ARCHIVES DE ZOOLOGIE Tome ..). "A an 238 MD Ke | ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE Tome 56, p. 359 à 374 1% Juin 1917 LA MUSCULATURE DE LA NAGEOIRE PECTORALE DU MESOPLODON. et la marche de la regression des muscles de l'extrémité antérieure chez les Cétacés PAR Vin mu bouis Ferôt R. ANTHONY Assistant au Museum d'Histoire naturelle (Paris). Directeur-adjoint du Laboratoire maritime de Saint-Vaast-la-Hougue. Préliminaires La question de la morphologie des muscles de l’extrémité antérieure, chez les Cétacés, est éminemment importante, au double point de vue de leur phylogénie et de leur adaptation, secondaire sans aucun doute, à la vie dans les eaux. Alors que les Mysticètes ou Cétacés à fanons possèdent encore, associée à d’autres caractères primitifs comme, par exemple, la présence d’un lobe olfactif, une musculature assez développée de la nageoire antérieure !, les Odontocètes ou groupe des Cétacés à dents, plus diffé- 1. Voir par exemple : = A. — Balaenoptera musculus L. FLOWER : Proceed. Zool. Soc. London 28 nov. 1865. C’est là que se trouve la première indication d’une muscula- ture de la nageoire pectorale chez un Cétacé, J. STRUTHERS : On some points in the anatomy of a great Fin-Whale. Journ. of Anat, and Phys. nov. 1871, vol. VI. B. — Balaenoptera rostrata Muller. CARTE and MACALISTER : On the anatomy of Balaenoptera rostrata. Trans. Roy. Soc, of London, 20 june 1867. J.-B. PERRIN : Notes on the anatomy of Balaenoptera rostrata. Proc. Zool. Soe. London, 6 dec. 1870. C. — Balaenoptera Sibbaldi Gray. W. TURNER : Anatomy of a second specimen of Sowerby’s Whale. Journ. of Anat. and Phys. 1886, vol, XX. (Pages 170 et 171, en petit texte). D. — Megaptera longimana Rudolphi (booys L.). J. STRUTHERS : Science. Vol. IV, 1884, page 342. ’ E. — Balaena mysticetus L. J. STRUTHERS : Account of a rudimentary finger muscles found in the Greenland Right Whale (Balaena mys. ticetus). Journ. of Anat. and Phys. Janv. 1878, vol. XII. ARCH. DE ZOO1. Exr. ET GÉN. — T. 66. — F, 7. 26 360 ER. ANTHONY renciés, à beaucoup d’égards !, en sont dépourvus d’une manière générale et d’une façon qui, sous quelque réserve ?, peut être considérée comme complète. Cette particularité a fait regarder, d’ailleur:, leur nageoire pectorale comme jouan’ plutôt, dans la nage le rôle d’un simple balancier que celui d’un organe actif de propulsion. Ceci, cependant, ne saurait s’appliquer strictement qu'aux Delphi- nidés, proprement dits, car il résulte des observations de PouCcHET et BEAUREGARD d’une part, de celles de J. STRUTHERS et W. TURNER de l’autre, que le Cachalot et les Ziphiidés, très différents d’ailleurs à tous égards des Delphinidés, se comportent, à ce point de vue, comme les Baleinoptères et les Baleines 5, et, J. ANDERSON a montré que l'extrémité antérieure du Platanista gangetica Lebeck était également pourvue de muscles #, En ce qui concerne les Ziphiïdés, ce fait mérite une attention parti- culière car, ces animaux paraissent être, dans l’ensemble, les plus primi- tifs du groupe des Cétacés tout entier 5. Et parmi les Ziphiidés, le Meso- plodon semble encore être le plus archaïque de tous €. 1. Tout en l’étant moins, d’ailleurs, à certains autres, puisque, par exemple, ils ne possèdent pas de fanons et ont conservé leurs dents. 2, J. STRUTHERS, loco citato, Journ. of Anat. and Phys. nov. 1871, rapporte (en note, page 115), que le Pho- caena communis Cuv. (Common Porpoise) possède un fléchisseur cubital du carpe, muscle dont j'ai également cons" Vaté la présence chez un Tursiops tursio Fabricius, où il était représenté par quelques fibres éparses ct noyées dans le lard. Ajoutons que la nageoïire d’un grand nombre de Delrhinidés n’a jamais été disséquée. Mais H. Leboucq (Recherches sur la morphologie de la main chez les Mammifères marins. Archives de Biologie 1589) à trouvé sur divers fœtus de Cétodontes (Phocaena, Delphinus, Monodon, Beluga) des fibres musculaires situées (notam- ment un interrosseux chez un fœtus de Delphinus delphis) dans les tissus fibreux de la nageoire. Il estime que des recherches appropriées démontreraient sans doute la présence de vestiges de muscles transformés en tendons dans le tissu fibreux de la nageoire de tous le Cétacés. 3. A propos du Cachalot : G. PoucreT et H. BEAUREGARD : Recherches sur le Cachalot. MNouvelles Archives du Muséum d'Histoire naturelle 3e série, tome IV, 1892. A propos des Ziphiidés : J. STRUTHERS : Account of rudimentary finger muscles found in a Toothed Whale (Hyperoodon bidens). Journ. of Anat. and Phys., nov. 1873, vol. VIII. L’Hyperoodon bidens Fleming n’est autre que l’Hyperoodon rostratus Muller, (Voir aussi J. Struthers : Journ. of Anat. and Physiol., nov. 1871, vol. VI, loco citato, note de la page 115). W. TURNER : Anatomy of a second specimen of Sowerby’s Whale; Journ. 0j Anat. and Phys. oct. 1885, vol. XX, On n’a jamais disséqué, que je sache, l'extrémité antérieure (ni d’ailleurs aucune partie molle) du Ziphius et du Berardius. . 4, J. ANDERSON, Western Yunnan Expeditions 1868-1875. Anatomical and Zoological Researches. 2 d Part, Cetacea. Genus Platanista. London 1878, pp. 541-543. 5. Ils possèdent encore, par exemple, un lobe olfactif, comme les Mysticètes, tout en n’ayant point de fanons ; ils peuvent, jusqu’à un certain point, être regardés comme des heterodontes ; leurs sternocôtes restent toujours cartilagineuses, fait exceptionnel chez les Cétacés. 6. Les genres Mesoplodon et Hyperoodon contiennent des espèces fossiles, alors qu’il n’en n'est de même ni du Ziphius ni du Berardius. Ces espèces fossiles sont particulièrement nombreuses pour le genre Mesoplodon et leurs caractères squelettiques sont, dans l’ensemble, assez peu différents de ceux des espèces actuelles. Le Meso- plodon est, de plus, ainsi que le montre l’étude du crâne osseux, un animal beaucoup plus archaïque que l'Hype: roodon. NAGEOIRE DU MESOPLODON 361 C’est donc chez le Mesoplodon que l’on doit s’attendre a priori à cons- tater un des moindres degrés de la modification regressive des muscles de l’extrémité antérieure, ou si l’on préfère, un aspect de ces muscles, moins éloigné que chez les autres Cétacés de celui qu’ils devaient pré- senter chez les formes synthétiques ancestrales du groupe. Une connaissance précise et exacte de la morphologie des muscles de cette région, chez le Mesoplodon, paraît donc bien de nature à nous servir de base pour l’étude de l’évolution de la musculature de la nageoiïre pectorale chez les Cétacés en général. Malheureusement, le Mesoplodon est un animal rare. Du Mesoplodon bidens Sow., le moins exceptionnel de tous !, on a en effet, depuis 1800, date de l’échouage de Moray-Firth (Ecosse) ?, (si mes informations sont exactes), observé seulement trente-huit spéci- mens. Et, de ces trente-huit spécimens, dont certains ne sont repré- sentés que par de simples fragments, les parties molles d’un seul (l’exem- plaire de Voxter Voe, dans les Shetlands), ont pu être étudiées #, d’une façon, d’ailleurs, assez sommaire. William Turner, l’auteur de ces re- cherches 4, n’a point omis l’étude de la musculature de l’extrémité anté- rieure ; mais sa description faite, dit-il, d’après la dissection d’un de ses élèves, d’une part, est quelque peu incomplète, et, d'autre exactement part, pour les parties qui n’ont point été négligées, ne concorde pas avec les résultats de mes dissections propres sur l’exemplaire de la Hougue (2 nov. 1908) £. L'existence d’un tel état de choses m’a déterminé à revenir sur la question ; et, me basant sur la description que je crois exacte et précise, 1. Des autres espèces de Mesoplodon le plus habituellement admises (WMesoplodon Europaeus Gervais, M. den- sirostris de Blainville, M. Grayi Haast, M. Layardi Gray, M. Hectori Gray, M. Stejnegeri True), mais dont la légi- timité n’est peut-être cependant pas certaine, on ne connaît que quelques rares exemplaires. Beaucoup de ces exemplaires ne sont représentés que par des fragments squelettiques et les parties molles d'aucun n’ont été étu- diées, à mon su du moins. 2. L'exemplaire de Moray-Firth, qui fut étudié par Sowerby (Brit. Miscell I. 1804, p. 1), était de sexe mâle, Son squelette est au Muséum de l’Université d'Oxford. 2, L’exemplaire de Voxter Voe (échoué en juin 1885), qui était de sexe mâle, porte le n° 14 de la série. Notons encore, cependant que W. Turner a étudié l'estomac d’un autre exemplaire (n° 17 de la série). Voy. Journ. of Ana- tomy and Phys. avril 1889, vol. XXIII. 4. W. TURNER, Journ. of Anat. and Phys., 1886, vol. XX, loco citato. 5. Voir, à ce sujet, R. ANTHONY : Le laboratoire du Muséum d'Histoire naturelle (Saint-Vaast-la-Hougue), pendant l’année 1908. Ann. des Sc. nal. Zoologie 1909. R. ANTHONY : Le Mesoplodon de la Hougue (2 nov. 1908). C. R. Acad. des Sc., 30 août 1909, Bull. Mus. Hist, mat. 1909. Congrès des Péches maritimes, Sables-d'Olonne, 1909. La Nature, 19 février 1910. Bien qu’il soit infiniment probable que le Mesoplodon de la Hougue doive être rattäché à l’espèce bidens, cer- taines particularités crâniennes, dont je n’ai point encore fait une étude suffisante, obligent à réserver pour encore la question de sa détermination spécifique. (Voir. R. ANTHONY : À propos du Mesoplodon échoué au Havre, en 1825. C. R. Soc. Biologie 1909). 362 R. ANTHONT des muscles de l’extrémité antérieure chez le Mesoplodon de la Hougue, j’ai cru pouvoir essayer, par la comparaison des résultats de mon étude avec ceux des études antérieures sur diverses espèces de Mysticètes et d’Odontocètes, d’esquisser un tableau de ce que pourrait avoir été, semble-t-il, la marche de la régression des muscles de la nageoiïre pecto- rale, chez les Cétacés en général, au cours de leur adaptation à la nage. Description des muscles de la nageoire pectorale chez le Mesoplodon de la Hougue ; leur comparaison avec ceux des autres Cétacés Après avoir détaché le bras de l’omoplate, on constate dans le lard quelques fibres musculaires ne paraissant, en aucun endroit, descendre au-dessous de la limite proximale des os de l’avant-bras ; ce sont sans doute les fibres terminales du pannicule charnu. On voit également, à l’extrémité supérieure de l’humérus, l’aïtache des muscles venant de lépaule et du tronc et dont il n’y a pas lieu de parler ici. La peau enlevée, voici ce que l’on constate. APONÉVROSES DE L’AVANT-BRAS ET DE LA MAIN Bien que l’espace existant entre les bords internes ! concaves du radius et du cubitus soit assez restreint, il existe cependant une membrane inter- rosseuse nettement individualisée. Chez les Mysticètes, les Physeteridae, les autres Ziphiidae, l’Inia et le Platanista parmi les Odontocètes où l’espace interosseux est également large ?, il existe sans aucun doute aussi une membrane interosseuse du même type. Par contre, chez les Delphinidae où le radius et le cubitus sont intimement accolés, il ne peut en exister ; chez le T'ursiops tursio Fabricius qui réalise, à cet égard, le type habituel du groupe, j’ai cons- taté qu’une simple lame de périoste sépare les deux os ; des exceptions paraissent cependant devoir être notées pour certains types, comme l’Orca et le Monodon, où l’espace interosseux est large comme chez le Plataniste. Il semble que la réduction de l’espace interosseux concorde d’une façon générale avec la régression des muscles de l’extrémité (voy. fig. 1). Et il serait intéressant, à cet égard, de disséquer, si on ne l’a point déjà fait, l’'Orque et le Narwhal. 1. Pour la mise en place des os et des muscles, je considérerai toujours l’axe de l’extrémité. 2. L'espace interosseux est beaucoup plus large chez la Balaena et le Physeter, que chez la Balaenoptera (Voy. figure 1). NAGEOIRE DU MESOPLODON 363 Sur la face située du côté de l’extension de la membrane interos- seuse s’insère perpendiculairement un septum (s), qui débute, large, à l’extrémité proximale du radius et finit, mince, sur le cubitus, au voi- sinage de son extrémité distale (voyez fig. 2.) La direction de ce septum est donc oblique par rapport à l’axe de l’espace interosseux et il sépare en deux loges la face d’extension de l’avant-bras. Du côté de la flexion, il n’existe point de septum semblable (voy. fig. 3). F1G. 1. Les rapports des os de l’avant-bras et la forme de l’espace interosseux chez divers Cétacés : #, cubitus r, radius. B. À. Neobalaena antipodarum Gray. B. S. Balaenoptera Sibbaldi Gray. Ph. Physeter macrocephalus L. P. Platanista gangetica Lebeck. I. Inia geoffrensis Blaïinv. O. Orca gladiator Bonnaterre. G. Grampus griseus Cuv. Sur la face d'extension existe une assez forte aponévrose se conti- nuant du côté proximal avec le périoste de l’humérus. Elle recouvre: l’avant-bras et les muscles qui s’y rattachent, puis se dirige vers la main, intimement accolée aux os de cette dernière et laissant simplement passage aux tendons dont elle constitue la paroi superficielle de la gaine Le septum dont nous venons de parler et qui s’attache, d’une part, sur le ligament interosseux et les os, s’attache, d’autre part, sur la face profonde de cette aponévrose (voy. fig. 3.) Sur la face de flexion existe également une aponévrose, mais 364 R. ANTHONY elle est beaucoup plus forte que celle de la face d’extension. Se continuant aussi du côté proximal, avec le périoste de l’humérus, elle s’attache solidement au bord interne du radius, se confondant avec son périoste ; puis elle recouvre le cubitus ainsi que les muscles accolés à cet os. Après avoir ( dépassé les limites externes de ce der- Re nier, elle se fixe le long de son bord externe, ainsi qu’à l’olécrâne et au bord cubital du carpe par ses extrémités, ces attaches extrêmes étant particu- lièrement solides, et l’aponévrose étant, d'autre part, épaissie le long de son bord libre, là où elle change de direc- tion, comme renforcée d’un tendon longitudinal, qui joint l’extrémité de l'olécrâne au bord cubital du carpe (voy. fig. 3.) Au niveau de la main proprement dite, cette aponévrose se comporte comme celle de la face dorsale et l’on peut noter qu’elle est constituée de fibres nettement individualisées, se diri- FIG. I. Les rapports du septum s et de l’es- pace interosseux antibrachial, chez le Mesoplodon. C, cubitus. — R, Radius. geant, pour la plupart, parallèlement à l’axe de l’extrémité ; il existe toutefois, à la surface de la partie de cette aponévrcse passée du côté de l’extension des faisceaux fibreux obliques reliant l’olécrâne au bord externe du cubitus, FiG. ur. Coupe transversale de la na- geoire pectorale gauche (au ni- veau de x y, voy. fig. V), du Mesoplodon de la Hougue; pour montrer la disposition des apo- névroses, des loges qu’elles inter- ceptent et des muscles contenus On peut peut-être considérer, tout en reconnaissant la difficulté de légitimer cette interprétation, qu'un vestige de l’aponévrose palmaire des Mammifères marcheurs est con- tenu dans l’aponévrose de la face de flexion. L'ensemble de ces aponévroses détermine, dans ces loges. R. Radius. — C. Cubitus. — 1, loge 1 contenant les deux faisceaux de l’extenseur radial digité. — 2, loge 2 conte- nant les deux faisccaux de l’ex- tenseur cubital digité.— 3, loge 3 contenant les deux chefs (radial et cubital) confondus du fléchis- seur perforant ainsi que le flé- chisseur cubital du carpe. au milieu de l’avant-bras, trois loges dont deux du côté de l’extension [une loge radiale (1) et une loge cubitale (2)] et une du côté de la flexion (3), répondant au cubitus, (voy. fig. 3). NAGEOIRE DU MESOPLODON 365 Sir William Turner n’a point décrit cet important système aponévro- tique se bornant à signaler la lame fibreuse qui recouvre les muscles de la face de flexion. Et, je n’en n'ai point trouvé d’autre part d'indications dans les auteurs, en ce qui concerne les autres Cétacés. MuscLes EXTENSEURS Les muscles extenseurs sont au nombre de deux, respectivement, situés dans les loges 1 et 2 (voy, fig. 3). A. — Extenseur radial digité. Ce muscle, situé dans la loge 1, se divise presque aussitôt sa naissance en deux faisceaux (voy. fig. 3 e” 4). Le faisceau externe, de beaucoup le plus volumineux, s’insère par des fibres musculaires sur la capsule articulaire du coude, le radius, le sep- tum s, l’aponévrose 4e. Son tendon se divise en deux branches destinées respectivement aux doigts IT et III. Le tendon du doigt IT envoie au bord radial de la nageoire trois digitations distalement situées par rapport à l’extrémité du doigt I, celui du doigt IIT envoie quatre petites digita- tions qui s’insèrent le long de ce doigt. Le faisceau interne, plus grêle et recouvert par le faisceau externe, ne possède qu’un seul tendon, qui s’attache au doigt IV. Ce tendon pré- sente deux branches de bifurcation : la première se fixe aux ligaments des articulations carpo-métacarpiennes, plus ou moins confondus avec l’aponévrose de recouvrement ; au niveau de cette branche de bifurcation, de l’autre côté du tendon, mais sans connexion avec lui, est un gros fais- ceau oblique de renforcement de l’aponévrose (1). La deuxième branche de bifurcation, située au voisinage de l’extrémité distale de la nageoire s’insère comme le tendon lui-même, au doigt IV. Sir William TURNER (loco citato), en décrivant ce muscle, a considéré son faisceau externe seul comme un muscle particulier et a rattaché son faisceau interne au muscle suivant, c’est-à-dire à l’extenseur cubital digité dont il est nettement séparé, sur notre exemplaire, par le septum s, les deux muscles se trouvant, par conséquent, respectivement situés dans deux loges aponévrotiques différentes. Le même auteur n’a pas non plus signalé l’insertion carpo-métacar- pienne de ce muscle, bien que la figure 3, de la planche IV de son mé- 366 R. ANTHONY moire, puisse laisser supposer qu’elle existât ; on croit voir, en effet, sur cette figure, un court tendon de bifurcation s’insérer à la tête du métacarpien du doigt III 1. Enfin, ce faisceau muscu- laire interne paraît avoir été beaucoup plus volumineux sur l’exemplaire de Voxter Voe que sur celui de la Hougue. STRUTHERS (loco citato), chez l’Hyperoodon, considère également ces deux faisceaux comme deux muscles distincts et signale que le faisceau in- terne (Extenseur du doigt IV), était plus ou moins nettement confondu, à son origine, avec l’extenseur cubital digité. Comme chez le Mesoplo- don de la Hougue, son tendon adhéraiït au passage au carpo- métacarpe et présentait, en outre, une anastamose avec celui de l’extenseur cubital digité. B.— Extenseur cubital digité. Ce muscle est situé dans la loge 2 (voy. fig. 3 et 4). Il débute par deux chefs, l’un . Q L # F1G.1v. Nageoire pectorale gauche du Mesoplodon de la Hougue, principal, externe, s’insérant les muscles extenseurs. À e, aponévrose. — s, septum. , , 2 — 1, ligament. — E, r, Extenseur radial avec e, son fais- sur le ligament de 1 articula- ceau accessoire. — Æ. u. Extenseur cubital avec e, son , faisceau accessoire. tion du coude, le cubitus, le 1. Les ramifications très nombreuses que présente, d’après cette figure, le tendon de l’extenseur radial digité, pourraient fort bien être dues à un simple artifice de dissection. NAGEOIRE DU MESOPLODON 367 septum s et la face profonde de l’aponévrose À e; l’autre accessoire, interne, s’insérant sur le septum s seulement. Les tendons de ces deux faisceaux se rejoignent à peu près au niveau des articulations carpo- métacarpiennes, et le tendon commun envoie, peu avant sa terminaison au doigt V, une expansion qui s'attache aux tissus fibreux du bord cubital de la nageoire. L’extenseur cubital digité est également signalé par sir William TURNER, (loco citato), ainsi que par J. STRUTHERS (loco citato), chez l Hype- roodon. Le faisceau de l’extenseur radial, qui va au doigt IV, en serait pour ces deux auteurs une simple dépendance. Ni sir William TURNER, ni J. STRUTHERS n’indiquent la décomposition de l’extenseur cubital digité en deux faisceaux. 9 , ’ . . . . D'une façon générale, il est difficile de suivre les tendons des muscles = LE Q Q A . . . jusqu’à leur terminaison : à un certain niveau, ils semblent se confondre avec l’aponévrose. Il est intéressant de comparer cette disposition des muscles extenseurs, chez les Ziphiidae, avec celle qu’on observe chezles Mysticètes, le Cachalot et le Plataniste. Chez les Mysticètes, il n’existe qu’un seul extenseur répondant aux doigts IT, III, IV et V. La description de PoucHETr et BEAUREGARD (loco citato), en ce qui concerne le Cachalot, ne concorde pas exactement avec la figure que ces auteurs donnent (planche VII, fig. 1). Sur cette dernière, on voit un muscle unique envoyant un tendon à chacun des cinq doigts. Le faisceau musculaire répondant au doigt I est mieux individualisé que les autres, et son tendon présente une anastomose avec le tendon du doigt II. Au niveau des premières phalanges, le tendon de chacun des doigts PME IV et V présente deux expansions latérales Chez le Plataniste (voy. J. ANDERSON, loco citato), il n’y à également qu’un extenseur unique ; mais ses tendons ne se rendent qu'aux doigts IT. IV et V. La disposition constatée chez les Ziphiidae est donc, comme on le voit, la plus complexe ; elle doit, par conséquent, être la plus primitive. Comment doit-on l’interpréter ? Les deux extenseurs du Mesoplodon, bien que situés dans deux loges différentes doivent-ils être considérés comme répondant l’un et l’autre à l’extenseur commun de l'Homme et des autres 368 R. ANTHONY Mammifères à extrémité antérieure bien développée ? Doit-on estimer, au contraire, que le muscle de la loge radiale y répondraiït seul et qu’il aurait perdu son faisceau allant au doigt. V, alors que celui de la loge cubitale correspondrait au muscle appelé chez l'Homme extenseur propre de l’annulaire, mais qui, chez beaucoup d’autres Mammifères, Carnassiers et Rongeurs, par exemple, s’étend à un certain nombre des doigts ex- ternes de la série ? 1, Cette seconde hypothèse paraît la plus vraisemblable, en raison même de la présence du septums, et, c’est celle que j’adopterais ; mais ce que l’on ne peut dire, c’est si les deux extenseurs fondamentaux se sont fusionnés chez les Mysticètes, le Physeter et le Plataniste, ou si, au contraire, l’un d’eux, l’extenseur cubital, s’est réduit, l’extenseur radial persistant seul. De nouvelles recherches portant principalement sur le système aponévrotique. de la face d’extension sur la contex- ture de ces muscles et leur développement ontogénique, permettront seules de trancher la question dans un sens ou dans l’autre. J. STRUTHERS (loco citato), chez la Balaena mysticetus et J. ANDERSON (loco citato), chez le Platanista gangetica, décrivent un extenseur cubital du carpe (cubital postérieur de l'Homme) qui n'existe pas chez les Ziphiidae, bien que chez le Mesoplodon de la Hougue, on puisse peut- être considérer que le faisceau aponévrotique fibreux, qui, sur la face d’extension, relie l’olécrâne au bord externe du cubitus, en représente un vestige. MUSCLES FLÉCHISSEURS Les muscles fléchisseurs sont au nombre de trois, tous situés dans la loge 3 (voy. fig. 3.) A. — Fléchisseur radial digité (chef radial du perforant). Ce muscle complètement atrophié et réduit à l’état de tendon, s’in- sère à l'extrémité proximale du radius, et à peu près au niveau de la partie moyenne des os de l’avant-bras ; il se confond avec le muscle suivant (fléchisseur cubital), qu’il aborde par sa face profonde (voy. fig. 5.) Dans l’exemplaire décrit par sir William TURNER, loco citato. ce muscle était encore assez bien développé, d’un aspect plus primitif que chez 1. Chez les Félins, par exemple, l’extenseur cubital actionne tout aussi bien que l’extenseur radial les doigts Hi, III, IV et v. tera physalus (musculus), cap- NAGEOIRE DU MESOPLODON 369 celui de la Hougue ; son tendon s’insérait au bord latéral externe et a l'extrémité du doigt I, après avoir donné une première expansion au tissu fibreux recouvrant les os du carpe et une seconde s’attachant au premier tendon (tendon du doigt IT) du fléchisseur cubital. Chez l’Hyperoodon de STRU- THERS (loco citato), le fléchis- seur radial confondait son ter- don terminal avec le premier tendon (tendon du doigt II) du fléchisseur cubital. Ce muscle existe aussi, très bien différencié, chez les Mys- ticètes. Chez la Balaenoptera musculus (voy. STRUTHERS, loco citato) son tendon (le doigt I étant absent !), se confondait avec celui du fléchisseur cubital destiné au doigt II, et c’est aussi cette disposition que j'ai rencontrée chez un individu de la même espèce (Balaenop- turé à Cette, le 6 octobre 19042, (voy. fig. 6). Chez la Balae- : noptera rostrata (voy. CARTE et MACALISTER, loco citato), il ne contractait aucune connexion avec le fléchisseur cubital et ,° , OT A 4 s INSTAIL à la premiere pha- FIG. v. Nageoire pectorale gauche du Mesoplodon de Ja Hougue, les muscles fléchisseurs, F, r., Fléchisseur radial — F. u., Fléchisseur cubital. — C, Fléchisseur cubital du carpe. — x, y, niveau de la coupe trans- versale représentée à la fig. 3. 1. Ne pouvant entrer ici dans le détail des discussions soulevées, notamment par les tra- vaux de Kukenthal, à propos du mode de régression de la série digitée chez les Mysti- cètes, je considérerai que, dans tous les cas où il n’existe que quatre doigts, c’est le doigt = qui we absent. 2, R. ANTHONY et L. CALYET : Recherches sur le Cétacé capturé à Cette, le 6 octobre 1904, et ses parasites (Peneila Balaenopterae Kor. et Daniels). Bull. Soc. Philomathique, 1905. 370 R. ANTHONY lange du doigt II, à l’extrémité duquel s’insérait aussi le premier tendon du fléchisseur cubital. D’après PERRIN (loco citato), il se comportait à peu près, chez le même animal, comme STRUTHERS l’a décrit chez la Balaenoptera musculus. La disposition semble avoir été la même, également, chez la Balaena mys- ticetus (voy. STRUTHERS, loco citato), bien que l’auteur distingue, dans ce muscle, une partie superficielle et une partie profonde. L'absence de figure et la complexité de la description ne permettent pas, d’ailleurs, de se faire une idée nette de la disposition des parties. Le fléchisseur radial du Cachalot paraît être du même type que celui du Mesoplodon de TuRNER, (voy. POUCHET et BEAUREGARD, loco citato). Enfin, ce muscle ne paraît pas avoir existé chez le Plataniste, (voy. J. ANDERSON, loco citato). B. — Fléchisseur cubital digité. Ce muscle, très développé, (voy. fig. 3 et 5) part de l’extrémité distale de l’humérus, de l’olécrâne, de la capsule articulaire du coude et de l’extrémité proximale du cubitus. Bientôt transformé en un tendon large et plat, il croise le cubitus en sautoir ; avant d’avoir atteint l’extré- mité distale de ce dernier, il reçoit, sur sa face profonde, le fléchisseur radial atrophié. Il se divise en trois tendons : le premier, le plus gros, destiné au doigt IT, donne, avant sa terminaison, et après avoir dépassé le niveau de l’extrémité du doigt I, deux ramifications qui se rendent au bord de la nageoire. Le deuxième va au doigt IIT et ne présente pas de ramification. Le troisième se divise presque aussitôt en deux branches, l’une destinée au doigt IV et l’autre au doigt V sur le bord externe duquel il s’insère largement, en s’étalant. Ce muscle est décrit à peu près de la même manière, par sir William TurNer, chez le Mesoplodon de Voxter Voe, (loco citato), et par STRU- THERS, chez l’Hyperoodon (loco citato). Il est analogue aussi chez le Cachalot (voy. POUCHET et BEAUREGARD, loco citato) et chez les Mysticètes d’une façon générale (voy. STRUTHERS, CARTE et MACALISTER, PERRIN, locis citatis). Chez le Plataniste, il se divise en trois tendons respectivement destinés aux doigts IT, III et IV (voy. J. ANDERSON loco citato). D'une façon générale, il est, comme pour les extenseurs, difficile de suivre les tendons de ces muscles fléchisseurs jusqu’à leur extrémité. NAGEOIRE DU MESOPLODON 371 Les deux muscles qui viennent d’être décrits représentent, il n’est pas douteux, le premier, le chef radial (long fléchisseur propre du pouce chez l'Homme), le second, le chef cubital, (flé- chisseur commun profond chez l'Homme) du fléchisseur perforant ou profond. Outre ces muscles, CARTE et MACALIS- TER (loco citato) décrivent, chez la Balae- noptera rostrata, en dehors du fléchisseur cubital, semble-t-il (la description manque de clarté), un palmaris longus s’insérant au métacarpien du doigt IV et à un fascia rudimentaire recouvrant les tendons flé- chisseurs. D’autre part, PERRIN (loco citato), chez le même animal, signale un fléchisseur sublime ou perforé rudimen- taire, placé entre les deux chefs du perfo- rant et dont le tendon bifurqué rejoignait d’une part le tendon le plus externe du chef cubital du perforant et, d’autre part, le fascia palmaire rudimentaire. Peut-être ces deux muscles n’en sont-ils, en réalité, qu’un seul interprété différemment. Il con- vient encore de rapprocher ces indications relatives à la Balaenoptera rostrata, de celles de STRUTHERS, concernant la Ba- laena mysticetus qu'il a observée et où le fléchisseur radial aurait été divisé en deux plans; le plan superficiel pourrait peut- être représenter un vestige de fléchisseur sublime. C. — Fléchisseur cubital du carpe. Ce muscle, qui correspond au cubital antérieur de l'Homme (voy. fig. 3 et 5) s’in- L = RC à = Te XX Sù SS = x > = SS ÿ FiG. vi. Nageoire pectorale gauche de la Balaenoptera physalus de Cette, les muscles fléchisseurs. Pour la significa- tion des lettres, voir fig. 5. sère d’une part à l’olécrâne par des fibres musculaires, et d’autre part au bord externe du carpe par un gros tendon. Il est semblablement décrit par sir William TURNER, chez le Mesoplodon 372 R. ANTHONY de Voxter Voe (loco citato) et par STRUTHERS chez l’Hyperoodon (loco citato). Il est également semblable chez les Mysticètes ; signalons cependant F1G. vil. Nageoïre pectorale gauche de la Balae- noptera physalus de Cette, l’aponévrose À. f. de la face de flexion présentant, dans la ré- gionm., quelques traces de tissu musculaire. que CARTE et MACALISTER (loco citato) le représentent, chez la Balænoptera rostrata, descendant jusqu’au méta- carpien du doigt V. Bien que PoucHET et BEAURE- GARD n’en notent pas la présence chez le Cachalot, il ne semble pas avoir pu manquer. Chez le Plataniste (voy. J. Ax- DERSON, loco citato), le fléchisseur . cubital du carpe était très fort et se prolongeait jusque sur le doigt V. Trouvé par STRUTHERS, chez le Pho- caena communis, et par moi-même chez le T'ursiops tursio, ce muscle paraît de- voir exister chez tous les Delphinidae. Signalons enfin que STRUTHERS (loco citato) décrit un fléchisseur radial du carpe chez la Balaena mysticetus, qui serait, dit-il, l’homologue du long fléchisseur du pouce de l'Homme, si ce muscle n’était déjà représenté par le chef radial du perforant. Peut-être pourrait-on y voir aussi un homologue du palmaris longus. Enfin, POUCHET et BEAUREGARD (loco citato), décrivent, chez le Cacha- lot, des vestiges d’interosseux, situés sous la masse des fléchisseurs, Conclusions 1° D'une façon générale, chez les Cétacés, il n'existe ni muscles du bras, ni muscles propres de la main. Peut-être pourrait-on cependant reconnaître des vestiges des premiers dans les aponévroses des faces d'extension et de flexion : chez la Balae- æ «4 NAGEOIRE DU MESOPLODON 373 noptera physalus (musculus) capturée à Cette !, l’aponévrose de la face de flexion présentait deux faisceaux divergents, partant d’un gros tendon et contenait même, dans la région m., quelques fibres musculaires (voy. fig. 7). PoucHET et BEAUREGARD ont signalé, d'autre part, des vestiges d’interosseux chez le Cachalot, et LeBoucQ (loco citato) les à également observés chez le fœtus de Delphinus delphis. Il semble qu’au cours de l’adaptation à la vie dans l’eau ce soient les muscles du bras et de la main qui aient régressé tout d’abord. 20 Par contre, les muscles de l’avant-bras semblent, d’une façon générale, avoir subi une plus lente régression, 30 Chez les formes que l’on peut, en se basant sur d’autres carac- tères, considérer comme les plus primitives du groupe (Ziphiidae, Physe- teridae, Mysticètes) et chez un type particulier, le Plataniste, on les voit représentés par : + du côté de l’extension : l’Extenseur cubital digité. l'Extenseur radial digité. Ces deux muscles n’existeraient, suffisamment indivi- dualisés que chez les Ziphiidae (Mesoplodon et Hype- roodon). Chez le Physeteridae, les Mysticètes et le Pla- taniste, l’extenseur cubital aurait disparu, ou se serait confondu avec l’extenseur radial. B du côté de la flexion : le Fléchisseur profond ou perforant, comprenant ses deux chefs habituels, le chef cubital et le chef radial, distincts encore, chez le Mesoplodon de Voxter Voe, et peut - être le Cachalot, alors que, chez le Mesoplodon de la Hougue, ainsi que chez les Mysticètes, le chef radial se trouverait, en quelque sorte, absorbé par le chef cu- bital ; il a complètement disparu chez le Plataniste. le Fléchisseur cubital du carpe. Outre ces muscles, on aurait constaté : Chez la Balaena mysticetus et le Plataniste seulement, un Extenseur cubital du carpe. 1. Voy. R. ANTHONY et L. CALVET : loco cifato. Et à | titre exceptionnel : SAR Chez la Balaenoptera rostrata, un vestige de sublime ou perforé. et RTS - Chez la Balaenoptera rostrata et la Balaena mysti dt vestige de Palmaris longus (2). Ces trois muscles aur vraisemblablement subi leur régression avant les ex seurs digités, le fléchisseur perforant et le fléchis cubital du carpe. à. 49 Chez les Delphinidae, qui, à beaucoup d’égards, semblent les for cétacéennes les plus évoluées, il n’existe plus de muscle de l’avant: “bras. allant jusqu'aux doigts, les extenseurs et les fléchisseurs digités a. disparu, c’est-à-dire se sont sans doute transformés en tendons et « : fondus avec l’aponévrose; seul le Fléchisseur cubital du carpe fers terait encore (Phocaena communis, T'ursiops tursio). C’est donc cel qui résiste le plus aux causes déterminantes de la régression. 22 1% UE = 3 = %0%i Ill