é is CPS RE ET “E LA A À 1 RTE CORTE RG 2 ere ae Se Am CA en es DR Ne PE su nanare. LED OI 4 1 7 4, 1 7 h 1 1 4 7 7 4 NS \ x p, PIERRE BELON DV MANS d'apres unportrailt gravé dei5ss A LA MÉMOIRE DE PIERRE BELON DU MANS FS Elo 64 Extrait de La Belgique horticole, 1885 LIEGE, A LA DIRECTION GÉNÉRALE, BOVERIE, 1. 1885. A LA MEMOIRE DE PIERRE BELON, DU MANS 1517-1564. Un comité de savants et de naturalistes s’est constitué récem- ment en France, afin d'organiser et de diriger une souscription publique destinée à subvenir aux frais nécessaires pour élever, au Mans, une statue à Pierre Belon. Le comité d'honneur est formé par MM. D. Beclard, Paul Bert, Boussingault, Bureau, Chatin, Du Breuil, Duchartre, Hauréau, Himly, De Lacaze-Duthiers, Lecouteux, Alphonse Milne-Edwards, Pouchet, Ranvier, Charles Richet, Topinard et Vaillant. Le président d'honneur est M. Louis Crié, professeur de botanique à la faculté des sciences de Rennes, qui, par de nom- breux et excellents écrits, a demontré et mis en relief les mérites de Pierre Belon, un des plus grands naturalistes de la Renaissance. Pierre Belon, contemporain de Dodonée et de l’Escluse, s'est moins exclusivement appliqué à la botanique et, sa vie ayant été prématurément brisée, il a fourni une œuvre moins volumi- neuse. Mais il a laissé une trace lumineuse et ineffacable dans l’histoire de notre science : il fut un des fondateurs de l’école de Ag l'observation. Il a rendu d’éminents services à la botanique hor- ticole et il est juste de rendre hommage à sa mémoire. Le comité français a bien voulu nous faire l’honneur de nous associer à son œuvre, que nous sommes heureux de seconder en lui donnant la publicité dont nous disposons ici. Déjà quelques savants belges, des naturalistes, des botanistes, des horticul- teurs et des amateurs de culture ont souscrit pour la statue de Pierre Belon, et nous espérons que beaucoup d’autres en Europe voudront aussi y contribuer. Ep. MoRREN. BIOGRAPHIE DE PIERRE BELON. Pierre Belon est né, en 1517, à la Soulletière, hameau dépen- dant du bourg de Cérans-Foulletourte au pays du Mans (Sarthe). Sa vocation vers les sciences naturelles put se développer grâce aux bienfaits de René du Bellay, évêque du Mans; plus tard, Guillaume Duprat, évêque de Clermont, le cardinal de Tournon et le cardinal de Lorraine favoriserent successivement son instruction ou lui donnèrent les moyens de voyager et de publier ses ouvrages. Il suivit à Wittenberg les lecons du professeur wurtember- geois Valerius Cordus qu’il accompagna dans ses excursions en Bohême, en Saxe et d'autres provinces d'Allemagne. On raconte qu'au retour de Wittenberg, Belon fut arrêté à Thionville, sans doute comme suspect de lutherianisme, mais un gentilhommé nomme Dehamme s'intéressa à lui par ce seul motif que Belon était compatriote et ami de Ronsard et le fit mettre en liberté. Il partit au commencement de 1546 pour un grand voyage d'exploration en Orient qu'il put entreprendre grâce au patro- nage du cardinal de Tournon. « Il visita successivement la Grece, l’île de Crete, Constanti- nople, l’ile de Lemnos, l’île de Pharos, le mont Athos, la Thrace, la Macédoine, l’Asie Mineure, les îles de Chio, de Metelin, on 0 de Samos, de Rhodes. Là il s’embarqua pour Alexandrie, vit le Caire, parcourut la basse Egypte ; de là, il entra en Palestine, en passant par l’isthme de Suez et le mont Sinaï. Il visita Jérusalem, le mont Liban, Alep, Damas, Antioche, Tarsus, et revint à Constantinople par l'Anatolie. À Rome il rencontra son généreux protecteur, le cardinal de Tournon, qui siégeait alors au conclave convoqué depuis la mort du pape Paul III. Il y rencontra aussi deux zoologistes célebres, Rondelet et Salviani, qui se communiquaient réciproquement leurs travaux. L’intrépide voyageur fit plus qu’il n’avait promis : non seule- ment il enrichit l’histoire naturelle d’un grand nombre d’obser- vations entièrement neuves, mais il fit encore connaitre les ruines, les antiquités et l’état religieux et moral des contrées qu’il avait parcourues.(l) » Il revint à Paris, en 1549, possesseur de nombreux matériaux recueillis pendant son voyage et 1l commenca bientôt la publi- cation de ses importants ouvrages. En 1557 Pierre Belon entreprit un nouveau voyage et visita l'Italie, la Savoie, le Dauphiné et l'Auvergne. À son retour, le roi Charles IX lui donna un logement dans un pavillon du petit château de Madrid ou Maldric, somptueux édifice que François I avait fait construire au bois de Boulogne sur le plan du palais des rois d'Espagne. IL s’y occupait à traduire Dioscoride et Théophraste et à composer un grand ouvrage de culture, quand, en 1564, il périt assassiné dans le bois de Boulogne, alors qu’il revenait de Paris. Il avait vécu quarante cinq ans environ. « Les sympathies, dit J. De Liron d’Airolles, que le cou- rageux voyageur-explorateur avait su inspirer à plusieurs grands personnages témoignent assez du goût naissant des jardins et de la curiosité qu’inspiraient les végétaux reçus de l’étranger. Celui de ces personnages qui fut le plus heureux de trouver le secours de Belon, fut René du Bellay, évêque du Mans, grand (1) Hoefer 1. c, mel amateur des plantes, auquel on doit de savantes observations et des pratiques d’horticulture assez intéressantes. Ce prélat passait à son château épiscopal de Touvoie tout le temps que lui laissaient libre les fonctions de son sacerdoce. C’est là qu'il pratiquait le jardinage et que, chaque année, il faisait venir d'Angleterre, d'Italie, de Flandre, et de l'Allemagne un grand nombre de plantes et d'arbres. » LES ŒUVRES DE PIERRE BELON. HISTOIRE NATURELLE DES ÉTRANGES POISSONS MARINS, AVEC LEURS PORTRAITS GRAVES EN BOIS; PLUS LA VRAIE PEINTURE ET DESCRIP- TION DU DAUPHIN ET DE PLUSIEURS AUTRES DE SON ESPÈCE. Paris, R. Chaudière, 1551, in-4°. « Volume tres mince, avec des figures sur bois représentant, entre autres, l’esturgeon, le thon, le malarmat. On y trouve une description exacte du dauphin et la première figure de l'hippopo- tame; l’auteur l’avait copiée sur la plinthe de la statue du Nil, conservée au Musée du Louvre » (Æoefer). P. BELLONII, DE AQUATILIBUS LIBRI DUO, CUM ICONIBUS AD VIVAM IPSORUM EFFIGIEM EXPRESSIS IN LIGNO. Paris, 1553, in-8 oblong et in-4°. (Ch. Estienne). Réimprimé à Zurich, 1558, in-fol., et à Francfort, avec le livre IV de l'Æistoria Animalium de Conrad Gesner. Traduit en francais, Paris, 1555. « Il y a, dit la Nouvelle Biographie de Hoefer, trois éditions différentes de cette traduction, et toutes les trois de la même année, et offrant entre elles des différences notables. Elles ont pour titre : 1" Za Nature et diversité des poissons, avec leurs pourtraicts représentez au plus près du naturel, en 2 livres. Paris, Charles Estienne, 1555, in-8, oblong; ONE de De la nature et diversité des poissons avec leurs descriptions et naïfs pourtraicts, en 7 livres. Paris, Charles Estienne, 1555, in folio; 3° L'Histoire des poissons, traitant de leur nature et propriété, avec les pourtraicts d'iceux. Paris, 1555, in-4°, en français et en latin. Ce livre, dit M. L. Crie (1), offre à mon sens un intérêt hors ligne : il renferme les bases de l’ichtyologie moderne. DE ARBORIBUS CONIFERIS, RESINIFERIS, ALIIS QUOQUE NONNULIS SEMPI- TERNA FRONDE VIRENTIBUS, CUM EARUMDEM ICONIBUS AD VIVUM EXPRESSIS, ETC. Paris, (G. Cavellat), 1553, 4. (8), 32 fol. ic. xylogr. i. t. Variante : Petri BELLONI de arboribus Coniferis, Resiniferis aliisque semper virentibus; de mille Cedrino, Cedria, Agarico, Resinis, etc. Paris, 1553, in-4° fig. « C'est une histoire assez exacte des conifères (pin, sapin, mélèze, cyprès, cèdre, etc.) qui forment les forêts de bois résineux. » DE ADMIRABILI OPERUM ANTIQUORUM ET RERUM SUSPICIENDARUM PRAES- TANTIA. Paris, (G. Cavellat), 1553. « Ouvrage fort curieux, composé de trois livres dont chacun a un titre spécial. Le 1° livre a le titre qui précede. Le 2° est intitulé De medicato funere seu cadavere condito, et lugubri defunctorum ejulatione. Le 3° a pour titre: De medicamentis nonnullis, servandi cadaveris vim obtinentibus. L'ouvrage a été réimprimé dans le tome VIII des Antiquités Grecques de Gronovius. L'auteur y traite des monuments funéraires des anciens, des (1) Pierre Belon et l’ichtyologie. — Revue scientif., 16 juin 1883, p. 741, SO usages observés dans les sépultures, et des substances employées à la conservation des cadavres. LES OBSERVATIONS DE PLUSIEURS SINGULARITÉS ET CHOSES MÉMORABLES TROUVÉES EN GRÈCE, ASIE, JUDÉE, EGYPTE, ARABIE ET AUTRES PAYS ESTRANGES, RÉDIGÉES EN TROIS LIVRES, PAR PIERRE BELLON pu Mans. À monseigneur le cardinal de Tournon. A Paris, en la boutique de Gilles Corrozet, en la grande salle du Palais, près la chapelle de messieurs les présidents. 1553. Avec privilège du roy. 4.(12), 210 fol., ic. xyl. L'ouvrage contient le portrait de l’auteur à l’âge de 39 ans. A la fin, on lit : Imprimé à Paris par Benoist Prevost demeurant en la rue Fromentel, à l'enseigne de l’Estoille d’or, pour Gilles Corrozet et Guillaume Cavellat libraires. 2° édition, Paris, Cavellat, 1554. 3 vol. in-4°. 3° édition, Paris, Marnef, 1588. In-4° (24) 468 p. Ces éditions de 1554 et 1588 sont peut-être (d'apres l'abbé de Saint Léger) les mêmes que celle de 1553, sauf un nouveau titre. Les Observations sont dédiées au cardinal François de Tournon et la dédicace écrite à l’abbaye de Saint Germain, près Paris, est datée de 1553. Excellentes gravures sur bois intercalées dans le texte. P. BeLLonn, Plurimarum singularium et memorabilium rerum in Graecia, Asia, Aegypto, Judaea, Arabia, aliisq. exteris Provincis ab ipso conspectarum Observationes, tribus libris expressae. C. Clusius è Gallicis Latinas faciebat. Antverpiae, ex off. Chr. Plantini, 1589, 1 vol., in-8°, 495 p. La traduction latine de de l’Escluse est dédiée au prince Maurice, landgrave de Hesse, pour lequel il semble qu’elle ait été faite : elle a occupé de l’Escluse pendant l’automne de 1586. P. BezLonur, Cenomani Plurimarum singularium et memorabilium rerum in Græcia, Asia, Aegypto, Judaea, Arabia, aliisque exteris Provinciis ab ïipso conspectarum Observationes tribus libris MI > expressao, — Carolus Clusius Atrebas e Gallicis Latinas faciebat et denuo recensebat. Editio altera, longe castigatior et quibusdam scholiis illustrata. Ex officina Plantiniana Raphelengii, 1605. (Suite aux C. Clusii Exoticorum, 208 p. in folio). Une édition allemande des Observations se trouve dans le recueil de Paulus, Sammlung der merckwürdigsten Reisen in den Orient (Æoefer). Conrad Sprengel, dans son Æüistoria rei Herbariae (1807, t. I, p. 377), reconnaît et détermine plusieurs des végétaux décrits ou figurés par Pierre Belon dans ses Plurimarum singularium rerum Obserservationes, ainsi notamment le Platanus orientalis, l’'Acacia vera, le Lamwsonia inermis, l'Ephedra altissima, le Prunus Laurocerasus et d’autres. « Parmi les gravures intercalées dans le texte des Obser- vationes, on remarque celles du bouquetin, du mouton de Crète, du tragelaphe, de l’ichneumon, du merops ou guépier, du croco- dile du Nil, de plusieurs serpents et d’un assez grand nombre de plantes. « Quant au scare ou Scaurus dont Belon a donné également la gravure, les caractères de ce poisson n’ont pu être retrouvés. Les anciens lui attribuaient la faculté des ruminer; Ovide en parle dans ces vers : AT CONTRA HERBOSA PISCES LAXANTUR ARENA UT SCAURUS, EPASTAS SOLUS QUI RUMINAT ESCAS (/Zoefer). « Ce qui doit frapper dans l’œuvre de Belon, dit M. L. Crié(l) c’est que la nomenclature binaire est toujours la règle. Pour la première fois notre compatriote cesse de désigner les êtres par les phrases descriptives qui donnent lieu à une terminologie d’une excessive complication. Il rapporte à un même groupe (1) Pierre Belon et la nomenclature binaire. Rev. scientif., 9 déc. 1882, — Comptes-rendus, t. XCV, p. 352. 210 2 toutes les plantes tres semblables entr’elles; il les comprend sous un nom commun, véritable nom générique : agi, Ulmi, Frazini, Aceres, Corni, etc. À la phrase descriptive ordinaire- ment ajoutée au nom commun, il substitue un nom spécifique, tantôt simple adjectif, se rapportant à l’une des qualités exté- rieures du végétal : Sorbus torminalis, Smilaz aspera, Smilax laevis, Papaver corniculatum, Cyperus lonqus, Cyperus rotun- dus; tantôt l’un des noms usuels de l’époque : Orobanche Lycos, Atractylis ardactyla; ou le nom d’un personnage célèbre : Viburnum Ruelli, Ficus Pharaonis. Telle est la nomenclature binaire, essentiellement caractérisée par l’application à chaque plante de deux noms qui se complètent mutuellement : l’un générique, exprimant les conditions communes par lesquelles elle se lie avec les plantes les plus rapprochées d'elle; l’autre spécifique, les caractères propres par lesquels elle s’en distin- gue. » M. Crié a fait voir que Belon applique les mêmes principes dans ses ouvrages de zoologie, même pour la nomenclature des formes nouvelles qui s’offraient pour la première fois à l’obser- vation. Le même auteur a publié récemment (l) quelques extraits et diverses observations tirées des Singularités de Pierre Belon pour en faire ressortir les mérites : elles sont, dit-il, remplies d'originalités locales et remarquables par l’ampleur des obser- vations. L'HISTOIRE DE LA NATURE DES OISEAUX, AVEC LEURS DESCRIPTIONS ET NAÏFS POURTRAICTS RETIREZ DU NATUREL, ESCRIPTE EN SEPT LIVRES: Paris (Q. Corrozet), 1555, in fol., avec fig. — Rare. Quelques exemplaires sont enluminés. « Cet ouvrage, qui renferme des détails curieux sur la chasse (1) Les voyages de Pierre Belon et l'Égypte au XVI: siècle. — Revue scientif. 17 février 1883, p. 197, Lee ne aux oiseaux, est souvent cite par Buffon; c’est le traité d’orni- thologie le plus important du seizième siecle. » « Pierre Belon, dit M. L. Crié, en appréciant l’Æüistoire de la nature des oiseaux\l), se révèle comme un observateur plein de sagacité et un penseur audacieux. Avec lui, c’est à la fois l’époque de la compilation qui finit et celle de l’observation qui com- mence. Il ajoute au trésor commun des connaissances plus de richesses que ses prédécesseurs depuis l’antiquité et tous ses contemporains à la fois. A la tête de son traité publié en 1555, Belon ose dresser le squelette d'un oiseau en face de celui de l’homme et désigner par des signes communs toutes les parties communes de l’un et de l’autre. Notre compatriote ouvre alors aux sciences naturelles une voie nouvelle en créant le méthode comparative. Le parallèle qu'il établit entre le squelette de l'homme et celui de l’oiseau est un trait de génie. » Les REMONSTRANCES SUR LE DEFAULT DU LABOUR ET CULTURE DES PLANTES ET DE LA CONNAISSANCE D'ICELLES CONTENANT LA MANIÈRE D'AFFRANCHIR ET APPRIVOISER LES ARBRES SAUVAGES. Paris, 1558, in-8°. « C'est le dernier et peut-être le plus intéressant des ouvrages de Belon;, l’auteur y donne la liste des arbres exotiques qu'il serait utile d'introduire en France, et il invite le collège des médecins de Paris à fonder un établissement pour l’acclimata- tion des plantes étrangères « tant pour leur délectation que pour l'augmentation du savoir des doctes ». Le cardinal de Lorraine recommanda le plan de Belon à Henri II; malheureusement le mauvais état des finances ne permit pas alors de le mettre à exécution. » J.de Liron d’Airolles, en relatant les faits précités, ajoute que : « ce ne fut que sous le règne de Louis XIV, auquel il fut donné de faire tant de choses, que cet utile projet d'introduction et de multiplication de végétaux étrangers put recevoir son exécution, (1) Rev. scientif,, 14 oct, 1882, p. 482. AE par la formation de la pépinière royale du Roule, au faubourg du Roule, à Paris, établissement que le Roi visita bien souvent seul et d’autres fois avec cet apparat qu’il savait donner à un si haut degré, sans doute pour manifester dans cette circonstance tout l'intérêt qu'il prenait à la réussite. Le ministre Colbert nomma à la direction de cet établissement royal l’abbeé Notin; ce fut le chevalier Aubert-Dupetit-Thouars qui en fut le dernier directeur, cette pépinière ayant été supprimée sous le roi Louis XVIII parce qu’elle faisait double emploi avec celles de Versailles et Trianon, et surtout parce qu’elle occupait un terrain d’une trop grande valeur. » René du Bellay avait réalisé à Touvoie, près Le Mans, quel- ques uns des grands projets de Pierre Belon. « Ces jardins de Touvoie écrit M. L. Crié (1), qui virent fleurir, au XVI" siècle, les Caroubiers, les Pistachiers, les Arbres de vie (Thuya), ces jardins où l'illustre savant fit germer le premier les semences du Platane, de l’Acacia d'Arabie et du Gaïac, étaient alors les plus beaux, les plus riches, non seulement de la France, mais encore de l’Allemagne et de l'Italie. C’est donc aux environs du Mans que notre compatriote fonda, au XVI: siècle, le premier jardin botanique français dont les jardins de Montpellier (1596) et de Paris furent le complet épanouissement. » Les Æemontrances de Belon furent traduites en latin par Ch. de L’Escluse et publiées en deux éditions. P. Bezronn, De neglecta stirpium cultura alque earum cognitione Libellus..…. Crusius à Gallico Latinum facicbat. Antwerpiae ex off. Chr. Plantini, 1589, 1 vol., in-8&, 87 p. P. Bezronu, De neglecta Plantarum Cullura, aique earum cognitione Libellus..….C. CLusrus ante aliquot annos à Gallico Latinum faciebat, * el nunc denuo recensebat. Anvers, Plantin, 1605, in fol., dans C. Cziusir Æxoticorum, II, p. 209-242. (1) Pierre Belon et son œuvre ; broch. in-8c. DRE P. BELON, PORTRAITS D'OISEAUX, ANIMAUX, SERPENS, HERBES, ARBRES, Hommes, ET FEMMES D'ARABIE ET D'EGYPTE, OBSERVES PAR PIERRE BELON ET GRAVÉS EN BOIS, AVEC UNE EXPLICATION EN RIME FRANÇAISE ET DES QUATRAINS SOUS CHAQUE FIGURE. Paris, 1557, in-4°, fig. Recherché et peu commun. Quelques exemplaires ont été enluminés — une édition de 1618. « Selon M. Hauréau (ist. litt. du Maine, t. III, p. 262), ce ne serait pas l’œuvre de Belon, mais d’un de ses éditeurs ». « L’accusation de plagiat, qu'on n’intenta au grand naturaliste qu'après sa mort, et dont Scévole de Sainte Marthe (dans l'éloge de Pierre-Gilles d'Albi) et de Thou (ist. univ. liv. XVI) s'étaient rendus les organes, n’est qu’une calomnie, que Thoma- sius, Corneille Tollius et d’autres ont eu le tort de répéter. En effet, la partie intéressée vivait encore (Pierre-Gilles ne mourut à Rome qu’en 1555) à l’époque où Belon avait déjà mis au jour la plupart de ces ouvrages » (Æoefer). (1) « L’amour de la vérité, un désir avide d’acquérir des connais- sances, un courage infatigable, l’art d'observer et l’esprit d’ana- lyse firent de Pierre Belon un savant distingué et on le place au nombre de ceux qui contribuerent puissamment aux progrès des sciences dans le 16° siècle. » « Gerner et Belon doivent être considérés comme les fonda- teurs de l’histoire naturelle et Belon plus particulièrement comme inventeur de l'anatomie comparée, à l’époque de la renais- sance des lettres » (Piogr. univ.). Plumier a créé à la memoire de Belon un genre de plantes d'Amérique, auquel il a donné le nom de Zellonia; il a été consacré par Linné et il fait actuellement partie de la famille des Rubiacées. (1) Voir, à ce sujet, la Biogr. univ. de Michaud, LIT, 1843, p. 601. SOURCES. C. SPRENGEL. Historia rei Herbariae, I, 1807, p. 377. E. Meyer. Geschichte der Botanik, IV, 1857, 260, 357, 358, 402. Pu. J. GAUCHER DE Passac. Notice sur Pierre Belon. Blois, 1824, in-8°. Niceron. Mémoires, t. XXIV, p. 36. CxaurgPié. Nouv. dict. hist. Van DER LINDEN. De scriptor. med. SAVERIEN. Hist. des Natur., t. VIII. G. Cuvier. Hist. des sciences nat., t. II, p. 65. TH. Haur£au. Hist. litt. du Maine, t. III, p. 252-266. Biogr. universelle, III, 1843, 600. D. Hoërer. Nouvellle biographie générale, 1855, V, p. 295-299. J. DE LIRON D'AIROLLES, Revue horticole, 1868, p. 92. L. Crié. Pierre Belon et l’Anatomie comparée. Revue scientif., 14 oct., 1882, p. 481. — Pierre Belon et la nomenclature binaire, 1. c., 2 déc. 1882, p. 737. — Les voyages de Pierre Belon et l'Egypte au X VI: siècle, lc, 1rifev. 1883,1p 197 — Pierre Belon et l’ichtyologie, 1. c., 16 juin 1883, p. 741. PIERRE BELON ET L'HORTICULTURE, Par M. Louis CRie(). Pierre Belon est le premier naturaliste qui ait préconisé, dans ses ÆRemonstrances, l’idée de la fondatiou d’un établisse- ment français consacré à la culture des plantes, et c’est à Touvoie, près le Mans, qu’il réalisa au X VI: sièele quelque chose de ses grands projets. Plusieurs jardins botaniques avaient existé dans l’antiquité. Le plus ancien est celui que Théophraste fonda à Athènes. Un autre fut créé par Mithridate, roi du Pont, 135 ans avant J.-C. Un troisième appartenait à Castor, médecin romain célèbre sous les premiers empereurs. Au XI° siècle, Mohamed-ben-Ali, natura- liste arabe, avait collectionné à Grenade un certain nombre de végétaux rares et curieux. Vers l’année 1530, Euricius Cordus, de Marbourg, dota sa ville natale d’une école botanique destinée aux futurs médecins et apothicaires. En Italie, Brasavola suivit l'exemple d’'Euricius. Trois ans plus tard, Luca Ghini établit à Pise, aux frais de Cosme de Médicis, premier grand-duc de Toscane, un magnifique jardin que Pierre Belon visita en 1555. Notre compatriote fut émerveillé de sa richesse, et il nous apprend que « Messire Andræa Césalpin, lecteur des simples, lui fit présent de deux pieds toujours verts d’un Zawro Cerasus avec racines. » Cet arbre que notre célèbre voyageur observa le premier en Anatolie (1546), a été nommé par lui cerisier de Trébizonde (Cerasus Trapezuntina). (1) Revue scientifique, 21 oct. 1883, p. 534. TS RE En 1546, l’Université de Padoue posséda un semblable établis- sement et, peu de temps après, Rome, Bologne et Florence eurent aussi leurs écoles botaniques.Charles de l’Escluse(Clusius) d'Arras, surnommé le père des fleurs, fonda à Leyde (1577) un jardin célèbre dans toute l’Europe. Mais avant l’année 1540, il existait déja à Touvoie, près le Mans, une vaste pépinière d’arbres et d’arbustes exotiques plan- tée par Pierre Belon. Dans une de ses Xemonstrances les plus célèbres, notre compatriote invite les médecins de Paris à fon- der un établissement consacré à la culture des plantes. Voici le titre de cette remonstrance : Avertissement à nostre république sur les richesses d'aucuns estrangers en la culture des plantes dont ils jouissent par leur diligence. lei, Belon s'adresse à ses maîtres, « les docteurs de la Faculté de médecine de la principale académie de France, et tout expressément en remerciant M. Roger, doyen d'honneur, M. de Flesselles, homme de grande érudition, M. Le Grain, et pareillement ses examinateurs. Puis- que les médecins de Paris surpassent d'autorité et savoir toutes les autres académies étrangères, il serait séant à leur dignité et doctrine d'établir un lieu publie en la ville, tant pour leur délectation et l’augmentation du savoir des personnes doctes de l’Université, que pour l'édification et l’accroissememt des let- tres, où diverses espèces de plantes fussent nourries et baïllées en charge à quelque homme d’expérience pour leur entretien. » Le collège des médecins de Paris accueillit avec empressement l’idée de Belon; Touvoie, en effet, ne suffisait pas, et c’était à Paris qu’il importait de donner au public des lecons de culture. C'était dans la métropole des sciences qu’on devait faire connaître les produits des pays étrangers, dont la naturalisation procurerait tant d'avantages au prix des moindres efforts. Le cardinal de Lorraine recommanda le plan de Belon à Henri II, malheureu- sement, le mauvais état des finances de l’État n’en permit pas l'exécution. TON fe Dans les Remonstrances, cet opuscule à peu près inconnu et devenu tres rare aujourd’hui, notre compatriote donne les noms des arbres sauvages qu’il se propose de faire « eslever et apprivoi- ser » en plusieurs endroits. Il promet de recueillir les semences de maintes espèces qu'on n’a pas encore vues dans les jardins de la France. Il les aura fraîches et en grande quantité et il se fait fort d’en élever le nombre qu’on voudra. Parmi ces plantes il cite les caroubiers, les lièges, les arbres de vermillon, les chênes verts ou eouses, les mahaleps, les frégoliers ou micocouliers, les arbousiers, les jujubiers blancs, les guainiers, les alèves, les mélèzes, les tini, les alaternes, les platanes, les rhamni, les aubourgs, les rhododendrons, les piceastres, les anagyri, les staphylodendrons qu’on nomme nez-coupés, les agneaux chas- tes, les térébinthes, les sumacs, les phylica, les suisses, etc. « Et, pour qu'on ne mette pas en doute que ce qu’il propose ne peut endurer notre terre et ciel, il commencera à dire par ordre les noms des arbres qui ont été élevés de graines et qui sont déjà grands en aucuns lieux. » Il indique tout d’abord les caroubiers dont on peut voir de magnifiques pieds dans les jardins de Tou- voie, près le Mans. Les chênes verts et les lièges réussiraient aussi très bien chez nous, témoins ceux qui existent déjà dans quelques forêts de Sablé, en Anjou et au Maine. Belon recom- mande la culture du mahalep (Prunus mahaleb), arbre commun en Dauphiné et en Savoie où il se nomme putie. On s’en sert pour « hayer » les champs. Les frégoliers mériteraient d'être acclima- tés dans les jardins. On recueillerait leur semence en abondance aux environs de Tournon. Les arbousiers venus de racines suppor- teraient très bien notre climat. Il en existe déjà de très beaux à Touvoie et dans les jardins de M. de la Bourdaisière à Tours: là, les arbousiers sont aussi robustes que les lauriers, auxquels ils ressemblent à première vue. Les jujubiers, dont on obtiendrait plus de vingt-cinq livres de noyaux pour un écu, pourraient vivre roûtes chez nous; on en voit déjà dans beaucoup de jardins, à Touvoie et ailleurs. Les alèves sont des espèces de pignons que l’on pour- rait facilement cultiver. Ces arbres abondent chez les Grisons) ; il en existe près de Lyon et « n’y a paisant et principalement commerçant à Saint-André qui n’en mange et garde dans sa maison ». Belon signale encore à l’attention des médecins « ses maîtres, messieurs les docteurs en la principale académie de France », les mélèzes, les tinus, les aubours, les rhododendrons, les piceastres, les staphylodendrons,lesagneaux chastes, les apharca (Rhamnus Alaternus), les jujubiers blancs (oZivier de Bohëéme), les arbres de vermillon, les térébinthes. Les bosquets de Touvoie verdoient de tinus {laurier-tiu) et ces arbrisseaux, chargés de leurs bleues semences, poussent à merveille le long des côtés de la propriété de Monseigneur du Bellay(). Les aubours qui croissent naturellement dans les montagnes autour de Saint-Claude, de Chambéry et de Lausanne sont déja cultivés à Touvoie et en quelques jardins où on les nomme cyti- ses et ébéniers. Les rhododendrons sont également vulgaires en plusieurs lieux de France et il est facile d’en voir de tres nom- breux, en ce moment, dans les jardins de M. de Valence, près Poitiers. II. Dans une autre ÆRemonstrance, le naturaliste manceau nous apprend « qu’il ne seroit malaisé eslever des cèdres de même ceux de Cilicie et de Syrie, et sans dépense, et plusieurs autres espèces d'arbres, si quelqu'un l’avait entrepris ». Belon parle, en (1) Ce passage est intéressant. On sait, en effet, que le cembrot (Pinus cembro), qui était si commun au XVI: siècle, chez les Grisons, disparaît peu à peu des montagnes de la Suisse. — Voir à ce sujet nos observations sur la Disparition de certaines formes végétales. — L. Crié, Nouveaux éléments de botanique, p. 1116. (2) Aujourd’hui on voit encore à Touvoie, autour d’une partie de la propriété, des buissons vigoureux de #inus, signalés par Pierre Belon; il existe aussi des pieds très robustes d’aubowrs qui sont de la même époque. Pc) ee effet, des personnes qui ont autrefois aidé à tirer les semences du cèdre venu d'Asie. Les mêmes personnes, ayant semé ces graines en France, ont vu naître des cèdres. Il fait remarquer que ces arbres qui naissent là-haut, dans les lieux froids, sur les monta- gnes que la neige recouvre, «s’apprivoisent » aussi facilement que l'arbre de vie,(), dont on peut voir, au jardin de Fontaine- bleau, de magnifiques exemplaires qui ont été récemment appor- tés du Canada. Belon ajoute que des cèdres tels que ceux du Liban ont été vus vifs dans plusieurs de nos jardins. Ces passages des Remonstrances sont instructifs, puisqu'ils nous apprennent que le cèdre du Liban était déjà cultivé en France dès le XVI: siècle. On admet pourtant que le cèdre a été transporté pour la première fois, en Angleterre, vers l’année 1683, et de là, en France, en 1734. Mais la Remonstrance XVII° nous permet de redresser cette erreur, qui s’est accréditée dans un grand nombre de traités de botanique. Belon nous dit formellement que des cèdres venus de graines existaient en France en 1558, c’est-à- dire près de cent vingt-cinq ans avant l'introduction de ces arbres en Angleterre. L'observation de notre compatriote ne laisse aucun doute sur ce point, et il serait particulierement intéressant de retrouver, dans notre pays, à l’aide de documents historiques, les traces de ces cèdres qui ont précédé, en France, de cent soixante-seize ans environ, celui que l’on admire aujour- d’hui au labyrinthe da Jardin des plantes de Paris. On sait que cet arbre fut apporte d'Angleterre par Laurent de Jussieu en 1734. Les pages du même livre concernant les essais de natura- lisation du platane sont des plus curieuses. C’est à Touvoie que Belon sema les fruits de platane qu’il avait recueillis en Orient, et c’est dans le Maine que l'on vit, au XVI: siècle, les premiers représentants de cet arbre, qui est, après le cèdre, l'arbre le plus (1) Le premier arbre de vie (thuya) qu’on ait vu en Europe fut apporté à François Ier, EN Op ER vanté de l’antiquite. Poètes, orateurs, historiens, naturalistes, voyageurs, tous ont célébré le platane, et Pierre Belon lui-même en parle avec enthousiasme. « Donc, platanes, qui aussi choisis- sez votre demeure sauvage en plus froid climat que le nôtre, par les vallées d'Asie, à quoi tiendra que nous vous puissions avoir? Si pensons-nous que vous ne serez revêches que ne puissions bien jouir de vous, sans toutefois employer pour cet effet la millième partie de la dépense que fit un seul citoyen romain quand vous passâtes la mer; car, puisque déjà nous vous avons nés de semence jusqu'à la cinquième feuille, il y a espoir que vous ne nous échap- perez pas l'hiver, et, si une douzaine, ainsi en aurons mille. » Dans un opuscule intitule: Une page sur l'Orient, M. de Tchi- hatchef a réuni de nombreux documents historiques dont il résulte que, non seulement à une époque très reculée, le platane n’était connu qu’en Orient, surtout en Asie Mineure, mais que, même au XVI siecle, Pierre Belon, lors de ses voyages botani- ques en Orient, signala le platane, près d’Antioche. comme un arbre très curieux dont il dit : « Il n’en croît point une seule plante dans tout le pays du roi, ni cultivé, ni sauvage. Il n’en croît aucune ni en France, ni aussi en Italie, sinon quelques-uns cultivés à Rome et autres villes par singularité. » L’allusion que fait Belon à la ville de Rome a un interêt particulier, car elle semble se rattacher à ce que Pline l’Ancien nous apprend des tentatives faites dans cette cité pour cultiver le platane, tentati- ves dont le platane de la villa Ludovici pourrait bien étre l’un des monuments les plus anciens. Le platane à aspect de vétusté si prononcé, qui se trouve au Jardin botanique de Padoue, semble aussi remonter aux premières époques de l’introduction de cet arbre en Italie. Belon parle encore de plusieurs végétaux exotiques et des efforts qui ont été tentés pour « apprivoiser » en France le gaïac, l’acacia et quelques autres plantes(l). « Il y a témoins, dit-il, (1) Les Observations de Belon renferment à cetégard des documents instructifs sur l’acclimation des plantes exotiques. C’est Belon, en effet, qui a conseillé SGA qui ont vus acacias hauts d’une coudée et verdoyants nés chez nous: mais, refusant notre ciel, ils périssent à la gelée. » Nous devons faire remarquer qu’il ne s’agit point ici du robinier ou acacia de Robin, dont la naturalisation en France est beaucoup plus récente. L’acacia dont parle le naturaliste manceau est une mimosée qu'il a décrite et figurée, dans ses Observations, sous le nom d’Acacia arabica. L’acacia de Robin fut planté en 1634 par Vespasien Robin (un siècle avant le cèdre apporté par Bernard de Jussieu), dans l’en- droit où on le voit encore aujourd'hui. Le père de ce naturaliste l'avait reçu quelque temps auparavant de l'Amérique septentrio- nale. L’acacia du Jardin des plantes est le premier qui soit venu en Europe. III. Dans une autre Remonstrance, Belon donne le moyen pour obtenir les semences de toutes les espèces d’arbres dont il a fait mention, sans qu’il en coûte beaucoup. Il s’adresse surtout aux ambassadeurs «qui jusqu’à présent n’ont pu trouver le moyen d'envoyer la moindre chose en France de tant de plantes et arbres qui croissent au pays étranger. À quoi tiendrait, ambas- sadeurs, qu’on n’eust ici ces magnifiques cerisiers qui font l’orne- ment des jardins du seigneur Doria à Gênes, ou bien le croma- dia, ce bel arbre de la grandeur d’un amandier qui eroist dans les jardins de Constantinople et de Perse? Celui qui lira le L® chapitre du livre III de nos Observations y verra que les Turcs ont maintes plantes en leurs jardins qu’on pourroit aisément cultiver dans nostre pays. Les Perses nous ont donné leurs persi- le premier de préparer en Kurope et spécialement en France de l’opium, en employant le procédé usité en Anatolie: & Qui voudrait cultiver le pavot en Europe, France, Allemagne ou Italie, nous croyons qu’on pourrait le faire aussi bien qu’en Asie, moyennant qu’on print la peine de le recueillir ainsi qu’il faut, Car le climat de Natolie est aussi froid que celui de France, » Obsero., Liv. XIE, che XV: CRUE ques, les Armeniens leurs armélines et les Mèdes des limons et des citrons. Encore, à cette heure, pour n’aller si loin, laissant l'Inde et l’Afrique, il ne seroit malaisé d’avoir maints arbres fruitiers dont les barbares jouissent à trois pas de nous. » De même pour les plantes des potagers. « Aujourd’hui, dit Belon, les jardiniers élèvent sans difficulté les épinards et les choux cabus. » Ce passage nous apprend que l’épinard était nouveau en Europe, au XVI siècle, et Belon est sans doute le premier naturaliste qui ait signalé la présence de ce légume dans nos cultures. Cette plante était inconnue aux Grecs et aux Romains: elle est originaire de l’ancien empire des Mèdes et des Perses. Au point de vue botanique, certains chapitres des Remon- strances voudraient une étude de plusieurs pages. Nous mention- _nerons surtout celui où il indique les « arbres qui portent des gousses, c’est-à-dire l’aubours, le caroubier, le tamarinde, l’acacia d'Arabie, le cassier, le baguenaudier, le genêt d’Espagne, le genêt commun et celui du Nivernais, qu'il nomme Genista Niver- nensis, l’anagyris, le guainier, etc.» Le groupement des arbres à gousses est indiqué d’une facon très nette dans les Æemon- strances. Cet esprit philosophique avait, on le sait, un sentiment tres vrai des genres et de leurs affinités. Dans son livre sur les poissons, il rapproche les sciènes et les labres, les raies et les squales, les cyprins et les truites(l), etc. Tel est le livre de Belon. Nous avons essayé d’en pénétrer l'esprit, d’en faire comprendre le sens élevé. Vingt-cinq ans environ après l'établissement du jardin de Touvoie et postérieurement à l’apparition des Xemonstrances, un modeste apothicaire de Paris, Nicolas Houël, avait annexé à un hôpital, créé par lui et connu sous le nom de Maison de Cha- rité chrétienne, un jardin de simples, « lequel, étant rempli de beaux arbres fruitiers et plantes odoriférantes rares et exquises, (1) Voir dans la Revue scientifique notre article sur Pierre Belon et l'histoire naturelle des poissons, 1883, no 24, p. 741. — 26 — devoit apporter un grand plaisir et une grande décoration pour la ville de Paris ». Ce jardin fait partie aujourd’hui de l’ancienne école supérieure de pharmacie. | Vers le milieu du XVI: siecle, Rondelet, célèbre naturaliste de Montpellier, « démontrait » aussi les plantes dans un petit clos de l’Université de médecine qui existe encore aujourd’hui comme jardin de l'École de pharmacie. Cet embryon de jardin botanique, comme le fait judicieusement observer M. J. Plan- chon, a eu son utilité dans le XVIT° siècle, puisque Richer de Belleval put y transporter en toute hâte les débris les plus précieux de sa collection du Jardin des plantes, alors que ce jardin fut saccagé pendant les opérations du siège de Mont- pellier. L'œuvre de Pierre Richer de Belleval, fondateur du Jardin des plantes de Montpellier, a été parfaitement mise en lumière par notre savant confrère de Montpellier(1). C'est comme médecin praticien, écrit M. Planchon, peut-être comme médecin d'armée, que Belleval s’était fait connaître dans le Languedoc. Des services qu’il rendit à Pézenas, pendant une épidémie, lui valurent la protection du duc de Montmorency, gouverneur de la province. Grâce à cette puissante recomman- dation, Henri IV fit de Belleval le titulaire des deux fondations nouvelles : d’une. part, la régence d'anatomie et de botanique ; d'autre part, la création d’un jardin consacré non seulement aux simples médicinales, mais à toutes sortes de plantes /unt étrange- res que domestiques. L’édit constituant la régence ou chaire nouvelle porte la date de décembre 1593, mais il ne fut enregis- tré. par le Parlement siègeant à Béziers que le 11 mars 1595. Les lettres patentes ordonnant la fondation du Jardin furent écrites à Vernon, en Normandie, le 8 décembre 1593. Elles durent recevoir une exécution immédiate, car le jardin était complété en (1) Lire l’intéressante brochure de M. J.-E. Planchon sur Pierre :Richer de Belleval, fondateur du Jardin des plantes de Montpellier. Montpellier, 1869. — Lire aussi, du même auteur, l’opuscule intitulé: Rondelet et ses disciples ou la botanique à Montpellier au XNTI: siècle. Montpellier, 1866. So Gt 1596; son premier catalogue de plantes paraissait en 1598 et, dès 1600, l’illustre Olivier de Serres, qui le visita, put, dans son théâtre d'agriculture, lui donner par ses éloges une solennelle consécration. L'originalité saisissante du jardin de Montpellier fut d'être à la fois médical, économique, cultural, botanique dans le plus large sens du mot. » Après avoir esquissé sommairement le cadre du jardin de Belleval, M. Planchon ajoute : « Les détails en étaient nombreux, variés, éminemment pittoresques : des murs à créneaux, des rocailles ombragées, des grottes humides, des parcs de gazons et des prairies artificielles, un auditoire ou salle de cours avec facade monumentale ornée des bustes de Henri IV, de Marie de Médicis et plus tard de Louis XIII ; les écussons armoriés des ducs de Montmorency et de Ventadour; un pavillon pour les collections zoologiques occupant la place du Château- d'Eau de notre Peyron ; des inscriptions dans le goût du temps, naïvement pédantesques ou adulatrices ; tout cela, perdu pour nous, donnait au jardin primitif sa physionomie propre et origi- nale. Originalité trop vite effacée, car cette œuvre, vraiment immense, subit un échec du vivant même de son auteur, et Belleval eut la douleur de voir cet asile d’une pacifique science profané sous ses yeux par les brutalités de la guerre. » L'origine du jardin royal des plantes médicinales, qui est devenu le Muséum d'histoire naturelle, ne se rapporte qu'au commencement du XVII° siecle. On attribue l’idée de la fonda- tion de ce jardin à Jean Robin, médecin de la reine Marie de Médicis et « arboriste ou simpliciste » de Henri IV. A cette époque, il n’y avait d’autres botanistes que des médecins et des apothicaires. Depuis longtemps déjà, les herborisations étaient en honneur parmi les médecins, Plus d’un demi-siècle avant Jean Robin, notre illustre Belon, « docteur en médecine à l’Université de Paris, » explorait la forêt de Fontainebleau, le Nivernais, le Maine et l’Anjou. Il signalait, bien avant Tourne- fort, le melancier ou amelanchier (Codomalo Cretensium, Belon) « qu'on ne trouve en aucun lieu de la France, sinon dessus les DT — roches de Fontainebleau où il croist moult volontiers » (1). Il découvrait dans le Nivernais une espèce de genêt qu'il a appelé Genista Nivernensis. Il recueillait, il y a environ trois cent trente ans, « dans les landes d’Oisé, au pays du Maine, une espèce de Cistus correspondant à celui de Grèce, mais beaucoup plus petit. » Ce ciste du Maine, très commun encore aujourd’hui dans les landes d'Oisé et de la Soulletière, est le Cistus pilosus (Æelianthemum alyssoides). Ainsi, dès le X VI siècle et jusqu'à une époque assez rapprochée de la nôtre, on comptait parmi les médecins beaucoup de botanistes de profession; aujourd’hui le nombre des médecins et pharmaciens botanistes diminue de plus en plus, malheureusement pour la science française. Mais revenons à Jean Robin. Ce savant homme entreprit plusieurs voyages botaniques et fit venir de l’étranger quelques échantillons de plantes qu’il réussit à acclimater en France. En 1618, Robin présenta une requête au roi pour l'établissement d’un jardin médicinal dans l'Université de Paris. Mais la disgrâce de Marie de Médicis l’empêcha de donner suite à son projet, que reprirent avec succès Jean Héroard, Charles Bouvard et Guy de la Brosse, tous trois médecins de Louis XIII. Guy de la Brosse proposa d'acheter de ses propres deniers le terrain néces- saire pour cette fondation qui fut autorisée par lettres patentes du mois de mai 1635. Ce nouvel établissement, « situé au fau- bourg Saint-Victor, non loin de la rivière, » prit le nom de Jardin royal des plantes médicinales et le conserva pendant un siècle. Il eut pour intendant Guy de la Brosse et pour sous- intendant Héroard. Le premier, médecin du roi, conserva en même temps la charge de surintendant du jardin jusqu’en 1730. À cette époque elle échut au physicien Charles Dufay de Cister- nay,qui contribua puissamment à la prospérité de l'institution en désignant Buffon pour son successeur (1739). Le Jardin des (1) Voir dans la Revue scientifique notre article sur Pierre Belon et la nomencla bure binaire, 1882, n° 24, p. 738. = = plantes devint alors le Jardin du roi. A la mort de Buffon, la charge de surintendant revint au marquis Flahaut de la Billar- dière, qui émigra en 1791. Son successeur, le dernier surinten- dant du Jardin du Roi, fut Bernardin de Saint-Pierre. Plus tard la Convention nationale, conformément à un rapport présenté par Lakanal, érigeaitle Jardin du Roi en Muséum national d’his- toire naturelle (10 juillet 1793). Dès lors cet établissement n’eut plus de surintendant. Sa direction fut confiée au conseil des professeurs administrateurs, présidé par chacun d’eux à tour de rôle. L'histoire de la fondation du Jardin médicinal de l'Université de Paris, qui devint successivement le Jardin royal de plantes médicinales, puis le Jardin du roi et enfin le Muséum national d'histoire naturelle, est bien connue. Mais ce que l’on ignore presque complètement, c’est que plus d’un siècle avant l’établis- sement du Jardin médicinal de Paris, il existait déja à Touvoie, aux.environs de Mans, un magnifique jardin créé par Pierre Belon ‘et René du Bellay. Touvoie était alors un centre de naturalisation horticole et sylvicole. Les acclimatations de Belon ont rendu d'immenses services à notre pays et ses compatriotes ne savent pas assez que c’est aux bienfaits de ce grand homme que les pro- vinces du Maine, de l'Anjou et de la Touraïne ont dû le bonheur d’être les premières en France qui aient cultivé les arbres à fruits de toute espèce. Voilà le cêté utile de l'œuvre de Belon; maïs l'utile seul n’ennoblit pas. Ces jardins où croissaient à l’envi les caroubiers, les rhododendrons, les lauriers-tins, les aubourgs, les micocouliers, les cembrots, les pistachiers, les arbres de vie récemment apportés du Canada ; ces jardins qui virent fleurir au XWI* siècle la nicotiane (!) et l'hellébore noir, « venu de graines (1) On sait que Nicot, ambassadeur de France près la cour de Portugal, - envoya de Lisbonne, en 1560, à la reine Catherine de Médicis, en même temps que des graines de tabac, une petite hoîte pleine de tabac en poudre. La drogue fut du goût de Catherine, qui ne tarda pas à contracter la passion de priser, et on prétend que c’est par le tabac, connu alors sous le nom de catherinaïre HOT), recueillies sur les confins de Bergamasque » par Belon, étaient non seulement les plus beaux de la France, mais encore de l'Allemagne et de l'Italie. C'est Gesner, le grand naturaliste, qui nous l'apprend. Malheureusement nous ne possédons aujourd’hui de ce monde évanoui que de rares souvenirs ; de grosses touffes d’aubours et de tinus qui formaient, en 1558, une haie très four- nie autour de la propriété de Touvoie, des cembrots, des platanes, des arbres de vie, des suisses, des charmes, des muriers, voilà ce qu'il nous reste de l’ancienne pépinière de Belon (1)Cependant, après avoir étudié les Xemonstrances, les anciens hosquets de Touvoie exhalent encore pour moi un délicieux parfum de vé- tusté. J'aime à y voir fleurir ces arbres et ces arbustes, plus de trois fois centenaires, du premier établissement horticole fran- çais dont les jardins de Montpellier et de Paris furent le complet épanouissement. ou herbe à la reine, que la régente traita ses deux fils, François IL et Charles IX. Grâce à la haute protection de Catherine, des essais de culture furent tentés et c’est sans doute à cette époque, c’est-à-dire quelques années après l’apparition des Remonstrances, que Belon et du Bellay cultivèrent avec succès le tabac dans les jardins de Touvoie. Pierre Belon, qui a parcouru l'empire turc en observant les coutumes avec beaucoup d’attention, n’a pas mentionné une seule fois le tabac. Cette plante a été introduite en Turquie seulement au commencement du XVIIe siècle et les Perses l’ont reçue très vite par les Turcs. (1) Certains arbres qui font aujourd’hui l’ornement des jardins de Touvoie offrent un aspect de vétusté très prononcé. Tels sont l’ailante et le catalpa dont l’introduction à Touvoie est bien postérieure à celle des aubours, des tinus, des cembrots et des arbres de vie. L’ailante (Asanthus glandulosa) ou vernis du Japon est originaire de l’Asie tempérée. Il a été introduit en Europe, en 1751, par d’Incarville et on le cultive dans un grand nombre de contrées, où il rend de grands services pour les plantations et le reboisement à cause de Ja facilité avec laquelle il croît dans les sols les plus ingrats, «SDS T TURN l'E. 90 : (Ft 17 y} fi DE œ