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MINISTÈRE DES COLONIES
Inspection générale de l'Agriculture coloniale.
L'Agriculture pratique
des pays chauds
BULLETIN DU JARDIN COLONIAL
ET DES JARDINS D'ESSAI DES COLONIES FRANÇAISES
QUATRIÈME ANNÉE Juillet 1904 — Décembre 1904
PARIS Augustin GHALLAMEL, Kditeuh
Rue Jacob, 17 Librairie Maritime et Coloniale.
MINISTÈRE DES COLONIES
Inspection générale de 1 Agriculture coloniale.
L'Agriculture pratique
des pays chauds
BULLETIN DU JARDIN COLONIAL
ET DES JARDINS D'ESSAI DES COLONIES FRANÇAISES
BOTANICAL QARDEN
QUATRIEME ANNEE Juillet 1904 — Décembre 1904
PARIS Augustin C H ALLA M EL, Editeur
Rue Jacob, 17 Librairie Maritime et Coloniale.
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L'AGRICULTURE PRATIQUE
DES PAYS CHAUDS
BULLETIN DU JARDIN COLONIAL
ET DES JARDINS D'ESSAI DES COLONIES FRANÇAISES
QUATRIÈME ANNÉE
TABLE DES MATIÈRES
DOCUMENTS OFFICIELS
Lois.
Loi relative au régime des sucres 12(.)
Loi modifiant le tarif des douanes en ce qui concerne les poivres 1
Loi relative an régime douanier des denrées coloniales 2
Décrets.
Décret autorisant l'application du tarif minimum aux denrées coloniales originaires des protectorats britanniques de l'Est Africain, du Centre Africain et de l'Ouganda
Décret autorisant provisoirement l'application du tarif minimum aux denrées coloniales originaires de certains pays
L'AGRICULTURE PRATIQUE
DES PAYS CHAUDS
BULLETIN DU JARDIN COLONIAL
ET DES JARDINS D'ESSAI DES COLONIES FRANÇAISES
QUATRIÈME ANNÉE
TABLE DES MATIERES
DOCUMENTS OFFICIELS
Lois.
Loi relative au régime des sucres 1 29
Loi modifiant le tarif des douanes en ce qui concerne les poivres 1
Loi relative au résume douanier des denrées coloniales 2
'&
Décrets.
Décret autorisant l'application du tarif minimum aux denrées coloniales originaires des protectorats britanniques de l'Est Africain, du Centre Africain et de l'Ouganda
Décret autorisant provisoirement l'application du tarif minimum aux denrées coloniales originaires de certains pays
TARLE DES MATIERES
Jardin colonial.
Rapport sur la marche du service pendant l'année 1903 137
Afrique Occidentale.
Arrêté réglant les cessions de produits du Jardin d'Essai de Camayenne
(Guinée) 5
Extrait du rapport de mission en Guinée de l'Inspecteur général de
l'Agriculture coloniale.
201
Congo.
Rapport au Président de la République suivi d'un décret modifiant le tableau annexé au décret du 29 novembre 1892 portant application au Gabon du tarif douanier métropolitain •'
Décret fixant les quantités de cafés et de cacao eu fèves originaires du Congo Français (bassin conventionnel) qui pourront bénéficier à l'entrée en France pendant l'année 1904 des conditions prévues par les décrets des 22 avril 1899 et 23 août 1900 132
Madagascar.
Station séricicole de Nanisana. Mise en vente de graines sélectionnées
de vers à soie '
Circulaire relative à l'exportation des boeufs 10
Circulaire relative à l'incendie des pâturages 14
Décret réglementant le régime des terres domaniales !•"
Indo-Chine.
Arrêté relatif à l'exportation des riz et paddy hors de l'Annam 15
Arrêté portant réglementation des concessions territoriales 16
Arrêté instituant un conseil de perfectionnement de l'élevage au Tonkin
et en Annam ' •' f
Arrêté nommant une commission chargée d'examiner les procédés et les
appareils nouveaux de la maison Saint frères, appliqués à la culture du
Jut - 133
Arrêté allouant une subvention au budget local du Tonkin en vue de
l'achat de poulinières -5°
TABLE DES MATIÈRES
Océanie.
Décret portant fixation do la quantité de vanille originaire des établisse- ments français de l'Océanie à admettre en France sous un régime de faveur pendant la campagne 1904-1905 259
Martinique.
Chambre d'Agriculture. — Cession gratuite de plants de canne à sucre sélectionnée 18
Arrêté nommant les membres du Comité de perfectionnement institué près de la Direction des jardins d'essais et du laboratoire de chimie agricole 132
Nominations et Mutations.
Dans le personnel agricole 135, 260
Mi
w
. . .
IV TABLE DES MATIERES
Jardin colonial. Rapport sur la marche du service pendant l'année 1903 137
Afrique Occidentale.
Arrêté réglant les cessions de produits du Jardin d'Essai de Camayenne (Guinée) 5
Extrait du rapport de mission en Guinée de l'Inspecteur général de l'Agriculture coloniale 261
Congo.
Rapport au Président de la République suivi d'un décret modifiant le tableau annexé au décret du 29 novembre 1802 portant application au Gabon du tarif douanier métropolitain 5
Décret fixant les quantités de cafés et de cacao en fèves originaires du Congo Français (bassin conventionnel) qui pourront bénéficiera l'entrée en France pendant l'année 1904 des conditions prévues par les décrets des 22 avril 1899 et 25 août 1900 132
Madagascar.
Station séricicole de Nanisana. Mise en vente de graines sélectionnées
de vers à soie ~
Circulaire relative à l'exportation des bœufs 10
Circulaire relative à l'incendie des pâturages 14
Décret réglementant le régime des terres domaniales 157
Indo-Chine.
Arrêté relatif à l'exportation des riz et paddy hors de l'Annam 15
Arrêté portant réglementation des concessions territoriales 16
Arrêté instituant un conseil de perfectionnement de l'élevage au Tonkin
et en Annam 134
Arrêté nommant une commission chargée d'examiner les procédés et les
appareils nouveaux de la maison Saint frères, appliqués à la culture du
Jut 133
Arrêté allouant une subvention au budget local du Tonkin en vue de
l'achat de poulinières -S8
TMUJ-: DES MATIERES
Océanie.
Décret portant fixation de la quantité de vanille originaire des établisse- ments français de l'Océanie à admettre en France sous un régime de laveur pendant la campagne 1904-1905 259
Martinique.
Chambre d'Agriculture. — Cession gratuite de plants de canne à sucre sélectionnée 1 S
Arrêté nommant les membres du Comité de perfectionnement institué près de la Direction des jardins d'essais et du laboratoire de chimie agricole 132
Nominations et Mutations.
Dans le personnel agricole 135, 260
\
VI TABLE DF.S MATIERES
ETUDES ET MEMOIRES
Par noms d'auteurs.
Ammann (Paul). — Nouvelle plante alimentaire de l'Afrique centrale, 104. Bigle de Cardo. -- La Ramie et ses analogues aux Indes anglaises, 335. Çhalot. -- Nouvelle plante alimentaire de l'Afrique centrale, 104. Charabot. — Etudes sur les produits odorants des Colonies françaises, '.il- 1>' Delacroix. — Les maladies des plantes cultivées dans les pays chauds, 19,
201. Delgove. — Multiplication des bambous, 122. -- Rendement du café Libéria à
Fort-Dauphin, 256. Deslandes. — Conférence au Jardin colonial, 247-371. Direction de l'Agriculture de Madagascar. - La soie d'araignée, 119. Dofour. -- Observations pratiques sur la récolte des champignons dans les
Colonies, 45-226. Dybowski. - Rapport sur la marche du Service du Jardin Colonial, année
1903, 137. — Mission en Guinée. Extrait du rapport, 261. Fauchère. — Culture de l'Ampemby, 99.
Guynet. — Le caoutchouc des Herbes du Congo Français, 383. Henry. — Le bétail en Afrique Occidentale française, 34-195. Le Coton
dans l'Afrique Occidentale. 80-235. — Exploitation du tabac dans
la Sénégambie-Niger, 355. Lafforgue. — L'élevage en Nouvelle-Calédonie, 52, 179, 314. Dr Loir. — La conservation du maïs, 65. Luc. — Le cacao au Congo, 296.
Pierre. — Landolphiées nouvelles de Madagascar, 107. Roux (Ll Charles). — L'élevage à Madagascar, 157. Service botanique. Jardin colonial. — Landolphiées nouvelles de Madagascar,
107. De Wildemann. — Nouveaux caféiers de la Côte Occidentale d'Afrique, I 13.
TABLE DES MATIÈRES VII
Sujets traités.
Ampemby. — Note sur la culture (Fauchère), 99.
Araignée. — Note sur la soie d'araignée (Madagascar), 119.
Bambous. — Note sur la multiplication (Delgove), 122.
Bétail. — Le bétail en Afrique Occidentale (Henry), 34-19b.
Cacao. — Production au Congo (Luc), 296.
Café libéria. — Rendement à Fort-Dauphin (Delgove), 256.
Caféiers. — Nouveaux caféiers de la Côte Occidentale d'Afrique, I 13.
Caoutchouc. — Caoutchouc des Herbes du Congo (Guynet), 383.
Champignons. — Récolte dans les Colonies (Dufour), 45, 226.
Coffea affinis. — Etude botanique (J.-D. de Wildemann), 1 13.
Coffea canephora, var. opaca. — Élude botanique (Pierre), 117.
Coleus Dazo. — Note (Chalot, P. Ammann), 104.
Coton. — Le coton dans l'Afrique Occidentale (Henry), 80-235. — Production
du coton aux Indes, 307. Elevage. - L'élevage à la Nouvelle-Calédonie (Lafforgue), 52, 179, 314. — ■
L'élevage a Madagascar (Ll Ch. Roux), 157. Guinée. — Rapport de Mission iJ. Dybowski), 261.
Jardin colonial. — Rapport pour Tannée 1903 (J. Dybowski), 137. — Confé- rence de M. Deslandes, 247-371. Landolphiées. — Landolphiées nouvelles de Madagascar (Pierre Thiry), 107. Maïs. — Sa conservation (Dr Loir), 65.
Maladif*. — Maladies des plantes cultivées dans les pays chauds (l)1' Dela- croix), 19, 201. Produits odorants. — Produits odorants des Colonies françaises (E. Charabol),
94. Ramie. — Etude (G. Rigle de.Cardo), 335. Tabac. — Production en Sénégambie-Niger (Henry), 355.
MAÇON, PKOTA.T FREKES. IMPRIMEURS
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: "
4e année.
Juillet-Août 1904.
N" 19
MINISTÈRE DES COLONIES
Inspection générale de l'Agriculture coloniale.
L'Agriculture pratique
des pays chauds
BULLETIN DU JARDIN COLONIAL
ET DES JARDINS D'ESSAI DES COLONIES FRANÇAISES
Paraissant tous les deux mois.
LES DOCUMENTS ET COMMUNICATIONS
se rapportant à la Rédaction
doivent êtres adressés
à l'Inspection GIe de l'agriculture Cle
AU MINISTERE DES COLONIES
TOUTES COMMANDES OU RECLAMATIONS
relatives au service du Bulletin
doivent être adressées directement
à M. A. Challamel, Éditeur
rue Jacod, 17, Paris
PARIS Augustin CHALLAMEL, Editeur
Rue Jacob, 17 Librairie Maritime et Coloniale.
Les abonnements partent du Ier Juillet. Prix de l'Année (France, Colonies et tous pays de l'Union postale). — 20 fr.
La reproduction complète d'un article ne peut être faite qiï après autorisation spéciale.
Les citations ou reproductions partielles sont autorisées à la condition de mentionner la source de Varticle.
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PUBLICATIONS DU MINISTÈRE DES COLONIES
REVUE COLONIALE
Explorations. — Missions. — Travaux historiques et géographiques. — Archives
Etudes économiques
Un fascicule de S feuilles grand in-8°, parait tous les deux mois
PARIS — Augustin CHALLAMEL, Editeur, rue Jacob, 17
PRIX DE L'ABONNEMENT ANNUEL (France et Colonies) : 15 fr.
L'Agriculture pratique des Pays Chauds
BULLETIN DU JARDIN COLONIAL ET DES JARDINS D'ESSAI DES COLONIES
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PARIS — Augustin CHALLAMEL, Éditeur, rue Jacob, 17
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PRIX DE L'ABONNEMENT ANNUEL : France et Algérie, 10 fr. — Étranger, 12 fr.
Feuille de Renseignements de l'Office Colonial
PUBLICATION MENSUELLE
COLONISATION : Exploitations agricoles et industrielles, enquêtes économiques, etc. COMMERCE : Renseignements commerciaux et statistiques ; Avis d'adjudications
Offres et demandes commerciales ; Mouvement des paquebots ; Listes des maisons
de commerce, etc.
ABONNEMENT ANNUEL : France, 5 fr. — Colonies et Union postale, 6 fr.
PARTIE OFFICIELLE
Samedi 6 février 1904.
LOI
modifiant le tarif des Douanes en ce qui concerne les poivres.
Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : Article 1er. — Le tableau A, annexé à la loi du 14 janvier 1902, est modifié comme suit :
N° 99 du tarif. Poivre |
TARIF GÉNÉRAI, les 100 kilos. |
TARIF MINIMUM les 100 kilos. |
francs 450 |
francs 312 |
|
Art. 2. — Le tableau E, annexé à la loi du 11 janvier 1885, est modifié comme suit :
Poivre : droit du tarif minimum métropolitain diminué de 10 fr.
Art. 3. — La loi du 12 juillet 1902 et Fart. 34 de la loi du 30 mars 1902 sont abrogés.
La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 29 mars 1903.
Emile Loubet.
Par le Président de la République :
Le Ministre des Finances, Rouvier.
Le Ministre du Commerce, de V Industrie, des Postes et des Télégraphes,
Le Ministre des Colonies, Gaston Doumergue. Bulletin du Jardin colonial.
Georges Trouillot.
1 DOCUMENTS OFFICIELS
Samedi 6 février 1904. LOI relative au régime douanier des denrées coloniales.
Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article unique. — Le Gouvernement est autorisé à conférer provisoire- ment, par décret, le tarif minimum des denrées coloniales de consomma- tion aux pays et possessions ayant conclu avec la France, antérieurement au 24 février 1903, un accord comportant la concession, à leur profit, dudit tarif minimum, jusqu au moment où ses conventions, ayant été ratifiées, s'il y a lieu, pourront entrer en vigueur.
La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des
députés, sera exécutée comme loi de l'État.
Fait à Paris, le 20 février 1903.
Emile Loubet.
Par le Président de la République : Le Minisire des Colonies, Gaston Doumergue.
Le Ministre du Commerce, de l'Industrie, des Postes et des Télégraphes,
Georges Trouillot. Le Ministre des Affaires étrangères,
Delcassé.
Le Ministre des Finances, Rouvier.
Samedi 6 février 1904.
DÉCRET
autorisant provisoirement l'application du tarif minimum aux denrées coloniales originaires de certains pays.
Le Président de la République française,
Sur le rapport du Ministre du Commerce, de l'Industrie, des Postes et Télégraphes, du Ministre des Affaires étrangères, du Ministre des Finances et du Ministre des Colonies ;
Vu la loi du 11 janvier 1892 portant établissement du tarif des douanes ;
Vu la loi du 24 février 1900 modifiant le tarif des douanes en ce qui concerne le café en fèves et en pellicules ;
Vu la loi en date du 22 février 1902;
Vu la loi du 20 février 1903 autorisant le Gouvernement à conférer provisoirement, par décret, le tarif minimum des denrées coloniales de
DÉCRET O
consommation aux pays et possessions ayant conclu avec la France, anté- rieurement au 24 février 1903, un accord comportant la concession, à leur profit, dudit tarif minimum, jusqu'au moment où ces conventions, ayant été ratifiées, s'il y a lieu, pourront entrer en vigueur ;
Vu les décrets des 24 février et 29 août 1900 ;
Vu le décret du 22 décembre 1900 ;
Vu le décret du 27 juin 1901 ;
Vu les décrets des 22 février et 20 août 1902,
Décrète :
Article 1er. — Les taxes du tarif minimum continueront à être appli- cables provisoirement aux denrées coloniales visées à l'art. 1er des lois du 24 février et du 17 juillet 1900, originaires des pays suivants :
États-Unis de l'Amérique du Nord, île de Porto-Rico, Nicaragua, République de Honduras, colonie des Seychelles, colonie de la Jamaïque, colonies néerlandaises, Inde anglaise, colonie de Ceylan.
Art. 2. — Le Ministre du Commerce, de l'Industrie, des Postes et des Télégraphes, le Ministre des Affaires étrangères, le Ministre des Finances et le Ministre des Colonies sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel et inséré au Bulletin des lois.
Fait à Paris, le 21 février 1903.
Emile Loubet.
Par le Président de la République :
Le Ministre du Commerce,
de C Industrie, des Postes et des Télégraphes,
Georges Trouillot.
Le Ministre des Affaires étrangères,
Delcassé.
Le Ministre des Finances,
Rouvier. Le Ministre des Colonies,
Gaston Doumergue.
Samedi 6 février 1904.
DÉCRET
autorisant provisoirement l'application du tarif minimum aux denrées coloniales originaires des protectorats britanniques de l'Est Africain, du Centre Africain et de V Ouganda.
Le Président de la République française,
Sur le rapport du Ministre du Commerce, de l'Industrie, des postes et
4 DOCUMENTS OFFICIELS
des Télégraphes, du Ministre des Affaires étrangères, du Ministre des Finances et du Ministre des Colonies,
Vu la loi du 11 janvier 1892 portant établissement du tarit des douanes ;
Vu la loi du 24 février 1900 modifiant le tarif des douanes sur les den- rées coloniales de consommation ;
Vu la loi du 17 juillet 1900 modifiant le tarif des douanes en ce qui concerne le café en fèves et en pellicules ;
Vu la loi du 22 février 1902;
Vu la loi du 20 février 1903 autorisant le Gouvernement à conférer provisoirement, par décret, le tarif minimum des denrées coloniales de consommation aux pays et possessions ayant conclu avec la France, anté- rieurement au 24 février 1903, un accord comportant la concession à leur profit dudit tarif minimum, jusqu'au moment où ces conventions ayant été ratifiées, s'il y a lieu, pourront entrer en vigueur ;
Vu les décrets du 24 février et du 29 août 1900;
Vu le décret du 22 décembre 1900 ;
Vu le décret du 27 juin 1901 ;
Vu les décrets des 22 février et 20 août 1902;
Vu le décret du 24 février 1903,
Décrète : Article 1er. — Les taxes du tarif minimum seront applicables provisoi- rement aux denrées coloniales visées à l'art. 1er des lois du 24 février et du 17 juillet 1900, originaires des protectorats britanniques de l'Est Afri- cain, du Centre Africain et de l'Ouganda.
Art. 2. — Le Ministre du Commerce, de l'Industrie, des Postes et des Télégraphes, le Ministre des Affaires étrangères, le Ministre des Finances et le Ministre des Colonies seront chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel et inséré au Bulletin des lois. Fait à Paris, le 24 mars 1903.
Emile Loubet. Par le Président de la République : Le Ministre du Commerce, de r Industrie, des Postes et des Télégraphes, Georges Trouillot.
Le Ministre des Finances, Rouvier.
Le Ministre des Affaires étrangères, Delcassé.
Le Ministre des Colonies, Gaston Doumergue.
ARRETE
GUINÉE FRANÇAISE
ARRÊTÉ réglementant les cessions de produits du Jardin d'Essais.
Le Lieutenant-Gouverneur de la Guinée Française,
Vu l'arrêté du 14 septembre 1901 sur la vente au public des produits de Camayenne, rapporté par celui du 3 mars 1904;
Considérant que l'expérience a démontré la nécessité de modifier le mode de délivrance et de recouvrement des produits de Camayenne ;
Sur la proposition du Secrétaire général,
Le Conseil d'administration entendu,
Arrête :
Article 1er. — Les demandes de cession doivent être adressées au Secrétaire général qui l'ait émettre un ordre de recette de la somme cor- respondante d'après un avis arrêté par le chef de la colonie et publié au Journal officiel de la Guinée.
Le Directeur du jardin, au vu du récépissé constatant le versement, délivre les produits et en enregistre la sortie sur un registre coté et para- phé par le Secrétaire général, et arrêté chaque jour et en fin de mois, et où il fait mention du nom du cessionnaire, de la nature et des quantités des objets et du numéro du récépissé. Une colonne est réservée à l'émar- gement par le cessionnaire.
Art. 2. — Sont et demeurent rapportées toutes dispositions antérieures et notamment le § 2 de l'art. 2 de l'arrêté du 14 septembre 1901 allouant une remise au Directeur du jardin d'essais sur le produit des ventes.
Art. 3. — Le Secrétaire général est chargé de l'exécution du présent arrêté qui sera notifié au trésorier payeur, communiqué et enregistré par- tout où besoin sera et inséré au Journal officiel de la Guinée Française.
Conakry, le 20 avril 1904.
COUSTURIER.
CONGO FRANÇAIS
Samedi 20 février 1904.
RAPPORT
au Président de la République française.
Paris, le 31 décembre 1903. Monsieur le Président,
L'attention de mon Département a été appelée, depuis un certain
temps, sur les inconvénients graves résultant de la diversité trop grande
O DOCUMENTS OFFICIELS
des deux régimes douaniers appliqués l'un au territoire du Gabon, l'autre à la partie française du bassin conventionnel du Congo, et j'ai fait étudier les moyens d'arriver à diminuer le plus possible l'écart existant ainsi entre les tarifs en vigueur.
M. le Commissaire général du Gouvernement au Congo Français a éta- bli, à cet elFet, un projet d'ensemble adoplé par le Conseil d'administra- tion de la colonie ; d'autre part, les Ministres des Finances et du Com- merce ont adhéré, en principe, aux modifications projetées, pour l'applica- tion desquelles j'ai fait préparer les deux projets de décrets ci-après adop- tés par le Conseil d'Ftat :
1° L'un modifiant le tableau annexé au décret du "29 novembre 189:2 portant application au Gabon du tarif douanier métropolitain , para- graphe Mil pour les tabacs, et paragraphe XXIX pour les armes ;
2° L'autre fixant à 10 % et à 5 % &d valorem les droits de sortie perçus sur divers produits exportés du Congo Français.
J'ai l'honneur de soumettre ces deux textes à votre haute approbation.
Veuillez agréer. Monsieur le Président, l'hommage de mon profond respect.
Le Minisire des Colonies, Gaston Doumergie.
Le Président de la République française,
Sur le rapport du Ministre des Colonies,
Vu la loi du 11 janvier 1892 relative à l'établissement du tarif général des Douanes;
Vu le décret du 29 novembre 1892 portant application au Gabon du tarif douanier métropolitain ;
Vu les délibérations du Conseil d'administration du Congo Français, en date des 15 décembre 1904 et \ mai 1903;
Vu l'avis du Ministre du Commerce et de l'Industrie ;
Le Conseil d'Etat entendu,
Décrète :
Article 1er. — Les modifications ci-après sont apportées au tableau annexé au décret du 29 novembre 1892 portant application au Gabon du tarif douanier métropolitain.
VIII. Denrées coloniales et consommation : Tabacs en feuilles et liamba, 20 fr. les 100 kilos.
XXIX. Armes, poudres et munitions :
Armes de traite sans hausses ni rayures (fusils à silex , I fr. pièce.
RAPPORT 7
Art. 2. — Le Ministre des Colonies est chargé de l'exécution du pré- sent décret.
Fait à Paris, le 31 décembre 1904.
Fmile Loubet.
» Par le Président de la République :
Le Ministre des Colonies,
Gaston Doumergie.
Le Président de la République française.
Sur le rapport du Ministre des Colonies,
Vu la délibération du Conseil d'administration du Congo Français en date du 15 décembre 1902 ;
Vu l'avis du Ministre du Commerce et de l'Industrie;
Vu la loi du 11 janvier 1892 relative à l'établissement du tarif général des Douanes ;
Le Conseil d'Etat entendu,
Décrète :
Article 1er. — Les marchandises et produits ci-après dénommés, expor- tés de la partie du Congo Français non comprise dans le bassin conven- tionnel du Congo, sont soumis :
1° A un droit de 10u/o ad valorem :
Ivoire ;
Caoutchouc.
2° A un droit de 5 °/0 ad valorem :
Arachides ;
Cafés;
Copal rouge ;
Copal blanc;
Huile de palme;
Noix palmiste;
Sésame.
Art. 2. — Le Ministre des Colonies est chargé de l'exécution du pré- sent décret qui sera publié au Journal officiel et inséré au Bulletin des lois et au Bulletin officiel des Colonies.
Fait à Paris, le 31 décembre 1903.
Emile Loubet.
Par le Président de la République : Le Ministre des Colonies, Gaston Doumergue.
0 DOCUMENTS OFFICIELS
Samedi 20 lévrier 1904.
ARRÊTÉ portant fixation de taxes de consommation.
Le Commissaire général, p. i., du Gouvernement dans le Congo Français,
Vu l'ordonnance organique du 7 septembre 1840;
Vu les décrets des "28 septembre 1897 et 5 juillet 1902;
Vu le décret du 30 janvier 1867 concernant les pouvoirs des Gouver- neurs en matière de taxes et contributions ;
Vu les arrêtés locaux des 29 décembre 1892, 11 février 1893, 17 avril et 12 juillet 1899, 29 mars, 6 juillet et 15 novembre 1901 ;
Vu les dépêches ministérielles des 25 septembre 1903 et 14 janvier 1904, ensemble le câblogramme du 7 janvier 1904;
Vu la délibération du Conseil d'administration en date du 15 décembre 1902,
Arrête :
Article 1er. — A partir de la promulgation du présent arrêté, les taxes de consommation sur les tabacs, les bières et limonades, les huiles miné- rales, les fils, tissus et confections sont supprimées.
Art. 2. — Les spiritueux, armes et poudres de chasse et de traite désignés au tableau ci-annexé, importés dans la région de la colonie ne faisant point partie du bassin conventionnel du Congo, sont soumis au paiement des taxes de consommation indiquées dans ledit tableau.
Art. 3. — Les taxes de consommation seront perçues sur les marchan- dises de toute origine dénommées à l'art. 2.
Art. 4. — Le Service des Douanes est chargé d'assurer la liquidation des taxes de consommation pour le compte du service local. Les disposi- tions législatives relatives aux douanes seront applicables aux taxes de consommation en ce qui concerne les déclarations, le manifeste, le débar- quement, les mises en consommation en entrepôt et le transit.
Art. 5. — Toutes dispositions contraires au présent arrêté sont et demeurent rapportées.
Art. 6. — Le présent arrêté sera inséré et publié aux Bulletin et Journal officiel de la colonie, enregistré et communiqué partout où besoin sera.
Libreville, le 20 février 1904.
A. Arnaud.
ARRETE
Taxes de consommation applicables dans la région non comprise dans le bassin conventionnel
du Congo.
DESIGNATION I>ES ARTICLES
Spiritueux (boissons distillées de toutes sortes)
Poudre de chasse
Armes de chasse et de guerre (y compris les fusils à piston de toutes sortes)
Revolvers et autres armes
Poudre de traite
Armes de traite (fusils à silex sans hausse ni rayures)
UNITES DE PERCEPTION
Hec.tol. d'alcool pui Les 100 kilos net . . .
La pièce
La pièce
Les 100 kilos net . . .
La pièce
ISO 200
5
3
20
MADAGASCAR ET DEPENDANCES
Station d'essais de Nanisana. station séricicole
AVIS
La Direction de l'Agriculture a l'honneur d'informer le public que la Station d'Essais de Nanisana est en mesure de mettre gratuitement des œufs de vers à soie à la disposition des personnes qui en feront la demande par écrit, à l'avance, à M. le Sous-Inspecteur chef de la circon- scription agricole du Centre.
Dès réception de chaque demande, le Service de l'Agriculture fera con- naître à l'intéressé à quelle date les graines pourront lui être livrées et dans quelle mesure il lui sera possible de lui donner satisfaction.
Afin d'éviter la propagation des maladies contagieuses et dans le but d'empêcher les races élevées à Nanisana de dégénérer, la Direction de l'Agriculture a seulement recours au grainage cellulaire, soumet toutes ses éducations à la plus sévère sélection et ne livre que des pontes dont les papillons ont été soigneusement examinés au microscope.
Toute ponte provenant d'un bombyx reconnu malade ou dont l'aspect paraît simplement douteux est immédiatement détruite par le feu.
Les cellules ne présentant aucune trace de maladie et provenant d'édu- cation saine offrant, par conséquent, le maximum de garanties pour l'éleveur sont marquées d'un signe distinctif et sont seules mises en cession. Cette marque distinctive est accompagnée d'un numéro d'ordre indiquant quelle est l'éducation dont provient chaque cellule.
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DOCUMENTS OFFICIELS
Il est rappelé qu'une cellule comprend la ponte d'un papillon et se com- pose d'environ 400 œufs. On estime que 100 cellules représentent approxi- mativement de 35 à 37 grammes de graines.
Les intéressés pourront faire prendre livraison, à la Station d'Essais de Nanisana, des graines mises à leur disposition, à la date indiquée par la Direction de l'Agriculture, ou se les l'aire envoyer par la poste, en payant à l'avance les frais d'emballage et d'expédition, dont il sera délivré reçu par les soins du Directeur de la Station d'Essais de Nanisana.
tarif des frais n'emballage et d'expédition |
OBSERVATIONS |
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De 1 à 5 cellules 0f 50 De 5 â 10 — 0.55 |
Au-dessus de 25, les frais d'em- ballage sont calculés par fraction de 1 à 5, 5 à 10 et 10 à 25 cellules. |
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De 10 à 25 — 0.60 |
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Les variétés actuellement offertes en cession comprennent :
1° Une variété à cocons blancs;
2° Une variété à cocons de couleur jaune mat ;
3° Une variété à cocons de couleur franchement jaune.
N. B. — La Station d'Essais de Nanisana peut mettre des cellules à la disposition des personnes qui en feront la demande ou viendront les chercher directement à la Station du 20 ou 30 mars courant. Tananarive, le 17 mars 1904.
Le Directeur de /' Agriculture, Prudiiomme.
Mercredi 30 mars 1904.
CIRCULAIRE
à MM. les Administrateurs chefs de province et Officiers commandants de cercle et Chefs de district autonome au sujet de l'exportation des bœufs.
Depuis un an, le gouvernement de la colonie s'est préoccupé d'une manière toute particulière du commerce d'exportation des bœufs. Il s'est notamment appliqué à aplanir les difficultés que pouvaient rencontrer les expéditeurs dans les colonies sud-africaines à donner à nos clients, dans ces derniers pays, le maximum de garanties, quant à la santé des animaux exportés, enfin à faciliter, par une série d'informations sur l'état du mar-
CIRCULAIRE
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ché et des conseils appropriés aux circonstances, les opérations des éle- veurs, courtiers et marchands.
Pour arriver au résultat désiré, la colonie n'a pas hésité, au prix de réels sacrifices, à créer un corps de vétérinaires attachés aux principaux ports de la colonie. Ces ports ont été pourvus de parcs sanitaires où les animaux sont obligatoirement visités, tant à l'entrée qu'à la sortie; les bœufs peuvent y être, sur la demande des propriétaires, soumis à l'épreuve de la tuberculine avant d'être embarqués.
Une circulaire récente a autorisé la visite et la tuberculinisation des bœufs en dehors des parcs, sous certaines garanties.
Les variations du marché et les exigences des acheteurs ont été portées à la connaissance du public par des avis insérés au Journal officiel et au Bulletin économique.
Enfin des négociations qui, je l'espère, seront ultérieurement couron- nées de succès ont été entamées avec une compagnie de navigation que la colonie subventionnerait pour relier, par un service régulier de vapeur, les ports de Madagascar avec ceux de l'Afrique du Sud.
Pourtant à cet effort du gouvernement local n'a pas correspondu une recrudescence du commerce d'exportation des bœufs. Celui-ci, au con- traire, a diminué de près de moitié. Sans doute, ce résultat trouve en grande partie son explication dans la cessation des opérations d'achat d'une société étrangère qui avait accepté de fournir à la « Rapatriation Bond » une grande quantité de bœufs destinés aux fermiers boers. J'in- cline cependant à penser que le ralentissement constaté eût été moins sen- sible si nos compatriotes établis dans l'île s'étaient attachés à alimenter avec plus de soin et de régularité le marché de l'Afrique du Sud.
Il serait, en effet, à désirer que ceux-ci se préoccupassent, dans une plus large mesure, de cette importante question sous peine de voir des sociétés étrangères accaparer pour ainsi dire le monopole des transac- tions sur le bétail malgache avec l'Afrique du Sud. Vous savez que ce sont des maisons étrangères qui ont elfectué jusqu'ici, clans la colonie, en vue de l'exportation, les achats de bœufs les plus importants.
L'essentiel, pour l'exportateur, est de n'expédier que des animaux sains et bien en chair, capables d'être utilisés aussi bien comme bêtes de trait que pour la boucherie. Des envois de bœufs malingres, amaigris par des privations de toutes sortes, avaient, il y a quelques mois, jeté sur la valeur du bétail malgache un discrédit absolument immérité. L'acheteur devra donc, avec l'aide du vétérinaire local, faire porter son choix exclusive- ment sur des animaux présentant toutes les garanties de santé et de cet excellent état en les parquant avant l'embarquement sur de bons pâtu- rages, en leur donnant une ration journalière de fourrage sec, dont d'im- portantes provisions seront réalisées pour la traversée. Arrivés à destina-
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DOCUMENTS OFFICIELS
Il est rappelé qu'une cellule comprend la ponte d'un papillon et se com- pose d'environ 400 œufs. On estime que 100 cellules représentent approxi- mativement de 35 à 37 grammes de «raines.
Les intéressés pourront faire prendre livraison, à la Station d'Essais de Nanisana, des graines mises à leur disposition, à la date indiquée par la Direction de l'Agriculture, ou se les l'aire envoyer par la poste, en payant à l'avance les frais d'emballage et d'expédition, dont il sera délivré reçu par les soins du Directeur de la Station d'Essais de Nanisana.
tarif des frais d'emballage et d'expédition |
OBSERVATIONS |
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De 1 à 5 cellules 0f 50 De 5 à 10 — 0.55 |
Au-dessus de 25, les frais d'em- ballage sont calculés par fraction de 1 à 5, 5 à 10 et 10 à 25 cellules. |
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De 10 à 25 — 0.60 |
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Les variétés actuellement offertes en cession comprennent :
1° lue variété à cocons blancs ;
2° Une variété à cocons de couleur jaune mat :
3° Une variété à cocons de couleur franchement jaune.
N. B. — La Station d'Essais de Nanisana peut mettre des cellules à la disposition des personnes qui en feront la demande ou viendront les chercher directement à la Station du '20 ou 30 mars courant. Tananarive, le 17 mars 1904.
Le Directeur de V Agriculture, Prudhomme.
Mercredi 30 mars 1904.
CIRCULAIRE
à MM. les Administrateurs chefs de province et Officiers commandants de cercle et Chefs de district autonome au sujet de I exportation des bœufs.
Depuis un an, le gouvernement de la colonie s'est préoccupé d'une manière toute particulière du commerce d'exportation des bœufs. Il s'est notamment appliqué à aplanir les difficultés que pouvaient rencontrer les expéditeurs dans les colonies sud-africaines à donner à nos clients, dans ces derniers pays, le maximum de garanties, quant à la santé des animaux exportés, enfin à faciliter, par une série d'informations sur l'état du mar-
CIRCULAIRE
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ché et des conseils appropriés aux circonstances, les opérations des éle- veurs, courtiers et marchands.
Pour arriver au résultat désiré, la colonie n'a pas hésité, au prix de réels sacrifices, à créer un corps de vétérinaires attachés aux principaux ports de la colonie. Ces ports ont été pourvus de parcs sanitaires où les animaux sont obligatoirement visités, tant à l'entrée qu'à la sortie; les bœufs peuvent y être, sur la demande des propriétaires, soumis à l'épreuve de la tuberculine avant d'être embarqués.
Une circulaire récente a autorisé la visite et la tuberculinisation des bœufs en dehors des parcs, sous certaines garanties.
Les variations du marché et les exigences des acheteurs ont été portées à la connaissance du public par des avis insérés au Journal officiel et au Bulletin économique.
Enfin des négociations qui, je l'espère, seront ultérieurement couron- nées de succès ont été entamées avec une compagnie de navigation que la colonie subventionnerait pour relier, par un service régulier de vapeur, les ports de Madagascar avec ceux de l'Afrique du Sud.
Pourtant à cet effort du gouvernement local n'a pas correspondu une recrudescence du commerce d'exportation des bœufs. Celui-ci, au con- traire, a diminué de près de moitié. Sans doute, ce résultat trouve en grande partie son explication dans la cessation des opérations d'achat d'une société étrangère qui avait accepté de fournir à la « Rapatriation Bond » une grande quantité de bœufs destinés aux fermiers boers. J'in- cline cependant à penser que le ralentissement constaté eût été moins sen- sible si nos compatriotes établis dans l'île s'étaient attachés à alimenter avec plus de soin et de régularité le marché de l'Afrique du Sud.
Il serait, en effet, à désirer que ceux-ci se préoccupassent, dans une plus large mesure, de cette importante question sous peine de voir des sociétés étrangères accaparer pour ainsi dire le monopole des transac- tions sur le bétail malgache avec l'Afrique du Sud. Vous savez que ce sont des maisons étrangères qui ont effectué jusqu'ici, dans la colonie, en vue de l'exportation, les achats de bœufs les plus importants.
L'essentiel, pour l'exportateur, est de n'expédier que des animaux sains et bien en chair, capables d'être utilisés aussi bien comme bêtes de trait que pour la boucherie. Des envois de bœufs malingres, amaigris par des privations de toutes sortes, avaient, il v a quelques mois, jeté sur la valeur du bétail malgache un discrédit absolument immérité. L'acheteur devra donc, avec l'aide du vétérinaire local, faire porter son choix exclusive- ment sur des animaux présentant toutes les garanties de santé et de cet excellent état en les parquant avant l'embarquement sur de bons pâtu- rages, en leur donnant une ration journalière de fourrage sec, dont d'im- portantes provisions seront réalisées pour la traversée. Arrivés à destina-
12 DOCUMENTS OFFICIELS
tion, si les animaux ne constituent pas tout ou partie d'un lot à livrer en vertu d'un marche préalablement passé, ce qui est toujours préférable, le négociant ne devra pas chercher à réaliser sur leur vente un bénéfice exa- géré, il en demandera un prix correspondant aussi exactement que pos- sible au prix de vente de la viande congelée, ou sur pied, de l'Argentine ou de l'Australie.
A Lourenço-Marquès, par exemple, la viande doit revenir au boucher à un franc environ le kilogramme. Sur cette base pourront se traiter de grosses affaires. Lourenço-Marquès absorbe annuellement de 3.500 à 4.000 bœufs de boucherie pour l'alimentation de la ville seule ; les petites stations de l'intérieur, sur la ligne du chemin de fer, n'ont pas encore osé s'approvisionner en viande sur pied, par crainte de la maladie qui a récemment décimé les troupeaux. 11 est à prévoir cependant qu'un jour viendra où la viande congelée, qui constitue maintenant la base de l'ali- mentation, sera remplacée par la viande fraîche. On reprendra aussi, pour les charrois, le bœuf qui a été momentanément abandonné, toujours par appréhension de l'épizootie. Le nombre des bœufs importés à Lourenço- Marquès est donc susceptible d'augmenter sensiblement.
La ville de Beïra reçoit 200 ou 300 bœufs seulement dans l'année. La même crainte de l'épidémie empêche les campagnes voisines d'acheterdes animaux vivants. Si le marché de la Rhodesia nous est ouvert un jour, lorsque sera effacé le souvenir des épidémies bovines qui récemment ont dépeuplé le pays, ce marché constituera un excellent débouché tant pour les animaux de boucherie que pour les bœufs de travail.
La Rhodesia et le Transvaal sont dotés d'un climat sec et froid qui con- viendrait aux bovidés provenant du centre de Madagascar, plutôt qu'aux animaux habitués aux chaleurs des régions côtières.
Du 1er janvier 1903 au 30 juin de la même année, 15.450 bœufs de Madagascar ont été débarqués à Durban. C'est pour nous le plus impor- tant marché du Sud Africain. Par contre, les ports de East-London, Mossel- Bay, Port-Elisabeth et Cape-Town sont restés complètement en dehors de ce courant commercial. Il est à présumer cependant que quelques lots d'animaux de boucherie de premier choix, en excellent état d'embonpoint, seraient les bienvenus au Cap où la viande fraîche est, pour ainsi dire, un article de luxe et où le consommateur se voit obligé d'avoir recours exclusivement aux viandes congelées. Une tentative faite par un com- merçant sérieux, qui irait au préalable visiter la place et passer quelques contrats avec des bouchers de l'endroit, aurait des chances de réussir.
Un point sur lequel un exportateur soucieux de ses intérêts devra por- ter son attention, c'est l'aménagement des navires et la nourriture du bétail à bord. Souvent des convois ont subi des pertes sensibles pendant la traversée de bien courte durée cependant, et les animaux survivants
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sont arrivés à destination fatigués et dans des conditions peu favorables pour être présentés à l'acheteur. Si la « Rapatriation Bond » a pu, l'an dernier, amener du Texas dans l'Afrique australe 10.000 bovidés sans avoir à enregistrer une seule perte, malgré les 27 jours de traversée, c'est parce qu'elle avait choisi des transports parfaitement aménagés et qu'elle avait assuré aux animaux une nourriture abondante et de bonne qualité. Ces considérations ne doivent pas cependant empêcher l'exportateur de chercher à réduire, autant que possible, les frais de transport maritime et de convoyage. La création d'une ligne régulière de vapeurs, reliant Mada- gascar à l'Afrique du Sud, contribuerait largement à réaliser à tous égards l'objectif qui vient d'être envisagé.
Mais il convient aussi que les acheteurs ne se trouvent pas en présence de prétentions exagérées de la part des propriétaires indigènes.
Je vous ai déjà fait connaître, par une circulaire du 10 juin 1903, qu'il vous appartient de montrer à ces derniers les inconvénients auxquels ils s'exposent en majorant inconsidérément la valeur de leur bétail. Je vous prie de vous reporter à ce document. Je vous ai également indiqué que je considérais la création de foires régionales comme un excellent moyen de faciliter l'établissement de cours réguliers, tout en rapprochant acheteurs et vendeurs.
Je vous serai d'ailleurs reconnaissant de tout ce que vous ferez dans le but de favoriser l'élevage du bétail à Madagascar et l'exportation des bœufs. Dans cet ordre d'idées, j'appelle tout spécialement l'attention des administrateurs des provinces où réside un vétérinaire sanitaire sur l'uti- lité de la tuberculinisation et la visite des animaux dans les parcs de par- ticuliers, à la condition qu'il n'en résulte évidemment aucune diminution de la garantie que notre législation sanitaire s'est efforcée d'organiser au profit des pays importateurs.
J'accueillerai avec le plus vif plaisir les propositions que vous croiriez devoir me soumettre dans l'intérêt de l'amélioration de l'élevage et de la vente à l'extérieur des animaux de la colonie.
Je vous prie de m'accuser réception de la présente circulaire.
Tananarive, le 22 mars 1904.
Le Général commandant supérieur des troupes du cjroupe de V Afrique Orientale et Gouverneur général de Madagascar et Dépendances ,
Gallieni.
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14 DOCUMENTS OFFICIELS
Mercredi 30 mars 1904.
CIRCULAIRE
à MM. les Administrateurs chefs de province et Officiers commandants du cercle relative à l'incendie des pâturages.
Ainsi que vous le savez, la question de l'incendie des pâturages a fait l'objet, à diverses reprises, des préoccupations du Gouvernement local; étant intimement liée à l'avenir économique du pays, elle revêt un réel caractère d'importance. Les feux de brousse ont, en effet, un rapport étroit avec l'élevage qui constitue une des principales sources de richesse de la colonie, et avec les cultures vivrières que pratique la population indigène dans certaines régions.
Récemment encore, vous avez été consultés sur les avantages et les inconvénients que présente cette coutume, et les résultats de l'enquête à laquelle vous avez procédé tendent à laisser les indigènes brûler libre- ment les terrains de parcours nécessaires à l'entretien du bétail. Il est, en effet, universellement reconnu par vous tous que le fauchage et la fenaison ne pourraient être utilement pratiqués, et que les Malgaches n'ont pas d'autre moyen que le feu de régénérer les pâturages qui pourrissent et deviennent inconsommables pour les bestiaux dès que la brousse les envahit. Vers la lin de la saison sèche, l'incendie est absolument néces- saire pour dégager le sol et permettre à l'herbe de pousser ; d'autre part, la cendre constitue un engrais précieux pour la terre et l'incendie de la brousse en décomposition assainit le pays. Enfin la mortalité du bétail, plus considérable que par le passé, constatée dans certaines contrées de l'île, est due, en grande partie, à l'interdiction jusqu'ici faite de brûler la brousse ; l'accroissement des invasions de sauterelles a la même origine, l'emploi du feu provoquant la destruction des insectes et animaux nui- sibles, et empêchant leur reproduction.
En présence d'avis aussi unanimes, il m'a paru qu'il y avait intérêt, à tous égards, à apporter des tempéraments aux prohibitions édictées par divers actes administratifs relativement aux feux de brousse. J'ai, en con- séquence, décidé :
1° De laisser les Malgaches brûler la brousse pendant le jour et par temps calme, sous la responsabilité des autorités indigènes locales, dans tous les terrains à pâturages où il n'y a aucun danger à craindre pour les villages, les cultures, les bouquets de bois, les ponts construits sur les cours d'eau, etc. En aucun cas, le feu ne pourra être mis à une distance des forêts inférieure à 2 kilomètres ou à proximité des plantations, vil- lages, habitations même isolées.
CIRCULAIRE 15
2" De maintenir très sévèrement la défense de brûler la brousse fores- tière et a fortiori la forêt, sauf dans les régions comme le district de Marolambooù les marais susceptibles d'être transformés en rizières ne sont pas assez nombreux et n'oH'rent pas une superticie suffisante pour que la population puisse y cultiver le riz nécessaire à son alimentation.
J'ai tout lieu de penser que ces mesures permettront d'atteindre le but envisagé, mais il ne faudrait pas le dépasser. Il importe donc essentielle- ment d'éviter les abus, c'est pourquoi je ne saurais trop vous recomman- der de veiller à l'application exacte des prescriptions qui précèdent.
Tananarive, le 22 mars 1904.
Le Général commandant supérieur îles troupes du groupe de V Afrique Orientale, et Gouverneur général de Madagascar et Dépendances,
Gallieni.
Samedi 26 mars 1904.
INDO-CHINE FRANÇAISE
Le Gouverneur général de l'Indo-Chine, Vu le décret du 21 avril 1891 ;
Vu l'arrêté du 7 février 1899 déterminant le tarif de la taxe représen- tative de l'impôt foncier établie à la sortie des riz et paddys hors de l'Annam ;
Vu l'arrêté du 28 juin 1903, modifiant l'art. 1er de l'arrêté du 13 mai 1903, relatif à l'exportation des riz et paddys hors de l'Annam.
Vu l'avis du Co-mat du Gouvernement annamite et celui de la Chambre consultative mixte de Commerce et d'Agriculture de l'Annam ;
Sur la proposition du Résident supérieur en Annam et l'avis conforme du Directeur général des Douanes, Arrête : Article Ie'. — L'arrêté susvisé du 28 juin 1903, modifiant l'article premier de l'arrêté du 13 mai 1903 relatif à l'exportation des riz et paddys hors de l'Annam, est rapporté.
Art. 2. — Le Résident supérieur en Annam et le Directeur général des Douanes et Régies de l'Indo-Chine sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté. Hanoï, le 18 janvier 1904.
Beau. Par le Gouverneur général, Le Directeur général des Douanes Le Résident supérieur
et Régies de V Indo-Chine, en Annam,
Crayssac. Auvergne.
• h.
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16 DOCUMENTS OFFICIELS
RÉSIDENCE SUPÉRIEURE OU TONKIN
RAPPORT au Gouverneur général.
Hanoï, le "2 lévrier 1904.
L'art. 8 de l'arrêté du 18 août 1896 sur les concessions de terrains ruraux au Tonkin prévoit qu'une commission, composée du Résident chef de province, d'un agent des Travaux publics et d'un colon agriculteur français habitant la province, doit donner son avis sur l'état de mise en culture ou d'exploitation des terrains qui ont l'ait l'objet d'un arrêté de concession provisoire.
J'estime que l'avis de cette commission aurait un caractère de plus grande autorité si les fonctionnaires qui en font partie n'étaient pas en service dans la province sur le territoire de laquelle se trouvent les ter- rains concédés.
Il est certain que l'action de l'Administration sera d'autant plus faci- litée que les membres de la commission chargée de la vérification sus- indiquée ne pourront pas être soupçonnés d'obéir à des considérations locales. Cette commission pourrait être composée d'un inspecteur des Services civils ou, à défaut, d'un administrateur de lre classe, président; d'un colon français choisi sur une liste dressée annuellement par la Chambre d'Agriculture, d'un inspecteur ou d'un sous-inspecteur de l'Agriculture, et d'un géomètre du cadastre ou d'un agent des travaux publics.
Elle pourrait être assistée du Résident chef de la province ou de son délégué et d'un fonctionnaire du Service forestier.
C'est dans cet esprit que j'ai préparé le projet d'arrêté ci-joint que j'ai
l'honneur de soumettre à votre haute sanction.
.1. Fourès.
Le Gouverneur général de l'Indo-Chine,
Vu le décret du 21 août 1891 ;
Vu l'arrêté du 18 août 1896 réglementant les concessions des terrains ruraux aux Français sur le territoire du Tonkin ;
Vu l'arrêté du 15 janvier 1903 portant réorganisation du Domaine en Indo-Chine;
La commission permanente du Conseil supérieur de l'Indo-Chine entendue,
Arrête :
Article 1er. — Les concessions de terrains ruraux deviennent défini- tives sur la demande des concessionnaires au fur et à mesure de leur mise en état de culture ou d'exploitation par fractions de dix hectares au mini-
KAPPORT
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muni. Une commission, composée d'un inspecteur des Services civils ou, à défaut, d'un administrateur de lre classe, président; d'un colon fran- çais choisi par le Résident supérieur sur une liste dressée annuelle- ment par la Chambre d'Agriculture, d'un inspecteur ou sous-inspecteur de l'Agriculture, et d'un géomètre du cadastre ou d'un agent des travaux publics, est chargée de donner son avis, après examen des lieux, sur l'ac- complissement de ces conditions de mise en état de culture ou d'exploita- tion et de superficie. Cette commission peut être assistée du Résident chef de province ou de son délégué et d'un fonctionnaire du Service forestier; le procès-verbal des opérations de cette commission est transmis par le président au Résident supérieur.
Art. 2. — A l'expiration de la deuxième année à partir de la date de l'arrêté de concession provisoire, le concessionnaire est tenu d'avoir mis en état de culture ou d'exploitation le cinquième au moins de la surface des terrains qui lui auront été provisoirement concédés sous peine d'en- courir la déchéance immédiate de la partie de la concession provisoire non encore cultivée ou mise en état d'exploitation; la commission prévue au 2e paragraphe du présent article donne son avis après examen des lieux sur l'accomplissement de cette condition. Le Résident supérieur réunit cette commission dans les deux mois qui suivent l'expiration de la seconde et de la cinquième année.
Art. 3. — Le concessionnaire est invité par lettre à assister aux opéra- tions de la commission qui écoute ses explications et en tient compte dans ses conclusions.
Il reçoit ensuite communication du procès-verbal et est invité à signer, en le faisant suivre, s'il le juge utile, de ses propres observations. Cet acte l'ait connaître si le concessionnaire a été régulièrement convoqué, s il a assisté aux travaux de la commission et s'il a reçu communication du procès-verbal. En cas de déchéance encourue, le Gouverneur général statue sur le rapport du Résident supérieur.
Art. 4. - — La partie de la concession mise, à l'expiration de la deuxième année, en état de culture ou d'exploitation par le concessionnaire et n'atteignant pas au moins le cinquième de la surface des terrains provi- soirement concédés, sera néanmoins concédée à celui-ci, s'il en fait la demande.
Art. 5. — Les dispositions de l'art. 8 de l'arrêté du 16 août 1896 sont et demeurent abrogées.
Hanoï, le 2 février 1904.
Beau. Par le Gouverneur général :
Le Résident supérieur au Tonkin,
J. Fourès.
Rulletin du Jardin colonial.
18 DOCUMENTS OFFICIELS
MARTINIQUE
CHAMBRE CONSULTATIVE D'AGRICULTURE
La Chambre consultative d'Agriculture, désirant propager les nouvelles variétés de cannes à sucre dont l'analyse chimique et la constatation des rendements culturaux autorisent la recommandation, a reconnu qu'il y avait lieu de recommander la culture de la variété dite n° 208 et a décidé de mettre, dans la mesure de ses moyens, des plants de cette variété à la disposition du public.
La répartition de ces plants sera faite gratuitement, mais à la condition pour les planteurs de s'engager :
1° A mettre ces plants dans de bonnes conditions de culture ;
2° A ne pas utiliser ces plants en recourage, mais à en former une culture spéciale qui puisse permettre la comparaison avec les autres cultures de cannes de la même habitation ;
3° A autoriser par la suite soit la visite de l'examen de cette culture par les délégués de la Chambre d'Agriculture ou du Service d'Agriculture, soit le prélèvement d'échantillons de cannes pour être soumis à l'analyse;
4° A tenir à la disposition de la Chambre d'Agriculture et cela pour chaque année, pendant deux années consécutives, une quantité de plants double de celle qui leur aura été livrée, ces plants étant destinés à de nouvelles répartitions sur de nouveaux points.
Les planteurs qui désirent participer à cette première répartition sont invités à adresser leur demande au Président de la Chambre consultative d'Agriculture à Fort-de-France, en stipulant qu'ils souscrivent aux condi- tions ci-dessus indiquées, et en indiquant la quantité de plants qu'ils désirent et peuvent recevoir utilement.
Toutefois les personnes possédant déjà la variété de canne n° 208 sont priées de s'abstenir de faire une demande de plants ou tout au moins de faire connaître la quantité approximative qu'ils ont déjà dans leurs cultures, afin qu'il soit tenu compte de cette déclaration dans la réparti- tion. Il est évident que le but poursuivi par la Chambre d'Agriculture, vu ses modestes moyens d'action, ne peut être autre que de mettre à la por- tée de tous et dans une équitable proportion des plants des nouvelles variétés recommandables, laissant après à chacun le soin de les multiplier comme il appréciera pour le besoin de ses cultures.
Les demandes devront être adressées dans un délai de dix jours après la publication du présent avis et ne seront plus recevables après le 20 avril. La répartition sera faite au prorata des plants disponibles, à une date qui sera fixée ultérieurement et portée individuellement à la con- naissance de chaque intéressé.
ÉTUDES ET MÉMOIRES
LES MALADIES DES PLANTES CULTIVÉES DANS LES PAYS CHAUDS
LES PARASITES
Les maladies parasitaires des plantes dont la cause est de nature végétale, les seules maladies parasitaires devant nous occuper ici, sont dues à des agents, appartenant à l'un des quatre groupes suivants :
Bactériacées ; Algues ; Champignons ; Phanérogames.
BACTÉRIACÉES
Les Bactériacées peuvent être définies des organismes végétaux, dépourvus de chlorophylle, dune petitesse extrême, le plus souvent doués de mouvements actifs. Appelées plus simplement bactéries (Cohn), elles constituent un groupe dont l'importance en patholo- gie végétale devient tous les jours plus grande. Il faut dire pour- tant que, chez les plantes tropicales, les maladies de nature bacté- rienne sont encore assez peu étudiées; mais il n'y a aucune raison de supposer qu'elles soient moins fréquentes dans les pays chauds que dans les régions tempérées. A priori, on devrait plutôt penser le contraire.
Morphologie. — C'est dans le groupe des Bactéries que se rangent les êtres vivants dont la taille est la plus infime. On admet assez généralement aujourd'hui qu'il existe des bactéries invisibles aux plus forts grossissements du microscope et dont la taille doit être inférieure à 1/10.000 de millimètre (1/10 de {x).
Dans la majeure partie des Bactéries, la plus grande dimension varie entre un et trois millièmes de millimètre (p). Certaines espèces filamenteuses peuvent néanmoins acquérir une longueur beaucoup plus grande.
20 ÉTUDES ET MÉMOIRES
La forme, chez les Bactéries, se rapporte à trois types fonda- mentaux : forme arrondie, forme allongée courte, droite ou courbée, et forme filamenteuse.
Une Bactérie arrondie et isolée est un Micrococcus ; avec une forme de cylindre court, c est un Bacillus ; incurvée, en forme de virgule, c'est un Vibrio ; en forme d'hélice à un ou plusieurs tours de spire, c'est un Spirillum. Une forme très allongée, grêle, formée d'un filament, généralement sans cloisons transversales, non ramifié, est un Leptothrix. Quand le filament présente une ramification latérale, irrégulière le plus souvent, c'est le type Cladothrix vrai de Ma ce.
Ces formes peuvent se compliquer par l'association, suivant divers modes, d'individus semblables : Deux microcoques tangents consti- tuent un Diplococcus ; des microcoques associés en chaîne forment un Streptococcus. Lorsque des Coccus sont assemblés, souvent irré- gulièrement, en forme de grappe, ils constituent un Staphylococcus. Rapprochés par quatre et tangents, des microcoques ainsi disposés forment une tétrade. Une forme plus compliquée est réalisée dans le type Sarcina (sarcine), où les microcoques tangents entre eux, associés suivant les trois dimensions, forment un corps cubique régulier ; ce fait résulte sans doute de la division d'un premier microcoque qui se fait successivement suivant des directions perpen- diculaires entre elles et situées dans trois plans différents.
Deux Bacillus disposés bout à bout forment un Diplobacillus ; une chaîne de Bacillus disposés également suivant leur longueur est un Streptobacillus.
Il faut ajouter que pour une espèce donnée la forme n'est point immuable et que certaines bactéries peuvent changer complète- ment leur forme quand on modifie le milieu où elles végètent. Cette propriété est particulièrement marquée pour le bacille pyocanique {Bacillus pyocyaneus), qui dans un bouillon de veau normal est un bacille court, mais prend les apparences les plus variées (formes diversement allongées, incurvées, en spirilles, en coccus) quand on additionne le milieu de divers antiseptiques, naphtol, alcool, bichromate de potasse, acide borique, créosote; toutes ces formes reviennent au bacille court si on les transporte à nouveau dans le bouillon de veau. Beaucoup d'espèces cultivées dans des condi- tions de milieu défavorables se déforment souvent irrégulièrement, produisant ce qu'on a appelé des formes (Tinvolution .
MALADIES DES PLANTES CULTIVÉES DANS LES PAYS CHAUDS 21
Un élément bactérien est une cellule isolée possédant mem- brane et contenu.
La membrane n'est pas facilement mise en évidence, dans les espèces de petite taille surtout. Cette membrane n'est pas de nature cellulosique ; elle présente les réactions chimiques des albumi- noïdes (coloration jaune par l'iode, en rouge par le réactif de Millon). Cependant la présence de la cellulose aurait été mise en évidence dans quelques espèces.
La partie la plus externe de la membrane se transforme fréquem- ment en une sorte de gelée (Bacillus subtilis), qui prend dans cer- taines espèces une extension assez considérable. C'est ce qu'on a appelé une zooglée. On a désigné sous le nom de capsule une diffé- renciation plus complète de la zooglée, dont l'origine semble être la même et dont le bord, au lieu d'être indécis, est plus franchement arrêté. Les zooglées et les capsules sont toujours hyalines et ne peuvent être nettement distinguées qu'à la suite d'une coloration spéciale.
Le contenu de l'élément est tantôt hyalin, tantôt, et c'est le cas des Bactéries chromogènes, il peut s'imprégner de substances colo- rées diverses : rouge (Micrococcus prodigiosus) , bleue (Bacillus pyoci/aneus), pourpre (Beggiatoa), jaune, verte, violette. Pour une bactérie donnée, dans bien des circonstances, la production de ces matières colorantes dépend de la nature du milieu où elle vit.
Le contenu est protoplasmique, mais on n'y a pu, avec certitude, déceler la présence d'un noyau. Pour Bùtschli, la partie centrale, qui possède des affinités colorantes, un peu différentes de celles du restant du corps de la bactérie, serait un noyau. Pour d'autres observateurs, le noyau qui pourrait être multiple serait représenté par les fines granulations qu'on rencontre parfois, lesquelles peuvent être considérées aussi d'ailleurs comme des plastides (ou leucites).
On trouve parfois dans le corps des bactéries une ou plusieurs vacuoles dont, suivant certains auteurs, l'apparition est peut-être due dans quelques cas aux procédés de fixation et de coloration employés.
Nombre d'espèces bactériennes montrent a leur surface une ou plusieurs fines expansions, qu'on appelle cils vibrafiles, de longueur variable avec chaque espèce. Le cil est unique (certains Coccus), ou il en peut exister un à chaque extrémité [Bacillus subtilis) ; ils
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forment parfois une houppe à chaque bout. Le corps entier peut même en être couvert (genre Pseudomonas Migula). La nature exacte et 1 origine du cil sont encore contestés. Pour van Tieghem, ils proviendraient de la paroi exclusivement. Pour d'autres, ils seraient de nature protoplasmique, et peuvent, d'après Fischer, faire issue de la membrane par de fins orifices.
Lorsque les éléments bactériens se réunissent en chaînes, seuls les deux articles extrêmes possèdent des cils vibratiles (Bacillus suhtilis, par exemple).
Motilité. — Un grand nombre de Bactériacées sont susceptibles de se mouvoir. Le mouvement, qui, naturellement, ne peut être observé que sous le microscope et à un grossissement suffisant, peut être très rapide ; et, bien qu'un certain nombre d'espèces soient dépourvues de ce caractère, c'est pourtant un de ceux qui frappent le plus chez ces organismes et que les premiers observateurs ont net- tement indiqué.
Ce phénomène comporte le plus souvent un mouvement de translation suivant une direction donnée, et en même temps une oscillation autour de Taxe. Pour une espèce donnée, la direction peut changer de sens, se déplacer en même temps qu'une source d'attraction chimiotactique. Chez les spirilles, en même temps que l'élément progresse, il se meut autour de son axe et présente même parfois des mouvements d'ondulation rappelant ceux dont est animé le corps d'un serpent. Le mouvement spontané observé chez les Bactéries doit être soigneusement distingué du mouvement brownien qui souvent agite les particules, vivantes ou non, qu'on observe à un fort grossissement. La motilité n'est pas nécessaire- ment liée à la présence des cils vibratiles. comme le fait a lieu chez les Infusoires et d'autres organismes, car beaucoup de Bactéries très mobiles sont dépourvues de cils.
Un certain nombre de Bactéricées, telle la Bactérie du charbon (Bacillus artthracis), sont entièrement immobiles. C'est pour elles que Davaine avait créé le genre Bacteridium.
La chaleur, la lumière, la quotité de l'oxygène contenu dans le milieu ont sur l'intensité du mouvement une action évidente.
Cette intensité varie notablement, dans beaucoup de circon- stances, aux diverses périodes de l'existence d'une bactérie. Le mou- vement cesse quand des bactéries sont réunies en zooglées, fré- quemment aussi à la formation des spores (Bacillus subtilis).
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Culture des Bactéries. — Les Bactéries se multiplient rapide- ment dans les milieux de culture. Parmi ceux-ci, dont la composi- tion est fort variable, il en est un qui convient dans beaucoup de cas, c'est le bouillon de viande de veau suivant la formule pas- torienne. La gélose ou agar-agar, produit ternaire extrait de cer- taines algues, qui dissous dans l'eau bouillante à 2 °/0 environ donne par le refroidissement une gelée légèrement opaque, la géla- tine en solution à chaud dans l'eau à 10 °/0, additionnées ou non de bouillon de veau, de peptone, de glycérine, etc., sont aussi des milieux fréquemment employés.
De même, des tranches de pommes de terre, de carottes, de navets, etc., additionnées ou non des substances qui viennent d'être citées, sont utilisées au même titre.
Le plus souvent, le milieu est faiblement alcalinisé, car avec une telle réaction, en règle générale, les bactéries s'y développent plus abondamment.
Pour faciliter la croissance d'une bactérie donnée, on supprime pour elle la « concurrence vitale » dans le milieu où elle est appe- lée à se développer. A cet effet, on « stérilise » le milieu soit par la chaleur, à une température suffisante et pendant un temps variable suivant les cas ; soit, mais exclusivement pour des milieux liquides, par la filtration dans le filtre en porcelaine.
Une température de 115° tue sûrement tous les germes vivants.
Quand on a ainsi stérilisé un milieu et qu'on le maintient à l'abri de l'air, il reste indéfiniment dépourvu de germes bactériens ou autres. Ce fait, établi définitivement par Pasteur, a supprimé Ihy- pothèse de la génération spontanée qui donna lieu à des contro- verses si passionnées.
Si on veut rechercher la nature des organismes qui végètent sur un substratum quelconque, on les prélève sur ce milieu et on les ensemence, mais on a certaines chances d'obtenir plusieurs bactéries mélangées qui peuvent appartenir toutes au substratum, mais peuvent aussi avoir été introduites et qui sont des impuretés prove- nant de diverses sources, de l'air le plus souvent. Pour étudier chacune d'elles au point de vue de ses propriétés, on doit isoler chacune d'elles, de manière à ce qu'elle végète seule dans le milieu; on doit en un mot en faire des « cultures pures ».
L'ensemencement se pratique à l'aide d'un fil de platine emmanché dans une baguette de verre ou de quelque autre dispositif
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analogue, que l'on stérilise à la flamme d'une lampe k alcool ou d'un bec Bunsen en le chauffant au rouge. Le fil refroidi et chargé de bactéries est introduit rapidement dans le milieu de culture, sté- rilisé au préalable en même temps que le tube de verre ou le flacon qui le renferme, le tout étant bouché d'un tampon d'ouate que l'on replace soigneusement en veillant à ce qu'il n'ait touché aucune substance non stérilisée, et dès que l'ensemencement est fait.
Pour la séparation des espèces qui peuvent être mélangées dans une culture en milieu liquide, on doit diluer suffisamment ce milieu avec de l'eau stérilisée pour qu'une goutte du liquide obtenu ren- ferme, au plus, un seul élément bactérien. On arrive sans difficulté à ce résultat par la pratique. On prélève successivement plusieurs gouttes avec le fil de platine stérilisé et on les reporte chacune sur un milieu solide de préférence.
Une bactérie étant supposée isolée dans une goutte de liquide, se développera en une colonie pure, qui, reportée sur d'autres milieux, donnera à nouveau une culture pure, en employant les pré- cautions requises.
La technique peut d'ailleurs être modifiée, mais le principe reste le même. On conçoit que l'obtention de cultures pures permet d'étudier l'action de la bactérie sur le milieu où on la cultive ; de reconnaître la nature des substances dont la végétation de la bac- térie amène la production dans le milieu ; de caractériser la forme, la dimension, la couleur des « colonies » isolées de la bactérie : tous faits qui sont, comme nous allons le voir, de la plus grande importance pour la différenciation et l'établissement des espèces bactériennes.
Propriétés biologiques . — Les Bactériacées présentent au point de vue biologique des caractères variables, nombreux, très tranchés suivant les espèces, et aucun groupe d'êtres vivants n'est pareille- ment doué, même les champignons, qui sont pourtant très compa- rables aux Bactéries par les divers modes de vie qu'on peut y observer.
Au point de vue qui nous occupe, nous devons diviser les Bac- tériacées en deux groupes :
Les Bactériacées saprophytes ;
Les Bactériacées parasites, dites pathogènes.
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Bactériacées saprophytes. — Ce sont celles qui vivent toujours aux dépens de la matière non vivante. Elles sont nom- breuses comme espèces, et leur rôle, qui est d'ailleurs fort impor- tant dans la nature, ne doit pas nous occuper ici.
Bactériacées parasites. — Elles végètent aux dépens des tissus vivants. Mais il ne semble pas, du moins jusqu'ici, que parmi elles, aussi bien celles qui vivent sur les plantes que sur l'homme et les animaux vivants, on puisse en trouver une seule qui soit un parasite obligatoire, incapable de se développer en milieu non vivant. Elles cultivent le plus souvent dans un milieu convenable non organisé.
La faculté pathogène, c'est-à-dire l'aptitude que possède une espèce bactérienne donnée de produire l'état de maladie dans un organisme vivant, plante ou animal, n'est généralement pas indéfinie. Bien des facteurs, action des agents physiques, tels que la chaleur et la lumière, celle des antiseptiques, la dessiccation modifient profondé- ment cette aptitude ; elles peuvent faire varier le degré de « viru- lence » et l'annuler parfois. Mais on doit avouer que ces faits n'ont guère été jusqu'ici étudiés que dans les maladies bactériennes de l'homme et des animaux. On ne sait à ce point de vue que fort peu de chose, sinon rien, en ce qui concerne les maladies des plantes.
On ignore encore tout pour ce qui est des procédés d'atténua- tion des virus, de vaccination qui ont reçu dans ces dernières années de si belles et utiles applications dans la pathologie animale ou humaine. D'un autre côté, il ne semble pas que la notion du phagocytisme puisse s'appliquer au règne végétal. Mais en revanche, il paraît vraisemblable que l'application de certains engrais au sol, en particulier engrais à réaction acide tels que les super- phosphates de chaux, puisse en quelques circonstances modifier suffisamment la composition chimique de la sève, et par suite le milieu interne de la plante, pour le rendre inapte à la pullulation de certaines bactéries. Un tel procédé, par modification immédiate de l'aliment, n'est guère susceptible d'être appliqué directement aux animaux supérieurs, dont le sérum sanguin ne possède pas cette malléabilité de la sève végétale.
A un degré plus marqué que chez l'animal, la culture en milieu artificiel, non vivant, de la bactérie pathogène d'une plante lui fait souvent perdre ses propriétés virulentes, c'est-à-dire le pouvoir de
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pénétrer les membranes des cellules, et de se développer aux dépens de la membrane et du contenu cellulaires. Mais inversement, les belles expériences du regretté Emile Laurent et de son élève Lepoutre ' ont prouvé que par des artilices de culture ingénieux, on pouvait faire vivre en vrais parasites sur la pomme de terre, la carotte, etc., des bactéries considérées jusqu'ici comme incapables de pénétrer l'organisme des végétaux vivants, comme le Bacillus coli commuais ou le Bacillus mesentericus vuhjaris. Ces faits qui montrent la plasticité, c est-à-dire le caractère spécial aux orga- nismes morphologiquement très simples de transformer, sous des conditions diverses, leurs propriétés biologiques, n'est pas spécial aux bactéries. On le rencontre aussi parfois chez les champignons. Certains de ces « parasites facultatifs » causent par leur extension considérable des maladies pouvant devenir très dommageables.
Chez les végétaux, les bactéries sont en général des parasites de blessure. 1 inoculation est une des conditions nécessaires de l'infec- tion : mais le fait n'est peut-être pas général. Dans des con- ditions particulièrement défavorables de température, d'humidité, de sol qui créent la prédisposition, il semble possible qu'une bac- térie puisse forcer directement la barrière opposée par la cuticule et 1 épidémie, et faire irruption au milieu des tissus vivants : mais d'après ce qu'on sait actuellement, ce n'est sans doute qu'une exception.
Uuel que soit leur genre de vie, qu'elles soient parasites ou sapro- phytes, nous devons considérer chez les Bactéries leurs fonctions nutritives générales, respiration et alimentation; on doit noter aussi leurs propriétés chimiques ou fermentatives spéciales, ainsi que les propriétés chromogènes et lumineuses d'un certain nombre d'entre ^lles.
Respiration. — Les Bactéries comme tous les êtres vivants absorbent l'oxygène par le fait de la respiration, dont le but final est 1 oxydation de la substance qui constitue l'aliment. C'est ainsi que les Bactéries de la nitrification oxydent, les unes les composés
I. E. Laurent. Recherches expérimentales sur les maladies des plantes, in ■< Annales de l'Institut Pasteur . t. XIII. 1899. — Lepoutre. Recherches sur la transformation er}iérimentale de Ractéries banales en races parasites de plantes, ibitl.. t. XVI, 1902.
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ammoniacaux du sol pour les amener à 1 état d acide azoteux : d'autres l'acide azoteux pour le transformer en acide nitrique.
Suivant que les bactéries utilisent L'oxygène libre ou dissous dans les liquides, ou bien qu'elles emploient à la respiration 1 oxy- gène combiné, on les distingue en aérobies et anaérobies.
Les bactéries aérobies ne tardent pas à perdre leur mouvement lorsque l'oxygène s'épuise dans le milieu où elles vivent. Il est fré- quent, lorsqu'on les cultive en milieu liquide, de voir les éléments s'accumuler à la surface en une masse aranéeuse plus ou moins com- pacte qu'on appelle le voile Bacillus subtilis, par exemple . L oxy- gène sous pression est pourtant également nuisible aux aérobies et aux anaérobies.
Pour un certain nombre de bactéries franchement anaérobies. 1 oxygène libre est un vrai poison: il arrête leur mouvement. les tue ou les fait passer à l'état de vie latente. Les organes reproducteurs, les spores sont beaucoup moins sensibles, ou même indifférents à l'action de l'oxygène. D'un autre enté, il existe tous les intermédiaires entre les anaérobies francs et les aérobies. Le type le plus connu d anaérobies est le Bacillus amylobacter Trécul. le vibrion butyrique de Pasteur, un des agents de la fermentation de la cellulose et de sa transformation en acide butyrique.
Aliments. — Les aliments puisés dans le milieu extérieur sont ceux qu'exigent généralement les êtres vivants : composés d'azote, carbone, oxygène, hvdrogène. avec quelques autres corps simples, où dominent le soufre et le phosphore.
Lorsque le milieu est favorable à la nutrition de la Bactérie, elle s y multiplie en général jusqu'au moment où les produits de désassimilation s'y sont accumulés en trop grande quantité. C est d ailleurs là un principe qui s'applique aux êtres vivants en général.
Dépourvues de chlorophylle au même titre que les champignons, les bactéries empruntent nécessairement le carbone à leur support, vivant pour les bactéries parasites, non vivant ou même inorganisé pour les bactéries saprophytes. Ce sont généralement des corps ter- naires, sucres, amidon, glycérine, etc.. qui en sont la source. Quelques Bactériacées. les Begyiatoa. qui se rapprochent sensible- ment des algues bleues, mais s'en distinguent par l'absence de pig- ment bleu, la phycocyanine mélangée à la chlorophylle, possèdent un pigment pourpre, la Bactériopurpurine, qui est capable d'assimi- ler directement le carbone. De plus, d'après Winogradsky. les bac-
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téries de la nitrification peuvent emprunter directement leur carbone aux carbonates du sol.
De même que quelques algues inférieures (Nostocs), un certain nombre d'espèces de Bactériacées peuvent assimiler directement l'azote de l'air; tels sont le Bacillus radicicola des tubercules de légumineuses et quelques autres, végétant, elles, directement dans le sol, mais encore insuffisamment étudiées.
Propriétés chimiques. — Parmi les propriétés chimiques des bactéries, qui aboutissent à une modification du milieu où elles vivent, il en est une qui doit nous arrêter un instant, en ce sens qu'elle fournit un caractère très important, au point de vue de l'établissement des espèces; nous voulons parler de la modification à la fois phy- sique et chimique apportée à un milieu de culture fréquemment uti- lisé, la solution de gélatine à 10 °/0 environ, qui se liquéfie sponta- nément k 25° centigrades environ.
Nombre d'espèces cultivées sur ce milieu, additionné ou non de 1 ou 2 °/o de peptone, le liquéfient à une température inférieure à 25°. D'autres sont sans action, au point de vue de cette modifica- tion. L'existence de la liquéfaction, sa rapidité, son mode de pro- céder sont des caractères importants à noter pour chaque espèce.
La production de bulles gazeuses, visibles particulièrement dans les cultures sur milieu solide, matières gazeuses dont la nature chimique varie suivant les espèces, constitue au même titre un caractère de valeur au point de vue de la différenciation des espèces.
Sécrétions. — Les bactéries sont susceptibles de sécréter des substances diverses :
a) Des diastases ou zymases, destinées généralement k agir sur des substances inertes; ces diastases sont d'une nature chimique quater- naire, comme celles des êtres supérieurs, animaux ou plantes. Les diastases sont des ferments solubles, qui peuvent agir soit par hydra- tation ou déshydratation de la molécule chimique, soit par oxyda- tion ou désoxydation. Elles sont précipitables par l'alcool et agissent à dose infinitésimale, eu égard au poids de la matière transformée.
Les plus importantes sont Yamylase, qui saccharifîe l'amidon, les diastases protéoly tiques, sortes de peptones qui agissent sur les albuminoïdes. C'est à la présence d'une peptone de cette nature que
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semble due la liquéfaction de la gélatine par les bactéries. La cellu- lase, les cytases non encore isolées, sont considérées comme les dias- tases produisant la destruction des diverses sortes de celluloses, surtout les jeunes. C'est à la production de diastases qu'est due souvent l'apparition de fermentations par l'action des bactéries. On est en droit de penser que c'est à la suite de la sécrétion d'une dias- tase, cellulase ou autre, que les Bactéries parasites des plantes peuvent perforer les membranes.
b) Les toxines ou toxalbû mines, matières albuminoïdes vraies, insolubles aussi dans l'alcool, ont une action particulière sur la cellule vivante dont elles modifient le fonctionnement biolo- gique dans un sens avantageux pour leur nutrition et leur dévelop- pement exagéré. Parfois insolubles dans l'eau, elles voient souvent, comme les diastases, leur action spéciale supprimée par une éléva- tion de température à 70° au moins.
c) Les ptomaïnes, véritables bases alcaloïdiques, souvent toxiques, à l'instar de l'atropine ou d'autres alcaloïdes des végétaux supérieurs.
Ces trois groupes de substances, qui commencent à être connues pour ce qui est des bactéries pathogènes des animaux, n'ont fait jusqu'ici l'objet d'aucun travail important quant aux bactéries para- sites des végétaux.
Multiplication et reproduction. — La multiplication des Bac- tériacées s'accomplit par simple division qui amène la production de deux éléments semblables à celui dont ils proviennent. C'est la scissiparité. Cette donnée est l'origine des termes Schizomycètes (Nfegeli) et Schizophytes (Cohn), appliqués aux Bactériacées. La scissiparité est un véritable bouturage et n'a rien de commun avec une reproduction sexuée. Qu'il s'agisse d'une forme sphérique ou allongée, l'élément bactérien s'allonge, s'étrangle à sa partie moyenne et acquiert une cloison. Les deux cellules ainsi formées se séparent ou restent unies suivant qu'il s'agit d'une forme simple ou diversement complexe. C'est par ce procédé que se produisent toutes les formes composées énumérées plus haut.
En général, la division s'accomplit d'autant plus vite que le milieu est plus riche en principes nutritifs, appropriés à l'alimenta- tion de la Bactérie. La température a aussi une influence marquée sur la rapidité du phénomène.
30 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Pour les espèces aérobies, surtout lorsque la division a cessé, si par exemple le milieu nutritif est devenu impropre à la multiplica- tion, les éléments bactériens s'accumulent au fond du vase et y forment un dépôt.
Pour un bon nombre de Bactériacées, lorsque le milieu nutritif cesse de posséder les qualités requises pour permettre la multipli- cation, les éléments bactériens donnent naissance à des organes de conservation qui sont les spores.
Les spores ont une résistance infiniment plus grande aux agents destructeurs que les éléments végétatifs résultant de la division par scissiparité. Ainsi, alors que les cellules végétatives du Bacillus subtilis sont tuées aux environs de 60°, les spores résistent à une ébullition de plusieurs heures dans l'eau, et ne sont tuées qu'à 1 05°.
La formation des spores chez les Bactéries s'accomplit suivant deux modes : 1° production de spores endogènes; 2° production darthro- spores.
Quand une Bactérie mobile va produire des spores, généralement le mouvement s'arrête, et un élément peut donner une seule spore (Bacillus subtilis, B. amylohacter) ou plusieurs. Aux points où les spores apparaissent, le protoplasma se condense, devient plus bril- lant, plus réfringent, et se recouvre d'une membrane qui peut se diviser en deux couches, l'exospore (externe) et l'endospore (interne). Puis le restant de l'élément se flétrit et se détache peu a peu de la spore. Ces faits s'appliquent spécialement à la formation des spores endogènes.
Pour le Bacillus amylohacter, au moment de la production des spores, la bactérie se renfle à une extrémité, et elle prend l'appa- rence d'un battant de cloche. Une substance de réserve dissoute, de nature amylacée et directement colorable par l'eau iodée, apparaît dans cette portion renflée, mais disparaît bientôt dès que la spore commence à s'y dilférencier.
Le Leuconostoc mesenteroïdes fournit un bon exemple de produc- tion d'arthrospores. Cette espèce, constituée par des chapelets de microcoques entourés d'une zooglée épaisse et compacte, sécrète un ferment, l'invertine, qui transforme le saccharose en glucose et ce der- nier peut être ensuite détruit par oxydation; le développement exces- sif de la bactérie est dès lors un fléau dans les sucreries. Quand les
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conditions deviennent mauvaises pour la bactérie, certaines cel- lules du chapelet augmentent de volume, acquièrent un contenu plus réfringent et épaississent leur membrane, ce sont les spores. Les cellules végétatives meurent, mais la spore reste vivante.
Lorsqu'une spore est dans les conditions requises pour germer, elle déchire sa membrane et le contenu qui s'épanche prend l'as- pect de la bactérie primitive qui devient apte à se développer de nouveau par scissiparité.
Établissement des espèces et classification. — La forme extérieure d'une bactérie donnée peut, comme nous savons, varier avec le milieu (Bacille pyocyanique, par exemple). D'un autre côté, des bactéries de propriétés biologiques tout à fait différentes peuvent montrer la même forme, la même taille. On ne peut donc accorder à la notion de la forme ou de la taille qu'une importance secondaire. Aussi, pour établir une espèce et la différencier des autres tout à fait voisines comme forme, est-on obligé de tenir compte de l'ensemble des caractères que présente cette bactérie : forme, taille et leurs varia- tions suivant les milieux; caractères des cultures sur des milieux variés; motilité et les causes capables de l'influencer; propriétés pathogènes ou saprophytes, que l'on établira au besoin par des infections expérimentales; propriétés chimiques diverses; liquéfac- tion possible de la gélatine; production éventuelle de substances gazeuses dans les cultures ; production de substances chromogènes ; phosphorescence, etc.
Un autre procédé qu'il faut employer est la coloration des éléments bactériens par des substances diverses, surtout celles extraites de la houille, dérivés de l'aniline et de corps chimiques du même groupe. La méthode de Gram, dans laquelle on traite la bactérie colorée par l'eau iodée, est plus souvent utile pour différencier des espèces très voisines : la résistance à la décoloration devient ici un carac- tère très important. Nous sortirions de notre sujet en nous étendant plus longtemps sur cette question.
On comprend ainsi qu'il n'existe aucune base solide pour la clas- sification des Bactériacées. Toutes les classifications qui ont été proposées reposent presque exclusivement sur la forme. On peut donc dire qu'elles pèchent par la base.
On peut diviser artificiellement les Bactériacées en 3 groupes :
Bactériacées
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Coccées, comprenant les formes rondes et celles qui
dérivent de leur association. Genres : Coccus,
Louconostoc, etc. proprement / . . .
dites i Bacillées'. Eléments plus ou moins allongés, droits ou
courbes. Genres : Bacillus, Vibrio, Spirillum,
Cladothrix, Leptothrix.
Beggiatoées, comprenant les formes qui se rapprochent le plus des Algues Cyanophycées : Beggiatoa, avec bactériopurpurine et le groupe des Sulfuraires, qui accumulent dans leurs éléments des granulations de soufre emprunté à l'hydrogène sulfuré du milieu où elles se développent.
Place des Bactériacées dans la classification. — La
position systématique des Bactéries dans la classification est encore indécise. Les premiers naturalistes qui les ont observées, depuis Leeuwenhoeck (1680), O.-F. Muller (1774), Ehrenberg 1833), Dujardin (1841), les considéraient comme des animaux. Davaine (1864), les regarda comme des Algues, du même ordre que les Cyanophycées ou Algues bleues. Pasteur cependant en lit', au moins au début de ses études, des Infusoires, à l'exemple des premiers.
Xa?geli, de Bary, Cohn les rangent parmi les champignons ( Schizomycètes) .
Van Tieghem, guidé surtout par la présence dans quelques bac- téries d'un pigment vert supposé identique à la chlorophylle, classe les Bactéries parmi les Algues bleues, comme l'avait fait Davaine. Bien que la nature chlorophyllienne du pigment vert observé dans quelques Bactéries ait été niée et ne soit pas définitivement démon- trée, il est certain que c'est avec les Nostoccacées, surtout les Oscillaires et les Nostocs. que les Bactériacées présentent le plus d'affinités. C'est ce qui explique pourquoi un grand nombre de botanistes ont accepté l'opinion de van Tieghem.
D1 Georges Delacroix, Directeur de la Station de pathologie végétale, Maître de Conférences à l'Institut agronomique, Professeur à VÉcole sujiérieure d'Agriculture coloniale.
(A suivre.)
ÉTUDES ET MÉMOIRES
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LEGENDE
Bactériacées.
1, Coccus; a, b, c, formes diverses. — 2, Bacillus. — 3, Vibrio. — 4, Spirillum. — 5, Diplococcus. — 6, Streptococcus. — 7, Diplobacillus. — 8, Streptobacillus. —9, Leptothrix. — 10, Cladothrix. — Il a. Tétrade; 11 b, Sarcina. — 12, Staphylococcus. — 13, a, i, formes d'involution du Bacillus subtilis. — 15, Bacillus subtilis : a, un é-lément isolé, avec ses deux cils vibratiles ; i, une chaîne d'éléments (Streptobacilles), avec les deux cils terminaux. — Une forme bacille multiciliée (genre Pseudomonas Miaula). — 16, Un bacille, élément isolé montrant des vacuoles, v, et des granula- tions, A- Jeucites ou noyaux?). — 17, Phases successives de la scissiparité dans un bacille. — 18, Les mêmes, pour un microque. — 19, Formation de la spore chez le Bacillus subtilis : 1, Apparition de la spore, Sp, dans l'élément; 2, la spore isolée; 3, sa germination ; i, l'élément jeune, bicilié, prêt à se diviser. — 20, Formation de la spore du Bacillus amylobacter : 1, la spore Sp encore jeune; 2, la spore adulte, avec déformation de l'élément bactérien; 3, germination de la spore. — 21, Formation des arthrospores de Leuconosloc mesenteroides : a, plusieurs zooglées, à l'état végétatif; b, unezooglée, dans laquelle on voit se former des arthrospores, Sp.
Bulletin du Jardin colonial. 3
LE BÉTAIL EN AFRIQUE OCCIDENTALE
FRANÇAISE
La production zootechnique en Afrique Occidentale française est restée jusqu'à l'heure actuelle très rudimentaire ; elle est néanmoins appelée à jouer un rôle important dans le développement écono- mique général. Elle pourra en effet contribuer dans une large mesure à la prospérité de certaines colonies du Gouvernement général tout en* améliorant les conditions de la vie de l'Européen dans les régions voisines. C'est le rôle que seront appelés à jouer tôt ou tard trois grands centres de production à peu près également espacés en bor- dure de notre grande possession africaine : le Sénégal, la Haute- Guinée, le Dahomev.
Le Sénégal, capable dès à présent de fournir des produits de valeur, doté de vastes contrées d'élevage déjà habituées à approvi- sionner les villes de la côte, possédant le long même de cette der- nière une zone éminemment favorable à la production du bétail, les « Niayes », mérite en première ligne d'attirer notre attention.
La Haute-Guinée et surtout le Dahomev constituant des pavs où les communications sont encore difficiles, où les relations commer- ciales sont moins développées, n'interviendront probablement, par l'apport sur le marché de leur contingent animal, qu'un peu après leur sœur du nord. Enfin n'oublions pas que le Soudan, s'il n'est pas aussi apte que les précédentes régions à alimenter l'exportation, n'en constitue pas moins un pays d'élevage fort intéressant où le bétail sera d'une utilité directe à la population appelée à y augmen- ter rapidement, et qui, par ses chevaux et ses mulets de guerre, affranchira l'Afrique Occidentale française des importations algé- riennes.
I. LE SÉNÉGAL
Par sa situation à la limite méridionale de la région désertique, par le peu de durée de la saison des pluies, le Sénégal est moins favorisé, au point de vue de la variété des produits agricoles, que
LE BÉTAIL EN AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE 35
i
la plupart des colonies franchement tropicales. Il rachète en partie ce désavantage par la possibilité d'y élever en grand le bétail qui devient de plus en plus rare à mesure que l'on s'avance vers le sud. En 1892, une terrible épizootie détruisit une grande partie des trou- peaux; mais à présent ceux-ci sont complètement reconstitués.
Cheval. — Les chevaux sont communs au Sénégal, sauf en basse Casamance où le climat leur est peu favorable.
Ils se rapportent à deux races bien distinctes : les chevaux dits « du fleuve », ou (Narou gor), et les chevaux M' Bayar.
Les premiers rappellent par leurs caractères les barbes algériens. Leur taille moyenne est de lm 45. Certains sujets sont bien confor- més ; mais l'ensemble laisse à désirer au point de vue de la régula- rité des formes et des aplombs. Ils présentent de réelles qualités de sobriété, de rusticité et d'endurance. Par une sélection méthodique ou par des croisements judicieux avec des étalons algériens, on pourrait améliorer cette population chevaline.
Les chevaux M' Bayar sont de plus petite taille que les précé- dents, la moyenne est de lm35. Ils sont robustes et vigoureux. Ils supportent mieux que les premiers la saison d'hivernage, et sont moins sujets aux maladies. Le centre de production est le Baol.
Bœuf. — Deux races principales se partagent la population bovine sénégalaise.
Le Gobra, ou à bosse, et le N' Dama, sans bosse.
Les bœufs à bosse, appelés également bœufs porteurs, se ren- contrent dans tout le pays, mais sont surtout nombreux chez les Maures, dans le Oualo, le Cayor, le Baol. Ils sont de grande taille, souvent de lm 50 et certains atteignent des poids variant de 600 à 700 kilos. Ils sont très dociles et peu difficiles dans le choix de leur nourriture. Ils sont utilisés comme bêtes de somme et remplacent avantageusement les chameaux pour elfectuer des transports pen-
dant l'hivernage.
Le poids moyen des adultes est de 300 à 400 kilos pesés vifs. A l'abattage, leur rendement, en viande nette, varie de 40 à 45 °/0. Leur prix est de 80 à 120 francs.
Les vaches sont mauvaises laitières, elles donnent en moyenne, pendant la période de lactation, 3 litres de lait par jour. Elles valent de 150 à 200 francs; mais d'ordinaire les indigènes ne veulent pas s'en dessaisir.
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36 ÉTLDES ET MÉMOIRES
Les individus de races N' Dama, ou sans bosse, sont de petite taille, de 1m 50 à lm 30 de haut. Ils sont bien conformés et rap- pellent les animaux perfectionnés de race bretonne.
Leur pelage, comme celui des précédents, est essentiellement variable : les robes froment clair et noires sont les plus communes.
Cette race semble originaire du Fouta-Djallon, d'où elle s'est répandue dans les contrées avoisinantes. On la trouve actuellement dans tout le Sénégal, mais plus particulièrement dans les régions sud.
Les bœufs se dressent facilement au joug et peuvent être utilisés pour traîner la charrue et les charrettes.
Les individus provenant du croisement du N' Dama et du Gobra sont désignés sous le nom de Ouarlé.
Ils sont très estimés des indigènes qui les recherchent même dans le Sine et le Baol.
A la suite de l'épizootie de 1 892, on importa des animaux du Cap-Vert et de chez les Maures qui ont laissé des traces de leur sang dans la population actuelle.
Ce sont les Peulhs, les Toucouleurs et les Sérères qui ont les plus beaux troupeaux. Ils en ont le plus grand soin ; leur richesse d'ailleurs s'estime par le nombre de têtes de bétail qu'ils possèdent.
Anes. — Les ânes sont fort nombreux. Ils sont rustiques et très solides, malgré leur petite taille. Ils rendent de grands services pour les transports.
Chameaux. — Les chameaux sont très nombreux dans le pays pendant la saison sèche : ils sont utilisés pour les transports d'ara- chides, de mil et de gomme. Ils appartiennent presque tous aux Maures qui sont les véritables commissionnaires de la colonie. Ils sont emmenés au nord du fleuve pendant l'hivernage.
Les chameaux supportent difficilement la saison des pluies ; plus des trois quarts meurent lorsqu'ils restent dans le pays. Ceux qui sont acclimatés, appelés chameaux « Ouolofs », valent de 5 à (500 francs pièce, tandis qu un animal ordinaire se vend de 150 à 250 francs. On les charge de 3 à 500 kilos et ils fournissent avec ce poids des étapes de 50 kilomètres sans fatigue.
Moutons et chèvres. — Les moutons et les chèvres sont très nombreux. Le mouton sénégalais est haut sur jambes, sa taille est
LE BÉTAIL EN AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE 37
de 70 à 80 centimètres; il n'a pas de laine, mais seulement du poil
grossier.
Les indigènes utilisent le lait de brebis pour leur nourriture. Un mouton vaut dans l'intérieur de 3 à 5 francs.
Les chèvres sont de très petite taille, de 0m 50 à 0"1 70 : elles donnent très peu de lait, de 0 1. 75 à 1 litre par jour.
Somme toute, le Sénégal est un pays où l'élevage des animaux est développé et constitue une des richesses du pays.
Il pourra prendre une importance encore plus considérable lorsque tous les terrains capables d'être mis en valeur par la pro- duction zootechnique seront utilisés dans ce but. L'obstacle le plus sérieux qu'elle rencontre est la longueur de la saison sèche. Dans un pays où il ne tombe pas une goutte d'eau pendant huit mois, l'ardeur du soleil et les vents desséchants du désert ne tardent pas à faire disparaître toute trace de végétaux nourriciers ; mais on peut obvier à ce défaut climatérique par la constitution, pendant l'hiver- nage, de réserves fourragères. Or de vastes surfaces se 'prêtent fort bien à ce genre de production, et l'éleveur souffrirait plutôt du manque de faucheurs que du manque de fourrages. C'est ainsi que de Podor à Matam un grand nombre de plaines basses, situées le long du fleuve, portent spontanément, sans ensemencement ni irri- gation pendant la saison des pluies, une graminée touffue, très dense, nommée « Baket » en ouoloff, pouvant se couper et se conser- ver avec une grande facilité, et constituant un aliment recherché du bétail. Il viendrait fort heureusement compléter la ration azotée fournie par la paille d'arachides, que vendent les indigènes, et per- mettrait d'entretenir copieusement et à peu de frais le bétail pen- dant toute la saison sèche.
I ne autre région plus intéressante encore est représentée par les « Niayes ». On désigne ainsi une vaste bande de terrains s'étendant le long de la mer, des environs de Rufisque jusqu'à Saint-Louis. C'est un grand marécage pendant la saison des pluies, mais il se dessèche petit à petit, à mesure qu'avance la saison sèche, laissant à découvert un terrain riche en humus, immédiatement utilisable. C'est ainsi que du maïs-fourrage semé après simple défrichement à la charrue vigneronne sur un terrain vierge, laissé à découvert par l'eau au mois de février, a présenté une bonne croissance, et sera susceptible de fournir un fourrage vert de bonne qualité avant l'hivernage, c'est- à-dire au moment où le dépérissement des animaux appartenant aux indigènes est le plus marqué.
38 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Rien n'empêche de supposer qu'un certain nombre d'autres plantes fourragères, telles que le Téosinte, le Sorgho fourrager et l'herbe du Para, donneraient d'aussi bons résultats.
Si l'on ajoute à cela que les niayes, grâce à l'humidité qu'elles conservent, portent une végétation spontanée de graminées consti- tuant, à l'heure actuelle, pendant les mois de sécheresse, l'unique ressource des troupeaux qui y vivent, on voit que cette région est particulièrement propre à l'élevage. Enfin, au point de vue écono- mique, elle est située entre les deux plus grandes villes du Sénégal, Saint-Louis et Dakar, dont l'une est la porte qui mène au Soudan, tandis que l'autre est un grand port que sa situation appelle à un avenir brillant.
On trouve au Sénégal dès à présent des animaux, de quoi les nourrir et la possibilité de les vendre. Peut-on dans ces conditions lui refuser le nom de pays d'élevage?
II. GUINÉE FRANÇAISE
Nous quittons l'élevage en plaine pour trouver l'élevage en pays montagneux, car en Guinée Française, c'est le Fouta-Djallon qui est la région productrice de bétail.
Le Fouta-Djallon est une région montagneuse, à climat relative- ment tempéré, dont les formations géologiques sont surtout primi- tives. Les roches éruptives y sont en grande partie recouvertes par un conglomérat ferrugineux d'une dureté variable : la latérite.
Seules les vallées, en général étroites et profondes, présentent des formations alluvionnaires plus ou moins mélangées d'humus.
Ce sont les seules parties cultivables; les autres n'ont d'intérêt qu'au point de vue pâturages et peuplements de lianes à caout- chouc.
C'est un pays admirablement doué au point de vue de l'élevage des bovidés. Les pâturages y sont nombreux et excellents, les pacages aussi, malheureusement l'habitant du Fouta ne sait pas constituer pour la saison sèche une réserve de fourrage; aussi à cette époque la mortalité est-elle assez élevée.
Cela revient à dire que l'on ne pratique aucune méthode ration- nelle d'élevage et qu'un colon devrait la créer de toutes pièces.
Le Fouta est peuplé par deux races nettement distinctes de bœufs :
LE BÉTAIL EN AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE 39
1" Une petite race au pelage gris brunâtre et à muqueuses colo- rées dont le poids vif ne dépasse guère 150 à 200 kilos.
Les individus ressemblent à s'y méprendre, au point de vue des formes, du pelage et du cornage, à la petite variété suisse.
2° Une grande race au pelage froment plus ou moins foncé, au cornage très développé affectant souvent la forme dune lyre et dont le poids vif doit sûrement atteindre une moyenne de 350 kilos.
La grande race habite surtout le Koïn, le Kébau, le Bagdaï, régions où l'on trouve les plus beaux types.
La petite race est davantage disséminée, elle peuple principale- ment le Haut-Canéah, le Koussi.
L'exploitation rationnelle du bétail devrait portera la fois sur les achats aux indigènes, achats particulièrement profitables à la saison sèche et également sur l'élevage proprement dit.
Cette dernière opération serait sans doute aisée, le Fouta est coupé en tous sens de petites vallées dans lesquelles coule, même à la saison sèche, des ruisseaux dont le barrage permettrait facilement l'installation de prairies naturelles.
D'un autre côté, l'alimentation soutenue à laide de fourrage récolté à la fin de la saison des pluies permettrait de maintenir en bon état les animaux.
Les bœufs ne sont pas aptes à être vendus avant l'âge de 4 à 5 ans ; une alimentation médiocre mais continue transforme com- plètement ces animaux au point de vue des qualités de boucherie.
En un mot, le Fouta possède et un milieu excellent et d'excel- lentes races.
Mais le Fouta manque encore à l'heure actuelle de communica- tions faciles, les bœufs sont amenés à pied à Conakry par une marche de 10 à 20 jours, selon la provenance.
Comme aucune station de repos n'est installée, et que les bœufs doivent se contenter de la nourriture qu'ils broutent en marchant, on comprendra aisément qu'ils arrivent dans un mauvais état à la côte où le séjour leur est d'ailleurs des plus pénibles. Lorsque le chemin de fer pénétrera jusque dans la région de Timbo, il sera alors possible d'organiser des gîtes d'étapes peu nombreux permet- tant d'amener aux stations les bœufs en bon état.
D un autre côté, il n'est guère possible d'envisager dans les con- ditions actuelles de production la possibilité de l'exportation en vif ou viandes frigorifiées.
40 ÉTUDES ET MÉMOIRES
La totalité de la production sera d'ici long-temps complètement absorbée par les besoins locaux.
D'une part, si la consommation locale en Guinée, particulièrement à Gonakry, l'exportation dans des colonies voisines, principalement en ce qui concerne les vaches, ne permettent pas de supposer un excédent de production, l'opération n'en demeure pas moins fruc- tueuse pour cela.
Les bœufs valent à partir du Koussi, environ 35 à 40 francs pièce ; dans le Koïn,'a cause delà proximité du Sénégal, pays d'importation, ils valent de 60 à 65 francs. On les revend aisément de 100 à 150 francs dans les pays voisins.
Les vaches valent en moyenne 75 à 80 francs; on les revend au Sénégal et dans les Colonies anglaises 200 et même 250 francs.
A Conakry, le prix de la viande sur pied varie de 0 fr. 50 à 0 fr. 70 le kilo, et le rendement des quatre quartiers est d'environ 50 •/..
D'un autre côté, la reconstitution au Soudan méridional des trou- peaux que Samory a complètement détruits absorbera sûrement, pendant bien des années, tout le produit de l'élevage.
III. DAHOMEY
D'après l'état actuel de son développement, la colonie du Daho- mey peut être divisée en deux régions d'élevage du bétail :
La première, partant de l'Océan, aurait pour limite approxima- tive la ligne de séparation des cercles de Savalou et de Parakou, comprenant ainsi le Bas et le Moyen-Dahomey.
Dans cette contrée qui représente un peu moins de la moitié de la superficie totale de la colonie, les représentants des races bovine, ovine et gallinacée sont peu nombreux. Ce n'est pas à dire que cette vaste région est impropre à l'élevage, mais les besoins du corps expéditionnaire lors de la conquête l'ont presque complètement épuisée et le repeuplement se fait avec une lenteur qui ne permet pas de préciser l'époque à laquelle une surproduction pourrait appro- visionner les marchés d'outre-mer.
En effet, le bétail de la zone cotière assure à peine la consomma- tion locale à laquelle il est pourvu par les cercles de Mono et de
LE BÉTAIL EiN AFRIQUE OCCIDEÏNTALE FRANÇAISE 41
Porto-Novo : dans ces cercles se trouvent, non des troupeaux de bœufs proprement dits, mais des fractions isolées vivant à proximité des cases de leurs propriétaires.
L'élevage de la volaille, s'il est plus développé que celui de la race ovine, n'en permet guère l'exportation que dans nos colonies voisines de la Cote d'Ivoire et du Congo Français. Encore cette expor- tation est-elle peu importante.
Au surplus, la volaille indigène est de petite taille et fournit une chair de qualité médiocre, toutes conditions qui ne laissent aucun doute sur l'accueil qui lui serait fait sur les marchés européens.
Les observations formulées plus haut sur les causes du dépeuple- ment des espèces bovine, ovine et gallinacée s'appliquent plus parti- culièrement au cercle d'Abomey, très éprouvé pendant la période d'occupation militaire : c'est dire par là même le petit nombre d'animaux de boucherie qu'on y rencontre.
Fort heureusement des constatations moins décevantes peuvent être faites pour le cercle voisin de Savalou. Ici le nombre des têtes de bêtes à cornes n'est pas moindre de 1.500, paissant par petits troupeaux sur les gras pâturages qui bordent l'Ouémé et le Zou res- pectivement aux environs de Savé et de Gabolé.
L'espèce ovine compte plus de 400 sujets et vit en commun avec le gros bétail. La volaille par contre est beaucoup moins abon- dante.
Quoi qu'il en soit, cette dernière région est, au point de vue qui nous occupe, infiniment plus riche que les précédentes ; mais son éloignement de la côte est un obstacle au commerce dont ces ani- maux de boucherie pourraient être l'objet. Il n'existe aucun moyen de transport permettant d'éviter aux bestiaux les fatigues de longues étapes a franchir avant d'atteindre une station de la voie ferrée en construction, soit Paouignan, soit Atchéribé, et dans ces conditions il est à supposer que les convois arriveraient au terme du voyage considérablement amaigris, partant dépréciés.
Il ne faudrait pas songer, pour remédier à cet inconvénient, à installer des usines frigorifiques sur les lieux mêmes d'élevage ou à proximité, car on ne saurait, dans l'état actuel des voies de commu- nications, assurer le transport rapide et économique des viandes ainsi préparées.
Ces obstacles à l'industrie qui nous occupe s'affirment encore davantage, dans la seconde région qui constitue le Haut-Dahomey,
42 ÉTUDES ET MÉMOIRES
comprenant les cercles du Borgou, de Djougou-Kouandé, du Courma et du Moyen-Niger.
Là se déroulent de vastes pâturages arrosés par des cours d'eau tels que l'Ouémé et l'Ofé, d'un débit toujours important. Sur les bords de ces rivières vivent, dans la région avoisinant Parahou, des troupeaux isolés de bœufs formant un total approximatif de 1.500 tètes, tandis que le nombre des moutons ne paraît pas dépas- ser 4.000. Par comparaison avec les représentants des races bovine et ovine, les gallinacés sont peu nombreux et ne pourraient alimen- ter un commerce d'exportation.
Le cercle du Moyen-Niger, qui s'étend en pente douce de Kaudé au grand fleuve, occupe incontestablement le premier rang en importance parmi les pays d'élevage du bétail au Dahomey. La population bovine, dont le recensement ne saurait être établi avec une rigueur mathématique en raison de la mobilité des Peulhs qui sont les principaux éleveurs, atteint, selon toute vraisemblance, le chiffre de 40.000 à 50.000 unités disséminées à travers cette région dotée d'un système naturel d'irrigation. Mais les lits de ces cours d'eau sont encombrés d'obstacles qui en rendraient la navigation difficile, sinon impossible, même à des bateaux à faible tirant d'eau, en raison des risques d'échouage sur les bancs de matériaux, char- riés par ces rivières, et dont la situation varie suivant les caprices du courant. Resterait donc la voie de terre dont l'utilisation par étapes serait pleine de mécomptes : le bétail devant fournir une marche de plusieurs semaines arriverait anémié par les fatigues de la route et aurait perdu une notable partie de sa qualité et de sa valeur.
Encore faudrait-il s'attendre à de nombreux décès en cours de route.
Si même, par hypothèse, ces difficultés, qui demeureront inso- lubles pendant un certain temps encore, disparaissaient, il n'en res- terait pas moins à triompher de celles que présenterait le transport soit sur pied, soit après abattage, par voie fluviale sur le Niger, depuis l'un des points d'embarquement : Carmiama, Caronou ou Ilo, jusqu'à la station du débarquement.
On n'a que trop acquis la certitude de l'innavigabilité partielle du grand fleuve pour qu'il soit besoin de démontrer les aléas de l'industrie qui aurait pour objet cette exportation de l'intérieur à la mer. Combien de convois ou de cargaisons, péniblement amenés
LE BÉTAIL EN AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE 43
jusqu'au Niger, risqueraient de disparaître dans un de ces rapides, sur un de ces récifs si nombreux, pour le plus grand dommage de la navigation centrale africaine.
Et ces risques sont plus grands encore pour les stations, point de départ initial, situées en amont de Carimama : Birni et Say.
Ce dernier chef- lieu, presque à l'égal de celui du Moyen-Niger, est riche en bovidés; l'espèce ovine est elle-même représentée par plusieurs milliers d'unités. Mais la concentration dans le voisinage immédiat de Say, ici comme ailleurs, suppose franchies les immenses distances qui séparent les lieux de dépaissance et d'élevage situés à l'intérieur des terres, du port d'embarquement fluvial.
Est-il besoin d'ajouter que ces considérations ont plus de poids encore dans l'extrême région, par rapport à la côte, du Gourma où elles paraissent s'aggraver du fait de la moins grande densité du bétail? Une évaluation forcément très approximative porte le nombre des bœufs dans cette province à 5.000; celui des moutons serait moindre.
C'est qu'en effet le Gourma est une région en partie montagneuse, souvent boisée, n'offrant, pas aussi uniformément que dans le Moyen -Niger, ces prairies à perte de vue où le bétail vit un peu dans les mêmes conditions qu'au Brésil.
Cette quasi-pénurie de bovidés et d'ovidés rend parfaitement inutile l'installation de toute usine d'abattage, dont éventuellement Say pourrait devenir le seul point d'établissement.
Les bœufs du Dahomey sont de petite taille (0m 95 à lm 05 de hauteur), à la robe noire ou pie-noire, aux membres grêles, peu de cornes, en un mot bien constitués pour la boucherie, et de plus engraissant bien et rapidement. Le poids moyen est de 150 kilos et le rendement en viande de 50 °/0. Le prix de l'animal varie de 40 à 60 francs. Dans les régions septentrionales, on trouve quelques ani- maux de race peulh, de plus forte taille que celle de leurs congé- nères et de pelage différent : ce sont pour la plupart des bœufs porteurs, au système osseux développé, assez impropres par consé- quent à la boucherie.
Les ovidés sont généralement mal constitués, fournissant peu de viande relativement à leur poids, qui varie, suivant les croisements, de 15 à 40 kilos et d'une valeur marchande de 10 à 25 francs. Mal- gré l'abondance de la volaille, l'exportation en serait osée : la taille est petite et la chair de qualité médiocre.
44 ÉTUDES ET MÉMOIRES
De toutes ces considérations décevantes pour l'instant se dégagent pourtant des conclusions plus rassurantes quanta l'avenir.
Si la production du Bas et du Moyen-Dahomey ne dépasse pas actuellement les besoins de la consommation locale, une méthode rationnelle paraît susceptible d'y développer l'élevage du gros bétail, dont l'exportation sera rendue chaque jour plus facile par la création des voies ferrées.
Cette question de l'élevage présente un intérêt tout particulier pour les régions du nord, dotées, comme je l'ai déjà dit, de riches pâturages dont le rendement peut être légitimement considéré comme une cause future d'importants bénéfices.
Cet avenir, qu'il n'est pas possible de préciser et apparaît encore lointain, sera réalisé le jour où la locomotive reliera l'Océan au Niger donnant ainsi un merveilleux essor a notre colonie du Daho- mev, sur l'avenir de laquelle la France a justement fondé de bril- lantes espérances.
(A suivre. )
OBSERVATIONS PRATIQUES SUR LA RÉCOLTE DES CHAMPIGNONS DANS LES COLONIES
Quand des voyageurs chargés de missions scientifiques dans nos Colonies rapportent des collections botaniques, les cryptogames, et surtout les champignons, sont le plus souvent assez pauvrement représentés. La chose s'explique aisément ; l'attention est peu atti- rée sur ces végétaux, parce que, même en France, on les étudie beau- coup moins que les plantes supérieures. En outre, il est bien plus difficile de les rapporter dans un état tel qu'ils puissent être fruc- tueusement étudiés au retour.
Il est cependant à désirer que, quand des occasions se présentent d'augmenter nos connaissances si peu étendues encore sur la flore mycologique de nos Colonies, les explorateurs soient à même de rapporter des matériaux utilisables et instructifs.
Aussi nous proposons-nous d'indiquer avec quelques détails les données principales qui doivent être recueillies sur place relative- ment aux espèces que l'on récolte.
Si ces renseignements font défaut, on ne pourra peut-être tirer absolument aucun parti d'exemplaires toujours plus ou moins défor- més, et ayant sans doute perdu leur couleur dans l'alcool. L'explo- rateur se sera donné beaucoup de peine pour récolter, conserver, transporter ces échantillons, et toute sa peine aura été prise en pure perte.
Au contraire, si l'envoi est accompagné de renseignements précis et détaillés, l'étude des matériaux reçus sera singulièrement facili- tée, réellement fructueuse et profitable aux progrès de la science.
Ce que nous allons dire s'appliquera surtout aux Agaricinées, c'est la famille de plantes qui contient le plus grand nombre d'espèces charnues, espèces pourrissant rapidement et que l'on doit conser- ver dans l'alcool ou le formol, mais qui sont toujours plus ou moins altérées dans ces liquides. Le naturaliste voyageur n'aura pas de peine à reconnaître parmi nos remarques celles qui s'appliquent entièrement à divers autres groupes de champignons, particulière-
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ment à bien des espèces de Basidiomycètes, d'Ascomycètes. Il en modifiera lui-même certaines, suivant les caractères des espèces qu'il recueillera.
Quelques mots d'abord sur certaines précautions à prendre quand on récolte les champignons.
On sait que chez les Agaricinées l'existence d'une volve est très importante à constater puisque certains genres sont caractérisés précisément par la présence de cette volve. Or, quand le champi- gnon se développe, la volve se déchire et se détruit partiellement, et les débris ne subsistent quelquefois à la base du pied que sous la forme d'un bourrelet écailleux plus ou moins profondément enterré. L'existence de cette partie souterraine pourrait échapper si l'on cueillait les échantillons sans précautions.
Il faut donc avoir soin de ne pas briser le pied au niveau du sol, mais de le déterrer complètement.
Chez beaucoup d'espèces, la forme, la couleur du chapeau, du pied, des lames changent dans le courant du développement. Pour prendre des exemples parmi les Champignons de notre pays, je citerai le Champignon de couche dont les lames rosé clair d'abord acquièrent progressivement une teinte de plus en plus accentuée et finissent par devenir d'un brun pourpre foncé; je citerai le genre Cortinaire, dont beaucoup d'espèces ont des lames violettes dans le jeune âge, rouille ou cannelle à l'état adulte. Ce genre Cortinaire offre encore un exemple bien remarquable d'un caractère qui dispa- raît avec l'âge. Les échantillons jeunes ont le sommet du pied réuni au chapeau non par un anneau membraneux, résistant, comme chez le Champignon de couche, mais par une sorte de tissu très délicat, formé simplement de grêles filaments entrelacés, et ressemblant à une toile d'araignée. On donne le nom de cortine à l'anneau quand il présente cette structure. Or, cette cortine est très fragile et souvent disparaît complètement chez l'adulte. Par- fois cependant on en discerne quelques traces sous forme de fila- ments ténus, brunâtres, adhérant au sommet du pied ou au bord du chapeau. Il est très important pour la détermination des genres de savoir si un champignon possède ou non une cortine. Il est donc indispensable d'avoir recueilli de jeunes échantillons. Il est des espèces dont la détermination est très difficile sinon impossible, quand on ne possède que des champignons adultes.
D'ailleurs, il n'y a pas lieu de s'en étonner. N'en est-il pas de
RÉCOLTE DES CHAMPIGNONS DANS LES COLONIES 47
même chez diverses espèces de plantes supérieures, très difficiles à déterminer si l'on ne possède pas à la fois des feuilles de la hase de la plante, des fleurs, des fruits?
Par conséquent il est indispensable de recueillir autant que pos- sible des individus de tout âge et de noter, pour tous, les caractères sur le détail desquels nous reviendrons plus loin.
Ceci, très important déjà pour une espèce trouvée précédemment dans le pays, le devient bien davantage si l'on découvre des espèces nouvelles qu il est utile de décrire avec précision à tous leurs états si l'on veut les bien définir et permettre de les retrouver.
Les champignons recueillis peuvent être conservés dans l'alcool ou le formol. Il est préférable, si l'on emploie l'alcool, de les mettre d'abord pendant quelques jours dans de l'alcool à 60° environ et après seulement de les placer dans de l'alcool à 90°. Dans la première liqueur ils perdent une partie de leur eau et se ratatinent moins que si on les met de suite dans de l'alcool très fort. Pour le formol on étend d'eau de 15 à 20 fois son volume le liquide que vend le commerce. On place les échantillons dans un premier liquide que l'on change au bout d'une semaine. Le nouveau liquide peut être gardé indéfiniment.
Mais il va sans dire que l'on ne met pas immédiatement dans le liquide conservateur un champignon que l'on vient de cueillir, sans l'avoir au préalable bien étudié et avoir noté une foule de carac- tères nécessaires pour la détermination, toujours plus ou moins alté- rés dans n'importe quel liquide. "
Examinons pour les diverses parties de la fructification sur quels points principaux on doit porter son attention et quelles observa- tions il faut faire pour que les notes prises puissent servir à une description aussi complète et aussi précise que possible.
A. Volve.
Comme nous l'avons déjà dit, il faut bien observer si l'espèce cueillie possède ou non une volve. Il faut également noter com- ment se présente cette volve chez l'adulte. Souvent le chapeau, en la brisant, n'y fait qu'une simple déchirure, et alors il n'en porte aucun débris. La volve subsiste presque entière et s'élève autour du pied formant comme une sorte de large étui ouvert à sa partie
48 ÉTUDES ET MÉMOIRES
supérieure. Dans un autre cas, au contraire, la volve se fragmente bien davantage et alors le chapeau en se soulevant reste couvert de nombreuses écailles; mais il est facile devoir que ces écailles n'ap- partiennent pas en propre au chapeau ; en grattant légèrement avec l'ongle on enlève ces écailles sans déchirer aucunement le chapeau.
D'autres fragments de la volve subsistent autour du pied qui est alors renflé à la base et recouvert d'écaillés plus ou moins irrégu- lièrement disposées.
Pour préciser par des exemples ces deux aspects de la volve, disons que l'Amanite des Césars, ou vraie Oronge, présente une volve en étui, et l'Amanite tue-mouche, ou fausse Oronge, une volve for- mant bulbe écailleux à la base du pied et des écailles sur le chapeau.
Tel en est le caractère principal qu'il faut observer à propos de la volve ; si elle présente d'autres particularités, comme une couleur spéciale, etc., on doit noter le fait.
B. — Chapeau.
Le chapeau des champignons présente à considérer divers carac- tères dont chacun doit être soigneusement observé. Voici les prin- cipaux :
1° Taille. — Dans la plupart des espèces, les champignons adultes et qui ont poussé dans des circonstances normales, pré- sentent une taille moyenne avec des écarts plus ou moins grands, mais qu'il est bon de connaître ; on peut noter approximativement, si l'on a plusieurs échantillons, cette taille moyenne et les tailles extrêmes que l'on a constatées.
2° Forme. — La forme des échantillons jeunes et des échantil- lons adultes doit être indiquée. Bien souvent le chapeau est presque sphérique dans le jeune âge, puis il s'étale, restant seulement légè- rement bombé ; il est parfois conique et d'un angle d'autant plus ouvert que le champignon est plus âgé. Diverses espèces ont un chapeau en entonnoir. Quelquefois au centre s'élève un petit mame- lon conique. Bien des cas sont possibles, et il faut noter tout ce que l'on constate.
3° Couleur. — Chez certaines espèces, la couleur est unique, bien tranchée, persistante ; chez d'autres, au contraire, elle varie
RÉCOLTE DES CHAMPIGNONS DANS LES COLONIES 49
beaucoup avec l'âge, ou bien les couleurs sont indécises et mul- tiples, les teintes entremêlées de façons très variables. En particu- lier, i est un cas assez fréquent, c'est celui où la couleur présente des tons plus foncés suivant des bandes annulaires concentriques; on dit alors que le chapeau est zone.
i° Chair. — La chair du chapeau présente divers caractères qui méritent d'être notés; elle est parfois très molle, parfois résistante, dure. Sa couleur est généralement bien constante dans une même espèce ; elle est assez souvent, par exemple, violacée ou d'un jaune franc ; il est des cas où elle reste inaltérée à l'air, d'autres où elle se modifie légèrement, devenant rosée ou roux assez pâle. Bien que nous parlions surtout des Agaricinées, disons que. dans beau- coup d'espèces du genre Bolet (famille des Polyporées), la chair se teinte assez rapidement en vert ou en bleu. Quelquefois c'est seulement sous la peau du chapeau qu'il y a une teinte spéciale; en grattant un peu à l'ongle ou en enlevant un fragment d'épi- derme, on met cette couleur en évidence.
Certains champignons ont ce qu'on appelle du lait. C'est un suc abondant qui coule quand on coupe le champignon. Ce lait est blanc ou coloré, quelquefois, blanc d'abord, il prend ensuite une autre teinte et devient gris, violacé, jaune. Ce changement de colo- ration est tantôt rapide, tantôt assez lent.
Nous parlons de ces champignons lactescents à propos du cha- peau, mais disons que le pied et les lames ont également du lait quand le chapeau en possède, et qu'il suffit parfois de blesser légère- ment les lames pour en voir couler le lait. Ce lait est tantôt doux, tantôt piquant, quelquefois très acre.
La chair des champignons a, chez certaines espèces, une odeur très caractérisée. Il en est qui ont une odeur très nette de farine fraîche ; d'autres une odeur de fruits plus ou moins nette ; d'autres ont une franche odeur d'anis.
Le goût de la chair est parfois également bien particulier. Ce goût est facile à apprécier, surtout chez les espèces lactescentes, ou il est, comme nous l'avons dit plus haut, doux ou piquant. Pour se renseignera cet égard, il faut goûter un petit morceau de cham- pignon, ce qui n'a aucun inconvénient, du moins pour les champi- gnons de nos pays, car nous ne voudrions pas émettre à l'égard des champignons exotiques une affirmation dangereuse. On crache le
Bulletin du Jardin colonial. 4
50 ÉTUDES ET MÉMOIRES
petit fragment quand on a constaté le goût de la chair. Mais il n'y a pas que les espèces lactescentes à pouvoir présenter des goûts aussi caractérisés : le genre Russule, par exemple, est dans le même cas.
5° Particularités diverses. Le chapeau peut présenter des
aspects bien variés. Ainsi il peut être entièrement glabre et avoir un aspect soyeux, luisant ou mat; il peut aussi être écailleux. Les écailles provenant de l'épiderme du chapeau, et qu'il ne faut pas confondre avec des écailles dont l'origine est due à la volve, peuvent être de larges plaques détachées à leur bord de la surface du cha- peau, de grosses écailles aplaties ou retroussées, ou quelquefois des écailles très iines, pointues.
Dans d'autres cas, le chapeau est hérissé de poils plus ou moins longs ; si les poils sont assez longs et dressés, il est dit poilu; s'ils sont plus courts, on ledit plutôt villeuxou tomenteux. Souvent des poils très serrés et très courts lui donnent un aspect velouté. Dans beaucoup d'espèces, la peau du chapeau se fragmente en petites fibres disposées souvent assez régulièrement du centre au bord du chapeau que l'on qualifie alors de fibrilleux. Il va sans dire qu'entre tous ces cas il existe des intermédiaires nombreux, mais il est bon d'avoir des mots assez précis pour indiquer l'état de la surface. Le chapeau est quelquefois pruineux, c'est-à-dire couvert d une fine poussière analogue d'aspect à la pruine qui recouvre souvent cer- tains fruits bien frais.
A un autre point de vue, le chapeau peut être lisse ou strié. Les stries sont généralement radiales ; quelquefois elles vont du som- met au bord, et si le chapeau est conique et que les stries soient assez profondes, l'ensemble présente un peu l'aspect d'un parapluie demi-ouvert.
Il y a diverses espèces où les stries n'existent que sur le bord du chapeau. Ce caractère n'existe souvent qu'à un certain âge du cham- pignon, mais il mérite cependant d'être mentionné, car certaines espèces le présentent au contraire d'une façon assez durable et con- stante.
Beaucoup d'espèces ont leur chapeau visqueux, et ceci est un caractère important, car il est assez constant : il persiste générale- ment toute la vie du champignon, ou s'il disparaît en apparence quand le champignon vieillit et que le temps est sec, on peut cependant le constater, car, par exemple, quand un champignon a
KÉCOLTE DES CHAMPIGNONS DANS LES COLONIES 51
été visqueux, le doigt mouillé y adhère légèrement; ou encore divers petits objets, tels que des fragments de feuilles qui sont tombés sur le chapeau quand il était bien frais, y sont restés adhérents. Dans d'autres cas, le champignon n'est pas visqueux, mais il est en quelque sorte humide : en posant le doigt dessus, on sent une certaine sen- sation de fraîcheur et d'humidité.
Il est certains chapeaux qui ont un caractère assez particulier : quand ils sont humides, ils prennent une teinte brunâtre ou gri- sâtre un peu différente de leur teinte normale, et s'ils deviennent un peu translucides on dit que le chapeau est hygrophane. Ce carac- tère n'existe parfois que sur le bord des chapeaux.
Tels sont les principaux caractères que peut présenter un chapeau de champignon. On voit qu'il y a bien des observations à faire avant de plonger les individus récoltés dans le liquide conservateur. L'énumération qui en a été faite montre, sans qu'il soit nécessaire d'insister, que beaucoup de ces caractères disparaissent dans l'alcool, et que, par conséquent, des notes descriptives s'imposent.
Mais il va sans dire que diverses autres observations peuvent être faites à tel ou tel point de vue. Plus un observateur est perspi- cace, plus il voit de choses bonnes à noter et utiles pour les déter- minations ou les descriptions '.
(.4 suivre.) L. Dufour,
Directeur adjoint du laboratoire de biologie végétale de Fontainebleau.
1. Nous espérons que bon nombre de nos correspondants voudront bien mettre en pratique ces conseils sur la récolte des champignons, et contribueront ainsi à faire connaître cette partie si intéressante et encore si ignorée de la flore de nos Colonies. Tous les échantillons envoyés au Jardin colonial dans un état suffisant et accompagnés de notes complémentaires indispensables à la détermination spécifique, seront soumis à l'étude, et le résultat en sera communiqué aux intéressés dans le plus bref délai.
L'ÉLEVAGE A LA NOUVEL! U-EDOXIE
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L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE
[Suite.)
AMÉLIORATION DES PATURAGES
Ainsi que nous le disions à la fin du chapitre III, l'une des condi- tions essentielles de l'amélioration du bétail calédonien c'est le relè- vement de la valeur nutritive des pâturages. Chacun en convient plus ou moins en Calédonie, et nous trouvons dans le Bulletin de V Union agricole calédonienne (20 décembre 1899, p. 11) : < L'abâ- tardissement des races n'a pas d'autres causes que la ruine des pâturages, par la disparition des plantes nutritives, et leur rempla- cement par le lantana, le niaouli ouïes graminées de basse qualité. L'introduction de reproducteurs de choix n'a de raison d'être que si elle est précédée d'une sérieuse modification dans les conditions de l'alimentation. »
Cette modification ne pourra s'opérer que si l'on se décide à :
1° Détruire les mauvaises herbes, question dont nous venons de nous occuper;
2° Multiplier les bonnes espèces que nous allons maintenant pas- ser en revue ;
3° Aménager le régime des eaux pour retirer tout le bénéfice pos- sible des améliorations entreprises.
Herbe du Para (Panicum molle S\v., P. barhinode Trin., P. sar- mentosum Rokb., Guadeloupense Stend. |. — C'est une graminée ori- ginaire du Brésil, vivace par ses rhizomes traçants. Elle fait mer- veille dans les terrains bas et humides, où elle produit une quantité considérable de fourrage excellent pour les vaches laitières et pour les chevaux qui reçoivent un supplément de ration de grains.
Cependant par suite des terrains particuliers qu'elle exige, cette plante n'aura jamais qu'une importance limitée, de plus les saute- relles semblent l'affectionner d'une façon toute particulière. Elle pourrait rendre des services dans les marais, où elle remplacerait avantageusement les joncs et les carex, s'il n'y avait k craindre l'embourbement du bétail attiré par cette nourriture appétissante.
Herbe de Guinée (Panicum altissimum Jacq., P. jumentorum
Pers.). — Contrairement à la précédente, qui se reproduit surtout
L'ÉLEVAGE A LA iNOLVELLE-CALÉBOME
53
par segmentation de ses rhizomes, l'herbe de Guinée se multiplie assez facilement par ses graines. On peut aussi néanmoins la répandre au moyen de ses rhizomes. Elle a l'avantage de se con- tenter de terrains moins frais que l'herbe du Para. Malheureuse- ment, elle ne résiste pas à la sécheresse et craint beaucoup les sau- terelles. C'est surtout un excellent fourrage pour les chevaux.
Voici, à titre de renseignement, la composition de ces deux four- rages, d'après M. Bonâme.
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Herbe de Greslan. — Ainsi nommée parce qu'elle a été intro- duite de Bourbon par M. de Greslan. Dans les années ordinaires, elle pousse admirablement. Mais elle a l'inconvénient de demander des terres fertiles, et de ne donner un bon fourrage que pendant une très courte période. Dès que les fleurs sont fanées, vers les mois d'avril ou de mai, la plante durcit assez rapidement, mûrit ses graines, et sa végétation paraît suspendue jusqu à l'année sui- vante. Elle est surtout précieuse à cause de sa grande précocité.
Buffalo gras (Stenotaphrum americanum Schrk., S. glabrum Trin. . — Cette plante, originaire d'Amérique et désignée encore sous le nom de Gros Chiendent, forme rapidement sur le sol un gazon épais et feutré. Elle vient dans les terres les plus pauvres de nature sablonneuse ou pierreuse. Elle peut rapidement recouvrir des roches unies d'un riche et appétissant fourrage, pourvu qu'elle puisse ça et là atteindre une crevasse, dans laquelle elle implante ses racines.
5i ÉTUDES ET MÉMOIRES
Elle se reproduit uniquement par ses rhizomes traçants, résiste bien à la sécheresse, mais craint énormément les sauterelles.
Tricholene (Tricholena Rosea). — Cette graminée, désignée par les Anglais sous le nom de red sop grass, constitue un excellent fourrage de plus de un mètre de hauteur, quand il n'est pas pâturé. Ses graines très nombreuses sont très fertiles, et les jeunes semis ne sont pas facilement étouffés par les autres plantes, ce qui est un avantage à considérer. La tricholene supporte bien la sécheresse, mais sa végétation s'arrête pendant les mois d'hiver.
Teosinte (Euchloena luxurians Dr. et Aschs., Reana luxurians Dr.j. — Cette graminée, originaire du Guatemala, est très robuste, à chaumes nombreux, de 2 à 3 mètres. Ses feuilles très abondantes et larges lui donnent l'aspect du maïs, mais à entrenœuds plus allongés.
Dans un terrain fertile elle donne un fourrage très abondant, et ne se développe bien que sous un climat chaud. Il serait peut-être avantageux de l'exploiter à la façon du maïs fourrage.
Paspalum dilatatum. — Cette graminée constitue un excellent fourrage d'hiver, et pendant cette saison elle pousse avec exhubé- rance sous les climats tropicaux des régions australes.
Elle supporte aussi bien les atmosphères chaudes et sèches. Ses graines sont très abondantes et très fertiles, ce qui facilite et assure sa multiplication. Mais comme elles sont très légères, il faudra opérer très soigneusement, lorsqu'on voudra effectuer un semis.
Toutes les plantes qui précèdent sont assurément d'excellents fourrages, se recommandant plus ou moins, suivant les situations et le but poursuivi. Mais toutes ont le défaut d'être un aliment de prédilection pour les sauterelles. Nous ne voulons certes pas, à cause de cette circonstance malheureuse, les proscrire absolument des pâturages comme l'ont voulu certaines personnes ', mais il faudra, chaque fois que la chose sera possible, donner la préférence à des fourrages délaissés par ces insectes. De ce nombre sont les plantes qui vont suivre.
1. On a remarqué ici (en Galédonie) que les sauterelles s'attaquent plus particulière- ment aux céréales et aux graminées, par contre j'ai observé qu'elles sont dédaigneuses des légumineuses. Si, tenant compte de cette préférence, des légumineuses étaient substituées par tout le monde aux graminées, tout au moins, les sauterelles ne trou- vant plus la nourriture qui leur convient devraient disparaître rapidement. M. P. Reverchon, in Bulletin de l'Union agricole calédonienne, 28 mars 1900, p. 3.
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 5*i
Sensitive (Mimosa pudica L.). — La sensitive compte certaine- ment parmi les meilleures des plantes essayées jusqu'à ce jour. Elle fait ses preuves en Nouvelle-Calédonie, et depuis déjà plusieurs années, quelques éleveurs en sèment d'assez grandes quantités. Elle supporte assez bien la sécheresse, et donne toute l'année un fourrage substantiel et abondant. Placée dans ces conditions, elle se propage naturellement avec rapidité. On lui reproche de ne pas être consommée facilement par le bétail qui en est détourné par les petits piquants que portent ses tiges adultes. Néanmoins ce n'est pas là une raison qui puisse la faire abandonner. Si les animaux sont longs à s'habituer à ce pâturage, ils s'en accommodent fort bien quand ils y ont goûté. De plus, le bétail nourri à la sensitive est toujours mieux portant, plus robuste, plus fort que celui nourri avec des graminées à grand rendement. Gela se conçoit aisément, la plante étant plus riche en éléments nutritifs.
Enfin, à toutes ses qualités remarquables, elle joint encore celle plus précieuse de ne pas être touchée par les sauterelles.
Ses graines très abondantes sembleraient assurer une dissémina- tion rapide. Cependant il faut remarquer à ce sujet que dans les semis naturels, les graines qui germent le mieux sont celles qui sont passées par le tube digestif des animaux. Peut-être est-ce parce qu'elles y ont éprouvé plus ou moins l'action des sucs digestifs à une température peu élevée, il est vrai, mais prolongée.
Dans les semis artificiels, au contraire, la germination est très irrégulière, si l'on ne prend pas la précaution de tremper les graines pendant une demi-heure environ dans de l'eau à 70°. Après cette opération, la sensitive germe en quelques jours et acquiert assez rapidement une vigueur suffisante pour lutter contre les herbes voi- sines.
Le semis ne demande qu'une préparation très sommaire du sol. Le plus simple est de la propager par touffes isolées, en profitant de l'arrachage des mauvaises herbes. L'ameublissement forcé du sol à la place de la plante enlevée suffit à la sensitive, dont on recouvrira la graine d'un ou deux centimètres de terre.
Quand elle peut trouver un support, cette plante s'élève jusqu'à lm 50 et 2 mètres. C'est alors qu'elle donne le maximum de rende- ment. Mais les plantes fourragères suffisamment vivaces et rigides sont assez difficiles à trouver, de sorte que c'est là une perfection sur laquelle il ne faut pas trop compter. D'ailleurs il n'y a aucun
56 ÉTUDES ET MÉMOIRES
intérêt bien grand à l'obtenir, le pâturage gagnerait en production, mais la garde et la poursuite du bétail deviendraient très difficiles.
Sensitive de Montravel (Desmanthus virgatus W.). — Cette mimosée a été trouvée spontanément, il y a quelques années, aux environs du camp pénitencier de Montravel, près de Nouméa.
Ses fleurs extrêmement nombreuses, en petits glomérules jaunes, sont très fertiles. Ses fruits, réunis par groupes de 3 à 6, sont des gousses de 7 à 8 centimètres de long, de 2 à 3 millimètres de large, aplaties, déhiscentes, et renfermant de petites graines noirâtres, ovoïdes, comprimées.
Par ses tiges érigées ne devenant que lentement ligneuses, ses feuilles petites et très abondantes, le Desmanthus constitue un excellent fourrage. Nous avons essayé des semis de cette plante au commencement de 1899, la levée a été parfaite, et en quelques jours le sol était absolument recouvert. Une planche abandonnée au bétail et pâturée à peu près tous les jours a fort bien résisté, mal- gré la sécheresse de 1899-1900, et malgré sa récente création. Une deuxième planche, destinée à fournir de la graine, a donné dès les six premiers mois des tiges de près de deux mètres de haut, tendres et couvertes de fleurs. Après la récolte des graines, en novembre 1899, la plante a été fauchée au ras du sol. Trois semaines plus tard, de jeunes pousses repartaient vigoureusement et annonçaient une récolte nouvelle abondante. Cette promesse a été tenue, car en février 1900, les tiges avaient déjà près de 1 mètre.
Il y a tout lieu de croire que comme les autres légumineuses le Desmanthus bénéficiera dune immunité à peu près parfaite vis-à-vis des sauterelles. Il faudra dès lors le placer même avant la vraie sen- sitive comme fourrage.
Il exige en effet des sols moins fertiles, et à cause de ses tiges éri- gées il permet d'espérer une plus forte production fourragère.
Enfin les animaux le consomment avidement, de préférence à toute autre plante.
Nous ne citerons que pour mémoire :
1° Le cactus inerme, très cultivé en Algérie et en Tunisie, intro- duit à Madagascar, et qui n'a été l'objet d'aucune tentative en Calé- donie;
2° Le sait bush des Anglais ou Atriplex nummularia, dont les essais n'ont pas donné de bien bons résultats.
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 57
Comme on le voit, ce ne sont pas les bonnes espèces qui manquent à l'éleveur pour constituer ses pâturages.
Dans les terres légères et fertiles des plaines, il pourra dévelop- per :
Le Paspalum, la Tricholène, la Sensitive, l'herbe de Greslan.
Cette dernière, la plus précoce, donnera immédiatement après les pluies un fourrage abondant, qui permettra au bétail d attendre la pousse des autres graminées. La sensitive fournira un excellent appoint pour l'engraissement déiinitif, ou bien pour parer aux effets désastreux de la sécheresse ou des sauterelles. Sur les mamelons nus, secs et arides, conserver l'herbe à piquants, la folle avoine, et muliplier les Desmanthus, le Buffalo grass.
Dans les pâturages de montagnes, on pourrait semer toutes les plantes dont nous avons parlé ; on se contentera bien entendu des meilleures et des plus vivaces. Il faudra en effet se souvenir que les pâturages de montagnes résistent moins bien au paccage que ceux de plaine. Par contre, ils sont excellents pour l'engrais ou pour la belle venue des bêtes jeunes. Il faudra les charger un peu moins en bétail que les pâturages des plaines, si on ne veut pas les ruiner rapidement.
AMÉNAGEMENT DES EAUX
Admettons que l'éleveur se soit enfin décidé à transformer ses pâturages et à planter de bonnes espèces. Il lui faut maintenant prendre les mesures nécessaires pour s'assurer le bénéfice de ses améliorations et les rendre aussi efficaces que possible ; il n'y par- viendra que s'il se résout à aménager le régime des eaux, à irriguer la plus grande surface possible.
A ce sujet, une chose qui frappe le voyageur parcourant la Nou- velle-Calédonie, c'est la disposition des anciennes cultures canaques. Les indigènes pour leurs plantations d'ignames et de taros dispo- saient le terrain en ados, rectilignes dans les parties basses et plates, semi-circulaires sur les flancs des coteaux ou dans les vallées à pente un peu rapide. Pour arroser ces plantations, ils cap- taient l'eau des sources, recueillaient l'eau des pluies au sommet et la faisaient arriver dans des rigoles superposées. Parfois l'eau était conduite fort loin de son lieu de captation, par des canaux à faible pente, généralement à ciel ouvert. Us arrivaient ainsi à irriguer des
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plantations dans des endroits très élevés, et on est surpris à bon droit de la sûreté de coup d'œil et de la précision qui ont présidé au tracé de ces conduites d'eau.
Ces rigoles existent encore un peu partout, endommagées il est vrai, mais parfaitement réparables. Le plus difficile est fait puisque le tracé peut facilement se retrouver. Il ne s'agit pas de créer, de toutes pièces, un système d'irrigation, il suffit seulement de remettre en état une organisation parfaitement établie. On trou- verait facilement, chez les Canaques, la main-d'œuvre nécessaire, de sorte que ces travaux pourraient être vite exécutés pour un prix relativement peu élevé. Grâce au rétablissement de ces conduites d'eau, une bonne moitié des pâturages pourrait être irriguée.
Il est inutile d'insister sur les avantages que procurerait une sem- blable amélioration, et on est en droit de trouver étrange qu'elle ne soit pas encore réalisée. La faute en est paraît-il aux sauterelles. Les propriétaires ne se soucient de faire pousser de l'herbe pour ces insectes, et c'est pourquoi ils n'en font pas pousser pour leur bétail.
Nous allons voir si ces sauterelles sont aussi coupables qu'on veut bien le dire.
CHAPITRE VII Sauterelles.
A plusieurs reprises, l'Administration de la colonie, préoccupée des ravages considérables causés par les sauterelles dans les cultures aussi bien que dans les pâturages, a essayé d'enrayer le mal. En 1896, notamment, M. A. Escande, propriétaire éleveur, alors con- seiller général, présenta sur ce sujet un rapport fort documenté dont nous allons reproduire un extrait :
<* Les sauterelles, y est-il dit. pondent une fois, peut-être deux, pendant le cours de la saison chaude, et meurent après avoir donné naissance à une génération qui, ayant à lutter contre le froid et toutes les intempéries de la mauvaise saison, se trouvera de beaucoup réduite. Cela est si sensible, qu'elles semblent dispa- raître depuis le mois de juin jusqu'au mois de septembre.
« A cette époque, les volées immenses qui couvraient des kilo- mètres quelques mois avant, ne sont plus que de petites « colo- nées » très divisées qu'il est possible de surveiller sur de petits
l'élevage a la nouvelle-calédome 59
espaces. Il faudrait dès lors préparer la destruction générale qu demandera peu de temps, si elle est opérée avec méthode et simultanéité. De cette dernière condition dépendra beaucoup la réussite. »
J'ai dit qu'en septembre les sauterelles ne forment plus que quelques colonées affaiblies, destinées à disparaître après la ponte ; cette ponte a lieu ordinairement sur les terres les plus dénudées, où l'action directe du soleil favorisera l'éclosion. Les œufs forment une grappe, qui, après 11) à 20 jours d'incubation, produit de 80 à 120 petits. D'abord blancs et de la grosseur d'une fourmi ils deviennent au second jour absolument noirs et trois fois plus gros.
Pendant cette période, les petits insectes se réunissent vers quatre heures du soir et jusqu'à sept heures du matin en un groupe com- pacte, olfrant sur le sol l'apparence d'une large tache noire de forme ronde, dont le diamètre varie de 1 mètre à 20 mètres, jamais plus.
Après que le soleil a séché la. rosée matinale, la tache semble se dilater en tous sens, décuplant de surface et se déplaçant sur un parcours journalier qui n'est pas supérieur à 200 ou 300 mètres.
Le soir, nouvelle réunion en groupe serré, et toujours sur un lieu dénudé, ce qui le rend visible à une assez grande distance, l'herbe comme brûlée sur le parcours est encore une indication utile à la recherche.
Cet état de choses dure 7 à 8 jours, et l'on comprend qu'un petit nombre d'hommes puisse alors détruire facilement les sauterelles pendant les heures de groupement.
On comprendra toute l'importance de la destruction pendant cette période de huit jours, lorsqu'on saura qu'une tache qui avait 10 mètres de diamètre au troisième jour, en aura au moins 30 au huitième et 1 00 au quinzième, pour donner deux mois plus tard un volume brassant plus d'un kilomètre carré.
Du huitième au onzième jour, par conséquent finit la période où la destruction est certaine et facile avec peu de monde.
La sauterelle de la grosseur d'une mouche a déjà mis une bor- dure jaune à sa robe noire, ses pattes postérieures forment déjà res- sort, lui permettant un parcours de plus d'un kilomètre par jour. Le groupement du soir, qui offrait l'aspect d'une tache arrondie et noire, devient une tache brune de plus en plus irrégulière, et dont 1 étendue doublera presque chaque jour, jusqu'à la pousse des
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ailes. Le groupement est moins serré, les insectes grimpant sur les rochers et les broussailles, où il devient difficile de les atteindre avec le feu, et impossible de les détruire à coups de branches. Cependant le piège cypriote et les fossés algériens peuvent huit jours encore donner de bons résultats.
Au lieu d'attaquer les acridiens pendant le groupement, il faut au contraire attendre qu'ils se soient mis en marche, sous la forme d une colonne longue et serrée, qui suit toujours une direction à peu près constante. Il s'agit de placer les pièges et les fossés en avant de la ligne suivie par les sauterelles, de façon à les y amonceler et à les détruire en tas.
Après le quinzième jour, l'insecte est de la grosseur d'un gril- lon, sa couleur est jaune. Il occupe une très grande surface de ter- rain, et sa vitalité, son agilité lui permettent de défier tout moyen de destruction en masse. La quantité qu'on pourrait alors détruire ne serait qu'une faible proportion, et ne compenserait pas les dépenses occasionnées. Il n'y a plus alors qu'à attendre une nou- velle génération.
Il ressort de ces observations que la chasse n'est profitable que pendant les 12 à 15 jours qui suivent les éclosions, qu'elle est sur- tout avantageuse après les premières éclosions qui suivent la sai- son froide, c'est-à-dire de septembre à novembre.
Les sommes considérables employées sans succès viennent beaucoup de ce qu'on n'a pas tenu compte de ces deux points importants.
Mode d'opérer. — L'opération doit se faire pendant le groupe- ment de la tache, le matin depuis le petit jour, jusqu'à huit heures, jamais plus tard.
Dès que les sauterelles se sont séparées pour manger, elles prennent trop d'espace. De huit heures à quatre heures du soir, les hommes doivent employer leur temps à préparer des herbes sèches, des feuilles de bois de fer, de l'écorce de niaouli, et attendre que les sauterelles se soient à nouveau bien groupées en un tas formant la tache noire.
« Se bien garder de les poursuivre et de les tourmenter, pendant le jour. Quand le groupement du soir est bien formé, c'est-à-dire une heure environ avant la nuit, on entoure la tache de combus- tible. On en forme un'bon tas circulaire auquel on met le feu par-
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 01
tout à la fois, et les hommes armés de perches poussent vers le centre le combustible enflammé, de manière à rétrécir de plus en plus le cercle et à ne former finalement qu'un foyer central où tout est détruit. Avoir quelques branches de feuillage pour frapper et écraser les fuyards. Ce qui a pu échapper se reformera le lende- main en une nouvelle tache sur laquelle on opérera de même.
Quand on manquera totalement de combustible, on fera à 30 ou 40 mètres de la tache un fossé de 0 m 60 de profondeur, de 0 m 50 de large et d'une longueur supérieure de 2 à 3 mètres de diamètre de la tache formant talus. Ce travail fait, les hommes, armés de branches garnies de feuilles comme un fort balai, doivent balayer les insectes dans la direction du fossé, où ils les empêchent de remonter sur l'autre bord. Quand tout est dans le fossé, on recouvre avec la terre formant talus et on écrase à coups de branches les égarées »
Tel est, dans ses grandes lignes, le rapport présenté en 1896 par M. Escaude au Conseil général de la colonie, qui s'empressa de voter une somme de 20.000 francs spécialement affectée à la des- truction des sauterelles.
Le Gouverneur, pour réglementer l'emploi de cette somme, prit un arrêté (8 mai 1896) dont voici les principales dispositions :
Article lor. — Le territoire de la Nouvelle-Calédonie sera, suivant les besoins, divisé en zones d'action pour la destruction des sauterelles. Ces zones seront d'autant plus petites que la population y sera moins dense et la surveillance plus difficile, autant que pos- sible leur étendue ne devra pas excéder 25 kilomètres, sauf à proximité des centres habités et des tribus indigènes.
Art. 2. — Chaque zone sera placée sous la direction d'un chef d'action nommé par l'Administration. Ce chef sera, suivant le cas, un colon ou un fonctionnaire. Il pourra être secondé par des chefs de section qui seront, autant que possible, les chefs de sta- tions comprises dans la zone.
Art. 3. — Dès que l'apparition des sauterelles lui sera signa- lée, le chef d'action en donnera avis à la population de la zone. Dans les zones qui comprennent des tribus indigènes, il demandera à la gendarmerie de réquisitionner les Canaques en n'en prenant que le nombre strictement nécessaire, suivant l'importance des éclo- sions signalées. Si besoin est, le chef de zone fera appel à toutes les bonnes volontés.
€2 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Art. i. — Le chef de zone organisera la chasse, il fraction- nera, suivant les besoins, les forces mises en mouvement et dési- gnera les chefs de section.
Il avisera par voie télégraphique la Direction de l'Intérieur, l'Ad- ministrateur et la Gendarmerie la plus voisine de l'apparition des sauterelles. Il assurera le service des vivres du campement, enfin prendra toutes mesures utiles.
Dans chaque zone, le chef d'action rendra compte par télé- gramme à l'Administration et à la Direction de l'Intérieur, des ren- seignements qu'il aura recueillis et des résultats obtenus.
Art. 5. — Pendant la chasse :
Les indigènes auront droit aux vivres, plus 0 fr. 50 par jour. Les Européens 1 fr.
Les chefs de section 2 fr.
Les chefs de zone o fr.
Art. 6. — Celui qui signalera une première éclosion dans une zone aura droit à une prime de 10 francs, les éclosions suivantes dans la même zone et à une distance de plus de 1 kilomètre donne- ront droit à une prime de 2 francs.
Les piétonnes devront être encore dans la période où leur couleur est noire ; si elles ont acquis la couleur jaune, la prime ne sera pas allouée.
Viennent ensuite des articles indiquant le mode de paiement et la délimitation des diverses zones d'action.
Comme on le voit, les dispositions étaient fort bien prises et il semblerait qu'elles eussent dû produire d'excellents résultats.
Malheureusement, cette organisation présentait encore deux défauts :
1° Le crédit voté par le Conseil général était insuffisant pour une action d'ensemble. Cependant ce n'était pas là une difficulté insur- montable, car il aurait été possible de l'augmenter à la session sui- vante, si un premier essai avait donné de bons résultats.
2° Le défaut le plus sérieux de cette organisation, c'est que l'on comptait trop sur la bonne volonté de chacun. Ceci semble para- doxal et il paraîtrait logique au contraire que devant un fléau sem- blable, menaçant tout le monde, chacun prit à cœur d'apporter son concours à la cause commune. Les bonnes volontés en paroles,
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 63
ne manquaient certes pas. Chacun reconnaissait sans peine l'ur- gence d'une campagne énergique contre, les sauterelles. Mais beau- coup trop se contentèrent de compter sur le bon vouloir de leurs voisines lorsqu'il fallut passer des paroles aux actes. Il en résulta que sur les 20.000 francs votés par le Conseil général, 4.000 à 5.000 à peine furent dépensés. Ceux qui, prenant la chose ausérieux, travaillèrent consciencieusement dans la zone réussirent à dimi- nuer beaucoup le nombre des sauterelles, et pendant les deux ou trois années suivantes les invasions furent bien moins désastreuses. Mais dans les zones voisines on avait rien fait, et tout le travail de ceux qui étaient doués d'une vraie bonne volonté fut entrepris en pure perte.
Depuis 1896 rien n'avait été tenté à nouveau contre le fléau. Cepen- dant vers la fin de 1899 quelques personnes, justement effrayées de la multitude des sauterelles qui s'étaient montrées cette année- là dans la colonie, ont demandé des mesures énergiques. L'Adminis- tration rappela l'arrêté de 1896 en modifiant quelques questions de détail.
Cette fois les bonnes volontés efficaces ont été plus nombreuses que lors de la première tentative, et le crédit voté par le Conseil général s'est trouvé rapidement épuisé. Aussi les résultats obtenus ont été plus complets. Il ne faut pas d'ailleurs se contenter de faire cette chasse une année seulement, il faut agir surtout par des mesure d'ensemble répétées sur plusieurs générations. On n'arri- vera pas certainement à en débarrasser la colonie d'une manière absolue, mais on parviendra à atténuer le mal d'une manière bien suffisante. Il n'y aura plus alors qu'à veiller pour empêcher une nouvelle multiplication trop intense des sauterelles.
Ce serait le moment de dire quelques mots de la destruction des sauterelles par les champignons parasites, question toute d'actua- lité. Malheureusement, nous n'avons pu sur ce sujet nous procurer que de très vagues renseignements que nous transcrivons in Revue des cultures Coloniales, n° 45, p. 63.
« Le locust jungus du laboratoire bactériologique de Grahams- towm a été cette année (1899) essayé contre des criquets par des agents du gouvernement allemand, à Dar es Salam et au Kilimand- jaro, dans le premier cas il y eut échec, dans le deuxième cas au contraire un merveilleux succès. Il a été décidé de multiplier les expériences, et à cet effet 100 tubes de cultures pures de ce champi-
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gnon destructeur ont été demandés au laboratoire de Grahamstown.
D'autre part, dans le Bulletin n° 53 (janvier 1901) de l'Union Agricole calédonienne, nous trouvons les renseignements suivants extraits du Bulletin hebdomadaire du service des renseignements généraux de l'Algérie.
La colonie du Gap, de même que l'Algérie, est souvent désolée par les sauterelles.
Pour combattre ce fléau, l'Institut bactériologique de Grahams- town, après avoir essayé différents parasites des sauterelles, prépare maintenant des cultures d'empura, champignon parasite de ces insectes. Les résultats obtenus sont très satisfaisants.
Voici comment on opère : le contenu des tubes est délayé dans de l'eau tiède sucrée, cette eau est pulvérisée sur quelques cen- taines de sauterelles que l'on se procure facilement, surtout le soir. Les sauterelles contaminées sont ensuite lâchées et rejoignent leurs congénères sur lesquelles elles propagent le mal. Trois ou quatre jours après, on trouve sur le sol les acridiens morts et envahis par le parasite. »
Les résultats obtenus sont, paraît-il, surtout efficaces pendant la saison humide. Cela se conçoit aisément, tous ces microorganismes demandant pour se développer d'une manière intensive chaleur et humidité.
Jusqu'à ce jour rien n'a été tenté en ce sens dans la colonie. Il serait à désirer pourtant que des essais fussent entrepris. En cas d'insuccès, la perte ne serait pas grande, car des expériences sem- blables ne demandent pas de bien grands frais. En cas de nécessité, le colon et l'éleveur seraient dotés d'une arme puissante contre ce fléau.
Mais sans tenir compte de ce dernier procédé, l'éleveur calé- donien est outillé contre les sauterelles, puisqu'on lui fournit gra- tuitement la main-d'œuvre nécessaire pour les combattre, alors qu'il serait encore de son intérêt de compter pour lui-même les frais de la campagne.
Les moyens de destruction proposés dans le rapport de M. Escaude sont efficaces et ont fait leurs preuves. Il nous est donc permis de conclure que si les sauterelles sont encore considérées comme un fléau en Nouvelle-Calédonie, c'est la faute à ceux-là mêmes qui ont tant intérêt à s'en débarrasser.
(A suivre.) Lafforgue.
LA CONSERVATION DU MAIS
LA CONSERVATION DES GRAINES DE CÉRÉALES DANS LES GRENIERS ET LES SILOS
La conservation des grains de céréales a fait dans nos pays l'objet de nombreuses études : on les met soit dans des greniers, soit dans des silos. Les grains contiennent environ 14 °/0 d'humidité et 86 °/0 de matières sèches. Même à cet état de siccité, ils ne tarderaient pas à s'échauffer s'ils étaient amoncelés en gros tas. Il faut donc après battage les étaler en couches minces de 20 centimètres au plus.
On a de la place dans les greniers au moment du battage ; on doit en profiter. Au besoin, on n'hésite pas à recourir à de fréquents pelletages qui lancent le grain en l'air pour le purger de sa pous- sière et le faire sécher plus vite.
Plus les couches de grains sont minces, plutôt peut commencer le régime des tas de plus en plus gros. La hauteur maxima des tas de grains bien secs atteint parfois 60 centimètres sur les greniers solidement assis. Les tas bien faits, corrects, en ligne droite, à épaisseur régulière, conservent la qualité et la quantité. La qualité, parce qu'ils préviennent la fermentation, les échauffements ; la quantité, parce qu'ils facilitent la surveillance, le contrôle, le mesurage. L'excès d'humidité étant la principale cause d'altération des grains, le grenier doit être à l'abri de l'humidité, il doit per- mettre à l'air de circuler librement et ne doit pas être sujet aux brusques variations de température.
On a construit des greniers de formes les plus différentes et c'est une des grosses questions qui est posée aux architectes agri- coles. Souvent ces greniers sont munis d'appareils permettant de faire le pelletage mécanique du grain. Dans des expériences faites en grand, on a constaté qu'après 48 heures de mouvement il n'est plus resté que 20 charançons dans les 15 hectolitres contenus dans un de ces appareils et qui étaient infectés au début de 38.000 cha- rançons. Ces appareils permettent aussi de dessécher les grains humides en les ventilant et l'on prévient ainsi les fermentations. Bulletin du Jardin colonial. 5
66 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Dans certaines villes on a proposé de doter les halles aux grains d'un grenier conservateur où tous les entrepositaires pourraient déposer leurs grains et en assurer la bonne conservation moyennant un prix de loyer minime.
Pour apprécier le mérite de cette proposition, dit M. Pavis, il importe d'observer que les frais de conservation des grains sont fort élevés et que la meilleure conservation ne préserve pas les grains d'une certaine détérioration évaluée à5°/0 par an.
Voici la description d'un appareil construit par le Ministère de la Guerre français et qui montre bien les difficultés contre lesquelles on doit lutter pour conserver les céréales :
Sous le nom de greniers Huart, la Commission supérieure du Ministère de la Guerre a adopté pour l'approvisionnement de la manu- tention militaire de Paris, d'immenses magasins en tôle, hermétique- ment clos et divisés en 24 ou 28 cases prismatiques. Ces espèces de réservoirs offrent une section de 1 1 mètres environ sur 1 5 mètres de hauteur. Leur capacité est de 1.700 hectolitres et l'ensemble de leurs compartiments, au nombre de 52, peut contenir environ 60.000 quintaux métriques.
Le fonds de ces compartiments est constitué par des barres de fer posées sur leur arête, de manière que la masse du grain ne puisse s'écouler que lentement et en éprouvant une sorte de mouvement complexe qui communique une certaine agitation à toute la masse.
Lorsqu'on ouvre la trémie inférieure, ce mouvement est encore plus marqué et contribue beaucoup à débarrasser le grain de toutes ses impuretés végétales ou animales.
Quand le grain, après avoir successivement traversé un certain nombre de ces compartiments, est arrivé dans la case inférieure, il est repoussé par une vis sans fin, dans un réservoir où viennent puiser des chaînes à godets, qui le remettent à la partie supérieure de l'appareil, où il recommence la série des voyages, de sorte qu'il est criblé et ventilé en même temps avec une énergie qu'il faut pro- portionner à son degré d'impureté ou d'avarie.
L'économie ainsi réalisée est en moyenne de 29 °/0 sur le pelletage à bras d'hommes.
Le général de Marçay a fait construire un grenier glacière ; les alucites et les charançons ne pouvant se multiplier si la tempéra- ture est constamment inférieure à 10°.
A côté des greniers, on se sert aussi de silos pour conserver les
LA CONSERVATION DU MAÏS 67
grains, ou bien on place des récipients dans des souterrains ou des caves dont la température ne dépasse jamais de 10 à 12°; de cette façon, on soustrait le grain aux influences dune température trop élevée, qui favorise la fermentation de la masse.
M. Moreau, capitaine du génie, s'est appliquée à traiter dans un mémoire des plus intéressants la question de la conservation des céréales dans les silos.
Après avoir indiqué que pour subvenir à l'approvisionnement nécessaire à l'alimentation de 200.000 hommes, on doit ordinaire- ment avoir un approvisionnement de 450.000 quintaux métriques de céréales qui, étendues sur des planchers à une hauteur de 60 cen- timètres, occupent une surface de 120.000 mètres carrés, ce qui équivaut à l'espace nécessaire au logement de 20.000 hommes ; après avoir appelé l'attention sur les dépenses qui incombent au mode de conservation en usage et sur les vices qui l'accompagnent, et après avoir mis en évidence l'embarras dans lequel se trouve le gouvernement lorsqu'il s'agit de répondre à des circonstances de guerre qui mettent dans l'obligation de faire des approvisionnements considérables sur des points déterminés. M. Moreau rappelle les tentatives qui ont été faites dans le but de remettre en usage les silos, et montre l'avantage qu'il y aurait à adopter les silos pour la guerre et la marine.
M. le Dr Louvet a eu recours au vide pour assurer la conservation des grains dans ses appareils. Il compte que son procédé ne coûte- rait pas plus de 50 à 90 centimes par hectolitre et par an.
A l'heure actuelle, dans les greniers ou magasins ordinaires, il faut compter que la conservation des grains coûte une moyenne de deux francs par hectolitre.
EMPLOI D AGENTS CHIMIQUES POUR LA CONSERVATION DU MAIS
Dans le travail de MM. Belfort de la Roque et Albert Larbalé- trier que nous avons déjà cité, nous trouvons la phrase suivante :
« Au lieu de laisser l'air atmosphérique dans les récipients et de « favoriser par ce seul fait le développement des végétations crypto- « gamiques, ne pourrait-on pas remplacer économiquement cet air « par un gaz inerte qui maintiendrait tous les germes nuisibles,
68 ÉTUDES ET MÉMOIRES
« dans un état d'engourdissement complet. 11 sera facile d'employer « pour cet usage l'azote, le gaz acide carbonique, ou mieux encore h le gaz sulfureux, dont la présence empêcherait l'éclosion ou l'épa- « nouissement des productions organiques ou végétales. »
Jean-Baptiste Dumas, le grand chimiste, s'est occupé de la ques- tion, il a préconisé l'emploi du sulfo-carhonate de soude ou de potasse. Ce n'est autre chose que le mélange de sulfure de carbone avec une base, ce qui a pour but de rendre l'emploi de cet agent délétère et volatile beaucoup plus commode. On a recommandé les vapeurs de gaz anesthésiques, la fumée de tabac, les vapeurs d'es- sence de thérébentine, l'oxyde de carbone et le sulfure de carbone, la naphtaline.
Contre les calandres, on a proposé de pelleter vivement les tas de grains, deux fois toutes les 2i heures ; les calandres troublés dans leur repos finissent par émigrer. Ce moyen n'est jamais bien effi- cace, car à moins de continuer l'opération du pelletage tous les jours, les calandres finissent toujours par revenir.
Dans certains pays on enferme des bergeronnettes dans les greniers. Ces oiseaux mangent les insectes. L'exposition subite des grains à une température de 50° fait périr les insectes, sans diminuer, dit-on, la qualité des grains. On a préconisé l'arrosage des grains avec le jus de tabac, les frictions à l'ail ou à l'oignon sur les murs et parquets des greniers. Un autre a proposé de décompo- ser un sel ammoniacal en lui faisant dégager des vapeurs de gaz ammoniaque.
Enfin, M. Darcey a parlé de l'emploi du gaz sulfureux.
La multiplicité des procédés employés montre qu'aucun d'eux n'est véritablement efficace ou pratique et que cependant la question a été étudiée par de nombreux expérimentateurs.
A bord des navires sur lesquels on transporte les grains, les pré- cautions sont encore plus difficiles à appliquer que sur terre. Le gaz sulfureux a été recommandé par plusieurs et semble avoir donné de bons résultats, mais comme toujours c'est la difficulté de se le pro- curer, les craintes d'incendie qu'il fait naître lorsqu'on fait brûler du soufre dans les greniers qui, très probablement;, n'a pas permis de généraliser son emploi.
Peut-être aussi a-t-on comme toujours confondu l'action conser- vatrice donnée par le gaz sulfureux de différentes provenances, et
LA CONSERVATION DU MAÏS 69
alors les résultats n'ont pas toujours été les mêmes. Nous savons aujourd'hui, en eiïet, que le gaz sulfureux n'a pas la même efficacité suivant sa provenance.
M. le Dr Calmette a montré que 4 °/0 de gaz sulfureux Clayton suffisent pour détruire le germe de la fièvre typhoïde, alors que 22 °/0 de gaz sulfureux Pictet n'arrive pas au même résultat.
Le premier contient des produits sulfureux peroxygénés.
Le second est de l'acide sulfureux pur provenant du gaz liquéfié.
Nous avions déjà démontré l'existence d'une action analogue en comparant le gaz Clayton et le gaz Pictet pour la destruction des rats : il faut une proportion plus considérable de gaz sulfureux pur de Pictet pour détruire ces rongeurs que lorsqu'on se sert du gaz sulfureux Clayton (Langlois et Loir, Revue d'hygiène, mai 4902).
Lorsqu'on parle d'expériences sur l'action de l'acide sulfureux, il faut donc toujours préciser si l'on s'est servi du gaz sulfureux pur Pictet, du gaz sulfureux produit par la combustion du sulfure de carbone, du gaz sulfureux Clayton, ou du gaz sulfureux produit par la combustion du soufre à l'air libre, ce qui augmente la tempéra- ture de la chambre dans laquelle se fait la combustion et ne permet pas d'obtenir un fort pourcentage de gaz sulfureux.
APPLICATION DU GAZ CLAYTON A LA CONSERVATION DU BIAIS
Nous avons eu l'idée d'appliquer l'action du gaz Clayton à la conservation du maïs, à la suite des observations et des expé- riences suivantes :
Le service sanitaire maritime français a employé à Dunkerque, à partir du mois de septembre 1902, un appareil Clayton pour la désinfection des bateaux venant des pays contaminés de peste. Cette désinfection se faisait en laissant tout le chargement à bord.
40 navires chargés de tous les produits possibles ont été ainsi désinfectés l'année dernière sans qu'il y ait eu une seule réclama- tion de la part des amateurs ou des chargeurs.
10.000 kilos de grains de maïs se trouvaient à bord de ces bateaux. Ils ont été débarqués en bon état de conservation et n'avaient pas subi la moindre altération du fait de la désinfection.
Certains de ces essais ont été consignés dans un rapport signé par le professeur Proust et le docteur Faivre, inspecteurs généraux
70 ÉTUDES ET MÉMOIRES
des Services sanitaires, et adressé au ministre de l'Intérieur à la date du 15 novembre 1902.
Sur l'un de ces navires, M. le Dr Calmette a fait des recherches bactériologiques et a montré que les microbes de la peste, du cho- léra, de la fièvre typhoïde, de la dyphtérie, le staphilocoque, etc., sont détruits par ces désinfections pratiques faites par le Service sanitaire.
Nous avons eu l'occasion de suivre plusieurs désinfections opé- rées au moyen de l'appareil Clayton à Londres, à Dunkerque et à Dieppe, et chaque fois nous avons vu débarquer des grains de céréales et en particulier de maïs.
Nous avions déjà signalé, dans un article publié par la Revue géné- rale des Sciences, en 1901, le fait que les graines de céréales ne sont pas altérées par une désinfection par le gaz Clayton, et nous avons indiqué ensuite que l'orge reste propre à malter après avoir été sou- mis à l'action de ce gaz '.
Nous avons pensé que l'appareil Clayton pouvait servir à conser- ver les grains de maïs dans nos pays et les empêcher de subir les différentes altérations qui rendent fort aléatoire l'exportation de ces grains des pays de production.
Nous savons par nos expériences que la gaz Clayton pénètre et diffuse très facilement et profondément. Nous nous sommes assuré qu'il s'infiltre parfaitement dans les caisses fermées, en quantité suf- fisante pour détruire les microbes sur lesquels M. Calmette avait fait ses expériences. Il suffit simplement de placer la caisse qui con- tient les germes desséchés de la peste, du choléra, de la fièvre typhoïde, de staphilocoque dans une chambre dans laquelle on maintient pendant 1 heure 1/4, 5 °/0 de gaz Clayton. Ces expériences ont été faites devant nous par le Département national d'hygiène de la République Argentine pendant notre séjour à Buenos- Ayres, à bord de VAbergeldie. Le gaz Clayton pénètre facilement et en quantité suffisante à l'intérieur d'un tas de charbon, mis dans une cale, pour y éteindre un incendie ; il arrive au centre d'un tas de maïs de plusieurs mètres cubes, lorsque ce maïs est placé dans une cale où l'on maintient un pourcentage de 5 °/0 pendant 2 heures.
M. le Dr Calmette s'est servi du reste de la pénétration plus ou
L. La destruction des rats à bord des bateaux, par MM. Langlois et Loir (Revue d'hy- gièneet depolice sanitaire, 1902, n° 5).
LA CONSERVATION DU MAIS 71
moins grande du gaz dans un tube rempli de sable pour mesurer la quantité de gaz contenu dans un espace clos (Voir Revue d'hy- yiène).
ACTION DU GAZ CLAYTON SUR LES GRAINS DE MAÏS
Les grains de maïs soumis pendant 2 heures à l'action du gaz Clayton, semés dans divers bouillons de culture, ne donnent lieu à aucune pullulation de microbes, alors que les témoins mis dans les mêmes milieux donnent des cultures abondantes de divers orga- nismes. La surface des grains est donc stérilisée par le gaz.
Des grains de maïs humides conservés pendant un mois dans un sac sont trouvés altérés, tandis qu'un sac des mêmes grains soumis à l'action du gaz sulfureux et conservé dans les mêmes conditions est toujours en bon état de conservation après plus de deux mois.
Le grain ainsi soumis à l'action du gaz Clayton est-il altéré?
Est-il atteint dans ses propriétés germinatives ?
Pour répondre à ces questions, nous avons fait les expériences suivantes à l'Institut Pasteur, dans le laboratoire de chimie agricole dirigé par M. Mazé :
40 grains de blé, 40 — de maïs, 40 — de colza, 40 — de lin,
pris dans des échantillons, exposés 2 heures à un gaz de 4 °/0, sont semés dans du sable de Fontainebleau mouillé, tous poussent aussi bien que les témoins.
Des grains de maïs exposés pendant 2 heures à un gaz de 8 °/0 poussent mieux les premiers jours que les témoins, et à la fin de l'expérience ils poussent de la même façon ; les qualités germina- tives ne sont donc pas altérées.
Si le grain exposé au gaz pousse mieux dans les premiers jours que les témoins, cela tient peut-être à ce fait que le grain est légè- rement desséché par l'action du gaz, et on sait que les grains dessé- chés poussent plus rapidement que les grains qui ne le sont pas.
Le gaz arrive froid dans l'espace à désinfecter. Pas de condensa- tion sur les parois froides, et l'anhydride sulfurique absorbe l'eau qui
72 ÉTUDES ET HÉMOIRES
se trouve dans la salle. On constate cette action de dessèchement dans les tubes à essais, dans lesquels on a mis de petites quantités d'eau, et aussi sur les peaux de bœufs et de moutons fraîches et humides, qui sont rapidement desséchées lorsqu'elles sont mainte- nues dans l'atmosphère du gaz Clayton.
L'action du gaz sulfureux a été essayée à Buenos-Avres sur du maïs qui fut ensuite exporté en Europe ; voici le résultat de divers essais :
Au mois de juin, 100 sacs de maïs jaune humide, non exportable, pesant 8.09 1 kilos, arrivent en bon état de conservation sur le mar- ché de Barcelone où ils sont vendus. Ce maïs n'a pas fermenté et n'a pas perdu sa couleur naturelle.
D'autres lots de maïs de couleur jaune humide, avec principe de putréfaction : de 140 sacs pesant 10.744 kilos, de 100 sacs pesant 7.811 kilos, de 150 sacs pesant 1 1.815 kilos, de 100 sacs pesant 8.176 kilos, arrivent en bon état sur les marchés, soit d'Anvers, soit de Hambourg-.
Au mois de juillet, 907 kilos de mais roux humide sont conservés à Buenos-Ayres, et après 26 jours l'expert constate que malgré les mauvaises conditions dans lesquelles se trouvait ce maïs au moment de l'expérience, la fermentation ne s'est pas produite.
DESTRUCTION DES INSECTES TROUVÉS DANS LE MAÏS
Nous avons indiqué que le gaz Clayton pénètre facilement dans les termitières et détruit les termites et les larves de ces insectes ' . M. Fleutiaux, entomologiste du Jardin colonial, a publié dans V Agri- culture pratique des pays chauds, en juin 1902, que les insectes sont détruits lorsqu'ils sont exposés à l'action du gaz Clayon pen- dant une demi-heure. Les insectes sur lesquels il a fait ses expé- riences étaient :
1° Grains de riz décortiqué, dévastés par la Calandra Orvzae;
2° Racines de taro mangées par 2 espèces de Dimoderus (coléop- tères) ;
3° Blattes adultes et en bas âge habitant les serres du Jardin colonial ;
1. Loir, Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 25 mai 1903. Des- truction des termites.
LA CONSERVATION DU MAIS
73
4° Orthomorpha gracilis rnyriapode trouvé également dans les serres.
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Les insectes et leurs larves sont tous morts, et une observation de plus de deux mois lui permet d'affirmer que les œufs ont été également détruits.
74
ETUDES ET MÉMOIRES
D'après nos expériences, le pourcentage de 3 °/0 de gaz Clayton maintenu pendant 10 minutes dans l'atmosphère d'une chambre est suffisant pour débarrasser les maïs des charançons et des larves d'alucites.
Pour détrutre le Tribolium ferrugineum, il faut deux ou trois minutes de plus. Cet insecte nous paraît un peu plus résistant.
Toutes ces expériences faites en petit avec le gaz sulfureux ten- daient à démontrer que la conservation du maïs était réalisable, il
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Fig. 11..— Schéma du fonctionnement de l'appareil Clayton.
restait à voir si la chose pouvait se faire en grand au moyen de l'appareil Clayton, installé à bord d'un bateau, sans faire passer le grain par un laboratoire, c'est-à-dire sans compliquer les opérations déjà si onéreuses du chargement d'un navire.
EXPÉRIENCE DE CONSERVATION DU MAÏS DE BUENOS-AYRES EN EUROPE
AU MOYEN DU GAZ CLAYTON
L'occasion de faire une expérience en grand nous fut fournie à la fin d'octobre dernier, la Compagnie du gaz Clayton nous offrait à cette époque d'aller dans l'Amérique du Sud faire un essai sur le chargement de maïs qui devait être embarqué à bord du cargo boat
LA CONSERVATION DU MAIS
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76 ÉTUDES ET MÉMOIRES
VAbergeldie, grand navire de 6.000 tonnes, qui devait prendre le grain à Buenos-Ayres pour le transporter à Anvers et à Londres. Nous devions retrouver ce bateau dans la République Argentine et suivre, pendant le voyage de retour, l'action du gaz que Ton devait lancer dans les cales.
VAbergeldie est muni d'un appareil Clayton depuis plus d'un an; l'appareil est placé dans la salle des machines et les tuyaux sont à demeure sous le pont et vont dans chacune des i cales, de façon à pouvoir lancer le gaz dans chacune d'elles et lutter contre les commencements d'incendie qui peuvent se déclarer à bord ; le tuyau d'amenée du gaz dans les cales de VAbergeldie va jusqu'à la partie inférieure de la cale, et le tuyau qui ramène l'air de la cale à l'appareil a son ouverture à la partie supérieure de la même cale.
L'appareil se compose d'un demi-cylindre de 1'" oO de long- et d'environ 1 mètre de diamètre à l'intérieur duquel on brûle du soufre. Un ventilateur permet, à l'aide d'un tuyau, d'aller dans les cales y puiser de l'air : un autre tuyau est destiné à ramener dans la cale l'air qui vient de passer dans l'appareil, de sorte qu'un courant d air s'établit et que l'air de la cale se trouve brassé à mesure qu'il se charge de gaz. Ce gaz, qui n'est pas obtenu simple- ment en laissant brûler le soufre par lui-même, mais en activant la combustion au moyen d'un courant d'air, contient du gaz sulfureux et aussi, grâce à la haute température à laquelle se produit cette com- bustion, d'autres produits d'oxydation du soufre. Le procédé Clay- ton, qui, croyait-on au début, produit la désinfection par suite de la présence de gaz sulfureux seulement, contient donc d'autres corps chimiques, produits proxygénés du soufre, qui ne sont pas encore bien définis, mais dont l'action s'ajoute à celle du gaz sul- fureux et la rend plus rapide et plus efficace. Voilà pourquoi on a dû lui donner un nouveau nom, celui de « gaz Clayton ».
Avant d'être envoyé dans le local à désinfecter, le gaz passe dans un refroidisseur, si bien qu'il arrive froid dans la cale, aussi ne se produit-il pas de condensation, comme la chose se voit lorsque l'on brûle du soufre dans un espace confiné, et voilà pourquoi, avec ce procédé, ni les marchandises, ni les parties métalliques ne sont abî- mées.
VAbergeldie est divisée en 4 cales suffisamment étanches pour que le gaz sulfureux lancé dans l'une d'elles ne passe pas dans l'autre.
LA CONSERVATION DU MAÏS 77
Environ 2.000 tonnes de maïs se trouvaient dans la cale n° 3 dans laquelle nous devions lancer le gaz Clayton. Les autres cales res- taient comme témoins et nous ne devions pas y lancer le gaz.
La cale n" 3 contenait du maïs de bonne qualité, du maïs de qua- lité movenne, et enfin environ 200 tonnes de maïs de fort mauvaise qualité pour lesquels un expert en maïs, consulté, refusa de donner un certificat d'exportation.
Le voyage de Buenos-Ayres à Anvers fut d'une durée de 33 jours. Le gaz Clayton fut lancé dans la cale n° 3, une première fois 2 jours après le départ. Les manches d'aération de la cale avaient été fermées; le gaz fut lancé de 9 heures du matin jusqu'à midi. L'analyse donne à ce moment 4 °/0 de gaz sulfureux. On recom- mence la même opération 3 fois à trois jours d'intervalle. Le ving- tième jour de la traversée, on pénètre dans cette cale 3 et on trouve des charançons et des palomitas morts en grande quantité à la sur- face des sacs. En ouvrant les grains qui paraissent attaqués par ces insectes, on constate la mort de ceux qui ne sont pas sortis pour mourir à l'extérieur, ils ont été tués dans le grain.
Les grains semés dans du sable germent dans la proportion de
Les grains témoins conservés dans notre cabine donnent à peu près la même quantité de grains germes : 93 °/0.
La température de cette cale s'est toujours maintenue à environ 30° centigrades même en passant l'Equateur, tandis que la tempéra- ture prise dans les autres cales montait jusqu'à 38°.
Le gaz a été lancé sans jamais incommoder l'équipage, aucun insecte ne s'est montré à l'entrée du ventilateur de la cale 3 lors- qu'on les ouvrait, tandis que pendant toute la traversée on a vu des quantités de palomitas sortir des autres cales, et ces insectes venaient en grand nombre dans nos cabines.
A aucune époque l'odeur venant de la cale 3 n'a été mauvaise, tan- dis que l'odeur qui se dégageait des autres cales était fade et désa- gréable.
En arrivant à Anvers, au bout de 33 jours de traversée, on con- stata, en ouvrant la cale 3, que les sacs étaient en bon état, pas de condensation sur les parois supérieurs de la cale ; les paillassons qui servent à isoler les sacs des parois de la cale ne sont pas pourris et ont conservé leur couleur primitive. Le maïs dans les sacs n'est pas chaud, il est tiède à la main. En un point, un peu d'eau est tombée
78
ÉTUDES ET MÉMOIRES
du pont, un sac est é ventre. et une centaine de grains de mais sont là qui ont germé, comme pour bien montrer que les qualités germi- natives ne sont pas altérées. Le grain de cette cale doit être déchargé à Londres.
Une des autres cales dont le maïs a été déchargé à Anvers a pré- senté un léger nuage de vapeur d'eau à l'ouverture, de l'eau de con- densation à la partie supérieure, les sacs sont mouillés et plusieurs sont pourris, les paillassons sont pourris. Quelques sacs contiennent du maïs fermenté, gluant; il sent en même temps la putréfaction et la fermentation alcoolique.
D'autres grains présentent à la surface des moisissures; la tempé- rature dans les sacs est plus élevée que celle qui a été trouvée dans les sacs provenant de la cale n° 3. Ce maïs était au départ de Buenos- Avres meilleur que celui mis dans la cale où nous avons lancé le gaz Glavton : ce grain du reste n'est pas en mauvais état, les experts l'acceptent et le laissent débarquer comme du grain normal, ils ont l'habitude de voir des chargements dans un état bien plus déplorable.
Le maïs contenu dans notre cale d'expériences a été déchargé 8 jours après à Londres. Les experts le trouvèrent en meilleur état que le maïs conservé dans les cales où nous n'avions pas lancé le gaz et aueune plainte n'a été faite au sujet de l'action du gaz sur le maïs.
Nous pouvons donc conclure que le gaz Clayton, employé à bord des navires qui font le transport des maïs de l'Argentine en Europe, détruit les charançons et autres insectes qui mangent le grain et empêche en même temps réchauffement de ce maïs.
APPLICATION DU GAZ CLAYTON A LA CONSERVATION DU RIZ
Depuis notre retour, M. Dybowski nous a communiqué une lettre écrite par une grande maison française qui s'occupe du com- merce du riz dans une de nos colonies. Ce correspondant du Jardin colonial se plaignait de ne pouvoir conserver le riz plus de trois mois dans les magasins. L'échantillon soumis à M. Dvbowski con- naît le même charançon que celui qui se trouvait dans nos maïs. Cet insecte a été déterminé par M. Fleutiaux. Nous avons alors fait
LA CONSERVATION DU MAIS
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venir du Jardin colonial un appareil Clayton sur roues et nous avons fait des essais pour voir l'action du gaz Clayton sur le maïs, dans
Appareil Clayton qui nous a servi pour la destruction des termites dans les pays tropicaux et pour les expé- riences de conservation du riz au Jardin colonial.
ces différents états. Au dire des personnes compétentes qui, avec nous, viennent de suivre ces expériences, ce riz n'est absolument pas altéré par l'action du g-az. Voilà donc une application du pro- cédé qu'il serait intéressant de tenter sur une grande échelle.
78 ÉTUDES ET MÉMOIRES
du pont, un sac est éventré.et une centaine de grains de mais sont là qui ont germé, comme pour bien montrer que les qualités germi- natives ne sont pas altérées. Le grain de cette cale doit être déchargé à Londres.
Une des autres cales dont le maïs a été décharg-é à Anvers a pré- senté un léger nuage de vapeur d'eau à l'ouverture, de l'eau de con- densation à la partie supérieure, les sacs sont mouillés et plusieurs sont pourris, les paillassons sont pourris. Quelques sacs contiennent du maïs fermenté, gluant; il sent en même temps la putréfaction et la fermentation alcoolique.
D'autres grains présentent à la surface des moisissures; la tempé- rature dans les sacs est plus élevée que celle qui a été trouvée dans les sacs provenant de la cale n° 3. Ce maïs était au départ de Buenos- Ayres meilleur que celui mis dans la cale où nous avons lancé le gaz Clayton : ce grain du reste n'est pas en mauvais état, les experts l'acceptent et le laissent débarquer comme du grain normal, ils ont l'habitude de voir des chargements dans un état bien plus déplorable.
Le maïs contenu dans notre cale d'expériences a été décharg-é 8 jours après à Londres. Les experts le trouvèrent en meilleur état que le maïs conservé dans les cales où nous n'avions pas lancé le g-az et aueune plainte n'a été faite au sujet de l'action du g-az sur le maïs.
Nous pouvons donc conclure que le g-az Clayton, employé à bord des navires qui font le transport des maïs de l'Argentine en Europe, détruit les charançons et autres insectes qui mang-ent le grain et empêche en même temps réchauffement de ce maïs.
APPLICATION DU GAZ CLAYTON A LA CONSERVATION DU RIZ
Depuis notre retour, M. Dybowski nous a communiqué une lettre écrite par une grande maison française qui s'occupe du com- merce du riz dans une de nos colonies. Ce correspondant du Jardin colonial se plaignait de ne pouvoir conserver le riz plus de trois mois dans les magasins. L'échantillon soumis à M. Dybowski con- naît le même charançon que celui qui se trouvait dans nos maïs. Cet insecte a été déterminé par M. Fleutiaux. Nous avons alors fait
LA CONSERVATION DU MAIS
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venir du Jardin colonial un appareil Clayton sur roues et nous avons fait des essais pour voir l'action du gaz Clayton sur le maïs, dans
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Appareil Clayton qui nous a servi pour la destruction des termites dans les pays tropicaux et pour les expé- riences de conservation du riz au Jardin colonial.
ces différents états. Au dire des personnes compétentes qui, avec nous, viennent de suivre ces expériences, ce riz n'est absolument pas altéré par l'action du gaz. Voilà donc une application du pro- cédé qu'il serait intéressant de tenter sur une grande échelle.
LE COTON DANS L'AFRIQUE OCCIDENTALE
(Suite.
Installation d'une ginnerie complète. — En terminant, je tiens à donner une idée du prix d'installation dune ginnerie complète com- portant le couplage d'un nombre plus ou moins grand d'égreneuses.
Les prix d'achat — soumis à l'escompte — des différentes machines sont, en effet, sujets à des rabais plus ou moins élevés faits par les maisons de vente.
l^es prix indiqués dans les installations décrites ci-dessus sont sujets à un escompte. Ils sont ceux d'une des maisons les plus avantageuses des Etats-Unis : la Gullet-Gin C° a Amite City (Louisiane).
INSTALLATION D UNE GINNERIE DE DEDX EGRENEUSES LIVRÉE EMBALLÉE A GLLLET-STATION
NOMS DES PARTIES |
60 scies |
70 scies |
80 scies |
francs 2.100 600 600 850 1.950 575 3.000 |
francs 2.450 700 700 950 1.980 600 3.000 |
francs 2.800 800 800 1.050 2.175 650 3.000 |
|
Deux alimentateurs automatiques.. Une batterie de condenseurs con- duits d'alimentation |
|||
Système de récolteurs de coton.. . . Elévateur et distributeur de coton. |
|||
Totai |
|||
9.675 |
10.380 |
11.275 |
|
Poms total : 9 tonnes 1 2 |
LE COTON DANS L AFRIQUE OCCIDENTALE
81
INSTALLATION D'UNE GINNER1E DE 4 ÉGRENEUSES LIVRÉE EMBALLÉE A GULLET-STATION
NOMS DES PARTIES |
60 scies |
70 scies |
80 scies |
|
francs 4.200 1.200 l . 200 1.550 825 2.750 3 . 000 |
francs 4.900 1 . 400 1.400 » 850 2.800 3.000 |
francs 5.600 1.600 1.600 » 900 3.190 3.000 |
||
Une batterie de condenseurs con- duits d'alimentation |
||||
Système de récolteurs de coton.. . . |
||||
Elévateur et distributeur de coton. Totai |
||||
14.725 |
16.100 |
17.840 i |
||
Poids total : 12 tonnes 1/2 |
INSTALLATION DUNE GINNER1E DE 6 ÉGRENEUSES LIVRÉE EMBALLÉE A GULLET-STATION
NOMS DES PARTIES |
60 scies |
70 scies |
80 scies |
|
francs 6.300 1.800 1.800 2.250 1.075 4.150 4.375 |
francs 7.350 2.100 4.100 2.550 1.100 4.200 4.375 |
francs 8.400 2.400 2.400 2 . 850 1.125 4.250 4.375 |
||
Une batterie de condenseurs con- duits d'alimentation Système de récolteurs de coton . . . Convoyeurs des graines |
||||
Elévateur et distributeur de coton. • Presse double rotalive à action |
||||
Total |
||||
21.750 |
23.775 |
25.800 |
||
Poids total : 16 tonnes |
La force motrice nécessaire pour actionner les égreneuses est en moyenne de 1 cheval vapeur pour 10 scies.
Une égreneuse de 80 scies exigera donc une force motrice de 8 chevaux vapeurs.
La quantité de coton égrené varie avec bien des facteurs, parmi Bulletin du Jardin colonial. 6
82
ÉTUDES ET MÉMOIRES
lesquels il faut citer : la sorte de coton, son état plus ou moins propre, la vitesse des scies et 1 habileté de l'usinier dans le réglage des pièces travaillantes.
Dans les conditions ordinaires, on peut compter que dix scies peuvent égrener une balle de 210 kilos par journée de 10 heures, ou, plus simplement, une scie produit 2 kil. 100 de coton égrené à l'heure.
Cette production peut évidemment être considérablement augmen- tée par la vitesse des scies, mais ce serait aux dépens de la qualité des fibres.
En résumé, le coton produit dans les deux centres les plus impor- tants de production : l'Amérique et l'Egypte, appartient à deux caté- gories bien distinctes : courtes-soies et longues-soies.
On a inauguré pour leur travail deux types également bien tran- chés de machines : le type à rouleaux pour les longues-soies, le type à scies pour les courtes-soies.
Ce sont les seuls réellement bien répandus et donnant d'excellents résultats.
A l'heure actuelle, c'est le second type, celui à scies, qui nous intéresse tout particulièrement, et dont l'essai devra être tenté le plus tôt possible.
Cela n'empêchera certes pas de tenter à nouveau l'utilisation du type à rouleau et à deux batteurs déjà essayé sans succès à Kayes.
Peut-être que les améliorations qu'on lui a apportées récemment lui permettront d'eiïectuer un bon travail, ce qui serait certaine- ment à désirer, mais ce qui est douteux.
QUATRIEME PARTIE
CONSIDÉRATIONS COMMERCIALES
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Nous sommes donc maintenant à même d'apprécier et de modi- fier les divers éléments de la production du coton. Que la mar- chandise provienne de la culture indigène ou de la cultare directe, elle est prête pour la vente et nous devons nous occuper de son évacuation sur les marchés français. Nous avons reconnu dans l'étude de cette question deux centres cotonniers d'importance
LE COTOM DANS L AFRIQUE OCCIDENTALE
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immédiate, le bassin supérieur du Niger, de Kouroussa à Mopti, et le Haut Dahomey.
1° Dahomey. — Il est incontestable que le Dahomey, toutes con- ditions culturales égales d'ailleurs, l'emporte sur le milieu nigérien au point de vue des facilités d'écoulement.
C'est une colonie relativement pauvre en caoutchouc ; mais par contre, deux produits naturels de première importance peuvent par la suite lui donner une prospérité remarquable et très stable ; je veux parler du coton et du Karité.
De par leur nature, ces deux produits peuvent constituer une véritable rente, dont le capital esta l'abri d'une exploitation incon- sidérée : le cotonnier parce qu'il constitue une culture annuelle, et le Karité parce que son fruit est le produit utilisable par excellence.
Je ne mentionne pas à dessein le produit de coagulation du latex de Karité ; il est permis d'espérer en retirer de sérieux béné- fices lorsque son utilisation aura fait l'objet d'études précises.
En tous cas, les fruits, dont à l'heure actuelle on n'utilise qu'une infime partie, contiennent une amande très riche en corps gras et dont le commerce d'exportation est appelé à devenir considérable, par suite à alimenter dès le début le chemin de fer de pénétration. Si à cela on ajoute que cette colonie, étant formée d'un étroit cou- loir entre le Lagos et le Togo, est entièrement drainée par son che- min de fer projeté, on en déduit cette conclusion toute naturelle, que l'avenir de la question cotonnière est lié à celui de la voie fer- rée et que celle-ci trouvera immanquablement, en avançant vers le Nord, deux éléments importants de trafic.
Le coton produit pourra alors être apporté à la côte, avec un transport moyen de 350 à 400 kilomètres sur voie ferrée. C'est là le trajet de beaucoup le plus court que le coton aura à parcourir en Afrique Occidentale française avant d'être embarqué. D'un autre côté, les conditions de production y paraissent fort avantageuses et il est légitime de penser que ce sera là un de nos centres coton- niers des plus intéressants.
2° Bassin du Niger. — Si le Dahomey est particulièrement inté- ressant par son milieu même et sa proximité de la côte, il est malheureusement de peu d'étendue ; et si le milieu nigérien se trouve à une distance bien plus grande d'un port d'embarquement,
S 2 ÉTUDES ET MÉMOIRES
lesquels il faut citer : la sorte de coton, son état plus ou moins propre, la vitesse des scies et l'habileté de l'usinier dans le réglage des pièces travaillantes.
Dans les conditions ordinaires, on peut compter que dix scies peuvent égrener une balle de 210 kilos par journée de 10 heures, ou, plus simplement, une scie produit 2 kil. 100 de coton égrené à l'heure.
Cette production peut évidemment être considérablement augmen- tée par la vitesse des scies, mais ce serait aux dépens de la qualité des fibres.
En résumé, le coton produit dans les deux centres les plus impor- tants de production : l'Amérique et l'Egypte, appartient à deux caté- gories bien distinctes : courtes-soies et longues-soies.
On a inauguré pour leur travail, deux types également bien tran- chés de machines : le type à rouleaux pour les longues-soies, le type à scies pour les courtes-soies.
Ce sont les seuls réellement bien répandus et donnant d'excellents résultats.
A l'heure actuelle, c'est le second type, celui à scies, qui nous intéresse tout particulièrement, et dont l'essai devra être tenté le plus tôt possible.
Cela n'empêchera certes pas de tenter à nouveau l'utilisation du type à rouleau et à deux batteurs déjà essayé sans succès à Kayes.
Peut-être que les améliorations qu'on lui a apportées récemment lui permettront d'effectuer un bon travail, ce qui serait certaine- ment à désirer, mais ce qui est douteux.
QUATRIEME PARTIE
CONSIDÉRATIONS COMMEHCIALES
Nous sommes donc maintenant à même d'apprécier et de modi- fier les divers éléments de la production du coton. Que la mar- chandise provienne de la culture indigène ou de la culture directe, elle est prête pour la vente et nous devons nous occuper de son évacuation sur les marchés français. Nous avons reconnu dans l'étude de cette question deux centres cotonniers d'importance
LE COTON DANS LAFRIQUE OCCIDENTALE 83
immédiate, le bassin supérieur du Niger, de Kouroussa à Mopti, et le Haut Dahomey.
1° Dahomey. — Il est incontestable que le Dahomey, toutes con- ditions culturales égales d'ailleurs, l'emporte sur le milieu nigérien au point de vue des facilités d'écoulement.
C'est une colonie relativement pauvre en caoutchouc ; mais par contre, deux produits naturels de première importance peuvent par la suite lui donner une prospérité remarquable et très stable ; je veux parler du coton et du Karité.
De par leur nature, ces deux produits peuvent constituer une véritable rente, dont le capital est à l'abri d'une exploitation incon- sidérée : le cotonnier parce qu'il constitue une culture annuelle, et le Karité parce que son fruit est le produit utilisable par excellence.
Je ne mentionne pas à dessein le produit de coagulation du latex de Karité ; il est permis d'espérer en retirer de sérieux béné- fices lorsque son utilisation aura fait l'objet d'études précises.
En tous cas, les fruits, dont à l'heure actuelle on n'utilise qu'une infime partie, contiennent une amande très riche en corps gras et dont le commerce d'exportation est appelé à devenir considérable, par suite à alimenter dès le début le chemin de fer de pénétration. Si à cela on ajoute que cette colonie, étant formée d'un étroit cou- loir entre le Lagos et le Togo, est entièrement drainée par son che- min de fer projeté, on en déduit cette conclusion toute naturelle, que l'avenir de la question cotonnière est lié à celui de la voie fer- rée et que celle-ci trouvera immanquablement, en avançant vers le Nord, deux éléments importants de trafic.
Le coton produit pourra alors être apporté à la côte, avec un transport moyen de 350 à 400 kilomètres sur voie ferrée. C'est là le trajet de beaucoup le plus court que le coton aura à parcourir en Afrique Occidentale française avant d'être embarqué. D'un autre côté, les conditions de production y paraissent fort avantageuses et il est légitime de penser que ce sera la un de nos centres coton- niers des plus intéressants.
2° Bassin du Niger. — Si le Dahomey est particulièrement inté- ressant par son milieu même et sa proximité de la côte, il est malheureusement de peu d'étendue ; et si le milieu nigérien se trouve à une distance bien plus grande d'un port d'embarquement,
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84 ÉTUDES ET MÉMOIRES
(600 kilomètres par sou bord le plus inférieur), il s'impose k l'ex- ploitation par son étendue, son homogénéité, l'excellence de son milieu et les intérêts considérables qui s'y trouveront dès mainte- nant engagés.
C'est donc lui qui nous occupera forcément le plus au point de vue commercial. Mais autant les questions d'exploitation paraissent simples au Dahomey, autant elles sont ici sujettes aux controverses.
Le milieu n'est pas neuf, de gros intérêts y sont déjà groupés et l'exploitation doit en tenir un juste compte, quitte à choisir des solutions qui de prime abord paraissent un peu anormales.
L'étude des conditions commerciales que créera ou devra subir l'exportation de coton doit rationnellement envisager les conditions actuelles d'exportation, ainsi que les modifications que l'extension du mouvement cotonnier et l'ouverture de nouvelles voies de péné- tration pourront y apporter.
I. _ CONDITIONS ACTUELLES D'EXPORTATION
Nous avons dit, dans un chapitre précédent, les conditions parti- culièrement favorables de transport sur la voie ferrée qui dans quelques mois reliera Kayes à Koulicoro. Ce sera à ce moment la seule route commerciale d'exportation, pour les produits pauvres et volu- mineux, tels le coton.
L'intérêt immédiat de la question cotonnière nous oblige donc à étudier tout d'abord cette voie, qui se décompose tout naturelle- ment en trois parties distinctes :
1° Une fluviale : le Niger.
2° Une ferrée : du Niger au Sénégal.
3° Une fluviale et maritime : de Kayes en France.
§ lop. — Centres d'achat.
A l'heure actuelle, les noirs de la vallée du Niger ont la coutume d'apporter sur les grands marchés (San-Djenné-Sansanding-Ségou), et surtout à l'époque de la récolte, le coton qu'ils ont en trop ou que la nécessité les oblige à vendre. Ils font ainsi beaucoup de che- min pour venir offrir k l'acheteur un panier de coton de 12 à 15
LE COTON DANS L'AFRIQUE OCCIDENTALE 85
kilos. J'en ai vu à Djenné qui venaient des parties les plus recu- lées du Cercle ou bien de San, ou de Ségou, et il ne fait pas de doute qu'ils conserveront les mêmes habitudes, à mesure que s'ac- centuera le mouvement commercial.
Nous n'avons donc nullement à nous préoccuper de Ce groupe- ment qui se fera le plus naturellement du monde, dans les centres d'achats que les Européens auront choisis.
Plusieurs centres existent déjà, je les ai indiqués plus haut ; je dois y ajouter ceux de Nyamina, Bammako, Siguiri, Kouroussa, Kankan et bien d'autres, qui ne demandent qu'à se développer.
Tous sont placés sur des voies fluviales navigables, le Niger, le Milo, le Bani.
Le commerçant n'aura donc à se préoccuper tout d'abord que de constituer, dans chacun de ces centres, un entrepôt où le coton de première récolte, acheté, sera emmagasiné et évacué sur une usine d'égrenage.
Et là se pose une première question très importante, le commerce aura-t-il intérêt à constituer dans tous les centres d'achat des ate- liers d'égrenage, ou à évacuer le coton brut vers une usine centrale importante.
L'avenir en décidera ; je crois cependant qu'au début, alors que les achats ne seront pas encore très importants, il sera préférable d'avoir à chaque factorerie une batterie dégreneuses à main ou plusieurs égreneuses à grand travail, actionnées par manèges à terre.
Il sera aisé, lorsque ces ateliers deviendront insuffisants, de les grouper et de constituer de petites usines en un point central où l'on achèterait le coton.
Ces usines, situées sur un cours d'eau navigable, livreraient le coton pressé en balles de 300 kilos environ, balles qui recevraient la pression finale à l'un des terminus de la voie ferrée : Bammako ou Koulicoro.
Donc le second élément du compte dépenses sera constitué par le prix du transport au terminus du chemin de fer : Bammako pour le bief sud du Niger (Kouroussa-Bammako), Koulicoro pour le bief nord (Koulicoro-Mopti).
Le premier élément des dépenses étant constitué par le prix d achat, qui, nous avons vu, peut, pour les premières acquisitions, être fixé entre 0 fr. 15 et 0 fr. 20.
I
ETUDES ET MEMOIRES
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- pouvons prendre comme type le trajet Djeané-Kouli«. en passant par le marigot de Koakourou par exemple. Djenné étant un centre important de production de coton. Cette voie est na arable jusqu en tin février pour des chalands ne calant pas plus trente centimètres : après cette date, il faut emprunter le Bani ju — qu k Mopti et remonter ensuite le Niger.
La navigation sur le Niger est assurée par deux populat: noires : les S nos îs - - se livrent exelusivemen
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LE COTON DANS L AFRIQUE OCCIDENTALE:
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Les noirs retirent rarement plus de deux couples de planches des plus gTOS arbres : ils vont les vendre sur les grands marchés, notam- ment à Baramandougou et à Sofara : le couple de planches vaut environ 10 francs.
Autrefois, l'assemblage de ces planches était fait sur un châssis rudimentaire, uniquement à l'aide de liens végétaux. A cet etlét. les planches étaient percées, sur chaque bord, d'un certain nombre de trous pour le passage des liens, et l'on calfatait ensuite le tout à l'aide d'étoupe et de beurre de karité.
Inutile de dire combien une telle fabrication donnait des pirogues peu étanches.
A l'heure actuelle, les pirogues construites à Djenné sont toutes clouées à l'aide de clous à large tète (taches) : bien calfatées, elles ne prennent pas l'eau, et il suffirait d un bon goudronnage pour les rendre absolument étanches et leur assurer une grande durée.
Je crois que le commerce trouverait là. pour les premières opéra- tions, un mode de transport commode et peu coûteux.
Il suffirait de faire débiter convenablement, à 1 aide d'une scie de long, les arbres abattus, et de calfater soigneusement les pirogues à l étoupe et au goudron, pour avoir des embarcations stables et commodes, dont le prix de revient ne dépasserait pas 3o0 à 100 francs.
Les grandes pirogues construites actuellement mesurent environ 20 mètres de bout en bout, 2 mètres de largeur et 0 "' 80 de creux ; elles sont fusiformes et portent une toiture légère sur laquelle on étend une bâche. Elles portent couramment de o à 6 tonnes. Il est facile de les faire construire, en leur donnant le profil indiqué dans la ligure ci-contre, dont elles se rapprochent d'ailleurs sensiblement.
A l'avant et à l'arrière, une partie allongée d'environ i mètres de long serait réservée aux laptots. au nombre de cinq, deux à l'avant, deux à l'arrière, avec le chef laptot servant de guide. La partie médiane, dune longueur d'environ 12 mètres et de 2 mètres de largeur, serait consacrée au chargement et abritée par une bâche.
Le chargement de ces pirogues devra se faire avec des balles, qui. nous l'avons vu, pourront n'être pressées qu'à 300 kilos au mètre cube.
De toutes façons, il faudra que la balle pèse, dès la première pres- sion, le poids normal de la balle américaine, soit 225 kilos environ.
86 études et mémoires
$ 2 — Transport sur le Niger.
Pour évaluer le prix de transport à la tonne kilométrique sur le Niger, il est préférable de choisir un point de départ éloigné de la voie ferrée, afin d'avoir une moyenne plus exacte indépendante de circonstances locales.
Nous pouvons prendre comme type le trajet Djenné-Koulicoro en passant par le marigot de Koakourou par exemple, Djenné étant un centre important de production de coton. Cette voie est navi- gable jusqu'en fin février pour des chalands ne calant pas plus de trente centimètres ; après cette date, il faut emprunter le Bani jus- qu'à Mopti et remonter ensuite le Niger.
La navigation sur le Niger est assurée par deux populations noires : les Somonos et les Basos. qui se livrent exclusivement à l'industrie des transports et de la pêche.
Ce sont des nautonniers fort experts, connaissant admirablement leur fleuve et possédant une résistance peu commune à la fatigue.
Djenné est un de leurs centres les plus importants ; c'est égale- ment le seul point où l'on construise les grandes pirogues qui apportent à Tombouctou le miel, le beurre de karité et autres den- rées alimentaires, et en reviennent chargées de barres de sel.
Les Basos forment des équipages parfaits, aussi courageux et faciles à conduire que sont paresseuses et indociles les équipes de laptots bambaras que l'on forme à Koulicoro.
De Djenné à Koulicoro, par Koakourou, il y a environ oOO kilo- mètres. Il faut environ quinze jours pour l'aller et douze jours pour le retour.
Pirogues et chalands. — Pour évacuer le coton en balles de 300 kilos au mètre cube, on devra se servir de pirogues indigènes, excellentes si elles sont bien construites, ou de chalands groupés en flottilles.
Nous avons vu que Djenné est le centre de fabrication des pirogues de fort tonnage.
chargement d'une pirogue de djenné
Ces pirogues, pouvant porter facilement six tonnes, sont cons- truites avec des essences indigènes : le Diala [Khaya Sônégalensis), le Sô (Berlinia sp.), le Lingue (Afzélia africana).
LE COTON DANS L'AFRIQUE OCCIDENTALE 87
Les noirs retirent rarement plus de deux couples de planches des plus gros arbres ; ils vont les vendre sur les grands marchés, notam- ment à Baramandougou et à Sofara ; le couple de planches vaut environ 10 francs.
Autrefois, l'assemblage de ces planches était fait sur un châssis rudimentaire, uniquement à laide de liens végétaux. A cet effet, les planches étaient percées, sur chaque bord, d'un certain nombre de trous pour le passage des liens, et l'on calfatait ensuite le tout à l'aide d'étoupe et de beurre de karité.
Inutile de dire combien une telle fabrication donnait des pirogues peu étanches.
A l'heure actuelle, les pirogues construites à Djenné sont toutes clouées à l'aide de clous à large tête (taches) ; bien calfatées, elles ne prennent pas l'eau, et il suffirait d'un bon goudronnag-e poul- ies rendre absolument étanches et leur assurer une grande durée.
Je crois que le commerce trouverait là, pour les premières opéra- tions, un mode de transport commode et peu coûteux.
Il suffirait de faire débiter convenablement, à l'aide d'une scie de long, les arbres abattus, et de calfater soigneusement les pirog-ues à l'étoupe et au goudron, pour avoir des embarcations stables et commodes, dont le prix de revient ne dépasserait pas 350 à 400 francs.
Les grandes pirogues construites actuellement mesurent environ 20 mètres de bout en bout, 2 mètres de largeur et 0 m 80 de creux ; elles sont fusiformes et portent une toiture légère sur laquelle on étend une bâche. Elles portent couramment de 5 à 6 tonnes. Il est facile de les faire construire, en leur donnant le profil indiqué dans la ligure ci-contre, dont elles se rapprochent d'ailleurs sensiblement.
A l'avant et à l'arrière, une partie allongée d'environ 4 mètres de long serait réservée aux laptots, au nombre de cinq, deux à l'avant, deux à l'arrière, avec le chef laptot servant de guide. La partie médiane, d'une longueur d'environ 12 mètres et de 2 mètres de largeur, serait consacrée au chargement et abritée par une bâche.
Le chargement de ces pirogues devra se faire avec des balles, qui, nous l'avons vu, pourront n'être pressées qu'à 300 kilos au mètre cube.
De toutes façons, il faudra que la balle pèse, dès la première pres- sion, le poids normal de la balle américaine, soit 225 kilos environ.
88
ÉTUDES ET MÉMOIRES
Or, deux des dimensions de la balle, la longueur et la largeur, sont fixes, ce sont celles des caisses de la presse ; c'est donc la troisième dimension, l'épaisseur, qui devra, dans notre cas, être augmentée.
La balle américaine mesure im 40 X 0m 70 X 0m 45 , pèse 225 kilos, a la densité de 500 kilos au mètre cube.
Notre balle, après la première pression subie dans les ateliers d'égrenage, doit peser également 225 kilos, mais a la densité de 300 kilos au mètre cube. Elle mesure donc lm 40xOm 70 X 0m 75.
Vue longitudinale. Le pointillé indique l'emplacement du chargement.
Bâche.
Coupe transversale. 1er Mode de chargement
Coupe longitudinale, après chargement.
Coupe transversale. 2e Mode de chargement.
Cette dernière dimension sera, à la deuxième pression, réduite à 0,n 45, de façon à ce que la balle soit en tous points conforme au type américain accepté sur nos marchés.
Pour effectuer le chargement d'une pirogue, il suffira donc de placer sur le faux plancher deux rangées de 8 balles chacune, et, par-dessus, une double rangée de 5 à 6 balles, ce qui fait un char- gement total de 26 à 28 balles, faisant plus ou moins de 6 tonnes. On laissera ainsi libre, à chaque extrémité de la pirogue, une lon- gueur d'environ 4m 50 où se placeront les laptots. De cette façon éga- lement, la pirogue sera uniquement chargée en son milieu, partie la plus solide.
Ce qu'il était intéressant de montrer, c'est la possibilité de trou- ver, dès à présent, des moyens de transports suffisants pour les premières opérations.
LE COTON DANS L'AFRIQUE OCCIDENTALE 89
Une flottille de dix de ces pirogues peut aisément faire au moins trois voyages aller et retour de Djenné à Koulicoro, avant les plus basses eaux. La récolte de coton commençant dans la seconde quin- zaine de novembre, les départs de Djenné pourraient être ainsi fixés :
Ier départ 1S décembre.
2e — 15 janvier.
3° — 15 février.
Cet ensemble de trois voyages écoulerait donc, du seul centre de Djenné, une moyenne de 180 tonnes de coton par an, avec une pre- mière mise de fonds certainement inférieure à 4.000 francs et un personnel de 50 piroguiers.
Il est probable que, par la suite, il y aura tout intérêt à consti- tuer une puissante flottille, bien organisée et dirigée, constituée par des chalands métalliques de fort tonnage, mais, pour les débuts, il sera très sage d'utiliser les moyens locaux de transport qui, comme je l'ai dit plus haut, construits sous notre surveillance, sont excellents.
Prix de transport par tonne kilométrique. — A combien revien- dra donc le transport dune tonne de coton dans ces conditions?
Une pirogue bien construite peut faire dix ans de bon services, son entretien est fort peu de chose ; il est assuré par les piroguiers eux-mêmes avec de l'étoupe et du goudron, et ne nécessitera pas une dépense de plus de 50 francs pour toute la période de son service.
Ce qui fait en tout 450 francs à amortir en 10 ans, mettons lar- gement 50 francs par an, qui constituent, en réalité, une sorte de prix de location.
A 18 tonnes, transportées par campagne et par pirogue, cela fait, par tonne, un prix de location de 2 fr. 80 de Djenné à Koulicoro.
Le second élément de dépenses est constitué par la location de 5 piroguiers qui sont soumis à un tarif fixé par les Somonos ou chefs Basos.
90
ÉTUDES ET MÉMOIRES
PRIX DE TRANSPORT DE DJENNÉ A KOl'LICORO
Mopti |
S0LDE PAR I.APTOT aller et retour |
VALEUR DES VIVRES aller et retour |
Iil'RÉE DU VOYAGE |
aller |
retour |
||
cauries 2 . 400 2.400 S. 000 9.600 12.000 5.600 hiver } 800 été j 640 |
cauries 2.400 2.400 3.360 i.OOO 1 . 1 00 2 . 000 240 240 |
jours 3 3 7 10 15 6 1 1 |
jours 3 3 6 * 12 5 l 1 |
San |
|||
Segou |
|||
Xvamina |
|||
Koulicoro |
|||
Sansandiiifi' Koniniau |
|||
Les prix sont indiqués en cauries, monnaie courante de la vallée du Niger, dont 1.000 environ valent un franc. De telle sorte q vie le prix de location d'un laptot, nourriture comprise, est de 16.100 cau- ries. soit 16 fr. 10, pour un voyage aller et retour de Djenné à Koulicoro.
La location d'un équipage de 5" piroguiers sera donc de 80 fr. 50 pour le transport de 6 tonnes de coton, soit 13 fr. oO par tonne. Je ferais remarquer que le prix du voyage comprend, au retour, la conduite de la pirogue chargée, que le fret ne manquera pas à coup sûr, qu'il soit formé de marchandises ou de passagers.
Gela viendra donc en atténuation des dépenses globales du trans- port, mais n'en tenons pas compte.
En résumé, le prix de transport de la tonne de Djenné à Koulicoro comprend :
1° 2 fr. 80 d'amortissement du matériel flottant : 2° 13 fr. 50 de location de piroguiers.
Si, à cela, nous ajoutons 0 fr. 20 par tonne pour la manipulation au chargement et au déchargement, nous arrivons au chiffre de 16 fr. 50 pour un parcours de 500 kilomètres, ce qui met le prix de transport de la tonne kilométrique à environ 3 centimes 1 /2.
Plus tard, à mesure que la concurrence s'accentuera, il sera utile que chaque négociant se constitue des équipes fixes de piroguiers, qu'il conservera pendant la durée des opérations, c'est-a-dire trois mois, si nous prenons comme base trois voyages aller et retour.
LE COTON DANS L 'AFRIQUE OCCIDENTALE 91
Il sera nécessaire alors de fixer un tarif déterminé, pour la paye et la ration de ces hommes qui, en dehors des voyages, auront à s'occuper des débardages, réparations et construction de pirogues, etc.
Il est, dès k présent, possible d'admettre comme base : 0 fr. 50 de paye par jour et 0 fr. 15 de nourriture, encore que ce dernier chiffre pourrait être réduit par des achats en gros de sel et de mil. Cela fait donc 0 fr. 65 par jour de travail et par homme.
Une équipe de 5 piroguiers occasionnera donc, pour trois mois de campagne, une dépense de 292 fr. 50 pour servir à l'évacuation de 18 tonnes de coton.
Par tonne de coton, cela fait donc 16 fr. 20 qui, ajoutés aux 2 fr. 80 de premières dépenses, constituent un total de 19 fr. par tonne.
Dans ce chiffre sont comprises toutes les dépenses de manipula- tions, transbordements et autres frais, car il a été compté la solde de travail pour les voyages proprement dits et celle de neuf jours supplémentaires à répartir entre les voyages.
Si même nous admettons le chiffre de 20 fr. par tonne pour 500 kilomètres, cela fait 4 centimes à la tonne kilométrique, et il y a tout lieu de croire ce chiffre exact et applicable à toute la naviga- tion sur le Niger.
A tout bien compter, il est même supérieur à ce qu'il sera en réalité, car les voyages de retour assureront, soit pour le transport du matériel du négociant, soit pour celui d'indigènes, une source de profits qui doit raisonnablement entrer en ligne de compte.
Ainsi donc, même dans le cas de la constitution d'une flottille de chalands, je ne pense pas que le prix de revient du transport de la tonne kilométrique soit supérieur à 4 centimes.
Capacité de transport du Niger. — Ce point étant bien établi, il est une autre question de toute importance, « la capacité de naviga- tion du Niger », autrement dit le tonnage qu'il est possible de transporter pendant une campagne, avant d'être arrêté par une baisse considérable des eaux.
Cette question, pour les débuts où le tonnage à évacuer sera faible, n'a évidemment que peu d'importance. Il n'en est pas de même pour la suite.
[\'2 ÉTUDES ET MÉMOIRES
1° Bief Kollicoro-Mopti. — Les pirogues de Djenné, les cha- lands de 6 tonnes, ne calent guère plus de 39cm, c'est-à-dire qu'ils peuvent naviguer en tous sens pendant les mois de décembre, jan- vrier, février et mars.
Encore faut-il ajouter que lorsque la navigation devient pénible, il n'est que quelques points un peu difficiles à passer, dont un près de Sansanding en particulier.
De toutes façons, on peut être assuré de pouvoir effectuer, pour un point éloigné comme Djenné, i voyages à Roulicoro, en passant par Koakourou ou par Mopti.
Avec une simple flottille d'une vingtaine de chalands de 6 tonnes, c'est l'écoulement assuré de 500 tonnes de coton.
Et plus l'on se rapproche de Koulicoro, plus les facilités de trans- port augmentent.
D'un autre côté, le nombre et le cubage des chalands suivra nécessairement la progression du mouvement d'exportation.
Des chalands de 20 tonnes peuvent naviguer sans difficulté jus- qu'à Djenné pendant trois mois de l'année, décembre, janvier, février. Gela fait trois voyages, c'est-à-dire, avec 20 chalands de 20 tonnes, la possibilité d'évacuer, en une campagne, environ 1 .200 tonnes de coton.
Dans tout ce qui précède, je n'ai envisagé que le transport sur chalands conduits par des piroguiers.
Pour aucune des personnes connaissant bien le Soudan, il ne fait de doute qu'un jour viendra où il sera nécessaire d'avoir un agent de locomotion plus rapide et plus maniable.
Sera-ce le charbon, sera-ce l'alcool, c'est un problème à résoudre, mais ce qui est incontestable, c'est que, de ce jour, des moteurs à hélice ou à roues, ne calant pas plus de 0m 60, pourront, en quatre jours, faire facilement le trajet Djenné-Koulicoro, et en trois jours le trajet inverse.
Ils pourront circuler sur le fleuve pendant deux mois et demi ou trois mois, selon les années; c'est plus qu'il n'en faut pour évacuer la production de cette région. Ces données permettent, en effet, d'évaluer la capacité de transport pour une campagne et pour Djenné à environ 12.000 tonnes (53.000 balles), avec une flottille de 20 chalands de 00 tonnes, actionnés mécaniquement. Dans ce calcul, j'ai choisi Djenné, parce que c'est un centre relativement éloigné d'abord, et ensuite parce qu'il constitue un milieu important
LE COTON DANS ^AFRIQUE OCCIDENTALE 93
de culture de coton, et qu'il canalisera forcément la plus grande partie de la production du Bassi, notamment de San.
2° Bief Kouroussa-Bammako. — Au point de vue de la naviga- bilité, le cours supérieur du Niger est bien moins favorisé que la partie moyenne.
La crue y est rapide et intense à la saison des pluies, elle atteint son maximum vers le commencement d'octobre, de 8 à 10 mètres selon les années; elle diminue ensuite progressivement, et en fin février le fleuve ne dépasse pas, sur certains seuils, une profondeur de 30 centimètres.
Dès le mois de mars, il faut haler, avec force bras, les chalands chargés sur de grands bancs de sable qui, à certains endroits, barrent son lit.
Ce sont les villages riverains qui s'acquittent de cette tâche en manière d'impôts.
Entre Kangaba et Bammako, il faut franchir plusieurs seuils rocheux qui, sans présenter de dangers sérieux pour la navigation, auraient besoin d'être soigneusement balisés.
En résumé, en ce qui nous concerne, la navigation sur ce bief n'est possible que jusqu'en fin février, avec des chalands ne calant pas plus de 0m30.
Cela fait une moyenne de deux mois et demi de transit. A raison de 15 jours par voyage, aller et retour, entre les deux points extrêmes, Kouroussa et Bammako, cela donne une moyenne de quatre à cinq voyages possibles après la première récolte du coton.
Avec quatre voyages et une flottille de 20 chalands de 20 tonnes, c'est l'écoulement assuré de 1.600 tonnes de coton pour le point le plus éloigné, Kouroussa.
Pour la région de Kankan, les conditions seraient sensiblement les mêmes.
Le chargement se ferait comme je l'ai indiqué pour le bief Kouli- coro-Mopti; on pourrait constituer, progressivement, des centres d'égrenage à Siguiri, Kouroussa, Kankan. Les balles pressées à 300 kilos au mètre cube recevraient la dernière pression à Bammako, avant l'embarquement sur la voie ferrée.
(A suivre.) Yves Henry.
NOTES
ÉTUDES SUR LES PRODUITS ODORANTS DES COLONIES FRANÇAISES
(2e mémoire)
Il y a un an ' nous avons, dans ce Recueil, mis en lumière l'intérêt que présente au point de vue économique l'examen des produits odorants d'origine coloniale. Nous avons en même temps men- tionné les résultats auxquels nous a conduit l'étude d'un certain nombre de ces produits. Depuis, M. Dybowski, directeur du Jar- din colonial de Nogent-sur-Marne, a bien voulu nous soumettre toute une nouvelle série d'huiles essentielles dont quelques-unes méritent d'être décrites. a
ESSENCE D ANDROPOGON SCHŒNANTHUS DE LA NOUVELLE-CALEDONIE
Une huile essentielle de couleur jaune rougeâtre est arrivée au Jardin colonial sous le nom d'essence de citronnelle de la Nou- velle-Calédonie. Ce produit avait figuré à l'Exposition universelle de 1900. Avant d'en entreprendre l'étude, nous avons tenu à en connaître l'origine botanique, et nous avons reçu, à ce sujet, par l'intermédiaire de M. Dybowski, la note suivante émanant du directeur du Jardin d'essai de la Nouvelle-Calédonie :
(( L'essence de citronnelle ~ obtenue en Nouvelle-Calédonie ne provient pas de la même plante que celle cultivée en Europe pour l'obtention de ce produit.
« Au lieu d'appartenir aux Verbénacées, Lippia citriodora 3, c'est une graminée, Andropogon schœnanthus.
1. E. Charabot, L'Agriculture prati([ue des pays chauds, t. II, p. 395.
2. Le produit auquel doit être réservé ce nom est l'essence extraite de VAndropo- gon nardus, ce qui n'est pas le cas ici.
3. Le Lippia citriodora n'est pas non plus la citronnelle, mais bien la verveine.
LES PRODUITS ODORANTS DES COLONIES FRANÇAISES 95
e De même que Y And ropogon rnuricatus, ou vétiver, cette plante est peu difficile en ce qui concerne le terrain. Elle possède des rhizomes assez nombreux qui lui permettent de fort bien résister, comme la précédente, aux sécheresses. Mais tandis que le vétiver renferme la matière odorante dans ses racines, la citronnelle au contraire la contient dans ses feuilles, ce qui rend moins onéreuse son exploitation industrielle.
« Quoi qu'il en soit, celle-ci n'a jamais été tentée. Bien connu dans la colonie, VAndropogôn schœnanthus n'a jamais été cultivé que sur des surfaces fort restreintes. Au lieu d'être industrielle, c'est une plante de jardin. Les colons et notamment les Bourbon- nais s'en servent pour préparer des infusions excellentes dans les cas de diarrhées et pour provoquer une transpiration abondante.
« L'échantillon d'essence qui fut envoyé à l'Exposition n'est que le résultat d'un essai, car je ne connais ni à Bourail ni dans les environs aucune culture industrielle de citronnelle, aucun conces- sionnaire se livrant à l'extraction de l'essence.
« D'ailleurs, cette branche de l'industrie agricole (extraction des parfums) fait totalement défaut en Nouvelle-Calédonie où cepen- dant les plantes à parfums sont très répandues. Pour qu'elle naquît il faudrait que la métropole offrît aux produits des débouchés et des prix rémunérateurs. Si l'essence d'Andropogon présente un intérêt pour l'industrie de la parfumerie, il appartient à celle-ci d'en fixer la valeur et d'offrir des prix d'achat. A l'heure actuelle il n'y a pas dans la colonie de production régulière et pas de vente.
« Yahoué, le 21 avril 1903.
« Signé : M. Etesse. »
En résumé, d'après M. Etesse, l'essence envoyée au Jardin colo- nial a été extraite de VAndropogôn schœnanthus. Or, on sait que c'est précisément cette plante qui produit l'essence connue sous le nom d'essence de palma rosa ou de géranium des Indes, et origi- naire des Indes Orientales.
Nous allons voir que la composition de l'essence à1 Andropogon schœnanthus de la Nouvelle-Calédonie est sensiblement différente de celle de l'essence d'Andropogon schœnanthus des Indes Orien- tales.
La densité de l'essence de la Nouvelle-Calédonie était de 0,9217 à 20°.
96 NOTES
Prévoyant dans cette essence la présence d'un mélange de citral, C" H16 0 et de citronellal, C'° Hls 0, on a appliqué la méthode de séparation de Tiemann dont voici le principe : lorsqu'on traite par une solution diluée de sulfite de sodium et de bicarbonate de sodium un mélange de citral et de citronnellal, cette dernière aldéhyde n'est pas attaquée, tandis que le citral entre en solution à l'état de citral- dihvdrosulfonate de sodium instable.
On a agité mécaniquement pendant six heures, 29 s?1 98 d'essence avec un mélange de 52&r*i de sulfite de sodium SO3 Na- -\- 7 fL 0, de 18='' 75 de bicarbonate de sodium et de 525 grammes d'eau. Le produit a été ensuite épuisé à trois reprises différentes au moyen de l'éther. La solution éthérée a été filtrée et recueillie dans un vase taré. Par évapora tion de l'éther on a obtenu une huile dont le poids s'élevait à 17sr 01. La portion aldéhydique se comportant comme le citral pesait donc 12§T97; elle formait donc les 43,2 °/0 de l'esrsence.
La portion aqueuse a été traitée avec précaution par la soude en présence de l'éther en vue de la régénération de l'aldéhyde, dont le poids s'est élevé à 9^r 63. L odeur de ce produit est identique avec celle du citral. L'identification de ce corps a été faite d'ailleurs par transformation en acide citryl-^-naphtocinchoninique.
L'essence & Andropogon schœnanthus de la Nouvelle-Calédonie renferme donc 43 °/0 de citral.
Le résidu de l'extraction du citral a été traité en vue de la sépa- ration du citronnellal. Pour cela on l'a agité pendant 12 heures avec une solution de 52 #r 5 de sulfite neutre de sodium et de 9&r 4 de bicarbonate de sodium dans 150&1' d'eau. Dans ces conditions le citronnellal s'est trouvé précipité à l'état de combinaison bisulfitique dont on l'a régénéré après séparation de la portion non aldéhydique dont le poids était de 14^'' 92, ce qui donne par différence 2&r 09 de citronnellal, soit 7 °/0 de l'essence. Le poids de l'aldéhyde isolée déterminé directement était de 0&r 735. Ce produit possédait l'odeur caractéristique du citronnellal ; il n'a pas été autrement identifié.
La portion non aldéhydique, qui constitue les 50 centièmes de l'essence, possède les constantes physiques suivantes :
Densité à 15° 0,9510
Pouvoir rotatoire 0° 17'
Indice de réfraction nD à 16°. . . . 1,4975
LES PRODUITS ODORANTS DES COLONIES FRANÇAISES 97
Cette portion renferme H0/o d'éther calculé en acétate de géra- nyle et 20,5 °/0 d'alcool libre calculé en géraniol.
En résumé, l'échantillon d'essence arrivé au Jardin colonial sous le nom d'essence de citronnelle de la Nouvelle-Calédonie et fourni, d'après M. Etesse, par l' And ropogon schœnanthus, possède la com- position suivante :
Citral 43,2 °/n
Aldéhyde possédant les caractères
du citronnellal 7,0 °/0
Ether (en acétate de géranyle) . . . 5,5 °/0
Alcool libre (en géraniol) 10,2 °/0
Autres constituants 34,1 °/0
On voit que le constituant principal de cette essence est le citral. Elle pourrait être utilisée pour l'extraction de ce corps, à condition que son prix de revient permît de le faire, ce qui est probable d'après les renseignements fournis par M. Etesse.
Il résulte de cette étude que si la plante qui a fourni l'essence examinée est bien YAndropogon schœnanthus, et nous n'avons aucune raison d'en douter, cette plante produit à la Nouvelle-Calé- donie une essence formée notommant de citral, tandis que dans les Indes Orientales, dans les îles de la Malaisie et à Ceylan, elle donne une essence renfermant presque exclusivement du géraniol, c'est-à- dire l'alcool correspondant au citral. Cette dernière essence est, on le sait, connue sous le nom d'essence de palma rosa.
ESSENCE DE VÉTIVER DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE
L'essence de Vétiver (Andropogon muricatus) nous vient de la Réunion, mais les racines distillées en Europe sont originaires des Indes ; elles sont expédiées de Tuticorin, port situé en face de l'île de Ceylan, dans le Coromandel, et proviennent des collines de Travancore !. M. Dyrowski, dans le but de répandre dans nos colonies l'exploitation des plantes à parfums, a fait effectuer des essais de distillation du vétiver de la Nouvelle-Calédonie. L'essence obtenue n'est pas dénuée d'intérêt au point de vue odorant. Malheu-
1. Voir Rouke-Bertrand fils, Bull, scient, ind., I" série, n° i, p. 21.
Bulletin du Jâi din colonial. 7
98 NOTES
reusement l'échantillon dont nous disposions était insuffisant pour nous permettre d'en faire un examen chimique même sommaire. Nous pensons que cette essence, si les rendements sont suffisants, serait utilisable dans la Parfumerie.
ESSENCE D ANDROPOGON CITRATDS DES COMORES
Un échantillon d'essence d'Andropogon citratus, originaire des Comores, nous est parvenu, grâce à l'obligeance de M. Dybowski. On sait que l'essence à1 Andropogon citratus, autrement dit l'es- sence de lemon grass, est originaire des Indes. Elle sert à l'extrac- tion du citral destiné en particulier à la fabrication de lionone.
L'essence des Comores possède une odeur très fine comparati- vement aux produits analogues et peut être classée parmi les meil- leures. Son pouvoir rotatoire est de 0° 06'. On a dosé le citral et trouvé 67 °/0 de ce corps, mais l'échantillon examiné avait été pré- paré depuis plusieurs années et une proportion assez notable de son citral avait dû subir les effets de la polymérisation, a en juger par l'aspect pâteux du résidu de l'extraction de la portion aldéhydique de l'essence.
Ces considérations nous permettent de conclure que l'essence de lemon grass des Comores posséderait toutes les qualités néces- saires pour recevoir un bon accueil dans l'industrie de la Parfu- merie.
Eugène Ch ara bot.
NOTE SUR LA CULTURE DE L'AMPEMBY
ET SUR L'INFLUENCE DE LA NATURE
DU TERRAIN SUR LA VÉGÉTATION
DE CETTE PLANTE
(Observations recueillies a la Station d'Essais de l'Ivoloina par M. l'agent de culture Duchène).
En 1902, la Direction de l'Agriculture a publié l une note sur la culture de l'Ampemby, rédigée par MM. Deslandes, sous-inspecteur de l'Agriculture, et Duehène, agent de culture, d'après les obser- vations fournies par les essais entrepris sur la culture de cette grande graminée, à la Station d'Essais de l'Ivoloina.
L Ampemby a été planté en 1902 sur l'une des parcelles les plus fertiles du carré de grande culture de la Station ; les résultats ont été magnifiques, les tiges atteignirent plus de 5 mètres de hauteur, et le rendement en grain sec et nettoyé dépassa 1.100 kilogrammes à l'hectare.
Cette année l'Ampemby fut cultivé dans la parcelle n° 1 8 d'une superficie d'un quart d'hectare, située à peu de distance de celle sur laquelle il avait été cultivé l'année dernière.
La végétation spontanée qui couvrait ce carré n'indiquait pas une grande fertilité ; composée en grande partie de Fataka (andropogon) et de Tenina, elle était un peu rabougrie et souffreteuse. La nature du sol est également fort différente de celle de la parcelle qui porta le premier essai. Le carré n° 18 est principalement formé de sable à éléments grossiers, disposés en couches alternant avec des bancs
1. Bulletin du Jardin colonial, p. 84,3e année.
100 NOTES
peu épais de terre argileuse. Le carré qui a porté l'expérience de
1902 est au contraire une alluvion profonde comprenant des couches alternées de limon argilo-siliceux et de sable fin riche en mica.
Les résultats fournis par ces deux essais sont très différents et méritent d'attirer tout particulièrement l'attention.
M. Duchène, agent de culture chargé de la section de grande cul- ture, résume ainsi qu'il suit les observations qu'il a recueillies en
1903 sur la culture de cette graminée fourragère :
« La brousse qui recouvrait la parcelle n° 18 fut sapée, puis brûlée quelques jours plus tard. Le 15 janvier, un labour à la bêche, à 25 centimètres de profondeur, fut donné au sol.
« Ces diverses opérations culturales nécessitèrent 38 journées d'hommes.
<( Le 27 janvier il fut procédé au semis, les graines furent déposées dans des rayons profonds de 3 centimètres et distants de 1 mètre ; cette profondeur, qui peut sembler exagérée, est nécessaire si l'on veut empêcher les oiseaux de déterrer et de manger les semences. « Le rayonnage du terrain et les semailles demandèrent 7 journées d'hommes.
« Des pluies survinrent quelques jours après et favorisèrent la germination.
« La levée pouvait être considérée comme complète le 2 février suivant.
« Trois kilos de graines suffirent à ensemencer complètement la parcelle.
« Un mois après, la plantation reçut un binage auquel furent con- sacrées 15 journées d'hommes.
« La végétation à ce moment commençait à montrer de nom- breuses irrégularités. Les jeunes plants atteignaient 25 à 30 centi- mètres de hauteur sur certains points et ne dépassaient pas 12 à 15 centimètres sur d'autres.
« Les plus petits étaient ceux qui se trouvaient les plus rappro- chés de la rivière, et qui croissaient par conséquent dans la partie la plus sableuse et la moins fertile du carré.
(( Il faut dire, pour comprendre cette particularité, que la parcelle n° 18 forme un cap s'avançant dans la rivière et que par conséquent lors des crues elle est balayée par un courant d'autant plus violent que l'on se rapproche davantage du milieu du cours d'eau.
LA CULTURE DE LAMPEMBY 101
« Cette situation explique très bien la richesse en sable de ce carré et la différence de fertilité que l'on y observe.
<( Le courant, lorsqu'il est fort, s'oppose à la formation des dépôts limoneux ; les eaux animées d'un mouvement relativement rapide n'abandonnent que les particules sableuses les plus lourdes.
« En binant, les ouvriers éclaircirent les plants, et conservèrent des touffes espacées de 0m 50 sur les lignes.
« Ces touffes furent soigneusement butées, car l'essai fait en 1902 a montré que l'Ampemby a des tendances à émettre des racines adven- tives à la base des tiges, et qu'il est utile de favoriser l'enracine- ment de ces racines aériennes, en mettant à leur disposition un cube de terre meuble dans lequel elles puissent évoluer facilement.
« Malgré tous ces soins les tiges ne prirent qu'un faible dévelop- ment et les premières inflorescences apparurent vers le 15 avril, alors que les plus hautes touffes s'élevaient à peine à lm 80.
« Au commencement de mai, la floraison était générale, et les pieds portaient d'une à trois panicules.
« Le 25 juillet, la maturité était suffisamment avancée pour que l'on puisse récolter ; cette opération a nécessité 5 journées d hommes.
Après avoir été complètement séchées, les inflorescences furent soigneusement pesées. Leur poids total était de 385 kilogrammes, qui donnèrent, après le battage et le vannage, 229 kilogrammes de grains, 156 kilogrammes de pailles et de baies.
« La comparaison de ces résultats avec ceux obtenus en 1902 sur une parcelle de surface égale à celle du carré n° 18 montre que la récolte donnée par le premier essai, qui s'élevait à 1.120 kilogrammes de grain décortiqué à l'hectare, est supérieure de 1.120 — 916 = 204 kilogrammes à celle de 1903.
« Le rapport du poids du grain décortiqué à celui des déchets a peu varié d'une année à l'autre.
« Le poids de l'hectolitre de grain qui était de 80 kilogrammes en 1902 s'est élevé à 83 kilogrammes en 1903.
« Les observations recueillies cette année sur l'essai de culture de l'Ampemby permettent de dire que cette graminée est relative- ment exigeante, et qu'elle s'accommode mal des terrains maigres.
« L'évolution de l'Ampemby, ainsi que le montre le graphique ci- dessous, dans lequel les traits noirs indiquent les phases de la végé-
102 NOTES
tation du premier essai et le double trait celles du dernier, a sen- siblement ditFéré dune année à l'autre.
du semis / — 8 jours à la levée \ - 5 jours
de la levée ) oinjrmra
à la floraison \ - 90 jours
de la floraison i ^mmmmm^mm 90 jours à la récolte \ - 90 jours
du semis / .—_____«_«_»__»__««___»____ 310 jours à la récolte \ - 185 jours
« Le semis fait en février 1903 a levé 3 jours plus tôt que celui exécuté en septembre 1902. Ce retard observé dans la germination en 1902 peut parfaitement être mis sur le compte de la température qui est plus basse et plus sèche en septembre qu'en janvier.
« Le laps de temps qui a séparé la levée de la floraison accuse une différence considérable d'une année à l'autre, puisque cette phase de la végétation s'est accomplie en 90 jours en 1903, tandis qu'elle a duré 218 jours en 1902.
« Cet écart résulte vraisemblablement de la fertilité différente du sol des deux carrés, car on sait que d'une manière générale les végétaux peu robustes fructifient plus vite que les plantes saines et vigoureuses.
« C'est ainsi par exemple que le maïs fleurit bien plus rapidement lorsqu'il est cultivé sur un sol pauvre que quand il est planté dans une terre riche.
« Le nombre de jours qu'il faut pour la maturation de la floraison est égal pour les deux essais ; il est vrai que les inflorescences appa- rurent à la même époque.
« Quoi qu'il en soit, la différence observée dans l'évolution de ces deux essais paraît anormale et semble démontrer que les époques de semis n'ont pas été bien choisies, tant pour l'essai de 1902 que pour celui de 1903.
« On est porté à penser que les semis faits en septembre sont trop hâtifs, et que ceux exécutés à la fin de janvier sont trop tar- difs.
LA CULTURE DE l'aMPEMBY 103
(( Une époque intermédiaire, comprise entre le commencement de novembre et la fin de décembre, serait probablement plus favorable, question de sol mise à part bien entendu.
« Les essais qui vont être entrepris incessamment nous rensei- gneront sur ce dernier point. »
La remarque faite par M. Duchène à propos de la fertilité des terres d'alluvions, plus ou moins grande suivant leur plus ou moins grande quantité de richesse en sable, mérite d'attirer tout spéciale- ment l'attention, car si elle a déjà de l'importance pour les cultures annuelles, elle en a bien plus encore quand il s'agit de plantes arborescentes comme le cacaoyer.
J'ai remarqué dernièrement, en visitant les plantations de la vallée de 1 Ivoloina, que les cacaoyers plantés près des bords de la rivière sur des alluvions de même nature que celles du carré n° 18, dépé- rissent invariablement vers la huitième année , tandis que ceux croissant là où la couche argilo-siliceuse est épaisse, végètent avec vigueur et ne donnent encore aucun signe de décrépitude à un âge beaucoup plus avancé.
Le Sous-inspecteur, Chef de la Circonscription agricole de VEst, Fauchère.
SIMPLE NOTE
SUR UNE
NOUVELLE PLANTE ALIMENTAIRE DE L'AFRIQUE CENTRALE
(Coleus Dazo Chevalier)
En novembre 1902, nous recevions de M. Luc, alors directeur du Jardin d'Essai de Brazzaville, au Congo Français, un envoi de racines alimentaires fournies par une plante très cultivée par les indigènes dans toute la région du Haut Oubanghi. et connue sous le nom local de Dazo.
A ce moment, M. Luc donnait sur cette plante les quelques ren- seignements qui suivent : ;< Ce n'est qu'à la tin de mon séjour a Brazzaville que j'ai pu me procurer des racines de Dazo.
J en avais beaucoup entendu parler par les Européens descen- dant du Haut Oubanghi. Cette culture étant trop récente au Jardin d'Essai, je n'ai pu juger du résultat en tant que récolte. Un seul fragment de racine, mis en terre, n'a pas tardé à donner de nom- breuses tiges dressées et ramifiées à la base. Au moment de mon départ de Brazzaville, pour rentrer en congé, j'en ai fait arracher, et autour des racines principales, j'ai trouvé une agglomération de petites racines blanchâtres. Une seule plante en portait un très grand nombre. Ce sont du reste ces racines que je vous ai rap- portées.
D'après les Européens qui en ont mangé, la racine de Dazo serait farineuse, non sucrée, et préférable à la patate douce.
C'est pour cette raison que j'ai tenu à m'en procurer pour le Jardin d'Essai de Brazzaville pensant qu'au point de vue des cul- tures viviïères aucune plante susceptible de constituer un nouveau légume ne devait être négligée. »
Quelques-unes des racines envoyées par M. Luc furent mises en végétation dans une serre du Jardin colonial, mais probablement à cause de l'époque peu favorable (novembre), les tiges qui se déve- loppèrent furent peu vigoureuses et ne tardèrent pas à périr. De
NOUVELLE PLANTE ALIMENTAIRE DE l' AFRIQUE CENTRALE 105
cette première introduction il ne restait donc que la connaissance d'une nouvelle plante utile, dont un échantillon de racines, fort heureusement, avait pu être étudié, ce qui permet de donner aujourd'hui, par l'analyse qui termine cette note, la valeur alimen- taire du Dazo.
En février 1904, la mission Chevalier, qui avait long-temps séjourné dans les régions situées au nord de l'Oubanghi, rapportait un important lot de Dazo, dont le chef de mission avait fait le Cote us Dazo.
Un bon échantillon de ce Dazo fut remis au Jardin colonial et placé de suite en végétation. Les rhyzomes étaient longs de 6 à 12 centim., de la grosseur du doigt, souvent tordus, irréguliers et portant de nombreux poils blancs assez rudes, ainsi que des petites saillies et des cicatrices foliaires régulièrement opposées.
La couleur de ces tubercules était jaunâtre. D'après un membre de la mission Chevalier, M. Martret, le Dazo, comme goût, rappelle- rait le salsiiïs.
Trois semaines après la mise en végétation des racines, les jeunes pousses sortaient de terre; au bout de deux mois, elles avaient 60 à 80 centimètres de hauteur.
La plante entière, comme les racines d'ailleurs, est recouverte de poils d'un blanc argenté et assez rudes au toucher.
La tige s'élève droite, vigoureuse, elle est à peu près cylindrique ou du moins ses angles sont très arrondis au lieu d'être à section carrée comme dans le Coleus Coppini, par exemple. Sa couleur qui est rougeàtre à la base va en s'atténuant et est d'un beau vert clair dans toute la partie supérieure.
Tous les 5 ou 6 centimètres la tige porte des feuilles opposées, sessiles, de forme ovale et à nervures, surtout la médiane, très sail- lantes sur la face inférieure, leur contour est faiblement denté et leur couleur est d'un vert pâle identique à celui de la tige. Ces feuilles ont 8 à 11 centimètres de long sur 4 à 5 centimètres de large.
La plante semble commencer par se ramifier aune certaine hau- teur. Les premières ramifications se sont en effet développées à environ 50 centimètres du sol.
Voilà sous quel aspect, après deux mois et demi de culture dans les serres du Jardin colonial, se présente le Dazo, qui est certaine- ment appelé, comme le pensait avec juste raison M. Luc, à prendre
\ 06 NOTES
une bonne place dans les cultures viviïères africaines et aussi dans toutes les autres régions chaudes où il sera introduit.
Nous pensons que dans l'avenir, le Dazo sera pour les pays tro- picaux, ce qu'est le Crosne du Japon pour les pays tempérés. Nous souhaitons qu'il s'y vulgarise aussi rapidement et y rende les mêmes services.
G. Chalot.
Nota. — La culture du Dazo n'est pas encore assez ancienne pour que l'on soit bien fixé sur le mode de multiplication qu'il conviendra de lui appliquer. Il semble, pourtant, que contrairement à ce qui a lieu pour les Plectranthus et Coleus alimentaires, la reproduction par rhyzomes ou fragments de rhyzomes sera préférable au boutu- rage de tiges.
Une sorte de Dazo à grosses racines, rapportée par la mission Chevalier, et qui constituerait une espèce particulière. Coleus lan- gouassi, est en culture au Jardin colonial. Jusqu'à ce jour cette plante paraît identique, en tous points, au Coleus Dazo.
COMPOSITION DU DAZO
Le Dazo renferme 76, 278 d'eau 0/o. La matière sèche renferme :
Sucres directement réducteurs 2.81
Matières azotées 8 . 49
Matières grasses 2.24
Matières saccharifiables 66 . 20
Cellulose brute 5.84
Cendres 4.04
Non dosées 10 38
100.00
Le dosage a été fait sur le tubercule non privé de sa peau, qui est très adhérente ; le tubercule a simplement été brossé avec une brosse dure pour détacher les poils dont il est recouvert.
L'odeur du Dazo rappelle absolument celle des plectranthus.
Paul Ammakn.
SUR QUELQUES LANDOLPPIIÉES NOUVELLES
DE MADAGASCAR
DECRITES PAK M. PIERRE
Il y a quelque temps le Jardin colonial recevait communication d'un certain nombre d'échantillons botaniques relatifs à des lianes à caoutchouc, envoyés par M. Thiry * de la provincede Maroantsetra. Ces échantillons étaient accompagnés de lots décorées pulvérisées, appartenant aux mêmes plantes, épuisées de leur caoutchouc, et destinées à être soumises à l'analyse pour le dosage de la matière tannante. Ces écorces furent étudiées au laboratoire de chimie du Jardin colonial, et le résultat des analyses a été publié dans le Bulletin n° 15 de cet établissement.
Les échantillons botaniques, pour la plupart bien incomplets, furent soumis à l'examen de M. Pierre, si compétent sur le groupe des Landolphiées ; c'est le résultat de cette étude que nous nous proposons de publier aujourd'hui en espérant que les lacunes lais- sées ouvertes par l'insuffisance des matériaux pourront vite être comblées par l'envoi de documents complémentaires.
I. lianes fournissant un ron caoutchouc (d'après M. Thiry).
1° Mandrianambo. Landolphia Mandrianambo Pierre, sp. nov.
Ramulis cum foliis ferrugineo-tomentosis vel pubescentibus; foliis ellipticis lanceolatis vel abrupte acuminatis, basirotundatis acumine lanceolari obtuso vel subacutos; chartaceis, subtus, demum subglabris vel sparse pubescentibus»
1. M. Thiry, inspecteur adjoint des eaux et forêts à Madagascar, a publié dans le Bulletin économique de cette colonie une série d'articles très documentés sur l'ex- ploitation et l'avenir économique des plantes à caoutchouc du nord-est de Mada- gascar. On y trouvera des renseignements précieux sur les plantes dont M. Pierre nous donne ici la diagnose botanique, ainsi que les dessins intéressants d'un certain nombre d'organes de ces végétaux (année 1903, p. I, 111, 215).
1 08 NOTES
concoloribus, nervis secundariis 5-12 utrinques bene distinctis; cymis 3-8 floris, folio longioribus, velutinis ; sepalis obtusis cum corolla extus hispidu- lis ; lobis corollae quam tubus manifeste longioribus ; ovario oblongo tomentoso stylo breviore ; ovulis ad quamque placentam 8 seriatis ; baccis 15-30 spermis ovoideis utrinque attenuatis vel oblongis basi cuneatis apice aeuminatis.
Ramuli 1,5 mm. crassi, adulti lenticellati. Petiolus 5 mm. longus. Lamina 2,6 à 9,5 cent, longa, 1, 6-3em. lata. Racemi tomentosi, ultra 3 c. longi, pedun- culo 1 c. longo ; ramulis 1-3 floris 3-4 mm. longis ; bracteis 3 mm. longis lanceolatis ; bracteolis 1/4 mm. longi obtusis Sepala 2 3/4 mm. longa ovato- laneeolata. Corollas fere adulta^ 20-22 mm. longa1, tubus 5,5 mm. longus médium versus inflatus staminifer, lobis subduplo brevior. Ovarium fere 2 mm. longum quam stylus 4,5 mm. (incl. stigmate 1 3/4 mm.) brevius. Bacca 4,8-7,8 cm. longa, 3,8 cm. lata. Semina interdum ultra 30 in pulpa nidulantia elliptica, angulata, 1,5-1,7 cm. longa, 1 cm. lata, Albumen bipar- tibile corneum ad commissuram sinuatum. Embryo generis plus minus tortuss.
Par ses feuilles plus elliptiques, plus abruptement acuminées, velues en dessous, par ses pétioles deux fois plus long-, par sa corolle velue et plus grande, par son ovaire tomenteux, etc., cette espèce est bien distincte du L. crassipes (Radl.) KSch. Elle s'éloigne d'autre part du L. sphzerocarpa Juin, par ses feuilles ellip- tiques arrondies à la base, par ses fleurs plus velues, par ses éta- mines insérées plus haut, par son ovaire non glabre, etc.
Echantillon n° III. Herbier du .lard, colon.
2° Fingimainty.
Landolphia kispidula Pierre, s. nov.
Foliis subtus ad nervationem cum ramulis pedunculisque bispidulis vel vil- losulis, ovato ellipticis vel oblongis, lanceolatis obtuse aeuminatis coriaceis, basi rotundatis, supra brunneis subtus viridibus; pedunculo terminali brevi ; baccis 2-12 spermis ovoideis, lenticellis discoïdeis sparsis ; pericarpio annulo scleroso ornatis; seminibus ellipticis, vel interdum bemisplnericis, sœpe angu- latis.
Ramuli 1 mm. crassi bispiduli subferruginei. Folia opposita annulo brevi lateraliter juncta. Petiolus 3 mm. longus, canaliculatus, hispidulus. Lamina 3,7-7 cm. longa, 1,7-3 cm. lata oblonga vel elliptica basi rotundata, obtuse lan- ceolata, supra vix lucida, aosta supra canaliculata, subtus elevata, vix palli- diora, nervis secundariis fere borizontalibus, tertiariis a margine descendenti- bus inferne ramosis parallelis.
Bacca 2,6-4 cm. longa, 2,2-3,4 cm. lata; pericarpio 1,5 mm. crasso. Semina in pulpa nidulantia, 1,5-2 cm. ]on<;'a, 1 cm. diametientia. Albumen corneum
QUELQUES LANDOLPHIÉES NOUVELLES DE MADAGASCAR 1 OU
bilobum piano convexum. Embryoni radicula capilata quàm colyledones foliacé» ellipticœ multoties brevior.
Cette espèce est voisine du L. crassipes (Radl.) KSch; elle en ditfère par l'extrémité du limbe plus allongée, par les nervures moins nombreuses et par ses poils denses et hispides. Le fruit du L. crassipes n'est pas connu.
Echantillon n° 1. Herbier du Jard. colon.
3° Fingibary.
Landolphia Dubardi Pierre, sp. nov.
Ramulis compresso-tetragonis dein teretibus griseis, lenticellis sparsis ornatis, puberulis mox glabris ; foliis brevissime petiolatis ovalibus vel ellipticis vel suborbicularibus, basi attenuato-acutis apice plerumque rotun- datis glabris, coriaceis, nervis secundariis 10-12 tenuibus cum tertiariis parallelis scepe parum conspicuis; racemo 7-16 flore terminali puberulo, ramulis adpressis 1-3 floris; bracteis laneeolatis, obtusis; sepalis ovato-lanceolatis extus puberulis ; corolla? extus puberula3 tubus ad stamina inflatus et apicem versus villosulus, lobis basim supra barbalis paulum longior ; ovario turbinato glabro apice sulcis disci adnati ornato.
Petiolus 3 mm. longus. Lamina 20-35 mm. longa, 15-27 mm. lata raro bre- vissime attenuata semper obtusa. Racemus 2-3 cm. longus, ramulis 2-5 mm. longis, pedicellis 2-4,5 mm. longis condensatis. Bracteœ 2 mm. longse extus cum bracteolis conformibus, puberulae. Sepala 1,5-2 mm. longa, 1,5 mm. lata. Corollœ adullœ 20-24 mm. longa? tubus 12-14 mm. longus quam lobi sinistror- sum obtegentes, basi angustati apice obtusi longior. Stamina ad 3,5 mm. altitudinem inserta. Anthera? cordulata?, ovatolanceolata?. Discus ovario abso- ute adnatus (more Landolphise owariensis) sulcatus. Ovarium 1 loc 3/4 mm. longum stylo subduplo brevius. Placenta? pariétales ad centrum approximalee singulse, ovula 7-8 seriata et circiter 6 in quaque série gerentes.
Cette espèce a l'organisation du L. gummifera (Lam.) KSch., particulièrement par son ovaire turbiné pourvu d'un disque adné, comme chez d'autres genres de cette famille. Ce disque me semble nié à tort par les auteurs. Elle se distingue de l'espèce citée par des feuilles et des fleurs plus petites, par son ovaire glabre, par les longs poils de la base supérieure des lobes de la corolle ; elle est voisine aussi du L. avenia Pierre.
Echantillon n° IV. Herbier du Jard. colon.
1 10 NOTES
4° Talandoha.
Landolphia Richardiana Pierre, sp. nov.
Ramulis glabris, adultis grisco lenticellatis; foliis ellipticis vel hand raro oblongis obtuse acuminatis, basi attenuatis acutis vel subobtusis vix coriaceis, glabris supra vel utriuque lucidulis atque pallie! is, costa elevata vel interdura canaliculata, nervis secundariis 10-14 gracilibus cura tertiariis ab arcu des- cendentibus ramosisque, bene distinctis; inflorescentia terminali vel laterali, o-9 ûoribus vix puberula, bracteis bracteolis sepalisque rotundatis extus pube- rulis; eorolla? extus pilosœ tubus infra médium inflatus staminifer lobis pau_ lulum brevior (in flore fere adulto ; ovario ovoideo pubescente obscure sulcato ; bacca 2-8 sperma obovoidea basi attenuata, griseo-punctulata.
Rami validi 2,5 mm. crassi. Folialinea transversali juncta. Petiolus 4-6 mm. longus. Lamina 6-12 cm. longa, 2-5 cm. lata interdum oblonga. Inflorescentia 7 cm. longa. Pedunculus 2-3 cm. longus. Ramuli sœpius 1 flori 4,5 mm. longi. Rracteœ, bracteola? sepalis approximata? 2 mm. longée, illis paulum breviores. Corolla ferè adulta 3,8 cm. longa extus pilis brevibus densis obtecta, tubo 1,8 cm. longo quam lobi (2 cm.) sinistrorsum obtegentes leviter breviore. Ger- înrn 1,5 mm. longum, stylo glabro brevius, 1 loc. Placenta3 gemina? praeter extremitatem sœpius libéra?, singulœ ovula 10 seriata ssepe 10 in quaque série gerentes. Racca piriformis 5,5 cm. longa, 4,5 cm. lata; epidermide griseo punctata; exocarpio 114 min. crasso annulum sclerosum includente, endocar pio pulposo. Semina juniora villosula 7-8 mm. longa.
Cette description est faite d'après les échantillons de Richard1, nos 45 et 617 du Mus. de Paris, auxquels se rapporte le Talandoha. (Echantillon n° VI. Rameaux feuilles seulement. Hei'bier du Jard. colon.). La teinte pâle des feuilles, leur pointe obtuse, leur forme elliptique, quelquefois oblongue, sont les caractéristiques du L. Richardiana qui pour les autres caractères tient du L. gummi- fera.
5° Fingimena.
Les échantillons botaniques ne comprenaient ni fleurs, ni fruits. D'après l'examen des rameaux feuilles, M. Pierre rapporte cette espèce au groupe des L. sphserocarpa et L. Begotii, et en fait pro- visoirement une espèce nouvelle sous le nom de L. Fingimena
1. Richard, directeur du Jardin botanique de Saint-Denis, Ile de la Réunion, 182041850. 11 a fait divers voyages de.vploitation botanique à Madagascar.
QUELQUES LANDOLPHIÉES NOUVELLES DE MADAGASCAR 111
Pierre. L'existence de cette espèce et sa diagnose ne pourront être consacrées qu'après examen de documents complémentaires. Echantillon n° V. Herbier du Jard. colon.
6° Ravinengitra.
L'examen des échantillons trop incomplets ne conduit à aucune conclusion certaine.
Echantillon n° II. Herbier du Jard. colon.
IL Lianes a latex d'une coagulation difficile et donnant un PRODUIT non élastiql'e (d'après M. Thiry).
1° Fingipotsy. Landolphia subsessilis Pierre.
Cet échantillon paraît être une forme du L. crassipes (Radl.) KSch. Il en diffère par ses rameaux et ses feuilles glabres à l'état adulte, par sa nervation tertiaire presque aussi élevée que la secon- daire; il correspond bien à l'échantillon type du L. subsessilis récolté par Boivin au village de Passandara de l'île de Nossi-Bé. Par la forme des feuilles, il se rapproche aussi du L. hispidula, sp. nov.
Echantillon n° X. Herbier du Jard. colon.
•2° Ditivahy.
L'examen des échantillons trop incomplets ne conduit à aucune conclusion certaine.
Echantillon n° IX. Herbier du Jard. colon.
3° Robanga.
Landolphia madagascariensis KSch.
Cet échantillon correspond bien aux types du L. madagascarien- sis de l'herbier Siebert n° 124, et de Boivin n° 1732 '.
1. Du Muséum de Paris.
112 NOTES
Les auteurs récents font de ce L. madagascariensis un synonyme de L. gummifem (Lam.) KSch., contrairement à l'opinion de A. de Candolle.
Echantillon n° VIII. Herbier du Jard. colon.
4° Rambatsikopika.
Cet échantillon appartient au genre Landolphia, mais se présente avec des feuilles de même forme que le L. crassipes (Radl.) KSch. ; néanmoins avec une pointe plus allongée. Par cette particularité, il ressemble au Fingimena (Echant. n° V. Herbier du Jard. colon.), mais a le limbe plus large et une teinte plus claire ; les matériaux sont trop incomplets pour décrire et nommer l'espèce.
Échantillon n° VII. Herbier du Jard. colon.
En résumé, l'envoi de M. Thirv comporte : quatre espèces nou- velles bien déiinies :
Landolphia Mandrianambo Pierre,
L. hispidula Pierre,
L. Du hardi Pierre,
L. Richardiana Pierre;
une espèce nouvelle basée sur des documents trop incomplets :
L. Fingimena Pierre;
deux espèces déjà signalées :
L. subsessilis Pierre,
L. madagascariensis KSch. ;
une forme probable du L. crassipes, le Rambatsikopika, et deux échantillons dont l'identification même générique est douteuse : Ravinengitra et Ditivahy.
Service botanique du Jardin colonial.
NOUVEAUX CAFÉIERS DE LA COTE OCCIDENTALE D'AFRIQUE
COFFEA AFFINIS (DE WiLD).
La Guinée Française produit'un café à très petites graines dont la qualité est excellente et qui, pour cette raison, est à tel point recher- ché par tous ceux qui le connaissent qu'il est fort dilïicile de s'en procurer dans le commerce une quantité quelque peu importante.
Jusqu'à présent, ce café était considéré comme étant produit exclusivement par le caféier du Rio-Nunez (CofFea stenophylla), espèce qui croît dans les massils forestiers qui bordent les Rivières du Sud. En raison de la qualité du produit que fournit cette espèce, diverses tentatives de culture ont été faites. Mais la plante s'est montrée généralement peu robuste et les plantations sont restées chétives et sans avenir. C'est du moins ce que nous avons pu cons- tater au Jardin d'Essai de Camayene, où un carré de plusieurs ares est consacré à cette culture. Les plantes restent faibles et ne donnent que peu de promesses pour l'avenir. Il en est de même de plants issus de graines envoyées de Konakry et cultivés au Jardin d'Essai de Libreville.
Nous eûmes l'occasion, en 1900, de nous entretenir de cette ques- tion avec M. Boery, qui possédait en Guinée une plantation où il avait fait une place importante au caféier indigène.
11 nous dit que les graines récoltées sur des plantes croissant à l'état sauvage, lui avaient donné des plantes vigoureuses. Il voulut bien nous envoyer des graines provenant de ses plantations. Elles furent semées au Jardin colonial et y ont donné des plantes bien portantes, vigoureuses, bien qu'à croissance assez lente.
Dès que ces plantes eurent des feuilles caractérisées, il nous fut aisé de constater qu'elles n'appartenaient pas au Coffea stenophylla.
Le caféier croissant dans le Rio-Nunez n'était-il donc pas du C. stenophylla, ou bien il se trouve en Guinée, en mélange avec une autre espèce. C'est ce qu'il importait de savoir.
Bulletin du Jardin colonial. 8
1 1 ï NOTES
Un récent voyage en Guinée nous permit d'élucider cette ques- tion. En effet, dans le jardin qui a voisine l'hôtel du Gouverneur, dans le jardin public et enfin au Jardin d'Essai, il existe de nom- breux exemplaires dans lesquels il est facile de reconnaître la plante que nous cultivons au Jardin colonial et qui provenait de graines envoyées comme étant du caféier du Rio-Xunez. L'en- semble des caractères nous a permis de reconnaître, à première vue, qu'il s'agissait de deux espèces distinctes.
Ce nouveau caféier, qui croît lui aussi à l'état sauvage en Guinée, diffère totalement, par l'ensemble de ses caractères végétatifs, du Cofi'ea stenophylla. mais il s'en rapproche singulièrement par la forme et le volume de la graine et du fruit. Et c'est de là qu'est venue la confusion qui fît que nous avions reçu des graines de ce caféier aux lieux et place de celles du C. stenophylla.
Les échantillons botaniques que nous avons rapportés ont permis d'étudier ce caféier et il a été aisé à M. de "Wildeman, à qui nous les avions confiés en raison de sa connaissance spéciale du genre Coffea dont il a récemment publié une monographie, de reconnaître qu'il s'agissait d'une espèce nouvelle à laquelle il a donné le nom de Coffea affinis.
Il résulte de l'ensemble des observations que nous avons pu faire que le café dit « Rio-Nunez » provient aussi bien du Coffea affinis que du Coffea stenophylla.
Cette constatation pourrait avoir une grande importance pour
l'avenir, car si le C. stenophylla de la Guinée donne le plus souvent
des plantes chétives, par contre le C. affinis a une très grande
vigueur, et tout porte à croire que ses caractères de végétation qui
le rapprochent assez du caféier de Libéria, correspondent sans doute
aune rusticité qui, si elle était égale à celle de cette dernière espèce,
pourrait conduire à la propagation du Coffea affinis. partout où les
maladies empêchent la culture normale du caféier d'Arabie. On
aurait ainsi, du même coup, une plante très rustique et fournissant
des produits d'une haute valeur.
J. D.
Arbuste pyramidal, garni de branches dès la base, de 3 à 4 cent, de hauteur. Feuilles pétiolées, à pétiole de 1 centimètre de long, àlimbe obovale de 11 à 17 centimètres de long et 4 à 6 centimètres de large vers le milieu, arrondies au sommet, assez brusquement cuspi-
NOUVEAUX CAFÉIERS DE LA CÔTE OCCIDENTALE D'AFRIQUE 115
dées, à cuspis de 10 à 15 millimètres de long-; cunéiformes à la base, à nervures secondaires au nombre de 8 à 9, de chaque côté de la nervure médiane. Acarodomaties logées dans le tissu delà base des nervures secondaires, à ouverture circulaire ou allongée, glabre ou à poils très peu nombreux. Stipules triangulaires mucronées au sommet, obtuses, cilliées sur les bords, connées à la base, de 4 milli- mètres environ de long-. Fleurs disposées par 2 ou 3, en cymes entourées de bractées formant calicules emboîtés dont l'extérieur est parfois muni de bractéoles foliacées, fleurs pédicellées, à pédi- celle dépassant légèrement les calicules à calices de 2 millimètres environ de long, non denté, environ aussi long que le disque. Corolle infundibuliforme de 3 centimètres environ de long, à tube attei- gnant à la gorge 7 millimètres de diamètre et environ aussi longs que les lobes, ceux-ci au nombre de 5 à 9, atteignant 4 milli- mètres de large. Etamines à filaments exserts de 7 millimètres de long, insérés vers le milieu des anthères de un centimètre de long. Fruit (mûr) de 12 millimètres de long sur 8-12 millimètres de diamètre, porté sur un pédicelle dépassant les restes des calicules superposés, ovoïde, terminé par le disque proéminent dépassant net- tement le limbe calicinal. Mésocarpe mince, endocarpe crustacé.
Habitat. — Plante observée à l'état indigène à Sierra Leone et cultivée à Conakry, le 2 octobre 1903 (J. Dybowski).
Ohs. — Dans nos études antérieures sur les caféiers1 nous avons publié la série des observations faites par M. Pierre sur les caféiers qu'il avait étudiés d'après des échantillons récoltés en Afrique Occi- dentale par des botanistes français et des botanistes belges. Nous y avons reproduit la clef analytique proposée par M. Pierre. Si l'on tient compte des données de ce tableau (l. c, p. 12 et 13) on se trouvera plus ou moins embarrassé pour classer la plante que nous venons de décrire, sommairement il est vrai, sur des matériaux assez incomplets. En effet, les pédoncules dépassent comme on voit plus ou moins le tube caliculaire chez la plante que nous croyons nouvelle elle se classerait donc dans le groupe du G. Libéria Bull., bien qu'elle ait certaines analogies avec le C. cane- phora Pierre et cela en partie pour la disposition des acarodomaties
1. Les caféiers, Bruxelles, 1901.
I 16 NOTES
à la face inférieure de ses feuilles. Mais l'espèce qui à première vue a le plus d'analogies avec ce caféier de Conakrv est le C. Klainii, récolté dans les environs de Libreville par le R. P. Klain. mais le C. Klainaii Pierre possède des feuilles beaucoup plus développées, des fleurs presque sessiles et surtout des fruits dont le disque n'est pas proéminent ; les baies du C. Klainii sont terminées par une sorte de bec formé par la base du calice, et le disque se trouve a l'inté- rieur tandis que dans la plante de Conakrv le disque est nettement exsert.
L'étude des espèces et variétés du genre Coffea indigènes dans l'Afrique tropicale occidentale est des plus embrouillée, il est très difficile de décider sur les échantillons souvent très incomplets qui sont mis à la disposition des botanistes, si l'on se trouve en présence d'une véritable espèce d'une variété constante ou d'une hybride naturelle ou artificielle.
L'examen de la face inférieure des feuilles pourra peut-être servir pour différencier certains groupements d'espèces. Si l'on compare en effet des formes telles que celles qu'il faut rapporter au groupe arabica et congensis on voit qu'elles présentent à l'aisselle des ner- vures principales et latérales, à la face inférieure des feuilles des acarodomaties peu nettement différenciées, accusées seulement par une touffe de poils n'entourant pas une ouverture nettement délimi- tée. Chez les espèces du groupe liberica au contraire l'acarodoma- tie est plus fortement différenciée, elle est localisée dans l'épatement de la nervure latérale et s'ouvre vers la face inférieure par un pore circulaire ou légèrement allongé, glabre ou muni de poils très peu nombreux, occupant le pourtour du port central. Le même caractère semble se représenter également chez les différentes formes que l'on doit rapporter au groupe canephora.
Nous ne pouvons pour le moment préciser plus avant la discus- sion de ces caractères. Nous aurons peut-être l'occasion de la reprendre lors de l'examen des très nombreux matériaux ramenés du Congo par la fructueuse mission Em. et M. Laurent.
E. DE WlLDEMAN.
COI' 11. \ CANEPHORA
Var. opaca. o mai 1904
GOFFEA CANEPHORA
(Var. opaca (Pierre).
En octobre 1898, M. Chalot, alors directeur du Jardin d'Essai de Libreville, envoya dans la région du Kouillou au Congo Français, des graines stratifiées d'un caféier croissant à l'état sauvage au Jardin d'Essai de Tunis sous le nom de Coffea canephora.
Ces graines furent semées et germèrent dans des conditions excel- lentes. Les plants se montrèrent robustes.
Quelques-uns de ces plants furent, l'année d'après, transportés au Jardin colonial. Un d'eux fut mis en pleine terre, dans la serre spécialement consacrée à la culture des caféiers. Il est devenu très vigoureux et dépasse deux mètres de hauteur. Il se couvre de fleurs au printemps et en été. La forme et la coloration de ses feuilles per- mirent de constater qu'il devait s'agir d'une plante nouvelle.
Il a donc paru utile d'en envoyer des échantillons frais, au moment de la floraison, à M. Pierre, l'éminent botaniste, qui fut le créateur de l'espèce canephora, et par suite mieux à même que quiconque pour trancher la question de savoir si la forme cultivée à Nogent devait être considérée comme une espèce ou une variété nou- velle.
A la suite de cet envoi (juillet 1903), M. Pierre adressa à M. Cha- lot la lettre suivante, qui assigne au nouveau caféier une place précise dans la classification de ce genre :
« J'ai étudié votre échantillon, et bien que je reconnaisse que ses rapports sont évidents avec les variétés Kouillouensis et oligoneura je suis néanmoins d'avis que vous cultivez au Jardin de Libreville (d'après votre échantillon du 1er septembre 1901), comme à Nogent, une variété distincte qu'il convient de tenir distincte pour la com- modité de la culture et dont je résume ainsi les caractères :
Coffea canephora, var. opaca. A. elliptius utrinque lanceolatis basi acutis vel rotondatisapice breviter obtuseque acuminatis, utrinque opaca nervis secun- dariis utrinque 8-II, capitulis 4-6 floris, floribus 6 soepius 5 meris, corolla adulta 15-23 mm. longis antheris 7-10 mm. longis disco cylindrico calycem integrum superante (Fructus seminaque) '?
1 1 8 NOTES
ce En un mot, feuilles opaques, moins grandes que chez la var. Kou&louensis ayant beaucoup de rapports avec la var. oliyoneura de la même région, mais dillérant de toutes deux par les Heurs, très souvent 6 mères (deux dans un capitule de 6 fleurs) . Chez les deux variétés comparées, les fleurs sont toujours o mères. Par ce dernier caractère se rapproche de la variété muniensis et de celle du Congo Wildemanii, cette dernière à feuilles plus grandes contenant de 14 à 17 paires de nervures secondaires, et dont les Heurs sont 6-7 mères.
« Je ne connais pas les fruits de cette variété opaca. La proémi- nence du disque, les pédoncules plus courts que le tube du calicule démontrent bien que cette variété appartient au C. canephora. La présence de bractées doublement inégales éloigne aussi cette variété du C. liberica. »
S il s'était agi simplement d'une forme nouvelle d'un caféier quel- conque nous n'en aurions pas parlé, mais le Coffea canephora, var. opaca, nous semble digne d'attirer l'attention des planteurs. C'est en effet une plante qui se caractérise et se recommande par sa très grande vigueur, et le nombre considérable de fruits qu'elle peut porter. Ces fruits sont petits, et les graines qu'ils renferment sont, au point de vue commercial, particulièrement intéressants, car ils ont toutes les qualités de forme et de grosseur exigées. Il n'est donc pas douteux qu'ils seront facilement adoptés par le commerce.
C'est pourquoi ce caféier, ainsi ceux appartenant aux variétés oliyoneura et Kouillouensis, qui se trouvent à l'état spontané dans la région du Kouillou, au Congo Français, où il en existe d'ailleurs d'importantes plantations, comme sur d'autres points de la colonie, dans l'Ogoué, par exemple, mériteraient d'être introduits ailleurs et d'être comparés, au point de vue de la résistance aux dillérentes maladies, avec les autres caféiers de culture courante.
NOTES SUR LA SOIE D'ARAIGNÉE
Les premières expériences sur la soie d'araignée datent de 1710. C'est au Président Bon de Saint-Hilaire (François-Xavier, savant et magistrat, né en 1678, mort en 1761) à qui on en fut redevable. Il fut Président de la Chambre des Comptes de sa ville natale, Montpellier. Sa dissertation sur l'Araignée a été traduite dans toutes les langues de l'Europe et même en chinois. La disserta- tion du Président fut insérée dans les tomes XXVII des Philosophi- cal transactions. L'Académie des Sciences, à laquelle ce magistrat et savant fit part de ses essais, jugea, après un mémoire de Réau- mur, que cette branche d'industrie offrait peu d'espérance.
En 1777-1778, et, plus tard, en 1791, Raymonde-Maria de Tre- meyer, Espagnol, reprit les expériences ; il parvint à dévider direc- tement le fil d'une araignée à mesure qu'il sortait de ses filières. L'appareil employé par l'expérimentateur était, sauf quelque modi- fication, le même que celui qui est en usage à l'heure actuelle à l'Ecole professionnelle de Tananarive.
Rolt, négociant anglais, a fait aussi des essais sur l'araignée Dia- dème « [Epeire diadème) ». Ayant remarqué la facilité avec laquelle cet insecte dévide son fil à mesure qu'on l'enroule, il mit en com- munication avec une machine à vapeur, et, avec une vitesse de 18"' 726 à la mimite, un [dévidoir très léger autour duquel il enroula le fil d'une araignée a mesure qu'elle l'abandonnait.
Les araignées soumises à cet essai fournirent un fil continu pen- dant un espace de 3 à 5 minutes. L'échantillon présenté à la Société des Arts de Londres avait environ 5.750 mètres.
Asara, dans son Voyage au Paraguay, dit qu'il existe une arai- gnée qui fait des cocons sphériques de 2 à 5 centimètres de dia- mètre.
A Madagascar, les premiers essais de dévidage du fil de soie de la Nephila Madagascariensis, ou Halabe des Malgaches, sont dus au Père Camboue, missionnaire français. Il enfermait les araignées dans
120
NOTES
des boîtes d'allumettes, de façon à laisser émerger l'abdomen et il tirait le brin qui se présentait à l'orifice.
De ses expériences il conclut que c'était après la ponte que XHa.la.be donnait le plus de fil (je dis après la ponte, car il n'y a que l'araignée femelle qui soit productrice de la soie).
Fig. 1. A Bâti fixe G Guillotine fermée G ouverte
S//////W///M;
Fig. 2. Fig. schématique montrant comment se trouve encastrée l'araignée a. s fil de soie sortant des filières. •
6 ■O
z>M
Fig. 3. Dévida e. Fig schématique s s s Fils de soie sortant des filières de l'araignée c Crochet b Bobine M Manivelle.
Ces araignées peuvent subir en un mois cinq ou six dévidages donnant environ 4.000 mètres, puis elles meurent.
Peu après, M. Jully, architecte de la colonie de Madagascar, directeur à cette époque de l'Ecole professionnelle de Tananarive, reprit ces essais, qui furent abandonnés et enfin de nouveau étudiés par M. Nogué, actuellement sous-directeur de cette école.
L'appareil de dévidage de M. Nogué n'est autre que celui de Tremeyer un peu modifié. Il repose sur le même principe. Cet appareil peut être assimilé aune succession de huit guillotines.
soie d'araignée 121
La partie inférieure fixe la partie supérieure mobile pour enser- rer l'araignée, de façon que l'abdomen seul sorte du côté d'une manivelle qui enroule sur une bobine, quand elle est mise en mou- vement, les huit brins de soie préalablement réunis sur un crochet métallique.
La soie de l'araignée Halabe est d'un beau jaune doré.
On n'est pas arrivé encore à faire une éducation pratique de la Nephila Madagascariensis , quoique l'araignée ne se déplace pour ainsi dire pas de l'endroit où on la pose ; mais, si la nourriture vient à manquer, elles se mangent entre elles.
Le mode de récolte employé aujourd'hui est d'envoyer les femmes à la chasse et de filer sur place avec l'appareil à guillotine ; quand l'araignée a rendu son fil, on la remet sur l'arbre.
Il n'y a guère que l'Ecole professionnelle qui achète cette soie au prix d'un franc le gramme, ce qui remet donc le prix du kilo- gramme à 1.000 francs sans être travaillé; aussi cette industrie a- t-elle, selon moi, peu de chance de réussite. Jusqu'à ce jour, la pro- duction en est, d'ailleurs, très peu importante.
Direction de l'Agriculture de Madagascar.
NOTE SUR LA MULTIPLICATION DES BAMBOUS
La Station d'Essais de Nampoa, près Fort-Dauphin, possède quatre espèces de bambous, connues dans le pays sous les noms de « Bambou de Birmanie, « Bambou de la Réunion », « Bambou doré » et « Petit bambou de Chine ».
Le premier est de beaucoup l'espèce qui prend le plus de déve- loppement ; il n'est pas rare de voir ses tiges atteindre 18 à 20 mètres de hauteur avec un diamètre à la base de 20 à 22 centi- mètres. Plantée dans un sol qui lui convient, cette remarquable plante forme, en 3 ou 4 années, d'énormes touffes du plus bel effet.
Outre ses qualités décoratives, elle possède une réelle valeur éco- nomique, tant ses énormes tiges peuvent donner lieu à des utilisa- tions diverses. La grande cavité longitudinale qu'elles possèdent (une tige de 20 centimètres d'épaisseur a un vide intérieur de 15 à 16 centimètres de diamètre) permet de les employer comme tuyaux pour les conduites d'eau aériennes, découpées en tronçons de 20 à 30 centimètres de longueur, elles peuvent servir et servent souvent de vases à fleur.
Le bambou dit de « Bourbon » est de taille beaucoup plus petite; l'épaisseur de ses tiges ne dépasse guère 8 à 10 centimètres, et leur hauteur excède rarement 8 à 10 mètres. Le vide intérieur est très réduit et n'atteint guère que 2 à 3 centimètres dans les plus grosses tiges ; aussi sont-elles d'une résistance extraordinaire. On s'en sert pour fabriquer des échelles très légères et tx^ès fortes, des brancards, des tuteurs, des bâtons de charge, et elles peuvent rendre de sérieux services dans la construction pour faire des charpentes légères.
Le bambou doré, ou bambou du « Mandarin », est remarquable à cause de ses tiges d'un beau jaune, striées longitudinalement de raies vertes ; le feuillage est d'un beau vert. Le bambou doré atteint des dimensions sensiblement égales à celle du bambou de « Bourbon » ; cependant ses belles tiges, qui se détachent très bien, à cause de leur couleur dorée, sur le fond vert foncé du feuillage, deviennent quelquefois plus grandes. Elles sont également presque pleines et.
LA MULTIPLICATION DES BAMBOUS 123
par conséquent, résistantes ; elles peuvent servir aux mêmes utili- sations que celles de la variété précédente, mais leur belle colora- tion jaune les l'ait souvent employer à la confection de meubles rus- tiques et de bibelots divers.
Le bambou dit de « Chine » est de taille réduite, il atteint au maxi- mum 5 à 6 mètres de hauteur ; ses plus grosses tiges ne dépassent guère 2 à 3 centimètres de diamètre et présentent un vide très peu important. Elles offrent, comparée à leur dimension, une très grande solidité, et peuvent servir à faire des cannes à pêche, des tuteurs, des claies, des paniers, des palissades, etc., etc.
L'utilité de toutes ces excellentes espèces de bambou, qui ont, en outre, une valeur ornementale hors pair, est telle que, dès son arri- vée à Fort-Dauphin, l'agent de culture chargé de la Station de Nampoa fut prié de s'efforcer de les multiplier le plus possible, afin de pouvoir les répandre sur tous les points de l'île susceptibles de leur convenir. Dès la fin de 1901, il put en expédier quelques exemplaires racines k la Station d'Essais de l'Ivoloina et, en 1902, il fut possible de commencer à en distribuer.
M. Delgove qui, depuis environ trois ans, s'occupe de la multi- plication des bambous, communique à ce sujet les indications pra- tiques consignées dans la note reproduite ci-dessous in extenso.
Cette question présentant un réel intérêt pratique, M. Fauchère, directeur de la Station d'Essais de l'Ivoloina, a fait entreprendre dans cet établissement toute une nouvelle série d'expériences ayant pour but de déterminer exactement le meilleur mode de bouturage à employer.
Bambou de « Birmanie ». — Sols et situations convenables. — Ce bambou, comme d'ailleurs toutes les espèces du genre, se plaît dans les sols frais, mais il redoute l'humidité stagnante, les inonda- tions prolongées lui sont préjudiciables.
Lorsqu'il est planté près d'une rivière, au-dessous du niveau ordinaire des inondations, s'il arrive que l'eau recouvre totalement ses souches pendant plus de huit jours, les trois quarts environ des jeunes tiges périssent.
Un séjour de trois ou quatre jours sous l'eau ne semble cependant avoir aucune influence fâcheuse sur leur développement.
Quoique cette belle plante puisse végéter dans presque tous les sols frais, elle ne donne cependant toute la mesure de son extraor-
124 NOTES
dinaire vigueur que dans les terres profondes de consistance moyenne.
Epoque convenable pour procéder' au bouturage . — A Fort- Dauphin, le bambou de « Birmanie » perd ses feuilles en septembre et octobre; c'est pendant cette période de repos que l'on doit procéder au bouturage. A la Station de Nampoa, les boutures faites dans le courant d'octobre ont toujours donné de très bons résultats.
Préparation des boutures. — Le seul mode de multiplication mis en pratique jusqu'à ce jour à la Station de Nampoa, est le bouturage simple, qui consiste à tronçonner les tiges en morceaux conservant deux nœuds.
On doit employer des tiges de deux ans ; plus jeunes, elles seraient trop tendres et exposées à pourrir; plus âgées, elles sont trop dures et n'émettent pas de racines.
La base des tiges est inutilisable. Les nœuds qui portent des rami- fications secondaires sont seuls capables de donner des racines. Les premières ramifications naissent généralement à i ou 5 mètres au- dessus du sol. Il faut donc compter que les deux tiers seulement de la tige sont susceptibles d'être bouturés ; une tige ordinaire donne environ 15 à 16 boutures.
Le sectionnement des boutures se fait à la scie; mais il est bon, indispensable même, de rafraîchir les coupes à l'aide d'un instrument tranchant.
On doit sectionner à très peu de distance du nœud inférieur et à 5 ou 6 centimètres au-dessus du supérieur, en prenant la précaution de faire la coupe en biseau.
Les branches latérales sont ensuite coupées à 5 ou 6 centimètres au-dessus de leur point d'attache.
La mise en terre doit être faite immédiatement ; si, pour une rai- son quelconque, les boutures ne pouvaient être plantées aussitôt après leur préparation, ou si elles devaient voyager, il faudrait les mélanger à de la mousse légèrement humide ou les stratifier dans de la terre.
Mise en place des boutures. — Préparation du sol. — On devra, si l'on veut obtenir de bons résultats, choisir, pour y planter les boutures de bambous, un sol léger, riche et frais, que l'on devra préparer soigneusement par un ou plusieurs bons labours.
LA MULTIPLICATION DES BAMBOUS 125
En raison de la longueur du temps qui s'écoule ordinairement entre la mise en terre des boutures et rémission des premières racines, il est bon de les planter dans un endroit abrité naturelle- ment du soleil par de grands arbres, ou de construire des ombrières au-dessus de la pépinière. On évite ainsi, dans une certaine mesure, le dessèchement des boutures.
La distance à réserver entre les boutures est variable suivant leur dimension. Il est utile cependant de réserver entre elles au moins 45 ou 50 centimètres d'intervalle en tous sens, pour que la levée en motte puisse être faite sans difficulté,
La terre doit être tassée fortement autour des boutures.
Pendant toute la durée de la reprise, les soins consistent en sar- clages fréquents et en arrosages renouvelés chaque fois que le besoin s'en fait sentir; il est nécessaire de maintenir le sol dans un état d'humidité constant, si l'on veut obtenir des résultats satisfai- sants.
Si les boutures ont été faites au moment propice, elles com- mencent à émettre de jeunes tiges trois semaines environ après la mise en terre, mais l'enracinement ne commence que longtemps après et n'est suffisant qu'au bout d'une année au minimum.
Quels que soient les soins apportés au choix des boutures, à leur préparation et à leur mise en place, il est bien rare que l'on obtienne plus de 50 plants pour cent boutures confiées au sol.
Mise en place. — La transplantation des plants ne peut guère être entreprise moins d'une année après le bouturage, quelquefois il faut attendre plus.
La levée doit se faire en motte; si le rameau bouture n'est pas complètement décomposé au moment de l'arrachage, et s'il tient encore fortement à la nouvelle touffe de bambou on doit avoir bien soin de ne pas l'en détacher; si l'on a attendu assez longtemps, ce tronçon de tige est généralement décomposé et il n'y a pas lieu de s'en préoccuper.
Les soins à prendre pour la plantation ne diffèrent en rien de ceux que l'on prend pour les autres espèces végétales ; il est donc inutile de s'y arrêter dans une note qui traite plus spécialement de la multiplication proprement dite.
1 26 NOTES
Bambou de « Bourbon » et « Bambou doré ». — La multiplication de ces deux espèces est beaucoup plus facile ; on peut la faire par la division des touffes ou par le bouturage.
Le bouturage ne présente pas de difficulté ; on peut faire des bou- tures à un seul œil et les planter directement en place, mais il est préférable, si Ton Lredoute la sécheresse, de les mettre en pépinière où l'on puisse les arroser facilement.
L'époque la plus propice pour le bouturage est celle du repos de la végétation, c'est-à-dire septembre et octobre.
Bambou de « Chine ». — A cause des dimensions très restreintes de ses tiges et de ses touffes très cespiteuses, cette espèce se multi- plie de préférence par le fractionnement des touffes.
Lorsque l'époque de la multiplication est arrivée, on coupe toutes les tiges à 20 centimètres environ au-dessus du sol, puis on arrache les touffes et on les fractionne en portion comprenant huit ou dix tiges. Ces morceaux de touffes doivent être mis directement en place.
Pour multiplier le bambou de « Chine », il est préférable d'at- tendre que la saison des pluies soit bien établie ; si l'on procède à la division des souches en saison sèche, il faut avoir soin d'arroser toutes les fois que le besoin s'en fait sentir.
Delgove.
BIBLIOGRAPHIE
E. de Wildeman. — Notices sur des plantes utiles ou intéressantes de la flore du Congo. I. Publication de l'État indépendant du Congo, Bruxelles, 1903, 221 pages, 12 planches en vente à Paris, chez Challamel, 17, rue Jacob.
I. — Le Bosqueia angolensis Ficalho, Sekegna ou Saccagna des indigènes, est une moracée dont l'écorce laisse écouler un suc lie de vin, que les natu- rels de l'État du Congo utilisent pour colorer leurs pagnes et de nombreux objets. Le fruit comestible est connu sous le nom de Mongenia. Sa substance colorante mérite d'être étudiée et son bois est un superbe bois d'ébénisterie.
II. — Le Musanga Smithii R. Br., Parasolier ou Kombo-Kombo, est un arbre de 15 mètres, à feuilles composées, palmées, émettant de nombreuses racines adventives aériennes ; le bois de cette Urticinée extrêmement léger et très résistant, reçoit tous les emplois du liège : c'est le Corkwood des Anglais. Le fruit est comestible. Cette plante à croissance rapide a été préconisée comme arbre d'ombrage dans les plantations de cacaoyer ; mais elle doit, en ce cas, être arrachée vers la quatrième année, car elle deviendrait nuisible à cause de la quantité d'eau considérable qu'elle absorbe par ses nombreuses racines. Elle renferme une telle quantité d'eau que certaines peuplades, fixées loin des rivières et des sources, se procurent l'eau pour tous leurs usages domestiques, en entamant les racines aériennes de Musanga.
III. — Hyptis spicigera. L'auteur insiste sur les propriétés de cette plante et donne l'analyse de l'huile fournie par les graines, publiée par M. Milliau dans le présent bulletin '.
IV. — Pandanus Butayei De Wild.
V. — Quelques textiles indigènes de l'État indépendant. L'auteur insiste sur : 1° le Celosia argentea L., amarantacée, qui sert à faire des cordes très solides ; la plante constitue aussi un fourrage excellent, et les graines oléagi- neuses sont efficaces contre la diarrhée ; 2° le Cephalonema polyandrum K. Schum. Tiliacées ; 3° le Manniophyton africanum Miill.-Arg., et M. fulvum Mùll.-Arg., Euphorbiacées, Lacossa ou N'Kossa des indigènes.
VI. — Sarcocephalus Diderrichii De Wild et Th. Dur., et Sarcocephalus Gilletii De Wild; bois d'ébénisterie, N'gulu Maza.
VII. — Melia azedarach ou Lilas des Falls.
VIII. — Balanites Aegyptiaca Del., Lalo ou Soûmpa ; arbuste à fruits drupa- cés, jaunâtres, à péricarpe très mince, que sucent les indigènes ; ces fruits
1. Bulletin du Jardin Colonial. Tome I. 1901-1902, p. 116.
128 BIBLIOGRAPHIE
seraient purgatifs et anlhelmintiques ; ils donnent par fermentation une liqueur alcoolique. La graine fournit une huile comestible très estimée par les indigènes et les soldats de l'État indépendant du Congo. Enfin, la racine et l'écorce, purgatives et vermifuges, semblent renfermer de la saponine et peuvent être utilisées pour le nettoyage et le dégraissage des étoffes. Le bois est d'excellente qualité : il est employé en Abyssinie pour la construction des charrues.
IX. — Un fébrifuge du Congo. Description et étude du Carapa procera DC, var. gentilii De Wïld.
X. — L' Herbe de Guinée, ou Panicum maximum Jacq. Examen de la valeur fourragère de cette plante, et classification des variétés d'après K. Schumann.
XL — A propos de Bananiers. L'auteur décrit le Musa Gilletii, voisin du Musa religiosa Dybowski, et qui présente comme lui un bulbe à la base, et le Musa Arnoldiana. L'auteur enfin (p. 89 à 119) rappelle l'importance écono- mique des Bananiers dont il étudie la culture, le commerce et les usages.
XII. — Orchidées nouvelles pour la flore du Congo : Bulbophyllum fïavidum LindL, var. elongalum De Wild ; B. nanum, nov. sp. ; B. Calamarium Lind. ; B. Schinzianum Kranzl. ; Megaclinium djumaensis, nov. sp. M. minor, nov. sp., M. purpureorachis, nov. sp., M. congolensis De Wild, etc.
XIII. — Baobab ou Adansonia digitata L.
XIV. — Les « Cassia » du Congo.
XV. — Les Eucalyptus et leurs usages.
XVI. — Jute ou Gunny. Commerce. Industrie. Culture (p. 199-221).
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Il est international et s'adresse à la fois aux colonies françaises, aux colonies portuga et aux pays de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud.
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Ses relations commerciales avec toutes les parties du globe la placent certainement au premier rang des maisons recommandables pour résoudre cette importante question.
Du reste ses efforts ont été couronnés de succès puisqu'elle a obtenu 7 Grands Prix à l'Exposition Universelle de 1900, dont un spécialement accordé pour son Exposition Coloniale. En outre, le Jury de la dernière Exposition d'Horticulture de Paris de 1901 vient à nouveau de confirmer les décisions du Jury de l'Exposition uni- verselle en lui attribuant le Prix d'Honneur pour sa collection de plantes utiles présentées en jeunes sujets cultivés pour l'exportation dans les pays chauds.
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Plantes à caoutchouc. — Castilloa elastica, Euphorbia Intisy, Ficus divers, Hevea brasi- liensis, Làndolphia (diverses sortes Manihot Glaziovii, Marsdenia verrucosa, Willughbeia edulis, etc.
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4e année.
Septembre-Octobre 1904.
N • 20
MINISTÈRE DES COLONIES
Inspection générale de l'Agriculture coloniale.
L'Agriculture pratique
des pays chauds
BULLETIN DU JARDIN COLONIAL
ET DES JARDINS D'ESSAI DES COLONIES FRANÇAISES
Paraissant tous les deux mois.
LES DOCUMENTS ET COMMUNICATIONS
se rapportant à la Rédaction
doivent êtres adresses
à l'Inspection Gle de l'Agriculture Cle
• AU MINISTÈRE DES COLONIES
TOUTES COMMANDES OU RECLAMATIONS
relatives au service du Bulletin
doivent être adressées directement
à M. A. Challamel, Éditeur
rue Jacob, 17, Paris
PARIS
Augustin CHALLAMEL, Editeur
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Librairie Maritime et Coloniale.
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Offres et demandes commerciales ; Mouvement des paquebots ; Listes des maisons
de commerce, etc.
ABONNEMENT ANNUEL : France, 5 fr. — Colonies et Union postale, 6 fr.
PARTIE OFFICIELLE
LOI RELATIVE AU RÉGIME DES SUCRES
Le Sénat el la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article Ier. — A partir du 1er septembre 1903, les droits sur les sucres de toute origine livrés à la consommation sont ramenés aux taux ci-après fixés, décimes compris :
Sucres bruts et raffinés, vingt-cinq francs (25 fr.) par 100 kilogrammes de sucre raffiné ;
Sucres candis, vingt-six francs soixante-quinze centimes (26 fr. 75) par 100 kilogrammes de poids effectif.
A partir de la même date, le droit de fabrication de 1 fr. par kilo- gramme, institué par kart. 4 de la loi du 7 avril 1897, est supprimé ; le droit de raffinage, établi par ledit art. 4, est ramené de quatre à deux francs (2 fr.).
Est autorisée, pour l'emploi aux usages agricoles, dans les conditions qui auront été déterminées par décrets, l'expédition en franchise de mélasses épuisées n'ayant pas plus de cinquante pour cent (50 u/0) de richesse saccharine absolue.
Art. 2. — Les surtaxes de douane sur les sucres étrangers de toute origine sont, à partir de la même date, modifiées ainsi qu'il suit :
Sucres raffinés et sucres bruts d'un tirage de quatre-vingt-dix-huit pour cent (98 0/o), au moins six francs (6 fr.) par 100 kilogrammes de poids effectif;
Autres sucres, cinq francs cinquante centimes (5 fr. 50) par 100 kilo- grammes de poids effectif;
Les sucres candis seront comptés à raison de cent sept kilogrammes (107 kil.) de sucre raffiné par 100 kilogrammes de candi, poids effectif;
Sont maintenues les dispositions des art. 5 de la loi du 7 avril 1897, et 1 et 2 de la loi du 1 i juillet 1897.
Art. IL — Les détaxes de distance instituées par les art. 2 et ',i de la loi du 7 avril 1897 seront, dorénavant, allouées à raison du montant effectif des frais de transport dont il sera justifié sans que, toutefois, les taux fixés par les articles précités puissent être dépassés.
Aiît. 4. — Les sucres destinés à entrer dans la préparation de produits Bulletin du .lardin colonial. 9
130 DOCUMENTS OFFICIELS
alimentaires en vue de l'exportation pourront être reçus et travaillés en franchise des droits dans des établissements spécialement affectés à cette fabrication. Ces établissements, érigés en entrepôts réels, seront soumis à la surveillance permanente des employé- des contributions indirectes: les Irais de cette surveillance seront à la charge des fabricants. Des décrets détermineront les conditions d'agencement des fabriques, les obligations à remplir par les fabricants et. d'une manière générale, toutes les mesures d'application du présent article. Les contraventions aux dispositions de ces décrets seront passibles des peines édictées par l'art. 3 de la loi du :iu décembre 1N7:{.
Akt. ."). — Sont abrogés, à partir du Ier septembre 1903 :
Les art. 2 de la loi du 29 juillet 1884 et 2 de la loi du ."> août 1890, qui accordent une modération de taxes aux sucres employés au sucrage des vins, cidres et poirés, ainsi que l'art. 'À de la loi de finances du 28 décembre 1888 :
L'art. 3 de la loi du 4 juillet 1887;
L'art. Ier de la loi du 7 avril 1897 ;
Parmi les dispositions de la loi du 29 juillet 1884 et des lois subsé- quentes, celles qui ont organisé la prise en charge du sucre imposable dans les fabriques d'après le poids des betteraves mises en oeuvre,, et qui ont accordé le bénéfice d'une immunité d'impôt aux sucres indigènes ou coloniaux français représentant des excédents de rendement ou des déchets de fabrication.
Sont remises en vigueur les dispositions légales antérieures à la loi de 1884 qui ont réglé la tenue des comptes dans les fabriques et la prise en charge de la production effective, avec un minimum de rendement basé sur le volume et la densité des jus reconnus avant la défécation. Le taux de cette prise en charge est fixé à quinze cents grammes (1.500 gr. par hectolitre et par degré de densité au-dessus de 100 i densité de l'eau .
Sont maintenues toutes les dispositions en vigueur relative au mode d'imposition des sucres bruts, d'après les méthodes saccharimétriques. ainsi que les dispositions des lois des ô août 1890 et 26 juillet 1893 con- cernant l'exercice des raffineries et, d'une manière générale, toutes les dispositions des lois antérieures qui ne sont pas contraires à la présente loi.
Art. 0. — Il sera procédé à l'inventaire des sucres et des sirops de toute nature (à l'exception des mélasses) qui existeront au 1er septembre 1903 dans les radineries et établissements assimilés.
Les sucres raffinés seront comptés pour leur poids intégral et les sucres candis pour sept pour cent 7 ° 0) en sus. Les autres sucres et les sirops en cours de fabrication seront évalués en sucre-raffiné dans les conditions fixées par l'art. 1S de la loi du 19 juillet 1880.
LOI 131
Les quantités inventoriées seront jusqu'à due concurrence imputées aux obligations d'admission temporaire en cours, lesquelles seront apu- rées soit par la représentation de certificats d'exportation ou d'entrée en entrepôts postérieurs au 31 août 1903, soit par le payement de vingt-cinq francs (25 fr.) par 100 kilogrammes de sucre raffiné.
Les obligations d'admission temporaire pour lesquelles il n'aura pas été représenté au moment de l'inventaire des quantités correspondantes de sucre raffinés ou de matières en cours de fabrication ne pourront être apurées qu'au moyen de certificats d'exportation ou d'entrée en entrepôt antérieurs au 1er septembre 190!}, ou par le payement de l'ancien tarif sur les quantités de sucre raffiné prises en charge.
A titre exceptionnel, le délai d'apurement des obligations d'admission temporaire souscrites du 1er au 30 juin 1903 est porté de deux à trois mois.
Dans les quinze jours qui précéderont le 1er septembre 1903, les employés des douanes et des contributions indirectes seront admis de jour et de nuit dans les raffineries et établissements assimilés. Ils pour- ront suivre les opérations industrielles et procéder à toutes les constata- tions et vérifications préparatoires qu'ils jugeront nécessaires.
Pendant les opérations d'inventaire, le travail sera complètement arrêté dans les ateliers et magasins; les raffineurs, ou assimilés, ou leurs repré- sentants auront, au furet à mesure des opérations, à déclarer le poids et le tirage des produits de toute nature existant dans chaque atelier ou magasin.
Art. 7. — Quiconque voudra ajouter du sucre à la vendange est tenu d'en faire la déclaration trois jours au moins à l'avance à la recette bura- liste des contributions indirectes. La quantité de sucre ajoutée ne pourra pas être supérieure à dix kilogrammes (10 kil.) par trois hectolitres de ven- danges.
Quiconque voudra se livrer à la fabrication de vin de sucre pour sa consommation familiale est tenu d'en faire la déclaration dans le même délai. La quantité de sucre employée ne pourra pas être supérieure à qua- rante kilogrammes [40 kil.) par trois hectolitres de vendanges récoltées.
Toute personne qui, en même temps que des vendanges, moûts ou marcs de raisins, désire avoir en sa possession une quantité de sucre supérieure à 50 kilos, est tenue d'en faire préalablement la déclaration et de fournir des justifications d'emploi.
Le service des contributions indirectes est chargé de contrôler l'exacti- tude des déclarations faites en exécution des dispositions ci-dessus.
Des règlements d'administration publique détermineront les conditions d'application du présent article.
Les contraventions aux dispositions qui précèdent et aux règlements
132 DOCUMENTS OFFICIELS
qui seront rendus pour leur exécution sont punies des peines édictées par l'art. 4 de la loi du 6 avril 1897. Ces peines sont doublées dans le cas de fabrication, de circulation ou de détention de vins de sucre en vue de la vente. S'il y a récidive, les contrevenants encourent, indépendamment de l'amende, une peine, une peine d'emprisonnement de six jours à six mois.
Les mêmes peines sont applicables aux complices des contrevenants.
La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'État.
Fait à Paris, le 28 janvier 1903-
Emile Loubet.
CONGO FRANÇAIS
Le Président de la République française,
Sur le rapport du Ministre des Colonies et du Ministre des Finances,
Vu les lois des 11 janvier 1892 (art. 3), du 24 février 1900 (art. I et 2) et du 17 juillet 1900 (art. 1er) relatives au tarif des douanes;
Vu le protocole de Lisbonne du 8 avril 1892;
Vu les décrets du 22 avril 1899 et du 25 août 1909 édictant des détaxes pour les cafés et les cacaos en fèves originaires de la partie française du bassin conventionnel du Congo,
Décrète : Article 1er. — Sont lixés ainsi qu'il suit les quantités de café et de cacaos en fèves originaires du Congo Français (bassin conventionnel) qui pourront être admises en France, pendant l'année 1904, dans les condi- tions prévues par les décrets susvisés des 22 avril 1899 et 25 août 1900 :
Cafés 50.000 kilos
Cacaos 20 . 000 —
Art. 2. — Le Ministre des Colonies et le Ministre des Finances sont
chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.
Fait à Paris, le 5 février 1904.
Emile Locbet.
MARTINIQUE ARRÊTÉ
nommant les membres du Comité de perfectionnement institué près de la Direction des jardins d'essais et du laboratoire de chimie agricole. Le Gouverneur p. i. de la Martinique, Vu l'arrêté du 1er mars 1904 portant création de jardins d'essais et
d'un laboratoire de chimie agricole à la Martinique ;
ARRÊTÉ 1 33
Vu l'avis exprimé par la commission coloniale clans sa séance du 9 juin 1901;
Vu l'avis exprimé parle bureau de la chambre d'agriculture,
Arrête :
Article 1er. — Le Comité de perfectionnement institué près de la Direc- tion des jardins d'essais et du laboratoire de chimie agricole est composé comme suit :
MM. le Secrétaire général', président. Feutrier, trésorier payeur. Le Chef de service de l'Instruction publique. Dr Iman, conseiller général. Siger — ■
V. Severe —
Braud, vice-président de la Chambre d'agriculture. Hayot — —
Alizard, directeur de la Banque, trésorier de la Chambre d'agri- culture. J. Martineau, propriétaire. Thierry, directeur des jardins d'essais, secrétaire du Comité.
Art. "2. — Le Comité se réunira sous la convocation de son président.
Art. 3. — Le présent arrêté sera enregistré et communiqué partout où
besoin sera.
Fort-de-France, le 16 juin 1904.
Richard.
INDO-CHINE FRANÇAISE
ARRÊTÉ
Le Gouverneur général de l'Indo-Chine, officier de la Légion d'hon- neur,
Vu le décret du 21 avril 1891 ;
Vu la lettre du 30 mars 1904 dans laquelle M. Duchemin, agent géné- ral de la maison Saint frères, demande qu'une commission soit désignée pour examiner les procédés et appareils qu'il se propose d'appliquer au jute,
Arrête : Article 1er. — Une commission composée de :
MM. Lemarié, directeur de l'Agriculture en Annam, chargé de travaux à la Direction générale de l'Agriculture et du Commerce, pré- side ni.
134 DOCUMENTS OFFICIELS
Membres.
Fetterer, chef du bureau commercial à la Direction de l'Agricul- ture des Forêts et du Commerce de l'Indo-Chine. Grevost, conservateur du Musée industriel et agricole. Latitan, directeur p. i. de l'Agriculture au Tonkin. Un membre de la Chambre d'Agriculture du Tonkin, désigné par cette Assemblée ou par son président. Un membre de la Chambre de Commerce de Hanoï, désigné par cette Assemblée, se réunira, sur la convocation de son président, en vue d'exa- miner les procédés et appareils nouveaux que la maison Saint frères se propose d'appliquer à la culture et à la préparation du jute.
Art. 2. — Le Résident supérieur au Tonkin et le Directeur de l'Agri- culture, des Forêts et du Commerce de l'Indo-Chine sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté.
Hanoï, le 12 avril 1904.
Beau.
Le Gouverneur général de l'Indo-Chine, officier de la Légion d'hon- neur ;
Vu le décret du 21 avril 1891 ;
Sur la proposition du Général de division commandant supérieur et du Directeur de l'Agriculture et du Commerce de l'Indo-Chine, et l'avis con- forme du Secrétaire général de l'Indo-Chine,
Arrête :
Article 1er. — Il est institué un Conseil de perfectionnement de l'éle- vage au Tonkin et en Annam.
Art. 2. - - Ce Conseil est chargé d'étudier toutes les questions relatives à l'élevage en général et à celui du cheval en particulier.
11 est appelé à émettre des avis notamment sur les points suivants '
1° Les remontes des services militaires et civils;
2° Les établissements zootechniques, les haras et jumenteries:
3° Les mesures propres à l'amélioration et la protection de l'élevage :
Sélection, croisements ;
Alimentation, hygiène, salubrité :
Primes, subventions, secours, contrats ;
Sociétés de courses;
Mesures administratives, importations, exportations, taxes, etc., etc.
Le Conseil peut être chargé par le Gouverneur général de faire des enquêtes sur toutes les questions concernant l'élevage.
Art. 3. — Le Conseil est composé comme suit :
Le général commandant l'artillerie, président ;
Un inspecteur ou administrateur des Services civils;
NOMINATIONS ET MUTATIONS 135
Le chef du Service zootechnique et des épizooties ;
Le Président de la commission de remonte;
Un inspecteur de l'Agriculture;
Un délégué de la Société d'encouragement pour l'amélioration de la race chevaline au Tonkin et en Annam;
Un membre non fonctionnaire.
Art. 4. — Des membres temporaires avec voix délibérative ou consul- tative peuvent être adjoints au conseil ou appelés auprès de lui par déci- sion du Gouverneur général ou du Président de la commission suivant les cas.
Art. 5. — Le Conseil se réunit au moins une fois par trimestre sur la convocation de son président. Celui-ci prévient à l'avance le Gouverneur général des réunions et reçoit ses instructions ; il fixe Tordre du jour des séances.
Art. 6. — Les questions soumises au Conseil sont distribuées par le Président pour être étudiées soit par un des membres désigné comme rapporteur, soit par une sous-commission
Toute sous-commission peut comprendre des membres temporaires visés à l'art. 4.
Une ampliation des procès-verbaux des séances est adressée au Gou- verneur général en même temps que les rapports et avis du Conseil.
Art. 7. — Le Président peut, pour l'obtention de renseignements utiles aux travaux du Conseil, correspondre directement avec les divers ser- vices de la colonie.
Art. 8. — Les archives du Conseil sont tenues par les soins du chef du service zootechnique et des épizooties.
Art. 9. — Le Général de division commandant supérieur des troupes du groupe de l'Indo-Chine, le Secrétaire général de l'Indo-Chine sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté.
Hanoï, le 9 avril 1904.
Beau.
NOMINATIONS ET MUTATIONS
DANS LE PERSONNEL AGRICOLE
Sénégal et Dépendances.
•_>3 avril. MM. Vitalis, agent de culture de 4e classe, et Froment, agent de culture de" 6e classe, sont mis à la disposition du Délégué permanent du Gouvernement général à Raves.
136 DOCUMENTS OFFICIELS
1S juin. M. Manrv, agent de culture de 5e classe du cadre de la Sénégambie- Niger en service à l'Inspection de l'Agriculture de l'Afrique Occidentale française, à Dakar, est appelé à continuer ses services à Richard Toll à partir du 20 juin 1901.
Indo-Chine.
Lundi 2.3 avril 1904.
Par arrêté du Gouverneur général de l'Indo-Chine, en date du 19 avril 1904, rendu sur la proposition du Directeur de l'Agriculture, des Forêts et du Commerce, et l'avis conforme du Secrétaire général de l'indo- Chine :
1° M. Ghapotte, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts du cadre métro- politain, chef de la circonscription forestière du Cambodge, est chargé par intérim, pendant le congé du titulaire, de la Direction du Service fores- tier de l'Indo-Chine à Hanoï;
2° M. Roy, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts du cadre métropoli- tain, chef de la circonscription forestière de la Cochinchine, est chargé par intérim, pendant le congé du titulaire, du bureau annexe à Saigon;
3° M. Carrière, garde général des Eaux et Forêts du cadre métropoli- tain, chef du cantonnement de Saigon, est chargé, par intérim, de la cir- conscription forestière delà Cochinchine à Saigon ;
4° M. Magnien, garde général des Eaux et Forêts du cadre métropoli- tain, chef des bureaux à Hanoï, est chargé de la circonscription forestière de l'Annam, tout en conservant provisoirement la résidence à Hanoï;
5° M. Clara, garde général des Forêts du cadre local, chef de canton- nement du Tonlé-Sap au Cambodge, est chargé, par intérim, de la circons- cription du Cambodge.
JARDIN COLONIAL
RAPPORT SUR LA MARCHE DU SERVICE
ANNÉE 1903
Le Jardin colonial, dont la création est encore toute récente, com- plète chaque année son organisation. A l'inverse de tant d'autres établissements, il est né sans hériter, à ses débuts, dune organisa- tion similaire dont il ne serait que la continuation. Conçu sur un plan nouveau et dirigé vers un but nouveau, il doit nécessairement chercher chaque année à compléter son programme, son outillage et ses moyens d'actions.
Mais, si cette autoformation n'a pas été sans imposer une somme considérable de travail, elle a eu du moins l'avantage de lui donner des bases homogènes, de diriger ses efforts vers un but bien déter- miné à l'avance, et de lui constituer un outillage dans lequel l'ordre et la méthode ont pu sans cesse présider avec la rigueur la plus abso- lue.
Il ne faut donc pas être surpris des modifications que chaque année apporte dans le fonctionnement de cet établissement. Elles ne sont que la réalisation progressive d'un plan d'ensemble qui ne pourra être parachevé qu'après un certain nombre d'années encore, et a mesure que des ressources nouvelles lui permettront de donner un développement plus grand à ses services.
Son programme tout entier tient dans ce seul but : permettre aux colonies d'organiser leur agriculture sur des bases solides.
Mais ce programme, qui peut paraître simple, comporte au con- traire dans ses applications des difficultés très réelles dont on ne s'est pas rendu, généralement, un compte suffisant. L'agriculture coloniale n'est pas, contrairement à ce que tant de personnes se figurent, l'application à des pays nouveaux, des notions que chacun peut puiser dans cet excellent enseignement agronomique qui honore la France et que tant de nations sont venues calquer, ne pouvant ni trouver ailleurs un type plus complet, ni imaginer un programme meilleur. C'est une agriculture nouvelle, dont le fonctionnement est
138 DOCUMENTS OFFICIELS
autre, parce qu'elle s'exerce dans un milieu différent, sur des plantes qui ne sont plus les mêmes, entourée de circonstances économiques spéciales et par des moyens qu'ignore notre agriculture métropoli- taine.
Et c'est à 1 ignorance de ces principes fondamentaux, que sont dues les lourdes écoles dont nos Colonies ont supporté les frais et pavé les dures conséquences. Trop long-temps en effet, on s'est imaginé que, comme on le disait autrefois pour notre agri- culture, quiconque était pourvu de bonne volonLé, d'énergie et de capitaux, pouvait réussir aux Colonies, n'eût-il pas de connais- sances spéciales.
Toutes ces qualités, pour utiles qu'elles sont, ne constituentcepen- dant pas encore un bagage suflisant pour que l'on puisse avoir en main les éléments de succès.
Ceux-ci ne peuvent venir que de connaissances précises que seul fournit un enseignement, en même temps très élevé et dans lequel une part très large est faite aux connaissances d'ordre pratique, empruntant ses éléments à la matière coloniale elle-même.
C'est que l'agriculture coloniale est une science nouvelle pour 1 ap- plication de laquelle il est nécessaire de posséder, et des connais- sances générales très profondes, et surtout des éléments très précis sur les conditions spéciales qui régissent les phénomènes biologiques et les conditions économiques dans lesquels se meuvent et évoluent les lois qui gouvernent cette production.
C'est vers ce but que tendent chaque jour les efforts de tous les services du Jardin Colonial, dont il convient d'examiner le fonction- nement.
ENSEIGNE AIENT
Créée par décret du Président de la République en date du 29 mars 1902, l'Ecole supérieure d'agriculture coloniale reçut en en octobre 1902 sa première promotion comprenant 25 élèves à titre d'élèves réguliers, c'est-à-dire pourvus du diplôme de l'Institut agronomique ou des Ecoles nationales d'agriculture, et 10 en qua- lité d'élèves libres, c'est-à-dire pouvant aspirer seulement au certifi- cat d'étude.
Commencé dans le précédent exercice, cet enseignement a fonc- tionné avec la plus grande régularité pendant le cours de la présente année et a pris fin le 13 juillet.
RAPPORT. 1903 139
L'emploi du temps comprend chaque matin un cours fait en amphi- théâtre qui dure une heure et demie et qui est précédé par des exercices pratiques de culture. Pendant ces exercices, chaque élève se livre à tous les travaux se rapportant à la multiplication des végétaux des Colonies et à leur culture. En dehors de ces applica- tions obligatoires, les élèves sont admis, sur leur demande, à prendre part d'une layon régulière, pendant tous les instants de liberté que leur laisse l'enseignement, aux opérations de la culture. Ils assistent aux déballages des nombreux envois des produits coloniaux, dont les arrivages se produisent quotidiennement, et se familiarisent ainsi, avec les matières premières qu'ils apprendront bientôt à connaître par les études auxquelles elles donneront lieu dans les labora- toires.
Les après-midi sont chaque jour, à l'exception du jeudi, réservé à d'autres travaux, consacrés entièrement aux travaux pratiques. Ceux-ci sont partagés en deux catégories, savoir *. les travaux d'ordre botanique et les travaux d'ordre chimique.
Dans la première catégorie se rangent toutes les recherches se rapportant à l'étude des plantes utiles : examen de leurs fleurs et des particularités qui se. rattachent à ses divers organes et pou- vant servir par exemple à déceler les falsifications dont sont l'objet les diverses matières premières ; tel est l'étude des caractères optiques des feuilles de thé, des grains de café, des écorces de quin- quina, etc., etc. Tous ces matériaux d'études abondent au Jardin colonial où arrivent sans cesse un nombre considérable de matières premières. Pour ce qui est des fleurs, des plantes économiques qui font l'objet de manipulations de laboratoire, elles sont pour une partie récoltées dans les serres, et pour l'autre importées des Colonies dans une solution d'eau formolisée.
Les travaux botaniques comprennent encore l'étude de toutes les matières premières pour lesquelles un examen microscopique est nécessaire, tels que les amidons, les fibres et en général les matières textiles, au nombre desquelles il faut signaler le coton auquel une large place est faite, les bois, les tourteaux, etc.
Les travaux chimiques portent sur l'application des .procédés d'analyse à toutes les matières premières, ainsi que sur l'étude des procédés employés pour l'emploi industriel de ces matières. Les graisses et les huiles, les gommes et les résines, les matières tan- nantes et tinctoriales, les caoutchoucs et les guttas, les alcaloïdes,
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font l'objet de nombreuses séances d'analyses, qui, durant toute la demi-journée et occupant la moitié des après-midi de la semaine, peuvent être suivies avec la plus grande attention.
Gomme on le voit, dès l'origine, cet enseignement a pris nette- ment une orientation pratique; tout en conservant un caractère très scientifique, notre école est donc, dans toute la force du terme, une école d'application où les élèves, mis sans cesse en contact avec les matières premières coloniales, préparés à les connaître par les cours théoriques du matin, rompus aux procédés de recherche et d'ana- lyses, et familiarisés d'autre part par la fréquentation des serres et des salles de collection avec les plantes qui fournissent ces produits, acquièrent un bagage scientifique et pratique d'une haute valeur. Ce qui caractérise notre enseignement, c'est qu'il est fait non d'une façon abstraite, mais en plaçant sans cesse sous les yeux des élèves, en leur mettant dans les mains, en les obligeant à les disséquer et les analyser tout ce qui constitue dans son ensemble la matière coloniale. S'il est peu d'enseignement où une part aussi large soit faite aux travaux pratiques et aux manipulations de laboratoires, on peut dire qu'il n'en est aucun où les élèves aient à leur dispo- sition une telle masse de matières premières et d'aussi nombreux éléments d'études. Aussi pouvons-nous assurer que les agronomes formés à cet enseignement devront jouer le rôle le plus utile dans les Colonies où ils iront appliquer les connaissances acquises.
Un des compléments présentant, pour ces études, la plus haute importance est celui fourni par les conférences qui leur sont faites parles personnes revenant des Colonies. Dès la rentrée scolaire, ces conférences ont été reprises. Elles ont été faites par :
M. de Préaudet, sur la colonisation au Soudan;
M. le Dr Maclaud, Etude de la Guinée et de la Casamence ;
M. le Dr Spire, Une mission à Buitenzorg;
M. Combanaire, Voyage à Java ; la gutta-percha ;
M. Colmet Daage, Voyage aux Antilles;
M. Deslandes, La côte orientale de Madagascar; •
M. Delhorbe, L'avenir économique de Madagascar.
M. Dybowski, Développement agricole de l'Afrique occidentale.
L'enseignement pratique est secondé par les visites aux usines et aussi par des expériences faites à la Station d'essai de machines,
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que dirige avec tant de compétence M. Ringelmann, lequel fait à notre école le cours de mécanique agricole appliquée aux Colonies. Sous sa direction ont lieu des expériences de décortication du riz, de déiibrage de matières textiles, telles que le sisal et les sansevières, d'égrenage du coton avec diverses machines pouvant être employées au Soudan, de décortication du café et de séchage de bananes, etc., etc.
Sous la direction du D1' Loir, professeur d'hygiène, ont eu lieu des expériences de destruction des parasites de tout ordre qui s'at- taquent aux denrées alimentaires et causent souvent des préjudices importants aux récoltes et des troubles de la plus haute gravité chez ceux qui se servent dans leur alimentation de ces matières contami- nées.
Dès leur sortie de l'école, tous les élèves pourvus du diplôme ou du certificat d'étude ont trouvé facilement à s'employer. Tous ont été pourvus de places, dont le plus grand nombre relèvent de l'initiative privée. C'est là un bon indice pour l'avenir.
Si la première promotion a déjà donné toute satisfaction, la seconde, qui a commencé ses études en octobre 1903, se présente comme devant fournir des garanties plus grandes encore.
Dans le but d'apporter une rigoureuse sélection parmi les élèves admis à suivre les cours, il avait été décidé au début que le nombre des élèves admis par promotion serait, limité à vingt. Cependant, en présence de la valeur des candidats qui se sont présentés cette année, vingt-huit ont dû être proposés et ont été admis, par arrêté du ministre des Colonies, à suivre les cours de la nouvelle année scolaire.
Ils se répartissent de la façon suivante :
Elèves réguliers i20
Elèves libres 8 Les élèves réguliers comprennent : Anciens élèves diplômés :
De l'Institut national agronomique 4
Des écoles nationales d'agriculture o
De l'Ecole d'agriculture de Tunis 6
Licencié es sciences 1
Agents de culture 3
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DOCUMENTS OFFICIELS
Afin d'unifier les cadres des agents de culture de tous grades fai- sant partie du personnel agricole existant dans les Colonies, M. le Ministre a, par décision en date du 23 octobre 1902, disposé que tout agent du service de l'agriculture rentrant en congé pourra, à la con- dition de faire coïncider sa l'entrée en France avec le début de l'an- née scolaire, être autorisé à prolonger son congé de façon à pouvoir suivre l'enseignement donné au Jardin colonial. L'agent jouit pen- dant tout ce temps de sa solde d'Europe. Il est exonéré des frais d'inscription. Dès cette année, trois agents appartenant respective- ment aux cadres de l'Indo-Chine. de Madagascar et de l'Afrique occidentale ont été admis à suivre, dans ces conditions, les cours de l'Ecole supérieure d'agriculture coloniale.
En dehors de ces dispenses, tous les élèves doivent acquitter les droits d'inscription. Cependant M. le Ministre des Colonies a bien voulu instituer trois bourses qui ont été attribuées aux élèves dont la situation de fortune a paru, après enquête, le plus particulière- ment digne d'intérêt.
Dès l'origine, l'enseignement avait été réparti entre dix chaires dont les titulaires font des leçons dont le nombre est indiqué ci-des- sous :
MiMBRE DE LEÇONS TITRE DE LA CHAIRE
30 leçons Agriculture coloniale
Botanique coloniale
Technologie coloniale
•20 leçons Cultures des plantes alimentaires
Zootechnie coloniale
"20 leçons Génie rural
PROFESSEUR
M. Dybowski, inspecteur général de l'Agriculture coloniale. M. Dubar, docteur es sciences, maître de confér. à la Sorbonne. chef du service botanique au Jar- din colonial.
M. Ammann, ingénieur agronome, chef du service chimique au Jar- din colonial.
M. Chalot, ancien directeur du Jardin d'essai de Libreville, chef du service des cultures au Jardin colonial.
M. Mallèvre, ingénieur agro- nome, professeur à l'Institut national agronomique. M. Ringelmann, ingénieur-agro- nome, directeur de la station d'es-
RAPPORT.
1903
1 43
20 leçons Hygiène coloniale
Economie rurale
Administration co- loniale
Matières premières
10 leçons Pathologie végétale
sais de machines, professeur à l'Institut national agronomique. M. le D' Loir, ancien directeur de l'Institut Pasteur, à Tunis. M. Zolla, professeur à l'Ecole des sciences politiques et à l'Ecole na- tionale d'agriculture de Grignon. M. You, professeur à l'Ecole co- loniale, sous-directeur au mini- stère des colonies. M. Heim, professeur agrégé d'his- toire naturelle à la Faculté de médecine de Paris, chef de section au Conservatoire des Arts et Mé- tiers, docteur es sciences. M. Lutz, suppléant, docteur es sciences, professeur agrégé. M. le Dr Delacroix, directeur de la Station de pathologie végétale.
Il a paru nécessaire de créer un chapitre nouveau de cet enseigne- ment, sous le nom de cours de matières premières coloniales, et com- prenant, distribuée dans un ordre géographique, c'est-à-dire par colonies, l'étude de toutes les matières d'origine animale, végétale ou minérale déjà exploitées ou pouvant être récoltées dans nos Colo- nies.
Ce cours a été confié à M. le D1' Heim qui, ne pouvant, en raison de ses fonctions au Conservatoire des Arts et Métiers, se charger, quant à présent, de cet enseignement, s'est fait suppléer par M. Lutz, préparateur à l'Ecole supérieure de pharmacie.
L'enseignement donné à notre école forme dans son ensemble un tout homogène qui permet d'assurer que nulle branche des connais- sances théoriques ou pratiques n'est étudiée jusque dans ses moindres détails, fournissant à ceux qui suivent ces cours un bagage qui donne pour l'avenir les plus grandes garanties de succès.
Dès maintenant, tout le personnel agricole des Colonies, recruté exclusivement parmi des jeunes gens déjà préparés par l'excellent enseignement qu'ils ont reçu dans les écoles d'agriculture, spécialisés ensuite par leur passage dans notre école, formera un corps dont les connaissances seront à la hauteur de la tâche importante qui leur
144 DOCUMENTS OFFICIELS
est confiée. Grâce à leurs efforts, les services d'agriculture rendront chaque jour des résultats plus complets et assureront le développe- ment économique de nos possessions d'outre-mer.
A la suite de l'ouverture de l'Ecole supérieure d'agriculture colo- niale, il s'est créé, en ces derniers temps, des cours soit à Paris, soit en province, destinés à fournira leurs auditeurs quelques notions sur les diverses questions qui intéressent la colonisation agricole. On ne peut qu'applaudir à ces créations qui vulgarisent les connaissances coloniales et préparent les esprits vers une spécialisation nécessaire. Les premières indications qu'y puiseront leurs auditeurs leur mon- treront la nécessité de se documenter d'une façon plus complète et de suivre un enseignement méthodique et d'ensemble, pour pouvoir réussir dans la direction des entreprises agricoles aux Colonies.
Service des j'enseignements.
Un des buts principaux du Jardin colonial est de fournir, tant aux services publics qu'aux particuliers, des renseignements précis sur les cultures à faire dans les Colonies et aussi sur l'utilisation des matières premières qui en proviennent ou qui sont le résultat de récoltes de produits spontanés. Tous les territoires nouveaux qui forment le domaine de nos possessions d'outre-mer sont, pour la plupart, à même de fournir, par la culture, des denrées que la métro- pole importe aujourd'hui encore, pour une somme considérable, des colonies étrangères. Il est nécessaire de diriger la colonisation vers la mise en valeur méthodique de cette terre dont la richesse est grande et qui pourra, dans un avenir prochain, rendre à ceux qui voudront la mettre en culture d'importants revenus.
Mais, trop souvent, ces essais de colonisation ont été faits sans méthode et sans apporter des connaissances suffisantes à leur orga- nisation. Or si les succès sont généralement ignorés du public, par contre les échecs, dont le plus souvent on trouverait les causes dans l'insuffisance des connaissances techniques de ceux qui en ont été les victimes, ont toujours un retentissement qui influe d'une façon fâcheuse sur l'esprit de ceux qui étaient sur le point de se livrer à des entreprises coloniales. Sans rechercher les raisons de ces insuc- cès, dont les causes leur échappent, ils condamnent, en bloc, tout essai aux pays lointains et préfèrent limiter leurs efforts à obtenir dans la métropole une situation modeste qui leur paraît plus sûre.
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C'est pour créer un nouveau courant d'idées, pour montrer à cha- cun tout ce qu'il peut tirer du sol colonial et l'aider à réussir dans ses entreprises qu'ont été créés dans la plupart de nos Colonies des jardins d'essais où toutes les plantes pouvant fournir par la culture un produit utile sont cultivées, et où tous les végétaux qui doivent spécialement être propagés en raison des avantages que peut leur donner leur culture sont expérimentés.
Lorsqu'aprèsune série d'essais la démonstration de la possibilité de cultiver telle plante est établie, que l'on a nettement déterminé les conditions dans lesquelles cette culture doit être faite et les avantages qu'elle peut donner, celle-ci est propagée à un très grand nombre d'exemplaires, et les semis sont tenus à la disposition des colons qui veulent en entreprendre des plantations.
Par ce procédé, tous ceux qui veulent se livrer à des entreprises culturales trouvent, sur place, non seulement des renseignements précis qui doivent leur éviter de coûteuses erreurs ou d'inutiles tâtonnements, mais encore des plants tout préparés avec lesquels ils pourront, dès leur arrivée dans la colonie, entreprendre des plan- tations et éviter la perte considérable de temps qu'aurait exigé l'im- portation de semences ou de sujets provenant de colonies étrangères ou même de la métropole.
C'est qu'en effet l'introduction de ces végétaux exige des soins tout spéciaux. La plupart des plantes coloniales présentent ce fait spécial d'avoir des semences dont le pouvoir de germer s'oblitère en quelques semaines ou même en quelques jours, L'introduction des graines provenant de pays lointains présente donc des difficultés matérielles qui dépassent les moyens dont peut disposer un colon qui veut entreprendre des essais culturaux. C'est pour lui éviter ces pénibles débuts qu'ont été créés ces jardins d'expériences dans les Colonies, et c'est pour fournir à ceux-ci tout l'assortiment de végé- taux dont ils peuvent avoir besoin que le Jardin colonial cultive, prépare et expédie chaque année un nombre considérable de végé- taux .
Il sait ainsi quels sont les efforts faits clans les Colonies, il connaît le résultat de ces cultures expérimentales, et il est à même de ren- seigner d'une façon sûre et précise tous ceux qui veulent coloniser et de leur fournir les indications sur ce qu'ils devront entreprendre, aussi bien que sur les moyens qu'ils devront employer pour mener à bien leur entreprise.
Bulletin du Jardin colonial. 10
146 DOCUMENTS OFFICIELS
La collaboration entre les services d'agriculture des Colonies et le Jardin colonial est incessante et fournit, dès maintenant, les résultats les plus féconds.
Chaque jour, le public sait mieux quelle est la valeur de la docu- mentation précise qu'il peut trouver au Jardin colonial. Ceux qui se veulent renseig-ner d'une façon exacte viennent, avant leur départ, étudier dans les dossiers, dans les collections et dans les cultures tous les éléments des questions qui les intéressent. Tout concourt en effet, au Jardin colonial, à établir une documentation très complète sur toutes les questions touchant à la colonisation agri- cole.
Il entreprend sans cesse des enquêtes dans toutes nos Colonies, afin d'établir exactement à quel point en sont les questions qui inté- ressent la production.
Ces enquêtes ont plus particulièrement porté dans le cours de cette année sur la production du caoutchouc, du coton, du riz, du tabac, des matières tannantes, etc. En même temps que les documents écrits, les Colonies adressent de nombreux échantillons qui sont uti- lisés de façon a en faire connaître exactement la valeur.
Ces échantillons étudiés tout d'abord dans les laboratoires de botanique et de chimie, de façon à déterminer quelle est leur nature et leur richesse, sont ensuite classés dans les collections et aussi servent à être distribués dans les musées qui s'installent à Paris ou en province.
Le nombre des échantillons reçus, étudiés et classés au cours de cette année, s'élève au chiffre de 2.b63.
Tous ces documents, qui forment déjà, par l'accumulation de tous ceux qui ont été reçus les années précédentes, un ensemble très complet, sont méthodiquement classés, et les échantillons plus impor- tants sont mis en réserve de façon à permettre d'entreprendre, sur tous ceux qui semblent présenter un intérêt spécial, des études sur leur utilisation pratique.
Des recherches de ce g-enre ont conduit à des résultats qui pré- sentent le plus haut intérêt. C'est ainsi que les fibres de raphia, qui jusqu'à présent servent exclusivement eii France en qualité de liens, ont été essayés sous forme de matière textile. Tant que l'utilisation s'est bornée à utiliser ce raphia pour les emplois agricoles, les prix, en raison de la surproduction, se sont peu à peu avilis au point de mena- cer de rendre ce commerce absolument improductif. L'emploi nou-
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veau auquel pourrait être affectée cette matière première aura l'avan- tage, en lui créant un débouché plus important, d'assurer l'emploi de toute la production et d'en élever très sensiblement les cours, puisqu'alors que le raphia ordinaire était tombé au prix de 40 francs les 100 kilos, le raphia préparé pour la filature est vendu au prix de 160 a 200 francs les 100 kilos.
Des essais de tissages, entrepris à Lyon, ont donné les plus heu- reux résultats quant aux produits que l'on a pu en obtenir, soit que ce textile ait été utilisé seul, ou bien qu'on l'ait associé à la soie.
Très léger, résistant et ayant en même temps un certain main- tien, le raphia pourra rentrer dans la confection d'une foule de tissus qui trouveront une utilisation facile.
C'est donc une industrie nouvelle qui est née de ces essais et qui aura le double avantage d'assurer l'écoulement d'un produit que nos Colonies peuvent fournir en très grande quantité, et de favoriser le développement d'une industrie métropolitaine.
Dans ce même ordre d'idée pratique, le Jardin colonial a pu amener les industriels français à demander à notre colonie de Madagascar les chapeaux de paille qui étaient jusqu'à présent presque exclusivement fournis par l'Amérique du Sud. En faisant mieux connaître les produits de notre grande colonie de l'Océan Indien, on a pu ainsi leur créer un débouché qui prendra bientôt une importance considérable.
Le commerce des fruits coloniaux, et plus particulièrement des bananes, a été l'objet de recherches spéciales. Par des importations successives on a pu déterminer les conditions dans lesquelles ces fruits pouvaient être importés de la côte occidentale d'Afrique. Grâce à ces essais, le courant est aujourd'hui établi : des entre- prises de culture se fondent en Guinée et les fruits sont déjà régu- lièrement importés par chaque bateau. Ce commerce peut dans l'avenir présenter une importance considérable, puisque aux Etats- Unis, qui nous ont précédés dans l'utilisation de ces produits, il s'exerce sur 42 millions de régimes, d'une valeur moyenne de cinq francs le régime.
Dans le but d'utiliser les bananes qui, trop mûres, ne peuvent être importées, des expériences ont été entreprises sur la dessiccation de ces fruits. Ils ont donné des résultats très satisfaisants et con- duiront à de nombreuses applications pratiques.
Ces quelques exemples choisis parmi une foule d'autres faits, du
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même genre, sont simplement destinés à montrer quels sont les services que peut rendre l'étude pratique des produits coloniaux dirigée en vue de leur utilisation commerciale et industrielle.
Les échantillons si nombreux envoyés par les Colonies, en outre des essais auxquels ils donnent lieu, servent à organiser des expositions temporaires qui ont le grand avantage de tenir le public au courant de ce que Ion peut retirer de la production coloniale.
Chaque année, le Jardin colonial organise au Concours agricole une importante exposition où sont présentés tous les produits cen- tralisés dans le cours de l'année. Ces concours temporaires, chaque année renouvelés, présentent plus d'intérêt pratique que toutes les expositions permanentes du même genre. Elles sont, en effet, desti- nées à renseigner d'une façon précise tous ceux qui sont à même d'utiliser ces matières premières et auxquels il importe de savoir non pas seulement si telle colonie fournit tel ou tel produit, mais si ce même produit est semblable à celui de l'année précédente, s'il s'améliore et si le commerce peut songer à l'utiliser. Aussi ces expositions donnent-elles lieu à un nombre considérable de demandes de renseignements qui souvent sont suivies d'all'aires dont peuvent bénéficier nos industries et dont nos Colonies tirent les plus grands avantages.
C'est sous l'empire de ces préoccupations que le Jardin colonial a pris part, cette année encore, à l'exposition de la Société nationale d'Horticulture où il a montré, d'une part, les plantes de ses cultures telles qu'elles sont expédiées dans les Colonies et, de l'autre, les fruits frais provenant de la Guinée Française et qui ont particulière- ment attiré l'attention du public.
Le Jardin colonial a encore pris part à l'exposition régionale de lleims où une section coloniale était ouverte. Un lot très important de produits, comprenant plus de cinq cents échantillons de matières premières, formait un ensemble très satisfaisant dans lequel on remarquait surtout les lots formés par les produits de Madagascar et de l'Afrique occidentale.
Enfin, au mois de septembre, s'est ouvert au Jardin colonial une exposition des produits de l'horticulture de la France et des Colo- nies. Cette exposition, qui a duré dix jours, a obtenu un très grand succès. Organisée par les soins d'un comité formé par la fédération des Sociétés d'horticulture de la région Est de Paris, cette exposi- tion a pu couvrir complètement ses frais par le prix des entrées.
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La documentation précise, qui doit être une des préoccupations constantes du Jardin colonial, afin de fournir aux entreprises de colonisation des renseignements qui correspondent à la situation présente, est chaque année complétée, et pour ainsi dire, tenue à jour, par les nombreuses missions organisées par le Ministère des Colonies, et qui rapportent au service agricole de ce Département une documentation précieuse.
Celles-ci, pour prendre un caractère plus complet d'utilité pra- tique, sont chargées d'étudier les points qui sont de nature à ren- seigner utilement le service agricole du Département des Colonies. Plusieurs de ces missions ont même été organisées spécialement en vue d'étudier dans nos Colonies des questions agricoles.
C'est ainsi que l'Inspecteur général de l'Agriculture coloniale, sur la demende du Gouverneur général de l'Afrique Occidentale, s'est rendu au Sénégal et en Guinée, dans le but d'étudier la situation économique de ces colonies et de déterminer les conditions d'exploitation de leurs ressources agricoles. Il a procédé à l'instal- lation d'un service agricole qui, dès maintenant, fonctionne d'une façon régulière.
Deux professeurs de l'Ecole supérieure d'agriculture coloniale, M. le Dr Loir et M. Ch. Chalot, se sont rendus l'un au Cap pour y fonder un Institut Pasteur, l'autre au Congo pour y étudier l'im- portante question de la production du cacao. Ils ont rapporté de leur mission de précieux documents.
Il est à peine besoin de faire ressortir tout le bénéfice que peut retirer l'enseignement donné à l'Ecole d'agriculture coloniale des nombreux et fructueux voyages que chaque année ses professeurs entreprennent aux Colonies. Ces déplacements, en leur permettant d'étudier sur place les multiples problèmes de la colonisation, leur donnent, en ces matières, une incontestable autorité.
Au nombre des missions agricoles il faut signaler encore celle qui a été confiée à M. Buis, élève diplômé de l'Ecole supérieure d'Agriculture coloniale, chargé d'aller étudier à Madagascar les maladies du caféier et les traitements à y appliquer.
Et encore celle dont a été chargé M. Colmet Daage, peintre de talent, qui s'est rendu aux Antilles dans le but d'établir des planches représentant les fruits tropicaux sur lesquels il n'existe, jusqu'à l'heure présente, aucune documentation spéciale.
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UULLETIN DU JARDIN COLONIAL
Le Bulletin du Jardin colonial et des jardins d'essais des Colonies françaises est entré dans sa troisième année de publication. Parais- sant très exactement à sa date, en six fascicules, il l'orme ainsi, chaque année,' un fort volume de 768 pages et renferme tous les documents qui sont indispensables à tous ceux qui s'intéressent aux questions d'agriculture coloniale. En effet, divisé en trois parties, il contient dans la première tous les documents officiels, lois, décrets, arrêtés, règlements et rapports qui intéressent les pro- ductions agricoles et les services qui s'en occupent. La seconde partie est formée des travaux consacrés à l'étude des questions générales, et enfin dans la troisième partie sont consignées toutes les notes qui sont de nature a intéresser aussi bien les colons que les services agricoles.
L'intérêt que présente cette publication ne s'est pas démenti un seul instant. Ce fait est dû au soin scrupuleux apporté au choix des matières publiées, lesquelles sont choisies parmi des matériaux très abondants, fournis par les services agricoles des Colonies aussi bien que par les travaux originaux émanant des services du Jardin colo- nial. Une bonne part du succès de cette revue revient à son éditeur, M. Challamel, qui apporte tous ses soins à la rendre matériellement aussi attrayante que possible. C'est ainsi que chaque numéro con- tient de nombreuses illustrations, cartes ou plans, qui apportent une plus grande clarté dans le texte.
Le nombre des collaborateurs étrangers au service administratif s'accroît chaque année. Leur précieux concours est en même temps une preuve de l'intérêt que présente la Revue et un précieux élé- ment de succès.
Parmi les plus importants mémoires il convient de citer tout particulièrement :
Dosage de la caféine dans les cafés des Colonies françaises, par Gabriel Bertrand, de l'Institut Pasteur ;
Rapport sur la soie soudanaise par M. Casalbou;
Etude sur les produits odorants des Colonies, par M. le Dr Cha- rabot ;
La maladie vermiculaire du bananier, par le D1' Delacroix ;
Essai sur la détermination des amidons, par M. Dufour;
La question cotonnière au Sénégal et au Soudan, par M. Yves Henry;
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La gutta-percha en Malaisie, par M. le comte de JouiTroy d'Abbans;
Culture de l'archipel des Comores, par M. le Dr Lafont;
La lutte pratique contre la Malaria, par M. le D1' Loir ;
Les graines grasses de Madagascar, par M. Milliau ;
Essai de décortication du riz de Madagascar, par Max. Rin- irelmann.
(Quelques plantes à caoutchouc du Dahomey, par M. le Dr Violle,etc.
SERVICE DES CULTURES
Le service des cultures du Jardin colonial est chargé, dune part, de préparer des végétaux qui sont expédiés aux services agricoles des Colonies ; d'autre part, de cultiver en vue de la détermination de leur caractère botanique et de leur classement, les plantes nouvelles ou qu'il peut y avoir intérêt à connaître et qui proviennent de nos Colonies. Il importe enfin de pouvoir mettre, tant sous les yeux des élèves qui fréquentent les cultures que sous ceux du public qui a besoin de se renseigner, des spécimens de toutes les plantes utiles des Colonies.
Sous ce dernier rapport les collections du Jardin colonial sont extrêmement complètes. Cet établissement est seul à posséder des collections réunissant toutes les espèces ou variétés connues des principaux genres dont la culture présente un intérêt primordial. Nulle part, en etï'et, on ne peut voir réunies des séries aussi com- plètes de caféiers, de cacaoyers, de cannes à sucre, de bananiers, de plantes à caoutchouc ou à gutta-percha. Des serres spéciales sont consacrées à certaines de ces espèces où, cultivées spécialement, elles acquièrent un complet développement et offrent de curieux exemples de floraison et de fructification.
Au point de vue de l'étude des plantes coloniales et de leur détermination, il est fort utile de cultiver dans des champs d'expé- riences ou sous abris toutes les plantes qui peuvent acquérir dans ces conditions un complet développement. C'est dans cet ordre d'idée que des cultures de ricin, de maïs, de mil ou sorgho, de riz, de légumineuses diverses, de patates, de caladium, etc., ont été entreprises et ont donné lieu à des travaux et des mémoires, dont un certain nombre déjà a été publié dans le Bulletin du Jardin colonial.
132 DOCUMENTS OFFICIELS
Il est bien entendu qu'il ne faut pas songer à obtenir de ces cultures des renseignements, même approximatifs, sur les rende- ments qu'elles peuvent donner. Mais les relations étroites qui unissent les Jardins d'essai de nos Colonies avec le Jardin colonial métropolitain, permettent de faire concurremment des cultures sous les climats variés et d'obtenir des documents très précis sur les rendements que peuvent donner ces cultures.
Le principal effort du service des cultures est -orienté vers la tâche qui lui incombe de faire venir de toutes les parties du monde où elles sont signalées les plantes pouvant présenter un intérêt pratique quelconque. Introduites sous forme de quelques végétaux, ces plantes sont immédiatement l'objet de soins culturaux spéciaux, qui permettent de les multiplier à un nombre considérable d'exem- plaires et de les envoyer dans toutes les Colonies où elles peuvent réussir.
Sans entrer dans l'énumération trop longue de tous les végétaux qui ont été introduits, il est bon cependant d'en signaler quelques- uns pour montrer les avantages que peuvent retirer nos Colonies de ces introductions.
C'est ainsi que le Jardin colonial a pu introduire dans ses cultures des plants de gutta-percha (palaquium) dont l'exportation de leur lieu d'origine, les Indes Néerlandaises, est désormais interdite. Mais par des procédés de bouturage qui ont été couronnés de plein succès, ces précieuses plantes ont pu être multipliées à un grand nombre d'exemplaires, et des envois sont faits dans celles de nos Colonies où l'on peut espérer de voir ces espèces se développer et fournir un produit utile.
De même, ont été reçues et propagées toutes les meilleures varié- tés de cannes à sucre obtenues de semis dans les colonies anglaises et donnant les plus hauts rendements.
Une collection très complète de bananiers de toutes les parties du monde, et particulièrement de Java, du Brésil, de Colombie et des Antilles, a été réunie et, après propagation, envoyée dans diverses colonies.
Il a été introduit toutes les principales variétés d'orangers et de mandariniers qui, en Australie et au Brésil, donnent des fruits excellents, laissant bien loin derrière elles toutes les sortes courantes que nous consommons en Europe. Ce sera là encore le point de départ de cultures nouvelles qu'entreprennent avec succès certaines de nos possessions d'outre-mer.
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Il faut signaler encore l'introduction et la dissémination des principales variétés de cacao, de cafés africains nouveaux, de plantes pharmaceutiques telles que les ipéca et les jaborandi, de plantes textiles telles que les agaves, les sansevières, etc., etc.
Après leur propagation, ces plantes sont expédiées dans des serres de transport où un emballage spécial les met à l'abri de toutes les causes de destruction, si bien que dans la plupart des cas les déchets de route sont à peu près nuls. Mais ces envois exigent un matériel important pour assurer ces transports. Aussi ces envois sont-ils limités aux seules plantes qui ne peuvent rigoureusement être expédiées sous forme de graines.
Reçues dans les jardins d'essai, ces plantes font l'objet de nou- velles multiplications, afin de permettre de les distribuer aux colons qui veulent en faire la culture.
La liste des plantes mises cette année en distribution n'a pas compris moins de 265 espèces ou variétés différentes.
Le nombre total des envois a été de 245 et a porté sur :
Plantes vivantes 12.567
Graines 641 kilos
Graines stratifiées 50.810 —
En dehors de ces envois faits aux Colonies, et qui constituent la principale préoccupation du service des cultures, il a été fait de nombreuses expéditions de plantes aux établissements scientifiques de la France et de l'étranger, avec lesquels le Jardin colonial entre- tient des relations constantes.
SERVICE BOTANJQUE
Comme tous les rouages du Jardin Colonial, le service botanique s'efforce de compléter, sans cesse, toute la documentation néces- saire à l'étude des connaissances coloniales et de les diffuser de la façon la plus large possible. Son action s'exerce par trois principaux moyens, qui sont :
1° Constitution de collections de produits coloniaux de tous genres, graines, bois, matières premières, herbiers. Distribution de ces documents aux établissements scientifiques, aux Musées sco- laires, aux savants qui veulent entreprendre des recherches spé- ciales.
154 DOCUMENTS OFFICIELS
2° Renseignements fournis au public sur l'emploi des matières premières, leur propriété, leur valeur.
3° Enseignement donné aux élèves de l'Ecole supérieure d'Agri- culture coloniale. Recherches relatives à des questions de botanique pure et appliquée.
Les constitutions des collections sont l'objet, de la part de ce ser- vice, de soins assidus. Celles-ci présentent, en effet, une grande importance, car elles constituent une documentation qui, par les échantillons de comparaison, permet de renseigner, de la façon la plus sûre et la plus précise, au sujet de la détermination de toutes les matières soumises à l'examen de ce service. Aussi Tordre et la méthode président-ils tant à la réception qu'au classement de ces collections. Tout objet est, dès sa réception, inscrit dans un registre journal et reçoit un numéro d'ordre. Des fiches spéciales, pour chaque nature d'objet, permettent de retrouver avec la plus grande facilité tous les documents reçus.
En même temps que les objets formant la collection type sont rangés dans les vitrines, le supplément est classé dans des maga- sins de réserve et permet de répondre de suite à toute demande de matériaux d'étude. Souvent ces matériaux mis en réserve repré- sentent des quantités importantes, en particulier lorsqu'ils doivent donner lieu à des essais de machine, à des analyses, a des essais d'utilisation industrielle. C'est au service botanique qu'incombe la tâche de conserver en ordre toutes ces nombreuses et utiles collec- tions qui, à l'heure actuelle, réunissent toutes les matières utiles que nos Colonies produisent. C'est là une sorte d'inventaire méthodique de la richesse de nos Colonies.
Les matières premières reçues au Jardin colonial permettent d'enrichir les collections des différents établissements d'étude de la métropole. C'est ainsi qu'ont pu être constituées les collections de la nouvelle chaire botanique coloniale, à la Sorbonne, dont le titulaire est M. Marcel Dubard, le chef du service botanique du Jardin colo- nial. C'est ainsi encore que nous avons pu faire de nombreux envois d'échantillons d'étude au Muséum d'histoire naturelle, à l'Ecole supérieure de pharmacie, à l'Institut national agronomique, aussi bien que dans divers établissements de province, tels que l'Institut colonial de Marseille et de Bordeaux, le Musée industriel de Lille, la Chambre de commerce de Lyon, l'Ecole supérieure de commerce de Nantes, etc.
RAPPORT. 1903 155
Le service botanique organise un herbier formé principalement de toutes les plantes présentant un intérêt économique.
Il olïre cette particularité que toutes les variétés culturales d'une même espèce y sont représentées, et permettent aussi de se rendre compte de l'intérêt qu'elles peuvent présenter.
L'enseignement donné aux élèves de l'Ecole supérieure d'Agri- culture coloniale constitue une des tâches de ce service. A l'aide d'échantillons provenant des cultures de l'établissement, lesquels sont complétés par des documents reçus directement des Colonies, les élèves peuvent acquérir des notions pratiques du plus réel inté- rêt, car elles leur permettent de connaître exactement toutes les par- ticularités des végétaux qui feront plus tard l'objet des exploitations dont la direction leur sera coniîée.
Parmi les questions d'ordre scientifique étudiées dans ce service, signalons parmi les plus importantes :
L'étude des modifications apportées par l'emploi des engrais à la fibre du coton ;
Examen des caractères anatomiques permettant d'aider à la clas- sification des espèces de caféiers;
Etudes des principales espèces à caoutchouc de Madagascar;
Etude de la formation des tubercules de l'Intisv (plante à caout- chouc de Madagascar), etc., etc.
Les nombreux matériaux reçus sans cesse au Jardin colonial per- mettent, en outre, de fournir aux savants de la France et de l'étran- ger tous les documents dont ils peuvent avoir besoin. Ils peuvent, dès maintenant, être assurés de trouver dans nos services une docu- mentation abondante tenue à leur entière disposition.
SEKVICE CHIMIQUE
Les principaux travaux de ce service se rangent en deux catégo- ries distinctes. Ce sont, d'une part, toutes les analyses courantes fournissant aux Colonies les renseignements dont celles-ci peuvent avoir besoin. Telles sont les analyses de terres, d'engrais, d'eaux ou de matières premières diverses.
Ces analyses, chaque jour plus nombreuses, vont permettre d'éta- blir, par la suite, une véritable carte agronomique, fournissant des documents précis sur la richesse du sol et sur la possibilité d'y entreprendre avec succès telle ou telle culture. Dès maintenant, les
156 DOCUMENTS OFFICIELS
terres de colonisation, les emplacements destinés à la création de Jardins d'essai ou de Stations de culture, ne sont mis en valeur que lorsque les analyses faites à Notent ont montré que les emplace- ments choisis possèdent des terres suffisamment riches pour que l'entreprise puisse être menée à bien.
Ces analyses sont faites gratuitement pour les Colonies. Elles représentent cependant une somme considérable de travail.
Mais le rôle du service chimique ne se borne pas à fournir sim- plement cette besogne matérielle. Il se consacre plus spécialement, au contraire, à l'étude de toutes les questions qui intéressent la colonisation et l'industrie métropolitaine, qui utilise les matières premières fournies par les Colonies.
Il est impossible d'énumérer ici les nombreuses études qui ont été entreprises et dont un certain nombre ont conduit à des applications pratiques du plus haut intérêt. Les matières premières reçues et déterminées, quant à leur origine, par le service botanique sont étudiées par le service chimique, au point de vue spécial des appli- cations qu'elles peuvent recevoir, et il est un grand nombre de ces solutions qui peuvent conduire aux conclusions pratiques du plus haut intérêt. Chaque jour, les industriels et les commerçants le savent mieux. Aussi entretiennent-ils avec le service des rapports suivis, car ils tirent de ses recherches les plus réels profits.
Ce service concourt largement à donner à nos élèves une solide instruction technique. Les matériaux dont il dispose lui permettent d'initier les élèves aux travaux qui portent sur l'utilisation des matières premières coloniales.
Comme on le voit par cet exposé sommaire, dès maintenant les services du Jardin colonial sont constitués de telle manière que tous' concourent à faire mieux connaître nos Colonies, et à fournir, à tous ceux qui songent à les mettre en valeur, une documentation très complète, fondée sur les bases les plus solide*.
L'Inspecteur général de V Agriculture coloniale, Directeur du Jardin colonial, J. Dybowski.
ÉTUDES ET MÉMOIRES
L'ÉLEVAGE A MADAGASCAR
L'élevage est une des principales richesses de Madagascar. Nous étudierons séparément dans ce chapitre l'élevage des bœufs, des chevaux et des ânes, des porcs, des moutons et des chèvres, et de la volaille.
I. — ÉLEVAGE DU BOEUF DIFFÉRENTES ESPÈCES DE BŒUFS
Les bœufs sont depuis longtemps une des principales ressources de notre nouvelle colonie. On en rencontre de différentes espèces.
Les plus répandus se distinguent des bovidés d'Europe par l'existence d'une masse de graisse, plus ou moins volumineuse, au sommet du garrot.
Il existe également des bœufs à bosse sans cornes, des bœufs sans bosse et avec cornes, et des bœufs à la fois sans bosse et sans corne.
à) Les bœufs à bosse et à cornes se rencontrent dans toute l'île, ils semblent appartenir au même type que les zébus de l'Inde, et c'est probablement avec l'homme qu'ils sont venus à Madagascar.
b) Les bœufs à bosse sans cornes se trouvent surtout dans le nord, dans la région de Diego-Suarez, ils sont désignés par les Malgaches sous le nom de « bory ». Les colons et les indigènes les emploient parfois comme monture ou comme porteurs, pour les transports.
c) Les bœufs sans bosses et avec cornes sont de deux sortes : les uns originaires du pays vivent à l'état sauvage par troupeaux de 100 à 150 tètes dans certaines régions du pays Sakalava; les autres sont les descendants de quelques taureaux et vaches de races fran- çaises jadis introduits à Madagascar par Jean Laborde; on rencontre surtout ces animaux autour de Tananarive et dans le Betsiléo.
158 ÉTUDES ET MÉMOIRES
d) Les bœufs à la fois sans bosse et sans cornes sont assez rares, il en existe dans le nord de l'île entre Vohemar et Diego- Suarez ainsi que dans la province du Boeni.
Taille. — En général les bœufs de Madagascar ne sont ni très grands, ni très gros. C'est d'ailleurs une conséquence naturelle des conditions dans lesquelles ils sont élevés et de la nourriture qu'ils prennent. Leur poids moyen est de 250 à 300 kilos. Leur peau est fine, d'une qualité appréciée ; celle des animaux sans bosse est plus recherchée. La viande est très bonne et très semblable à celle des bœufs de nos meilleures races françaises.
Le principal défaut du zébu est que les vaches sont très mauvaises laitières. Une vache donne généralement de 2 à 3 litres de lait par jour au maximum.
PRINCIPALES RÉGIONS d'ÉLEVAGE
Les plus belles régions d'élevage paraissent être : Dans le nord, le pays Antankara et les beaux pâturages qui entourent le lac Alactra; au centre, la zone comprise le long de l'arête faîtière de l'île à cheval sur les provinces d'Antsirabe, d'Am- bositra, de Fianarantsoa et sur la limite est du pays Sakalava; dans le sud, les belles prairies de la vallée de l'Itomampy, le pays de l'Orombé et les plaines des Bara du Cercle de Tuléar. Enfin l' Androy et le pays Mahafaly récemment pénétrés et pacifiés nourrissent également de beaux troupeaux, malgré la médiocrité des pâturages et la rareté de l'eau dans ces régions.
PROCÉDÉS D'ÉLEVAGE DES INDIGÈNES
Les soins donnés actuellement aux animaux par les indigènes sont des plus rudimentaires. En toute saison chaque matin vers 10 heures quand la rosée a disparu le troupeau est conduit au pâtu- rage par un gardien. Vaches, veaux, taureaux et bœufs sont ensemble; dans quelques rares régions seulement, les vaches sont envoyées à part.
Les gardiens, il faut le reconnaître, font intelligemment et consciencieusement leur métier, ils savent choisir les meilleurs
L'ÉLEVAGE A MADAGASCAR 159
pâturages, ils aiment leurs bêtes, les surveillent avec attention, connaissent parfaitement celles qui sont malades ou moins vigou- reuses que les autres. Le soir avant le coucher du soleil les animaux sont ramenés au village et rentrés à l'intérieur de l'enceinte, dans des parcs non couverts, simples fosses entourées de solides murs en pierres, où les animaux trouvent tout juste un peu d'abri contre le vent.
A la saison des pluies, comme l'écoulement des eaux dans ces parcs est fort mal aménagé, les bœufs couchent dans un véritable marécage. Généralement les veaux sont séparés des mères pendant la nuit : on construit pour eux un petit parc tout aussi rudimentaire que celui réservé au reste du troupeau.
Pendant les pluies, l'herbe est partout abondante, les troupeaux sont en bel état; mais à la saison sèche, comme le Malgache ne fait aucune provision de fourrages, les animaux ne trouvent plus suffi- samment à manger dans les pâturages desséchés maigrissent consi- dérablement, s'affaiblissent et deviennent sujets aux maladies.
Reproduction. — Les saillies se font tout naturellement et sans aucune surveillance. Les indigènes gardent comme taureaux les animaux les plus vigoureux et les laissent dans le troupeau où ils servent à satiété les vaches qui sont à leur portée.
Les*vaches ont leur premier veau à 2 ou 3 ans, suivant les régions ; elles ont de nombreuses portées. Au moment où elles vont mettre bas, elles s'écartent du troupeau et l'opération se passe presque tou- jours facilement sans l'intervention des gardiens indigènes. Les veaux qui naissent dans le parc généralement sale et plein de boue sont souvent perdus, car ils se prennent les pattes dans la terre mouillée, ne peuvent sécher, ni b oire, et risquent fort de mourir. Le sevrage se fait à 5 ou 6 mois ; les veaux deviennent adultes en moins de 2 années ; à 3 ans, le bœuf est bien en chair, mais il n'atteint son complet développement que vers 4 ans.
La castration est pratiquée à des âges différents, suivant les régions, généralement à 3 où 4 mois. La méthode du bistournage la plus employée chez nous est inconnue, l'opération de l'ablation des testicules est faite par des indigènes dont c'est le métier. Le bœuf malgache s'engraisse très facilement. Dans^ee but, les indigènes l'enferment dans une étroite fosse où il a tout juste la place de se retourner, et le bourrent de nourriture jusqu'à ce qu'il soit bien gras et prêt pour la boucherie.
160 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Nous avons vu des bœufs engraissés qui auraient pu rivaliser avec les lauréats les plus remarquables de nos concours agricoles de France.
PLANTES FOURRAGÈRES SERVANT A L ALIMENTATION DU BÉTAIL
Les prairies de Madagascar peuvent se diviser en deux catégories :
a) Celles qui sont au fond des vallées le long- des rivières.
b) Celles qui couvrent les mamelons de la région des bauts plateaux. Les premières, composées surtout de graminées de diverses espèces, dont quelques-unes comme le Karangy et l'Ahipalma sont spécialement réputées par les Malgaches, ont l'avantage d'être généralement humides toute l'année et de fournir une nourriture suffisante aux animaux, même pendant la saison sèche. Les secondes sont composées de diverses variétés de chiendents, d'une herbe haute et dure nommée Vero verotsanjy et Verofehama, suivant l'espèce, et de quelques graminées et légumineuses.
Ces prairies de mamelons les plus nombreuses dans l'île sont en somme généralement médiocres, les troupeaux vont y paître pendant la saison des pluies, lorsque les vallées sont inondées ou trop humides.
L'habitude, contractée par les indigènes, d'incendier ^chaque année les coteaux dans le but de détruire les herbes trop dures et de fournir aux animaux de jeunes pousses à manger, fait disparaître peu à peu les prairies qui s'y trouvent. Le feu anéantit les graines ; les pluies qui viennent ensuite, entraînent la terre, déchaussent les plantes, les espacent et appauvrissent les herbages. 11 serait urgent d'apprendre aux Malgaches l'usage de la faux. Ils pourraient ainsi atteindre le but qu'ils recherchent actuellement en brûlant et constitueraient en même temps des provisions de fourrage pour la saison sèche.
En dehors de la prairie il existe à Madagascar plusieurs plantes qui conviennent à merveille pour la nourriture des animaux, mais que les Malgaches emploient rarement à cet usage : le manioc dont les bœufs sont très friands et qui les engraisse et leur donne beau poil, l'arachide, le maïs, la patate, le pois mascate, plantes qui poussent facilement dans toutes les régions de l'île et dont les feuilles fournissent un bon fourrage.
L'ÉLEVAGE A MADAGASCAR 164
AMÉLIORATION A APPORTER AUX PROCÉDÉS d'ÉLEVAGL DES INDIGÈNES
L'élevage tel qu'il est pratiqué par l'indigène consiste en somme à s'occuper le moins possible des animaux. Avec un pareil système il est absolument impossible d'améliorer la race.
Le rôle de l'Européen venant faire de l'élevage à Madagascar devra consister, croyons-nous, à apporter des méthodes nouvelles tout en tenant le plus grand compte des conditions spéciales du pays et en gardant soigneusement ce qu'il y a de bon dans la manière de l'aire des indigènes. Vouloir faire à Madagascar de l'élevage comme en Normandie ou en Bretagne serait plus mauvais encore que d'imi- ter purement et simplement le Malgache. Le but à atteindre devra être avant tout d'améliorer la race existante en s'attachant surtout à augmenter le poids des animaux. Or ce résultat sera facilement atteint, croyons-nous, par deux moyens : 1° sélection dans la race elle-même; 2° amélioration de l'installation et surtout de la nourri- ture des animaux.
La sélection dans la race est facile à faire. On pourrait suivre à Madagascar l'exemple que nous donnent les éleveurs d'Australie et de la Nouvelle-Zélande :
« Les propriétés sont divisées de telle sorte que le ttroupeau comprend quatre parties principales :
1° Le troupeau lui-même composé de taureaux soigneusement choisis parmi les animaux les plus robustes et les plus forts, à raison de un pour 25 vaches, des vaches de 3 ans et plus, et des bœufs ;
2° Les génisses et les bouvillons ;
3° Les animaux à l'engrais ;
4° Les vaches mères et leurs veaux.
On réserve en outre une cinquième partie que l'on utilise dans le cas de grande sécheresse. » (Conférence de M. Moriceau, à Marseille).
L'amélioration des abris destinés aux animaux s'impose. Si le colon possède un troupeau peu nombreux, s'il a surtout des vaches et désire se livrer à l'industrie laitière, la meilleure solution pour lui sera de construire une étable d'un modèle aussi rustique que possible, mais où les animaux pourront être attachés et auront une mangeoire. Pour l'élevage en grand, la construction des étables Bulletin du Jardin colonial. H
lî>2 ÉTUDES CT MÉMOIRES
serait trop coûteuse. Il suffira de construire pour les animaux de grands parcs, dont la moitié du moins de la surface sera couverte de façon à leur permettre de s'abriter les jours de pluie. Le sol de ces parcs devra être aménagé convenablement pour faciliter l'écoule- ment des eaux.
Réserves de fourrages. — La question de la nourriture des animaux pendant la saison sèche est d'une importance capitale. Le colon ne pourra avoir des troupeaux en bon état que s'il prend ses précautions et fait des réserves de fourrage de façon à assurer la nourriture de ses animaux au moment où les pâturages desséchés ne la leur fourniront plus en quantité suffisante.
Dans ce but, la première chose à faire sera de constituer un approvisionnement de foin.
Les Malgaches apprenant assez vite à faucher, et dans bien des prairies de 1 île l'usage de la faux est possible; si le terrain trop inégal ne le permet pas, on peut au moins faire usage de la faucille. A l'aide de l'un ou de l'autre de ces instruments, actuellement presque inconnus à Madagascar, il sera possible de faire couper l'herbe qui devra être conservée pour l'hiver à l'aide du fanage ou de l'ensilage.
Fanage. — Nous avons vu faire l'expérience du fanage aux haras d'Ampasitra, près de Tananarive, à la Ferme hippique de l'Iboaka, et nous savons que cette opération a donné de bons résultats à Diego- Suarez. A la ferme d'Iboaka il a été récolté en 1902 plus de 50. 0(10 kilos de très bon foin. Les prairies sont fauchées deux fois par an : dans la petite saison sèche, qui arrive dans le Betsiléo vers le 12 janvier et dure un mois, et à la tin de la saison des pluies, vers le 2o avril. Le foin est emmagasiné dans les granges aménagées au- dessus des écuries et des étables ou mis en grandes meules abritées de la pluie par une couverture de chaume.
Ensilage. — L'ensilage a sur le fanage l'avantage de pouvoir se faire en toute saison. Pour le pratiquer on fait généralement de grands trous appelés silos, dans lesquels le fourrage vert est jeté immédiatement après la fauchaison avec tout Teau qu'il contient. Dans ces trous on le soumet a une forte pression et on le met complètement à l'abri de l'air en l'enfermant sous une épaisse couche de terre.
L ÉLEVAGE A MADAGASCAR 1G3
Les fourrages provenant de, l'ensilage ne valent pas en général le loin ordinaire.
Cultures fourragères. — Enfin nous recommandons spécialement aux colons qui veulent se livrer à l'industrie laitière ou à l'engrais des animaux de boucherie de joindre à leur affaire d'élevage une exploitation agricole, et de cultiver de préférence le manioc, le maïs, L'arachide, la patate et le pois mascate, plantes qui réussissent presque partout à Madagascar et sont d'un grand secours pour la nourriture du bétail. Nous devons également conseiller l'améliora- tion des prairies.
Prairies artificielles. — A la ferme de l'Iboaka les prairies artificielles ont donné de bons résultats. Dans les fonds de vallées de Madagascar la terre est généralement légère, on peut constituer d'excellentes prairies, composées sensiblement comme celles de France situées dans des terrains analogues. Il sera bon pour ces prairies de ne jamais semer uniquement des graines de la même espèce, il faudra faire préparer une composition avec celles qui paraissent avoir des chances de pousser dans le terrain choisi.
Animaux reproducteurs. — Disons un mot maintenant de la question de l'importation des reproducteurs de races étrangères : d'une façon générale nous n'en sommes pas partisan. La race indigène est pleine de ressources et présente le grand avantage d'être acclimatée et bien adaptée au pays ; par une sélection judi- cieuse elle peut être améliorée encore.
Les essais de croisements faits jusqu'ici avec des races de France n'ont pas donné de très bons résultats. Les géniteurs nouvellement introduits subissent les épreuves de l'acclimatement et du change- ment de nourriture, ils perdent de ce fait quelques-unes de leurs qualités et leurs produits s'en ressentent.
Il faut cependant reconnaître que quelques essais de ce genre ont été intéressants, notamment ceux faits par M. Martinfourchambaux en Imérina et par quelques autres colons qui ont fait venir à grands frais des taureaux de France.
Les principaux défauts que l'on peut reprocher au zébu de Mada- gascar sont : sa taille et son poids assez faibles, sa bosse, les mau- vaises qualités laitières des vaches. La taille et le poids peuvent
164 ÉTUDES ET .MÉMOIRES
être sensiblement augmentés sans recourir à des croisements par la sélection dans la race et l'amélioration de la nourriture. La bosse n'est un défaut qu'au seul point de vue de la vente des peaux. Pour toutes les autres utilisations du bœuf, elle n'a aucun incon- vénient ; pour certaines, comme le trait, elle est même d'un grand secours. Quant à la faible production de lait des vaches elle tient surtout à la nature du pays où elles vivent et à la médiocrité des pâturages. Soumises a la nourriture dont se contentent les vaches malgaches, les meilleures normandes ne tarderaient pas à perdre leurs qualités laitières.
Les progrès de l'élevage, l'amélioration delà qualité des fourrages remédieront peu à peu à cet inconvénient.
Constitution d'un troupeau. Premières dépenses à envisager. — Nous laisserons pour cette question la parole à M. Moriceau, administrateur de la province de Majunga, qui l'a remarquablement traitée dans une conférence faite à Marseille le 17 janvier J 903 :
« La constitution d'un troupeau un peu important demandera toujours un certain temps, les indigènes se défont difficilement de leurs animaux, mais cependant à certaines époques il est facile d'acheter des vaches et des taureaux. Je ne conseillerai pas d'entre- prendre l'élevage sur une trop petite échelle et j'estime qu'il faudrait commencer avec un minimum de mille vaches; l'achat d'un troupeau semblable coûterait environ 100.000 francs, les chevaux nécessaires environ 15.000 francs, les barrières, la grosse dépense à faire dans les stations coûteraient environ 80.000 francs. Les produits du troupeau ne seraient pas disponibles avant 4 ans, il faut donc pou- voir vivre pendant tout ce temps-là et entretenir son personnel. C'est donc, vous le voyez, une dépense assez élevée, mais les revenus en seraient considérables et peuvont être estimés à 40.000 francs par an pour un capital de 300.000 francs environ.
A Madagascar, il faut compter six hectares environ pour nourrir une tête de bétail ; en bornant son troupeau à un maximum de 5.000 têtes, c'est donc une superficie de 30.000 hectares qu'il est indispensable d'avoir. Les frais de gardiennage sont minimes lors- qu'il y a des barrières. Une station de cette importance en Australie aurait comme personnel : le propriétaire lui-même qui est le premier employé de son affaire, 10 stockmen payés à raison de mille francs par an en moyenne, deux hommes chargés de l'entretien des
L'ÉLEVAGE A MADAGASCAR 165
barrières payés au même prix, et un cuisinier, soit au total une dépense d'environ 15.000 francs. Sur ces stations australiennes, la ration comprend exclusivement la farine, du thé, du sucre et du sel ; la viande est fournie par le troupeau lui-même et la dépense de ce chef n'est pas considérable.
A Madagascar le véritable stockmen n'existe pas, mais l'indigène, habitué depuis long-temps à garder des troupeaux, notamment le Sakalave, deviendrait très rapidement nn excellent gardien.
La race du bétail est elle-même tellement douce qu'il est inutile de prévoir ces installations coûteuses de stokyard dans lesquelles on est obligé en Australie de mettre les animaux pour les marquer ou les couper; d'ailleurs les bois convenables abondent presque partout, et barrières et parcs peuvent être construits à très peu de frais.
Les habitations sont peu coûteuses et ce n'est que lorsque l'éle- veur aura réellement fait sa fortune qu'il pourra songer à élever des bâtiments importants ; la moindre case doit pouvoir lui suffire, jusqu'au moment où son ailâire sera entrée dans la voie des bénétîces. »
UTILISATION DU BŒUF A MADAGASCAR
Le véritable intérêt de l'élevage du bœuf à Madagascar est son exportation en Afrique du Sud, où il est vendu principalement pour la boucherie.
Ce commerce bien compris peut être une source de richesse pour nos colons.
Mais en dehors de ce point de vue, le bœuf rend dans notre nouvelle colonie de précieux services. Etant donné le développement encore tout récent de l'élevage du cheval, de l'âne et du mulet, et le nombre très restreint de ces animaux dont on peut disposer actuellement pour les transports, la faculté de se servir du bœuf comme porteur ou animal de trait devient très importante.
Les essais de transports par bœufs porteurs ont été faits princi- palement dans le Nord du côté de Diego-Suarez, et dans le Sud dans le Cercle des Bara et à Tuléard.
Dressage. — Les zébus se dressent facilement ; on les conduit à l'aide d'un anneau en fer passé dans les naseaux. Ils portent des charges de 60 à 80 kilos.
166 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Faute de mieux, le bœuf porteur rend des services. Mais on ne peut lui demander que de très petites étapes, 20 kilomètres environ par jour, et des allures lentes ; si on exige de lui un travail plus sévère, il dépérit rapidement et devient inutilisable. Partout où il y a des routes, il vaut mieux employer le bœuf à la traction.
Les transports par voitures à bœufs nous paraissent appelés k se développer dans l'île. Le dressage des animaux se fait avec la plus grande facilité, et pour notre part nous n'avons jamais eu besoin de recourir à l'anneau dans le nez, un simple licol nous a toujours suffi pour conduire nos animaux. La bosse permet l'usage d'un joug spécial, commode, facile à faire et k ajuster. Soumis à un entraîne- ment progressif, le zébu arrive à fournir de bonnes étapes sans que son état général paraisse en souffrir. Sur de petites distances, pour les travaux d'une exploitation agricole, pour le labour surtout, il rend les plus précieux services. Son emploi sur de grandes lignes d'étapes demande l'observation de deux conditions essentielles : 1° ne pas faire plus de 20 à 25 kilomètres par jour, en conservant une allure lente ; 2° une fois l'étape atteinte, laisser aux animaux tout le temps nécessaire pour paître à leur aise, car la nourriture ne leur est profitable qu'à la condition d'être prise lentement. Les mauvais résultats obtenus par certaines entreprises de transports par- voitures à bœufs peuvent être imputés, semble-t-il, k l'effort trop considérable demandé k des animaux k peine entraînés. Employés sagement et pour transporter seulement des marchandises peu pressées, les bœufs peuvent rendre des services importants.
PRIX DES AMMALX
Actuellement k Tananarive une vache sans bosse réputée bonne laitière vaut de 130 k 150 francs, une vache de race zébu de 60 ou 70 francs, un taureau 120 francs, un bœuf non engraissé 100 francs au maximum. Dans les autres parties de l'île, les prix sont moins élevés ; k certaines époques de l'année, particulièrement au moment du paiement de l'impôt, les bœufs se vendent bon marché, et on a une vache pour 35 ou 40 francs, un taureau pour 70 francs, un bœuf pour 50 ou 60 francs, suivant la taille.
L'ÉLEVAGE A MADAGASCAR 1 ()7
II — L'ÉLEVAGE DU CHEVAL, DE L'ANE ET DU MULET
A. — LE CHEVAL, SON ÉLEVAGE AVANT LA CONQUÊTE
L'introduction du cheval à Madagascar est bien plus récente que celle du bœuf et date probablement du règne de Radama Ier, c'est-à- dire du commencement du xixe siècle.
Avant l'occupation française, les chevaux étaient très rares dans l'Ile, c'étaient pour les Malgaches des animaux de luxe. Les grands chefs du pays en possédaient quelques-uns et les montaient dans les circonstances solennelles.
L'élevage du cheval était pratiqué d'une façon presque aussi rudi- mentaire que celui du bœuf. Les saillies étaient faites à toute époque de Tannée, par des étalons quelconques, souvent vieux et usés. Les juments et leurs poulains envoyés au pâturage n'importe où trouvaient le soir pour abri de vieilles cases à moitié démolies et une litière rarement renouvelée. Le pansage et autres soins indis- pensables étaient inconnus. Enfin la nourriture des animaux com- prenait uniquement le fourrage vert et parfois la paille de riz. Les Malgaches se refusaient à donner du grain aux bêtes, disant que Dieu réservait le riz pour la nourriture des humains. Malgré ces conditions déplorables, malgré l'incohérence avec laquelle furent introduits et mélangés ensuite des animaux de toutes provenances, arabes, chevaux de Java, de l'Inde, du Transvaal, d'Australie, une race finit par se créer à Madagascar.
Race malgache. — Formée dans les conditions que nous venons de dire, la race malgache ne peut être évidemment très homog-ène, elle présente cependant un certain nombre de caractères communs, la taille est toujours peu élevée et varie de 1"' 25 à lm iO ; la tète est généralement lourde et peu distinguée, l'encolure est courte, souvent mal sortie, le garrot est empâté, le dos est souvent long, la croupe régulière, les membres excellents et les pieds bien faits. Ces petits animaux sont énergiques, rustiques et très vigoureux. Montés par les Malgaches avec une ignorance cQmplète de l'équi- tation et de l'emploi du cheval, ils résistent cependant. Nous avons vu certains petits chevaux de 1 m 30 faire, sous des poids de 80 kilos,
1(58 ÉTUDES ET MÉMOIRES
des étapes de 40 kilomètres a des allures moyennes de 8 kilomètres à l'heure.
Ces chevaux malgaches sont malheureusement peu nombreux. Le recensement fait en 1897 accusait environ 367 animaux en Imérina, il y en avait peut-être une centaine encore répartis dans le reste du pays, ce qui mettrait à moins de 500 têtes la population chevaline de l'île au début de notre occupation.
Mais quelque soit leur nombre, les qualités de ces animaux témoi- gnaient de la vitalité de l'espèce chevaline et de son aptitude à s'acclimater sur les hauts plateaux.
l'élevage du cheval depuis la conquête
Dès son arrivée à Madagascar, le général Gallieni voulut s'occuper du développement de l'élevage du cheval. Dans ce but, il décida : 1° d'améliorer la race existante en faisant venir dans la colonie des étalons de choix ; 2° de rechercher parmi les races étrangères celle qui conviendrait le mieux pour l'introduction de juments destinées à la reproduction ; 3° de développer chez le Malgache le goût de l'élevage du cheval et de lui enseigner la manière de s'y prendre pour perfectionner les procédés employés par lui autrefois.
Pour obtenir le premier résultat, on résolut de créer un dépôt d'étalons à Ampasika, près de Tananarive. Placé sous la direction d'un vétérinaire militaire, cet établissement possède aujourd'hui environ 30 étalons de race arabe, abyssine ou malgache, et assure depuis 3 ans la saillie de presque toutes les juments de la région de Tananarive. Un second dépôt d'étalons a été ensuite annexé à la Ferme hippique de l'Iboaka pour desservir la région du Betsileo.
L'effectif très restreint de la population chevaline ne permettant pas de se borner à améliorer la race de l'île par sélection et croise- ment avec des reproducteurs importés, il fallait, pour arriver rapi- dement à un résultat, déterminer une race capable de s'acclimater à Madagascar, l'introduire ensuite dans l'île. C'est dans ce but que fut créée en 19001a Ferme hippique de L'Iboaka.
Les essais ont' jusqu'à présent porté sur trois races, celles de Taibes, d'Algérie, d'Abyssinie. Sans pouvoir encore tirer des con- clusions définitives, les questions d'élevage demandant toujours du
L'ÉLEVAGJE A MADAGASCAR I l)(.)
temps pour donner des résultats, il semble dès maintenant prouvé qu'il faut renoncer à faire à Madagascar des chevaux de grande taille. Ces animaux sont atteints, à des degrés diiférents suivant les régions, par une maladie du système osseux, que les vétérinaires croient être l'ostéomalacie, et qui est due probablement à la teneur du sol de Madagascar en phosphates calcaires. A Tananarive, les cas d'ostéo- malacie sur les chevaux arabes et tarbes ont été très nombreux; à Fianarantsoa, on en a observé un certain nombre. Un colon d'Ant- sirabe, M. Georger, qui fait de l'élevage et a des juments de Tarbes, n'a eu que très peu à souffrir de cette maladie, mais il est vrai que les terrains de sa concession sont exceptionnellement riches en cal- caire.
Les chevaux d'Abyssinie, dont la taille est peu élevée et qui sont très rustiques, semblent jusqu'à présent s'acclimater à Madagascar. Ils sont excellents et présentent l'avantage de pouvoir être facile- ment introduits dans l'île à cause de la proximité du port de Dji- bouti, de l'inauguration récente du chemin de fer du Hairar et enfin du prix peu élevé auquel on les achète en Abyssinie.
Cette île, par son climat et la nature de son sol, a de grandes ana- logies avec notre nouvelle colonie.
Les animaux qui y vivent auraient de grandes chances de réussir facilement à Madagascar. Petits, mais robustes, très adroits et résis- tants, ils rendraient de précieux services pour les transports.
Les chevaux de l'Inde ont fait autrefois leurs preuves, car ils ont été introduits en assez grand nombre sur la côte ouest. Il v aurait intérêt à encourager à nouveau leur importation.
Pour remplir la troisième partie de son programme, le développe- ment du goût de l'élevage du cheval chez l'indigène, le général Gallieni a encouragé l'organisation de courses, de concours hippiques, et il a donné à la section chevaline du concours agricole annuel de Tananarive une importance prédominante. Il a de plus fait publier en langue malgache des instructions sur la manière de comprendre l'élevage du cheval, sur les soins qu'il faut lui donner ; enfin en sup- primant le droit d'entrée il a favorisé l'importation des chevaux. Une Société d'encouragement vient de se former à Tananarive ; sa création aura certainement les meilleurs résultats et favorisera gran- dément le développement de l'élevage malgache.
170 ÉTUDES ET MÉMOIRES
RÉSULTATS OBTENUS
Grâce à ces efforts, les progrès sont déjà considérables. Les Mal- gaches se sont mis rapidement à l'élevage du cheval, ils ont compris les services que ces animaux peuvent leur rendre, depuis que les routes commencent à sillonner la Grande Ile.
Les anciens étalons dont se servaient les indigènes ont été presque tous castrés et les juments sont maintenant conduites aux dépôts d'étalons de Tananarive et de Fianarantsoa. Les produits obtenus ces dernières années sont généralement bien venus, ils se distinguent des anciens poulains malgaches par plus de taille et de distinction, et promettent de devenir de bons chevaux de selle ou de trait léger.
Mais les progrès sont surtout sensibles dans les soins que les Malgaches prennent maintenant de leurs animaux. Le pansage est entré dans leurs habitudes, les écuries sont devenues plus confor- tables, le grain fait maintenant partie de la ration. L'utilité du che- val étant maintenant reconnue, sa valeur a augmenté considérable- ment. Un cheval hongre, de taille et de qualité moyenne, ne se vend pas moins de 600 à 700 francs, une jument vaut toujours de 1.000 à 1.200. Nous avons vu des poulinières atteindre les prix de 1.600 à 1 .700 francs.
L'importation des chevaux de races étrangères commence égale- ment à prendre de l'importance : en 1902, environ 100 juments abys- sines ou arabes ont été introduites dans la colonie par des particu- liers; elles se sont vendues à un prix moyen de 1 .000 francs.
NOURRITURE DES ANIMAUX
La nourriture des chevaux est la question la plus importante à résoudre. C'est, en effet, à cause de la pauvreté du sol et de la médiocrité des pâturages que l'acclimatement des animaux importés a donné lieu à certains déboires.
Nous avons parlé des pâturages de Madagascar à propos des bœufs; pour l'élevage du cheval, leur amélioration par le labour, la fumure et, si possible, le chaulage, a encore plus d'importance. L'absence des phosphates calcaires semble être la cause principale de l'ostéomalacie; il en résulte que le colon désireux de se livrer à l'élevage devra, avant de choisir sa concession, étudier avec soin la
L ÉLEVAGK A MADAGASCAB
171
nature du sol. En dehors des fourrages, la nourriture des chevaux devra comprendre du paddy et du maïs. Ces graines se trouvent dans presque toutes les régions de l'île et en tout cas sont suscep- tibles d'y être cultivés avec succès.
Voici l'analyse du paddy (riz non décortiqué) et du maïs, faite au laboratoire du chimie de Tananarive :
Eau Cendres |
Paddy |
Maïs |
11.72 6.60 6. 56 2.10 52.18 20.20 |
12.41 1.10 S. 35 5.42 67.85 4.38 |
|
Matières protéiques |
||
Matières amylacées |
||
Cellulnsa |
||
90.26 |
99 . i 1 |
La ration des animaux pourra comprendre soit uniquement l'un de ces grains, soit un mélange de l'un et de l'autre. Le mais devra être concassé avant d'être distribué.
Ration. — Le tableau suivant indique les rations journalières données aux animaux à la Ferme hippique dlboaka et pourra servir de modèle :
ÉTALONS |
JUMENTS Ration ordinaire |
POULAINS Ration ordinaire |
||
Foin |
Ration ordinaire |
Ration de monte |
||
4 k. 5 4 0.025 |
5 k. s 4 (t. 025 |
5 k. 6 0.025 |
2 k. 2 2 0 . (1 1 0 |
|
Maïs et paddy mélangé ou paddy seulement. Paille de riz Sel |
Les essais de culture de l'orge ont donné généralement de mau- vais résultats. L'avoine réussit assez médiocrement, et on ne peut encore compter sur cette céréale pour la nourriture des chevaux.
Dans un établissement d'élevag-e, il y aura néanmoins avantage
172 ÉTUDES ET MÉMOIRES
à cultiver un peu d'avoine pour donner aux poulains, car le paddy a l'inconvénient d'être un peu dur pour eux, et il faut avoir en tout cas la précaution de la concasser avant de la leur faire manger.
L'Ampembv malgache, sorte de Sorgho, donne un grain que les animaux mangent volontiers et dont on pourra faire usage pour varier la ration de ceux qui se nourrissent difficilement.
PRINCIPALES RÉGIONS FAVORARLES A L ELEVAGE DU CHEVAL
Les régions indiquées pour l'élevage du bœuf sont également celles où celui du cheval pourrait être pratiqué avec succès.
Cependant les environs du lac Alaotra, le pays d'Antsirabe et Hetafo, certaines parties du Betsiléo et du pays Bara nous paraissent particulièrement propices. Les terrains calcaires devront autant que possible être préférés aux autres.
B. — l'an i:
Si pour le cheval nous avons des inquiétudes, s'il est vrai que c'est un produit difficile à fabriquer et pour lequel la période des tâton- nements n'est pas encore close à Madagascar, pour l'àne au con- traire le problème paraît résolu.
L'élevage de l'àne réussit parfaitement dans l'île. Les animaux importés passent par une période d'acclimatement bien nette. Pen- dant la première année, l'interversion des saisons, le changement du climat et de la nourriture amènent un peu de baisse dans l'état des nouveaux arrivés. Il faut alors les ménager et ne pas leur demander immédiatement un travail sérieux. Mais après huit ou dix mois de séjour dans la colonie, les animaux reprennent toute leur vigueur. L'élevage de l'âne a de plus l'avantage d'être tout ce qu'il y a de plus facile et très peu onéreux. Nous donnerons comme exemple ce qui a été fait à la Ferme de l'Iboaka. Les ânesses sont installées dans un simple parc à bœufs malgaches dont une partie a été recouverte. Chaque matin elles sont conduites au pâturage en troupeau, le soir quand elles rentrent il leur est distribué du paddy à raison de 1 kilo par animal. Seules celles dont l'état de gestation est avancé sont séparées des autres et couchent dans une écurie hangar. La mise bas se fait presque toujours sans l'aide du vétéri- naire. Quelques soins sont nécessaires pour la mère et le produit
L'ÉLEVAGE A MADAGASCAR 173
pendant trois on quatre jours, puis on les remet dans le troupeau. Les saillies se l'ont toute l'année. Le pour cent des naissances a été des plus satisfaisants pendant les deux dernières années. Les pertes dues uniquement à des accidents ont été insignifiantes.
Les ànesses introduites à Madagascar sont presque toutes de pro- venance algérienne. Elles ont été achetées au prix moyen de 30 francs. Les baudets destinés à la reproduction ont coûté environ 100 ou 500 francs, quelques-uns 300 et 500 francs. Tous ces prix doivent être majorés du transport soit environ 250 à 300 francs par tête pour avoir celui auquel reviennent les animaux dans la colonie.
La Ferme de llboaka a vendu en 1902 environ 150 ânes et ànesses, les haras d'Ampasika une cinquantaine, au prix de 200 francs.
Les dépôts de baudets ont été créés à Ampasika et k la ferme de l'Iboaka où Ton a conservé en outre 40 ànesses pour la reproduction et létude de transformation de la race.
Les ânes vendus en 1902 sont employés à faire des transports. Ces expériences sont récentes, mais nous sommes convaincus qu'elles donneront de bons résultats lorsque la question des bâts sera résolue et que les indigènes auront pris l'habitude de charger les animaux avec soin et de les conduire raisonnablement.
Les ânes portent actuellement environ 60 kilos, ils font des étapes journalières de 20 à 25 kilomètres, à une allure de 5 kilomètres à l'heure ; un homme suffit à conduire cinq animaux.
Nous pensons que ce mode de transport est appelé à rendre les plus grands services, et, quand l'âne sera suffisamment répandu dans 1 île, quand l'indigène sera familiarisé avec son emploi, il rem- placera avantageusement les bourjanes.
C. — LE MULET
L'élevage du mulet n'a pas encore été pratiqué à Madagascar; il faut attendre pour l'entreprendre un développement plus grand de l'élevage du cheval et de celui de l'âne. Les mulets importés à Madagascar par les services militaires et par certains colons pro- viennent généralement du Poitou, d'Algérie, d'Abyssinie et de la République Argentine.
Ces animaux ont rendu de grands services, mais comme les che- vaux de races étrangères ils sont atteints à Madagascar par l'ostéo-
174 ÉTUDES FT MÉMOIRES
malacie. Ceux qui ont le mieux résisté paraissent être les Abys- sins et les Algériens. L'impossibilité de faire d'ici de longues années de l'élevage du mulet à Madagascar et le prix élevé, 800 francs au minimum, auquel reviennent ceux de ces animaux qu'on importe nous engage à conseiller aux colons de ne pas compter beaucoup sur eux pour les entreprises de transports ou les besoins de l'agri- culture à Madagascar.
III. — LES PORCS
L'élevage du porc est en très grand progrès parmi les indigènes depuis quelques années. Il est pratiqué surtout sur les hauts pla- teaux par les Hova et les Betsiléo, mais les populations côtières et même les tanala de la forêt commencent à s'y adonner avec succès.
Le porc de Madagascar a le poil noir, il peut atteindre de fortes dimensions, et ressemble plus par sa structure et sa forme au san- glier qu'au porc de France. Sa chair est très bonne: déjà au temps de Flacourt elle avait la réputation d'être supérieure à celle de ses congénères d'Europe. Les indigènes consomment beaucoup de viande de porc, seuls les habitants de la côte ouest, d'origine mul- sumane, et les Sakalava refusent d'en manger. La race porcine mal gâche est très prolifique : les femelles donnent souvent de 8 à 10 petits et la reproduction commence dès que les sujets atteignent six mois.
On peut estimer actuellement à 250.000 environ le nombre des porcs à Madagascar. Ce chiffre pourrait être considérablement aug- menté, si les indigènes sentaient un débouché assuré pour leurs produits.
Avec l'élevage du bœuf et des équidés, celui du porc est à encou- rager à Madagascar et pourrait être une source de richesse pour les colons, soit pour l'exportation vers Maurice, la Réunion et l'Afrique du Sud, soit par la fabrication des conserves et des salai- sons, la vente et le travail de peaux ou la production de la graisse. La nourriture des porcs est facile à assurer à Madagascar où le manioc, la patate, la pomme de terre, le maïs, le son de riz se trouvent presque partout en abondance. Le prix d'un porc ordinaire à Tananarive est de 20 francs. Le porc gras se vend jusqu'à 50 francs. Une truie vaut 10 à 15 francs. Dans le pays betsiléo, les prix sont encore moins élevés.
L'ÉLEVAGE A MADAGASCAR 175
La rusticité de la race, la grande fécondité des mères, le dévelop- pement rapide des sujets vivant en liberté permettent d'espérer que l'élevage du porc pourra prendre à Madagascar un très grand développement lorsque la création d'industries utilisant les produits de cet animal ainsi qu'un courant d'exportation nettement établi assureront aux indigènes des débouchés rémunérateurs.
IV.— LES MOUTONS ET LES CHÈVRES
Le mouton de Madagascar appartient à la race dite à grosse queue, dont on trouve des représentants dans de nombreuses régions de l'Afrique, et notamment à Aden et à Djibouti. Cet animal dont la laine, sorte de poil court et dur, est inutilisable a de plus l'inconvé- nient d'être de petite taille, de s'engraisser difficilement et de fournir pour la boucherie une viande de qualité médiocre. Le seul avan- tage de cette race inférieure est sa rusticité: elle se contente de soins insignifiants et n'est pas exigeante sous le rapport de la qualité des pâturages. Les moutons ne sont pas très nombreux à Madagascar: on en compte environ 100.000 ; les indigènes en possèdent très rare- ment des troupeaux importants. Cependant la race est prolifique et les brebis ont très souvent deux agneaux à la fois. Mais les qualités médiocres des animaux, les prix peu élevés auxquels ils se vendent (7 francs un bélier, 3 francs une brebis), les soins supérieurs à ceux nécessaires pour les bœufs qu'exigent leur élevage, sont peut- être les raisons qui empêchent les indigènes de s'y livrer en grand.
Régions favorables. — Le mouton à grosse queue ne se rencontre pas dans toutes les parties de l'île. Dans les régions humides et chaudes de la côte Est, il ne s'acclimate que très difficilement; on ne 1 élève avec succès que sur les hauts plateaux et de préférence dans les régions les plus sèches, comme celles du versant et de pré- férence dans les régions les plus séchés, comme celles du versant ouest. Le pays le plus favorable au mouton parait être le sud ouest de l'île où le climat est sec, le terrain relativement riche en calcaire et les pâturages suffisamment riches. La région de l'Aka- ratra, située au sud de Tananarive, le pays de Mandritsara, au nord du lac Alaotra, sont également propices à cet élevage.
176 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Essais d'amélioration. — La médiocrité de la race indigène a fait songer dès les débuts de notre occupation à recourir à l'impor- tation d'animaux de choix pour l'améliorer. Les premiers essais ont porté sur des moutons mérinos envoyés de la bergerie de Ram- bouillet. Ils n'ont pas réussi. Les moutons après un stage assez long dans la montagne d'Ambre furent montés à Tananarive à la saison des pluies. Un grand nombre moururent en très peu de temps ; les autres, ne pouvant s'habituer à l'humidité du climat et à la nourri- ture nouvelle qui leur était donnée, dépérirent rapidement. Il ne reste plus actuellement qu'une brebis mérinos qui est à Antsirabe. Nous croyons cette race trop délicate pour Madagascar.
En 1902, de nouveaux essais furent entrepris, ils portèrent sur deux races: les moutons d'Algérie et les moutons solognots. Les expériences durent encore ; des béliers et des brebis ont été envoyés à Tananarive, à la Ferme hippique dTboaka, à Fort-Dauphin et à Tuléar. D'après ce que nous avons vu de ces expériences, nous pen- sons que le mouton d'Algérie pourra s'acclimater dans les régions les plus sèches de l'île et particulièrement dans la province de Tuléar. Le mouton solognot semble devoir réussir à peu près par- tout sur les hauts plateaux.
A la Ferme de lTboaka, les animaux de cette race qui nous ont été confiés sont en parfait état; les brebis ont donné de fort beaux agneaux. L'acclimatement, en un mot, a paru se faire facilement et pourtant le climat Betsiléo, dans la province de Fianarantsoa, est relativement humide.
Mais la vraie solution, croyons-nous, serait de créer une race de moutons à laine à Madagascar. Il faudrait pour cela, après avoir étudié ditférentes races, déterminer celle qui conviendrait le mieux au climat et au sol de l'île, importer ensuite des béliers de choix et procéder par croisement avec les brebis indigènes. Les produits mâles seraient castrés, les femelles conservées et saillies par des béliers de race pure ; en continuant à procéder ainsi jusqu'à la quatrième génération, on obtiendrait des animaux chez qui le sang de la race importée dominerait, et qui deviendraient le point de départ de la nouvelle race de moutons malgaches. Les béliers solognots conviendraient bien pour ces expériences. Il y aurait intérêt à faire également des essais avec la race australienne.
Il est impossible dès maintenant de se prononcer sur l'avenir de lélevage du mouton à Madagascar, la question étant étudiée depuis
L'ÉLEVAGE A MADAGASCAR 177
trop peu de temps, mais nous devons attirer sur son importance l'attention des colons. Si Madagascar pouvait devenir un pays producteur de moutons, elle pourrait, grâce à sa situation, lutter victorieusement avec l'Australie sur les marchés de l'Afrique du Sud.
CHÈVRES
Les chèvres ont été introduites à Madagascar par les Arabes ; elles sont nombreuses sur la côte Ouest, principalement Nord-Ouest ; elles réussissent bien sur les hauts plateaux.
Les qualités laitières des chèvres sont médiocres comme pour les vaches, et pour les mêmes raisons. Leur chair peu appréciée est consommée par les indigènes, leur peau est expédiée en Angleterre pour la cordonnerie.
L'élevage des chèvres n'est pas à encourager, spécialement à cause de son peu de rapport d'une part, et des ravages qu'il occasionne au point de vue de la destruction des arbres dans les régions où on le pratique.
La colonie s'est mise en relations avec le consul général de France au Cap et va recevoir de ce pays des chèvres Angora. Le prix d'une chèvre à Tananarive est de 5 à 6 francs.
V. — VOLAILLES
Les volailles réussissent très bien dans toutes les régions de Madagascar. Les coqs et les poules appartiennent à l'espèce dite Coq de Combat; ils sont hauts perchés sur pattes. La chair est bonne, mais les poulets sont rarement bien gras II y aurait intérêt à introduire à Madagascar quelques-unes de nos belles races de France.
Les oies, les canards, les dindes, les pintades sont d'excellente qualité et se rencontrent en. abondance dans tous les villages.
Les pigeons, plus récemment introduits, viennent très bien et se multiplient rapidement.
Les indigènes pratiquent l'élevage de la volaille sans y prendre grand soin. Les animaux mangent comme ils peuvent, picotant ça
Bulletin du Jardin colonial. 12
178 ÉTUDES ET MÉMOIRES
et là tout ce qu'ils trouvent autour du village ; le riz est la base de leur nourriture. Les poulaillers n'existent pas ; les volailles sont rentrées le soir dans les cases, ou dans de petites cages pratiquées dans des angles de mur ou dans des maisons en ruines. L'art d'engraisser les volailles n'est connu qu'à Tananarive et dans quelques villes, mais les indigènes le pratiquent rarement.
Les prix sont : coq (beau) 2 francs, poule 1 fr. 25, canard et cane 1 franc, jars 3 francs 75, oie 2 à 3 francs, dindon 3 francs, dinde 2 fr. 50, canard de Barbarie 4 franc 5(1 à 2 francs, cane
I fr. 25, pigeon I fr. 50, la paire pigeon pattu 7 francs la paire.
On voit combien ces prix sont peu élevés. Au Cap et dans les ports d'Afrique du Sud, la volaille est au contraire payée très cher.
II y a donc là une source de richesse qui mérite d'attirer l'attention des colons et de les encourager à pratiquer l'élevage surtout le commerce des volailles en vue de l'exportation.
Lieutenant Charles Roux, Directeur de la ferme hippique de l'Iboaka.
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE
[Suite.)
CHAPITRE VIII Marquage. Castrations.
Nous allons maintenant dire quelques mots de trois opérations importantes dans la pratique de l'élevage calédonien. Ce sont : 1° Marquage, 2° Castration des mâles, 3° Castration des femelles.
Marquage. — Dans tous les pajs de grand élevage en liberté, il est indispensable que chaque éleveur puisse facilement reconnaître son bétail, même s'il est mélangé avec un autre troupeau et qu'il ait la possibilité de faire la preuve de ses droits de propriétaire.
Ce double but est atteint grâce à l'obligation de la marque, opé- ration réglementée dans la colonie d'une façon très précise, par l'arrêté du 1 1 mars 1895. Nous allons en reproduire les articles ayant un intérêt direct pour cette étude.
Article 1er. — Il est ouvert dans les bureaux de la Direction de l'Intérieur un registre destiné à recevoir l'inscription des marques de bétail ou de chevaux
Nul ne pourra obtenir la délivrance d'une marque s'il ne justifie qu'il est propriétaire de bétail ou de chevaux.
Chaque propriétaire de bétail ou de chevaux aura le droit de choisir sa marque, qui devra se composer de deux lettres de l'alpha- bet et d'un chiffre numérique ; ce chiffre devra précéder, diviser ou suivre les lettres. Exemple : 3AB, A3B, -AB3.
Les lettres et les chiffres devront être apposés dans leur posi- tion naturelle et n'être ni renversés ni accolés.
Le chiffre devra toujours être de dimension moindre que les lettres.
Art. 2. — L'intéressé sera tenu de déposer à la Direction de l'Inté-
ISO ÉTUDES ET MÉMOIRES
rieur un fac-similé de sa marque dont l'impression aura élé faite à chaud sur une planchette.
Ce dépôt ne sera accepté que si la marque est conforme aux prescriptions ci-dessus.
Il sera délivré, à toute personne ayant déposé sa marque, un cer- tificat extrait d'un registre à souche constatant ce dépôt.
Ce certificat fera mention des marques anciennes possédées par le déposant.
Il est défendu de se servir d'une marque sans être muni du certi- ficat dont il est parlé aux ^ 2 et 3 précédents.
Art. 3. — Les marques seront distribuées dans l'ordre des demandes faites à la Direction de l'Intérieur.
Au cas où un propriétaire demanderait une marque déjà prise, il serait tenu de modifier sa demande, afin d'éviter un double emploi.
Art. 4. — Pour les bêtes à cornes et pour les chevaux, et en cas de changement de propriétaire, les marques successives seront apposées comme suit :
Bœufs. Chevaux.
lre marque Croupe côté droit Epaule gauche
2° — côté gauche — droite
3e Epaule droite Encolure gauche
4e — Epaule gauche — droite
5e Côtes droites Cuisse gauche
6e Côtes gauches — droite
Les dimensions des marques ne peuvent pas être inférieures : Pour les bêtes à cornes a 0 '"08 (huit centimètres : Pour les chevaux, à 0 "' 06 (six centimètres).
En cas de contestation relative à une bête portant plusieurs marques, les marques enregistrées seront seules prises en considé- ration.
Art. .">. Par dérogation aux présentes dispositions, les proprié- taires ayant possédé du bétail avant la mise en vigueur de cette nou- velle réglementation ne seront pas tenus de marquer à nouveau ou de contremarquer leurs troupeaux. Toutefois ils devront se mettre en mesure d'appliquer le nouveau système à compter du Ier juillet 1895, sur toute bête non marquée.
L'ÉLEVAGE A LA .NOUVELLE-CALÉDONIE 181
Après cette date, quiconque se sera servi dune marque non enre- gistrée sera passible d'une amende de cent francs.
Dans le même délai, les éleveurs auront à déclarer les anciennes marques dont il sera fait mention sur le registre à souches.
A la lin de chaque mois, le Journal Officiel de la colonie ainsi que le Bulletin Officiel publieront la liste des marques enregistrées, en y ajoutant le nom des propriétaires et de leurs stations.
Art. 6. — Un inspecteur sera chargé de faire exécuter les pré- sentes et au besoin de verbaliser en cas d'infraction. Il prêtera ser- ment à cet effet.
Cet inspecteur aura le droit de pénétrer dans tous abattoirs, sta- tions (habitations exceptées) et sur tous les terrains domaniaux sans exception, pour s'assurer de l'application du présent arrêté.
Telles sont les règles à suivre pour le marquage régulier du bétail. Quant à la pratique de l'opération, elle est des plus simples, car on l'effectue le plus souvent sur de jeunes bètes. L'animal est pris par le cou, ou mieux si c'est possible par les cornes, dans le nœud coulant dune longue et forte corde (dite corde à lacer). Il est ainsi amené contre lune des faces d'un compartiment du sto- ckvard. A ce moment, deux hommes ayant chacun une corde de 2 m 50 à 3 mètres (corde à pied) saisissent l'un le pied gauche de derrière, 1 autre le pied gauche de devant. Quand ces deux cordes sont solidement fixées sur la barrière contre laquelle l'animal a été amené, on lâche la tète et la bête tombe sur son côté gauche.
Deux hommes la maintiennent à terre pour l'empêcher de trop se secouer, pendant qu'un troisième appose la marque suivant les règles prescrites.
La corde à lacer ayant été dégagée au moment où la bête est tombée, une deuxième est saisie pendant que l'on opère sur la pre- mière et le travail continue sans interruption.
Pour cette opération, les marques en cuivre sont celles qui con- viennent le mieux, parce qu'elles conservent la chaleur plus long- temps que celles en fer. Elles devront en outre être suffisamment légères (0 kil. 800 avec la tige) pour suivre le frissonnement de la peau au moment du contact. La marque ne doit pas être pressée contre l'animal, ni appuyée brusquement. On se contentera de la poser bien à plat pour éviter une brûlure trop intense qui percerait la peau, on ferait un placard informe. La meilleure température est atteinte lorsque la marque a une couleur rouge cerise.
182 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Il peut être très utile lors du recensement de déterminer rapide- ment l'âge approximatif des animaux. On y arrivera facilement au moyen de la marque, si Ton prend la précaution de changer tous les ans la position relative des lettres et du chiffre. Partons par exemple de 1890. Avec la marque prise comme tj'pe dans l'arrêté ci-dessus, on pourrait y obtenir les dispositions suivantes :
1890 ABU
1891 A3B
1892 3AB
1893 BA3
1894 B3A
1895 3BA
1896 AB3
et la série recommence.
Supposons que nous soyons en 1900 et que nous ayons sous les yeux une vache marquée 3AB. On a pu lui apposer cette marque en 1892 et elle aurait de 8 à 9 ans, ou 6 ans plus tard en 1898 et aurait de 2 à 3 ans.
Entre ces deux solutions, le choix est facile, et il le sera toujours si comme cela doit être fait on n'a pas de bêtes ayant plus de 10 à 11 ans.
Quelques éleveurs préfèrent néanmoins apposer à l'épaule une contremarque constituée par le dernier chiffre du millésime de l'an- née où l'on opère.
En 1896, la contremarque aurait été le chiffre 6. En 1901 — — 1.
Cette pratique, à notre avis, ne vaut pas la précédente. Elle est moins expéditive, puisqu'elle exige l'apposition d'une quatrième marque et moins commode, car assez souvent la marque à l'épaule placée trop bas n'est pas facilement visible.
Castration des mâles. — On profite toujours de l'abattage des jeunes veaux au moment du marquage pour opérer la castration.
L'homme qui marque ouvre le scrotum avec un couteau bien tranchant, de façon à mettre à nu le testicule avec son cordon et son canal déférent. Ces derniers sont tranchés au ras du testicule et l'opération est terminée.
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 183
C'est, comme on le voit, la chose du monde la plus simple ; elle est si vite effectuée quand on a une équipe bien entraînée, qu'il n'est pas rare de voir marquer et castrer de 35 à 40 jeunes à l'heure.
Grâce à la salubrité du pays et à l'absence de toute maladie épidémique du bétail, la mortalité est nulle, quoique l'on ne prenne jamais aucun soin antiseptique.
Castration des vaches. — Cette opération assez couramment pratiquée par les éleveurs calédoniens est effectuée généralement sur les vaches très vieilles arrivées au terme de leur carrière comme reproductrices et que l'on veut préparer pour la boucherie.
La vache ainsi traitée prend de l'embonpoint en utilisant mieux la nourriture dont elle dispose, la graisse se dépose dans ses tissus et elle fournit une viande d'excellente qualité, plus tendre, plus succulente que celle de la vache à laquelle on a laissé ses glandes génitales.
L'ovariotomie augmente en outre la lactation et la prolonge. Si donc la vache castrée ou bceuvonne a un jeune produit au moment où on l'opère, ce dernier n'en souffrira pas au contraire.
Enfin on devrait encore castrer dans les troupeaux calédoniens les jeunes femelles manifestement défectueuses, que l'on a tout intérêt à ne pas voir reproduire. Elles seraient dans ce cas traitées comme les mâles et livrées au boucher lorsqu'elles ont acquis leur complet développement, c'est-à-dire lorsqu'elles sont adulles. Cette opération judicieusement appliquée venant rendre plus efficace une sélection rigoureuse serait d'un grand secours à l'éleveur qui, sou- cieux de ses intérêts, se déciderait à améliorer son troupeau. Il arri- verait ainsi très rapidement à éliminer les causes principales de dégénérescence.
Nous avons vu au commencement de cette étude que M. Aggle, venu d'Australie chez M. Cheval, pratiqua le premier en Calédonie la castration par le flanc. C'est actuellement la seule méthode employée par les éleveurs.
Voici, d'après M. le professeur Cadiot1, d'Alfort, la manière d'opérer :
Sur la vache on fait la laparatomie dans le flanc droit, l'opérée assujettie en position debout au travail ou contre un mur.
1. Cadiot, De l'Ovariolomie chez la j unie ni el chez In vache. Asselin et Houzeau, Paris, 1893.
LSi ÉTUDES ET MÉMOIRES
Le creux du flanc préparé (peau rasée, savonnée, désinfectée) on fait une incision cutanée de 10 centimètres, oblique de haut en bas et d'arrière en avant, suivant la direction des libres et l'ilio abdo- minal; on traverse celui-ci avec le doigt, on agrandit suffisamment l'ouverture dans le sens des fibres musculaires et on perfore le péri- toine. Si les tissus sont divisés au bistouri et que l'on sectionne des divisions de l'artère circonflexe, il faut, avant d'ouvrir la séreuse, arrêter le sang par la torsion, l'application de pinces ou par des ligatures. La main aseptique pénètre dans la cavité abdominale et va à la recherche des ovaires.
Il est rare qu'on puisse les amener à l'extérieur, presque toujours leur incision doit être pratiquée dans le ventre. Le premier ovaire saisi, on introduit l'écraseur le long du bras, on engage la glande dans l'anse de la chaîne et on divise lentement le pédoncule. La
seconde glande est enlevée de la même manière. .
On ferme la plaie par deux ou trois coutures étagées, une pro- fonde péritonéale au catgut, une musculaire également au catgut. une cutanée à la soie ; on enduit la couture d'une couche de collo- dion iodoformé et l'on recouvre la région d'un pansement. »
Le procédé appliqué par les éleveurs calédoniens présente beau- coup d'analogies avec le précédent, aussi allons-nous nous borner a indiquer les différences :
La vache est opérée debout, mais l'incision est pratiquée sur le flanc gauche et sur la peau non préparée. Les muscles sous-jacents sont déchirés avec les deux mains et jamais incisés, de sorte que la rupture des artères qui les sillonnent est très rare. L'opérateur intro- duisant son poing gauche, perce le péritoine avec son index et va chercher les ovaires. Ceux-ci sont détachés, non avec un écraseur, mais avec un petit couteau à lame en crochet, moucheté à son extrémité, et à manche long et flexible.
Lorsque les ovaires sont enlevés, on ferme la plaie en rappro- chant les deux lèvres du derme par 3 ou i points de suture avec du fil à voile ciré. On badigeonne la couture avec un peu de goudron végétal et l'opération est terminée.
De suture du péritoine et de la couche musculaire point, de soins antiseptiques point. On cherche à opérer rapidement et Ton y réus- sit, car nous avons vu des opérateurs arriver à castrer 12 vaches k l'heure, en comptant le temps nécessaire à l'assujettissement de l'ani- mal. Quand le moment est bien choisi et l'opération bien faite, la mortalité est peu considérable et ne dépasse pas 2 et 3 %.
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 185
Il faut, pour atteindre ce résultat, choisir un temps chaud et un peu sec. La pluie et le froid fatiguent les bêtes, et occasionnent beaucoup de péritonites. Il ne faut pas non plus castrer pendant la vraie saison chaude, à cause des mouches, qui, se collant sur la plaie, l'empêchent de se cicatriser rapidement. De même il sera bon que les vaches, dès que la fièvre inévitable qui suit l'opération sera terminée, puissent trouver en quantité suffisante une nourri- ture substantielle.
D'après M. le professeur Cadiot. l'opération doit être pratiquée quelque temps après la parturilion, avant le retour des chaleurs, délai moyen six semâmes, termes extrêmes un et trois mois.
Il sera très difficile à l'éleveur calédonien de réaliser cette consi- dération, aussi ne s'en préoccupe-t-il pas outre mesure. Cependant si, après avoir pratiqué l'incision, on s'apercevait que la vache est pleine avancée, il serait bon de ne pas la castrer pour éviter un avortement, qui peut-être entraînerait la mort de la mère. On en serait quitte, dans ce cas, pour laisser les ovaires et refermer la plaie.
Enfin il faudra toujours avoir soin de rentrer les vaches à opérer la veille dans le stockvard, de façon à leur faire subir une diète d'au moins une nuit. Après l'opération, elles retourneront paisiblement dans leurs pâturages respectifs, et on évitera soigneusement de les déranger pendant une dizaine de jours au moins, c'est-à-dire jusqu'à la cicatrisation complète de la plaie.
Nous avons dit plus haut que la mortalité était très peu considé- rable eu égard à la gravité de l'opération effectuée. Il ne faut pas croire cependant que la moyenne ne s'élève jamais au-dessus. Lorsque les pluies surviennent dans les premiers jours après l'opé- ration, lorsque les vaches sont dérangées trop souvent, ou bien encore lorsqu'elles ont été excitées, échauffées par un trop long séjour dans le stock vard, on voit cette moyenne s'élever très considérablement. En 18î>0, sur 192 vaches castrées par l'un des opérateurs les plus habiles de la colonie, nous avons enregistré 33 décès, soit 18 °/0. Ce qui explique cette forte mortalité, c'est que les vaches en ques- tion se trouvaient dans une station montagneuse, relativement froide, et que des pluies abondantes sont survenues immédiatement après l'opération. De plus, les vaches ont été souvent dérangées par le va-et-vient de quelques ouvriers occupés à faire des sentiers.
Il nous a paru intéressant de rechercher à quel âge la vache sup-
ISti
ETUDES ET MEMOIRES
porte le mieux la castration. On avait en effet opéré sur des bêtes de tout âge que nous avons rangées en 3 catégories :
1 ii 3 ans, 3 à 6 ans, plus de 6 ans; ces dernières étant immédia- tement livrables à la boucherie.
Dans chaque catégorie, il a été castré en juin 1899 :
Femelles de 1 à 3 ans 76
— 3 à (î ans 67
— plus de 6 ans . . i9
Total 192
Le recensement de la station a été fait au mois de septembre de la même année, et voici les chiffres obtenus :
Mortalité signalée 35
Recensées : Femelles de 1 à 3 ans 76 ,
3 à 6 ans 67
de plus de six ans... 6 \ 149 Disparues (mortes ou non recen- sées) 8
Ï92
Ainsi donc, toutes les femelles, castrées avant l'àg-e de six ans, ont résisté à l'opération, malgré les circonstances défavorables qui l'ont suivie. La mortalité a seulemement été constatée sur les vaches de plus de six ans. Nous ne voulons certainement pas ériger cette observation en règle absolue, car elle aurait besoin d'être contrôlée par des expériences nombreuses et bien suivies.
Elle n'en constitue pas moins une remarque importante et une bonne indication pour l'éleveur.
D'une manière générale, les vaches soumises à la castration sont choisies parmi les plus vieilles, et c'est ce qui expliquerait jusqu'il un certain point la mortalité relativement élevée que l'on a eu par- fois à constater. Ces échecs partiels ont même découragé certains éleveurs qui ont cherché à se passer de la castration.
Les Australiens entre autres ne la pratiquent que fort rarement, et l'ont remplacée par la pratique suivante :
On a observé que quelque temps après une saillie féconde, les femelles avaient un appétit plus grand et une digestion plus active qu'à l'état normal.
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 187
Elles utilisent mieux par conséquent les aliments mis k leur dis- position, et on constate généralement une amélioration de l'état physique. La bête prend du muscle et commence à engraisser.
La nature prévoyante transforme la mère en une réserve d'ali- ments, qui serviront plus tard au développement du fœtus et à son entretien.
La méthode à suivre est dès lors tout indiquée.
Les vaches à livrer à la boucherie sont mises au taureau. Dès quelles ont supporté une saillie féconde, on les sépare rigoureuse- ment du mâle et on les place dans un bon pâturage. Là, subissant l'action physiologique de leur récente fécondation, elles commencent à engraisser. Au bout de deux mois et demi à trois mois, leur nour- riture a été suffisante, elles peuvent être livrées.
Tout naturellement, elles seront moins grasses que les bœu- vonnes, leur viande sera moins juteuse, et leur augmentation de poids moins considérable. Mais on n'aura pas couru les risques de la castration, et on aura amélioré d'une manière suffisante des bêtes que sans cette précaution la boucherie n'aurait acceptées que diffici- lement ou à bas prix.
On pourrait donc, pour approcher le plus possible de la perfection, combiner les deux méthodes de la manière suivante :
1° Castration des bêtes jeunes, que, pour une raison quelconque, on ne veut pas garder pour la reproduction;
2° Préparation pour la boucherie, par la méthode australienne, des femelles arrivées au terme de leur carrière de reproductrices.
N. B. — - \h\ point important, que nous avons omis de signaler en parlant de la préparation des bœuvonnes pour la boucherie : quand ces dernières sont suitées il ne faut pas oublier de sevrer leurs pro- duits dès qu'ils ont l'âge voulu, sans quoi les vaches ne s'engraisse- ront que fort peu et l'on perdra tout le bénéfice de l'opération.
CHAPITRE IX Budget d'une station.
Nous choisirons comme base d'études une station isolée de 2.000 hectares, s' administrant elle-même, formant une organisation complète.
Sur une semblable étendue, on pourra à grand'peine, dans l'état
188 ÉTUDES ET HÉMOIRES
actuel des pâturages, entretenir un troupeau de 700 têtes. Cela représente une tête de bétail pour 3 hectares. Cette moyenne est certainement au-dessus de la réalité, et dans la très grande généra- lité des cas la superficie mise à la disposition d'une tête de bétail est plus considérable. Cependant nous accepterons ce chiffre, parce que très souvent le terrain parcouru en plus est constitué par des forêts, des brousses inutilisables isolément, des mamelons dénudés, des terrains du domaine ne payant pas de location, et qui par suite ne doivent pas figurer dans le budget de la station.
Il ressort de nombreuses moyennes, prises dans différents recen- sements, que les femelles aptes k la reproduction représentent 30 °/0 du troupeau mixte. Nous aurons donc dans le cas présent 21 0 femelles.
Or la production annuelle s'élevant k 70 °/0 des femelles ou 21 °/0 d'un troupeau mixte, nous aurons k marquer au prochain recensement 147 jeunes que l'on pourra diviser en :
7;i mâles, 72 femelles,
puisque dans les naissances il y a k peu près équilibre des sexes, avec une légère prédominance des mâles.
Les naissances se produisent un peu toute l'année, la monte n'étant pas réglée; cependant il y a deux périodes assez bien mar- quées :
Lune en février ;
L'autre en novembre-décembre, de beaucoup la plus importante.
Dans les années normales, la mortalité ne dépasse jamais 2 °/0 du troupeau mixte.
Enfin, on admet d'une manière générale que l'on a tous les ans, comme bétail livrable :
Bœufs, 1/10 du troupeau mixte; Vaches 1 /30
soit pour l'exemple choisi :
70 bœufs, 23 vaches.
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 189
Il faut remarquer ici que le nombre de vaches livrées annuelle- ment est relativement peu considérable. Nous avons en effet cons- taté 72 naissances femelles, et le propriétaire en livre seulement 23.
Il suit de là une augmentation rapide du nombre de bêtes et on estime en général qu'un troupeau ainsi traité double en 5 ans, à moins qu'une sécheresse intense ne vienne faire une coupe sombre dans les vaches âgées et affaiblies.
Nous aurons donc deux cas à considérer lorsque nous voudrons établir le budget de la station :
1° Le cas d'une propriété en voie de formation, sur laquelle on peut laisser croître le troupeau. Nous accepterons pour les livrai- sons les proportions indiquées plus haut :
1/10 ou 10 °/0 des bœufs, 1/30 ou 3,33 % des vaches,
jusqu'à ce que le propriétaire ait obtenu le nombre de têtes qu il désire. A ce moment, il rentrera dans le 2° cas.
2° Cas d'une station complète où le troupeau est arrivé à son maximum d'extension. Théoriquement on devrait livrer à peu près autant de femelles que de mâles. Mais si l'on considère que la mortalité atteint surtout les vaches, on pourra accepter comme bonne la proportion suivante, à livrer annuellement :
10 °/0 des bœufs, 9 °/0 des vaches.
D'après les chiffres que nous avons pu recueillir sur le poids des bêtes abattues dans l'espace de deux ans sur une propriété ayant à assurer une fourniture administrative importante, le poids des quatre quartiers a fourni une moyenne :
Pour les bœufs, de 260 kilos ; Pour les vaches, de 180 kilos.
'?
Nous allons maintenant avec ces bases établir le budget de la station choisie comme exemple.
Dépenses. — Dans un des chapitres précédents, nous avons vu que les salaires du personnel de la station se décomposent comme suit :
190 ÉTUDES ET MÉMOIRES
1 stockman chef de station à 100 fr. pir mois. 1 .200 fr
1 aide stockman à 50 fr 000
2 libérés pour barrières à iO fr 900
1 cuisinier à 30 fr 360
Total des salaires 3 . 120
La ration journalière de ces hommes se compose de :
0 kil. 800 de pain à 0 fr. 40 le kilo 0,32
0 kil. 400 de viande à 0 fr. 80-, 0,32
0 kil. 005 de thé à 5 fr. le kilo 0,05
0 kil. 080 de sucre à 0 fr. le kilo 0,03
0,72
Si nous ajoutons à cette ration quelques légumes secs, la graisse, le sel, etc., nous pourrons l'estimer à 1 franc par tète et par jour, soit pour les 5 personnes et par an 1 .825 fr.
Les frais du personnel s'élèveront donc à 5.000 fr.
Calculons d'abord 1 importance du capital engagé :
Les 700 tètes de bétail peuvent êtres estimées en moyenne à 100 fr. l'une. Le capital bétail
s'élèvera donc à 70 . 000
Installations (cases, cuisine, écuries) 2.800
Chevaux, 10 k 000 fr. l'un 0 . 000
Selles, 10 à 100 fr 1 .000
Barrières i. 500
Outillage 2.000
Soit un total de 86 . 300
Les dépenses courantes comprendront :
I" Les frais se renouvelant annuellement;
2° L'amortissement des installations périssables.
Voici comment peuvent se décomposer ces frais d'installations; nous leur attribuerons :
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 191
Une durée de 10 ans, soit un amortissement de. 280
Chevaux, service 10 ans, amortissement 000
Selles, durée 6 ans, amortissement 200
Barrières, durée 6 ans, amortissement 770
Outillage, durée 6 ans, amortissement 200
Cordes, dépenses annuelles 50
Nourriture et ferrage des chevaux 1 . 000
Personnel 5 . 000
Valeur locative de 2.000 hectares à 1 fr. 50 . . 3.000
Impôt foncier à 0 fr. 15 l'hectare 300
Total des dépenses annuelles 11 .400
Nous ferons observer en passant que ces dépenses ont été élevées au maximum possible. En effet, dans une station comme celle qui nous sert d'exemple, le propriétaire s'occupe en général lui-même de son bétail, de sorte qu'il économise le salaire de son chef de sta- tion. Les 10 chevaux que nous avons indiqués sont très largement suffisants, et l'éleveur retirera certainement un profit de sa cavale- rie par suite de la saillie de ses juments.
Recettes. — Nous envisagerons successivement les deux cas pré- vus plus haut :
1° Station en formation. Les livraisons annuelles s'élèveront à :
70 bœufs de 260 kilos, soit 18.200 kilos
23 vaches de 180 kilos, soit 4.140
Total 22.340
Le prix de revient du kilo de viande sera donc dans ce cas de
11.400 francs
-.,-. ..... , ., , soit 0 tr. 51.
22.340 kilos '
Ce chiffre n'est pas absolument exact, car nous avons vu que dans une station de ce genre le capital bétail est doublé au bout de 5 ans. Or c'est là un avantage très sérieux, dont nous n'avons tenu aucun compte.
2° cas. Station complète. Dans une station de ce genre, on livrera annuellement :
192 ÉTUDES ET MÉMOIRES
10 % de bœufs, 70 k 260 kilos . . . 18.200 kilos 9 % de vaches, 63 à 180 kilos. . . 1 1.340
Total.. ! 29.540
Le prix de revient dans ce cas sera donc de ^ „ , _ , = 0 fr. 38. 1 29.540 k.
Ce dernier chiffre est beaucoup plus près de la vérité que le pré- cédent. Cependant, pour être absolument exacts, nous aurions dû faire entrer en compte, dans les frais annuels, l'intérêt du capital engagé, 86.300 Ir. à 6 f,/0, soit 5.178 fr.
Nous aurons dans ces conditions le budget suivant :
Dépenses : 11.400 fr. -f 5.178 = 16.578 fr. Recettes : 29.540 kg-, de viande ;
j 16.578 A, ' d ou un prix de revient de Q M/ = 0 ir. 5o.
Tel est le résultat auquel nous nous arrêterons, et que nous pour- rons considérer comme suffisamment exact.
Cependant bien des circonstances viennent modifier ce prix de revient presque toujours au détriment de l'éleveur. La plus grave est constituée par les sécheresses prolongées. Nous avons vu pen- dant l'été de 1899-1900, après 4 mois sans pluie, la mortalité s'élever sur certaines stations à 7 °/0, soit 5 °/„ de plus que dans les années ordinaires.
Sur la station qui nous sert de base, on aurait donc à enregistrer une mortalité anormale de 35 tètes, soit une perte sèche d'au moins 3.500 francs, à laquelle il faudrait ajouter la valeur des jeunes veaux, morts par suite de leur sevrage prématuré. De plus, les jeunes qui survivent à leur mère restent toujours chétifs, et si ce sont des femelles ne donnent plus tard que des produits sans grande valeur.
Cet exemple montre combien il est urgent pour les éleveurs qu'ils se décident enfin à supprimer, ou tout au moins à atténuer dans une forte mesure les effets désastreux des sécheresses. Nous avons vu qu'il leur suffisait pour cela de faire quelques sacrifices d'argent ; ces sacrifices leur seront d'ailleurs largement pavés, ainsi que nous allons maintenant le démontrer.
Supposons que le propriétaire de la station que nous étudions se
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 193
décide à réaliser les améliorations que nous avons reconnues indis- pensables.
Admettons qu'il lui en coûte pour cela 14 kilomètres de barrières neuves soit une dépense d'environ 6.0^0 francs, et un amortisse- ment annuel de 1.000 francs.
Accordons la même somme annuelle pour les travaux d'irrigation et de débroussage. Le chapitre des dépenses s'établira dès lors comme suit :
Capital engagé 86 . 300 -j- 6 . 000 92 . 300
Dépenses annuelles 11 .400 -f 2.000 13.400
Intérêt à 6 °/0 du capital engagé 5 . 538
Total 18.938
Il est permis de supposer (c'est d'ailleurs l'avis de presque tous les éleveurs) que dans une station semblable le bétail toujours pourvu d'une bonne nourriture augmentera de poids. Nous ne croyons pas exagéré, si la sélection raisonnée du troupeau est ajou- tée à l'amélioration des pâturages, de prétendre que les bœufs retrouveront l'ancienne moyenne calédonienne qui était de 300 kilos pour les quatre quartiers. Nous avons d'ailleurs assez souvent enregistré des pesées allant à 350 kilos pour des bœufs vivant en forêt, où les sécheresses sont beaucoup moins à craindre.
Pour les vaches aussi mieux nourries et livrées à un âge moins avancé, le poids moyen pourra sans crainte s'évaluer à 250 kilos.
Nous ne compterons pas sur une augmentation de têtes de bétail. Si l'on veut pouvoir garder des paddocks de réserve pour parer à toutes les circonstances, il est prudent de continuer à accorder trois hectares par tête.
Dans ces conditions, le budget de la station s'établira comme suit :
Recettes, 70 bœufs à 300 kilos. . . 21.000 kilos 03 vaches à 250 kilos. . . 15.750
36.750
Dépenses annuelles, 18.938 fr. D'où prix -de revient du kilo, 0 fr. 50.
L'éleveur réalise donc, parle fait de ses améliorations, un bénéfice de 0 fr. 06 par kilo ou 2.205 fr. par an. Gela pour une dépense
Bulletin du Jardin colonial. 13
194 ÉTUDES ET MÉMOIRES
annuelle de 2.000 francs. Nous avions donc raison de dire que les frais supplémentaires que s'imposait le propriétaire lui seraient lar- gement remboursés.
On pourra certainement objecter que les améliorations entreprises ne produiront pas un effet immédiat, et que les dépenses se pour- suivront pendant quelques années sans augmentation de produit. C'est possible. Mais à cela nous répondrons que le bétail mieux nourri, jamais arrêté dans son développement, aura une croissance plus rapide. Les bœufs pourront sans nul doute être livrables à 4 ans au lieu de 5. d'où renouvellement plus rapide du troupeau et du capital qu'il représente, avantage qui n'est pas à dédaigner et dont nous n'avons pas tenu compte.
Les améliorations entreprises donnent au terrain une plus grande valeur, ce qui maintient tout au moins à son taux primitif le capital terrain, tandis qu'à l'heure actuelle le prix de revient de l'hectare va sans cesse diminuant, à cause de son appauvrissement.
Enfin, plus de sécheresse à redouter, et c'est là l'avantage réelle- ment important. C'est surtout cette circonstance heureuse qui augmentera les bénéfices en les rendant plus réguliers et plus stables.
Nous n'insisterons pas. Ces améliorations que nous avons vues théoriquement indispensables pour obtenir un bétail plus uniforme et de meilleure qualité, nous venons de montrer qu'elles sont écono- miquement avantageuses pour le propriétaire.
L'éleveur, semblerait-il, n'a plus aucune bonne raison à alléguer pour ne pas les réaliser immédiatement. Il en reste pourtant une der- nière, peut-être la plus importante.
Il est encore en droit de nous dire : « Quand nous aurons réalisé les améliorations que vous indiquez, quand nous aurons réorganisé nos troupeaux, trouverons-nous encore un écoulement certain et avantageux pour la viande que nous produirons? »
C'est cette question très importante que nous allons essayer de résoudre dans le chapitre qui suit.
(^4 suivre.) Lafforgue,
Ingénieur agronome.
LE BÉTAIL EN AFRIQUE OCCIDENTALE
FRANÇAISE
(Suite.)
IV. LE SOUDAN
Le Soudan constitue une immense surface continentale remar- quable par la quantité et surtout par la diversité des produits zootechniques quelle est susceptible de fournir. Rien n'empêche de supposer qu'il deviendra dans quelques années l'immense parc de réserve de l'Afrique occidentale française où viendront puiser les régions voisines moins favorisées que lui au point de vue bétail. Mais il lui reste, avant d'atteindre ce résultat, beaucoup de progrès à faire, et il faut que sa production animale commence par se montrer capable de satisfaire les besoins locaux ; ce qui n'a pas encore lieu.
Ciievaux. — Le Soudan est avant tout un pays de chevaux. Ils sont tous originaires du Nord de l'Afrique. Mais d'après M. le vétérinaire Pierre, l'influence du milieu a déjà constitué des groupements nettement distincts.
Il en a reconnu trois principaux :
Chevaux du Sahel. Animaux bien conformés alliant la rusticité à une certaine élégance de formes.
Chevaux du Macina. Type du cheval de guerre, robuste, éner- gique et endurant, moins beau que le précédent.
Chevaux du Kasso. Cheval décousu, aux aplombs défectueux, manquant de fond et de vigueur.
M. le capitaine Botreau-Roussel-Bonneterre propose une autre classification basée sur la date d'ancienneté au Soudan des divers chevaux qui y existent actuellement.
Il sépare donc :
1° Les chevaux soudanais ;
2° Les Mauritaniens soudanais;
"A" Les Nord-Africains.
lijti ÉTUDES ET MÉMOIRES
Les chevaux soudanais sont ceux qui, depuis fort longtemps dans le pays, s'y sont différenciés en une véritable race nouvelle adaptée au milieu dans lequel elle vit .
Les chevaux mauritaniens soudanais sont ceux qui, depuis moins longtemps dans le pays, présentent dans leur conformation les caractères rappelant nettement leur origine mauresque relative- ment récente.
Les chevaux nord-africains forment le groupe des derniers arrivés, sur lesquels l'action du milieu n'a pas encore eu le temps de s'exercer.
Quels que soient les groupements distingués, qu'on les nomme chevaux soudanais ou du Macina, un fait reste certain, c'est que le Soudan possède au moins une catégorie d'excellents chevaux qui pourra assurer la remonte de toute la cavalerie de l'Afrique Occi- dentale française.
Millets. L'on y rencontre également un autre animal, moins brillant et plus modeste, souvent méconnu, qui après avoir pris une part importante à la conquête des territoires, en prend une non moins grande à leur mise en valeur, c'est le mulet. La plupart des mulets employés actuellement proviennent d'Algérie, mais ils sont aussi produits au Soudan, dans les régions Est de la boucle du Niger, aux environs de Kanv, où ils forment le groupe des mulets du Mossi ou plutôt des mulets Haoussa . Car ce sont les seules populations qui comprennent la valeur économique du mulet, indispensable à la constitution de leurs caravanes, et qui consentent à le produire .
Les Foulbés des régions Ouest regarderaient comme une action honteuse de livrer leurs juments aux baudets. Mais il sera possible d'organiser l'élevage du mulet dans les contrées de l'Est qui ne lui sont pas hostiles, aux environs de Dovi, de Dosso, d'Argougou, puis, petit à petit, on pourra peut-être, par l'exemple et la persuasion, combattre les préjugés qui en entravent l'établissement dans le Macina et le Mossi.
Le mulet Haoussa est petit (l'"20) mais très robuste et très rustique, il est un précieux auxiliaire qui n'a guère à redouter que la concurrence de la locomotive .
Anes. — L'âne est aussi fort bien adapté aux régions souda- naises. C'est un petit animal à la robe grise, aux formes trapues, à
LE BÉTAIL EN AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE 197
la musculature développée. 11 se rencontre surtout dans le Macina, le Fouta-Toro, où il atteint jusqu'à 1 m 05 de taille au garrot. Il vaut à Djenné de 50 à 80 francs. Son entretien est des plus faciles, il se contente de peu, mais il est plus capricieux que le mulet et se soumettrait difficilement à la discipline d'un convoi militaire. Il préfère marcher librement, s'ar"èter quand bon lui semble, broutant sur la route et buvant à la mare, ce qui ne l'empêche pas de fournir de fortes étapes, avec une charge d'au moins 50 kilos.
Il offre un moyen très économique de transport et forme de longues caravanes qui circulent journellement à côté du chemin de fer et des convois réguliers entre Kayes et Niger.
Bovidés . Les bovidés- présentent un intérêt direct pour le
colon puisqu'ils lui fournissent sa nourriture quotidienne; les noirs ne dédaignent pas non plus l'usage de la viande, et s'ils en con- somment peu cela tient uniquement à sa rareté.
Il n'en a pas toujours été ainsi, et le Soudan a possédé autrefois de véritables richesses animales, dispersées et abîmées par les guerres, en grande partie anéanties plus tard par l'épizootie de 80-90 ; car il faut le dire bien haut pour combattre un préjugé qui tend à se répandre : si les Foulbés ont une véritable affection pour les animaux et s'ils connaissent quelque peu les détails de l'élevage ils n'en restent pas moins totalement ignorants des grands prin- cipes de zootechnie les plus essentiels, ainsi que des soins vétéri- naires élémentaires.
On peut distinguer au Soudan :
1 ° Les zébus ;
2" Le type du Fouta-Djallon ;
3° Le type Bambara.
I" Les zébus forment deux groupements :
Zébus du Sahel ; Zébus du Niger.
Le zébu du Niger vit au nord du 13e parallèle ; au-dessous, c'est le rocher ou le marais, qui empêche le zébu de subsister. Cornage en « lyre >> , très élevée, taille lni 50 au garrot, excellents porteurs valant de 50 à 100 francs pièce. L'aptitude laitière est faible, et la viande est mauvaise.
198 Éll DES ET MÉMOIRES
Le zébu du Niger est aussi un animal porteur, il se reconnaît à son cornage court et épais, dirigé vers le bas comme celui de nos garonnais, ainsi qu'à son squelette volumineux. Néanmoins il fournit une bonne viande et présente une certaine aptitude à l'engraissement.
2° Le type du Fouta-Djallon est le plus rustique de toute l'Afrique Occidentale française et possède la précieuse faculté de transhumer facilement. C'est ainsi qu'il put servir k reconstituer les troupeaux de Sénégambie après la terrible épidémie de peste bovine de 1891-1892. Type dolichocéphale, cornage « en croissant » de grandes dimensions, dirigé en haut et en avant: petite taille; 1 m 10 au garrot . Il comprend les races à conditions d'existence misérables qui occupent le nord du Fouta-Djallon et le Bambouk ; les jeûnes prolongés qu'elles ont à souffrir pendant la plus grande partie de l'année empêchent de prévoir dans quel sens elles auraient tendance à se spécialiser.
3° Le type bambara est dû au croisement du zébu et de la vache du Fouta-Djallon. Il occupe la région du Kaarta, le Malin-Kedougou, le Bebdougou et la partie septentrionale du Macina. Le crâne est dolichocéphale, le cornage en Ivre très ouverte et dirigé presque verticalement. Taille de 1 m 30, en moyenne. Bonne aptitude k l'engraissement ainsi qu'à la production du lait. Le type atteint le développement maximum de ses qualités dans la race mandingue.
Les troupeaux du Soudan pourront facilement être accrus en nombre et en valeur. Il faudra pour cela pratiquer une sélection méthodique par la castration, améliorer l'alimentation par la consti- tution de réserves fourragères de bonne qualité pour les périodes sèches, donner aux animaux des abris et des parcs ainsi que des gardiens appartenant k une race de pasteurs. Cela permettra plus tard de procéder à une dispersion du bétail dans de vastes régions comme le Ilaut-Bandama, autrefois peuplées et complètement dépouillées de leurs bestiaux par Samorv.
Moutons. — Les ovidés présentent quatre races nettement distinctes et bien localisées. Ce sont :
La race maure ;
La race du Macina :
La race du Fouta-Djallon ;
La race du Fouta-Toro.
LE liÉTAIL EN AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE 109
l° La race maure est constituée par des animaux de grande taille dont l'habitat est le Sahel. Ils sont dépourvus de cornes, couverts de poils rudes cachant un duvet fin. Race féconde et bonne laitière, légère tendance à accumuler les réserves graisseuses du garrot.
2" La race du Marina, exploitée par les Foulbés et les Touaregs, occupe l'Est et le Nord-Est du Soudan. Taille moyenne : 60 a 80 centimètres ; une ou plusieurs paires de cornes prismatiques et striées; toison abondante, composée de mèches pointues et vrillées, d'un poids maximum de 1 kil. 500. Valeur : 4 à G francs pièce, à Djenné.
3° La race du Fouta-Djallon est la plus répandue; quoique numériquement peu nombreuse, elle forme de petits troupeaux, propriété individuelle de chaque village. Petite taille (0 m 50- 0 "' 70), poils ras, crinière et cornes chez le mâle; le pelage est toujours blanc et noir : c'est une race très homogène, très rustique, qui fournit une bonne viande.
i° La race du Fouta-Toro est cantonnée dans le Fouta-Toro et le Cavor ; elle présente des animaux de très grande taille, munis de très grandes cornes. Le poil est ras. Ils donnent du lait.
Le Soudan, comme toute rég-ion qui devra se suffire à elle-même, pourra trouver dans ses populations, ovines : viande, lait et laine.
Chèvres. — Les chèvres doivent être citées comme exemple de résistance à des conditions de vie mauvaises. Elles vivent n'im- porte comment et de n'importe quoi, errant dans les villages à la recherche de quelques déchets qu'elles pourront consommer. Elles donnent du lait et une viande qui n'est pas mauvaise, si l'animal est sacrifié jeune. Elles forment deux groupes distincts :
Celui du Nord : chèvre maure ;
Celui du Sud : chèvre du Fouta-Djallon.
La c/ièvre maure est de haute taille, à forte charpente osseuse et à formes allongées. Son poil est ras.et fin. Elle est très prolifique et assez bonne laitière .
La chèvre du Fouta-Djallon est petite, trapue, large de coffre. Le mâle est caractérisé par une ligne de poils hérissés sur le dos, la femelle porte des jarres courts et drus. C'est un animal rustique, mais d'un tempérament vif et essentiellement vagabond. La viande est assez bonne.
200 ÉTUDES ET .MÉMOIRES
Le Soudan possède encore environ 35.000 chameaux, divisés en « chameaux porteurs » et « chameaux de vitesse », occupant le Sahel et la région saharienne ;
Un certain nombre de porcs du type ibérique, dont la chair, quoique de qualité secondaire, permet à l'Européen de varier l'ordinaire ;
Des autruches dans le nord du Sahel et dans la région de Tonibouctou à Say;
Des éléphants qui doivent jusqu'à présent plutôt entrer dans la classe de zoologie que dans celle de zootechnie, mais qui pourront peut-être un jour jouer le rôle d'auxiliaires de l'homme.
C'est donc une région qui, par la variété des animaux utiles qu'elle offre, par la qualité déjà excellente de certains de ses pro- duits (chevaux), présente un champ d'études des plus intéressants. Il nous reste à espérer qu'elles ne tarderont pas à être entreprises et que, menées avec persévérance et esprit de suite, elles conduiront à des améliorations pratiques qui contribueront pour une bonne part au bien-être de tous, blancs et noirs, et à la prospérité générale de ces contrées .
Henry.
Note. — Un certain nombre, de renseignements contenus dans cette étude proviennent : pour le Sénégal, des notes de M . Perruchot, ancien inspecteur de l'Agriculture au Sénégal; pour le Soudan, des travaux de M. Pierre, vétérinaire en premier de la Compagnie des Conducteurs soudanais, à Kati.
LES MALADIES DES PLANTES CULTIVÉES DANS LES PAYS CHAUDS
I GÉNÉRALITÉS
L'étude des maladies des plantes a reçu différents noms : noso- logie végétale, phytopathologie, pathologie végétale. L'emploi de ce dernier terme, pathologie végétale, a seul prévalu, et ce n'est que pour éviter une périphrase qu'on se sert quelquefois de l'ad- jectif phytopathologique.
Caractères de la maladie. — Il est nécessaire avant toutes choses de bien préciser le sens du mot « maladie », au moins lorsque le cas s'applique à une plante.
Dans l'organisme normalement sain, animal aussi bien que végé- tal, les diverses fonctions s'influencent réciproquement et elles éta- blissent entre elles un état de parfait équilibre; mais, en fait, cet état est nécessairement assez instable. Si, par l'intervention d'une cause extérieure à l'être vivant, une ou plusieurs fonctions sont altérées dans leur mécanisme, l'équilibre se rompt, la maladie, l'état pathologique, se trouve réalisé.
Selon la nature de la cause et l'intensité de son action ; selon que cette action se localise ou qu'elle envahit l'être entier, selon qu'elle est passagère ou intermittente, ou qu'elle a un effet incessant et définitif, on pourra observer des cas bien différents. Si la cause cesse d'agir et si son effet a été court et peu intense, l'état d'équilibre peut se rétablir de façon parfaite. Au cas contraire, ou bien les fonc- tions sont plus ou moins modifiées, mais l'équilibre se rétablit sur une autre base et la vie persiste ; ou bien, le nouvel état de choses est incompatible avec la vie, certaines fonctions essentielles étant défi- nitivement supprimées. Tel est, pour une plante, le cas de destruc- tion rapide du système des racines qui supprime l'absorption des liquides du sol. Dans ce cas, la plante privée d'eau périclite rapide- ment, et quand le protoplasme de ses cellules a dépassé la limite de déshydratation compatible avec la vie, le feuillage se dessèche brusquement : la plante est morte.
202 ÉTUDES El MÉMOIRES
Le plus souvent, surtout pour les plantes phanérogames, la mort naturelle résultant de la caducité fatale des êtres vivants et la mort accidentelle due k une cause étrangère au végétal se présentent avec des apparences extérieures sensiblement différentes.
Dans le cas de mort naturelle, pour les plantes herbacées et annuelles par exemple, quand le fruit est entièrement différencié et que les graines commencent à mûrir, les autres organes s'appau- vrissent peu à peu de leurs réserves nutritives qui émigrent vers la graine. Dès lors les tiges et les feuilles jaunissent et se dessèchent progressivement et complètement. Des phénomènes analogues appa- raissent chez certaines plantes se conservant par des tubercules ou des rhizomes, où, en même temps que dans les graines, s'accu- mulent les réserves pour un développement ultérieur. Dans une plante malade, le processus est généralement plus rapide et on peut sans peine se rendre compte que l'appauvrissement des organes ne s'accomplit pas au profit de la plante elle-même.
La maladie dans une plante ne comporte pas uniquement une altération de la fonction. Souvent aussi on décèle une altération de la forme ou de la structure de l'organe, qui peut affecter les modes les plus divers, amener tantôt l'hypertrophie, tantôt l'atrophie de l'organe. Si l'organe n'est guère modifié dans son apparence, on y peut voir des modifications dans la structure anatomique, dans la forme, la dimension des cellules, ou encore dans la structure chi- mique des membranes, du contenu, etc.; nous rencontrerons des exemples de tous ces faits. Si la maladie est de nature parasitaire, c'est-à-dire si elle due k l'action d'un être organisé, l'examen attentif de la plante, par des procédés divers, permet de retrouver dans les tissus des traces du parasite.
Si l'on considère la maladie au point de vue de son résultat pra- tique, on la voit se traduire par la diminution, parfois l'absence ou de temps en temps même la transformation du produit (fruits ou graines par exemple) que l'homme est accoutumé de tirer d'une plante donnée. Pour ces raisons, la maladie devient le plus souvent une cause de perte pour l'agriculteur.
Historique. — Les maladies des plantes ont été constatées de tout temps. Les ouvrages des anciens, grecs et latins, des Arabes du moyen-à^.' et des botanistes depuis la Renaissance en font foi.
MALADIES DES PLANTES CULTIVÉES DANS LES PAYS CHAUDS 203
Mais en dehors de quelques cas fort rares et tout à fait spéciaux, tels qu'un petit nombre de dégâts d'insectes, la cause des altérations observées était méconnue, ce n'est qu'avec l'apparition du microscope et surtout depuis les perfectionnements considérables qui y ont été apportés au xixc siècle que la pathologie végétale, comme d'ailleurs toutes les sciences biologiques, est entrée dans une phase nouvelle, basée sur une interprétation plus rationnelle des phénomènes obser- vés. Les progrès de la pathologie végétale ont ainsi suivi, pour ainsi dire pas à pas, ceux de la botanique, dont elle ne constitue en somme qu'un chapitre. Il fallait que la structure intime des tissus sains commençât à être connue pour qu'on pût préciser si peu que ce soit les altérations dont ils sont le siège; et, avant de détînir le mode d'action des causes pathogènes, il était nécessaire d'établir les bases de la physiologie végétale.
Méthode. La pathologie végétale emprunte les procédés
d'investigation de la botanique, qui sont ceux des sciences biolo- giques en général, l'observation et l'expérimentation. Elle procède d'abord par analyse; et lorsqu'un certain nombre de faits ont été acquis par ce procédé, la synthèse est utilisée avec avantage pour reconstituer la maladie de toutes pièces et apporter aux données fournies par l'analyse la preuve de certitude.
L'histoire proprement dite d'une maladie renferme nécessairement plusieurs chapitres.
Le premier, qui est de la morphologie pure, comprend la descrip- tion des symptômes pathologiques ; l'observation seule suffit pour nous donner cette notion ; mais elle ne doit pas se borner à la simple inspection des caractères macroscopiques. Elle doit comprendre aussi les modifications dont les tissus sont le siègre. C'est alors qu'intervient l'emploi du microscope qui permet de constater les lésions diverses pouvant affecter les tissus, de localiser la lésion dans tel ou tel organe ou groupe d'organes, de préciser son siège dans tels éléments figurés, de reconnaître parfois l'existence de phénomènes de réaction de la part de la plante malade, souvent enfin de déceler dans les tissus la présence d'organismes étrangers. Dans cette première partie du travail d'étude d'une maladie de plante, l'emploi de réactifs éclaircissants, potasse, acide lactique, eau de Javel ou de colorants divers n'a qu'un but, celui de mettre mieux en évidence des formes ou des organes que leur taille ou
20 ï ÉTUDES ET MÉMOIRES
leur manque de réfringence ne permet pas de distinguer avec une netteté suffisante.
La recherche et l'étude de la cause, Yétiologie, est l'objet d'un second chapitre. On conçoit qu'en pratique il se confonde avec les deux suivants : la pathogénie, qui cherche à élucider le mode d'action de la cause et la physiologie pathologique qui étudie les modifications que subissent les fonctions de la plante sous l'influence de cette cause morbide, ainsi que la réaction possible de l'organisme atteint contre les effets de cette cause.
L'étiologie exige d'abord l'observation, mais l'expérimentation intervient bientôt d'une façon nécessaire, s'il s'agit par exemple, dans le cas de maladie parasitaire, de déterminer les propriétés bio- logiques d'un parasite; la culture artificielle en milieu stérilisé qu'il peut être nécessaire d'essayer est encore là un des modes de l'expéri- mentation.
La physiologie pathologique emploie d'abord les deux procédés d'investigation dont il a été question. Mais dans le cas présent, on doit, pour établir les changements que subissent les fonctions, pro- céder souvent par synthèse, et réaliser, selon des modes divers, les conditions qui ont présidé à la genèse de la maladie.
Lorsque, réunissant synthétiquëment tous les éléments de la maladie, l'expérimentateur réussit à la faire apparaître avec tousses caractères sur une plante saine, il est en possession de toutes les données étiologiques, S il se trouve ensuite en présence du même cas, il éprouvera évidemment une difficulté moindre à reconnaître la nature rétdle du mal, à en fournir le diagnostic. Il pourra même distinguer le cas pathologique actuel de cas assez analogues : il établira le diagnostic différentiel. Et, comme il connaîtra déjà l'évo- lution de la maladie qu'il vient d'observer, il pourra prédire le pro- nostic, c'est-à-dire le mode de terminaison probable. Dans la série d'opérations dont il vient d'être donné un aperçu, le même expéri- mentateur, qui savait déjà pourquoi et comment la maladie prend naissance, a pu reconnaître également que des circonstances acces- soires facilitent ou aggravent l'action de la cause première. 11 pos- sède ainsi de nombreux éléments pour établir les bases d'un traite- ment rationnel.
Ce traitement est en général simple et ses indications découlent en grande partie des données précédemment acquises. On veillera d'abord à placer la plante à l'abri de ces causes qui produisent ou
MALADIES DES PLANTES CULTIVÉES DANS LES PAYS CHAUDS 20.')
favorisent le développement du mal ou qui en aggravent l'intensité. En même temps, on réalisera pour la plante atteinte les meilleures conditions quant k la nature du sol, à l'alimentation, aux quantités de chaleur, de lumière, d'humidité qu'elle exige pour une bonne végétation — conditions que l'expérience doit établir au préalable. Ce ne sont là, en somme, que de simples pratiques d'hygiène, que l'on ne doit pas négliger; mais en réalité, les processus réels de guérison ne sont point soumis k la volonté de l'homme.
On sait bien actuellement, et nous en dirons plus loin quelques mots, que la réparation complète, le retour absolu k son état primitif — restitutio ad integrum — d'un organe lésé, ne se fait pour ainsi dire jamais chezles plantes phanérogames, quelle que soit la cause qui ait amené la perte de substance ou la mort des éléments anatomiques. Pourtant, la plante remédie souvent assez bien aux accidents quelle a subis ; nous verrons qu'elle y parvient par des procédés divers, en donnant par exemple naissance à de nouveaux tissus, ou bien encore en modifiant ceux qui ont persisté. Des cas analogues s'observent aussi chez les animaux, et le retour k peu près complet à l'état originel y est même assez fréquent. Dans tous ces cas, il est certain que l'action des forces vitales est seule en jeu. L'intervention de l'homme, quand elle a lieu de se produire, n'est jamais que secondaire. Elle s'exercera, par exemple, s'il y a lieu d'amputer un membre mort de la plante offrant ou pouvant offrir le danger d'être une source permanente d'infection et dont l'élimina- tion spontanée ne peut se faire ou tarderait trop. Dans de telles con- ditions l'homme réussit k aider la nature qui, seule, n'aurait peut- être pu parvenir à limiter les progrès du mal. En toutes circon- stances, l'extirpation d'organes malades, surtout d'organes appendi- culaires, est une opération utile; elle devient nécessaire quand les tissus de ces organes sont incapables de réaction ou de modifi- cation utile k la plante, et sont de ce fait condamnés k périr. Ainsi donc la seule thérapeutique active, et en réalité curative, chez les plantes est de nature purement chirurgicale.
L'homme doit intervenir également dans le cas de certaines mala- dies parasitaires, ou bien quand il existe des plaies étendues, arti- ficielles ou non, qu'il y lieu de protéger contre l'accès d'organismes étrangers. A cet effet, on utilise diverses substances généralement toxiques pour le protoplasma et dont le rôle protecteur est purement préventif.
206 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Nous voyons en tons cas que le rôle de l'homme clans le traite- ment des maladies des plantes est très exactement le même que celui qu'il doit remplir dans le traitement des maladies de ses sem- blables et celles des animaux.
Nous ne parlons pas bien entendu ici des maladies produites par les animaux, les insectes au moins. Elles sortent du cadre que nous nous sommes imposé.
Différences entre la pathologie végétale et la patholo- gie animale. — Les faits généraux de la thérapeutique et sur- tout la méthode qu'elle utilise pour les animaux aussi bien que pour les plantes offrent ainsi des analogies évidentes. 11 n'en est géné- ralement pas de même quand on compare les faits pathologiques dans les deux règnes, même quand il s'agit de maladies pouvant présenter entre elles quelque ressemblance extérieure. Ces opposi- tions s'expliquent. Le rôle de la thérapeutique est d'influencer une matière fort analogue dans les deux règnes, le protoplasma ; il est donc rationnel que dans les deux cas la méthode soit la même, d'autant plus que les indications sont souvent identiques. Il n'en est plus de même, au contraire, si l'on considère les organes, les tis- sus, les éléments cellulaires chez les animaux et chez les plantes, surtout quand il s'agit des animaux supérieurs et des plantes pha- nérogames, qui divergent en sens opposé et au maximum des types les plus inférieurs dont la place pourrait être encore incertaine. Si d'abord on considère l'être sain dans ces deux groupes, on ne trouve qu'une seule analogie, caractéristique delà matière vivante, la présence du protoplasma et du noyau dans toute cellule à l'état de vie active. Quand on arrive à l'enveloppe de la cellule, on trouve aussitôt entre l'animal et la plante une différence tellement importante qu'on a pu la considérer comme le meilleur critérium permettant immédiatement de dillerencier les deux groupes d'êtres. La nature de la membrane établit pour chaque cellule chez la plante un état d'indépendance et d'individualité propre vis-à-vis des autres, au sujet duquel il n'y a guère de comparaison à établir avec les ani- maux et qui imprime aux maladies des végétaux une allure parti- culière. Ce faciès de la maladie chez la plante est accentué encore par l'absence de tout organe comparable au système nerveux des animaux et par la spécialisation très rudimentaire de la plupart des fonctions. L'absence de système nerveux ne permet pas à l'irritabi-
MALADIES DES PLANTES CULTIVÉES DANS LES l'AVS CHAUDS 207
lité spéciale du protoplasma vivant de s'étendre au delà de limites fort restreintes, amoindries encore par le fait de la présence d'une membrane rigide autour de la cellule. De cette manière, en cas de maladie localisée, le dommage pour la plante se borne à une perte de substance élaborée par suite du fonctionnement insuffisant ou supprimé d'une portion de l'organisme. Il est vrai que la pertur- bation apportée dans la nutrition peut avoir pratiquement des résul- tats dune certaine gravité, par exemple en empêchant la fécondation ou en déterminant la chute des fruits, chez les arbres fruitiers.
Si un très petit nombre de fonctions s'accomplissent presque identiquement dans les deux règnes, ce sont exclusivement des fonctions du protoplasma, telle la fonction respiratoire. Ouant aux maladies de la nutrition proprement dite, à peine peut-on trouver quelque ressemblance. Les différences entre le mode de nutrition des plantes vertes qui fabriquent de toutes pièces les hydrates de carbone et celui des animaux sont trop marquées, pour qu'il y ait quelque rapport précis entre les altérations que subissent ces fonc- tions. P. Vuillemin ' assimile au processus d'intJ animation chez les animaux les hypertrophies et hyperplasies qui succèdent à des irri- tations de cause variable chez la plante. La généralisation est exces- sive. L' « inflammation » chez les végétaux, d'après le sens que lui attribue Vuillemin, n'a qu'un seul caractère commun avec l'inflam- mation chez les animaux supérieurs : la cause, qui est de nature réactionnelle et tient à l'irritabilité, propriété inhérente à tout pro- toplasma vivant.
Pour qu'on puisse établir la comparaison entre les maladies des plantes phanérogames et celles des animaux supérieurs, il faudrait auparavant observer la maladie dans les groupes intermédiaires. On trouverait sans doute certaines ressemblances entre les maladies des invertébrés inférieurs où la spécialisation des organes disparaît peu à peu et celles des groupes végétaux dépourvus de chloro- phylle. Cette étude n'est même pas ébauchée.
Bref, on peut sans crainte avancer que nous ne sommes pas encore au jour où, suivant l'expression de Charrin 2, « il n'y aura qu'une pathologie comme il n'y a qu'une biologie ».
1. Paul Vuillemin. Considérations générales sur les maladies des végétaux, in Ch. Bouchard, « Traité de pathologie générale », p. 136, Paris, LS95.
2. L)r A. Charrin. Pathologie végétale et pathologie animale, in « Revue de viticul- ture », IV, 1895, p. 389.
208 ÉTUDES ET .MÉMOIRES
II
TÉRATOLOGIE
Avant de commencer l'étude des maladies, il me semble néces- saire de consacrer un chapitre à l'étude des formes monstrueuses les plus importantes.
On peut définir un monstre toute déviation d'un type spécifique normal se produisant en dehors de toute cause pathogène connue. Cette définition n'est pas parfaite, mais, pratiquement, elle est con- forme à la réalité des faits observés.
L'étude des monstres est la tératologie.
L;i maladie doit être soigneusement distinguée de la monstruosité. Dans le premier cas. la fonction au moins est altérée, parfois aussi la forme. Dans le second, la fonction reste intacte. Il semble pourtant qu'en pratique, cette distinction perd de sa rigueur, comme nous allons le voir. D'ailleurs, l'examen minutieux de quelques cas a montré que le parasitisme ou une blessure, voire l'influence de quelques agents extérieurs, pouvaient de temps en temps réaliser des formes considérées comme purement tératologiques.
En tous cas, on peut dire que quand la déformation est d'origine parasitaire, elle n'apparaît à nouveau qu'à la suite d'une nouvelle infection, qu'il est toujours possible d'éviter par une expérimentation convenable. De plus, la génération asexuée, buuturage, greffage, reproduit souvent la monstruosité alors que le semis, sans la faire toujours disparaître, ne la montre à nouveau qu'accidentellement.
Les formes monstrueuses présentées par les végétaux peuvent affecter à peu près tous les organes '. Elles sont variées et se rap- portent à un grand nombre de types. Nous ne pouvons en étudier ici qu'un très petit nombre et nous nous bornerons aux suivants :
La fasciation ;
L'albinisme ;
La virescence et ses formes, chloranthie, viviparité ;
La pélorie.
1. Le Dr O. Penzig en a publié assez récemment une revision assez complète Pflanzenleratologie, 2 vol. Gènes, 1894.
MALADIFS DES PLANTES CULTIVÉES DANS LES PAYS CHAUDS 209
Fasciation. — La fasciation est une monstruosité qui atteint généralement la tige principale, mais souvent aussi les rameaux, chez les plantes ligneuses aussi bien qu'herbacées; elle déforme ces organes de telle manière que l'organe atteint au lien d'être cylin- drique ou prismatique, s'aplatit, devient rubané, s'élargit souvent de façon à devenir méconnaissable et prend l'apparence d'une ban- delette (fascia en latin).
L'organe fascié montre des cannelures, traces extérieures des faisceaux fîbro-vasculaires; ces cannelures sont rapprochées, paral- lèles ou légèrement divergentes a partir de la base du rameau. Parfois, à l'extrémité de la fascie, ces cannelures forment autant de rameaux courts disposés côte à côte. Dans certains cas aussi, la par- tie supérieure montre des torsions irrégulières, indices d'inégalités dans la croissance, affectant tantôt une face,tantôtl'autre surlafascie.
Les organes fasciés portent des feuilles nombreuses, générale- ment normales ou à peu près, quoique un peu plus petites ; mais ces feuilles sont disposées sans ordre apparent, ou du moins la formule phyllotaxique est infiniment plus compliquée qu'à l'état normal. De plus, ces feuilles durent moins longtemps que sur les rameaux sains ; aussi observe-t-on sur la fascie de nombreuses traces d'inser- tion de feuilles. Il n'est pas rare de voir des anomalies variables, sur les fleurs des rameaux fasciés. La figure 3, pi. I, représente une fasciation de Fusain du Japon (Evonymus japonicus) que j'ai obser- vée déjà plusieurs fois, mais toujours sur des plantes qui, quoique placées à l'air libre, étaient presque complètement soustraites à la lumière solaire directe. J'ai quelques raisons de penser qu'il doit y avoir dans le cas présent, une relation de cause à effet entre les deux phénomènes.
Il faut distinguer dans la fasciation deux cas bien distincts : la fasciation en crête, celle qui vient d'être décrite ; la fasciation bifur- quce qui résulte de la soudure de deux ou plusieurs rameaux. C'est à Hugo de Vries qu'on doit ces dénominations ' ; mais la distinction avait depuis longtemps été faite par Moquin-Tandon'2.
Anatomiquement, on les distingue facilement, en ce sens que dans la fasciation bifurquée on trouve les cylindres centraux en
1. Hugo de Vries, Over de erfelijkheid der fa.scia.tien, in « Botan. Jaarboek », X, 1894.
2. A. Moquin-Tandon, Éléments de tératologie végétale, Paris, 1841. Bulletin du Jardin colonial. I 1
210 ÉTUDES ET MÉMOIRES
nombre égal à celui des rameaux soudés seulement par leur écorce. Ce cas n'est pas rare sur l'asperge. Il peut coexister avec la l'as- ciation en crête, mais seulement vers le sommet de la fascie, lorsque la plante qui montre le phénomène est naturellement rameuse. Un phénomène identique de fasciation bifurquée peut apparaître quand des arbres volumineux sont taillés au ras du sol dans les forêts. Les bourgeons adventifs qui se produisent sont parfois tangents et si nom- breux que dans les rameaux qui en naissent on voit de fréquentes sou- dures dès l'origine. D'autres rameaux se soudent un peu plus tard et forment une véritable grelfe par approche spontanée.
Linné 1 ne reconnaissait comme cause de fasciation que les sou- dures des axes.
Moquin-Tandon et après lui de Vries2 attribuent la fasciation à une nourriture abondante ; aussi les végétaux cultivés la montrent- ils plus souvent. De Vries a trouvé la fasciation bien plus fréquem- ment sur les rameaux très vigoureux. Il y voit aussi le plus sou- vent un phénomène d'hérédité. A. Nestler :! a reconnu la véritable origine anatomique de la fasciation. Elle est due à l'élargissement du méristème formateur au sommet du rameau. Le massif de cel- lules initiales, qui normalement est symétrique par rapport à l'axe du rameau, devient alors symétrique par rapport à un plan passant par l'axe. Dès lors, les groupes d'éléments provenant de ces cellules initiales déplacées, présentent une déformation dans le même sens mais qui s'amplifie à mesure que ces éléments se développent et augmentent en nombre. D'où la structure aplatie et fortement élargie des rameaux fasciés. Pour Nestler, la surabon- dance de nourriture ne crée pas la fasciation.
D'un autre côté, on a produit de temps en temps cette monstruo- sité en enlevant le bourgeon terminal de la tige dans quelques plantes. Tel est le cas de Russell sur le Cornouiller sanguin 4 et d'autres encore. Il faut ajouter que le parasitisme peut aussi lui donner naissance, dans le cas. par exemple, où une larve attaquant une plante très jeune se logerait dans la moelle dans le
1. Linné, Philosophia botanica, L751, p. 27 i.
2. Ouvrages cités.
3. A. Nestler, Untersuehungen ùber Fasciationen, in « CEsterr. Botan. Zeitschrit'L », XLIV, L894.
i. W. Russell, Observations sur quelques ras de fasciation, in « Bulletin de la Société botan. de France », 1894.
Planche I.
il
W
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M*'G.DeIacroixad paL.del
LÉGENDE.
1. Epi de Petit-Mil [Peniciilaria spicata) atteint par la chloranthie . — 2. Extrémité de l'épi normal. — 3. Rameau de Fusain du Japon (Evonymus europpeus) atteint de fasciation. — 4. Extrémité d'un rameau normal du même. — 5. Fleur de Linaire vul- gaire (Linaria vulgaris) atteinte de la pélorie. — 6. Diagramme de la fleur péloriée : K. la 5e étamine (postérieure). — 7. Fleur normale de la même : Ep, éperon. — 8. Son diagramme.
(Les figures 1. 2. 3. i sont réduites aux 2/5 ; les figures 5 et 7 aux 3 i.)
212 ÉTUDES ET MÉMOIRES
voisinage immédiat du sommet (larve de Lépidoptère dans une tige de Picris hieracioides) l.
Quelques plantes montrent d'une façon normale la fasciation en crête, telle l'Amarante à crête [Celosia cristata), et on sait que les phénomènes de soudure sont très fréquents aussi chez les plantes : soudure de la bractée axillante et du pédoncule de l'inflorescence dans le tilleul ; soudures des tiges, avec les rameaux, les pétioles, les pédoncules floraux chez les Solanées, etc.
La fasciation en crête se reproduit le plus souvent par greffe ou bouture. Par semis, la réussite est assez fréquente, mais moins cer- taine.
On peut la faire disparaître sans difficulté par l'extirpation de toute la partie alfectée, et le bourgeon latéral qui se développe donne généralement un rameau normal.
Albinisme. — L'albinisme est la décoloration qui se montre à l'état spontané sur un végétal vert, sans que rien ait été changé dans sa végétation, sans que la plante paraisse souffrir de cette modifi- cation. L'albinisme doit être différencié de la chlorose et de l'étiole- ment; nous en dirons quelques mots plus loin.
Cette monstruosité tient à une altération dans la couleur des chloroleucites et à une diminution dans leur nombre ; ils sont ici de couleur jaune pâle ou presque hyalins et la quantité d'amidon qu'ils produisent est relativement faible -. Les parties albinisées des plantes sont en général plus pauvres en cristaux d'oxalate de chaux que les parties vertes '■''. Ce fait, qui coïncide en général avec l'affaiblissement de la transpiration, s'explique ici par l'absence de chlorovaporisation. Les recherches de Church 4 ont montré que les portions blanchies sont plus riches en eau et plus pauvres en matière organique que les parties vertes, sans pourtant que les cendres diminuent nécessairement. Et, de même que les cendres des feuilles jeunes renferment plus de potasse et moins de chaux
1. Marin Molliard, Cas de virescenre et de fasciation d'origine parasitaire, in « Revue générale de Botanique ». XII, 1900, p. 323.
2. Zinimermann, Beilrage sur Morphologie nnd Physiologie der Pflanzenzelle.
3. Voir à ce sujet, avec la bibliographie : Dr Ernst Kuster, Pathologische l'/hni- zenanatomie, Iéna, 1903, p. 10.
•1. Church, A chemieul Study of vegetable albinism, in « Journ. of chemical Soc. ». 1879, 1880, 1S86.
MALADIES DES PLANTES CULTIVÉES DANS LES PAYS CHAUDS 213
que celles des feuilles âgées, il y a une relation identique entre les feuilles albinisées et les feuilles vertes normales.
L'albinisme complet est rare. Il est au contraire fréquent à l'état incomplet sur beaucoup de plantes dont les organes verts, surtout les feuilles, sont parfois agréablement mélangés de vert, de jaune et de blanc. Ces plantes qu'on dit panachées constituent des varié- tés horticoles parfois très prisées. On les trouve sur le Sureau com- mun, l'Erable Negundo, l'Aucuba japonica, le Fusain, le Buis, etc. La canne à sucre, le Phalaris roseau et d'autres graminées montrent souvent des bandes alternativement vertes et blanches ou jaunes. La betterave présente parfois des feuilles albinisées d'un blanc pur.
L'albinisme est facilement transmissible par le bouturage, la greffe et souvent aussi le semis.
Virescence, chloranthie. frondescence, viviparité. —
Dans ces divers états de monstruosité, les organes floraux des plantes prennent la forme et les fonctions des feuilles. Cette trans- formation est depuis longtemps un des arguments qui ont décidé les botanistes à admettre que les verticilles de la fleur sont constitués par des feuilles transformées, adaptées à une fonction spéciale. Ici la transformation se fait en sens contraire. C'est une métamorphose régressive .
On donne quelquefois le nom de virescence au simple change- ment de couleur, sans aucune modification de forme dans les pièces de la fleur.
La transformation des bractées florales et du calice en feuilles est assez fréquente dans nombre de plantes. La transformation com- plète de tous les verticilles d'une fleur en feuilles véritables est plus rare. C'est ce cas qui porte plus spécialement le nom de chloran- thie ou frondescence. Dans la chloranthie, les petites folioles rem- plaçant les organes floraux peuvent prendre la forme spéciale des feuilles de la plante. C'est ainsi que dans la chloranthie du trèile rampant, chaque pièce florale a la forme d'une petite feuille tri- foliolée. .
L"inflorescence entière peut subir la modification. Le fait n'est pas absolument rare pour un certain nombre de graminées cultivées comme céréales, le Blé, le Maïs, etc. La figure 1 de la pi. I représente une chloranthie complète de l'inflorescence du Petit-Mil (Penicillaria spicata) rapportée de la Guinée par M. Dybowski. On a voulu dans
214 ÉTUDES ET .MÉMOIRES
ces cas attribuer à la chloranthie une cause accidentelle, qu'on a expliquée ainsi :
A la suite d'une sécheresse prolongée et dans un sol riche en substances nutritives, azotées surtout, malgré cette dernière con- dition favorable au développement, la plante a pris un accroissement assez peu marqué. Si, au moment où l'inflorescence va apparaître, la plante reçoit brusquement une quantité d'eau très considérable, elle ne peut utiliser l'aliment dissous qui lui arrive en excès qu'en développant en feuilles tous ses organes appendiculaires, même les fleurs, de manière à pourvoir convenablement à cette alimenta- tion surabondante.
Il n'est pas prouvé que cette explication soit toujours juste ; mais en tous cas. la chloranthie a l'inconvénient de stériliser la fleur et peut être l'origine d'un certain dommage.
La viviparité est le dernier degré de complication que peut pré- senter la chloranthie; elle consiste dans l'apparition aux lieu et place des org-anes floraux de véritables bourgeons souvent capables de s'enraciner et de reproduire la plante. C'est un cas fréquent chez les plantes du g-enre A lliu m (Ail) et d'un certain nombre d'autres. On voit aussi un cas analogue dans la variété vivipare du Paturin bulbeux. Draparnaud ' a observé que pour ce cas, la viviparité n'est fréquente que dans les années humides.
Pélorie. — Les altérations dans la couleur, le nombre des pièces de la fleur sont très fréquentes.
De même, la transformation des étamines ou même des pistils en pétales, et qui amène la production de fleurs doubles, est très répan- due, et ce dernier cas est le plus souvent le résultat d'une alimen- tation très riche. Ces faits sont bien connus. Mais il est une alté- ration singulière de la fleur, dont je dirai quelques mots. C'est la pélorie.
La pélorie est la transformation d'une fleur naturellement zygo- morphe, c'est-à-dire symétrique par rapport à un plan traversant le pédoncule en une fleur parfaitement régulière. Décrite la pre- mière fois par Linné sur la Linaire vulgaire, la (leur ainsi mons- trueuse lui apparut comme appartenant à une espèce différente qu'il appela Peloria (du mot grec zeXop, prodige). Le nom de Pélo- rie est resté aux monstruosités de cette nature.
1. D'après Moquin-Tandon. ouvrage cité.
MALADIES DES PLANTES CULTIVÉES DANS LES PAYS CHAUDS 215
La Linaire vulgaire (Scrophulariacée) est la plante qui montre le plus souvent la pélorie. Dans le genre Linaire, la fleur normale a sa corolle bilabiée, le pétale antérieur prolongé en un éperon traversé par le plan de symétrie de la fleur ; de plus, l'étamine postérieure (médiane) disparaît et l'androcée est réduit à 4 étamines. La pélorie amène la régularité de la fleur : l'apparence bilabiée disparaît, la corolle devient régulière, chaque pétale acquérant un éperon, et l'androcée se complète à 5 étamines.
La pélorie n'est donc qu'un retour accidentel au type régulier. Elle peut être incomplète. J'ai vu une inflorescence de Linaire vulgaire où toutes les fleurs à S éperons et 5 étamines conservaient néanmoins l'irrégularité de la corolle restée bilabiée.
La pélorie a été vue sur bien d'autres plantes, Linaires, Antir- rhinum, Labiées, Violettes, Aconits, Pelaryonium, Orchidées, etc.
Classification des maladies.
Les maladies des plantes sont divisées en deux groupes :
a, celles qui sont dues à l'action de causes non animées, comme
les blessures, l'action défavorable des agents météoriques.
/>, celles qui sont causées par la pénétration d'organismes
vivants ; ce sont les maladies parasitaires.
MALADIES NON PARASITAIRES
Les maladies non parasitaires comprennent :
1° L'action des blessures et de leurs conséquences, c'est-à- dire l'étude de la cicatrisation et des modifications qu'elle peut entraîner dans l'apparence et la structure anotomique des organes, et aussi l'étude de quelques phénomènes pathologiques, apparais- sant généralement après les blessures, la formation des gommes par exemple ;
2° L'action des agents météoriques et du sol sur la plante, con- sidérée en particulier au point de vue des altérations et des mala- dies dont ils sont parfois la cause directe, c'est-à-dire action du sol, de l'humidité, de la chaleur (excès ou manque), de la lumière (excès ou manque) ;
21 (i ÉTUDES ET MÉMOIRES
3° L'étude de quelques maladies de cause complexe, mais se rap- portant directement à celles énumérées plus haut, chlorose par exemple.
I LES BLESSURES
Les blessures comprennent les lésions des plantes d'origine mécanique, dans lesquelles les éléments anatomiques brusquement frappés sont tués sur place ou arrachés de leurs connexions natu- relles. Les causes des blessures, les caractères qu'elles présentent sont fort divers. Tantôt c'est un écrasement : choc de corps étran- gers, heurt de voitures, chute de grêlons ; tantôt une rupture brusque : fracture complète ou incomplète des branches qui se brisent sous la poussée du vent, le poids de la neige ou du verglas, ou même d'une surcharge trop considérable de fruits ; tantôt une disjonction des éléments anatomiques dans l'intérieur du corps de la plante, sous l'action du froid qui y fait cristalliser l'eau dans les méats, ou par rupture longitudinale due à une contraction produite par le froid ; tantôt l'action destructive des insectes ou des mammi- fères rongeurs qui amènent des pertes de substance plus ou moins considérables. Mais le plus souvent, c'est l'homme qui, la main armée d'instruments tranchants, blesse les végétaux, les émonde, les taille, les rogne, en fait des greffes, des boutures, en un mot les exploite pour son profit ; mais généralement il opère de manière que ces blessures soient d'une utilité immédiate ou éloignée sui- vant l'usage auquel il destine un végétal quelconque.
Indépendamment des plaies qui par leur siège et leur nature ont pour conséquence directe la mort du végétal, le plus grand danger que présentent les solutions de continuité pour une plante, c'est de permettre la pénétration, d'être la porte d'entrée d'un bon nombre d'organismes qui sans elles n'eussent pu vaincre la résistance oppo- sée par les tissus externes.
Cicatrisation simple.
L'épiderme recouvert de sa cuticule ou le périderme subéreux d'origine corticale protègent les tissus sous-jacents contre l'évapo-
MALADIES DES PLANTES CULTIVÉES DANS LES PAYS CHAUDS 217
ration excessive qui ne pourrait manquer de se produire si ces tis- sus n'étaient imprégnés de substances spéciales, cutine ou subérine, qui assurent leur imperméabilité.
La destruction, limitée même a un espace restreint, de la couche protectrice entraîne d'abord la dessiccation et la mort des éléments sectionnés, et, suivant les plantes, d'un nombre variable de couches placées immédiatement au-dessous. C'est la simple dessiccation du protoplasme qui amène cette action. Puis dans les cellules placées plus profondément, quelques couches modifient leur membrane alors que, dans les éléments rapidement tués, celle-ci s'est conservée intacte ou à peu près. Cette membrane prend alors le caractère chimique du liège, mais sans qu'il y ait encore aucune modification dans le nombre ou même la dimension des cellules. En tous cas, les éléments tués ou subérisés perdent rapidement leur contenu; les cellules qui se remplissent d'air isolent la couche sous-jacente res- tée vivante et empêchent la dessiccation du protoplasma. En même temps le bois et en général les tissus sclérifiés peuvent subir quelques modifications que nous étudierons dans un instant. Le processus que nous venons de décrire est le plus simple qu'on ren- contre chez les plantes. IL s'observe souvent. On le voit par exemple dans la cicatrisation des boutures des tiges de Vanillier. (Voir pi. II, fig. 4.)
La rapidité de ce processus de cicatrisation varie avec la plante et la nature de la blessure. Quand la dessiccation est lente, on a sou- vent à craindre la pénétration d'organismes dangereux pour l'avenir de la plante, par l'intermédiaire des tissus lésés qui n'offrent qu'une résistance insuffisante. II est indiqué alors d'obturer la plaie à l'aide d'un corps imperméable, en attendant la réparation naturelle. On se contentait jadis de la bouse de vache, parfois pétrie avec de l'argile; on a plus d'avantage à substituer à cette mixture malpropre et sou- vent insuffisante, soit l'huile de lin cuite mélangée ou non de résines, ou encore le coaltar ou goudron de houille, ou un des nombreux onguents qu'on trouve dans le commerce. Si même on a quelque raison de supposer que des germes étrangers existent déjà à la surface de la plaie vive, on devra, avant d'appliquer le corps isolant. antiseptiser, désinfecter par l'emploi de certaines solutions la surface sectionnée, qu'on aura rendue lisse avec un instrument tranchant. On emploiera indistinctement une solution saturée de sulfate de fer, dans l'eau additionnée ou non de 1 pour
218 ÉTUDES ET MÉMOIRES
100 d'acide sulfurique à 60" Baume '. une solution d'acide sulfu- rique à 1 pour 10 dans l'eau, ou une solution de sulfate de cuivre à 10 ou 15 pour 100 d'eau. Le liquide étant desséché, on étendra sur la surface blessée l'enduit protecteur.
Le mode simple de cicatrisation des plaies, qui vient d'être décrit, se rencontre dans beaucoup de cas de blessures de feuilles, dans la cicatrisation de certaines boutures surtout de monocotvlé- dones ; mais bien souvent aussi le processus peut se compliquer comme nous allons le voir.
Épanchement de matières extravasées à la surface des plaies. — La blessure peut déterminer l'ouverture de canaux, sécréteurs ou non, ou de réservoirs, qui dans la plante vivante contiennent des substances naturellement fluides ; celles-ci peuvent se solidifier une fois épanchées et former ainsi un enduit protecteur et impénétrable2. Chez les Conifères, par exemple, la section ouvre des canaux résinifères dans l'écorce, ou dans le bois, ou même les deux, suivant les espèces. La térébenthine qui s'échappe de la plaie se résinifie et durcit à l'air. De plus, dans le voisinage de la plaie, les trachéides s'imprègnent de résine et deviennent inaltérables.
Chez d'autres plantes productrices dégommes, dégommes-résines, d oléo-résines, des phénomènes identiques se produisent. Citons au hasard quelques exemples : Caïl-cédra [Khaya seneyalensis), Mélia- cée productrice de gomme ; Anacardium occidentale, Térébinthacée qui donne une gomme-résine ; de même les Ombellifères produisant aussi des gommes-résines comme le Ferula Asa-fcetida (asa-fœtida), YOpoponax Chironium (opoponax). Dore ma ammoniacum (gomme- ammoniaque), etc.; parmiles Légumineuses-Gaesalpiniées, les arbres à Copal (divers Trachylobium et Guihourfia, Hymenœa Courbaril), les arbres à Copahu 'divers Copaifera) ; l'arbre à benjoin (Styrax Benzoin) parmi les Stvracinées, etc.
Gomme de blessure. — Dans bon nombre de Phanérogames, ligneux surtout, on voit souvent dans le bois, à la suite et au voi-
1. La confection de ce mélange, qui n'est autre que la formule de Skawinski employée pour le traitement de l'anthracnose de la vigne, du chancre des arbres fruitiers, etc., exige quelques précautions. Pour éviter les projections de ce liquide caustique on devra verser d'abord l'acide sulfurique sur les cristaux de sulfate de fer el ensuite, en un mince filet, l'eau tiédie. Il faut opérer dans un vase en bois ou en grés. non en métal, pour éviter la décomposition du sulfate de fer.
•2. Voir à ce sujet : Dr A.-B. Frank. Die Krankheiten (1er Pflanzen, 2« édition. Breslau, ls'»5. vol. I, pp. 15-50, avec la bibliographie du sujet.
Planche II.
elacroix àc
LÉGENDE.
I. Section longitudinale d'un rameau de pêcher coupé transversalement, montrant la gomme de blessure, B. g : H et m, bois et moelle, normaux. — 2. Coupe longitudinale dans un rameau, du même, montrant le mode de formation de la gomme de blessure clans le pêcher. V, vaisseau; P. I, cellule de parenchyme ligneux; n, noyau; p, protoplasma, G., gomme; R m, rayon médullaire avec granulations brunes amorphes; Fi, fibre ligneuse. — 3. Coupe longitudinale dans un rameau de caféier portant la gomme de blessure: Fff, fibre ligneuse avec granulations et masses brunes; K, protoplasma et noyau de la cellule gommipare du parenchyme ligneux. — i. Coupe longitudinale d'une bouture de tige de Vanillier : Ep, épi- derme: /'. n. parenchyme cortical; P. s, le même snbérisé à la base de la bouture: V, vaisseaux avec gomme de blessure, G.
220 ÉTUDES ET MÉMOIRES
sinage des blessures, une modification spéciale dans la coloration des tissus qui, au bout de peu de temps, prennent une teinte jaune- brunâtre ou rougeàtre. Les tissus ligneux sont ainsi imprégnés assez loin au delà de la plaie, parfois deux ou trois centimètres. La matière incluse dans les éléments ne s'écoule pas au dehors et par suite ne s'étale point à la surface de la plaie. Au microscope on voit dans les cellules des rayons médullaires, dans les libres, dans les cellules du parenchyme ligneux, une matière amorphe, d'abord jaune pâle qui brunit ensuite plus ou moins fortement. La paroi jaunit également, et le contenu entier, les grains d'amidon surtout, concourent à la formation de la gomme de blessure.
Le grain d'amidon conserve longtemps sa forme extérieure ; lorsque sa coloration a peu changé, il réagit encore à l'action de l'eau iodée; mais il devient bientôt insensible à cette substance, ce qui implique une modification importante dans sa composition chimique. '• En même temps, dans les vaisseaux apparaît une matière gommeuse Huide et jaune pâle au début, mais qui bientôt brunit comme le contenu des autres éléments et se concrète en une matière amorphe ; cette substance ne tarde pas à obturer le vaisseau. L'ensemble de ces formations constitue ce qu'on appelle la gomme de blessure.
La gomme qui apparaît dans le vaisseau est au début en partie soluble dans l'eau ; mais elle y devient rapidement insoluble. Dans quelques cas où on a pu expérimenter, chez des Pomacées, des Amygdalées, etc., on a constaté qu'elle produisait de l'acide mucique en présence de l'acide azotique. A l'état âgé, elle est à peine susceptible de se gonfler au contact de la potasse, et il est fort vraisemblable que sa coloration brune tient à la présence de tannins provenant delà membrane, qui peu à peu brunissent à l'air par l'action d'enzymes oxydantes, corps encore insutïisamment étu- diés, mais qui semblent répandus dans le règne végétal. La compo- sition chimique mal élucidée de la gomme de blessure varie sans doute, d'ailleurs, avec la plante qui la produit.
Frank a montré par une expérience simple ' l'imperméabilité de la gomme de blessure :
Il choisit un rameau où la gomme de blessure s'est formée au sommet sur une certaine longueur après que l'extrémité avait été
1. IV A. H. Frank, Ueber die Gummibildung im Holzs mvl deren physiologische Bedeutung, in « Berichte def deutschen botanischen Gesellschaft ». II, 1884, p. 329.
MALADIES DES PLANTES CULTIVÉES DANS LES PAYS CHAUDS 221
taillée. Il écorce entièrement le rameau jusqu'au bois, et l'introduit dans un tube percé d'un bouchon, la partie brunie sortant complè- tement en dehors. Le bouchon, le bord du tube, la surface latérale du fragment du bois sont vernis à plusieurs couches; la section reste telle. Puis le tube est rempli d'eau et on le met en communication avec une machine pneumatique. Les bulles d'air contenues dans la partie saine du bois, en dessous de la gomme de blessure, se dégagent dès que la machine pneumatique fonctionne, puis tout dégagement cesse : ce qui implique évidemment que la partie envahie par la gomme de blessure ne laisse pas passer l'air exté- rieur. En effet, si on ealève tranche par tranche la partie brunie, et si, dès qu'elle est enlevée complètemeut, on fait à nouveau fonction- ner la machine pneumatique, on voit les bulles reparaître : la per- méabilité du rameau est rétablie.
Le mode de formation de la gomme dans les vaisseaux a été observé par Frank (ouvrage cité) sur le cerisier, par Mangin ', et par Prillieux et Delacroix "2 sur la vigne. J'ai pu voir son mode de for- mation dans le pêcher 3, dans le cacaoyer, dans le caféier. Il est partout sensiblement identique à ce que Frank a le premier décrit.
Dans ces différentes plantes, on voit se montrer dans les éléments restés vivants du parenchyme, immédiatement en contact avec le vaisseau, une matière réfringente jaune très pâle qui repousse sur le côté delà cellule opposé au vaisseau le contenu de la cellule, proto- plasma et noyau.
La quantité de cette matière jaune pale, la gomme, augmente peu à peu ; la pression grandit dans la cavité cellulaire et devient assez forte pour vaincre la résistance de la paroi mince de la ponc- tuation entre le vaisseau et la cellule de parenchyme. La cloison étant déchirée, la gomme s'épanche dans le vaisseau, et comme de nombreuses cellules sont le siège d'une semblable formation, la quantité de gomme épanchée devient suffisante pour obturer entiè- rement la lumière du vaisseau.
La gomme produite dans la cellule provient-elle du contenu ou de la membrane, c'est ce qu'on ignore. Il faut reconnaître pourtant
1. L. Mangin, Sur la Gommose de la vigne, « Revue de viticulture », II, lr' partie, 5 janvier 1895.
2. Prillieux et Delacroix, La Gommose bacillaire, maladie des Vignes, in» Annales de 1 Institut national agronomique », t. XIV et tirage à part, janvier 1895.
3. Dr Georges Delacroix, Atlas de Pathologie végétale, pi. II, fig. 6 et 7.
222 ÉTUDES ET MÉMOIRES
que si la paroi de la cellule jaunit, elle ne semble pas diminuer d'épaisseur.
Les figures 1, 2, 3 de la planche II montrent la formation de la gomme de blessure dans le pêcher (1 , 2) et dans le caféier (3).
Des phénomènes analogues à ceux qui viennent d'être décrits se montrent lors de l'envahissement du bois de beaucoup de végétaux par différents parasites, polypores ou autres. Debrav et Roze ont décrit comme les kystes d'un Myxomycète qu'ils appelaient Pseu- docommis Vitis, les corpuscules plus ou moins arrondis et réguliers qui constituent la gomme de blessure, surtout dans les cellules.
Considérée au point de vue de son rôle physiologique, la gomme de blessure n'est qu'une manifestation de la réaction des tissus res- tés vivants du bois, le parenchyme ligneux. Elle est destinée à opposer une barrière à l'invasion des parasites, champignons ou bactéries, barrière souvent franchie, parfois même consommée par. ces mêmes parasites.
Formation des tissus nouveaux àla suite des blessures.
Les procédés d'obturation des plaies que nous venons de décrire sont les plus simples qu'on puisse observer et n'exigent pas une activité considérable de la part des tissus qui les accomplissent. En tous cas, nous n'avons observé jusqu'ici aucune prolifération de tis- sus, non plus qu'aucun changement de forme, ni de dimension des cellules. Mais ce ne sont pas là les cas les plus fréquents.
De nombreux végétaux, au bout d'un temps variable après la blessure, montrent dans le voisinage de celle-ci des proliférations et l'apparition de tissus nouveaux qui sont dus à la réaction des éléments vivants et non blessés.
Cette réaction est la conséquence immédiate de l'irritabilité dont jouissent les cellules vivantes ; elle a généralement son point de départ a quelque distance de la blessure. L'excitation peut n'atteindre qu'une seule rangée de cellules, c'est le cas qui paraît le plus fré- quent; mais parfois cette excitation peut se transmettre de proche en proche à plusieurs épaisseurs de cellules ! (Ricin, par exemple).
1. Voir à ce sujet : Jean Massard, La Cicatrisation chez Les végétaux, in « Mémoires couronnés et autres mémoires publiés par l'Académie royale de Belgique », t. LVII, 1898, avec la bibliographie de la question.
Planche III.
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LÉGENDE.
I. Cicatrisation d'une plaie d'insecte sur un fruit de vanille : a, les cellules ampli- fiées subérisées, qui parfois se divisent en a' ; h. restes de cellules desséchées (d'après Tschirsch). — 2. Coupe transversale à travers une racine aérienne de Vanillier à l'en- droit d'une plaie longitudinale cicatrisée : V, Y\ les 2 couches persistantes du voile, la seconde à parois épaisses ; P. c. n., parenchyme cortical normal; V. d., portion de V\ desséchée (épaississement disparu) ; C. d, cellules du parenchyme cortical tuées par le traumatisme; C. s, cellules subérisées non hypertrophiées; C. h. s, cellules hypertro- phiées en partie subérisées; La, lacune. — 3. Coupe longitudinale de la même à la partie moyenne de la plaie; C. m, cellules mortes du parenchyme cortical. — i. La même coupe sur le bord de la plaie ; mêmes lettres.
'22Ï ÉTUDES ET MÉMOIRES
Dans une rangée de cellules, l'excitation se transmet en ligne droite ou du moins suivant une direction parallèle à celle de la blessure. Mais elle est arrêtée quand sur son chemin se rencontrent des élé- ments morts, incapables de prolifération (fibres, par exemple). Dans ce cas, la direction s'incurve au-dessous ou même bifurque de manière à envelopper comme un séquestre le groupe d'éléments morts (Jean Massard, ouvrage cité). Sur la nature de l'excitant, on ne peut faire que des hypothèses.
Quelle que soit sa nature et son importance, la réaction ne s'exerce que sur des cellules vivantes. Elle peut se produire aux dépens d'un méristème normal (cambium), mais des éléments où le pouvoir de multiplication a cessé de se manifester, bien qu'ils soient munis de protoplasma et de noyau, peuvent être en quelque sorte rajeunis et acquérir le pouvoir de se diviser à nouveau.
La formation de cellules nouvelles, ou hyperplasie, est accompa- gnée d'une hypertrophie plus ou moins apparente. Elle aboutit à la formation d'un bourrelet plus ou moins visible à l'extérieur.
Suivant le mode de formation du bourrelet, on peut distinguer deux cas bien distincts, mais entre lesquels il se présente parfois des intermédiaires :
1° Les tissus nouveaux qui prennent naissance sont parenchyma- leux et homogènes. On peut dire dans ce cas que le bourrelet est simple.
2° Les tissus nouvellement formés sont hétérogènes. Le bourrelet, d'abord parenehymateux, se ditférencie par places et produit des faisceaux fibro-vasculaires. C'est le bourrelet complexe.
Bourrelet simple.
Un des cas les moins compliqués de bourrelet simple nous est fourni par la cicatrisation des plaies du fruit et des racines aériennes de Vanillier. La tigure 1 (pi. III) nous montre une piqûre d'insecte ayant perforé une capsule de vanille, à peu près complètement cicatrisée. Si on considère la surface de la plaie, on voit qu'il n'y a pas eu prolifération des cellules du péricarpe, mais que celles-ci ont subi un allongement notable selon une direction perpendicu- laire à celle de la plaie. Une ou deux rangées de cellules seulement participent à cette hypertrophie. De plus, la paroi de ces cellules amplifiées a subi la transformation subéreuse.
Une blessure longitudinale de racine aérienne de vanillier pré-
MALADIES DES PLANTES CULTIVÉES DANS LES PAYS CHAUDS 22
J.1-)
sente encore plus nettement ce processus très spécial de cicatrisa- tion (fig. 2, 3, 4, pi. III). La plaie longitudinale a enlevé toute la partie non exfoliée du voile et en particulier la dernière couche de celui-ci, formée de cellules à parois fortement épaissies vers le dehors (V7); elle entame aussi le parenchyme cortical sous-jacent. Le voile ne montre plus sur la coupe que deux assises V et V7 ; la deuxième à parois épaissies. Sur la partie blessée et cicatrisée, on voit de dehors en dedans : 1° La couche V" d, formée par la couche V , dont les éléments morts ont perdu tout épaississement . 2° La couche C. (/, constituant les trois ou quatre premières assises du parenchyme cortical, tuée comme la précédente par la dessiccation due au traumatisme. Dans ces cellules, la membrane n'a subi aucune modification et est restée cellulosique. 3° Une couche d'une seule épaisseur, et en de rares endroits de deux épaisseurs de cellules, ayant conservé la dimension normale des éléments du parenchyme cortical, mais dont la paroi s'est épaissie et subérisée. 4° Une der- nière couche, C. h. s., dont les éléments se sont notablement hyper- trophiés, mais ne sont subérisés qu'à la partie externe. Cette couche précède immédiatement le parenchyme cortical, resté nor- mal, P. c. N. Ce n'est que rarement que dans ces éléments une cel- lule se cloisonne comme en a' (pi. III, fig. 1) ou en KK' (pi. III, fig\ 2). Le cloisonnement ne se prolonge pas au delà, et je n'ai jamais pu voir autre chose, sur des plaies dont la cicatrisation était entièrement terminée.
En somme, dans le cas actuel, il n'y a pas à proprement parler, de néoformations cellulaires. Le processus de cicatrisation se borne à la subérisation complète de l'assise superficielle restée vivante après la blessure, et à l'hypertrophie notable des éléments de la couche sous-jacente ; ces derniers subissent surtout un allonge- ment dans un sens perpendiculaire à la direction de la plaie et ne sont subérisés que sur leur face externe. Les figures 2 (coupe trans- versale), 3 et 4 (coupes longitudinales) de la planche III montrent ces diverses formations. Je n'ai pu, faute de matériaux à des âges différents, observer les stades de cette cicatrisation ni rechercher les modifications possibles du noyau.
D1' Georges Delacroix,
Directeur de la Station de pathologie végétale,
Maître de Conférences à l'Institut national agronomique,
Professeur à l'Ecole nationnlc supérieure <!' Agriculture coloniale.
Bulletin du Jardin colonial. J5
OBSERVATIONS PRATIQUES SUR LA RÉCOLTE DES CHAMPIGNONS DANS LES COLONIES
[Suite.)
C. — Lames.
Bien que les lames puissent être considérées comme faisant par- tie du chapeau, elles sont assez importantes pour être traitées à part; elles doivent être étudiées surtout aux divers points de vue suivants :
1° Couleur. — Tantôt cette couleur est constante pendant tout le développement de la fructiiication. tantôt elle se modifie avec l'âge ; nous avons cité précédemment des exemples très frappants de ce dernier fait. Il faut donc autant que possible récolter de jeunes échantillons et d'autres adultes. Chez certaines espèces le bord du feuillet est d'une autre couleur que le reste.
2° Mode d'insertion sur le pied. - - Ce caractère est important à noter, car il sert a définir certains genres ; les descripteurs dis- tinguent un assez grand nombre de modes d'insertion. Nous en citerons quatre seulement, les autres n'étant que des cas particuliers. Les lames sont libres quand partant du bord du chapeau elles s'arrêtent avant d'arriver jusqu'au pied ; il reste alors autour du sommet du pied un espace annulaire où il n'y a pas de lames. C'est le cas par exemple du champignon de couche. Les lames sont décurrentes quand elles se prolongent sur le pied bien au-dessous du chapeau; les Chanterelles ou Giroles présentent ce caractère dune façon très nette. Les lames sont échancrées ou émarginées quand elles remontent un peu avant d'arriver au pied, puis redes- cendent brusquement pour atteindre le pied de façon qu'elles pré- sentent à côté de leur insertion une sorte de petite échancrure. Ce caractère se présente par exemple dans les genres Tricholome et Entolome. Dans tous les autres cas, nous dirons simplement que les lames sont adhérentes au pied.
Pour bien voir le mode d'insertion des lames, il est bon de faire
RÉCOLTE DES CHAMPIGNONS DANS LES COLONIES 227
une coupe longitudinale du champignon, passant par le centre du chapeau et coupant le chapeau et le pied en deux parties égales. Les lames parallèles au plan de la coupe et très voisines présentent nettement le caractère que Ion veut observer.
3° Autres caractères. — Les lames peuvent être plus ou moins nombreuses. Il ne s'agit pas de les compter évidemment; mais on est aisément frappé de ce fait que parfois elles sont très serrées, d'autres fois assez écartées les unes des autres; la chose est à noter. Elles peuvent aussi être plus ou moins épaisses, quelquefois minces comme une feuille de papier, quelquefois ayant un ou deux milli- mètres d'épaisseur ; leur bord est également tantôt très mince et tranchant, tantôt épais et arrondi ; leur hauteur est à noter aussi.
Signalons un caractère particulier : en général il y a de grands et de petits feuillets partant du bord du chapeau ; les uns vont jus- qu'au pied, les autres s'arrêtent aux deux tiers, à la moitié au tiers de la distance. Il est au contraire un cas très fréquent dans le genre Russule, où les feuillets sont tous égaux; tous vont du bord dû chapeau jusqu'au pied. Quelquefois aussi les Rus- sules ont des lames bifurquées; ces lames sont simples à partir du pied, puis à une certaine distance, elles se dédoublent comme si elles' se fendaient suivant leur épaisseur, de telle sorte que si toutes présentaient ce caractère il y aurait du bord du chapeau deux fois plus de lames qu'autour du pied. Signalons aussi un cas qui existe quelquefois (genre Schizophyllum) où les lames ont une tranche épaisse et parcourue par un sillon assez profond. Disons encore que certaines lames ont leur bord denticulé très régulièrement. Toutes ces particularités sont à noter.
4° Spores. — Les spores présentent vin caractère des plus impor- tants, c'est leur couleur. Dans la famille des x\garicinées, des genres, des séries de genres même ont leurs spores d'une même couleur, et certains genres se distinguent les uns des autres précisément par ce caractère. On a distingué ainsi cinq séries de genres : chaque série étant définie par la couleur des spores.: les séries admises sont ; spores blanches, spores roses ou couleur saumon, spores couleur rouille ou cannelle dites quelquefois ocracées, spores brun pourpre ou violet noirâtre, spores noires.
La manière de déterminer la couleur des spores est très simple : on place le champignon sur une feuille de papier blanc, les lames tournées vers le papier. Au bout de quelques heures des spores
228 ÉTL'DES ET MÉMOIRES
mûres sont tombées et ont fourni sur le papier une poussière dont la couleur est facile à discerner. Si l'on suppose que les spores sont blanches, on a mis le champignon sur un papier ou un objet plan coloré. La couleur des spores chez le champignon adulte est souvent à peu près la même que la couleur des lames, mais ce n'est pas toujours exact ; il y a des lames brunâtres ou jaune vif qui pro- duisent des spores blanches.
Si l'on n'a pas le temps d'attendre que les champignons aient fourni des spores, on peut employer un autre procédé que celui qui vient d'être indiqué. Au cours d'une excursion, on isole chaque espèce en enveloppant les individus qui la représentent dans un papier particulier, par exemple un sac de taille convenable. Les spores ont le temps, pendant l'excursion, de tomber çà et là sur le papier, et au retour on constate de suite leur couleur.
On peut fixer au papier même la poussière constituée par les spores tombées. Il suffit d'humecter le papier, du côté opposé aux spores, d'une solution de baume de Canada dans l'alcool; on étend ce liquide k laide d'un petit pinceau. Ce procédé est inapplicable pour des spores blanches déposées sur un papier coloré, car très souvent les couleurs du papier sont dissoutes par l'alcool ; on emploie alors une solution de un volume de baume, dans quatre volumes d'essence de térébenthine.
Les autres caractères des spores, leur dimension, leur forme, cer- taines particularités de leur membrane, de leur contenu, etc.. sont des plus importants, mais ne peuvent être étudiés qu'au microscope. Nous n'en parlerons pas.
D. — Pied.
Relativement au pied, on peut se poser une foule de questions analogues k celles relatives au chapeau et quelques-unes spéciales. Un premier renseignement k donner, c'est de dire si le pied est inséré au centre du chapeau ou bien excentriquement au pied, ou tout k fait latéralement. Ensuite d 'indiquer si le pied possède ou non un anneau; cet anneau peut être épais, très durable, ou au contraire, assez mince et fugace, les échantillons âgés n'en présentent plus alors que des débris. Il faut noter surtout avec soin si cet anneau se présente sous la forme d'une cortine.
Pour le pied comme pour le chapeau, on notera la taille, c est-
RÉCOLTE DES CHAMPIGNONS DANS LES COLONIES 229
à-dire la hauteur et l'épaisseur moyenne ; la forme ; il peut être presque cylindrique, allant en s'épaississant progressivement du sommet à la base, ou bien s'épaississant brusquement en une sorte de bulbe; quelquefois, au contraire, il est plus épais au som- met; enfin, dans certains cas, il est un peu fusiforme, plus mince aux deux extrémités que vers son milieu. On notera la couleur qui peut être uniforme le long du pied ou différente en divers endroits ; parfois sur un fond uniforme il y a un pointillé plus ou moins serré, plus ou moins étendu.
La consistance du pied présente, suivant les espèces, de grandes variétés : souvent le pied est charnu, plus ou moins dur et plus ou moins cassant; d'autres fois il a une consistance fibreuse, il est flexible, peut être plié sans se casser.
Le pied est tantôt plein, tantôt creux, quelquefois ce caractère varie avec l'âge ; très souvent au centre il y a un tissu plus mou que l'on qualifie de moelle. Ces particularités sont à noter.
Enfin comme le chapeau, le pied peut être glabre, écailleux, vil- leux, poilu, tibrilleux, pruineux, lisse, visqueux, etc.
Station.
Une dernière série de renseignements concerne la station où pousse une espèce récoltée. La plupart des espèces poussent dans les bois, mais ce peut être dans des bois plus ou moins fourrés ; on voit par exemple certaines espèces apparaître dans un endroit qui vient d'être en grande partie déboisé ; deux ou trois ans plus tard, quand le taillis repousse, quand certains arbres laissés petits prennent un feuillage plus étendu, ces espèces disparaissent ; sans doute les conditions de lumière et d'humidité ont cessé d'être favo- rables.
Il est des espèces qui poussent indifféremment sous n'importe quelles essences d'arbres, d'autres choisissent ; les bois de conifères, par exemple contiennent toujours un certain nombre d'espèces spéciales.
Il est donc bon de noter les essences sous lesquelles les champi- gnons sont cueillis.
Un grand nombre d'espèces viennent dans de toutes autres sta- tions que dans les forêts. Les lisières de bois, les prairies, le bord
230 ÉTUDES ET MÉMOIRES
des chemins ont leurs espèces spéciales. Certaines viennent dans les endroits marécageux.
Il faut noter aussi avec soin le substratum du champignon : beau- coup d'espèces viennent à terre, mais il en est également un grand nombre qui poussent sur les arbres, sur les troncs dressés ou abat- tus, sur les vieilles souches. Et dans ce cas très souvent chaque essence a ses champignons spéciaux.
Il est des espèces qui poussent sur les petites branches tombées ou sur les feuilles mortes. Il faut toujours observer sur quelles plantes poussent les champignons lignicoles. Enfin quelques espèces sont parasites d'autres champignons. Nous parlons ici bien entendu des grands champignons seulement, et non des groupes de champi- gnons spécialement parasites, tels que ceux de la famille des Uré- dinées.
On notera évidemment la localité où la récolte a été faite, en indiquant approximativement l'altitude si on est en pays de mon- tagnes, et aussi l'époque de la récolte.
Le lecteur se rendra compte sans peine que si tous les renseigne- ments dont nous venons de parler sont recueillis avec soin, ils faci- literont grandement l'étude des espèces, leur détermination, leur description complète.
Ajoutons qu'un dessin colorié, si possible une aquarelle, par exemple, est précieux à faire d'après le champignon frais ; on ne saurait trop conseiller de suppléer ainsi aux modifications de forme et de couleur que présentent les champignons conservés.
Mais disons que ces dessins ne doivent pas être faits au point de vue purement esthétique ; ils doivent être des documents scienti- fiques ; on doit s'attacher à représenter les choses aussi exactement que possible, et notamment à figurer tous les caractères étudiés pré- cédemment, susceptibles d'être représentés. En particulier, par exemple, il est bon de toujours dessiner une coupe longitudinale du champignon; on voit de la sorte la couleur de la chair et aussi le mode d'insertion des lames, fait qui n'a aucun caractère artis- tique, mais présente, comme on l'a vu plus haut, son importance documentaire.
En tenant compte dans la limite du possible de nos remarques, un voyageur pourra rapporter une collection de champignons ayant le plus de valeur possible, et permettre d'augmenter dans une forte proportion nos connaissances sur la flore mycologique de nos colonies.
RÉCOLTE DES CHAMPIGNONS DANS LES COLONIES 231
A côté des espèces charnues pour lesquelles une étude doit être faite sur place, il y a un grand nombre de champignons qui sont aussi faciles à rapporter que des plantes supérieures en herbier et que le voyageur ne doit par suite pas négliger.
Dans la famille des Basidiomycètes par exemple, beaucoup d'es- pèces poussant sur les arbres sont dures, ligneuses, faciles à trans- porter et à conserver. Il n'y a qu'à les cueillir et les emporter telles quelles. Certaines ayant un chapeau mince peuvent être comme des plantes à feuillage ordinaire soumises à la pression et conservées en herbier. On peut les laisser libres dans l'herbier, mais si par prudence, pour éviter qu'elles ne se mélangent, ne tombent, ne se perdent, on juge à propos de les coller aux feuilles de l'her- bier, il est bon de fixer deux exemplaires du chapeau, l'un sur l'une de ses faces, l'autre sur l'autre; on voit delà sorte toutes les parti- cularités, écailles, poils, couleur, etc. de la face supérieure du cha- peau, et les particularités, forme et couleur des tubes, etc. de la face inférieure.
Si l'on n'a qu'un seul échantillon on peut le couper en deux et coller une moitié sur une face, l'autre sur la face opposée. Nous avons vu ainsi au Jardin colonial des champignons de la Nouvelle-Calédo- nie très bien préparés de la sorte et permettant une étude sérieuse.
Il est en outre des groupes tout entiers de champignons dont la récolte, la conservation, le transport ne présentent aucune difficulté spéciale.
Par exemple il n'est guère d'espèce de Phanérogames qui ne donne asile à quelque champignon de la famille des Urédinées.
On n'a qu'à cueillir les tiges ou les feuilles attaquées et à les mettre en herbier; ces documents seront parfaitement utilisables plus tard pour une étude microscopique.
Disons-en autant de ces champignons qui se manifestent généra- lement par des taches noirâtres plus ou moins saillantes sur des brindilles sèches, etc., et parmi lesquelles on peut trouver des champignons appartenant à des groupes bien divers : Sphériacées, Sphéropsidées, Mélanconiées, Hystériacées, etc. Ces champignons sont des plus faciles à recueillir, à conserver, à transporter.
Pour résumer tout ce que nous avons dit sur les caractères à observer sur les champignons charnus, nous donnons un tableau indiquant les principales questions qu'il faut se poser quand on rencontre un champignon. •
232 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Un naturaliste voyageur n'aurait qu'à avoir d'avance un certain nombre de ces tableaux. A chacun il donnerait un numéro à mesure qu'il recueillerait un champignon auquel il affecterait le même numéro, et il n'aurait qu'à placer en face de la question la réponse correspondante. Il serait sûr de la sorte de n oublier rien d'essentiel. Il pourrait en outre ajouter comme observations tout ce qu'il croirait intéressant sur l'espèce étudiée et qui n'a pas été prévu dans ce tableau.
Au retour, chaque feuille serait une source de précieuses données.
En cas de doute ou d'impossibilité de répondre à une question, il n'y aurait qu'à laisser en blanc l'endroit destiné à la réponse. Cha- cun d'ailleurs peut modilier ce tableau comme il l'entend.
Au Jardin colonial de Notent on serait heureux de recevoir non seulement des plantes supérieures, mais aussi bien des Cryptogames, en particulier des champignons des groupes les plus variés. Il existe dans la plupart de nos Colonies des personnes ayant à cœur de faire connaître leurs productions. Puissent quelques-unes d'entre elles entendre notre appel et contribuer aux progrès delà Botanique colo- niale !
Léon Dufour, Directeur' adjoint du Laboratoire de Biologie végétale de Fontainebleau.
RÉCOLTE DES CHAMPIGNONS DANS LES COLONIES
233
TABLEAU
POUR LA
DESCRIPTION DES CHAMPIGNONS
A. Volve.
Y a-t-il une volve?
Cette i en étui autour du pied?
volve < en écailles à la base du pied et est-elle ' sur le chapeau?
B. Chapeau.
1. Taille.
Diamètre approximatif i du chapeau chez le <
moyen, maximum, champignon adulte / minimum.
mince, presque membra- neux? épais et charnu?
2. Forme.
Le chapeau est-il
Chez : presque sphérique? l'adulte ) un peu bombé ? le chapeau \ déprimé en entonnoir ?
est-il F mamelonné? La forme subit- elle des changements avec L'âge? Lesquels?
3. COUI.EI'K.
Une seule couleur? Laquelle? Plusieurs? Lesquelles? (Indiquer leur répartition ap- proximative .) I En particulier le chapeau est -il zone? Le chapeau subit-il des changements de
couleur avec l'âge? Y a-t-il un fond coloré avec un pointillé ou une striation d'une autre couleur?
Chez
l'adulte
y
a-t-il
Chair.
La chair est-elle : ferme ou molle? blanche?
colorée De quelle couleur
dans son ensemble? sous l'épidémie seu- lement ?
La chair
contient-elle un la.it
blanche d'abord, puis se colorant à l'air?
De quelle couleur? La couleur est-elle constante? Varie-t-elle avec l'âge du champignon? blanc et restant blanc? blanc mais se colorant à l'air? De quelle couleur? coloré de suite? De quelle
couleur? Ce lait ) doux? est-il | piquant ou acre? La chair a-t-elle un goût particulier? Lequel ? A-t-elle une odeur particulière ? Laquelle?
5. Caractères particuliers.
Le chapeau est-il :
glabre?
écailleux?
poilu ?
tomenteux ?
velouté?
fibri lieux?
p ruineux?
lisse ?
st rié ?
visqueux ?
hygrophane ?
mat?
brillant?
C. Lames.
1. Mode d'insertion
Les lames sont-elles libres? adhérentes? échancrées? décurrentes ?
2. Couleur.
La couleur des lames est-elle unique ? Quelle est cette couleur?
Le bord des lames a-t-il une couleur spé- ciale ? Laquelle ?
La couleur est-elle constante ou change- t-elle avec l'âge?
Quelles variations présente-t-elle?
234
ÉTLDES ET MÉMOIRES
3. Caractères particuliers.
Les lames sont-elles : nombreuses et serrées? ou peu nombreuses et espacées? toutes égales? y en a-t-il de bifurquées? denticulées sur leur tranche? fendues longitudinalement sur leur
tranche? à tranche mince ou à tranche épaisse?
D. Pied.
Y a-t-il un pied ?
1. Mode d'insertion sors le chapeau
[ tout autour du chapeau?
,e pied j excentriquement?
; . j tout à fait sur le bord du cha- f peau ?
insère
2. Anneau.
Y a-t-il un anneau?
Est-ce un véritable anneau membraneux ou une cortine?
3. Taille.
Hauteur moyenne?
4. Forme.
Le pied est-il : sensiblement cylindrique? progressivement ( de la base au somme! aminci t du sommet à la base
brusquement renflé en bulbe à la base ' fusiforme, aminci en haut et en bas ?
I
a. Couleur.
une couleur quelle?
uniforme? La-
Le pied < plusieurs couleurs? Lesquelles? a-t-il i un pointillé ou une striation colorée sur un fond d'autre couleur?
6. Chaik.
Généralement la chair du pied présente les mêmes caractères que celle du chapeau.
Indiquer les différences, s'il en existe.
7. Caractères particuliers.
Noter les mêmes particularités que poul- ie chapeau. Dire en outre si le pied est plein ou creux, ou s'il possède une moelle au centre.
E. Station.
Le champignon pousse-t-il:
dans des ( assez épais?
bois i assez clairs, clans des taillis? Indiquer l'essence principale ou unique. I sur la lisière d'un bois? dans les prés ?
sur le bord des chemins, dans 1 herbe ? dans des endroits marécageux? à terre ? sur des troncs ) debout?
d'arbres / abattus? sur des brindilles? sur des feuilles tombées? sur des tiges de plantes herbacées? Indiquer le nom de la plante.) sur d'autres champignons ? sur tles insectes? sur du fumier ? sur des excréments ? (Indiquer le nom de l'animal.) Nom de la localité près de laquelle le
champignon a été récolté.) Indiquer l'altitude approximative en
pays de montagne.) Époque de la récolte. Observations diverses.
Léon Dufoi'R.
LE COTON DANS L'AFRIQUE OCCIDENTALE
(Fin.)
§ 3. — Transport sur voie ferrée.
Notre coton se trouve donc, maintenant, définitivement emballé et embarqué en wagons que nous supposons, bien entendu, arrivés à leur point terminus. Il nous a coûté jusqu'ici 4 centimes de trans- port à la tonne kilométrique.
Que nous coûtera-t-il pour être amené à Kayes. L'arrêté ministé- riel du 15 avril 1902 a constitué un classement des matières trans- portables, dont la 3e catégorie comprend les matières pauvres et encombrantes, mil, maïs, arachides, patates. De ce fait, ces produits doivent acquitter un droit de transport de 0 fr. 10 la tonne kilomé- trique, pour un parcours supérieur à 350 kilomètres.
Ces mêmes produits transportés par wagons entiers, de 2.000 kilos au minimum, bénéficient d'une réduction de 50 °/0 sur les tarifs de la 3e catégorie, ce qui, en réalité, abaisse à 5 centimes le prix de transport de la tonne kilométrique.
Cet arrêté ministériel est muet sur la situation faite au coton. En réalité, ce produit voyagerait dès maintenant en 3e catégorie, et il serait très désirable qu'on le fît bénéficier du tarif spécial applicable aux denrées ci-dessus dénommées.
Ce serait là, à n'en pas douter, un encouragement des plus sérieux et des plus palpables à donner à cette exploitation. La question se pose d'ailleurs, ici, d'une façon bien plus générale; il ne fait pas de doute qu'à la suite des efforts tentés de tous côtés par l'administration et les particuliers, plusieurs matières premières d'industries fourniront, d'ici quelques années, un lest considérable pour les voyages de retour sur les lignes ferrées.
Je n'en retiendrai, pour le moment, que deux des plus impor- tantes : le coton en balles et les amandes de Karité. Or l'extension des régions exploitées sera, vers les limites de la zone de production, en fonction directe des voies de transport, principalement des tarifs.
Ces deux produits naturels s'imposent donc tout particulièrement
236
ÉTUDES ET MÉMOIRES
à l'attention et sont, à ce point de vue, bien autrement importants que le mil, les patates, qui n'ont pour l'exportation qu'une impor- tance insignifiante. En calculant sur de telles données, il est aisé de se faire une idée exacte des frais occasionnés, dans ces conditions, pour le transport d'une tonne de coton des différents points du Niger au Havre. Le dernier élément des dépenses est constitué par le transport de Kayes en France, que l'on peut très raisonnablement évaluer à 45 fr. par tonne.
Le prix de transport de la tonne de la Nouvelle-Orléans en France n'est que de 33 fr. environ.
Dans ces conditions, une tonne de coton coûterait :
De Kouroussa au Havre 82lro0
De Kankan
De Siguiri
De Bammako
De Nvamina
De Segou
De Sansanding
De Mopti
De Dj
enne
De San
82 50
76
68
74
' 78
80
91
\ par Koakourou. ... 91
| par Mopti 95
\ par Koakouro 95
) par Mopti 99
II. — CONDITIONS FUTURES D'EXPLOITATION
S 1er
Le fleuve Sénégal.
Avant toute discussion concernant les voies de transport pour l'évacuation du coton, nous devons fixer, d'une manière précise, la valeur de la route commerciale qui devra forcément être suivie pen- dant un certain nombre d'années, la route Bammako-Kayes France.
a) Conditions générales d'évacuation. Entrepôts. — Nous avons dit précédemment, que la fin du mois de mars verrait, très proba- blement, la fin des arrivages de coton, soit à Koulicoro. soit à Bammako.
LE COTON DANS L'AFRIQUE OCCIDENTALE 237
Il n'est pas possible de songer, à cette époque de l'année, évacuer sur France un stock considérable de cette marchandise; il faudra constituer, soit à Bammako, soit à Kayes, des entrepots considé- rables, où le coton sera emmagasiné jusqu'à l'époque des hautes eaux.
Ces entrepôts devront plutôt être situés à Kayes, pour la raison dominante que le changement devant s'opérer très rapidement et en pleine saison des pluies, les négociants seront dans la nécessité de construire, sur le bord du fleuve, des hangars et des appontements couverts.
Il serait donc à la fois onéreux et inutile d'avoir un double magasinage, un à Kayes, un à Bammako.
Les balles de coton pourront donc être transportées à bord des grands vapeurs et y subir, au moment de l'arrimage, la pression finale.
Mais, tout de suite, se posent deux questions de toute impor- tance, la sécurité et la capacité d'embarquement.
En ce qui concerne la première, il faut se bien pénétrer de la nécessité d'embarquer le coton sans le mouiller ; or nous sommes au fort de la saison des pluies, dont les tornades obligeront à une foule de mesures coûteuses et rendront fort précaires les transbor- dements.
D'un autre côté, il ne faut pas oublier combien est capricieux le niveau du fleuve a cette époque et les déboires qu'une baisse subite, toujours possible, ne manquerait pas d'amener.
Le tratîc normal et intense d'une denrée encombrante comme le coton exige des moyens plus sûrs et plus efficaces ; si les condi- tions actuelles de chargement peuvent suffire pour les débuts, elles ne tarderont pas à gêner considérablement les transactions com- merciales.
b) Capacité d'évacuation. — La navigabilité du Sénégal a été étudiée et critiquée, dans des mémoires fort justes; je n'y revien- drai pas ici, si ce n'est pour en tirer deux conclusions :
1° La durée de navigabilité pour grands vapeurs n'excède pas deux mois en moyenne ;
2° Certaines années, cette navigation est complètement suspen- due, ou tellement limitée, qu'il est tout juste possible de faire par- venir au Soudan les objets de première nécessité.
238 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Ces deux conclusions sont dans tous les esprits, même dans ceux intéressés à soutenir le contraire ; elles sont simplement le fait de l'observation, par conséquent indiscutables.
Dans de telles conditions, il ne viendra à l'esprit de personne de songer à établir, sur une pareille voie, un mouvement de transit destiné à alimenter vin marché fixe.
La seule restriction apportée au mouvement commercial, du fait de la réduction du temps de transport, suffirait àja rejeter.
Un marché fixe, tel que le sera en France le marché cotonnier, doit avoir comme première condition d'existence : la certitude dans l'alimentation.
Que diraient les courtiers et les f dateurs si, après leur avoir pro- mis une belle récolte, on leur annonçait au mois d'août que la crue a été très faible, qu'il y a à Kayes des milliers de balles de coton, mais qu'il est impossible de les évacuer.
Je n'insisterai pas davantage pour montrer que le Sénégal consti- tue une route commerciale caractérisée par l'insuffisance et l'insé- curité des transactions. Je ne m'attacherai pas non plus à démontrer que ce fleuve, quelles que soient les améliorations qu'on puisse lui apporter, ne permettra jamais le trafic pendant de longs mois, par les vapeurs chargeant directement pour France.
Or, c'est là le seul procédé de transport vraiment économique. L'évacuation par chalands de juillet à janvier, avec transbordement à chaque tète de ligne, n'est pas à prendre en considération, telle- ment il serait onéreux et peu pratique.
$ 2. — Etude comparative des voies d'exportation.
A l'heure actuelle, on est à peu près fixé sur les produits natu- rels qui constituent la richesse des régions intérieures de l'Afrique française.
Ils sont de deux ordres :
1° Les produits riches, tel le caoutchouc ;
2° Les produits pauvres, tels le coton ; les produits oléagineux, karité, sésame, etc..
Les voies commerciales de pénétration doivent donc dériver de leur nature et de leur situation, puisque, de toute logique, la voie ferrée est faite pour le produit et non le produit pour la voie ferrée, toutes choses étant égales d'ailleurs.
LE COTON DANS L'AFRIQUE OCCIDENTALE 239
Les produits de la première catégorie peuvent, sans inconvénient, prendre une voie un peu coûteuse, et des considérations indépen- dantes du commerce peuvent déterminer la direction des routes commerciales. Il n'en est plus du tout de même pour les denrées de la 3e catégorie, qui formeront la partie la plus importante du transit. On doit leur assurer la voie la plus courte et la plus sûre, et cela indépendamment des routes momentanées ou artificielles, que des intérêts particuliers auraient réussi à créer.
Dans un tel examen, l'intérêt du plus grand nombre, et surtout celui de l'avenir commercial, doit primer les considérations du moment.
Cela posé, un coup d'œil d'ensemble, jeté sur la carte annexée à ce chapitre, nous donnera, du premier coup, les éléments de la dis- cussion.
La voie commerciale, normale par excellence, est le chemin de fer du Dahomey ; aucune contestation ne peut s'élever à son sujet.
En ce qui concerne le milieu nigérien, indiqué sur la carte, et qui, pour la discussion présente, devrait comprendre tout l'Hinter- land de la Côte d'Ivoire, nous sommes en présence de trois lignes ferrées en construction ou en projet :
1° Celle de la Côte d'Ivoire;
2" Celle de la Guinée ;
3° Celle de Dakar-Kaves.
a) Il est juste, dès le début, de prédire à la ligne de la Côte d'Ivoire un intérêt de pénétration de premier ordre.
Quel que soit le temps qu'elle mette à s'épanouir dans les régions côtières, pour drainer les énormes richesses naturelles qui s'y trouvent, elle devra forcément pénétrer dans l'intérieur, où elle trouvera un trafic tout aussi considérable.
Je ne crois pas pouvoir être taxé d'exagération en disant qu'elle a, de toutes, le plus bel avenir. Sa zone d'influence est vaste et parfaitement délimitée, nous n'en parlerons plus.
b) Il reste maintenant une immense région comprenant tout le bassin du Haut-Niger, qui doit être reliée à la côte afin d'assurer, dans les conditions les plus économiques, l'évacuation des produits naturels du sol.
Pour cette évacuation, deux routes se présente : Dakar-Niger, Konakry-Niger.
LE COTON DANS l/AFRIQUE OCCIDENTALE 241
La première se présente avec un développement de 1.340 kilo- mètres de voie ferrée, la seconde avec 600 kilomètres ou, pour être parfaite, avec 950 kilomètres.
Voyons ces deux lignes un peu en détail.
■
Ligne Conakry-Niger. — La construction de cette voie ferrée s'im- pose chaque jour de plus en plus. A mesure que les regards ont quitté Conakry pour fouiller l'intérieur, alors que Ton ne s'est plus obstinément arrêté à voir simplement sortir les produits, on a com- pris que Conakry n'était qu'une porte de sortie et que la maison était bien plus grande qu'on avait voulu le croire tout d'abord.
L'existence d'une seconde porte de sortie s'est démontrée, et l'on s'est en lin aperçu que Conakry était surtout riche par l'intérieur et qu'un chemin devait joindre les deux portes Conakry et Kouroussa.
L'existence même d'une colonie entière en dépend : ce chemin de fer doit se faire, il se fera par la force des choses.
Nous devons donc compter avec lui, et nous devons y compter d'autant plus volontiers qu'il constitue la voie la plus courte et la meilleure. Du fait même de son arrivée à Kouroussa, il accentuera fortement le transit en supprimant les caravanes qui doivent aujour- d'hui faire la longue route de l'Hinterland à Conakry.
Le trafic de tout le bassin supérieur du Niger lui appartiendra sans conteste, y compris les régions de Kankan, du Kissi, de Beyla, etc..
On a dit couramment que l'arrivée au Niger du chemin de fer de Kayes changerait la direction des caravanes, et que la route de Bammako une fois prise ne serait plus abandonnée.
Cette affirmation se détruit par elle-même ; les caravanes prove- nant des régions précitées ont, à l'heure actuelle, leur terminus à Conakry, Kouroussa, Kankan et Siguiri, et ce sont les maisons de commerce qui réexpédient leur caoutchouc par la voie de Bam- mako.
A l'achèvement du chemin de fer de Bammako, les choses ne changeront nullement, sinon dans leur intensité.
Tout le caoutchouc aboutissant à Kankan, Kouroussa, Siguiri continuera à passer par Bammako ; les caravanes passant par Faran- nah se rendront toujours à Conakry, et Bammako ne recevra direc- tement du caoutchouc que par les caravanes venant des régions de Bobo-Dioubasso et Sikasso.
Bulletin du Jardin colonial. 16
*21'2 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Dès que la voie ferrée de Guinée sera à Kouroussa, l'ordre des choses, pour le caoutchouc, sera renversé sans esprit de retour ; la démonstration n'est pas à faire.
Et la nouvelle ligne aura, pour le transport des matières brutes des régions avoisinantes, toutes les qualités d'une voie commerciale excellente.
Cette objection étant placée à sa juste valeur, voyons ce que vau- dra cette ligne pour le tratic de tout le milieu nigérien, puisque là est la véritable discussion.
La voie commerciale Conakry-Niger comprend, en réalité, quatre parties bien distinctes : •
1° Conakry-Kouroussa ;
2° Kouroussa- Bammako;
3° Bammako-Koulicoro ;
4° Koulicoro et au delà, dont une ferrée et les autres fluviales.
La ligne ferrée est praticable en tous temps.
La voie fluviale Kouroussa-Bammako n'est pas navigable pen- dant trois mois sur douze, elle est particulièrement inconstante au moment des transports de coton. Pour cette dernière marchandise, il ne sera possible d'exporter sur Kouroussa que le coton récolté dans le premier bief (Kouroussa-Bammako). Celui du second bief, Koulicoro- Mopti, arriverait trop tard, et devrait en outre en suppor- ter deux transbordements et un transport de 40 kilomètres sur voie ferrée. A ce point de vue très important, il serait nécessaire que cette ligne ferrée soit complétée par un tronçon de voie ferrée reliant Kouroussa à Bammako, ou bien que la voie ferrée suive la vallée du Tankisso et se dirige sur Siguiri et Bammako.
Le Niger de Kouroussa à Siguiri suffirait largement à assurer les communications commerciales de ce cercle.
Siguiri, au confluent du Milo, deviendrait un gros centre d'em- barquement.
Du coup, tout le coton de la vallée moyenne du Niger pourrait, avec un seul transbordement et 900 kilomètres de voie ferrée, être amené à quai, à Conakry.
Toute autre marchandise pourrait, selon l'époque de son trafic, prendre la voie ferrée ou la voie fluviale.
Les amandes de Karité ensachées remonteraient, par eau, jus- qu'à Toumaneïa ou Kouroussa et n'auraient plus à supporter qu'un parcours de 600 kilomètres ou moins sur voie ferrée.
LE COTON DANS L'AFRIQUE OCCIDENTALE 243
Ce sont là des raisons de premier ordre qu'il convient d'envisa-
ger.
Du fait de ce prolongement du chemin de fer Conakry-Kouroussa, nous n'avons plus à considérer la partie fluviale, Bammako-Kouli- coro.
Sans vouloir prétendre que cette partie du Niger ne sera jamais fréquentée, on peut assurer que ce ne sera jamais une voie commer- ciale, pour la bonne raison que, même complètement améliorée, elle ne sera jamais sûre.
Qu'en tant que sport nautique, elle devienne attrayante, nul ne le conteste, mais il est juste de lui refuser toute importance commer- ciale.
En résumé, le bilan de la voie Konakry-Niger se ferme par 900 kilomètres de voie ferrée et deux transbordements pour les marchandises chargées à Bammako.
Voyons maintenant la seconde voie de pénétration.
Ligne Dakar-Niger. — Cette voie n'existera, à l'achèvement du chemin de fer Kayes-Niger, que sur 520 kilomètres environ ; elle devra être complétée par la construction de la voie ferrée consti- tuant la ligne Thiès-Kayes.
Cela fait un total de 1.340 kilomètres que les marchandises auraient à parcourir de Bammako à Dakar; c'est un chiffre très élevé qui, au point de vue commercial, condamne absolument cette voie.
La ligne Kayes-Bammako est de première utilité, cela est sans conteste.
Chaque fois que le Sénégal permettra l'approvisionnement direct de Kayes, ce sera la voie empruntée ; une certaine quantité de matière brute passera toujours par ce chemin au retour, et cela dans toute la mesure de sa capacité d'exportation.
Quant au courant ordinaire d'exportation et aux marchandises que la crue du Sénégal n'aura pas permis d'écouler par Kayes, il prendrait la voie de Conakry comme étant la plus courte et ouverte en tous temps.
Que restera-t-il donc en dehors de ces deux éventualités pour la ligne Dakar-Kayes ? Les marchandises que cette voie ferrée pourra récolter le long du trajet, pas autre chose. Elle perd donc du coup complètement son intérêt de voie de pénétration, seul mobile qui puisse inciter à son établissement.
244 ÉTL'DES ET MÉMOIRES
On ne peut pas non plus, en sa faveur, invoquer la richesse des pays traversés. La tète de ligne, vers Kayes, est constituée par des pa}-s essentiellement montagneux, pauvres en produits d'exporta- tion, qui d'ailleurs ne suivraient cette ligne qu'au cas où les vapeurs ne pourraient monter à Kayes.
Dans sa partie médiane, elle côtoie, sur sa droite, des régions désolées et, sur sa gauche, un pays de richesse très moyenne, admirablement drainé d'ailleurs par le beau fleuve commercial qui a nom : Gambie.
Ce serait une douce naïveté de croire que la voie ferrée concur- rencerait un fleuve navigable jusqu'au-dessus de Mac-Carthy pour les gros vapeurs.
Elle n'aurait donc plus d'intérêt que pour les pays sérères. où elle supplanterait le transport par bêtes de somme des arachides.
Son utilité à tous points de vue tombe donc d'elle-même par la simple discussion.
Les conclusions seraient renversées si nous possédions la Gambie anglaise et que la voie ferrée puisse joindre Mac-Carthy à Kayes.
Le bilan de cette voie se ferme donc par deux transbordements et 1.340 kilomètres de voie ferrée pour une marchandise embarquée à Bammako. Il est à remarquer, en outre, que l'établissement de la voie commerciale Dakar-Kayes demanderait la construction de 800 kilomètres nouveaux de chemin de fer. tandis que l'achèvement de la ligne Conakry-Bammako en demande 300.
Pour atteindre le milieu nigérien supérieur, il n'est donc qu une voie vraiment commerciale, elle part de Conakry.
Quel serait donc alors le prix de transport de la tonne de coton provenant des divers points du Niger, il ne sera pas le même forcé- ment que celui établi par la voie provisoire du Sénégal.
Le tableau ci-dessous donne ces prix en calculant sur les tarifs par voie ferrée admis ci-dessus ; il est improbable que le coton ne jouisse pas sur le chemin de fer de Conakry des mêmes avantages que ceux qui lui sont conférés sur le chemin de fer de Kayes.
Je suppose, en outre, que tout le coton du bief Koulicoro-Kou- roussa suivra la voie ferrée au lieu de la voie fluviale, plus écono- mique ; les derniers chiffres sont donc supérieurs à la réalité.
Il a été compté 45 fr. par tonne pour le transport Conakry- France.
Une tonne de coton, pressé à 500 kilogrammes au m3, payerait :
LE COTON DANS l'aFRIQL'E OCCIDENTALE 245
de Mopti en France 110 IV.
_ . ■ , l par Mopti 114 »
— Dienne — T. , . . „
J f par Koakourou .... 11 0 »
[ par Mopti 118 »
\ par Koakourou .... 114 »
— Sausanding" — 99 »
— Segou — 97 »
— Koulicoro — 92 »
— Bammako — 90 >>
— Sisuiri — 80 »
Kankan 99 »
— Kouroussa — 75 »
En passant par la ligne Koulicoro-Dakar, les marchandises du bief Koulicoro-Mopti auraient à acquitter un supplément de trans- port de 22 fr. par tonne sur les chiffres indiqués ci-dessus.
§ 3. — Bilan d'une exportation de coton.
Et maintenant crue nous sommes en possession de toutes les données de la question, à combien reviendra, tous frais compris, la tonne de coton sur le marché du Havre?
Le prix d'achat du coton indigène, tel qu'il est récolté à l'heure actuelle, peut être compté sur le taux de 20 francs les 100 kilo- grammes de coton brut, acheté au détail.
Dans bien des localités, il ne vaut guère plus de 15 fr. et, dans peu d'années, la valeur courante se sera uniformisée sur ce prix.
Dès maintenant, on peut compter l'acheter en gros aux indigènes, avec promesse formelle d'achat, s'il est de bonne qualité, 17 fr. 50 les 100 kilos.
Le coton de première récolte rend 28 à 27 °/0 de fibres nettes, ce qui met les 100 kilos de coton en fibres à 64 ou 65 fr. environ, soit 650 fr. la tonne.
Les frais d'égrenag-e sont, aux Etats-Unis, soldés par l'abandon des graines, dont l'utilisation pour l'huilerie, la fabrication de tour- teaux et d'engrais est considérable.
Dans l'autre cas, ces frais d'égrenage sont évalués à un dollar par balle, soit environ 20 fr. par tonne.
Si donc nous comptons comme nulle la valeur des graines, et que
2i6
ÉTUDES ET MÉMOIRES
nous ajoutions 10 fr. pour les frais généraux d'achat et d'emmaga- sinage, cela fait un total de 680 fr.
Si, à cela, on ajoute le prix du transport, les prix extrêmes de la tonne rendue au Havre seraient :
De San 798 fr.
De Kouroussa 755 —
Ces prix devraient, en outre, supporter le prix du courtage et autres menus frais, peu élevés, de la place et, en définitive, les chiffres de 800 et 760 fr. peuvent être considérés comme typiques.
Au prix de vente de 45 fr. les 50 kilos, soit de 900 fr. la tonne, l'opération serait déjà donc fructueuse ; or, nous savons que le beau coton, soigneusement récolté et travaillé, atteint facilement les prix de 1000 à 1100 fr. la tonne, ce qui laisse un bénélice fort res- pectable de 300 fr. environ par tonne de coton indigène.
Tout ceci n'est évidemment que prévisions, mais nous les avons faites avec toute la rigueur possible en cette matière et, en laissant les chiffres de côté, nous pouvons conclure, pour les transactions commerciales de coton, à un avenir considérable.
Y. Henry
.
CONFÉRENCES DU JARDIN COLONIAL
■
CONFÉRENCE DE M. DESLANDES
Bien que des opinions différentes aient été exprimées au sujet de- l'avenir agricole de Madagascar, il paraît aujourd'hui certain que l'agriculture est destinée à devenir une des principales sources de richesse de la colonie. Déjà, avant que la grande île fût définitive- ment rattachée à la France, des tentatives de colonisation agricole avaient été faites en différents points de l'île par des Européens et des créoles. On avait essayé la culture du cacaoyer, du giroflier, de la canne à sucre, du caféier, du vaniller. Je ne parle pas du riz, du manioc, que les indigènes cultivent de temps immémorial dans presque toutes les régions de l'île, et que le planteur ne paraît pas pouvoir produire à meilleur compte que le malgache.
Ces tentatives eurent des destins variables. Il était, du reste, assez aléatoire de les étendre et de les multiplier tant que le pou- voir resterait aux mains d'un peuple aussi soupçonneux que les Hovas, qui avaient à plusieurs reprises chassé les étrangers de l'île et ravagé leurs plantations.
Depuis l'occupation française, les préoccupations de ce genre ont naturellement disparu, et le champ a été librement ouvert à toutes les activités qui se portaient vers l'exploitation du sol. — Les pre- miers essais de colonisation agricole pouvaient déjà donner d'utiles indications sur quelques-unes des cultures à entreprendre et sur les régions à mettre en valeur. Mais ces données étaient bien insuffi- santes. Aussi le général Gallieni, voulant donner une impulsion vigou- reuse aux études agricoles, jugea-t-il nécessaire de créer un service technique spécial avec son fonctionnement distinct ^3 octobre 1896) : c'est la Direction de l'Agriculture de Madagascar.
Ce service s'occupe de l'étude des ressources agricoles, de la valeur des terres, du régime météréologique. Il introduit et répand les plantes économiques dont la culture est à conseiller, les multi- plie, sélectionne les variétés, recherche les modes de culture qui leur conviennent le mieux. Il livre aux colons et aux indigènes des semences, plants et boutures. Enfin, il réunit des échantillons des divers produits du pays et s'efforce de les faire connaître.
2i6 ÉTUDES ET MÉMOIRES
nous ajoutions 10 fr. pour les frais généraux d'achat et d'emmaga- • sinag-e, cela fait un total de 680 fr.
Si, à cela, on ajoute le prix du transport, les prix extrêmes de la tonne rendue au Havre seraient :
De San 798 fr.
De Kouroussa 755 —
Ces prix devraient, en outre, supporter le prix du courtage et autres menus frais, peu élevés, de la place et, en définitive, les chiffres de 800 et 760 fr. peuvent être considérés comme typiques.
Au prix de vente de 45 fr. les 50 kilos, soit de 900 fr. la tonne, l'opération serait déjà donc fructueuse ; or, nous savons que le beau coton, soigneusement récolté et travaillé, atteint facilement les prix de 1000 à 1100 fr. la tonne, ce qui laisse un bénéfice fort res- pectable de 300 fr. environ par tonne de coton indigène.
Tout ceci n'est évidemment que prévisions, mais nous les avons faites avec toute la rig-ueur possible en cette matière et. en laissant les chilfres de côté, nous pouvons conclure, pour les transactions commerciales de coton, à un avenir considérable.
Y. Henry
CONFÉRENCES DU JARDIN COLONIAL
CONFÉRENCE DE M. DESLANDES
Bien que des opinions différentes aient été exprimées au sujet de l'avenir agricole de Madagascar, il paraît aujourd'hui certain que l'agriculture est destinée à devenir une des principales sources de richesse de la colonie. Déjà, avant que la grande île fût définitive- ment rattachée à la France, des tentatives de colonisation agricole avaient été faites en différents points de l'île par des Européens et des créoles. On avait essayé la culture du cacaoyer, du giroflier, de la canne à sucre, du caféier, du vaniller. Je ne parle pas du riz, du manioc, que les indigènes cultivent de temps immémorial dans presque toutes les régions de l'île, et que le planteur ne paraît pas pouvoir produire à meilleur compte que le malgache.
Ces tentatives eurent des destins variables. Il était, du reste, assez aléatoire de les étendre et de les multiplier tant que le pou- voir resterait aux mains d'un peuple aussi soupçonneux que les Hovas, qui avaient à plusieurs reprises chassé les étrangers de l'île et ravagé leurs plantations.
Depuis l'occupation française, les préoccupations de ce genre ont naturellement disparu, et le champ a été librement ouvert à toutes les activités qui se portaient vers l'exploitation du sol. — Les pre- miers essais de colonisation agricole pouvaient déjà donner d'utiles indications sur quelques-unes des cultures à entreprendre et sur les régions à mettre en valeur. Mais ces données étaient bien insuffi- santes. Aussi le général Gallieni, voulant donner une impulsion vigou- reuse aux études agricoles, jugea-t-il nécessaire de créer un service technique spécial avec son fonctionnement distinct ^3 octobre 1896) : c'est la Direction de l'Agriculture de Madagascar.
Ce service s'occupe de l'étude des ressources agricoles, de la valeur des terres, du régime météréologique. Il introduit et répand les plantes économiques dont la culture est à conseiller, les multi- plie, sélectionne les variétés, recherche les modes de culture qui leur conviennent le mieux. Il livre aux colons et aux indigènes des semences, plants et boutures. Enfin, il réunit des échantillons des divers produits du pays et s'efforce de les faire connaître.
248 CONFÉRENCE
Ce programme est vaste et demande encore de longs efforts avant d'être complètement rempli. Mais les difficultés de la première heure ont été vaincues, le fonctionnement du service est régulier, et les résultats acquis s'augmentent chaque jour de nouvelles obser- vations recueillies dans les stations dessais que la Direction de l'Agriculture a créées pour y poursuivre la réalisation de son pro- gramme. Nous verrons tout à l'heure ce que sont ces stations, quels sont les travaux qu'on y entreprend et les résultats qu'on leur demande.
Enfin, un personnel s'est formé, qui possède maintenant, si je • puis m'exprimer ainsi, « la pratique du pays » qui, non seulement a acquis l'habitude des travaux de culture tropicale, — qui malgré tout apprentissage antérieur ne devient complète que sur le ter- rain - - mais encore connaît les ressources du pays, le caractère de l'indigène, la manière de le commander, et plus ou moins son lan- gage.
Ce sont là, si l'on veut, des détails, mais ils ont une grande importance pratique à Madagascar, et j'en suis persuadé partout ailleurs. Comme la plupart d'entre vous sont destinés à aller aux colonies et à fai'^e de l'agriculture, je crois bien faire de vous en dire quelques mots, d'autant plus qu'on considère trop souvent ce sujet comme de trop peu d'intérêt pour en parler.
Dans la création d'une exploitation, que ce soit une station d'es- sais ou une plantation particulière, ce sont les débuts qui sont les plus difficiles, surtout pour celui qui ne connaît pas encore le pays. Il faut d'abord recruter des travailleurs, et le malgache est libre de ne travailler que lorsque cela lui plaît.
Le malheur est que cela ne lui plaît pas souvent. Dans bien des cas, l'Européen se trouvera seul avec ses ouvriers, qu'il doit faire travailler à l'établissement de sa plantation ; il éprouve souvent de la difficulté a se faire obéir de ces hommes qui ne le comprennent guère et en profitent souvent pour ne pas exé- cuter même ce qu'ils comprennent fort bien.
Pour la plupart des stations de Madagascar, le premier travail de l'agent de culture était de construire sa propre habitation. Puis on commence le défrichement: il faut tracer une allée, jeter une passe- relle, établir un débarcadère, combler un marigot. Il faut faire cou- per des charpentes en forêt, faire scier des planches, se procurer des pirogues, du riz pour les travailleurs, tout cela avec des indi-
CONFÉRENCE DE M. DESLANDES 249
gènes dont on n'a assurément rien à craindre, mais dont l'intelli- gence est bornée, dont la joie est de vous voir dans l'embarras, que vous ne pouvez quitter un instant sous peine de n'obtenir qu'un travail très faible, et qui pour une raison futile que vous ne soup- çonnerez pas ou même sans raison aucune, vous laisseront tout seul sur le défrichement avec vos outils, vos charpentes et votre pirogue.
Cela arrive quelquefois. Heureusement ce n'est somme toute qu'une exception. Au bout de quelque temps, les indigènes de la région vous connaissent, un certain nombre se fixent sur la concession, y forment un village et constituent un noyau d'ouvriers à peu près stable.
Le défrichement si triste au début devient une plantation ; à mesure que les travaux avancent, que les plantes croissent, que les chemins sont tracés, l'impression de tristesse ou même de découra- gement qui atteint parfois l'esprit au début, disparaît et l'on s'at- tache de plus en plus à ce que l'on a créé.
Mais terminons là cette digression.
Je ne pourrais vous parler de tout ce qui a rapport a l'agricul- ture à Madagascar. Le sujet est beaucoup plus vaste. Je dois me borner à vous entretenir de ce qui concerne la côte orientale de l'île, formant la circonscription agricole de l'Est. C'est la région qui paraît le mieux convenir aux cultures tropicales, et c'est celle où la colonisation a montré le plus d'activité.
Je suis resté quatre ans sur cette côte, depuis le jour où j'ai été appelé à créer la circonscription agricole de l'Est, au commence- ment de 1899, et j'ai eu l'occasion de la parcourir entièrement par voie de terre et de visiter la plupart des exploitations qui y sont établies.
Je voudrais vous parler de ce qui a été fait par la Direction de l'Agriculture dans cette région, et aussi vous dire quelques mots des principales cultures qui y sont actuellement pratiquées dans les plan- tations.
La Direction de l'Agriculture a créé, sur la côte Est, trois établis- sements agricoles :
La station d'essais de l'Ivoloina ; » » de Nahimpoana ;
La cocoterie de Vohidotra.
La station d'essais de l'Ivoloina est située à 1 ï kilomètres au N.-O.
250 CONFÉRENCE
de Tamatave, sur la rivière qui lui a donné son nom et dont elle occupe les deux rives. Les premiers travaux d'établissement ont commencé à la (în de 1897, mais ce n'est qu'à la fin de 1900 que des crédits suffisants permirent d'assurer l'exécution d'un plan d'orga- nisation bien arrêté qui se poursuit d'année en année. Malgré cette existence récente, la Station de llvoloina est considérée comme la plus importante de l'île.
Elle comprend actuellement :
Des pépinières abritées et à l'air libre ;
Une section de plantes mères ;
Un verger tropical ;
Une importante section d'essais de grande culture ;
Un poste météorologique.
Les pépinières commencées en 1808 ont été à plusieurs reprises améliorées et étendues ; elles doivent fournir aux demandes de ces- sions qui sont faites par les particuliers ou l'administration.
Elles comprennent des pépinières abritées et des pépinières à l'air libre.
Les pépinières, appelées aussi ombrières, reçoivent les semis de plantes délicates qui ne pourraient supporter le soleil au début de leur végétation .
Elles abritent aussi des plantes rempotées prêtes pour la livraison ou la mise en place. Certaines espèces, les cacaoyers par exemple, sont aussi repiquées sous abris.
Ces ombrières sont élevées de 1 m 80, et constituées par de solides perches régulièrement espacées, enfoncées dans le sol, et réunies à leurs extrémités par des gaulettes constituées par les st}q3es d'un petit palmier de marais, devenant très léger lorsqu'il est bien sec. Sur cette sorte de canevas sont placées de grandes bruyères qui tamisent la lumière. L'ombrage ainsi obtenu peut être facilement augmenté ou diminué, suivant l'exigence des plants, par l'addition ou l'en- lèvement de bruyères. La pente, l'écoulement des eaux ont été soi- gneusement ménagés, et la préparation du sol, son amendement, les semis, les rempotages, nécessitent les soins presque constants d'un chef pépiniériste. Cas ombrièras ont une superficie de 2.500 à '{.000 mètres carrés. Des châssis reçoivent les semis de graines qui demandent cette précaution et ceux de graines très fines, par
CONFÉRENCE DE M. DESLANDES 251
exemple, d'Eucalyptus, que les grosses pluies entraîneraient rapi- dement.
Un vaste hangar de 20 m X S m sert à la confection des tentes en feuilles de vacoa, de pots en bambou, à la préparation des envois, etc. Tous les envois de plantes venant de la colonie, de l'étranger et surtout du Jardin Colonial de Nogent-sur-Marne sont reçus à la station de l'Ivoloina, et soignés, s'il y a lieu, avant leur réexpédi- tion vers les autres Stations.
Les pépinières à l'air libre occupent environ 5.000 mètres carrés.
C'est là que sont faits les semis des plantes qui peuvent suppor- ter le soleil, ou même qui l'exig-ent dès leur sortie de terre.
On y trouve principalement des arbres d'avenue, des arbres d'om- brage.
Les pépinières de la Station de l'Ivoloina contiennent de très nombreuses espèces végétales, qui se chiffrent en moyenne par un total de plants de 100.000 environ.
Tous les 3 mois paraît dans l'Officiel de la colonie, la liste des plantes livrables pendant le trimestre suivant, avec indications du nombre disponible et du prix de cession. Ce prix est très réduit, et oertaines espèces économiques dont on veut encourager la vulgari- sation sont même cédées gratuitement.
Les espèces mises en cessions sont nombreuses, et comprennent :
Des plantes de grande culture (cacaoyers, théiers, caféiers, poi- riers ;
Des essences à caoutchouc ;
Des arbres d'avenue ;
Des essences d'ombrage ;
Des arbres fruitiers ;
Des bois précieux, des palmiers, des plantes ornementales.
Tous ces plants ne sont livrés qu'après avoir reçu les soins néces- saires, et bons à être mis en place. Suivant les espèces, ils sont cédés en pot, en tente, en motte ou à racines nues.
La section des plantes mères comprend la collection de toutes les plantes que possède la Station, et sur lesquelles on pourra recueillir les graines et boutures nécessaires à leur multiplication. Toutes les nouvelles espèces reçues y sont placées et soigneusement éti- quetées.
252 CONFÉRENCE
Par suite de l'arrivée successive de ces espèces, il n'a pas été possible d'adopter une classification méthodique, mais une partie botanique sera créée, dès que la multiplication des spécimens des plantes mères le permettra. Cette multiplication est déjà possible pour un certain nombre d'espèces.
Les palmiers, cependant, ont pu être placés ensemble, ainsi que
les Ficus.
Le verger n'est aussi qu'une subdivision des plantes mères réser- vée aux fruitiers tropicaux. On y remarque de nombreuses intro- ductions faites par la Direction de l'Agriculture, par exemple le Mangoustan, le Sapotillier, le Letchi chevelu, plusieurs variétés d'Ananas, Lansium domesticum, Diospyros discolor, Mammea ame- ricana, Durio zybethinus.
La section de grande culture est de beaucoup la plus étendue. C'est un vaste champ d'expériences où l'on suit la Culture de nom- breuses espèces économiques. On y attache à la Station de l'Ivo- loina une grande importance, car c'est elle qui doit fournir tous les renseignements concernant les plantes introduites et déterminer d'une façon certaine si on doit en conseiller ou non l'exploitation. On a voulu se mettre en garde contre une tendance trop répandue à la généralisation de résultats obtenus sur des sujets isolés.
On a trop souvent déduit d'une indication fournie par un plant, deux plants, des rendements que l'on traduisait par une récolte de tant à l'hectare. En procédant ainsi, on s'expose à de grossières erreurs. Pour pouvoir généraliser et obtenir des moyennes exactes, sur les rendements, les comptes de culture, il faut opérer sur un grand nombre de sujets, dont les qualités individuelles se détruisent, se contrebalancent ; en un mot, il faut se placer autant qu'on le peut dans les conditions de la grande culture.
On ne peut songer dans une Station d'essais qui doit s'occuper de nombreuses espèces, à cultiver chacune sur de très grandes sur- faces. Mais on a pensé que 1/4 d'hectare attribué à chaque essai permettrait d'obtenir des résultats pouvant être généralisés dans la plupart des cas.
Le champ d'expériences de la Station de l'Ivoloina comprend déjà un grand nombre d'essais :
Cacaoyer. Variétés introduites, i parcelles. Vanille. 1 parcelle. 2.500 mètres.
CONFÉRENCE DE M. DESLANDES 253
Caféiers de diverses variétés et en particulier des hybrides de Libéria par Arabica qui jusqu'à présent semblent donner des résul- tats satisfaisants. La première fructification de ces hybrides et d'hy- brides greffés a eu lieu, et le travail de sélection va commencer sur les jeunes plants que fourniront ces semis. On espère aussi arriver à posséder des caféiers à grain de bonne qualité, et résistant à l'IIemileia Vastatrix qui ne permet pas sur la côte Est la culture du caféier de Bourbon, ni des variétés de C. Arabica. Ainsi qu'on l'a constaté à la Station de l'Ivoloina, les traitements cupriques eux- mêmes sont impuissants.
On trouve aussi un essai sur le bananier textile, plusieurs par- celles réservées au caoutchouc du Para (Hevea Brasiliensis), plusieurs aussi à différentes variétés de Théier.
Les plantes à caoutchouc sont encore représentées par le Céara, le Castilloa El., le Ficus Vogelii.
D'autres parcelles sont réservées : au giroflier, au muscadier, au kolatier, au poivrier, à la Coca, à la Cardamone, aux plantes à par- fums : Ylang Ylang, 2 var. ; Patchouly, Citronnelle. Les cultures potagères ont fait depuis plusieurs années l'objet d'observations suivies.
Les parcelles du champ d'expériences sont séparées ou bordées par des chemins ou des avenues plantées d'un grand nombre d'es- pèces d'arbres introduits, comme le Cedrela odorata, le sablier des Antilles, le Kigelia pinnata, le Sterculia alata, divers palmiers, plantes inconnues auparavant à Madagascar.
La Direction de l'Agriculture, grâce au Jardin Colonial, à des échanges faits avec des Stations agronomiques étrangères (particuliè- rement Buitenzorg-), a pu introduire un grand nombre d'espèces nou- velles. Sur les 400 espèces environ qu'on trouve à la Station de l'Ivoloina, plus de la moitié ne se trouvent encore que là et chez les planteurs qui les ont demandés en cession.
Toutes assurément n'ont pas la même importance.
Parmi les plus précieuses, je citerai :
Des variétés de cacaoyer et de caféier, le muscadier, la coca, le poivrier, le patchouly, le thé d'Assam, de Manipury, de Gambouz, le Combrétum Raimbaultii, l'Acajou ; de nombreux fruitiers que j'ai cités précédemment, et des arbres d'ombrage et d'avenue, des plantes à gutta et à caoutchouc.
'2'.')ï CONFÉRENCE
Cette partie delà Station s'étend rapidement, et les expériences deviennent de plus en plus intéressantes à mesure que les plantes vieillissent. Une comptabilité technique soigneusement tenue assure la conservation de tous les renseignements recueillis : renseigne- ments culturaux. comptes de cultures, etc.
Un laboratoire doit être joint k cette section. On pourra étudier les meilleures méthodes de préparation, y analyser les terres, a faire l'examen des maladies cryptogamiques.
L'observatoire météorologique n'est qu'un des 33 postes dissé- minés dans l'île et dépendants de la Direction de L'Agriculture. Celui de la Station de 1 Ivoloina est toutefois plus complet que la plupart des autres. On y fait les observations suivantes : température au thermomètre fronde, température maximum et minimum, tempéra- ture du sol à 0"' Hl et 0 "' 50, état hygrométrique, pression baromé- trique, chute pluviale. Un thermomètre enregistreur permet de con- trôler les observations de température.
On peut se rendre compte par ce qui précède que le travail accompli est déjà considérable. D'autre part, les résultats per- mettent de bien augurer du succès de nombreuses cultures.
Chaque jour apporte sa part de connaissances nouvelles.
On s'occupe à la Station de l'Ivoloina de remplacer autant que pos- sible le travail du malgache par celui des animaux et des instru- ments agricoles. C'est important dans ce pays où la main-d'œuvre n'est pas toujours facile à se procurer, et surtout où elle est in- stable.
La charrue est appelée à jouer un rôle et elle fonctionne déjà à l'Ivoloina.
Les nettoyages à l'angade partout pratiqués ont été remplacés par le travail à la sape, oO °/0 moins cher.
Au moment de mon départ, j'attendais deux mulets pour essayer les nettoyages entre les lignes avec une légère charrue bineuse.
Un petit Decauville a permis d'effectuer des terrassements indis- pensables pour les pépinières, pour l'écoulement des eaux, pour h3 tracé des allées, les transports de pierres pour la construction de débarcadères, de fumier pour des essais culturaux. de terre pour combler des marigots.
Enfin, j'ajouterai que le service de l'agriculture a effectué à la Station de l'Ivoloina la construction de quatre petites maisons d ha- bitation coloniale, d'un grand hangar, d'une écurie, d'un hangar à
CONFÉRENCE DE M. DESLANDES 255
bœufs pour quarante bêtes, le tout avec ses seuls moyens et avec les matériaux du pays.
D'ici peu d'années, sans aucun doute, ce qui manque ou laisse encore à désirer sera créé ou amélioré, mais dès à présent la Sta- tion de l'Ivoloina est en mesure de rendre d'importants services à la colonisation sur la côte Est de Madagascar.
La cocoterie de Vohidotra a pour but de produire des semences et plants de cocotiers destinés à être cédés aux colons et aux indi- gènes, d'introduire et de répandre les meilleures variétés de Cocos nucifera, d'introduire les industries se rattachant au cocotier, de rechercher les meilleures méthodes de culture à adopter pour cette plante, enfin de déterminer quelles cultures accessoires pourraient être adjointes à celle du cocotier dans la zone littorale.
La cocoterie de Vohidotra est située à environ 9 kilomètres de Tamatave, et à un peu plus d'une heure de pirogue de la station de l'Ivoloina, non loin de* l'embouchure delà rivière. Elle est bornée à l'Est par une lagune qui communique avec l'Ivoloina et se prolonge au sud de l'autre rive jusqu'à 4 kilomètres de Tamatave, ce qui faci- lite les transports en permettant d'utiliser les pirogues.
Le sol est de nature sablonneuse, et sa richesse médiocre. La zone littorale de la côte Est étant composée presque partout de terrains analogues, l'essai fait à Vohidotra présente un intérêt spécial au point de vue de la mise en valeur de surfaces très étendues restées jusqu'ici à peu près incultes.
[A suivre.)
NOTE
SUR LE RENDEMENT DU CAEÉ LIRÉRIA DE FORT-DAUPHIN
M. l'agent de culture Delgove, chargé de la Station d'Essais de Fort-Dauphin, s'est livré à d'intéressantes expériences sur le poids des baies du caféier de Libéria et a cherché à déterminer exacte- ment le rendement en café marchand d'une quantité donnée de cerises; il communique à ce sujet les renseignements suivants, obte- nus avec 10 kilos de cerises de grosseur moyenne.
Nombre total de cerises ». . . . 2 . 1 00
de cerises contenant 2 grains 1 .200
de cerises contenant 1 grain 000
Poids de la pulpe humide 5 k. 500
Poids du café en parche, mouillé i k. 500
Nombre de grains en parche 3 . 300
Poids du café en parche, sec 1 k. 41 o
Poids du café brut après décortication et
vannage 0 k. 050
Poids de la parche et de la pellicule 0 k. 465
Poids des grains entiers non tachés 0 k. 710
tachés 0 k. 000
— — quelque peu cassés et non
tachés 0 k. 090
Poids des brisures 0 k. 000
Poids du café marchand obtenu 0 k. 800
Un kilo de baies moyennes donne 80 grammes de café marchand. Il faut donc 12 kil. 500 de cerises pour produire un kilo de café commercial et ces 12 kil. 500 contiennent 2.625 baies.
Delgove, Agent de culture, chargé de la Station d'Essais de Fort-Dauphin.
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Agricole, Scientifique et Commercial publié par J. VILBOUCHEVITCH
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Le Journal d'Agriculture tvr, ' réservé aux questions d'actualité.
Il est international et s'adress is aux colonies françaises, aux colonies portugaises
et aux pays de l'Amérique centrale cl de l'Amérique du Sud.
Il s'est fait une spécialité des machines employées en agriculture tropicale.
Il donne tous les mois une revue complète des publications nouvelles. La partie commerciale est intelligible pour tout le monde et toujours intéressante.
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Du reste ses efforts ont été couronnés de succès puisqu'elle a obtenu 7 Grands Prix à l'Exposition Universelle de 1900, dont un spécialement accordé pour son Exposition Coloniale. En outre, le Jury de la dernière Exposition d'Horticulture de Paris de 1901 vient à nouveau de confirmer les décisions du Jury de l'Exposition uni- verselle en lui attribuant le Prix d'Honneur pour sa collection de plantes utiles présentées en jeunes sujets cultivés pour l'exportation dans les pays chauds.
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MAÇON, I'ROTAT FRERES, IMPRIMEURS
4e année.
Novembre-Décembre 1904.
Nu 21
MINISTERE DES COLONIES
Inspection générale de l'Agriculture coloniale.
L'Agriculture pratique
des pays chauds
BULLETIN DU JARDIN COLONIAL
ET DES JARDINS D'ESSAI DES COLONIES FRANÇAISES
Paraissant tous les deux mois.
LES DOCUMENTS ET COMMUNICATIONS
se rapportant à la Rédaction
doivent êtres adressés
à l'Inspection Gle de l'Agriculture Cle
AU MINISTÈRE DES COLONIES
TOUTES COMMANDES OU RECLAMATIONS
relatives au service du Bulletin
doivent être adressées directement
à M. A. Challamel, Éditeur
rue Jacob, 17, Paris
PARIS
Augustin CHALLAMEL, Editeur
Rue Jacob, 17
Librairie Maritime et Coloniale.
Les abonnements partent du Ier Juillet. Prix de l'Année (France, Colonies et tous pays de l'Union postale). — 20 fr.
La reproduction complète d'un article ne peut être faite qu après autorisation spéciale.
Les citations ou reproductions partielles sont autorisées à la condition de mentionner la source de l'article.
PUBLICATIONS DU MINISTÈRE DES COLONIES
REVUE COLONIALE
Explorations. — Missions. — Travaux historiques et géographiques. — Archives
Etudes économiques
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PARIS — Augustin CIIALLAMEL, Éditeur, rue Jacob, 17
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L'Agriculture pratique des Pays Chauds
BULLETIN DU JARDIN COLONIAL ET DES JARDINS D'ESSAI DES COLONIES
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Feuille de Renseignements de l'Office Colonial
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COLONISATION : Exploitations agricoles et industrielles, enquêtes économiques, etc. COMMERCE : Renseignements commerciaux et statistiques ; Avis d'adjudications :
Offres et demandes commerciales ; Mouvement des paquebots ; Listes des maisons
de commerce, etc.
ABONNEMENT ANNUEL : France, 5 fr. — Colonies et Union postale, 6 fr.
PARTIE OFFICIELLE
MADAGASCAR ET DÉPENDANCES
DÉCRET
réglementant le régime des terres domaniales à Madagascar.
RAPPORT au Président de la République française.
Paris, le 3 juillet 1904.
Monsieur le Président, Un décret du 26 septembre 1902 ayant réglementé le domaine public à Madagascar, je me suis préoccupé, d'accord avec le Gouverneur général de Madagascar, d'y organiser le régime des terres domaniales.
C'est dans ce but et afin de compléter la législation domaniale de la grande lie cpje j'ai fait préparer le projet de décret ci-joint que j'ai l'hon- neur de soumettre à votre haute sanction.
Le Ministre des Colonies, Gaston Doumergue.
Le Président de la République française,
Vu l'article 16 du Sénatus consulte du 3 mai 1854 ;
Vu la loi du 6 août 1896 déclarant colonie française Madagascar et les îles qui en dépendent;
Vu la loi locale du 9 mars 1896;
Vu le décret du 16 juillet 1897, portant règlement sur la propriété fon- cière ;
Vu l'arrêté du 10 février 1899 relatif à l'attribution des concessions des terres domaniales ;
Vu le décret du 16 juillet 1898, instituant près du Ministre des Colo- nies une commission des concessions coloniales ;
Vu le décret du 26 septembre 1902 sur le domaine public à Madagascar ;
Sur le rapport du Ministre des Colonies, Bulletin du Jardin colonial. 1"
258 documents officiels
Décrète :
Article Ie'. — Les terres vacantes et sans maître de Madagascar font partie du domaine de l'Etat.
Art. 2. — A moins qu'il n'en soit autrement ordonné par des disposi- tions législatives ultérieures, les produits domaniaux de Madagascar resteront attribués au budget local de la colonie, à titre de subvention pour les dépenses de colonisation.
Art. 3. — Font partie du domaine de la colonie les portions de terri- toire qui lui proviendront de dotations consenties par l'Etat ou qui seront acquises au moyen des fonds du budget local.
Art. 4. — La concession d'une terre domaniale est donnée : 1° Lorsque la superficie de la concession ne dépasse pas 10.000 hect. suivant les conditions de l'arrêté local en date du 10 février 1899, approuvé par le Ministre des Colonies, ou toutes autres conditions qui pourront faire l'objet de réglementations ultérieures après approbation par le Ministre des Colonies;
2° Lorsque la superficie dépasse 10.000 hect. par un décret avec cahier des charges, après avis du Gouverneur général et de la commission des concessions coloniales instituées par le décret du 16 juillet 1898, et sur le rapport du Ministre des Colonies.
Art. 5. — Il n'est en rien dérogé par les dispositions ci-dessus au décret du 26 septembre 1902, réglementant le domaine public à Mada- gascar.
Art. 6. — Le Ministre des Colonies est chargé de l'exécution du pré- sent décret, qui sera inséré au Journal officiel de la République fran- çaise, au Bulletin officiel du Ministère des Colonies et au Journal offi- ciel de Madagascar et Dépendances.
Fait à Paris, le 3 juillet 1904.
Emile Loubet.
INDO-CHINE FRANÇAISE
ARRÊTÉ
allouant une subvention de 6.000 fr. au budget local du Tonkin, en vue de Vachal de cinquante poulinières.
Le Gouverneur général de l'Indo-Chine, officier de la Légion d'hon- neur,
DÉCRET 259
Vu le décret du 21 avril 1891 ;
Vu le décret du 7 février 1901, portant organisation de la Direction de l'Agriculture, des Forêts et du Commerce de l' Indo-Chine;
Vu le budget général de llndo-Chine, pour l'exercice 1904;
Sur la proposition du Directeur de l'Agriculture, des Forêts et du Com- merce, et l'avis conforme du Secrétaire général de llndo-Chine,
Arrête :
Article 1er. — Une subvention de 6.000 piastres est allouée au budget local du Tonkin, en vue de l'achat de cinquante poulinières.
Art. 2. — Cette dépense sera imputée au budget général de l'Indo- Chine pour l'exercice 1904, chapitre III, article 8, paragraphe premier.
Art. 3. — Le Secrétaire général de l'Indo-Chine et le Directeur dé l'Agriculture, des Forêts et du Commerce sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté.
Hanoï, le 19 juillet 1904.
Beau.
ÉTABLISSEMENTS FRANÇAIS DE L'OGÉANIE
DÉCRET
portant fixation de la quantité de vanilles originaires des établissements français de VOcéanie a admettre en France sous un régime de faveur pendan t la campagne 1 904- 1905.
Le Président de la République française, Sur le rapport des Ministres des Colonies et des Finances, Vu l'article 3 de la loi du 11 janvier 1892, portant détaxe de droits du tarif métropolitain pour certains produits originaires des Colonies,
Décrète :
Article 1er. — La quantité de vanilles originaires des établissements français d'Océanie qui pourront être admises en France, du 1er juillet 1904 au 30 juin 1905, dans les conditions établies par le décret susvisé du 30 juin 1892, est fixée à 15.000 kilos.
Art. 2. — Le Ministre des Colonies et le Ministre des Finances sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.
Fait à la Bégude-de-Mazenc, le 2 septembre 1904.
Emile Loubet.
260 , DOCUMENTS OFFICIELS
NOMINATIONS KT MUTATIONS
DU PERSONNEL AGRICOLE
Par arrêté du Gouverneur général de l'Indo-Chine, en date du 11 juil- let 1904, M. Salvan (André), aide-jardinier à la Direction locale de l'Agriculture du Tonkin, est nommé jardinier à la solde de 4.000 francs, à compter du 14 juillet 1904.
Par arrêté du Gouverneur général de l'Indo-Chine, en date du 11 juil- let 1904, M. Douarche (Louis-Eugène), vétérinaire-inspecteur des épizoo- ties de 5e classe, est nommé vétérinaire-inspecteur des épizooties de 4e classe, à compter du 14 juillet 1904.
Par arrêté du Gouverneur général de l'Indo-Chine, en date du 1 1 juil- let 1904, M. Aufray (Maurice), chef du laboratoire, est nommé Directeur de laboratoire d'analyses, à la solde annuelle de 10.000 francs, à compter du 14 juillet 1904.
Par arrêté du Gouverneur général de l'Indo-Chine, en date du 11 juil- let 1904, M. Pierre (Ernest), agent de culture de 3e classe au Cambodge, est nommé agent de culture de 2e classe.
Par arrêté du Gouverneur général de l'Indo-Chine, en date du 21 juil- let 1904, M. Martin de Flacourt, sous-inspecteur de l'Agriculture, est chargé d'assurer le fonctionnement de la Station de cultures expérimen- tales de Thanh-ba (province de Hung-hoa).
Par arrêté du Gouverneur général de l'Indo-Chine, en date du 27 juil- let 1901, M. Bui-quand-Chieu, ingénieur-agronome, professeur de 4e classe, du cadre local de la Cochinchine, détaché à la direction locale de l'Agriculture en Annam est nommé professeur de 3e classe, à compter du Ie' juillet 1904.
MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
EXTRAIT DU RAPPORT
...Quiconque a pu suivre par des voyages renouvelés les étapes successives du développement de la Guinée Française, n'a pas manqué que d'être profondément impressionné par les rapides pro- grès de cette colonie, née d'hier, et qui présente l'aspect d'une possession solidement organisée.
Pour nous, qui y étions passé en 1891, en 1894 et 1896, nous avons revu, non sans surprise, tous les progrès accomplis à Kona- kry. Simple coin de brousse il y a douze ans, c'est aujourd'hui une ville aux avenues plantées, aux quais solidement construits et pos- sédant un appontement que les navires peuvent aborder, des fon- taines alimentées par des prises d'eau venant de l'intérieur, et où résonne déjà le sifflet de la locomotive, prête à franchir le long ruban de route qui, escaladant vaillamment le massif montagneux du Fouta-Djalon, va atteindre tout à l'heure les vastes régions qu'ar- rose le Niger.
Certes, quiconque connaît ce groupe merveilleux de colonies, qui constituent dans leur ensemble l'Afrique Occidentale française, qui- conque a visité tous les points d'escale des lignes qui suivent, cette côte est prêt à déclarer qu'en aucun lieu aucun progrès apparent n'a été aussi rapidement accompli.
Telle qu'elle se présente aujourd'hui, l'escale de Konakry laisse au voyageur une impression profonde, car il y constate non pas seulement des embellissements de tous genres, et cette note particu- lière que donne à nos colonies une organisation dirigée par des ser- vices européens, mais une grande activité chez les indigènes qui par- court les avenues et les boulevards, poussent les vagonets qui sil- lonnent la ville et s'assemblent au seuil des factoreries ou sur les places des marchés.
Une très grande activité règne, en effet, en ville, et dès que les
262 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
grandes pluies terminées permettent aux caravanes de suivre la route du Niger et d'amener de l'intérieur des produits aux factore- ries de la côte, on voit chaque jour, à toutes heures, de longues théories d'indigènes, la tête chargée de ballots qu'enveloppent des feuilles de palmiers, s'avancer d'un pas rapide vers les maisons de commerce, où elles trouveront à échanger leurs produits contre des denrées européennes.
Que l'élan est donné, que la Guinée possède en elle, grâce à ses populations indigènes, à ses productions naturelles ou culturales, et surtout à son organisation, à ses routes, une force vive qui accuse une vie économique réelle, il n'en faut pas douter. Mais il convient d'examiner quelles sont les sources de cette vie économique, et de voir surtout si elles sont à l'heure actuelle suffisamment captées et canalisées pour assurer la pérennité de cette existence et présider à un développement chaque jour plus intense qui puisse conduire la jeune colonie vers une définitive prospérité.
Il importe que cette activité qui règne dans le monde commercial européen comme dans les classes indigènes ne se traduise pas par un travail stérile, mais qu'elle concoure au développement de la richesse économique de cette possession.
Et cette question, qui en tout temps devrait présenter pour nos colonies un intérêt primordial, emprunte aux circonstances pré- sentes, pour la Guinée, une importance considérable. En effet, au moment où son outillage économique se complète par l'ouverture à l'exploitation du premier tronçon de chemin de fer de pénétration, il importe de se rendre un compte exact de ce qui va alimenter cette artère nouvelle et si le sang qu'elle va être chargée de charrier est de nature à soutenir la vie des contrées qu'il traverse aussi bien que des centres vers lesquels il afflue.
Afin de se rendre un compte exact de l'ensemble des conditions qui régissent la vie économique d'une colonie, il importe d'étudier, avec quelques détails, chacune des données composantes, et qui, par leur groupement, donnent une physionomie précise du mouvement tout entier. Il serait de la plus haute imprudence de s'en rapporter aux événements, aux conditions naturelles, aux caprices des indi- gènes, aux courants irraisonnés d'idées, auxquels ils peuvent se laisser aller, pour régler l'avenir de la production, c'est-à-dire du commerce d'exportation.
Or, sur plus d'un point de notre empire colonial, nulle autre
EXTRAIT DU RAPPORT 263
règle n'a été suivie que celle qu'ont imposée les conditions natu- relles de la production. On s'est trop souvent figuré, en effet, que la richesse d'une colonie ne pouvait provenir que de la nature elle- même et de la quantité de produits naturels que renferme son sol ou ses forêts. D'une semblable façon d'envisager les choses, il en est maintes fois résulté qu'à des engouements inconsidérés ont succédé des discrédits injustifiés. Il faut se garder des uns, autant que se méfier des autres. Ce serait faire œuvre imprudente, et sans durée, que de s'en rapporter aux circonstances naturelles, pour régir la pro- duction des éléments qui doivent alimenter la vie économique d'une colonie et, partant, d'en baser et d'en assurer l'avenir.
Nous trouverons dans l'examen des parties composantes du pro- blème économique qui régit la production de la Guinée, une confir- mation de cette règle que l'on peut considérer comme absolue, tant elle comporte peu d'exceptions.
Nous allons donc dresser l'inventaire économique de la Guinée, et passer en revue les diverses productions qui, d'une part et jus- qu'à ce jour, sont dues aux croissances spontanées et qui, de l'autre, pourraient être fournis par une mise en valeur méthodique du sol de la colonie.
I. — LES PRODUITS NATURELS LE CAOUTCHOUC
Jusqu'à l'heure présente la prospérité commerciale et par suite la richesse entière de la Guinée résident dans la récolte du caoutchouc. Il importe de se rendre compte de la marche de la production d'une matière qui a pour la colonie qui nous intéresse une aussi haute importance. Voici les chiffres que nous fournit la statistique doua- nière de la colonie :
1896 3.815.037 francs.
1897 4.899.979
1898 5.939.186 —
1899 6.993.577 —
1900 7.580.120 —
1901 5.193.041 —
1902 8.661.699 —
264 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
Ce tableau montre que la valeur du produit exporté a été en accroissement régulier et constant, s'élevant chaque année d'environ un million jusqu'à 1901, qui accuse un fléchissement marqué, puisque le total est inférieur de plus de trois millions à ce qu'il aurait dû être, si la progression avait suivi un cours normal. L'équi- libre semble rétabli en 1902. Il l'est en effet sous le rapport de la somme globale, représentant la valeur du produit, mais il ne donne qu'une physionomie inexacte de la situation, car il est dû non à une augmentation des quantités exportées mais bien à un relève- ment des cours. Ce relèvement est dû à deux causes, l'une l'aug- mentation générale du cours du caoutchouc, l'autre, la principale, à l'amélioration des produits locaux. Cette amélioration est le résul- tat direct d'une réglementation qu'il convient d'examiner et dont les effets se sont immédiatement fait sentir dans le sens d'une vente faite à un taux plus élevé, et par suite incontestablement profitable au bon renom qui s'attache aux produits de la colonie.
Les produits de la Guinée jouissent à l'heure actuelle d'une faveur toute spéciale sur les marchés. Le fait est incontestablement dû aux mesures qui ont été prises par l'administration, en vue d'améliorer le produit et de réprimer les fraudes auxquelles se livraient les indigènes.
En raison de la hausse incessante de la valeur du caoutchouc et des demandes croissantes qui en résultèrent, les indigènes employaient tous les moyens en leur pouvoir, pour en augmenter la quantité, sans se rendre compte, sans doute, des préjudices que les falsifications faites par eux apportaient à la vente du produit. Les commerçants qui auraient pu, semble-t-il, réprimer ces fraudes en opposant un refus absolu d'acheter tout produit sophistiqué, pré- férèrent réclamer de l'administration une réglementation interdi- sant la circulation et la vente de tout produit frelaté.
Un arrêté du 2 mai 1900, du Gouverneur de la Guinée, pris sur la demande expresse de tous les commerçants de Konakry, interdit la circulation et la vente du caoutchouc en boules entières. Il pres- crit l'obligation de fendre ces boules, et prévoit des peines variant de 1 à 15 jours d'emprisonnement et de 1 à 100 francs d'amende.
Une autre disposition réglée par un arrêté en date du 22 mai 1901 précise et étend les réserves sous lesquelles les caoutchoucs seront considérés comme bons et admis comme tels à l'exportation.
Aux termes de ce règlement, ainsi qu'il est dit à l'article 2, « sont
EXTRAIT DU RAPPORT
265
considérés comme frelatés les caoutchoucs fabriqués avec les racines, les caoutchoucs gluants et ceux qui contiendront des matières étrangères quelconques, autres que les particules d'écorces incorporées pendant la fabrication » ; et à l'article 3, « les postes de douanes ne pourront délivrer aux caoutchoucs ci-dessus spécifiés aucune expédition ni de sortie, ni de cabotage ».
Enfin, un arrêté du 20 février 1903 aggrave encore la réglemen- tation prescrite par les précédentes dispositions, et autorise la con- fiscation de tout produit qui est reconnu impur.
Paysage de Moyenne-Guinée
Les résultats de ces différentes ordonnances a été d'amener immédiatement une amélioration dans la qualité et, par suite, une élévation du prix de vente. Il n'est pas douteux que tels qu'ils sont exportés à l'heure actuelle, les caoutchoucs de la Guinée sont de qualité excellente, étant exclusivement fabriqués avec le latex de gohine et ne comportant le mélange d'aucune impureté intention- nellement introduite. A ce point de vue spécial, on peut donc con- sidérer que la réglementation prise par l'administration, sur la demande exprimée par les commerçants, a donné tout l'effet que l'on en attendait.
266 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
Il convient d'examiner quelle est la conséquence de cette régle- mentation sur la production générale de la Guinée. Dans ce but, il importe de se rendre compte des causes pour les quelles le caoutchouc ne- présentait pas, avant la mise en vigueur de ces mesures spé- ciales, toutes les qualités voulues. L'infériorité constatée dans les caoutchoucs, antérieurement à 1901, était due à deux causes dis- tinctes. L'une provenait des impuretés les plus diverses, que sciem- ment, intentionnellement même, les indigènes introduisaient dans la masse du caoutchouc pour en augmenter le poids. En maintes circonstances, il a été facile de constater dans les boules de caout- chouc la présence de pierres, de poches d'eau, de bois, parfois même de fruits, tels qu'une orange, placés au centre pour en aug- menter le poids et le volume. D'autres fois, le caoutchouc, au lieu d'être sec et nerveux, tel qu'il est lorsque le suc de la liane Gohine a seul servi à sa fabrication, est résineux ou poisseux et adhérent aux doigts.
Ce défaut tient au mélange du latex ayant servi à le constituer. Diverses plantes, et en particulier le Dob (Ficus Vogelii), four- nissent un latex abondant, mais donnant un caoutchouc gras. Il sufïit d'une faible adjonction de ce lait pour détruire complètement la qualité du produit fourni par la Gohîne.
La réglementation prise par les divers arrêtés dont il vient d'être question avait donc pour but de réprimer la fraude par adjonction de matières étrangères et l'adultération par mélange de suc divers au latex de la Gohine.
Le but a été, il faut le reconnaître, pleinement atteint. Il est même permis de se demander s'il n'a pas été dépassé. Que les com- merçants aient réclamé une réglementation réprimant les fraudes, cela peut se comprendre, bien qu'il leur eût été loisible de refuser l'achat de toute matière renfermant des corps étrangers. Mais ce refus d'acheter aurait amené la perte d'une certaine quantité de pro- duits, et l'on est arrivé plus rapidement au but désiré, par la prise des mesures édictées. Cependant, la proscription de tous les pro- duits autres que ceux de la liane Gohine nous semble contraire aux intérêts des commerçants, et, par suite, de la colonie; sans même insister sur ce fait que l'indigène, privé du droit de vendre le pro- duit de toute autre plante, saigne, avec plus d'ardeur encore que par le passé, la liane Gohine, seule productrice antorisée du caoutchouc admis dans le commerce, il n'est pas sans intérêt de faire ressortir
EXTRAIT DU RAPPORT 267
que la colonie se prive, de ce fait, d'un produit, secondaire il est vrai, mais qui n'en a pas moins une réelle valeur et qui peut être produit en grande abondance.
Si, en effet, les caoutchoucs nerveux sont ceux que le commerce recherche le plus activement en raison du haut prix qu'ils atteignent, il n'en est pas moins vrai que les caoutchoucs poisseux sont employés par l'industrie qui en trouve l'emploi courant dans la fabri- cation d'objets de seconde qualité. Tels qu'ils sont, ils trouvent encore preneur à des prix qui sont rarement inférieurs à deux francs le kilogramme et peuvent atteindre même trois francs. Des produits naturels dont la valeur est de deux à trois mille francs la tonne n'abondent nulle part, et il semble regrettable que, sous la raison d'empêcher qu'ils ne soient mélangés à des produits supérieurs et ne déprécient la valeur de ces derniers, on en ait empêché la récolte et l'exportation
II
... Il nous faut constater qu'à l'heure actuelle la quantité totale produite va en diminuant.
On pourrait alléguer que l'exportation faite actuellement par les ports de la Guinée ne donne pas une situation exacte du marché, car il est permis de supposer qu'une partie des produits récoltés sur le sol de la colonie est exporté par les routes des colonies voisines. En réalité, il en est ainsi pour les récoltes faites dans les territoires voisins du Niger où les commerçants font suivre à leurs produits d'autres routes que celles conduisant aux ports guinéens. C'est ainsi que l'on sait fort bien qu'une partie des caoutchoucs est exportée par le Sénégal, et, si nous constatons que l'exportation de cette dernière colonie augmente en ce qui concerne le caoutchouc, c'est incontestablement pour la raison que les produits de la haute Gui- née viennent alimenter ces marchés. Par contre, il est juste de dire qu'une bonne part du caoutchouc de la Guinée provient des terri- toires profonds de la Cote d'Ivoire, et, il n'en faut pas douter un seul instant, le jour où cette dernière colonie aura sa route propre, par la création de sa voie ferrée, une quantité notable du produit s'écoulera par cette nouvelle artère.
La récolte, la vente et par suite l'exportation, sont en décrois-
268 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
sance. On peut, sans trop s'avancer, affirmer que la courbe qui fléchit déjà ne se relèvera plus, si Ton en reste à la source unique jusqu'à ce jour mise en valeur.
Cependant chaque jour l'organisation de la Guinée se complète. Des routes nouvelles sont ouvertes, une sécurité plus grande per- met aux caravanes de franchir librement les territoires et d'apporter dans les centres commerciaux le produit de leur récolte. En même temps, les prix se relèvent et cette augmentation de valeur est due à une pureté plus grande du produit, à des procédés meilleurs de de récolte et de préparation.
Quelle est donc la cause de la diminution de production ? Il ne faut pas hésiter à le déclarer, car il importe de connaître les vraies causes du mal si l'on veut y porter un remède efficace, cette décrois- sance est due exclusivement à la raréfaction progressive des plantes produisant le caoutchouc.
A l'heure actuelle, ces plantes appartiennent à une seule espèce, la Liane Gohine (Landolphia Heudelotii). C'est à elle seule que doit être demandé le latex dont la coagulation fournit le caoutchouc d'exportation. Les réglementations spéciales ne permettent pas plus le mélange que la récolte et l'exportation des produits que pour- raient donner d'autres plantes caoutchoutifères.
La liane Gohine étant la seule plante productrice, c'est d'elle seule qu'il convient de s'occuper. Ce n'est pas le lieu de donner ici, serait-elle sommaire, une description de cette plante; cepen- dant il ne paraît pas inutile de rappeler que, comme le nom l'in- dique, il s'agit d'une liane, c'est-à-dire d'une plante incapable de se soutenir et réclamant, nécessairement, des supports, que, d'autre part, le fruit est de ceux que Ton désigne sous le nom de baie cor- tiquée, c'est-à-dire que, sous une écorce assez résistante, se trouvent quelques graines libres.
Telle qu'elle se présente, cette plante est assez mal armée pour la lutte. Spontanément, sa propagation est peu aisée. Les enfants ou les singes cherchent les fruits, brisent l'écorce et après avoir sucé la pulpe en jettent les graines, aidant ainsi à une dissé- mination naturelle.
Mais la graine est grosse et a besoin d'être enterrée pour germer et pousser. La croissance de la jeune plante est lente, seuls les semis qui rencontrent une terre fertile se développent assez vite pour être en état de résister bientôt aux causes multiples de destruc-
EXTRAIT DU RAPPORT 269
tion. Aussi importe-t-il d'établir dès maintenant qu'il est impos- sible de compter sur une reproduction naturelle des plantes pro- ductrices.
Si une compensation naturelle ne s'établit pas, ne peut-on, par une exploitation mieux conduite, plus étroitement réglementée, espérer d'arriver à une conservation plus longue des plantes pro- ductrices, de façon à établir un équilibre entre la destruction et la reproduction? Il serait téméraire d'y compter et inutile, sans doute, de porter de ce côté tous ses efforts, car il est des causes naturelles de destructions contre lesquelles il semble que l'on ne puisse rien. On sait, en effet, que la récolte du caoutchouc se fait en incisant la liane pour permettre au lait charrié par ses laticifères de s'écouler. Certes, les indigènes emploient, dans la plupart des cas, des procé- dés barbares, et leurs incisions sont si cruelles qu'elles tuent en peu de temps la précieuse plante. Il n'est pas douteux que des incisions mieux faites, et surtout pratiquées d'une façon plus modérée, seraient de nature à prolonger la vie de la plante, et, par suite, à donner plus de durée à la période des récoltes.
Sans rentrer, à cet égard, dans de longues dissertations que com- porterait le sujet pour être traité à fond, on peut dire que ces inci- sions, pour être moins meurtrières, devront se faire non transver- salement mais suivant un sens longitudinal : plus on se rapprochera de cette disposition et moins l'on portera atteinte à la vie de la plante.
Mais quelles que soient les précautions prises, il n'est pas dou- teux qu'en un temps très court la liane doit succomber à ces inci- sions. Elle n'est pas armée pour résister à ces atteintes répétées et l'on ne saurait la comparer à des arbres caoutchoutifères du Brésil, par exemple, qui, depuis de nombreuses années, sont soumis à des entailles et résistent cependant. Mais il s'agit là d'arbres robustes, au tronc large, nullement comparables aux lianes de la Guinée.
Une autre cause de destruction réside dans les incendies allumés, chaque année, après la saison des pluies, dans le but de détruire les herbes sèches. Les indigènes ne manquent jamais à cette coutume. C'est, pour eux, le moyen, en débarrassant le sol de hauts chaumes qui entravent la circulation et gênent la vue, de se livrer plus aisé- ment aux opérations de chasse et, en même temps, de faire repous- ser plus tôt un regain d'herbes vertes qui va fournir, au début de la saison sèche, un pâturage à leurs troupeaux. Mais rien ne limite
270 MISSION E* GUINÉE FRANÇAISE
les ravages de l'incendie ; s'il trouve des éléments dans des branches mortes, dans des matériaux quelconques entassés sur le sol, il prend une intensité extrême, rase les vallées, escalade les coteaux, attaque les forêts elles-mêmes et cause les plus sérieux dommages à la végétation arbustive.
Les pertes naturelles qu'a fait subir aux territoires africains la déplorable coutume, suivie depuis des siècles, d'incendier les hautes herbes, représentent un dommage incalculable. C'est de ces incen- dies que sont nés les déserts. Leur étendue gagne chaque année.
Là où, au début du siècle dernier, on signalait l'existence de forêts, ce ne sont plus que bouquets d'arbres et brousses légères qui feront place bientôt à la steppe herbeuse, l'acheminement normal vers la dénudation désertique.
Les lianes à caoutchouc souffrent doublement de ces incendies, par les atteintes directes du feu et par la destruction des arbres qui leur servent de support et d'abri, car la liane gohine est une plante qui vit plutôt à l'état social qu'isolée.
Puis, ces incendies portent la plus grave atteinte à la reproduc- tion naturelle. Les jeunes plants ne leur résistent pas et n'atteignent qu'exceptionnellement l'âge adulte que guette l'indigène pour les soumettre aux saignées, c'est-à-dire à la mort.
Tout concourt donc à leur destruction, qu'aucun moyen naturel ne vient compenser. Restent donc les moyens artificiels. Ceux-ci sont divers, il convient de les examiner ou de les énumérer du moins.
On a pensé tout d'abord à confier aux indigènes, et particulière- ment aux chefs, le soin du repeuplement par des plantations nou- velles de lianes gohines. On a voulu en faire pour eux une obliga- tion. Certes, en principe, il faut encourager de semblables efforts, et n'auraient-ils pour effet que d'inculquer aux indigènes le respect de la plante sur laquelle repose leur richesse que déjà le résultat serait des plus favorables. 11 serait imprudent, au point de vue de l'ave- nir, de s'en rapporter à ce seul essai. Ce que nous venons de dire des moyens naturels de destruction s'applique entièrement aux plantes propagées par le soin des chefs et nul ne peut assurer que des efforts soutenus ne seront réduits à néant par un simple feu de brousse dont on n'aura pas su limiter les ravages.
Tout porte à croire qu'en Guinée, comme dans toutes les autres parties du monde dont on a voulu tirer un produit régulier, il sera
EXTRAIT DU RAPPORT 271
nécessaire de demander à l'intervention européenne une réparation des dommages causés aux sources naturelles de richesses par les récoltes immodérées des indigènes. C'est aux services techniques qu'il appartient de veiller à la reconstitution de la production du caoutchouc en faisant des plantations qui serviront de base et de modèle, et en prodiguant aux colons les conseils basés sur les expé- riences faites dans les Jardins d'Essais.
Tout naturellement, la première idée qui vint à l'esprit fut de demander à l'espèce indigène, soumise à la culture, de fournir, dans ces régions, une source nouvelle de produits. Ces cultures ont été entreprises. Les méthodes les plus diverses ont été recommandées et suivies. Nulle, jusqu'à cette heure, n'a donné de résultats appré- ciables.
On a essayé le bouturage. Les boutures mises dans le sol s'enra- cinent, mais les plantes qui en sont issues n'ont qu'une croissance lente et capricieuse. Après avoir été essayé en grand dans une exploi- tation privée en Casamence, ce procédé a été abandonné.
Les graines germent bien, mais les jeunes plants qui en sont issus n'ont qu'une croissance très lente dans les premières années ; de plus, lorsque la plante, sortant de sa période d'enfance, pendant laquelle elle reste buissonnante, devient adulte, elle émet de longs rameaux flexibles qui ont besoin de supports pour se maintenir dans une position verticale ou oblique et pour échapper, par suite, aux atteintes des feux de brousse qui ne manquent pas de les détruire si on les laisse ramper sur le sol. La période d'attente est trop longue, les procédés culturaux trop coûteux, pour que l'on puisse conseiller à une entreprise européenne d'organiser une plantation de liane gohine.
Dès longtemps, nous avions songé à appliquer à cette plante un mode d'exploitation spécial. Des analyses de toutes les parties de la plante faites au Jardin Colonial nous ont montré que la partie la plus riche, pendant toute la première jeunesse, se trouvait non pas dans ses ramifications aériennes, mais, au contraire, dans ses racines. Si donc on avait pu, soumettant ces plantes à la culture, les arracher à un moment donné de leur existence, et, soumettant les diverses parties aux procédés d'extraction qui sont connus, arri- ver à obtenir à l'hectare un produit suffisant, on aurait eu à sa dis- position un procédé pratique permettant d'obtenir par une culture méthodique un rendement régulier.
272
MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
Les essais faits dans ce sens nous ont conduit à des résultats négatifs en raison de la trop faible quantité produite par les plantes.
Voici, à titre d'indication, quelques-uns des résultais obtenus au cours des recherches entreprises :
Les essais ont porté sur des plantes respectivement âgées de six mois, de neuf mois, de un an et de deux ans. Si nous retenons seu- lement les données fournies par ces deux derniers âges, comme étant les plus intéressants, nous voyons que seules les racines donnent un produit nerveux et de bonne qualité. Celui qui est fourni par les feuilles est de mauvaise qualité et les tiges ne donnent qu'un rendement insuffisant.
TRAITEMENT DE JEUNES PLANTS DE LANDOLPIIIA HEUDELOTI
Feuilles Tiges . . Racines
PROPORTION DU POIDS
de chaque partie
à 1 an
32.05 31.15 36.80
%
23. 0-1 %
51.65
25.30
Poids moyen de la plante sèche.
Poids des racines
Caoutchouc fourni
à 1 an
151
10
EXTRAIT AU TOLUENE
à 1 an
5.75 "/„ traces 6.35
4.30 •/„
0.54
4.13
à 2 ans
132 gr. S 33 gr. 6 1 gr. 377
Ces plantes avaient été cultivées très près les unes des autres de façon à recouvrir complètement le sol. Dans ces conditions on en peut obtenir 6 par mètre carré, soit 60.000 à l'hectare.
Il n'en est pas moins vrai que, même dans ces conditions, le ren- dement est beaucoup trop faible pour payer la culture et le traite- ment des racines qui, seules, renferment un caoutchouc utilisable. Devant les résultats obtenus par ces expériences, il a paru inutile de poursuivre plus loin les essais, car si le poids individuel des racines augmente avec l'âge, par contre il devient nécessaire de donner un écartement plus grand, et le rendement total à l'hectare ne peut devenir suffisant.
Ce procédé n'est donc pas à conseiller, pas plus que la culture directe en vue d'établir de grandes plantations à exploitation nor- male, entreprises par ceux-là même par lesquels les cultures auront été entreprises.
EXTRAIT DU RAPPORT 273
AUTRES PLANTES DE CULTURE
Il ne. semble pas douteux qu'il soit nécessaire de recourir à la culture d'autres espèces que celles que Ton rencontre à l'état spon- tané en Guinée. En effet, les plantes dont la culture peut être con- seillée doivent présenter un certain nombre de qualités dont les principales sont la qualité du produit fourni, le peu d'exigences culturales et enfin la rapidité du développement permettant une prompte exploitation.
LE MANIHOT
C'est sous l'empire de ces préoccupations que l'on a préconisé, avec tant d'ardeur, dans ces dernières années, le caoutchoutier de Ceara ou Maniçoba (Manihot Glaziowii). Malheureusement, cette plante, à multiplication et à culture si facile, n'a pas donné tout ce que l'on en attendait. Cependant, quelques expériences méthodiques faites au Jardin d'Essai de Konakrv ont donné des résultats assez
«y
satisfaisants puisque l'on a pu, dès la cinquième année, obtenir jus- qu'à 125 grammes d'un produit de très bonne qualité. Des essais multiples, entrepris un peu partout, n'ont pas donné, dans leur ensemble, des rendements suffisants pour que l'on puisse conseiller de répandre cette culture et surtout pour qu'il soit possible de garantir le succès de l'entreprise.
l'hévéa
Il en va tout autrement d'une plante qui, partout où les conditions nécessaires à son bon développement ont été rencontrées, a fourni les résultats les plus satisfaisants. Nous voulons parler de l'arbre qui fournit le caoutchouc du Para, le premier caoutchouc du monde, et qui est l'Hévéa (Ilevea brasiliensis).
Déjà, depuis une trentaine d'années, cette culture a été essayée aux Indes. Elle a donné de très bons résultats, et, dès maintenant, son exploitation est entreprise sur de vastes étendues. Partout où les essais ont été faits, ils ont donné de bons résultats. Partout où il pousse, l'arbre donne de bons produits.
A l'heure actuelle, une difficulté se présente pour propager cette plante sur les. points du globe où elle n'existe pas encore, car, en présence de l'intérêt croissant de sa culture, le Brésil oppose une Bulletin du Jardin colonial. 18
274 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
interdiction absolue à l'exportation de ses graines. Celles-ci sont d'ailleurs d'une conservation difficile, et leur transport à grande distance est rempli d'aléas.
Fort heureusement, la Guinée est prémunie contre les difficultés de cette nature. Elle possède, en effet, dans son beau Jardin d'Essai de Kamayen, des plantations d'Hevea, qui, dès maintenant, pro- duisent des graines fertiles et peuvent fournir à l'établissement d'ex- ploitations régulières des semences en quantité qui seront assez abondantes dès l'année prochaine pour qu'il puisse être donné satis- faction à toutes les demandes qui se produiront.
Dès maintenant, le service d'agriculture devra faire des essais de plantations en grand, afin de montrer tous les produits qu'il est pos- sible de tirer de l'exploitation de ces arbres. Ces plantations devront être faites dans les vallées fertiles. L'Hevea exige, en effet, pour bien venir, un sol riche.
Il a l'avantage d'une croissance très rapide et forme bientôt un peuplement d'une belle venue que l'on peut, dans de bonnes condi- tions, soumettre, dès l'âge de 4 à 5 ans, a l'exploitation régulière. Il trouvera, sans doute, dans les Rivières, des conditions favorables à un développement normal. Il est certain qu'il réussira pleinement dans les colonies voisines et particulièrement a la Côte d'Ivoire et au Congo.
Etant donné que, dès maintenant, l'on est sûr que l'Hevea donne de bonne heure un produit de tout premier ordre ; que, d'autre part, c'est un arbre vigoureux capable d'aider à la reconstitution des boi- sements dans les parties fertiles, il importe d'en répandre la culture et d'abandonner sans hésiter celles des autres plantes à caoutchouc. Mais il est grand temps de faire de ce côté un vigoureux effort si l'on ne veut voir la production de la précieuse matière diminuer bientôt d'une façon sensible en Guinée Française.
On trouvera dans le Bulletin du Jardin colonial du mois de jan- vier 1904 une étude très complète sur les conditions générales de culture et de rendement de cette plante.
LE PALMIER A HL'ILE
Les produits élevés fournis par les plantes à caoutchouc ont détourné l'attention des indigènes, d'autres matières premières qui, produites par des plantes croissant à l'état spontané, peuvent cepen- dant fournir au commerce un aliment intéressant.
EXTRAIT DU RAPPOKT 275
De ce nombre sont les palmiers à huile (Eloeis guineensis). Cet arbre se trouve en Guinée dans des conditions de végétation qui lui sont favorables. On le rencontre dans les vallées fertiles, où il fait partie des peuplements forestiers. Dans certaines régions côtières, il forme à lui seul des massifs souvent très denses. Il y a dix ans, la presqu'île de Konakry était couverte d'une forêt, faite presque exclusivement de cette essence, détruite en partie aujour- d'hui par l'établissement d'avenues et la construction des maisons.
Les produits fournis par ce palmier sont, comme on le sait, de deux sortes : 1° l'huile rouge, fournie parle péricarpe, connue dans le commerce sous le nom d'huile de palme ; 2° une huile blanche, de qualité toute différente, désignée sous le nom d'huile de palmiste et provenant de la graine.
Ce dernier produit, en raison des difficultés que présente son extraction, n'est généralement obtenu que dans les huileries euro- péennes où la graine de palmiste est importée. Au contraire, l'huile rouge de palme est produite sur place par des procédés aussi simples qu'imparfaits, pratiqués par les indigènes.
L'ensemble de l'exportation provenant du palmier à huile est loin de donner tout ce qu'elle pourrait rendre, si l'on y apportait un peu plus d'attention. Certes, l'on ne peut comparer à cet égard le terri- toire de la Guinée avec celui de la Côte d'Ivoire ou de Dahomey, où l' Eloeis forme un peuplement infiniment plus abondant, mais il n'est pas douteux cependant que si une protection plus complète était accordée à cet arbre intéressant, et un soin plus grand apporté à la récolte de ses produits, on arriverait à augmenter le rendement dans des proportions notables.
Or, déjà à l'heure actuelle, l'exportation accuse pour l'année 1902 les chiffres suivants :
Amandes de palmiste. .... 578.776 francs Huile de palme 72.934 »
Elle est, en ce qui concerne les amandes de palme, en augmenta- tion sur l'année précédente qui nous donne les chiffres suivants :
Amandes de palmiste 420.669 francs
Huile de palme 79.681
276 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
C'est là une progression qui s'accuse chaque année plus nette- ment, car si nous remontons à l'année 1898 nous obtenons les chiffres suivants :
Amandes de palme 398.749 francs
Huile de palme 49.683 »
La progression observée dans l'exportation des amandes de pal- miste ne se retrouve pas nécessairement en quantité concordante dans l'huile de palme, car celle-ci sert aux indigènes comme ali- mentaire, dans leurs usages journaliers.
Il n'est pas douteux que cet [intéressant produit pourrait être fourni en quantité plus grande si l'on voulait bien y porter quelque attention.
Les amandes de palme sont généralement vendues aux factoreries contre des produits alimentaires divers et particulièrement en échange de riz. Il semble que si les commerçants offraient aux indigènes du riz décortiqué et non du riz paddy, le produit ayant une valeur bien supérieure exigerait, pour l'achat, la livraison d'une quantité plus grande de palmistes. De plus, le travail exigé pour la décortication du riz en paille serait employé à la préparation des amandes de palme.
Mais le véritable progrès à réaliser, lequel aurait une influence considérable sur l'exportation des amandes, serait de faire accepter par les factoreries les noyaux non brisés. Ce qui, en effet, à l'heure actuelle, diminue dans des proportions considérables les transac- tions sur les amandes, c'est le fait que les indigènes sont obligés, avec les moyens très imparfaits dont ils diposent, de briser péni- blement chaque noyau à la main. Cette opération est faite simple- ment en frappant la noix avec une pierre jusqu'à ce qu'elle soit brisée. C'est un travail lent et assez pénible. Il est exécuté par les femmes et les enfants.
On vient d'expérimenter, en France, à la Station d'essai de machine, sur la demande du Jardin colonial, et aussi en Allemagne, un certain nombre d instruments qui donnent des résultats satisfai- sants et permettent de réduire dans une proportion considérable le travail nécessaire pour la séparation des amandes. Les noyaux sont en effet brisés dans une sorte de broyeur et on n'a plus qu'à sépa- rer les amandes du fragment d'enveloppe.
EXTRAIT DU RAPPORT 277
Si donc ces machines étaient adoptées par les factoreries, celles- ci pourraient obtenir des produits en quantités considérables, car, à l'heure actuelle, une très grande quantité de noyaux se perd, pour la raison que les indigènes refusent non tant de les ramasser, mais de les briser à coup de pierre. Si leur travail devait se borner au simple ramassage, les quantités fournies au commerce pourraient prendre rapidement une grande importance.
Une autre mesure qui serait de nature à influer d'une façon utile sur la production des palmiers à huile serait d'interdire aux indi- gènes de les mutiler pour en extraire le vin de palme. Il n'est pas douteux que ce n'est pas sans peine que l'on arriverait à un résultat complet, car le vin de palme, qui fermenté produit une douce ivresse, leur est particulièrement cher. Mais pour cette raison même ce serait sans doute faire œuvre deux fois inutile que d'en interdire la récolte, et ce qui serait sans doute plus aisé, la vente et le colportage.
Enfin, il serait bon de prendre des mesures 'de conservation en vue de protéger les jeunes peuplements provenant des semis spon- tanés qui abondent et couvrent parfois des surfaces énormes, mais ont de la peine à s'affranchir des deux fléaux des boisements de ces régions qui sont le feu et le bétail non parqué.
COPAL
Il n'y a que peu de chose à dire de ce produit. Les cours qui ont fléchi n'indiquent nullement qu'il y ait surproduction. Ils devront se relever et la récolte de ce produit naturel reste avantageuse.
En Guinée, les espèces fournissant le copal ne sont pas les mêmes que celles du Congo. Elles appartiennent ici au genre Guibourtia.
L'exportation pour l'année dernière s'élève a la somme de 257.414 francs.
Les arbres producteurs de. cette matière première sont à crois- sance trop lente pour que l'on puisse conseiller d'en faire des plan- tations. C'est toutefois une essence à ménager et au besoin à plan- ter si l'on songe à reboiser.
278 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
KOLA
La récolte et l'exportation des noix de Kola a pris dans ces der- nières années un développement incessant. L'exportation a atteint en 1902 la somme de 80. 504 francs. Cette exportation se fait vers les colonies voisines et aussi vers la France où la noix de Kola est entrée dans la thérapeutique courante.
Il peut donc y avoir grand intérêt à recommander de ne pas se contenter seulement de récolter les produits des arbres venus spon- tanément, mais aussi à faire des plantations d'arbres à Kola. Leur croissance est lente, mais le produit est suffisamment consacré par l'usage pour que l'on puisse être sûr de trouver le placement du produit à un taux qui ne peut fléchir d'une façon sensible.
Il est à conseiller d'importer en Europe non des noix sèches comme on le fait encore actuellement mais bien plutôt à l'état frais. Il y a à le faire un double avantage c'est que d'abord le pro- duit se vend à un prix bien plus élevé qui parfois est égal au double ou au triple du prix de la noix sèche. Qu'ensuite en se des- séchant la noix perd près de 50 °/0 de son poids.
Les transports à l'état frais se font aisément soit que l'on emploie le mode d'emballage des Siéra léonais, soit qu'on mette ces graines dans des tonneaux où on les alterne avec des lits de sable. Elles peuvent ainsi se conserver plus d'un mois.
Les plantations de Kolatiers devront être faites en raison de la lenteur du développement des arbres, au milieu d'autres cultures. L'arbre supporte mal la transplantation et à moins de faire les semis en pots on est obligé de renoncer à l'usage de la pépinière, et il est à conseiller de recourir alors aux plantations directes.
MENÉ
M. Famechon, directeur des services des douanes de la Guinée, a le premier attiré l'attention sur l'intérêt que pourrait présenter au point de vue économique la récolte des graines de Mené (Lophira alata) qui renferment une huile de qualité excellente.
Une étude très complète de ce produit a été faite au Jardin colo- nial. Elle a été publiée dansla Bévue des Colonies, 1899. Elle montre tout l'intérêt qu'il pourrait y avoir à utiliser dans l'industrie une huile qui peut être comestible après avoir été par refroidissement débarrassée de la stéarine qu'elle renferme.
EXTRAIT DU RAPPORT 279
Elle peut également trouver un emploi avantageux clans la savon- nerie et dans la stéarine.
Les industriels français se sont à la suite de ces travaux montrés tout disposés a accepter ce produit, à la seule condition qu'on leur assure une production annuelle suffisante pour que l'on puisse uti- lement créer un outillage spécial en vue de cet emploi.
Malheureusement, à l'heure actuelle, il est impossible d'assurer que la Guinée pourrait produire une quantité capable d'alimenter des usines. La raison tout entière en est non pas dans ce que ces arbres sont insuffisamment nombreux, mais seulement dans le fait qu'ils sont dans un état d'improduction presque constante.
Lorsque quittant Konakry on s'avance, en suivant la ligne fer- rée, dans l'intérieur du pays on voit partout émerger de la plaine herbeuse un arbre peu ramifié, aux feuilles longues, réunies en bou- quets au sommet des branches, c'est le Mené. Nulle part il ne forme de véritables massifs denses, serrés à la façon d'un peuple- ment forestier, mais il couvre des espaces immenses, disséminé, noyé dans l'herbe dont il émerge de quelques mètres seulement. C'est rarement un grand arbre n'atteignant qu'exceptionnellement huit ou dix mètres et le plus souvent réduit à des proportions moi- tié moindres. Tel qu'il est il couvre des surfaces immenses, et cette sorte de forêt clairsemée s'étend, par place, sur plusieurs dizaines de kilomètres de travers.
Peu exigeant sur la qualité du sol il couvre les vallées, escalade les pentes rocailleuses, s'implante entre les feuilles des blocs rocheux et montre partout une vitalité extraordinaire. Et ces arbres aux dimensions réduites sont cependant d'un âge fort avancé, car si leur résistance est grande, par contre leur croissance est lente. Ce ne semble être un arbre que l'on puisse propager par la culture. Mais la nature s'est chargée de le répandre à profusion et c'est une des essences les plus communes dans tout le Fouta.
D'où vient donc que cette quantité si grande d'arbres est inca- pable de fournir un produit suffisamment abondant pour qu'il soit industriellement exploitable ? La raison tout entière en est dans une cause unique : les feux de brousse, allumés périodiquement chaque année par les indigènes.
C'est là le grand fléau africain contre lequel tôt ou tard on sera obligé d'élever une réglementation sévère, car il est la cause non pas dominante, mais unique, qui frappe de stérilité des contrées
280 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
entières, qui amène la destruction non pas seulement de quelques essences uniques, mais du peuplement forestier tout entier, qui pro- duit une dénudation progressive et méthodique de régions immenses et les conduit fatalement vers leur transformation de pays fertiles en régions désertiques. C'est là la cause de la modifi- cation lente du climat. Les arbres isolés, ces avant-gardes de la forêt disparaissent les premiers.
Puis les massifs sont attaqués eux-mêmes, sur leur lisières, dans leur sous-bois. Les jeunes plantes sont détruites. Les arbres sont dans l'impossibilité de conserver leur caractère de perpétuité par la reproduction, par la dissémination de leurs semences.
Des générations nouvelles ne se retrouvent pas là, à leurs pieds, pour remplacer les vétérans frappés de caducité. Les arbres s'isolent, se séparent les uns des autres pour succomber bientôt et ainsi les régions les plus boisées, couvertes d'essences même les plus résis- tantes, se dégarnissent, se dénudent et arrivent bientôt à n'être plus que de vastes steppes d'où émergent çà et là quelques représen- tants épars de l'ancienne forêt ; et eux-mêmes disparaissent bien- tôt à leur tour.
Et cet instrument admirable de régularisation de l'humidité à la surface du globe, la forêt, cessant ses fonctions, le climat marche rapidement vers une transformation complète qui le conduit vers le régime désertique.
Que l'on y prenne garde, là est le grand danger pour l'Afrique.
Des siècles s'écouleront avant que la transformation qui s'est faite dans la région saharienne ne s'accomplisse sur la partie occi- dentale du continent africain. Certes, en Europe aussi la forêt dis- paraît. Sa destruction n'est pas l'œuvre du hasard. Elle cède le pas aux cultures. Ceci a remplacé cela. Le sol couvert de végétation spontanée est remplacé par le sol cultivé et couvert de végéta- tions provoquées, raisonnées, qui méthodiquement se succèdent.
Lorsqu'en Afrique les arbres tombent sous la hache d'abatis du colon qui débrousse pour installer ses plantations, il n'y a pas lieu de s'en inquiéter. Elles seront forcément limitées, ces surfaces. Puis des plantations nouvelles viendront remplacer la végétation spontanée. Mais toute autre est l'action de l'incendie. Une fois allumé, il ne choisit pas, il gagne de proche en proche, et si la saison est sèche, le vent violent, il peut en quelques jours parcourir des régions immenses.
EXTRAIT DU RAPPORT 281
Le préjudice qu'apportent ces incendies est considérable. C'est la stérilisation méthodique du sol. Stérilisation par la destruction des graines, ou même des floraisons. Stérilisation par la destruction des jeunes plantes, avenir du reboisement, de la reconstitution des mas- sifs, des plantes à caoutchouc et de tout autre produit utile. Stérili- sation enfin par destruction de matière azotée contenue dans les chaumes des herbes, dans les feuilles qui tombent, dans l'humus qui recouvre le sol.
Quelle erreur trop accréditée est celle qui consiste à voir clans ces incendies un mode de fertilisation de la terre parce que les cendres sont rendues au sol. Mais que renferment ces cendres? Quelques sels puisés dans la terre et qui lui sont ainsi restitués. Mais que devient la matière organique, et l'azote, cet élément si essentiel à la végétation? Ils sont complètement détruits. Et cette destruction amène une modification de la surface du sol. En détrui- sant l'humus, ou en empêchant la formation, on enlève au sol la capacité de retenir l'eau tombée en excès pendant la saison des pluies, on favorise le ruissellement, par suite on amène la dénuda- tion de la roche par l'entraînement des terres fertiles dans les val- lées d'abord, dans les deltas ensuite, dans la mer. Et ainsi par cette cause qui semble minime, mais qui agit, chaque année renouvelée, par l'action des siècles écoulés, on amène la transformation des territoires les plus fertiles en ces surfaces désolées, les déserts, qui gagnent sans cesse et qui envahiront l'Afrique entière si la volonté de l'homme primitif qui détruit n'est pas contrebalancée par celle de l'homme qui colonise et qui crée.
Cette cause générale agit en particulier, sur l'impossibilité dans laquelle on se trouve, à l'heure actuelle, de récolter, sur ces arbres si abondants cependant, la quantité de Mené suffisante pour alimenter nos industries, qui réclament ce produit et sont toutes prêtes à créer pour la Guinée Française une source nouvelle et importante de revenus.
C'est qu'en effet les Menés fleurissent en janvier et commencent à former leurs fruits en février, c'est-à-dire au moment précis où les indigènes allument leurs feux de brousse. Et ainsi cette floraison si abondante cependant est fatalement vouée à la destruction. Actuel- lement, toutes les primes à la l'écolte, tous les encouragements de toutes sortes ne serviraient à rien, car la cause qui détermine la destruction de la fructification domine toute la situation. C'est uni-
282 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
quement vers la suppression, ou tout au moins vers la limitation des incendies que doivent tendre les mesures qui amèneront la pro- duction de cette graine de qualité excellente.
Dans une étude très consciencieuse, M. Famechon a fourni sur le rendement de cette plante des données d'un grand intérêt.
La cueillette des graines devrait se faire en mai, au moment où les indigènes ont fini leurs plantations de riz, et il semble qu'en estimant cette graine au prix de l'arachide on pourrait trouver un avantage réel à l'exploiter.
LAMI
Le Lami (Pentadesma butiracea) a été étudié au point de vue de la teneur en matière grasse des graines volumineuses qui renferment les gros fruits dont l'arbre se couvre chaque année. Les bulletins d'analyses faites au Jardin colonial montrent que les résul- tats sont satisfaisants au point de vue industriel. En effet, l'huile de Lami possède le titre le plus élevé en acides gras insolubles de toutes celles employées déjà dans la stéarinerie et peut par consé- quent rendre les plus grands services dans cet emploi industriel. Elle peut également être employée en savonnerie pour la fabrication des savons durs. Sa qualité dominante est d'avoir un titre très élevé en acides gras. Il est en effet de 57, alors que les suifs, par exemple, ont une moyenne qui ne dépasse pas 45 a 47.
Le Lami est un grand et bel arbre qui vit au milieu des massifs forestiers et qui, par cette raison même, se trouve dans une certaine mesure protégé contre les feux de brousse. Le produit qu'il donne est abondant et, nous venons de le voir, de bonne qualité, malheu- reusement ce n'est pas un arbre formant des massifs complets et pouvant, par suite, fournir ses graines à une exportation méthodique et en quantités suffisamment importantes pour qu'elles puissent intéresser les usines qui seraient à même de les employer.
L'aire géographique des Pentadesma est très étendue. Tous donnent un produit utilisable. On les rencontre en Afrique occiden- tale depuis la Guinée jusqu'au Congo.
Mais nulle part ils ne forment de peuplements continus. On les rencontre généralement dans les vallées fertiles, dans des massifs qui accompagnent les cours des rivières, dans les forêts basses et humides.
EXTRAIT DU KAPPORT
283
Cet arbre, en raison du produit qu'il donne, mérite de retenir l'at- tention, mais il est douteux que l'on puisse jamais tirer profit des récoltes de produits spontanés seules. Si l'on veut employer les graines de Lami, il faudra nécessairement en venir a la culture ou tout au moins à la propagation et à la plantation provoquée. Celle-ci est simple et réussit facilement. Les graines peuvent se transporter aisément.
Elles germent en peu de temps et produisent de suite un arbre vigoureux que l'on peut aisément transplanter dans le jeune âge. Ces plantes fournissent bientôt des arbres dune très belle venue. Tige droite, tronc élancé, cime abondante et arrondie, feuilles grandes et luisantes, belles fleurs nombreuses, telles sont ses qualités qui peuvent le recommander comme arbre d'avenues et de reboisement, en attendant qu'il fournisse le précieux produit qui devra être la cause principale de sa propagation.
Ce n'est, semble-t-il, que des plantations méthodiques auxquelles viendront se joindre les produits de la brousse, que Ton peut attendre une production assez abondante pour que l'industrie consente à s'y intéresser utilement.
II. — LES PRODUITS DE CULTURE
LE RIZ
On peut poser en principe que l'aliment de prédilection des popu- lations de tout le Soudan, on pourrait même dire de toute l'Afrique, c'est le riz. Si son prix était moins élevé, s'il égalait partout celui du mil, le riz formerait partout le fond de la nourriture indigène.
Bien que cultivé dans diverses parties de la Guinée, du Sénégal et du Soudan, le riz constitue à l'heure présente une denrée d'impor- tation de la plus haute importance pour la Guinée :
en 1900 754.259 francs. .
1901 .711.436 »
1902 912.653 »
Cependant le riz se cultive en Guinée. Il donne des produits de bonne qualité, et ses variétés indigènes, bien que de valeur inégale,
284 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
ainsi que le fait a été démontré par un travail récent fait au Jardin colonial et publié dans son bulletin (4re année, p. 286), peuvent fournir une denrée que les indigènes recherchent, qu'ils préfèrent même souvent au riz d'importation.
Quelle est donc la cause pour laquelle un produit si recherché par les indigènes n'est pas cependant de leur part l'objet d'uue culture plus étendue et pouvant suffire à leurs besoins? Il en faut chercher la raison dans le travail considérable que représente la préparation du produit. En effet, la culture ne présente pas par elle-même de sérieuses difficultés. On cultive, comme on le sait, deux sortes de variétés de riz en Guinée.
Dans la première se rangent toutes celles qui exigent un sol très humide et même submergé à certains moments de l'année, ce sont les riz de marais. La culture en est faite sur le bord des fleuves ou des lagunes, dans les marigots, partout en un mot où l'eau sura- bonde, recouvre le sol d'une couche mince. Ce genre de culture tend à se répandre en Guinée. Dans le Bramaya, en particulier, les indigènes détruisent les palétuviers sur le bord des rivières et mettent en culture le sol devenu libre. Ils obtiennent ainsi de très belles récoltes de riz de marais.
D'autre part, on produit en Guinée le riz dit de Montagne dont les exigences culturales sont bien moindres et qui s'accommode fort bien d'un semis sur terre non submergée, pour peu que ce semis ait été fait assez tôt pour que la plante profite encore de l'humidité laissée par les eaux de la saison des pluies.
Comme nous le disions, les qualités des diverses variétés, tant de riz de montagne que de riz de marais, sont variables sous le rap- port du rendement de la valeur alimentaire et aussi sous celui de la facilité plus ou moins grande avec laquelle ces graines peuvent être débarrassées de leurs enveloppes. C'est là précisément un des points les plus importants. Comme on le sait, en effet, la décortication du riz n'est jamais chose simple, les glumes étant toujours plus ou moins fortement adhérentes. Or, les indigènes ne possèdent jusqu'à ce jour que des moyens très imparfaits pour opérer cette décortication. Ils se servent de mortiers où le grain, le plus souvent après avoir été échaudé, est, par pilonnage, plus ou moins mal débarrassé de ses balles qu'un vannage sépare ensuite.
C'est à la difficulté que présente cette opération, à la somme de travail qu'elle exige, à la paresse native des indigènes, qu'il faut
EXTRAIT DU RAPPOKT
285
attribuer le développement trop lent de la culture d'une céréale qui présente le plus haut intérêt pour l'alimentation des populations autochtones.
Le remède semble cependant facile. Il consiste dans l'emploi de moyens mécaniques fournissant un rendement meilleur pour une dépense moindre de forces. L'utilisation des moyens mécaniques peut être envisagée sous deux points de vue différents, suivant qu'il pourrait s'agir d'apporter simplement un soulagement au travail des indigènes ou que L'on veuille le considérer comme pouvant, dans un avenir prochain, faire naître une industrie du plus haut et du plus réel intérêt.
Ce serait déjà apporter une grande amélioration à l'état de chose existant que de substituer aux mortiers des indigènes de petites machines à décortiquer. Il est inutile de reproduire ici le travail publié dans le Bulletin du Jardin colonial et qui fournit des indica- tions précises sur la possibilité d'obtenir de bons rendements en employant certaines machines et en cultivant de préférence les variétés dont les graines se décortiquent avec facilité. On consta- tera que le travail est facile, qu'il exige peu de force, et que les résultats peuvent être des plus satisfaisants en employant des machines déterminées [Bulletin du Jardin colonial, n° 3, p. 286).
Mais comment amener l'indigène à bénéficier d'un outillage qui, pour n'être ni compliqué ni coiiteux, dépasse ses moyens? Il semble que là encore il faille laire une place à l'initiative des maisons de commerce qui devront nécessairement se résoudre dans la suite à ne pas se contenter à vendre d'une main et à acheter de l'autre, mais dont le rôle sera d'aider au développement des productions locales en facilitant aux indigènes les moyens de produire les den- rées qui pourraient faire la base de transactions importantes.
Chaque année, sitôt après la récolfe, les indigènes viennent vendre aux factoreries une partie de leur production de riz. Ce grain est toujours vendu en paille, c'est-à-dire non décortiqué. D'une façon à peu près absolue, ce même indigène qui a vendu son riz pour obtenir divers objets dont il avait besoin ou qui excitaient sa convoitise revient, quelque temps après, le rachète à la même facto- rerie. Il apporte en payant du caoutchouc, de l'huile de palme ou des graines de palmistes. Le riz lui est revendu tel qu'il avait été livré, sous forme de paddy. Il n'est pas douteux que si la maison de commerce qui reçoit des quantités souvent considérables de riz sous
280 MISSION EN GUINEE FRANÇAISE
cette forme particulière de dépôt voulait en faire opérer la décortir cation par des machines simples et peu coûteuses, elle pourrait revendre son riz à un prix bien plus élevé, qui non seulement la payerait largement du travail effectué, mais obligerait l'indigène à apporter en échange une quantité plus grande de denrées d'expor- tation. D'autre part, le noir libéré du travail de décortication pour- rait utiliser bien mieux sa force et son temps à récolter plus abon- damment des produits que la nature peut fournir en abondance et dont le commerce tirerait le meilleur parti.
Ce serait là un moyen transitoire qui pourrait donner les plus heureux résultats.
Il doit être qualifié de transitoire, car il n'est pas douteux que dès que l'outillage économique de la Guinée sera plus complet, dès que le chemin de fer reliera l'arrière-pays avec les régions du littoral, égalisant ainsi les productions et les répartissant mieux sur tous les points de la colonie, on devra envisager la possibilité de créer sur le parcours de la voie ferrée des usines de décortication.
C'est là une solution qui s'impose à l'important problème de la production d'une céréale qui pourrait, en Guinée, où elle trouve des conditions admirablement adaptées à ses exigences biologiques, deve- nir non seulement assez abondantes pour supprimer bientôt les importations vers les colonies voisines et plus particulièrement le Sénégal.
Le long de la voie ferrée se trouvent en effet des chutes remar- quables dont les plus importantes rizeries n'emploiraient encore qu'une bien faible partie de la force qui se perd. A ces différents points de vue, et sans insister encore sur le trafic important qu'une semblable denrée pourrait fournir comme aliment à la voie ferrée, la question de la production du riz doit être rangée parmi une de celles qui sont les plus dignes d'attirer et de retenir l'attention du service agricole de l'Afrique Occidentale. C'est vers la recherche de variétés meilleures, peut-être aussi vers l'importation de races à rendements plus élevés ou fournissant des qualités supérieures, c'est vers la décortication mécanique commerciale ou industrielle que doivent tendre les efforts, car la solution de ces problèmes peut avoir une importance économique considérable.
EXTRAIT DU KAPPOKT
LE MIL
287
Il faut comprendre sous ce nom les diverses espèces ou variétés du genre Sorghum et sittaria.
Cultivé par les indigènes, le mil est à peu près exclusivement destiné à l'alimentation des indigènes. Il n'en est pas exporté de quantités appréciables. Cependant, la production du mil pourrait présenter quelque intérêt en vue de l'utilisation de ce grain pour la production de l'alcool.
Des recherches qui se poursuivent en ce moment semblent établir qu'il est possible de tirer de ce grain un alcool abondant et de bonne qualité.
La production plus abondante du riz rendrait libre une certaine quantité de mil utilisé aujourd'hui pour l'alimentation indigène et qui trouverait sans doute un placement avantageux dans l'indus-- trie. Mais c'est là une denrée de faible valeur qui ne pourrait être transportée à longue distance qu'à la condition expresse de bénéficier d'un tarif très bas. Cette céréale pourrait, ici comme au Sénégal, devenir une culture alternante avec l'arachide et fournir ainsi un produit avantageux.
Parmi les divers millets, le Fonio (Paspalum longiflorum) mérite d'attirer l'attention ; son grain de très petite taille, mais d'un mon- dage facile, fournit une sorte de semoule que nous avons eu l'occa- sion d'étudier et dont la valeur alimentaire dépasse celle du riz.
LE COTON
La production du coton est une des questions qui intéresse et doit préoccuper le plus vivement les colonies de la côte occidentale d'Afrique. Cette substance, en effet, est une de celles qui non seule- ment sont assurées de trouver un débouché presque indéfini, mais qui, encore, en raison de certaines circonstances économiques, dans le détail desquelles ce n'est pas le lieu d'entrer ici, est impérieuse- ment réclamée par nos iudustries nationales.
Que nos colonies puissent produire du coton, il n'en faut pas dou- teux, et le fait est clairement démontré par les études qui en ont été faites. Le rapport de Mission de M. Yves Henry jette sur cette question un jour très clair. Tout porte à croire que certaines régions de l'Afrique Occidentale pourront dans l'avenir produire le précieux
288 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
textile. Mais produire n'est pas tout, il faut avant toute chose que cette production se fasse dans des conditions économiques ; 1° que la production soit facilement exportée et que le prix du transport ne grève pas trop lourdement la valeur du produit; 2° que cette matière première trouve preneurs à des prix suffisamment élevés pour que la production en soit avantageuse.
Pour réunir ces conditions, il est donc nécessaire de se placer dans une région où le climat, l'abondance de la main-d'œuvre et la facilité des débouchés assurent au produit une qualité et un bas prix qui le fasse rechercher. 11 faut encore que le courant s'établisse et que les industriels acceptent la matière première qui leur sera offerte.
Ces résultats ne pourront être obtenus qu'à la seule condition que les eiforts de l'administration soient secondés par ceux du commerce et de l'industrie française. Qu'importera de produire du coton de belle qualité s'il ne trouve pas preneur dès le moment où iser a disponible? Les indigènes auxquels dans la majeure partie des cas incombera la tâche de produire se lasseront vite s'ils ne voient pas venir à eux des acheteurs qui non seulement leur prendront leur produit mais encore l'accepteront sous la seule forme sous laquelle ils le peuvent vendre, c'est-à-dire non égrené, et s'ils ne leur en offre un prix suffisant pour qu'ils soient payés de leur peine, et que leur hésitation soit vaincue par l'avantage afférent qu'ils pourront tirer en se livrant, avec méthode, à une culture qui au début leur paraîtra difficile parce qu'ils n'en saisiront pas de suite les exigences et les finesses.
Ce ne sera pas chose simple, il ne faut pas se le dissimuler, que combiner dans l'exacte proportion voulue les efforts de ces deux forces qui devront être franchement concourantes vers un même but. L'initiative privée par le fait même qu'elle est libre voudra user de cette liberté et il pourra arriver que son action, si zélée qu'elle puisse être, s'exercera d'une façon qui pourra gêner, sinon même entraver dans une certaine mesure, l'arrivée' rapide vers le but à atteindre. Et cependant, comme nous venons de le dire, son concours est indispensable, car l'action administrative a une limite qu'elle ne peut franchir et au delà de laquelle ses efforts seront vains. Il importe donc de régler d'une façon très précise le programme d'ensemble, de délimiter les rôles de chacun, en un mot d'établir un accord qui devra être complet et aux termes duquel la besogne sera
EXTRAIT DU RAPPORT 289
départagée et cela non seulement pour éviter les doubles emplois, mais surtout des actions dont les résultats pourraient être parfois opposés.
C'est ainsi, pour ne citer qu'un exemple, qu'il pourrait être tout à fait dangereux de permettre d'introduire sans contrôle et de répandre entre les mains des indigènes des graines des diverses sortes de coton qui sont cultivées dans les différentes parties du monde, sous le prétexte qu'elles donnent dans leur pays d'origine un produit de belle qualité. Tout porte à croire qu'il y aura lieu de substituer au coton cultivé par les indigènes des sortes meilleures, donnant un produit plus abondant et de qualité plus élevée. Mais faut-il encore que ces sortes soient définies et déterminées par l'expérience. Or, nul autre que l'administration n'a qualité pour faire ces déterminations. Ce serait aller au-devant d'un échec général, que l'on pourrait être appelé à condamner bientôt, lorsque l'expérience aurait montré qu'elle n'est pas adaptée aux conditions locales. Il faut avec les indigènes, si l'on veut obtenir d'eux des résultats certains, marcher à coup sûr et ne point se tromper dans les avis qu'on leur donnera. Ceux-ci devront donc être nécessairement basés sur des expériences conduites avec précision.
La tâche du Service de l'Agriculture sera d'orienter ses études de manière à répondre d'une façon nette à la double question de savoir quelles sont les races dont il convient de préconiser la culture et aussi quelles sont les méthodes culturales à suivre.
Le choix des espèces aura une importance très grande. Il ne peut être basé que sur des expériences pratiques, et encore celles-ci n'auront souvent qu'une portée non générale mais locale. En effet, les variations de climat ou seulement d'une des conditions composant ce climat, telle que la fréquence des pluies, pourra influer déjà sur la race à adopter. Dans certaines régions, les races cultivées déjà par les indigènes peuvent donner des résultats favorables : l'exemple du Dahomey est là pour le démontrer; mais, dans la plupart des cas, il y aura lieu de leur substituer des races d'ordre supérieur et faisant déjà l'objet de grandes cultures dans les centres cotonniers.
Des expériences nombreuses et suivies avec la plus grande préci- sion détermineront donc exactement quelles seront les races que l'on devra proclamer bonnes et qui seront définitivement adoptées. Seules, les semences de ces sortes seront distribuées aux indigènes qui en obtiendront, dès lors, des résultats satisfaisants.
Bulletin du Jardin colonial, 19
290 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
Mais un autre point d'une importance au moins aussi grande est celui qui consiste à déterminer les méthodes culturales à suivre. Comme on le sait, dans tous les grands centres de production actuelle la culture est faite annuellement. Elle est annuelle en Amérique, et elle ne peut être autre, car la rigueur des hivers viendrait nécessairement détruire les plantes restées dans le sol. Mais elle est annuelle également en Egypte où rien ne s'opposerait cependant à conserver les plantes sur le sol pendant une plus longue durée. C'est que l'expérience a démontré que toujours les produits récoltés sur les plantes jeunes sont supérieurs à ceux que peut fournir la plante lorsque son existence se prolonge. On se trouve donc là en présence d'un problème qu'il ne sera pas aisé de résoudre. En effet, d'une part, les indigènes ont pour coutume absolue de laisser les plantes sur le sol tant qu'elles veulent bien croître. Ensuite, on constate que sur plus d'un point, et en général partout où la préci- pitation d'eau est faible, le coton reste faible la première année et ne donne qu'un très petit nombre de capsules, alors que sa végétation est plus belle et sa production plus grande la seconde année. Devra- t-on dès lors préconiser des cul tuiles vivaces? Quel sera le nombre d'années pendant lesquelles le cotonnier devra occuper le sol? Quels seront les produits correspondants à chaque année de culture? Autant de questions auxquelles des expériences bien conduites seront seules à même de répondre. C'est aux Jardins d'Essai d'en entreprendre l'étude.
Tout porte à croire que partout où la culture pourra être irriguée on pourra revenir vers les conditions normales, c'est-à-dire vers celles qui sont reconnues comme donnant le meilleur résultat, semis chaque année renouvelés et culture franchement annuelle. Mais ce seront là des conditions spéciales, longtemps même encore, excep- tionnelles et dont, sans doute, seuls les Européens pourront tirer tout le parti désirable.
Il restera enfin un dernier point d'une haute importance qu'il faudra résoudre, c'est de savoir comment seront suivies ces expé- riences et comment sera fait méthodiquement et chaque année la détermination de la valeur du produit obtenu. Or, il est indispen- sable de suivre pas à pas les résultats obtenus, afin de se rendre un compte exact des opérations faites et de savoir si l'on est réelle- ment dans la bonne voie. Pour nous, une simple appréciation à l'estime ne sutlit pas. Il nous faut des données plus précises et dans
EXTRAIT DU RAPPORT 291
lesquelles chaque coefficient composant renferme un enseignement précis sur les conditions à réaliser : des méthodes de détermination de la valeur du coton existent.
Elles conduisent à des appréciations très exactes; mais n'étant pas encore adoptées par les industriels, elles ont, pour le moment, l'in- convénient de ne pas leur fournir des indications qu'ils peuvent suivre et leur démontre la réalité des résultats obtenus. Sans doute sera-t-il nécessaire, pour donner en même temps satisfaction aux méthodes scientifiques et aux appréciations commerciales, d'établir un système dont les bases seront faciles à déterminer.
Quoi qu'il en puisse être, la nécessité s'impose de suivre de très près les résultats obtenus au moyen des essais culturaux, afin d'être sûr que l'on reste sans cesse dans la bonne voie.
La question de la production est donc une de celle qui doit prendre la plus large place dans les préoccupations du service agricole, car il importe que des résultats pratiques soient obtenus le plus rapidement possible.
PRODUCTION DES FRUITS D'EXPORTATION
La question de la production des fruits peut présenter pour l'avenir agricole et commercial de la Guinée un intérêt considé- rable. Pour s'en faire une idée il n'y a qu'à rappeler qu'il existe, de par le monde, des colonies dont la seule prospérité est due au commerce des fruits. La Colombie en est un des plus beaux exemples. En effet, les Etats-Unis qui consomment annuellement 42 millions de régimes de bananes cirent la plus grande partie de ces fruits de la région isthmique. Plus près de nous, les Canaries, les Açores, Madère doivent le plus clair de leur prospérité à cette même production des bananes et aussi des ananas. Malte et l'Egypte, le sud de l'Espagne et notre Algérie tirent des avan- tages considérables de la production des fruits et légumes de primeurs.
Les moyens de transport plus rapides chaque jour, plus pra- tiques aussi, ont nivelé les productions. Ils en ont détruit les saiso- nalités. On a tout en toute saison, partout. A cet égard, la Guinée, avec son climat subéquatorial et en même temps sa proximité rela- tive de l'Europe, peut dans l'avenir se trouver dans les conditions les plus favorables au point de vue de l'exportation des fruits. Elle
Carré de bananiers de doux ans au moment de la récolte (Variété de Camayenne)
Type de hangar d'exploitation
EXTRAIT DU RAPPORT
293
possède en effet un sol fertile, par places, et un climat propice à la production des fruits. La distance qui la sépare de la métropole n'est pas si grande que les fruits puissent souffrir du transport s'ils sont bien emballés. De récentes et nombreuses expériences nous ont clairement et définitivement fixé à cet égard. La seule question qui reste réservée encore, c'est celle d'obtenir une fréquence suffi- sante dans le passage des bateaux se dirigeant vers l'Europe et aussi une régularité complète dans le service.
Ces conditions seront sans doute prochainement réalisées. Dès lors, le problème sera résolu, et à l'heure actuelle les données rela- tives à cette production fruitière sont suffisamment précises et assez Clairement indiquées par la pratique pour qu'il n'y ait plus qu'à les appliquer.
Mais une condition est nécessaire, c'est qu'il soit fait une pros- pection très exacte des terrains qui peuvent être livrés à la coloni- sation. Il serait dangereux de laisser plus longtemps la pratique qui consiste à s'en rapporter au demandeur pour le choix du terrain qu'il doit consacrer aux plantations à créer. De trop nombreux et l'on peut dire de trop fâcheux exemples sont là pour le démontrer.
Là où le succès aurait dû nécessairement couronner les entre- prises, des pertes sèches et souvent élevées ont été supportées pour la seule raison parfois que le terrain choisi était inapte à porter la production qu'on lui demandait.
Ici, comme partout, la colonisation de début doit être guidée. Il appartient à l'administration de faire prospecter les terrains, de faire sonder et analyser le sol de façon à pouvoir renseigner d'une façon précise ceux qui veulent entreprendre des plantations. Dire : « Allez et colonisez » n'est pas suffisant. Qu'on ne l'oublie pas, le plus souvent le colon manque de connaissances techniques géné- rales et toujours de connaissances locales. Il ne saura pas choisir. Le saurait-il encore qu'il lui faudra dépenser ses premiers efforts en recherches pénibles, parfois infructueuses, car il passera à côté des meilleures conditions climatériques de l'année.
Serait-il juste encore de laisser accaparer, inconsciemment, le colon plus éclairé qui reconnaissant la valeur du sol pourrait s'en faire octroyer la plus grande part disponible? Assurément non, aussi est-il nécessaire que les débuts de cette colonisation soient guidés et, dans une certaine mesure, réglementés. On ira delà sorte plus sûrement au succès, et l'on évitera, dans tous les cas, lesreten-
294 MISSION EN GUINÉE FRANÇAISE
tissants échecs qui se sont déjà produits et dont il faut à tout prix éviter le retour, car ils sont exclusivement dus non à l'ensemble des circonstances, qui au contraire sont très favorables, mais à l'inexpérience technique de ceux qui ont entrepris ces essais de colonisation.
Il y aura donc lieu de faire sans tarder une prospection d'en- semble, de dresser une carte des parcelles disponibles, d'en indi- quer la teneur et la richesse, et de donner à ce document toute la publicité désirable.
En même temps il sera nécessaire de réunir en une note spéciale les indications précises sur les conditions de culture de ces fruits et sur le produit que l'on en peut obtenir. Il importe au premier chef de débarrasser cette question de toutes les exagérations dont elle a été l'objet et de montrer ce qu'elle est réellement. Les conditions dans lesquelles elle se présente sont suffisamment belles pour qu'il n'y ait pas lieu de les exagérer et intérêt à les ramener aux données réelles.
L'exploitation portera surtout sur la production des bananes et des ananas. Cependant, il semble que, dans l'avenir, il sera possible d'essayer l'importation d'autres fruits qui ne font pas encore l'objet d'un grand commerce, tels que mangues et avocats, mais dont l'importation en Europe pourrait présenter quelque intérêt.
CULTURES INDUSTRIELLES
La culture des plantes de grande production semble devoir être limitée, pour le moment, aux plantations de caféiers.
Un essai qui a été fait dans ce sens a cependant donné des résultats absolument négatifs. La faute, à notre sens, en revient tout entière aux conditions défectueuses dans lesquelles il avait été entre- pris.
Nous avons eu l'occasion de l'examiner au moment de ses débuts et de nous rendre compte des causes qui devaient fatalement con- duire à un échec.
La région côtière de la Guinée convient bien à la culture du café. La présence seule d'espèces croissant à l'état sauvage suffisait à le prouver. Les essais culturaux du Jardin d'Essai le démontrent.
Mais, là encore, il faut se placer dans des conditions favorables
KXTKA1T DU KAPPOKT
295
et cultiver les espèces qui peuvent donner un produit recherché. Jusqu'à présent, le choix n'existait qu'entre deux sortes, le Côffea liberica et le Coffea stenophylla, variété du Rio-Nunez. Or, si la première de ces deux espèces est très vigoureuse, elle donne par contre un produit qui est peu recherché dans le commerce, parfois même difficilement accepté. Il n'est donc pas à conseiller de le cultiver.
Il en va tout autrement du Rio-Nunez. La qualité du produit est très bonne, le grain très recherché par le commerce, mais, en cul- ture, la plante reste chétive et donne peu.
Mais entre ces deux espèces s'est placée une troisième dont nous venons de constater la présence et dont l'importance culturale peut devenir considérable. Ce caféier, qui vient d'être étudié et décrit sous le nom de Coffea Affinis, présente le grand mérite d'avoir la rusticité du Coffea liberica et la qualité du Coffea stenophylla. Cette espèce est indigène à la Guinée. Le Jardin d'Essai en possède un certain nombre de pieds. Il importe de les multiplier rapidement et d'en répandre la culture.
Elle peut conduire aux meilleurs résultats.
C'est à tort que l'on a parlé de la possibilité de faire de la culture du cacaoyer en Guinée, les conditions climatériques s'opposant à ce .que cette plante donne des rendements industriels.
L'Inspecteur général de l'agriculture coloniale.
J. Dybowsky.
ETUDES ET MÉMOIRES
LE CACAO AU CONGO RAPPORTS
DU DIRECTEUR DU JARDIN D'ESSAI DE UIRREVIULE
Libreville, le 10 janvier 1904.
Monsieur le Commissaire général,
Vous avez bien voulu prêter votre bienveillante attention aux projets que je vous exposais dans le but d'étendre certaines cultures et principalement celle du cacao, appelée à un avenir certain dans la colonie et qui ont été arrêtés sur les conseils de M. le Secrétaire général du Gouvernement.
Vous avez bien voulu reconnaître, en examinant l'intérêt qui s'attache a ces questions, l'insuffisance du Service de l'Agriculture, tel qu'il fonctionne actuellement, puisqu'il dépend en grande par- tie de l'organisation du Service de l' Agriculture au Congo de don- ner l'impulsion propre à assurer l'essor des plantations qu'il s'agit de développer.
Grâce à l'initiative privée, il est possible de faire état d'expé- riences frappantes permettant de prévoir, dans un avenir rappro- ché, une ère de prospérité non pas éphémère comme celle prove- nant de l'exploitation des produits naturels du pays, mais suscep- tible d'accroissements réguliers qui découleront de l'exploitation du sol par la culture.
A ce point de vue, laissant de côté le Congo proprement dit où l'on ne peut songer encore, eu égard à l'insuffisance des moyens de transport, à cultiver rationnellement le terrain, mais où déjà il est utile que l'attention des agents techniques soit portée sur les moyens de reconstituer les essences susceptibles de disparaître, le Gabon proprement dit est placé dans des conditions spécialement favorables sous le rapport du climat.
LE CACAO AI CONGO 297
En effet, le séchage du cacao au Camerun pendant la saison des pluies exige un matériel spécial (séchage artificiel par procédé mécanique). Au Gabon, au contraire, le climat permet le séchage naturel pendant toute l'année. Les produits séchés artificiellement sont inférieurs, jusqu'à présent, aux produits séchés naturellement.
Votre attention, Monsieur le Commissaire général, a été attirée sur ce sujet. M. le Ministre des Colonies et M. l'Inspecteur géné- ral de l'Agriculture coloniale se sont émus également en considé- rant le retard facilement réparable de notre colonie par rapport à celles de nos voisins du Camerun et de la Côte d'Or.
La direction technique de l'Agriculture coloniale, qui déjà a rendu tant de services, a fourni récemment par l'intermédiaire du Dépar- tement des Colonies et de nos agents consulaires au Camerun et à la Côte d'Or des renseignements fort utiles sur les résultats obtenus par la culture du cacao. Ces renseignements sont venus confirmer la justesse des projets qui ont pour but de donner à l'agriculture au Gabon une orientation semblable.
C'est pourquoi, Monsieur le Commissaire général, j'ai tenu à vous soumettre, dès maintenant, un plan de campagne pour l'année 1905, résumant les projets que j'ai eu l'honneur de vous exposer et qui pourront servir de base aux évaluations budgétaires pour cet exercice.
Avant d'établir ce plan, il est indispensable de dire quelques mots du Jardin d'Essai de Libreville.
Je ne ferai, il est vrai, que répéter les constatations de mes pré- décesseurs en ce qui concerne la nature ingrate du terrain, mais je profiterai de l'occasion, si vous voulez bien me le permettre, pour rendre hommage ici au travail de M. C. Chalot, actuellement pro- fesseur au Jardin Colonial, qui, au cours des nombreuses années pendant lesquelles il dirigeait le Jardin d'Essai de Libreville, a pu tirer parti de ce mauvais sol avec le peu de moyens dont il dispo- sait pour introduire au Congo une quantité considérable de plantes utiles provenant des autres colonies. Le catalogue des plantes culti- vées au Jardin d'Essai annexé au présent rapport contient la meil- leure preuve des résultats importants déjà obtenus dans cet ordre d'idées.
On a souvent tendance à considérer comme peu utile et trop technique le rôle des Jardins d'Essai en ce qui concerne l'introduc- tion de plantes ne devant pas servir immédiatement à la grande culture.
298 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Cependant en novembre et décembre dernier, grâce à la présence d'échantillons uniques entrant, je crois, pour la première fois en fructification, il a été possible de multiplier quelques plantes fort intéressantes, telles que :
IS Artocarpus incisa, variété Seminifera, arbre à pain châtaigne se reproduisant par semis.
Le Nephelium longanum, une des variétés de Letchi si apprécié fruit de table. A un point de vue plus pratique, si on ne veut pas considérer comme étant de première utilité les plantes apportant plus de bien-être aux Européens habitant les Colonies, je citerai :
Le Castilloa elastica, dont deux pieds, existants et entrés en fruc- tification en octobre; ont permis d'obtenir 2o0 jeunes plants en pépinière, dont 50 ont été expédiés par le dernier courrier à destina- tion du Jardin d'Essai de Brazzaville.
Un seul pied de Palaquium existait quand j'ai pris la direction du Jardin. Il ne fructifie pas encore, mais est assez développé pour permettre la multiplication par le bouturage.
Si l'on considère la difficulté qu il y a à recevoir en bon état les graines des autres colonies, on se rend compte que. pour multiplier les variétés utiles dans une colonie aussi vaste que le Congo Fran- çais, le meilleur moyen consiste à planter quelques exemplaires et à attendre leur fructification pour répandre ensuite les jeunes plants dans tous les postes.
Le Jardin d'Essai a donc fait œuvre utile et continuera son rôle par la multiplication de la collection importante qu'il possède et qu'il est permis d'espérer enrichir mensuellement, grâce aux Jar- dins d'Essais des autres colonies françaises et étrangères, et grâce au Jardin Colonial qui nous fait régulièrement d'importants envois. Lors de mon retour, j'avais été chargé par le Directeur de cet éta- blissement. M. l'Inspecteur général de l'Agriculture coloniale, d'in- troduire au Congo une caisse Ward de grande valeur, eu égard à l'importante collection qu'elle contenait et notamment aux diffé- rentes variétés de plantes à gutta.
Mais, à côté de ce rôle important que doit remplir un Jardin d'Essai, il en est évidemment un autre dont l'utilité pratique nous apparaît mieux et qui consiste à faire des cultures susceptibles d'attirer les capitaux français au Congo en faisant ressortir les avan- tages qui peuvent découler des entreprises agricoles, en s'attachant à servir de guide à celles qui viendraient à être créées.
LE CACAO AU COiNGO
299
A ce point de vue, le Jardin d'Essai actuel est insuffisant. La totalité du terrain est actuellement occupée et sa superficie res- treinte ne permet d'ailleurs pas de faire de véritables essais de nature à dégager des formules d'application ni à faire voir des résultats probants. Il faut prévoir le moment où les plantations augmentant dans de grandes proportions, amèneront fatalement des maladies parasitaires ou autres : dès l'apparition de ces maladies, il convient que le service des cultures soit prêt à étudier le remède applicable. En outre, le Service de l'Agriculture doit être en mesure de satisfaire à toutes les demandes de graines ou de plants, et il est permis d'espérer que ces demandes suivront une progres- sion constante. Il faudrait également avoir les moyens de fournir gratuitement aux indigènes, ou tout au moins à des conditions de prix exceptionnelles, les éléments nécessaires à la création de petites plantations à proximité de leurs villages. Concurremment au développement de certaines cultures par les Européens, il y a en effet tout avantage à chercher à pousser l'indigène à obtenir, pour son compte, le produit brut qu'il pourra ensuite céder aux entreprises européennes établies dans la colonie. Ces diverses con- sidérations dictent, en quelque sorte, le programme qu'il convient de donner au Service de l'Agriculture de la colonie, ainsi que les mesures qui présentent un caractère de première urgence.
Une très belle collection de 19 variétés de cacaoyers existe au Jardin. C'est déjà une grosse question résolue; mais chacune de ces variétés ne comprend que 5 à 8 plants. Ce chiffre est absolu- ment insuffisant pour permettre d'établir des différences exactes de production.
Nous devons à l'initiative privée, comme je l'ai dit plus haut, de savoir d'une manière certaine le bénéfice que l'on peut espérer tirer d'une plantation de cacaoyers au Gabon. Ces bénéfices pourraient sans doute être accrus à la suite d'expériences méthodiques. Mais le colon ne peut immobiliser ses capitaux à faire des essais sur plu- sieurs variétés, dont la moitié, les trois quarts peut-être, ne lui don- neront que des résultats négatifs. Jusqu'à présent les planteurs de la colonie n'ont eu recours qu'à la variété « Cacao de San Thomé ». Au début de toute grande culture, on commence par un type adapté au pays, puis, petit à petit, on arrive à améliorer ce type par la sélection, le greffage, on introduit d'autres variétés et on cherche à se rapprocher de la plante parfaite, suivant les exigences
300 ÉTUDES ET MÉMOIRES
du sol, du climat, les conditions spéciales, les moyens dont on dis- pose pour la récolte, la préparation, etc.
Ces recherches dont le planteur ne salirait assumer la charge constituent, au contraire, le rôle essentiel des Jardins d'Essai, et c'est par là que l'utilité à la fois scientifique et pratique de ses créa- tions se manifeste le mieux. Dans cet ordre d'idées, il y aurait le plus grand intérêt à créer sans retard, indépendamment de ce qui existe déjà, et dans un terrain favorable, une pépinière, ou Station d'Essai, consacrée exclusivement à l'étude et au développement du cacaoyer.
A cet égard, la région du Gomo, par la nature de son terrain, son rapprochement du chef-lieu, et le nombre des entreprises agricoles anciennes et récentes, ayant principalement pour but la culture du cacaoyer, offre les meilleures conditions pour le succès et l'utilité pratique de la création projetée.
La chaloupe la Pahouine devant remonter dans le Como dans le courant de ce mois, je serais heureux de pouvoir profiter de cette occasion pour visiter les concessions agricoles et rechercher le ter- rain nécessaire à l'exécution du projet que j'ai l'honneur de sou- mettre à votre haute appréciation.
Luc.
Libreville, le 10 mars 1904. Monsieur le Commissaire général,
Vous avez bien voulu m'autoriser à faire un voyage dans le Como pour y visiter les concessions, l'ensemble du pays et y choi- sir un terrain. Je viens donc, Monsieur le Commissaire général, vous rendre compte du résultat de ma tournée en vous faisant part de suite de la bonne impression que je rapporte de mon voyage tant au point de vue du pays que des plantations en cours et de l'espoir que j'ai de voir bientôt toute cette région occupée par l'agriculture.
Avant d'entrer dans le détail des différentes exploitations en cours, je désirerais vous faire part des idées personnelles qui me sont venues en examinant le pays au point de vue tout à fait spécial qui nous occupe.
Il est difficile de faire un partage rationnel des différents terrains, car il est à remarquer que dans cette région les sols sont souvent fort dissemblables et qu'il arrive de trouver à proximité les uns des
LE CACAO AU CONGO 301
autres des terrains composés de sables plus ou moins alluvion- naires recouvrant des grès ferrugineux, et à côté ces mêmes grès recouverts d'argile presque pure.
Toutefois, de par la conformation même du pays en passant sur ce que ma classification peut avoir d'arbitraire au point de vue strictement géologique, je crois possible, pour bien fixer l'attention, de diviser cette, région en trois parties :
1° La partie de l'Estuaire du Gabon proprement dit et des ter- rains où domine franchement le sable ;
2° La partie des cours d'eau se jetant dans l'Estuaire que l'on pourra appeler les affluents du Como, et le Como lui-même dans toute la région des palétuviers ;
3° La région des plateaux et des contreforts des Monts de Cristal.
Au point de vue climatérique, les terrains du premier groupe sont placés dans des conditions fort dissemblables de celle du troi- sième. Les terrains de l'Estuaire sont soumis aux grands vents, la végétation est moins forte, l'humidité moins sensible, la saison des pluies régulièrement coupée de journées de fort soleil permettant le séchage naturel de cacao. Par contre, le terrain de par son sous- sol est plus difficile à mettre en valeur et détermine des pertes et une moins longue durée de production pour la plante.
Les terrains du second groupe sont, en général, argilo-silicieux ; on les rencontre en remontant les criques, et presque toujours cachés par la bordure des palétuviers qui reposent sur des couches vaseuses tendant à se solidifier et soumises à l'influence des marées.
Ces terrains, collines ou plateaux peu élevés, sont assez sem- blables, quoique en certains endroits recouverts d'alluvions, et l'on peut dire qu'ils ne diffèrent que par la quantité plus ou moins grande de sable qu'ils contiennent.
En quelque endroit où j'aie eu occasion de faire des sondages, j'ai toujours remarqué l'apparence granuleuse de l'argile, sa friabilité et perméabilité, ce qui ne peut être qu'un avantage pour la culture d'une plante a racine pivotante telle que le cacaoyer.
Le troisième groupe, qui comprendrait tout au moins, pour la rivière Como, la région comprise entre Pula-Bifun et les Monts de Cristal, est mieux marqué au point de vue du sol et paraît être destiné, à mon avis, si la culture du cacao prenait de grandes pro- portions au Gabon, à devenir un centre important d'exploitation agricole, de par la quantité de terrains cultivables, la nature du sol et les conditions climatériques.
302 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Toutefois, je pense, dès à présent, qu'il sera difficile sans moyens artificiels d'y obtenir un bon séchage du cacao sur place.
Mais, dans toute vaste contrée agricole où l'on exploite spéciale- ment une plante, le sol et le climat influent de telle sorte que chaque planteur, suivant la partie occupée, rencontre des avantages et des inconvénients qui n'affectent pas le voisin, réciproquement.
Cette classification un peu arbitraire des terrains du Como n'était pas inutile, à mon sens, pour faire voir tout l'intérêt qu'avait pu pré- senter pour nous une tournée dans ce pays, en tenant compte de la présence de plantations et de pieds isolés de cacaoyers dans les différents groupes que nous avons vus si dissemblables sous le rap- port climat et sol.
Plantation d'Ayèmè. — La plantation d'Ayèmè fait partie d'une concession de 10.000 hectares appartenant à la Société du Haut Como.
La plantation s'étend en bordure du Como sur 27 à 28 hectares débroussés et comprend actuellement 13 à 14.000 pieds en place.
Le début de la plantation date de 1900. En 1904-1905, 2.000 plants commenceront à donner un léger rapport, et M. Guillain, directeur de la plantation, compte, pour 1907, 7 à 8,000 pieds de plus au minimum.
La plantation est faite sans abris artificiels (bananier), après net- toyage complet du terrain primitivement boisé.
Plantation de la Borné. — Concession de 600 hectares, située sur la rive gauche de la Bokné, accordée tout récemment (décembre 1903) à M. Paul Stéphane.
La future plantation est indiquée par des chemins de reconnais- sance du terrain, quelques pépinières en bonne voie et 3 ou 4 hec- tares débroussés, ou plutôt déboisés.
Plantation de Ningué-Ninglé. — La plantation de l'île de Ningué- Ningué, au confluent du Como et de la Bokné, fait partie d'une concession de 500 hectares, accordée à M. Brandon.
Commencée en 1901, elle compte actuellement de 12 à 13.000 pieds.
Le chef d'exploitation, M. Dagot, a planté plusieurs variétés choisies parmi les meilleures sortes de la collection du Jardin d'Essai (Trinidad-Criollo-Caracas) .
LE CACAO AU CONGO 303
Le porte-ombre est le bananier ; dans une partie, on a conservé entre chaque ligne de cacaoyers une ligne de jeunes arbustes.
Plantation de Mafu. — Cette plantation fait partie d'une con- cession de 10.000 hectares, accordée à la Compagnie du Gabon et rachetée ensuite par la Société du Haut Como.
Les travaux de débroussement ont commencé en 1801 et les pre- mières pépinières en juillet de la même année. Le terrain est accidenté et s'étend en bordure du Como sur une superficie de 26 hectares débroussés, avec 13.000 pieds plantés. M. Knauss, directeur de la plantation, pense que 4.000 pieds commenceront à rapporter quelques cabosses en 1905.
La plantation est faite sans abris artificiels ; les arbres sont à 4 mètres et proviennent presque tous de semis direct.
Plantation de Donguila. — Appartient à la Mission Catholique de Donguila. Elle est située sur la rive droite de l'Estuaire, à l'en- trée du Como. Une partie déjà assez anciennement plantée est en rapport, et les Pères utilisent ce premier produit pour préparer un chocolat sur place. L'autre partie est récente et l'ensemble repré- sente environ 6.000 pieds de plants.
Plantation E. Picard, veuve Bettencourt. — Cette concession de 500 hectares, accordée en septembre 1903, se trouve sur la rive gauche de la Rogolié, dans la crique Messam. Quelques chemins de pénétration, des pépinières de belle venue sont les premiers travaux exécutés jusqu'à présent.
Plantation Rogolié. — Située sur la rive droite de la Rogolié, dans la crique Imienguè, cette concession de 600 hectares a été accordée à MM. Blot et Vecten en décembre 1902.
Actuellement, 15 hectares sont débroussés et déjà 7.500 pieds plantés depuis décembre 1903.
Plantation E. Lucas. — Concession de 400 hectares, sur la rive gauche de la Rogolié, non encore mise en exploitation.
Plantatio.n Armor. — C'est la plus ancienne plantation de cacao du Gabon. Commencée en 1892 par son propriétaire M. Jan- selme, elle couvre une superficie de 40 hectares, c'est-à-dire la surface entière de l'Ile aux Perroquets. 25.000 cacaoyers de la
304 ÉTUDES ET MÉMOIRES
variété San-Thomé y ont été plantés depuis 1892, et en 1898 une partie commençait à rapporter.
Sur ces 25.000 pieds la moitié seulement donne véritablement un bon rapport.
Le directeur, M. Blot, a bien voulu me fournir le tableau sui- vant indiquant les quantités exportées par la plantation Armor depuis 1898 :
En 1898 3 tonnes.
1899 6 —
1900 10 —
1901 16 —
1902 24
1903 28 —
Ceci représente une progression croissante fort intéressante qui ira en augmentant encore pendant plusieurs années.
Le produit très bien préparé est estimé sur le marché et payé en moyenne à raison de 225 francs les 100 kilos.
L'installation actuelle et le chiffre d'affaires sont un bel exemple qui ne pourra, je l'espère, qu'encourager les planteurs à venir, et l'on ne saurait trop recommander aux futurs colons de visiter cet établissement de premier ordre.
Plantation de la pointe Gombè. — Concession de 800 hectares, accordée à MM. Kérangal et Janselme.
La plantation a été commencée en 1903 et compte actuellement 5.000 pieds mis en place.
Plantation de Mina. — La plantation de la pointe Mina, située sur la rive gauche de l'Estuaire du Gabon, appartient à MM. de Balincourt et Paul Sajoux, et comprend 1 1.000 pieds de cacaoyers. 2.500 plantés en 1898 sont en rapport depuis 1903. La variété culti- vée est le San-Thomé. En 1903, il a été exporté 1.500 kilos de cacao coté 2 fr. à Bordeaux.
Plantation de Chinchua. — Cette plantation se trouve sur la rive gauche de la rivière Rambouè a Chinchua. Les premiers plants ont été plantés en 1899, et la plantation totale actuelle est d'environ 15.000 pieds.
Plantation di: Shuugne. — Woermann et Ci(', Sibauge-Farm, — >
LE CACAO AU CONGO
305
Cette très ancienne concession, qui date de 1880, se trouve environ à 12 kilomètres de Libreville.
Elle était primitivement destinée à la culture du café qui n'a pas donné ce que l'on en attendait.
En 1898, M. Gebauer, le directeur au Congo de la Société Woer- mann et C°, songea au cacaoyer qui lui parut appelé à de meilleurs résultats.
Actuellement, la concession, qui a 2.757 hectares de superficie, est cultivée en cacaoyers sur 61 hectares et comprend plus de 20.000 pieds plantés.
1.500 environ, mis en place en 1899, commencent à rapporter et ont permis de faire un premier envoi de 300 kilos. Ces cacaos, ni lavés ni triés, ont été cotés 48 pfennigs sur place de Hambourg.
La plantation, qui a progressé très rapidement depuis 1900, date à laquelle j'avais eu occasion d'en faire la visite, est faite sous ombrage naturel provenant d'arbres conservés au cours des opéra- tions dé défrichement.
En terminant rémunération des plantations prises dans l'ordre que j'ai suivi pour les visiter, je ferai remarquer que, pour le Como et la région de Libreville, la presque totalité des plantations n'a pas encore fourni de produits et qu'il est permis de supposer pour toutes les années qui vont suivre une augmentation régulière du chiffre d'exportation.
C'est ce qui a eu lieu du reste depuis 1897, comme le prouve le tableau suivant :
CACAO EN FEVES.
QUANTITÉS EXPORTÉES
1S97 |
1K9N |
1899 |
1900 |
1901 |
1902 |
8 tonnes |
16 l. |
23 t. |
14 t1. |
-17 t. |
58 t. |
TERRAIN CHOISI POUR LA STATION d'eSSAI PROJETÉE
Pour le choix de ce terrain j'ai cherché, autant que possible, à ne pas trop m'éloigner de Libreville, et ce n'est qu'à partir de Mafou que j'ai examiné rapidement les terrains où serait possible l'installation d'une Station de culture.
1. Diminution accidentelle. Bulletin du Jardin colonial.
20
306 ÉTUDES ET MÉMOIRES
J'annexe à mon rapport une carte indiquant la position des diffé- rents terrains qui pourraient être choisis :
i°En partant de Mafou un plateau peu élevé désigné sur la carte par le n° (1) situé en face la pointe de File Ningué Uaté sur la rive gauche du Como.
Terrain boisé, distant de <v50 à 100 mètres de la rive avec quelques points abordables, malgré les palétuviers, et, comme point plus élevé, 40 mètres environ au-dessus du Como.
Cet emplacement doit se trouver dans les réserves indigènes.
N° (2). Plateau paraissant dans les mêmes conditions que le ter- rain n° (1), sauf en ce qui concerne la présence de villages et les réserves indigènes.
Il se trouve placé en face de l'Ile Ningué Buendé et en aval sur la rive gauche, mais son abord est difficile.
N° (3). Plateaux des villages d'Alum etLenvé, bien placés, abor- dables, à terrain argilo-silicieux et superficie plus que suffisante.
N° (4). Pointe delà rivière Assango, à une journée de Libreville. La surface paraît un peu exiguë et le sous-sol rocheux par places, mais l'abord de ce terrain est très facile et il se trouve sur la route des embarcations qui montent dans le Como.
N° (S). A la pointe rive gauche de la rivière Ramboué. La posi- tion est excellente comme distance de Libreville et se trouve égale- ment sur la route des vapeurs et embarcations, mais le plateau, rocheux à la base, est difficilement abordable, car il y a une demi- heure de chemin à faire dans la vase et les palétuviers pour aborder le terrain solide à marée basse.
N° (6). Plateau boisé, à terrain argilo-silicieux, homogène, sans pierre, étendu, très abordable par la rivière Rogoliè et la première crique de la rive droite.
A l'inconvénient d'être à trois heures d'embarcation de la ligne des vapeurs, mais se trouve à une petite journée de Libreville.
Ayant indiqué ces divers points réunissant à peu près les condi- tions cherchées, il ne me restera plus, Monsieur le Commissaire général, si vous approuvez définitivement la création du poste d'Essai projeté, qu'à faire un choix, après un examen plus appro- fondi, parmi les terrains dont je viens de vous parler.
M. Luc.
PRODUCTION DU COTON AUX INDES Rapport du Consulat général de France à Calcutta.
Les informations réunies par le Gouvernement concernant la récolte probable du coton dans les diverses parties des Indes où ce produit est cultivé ne sont pas encore complètes, mais elles sont cependant déjà suffisantes pour se rendre compte très approxima- tivement du résultat final.
La superficie des terrains plantés en coton est un peu supérieure à celle de l'année dernière, savoir :
Surface des cultures du coton en 1903-04. . 16.456.222 acres.
Surface — en 1902-03.. 16.184.659
Moyenne des 5 dernières années pour la
culture du coton 13.188.354 —
La différence très sensible que Ton constate (plus de 2 millions d'acres) entre l'étendue des terrains employés pour la culture du coton pendant les deux dernières années 1902-1903 et 1903-1904 et l'étendue moyenne pendant les cinq années précédentes ne pro- vient pas, ainsi qu'on pourrait le présumer, d'une extension récente donnée à cette culture en prévision de la crise qui sévit actuelle- ment sur l'industrie cotonnière. Il faut se rappeler que pendant l'année de grande famine et de sécheresse 1899-1900, la plupart des champs ont été abandonnés, et pendant les années qui ont suivi immédiatement, beaucoup de terrains n'ont pu être cultivés faute de semences ; en outre, il y avait surtout nécessité de produire des graines comestibles. La culture du coton a donc été en partie aban- donnée sur certains points. Ce sont ces circonstances exception- nelles qui ont diminué anormalement la moyenne des cinq dernières années pour la culture du coton.
Au début de la saison actuelle, les prévisions pour la récolte finale étaient très favorables, malheureusement les conditions cli- matériques n'ont pas continué à être propices, les pluies ont été mal distribuées, trop tardives au commencement de la moisson et trop
308
ETUDES ET MEMOIRES
abondantes à l'époque de la maturité, et en fin de saison, au mois d'octobre, de violents orages, qui ont éclaté dans quelques régions, ont encore augmenté les dégâts.
Il résulte de ces circonstances fâcheuses que bien que la surface cultivée en coton dépasse de 271.563 acres celle de l'année der- nière, le rendement général de la présente récolte est, dès à présent, apprécié comme devant être inférieur à celui de la précédente, savoir :
Balles de 400 livres.
Rendement en 1002-03, moins les régions de
Madras et d'Hyderabad 1 . 649 . 893
Rendement prévu pour 1903-04, moins les
régions de Madras et d'Hvderabad 1 .527.289
En moins
122.604 b.
Cette différence ne pourra que s'augmenter lorsqu'on connaîtra les derniers résultats, car les récoltes, dans les deux régions de Madras et d'Hyderabad, sont appréciées comme devant être infé- rieures à la moyenne, surtout le territoire d'Hyderabad, qui comprend une superficie de près de 2 millions et demi d'acres en coton, qui ne produira environ que 63 °/0 d'une récolte normales. Les pluies inces- santes ont causé des pertes considérables dans toute cette région.
Les exportations de coton brut se sont élevées :
Pour l'année 1898-1899 111 .885.385
— 1899-1900
— 1900-1901 1901-1902
— 1902-1903
roupies.
99 . 250 . 646 101.274.007 144.260.933 147.571.981
et pour les six premiers mois de l'exercice financier 1903-1904, du 1er avril au 30 septembre 1903, 101.889.476.
Le change de la roupie est 1 fr. 66.
Le coton indien n'est pas très recherché par les industriels euro- péens, qui emploient surtout le coton américain et égyptien, dont la fibre est plus longue. Je relève, en effet, dans une communication faite par M. Leverdier, membre de la Chambre de Commerce de Rouen, au Congrès de géographie, que, dans le courant de l'année
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PRODUCTION DU COTON AUX INDES 309
dernière, l'industrie française a employé 205 millions de kilogrammes de coton, dont les provenances sont réparties ainsi :
Coton d'Amérique. 165 millions.
— d'Egypte ... 23
— des Indes. . . 17
Ceci explique pourquoi le marché du coton aux Indes n'a pas été sensiblement affecté par les spéculations ardentes qui se sont pro- duites dernièrement en Amérique.
Pendant les six premiers mois de l'exercice courant, du lor avril au 30 septembre, les exportations ont été réparties ainsi :
Quantité. Valeur en roupies.
Quintaux. Roupies.
Grande-Bretagne et Irlande . 303 .969 8 . 506 . 064
Autriche-Hongrie 261 . 652 7 . 089 . 575
Belgique 475.647 12.663.469
France 209.785 5.984.458
Allemagne 791.359 21.282.723
Italie 478.953 12.554.113
Espagne 130.564 3.723.467
Chine 74.039 1.839.645
Japon 871 .302 25.101 .953
Divers 112.341 3.114.009
3.709.666 101.859.476
La crise industrielle qui sévit au Japon a sensiblement diminué, depuis deux ans, les exportations de coton vers ce pays qui est cependant resté le plus fort acheteur de ce produit aux Indes.
Le danger qui menace l'industrie cotonnière en Europe et qui est sensible, surtout en Angleterre, provient de ce que la culture du coton dans les pays de production ne s'est pas développée dans la même proportion que les industries de filature et de tissage ; il s'en- suit que ces industries sont, en partie, réduites au chômage, ne pouvant plus facilement se procurer la matière première pour al- menter leurs machines.
On craint, avec raison, que l'industrie cotonnière qui s'est déve- loppée en Amérique ne veuille conserver pour elle, au détriment des industriels européens, une grande partie des récoltes des Etats-Unis. Les spéculations purement financières augmentent accidentellement l'acuité de la crise : ces spéculations peuvent s'apaiser, mais la cause
308 ÉTUDES ET MÉMOIRES
abondantes à l'époque de la maturité, et en fin de saison, au mois d'octobre, de violents orages, qui ont éclaté dans quelques régions, ont encore augmenté les dégâts.
Il résulte de ces circonstances fâcheuses que bien que la surface cultivée en coton dépasse de 271.563 acres celle de l'année der- nière, le rendement général de la présente récolte est, dès à présent, apprécié comme devant être inférieur à celui de la précédente, savoir :
Balles de 400 livres. Rendement en 1902-03, moins les régions de
Madras et d'Hyderabad 1 . 049 . 893
Rendement prévu pour 1903-04, moins les
régions de Madras et d'Hyderabad 1 .527.289
En moins 122.604 b.
Cette diiférence ne pourra que s'augmenter lorsqu'on connaîtra les derniers résultats, car les récoltes, dans les deux régions de Madras et d'Hyderabad, sont appréciées comme devant être infé- rieures à la moyenne, surtoutle territoire d'Hyderabad, qui comprend une superficie de près de 2 millions et demi d'acres en coton, qui ne produira environ que 63 °/0 d'une récolte normales. Les pluies inces- santes ont causé des pertes considérables dans toute cette région.
Les exportations de coton brut se sont élevées :
Pour l'année 1898-1899 111. 885 . 385 roupies.
— 1899-1900 99.250.646 —
— 1900-1901 101.274.007 — 1901-1902 144.260.933 1902-1903 147.571.981 —
et pour les six premiers mois de l'exercice financier 1903-1904, du i« avril au 30 septembre 1903, 101.889.476.
Le change de la roupie est 1 fr. 66.
Le coton indien n'est pas très recherché par les industriels euro- péens, qui emploient surtoutle coton américain et égyptien, dont la libre est plus longue. Je relève, en effet, dans une communication faite par M. Leverdier, membre de la Chambre de Commerce de Rouen, au Congrès de géographie, que, dans le courant de l'année
PRODUCTION DU COTON AUX INDUS 309
dernière, l'industrie française a employé 203 millions de kilogrammes de coton, dont les provenances sont réparties ainsi :
Coton d'Amérique. 165 millions. d'Egypte... 23 — — des Indes. . . 17
Ceci explique pourquoi le marché du coton aux Indes n'a pas été sensiblement affecté par les spéculations ardentes qui se sont pro- duites dernièrement en Amérique.
Pendant les six premiers mois de l'exercice courant, du 1er avril au 30 septembre, les exportations ont été réparties ainsi :
Quantité. Valeur en roupies.
Quintaux. Roupies.
Grande-Bretagne et Irlande . 303 . 969 8 . 506 . 064
Autriche-Hongrie 261 . 652 7 . 089 . 575
Belgique 47a . 647 12 . 663 . 469
France 209.785 5.984.458
Allemagne 791.359 21.282.723
Italie 478.953 12.554.113
Espagne.. 130.564 3.723.467
Chine 74.039 1.839.645
Japon 871.302 25.101.953
Divers 112.341 3.114.009
3.709.666 101.859.476
La crise industrielle qui sévit au Japon a sensiblement diminué, depuis deux ans, les exportations de coton vers ce pays qui est cependant resté le plus fort acheteur de ce produit aux Indes.
Le danger qui menace l'industrie cotonnière en Europe et qui est sensible, surtout en Angleterre, provient de ce que la culture du coton dans les pays de production ne s'est pas développée dans la même proportion que les industries de filature et de tissage ; il s'en- suit que ces industries sont, en partie, réduites au chômage, ne pouvant plus facilement se procurer la matière première pour al- menter leurs machines.
On craint, avec raison, que l'industrie cotonnière qui s'est déve- loppée en Amérique ne veuille conserver pour elle, au détriment des industriels européens, une grande partie des récoltes des États-Unis. Les spéculations purement financières augmentent accidentellement l'acuité de la crise : ces spéculations peuvent s'apaiser, mais la cause
310 ÉTUDES ET MÉMOIRES
normale de cette crise, le manque d'équilibre entre la production agricole et la demande pour l'emploi industriel subsistera au détriment de l'Europe.
On s'est préoccupé de cette situation en Angleterre, et il s'est formé une société qui se propose de développer la culture du coton dans tous les pays placés sous la dénomination britannique, afin que l'industrie nationale ne soit plus aussi complètement tributaire de l'étranger.
Actuellement, les exportations du coton des Indes en Angleterre n'atteignent pas, dans les meilleures années. 33.000 tonnes, ce qui est un appoint insignifiant pour la consommation industrielle du pays et, de plus, la qualité ne répond pas exactement aux exigences de cette industrie.
La situation est la même pour les industriels français qui ne retirent pas des Indes 20 . 000 tonnes de coton dans les meilleures années. Il est donc intéressant pour eux de savoir si la production des Indes peut être sensiblement augmentée et la qualité améliorée.
Chaque année, en Asie aussi bien qu'en Afrique, des régions jus- qu'alors fermées sont mises en contact avec la civilisation ; ce sont, selon le terme consacré, des débouchés nouveaux. On peut donc considérer que la clientèle d'achat des produits manufacturés du coton continue à augmenter proportionnellement au développement de l'industrie ; la difficulté ne provient donc bien que de l'insuffi- sance de la matière première et la solution est uniquement dans le développement et le perfectionnement de la culture.
La culture du coton aux Indes n'a pas fait de très grands progrès au point de vue expérimental ; le service de l'agriculture reconnaît que sa connaissance de la valeur relative des variétés de semences indigènes n'est pas encore complète. On a fait quelques expériences pour acclimater aux Indes les graines étrangères, mais ces expé- riences n'ont pas donné des résultats satisfaisants; certaines semences étrangères n'ont rien produit, et sous les diverses influences de cli- mat, de qualité des terres, etc., etc., les cultures de ce genre qui avaient réussi ont perdu peu à peu leurs qualités particulières pour reprendre les caractères de la variété locale. C'est dans le sens con- traire que le même phénomène s'est produit chez nous avec les plants de vignes américaines qui. en s'améliorant, ont donné pro- gressivement, dans bien des cas, des produits ayant les mêmes qua- lités de terroir que les vignes françaises perdues par le phylloxéra.
PRODUCTION DU COTON AUX INDES 311
Ces expériences d'acclimatation des cotons étrangers n'ont peut- être pas été poursuivies assez longtemps et avec assez de soin pour être conclusives ; elles sont cependant abandonnées, et les personnes les plus autorisées préconisent, de préférence, la sélection des semences indigènes et leur amélioration par des soins de culture, plutôt que de nouveaux essais d'acclimatation de semences étran- gères.
La culture du coton est uniquement entre les mains des indigènes, qui suivent une routine inintelligente ; ils vendent leur récolte directement à des acheteurs indigènes, qui suivent également des coutumes peu favorables à l'amélioration du produit. En effet, après la récolte, les paysans chargent le coton sur des charrettes et se rendent à un centre de marché souvent très éloigné de chez eux, où se réunissent également les acheteurs, qui établissent, chaque jour, un prix d'achat unique pour toutes les marchandises, sans tenir compte de la qualité. Le producteur qui n'a aucun moyen de vendre autrement sa récolte n'a donc aucun intérêt à en améliorer la qua- lité, même s'il en avait l'envie et le moyen. Il est, le plus souvent, endetté envers l'acheteur qui lui a fait des avances et qui lui four- nit, pour la prochaine récolte, des semences qu'il se procure au meilleur marché possible, sans considération de la qualité.
Pour remédiera ces inconvénients qui sont généralement reconnus, on propose d'établir des fermes modèles d'expérimentations, où les cultivateurs pourraient s'approvisionner de semences choisies et de la variété la mieux ajapropriée à la région où elle doit être semée ; ces mesures ne peuvent être prises sans l'aide du gouvernement. Il faudra faire des essais successifs, amener les cultivateurs à soigner leurs récoltes, et il faudra surtout modifier les coutumes d'achat de façon à ce que le producteur trouve un réel avantage à chercher à améliorer le coton. Toutes ces modifications ne peuvent se faire que très lentement.
Même dans les conditions imparfaites où la culture du coton est faite, elle est plus productive que les autres pour les indigènes, de sorte que, dans toutes les régions où cette plante peut venir, les ter- rains propices sont déjà employés. Les travaux d'irrigation et la nécessité pourront amener à développer la production; mais dans ce sens également, les progrès seront lents.
On a retrouvé récemment quelques spécimens de l'arbre cotonnier qui produirait la matière première pour la fabrication des fameuses
312 ÉTUDES ET MÉMOIRES
mousselines de Dacca, et qui a presque disparu du Bengale, à la suite, dit-on, de fortes inondations qui ont imprégné d'eau salée toutes les terres du Delta du Gange. On se propose d'acclimater cet arbre dans d'autres régions, et de le cultiver pratiquement. 11 atteint une hauteur de 4 mètres environ, et produit deux récoltes par an; pendant une période de dix ans, il donne une fibre longue, soyeuse et résistante, qui peut rivaliser avec les meilleurs cotons du monde. Une importante maison de Calcutta a commencé des essais de plan- tations de cet arbre dans les Provinces centrales.
L'industrie cotonnière aux Indes, pour le filage et le tissage, se développe régulièrement ; jusqu'en 1850, on ne connaissait que le filage et le tissage à la main. La première fabrique a été inaugurée à cette époque, et en 1878 on comptait déjà 50 fabriques, représen- tant 12.983 métiers et 1.436.667 broches; depuis, la progression est restée constante, se continuant même pendant ces dernières années, en dépit de circonstances défavorables.
Il y avait, en 1900, 187 fabriques, représentant 38.520 métiers et 4.737.874 broches; en 1901, 191 fabriques, représentant 40.542 métiers et 4.942.290 broches; en 1902, 194 fabriques, représen- tant 41 .815 métiers et 4.992.249 broches ; en 1903, 201 fabriques, représentant 43.676 métiers et 5.164.360 broches.
Sur les 201 fabriques existant en 1903, 113 sont exclusivement des filatures, 4 ne font exclusivement que le tissage, 84 font concur- remment le filage et le tissage.
Le capital englobé dans cette industrie est apprécié à environ 12 millions de livres sterling, soit 300 millions de francs.
La Présidence de Bombay possède à elle seule environ 70 °/0 des fabriques et des métiers, dont le plus grand nombre s'élève dans les environs immédiats de la ville.
La production des filés, qui représentait en poids, en 1898, 436.659.000 livres anglaises, s'est élevée, en 1903, à 558.812.000 livres. La qualité s'améliore en même temps que la quantité s'élève, surtout dans la région de Bombay, où l'on importe des cotons égyptiens de qualité supérieure pour les mélanger au coton indien. La production des tissus est aussi en progression et s'est élevée de 98.658.000 livres en 1898, à 117.364.000 livres en 1903.
Il y a donc aussi aux Indes une industrie cotonnière qui se déve- loppe également, proportionnellement, beaucoup plus rapidement que la production de la matière première. Cette industrie, malgré
PRODUCTION DU COTON AUX INDES 313
son accroissement progressif, n'est pas dans un état prospère. Son principal débouché, surtout pour les filés de coton, est le marché chinois, et ce marché lui a été disputé, il y a quelques années, par l'apparition subite des produits des nouvelles filatures du Japon, et cette concurrence s'est produite d'une façon d'autant plus gênante que les industriels indiens se trouvaient dans une situation défavo- rable, par suite de la hausse progressive de la roupie.
En effet, le cours du filé, sur le marché chinois, reste toujours fixé en livres sterling-; autrefois, quand la roupie était au change de 1 shelling, l'exportateur indien, pour une vente de filé valant 1 livre sterling sur le marché, recevait la valeur de 25 roupies, tandis qu'il ne reçoit plus, au cours actuel de 1 sh. 4 d., que 16 roupies pour la même vente. La hausse du change a donc occasionné une perte considérable aux exportateurs de Bombay.
La peste, faisant fuir les travailleurs, a haussé le prix de la main- d'œuvre, la famine ensuite, et la sécheresse, en diminuant les rende- ments des récoltes, a fait élever le prix de vente. De sorte que, bien avant le Lancashire, l'industrie cotonnière des Indes a connu les crises aiguës et les chômages forcés. Ces usines, cependant, se relèvent péniblement, quoique plusieurs aient encore chômé pendant toute l'année 1903; celles qui travaillent produisent peu de béné- fices, mais couvrent cependant les frais généraux. Malgré une série de circonstances désastreuses et vraiment exceptionnelles, la ruine a été évitée; la situation se relève peu à peu et peut redevenir pros- père.
Mais le retour à la prospérité ne sera pas avantageux pour les filatures et les tissages européens, car même si la production du coton indien augmente comme quantité et s'améliore comme qua- lité, il est certain que les industriels des Indes voudront, comme le tendent les Américains, garder pour eux la matière première, afin d'alimenter leurs métiers.
En résumé, malgré tous les efforts que l'on est disposé à tenter pour améliorer la qualité et augmenter la quantité, ce n'est pas avant longtemps que l'on pourra obtenir des résultats pratiques, et même si l'on réussit dans ces essais il y a des chances que ce soit surtout au profit des industries locales. L'Europe ne peut donc comp- ter, ni actuellement ni dans l'avenir, que le coton des Indes sera d'un grand secours pour alimenter son industrie cotonnière.
Calcutta, le 28 décembre 1903.
Cheval (Ferme-école d'Yaoué).
1
Bœufs de travail (Race australienne).
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE
(Suite.)
CHAPITRE X Avenir de l'élevage calédonien.
1° CONSOMMATION
A) Etat actuel. La consommation totale calédonienne est assez difficile à déterminer d'une manière précise.
Cependant le graphique suivant en donnera une idée suffisam- ment exacte. Il ne comprend bien entendu que la totalité de bétail calédonien abattu dans la colonie. Le bétail de provenance austra- lienne n'y est pas indiqué parce que, comme nous le verrons plus loin, son importation avait été momentanément interdite à cause de l'épidémie de fièvre du Texas qui règne dans cette colonie anglaise.
Nous laisserons de côté l'abatage à l'Usine de Gomen Ouaco pour ne nous occuper que de l'abatage pour la consommation directe.
Les consommateurs sont actuellement de quatre sortes :
1° Population libre de Nouméa ;
2° Population libre de l'intérieur;
3° Services administratifs et administration pénitentiaire ;
4° Main-d'œuvre minière.
Voici d'abord, d'après les documents officiels les plus récents, l'état de la population européenne libre de Nouméa et de la colonie entière :
Ce tableau peut se résumer comme suit :
Population libre de Nouméa 4649
Population libre de l'intérieur.. . . 4715
Nous ne tenons pas compte des troupes qui sont comprises dans
316
ÉTUDES ET MÉMOIRES
l'adjudication générale de l'administration pénitentiaire et des ser- vices administratifs.
GRAPHIQUE DES QUANTITÉS APPROXIMATIVES DE VIANDES DE BŒUF ABATTUES A LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Kilogrammes.
1,900 000 1.800 000 1 200 000
1 600 000 1 500 000 1 4-00 000
1 300 000 1 200.000
1 100 000 1 000 000
900. 000
800 000
700.000
600 000
500.000
400 000
300 000
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La consommation annuelle de Nouméa, facile à connaître d'une manière très approximative, peut être estimée à environ 460.000 kilos, soit une moyenne de 100 kilos par habitant, ce qui est relativement élevé.
L ELEVAGE A LA NOUVELLE-CALEDONIE
317
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318 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Dans l'intérieur, la consommation est beaucoup moindre, et pour 4.700 habitants on atteint à peine 200.000 kilos, soit environ 42 kil. 500 par tête et par an. Encore existe-t-il beaucoup de points de la colonie où cette moyenne est loin d être atteinte. Dans les localités relativement peuplées comme Bourail, Thio, Muéo Néponi, etc., où une boucherie peut s'installer et fonctionner régu- lièrement, la consommation atteint presque la moyenne du chef- lieu. Dans les centres isolés, au contraire, cette consommation est presque nulle et le colon est obligé de se nourrir de viande salée (provenant d'Australie ou de Nouvelle-Zélande), de conserves, de volailles, etc. Cela tient uniquement au manque de moyens de com- munication qui rendent le ravitaillement très difficile. Il est absolu- ment impossible de s'approvisionner pour quelques jours seulement, et une réserve pour un mois entier est à peu près indispensable si l'on ne veut pas être pris au dépourvu. On conçoit aisément que, dans ces conditions, la consommation de viande fraîche de bœuf dans l'intérieur de la colonie ne peut pas être bien considérable. Mais, dira-t-on, on pourrait tuer un bœuf, le saler et se créer ainsi une réserve de viande calédonienne.
A cela le consommateur répondra que la Nouvelle-Zélande et l'Australie lui cèdent de la viande salée excellente, en petits barils de 25 kilos, et que cette viande lui coûte moins cher que celle du pays. Il a donc intérêt à s'adresser à nos voisins, et c'est ce qu'il fait généralement.
Restent les services administratifs et l'administration péniten- tiaire. C'est là le gros débouché pour l'éleveur calédonien.
Voici, à titre de renseignement, les prévisions de l'Administra- tion publiées à l'occasion du contrat de 1898.
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE
319
TABLEAU II
ÉTAT APPROXIMATIF DES QUANTITÉS DE VIANDE FRAÎCHE A LIVRER AUX POSTES ET PÉNITENTIERS DE NOUMÉA ET DE L INTÉRIEUR
POSTES
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Ducos
Nouméa, Coulée, Montravel, Ilot
Brun
Hôpital colonial
Prony
Ile des Pins
La Foa-Fouwhary
Bourail
Muéo-Poya .
Canala '.
Thio
Pouembout-Koné
Diahot et annexes
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Hiengliène
Touho
Ponérihouen
Houaïlou
Totaux mensuels
POUR UN MOIS
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700
»
550
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250
400
2X0
700
12.190
9 '3
7.950 2.493
3.165
» 4.335 9.483 3.560 3.861 1 .461
» 2.700
555 3.195
»
12.461
TOTAL
7.650 2.463
10 465
1.200
4.335
10.073
3.560
3.861
1 . 464
700
2.700
1.105
3.195
220
250
400
280
700
51.651
PAR
JOUR
255 83,1
348,8
40 144,5 335,8 118,6 128,7
48,8
23,3
90
36,8
106,5
7,3
8,3
13,3 9,3
23,300
D'après ce tableau, la consommation administrative pour l'année aurait donc été, en 1898, de :
Services administratifs 146.280 kil.
Administration pénitentiaire 509.532 »
Total 655.812 kil.
En vertu des arrêtés du 22 juillet 1896 et du 22 mars 1897, le bétail de provenance étrangère (Queensland et Western Australia surtout) était exclu de la fourniture administrative. Les livraisons devaient donc se faire exclusivement avec du bétail calédonien. Mais le nouveau cahier des charges rédigé à l'occasion du contrat
320 ÉTUDES ET MÉMOIRES
de mars 11)01 admet pour la fourniture administrative le bétail de toute provenance vivant ou abattu.
Enfin, l'usine de conserves de Gomen Ouaco venait absorber le surplus du bétail disponible. Cette usine, qui pouvait facilement travailler plus de 2.000.000 kilogrammes par an, était loin d'at- teindre ce chiffre. Le graphique de la page 314 montre même que son fonctionnement était très irrégulier. C'est que la quantité des conserves fabriquées dépendait de l'importance de ses adjudications avec le Ministère de la guerre. Néanmoins, elle assurait à l'éleveur l'écoulement intégral de son bétail. Il ne faut plus, pour le moment du moins, compter sur ce débouché, l'usine ayant fermé ses portes depuis la fin de 1900.
B) Avenir de la consommation. La colonisation agricole ne constitue encore, au point de vue de la consommation de viande, qu'un appoint à peu près insignifiant. Depuit 1895, il est venu en Nouvelle-Calédonie, d'après les statistiques officielles, environ 400 familles. Admettons que chacune d'elles compte quatre per- sonnes, quoiqu'il soit venu beaucoup de colons célibataires, admet- tons encore que toutes ces familles se soient installées sur leur pro- priété dans la brousse et que toutes y soient restées. Nous aurons ainsi, jusqu'au commencement de 1900, c'est-à-dire en quatre ans, une augmentation de population de 1.600 habitants, soit une con- sommation de 68.000 kilos, puisque la moyenne dans l'intérieur est de 42 kil. 500 par tête, avons-nous vu. Cela nous fait une augmen- tation annuelle de 17.000 kilos.
Faut-il espérer que. la colonisation se développera au point que l'on puisse la faire entrer comme une prévision sérieuse dans la consommation? Oui, mais ce résultat sera long à venir. Le recrute- ment des colons se fait assez facilement et il faut croire que le mou- vement établi se maintiendra. Ce qu'il faudrait surtout arriver à réaliser, c'est le relèvement de la moyenne de consommation. Nous avons vu que la cause du peu d'élévation de cette moyenne réside surtout dans le peu de développement des voies de communication. L'accroissement de la population libre résultant des naissances est certainement à considérer. Il suffit pour s'en rendre compte de mettre en regard les chiffres généraux des recensements de 1877 et de 1897 :
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 321
1877 Nouméa 1 . 414 habitants
Intérieur 1 .269
Employés des diverses admi- nistrations et leur famille. . . 587
Officiers, militaires et leurs fa- milles 1.602
Officiers surveillants, employés de l'administration péniten- tiaire et leurs familles 843
Total 5.735
1897 Intérieur 4.775
Nouméa 4 . 649
Effectif des troupes 1 .231
10.695
Si, dans ces chiffres, nous tenons compte de la diminution de l'ef- fectif des troupes de la garnison, nous voyons que le chiffre total delà population a presque doublé en 20 ans. D'ailleurs, le tableau I, p. 315, nous montre que, pour 3.315 personnes mariées ou veuves des deux sexes, il y a en Galédonie, 4546 enfants de moins de 21 ans.
C'est là un signe de vitalité manifeste pour la colonie dont la population ne peut plus que s'accroître assez rapidement. C'est pourquoi, dans les calculs qui suivront, nous augmenterons un peu la consommation totale par la population libre, tant pour l'intérieur que pour Nouméa.
Nous ne pouvons pas en dire autant du débouché qu'offrent les services administratifs. L'examen du graphique de la page 314 nous montre que labatage pour la consommation qui avait atteint son maximum en 1894-1895 a été en décroissant sans cesse depuis cette époque. En trois ans. de 1895 à 1898, la diminution a atteint 650.000 kilos, soit en moyenne 216.000 kilos par an. La cause en est bien simple :
Pour favoriser la colonisation et lui permettre de reprendre en quelques années un rapide essor, la plupart des Calédoniens se sont unis pour demander la suppression delà transportation. Ils ne vou- laient pas garder, dans la plus belle, la plus saine des colonies fran- çaises, cet élément pénal qui, tous les ans, répand dans le pays un Bulletin du Jardin colonial. 21
322 ÉTUDES ET MÉMOIRES
certain nombre de libérés paresseux, ivrognes et maraudeurs. Il valait mieux réserver les avantages de ce climat exceptionnel à des travailleurs honnêtes et sérieux.
Aussi, dès 1895, on supprime l'envoi de condamnés à la Nou- velle-Calédonie. Dès lors, le nombre des rationnaires va tous les ans en diminuant par suite des libérations qui se produisent à peu près journellement, Le libéré, dès qu'il n'est plus astreint à la discipline du bagne, prend sa revanche, c'est ce qui explique son caractère inconstant et nomade. Rarement il se fixe sur une station ou un chantier quelconque. Aussi vit-il le plus souvent de conserves.
De plus, vers 189B, la ration journalière de viande des condam- nés fut ramenée de 2o0 grammes à 200 grammes. Ces deux circon- stances suffisent à expliquer la marche décroissante de la consom- mation totale.
Nous allons maintenant dire un mot de la main-d'œuvre des mines dont le développement est intimement lié à la prospérité de la colonie entière. Depuis quelques années, leur exploitation a pris une extension considérable qui ne peut que s'accroître si le manque de main-d'œuvre ne vient pas enrayer leur essor.
Jusqu'ici, cette main-d'œuvre était constituée par :
1° Des libérés ; 2° Des Tonkinois; 3° Des condamnés.
Nous savons combien peu il faut compter sur le travail du libéré, ici aujourd'hui, demain ailleurs. Il est parfait pour un coup de col- lier ; c'est un bon cheval de renfort, mais on obtient rarement un travail soutenu. Au point de vue consommation de viande, nous savons qu'ils ne valent guère mieux. Les éleveurs pas plus que les mineurs ne peuvent compter sur cette catégorie de gens.
Les Tonkinois employés sur quelques mines ont donné d'assez bons résultats pour le travail du trafic. Ils sont moins bons pour l'extraction du minerai et le terrassement. Dans leur alimentation, il entre très peu de viandes. Ce sont donc encore de médiocres consommateurs .
Restaient les condamnés qui constituaient une assez bonne main- d'œuvre et grâce auxquels ont fonctionné jusqu'à ce jour les trois centres miniers les plus importants. On les retire puisque les
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE '-V2'.\
contrats passés par l'administration pénitentiaire sont expirés. Il faut donc songer à les remplacer, et cette question très importante de la main-d'œuvre préoccupe actuellement tous les esprits en Calé- donie. Certains veulent la prendre dans les centres miniers de France ou d'Europe. Héussira-t-on? Nous n'osons l'espérer, car le sort des ouvriers s'est amélioré dans de telles proportions en ces dernières années que fort peu songeront à s'expatrier. On pourrait fort bien leur faire des avantages sérieux, mais alors leur prix de revient sera tel qu'on devra se contenter de recruter de cette façon de bons contremaîtres et il faudra toujours songer à remplir les cadres. Les mines actuellement en exploitation occuperaient facile- ment 2.000 ouvriers et elles en demanderaient un nombre à peu près égal après le retrait total des condamnés. Nous ne croyons pas que l'on puisse recruter en France un nombre aussi considérable de bons travailleurs. Il faudra forcément s'adresser à la main-d'œuvre javanaise, asiatique ou japonaise que dirigeraient des contremaîtres européens. C'est vers cette dernière surtout que les grandes Com- pagnies minières ont dirigé tous leurs elforts. Des convois sont déjà arrivés, d'autres sont en route et, sous peu de temps, la colonie comptera environ 1.200 mineurs japonais.
Malheureusement pour l'éleveur, leur consommation est très faible. D'après leur contrat d'engagement, on ne leur doit, en effet, que 200 grammes de viande par jour. Admettons que le recrutement s'élève à 2.000 ouvriers vers la fin de l'année. C'est là, crôyons- nous, un maximum. Cela fera annuellement une consommation de 225.000 kilos.
La consommation totale peut, dès lors, très approximativement, se répartir comme suit :
Administration pénitentiaire et services admi- nistratifs 500.000
Nouméa 500.000 ■
Intérieur 250.000
Main-d'œuvre minière 250.000
1.500.000
Nous pouvons, croyons-nous, considérer ce total comme suffi- samment exact pour plusieurs années. Si l'administration péniten- tiaire diminue forcément ses commandes, l'augmentation de la
324 ÉTUDES ET MÉMOIRES
population et l'importation de nouvelle main-d'œuvre rétabliront la balance à peu de choses près.
LIVRAISON DU BETAIL
Le lieu de livraison du bétail a une importance assez considérable pour l'éleveur au point de vue du prix de revient. Dans le calcul de ce dernier, nous n'avons pas, en effet, tenu compte des frais néces- sité par la conduite du troupeau de la station au centre de consom- mation, cela pour la raison que ces frais sont supportés soit par le vendeur, soit par l'acheteur, suivant les conditions du marché.
Le tableau II, p. 120, montre que les centres offrant un débou- ché journalier important sont peu nombreux.
Il faut, en effet, pour que l'abatage puisse se faire régulièrement, que les quantités à livrer permettent l'écoulement d'une bête tous les deux jours, ou au moins tous les trois jours (2 jours viande fraîche, 1 jour viande salée). Si ces conditions ne sont pas réalisées, on est obligé de faire intervenir dans les livraisons les viandes de porc ou de mouton, ce qui diminue d'autant le débouché pour le gros bétail.
La viande nécessaire pour l'île Nou, Ducos, l'Hôpital, Prony, File des Pins, est livrée à Nouméa ou passe par le chef-lieu.
Il ne reste donc plus dans l'intérieur que La Foa-Founhary, Bourail, Thio, Mnéo, Poya, Diahot. Ces trois derniers points sont des centres miniers fonctionnant avec la main-d'œuvre pénale. Cette main-d'œuvre est retirée ou sur le point de l'être. Il ne faut donc plus compter sur ces postes au point de vue administratif. Mais comme les exploitants feront nécessairement appel à d'autres tra- vailleurs, la situation restera à peu près la même pour l'éleveur.
Néanmoins, l'importance des débouchés de l'intérieur est très peu considérable en considération de la consommation totale du chef- lieu qui, à lui seul, absorbera les 2/3 environ du bétail livré.
Le bétail, de quelque point de la colonie qu'il vienne, vo}'agepar terre, accompagné par des hommes à cheval; c'est ce que l'on appelle une conduite. Les troupeaux marchent ainsi par petites étapes variant de 18 à 20 kilomètres par jour, suivant que les sta- tions où l'on peut faire halte pendant la nuit sont plus ou moins nombreuses et plus ou moins espacées.
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 325
Arrivés à destination, les troupeaux peuvent être évalués de plu- sieurs manières, si la chose n'a pas déjà été faite avant leur départ de la station.
1° Estimation moyenne à l'œil. Cette pratique exige, de la part de ceux qui opèrent, une grande pratique. De plus, il faut, pour que l'évaluation puisse se faire assez approximativement, que le trou- peau soit assez uniforme. Pour plus de facilité, voici comment on opère généralement :
Le vendeur choisit dans le troupeau les bêtes les plus lourdes et les met de côté. On partage ainsi le troupeau en deux lots égaux quant au nombre de têtes, l'un renfermant les gros animaux, l'autre les petits. Parmi ces derniers, le vendeur choisit le plus gros, tandis que l'acheteur choisit la plus petite bête du premier lot. Le poids moyen de ces deux bêtes estimé à l'œil, ou pris après aba- tage, donne assez approximativement le poids moyen du troupeau total.
2° Parfois aussi le vendeur choisit les 2 ou 3 plus grosses bêtes de son troupeau, l'acheteur les 2 ou 3 plus petites, et le poids moyen de ces animaux donnera le poids moyen du troupeau. Ce procédé est moins exact que le précédent, car si dans le troupeau il s'est glissé une ou deux bêtes très grosses ou très petites, la moyenne vraie se trouvera faussée à l'avantage ou au détriment du vendeur. Le poids des animaux choisis est déterminé par la pesée après abatage ou par la pesée sur pied. Dans ce dernier cas, on a l'habitude en Calédonie d'estimer à 50 °/0 du poids vif le rende- ment en viande nette. C'est là, croyons-nous, une proportion trop faible qui lèse l'éleveur pour peu que son bétail soit en bon état.
3° Enfin, quand le troupeau doit être rapidement abattu, comme cela avait lieu pour les livraisons à l'usine de Ouaco, le mieux est de peser toutes les bêtes après abatage.
PRODUCTION
ÉTAT ACTUEL ET AVENIR
Il est très difficile de déterminer le nombre de têtes de bétail que possède à l'heure actuelle la Nouvelle-Calédonie. Les documents manquent totalement à ce sujet et nous ne croyons pas que l'on ait jamais fait un recensement général. Pour arriver à une estimation
326 ÉTUDES ET MÉMOIRES
suffisamment exacte, après avoir dressé la liste de tous les éleveurs calédoniens, nous avons prié deux d'entre eux connaissant le pays depuis longtemps de vouloir bien inscrire en face de chaque nom la quantité de bétail dont il pouvait être propriétaire.
De ces deux estimations faites isolément en 1899, l'une nous amène à un total de 50.000 têtes, l'autre à un total de 60.000.
Le résultat peut donc être considéré comme suffisamment exact et nous pouvons accepter dans nos calculs l'estimation la plus faible, soit 50.000 tètes.
D'après les moyennes établies dans un chapitre précédent, la quantité de viande livrable devrait s'élever à :
5.000 bœufs de 250 kil 1.300.000
4.000 vaches à 180 kil. . . 720.000
Total 2.020.000 kil.
Or, nous avons vu, d'après le graphique de la page 316, que l'abatage total avait atteint, en 1898, 2.166,750 kil. Si, a cela, on ajoute la consommation de l'intérieur, soit 200.000 kil., nous avons une consommation totale de 2.366.750 kilos, supérieure de 346.650 kilos à la production.
Ce déficit était assuré dans l'intérieur de la colonie par le bétail sauvage et à Nouméa par une petite importation de bétail austra- lien pour les boucheries civiles.
Il résulte donc clairement de cet exposé que la production calé- donienne ne suffisait pas à assurer la consommation totale, mais qu'elle était de beaucoup supérieure à la consommation directe de viande fraîche.
Pendant que l'usine de Gomen Ouaco a fonctionné, on a fait au bétail sauvage une chasse plus active, aussi était-il devenu si rare qu'il ne fallait plus compter sur son appoint. Les fournitures étant impératives tant pour l'usine de Ouaco (Ministère de la guerre) que pour l'Administration pénitentiaire, la demande à dû élever ses prix. Quelques propriétaires devant ces offres ont commencé à tou- cher a leur souche. C'est ce qui explique comment jusqu'en 1900 on a pu satisfaire aux besoins de la consommation.
Mais ce n'était pas là un état de choses durable et l'équilibre fac- tice ainsi créé ne pouvait pas se continuer longtemps. Quoique le contrat administratif d'octobre 1898 ait été résilié le 15 novembre
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 327
1900, par suite de l'insuffisance du bétail calédonien (c'est du moins le prétexte), nous croyons fermement à une surproduction. L'usine de Ouaco avant fermé ses portes, il ne faut plus momentanément compter sur ce débouché. Il ne reste donc plus que l'abatage pour la consommation directe que nous avons estimé au maximum à 1.500.000 kilos.
Quelques éleveurs prétendent bien qu'ils ont trop de bétail et que le pâturage dont ils disposent ne suffît plus pour l'entretien de leur troupeau. Mais ils cherchent à le diminuer en mettant en vente une pai'tie de leurs reproductrices. On comprend fort bien que dans ces conditions la baisse de production totale est plus apparente que réelle. Il y aurait plutôt des chances d'augmentation par suite de la mise en exploitation par les acheteurs de terrains jusqu'ici inuti- lisés. Nous pouvons donc admettre comme suffisamment exact le total de 2.000.000 kilos que nous avons précédemment trouvé pour la production calédonienne.
Malgré la nouvelle clause du contrat de mars 1901 admettant pour les fournitures administratives le bétail de toute provenance, le bétail australien est peu à craindre à cause de son prix relative- ment élevé. Ce prix se maintiendra-t-il ? Il y aurait bien des ten- dances à la baisse plutôt qu'à la hausse ; mais comme nul ne peut prévoir d'une façon sûre ce qu'il adviendra de ce côté, nous consi- dérons comme quantité négligeable le bétail d'Australie.
Nous avons alors les chiffres suivants :
Production 2 . 000 . 000 kil.
Consommation 1 . 500 . 000
Différence 500.000 kil.
Nous nous trouvons donc en face d'une surproduction qui ne peut qu'aller en s'accentuant. En effet, ces 500.000 kilos seront forcément représentés par des vaches, les bœufs étant livrés à l'âge adulte, soit tous les ans, 2.700 femelles qui resteront pour compte à l'éleveur. Il y a donc à craindre une augmentation forcée du trou- peau calédonien et par suite, une augmentation du nombre de bêtes à livrer. A moins que des sécheresses comme celle de 1899 ne viennent rétablir l'équilibre sans grand profit pour l'éleveur.
Nous comprendrions fort bien maintenant pourquoi l'éleveur ne se décide pas à entreprendre les améliorations dont nous avons parlé au cours de cette étude.
328 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Le voilà enfermé dans ce dilemme en apparence sans issue :
S'il ne transforme pas ses procédés d'élevage, c'est à bref délai la ruine complète des propriétés et cette industrie très importante compromise pour longtemps.
S'il entreprend les améliorations nécessaires, il augmente ses frais, le poids de son bétail et rend encore plus sensible la surpro- duction qui le gêne.
Nous savons fort bien que cette situation que nous résumons ainsi n'est pas encore à l'état aigu et n'y arrivera pas avant quelques années. Mais la chose n'en est pas moins grave et ce n'est pas au lendemain de la défaite qu'il faut se préoccuper des moyens à employer pour empêcher le désastre. Il est peut-être quelques personnes qui nous accuseront de vouloir jeter le discrédit sur la Nouvelle-Calédonie et sur l'une des entreprises les plus impor- tantes de ce beau pays.
Nous protestons énergiquement par avance. Ce que nous vou- lons c'est montrer d'une façon aussi inexacte que possible ce que nous croyons être la vérité, et si nous signalons ce danger c'est que nous y croyons fermement.
La situation n'est pas d'ailleurs sans remède ainsi que nous allons le voir.
3° CONCLUSIONS
Puisque la suppression de la transportation est une chose acquise, nous ne devons plus la considérer comme un débouché de l'avenir pour l'éleveur. Cependant, il faudrait, avant sa disparition complète, l'utiliser au mieux des intérêts du pays. Or, nous avons vu que l'exé- cution d'un réseau complet de routes ou simplement de bons sen- tiers praticables dans toute l'étendue de l'île s'impose. A quelle exploitation fructueuse peut-on se livrer dans un pays où il est parfois impossible de parcourir sans guide l'espace compris entre deux centres distants de 50 à 70 kilomètres II est hors de doute que si la Calédonie n'était pas favorisée par le développement considé- rable de ses côtes elle n'aurait jamais atteint la prospérité dont elle bénificie actuellement. Aussi les bords de mer à proximité des ports naturels sont seuls, ou à peu près seuls, exploités jusqu'à ce jour. Il faut toutefois excepter le sud de la colonie où l'ouverture de quelques routes bien placées a permis une communication facile
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 329
entre les deux côtes et par suite l'établissement de quelques
groupes d'exploitations dans la partie montagneuse. 11 n'en est pas moins vrai que des centres dans l'intérieur et dans l'intervalle qui sépare les ports naturels ne pourront se créer et prospérer que lors- qu'ils pourront être facilement desservis. Ces voies de communica- tion ne peuvent être entreprises énonomiquement que par la main- d'œuvre pénale, la seule d'ailleurs à l'heure actuelle qui soit en assez grande abondance. Elle a le temps encore avant de dispa- raître d'une manière définitive de faire œuvre utile et durable. Déjà son utilisation dans ce sens a été commencée et il y a tout lieu de croire que les condamnés seront employés à compléter l'outillage économique de la colonie à mesure que l'expiration des contrats miniers les rendra disponibles.
Les mines de leur côté chercheront et trouveront la main- d'œuvre dont elles auront besoin: la nécessité leur en fera une loi. Les libérés plus nombreux et se sentant moins indispensables se fixeront peut-être plus volontiers.
La colonisation libre elle-même pourra non seulement se conti- nuer, mais prendre une extension rapide, car la main-d'œuvre ne fera plus défaut et les colons ne seront plus effrayés par les diffi- cultés très grandes que l'on rencontre aujourd'hui pour le ravitail- lement.
La consommation de viande au lieu de diminuer restera ee qu'elle est à l'heure actuelle, s'élèvera même probablement par suite d'une augmentation rapide de la population locale.
A cause de toutes ces transformations, probables parce qu'elles sont indispensables, une modification radicale du régime actuel de l'élevage s'impose et nous croyons que le règne des grandes pro- priétés touche à sa fin. Dans des entreprises de ce genre, les frais sont relativement élevés, sauf les cas bien exceptionnels où les sta- tions groupées permettent de les réduire au mininfuni possible. Trop souvent les espaces occupés par un même éleveur sont trop vastes pour qu'il n'hésite pas à entreprendre d'une façon sérieuse l'amélioration des pâturages, l'organisation de son entreprise d'après les bases que nous avons précédemment indiquées. Il est de toute nécessité, si l'on veut assurer l'écoulement intégral du bétail, d'abaisser au minimum possible le prix de revient du kilogramme. De la sorte on pourra songer non seulement à pourvoir la consom- mation directe, mais on pourra encore écouler le trop plein avec
330 ÉTUDES ET MÉMOIRES
bénéfice vers une fabrique de conserves. Cela, le petit éleveur ou plutôt le petit colon est seul capable de le réaliser tout en gardant pour lui un bénéfice suffisamment rémunérateur.
Ce qui a fait fermer l'usine de Ouaco et ce qui empêche le fonc- tionnement de toute autre fabrique de conserves, ce n'est pas seule- ment la quantité relativement faible de viande à travailler, mais c'est surtout le prix relativement élevé que le bétail a atteint en ces dernières années. L'usine a en effet fort bien fonctionné pendant que les éleveurs avaient à se débarrasser dune grosse quantité de bétail, sauvage pour la majeure partie, qu'ils livraient à des prix assez bas. Quand les prix se sont relevés leur écart avec le prix de livraison des conserves ne suffisait plus à payer les frais de fabri- cation.
Nous avons avancé que le petit colon pourrait suffisamment abaisser le prix de revient pour permettre la fabrication des con- serves et assurer, par suite, l'écoulement intégral du bétail calédo- nien. Etablissons, pour le démontrer, le devis de son entreprise en nous excusant par avance de l'aridité des calculs qui vont suivre.
Mais ces calculs sont absolument indispensables pour la démons- tration dont il s'agit. Les chiffres que nous allons donner n'auront bien entendu rien d'absolu, ils seront néanmoins suffisamment exacts, croyons-nous, pour que nous puissions les prendre comme base de notre raisonnement.
Supposons un émigrant muni de quelques capitaux, environ 30.000 francs. En dehors de la concession à laquelle il a le droit et sur laquelle il établira ses cultures, il achète 300 hectares de terres à pâturages, il achète aussi 2o vaches jeunes, de 3 à 5 ans, et un taureau. Ces vaches nous les compterons un prix un peu élevé de 190 francs, estimant qu'il aura tout avantage à payer un peu olus cher pour avoir le droit de bien choisir la souche de son troupeau.
Nous admettrons, d'après les moyennes indiquées au chapitre IX :
1° Que les naissances s'élèvent à 70 °/0 des femelles ;
2° Qu'il y a parmi les jeunes à peu près autant de mâles que de femelles;
3° Que les femelles saillies à la fin de leur 2e année donneront un produit vers trois ans.
D'après ces bases, son troupeau suivra très approximativement la marche suivante :
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 331
tr0 année. — Achat de 25 vaches et d'un taureau.
2'' année. — 25 vaches et 17 naissances, dont 9 veaux, 8 velles,
3e année. — 25 vaches, 17 naissances, dont 9 veaux, 8 velles ; de l'année précédente, 9 bœufs -J- 1, 9 génisses -j- 1.
4e année. — Les 8 génisses de la 2e année vont être maintenant saillies, et donneront un produit l'année suivante. Pour cette année, le troupeau comprendra 25 vaches, 17 naissances, 9 veaux, 8 velles; de l'année précédente, 9 bœufs -j- 1 , 8 génisses -(-1,9 bœufs -|- 2,
8 génisses -(- 2.
5e année. — 25 vaches, 8 génisses -j- 2 = 23 naissances, dont
12 veaux, 11 velles; de l'année précédente, 9 bœufs -j- 1, 8 génisses — j — 1,9 bœufs -(-2,8 génisses -j- 2, 9 bœufs -j- 3.
6° année. — 33 vaches-(- 8 génisses = 41 vaches, 28 naissances, dont 15 veaux, 13 velles ; de l'année précédente, 12 bœufs -\- 1, 11 génisses -(-1,9 bœufs — |— 2, 8 génisses — {— 2, 9 bœufs -\- 3,
9 bœufs -f- 4.
Cette année-là il pourra commencer ses livraisons.
Il aura en effet 9 bœufs — |— 4 à. donner ai; boucher et environ 8 vaches. Ces dernières seront choisies parmi les femelles ayant atteint ou dépassé 10 ans. Il est nécessaire de faire cette livraison, sans quoi le troupeau grossirait trop vite et le terrain dont nous disposons deviendrait insuffisant. Enfin à ce moment les frais annuels cessent de s'accumuler.
Continuons à établir la marche du troupeau jusqu'au moment où nous serons arrivé à la période d'équilibre entre la production et les livraisons.
7e année. — 41 vaches, 28 naissances, dont 15 veaux, 13 velles ; de l'année précédentes, 15 bœufs -|- 1, 13 génisses -(- 1, 12 bœufs -\- 2, 11 génisses -j- 2, 9 bœufs -(- 3 . A livrer : 9 bœufs -J- 4, 1 1 vaches.
8e année. — 41 vaches, 28 naissances, veaux, 13 velles ; de l'année précédente, 15 bœufs -(-1, 13 génisses -\- 1, 15 bœufs -|- 2, 13 génisses -j- 2, 12 bœufs -\- 3. A livrer : 9 bœufs -(-4=11 vaches.
9e année. — 41 vaches, 28 naissances, dont 15 veaux, 13 velles ; de l'année précédente, 15 beufs +13 génisses — ] — d , 15 bœufs 2,
13 génisses -f- 2, 15 bœufs -(-3. A livrer : 12 bœufs -j- 4, 13 vaches.
10e année. — ■ 41 vaches, 28 naissances, dont 15 veaux, 13 velles ;
332 EUDES ET MÉMOIRES
de Tannée précédente, 15 bœufs -(- 1, 13 génisses -j- 1, 15 bœufs -(- 2, 13 génisses -(- 2, 15 bœufs -J- 2. A livrer, 15 bœufs -j- 4, 13 vaches.
Nous serons dès lors arrivés à l'équilibre à peu près parfait, puisque les livraisons mâles et femelles sont les mêmes que les nais- sances. Le troupeau comprendra alors :
Mâles |
... 60 |
Femelles |
80 |
Soit |
... 140 |
Et les livraisons annuelles comprendront 15 bœufs, 13 vaches.
Quant aux frais ils se décomposeront de la manière suivante : 1° Frais d'installation.
25 vaches à 190 fr. et 1 taureau 250 fr 5.000
300 hectares à 25 francs 7.500
Chevaux, 2 à 600 francs 1.200
Selles 200
Barrières 2.000
15.900
2° Frais annuels :
1 homme à 40 francs par mois et nourriture 800
Amortisssement des chevaux 120
» des selles 40
» des barrières 350
Impôt foncier des 300 hectares 45
1.355 Report 1.355
Intérêt annuel du capital engagé :
16.000 francs à 6 %.. 960
2.315
Ces dépenses vont se poursuivre annuellement jusqu'à ce que les livraisons soient suffisantes pour les couvrir, soit jusqu'à la 6e année; à ce moment, le capital engagé sera donc représenté par :
L'ÉLEVAGE A LA NOUVELLE-CALÉDONIE 333
Frais d'installation 16.000
Dépenses annuelles, 2.315 francs pendant (> ans 13.890
Barrières à reconstruire à la 6L' année 2.000
31.890
Mais à la 10e année, alors que l'équilibre est établi, l'éleveur possédera 140 tètes qui, estimées à 100 francs l'une, représentent un capital de 14.000 francs.
Il a donc créé pour 9.000 francs de capital bétail.
Le capital réellement engagé sera dès lors représenté par :
31.890 fr. ou 32.000 fr.
moins 9.000
Soit 29.000 fr.
Les livraisons annuelles seront de 15 bœufs, 13 vaches, pour les- quels nous accorderons les poids moyens acceptées pour une station améliorée. Ses recettes seront constituées par suite par :
1 5 bœufs de 300 kilos 4 . 500 kil.
13 vaches de 250 3.250
Total 7.750 kil.
Ses dépenses annuelles s'élèveront à :
Frais généraux 1 . 355 fr.
Intérêts du capital engagé :
25 . 000 francs à 6 % 1.380
Total 2.735 fr.
Le kilo de viande reviendra donc à cet éleveur à : t
2.735
7.750
= 0 fr. 553.
Comme on le voit, le petit colon peut arriver à fabriquer de la viande a un prix beaucoup plus bas que le grand éleveur, encore avons-nous forcé le chapitre des dépenses. Si le nouvel éleveur a une famille, il économisera certainement le salaire et l'entretien de
334 ÉTUDES ET MÉMOIRES
l'aide que nous lui avons accordé. D'ailleurs, l'aide lui-même ne sera pas constamment occupé par le troupeau et une bonne moitié de son temps pourra être employée aux cultures entreprises parallè- lement par le colon. De même, les chevaux pourront être utilisés pour des labours, des transports, etc. Nous avons pourtant fait supporter tous ces frais par l'élevage.
S'il a acheté des juments, ce qui est probable, l'éleveur pourra encore trouver là une source de bénéfices en les faisant produire.
La main-d'œuvre dont il aura besoin pour ses cultures (qu'elle soit prise dans sa famille on qu'elle vienne du dehors) ne sera pas occupée toute l'année. Il pourra dans les moments où elle sera libre, l'employer au nettoyage de ses pâturages, à leur améliora- tion, de façon à avoir toujours des prairies propres, abondamment pourvues de bonnes herbes.
Dans une combinaison de ce genre est à la fin, croyons-nous, le salut de l'élevage calédonien, l'avenir certain et rémunérateur de la colonisation.
Les grandes propriétés morcelées, livrées à de petits colons comme celui dont nous venons d'étudier le type, seront sauvées d'une ruine complète et mises en valeur d'une manière sérieuse. Là est le seul remède à apporter à la situation actuelle.
Les vastes espaces déserts où nul ne peut s'installer parce qu'ils sont déjà occupés par un seul propriétaire se couvriront de petites exploitations qui serviront de trait d'union aux centres plus. com- pacts et purement agricoles. Les voies de communication qui auront été ouvertes par la transplantation seront facilement entretenues par les colons eux-mêmes, qui auront tout intérêt à les voir dans le meilleur état possible et qui n'auront en somme qu'un faible tron- çon à leur charge.
Le nombre des cultures possibles augmentera considérablement par suite de la facilité des transports. Tout en sauvant l'élevage, l'une des entreprises qui ont le plus contribué à la prospérité de la colonie, on aura augmenté la richesse générale de cette dernière et le bien-être de chacun.
Voir à bref délai s'établir cet état de choses est en terminant cette étude notre vœu le plus cher.
Lafforgue, Ingénieur agronome.
LA RAMIE ET SES ANALOGUES
AUX
INDES ANGLAISES
Le Dictionnaire des produits économiques de VInde fut publié, en plusieurs tomes, successivement de 1889 à 1893, par les soins du Dr George Watt qui en avait reçu mission du Gouvernement des Indes.
Cet ouvrage, paru en anglais, à Calcutta même, fourmille de documents précieux.
Nous avons pensé qu'il serait intéressant pour nos Colonies, et notamment pour l'Indo-Chine, d'en extraire, réunir et traduire en français les enseignements et informations que le Dr Watt avait recueillis et coordonnés avec son autorité indiscutable sur l'origine, la culture et la préparation, dans les Indes anglaises, du Rhea, du China-grass et autres fibres analogues.
La question de la Ramie, malgré bien des tentatives infructueuses, à cause de fausses orientations dans son appréciation, est de plus en plus à l'ordre du jour, et il importe que la France ne laisse pas main- tenant échapper, au profit de l'étranger, le monopole d'une source sérieuse de richesses, qui s'offre à plusieurs de ses artères loin- taines.
C'est donc pour placer sous les yeux des intéressés les discussions savantes que le Dr Watt a livrées à la publicité, et pour leur éviter des tâtonnements et des erreurs, déjà commises, que nous avons entrepris ce modeste travail.
336 études et mémoires
I BOEHMERIA NIVEA
Hook. et Arn.; Wight. le, t. 688 ; Hooker, Journ. Bot.,
III (1851), 315, t. 8.
Synonymes. — Urtica nivea, Linn. var. Candicans, Wedd., in DC. Prod. XVI, I, W7 ; B. tenacissima, Gaudich. ; B. candicans, Hassk.; Urtica candicans, Burm.; U. tenacissima, Roxb., FI. Ind., Ed. C.B.C.. 656.
Noms commerc. — Rhea, China-grass, Angl. ; Ramie, ortie rlanche sans dards de chine, Fr. ; Rameh, Ramie, Java, Malaisie.
Termes indigènes. — Schou ou schu ou tchou (la plante), Schou-ma (fibre du schou), Chine; Tsjo, siri, so, mao, karao, akaso, Jap ; Klooi, caloee, ghoni, Siam et Suma. ; Kankhûra, Beng. ; Rhea, Assam; Poah, Népaul ; ? Goun, Birma.
Pour le Bon-rhea, Ass., voir Villebrunea appendiculata, Wedd., DC. Prod., XVI, I. $35 '. Kurz considère le Bon-rhea commele Grass-cloth de Chine, qui serait ainsi tout à fait distinct de la fibre de Rhea proprement dite. Si cela est exact, nous aurions tout bon- nement essayé dans l'Inde de produire, avec la plante qui ne con- venait pas, une fibre concurrente du Grass-cloth de Chine. Ainsi pourrait s'expliquer ce fait, que les échantillons de fibre de Rhea des Indes, exportés en Europe, ont été uniformément déclarés inférieurs à la fibre de Chine. Il semble extrêmement désirable que le Grass- cloth de Chine soit soigneusement examiné, dans le but de confirmer l'opinion, prévalant généralement, qu'il est obtenu des mêmes espèces que la fibre de Rhea de l'Inde. (Comparez avec les pages 461 et 469.) ,
Habitat. — Arbrisseau indigène dans l'Inde, et probablement aussi en Chine, au Japon et dans l'Archipel Indien.
Diagnosc botanique. — Tiges térètes, herbacées, tomenteuses, y compris les pétioles, par suite du développement de poils longs
1. In Dictionnaire des produits économiques de l'Inde, p. Watt. Vol. I. p. 163 à 483. Calcutta, 1889.
LA ka.mii: 337
et veloutés. — Feuilles alternes, largement ovées, longues de 3 pouces G, accuminées, dentelées, avec de grandes dents triangu- laires légèrement recourbées, base tronquée, se transformant brus- quement en pétiole, lequel est moitié longueur de la feuille, ou plus long; surface supérieure de la feuille rugueuse, pubescente, le des- sous blanc, feutré de façon compacte par des poils serrés les uns contre les autres. — Fleurs vertes, monoïques sur panicules axil- laires ; panicules en paires, plus courtes que le pétiole, supportant de nombreuses têtes florales, sessiles, tout le long de leur entière longueur. Panicules femelles, garnies de branches lâches, avec des glomérules arrondis (couverts de longs styles), s 'élançant en paires dans les aisselles des feuilles supérieures, et mâles dans celles des feuilles inférieures. — Style très exsert, velu. — Ovaire enfermé complètement dans le périanthe femelle, tubulaire, velu, quadri- denté.
Beaucoup d'erreurs malheureuses se rencontrent dans la littéra- ture de cette espèce ; quelques-unes ont fortement contribué à retar- der le développement de l'industrie de la fibre de Rhea. La plante a été confondue avec plusieurs autres espèces, absolument différentes. Bâillon, par exemple, dans son Histoire naturelle des Plantes, vol. III, p. 503, donne une illustration d'une plante qui, évidem- ment par erreur, est indiquée comme Bœhmeria nivea ; les feuilles y sont opposées, au lieu d'être alternes, et l'inflorescence n'est pas celle de cette espèce. « L'Agriculteur américain », de janvier 1884, reproduit une vieille gravure de Maoltia Puya comme figure de la Bœhmeria nivea, etc.
FIBRE DE RHEA
CULTURE ET PREPARATION
Où cultivée ? — Assam, Est et Nord du Bengale, aussi à Saharun- pore, et dans les Jardins botaniques de Calcutta; introduite par les Sociétés Agricoles et Horticoles à Madras et à Rangoon dans un but expérimental.
Elle a aussi été cultivée dans le Natal, à Maurice, en Algérie, dans l'île de Corse, le Midi de la France, les Iles Normandes, et même en Grande-Bretagne.
Bulletin du Jardin colonial. 22
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338 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Sol. — La plante de Rhea est excessivement vigoureuse ; elle vient bien dans presque toutes sortes de sols. Mais on devra donner la préférence à une terre riche, légère, sablonneuse, bien travaillée, et suffisamment abritée du soleil. Le sous-sol devra être bon, parce que les racines pénètrent à une profondeur de 12 à 14 pouces pour chercher leur nourriture.
Climat. — Pour une exploitation fructueuse, il faudra choisir une situation qui favoriserait la végétation très rapide des tiges, et pro- duirait le plus grand nombre de coupes, avec la meilleure qualité de fibre. Une situation réalisant ces conditions se trouverait très probablement sous un climat tropical ayant une atmosphère humide, et une pluviométrie absolument bonne. Elle assurerait le succès dans presque toutes les parties des plaines tropicales de l'Inde.
Préparation du sol. — La terre, si elle n'est pas naturellement riche, devra être engraissée ; elle devra aussi être labourée, à une grande profondeur , et légèrement ameublie , de façon à détruire les mauvaises herbes. Des sillons ou petites tranchées de 3 pieds d'écartement devront alors être ouvertes, et le terrain sera tenu prêt pour recevoir les racines de Rhea, ou les boutures, sur la fin de la saison pluvieuse. Une analyse de Rhea montre que l'engrais le plus favorable devra contenir du nitrate de soude, du sel marin et de la chaux. Des renseignements de valeur sur la culture de la plante du Grass-cloth en Chine, et sur l'extraction de la fibre, se trouvent aux pages 359-362 des Plantes fibreuses de l'Inde, du Dr Forhks Royle, 1855, lesquels ont été traduits d'un traité chinois en français par M. Stanislas Julien, et transcrits ensuite en anglais par le Dr Royle.
Plantations et soins de la récolte. — Le Rhea se propage aisément. Il vient promptement de sections de racines ou de tiges, et de graine. A supposer qu'on adopte le mode de multiplication par bou- turage de racines, les jeunes rejetons latéraux, avec leur racinage, devront être prélevés par détachement, et mis en sillons avant la lin de la saison des pluies, à une profondeur de trois pouces; un léger arrosage peut être nécessaire, en prévision d'un temps sec. Il se produira que les plants pousseront rapidement à une hauteur de 4 à 5 pieds ; les racines deviendront plus fortes chaque année, la plante étant pérenne. La première récolte peut être prête dans les deux mois de la plantation en plein champ, particulièrement dans les situations
LA RAM1E 339
favorables. Il y a plusieurs avantages dans la récolte du Rhea : il est vivace, et il ne faut pas par conséquent le renouveler chaque année. Il résiste aux variations de température, à cause des racines qui pénètrent dans le sous-sol. D'année en année, les racines s'étendent, devenant plus fortes et plus productives. La récolte n'est jamais détruite par les chenilles ou autres insectes, à cause de la quantité de tanin que contient l'écorce ; finalement, trois ou quatre coupes peuvent être demandées au même terrain chaque année. Mais elle possède un sérieux inconvénient en cela qu'elle est une des cul- tures les plus épuisantes qui soient connues ; elle exige que la terre demeure en jachère avant que toute autre plante puisse être confiée au même champ, après le déplacement de cette culture.
Coupe du Rhea. — Il faut certaine expérience pour fixer le moment précis de la coupe. En règle générale, on devra prendre soin d'ef- fectuer la coupe avant que la plante se couvre d'écorce dure ou ligneuse ; la formation en est indiquée par la peau verte qui tourne au brun, le virement de couleur commençant par le pied de la tige. Un moyen pratique de reconnaître si la plante est prête à couper, est de passer la main le long des tiges, depuis le sommet jusqu'en bas : Si les feuilles s'arrachent avec un craquement sec, une récolte de tiges peut être prise aux plantes. Le Dr Forbes Watson dit que la plantation est prête à couper quand elle est haute de, 3 1/2 à 4 pieds : « Si la longueur n'est pas de plus de deux pieds, la fibre est très fine ; mais il y a des chances d'avoir une perte plus grande, et un pour- centage de fibre moins avantageux. Dans les tiges longues, la fibre n'est pas aussi fine que dans les moyennes. » On devra prendre soin, toutefois, de ne pas cueillir plus de tiges, pour en extraire la fibre, qu'on ne peut en traiter dans les 24 heures. « L'expé- rience, dit M. Théo. Moerman, nous a conduit à affirmer ce fait que la fibre de la seconde coupe est supérieure à la première. En toutes circonstances, il est préférable de couper les tiges avant la floraison de la plante et la complète maturité, afin d'obtenir une fibre plus fine et plus douce. »
Rendement et coût de production. — - On peut obtenir environ 4 ou 5 coupes par an, dans le même terrain. Les meilleures récoltes sont celles coupées en juin jusqu'en août ; la coupe de février donne la fibre la plus forte. Le major Hannay rapporte qu'en Assam « la coupe moyenne d'une seule poorah d' Assam (1 acre 1/4) bien fumée,
340 ÉTUDES ET MÉMOIRES
en pleine récolte des tiges, ou baguettes, était de 10 à 12 manuds » (Bévue de Calcutta, 1854). Mais il a omis d'expliquer si c'était là le poids des tiges ou de la libre, ou si c'était la production de une ou plusieurs coupes. Un autre écrivain de la Revue ajoute pourtant à ce témoignage l'indication d'une expérience faite dans le voisinage de Calcutta, en 1854, et dit : « Une pièce de terre contenant 550 yards carrés donna une coupe moyenne de 301 livr. 3/4 de baguettes, dont on obtint 11 livres de fibre. Or, 550 yards font presque un neu- vième d'acre; mais, pour ne pas exagérer les profits, on peut esti- mer à un huitième. D'où 11x8= 88 livres par acre; ce qui, encore, multiplié par 4, le nombre de coupes, donnerait annuelle- ment par acre 352 livres de fibre. »
Le D1' Forbes Watson dit : « Je sais bien qu'il existe de remar- quables rapports, basés sur des expériences faites à Alger. On a fait des évaluations montrant qu'on pourrait obtenir quarante tonnes par acre ; mais, je pense que celles-ci demandent à être vérifiées, avant que nous puissions les accepter. De quelque manière, je ne vois pas que nous puissions conclure à présent — j'espère que je me tromperai — que chaque coupe produira plus de 250 livres par acre. On peut cependant obtenir trois coupes, et même quatre, dans l'année, ce qui porterait le compte à 1 .000 livres par acre. » Théo. Moerman, dans son petit livre sur « La Ramie », dit que la production annuelle de fibre par acre est cinq ou six fois plus grande que la quantité produite par le coton aux meilleures saisons, et sous les climats les plus favorables. M. .1. Brickner. de la Nouvelle-Orléans, estimait d'après expérience personnelle que chaque coupe de Ramie, lorsque la plante a atteint la hauteur de 3 ou 4 pieds, produit de 600 à 800 livres de fibre rouie, et désagrégée. A supposer que la récolte en question donne trois coupes dans l'année, le rendement total par acre serait de 1 .800 à 2.400 livres de fibre. M. Edouard Nicolle, de Jersey, affirme cependant (dit M. Moerman; que dans ses plantations de Ramie il obtient annuellement à Jersey trois coupes qui produisent un total de « 11.250 livres de fibre brute (ou écorce séparée du bois central des tiges), ce qui lui donne de 5.000 à 7.875 livres de fibre fine, prête à être peignée et utilisée en filature. » Il doit évidemment y avoir là quelque erreur, car plus loin M. Moerman fait dire à M. Nicolle qu'il obtenait un rendement annuel de 5.625 livres d'écorce fibreuse, lesquelles « équivalent à un minimum de 3.375 livres de fibre bien rouie, complètement nettoyée, et prête pour l'em- ploi en filature ».
LA RAMIE
3il
En Chine, d'après YEncycl. de Sports (p. 922): « Les tiges sont cueillies pour les besoins industriels dans la première année, quand elles atteignent environ un pied de haut. Au dixième mois de chaque année avant de couper les rejetons, le terrain est recouvert d'une épaisse couche de fumier de cheval ou de vache ; au second mois, la fumure est enlevée au râteau, pour permettre aux nouvelles pousses de sortir librement. La seconde année, les tiges sont très coupées de nouveau. Au bout de trois ans, les racines sont très fortes et émettent de nombreux rejets. La récolte se présente alors trois fois par an; les tiges sont coupées quand les surgeons partant du tronc radicu- laire ont environ un demi-pouce de haut. La première récolte est rentrée vers le commencement du cinquième mois; la seconde, dans le milieu du sixième, ouïe commencement du septième; la troisième, dans le milieu du huitième, ou le commencement du neuvième mois. Les tiges de la seconde coupe poussent très rapidement et produisent la meilleure fibre. Après la coupe, les souches sont recouvertes d'en- grais, et immédiatement arrosées. Une plantation rationnellement entretenue dure de 80 à 100 ans. Les principaux points à examiner pour déterminer les meilleures méthodes de végétation des plants, sur une échelle commerciale, sont les suivants : 1° influences de l'ir- rigration et de la fumure, surtout l'effet de la restitution au sol des parties inutiles de la plante ; 2° la variation de quantité et de qualité de la fibre suivant la saison ; 3° la qualité relative de la libre dans les tiges courtes (3 pieds), et celle des tiges entièrement poussées (5 à 8 pieds) ; 4° l'effet de la densité de végétation sur la gr.osseur, la rigidité, la ramification des tiges, et sur la production par acre, particulièrement en prévision d'un nombre plus grand de coupes annuelles, et de la condition de limites en hauteur; 5° les méthodes les meilleures et les moins coûteuses pour cueillir, décortiquer et trier les tiges. »
Séparation de la fibre. — Les moyens qui servent à exécuter cette séparation par travail manuel et par machinerie se trouveront à un autre chapitre (voir p. 642): mais il peut ne pas être hors de propos que de dire ici un mot sur la condition la plus favorable des tiges pour l'extraction de la fibre. Elles exigent d'être travaillées lors- qu'elles sont vertes, tout au moins quelques heures après la coupe. Le Major Général Hyde présidait une réunion de la Société des Arts (Londres, 13 décembre 1883), à laquelle le Dr Forbes Watson fit une conférence sur le Rhea avec mention spéciale du brevet, pour
342 ÉTUDES ET MÉMOIRES
« Extracteur universel de fibres », de MM. Death et Elhvood ; il résumait les discussions qui suivirent cette conférence et, tout en se reportant à certaines expériences accomplies par M. Greig-, il dit : « La libre fut mise sous un hangar, et y resta jusqu'au lundi matin. Le lundi matin, la masse, haute comme cette table, était pareille à un gros amas de colle de poisson faisant corps avec la fibre qui s'y trouvait ; on ne put rien en faire, et on dut tout jeter. Cela montra l'absolue nécessité d'attaquer la tig-e à l'instant de la coupe, avec un courant d'eau, afin d'entraîner la gomme lorsqu'elle est dans son état naturel. Elle était alors facilement attaquée; mais qu'elle ait attendu ou séché dans une proportion quelconque, alors la difficulté commençait et augmentait. La couleur de la fibre était aussi assombrie en propor- tion du retard mis à expulser la sève. »
LA GOMME DE LA FIBRE DE RHEA
Lorsque les expériences avec la machine de M. Greig furent ter- minées, on trouva tous les rouleaux, etc., recouverts d'une épaisse couche de vernis très dur, — si dur qu'on ne put l'enlever qu'avec un ciseau à déchiqueter. Il avait l'apparence de la laque. L'analyse de ce suc desséché a été publiée en ces termes : « Ce suc contient 02 " /0 en poids d'oxalate de chaux et, de plus, un peu d'alumine, de l'oxyde de fer et autres matières minérales, qui se dissolvent dans l'acide hydrochlorique. Le résidu, insoluble dans l'acide hydrochlo- rique étendu, consiste en une matière colorante et résineuse; il forme 2,5 °/0 en poids du suc sec. » [Note au bas de la conférence du Dr Forhes Watson devant la Société des Arts, p. 13).
VALEUR DE LA FIBRE APPRETEE
Le China-grass vaut environ 49 à 50 livres st. la tonne à Londres , la fibre de Rhea de l'Inde un prix légèrement plus bas. D'après le DrFoRBES Watson, « l'Extracteur universel défibres » de MM. Death et Elhvood pouvait rendre en fibre « de 7 à 9 livres par tonne, cal- culé sur 100 livres de fibre comme travail journalier par machine ». <( Tel étant le cas, on aura ce résultat que le China-grass peut être présenté à un prix beaucoup moindre qu'on ne l'a fait jusqu'ici. Quel sera ce prix, je ne saurais le dire, mais je pense qu'il sera pos-
LA RA31IE 343
sible de vendre de 30 k 35 livres par tonne, peut-être moins. » [Pour la machine Death et Ellwood, voir p. 481). M. Collyer, dans la discussion qui suivit la conférence du Dr Forbes Watson à la Société des Arts, dit que « pour le Rhea à 30 livres la tonne, il n'y a pas, pratiquement, de limite à la quantité qui pourrait en être vendue; à 40 livres, il s'écoulerait lentement; à 50 livres, avec le prix actuel de la laine, il était exclu. » Un industriel fit cette remarque : « Si on baisse le prix k 35 livres, on vendra une partie; si on le porte à 30 livres, personne ne sait quelle quantité nous en emploierons. » M. Haworth, dans la même réunion, disait qu'un jour se vendra une plus grande quantité de Rhea que de jute actuel- lement.
histoire de l'industrie du rhea
Dans le Ramayana mention est faite du « nettle-cloth », et on y trouve l'éloge de sa beauté et de sa finesse. Prima facie, il est donc évident qu'il y a plusieurs siècles, on connaissait déjà dans l'Inde une fibre d'ortie. Tout au commencement du règne de la reine Elisabeth d'Angleterre, le botaniste Lohel raconte qu'à Calcutta, dans les Indes orientales, les peuples fabriquaient avec les fibres d'une espèce d'ortie un tissu très fin, et délicat. Plus tard, ces fines étoffes furent importées en Europe, mais surtout de Java dans les Pavs-Bas, où le tissu fut très demandé sous le nom de neteldock, lequel indique l'origine de ces étoffes : le mot netel signifie ortie, et le mot dock tissu. Depuis cette époque, des essais furent entre- pris, avec succès même, pour imiter avec le lin le beau et fin tissu de ramie dont, après tout, il n'est qu'une médiocre contrefaçon. ( Théo . Moerman . )
Le Dr Roxburgh, sans être apparemment prévenu de l'existence du Rhea en Assam et dans certaines parties du Bengale, ni de ce fait qu'il était alors cultivé et utilisé par les indigènes du pays, se procura à Sumatra en 1803 quatre plants de Caloee, et les planta dans les Jardins botaniques de Calcutta. Il donna à la plante le nom d'URTiCA tenacissma. Ces plants importés poussèrent et se mul- tiplièrent si rapidement que peu après il eut plusieurs milliers de pieds. Vers cette époque, la découverte fut faite par le D1' Buchanan Hamilton que le Konkhura de Rungpore et de Dinagepore était iden- tique aux plants que cultivait le Dr Roxburgh. En 1810, le Dr Bûcha-
344 ÉTUDES ET MÉMOIRES
NAN envoya en Angleterre trois balles de fibre provenant de la plan- tation du D1' Roxm'rgii. Les expériences faites avec cette fibre prou- vèrent qu'une corde tournée en cette matière supportait un poids de 252 livres contre 84 livres indiquées par le Dockyard de Sa Majesté comme supportées par le chanvre de Russie, sous même calibre. En 1814, plusieurs balles de cette fibre furent adressées par le Dr Buchanan à la Cour des Directeurs (Angleterre). En 1816, la Cour expédia plusieurs des machines, alors brevetées par MM. Ilill et Bondy, pour qu'elles soient employées à la préparation du Rhea. Depuis cette date, néanmoins, 1 intérêt pour la fibre de Rhea semble être tombé jusqu'en 1840, lorsque la découverte par le Colonel Jenkins de la même plante, poussant à l'état sauvage en Assam, attira de nouveau l'attention sur elle. Quelques spécimens de F As- sam furent envoyés à la Société d'Agriculture et d'Horticulture de Calcutta et, des boutures ainsi obtenues, on multiplia le plant dans le Jardin de la Société. Dès lors, la Société reçut, de temps à autre, les communications de plusieurs écrivains donnant des faits nou- veaux concernant la végétation et la préparation de la fibre dans le nord de l'Inde. Le Dr MacGowan fournit des renseignements et des échantillons provenant de Chine ; le Dr Falconeiî, et plus tard Sir William Hookek, identifièrent le Rhea comme étant la plante même dont les Chinois préparaient le Grass-Cloth. [Comparez avec les observations des pages 464 et 479.)
En 1851, plusieurs échantillons de Rhea, à différents états de préparation, furent expédiés à l'Exposition de Londres ; ils atti- rèrent une attention considérable et ne reçurent pas moins de trois médailles en prix. L'année suivante une consignation de fibre, pro- venant de l' Assam, fut expédiée par le Gouvernement de l'Inde à la Cour des Directeurs. Elle fut soumise à l'expérience par le D1' Forhes Royle ; il résulta que la force moyenne, comparée au chanvre de Russie, fut déclarée comme 280 est à 160.
EFFORTS POUR ETENDRE LA CULTURE DU RHEA
Eu 1854, la Cour des Directeurs demanda au Gouvernement de l'Inde de fournir 10 tonnes de fibre brute; mais, à cause d'une cul- ture limitée, un tiers seulement de la quantité fut recueilli. Sir Fre- derick Hallidav, alors Lieutenant-Gouverneur du Bengale, prescrivit
LA liAMIi: 345
l'achat, durant les trois années suivantes, d'une quantité de fibre pouvant atteindre 10 tonnes par an, afin d'encourager la culture. Ces achats furent adressés à Londres, et vendus. Pendant ce temps, on apprit à connaître la fibre en Angleterre et en France; et comme on pensa que son développement ultérieur pouvait sans crainte être confié à l'initiative privée, les consignations pour expériences furent supprimées.
La demande continua à être satisfaisante, quoique sur une échelle plutôt restreinte ; mais elle fut principalement alimentée par la Chine, et seulement, pour un très faible volume, par l'Inde.
En 1872, cependant, la libre semble avoir fait un rapide progrès; la Chine fournissait, dans Londres, entre 200 à 300 tonnes, évaluées environ à 80 livres la tonne. Dans le courant de cette année, un changement brusque s'opéra : la demande disparut, le prix tomba entre 30 et 40 livr. st. la tonne pour le China-grass, et entre 19 et 30 la tonne pour la fibre de l'Inde. Le déchet de Rhea commença à dominer un marché plus actif que la fibre peignée ; les industriels reconnurent en effet qu'en cet état on pouvait se le procurer à un prix inférieur, et par conséquent plus profitable, puisque, en fin de compte (à cause de la nécessité d'une extraction spéciale), déchet et fibre peignée devaient toutes deux se traiter avec même soin, peine et dépense (Journ. Soc. Arts).
En 1880, le Rajah de Dinagepore se proposa d'entreprendre la cul- ture du Rhea dans son domaine. Il essaya d'acheter une provision de racines chez les cultivateurs; mais, dès que la nouvelle de ce projet se répandit dans les districts, on en demanda des prix exhor- bitants. Le Rajah se procura alors 25 manuds de racines à Saha- runpur, 11 manuds aux Jardins botaniques de Calcutta, et 11 manuds aux Fabriques à papier Bally. Avec les deux dernières fournitures, 10 bighas furent plantés en mai et juin, et c'était l'intention du Rajah de planter 100 acres de terrain en Rhea. Les résultats de ces expériences n'ont pas été publiés jusqu'ici.
En 1881, MM. Burrows, Thomson et Mylna, propriétaires dans le district de Shahabad (Bengale), projetèrent, entr'autres choses, d'amener leurs fermiers à cultiver le Rhea, et à préparer sa fibre comme industrie familiale. Ils écrivaient : « Nous ne voyons pas pourquoi sa préparation à la main ne deviendrait pas aussi praticable dans l'Inde qu'elle ne l'est en Chine. Certains genres de travaux pro- fitables et bon marché sont aussi productifs dans le premier pays que
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dans le second. Les femmes pardanasheen et les jeunes filles, en grand nombre, des familles pauvres de la haute classe, emprisonnées comme elles le sont dans leurs maisons par la coutume, ne peuvent aider les hommes de leur famille à aucun travail extérieur, ou con- tribuer aux gains généraux, si ce n'est dans une très faible mesure pour la filature du coton. La demande de ce fil, préparé au foyer, décroît depuis qu'on a créé des usines pour le produire moins cher et meilleur. » En 1882, il fut constaté que ces messieurs cultivaient la plante du Rhea, et étaient en train d'essayer plusieurs méthodes de préparation de la fibre. Ils avaient envoyé en Angleterre un peu de fibre, traitée de manière convenable pour contenter les indus- triels d'Angleterre et de France, et ils attendaient, avant d'encou- rager l'extension de la culture de la plante. Jusqu'à présent, le résul- tat final n'a pas été rendu public.
Plus récemment, le Rhea a acquis en Europe une position d'une importance considérablement augmentée, comme produit industriel. De grandes plantations ont été actuellement organisées en Italie. Le Portugal a déjà planté un million de racines, et l'Espagne a fait d'importants progrès dans la question. La France semble avoir donné la direction du mouvement et, pendant 1882, plusieurs millions de plants enracinés furent importés. Les plantations d'Alger et d'Egypte ont aussi été accrues d'une façon sérieuse [Journal de la Société des Arts).
PROPRIÉTÉS ET UTILISATIONS DE LA FIRRE DE RHEA
Le Rhea a été reconnu prééminent parmi les fibres pour la force, la finesse et le brillant. Les expériences entreprises par le Dr Forbes Royle sur sa force indiquèrent que la puissance moyenne, compa- rativement au chanvre de Russie, était dans la proportion de 280 à 160. Sa finesse a été démontrée par le Dr Forbes Watson ; il établit que <( le diamètre moyen des fibres élémentaires du lin est d'envi- ron 1/2060 de pouce^ du jute de 1/1900, du chanvre 1/2100, du Rhea de l'Assam environ 1/2160, et de celui de Chine 1/2260 de pouce. La longueur de la fibre varie de 2,36 à 7,87 pouces, et même 9,8i; le diamètre moyen est d'environ 0,002 de pouce {Encycl. de Sports). Pour la nature soyeuse, le jute est la seule fibre connue dans le commerce, qui puisse concurrencer le Rhea; mais le jute est très inférieur en solidité et en durée. Le Rhea a d'ailleurs une puis-
LA RAMIE 347
sance très grande de résistance, lorsqu'on le soumet k l'influence de l'humidité et des variations de l'état atmosphérique. Cette puis- sance peut, k tout prendre, être attestée par l'action d'une haute pression de vapeur sur les fibres. Des expériences furent exécutées sous la direction du D1' Forbes Waïson dans ce sens : les fibres de Rhea, et d'autres plantes, furent exposées pendant deux heures aune tension de vapeur d'environ deux atmosphères, puis bouillies dans l'eau pendant trois heures ; la perte de poids fut constatée. De nouveau, elles furent soumises k l'action de la vapeur k même pression, pendant quatre heures, et la perte en poids encore relevée. « Le pourcentage de perte d'un échantillon de Rhea de Chine se monta seulement à 0,89, et un de Rhea d'Assam à 1,51, tandis que le lin perd 3,5 °/0, le chanvre de Russie 8,44, et le jute même 21,39 °/0. » Le Dr Forbes Waïson dit : « Une qualité très caracté- ristique du Rhea, et k certains égards défavorable, est la raideur relative, et la fragilité de sa fibre ; la plupart des difficultés k vaincre dans sa filature et sa fabrication sont dues à cette circonstance. C'est cette raideur qui empêche le Rhea, pourtant si fort dans son état habituel, de supporter aussi aisément que les autres fibres les elfets d'un nœud serré ou de la coque. Ainsi, lorsqu'un nœud se produit dans un petit paquet de fibres, le Rhea cassera promptement, beau- coup plus vite que le lin, bien que toutes les fibres, en de pareilles conditions, casseraient très promptement aussi. Une autre consé- quence de cette raideur est que la fibre ne se tord pas facilement ; le fil, filé de Rhea, est souvent très rude, nonobstant la douceur et la nature soyeuse des filaments isolés. Cette rudesse est due aux bouts saillants des fibres élémentaires, tournés en dehors par le tor- dage que subit le fil en filature. D'un autre côté, la raideur, ou état velu, a aussi certains avantages; comme conséquence, le Rhea se combine facilement avec la laine. Aussi le Rhea, en vertu de sa qualité, a une vaste étendue d'affinités avec les autres fibres, quoi- qu'il ne soit pas absolument semblable k aucune d'elles. Ceci explique pourquoi ses applications expérimentales embrassent un champ si large. On l'a actuellement essayé comme substitut du coton, du chanvre, du lin, de la laine et de la soie. » Dans sa plus récente conférence devant la Société des Arts k propos de cette fibre, le Dr Fobbes Waïson dit : « Maintenant k quoi est bon le Rhea ? Il est difficile de dire ce k quoi il n'est pas bon. C'est la fibre la plus forte qui soit dans la nature. »
348 ÉTUDES ET MÉMOIRES
DES TISSUS MÉLANGÉS
Rhea avec coton. — Les premiers essais pour l'emploi du Rhea avec le coton furent faits en 1862 en Angleterre et en France. La fibre de Rhea provenant de Chine fut découpée en longueurs de 2 pouces, et traitée par les alcalis et l'huile, donnant une matière propre à mélanger au coton. Ce Rhea cotonnisé fut l'objet d'expé- riences variées ; il fut mêlé à du coton, et fut filé ; le fil fut tissé en différentes étoffes, soumis à la teinture et à l'impression sans aucune difficulté. Les étoffes ainsi faites gagnèrent en solidité, et acquirent une certaine somme d'éclat. Mais, considérant la matière à un point de vue commercial, on peut dire que le Rhea ne paiera jamais comme mélange avec le coton : il restera toujours matière trop pré- cieuse pour être employé comme mélange ou même comme substitut du coton, le coût de son extraction étant prohibitif de pareil usage. Cela était vrai, il y a quelques années ; mais il semble probable que la nouvelle machinerie abaissera le prix du Rhea jusqu'à ce que son mélange au coton soit possible. M. W. Haworth, parlant de l'emploi du Rhea avec le coton, dit : « Le Rhea ferait les chaînes des plus fins articles en coton ; les trames pourront se faire en « Sea Island », ou autre coton fin. Il pourra s'utiliser depuis les articles les plus fins jusqu'aux plus gros. »
Rhea avec lin. — La probabilité de son emploi avec le lin remonte aux premiers expérimentateurs ; mais l'expérience a vite indiqué qu'il était nécessaire de surmonter les difficultés techniques avant que le Rhea puisse être filé avec succès sur la machinerie du lin. Ces difficultés furent postérieurement surmontées ; Moerman dans sa brochure sur le Rhea mentionne ce fait qu'il examina des échantil- lons filés, dans quelques usines de France et de Belgique, par des machines à lin sur bancs à eau froide. Ils étaient doux et brillants; l'éclat était garanti par le passage de l'étoffe entre des cylindres. Le D1' Forbes Watson, dans son rapport (1875), écrivit : « Il y a plusieurs années, un des plus grands filateurs de lin du Royaume envoya une somme considérable — 2.000 liv. st., je crois, — pour tenter d'utiliser le China-grass à la place du lin ; mais l'expérience fut abandonnée, à cause de la nature velue des fils produits. Il est cependant très possible de préparer du Rhea de manière à le rendre susceptible d'être filé sur les machines à lin. Nous trouvons, du
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reste, des linges de table et de belles étoiles en cette matière, égaux à tout ce qu'on pourrait produire avec le lin. »
Rhea avec laine. — En combinaison avec la laine, le Rhea semble avoir chance de réussite ; son application dans cette voie attira davantage l'attention, et pour un temps acquit une part très grande de succès, puisqu'il était moins coûteux que la laine, et pré- sentait avec elle une similarité frappante. « Le Rhea préparé, ou le China-grass, découpé en longueurs convenables, a, en fait », dit le Dr Forbks Watson, « été reconnu susceptible d'être filé sur la machinerie a laine, et d'être alors employé comme mohair ou autres laines à longs brins, pour la fabrication de certains genres de tissus dont l'effet dépend de l'éclat de la matière première. Ces tissus furent faits, comme règle, avec des chaînes en coton ; le fil en Rhea, d'un tordage comparativement faible, servait de trame. On l'em- ploya surtout pour des vêtements de dames ; tout d'abord, il sem- blait que le succès fût complet. Mais après un certain temps, l'infé- riorité des nouveaux tissus, comme vêtements de femmes, devint manifeste. Bien qu'ils remplissent tout ce qu'on pouvait souhaiter d'aspect et de fini, on fit cette objection fatale qu'à l'usage ils se fripaient facilement, parce que la fibre végétale du Rhea manque de la grande élasticité que possédait la laine. A cause de cette infério- rité, les prix-courant du Rhea en rendirent l'utilisation dans ce sens dorénavant sans profit. Ce nouveau commerce s'affaissa aussi rapi- dement qu'il avait surgi, et depuis 1872, la matière première demeure encore matière à expériences. Cependant, on est parvenu à vaincre le fiïpage en mélangeant de la laine au Rhea, ou par l'emploi de chaînes très épaisses en coton. Des étoffes d'un nouveau genre ont été fabriquées sur une petite échelle; elles ont trouvé un prompt débit: »
Le rapport du D1' Forbes Watson est plein de renseignements utiles ; on peut aussi citer le passage suivant : « Il est suffisamment évident qu'aux prix de la matière brute constamment abaissés » — cela, par des moyens d'extraction et de préparation de la fibre plus efficaces et moins coûteux, aussi bien que par l'extension de la cul- ture de la plante, — « il y aurait un plus vaste champ pour l'em- ploi du Rhea comme substitut des laines à longs brins. Même si son utilisation pour vêtements de femme n'était pas encore repris, il y a les tentures, les garnitures de voiture, les tapis, et autres articles pour lesquels l'appropriation du Rhea a été établi, et dont les appli-
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cations continuent à capter l'attention de quelques-uns de nos plus éminents industriels. Il y a diverses circonstances pour favoriser lemploi duRhea dans cette spécialité, plutôt qu'en concurrence avec le lin. La matière concurrente est d'un prix plus élevé que le lin ; les meilleures sortes de laine variant de 130 à 280 liv. st. par tonne, tandis que celles qui, dans leur état brut, sont moins ooùteuses, contiennent une telle proportion de crasse que le prix pour la fibre vraiment utilisable n'est, en réalité, ici aussi pas beaucoup plus bas. Il y a de plus cette circonstance que les déchets du peignage de Rhea, ou blousses, ont été reconnus très convenables pour les mélanges en volume avec les sortes grossières de laine ; ils sont susceptibles d'être utilisés pour couvertures de lit, comme aussi, peut-être, pour donner de la force aux renaissances, et à toute une variété d'autres articles à longs poils. »
Rhea avec soie. — Comme mélange avec la soie, le Rhea a un rival formidable dans le jute ; quoique la question de l'utilisation du Rhea comme substitut ou matière à mélanger à la soie ait été à diverses reprises renouvelée en Angleterre et à Lyon, et quoique, par l'ap- plication du Rhea, il a été reconnu possible d'imiter, dans certaines limites, les effets de la soie pour certains tissus mixtes, l'emploi principal du Rhea dans ce but n'a jamais conquis un terrain véritable. Le Dr Forbes Watson dit toutefois que « le Rhea est préparé de diverses manières, de façon à lui laisser son brillant, qui lui donne toute l'apparence de la soie ; il est certainement bien supérieur, même au jute, pour mélange avec la soie ».
Rhea et chanvre. — Dans l'Assam et le Bengale où le Rhea pousse, l'emploi auquel il est communément destiné est le même que celui pour lequel le chanvre est utilisé en Europe, c'est-à-dire pour les filets, les lignes de pêche et autres articles dont la force, la légèreté et la puissance de résistance à l'eau sont essentielles. Con- sidéré comme matière première pour cet usage, le Rhea figure d'une manière prééminente avec ses chances de succès. Le chanvre est, il est vrai, d'un prix plus bas que le Rhea ; mais il subit une perte de poids plus grande que le Rhea dans l'opération du sérançage, tandis que ce dernier est supérieur en force et en résistance à l'eau ; son cordage plus léger produirait le même service que de plus pesants en chanvre. « Pour plusieurs usages, dit le D1' Forbes Watson, tels que les agrès de navire, l'augmentation de légèreté est en soi
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une considération importante, sans compter l'économie de matière. » « Pour tous ces motifs, le Rhea peut être substitué avec avantage au lin, même s'il est à un prix considérablement plus haut que le chanvre. On peut dire la même chose de son emploi analogue pour les toiles a prélart et à voiles, au lieu du lin. Dans ce cas aussi, la force supérieure du Rhea résulte du double avantage de l'économie de matière et d'une légèreté plus grande; elle le rendrait susceptible de concurrencer le lin avec succès, même si ce dernier était consi- dérablement meilleur marché à la tonne. »
Le Rhea en tant que fibre à cordage et à corde. — La grande force de la fibre, sa légèreté et sa puissance de durée dans l'eau, sont des qualités qui la place au premier rang des fibres bonnes pour les cor- dages et les câbles.
Applications locales de la fibre. — Dans l'Assam supérieur, les doombs ou pêcheurs cultivent la plante à Rhea, et en extrayent la fibre par travail manuel ; ils l'emploient à la fabrication de leurs filets de pêche.
Dans quelques localités des districts de Rungpore et de Dinage- pore, une quantité limitée de Rhea est régulièrement cultivée, parti- culièrement le long des rives des rivières Attri et Teesta, où demeurent les pêcheurs. Les cultivateurs trouvent une vente bonne et rémunératrice de cette fibre; mais ils ont rarement plus de quelques yards carrés en plantation. Quoiqu'elle soit cultivée partout dans ces districts, la culture en est seulement pratiquée sur une petite échelle. A Bhagulpore, on dit que les gens de la caste des dhanook préparent la fibre de Rhea et la vendent aux tis- serands en soie et en tussor du district, la conclusion à en tirer étant que les tisserands mélangent le Rhea à la soie.
Matière première à papier . — Gomme telle, naturellement il est peu probable que le Rhea soit en grand usage, en raison de sa valeur et de son haut prix. Mais, incontestablement, une partie des déchets peut être employé dans ce but, principalement comme matière à mélanger, pour communiquer la force et la cohésion à des matières très inférieures.
Lorsqu'elles sont sèches, les feuilles sont très fibreuses et peuvent s'utiliser comme matière à papier. Théo. Moerman, dans son petit livre sur « la Ramie », indique que l'on peut obtenir envi- ron 6.750 livres de feuilles sèches par acre.
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Utilisations moindres de la fibre de Rhea. — Parmi les usages moindres du Rhea, on peut mentionner ce fait qu'il s'emploie quel- quefois pour étoupes de machines à vapeur. A titre de curiosité, il est intéressant de dire que la libre de Rhea est actuellement utilisée à polir l'ivoire, tels que les billes de billards, etc. On a fait récem- ment des expériences pour transformer la fibre de Rhea en une matière absolument analogue à du cuir pour être e n ployé comme substitut dans la fabrication des courroies.
METHODES DE TRAITEMENT ET DE SEPARATION DE LA FIBRE
Travail manuel.
La réelle difficulté dans le sens d'une utilisation étendue de la fibre de Ramie est la décortication des tiges, ou, en d'autres termes, l'extraction des fibres, à un prix raisonnable, et dans des conditions abordables pour le commerce. Le Dr Forres Watson, dans une conférence devant la Société des Arts, expliquait les parties consti- tuantes de la tige de Rhea. Il disait : « Vous observerez, en brisant cet échantillon de Rhea vert, que je parviens à enlever une certaine quantité de libre verte, l'arrachant de cette façon. Je désire, en pre- mier lieu, en référer à la composition des parties constituantes de cette écorce. La portion extérieure consiste en une pellicule à laquelle un chimiste très distingué a donné le nom de cutose. Au dessous de celle-ci se trouve une écorce qui contient la matière colorante verte de la plante, et est appelée vasculose ; immédiate- ment après vient la fibre elle-même. Cette fibre, comme l'écorce qui y adhère, est unie à la tige par un autre principe, qui est appelé pectose. » La difficulté consiste à séparer l'écorce et les autres matières de la fibre. Pour accomplir ce travail, des inventions diverses et des machines ont été spécialement présentées et breve- tées.
En Chine, à Bornéo, à Sumatra, on a adopté le système suivant : « Les tiges sont coupées et réunies en bottes ; elles sont alors jetées dans des mares dormantes, et y demeurent durant plusieurs jours, jusqu'à ce que l'opération du rouissage soit suffisamment avancée pour produire la séparation facile de l'écorce d'avec les parties boi- seuses. En cet état, les bottes de tiges sont retirées de l'eau, et toute la lanière corticale, ou fibre brute, est immédiatement recueillie. A
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cet effet, l'écorce, encore sur les tiges, est brisée vers le milieu ; deux doigts sont introduits entre le bois et l'écorce, puis glissés tout le long de la grandeur de la tige entre bois et écorce, ce qui détache la fibre en deux bandes ou rubans. Ces bandes sont éten- dues dehors, sur champs, pour continuer à finir l'opération du rouissage, par exposition à la rosée ; mais ceux qui sont plus expé- rimentés réunissent ces bandes d'écorce en paquets, et de nouveau, pour la seconde fois, les jettent dans l'eau afin d'effectuer un net- toyage par une nouvelle et plus complète opération de rouissage. Par cette seconde immersion se produit une autre fermentation, et la décomposition vient à bout de la sève, ou pulpe, incrustée dans les fibres. Cette opération achève plus complètement le rouissage, qui ne se termine pas par simple exposition à la rosée. Après ce second rouissage, il reste seulement à travailler et à peigner la fibre, puis à la préparer pour la filer a toute qualité de finesse » (Théo. Moer- man).
A Java, les indigènes, selon toute apparence, n'ont pas recours au rouissage dans les mares. Le même auteur explique le moyen adopté, comme suit : « Après avoir partagé les tiges par moitié, suivant la longueur, ils enlèvent l'écorce dont ils séparent alors l'épidémie et les portions visqueuses en la raclant avec un couteau, jusqu'à ce que la fibre commence à paraître. Celle-ci est blanche, avec une légère teinte de vert. Ils se contentent de laver cette fibre à plusieurs reprises dans l'eau, puis la sèchent ; mais cette manipu- lation, comme on le comprend aisément, n'est pas suffisante pour parvenir à chasser entièrement la matière glutineuse qui adhère aux fibres. » A Bornéo et à Sumatra, le moyen suivant est pratiqué : Les tiges sont réunies en bottes et exposées pendant quatre ou cinq jours à l'action de l'eau. Celle-ci détruit l'écorce épaisse, et beau- coup de matière gommeuse ; elle sépare partiellement la fibre, qui est alors extraite, et exposée à la rosée pendant plusieurs jours.
Dans l'Assaut supérieur, la méthode suivante est mise en pra- tique : « L'opérateur saisit la tige à deux mains vers le milieu, et pressant fortement l'index et le pouce des deux mains, imprime un tordage particulier ; il brise en travers la moelle intérieure. Alors passant rapidement les doigts de la main droite, puis ceux de la gauche, alternativement, vers chaque bout, il sépare complètement en deux torons l'écorce et la fibre d'avec la tige. Les torons d'écorce et la fibre sont alors mis en paquets en grosseur convenable, liés
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par le petit bout avec un morceau de fibre, et placés dans de l'eau propre pour quelques heures ; ce qui, je crois, provoque l'entraîne- ment du tanin et de la matière colorante. L'opération du nettoyage se passe comme suit : les paquets, parle moyen de l'attache au petit bout, sont suspendus à un crochet fixé à un poteau, à hauteur com- mode pour l'opérateur, qui prend chaque toron séparément par le gros bout, dans sa main gauche ; il passe le pouce de la main droite rapidement le long du côté interne. Par cette opération, 1 ecorce extérieure est complètement séparée de la fibre ; le ruban de fibre est alors entièrement nettoyé par deux ou trois raclages avec un petit couteau. Ceci complète l'opération, avec quelque perte pour- tant, soit un cinquième. Si on séchait rapidement, on pourrait livrer de suite à l'exportation ; mais l'aspect de la fibre est beaucoup amé- liorée par l'exposition sur l'herbe, immédiatement après nettoyage, à une forte rosée de nuit, en septembre ou octobre, ou à une averse durant la saison pluvieuse. Après séchage, la couleur s'améliore ; et il n'y a plus aucun risque de « rouille » pendant le voyage vers le pays, » [Major Hannay, dans les Plantes fibreuses de l'Inde, par J. Forbes Royle, 1855. p. 363).
(A suivre.) G. Bigle de Cardo.
RAPPORT SUR L'EXPLOITATION DU TABAC DANS LES TERRITOIRES DE SÉNÉGAMBIE ET NIGER
irc question.
Le Tabac est-il cultivé dans la colonie? Par les indigènes ? Par les colons?
Donne-t-il lieu à un commerce d'importation (indiquer les quantités) ;
D'exportation ?
Cercle de la Halte-Casamance. — Le tabac n'est pas cultivé en Casamance. Une tentative faite par la C1P des caoutchoucs de la Casamance n'a donné que de mauvais résultats. Le terrain choisi n'était, d'ailleurs, pas propre à cette culture, ainsi qu'on l'a plus tard reconnu.
Cercle de Ziguinchor. — Le tabac n'est pas cultivé dans la Basse-Casamance. 11 donne lieu à un commerce d'importation très important.
Cercle de Niani Ouli. — Le tabac est cultivé dans le Cercle par les Mandingues et les Peulhs. Il donne lieu à un petit commerce entre les indigènes, qui le consomment sur place ; mais de grandes quantités de tabac d'Amérique sont importées dans le pays par les traitants.
Cercle de Kaolack. — Le tabac est cultivé en faible quantité dans le Saloum oriental. Dans le Saloum occidental, le Niombato et le Sine, il pousse à l'état sauvage. On en plante en outre quelques pieds à l'intérieur des cours. Il ne donne lieu à aucun commerce d'exportation ou d'importation.
Résidence de Soussoune. — La culture du tabac est inconnue dans les provinces Sérères.
Résidence de Toul. — Le tabac n'est pas cultivé dans le Baol occidental. Tout le tabac vendu "dans le pays provient d'un assez grand commerce d'importation.
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Résidence de Diourbel. — Le seul tabac consommé (sous toutes les formes) par l'indigène est de provenance américaine.
Cercle de Tivaouane. — Le tabac est cultivé dans certaines par- ties de la colonie du Sénégal. Ces cultures sont faites par les indi- gènes, et non par les colons.
Les quantités de tabac récoltées ne donnent lieu à aucun com- merce d'exportation, pour les causes suivantes : 1° la quantité de la récolte est insuffisante pour les besoins de la population ; 2° ce tabac n'est pas de qualité marchande.
Aussi le commerce sénégalais reçoit-il d'Amérique des quantités considérables de tabac en boucauts, pour la vente aux indigènes : d'où il résulte pour le fisc sénégalais des recettes considérables : car le droit sur cet article est fixé à 35 °/0 pour la douane et la taxe de consommation. Les tabacs importés varient comme couleur, poids et dimensions. Les uns sont jaunes, couleur de feuilles mortes, légers et secs sous les doigts. Cette qualité se vend diffici- lement. x\ussi, pour l'écouler avec plus de facilité, lui fait-on subir la préparation suivante : on l'arrose à plusieurs reprises avec une solution composée de mélasse, poudre de traite et eau de mer. C'est le système le plus généralement employé. Mais certains indigènes, et entre autres les Maures, les Laobés et les habitants des villes et escales, ne veulent pas du tabac ainsi truqué. On prépare donc pour eux une solution composée de mélasse, de jus de tabac et d'eau de mer, ce qui donne au produit ainsi obtenu un goût spécial, très apprécié par les indigènes. L'eau de mer empêche le tabac de deve- nir trop sec, de se briser en miettes par le vent d'Est, par suite de le rendre plus maniable pour la vente et aussi plus lourd. Le jus de tabac, ou nicotine, s'obtient à l'aide des petites têtes de tabac, nommées Roussit en woloff, qui se trouvent tout autour des bou- cauts expédiés d'Amérique.
Il existe une autre qualité de tabac, très recherchée de tous les indigènes, c'est le tabac noir. Celui-ci comprend deux qualités : les feuilles à grosse côte, et celles dont la côte est très mince. Cette subdivision n'a d'importance que pour le commerçant détaillant : car, pour la vente à la feuille, plus le tabac est léger, plus il est avantageux. En effet, une tête de tabac contient généralement 10 feuilles, soit, à 0 fr. 05 l'une, 0 fr. 50 pour le prix d'une tête.
Au contraire, si la côte est grosse, cette même tête ne contient plus que 5 ou o feuilles et la vente devient difficile, car l'indigène
1ÎAPP0RT SUR L'EXPLOITATION DU TARAC 357
n'aime pas payer 0 fr. 10 ce qu'il croit n'avoir déjà payé que 0 fr. 05.
Le tabac noir possède les qualités suivantes : les feuilles en sont très longues et très larges. Elles sont poisseuses au toucher et se dessèchent assez lentement. De plus, leur combustion donne une fumée très odorante.
Le prix du tabac d'Amérique varie généralement, en gros, entre 2 francs et 2 fr. 40 le kilo, suivant la qualité. Les boucauts sont, en moyenne, du poids de 900 kilos, mais, comme ils sont peu maniables, depuis une vingtaine d'années le tabac est expédié en 1/2 boucauts, de 400 à 500 kilos : c'est là le poids brut : lors de la vente, on obtient le poids net en prenant une tare de 15 °/0.
Cercle de Louga. — Le tabac n'est pas cultivé dans le cercle de Louga. Il donne lieu à un commerce d'importation assez fort : envi- ron 80.000 kilos par an.
Cercle de Podor. — Le tabac est cultivé par les indigènes. Mais il ne donne lieu qu'à un commerce d'importation. Les statistiques des quantités reçues à Saint-Louis et dégrevées de l'octroi de mer indiqueront l'importance de ce commerce : on peut simplement dire que la région du fleuve consomme une quantité considérable de tabac.
Cercle de Kaédi. — Le tabac est cultivé, mais en petite quantité, par les indigènes. Il n'est pas exporté ; mais on le consomme, dans le pays, de préférence au tabac d'importation.
Cercle de Bakel. — Le tabac est très peu cultivé dans ce pays. Les indigènes lui préfèrent le tabac en feuilles, provenant de nos manufactures nationales. A elle seule, l'escale de Bakel écoule, chaque année, environ 7.000 kilos de ce produit.
2e question.
Dans quelles conditions la culture est-elle pratiquée ? Nature du sol. Le terrain est-il irrigué ?
Quelle est la distance observée entre les plants ? Le terrain est-il fumé ?
Les plantes sont-elle abandonnées à elles-mêmes, ou soumises à une taille ?
358 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Cultive-t-on le tabac plusieurs années de suite sur le même ter- rain, ou bien déplace-t-on sa culture chaque année ?
Cercle de Zigltnchor. — La nature du sol sablonneux ne se prête pas à la culture du tabac. Quelques plants existent actuellement dans le terrain, dépendant de l'Administration de Ziguinchor. C'est le tabac à petites feuilles. Ces plants ont poussé très difficilement, et sont brûlés par le vent d'Est.
Cercle de Niani-Ouli. — Des champs spéciaux ne sont pas créés pour le tabac, qui est cultivé derrière les cases, avec le maïs, ou dans les marigots desséchés. Au début de l'hivernage, les graines sont jetées en terre, et, quand elles ont germé et atteint une certaine hauteur, les plants sont arrachés et repiqués.
Le terrain est argileux, inondé par les pluies d'hivernage. On ne l'irrigue pas.
Les plants sont, en général, espacés de 0m25 à 0m30, sans qu'on observe toutefois des distances bien régulières.
Le terrain, autour des cases, est fumé avec la crotte de chèvres, de moutons et avec toutes sortes de détritus. Dans les marigots, le terrain est seulement remué.
Les plantes sont abandonnées à elles-mêmes, jamais taillées.
Le tabac se cultive tous les ans à la même place.
Cercle de Kaolack. — Dans le Saloun oriental, aux endroits où le tabac est cultivé, on pratique des semis et on repique les plants; on arrose jusqu'au moment où l'on a repiqué. Dans les autres provinces le tabac vient à l'état sauvage, aussi bien dans le sable que dans la terre proprement dite.
Cercle de Tivavouane. — Dans le Cayor et le Cercle de Louga, personne ne se livre à la culture du tabac.
Cercle de Podor. — Ce sont les tiouballos, pêcheurs toucouleurs, qui se livrent, pour ainsi dire exclusivement, à la culture du tabac. Ils forment de petits villages sur les bords du fleuve et du marigot de Doué, ou des quartiers à part dans les grandes agglomérations.
L'emplacement choisi est un terrain inondé, généralement une bande de la berge du fleuve. Le sol est très compact, composé d'ar- gile siliceuse et renferme assez d'humidité, après le retrait des eaux, pour assurer la végétation complète de la plante. Le tabac aimant un terrain léger et sablonneux, on voit qu'il ne se trouve pas dans
RAPPORT SUR l'eXPLOITATION-DU TAHAC 359
de bonnes conditions. Mais des terrains de cette nature se desséche- raient trop vite et devraient être irrigués, ou, tout au moins, arro- sés : c'est ce qui a poussé l'indigène, plutôt avare de son travail, à choisir les premiers.
Vers la fin de septembre, ou dans les premiers jours d'octobre (pour Podor), c'est-à-dire environ un mois ou 20 jours avant que les eaux commencent à baisser, le cultivateur prépare sa planche de semis. C'est la plupart du temps dans un petit creux (remué à la houe) du haut de la berge, voisin de son champ, et qui, sans être inondé, est naturellement très humide.
Dès que la crue cesse, le cultivateur transplante, au fur et à mesure de la baisse des eaux. Il presse fortement la terre autour des pieds, qu'il n'espace pas assez : en moyenne 0ni35 à 0m40 en tous sens. Le noir ne tient aucun compte du temps, clair ou couvert, au moment de la transplantation, mais il arrose un peu les jeunes pieds quand ils paraissent trop souffrir.
Le terrain n'a pas reçu d'autre engrais que le limon apporté par la crue.
Quand ils ont repris, les plants sont livrés à eux-mêmes. La pro- preté du sol ne nécessite généralement qu'un léger sarclage des mauvaises herbes.
La suppression de l'extrémité de la tige qui porte les bourgeons floraux, celle des rameaux qui poussent à l'aisselle des feuilles, et celle des feuilles inférieures lorsqu'elles sont abîmées et salies, ainsi que les buttages successifs, sont totalement négligés, sinon inconnus. Les administrateurs en tournée ont tous eu, au moins une fois, l'occasion de renseigner les gens sur ces pratiques si simples, et sans lesquelles on ne peut rien produire de bon, mais elles exigent un surcroît de travail.
Ce n'est qu'à de très rares exceptions et pour des raisons qui n'ont rien de cultural que le noir change d'emplacement pour cultiver son tabac.
Cercle de Kaédi. — Les points choisis pour la culture sont les rives du fleuve ou les terrains restés longtemps inondés : la terre est arrosée deux fois par jour, matin et soir, mais n'est pas fumée. Les semis se font d'abord à la volée, et les plants sont repiqués à 20 ou 30 centim. l'un de l'autre; ils ne sont pas taillés. Les cultures ne sont pas déplacées ; le même terrain est ensemencé en tabac tous les ans.
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ETUDES ET MEMOIRES
Cercle de Bakel. — La culture du tabac est pratiquée exclusive- ment sur les berges du fleuve, dans les terrains inondés, laissés libres par le retrait des eaux.
Le tabac, une fois semé, est arrosé jusqu'à ce que les jeunes plants soient grands de 5 à 6 centim. Lorsqu'ils ont atteint une hauteur de 10 centim. environ, ils sont repiqués, à des intervalles distants de 25 centim. environ dans les terres humides, nouvelle- ment abandonnées par les eaux. Ils ne sont plus alors l'objet d'au- cun soin et ils ne subissent aucune taille jusqu'à leur parfait déve- loppement.
Ce sont les mêmes terres qui, engraissées régulièrement par le limon du fleuve, servent chaque année à la culture du tabac. Elles ne sont jamais fumées par l'indigène.
Cercle de Matam. — Ceux qui ont remonté le fleuve de décembre à fin février, ont pu remarquer qu'entre Saldé et Dembakané, les berges des deux rives sont couvertes de cette culture. En novembre, les indigènes font un semis de tabac, qui couvre environ 2 mètres carrés. A l'aide de calebasses, ils vont prendre dans le fleuve l'eau nécessaire à l'arrosage. Ce semis est fait trop serré, l'air n'y circule pas. Aussi les plants à repiquer sont longs et maigres, comme ceux d'une plante levée en serre chaude.
Le sol est simplement un terrain d'alluvion et n'a pas besoin d'être irrigué, puisque le repiquage s'opère sur la berge du fleuve, au fur et à mesure du retrait des eaux, sitôt que le sol est assez ferme pour que les pieds du planteur n'y entrent pas trop profondé- ment, c'est-à-dire que le repiquage se fait dans la vase.
La distance réservée entre les plants est à peine de 0m 50 : aussi la plante pousse-t-elle longue et maigre, bien que le sol soit gras. Il est vrai qu'il manque de potasse, engrais indispensable dans toute plantation de tabac. Le terrain n'est pas fumé. Les indigènes jettent le fumier au fleuve, où l'entassent à quelques mètres de leurs cases : d'où perte d'argent et constitution de foyers insalubres. Les plants repiqués sont abandonnés à eux-mêmes. Il est évident que, s'ils étaient suivis, étêtés avant la floraison, pinces aux aisselles, et enfin si on ne laissait sur chaque pied qu'une douzaine de feuilles, celles-ci seraient plus longues, plus larges, et [de meilleure qualité.
Les indigènes ne connaissent point l'assolement : ils cultivent plusieurs années de suite le même plant sur le même terrain. Quand le cultivateur s'aperçoit que le sol est épuisé, il le laisse en jachère
RAPPORT SUR L'EXPLOITATION DU TARAC 361
pendant un temps plus ou moins long, et va cultiver plus loin. Mais, pour le tabac, ce n'est pas le cas, puisque les berges du fleuve sont rongées chaque année par le courant des hautes eaux.
3e Question.
Quelles sont les sortes cultivées ?
Est-ce le tabac à petites feuilles (Nicotiana rustica)
Ou le tabac à grandes feuilles (Nicotiana tabacum)?
Indiquer les principales variétés caractérisées par la forme et la dimension des feuilles, la nature du produit, la dimen- sion de la plante et la coloration des fleurs.
Cercle de Niani-Ouli. — Deux sortes de tabac sont cultivées dans le cercle : le Tankoro, à petites feuilles, et le Tabaki, à grandes feuilles. Le Tankoro atteint de 0m 30 à 0m 40 de hauteur, les feuilles longues de 0m 15 à 0m 20, et les fleurs jaunes. Le Tabaki, haut de 0m 75 à lm 25, a les feuilles beaucoup plus longues, 0m 30 à 0m 40, et le fleurs violacées, à fond blanc.
Cercle de Kaolack. — Dans le Saloum et le Niombato, on trouve deux espèces :
1° Le Tamaka, atteignant de lm 50 à 2 mètres : la fleur est rose, la feuille courte.
2° Le Tankora, plus petit que le Tamaka.
Dans la Sine on ne trouve que le Tamaka.
Cercle de Podor. — Les espèces cultivées sont le tabaca, proba- blement N. tabacum?; le tancaro et le tiaro, N. rustica? ou variétés.
Tabaca. — Hauteur maxima lm à l'n 20. Fleurs rouges. Feuilles de la forme du tabac de France, mais à côtes bien plus fines, ce qui le rend très supérieur pour la fabrication des cigares. Longueur 0m 50 à 0"1 60 ; largeur 0m 22 à 0m 25.
Ces chiffres sont ceux, maxima, d'un champ cultivé par M. Maine, colon, en espaçant les pieds de 0m 50 sur la ligne, avec 1 mètre entre les lignes. |Les produits indigènes sont, en général, de dimen- sions inférieures; mais cela tient au manque de fumure et d'espace entre les plants.
Le tabaca donne le produit le moins fort, au goût, des trois tabacs cités. C'est le plus connu et le plus estimé des fumeurs. Le parfum n'en est pas inférieur à celui de nos tabacs des Antilles.
Tancoro. — Hauteur maxima 0m 70 à 0m 80. Fleurs rouges.
362 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Feuilles de la forme des précédentes, peut-être un peu plus rondes; longueur 0m 30 à Um 35, largeur 0m 14 à 0'" 16. Produit plus fort que le précédent, — estimé des fumeurs, priseurs et chiqueurs. Ce tabac est peu cultivé dans le Bas-Fleuve.
Tiaro. — Hauteur maxima 0m 60 à 0m 70. Feuilles plus étroites que celles du Tancaro : longueur 0'" 15 à 0m 20, largeur 0m 05 à 0m 08. Produit très fort, — particulièrement apprécié des chiqueurs.
Ces deux derniers tabacs proviennent du Soudan et ne sont culti- vés dans le fleuve que par quelques Bambaras, qui y ont apporté des semences.
Cercle de Kaédi. — Le tabac cultivé dans le Cercle est à grandes feuilles; la hauteur des plants atteint de lm 50 à lm 80; les fleurs sont blanches.
Cercle de Bakel. — Deux espèces de tabac sont cultivées dans le Cercle de Bakel : le Tabaki et le Tankoro (mots toucouleurs).
Le tabaki, arrivé à son entier développement, est un arbuste de lm 40 de hauteur; ses feuilles sont alors longues de 0m 40 et larges de 0m 30. Sa fleur est blanche.
La taille du tankoro est plus petite; elle ne dépasse jamais lm 10 de hauteur. Des feuilles peuvent mesurer 0m 20 de longueur sur 0m 16 de largeur.
Cercle de Matam. — Les indigènes ne cultivent qu'une seule espèce de tabac, probablement originaire du pays bambara. C'est certainement le Nicotiana rustica. La dimension de la feuille varie de 0m 30 à 0m 40 comme longueur, de 0m 10 à 0m 15 comme lar- geur. Elle est séché et dépourvue de poils, n'est pas cotonneuse au toucher. Une fois sèche elle est jaune clair. Les fleurs sont roses.
4e question.
Quels sont les usages du tabac dans la colonie? Est-il fumé, chiqué, prisé?
Quel est celui de ces usages qui est le plus répandu? Le tabac produit dans la colonie sert-il aux indigènes seule- ment ?
Est-il employé par les Européens?
Cercle de Ziguinchor. — Le tabac est fumé et mangé par les indi-
RAPPORT SUR l/EXPLOITATION DU TABAC 3G3
gènes, quand il est réduit en poudre. Ce dernier usage est le plus répandu.
Cercle du Niani-Ouu. — Le tabac cultivé dans le Cercle est fumé ; réduit en poudre, il est prisé et chiqué. L'usage du tabac chiqué est le plus répandu.
Cercle de Nioro-Hip. — Le tabac utilisé par les indigènes est en feuilles. Il est principalement fumé. Il n'est pas employé par les Européens.
Cercle de Kaolack. — Le Tamaka est fumé, et le Tankoraest chi- qué et prisé. Il ne sert qu'aux indigènes.
Résidence de Soussoune. — Dans le Baol occidental, l'usage du tabac est très répandu ; on le fume, on le prise et on le chique. Les deux premiers usages sont les plus répandus. Quelques Sérères chiquent : on réduit le tabac en poudre avant de le chiquer.
Cercle de Louga. — Le tabac est fumé, prisé et chiqué. Mais il est beaucoup plus fumé que prisé et relativement peu chiqué dans le Cercle de Louga.
Pour le priser et le chiquer, les noirs de la région broient les feuilles les plus sèches et mélangent la poudre ainsi obtenue avec un peu de beurre de Galam et d'eau ; certains indigènes, pour donner plus de force à cette poudre, la mélangent d'un produit qu'ils appellent Khémé, également mis en poudre, et qu'ils obtiennent de la façon suivante : ils coupent des tiges de mil, par petites lon- gueurs, les mettent griller ou sécher au feu, les jettent dans l'eau en les pressant fortement avec les mains pour en faire sortir le suc; puis, plaçant sur le feu le récipient contenant cette espèce de macé- ration, ils le couvrent d'un morceau d'étoffe et laissent bouillir très longtemps, pour le faire réduire, le liquide qui, une fois refroidi, devient solide, formant dans le fond du récipient comme une couche d'un sel brun noir ; c'est ce résidu, appelé khémé qui, après pulvé- risation, est mélangé à la poudre du tabac à priser et à chiquer.
Cercle deTivaouaxe. — Les indigènes fument et prisent le tabac, mais les Bambaras et les Toucouleurs le chiquent, sous forme de tabac à priser. En pays Ouoloff, les deux premiers usages sont les plus répandus.
Cercle de Kaédi. — Le tabac est employé aux trois usages ; mais il est chiqué et prisé plutôt que fumé. Les Européens ne l'emploient pas.
364 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Cercle de Bakel. — Le tabac, cultivé dans le pays, sert à tous les usages. Il est néanmoins plus prisé et chiqué que fumé. Il est consommé exclusivement par l'indigène, mais non par l'indigène producteur qui, vivant près des escales, lui préfère le tabac de France, qu'il peut se procurer facilement. Le tabac indigène est vendu dans les provinces éloignées, où le commerce n'a pas encore pénétré. Le Tankoro est plus estimé que le Tabaki.
Ceucle de Podor. — Le tabac est consommé de trois façons : fumé, prisé et chiqué, et cela dans des proportions différentes sui- vant les régions et les races. Le Ouolof fume surtout ; le Toucou- leur prise et fume, et le Bambara s'enduit avec plaisir les gencives et le dessous de la langue de tabac en poudre, auquel il a mélangé'un peu de cendre de tige de petit mil et de beurre, très rance en géné- ral. Au contact des fumeurs, il devient aussi fumeur, sans perdre l'habitude de chiquer.
On peut dire que le tabac produit par l'indigène n'est consommé que par lui. Ce n'est que par besoin que le fumeur européen se sert de tabac indigène, et il ne le fait que lorsqu'il n'a pu se procurer ni tabac de France, ni tabac en feuilles du commerce.
5e question.
Comment se fait la récolte?
Les feuilles sont-elles coupées une à une?
Les plantes sont-elles arrachées entières?
Le séchage se fait-il à l'air libre, au soleil, ou à l'ombre?
Ou bien est-il fait dans les cases, sous des abris?
Comment la récolte est-elle conservée?
Cercle de Niaist-Ouli. — Au bout de trois mois, le tabac peut être récolté. Les pieds arrachés, les feuilles sont coupées une à une, entassées et recouvertes d'une calebasse. Dès que la fermentation commence, les feuilles sont sorties, coupées finement au couteau et roulées en boules de 25 à 30 grammes que l'on fait sécher au soleil : ceci est pour le Tankoro. — Quant au Tabaki, les pieds étant arra- chés, les feuilles sont coupées une à une et mises dans un mortier, pilées, puis roulées en grosses boules que l'on fait également sécher au soleil. Toutes ces boules sont ensuite conservées dans les cases ou les greniers.'
Cercle de Kaolack. — On coupe les feuilles une à une en corn-
RAPPORT SUR L'EXPLOITATION DU TABAC 365
mençant par le pied ; on en fait ensuite des morceaux, que l'on agglomère entre eux en forme de boules de la grosseur du poing ; on les laisse alors sécher, en les exposant au soleil. La récolte se conserve ensuite à l'intérieur des cases.
Cekcle de Podor. — La récolte se fait en deux fois : d'abord la moitié des feuilles, en commençant par le bas. Les feuilles sont détachées une à une dès qu'elles jaunissent, coupées en petits morceaux, mises à sécher au soleil ; puis on les dépose dans un canari (vase de terre poreuse). La préparation est considérée comme terminée ; on commence à consommer.
La seconde récolte, comprenant les feuilles du haut, se fait aussi feuille par feuille, dès que la base, près de la tige, commence à sécher. Les feuilles sont étendues au soleil, et mises, comme précé- demment, dans un canari dès qu'elles sont sèches : c'est tout. Certains villages, très rares, sèchent les feuilles en plein air, à l'ombre, sous des abris.
Le manque de fermentation qui déprécie forcément les tabacs indi- gènes n'est pas dû seulement k l'ignorance du noir, mais aussi à des causes climatériques. La maturité des feuilles coïncide avec celle du maïs, c'est-à-dire, généralement, fin février et mars. Les vents d'Est, qui ont déjà fait leur apparition depuis au moins un mois, rendent le produit cassant et empêchent tout essai de mise en tas, et autres manipulations nécessaires pour obtenir une bonne fer- mentation.
Deux procédés pourraient obvier à cet inconvénient. Mais ils ont chacun leur bon et leur mauvais côté.
Le premier consisterait à cultiver selon la coutume actuelle, avec adjonction de fumure, ététage, ébourgeonnement et buttages, puis, après le séchage, k clore toutes les ouvertures de la case-séchoir, et à y faire bouillir de l'eau jusqu'à ce que les feuilles soient devenues suffisamment souples pour qu'on puisse les mettre en tas pour la fermentation. On renouvellerait cette opération au moment de la mise en têtes et de l'emballage.
La seconde méthode serait de faire plus tôt les semis. Le tabac demande environ 3 mois 1/2 du jour du semis à celui de la matu- rité des feuilles, un mois pour le séchage, un autre mois pour la fermentation, soit o mois 1/2. Il faudrait faire le semis au commen- cement de septembre, puis gagner sur le temps du séchage et le réduire k 15 jours, en plaçant les feuilles 1 heure ou 2 par jour au
366 ÉTUDES ET MÉMOIRES
soleil, de façon à ce qu'on puisse les mettre en tas dans les premiers jours de janvier, après les avoir exposées une nuit en plein air, ce qui les rendrait molles et maniables. La fermentation s'effectuerait en janvier, et il y aurait encore assez d'humidité nocturne à la fin de ce mois pour procéder convenablement à l'empaquetage. Dans ce dernier cas, il faudrait transplanter en sol non inondé. On aurait l'avantage de choisir un terrain plus léger, mais il serait nécessaire d'arroser. Le noir s'y astreindrait-il? Quant à l'irrigation, les premiers frais, achat de pompes et préparation de terrain, sont trop onéreux pour qu'il puisse y songer, de plus il ignore tout à fait ce que c'est. Enfin, quelques tornades survenant tardivement en octobre pourraient endommager la récolte.
Les tiges de tabac qui restent dans le champ sont ramassées et réduites en cendres, que les teinturiers du pays estiment beaucoup à cause de leur richesse en potasse. Il vaudrait certainement mieux les restituer au sol que les vendre.
Les graines de Virginie, Maryland, Déli, etc., essayées à Podor, dans le jardin du poste, avaient donné de très beaux plants, mais avec un arrosage équivalent à une très copieuse irrigation.
Cercle de Kaédi. — La récolte se fait généralement en avril. On enlève les feuilles une à une, et on les fait sécher au soleil. Elles sont ensuite coupées en morceaux de quelques centimètres carrés, légèrement humectées et conservées dans des peaux de bœuf ou de mouton.
Cercle de Matam. — La récolte se fait de la manière suivante : lorsque les feuilles commencent à se faner, les indigènes arrachent les plants avec leurs racines et mettent le tout sécher sur des nattes, dans un coin de la cour, et sans abri. Puis au bout de quelques jours, après une nuit humide, les feuilles sont enlevées une à une. Alors, les réunissant par dix ou douze, et après les avoir repliées sur elles-mêmes, à l'aide d'un bout de filin bien serré, ils forment des carottes qui sont suspendues dans la case, jusqu'au moment où, voulant fumer, ils hachent le tabac avec un couteau. S'ils veulent le priser ou le chiquer, après l'avoir coupé et séché au soleil, ils le livrent à leurs femmes qui le pilent dans un mortier en bois et le passent au tamis fin.
On fait deux sortes de tabac à priser : le Neup et le Kato. Le Neup est le tabac dépourvu de toute autre substance. Les indigènes le
RAPPORT SUR L'EXPLOITATION DU TARAC 367
trouvent fade et sans goût. C'est pourquoi les priseurs endurcis se font préparer le Kato. On ajoute au tabac à priser des cendres pro- venant des tiges de tabac, c'est-à-dire de la potasse. Tous les déchets des plants de tabac, racines comprises, sont séchés et brû- lés en tas. Les cendres sont recueillies précieusement et placées dans un grand vase en terre, percé de plusieurs trous dans le fond. Ce vase se nomme en ouolof : Iundé. Sur ces cendres, les femmes passent de l'eau qui est reçue dans un récipient placé au-dessous du iundé. Cette eau est repassée une dizaine de fois sur les mêmes cendres et surde nouvelles (toujours en plein soleil) jusqu'à ce qu'elles soient sursaturées. Alors on la laisse s'évaporer, ce qui par le vent d'Est s'effectue très rapidement, et l'on obtient sous forme de cristaux (d'un blanc grisâtre) la potasse qui sert de mordant pour la teinture de l'indigo.
Cercle de Bakel. — La récolte du tabac a lieu vers la fin du mois d'avril. Les pieds sont alors coupés au ras du sol, et les feuilles, arrachées une à une, sont placées en tas et exposées au soleil, pen- dant 3 ou 4 jours. Elles sont ensuite pilées dans un mortier jusqu'à ce qu'elles forment une bouillie assez compacte.
L'opération du séchage diffère suivant l'espèce.
Pour le Tankoro, on fait avec les feuilles pilées des boules de la grosseur du poing, que l'on entasse dans de grands vases en terre fermés, où le séchage se fait lentement, à l'ombre et à l'abri de l'air.
Si c'est du Tabaki, l'on expose les feuilles pilées au soleil et à l'air libre, jusqu'à parfait séchage. Elles sont ensuite placées dans des vases en terre.
6e question.
Quel est le prix de vente du tabac Préparé dans la colonie ; Importé ?
Cercle de Sedhiou. — Le tabac, vendu par les maisons de com- merce au prix de 3 francs le kilo, est originaire d'Amérique. Il est introduit en feuilles que les indigènes coupent, s'il veulent fumer, et broient, s'ils veulent priser ou chiquer.
Cercle de Ziguinchor. — Le prix de vente du tabac importé est de 2 fr. 50 le kilo.
368 ÉTUDES ET MÉMOIRES
Cercle du Niam-Olli. — Avant l'introduction dans le pays du tabac d'Amérique, qui à l'heure actuelle est principalement con- sommé par les indigènes, le Tankoro se vendait 1 franc les 4 petites boules, et le Tabaki 2 fr. 50 la grosse boule pesant environ 3 kilos, ou 2 fr. 50 15 petites boules représentant le même poids. Mais à présent le tabac n'a plus de valeur. Aussi n'est-il cultivé qu'en très petites quantités, dans toutes les provinces du Cercle, par les Peulhs et les Mandingues pour leur consommation personnelle.
Le tabac d'Amérique importé est vendu par les traitants 0 fr. 625 la tête de 6 à 7 feuilles.
Cercle de Nioro-Rip. — Le tabac provient des maisons de com- merce de Kaolack et de Bathurst. Il est vendu par les dioulas col- porteurs à raison de 4 fr. 50 à 5 francs le kilo.
Cercle de Kaolack. — On ne fait aucun commerce du tabac indi- gène ; les habitants l'échangeaient entre eux autrefois, contre du mil; mais aujourd'hui, où l'on importe des tabacs étrangers, cet échange n'a même plus lieu, sauf dans le Saloum oriental, région très éloignée des escales et où la culture se fait encore.
Cercle de Tiiiès. — Dans le pays, on vend le tabac importé à raison de 0 fr. 10 la feuille, ce qui porte le prix du kilo à 5 ou 6 francs.
Cercle de Louga. — Le tabac en feuilles, importé d'Amérique (entrepôt à Gorée), exclusivement employé par les indigènes, se vend, en demi-gros, de 2 fr. à 2 fr. 50 le kilo; au détail, 2 fr. 50 à 3 francs le kilo, et en feuille, 0 fr. 05 et 0 fr. 10, suivant la longueur (50 à 60 centimètres et 70 à 80 centimètres), pour les petites ventes.
Cercle de Podor. — Le tabac indigène est consommé la plupart du temps par ses producteurs. Il n'y a pas de prix arrêtés. Le tabac importé se vend en moyenne 2 fr. 50 le kilo.
Cercle de Kaédi. — Le tabac indigène se vend seulement dans le pays, au prix de 2 kil. 500 pour 1 franc, environ. Le tabac importé se vend dans le commerce 3 IV. le kilo.
Cercle de Matam. — Il est impossible de fixer un prix de vente du tabac indigène. On l'échange sur les marchés des villages contre du poisson sec, des haricots, du manioc, etc.
Cercle de Bakel. — Dans le pays le Tankoro vaut environ
RAPPORT SUR L'EXPLOITATION DU TABAC 369
1 fr. 70 le kilo. Le prix du Tabaki lui est inférieur. Son cours maximum est de 1 fr.
Le tabac en feuilles provenant des manufactures françaises se vend à Bakel 5 francs le kilo.
7e question.
Quel est le régime fiscal auquel sont soumises : La culture? L'importation ? La vente ?
Cercle de Ziguuschor. — Le régime fiscal auquel le tabac est soumis à l'importation est le prélèvement d'un droit de 25 °/0 sur la valeur.
Cercle de Niam-Ouli. — Aucun régime fiscal ne réglemente, dans le Cercle, la culture, l'importation et la vente.
Les traitants paient au budget du Niani-Ouli, pour se livrer au commerce, une redevance de 100 francs par opération installée sur le territoire du Cercle.
Cercle de Nioro-Rip. — Le tabac provenant de Bathùrst est frappé, à la frontière, d'un droit d'entrée de 10 °/0, perçu au profit des chefs indigènes.
Résidence de Toul. — La culture du tabac n'est soumise à aucun régime fiscal. Le tabac en feuilles paie un droit de douane de 10 °/0 et une taxe de consommation de 25 °/0; les tabacs fabriqués, une taxe de consommation de 30 °/0. Ces droits changent souvent.
Cercle de Louga. — La taxe de consommation, perçue par la douane, est de 40 francs par 100 kilos. La douane perçoit en outre une taxe de 7 francs par 100 kilos, à titre de produit étranger.
Les Européens ne fument que le tabac, en paquet, de Martin, importé d'Algérie, et le Maryland, préparé en France. De rares indigènes et les Marocains fument aussi ces deux produits.
Cercle de Tivavouane. — La vente du tabac américain importé dans la colonie doit supporter les taxes suivantes :
Droit des douanes. Tabac en feuille : 10 °/0 (Décret 20 juin 1872). Taxe de consommation. — : 23 °/0 \ (Arrêté du 30 déc#
Pour les tabacs fabriqués : 30 °/„ ( 1895) ad valorem.
Bulletin du Jardin colonial. 24
370 ÉTUDES ET MÉMOIRES
La valeur de douane des marchandises est déterminée d'après la mercuriale officielle, ou, à défaut, d'après les prix portés sur les factures, augmentés de 25 °/0.
La taxe de consommation est due sur le tabac importé, récolté ou fabriqué (Délibérât, du Cons. général 28 août et 19 décembre 1893 et 24 décembre 1895 ; arrêté du 2 février 1894; décret du 20 mai 1894, promulgué par arrêté du 16 juillet 1894).
Cercle de Podor. — Aucun droit sur la vente.
Cercle de Kaédi. — La culture et la vente ne sont soumises à aucun droit.
Cercle de Bakel. — La culture et la vente du tabac ne sont actuellement soumises à aucun droit.
L'Inspecteur chef du service, Y. Henry.
CONFÉRENCES DU JARDIN COLONIAL
CONFÉRENCE DE M. DESLANDES
(Suite.)
La cocoterie de Vohidotra a été créée par arrêté du 21 décembre 1900; les premiers travaux ont commencé en janvier 1901, il y a donc exactement trois ans.
Dès le début, un troupeau de 25 têtes a été acheté, afin de four- nir aux cocotiers le fumier nécessaire pour obtenir de bons rende- ments.
Le coût de ce troupeau — 2.300 fr. — est diminué chaque année par le produit des naissances qui en augmente la valeur sans aucun frais.
La surface à mettre en valeur a été fixée à 100 hectares, et la plantation devait se faire en 3 ans.
Le défrichement, la trouaison ont été terminés comme il avait été fixé. Mais les cocos reçus la première année (1901) n'ont pu être mis en place qu'en 1902 ; ceux ce 1902 en 1903, et le troisième envoi reçu en 1903, encore en pépinière, ne peut être planté qu'en 1904. Le travail sera donc achevé dans quatre ou cinq mois, à la fin de la saison des pluies.
Le premier travail a été la création de pépinières abritées, d'après le modèle adopté à la Station de llvoloina. Le terrain a été défoncé à 0 m 60, les racines extirpées, du fumier mélangé à la couche super- ficielle.
Les cocos sont placés en ligne sur des planches larges de 2 mètres, le sable arrivant à mi-hauteur de la noix. Une pompe placée au centre des ombrières permet l'arrosage lorsque le temps sec le rend nécessaire.
La trouaison de la plantation est faite à 8, à 9 et à 10 mètres, chaque variété de cocos nouvelle devant être plantée à ces trois espacements.
372 CONFÉRENCE
On a constitué une pépinière de remplacement, comprenant quelques centaines de plants appartenant aux diverses espèces intro- duites, de même âge que ceux déjà mis en place, et qui sont desti- nés à remplacer les sujets qui seraient détruits par des parasites ou dépériraient pour une raison quelconque.
Les variétés de C. nucifera représentées à Vohidotra au com- mencement de 1903 étaient :
Variété de Sainte-Marie
— Zanzibar
— Sevchelles
Cocos |
verts |
||
des Indes |
z |
rouges nains |
|
( — |
brahmines |
||
Ceylan, 7 |
vai |
•iétés principales. |
De nouvelles noix demandées au commencement de 1 903 à Pon- dichéry, à Mayotte, à Zanzibar, sur la côte d'Afrique, à Ceylan et à la Nouvelle-Calédonie ont complété cette série de variétés et le stoc de noix nécessaire aux plantations de Vohidotra.
Ce n'est guère avant 7 ou 8 ans qu'on obtiendra des récoltes d'une certaine importance, et qu'on aura des indications complètes sur la culture du cocotier.
Mais des renseignements sur la germination, la mise en place, la main-d'œuvre nécessaires aux travaux de défrichement, creusement des trous, remplissage, transport et mise de fumier, transport et plantation des plants, ont déjà été recueillis.
Un essai de culture de cannelier a été fait à Vohidotra. Il occupe 1/4 d'hectare et porte sur des canneliers du pays, obtenus de semis et par transplantation de jeunes plans sauvages, et aussi sur des plants de cannelle de Ceylan, dont les graines ont été envoyées directement du pays d'origine. Ces graines sont fort délicates, et ce n'est pas sans difficulté que cette introduction nouvelle a été faite. Jusqu'alors ces essais, entrepris depuis 18 mois, s'annoncent fort bien.
A partir du moment où la cocoterie de Vohidotra entrera en rapport, une partie des noix de coco sera répartie entre les provinces côtières pour être distribuée aux villages, qui devront en assurer la planta-
CONFÉRENCE DE M. DESLANDES 373
tion. Actuellement, la colonie répartit de la sorte des noix (70.000 en 1901) quelle est jusqu'à présent obligée d'acheter.
La Station d Essais de Nampoa est située tout au sud de la côte orientale, à 1 kilomètre environ de Fort-Dauphin. Ce n'est que depuis le commencement de 1901 que la Direction de l'Agriculture .y est représentée par un agent chef de la Station.
Organisation. Raison d'être. — Par suite de la différence de latitude et de régime météorologique, la région de Fort-Dauphin est tout autre, au point de vue agricole, que la partie moyenne de la côte Est.
Les cultures à conseiller à Vatomandry, Tamatave et Maroantsetra peuvent fort bien ne pas réussir sous I3 climat de cette région, qui se trouve par 2o° de latitude sud, et par conséquent en dehors de la zone tropicale.
C'est là d'ailleurs ce qui justifie l'organisation d'une seconde Sta- tion sur la côte Est, et dans une partie où la colonisation en est à ses débuts. Mais l'espoir que cette région était appelée à devenir un jour un centre agricole a paru justifier la création de Nampoa, où les planteurs trouvent dès leur arrivée des renseignements sur les cultures qu'ils pourront entreprendre.
La Station de Nampoa est organisée sur le même plan que celle de l'Ivoloina, seulement elle est moins importante; elle com- prend d'importantes pépinières, une section botanique, un verger et une section de plantes mères, et un champ d'expériences de grandes cultures. Ce dernier renferme des essais sur les plantes à parfum, le caféier, le théier, la coca, l'agave textile, des plantes à caoutchouc, la vanille, etc.
La section des plantes mères est rendue particulièrement inté- ressante par un certain nombre de plantes déjà âgées de 10 à 20 ans, particulièrement des fruitiers. Elles ont été introduites par M. Marchai, un négociant du Sud qui avait créé à Nampoa une jolie propriété cédée depuis à la colonie et qui a formé le premier noyau de la Station d'essais.
La Station de Nampoa comme celle de l'Ivoloina possède un troupeau, un hangar à repiquage, un hangar magasin, un hangar à bœufs, une bibliothèque d'agriculture tropicale.
Les cessions de plants et de graines sont nombreuses, lui outre, la Station est à peu près le seul endroit où l'on trouve des fruits
374 CONFÉRENCE
dans la région. Aussi ces fruits vendus par l'Administration sont- ils fort bien accueillis sur le marché de Fort-Dauphin. Le café récolté est aussi vendu sur place.
Côte Est. — Tout ce qui précède a pu vous donner une idée de ce qui a été fait par la Direction de l'Agriculture dans la circonscrip- tion agricole de l'Est.
Jetons maintenant, si vous le voulez bien, un coup d'oeil sur les plantations nombreuses qui s'échelonnent sur toute la côte orientale de l'île, sur les cultures qu'on y a entreprises, et tâchons de voir ce qu'on peut attendre de l'avenir agricole de cette région.
La côte Est s'étend sur 13° de latitude, dans une direction sen- siblement N.-S. Sur cette longueur de 1.500 kilomètres de côtes, on rencontre des régions différentes entre elles, et particulièrement sous le rapport des chutes pluviales qui ont une si grande impor- tance pour les cultures tropicales. La température est variable aussi.
Si on ne peut pas cultiver le cacaoyer près de Fort Dauphin par suite d'une température trop basse, on ne peut pas non plus l'ex- ploiter à Diego, à Vohemar, à cause des chutes insuffisantes (1 m 13 à Diego 1 m 37 à Vohemar en 1902).
D'une façon générale, c'est la région moyenne de la côte Est qui semble présenter les conditions les plus favorables à l'établissement de plantation, et c'est aussi celle qui en comprend le plus grand nombre.
La température moyenne pour 1 902 a été de
24° 9 à Maroantsetra 23° 4 à Fénérive 24° 3 à Tamatave 25° 6 à Vatomandry 23° 6 à Mananjary
Les températures minima absolues pendant la même année 1902 ont été de 13° à Maroantsetra
14° à Tamatave 11° 8 à Vatomandry
13° à Mananjary Les hauteurs d'eau recueillies au pluviomètre ont été de 3m 049 à Maroantsetra
2'» 403 à Tamatave 2 '"727 à Vatomandry 2 m 862 à Mananjary
CONFÉRENCE DE M. DESLANDES 375
Ces pluies sont réparties sur tous les mois, et celui d'août, le moins pluvieux, a reçu cependant 83nim d'eau à Tamatave. Dans la même région, l'état hygrométrique mensuel moyen varie entre 80 et 96, et la moyenne de l'année a été 86.
Ces conditions, chaleur et humidité, avec des pluies réparties sur tous les mois, sont celles que l'on recherche pour les cultures tropi- cales.
Quant au sol, il est de qualités bien variables.
Vous trouverez dans un ouvrage de MM. Mùntz et Rousseaux de nombreux résultats d'analyses de terres de Madagascar.
En ce qui concerne les sols des concessions de la côte Est, on y trouve généralement une forte proportion d'humus et par conséquent d'azote organique. La potasse ou l'acide phosphorique sont parfois en proportion peu faible, mais ce qui manque généralement c'est le calcaire.
Malgré cela, et sans doute à cause du climat tropical qui permet une assimilation plus complète des éléments du sol par les végétaux, on rencontre souvent des plantations de belle venue sur des ter- rains que l'analyse chimique semblerait condamner comme trop pauvres.
Les plantations de la côte Est sont presque toujours établies dans les vallées, sur les rives des fleuves. On trouve là des alluvions riches principalement en humus, de petites plaines qui permettent un travail plus facile que le reste du pays, presque toujours extrême- ment mouvementé. Enfin, la rivière fournit un moyen de locomo- tion et de transport moins coûteux que les porteurs.
Cultures diverses. — Canne. — Une des premières cultures essayées à Madagascarest celle de la canne à sucre. Une usine dans la province de Vatomandry,deux dans celle de Tamatave, font du sucre ou du rhum, Mais les prix du sucre ont baissé depuis 20 ans, et la sucrerie de betterave fait une terrible concurrence à celle de canne. Aussi les résultats sont-ils devenus peu encourageants dans ces der- nières années pour les usines à sucre. 11 faudrait, pour réussir, opé- rer avec un matériel complet et perfectionné, et sur de très vastes surfaces, comme on le fait à Maurice, et pouvoir disposer d'une main- d'œuvre nombreuse et assurée.
La fabrication du rhum, qui se vend en grandes quantités sur place, assure de meilleurs profits. Un planteur du territoire de Diego
376
CONFERENCE
a même créé ces dernières années des cultures de canne en vue de cette fabrication, et en tire déjà des bénéfices, bien qu'il ait été obligé d'établir des canaux d'irrigation. D'une façon générale, la canne végète fort bien dans les terres d'alluvion de la côte et j'ai vu des parcelles où elle est cultivée sans interruption depuis plus de 20 ans, et qui ne reçoivent comme fumrue que des débris de canne, des bagasses et des cendres de bagasse, car l'emploi des engrais chimiques n'est pas encore pratiqué à Madagascar.
Tabac. — Une autre culture est celle du tabac, pratiquée depuis longtemps par les indigènes , qui en font une grande consommation. On trouve des pieds de tabac dans presque tous les villages ; mais jusqu'à ces dernières années, on n'avait pas préparé de tabac à fumer, au moins avec quelque soin. D'abord à Tananarive, puis à Tamatave, des européens se sont occupés de cette question.
A Tamatave, une petite manufacture de tabac fonctionne depuis 18 mois environ; elle est alimentée par du tabac indigène et aussi par celui que lui fournit M. Bensch, président de la Chambre d'Agriculture de Tamatave, qui sur sa plantation « Cyrano » en a créé de belles cultures.
Le produit est de bonne qualité, et peut être comparé sans désa- vantage aux tabacs algériens et à nos scaferlatis de France, importés jusqu'ici pour la consommation de l'île. Le tabac du pays pourra les remplacer pour cette consommation locale. Mais les créoles, selon toute apparence, continuent à fumer le tabac de la Réunion, beau- coup plus doux et d'un goût spécial, qu'ils préfèrent à tous les autres. Toutefois, le directeur de la manufacture, M. Petitjean, a réussi à préparer du tabac présentant les mêmes qualités.
Les plantes a caoutchouc ont tenté quelques planteurs; le Céara, en particulier, a été introduit voici un vingtaine d'années environ, à Fort-Dauphin. On en trouve sur toute la côte des sujets isolés. Deux plantations ont été créées sur le Mananjary et une dans le territoire de Diego. Les résultats sont mauvais presque partout, le rendement étant faible et le latex pauvre. L'Hevea brasiliensis, le Castilloa elastica ont aussi été introduits, mais entrepris depuis trop peu d'années pour qu'on puisse encore se prononcer.
Le cocotier n'a encore tenté que peu de personnes sur la côte Est.
Le giroflier n'est cultivé en grand qu'à Sainte-Marie.
Trois cultures dominent en grand sur la côte Est, et seront pen-
CONFÉRENCE DE M. DESLANDES 377
dant longtenps encore les plus importantes : celle du cacaoyer, celle de la vanille, celle du caféier.
Vanillier. — Le vanillier a été introduit de la Réunion, qui pro- duit de grandes quantités de vanille très appréciée. Avant la guerre, des vanilleries avaient déjà été créées près de Mahanoro, de Vatoman- dry. Mais c'est surtout depuis 7 ou 8 ans que cette culture a pris une extension qui ne fait que s'accroître chaque jour.
Les vanilliers de la côte Est sont presque tous réunis dans deux régions, l'une au nord, l'autre au sud de Tamatave.
La première comprend le sud de la province de Vohemar et la province de Maroantsetra, et la seconde les districts de Vatomandry et de Mahanoro.
Mais toute la côte entre Sahanbavany (au sud de Vatomandry) et Mananjary paraît bien convenir à cette culture, et peut-être pense- t-on la pousser jusqu'au sud de l'île. Il existe une vanillerie près de Farafanganoa , et une près de Fort-Dauphin qui avec l'essai en trepris à la Station de Nampoa, permettrait d'être fixé sur ce que l'on doit attendre de la vanille dans ces régions. Il est déjà certain qu'elle y végète, y fleurit et y fructifie, mais il se pourrait qu'à Fort-Dau- phin, par exemple, les rendements ne fussent par suffisants pour assurer une exploitation lucrative.
Je n ai pas l'intention de vous rapporter ici tout ce qui concerne la culture de la vanille à Madagascar, car il y aurait beaucoup trop à dire. En général cette culture est bien faite, et l'on trouve même des vanilliers remarquables. La préparation est conduite avec soin. Elle est faite par des préparateurs bourbonnais. La qualité du produit est bonne en général, et les planteurs qui cultivent et préparent bien, ne chargent pas trop les lianes, et suppriment les vanillons et les gousses défectueuses dès leur formation ont ob tenu pour la récolte 1902, tout compris, jusqu'à 38 fr. le kilo. Mais par suite de la baisse de prix qui s'est produite dans ces dernières années, la moyenne générale des prix des vanilles expédiées de Madagascar en 1902 ressort à 25 fr. le kilo, alors qu'en 1896 elle était de 58 fr.
Abris. — Dans le nord de l'île (région de Maroantsetra), les vanil- leries sont toutes placées sous abri naturel, haute brousse ou forêt éclaircie.
Dans la région Vaton Mahu, bien qu'on utilise parfois ces arbres quand on le peut, on est obligé de recourir aux arbres artiticiels soit pour constituer entièrement l'ombrage, soit pour l'augmenter.
378 CONFÉRENCE
Tuteurs. — La culture se fait presque toujours sur supports vivants, et par pied séparés. Le pignon d'Inde est employé d'une façon très générale comme tuteur. On rencontre aussi dans la région de Ma- roantsetra un Hibiscus, appelé par [les indigènes Baro ou Varo, mais qui ne possède pas la même qualité que le Jatropha Curcas.
Nombre. Age de remplacement. Rendement. — Les vanilleries de la côte Est renferment généralement 5.000 pieds à l'hectare. A l'âge de 3 ans, on a une première récolte. A 6 ou 7 ans, il faut rempla- cer les lianes. J'estime qu'une vanillerie bien conduite et bien située peut donner une moyenne de 25 grammes de vanille sèche par liane en rapport, c'est-à-dire 8 ou 0 belles gousses. Je parle là d'une moyenne normale qui est dépassée. J'ai visité il y a un an à Mananave une fort belle vanillerie qui rendait 38 grammes de vanille préparée par liane. Il y a aussi des pieds exceptionnels qui fournissent parfois 100 gousses et plus. Cela dépend en grande par- tie de la manière dont on féconde. Mais il est sage de ne pas trop charger les lianes, si on veut qu'elles rapportent longtemps. En comptant 25 grammes par vanillier, il faudra 40.000 lianes en rap- port pour produire une tonne de vanille sèche. Il faudra 20.000 lianes de 1 et 2 ans pour assurer le remplacement des vieilles lianes. C'est donc un total d'environ 60.000 lianes. C'est là, à mon avis, le grand maximum de ce qu'un seul planteur peut surveiller avec soin, aidé d'un préparateur, car si la culture de la vanille est peu pénible, et je dirai même agréable et attachante, elle demande une surveillance de tous les instants. Le préparateur sera payé de 2.500 à 3.000 fr. et la main-d'œuvre annuelle revient à 6 ou 7.000 francs. C'est donc une dépense de 9.000 à 10.000 fr. Le produit brut est de 25.000 fr. environ. Le produit net de 15.000 fr.
Les lianes reviennent au magasin à 0 fr. 50 la pièce au moment de l'entrée en rapport, soit 30.000 fr. pour 60.000 lianes. La con- struction d'une maison d'habitation et d'un atelier de préparation reviendront, sur la cote Est, à 10.000 fr., le tout étant bien installé.
On a donc engagé un capital d'environ 40.000 fr. pour obtenir au bout de 4 ans 15.000 fr. de produit net annuel. C'est un assez joli résultat, et si certaines vanilleries cultivées d'une façon défec- tueuse, ne l'ont pas donné, j'en connais d'autres pour lesquelles il a été plus satisfaisant encore. Aussi la culture de la vanille s'étend- elle de jour en jour.
CONFÉRENCE DE M. DESLANDES 379
Exportation. Extension. — L'exportation est passée de 1 .050 kilos en 1896 à 12.000 en 1902, dans lesquels, il est vrai, l'île deNossibé entre pour un tiers. Mais il y a en outre beaucoup de jeunes plan- tations ; les anciennes s'étendent sans grands frais par la plantation de boutures prises sur les lianes plus âgées. J'ai constaté de visu l'an dernier, dans une tournée dans le nord de l'île, l'extension con- sidérable des vanilleries.
On estimait il y a un an à 375.000 le nombre de lianes de tout âge dans le district d'Antanalava et à 474.000 celui des vanilliers de la province de Maroantsetra. Les districts de Vatomandry et de Mahanoro, l'île de Nossibé a beaucoup planté aussi, et l'on est en droit d'espérer que si les prix ne fléchissent pas trop, les vanilleries prendront plus d'importance encore. Les lianes actuellement plan- tées doivent amener à Madagascar une production en vanille sèche d'environ 35.000 kilos lorsqu'elles seront en rapport. Même en fai- sant la part des aléas, des maladies et des cyclones, on voit que Madagascar est destiné, selon toute probabilité, â devenir un des pays grands producteurs de vanille.
Le Cacaoyer a été introduit, probablement de la Réunion, il y a une vingtaine d'années. Les plus anciennes plantations se trouvent près de Tamatave, de Vatomandry et de Mahanaro. Mais c'est sur- tout depuis quelques années que cette culture a pris de l'importance, et bien que par suite de la croissance lente de l'arbre, il soit nécessaire d'attendre encore pour être complètement fixé sur l'importance des nouvelles cultures, il est bon de constater que l'exportation, de 1.000 kilos en 1896, c'est-à-dire insignifiante, a atteint 22.000 kilos en 1902.
Aire. — Mananjary paraît devoir être considéré commela limite sud de l'aire de culture pratique du cacaoyer. Mais bien qu'aucune cacaoyère n'existe au nord de Tamatave, je suis persuadé et je puis dire certain que le cacaoyer trouvera dans la province de Fénérive, Maroantsetra et le district d'Antalaha des terrains lui convenant parfaitement, et le climat approprié. Je souhaitais l'an dernier de voir des planteurs de cacao s'établir dans ces régions, et je crois qu'une maison va créer uue plantation de 100.000 pieds de la pro- vince de Fénérive sur l'Anove. Si elle est bien comprise et bien faite, elle doit réussir.
C'est la province de Tamatave qui, de beaucoup, produit le plus de cacao (18.000 kilos en 1902).
380
CONFERENCE
Sol. Culture. — Les cacaoyères sont toutes établies dans des terrains d'alluvions profonds et meubles. Uombrage est fourni par des bananiers pendant les premières années, et généralement par des bois noirs pendant les suivantes. Les plants sont espacés de 4 sur 4. Ce n'est qu'au bout de 7 à 8 ans qu'on les considère comme en rapport.
La culture du cacaoyer paraît appelée à prendre une grande extension dans la partie moyenne de la côte Est.
Le produit en est moins aléatoire que celui de la vanille, dont les cours sont si variables et qui diminue si rapidement de prix.
La consommation du cacao est en effet considérable et les prix en varient peu. Le produit fourni par Madagascar est bien préparé, de qualité très appréciée, et se vend a raison de 2 fr. le kilo.
On estime que près des i/o de cacaoyers delà côte Est ne sont pas encore en rapport, ce qui donnerait pour l'époque du plein rapport des arbres actuellement plantés 140.000 kilos de cacao.
Le Caféier se rencontre un peu partout à Madagascar. Sans parler d'espèces indigènes comme le café de l'Andry et deux espèces que j'ai rencontrées à la montagne d'Ambre, et qui sont sans intérêt économique, on trouve dans beaucoup de villages des sujets isolés ou de petits groupes de G. Arabica. Toutefois, sur la côte Est, mal- gré les conditions favorables dans lesquelles se trouvent placés ces caféiers situés à proximité des villages, ils sont généralement atta- qués par Y H. vastatrir. Quant aux plantations de la même espèce actuellement restantes elles sont rares ; on en trouve à Antalaha, à Farafangana, mais il est fort probable qu'elles ne pourront pas résis- ter à la maladie.
Montagne cF Ambre. — ■ Les planteurs de la montagne d'Ambre cultivent presque tous la G. Arabica, mais rendements médiocres, manque de main-d'œuvre.
Le C. Arabica ne doit pas être cultivé au voisinage immédiat de la côte. Il y dépérit rapidement, et si sa première végétation est par- fois très encourageante, il est rare qu'il y résiste longtemps après la première récolte. Sa culture ne paraît possible qu'à une certaine altitude 4 ou 500 mètres au minimum.
Libéria. — Aussi les planteurs de la côte ne cultivent-ilsquele C. Liberica, qui résiste l'Hem. Vastatrix. mais qui malheureusement donne un produit inférieur à celui du caféier à petites feuilles. Gepen-
CONFÉRENCE DE M. DESLANDES -i<S|
dant le Libéria de Madagascar paraît de meilleure qualité que celui de beaucoup d'autres provenances. Il semble se former, par l'adaption de l'espèce au pays, peut-être par suite d'hybridation avec le C. Arabica, disséminé un peu partout, une variété de qualité supérieure au Libéria.
Hybrides. — La Direction de l'Agriculture a introduit de Java des hybrides de C. Libérica et C. Arabica, et des greffages d'hy- brides, qui jusqu'à présent s'annoncent bien et donnent l'espoir de pouvoir répandre sur la côteune variété de caféier résistant à la mala- die et de bonne qualité.
Il est assez difficile de savoir exactement quelle est la production de Madagascar en café. Cette denrée est en effet consommée dans le pays ; l'exportation est jusqu'à présent tout à fait négligeable et le sera jusqu'au jour où la consommation sera dépassée par la production. On constatera seulement une diminution graduelle dans les importations de café, jusqu'à ce qu'elle deviennent nulles. La pro- duction peut être évaluée à environ 80 tonnes. Quand les plantations actuelles seront en plein rapport, elles fourniront environ 240 tonnes, dont une centaine devront être exportées.
Tant que le café Libéria trouvera son écoulement sur place, où il est payé notablement plus cher qu'il ne le serait en Europe, sa cul- ture sera avantageuse. Mais quand l'importance de sa production obligera à l'exporter, elle le sera beaucoup moins et il est probable qu'alors la culture du cacaoyer paraîtra plus avantageuse que celle du caféier.
C'est surtout en prévision de cette exportation qu'il est nécessaire de rechercher un hybride fournissant un produit qui ne soit pas déprécié en Europe. Il est d'ailleurs à espérer que le Libéria de la côte de Madagascar obtiendra des prix plus avantageux que la plu- part des autres Libéria. Sa qualité devra les lui assurer.
Voilà, en résumé, ce qui a été fait au point de vue agricole sur la côte Est, tant par les particuliers que par la Direction de l'Agricul- ture. En agissant elle-même dans ce domaine, l'Administration n'a eu pour but que d'aider la colonisation en se chargeant d'études, d'introduction de plantes, d'essais culturaux devant lesquels un par- ticulier recule souvent.
Le lien entre les planteurs et le gouvernement de la colonie est constitué par la Chambre d'Agriculture, qui siège tous les ans à
382 CONFÉRENCE
Tamataveet émet des vœux sur les questions d'agriculture, d'élevage, d'industries agricoles. C'est aussi un lien entre tous les planteurs des différentes régions, car elle compiend des délégués de tous les comices agricoles formés dans l'île.
J'ai entendu émettre des avis bien différents sur l'avenir agricole de la côte Est, le plus souvent ils sont ou trop pessimistes ou trop optimistes.
Pour ma part, je pense que cette région, déjà la plus colonisée, est destinée à devenir essentiellement agricole. Mais il faut bien se dire que cette vaste bande de terre comprend des terrains fort diffé- rents. S'il en est qui conviennent aux cultures tropicales, il en esl de très pauvres, de trop accidentés^ de trop marécageux. Les ter- rains propres à la plantation ne manqueront pas d'ici de nombreuses années, l'on peut être sans crainte à ce sujet, car les surfaces exploi- tables augmentent à mesure que se créent des voies de communi- cation. A l'heure actuelle, on n'a pris que les terres de bonne qua- lité situées à proximité des centres. Chaque route créée sur la côte permettra au planteur de chercher plus loin sa concession. Mais si les terrains ne manquent pas, il faut savoir les choisir et aussi savoir les mettre en valeur.
Il faut se mettre soigneusement en garde contre cette opinion que l'on en sait toujours assez pour devenir planteur.
Tel quine songerait jamais à devenir agriculteur en France se croit très apte à l'être aux colonies, parce que tout doit y pousser tout seul. Eh bien non, rien ne pousse tout seul, et les plantes tro- picales ont des exigences de climat, de sol, plus impérieuses que nos plantes des pays tempérés. Il faut donc avoir certaines connais- sances agricoles pour devenir un bon planteur. Si ces connais- sances font défaut, le mieux sera de faire d'abord un apprentissage, par exemple en devenant employé sur une plantation.
Cela permettra, tout en s'instruisant sur les cultures proprement dites, sur la qualité des sols à choisir, d'acquérir les connaissances indispensables sur les ressources du pays, la manière de construire, le caractère et les habitudes des indigènes, la façon de les comman- der, toutes choses si utiles à connaître pour la création d'une exploitation.
Enfin, il faut un capital d'une certaine importance. A part la cul- ture maraîchère près des centres, il n'y a guère de place pour la petite colonisation.
LE CAOUTCHOUC DES « HERBES » 383
Nous avons vu ce qu'il fallait pour créer une vanillerie de quelque importance. Le capital sera plus considérable si l'on veut cultiver le cacaoyer ou le caféier, c'est alors qu'il s'agit de faire grand pour diminuer les frais généraux. Pour être en bonne situation, il faut au moins 50.000 fr. pour créer une plantation.
Mais avec ce capital, un colon possédant les connaissances suffi- santes, travailleur et persévérant, est appelé à réussir.
Les exploitations agricoles sont déjà nombreuses sur la côte Est,
et leur nombre augmente chaque année. Celles qui sont déjà en
rapport étendent leurs cultures. On ne saurait trouver de meilleures
preuves que la côte Est de Madagascar doit tirer sa richesse de
l'agriculture.
Deslandes.
NOTE SUR LE CAOUTCHOUC DES « HERBES » DU CONGO FRANÇAIS
Le caoutchouc des herbes s'extrait de plantes herbacées de la famille des Apocynées, genre Landolphia. D'après les récentes recherches sur place de M. Chevalier, le distingué explorateur fran- çais, chef de la Mission « Chari », ces plantes herbacées appartiennent à deux espèces très répandues dans la brousse, dont elles forment la principale végétation : le Landolphia Tholloni de Dewèvre et le Lan- dolphia humilis (Schlechter).
Ces plantes à petites feuilles lancéolées atteignent ordinairement une" hauteur de 40 à 60 centimètres, contrairement aux autres Lan- dolphiées qui émettent de nombreuses ramifications aériennes et constituent quelquefois des lianes énormes; elles restent toujours de petite taille en buissons, et sans aucune tendance à s'élever à la façon des plantes grimpantes.
Contrairement aussi à la dénomination fautive de caoutchouc d'herbe, celui-ci n'est nullement extrait des parties aériennes de la plante, mais bien des parties souterraines, constituées par un lacis inextricable de rhizomes, dont la grosseur varie depuis celle d'un crayon; à la grosseur du bras, on arrive à la souche-mère des rhi- zomes.
Le caoutchouc est renfermé dans la partie corticale interne et forme là un réseau de fils élastiques contenus dans les vaisseaux lati- cifères. Il est impossible de retirer le caoutchouc par les méthodes
384 NOTE
ordinairement employées pour son extraction des arbres tels que l'Hevea au Brésil ou même les lianes des forêts africaines (la saignée ou la coupe en fragments), car le latex des rhizomes des Landolphia Tholloni ou humilis est si épais qu'il ne peut s'écouler par l'incision ou la coupe.
Le procédé de MM. Arnaud et Verneuil (brevets américains, alle- mands et autres pays) permet, au contraire, d'extraire la totalité du caoutchouc. Il consiste essentiellement dans la contusion par per- cussion et le traitement à l'eau bouillante des parties corticales des rhizomes dans des appareils spéciaux assez compliqués, mais très rustiques, qui en extraient directement le caoutchouc à l'état de pureté. En effet, le traitement à l'eau a pour effet d'enlever toutes les matières gommeuses et albuminoïdes, qui causent tant de pré- judices aux caoutchoucs africains en amenant rapidement la putré- faction et aussi le poisseux si redouté pour les caoutchoucs.
Le caoutchouc extrait par le procédé mécanique est exempt de toutes impuretés quand il a été passé au déchiqueteur, il renferme toujours une certaine quantité d'eau qui assure la conservation et le préserve de l'oxydation à l'air. Il est blanc quand il vient d'être préparé, mais il passe rapidement au noir. Il est très élastique, assez nerveux, moins cependant que le Para ou le Kassai, sorte africaine fort appréciée, qui ont une origine botanique différente. Sa charge de rupture est à peu de chose près de celle du Para, cependant avec un allongement plus grand : il se rapproche ainsi du caoutchouc du Laos. Par contre, il est fort recherché des manufacturiers en raison même de la facilité avec laquelle on peut lui incorporer, sans changer sa nature, le soufre (et les matières minérales colorantes) néces- saire à la vulcanisation. Bref, c'est un caoutchouc de première qua- lité qui est appelé à un grand avenir en raison même de la source inépuisable constituée par la brousse africaine.
Les rhizomes Landolphia Tolloni, plus riches en caoutchouc que ceux du Landolphia humilis, peuvent contenir de 6 à 8 % de caout- chouc, suivant Tàge de la plante et l'époque où se fait la récolte.
Ces espèces, très répandues sur le plateau Batéké et le long du Congo jusqu'à la rivière Bleue, où le Docteur Spire a pu en recueillir de nombreux échantillons, ont été observées dans le Haut-Ogooué par M. William Guy net en 1899 ; elles commencent dans le pays découvert qui succède au pays Adouma.
M. Fondère en signalait également la présence dans la Haute- Sangla en 1901, et enfin M. Chevalier a rencontré ces mêmes espèces sur l'Oubangui et dans le Clari. Cette variété de localités est intéres- sante, puisqu'elle prouve la résistance et la richesse de ces lianes.
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