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33, RUE DE SEINE, 33

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DANS

L'ÉGLISE RÉFORMÉE DE FRANGE

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DANIEL COURTOIS

PARIS

LIBRAIRIE FISCHBACHER

SOCIÉTÉ AKOSTilE

33, RUE DE SEINE, 33

1888

LA MUSIQUE SACRÉE

DANS L'ÉGLISE RÉFORMÉE DE FRANCE

INTRODUCTION

En offrant ce travail au public, nous cédons à un besoin de cœur.

Nous avons toujours souffert et nous souffrons encore aujourd'hui, plus vivement que nous ne saurions le dire, de voir le chant sacré si peu en honneur au sein de notre Protestantisme français. Qu'on nous pardonne un douloureux aveu : nous avons visité un grand nombre d'Églises de notre pays; dans toutes, on chante nos can- tiques et nos psaumes, et plusieurs se piquent de les exécuter avec quelque relief ; pourtant nous n'en pourrions pas citer dix qui, à notre connaissance, le fassent conve- nablement. Nous n'entendons pas : artistement, nous voulons seulement dire : décemment.

C'est pénétré de la conviction qu'il y a un mal, un mal très réel, dont, tous, nous souffrons, dont nos Églises souffrent et dont nos pasteurs se plaignent tout en se

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reconnaissant incompétents ou impuissants à le combattre, que nous avons été conduit à chercher les racines et les causes du mal, et en les trouvant, à faire un effort pour mettre pasteurs et laïques à même de remédier à ce fâcheux état de choses.

Le chant sacré est, si nous pouvons ainsi dire, le ther- momètre de la vie d'une Église : c'est le seul moyen qu'aient, dans notre forme du culte réformé, les fidèles de participer à l'édification commune, c'est donc au premier chef l'une des institutions capitales de notre culte. Nos pères, les Huguenots, l'avaient bien compris et si, dans l'histoire, il est tel acte de courage, telle hardie confes- sion de leur foi qui nous enthousiasme pour ces géants et nous les fait d'autant plus admirer que nous les esti- mons à la mesure de notre petite taille, nous ne trou- vons peut-être chez eux rien de plus grand dans sa sim- plicité que cet acte héroïque de chanter les psaumes pen- dant ces assemblées de fidèles qui se réunissaient à l'ombre des forêts, au désert, ou en mer, ces trois infinis qui ne réussissaient pas toujours à protéger, même en les enve- loppant de leur manteau immense, nos pieux ancêtres des incursions cruelles de la mission bottée.

Nous n'avons, grâce à Dieu, plus besoin, pour chanter les louanges du Très-Haut, d'aller demander au désert une sécurité que ne rencontraient jamais nos aïeux, nous pouvons le ftiire librement; nous serions donc bien cou- pables, si nous ne le faisions avec plus de zèle: prenons garde, car on pourrait, non sans apparence de raison, trouver que l'infirmité de notre chant est le refiet de la faiblesse de notre foi.

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Toutefois, il est une objection que font, avec un légitime fondement, ceux-là mêmes qui déplorent le plus vive- ment le marasme oii se traîne notre Musique sacrée. «Nous n'avons, disent-ils, aucun recueil de cantiques satisfaisant. Au lieu d'en avoir un seul bon, nous en avons une infinité de médiocres » Je regrette plus que qui- conque cette indigente abondance : j'ajouterai que c'est la vraie cause de notre faiblesse. Nous avons trop de recueils pour qu'aucun soit bon, et tant que nous n'aurons pas pour notre chant sacré une sorte de Canon tout aussi respecté que celui de nos livres saints, notre chant restera flottant et inerte comme il l'est aujourd'hui.

Ouvrons, en effet, deux ou trois des recueils les plus en usage parmi nos Églises^, les Psaumes et Cantiques, je suppose, les Chants chrétiens et le Recueil des Eglises luthériennes : je défie qu'on y rencontre un seul mor- ceau, cantique ou psaume qui soit identique dans les trois volumes ; les chants les plus admirables et les plus incontestés n'ont point échappé à la grilTe des manipula- teurs de notre musique religieuse qui les ont tous défigurés. Nous pouvons aflirmer, sans rien exagérer, qu'à l'heure qu'il est, en France, il n'est pas une église dans la même journée du dimanche, à une heure peut-être d'inter- valle, au catéchisme et au service, le même cantique indiqué, fût-ce l'inimitable hymne de Luther, soit chanté de la même manière.

Ceux qui sont tant soit peu versés dans la connaissance de la musique peuvent, à la rigueur, s'accommoder de ces divergences, mais le catéchumène qui pendant bien des années de son enfance a appris à chanter tel psaume ou

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tel cantique, dans un ton et dans une mesure donnés, et, qui, admis dans l'Église, y entend chanter ce même can- tique d'une tout autre façon, est naturellement dérouté; il se croit dans son tort de ne pouvoir chanter avec l'assem- blée ce morceau qu'il connaît si bien, et sans se rendre compte de ce qui cause son embarras, il se tait. Ou bien il ne s'aperçoit de rien, chante l'hymne comme il l'a tou- jours chantée, et on s'étonne ensuite qu'il n'y ait pas plus d'unité dans le chant de l'assemblée. Les incompréhen- sibles divergences de nos recueils de cantiques telle est donc, à notre sens, l'une des principales causes de dé- faillance de notre chant. Constater ces divergences, en expliquer les causes, pour autant que le sens commun peut y avoir part, et reconstituer le texte original, ou à défaut le plus raisonnable de quelques-uns des cantiques les plus abîmés, essayer, par l'historique que nous esquis- serons du chant religieux en France, d'intéresser les fidèles de nos églises à celte question si captivante de la Musique sacrée, tel est le but que nous nous proposons dans cet ouvrage (i) .

Puisse Celui sous le regard et à la gloire Duquel ces pages veulent avoir été écrites, accomplir sa force au travers de l'infirmité de l'auteur!

(1) Noire point de vue spécial est celui de la musique; pour les paroles, le lecteur trouvera, sur cette question du cantique, des détails dans une brochure publiée en 1883 à Genève par M. A. Alger, sous ce titre: Histoire et rôle des cantiques dans les églises réformées françaises.

CHAPITRE PREMIER

LES PREMIERS CHANTS DE L'ÉGLISE L'ŒUVRE D'AMBROISE LA NOTATION NEUMATIQUE

Avaot d'aborder le sujet central de ce travail, il est nécessaire de dire en quelques mots ce que fut le Chant sacré aux origines de l'Église.

Le Nouveau Testament ne nous donne que peu d'indi- cations à cet égard , et encore les mentions qu'il fait du chant des fidèles sont-elles brèves et peu explicites. Par la plume de deux de ses évangélistes, Matthieu et Marc, qui relatent dans des termes absolument identiques le même fait, il nous apprend que Jésus et ses disciples, vtiuijaav veç, t^fjkeov eiç xo oqoç tojv tlaiwv {^). D'autre part, saint Paul, et après lui saint Jacques, recommandent aux fidèles de chanter des cantiques et des hymnes (1 Cor. XIV, 26; Ephés. V, 19 ; Coloss. III, 16 ; Jacques V, 13) et saint Jean dans l'Apocalypse emploie les mêmes termes. Paul et Silas dans la prison chantent aussi un cantique {Actes XVI, 25).

Pline dans sa correspondance à Trajan dit :

0) Matth. XXVI, 30. Marc XIV, 26. Le verbe Cijlvs'w, dans le grec classique, a surtout le sens de: chanter, célébrer par des chants ; par extension et surtout en poésie il peut signifier : vanter, louer; mais nulle part nous ne le trouvons avec cette signification dans le Nouveau- Testament, il veut toujours dire : chanter un cantique d'actions de grâce le plus souvent, parfois d'intercession.

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nière de noter ou plutôt de figurer par écrit la musique à celte époque (i).

Le premier système de notation musicale fut en effet celui des Neumes. Il fut introduit, d'après U. F. Clé- ment, au moment oii les liturgies chrétiennes furent éta- blies dans l'Asie-Mineure. La notation neumatique est très probablement due aux Lombards, qui, pendant les deux siècles que dura leur domination en Italie, répandi- rent et les faibles connaissances harmoniques qu'ils possé- daient et les premières notions d'une notation musicale qui fut certainement l'origine de celle dont on se sert au- jourd'hui.

Il n'appartient pas h la nature d'un travail tel que celui-ci d'entrer dans les différentes discussions qui se sont élevées sur la question si obscure des neumes ; nous

(}) La plus grande obscurité règne sur l'étymologie de ce terme. Ceux qui veulent lui donner pour racine un mot grec, ont hésité entre les trois suivants :

lo :?;£ij|j.a, « souffle, esprit », et alors le mot neume signifierait : inspi- ration. D'après M. Félix Clément, les gnostiques latins n'auraient pas trouvé d'autre explication à donner qu'une sorte d'élan de l'âme impuis- sante à exprimer par des paroles les sentiments, et proférant des sons inarticulés.

vs!jij.a; qui veut dire : «signe, témoignage approbatif ». Le neume serait alors le signe désignant un son musical et par extension le mor- ceau de musique, ensemble de ces signes.

vfîijLoç, «règle, loi», le neume est la phrase musicale ordonnée, sou- mise à des lois, etc.

Toutes ces étymologies nous paraissent ou forcées ou invraisembla- bles. Nous inclinerions beaucoup plus volontiers à croire, ce qui semble d'ailleurs avoir été l'avis de saint Augustin et de Odon de Cluny, que le mot veume, de TivsSijLa, souffle, désignait l'ensemble des notes, la vocalise, si on veut, qui était dite d'une seule haleine par le chanteur dans un morceau liturgique.

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dirons seulement que ces neumes ont puissamment contri- bué à l'organisation du chant liturgique dans les différents pays de la chrétienté. En France, cette organisation remonte à Pépin le Bref, mais elle ne fut définitive que sous Charlemagne, qui fit venir de Rome, la tradition grégorienne avait été fidèlement conservée, des chantres qui devaient former dans les écoles de chant établies à Metz et à Soissons une génération de musiciens sacrés (^).

C'est ainsi que nous trouvons, au neuvième siècle, le chant grégorien intronisé en France.

Ce chant fut un progrès, mais il eût rester un pro- grès et non devenir une institution : c'est ce qu'on n'a pas su comprendre, et il semble étrange, en vérité, qu'à l'heure présente il y ait encore des musiciens distingués qui puissent assumer la responsabilité de soutenir la cause du chant grégorien {-).

(1) Nous trouvons dans les annales du temps, rédigées par le moine d'Angoulème, une anecdote curieuse qui montre bien les difficultés que rencontrait en France l'organisation de la musique religieuse.

Pépin le Bref, nous l'avons dit, avait fait un effort dans ce sens; le pape Étienne lui avait envoyé en 754 des chantres et, ensuite, le pape Paul l<" des antiphonaires. Lorsque Charlemagne, en 787, alla célébrer les fêtes de Pâques à Rome, il emmena les chantres de la chapelle pour leur faire prendre des leçons auprès de ceux de Rome. Mais les chantres romains, jaloux de la tradition et de la véritable science du chant sacré, qu'ils prétendaient tenir de Grégoire le Grand, bafouèrent les chantres de Charlemagne, les traitant de « rustres, d'ignorants et de sauvages besles ». Le roi Charles dit alors à ses chantres : « Quelle est, à votre avis, l'eau la plus pure, celle qu'on prend à la source vive ou celle des ruisseau.x qui en sont éloignés?» Ils répondirent que c'était celle de la source, tandis que celle des ruisseaux était d'autant plus altérée et bourbeuse qu'elle venait de plus loin. « Remontez donc à la source de saint Grégoire, dit le roi, car c'est vous qui avez corrompu le chant. »

(2) Entre autres M. Félix Clément.

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Peut-être faut-il chercher la raison de ce dommage con- sidérable qu'a causé le plain-chant au développement de la musique religieuse pendant plus de huit siècles, dans le fait de cette rudesse de gosier, de cette barbarie que repro- chaient les chantres italiens aux chantres gaulois de Charlemagne. Quoi qu'on en puisse dire, le tempérament français, même à l'heure qu'il est, nous le constatons à regrêt, n'est pas musicien. L'Italie, à cet égard, a été, dès l'origine, la grande éducatrice musicale de l'Europe, et il est curieux de constater qu'elle soit actuellement évin- cée par l'Allemagne, qui fut, aux huitième et neuvième siècles, sa plus rebelle élève.

CHAPITRE II

LE CHANT SACRÉ AU MOYEN AGE - LES SÉQUENCES

Après ce que nous avons dit du chant grégorien, il serait fastidieux et monotone de suivre pas à pas ses développe- ments pendant le moyen âge. Nous nous bornerons à relever simplement l'importance que prirent les Séquences, qui appartiennent à sa plus belle époque, de Philippe- Auguste à Saint-Louis. Elles marquent un important progrès dans la musique religieuse, progrès qui s'est pour- suivi, on peut l'affirmer, jusqu'à nos jours.

Avant leur apparition, on ne comptait, en effet, que cinq sortes de chants qui fissent partie de la liturgie cano- nique, c'étaient :

Les chants du Rituel et du Pontifical (Préfaces, Bénédictions, etc.).

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Les chants communs {Kyrie, Gloria, Credo, Sandus, Agnus) et différentes antiennes pour les temps de l'année. Les Psaumes sur les huit tons et leurs variantes.

Les Antiennes du Vespéral correspondant à ces tons.

Les Hymnes et les Cantiques.

Les séquences qui sont parvenues jusqu'à nous n'ont pas toutes fait partie de la liturgie officielle, et pourtant il en existe plusieurs centaines de très remarquables. Les plus connues : le Dies irœ, le Lauda Sion, le Stabat Mater, le Veni, sancte Spiritus, suffisent à consacrer leur mémoire et à les classer pour plusieurs parmi les purs chefs-d'œuvre de la musique religieuse.

Ces séquences, dont l'origine remonte au onzième siècle, étaient primitivement des morceaux qui, la plupart du temps, avaient pour objet d'exciter à l'enthousiasme et à la célébration de telle ou telle fête de l'année : c'est dire qu'on ne les exécutait pas à l'office des dimanches ordi- naires; elles étaient seulement destinées à encourager les chrétiens à exhaler dans leurs chants les sentiments qui les animaient aux époques fériées de l'année. Comme les drames liturgiques étaient alors fort en honneur dans l'Eglise, il y avait plusieurs séquences pour chacun d'entre eux. Elles sont écrites dans la langue de la basse latinité, en vers d'un nombre de pieds déterminé et avec rimes, comme on peut en juger par le commencement de la séquence pour la féte de l'Immaculée Conception que nous reproduisons ici :

Dies leta celebretur In qua pia recensetur Marie conceptio.

Félix quidem est conceptus Per quem mundus est adeptus Salutis remédia.

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Cujus laudes prosequamur Quia tanto gratulamur Dei beneficio.

Hanc prophète predixeruut Patriarche recenserunt Inspirantur gratia.

On remarquera l'assonance du premier vers avec le second et celle des troisièmes vers entre eux. Ce mode de rime se retrouve souvent dans les séquences, surtout chez Adam de Saint- Victor, l'auteur d'un grand nombre d'entre elles. Ces séquences étaient chantées sur des morceaux de plain-chant usités déjà dans la liturgie, et afin de rappeler aux fidèles la mélodie et le rythme d'une séquence, les poètes empruntaient le premier vers ou les premiers mots du morceau qu'ils imitaient (i).

Après avoir ainsi esquissé ce que fut la Musique reli- gieuse depuis ses origines jusqu'à la Réforme, il n'est pas inutile de nous rendre compte des progrès de la notation musicale et de l'harmonie pendant cette même période.

Il serait erroné d'inférer de ce que les plus anciens manuscrits que nous ayons des chants ecclésiastiques n'offrent dans leur séméiographie qu'une notation simple, qu'on ait chanté, même aux temps les plus reculés, tous les chants sacrés à l'unisson. De à conclure que l'harmonie,

(1) Voir sur la question des séquences, l'ouvrage de M. F. Clément, Histoire générale de la Musique religieuse, auquel nous avons arraché, non sans peine, quelques trop rares renseignements.

CHAPITRE III

LES ORIGINES DE L'HARMONIE

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dans le sens moderne que nous donnons à ce mot, ait commencé avec le chant, il y aurait aussi téméraire exa- gération.

Ainsi qu'on Ta dit et répété bien souvent dans les traités spéciaux, il a suffi qu'un homme et une femme chantassent à l'unisson un même air pour produire l'une des deux consonances dites parfaites en musique, l'octave. Ce simple fait fut évidemment le premier pas vers cet art si complexe et si admirable qu'on appelle THarmonie. L'autre consonance musicale parfaite, la quinte, dont le renversement est la quarte, fut le second pas et c'est sur ces deux seules données que se construisit le système d'accompagnement appelé Diaphonie, qui se rapproche beaucoup de notre contrepoint simple, bien qu'ils soient séparés l'un de l'autre par tout l'abîme d'une hérésie musicale, la possibilité d'une succession de quintes consé- cutives sans une médiante formant tierce majeure ou mineure.

La diaphonie remonte certainement aux temps les plus reculés de l'ère chrétienne; c'est en effet, comme nous venons de le montrer, la plus simple et la plus naturelle des harmonies \ '^).

(1) M. F. Clément observe fort justement à ce propos, que si l'on veut avoir une idée de l'effet de cette diaphonie, on n'a qu'à accompagner un chant liturgique par une seule note du plein-jeu du grand orgue. Par plein-jeu il entend, sans doute, ce qu'on nomme plus communé- ment aujourd'hui un jeu de quinte harmonique qu'on emploie en effet au plein-jeu de l'orgue. Chaque note de ce jeu de quinte harmonique fait parler, outre le tuyau spécial de la note, trois ou cinq autres tuyaux formant la quinte supérieure de cette note, liais le son fondamental doit toujours être le plus puissant.

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Ce système d'accompagnement, qu'on a aussi dénommé organum, fut employé jusque vers la fin du sixième siècle, comme on peut le conclure d'après les citations de Gas- siodore qui, à cette époque, énumérait les différentes manières d'accompagner le chant par des quintes et des quartes consécutives (diaphonie) et d'après les Sentences sur la Musique d'Isidore de Séville on lit ces mots : « Harmonica musica est modulatio vocis et concordantia plurimoruni sonorum et coaptatio. »

A partir du septième siècle l'harmonie fit quelques pro- grès et cessa d'être la diaphonie pure et simple (^) ; toutefois, on ne peut guère dire qu'elle se soit constituée avant le treizième siècle. A partir de ce moment, jusqu'au quin- zième siècle, nous assistons à une véritable éclosion artis- tique.

Il est curieux de voir, en passant, comment et dans quelle succession les accords les plus employés en musique furent découverts à travers la suite des siècles jusque vers l'an l/iOO, et surtout comment l'épanouissement de l'har- monie au treizième siècle, dépendit de l'usage qu'on sut faire de ces accords.

Pendant les dix premiers siècles de l'ère chrétienne,

(1) Les citations des auteurs contemporains tels que Rémi d'Auxerre, Jean Scot Ei'igène au neuvième siècle, le moine Hucbald au dixième, Jean Cottou au onzième sont des plus curieuses. Pour ne citer que ce dernier, voici ce qu'il dit : « Est ergo diaphonia coni^rua vocum disso- nantia qu;c ad minus per duos Gantantes agitur : ita scilicet, ut altero rectam modulationem tenente, aller per aliènes sonos apte circueat et in singulis respirationibus auibo in eadem voce, vel per diapason con- veniant». S'il ne reste pas vestige dans les manuscrits de ce genre curieux d'accompagnement, c'est que l'enseignement du chant au moyen âge était surtout oral. (F. Clément. Histoire de la Musique.)

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nous l'avons dit, on n'eut d'autre système d'accompagne- ment, que Vorganum ou la diaphonie. Celle-ci se réduisait au seul emploi de la quinte, tie la quarte et du mouvement direct. Les instruments étaient peu en usage, et le plus apprécié comme il le sera toujours était la voix humaine.

On finit pourtant par se lasser de la monotonie des accompagnements asservis aux mouvements ascendants ou descendants de la mélodie. Par un esprit de con- tradiction naturel à l'homme autant que par caprice du goût, on s'avisa de faire suivre à l'accompagnement les mouvements contraires de ceux du chant et l'on découvrit ainsi toute une source d'intonations variées qui séduisirent par leur étrangeté. La mode nouvelle fit fureur et les phrases musicales ne devinrent plus que des prétextes à fioritures innombrables. Ces extravagances retardèrent plus qu'elles ne servirent les progrès de l'Harmonie. Cepen- dant, une importante innovation se fit au onzième siècle : on commença à distinguer les intervalles consonants des intervalles dissonants. On trouve dans les annales de Francon de Cologne toute une théorie fort curieuse sur ce point. D'après lui, les accords consonants sont la quinte et l'octave, axiome essentiel aujourd'hui encore en harmonie : il marque aussi comme consonances accidentelles la tierce majeure, la tierce mineure et la sixte majeure. Quant aux dissonances, il en compte seulement six: la seconde majeure, la seconde mineure, l'accord de triton (ou fausse quinte), la sixte mineure, la septième majeure et la septième mineure.

Ces nouvelles conquêtes dans le domaine de la musique

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donnèrent naissance à un autre système d'accompagnement du chant sacré, qui remplaça la diaphonie et s'appela le discantus ou déchant. Un véritable déchant, en effet, si nous en jugeons par les nombreux manuscrits qui en sub- sistent. Cette première forme de l'harmonie, plus complète que celle de Vorganum , fut longtemps une inénarrable cacophonie. Nous pouvons difficilement nous rendre compte avec nos oreilles soumises peu ou prou à une édu- cation musicale moderne, de l'effet que pouvait produire ce déchant (A). Outre que les monuments qui restent de la période la plus ancienne sont fort rares et très difficiles à interpréter, étant écrits en neuraes, de plus, alors même qu'ils seraient fidèlement transcrits sur portée à cinq lignes et en clef de sol, je ne crois pas qu'il se pût trouver de musiciens assez courageux pour reproduire avec la voix ou les instruments ces horreurs musicales, et d'auditeurs assez robustes pour en supporter l'ouïe. La lecture à vue des morceaux même postérieurs que nous possédons, suffit à nous donner l'impression de ce que furent ces premiers vagissements d'une science qui, deux siècles plus tard, devait devenir entre les mains d'un Palestrina, d'un Rameau et d'un Haydn un instrument si merveilleux et si enchanteur !

Inclinons-nous toutefois avec respect devant ces pre- miers pas, tout débiles et chancelants qu'ils soient, car, à travers ces caducs essais d'une science alors à peine frayée, on sent frémir le souffle puissant qui, grandissant peu à

(1) Le nom de déchant, discantus, a été donné à cette manière de chanter à l'église, parce que c'était un chant à deux parties, parfois à trois.

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peu avec les siècles, devait plus tard animer le génie d'un Bach et d'un Beethoven !

Au milieu de tout le fatras harmonique du moyen âge, un point cependant demeure lumineux, c'est le sentiment assez développé que nous rencontrons de la mélodie. Si nous dégageons cette dernière du déchant dont elle est ornée (!), nous trouvons souvent une phrase simple, naïve, rythmée d'après les vers et qui n'est pas dépourvue d'une certaine inspiration. Néanmoins, et c'est ici un point très particulier qu'il est bon de noter, car nous verrons le même phénomène se reproduire, dans la musique protes- tante au dix-huitième siècle à l'égard des psaumes, le peuple se fatiguait d'entendre le fastidieux et monotone plain-chant et lui préférait les déchants, l'introduction du rythme et l'union des parties séduisaient son oreille. Et puis, les vrais créateurs de la musique, à cette époque, ceux qui en trouvaient les airs, les trouvères, faisaient par- fois entendre ces airs, en dehors de l'Église, sur des paroles profanes. Le peuple retenait l'air et les paroles françaises; ce fut la cause de vrais scandales, car il arrivait que pen- dant le service divin, alors que les prêtres et les chantres disaient les paroles latines, le peuple accompagnait en sourdine les chants, en prononçant les paroles profanes en langue vulgaire.

Scudo, dans son Encyclopédie , va même plus loin et n'hésite pas à affirmer que vers la fin du douzième siècle, les contrapontistes ou harmoniseurs qui s'épuisaient à combiner des accords sur le fond monotone du plain-chant grégorien, se voyant dédaignés de la foule, qui préférait à leur science l'art plus amusant des trouvères, eurent l'idée

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de choisir les plus connus de ces airs populaires pour thème de leurs compositions sacrées. . . et le scandale dont nous avons parlé se répétait chaque dimanche à l'oflice divin.

CHAPITRE IV

L'ŒUVRE MUSICALE DE LA RÉFORME

La Réforme ouvrit les yeux de tous sur l'anomalie du culte catholique, on laissait:

A des chantres gagés le soin de louer Dieu !

Elle sut revendiquer la part des fidèles au culte public par le chant en commun. Le chant réformé n'était plus, ainsi que le dit si magnifiquement Michelet, « le morne chant du moyen âge, qu'un grand troupeau humain, sous le bâton d'un chantre ofliciel, répétait éternellement dans un prétendu unisson, chaos de dissonances. » Ce n'était plus la farce obscène et pédantesque des messes galantes , dont VIntrdil était un appel à Vénus et dont le Te Deum ren- dait grâce à l'Amour. Ce fut un chant vrai, libre, pur, un chant du fond du cœur, le chant de ceux qui pleurent et qui sont consolés, la joie parmi les larmes de la terre, un aperçu du ciel.

« Voilà la vraie Renaissance, elle est trouvée ! C'est la Renaissance du cœur. »

Ce fut aussi la Renaissance de l'art. La Renaissance. . . il serait plus exact de dire la naissance , car, jusqu'à la Réforme, on peut avancer, sans être taxé de sévérité, que l'art de la musique en général, et de la musique religieuse

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en particulier, s'était confusément agité dans des limbes dont il n'avait pas réussi à se dégager (i) . A la Réforme revient l'honneur d'avoir fait revivre la mélodie : on ne la connaissait plus ; la musique était devenue, par l'aberra- tion de tous les musiciens et harmonistes, une sorte d'échi- quier où chacun s'épuisait à trouver les combinaisons les plus extravagantes, et c'était au rôle de canevas pour ces fantaisies qu'avait été ravalée la mélodie. L'œuvre de la Réforme, dans le domaine musical comme au point de vue religieux, fut donc une œuvre de bon sens et de loyauté. Il suffit de lire la préface que mit Calvin au Psautier de Marot, pour comprendre que ces lignes furent une révéla- tion au seizième siècle. On est étonné de voir à quel point un homme, qui semblait bien étranger aux choses de l'art, avait eu le sentiment net de la sorte de chant qui conve- nait aux assemblées chrétiennes.

Il abolit d'un coup et la somnolente monotonie du plain- chant et les inconvenantes productions qui déshonoraient l'Église.

(( Entre les choses qui sont propres pour récréer l'homme et luy donner volupté, dit-il, la musique est, ou la pre- mière, ou l'vne des principales, et il nous faut estimer que

(1) C'est ce que ne peuvent se décider à avouer les auteurs catholi- ques qui ont traité de la question. Qu'on ouvre l'un des nombreux ou- vrages d'histoire de la musique religieuse, celui de Pierre Bonnet, du R. P. Lambillotte, ou de JI. de Coussemaker, ou le Dictionnaire de M. d'Ortigue, et l'on y verra avec stupéfaction le silence complet dont la musique protestante est enveloppée. M. Félix Clément lui-même, que nous avions appris à mieux apprécier, demeure tellement aveuglé dans son parti pris de défendre envers et contre tous le plain-chant qu'il ne nomme même pas Goudimel, moins encore Bourgeois, et qu'il ne fait aucune allusion à la musique des psaumes.

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c'est un don de Dieu député à cest vsage. Parquoy d'au- tant plus deuons-nous regarder de n'en point abuser, de peur de la souiller et contaminer , la conuertissant en nostre condamnation, oii elle estoit dédiée à nostre profit et salut... Il est vray que toute parole mauuaise peruertit les bonnes mœurs ; mais quand la mélodie est avec, cela transperce beaucoup plus fort le cœur... Qu'est-il donc question de faire? C'est d'auoir chansons non seule- ment honnestes, mais aussi sainctes, lesquelles nous soyent comme aiguillons pour nous inciter à prier et louer Dieu, à méditer ses œuures, à Hn de l'aimer, craindre, honorer et glorifier. »

Ces paroles sont significatives, et on comprend avec quelle sévérité celui qui les a écrites repoussa, dans la suite, toute proposition tendant à introduire dans le culte d'autres chants que ceux des psaumes, et des psaumes à l'unisson.

Nous n'entrerons point ici dans le détail de la formation de cet admirable psautier huguenot auquel Marot, Th. de Bèze, Goudimel et Bourgeois, ont à jamais attaché leur nom. Ce travail a été magistralement fait par 31. 0. Douen auquel nous emprunterons quelques brèves indications pour ne point interrompre la suite de cette étude.

CHAPITRE V

LES PSAUMES LEURS TRADUCTEURS ET LEURS PREMIÈRES ÉDITIONS

Les Psaumes furent traduits en vers français par Clé- ment Marot, valet de chambre du roi.

Ce n'était pas la première traduction qui en fut faite en

français. Le moyen âge a eu toute une littérature de tra- ductions des Psaumes en vers. Certains de ces psautiers sont loin d'être sans valeur. Tel est celui qu'a publié M. Francisque Michel et qui mériterait une nouvelle et meilleure édition (i). Malheureusement nous ne savons pas si ces psaumes en vers ont jamais été chantés, et ils n'avaient certainement aucun rôle dans le service public.

Nous citerons, pour en donner un aperçu, les strophes 1, 2, 6, 7 du psaume XLTI (kl) :

i. . 2.

Si cum li cerf désirant M'aime out gi ant sei,

La fontaine courant Très cher sire, de tei

Si ai jeo désiré Fontaine de vie,

A venir devant tei, Bel sire, quant vendrai

Car plein es de bunté. Et devant tei apparrai,

Sire, glorius rei. Ne me dampnez mie.

Espeir en lui tut dis, M'aime en sun segrei

Uncore li regeïs Est triblet od mei ;

Ki est mun salvur. Pur ceo m'est subvenu

Il est trestut puisant De la terre de Jordan

E sa merci mult grant U tun fiz out haan

Des faiz del peccheûr. Ki fut petit rien.

Dès la fin du quinzième siècle, dit M. Henri Bordier, on imprimait quelques psaumes rimés en langue vulgaire. On conserve dans nos bibliothèques publiques de petits livrets populaires longs seulement de quelques pages, imprimés vers l/tOS et 1500 à Paris, à Lyon, à Vienne

(') Lïbri Psalmomm versio antiqua (jallica una cum versione me- U'ica. O.xford 1860.

Voir aussi Les Traductions de la Bible en vers français au moyen âge, par J. Bonnard. Paris 1884.

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(en Dauphiné), qui contiennent une traduction rimée des sept psaumes de la pénitence el commencent ainsi :

Domine, ne in furore tuo arguas me

Dieu, en ton iugement Ne m'argue pas, Sire ; En ce siècle présent Me châtie sans ire.

Miserere^ mei Domine,

Ayes mercy de raoy, Et me donnes santé ; Et veuilles ma pauvre ame Wiener a sauueté (i).

Ce ne fut qu'un demi-siècle plus tard, en 1533, que Marot commença une traduction sérieuse et continue des Psaumes. Le premier volume parut en 15/i-2, au com- mencement de Tannée ; il renfermait trente psaumes : les quinze premiers et les psaumes 19, 22, 24, 32, 37, 38, 51, 103, 104, 113, 114, 115, 130, 137, 143. Ce premier psautier ne contenait ni musique ni indications d'airs ou timbres (2) seulement, au titre des Psaumes, Marot a joint, en vue du chant, l'indication du nombre de vers dont se compose la strophe. C'est ainsi qu'on y lit : « Pseaulme premier^ à deux versetz pour couplet à chanter; Pseaulme second, à deux couplelz différents de chant, chascun cou- plet d'ung verset, etc.. (-') ».

(1) Cette traduction des psaumes de la pénitence est fort ancienne et a joui d'une grande faveur. Elle se trouve dans une infinité de manu- scrits du treizième au seizième siècle. Voir Bonnard, ouv. cité p. 139.

(2) On appelait timbre l'indication d'un air sur lequel pouvaient se chanter les couplets.

(3) Ces indications manquent au Psaume XXII et aux neuf derniers.

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Ce fut l'édition française officielle et originale du Psau- tier de Marot (J5/i2), elle était dédiée à François P'. On n'en connaît qu'un exemplaire dont voici le titre ; ce Trente Pseaulmes de David, mis en francoys par Clément Marot, valet de chambre du Roy. Auec priuilege. Imprimé à Paris pour Estienne Roffet, demourant sur le pont Sainct Michel, à l'enseigne de la Rose » in-16, sans date.

Ce psautier unique est à la Bibliothèque Nationale. Mais trois ans avant cette édition princeps, en 1539, les psaumes de Marot avaient paru à Strasbourg, au nombre de douze, mêlés à d'autres, dans une petite plaquette à laquelle Calvin fait souvent allusion dans sa correspon- dance (^), plaquette demeurée introuvable jusqu'à la fin de 1873, et que M. 0. Douen découvrit à la Bibliothèque de Munich.

Comment ces douze psaumes étaient-ils parvenus à Strasbourg? C'est ce qui n'est pas encore absolument expliqué, mais ce dont on est sîjr, c'est qu'ils passèrent par Anvers ils subirent quelques retouches.

Ce fut aussi à Anvers que parut, en J5/il, la plus ancienne édition connue du Psautier : elle a pour titre : uPsalmes de Dauid, translatez de plusieurs autheurs, et principallement de Cle. Marot. Veu, recongneu et corrigé par les théologiens, nommeement par F. Pierre Alexandre, concionateur ordinaire de la Royne de Hongrie ». A la der- nière page on lit : « Imprimé en Anuers par Antoine des Gois, Van i54i. » Le volume est un in-16.

Nous y retrouvons les inqualifiables corrections qu'on

(1) Voir les lettres du 28 juin 1539 à Pierre Toussaint, pasteur à Mont- béliard, du 8 octobre, 27 octobre, 19 décembre mênie année, à Farel.

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fit subir aux douze psaumes de Marot imprimés en 1539 à Strasbourg, et d'autres non moins grossières d'oii il appert, ainsi que conclut l'éminent auteur auquel nous empruntons ces détails, que :

1" L'édition d'Anvers a été imprimée à l'insu de Marot qui n'aurait jamais permis qu'on publiât sous son nom une œuvre si difl'érente de la sienne ;

2" Que cette édition a été faite sur une copie manuscrite des psaumes de Marot.

Quelques mois après l'apparition de cette édition d'An- vers, à peu près en même temps que paraissait à Paris l'édition officielle des psaumes de Marot, il s'éditait à Strasbourg une impression des psaumes de Marot, dite: édition pseudo-romaine, qui sollicite au premier chef notre attention, par son contenu. Elle ne porte pas proprement le titre de Psautier ; c'est une plaquette in-J 8, en carac- tères gothiques, de 160 pages, 29 lignes à la page, dont voici la suscription :

« La manye / re de faire prières aux églises francoy / ses, tant deuant lapredication comme après, j ensemble pseaubnes et cantiques (^) franco / ys qu'on chante aus dictes églises, après sen / siiyt l'ordre et façon d'administrer les sa / cre-

(1) C'est la première fois que nous trouvons la mention Cantiques dans une véritable édition des Psaumes, toutefois, nous l'avons vu plus haut, ce mot se retrouve au titre de la petite édition de Strasbourg 1539, dont M. Douen a découvert l'unique exemplaire que l'on connaisse. {Aul- cuns I Pscaulmes et Cantiques j mys en chant / A Strasbourg, i539.) Ces cantiques qui n'avaient alors pas d'importance pour nous, en prennent avec l'édition pseudo-romaine qui les reproduit. Ce sont : le Cantique de Siméon, les dix Commandements et le Credo. Ce dernier est en prose et ne forme qu'un couplet.

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ments de Baptesme, et de la saincte / Cene de nostre seigneur lesu Christ, de es / pouser et confirmer le mariage deuant j lassemblee des fidèles, aaecques le sermon / tant du Baptesme que de la Cene. Le tout / selon la parolle de nostre seigneur. »

Ce psautier contient une préface :

Av lectevr crestien salut et paix en lesucrist. Puis la manière de célébrer le culte, qui commence par l'invoca- tion, la confession des péchés très peu de chose près, celle que nous disons encore aujourd'hui) , suit ensuite l'ordre détaillé de toutes les parties du culte jusqu'à la bénédiction :

(c Dieu vous bénisse et vous conserue, le Seigneur illu- mine sa face sur vous et vous fasse miséricorde, le Seigneur retourne son visaige vers vous et vous conduise en bonne prospérité. Amen. »

Après quoi viennent les dix-huit psaumes et les trois cantiques du recueil de 1539, plus dix-huit nouveaux psaumes de Marot empruntés au recueil d'Anvers (les Psaumes li, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, U, 22, 24, 37, 38, 104, 113, 115), quatre autres qui ne sont pas de Marot (43, 120, 130, 142) et le Pater de- Marot.

L'ouvrage enfin se termine par six appendices : 1" Insti- tution puérile de la doctrine chrestienne faicte par manière de dyalogues.

2" Du Sacrement du baptesme.

3" Exhortation du baptesme.

De [sic) Sacrement de la Cene.

La forme de confirmer les mariages.

Registre des psalmes.

De l'examen attentif de la liturgie de ce Psautier il

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résulte qu'il était indubitablement destiné à l'Église luthé- rienne de Strasbourg.

Remarquons aussi en passant que noire vieille confes- sion des péchés s'y retrouve telle quelle , ce qui prouve qu'elle n'est pas de Th. de Bèze, à qui on a voulu l'attri- buer. « Quand il la prononça d'une manière solennelle au colloque de Poissy, dit M. 0. Douen, il y avait vingt ans et plus qu'elle était partout récitée tous les dimanches.»

Et maintenant, un mot pour expliquer la désignation bizarre de pseudo-romaine attribuée à cette édition : sous le mot Fin, on y lit : ((Imprimé à Home par le commande- ment du pape, par Théodore Brïisz allemant, son impri- meur ordinaire. Le 15 Feburier. »

Baulacre, Desmaiseaux, Fétis et d'autres qui ont vu ce psautier ont pris au sérieux cette inscription finale, sans réfléchir que le contenu même du volume et les événe- ments historiques au milieu desquels il est éclos, témoi- gnaient contre son authenticité. C'était là, au contraire, une supercherie fort commune alors, et qui était destinée à assurer parmi les catholiques la libre circulation du volume.

Nous trouvons cette ruse employée à la même époque pour différents ouvrages, entre autres pour les Épîtres et Évangiles des 52 dimanches de Lefèvre d'Étaples.

La troisième et plus remarquable des éditions qui virent le jour en 15/i.5, celle de Strasbourg, mérite de nous arrê- ter un moment.

Elle avait il faut mettre, hélas ! un imparfait depuis que les obus du général Werder ont incendié et entière- ment détruit en 1870 les précieuses collections de la Biblio- thèque de Strasbourg qui renfermait l'unique exemplaire

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connu de cette édition elle avait pour titre: «Z/ft forme des prières et chant z ecclésiastiques. Avec la manière d'ad- ministrer les sacremeiis et consacrer le mariage, selon la coustume de V Église ancienne. Imprimé à Strasbourg Van 1545.»

Outre la préface, la liturgie et les trente-huit psaumes de l'édition pseudo-romaine, nous dit M. Douen, qui a connu l'exemplaire avant sa destruction, ce Psautier conte- nait dix des vingt nouveaux psaumes de Marot, et en sus des cantiques de l'édition pseudo-romaine, le Décalogue de Marot, la Salutation à Jésus-Christ, qui peut être con- sidérée comme le premier essai de cantique en dehors des textes bibliques et du Symbole.

Voici les premiers vers de cette Salutation, dont on ne connaît pas au juste l'auteur :

le te salue, mon certain Rédempteur, Ma vraye fianc' et mon seul saluateur, Qui tant de labeur, D'ennuys et de douleur, As enduré pour moy ; Oste de nos cueurs Toutes vaines langueurs, Fol soucy et esmoy.

A notre point de vue spécial, cette regrettée édition de 1545 était particulièrement intéressante, car elle nous fournit les premiers indices d'une tendance dans l'Église à chanter autre chose que les psaumes. Il s'est, en effet, passé dans l'Église protestante, à l'égard des psaumes et de leur usage exclusif au culte , le même phénomène de réaction que nous avons constaté au moyen âge, dans l'Église catholique à l'égard du chant grégorien.

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Toutefois, celle lendance que nous signale le psautier de 15/i5 avec sa Salutation et aussi avec la manière particu- lière dont y est arrangé le Décalogue (^), tendance qu'ac- cusent aussi les psautiers avec musique à plusieurs parties qui apparurent bientôt après, ne put jamais se faire jour en France tant que vécut Calvin. On sait, en effet, la sainte horreur que nourrissait le grand réformateur à l'égard de tout ce qui pouvait ressembler à une intrusion de l'art dans le domaine religieux. Il faut lire en quels termes énergiques il repousse dans un passage de Vlnsti- tution chrétienne le chant à quatre parties.

«Les chants et mélodies qui sont composés au plaisir des aureilles seulement, dit-il, comme sont tous les fringots et fredons de la Papisterie et tout ce qu'ils appellent musique rompue et chants à quatre parties, ne conviennent nulle- ment à la majesté de F Eglise, et ne se peut faire qu'ils ne déplaisent grandement à Dieu».

Ainsi, pour Calvin il n'y avait de chant qui «convînt à la majesté de l'Église» que celui des psaumes et des psaumes entonnés à l'unisson.

Certes, nous ne méconnaissons pas le caractère auguste que peut revêtir le chant des psaumes à une partie, mais nous estimons pourtant peut-être jugeons -nous avec

(1) D'après de Pours, qui a décrit le psautier strasbourgeois de 1545, il y a, outre le Décalogue ordinaire, un autre Décalogue qui commen- çait par ces vers, qui étaient répétés ù la fin de tous les versets du Déca- logue :

Ayons la loi que de sa voix Nous a donné le Créateur, De tous les hommes législateur, Nostre Dieu souverain roy, Kyrie, eleison.

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des oreilles mieux édurjuées que ne pouvaient l'être celles de Calvin et de ses contemporains que l'harmonie d'un Bourgeois ou d'un Goudimel ne peut qu'accentuer plus for- tement ce caractère simple et majestueux des psauuies, bien loin de les faire dégénérer en «fringots et fredons de la Papisterie.» (i)

C'était bien aussi le sentiment général des Églises et de l'autre côté du Rhin, en dehors du rayon Calvin pou- vait exercer son influence autoritaire ; le chant en parties y prit bientôt un grand développement, et c'est à toute cette seconde moitié du seizième siècle que nous devons ces magnifiques chorals allemands qui sont la plus noble et la plus éclatante expression de la foi évangélique. Mais en France et à Genève il ne pouvait être question de tenir têle à Calvin, et Calvin ne devait jamais céder sur ce point.

(1) Ce qu'en revanche nous ne saurions assez sévèrement condamner et rejeter, c'est l'harmonie inquahfiable qu'a eu le triste courage de mettre à nos vieux psaumes JI. Duprato.

Je ne crois pas qu'il existe, dans l'Histoire de la musique, exemple de semblable profanation. On ne peut, à l'heure qu'il est, ouvrir, avec quelque sens musical, un des psautiers de l'ÉgMse réformée sans être révolté à cliaque ligne de ce qu'on y lit. Je n'ai, pour ma part, jamais pu comprendre, comment des musiciens, dont je ne mets pas la science en suspicion, mais dont je déplore le peu de compétence ou le défaut total de tact en cette matière, ont pu assumer la responsabilité de faire, avec une telle désinvolture, pareille besogne de dégradation. Il n'y a, j'en conviens, presqu'aucune faute d'harmonie; mais à part cette réserve, on n'imagine pas tout ce qu'on peut trouver dans les psaumes et cantiques mis à quatre parties par MM. Duprato et Duvernoy. Les accords de septième mineure, les accords de triton, les résolutions d'un accord de dominante d'un ton sur des accords parfaits de tons enhar- moniques immédiatement supérieurs ou inférieurs, c'est-à-dire tout ce qui fait la couleur particulière de l'harmonie de la fin du dix-neuvième siècle, y abondent.

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A partir de 1545, les éditions du psautier se succédèrent rapidement : nous devons dire ici quelques mois de celles qui continrent les psaumes au nombre de cent-un, que Marot n'avait pas traduits et de celles qui renfermèrent enfin le psautier complet.

Marot était arrivé en 1542 à Genève, il publia les Cinquante Pseaumes. Il n'y demeura pas longtemps. L'an- cien protégé de François I" et de la reine de Navarre, dit M. F. Bovet, ne pouvait se faire à la parcimonie du Conseil et au rigorisme du Consistoire. Il se rendit en Savoie, il put encore chanter en 1544 la naissance de François II et la bataille de Cerisoles, et mourut, dit-on, à Turin, à la fin de la même année, (i)

Calvin regretta doublement le départ de Marot. Au point de vue personnel, il dut tout d'abord être fâché de voir un homme tel que lui se soustraire à son autorité, mais ensuite il déplora son départ en raison de l'inachèvement de l'œuvre de traduction des Psaumes. Marot parti, qui pou- vait mener cette tâche à bonne fin ? Cette préoccupation se fait jour à plusieurs reprises dans la correspondance de Calvin, et notamment dans plusieurs lettres adressées à Yiret au courant de l'année 1545. Mais pendant que le grand réformateur s'inquiétait et déplorait peut-être dans son for intérieur une faute irréparable que son caractère altier ne lui eût jamais laissé avouer publiquement. Dieu qui, au-dessus et en dépit des événements et de toutes les ttiisères humaines, dirige toutes choses et prépare en son temps l'instrument pour l'œuvre particulière, s'était choisi

(') C'est la date donnée par Sainte-Marthe, mais elle n'est pas cer- taine.

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l'ouvrier qu'il fallait pour l'achèvement de l'édifice com- mencé à son honneur et à sa gloire. Cet ouvrier, Calvin le rencontra en la personne de Théodore de Bèze.

C'était peu de temps avant le départ de ce dernier pour Lausanne. Un jour que Calvin était allé le voir, il ne le trouva point chez lui; mais ail aperçut sur sa table à écrire un brouillon contenant des vers français: c'était une traduction du psaume XVI: aSois' moy. Seigneur, ma garde et mon appuy. » Il emporta cette feuille à l'insu de l'auteur et la fit lire à ses collègues. Les vers de Bèze leur plurent si fort, que l'on engagea celui-ci à ne pas tarder de traduire les autres psaumes restants. »

Et c'est ainsi que deux années plus tard en 1551, Bèze fit paraître chez Jehan Crespin, les trente-quatre Pseaumes de Dauid, nouuellement mis en rime française au plus près de l'hébreu par Th. de Besze de Vezelay en Bourgogne.

Bèze dédie son œuvre à l'Église persécutée. Cette dédi- cace est un pur chef-d'œuvre de poésie, et nous ne résis- tons pas au plaisir d'en transcrire ici la première strophe :

Petit troupeau, qui en ta petitesse Vas surmontant du monde la hautesse; Petit troupeau, le mespris de ce monde, Et seul thresor de la machine ronde ; Tu es celuy auquel gist mon courage. Pour te donner ce mien petit ouurage ; Petit, je di, en ce qui est du mien, Mais au surplus si grand, qu'il n'y a rien Assés exquis en tout cest uniuers Pour esgaler au moindre de ses vers. Voilà pourquoy chose tant excellente A toy, sur tout excellent, il présente. Et suis trompé, si te la dédier N'est à son poinct la chose approprier.

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Mais Th. de Bèze ne pouvait travailler que dans ses moments de loisir à la traduction des Psaumes. Aussi n'en donne-t-il que six nouveaux dans l'espace de trois ans (155i-155/i). Il fallut attendre jusqu'en 1562 pour avoir une édition complète du psautier. La traduction du premier psaume par Marot, avait commencé en 4533; il ne fallut donc pas moins de vingt-neuf années pour élaborer la mise en vers français des tent cinquante psaumes de la Bible. A partir de ce moment les éditions du psautier se multi- plièrent dans une proportion incroyable. M. 0. Douen en compte 1400 et ne pense pas les avoir énumérées toutes.

CHAPITRE VI

LES MUSICIENS DU PSAUTIER : G. FRANC, BOURGEOIS, GOUDIMEL

Après avoir assisté à la genèse du psautier pour les paroles, nous devons brièvement essayer d'exposer la question épineuse de la musique et de l'harmonie de ce même psautier. Épineuse question, c'est bien ainsi que la qualifiait Baulacre dans le Journal helvétique de 1745. (i) A plus forte raison peut-elle l'être un siècle et demi après les recherches de l'érudit théologien qui dirigeait alors la Bibliothèque de Genève. Toutefois les remarquables travaux de MjM. Riggenbach, Bovet et Douen ont déjà jeté bien de la lumière sur ce qui n'était qu'obscurité pour Baulacre.

(1) Vous voulez qu'on vous dise de quelle inain est lu musique des

psaumes J'ai trouvé ce point d'histoire ecclésiastique embrouillé.

Je ne peux donc vous promettre rien de précis sur la matière.... Cette question est des plus épineuses.» Baulacre, cité par M. Douen, p. GOO.

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Il faut dire que cette obscurité était due en grande partie à l'inexactitude et même aux erreurs grossières des docu- ments consultés, et on avouera que c'est une terrible épreuve pour un historien que d'avoir à contrôler la véracité de ses sources.

Crespin, par exemple, dans son Martyrologe, nous apprend que Goudimel «excellent musicien.... avait heu- reusement besogné sur les psaumes de Dauid en François, lesquels il a mis en musique en forme de motets à quatre, cinq, six et huit parties, et sans la mort eust tost rendu cest œuure accomph.»

Or ce simple passage contient deux erreurs, car il semble indiquer que Goudimel a inventé les mélodies des psaumes, ce qui n'est pas, et qu'il ne put achever son œuvre ce qui est également inexact.

Deux autres historiens, de Thou et Florimond de Rémond reproduisent la même erreur. M. Douen semble cependant ne pas tenir compte d'un passage de ce dernier écrivain qui est plus juste et qui explique celui qu'il a cité. Flori- mond de Rémond dit en effet « que les psaumes ne furent pas d'abord mis en musique comme on les voit aujourd'hui, pour estre chantez au presche », mais que dans le principe « chacun y donnoit tel air que bon lui sembloit, et ordi- nairement des vaux-de- ville. {^) »

0) Ce qui explique parfaitement le passage cité par M. 0. Douen: « Calvin eut soin de mettre les psaumes entre les mains des plus excel- lents musiciens qui fussent lors en la chrestienneté, entre autres de Godimel (sic) et d'un autre, nommé Bourgeois pour les mettre en mu- sique, » ce qui est conforme à la réalité historique. En sorte que Flor. de Rémond, loin d'avoir tort comme le croit notre éminent prédécesseur, serait le seul qui ait dit la vérité, à savoir que l'on chanta d'abord les

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Au fond, ce fut la véritable origine des mélodies de nos psaumes. Mais ce qui a fait l'erreur de presque tous ceux qui ont traité de la musique des psaumes, MM. Bovet et Douen inclus, c'est qu'ils se sont mépris sur la portée de l'expression «mis en musique» que nous rencontrons chez les historiens du seizième et dix-septième siècles et à laquelle on a attribué le sens moderne : composer une mé- lodie et son accompagnement sur des paroles données. Mettre en musique, au seizième et dix-septième siècles, ne signifiait pas inventer une mélodie, mais faire Vharmonie de la mélodie déjà existante, et la meilleure preuve en est que les auteurs du temps ajoutent toujours à l'expression mettre en musique : « à quatre, à cinq, à six et à huit parties. » Qu'on relise à la lumière de cette explication les sources qu'on a crues erronées et l'on verra qu'elles ne s'éloignent pas autant qu'on a voulu le dire de la vérité historique.

Sans entrer dans la question délicate de savoir exacte- ment dans quelle mesure ceux qui ont travaillé à la musique du psautier l'on fait, point qui, d'ailleurs, a été très complètement traité par M. 0. Douen, nous ne pouvons nous dispenser, sous peine de lacune dans notre travail, d'esquisser à grands traits le portrait des trois grands musiciens dont le nom est à jamais attaché à nos psaumes: Goudimel, Bourgeois et Guil. Franc.

Psaumes sur des airs profanes et que lorsque ces airs eurent été con- sacrés ijar quelques années de tradition, Goudimel et Bourgeois les mirent en musique pour former une sorte de canon ecclésiastique des Psaumes. C'est ce même travail que nous formulerons plus loin comme l'un de nos desiderata à l'égard des cantiques.

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GUILLAUME FRANC

Pour suivre l'ordre historique, nous commencerons par parler de Guillaume Franc. Les Registres du Conseil de Genève et les travaux de MM. Riggenbach et H. Bordier nous permettent de nous rendre compte assez exactement de sa vie. Il était à Rouen à la fin du siècle précédent; la date précise nous manque: chassé, très probablement de France par la persécution, il sut, comme de Bèze, sacrifier parents, amis, intérêts, fortune à sa foi, et arriva dans les derniers mois de l'année IS/iO ou au prin- temps de 1541, suivant d'autres, à Genève. La première date exacte que nous ayons de sa vie est celle du 17 juin 1541, à laquelle il lui fut octroyé «licence de tenir école de musique». Calvin était encore exilé à Strasbourg. Deux ans après, Guillaume Franc, chargé d'apprendre à chanter les psaumes aux enfants, voit élever ses gages de dix à cinquante, puis à cent florins. Mais, le 29 mai 1545, ayant demandé une augmentation qui lui fut refusée, il déclara au Conseil ne pouvoir vivre à Genève avec cent florins par an, et le 3 août, lui envoya sa démission.

G. Franc partit immédiatement pour Lausanne, il rempht les fonctions de chantre à la cathédrale et il vécut dans la pauvreté jusqu'à sa mort, en 1570.

Et maintenant quelle part prit G. Franc à la composition du psautier? C'est un point fort difficile à élucider et que seul M. Douen est arrivé à éclaircir par un minutieux examen des Registres du Conseil et des exemplaires raris- simes des psautiers de l'époque. Sans entrer dans autant

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de détails, nous résumerons simplement les conclusions des différents historiens sur cette question :

f( Lorsque Franc arriva à Lausanne, dit M. F. Bovet, on y chantait déjà des psaumes, et, ce qui est assez curieux, on les chantait sur d'autres airs qu'à Genève : ces airs, introduits en 1542, avaient pour auteur le chanoine Gindron. Viret les trouvait beaucoup plus faciles et beau- coup plus beaux que ceux dont on faisait usage à Genève, et regrettait qu'on ne les eût pas imprimés de préférence à ceux-là. »

G. Franc dut d'abord se conformer à la tradition de l'Église de Lausanne, mais bientôt il s'occupa de travailler à l'amélioration de la musique du psautier. Th. de Bèze traduisait de nouveaux psaumes qu'on chantait sur des airs adaptés à d'autres de Marot. G. Franc composa des airs pour ces psaumes, ainsi qu'il résulte d'une pièce datée du Jeudi, 28 juillet 1552 (^). Puis, treize ans après, en 1565, il fit paraître à Genève un psautier sous ce titre: «. le.v psaumes mis en rime française par Clément Marot et Théo- dore de Bèze, avec le chant de V Eglise de Lausanne. »

Dans cette édition, nous constatons que G. Franc a ftiit un double travail. Il a d'abord adapté des mélodies aux 27 psaumes qui n'en avaient pas, et ensuite il a recueilli tant à Lausanne qu'ailleurs, des mélodies au nombre de 19, qu'il a introduites dans son psautier. Or ce psautier est resté exclusivement en usage dans l'Eglise de Lau-

(1) . . .«faire imprimer les psaulmes translatez par Marot en leur pre- mier chant et aussy ceulx qu'a translatés le sieur de Bèze en vng chant que y a mis le chantre de Lausanne (G. Franc) pour les chanter. . . » (Extrait des Registres du Conseil).

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sanne; même cette Église adopta peu après le psautier genevois auquel, plus que probablement, G. Franc ne collabora nullement (i), en sorte qu'il ne reste actuellement rien de l'œuvre de G. Franc, ni comme composition, ni comme arrangement de la musique, dans le psautier des églises réformées de France (-).

LOUIS BOURGEOIS

Le successeur de G. Franc, à la place de chantre de Saint-Pierre à Genève (15/i5) fut Louis Bourgeois, sur lequel les registres du Conseil nous donnent aussi bien des détails intéressants. D'après M. Fétis(3), Louis Bourgeois, à Paris au commencement du seizième siècle, s'attacha à Calvin , et le suivit à Genève , lorsque le réformateur rentra dans cette ville en 15/il. Ce dernier renseignement nous paraît inexact, car les registres du Conseil portent «qu'on fit appeler de Paris, en 1541, un musicien nommé Louis Bourgeois, etc..» Quoi qu'il en soit, les débuts ne sont pas trop malheureux: «le 24 mai 15/1.7, le Conseil lui accorde gratis le droit de cité, attendu «qu'il est homme de bien et qu'il sert volontiers pour apprendre les enfants»;

(^) Ainsi qu'on peut en inférer de la lecture de la Préface qu'a écrite G. Franc en tête de son psautier.

(2) Ce qui, par parenthèse, réduit à néant l'assertion des éditeui-s des Chants chrétiens qui attribuent à « Guillaume Franc 1552 » la musique (nous voulons croire qu'ils ne lui attribuent pas l'harmonie (!) qu'ils en donnent) des psaumes 42, 116, 86, 25, du Cantique de Siraéon, et d'un autre cantique inscrit sous le 64.

(^) Biograpliie des musiciens.

G

trois mois après, on l'exempte «du guet et des terraultx(i) » pour qu'il puisse «mieux vacquer à son étude», et l'on décide de faire faire «un petit poêle à plaque» dans son appartement. Mais bientôt on lui «.décroît» de cinquante florins son salaire. Il supplie qu'on le rétablisse tel qu'il était et même qu'on l'augmente quelque peu «. par contem- plation de sa pauvreté». On se borne à lui donner deux coupes de blé « pour cette fois et pour contemplation de ce que sa femme est prête k accoucher». Un peu plus tard, comme il revient à la charge, on décide «que pour ores l'on n'en parlera plus». En vain, maitre Calvin intercède en sa faveur; le Conseil s'en tient à son arrêté, et huit jours après, indisposé peut-être par l'importunité du pauvre chantre, il le fait mettre en prison pour avoir changé «sans licence» le chant de quelques psaumes. Mais, celte fois encore, Calvin survient, prend le parti de son protégé et obtient qu'il soit relâché au bout de vingt-quatre heures (-).

L'œuvre de Bourgeois dans la musique du psautier n'a pas eu le sort éphémère de celle de G. Franc.

Huit psaumes (5, 7, iO, 11, 12, ik, 37, U5) n'avaient point de mélodie dans l'édition pseudo-romaine de Stras- bourg, 15/i2 : Bourgeois mit, le premier, ces psaumes en musique; d'autre part, il changea la mélodie de douze psaumes et des commandements (ce qui lui valut sans doute sa condamnation) et sa musique est certainement supérieure à celle qui avait été primitivement usitée. Ces douze psaumes sont les n"' li, 6, 8, 9, 15, 19, 22, 24, 32, 38, 51, 113. Déplus, Bourgeois fit quelques retouches

(') La corvée du travail des retranchements. (2) F. Bovet. Histoire du ■psautier, p. 60.

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aux autres mélodies allemandes, sur lesquelles Calvin avait versifié. Toutes ces modifications semblent heureuses et frappées au coin du bon goût.

Lorsque Bourgeois quitta Genève en 1557, il restait donc à traduire et à mettre en musique soixante-deux psaumes auxquels on n'adapta que quarante mélodies.

C'est à cette dernière œuvre qu'est, en particulier, attaché le nom de Goudimel, le premier, le plus noble, le plus savant des harmonistes de notre psautier.

Goudimel n'a pas vu sa mémoire passer, éclatante, à la postérité, pour le seul fait a d'auoir heureusement besogne sur les Psaumes de Dauid. en françois», ainsi que le dit Crespin dans son Martyrologe. Sa réputation était déjà faite avant qu'il s'occupât du psautier, c'est-à-dire avant que la frivolité et la raillerie à l'égard des choses saintes eussent fait place chez lui à des sentiments de piété et de conversion.

CLAUDE GOUDIMEL

D'après MM. Fétis et F. Clément, Claude Goudimel naquit en j510 dans la Franche-Comté, peut-être à Besan- çon. Aucun document certain n'a pu nous apprendre jus- qu'ici qui étaient ses parents et comment il fut amené à se vouer à la musique. Si nous en jugeons d'après ses écrits et particulièrement d'après ses lettres latines qui sont tracées avec facilité et en une langue très choisie, Goudimel, comme Th. de Bèze, dut d'abord être destiné par ses parents aux études littéraires, sans doute au droit, peut-être à la médecine ; mais son irrésistible vocation pour

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la musique vint se mettre au travers des projets paternels et pour y donner carrière, autant peut-être que pour fuir des rigueurs qu'il ne méritait pas, il se dirigea vers Rome, qui était alors ce qu'elle n'est plus aujourd'hui : la ville des arts par excellence et de la musique en particulier. Gou- dimel s'y établit moins pour apprendre, sans doute, que pour perfectionner ce qu'il savait déjà. En 1538, il eut la hardiesse d'y ouvrir la première école publique de musique. C'était beaucoup oser, car jusqu'alors, l'enseignement du chant avait été depuis les temps les plus reculés de la chrétienté, uniquement entre les mains des clercs, qui for- maient dans la sainte routine du plain-chant des chantres destinés aux cathédrales. Ces écoles de chant sacré s'appe- laient des psallettss, et leur moindre défaut était de con- fisquer au profit d'une caste les connaissances d'un art et d'une science, auxquelles ne pouvait suffire l'étroite prison de la basilique, même la plus immense, pour laquelle et par laquelle seulement elles existaient.

En dépit des difficultés qu'elle devait rencontrer, l'entre- prise de Goudimel réussit au delà de ses espérances, et il eut l'impérissable honneur de former des élèves qui por- taient les noms de Palestrina, Animucci, Nanini, Merle, etc., etc.

Ainsi l'école italienne, qui allait conquérir le sceptre du goût et créer un véritable paradis de pureté harmonique, l'école mélodique enfin, qui n'avait point eu de devancière, est fille de Goudimel.

On ne connaît rien de précis de la première phase de la vie de Goudimel ; d'après ce qu'on peut inférer de ses ouvrages, cette vie dut se passer au milieu des frivolités

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d'une cour pontificale d'une part, d'une cour royale de l'autre. Mais il devait, lui aussi, avoir son chemin de Damas. Ce fut sans doute vers l'année 1560, qu'il se tourna du côté de la Réforme. Bourgeois était à ce moment revenu à Paris, et des relations d'amitié purent bientôt s'établir entre les deux musiciens. Ces relations, et probablement aussi le chant des psaumes au Pré-aux-Clercs, qui dut faire une profonde impression sur Goudimel, eurent certainement la plus grande influence sur la direction de sa vie. Pour n'avoir point été brusque, sa conversion ne fut que plus sûre et plus authentique. Demeura-t-il encore à Paris ou s'éloigna-t-il aussitôt de la grande ville, c'est ce qu'aucun document n'est venu jusqu'ici nous apprendre. Il dut cependant fuir la persécution et se réfugier à Lyon, l'un des foyers les plus importants de la Réforme. C'est que la Saint-Barthélemy, dont il fut une des plus illustres victimes, le surprit, encore «occupé de cette musique reli- gieuse, qui fut son crime et la cause de sa mort».

Cinq éditions du psautier, auxquelles Goudimel travailla, parurent de son vivant. Elles reçurent en France et en Suisse le meilleur accueil ; toutefois, il convient de constater, à notre confusion, que les psaumes harmonisés par Gou- dimel furent autrement goûtés à l'étranger qu'en France. La musicienne Allemagne sut, entre autres, les estimer à toute leur valeur. Il résulte en effet, de la bibliographie du sujet que, dès 1565, un jurisconsulte saxon, Ambroise Lobwasser, ravi de l'harmonie de Goudimel qu'il avait entendue en France, acheva de traduire les psaumes de Marot et de Th. de Bèze, en en conservant scrupuleuse-

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ment le rythme. La première édition de ce psautier alle- mand, dont un exemplaire se trouve à la Bibliothèque Nationale, parut en 1573, et depuis ce premier psautier de Lobwasser, près de 300 éditions parurent en alle- mand, c'est-à-dire presqu'autant qu'en français. Et le psautier de Marot, de Th. de Bèze et de Goudimel ne fut pas moms populaire en Suisse et en Hollande. M Félix Bovet ne cite pas moins de trente auteurs, qui ont travaillé en Hollande au psautier.

Quant à la Suisse, elle a conservé, presque jusqu'à nos jours, le psautier de Goudimel avec quelques modifications.

CHAPITRE VII

LES PREMIERS CANTIQUES PROTESTANTS FRANÇAIS

Tel était donc à la fin du seizième siècle le point de développement de l'hymne protestant français. Le chant des Psaumes, des Commandements, du Décalogue était seul en usage. Calvin avait sévèrement proscrit toute autre sorte de chant qu'il eût qualifiée de profane. Et de fait, les paroles et la musique des psaumes convenaient admi- rablement à la grandeur et à la majesté de cette première Eglise réformée, qui allait avoir tant de luttes à soutenir tant de persécutions à subir, tant d'obstacles à surmonter' Elle avait besoin d'épancher toute son àme dans ses chants comme le psalmiste, de puiser auprès de son Dieu ce secours qui ne l'abandonna point au sein même des plus grandes détresses, et de s'écrier avec le roi-prophète-

« Éternel, je cherche en toi mon refuge : que jamais je ne sois confondu, car tu es mon rocher, ma forteresse; sauve ton peuple et bénis ton héritage ! »

Les psaumes furent donc, à euK seuls, la vivante et glorieuse expression de cette vaillante piété huguenote qui, dans son ensemble, jamais ne défaillit; ils furent pour ces vieux géants le cri de guerre qui leur assurait la victoire, parce qu'au delà de cette terre pour laquelle ils mouraient, leur regard se portait plus haut, vers les cieux, vers la patrie céleste et lumineuse qui allait les recevoir parmi des chants de triomphe. Mais les psaumes ne pouvaient demeurer toujours et exclusivement le cantique de l'Eglise. A l'hymne guerrier devait succéder le chant de paix. L'Église, après avoir conquis et affirmé au prix de quelles luttes et de quel sang versé! sa liberté, devait sentir le besoin de formuler sa foi et de la proclamer en prose et en vers; la personne de Jésus-Christ, le Dieu qui n'était plus l'Éternel fort et jaloux, punissant l'iniquité des pères sur les enfants, mais le Père Céleste, aimant, par- donnant et bénissant a travers toutes les défaillances, les infirmités et les rebellions, n'avait pas sa place dans les psaumes; à la piété nouvelle, il fallait des chants nou- veaux. De ces tendances diverses naquit le cantique; il n'eut être qu'un complément légitime et nécessaire des psaumes... par un sentiment d'exagération naturel à l'esprit humain et particulièrement à l'esprit français, il fut une réaction contre les psaumes. On fit litière du passé _ de ce passé à jamais si glorieux pour ne penser qu'au présent et pour ne rêver qu'à l'avenir. Nous ne constatons pas cette erreur de notre siècle sans la déplorer

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meot le rythme. La première édition de ce psautier alle- mand, dont un exemplaire se trouve à la Bibliothèque Nationale, parut en 1573, et depuis ce premier psautier de Lobvvasser, près de 300 éditions parurent en alle- mand, c'est-à-dire presqu'autant qu'en français. Et le psautier de Marot, de Th. de Bèze et de Goudirael ne fut pas moins populaire en Suisse et en Hollande. M. Félix Bovet ne cite pas moins de trente auteurs, qui ont travaillé en Hollande au psautier.

Quant à la Suisse, elle a conservé, presque jusqu'à nos jours, le psautier de Goudimel avec quelques modifications.

CHAPITRE VII

LES PREMIERS CANTIQUES PROTESTANTS FRANÇAIS

Tel était donc à la fin du seizième siècle le point de développement de l'hymne protestant français. Le chant des Psaumes, des Commandements, du Décalogue était seul en usage. Calvin avait sévèrement proscrit toute autre sorte de chant qu'il eût qualifiée de profane. Et de fait, les paroles et la musique des psaumes convenaient admi- rablement à la grandeur et à la majesté de cette première Eglise réformée, qui allait avoir tant de luttes à soutenir, tant de persécutions à subir, tant d'obstacles à surmonter. Elle avait besoin d'épancher toute son âme dans ses chants, comme le psalmiste, de puiser auprès de son Dieu ce secours qui ne l'abandonna point au sein même des plus grandes détresses, et de s'écrier avec le roi-prophète:

« Éternel, je cherche en toi mon refuge : que jamais je ne sois confondu, car tu es mon rocher, ma forteresse; sauve ton peuple et bénis ton héritage ! »

Les psaumes furent donc, à eux seuls, la vivante et glorieuse expression de cette vaillante piété huguenote qui, dans son ensemble, jamais ne défaillit; ils furent pour ces vieux géants le cri de guerre qui leur assurait la victoire, parce qu'au delà de cette terre pour laquelle ils mouraient, leur regard se portait plus haut, vers les cieux, vers la patrie céleste et lumineuse qui allait les recevoir parmi des chants de triomphe. Mais les psaumes ne pouvaient demeurer toujours et exclusivement le cantique de l'Église. A l'hymne guerrier devait succéder le chant de paix. L'Église, après avoir conquis et affirmé au prix de quelles luttes et de quel sang versé! sa liberté, devait sentir le besoin de formuler sa foi et de la proclamer en prose et en vers; la personne de Jésus-Christ, le Dieu qui n'était plus l'Éternel fort et jaloux, punissant Tiniquité des pères sur les enfants, mais le Père Céleste, aimant, par- donnant et bénissant à travers toutes les défaillances, les infirmités et les rebellions, n'avait pas sa place dans les psaumes; à la piété nouvelle, il fallait des chants nou- veaux. De ces tendances diverses naquit le cantique; il n'eût du être qu'un complément légitime et nécessaire des psaumes... par un sentiment d'exagération naturel à l'esprit humain et particulièrement à l'esprit français, il fut une réaction contre les psaumes. On fit litière du passé de ce passé à jamais si glorieux pour ne penser qu'au présent et pour ne rêver qu'à l'avenir. Nous ne constatons pas cette erreur de notre siècle sans la déplorer

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profondément; mais malgré tout, nous avons encore foi dans le bon sens de nos compatriotes et coreligionnaires, et nous espérons que dans un contingent plus ou moins éloigné, on reviendra de cet enthousiasme immodéré et désordonné nous Talions montrer tout à l'heure pour le cantique, et qu'on saura rendre au psaume la place d'honneur qu'il doit occuper dans l'hymnologie de l'Église protestante de France.

A côté du psautier, nous rencontrons, au seizième siècle, toute une autre littérature poétique et musicale particulièrement intéressante : nous voulons parler des chansonniers. Les morceaux qu'ils renferment ne sont plus des psaumes et pas encore des cantiques, ce sont des sortes de chansons sérieuses qui naquirent en partie des persécutions auxquelles étaient en butte les protestants de France. C'est ainsi qu'en 1524, Marot faisait l'une de ses chansons intitulée : (^Chanson pour protester de servir à Dieu toute sa vie. » Nous trouvons aussi une chanson de 1532 : « La chanson des dix commandements de Dieu » par Anthoixe Salnier, pasteur dans le canton de Vaud.

Le volume de M. Bordier contient encore sept chansons tirées de la seconde édition d'un recueil que fit paraître en 1533 l'imprimeur Pierre de Vingle. La première édition ou plutôt le premier recueil de P. de Vingle ne contenait que cinq chansons : il avait pour titre : « Chansons nou- velles, démonstrant plusieui's erreurs et fauisetés. » Sans noms d'auteurs, par prudence vis-à-vis de la persécution. Le second édité la même année à Neuchàtel a pour titre : Belles et bonnes chansons que les chrestiens peuvent chanter en grande affection de cœur. » Jl contient dix-neuf

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pièces. Un troisième recueil de 1533 encore, contient vingt-quatre chansons la plupart de Mathieu Malingre, pasteur à Neuchâtel.

Ce sont les trois premiers chansonniers huguenots : ils furent bientôt suivis de plusieurs autres, car la littérature des chansonniers va de 1533 à 1C78. En 1546, Eustorg de Beaulieu, ancien prêtre catholique passé à la Réforme, fit paraître des (l Chansons spirituelles sur la Sainte-Cène :d et une nChrestienne réjouissance)) contenant 160 chansons dont il fit paroles et musique.

M. H. Bordier nous a aussi révélé l'existence d'autres chansonniers édités en 1548, 1560, à Lyon. Enfin, en 1555 parut un recueil général qui a été fréquemment réimprimé. De tous ces chansonniers il nous reste 650 mor- ceaux qui nous permettent de nous rendre très suffisam- ment compte de ce que fut la poésie huguenote au seizième et au dix-septième siècles. Le fond en est sérieux, la forme enjouée et piquante. L'esprit non plus ne manque pas. Quant à la musique qui accompagne ces morceaux, elle est souvent empruntée à des airs profanes ou à ceux des psaumes ; parfois aussi elle est originale.

Nous devions au chansonnier huguenot, et à la place qu'il occupe dans notre histoire du protestantisme, les quelques lignes que nous lui avons consacrées. Nous ne pouvons mentionner que pour mémoire les Noëls que Jean Daniel, organiste, qui vivait sous Henri II, composa ou rassembla. «Ils n'ont d'ailleurs, dit M. Lutterolh, dans le Semeur de 1837, d'autre mérite que celui de la plus folle gaieté.

D'une tout autre valeur sont les Chajisons spirituelles

de Marguerite de Valois, sœur de François P', qui sont de véritables cantiques dictés, malheureusement par des cir- constances trop particulières (^) pour pouvoir être utilisés dans le chant public et ternis aussi, il faut bien le dire, par le souvenir d'un autre ouvrage qui sortit de cette même plume royale, et qui s'appelle VHeptaméron.

Il y eut encore une multitude d'essais de cantiques aux- quels sont restés attachés les noms de Remy Belleau et de Joachim du Bellay : nous noterons aussi ceux du sieur de Valagre et du sieur de Maizon-Fleur composés sur des passages de la Bible cités en marge. Ces cantiques ne paraissent jamais avoir été chantés.

Quant aux cantiques de Racine et de P. Corneille, nous en parlerons plus loin.

La première tendance d'introduction de cantiques parmi les chants sacrés de l'Église date de Th. de Bèze. Nous trouvons dans les Registres de la Compagnie des pasteurs trois passages qui font allusion à des cantiques que Th. de Bèze aurait composés et dont il aurait fait à la fois paroles et musique (-). En effet, dès l'année 1595 paraît une pre-

(1) Ainsi une prière pour la guérison de François I", son frère ; une autre à l'occasion de la mort du Roy; une autre pour le triomphe de la vérité sur les persécutions.

(2) Voici ces trois passages qu'on peut lire dans l'Histoire de la uiusique de M. Marcillac de Genève :

« Le 31 octobre 1595, fut parlé en la Compagnie de cantiques nouvel- lement traduits et mis en rime et en nmsique i)ar M. de Besze, et ce parce que les frères d'Aiigletene auroient demandé s'ils les chanteraient en leurs assemblées. «

1597. « L'avis fut pris qu'à cause que cela auait longtemps traisné, on prieroit M. de Besze, auec trois ou quatre musiciens, de corriger

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mière édition des Saincts Cantiques recueillis tant du Vieil que du Nouueau-Testament, mis en rime française par Th. de bèze.

Ces Cantiques sont au nombre de dix-sept : il est curieux de constater, en les examinant, que de Bèze n'a pas voulu, malgré l'autorité de sa personnalité et de son grand âge (il avait alors environ quatre-vingts ans), heurter de front l'opinion publique et les théories rigoureuses de Calvin en matière de chant ecclésiastique. Son but était simplement de combler la lacune que laissaient les psaumes dans le chant sacré; aussi, se contente-t-il d'abord de faire seulement des paroles auxquelles il adapte l'air de certains psaumes. Sept de ses cantiques sont de ce nombre, le huitième est le Cantique de Siméon qui a conservé sa mélodie ordinaire, quant aux neuf autres cantiques, si leurs mélodies ne sont pas exactement celles d'autres psaumes, au moins s'en rapprochent-elles d'assez près (i).

quelques tons auxdits cantiques et quand cela fait, on lespourroit chan- ter en l'Église moyennant le contentement de Jlessieurs. »

Mars 1597. « Les cantiques de M. de Besze ont été remis en chant par vn personnage d'Auuergne, pour voir si on pourroit les chanter en l'Église. Donné charge à M. Goulart de les essayer auec quelques musi- ciens. Ce que sachant M. de Besze a aussi fait la musique ; ces musi- ciens lui trouvent plus d'air qu'au personnage d'Auuergne : il est adopté, en changeant quelques tons des pseaumes. »

(1) Nous ne serions pas éloignés de croire que Th. de Bèze, en arran- geant lui-même la musique de ses cantiques, n'a jamais eu la pré- tention de faire une œuvre originale. Certains écrivains lui ont préci- sément reproché d'avoir plagié des airs de psaumes. Il paraît hien difficile d'admettre qu'un vieillard déjà sur le déclin ait soudainement entrepris, sans connaissances techniques, de composer de la musique pour ses cantiques ; il nous paraît heaucoup plus naturel de supposer qu'il a volontairement fait ses mélodies en les tirant de celles des

Il est triste de constater qu'aucun des cantiques de Th. de Bèze n'a subsisté dans l'usage de l'Église, non pas seulement jusqu'à notre siècle, mais seulement jusqu'à Benedict Pictet qui, en 1703, n'en a pas même connais- sance.

De l'œuvre hymnologique musicale protestante du seizième siècle, nous avons donc examiné les deux plus importants monuments: nos impérissables psaumes et les chansonniers. Il nous reste à en voir un troisième mor- ceau, le plus ancien, le plus admirable de tous, celui qui à jamais demeurera par excellence l'hymne glorieuse de l'Église évangélique de toute dénomination, nous avons nommé le Choral de Luther.

CHAPITRE VIII

LE CHORAL DE LUTHER

Il n'entre pas dans le cadre déjà très étendu de cette étude, de faire à propos de ce cantique des recherches sur les développements du chant sacré de l'autre côté du Rhin, et si nous nous départissons pour une fois de la règle que nous nous sommes donnée de ne pas franchir les limites de la France et de l'Église réformée, c'est parce que le

psaumes. C'est ainsi qu'on peut s'expliquer d'une manière fort plau- sible que son cantique III : le parleray, deux, donmj audience, Terre s'apîorestc à mon dire escouter, etc.. a pour musique (avec modifica- tions) une phrase du psaume II, puis une autre du psaume XIII, puis deux du psaume XI et enfin une dernière du psaume XXXII.

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Choral de Luther est tout aussi en honneur et en usage dans nos Églises françaises que dans les Églises allemandes.

La plus grande obscurité a longtemps régné sur la composition musicale et poétique du Choral de Luther: nous n enumérerons point ici les différentes hypothèses qui ont eu cours jusqu'à ces toutes dernières années, puis- qu'un livre récent de littérature allemande (i) vient de jeter une lumière complète sur ce point si intéressant de critique historique, et, par la découverte du manuscrit même de Luther, a mis fin à toutes les conclusions plus ou moins exactes qu'avaient pu tirer les historiens de docu- ments incertains.

D'un mot, nous dirons que le Choral de Luther a été composé en 1530, comme l'atteste une brève note de la main même de Luther, placée en tête du manuscrit que nous reproduisons ci-après. Cette note est ainsi conçue :

Hat myr verehret meyn guter freund Herr Johann Walther Componisl Musicc zu Torgaw 1530 dem Gott gnade.

Martinus Luther. {^-)

Quant au manuscrit du Choral, le voici tel que la pho- togravure nous a permis de le reproduire.

(1) Deutsche Literaturgeschichtc von Robert Kœnig. Bielefeld et Leipzig. 1881.

(2) « Mon bon ami, M. Johann Walther, compositeur de musique, Torgau, 1530 (que Dieu lui fasse grâce), m'a dédié ceci.

/ S l 0

Çat mijr »cref)rct mcijit giiter grcunlt Gomponift ÎOJuîice 1530

bem (Sott gnabe \

^^^^^^^

1

"T~" ^ y. ^ ^ ,i , ^ V c

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En examinant attentivement ce document, on remar- quera qu'en dépit de l'absence totale de division en mesures, il y a cependant un signe métrique placé en tète de la première portée et que si l'on tente, sans changer en rien la mélodie ou le rythme, de faire entrer l'air dans les divisions métriques, on y réussit pleinement : même les syncopes auxquelles on est obligé d'avoir recours dans une telle transcription, donnent un caractère singulière- ment original et vigoureux à cette hymne magnifique. Nous donnons ici le chant réduit de clef d'ut 3'"^ ligne en clef de sol, pour la commodité de la lecture, mais sans trans- position de ton.

Musique originale du Choral de Luther (1530) transcrite de clef d'ut ligne en clef de sol.

Le cantique de Luther se chantait donc originellement en fa, ton qui peut nous paraître élevé, mais qui ne l'était guère en réalité pour les chanteurs du temps, si l'on songe

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d'abord que depuis lors, la tonalité du diapason a été exhaussée, que, de plus, le timbre des voix était au seizième siècle plus aigu qu'au dix-neuvième, puisque la plupart de nos psaumes étaient écrits dans des tons qui nous sont impossibles aujourd'hui, et qu'enfin le Choral de Luther n'était pas originairement, ainsi que le prouve le manu- scrit que nous avons reproduit plus haut , destiné à être chanté en parties.

On voit quelles modifications a subies ce chant en pas- sant à travers les différents recueils pour parvenir jusqu'à nous. Quand on a l'oreille pénétrée de la mélodie ordinaire sur laquelle nous le chantons, on croit presque à un lapsus calami, à une omission de note dans le manuscrit de Johann Walther entre la 5" et la 6' note ; nous avons, en eflét, l'habitude de chanter ce passage comme suit (nous gardons, pour faciliter la comparaison, le ton de l'ori- ginal) : _^

c'est un rem- part que no- tre Dieu!

La transition entre le et le fa paraît brusquée, nous avons introduit une note de repos. Celte note a parfaite- ment tort, quelque étrange que cela puisse paraître, preuve en soit le parallélisme parfait que le compositeur a observé dans le rythme des deux premières phrases musicales (i), et qui se trouve rompu par l'introduction d'une note de repos.

Cette simple remarque témoigne, à côté de toutes les

(1) Et aussi la dernière du morceau qui reproduit la deuxième.

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autres preuves, de la parfaite antiquité et authenticité du manuscrit reproduit. Il est tout entier de la main de Johann Walther, maître de chapelle et probablement aussi instituteur à Torgau, qui composa la musique sur les paroles que Luther avait faites. Notre document est tiré de la collection d'hymnes et de compositions de Johann Walther (1530) dont Luther se servait.

Nous savons, en effet, combien Luther aimait la mu- sique et quelle large place il faisait au chant sacré dans l'édification religieuse. Il composa lui-même trente-sept cantiques, dont la majeure partie (20) fut écrite en 1524. Huit d'entre eux sont originaux, sept sont des imitations de psaumes qu'il affectionnait et d'autres ont été écrits soit à l'occasion de fêtes telles que Noël ou Pâques, soit pour les enfants. Notre choral : Ein {este Burg ist unser Gott (C'est un rempart que notre Dieu) est imité du psaume XLVI.

Ratzeberger, dans sa Vie de Luther, dit que le réforma- teur avait l'habitude, chaque jour, après le repas du soir, d'aller chercher dans son cabinet de travail ses livres de musique, et de tenir avec ceux de ses amis qui étaient musiciens, une séanfce de chant, il entonnait d'une voix fraîche et joyeuse ses plus beaux cantiques. Notre fac- similé serait tiré de l'une des partitions de Luther.

Nous avons signalé la supériorité de la mélodie ori- ginale sur l'air usité aujourd'hui. Cette supériorité éclate aux yeux ou plutôt aux oreilles, de deux manières : nous remarquons d'abord le rythme alerte et vigoureux des trois premières phrases, du aux syncopes, et qui cor- respond si parfaitement aux paroles ; la troisième phrase notamment est admirable, surtout lorsqu'on la compare

s

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aux monotones blanches qui la remplacent dans nos recueils actuels. Les deux premières ne renfermaient que des noires, à la troisième phrase, l'élan est plus vif encore et nous voyons apparaître deux croches. Puis, nous rencontrons un véritable trait de génie dans le contraste que forme le chant large des deux phrases suivantes en blanches, qui semble comme un écho céleste au cri de guerre des trois premières phrases, et enfin la dernière phrase reprenant comme en un chant de triomphe la mé- lodie de la deuxième. Il y a dans tout ce morceau un drame puissant, admirablement traduit en musique. Tout le génie intime de la Réforme se trouve exprimé dans ce simple chant.

Johann Walther a fait passer dans sa musique, en les y exaltant, les sentiments de foi et de force qu'avait mis Luther dans ses paroles, et le réformateur avait bien saisi toute la valeur de ce chant, lorsqu'il a écrit dans la notice citée plus haut: «Mon bon ami Johann Walther, m'a dédié cette musique. ».

Il est douloureux de constater à quel point trois siècles et demi ont pu décolorer cette œuvre magistrale à laquelle faire la moindre retouche est une profanation. La seule excuse qu'on pouvait invoquer était l'absence du manuscrit jusqu'à la seconde moitié de ce siècle. Maintenant que nous avons le privilège de le posséder, nous proposons très catégoriquement d'en revenir au texte primitif. A cet effet, et pour ne pas perdre de vue le but pratique de ce travail, nous avons reconstitué le Choral de Luther avec l'harmonie du seizième siècle, et nous l'avons transposé dans le ton le plus convenable aux voix. Tous ceux qui

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sont soucieux de la vérité historique et de la version ori- ginale de la musique apprécieront à sa valeur cette vieille et magnifique hymne dans sa simplicité. On a voulu l'ar- ranger, on l'a costumée au goût du jour, c'est encore dans sa naïveté première qu'elle est le plus belle (^).

CHORAL DE LUTHER

Mélodio originale de 1530, réduite en mesures avec Harmonie du XVIe siècle.

(') Nous tenons à remercier ici l'un de nos plus éminents musiciens, M. Ch. M. "Widor, organiste de Saint-Sulpice, qui a bien voulu vérifier cette reconstitution.

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La place nous manquerait si nous voulions noter ici les transformations qu'a subies le choral de Luther. Outre qu'il a inspiré les plus magnifiques pages à nos maîtres- compositeurs (1), il a passé dans l'hyranologie de l'Église évangélique de tous les pays. Nous le retrouvons en Angle- terre, en Suisse, en Danemark, en Suède, en Belgique et en Hollande. En France, nous avons, pour les paroles, deux versions absolument dissemblables du Choral de Luther : l'une est celle du Recueil de cantiques luthérien qui n'est qu'une traduction versifiée (-) de l'allemand, l'autre est celle des Chants chrétiens, de beaucoup supé- rieure et qui a été uniformément reproduite dans tous les recueils de langue française. Voici ces trois textes {^) :

Original allemand de Luther.

Kin' feftc S3iir9 ift uiiier ®ott, Gin' gutc 2Be^t mib Sffiaffen: Gr ^ilft uii§ î'vei au§ aller 9îot, S)ie unê ie^t ^at betroffen.

Recueil luthérien.

C'est un rempart que notre Dieu, Une invincible armure, Notre délivrance en tout lieu, Notre défense sûre.

(1) Entre autres à J. Sébastien Bach, Meyerbeer et Thalberg.

(2) Nous n'osons pas dire poétique.

(3) La place nous fait défaut pour reproduire les quatre strophes, nous nous bornerons à la première et à la quatrième.

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Ser alte bofe g^eir.b mit enift erê ie^t meint; ©rofj SJÎoc^it imb uiel Sift 6ein graufam Diiiftung ift-, ?liif Grb'n tft nid;t îeinê ©leidjen.

S)a§ aBort [ie l'oHen laffen [fan

Unb fein' S)anE barju ^abeii.

Gr ift bei un? m\)[ auf bcm î^laii

5Kit ©etnem ©eift nnb ©aben.

3'(e^men fie ben Seib,

(Sut, ei)v', iîinb unb 2Seit) :

©ie l^aben'ê fein (Seroinn ;

S)as Jîeid) mujj un§ bodj bleiben.

On voit maintenant Perfide et puissant, Cruel, menaçant, L'ennemi rugissant Nous prodiguer l'injure.

La Parole doit subsister,

Elle est incorruptible.

L'Esprit saint, qui peut nous l'ôter

Et sa force invincible?

Prenez donc nos biens

Nos fils, nos soutiens,

Chargez-nous de liens ;

Notre Dieu donne aux siens

Le règne indestructible.

Version française du Choral de Luther.

C'est un rempart que notre Dieu.

Si l'on nous fait injure,

Son bras puissant nous tiendra lieu

Et de fort et d'armure.

L'Ennemi contre nous,

Redouble de courroux

Vaine colère !

Que pourrait l'Adversaire ?

L'Éternel détourne ses coups.

Dis-le ! ce mot victorieux

Dans toutes nos détresses !

Répands sur nous du haut des cieux

Tes divines largesses !

Qu'on nous ôte nos biens,

Qu'on serre nos liens,

Que nous importe !

Ta grâce est la plus forte.

Et ton royaume est pour les tiens.

Il n'est pas nécessaire d'insister sur l'incomparable valeur de cette traduction, surtout lorsqu'on la compare

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aux quatre rimes riches en iens qui ornent la dernière strophe de la traduction luthérienne. Le caractère même de ce morceau poétique, avec l'apostrophe de la seconde personne du singulier (2« et strophes), en marque la date. Il est contemporain des chants de Sion et du Réveil de 1830 (i).

Nous ne pensons pas qu'il y ait rien à changer dans les paroles du cantique de Luther (version française {-). Quant k la musique, nous avons exprimé notre pensée. Nous ajouterons pour ceux qu'effraieraient les difficultés d'un retour à la mélodie originale qu'il serait infinirnent meilleur, au lieu de la médiocre harmonie qui se trouve dans tous les recueils, d'adopter, pour le chant à quatre parties, la transcription de S. Bach, qui est conforme pour la partie de soprano à la mélodie reçue. Voici cette transcription qui forme le finale de la belle cantate : Ein [este Burg {^).

(1) Ces admirables paroles sont, en effet, comme nous le verrons plus tard, de M. II. Lutterotli.

(■^) Nous engageons bien vivement nos frères de l'Église luthérienne à se rallier, dans l'intérêt même de l'unité du chant ecclésiastique, surtout pour un cantique de cette nature, à la version française, la seule qui soit digne de la beauté de l'original allemand, et de la musique.

(3) A ce propos, nous mentionnerons pour mémoire seulement la version française (paroles) du Glioral de Luther qu'a donnée JI. Maurice Bouchor dans sa traduction de l'Oratorio de S. Bach (1885).

CHORAL DE LUTHER

Harmonie de J.-S. Bach.

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CHAPITRE IX

DU CHANT A L'UNISSON ET OU CHANT EN PARTIES

Nos transcriptions du Choral de Luther et nos recherches pour la reconstitution de l'harmonie primitive nous amènent tout naturellement à exprimer ici notre avis sur la question si controversée du chant à l'unisson ou du chant en parties. C'est une difficulté qu'on a trop souvent tranchée sans arguments plausibles, à peu près comme Alexandre avait résolu le nœud gordien. Il nous semble qu'elle mérite un peu plus d'attention. Nous dirions volontiers que de l'attitude prise à cet égard, dépend la vie ou la mort du chant dans nos églises. Nous nous étonnons toujours davantage, de voir qu'alors que tant de qualités, tant de connaissances solides sont, à bon droit, requises chez les hommes appelés à être les conducteurs de l'Église, une seule demeure indifférente ou négligée: celle de la musique. Et l'on s'étonne après cela de voir notre Chant sacré languir et se traîner, impuissant, dans la plus pitoyable médiocrité! Il n'était point ainsi aux temps premiers de l'Église, alors qu'une bonne voix et la connaissance du chant faisaient partie des attributs exigés de ceux qui se destinaient au ministère; où, dans les écoles, on apprenait aux enfants leurs notes parfois même avant qu'ils ne sussent lire, au temps oi^i un Luther et un Bour- geois réclamaient que l'Église chantât. Nous répétons donc, ce qui est notre profonde conviction et ce que nous disions au commencement de ce travail, a savoir : que le chant est

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un des éléments essentiels de notre culte et qu'il est cou- pable de ne s'en préoccuper que d'une manière nonchalante et inefficace. Or, pour que le chant acquière la valeur que nous lui voudrions voir, faut-il qu'il soit à l'unisson ou en parties?

Ici, nous sommes obligés d'entrer dans des détails techniques indispensables.

Dans nos églises protestantes, le chant n'est pas l'apanage exclusif du ministre, mais chaque membre de l'assemblée y prend ou doit y prendre part, ce chant est composé de bien des éléments différents. Il y a d'abord les voix féminines qui font avec facilité les notes les plus élevées de nos cantiques; ces voix elles-mêmes sont divi- sées en deux catégories: les soprani qui montent le plus haut et les contraltic^i descendent le plus bas. Il y a ensuite les voix d'enfants dont la portée est à peu près la même. Puis viennent les voix d'hommes, beaucoup plus graves et se subdivisant, elles aussi, en basses et en ténors. Or ces voix doivent être utilisées toutes, et telles que la nature les a faites, car nous n'entrons pas ici dans l'hypothèse de voix cultivées par l'étude et ayant acquis une ou plusieurs notes qu'elles n'avaient pas naturellement. Il est donc nécessaire de se rendre compte de l'étendue ordinaire de ces différentes sortes de voix, de connaître quelles notes chaque catégorie peut facilement produire. On peut compter en moyenne que chaque sorte de voix a une étendue d'une octave; les voix de basse feront sans difficulté la gamme montante à partir du sol grave:

G ^

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Les voix de ténor iront du au-dessous de la portée au ligne :

Les voix d'alto descendront une note plus bas :

i

0-

Quant aux soprani, ils ne peuvent sans effort monter au-dessus du mi [? k' interliene :

1

Telles sont les ressources vocales dont on peut disposer partout, dans une église de ville ou dans le plus humble temple de village. Voyons maintenant de quelle manière on peut utiliser ces ressources.

Admettons un chant à l'unisson. Pour que chacun puisse chanter avec la voix que la nature lui a donnée, il faudra que la totalité des chants d'un recueil soit circon- scrite dans la limite des notes communes aux quatre voix. Or veut-on savoir quelle étendue embrassent ces limites, d'après ce que nous venons de dire des voix? Une octave tout au plus; de Vut première ligne à ViU interligne (^).

(1) Voir à l'appui de ces assertions, la.AIéthode de Solfège et de Chant de Damoreau, l'A B G musical de Panseron, l'Harmonie élémen- taire de Barbereau.

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Il faudrait donc que toutes les mélodies de cantiques, quel que soit le ton dans lequel elles sont écrites, fussent circon- scrites dans les limites de sept notes, d\it à ut. Voilà logiquement à quelle nécessité irréductible on est conduit avec la prétention d'un chant à l'unisson. De tous les cantiques ou psaumes composés jusqu'ici à notre connais- sance ^ il ne s'en trouve qu'un seul qui répondiait à ce programme , c'est le cantique de Malan : « C'est dans la paix que tu dois vivre», qui, sans être le moins du monde monotone, ne roule cependant que sur cinq notes de mi b à si b. Voilà donc qui fait le procès du chant à l'unisson, et nous ne pouvons mieux faire pour achever ce raisonne- ment fort simple, que de citer les paroles péremptoires par lesquelles M. 0. Douen termine l'examen de la même question (i). «Au lieu de forcer les voix de toute espèce à sortir de leur diapason, rendez à chacune son domaine: que les voix de femmes et d'enfants forment les dessus, et les voix d'hommes les dessous, tout rentre dans l'ordre. Non seulement la ftitigue et le dégoût disparaissent, mais on obtient un effet magnifique et d'une grande puissance, l'harmonie qui accroît l'édification, à condition de rester grave et simple comme le choral lui-même».

Tous les réformateurs ont désiré que la musique sacrée fut chantée en parties, preuve en soit les magnifiques chorals que nous a légués la Réformation, dont plusieurs sont signés du nom de Luther, preuve en soit encore le Irait que nous citions plus haut (v. page 49) de la vie intime de ce même Luther. Seul, Calvin «qui n'était pas

(^) Encyclopédie des Sciences religieuses, Art. Chant sacré.

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musicien, proscrivit l'harmonie avec un rigorisme qui n'a peut-être pas été moins nuisible à la Réforme que le sup- plice de Servet... Calvin se trompait gravement en repous- sant rharmonie (aussi bien que les orgues), mais, du moins, il la condamnait en elle-même, et non à cause de sa prétendue difficulté d'exécution. 11 ne voulait que l'unisson, il est vrai, mais non l'unisson cahoteux, faux, pitoyable des églises l'on prétend chanter sans jamais s'être occupé de musique, et moins encore l'unisson maigre et presque scandaleux des huit ou dix voix d'une église de ville, dont la grande majorité des fidèles dédaigne de chanter. Calvin voulait que tous chantassent, et que pour cela ils apprissent à chanter. Dans les collèges fondés sous son inspiration, tous les élèves consacraient riuatre heures par semaine à la musique et au chant des psaumes, dont ils chantaient en outre un grand nombre de strophes au culte du mercredi matin et à ceux du dimanche». (^)

Nous croyons donc avoir montré que le chant à quatre parties est non seulement nécessaire, mais qu'il est, à l'heure actuelle, l'unique moyen de salut pour notre chant sacré. (-) Qu'on veuille bien ne pas arguer ici de difficultés matérielles : nous pourrions invoquer le témoignage de tous ceux qui ont quelque compétence en la matière, et au besoin nous parlerions au nom de notre propre expérience.

(1) 0. Douen. Ibid.

(2) Certaines Églises ou certains éditeurs de Recueils ne semblent guère l'avoir compris et nous ne sommes pas peu surpris de voir la dernière édition du recueil de l'Église de la Confession d'Augsbourg, cependant les traditions musicales allemandes se sont le plus fidèle- ment conservées, ne contenir que la mélodie des cantiques.

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Rien n'est plus aisé que d'apprendre aux personnes les moins expertes en musique à chanter très convenablement en parties un cantique ou un psaume. Il ne s'agit évidem- ment pas d'une exécution artistique qui risquerait d'en- traîner dans une voie sortant des cadres de la musique d'église, nous réclamons seulement que chacun puisse utiliser sa voix dans le registre oii Dieu l'a placée. Nous dirons plus loin de quelle manière un recueil de cantiques doit se prêter par sa composition et son harmonie à un tel ensemble; un point seulement demeure maintenant acquis, c'est que le chant à quatre parties est le seul qui puisse convenir tant au caractère qu'à la dignité de notre culte protestant.

CHAPITRE X

LE PREMIER RECUEIL DE CANTIQUES FRANÇAIS(')

BÉNÉDIGT PIGTET (1703).

On a dit, non sans raison, que les Églises évangéliques des différents pays furent ce que leurs réformateurs respectifs les firent. Les Églises issues de l'activité réformatrice de Luther et de Zwingii qui, tous deux, étaient musiciens et poètes (2) chantèrent dès l'origine des cantiques : celles qui s'étaient développées sous l'autoritarisme de Calvin portèrent

(') Nous parlerons plus loin des Recueils de Cantiques des Églises françaises de Francfort (par Balth. Ritter) et de Berlin, qui sont anté- rieurs en date à ceux qui virent le jour sur le sol de la P'rance ou de la Suisse.

(^) Zwingle a composé deux cantiques.

longtemps l'empreinte de cette main de fer. C'est ainsi que pendant plus d'un siècle et demi nous voyons Genève et la France chanter sans la moindre altération les psaumes de Marot et de Th. de Bèze tels qu'ils avaient paru sous Calvin. Il fallut que plusieurs générations passassent pour qu'on osât dire tout haut ce qu'on pensait tout bas, à savoir: que le chant des psaumes ne sufiîsait plus au culte public et que la paresse des fidèles à les chanter avait besoin d'être secouée par l'introduction de cantiques nou- veaux (^). C'est alors qu'à Genève un homme s'est ren-

(') C'est ce (lu'un dcnii-sièclc plus tôt avaient compris cl exécuté les Églises protestantes françaises de réfugiés à l'étranger. Nous citerons en particulier celle de Francfort sur le 'Sle'm dont le pasteur, Baltliazar Ritter, « ayant fait quelque temps la fonction de prédicateur allemand auprès des ambassadeurs de Sa Majesté suédoise en France , s'y appliqua avec toute diligence et se perfectionna tellement dans cette langue » qu'à son retour de Paris on le nomma ministre de l'Église française de Francfort pour laquelle il composa un recueil de cantiques. Ce recueil contenait 150 cantiques traduits des plus beaux chants allemands (.principalement de Luther) pour les colonies de réfugiés français en Allemagne. lisse chantaient naturellement sur les mélodies allemandes. Le recueil de Balth. Ritter a pour titre : « Heures chré- tiennes ou occupations saintes». Publié en 16C3, il eut de son vivant cinq éditions toutes pourvues de suppléments. « Après lui, M. Gueis, ministre de la même Église, se donna la peine de faire imprimer la sixième édition, et les membres de l'Église se sont servis des travaux de ces deux savants et habiles ministres, qui se sont acquis un grand mérite et estime par leurs discours savants et desseins louables, dont nous profitons encore dans cette église ».

Ces six éditions ne suffirent point ; en 1740, Jean Daniel Claudi en fit paraître une septième avec une addition de 200 cantiques, parce que, dit-il dans la préface à laquelle nous empruntons nos citations, « comme l'Église allemande se glorifie d'un heureux changement et augmentation édifiante de son livre de cantiques, les membres de cette Église française demandèrent senil)lablenient une auguientatiun des cantiques français en quoi je les voulais donc gratifier, principalement

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contré en la personne de Bénédict Pictet pour faire cette œuvre nécessaire de restauration du Chant sacré.

Bénédict Pictet était en 4655 dans la cité de Calvin. Après avoir voyagé en France, en Hollande et en Angle- terre il fut nommé en 1680 pasteur de Saint-Gervais, et six ans après, professeur de théologie.

Il fut, dès les premiers temps de son ministère, frappé des incongruités et des lacunes du Psautier. Cédant à ses sollicitations, le Consistoire le chargea avec deux autres collaborateurs d'achever l'œuvre de révision que Conrart avait déjà commencée. Ce travail fut achevé en 1693 et l'année suivante la nouvelle version parut, grâce à la géné- rosité d'un riche donateur qui offrit d'en payer l'impres- sion. Trois ans plus tard, Pictet demanda au Conseil, de la part de la vénérable Compagnie, de permettre l'introduc- tion de la révision dans l'usage ecclésiastique. Mais ce n'était qu'un commencement : en réalité il voulait plus.

parce que le bon débit de la dernière édition demanda une nouvelle impression. Je vous présente donc la septième édition de ce même livre vous trouverez plus de deux cens cantiques spirituels, nouvellement traduits de l'Allemand, et mis en rimes français (sic) dont la composi- tion m'a donné beaucoup de peine... » Le volume contient 381 can- tiques, plus la « Liturgie de l'Église protestante qui est à Francfort sur le Mayn avec un recueil des prières dévotes pour le matin et le soir, auxquelles on a ajouté les prières pour les âmes pénitentes et les fidèles communians avec d'autres pour les adversités, » plus encore des « Instructions chrétiennes, qui renferment le Catéchisme de feu Martin Luther, les III Symboles de l'Église ancienne et la Con- fession d/Augsbourg, que les protestants y présentèrent à l'empereur Charles V Van MDXXX. »

Les églises françaises de Saint Gall, de Leipzig et de Berlin eurent aussi dans le dernier quart du dix-huitième siècle leurs recueils parti- culiers de psaumes et de cantiques.

10

Eq 1703, Piclet et ses collaborateurs firent remarquer à la vénérable Compagnie qu'on ne possédait qu'un seul cantique tiré du Nouveau Testament (celui de Siméon) et qu'il serait précieux de posséder et de chanter des can- tiques reproduisant les idées de l'Évangile, ne fût-ce que pour les fêtes chrétiennes de l'année, qu'en cela du reste on ne ferait que suivre l'exemple de l'Église luthérienne qui depuis longtemps chantait de telles hymnes. ^ La Compagnie, frappée de ce raisonnement, et sur l'appui du Conseil, acquiesça à la proposition et chargea Pictet lui-même de composer ces cantiques. Peu de temps après, Pictet en présenta 5k qu'il fit imprimer : on en choisit douze qui furent placés à la suite du psautier. En 1705 on les tira en un recueil à part et dès la communion de septembre de la même année, ils furent introduits dans l'usage. «Si David, dit-il dans la préface, contemplant les œuvres de Dieu, ne pouvait se lasser de les publier par ses cantiques, les Chrétiens ne célébreraient-ils pas par leurs hymnes le grand mystère de piété, Dieu manifesté en chair, justifié en esprit, vu des Anges, cru du monde, prêché aux gentils et élevé en gloire. »

A part une tendance dogmatique un peu trop accentuée et commune d'ailleurs à la majorité de la littérature hym- nologique postérieure aux psaumes, les cantiques de Pictet ont une réelle valeur (i) et c'est avec raison que plusieurs

G) Voici ce qu'en dit M. H. Lutteroth :

« Composés à l'entrée d'un siècle pendant toute la durée duquel le culte ne devait se célébrer que dans le désert, au milieu de mille périls, et la philosophie allait s'attaquer non seulement à la superstition' mais aux doctrines fondamentales du christianisme, ces cantiques, qui

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ont subsisté jusqu'à nos jours entre autres : « Béni soit à jamais le grand Dieu d'Israël. ï A notre point de vue spécial, ils ne sont peut-être pas aussi intéressants, puis- qu'ils se chantaient presque tous sur les mélodies des Psaumes. Ces cantiques de Pictet ont été longtemps en usage dans l'Église : la dernière édition qui en ait paru et que nous possédons est, croyons-nous, celle de Valence 1838 publiée sous ce titre «Les psaumes de David suivis de cantiques et de prières. » Une note placée en tête du volume paraît indiquer qu'elle a été faite spécialement à l'usage de l'Église réformée. Elle contient tous les can- tiques de Pictet pour le jour de Pâques, pour Noël, pour la Pentecôte, pour la cène de septembre, pour l'Ascension, l'histoire de la Pentecôte, celle de la naissance de Jésus- Christ, etc., etc.

Plusieurs des cantiques de Pictet ont avec raison été conservés dans nos recueils modernes : les Chants chré- tiens en contiennent 6. Ce sont les n"' 35, 64, 151, 178, 182, 183. Nous ferons seulement une objection: pourquoi n'a-t-on pas conservé à tous ces cantiques la musique que Pictet lui-même leur avait choisie? On a eu le bon goût de le faire pour le 6i et il suffit de comparer cette musique avec celle que W Hérault a composée pour le n" 35 musique dont nous n'avons garde d'ailleurs de contester la valeur pour se convaincre qu'il vaut mieux conserver une mélodie ayant le même caractère ancien que les paroles. Nous ne savons par exemple point de plus belle mélodie

les confessent avec tout l'abandon delà foi, et on reconnaît en même temps la précision du théologien, étaient bien propres à soutenir les Huguenots contre les dangers qu'ils devaient avoir à combattre. »

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pour le beau cantique de Pictet : » Esprit saint, notre créa- teur» que celle qu'en donnent les Critiques populaires de la mission Mac-All et qui est un des plus purs morceaux de musique religieuse du seizième siècle.

C'est un des Laudi spirituali de J5/i5. Nous proposons cette mélodie à l'adoption générale. La voici dans le style original, à quatre parties :

CANTIQUE DE BÉNÉDICT PICTET

Musique de 1545.

mf cresc. dim. p

Rends-toi le s ^ ^

1

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- 78 -

CHAPITRE XI

CÉSAR MALflN ET LES CHANTS DE SION

Le mouvement religieux qui marqua le commencement |

de ce siècle et eut son apogée vers J 830, donna naissance I

à deux recueils de cantiques, tous deux dus à des hommes j

éminents. Le premier de ces recueils est celui de M. Malan: ; les Chants de Sion. {^) Il n'en subsiste plus grand'chose

aujourd'hui : à peine une douzaine de cantiques dissémi- '

nés dans différents recueils, mais la personnalité de l'au- '

teur, qui fut une des plus intéressantes figures de ce l

Réveil dont tant d'Églises sont nées, et le caractère de j

l'œuvre font aux Chants de Sion une place à part et non j

la moindre dans l'Histoire du cantique en France. j

La première édition des Cantiques de Malan date de ' 1823 : c'était une petite brochure qui a disparu aujour- ' d'hui et dont seuls les contemporains de l'auteur ont con- servé quelque souvenir. Elle ne portait pas encore le titre | de Chants de Sion, mais bien celui de Cantiques chrétiens j pour les dévotions domestiques, et ne contenait que trente- | cinq morceaux. Ces morceaux se retrouvent dans la der- nière édition des Chants de Sion (n"' 2, 3, 25, 56, 06, Sli, | 88, 98, 119, 121, 122, 123, m, 136, 15i, 155, 159, | dSO, 187, 195, 196, 200), sauf quatre (n"^ 3, 7, 8 et 3/t ' de l'édition de 1823), qui n'ont reparu dans aucun des ! recueils subséquents. Elle fut bientôt suivie d'une édition j

j

(1) César Malan père, est à Genève en -1787, il y a juste un sièqle, < et mort en 1864.

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in-/i.° gravée en musique, éditée à Paris et contenant soixante cantiques, sous ce titre : « Nouveaux cantiques chrétiens. » Le titre de Chants de Sion apparaît pour la pre- mière fois en tête d'une livraison de cinquante psaumes, avec musique parue en 1824, et suivie aussitôt d'une nou- velle édition de cinquante morceaux. L'édition de 1828 contenait deux cents cantiques, auxquels fut ajouté en 1832 un supplément de trente-quatre cantiques, puis de soixante-six en 1836 ; total trois cents cantiques. On voit avec quelle incroyable fécondité Malan produisait. Les deux dernières éditions sont celles de 1843 et de 1855. Toutes ces éditions sont sans musique. Celles qui en con- tiennent sont, outre l'édition des soixante chants, celle de 1826, publiée chez Pacini en quatre cahiers grand in-8% contenant quarante cantiques , et enfin une édition de format oblong, lithographiée, contenant deux cent trente- quatre cantiques (1843).

Les éditions des Chants de Sion se succédèrent, on le voit, rapidement. Il en existerait, à notre connaissance, onze. On se les procure aujourd'hui assez dillicilement, bien que leur valeur ne soit pas extrême. {^) Quand on parcourt ces

(1) Outre les différentes éditions des Chants de Sion Malan a publié en 1835 des Cantiques pour le troisième jubilé de la Réformation à Genève: la même année ont paru les Vignettes parlantes pour enfants et les Chants d'Israël, traduction en vers des Psaumes. En 1836 : Nouvelles histoires et nouveaux chants. En 4837 : Soixante chants et chansons pieuses pour les enfants, qui furent très populaires et chantés partout, même dans les écoles catholiques. Jlalan les composa en six semaines, à la demande de M"'" Malan qui en avait besoin pour son école. Ce recueil eut quatre éditions dont la dernière, de 1853, contient 127 chants. En 1847 : Hymnes et chants pieux; en 1848 : Chants de la plaine d'Intcrlaken, avec musique : et en 1853 : Premiers chants, sans

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livres, qu'on trouve dans les bibliothèques publiques encore non coupés, on ne peut se défendre d'une impression de regret et de tristesse. Un demi-siècle a suffi pour effacer cette œuvre vraiment colossale , car Malan n'a pas com- posé moins d'un millier de cantiques, qu'il serait presque impossible de réunir actuellement, et dont il ne reste plus que quelques fragments, tous empreints d'une vive origi- nalité, dont quelques-uns même sont de vrais chefs- d'œuvre. Si l'on voulait rechercher les causes de cette désuétude, on en trouverait peut-être deux : ï° l'apparition des Chants chrétiens, qui ne sont postérieurs que de douze ans aux premiers Chants de Sion, dont la variété et la richesse de composition musicale devaient forcément éclip- ser un recueil qui, pour les paroles et la musique, était l'œuvre d'un seul homme ; 2" la manière même dont sur- girent les Chants de Sion, la facilité et l'abondance avec laquelle leur auteur les composa.

Les détails à cet égard sont des plus curieux. Malan fai- sait lui-même, nous l'avons dit, la musique de tous ses cantiques. Il la composait sans être un véritable composi- teur: les airs lui venaient souvent de la façon la plus inopinée. Un jour, en voyageant, il marchait derrière un chariot dont l'essieu mal graissé faisait entendre une plaintive ritournelle : Malan fit de cette ritournelle une mélodie de cantique. Une autre fois, c'était le susurrement d'une bouilloire d'eau chauffant sur le feu qui lui inspirait un air. Il avait dans son cabinet un orgue sur lequel il

compter, en 1821, un poènie : Chant de paix, qui, bien que très cor- rectement écrit, était trop personnel pour pouvoir être beaucoup lu.

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étudiait les mélodies qu'il faisait : il n'en jouait d'ailleurs qu'avec effort ; mais pour s'aider à trouver les notes indé- cises lorsqu'il était hors de chez lui, en voyage ou en pro- menade, il s'était fait fabriquer une sorte de boîte à mu- sique avec clavier, qui le ravissait. L'ignorance se trouvait Malan de la partie technique de la musique l'em- pêchait de faire l'harmonie ou les accompagnements de ces chants ; ces accompagnements ont, pour la plupart, été faits par M. Wolf-Hauloch, ami de Malan , dont la pro- priété était contiguë à la sienne.

Tels étaient les procédés de composition de l'auteur des Chants de Sioii. Quant à l'occasion à laquelle ces chants furent composés, Malan laissait à Dieu le soin de la faire naître. C'est ce qui explique que les tendances dogmatiques ou ecclésiastiques percent si peu dans ses vers. Les circon- stances extérieures ou son état d'âme lui dictaient paroles et musique. Ainsi le beau cantique : «C'esf dans la paix que tu dois vivre...» fut composé en réponse à une vio- lente attaque du Journal de Genève^, qui alors était l'organe radical. Un autre: «iVo/i, ce n est pas mourir que d'aller vers son Dieu...n fut composé à l'occasion de la mort d'un ami anglais qui demeurait à Genève. Malan fit aussitôt paroles et musique et les envoya par son fils, César, à la famille comme témoignage de condoléance.

Quand M. Auguste Rochat mourut à Rolle, c'était un dimanche après-midi : on n'avait alors ni chemins de fer ni télégraphes; cependant, dès que Malan en fut informé, il se mit à l'œuvre, composa un cantique avec musique et envoya des exemplaires imprimés pour la cérémonie d'inhu- mation à Rolle, le mardi suivant.

11

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Deux motifs peuvent expliquer cette prodigieuse fécon- dité : une inspiration indéniable, en premier lieu, et ensuite l'extrême compétence qu'avait Malan de la versification latine. On sent assez nettement cette influence quand on lit ses divers cantiques, dont quelques-uns sont vraiment admirables et subsisteront à côté de nos plus beaux psaumes. On a aussi de lui quelques poèmes de longue haleine, mais ils sont moins bien réussis que les cantiques. Le génie de Malan se déployait beaucoup plutôt dans les œuvres courtes qui naissaient spontanément sous sa plume. Il serait bien difficile de caractériser ce genre de poésie religieuse tout primesautier si l'on peut ainsi dire que créa Malan : il faudrait pour cela examiner en détail presque chacun de ses cantiques, ce serait un long mais intéressant travail, dont malheureusement nous devons nous abstenir pour ne pas sortir des limites que nous nous sommes assignées et qui sont celles de l'histoire et de la critique musicale. Mais quelqu'imparfaite et éphémère qu'ait été son œuvre, elle a eu le grand mérite d'avoir été la pre- mière (^) et d'être venue à point pour satisfaire aux aspira- tions de l'Église en une époque de crise.

«J'ai souvenance, nous écrit de Suisse un contemporain de Malan, combien ces cantiques étaient une source d'édi- fication, pour les Chrétiens isolés et dans la lutte; ils va- laient à eux seuls un manuel d'édification, parce que les

(}) Nous n'ignorons pas qu'il existait avant ilalan quelques cantiques isolés, venus pour la plupart de l'étranger et réunis en de petits recueils devenus aujourd'hui introuvables, mais nous entendons que son œuvre fut la première grande œuvre française de chant sacré en dehors des psaumes, et après Pictet.

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vérités qu'ils contiennent sont démontrées par des versets en citation au bas des pages.» (^)

Les Chants de Sion sont divisés en plusieurs parties trai- tant chacune d'un sujet spécial, et on peut dire aussi, pres- qu'en chapitres. La première partie a pour titre : Objet de la foi et pour subdivisions, sous forme de paragraphes, § 1 : La vérité donnée de Dieu.... publiée. § 2 : Le salut en Jésus-Christ. § 3 : Les privilèges de l'Église.

La seconde partie est intitulée : Profession de la foi.

La troisième : Travaux de la foi.

La quatrième : Privilèges de la foi.

La cinquième : Gloire de la foi. (2)

La musique des Chants de Sion est incontestablement empreinte d'une vive originalité. Elle est d'une facture simple et d'une harmonie facile. Mais elle est aussi atteinte des mêmes défauts de composition que nous avons signalés dans la poésie. Malan, n'étant ni un grand musicien ni un grand poète, mais avant tout un chrétien, tombe souvent dans des répétitions, dans une uniformité qui lasse

(1) C'est, en effet, une des caractéristiques des Chants de Sion d'être pour la plupart composés sur des paroles de l'Écriture-Sainte men- tionnées en tête de chaque cantique.

(2) Il ne rentre point dans notre sujet de faire ici l'analyse ou la critique des paroles de Malan. Nous le regrettons d'autant plus qu'un jeune théologien, dans une récente monographie sur les cantiques qu'on nous communique à l'achèvement de ce travail, a cru s'acquitter de cette tâche en traitant, à réitérées reprises, de patois de Canaan toute la poésie de Malan, auquel il se charge de dire vertement son fait. Nous aurions été bien reconnaissants à l'auteur de vouloir bien nous expli- quer en note le sens de son expression favorite qu'il trouve certaine- ment plus commode d'employer que de définir, puisqu'elle le dispense d'examiner ce qu'il condamne avec tant de désinvolture.

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bientôt. Le prompt abandon de ses cantiques par ceux-là même qui les avaient le plus goûtés, en est une preuve évidente. Néanmoins il est un bon nombre des Chants de Sion qui, par leur beauté et par le souffle de vraie inspi- ration qui les anime, a triomphé de l'oubli sont tombés la plupart des morceaux du recueil. Tels sont d'abord : Saint des Saints.., Du rocher de Jacob... Cest dans la paix... et Trois fois saint Jéhovah... que nous retrouvons dans tous les recueils composés depuis leur apparition. Ce sont ces cantiques que nous étudierons tout d'abord; puis nous retrouvons également reproduits , mais dans une moindre proportion : Saints messagers, hérauts de la jus- tice... C'est toi, Jésus... Louez le nom de V Éternel... Oui, cher Sauveur... Sur toi, Sauveur... Je viens. Seigneur... Agneau de Dieu... Nous examinerons seulement le premier groupe de ces chants.

Saint des Saints... est certainement l'un des plus beaux morceaux de composition musicale et poétique de M. Malan. L'allure tout entière du cantique est empreinte d'un carac- tère de grandeur que les années et les crises de l'Église n'ont pu réussir à faire méconnaître et qui en fera long- temps encore un de nos chants les plus aimés. Tl est en si 1?, mesure à quatre temps ; le rythme net et court des deux premières mesures qui se reproduit dans les deux sui- vantes donne au cantique une allure ferme qui convient bien aux paroles. Si nous osions hasarder une comparaison qui ne nous paraît pourtant pas trop osée, nous dirions que le genre de musique de ce cantique se rapproche de la fac- ture de Haydn. Parmi les heureux effets de ce morceau, nous signalerons l'introduction brusque du mode mineur

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à la fin du premier et au troisième vers, avec retour clans le majeur par un simple accord de septième diminuée, et l'allure entraînante de la dernière phrase.

Ce cantique, qui s'est, par sa beauté, imposé à l'admi- ration de l'Église, a subi peu de modifications dans les dif- férentes reproductions qu'on en a faites. Nous remarque- rons seulement une seule et légère divergence entre les Chants chrétiens et les Psaumes et Cantiques à la quinzième mesure, premier temps.

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Nous donnons, pour cette fois, raison aux Psaumes et Cantiques, qui corrigent par l'introduction du mi ^, qui en réalité n'est ici qu'un fa b, la dissonance produite dans les Chants chrétiens par le fa naturel de la partie d'alto sonnant avec le sol \f de la basse. Mais, en revanche, il est préférable comme harmonie de maintenir, au quatrième temps, Vut du ténor des Chants chrétiens, formant accord, septième de dominante , au lieu du b des Psaumes et Cantiques.

Du Hocher de Jacob... est une œuvre d'un tout autre genre. On pourrait dire que la musique en est aussi dog- matique que la poésie. Elle n'est pas pour cela dépourvue de charme ni dénuée d'une réelle inspiration; mais elle n'a

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pas le trait de la musique du cantique précédent. C'est cependant, et à juste titre, un de nos meilleurs cantiques. On y remarquera au dernier vers un souffle entraînant qui est une des caractéristiques de la musique de Malan. Comme critique, nous pourrions relever dans ce cantique une faute, non d'harmonie, mais de composition : il y a manque de parallélisme entre la seconde et la quatrième phrase musicale ; cette dernière devrait avoir une mesure de plus, composée de deux blanches. L'harmonie est aisée d'un bout à l'autre du morceau et n'a guère donné lieu à des changements en passant dans les différents recueils.

Nous avons déjà dit à quelle occasion fut composé «C'esf dans la paix que tu dois v/rre»... Ce cantique est certai- nement un des plus curieux de Malan : surtout au point de vue de la musique. Il roule tout entier sur quatre notes ou sur cinq en comptant la finale, et malgré le cercle restreint la mélodie se meut, il n'est réellement pas dépourvu de charme. Loin de la taxer de monotone, nous trouvons dans le bercement de ce rythme excessivement simple quelque chose de suave : c'est un paysage baigné dans la douce et vaporeuse lumière d'un soleil d'automne. Et encore la musique convient parfaitement aux nobles senti- ments qu'expriment parfois admirablement les pa- roles. Qu'on nous permette encore une comparaison : la musique de a C'est dans la paix))... nous rappelle sans que nous veuillons établir aucun parallèle la Marche funèbre du Saïil de Hœndel. Le coloris musical est le même.

Le quatrième des cantiques de Malan que nous étudions à titre de spécimen, est: uTrois fois saint Jéhovah...»

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C'est peut-être avec «.Saint des saints» le plus beau de ceux qu'ait composés Malan. II fut fait spécialenient pour le recueil des Chants chrétiens que préparait alors M. H. Lutteroth. Nous y retrouvons les mêmes procédés de com- position que nous avons surpris dans les trois autres et qui sont les mêmes dans presque tous les cantiques de Malan, phrases d'un rythme bref et marqué, parallélisme entre les quatre premières puis entre les deux suivantes, effet heureux au milieu du morceau dans le présent can- tique, c'est une modulation à la tierce entre la partie d'alto et de ténor à la quinzième mesure et un crescendo marqué dans les dernières phrases des cantiques.

Telle est l'œuvre musicale de Malan. Pour n'être pas au- dessus de toute critique, elle a cependant été précieuse entre toutes, étant venue à point pour combler une lacune incontestable dans l'hymnologie de notre Église. Seule une douzaine de cantiques a survécu et mérite d'autant plus d'être conservée avec respect. Ceux qu'ont donnés les auteurs des Chants chrétiens et des Psaumes et Cantiques nous paraissent parfaitement choisis et nous sommes d'avis de les maintenir tous (^) . Les cantiques de 3Ialan ont une grande qualité qui se retrouve rarement ailleurs, c'est que la musique convient parfaitement aux paroles par la simple raison que toutes deux naissaient d'un seul jet et simulta- nément de l'inspiration du même homme. Aussi ces can- tiques ne sauraient-ils être assez appréciés et respectés.

(1) Ce sont les nos 2, 13, 25, 39, 49, 57, G6, 70, 94, 95, 97, 161, 184. des Chants Chrétiens.

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CH\PITRE XII

LES CHANTS CHRÉTIENS

Il nous reste enfin à parler du second et plus remar- quable Recueil de cantiques de ce siècle, celui auquel, avec les Chants de Sion de Malan, les différents recueils de notre Église réformée ont fait le plus d'emprunts, nous voulons dire les Chants chrétiens.

Tout d'abord nous nous sentons pressé de témoigner ici de notre gratitude au vénérable auteur des Chants chrétiens, qui, avec une amabilité dont nous ne saurions assez le remercier, a bien voulu nous donner sur son œuvre tous les détails inédits que nous avions sollicité d'avoir.

Il n'est pas nécessaire d'insister longuement pour prouver que les Chants chrétiens sont de tous les recueils publiés jusqu'ici le plus beau et le plus riche. C'est une affirmation qui n'est point contestée (i). Le fait que ce recueil fut composé d'une façon tout indépendante, c'est- à-dire en dehors des idées ecclésiastiques ou dogmatiques d'une Église particulière, qu'il contient une sélection des

(1) Hormis peut-être par M. 0. Doueu (et par le jeune théologien dont nous avons parlé, lequel copie textuellement la phrase de l'auteur de Cl. Marol et le Psautier) qui estime que les quelques psaumes que contiennent les Citants chrétiens sont ce qu'ils renferment de mieux. Nous nous étonnons d'une telle assertion sortie d'une telle plume, et nous nous permettons d'être de l'avis diamétralement opposé. Nous croyons que les psaumes que donnent les Chants chrétiens , avec leur mesure et leur harmonie moderne, sont peut-être ce qu'il y a de plus à critiquer dans le volume.

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plus beaux morceaux de l'hymaologie ancienne et moderne, que la musique a été transcrite et revue par une des per- sonnes les plus foncièrement musiciennes qui se soient occupées de chant sacré, ce qui n'est pas le cas pour la plupart des autres recueils, assure aux Chants chrétiens une supériorité, nous le répétons, incontestable. Depuis 183/i, date de son apparition, les éditions s'en sont succédé nombreuses.

Il est, on le conçoit, difficile d'analyser en détail une œuvre composée d'éléments aussi différents. Ce serait un long travail que nos limites ne nous permettent pas d'en- treprendre. Nous examinerons seulement pour la musique et les paroles les principales sources mises à contribution pour la composition des Chants chrétiens.

Pour suivre un ordre chronologique, les Chants chrétiens contiennent d'abord 12 psaumes y compris le cantique de Siméon(^). Ces psaumes sont malheureusement très altérés et sauf un (le ps. 34, n" 95, paroles et musique de Malan), plutôt en mal qu'en bien. Les paroles ont été retouchées, et surtout les airs. On a substitué à la belle musique de Goudimel ou de Bourgeois des airs allemands qui ne con- viennent nullement. Nous demandons instamment pour les futures éditions, un retour à l'original.

Il y a ensuite 7 cantiques de Corneille n°' 84, 92, 126, 135, m, ISa, 158) et 2 de Racine (n"^ 130 et 136). Les deux premiers : 0 Dieu de vérité pour qui seul je soupire... Parle, parle Seigneur ton serviteur écoute... sont deux purs

(1) Ce sont les psaumes : 3 (n° 88) 25 (n» 71) 27 (n" 13) 34 (n» 95) 42 (no 27) 84 (n» 7) 86 (n» 45) 92 (n" 90) 103 (n» 55) 116 (n" 33) et 138 (no 81).

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chefs-d'œuvre pour les paroles el la musique. Cette der- nière a été composée pour les Chants chrétiens par M. Bost père. Elle est donc originale à ce seul détail près, que Bost l'avait donnée à 3 parties, et qu'on la complétée en y ajoutant la partie de ténor. 31. Élisée Bost a bien voulu nous écrire à ce sujet que la nmsique n'avait point été modifiée. Quant aux. autres cantiques de Corneille, ils nous paraissent moins heureusement choisis et comme paroles et comme musique. Aussi n'ont-ils pas réussi à pénétrer dans l'usage ecclésiastique qui, en somme, est le meilleur juge de la valeur d'un cantique. Ces cantiques de Corneille sont tirés de sa traduction en vers de V Imitation de Jésus- Christ et des prières qui y sont intercalées. Nous ne sommes d'avis de maintenir que les deux que nous avons signalés. Un seul des cantiques de Racine nous paraît digne de subsister, c'est le n" 136 qui est une belle traduction en vers de 1 Cor. XIII.

Viennent ensuite 6 cantiques de Bénédict Pictet, les n"^ 35, 64, 151, 178, 182, 183.

Nous avons déjà dit ce que nous pensions de la musique du 35 qui ne nous paraît pas pouvoir convenir aux paroles : la musique du 6h est originale; pour le 151 nous avons plus haut donné celle qui paraissait le mieux convenir. Quant aux trois autres cantiques, qui dans les Chants chrétiens n'ont pas de musique, il suffit d'y laisser celle que Pictet avait lui-môme choisie parmi les airs des psaumes. Nous trouvons encore dans les Chants chrétiens 15 cantiques de Vinet : ce sont les n"' 1, 3, k, 3/j,, 37, 59, 63, 76, 116, 137, 169, 177, 186, 192, 199. Plusieurs de ces cantiques sont originaux ; d'autres, le 76 par exemple.

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sont traduits de l'anglais. Ils ont paru d'abord dans le Semeur, puis ont été aussitôt mis en musique dans les Chants chrétiens. On en retrouve aussi dans le Recueil des psaumes et cantiques de l'Église libre du canton de Vaud. Les idées exprimées par ces cantiques sont plus belles et plus majes- tueuses que la forme qui les revêt. C'est un phénomène un peu incompréhensible chez un écrivain de la valeur de Vinet. On sent l'effort dans ces vers. M. Charles Chatelanat dit des cantiques de Vinet : « Son âme débordait telle- ment de sentiments généreux qu'on s'étonne de ne pas voir jaillir le vers plus rapide, plus ailé. Cet homme aux impressions aussi vives que profondes ne savait-il les com- muniquer qu'au travers du voile de la réflexion philoso- phique? Pourquoi l'image, chez lui, fait-elle trop souvent place à l'antithèse?»

Peut-être ce jugement est-il un peu excessif, car nous trouvons beaucoup d'images dans les cantiques de Yinet, il suffit de citer les premiers vers du cantique si connu (n° 1 des Ch. ch.) :

Ainsi que d'une lyre Un accord échappé Rapidement expire Dans l'air qui l'a frappé, De même chaque année, Prompte à s'évanouir. N'est pour l'âme étonnée Qu'un nom, qu'un souvenir.

Quant à la musique que les Chants chrétiens ont mise aux paroles de Yinet, elle ne nous paraît pas toujours licureusement choisie. Sur les 15 cantiques il n'en est que 7 qui se chantent couramment. Ce sont les n"' 1, 3, 3/i,

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63, 76, Jo7. Les autres airs sont peu intéressants : et nous le regrettons vivement, car nous voudrions voir maintenus ou introduits dans l'usage ces quinze cantiques de Vinet.

Un appoint précieux a été fourni aux Chants chrétiens par les Chants de Sion. Nous en retrouvons treize des meilleurs: n"' 2, 13, 25, 57, 66, 70, 94, 95, 97, J61, 184, plus les n°' 39 et 49, spécialement composés pour les Chants chrétiens. Ces cantiques sont tous excellents, et l'attachement qu'a pour eux l'Église en fait foi. Pour les n°' 2, 13 et 94 on a substitué à la musique de Malan des morceaux de Weber, Haydn et Hœndel. Sauf pour le 94, ce choix ne nous paraît pas heureux. La musique du 2 : (n L'Eternel seul est Seigneur y)..., est VAndante d'un qua- tuor dont on a été contraint de défigurer le mouvement pour en faire un cantique. Elle a malheureusement déjà passé dans l'usage ecclésiastique, mais son seul mérite est d'être fort simple. La musique du n" 13 est peu intéres- sante. Le n" 94, au contraire, est un chef-d'œuvre. Il suf- fit d'ailleurs qu'il soit signé de Hœndel,

Nous rencontrons aussi dans les Chants chrétiens un can- tique de Félix Neff, le 58. La musique, sans avoir rien de très remarquable, est déjà consacrée. Nous y ferons une seule critique, c'est l'absence d'un point d'orgue au pre- mier temps de l'avant-dernière mesure, nécessaire pour le parallélisme avec les deux phrases précédentes.

Arrivons enfin à l'œuvre capitale des Chants chrétiens, à celle à laquelle la personnalité même des auteurs donne un caractère tout particulièrement remarquable, nous vou- lons parler des cantiques de M. H. Lutteroth pour les pa- roles et de M""" H. Lutteroth pour la musique.

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Les premiers sont au nombre de quarante-quatre. Ce sont les n"^ 10, 11, Ik, 20, 21, 23, kO, kl, 46, /i8, 54, 69, 73, 7li, 78, 79, 85, 87, 90, 100, 104, 105, 107, 108, 111, 114, 118, 122, 124, 131, 134, 139, 142, 143, 146, 147, 148, 150, 165, 187, 188, 196, 200.

On comprendra que nous nous abstenions d'analyser ici ces cantiques. De notre part, en effet, toute critique envers l'auteur serait une outrecuidance , et tout éloge une naïveté, (i) Pour apprécier l'œuvre de M. H. Lutteroth, il nous suffira de désigner plus explicitement quelques-uns de ces cantiques, que tous savent par cœur et qui se retrouvent dans tous les recueils postérieurs aux Chants chrétiens. Nous citerons :

Souvent Seigneur en sa détresse... 10), dont la mu- sique est de Bost.

(1) De tels scrupules ne sont pas pour arrêter le jeune critique que nous avons déjà cité, M. Atger, qui au contraire déclare que le cantique 73 n'est qu'une dissertation parfois incompréhensible. « Ainsi, dit-il , qu'est-ce que « monter à Béthel i> et « garder le cœur autant que l'autel ? a

L'homme offense S'il encense

Sans rechercher l'Esprit Saint

(I Quelle idée ! de plus :

Ta louange

Chère à l'ange

Est la gloire des pécheurs.

« A quel ange ? n'est-ce pas pour la rime seule ? i>

Tout au plus concède-t-il qu'il y a « quelques bons cantiques, mais les mauvais y sont cependant plus largement représentés, et malgré toutes les imperfections, c'est encore le meilleur qui ait paru jusqu'à présent. Tous les recueils suivants viendront puiser à cette source. »

Il est bien regrettable que ce critique des Chants chrétiens n'ait pas su y puiser un peu plus de modéi^ation.

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C'est un rempart que notre Dieu... (n" Ik). Nous avons dit plus haut avant même d'en connaître l'auteur ce que nous en pensions.

Cest moi, cest moi qui vous console... (n° 20), dont la musique est magnifique, mais d'un mouvement trop vif; elle n'est pas de M. Lutteroth mais de l'auteur du Septuor, de Beethoven.

// vient, il vient, c'est notre Rédempteur... (n" 23) avec la musique si majestueuse qui l'accompagne.

Tu parais, ô Jésus... (n° Z16).

Ecoutez tous une bonne nouvelle... (n° 54). Nous esti- mons que la musique des Cantiques populaires de M. Mac- All sur ces paroles est mieux adaptée que celle des Chants chrétiens, toute belle soit-elle.

Quant à l'œuvre musicale de M'"'' H. Lutteroth, nous sommes plus k l'aise pour en parler, car nous ne sachions pas qu'elle ait jamais rencontré des détracteurs. Cette œuvre ne se réduit pas aux dix cantiques signés H. L. ou Heinrich Roth (i), M"'"" Lutteroth a choisi et a adapté la plupart des airs sous lesquels sont aujourd'hui connus et aimés un grand nombre de cantiques qui jusqu'alors n'avaient jamais été chantés. Il est une seule critique qu'au nom d'une expérience de dix années déjà nous nous permettrons d'adresser à ce travail. M""" H. L. a peut-être un peu trop cédé à la tentation que nous comprenons bien aisément d'adapter à ces cantiques de la musique de grands maîtres, qui ne convient pas toujours

(1) C'est par un excès de modestie, bien rare, il faut l'avouer, chez les grands musiciens que H. Luttei'otli a inscrit sous ce pseudonyme la plupart de ses compositions.

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à la majesté du chant sacré, surtout à cause du défaut presque total d'éducation musicale chez la plupart de nos fidèles. Nous citerons entre autres le n 36 : « Dieu fort et grand, tu vois toute ma vie»... qui est un admirable mi- nuetto de Beethoven, mais que nous n'avons entendu exécuter convenablement dans aucune église, car il est nécessaire que les quatre parties y soient représentées et que le mouvement y soit conservé, ce qui ne s'est encore, nous croyons pouvoir l'aflirmer, jamais rencontré. Nous en dirions tout autant du n" 69, un scherzo de Haydn, et de quelques autres.

Quant k l'œuvre originale de M""' H. L., elle contient plusieurs morceaux absolument admirables et dont l'usage ecclésiastique a consacré la valeur. Nous citerons particu- lièrement le cantique de Vendredi-Saint : « Sous ton voile d'ignominie»... dont la musique est toute frémissante du drame de Gethsémané, le beau cantique de Pâques n" 402, le n" 86, qui est peut-être le plus superbe de tous, le 110, etc..

Ajoutons encore que les Chants chrétiens contiennent d'excellents morceaux de Bost, dont le beau talent se prê- tait plutôt à l'envergure de la cantate. Il a spécialement composé le cantique 122, dont la musique est magistrale, sur les paroles de M. H. Lutteroth ; il paraît même, nous écrit M. Élisée Bost, que trouvant un peu large et hardie la dogmatique de ce cantique, il écrivit à l'auteur : « J'ai mis votre manifeste en musique. »

De Bost sont aussi les cantiques 10, 19, 76, dont l'air ne vaut pas, il faut l'avouer, celui de Paer, 8!i, 92, 122, qui sont tous les trois des chefs-d'œuvre, et le IhO"- La

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musique de Bost est d'une facture plus large et plus aisée que celle de Malan, et le talent acquis, la connaissance de l'harmonie, y soutiennent l'admirable don naturel ; ce qui nous frappe particulièrement chez lui, c'est l'exactitude avec laquelle la mélodie revêt l'expression des paroles. Les cantiques 8/|, 92, 122 en sont une preuve éclatante.

Il est impossible de citer tous les auteurs qui ont signé quelques cantiques des Chants chrétiens, ils sont en grand nombre; la vieille musique allemande des seizième et dix- septième siècles a fourni le plus fort contingent ; des em- prunts ont aussi été faits à des recueils antérieurs, dont nous avons parlé plus haut, celui de Francfort entre autres.

En résumé, les Chants chrétiens sont le plus remarquable et le plus riche de nos recueils, et c'est que sont venus puiser tous les autres. C'est ce qui nous dispense d'analy- ser les Psaumes et Cantiques, qui ne renferment aucune œuvre originale : pour la première partie, ils ne contien- nent que les psaumes de jMarot et de Th. de Bèze, avec une harmonie et même une mélodie impudemment défigu- rée, et pour la seconde partie les sources principales sont les Chants chrétiens, les Chants de Sion, quelques cantiques du Recueil de Francfort, et quelques autres assez rares, empruntés aux recueils d'Églises particulières. Avec quel- ques puissantes modifications, ce recueil pourrait être le meilleur de tous, et c'est lui qui se rapproche du recueil- type que nous désirons et en vue duquel nous avons fait ce travail.

Ce que nous avons dit des Psaumes et Cantiques s'ap- plique aux recueils des Consistoires de Lyon, de Tonneins,

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de Bordeaux, de Castres, d'Orléans, de Nantes, de Nîmes (i), qu'il serait oiseux et monotone d'examiner ici. Celui de Lyon, que nous avons plus particulièrement étudié, nous paraît soit dit eu passant le mieux fait de tous pour les paroles et la musique. Il est d'ailleurs aux soins d'un homme des plus compétents en la matière, M. iEschimann père.

CHAPITRE XIII

CONCLUSION

Nos conclusions seront brèves. Elles découlent logique- ment de ce que nous avons dit au cours de ces différents chapitres. Il est incontestable que notre chant sacré se traîne actuellement dans une langueur désespérante. Nous croyons avoir montré que des causes diverses ont con- tribué à ce triste état de choses. Ces causes sont au nombre de trois.

1" On n'a d'abord point assez relevé en ce siècle l'impor- tance du chant dans nos églises. Des préoccupations dogma- tiques ou ecclésiastiques ont fait perdre de vue ce point essentiel de notre culte protestant. Il est temps que tous les pasteurs prennent à cœur cette œuvre de relèvement du chant dans leurs églises respectives , et que pour cela ils y soient formés en temps utile. Une étude sommaire mais

Sans parler du beau recueil de M. Bersier, qui n'est malheureuse- ment guère sorti, que nous sachions, de l'église de l'Étoile, à Paris.

13

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suffisante du solfège et de la musique ne nous paraît pas devoir être beaucoup plus ardue ou moins utile que celle de l'hébreu. Si, d'après Schleiermacher, la théologie a pour but de servir l'Église, quel service plus direct pourrait- elle lui rendre que de la former à chanter ?

La multiplicité et les incompréhensibles divergences de nos recueils de cantiques sont un des ennemis les plus évidents de notre chant sacré, ennemi qu'il est de notre devoir de combattre dans la plus large mesure.

3" On a beaucoup trop sacrifié au préjugé du chant à l'unisson, qui n'est pas, nous croyons aussi l'avoir montré, la forme de chant traditionnelle qui convienne à notre culte.

Nous réclamons donc instamment qu'il existe pour l'hymnologie de même que pour nos Saintes Écritures un Canon, avec cette différence que ce canon doit être un canon ouvert auquel l'Église ajoutera au cours des siècles les chants qui ont été déclarés le plus propres à son édifica- tion. Ces chants, une fois admis dans le canon , ne pour- ront subir aucune retouche ou modification : ils seront la propriété littéraire et musicale de l'Église et aucun éditeur de recueil n'aura le droit de les emprunter sans son con- sentement et surtout sans la réserve expresse de n'en modifier ni les paroles ni la musique. Ces chants seront écrits à quatre parties, d'une harmonie aussi simple que possible et leur caractère devra toujours être conforme à la dignité de l'Église et du culte. Nous ne croyons devoir préconiser, ni proposer comme modèles le superbe choral allemand ou l'agréable plain-chant anglais : nous pensons

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que la musique sacrée de l'Église protestante française doit conserver son caractère français (^).

Pour les paroles, qui ne rentrent pas directement dans l'objet de notre étude, nous croyons qu'elles doivent sur- tout être dictées par des sentiments de piété et d'édifica- tion et qu'elles ne doivent exprimer que le moins possible des idées dogmatiques ou des conceptions particulières. Toutefois ces réserves s'appliqueront plutôt à l'avenir qu'au présent, car la majeure partie de nos cantiques actuels est entachée de ce défaut. Nous estimons cepen- dant qu'il faut conserver ces cantiques dans leur forme la plus originale qu'on puisse retrouver, car ils sont des monuments d'un passé glorieux. Il est infiniment plus difiicile de composer de bonnes paroles qu'une belle mu- sique. Nous pensons que, dans une certaine mesure, les qualités de l'une peuvent couvrir l'imperfection des autres. Nous demandons enfin qu'on chante davantage dans nos églises, imitant l'excellent exemple des églises de la Con- fession d'Augsbourg, et qu'on y chante nos vieux psaumes dans une plus large mesure. C'est une assertion vide de sens que de dire que les psaumes sont inférieurs ou supé- rieurs aux cantiques : ils sont simplement les témoins d'un autre âge et à ce seul titre, au nom même des vivants souvenirs qui s'y rattachent, ils ont droit à tout notre respect.

Le recueil-type ou le canon que nous réclamons comme une des plus impérieuses nécessités de l'heure présente, contiendrait donc aujourd'hui :

(^) Nous n'entendons pas par là, il va sans dire, exclure tout emprunt à l'Allemagne ou à l'Angleterre.

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Les 150 psaumes de Marot et Th. de Bèze, avec l'harmonie originale la plus simple de Bourgeois, G. Franc ou Goudimel, telle que l'a retrouvée ou reconstituée M. 0. Douen, dans son beau travail.

Le cantique de Siméon et les autres pièces contempo- raines des psaumes, plus le Choral de Luther de 1530 avec la mélodie que nous avons reproduite d'après l'original récemment retrouvé et l'harmonie que nous avons recon- stituée ; on pourra donner aussi celle de Sébastien Bach que nous admettrions seule si la mélodie était conforme à l'original.

3" Les cantiques ou un choix des cantiques de Bénédict Pictet avec les mélodies des psaumes que l'auteur avait choisies, ou pour celles qui n'en ont pas, des pièces anciennes de chant sacré, du même style comme celle dont nous avons donné la musique.

Il" Un choix des cantiques de Malan avec les mélodies originales.

5" Les principaux cantiques de Bost père.

Un choix des cantiques les plus usités des Chants chrétiens et de tels autres recueils.

7" Quelques pièces de plus longue haleine pour les prin- cipales fêtes de l'année, tirées des belles cantates de Bost, père et fils, et des œuvres des grands maîtres, Séb. Bach entre autres.

Ce recueil pourrait être avantageusement précédé d'une courte et claire esquisse historique de notre chant sacré,

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pour la musique et pour les paroles, dans le but d'intéresser les fidèles au relèvement et à la prospérité de l'hymnologie protestante.

Tels sont nos vœux, dictés par les besoins pressants de l'Église. Puisse cette étude sommaire, dans laquelle nous avons eu sans cesse devant les yeux le but pratique que nous poursuivons et que nous espérons atteindre en un ouvrage plus étendu, n'être pas, malgré des imperfections dont l'auteur a plus conscience que personne, stérile pour ceux qui pourront la lire et pour celui qui l'a tracée !

Strasbourg, typ. de 6. Pischbach. 3511.

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