour éclaircir cect, que lame & [a matiére de la femence de l’homme étant con- formes à fes principes , c’eft-à-dire, étant froides, humides , lentes & pi- tuiteufes, comme eft celui d’où elles procédent , elles dominent fur Pame & fur la femence de la femme , & par leur matiére & par leurs qualitez ; fi bien que lame qui eft dans {a femence du pere , aïant fouvent des mouvemens trés-actifs & très-pénétrans , s'empare de l’ame de la femence de Ia mere, & s, par ce mélange il ne fe fait qu'un Re fub« 262 Tableau de l'Amour conjugal, fubtil , dont la partie dominante re- tient toujours le parti de [a comple- xion du pere : lame dominante im- prime donc fon cara&ére féminin fur Penfant, qui doit fe former dans les en- traïlles de fa mere, & rend cette fille femblable à fon pere. Elle eft grande & groffe comme lui ; elle eft lente dans fes aions ; fes yeux font bien fendus, fes régles font abondantes ; enfin elle eft pituiteufe & fanguine comme fon pere. Mais {i le pere ne donne que fort peu de femence , qui ne ferve feule- ment qu’à faire fermenter {a femence de la femme, pleine de feu & d’efprits, il naïtra de ce mélange un garçon, qui aura le tempérament de la mere, la même figure, & les mêmes inclina- tions. Il fera petit comme elle , & ïl lui fera tout femblable, fi l’on excepte le fexe. Car cette femme étant d’une complexion chaude & féche, fi nous la comparons à fon mari, imprime fur le projet de fon enfant un caradére mafculin qui fe feroit toujours connoï- tre, à moins que la femence du perene dé- confideré dans l'état du Mariage. 263 détournât lPinclination de la nature. 3. Il n’en arrive pas aïnfï lorfque les enfans reflembient & à leur pere & à leur mere tout enfemble. Les femen- ces des deux fexes font alors tellement égales en matiére , en force, & en qua- lité , que l'enfant a des parties de un & de lautre , ou bien ïl a une partie femblable à la méme partie du pere, & il en a une autre qui reflemble à une partie de la mere. Cet enfant , par exemple ,avec le nez de fon pere & Ia bouche de fa mere, a la poitrine de fa mere & le foie ou Peflomac de fon pe- re. En un mot, il fera fujet aux incom- moditez de Pun & aux paffions de Pau- tre. La caufe de cette refflemblance, n’eft autre chofe que le mouvement diférent des diférentes parties de la fe- mence de l'homme & de la femme ; & s’il eft vrai que la femence coule des principales parties de l’un & de lPau- tre, & qu'avec cela elle fort animée, ainfi que nous lPavons prouvé , il me femble qu’on ne doit point avoir de peine à concevoir comment une par- te 264 Tableau del Amour conjugal, tie dun enfant reffemble à une partie de fon pere, & qu’une autre partie de ce même enfant reffemble à une partie | de fa mere. Car comme la portion de { la femence qui coule , par exemple, de la tête du pere ou de Ja mere, fait des mouvemens diférens, Pune & l'au- tre portion étant mélées , fans pour- tant être confonduëés ; l'intelligence qui a ordre de a nature de former un enfant , trouvant une matiére difpofée à former la tête d’une telle ou d’une telle façon , par la victoire d’une fe- mence fur l’autre , travaille fur cette même matiére , felon les ordres qu’el- le a reçus. Maïs comme elle rencontre beaucoup de matiére dans la portion de [a femence qui doit fervir à faire le nez, & qu’outre cela cette matiére a encor des mouvemens forts & adifs, elle forme par le moïen de lame qui lui obéit toujours, cette partie de l’en- fant femblable à celle de fon pere; c'elt-à-dire , elle fait un nez gros & aquilin. Il en arrive de même dans la forma- tion des autres parties du corps de cet Ens confidéré dans l'état du Mariage. 265 enfant ; f: bien , que fi la portion de Ia femence qui eft deltinée à former le cœur & la poitrine , tient plus de Ia | matiére & de l'ame de la femence dela mere , l'enfant à venir fera fujet aux mêmes paflions & aux mêmes incom- moditez que la mere. Enfin, felonles divers mouvemens forts ou foibles que le projet aura recu, l’enfant aura quel- ques parties femblables à celles de {on pere, & quelques autres à celles de fa mere. 4. C’eft encor la même caufe qui rend les jumeaux & les jumelles fem- blables les uns aux autres. Car fi nous faifons réflexion fur ce que nous avons dit au chap. 3. de ce Livre, nous ferons perfuadez que la femence de l’homme fe communiquant prefque dans un moment , a beaucoup de petites bou- les que la femme conferve dans les conduits de fa matrice ; elle leur im- prime fon caradére , & fait les mêmes . impreffions fur les unes que fur les au- tres ; fi bien que s’il s’y trouve de la diférence , foit pour le fexe foit pour Pindividu , cela vient plutôt de la fem- Tome 1. Z me 266 Tableau de Amour conjugal, me que de l’homme ; car pour Ia fe mence de homme, elle fe partage à plufieurs boules de l’un ou de Pautre coté de la matrice, quandil y a des dif- pofitions pour Py recevoir, & faifant les mêmes impreffions fur les unes que fur les autres , elle caufe aïnf la reflem- blance des jumeaux & des jumelles. s. Maïs il n’en eft pas de même quand les enfans reflemblent à leur graïnd-pe- re ou à leur bifaïeul. La nature ne fait point alors agir lame par des mouve- mens auels & prochains , elle ne la fait agir que par des mouvemens en puiflance , & ne fait point reprefenter les perfonnes dont Pame procéde, mais celle dont elle a été produite. Ces trois enfans , qui dans la famille des Ze- pides à Rome , nâquirent loïn les uns des autres , avec une membrane qui leur couvroit un œil, font des preuves autentiques de ce que J’avance. Pour comprendre bien cela, on doit être perfuadé que les refflemblances que nous avons avec nos Ancêtres font en puiffance dans notre femence ; par Pame & les humeurs qu'ils nous ont com- confidéré dans l'etat du AAariage. 267 communiquées , fi bien que sil ya quelque caufe accidentelle, qui em- pêche un enfant de refflembler à fon pere ou à fa mere , on doit croire qu’il reprefentera lun de fes parens , dont l'idée eft demeurée dans l'ame du pere & de la mere. Car s’il eft vrai que mon ame foit venue de mon pere, & que lame de mon pere foit fortie du fsen,& ainfi toujours en remontant , par le commandement que Dieu fit à la natu- re au commencement du monde, fe- Jon laremarque de Teriullien | je pour- rai dire , que mon ame porte avec elle le caradére & l'idée de tous ceux par lefquels elle a pañlé. Et fi la femence communique fucceffivement à plu- fieurs particuliers à peu près le même tempérament , quelle dificulté y a-t-1l à croire qu’un enfant peut reffembler à fon bifaïeul , non-feulement felon la f- gure de fes parties externes, maïs en- cor felon fes paflions & fon humeur ? Une pierre d’aïman touchant un mor- ceau de fer, lui communique fa pro- pre vertu, & puis ce morceau de fer agit avec une pareille aivité que la Z 3 pier- 268 Tableau de P Amour conjugal, pierre même. Ainf il arrive fouvent . que la femence du fils fait de pareïlles imprefions que feroit la femence du pere. C’eft dequot on fera plus pleï- nement perfuadé par la queftion que nous allons examiner ; favoir , pour- quoi un enfant ne reffemble à aucun de fes parens. 6. Il n’eft pas befoïin de répéter ic ce que nous avons dit ci-deflus, de la caufe de la reffemblance qu’ont les en- fans avec leur pere ou avecleur mere; nous avons prouvé affez évidemment, ce me femble , que la portion de l'ame de homme & de la femme , qui acom- pagnoit la femence de l’un & de Pau- tre fexe, & que le tempérament qui en étoit inféparable , étoient.la caufe de cette reffemblance ; & que c’étoit d’où venoit l’éfigie , les paflions de Pa- me, la fanté , les maladies qui faifoïent reflembler les enfans à leurs ancêtres. Nous avons encor fait remarquer que cette refflemblance étant naturelle , ne pouvoit venir que d’un principe inter- ne, & que fi elle manquoit quelque- fais à paroître , il falloiït en Mu : le chan- confidére dans l'état du Mariage. 269 changement à des caufes étrangéres, qui troublent la nature dans fon a&ion, & qui détournent les mouvemens Ît- bres qui fe trouvent dans la femence du pere ou de la mere. En éfet, fi ces mouvemens font un peu interrompus par des caufes étran- géres , les enfans naïflent femblables à leur grand-pere ou à leur bifaïeul , fe- Jon l’obfervation qu’en a fait A4. Be- gon , Intendant de cette Province, lun des fages hommes & des plus curieux que je connoiffe. Il nva dit qu’il avoit remarqué aux Antilles des enfans ju- meaux engendrez par des Métifs , que Pon nomme Muiâtres , dont les uns - étant blancs,avoient les cheveux longs, & les autres étant noirs , avoïent les cheveux crêpus , & que cette reffem- blance ne pouvoit venir que de leurs ancêtres qui avoient été de ces efpé- ces-à. Car, ajoûtoit-il , il y a autant defpéces d'homme qu’il y a d’efpéces de chien. Maïs Voffius, qui a obfervé qu’en Afrique il naïffoit un enfant blanc d’un pere & d’une mere Négres , & que ces productions diférentes ve- Z 3 noient 270 Tableau de P Amour conjugal, noient plutôt de la vérole de leurs pa- rens, quifaifoient un ladre , que de la reflembiance de leurs ancêtres , dit auffi que ces enfans ctoient foibles & languïffans de vüe , & ne voïoient qu’au clair de [a lune. Sils font beau- coup interrompus , ils re{flemblent à leurs parens en ligne collatérale. Sils font forcez & agitez, ils ne reflemb'ent ni aux uns ni aux autres, mais feule- ment à l’efpéce de l’homme. Enfin fi ces mouvemens font entiérement Iné- gaux, & qu’ils trouvent une matiére brouillée & défunie , ïl en vient des hermaphrodites & des monfires. _ Le fuc dont lenfant fe nourrit d’a- bord, le fang des régles'par lequel il fe perfe&ïonne , les paflions de ame de fa mere, le lieu large ou étroit où il de- meure pendant neuf mois, les alimens dont ïl ufe après être né, l'habitude qu'il prend pour fes mœurs , par les exemples qu’ilimite, font de puiflan- tes caufes, que je pourroiïs apeller étrangéres , qui troublent quelquefois les mouvemens direûs de la nature & qui l’empêchent de faire des impref- fions confidéré dans l'état du Mariage. 274 Sons naturelles fur un enfant. La natu- re reflemble en cela à un Peintre, qui fait fouvent des tableaux par imitation; mais qui en fait auffi quelquefois par caprice. Pour éclaircir davantage cette quef- tion , je puis dire que la femence étant animée , comme nous Pavons prouvé , porte avec elle des caraûéres d’indivi- du , & que ces caractéres étant des mouvemens aûuels & prochains, ne manquent Jamais à être communiquez au corps fur lequel ïls font imprimez, comme Il y a d’autres mouvemens éloïgnez qui ne portent point avec eux i’idée d’un particulier , maïs qui portenten générai la figure & la repre- fentation d’un homme , ïl s'enfuit qu'aux moindres petits defordres qui arrivent dans la génération , le pere ou la mere peut engendrer par ces der- niers mouvemens un enfant qui ref- femble à un homme , mais qui n’aura aucune refflemblance avec ceux qui auront engendré. | L’imagination de [a mere trouble plutôt Padion dela nature qu’elle ne con pu. US 272 Tableau del Amour conjugal, contribué à [a refflemblance. J'avouë cependant qu’elle a quelque pouvoir fur fes efprits & fur fes humeurs ; & f elle ne faït point d’impreffion fur le projet d’un enfant qui fe gouverne par lui-même dans fes premiers jours de vie , elle en fait du moins fur le fuc nourriflier ou fur le fang des régles, dont Penfant fe nourrit dans les flancs de fa mere. On fait quels changemens & quels defordres caufent les alimens au com- mencement de notre vie. Comme ils entretiennent notre chaleur , quand ils font bons , ils Ia détruifent quand ils font mauvais. J’atribuë Pembon- point de certains peuples à l’'ufage du lait , du beure & du fromage, & àun air froid & humide qu’ils refpirent ; au lieu que l’on en remarque d’autres qui ont une toute autre figure , parce qu’ils vivent dans un air tout opofé à celui-là , & qu’ils ufent d’autres ali- mens. | Enfin ïl ya quantité d’autres caufes éloïgnées de notre tempérament & de nos inclinations naturelles ; fi bien que, confidéré dans état du Mariage. 273 que , quand l'âge nous met en état d'è- tre comparez à notre pere ou à notre mere , nous nous trouvons alors fort diférens, foit par notre faute, ou par la faute de ceux qui onteu foin de no- tre éducation. Ainf j'ofe conclure hardiment , qu’à moins qu’il n°y ait des caufes acciden- telles & éloignées , qui changent [a refflemblance que nous devons natu- rellement avoir avec ceux qui nous ont engendrez , nous leur fommes fort femblables. Les Garamaniens , qui n’é- toient pas fauvages en ceci , faifoient mourrir tous leurs enfans en commun jufqu’à l’âge de cinq ans, & alors ils donnoient à chacun les enfans qui lui reffembloient le plus , jugeant par-là qu’il étoit leur pere & qu’il étoit obli- gé d’en prendre foin. Ils croïoient donc que la reffemblance étoit ‘une puiffante conjeure de filiation , & qu’elle procédoit de quelque principe interne qui étoit invariable. Pour moi favoué que j'auroïs mau- vaife opinion d’une femme qui auroït un enfant qui refflembleroit à lun de | fes 274 Tablean de? Amour conjugal, fes domefliques ; & ce feroit , felon mon fentiment , une preuve aflez forte pour le faire eflimer iliégitime ; au lieu que s’il étoit femblable à fon pere , ce feroit fans doute une grande conjedu- re pour la chafteté de la mere. Bééebetéss FRS GR SE dE CHAPITRE VIIL Pourquoi il y 4 des enfans qui naiffent foi= bles ou imparfaits, & d'autres forts € robuffes. S ‘I ef vraï que fe mariage des Rois a principalement en vûé le bien de leurs Etats , ïl ef jufte que celui de leurs fujets ait auffi pour fin 1a gloire de leurs Princes. Un Roi ne fera jamais en état de fe défendre contre les inful- tes de fes ennemis,bien loin de conqué- rir des Villes & des Provinces, s’il a des fujets foibles on imparfaits : au contrat re, rien ne pourra réffler à fa puiflan- ce, s’il en a de bien faits & de robuftes. Ceft donc une chofe digne d’un Rojaume bien policé, de régler telle- ment confidéré dans l'état dun Mariage. 275 ment ce qui concerne les mariages , que tous ceux qui y naïflent, puillent un jour être capables de foutenir les entreprifes de celui qui y commande. Si nous pouvions découviir la caufe qui fait qu’il y atant de perfonnes peti- tes , valétudinaires ou contrefaites, & en même-tems ce qui fait les hommes forts & robuftes, fpirituels & adroïits; ce feroit, ce me femble, un moïen af- furé pour remédier aux défordres qui marrivent que trop fouvent dans les familles & dans les Etats, par la né- gligence qui fe remarque dans les ma- rjages & par les abus qui s’y commet- tent tous les jours. Si le Roï Archéfilaüs n’eût époulé une femme jeune & petite, jamais les Lacédémoniens , fes fujets, n’euffent eu pour lui tant de mépris nf tant d’in- diférence. Car quelle aparence qu’une telle femme eut pà fournir affez de ma- tiére pour former un enfant d’une tail- le avaritageufe ? Ses entrailles auroïent été trop preflées & fes flancs trop ref- ferrez, pour s’élargir comme il faloit, & elle n’auroit pas eu aflez d’humeurs pour 276 Tableau di l'Amour conjugal, pour lui communiquer la nourriture dont il auroït eu befoïn. Cet enfant au- roit été un nain comme fa mere, & puis Il auroït été un objet de mépris & la haine des peuples, & un fujet indi- gne d’être le fils d’un Roï. En éfet, une petite femme de dou- ze ans , où quand même elle feroit plus âgce , a les flancs trop ferrez & les parties de la génération trop peti- tes pour y contenir durant neuf mois un enfant de belle taïlle;& bien loin de, le porter jufqu’au bout de fa groffeffe, elle feroit contrainte d’acoucher avant que toutes les parties de l’enfant fuf- fent acomplies. Mais encor fi le mari & la femme font fort jeunes & d’un même âge , la femence de celui - là n’augmentera prefque pas la matiére de la boule où l’enfant dévra être for- mé. Elle ne communiquera feulement que fes efprits fermentatifs pour la gé- nération, & aïnfi l'enfant fera toujours foible , ianguifflant & petit. Les petites perfonnes viennent en- cor d’une autre caufe ; car fi le pere & la mére font d’un tempérament ex- trême- confidére dans Pétat du Mariage. 277 trèmement dafcifs , l’expérience fait voir que les enfans qui en naïffent ne peuvent être grands. L’amour de deux jeunes perfonnes mariées les embräfe fouvent de telle forte, qu’il ne fe paf- fe point de jour que cette paflion vio- lente ne les agite & ne les epuile. Et fi par hazard ïl naît quelqu’enfant de ces embraflemens réiterez , ce ne font que des nains & des enfans foibles, qui n’ont pas eu dans {es flancs de leur mere affez de matiére pour y être bien formez. On fe joint trop fouvent l’un à Pautre pour avoir de la femence bien cuite & bien digérée ; & ainfile mart ne communique à fa femme que fort peu de matiére pour Ja génération, & encor eft - elle mal conditionnée. La femme , de fon côté, n’a que de très- foible femence , puifque amour l’o- blige à la répandre plutôt qu’il ne fau- droit. Ce peu de matiére donc qui fert à former cet enfant , ne peut fervir qu'à faire des parties trop petites, pour être Jamais les parties d’un corps bien proportionné. Si les perfonnes mariées imitoient Tome IL. Aa la 278 Tableau de P Amour conjugal, Ja chafteté d’un Roï des Palmyréniens, & de Zénobie fa femme, nous aurions auffi beaucoup pius d'hommes grands, fpirituels & robufles que nous ren avons. On raporte que cette Princeffe étoit fi modérée dans [a pafion , qu’el- le ne s’aprochoït jamaïs de fon imart que pouren avoir des enfans, & que pour cela elle atendoit toüjours le tems de fes régles pour connoïûtre fi elle étoit grofle ou non. Si fes régles pa- roï{loïent , elle retournoït incontinent après entre les bras du Roï, an d’o- béir plutôt aux ordres de 1a nature qu’à fa propre paflion, Et fiies régles ne venoient point, elle fe pafloit pen- dant fa groffefle des piaïfirs du maria- ge, que la piüpart des femmes fouhai- tent alors avec tant d’ardeur. C’efl le véritable moïen de faire des enfans forts & fpiriruels que d’en ufer de la forte. Il femble que l’on fe rema- rie toutes les fois que l’on fe carefle après un allez long intervale. II ne manque alors ni matiére nt efprits pour former un enfant bien fait, & Pex- périence fait voir tous les jours .# jes confidire dans l'état du Mariage. 279 les plus grands hommes font fouvent venus de conjonctions illégitimes. Ja- mais Rome n’auroit été ja terreur de {es voifins, fi Romulus fon Fondateur ne fut né de la forte ; & jamais deux Villes confidérables de l'Europe n’euflent le- vé deux Statuës à honneur & àala mé- moire d'Erafme , fi {a naiflance ne lui eut donné de Pefprit. En éfet, la femence aletems de fe evire & de fe perfeionner, les efprits sy afemblent en plus grande foule, Jorfque l’on fe carefle rarement. Les plairs de Pamour font même plus grands , quand on les prend avec mo- dération , & ils ne dégoütent pas com- me. iis font ordinairement. Pour peu de fanté qu’aïent un hom« me & une femme, pourvû qu'ils ob- fervent tout ce que Pon doit obfer- ver pour faire des enfans forts & fpi- rituels ,ils ne manquent pas dy réuf- fix : Et nous ne voïons jamais gucres, POUT me fervir de la penfée d’un Poëte , des Aigles fières engendrer de foibles C olombes. Mais f dans l'excès de Pamour, fa femme prend le deflus & n’obferve pas Aa2 tou 280 Tableau del Amour conjugal, toute la bienféance que l’on doit ob- ferver quand on fe carefle amoureufe- ment , on ne doit pas douter que cette pofture ne foit Pune des caufes des pe. tites & foibles perfonnes : car puif- qu’un homme lafcif, comme nous ve- nons de le dire, ne répand à chaque fois que fort peu de femence ; fi d’ail- leurs il ne garde pas une pofture con- venable , le peu de matiére qu’il ré- pandra ne fera pas reçuë où elle doit Pêtre , & ainfi ïl ne fe fera point de conception, ou s’il s’en fait, ce ne fera qu’un avorton Où un nain, qui n’au- ra rien d’avantageux, ni dans lame ni dans le corps. Tout le monde fait que la vieïllefle eft froide & languiffante , & qu’elle n’a guéres de vigueur dans les em- braflemens amoureux. Si lon fait un enfant en cet âge-là , on doit croire pour l'ordinaire qu’il fera lent ou ftu- pide, fon pere n’aïant de matiére & d’efprits que pour lui donner feule- ment la forme d'homme ; à moins que fa mere , qui eft fouvent jeune & amoureufe , ne contribuë de fon côté au confidéré dans l'état du Mariage. 281 au génie de fon enfant, par Pabondan- ce de fon feu & de fes efprits. Un che- val engendré d’un vieux cheval , n’eft jamais agile , & les Ecuïers favent très- bien qu’il n’eft pas fi propre au mané= ge ni à la guerre que les autres. Mais daps la fleur de lige , quand onne croît ni ne décroiît plus , on a tout ce qui eft propre à faire des enfans fpiri- tuels & robuftes. C’eft pour cela, qu’au raport de Céfar , les anciens Allemans, qui ont toujours pafñlé pour des gens forts , eftimoient que c’étoit une chofe honteufe à un homme de connoître une femme avant l’âge de vingt ans. La mauvaife façon de vivre des pee rés & meres , eftencor l’une des cau- fes les plus communes de Ia foïbleffe des enfans. Jamais un homme débau- ché n’engendrera un enfant robufte & vertueux ; & Îles incommoditez qui acompagneront cet enfant pendant fa vie, ne feront que des fuites aflurées & des marques évidentes des crimes de fon pere & des foïblefles de fa me- re. La ladrerie, la goute , les écrotiel- les , la fiupidité de lefprit, & les autres Aa 3 fa 882 Tables dé? Ameur conjugal, ficheufes maladies, viennent fouvent de {a vie déréglée de ceux qui nous ont engendrez. Nous héritons fouvent de leurs incommoditez, & prefque 1a- © mais de leur vertu. Et commeiefang | de ces peres & meres efi tout plein de cruditez & de pituite, toutes les par- ties qui s’en nourriflent, font aufli des excrémens qui ont des ufages diférens de ceux que la nature s’etoit propofez. Les teflicules, pour ne.m’arrêter qu'a ces parties genitales , ne peuvent faire d’un fang crud & froïd ,ure bonne fe- mence, qui foit enfuiie la caufe d’un enfant fain & vigoureux. Au lieu d’é- tre pleine d’efprits & de feu, d’avoir une maticre écumeufe & raréfiée , & d’être pure & tempérée , elle efi prtur- teufe & pleine d’ordures ; ce auive caufe que des défordres dans la gé- nération. Ceux qui s'étudient à avoir desen- fans fains & fpirituels , obfervent en- trautres chofes , un tems qui ne foit incommode ni pour eux , ni pour leurs femmes ; fur-tout ils fe donnent bien de garde; ainfi que nous l'avons re- male confidére dans l'etat du Mariage. 2183 marqué, de les connoïtre pendant leurs régles , ou peu de tems auparavant. Car s'il arrive que la conception fe -fafle , lorfque les régles font prêtes à couler , ou qu’elles coulent même, les ordures dont la matrice eft alors remplie , tachent & infedent la femen- ce de l’homme, qui porte enluite de mauvailes qualitez dans le lieu où ré- fide ordinairement la femence de 1a femme , & où fe fait la conception. La génération sy acompiit pourtant, imais la maticre quai fert à former Pen- fant, n’ctant pas pure & bien condi- tionnée , les parties qui en font faites en deviennent mal faites ; deforte que dans la fuite elles font fort mai leurs fon@ions , & rendent par conféquert enfant valétudinaire & incommodé. Nous n'avons fur cela que trop d’e- xempies , fi l'honnêteté & la bien- féance me permettoient de les mettre au jour. | On doit donc obferver bien des chofes pour n’engendrer pas des en- fans mal faits; carfile corps a des dé- fauts , quand onles néglige , lame "f } È 284 Tableau de l Amour conjugal, fi n’en a pas moins : & je fuis affüré que fi Therfites n’eût été fi laïd , il n’eût point eu une fi méchante ame ; & il eft impofible qu’une ame püût bien faire fes fonctions dans le corps d’un hom- me tel qu’étoit Le fien. Il avoit le dos enfonce , la tête pointué , du duvet au menton , au lieu de barbe ; & avec cela ïl étoit boiteux & louche. Cette laïdeur eft une marque de tous les vi- ces, au lieu que la beauté du corps eft image d’une belle ame, & le carac- tére d’un homme de bien, finous en croïons S. Ambroife. Ce ne font point les aftres qui nous font fpirituels , robuftes, valétudinaï- res ou imparfaits. Ils font trop éloi- gnez de nous. Et quoïque le foleïl & la lune aïent à la vérité plus de force que les autres, cependant ils ragiffent fur nous que comme des caufes étran- géres , bien diférentes de celles qui nous font effentielles. Nous voions tous les Jours des enfans conçus au même afpeû des aftres & à [a même heure du jour, qui ont néamoins des inclinations toutes diférentes & des corps confidéré dans l'état dn Mariage. 285 corps dè diférente forme. J’avoué pourtant qu’un enfant fera plus pru- dent & plus fage , qui aura été formé au printems ou en automne, & qu’un autre fera plus prompt ou moins actif, qui aura été conçu en été ou en hiver; mais ces diverfes inclinations ne dé- pendent pas tant des aflres, que des humeurs qui dominent en ces far- _ fons dans le corps de leur pere ou de leur mere. | Les enfans diformes & qui tiennent du monftre , ne font conçüs que par des caufes naturelles, quoïqu’en veüil- lent dire quelques Docteurs. Ils dépen- dent de l’homme ou de la femme, ou enfin de quelque alliance qui eft con- tre les loïx’ de la nature. Les Naturalifles nous font remar- quer, que fi un coq couvre une pou le une feule fois, ïl rend plufieurs de fes œufs féconds ; & fi l’on regarde de près ces mêmes œufs , Pon verra dans quelques-uns deux jauñes, d’où naîtront enfuite deux poulets , fouvent féparez & quelquefois unis. Quelque- fois auffi, mais plus rarement , il pa- IOitrà 286 Tableau del Amour conjugal, roîtra fur un jaune deux taches ou deux ongles , qui auront reçü en mé- me-tems Îles inpreflions génératives du coq ; &,je ne doute pas quece ne foit de-làa que naïffent les poulets di- formes & qui aprochent du monftre. J’en dis autant à proportion des en- fans. Car fi la femence de l’homme touche plufieurs boules, qui aïent des difpofitions à en recevoir des impref- fions , elle les fait toutes fermenter'& les vivifie au même moment; fi bien que de cette génération il naît plu- fieurs enfans , qui ont des envelopes diférentes, & qui ont aufli des arrié- re-faix particuliers. Maïs s’il fe trou- ve dans une boule une matiére féparee | en deux par une petite membrane, ou que cette matiére aït deux projets d’enfans, la femence de l’homme ne laïfle pas de les exciter toutes deux à la fois & de les animer , comme sil n’y en avoit qu'un. Chaque partie de la boule reçoit les impreflions généra- tives de la femence de homme, & 1L en vient des Juineaux ou des jmel- les , qui étant feparez les uns des au- | tres , | | ._ confidéré dans Pétat du Mariage. 287 tres, & rarement unis, ont fouvent un arriére-faix commun.Maïs fi deux bou- les font unies, il fe fait un monfire peut- être femblabie à celui que je visii y a un mois, qui avoit deux têtes, quatre bras, & deux piez feulement ; c’eft la véritable caufe , felon mon avis, de Ia génération des monfires. La matrice peut encore contribuer à La diformité d’un enfant, felon Le fen« timent de quelques Médecins ; car étant cicatrifée d’un côté ,&ne pou vant s’y dilater comme dans fes autres “parties , il arrive qu’elle preffe enfant du coté de la cicatrice & qu’elle lui caufe par ce moien une mauvaïfe con- formation. Maïs l’expérience nous aprend que les enfans font imparfaits, qui font élevez dans une matrice in- commodée de la forte. Il y a encor d’autres fortes de monfe tres , qui fe forment par le mélange des efpéces diférentes. Les hiftoires que nous avons fur ce fujet, nous font croi- re que la chofe eft impoffible. L’Æ:p- pautore , que le Cardinal de Coritibus mena de France en Italie , & qu'il don- na 288 Tableau del Amour conjugal, . na enfuite au Cardinal Scipior Borghefe ; neft pas une hiftoire faite à plaïfir. Tout Rome le vit & l’admira pendant trente- deux ans, après-quoi il mourut, faute de dents. 11 avoit la tête de tau- reau , & le refte prefque femblable àun cheval. J’aprens qu’en Auvergne , & ailleurs, on fe plaît à avoir de ces for- tes d’animaux ,engendrez par un che val & par une vache. Si lon doute du mélange des hom- mes avec les bêtes, l’on n’a qu’à jetter les yeux fur l'antiquité , & lon y ver- ra Pafiphac , femme du Roï ins, en- endrer un Minotaure, par les plaïfirs qu’elle prit avec un taureau. On y ver- ra encor cette belle fille, nommée Onoftélé | engendrée d’un homme & d’une ânefle. Si ces deux exemples {entent un peu la fable’, au moins celle de cette fille Tofcane , qui acoucha d’un animal, moitié homme & moitié ‘chien , ne fera point fufpete. olater- ran nous a laïffé par écrit, que ce monf- tre nâquit durant le Pontificat du Pape Pie 111. & qu’il avoit les mains, les prez & les oreïlles d’un chien , & le reite d’hoin- confidére dans l'état du Mariage. 289 d'homme. Ces monftres font fi véri- tables , que l’on m'a afluré qu’il en naïf- foit dans l’/fle Formofe, qui avoient la figure d'homme , avec une queuë ve- luëé d’un poil roux , femblabie à celle d’un bœuf. Si cela étoit impoffble, comme quelques-uns fe le perfuadent, jamaïs lÉcriture - Sainte n’auroit fait une Loï là- deflus , qui condamne à mort , la bête & la femme qui s’y fe- roit foumife. Il eft donc aïfé de connoître la caufe des monftres, fans que je me donne la peine de ne la point remarquer ; car s’il eft vraï, comme je l'ai prouvé aïl- leurs , que la femence foit animée & qu’elle vienne de toutes les parties du corps des deux fexes , comme lPexpé- rience nous le fait voir, 11 me femble qu’il n’en faut pas davantage pour dé- couvrir Ja caufe immédiate des inclina- tions & de la figure du corps des monfires. Fin de la troifiéme Partie, Tome IL. | BY : FA: ral DE L'AMOUR CONJUGAL. MEMAKRERESAHÉRREHIATIREREHARIEHHIEENRE QU ATRIEME PARTIE. BÉRARAKIERKIAIESEIIRNERKMARIERIRERTIEARE CHAPITRE PREMIER. AR T;,LCLE, :X De limpuiffance de l'homme. se Ous favons que la généra- ÉEE] tion des animaux parfaits fuit | mmédiatement la conjonc- tion du mâle & de la femelie. Que le mâle doit être dans un âge mé- diocre,felon fon efpéce,qw’il doit Le es confidtré dans l'état du Mariage. 297 fes parties naturelles bien formées, & avec cela joüir d’une fanté parfaite, pour agir comme il doit dans cette ac- tion. Maïs pour ne parler ici que de l’homme, il doit être vigoureux, plein de fang & d’efprits, & avoir tout ce qu’il faut pour careffer amoureufe- ment une femme ; il doit encor com- mauder à fes parties amoureufes, qui doivent lui obéir , lorfqu’il eft quef- tion de faire fon devoir auprés d’une femme. S'il eft trop jeune ou trop vieux, qu’il foit malade , ou qu’il ait quelque défaut naturel dans fes parties princt- pales ou amoureufes , ïl n’y a pas de dificulté qu’on ne le puiffe taxer d’im- puifflance. Car fi le membre viril eft trop court ou trop petit, qu’il foit mo- let ou paralytique ; que le trou par où doit paffer la femence ne foit pas dans le lieu où ii doit être; que d’ailleurs un homme foit trop gras & qu’il aitle ventre prodigieufement avancé , que fes tefticules foïent petits ou fletris, ou qu’il ren ait point du tout ; que fa feimence foit trop liquide , qu’elle for- | | Bb 2 te 292 Tableau del Amour conjugal, te en trop petite quantité, ou qgw’elle ait d’autres defauts : en un mot , s’il manque quelque chofe du côté de lhomine pour les deux grands ouvra- ges de la copulation & de la généra- tion , la 101 permet à une femme de demander en juitice la diflolution de fon mariage , & je ne doute point, fi nous en croïons un Archevêque, qu’il ne faille atribuer à quelqu’une de ces caufes le divorce qui arriva au Roï Lothaire & à la Reine Thcherge. Tout ce qui détruit notre chaleur naturelle , & qui éteint notre feu & nos efprits , s’opofe dire&ement aux actions du mariage. Nos tefticules fe flcuiffent, nos varffleaux fpermatiques fe defléchent,& notre membre fe dimi- nuë, quand nous fommes acoûtumez à garder fcrupuleufement la chafteté & la continence. Et s’il eft vraï ce que Vidus Vidius le jeune nous raporte d’u- ne perfonne Eciéfiaftique , qui avoit pendant toute fa vie gardé exactement, comme elle devoit , les régles de la bienféance, nous ne devons pas dou- ter que les parties de notre corps n’e- xerçant % confidéré dans Pétat du Mariage. 293 &erçant pas l’action pour laquelle Ia na- ture les a faites , ne fe flétriflent & ne fe deffechent en quelque façon. Les contentemens excefflifs que nous prenons avec les femmes , ne nous caufent pas des défordres moins fà- cheux : 1! efl vrai qu’ils ne nous apor- tent pas de femblabies fléiriffures , mais il nous rendent incapables de continuer nos plaïfirs licites. Les vaif- feaux fpermatiques s’afoibliflent , les véficules féminaires fe relachent , & les parties principales de notre corps s’épuifent & fe rafraichiffent tellement par la diflipation de notre chaleur & de nos elprits, qu’elles ne font plus enfuite en état de fournir la matiére qui eft nécellaire pour former un homme. Témoin Thcodoric , Roi de Bourgogne , qui après s'être épuifé auprès de Laodicée & des autres Cours üfanes de fa Cour, ne püt Jamaïs con- fommer fon mariage avec Hermam- berge fille du Roï d’Efpagne. Témoin encor Vérer, qui après avoir paile fa jeureffe dans les débauches des fem- mes, témoigna deux fois fon impuil- Bb 3 fance 204 Tableau de l Amour conjucal, fance à la belle Poppée , felon ie raport de Pcrrone. D'ailleurs, s’il eft vraï ce que l’on dit ordinairement , que la bonne ché- re excite à l'amour, l'on peut aflurer aufh que Pextréme mütgencerend un homme impuiflant. Car puifque Pabf- tinence , feion la penfée des Théolo- giens , eft le meiïlieur de tous iesremé- des contre la concupifcence de Ia chair; il ne faut pas douter que fieile eft exceffive , elle ne détruife tous les mouvemens qui nous pourroïent por- ter à rechercher les embraffemens des femmes. Notre fang eft diminué, & nos eiprits font épuifez par-là : nos parties principales & amoureules en deviennent languiflantes ; tant ïl eft vrai qu’il n’y a rien de pius opofe à l’a- mour , que ce qui nous rafraichit & nous épuile tout enfembie. Mais les paflions de l’ame font en- cor quelque chofe de plus violent que tout ce que nous venons de dire ; & pour ne parler ici que de la haïne qui eft fomentée dans lefprit d’un hom- me, par la laideur d’une femme, pa a confidéré dans l'etat du Mariage. 295 fa mauvaife humeur, par fa conduite indécente , ou enfin par une odeur exécrable qui fort de fon corps, elie eft une des principales caufes qui peut rendre un homme impuiïffant à Pégard de cette femme-là. _ Après tout, comme il n’y a rien qui nous détruife plutot que fes maladies, puifqw’elles nous conduiïfent à la mort, les Jurticonfultes ont eu quelque raï- fon d'écrire que lon ne doit point préfumer qu'un homme valétudinai. re, & encor moins un homme mala- de , foit capable d’engendrer, la mala- die le rendant impuillant & incapable . de carefler une femme. Il eft certain que les plaïfirs de Pamour demandent de la force & de la vigueur pour s’opo- fer aux épuifemens & aux foibieffes qui en naïflent, lors même que nous les prenons avec mefure : au lieu que la maladie étant une difpofition contre les loix de nature , elle afoiblit & détruit même toutes les adions de nos parties , qui par conféquent ne font pas en état de faire leur devoir , quand il eft queftion d’engendrer. | Mais 296 Tableau del Amour conjugal, Maïs les Jurifconfultes n’ont peut- être pas remarqué que leur décifion étoit trop générale pour être vraïe, puifqu'il y a quelques maladies qui nous excitent à Pamour & dans lef- quelles on peut engendrer. Nous fa- vons qu’un homme qui eft ateint d’un fatyriafine , & qu'un autre qui foufre queique douleur de goute ou de pier- re , font alors plus amoureux , & ne peuvent s’empécher de prelier étroi- tement leurs femmes : leurs humeurs chaudes & atguës qui caufent leur ma- ladie , font alors mêlées avec des vents qui fe cantonnent pour l'ordinaire par- mi leurs parties natureiles | & quiles chatouüillent fans ceffe & les excitent à fe venger agréablement des douleurs quiies preffent. Il y a même des ma- ladies qui ont rendu des hommes fé- conds , d’impuiffans qu’ils étoient au- paravant. Averzoar, Médecin Arabe, raporte de lui-même, que ne pouvant engendrer dans fa jeunefle, il engen- dra aïfément après une fiévre aiguë qui lui rafraichit tellement les vifcéres, & puis le mit dans une telle complé- xon;, confiàcre dans Pétat du Mariage. 297 xion , qw’il fe trouva enfuite propre à faire des enfans. Hi faut donc modérer les décifions des Jurifconfultes, & ne pas dire d’un autre côté , par une efpéce de contra- diéton, comme fait une de leurs glo- fes, que on doit compter le commen- cement de la vie d’un enfant qui naït après la mort de fon pere , du jour que fon pere eft mort, comme fi un hom- me étoit en état d’engendrer dans une fiévre aigue , dans une longue mala- die, & dans quelqu’autre incommodi- té qui afige les parties principales ou amoureufes. C’eft-là s’opofer à la rai- fon & à l'expérience de tous les] Jours. Maïs je ne veux m’arrêter ici qu’aux hommes qui font toûjours impuïffans, & qui étant incommodez dans leurs parties naturelles, ne peuvent Jamais fe joindre amoureufement à à une fem- me , quand ils feroïent même en la fleur de leur âge. Les défauts naturels qu'ils ont dans leurs parties amoureu- fes , le manquement de l'humeur , qui ef la femence des hommes, ou enfin les pollutions noëurnes & gonor- rhces, 298 Tableau de l Amour conjugal, rhées , qui arrivent par la foibleffe de leurs vaiffeaux, font de puiffans obfta- cles pour Pamour, qui les rendent plus froids que glace, quandïils fe trouvent auprès d’une femme. Quelle aparence y a-t-1l qu'un membre d’un ou de deux travers de doigt , foit une mefure fuffante pour fatisfaire une femme & pour engen- drer des enfans ? Un homme fi mal pourvû , manque de force, de chaleur, d’efprits & de femence ; & s’il fort quelque humeur dans fes agitations amoureufes , ce n’eft qu’un peu de fé- rofité, qui n’a pas toutes les qualitez requifes pour la génération. La fem- me a beau fe faire éfort pour la rece- voir , fes parties, quelques affamées qu’elles foïent, ne peuvent rien faire dune humeur qui manque de difpo- fition pour le grand ouvrage de Îa nature. L’impuifance de fe joindre à une femme , eft encor augmentée par la petitefle de la verge , qui étant trop courte & trop petite tout enfembie, ne peut rcjoüir une femme, ni lui four: nif confidére dans l'état dun Mariage. 299 nir une liqueur propre à former un enfant. Tous les remédes font inutiles pour ces fortes de défauts ; & bien que Ga- lien & Fallope nous en propofent quel- ques-uns , nous fommes pourtant du fentiment de ceux qui croïent que ces deux maladies font incurables, fi elles font extrêmes, & que les Juges peu- vent prononcer hardnnent fur {a diffo- lution d’un mariage qui naura pas d’autres arrhes de fa validité. Car de s’imaginer que les bouiïllons fucculens, les alimens choïfs & l’ex- cellent vin , puilfent fatre croiître les parties que Îa nature n’a pü alonger, ceft manquer de connotifance pour les maladies qui arrivent aux parties nerveufes. On a beau froter ces par- ties malades d'huile de vers de terre, d'huile de lavande où de Palma Chrifii, parimi lefquelles on aura mêlé un peu de poudre du nerf de taureau où de cerf, tout cela ne produit rien & ne fert qu’à embarrafler davantage le malade, La boucle qui perce Le prépuce & à la- quelle une bale de plomb eft atachée, nt 300 Tableau de P Amour conj ugal, ni l'emplâtre de poix de Bourgogne, qu’on aplique fouvent fur es parties naturelles d’un homme , & qu’on en Ôte plufeurs fois , ne guériront pas non plus tous ces défauts, ni n’en fe- ront croître ni alonger la verge d’un homme qui eft naturellement trop pe- tite. | | Quoique lon fafle pour guérir ces défaut naturels, l'on ne fera que com- me ce méchant nourriffier , dont parle Galien , qui nourriffant fort mal l'enfant dont ïl avoit le foin, frapoit afez for- tement fes feffes avec la main, de deux en deux Jours, pourle faire enfler , & pour faire voir à fon pere fon embon- point fupolé. Bien que la moleffe & la flétriflure de la verge foient des maladies qui peuvent quelquefois être guéries ; ce- pendant il s’en trouve fouvent d’incu- rables , auxquelles la Médecine n’a ja- maïs pü fubvenir. Car fi cette partie eft naturellement flupide & immobile, quoiqu’elle foit médiocrement groffe & longue , il n’y a point d’art qui la puille vivifier , ni de remédes qui Ja puif- confidéré dans l'état du Mariage. 30% puifle guérir. La chair ou lacendre de tarentule , la poudre d’un xerf de tan reau, où la racine de [atyrion ont trop peu de force dans de pareilles lan- gueurs ; & f1 la maïn d’une belle fem- me, qui eft le plus excellent de tous les remédes , n’a pas aflez de vertu pour guérir la moleffe de la verge d’un homme, les autres remédes y auront peu de force , principalement fi les nerfs qui fortent de Pos facrum & qui font diftribuez à la verge, font foibies, bouchez ou cicatrifez : ou fi un hom- me a reçü vers ces parties-là quelque grand coup , ou s'il lui eft furvenu quelque humeur confidérable , qui ait altéré toutes les parties voifines. Enfin. /f la paraiyfie arrive à l’une ou à l’autre cuifle ;, e membre viril qui reçoit les mêmes influences de l’extrémité de la moële du dos en demeure immobile, auffi-bien que l’une de ces parties-là, & il eft impoflible de len guérir , à moins que l’on ne combatte toute Ia maladie qui en ef la caufe. Maïs com- me cette Incommodité eft prefque toujours incurable , principalement Tome IL. | Cc dans 302 Tableau del Arsour conjugal, dans les hommes qui commencent à vieillir , ne faut pas auffi efpérer que Pon puifle foulager une partie , qui dans cet âse a fort peu de chaleur, pour fe défendre contre la violence de ce mal. | Quelquefoiïs la verge de l'homme n'eft pas trouée par le bout , elle Peft à la racine , à côté, par-deflus ou par- deflous. On en a vü qui avoient deux ouvertures ; l’une pour Purine, &lau- tre pour la femence, comme avoitun Avocat de Padouë, dont Vefxle nous fait l’hifoire. Tous les hommes qui ont ces fortes de défauts font quelque- fois incapables de careiler une femme, & prefque toujours inhabiïles à la gé- nération. En éfet, Platerus nous ra-. porte, qu’un homme qui avoit deux trous à la verge, ne laïfla pas de fe ma- rier : mais parce qu’il ne fatisfatfoit pas fa femme comme elle defroit , ils fe féparérent volontairement lun de Pautre. Cependant il y a quelques hif- toires contraires , qui nous aprennent que l’on peut engendrer avec ces dé- fauts. Celle de Denis , Orfêvre Ro- mein , confidere dans l'etat du Mariage. 303 main, en eft une preuve évidente : Il ne laïffa pas d’engendrer , bien qu’il eût la verge trouée à Ia racine du gland , comme nous le raporte Zac- chias , qui témoigne Pavoir vü, Nous avons dit aïlleurs que la natu- re plaçoit d’abord dans le ventre Îles teflicules des hommes, & que peu-à- peu, par leur propre poids, par lagt- tation continuelle du ventre, & par {a force de la chaleur naturelle , ïis def- cendoïent dans la bourfe : maïs s’il ar rive par quelque obflacle que ce foit, qu’ils n’y defcendent pas, il ne faut pas pourtant prendre ces hommes pour impuiflans , bien qu’en aparence ils manquent de ce qui fait juger de la vi- rilité d’un homme. Pourvü qu’ils aïent Padtivité d’un homme vigoureux , qu’ils foïent velus par le corps, qu'ils aïent {a voix forte & groffe , beaucoup de poil au menton & aux parties natu- relles, on peut juger qu’ils font capa- bles d’ensendrer , quoïqu'on ne leur trouve rien dans la bourfe. M. de Montagne, Gentihomme de ceite Province , nya fouvent montré C2 fes 304 Tableau de P Amour conjugal, fes parties, & 41. d'Arsenton, qu’ A”- broife Pare difléqua , n’étoient tous deux pas moins capables d’engendrer, pour n’avoir pas des tefticules dans la bourfe. Il falloit plûtôt blâmer la lege- reté de la femme du dernier, lorfqu’el- le lui fit un procès fur cela , que de l’a- cufer lui-même d’être impuïilfant. Auf- fi par le Decret & la décifion qu’en fit alors la Faculté de Médecine de Mont- pel ier , Hucher en étant Chancelier, fut déclaré qu’il n’eft pas befoin , pour être capable d’engendrer , de trouver des tefticules dans ia bourfe d’un hom- me , pourvû toutefois qu’il ait d’autres marques fufifantes de virilité. C’eft ce qui a fait dire à Riolan , qu’un hom- me dont il fait hiftoire, qui impofoit fouvent aux Médecins, qui croïoient qu’il étoit rompu, n’étoit pas moins capable d’engendrer , pour avoir fes telticules cachez dans fes aïnes. Ii n’en eft pas de même de ceux qui en manquent tout-à-fait ; ïls font là- ches ; ils ont la voix éféminée; ils n’ont point de poil au menton ni aux parties naturelles. En éfet , la force & le cou- rage confidere dans l'état du Mariage. 305 rage des hommes dépendent des tefti- cules ; car il fort de ces parties des hu- meurs & des vapeurs fubtiles, qui fe mêlant parmi les efprits de notre fang & de notre fuc nerveux , font toute notre hardiefle & toute notre vigueur. Ceux qui ont de petites tefticules, qui font avec tout cela flétris, ne peuvent recevoir ces vapeurs pour les encou- rager auprès des femmes & par t.ut aïlleurs. Fémoin les animaux que Pon coupe & que l’on biftourne , qui n’ont pas tant de vigueur ni tant de force qu'auparavant. | St un honme a le ventre extrême- ment gros , il ny a pas d’aparence que fon embonpoint lui permette de ca- reffer une femme, fur-tout fi elle eft elle-même d’une taille à peu près pa- retlle : & quand ils fe pourroïent jomm- dre , leur femence ne peut guéres être prolifique , fi nous en croïons lPexpé- rience. Ii eft vrai que l’on peut choï- fir une poflure commode , aïnfi que nous lPavons expliqué ailleurs , fl Pun & l’autre eft affez agile pour cela : maïs en vérité la peine pañle le plaïfir. Et C3 com- 206 Tableau del Amour conjugal, comment eût pü faire Fitellio, Lieute- nant- Général des Armées du Roi d'E£ pagne aux Païs-Bas , s’il fur eût fallu entrer dans la lice amoureufe, lui qui dans ces Provinces-{à ne trouvoit point de cheval affez fort pour le pos- ter à une lieue ? A lavérité , le vinaigre mêlé avec de l’eau eftun reméde allu- ré pour fe faire diminuer, fi l’on en ufe pour fa boïlfon ordinaire : mais il eft pire que le mal, ce qu’éprouva ce grand Capitaine ; car après en avoir bü pendant un an, if diminua de plus de 60. livres , comme nous Fafiure PHifiorien. Toutesies maladies dont nous ve- nons de parler, étant incurables , elles doivent rendre un homme impuiffant & l'empêcher de fe marier : ou s’iieft marie , elles doivent être des caufes lé- gitimes à une femme pour demander en juftice la diffolution de fon mariage. Car fi la maladie el naturelle, perpé- tuelle & incurable ; qui efi-ce qui dou- tera qu’une femme ne foit bien fondée à demander un autre mari ? ARTI- confidcre dans l'etat Au Mariage. 307 HER HEC Cr EE - EC IC D EH Ed OR CLFE TE Du C ongres. | Le E premier Parlement de France n'auroit pas été fi fouvent furpris s’il avoit connu exadement les caufes de l’impuillance des hommes. Et le Marquis de Langey en particulier nau- roit pas éprouve la difurace de PArrêt donné contre luile 8. de Février 1659. f le Congrès qui fut ordonné étoit une preuve infaillible de la virilité d’un homme. Les Ofciers de nos Evèques n’inva- lideroïent pas tous les jours fi légére- ment des mariages, s’ils avoient bien étudié les maladies quien empêchent la confommation , ou s'ils avoient nommé des perfonnes favantes pour les en inftruire. L'Ofcial du Æ44ns, par exemple , n’auroit pas prononcé il y a quelques années fur [a diffolution du mariage de Pierre Nau , qui voulut bien fe trouver impuilfant au en SI 303 Tableau del Amour conjugal, s’il avoit connu l’impuiflance fupofée de cet homme-là : car puifque par Ar- rêt de la Chambre, donné le 14. Juil- let 1655. la femme de Vus fut obii- gée de retourner avec fon mart, & d’y mener fon enfant légitime, qui étoit la feule preuve que le pere métoit pas imputilfant : ne doit-on pas dire que cet Oficial , quelque homme de bien qu’il put être , n'avoit pas aflez ob- fervé toutes les circonftances qu’il faut obferver dans de pareïiles oca- fions pour connoitre limpuiilance d’un homme. En éfet , nous avons bien d’autres marques plus affurées que fe Congrès public , pour connoître [a virilité d’un homme. Et j'oferoïs dire que le Con- grès qui fut autrefois aboli par PEmpe- reur Jaffinien, comme opofé à la pure- té du Chriftianifme , n’a été rétabli que par quelques curieux de notre fiécle. Car il eft l’infamie des fexes & le des- honneur de nos tems ; & je ne fai fi dans Phiftoire Pon en pourroit trouver des exemples qui ne foient ridicules. C’eft une loi qui bleffe la pudeur ; elle eft confidére dans l'état du Mariage. 309 eft trop dure & trop injurieufe à Phomme : il y faut faire voir à tout le monde des parties que la nature a ca. chées avec tant de foin, & chercher même aux témoins d’autres témoins que nous fuions , lorfque nous fuirvons les ordres de la nature.Car queile hon- te eft-ce de montrer en plein midi ce que nous avons foin de cacher même pendant la nuit? Ce n’eft qu’un pré- texte de divorce, & qu’un éfet de [a lafciveté & de l'audace des femmes. Ce font elles-mêmes qui ont fait naître dans lefprit des Juges la penfée d’une épreuve , aufMi peu füre qu’elle eft des- honnête. De mille hommes, il n’yena peut-être pas un qui puifle fortir vic- torieux du Congrès pubiic. Nos par- ties naturelles ne nous obciffent point quand nous le voulons, bien loin d’o- béïr aux Juges : elles fe flétriflent fou- vent contre notre volonté , & fouvent elles font dans ia glace , quand notre cœur eft le plus embräfé. Si nous fom- mes prêts à nous animer , le courage nous manque, la crainte nous faifit , ia haine s'empare de notre cœur , la pu- deur 310 Tableau de P Arnour conjugal, deur s’opofe à des libertez efrontées. D’aïlleurs, joiir d’une femme har- diment , n’eft pas une marque de viri- lité ; les Eunuques fe portent avec ar- deur dans les plaifirs charnels, & l’on en a vü fouvent de mariez : mais à dire le vraï ïls ne réüffiflent pas dans l’ou- vrage de [a génération ; & la conjonc- tion même de l’homme & de la femme nétant pas elle feule une marque de virilité,on ne doit pas juger parle Con- rès de la fécondité d’un homme, Celuï qui fe fent impuïffant , ne doit oint fe’ marier. Celui qui en doute, doit confulter un favant Médecin qui Péclairci{fe là-deffus. Et celui qui eft vigoureux , ne doit point s’expofer au Congrès public. On ne commande ja- mais à amour ; c’eft l'amour qui nous commande, & nous n'avons point en- cor vû jufqu’ici de gens amoureux s’al- lier par la haïne. Ïl y a beaucoup plus de diffolutions de mariages , depuis environ cent ans que le Congrès eft introduit en Fran- ce , qu’on ren avoit vü auparavant. C’eft pourquoi le Parlement de Paris ajant confidéré dans l'état du Mariage. 2117 aïant enfin jugé que le Congrès étoit ennemi de la chalteté, & qu’il n’étoit pas la véritable marque de Ia virilité d’un homme, fit défenfe le 18. de Fé- vrier 1677. par un Arrêt folemnel , aux Juges Civils & Eccléfiaftiques , d’or- donner à Pavenir [a preuve du Con- grès dans les caufes du mariage. Mef- fire René de Cordonan , Marquis de Lan- ge, dont nous avons parlé ci-deflus, fut Ja caufe de cette réforme ; car après avoir époufé en fecondes noces De- moilelle Diane de Montand de Navail- les, dont ila eu fept enfans , il fit bien voir par-là qu’on n’eft pas toùjours maître de fes aions , quand on s’ex- pole en public à careffer une femme. DER HIGH D PNG BA EC Ge ECM EE | AURT'FCEE "TI EE É Du divorce entre des perfonses mariées. Uoïqu’il y ait des Jurifconfultes qui font une diftin@ion entre la diffoiution du mariage & le divorce, lun étant la caule de Pautre, néamoins par- 312 Tableau de l'Amour conjugal, parce que nous n’exaininons ici ni ces termes nila chofe même qu’ils figni- fient avec autant d’exaditude qu’ils le font , nous uferons tantôt de l’un & tantot de l’autre, pour exprimer notre penfée fur ce que nous avons adire là- deflus. La diffolution du mariage n’eft au- tre chofe qu’un jufte empêchement de lufage du marige prononcé par un Ju- ge compêéte, nt qui par une éviden- te connoïflance de caufe , fait défenfe au mari & à la femme de coucher en- femble, & de fe rendre les devoirs réciproques des perfonnes mariées. Sï les caufes qui font le divorce font in- curables , la loi permet à celui quife porte bien de fe remarier : maïs fi avec le tems on y peut remédier par les ré- gles de la Médecine, comme nous Pa- vons examiné ailleurs, je ne faurois me perfuader que lon puiflé avoir une raïfon légitime de difloudre un mariage qui a eté fait avec tant de {o- lemnitez. | Il faut aujourd’hui dans le Chrifiia- nifime des caufes bien plus puiflantes pour confidéré dans l'état du Mariage. 313 pour caufer le divorce, qu’il ren fal- loit dans les fiécles paflez. Ce n’eft plus le caprice d’un mari qui repudie une femme, comme il arrivoit autre- _ fois parmi les Juifs, mais une caufe 1é- gitime connué par des Juges & aprou- vée par leur Sentence. Il eft vrai que la Loï ancienne permettoit aux Juifs de répudier leur femme, & d’en pren- dre une autre à leur difcrétion; maïs ce n’étoit, comme parle lEcriture , "qu'a caufe de la dureté de leur cœur. Toutes ies caufes de divorce que les Juifs avoient , celle de l’impudicité étoit la plus forte & la plus commune ; la jaloufe troubloit fouvent la paix &c Ja tranquillité de leur mariage, & quel- quefois n’aïant pas d’autres raïfons aparentes , ils acufoient leurs femmes dimpudicité, & leur reprochoïent, pour avoir lieu de les répudier, qu’el- les s’étorent abandonnées avant de fe marier. C’eft en vüé de cela que Moïfe, pour prévenir ces défordres, fit une Loi, par laquelle il commanda aux peres & aux meres de garder foi- gneufement les linges qui avoient fer- Tome LL, D d vi 314 Tableau del Amour conjugal, vi la premiere nvit des noces à la déflo- ration de leur fille, afin qu’étant un jour fauffement acufée par fon mari ,ils puif. fent montrer aux Magifirats, pour fauver {a réputation de la femme, des fignes véritables d’une virginité injuf- tement foupconnée; ce que lon obfer- ve encor aujourd'hui dans quelques villes d’Efpagne. Les lorx des Païens étoient auffile- geres fur cette matière, que celles des Juifs étorent dures. Cicéron n’eut pas | répudié fa femme, & ne lui eût pas fait dire gwelle ent foin de [es afaires, pour. avoir manqué quelquefois à lui écrire pendant fon éxil, & Sulpitins Gallusneût pas fait faire le même compliment à la fienne, pour l'avoir feulement trouvée une feule fois fans coële par laruë, fi Jeurs loix euflent été fort équitables. Ce n’eft pas aufli parmi nous la froi- deur, la haïne, ni l'intérêt qui obligent un maride faire divorce avec fa fem- me, comme font encor aujourd’hui les Orientaux ; mais l’impuiflance dumart ou dela femme, qui en fait la difolu- tion par l'autorité des Magiftrats, ! 8 confidéré dans Pétat du Mariage. 315 Je me perfuade que les Juges d’au- jourd’huï n’ont pas entrepris par-là de toucher à la fubflance du mariage: ils favent trop bien que c’eft un Sacre- meut que les hommes ne peuvent an- nuler ; maïs ils examinent feulement Vhabileté & la puiffance d’engendrer des mariez, & outre cela [a validité du Contrat ctvil. Pour n’oublier rien qui puïffe con- tribuer fur cette matiére à la curiofité du Le&eur, il me femble qu’il ne fera pas hors de propos, avant de finir ce chapitre, de mettre ici le Formulaire du Libele de Répudiation dont fe fer- voient les Juifs, comme Rabby Mofthe de Coifi nousle raporte. Le troifieme jour de la femaine, le 29. de la lune de..... lan... de la création du monde : Je N. Pharifien, demeurant préfentement à Vénife, ville fitute au fond du Golfe Adriatique, protefle S déclareen préfènce de NN. NN. téraoins , que de mon libre mouvement & [ans contrainte, je vous délaife & répudie, vous ina femme, nom- mée N. fille de N. fils de IV. afin que vous Joïez défirmais libre, © que vous puiffiez Ddz chers 316 Tableau de l Amour conjugal, chercher un autre mari pour votre condi- tion , fans que perfonne s'entremette de vous former aucun empeéchement , d'aujour- d'hui a Peternite des fiecles. Et c'eft ici le cartel de divorce, le Libelle de démiffion , Pinfrument de difertion que je vous en- voëe, felon les Ordonnances de Moïle & d'Ifraël. Les témoins fignoïent dens le corps du Libelle, & au bas, auffi-bien que le mari. BE 6e 0 de de AE de LE Le Le x De de y Le Le LR Lt De £t Én A Br: LC ERUCRS de la fierilite des femmes. O N fait que la férilité dépend plus fouvent des femmes que des hom- mes, & que la chaleur naturelle étant un des principaux inftrumens de tou- tes nos actions, fait par fon défaut [a ftériiité dans les uns & dans les autres. Si elle eft foible , les parties en font dé- fe&ueufes : s’il manque quelque chofe - au grand atirail des parties génitales “ a confidére dans Pérat du Mariage. 317 Ja femme , toute l’aûion de ces mêmes parties elt interrompuc, & il ne faut point s’atendre à la génération. Qu'une femme foit dans la fleur de fon âge & qu’elle jouifie d’une fanté parfaite, qu’elle foit marice avec un homme vigoureux, & qu’elle prenne avec lui tant qu’il lui plaira des plaïfirs modérez , fi elle n’a pas de difpofition à faire un enfant, jamaïs elie ne peut efpérer l'avantage de porter le doux nom de mere. Car fi elle eft trop vive & trop emportée dans Pamour , qu’u- ne chaleur exceffive confume fes en- traïlles , qu’elle nait prefque point fes régles, ou fi elie en a modérément, qu’elles ne foient point rouges, qu’elle aparence qu’elle puiffe concevoir? El- le brüle, pour aïnfi parier & defléche Ja femence qu’on lui donne ; & s’il s’en forme par hazard un enfant, ou il eft contrefait, ou il ne demeure point neuf mois dans les flancs de fa mere. Si d’un autre côté, une froïdeur extraordinaï- re & une grande humidité ocupent fes parties principales, que fa matrice foit extrémement humeëtée par la graifle Dd 3 qui 313 Tableau del Amour conjugal, qui fe trouve aux environs, frelleales flancs reflerrez & le ventre étroit, & s’ine paroîït de poïl par fon corps qu’à la tête, jamaïs elle ne retiendra ia fe- mence qu'on iut aura communiquée, & par conféquent il ne fe fera jamais de conception, ou s’il en arrive par ha- zard quelqu’une, le fétus fera fufogré par la grande humidité des parties de fa mere,& fortira avant le termeifi bien qu’une telle femme ne pourra jamais avoir d'enfant, à moins que l'on ne corrige ces grands défauts, qui ne fe corrigent prefque jamais. I en arrive de même aux femmes qui ont la matrice mal faite, foit par un défaut de nature , ou par quelqu’autre accident étranger , comme font les grands ulcéres, les grandes cicatrices, & [es autres incommoditez de Îa matrice. Maïs tous ces défauts ne font pas de légitimes caufes pour empêcher le ma- riage quand il n’eft pas fait, oupourle difoudre quand il ef confommé. Les indifpofitiens qui n’empêchent point une femme d’être carelfée de fon mart, ne confidére dus Pétat du Mariage. 319 ne font point capables de cauler Îe di- vorce ; & {ouvert quand une femme eft flrile avec un homme, expérience nous fait voir qu’elle ne Peft pas avec un autre. Une plante aïme fa terre, & ne graine Jamais dans un lieu opofc à fon tempérament. Un homme re pour- ya faire concevoir une femme, dont Ja femence n’eft pas proportionnée à {a fienne, ni dans fa matiére ui dans fes qualitez. Maïs fi ce même homme trouve une femme qui n’eft ni fi chau- de nifi bouillante que lui, ï viendra fans doute de leurs embraffemens amoureux une générationavantageulfe, Il n’y a que Îes incommoditez qui vont jufqu'à s’opofer aux plaïfirs de Pa- mour & à empêcherun homme de sal- lier amoureufement à fafemme, qui puiffent être des caufes légitimes de {a diffolution du mariage. Car fi une fem- me eft extrêmement étroite, & fr le conduit de Ia pudeur eft bouché, ou par la grandeur exceffive du clitoris, ou par cette membrane charnuë, que ’on nomme Æymer, ou par les cicatri- ces d’un fâcheux açouchement, ou par la- 320 Tableau de l Amour conjugal, labaïflement de los Pubis; ou enfin qu'il y ait d’autres caufes qui Petrécif- fent fans reméde; on doit croire que cette femme eft abfolument flérile, parce qu’elle ne peut foufrir les caref- {es d’un homme, En éfet, toutes les caufes qui peu- vent empêcher un homme de joüir avec fa femme des plaïfirs que le ma- riage lui permet de prendre , font tou- tes capables de faïre le divorce. Et comme les defauts de la femme ne font que dans fes parties externes , la loï a permis qu’elles fuflent examinées par des nerfonnes difcretes & entendués, afin d'en faire leur raport aux Juges, qui doivent enfuite prononcer des Ar- rêts jufies & équitables. Un homme eft bien furpris la pre- miére nuit de fes nôces , quand dans la chaleur de fa pañlion, touchant fa femme avec tendreffe, il reffent un membre auffiroïde que le fien, qui lui frape le ventre. Ceft alors qu’étant tout éperdu , ïl fort dudit, & s’imagi- neou être enforcelé, ou qu’ona vou- lu le raïller en lui donnant un homme pour confideré dans l'état du Mariage. 321 pour une femme qu’il avoit choiïfie, Cependant à la clarté d’une bougie, ïl aperçoit le vifage de fa femme qui Pa- pelle avec douceur ; maïs il n’y a ni carelle ni complaifance qui le puiffent tirer de l’étonnement oùileft ; fi fon ame en revient .un peu, fes parties amoureufes n’obéïffent pas fi-tôt à fa pañlion. Néamoïns comme amour eft un enfant , on l’apaife quand enfin on le flâte. Les parties naturelles de cet homme fentent donc une feconde fois les ateintes de amour ; maïs il n’a pas fi tot fait une feconde tentative qu’ie elt auf furpris qu'auparavant, & ce qui acroît encor davantage fon éton- nement, c’elt qu’ilne peut fe débaraf- fer d’entre les bras de fon époule, qui le preffe de la poitrine à mefure que fa pañion augmente. C’eft alors qu’il ne doute plus des charmes ; car dans cette ocafion, par une étrange m‘tamorpho- fe, homme devient commeune fem- me, & la femme prend la place d’un homme : fi bien que celui-là a fes par- ties toutes flitries & toutes molettes par la furprife où il eft encor ; celle-ct À 322 Tableau del Amour conjugal, a les fiennes toutes en état de faire épreuve de fa vaïliance. Enfin cet hom- me étant un peu revenu à lui , fe met en devoir d’examiner la caufe de fon étonnement ; il n’a pas plutôt jetté les yeux fur les parties naturelles de fa femme, qu’il aperçoit une verge droi- te & dure comme la fienne. Il l’inter- roge là-deflus. Elle lui répond avec aflez de pudeur & de fincérité, qu’elle croit que toutes les femmes font faites conime elle, & elle lui avouera véri- tablement ce qu’elle en a reflenti de- puis qu’elle fe connoit. Elle lui dit donc que pendant lhyver, le froïd ex- ceffif fait prefque entiérement retirer fon cliteris, & qu’en ce tems-là ïl ne paroît ni plus long ni plus gros que la moitie du petit doigt; maïs dès que la chaleur de Pété fe fait fentir, cette par- tie fe grofft & s’allonge extrêmement; d’où vient,ajoute-t-elle, qu’ilne faut pas s'étonner fi elle eft prefentement & grofle & fi longue , purfque nous fommes dans les plus longs jours & dans les plus violentes chaleurs. Eile lui ayoué encor qu’ells n’a point yü de fem- confidere FOR Petat du Mariage. 323 * femme plus amoureufe qu’elle, & que Jorfque quelque perfonne lui plait ou que l’amour iui échaufe Pimagination, elle fent que cette partie s’agite, fe roidit & s’endurcit même contre fa volonté ; qu’elle n’a jamais éprouvé avec perfonne ce qu’elle étoit capable de faire, maïs qu’elle s'aperçoit bien inaintenañt , par Pétonnement & par les tranfports qu’elle remarque en lui, qu’il faut bien que cette partie ne foit pas femblable dans toutes les fem- mes. Le mari étant pleinement informé de toutes chofes & aïant mürement délibéré fur ce qu’il devoit faire en cette occafion, lui propofe de commu- quer fon défaut à quelqu'un de fes amis. Elle y confent aufli-tot, & le mari en parle inceflamment à un fage & dote Médecin, qui, pour fatisfat- re aux priéres du mari & aux larmes de la femme , fe met en devoir de couper cette partie, qui eit d’une exceflive grandeur. Onia lie donc, & on la lai’. je ainfi liée pendant un Jour, après- quoi il furvient de fi fâcheux accidens, qu'à 324 Tableau de l'Amour conjugal, qu’à caufe de cela on n’en püt faire lPextirpation. Une pareille avanture arriva à Platé- rus, qui aiant deffein de couper le cz- toris d’une Matrône, n’en put venir à bout, par les mêmes obftacles que nous venons d’alléguer. Haly Rodoam auroït fans doute fait la même opération fur une Reine qui lui découvrit fa turpitude, sil eût crü pouvoir extirper cette partie fans cou- rir rifque de fa réputation, & fans ex- pofer la vie de cette Princefle. Dans un tel état, ïl eft impoffble qu’un homme puifle careffer fa fem- me, ainfi que nous l’examinerons en particulier , ci-après au Chapitre des Hermaphrodites ; & fi cetie maladie eft incurable, comme elle left fans doute, on doit croire qu’un Juge eft bien fondé, quand, fur le raport de : quelques perfonnes favantes dans ces fortes de matiéres, il ordonne la diffo- lution du mariage. On ne fauroit encor guérir la com- preffion que fait l'os pubis au conduit de la pudeur. Ce conduit en eft quel- | ‘ques corfidére dans Pétat du Mariage. 3° quefois fi étréci dans les dehcrs , qu’il eft impoffib e qu’un homme qui a me- me la verge médiocre, s’y puifle faire pañlage. … Les deux os des cuïfles preffez en dedans , & le croupion retrouffé par- devant , caufent quelquefois les mê- mes obflacles. C’eft pourquoi la lot n’eflime pas faine une femme contre- faite dans fes parties naturelles, li arrive quelquefois tant d’ulcéres au conduit de la pudeur de quelques Courtifanes, qu’il s’en eft vûü , qui après être guéries , lavoient prefque tout fermé par des cicatrices : fi bien que les régles venant à paroître , ne pouvoient couler qu’à peine par le petit trou qui reftoit, & qu’un homme voulant en- cor badiner avec elles , ne pouvoït pé- nétrer dans un lieu qui avoit été autre- fois fi ouvert. | Les facheux acouchemens caufent autant d’incommoditez aux femmes, que font les maiadies fecretes : car après que le pas a Cté déchiré en plu- fieurs endroïts , il y vient beaucoup d’ulcéres , qui étant négligez, fe rem- Tome 1Z, Le plif 326. Tableau de P Amour conjugal, pliffent de tant de chair fuperfluë , que le conduit de Îa pudevr en eft prefque tout bouche. Cette chair baveufe de- vient folide & dure avec le tems, & ne peut être fléchie par la verge d’un homme, quelque forte & quelque roiï- de qu’elle foit ; témoin ce que dit Kiolan d’une femme, qui fut fi fermée après de pénibles couches , qu’il Jui étoit enfuite impoffble de foufrir fon mari. Ces maladies font trop Invétérées pour être guéries, & 11 n’y a point de femme qui voulut s’expofer à foufrir qu’on la difféquät toute vive. On pour- roit ici propofer quantité de péffaires d'argent, d'étain , de plomb , où même de chair de diférente grofeur, que on pourroit froter de beurre frais, où d’on- guent rofat , & les placer dans le con- duit de la pudeur , les uns après les autres , en Commençant par les plus petits. Maïs les cicatrices, dont ce lieu eft tout rempli , en empêchent lélar- giffement ; & par confequent pour en dire ce que je penfe, toutes ces incom- moditez font incurables, & font des caufes confidéré dans Petat du Mariage. 327 caufes légitimes pour empêcher une femme de fe remarier. Entre les maladies incurables de [a matrice , on peut ajouter à celles dont _ nous venons de parier, les grandes ex- crefcences , fi nous en croïons Gordon, _ les fthirres &les tumeurs confidérables, f nous voulons fuivre le fentiment de Fabrice de Hilden , qui remarque qu’u- ne femme ne püt foufrir deux maris * l'un après l’autre , & par conféquent ne pût avoir des enfans , parce qu’elle avoit un fchirre vers l’orifice interne de la matrice. Il nous fait encor Phif- toire d’une autre, qui après avoir beau coup foufert dans un fâcheux acouche- ment , en devint flérile par une tumeur dure que lon trouva après fa mort, gui ocupoit une partie du pas de Ia matrice. Cependant, fi les duretez font fi petites qu’elles fe puiffent toucher, & qu’elle arrivent à de jeunes per- fonnes , je ne doute point qu’on ne les puille guérir, par les remédes dont on fe fert ordinairement dans de pareïlles ocafions. s} Enña qwon puiffe couper lhymen Le 7 & 228 Tableau del Amour conjugal, & les membranes qui iïient quelquefois fortement les caroncules les unes aux autres, néamoins il y a des ocafons où ces membranes font fi épaifles & fr garnies de vaifleaux , qu’il y a du dan- er à en faire l’ouverture; car elles uit tellement jointes au conduit de la pudeur, qu’il femble que ce n’en eft qu'une produétion. Ces parties étant coupées, ilen arrive quelquefois des inflammations, des fiévres & des con- vulfions mêmes. Dans cet endroit-la , les plaïes ne peuvent fe réünir qu’avec peine, les humiditez qui fortent par-là du corps de la femme étant des caufes allez fortes pour les en empêcher : ce qui y caufe des uicéres fordides & fa- les, qui fouvent font fuivis d’une gan- gréne, qui mene infailliblement une femme à la mort. Voila les maladies qui peuvent cau- fer le divorce, par l’obflacle qu’elles aportent à la copulation de Phomme & de la femme. On ne doit point tci fe faire fort fur le contrat de mariage. 11 eft de la nature des autres contrats 5 car s’il fe trouve que ceux quiont con- 19 traC= | confidtré dans l'état du Mariage. 329 traté, ne peuvent faire la chofe à la- quelle ils {e font obligez, le contrat demeure nul , par limpuiflance de l'un des deux : tout de même , puifque ceux qui fe marient s’obligent à fe ren- dre mutuellement les devoirs du ma- riage ; fi l’un ou Pautre ne peut enfuite le faire , aiors le mariage eftnul > POUE vé toutes fois que le Juge ait prononcé fur fa diffolution. En éfet , ñ l’homme ou la femme a quelques maladies ou quelques défauts fans remédes, qui les empêchent de fe joindre enfem- le, il y a pas lieu d’efpérer une fécondité heureufe , qui eft le princi- pal fruit 6 la douce fausfation du mariage, GS GS GES D DE DES ÉD ED LALPITRHE FIST S5 les charmes peuvent rendre un homsne smpuillant une femme ficrile. Ne curiofité n’eft b'âmable que dans fon excès, & lon feroit in- jufie {i l’on trouvoit mauvais qu ’on Ee 3 Étus 330 Tableau del Amour conjugal, étudiât avec foinles belles & Îes bon nes chofes. C’eft cette forte de curio- fité qui ne touche que les. grandes ames. Elle polit Pefprit fans leternir, lle fixe le jugement fans le détruire, & enrichit la mémoire fans la charger. L’homme eft placé au milieu du monde, pour obferver tout ce que la nature y fait de plus curieux, &ïlne doit pas pafler pour trop entreprenant, quand il en remarque exactement tou- tes les circonftances. Maïs fi fon envie de favoir ef dérégilée, & qu’elie fe por- te à des chofes vaines ou illicites, c’eft alors qu’elle doït ètre cenfurée , & qu’elle le doit rendre auffi malheureux que l'Empereur Adrien, le plus curieux de tous les hommes. L'art de pénétrer dans l’avenir a de tout teins flâté les hommes, & Je ne crois pas qu’il y ait eu jamaïs de fcien- ce recherchée avec plus de foin, maïs aufli avec moins de fuccès, que celle que l’on apelle la A£agie noire. Car tout ce qu'on nous dit eft fi éloigné de la raïfon & du bon fens, que la plüpart des favans fe font toüjours défiez 2% es confidcre dans l'état du Mariage. 333 fes promefles & moquez de fes ma- ximes. En éfet, pour ne m’arrêter qu’au nœud déguillette, par lequelles Ma- giciens & les Sorciers prétendent em- pêcher un homme de careffer fa fem. me la premiére nuit de fes noces, nous examinerons fi tout ce que Pon fait & tout ce que l’on dit en le nouant , peut avoir queique empire fur les parties amoureufes d’un kom- me qui aime ardemment, & qui eff de lui - même en état de fatisfaire agréablement fon-époufe. Nous ver- rons enfuite fi le Démon, ou les Mas giciens qui en font les fuports, peu- vent détruire la fécondité d’une fem- me; quiatout ce qu’ii faut pour en- gendrer. Qu'il ef dificile de fe défaire de ce que lon aapris dans fes plus tendres années ! I! faut avoir beaucoup de for- ce d’efprit ou de bons Maîtres pour fe défabufer des fabies que on nous a debitces. Les idées s’en confervent toujours , au moins dans les perfonnes qui ont lefprit foible , fur-tout , quand à Cet 332 Tablean del Amour conjugal, à cette vaine perfuafon fe joint la mau- vaife façon de vivre, ou l'humeur mé- lancolique. C’ef alors qw'il ef abfolu- ment impoffible de les faire démordre de leurs fentimens mal fondez. Si dans cette difpofition où font ces perfonnes, on leur dit, avant qu’elles fe marient, que l’on a deflein de leur noüer léguilette, leur efprit, deja perfuade des enchantemens, en reçoit une nouvelle imprefñon , lorfqu’ils veulent fe joindre amoureufement à leur femme, la perfuañon de la fable , Ja crainte du fortiléce , & Pamour con- jugal, font un fi grand defordre dans leur ame & dans leur fang , qu’il ne leur refte de chaleur que pour fe conferver la vie , bien-loin d’en avoir pour la donner äunautre. Le trouble où ils fe trouvent alors , les fait fouvent tomber . dans uneéhumeur noire, qui ieur caufe enfuite une haine pour ieur femme prefque irréconciliable, ls ont de la peine à la voir & à la foufrir; & quand il eft queftion de la careffer & de cou- cher avec eile, une certaine horreur s'empare tellement de leur elprit, qu’ilé confideré dans l'état du Afariage. 333 qu’ils ne font jamaïs plus contens que quand ils ne voient plus Pobjet de leur chagrin. Cette imagination blelée, bien-loïn de fe guérir par le tems, fent tous les jours augmenter fon mal, & ils publient enfuite eux-mêmes, auffi- bien que les autres , qu’ils ont été en- forcelez, & qu’en fe mariant on leur a noüé léguillette. Ce qui m'arriva fur ce fujet, il y a environ 35. ans, eft une preuve de ce que je dis. Pierre Burtel, tonnelier de fon métier & puis faifeur d’eau-de-vie, travaillant pour mon pere dans une de fes maïfons de campagne, iui dit un jour de moï quelque chofe de défavan- tageux , ce qui m'obligea le lendemain de dire au tonnelier, que pour m’en venger , je lui noüeroïs l’éguillette quand il fe marieroïit , comme 1l le de- voit faire en peu de tems avec une fer- vante de notre voifinage. Cet homme crut bonnement ce que je lui difois, & bien que je ne lui parlafle qu’en riant, néanmoins ces feintes menaces firent une fi forte imprefion fur fon efprit, déja préocupé des charmes, qu'après etre 334 Tableau de P Amour conjugal, être marié , il demeura près d’un mois fans pouvoir coucher avec fa femme. Il fe fentoit quelquefois des envies de lembrafler tendrement ; maïs quand il falloit exécuter ce qw’il avoit réfolu, il fe trouvoit impuiflant : fon imagina- tion étant alors embaraflée des idées du fortilége. D’un autre coté, la fem- me qui étoit bien faïie, avoit autant de froïdeur pour lui qu’il en avoit pour elle; & parce que cet homme ne Ia carefloït point , la haine s’empara aufi- tot de fon cœur, & témoïgna pour lui les mêmes répugnances qu’il avoit pour elle. C’étoit alors un beau jeu de les entendre publier Pun & Pautre qu’ils étoïent enforcelez, & que je leur avois noïé léguillette. Je me repen- tis alors d’avoir raïllé de Ia forte avec un homme fifoible, & je fis tout ce que l’on peut faire dans cette ocalion pour leur perfuader que cela n’étoit pas : maïs plus je proteftois au mari, que ce que javois dit n’étoit que des bagatelles pour me venger de lui, plus il m’abhorroit & croïoit que jétois Pauteur de toutes fes infortunes. Le Curé : - Be . 2 Torre. IL pad. 330 , ; ? £a. Z£2 ; { Figure d'homme F 2. fioure d'homme L <@ # ‘ 7 … = / € F Ti CS L/ sa an meet ire cape À à Le ”. . ‘ À confidére dans l'état du Mariage. 335 ‘Curé de Nôtre - Dame qui les avoit mariez, emploïa même tout fon efprit & toute fa prudence à ménager cette afaire. Enfin il en vint plutôt à bout que moi, & rompit le charme par fes foins, après vingt & un jour, fans que le marié fut oblige de piffer par Panneau de fon époufe. Depuis ils ont vécu enfemble près de 28. ans, & quelques enfans _ font nez de teur mariage, qui font main- tenant des bourgeois des plus aïfez de la Rochelle. L'amour n’a jamais emploié fes foins que pour donner des agrémens à -Pun & à l’autre fexe. IL a voulu les obli- ger par-là à fe joindre fouvent, & en fe joignant à perpétuer leur efpéce. On ne fauroit exprimer quels violens defirs ils nous fait naître dansle cœur, pour nous lier amoureufement ; & fr ce n’étoit pas par un ordre exprès de la nature, je ne faurois croire que Îles envies qu’il nous infpire inceflament, fufflent f prefläntes qu’elles: le font, C’eft une rêverie que de croire qu’un Magicien puille s’y opoler , & que nous ne puiffions rélifter à fes chames. | Les 336 Tableau de P Amour conjugal, Les belles portent avecselles un filtre & un fortilége bien plus preffänt, & c’eft contre celui-ci qu’il y a peu de remédes. D'ailleurs le Mariage ef un Sacrement, fur lequel le demon n°2 point d’empire. Il ne fauroit détruire Pouvrage de Dieu, ni ruiner ce que efus-Chriff a établi par fes Loix fi fain- tes. Etje ne fauroïs croire qu’il y ait aucune Îraïfon entre les aions d’un tel art, & les myftéres de la nature & de la grace. La haine des Démons & la perfidie des Sorciers, ne doivent point faire.de peur aux Chrétiens, & les Conciles ne nous défendent autre chofe, que de ne pas croire qui nons veulent perfuader qu’on peut nous lier où nous délier par la vertu des fortilé- ges. Îl y a déja fong-tems que nous fommes revenus de ces fortes de fo- lies, que le Pagänifine avoit inventées pour abufer les efprits crédules. Si tout fe monde reffembloi à un Duc de Nevers, qui aima mieux s’expofer au péril de mourir par un flux de fang, que de foufrir qu'on le lui arrétât par des paroles & par des charmes, afli- rément confidére dans l'état du Mariage. 337 rément il n’y auroît pas tant de foiblef. fe parmile peuple qu’il en paroît au- jourd’hui, & le peuple Chrétien ne feroït pas fi fot que de croire à cetie heure ce que l’on auroit eu de la peine autrefois à perfuader aux Païens. C’eft ce que difoit fouvent S. Agobard, Evè que de Lyon. L’Afrologie judiciaire & la Magie n’ont aucun principe ni démonflratif ni plaufble. Ceux:mêmes quien ont traîté à fond, font encore prefentement à s’en acorder ; & parce qu’elles im- pofent une fataiité indifpenfable aux actions des hommes, elles font con- traires à la Reltuion Chrétienne & aux maximes d’un Etat Bien policé. Et pour parler en particulier, les figures de Gamabez , les couleurs des éguiileites, les caractéres des Talif- mans, & les paroles du fortilége , n’ont pas aflez de pouvoir pour s’opofer à la conjon&ion de l’homme & de la fem- me. La plûäpart des hommes font plus rafinez aujourd’hui qu’autrefois, & ils ne fe laïflent pas aifément aller aux rê- veries du Rabinifme aux impoftures Tome 11. Fi:,'46 338 Tableau del Amour conjugal , de lAflrologie judiciaire, ni aux vat- nes perfuafons de la Magie. Les pa. roles , pour ne m’étendre pas plus Join , ne font qu’un foufle articulé qui exprime nos penfées ; & quand même nous ferions poffédez d’un efprit im- pur, nous ne faurions faire ce que l’on dit que fait un Sorcier par le nœud de Péguiliette, Tout au plus, le Démon n’auroit alors de pouvoir que fur le corps qn'il pofféderoit, & fon empire ne fauroit s’en étendre jufques fur Pau. tre partie de l’homme. Témoin ?Em- pereur Frédéric Barberonffe, qui fe mo- qua fi juftement des marques d’un Ara- be , qui pafloit pour Magicien, que les lilanois qu'il afhégeoit lui avoient envoie. D’autre part, qui peut croire que nos parties naturelles puiflent être piutôt enchantées que les autres qui nous compofent ? N’eft-ce point peut- être , parce qu’elles fervent à des ac- Uons impudiques & illicites, que le Démon prend de-là fujet de les en- chanter; Maïs notre cœur n'eft-il pas la fource du mal que nous commet. . tons confideré dans l'état du Mariage. 329 tons? Nos mains n’exécutent-elles pas fes pernicieux deffeins, & notre lan- gue ne découvre-t-elle pas ce qu’il a de mauvais? Cependant nous n'avons point apris Jufqw’ici, que notre cœur, nos mains & notre langue aïent été enforcelez. Au refte, tout le monde fait que les femmes ont plus de legéreté que nous n'enavons, & que l’on en voit plus de Sorciéres , ou plutôt de folles & de mé- lancoliques, que l’on ne voit d’hom- mes Sorciers. Cependant, quandil eft queftion d’engendrer , on diroit que le Démon s'atache plûtôt aux hommes qu'aux femmes , comme fi les parties naturelles des hommes lui étoïent plu- tôt deftinces que celles des femmes. Dans cette faufle penfée, Pon ne manque ni de raïfons aparentes, ni d’autoritez recherchées, pour prouver ce que l’on dit ordinairement là-def- fus ; & la vérité dans cette ocafon n’a pas tant de luftre que le menfonge. Maïs fi nous ne nous laïffons pas pré- venir en faveur des enchantemens , nous trouverons aïfément {a véritable caufe #40 Tableau deP Amour conjugal, caufe pour laquelle ce font plutôt [es hommes qui font expofez à ces char- mes imaginaires. La femme ne fait que foufrir quand on la carefle, & c’ef af- fez qu’elle puifle recevoir les impref- fions de homme pour devenir fécon- de , au lieu qu’il faut des machines à Yhomme pour le faire agir, & peu de chofe pour l'en empêcher. Si fon imagi- nation eft bleflée par les défordres de la femme ; fielle eft émué par fa beau- té, ou dégoûtée par fa laïdeur , fes pare ties amoureufes lui refufent l’obciffan- ce qu’elles lui doivent. Sun homme aï- me avec trop de paflion: fi la pudeur ou la timidité ne peut foufrir les amor- ces de Î’amour: fi les Courtifanes, ou la débauche ont épuifé fes forces, & qu'a caufe de cela il ne puiffe joüir des plaifirs du mariage, on dira aufli- tôt qu'il eft enforcelé,ainfi que le difoit au- trefois l'Empereur Wéron de lui-même, & que l’éguillette lui a été nouée, com- me s’il ne paroïfloit pas aflez de caufes naturelles qui le rendent froïd & lan- guiffant. Jamais on n’eüût cru que Tho- &oric,Roï de Bourgogne n’eût été char- mé, confidére dans l'état du AAariage. 34% mé , fi auparavant ïl n’eût perdu fes for. ces entre les bras de fes Courtifanes ; & jamaïs Æermamberse wauroit apré- hendé le fortiége, s’il avoit Cté en état de la fatisfaire. Je ne parle point ici des hommes impuiflans par la nature, nt de ceux qui ont quelques défauts dans leurs parties naturelles ; l’on fait affez qu’ils ne font pas capables de s’allier étroite- ment à une femme : maïs je parle feu- lement de ceux à qui ïl ne manque rien pour s'aquiter agréablement du devoir d’un mari. Sinous avons un peu de force d’ef- prit, nous nous moquons de ce que quelques pérfonnes fpirituelles ont dit en raïllant , ou en voulant profiter de la foiblefle des autres : nous nous mo- querons, dis-je, du Æfillepertuis & de la Ruë cueiïllis de nuit, en difant quel- ques paroles obfcures, coufus enfuite dans un linge, avec une aiguille qui a fervi à enfévelir les morts, & puis pen- dus au col d’une fille, avecune éguil- ette de xerf de loup, pour l'empêcher d’être dépucelée. Nous nous rirons des Fr3 Car Ac= 342 Tableau de l Amour conjugal, caraüiéres Ephcfiens , écrits avec du fang de chauve-fouris, & puis pendus au col de la marice pour le même éfet. Nous tiendrons pour fuperflition ce que j’on dit ordinaïrement des vertus de l’é- guillette , faite, foit de serfde loup , foit de peau de chat, où de chien enragé. On aura beau Îa faire teindre d’une ou de trois couleurs, la nouer de trois ou de neuf nœuds, cracher fur Ia poufhiére ou dans fon giron , & de dire tout bas quelques mots obfcurs & barbares , pendant que le Prêtre dit aux mariez ces mots latins : Eco vos conjungo : Rien de tout cela ne fera capabie de faire fur nous la moindre impreffion, fr nous avons tant foit peu de force d’efprit. Nous n’avons que faire pour nous garantir de ces charmes, de graïfler la porte de la chambre où l’on doit cou- cher, avec de Ia graiffé de loup ou de chien noir, d’attacher à la colomne du lit des mariez des tefficules de coq, de jetter dans la chambre des fêves coupées par moitie, & de faire beaucoup d’au- tres bagatelies que les vietiles femmes ont inventée s pour amuferles né A our confidéré dans l'état du Mariage. 34% Pour nous moquer des maléfices', nous-n’'avons befoïin que de vigueur & de hardieffe , ïl ne faut qu’avoir été fa- ge avec les femmes, & être amoureux quand on fe marie, pour méprifer tout ce qui peut s’opofer aux plaifirs du ma- rage. Et sil faut s'expliquer ici plus nettement : voulez-vous rompre toute forte de charmes ? Soïez fobre & mo- dérez toutes vos paffions , ne foïez ni lent ni f ardent à l'amour; ufez de vo- tre femme lorfque la nature vous exci- tera à l’embraffer. La chafteté vous ral- lumera fouvent le feu que vous aurez perdu enire fes bras, & par-là, fi les mariez veulent, ils aprendront à fe moquer du fortiiége : Car c’eff une gran- de partie de la fanté que de vouloir étre guéri. On ne peut douter que les vapeurs noires d’une humeur mélancolique , ne puiflent troubler notre imagination & nous perfuader des chofes qui ne font pas: Nous en avons des exemples; & il ne fe pafle point d'années que je n'en falle quelques obfervations, en faïfant la médecine. Si 344 Tableau del Ameur conjugal, Si un homme ne peut connoître fa femme, parce qu’il croit avoir l’éguïl- Jette nouée, il ne faut pas d’abord com- batre direétement fon opinion. Plus on s’opiniâtrera à lui dire que c’eflune bagatelle, plus ïl fera obfliné dans fon fentiment. C’eft l’éfet de Phumeur not- re & mélancolique, que de rendre fer- mes ceux en qui elle domine. Tout ce que lon doit faire dans cette oca- fion, c’eft de traiter cet homme com- me un fol, & de tâcher de guérir fon Imagination blefle par quelque ac- tion de foupleffe, comme Afontagne guérit un Conte avec un petit Taï£ man d’or. Un Juge Allemand demandoit un jour à une fameufe Sorciére ; qui eff ce qui pouvoit étre le plutôt guéri d'un fortile- ge? à quoi elle répondoit fort à pro- pos que cétoit celui qui gardoit Îe lus long-tems fes vieux fouliers : vou- hs dire par-là qu’il ne falloit que du tems & de la patience pour guérir ceux qui penfoïent être enforcelez. Je crois pourtant , ainfi que je laï dit ailleurs, qu’il y a des remédes pour nous confidcré dans l'état du Mariage. 34$ nous rendre froids auprès des femmes, fans que nous foïons pour cela char- mez. Maïs ce que l’on apelle fortilége ou enchantement, ne fe fait que par un pacte tacite ou exprés avec le Dé mon ; & pour cela l'on re fe fert que de paroles obfcures, de figures, d’her- bes fans vertu, & d’autres bagatelles, qui nous font bien voir que ce n’eft pas la nature qui agit, maïs toute au- tre chofe. I! ef impoffble que le Diable, pour venir à la feconde propoñtion que je dois examiner en peu de mots, puifle empécher la nature d'agir, quand elle atout ce qu’il lui faut pour agir. L’en- fant qui fe forme dans les flancs de la mere , ne s’y forme que par un exprès commandement de Dieu. Le Démon pa nul pouvoir d'empêcher la généra- tion , & encore moins quand elle eft apuïfce par le Sacrement du Mariage. La nature fuit inviolablement les or- dres du Créateur,quand elle n’eft point empêchée dans fon a&ion par quel- ques caufes naturelles ou violentes : & fr Le Démon ou un Sorcier peut r er 346 Tableau del Ainour conjugal, fer à la conception, ou piutot : fi le Prince des Puilances de l'air, pour me fervir de l’'expreffion de S. Paul, exerce fon pouvoir [ur les incrédules € fur les re- belles, ce n’eft point par fort, maïs par Vimpie crédulité d’une femme , par fa peur, ou par l'agitation extraordinaire de fon fang & des humeurs. Car qu’un ferpent mis fous le feuil d’une porte, puifle rendre une femme fiérile, iln’y a que les fols & les hypocondriaques qui puiffent le croire. J’ajoûterai encore à ce que je viens de dire , que s’il efl vraï que Jefus-Chrifi foit venu enchaïner le Démon pour l'empêcher de nous nuire, & qu'il y ait préfentement des hommes plus éclairez que dans les fiéles paflez, qui fe font aperçûs de la foupleffe des uns & de la foibleffe des autres, on ne doït as s'étonner {ion ne voit pas à cette eure tant de Sorciers qu’autrefois. AMeédee qui ne fe fervoit que d’herbes qui agiflent par des qualitez manifef- tes, pafloit pour Sorciére dans un fié- cle ignorant , & un Joueur deGobelets pafleroit pour Magicien parmi les Sta- mois, confidére dans l'état du Mariage. 347 mois , s’il leur faifoit voir fes fouplefles & fon induftrie. C’eft une grande marque de fagelTe de ne croire pas légerement tout ce que Pon nous dit des charmes & du fortilége. Si l’on purgeoïit avec l’hel- lébore , ou avecle vin émétique tous ceux qui penfent avoir léguillette nouée, je ne doute point qu'ils ne fuf- fent pour la plüpart bientôt guéris des maladies du cœur & du cerveau, que leur caufe Phumeur mélancolique. C’é- toit le fentiment du grand jurifconful- te Alciat, qui avoit afliflé aux procès de beaucoup de Sorciers, & qui di- foit, pendant qu'onles brûloit du co- té de Bearn, que le feu n’étoit pas un fs bon reméde pour eux quela purga- tion. Enéfet, nous ne voïons pas que les Parlemens les plus fenfez aïent été f foibles dans ces derniers fiécles que de fe laïffer feduire aux impoltures des Sorcters. Celui de Paris fe moque avec raïfon de ces bagatelles, & cette Liuf- tre Compagnie ne s’eft Jamais repen- ue, comme ont fait les aures, d’avoir été trop faciles à perfuader. S S £ ; 343 Tablean del Amour conjugal, St Pon eût purgé plufeurs fois Le cerveau de Gratienne Gaillard, femme de Jean d'Auroux de Berri, qui tom- boit dans de fâicheux accidens, lorf= que dans les premiéres années de fon marfage on luï parloïit de fon mari , au leu de Ta démarier comme fit M. la Chapelle, Official du Diocèfe de Bourges, fans doute que l’on auroit mieux agi dans cette ocafon. Car puif- que M. Couturier, Dodeur en Méde- cine, & deux autres Médecins, jugé- rent qu’elle étoit folle, il ny avoit point d’autres rémedes pour la remet- tre en fon bon fens, que ceux que nous avons propolez. Les Exorcifies anciens en nfoient bien mieux que ne font aujourd'hui nos modernes, Jamais ils n’entrepre- noïent de faire fortir par les priéres de PEglife le Démon du corps des pof. fédez, que les Médecins n’euffent au- paravant bien purgé le malade. Si de grands hommes ont femblé croire aux impoñtures des Sorciers , ils ont voulu parler commele peuple, & ont été quelquefois bien aifes 4 e confidéré dans Pétat du Mariage. 349 fe laifer tromper avec lui. Lart fait fouvent paroître des chofes furpre- nantes. La nature s’en mêle quelque- fois ; mais Dieu ne permet que fort ra- rement qu'il fe fafle des prodiges & des miracles, & c’eft à mon avis une foib'e raifon de dire que Dieu permet tout ce que lon croit pour Pordinaire des enchantemens. | Maïs je rapelle dans mon efprit que Pon eft fort mal récompenfé , après avoir écrit pour ou contre les Sor- ciers, & que Bodis , qui fe déclara autrefois leur ennemi capital, a pafié aufi-bien pour Magicien que Wser, qui en entreprit la défenfe. Jamais Apulée, acufé de magie, ne fe feroit tiré d’afaire avec toute fa philofophie & tout fon bel efprit, fi Lollianus Avs- ius, ami de Ciandius, n’eût intercédé pour lui auprès de ce Préfident. On me permettra donc den’en rien dire da- vantage, & il fufit que Made ait fait en ce fiécle PApologie des grands hommes acufez de magie. Tome II, Gg CHA: 350 Tableau del Amour conjugal, DHIDHdÉ HO OGC HSE CHAPITRE IV. Des Hermaphrodites, Ï L faut avouer que [a nature fe jouë quelquefois, lorfqu’elle donne aux parties qui diflinguent {es fexes, une figure diférente de celle qu'élles doi- vent naturellement avoir. 11 n’y a qu’à lire les hifloires des Hermaphrodites | pour aprendre que des perfonnes ont - eu tout enfemble les parties naturelles d’un homme & d’une femme. Ce font ces gens que l’on jettoit autrefois dans Ja mer où dans la riviére, ou que l’on réléguoit dans quelque Ifle déferte, comme des préfages de quelque finif- tre événement. Si intelligence qui travaille dans les entraïlles d’une femme, manque quelquefois à formerles parties les plus nobles & les plus néceffaires à Ja vie d'un enfant, on ne doit pas s'étonner s’il luf en arrive autant dans la forma- tion des parties génitales. Maïs parce que 1 ptet confidére dans Pétat du Mariage. 351 que ia propagation de Pefpéce n’eft pas d’une fi grande néceffité que Pexif- tence de la vie,nous ne voïons pas auf- fi tant de défaut dansle cœur, dans le cerveau , dans le foie & dans les autres parties principales, que dans les par- ties amoureules des hommes & des femmes. En éfet, il ne fe paife guéres de luftres que l’on n’entende parler de quelques Hermaphrodites, qui autre- fois pafloient pour des prodiges & our des monfîres, & quifont auJour- d’hui regardez comme quelque chofe de fort curieux. 1.J’en compte de cinq efpéces. Les remiéres ont toutes les parties natu= relles d’un homme fort bien faites; ils urinent & engendrent comme Îles au- tres hommes : maisavec cette diféren- ce, qu’ils ont une fente aflez profon- de entre le fiége & la bourfe, qui ef inutile à la génération. 2, Les autres ont tout de même Îles parties naturelles d’un homme fort bien figurées, qui leur fervent à faire les fonclions de la vie & de la généra- tion. Mais ils ont une fente qui n’efl Gg2 pas 352 Tablean del Amour conjugal, pas fi profonde que celle des premiers, & qui étant au milieu de labourfe , prefle les teflicules d’un côté & d’au- tre. 3. On ne découvre dans les troifié- mes aucunes parties naturelles d’'hcm- me; lon ne voit feulement qu’une fente , par la quelle 'Hermaphrodite urine. Cette cavité a plus ou moins de profondeur, felon le défaut de Ia ma- tiére qui a été emploïce à la former: maïs cependant le doïgt en trouve aï- fément le fond. Les régles ne coulent jamais par-lè, & cette efpéce d’Her- maphrodite eft un véritable homme aufli-bien que les deux autres. Ce font ces fortes d'Hermaphrodites, qui à lä- ge de 15. ou de 18. ans, deviennent garçons, de filles qu’ils avoiïent été ef- timez auparavant : témoïn la femme de ce Pécheur, qui, au raport d’A- toine de Palerme, devint homme après quatorze ans de mariage. Toutes les parties d’un homme lui fortirent tout- d’un-coup, & elle parut alors à fon mari aufli vaïllante que lui dans Pac- tion naturelle des hommes. 4. Les confidére dans l'état du Mariage. 353 4. Les quatriémes font des files, qui ont le clitoris plus gros & plus long que les autres, & qui par-là inpofent au peuple , qui n’eft pas favant danses parties qui les compofent. Ce font el- les que les Grecs apellent Tribades, dont les Francoiïs ont formé le mot de Ribandes; & c’eft auffi de cette efpéce d'Hermaplirodites dont Columbus dit avoir examiné les parties internes & naturelles fans y avoir trouvé aucune chofe eflentielle diférente des parties naturelles, des autre femmes. La feule marque que ce font des filles, c’eft qu’elles foufrent tous les moïs Pécou- lement de leurs régles. _ s. Enfin, les cinquiémes font ceux qui n’ont lufage ni de lun ni de Pautre _fexe, & qui ont les parties naturelles fi confufes, & le tempérament d’hom- me & de femme fi mêlé, que l’on au- roit de la peine à dire lequel lempor- te fur l’autre. Telle étoit la Bohc- mienne , qui pria le même Co/#mbus de couper fa veige & d’élargir le con- duit de fa pudeur, pour avoir la liber- té, difoit-elle, de fe joindre amoureu- Gg3 {e- 3 $4 Tableau de l'Amour conjugal, ement à un homme. Mais ces fortes de perfonnes font plutôt un efpéce d’Eunuque que d’Hermaphrodite, leur verve ne leur fervant de rien & les ré- gles ne leur venant Jamaïs. Je ne prétens point parler ici de ces femimes à qui les régles manquent , pour quelque caufe que ce foit ; on eft aifément perfiadé qu’elles ne chan- gent point de fexe, & que leurs par- ties naturelles demeurent toujours les mêmes ? maïs on fait auf qu’elles peuvent changer de tempérament & prendre celui d'un homme comme la remarqué Æipocrate dans la perfonne de Phaetafe. _ Beaucoup de perfonres affurent , & ii eft même vrat, qu’il y a des Her- Mmaphrodites ; mais aucun ne nous inf- truit véritablement de leurs caufes €fi- cientes & matérielles : examinons-en donc exactement ia fource. 1.11 y a.fur cette matiére plufieurs raïfonnemens. Lesuns penfentque la tonjor ion de Vénus & de Saturne dif- pofe fi confufinent dans les flancs d’u- ne femme la matiére qui fert à former un sonfidéré dans l'état du Mariage. 35$ un enfant, qu’il naît delà un Herma- phrodite, 2. Les autres croïent que les Her- maphrodites fe forment pendant que les régles coulent : & que les régles étant toûjours impures, elles ne peu- vent produire que des monfires. 3. Les troifiémes difent que la nature ajant un foin particulier pour la pro- pagation des hommes, s’éforce tou- Jours autant qu’elle peut à engendrer plutot des femelles que des mäles. Auf fi, voions - nous, ajoûtent-ils, beau- coup plus d'hommes Hermaphrodites que des femmes: la nature aïant mär- que à ces premiers les vefliges des parties naturelles de la femme. A. Les autres croïent que l’homme & la femme aïant contribué tous deux également à la génération, la faculté formatrice qui tâche de rendre le corps fur lequel elle travaille femblable à ceux dont elleef fortie , imprime au: tant qu’elle peut fur ce corps les ca- radtéres d'homme & de femme, ce qui fait un Hermaphrodite : fi bien qu'il senelt vü qui éioient capables d’en- gens 356 Tableau del Amour conjugal, gendrer dans les deux fexes, & qui avoient la mammelle droite d'homme & la gauche de femme. $. Les cinquièmes fe perfuadent que Dieu aïant fait Phomme mâle & fémel. le , comme parle Ecriture , nous avons eflentiellement en nous-mêmes la faculté de devenir l’un & l’autre fexe, & que par conféquent il ne faut pas s’é- tonner s’il nait quelquefoïs des Her- maphrodites, puifque nous le fommes en puiflance. Enfin il yena quidifent làä-deffus tant de fables, que je ne fauroïs me réfou- dre à raporter leurs fentimens. 1. Sinous examinons les raïfons de ceux qui difent que 1a conjondion de Venus & Saturne eft la caule des Her- maphrodites, & nous verrons claire- ment qu’elles font trop foibles pour nous perfuader. Ces aftres font trop éloïgnez de nous pour être les caufes prochaines d’un teléfet, & pour avoir un empire abfolu fur le corps d’un en- fant qui fe forme dans les entraïlles de fa mere. Et s’il étoit vraï que leur con- jondion put caufer ces diformitez, au moins confidére dans Pétat du Mariage. 257 moins ne feroit-ce pas dans deux Her- maphrodites nez dans les diverfes faï- fons d’une même année. 2. Les feconds ne me perfuadent pas plus; car, felon leur fentiment, ïl évroit plutôt naître des galeux des ladres & des valétudinaires que des Hermaphrodites, fi la conception fe faïfoit pendant le flux des régles , com- me nous l'avons remarqué ailleurs. 3. Je ne fuis pas non plus convain- cu par les raïfons des troifiémes; car la nature n'étant que la puiffance de Dieu dans la produdion des animaux, elle ne travaille jamaïs felon fes ordres naturels que fur la matiére qu’on lui a donnée ; & par conféquent Îles Her- maphrodites dépendent plutôt de 1a difpofñiion de la matiére , comme nous verrons ci-après, que du deffein pré- médité de la nature. 4. Le fentiment des quatriémes fent fi fort la fable, que ce feroït perdre du tems que de s'arrêter à le réfuter ; car la faculté formatrice, qui n’eft qu’un éfet de Pame, ou Pame même, fi l’on veut, n’a pas le pouvoir de faire des diféren- ces 0353 Tableau del Amour corjugal, ces manifelles ; & la génération ne fe faïfant que par le mélange & la fermen- tation des deux femences , comme nous l’avons prouvé ailleurs ; elle ne peut en féparer les a&ions , quand les femences font une fois jointes: fi bien qu’il ne s’eft encore Jamais vû d’Her- maphrodite qui püt ufer indif:rein- ment de fes deux parties naturelles & en produire des enfans. Si nous avons quelques hiftoires là-deffus, ce font toujours de véritables femmes qui abufent de leur clitoris, avec lequel elles ne peuvent jamais engendrer dans un autre. __$. Enfin, de croire que nous foïons Hermaphrodites en puiflance , c’eft une imagination tirée de Platon, & une erreur qui fut condamnée fous le Pape {nnocent 1 / 1, Et quoique l'Ecritu- re paroïfle d’abord favorable à ce fen- timent, cependant fi on la confidére de bien près , on verra qu’eile à un fens tout autre que celui qu’on lui veut donner. Maïs pour dire ce que je penfe fur üne matiére aufh drfcile que ceile-cr, il confidéré dans Pétat du Mariage. 259 fl me femble qu’on doit prendre la chofe de fort loin, & fe fouvenir de ce que nous avons dit aïlleurs de la caufe de la génération des garçons & des filles, après-quot ïl fera ce me femble aifé de connoître ce qui fait la confufon des fexes. Nous avons dit que [a femence étoit le plus fouvent indiferente pour ies deux fexes, & que fi elle trouvoit une boule dans les cornes de la matrice qui renfermât üne matitre chaude, féche , refferrée , preflée & pleine d’ef- prits, elle la rendoit féconde pour en faïre un garçon. Maïs que fi elle en rencoatroit une autre qui fût mojns chaude & moins féche, plus ouverte & plus molette, & moins remplie d’ef- prits que la premigre, eile ne laïtloit pas del’animer pour en faire une fille. Nous avons encore dit, que fi la ma- tiére qui étoit renfermée dans une au= tre boule, étoit tellement tempérée dans fes qualitez & égale dans fa ma- tiére, qu’elle füt dans un parfait é qui- libre à l'égard de toutes ces chofes , 1a femence de l'homme déterminoit cet- ie 360 Tableau de l'Amour conjugal, te matiére pour un garçon ou pour une fille , felon le plus ou le moins de feu & d’efprits qu’eile portoit avec fa ma- tiére lâche ou refferrée. Maïs fi par hazard [a femence de l’homme a plus de difpoftion pour dé- terminer à l’un des deux fexes la femen- ce tempérée de la femme, alors il fe fait un Hermaphrodite, qui a plus de raport à l’un ou à Pautre, felon les difc- rens éforts de la femence animée de l’homme ou de fa femme. Pour éclaircir davantage cette difi- culté, examinons la chofe de plus près. L'intelligence d’un enfant, ou fon ame immortelle , fi lon veut, qui a travaiïl- lé depuis le commencement de Ia for- mation de cette créature à fe faire un domicile, & qui a déja achevé la plûpart de fes parties principales, commence vraifemblablement vers le trente-cinquiéme Jour à s’emploier à faire les parties naturelles d’un gar- con. Elle prend donc [a matiere quelle a d’abord choifie pour cela & qu’elle a mife dans l’endroit où doivent être pofées les parties natu- çelies confidére dans l'état du Mariage. 36% relles de enfant. Elle travaïlie incef- fament à les former ; mais parce qu’elle manque de matiére pour les acomplir, elle emprunte des parties voifines , aimant mieux rendre celles- ci défigurées, que de manquer à for- mer parfaitement les parties qui doi. vent fervir à la génération. 2, Et ce font les défauts qu’on remarque dans les deux premieres efpéces d’'Herma- phrodites, dont nous avons parlé ci- deffus , qui font de véritables hommes, 3. Mais lorfqu’il ne fe trouve guéres de matiére pour faire les parties géni- tales d’un garçon, on ne fauroit dire quelle œconomie l'intelligence prend pour former ces parties, Elle épargne la matiére ; elle ménage le lien, & dif- pofe fi bien toutes chofes , qu’elle for- me parfaitement les parties génitales d’un garçon; maïs elle les forme en dedans, manquant de force, de cha= Jeur & de matiére pour les faire fortir au-dehors. C’eft de csite forte qu’elle agit, en formant fes parties naturelles de la troifiéme efpéce d’Hermaphrodï. tes, qui font efiimez des filles, bien Tome IL, Hh qui 362 Tableau del Amour conjugal, qu’ils foient de véritables garçons: Ce font ceux-ci qui changent de fe. xe, & qui de filles qu’ils étoient efti- mez auparavant , deviennent hom- mes, qui fe marient enfuite, & qui font les peres de plufieurs enfans. La chaleur naturelle & génitale devenant tous les jours plus forte, poufle au-de- hors à l’âge de 15. de 20. ou de 25. ans , les parties amoureufes , qui étoient demeurées cachées jufqu’à ce tems-là, comme ïl arriva à cette fille Italienne qui devint homme du tems de PÉmpereur Conffantin , comme Saint Auguflin nous le raporte. Ceit peut- être auf quelque éfort violent qui fait fortir ces mêmes parties ; témoin Z44- rie Germain , dont parle Pare qui aïant fait un grand éfort en fautant un folie, devint homme à lamême heure par la {ortie des parties naturelies. 4. Au lieu que Fintelligence man- quoit de matiére pour former les arties des trois premieres efpéces d'Hermaphrodites, dont nous venons de parler, dans la quatriéme ïl s’en trouve plus qu’il ne faut. L’intelligen- ce, confidéré dans Pétat du Aariage. 36% ce , qui vers le quarante-cinquiéme jour de la formation d’une file , eften peine de placer toute la matiere qu’el- le a d’abord réfervée pour foriner fes arties amoureufes , fe détermine en- fin à faire le clitoris beaucoup plus gros & plus long qu’il n’a coûtume d’être , afin de laifler aux parties génitales in- terne de cette fille une figure naturel- le pour fervir un jour à la génération : car elle aime beaucoup mieux man- quer dans les chofes fuperfluës que dans les néceflaires. Ce font ces fortes d'Hermaphrodites , qui étant de véritables femmes , ont fait acroïz re à beaucoup de gens qu’elles étoient auffi des hommes. C’eft ainfi que Montuus a pris fon Hermaphrodite pour un homme , lorfquil carefloit amoureufement fes fervantes, & pour une femme , lorfqv’elle fe lioit amou= reufement à fon mari pour avoir des enfans. Bien que ces quatres efpèces d’'Her« maphrodites aïent mérité ce nom, la nature ne leur a pourtant pas refufé l'avantage de fe fervir de leurs parties Hh2 géni 364 Tableau del Amour conjugal, génitales & d’engendrer comme les À autres. Les hommes Hermaphrodites font des enfans, & les femmes Herma- phrodites conçoivent : fi bien que les uns & les autres ne diférent des hom- mes &: des femmes, que par quelques parties qui manquent ou qui font fu- perfluës , maïs qui fouvent ne trou- blent point la génération. Cette fem- me que lon apelloit Emitie, qui étoit mariée avec Antoine Sperta, au raport de Pontanns, fut éflimée femme pen- dant fon mariage de 12.ans; maïselle fut enfuite réputée homme après s’être alliée à une femme. $. Il n’en eft pas de même de la cin- Guiéme efpéce que l’on peut apeller parfaits & véritables Hermaphrodites, puifqu’ils n’ont lPufage ni de l’un nide lautre fexe. Et c’eft de cette forte qu'ils fe forment dans les flancs de leur mere. L'intelligence qui a le foin de com- pofer ce petit corps Hermaphrodite, eft fort en peine quand elle trouve dans le ventre de fa mereune matière qu’elle peut ménéger pour faire fes. par: dé - = confideré dans l'état du Mariage, 365 “parties génitales. D’un côté, la matié. re eft humide, & molette; de l’autre el- le eft féche & rellerrée , ici elle eit chaude, là elle eft froide : en un mot, c’eft une matiére qui a des parties ff diférentes & f1 rebelles , qu'il eft im- poñible de les pouvoir ménager ; & avec cela il y a fi peu de matiére, qu’el- Je manque de chaleur & d’efprits, dont l'intelligence fe fert toujours pour for- mer toutes les parties de nos corps. Sï c’eft un garçon qu’elle entreprend de former ; il deviendra, quand ïl fera homme , trop froid & trop lent pour engendrer & aura des défauts dans fes parties génitales. Si c’eftune fille, el- le feraun jour trop chaude. & trop fé- che, & manquera d’organes, de fe- mence & de régles pour former & faire vivre un enfant. Néanmoins l'intelligence doit ache- ver fon ouvrage , de quelque matiére que ce foit. Elle y travaille donc for- tement, & feroit fans doute des par- ties qui feroïent en quelque façon dé- terminées à l’un des fexes, fi la matié- je n'étoit point inégale ni d’une com- Hh 3 ples 366 Tableau del Amour conjugal, plexion diferente. Enfin elle forme un Hermaprodite, ou, fi l’on veut, un monfire , qui n’eft ni homme ni fem- me, & qui n’a pas les parties naturel- les de Pun ni de l’autre fexe. O5 pourroit acufer l'intelligence de s’être trompée dans la figure qu’elle a donnce aux parties naturelles d’un en- fant Hermaphrodite. Car on ne peut pas douter que les intelligences , quel- ques favantes qu’elles foïent , ne puïif- fent fe tromper quelquefois, & ne pas faire les parties jufles : maïs que l’on fe détrompe là-deflus , linteiiigence a trop de iumiére pour manquer dans cette ocafion, quand elle a une matri- ce bien difpofée. Cela étant ainfi expliqué, on peut maintenant répondre aux quellions que lon fait ordinairement fur cette matiere : favoir, 1. Si les filles peuvent être changées engarcons, & les garçons en filles ? 2. Si un Hermaphrodite peut ufer de Pun & de lautre fexe, & s’il peut engendrer ?. 3. Si PHermaphrodite peut conce- VOIE confidéré dans l'état du Mariage. 367 voir dans lui-même, fans fe joindre à perfonne ? 4. Si un Prêtre peut marier un Her- maphrodite, ou une perfonne qui ef acufée de l'être ? s. Siun Hermaphrodite peut fe faire Moine ou Religieule. I. Pour éclaircir la premiére quef- tion , on doit favoir que le tempéra- ment d’un homme ef fi diferent de ce= lui d’une femme, qu’il eft impofñlible qu’il arrive dans la nature un change- ment fi extraordinaire. La comp'e- xion d’un homme ne confifte pas feule- ment dans une certaine union des pre- miéres & des fecondes qualitez, mais dans un certain mélange & un arrange- ment de la matiére dont il eft compofé, Et par conféquent il eft impoflible qu’un garçon devienne fille, & qu’une fille devienne garçon , le tempérament de lun & de lautre étant une cho%, trop éloignée , comme nous Pavons examiné ailleurs. + D'autre part, ceux qui fe font apli- quez à difféquer des hommes & des femmes, faventhien que leurs parties gente 563 Tableau de l Amour conjugal , génitales font fort diferentes entr’elless & fila nature leur a donné un efpace fufifant pour placer les unes, elle leur“ | À | : } { Ca ou en a refufé un pour placer les autres, * Aïnfi je pourrois dire, avec le favant Warole, qu'il ef impoffiole que les deux fexes | fe purent trouver véritablement dans un éme corps. left vrai pourtant que nous apré- nons par quelques hifioires que nos Médecins ont écrites, que des perfon- nes qui avoient été d’abord eftimées fil- les , étoient devenués hommes dans [4 fuite, leurs parties naturelles d'hommes s’étant manifefées , ou parles enjouë- mens du mariage, ou par l'abondance & la force de la chaleur naturelle, ou enfin par quelque mouvement violent, Maïs à dire le vrai, ce n’étoient que des hommes cachez, comme étoit cet- te fervante de 138. ans qui moutut de pelle, dans le corps de laquelle Jeux Bauhin, Médecin de Lyon-trouva les mêmes organes qui fervent aux hom- mes pour la génération. On peut dire encore que les femmes qui pallent quelquefois pour des hom- mes; confidère dans l'état du Mariage. 369 mes qui ont quelque poil au menton & par le corps, & qui ont la voix un peu grofle, ne font que de véritables femmes, bien qu'elles {e divertiffent de leur clitoris avec leurs compagnes, Si bien qu'après tout cela; on ne peut pas dire que les uns fe foïent changez dans les autres : car nous n’aprenons point que les hommes foïent devenus femmes , & que leurs parties naturel- les fe foïent anéanties , ou foïent re- tournées en dedans pour former les parties d’une femme : & le peu d’hif- toires que l’on nous fournit fur ce fu jet, font toutes fort fufpeûes , malen- tenduës ou fabuleufes : témoin Phif- toire qu” Axfone nous raporte d’un Her- maphrodite de Berevent en Italie, où il fait à deflein un équivoque pour fuf- pendre l’efprit du Le&eur dans une chofe rare & extraordinaire. I ny a pius aujourd’hui de Thiréfias. La fable céde à la vérité, & l’on ne croit plus à cette heure ce que l’on croïoit autrefois fi aifément. Les deux hommes Hermaphrodites de Licétus , dont l’un s’étoit marié & l’autre rendu | Moi: 370 Tableau de P Amour conjugal Moine, ne laïff. rent pas l’un & Pautre de concevoir & de porter un enfant dans leurs Hancs. | Maïs auffi ce n’étoïent que de véri- tables femmes, que lon avoit d’a- bord prifes pour des hommes, à caufe de la iongueur & de la groffeur de leur clitoris. Atnfi nous devons croire que les parties génitales d’un homme ne fauroient fe retirer au-dedans pour fe placer, comine doivent être placées les parties naturelles de la femme ; & quand même cela fe pourroit faire, je ne fauroïs me perfuader qu’il y eût un lieu aflez fpacieux pour les y contenir. I! faut donc conclure que ces change- mens font impoffbles : que les Her- maphrodites qui conçoïvent, font de véritables femmes : que les autres qui font concevoir font de véritables hom- mes : & que ff les intelligences qui ont le foin de former les corps, fe trom- pent quelquefois dans leur ouvrage, c’eft bien plütôt par la faute de la ma- ticre, que par leur propre ignorance. IT. La feconde queftion eft aïfée à décider , après ce que nous venous de dire ; confidére dans l'état du Mariage. 371 dire ; car de s’imaginer qu’un Herma- phrodite puiffe ufer de Pun & de Pau- tre fexe , & qu’il puifle engendrer par les deux , c’eft ce que l’on ne pourroït perfuader qu’à des enfans. De deux diférentes parties naturelles qu'a un Hermaphrodite, il y en a toûjoursune qui eft inutile parce qu’elle eft contre les loiïx de la nature, & que lintelir- gence ne fa faite que par force, ne trouvant pas affez de matiére, ou en trouvant trop pour former les parties dont l’enfant auroït befoïn pour {a gé- nération. Car quelle confufion feroit- ce de trouver dans un feul corps des teflicules d'homme & de femme , une matrice & un membre viril ; en un mot tout Patiraïl des parties génitales d’un homme & d’une femme ? Le tem- pérament de l’un & de autre, s’il faut le répeter , eft trop diférent pour étre uni enfemble & pour être changé, quand ii faudroit fe fervir de l’une ou de Pautre de fes parties naturelles. Les Loïix Civiles , qui n’eftiment point les Hermaphrodites pour des monfires , veulent qu’ils choïfiflent ’un 372 Tableau de l'Amour conjugal, l'un ou lautre fexe, pour avoir lieu dans l’une de ces deux qualitez, ou d'homme ou de femme, de fe joindre amoureufement à une femme ou à un homme. Et fi l’Hermaphrodite n’e- xécute pas exadement la loï, cette mème loi veut qu’il foit puni en Sodo- mite, puifqu’il a abufé d’une partie contre les loiïx de la nature. Ce fut pour cette raifon que la Servante Ecof- foife qui avoit choïfi la qualité de fille , & puis qui engroffa la ftile d’un Bour- geoiïs, fut enterrée toute vive par Sen- tence du Juge , fi nous en voulons croire FT/einrich; & que Françoife de PEflange , dont parle Papor, laquelle avoit badiné avec Catherine de la Ma- niére, fut avec elle apliquée à la quel- tion par le Sénéchal de Landes, & - elles auroïent été toutes deux condam- nés à la mort, files témoins euflent été fufifans. À 1.2. Les Hermaphrodites de {a pre- miére & de la feconde efpéce, peu- vent carefler des femmes en qualité d'hommes, & peuvent même faire des enfans , leur défaut étant fi peu de chofe , confidéré dans l'état du Mariage. 372 chofe, qu’il ne change rien dans la vi= rilité. Carbien qu’ils puiïffent ufer de la partie de femme qu’ils femblent avoir , s'ils n’en reçoivent pourtant au- cun plaïfir , ni ne fauroient engendrer par-là. | 3. {n’en eft pas ainfi de la troifié- me efpéce, il faut atendre un âge vi- goureux pour careller une femme, quand même quelques-uns s’y feroïent alliez après la fortie de leurs parties naturelles ; ïls auroïent de la peine à engendrer, étant du nombre de ceux que la loi apelle froids. 4. Le clitoris qui fait eflimer les femmes pour des hommes, s’il eft gros & long, eft la caufe qu’un homme ne peut connoître fa femme ; mais {1 cet- te partie eft médiocre , nous voions tous les jours, parexpérience , que ces _ fortes de femmes concoivent , & quoi- qu’elles fe fervent de cette partie pour badiner avec les autres femmes, à qui elles donnent fouvent prefque autant de plaifir que des hommes ; cependant on ne doit point efpérer de généra- tion par-là, puifque le clitoris métoit Tome IL. [ï pas 374 Tableau de l Amour conjugal, pas troué , l'Hermaphrodite ne peut donner aucune matiére pour la géné- ration: témoin Daniel de Banbin , qui badinoit bien avec fa femme, mais qui püt bien être engrollé lui-même par un de fes camarades. s. J’avoué que la derniére ‘efpéce d'Hermaphrodite n’eft point capabie de careffer une femme, ou d’être ca- refTé d’un homme , & encore moins d’engendrer. IL a les parties naturelles tellernent froides & débiles, & avec cela fr mal faites, qu’il n’y a pas lieu defpérer qne l'amour puifleles échau- fer; pour Joüir des voluptez que la na- ure a préparées aux autres hommes. If eit donc vraï, à parler en général, que quelques hommes Hermaphrodi- tes peuvent career amoureufement des femmes, & peuvent même leur faire des enfans ; & que quelques fem- mes Hermaphrodites. peuvent aufli être carellees & concevoir quelque- fois , les uns & les autres fe fervant des parties qui prévalent & qui font les pius acomplies. | Ii. Sur ce que les Naturaliftes di- | fent, confidéré dans l'état du Mariage. 375 fent , que les Hyénes & les Licvres n:4- les engendrent une fois en leur vie un petit au-dedans de leurs entrailles ; & fur ce que le doûe Langius foûtient que les Cerfs en font de même, Pon doute fi les Hermaphrodites les plus vigoureux dans les deux fexes ne peu- vent point aufh engendrer dans eux-. mêmes, fans avoir la compagnie d’au- cune autre perfonne. Car ils ont, dit- on, de la matiére pour former un en- fant , un lieu pour le concevoir , des li. queurs pour le nourrir ; fi bien qu’en cette rencontre il ne manque rien pour la génération. Mais f l’on fait réflexion fur ce que nous venons de dire , & {ur ce que nous remarquerons au Chapitre fui- vant, on deineurera d’acord que ces générations font impcfMibles & ridicu- les tout enfemble : que les obfervations qu'ont fait les Naturaliites font fort fufpeëtes & fentent la fabie ; & qu’en- fin ts peuvent s'être trompez, en pre- nant quelques parties des femelles pour les tefticules des mâles. Car quel- le aparence de faire fortir de la femen- Jr2 ce 876 Tableau del Amour conjugal, ce dune partie pour la faire entrer dans un autre , fans qu’elle s’évente & qu’elle s’altére en changeant de lieu? Et quand même cela feroit poffble , le tempérament qui engendre de la fe- mence mafculine, pourroit-1l en faire de féminine, & produire desrégiesen même-tems , ou quelqu’autre chofe qui y fut proportionnée ? Cela me pa- roît fi éloignée de la raïfon , & de lex- périence de tous les jours, que je laif- fe cette queltion pour paffer à une au- tre, favoir, fi un Prêtre peut marier une perfonne acufée d’être Herma- phrodite.’ | IV. Bien que le Jurifconfulte 44- jolanus fafle tous les Hermaphrodites irréguliers & incapables du Sacre- ment de Mariage ; cependant il me femble que cette décifion eft trop gé- nérale & qu’elle choque même les loix, puifqu’il y a des Hermaphrodie tes fi vigoureux à embrafler les fem- mes , & d’autres fi difpofez à foufrir agréablement un homme, qu’il y au- roit de l’injuftice à défendre le maria- ge aux uns & aux autres. Car files pre- miers confidéré dans l'état du Mariage. 377 miers ont les parties naturelles du fexe mafculin bien faites & bien propor- tionnées , comme il s’en trouve quel- ques-uns , une petite fente de nuile confidération n’empêchera pas l’action amoureufe de ces hommes Herma- phrodites, non plus qu’un clitoris un peu allongé ne s’opofera pas aux ca- refles que pourra faire un homme aux femmes Hermaphrodites. Ainl, files uns ont leurs parties capables de diver- tirune femme, & que les autres foient difpofez à recevoir les carefles d’un homme , je ne doute pas qu’un Pré- tre ne puifle conférer le Sacrement de Mariage à l’un & à l'autre, pourvü néanmoins que celane fe fafle que par Pautorité du Juge, qui doit être aupa- ravant dûément informé par des per- fonnes’ favantes, & par le ferment de lHermaphrodite , de létat où ïl fe trouve & de la partie qui domine en lui. | En éfet, comme les Juges renorent fouvent les marques dont on fe fert ordinairement pour connoître la force & la capacité d’engendrer de lun & li 3 de 378 Tableau del Amour conjugal, de Pautre fexe , ils ne doivent Jamaïs décider la-deflus fur la feule foi des Hermaphrodïies, fans le ra port de quel- que favant Médecin. Celuï-ci ieur fe- ra remarquer que la hardieffe, la viva- cité dans Îles a@ions, la voix forte, beaucoup de poil fur le corps, & prin- cipalement à la barbe & aux parties naturelles, avec tous les autres fignes qui découvrent la virilité d’un homme, font des marques qu’un Hermaphro- dite a les parties naturelles d’un hom- me beaucoup plus fortes que celles de Pautre fexe. Au contraire, fi PHerma- phrodite ales parties naturelles du fe- xe féminin bien conformées , que le conduit de la pudeur ne foit point dé- fedueux, que la gorge foit belle, Ia peau polie & douce, que les régles paroïflent dans leur tems, qu’il y aît de [a douceur & de lagrément dans fes yeux, & qu’on lui remarque avec cela tous les autres fignes qui diftin- guent pour Pordinaire une femme d’un homme, cet Hermaphrodite doit paf- fer pour une femme. Le Juge peut donc prononcer hardiment fur le ma- X1a= confidére dans Petat du Alariage. 379 riage , tant de fun que de l'autre; & un Prêtre ne doit point héfiter à confé- rer le mariage aux Hermaphrodites, qui ont en main le Certificat du Méde- cin & la Sentence du Juge. V. La derniére queltion dépend de la quatriéme; car f un homme Her- maphrodiie eft capable de fe marier, fes défauts ne lempécheront pas de fe rendre Moïne, comme fit l'Aerma- phrodite de Cajette, qui s'étant marié pour femme à un Pêcheur, demeura quelques années dans fon mariage ; mais au bout de 14. ans, Îes parties vi- riles lui fortirent tout - d’un- coup; fi bien que pour éviter les raïlleries du peup'e, ilfe Jetta dansun Monaftére, où Polatéran & Potanus, qui en font Phifloire, l'ont vû plufieurs fois, & en ont apris la vérité de fa propre bouche. J'en dis de même des Hermaphrodites fémelles, qui peuvent entrer dans le Cloître, pourvû qu’elles ne foïent point du nombre de ces femmes lafci- ves, qui font capables de donner de Pamour aux filles les plus retenues & les plus faintes. Car fi elles étoient mil auffi 350 Tableau de Amour conjugal, auffs lafcives que B4f4, dont parle Martial, je w'aflure qu'il n’y a point de Médecin fi peu honnête homme, qui voulut donner un Certificat à ces fortes de femmes, ni un Juge fi injuf- te, qui füt d'avis qu’on lestondit, & qu’on les Jettât parmi des Religieufes. Brie Gb GE Ce Q Ex S Er de CE Gp CH A PATR'E"M Si une femme peut devenir greffe, fans l'a- plicaiion des parties naturelles d'un hor- me, où l'on traite fort curieufement des Zacubes © des Succubes. Quoi bon la nature auroit - elle fait toute Ia machine des par- ties naturelles de homme & de [a femme, fi ce n’eût été pour l'excellent ouvrage de la génération ? Elle a fabri- qué des fexes divers, qui ont chacun leurs parties diferentes. La femme a Île conduit de la pudeur & [a matrice pour recevoir. L'homme a des mufcles pour lever fa verge, & des ligamens caver- neux pour la roïdir. Si D - & ’In= confidéré dans l'état du Mariage. 387 Pintromifon n’euflent pas été abfolu- ment néceffaires pour engendrer, ja- maïs la nature mauroïit entrepris d’en faires les organes. Car fans ces deux ac- tions , felon la penfée de tous les Mé- decins, la génération eft mmpoffible. Puifgque la nature ne nous a pas or- donné de faire des enfans de la mê- me maniére que nous urinons, mais d’une façon où il fe trouve beaucoup moins de facilité, on doit croire que Pétroite conjon&ion des deux fexes eft abfolument nécefflaire pour nous per- pétuer. En éfet, de cette premiére fa- çon la femence d’un homme aïant été expofce à lair, auroit perdu tous fes efprits & auroit été enfuite incapable de fervir à la génération. L'expérience de tous les jours, & l'hifloire même que nous raporte RKio- lan , favorife notre opinion, contre ceux qui veulent que la génération fe puifle faire par l’épanchement de 1a femence fur les lévres des parties na- turelles d’une femme. Le conduit de la pudeur de la femme, dont il parle, étoit tellement fermé par des cicatri- ces 382 Tableau deP Arnour conjugal, ces après un facheux acouchement , qu’il n’y reftoit qu'un fort petit trou, par lequel pafloient fes régles & fon urine , & par lequel pafla aufi a fe- mence de fon mari qui Pengrofla. Ce Ja n'empêche pas que ces deux per- fonnes ne fe foient jointes étroite- ment, & ïl faut même qu’une allian: ce étroite foit arrivée, & que la ma- trice de l’une ait atiré aufli vivement la femence de Pautre, qu’un eftomac afamé arrache 1a viande de la bouche, & qu’un cerf, par fa vertu particulié- re, atire le ferpent hors de fon trou, f nous en croïons les Natura!ifies. Ce qui a donné lieu aux Théolo- giens, aux Jurifconfultes & à quel- ques Médecins , de croïre qu’une fem- me pouvoit engendrer fans Paplica- tion des parties naturelles d’un hom- me; ce font fans doute les hiftoires qu'Averroes, Amatus, Lufitanus & Det- rio nous ont laifiées par écrit, d’une jeune femme qui devint groffe, pour s'être baïgnée dans de Peau où des hommes s’étoient polluez : d’une au- tre femme engroffée par les carefles d’une / confidéré dans l'état du Mariage. 383 d’une de fes compagnes qui fortoit d’entre les bras de fon mari: & enfin d’une jeune fille qui fe trouva grofie, fon pere s'étant par hazard pollué en dormant dans le même lit où elle étoit, Mais ces hifloires, & plufieurs au- tres fembiables, font faites à plaïfir, pour couvrir la lafciveté des femmes, & pour cacher le vice d’un amour im- pur: C’eft aïnfi que lon s’eft perfuadé que la génération fe pouvoit faire fans fe joindre amoureufement ; fi bien qu'il feroit permis de croire, felon ce fentiment , qu’une vierge pourroit en- gendrer naturellement fans être déflo- rée, ce qui pourroit faire douter d’un des plus auguftes mifiéres de la Reli- ion Chrétienne : C’eft encore ce qui a donné lieu de croire qu’il y avoit des Démons Incu- bes & Succubes , qui étoient épris & embräfez d'amour pour les femmes. Et c’eft de - là auf que les Théolo- giens & le Jurifconfultes ont formé beaucoup de queftions ridicules , comme : 1. Si Penfant d’un Incube & d’une fem- 284 Tableau de P Amour conjugal, femme eft diférent d’un autre. Sï fon ame & fifon corps aïant été ménagez par Padrefle du Démon, il n’a point quelque chofe de particulier par def- fus les autres enfans. 2. Si l'enfant engendré par le mi- niftére du Démon, doit être apellé le fils d’un Incube, ou de celuï dont Pin- cube a dérobé la femence. 3. Si les Incubes & les Succubes joüiffent entreux des plaifirs de la- mour. 4. Enfin fi Je Démon peut f bien conferver la femence d’un homme à qui il Pa dérobée, qw’elle puifle en- fuite fervir à la génération. On a toüjours efiimé les hommes, qui dans Îa paix ou dans la guerre fe font diftinguez par leur génie ou par leur valeur. L’antiquité à tait bâtir des temples & élever des autels à la mé- moire de ces Héros, pour lefquels elle commandoit même d'avoir de la véné- ration. D’où les peuples ont aifément pallé jufa’à cet excès de fuperftition, que de les prendre pour des Dieux. Les Penates, les Faunes, les Syluains, les Saty- * confidéré dans l'état du Mariage. 385$ Saiyres , les Efprits folets © domefliques en font venus, & les plus importantes véritez de la politique , de la phyfique & de [a morale des anciens Philofo- _phes, ont été cachées fous ce voile, _ Ce que dévelope fort bien S. Axgufhr, dans fa Cite de Dieu. Les Prètres mê- mes, pour fe faire valoir , fe font éfor- cez de maïntenir l’exifience de ces Divinitez. Les Rabbins ont erû que es Faunes, les Incubes © les Dieux tutélaires étolent des créatures que Dieu laïlfa imparfaites le vendredi au foir , & qu’il n’acheva pas , étant prévenu par je jour du Sabath : c’eft par cette raïfon, felon le fentiment de Rabbi- Abraham, que ces efprits n’arment que les montagnes & les ténèbres, & qu’ils ne fe manifef- tent que de nuit au hommes. Maïs laïfons ce que la Cabale a avancé de fuperflitieux & ce que le Paganifme a inventé de ridicule fur cette matiére, pour examiner les quef- tions que les 1 héologiens & les Jurif- confuites Chrétiens propofent. 1. L’Ecriture-Sainte femble favorti- fer la premiére propoñtion , lorf- Zome ZZ. KE qu’ele 386 Tableau de l Amour conjugal, qu’elle nous marque, que les fils de Dieu aïant trouvé les filles des hom- | mes belles, ils s’alliérentavecelles, & que de cette alliance nâquirent Îles Géans ; f bien que l’on peut inférer de- là, que puifque les Anges, qui font ainfi apeliez en d’autres pañflages de PEcriture, peuvent fe mêleramoureu- fement avec les femmes & engendrer des enfans ; les Démons , quine font diférens des Anges que par leur chute, peuvent auffi, felon le fentiment de Laclance, atirif les femmes dans des plai- firs impudiques ©" les fouiller par leurs ems- braffemen:. | On affure que les enfans qui naïffent | de ces jondions abominables font | plus pefans & plus maigres que les au- tres, & que quand ils tetteroïent trois ou quatre nourrices tout à la fois , 1!s n’en deviendroiïent Jamaïs plus gras. C'eft la remarque qu’a fait Sprenger Moine Dominican, qui fut Pun des Inquifiteurs qu’envoïa le Pape Z#socent pII1. en Allemagne, pour faire le pro- cès aux Sorciers. Si le corps de ces en- fans eft donc diférent du corps des au- tres confidcre dans l'état du Mariage. 387 tres enfans , leur ame aura fans doute des qualitez qui ne font pas commu- pes aux autres. C’eft pourquoi le Car- dira! Bellarmiz penfe que l'Ante-Chrift païtra d’une femme quiaura eu com- merce dvec un Incube , & que fa mali- ce feraune marque de fon extraion. Ce n’eft pas d’aujourd’huiï que l’on a douté de Pacouplement des Démons avec les femmes ou avecles hommes, & que l'on a douté encore s'ils pou- voient engendrer. Ces queftions fu- rent autrefois agitées devant PEmpe- reur Sigifmond : on y allégua tout ce que l’on put de part & d'autre; & en- fin on fe rendit aux raïfons & aux ex- périences, qui parurent les plus con- vainçantes & les plus certaines. Il fut donc réfolu que ces acouplemens ex- traordinaires étoient poflibles. En éfet, S. Auguflin , qui avoit eu [ong- tems de la peine à fe déterminer fur cette matiére, avoué enfin, que puif- qu’on dit gwily a pluficurs perfonnes qui fe font trouvées par un malheureux com- merce avec les Demons, © qu'on l'a apris de celles là mêmes qui en on été careflees, Kk 2 de 388 Tableau de l Amour conjugal, de la bonne-foi de[quelles il n'eft pas permis de douter ; il eff tres-affuré que les Sylvains, les Pans © les Fannes, que l'on apelle or- dinairement Wncubes, r’ont pas féulement defiré de careffer amoureufement les femmes, mais qwils les ont véritablement carefftes, © les Démons que les François apcellent Drufions, #’ont pas feulement tache de connoître les femmes, maïs qu’ils les ont meme réellement connuës : f; bien, ajoûte- t-il, gwil fembleroit que l'on fut impudent , fi on nioit ceqw’on afure la-deffus avec tant de circonfiance. On peut encore ajoûter à cela Ja con- fefion que font une infinité de Sor- ciéres qui difentavoir été careflées du Démon, & en être même devenues grofles. Les Livres de Delrio, de Spren- ger, de Dilancre & de Bodir , font pleins de femblables hiftoires ; fi bien qu’2- près tant de preuves autentiques, & tant de confeffions de Sorciers & de Sorcicres, qui l’avouent de bonne-foï , & prefque de [a même forte, il yauroit de lopiniâtreté à tenir un fentiment opofé. Car les hifloires que Pon nous en fait, paroïflent fi aflürées , qu’il fem- confidere dans l'état du Mariage. 389 fembie que l’on ne doive pas douter de la vérité de ces coniondions dia- boliques ; témoin Benoit Berne, sé de 27. ans, qui fut brûlé tout vif, après avoir avoué que depuis quarante ans il avoit commerce avec une Succube, qu’il apelloit Æermaline ; & François Pic, Prince de la Mirandole, qui la connu, nous eft garant de la vérité de cette hiftoire. Toutes ces preuves paroîtroïent for- tes, fi nous n’avions la raifon & lPex- périence, qui nous font connoitre [e contraire. Et pour dire ce que je pen- fe fur cette matiére, on me permettra de raïfonner de la forte. La curiofité nous eft naturelle à tous. Celle qui eft blämable eft une maladie d’ame , qui s'empare principalement des efprits foïbles. Le monde eft plein de gens qui veulent pénétrer dansies chofes les plus cachées, & jufques dans les fecrets de l’autre monde. Sion leur parie de quelque chofe d’extraordi- naire, incontinent la joie rejaïllit fux leur vifage, & ïls témoïgnent que c’eft- là Pendroiït qui les flâte le plus. Kk 3 D'aïls 300 Tableau de l Amour conjugal, D'ailleurs, on eft fouvent ravi de joie de trouver Pocafon de plaire, & fi un homme d’efprit fe rencontre par- mi des perfonnes foïbles, 1 ne man- quera pas de fomenter leur defir d’a- prendre, & de prendre plaïfir lui-mé- me à fe faire écouter & admirer. Il leur fera des hifloires qu’il aura adroïte- mentinventées; & quoïque les chofes que nous entendons nous fafflent de horreur , fi elles nous font pourtant inconnuës , nous nous plaïfons à les oûir reciter. Il parlera des Démons, des Incubes, des Succubes, des Ef- prits folets, des Sorciers, &c. felon l'adreffe de fon efprit & la fouplefle de fon génie : il perfuadera fi bien ce qu’il aura avancé, par des raïfons qu’il s’é- tudiera à chercher, que tous ceux qui l’écouteront feront convaincus de la vérité de la fable. Plus cet Hiftorien fe fera acquis de réputation, ou par fon autorité ou par fon mérite, plus on ajoûtera de foï à ce qu’il aura dit : on cherchera même enfuite d’autres rai- fons pour apuier fa fable, & l’on trou vera fans doute des preuves pour juf- | uher | | | confidéré dans l'état du AAariage. 3917 tifier des chofes fi furprenantes. Ceft ce qui s’eft pallé dès les pre- mierstems, & ce qui fe palfe encore tous les jours : maïs qui ne nous empê- chera pas de prouver que lopinion de : Pacouplement & de fa génération des Démons ne peut être foûtenué. J'avouë que la conféquence que Pon tire de PEcriture-Sainte feroit juf- te, fi les Anges pouvoient careffer & engroffir les femmes. Car il me femble qu’il n’y auroit pas plus de dificuité à croire le commerce des Démons, que celui des Anges avec les femmes. Maïs outre que le paflage de PEcriture peut bien s’expliquer , fans admettre ces al- lances qui répugnent à la nature, elle nous dit que les Saints , qu’elie apelle les fils de Dieu, s'étant Joints avec les filles des autres, qu’elle apelle hommes, engendrérent des hommes puiffants ; c’elt-a-dire, des Roïs & des Monar- ques, qui avoïent la puiffance & l’auto- gité en main, pour fe faire craindre & refpe@er des autres hommes en cette qualité. _ Ces hommes puiffans étoïent fans doute 392 Tableau de P Amour conjugal, doute alors apellez Gears, par [a gran- deur de leur autorité ; au lieu que ce terme marque prefentement la gran deur du corps; & cette équivoque du mot de Géant a donné lieu fans doute à Vune des plus grandes erreurs qui ait jamais eu cours. C’eft ainfi que les mots de Tyran & de Parafite étoient autrefois fort honorabies, au lieu que prefentementils font odieux à tout le monde. D'ailleurs Îles enfans peuvent être lourds par la pefanteur & la groffeur de leurs os. Et ceux qui ont de grandes entrailles & le foie chaud, peuvent ta- rir deux ou trofs nourrices de fuite, pour s’humeder & fe rafraîchir. Si ces mêmes enfans ont un jour lefprit ma- licieux, quieft un éfet de [eur tempé- rament, on ne doit pas conjeurer par-là qu'ils ontété engendrez par un Démon. Pour ce qui eft de l'Affemblée qui fe tint devant PEmpereur Sigifnord , je ne m'étonne pas fi elle décida que les Démons pouvoient avoir commer- ce avec les femmes, & qu'ils pou- voient confidéré dans l'état du Mariase. 393 voient même engendrer, puifqu’elle nétoit prefque compofée que de Théologiens, qui, acoutumez à croiï- re fimplement ce qu’ils ne voient pas, & ce qu’ils ne favent pas même , don- mérent leur fentiment en faveur de ces générations , qui font fi opofées aux loix de la nature. Sï cette illuf- tre Compagnie eût été compofée de Phülofophes & de Médecins, ou qu’elle fe fut réglée par le fentiment de $. Chrifoffome, je fuis fort perfuadé que ces queflions n’auroïent pas été déci- dées de la forte. Au refte, fi l’on examine bien le paf- fase du grand Auouflir , que nous avons voulu traduire tout entier, on verra alfemerit que la certitude qu’il a de ces fortes de commerces & de gé- nérations, n’eft fondée que fur le ra- port de quelques hommes fimples & crédules, ou de quelques femmes fu- perflitieufes & mélancoliques. Sinous voulions croire tout ce qui nous eft tous les jours dit & affäré par nos ma- Jades, qui ont l'imagination égarée , & qui femblent pourtant l'avoir jufte, nous 394 Tablean de l'Amour conjugal, nous tombertons fouvent dans de pa- reïiles erreurs. Car les vapeurs noires d'une bile brûlée , troublent quelque- foïs tellement leurs ames, qu’ils pen- fent que leurs fonges font des véritez. C’eft donc par une caufe à peu près femblabie , que les Sorciéres fe perfua- dent avoir été au Sabath, & avoir été careflces du Diable, qui avoit fes par- ties naturelles hériflées & écaïllées, & la femence froide comme de la glace, fans pourtant que ces miférables fem- mes foient parties du lieu où elles.s’é- toient endormies. | Maïs pour ne pas m’opofer à une opinion qui fembie être reçûë prelque de tous les T héologiens & de tousles Peres ; fans alléguer de puiflantes raï- fons pour lacombattre, examinons Ia chofe avec toute laplication poffible, mais auf: fans préocupation. Nous aprenons de la Théologie, que les Démons étant de purs efprits , font auffi des fubftances diférentes de / la nôtre. Qu’ils n’ont ni chair, nifang, ni parties naturelles, & par confé- quent point de femence pour la géné- ration. confidéré dans l'état du Mariage. 395 ration. Que s'ils prennent quelquefois des corps qu’ils peuvent former d'air ; ces corps ne vivant point, ne peuvent aufli exercer les opérations dela vie, Que n’aïant point de fuccefleurs à ef. pérer, parce qu’ils font immortels, ils ne doivent auffi avoir d’envie de fe perpétuer , ni de defir de fe fatisfaire par les plaifirs de amour. Quelques puiffans qu'ils foient, ilsne fauroient pañler les bornes que ja nature leur a prefcrites. Les animaux ne fe joignent point aux plantes, ni les plantes aux minéraux pour faire des générations, leur fubftance étant trop éloignée Pu- ne de l’autre. En un mot, la nature n’a pas permis ces alliances. Deforte que, fuivant le fentiment deS. Chryfofiome, ily auroit de La folie 4 croire que les Démons s'allient avec les femmes, qu'une [ubflan- ce incorporelle puiffe fe joindre 4 nn corps pour engendrer des enfans. | En vérité je ne fauroïs me perfua= der , non plus que Gafier, Huftre Dif- ciple de ce grand Evèque, que ces fubftances purement fpirituelles puif- fent naturellement avoir un commer- ce 396 Tableau de l Amour conjugal, ce charnel avec des femmes. La raïfon qu'en aporte ce dernier avec ?Philof- trins Evèque de Breffe, c’eft que fi ce- la s’eft fait quelquefois, il doit encore prefentement arriver : maïs parce qué nous favons que cela marrive pas maintenant , nous devons conclure que ces conjonétions & ces produc- tions abominables n’ont jamais été: C'eft pourquoi S. Auguflin, fouvent trop crédule , qui penfe mieux dans un endroit que dans un autre, com- mande aux Prêtres de prècher au peu- ple , pour le défabufer de la fauffe pen- fée où il eft, que ce que l'on dit du com- merce des Sorcières avec les Démons, [oit reel & veritable. Mais ce qu’il y avoit encore de plus preffant fur cette matiére, c’eft la dé- cifon du Concile d’Ancyre, qui blä- me & détefte la créance qu’ont les Sor- cicres d’être portées de nuit au Sa- bath, jufqu’à l’un des boüts dela ter- re, de fe joindre aux Démons & de prendre avec eux des plaïlirs abo- minables ; puifque toutes ces chofes, ajoü- te-t-il, #6 font que des réveries © des sll4= confidére dans l'état du Mariage. 397 ilnfions, bien-loin d'être des vernez. Je ne fauroïs trop m’etonner de ce que les Chrétiens croïent fi legére- ment, ce que les Païens auroïent de Ia peine à croire ; Car tous ne demeurent pas d’acord que Servins Tullus, Roï des Romaïns, ait été engendré d’un Incu- be, & que Sion le Magicien für le fils de la Vierge Rachel, non plus que dans les fiécles fuivans, quelques groffiers qu’ils aïent été, ÆA/erlin Coccaye n’a pas été crû fur fa parole, quoïque fa mere &- lui vouluffent perfuader aux Roïs d'Angleterre , Vortigerne, Ambhroife, Uterpendragon & Artus, qu'il étoit fils d’un Démon Incube, & d’une Relti- gieufe fille du premier Roï. La folie & la foiblefle des hommes, le défir de la nouveauté , l’isnorance des caufes na= turelles, la honte que Pon a de lob- fcurité de fa famille , la crainte qu’un adultére ne fe découvre, les flâteries des Courtifans pour ies Princes,les ref= forts de lavarice & de la vanité ; enfin la paffion violente de amour, font les puiflantes caufes, qui produifent or- dinairement ces fortes d'opinions dans Tome IL L 1 l'ef- 393 Tableau de P Amour conjugal, Pefprit des hommes. Jamais Aundns n’auroit joui de Pauline, fi Pavarice & Pamour ne s’en fuffent mélées , & ja- mais on n’auroit douté que enfant qui feroït venu de cette conjon“ion n’eût été le fils de PIncube Azubis, fi l'im- prudence de ÆA{urdus n’eût découvert tout le mifiere, Léon d'Afrique nous faïfant lhiftoire de ce qui fe palie en fon païs, nous af- fure que tout ce que Pon dit de la con- jon&ton des Démons avec les femmes, n’eft qu'une pure impoîilure , & que ce que lon atribuë aux Démons, n’eft commis que par des hommes lafcifs & par des femmes impudiques, qui per- fuadent aux autres que ce font les Dé- mons qui les careflent. Les Sorciéres du Roïaume de Fez, ainfi que cet Hif- torien le raporte, veuient bien que l’on croïie qu’elles ont beaucoup de fami- lrarité avec le Démon; pour cela, el- les s’éforcent de dire des chofes fur- prenantes à celles qui les vont conful- ter. Si de belles femines les vont voir , ces Sorciéres ne veulent point rece- voir d’ellesle prix de leur artimaïs elles ieur confideré dans l'état du Mariare. 399 leur témoignent feulement je defrr qua leur Maître de les careffer pen- dant une nuit. Les maris prennent mé- me ces impoltures pour des véritez , & ils abandonnent [ouvert , felon leur lan< gage , leurs femmes aux Dieux © aux vents. La nuit étant venue , la Sorciere qui eft du nombre de ces femmes, que les Latins nomment 77ibades ou Frica- trices , embrafle etroitement la beiie, & en Joüit au lieu du Démon, dont elle penfe être amoureufement careflée. 2. Les Théologiens qui raïfonnent fur la faufle hypotèfe de la conjonc- tion des Démons avec les femmes, ont formé une feconde dificulté ; favoir, de qui un enfant feroit le fils, ou de : PIncube ou de l’homme, de qui la fe mence auroit été furprife ? Et pour ex- pliquer la maniïére dont cela fe fait, ïls fe font imaginé qu'un homme aïant commerce avecun Démon Succube, ce Démon devenant Incube fans ner= dre de tems par ’a@ivité de fa nature, communiquoit incefflament à une femme qu’il trouvoit difpofée, Ia fe- mence qu’il avoit depuis peu reçûë | Liz d'un 400 Tableau del Amour conjugal, d'un homme, & que l'enfant qui naïf foit de cette conjondion, étoit véri- tablement le fils de cet homme & non du Démon, qui en cette ocafon n'a- voit contribué que de fon induftrie. 3. La troïfiéme queftion ; favoir, fi les Incubes & les Succubes fe careffent entr'eux à la façon des hommes & des femmes, na pas été agitée par ceux guiontécrit fur ces matières. Mais ïl elt certain, qu’outre plufeurs raïfons que nous pourrions alléguer là-deffus, les Démons étant d'eux-mêmes éter- nels & malheureux tout enfemble, n’ont pas befoin de perpétuer leur ef- péce ni de prendre des plaïfirs dans les careffes des femmes. 4. Enfin, pour pañfer à Ja derniére dificulté , quelques Doûeurs croïent que le Démon agit avec tant de vitele, en portant dans les parties naturelles d’une femme la femence qu'il a reçüë d’un homme, qu’il conferve cette mêé- me femence dans tout le tempéra- ment qui eft néceffaire pour la géné- ration. lis ajoutent même, que c’eftune grande erreur que de ne pas croire que confidéré dans l'état du Mariage. 407 que ie Démon puifle faire “cela. Mais tous ces raifonnemens me pa- roiflent vains & inutiles, s’il eft vrar, comme nous lavons prouvé, que ce foit une fable, que les Démons fe Joi- gnent amoureufement aux femmes. Ils ne font propres qu’à nous entretenir dans Paveuglement où lon eft fur ces fortes de conjonéions. Car fi un hom- me ne peut engendrer, felon lavis de tous les Médecins, parce qu’il a une petite verge quine porte pas allez loin la matiére qui fert à la génération, & qui ne la darde qu’à l'entrée des lieux d’une femme ; que peut-on efpérer d’une femence éventée & froïde, qui aura touché un cadavre ou un corps d'air que le Démon aura emprunté ? L’ame , ou les efprits de la femen- ce, fi l’on veut, fe diffiperoïent & s'e- vanoüiroient aïfément , fi bien que ce qui demeureroit , ne feroit lui-même qu'un cadavre de femence, s’il m’eft permis de parler de la forte qui feroit incapable de la génération. Il n’y a au * monde que la matrice d’une femme, _qui puïlle conferver pour la généra= k £a tion 402 Tablean de P Amour conjugal, tion Ja femence d’un homme ; & ne faut pas s’imaginer que le Démon puiffe paffer les ordres que la nature a établis , quoiqu'il ait une pénétration d’efprit inconcevable |, & une viteffe de mouvement furprenante. St lefprit des eaux minérales froiï- des, & celui de lextrait de romarin fe diflipe prefque dans un moment, lefprit de la femence, qui eft beau- coup plus fubtil, fe confervera-t-il dans fa matiére expofée à l'air ? Et puifque les Sorciéres avoient que Îa femence du Démon eît froïde, quand elles [a reçoivent, quelle aparence y a-t-il qu’elle foit prolifique, l'air qui ronge tout ce qu’il y a au monde en aïant diffipé les efprits & corrompu Îa fubftance ? C’eft donc une grande erreur de croire, comme font plufieurs Théolo- giens , que le Démon puifle ramaffer ia femence de plufeurs hommes pour la jetter enfuite dans les parties naturel- les d’une femme & caufer ainfi la gé- nération. Si le Démon pouvoit faire cela, & qu'il let fit éfetivement, äl | pour- confidére dans Fétat du Mariage. 40% pourroit au {fi raflembler la femence de plufieurs animaux de diférentes efpé- ces & procurer aïnfila génération des monftres : ce qui feroit confondre ia nature & troubler l’ordre que Dieu a mis parmi les créatures depuis la créa- tion du monde. D'ailleurs nous n’avons point apris que les Démons Succubes puiffent en- gendrer, bien que Ia fable nous dife qu is fe joignent avec les hommes ; & je m'étonne de ce que l’on ne s’eft point avancé jufques-là. Peut-être auroït-on trouvé des raïfons auffi probables pour apuïer ce fentiment, que l’on en a in- venté pour foutenir l’autre. Etil y au- roit eu fans doute quelqu'un qui fe fe- roit auflr-bien dit le fils d’un Succube que d’un [ncube. Au refle, files Sorciéres n’étoïent pas foles ou intimidées par lhorreur des tourmens , jamais elles nauroïent découvert le commerce qu'elles di- fent avoir eu avecle Démon. Ilyena eu même qui en ont fait gloire en Béarn , auffi-bien qu’en Allemagne, & on en a vü qui fe vantoïent hautement d'é- 404 Tableau deP Amour conjugal, d’être la Reine du Sabath. L’ellebore ou les petites-maïfons feroïent des re- médes plus proportionnez à leurs ma- ladies, que le feu & les tourmens dont on s’eft fervi jufqu’ici: & ïl n’eft pas toüjours vrai, comme a dit Cicéron , que la vérité fe trouve dans l’enfance, le fommeil , l’imprudence, lyvrefle & la folie. Après-tout, pour connoître plus parfaitement [a vanité de cette opinion, examinons ce que les Méde- cins difent de la maladie qu’ils apelient Incube, & nous verrons par-là que 1a fab'e fera découverte. Cette maladie n'eft qu’une fuffoca- tion nocturne , dans laquelle la refpira- tion & la voix font interrompuës. Ii nous femble quand nous en fommes furpris , que Cupiden, felon le fenti- ment des Païens, ou le Démon, aïinf que les Ï héologiensle croient ou le Pefant, comme le peuple parle, nous prelfe la poitrine , & nous empêche de crier au fecours, de refpirer & de nous mouvoir. Si une femme amou- reufe & mélancolique en ell attaquée : : elle croit fortement que le Demon la confidere dans Petat du Afariage. 40% carefle ; & fi avec cela elle a [a memoï- re embarafée des contes que l’on fait ordinairement des Sorciéres, fon ima- gination fe trouvant alors d‘pravée, fait qu’elle raconte enfuite fa rêverie pour vérité. Une femme éfroïable à voir, vieil- le , féche & mélancolique , qui a Pefprit imbu des fables du fiécle : un vieillard atrabitiaire , qui a paflé toute fa vie dans les plaïfirs ïllicites, & qui dans l’âge où ïl eft, conferve . encor un vif fouvenir de fa lafcive- té paflée, ne fauroit mieux entrete- nir fes voluptez dans fa mélancolie amoureufe ; fi bien qu’étant tout ocu- pé de fes plaïfirs impudiques, quand cette maladie Pataque, fa folie amou- reufe va fouvent jufques-là , qu’il lui femble voir & careffer un Démon en forme de femme, comme fe l’imagi- noît le vieillard de 80. ans , que l’on apelloit Pire, qui parloït par tout où il étoit à fon Succube Florine, felon le raport de Pic de la Mirandole. Maïs So- crate, Apollonins, Cardan, Scaliger & Campanella, n’étoient-ïls point de ce nom- 406 Tableau de l Amour conjugal, nombre-là, puifqu’ils ont pubiié avoir eu commerce avec un Génie & un Dé- mon famillier ? Je ne croïs pourtant pas qu'ils fuffent nez un jour des quatre- tems, ni qu’ils fuflent venus au monde aïant ia tête embarraffée de leur arrié- re-faix, comme Thyreus, Jéfuite, a écrit que ceux qui naïfloient de la forte , avoient commerce avec les efprits. Que s'ils ont publié avoir un Démon famillier , ca plutôt été par vaine - gloire que par. quelqu’autre raïfon; favoir , pour fe faire eflimer du peuple. Le dormir fur le dos; le travail que foufre Peftomac à digérer des viandes dures; [a foiblefle de la chaleur natu- relle ; ia fermentation d’une humeur attrabilaire , l’impureté de la matrice, ou la chaleur extraordinaire des par- ties naturelles, font les véritables cau- fes de ces illufionsnoëturnes & démo- niaques. Une vapeur épaïille qui s’éle- ve & qui fe mêle parmi notre fang, caufe la dificultté de refpirer & la prt- yation de la voix, qui acommpagne cette incommodité. Cette vapeur nOI- confidére dans l'etat du Mariage. 407 noïre étant ennemie de notre vie, ein- pêche le libre mouvement du cœur & du pouimon, & retarde aïnfr Pebuli- tion naturelle qui <’y fait, en embaraf- fant les conduits de l’une & de Pautre de ces parties ; deforte que nou-feule- ment on ne peut alors ni parler ni ref- pirer, mais que tout le corps languit par Îa foibiefle de ces deux parties principales. Cette vapeur obfcure étant portée au cerveau, ofufque les efprits qui sy font nouvellement fabriquez, & puis e mêlant parmi le fuc nerveux , em- pèche l’ame d’agir felon fa coùtume. L’imagination en eft dépravee ; les feus en fonttroublez, & les nerfs em- baraflez, teilement qu’il” y a pas d’a- _parence que le cœur , le poulmon, le diaphargme ; en un mot toutes les parties du corps foïent dans leur tem- pérament ordinaire. La dificulté de refpirer en eft augmentée, aulli-bien que celle de fe mouvoir. Car cette vapeur épalfle & ennemie de nous, trouble fï fort la fermentation naturel- le du fuc nerveux, que l’ame qui pisse , ert 408 Tableau de P Amour conjugal, fert comme d’un inftrument prochaïn ; ne peut faire toutes les belles aions que nous lu voions faire tous les jours. Maïs quand les vapeurs d’une fe- mence corrompué font mêlées parmi le fang & le fuc nerveux il, ne faut attendre de ce mélange que des ïliu- fions vénériennes qui troublent l’ima- gination, & font voir aux perfonnes qui en font incommodées , des Spec- tres amoureux & des Faunes lafcifs. Si nous en voulons croire Hipocrate, les femmes y font plus fujettes que les hommes : ceux-ci fe déchargent fou- vent pendant le fommeil, d’une abon- dance de femence qui les travaille ; au lieu que celies-là ne s'en peuvent dé- baraffer fi aifément , & fouvent ne peu- vent éviter de tomber dans ces fortes d’illufions. La raifon qu’il en raporte, c’eft qu’elles font d’un efprit plus foible que les hommes, & que le fang des régles fe préfentant à leurs parties na- _turelles pour fortir, les filles qui ne font pas encore acoûtumées à ces for- tes d’épanchemens, font aufh alors A | uf= confidéré dans l'etat du Mariage. 409 fufceptibles de ces fortes d’idees ; juf- ques-là même qu’il s’en eft trouvé qui fe font perfuadées d’être groffes, après s'être imaginées d’avoir été careflées d’un Incube. Je ne m'étonne donc pas fi les Sor- ciéres font fi fouvent furprifes par des terreurs paniques ; car outre qu’elles font femmes, elles engendrent encore inceffament beaucoup de pituite & de mélancolie, qui font la caufe de ces fortes de maladies. Il faut croire que ces 1llufions noëurnes ne font vérita- bles que dans leur efprit ; & fi ces fem- mes fe font imaginé d’avoir été pen« dant la nuit ce qu’elles n’ont pas été , ou d’avoir fait ce qu’elles n’ont pas fait, ondoit être perfuadé, avec S. 44- gufin , que le Démon a pü fe fervir de leur foibleffle & de leur maladie, pour leur faire croire toutesles chofes qu’elles croïent, ce qui n’arrive que par un éfet du jufte jugement de Dieu. J’avouë que le Démon fe mêle quel- quefois, maïs fort rarement , parmi l'humeur mélancoïique de nos mala- dies. Ce que Pon ne fauroit connoître Tome 11. M m que #10 Tableau de P Amour conjugal, que par l’une de ces troïs marques ; fa- voir, quand Ia perfonne pénétre dans les fecrets de nos penfées : quand elle parle queïque langage qu’elle n’a point aprife ; ou quand elle fait des actions qui pañent fes forces ordinaires dela nature. | La maladie Zrcube eft quelquefois fi commune, foit par l’intempérie de Pair, ou par la mauvaife qualité des alimens & des eaux, qu’elle devient comme épidémique & populaire, ain- fi que Lyfimacus Pobferva autrefois à Rome. Et fi parmi toutes les perfonnes qui en font ataquées, il y en a quel- ques-unes qui aïent lame embaraflée d’un amour impur ou des fables des Sorciers, il ne faut pas douter que fa paflion ou fa créance ne lui fafle voir en dormant , ou même en veillant, des objets capables de lentretenir dans fes rêveries. L’amour & la maladie /#- cube joints enfemble , font deux maux qui font deux efpéces de folie, & qui peuvent caufer tout ce que Pon nous dit de furprenant touchant le commer- ge des Démons avec les femmes. Tou- confidére dans l'état du Mariage. AT. Toute l'antiquité n’a pas cru ces ba- gatelles, puifqu’elle nous a laïflé par écrit des remédes pour guérir ceux qui font poffédez d’un efprit impur , & qui font ataguez de terreurs paniques ; croïant bien que ce que lon penfoit être un Démon, n’étoit ordinairement qu'une humeur mélancolique , qui étoit la caufe de tous les defordres que Pon vojoit arriver à ces fortes de per- fonnes. Jufques-là que Pomponace nous fait lhiftoire de la femme d’un Cor- donnier, laquelle parloit plufieurs lan- gues fans les avoir jamais apriles, & qui fut enfuite guérie par le favant Médecin Calcéran, qui avec de lel- lebore lui chaffa fes rêveries, & lui ravit en même-tems la fcience , par Pévacuation de Ia bile noire dont le Démon fe fervoit. S'il eft vrai, comme l'expérience de “tous les Jours nous le fait connoître, qu'après avoir préparé la bile noire , & puis lavoir purgée, après avoir cor- rigé l’intempérie des entraïlles , ôté les obliruétions qui s'y trouvent, & pro- voqué le fommeiïf, nous rétabliffons la M m 2 {ans 412 Tableau de P Amour conjugal, fanté de ceux qui ont limagination dépravée, & qui fe perfuadent d’être agitez par un Démon, nous pouvons dire hardiment , qu’en combatant lhu- meur mélancolique, & en la chaffant du corps de ces fortes de malades, nous en faifons fortir en même-teins le Démon. Cela arriva de la forte à un Apoticaire, qui acompagnoit un Mé- decin dans l’un des Hôpitaux d’Au- vergne : cet Apoticaire proteftoit, fr nous en croïons Æoullier, qu’il avoit vû pendant la nuit le Démon, figuré de la forte qu’il le dépeignoiïi, & qu’il en avoit été maltraité. Cependant ce Démon imaginaire fut chaffé par les foins du Médecin de PHôpital ; qui guérit PApoticaire de [a maladie Z#- cube dont ïl étoit ataqué. Nous concluons donc, après tout ce que nous venons de dire, que nous foinmes le plus fouvent nous-mêmes la caufe des Speûres, que nous nous Imaginons voir ou toucher : fi nous étions moins timides ou moins mélan- coliques, nous ne tomberions pas fi fouvent dans ces foibiefles d’ame. Maïs comme confidére dans Pétat du Afariage. 413 comme parmi les hommes il y a des mélancoliques de diférentes efpéces , il doit auf y avoir plufieurs maniéres de rêver & de devenir fol. En un mot, une Sorciére ne fera jamaïs careflée amoureufement par un Démon; bien moins pourra-t-elle en devenir groffe, s’il eft vrar, comme nous Pavons mon- tré , que la génération foit impoffible, fans Paplication des parties naturelles de Pun & de lautre fexe. L’opinion contraire paflera toujours pour une fa- ble dans l’efprit d’une homme raïfonna- ble ; au lieu que, felon le jgement dun efprit foible & fcrupuieux , elle fera toüjours une vérité incon- teftable. RE M m 3 CHA- at4a Tableau del Amour conjugal, DCR PRIOR CE RER » EC SENEIH 2 EE ES CHA P'TTFEREMNME Si les Eunuques [ont capable de [e marier C de faire des enfans. Es tefticules contribuent telle- ment à la perfection de notre fan- té, que Gakez a ofé les comparer & même les préférer au cœur ; maïs leur principal ufage eft de fervir à perpé- tuer notre efpéce. La nature ne les a feulement formez, comme fe l’eft ima- giné un Philofophe, pour faire tenir tendus Îles vaïlleaux fpermatiques , comme fontles poids d’un Fifferand : maïs ils fervent à un autreufage, in- comparablement plus noble que ce- Jui-là. Car ceux qui en manquent, font imparfaits & incapables de fe per- pétuer par la génération. Et d’ailleurs la chaleur naturelle, qui eft la fource de toutes nos adions fe diminuant infenfiblement par leur perte, & les fermentations naturelles ne fe faïfant plus, oneft acablé d’incommoditez &e | de confidere dass l'état du Alariage. 415$ de langueurs. Le cerveau fe relâche & puis fe décharge fur les parties infé- rieures : & l’on eft alors ataqué d’une infinité de maladies, qu’il eft impof- fible de guérir & d'éviter même. L’a- me foufre aufli-bien que le corps , & l’on devient timide & lâche, de fort & de courageux que Pon étoit auparavant. ; C'eft ce qui a fait fi fort valoir ces petites parties de nous-mêmes, juf- ques-là que la Jurifprudence n’admet point d'hommes en témoïgnage, fi on les luï a coupées, & que PEglife n’en veut recevoir aucun qui en foit privé. Dieu même avoit défendu autrefois qu’on lui ofrit dans fes Sacritices des animaux qui ne fuffent pas entiers. En éfet , les Eunuques, fi nous en croïons PEmpereur Sevére, font une troïfiéme efpéce d'homme qu’il ne faut ni voir ni foufrir. Et fi PEunuque Dorothée ocupa l'Evèché d’Antioche, ce ne fut que par un éfet de l'amitié extraordi- naire que l'Empereur Aurélien avoit pour lui. Mais pour bien examiner la quef- tion , 416 Tablear del Amour conjugal, tion, qui fait le fujet de ce Chapitre; nous devons d’abord diftinguer les Eu- nuques pour connoîftre ceux qui font propres au mariage & ceux qui ne le font point. Entre les Eunuques, qui ont été faits ou par la nature ou par Part, il y en a qui n’ont qu’un tefti- cule, & d’autres qui nent ont point du tout. | On ne doit poïnt mal juger de Ia vi- rilité d’un homme, lorfqu’on ne lui trouve point de tefticules au-dehors, comme nous lavons prouvé ailleurs par l’autorité de la Faculté de Médeci- ne de Montpellier, & par les raïfons que nous avons déduites en cet en- droit là. Car il arrive quelquefois que les teflicules étant demeurez au- de- dans, & n'étant pas defcendus dans la bourfe, par les obflacies qui fe font opofez à leur fortie, les hommes qui les ont aïnft cachez, ne laïffent pas d’être auf parfaits que s’ils les avoient au - dehors, témoins ceux dont nous avons fait l’hiftoire. Ces fortes de per- fonnes font vigoureufes & fortes com- me les autres, & ont tous les fignes qui confidéré dans l'état du Mariage. 417 qui font nécefflaires pour marquer la virilité d’un homme ; ainfi ils font en état de fe marier & de faire des enfans. Et je ne faïs aucun doute , que Putifar , quiétoit l'Eunuque de Pha- raon & Lieutenant-Général de fes ar- mées, ne fut de ce nombre-là, puif- qu’il avoit une fille qu’il maria avec Jofeph. 11 y a des Eunuques qui n’ont qu’un feul tefticule ; mais ïl eft bien fait & bien proportionné, ce qui les rend aufli féconds que les autres hommes: car felon Paxiôme des Philofophes, da force unie eff capable de plus d'action que celle qui eff partagée. Un homme voit auffi-bien, & peut être mieux, d’un œ1l que s’il en avoit deux. Et la nature ne nous a donné deux tefticules , qu’a- fin que lun püt fupléer au défaut de Pautre. Cet homme, dont parle Z4- eharias | qui n’avoit qu’un tefticule dans fa bourfe , auquel étoïent atachez d’un côté & d’autre les vaifleaux fper- matiques, étoit fans doute aufli vigou- reux & aufli capable d’engendrer que ceux qui en avoient deux. sus (53 A1S Tableau de l Amour conjugal, le tefticule eft petit & flétri, 1l ne faut pas s’atendre qu’un tel homme foit propre à la génération , bien qu’il puille être capable de carefler une femme. Pour ne confondre point ici les ef- péces des Eunuques , comme font quelques-uns, je ne parlerai ni des hommes impuiflans qui ont trois tefti- cules petits & de nulle vertu, ni de ceux à qui la maladie ou les remé- des froïds ont empêché lufage de ces parties, ni encore de ceux à qui on les à brifez, comme on fait aujour- d’huï aux taureaux pour les châtrer: puifqu'un véritable Eunuque eft ce- lur à qui la nature a dénié une ou deux de ces parties, ou à qui le Chi- rurgien ou quelque accident en a emporté une ou toutes les deux en- femble. Maïs il n’en eft pas de même de ceux qui n’en ont ni au-dedans ni au-dehors. Iis font tous valétudinaïres, Incommo- dez, impuiffans & läches, & méritent d’être chaflez de la compagnie des hommes, comme inutiles à la fociété humaï- confidéré dans l'état du Mariage. 419 humaine. Ce qui arriva au Prêtre Léor- ce, felon le raport de S. Anafiafie, qui fût dépofé de la Prétrife, pour s’être châtré , de peur de careffer une femme qu’il tenoit chez lui. A les confidérer dansle détail , ïls ont la voix grêle & languiffante, & Ia complexion d’une femme ; on ne leur voit que du poil folet à la barbe. Le courage & la hardiefle font place à la crainte & à la timidité : enfin Îeurs mœurs & leurs maniéres font toutes éféminées. Ce font ces grands défavan- tages pour lefquels la Loï Cornelia punifloit très-févérement ceux qui avoient la témerité d’ôter les teflicuies à un homme, parce qu’en même-tems on lui Otoit la force, la fanté, & tout ce qu’il avoit de meïlieur. Quoique ces fortes d’Eunuques foïent incapables d’engendrer, nousne manquons pourtant pas d’hifloires qui nous aprennent qu’ils ont fait des en- fans. Fontanus nous en raporte une d’un Gentilhomme qui perdit fes deux tef- ticules à Ja guerre, & qui néanmoins engendra après être guéri; & Ariflote nous 420 Tableau de P Amour conjugal, nous a laïilé par écrit, qu’un Taureau nouvellement châtré rendit féconde une vache qu’il avoit couverte. Maïs bien que ces hiftoires paroïffent pref- que incroiables, cependant ce font des faits auxquels {a raïfon ne s’opofe point. Car on ne doit pas douter, que sil refte à un homme ou Pépididime & quelque petite portion de lun destef- ticules, fans que les vaiffeaux fperma- tiques foïent tout-à-fait brifez, ïl ne foit en état de faire une fois un enfant. Nous en fommes perfuadez dans les animaux, par expérience de chaque jour. Les chapons mal châtrez chan- tent comme les cogs, & en font même Pofice. Car s’il eft vrar que l’épididime foit de la même nature queles tefticu- les ; c’eft-à-dire, qu’il foit un entrela- cis de vaifleaux, entre lefquels il y aït une matiére glanduleufe , comme nous Vavons remarqué aïlleurs, ïl ne faut pas douter qu’il n’ait la vertu de faire de la femence prolifique, & puis de la renvoier versles véficules & les prof- tates, pour être évacuée. Ne pourroît- il pas même fe faire qu’une fuffante quan- confidére dans l'état du Mariage. 42%. quantité de femence fe fût confervée dans les véficules féminaïires, ou dans les proftates, pour fervir à la généra- tion d’un enfant dans les premiires ca- reffes d’une femme ? Cela n'empêche pourtant pas , qu’à parier en géné- ral , il ne faïlle dire de ces Eunu- ques à qui ces deux petites parties manquent , qu’ils font incapables d’en- gendrer. Je trouve dans lhifloire que nous à laiflée Marcellin, que Semiramis fut la premiére qui fit couper des enfans, auf- feft-ce vers les contrées où régnoit ceite Princeffe que les Eunuques ont paru d’abord en plus grand nombre. Les Perfes, les Médes & les Affyriens, ont été ceux qui s’en font le plus fervis: & nous remarquons que Vxbuchodono- for faïfoit couper tousles Juifs & tous les autres prifonniers de guerre, pour n'avoir que des Eunuques à fon fervi- ce ; d’où vient que S. Jérome nous fait obferver que Daniel, Ananias, Afarias & Mifaël , étoient quatre Eunuques qui fervoient dans le Palais du Roï de Babilone. _ | Tome LL Nan C’eft #22 Tablean de l Amour conjugal, C’eft icila méthode dont on fe fert dans l'Orient pour faire des Eunuques. On fait prendre par la bouche une petite quantité d’Opium aux enfans qu'on veut couper, & après que le fommeil les a acablez, on tire de leur -bourfe ce que la nature avoit pris tant de foin à fabriquer. Maïs comme on a obfervé que la plüpart mouroïent par ce narcotique, on s’elt avifé d’un autre moien. On met les enfans dans le bain tiéde ; on leur prefle quelque - tems après les veines du cof, que nous apel- Jons jugulaïres , & par- -là on les rend ftup ides &c apopleiques, aprés-quoi Il en aie de faire l’opération de PEunu- chifme, fans qu’ilsen fententrien. Et je ne fai fi lon rendit IVarfes Eunuque de cette façon, qui fut Bibliotécaire de l'Empereur Jufinien. L’expérience a montré enfuite que les hommes à qui on ôtoit feulement les tefticules , ne laï‘oïent pas pour ce- la de fe divertir avecles femmes & de fouiller aufli la couche nuptiale des au- tres hommes ; on s’eft donc réfolu à couper tout net les parties pete | LT ES « confidere dans l'état du Mariage. 423 des hommes que lon vouloit faire Eu- nuques, afin de leur ôter par-là le moien de fe joindre amoureufement aux femmes. Le Païfan de Afoztagnefit la même chofe, car étant imporiuné parles foupçons de fa femme jaloufe ; un jour qu’il revenoitdes champs, ie _, coupatout net avec une ferpe fes par- ties naturelles, & les jettaau nez de fa femme pour lui faire dépit & pour fe vanger d'elle. Bibérus trouvant Carbo Achienus ; & Publinus Cervinus rencon- trant Poztius en adultére , en ufcrent de la forte envers ces deux hommes, fes Jon ja remarque de Valére Maxime. On dit que les Eunuques à qui Ia verge refle, aiment paflionnément les femmes ; & parce qu'ils font plus foi= bles d’efprit qu’ils n’étoient aupara- vant, ils font auf plus fufceptibles de paflion, Quand leur imagination eft une fois échaufée, & qu’une efpéce de femence liquide & aqueufe qui fe trouve dans leurs proflates ou dans leurs véficules féminaires, irrite leurs parties naturelles; on ne fauroiït dire jufqu’où ïls pouflent leur amour déré- Nn 3 glés 414 Tableau del Amour conjugal, gié. C’eit ce qui fit foupçonner d’adul- tére le Phiofophe ?havorinus , tout Eu- nuque qu'il étoit, & qui fut auf cau- fe que le foldat, dont Cabrole nous fait lhiltoire, le fit pendre, bien qu’il fut naturellement un parfait Eunuque. C'eit de ces fortes d’Eunuqnes qu’il faut entendre le paflage de lAuteur Eccléfiaftique, lorfqu'il dit qu’un Eu- nuque par fa concupifcence , ef} capable de déshonorer une fille, en lui raviffant la vir- 1nite. [left donc prefentement aïfé de dé- cider la queflion , fi les Eunuques peu- vent fe marier. Les premiers, qui font des Eunuques aparens , peuvent le faï- re, puifqu’ils peuvent, & careflerune femme & engendrer. Les feconds font auffi de ce nombre ; maïs il n°en eft pas de même des troïfiémes, qui manquent de tefticules, ou de ceux qui n’ont point de verge ou qui n’en ont qu'u- ne petite, incapable de faire lation pour laquelle elle eft deftinée. Car ces derniers ne pouvant carefler une fem- me, ils doivent fans doute être Jugez incapables de fe marier, Mais confidére dans l'état du Mariage. 425 Mais on pourroit dire, que s’il eft permis à deux perfonnes de foixante ans de fe marier , un Eunuque, tel qu’é- toit Phavorinus, pourra auffi avoir cet- te même liberté. Les vieillards ne font point capables de faire desenfans, non plus que PEunuque, & le mariage ne leur eft permis, felon les Cafuifies, que pour éteindre le feu de leur concupif- cence, Si un Eunuque a donc cet avan- tage, & pour lui & pour la femme qu’il époufe , de pouvoir fe fervir de fa ver- ge aïnfi que Pavoit autrefois le Mufi- cien de Sméce ; pourquoi veut-on em- pêcher ces fortes d'Eunuques de fe marier ? | Cependant Empereur ZLéor fit u Edit , par lequel il défendoit aux Eunu- ques de fe marier , de quelque nature qu’ils puflent être; & le Pape Sixre. fit auffi une Bulle qu’il envoïa en Efpa- gne , par laquelle 1l déclaroit nuls Îes mariages de ces fortes de perfonnes. La raïfon eneft manifeflte. Les Eunu- ques ne font que foupirer en embraffant une fille, comme parle PÉcriture, & n’ont pas des parties pour la génération, qui Na 3 eft 426 Tableau del Amour conjugal, | eftla premiére fin du mariage, au lie que d’étoufer le feu de la concupifcen- ce, men eft que la feconde. Car de s’imaginer que lestefticules, comme ont penfé quelques-uns, ne font pasles principales parties qui font la femence, & qu’ils ne font point du tout néceffaires pour la génération, « puifqu'il s’eft vü des animaux parfaits qui ont engendré fans en avoir; c’efl une erreur affez réfutte par les raï- fons que nous avons aportées. ici & atileurs, qui nous doivent perfuader qu'ils font abfolument néceffaires. Avant que de finir ce Traité en fi- hiffant ce Chapitre, 1! me fembie qu'il n’eft pas hors de propos d’examiner la queftion qui fe préfente; favoir , fr on peut châtrer les femmes comme les hommes. | Tous les Médecins favent que ia matrice n’elt pas abfolument nécefaï- reàla vie, comme elle Peft à perpé- tuer les hommes. Les hifloires que nous avons de fa perte ; font des preu- ves qui ne nous permettent pas d'en douter. L'expérience niéme nous fait VOI£ éonfidéré dans l'état du Mariage. 414 voir que parmi les animaux , on coupe les truies & les poules, fans néanmoins qu’elles en meurent. Arhénée nous af- füre qu'Ardramifis, Roï des Lybiens, fit couper toutes ies femmes pour s’en fervir au lieu d’Eunugves; & J7/ier nous raporte, que Jean de Hefletrou- vant fa fille en adultére, lui arrachafa matrice, comme 1 faïfoit aux autres animaux. Ainfi onne peut pas douter qu’on ne puiffe rendre une femme in- capable de concevoir, enluï Gtant Ia matrice & les tefticules : maïs la difi- culté eft de favoir, comment les An- ciens y procédoient. Et pour dire ici ce que je penfe là-deflus, je ne crois pas qu’on pulfle faire cette opération fans péril; & je pourrois dire que ce Rorï, qui ne fe fervoit que de femmes Eunuques, les faïfoit boucler, ou leur faïfoit apliquer une cataraûte, comme font aujourd’hui en Italie & en Efpa- gne les maris qui foupconnent leurs femmes : ou bien encore, comme font les Négres du Roïume d’Angole & de Congo, qui apréhendant la proftitu- tion de leurs filles , leur coufent les par- ties 428 Tableau de l Amour conjugal, &c. ties naturelles dès qu’elles font nées: & ainfi ce Roï pouvoït avoir des fem- mes traitées de la forte, qui pañfloient parmi fon peuple pour des femmes à qui l’on avoit arraché les parties de la génération , pour Îles empêcher d’en- gendrer. FA. DR RER ES TABLE DES CHAPITRES CONTENUS EN LAIILET IV.PARTIE. MARERREEREIRRIRRIMRRIRIÉIRRERRIRETEEKT TROISIPME PARTIE. CERAPET:R ET & Es incommoditez que caufent les plas- frs du mariage. Pag. 1 GEAR “< T'ARE: BE Des pd gw'aportent les plaifirs du ma- riage. 1° CHAPITRE TIL S'il y 2 de véritables fignes de gr 30 GAH PE HLT-RE IV De la formation de l'homme. 49 ART. I. Dela femence de l'homme. $1 ART. Il. Exaîle deftription des parties na- turelles internes de la femme. s6 ART. T. LAB LE | ART. I. De la femence del'homme. 6$ ART.IV. Delame de l'homme... 73 ART, V. De fang des régles. 87 ART. VI. Obftrvations curieufes fur les divers tems de la formation de l'hom- me. 10. Premier degré de la formation de l'homme. 107 Second degré de la formation de l'homme. 142 Troifiéme deoré de la formation de l'homme. 152 Quatrieme & dernier degré de la formation de l'homme. 160 CHA PHARE Ds feux germe © du fardeau. 184 CHAPITRE S':l 3 aun aft pour faire des garçons ou des filles. 214 CA PERRERR Siles enfans [ont batards on légitimes, quand ils reffemblent à leur pere ou 4 leur mere. 226 | CHAPITRE. VIHE : Pourquoi 1l ya des enfans qui naïlent foi- bles on imparfaits, © d'autres forts robnftes. 274 | QUA-+ hé DES CHAPITRES. RÉKRKAAREKÉRIRATREERIERERMRERERAARTHLAR QUATRIEME PARTIE, ÉORPAPEMRE L ART.L. D E Pimpuiflance de Phomme. 299 ART.II. Da Congres. 307 BRT.IIL Dx divorce entre des perfonnes marices. be : ? - DRAP LERE LE De la fiérilité des fermmes. 316 CES PE R'PNPEL Si les charmes peuvent rendre un homme impuiflant Oune femme fiérile. 329 CHA PET RE'TE Des Hermaphrodites. 359 LHAPFTRE Sinne femme peut devenir grofe, [ans Pa. plication des parties naturelles d'un hom- me, où l’on traite fort curieufement des Zucuhes & des Succubes 380 CG H A PIERRE VE: Si les Eunuques font capables de fè marier S de fasse des enfans. TER Fin de [a Table, Fee de », En NA # Ta AA SA 3 » r. - € Eye cu VAL AU Ne #4 $ LL 4