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L'ANNEE LITURGIQUE.

E TEMPS PASCAL

LE TEMPS PASCAL. T. Ill

De licentia Superiorum.

IMPRIMATUR

t HENRICIJ&, Episc. Pictaviensi

l8 Februarii igtO.

L'ANNÉE LITURGiaUE

PAR LE

R, P. DOM PROSPER GUÉRANGER

ABBÉ DE SOLESMES 13 x:

LE TEMPS PASCAL

TOME III Q uin 'pleine édition

LIBRAIRTE RELIGIEUSE H. OUDIX PARTS I POITIERS

24, RUE DE CONDÉ j 9, RUE DU CHAUDRON-d'oR

IQIO

7 Ht INSTITUTE OF PFDl^rVAl STUDIE3

10 ELMSLEY PLACE

TORONTO 5, CANADA,

FEB î 5 1832

S^^iô^^^Eèfeî^i

LANNÉE LITURGIQUE

PRKFACE

E Volume est consacré prin- cipalement à l'exposition des mystères de l'Ascension et de la Pentecôte ; et l'im- portance de la matière nous a contraint à ne pas dépasser 1 intervalle des trois semaines qui sont les dernières du Temps Pascal. Nous n'avons inséré dans ce vo- lume que les fêtes des Saints des douze

vj Préface.

derniers jours du mois de mai. Le nombre des jours auxquels elles sont admises durant cette courte période est fort res- treint. Cependant le mouvement de la Pàque, qui s'étend au delà d!un mois, nous eût obligé d'accumuler un nombre excessif de ces fêtes pour correspondre aux éventualités qui peuvent se rencon- trer tout au plus sur dix à onze jours. On devra donc prendre au tome précédent ou aux suivants les fêtes qui ne se trou- veront pas dans celui-ci.

Le volume qui doit suivre traitera des fêtes de la Trinité, du Saint-Sacrement, du Sacré-Cœur de Jésus, et commencera la longue période du Temps après la Pentecôte. On entrera alors dans la se- conde partie du Cycle liturgique, bien que la date des fêtes de la Trinité et du Saint-Sacrement dépende originairement de celle de Pâques; mais ces solennités sont détachées du Cycle mobile, quant à leur objet.

Préface.

^'V

Nous continuons de réclamer avec la même confiance l'intervention de nos lecteurs auprès de' Dieu, afin qu'il daigne nous permettre de mener à une heureuse fin cette oeuvre entreprise pour sa gloire et l'utilité de nos frères.

TEMPS PASCAL

CHAPITRE PREMIER.

PRIERES DU MATIN ET DU SOIR, AU TEMPS PASCAL.

u Temps pascal, le chrétien, dès son réveil, s'unira à la sainte Eglise qui, dans l'Office des Matines, vient de faire entendre ces paroles solennelles :

u RR E X I T

Domi

LE Seigneur est véritable- i o v ment ressuscité. Alléluia! | O vere. Alléluia.

Le moment étant venu de faire la Prière du Matin, il pourra puiser en cette manière, dans les prières de l'Eglise elle-même, la forme de ses sentiments.

LE TEMPS PASC.VL. T. UI.

Le Temps Pascal.

PRIERE DU MATIN.

Tpv'ABORD, la louange et l'adoration à la très

sainte Trinité

, Oenedicamus Pa-

^' iJ trem et Filium, cum Sancto Spiritu ;

^. Laudemus ctsuper- exaltemus eum in sœcula.

f. Gloria Patri, et Fi- lio. et Spiritui Sancto ;

^. Sicut erat in prin- cipio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

i D ÉNISSONS Dieu, le

Dieu, Père, le Fils et le

Saint-Esprit ;

B;r. Louons-le, et exaltons le dans tous les siècles.

f. Gloire au Père, et ua Fils, et au Saint-Esprit ;

:ç. Comme il était au com- mencement, et maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Puis, la louange à Jésus-Christ, notre Sau- veur :

■>■ r

N resurrectione tua, Christe, al- léluia.

^. Cœli et terra la-- tentur, alléluia.

a, A VOTRE résurrection ^" i».ô Christ, alléluia.

1^. Les cieux et la terre tressaillent d'allégresse, al- léluia.

Ensuite, l'invocation au Saint-Esprit :

^ ENI, Sancte Spiritus, reple tuorum corda fideliiim. et tui amoris in eis ignem accende.

"W ENEZ, Esprit-Saint, rem- ' plissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

Après cjs actes fondamentaux, on récitera i'Oraison Dominicale, la Salutation Angéli- que, le Symbole de la Foi et les formules qui suivent, s'appliquant à entrer dans les pen- sées spéciales à ce saint temps en la manière développée au premier volume de cette sai- son liturgique.

L ORAISON DOMINICALE.

N

OTRE Père qui êtes aux cieux, que votre Nom soit sanctifié ; que votre règne arrive ; que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien ; par- donnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ; et ne nous laissez pas suc- comber à la tentation, mais délivre^ -nous du mal. Ainsi soit-il !

i_j ATER noster. qui es in cœlis, sanctiticetur Nomen tuum : adveniat regnumtuum : fiatvolun- tas tua, sicut in cœlo, et in terra.

Panem nostrum quoti- dianum da nobis hodie : et dimitte nobis débita nostra. sicut et nos dimittimus debitoribus nostris : et ne nos indu- cas in tentationem : sed libéra nos a malo. Amen.

LA SALUTATION ANGELIQUE.

JE VOUS salue, Marie, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus, le fruit de vos en- trailles, est béni.

Sainte Marie,- Mère de Dieu, priez pour nous pau- vres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Ainsi soit-il !

A VE, Maria, gratiaple- ^^ na :Dominus tecum : benedicta tu in mulieri- bus, et benedictus fruc- tus ventris tui Jésus.

Sancta Maria, Mater Dei, ora pro nobis pecca- toribus. nunc et in hora raortis noslrœ. Amen.

LE SYMBOLE DES APOTRES.

1 E crois en Dieu le Père »• tout-puissant, créateur du ciel et de la terre.

Et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur ; qui a été conçu du Saint- Esprit, est de la Vierge Marie, a souffert sous Ponoe-

CRE ti

EDO m Deum, Pa- rem omnipotentem, creatorem cœli et terrae. Et in Jesum Christum Filium ejus unicum, Do- minum nostrum : qui conceptus est de Spiritu Sanct.o natus ex Maria

Le Temps Pascal.

Virgine, passus sub Pon- tio Pilato, crucifixus, mortiius, et sepuUus : descendit ad inferos : tertia die resurrexit a mortuis : ascendit ad cœlos, sedet ad dcxteram Dei Patrisomnipotentis : inde venturus est judi- care vivos et raortuos.

Credo in Spiritum Sanctum, sanclam Eccle- siam catholicam, Sancto- rum communionem, re- missionem peccatorum, carnis resurrectionem, vitam aîternam. Amen.

Pilate. a été crucifié, est mort et a été enseveli ; est des- cendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux deux, et est assis à la droite de Dieu, le Père tout-puissant : d'où il viendra juger les vivants et les morts.

Je crois au Saint-Esprit, la sainte Eglise catholique, la communion des Saints, la ré- mission des péchés, la résur- rection de la chair, la vie éternelle. Ainsi soit-il I

AURORA cœlum pur- purat, jEther résultat laudibus, Mundus triumphans ju- bilât, Horrens avernus infre- mit.

Rex ille dum fortissi- mus De mortis inferno specu Patrum senatum liberum Educit ad vitae jubar.

Cujus sepulcrum plu-

rimo

Custcde signabat lapis,

Victor triumphat, et suo

Mortem sepulcro fune-

raL

L'aurore empourpre les cieux : un chant de lou- ange retentit dans les airs ; la terre, dans son triomphe, se livre aux transports de la joie ; l'enfer frémit d'horreur et d'épouvante.

C'est l'heure le Roi de force entraîne sur ses pas, vers la lumière de vie, l'ar- mée des anciens pères affran- chie des ténèbres la mort les retenait captifs.

De nombreux gardiens veil- laient autour de son tombeau scellé ; il est vainqueur, il triomphe de la mort ; il l'en- ferme pour jamais dans le sépulcre lui-même re- posa.

Prière du Matin.

a Plus d'apprêts funèbres, plus de larmes, assez de regrets ; il est ressuscité, le vainqueur du trépas », s'é- crie l'Ange éclatant de lu- mière.

Pour être toujours, o Jésus, la joie pascale de nos âmes, daignez sauver de la cruelle mort du péché ceux que vous avez fait renaître à la vie.

A. Dieu le Père soit la gloire ! gloire au' Fils res- suscité d'entre les morts ! et gloire au Paraclet, dans les siècles éternels !

Amen.

LA CONFESSION

JE confesse à Dieu tout- puissant, à la bienheureuse Marie toujours Vierge, à saint Michel Archange, à saint Jean-Baptiste, aux Apôtres saint Pierre et saint Paul, et à tous les Saints, que j'ai beaucoup péché, en pen- sées, en paroles et en œuvres : par ma faute, par ma faute, par ma très grande faute.

C'est pourquoi je supplie la bienheureuse Marie toujours Vierge, saint Michel Ar- change, saint Jean-Baptiste, les Apôtres saint Pierre et saint Paul, et tous les Saints, de prier pour moi le Seigneur notre Dieu.

Sat funeri, sat lacry- mis, Sat est datum doloribus : Surrexit exstinctor necis, Clamât coruscans Angé- lus.

Ut sis perenne menti- bus Paschale, Jesu, gaudium, A morte dira criminum Vitîe re.natos libéra.

Deo Patri sit gloria. Et Filio qui a morluis Surrexit, ac Paraclito, In sempiterna sœcula.

Amen. DES PÉCHÉS. f^ ONFiTEOR Deo omni- ^-' potenti, beatœ Mariae semper Virgini, beato Michaeli Archangelo, beato Johanni Baptistae, sanctis Apostolis Petro et Paulo, et omnibus Sanctis, quia peccavi ni- mis cogitatione, verbo, et opère : mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa.

Ideo precor beatam Mariam semper Virgi- nem, beatum Michaelem Archangelum, beatum Johanncm Baptistam, sanctos Aposlolos Pe- trum et Paulum, et om- nes Sanctos, orare pro me ad Dominum Deum nostrum.

Le Temps Pascal.

OUE le Dieu tout-puissant ait pitié de nous ; qu'il nous pardonne nos péchés et nous conduise à la vie éter- nelle. Ainsi soit-il !

Que le Seigneur tout-puis- sant et' miséricordieux nous accorde l'indulgence, l'abso- lution et la rémission de nos péchés. Ainsi soit-il 1

MisEREATL'R nostri omnipotens Deus, et dimissis peccatis nos- tris, perducat nos ad vitam aeternam. Amen.

Indulgentiam, absolu- tionem, et remissionem peccatorum nostrorum tri.buat nobis omnipotens et misericors Dominas. Amen.

Ici on pourra faire la Méditation, si l'on est dans l'usage de ce saint exercice. Apres quoi, on demandera à Dieu par les prières suivantes la grâce d'éviter toute sorte de péchTs, durant la journée qui commence, disant, toujours avec l'Eglise :

Y>. OMiNE , exaudi T-J^ orationem

meam ;

If. Et clamor meus aa te veniat.

. ^EIGNEUR, exaucez ma *• ^ prière;

Vf. Et que mon cri par- vienne jusqu'à vous.

ORAISON.

DOMINE Deus omnipo- tens, qui ad princi- pium hujus diei nos per- venire fecisti tua nos hodie salva virtute, ut in hac die ad nullum declinemus peccatum ; sed semper ad tuam jus- titiam faciendam nostra procédant eloquia, diri- gantur cogitationes et opéra. Per Dominum nostrum Jesum Chris- tum Filium tuum, qui tecum vivit et régnât in

SEIGNEUR Dieu tout-pms- sant, qui nous avez fait parvenir au commencement de ce jour, sauvez-nous au- jourd'hui par votre puis- sance; afin que, durant le cours de cette journée, nous ne nous laissions aller a au- cun péché , mais que nos pa- roles, nos pensées et nos œu- vres tendent toujours à 1 ac- complissement de votre jus- tice. Par notre Seigneur Je- sus-Christ votrs Fils, qui, étant Dieu, vit et règne avec

Prière du Matin.

vous, en l'unité du Saint- Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il !

unitate Spiritus Sancti Deus, per omnia saecula sœculorum. Amen.

On implorera ensuite le secours divin pour bien faire toutes les actions de la journée, disant trois fois :

jt /^ Dieu, venez à mon ^- U aide 1

fij. Seigneur, hâtez-vous de me secourir.

f. O Dieu, venez à mon aide !

^. Seigneur, hâtez-vous de me secourir.

f. O Dieu, venez à mon aide !

^. Seigneur, hâtez-vous de me secourir.

a. pv EUS, in adjuto-

^' LJ rium meum in- tende,

^. Domine, ad adju- vandum me festina.

f. Deus, inadjutorium meum intende.

b;:. Domine, ad adju- vandum me festina.

>'*•. Deus, inadjutorium meum intende.

^. Domine, ad adju- vandum me festina.

DAIGNEZ, Seigneur Dieu, Roi du ciel et de la terre, diriger, sanctifier, conduire et gouverner, en ce jour, nos coeurs et nos corps, nos sens, nos discours et nos actes, sui- vant votre loi et les œuvres de vos préceptes; afin que, ici-bas et dans l'éternité , nous méritions, par votre se- cours, ô Sauveur du monde, d'être sauvés et affranchis. Vous qui vivez, et régnez dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il 1

DIRIGERE et sanctifi- care, regere et gu- bernare dignare, Domi- ne Deus, Rex cœli et ter- rae, hodie corda et cor- pora nostra, sensus, ser- mones et actus nostros in lege tua, et in operi- bus mandatorum tuo- rum : ut hic et in aster- num, te auxiliante, salvi et liberi esse mereamur, Salvator mundi. Qui vivis et régnas in saecula saeculorum. Amen.

Le Temps Pascal.

PRIERE DU SOIR.

A D regias Agni dapes. '^ Stolis amicti candi-

dis, Post transitum maris

Rubri, Christo canamus prin-

cipi.

Divina cujus charitas Sacrum propinat sen-

guinem, Almique membra corpo-

ris Amor sacerdos immolât.

Sparsum cruorem pos- tibus Vastator horret Angé- lus : Fugitque divisum mare, Merguntur hostes flucti- bus.

Jam Pascha nostrum Christus est, Paschalis idem victima, Et para puris mentibus Sinceritatis azyma.

O vera cœli victima, Subjecta cui sunt tartara, Soluta mortis vincula, Recepta vita; praemia.

Victor subactis inferis, Trophasa Christus expli- cat,

A PRÈS le passage de la mer ^ Rouge, couverts de nos robes blanches et assis au festin royal de l'Agneau , chantons au Christ notre roi.

C'est lui dont la charité divine nous verse à boire son propre sang ; c'est son amour qui sacrifie en victime les membres de son corps sacré.

L'Ange exterminateur est saisi de crainte à la vue du sang dont nos portes sont marquées ; la mer divisée en deux fuit devant nous; nos ennemis sont submergés sous les flots.

Notre Pâque, c'est le Christ ; il est notre victime pascale ; il est l'azyme de sin- cérité pour les cœurs purs.

O victime véritable venue du ciel, par qui l'enfer est abattu, les liens de la mort brisés, les dons de la vie res- titués.

Vainqueur de la mort qu'il a terrassée, le Christ déploie son étendard ; il rouvre le

Prière du Soir.

ciel, et traîne en captif le roi des ténèbres.

Pour être toujours, ô Jésus, la joie pascale de nos âmes, daignez sauver de la cruelle mort du péché ceux que vous avez fait renaître à la vie.

A Dieu le Père soit la gloire ! gloire au Fils ressus- cité d'entre les morts! et gloire au Paraclet dans les siècles éternels !

Amen.

Coeloque aperto, subdi- tum

Regem tenebrarum tra- hit.

Ut sis perenne menti- tibus Paschale, Jesu, gaudium, A morte dira criminum Vitas renatos libéra.

Deo Patri sit gloria, Et Filio, qui a mortuis Surrexit, ac Paraclito, In sempiterna sœcula.

Amen.

Après cette Hymne, on récitera l'Oraison Dominicale, la Salutation Angélique et le Symbole des Apôtres. On fera ensuite l'Exa- men de conscience ; on récitera le Confiteor et on ajoutera un Acte explicite de Contri- tion, qui sera suivi des Actes de Foi, d'Espé- rance et de Charité.

ACTE DE CONTRITION.

Mon Dieu, je suis grandement afTligé de vous avoir . . pnense et je me repens de tout mon cœur de mes pèches. Je les hais et les déteste au-dessus de tout autre mal, parce que, en péchant, non seulement j'ai perdu le Paradis et mérité l'enfer, mais bien plus encore parce que )e vous ai offensée. Bonté infinie. à\sne d'être aimée par-dessus toutes choses ; je fais un ferme propos de ne jamais plus vous offenser à l'avenir, movennant votre divine grâce, et de fuir l'occasion du péch'é.

ACTE DE FOI.

I ° v^,'.^"' i? "^'^^ fermement tout ce que la sainte liglise Catholique-Apostolique-Romaine m'or-

10

Le Temps Pascal.

donne de croire, parce que vous le lui avez révélé, vous qui êtes la Vérité même.

ACTE d'espérance.

MON Dieu, connaisant que vous êtes tout-puissant, in- finiment bon et miséricordieux, j'espère que, par les mérites de la Passion et de la Mort de Jésus-Christ, notre Sauveur, vous me donnerez la vie éternelle, que vous avez promise à quiconque fera les oeuvres d un bon Chrétien, comme je me propose de faire avec votre secours.

ACTE DE CHARITE.

M'

[ON Dieu, connaissant que vous êtes le souverain Bien, je vous aime de tout mon cœur et par-dessus toutes choses ; je suis disposé à tout perdre plutôt que de vous offenser; et aussi, pour votre amour, j'aime et je veux aimer mon prochain comme moi-même.

ANTIENNE A LA SAINTE VIERGE.

REGINA cœli, al

laetare,

ïUeluia ; Quia quem meruisti

portare. alléluia, Resurrexit sicut dixit,

alléluia. Ora pro nobis Deum,

alléluia.

f. Gaude et lœtare, Virgo Maria, alléluia;

^. Quia surrexit Do- minus vere, alléluia.

REINE du ciel, réjouissez- vous, alléluia ; Car celui que vous avez mérité de porter, alléluia,

Est ressuscité comme il l'avait dit, alléluia.

Daignez prier Dieu en notre faveur, alléluia.

f. Soyez dans l'allégresse, ô Vierge Marie, alléluia ;

IÇ[. Car le Seigneur est vraiment ressuscité, alléluia.

pvEUS

1-/ re^

qui per Resur- rectionem Filii tui Dominî nostri J e s u Chrisli, mundum Ixtifi- care dignatus es : prxsta,

ODiEU, qui avez daigné réjouir le monde par la Résurrection de Jésus-Christ, votre Fils; daignez nous faire arriver aux joies de la vie

Prière du Soir. j r

lernelle, en vue de sa sainte

quaesumus, ut per cjus Genitricem Virginem

Mère, la Vierge Marie. Par

le même Jésus-Christ notre

Mariam, perpetuae capia-

Seigneur. Amen.

mus gaudia vita-. Per eumdemChristum Domi- num nostrum. Amen.

LES LITANIES DE LA SAINTE VIERGE.

^IGNEUR, ayez pitié de O nous.

YYRlP., eleison.

Christ, ayez pitié de nous.

Christe, eleison.

Seigneur, ayez pitié de nous.

Kyrie, eleison.

Christ, écoutez-nous.

Christe, audi nos.

Christ, exaucez-nous.

Christe, exaudi nos.

Dieu Père, du haut des cieux,

Pater de cœlis, Deus,

ayez pitié de nous.

miserere nobis.

Dieu Fils, Rédempteur du

Fili, Redernptor mundi,

monde, avez pitié de nous.

Deus, miserere nobis.

Dieu Saint-Esprit, ayez pi-

Spiritus Sancte, Deus,

tié de nous.

miserere nobis.

Trinité Sainte, un seul Dieu,

Sancta Trinitas, unus

ayez pitié de nous.

Deus, miserere nobis.

Sainte Marie, priez pour

Sancta Maria, ora pro

nous.

nobis.

Sainte Mère de Dieu, priez,

Sancta Dei Genitrix,

etc.

ora, etc.

1

Sainte Vierge des vierges.

Sancta Virgo virginum.

Mère du Christ.

Mater Chrisii.

Mère de la divine grâce

Mater divinae gratiae.

Mère très pure.

Mater purissima.

Mère très chaste.

Mater castissima.

Mère inviolable.

Mater inviolata.

Mère sans tache.

Mater intemerata.

Mère aimable.

Mater amabilis.

Mère admirable.

Mater admirabilis.

Mère du bon conseil.

Mater boni consilii.

Mère du Créateur.

Mater Creatoris.

Mère du Sauveur.

Mater Salvatoris.

Vierge très prudente.

Virgo prudentissima.

Vierge digne de tout honneur.

Virgo veneranda.

Vierge digne de toute lou-

Virgo praîdicanda.

ange.

Le Temps Pascal.

Virgo potens. Virgo clemcns. Virgo fidelis. Spéculum justitirc. Scdes Sapientiae. Causa nostrae laetitiae Vas spirituale. Vas honorabile. Vas insigne devotionis. Rosa mystica. Turris Davidica. Turris eburnea, Domus aurea. Fœderis arca. Janua cœli. Stella matutina. Salus infirmorum. Refugium peccatorum. Consolatrix afflictorum. AuxiliumChristianorum. Regina Angelorum. Regina Patriarcharum. Regina Prophetarum. Regina Apostolorum. Regina Martyrum. Regina Confessorum. Regina Virginum. Regina Sanctorum om- nium. Regina sine labe origi-

nali concepta. Regina sacratissimi Ro-

sarii. Agnus Dci. qui tollis peccata mundi, parce nobis, Domine. Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, exaudi nos. Domine. Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, mise- rere nobis.

Vierge puissante. Vierge clémente. Vierge fidèle. Miroir de justice. Siège de la Sagesse. Cause de notre joie. Vase spirituel. Vase honorable. Vase insigne de dévotion. Rose mystique. Tour de David. Tour d'ivoire. Maison d'or. Arche d'alliance. Porte du ciel. Etoile du matin. Salut des infirmes. Refuge des pécheurs. Consolatrice des affligés. Secours des Chrétiens. Reine des Anges. Reine des Patriarches. Reine des Prophètes. Reine des Apôtres. Reine des Martyrs. Reine des Confesseurs. Reine des Vierges. Reine de tous les Saints.

Reine conçue sans la tache

originelle. Reine du très saint Rosaire.

Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, pardon- nez-nous. Seigneur. Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, exaucer- nous. Seigneur. Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, ayez pi- 1 lié de nous.

Prière du Soir

i3

f. Priez pour nous, sainte Mère de Dieu ;

l]f. Afin que nous soyons ignés des de Jésus-Christ.

f. Ora pro nobis , sancta Dei Genitrix.

Ff'. Ut digni efliciamur promissionibus Christi.

SEIGNEUR Dieu, daignez ac- corder à nous, vos servi- teurs, la grâce de jouir cons- tamment de la santé de l'âme et du corps ; et, par la glo- rieuse intercession de la bien- heureuse Marie toujoursVier- ge, délivrez-nous de la tris- tesse du temps présent, et faites-nous jouir de réternelle félicité. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

CONCEDE nos famulos tuos, quaesumus Do- mine Deus , perpétua mentis et corporis sani- tate gaudere : et gloriosa b e a t as Mariae semper Virginis intercessione, a prœsenti liberari tristitia et îeterna perfrui lastitia. Per Christum Domi- num nostrum. Amen.

PRIÈRE AUX SAINTS ANGES.

SAINTS Anges, nos gardiens, défendez-nous dans le combat, afin que nous ne pé- rissions pas au jour du juge- ment redoutable.

f. Dieu a commandé à ses Arîges.

"Bf. De vous garder dans toutes vos voies.

SANCTI Angeli, custo- des nostri, defendite nos in praelio, ut non pe- reamus in tremendo ju- dicio.

f. Angelis suis Deus mandavit de te.

rj\ Ut custodiant te in omnibus viis tuis.

ODiEU, qui, vidence i

par une pro- nefFable, dai- gnez commettre vos saints Anges à notre garde, accor-

p.EUS, qui

ineffabili providentia sanctos Angelos tuos ad nostram custodiammittere digna-

14

Le Temps Pascal.

ris : largire supplicibus tuis, et eorum semper protectione defendi, et jEterna societate i;audere. Per Christum Domuium nostrum. Amen.

A TOUS

. , ç ANCTI D e i

^^^' O omnes, in-

tercedere dignemini pro

nostra oniniumque sa-

lute.

dcz à vos humbles serviteurs d'être sans cesse défendus par leur protection, et de jouir éternellement de leur société. Par Jésus-Christ notre Sei- gneur. Amen.

LES SAINTS.

. , C; AINTS de Dieu, ANT. ^ daignez tous in- tercéder pour notre salut et celui de tous.

PSAUME CXXIX.

DE profundis^ clamavi ad te, Domine : Do- mine, exaudi vocem me- am.

Fiant aures tuae inten- dentes : in vocem depre- cationis mea».

Se iniquitates obser- vaveris, Domine : Domi- ne, quis sustinebit ?

Quia apud te propitia- tiocst: et propter legem tuam sustinui te, Domi- ne.

Sustinuit anima mea in verbo ejus : speravit anima mea in Domino.

A custodia matutina usque ad noctem : speret Israël in Domino.

Quia apud Dominum misericordia : et copiosa apud eum redemptio.

Et ipse redimet Israël : ex omnibus iniquitatibus ejus.

Du fond de l'abîme j'ai crié vers vous. Seigneur ! Seigneur, écoutez ma voix.

Que vos oreilles soient attentives aux accents de ma supplication.

Si vous recherchez les ini- quités. Seigneur! Seigneur, qui pourra subsister ? _ _

Mais parce que la miséri- corde est avec vous, et à cause de votre loi. je vous ai attendu, Seigneur!

Mon àme a attendu avec confiance la parole du _ Sei- gneur ; mon âme a espère en

Tui- . ,. .

Du point du jour a 1 arri- vée de la nuit. Israël doit es- pérer dans le Seigneur.

Car dans le Seigneur est la miséricorde, et en lui une abondante rédemption.

Et lui-même rachètera Is- raël de toutes ses iniquités.

Prière du Soir.

i5

Donnez-leur, Seigneur, le repos éternel ; et que la lu- mière qui ne s'éteint pas luise sur eux.

f. Des portes de l'enfer.

"Sf. Arrachez leurs âmes- Seigneur.

i^. Qu'ils reposent en paix.

R|. Amen.

f. Seigneur, exaucez ma prière ;

^. Et que mon cri par- vienne jusqu'à vous.

Requiem aeternam do- na eis. Domine : et lux perpétua luceat eis.

f. A porta inferi,

K. Erue, Domine, ani- mas eorum.

f. Requiescantinpace.

Ri- Amen.

j^. Domine, exaudiora- tionem meam ;

Bî. Et clamor meus ad te veniat.

ODiEUr Créateur et Ré- dempteur de tous les fidèles, accordez aux âmes de vos serviteurs et de vos ser- vantes la rémission de tous leurs péchés, afin que, par la prière de votre Eglise, elles obtiennent le pardon qu'elles désirèrent toujours. Vous qui vivez et régnez dans les siè- cles des siècles. Amen.

UlDELiUM Deus om- * nium Conditor et Redemptor, animabus Êamulorum famularum- que tuarum remissionem cunctorum tribue pecca- torumrut indulgentiam quam semperoptaverunt, piis supplicationibus consequantur. Qui vivis et régnas in saecula saecu- lorum. Amen.

ANTIENNE.

SAUVEZ-NOUS, Seigneur , durant la veille; gardez- nous durant le sommeil : afin que nous puissions veiller avec Jésus-Christ, et que nous reposions dans la paix.

f. Daignez, Seigneur, du- rant cette nuit,

^. Nous garder de tout péché.

SALVA nos, Domine, vigilantes ; custodi nos dormientes : ut vigi- lemus cum Christo, et requiescamus in pace.

f. Dignarc, Domine, nocte ista,

'Bf.. Sine peccato nos custodire.

i6

Le Temps Pascal.

t. Miserere nostri, Do- mine.

iç:. Miserere nostri.

y. Fiat misericordia tua, Domine, super nos,

Vf. Qucmadmodum speravimus in te.

f. Domine, exaudi orationem meam ;

^. Et clamor meus ad te veniat.

f. Ayez pitié de nous, Sei- gneur !

11). Ayez pitié de nous.

j^. Que votre miséricorde soit sur nous. Seigneur,

j^. Dans la mesure que nous avons espéré en vous.

j^. Seigneur, exaucez ma prière :

^. Et que mon cri par- vienne jusqu'à vous.

VISITA, quœsuraus Do- mine, habitationem istam. et omnes insidias inimici ab ea longe re- pelle : Angeli tui sancti habitent in ea, qui nos in pace custodiant ; et benedictio tua sit super nos semper. Per Domi- num nostrum Jesum Christum, Filium tuum, qui tecum vivit et régnât in unitate Spiritus Sanc- ti Deus, per omnia s3e- cula saeculorum. Amen.

V

ISITEZ, s'il vous plaît, Seigneur, cette maison, et éloignez-en toutes les em- bûches de l'ennemj. Que vos saints Anges y habitent, qu'ils nous y gardent dans la paix ; et que votre bénédic- tion demeure toujours sur nous. Par Jésus-Christ votre Fils, notre Seigneur, qui, étant Dieu, vit et règne avec vous, en l'unité du Saint-Es- prit, dans tous les siècles des siècles. Amen.

Enfin, pour terminer la journée dans les sentiments (que doit inspirer le Temps pas- cal, on répétera ces touchantes paroles que l'Eglise emprunte aux disciples d'Emmaùs, dans son Onice du soir:

^ r^ EMEUREZ avec nous, '■•--' Seigneur, alléluia;

^ » « ANE nobiscum, '' IVl Domine, allé- luia ;

^. Quonlam advcspe- rascit. alléluia.

'Bf. Car il se fait tard, allé- luia.

^mm^i^'^jMé

CHAPITRE 11.

DE L ASSISTANCE A LA SAINTE MESSE, AU TEMPS PASCAL.

E Dimanche, si la Messe à la- quelle on assiste est parois- siale, deux rites solennels, l'As- persion de l'Eau bénite, et en beaucoup d'églises la Proces- sion, devront d'abord intéresser

ANTIENNE DE L ASPERSION.

piete

Jll vu une eau qui sortait du temple, au côté droit, alléluia ; et tous ceux que cette eau a touchés ont été sauvés, et ils diront : Allé- luia, alléluia.

Ps. Louez le Seigneur, parce qu'il est bon, et sa misé- ricorde est à jamais.

Gloire au Père. J'ai vu une eau.

\IDI aquam egrcdien- tem de templo a la- tere dextro, alléluia : et omnes ad quos pervenit aqua ista salvi facti sunt, et dicent : Alléluia, allé- luia.

Ps. Confitemini Do- mino, quoniam bonus : quoniam in saeculum mi- sericordia ejus.

Gloria Patri. Vidi aquam.

LE TEMPS PASCAL. T. III.

j8

Le Temps Pascal.

y. Ostende nobis. Do- mine, misericordiam tiiam, alléluia ;

^. Et Salutare tuum da nobis, alléluia.

y. Domine, exaudi orationem meam ;

f^. Et clamer meus ad te veniaL

t. Dominus vobiscum ;

î^. Et cum spiritu tuo.

f. Montrez-nous, Sei- gneur, votre miséricorde, al- léluia ;

^. Et donnez-nous le Sau- veur que vous nous avez des- tiné, alléluia.

f. Seigneur, exaucez ma prière ;

^. Et que mon cri monte jusqu'à vous.

"f. Le Seigneur soit avec vous ;

^. Et avec votre esprit.

EXAUDI nos, Domine sancte, Pater omni- potens, œterne Deus : et mittere digneris sanctum Angelum tuum de cœlis, qui custodiat, foveat, protegat, visitet, atque defcndat omnes habitan- tes in hoc habitaculo. Per Christum Dominum nostrum. Amen.

EXAUCEZ-NOUS, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel ; et daignez en- voyer du ciel votre saint Ange qui garde, visite et défende tous ceux qui sont rassemblés en ce lieu. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

L'ORDINAIRE DE LA MESSE.

IN nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Amen.

j^. Introibo ad altare Dei :

Vf. Ad Deum qui laeti- ficat juventutem meam.

JUDICA me, Deus, et discerne causam meam

Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il !

Je m'unis, ô mon Dieu, à votre sainte Eglise qui se réjouit en la Résurrection de Jésus-Christ votre Fils, l'Au- tel véritable.

COMME elle, je vous supplie de me défendre contre la

Ordinaire de la Messe.

'9

malice des ennemis de mon salut.

C'est en vous que j'ai mis mon espérance ; et cependant je me sens triste et inquiet à cause des embûches qui me sont tendues.

Faites-moi donc voir celui qui est la Lumière et la Vé- rité : c'est lui qui nous ou- vrira l'accès à votre sainte montagne, à votre céleste ta- bernacle.

Il est le Médiateur, l'Autel vivant ; je m'approcherai de lui, et je serai dans la joie.

Quand je l'aurai vu, je chanterai avec allégresse. O mon âme, ne t'attriste donc plus, ne sois plus troublée ; le temps de la tristesse est passé.

Espère en lui ; car il a vaincu tes ennemis, la mort et l'enfer, et il t'a associée à son triomphe.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ;

Comme il était au commen- cement, et maintenant et tou- jours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il 1

Je vais donc m'approcher de l'autel de Dieu, et sentir la présence du divin ressus- cité.

Cette confiance est en moi, non à cause de mes mérites, mais par le secours tout-puis- sant de mon Créateur.

de gente non sancta : ab homine iniquo et doloso erue me.

Quia tu es, Deus, for- titudo mea : quare me repulisti ? et quare tris- tis incedo, dum affligit me inimicus ?

Emitte lucem tuam et veritatem tuam : ipsa me deduxerunt et adduxe- runt in montem sanctum tuum, et in tabernacula tua.

Et introibo ad altare Dei : ad Deum qui laeti- ficat juventutem meam.

Confitebor tibi in ci- thara, Deus, Deus meus : quare tristis es, anima mea ? et quare conturbas me ?

Spera in Deo, quo- niam adhuc confitebor illi : Salutare vultus mei, et Deus meus.

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto ;

Sicut erat in principio, et nunc, et semper, et in ssecula saeculorum. Amen.

j^. Introibo ad altare Dei :

^. Ad Deum qui laeti- ficat juventutem meam.

j^. Adjutorium nos- trum in nomine Domini,

fî. Qui fecit coelum et terram.

Le Temps Pascal.

Cette pensée qu'il va paraître devant le Seigneur excite dans l'âme du Prêtre un vif sentiment de componction. 11 ne veut pas aller plus loin sans confesser publiquement qu'il est pécheur et indigne de cette grâce. Écoutez avec respect cette confession de l'Homme de Dieu, et faites ensuite votre con- fession avec le ministre, disant à votre tour avec contrition :

C'V)NFiTEOR Deo omni- ^ potenti, beat;K Mariae semper Virgini, beato Michaeli Archangelo, beato Johanni l'aptistae, sanctis Apostolls Petro et Paulo, omnibus Sanc- tis, et tibi. Pater, quia peccavi nimis cogita- tione, verbo et opère : mea culpa, raea culpa, mea maxima culpa. Ideo precor beatam Mariam semper Virginem, bea- tum Michaelem Archan- gelum. beatum Johannem Baptistam, s a n c t o s Apostolos Petrum et Paulum. omnes Sanctos, et te. Pater, orare pro me ad Dominura Deum nostrum.

MISEREATUR V e S t r i omnipotens Deus, et dimissis peccatis ves- tris. perducat vos ad vi- lam œternam. ^. Amen. Indulgentiam, absolu-

JE confesse à Dieu tout- puissant, à la bienheureuse Marie toujours Vierge, à saint ^ïichei Archange, à saint Jean-Baptiste, aux Apôtres saint Pierre et saint Paul, à tous les Saints, et à vous, mon Père, que j'ai beaucoup péché en pensées, en paroles et en œuvres : par ma faute, par ma faute, par ma très grande faute. C'est pourquoi je supplie la bienheureuse Marie toujours Vierge, saint Michel Archange, saint Jean- Baptiste, les Apôtres saint Pierre et saint Paul, tous les Saints, et vous, mon Père, de prier pour moi le Seigneur notre Dieu.

OUE le Dieu tout-puissant ait pitié de vous, qu'il vous remette vos péchés et vous conduise à la vie éter- nelle.

^. Amen.

Que le Seigneur tout-puis-

Ordinaire de la Messe.

sant et miséricordieux nous accorde l'indulgence, l'abso- lution et la rémission de nos péchés. Rj. Amen.

- /^ Dieu, d'un seul

^*v-V regard vous nous donnerez la vie;

fi|. Et votre peuple se ré- jouira en vous.

j^. Montrez-nous, Seigneur, votre miséricorde ;

Rj. Et donnez-nous le Sau- veur que vous nous avez pré- paré.

j^. Seigneur, exaucez ma prière ;

^. Et que mon cri parvienne jusqu'à vous.

f. Le Seigneur soit avec vous ;

fij. Et avec votre esprit.

FAITES disparaître de nos cœurs, ô mon Dieu, toutes les taches qui les rendent indignes de vous être présen- tés; nous vous le demandons par votre divin Fils notre Seigneur.

tionem, et remissionem peccatorum nostrorum tribuat nobis omnipotens et misericors Dominus. ^. Amen.

i. TA EUS, tu conver- "■ JL/ sus vivificabis

nos ;

l<i. Et picbs tua Inetabi- tur in te.

f. Ostendc nobis, Do- m i n e, misericordiam tiiam ;

l^. Et Salutare tuum da nobis.

f. Domine, exaudi ora- tionem meam ;

^. Et clamor meus ad te veniat,

f. Dominusvobiscum;

Rj. Et cum spiritu tuo. OREMUS.

AUFER a nobis, quœ- sumus Domine, ini- quitates nostras ; ut ad Sancla Sanctorum puris mereamur mentibus in- troire. Per Christum Dominum n o s t r u m. Amen.

Quand le Prêtre baise l'autel par respect pour les os des Martyrs qu'il couvre, on dira :

GÉNÉREUXsoldats de Jésus- |>^ ramus te, Domine, Christ, qui avez mêlé lvJ per mérita Sancto-

Le Temps Pascal.

rum tuorum quorum re- liquiae hic sunt, et om- nium Sanctorum ; ut in- dulgere digneris omnia peccata mea. Amen

votre sang au sien, faites ins- tance pour que nos pécliés soient remis, afin que nous puissions, comme vous, ap- procher de Dieu.

Si la Messe est solennelle, le Prêtre en- cense l'autel. Il dit ensuite l'Introït, qui est suivi des Kyrie.

Au Père, qui nous a envoyé sonF ils pour nous délivrer de la mort.

KYRIE, eleison. Kyrie, eleison. Kyrie, eleison.

SEIGNEUR, ayez pitié ! Seigneur, ayez pitié Seigneur, ayez pitié!

Au Fils qui, par sa Résurrection, a détruit la mort, et nous a frayé le chemin de la vie éternelle.

Christe, eleison. Christe, eleison. Christe, eleison.

Christ, ayez pitié ! Christ, ayez pitié!

Chr

5t, ayez pitie

Au Saint-Esprit, qui est venu répandre ses dons sur l'Eglise tout entière.

Kyrie, eleison. Kyrie, eleison. Kyrie, eleison.

.Seigneur, ayez pitié! Seigneur, ayez pitié! Seigneur, ayez pitié!

L HYMNE ANGELIQUE.

GORIA in ex cel s i s Deo, et in terra pax hominibus bonae volun- tatis.

Laudamus te : benedi- cimus te : adoramus te glorificamus te : gratias

GLOIRE à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté.

Nous vous louons, nous vous bénissons, nous vous ado- rons, nous vous glorifions ;

Ordinaire de la Messe.

23

nous vous rendons grâces à cause de votre grande gloire. Seierneur Dieu, Roi céleste.

beigi Dieu P

ère tout-puissant

Seigneur Jésus-Christ , Fils unique !

Seigneur Dieu, Agneau de hieu, Fils du Père!

Vous qui ôtez les péchés du monde, ayez pitié de nous.

Vous qui ôtez les péchés du monde, recevez notre humble prière.

Vous qui êtes assis à la droite du Père, ayez pitié de nous.

Car vous êtes le seul Saint, vous êtes te seul Seigneur, vous êtes le seul Très-Haut, ô Jésus-Christ, avec le Saint- Esprit, dans la gloire de Dieu le Père. Amen.

agimus tibi propter ma- gnam gloriam tuam.

Domine Deus , Rcx cœlestis, Deus Pater om- nipotens.

Domine, Fili unige- nite, Jesu Christe.

Domine Deus, Agnus Dci, Filius Patris.

Qui toUis peccata mundi, miserere nobis.

Qui tollis peccata mundi, suscipe depreca- tionem nostram.

Qui sedes ad dexteram Patris, miserere nobis.

Quoniam tu solus San- ctus, tu solus Dominus, tu solus Altissimus, Jesu Christe, cum Sancto Spiritu, in gloria Dei Patris. Amen.

Le Prêtre salue le peuple. Vient ensuite la Collecte ou Oraison, qui se trouve au Propre du Temps ou au Propre des Saints, et à la- quelle on doit répondre ^»2e«, avec le minis- tre qui sert la Messe. On lira ensuite l'Epître, puis les Versets alléluiatiques.

Pour préparation à bien entendre l'Evan- gile, on peut dire en union avec le Prêtre et avec le Diacre :

SEIGNEUR , purifiez mes oreilles trop longtemps remplies des vaines paroles du siècle, afin que j'entende la Parole de la vie éternelle et que je la conserve dans mon cœur ; par Jésus-Christ,

M

UNDA cor meum ac labia mea, omnipo- tens Deus, qui labia Isaiaï prophetae calcule mundasti ignito : ita me tua grata miseratione di- gnare mundare, ut sanc-

24

Le Temps Pascal.

tum Evangelium tuum digne valeam nuntiare. Per Christiim Dominum nostrum. Amen.

Dominus sit in corde mco, et in labiis mois ; ut digne et compctenter annuntiem Evangelium suum In nominc iPatris, et Filii, et Spiritus Sancti. Amen,

votre Fils, notre Seigneur. Amen.

Donnez à vos ministras la grâce d'être les fidèles inter- prètes de votre loi, afin que, pasteurs et troupeau, nous nous réunissions tous en vous à jamais.

On se tiendra debout, par respect, pendant la lecture de l'Evangile; on fera sur soi le signe de la Croix, et on suivra toutes les paroles du Prctrc ou du Diacre.

Après l'Evangile, si le Prêtre récite le Sym- bole de la Foi, on dira avec lui .

SYMBOLE DE NICEE.

-.^ REDO in unum Deum C^ Patrem omnipoten- rem, factorem cœli et terrée, visibilium om- nium et invisibilium.

Et in unum Dominum Jesum Christum, Fiiium Dei unigenitum. Et ex Pâtre natum ante omnia saecula. Deum de Deo, lumen de lumine, Deum verum de Deo vero. Ge- nitum, non factum, con- substantialem Patri per guem omnia facta sunt. Qui propter nos homines et propter nostram salu- tem, descendit de cœlis. Et incarnatus est de Spi- ritu Sancto ex Maria Virgine . et HOMO FAC-

. E crois en un seul Dieu, le 1 Père tout-puissant, qui a Tait le ciel et la terre, et toutes les choses visibles et invisibles.

Et en un seul Seigneur Jé- sus-Christ, Fils unique de Dieu; qui est du Père avant tous les siècles; Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu , qui n'a pas été fait, mais engen- dré . consubstantiel au Père, par qui toutes choses ont été faites. Qui est descendu des cieux pour nous autres hom- mes, et pour notre salut. Et qui a pris chair de la Vierge Âlarie par l'opération du Saint-Esprit , ET QUI s'est FAIT HOM.ME. Qui a été aussi

Ordinaire de la Messe.

2 5

TUS EST. Crucifixus etiam pro nobis sub Pon- tio Pilato, passus, et se- pultus est. Et resurrexit tertia die, secundum Scripturas. Et ascendit in ccelum : sedet ad dex- teram Patris. Et iterum venturus est cum gloria judicare vivos et mor- tuos : cujus regni non erit finis.

Et in Spiritum Sanc- tum, Dominum et vivifi- cantem, qui ex Pâtre Fi- lioque procedit. Qui cum Pâtre et Filio simul ado- ratur, et conglorifica- mur : qui locutus est per Prophetas. Et Unam, Sanctam, Catholicam et Apostolicara Ecclesiam. Confiteor unum Baptis- ma in remissionem pec- catorum. Et exspecto re- surrectionem mortuo- rum, et vitam venturi saeculi. Amen.

Nous entrons dans cette seconde partie de la sainte Messe qui est appelée Oblation. Le Prêtre salue encore le peuple, pour l'avertir d'être de plus en plus attentif. Lisons avec lui l'Offertoire ; et quand il présente à Dieu l'Hostie, joignons-nous à lui et disons :

TOUT ce que nous avonsi Seigneur, vient de vous

crucifié pour nous sous Pon- ce-Pilate; qui a souffert, qui a été mis dans le sépulcre : qui est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures. Et qui est monté au ciel, qui est assis à la droite du Père, et qui viendra encore avec gloire pour juger les vivants et les morts ; et dont le règne n'aura point de fin.»'

Je crois au Saint-Esprit, Seigneur et vivifiant, qui pro- cède du Père et du Fils; qui est adore et glorifié conjointe- ment avec le Père et le Fils ; qui a parle par les Prophè- tes. Je crois l'Eglise qui est Une, Sainte, Catholique et Apostolique. Je confesse qu'il y a un Baptême pour la ré- mission des péchés; et j'at- tends la résurrection des morts, et la vie du siècle à venir. Amen.

est à vous ; il est donc juste que nous vous le ren- dions. Mais combien vous êtes admirable dans les in-

usciPE, sancte Pater, omnipotens œterne eus, hanc immacula- tarahostiara, quam ego, indignus famulus tuus ofFero tibi Deo meo vivo

§,

26

Le Temps Pascal.

et vero, pro innumerabi- libus peccatis et ofTcn- sionibus et nee;ligentiis meis, et pro omnibus cir- ciimstantibus, sed et pro omnibus fidelibus chris- tianis vivis atque defunc- tis ; ut mihi et illis profi- ciat ad salutem in vitam aeternam. Amen.

Quand le Prêtre met dans le calice le vin, auquel il mêle ensuite un peu d'eau :

DEUS, qui humanaesub- stantiae dignitatera mirabiliter condidisti, et mirabilius reformasti : da nobis, per hujus aquae et vini mysterium, ejus divinitatis esse con- sortes, qui humanitatis nostrae fieri dignatus est particeps, Jésus Christus Filius tuus Dominus noster ; qui tecum vivit et régnât in unitate Spi- ritus Sancti Deus, per omnia saecula saeculorum. Amen.

Le Prêtre offre ensuite le mélange de vin et d'eau :

ventions de votre puissante charité ! Ce pain que nous vous offrons va bientôt céder la place à votre sacré Corps; recevez, dans une même obla- tion, nos cœurs qui vou- draient vivre de vous, et non plus d'eux-mêmes.

Qeigneur, qui êtes la véri- table Vigne, et dont le sang, comme un vin géné- reux, s'est épanché sous le pressoir de la Croix, vous avez daigné unir votre na- ture divine à notre humble humanité, figurée ici par cette goutte d'eau ; venez nous faire participants de votre divinité, en vous mani- festant en nous par votre douce et puissante visite.

OFFERIMUS tibi, Do- mine, calicem salu- taris, tuam deprecantes clementiam : ut in cons- pectu divinre Majestatis tuae, pro nostra et totius mundi salute, cum odore suavitatis ascendat. Amen.

A GRÉEZ ces dons, souve- ^*- rain Créateur de toutes choses ; qu'ils soient ainsi préparés pour la divine trans- formation qui, de cette sim- ple offrande de créatures, va faire l'instrument du salut du monde.

Ordinaire de la Messe.

27

SI nous avons la hardiesse d'approcher de votre au- tel, Seigneur, ce n'est pas que nous puissions oublier ce que nous sommes. Faites-nous miséricorde, afin que nous puissions paraitre en la pré- sence de votre Fils, qui est notre Hostie salutaire.

\J ENEZ, Esprit divin, fécon- ' der cette offrande qui est sur l'autel, et produire en nos cœurs celui que nos cœurs attendent.

ENi, Sanctificator omnipotenr œterne

V

Deus, et benedic hoc sa- crificium tuo sancto No- mini prasparatum.

Si c'est une Messe solennelle, le Prêtre encense le pain et le vin qui viennent d'être offerts, et ensuite l'autel lui-même; puis il lave ses mains.

iN spiritu humilitatis, l et in animo contrito suscipiamur a te, Domi- ne : et sic fiât sacrificium nostrum in conspectu tuo hodie, ut placeat tibi, Domine Deus.

DU PSAUME XXV,

JE veux laver mes mains. Seigneur, et me rendre semblable à ceux qui sont dans l'innocence, pour être digne d'approcher de votre autel, d'entendre vos sacrés cantiques, et de raconter vos merveilles. J'aime la beauté de votre maison, le lieu dont vous allez faire l'habitation de votre gloire. Ne me lais- sez pas retourner, ô . Dieu, dans la compagnie de vos ennemis et des miens. Depuis que votre miséricorde m'en a retiré, je suis revenu à l'in- nocence, en rentrant en grâce avec vous ; mais ayez encore pitié de mes faiblesses, rache-

I AVABO inter innocen- *-" tes manus meas : et circumdabo altare tuum, Domine.

Ut audiam vocem lau- dis : et enarrem universa mirabilia tua.

Domine, dilexi déco- rem domus tuas : et lo- cum habitationis gloriae tuœ.

Ne perdas cum impiis, Deus, animam meam: et cum viris sanguinum vi- tam meam.

In quorum manibus iniquitates sunt : dextera eorum repleta est mune- ribus.

Ego autem in innocen- tia mca ingressus sum : redirae me, et miserere mai.

Pes meus stetit in di- recte: in ecclesiis bene- dicam te, Domine.

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto ;

Sicut erat in principio, et nunc. et semper, et in saecula saeculorum . Amen.

tez-moi encore, vous qui avez, par votre bonté, remis mes pas dans le sentier; ce dont je vous rends grâces au milieu de cette assemblée. Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ; comme il était au commencement, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Le Prêtre, au milieu de l'autel, s'incline respectueusement :

SusciPE, sancta Tri- nitas, hanc o'olatio- nem, quam tibi ofterimus ob memoriam Passionis, Resurrectionis, et As- censionis Jesu Christi Domini notri : et in ho- norem beatae Marias sem- per Virginis, et beati johannis" Baptistœ, et sanctorum Apostolorum Pétri et Pauli, et isto- rum, et omnium Sancto- rum, ut illis proficiat ad honorem, nobis autem ad salutem: et illi pro no- bis intercedere dignentur in cœlis, quorum memo- riam agimus in terris. Per eumdem Christum Dominum nostrum. Amen.

Le Prêtre se tourne une dernière foi: le peuple, et il dit ;

-T- RINITE samte, agréez ce 1 Sacrifice ainsi préparé, qui va renouveler la mémoire de la Passion, de la Résur- rection et de l'Ascension de Jésus-Christ, notre Seigneur. Souffrez que votre Eglise y joigne l'intention d'honorer la glorieuse Vierge Marie, les saints Apôtres Pierre et Paul, les Martyrs dont les ossements attendent la résur- rection sous cet autel, et les Saints dont aujourd'hui nous honorons la mémoire. Aug- mentez la gloire dont ils jouissent ; et qu'ils daignent eux-mêmes intercéder pour notre salut.

Ordinaire de la Messe.

2q

PIEZ, mes Frères, afin que mon Sacrifice, qui est aussi le vôtre, soit accepta- ble auprès de Dieu le Père tout-puissant.

E le Seigneur re- çoive le Sacrifice de vos mains, pour la lou- ange et la gloire de son Nom, pour notre utilité et pour celle de toute sa sainte Eglise.

,.q;

a AIE. Fratres : ut meum ac vestrum sacrificium acceptabile fiât apud Deum Patrem omuipotentem.

jj QjsciPlAT Domi- ^' '-'nus sacrificium de manibus tuis, ad lau- dem et gloriam Nominis sui, ad utilitatem quoque nastram,totiusque Eccle- siae sucC sanctre.

Le Prêtre récite les Oraisons Secrètes, qu'il termine à haute voix :

r^NS tous les siècles des *-^ siècles.

fij. Amen.

Le Seigneur soit avec vous;

^. Et avec votre esprit.

Les cœurs en haut !

^. Nous les avons vers le Seigneur.

Rendons grâces au Sei- gneur notre Dieu.

19. C'est une chose digne et iuste.

01, c'est une chose digne et juste, équitable" et salutaire, de célébrer vos grandeurs en tout temps. Seigneur; mais surtout en ces jours le Christ notre Pâque a été immolé ; car il

Per omnia saecula sae- culorum.

Bl. Amen.

Dominus vobiscum ;

^. Et cum spiritu tuo.

Sursum corda !

Ri. Habemus ad Domi- num.

Gratias agamus Do- mino Deo nostro.

^. Dignum et justum est.

V^RE dignum et justum est, aequum et salu- tare, te quidem. Domine, omni tempore, sed in hoc potissimum gloriosius praedicare, quum Pascha nostrum immolatus est

I. Les Préfaces de l'Ascension et de la Pentecôte se trouvent aux Messes de ces fêtes.

3o

Le Temps Pascal.

Christus. Ipse enim ve- rus est Agnus, qui abs- tulit peccata mundi. Qui mortem nostram inorien- do destruxit, et vitam resurgendo reparavit. Et idco cum Angelis cl Ar- changelis, cum Thronis et Dominationibus, cum- que omni militia cœlestis exercitus, hymnum glo- rije tuœ canimus, sine fine dicentes

SA N c T u s, Sanctus, Sanctus Dominas Deus Sabaoth !

Pleni sunt cœli et terra gloria tua.

Hosannain excelsis 1

Benedictus qui venit in nomine Domini.

Hosanna in excelsis !

est le véritable Agneau qui a ôté les péchés du monde. C'est lui qui, par sa mort, a détruit notre mort, et qui, par sa résurrection, a réta- bli notre vie. C'est pourquoi, avec les Anges et les Ar- changes, avec les Trônes et lc<! Dominations, avec l'ar- mce entière des cieux, nous chantons l'hymne à votre gloira, disant sans jamais cesser :

SAINT. Saint, Saint est le Seigneur, le Dieu dés- armées 1

Les cieux et la terre sont remplis de sa gloire.

Hosannah au plus haut des cieux 1

Béni soit Celui qui vient Cil nom du Seigneur.

Hosannah soit à lui au plus haut des cieux !

LE CANON DE LA MESSE.

TE igitur, clementis- sime Pater, perJesum Christum Filium tuum Dominum nostrum sup- plices rogamus ac peti- mus, uti accepta habeas, et benedicas hsc dona, haec munera, haec sancta sacrificia illibata, in prl- mis quœ tibi offerimus pro Ecclesia tua sancta catholica : quam pacifi- care, custodirc. adunare, et regcre digneris toto

^^ Dieu, qui vous m.anifes- \_) tez au milieu de nous par le moyen des Mystères dont vous avez fait déposi- taire notre Mère la sainte Eglise, nous vous supplions, au nom de ce divin Sacrifice, de détruire tous les obstacles qui s'opposent à son pèleri- nage en ce monde. Donnez- lui la paix et l'unité ; con- duisez vous-même notre Saint-Père le Pape, votre Vicaire sur la terre ; dirigez

Ordinaire de la Messe.

notre Evêque, qui est pour nous le lien sacré de l'unité ; sauvez le prince qui nous gouverne, afin que nous me- nions une vie tranquille ; conservez tous les orthodoxes enfants de l'Eglise Catho- lique-Apostolique-Romaine.

y-jERMETTEZ-MOI, Ô mon

j Dieu ! de vous demander de répandre vos bénédictions spéciales sur vos serviteurs et vos servantes, pour les- quels vous savez que j'ai une obligation particulière de prier... Appliquez-leur les fruits [de ce divin Sacrifice qui vous est offert au nom de tous. Visitez-les par votre grâce ; pardonnez leurs pé- chés ; accordez-leur les biens de la vie présente et ceu.x de la vie éternelle.

MAIS non seulement, ô mon Dieu, l'offrande de ce _ jrifice nous unit à nos frères qui sont encore dans cette vie voyagera de l'é- preuve ; il resserre aussi nos liens avec ceux qui déjà sont établis dans la gloire. Nous l'offrons donc pour honorer la mémoire de la glorieuse et toujours Vierge Marie, des Apôtres, des Martyrs, des Confesseurs, des Vierges, en un mot de tous les Justes, afin qu'ils nous aident par leur puissant secours à deve-

orbe terrarum, una cum famulo tuo Papa nostro N. et Antistite nostro jV., et omnibus orthodoxis, atque catholica; et apos- tolica; fidei cultoribus.

MEMENTO, Domine, famulorum famula- rumque tuarum N. et JV., et omnium circumstan- tium, quorum tibi fides cognita est, et nota devo- tio : pro quibus tibi of- ferimus. vel qui tibi offe- runt hoc sacrificium lau- dis, pro se, suisque om- nibus, pro redemptione animarum suarum. pro spe salutis et incolumi- tatis suœ ; tibique red- dunt vota sua aeterno Deo, vivo et vero.

COM.MUNICANTES, et

memoriam vénéran- tes, in primis ^loriosœ semper \'irginis Mariœ, Genitricis Dei et Domini nostri Jesu Christi : sed et beatorum Apostolo- rum, ac Martyrum tuo- rum. Pétri et Pauli, An- dréas, Jacobi. Johannis, Thomas, Jacobi, Philip- pi, Bartholomœi, Mat- thaei, Simonis et Thad- dœi : Lini, Cleti, Cle- mentis, Xysti, Cornelii, C y p r i a n i, Laurentii,

32

Le Temps Pascal.

nir dignes de vous contem-

Pairs, efï) nia: pTer-- iamais comme eux, n.! et omnTum Sancto- Sans le se>ur de votre glo.re ?am taorum : quorum meritis prec.busque conÇedas u in omnibus proicction.s tuae mun.amur aux.ho. Fer cumdem Christum Dominum nostrum. Amen

H»!

.NC igitur oblatlo- nem servitutis nos- trœ, sed et cunctae fami- liae tuae, quxsumus Do- mine, ut placatus acci- pias : diesque nostros in tua pace disponas, atque ab œterna damnatione noseripi, et in eleclorum tuorum jubeas grege nu- merari. Per Christum Dominum nostrum. Amen.

Quam oblationera tu, Deus, in omnibus, quœ- sumus, benedictam, ad- scriptam, ratam. rationa- bilem. acceptabilemque facere digneris ; ut nobis Corpus et Sanguis fiât dilectissimi Filii tui Do- mini nostri Jesu Christi. Ol pridie quam pa- teretur, accepit pa~ nem in sanctas ac vene-

Irabiles manus suas : et elevatis oculis in cœlum. ad te Deum Patrem suum omnipotentem, tibi gratias agens, benedixit, fregit, deditque discipu- lis suis, dicens : Acci- pite, et manducate ex hoc omnes. Hoc est ENiM Corpus meum.

r\viGNEZ recevoir, ô Dieu, *-^cette offrande que toute votre famille vous présente, comme l'hommage de son heureuse servitude. En échange, donnez-nous la paix, sauvez-nous de votre colère, mettez-nous au nombre de vos élus ; par Jésus-Christ, notre Seigneur, qui va paraî- tre.

Car il est temps que ce pam devienne son Corps sacre, qui est notre nourriture, et que ce vin se transforme en son Sang, qui est notre breu- vage ; ne tardez donc plusa nous introduire en la pré- sence de ce divin Fils, notre Sauveur !

QE ferai-je en ce moment, ô Dieu du ciel e;de la terre. Sauveur. Rédempteur du monde, vainqueur de la mort, si ce n'est de vous ado- rer en silence comme mon souverain Maître, (de vous ouvrir mon cœur, comme a son Roi plein de douceur . Venez donc, Seigneur Jésus 1 venez 1

Ordinaire de la Messe.

33

SANG divin, prix de mon sa- lut, je vous adore. Lavez mes iniquités, et rendez-moi plus blanc que la neige. Agneau sans cesse immolé et cependant toujours vivant, vous venez effacer les péchés du monde ; venez aussi régner en moi par voire force et par votre douceur. Lix Sanguinis mei, novi et

C I.MILI modo postquam - cœnatum est, acci- piens et hune prœclarum Calicem in sanctas ac venerabiles manus suas : item tibi gratias agens, benedixit, deditque dis- cipulis suis dicens : Ac- cipitc et bibite ex eo om- nes. Hic est enim Ca-

JETERNI TESTAMENTI :

MYSTERIU.M FIDEI : QUI PRO VOBIS ET PRO MULTIS EFFUNDETUR IN REMISSIONEM PECCATORUM. Haec quo-

tiescumque feceritis, in mei memoriam facietis.

LA voici donc, ô Père saint, l'Hostie si longtemps at- tendue. Voici ce Fils éternel qui a souffert, qui est ressus- cité glorieux, qui est monté triomphant au ciel. Il est votre Fils ; mais il est aussi notre Hostie, Hostie pure et sans tache ; notre Pain et notre Breuvage d'immorta- lité.

Vous avez agréé autrefois le sacrifice des tendres agneaux que vous offrait Abel ; le sacrifice qu'Abra- ham vous fit de son fils Isaac, immolé sans perdre la vie ; enfin le sacrifice mystérieux du pain et du vin que vous présenta Melchisédech. Rece- vez ici l'Agneau par excel- lence, la victime toujours vi-

[ Tndf. et memores, Do- *" mine, nos servi tui, sed et picbs tua sancta, ejusdem Christi Filii tui Domini nostri tam beatae Passionis, nec non et ab inferis Resurrectionis, sed et in cœlos gloriosae Ascensionis : offerimus prœclarœ Majestati tuae de tuis donis ac datis Hostiam puram, Hostiara sanctam, Hostiam imma- culatam : Panem sanctum vitae œternas, et Calicem salutis perpetuae.

Supra quae propitio ac sereno vultu respicere digneris, et accepta ha- bere, sicuti accepta ha- bere dignatus es munera pueri tui justi Abel, et sacrificium Patriarchae nostri Abrahœ, et quod tibi obtulit summus Sa- cerdos tuus Melchisé- dech, sanctum sacrifi-

LE TEMPS PASCAL.

34

Le Temps Pascal.

cium, iramacuiatam hos- tiam.

UPPLiCES te rogamus, '^s omnipotens Deus : ]uhc hœc perferri per manus sancli Angeli tui in sublime Altare tuum, in conspectii divinas Ma- jestatis tua?- ut quotquot ex hac altaris participa- tions sacrosanctum Fi- lii tui Corpus et Sangui- nem sumpserimus, omni benedictione cœlesti et gratia renleamur. Per eumdem Christum Do- minum nostrum. Amen.

MEMENTO etiam, Do- mine , famulorum lularumque tuarum N, et N., qui nos prae- cesserunt cum signe fi- dei, et dormiunt in som- no pacis. Ipsis, Domi- ne, et omnibus in Chris- to quiescentibus, locum refrigerii, lucis et pacis, ut indulgeas, depreca- mur. Per eumdem Chris- tum Dominum nostrum. Amen.

î^

OBIS quoque pecca-

toribus famulis tuis,

e' multitudine misera-

M

vante, le Corps de votre Fils, qui est le Pain de vie, son Sang, qui est à la fois un breuvage pour nous et une libation à votre gloire.

Aïs, ô Dieu tout-puis- sant ! ces dons sacres ne' reposent pas seulement sur cet autel terrestre ; l'A- gneau vivant et immolé re- pose aussi sur l'Autel sublime du ciel, devant le trône de votre divine Majesté ; et ces deux autels ne sont qu'un même autel, sur lequel s'ac- complit le grand mystère de votre gloire et de notre sa- lut : daignez nous rendre par- ticipants du Corps et du Sang de l'auguste Victime de laquelle émanent toute grâce et toute bénédiction.

- -'excluez personne de fs] votre visite, ô Jésus! Votre aspect réjouit la Cité sainte avec ses élus ; nos yeux encore mortels vous contem- plent, quoique sous un voile- ne vous cachez plus à ceux de nos frères qui sont dans le lieu des expiations. Soyez- leur un rafraîchissement dans leurs flammes, une lu- mière dans leurs ténèbres, une paix dans leurs doulou- reux transports.

ous sommes pécheurs, ô ÎnJ Père saint ! et cepen- dant nous attendons de votre

Ordinaire de la Messe.

35

infinie miséricorde une part dans votre Royaume, par le mérite de ce Sacrifice que noils vous offrons, et non à cause de nos œuvres, qui ne sont dignes que de votre co- lère. Mais souvenez-vous de vos saints Apôtres, de vos saints Martyrs, de vos sain- tes Vierges, de tous les Bien- heureux, et donnez-nous, par leur intercession, la grâce et la gloire éternelle que nous vous demandons au nom de Jésus-Christ notre Seigneur, votre Fils; c'est par lui que vous répandez sur nous vos bienfaits de vie et de sancti- fication ; par lui encore, avec lui et en lui, dans l'unité du Saint-Esprit , soit à vous honneur et gloire à jamais, bis : per ipsum, et cum ipso, Patri omnipotenti, in unitate honor et gloria.

tionum tuarum speranti- bus, partem aliquam ei societatem donare di- gneris cum tuis sanctis Apostolis et Martyribus : cum Johanne, Stephano, Mathia, Barnaba, Igna- tio, Alexandro, Marcel- lino, Petro, Felicitate, Perpétua, Agatha, Lu- cia. Agnète, Cascilia, Anastasia, et omnibus Sanctis tuis ; intra quo- rum nos consortium, non œstimator meriti, sed ve- nix, quœsumus. largitor admitte : per Christum Dominum nostrum. Per quem hœc omnia. Domi- ne, semper bona créas, sanctificas, vivificas, be- nedicis, et praestas no- et in ipsj, est tibi Deo Spiritus Sancti, omnis

D

ANS tous les siècles des siècles. ^. Amen.

PRIONS. Instruits par un précepte salutaire, et sui- vant fidèlement la forme de l'instruction divine qui nous a été donnée, nous osons dire :

PER omnia srecula sae- culorum. W. Amen.

OREMUS . Praeceptis salutaribus moniti, et divina institutione for- mati, audemus dicere :

L ORAISON DOMINICALE.

NOTRE Père, qui êtes aux cieux, que votre Nom i' soit sanctifié; que votre rè-

PATER noster, qui es in cœlis : Sanctifice- tur Nomem tuum Ad-

36

Le Temps Pascal.

veniat regnum tuum Fiat voluntas tua, sicut in cœlo, et in terra. Pa- nem nostrum qiiotidia- num da nobis hodic : Et dimitte nobis débita nostra, sicut et nos di- mittimus debitoribus nostris : Et ne nos indu- cas in tentationem.

1^. Sed libéra nos a malo.

AMEN. Libéra nos, qure- sumus Domine, ab omnibus malis, pra;teri- tis, prœsentibus et futu- ris ; et intercedente beata et gloriosa semper Vir- gine Dei Génitrice Ma- ria, cum beatis Apostolis tuis Petro et Paulo, atque Andréa, et omnibus San- ctis. da propitius pacem in diebus nostris : ut ope misericordiae tua? adjuti, et a peccato simus sem- per liberi, et ab omni perturbatione securi. Per eumdem Dominum nos- trum Jesum Christum Filium tuum, qui tecum vivit et régnât in unitate Spiritus Sancti Deus.

Oer omnia sascula sac- ^ culorum.

^. Amen.

gne arrive ; que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donnez-nous au- jourd'hui notre pain quoti- dien; et pardonnez-nous nos offenses comme nous pardon- nons à ceux qui nous ont offensés. Et ne nous laissez pas succomber à la tentation.

Rj. Mais délivrez-nous du mal.

T^ois sortes de maux nous ^ désolent, Seigneur: les maux passés, c'est-à-dire les péchés dont notre âme porte les cicatrices, et qui ont for- tifié ses mauvais penchants; les maux présents, c'est-a- dire les taches actuellement empreintes sur cette pauvre âme. sa faiblesse et les ten- tations qui l'assiègent ; enfin les maux avenir, c'est-à-dire les châtiments de votre jus- tice. En présence de l'Hostie du salut, nous vous prions, Seigneur, de nous délivrer de tous ces maux, et d'agréer en notre faveur l'entremise de Marie, Mère de Dieu, et de vos saints Apôtres Pierre, Paul et André. Affranchis- sez-nous, délivrez-nous, don- nez-nous la paix. Par Jésus- Christ votre Fils, qui vil et règne avec vous.

DANS tous siècles. % Amen.

les siècles des

Ordinaire de la Messe.

^7

Que la Paix du Seigneur 1 Pax Domini sit semper soit toujours avec vous ; vobiscum ;

^. Et avec votre esprit. | 'Ef. Et cum spiritu tuo.

Le Prêtre divise llHostie sainte, et l'ayant séparée en trois parts, il met une de ces parts dans le Calice :

GLOIRE à vous, Sauveur du monde, qui avez souffert que, dans votre Passion, vo- tre précieux Sang fût séparé de votre sacré Corps, et qui les avez réunis ensuite par votre vertu !

AGNEAi; de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, ayez pitié de nous.

Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, ayez pitié de nous.

Agneau de Dieu, qui ôtez les péchés du monde, donnez- nous la Paix.

SEIGNEUR Jésus-Christ, qui avez dit à vos Apôtres : « Je vous laisse ma paix, je « vous donne ma paix, » ne regardez pas mes péchés, mais la foi de cette assem- blée qui est à vous, et dai- gnez la pacifier et la réunir selon votre sainte volonté.

H.EC commixtio et con- secratio Corporis et Sanguinis Domini nos- tri Jesu Christi, fiât ac- cipientibus nobis in vi- tam aeternam. Amen.

AGNUS Dei, qui tollis peccata mundi, mi- serere nobis.

Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, miserere nobis.

Agnus Dei. qui tollis peccata mundi, dona no- bis pacem.

Do.MiNE Jesu Christe, qui dixisti Aposto- lis tuis : Pacem relinquo vobis ; pacem meam do vobis : ne respicias pec- cata mea, sed fîdem Ec- clesiœ tuas : eamque se- cundum voluntatem tuam pacificare, et coadunare digneris. Qui vivis et régnas Deus, per omnia ScEcula sœculorum. Amen.

Après cette Oraison, le Prêtre en signe de paix, si la iMesse est solennelle, donne le

38

Le Temps Pascal.

baiser fraternel au Diacre, qui le donne lui- même au Sous-Diacre, lequel va le porter au Chœur.

DOMINE Jesu Christe, ' Fili Dei vivi, qui ex voluntate Patris, coopé- rante Spiritu Sancto, per mortem tuam mundura vivificasti : libéra me per hoc sacrosanctum Cor- pus, et Sanguinem tut'.m, ab omnibus iniquitatibus meis, et universis malis, et fac me tuis semper inhaerere mandatis. et a le nunquam separari per- mittas. Qui cum eodem Deo Pâtre et Spiritu Sancto vivis et régnas Deus in saecula soeculo- rum. Amen.

FRCEPTio Corporis tui, Domine Jesu Christe, quod ego indi- gnus sumere praesumo, non mihi proveniat in judicium et condemna- tionem : sed pro tua pie- tate prosit mihi ad tuta- mentum mentis et corpo- ris. et ad medelam per- cipiendam. Qui vivis et régnas cum Deo Pâtre in unitate Spiritus Sancti Deus. per omnia sarcula saeculorum. Amen.

Ceioneur Jésus-Christ , *- Fils du Dieu vivant, qui, par la volonté du Père et la coopération du Saint-Esprit, avez donné par votre mort la vie au monde ; délivrez-moi, par ce saint et sacré Corps et par votre Sang, de tous mes péchés et de toutes sor- tes de maux. Faites que je m'attache toujours inviola- blement à votre loi, et ne permettez pas que je me sé- pare jamais de vous.

S

EIGNEUR Jésus-Christ,

faites que la réception de votre Corps, que je me pro- pose de prendre, tout indigne que j'en suis, ne tourne pas à mon jugement et à ma con- damnation : mais que, par votre bonté, il me serve de défense pour mon âme et pour mon corps, et qu'il me soit un remède salutaire.

Le Prêtre prend l'Hostie et se dispose à s'en communier :

Ordinaire de la Messe.

yENEZ, Seigneur Jésus !

Il

f^ANEM cœlestera acci- I piam, et Noraen Do-

I mini invocabo.

Il frappe sa poitrine et confesse son indi- gnité, disant trois fois :

^IGNEUR, je ne suis pas di- gne que vous entriez en moi ; mais dites seulement une parole, et mon âme sera guérie.

L) OMINE, non sum di- gnus ut intres sub tectummeum: sed tan- tum die verbo, et sanabi- tur anima mea.

Au moment de consommer 1 tie:

Je me donne

Sauveur, pour être votre demeure . faites en moi seion votre bon plaisir.

vous, o mon

sainte Hos-

v>ORPUS Domini nostri

Jesu Christi custo-

diat animam meam in

vitam aeternam. Amen.

Le Prêtre prend le Calice avec action de grâces :

C^E pourrai-je rendre à Dieu pour tous les biens qu'il m'a faits ? Je prendrai le Calice du salut, j'invoque- rai le Nom du Seigneur, et je serai délivré de mes ennemis.

Je m'unis à vous, ô mon Sauveur! Unissez-vous à moi -, que nous ne nous sépa- rions jamais !

Q

UID retribuam Do- mino pro omnibus quœ retribuit mihi ? Ca- licem salutaris accipiam, et Nomcn Domini invo- cabo. Laudans invocabo Dominum, et ab inimicis meis salvus ero.

Languis Domini nos- tri Jesu Christi custo- diat animam meam invi tam aeternam. Amen.

La Communion étant faite, pendant que le Prêtre purifie le Calice pour la première fois :

yous m'avez visité dans le 1 \J uoi temps, ô mon Dieu ; fai- | D

UOD ore sumpsimus, omine, pura men-

40

Le Temps Pascal.

tes que je garde les fruits de cette visite pour l'éternité.

te capiamus : et de niu- nere temporali fiât nobis remedium sempiternum.

Pendant q^uc le Prêtre purifie le Calice pour la seconde lois :

^ ORPUS tuum, Domi- V_^ ne, quod sumpsi, et Sanguisquempotavi, ad- hasreat visceribus meis : et praesta ut in n^e non remaneat scelerum macu- la, quem pura et sancta refecerunt Sacramenta. Qui vivis et régnas in saecula sœculorum. Amen.

Le Prêtre ayant lu l'Antienne dite Commu- nion, se retourne vers le peuple et le salue; après quoi il récite les Oraisons appelées Postcommiinion . Puis il dit :

BENI soyez -vous, o mon Sauveur, qui m'avez ini- tié au sacré mystère de votre Corps et de votre Sang. Que mon cœur et mes sens con- servent, par votre grâce, la pureté que vous leur avez donnée, et que votre sainte présence demeure toujours en moi.

■p\ OMINUS vobiscum.

%. Et cura spiritu tuo. T TE, Missa est.

V\. Deo gratias.

PLACEAT tibi, Sancta Trinitas, obsequium servitutis meae, et praîsta ut saorificium, quod ocu- lis tu£e Majestatis indi- gnus obtuli, tibi sit ac- ceptabile, mihique, et om- nibus, pro quibus illud obtuli, sit, te miserante,

T E Seigneur soit avec vous ; 1^. Et avec votre esprit.

RETIREZ-VOUS, la Messe est finie. IÇ!. Grâces soiem rendues à Dieu.

GRACES vous soient ren- dues, adorable Trinité, pour la miséricorde dont vous avez daigné user envers moi, en me permettant d'as- sister à ce divin Sacrifice ; pardonnez la négligence et la froideur avec lesquelles j'ai reçu un si grand bienfait,

Ordinaire de la Messe.

41

propitiabile. Per Chris- tum Dominum nostrum. Amen.

et daignez ratifier la béné- diction que votre Ministre va répandre sur moi en votre saint Nom.

Le Prêtre étend ses mains et bénit, en di- sant :

QUE le Dieu tout-puissant vous bénisse, le Père, le Fils et le Saint-Esprit !

% Amen.

^ T E Seigneur soit avec

^' L vous ;

R|. Et avec votre esprit.

BENEDICAT vos omni- potens Deus, Pater, et Filius, et Spiritus Sanctus. yç,. Amen,

OMINUS vobis- cum ; Et cum spiritu tuo.

D

LE DERNIER EVANGILE.

Le commencement du saint Evangile selon saint Jean. Chap. I.

. U commencement était le /\ Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était dans le prin- cipe avec Dieu. Toutes cho- ses ont été faites par lui : et rien n'a été fait sans lui. Ce qui a été fait, était vie en lui, et la vie était la lumière des hommes : et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point com- prise. Il V eut un homme en- voyé de Dieu, qui s'appelait Jean. Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoi- gnage à la lumière, afin que tous crussent par lui. Il n'é- tait pas la lumière, mais il

Initium sancti Evangelii secundum Johannem. Cap. I.

1 N principio erat Ver- I bum, et Verbum erat apud Deum, et Deus erat Verbum. Hoc erat in principio apud Deum. Omnia per ipsum facta sunt ; et sine ipso fac- tura est nihil. Quod fac- tum est, in ipso vita erat, et vita erat lux hominum : et lux in tenebris lucet, et tenebrae eam non com- prehenderunt. Fuit ho- mo missus a Deo, cui nomen erat Johannes. Hic venit in testimo- nium, ut testimonium perhiberet de lumine, ut omnes crederent per

42

Le Temps Pascal.

illum. Non erat ille lux, sed ut testimonium perhiberet de lumine. Erat lux vera, quœ illu- minât omnem hominem venientem in hune mun- dum. In mundo erat, et mundus per ipsum fac- tus est, et mundus eum non cognovit. In propria venit, et sui eum non re- ceperunt. Quotquot au- tera receperunt eum, de- dit eis potestatem filios Dei fieri, his qui credunt in Nomine ejus : qui non ex sanguinibus. neque ex voluntate carnis, neque ex voluntate viri, sed ex Deo nati sunt. Et Ver-

BUM CARO FACTUM EST,

et habitavit in nobis : et vidimus gloriam ejus, gloriam quasi Unigcniti a Pâtre, plénum gratine et veritatis.

était venu pour rendre té- moignage à celui qui était la lumière. Celui-là était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde. Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui ; et le monde ne l'a point connu. Il est venu chez soi, et les siens ne l'ont point reçu. Mais il a donné à tous ceux qui l'ont reçu le pouvoir d'être faits enfants de Dieu, à ceux qui croient en son Nom, qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu même. Et le \'erbe s'est fait chair, et il a habité en nous; et nous avons vu sa gloire, sa gloire comme du Fils unique du Père, étant plein de grâce et de vérité.

CHAPITRE III.

PRATIQUE DE LA SAINTE COMMUNION, AU TEMPS PASCAL.

AVANT LA COMMUNION.

ACTE DE FOI.

ÉCLAT de VOS œuvres, ô Sauveur des hom- mes, inonde vos fidèles d'une lumière si vive, qu'ils ne peuvent s'empêcher de vous rendre gloire, et de protester que vous êtes le Fils de Dieu. Nous crûmes en vous, lorsque vous appariJtes dans l'humilité de la crèche au milieu de la nuit ; un aimant secret nous attirait vers vous, et 50US les langes nous vous adorions déjà avec les Esprits célestes. Naguère nous vous vîmes attaché à la croix, honni et blasphémé de tout un peuple; mais nous n'a- vons pas cessé pour cela de vous reconnaître pour le Roi suprême. Avec le bon larron nous vous disions : « Sei- gneur, souvenez-vous de nous, quand vous serez dans votre royaume. » Mais aujourd'hui que vous avez triomphé de la mort, que le sépulcre vous a rendu vivant et victorieux; aujourd'hui que la terre entière retentit de vos louanges, et que le bruit de votre Résurrection, accomplie il y a tant de siècles, ébranle toutes les na-

44 ^e Temps Pascal.

lions, qui pourrait ne pas rendre hommage à votre divi- nité, ne pas confesser vos mystères, ne pas dire avec le disciple qui fut incrédule un moment : « Vous êtes mon Seigneur et mon Dieu » ? Je n'ai pas l'avantage de voir de mes yeux mortels et de toucher de mes mains trem- blantes vos plaies sacrées et rayonnantes ; mais je crois fermement que vous êtes aussi mon Seigneur et mon Dieu. Vous avez dit : « Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui néanmoins ont cru; » je veux être du nombre de ces heureux croyants, ô Jésus ! Je confesse que vous êtes véritablement ressuscité, Fils de Dieu et fils de l'homme. Je crois aussi que vous êtes le Pain vivant descendu du ciel pour donner la vie au monde, et que c'est vous-même que je vais recevoir en moi tout à l'heure. Augmentez encore cette foi, mon Seigneur et mon Dieu, afin que je vous rende tous les hommages que vous avez droit d'attendre de votre humble et heureuse créature.

ACTE d'humilité.

Ul ne tremblerait à la seule pensée de vous voir dans l'éclat de votre majesté, 6 divin triomphateur de la^ort ? Avant votre Passion, vous laissâtes apparaî- tre quelques rayons de votre gloire à trois de vos disci- ples sur le Thabor. et ils tombèrent comme morts; nous voici dans les jours les splendeurs de votre victoire éblouissent les regards même des Anges ; et vous «vou- lez faire plus que vous montrer à moi. Vous daignez descendre jusque dans mon néant, m'incorporer à vous, moi faible et indigne créature, à vous qui n'êtes plus dans les langes de la crèche, ni sur le bois douloureux de la croix, à vous qui allez vous asseoir pour l'éternité dans la gloire de votre Père. Auteur de la lumière, Lumière infinie et sans ombres, vous voulez vous mêler à mes ténèbres. Mon néant tressaille à cette pensée; mais ma conscience pécheresse en est plus effrayée encore. Quel rapproche- ment peut-il exister entre votre souveraine sainteté et ma vie pleine d'infidélités ? « La lumière a lui dans les ténèbres, nous dit votre Evangéliste ; mais les ténèbres, ne l'ont pas comprise. » Les ténèbres de l'orgueil ont cru être la lumière, et elles n'ont pas reconnu la vraie Lumière; qu'il n'en soit pas ainsi de moi, ô Jésus! J'hu-

La Communion. 45

milie mon être tout entier devant vous ; je reconnais ma misère : elle est immense ; daignez donc agir en moi, ô Lumière ineffable, selon toute l'étendue de votre misé- ricorde.

ACTE DE CONTRITION.

\J ous venez en moi, ô libérateur des hommes, vain- ' queur de l'enfer, et je ne suis qu'un pécheur. Vous voulez donc me traiter comme vous traitâtes vos disci- ples, au jour de votre résurrection. Ils vous avaient lâche- ment abandonné dans votre Passion, et vous êtes revenu près d'eux; afin de rassurer leurs inquiétudes, vous ne leur avez témoigné que de la bonté; aucun reproche sur leur conduite passée n'est sorti de votre bouche. Vous vouliez, ô Jésus, qu'ils comprissent, par cette indulgence de votre part, à quel point ils avaient été coupables de vous abandonner. J'accepte pour moi-même cette leçon du meilleur des maîtres; mais qu'il y a loin de la faute de ces hommes qui vous connaissaient à peine, à mes péchés qui sont ceux d'un chrétien tant de fois rebelle à la lumière de vos divins mystères ! L'ensemble de tant de vérités sublimes était ignoré encore de vos apôtres, lorsqu'ils se laissèrent effraver par vos ennemis; ils n'avaient pas reçu encore l'Ësprit-Saint qui m'a été si abondamment communiqué. Je m'unis. Seigneur, aux regrets qu'ils éprouvèrent à la vue de votre générosité ; je déteste mes fautes qui ont blessé si cruellement votre Cœur divin ; je sens que le péché est la mort, et qu'il n'a rien de commun avec la vie que vous renouvelez en nous par votre résurrection. Je veux être mort au péché, et vivre à votre grâce. Daignez, par ce mystèi-e de vie que vous allez communiquer à mon âme repentante, la préserver pour jamais du malheur de perdre votre grâce.

ACTE d'amour.

'WoTRE résurrection, ô Jésus, n'est pas seulement le ' trophée de votre victoire; elle est bien plus encore le suprême triomphe de votre amour. C'est par amour que vous avez pris notre humble chair; c'est par amour que vous avez enduré votre cruelle Passion; mais ces monuments de votre adorable bonté envers nous ne sont

4 fi Le Temps Pascal.

que la préparation du dernier effort de cet amour d'un Dieu pour sa créature coupable. En ces jours, vous sor- tez du tombeau, vous entrez en possession de l'immor- talité; mais vous ne voulez pas jouir seul de ces avan- tages conquis par vos humiliations et vos souffrances. Si vous triomphez, c'est pour nous. Qu'aviez-vous besoin de la crèche et de la croix, ô vous. Dieu éternel et souverainement heureux? Quelle nécessite de mourir et de ressusciter ensuite, de passer par le tombeau pour reprendre ensuite la vie ? Je le comprends, ô mon Dieu! vous nous avez aimés, nous qui avions mérité de mou- rir en punition de nos péchés. Dans votre amour incom- préhensible, vous avez voulu partager notre mort, afin de nous donner part à votre résurrection. Attaché à la croix, sortant de votre tombeau glorieux, toujours vous êtes à nous, vous êtes pour nous ; mais c'est par ce der- nier acte de votre toute-puissante bonté que vous mettez comble à vos bienfaits. Que pouvons-nous faire, ô Jésus, si ce n'est de vous offrir en retour l'humble et fervent hommage de notre amour ? Et à quel moment vous l'exprimerai-je avec plus d'effusion, si ce n'est à celui-là même vous vous préparez à me communiquer ce Pain sacré qui est vous-même, et par lequel vous venez m'unir à votre divine chair ressuscitée, afin de m'incorporer à votre gloire et à votre immo-rtalité ? O Jésus, mon libérateur, qui êtes à moi dans votre mort et dans votre vie, je veux être tout à votre amour dans le temps et dans l'éternité.

APRES LA COMMUNION.

ACTE d'.\D0R.\T10N.

- . otJS êtes en moi, et je suis en vous. Majesté infinie! V Au moment vous vous élanciez du tombeau, la terre trembla à l'aspect de votre gloire; à cette heure fortunée je vous sens en moi-même, mon être tout entier tressaille d'émotion, car vous êtes le grand Dieu à qui il n'a fallu qu'un acte de sa volonté pour faire jail- lir la lumière du sein du chaos, à qui il n'a fallu qu'un

La Communion.

47

instant pour réunir son àme à son corps et s'échapper des liens du tombeau. Que puis-je faire, sinon adorer pro- fondément cette puissance, cette grandeur qui m'est unie en ce moment ? O Dieu à qui rien ne résiste, je m'anéantis devant vous, je confesse votre domaine sur moi ; recevez mon hommage que vous êtes venu chercher du haut du ciel, en descendant jusqu'au fond de cet abîme de néant. Je succombe sous Je poids de l'insigne honneur que vous daignez me faire. Vous êtes le souverain Etre, l'auteur et le conservateLir de toutes choses : je vous adore comme mon maître absolu, je confesse avec bonheur ma dépen- dance, et je vous offre de tout mon cœur mon humble service.

ACTE DE REMERCIEMENT.

^->^UI me donnera de reconnaître, comme je le dois, le () bienfait de votre visite, ô Jésus ? C'est pour me faïre part de votre propre vie que vous êtes venu en moi. Faible comme je le suis, le souvenir de ce que vous avez opéré en ma faveur ne suffirait pas à me soutenir dans la voie nouvelle que votre résurrection m'a ouverte ; dans votre aimable condescendance pour mon infirmité, vous êtes A'enu dans mon âme sans bruit, mais avec toute votre puissance et toute votre gloire. Vous vous montrâtes ainsi aux Apôtres réunis dans le Cénacle, ô divin Res- suscité! « C'est moi, leur dites-vous; n'ayez pas de crainte. » J'entends au dedans de moi les mêmes paro- les. Vous me dites de ne pas me troubler, quelles que soient votre grandeur et ma bassesse, votre souveraine sainteté et mon indignité. " La paix soit avec vous 1 » c'est le salut que vous donnâtes à vos disciples ; en ce moment, c'est à moi-même que vous l'adressez. Je le reçois, ô Jésus, de votre bouche adorable, et j'y réponds par mes actions de grâces. Soyez béni pour cette divine prévenance, pour cette tendre sollicitude qui vous porte à vous unir ainsi à mon indignité, à abaisser toutes les barrières qui me captivaient sous l'empire de la mort, à m'associer intimement à votre triomphe, à me prému- nir contre le retour de la mort, en m'incorporant, par ce Pain sacré, votre immortelle vie. Je dirai donc avec le Roi-Prophète : « Mon âme, et tout ce qui est en moi.

48 Le Temps Pascal.

bénis le Seigneur, et n'oublie jamais son bienfait, c'est lui qui t'a rachetée de la mort, et qui a renouvelé ta jeunesse comme celle de l'aiijle. »

ACTE d'amour.

OMBLE de vos plus chères faveurs, que dois-je faire, ô Jésus, sinon répondre à votre amour par tout l'amour dont je suis capable ? Madeleine, à votre sépul- cre, n'a entendu de vous qu'une seule parole, et son cœur se fond; elle ne peut repondre que par cette exclama- tion : « Mon maitre ! mon cher maître ! » Et moi, ô Jésus, qui n'entends pas seulement votre parole, mais qui vous sens en moi-même, qui suis tout pénétré de vous, quels termes emploierai-je pour exprimer mon amour? Les disciples d'Emmaiis n'avaient eu avec vous qu'un simple entretien, et ils disaient : « Notre cœur n'était-il pas brûlant au dedans de nous, pendant qu'il nous parlait dans le chemin? » Que dirai-je ? que rcs- sentirai-je en ce moment vous reposez dans ma poi- trine ? J'oserai vous dire que moi aussi je vous aime, ô mon Sauveur ressuscité ! Vous daignâtes agréer l'amour de Madeleine et encourager par votre bonté celui de vos disciples; agréez aussi le mien. S'il est faible, vous pou- vez l'accroître; je prends la résolution de ne le plus contrarier, de le développer en moi, avec l'aide de votre sainte grâce, et de recourir souvent, pour cet effet, à l'adorable Sacrement dans lequel vous avez déposé toutes les ressources et tous les secrets de ce saint amour.

ACTE d'offrande.

J'ÉTAIS à vous, ô Jésus, parce que vous m'aviez racheté ', je suis maintenant à vous, parce que vous m'avez rendu la vie par votre Résurrection ; et dans le divin mystère dont vous venez de me faire part, vous m'avez associé à tout ce que votre victoire sur la mort a de plus glorieux. Mon sort est donc désormais uni au vôtre ; comme vous, je >uis mort au péché, et je vis à Dieu. Que dois-je donc faire, sinon m'offrir et me donner à vous pour ne m'en plus séparer jamais? Disposez de moi, ô Jésus ! Je suis votre racheté et votre compagnon

La Communion. 4g

de gloire; tout mon présent, tout mon avenir est en vous jusque dans l'éternité. Je renonce donc à moi- même, pour être à toutes vos volontés ; je renonce au monde et à ses maximes, qui sont l'opposé de la vie nouvelle que je veux mener désormais ; mais je sens que, pour être fidèle, j'ai besoin d'un secours puissant qui m'assiste sans cesse. Ce secours, ô Jésus, c'est la venue en moi de votre Esprit-Saint ; c'est sa demeure en moi. Vous l'avez promis; il doit, par son arrivée, mettre le sceau à toutes les joies pascales. Envoyez-le-moi, ô Fils du Père! Vous montez au ciel : ne me laissez pas orphelin. Votre divin Sacrement me reste ; mais je n'y puis participer à toute heure, et mes besoins sont de chaque instant. Daignez donc renouveler en moi la pré- sence de ce divin Esprit, qui conservera et dévelop- pera, pour votre gloire, les dons que vous venez de me communiquer en vous unissant à moi.

O Marie, je vous en supplie par la joie dont votre cœur maternel est inondé dans la résurrection de votre divin Fils, gardez en moi le fruit de l'heureuse visite qu'il a daigné me faire. Anges de Dieu, montrez-vous jaloux de conserver intacte la demeure de votre Maître. Saints et Saintes, priez, afin que je ne perde pas le souverain Bien dont l'immuable possession vous rend à jamais heureux.

LE TEMPS PASCAL.

CHAPITRE IV.

DES OFFICES DE TIERCE, SEXTE ET NONE, AU TEMPS PASCAL.

A TIERCE.

mine , ad me festina.

Gloria Patri, et Filio, et Spiritul Sancto ;

Sicuterat in priticipio, et nunc. et semper, et in s 36 c u I a saeculorum. Amen. Alléluia.

Dieu ! venez à mon aide.

Ij?. Hâtez- vous, Seigneur, de me se- courir.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ;

Comme il était au com- mencement, et maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen. Alléluia.

NUNC Sancte nobis Spiritus, Unum Pairi cum Filio, Dignare promptus in-

Noslro refusas pccton.

Esprit-Saint . substance unique avec le Père et le Fils, daignez, à cette heure, descendre en nous, et vous répandre dans nos coeurs.

A Tierce.

5i

Que notre bouche, notre langue, notre esprit , nos sens, nos forces, publient vos louanges ; que le feu de la charité s'allume -, que son ar- deur embrase tous nos frères.

Exaucez-nous , Père très miséricordieux, Fils unique égal au Père, et vous. Esprit consolateur, qui régnez dans tous les siècles. Amen.

Os, lingua, mens, sen-

sus, vigor, Confessionem personent, Flammescat igné chari-

tas, Accendat ardor proxi-

mos.

Praesta, Pater piissime,

Patrique compar unice,

Cum Spiritu Paraclito,

Regnans per omne szecu-

lum. Amen.

DIVISION DU PS.AIJME CXVIII.

DONNEZ-MOI pour loi, Sei- gneur, la voie de vos vo- lontés pleines de justice, et je ne cesserai point de la rechercher.

Donnez-moi l'intelligence, et je scruterai votre loi, et je la garderai de tout mon cœur.

Conduisez-moi dans le sen- tier de vos préceptes : c'est lui que je désire.

Inclinez mon cœur vers vos commandements, et dé- tournez-le de la cupidité.

Détournez mes yeux, afin qu'ils ne voient pas la vanité ; vivifiez-moi dans votre voie.

Affermissez votre parole en votre serviteur, par la crainte de vous offenser.

Eloignez demoi l'opprobre que j'appréhende ; car vos jugements sont pleins de dou- ceur.

Voilà que j'ai désiré rem-

LtGEM pone mihi, Do- mine, viam justifica- tionum tuarum : * et ex- quiram eam semper.

Da mihi intellectum, et scrutabor legem tuam : * et cuslodiam illam in toto corde meo.

Deduc me in semitam mandatorum tuorum * quia ipsam volui.

Inclina oor meum in testimonia tua : * et non in avaritiam.

Averte oculos meos ne videant vanitatem : * in via tua vivifica me.

Statue servo tue elo- quium tuum : * in timoré tuo.

Amputa opprobrium meum quod suspicatus sum : * quia judicia tua jucunda.

Ecce concupivi man-

52

Le Temps Pascal.

data tua : * in œquitate tua vivifica me.

Et veniat super me mi- sericordia tua, Domine

* salutare tuum. secun- dum eloquium tuum.

Et respondebo cxpro- brantibus mihi verbum ;

* quia speravi in serrao- nibus tuis.

Et ne auferas de ore meo verbum veritatis usqucquaque : * quia in judiciis tuis supersperavi.

Et custodiam legem tuam semper : * in sœcu- lum et in sseculum ss- culi.

Et ambulabam in lati- tudine . * quia mandata tua exquisivi.

Et loquebar in testi- moniis tuis in conspectu regum : * et non confun- debar.

Et meditabar in man- dat.is tuis : * qune dilexi.

Et levavi manus meas ad mandata tua, qiice di- lexi ; * et exercebar in justificationibus tuis.

Gloria Patri, etc.

M

E.MOR esto verbi tui serve tuo : * in quo mihi spem dedisti.

Haec me consolata est inhumilitate mea : *quia

plir vos commandements ; dans votre justice, donnez- moi la vie ;

Et que votre miséricorde vienne sur moi, ce salut que vous avez promis.

Et je répondrai à ceux qui m'outragent, aux ennemis de mon àme, que j'avais espéré dans votre parole.

Et n'enlevez jamais de ma bouche la parole de votre vé- rité ; car mon espérance en vos justices a été sans bornes.

Et je garderai votre loi toujours, dans les siècles des siècles.

Et je marcherai dans la vie, avec la joie de mon cœur, parce que j'ai recherché vos commandements.

Et je parlerai de votre loi en présence des rois, et je n'en rougirai point.

Et je méditerai sur vos pré- ceptes, objet de mon amour.

Et je lèverai mes mains vers vos commandements que j'ai aimés, et je m'exercerai dans la pratique de votre justice.

Gloire au Père, etc.

CouvKsEZ-vous de votre ^ parole à votre serviteur,

par laquelle vous m'avez

donné l'espérance.

C'est elle qui m'a consolé

en mon humiliation ; car

A Tierce.

53 ?

votre parole m'a donné la vie.

Les esprits de superbe m'ont attaqué de toutes parts avec injustice ; mais je ne me suis point détourné de votre loi.

Je me suis souvenu, Sei- gneur, des jugements que vous avez exercés dès le commencement du monde : et j'ai été consolé.

La défaillance s'est empa- rée de moi, à la vue des pé- cheurs qui désertent votre loi.

Votre loi de justice a été le sujet de mes chants, dans le lieu de mon pèlerinage.

Seigneur, je me suis sou- venu de votre Nom durant la nuit, et j'ai gardé votre loi.

Ce bonheur m'est arrivé, parce que j'ai recherché vos justices.

J'ai dit : Mon partage, Seigneur, est de garder votre loi.

J'ai imploré votre assis- tance du fond de mon cœur ; selon votre parole , ayez pitié de moi.

J'ai réfléchi sur mes voies, et j'ai ramené mes pas dans le sentier de vos préceptes.

Je suis prêt et je veux, sans trouble , garder désormais vos commandements.

Les filets des pécheurs m'ont environné, et je n'ai point oublié votre loi.

eloquium tuum vivifica vit me.

Superbi inique age- bant usquequaque : ' a lege autem tua non decli- navi.

Memor fui judiciorum tuoriim a saeculo. Domi- ne ; * et consolatus sum.

Defectio tenuit me : * pro peccatoribus dere- linquentibus legem tuam.

Cantabiles mihi erant justificationes tuas : * in loco peregrinationis mea;.

Memor fui nocte No- minis tui. Domine : * et custodivi iegem tuam.

Haec facta est mihi : * quia justificationes tuas exquisivi.

Portio mea. Domine :

* dixi custodire legem tuam.

Deprecatus sum faciem tuam in toto corde meo

* miserere mei secundum eloquium tuum.

Cogitavi vias meas : * et converti pedes meos in testimonia tua.

Paratus sum, et non sum turbatus : * ut cus- todiam mandata tua.

Funes peccatorum cir- cumplexi sunt me : * et legem tuam non sum obiitus.

54

Le Temps Pascal.

Media nocte surgebam ad confitendum tibi : * super judicia justifica- tionis tux.

Particeps ego sum omnium timentium te : * et custodientium manda- ta tua.

Misericordia tua. Do- mine, plena est terra : * justificationes tuas doce me.

Gloria Patri, etc.

BONITATEM fecisti cum serve tuo, Domine : * secundum v e r b u m tuum.

Bonitatem, et disci- plinam , et scientiam doce me : * quia manda- tis tuis credidi.

Priusquam humiliarer ego deliqui : * propterea eloquium tuum custodivi.

Bonus es tu : * et in bo- nitate tua doce me justi- ficationes tuas.

Multiplicata est super me iniquitas superbo- rum : ' ego aatem in toto corde meo scrutabor mandata tua.

Coagulatura est sicut lac cor eorum : * ego vero legem tuam medita- tu8 sum.

Bonum mihi quia hu- miliasti me : * ut discam justificationes tuas.

V

Je me levais au milieu de la nuit, pour vous rendre , gloire sur les jugements de votre justice.

Je suis uni à tous ceux qui vous craignent et qui gardent vos commandements.

Toute la terre est pleine de votre miséricorde, Seigneur : enseignez-moi votre justice.

Gloire au Père, etc.

ous avez signalé votre bonté envers votre ser- viteur, selon votre parole, Seigneur.

Enseignez-moi la miséri- corde , la sagesse et la science ; car j'ai cru à vos préceptes.

Avant que vous m'eussiez humilié, j'ai péché; c'est pourquoi, éclairé maintenant, l'observe votre loi.

Vous êtes bon ; dans cette bonté , enseignez-moi vos justices.

Mes ennemis superbes ont multiplié sur moi leur ini- quité ; mais mon cœur s'atta- chera tout entier à la recher- che de vos commandements.

Leur cœur s'est épaissi comme le lait ; pour moi, j'ai médité votre loi.

Il m'a été bon que vous m'ayez humilié, afin que j'ap- prisse la justice de vos pré- ceptes.

A Tierce.

55

Votre Verbe qui est la loi sortie de votre bouche, o Père céleste, est plus précieux pour moi que les monceaux d'or et d'argent.

Vos mains m'ont fait et m'ont façonné ; donnez-moi l'intelligence, et j'apprendrai vos décrets.

Ceux qui vous craignent me verront, et se réjouiront ; car j'ai grandement espéré en vos paroles.

J'ai connu. Seigneur, que vos jugements sont l'équité, et que vous m'avez humilié avec justice.

Que votre miséricorde dai- gne venir me consoler, selon la promesse que vous fîtes à votre serviteur.

Viennent sur moi vos misé- ricordes, et je vivrai ; car votre loi est toute mon occu- pation.

Que mes ennemis superbes soient confondus, puisqu'ils m'ont persécuté avec injus- tice ; moi je m'exercerai sur vos préceptes.

Que ceux qui vous crai- gnent et qui entendent vos oracles se tournent vers moi.

Que mon cœur devienne pur par la pratique de vos afin que je ne

Bonum mihi lex oris tui : * super millia auri et argenti.

Manus tuae fecerunt me, et plasmaverunt me : * da mihi intellectum, et discam mandata tua.

Qui timent te, vide- bunt me et laetabuntur : * quia in verba tua supers- peravi.

Cognovi, Domine, quia œquitas judicia tua : * et in veritate tua humiliasti me.

Fiat misericordia tua ut consoletur me : * se- cundum eloquium tuum servo tuo.

Veniant mihi misera- tiones tuas, et vivam : * quia lex tua meditatio mea est.

Confundantur superbi, quia injuste iniquitatem fecerunt in me : * ego autem exercebor in man- datis tuis.

Convertantur mihi ti- mentes te : * et qui nove- runt testimonia tua.

Fiat cor meum imma- culatum in justificationi- bus tuis : * ut non con- fundar.

préceptes, aiin que je ne sois pas confondu, au jour vous paraître:^ dans votre justice.

L'Antienne, le Capitule, le Répons bref, le Verset et l'Oraison qui complètent l'Office de Tierce, ainsi que les Offices de Sexte et de

56

Le Temps Pascal.

None, se trouvent ci-après, dans leurs lieux et places, aux fôtes solennelles dont nous donnons les Offices.

A SEXTE.

i VS EUS, in adjuto- ^'^-^ rium, etc. Gloria Patri, etc.

^ (~\ Dieu 1 venez à mon ^' ^-^ aide, etc. Gloire soit au Père, etc.

RECTOR potens, verax Deus, Qui temperas rerum vi- ces, Splendore mane illumi- nas. Et ignibus meridiem.

Exstingue flammas li-

tium ; Aufer calorem noxium, Confer salutem corpo-

rum, Veramque pacem cor-

dium.

Praesta, Pater piissime,

Patrique compar Unice,

Cum Spiritu Paraclito,

Regnans per omne ssecu-

lum.

Amen.

A

RBITRE tout-puissant, Dieu de vérité, qui réglez l'ordre de toutes choses, vous dispensez au matin sa splen- deur, et au midi ses feux.

Eteignez la flamme des dis- cordes, dissipez toute ardeur nuisible ; donnez à nos corps la santé, à nos cœurs la paix véritable.

Exaucez-nous, Père très miséricordieux. Fils unique égal au Père, et vous, Esprit consolateur, qui régnez dans tous les siècles.

Amen.

D

DIVISION DU PS.A.UME CXVIII.

défailli dans

EFECIT in salutare tuum anima mea : * et in verbura tuum su- persperavi.

MON ame a deiauu dans l'attente du Sauveur que vous avie^ promis ; mais j'ai mis toute mon espérance en votre parole.

Mes yeux se sont lassés à relire vos promesses, et je disais : Quand meconsolerez- vous ?

Je me suis desséché comme la peau exposée à la gelée ; mais je n'ai point oublié vos justices.

Je disais : Combien de jours restent encore à votre serviteur ? quand ferez-vous justice de mes persécuteurs ?

Les impies me racontaient leurs fables ; mais ce qu'ils disent n'est pas comme votre loi.

Toutes vos ordonnances sont vérité ; ils me poursui- vent injustement : aidez-moi.

Ils m'ont presque anéanti sur la terre ; mais je n'ai point abandonné vos com- mandements.

Vivifiez-moi selon votre miséricorde ; et je garderai les oracles de votre bouche.

Votre parole, Seigneur, demeure à jamais dans le ciel.

Votre vérité passe de géné- ration en génération. C'est vous qui avez affermi la terre, et elle est stable.

Par votre ordre, le jour subsiste ; car tout vous est assujetti.

Si votre loi n'eût été le sujet de mes méditations, j'aurais péri déjà dans mon affliction.

Je n'oublierai jamais vos

Defecerunt oculi mei in eloquium tuum : * di- ceates : Quando conso- laberis me ?

Quia factus sum sicut uter in pruina : * justifi- •ationes tuas non sum oblitus.

Quot sunt dies servi tui ? * quando faciès de persequentibus me judi- cium ?

Narraverunt mihi ini- qui fabulationes : * sed non ut lex tua.

Omnia mandata tua Veritas : * iniqui perse- cuti sunt me ; adjuva me.

Paulo minus consum- maverunt me in terra : * ego autem non dereliqui mandata tua.

Secundum misericor- diam tuam vivifica me : * et custodiam testimonia oris tui.

In aeternum, Domine : * verbum tuum permanet in coelo.

In generationem et ge- nerationem veritas tua : * fundasti terram et per- manet.

Ordinatione tua persé- vérât dies : * quoniam omnia serviunt tibi.

Nisi quod lex tua me- ditatio mea est : * tune forte periissem in humi- litate mea.

In asternum non obli-

58

Le Temps Pascal.

V i se a r justificationes tuas : ' quia in ipsis vivi- ficasti me.

Tuus sum ego, salvum me fac : ' quooiam justi- ficationes tuas exquisivi.

Me exspectaverunt pec- catores ut perderent me : ' testimonia tua intcUexi.

Omnis consummatio- nis vidi finem : " latum mandatum tuum nimis.

Gloria Patri, etc.

QUOMODO dilexilegem tuam, Domine : * tota die meditatio mea est.

Super inimicos mecs prudentem me fecisti mandate tuo : * quia in aeternum mihi est.

Super omnes docentes me intellexi : * quia tes- timonia tua meditatio mea est.

Super senes intellexi : * quia mandata tua quae- sivi.

Ab omni via mala pro- hibui pedes mecs : * ut custodiam verba tua.

A judiciis tuis non de- clinavi : * quia tu legem posuisti mihi.

Quam dulcia faucibus meis eloquia tua : * super \ mel ori meo.

justices ; car c'est par elles que vous m'avez vivifié.

Je suis à vous ; sauvez- moi : car j'ai recherché vos préceptes.

Les pécheurs m'ont attendu pour me perdre ; mais j'avais fixé mon attention sur vos oracles.

J'ai vu venir la fin de toutes choses ; votre loi seule est infinie.

Gloire au Père, etc.

/^ UE j'aime votre loi, Sci- Vç^ gneur 1 toute la journée elle est le sujet de mes médi- tations.

Vous m'avez rendu plus sage que mes ennemis par les préceptes que vous m'avez donnés : je les ai embrassés à jamais.

J'ai surpassé en intelli- gence tous mes maîtres, parce que je médite vos oracles.

Je suis devenu plus pru- dent que les vieillards, parce que j'ai recherché vos com- mandements.

J'ai détourné mes pieds de toute mauvaise voie, pour garder vos ordonnances.

Jene mesuis point écartéde vos régies ; car c'est vous-mê- me qui m'avez prescrit la loi.

Que vos paroles sont dou- ces à ma bouche ! elles sont plus suaves que le miel à mon palais.

A Sexte.

59

Vos préceptes m'ont donné l'intelligence ; c'est pourquoi je hais toute voie d'iniquité.

Votre parole est la lampe qui éclaire mes pas : elle est la lumière de mes sentiers.

J'ai juré et j'ai résolu de garder les décrets de votre justice.

J'ai été réduit, Seigneur, à une extrême humiliation : rendez-moi la vie selon votre parole.

Agréez, Seigneur, le sacri- fice volontaire que vous offre ma bouche, et enseignez-moi vos commandements.

Mon âme est toujours entre mes mains ; et je n'ai point oublié votre loi.

Les pécheurs m'ont tendu des lacs ; mais je ne me suis point écarté de vos ordon- nances.

J'ai pris vos préceptes pour être à jamais mon héritage ; car ils sont la joie de mon cœur.

J'ai incliné mon cœur à l'accomplissement de vos com- mandements pour jamais, à cause de la récompense.

Gloire au Père, etc.

J'ai haï les méchants, et j'ai aimé votre loi. Vous êtes mon secours et mon asile ; en votre parole j'ai mis toute mon espérance. Retirez-vous de moi, mé- chants ; et je rechercherai les préceptes de mon Dieu.

A mandatis tuis intel- lexi : * propterea odivi omnem viam iniquitatis.

Lucerna pedibus meis verbum tuum : * el lumen semitis meis.

Juravi, et statui : * cus- todire judicia justitias tuœ.

Humiliatus sum usque- quaque. Domine : * vivi- fica me secundum verbum tuum.

Voluntaria oris mei beneplacita fac. Domi- ne : * et judicia tua doce me.

Anima mea in manibus meis semper : * et legem tuam non sum oblitus.

Posuerunt peccatores laqueum mihi : * et de mandatis tuis non erravi.

Hœreditate acquisivi testimonia tua in ster- num : * quia exsultatio cordis mei sunt.

Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum : * pro- pter retributionem.

Gloria Patri, etc.

T NIQUOS odio habui : * 1 et legem tuam dilexi.

Adjutor et susceptor meus es tu : * et in ver- bum tuum supersperavi.

Declinate a me mali- gni : * et scrutabor man- data Dei mei.

6o

Le Temps Pascal.

Suscipe me secundum eloquium tuum, et vivam : * et non confundas me ab exspectatione mea.

Adjuva me, et salvus ero : * et meditabor in justificationibus tuis sem- per.

Sprevisti omnes disce- dentes a judiciis tuis : * quia injusta cogitatio eo- rum.

Praevaricantes r»pu- tavi omnes peccatores terrJE : " ideo diiexi tes- timonia tua.

Confige timoré tuo car- nes meas : * a judiciis enim tuis timui.

Feci judicium et justi- tiam : * non tradas me calumniantibus me.

Suscipe servum tuum in bonum : * non calum- nientur me superbi.

Oculi mei defecerunt in salutare tuum : ' et in eloquium justitiae tua?.

Fac cum servo tuo se- cundum misericordiam tuam : * et justificationes tuas doce me.

Servus tuus sum ego : * da mihi intellectum, ut sciam testimonia tua.

Tempus faciendi, Do- mine : * dissipaverunt legem tuam.

Ideo diiexi mandata

Recevez-moi selon votre parole, et je vivrai ; ne per- mettez pas que je sois con- fondu dans mon attente.

Aidez-moi, et je serai sauvé ; et je méditerai con- tinuellement vos ordon- nances.

Vous rejetez avec mépris tous ceux qui s'écartent de vos commandements ; car leur pensée est injuste.

J'ai regardé tous les pé- cheurs de la terre comme des prévaricateurs ; et pour cela j'ai chéri vos oracles.

Transpercez ma chair de votre crainte ; car vos juge- ments remplissent mon âme de terreur.

J'ai pratiqué l'équité et la justice : ne me livrez pas aux ennemis qui me calomnient.

Recevez votre serviteur et affermissez-le dans le bien : que les superbes cessent de m'opprimer.

^ies yeux s'étaient épuisés à attendre le salut que vous m'apportez, et l'effet des ora- cles de votre justice.

Faites donc maintenant se- lon votre miséricorde avec votre serviteur, et enseignez- moi vos commandements.

Je suis votre serviteur : donnez-moi l'intelligence, afin que jeconnaisse vos préceptes.

11 est temps d'agir. Sei- gneur ; ils ont dissipé votre loi.

C'est pour cela que j'ai aimé

A None.

bi

vos commandements plus que l'or et la topaze.

C'est pour cela que je me suis réglé en tout selon vos commandements, et que j'ai haï toute voie injuste.

tua : super aurum et topazion.

Propterea ad omnia mandata tua dirigebar : * oranem viam iniquam odio habui.

A NONE.

^ j j Dieu 1 venez à '^' V-' mon aide, etc. Gloire au Père, etc.

O

a. p^Eus, in adjuto- ^' L/ rium, etc. Gloria Patri, etc.

HYMNE.

ODiEU dont la puissance soutient tous les êtres, toujours immuable en votre essence, vous partagez le temps par les révolutions de la lumière du jour.

Versez la lumière sur le soir de nos jours ; que notre vie ne s'éloigne jamais d'elle; et qu'une gloire immo^-telle soit la récompense d'une mort sainte.

^ Exaucez-nous, Père très miséricordieux, Fils unique égal au Père, et vous Esprit consolateur, qui régnez dans tous les siècles. Amen.

ERUM Deus tenax vi- n te perma-

K gor Immotu

nens, Lucis diurnae tempora Successibus determi-

nans.

Largire lumen vespere, Quo vita nusquam déci- dât, Sed prsemium mortis sa-

crae Perennis instet gloria.

Praesta, Pater piissime,

Patrique compar Unice,

Cum Spiritu Paraclito,

Regnans per omne saecu-

lum.

Amen.

DIVISION DU PSAUME CXVIII.

VOS témoignages sont ad- mirables, ô Dieu! c'est pour cela que mon âme les a recherchés avec ardeur.

Mir; tL

IRABILIA testimonia ;ua : * ideo scrutata est ea anima mea.

62

Le Temps Pascal.

Declaratio sermonum tuorum illuminât: ' et intellectum dat parvulis.

Os meum aperui, et attraxi spiritum : ' quia mandata tua desidera- bam.

Aspice in me, et mise- rere mei : * secundum iudicium diligentium Nomen tuum.

Gressus meos dirige secundum eloquium tu- um :* et non dominetur mei omnis injustitia.

Redime me a calum- niis hominum : ut custo- diam mandata tua.

Faciem tuam illumina super servum tuum : * et doce me justificationes tuas.

Exitus aquarum dedu- xerunt oculi mei : * quia non custodierunt legem tuam.

Justus es, Domine : * et rectum judicium tuum.

Mandasti justitiam tes- timonia tua : * et verita- tem tuam nimis.

Tabescere me fecit ze- lus meus : * quia obliti sunt verba tua inimici mei.

Ignitum eloquium tu- um vehementer : * et ser- vus tuus dilexit iliud.

Adolcscentulus sum

La révélation de vos pro- messes répand la lumière ; elle donne l'intelligence aux petits.

J'ai ouvert la bouche, et j'ai aspiré le souffle ; car j'ai désiré vos commandements.

Jetez un regard sur moi ; ayez pitié de moi, selon vo- tre coutume à l'égard de ceux qui aiment votre Nom.

Dirigez mes pas selon vo- tre parole ; que null^ iniquité ne domine en moi.

Délivrez-moi de la calom- nie des hommes ; afin que je garde vos commande- ments.

Faites reluire sur votre ser- viteur l'éclat de votre visage ; enseignez-moi vos justices.

Mes yeux ont répandu des ruisseaux de larmes; parce que Us hommes n'ont pas gardé votre loi.

Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements sont droits.

Vos commandements près-* crivent la justice ; rien n'en peut altérer la vérité.

Mon zèle m'a desséché dans son ardeur ; car mes ennemis ont oublié vos pa- roles.

Votre Verbe, o Père céles- te ! est un feu consumant ; c'est pourquoi votre servi- teur l'aime avec ardeur.

Je suis jeune et méprisé;

A None.

63

mais je n'ai point oublié vos préceptes.

Votre justice est justice à jamais, et votre loi, vérité.

La tribulation et l'angoisse ont fondu sur moi ; vos ora- cles ont été tout mon entre- tien.

Vos jugements sont l'équité éternelle : donnez-moi l'in- telligence, et je vivrai.

Gloire au Père, etc.

I 'ai crié du fond de mon •^ cœur : Seigneur, exaucez- moi : et je rechercherai vos justices.

J'ai crié vers vous, sauvez- moi ; et j'accomplirai vos décrets.

J'ai devancé l'aurore, et j'ai poussé des cris ; car j'es- pérais vivement en vos pro- messes.

Mes yeux se tournaient vers vous dès le point du jour, pour méditer votre loi.

Ecoutez ma voix selon vo- tre miséricorde, Seigneur ; vivifiez-moi selon votre jus- tice.

Mes persécuteurs ont em- brassé l'iniquité ; ils se sont éloignés de votre loi.

Vous êtes près de nous, Seigneur, et toutes vos voies sont la vérité.

ego, et contemptus : justificationes tuas non sum oblitus,

Justitia tua, justitia in œternum : * et lex tua Veritas.

Tribulatio et angustia invenerunt me: * man- data tua meditatio mea est.

iEquitas testimonia tua in ieternum : * intel- lectum da mihi. et vi- vam.

Gloria Patri, etc.

/^ LAMAVi in toto corde ^^ meo, exaudi me. Do- mine : * justificationes tuas requiram.

Clamavi ad te, salvum me fac : * ut custodiam mandata tua.

Prœveni in maturitate, et clamavi : * quia in ver- ba tua supersperavi.

Prœvenerunt oculi mei ad te diluculo : * ut me- ditarer eloquia tua.

Vocem meam audi se- cundum misericordiam tuam. Domine : * et se- cundum judicium tuum vivifica me.

Appropinqua verunt persequentes me iniqui- tati : * a lege autem tua longe facti sunt.

Prope es tu. Domine : * et omnes viae tuae Ve- ritas.

64

Le Temps Pascal

Initio cognovi de tes- titnoniis : * quia in aeter- num fundasti ea.

Vide humilitatem meam, et eripe me : * quia legem tuam non sum oblitus.

Judica judicium meum, et redime me : * propter eloquiiim tuum vivifica me.

Longe a peccatoribus salus : * quia justificatio- nes tuas non exquisie- runt.

Misericordiœ tuae mul- tae, Domine : * secun- dum judicium tuum vivi- fica me.

Multi qui persequun- tur me, et tribulani me : * a testimoniis tuis non declinavi.

Vidi praevaricantes, et tabescebam : * quia elo- quia tua non custodie- runt.

Vide quoniam manda- ta tua dilexi. Domine : * in misericordia tua vivi- fica me.

Principium verborum tuorum Veritas : * in aster- num omnia judicia jus- titiae tuse.

Gloria Patri, etc.

P^^

iNCirES persecuti sunt me gratis : * et

a verbis tuis formidavit

cor meum.

Dès le commencement, j'a- vais reconnu que vous aviez établi vos témoignages pour durer éternellemeut.

Voyez mon humiliation, et délivrez moi; car je n"ai pas oublié votre loi.

Jugez ma cause et rache- tez-moi ; rendez-moi la vie à cause de votre parole.

Le salut est loin des pé- cheurs ; parce qu'ils n'ont pas recherché vos comman- dements.

Vos miséricordes sont infi- nies. Seigneur; rendez-moi la vie selon vos oracles.

Ils sont nombreux, ceux qui me persécutent et m'affli- gent ; mais je ne me suis point écarté de vos préceptes.

J'ai vu les prévaricateurs, et j'en ai séché de douleur ; car ils n'ont pas gardé vos ordonnances.

Voyez, Seigneur, que j'ai toujours aimé vos comman- dements; rendez-moi la vie, dans votre miséricorde.

Le principe de vos paroles est la vérité : tous les décrets de votre justice demeurent à jamais.

Gloire au Père, etc.

LES princes m'ont persécuté , injustement ; mais mon cœur n'a craint que votre parole.

A None.

65

Je me réjouirai daos vos promesses, comme un homme qui a trouvé de riches dé- pouilles.

J'ai haï l'iniquité, et je l'ai eue en horreur; mais j*ai aimé votre loi.

Sept fois le Jour, j'ai chan- té vos louanges, sur les ju- gements de votre justice.

Paix abondante à ceux qui aiment votre loi ; il n'y a pas pour eux de scandale.

J'attendais votre Salut, ô Seigneur! et dans cette attente, j'ai aimé vos commande- ments.

Mon âme a gardé vos pré- ceptes ; elle les a aimés d'un amour ardent.

J'ai observé vos lois et vos ordonnances ; car toutes mes voies sont en votre présence.

Que ma prière, Seigneur, monte jusqu'à vous; donnez- moi l'intelligence, selon vo- tre parole.

Que mes supplications pé- nètrent jusqu'en votre pré- sence : délivrez-moi, selon vos promesses.

Mes lèvres éclateront en cantiques, lorsque vous m'au- rez enseigné vos justices.

Ma langue publiera vos oracles ; car tous vos com- mandements sont l'équité.

Laetabor ego super eloquia tua : * sicut qui invenit spolia multa.

Iniquîtatem odio ha- bui, et abominatus sum . * legem autem tuam di- lexi.

Septies in die laudem dixi tibi : * super judicia justitiae tuae.

Pax multadiligentibus legem tuam : " et non est illis scandalum.

Exspectabam Salutare tuum, Domine : * et man- data tua dilexi.

Custodivit anima mea testimonia tua : * et di- lexit ea vehementer.

Servavi mandata tua, et testimonia tua : * quia omnes viœ meœ in cons- pectu tuo.

Appropinquet depre- catio mea in conspectu tuo, Domine : * juxta eloquium tuum da mihi intellectum.

Intret postulatio mea in conspectu tuo ; * se- cundum eloquium tuum eripe me.

Éructabunt labia mea hymnum : * cum docue- ris me justificationes tuas.

Pronuntiabit lingua mea eloquium tuum : * quia omnia mandata tua asquitas.

LE TEMPS PASCAL.

66

Le Temps Pascal.

Fiat nianus tua, ut salvet me : * quoniam mandata tua clegi.

Concupivi Salutare tu- um, Domine : * et lex tua meditatio mea est.

Vivet anima mea, et laudabit te : * et judicia tua adjuvabunt me.

Erravi sicut ovis quae periit : * quasre servum tuum, quia mandata tua non sum oblitus.

Etendez votre main, et sau- vez-moi ; car j'ai choisi vos préceptes pour mon partage.

Seigneur, Pùic saint ! j'ai désiré avec ardeur votre Sa- lut promis ; et votre loi est tout mon entretien.

Maintenant qu'il est venu, mon âme vivra, et vous louera ; et vos justices me protégeront.

J'errais comme une brebis perdue ; divin Pasteur des- cendu du ciel, daignez cher- cher votre serviteur ; car je n'ai point oublié vos com- mandements.

CHAPITRE V.

DE L OFFICE DES VEPRES DES DIMANCHES ET FETES, AU TEMPS PASCAL.

Dieu, venez à mon aide.

de

Hàtez- me se-

vous, Seigneur, courir.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit ;

Comme il était au commen- cement, et maintenant, et tou- jours, et dans les siècles des siècles. Amen. Alléluia.

mine , ad me festina.

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto ;

Sicut erat in principio, et nunc, et semper, et in sœcula sœculorum. A- men. Alléluia.

CELUI qui est le Seigneur a dit à son Fils mon Sei- gneur : Asseyez-vous à ma droite et résinez avec moi :

Jusqu a ce que, an jour ae votre dernier avènement, je tasse de vos ennemis l'esca- beau de vos pieds.

O Christ ! le Seigneur votre

PSAUME CIX.

r^ ixiT Dominas Domi-

dextris meis.

Donec ponam inimicos tuos : * scabellum pedum tuorum.

Virgam virtutis tuœ

68

Le Temps Pascal.

emittet Domiaus ex Sion : " dominare in me- dio inimicorum luorum.

Tecum princlpium in die virtutis tuœ in splen- doribus Sanctorum : * ex utero ante luciferum ge- nui te.

Juravit Dominus , et non pœnitebit eum : * Tu es Sacerdos in asternum secundum ordinem Mel- chisedech.

Dominus a d e x t r i s tuis : * confregit in die irae suae rages.

Judicabit in nationi- bus : implebit ruinas * conquassabit capita in terra multorum.

De torrente in via bi- bet : * propterea exalta- bit caput.

Père fera sortir de Sion le sceptre de votre force ; c'est de que vous partire? pour dominer au milieu ae vos ennemis.

La principauté éclatera en vous, au jour de votre force, au milieu des splendeurs des Saints ; car le Père vous a dit : Je vous ai engendré de mon sein avant l'aurore.

Le Seigneur l'a juré, et sa parole est sans repentir : il a dit en vous y-irlant : Dieu- Homme, vous êtes Prêtre à jamais, selon l'ordre de Mel- chisédech.

O Père ! le Seigneur votre Fils est donc à votre droite : c'est lui qui, au jour de sa colère, viendra juger les rois.

Il jugera aussi les nations : dans cet avènement terrible, il consommera la ruine du monde, et brisera contre terre la tête de plusieurs.

Il s'est abaissé pour boire l'eau du torrent des afflic- tions; mais c'est pour cela même qu'j» jour de son triomphe sur la mort, il élè- vera la tête.

PSAUME ex.

CONFITEBOR tîbi, Do- mine, in toto corde meo : * in concilio justo- rum et congregatione.

Magna opéra Domini : * exquisita in omnes vo- luntates ejus.

J'

vous louerai. Seigneur, de toute la plénitude de mon cœur, dans l'assemblée des justes.

Grandes sont les œuvres du Seigneur ; elles ont été con- certées dans les desseins de sa sagesse.

A Vêpres.

6g

Elles sont dignes de lou- ange et magnifiques, et la justice de Dieu demeure dans les siècles des siècles.

Le Seigneur clément et mi- séricordieux nous a laissé un mémorial de ses merveilles ; // est le Pain de vie, et il a donné une nourriture à ceux qui le craignent.

Il se souviendra à jamais de son alliance avec les hom- mes : il viendra et fera écla- ter aux yeux de son peuple la vertu de ses œuvres.

Il donnera à son Eglise l'héritage des nations : tout ce qu'il fait est justice et vérité.

Ses préceptes sont immua- bles et garantis par la suc- cession des siècles ; ils sont fondés sur la vérité et la jus- tice.

Il a envoyé à son peuple un Rédempteur; il rend par son alliance éternelle.

Son Nom est saint et ter- rible ; le commencement de la sagesse est de craindre le Seigneur.

La lumière et l'intelligence sont pour celui qui agit selon cette crainte : gloire et lou- ange à Dieu dans les siècles des siècles.

Confessio et magnifi- centia opus ejus : * et justitia ejus manet in sae- culum saeculi.

Memoriam fecit mira- bilium suorum, miseri- cors et miserator Domi- nus : * escam dédit ti- mentibus se.

Memor erit in saecu- lum testamenti sui : * virtutem operum suorum annuntiabit populo suc.

Ut det'illis h^redita- tem gentium : * opéra manuum ejus veritas et judicium.

Fidelia omnia manda- ta ejus, confirmata in S3eculum sœculi : * facta in veritate et œquitate.

Redemptionem misit populo suo : * mandavit in asternum testamentum suum.

Sanctum et terribile Nomen ejus : * initium sapientiae timor Domini.

Intellectus bonus om- nibus facientibus enm: * laudatio ejus manet in saeculum sœculi.

PSAUME CXI.

HEUREUX l'homme qui I r> eatus vir, qui ti craint le Seigneur, et | LJ Dominum : * in n

met man-

70

Le Temps Pascal.

datis ejus volet nimis.

Potens in terra erit se- raen ejus : * generatio rectorum benedicetur.

Gloria et divitiœ in domo ejus : * et jusiitia ejus manet in sœculum saeculi.

Exortum est in tene- bris lumen redis : * mi- sericors, et miscrator, et justus.

Jucundus homo, qui miseretur et coramodat, disponet sermones siios in judicio : * quia in œternum non commove- bitur.

Inmemoria asterna erit justus : * ab auditione mala non timcbit.

Paratum cor ejus spe- rare in Domino, confir- matum est cor ejus : * non commovebitur donec despiciat inimicos suos.

Dispersit. dédit paii- peribus: justitia ejus ma- net in sœculum sœculi ; * cornu ejus exaltabitur in gloria.

Peccator videbit, et irascetur, dentibus suis fremet et tabescet : * de- siderium peccatorum pe- ribit.

qui met tout son zèle à lui obéir !

Sa postérité sera puissante sur la terre : la race du juste sera en bénédiction.

La gloire et la richesse sont dans sa maison, et sa justice demeure dans les siè- cles des siècles.

Tout à coup une lumière se lève sur les justes au milieu des ténèbres : c'est le Sei- gneur, le Dieu miséricor- dieux, clément et juste, sor- tant du tombeau.

Heureux alors l'homme qui a fait miséricorde , qui a prêté au pauvre, qui a réglé jusqu'à ses paroles avec jus- tice ! car il ne sera point ébranlé.

La mémoire du juste sera éternelle : s'il entend une nou- velle fâcheuse, elle ne lui donnera point à craindre.

Son cœur est toujours prêt à espérer au Seigneur; son cœur est en assurance : il ne sera point ému. et méprisera la rage de ses ennemis.

Il a répandu l'aumône avec profusion sur le pauvre : sa lustice demeurera à jamais ; sa force sera élevée en gloire.

Le pécheur le verra, et il entrera en fureur; il grincera des dents et séchera de co- lère : mais les désirs du pé- cheur périront.

A Vêpres.

7r

PSAUME CXII.

p, ERVITEURS du Seigneur, î^ faites entendre ses lou- anges : célébrez le Nom du Seigneur.

Que le Nom du Seigneur soit béni, aujourd'hui et jus- que dans l'éternité.

De l'aurore au couchant, le Nom du Seigneur doit être à jamais célébré.

Le Seigneur est élevé au- dessus de toutes les nations ; sa gloire est par delà les cieux.

Qui est semblable au Sei- gneur notre Dieu, dont la demeure est dans les hau- teurs ? C'est de qu'il abais- se ses regards sur les choses les plus humbles dans le ciel et sur la terre.

C'est de qu'il soulève de terre l'indigent; qu'il élève le pauvre de dessus le fumier il languissait,

Pour le placer avec les princes, avec les princes mê- mes de son peuple.

C'est lui qui a fait habiter pleine de joie dans sa maison celle qui, auparavant, fut sté- rile, et qui maintenant est mère de nombreux enfants.

LAUDATE, pueri, Domi- num : * laudate No- men Domini.

Sit Nomen Domini be- nedictum : * ex hoc nunc et usque in sreculum.

A solis ortu usque ad occasum : * laudabile Nomen Domini.

Excelsus super omnes gcntes Dominus : * et super cœlos gloria ejus.

Quis sicut Dominus Deus noster, qui in altis habitat : * et humilia respicit in cœlo et in terra?

Suscitans a terra ino- pem : * et de stercore eri- gens pauperem.

Ut collocet eum cum principibus : * cum prin- cipibus populi sui.

Qui habitare facit ste- rilem in domo : * matrera filiorum la'tantem.

PSAUME CXIII.

_. ORSQtiE Israël sortit d'E- I gypte, et la maison de Jacob du milieu d'un peuple barbare;

[N exitu Is'-ael de Egyp- to : * domus Jacob de populo barbare :

72

Le Temps Pascal.

Facta est Judaja sanc- tificatio cjus : * Israël po- testas ejus.

Mare vidit, et fugit : * Jordanis conversus est retrorsum.

Montes exsultaverunt utarietes : * et colles si- cut agni ovium.

Quid est tibi, mare,

Jiiod fugisti : * et tu, ordanis, quia conversus es retrorsum ?

Montes cxsultastis si- cut arietes : * et colles sicut agni ovium ?

A facie Domini mota est terra : * a facie Dei Jacob.

Qui convertit petrara in stagna aquarum : * et rupera in fontes aqua- rum.

Non nobis, Domine, non nobis : ' sed Nomini tuo da gloriam.

Super misericordia tua, et veritate tua : * ne- quando dicant gentes : Ûbi est Deus eorum ?

Deus autem noster in cœlo : * omiiia quascum- que voluit, fecit.

Simulacra gentium ar- gentum et aurum : * opé- ra manuum horainum.

Os habent, et non lo- quentur * oculos habent, et non videbunt,

Aures habent, et non

La nation juive fut consa- crée à Dieu, Israël fut son domaine.

La mer le vit et s'enfuit ; le Jourdain remonta vers sa source.

Les montagnes bondirent comme des béliers, et les col- lines comme des agneaux.

O mer, pourquoi fuyais- tu ? Et toi, Jourdain, pour- quoi remontais-tu vers ta source ?

Montagnes, pourquoi bon- dissiez-vûus comme des bé- liers ? Et vous , collines , comme des agneaux ?

A la face du Seigneur, la terre a tremblé : à la face du Dieu de Jacob,

Qui changea la pierre en torrents, et la roche en fon- taines.

Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à votre Nom donnez la gloire :

A cause de votre miséri- corde et de votre vérité, de peur que les nations ne di- sent : est leur Dieu ?

Notre Dieu est au ciel : il a fait tout ce qu'il a voulu.

Les idoles des nations ne sont que de l'or et de l'ar- gent, et l'ouvrage des mains des hommes.

Elles ont une bouche, et ne parlent point ; des yeux et ne voient point.

Elles ont des oreilles, et

A Vêpres.

73

n'entendent point ; des nari- nes, et ne sentent point.

Elles ont des mains, et ne peuvent rien toucher ; des pieds, et ne marchent point; un gosier, et ne peuvent se faire entendre.

Que ceux qui les font leur deviennent semblables, avec tous ceux qui mettent en elles leur confiance.

La maison d'Israël a es- péré dans le Seigneur : il est leur appui et leur protecteur.

La maison d'Aaron a es- péré dans le Seigneur : il est leur appui et leur protecteur.

Ceux qui craignent le Sei- gneur ont espéré en lui : il est leur appui et leur protec- teur.

Le Seigneur s'est souvenu de nous, et il nous a bénis.

Il a béni la maison d'.Is- raël ; il a béni la maison d'Aaron.

Il a béni tous ceux qui craignent le Seigneur, grands et petits.

Que le Seigneur ajoute encore à ses dons sur vous, sur vous et sur vos enfants.

Bénis soyez-vous du Sei- gneur, qui a fait le ciel et la terre 1

Au Seigneur, les hauteurs du ciel; la terre est aux hom- mes par sa largesse.

Ce ne sont pas les morts

audient : * nares habent, et non odorabunt.

Manus habent, et non palpabunt; pedes habent, et non ambulabunt : * non clamabunt in gut- ture suo.

Similes illis fiant qui faciunt ea : "et omnes qui confidunt in eis.

Domus Israël speravit in Domino : * adjutor eorum, et protector eo- rum est.

Domus Aaron speravit in Domino : * adjutor eorum, et protector eo- rum est.

Qui timent Dominum speraverunt in Domino :

* adjutor eorum, et pro- tector eorum est.

Dorainus memor fuit nostri : * et benedixit nobis.

Benedixit domui Is- raël : * benedixit domui Aaron.

Benedixit omnibus qui timent Dominum : * pu- sillis cum majoribus.

Adjiciat Dominus su- per vos : * super vos, et super filios vestros.

Benedicti vos a Domi- no : * qui fecit cœlum et terram.

Cœlum cœli Domino :

* terram autem dédit fi- liis hominum.

Non mortui laudabunt

Le Temps Pascal.

te. Domine : * neque om- nes qui descendunt in infernum.

Sed nos qui vivimus, benedicimus Domino : * ex hoc nunc et usque in sœculum.

qui vous loueront, ô Seigneur l ni tous ceux qui descendent dans le sépulcre;

Mais nous qui vivons, nous bénissons le Seigneur, au- jourd'hui et à jamais.

AD regias Agni dapes, Stolis amicti candi- dis, Post transitum maris

Rubri Christo cannmus prin- cipi.

Divina cujus charitas Sacrum propinat sangui-

nem, Almique membra corpo-

ris Air.or sacerdos immolât,

Sparsum cruorem pos- tibus Vastator horret Angé- lus : Fugitque divisum mare, Merguntur hostes flucti- bus.

Jam pascha nostrum Christus est, l'aschalis idem victima, Et pura puris mentibus Sinccritatis azyma.

O vera cœli victima, Subjecta cui sunt tar- tara.

APRÈS le passage de la mer Rouge, couverts de nos robes blanches et assis au festin royal de lAgneau, chantons au Christ notre roi.

C'est lui dont la charité divine nous verse à boire son propre sang; c'est son amour qui sacrifie en victime les membres de son corps sacré.

L'Ange exterminateur est saisi de crainte à la vue du sang dont nos portes sont marquées ; la mer divisée en deux fuit devant nous; nos ennemis sont submergés sous les flots.

Notre Pàque , c'est le Christ; il est notre victime pascale; il est l'azyme sincérité pour les cœurs purs.

O victime véritable venue du ciel, par qui l'enfer est abattu, les liens la mort

A Vêpres.

brisés, les dons de la vie res- titués.

Vainqueur de la mort qu'il a terrassée, le Christ déploie son étendard ; il rouvre le ciel, et traîne en captif le roi des ténèbres.

Pour être toujours, ô Jé- sus, la joie pascale de nos âmes, daignez sauver de la cruelle mort du péché ceux que vous avez fait renaître à la vie.

A Dieu le Père soit la gloire! gloire au Fils, res- suscité d'entre les morts ! et gloire au Paraclet dans les siècles éternels !

Amen.

f. Demeurez avec nous, Seigneur, alléluia ;

If. Car le soir est venu, alléluia.

Soluta mortis vincula, Recepia vita; prasmia.

Victor subactîs inferis Trophasa Christus expli-

cat, Cœloque aperto, subdi-

tum Rcgem tenebrarum tra- ' hit.

Ut sis perenne menti- bus Paschale, Jesu, gaudium, A morte dira criminum Vitre renatos libéra.

Dee Patri sit gloria, Et Filio, qui a mortuis Surrexit, ac Paraclito, In sempiterna sa;cula.

Amen.

f. Mane nobiscum , Domine, alléluia ;

r). Quoniam advespe- rnscit, alléluia.

CANTIQUE DE MARIE,

MON âme glorifie le Sei- gneur ; Et mon esprit tressaille en Dieu mon Sauveur :

Car il a regardé la bas- sesse de sa servante ; et pour cela, toutes les nations m'appelleront bienheureuse.

MAGNIFICAT : ' anima mea Dominum.

Et exsultavit spiritus meus * in Deo Salutari meo.

Quia respexit humili- tatem ancilL-e suae * ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes gene- rationes.

76

Le Temps Pascal.

Quia fecitmihi magna qui potens est : * et Sanc- tum Nomen ejus.

Et misericordia ejus a progenie in progenies :

timentibus eum.

Fecit potentiam in brachio suo : * dispersit superbos mente cordis sui.

Déposait potentes de sedc : * et exaltavit hu- miles.

Esurientes implevit bonis : * et divites di- misit inanes.

Suscepit Israël puerum suum : * recordatus mi- sericordiae suœ.

Sicut locutus est ad patres nostros : * Abra- ham et semini ejus in sae- cula.

Il a fait en moi de grandes choses, celui qui est puis- sant et de qui le Nom est Saint.

Et sa miséricorde s'étend de génération en génération sur ceux qui le craignent.

lia opéré puissamment par son bras, et dispersé ceux qui suivaient les orgueilleu- ses pensées de leur cœur.

Il a mis à bas de leur trône les puissants, et il a élevé les humbles.

Il a rempli de biens ceux qui avaient faim, et renvoyé vides ceux qui étaient riches.

Il a reçu sous sa protection Israël son serviteur, se sou- venant de la miséricordieuse promesse

Qu'il fit autrefois à nos pères, à Abraham et à sa postérité pour jamais.

Les Antiennes de Magyxificat et les Orai- sons se trouvent en leur lieu, aux Dimanches et fêtes.

CHAPITRE VI.

DK L OFFICE DE COMPLIES, AU TEMPS PASCAL.

ON Père, veuil- ez me bénir.

BÉNÉD I c - TION. Que le Dieu tout-puissant nous accorde une nuit tranquille et une fin heureuse.

i^. Amen.

UBE, Do- mne, be- nedicere. Bene- D I CTI o. Noctem quietam et finem perfectum concédât no- bis Dominus omnipo- tens. ^. Amen.

LEÇON BRÈVE. (I Petr. V.)

MES Frères, soyez sobres et vigilants ; car votre adversaire le diable tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer ; résistez- lui, étant forts dans la foi. Mais vous , Seigneur, ayez pitié de nous. Bj Rendons grâces à Dieu.

j^. Tout notre secours est dans le Nom du Seigneur.

FRATRES : Sobrii esto- te, et vigilate : quia adversarius vester dia- bolus, tamquam leo ru- giens circuit, quœrens quem devoret : cui resis- tité fortes in fide. Tu autem, Domine, miserere nobis. % Deo gratias.

f. Adjutorium nos- trum in Nomine Domini.

78

Le Temps Pascal.

^. Qui fecit cc)el':tn et 1 tf. C'est lui qui a fait le terram. | ciel et la terre.

On récite ensuite l'Oraison Dominicale en silence ; puis le Prctrc dit le Conjîteor, et le Chœur le répète après lui.

Y l^ ONVERTE nOS ,

V-» Deus Salutaris no'^ter.

1^. Et averte iram tuam a nobis.

f. Deus, in adjutorium meum intenda.

^. Domine, ad adju- vandum me festina.

Gloria Patri, etc.

^' V^ ô Dieu, notre Sau- veur !

i^. Et détournez votre co- Lie de dessus nous.

f. O Dieu, venez à mon aide !

^. Seigneur, hâtez-vous de me secourir.

Gloire au Père, etc.

PSAUME IV.

CUM invocarem exaudi- vit me Deus justitias meae : * in tribulatione dilatasti mihi.

Miserere mai : * et ex- audi orationem meam.

Filii hominum, usque- quo gravi corde ? * ut qiiid diligitis vanitatem, et quaeritis mendacium ?

Et scitote quoniam mi- rificavit Dominus sanc- tum suum : * Dominus exaudiet me, cum clama- vero ad eum. /

Irascimini , et nolite peccare : * qune dicitis in cordibus vestris, in cubi- libus vestris compungi- mini.

Au milieu de ma prière, le Dieu de ma justice m'a exaucé ; vous m'avez mis au Inrge, quand j'étais dans l'af- llivt^n.

Ayez pitié de moi , et exaucez ma prière.

Enfants des hommes, jus- ques à quand aurez-vous le cœur appesanti, aimerez-vous la vanité, et chercherez-voub le mensonge ?

Sachez que le Seigneur a rendu admirable celui qui lui e-^t consacré : le Seigneur m'exaucera quand je crierai vers lui.

Si vous vous irritez, faite«- le sans pécher; repassez avec componction, dans le repos de votre couche, les pensées de vos cœurs.

A Compiles.

79

Offrez un sacrifice de jus- tice, et espérez au Seigneur. Il en est plusieurs qui disent : Qui nous montrera le bon- heur que nous cherchons ?

La hiiiiière de votre risjgt. Seigneur, se rcJJéchit sur nous: c'est vous qui donnez la joie à mon cœur.

Par l'abondance du vin, de l'huile et du froment, vos en- fants se sont multipliés.

Je m'endormirai donc, et me reposerai dans la paix ;

Parce que vous m'avez. Sei- gneur, affermi dans l'espé- rance.

Sacrifîcate sacrificium justitiae. et sperate in Do- mino : * multi dicunt : Quis ostendit nobis bo- na ?

Signatum est super nos lumen vuitus tui. Domine : * dedisti lœti- tiam in corde meo.

A fructu frumenti, vini et olei sui : * multiplî- cati sunt.

In pace in idipsum : * dormiam et requiescam.

Quoniam tu, Domine, singulariter in spe * constituisti me.

PS.\UME XXX.

C N vous, Seigneur, j'ai mis *- mon espérance ; que je ne sois pas confondu : sau- vez-moi dans votre justice.

Inclinez votre oreille vers moi, hâtez-vous de me déli- vrer.

Soyez moi un Dieu pro- tecteur et une maison de re- fuge, pour me sauver.

Car vous êtes ma force et mon refuge; et vous me con- duirez, vous me nourrirez, à cause de votre Nom.

Vous me tirerez du piège qu'on m'a tendu en secret; car vous êtes mon protec- teur.

Je remets mon esprit en- tre vos mains : c'est vous qui

T N te. Domine speravi, * non confundar in aeter- num : * in justitia tua li- béra me.

Inclina ad me aurem tuam : * aocelera ut eruas me.

Esto mihi in Deum protectorem, et in do- mum refugii : * ut sal- vum me facias.

Quoniam fortitudo mea. et refugium meum es tu : * et propter No- men tuum deduces me, et enutries me.

Educes me de laqueo hoc, quem absconderunt mihi : " quoniam tu es protector meus.

In manus tuas com- mendo spiritum meuTn :

8o

Le Temps Pascal.

* redemisti, me Domine, 1 m'avez Deus veritatis. Dieu de

racheté, vérité.

Seigneur,

PSAUME XC.

QUI habitat in adjuto- rio Altissimi : * in protectione Dei cœli commorabitur.

Dicet Domino: Sus- ceptor meus es tu et rc- fugium meum : * Deus meus, sperabo in eum.

Quoniam ipsc libera- vit me de laqueo venan- tium : * et a verbo as- pero.

Scapulis suis obum- brabit tibi : * et sub pen- nis ejus sperabis.

Scuto circumdabit te Veritas ejus : * non time- bis a timoré nocturno.

A sagitta volante in die, a negotio perambu- lante in tenebris : * ab incursu, et dsemonio me- ridiano.

Cadent a latere tuo mille, et decem millia a dextris tuis : * ad te autem non appropinqua- bit.

Verumtamem oculis tuis considerabis : * et retributionem peccato- rum videbis.

Quoniam tu es, Domi- ne, spes mea: * Altissi- mum posuisti refugium tuum.

C

EUn qui habile dans l'a- sile du Très-Haut, de- meurera sous la protection du Dieu du ciel.

Il dira au Seigneur : Vous êtes mon protecteur et mon refuge! Il est mon Dieu, j'es- pérerai en lui.

Car c'est lui qui m'a déli- vré du filet des chasseurs et des paroles fâcheuses.

Le Seigneur te couvrira de son ombre : tu seras dans l'espérance sous ses ailes.

Sa vérité sera ton bouclier: tu ne craindras ni les alarmes de la nuit,

Ni la flèche qui vole au milieu du jour, ni la conta- gion qui se glisse dans les ténèbres, ni les attaques du démon du Midi.

Mille tomberont à ta gau- che, et dix mille à ta droite : mais la mort n'approchera pas de toi.

Cependant tu jetteras les yeux autour de toi, et tu con- templeras le sort de l'impie.

Parce que tu as dit: Sei- gneur, vous êtes mon espé- rance ! parce que tu as placé ton refuge dans le "Très- Haut ;

A Compiles.

Si

Le mal n'approchera pas de toi, et les fléaux s'éloigne- ront de ta tente ;

Car le Seigneur a com- mandé à ses Anges de te gar- der en toutes tes voies.

Ils te porteront sur leurs mains, dans la crainte que tu ne heurtes ton pied contre la pierre.

Tu marcheras sur l'aspic et le basilic, et tu fouleras aux pieds le lion et le dra- gon.

Dieu dira de toi. Parce qu'il a espéré en moi, je le délivrerai. Je le protégerai, parce qu'il a connu mon Nom.

Il criera vers moi, et je l'exaucerai : je suis avec lui dans la tribulation ; je l'en retirerai et le glorifierai.

Je le rassasierai de longs jours, et je lui montrerai le Sauveur que je lui ai préparé.

Non accedet ad te ma- lum : * et flagellum non appropinquabit taberna- culo tuo.

Quoniam Angelis suis mandavit de te : * ut cu- stodiant te in omnibus viis tuis.

In manibus portabunt te : * ne forte offendas ad lapidem pedem tuum.

Super aspidem et basi- liscum ambulabis : * et conculcabis leonem et draconem,

Quoniam in me spera- vit, liberabo eum :* pro- tegam eum. quoniam co- gnovit Nomen meum.

Clamabit ad me , et ego exaudiam eum : * eum ipso sum in tribula- tione, eripiam eum et glorificabo eum.

Longitudine dierum replebo eum : * et osten- dam illi Salutare meum.

PSAUME CXXXIII.

BÉNISSEZ maintenant le Seigneur, vous tous qui le servez.

Vous qui êtes dans la mai- son du Seigneur, sous les portiques de la maison de notre Dieu,

Elevez vos mains durant les nuits vers le Sanctuaire, et bénissez le Seigneur.

U CCE nunc benedicite ^ Dominum : * omnes servi Domini.

Qui statis in domo Do- mini : * in atriis do- mus Dei nostri.

In noctibus extollite manus vestras in Sancta: * et benedicite Dominum

LE iEMPS PASCAL.

5j

Le Temps Pascal.

Bcnedicat te Dominus ex Sion : * qui fecit cœ- lum et terrain.

Ant. Alléluia, luia, alléluia.

alle-

Dites à Israël : Que le Sei- gneur te bénisse de Sion, le Seigneur qui a fait le ciel et la terre.

A.MT. Alléluia, alléluia, al- léluia.

1"E liicis ante termi- num. Rerum Creator, posci-

mus, Ut pro tua clementia Sis prœsul et custodia.

Procul recédant som-

nia. Et noctium phantasma-

ta, Hostemque n o s t r u m

comprime. Ne polluantur corpora.

Deo Patri sit gloria. Et Filio qui a mortuis Surrexit, ac Paraclito, In sempiterna saecula.

Amen.

CAPITULE.

TU autem in nobis es, Domine, et Nomen sanctum tuum invocatum est super nos ; ne dere- linquas nos , Domine Dcus noster. i"^. Deo gratias.

A , T N manus tuas, •^^ ^'■•1 Domine,

AVANT que la lumière dis- paraisse, nous vous sup- plions, ô Créateur de toutes choses, d'être dans votre clé- mence notre protecteur et notre gardien.

Que les songes et les fan- tômes de la nuit s'enfuient loin de nous. Comprimez notre ennemi ; qu'il ne pro- fane point nos corps.

Gloire soit à Dieu le Père ! Gloire au Fils ressuscité des morts! Gloire à l'Esprit con- solateur dans les siècles des siècles !

Amen.

[Jerem. xiv.)

\j ous êtes en nous. Sei- gneur, et votre saint Nom a été invoqué sur nous : ne nous abandonnez pas, Sei- gneur notre Dieu !

^. Rendons grâces à Dieu.

% br, £

NTRE vos mains, Seigneur, je re-

A Compiles.

83

mets mon esprit. ' Alléluia, alléluia.

On yépète : Entre vos mains, Seigneur, etc.

f. Vous nous avez rache- tés, Seigneur, Dieu de véri- té. On répète : * Alléluia, al- léluia.

Gloire au Père, etc. Entre vos mains, etc.

f. Gardez-nous, Seigneur, comme la prunelle de l'œil, alléluia.

^. Protégez-nous de l'om- bre de vos ailes, alléluia.

commendo spiritum me- um. * Alléluia, alléluia. In manus tuas.

j^. Redemisti nos. Do- mine Deus veritatis. * Alléluia, alléluia.

Gloria. In manus tuas.

y. Custodi nos, Do- mine, ut pupillam oculi, alléluia.

R]. Sub umbra alarum tuarum protège nos, al- léluia.

CANTIQUE DE SI.MEON.

C'est maintenant . Sei- gneur, que vous laisserez aller en paix votre serviteur, selon votre parole;

Parce que mes yeux ont vu le Sauveur,

Que vous avez destiné à être exposé aux regards de tous les peuples ;

Pour être la lumière qui éclairera les nations, et la gloire de votre peuple d'Is- raël.

Ant. Sauvez-nous , Sei- gneur, durant la veille ; gar- dez-nous durant le sommeil ; afin que nous puissions veil- ler avec Jésus-Christ, et que nous reposions dans la paix. Alléluia.

NUNC dimittis servum tuum, Domine : * secundum verbura tuum in pace.

Quia viderunt oculi mei : * Salutare tuum.

Quod parasti : * ante faciem omnium populo- rum.

Lumen ad revelatio- nem gentium : * et glo- riam plebis tuœ Israël.

Ant. Salva nos, Do- mine, vigilantes ; custo- di nos dormientes : ut vigilemus cum Christo, et requiescamus in pace. Alléluia.

84

Le Temps Pascal.

WlSlTA, quaesumus Do- ' mine, habitationem istatn, et omnes insidias inimici ab ea longe re- polie : Angeli lui sancti habitont in ea. qui nos in pace custodiant : et be- nedictio tua sit super nos semper. Per Domi- num nostrum J e s u m Christum Filium tuum, qui tecum vivit et régnai in unitate Spiritus Sancti Deus, per omnia saecula sœculorura. Amen.

j^. Dominusvoblscum;

ip. Et cum spiritu tuo.

y. Benedicamus Do- mino.

^. Deo gratias.

Bcnedicat et custodiat nos omnipotens et mise- ricors Dominus. Pater, et Filius, et Spiritus sanctus.

S. Amen.

WlslTEZ, s'il vous plaît , Seigneur, cette maison, et éloignez-en toutes les em- bûches de l'ennemi ; que vos saints Anges y habitent , qu'ils nous y gardent dans la paix, et que votre bénédiction demeure toujours sur nous. Par Jésus-Christ votre Fils, notre Seigneur, qui, étant Dieu, vit et régne avec vous en l'unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siè- cle. Amen.

y. Le Seigneur soit avec vous ;

fil. Et avec votre esprit. y. Bénissons le Seigneur.

Ri. Rendons grâces à Dieu.

Que le Seigneur tout-puis- sant et miséricordieux . le Père, le Fils et le Saint-Es- prit, nous bénisse et nous conserve.

W. Amen.

ANTIENNE A LA SAINTE VIERGE.

REGINA cœli, laetare, al- léluia; Quia quem meruisti por-

tare, alléluia. Rcsurrexit sicut dixit, al-

Ora pro nobis alléluia.

Deum.

Deine du ciel, réjouissez- vous, alléluia ;

Car celui que vous avez mérité de porter, alléluia.

Est ressuscité comme il l'avait dit, alléluia.

Daignez prier Dieu en no- tre faveur, alléluia.

A Compiles.

85

f. Soyez dans l'allégresse, ô Vierge Marie, alléluia;

^. Car le Seigneur est vraiment ressuscité, alléluia.

f. Gaude et laetarc, Virgo Maria, alléluia;

R). Quia surrexit Do- minus vere, alléluia.

ODiEU, qui avez voulu réjouir le monde par la Résurrection de Jésus-Christ, votre Fils ; daignez-nous fai- re arriver aux joies de la vie éternelle, par le secours de sa sainte Mère la Vierge Marie. Par le même Jésus- Christ notre Seigneur. A- men.

f. Que le secours divin demeure toujours avec nous 1

fi|. Amen.

DEijs, qui per Resur- rectionem Filii tui Domini nostri Jesu Christi mundum lœti- ficare dignatus es : praes- ta quaesumus, ut per ejus G e n i t r i c e m Virginem Mariam. perpétues capia- mus gaudia vitœ. Per euradem Christum Do- minum nostrum. Amen,

j^. Divinum auxilium maneat semper nobis- cum.

]\ Amen.

PROPRE DU TEMPS

NCORE quatre jours, et le divin ressuscité, dont la société nous était si chère et si précieuse, aura disparu de la terre. C'est par cette annonce que ce cin- quième dimanche après la joyeuse Pâque semble nous préparer à la sé- paration. Le dimanche suivant ouvrira la longue série de ceux qui doivent se succéder d'ici qu'il revienne pour juger le monde. A cette pensée, le coeur du chVétien se serre ; caril sait qu'il ne verra son Sauveur qu'après cette vie; et il s'unit à la tristesse que res- sentirent les Apôtres à ladernière Cène, lors- qu'il leur dit cette parole : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus i. »

Mais après la résurrection de leur Maître, quelle dut être l'angoisse de ces hommes privilégiés qui comprenaient enfin ce qu'il était, lorsqu'ils s'aperçurent comme nous

I. JOHAN. XVI, i6.

8 s Le Temps Pascal.

(jue l'heureuse quarantaine, si rapidement écoulée, touchait bientôt à sa fin! Avoir vécu, pour ainsi dire, avec Jésus glorifié, avoir ressenti les effets de sa divine condescen- dance, de son ineffable familiarité, avoir reçu de sa bouche tous les enseignements qui de- vaient les mettre en état d'accomplir ses vo- lontés, en fondant sur la terre cette Eglise qu'il était venu choisir pour son Epouse; et se trouver tout d'un coup livrés à eux-mêmes, privés de sa présence visible, ne plus voir ses traits, ne plus entendre sa voix, et mener jusqu'au bout leur carrière avec de tels sou- venirs : c'est le sort qui attendait les Apôtres et qu'ils avaient à accepter.

Nous éprouverons quelque chose de ce qu'ils durent ressentir, si nous nous sommes tenus unis à notre mère la sainte Eglise. De- puis le jour elle ouvrit en notre faveur la série des émotions qui la transportent chaque année, lorsqu'elle repasse successivement tant de sublimes anniversaires, à partir de celui de la Naissance de son Emmanuel, jus- qu'à celui de sa triomphante Ascension au ciel, n'est-il pas vrai que nous aussi nous avons vécu en société avec son divin Epoux, qui est en même temps notre Rédempteur, et qu'au moment de le voir disparaître aux re- gards de notre foi attentive jusqu'à cette heure ù le suivre dans tous ses états, Témo- tion que ressentirent les Apôtres vient nous gagner nous-mêmes .■'

Mais il est sur la terre, à la veille du jour Jésus doit la quitter pour le ciel, une créature dont nous ne pourrons jamais sonder ni décrire les sentiments ; c'est Marie qui

Derniers jours avant V Ascension 8g

avait retrouvé son tils, et qui voit approcher le moment il va s'éloigner encore. Jamais cœur ne fut plus soumis'aux volontés de son Maître souverain ; mais jamais aussi sem- blable sacrifice ne fut demandé à une créa- ture. Jésus veut que l'amour de Marie croisse encore, et c'est pour cela qu'il la soumet à répreuve de l'absence. Il veut en outre qu'elle coopère à la formation de l'Eglise, qu'elle ait la main dans ce grand œuvre qui ne devait s'élever qu'avec son concours. C'est en cela que se montre encore l'amour de Jésus pour sa mère; il désire pour elle le mérite le plus grand, afin de déposer sur sa tète le diadème le plus glorieux, au jour elle montera au ciel à son tour pour y occuper le trône qui a été préparé pour elle au-dessus de toute la création glorifiée.

Ce n'est plus, il est vrai, un glaive de douleur qui transpercera le cœur de xMarie; c'est le feu d'un amour que nul langage ne saurait décrire qui consumera ce cœur dans une angoisse à la fois poignante et délicieuse, sous l'elfort de laquelle elle tombera un jour, comme le fruit mûr que la branche de l'arbre ne soutient plus, parce qu'elle n'a plus rien à lui donner. Mais à ces instants suprêmes nous sommes, dans les der- nières étreintes de ce fils divin qui va la lais- ser en exil, quel serrement au cœur d'une telle mère qui n'a joui que durant quarante jours du bonheur de le voir glorieux et triomphant, et de recevoir ses divines et filiales caresses! C'est la dernière épreuve de Marie; mais en face de cette épreuve elle n'a encore que sa même réponse : « Voici la

go Le Temps Pascal.

servante du Seigneur ; qu'il me soit fait selon votre parole. » Sa vie tout entière est dans le bon plaisir de Dieu, et c'est ainsi qu'elle devient toujours plus grande, plus rapprochée de Dieu. Une sainte âme du xvii" siècle, favorisée des plus sublimes révé- lations, nous a appris que le choix fut donné à Marie d'entrer dans le repos de la gloire avec son fils, ou de demeurer encore sur la terre dans les labeurs de l'enfantement de la sainte Eglise; mais qu'elle préféra retarder les joies maternelles que lui réservait l'éter- nité, et servir, aussi longtemps qu'il plai- rait à la divine Majesté, au grand œuvre qui importait tant à l'honneur de son hls et au bien de la race humaine, dont elle était de- venue aussi la mère.

Si un tel dévouement éleva la coopératrice de notre salut au plus haut degré de la sain- teté, en lui faisant atteindre le point culmi- nant de sa mission, on est en droit de con- clure que l'amour de Jésus pour sa mère s'accrut encore, lorsqu'il reçut d'elle une marque si sensible de l'union qu'elle avait aux plus intimes désirs de son cœur sacré. De nouveaux témoignages de sa tendresse furent pour Marie la recompense de cet oubli d'elle- même, et de cette conformité aux desseins qui l'appelaient à être véritablement dès ici- bas la Reine des Apôtres, comme l'appelle l'Eglise, et la coadjutrice de leurs travaux.

Le Seigneur, durant ces dernières heures, allait multipliant les témoignages de sa bonté envers tous ceux qu'il avait daigné admettre dans sa familiarité. Pour plusieurs d'entre eux la séparation devait être longue Jean le

Derniers jours avant l'Ascension. gi

bien-aimé aurait à attendre plus de cinquante années sa réunion à son Maître divin. Ce ne serait qu'après trente ans que Pierre monte- rait à son tour sur l'arbre delà croix, pour se réunir à celui qui lui avait confié les clefs du royaume des cieux. Le même intervalle de temps devait être rempli par les soupirs en- flammés de Madeleine ; mais aucun d'eux ne murmurait ; car tous sentaient qu'il était juste que le divin Rédempteur du monde, ayant suffisamment établi la foi de sa résur- rection, « entrât enfin dans sa gloire K »

Jésus avait fait donner ordre ses disciples par les Anges, le jour même de sa résurrec- tion, de se'rendre en Galilée pour y jouir de sa présence. Nous avons vu comment ils obéirent à cet ordre, et en quelle manière le Sauveur se manifesta à sept d'entre eux sur les bords du lac de Génézareth ; ce fut la huitième des manifestations que les Evan- giles ont enregistrées. La neuvième eut lieu pareillement dans la Galilée. Jésus aimait cette contrée, au sein de laquelle il avait pris la plupart de ses disciples, Marie et Jo- seph avaient habité, et lui-même avait passé tant d'années dans le travail et l'obscu- rité. La population, plus simple et plus morale que celle de la Judée, l'attirait da- vantage. Saint Matthieu nous révèle que la plus solennelle des manifestations de Jésus ressuscité, celle que nous compterons pour la dixième de fait, et pour la neuvième de celles que rapportent les Evangélistes, eut lieu sur une montagne de cette contrée 2.

I. Luc. XXIV, 26. 2. Matth. xxvni. 16.

Le Temps Pascal.

Selon le sentiment de saint Bonaventure et celui du pieux et savant Denys le Chartreux, cette montatîne fut le Thabor, dont le som- met avait déjà été honoré par le mystère de la Transhguration. se trouvèrent réunis, comme nous l'apprenons de saint Paul, plus de cinq cents disciples de Jésus •, assemblée formée en grande partie des habitants de la Galilée qui avaient cru en Jésus dans le cours de sa prédication, et qui avaient mérité d'être témoins de ce nouveau triomphe du Naza- réen. Jésus se montra à leurs regards, et leur donna une telle certitude de sa'résurrection que l'Apôtre des Gentils, écrivant auxchrétiens de Corinthe,in\ oque leur témoignage à l'appui de ce mystère fondamental de notre foi.

Désormais nous demeurons sans rensei- gnements positifs sur ce qui se passa encore dans la Galilée, quant à ce qui est des mani- festations du Sauveur ressuscité ; mais nous savons qu'il intima à ses disciples l'ordre de se rendre à Jérusalem, il devait bientôt reparaître à leurs yeux une dernière fois, avant de monter aux cieux. Suivons en ces jours la marche des disciples vers la ville coupable. Combien de fois, dans cette même ville. Jésus avait voulu réunir ses fils comme la poule ramasse ses poussins sous ses ailes, et elle ne Ta pas voulu ~ ! Il va revenir dans ses murs ; mais elle ne le saura pas. Il ne se montrera pas à elle, il ne se révélera qua ses amis, et il partira en silence, pour ne plus revenir qu'au jour il viendra juger ceux qui n'ont pas connu le temps de saVisite.

I. I Cor. XV, 6. 2. Matth. xxili, 3?.

LE CINQUIÈME DIMANCHE

APRÈS PAQUES.

E cinquième dimanche après Pâques, dans l'Eglise grecque, est appelé le dimanche de V Aveugle-né, parce qu'on y lit le récit de l'Evangile est rapportée la guérison de cet aveugle. On l'appelle aussi le dimanche de \'Episo:{0)ni'ne, qui est un des noms par les- quels les Grecs désignent le mystère de l'As- cension, dont la solennité, chez eux comme chez nous, interrompt le cours de cette semaine liturgique.

A LA MESSE.

le

ISAiE, le plus fourni la matière

sublime des Prophètes, a de l'Introït. Sa voix éclatante et mélodieuse convie toutes les nations de la terre à célébrer la victoire que le divin ressuscité a remportée, et dont le prix a été notre délivrance.

g4 Le Cinquième Dimanche après Pâques.

VOCEM jucunditatis an- nuntiate, et audia- tur, alléluia : annuntiate usque nd extremum ter- rae : liberavit Dominus populum suum, alléluia, alléluia.

Ps. Jubilate Deo om- nis terra : psalmum dici- te Nomini ejus, date glo- riam laudi ejus. Gloria Patri. Vocem jucundita- tis.

POUSSEZ des cris de joie, et qu'on les entende de tou- tes parts, alléluia : publiez jusqu'aux extrémités de la terre que le Seigneur a déli- vré son peuple, alléluia, allé- luia.

Ps. Peuples de la terre en- tière, chantez au Seigneur avec allégresse ; faites enten- dre un cantique à son Nom, rendez-lui gloire par vos lou- anges. Gloire au Père. Pous- sez des cris.

Dans la Collecte, la sainte Eglise nous ap- prend que nos pensées et nos actions, pour être méritoires de la vie éternelle, ont be- soin de la grâce qui inspire les unes et aide notre volonté à accomplir les autres.

r^ EUS, a quo bona •*-^ cuncta procedunt , largire supplicibus tuis : ut cogitemus, te inspi- rante, quœ recta sunt, et, te gubernante, eadem fa- ciamus. Per Dominum.

ODiEU, vous de qui pro- cèdent tous les biens, accordez à nos humbles priè- res que, par votre inspira- tion, nos pensées se portent à ce qui est bien, et daignez nous accorder votre conduite pour l'accomplir. Par Jésus- Christ.

De la très sainte Vierge.

CONCEDE nos famulos tuos, quassumus Do- mine Deus , perpétua mentis et corporis sani-

SEIGNEUR Dieu, daignez ac- corder à nous, vos servi- teurs, la grâce de jouir cons- tamment de la santé de l'âme

A la Messe.

95

et du corps ; et par la glo- rieuse intercession de la bien- heureuse Marie toujours Vierge, délivrez-nous de la tristesse du temps présent, et faites-nous jouir de l'éter- nelle félicité.

tate gaudere : et gloriosa beatœ Mariae semper Vir- ginis intercessione , a praesenti liberari tristi- tia, et œterna perfrui lœ- titia.

Contre les persécuteurs de V Eglise.

DAIGNEZ, Seigneur, vous laisser fléchir par les prières de votre Eglise, afin que, toutes les adversités et toutes les erreurs ayant dis- paru, elle puisse vous servir dans une paisible liberté. Par Jésus-Christ.

ECCLESi.E tuas, quaesu- mus Domine, preces placatus admitte, ut, des- tructis adversitatibus et erroribus universis, se- cura tibi serviat liber- tate. Per Dominum.

Pour le Pape.

ODiEU, qui êtes le Pas- teur et le conducteur de tous les fidèles, regardez d'un œil propice votre serviteur N. que vous avez mis à la tête de votre Eglise en qualité de Pasteur ; donnez-lui, nous vous en supplions , d'être utile par sa parole et son exemple à ceux qui sont sous sa conduite, afin qu'il puisse parvenir à la vie éternelle avec le troupeau qui lui a été confié. Par Jésus- Christ.

r> EUS omnium fidelium *^ Pastor et rector, fa- mulum tuum A^. , quem Pastorem Ecclesiœ tuse prœesse voluisti, propi- tius respice da ei, quœ- sumus, verbo et exem- ple, quibus prœest pro- ficere ; ut ad vitam una cum grege sibi credito perveniat sempiternam. Per Dominum.

Lecture de l'Epître de saint Jacques, Apôtre. Chap. I.

ES bien-aimés , accom- plissez la parole qui

M

Lectio Epistolae beati Ja- cobi Apostoli. Cap. i.

CHARissiMi,Estote fac- tores verbi, et noa

i6 Le Cwquième Dimanche après Pâques.

vous est enseignée, ne vous contentant pas de l'écouter, en vous trompant vous-mê- mes. Car celui qui écoute la parole sans la pratiquer, est semblable à un homme qui considère son visage naturel dans un miroir, et qui à peine l'y a vu. s'en va, et oublie à l'instant même quel il était. Mais celui qui considère d'un œil ferme la loi parfaite de la liberté, et qui s'arrête à elle, n'étant pas seulement un auditeur oublieux, mais accomplissant dans ses œu- vres ce qu'il a entendu : celui- trouvera son bonheur dans ce qu'il fait. Si quelqu'un d'entre vous croit être un homme religieux, et qu'il ne mette pas un frein à sa lan- gue, mais qu'il séduise son propre cœur, sa religion est vaine. Une religion pure et sans tache aux yeux de Dieu notre Père, est de visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, et de se con- server purs de la corruption de ce monde.

T E saint Apôtre dont nous venons d'enten- L dre les conseils avait reçu les leçons du Sauveur ressuscité; nous ne devons donc pas être étonnés du ton d'autorité a\-ec lequel U nous parle. Jésus, ainsi aue nous l'avons ra- conté, avait même daigne lui accorder une de ses manifestations particulières : ce qui nous montre l'atYection dont il honorait cet Apotrc, auquel les liens du sang le rattachaient par

ouditores tantum, fallen- tes vosmetipsos. Quia si quis auditor est verbi, et non factor, hic compa- rabitur viro considérant! vultum nativitatis suae in speculo consideravit enim se, et abiit, et st;:- tim oblitus est qualis fuerit. Qui aulem per- spexerit in legem perfec- tam libertatis, et per- manserit in ea. non audi- tor obliviosus factus, sed factor operis ; hic bea- tus in facto suo erit. Si quis autem putat se reli- giosum esse, non refra?- nans linguam suam, sed seducens cor suum. hujus vana est religio. Religio munda. et immaculata apud Deum et Patrem. haec est : Visitare pupil- los et viduas in tribula- tione eorum, et immacu- latum se custodire ab hoc saeculo.

A la Messe. g y

sa mère nommée aussi Marie. Nous avons vu cette sainte femme se rendre au sépulcre, avec Salomé sa sœur, dans la compagnie de Madeleine. Jacques le Mineur est véritable- ment TApôtre du Temps pascal, tout nous parle de la vie nouvelle que nous devons mener avec leChristressuscite.il est l'Apôtre des œuvres, et c'est lui qui nous a transmis cette maxime fondamentale du christia- nisme, que si la foi est nécessaire avant tout au chrétien, cette vertu, sans les œuvres, est une foi morte qui ne pourrait le sauver.

Il insiste aujourd'hui sur l'obligation nous sommes de cultiver en nous-mêmes l'attention aux vérités que nous avons une fois comprises, et de nous tenir en garde contre cet oubli coupable qui cause tant de ravages dans les âmes inconsidérées. Parmi ceux en qui s'est accompli le mystère de la Pâque, il en est qui n'y persévéreront pas ; et ce malheur leur arrivera, parce qu'ils se livreront au monde, au lieu d'user du monde comme n'en usant pas i. Rappelons-nous tou- jours que nous devons marcher dans une vie nouvelle, à l'imitation de celle de notre divin ressuscité qui ne peut plus mourir.

Les deux Versets de l'Alleluia célèbrent l'éclat de sa résurrection ; mais déjà son As- cension prochaine y est annoncée. Sorti du Père éternellement, descendu dans le temps jusqu'à notre terrestre demeure , il nous avertit que sous peu de jours il va remonter à son Père.

I. I Cor. vu, 3i.

LE TEMPS PASCAL. T. III.

g 8 Le Cinquième Dimanche après Pâques.

A LLELUIA, alléluia,

j^. Surrexit Christiis, et illuxit nobis, quos re- deiiiit sanguine suo.

Alléluia.

f. Exivi a Pâtre, et veni in mundum ; iterum relinquo mundum et va- do ad Patrem, alléluia.

A LLELUIA, alléluia.

j^. Le Christ est ressuscité, il a fait luire sa lumière sur nous, qu'il a rachetés de son sang.

Alléluia.

t. Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde : maintenant je laisse le mon- de, et je vais à mon Père, alléluia.

Seqiientia sancti Evan- gelii secundum Johan- nem. Cap. xyi.

IN illo tempore : Dixit Jésus discipulis suis : Amen, amen dico vobis : si quid petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis. Usque modo non petistis quidquam in no- mine meo : petite et ac- cipietis, ut gaudium ves- trum sit plénum. Hœc in proverbiis locutus sum vobis. \'enit hora cum jam non in proverbiis loquar vobis, sed palam de Pâtre annuntiabo vo- bis. In illo die in nomine meo petetis : et non dico vobis quia ego rogabo Patrem de vobis : ipse enim Pater amat vos, quia vos me amastis, et credidistis quia ego a Deo exivi. Exivi a Pâtre,

La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap.

XVI.

EN ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : En vérité, en vérité je vous le dtis : Si vous demandez quelque chose au Père en mon nom. il vous le donnera. Jusqu'à présent vous n'avez rien demandé en mon nom : demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit pleine. Je vous ai dit ces choses en paraboles : l'heure vient je ne vous parlerai plus en paraboles, mais je vous enseignerai ouvertement sur le Père. En ce jour, vous demanderez en mon nom, et je ne vous dis pas que je prierai pour vous le Père ; car le Père vous aime lui- même, parce que vous m'avez aimé, et que vous avez cru que je suis sorti de Dieu. Je suis sorti du Père et suis

A la Messe.

99

venu en ce monde : mainte- nant je quitte le monde et je vais au Père. Ses disciples lui dirent : Voilà que main- tenant vous parlez ouverte- ment, et sans dire de para- boles. A présent nous savons que vous savez toutes choses, et qu'il n'est pas besoin qu'on vous interroge : en cela nous croyons que vous êtes sorti de Dieu.

et veni in mundum : ite- rum relinquo mundum, et vado ad Patrem. Di- cunt ei discipuli ejus : Ecce nunc palam loque- ris, et proverbium nul- lum dicis : nunc scimus quia scis omnia, et non opus est tibi ut quis te interroget : in hoc cre- dimus quia a Dec existi.

I ORSQUE le Sauveur, à la dernière Cène, L annonçait ainsi à ses Apôtres son prochain départ, ils étaient loin encore de compren- dre tout ce qu'il était. Déjà cependant ils croyaient « qu'il était sorti de Dieu ». Mais cette croyance était faible, puisqu'elle devait s'éteindre sitôt. Dans les jours nous som- mes, entourant leur Maître ressuscité, illu- minés par sa parole, ils savent mieux ce qu'il est. Le moment est arrivé « il ne leur parle plus en paraboles »; nous avons vu quels enseignements il leur donne, comme il les prépare à devenir les docteurs du monde. C'est maintenant qu'ils peuvent lui dire : « O Maître, vous êtes véritablement sorti de Dieu ». Mais par même ils com.prennent davantage la perte dont ils sont menacés; ils ont l'idée du vide immense que son absence leur fera sentir.

Jésus commence à recueillir le fruit que sa divine bonté a semé en eux, et qu'il a at- tendu avec une si ineffable patience. Si , lorsqu'ils étaient autour de lui à la table de la Cène, il les félicitait déjà sur leur foi; maintenant qu'ils l'ont vu ressuscité, qu'ils

100 Le Cinquième Dimanche après Pâques.

l'ont entendu, ils méritent bien autrement ses éloges ; car ils sont devenus plus fermes et plus fidèles. « Le Père vous aime, leur disait-il lors de cette dernière cène, parce que vous m'avez aimé » ; combien plus le Père doit-il les aimer, maintenant que leur amour s'est accru ! Que cette parole nous donne espérance. Avant la Pâque, nous aimions faiblement le Sauveur, nous étions chancelants à son service; maintenant que nous avons été instruits par lui, nourris de ses mystères, nous pouvons espérer que le Père nous aimera; car nous aimons davan- tage, nous aimons mieux son Fils. Ce divin Rédempteur nous invite à demander au Père en son nom tous nos besoins. Le pre- mier de tous est la persévérance dans l'esprit de la Pàque ; insistons pour l'obtenir, et offrons à cette intention la divine Victime qui dans peu d'instants sera présentée sur l'autel.

L'Offertoire est emprunté des Psaumes ; c'est un chant d'actions de grâces que le fidèle, uni à Jésus ressuscité, oflre à Dieu qui a daigné l'établir dans la vie nouvelle, en lui faisant part de ses miséricordes les plus choisies.

OFFERTOIRE.

BENEDICITE, g e n t e S, Dominutn Dcum nos- trum, et obnudite vocera laiidis ejus : qui posuit animam mcani ad vitam. et non dédit commoveri pedes mcos. Benedictire

PEUPLES, bénissez le Sei- gneur notre Dieu, et fai- tes entendre ses louanges. 11 a donné la vie à mon àme, il n'a pas permis que mes pieds fussent ébranles. Béni soit le Seigneur qui n'a pas

A la Messe.

I 01

rejeté ma prière, ni retiré de moi sa miséricorde, alléluia.

Dominus, qui non amo- vit deprecationem meam, et misericordiam suam a me, alléluia.

Dans la Secrète, l'Eglise demande pour nous l'entrée dans la gloire céleste, dont la Pâque terrestre est l'introduction. Tous les mystères divinement opérés ici-bas ont pour but de nous sanctifier, afin que nous devenions mûrs pour la vision et la posses- sion éternelle de Dieu ; c'est ce que l'Eglise, instruite par les divines Ecritures, appelle la gloire.

SECRÈTE.

RECEVEZ, SeigacLir , les prières des fidèles, avec ces hosties qui vous sont offertes ; et en retour de l'ac- complissement de ce devoir de notre religion, faites-nous parvenir à la gloire céleste. Par Jésus-Christ.

SUSCIPE, Domine, fide- lium preces cum obla- tionibus hostiarum : ut per hsec piœ devotionis officia, ad cœlestem glo- riam trauseamus. Per Dominum.

De la très sainte Vierge.

DAIGNEZ, Seigneur , nous être propice, et par l'in- tercession de la bienheureuse Marie toujours Vierge, faire que cette oblation nous pro- cure la prospérité et la paix, en ces jours et à jamais.

T' UA, Domine, propitia- tione, et beatœ Ma- riœ semper Virginis in- tercessione, ad perpe- tuam atque prsesentem hajc oblatio nobis profi- ciat prosperitatem et pacem.

Contre les persécuteurs de V Eglise.

PROTÉGEZ-NOUS, Seigneur, nous qui célébrons vos Mystères, afin que nous atta- chant aux choses divines, nous

PROTEGE nos, Domine, tuis mysteriis ser- vientes : ut divinis rébus inhaerentes, et corpore

102 Le Cinquième Dimanche après Pâques.

tibi famulemur et mente. Per ûominum.

Fout

OBLATIS , quaesumus Domine , placare muneribus : et famulum tuum N., quem Pastorem Ecclesiae tua» praeesse voluisti, assidua protec- tione guberna. Per Do- minum.

vous servions dans le corps et dans l'âme. Par Jésus- Christ.

le Pape.

LAISSEZ-VOUS fléchir, Sei- gneur, par l'offrande de ces dons, et daignez gouver- ner par votre continuelle protection votre serviteur N. que vous avez voulu établir Pasteur de votre Eglise. Par Jésus-Christ.

L'Antienne de la Communion est un chant de jubilation qui exprime l'allégresse conti- nue de la Pâque, et dont les accents sont em- pruntés au Roi-Prophète.

COMMUNION.

CANTATE Domino, al- léluia : cantate Do- mino, et benedicite No- men ejus : bene nuntiate de die in diem salutare ejus, alléluia, alléluia.

CHANTEZ au Seigneur, al- léluia ; chantez au Sei- gneur et bénissez son Nom ; célébrez chaque jour le salut qu'il nous donne, alléluia, al- léluia.

La sainte Eglise nous suggère dans la Post- communion la formule de" nos demandes à Dieu. Il nous faut désirer le bien ; deman- dons ce désir, et continuons notre prière jus- qu'à ce que le bien lui-même nous arrive. La grâce descendra alors, et ce sera à nous de ne la pas négliger.

POSTCOMMUNION.

TRIBUE nobis. Domine, cœlestis mensae vir-

|N

oi'S sommes rassasies, Seigneur, par la puis-

A la Messe.

io3

santé nourriture de la table céleste ; donnez-nous de dési- rer ce qui est bien, et d'obte- nir ce que nous désirons. Par Jésus-Christ.

tute satiatis, et deside- rare qu.-e recta sunt et desiderata percipere. Per Dominum.

De la très sainte Vierge.

^ous venons, Seigneur, de * ' recevoir le puissant se- cours du salut; daignez faire que nous soyons en tous lieux couverts de la protec- tion de la bienheureuse Marie toujours Vierge, en l'honneur de laquelle nous avons offert ce Sacrifice à votre Majesté.

SUMl tis

UMPTis, Domine, salu- nostras subsidiis, da quœsumus, beatae Ma- riœ sempcr Virginis pa- trociniis nos ubique pro- tegi, in cujus venera- tione ha;c tuce obtulimus majestati.

Contre les persécuteurs de VEglise.

Nous vous supplions, Sei- gneur notre Dieu, de ne pas laisser exposés aux périls de la part des hommes ceux à qui vous accordez de parti- ciper aux Mystères divins. Par Jésus-Christ.

Qu.EsuMUS , Domine Deus noster, ut quos divina tribuis participa- tione gaudere, humanis non sinas subjacere pe- riculis. Per Dominum.

Pour le Pape.

OUE la réception de ce di- vin Sacrement nous pro- tège, Seigneur; qu'elle sauve aussi et fortifie à jamais, avec le troupeau qui lui est confié, votre serviteur A'^. que vous avez établi Pasteur de votre Eglise. Par Jésus- Christ.

H.EC nos, qusesumus Domine, divini Sa- cramenti perceptio protegat : et famulum tuum AT., quem Pastorem Ecclesiœ tuaeprceesse vo- luisti, una cum commis- so sibi grege, salvet sem- per et muniat. Per Do- minum.

104

Le Temps Pascal.

A VEPRES. ANTIENNE DE Magnificat.

PETITE et accipietis, ut gaudium vestrum sit plénum : ipse enim Pa- ter amat vos, quia vos me amastis, et credidis- tis, alléluia.

DEMANDEZ et vous rece- vrez, afin que votre joie soit complète ; car mon Père lui-même vous aime, parce que vous m'avez aimé, et que vous avez cru en moi, alléluia.

DEUS, a quo bona cun- cta procedunt, lar- gire supplicibus tuis : ut cogitemus, te inspirante, qua» recta sunt. et, te gu- bernante, eadem facia- mui. Per Dominum.

ODiEU, vous de qui pro- cèdent tous les biens, accordez à nos humbles priè- res que. par votre inspira- tion, nos pensées se portent à ce qui est bien, et daignez nous accorder votre conduite pour l'accomplir. Par Jésus- Christ.

V ; ous terminons la journée par cette grave ^^ exhortation que l'Eglise gothique d'Es- paî:^ne adressait aux fidèles au milieu même des joies pascales, afin. de les avertir des pré- cautions qui leur étaient nécessaires pour conserver en eux la vie nouvelle qu'ils avaient reçue.

MISSA.

[Feria V post Pascha.)

ABEANT, dilectissimi 1 Qachons, frères bien-aimés, fratres, vota caute- | »^ unir nos transports avec la

H

Le Cinquième Dimanche après Pâques. io5

réserve, nos fêtes avec la vi- gilance, nos joies avec la règle. Il est juste que nous soyons dans l'allégresse , puisque nous sommes ressus- cites ; mais il nous faut crain- dre aussi, de peur qu'il ne nous arrive de tomber. Entre la vie nouvelle et la mort qui l'a précédée, connaissons bien celle des deux à laquelle nous avons échappé, et choi- sissons celle que nous devons aimer. Ce n'est pas erreur, c'est mépris, de pécher quand on est averti. Une peine plus sévère attend après la réci- dive celui qui fut d'abord gracié ; et ce serait une chose indigne si celui que l'on a racheté allait de nouveau retomber dans les fers. Ou- tre la bonté, Dieu possède la puissance ; cette puissance est de nature à nous faire trembler, et la crainte qu'elle inspire vient de ce qu'elle est vengeresse. Si Dieu s'est montré si miséricordieux en- vers l'homme, c'est que sa colère s'était déchargée d'a- bord contre le démon. Une grâce toute gratuite nous a rendu nos forces : n'allons pas retomber par le péché dans notre première maladie. C'est dans le but de nous voir corrigés que Dieu nous a octroyé le pardon, et son in- dulgence demeurera sur nous, si nos offenses ne se renou- vellent pas. En nous remet-

lam, festa diligentiam, gaudia disciplinam. Ex- sultare decet quod resur- rexerimus : sed timere convenit ne cadamus. In- ter novam vitam veterem- que mortem oportet scire quid evasimus, oportet eligere quid amemus Non enim error, sed con- temptus est peccare com- monitum. Major post ve- niam pœna sequitur con- tumaces : gravius est captivos fieri jam re- demptos. Habet ista pie- tas potestatem, habet po- testas ista terrorem, ha- bet terror iste vindictam. Non enim fuisset plus in hominc, nisi prius iratus fuisset in dœmone. Con- forlamur gratia doni, si non corrumpamur lege peccati. Ratio parcen- di est prœvisio corri- gendi. Non mutamur in- dulgentia, si non reno- vetur offensa. Qui nobis quod peccavimus indui- sit, et ne ultra peccare- mus admonuit. Profuit clementia. si profecit di- sciplina. Jam quidem ho- minem gratia adoptavit, sed necdum dasmonem gehenna suscepit. Vio- ientia peccatum perdidit, non naturam. Dimicandi est facultas, non secu- ritas otiandi. Spoliatus est adversarius, non ex-

io6

Le Temps Tascal.

stinclus. Gravius necesse est ut frendeat in amis- sis, quibus praeerat do- minando subjectis. Acce- pimus castra per fidcm, arma per crucem. signa per carnem, vexiila per sanguinem : restât causa certaminis. Qui enim auferre necessitatem no- luit pugnas, spem voluit probare victoriae. Prîe- cessit quidem in adop- tione donum, sed adhuc restât in conversationc judicium. Hic promissio est de munere, illic vi- cissitude futura est post laborem. Sit itaqiie ille ante oculos nostros Do- mini miserantis affectu>, quod in taxatione nostia non aro;enti pondus, non auri talentum dédit, non gratiarum fudit ornatum, sed convitio subdidît se patibuli, sepulcro susti nens carneam injuriam, sepulturani. Nihil majus potuit dare, nihil melius. Ut utique sit probandum quod diligentius nos sibi servire voluit, qui pre- tiosiusnos rcdemit.Ergo ut in nobis redemptionis suas bénéficia dignetur perficere, constanter nos convenit ac perseveran- ter orare.

tant nos péchés, il nous a avertis de ne pécher plus. Sa clémence a été pour nous un bien, si la pénitence nous a changés. La grâce divine a daigné adopter un pécheur ; mais l'enfer n'a pas encore reçu le démon, et ne s'est pas refermé sur lui. On lui a arraché violemment le pé- cheur ; mais la nature qui produit le péché est restée. L'arène du combat est ou- verte, et le repos n'aurait aucune sûreté. L'adversaire a été dépouillé, mais non tué; sa rage doit être au comble d'avoir perdu les sujets qu'il dominait avec tant d'empire. La foi est devenue pour nous un camp, la croix une arme, la chair et le sang du Christ un étendard ; reste à attendre le moment de la bataille. Ce- lui qui a voulu nous assujettir au combat comme à une né- cessité, approuve en nous l'espoir de la victoire. Il a commencé par nous octroyer le don de l'adoption; le juge- ment lui reste à porter sur notre vie. Maintenant il nous promet ses bienfaits : après l'heure du travail viendra le moment critique. Ayons donc devant les yeux le bienfait du Seigneur plein de miséri- corde qui, lorsqu'il s'est agi

de notre rançon, n a pas verse un poids d'argent, un talent d'or, ne s'est pas borné à répandre ses grâces, mais s'est soumis à un infâme gi bet, acceptant jusqu'à la plus sanglante insulte dans sa

Le Cinquième Dimanche après Pâques. loy

chair, l'insulte du tombeau. Certes, il ne pouvait rien faire de plus grand que ce qu'il a fait pour nous, rien de plus avantageux ; mais il a du exiger que notre ser- vice envers lui fût d'autant plus soigneux, qu'il a dai- gné nous rachètera un plus grand prix. Afin donc qu'il daigne achever en nous les bienfaits de sa rédemption, attachons-nous avec constance et persévérance à la prière.

E LUNDI DES ROGATIONS.

ujourd'hui commence une série de trois jours consacrés à la péni- tence. Cet incident inattendu paraît au premier abord une sorte d'ano- malie dans le Temps pascal ; et néanmoins, quand on y réfléchit, on arrive à reconnaître que cette institution n'est pas sans une rela- tion intime avec les jours auxquels elle se rapporte. 11 est vrai que le Sauveur disait avant sa Passion que (( durant le séjour de l'Epoux au milieu de nous, il ne serait pas temps de jeûner i ; u mais ces dernières heures qui précèdent son départ pour le ciel n'ont- elles pas quelque chose de mélancolique } et n'étions-nous pas portés tout naturellement hier à penser à la tristesse résignée et con- tenue qui oppresse le cœur de la divine Mère et celui des disciples, à la veille de perdre celui dont la présence était pour eux i'avant-goût des joies célestes?

Il noiis faut maintenant raconter comment et à quelle occasion le Cycle liturgique s'est complété, dans cette saison, par l'introduc- tion de ces trois jours durant lesquels la sainte Eglise, toute radieuse qu'elle était des splendeurs de la Résurrection, semble vouloir tout à coup rétrograder jusqu'au deuil qua-

I . Luc. V, 34.

Le Lundi des Rogations. log

dragésimal. L'Esprit-Saint, qui la dirige en toutes choses, a voulu qu'une simple Église des Gaules, un peu après le milieu du v" siècle, vît commencer dans son sein ce rite impo- sant qui s'étendit rapidement à toute la catholicité, dont il fut reçu comme un com- plément de la liturgie pascale.

L'Eglise devienne, l'une des plus illustres et des plus anciennes de la Gaule méridio- nale, avait alors saint Mamert pour évoque. Des calamités de tout genre étaient venues désoler cette province récemment conquise par les Burgundes. Des tremblements de terre, des incendies, des phénomènes ef- frayants agitaient les populations, comme autant de signes de la colère divine. Le saint évêque désirant relever le courage de son peuple, en le portant à s'adresser à Dieu dont la justice avait besoin d'être apaisée, prescrivit trois jours d'expiation durant les- quels les fidèles se livreraient aux œuvres de la pénitence, et marcheraient en procession en chantant des psaumes. Les trois jours qui précèdent l'Ascension furent choisis pour l'accomplissement de cette pieuse résolution. Sans s'en douter, le saint évêque de Vienne jetait ainsi les fondements d'une institution que l'Eglise entière allait adopter.

Les Gaules commencèrent , comme il était juste. Saint Alcime Avit, qui succéda presque immédiatement à saint Mamert sur le siège de Vienne, atteste que la pratique des Rogations était déjà consolidée dans cette Eglise ^ Saint Césaire d'Arles, au commen-

1. Homil. de Rogationibi:

Le 7 emps Pascal.

cernent du vi^ siècle, en parle comme d'une coutume sacrée déjà répandue au loin, dési- gnant au moins par ces paroles toute la por- tion des Gaules qui se trouvait alors sous le joug des \isigoths '. On voit clairement que la Gaule tout entière ne tarda pas d'adopter ce pieux usage, en lisant les canons portés à ce sujet dans le premier concile d'Orléans tenu en 5i i, et réuni de toutes les provinces qui reconnaissaient l'autorité de Clovis. Les règlements du concile au sujet des Rogations donnent une haute idée de l'importance que l'on attachait déjà à cette institution. Non seulement l'abstinence de chair est prescrite pendant les trois jours, mais le jeûne est de précepte. On ordonne également de dispenser de leur travail les gens de service, atîn qu'ils puissent prendre part aux longues fonctions par lesquelles ces trois jours étaient pour ainsi dire remplis 2. En 367, le concile de Tours sanctionnait pareillement l'obligation du jeûne dans les Rogations 3 ; et quant à l'obligation de férier durant ces trois jours, on la trouve reconnue encore dans les Capi- tulaires de Charlemagne et de Charles le Chauve.

Le principal rite des Eglises des Gaules durant ces trois jours consista, dès l'origine, dans ces marches solennelles accompagnées de cantiques de supplication, et que Ton a appelées Processions, parce que l'on se rend d'un lieu dans un autre. Saint Césaire d'Arles nous.apprend que celles qui avaient lieu dans

I. Serm. CLXXii, parmi les Sermons de saint Augus- tin. — 2. Canon xxvn. 3. Canon ,\vn.

Le Lundi aes Rogations.

les Rogations duraient six heures entières; en sorte que le clergé se sentant fatigué par la longueur des chants, les femmes chantaient en chœur à leur tour, afin de laisser aux mi- nistres de l'Eglise le temps de respirer i. Ce détail emprunté aux mœurs des Eglises des Gaules à cette époque primitive, peut nous aider à apprécier l'indiscrétion de ceux qui, en nos temps modernes, ont poussé à l'abo- lition de certaines processions qui prenaient une partie notable de la journée, et cela dans l'idée que cette longueur devait être en elle-même considérée comme un abus.

Le départ de la Procession des Rogations était précédé de l'imposition des cendres sur la tète de ceux qui allaient y prendre part, et c'était le peuple tout entier. L'aspersion de l'eau bénite avait lieu ensuite ; après quoi le pieux cortège se mettait en marche. La Pro- cession était formée du clergé et du peuple de plusieurs églises d'un rang secondaire, qui marchaient sous la croix d'une église princi- pale dont le clergé présidait la fonction. Tout le monde, clercs et laïques, marchait nu- pieds. On chantait la Litanie, des Psaumes, des Antiennes, et l'on se rendait à quelque basilique désignée pour la Station, l'on célébrait le saint Sacrifice. Sur la route on visitait les églises qui se rencontraient, et l'oç y chantait une Antienne à la louange du mystère ou du saint, sous le titre duquel elles avaient été consacrées.

Tels étaient à l'origine, et tels ont été long-

Le Temps Pascal.

temps les rites observés dans les Rogations. Le Moine de Saint-Gall, qui nous a laissé de si précieux mémoires sur Charlemagne, nous apprend que le ^rand empereur, en ces jours, quittait sa chaussure comme les plus simples tidcles, et marchait nu-pieds à la suite delà croix, depuis son palais jusqu'à l'église de la Station i. Au xiir siècle, sainte Elisa- beth de Hongrie donnait encore le même exemple; son bonheur était, durant les Ro- gations, de se confondre avec les plus pauvres femmes du peuple, marchant aussi nu-pieds, et couverte d'un grossier vêtement de laine 2. Saint Charles Borromée, qui renouvela dans son Eglise de Milan tant d'usages précieux de l'antiquité, n'eut garde de négliger les Roga- tions. Par ses soins et par ses exemples, il ranima dans son peuple l'ancien zèle pour une pratique si sainte. Il exigea de ses dio- césains le jeûne pendant ces trois jours, et il l'accomplissait lui-même au pain et à l'eau. La Procession, à laquelle tout le clergé de la ville était tenu d'assister, et qui commençait

Êar l'imposition des cendres , partait du lôme au point du jour, et ne rentrait qu'à trois ou quatre heures après midi , ayant visité le lundi treize églises, neuf le mardi, et onze le mercredi. Le saint Archevêque célé- brait le saint Sacrifice dans une de ces églises, et adressait la parole à son peuple 3, ^

Si l'on compare le zèle de nos pères pour la sanctification de ces trois journées avec

I. De rcbus bellicis Caroli Magni . cap. xvi. 2. SURIUS, ad diem xix \ovembris. 3. GlUSSANO. Vie de saint Charles Borromée.

Le Lundi des Rogations.

l'insouciance qui accompagne aujourd'hui, surtout dans les villes, la célébration des Rogations, on ne saurait manquer de recon- naître ici encore une des marques de l'affai- blissement du sens chrétien dans la société actuelle. Combien cependant sont impor- tantes les fins que se propose la sainte Eglise dans ces Processions auxquelles devraient prendre part tant de fidèles qui ont des loisirs pieux, et qui, au lieu de les consacrer à ser- vir Dieu par les œuvres de la vraie piété catholique, les consument dans des exer- cices privés qui ne sauraient ni attirer sur eux les mêmes grâces, ni apporter à la commu- nauté chrétienne les mêmes secours d'édifi- cation !

Les Rogations s'étendirent rapidement des Gaules dans toute l'Eglise d'Occident. Elles étaient déjà établies en Espagne au vu" siècle, et elles ne tardèrent pas à s'introduire en Angleterre, et plus tard dans les nouvelles Eglises de la Germanie, à mesure qu'elles étaient fondées. Rome elle-même les adopta à la fin du viii« siècle, sous le pontificat de saint Léon III. G était peu de temps aprèsque les Eglises des Gaules ayant renoncé à la liturgie gallicane pour prendre celle de Rome, eurent à admettre dans leurs usages la Pro- cession de saint Marc. Mais il y eut cette dif- férence qu'à Rome on conserva à la Proces- sion du 25 avril le nom de Litanie majeure, et l'on appela Litanies mineures celles des Rogations, tandis qu'en France on désigna ces dernières par l'appellation de Litanies majeures, en réservant le nom de mineure pour la Litanie de saint Marc. Mais l'Eglise

LE TEMPS PASCAL

114

Le Temps Fiscal.

romaine, sans blâmer la dévotion des Eglises des Gaules qui avaient cru devoir intro- duire dans le Temps pascal trois journées d'observance quadragésimalc, n'adopta pas cette rigueur. Il lui répugnait d'attrister par le jeûne la joyeuse quarantaine que Jésus ressuscité accorde encore à ses disciples ; elle s'est donc bornée à prescrire l'abstinence de la viande durant ces trois jours. L'Eglise de Milan, qui garde si sévèrement, ainsi que nous l'avons vu, l'institution des Rogations, l'a placée aux lundi, mardi et mercredi qui suivent le dimanche dans l'Octave de l'As- cension, c'est-à-dire au delà des quarante jours consacrés à célébrer la Résurrection.

Il faut donc, pour être dans cette véritable mesure dont l'Eglise romaine ne se départ jamais, envisager les Rogations comme une institution sainte qui vient tempérer nos joies pascales et non les anéantir. La couleur violette employée à la Procession et à la Messe de la Station n'a pas pour but de nous in- diquer encore la fuite de l'Epoux ' ; mais elle nous avertit que son départ est proche ; et l'abstinence qui nous est imposée , bien qu'elle ne soit pas accompagnée du jeûne, est déjà comme un témoignage anticipé de nos regrets pour cette chère présence de notre Rédempteur qui va nous être sitôt ravi.

En écrivant ces lignes destinées à expli- quer aux fidèles les motifs d'une institution que l'Eglise a sanctionnée par ses ordon- nances, \\ nous vient en mémoire que, dans ces dernières années, l'abaissement des mœurs

I. Gant. fin.

Le Lundi des Rogations. 1 15

chrétiennes est venu à tel point parmi nous, que plusieurs Eviiques ont cru devoir solli- citer du Siège apostolique la remise de l'ab- stinence en ces trois jours, après tant de siècles, et dans cette même France qui, par son exemple, avait impose à toute la chré- tienté la solennité des Rogations. C'est donc une expiation de moins, une intercession de moins, un secours de moins, en un siècle déjà si appauvri des moyens par lesquels la vie chrétienne se conserve, par lesquels le ciel est fléchi, les grâces de salut obtenues. Puissent les vrais "fidèles en conclure que l'assistance aux Processions de ces trois )ours est devenue plus opportune que jamais, et qu'il est urgent de compenser, en s'unissant à la prière fiturgique, l'abolition d'une loi sa- lutaire qui datait de si loin, et qui, dans ses exigences, pesait si légèrement sur notre mollesse !

Selon la discipline actuelle de l'Eglise, les Processions des Rogations, dont l'intention est d'implorer la miséricorde de Dieu offensé par les péchés des hommes, et d'obtenir la protection céleste sur les biens de la terre, sont accompagnées du chant des Litanies des Saints, et complétées par une Messe spéciale qui se célèbre soit dans l'église de la Station, soit dans l'église même d'où la Procession est partie, si elle ne doit pas s'arrêter dans quelque sanctuaire.

On ne saurait trop estimer les Litanies des Saints, à cause de leur puissance et de leur efiicacité. L'Eglise y a recours dans toutes les grandes occasions, comme à un moyen de se rendre Dieu propice, en faisant un appel à

ii6

Le Lundi des Rogations.

la cour céleste tout entière. Si l'on ne pou- vait prendre part aux Processions des Roga- tions, que l'on récite du moins ces Litanies en union avec la sainte Eglise : on aura part aux avantages d'une si sainte institution, et on contribuera à obtenir les grâces que la chrétienté sollicite de toutes parts en ces trois )ours ; entin on aura fait acte de ca- tholique.

Nous insérons ici la Messe des Rogations, qui est la. même pour les trois jours. Tout y parle de la nécessité et de la puissance de la prière. La sainte Eglise y revêt la couleur quadragésimale pour exprimer ses intentions expiatrices; mais tout en elle respire la con- tîance et l'espoir d'être exaucée ; on sent qu'elle s'appuie sur l'amour de son Epoux ressuscité.

LA MESSE DES ROGATIONS.

I 'Introït tiré des Psaumes annonce d'avance ^ la miséricorde du Seigneur, qui a exaucé la prière de son peuple, tout aussitôt qu'elle est montée vers lui.

EXAUDiviT de templo sancto suo vocem meam, alléluia : et cla- mor meus in conspectu ejus introivit in aures cjus, alléluia, alléluia.

Ps. Diligam te, Domi- ne, viriusmea . Dominus firmamentum meum et

D

E son temple saint, le Sei- gneur a exaucé ma prière, alléluia ; et le cri que j'ai poussé en sa présence a péné- tré jusqu'à ses oreilles, allé- luia, alléluia.

Ps. Je vous aimerai, Sei- gneur qui 'èies ma force ; le Seigneur est mon appui, mon

La Messe des Rogations.

ïiy

refuge et mon libérateur. Gloire au Père. De son tem- ple.

refuglum meum, et libe- rator meus. Gloria Patri. Exaudivit.

Dans la Collecte, l'Eglise expose à Dieu les besoins de ses enfants, le priant de recon- naître la confiance avec laquelle ils recourent à lui, et implorant pour eux sa protection dans leurs nécessités.

FUTES, s'il vous plaît, ô Dieu tout-puissant, que nous qui, dans nos afflictions, mettons notre confiance en votre bonté, nous soyons for- tifiés par votre protection contre toute adversité. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

Pr^sta. quassumus omnipotens Deus, ut, qui in afflictione nostra de tua pietate confidimus, contra adversa omnia, tua semper protectione muniamur.Per Dominum nostrum Jesum Chris- tum. Amen.

On ajoute les autres Collectes, comme à la Messe du cinquième Dimanche après Pâques, ci-dessus, page 94 .

Lecture de l'Epître de saint LectioEpistolae beati Ja- Jacques, Apôtre. Ch.\p. v. cobi Apostoli. Cap. v.

MES bien-aîmés, confessez vos fautes les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez sauvés ; car la prière persé- vérante du juste peut beau- coup. Elie était un homme semblable à nous, sujet à la souffrance ; cependant, quand il eut prié avec instance pour obtenir que la pluie cessât de

CHARISSI.MI, Confite- mini alterutrum pec- cata vestra, et orate pro invicem ut salvemini multum enijn valet de- precatio justi assidua. Elias homo erat similis nobis, passibilis : et ora- tione oravit ut non plue- ret super terram, et non pluit aunos très, et men-

ses sex. Et rursum ora- vit : et ccelum dédit plu- viam, et terra dédit fruc- tum suum. Fratres mei, si quis ex vobis errave- rit a veritnte, et conver- terit quis eum : scire dé- bet quoniam qui converti fecerit peccatorem ab errore viœ suœ, salvabit animam ejus a morte, et operiet multitudinem pcc- catorum.

tomber sur la terre, il n'y eut pas de pluie durant trois ans et six mois ; puis il pria de nouveau, et le ciel donna de la pluie, et la terre produisit son fruit. Mes frères, si l'un de vous s'écarte de la vérité, et que quelqu'un l'y fasse rentrer, il doit savoir que celui qui aura fait sortir un pécheur de l'erreur de sa voie, sauvera de la mort son âme à soi, et couvrira la multitude de ses péchés.

C'est encore à l'Apôtre saint Jacques le Mineur que la sainte Eglise emprunte l'Epître aujourd'hui ; et l'on ne saurait trop admirer l'à-propos que présentent les paroles de l'écrivain inspiré. L'une des fins de l'insti- tution des Rogations est d'obtenir de la bonté de Dieu la température convenable pour les fruits de la terre, et saint Jacques nous montre, par l'exemple d'Elie, que la prière peut rendre le ciel serein, ou en faire des- cendre une pluie fécondante. Imitons la foi du prophète, et recommandons au Seigneur les moissons, qui ont tant besoin encore de sa bonté pour arriver à leur maturité, et pour échapper aux fléaux qui pourraient fondre sur elles. Un autre but des Rogations est d'obtenir la rémission des péchés. Si nous prions avec ferveur pour nos frères qui sont égarés, nous obtiendrons en leur faveur des miséricordes particulières. Nous ne connaî- trons peut-ctre pas en ce monde ceux que notre prière, unie à celle de la sainte Eglise, aura retirés de la voie du péché ; mais

La Messe des Rogations.

^'9

l'Apôtre nous apprend que notre charité recevra la plus précieuse récompense, l'ef- fusion de la miséricorde de Dieu sur nous- mêmes.

Pour exprimer le deuil et la componction dans cette Messe des Rogations, l'Eglise, qui a revêtu la couleur violette, arrête la jubila- tion de ses cantiques ; elle ne se permet qu'un seul Verset alléluiatique, lequel d'ail- leurs continue d'exprimer ses espérances'

f. Louez le Seigneur, parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde est à jamais.

A

j^. Confitemini Domi- no, quoniam bonus : quo- niam in sœculum miseri- cordia ejus.

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. xi.

EN ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Si l'un de vous a un ami, et que, l'al- lant trouver au milieu de la nuit, il lui dise : Mon ami, prête-moi trois pains, parce qu'un de mes amis en voyage est venu chez moi, et je n'ai rien à lui donner ; et que du dedans de la maison l'autre réponde : Ne m'importune pas, la porte est fermée, et mes serviteurs sont au lit comme moi ; je ne puis me

Sequentia sancti Evan- gelii secundum Lucam. Cap. XI.

I N illo tempore : Dixit 1 Jésus discipulis suis : Quis vestrum habebit amicum, et ibit ad illum média nocte, et dicet illi : Amice, commoda mihi très panes, quoniam arni- cas meus venit de via ad me, et non habeo quod ponam ante illum ; et ille deintus respondens di- cat : Noii mihi molestus esse, jam ostium clausum est, et pueri mei mecum

J20

Le Lundi des Rofçations.

sunt in cubili : non pos- sum surgere, et date tibi. Et si ille perseveraverit pulsans : dico vobis, et si non dabit illi surgens eo quod amicus ejus sit, propter improbitatem ta- roen ejus surget, et dabit illi quotquot habet neces- sarios. Et ego dico vobis : Petite, et dabitur vobis : quaerite, et invenietis :

Eulsate, et aperietur vo- is. Omnis enim qui pe- tit, accipit : et qui quns- rit, invenit : et pulsanti aperietur. Quis autem ex vobis patrem petit pa- nem, numquid lapidem dabit illi ? Aut piscem : numquid pro pisce ser- pentem dabit illi ? Aut si petierit ovum : numquid gorriget illiscorpionem ? ai ergo vos, cura sitis mali, nostis bona data dare filiisvestris : quanto magis Pater vcster de cœlo dabit spiritum bo- num petentibus se !

lever et te rien donner. Si cependant le premier conti- nue de frapper, quand même il ne se lèverait pas d'abord et ne lui donnerait rien par le motif de l'amitié ; à cause de son importunité, je vous le dis, il se lèvera et lui don- nera ce dont il a besoin. Je vous dis de même : Deman- dez, et l'on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l'on vous ouvrira. Car quiconque demande, re- çoit ; et qui cherche, trouve ; et à qui frappe, on ouvrira. Est-il parmi vous un père qui donnât à son fils une pierre, lorsqu'il lui demande du pain ? ou qui lui donnât un serpent, lorsqu'il lui demanderait un poisson ? ou qui lui donnât un scorpion, lorsqu'il lui demanderait un œuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants ; com- bien plus votre Père céleste donnera-t-il l'Esprit bon à ceux qui le lui demandent !

UsT-iL rien, dans les sai-ots Evangiles, qui soit plus expressif sur la toute-puissance de la prière que ces paroles de notre Sau- veur ? La sainte Eglise, en nous les taisant lire aujourd'hui , nous montre assez sans doute l'importance des Rogations, puisque c'est en ces jours qu'elle nous révèle la vertu de l'intercession, qui triomphe des refus même de Dieu. Le choix des lectures de la

La Messe des Rotations.

sainte Ecriture dans la Liturgie est un en- seignement permanent et toujours à propos : on a le reconnaître jusqu'ici. En ces trois jours il s'agit de fléchir le ciel offensé, rien n'était plus nécessaire que de faire bien com- prendre aux chrétiens le pouvoir qu'exerce sur Dieu lui-même l'insistance dans la prière. Les Litanies qui ont été chantées dans le cours de la Procession nous offrent un modèle de cette sainte obstination dans la prière. Nous n'avons cesse de répéter : « Sei- gneur ! ayez pitié; délivrez-nous, Seigneur! Nous vous en supplions, exaucez-nous ! » En ce moment la médiation de notre divin Agneau pascal offert sur l'autel se prépare, et dans peu d'instants il joindra à nos faibles vœux son entremise toujours efficace. Muni d'un tel gage, nous nous retirerons, assurés de n'avoir pas prié en vain. Prenons donc aussi la résolution de ne plus nous tenir éloignés de la sainte FIglise dans ses pratiques, et de préférer toujours la prière faite avec elle à toute autre que nous offririons à Dieu en notre particulier, dans les jours cette Epouse du Sauveur, cette mère commune, veut bien nous convier à prendre part aux devoirs de supplication que, dans notre intérêt, elle rend à son céleste Epoux,

Dans l'Offertoire emprunté aussi à David, elle loue le Seigneur qui, malgré l'indignité de l'homme pécheur, s'est laissé vaincre par ses instances, et s'est levé pour le défendre et subvenir à ses besoins.

Le Lundi des Rogations.

OFFERTOIRE.

CONFITEBOR Domino nimis in ore meo : et in medio multorum laudabo eum, qui adsti- tit a dextris pauperis . ut salvam faceret a perse- quentibus animam meam, alléluia.

I E louerai le Seigneur avec J tous les accents de ma voix ; je chanterai ses lou- anges au milieu d'une nom- breuse assemblée ; car il s'est tenu à la droite du pauvre, et il a sauvé mon âme des atteintes de ceux qui la pour- suivaient, alléluia.

Les liens de nos péchés nous tenaient en- chaînés, et nous ne pouvions pas nous-mêmes revenir à Dieu; la victime pascale nous a rendus à la liberté, et chaque fois que son Sacrifice se renouvelle sur l'autel, c'est notre délivrance qui s'opère de nouveau. La sainte Eglise, dans la Secrète, représente au Dieu tout-puissant les motifs sur lesquels s'appuie notre confiance dans l'Hostie divine dont il nous a fait don.

HJEC munera, quœsu- mus Domine, et vincula nostrœ pravitatis absolvant, et tuœ nobis misericordias dona conci- lient. PerDominum.

PAR cette oblation, Sei- gneur, daignez nous dé- gager des liens de notre ma- lice, et nous concilier les dons de votre miséricorde. Par Jésus-Christ.

On ajoute les autres Secrètes, comme à la Messe du cinquième Dimanche après Pâques, ci-dessus, page loi.

L'Antienne de la Communion répète avec jubilation les paroles du Sauveur que nous avons entendues dans notre Evangile. C'est lui-même qui nous autorise à tout oser dans

La Messe des Rogations.

123

la prière. Nul de nous n'aurait osé dire : « Quiconque demande à Dieu reçoit l'effet de sa demande » ; mais maintenant que le Fils de Dieu est venu du ciel en terre pour nous l'apprendre, notre consolation doit être de le répéter sans cesse.

COMMUNION.

DEMANDEZ, et VOUS rece- vrez ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et on vous ouvrira. Car quiconque demande, reçoit ; quiconque cherche, trouve ; et à celui qui frappe, on ouvrira, allé- luia.

PETITE, et accipietis : quaerite, et invenie- tis : pulsatc, et aperietur vobis : omnis enim qui petit accipit : et qui quœ- rit invenit : et pulsanti aperietur, alléluia.

Le Sacrifice de paix est consommé, et la confiance de l'Eglise s'épanche dans les paroles d'actions de grâces que renferme la Postcommunion. Le don sacré a apporté la consolation , la sainte Eglise espère que ses enfants en profiteront pour faire de nouveaux progrès dans l'amour.

POSTCOMMUNION.

DAIGNEZ, Seigneur, agréer favorablement nos vœux ; afin qu'en recevant vos dons au milieu de notre tribula- tion, la consolation que vous nous donnez nous fasse croî- tre dans votre amour. Par Jésus-Christ.

VOTA nostra, qusesu- mus Domine, pio fa- vore prosequere : ut, dum dona tua in tribulatione percipimus, de consola- tione nostra in tuo amore crescamus. Per Domi- num.

On ajoute les autres Postcommunions , comme à la Messe du cinquième Dimanche après Pâques, ci-dessus, page io3.

124

Le Temps Pascal.

XTous aioutons ici un fragment liturgique \^ tire de la Messe des Rogations selon l'an- tique rite gallican. Cette prière fait partie des supplications du premier jour, et doit remonter à la plus haute antiquité. On est à même d'y reconnaître l'importance que l'on attachait au jeûne des Rogations dans l'Eglise des Gaules, au temps des Mamert de Vienne etdesCésaire d'Arles.

•yu

POST NOMINA. A sunt, Domine, ali- monia, quibus in

quotidiano victu ad sus- tentationem reficimur : tuaque jejunia, quibus carnem a lubrica volup- tate. te praecipiente. res- tringimus. Tu ad conso- lationem nostram vicis- situdines temporum dis- posuisti ut tempus edendi corpora nostra refectio sobria aleret ; et jejunandi tempus ea io justitiam tibi placitam faceret macerata. -Hanc hostiam ob jejunia tri- duanœ macerationis a nobis oblatam sanctifi- cans dignanter adsume, et prjesta placatus : ut sopita delectatione cor- porea. mens ab iniquita- tibus pariterconquiescat. Per Christum Dominum nostrum. Amen, en même

ILS sont à vous, Seignetir, }■ ces aliments dont chaque jour nous nous servons pour soutenir nos forces ; ils sont à vous aussi, les jeûnes par lesquels nous contenons, pour V0US obéir, nos sens entraî- nés par le désir d'être satis- faits. C'est VOUS qui, pour notre consolation, avez ré- glé l'ordre des temps, en sorte que nos corps eussent à atten- dre une réfection sobre des- tinée à les nourrir, dans la saison il est opportun de le faire, et que, en d'autres temps, le devoir du jeûne les châtiât, et fît d'eux un hom- mage à votre justice. Daignez recevoir aujourd'hui et sanc- tifier l'hostie que nous vous offrons pour accompagner la sévérité de es jeûne de trois jours, et accordez-nous la grâce de sentir en notre âme le penchant au mal s'apaiser.

temps que nous retirons à nos corps les tactions ordinaires. Par Jésus-Christ notre Sei,

atis- gneur.

nous-y, le ciel,

yyyyyyyyyyyyyy

LE MARDI DES ROGATIONS.

ES Supplications de l'Eglise conti- nuent aujourd'hui encore, et l'ar- mée du Seigneur parcourt pour la seconde fois les rues des cités et les chemins ombragés des campagnes. Joignons- et faisons entendre ce cri qui pénètre Kyrie eleison ! Seigneur, aye^ pitié ! Songeons au nombre immense de péchés que chaque jour et chaque nuit voient se commettre, et implorons miséricorde. Aux )ours du déluge, « toute chair avait corrompu sa voie ^ » ; mais les hommes ne songeaient pas à demander grâce au ciel. « Le déluge « vint et les perdit tous », dit le Seigneur 2, S'ils eussent prié, s'ils eussent fait amende honorable à la divine justice, la main de Dieu se fût arrêtée ; elle n'eût pas déchaîné sur -la terre les cataractes du grand abîme 3. Un jour doit venir aussi, non plus les eaux, mais un feu allumé à la colère céleste s'élan- cera tout à coup, et il embrasera cette terre que nous foulons. Il brûlera jusqu'aux racines des montagnes *, et dévorera les pécheurs qui seront surpris dans leur fausse sécurité, comme il arriva aux jours de Noé.

Mais auparavant la sainte Eglise, opprimée par ses ennemis, décimée par le martyre de ses enfants, réduite aux abois par les défec-

I. Gcn. VI, 12. 2. Luc. XVII, 27. 3. Gen. viii, 2. 4. Dcut. xxxii, 22.

126 Le Temps Pascal.

lions, dépourvue de tout appui terrestre, sentira que le jour est proche; car la prière sera devenue rare comme la foi. Veillons donc et prions, atin que ces jours de la con- sommation soient retardes, afin que la vie chrétienne si épuisée reprenne un peu de vigueur, et que ce monde vieilli ne s'atfaisse pas en nos temps. Nous sommes encore par- tout, mais notre nombre a diminué visible- ment. L'hérésie occupe de vastes régions la catholicité fleurissait autrefois ; dans les pays épargnés par l'hérésie, l'incrédulité et l'indifférence ont amené la plupart des hommes à n'être plus chrétiens que de nom, et à enfreindre sans remords les devoirs reli- gieux les plus essentiels; chez un grand nombre de ceux qui remplissent encore leurs obligations de catholiques, les vérités sont diminuées^, l'énergie de la foi a fait place à. la mollesse dans les convictions, des conci- liations impossibles sont tentées et suivies, les sentiments etles actions des saints qu'ani- mait l'Esprit de Dieu, les actes et les ensei- gnements de l'Eglise sont taxés d'exagération et d'incompatibilité avec un soi-disant pro- grès ; la recherche des aises est devenue une étude sérieuse, la poursuite des biens ter- restres une noble passion, l'indépendance une idole à laquelle on sacrifie tout, la sou- mission une honte qu'il faut fuir ou dissimu- ler ; enfin le sensualisme, comme une im- pure atmosphère, imprègne de toutes parts une société que l'on dirait axoir résolu d'a- bolir jusqu'au souvenir de la Croix.

I. Psalm. XI.

Le Mardi des Rogations. i 2j

De tant de périls pour cette société qui rêve d'autres conditions que celles que Dieu lui a voulu imposer. Si l'Evangile est divin, comment les hommes en pourraient-ils prendre le contre-pied, sans provoquer le ciel à lancer sur eux ces fléaux qui écrasent quand ils ne sauvent pas ? Soyons justes, et sachons convenir de nos misères devant la souveraine sainteté : les péchés de la terre se multiplient en nombre et en intensité d'une manière effrayante ; et pourtant, dans le tableau que nous venons de tracer, nous n'avons parlé ni de l'impiété forcenée, ni des enseignements pervers dont le poison circule partout, ni des pactes avec Satan qui menacent notre siècle de descendre au niveau des siècles païens, ni de la conspiration ténébreuse organisée contre tout ordre, toute justice, toute'vérité. Encore une fois, unis- sons-nous à la sainte Eglise, et crions avec elle en ces jours : « De votre colère, délivrez- nous. Seigneur ! »

Une autre rîn des Rogations est d'attirer la bénédiction de Dieu stir les moissons et les fruits de la terre ; c'est la demande du jpain quotidien qu'il s'agit de présenter solennel- lement à la majesté divine. « Tous les êtres, tt dit le Psalmiste, élèvent avec espoir leurs « yeux vers vous, Seigneur, et vous leur don- « nez leur nourriture en la saison conve- « nable ; vous ouvrez la main, et vous répan- « dez votre bénédiction sur tout ce qui res- « pire 1. » Appuyée sur ces touchantes pa- roles, la sainte Eglise supplie le Seigneur de

1. Psalm. cxLiv.

/2 c*? Le Temps Pascal.

donner, cette année encore, aux Ixibitants de la terre la nourriture dont ils onr besoin. Elle confesse qu'ils en sont indignes par leurs offenses; reconnaissons avec elle les droits de la divine justice sur nous, et con- jurons-la de se laisser vaincre par la miséri- corde. Les tîéaux qui pourraient arrêter tout court lesespérancesorgueilleusesde l'homme sont dans la main de Dieu ; il ne lui en coûterait pas un effort pour anéantir tant de belles spéculations : un dérangement dans l'atmosphère suffirait pour mettre les peuples aux abois. La science économique a beau faire ; bon gré, mal gré, il lui faut compter avec Dieu. Elle parle de lui rarement ; il semble consentir à se voir oublié ; mais (( il ne dort pas, celui qui garde Israël i. » Qu'il retienne sa main bienfaisante, et nos travaux agricoles, dont nous sommes si fiers, nos cultures, à l'aide desquelles nous nous van- tons d'avoir rendu la famine impossible, sont aussitôt frappés de stérilité. Une maladie dont la source demeurera inconnue fondra tout à coup, nous l'avons vu, sur les produits de la terre ; et ce serait assez pour affamer les peuples, assez pour amener les plus terribles perturbations dans un ordre social qui s'est affranchi de la loi chrétienne, et n'a plus d'autre raison de tenir debout que la compassion divine.

Et cependant, si le Seigneur daigne cette année encore octroyer fécondité et protec- tion aux moissons que nos mains ont semées, il sera vrai de dire qu'il aura donné la nour-

Le Mardi des Rogations. 12g

riture à ceux qui l'oublient, à ceux qui le blasphèment, comme à ceux qui pensent à lui et l'honorent. Les aveugles et les pervers, abusant de cette longanimité, en profiteront pour proclamer toujours plus haut l'invio- labilité des lois de la nature; Dieu se taira encore, et il les nourrira. Pourquoi donc n'éclate-t-il pas ? pourquoi contient-il son indignation ? C'est que son Eglise a prié, c'est qu'il a reconnu sur la terre les dix justes i, c'est-à-dire le contingent si faible dont il se contente dans son adorable bonté. Il laissera donc parler et écrire ces savants économistes qu'il lui serait si aisé de con- fondre. Grâce à cette patience, il adviendra que plusieurs se lasseront de courir ainsi les voies de l'absurde ; une circonstance inat- tendue leur dessillera les yeux, et un jour ils croiront et prieront avec nous. D'autres s'en- fonceront toujours plus avant dans leurs ténèbres ; ils défieront la justice divine jus- qu'à la fin, et mériteront que s'accomplisse sur eux ce terrible oracle : « Le Seigneur a fait toutes choses pour lui-même, et l'impie pour le jour mauvais -. » Pour nous qui nous faisons gloire de la sim-

Ê licite de notre foi, qui attendons tout de lieu et rien de nous-mêmes, qui nous recon- naissons pécheurs et indignes de ses dons, nous implorerons, durant ces trois jours, le pain de sa pitié, et nous dirons avec la sainte Eglise ; « Daignez donner et conserver les fruits de la terre : Seigneur, nous vous en sup- plions, exaucez-nous ! » Qu'il daigne exaucer

LE TEMPS PASCAL.

i3o Le Temps Pascal.

cette fois encore le cri de notre détresse ! Dans un an nous reviendrons lui adresser la même demande. Marchantsous l'étendard de la croix, nous parcourrons encore les mêmes sentiers, faisant retentir les airs des mûmes Litanies, et notre confiance se fortifiera de plus en plus, à la pensée que, par toute la chrétienté, la sainte Eglise conduit ses enfants dans cette marche aussi solennelle qu'elle est suppliante. Depuis treize siècles, le Seigneur est accou- tumé à recevoir les vœux de'ses fidèles à cette époque de l'année ; nous ne voudrons plus désormais atténuer les hommages qui lui sont dus, et nous ferons nos efforts pour suppléer, par l'ardeur de nos prières, à l'indiftcrencc et à la mollesse qui s'unissent trop souvent, pour faire disparaître de nos mœurs tant de signes de catholicité qui furent chers à nos pères.

La Messe des Rogations est la même que celle d'hier; on la trouvera ci-dessus, ;?<30'^ 1 16.

"M eus ajouterons ici une prière empruntée h. ^^ l'antique Liturgie gallicane, et composée à l'époque la pieuse institution à laquelle sont consacrés ces trois jours était encore dans sa première ferveur.

CONTESTATIO.

\J ERE dignum et jus- tum est. te tota cor- dis contritione in jejunio laudare, omnipotens sera- pilerne Deus, per Chris-

T L est juste et raisonnable, ô Dieu tout-puissant et éter- nel, de vous offrir nos vœux, en accompagnant ce jeune annuel de toute la contrition

Le Mardi des Rotations.

de nos cœurs, par Jésus- Christ notre Seigneur, qui étant venu à nous pour nous manifester la profondeur de vos mystères, nous a révélé le symbole qui fut offert aux yeux de Noé dans la branche de l'olivier pacifique que la colombe portait dans son bec, lorsqu'il nous a présenté le signe glorieux de la croix, qui est l'arbre verdoyant. Cet arbre, que la colombe mystique a dédié à l'honneur du Christ, elle l'a en même temps sanctifié par la grâce de l'Esprit-Saint. afin qu'il fût pour tous l'objet d'un culte religieux, et nous inspi- rât le désir de retracer en nous l'innocence de cet oi- seau, et ds recevoir la sancti- fication par le divin Esprit dont il figura un jour la pré- sence. Nous offrons donc nos vœux dans ce jeûne et cette humiliation de trois jours, portant en tète des bataillons formés de fidèles le signe invincible de la croix, et faisant retentir dans le chant

■tum Dominum nostrum. Qui nos mysteriorum tuorum secretis infor- mans, pacificum nemus ore columbœ gestatum, Noe oculis ostendens, nobis de virente arbore crucis gloriosum signum expressit : quem colum- species in Christi de- coravit honore, cunctis colendum Spiritus sanc- tificatione demonstrans. Cujus animalis innocen- tia esse similes prœop- tantes. ab eoque sancti- ficari Spiritu. cujus ipse sumpsit speciem, exoran- tes ; in hoc jejunio tri- duana humiliatione ins tituto, invictum hoc si- gnum cum plebium cu- neis prœferentes. atque Majestatem tuam psal lencii modulatione lau- dantes, petimus, omnipo- tens Deus : ut accipias cuncta plebis vota, quas- que quoquo ritu tibi red- dit subjecta : et ita eos in hoc jejunio sanctifices, ut a cunctis mereantur exui peccatis.

des psaumes la louange de votre divine Majesté. Nous

vous supplions, ô Dieu tout-puissant, d'agréer tous le hommages que vous présente votre peuple et tous les rites sous lesquels il les exprime, et de nous accorder, au moyen de ce jeûne, la sanctification de nos âmes, en eur faisant mériter d'être affranchies de tout péché.

«tlA ftlA i\lX (VIA fXlA, <tlA eX^ CXiX CXlA <\iX CtlA «TiA

LE MERCREDI DES ROGATIONS

LA VIGILE DE l'aSCENSION.

!ouR la troisième fois la sainte Eglise reprend sa marche, et .=ort du saint temple, atin de faire un dernier appel à la divine miséricorde. Ran- geons-nous sous sa bannière, et unissant nos voix à la sienne, invoquons avec elle le secours des Saints. Elle est glorieuse, mais aussi elle est puissante, la Litanie dans laquelle sont invoqués tour à tour les chœurs de la Jéru- salem céleste. C'est l'Eglise triomphante s'u- nissant à l'Eglise militante pour obtenir le salut de la teVre.

Marie, Mère de Dieu, Vierge des vierges, miracle de la puissance divine, employez en notre faveur votre maternelle médiation auprès de celui qui étant Dieu est aussi votre fils.

Michel l'invincible, Gabriel, heureux mes- sager du salut, Raphaël, médecin compatis- sant de nos misères ; Anges et Archanges qui veillez à notre défense et coopérez a notre salut ; hiérarchies célestes qui attendez les élus de la terre pour renforcer vos rangs, intercédez pour vos frères et vos clients.

Jean-Baptiste, précurseur de l'Agneau de Dieu ; Joseph, époux de Marie immaculée, père nourricier du Fils de Dieu ; Patriarches, ancêtres majestueux de la race humaine,

Le Mercredi des Rogations. i33

aïeux du divin Messie ; Prophètes qui avez annoncé sa venue et décrit tous ses traits, afin que la terre reconnût en lui son Sau- veur • souvenez-vous des habitants de cette terre lointaine sur laquelle vous avez été voyageurs.

Pierre, Pasteur universel, porte-clefs du royaume des cieux , Paul, apôtre des Gentils, armé du glaive de la parole et consommé par le glaive du martyre ; André, crucifié comme votre Maître , Jacques le Majeur, enfant du tonnerre, fondateur du royaume Catholique, Jean le Bien-Aimé, fils et gardien de Marie, Evangcliste et le dernier des Prophètes ; Tho- mas, apôtre des Indes, immolé par la lance ; Jacques le Mineur, appelé frère du Seigneur , Philippe, qui avez évan^élisé les Scythes et rencontré la croix à Hierapolis ; Barthélemi, docteur de l'Arménie, arrosée de votre sang ; Evangéliste Matthieu, qui êtes allé porter "la foi jusque dans les régions brûlantes de l'E- thiopie ; Simon, dont la Mésopotamie a en- tendu la voix ; Thaddée, qui avez affronté l'Egypte et ses idoles ; Mathias, appelé à pren- dre la place du traître Judas, et digne d'un tel honneur ; Barnabe, compagnon de Paul, et plus tard la lumière de rile" de Chypre ; Luc, disciple de l'Apôtre des Gentils, histo- rien du Verbe incarné ; Marc, disciple de Pierre, qui avez écrit sous sa dictée l'Evan- gile du salut : nous vous saluons tous avec amour comme nos pères dans la foi ; priez en ces jours avec nous et pour nous.

Disciples du Seigneur, qui, sans avoir été élevés jusqu'au rang des Apôtres, fûtes choi- sis par lui pour être leurs coopérateurs, et

i34 Le Temps Pascal.

qui, au jour de la Pentecôte, avez été rem- plis des feux de l'Esprit-Saint ; tendres enfants de Bethlchem, prémices des Martyrs : daignez tous vous associer à nos supplica- tions.

Etienne le Couronné, Laurent, dont le front est ceint de lauriers, Vincent le Victorieux, tous trois unis dans la forte milice du dia- conat ; Fabien, pontife désigné par la colombe céleste ; Sébastien, noble chevalier de la sainte Eglise ; Jean et Paul, Corne et Damien, Ger- vais et Protais, généreux frères qui avez com- battu le même combat : armée innombrable des Martyrs, protégez-nous à l'ombre de vos palmes.

Silvestre, pontife de la paix ; Grégoire, vicaire du Christ dans sa m^ansuétude comme dans son autorité ; Ambroise, dont la parole fut douce comme le miel, et la force indomp- table comme celle du lion ; Augustin, soleil de vérité, apôtre de la charité divine ; Jérôme, interprète inspiré de la parole de Dieu ; Martin, thaumaturge .de l'Occident ; Nicolas, thaumaturge de l'Orient : saints pontifes, saints docteurs, ramenez à Jésus ses brebis errantes.

Antoine, la gloire du désert, le vainqueur de Satan ; Benoît, nouvel Abraham, entouré d'une postérité sans nombre ; Bernard, sou- tien de la sainte Eglise, favori de l'auguste Reine des cieux ; Dominique, prédicateur de ta vraie doctrine, tiéau de l'hérésie ; Fran- çois, amant et époux de la pauvreté, crucifié avec le Christ : nous vous honorons tous ; ranimez dans nos âmes le sentiment de la per- fection chrétienne.

Le Mercredi des Rogations i35

Prêtres du Seigneur, saints moines, saints ermites, saints confesseurs, priez pour ce peu- ple qui implore votre secours.

Marie-xMadeleine , pécheresse sanctifiée , amante du Rédempteur , obtenez-nous la componction du cœur qui répare le péché par l'amour.

Agathe et Lucie, fleurs odorantes de l'heu- reuse Sicile ; Agnès, qui suivez partout l'A- gneau divin ; Cécile, couronnée de roses et de lis, brillante reine de l'harmonie ; Cathe- rine, vierge sage qui confondîtes la fausse sagesse des philosophes ; Anastasie, femme forte qui avez triomphé des épreuves de la vie et de la rigueur des supplices : vous toutes, vierges sacrées ou épouses fidèles, jetez un regard de compassion sur les habi- tants de la terre.

Saints et saintes de Dieu, justes de tout âge, de tout sexe et de toute condition, qui peuplez déjà l'empyrée, souvenez-vous de nous qui gémissons encore dans cette vallée de larmes, e"t élevez nos cœurs jusqu'au séjour de l'éternel bonheur çque les vanités de ce monde nous feraient si souvent oublier.

La Litanie est achevée; et, pour la troi- sième fois, l'auguste Sacrifice va sceller la réconciliation dïi Dieu offensé avec ses en- fants coupables ; espérons désormais une année tranquille et féconde. Daigne le Sei- gneur, en l'année qui suivra celle-ci, accroître le nombre de ceux qui viendront s'unir à son Eglise pour implorer le pardon général !

"^La Messe des Rogations se trouve ci-dessus, au 'Lyjindi, page ii6. Assistons-y avec le sen-

i36

Le Temps Pascal.

timcnt de l'insuffisance de nos réparations personnelles, mais avec une entière con- fiance dans les mérites infinis de la victime

pascale.

P NFiN nous nous pénétrerons une dernière fois de l'esprit de pénitence qui animait en ces trois jours l'antique Eglise des Gaules, en lui empruntant cette pieuse prière qu'elle présentait aujourd'hui même à la Majesté divine.

IMMOLATIO.

\^ ERE dignum et jus- tum est. satisque est dignum : te solum a jeju- nantihus quœrere, qui es magister abstinentias, et conîinentiae remunerator œterne : quique a jeju- nantibus fideli tantum corde exposcunt abstergi omnem maculam, quam saturitas contrahit inde- cens. Hoc itaque sanc- tum jejuniura in Leviti- cis apicibus per famulum tuum Moysen evidentius declarasti: in quo jus- sisti ut humiîiaremus animas noslras, ne exter- minaremur; sicut esu gulae deditus populus, exterminatur. Q u o d etiam nobis Unigenitus tuus ita sanctificavit im- plcndo: etutregnum per- ditum per jejunium paa-

I L est juste et raisonnable, ô Dieu tout-puissant et éternel, que ceux qui se li- vrent au jeûne se tournent vers vous qui avez été, par votre exemple, le maître de l'abstinence , et qui êtes maintenant le rémunérateur éternel de nos privations; puisque dans ceux qui jeû- nent avec les dispositions d'un cœur fidèle, vous dai- gnez, à leur demande, effacer toutes les taches que lintcm- pérance leur avait fait con- tracter. C'est vous-même qui avez proclamé l'institution du jeune sacré, par votre serviteur Moïse, au livre du Lévitique, nous ordonnant d'humilier nos âmes, afin que nous ne fussions pas exter- minés, comme le fut ce peu- ple qui s'était abandonne aux excès de la sensualité. Votre

La Vigile de V Ascension. i3y

Fils unique est venu sancti- fier cette institution en s'y soumettant lui même, nous rouvrant, par son jeûne, l'ac- cès du royaume que nous avions perdu, et nous accordant le pardon de nos péchés. Daignez donc recevoir avec bonté l'hommage d'une pratique dont la première institution vient de vous, et nous accorder en retour la remise de toutes nos offenses.

deret, et peccatis veniam daret. Et ideo quae ins- tituisti, jejunia suscipe libens, per ea nos a rea- tihus cunctis absolvons.

L

A troisième matinée des Rogations s'est écoulée, l'heure de midi se fait entendre ; elle vient ouvrir la dernière journée que le Fils de Dieu doit passer sur la terre avec les hommes. Nous avons semblé perdre de vue, durant ces trois jours, le moment si proche de la séparation ; toutefois, le sentiment de la perte qui nous menace vivait au fond de nos cœurs, et les humbles supplications que nous présentions au ciel, en union avec la sainte Eglise, nous préparaient à célébrer le dernier des mystères de notre Emmanuel.

A ce moment, les disciples sont tous ras- semblés à Jérusalem. Groupés autour de Marie dans le Cénacle, ils attendent l'heure à laquelle leur Maître doit se manifester à eux pour la dernière fois. Recueillis et silen- cieux, ils repassent dans leurs cœurs les divines marques de bonté et de condescen- dance qu'il leur a prodiguées durant ces quarante jours, et les solennels enseignements qu'ils ont reçus de sa bouche. C'est mainte- nant qu'ils le connaissent, qu'ils savent qu'il est sorti de Dieu; quant à ce qui les concerne, ils ont appris de lui la mission à laquelle il les a destinés: ce sera d'enseigner, eux igno-

138 Le Temps Pascal.

rants, les peuples de la terre ; mais, ô regret inconsolable ! il s'apprête à les quitter ; « encore un peu de temps, et ils ne le ver- ront plus ^ »

Par un touchant contraste avec leurs tristes pensées, la nature entière semble s'être mise en devoir d'oftrir à son auteur le plus splen- dide triomphe ; car ce départ doit être un départ triomphant. La terre s'est parée des prémices de sa fécondité, la verdure des campagnes le dispute à l'émeraude, les fleurs embaument l'air de leurs parfums, sous le feuillage des arbres les fruits se hâtent de mûrir, et les moissons grandissent de toutes parts. Tant d'heureux dons sont dus à l'in- fluence de l'astre qui brille au ciel pourvivi- tier la terre, et qui a reçu le noble privilège de figurer par son royal éclat, et dans ses phases successives, le passage de l'Emmanuel au milieu de nous.

Rappelons-nous ces jours sombres du sol- stice d'hiver, son disque pâle, tardif vain- queur des ténèbres, ne montait dans le ciel que pour y parcourir une étroite carrière, dispensant la lumière avec mesure, et n'en- voyant à la terre aucun rayon assez ardent pour résoudre la constriction qui tenait gla- cée toute sa surface. Tel se leva, comme un astre timide, notre divin Soleil, dissipant à peine les ombres autour de lui, tempérant son éclat, afin que les regards des hommes n'en fussent pas éblouis. Comme le soleil matériel, il élargit peu à peu sa carrière ; mais des nuages'vinrent souvent dissimuler

I. JOHAN. XVI. i6.

La Vigile de V Ascension. i3g

son progrès. Le séjour en la terre d'Egypte, la vie obscure de Nazareth, dérobèrent sa marche aux yeux des hommes ; mais l'heure étant venue il devait laisser poindre les rayons de sa gloire, il brilla d'un souverain éclat sur la Galilée et sur la Judée, lorsqu'ilse mit à parler a comme ayant puissance ^ » lorsque ses œuvres rendirent témoignage de lui 2, et que l'on entendit la voix des peuples qui fai- sait retentir « Hosannah au tils de David ». Il allait atteindre à son zénith, quand tout à coup l'éclipsé momentanée de sa passion et de sa mort persuada pourquelques heures à ses ennemis jaloux que leur malice avait suffi pour éteindre à jamais sa lumière im- portune à leur orgueil. Vain espoir ! notre divin Soleil échappait dès le troisième jour à cette dernière épreuve ; et il plane mainte- nant au sommet des cieux, versant sa lumière sur tous les êtres qu'il a créés, m.ais nous avertissant que sa carrière est achevée. Car il ne saurait descendre ; pour lui, pas de couchant ; s'arrête son rapport avec l'humble flambeau qui éclaire nos yeux mor- tels. C'est du haut du ciel qu'il brille désor- mais, et pour toujours, ainsi que l'avait an- noncé Zacharie, lors de la naissance de Jean 3 ; et comme l'avait prédit encore aupa- ravant le sublime Psalmiste, en disant : « Il a « fourni sa carrière comme un géant, il est « arrivé au sommet des cieux, d'où il était « parti, et nul ne peut se soustraire à l'ac- « tion de sa puissante chaleur *. »

I. Matth. VII. 29. 2. JoHAN. X, 25. 3. Luc. I, 79. 4. Psalm. xviu.

140 Le Temps Pascal.

Cette Ascension , qui établit l'Homme- Dieu centre de lumière pour les siècles des siècles, il en a fixé le moment précis à l'un des jours du mois que les hommes appellent Mai, et qui révèle dans son plus riant éclat l'œuvre que ce Verbe divin trouva belle lui- même, au jour où, l'ayant fait sortir du néant, il la disposa avec tant de complaisance. Heureux mois, non plus triste et sombre comme Décembre, qui vit les joies modes- tes de Bethléhem, non plus sévère et lugu- bre comme Mars, témoin du Sacrifice sanglant de l'Agneau sur la croix, mais radieux, épa- noui, "surabondant de vie et digne d'être offert, chaque année, en hommage à Marie, Mère de Dieu ; car c'est Le mois du triomphe de son fils.

O Jésus, notre créateur et notre frère, nous vous avons suivi des yeux et du cœur depuis le moment de votre aurore ; nous avons célé- bré, dans la sainte liturgie, chacun de vos pas de g-^fin? par une solennité spéciale ; mais en vous voyant monter ainsi toujours, nous devions prévoir le moment vous iriez prendre possession de la seule place qui vous convienne, du trône sublime vous serez assis éternellement à" la droite du Père. L'é- clat qui vous entoure depuis votre résur- rection n'est pas de ce monde ; vous ne pou- vez plus demeurer avec nous ; vous n'êtes resté durant ces quarante jours, que pour la con- solidation de votre œuvre; et demain, la terre qui vous possédait depuis trente-trois années sera veuve de vous. Avec Marie votre mère, avec vos disciples soumis, avec Made- leine et ses compagnes, nous nous réjouis-

La Vigile de V Ascension. 141

sons du triomphe qui vous attend ; mais à la veille de vous perdre, permettez à nos cœurs aussi de ressentir la tristesse ; car vous étiez l'Emmanuel, le Dieu avec 7ioits, et vous allez être désormais l'astre divin qui planera sur nous; et nous ne pourrons plus « vous voir, ni vous entendre, ni vous toucher de nos mains, ô Verbe de vie 1 ! » Nous n'en disons pas moins : Gloire et amour soient à vous! car vous nous avez traités avec une miséri- corde infinie. Vous ne nous deviez rien, nous étions indignes d'attirer vos regards, et vous êtes descendu sur cette terre souillée par le péché ; vous avez habité parmi nous, vous avez payé notre rançon de votre sang, vous avez rétabli la paix entre Dieu et les hom- mes. Oui, il est juste maintenant que « vous retourniez à celui qui vous a envoyé » -. Nous entendons la voix de votre Eglise, de votre Epouse chérie qui accepte son exil, et qui ne pense qu'à votre gloire : « Fuis donc, ô mon « bien-aimé, vous dit-elle ; fuis avec la rapi- « dite du chevreuil et du faon de la biche, « jusqu'à ces montagnes les fleurs du ciel « exhalent leurs parf"ums 3. » Pourrions-nous, pécheurs que nous sommes, ne pas imiter la résignation de celle qui est à la fois votre Epouse et notre mère ?

I. I JOHAN, I, I. 2. JOHAN, XVI, 5. 3. Cant. VIII, 14,

L'ASCENSION DF NO TRE-SEIGN RUR.

E jour s'est levé radieux, la terre qui s'émut à la naissance de l'Emmanuel ' éprouve un tres- saillement inconnu; l'ineffable succession des mystères de l'Homme-Dieu est s'ur le point de recevoir son dernier complément. Mais l'allégresse de la terre est montée jusqu'aux cieux ; les hiérarchies angéliques s'apprêtent à recevoir le divin chef qui leur fut promis, et leurs princes sont attentifs aux portes, prêts à les lever quand le signal de l'arrivée du triomphateur va retentir. Les âmes saintes, délivrées des limbes depuis quarante jours, planent sur Jérusalem, attendant l'heureux moment la voie du ciel, fermée depuis cjuatrc mille ans par le péché, s'ouvrant tout à coup, elles vont s'y précipiter à la suite de leur Rédempteur. L'heure presse, il est temps que notre divin ressuscité se montre, et qu'il reçoive les adieux de ceux qui l'attendent

I. Psalra. xcv, xcvi, xcvii.

L'Ascension de Notre-Seigneur. 148

d'heure en heure, et qu'il doit laisser encore dans cette vallée de larmes.

Tout à coup il apparaît au milieu du Cé- nacle. Le cœur de Marie a tressailli, les dis- ciples et les saintes femmes adorent avec attendrissement celui qui se montre ici-bas pour la dernière fois. Jésus daigne prendre place à table avec eux ; il condescend jusqu'à partager un dernier repas, non plus dans le but de les rendre certains de sa résurrection ; il sait qu'ils n'en doutent plus ; mais, au moment d'aller s'asseoir à la droite du Père, il tient à leur donner cette marque si chère de sa divine familiarité. O repas ineffable, Marie goûte une dernière fois en ce monde le charme d'être assise aux côtés de son fils, la sainte Eglise représentée par les dis- ciples et par les saintes femmes est encore présidée ; visiblement par son Chef et son Epoux !

Qui pourrait exprimer le respect, le recueil- lement, l'attention des convives, peindre leurs regards fixés avec tant d'amour sur le Maître tant aimé ? Ils aspirent à entendre encore une fois sa parole ; elle leur sera si chère à ce moment du départ ! Enfin Jésus ouvre la bouche ; mais son accent est plus grave que tendre. Il débute en leur rappelant l'incré- dulité avec laquelle ils accueillirent la nou- velle de sa résurrection 1. Au moment de leur confier la plus imposante mission qui ait jamais été transmise à des hommes, il veut les rappeler à l'humilité. Sous peu de jours ils seront les oracles du monde, le monde

I. Marc, xvi, 14.

144- -^e Temps Pascal.

devra croire sur leur parole, et croire ce qu'il n'a pas vu, ce qu'eux seuls ont vu. C'est la foi qui met les hommes en rapport avec Dieu ; et cette foi, eux-mêmes ne l'ont pas eue tout d'abord : Jésus veut recevoir d'eux une der- nière réparation pour leur incrédulité passée, afin que leur apostolat soit établi sur l'hu- milité. ,

Prenant ensuite le ton d'autorité qui con- vient à lui seul, il leur dit : « Allez dans le monde entier, prêchez l'Evangile à toute créa- ture. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ^ mais celui qui ne croira pas sera con- damne » 1. Et cette mission de prêcher l'E- vangile au monde entier, comment l'accom- pliront-ils ? par quel moyen réussiront-ils à accréditer leur parole ? Jésus le leur indique : « Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : ils chasseront les démons en mon nom ; ils parleront des langues nouvelles ; ils prendront les serpents avec la main ; s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur nuira pas ; ils imposeront les mains sur les malades, et les malades seront guéris » -. Il veut que le miracle soit le fondement de son Eglise, comme il l'a choisi pour être l'argu- ment de sa mission divine. La suspension des lois de la nature annonce aux hommes que l'auteur de la nature va parler ; c'est à eux alors d'écouter et de croire humblement.

Voilà donc ces hommes inconnus au monde, dépourvus de tout moyen humain, les voilà investis de la mission de conquérir la terre et d'y faire régner Jésus-Christ. Le monde

I. Marc. xvi. 2. Ibid.

L'Ascension de Notve-Seigneiir. 145

ignore jusqu'à leur existence ; sur son trône impérial, Tibère, qui vit dans la frayeur des conjurations, ne soupçonne en rien cette expé- dition d'un nouveau genre qui va s'ouvrir, et dont l'empire romain doit être la conquête. Mais à ces guerriers il faut une armure, et une armure de trempe céleste. Jésus leur annonce qu'ils sont au moment de la rece- voir, « Demeurez dans la ville, leur dit-il, « jusqu'à ce que vous ayez été revêtus de la « vertu d'en haut 1 », Or, quelle est cette ar- mure ? Jésus va le leur expliquer. Il leur rappelle la promesse du Père, « cette promesse, dit-il, que vous avez entendue par ma bou- che, Jean a baptisé dans l'eau ; mais vous, sous peu de jours, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit 2 »,

Mais l'heure de la séparation est venue. Jésus se lève, et l'assistance tout entière se dispose à suivre ses pas. Cent vingt personnes se trouvaient réunies avec la mère du divin triomphateur que le ciel réclamait. Le Cé- nacle était situé sur la montagne de Sion, l'une des deux collines que renfermait l'en- ceinte de Jérusalem. Le cortège traverse une partie de la ville, se dirigeant vers la porte orientale qui ouvre sur la vallée de Josaphat. C'est la dernière fois que Jésus parcourt les rues de la cité réprouvée. Invisible désormais aux yeux de ce peuple qui l'a renié, il s'avance à la tête des siens, comme autrefois la colonne lumineuse qui dirigeait les pas du peuple Israélite. Qu'elle est'belle et imposante cette marche de Marie, des disciples et des saintes

I. Luc. XXIV, 49.— 2. Act. I.

LE TEMPS PASCAL. T. III. lO

I

146

Le Temps Pascal.

femmes, à la suite de Jésus qui ne doit plus s'arrêter qu'au ciel, à la droite du Père ! La piété du moyen âge la célébrait jadis par une solennelle procession qui précédait la Messe de ce grand jour. Heureux siècles, les chré- tiens aimaient à suivre chacune des traces du Rédempteur, et ne savaient pas se conten- ter, comme nous, de quelques vagues notions qui ne peuvent enfanter qu'une piété vague comme elles !

On songeait aussi alors aux sentin>ents qui durent occuper le cœur de Marie durant ces derniers instants qu'elle jouissait de la pré- sence de son fils. On se demandait qui devait l'emporter dans ce cœur maternel, de la tris- tesse de ne plus voir Jésus, ou du bonheur de sentir qu'il allait entrer enfin dans la gloire qui lui était due. La réponse venait prompte- ment à la pensée de ces véritables chrétiens, et nous aussi, nous nous la ferons à nous- mêmes. Jésus n'avait-il pas dit à ses disciples « Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce ce que je m'en vais à mon Père ^ >> ? Or, qui aima plus Jésus que ne l'aima Marie ? Le cœur de la mère était donc dans l'allégresse au moment de cet ineffable adieu. Marie ne pouvait songer à elle-même, quand il s'agis- sait du triomphe à son fils et à son Dieu. Après les scènes du Calvaire, pouvait-elle aspirer à autre chose qu'à voir glorifié enfin celui qu'elle connaissait pour le souverain Seigneur de toutes choses, celui qu'elle avait vu si peu de jours auparavant renié, blas- phémé, expirant dans toutes les douleurs ?

1. JOHAN. XIV, 28.

L'Ascension de Notre-Seigneur. 14^

Le cortège sacré a traversé la vallée de Josaphat, il a passé le torrent de Cédron, et il se dirige sur la pente du mont des Oliviers. Quels souvenirs se pressent à la pensée ! Ce torrent, dont le iMessie dans ses humiliations avait bu l'eau bourbeuse, est devenu aujour- d'hui le chemin de la gloire pour ce même Messie. Ainsi l'avait annoncé David 1. On laisse sur la gauche le jardin qui fut témoin de la plus terrible des agonies, cette grotte le calice de toutes les expiations du monde fut présenté à Jésus et accepté par lui. Après avoir franchi un espace que saint Luc mesure d'après celui qu'il était permis aux Juifs de parcourir le jour du Sabbat, on arrive sur le territoire de Béthanie, cet heureux village Jésus, dans les jours de sa vie mortelle, re- cherchait l'hospitalité de Lazare et de ses sœurs. De cet endroit de la montagne des Oliviers on avait la vue de Jérusalem, qui apparaissait superbe avec son temple et ses palais. Cet aspect émeut les disciples. La patrie terrestre fait encore battre le cœur de ces hommes ; un moment ils oublient la malédiction prononcée sur l'ingrate cité de David, et semblent ne plus se souvenir que Jésus vient de les faire citoyens et conqué- rants du monde entier. Le rêve de la gran- deur mondaine de Jérusalem les a séduits tout à coup, et ils osent adresser cette ques- tion à leur Maître : « Seigneur, est-ce à ce « moment que vous rétablirez le royaume « d'Israël ? »

Jésus répond avec une sorte de sévérité à

Psalm. cix.

14^

Le 7\'mps Pascal.

cette demande indiscrète : « Il ne vous appar- tient pas de savoir les temps et les moments que le Père a réservés à son pouvoir. » Ces paroles n'enlevaient pas l'espoir que Jérusa- lem fut un )our rééditiée par Israël devenu chrétien; mais ce rétablissement de la cité de David ne devant avoir lieu que vers la tin des temps, il n'était pas à propos que le Sauveur tît connaître le secret divin. La con- version du monde païen, la fondation de l'Eglise, tels étaient les objets qui devaient préoccuper les disciples. Jésus les ramène tout aussitôt à la mission qu'il leur donnait il y a peu d'instants : « \'ous allez recevoir, leur dit-il, la vertu du Saint-Esprit qui descendra sur vous, et [vous serez mes témoins dans Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre ^ ».

Selon une tradition qui remonte aux pre- miers siècles du christianisme 2, il était l'heure de midi, l'heure à laquelle Jésus avait été élevé sur la croix, lorsque, jetant sur l'as- sistance un regard de tendresse qui dut s'ar- rêter avec une complaisance filiale sur Marie, il éleva les mains et les bénit tous. A ce moment ses pieds se détachèrent de la terre, et il s'élevait au cielî^. Les assistants le sui- vaient du regard, mais bientôt il entra dans une nuée qui le déroba à leurs yeux *.

C'en était fait : la terre avait perdu son Emmanuel. Quarante siècles l'avaient at- tendu, et il s'était rendu enfin aux soupirs des Patriarches et aux vœux enflammés des

I. Act. I, 6-8. 2. Constit. apost. lib. V, cap. xix. 3. Luc. XXIV, 5 1 . 4. Act. I.

L'Ascension de Notre- Seigneur. 14g

Prophètes. Nous l'adorâmes, captif de notre amour, dans les chastes flancs de la vierge bénie. Bientôt l'heureuse mère nous le pré- senta sous l'humble toit d'une étable à Beth- léhem. Nous le suivîmes en la terre d'Egypte, nous l'accompagnâmes au retour, et nous vînmes nous fixer avec lui à Nazareth. Lors- qu'il partit pour exercer sa mission de trois ans dans sa patrie terrestre, nous nous atta- châmes à ses pas, ravis des charmes de sa Eersonne, écoutant ses discours et ses para- oies, assistant à ses prodiges. La malice de ses ennemis étant montée à son comble, et l'heure venue il devait mettre le sceau à cet amour qui l'avait attiré du ciel en terre par la mort sanglante et ignominieuse de la croix, nous recueillîmes son dernier soupir et nous fûmes inondés de son sang divin. Le troisième jour, il s'échappait de son sépulcre vivant et victorieux, et nous étions encore pour applaudir à son triomphe sur la mort, par lequel il nous assurait la gloire d'une résurrection semblable à la sienne. Durant les jours qu'il a daigné habiter encore cette terre, notre foi ne l'a pas quitté ; nous eus- sions voulu le conserver toujours; et voici qu'à cette heure même il échappe à nos regards, et notre amour n'a pu le retenir ! Plus heureuses que nous, les âmes des justes qu'il avait délivrées des limbes l'ont suivi dans son vol rapide, et elles jouissent pour l'éternité des délices de sa présence.

Les disciples tenaient encore les yeux fixés au ciel, lorsque soudain deux Anges vêtus de blanc se présentèrent à eux et leur dirent : « Hommes de Galilée, pourquoi vous arrê-

i5o

Le Temps Pascal.

« tez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus « qui vous a quittés pour s'élever au ciel « reviendra un jour en la même manière « que vous l'avez vu monter * ». Ainsi, le Sauveur est remonté, et le juge doit un jour redescendre : toute la destinée de l'Eglise est comprise entre ces deux termes. Nous vivons donc présentement sous le régime du Sau- veur; car notre Emmanuel nous a dit que le tils de l'homme n'est pas venu pour juger le monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui 2 » ; et c'est dans ce but miséricor- dieux que les disciples viennent de recevoir la mission d'aller par toute la terre et de convier les hommes au salut, pendant qu'il en est temps encore.

Quelle tâche immense Jésus leur a confiée ! et au moment il s'agit pour eux de s'y livrer, il les quitte ! Il leur faut descendre seuls cette montagne des Oliviers d'où il est parti pour le ciel. Leur cœur cependant n'est pas triste ; ils ont Marie avec eux, et la géné- rosité de cette mère incomparable se com- munique à leurs âmes. Ils aiment leur Klaî- tre; leur bonheur est désormais de penser qu'il est entré dans son repos. Les disciples rentrèrent dans Jérusalem, « remplis d'une « vive allégresse », nous dit saint Luc ^, exprimant par ce seul mot l'un des caractè- res de cette ineffable fête de l'Ascension, de cette fête empreinte d'une si douce mélanco- lie, mais qui respire en même temps plus qu'aucune autre la joie et le triomphe. Durant son Octave, nous essayerons d'en pénétrer

L'Ascension de Notre- Se igneur> r5i

les mj^stères et de la montrer dans toute sa magnificence; aujourd'hui nous nous borne- rons à dire que cette solennité est le complé- ment de tous les mystères de notre divin Rédempteur, qu'elle est du nombre de celles qui ont été instituées par les Apôtres eux- mêmes 1 ; enfin qu'elle a rendu sacré pour jam.ais le jeudi de chaque semaine, jour rendu déjà si auguste par l'institution de la divine Eucharistie.

Nous avons parlé de la procession solen- nelle par laquelle on célébrait, au moyen âge, la marche de Jésus et de ses disciples vers le mont des Oliviers ; nous devons rappeler aussi qu'en ce jour on bénissait solennelle- ment du pain et des fruits nouveaux, en mémoire du dernier repas que le Sauveur avait pris dans le cénacle. Imitons la piété de ces temps les chrétiens avaient à cœur de recueillir les moindres traits de la vie de l'Homme-Dieu, et de se les rendre propres, pour ainsi dire, en reproduisant dans leur manière de vivre toutes les circonstances que le saint Evangile leur révélait. Jésus- Christ était véritablement aimé et adoré dans ces temps les hommes se souvenaient sans cesse qu'il est le souverain Seigneur, comme il est le commun Rédempteur. De nos jours, c'est l'homme qui règne, à ses ris- ques et périls; Jésus-Christ est refoulé dans l'intime de la vie privée. Et pourtant il a droit à être notre préoccupation de tous les jours et de toutes les heures ! Les Anges dirent aux Apôtres : « En la manière que

I. Augustin. Epist. ad Januar.

7 52 L'Ascension de Notre-Seigneur.

vous l'avez vu monter, ainsi un )our il des- cendra. » Puissions-nous l'avoir aimé et servi durant son absence avec assez d'empresse- ment, pour oser soutenir ses regards lorsqu'il

apparaîtra tout a coup

Nous ne donnons point ici l'Office des pre- mières \'êpres de l'Ascension, parce que cette fcte étant fixe au jeudi, sa Vigile ne peut jamais se rencontrer le dimanche, tandis qu'il en est autrement pour les solennités auxquelles nous avons accordé ce dévelop- pement. Au reste, sauf le Verset et l'Antienne de Magnificat, les premières et les secondes Vêpres de l'Ascension sont entièrement sem- blables.

A TIERCE.

I 'Hymne et les trois Psaumes dont se com- L pose l'Office de Tierce, se trouvent ci- dessus, page 3o.

. ^ UMQUE in- K^ tuerentur in cœlum euntem illum. di- xerunt alléluia.

Ant l ^ voyant donc qui L montait au ciel, ils prononcèrent l'alleluia.

CAPITULE. {Act. I.)

^ RIMUM quidem sermo 1 nem feci de omnibus, o Théophile, quœ cœpit Jésus fncere et docere, usque in diem qua prre- cipiens Apostolis per

J'ai parlé dans mon premier livre, ô Théophile, de tout ce que Jésus a fait et enseigné, jusquau jour il fut élevé au ciel, après avoir instruit par le Saint-Esprit

A la Messe.

i53

les Apôtres qu'il avait choi-

br.

s C EN D IT

A Deus in jubilatione, * Alléluia, alléluia. Ascendit.

jtf. Et Dominus in voce tubae. * Alléluia, alléluia.

Gloria Patr dit.

Asccn-

A L . ï~\ lEU est tçonte

^' ''LJ ^^^ acclama- tions de la joie, * Alléluia, al leluia. Dieu est monté.

f. Et le Seigneur s'est élevé au son des trompettes. *Alle luia, alléluia.

Gloire au Père. Dieu es monté.

f . Le Christ montant dans les cieux, alléluia,

Hl. A emmené avec lui ceux qui furent captifs, alléluia.

L'Oraison est la Collecte de la Messe, page i55,

-4P-

Spiritum Sanctum, quos elegit, assumptus est.

f. Ascendens Chrislus in altum, alléluia,

Rj. Captivam duxit captivitatem, alléluia.

A LA MESSE.

T 'Eglise romaine indique aujourd'hui pour ^ la Station la basiliquede Saint-Pierre. C'est une belle pensée de réunir en un tel jour l'assemblée des fidèles autour du glorieux tombeau d'un des principaux témoins de la triomphante Ascension de son Maître. Cette Station est toujours maintenue ; mais, depuis plusieurs siècles, le Pape se rend avec le sacré Collège des Cardinaux à la basilique du Latran, afin de terminer dans cet antique sanctuaire, dédié par Constantin au Sauveur des hommes, la série annuelle des mystères par lesquels le Fils de Dieu a opéré et con- somme aujourd'hui notre salut.

Dans ces deux augustes basiliques, comme

i54 LiA scansion de Notre-Seigneur.

dans les plus humbles églises de la chrétienté, le symbole liturgique de la fcte est le Cierge pascal, que nous vîmes allumer dans la nuit de la résurrection, et qui était destiné à figu- rer, par sa lumière de quarante jours, la durée du séjour de notre divin ressuscité au milieu de ceux qu'il a daigné appeler ses frères. Les regards des fidèles rassemblés s'arrêtent avec complaisance sur sa flamme scintillante, qui semble briller d'un éclat plus vif, à mesure qu'approche l'instant elle va succomber. Bénissons notre mère la sainte Eglise à qui l'Esprit-Saint a inspiré l'art de nous instruire et de nous émouvoir à l'aide de tant d'ineffables symboles , et rendons gloire au F"ils de Dieu qui a daigné nous dire : « Je suis la lumière du monde '. »

L'Introït annonce avec éclat la grande solennité qui nous rassemble. II est formé des paroles des Anges aux Apôtres sur le mont desOliviers. Jésus est monté aux cieux ; Jésus en doit redescendre un jour.

IRI Galilasi, quid ad- Y miramini,adspicien- tes in cœlum ? alléluia : quemadmodum vidistis eum ascendentcm in cœ- lum, ita veniet, alléluia, alléluia, alléluia.

Ps. Omnes gentes plaudite manibus: jubi- late Deo in voce exsulta-

OMMES de Galilée, pour- Jh quoi regardez-vous au ciel avec tant d'étonnement? alléluia ! en la manière dont vous l'avez vu monter au ciel, ainsi il reviendra, alléluia 1 alléluia ! alléluia !

Ps. Peuples, battez des mains ; célébrer Dieu avec transport par des chants

I. JOHAN. vm, 12.

A la Messe.

i55

d'allégresse. Gloire au Père. Hommes de Galilée.

tionis. Gloria Patri. Viri Galilaîi.

La sainte Eglise recueillant les vœux de ses enfants dans la Collecte, demande pour eux à Dieu la grâce de tenir leurs cœurs attachés au divin Rédempteur, que leurs désirs doi- vent désormais chercher jusqu'au ciel il est monté le premier.

COLLECTE.

FAITES-NOUS cette grâce, o Dieu tout-puissant, que nous qui croyons que votre Fils unique, notre Rédemp- teur, est aujourd'hui monté au ciel, nous y habitions dé- jà aussi nous-mêmes par l'ar- deur de nos désirs. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

CONCEDE, quaesumus omnipotens Deus : ut qui hodierna die Uni- genitum tuum Redemp- torem nostrum ad cœlos ascendisse credimus, ipsi quoque mente in cœles- tibus habitemus. Pcr eumdem Dominum nos- trum Jesum Chri&tum.

Lecture des Actes des Apô- tres. Chap. I.

J'ai parlé dans mon pre- mier livre, ô Théophile, de tout ce que Jésus a fait et enseigné, jusqu'au jour il fut élevé dans le ciel, après avoir instruit par le Saint- Esprit les Apôtres qu'il avait choisis ; auxquels aussi il s'était montré depuis sa Pas- sion, et leur avait fait voir par beaucoup de preuves qu'il était vivant, leur appa- raissant durant quarante iours, et leur parlant du Royaume de Dieu. Et pre-

Lectio Actuum Aposto- lorum. Cap. i.

PRLMUM quidem sermo- nem feci de omnibus, o Théophile, quae cœpit Jésus facere et docere, usque in diem qua prœ- cipiens Apostolis per Spiritum Sanctum, quos elegit, issumptus est : quibus et praïbuit seip- sum vivum post Passio- nem suam in multis ar- gumentis, per dies qua- draginta apparens eis, et loquens de regno Dei. Et conveïcens, praecepit

i56 V Ascension de Notre-Seîgneur.

eis ab Jerosolymis ne discederent, sed exspec- tarenl promissionem Pa- tris. quam audistis (in-

5uit) per os meum : quia ohannes quidem bapti- zavit aqua, vos autem bapiizabimini Spiritu Sancto non post multos hos dies. Igitur qui con- venernnt, interrogabant tum dicentcs : Domine, si in tempore hoc resti- tues regnum Israël ? Dixit autem eis : Non est vestrum nosse tempora vel momcnta, qurc Pater posuit in sua potestate : sed accipietis virtutem supervenientis Spiritus Sancti in vos, et eritis mihi testes in Jérusalem et in omni Juda?a, et Sa- maria, et usque ad ul- timum terrœ. Et cum hase dixisset, videntibus illis, elevatus est: et nu- bes suscepit eum ab ocu- lis eorum. Cumque in- tuerentur in cœhim eun- tem illum, ecce duo viri adstiterunt juxta illos in vcstibus albis, qui et di- xerunt: Viri GaliLti, quid statis adspicientes in cœlum ? Hic Jésus, qui assumptus est a vobis in cœlum, sic veniet, qucmadmodum vidistis eum euntem in cœlum.

nant un repas avec eux, il leur commanda de ne pas sortir de Jérusalem, mais d'attendre la promesse du Père, que vous avez, leur dit-i-1, entendue de ma propre bouche ; car Jean a baptisé dans l'eau ; mais vous, sous peu de jours, vous serez bap- tisés dans le Saint-Esprit. Alors ceux qui se trouvaient résents lui demandèrent

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gneur, sera-ce en ce moment que vous rétablirez le royaume d'Israël ? mais il leur dit : Il ne vous appar- tient pas de savoir les temps et les moments que le Père a réservés à son pouvoir; mais vous recevrez la vertu du Saint-Esprit qui descendra sur vous, et vous serez mes témoins dans Jérusalem, et dans toute la Judée et la Sa- marie, et jusqu'aux extrémi- tés de la terre. Et après qu'il eut dit ces choses, ils le vi- rent s'élever vers le ciel, et il entra dans une nuée qui le déroba à leurs yeux. Et comme ils le suivaient du regard montant au ciel, deux hommes vêtus de blanc se présentèrent tout à coup à eux, et leur dirent : Hom- mes de Galilée, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus qui en vous quittant s'est élevé au ciel, viendra de la même manière que vous l'y avez vu monter. »

A la Messe.

M eus venons d'assister, en suivant cet ad- mirable récit, au départ de notre Emma- nuel pour les cieux. Est-il rien de plus atten- drissant que ce regard des disciples fixé sur leur Maître divin qui s'élève tout à coup en les bénissant ? Mais un nuage vient s'in- terposer entre Jésus et eux, et leurs yeux mouillés de larmes ont perdu la trace de son passage. Ils sont seuls désormais sur la montagne ; Jésus leur a enlevé sa présence visible. Dans ce monde désert, quel ne serait pas leur ennui, si sa grâce ne les soutenait, si l'Esprit divin n'était au moment de des- cendre sur eux et de créer en eux un nouvel être? Ce n'est donc plus qu'au ciel qu'ils le reverront, celui qui, étant Dieu, daigna durant trois années être leur Maître, et qui, à la dernière Cène, voulut bien les appeler ses amis !

Mais le deuil n'est pas pour eux seulement. Cette terre qui recevait en frémissant de bonheur la trace des pas du Fils de Dieu, ne sera plus foulée par ses pieds sacrés. Elle a perdu cette gloire qu'elle attendit quatre mille ans, la gloire de servir d'habitation à son divin auteur. Les nations sont dans l'at- tente d'un Libérateur ; mais, hors de la Judée et de la Galilée, les hommes ignorent que ce Libérateur est venu et qu'il est remonté aux cieux. L'œuvre de Jésus cependant n'en demeurera pas là. Le genre humain connaîtra sa venue ; et, quant à son Ascension au ciel en ce jour, écoutez la voix de la sainte Eglise qui dans les cinq parties du monde retentit et proclame le triomphe de l'Emma-

i58 L'Ascension de Notre-Seigneur.

nuel. Dix-huit siècles se sont écoulés depuis son départ, et nos adieux pleins de respect et d'amour s'unissent encore à ceux que lui adressèrent ses disciples, pendant qu'il s'éle- vait au ciel. Nous aussi nous pleurons son absence ; mais nous sommes heureux aussi de le voir glorifié, couronné, assis à la droite de son Père. \'ous êtes entré dans votre repos, Seigneur; nous vous adorons sur votre trône, nous qui sommes vos rachetés, votre con- quête. Bénissez-nous, attirez-nous à vous, et daignez faire que votre dernier avènement soit notre espoir et non notre crainte.

Les deux Versets de l'Alleluia répètent les accents de David célébrant d'avance le Christ qui monte dans sa s;loire, les acclamations des Anges, les sons éclatants des trompettes célestes, le superbe trophée aue le vainqueur entraîne après lui dans ces neureux captifs qu'il a délivrés de la prison des limbes.

A LLELUIA, alléluia,

f. Ascendit Deus in jubilatione, et Dominus in voce tubae.

Alléluia.

f. Dominus in Sina in sancto, ascendens in al- tum, captivam duxit cap- tivitatem, alléluia.

A

LLELUIA, alléluia.

f. Dieu est monté au ciel au milieu des cris de joie ; le Seigneur est monté au son des trompettes.

Alléluia.

^. Le Seigneur du Sina est entre dans son sanctuaire; il est monté en haut, et il a em- mené avec lui ceux qui furent captifs, alléluia.

A la Messe.

i5g

La suite du saint Evangile selon saint Marc. Chap.

XVI.

^N ce temps-là, les onze disciples étant à table. Jésus leur apparut, et il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leurs cœurs, de n'avoir pas cru à ceux qui avaient vu qu'il était ressus- cité. Et il leur dit : Allez par le monde entier, prêchez l'Evangile à toute créature. Celui qui croira et qui sera baptisé, sera sauvé ; niais ce- lui qui ne croira pas sera con- damné. \'oici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : ils chasseront les démons en mon nom ; ils par- leront des langues nouvelles; ils prendront les serpents avec la main ; et s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur nuira pas ; ils impose- ront les mains sur les mala- des, et les malades seront guéris. Et après leur avoir parlé, le Seigneur Jésus fut é^evé au ciel, il est assis à la droite de Dieu. Et eux étant partis prêchèrent par- tout, le Seigneur coopérant avec eux, et confirmant leur parole par les miracles qui l'accompagnaient.

Sequentia sancti Evan- gelii secundum Mar- cum. Cap. xvi.

I N illo tempore : Recum- bentibus undecim dis- cipulis, apparuit illis Jé- sus, et exprobravit incre- dulitatem eorum et duri- tiam cordis : quia iis, qui viderant eum resur- rexisse. non crediderunt. Et dixit eis : Euntes in mu n d u m universum, praedicate Evangelium orani creaturse. Qui cre- diderit. et baptizatus fue- rit, salvus erit : qui vero non crediderit, condem- nabitur. Signa autem eos, qui crediderint, haec sequentur : In nomine meo dasmonia ejicienf, linguis loquentur novis : serpentes toUent : et si mortiferum quid bibe- rint, non eis nocebit : super œgros manus im- ponent. et bene habe- bunt. Et Dominus qui- dam Jésus, postquam lo- culus est eis, assumptus est in cœlum, et sedet a dextris Dei. Illi autem profecti prasdicaverunt ubique, Domino coopé- rante, et sermonem con- firmante sequentibus si- gnis.

i6o L'Ascension de Notre-Seif^neuv

I E diacre ayant achevé ces paroles, un *- acolyte monte à l'ambon, et éteint silen- cieusement le Cierge mystérieux qui nous rappelait la présence de Jésus ressuscité. Ce rite expressif annonce le commencement du veuvage de la sainte Eglise, et avertit nos âmes que pour contempler désormais notre Sauveur, il nous faut aspirer au ciel il réside. Que rapide a été son passage ici-bas ! que de générations se sont succédé, que de générations se succéderont encore jusqu'à ce qu'il se montre de nouveau !

Loin de lui, la sainte Eglise ressent les langueurs de l'exil ; elle persévère néanmoins à habiter cette vallée de larmes ; car c'est qu'elle doit élever les enfants dont le divin Époux l'a rendue mère par son Esprit ; mais la vue de son Jésus lui manque, et si nous sommes chrétiens, elle doit nous manquer aussi à nous-mêmes. Oh! quand viendra le jour de nouveau revêtus de notre chair, « nous nous élancerons dans les airs à la rencontre du Seigneur, pour demeurer avec lui à jamais ^ ! » C'est alors, et seiilement alors, que nous aurons atteint la fin pour laquelle nous fûmes créés.

Tous les mystères du Verbe incarné que nous avons vu se dérouler jusqu'ici devaient aboutir à son Ascension ; toutes les grâces que nous recevons jour par jour doivent se terminer à la nôtre. « Ce monde n'est qu'une figure qui passe - » ; et nous sommes en marche

l. I Thcss. IV, i6. 2. I Cor. va, 3i,

A la Messe. 16 1

pour aller rejoindre notre divin Chef. En lui est notre vie, notre félicité ; c'est en vain que nous voudrions les chercher ailleurs. Tout ce qui nous rapproche de Jésus nous est bon ; tout ce qui nous en éloigne est mauvais et funeste. Le mystère de l'Ascension est le dernier éclair que Dieu fait luire à nos regards pour nous montrer la voie. Si notre cœur aspire à retrouver Jésus, c'est qu'il vit de la vraie vie; s'il est concentré dans les choses créées, en sorte qu'il ne ressente plus l'at- traction du céleste aimant qui est Jésus, c'est qu'il serait mort.

Levons donc les yeux comme les disciples, et suivons en désir celui qui monte aujour- d'hui et qui va nous préparer une place. En haut les cœurs! Sursum corda ! c'est le cri d'adieu que nous envoient nos frères qui montent à la suite du divin Triomphateur; c'est le cri des saints Anges accourus au- devant de l'Emmanuel, et qui nous invitent à venir renforcer leurs rangs.

Sois donc béni, 6 Cierge de la Pâque, colonne lumineuse, qui nous as réjouis qua- rante jours par ta flamme joyeuse et bril- lante ! Tu nous parlais de Jésus, notre flam- beau dans la nuit de ce monde; maintenant ta lumière éteinte nous avertit qu'ici-bas on ne voit plus Jésus, et que pour le voir désor- mais, il faut s'élever au ciel. Symbole chéri que la main maternelle de la sainte Eglise avait créé pour parler à nos cœurs en attirant nos regards, nous te faisons nos adieux; mais nous conservons le souvenir des saintes émo- tions que ta vue nous fit ressentir dans tout le cours de cet heureux Temps pascal que tu

LE TEMPS PASCAL. T. III.

102 L'Ascension de Notre-Seigneur.

fus chargé de nous annoncer, et qui à peine te survivra de quelques jours.

Pour Antienne de l'Offertoire, l'Eglise emploie les mêmes paroles de David qu'elle a fait retentir avant la lecture de l'Evangile. Elle n'a qu'une pensée : le triomphe de Epoux, la joie du ciel qu'elle veut voir tagée par les habitants de la terre.

son par-

OFFERTOIRE.

^ SCENDIT Deus in ju- A bilatione : et Domi- nus in voce tubœ, allé- luia.

DIEU est n. jntc aux accla- mations de la joie : le Seigneur s'est élevé au son des trompettes, alléluia.

Entrer à la suite de Jésus dans la vie éter- nelle, éviter les obstacles qui peuvent se rencontrer dans la voie, tels doivent être nos désirs en ce jour, telle est aussi la demande que la sainte Eglise adresse pour nous à Dieu dans l'oraison Secrète.

SUSCIPE. Domine, mu nera, qua» pro Filii tui gloriosa Ascensione deferimiis : et concède propitius; ut a prœsen- libus periculis liberemur et ad vitam perveniamus asternam. Per eumdem Dominum nostrum Je- sum Christum.

n<

ECEVEZ, Seigneur , les dons que nous vous of- frons en mémoire de l'As- cension glorieuse de votre Fils; et daignez faire que nous soyons délivrés des périls de la vie présente, e' que nous parvenions à la vi< éternelle. Par le même Jé?us Christ notre Seigneur.

PRÉFACE.

ERE dignum et jus- U-^ Ul, c'est une chose dign Y tum est, aequum et k^ et juste, équitable e salutare, nos tibi semper | salutaire, de vous rendr

A la Messe.

i63

et ubique gratias agere : Domine sancte , Pater omnipotens , œ t e r n e Deus, per Christum Do- minum nostrum ; qui post resurrectionem suam omnibus discipulis suis manifestus apparuit, et ipsis cernentibus est ele- vatus in cœlum, ut nos divinitatis suoe tribueret esse participes. Et ideo cum Angelis et Archan- gelis. cum Thronis et Dominationibus, cumque omni militia cœlestis exercitus, hymnum glo- rise tuae canimus, sine fine dicentes : Sanctus, Sanctus, Sanctus.

Un nouveau verset de David fournit l'An- tienne de la Communion. Le roi-prophète y annonce, mille ans à l'avance, que c'est à l'Orient que l'Emmanuel s'élèvera aux cieux. C'est en effet de la montagne des Oliviers située au Levant de Jérusalem que nous avons vu aujourd'hui Jésus partir pour le royaume de son Père.

grâces en tout temps et en tous lieux, Seigneur saint, Père tout-puissant , Dieu éternel , par Jésus-Christ notre Seigneur, qui après sa résurrection apparut à ses disciples rassemblés, et à leurs yeux s'éleva au ciel, afin de nous rendre participants de sa divinité. C'est pour- quoi, unis aux Anges et aux Archanges, aux Trônes et aux Dominations, à la milice entière de l'armée céleste, nous chantons l'hymne de votre gloire ; et nous répé- tons sans fin : Saint ! Saint ! Saint!

COMMUNION.

CHANTEZ des hymnes au Seigneur, qui est monté vers l'Orient jusqu'au plus haut des cieux, alléluia.

p. SALLITE Domino, qui f ascendit super cœlos

cœlorum ad Orientera,

alléluia.

Le peuple fidèle vient de sceller son alliance avec son divin Chef en participant à l'au- guste Sacrement ; l'Eglise demande à Dieu que ce mystère, qui contient Jésus désormais

104 L'Ascension de Notre-Seigneur.

invisible, opère en nous ce qu'il exprime à l'extérieur.

POSTCOMMUNION.

PR.tSTA nobis, qujesu- mus omnipotens et misericors Deus , ut quae visibilibus myste- riis sumenda percepi- mus, invisibili consequa- mur effectu. Per Domi- num.

D

AIGNEZ, ô Dieu tout

puis-

nous faire ressentir les effets invisibles des Mystères aux- quels nous participons visi- blement. Par Jésus-Christ.

A SEXTE. L 'Hymne et les trois Psaumes dont se com- pose l'Office de Sexte, se trouvent ci- dessus, page 56.

Av-rU LEVATis ma- _P nibus bene- dixit eis, et ferebatur in cœlum, alléluia.

CAPITULE. ( Act. I.)

LEVANT les mains, il les bénit, et il s'enlevait au ciel, alléluia.

Ant£

E\

convescens, praece- pit eis ab Jerosoly- mis ne discederent, sed exspectarent promissio- nem Patris, quam au- distis (inquit) per os meum : quia Johannes quidem baptizarit aqua. vos autem baptizabiraini Spiritu Sancto non post multos hos dies.

^. brA SCENDENS i i Lhristus in altum, * Alléluia, allé- luia. Ascendens.

ET prenant un repas avec eux, il leur commanda de ne pas sortir de Jérusalem, mais d'attendre la promesse du Père, que vous avez, leur dit-il, entendue de ma propre bouche; car Jean a baptisé dans l'eau; mais vous, sous peu de jours, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit.

a i J E Christ montant

''- dans les cieux, *

Alléluia, alléluia. Le Christ.

Midi.

i65

f. A emmené avec lui ceux qui furent captifs. *Alleluia, alléluia.

Gloire au Père. Le Christ.

^. Je monte vers mon Père et votre Père, alléluia,

fi|. Vers mon Dieu et votre Dieu, alléluia.

j^. Captivam duxit captivitatem. * Alléluia, alléluia.

Gloria Patri. Ascen- dens.

f. Ascendo ad Patrem meum, et Patrem ves- trum. alléluia,

fil. Deum meum , et Deum vestrum. alléluia.

L'Oraison est la Collecte de la Messe, ci- dessus, page i55.

MIDI.

r Jne tradition descendue des premiers siè- clés et confirmée par les révélations des saints, nous apprend que l'heure de l'Ascen- sion du Sauveur fut l'heure de midi. Les Carmélites de la réforme de sainte Thérèse honorent d'un culte particulier ce pieux sou- venir. A l'heure nous sommes, elles sont réunies au chœur, vaquant debout à la con- tem.plation du dernier des mystères de Jésus, et suivant l'Emmanuel de la pensée et du cœur aussi haut que son vol divin l'em- porte.

Suivons-le aussi nous-mêmes; mais avant de fixer nos regards sur le radieux midi qui éclaire son triomphe, revenons un moment par la pensée à son point de départ. C'est à minuit, au sein des ténèbres, qu'il éclata tout à coup dans l'étable de Bethléhem. Cette heure nocturne et silencieuse convenait au début de sa mission. Son œuvre tout entière

i66 L'Ascension de Notre-Seif^neur.

était devant lui, et trente-trois années devaient être employées à l'accomplir. Cette mission se déroula année par année, jour par jour, et elle allait touchant à sa fin, lorsque les hommes, dans leur malice, se saisirent de lui et l'attachèrent à une croix. On était au milieu du jour, lorsqu'il parut élevé dans les airs; mais son Père ne voulut pas que le soleil éclairât ce qui était une humiliation et non un triomphe. D'épaisses ténèbres couvri- rent la terre entière; cette journée fut sans midi. Quand le soleil reparut, il était déjà l'heure de None. Trois jours après, il sortait du tombeau aux premiers rayons de l'au- rore.

Aujourd'hui, à ce moment même, son œuvre est consommée. Jésus a payé de son sang la rançon de nos péchés, il a vaincu la mort en ressuscitant glorieux; n'a-t-il pas le droit de choisir pour son départ l'heure le soleil, son image, verse tous ses feux et inonde de lumière cette terre que son Rédempteur va échanger pour le ciel? Salut donc, heure de midi deux fois sacrée, puisque tu nous redis chaque jour et la miséricorde et la victoire de notre Emmanuel ! Gloire à toi pour la double auréole que tu portes : le salut de l'homme par la croix, et l'entrée de l'homme au royaume des cieux !•

Mais n'êtes-vous pas aussi vous-même le Midi de nos âmes, ô Jésus, Soleil de justice ! Cette plénitude de lumière à laquelle nous aspirons, cette ardeur de l'amour éternel qui seul peut nous rendre heureux, les trou- verons-nous, sinon en vous qui êtes venu ici- bas éclairer nos ténèbres et fondre nos glaces.''

A Nonc. TÔy

Dans cette espérance, nous écoutons les mélo- dieuses paroles de Gertrude votre fidèle épouse, et nous sollicitons la grâce de pou- voir un jour les répéter après elle : « O amour, « ô Midi dont l'ardeur est si douce, vous êtes a l'heure du repos sacré, et la paix entière « que l'on goûte en vous fait nos délices. O « mon Bien-Aimé, élu et choisi au-dessus de « toute créature, faites-moi savoir, montrez- « moi le lieu vous paissez votre troupeau, « vous prenez votre repos à l'heure de « midi. Mon cœur s'enflamme à la pensée de « vos doux loisirs à ce moment. Oh ! s'il m'é- « tait donné d'approcher de vous assez près « pour n'être plus seulement près de vous, « mais en vous! Par votre influence, 6 Soleil « de justice, toutes les fleurs des vertus sor- « tiraient de moi qui ne suis que cendre et « poussière. Fécondée par vos rayons, 6 mon « Maître et mon Epoux, mon âme produi- « rait les nobles fruits de toute perfection. « Enlevée de cette vallée de misère, admise à « contempler vos traits si désirés, mon bon- ce heur éternel serait de penser que vous « n'avez pas dédaigné, 6 miroir sans tache, « de vous unir à une pécheresse telle « que moi i. »

A NO NE.

T'HvMNE et les Psaumes, ci-dessus, page Gi.

Axr-r /^ OMME ils le COn- I . \/IDENTIBUS

^^^- \^ sidéraient, il I ^^^- ^ illis eleva- I. Exercitia S. Gertrudis. Diev.

tus est, et nubes suscepit cum in cœlo, alléluia.

s'éleva, et une nuée le reçut pour le porter jusqu'au ciel, alléluia.

\lRI Galilaei, quid sta- tis adspicientes in cœlum ? Hic Jésus, qui assumptus est a vobis in cœlum, sic veniet, qiiemadmodum vidistis eum euntem in cœlum.

CAPITULE. {Act. I.)

}-^MMES de Galilée, pour- quoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus qui en vous quittant s'est élevé au ciel, viendra de la même manière que vous l'y avez vu monter.

hr.A

u LX SCENDO ad ^. t>r.^ P a t r e m

meum, et Patrem ves- trum,* Alléluia, alléluia. Ascendo.

f. Deum meum , et Deiim vestrum. * Allé- luia, alléluia.

Gloria Patri. Ascendo.

f. Dominus in cœlo, alléluia,

^. P a r a v i t sedem suam, alléluia.

, I E monte vers mon

Père, * Alléluia, alléluia. Je monte.

f. Vers mon Dieu et votre Dieu. * Alléluia, alléluia.

Gloire au Père. Je monte.

f. Au ciel, le Seigneur, alléluia, 'Bf. A préparé son trône,

alléluia.

L'Oraison, page i55.

A VEPRES.

Le Seigneur Jésus a disparu de la terre; mais son souvenir et ses promesses sont demeurés au fond du cœur de la sainte Eglise. Elle suit par la pensée le triomphe si splendide de son Epoux, triomphe si mérité après l'œuvre accomplie du salut des hom- mes. Elle ressent son veuvage ; mais elle

A Vêpres.

JÔg

attend d'une foi ferme le Consolateur promis. Cependant les heures s'écoulent, le soir appro- che; elle rassemble alors ses enfants, et dans l'Office des Vêpres, elle repasse avec eux le profond mystère de ce grand jour.

Les Antiennes des Psaumes reproduisent le récit de l'événement qui s'est accompli à l'heure de midi; elles sont mélodieuses, mais non sans une expression triste comme il con- vient au jour des adieux.

I. Ant. HT,''^''^^^"- lilee, pour- quoi regardez-vous au ciel? Ce Jésus qui en vous quittant s'est élevé au ciel, viendra de la même manière, allé- luia.

I. Ant.

\J ïRi Gali-

Lxi, quid adspicitis in cœlum ? Hic Jésus qui assumptus est a vobis in cœlum, sic veniet, alléluia.

Psaume cix. Dixit Dominus, page 67.

2. Ant. Le voyant donc qui montait au ciel, ils pro- noncèrent l'alleluia.

2. Ant. Cumque in- iLierentur in cœlum eun- tem illum, dixerunt allé- luia.

Psaume ex. Confitebor, page 68.

3. Ant. Elevant les mains, il les bénit, et il s'enlevait au ciel, alléluia.

3. Ant. Elevatis ma- nibus, benedixit eis, et ferebatur in cœlum, al- léluia.

Psaume cxi. Beatus vir, page 69.

4. Ant. Exaltate Re- gem regum, et hymnum dicite Deo, alléluia.

4. Ant. Célébrez avec transport le Roi des rois, et chantez une hymne à Dieu, alléluia.

Psaume cxii. Laudate, pueri, page 71.

5. Ant. Comme ils le con- I 5. Ant. Videntibus sidéraient, il s'éleva, et une | illis elevatus est, et nu-

i~o L'Ascension de Notre-Seigncur.

bes suscepit eum in 1 nuée le reçut pour le porter ccelo, alléluia. | jusqu'au ciel, alléluia.

PSAUME CXVI,

LAUDATE Dominum , ' omnes gentes : * lau- date eum, omnes populi. Quoniam confirmata est super nos misericor- dia ejus : * et veritas Do- mini manec in aeternum.

Tot'TES les nations, louez le Seigneur; tous les peu- ples, proclamez sa gloire.

Car sa miséricorde s'est affermie sur nous, et la vérité du Seigneur demeure éter- nellement.

CAPITULE. {Ad. I.)

PIMUM quidem sermo- nem feci de omnibus, G Théophile, quae cœpit Jésus facere et docere, usque in diem quvT prae- cipiens Apostolis per Spiritum Sanctum, quos elegit, assumptus est.

Tai parlé dans mon premier -^ livre, ô Théophile, de tout ce que Jésus a fait et enseigné, jusqu'au jour il fut élevé au ciel, après avoir instruit par le Saint-Esprit les Apôtres qu'il avait choi- sis.

L'Hymne, pleine de suavité, a pour auteur saint Ambroise; mais elle a été retouchée plus ou moins heureusement au xvii' siècle.

Calutis humanne sator, ^ Jesu, voluptas cor-

dium, Orbis redempti conditor, Et casta lux amantium.

Qua victus es clemen-

tia, Ut nostra ferres crimina, Mortem subires inno-

cens, A morte nos ut tôlières !

A UTEUR du salut de l'hom- me, ô Jésus, amour des cœurs, créateur de ce monde que vous avez racheté, chaste lumière de ceux qui vous aiment.

Vaincu par votre clémence, vous vous étiez chargé de nos crimes ; innocent, vous snuff"rîtes la mort, afin dj nous arracher nous-mêmes au trépas.

Votre bras a brisé les por- tes des enfers, vous avez fait tomber les chaînes des cap- tifs ; après votre victoire vous avez obtenu le plus noble triomphe, et vous êtes venu vous asseoir à la droite du Père.

Laissez-vous fléchir par votre bouté, daignez réparer nos malheurs nouveaux ; montrez-nous votre visage divin, donnez-nous le bon- heur au sein de la lumière qui rend heureuses les âmes.

Vous êtes notre guide et notre sentier jusqu'aux cieux; soyez aussi le but que dési- rent nos cœurs ; soyez la joie de nos larmes et la douce ré- compense d'une vie consacrée à vous. Amen.

a, A U ciel, le Seigneur, "■ -** alléluia, B?. A préparc son trône, alléluia.

Perrumpis infernum

chaos,

Vinctis catenas detrahis :

Victor triumpho nobili.

Ad dexteram Patris se-

des.

Te cogat indulgentia, Ut damna nostra sarclas, Tuique vultus compotes Dites beato lumine.

Tu dux ad astra et se-

mita, Sis meta nostris cordi-

bus. Sis lacrymarum gau-

dium, Sis dulce vitas praemium.

Amen.

^ PVîMINUS in cœ-

^- ^ lo, alléluia, fil. P a r a V i t sedem suam, alléluia.

L'Antienne qui accompagne le Cantique de Marie est une invitation à Jésus de se sou- venir de sa promesse, et de ne pas tarder à consoler son Epouse par l'envoi du divin Esprit. La sainte Eglise la répétera chaque jour, jusqu'à l'arrivée du don céleste.

ANTIENNE DE Magnificat.

(~\ Roi de gloire, Seigneur 1 (^ Rex glorias, Domi- des armées, qui aujour- | ne virtutum, qui

Ï'J2

Le Temps Pascal.

triumphator hodie super omnes cœlos ascendisti, ne derelinquas nos orpha- nps ; sed mitte promis- sum Patris in nos Spi- ritum veritatis, alléluia.

d'hui Êtes monté triom- phant au-dessus de tous les cieux, ne nous laissez pas orphelins ; mais envoyez- nous l'Esprit de vérité, selon la promesse du Père, allé- luia.

^jONCEDE , quaîsumus omnipotens Deus :ut qui hodierna die Unige- nitum tuum Redempto- rem nostrum ad cœlos ascendisse credimus, ipsi quoque mente in cœles- tibus habitemus. P e r eumdem Dominum nos- trum Jesum Christum.

KftiTES, nous vous en prions, Dieu tout-puis- sant, que, croyant fermement que votre Fils unique, notre Rédempteur, est aujourd'hui monté au ciel, nous y habi- tiocs aussi nous-mêmes en esprit par l'ardeur de nos désirs. Nous vous en prions par Jésus-Christ notre Sei- gneur.

|\Tous entendrons, dans tout le cours de l'Oc- tave, le concert des antiques Eglises de la chrétienté, célébrant sur des modes divers, mais dans un même sentiment, le médiateur de Dieu et des hommes qui s'élève aux cieux par sa propre vertu. Donnons aujourd'hui la parole à l'Eglise grecque qui, dans son génie pompeux, cherche à rendre les magnihcen- ces du mystère. C'est l'Hymne de l'Ôlfice du soir.

IN ASSUMPTIONE DOMINI, AD VESPERAS.

T ORSQUE tu fus arrivé, ô *- Christ, sur le mont des Oliviers, afin d'accomplir la

OUANDO pervenisti , Christe, in montera Olîvarum, Patris adim- pleturus beneplacitum ,

)lonté du Père, les Anges

L'Ascension de Notre- Seicçneur. i-j3

célestes furent dans l'étonne- ment, et les esprits infernaux frémirent. Les disciples éprouvaient un sentiment de bonheur mêlé de crainte, tandis que tu leur parlais. En face, à l'Orient, un nuage apparaissait semblable à un trône préparé ; le ciel dont les portes étaient ouvertes se montrait dans toute sa beau- té ; et la terre allait appren- dre comment Adam, après sa chute, pourra remonter en- core. Mais tout à coup tes pieds s'élèvent dans les airs, comme si une main les soute- nait, ô Christ! ta bouche répète des bénédictions aussi longtemps que ses accents se font entendre ; le nuage te reçoit, et bientôt le ciel lui- même. Telle est l'œuvre su- blime que tu as opérée, Sei- gneur, pour accomplir le salut de nos âmes.

La nature d'Adam (fui était tombée jusque dans les profondeurs de la terre, cette nature que tu as renouvelée, ô Dieu, tu l'élevés aujour- d'hui avec toi au-dessus des Principautés et des Puissan- ces. Dans ton amour pour elle, tu l'établis même tu résides ; dans ta compas- sion, tu te l'étais unie, tu avais souffert en elle, toi qui es impassible : et à cause de ses souffrances que tu as par- tagées, tu l'associes aujour- d'hui à ta gloire. Les esprits

obstupuerunt cœlestes Angeli. et horruerunt in- ferorum habitatores. Ad- stabant autem dirscipuli cum gaudio trementes, dum ipsis loquereris ; tamquam thronus vero, ex adverso praeparata erat nubcs exspectans ; portis autem apertis in décore suo cœlum appa- rebat ; et terra abscon- dita révélât, ut notus fiât Adag descensus et reas- census. Sed vestigia qui- dem exaltabantur tam- quam a manu ; os vero m u 1 t u m benedicebat, quamdiu audiebatur; nu- bes excipiebat, et cœlum te intus suscepit. Opus istud magnum prœter re- rum ordinem operatus es. Domine, ad salutem animarum nostrarum.

Delapsam in inferiores partes terrae naturam Adae a te, Deus, renova- tam, super omnem prin- cipatum et potestatem te- cum hodie sustulisti ; quia enim diligeba*, te- cum coUocasti ; quia commiserebaris, tibi uni- visti ; quia unieras, si- mul passus es; quia pas- sus es impassibilis, con~ glorificasti. At incorpo- rel : Quis est, aiebant, iste vir speciosus ? sed non tantum homo, Dcus

^74

Le Temps Pascal.

autem et homo, utram- que proferens naturam. Unde alii An^îeli in sto- lis circum discipulos vo- lantes, clamabant : Viri Galilai, qui a vobis abiit hic Jésus homo Deus , rursum veniet Deus ho- mo, judex vivorum et mortuorum, fidelibus au- tem dans peccatorum ve- niam et magnam miseri- cordiam.

Quando assumptus es in gloria. Christe Deus, videntibus discipulis , nubes te cum carne sus- cipiebant, porta; cœli su- blatîB sunt ; Angelorura chorus in exsultatione lœtabatur, supernœ Vir- lutes clamabant dicentes : AttoUite portas, princi- pes, vestras, et introibit rex gloriae. Discipuli au- temobstupefactidicebant: Ne separeris a nobis.pas- tor bone. sed mitte nobis sanctissimum Spiritum tiium, dirigentera et fir- mantem animas nostras.

Domine, postquam ut- pote bonus, mysterium a sa:culis et generationibus absconditum implevisti, in montem Olivarum cum discipulis tuis ve-

célestes se sont écriés : « Quel est cet homme écla- tant de beauté, et qui n'est pas seulement un homme , mais un Dieu-homme, ayant les deux natures ? » Cepen- dant, d'autres Anges au vol rapide et vêtus de longues tuniques, descendaient vers les disciples et leur disaient : « Hommes de Galilée, Jésus, homme-Dieu, qui vient de vous quitter, reviendra Dieu- homme, pour juger les vi- vants et les morts, et pour faire part à ceux qui croient en lui du pardon et de sa grande miséricorde. »

Lorsque tu fus enlevé dans la gloire aux regards de tes disciples, 6 Christ Dieu, un nuage reçut ton humanité, les portes du ciel s'élevèrent, le chœur des Anges tressail- lit d'allégresse et les Vertus célestes criaient avec trans- port : « Princes, élevez vos portes, et le Roi de gloire entrera. » Cependant, les dis- ciples dans la stupeur di- saient : « Ne vous séparez pas de nous, o bon Pasteur, mais envoyez-nous votre Es- prit très saint, pour diriger et affermir nos âmes. »

Après avoir accompli dans ta bonté, Seigneur, le mys- tère qui avait été caché aux siècles et aux générations, tu es venu sur le mont des Oliviers avec tes disciples,

L'Ascension de Notre-Seigneur. ij5

ayant avec toi celle qui t'a enfanté, ô créateur et auteur de toutes choses ! Il était juste que celle qui, dans ta Passion, avait souffert plus que tout autre dans son cœur maternel, fût appelée à jouir aussi plus que tout autre du triomphe de ton humanité. Nous donc qui entrons en participation de sa joie dans ton Ascension , Seigneur, nous glorifions ta grande mi- séricorde envers nous.

nisti. habens eam qua; te creatorem et omnium opificem genuit. Eam enim qua^ in passione tua materno more praî omni- bus doluit, oportebat et ob gloriam carnis .tuœ majori perfrui gaudio; cujus et nos participes cffecti. in tua ad cœlos ascensione, Domine, ma- gnam tuam in nos mise- ricordiam glorificamus.

Terminons la journée par cette belle prière du Bréviaire mozarabe.

T^ ILS unique de Dieu, ô r vous qui, vainqueur de la mort, avez passé de la terre au ciel ; Fils de l'Homme dans votre nature extérieure, éblouissant d'é- clat sur votre trône, objet continuel des louanges de toutes les milices célestes, ne permettez pas que nous nous laissions enchaîner par les liens coupables de ce monde, nous qui, dans les transports de notre foi, célé- brons votre Ascension vers le Père. Faites que l'œil de notre cœur soit à jamais fixé vous êtes monté plein de gloire, après avoir été blessé ici-bas. Amen.

NOTRE Emmanuel ! parvenu au terme de

O

j^ 1 NiGENiTE Dei Filius, l^^ qui devicta morte de terrenis ad cœlestia transitum faciens, quasi filius hominis apparens, in throno magnam clari- tatcm habens, quem om- nis militia cœlestis exei - citus Angelorum laudut: prasbe nobis, ut nullis flagitiorum vinculis in corde hujus sœculi illi- gemur, qui te ad Patrcm ascendisse gloriosa fidei devotione conciniraus ; ut illic indesinenter cor- dis nostri dirigatur ob- tutus, quo tu ascendisti post vulnera gloriosus. Amen.

VOUS êtes donc enfin votre œuvre, et c'est

i-jô Le Temps Pascal.

aujourd'hui mcme que nous vous voyons entrer dans votre repos. Au commencement du monde, vous aviez employé six jours pour disposer toutes les parties de cet univers créé par votre puissance; après quoi vous rentrâ- tes dans votre repos. Plus tard, lorsque vous eûtes résolu de relever votre œuvre tombée par la malice de l'ange rphelle, votre amour vous fit passer, durant le cours de trente- trois années, par une succession sublime d'actes à l'aide desquels s'opéraient notre rédemption et notre rétablissement au degré de sainteté et de gloire dont nous étions déchus. Vous n'avez" rien oublié, 6 Jésus, de ce qui avait été arrêté éternellement dans les conseils de la glorieuse Trinité, de ce que les Prophètes avaient annoncé de vous. \'otre triomphante x\scension met le sceau à la mis- sion que vous avez daigné accomplir dans votre miséricorde. Pour la seconde fois vous entrez dans votre repos ; mais vous y entrez avec la nature humaine appelée désormais aux honneurs divins. Déjà les justes de notre race que vous avez retirés des limbes pren- nent rang dans les chœurs angéliques, et en partant vous nous avez dit à'^nous-mêmes : « Je vais vous préparer ime place >. »

Confiants dans votre parole, 6 Emmanuel, résolus à vous suivre dans tous vos mystères qui n'ont été accomplis que pour nous, à voi>6 accompagner dans l'humilité de votre Beth- léhem, dans la participation aux douleurs de votre Calvaire, dans la résurrection de votre Pàque, nous aspirons à imiter aussi, quand

L* Ascension de Notre-Seigneiir. jjj

l'heure sera venue, votre triomphante Ascen- sion. En attendant, nous nous unissons aux chœurs des saints Apôtres qui saluent votre arrivée, à nos Pères dont l'heureuse multi- tude vous accompagne et vous suit. Tenez vos regards divins fixés sur nous, 6 divin Pasteur! le moment de la réunion n'est pas arrivé encore. Gardez vos brebis, et veillez à ce que pas une ne s'égare et ne manque au rendez-vous. Instruits désormais de la fin qui nous attend, fermes dans l'amour et la méditation des mystères qui nous ont con- duits à celui d'aujourd'hui, nous l'adoptons en ce jour comme l'objet de notre attente, comme le terme de nos désirs. C'est le but que vous vous êtes proposé en venant en ce monde, descendant jusqu'à notre bassesse, pour nous enlever ensuite jusqu'à vos gran- deurs, vous faisant homme afin de faire de nous des dieux. Mais jusqu'au moment qui nous réunira à vous, que ferions-nous ici- bas, si la Vertu du Très-Haut que vous nous avez promise ne descendait bientôt sur nous, si elle ne nous apportait la patience dans l'exil, la fidélité dans l'absence, l'amour seul capable de soutenir un cœur qui soupire après la possession ? Venez donc, ô^ divin Esprit! Ne nous laissez pas languir, afin que notre œil demeure fixé au ciel Jésus règne et nous attend, et ne permettez pas que cet œil mortel soit tenté, dans sa lassitude, de s'abaisser sur un monde terrestre Jésus ne se laissera plus voir.

LE TEMPS PASCAL. T. U

LE VENDREDI DANS L'OCTAVE DE L ASCENSION.

Çy Rex gloriae, Do- mine virtutum, qui triumphator hodie super omnes cœlos asceridisti, ne derelinquas nos or- phanos ; sed mitte pro- missum Patris in nos Spiritum veritatis, allé- luia.

r~) Roi de gloire, Seigneur des armées, qui aujour- d'hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux, ne aous laissez pas orphe- lins ; mais envoyez-nous l'Esprit de vérité, selon la promesse du Père, alléluia.

entier,

cous voici arrivés, pour ainsi dire, au point culminant de l'œuvre divine, et ce n'est véritablement qu'aujour- d'hui qu'elle nous apparaît dans son Chaque jour la sainte Eglise, dans l'auguste Sacrifice, à la suite des paroles sacrées qui ont amené sur l'autel celui qui est à la fois le Dieu et la victime, s'adressant à la majesté du Père, exprime ainsi les motifs de sa confiance : « Ayant donc présents à la « pensée, nous vos se'rviteurs et votre peuple « saint, la bienheureuse Passion de ce même « Christ, votre Fils et notre Seigneur, sa « Résurrection du tombeau, et aussi sa glo- (( rieuse Ascension dans les cieux, nous vous a offrons cette hostie pure, sainte et imma- « culée. )• 11 ne suffit donc pas à l'homme de s'appuyer sur les mérites de la Passion du Rédempteur qui a lavé nos iniquités dans son sang; il ne lui suffit pas de joindre à ce

Le Vendr. dans l'Oct. de l'Ascension, ijg

souvenir celui de la Résurrection qui a donné à ce divin Libérateur la victoire sur la mort; | l'homme n'est sauvé, n'est rétabli, que par | l'union de ces deux mystères avec un troi- ^ sième, avec le mystère de la triomphante f Ascension de Celui qui est mort et ressus- \ cité. Jésus, durant les quarante jours de sa vie glorieuse sur la terre, n'est encore qu'un exile; et nous demeurons exilés comme lui, jusqu'à ce que la porte du ciel, close depuis quatre mille ans, se rouvre pour lui et pour nous.

Dans son ineffable bonté. Dieu n'avait pas seulement appelé l'homme à la royauté sur tous les êtres dont cette terre est couverte; il ne l'avait pas destiné seulement à connaî- tre la vérité dans la proportion des besoins de sa nature, à réaliser le bien selon les for- ces de sa vie morale, à rendre un lointain hommage à son créateur. Par un dessein de sa toute-puissance unie à son amour, Dieu avait assigné à cet être si chétif et si faible une fin au-clessus de sa nature. Inférieure l'Ange, et réalisant dans son être l'union de l'esprit et de lamatière, l'homme était appelé à la même fin que l'Ange. Le ciel devait les recevoir l'un et l'autre ; l'un et l'autre étaient appelés à trouver éternellement leur bonheur dans la vue de Dieu face à face, dans la possession intime du souverain bien. La grâce, secours divin et mystérieux, devait les adapter à cette fin sublime que leur avait gratuitement pré- •parée la bonté de leur créateur. Telle était la pensée dans laquelle Dieu s'était complu éter- '. nellement : élever jusqu'à lui ces fils du néant : et verser sur eux, selon la mesure de leur !

i

»

i8o Le Temps Pascal.

être agrandi, les torrents de son amour et de sa lumière.

Nous savons quelle catastrophe arrêta tout à coup une partie des Anges sur le chemin de la béatitude suprême. Au moment de l'é- preuve qui devait décider de l'admission de chacun d'eux au bonheur sans fin, un cri de révolte se fit entendre. Dans tous les chœurs angéliques il y eut des rebelles, des esprits qui refusèrent de s'abaisser devant le com- mandement de l'ordre divin; mais leur chute ne nuisit qu'à eux-mêmes, et les Esprits fidè- les admis en récompense à la vue et à la pos- session béatihante du souverain bien, com- mencèrent leur éternité de bonheur. Dieu dai- gnait admettre des êtres créés à la jouissance de sa propre félicité, et les neuf chœurs glori- fiés s'épanouirent sous son regard éternel.

Créé plus tard, l'homme aussi tomba, et son péché brisa le lien qui l'unissait à Dieu. La race humaine n'était alors représentée que par un seul homme et une seule femme : tout avait donc sombré à la fois. Après la faute, le ciel demeurait fermé désormais à notre race ; car dans leur chute Adam et Eve avaient entraîné leur postérité future, à laquelle ils ne pouvaient transmettre un droit qu'ils avaient perdu. Au lieu de ce passage agréa- ble et rapide sur la terre, auquel devait mettre fin une heureuse ascension vers le séjour éternel de la gloire, il ne nous restait plus qu'une courte "vie remplie de douleurs, et, pour perspective, le tombeau notre chair sortie de la poussière serait elle-même réduite en poussière. Quant à notre âme, créée pour le bonheur surnaturel, lors même qu'elle y

eût aspiré, ce n'eût été que pour s'en voir à jamais frustrée. L'homme avait préféré la terre ; elle lui demeurait pour quelques jours, après lesquels il la laisserait à d'autres qui disparaîtraient également jusqu'à ce qu'il plût à Dieu d'en finir avec cette œuvre manquée.

Ainsi avions-nous mérité d'être traités ; mais telle ne fut pas cependant l'issue de notre création. Quelle que soit la haine que Dieu porte au péché, il avait appelé l'homme à jouir des trésors de sa gloire, et il ne con- sentit pas à déroger aux desseins sublimes de sa sagesse et de'^sa bonté. Non, la terre ne sera pas un séjour l'homme ne fera que naître et s'éteindre bientôt. Lorsque la pléni- tude des temps sera arrivée, un homme paraî- tra ici-bas, non point le premier d'une créa- tion nouvelle, mais un homme comme nous, de notre race, « fait de la femme », comme parle l'Apôtre L Or, cet homme à la fois céleste et terrestre s'associera à notre dis- grâce ; comme nous il passera par la mort, et la terre le possédera trois jours dans son sein. iMais elle sera forcée de le rendre, et vivant, il apparaîtra aux regards éblouis des autres hommes. Nous l'avons vu, et nous qui sentons en nous-mêmes une « réponse de mort 2 », nous nous sommes réjouis de voir la c'nair de notre chair, le sang de notre sang remporter une si belle victoire.

Ainsi donc les intentions divines n'auront pas été frustrées en tout. Voici que la terre présente au Créateur un second Adam qui, ayant vaincu la mort, ne peut plus s'arrêter

I. Gai. IV, 4. 2. II Cor. i, 9.

i82 Le Temps Pascal.

ici-bas. Il faut qu'il monte ; et si la porte eu ciel est fermée, il faut qu'elle s'ouvre pour lui. « Princes, élevez vos portes ; portes éter- « nelles, élevez-vous, et le Roi de gloire en- « trera dans le séjour qui l'attend ^ ». Ori ! s'il daignait nous attirer après lui ! car il est notre frère, et nous savons que « ses délices ici-bas « étaient d'être avec les enfants des hom- « mes -. » Mais qu'il monte, que son Ascension soit dès aujourd'hui. Il est le plus pur sang de notre race, le tils d'une mère sans tache ; qu'il aille nous représenter tous dans cet heu- reux séjour que nous devions habiter. C'est la terre qui l'envoie ; elle n'est plus stérile du moment qu'elle l'a produit ; car elle a enfin fructifié pour le ciel. Ne semble-t-il pas qu'un rayon de lumière est descendu jusqu'au fond de cette vallée de larmes, lorsque les portes du ciel se sont levées pour lui ouvrir passage ? « Elevez-vous donc, 6 Seigneur des « hommes ! élevez-vous dans votre puissance, « et nous, sur cette terre, nous chanterons « les grandeurs de votre triomphe 3. » Père des siècles, recevez cet heureux frère que vos fils disgraciés vous envoient. Toute maudite qu'elle'semblait être, « la terre a donné son « fruit •i ». Oh! s'il nous était permis devoir en lui les prémices d'une plus abondante moisson que votre majesté daignerait agréer, nous oserions penser alors que ce jour est celui vous rentrez en possession de votre œuvre primitive.

I. Psalm. XXIII. 2. Prov. vill, 3l. 3. Psalm. t. 4. Psalm. Lxvi.

Le Vendr. dans l'Oct. de V Ascension. i83

EMPRUNTONS aujourd'hui la voix de l'Eglise arménienne, toujours si mélodieuse, et unissons-nous comme elle aux transports qu'éprouvèrent les saints Anges, au moment ils virent s'élever la terre l'homme nou- veau qui venait s'asseoir au plus haut des cieux.

LES Puissances du ciel ont , été émues en vous voyant monter, ô Christ ! Elles se disaient l'une à l'autre dans leur tremblement : « Quel est ce Roi de gloire ? »

C'est le Dieu Verbe in- carné, qui a anéanti le péché sur la croix, et qui, s étant envolé avec gloire, vient au ciel. Seigneur qu'il est, dans sa force et sa vertu.

C'est celui qui s'est levé du sépulcre et a détruit la mort ; aujourd'hui il monte avec gloire, et vient au Père : il est le Seigneur puissant dans les combats.

C'est lui qui, par un pouvoir divin, est monté au- jourd'hui sur le char de son Père, servi par les chœurs des Anges, qui chantaient et s'écriaient : « Princes, ou- vrez vos portes, et le Roi de gloire entrera ».

Les Puissances célestes étaient dans l'étonnement, et se demandaient d'une voix tremblante : « Quel est ce

F TESTATES cœlt ter- ritae sunt, videntes ascensum tuum, Christe; alter ad alterum paves- centes dicebant : Quis est iste Rex gloriœ ?

Hic est incarnatus Deus Verbum, qui in cruce peccatum occidit, et supervolans gloriose, venit in cœlum, Domi- nus fortis virtute sua.

Hic est qui de monu- mento surrexit, et des- truxit infernum, atque superscandens gloriose venit ad Patrem, Dorai- nus potens in praelio.

Qui ascendit hodie di- vina potestate in Patrie curru, ministrantibus ei angelicis choris, qui ca- nebant dicentes : Attol- lite portas, principes vestras, et introibit Rex glorise.

Stupuerunt supernae Potestates, et tremenda voce clamabant ad invî- cera: Quis est iste Rex

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Le Temps Pascal.

gloriae, qui venit in carne et mira virtute ; attoUite, attollite portas, principes vestras, et introibit Rex gloriae.

Modulabantur superni Principatus , mirabili voce cantabant canticum novum, dicentes : Ipse est Rex gloriae, salvator niundi et liberator gene- ris humani ; attollite portas, principes vestras, et introibit Rex gloriae.

Qui complantati facti suinus similitudinis mor- tis tuae, Fili Dei, dignos fac nos conformes fieri tibi, gloriae Rex : tibi cantent Ecclesiae sancto- rum cantica spiritualia.

Veterem hominem concrucifixum tibi fecis- ti, et stimulum peccati exstinxisti ; liberasti nos vivifico ligno, cui affixus es, et guttœ sanguinis tui inebriarunt orbem , tibi cantent Ecclesiae sanctorum cantica spiri- tualia.

Propter miserationem divinie humanitionis tuae, participes fecisti no» cor- poris tui et sanguinis,

Çer sacrificium tuum 'atri in odorem suavita- tis oblatum, corporis a

(I Roi de gloire qui vient « dans la chair et revêtu « d'un si merveilleux pou- « voir? Princes, ouvrez vos « portes, et le Roi de gloire M entrera. »

Les Hiérarchies supérieu- res faisaient entendre un concert harmonieux ; elles chantaient un cantique nou- veau, et disaient : « C'est le « Roi de gloire, le sauveur <i du monde et le libérateur « du genre humain. Princes, « ouvrez vos portes, et le 0 Roi de gloire entrera. »

Et nous, qui avons été entés sur toi par la ressem- blance de ta mort, 6 Fils de Dieu, rends-nous dignes d'ob- tenir aussi cette autre res- semblance , ô Roi de gloire ! Toutes les Eglises des saints célèbrent ton triomphe par des cantiques spirituels.

Tu as crucihé avec toi le vieil homme, tu as brisé l'ai- guillon du péché, tu nous as délivrés par ce bois vivifiant auquel tu fus attaché, et les gouttes de ton sang ont eni- vré le monde : toutes les Eglises des saints célèbrent ton triomphe par des canti- ques spirituels.

Dans ta compassion pour nous, ta nature divine a dai- gné s'incarner, et tu nous as fait participer à ton corps et à ton sang dans le Sacrifice d'agréable odeur que tu as offert à ton Père, en lui im-

Le Vendr. dans l'Oct. de F Ascension. i85

molant ton corps, emprunté à notre nature. Ensuite tu es monté sur un nuage écla- tant, à la vue des Puissances et des Principautés qui, dans leur admiration, se deman- daient : « Quel est celui qui « arrive d'Edom d'un pas si « rapide ? » Et les membres de ton Eglise ont appris à connaître les ressources de ton infinie sagesse. Que toutes les Eglises des saints célè- brent ton triomphe par des cantiques spirituels.

nobis sumpti, et ascen- disti pellucidis nubibus, manifestatus Potestati- bus ac Principatibus, qui stupefacti interroga- bant : Quis est iste qui properans venit de Edom ; et per Ecclesiam tuam didicerunt multi- formem sapientiam tuam ; tibi cantent Ec- clesias sanctorum cantica spiritualia.

LE SAMEDI DANS LOCTAVF DE L'ASCENSION.

ORex gloriae, Do- mine virtutum, qui triumphator hodie su- per omnes cœlos ascen- disti, ne derelinquas nos orphanos ; sed mitte promissum Patris in nos Spiritum veritatis, allé- luia.

a^o\ de gloire, Seigneur des armées, qui aujour- d'hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux, ne nous laissez pas orphe- lins ; mais envoyez-nous lEsprit de vérité, selon la promesse du Père, alléluia.

L est donc monté aux cieux, l'homme que possédait la terre et qui résu- mait en lui toute sainteté. Elle n'est donc plus stérile pour le ciel, cette terre pourtant maudite ; la porte des cieux, fermée à notre race, a donc pu s'ouvrir pour laisser passer un hls d'Adam. Tel est le m^ys- tère de l'Ascension ; mais ceci n'en est qu'une partie, et il importe de le connaître tout entier. Ecoutons ce que nous dit l'Apôtre des nations : « Dieu qui est riche en miséricorde, « par l'excessive charité dont il nous a M aimés, nous qui étions morts par nos péchés, « il nous a rendus à la vie avec Jésus-Christ; « il nous a ressuscites avec lui, et il nous a « fait asseoir dans les cieux en sa personne 1. » Ainsi, de même que nous avons célébré la résurrection de notre Sauveur dans la Pâque

I. Eph. II, 4-6.

Le Samedi dans VOct. de V Ascension. 187

comme notre propre résurrection, l'Apôtre nous convie à célébrer l'Ascension de ce divin Rédempteur comme étant aussi la nôtre. Mesurons la force de l'expression : « Dieu « nous a fait asseoir dans les cieux en Jésus- « Christ » ; dans cette Ascension, ce n'est pas lui seulement qui monte aux cieux, nous y montons avec lui ; ce n'est pas lui seulement qui est intronisé dans la gloire, nous le sommes avec lui.

Et, en effet, le Fils de Dieu n'était pas venu se revêtir de notre nature pour que la chair qu'il a prise en Marie fût seule établie dans les conditions de la gloire éternelle ; il est venu afin d'être notre Chef, mais un Chef qui réclame ses membres dans l'adhésion desquels consiste l'intégrité de son corps. « O « Père ! s'écrie-t-il à la dernière Cène, ceux « que vous m'avez donnés, je veux qu'ils « soient je suis, afin qu'ils voient la « gloire dont vous m'avez fait part 1. » Et quelle gloire le Père a-t-il donnée à son Fils ? Écoutons David qui a célébré cette auguste journée de l'Ascension : « Celui qui est le « Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseye:{- « vous à ma droite '^. » C'est'donc sur le trône même du Père, à la droite même du Père, que nous verrons éternellement celui que l'Apôtre appelle « notre avant-coureur ^ »;et nous lui adhérerons comme étant réellement les membres de son corps, en sorte que sa gloire sera la nôtre, et que nous serons rois avec lui, rois de sa royauté à jamais ; car il

I. JoHAN. XVII, 24. 2. Psalm. cix. 3. Heb vi 20.

j88 Le Temps PascaK

a partager tout avec nous, ayant voulu que nous fussions « ses cohéritiers i. »

Il suit de que l'auguste mystère de l'As- cension, ouvert aujourd'hui, se con-tinue à chaque instant, jusqu'à ce que le dernier des élus, étant nnonté aux cieux, le corps mys- tique de notre Emmanuel ait atteint son en- tier complément. Voyez cette nuée innom- brable d'âmes saintes qui se presse sur ses pas en ce jour : nos premiers parents à la tête, les patriarches, les prophètes, les justes de toute race, que quatre mille ans avaient préparés pouT ce triomphe. Captifs naguère dans les demeures souterraines des limbes, maintenant brillants de clarté, ils suivent avec la rapidité de l'aigle celui dont ils ornent le triomphe. Ils sont ses trophées, en même temps qu'ils forment sa cour dans le trajet de la terre au ciel. En les suivant du regard, écrions-nous donc dans les transports de David : « Royaumes de la terre, chantez au « Seigneur, chantez à Dieu qui s'élève sur les « cieux des cieux, vers l'Orient -. »

De leur côté les milices angéliques se pres- sent au-devant de l'Emmanuel, et alors com- mence le sublime dialogue que l'oreille pro- phétique de David entendit, et qu'il nous a rendu à l'avance. La légion innombrable et triomphante qui suit et accompagne l'Em- manuel crie aux gardiens de la Jérusalem céleste : « Princes," élevez vos portes ! portes « éternelles, élevez-vous ; c'est le Roi de « gloire qui va entrer. » Et les An^es tidèles répondent avec ma^sté : « Et quel est-il, ce

I. Rom. VIII, 17. 2. Psalm. lxvii.

Le Samedi dans VOct. de l'Ascension. i8g

« Roi de gloire « C'est le Seigneur », répondent "les élus de la terre, u le Seigneur « fort et puissant, le Seigneur puissant dans « les combats » , comme l'attestent les victoires qu'il a remportées sur Satan, sur la mort et l'enfer, les victoires dont nous som- mes l'heureux trophée ^. x\près une seconde interpellation qui donne lieu d'exalter une seconde fois les grandeurs de l'Emmanuel, les portes éternelles se lèvent, et le Christ vainqueur pénètre dans les cieux avec son glorieux cortège.

Elles ne retomberont plus désormais pour nous fermer le passage, ces portes éternelles qui ont donné entrée à notre libérateur : et c'est ici qu'il faut admirer l'incommunicable grandeur du mystère de l'Ascension. Ce mys- tère s'est ouvert aujourd'hui, Jésus l'a inau- guré en s'élançant de la terre au ciel, mais il ne l'a pas clos ; il a voulu qu'il fût permanent, qu'il s'accomplît en tous ses élus successive- ment, soit qu'ils montent du lieu des expia- tions, soit qu'ils s'élèvent de notre terrestre vallée avec le vol de la colombe. Salut donc, ô glorieux mystère que tant d'autres mystères ont préparé, terme et accomplissement du dessein éternel de Dieu! mystère qui fus suspendu durant des siècles par notre chute, mais qui reprends aujourd'hui ton cours en l'Emmanuel , pour ne plus l'interrompre qu'au moment solennel la voix éclatante de l'Ange criera : « Le temps n'est plus 2, » Jusque-là tu demeures ouvert pour nous, et

iqo Le Temps Pascal.

l'espérance vit dans notre cœur que tu t'ac- compliras aussi en nous.

Daignez donc permettre, 6 Jésus, que nous prenions pour nous cette parole que vous avez dite : « Je vais vous préparer une « place 1. » XoMS avez tout disposé dans ce but ; et vous êtes venu en ce monde pour nous ouvrir la voie que vous avez vous- même franchie aujourd'hui. La sainte Eglise, votre Epouse, nous ordonne d'élever nos regards; elle nous montre le ciel ouvert, et lesillon lumineux que tracent jusqu'à nous les âmes qui montent à chaque instant pour s'unir à vous. Nos pieds posent encore sur la terre ; mais Toeil de notre foi vous découvre au terme de cette voie, vous, « le Fils de « l'homme, assis à la droite de l'Ancien des « jours -. » Mais comment franchir l'espace qui nous sépare de vous? Nous ne pouvons, comme vous, nous élever par notre propre vertu; il faut, 6 Emmanuel, que vous nous attiriez à vous. Vous l'avez promis •"*, et nous n'attendons plus que l'heure. Marie, votre mère, qui consent à demeurer encore avec nous, l'attendit aussi, cette heure, dans la soumission et dans l'amour; elle l'attendit dans la fidélité et dans le labeur, vivant avec vous sans vous voir encore. Donnez-nous, Seigneur, une part à cette foi et à cet amour de notre commune mère, afin que nous puissions nous appliquer cette parole de l'Apôtre : « Déjà par l'espérance nous som- « mes sauvés *. » Il en sera ainsi, si vous

I. JoHAN. XIV, 2. 2. Dan. VII, i3. 3. Johan. xii, 3a. 4. Rom. viii, 24.

Le Samedi dans VOct. de l'Ascension, i

9'

daignez, selon votre promesse, nous envoyer votre Esprit que nous attendons avec ardeur ; car il doit venir confirmer en nous tout ce que la succession de vos mystères y a déjà préparé, et être le gage assuré de notre as- cension glorieuse.

M ous résumerons aujourd'hui tous nos

vœux, en nous appropriant les sublimes

enseignements que l'Eglise gothique d'Es-

l'Eglise pagne adressait a ses fidèles dans la solen- nité de l'Ascension.

M^ ous vous convions, nos ■^ ' très chers Frères, à dépo- ser-le fardeau des pensées du siècle, et à donner en ces jours l'essor à vos pensées, en les dirigeant vers le ciel. Il s'agit de considérer des yeux du cœur votre propre nature humaine s'élevant dans le Christ au plus haut des cieux. L'objet que nous sommes appelés à contempler au milieu d'une lumière in- comparable est Jésus notre Seigneur, qui change la bas- sesse de notre terrestre exis- tence avec la gloire des cieux. Combien doit être pénétrante notre vue, pour apercevoir ce séjour nous sommes appe- lés à le suivre ! C'est aujour- d'hui que notre Sauveur, après avoir revêtu la chair ici-bas, est remonté sur le

p LACEAT, dilectissimi ^ fratres, sascularium cogitationum fasce depo- sito, erectis in sublime mentibus subvolare : et impositam œtheris fasti- gio assumpti hominis communionem. sequaci- bus cordis oculis con- tueri. Ad incomparabi- lem nobis claritatem at- tonitus vocandus aspec- tus, est Jésus Dominus noster : humilitatem no- bis terrarum cœlorum dignitate commutât : acutus necesse est visas esse respicere quo sequi- mur. Hodie salvator nos- ter post assumptionem carnis , sedem repetit deitatis. Hodie hominem suum intulit Patri, quem obtulit passioni. Hune

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Le Temps Pascal.

exaltans in cœlis, quem humiliaverat in infernis. Hic visurus gloriam, qui viderai sepulturam. Et qui adversus mortem mortis sux dédit bcnc- ficium, ad spem vitac do- navit rcsurrectionis cx- cmplum. Hodie rcdiit ad Palrem, cum tamen sine Patris, qui sibi œquaJis est, potestate non vene- rit. Hodie ascendit in cœlum qui obsequia cœ- lestium cum descenderet, non amisit. Ita in Pairis natura unitateconsistens, ut cum homo crelum no- vus intraret, novum ta- men Deus hominem non haberet. Petamus igitur ab omnipotentia Patris, per nomen Filii salvato- ris, gratis spiritalis ingressum, œterna; beati- tudinis donum, beatre mansionis ascensum, ca- tholicae credulitatis aug- mentum, haereticae infi- delitatis excidium. Au- diet profecto in confes- sione, quos in perditione quœsivit. Adstitit suis, qui non destitit alienis. Aderit agnitus, qui non defuit agnoscendus. Non patictur orphanos esse dcvotos qui filios facerc dignatus est inimicos, Dabit etTectum supplica- tionis, qui promisit Spi- ritum sanctitatis. Amen.

trône de sa divinité : aujour- d'hui qu'il a présenté à son Père cette même humnnité qu'il avait offerte à la souf- france, glorifiant dans les cicux celle qu'il avait humi- liée ici-bas. Il est parti pour être environné de gloire, celui qui était descendu jusqu'au sépulcre. Lui qui nous avait octroyé le bénéfice de sa pro- pre mort pour vaincre la mort, il nous a, en ressuscitant, gra- tifiés de l'espérance de la vie. Aujourd'hui il est re- tourné au Père, celui qui avait paru ici-bas avec toute la puissance du Père dont il est l'égal. Il est aujourd'hui monté aux cieux, celui qui, dans sa descente au milieu de nous, ne cessa pas de re- cevoir les hommages des es- prits célestes. Etabli dans le Père par l'éternelle unité de nature, il est entré au ciel dans de nouvelles conditions par son humanité ; mais, lui qui est Dieu, ce n'est point une nouvelle nature qu'il a prise. Implorons donc de la toute-puissance du Père, par le nom de son Fils, notre Sauveur, notre admission à la grâce spirituelle, le don de l'éternelle béatitude, l'as- cension vers le séjour du bonheur, le progrès de la foi catholique, la ruine de l'hé- rétique infidélité. Il écoutera les hommages de ceux qu'il daigna chercher lorsqu'ils

Le Samedi dans l'Oct. de V Ascension. ig3

étaient perdus ; il sera attentif à ceux qui lui appartien- nent, lui qui n'a pas abandonné ceux même qui s'é- taient donnés à un autre ; il se montrera à nos regards, celui qui a daigné se mettre à notre portée pour se faire connaître de nous. Il ne nous laissera point dans l'état d'orphelins, lui qui a daigné faire de nous ses fils, lors- que nous étions devenus ses ennemis ; et il nous accor- dera l'objet de nos instances, lui qui nous a promis l'Es- prit de sainteté. Ameii.

S ^T1>

LE TEMPS PASCVL.

LE DIMANCHE DANS L'OCTAVE DE I/ASCENSION

ORex glorias, Domine virtiitum ,qui trium- phator hodie super om- ncs cœlos ascendisti, ne derelinquas nos orpha- nos ; sed mitte promis- sum Patris in nos Spiri- tum veritatis, alléluia.

/^ \ Roi de gloire, Seigneur ^ --■ des armées, qui aujour- d'hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux, ne nous laissez pas orphe- lins ; mais envoyez-nous l'Es- prit de vérité, selon la pro- messe du Père, alléluia.

Esus est monté aux cieux. Sa divinité n'en avait jannais été absente, mais aujourd'hui son humanité y est intronisée, elle y est couronnée d'un diadème de splendeur ; et c'est en- core une nouvelle face du glorieux mystère de l'Ascension. A cette humanité sainte le triomphe ne suffisait pas; le repos lui était préparé sur le trône même du Verbe éternel auquel elle est unie éternellement dans une même personnalité, et c'est du haut de ce trône qu'elle doit recevoir les adorations de toute créature. Au nom de Jésus Fils de

Le Dimanche dans VOct. de V Ascension, i gb

l'homme et Fils de Dieu, de Jésus assis à la droite du Père tout-puissant, « tout genou « doit fléchir au ciel, sur la terre et dans les « enfers i. »

Habitants de la terre, c'est cette nature humaine qui apparut autrefois dans l'humi- lité des langes, qui parcourut la Judée et la Galilée n'ayant pas reposer sa tète, qui fut enchaînée par des mains sacrilèges, flagel- lée, couronnée d'épines, clouée à une croix ; mais tandis que les hommes qui l'avaient méconnue la foulaient aux pieds comme un ver de terre, elle acceptait le calice des dou- leurs avec une entière soumission et s'unis- sait à la volonté du Père ; elle consentait, devenue victime, à réparer la gloire divine en donnant tout son sang pour la rançon des pécheurs. Cette nature humaine, issue d'x\dam par iVlarie l'immaculée, est le chef-d'œuvre de la puissance de Dieu. Jésus. « le plus beau a des enfants des hommes - », est l'objet de l'admiration extatique des Anges; sur lui se sont reposées les complaisances de la suprême Trinité ; les dons de la grâce déposés en lui surpassent ce qui a été accordé à tous les hommes et à tous les esprits célestes ensemble ; mais Dieu l'avait destiné à la voie de l'épreuve, et Jésus qui aurait pu racheter l'homme à moins de frais, s'est plongé volon- tairement dans une mer d'humiliations et de douleurs, afin de payer avec surabondance la dette de ses frères/ Quelle sera la récom- pense ? l'Apôtre nous le dit dans ces fortes paroles : « Il s'est fait obéissant jusqu'à la

I. Philip. II, 10. 2. Psalm,

1 g6 Le Temps Pascal.

« mort et à la mort de la croix ; à cause de « cela Dieu l'a exalté, et lui a donné un nom « qui est au-dessus de tout nom i. »

O vous donc qui compatissez ici-bas aux douleurs par lesquelles il nous a rachetés, vous qui aimez à le suivre dans les stations de son pèlerinage jusqu'au Calvaire, levez la tète aujourd'hui, et regardez au plus haut des cieux. Le voici, « parce (qu'il a souffert « la mort, le voici couronné de gloire et « d'honneur -. Plus il s'est anéanti sous la « forme d'esclave, lui gui dans son autre « nature pouvait sans injustice se dire égala « Dieu 3 »; plus le Père prend plaisir à rélever en gloire et en puissance. La couronne d'é- pines qu'il a portée ici-bas est remplacée par le diadème d'honneur *. La croix qu'il laissa imposer sur son épaule est désormais le signe de sa principauté ^. Les plaies que les clous et la lance ont imprimées sur son corps res- plendissent comme des soleils. Gloire soit donc rendue à la justice du Père envers Jésus son Fils ! mais réjouissons-nous aussi de voir en ce jour « l'Homme des douleurs "î» devenu le Roi de gloire, et répétons avec transport l'Hosannah que la cour céleste fait retentir à son arrivée.

Toutefois n'allons pas croire que le Fils de l'homme établi désormais sur le trône de la divinité reste inactif dans son glorieux repos C'est une souveraineté, mais une souveraineté active que le Père lui a concédée. Il l'a d'abord établi « juge des vivants et des

I. Philip. II. 2. Heb. II. p.— 3. Philip. Il, 6, 7. 4. Psalm. XX. 5. Isai. xii. 6. Ibid. lui.

Le Dima^iche dans VOct. de l'Ascension, i gj

a morts •, et nous devons tous comparaî- « tre devant son tribunal -. » A peine notre âme aura-t-elle quitté son corps, qu'elle se trouvera transportée au pied de ce tri- bunal sur lequel le Fils de l'homme s'est assis aujourd'hui, et elle entendra sortir de sa bouche la sentence qu'elle aura méritée. O Sauveur couronné en ce jour, soyez-nous miséricordieux à cette heure décisive pour notre éternité.

Mais la judicature exercée par le Seigneur Jésus ne se bornera pas à l'exercice silencieux de ce souverain pouvoir; les Anges nous l'ont dit aujourd'hui : il doit se montrer de nou- veau à la terre, redescendre à travers les airs, ainsi qu'il est monté, et alors se tiendront les solennelles assises le genre humain com- paraîtra tout entier. Assis sur les nuées du ciel, entouré des milices angéliques, le Fils de l'homme apparaîtra à la "terre dans toute sa majesté. Les hommes verront « Celui qu'ils ont percé s », et les traces de ses bles- sures, qui ajouteront encore à sa beauté, seront pour les uns un objet de terreur et pour les autres la source d'ineffables con- solations. Pasteur encore sur son trône aérien, il séparera ses brebis des boucs, et sa voix souveraine que la terre ne connaissait plus depuis tant de siècles, retentira pour com- mander aux pécheurs impénitents de descen- dre aux enfers, et pour inviter les justes à venir occuper, en corps et en âme, le séjour des délices éternelles.

ig8 Le Temps Pascal.

En attendant ce dénouement final des des- tinées de la race humaine, Jésus reçoit aussi du Père, en ce jour, l'investiture visible du pouvoir royal sur toutes les nations de la terre. Nous ayant tous rachetés au prix de son sang, nous sommes à lui; qu'il soit donc désormais notre Seigneur. Il l'est en effet, et il s'intitule le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs i. Les rois de la terre ne régnent légitimement que par lui, et non par la torce, ou en vertu d'un prétendu pacte social dont la sanction ne serait que d'ici-bas. Les peu- ples ne s'appartiennent pas à eux-mêmes : ils sont à lui. Sa loi ne se discute pas; elle doit planer au-dessus de toutes les lois humai- nes comme leur règle et leur maîtresse : « Les nations frémiront sous son sceptre, « nous dit le Roi-prophète ; les peuples, pour « lui échapper, méditeront de vains systèmes; « les princes de la terre se ligueront contre « lui; ils diront : Brisons son )oug, et jetons- ce le loin de nous-.» Inutiles efforts! car ainsi que nous le dit l'Apôtre, « il faut qu'il règne, « jusqu'à ce qu'il ait mis tous ses ennemis « sous les pieds 3 >), jusqu'à ce qu'il apparaisse une seconde fois pour abattre la puissance de Satan et l'orgueil des hommes.

Ainsi donc, le Fils de l'homme couronné dans son Ascension doit régner sur le monde jusqu'à ce qu'il revienne. Mais, direz-vous, règne-t-il donc dans un temps les princes confessent tenir leur autorité du mandat de leurs peuples, les peuples séduits par ce prestige qu'ils nomment lioerté ont perdu jus-

I, Apoc. XIX, i6. 2. Psalm. ii. 3. I Cor. xv, 25

Le Dimanche dans VOct. de V Ascension, igg

qu'au sens même de l'autorité ? Oui, il règne, mais dans la justice, puisque les hommes ont dédaigné d'être conduits par sa bonté. Ils ont effacé sa loi de leurs codes, ils ont accordé droit de cité à l'erreur et au blasphème ; alors il les a livrés à leur sens absurde et mensonger. Chez eux le pouvoir éphémère, que l'onction sainte ne rend plus sacré, échappe à tout moment aux mains qui s'ef- forcent de le retenir, et lorsque les peuples, après avoir roulé dans les abîmes de l'anar- chie, essayent de le constituer de nouveau, c'est pourrie voir crouler encore, parce que princes et peuples veulent se tenir en dehors du domaine du Fils de l'homme. Et il en sera ainsi, jusqu'à ce que princes et peuples, lassés de leur impuissance, le rappellent pour régner sur eux, jusqu'à ce qu'ils aient repris la devise de nos pères : « Le Christ est vain- « queur! le Christ règne! le Christ com- « mande ! Daigne le Clirist préserver son peu- « pie de tout malheur! »

En ce jour de votre couronnement, recevez donc les hommages de vos fidèles, ô notre souverain Roi, notre Seigneur et notre juge! nous qui fûmes par nos péchés les auteurs de vos humiliations et de vos souffrances dans le cours de votre vie mortelle, nous nous unissons aux acclamations que firent enten- dre les Esprits célestes au moment le dia- dème royal fut placé sur votre divin Chef. Nous ne faisons encore qu'entrevoir vos gran- deurs; mais l'Esprit-Saint que vous nous avez promis achèvera de nous révéler tout ce que nous pouvons connaître ici-bas sur votre souverain pouvoir, dont nous voulons

20 0 Le Dimanche dans VOct. de V Ascension.

être à jamais les humbles et fidèles sujets.

Le Dimanche dans l'Octave de l'Ascension ctait appelé à Rome, au moyen âge, le Dimanche des Roses, parce que l'on avait coutume en ce jour de joncher de roses le pave des basiliques, comme un hommaee au Christ qui s'élevait au ciel dans la saison des fleurs. On sentait alors toutes les har- monies. La fête de l'Ascension si riante et si remplie de jubilation, lorsqu'on la considère sous son pri^ncipal aspect, qui est le triom- phe du Rédempteur, venait embellir les radieuses journées du printemps sous un ciel fortune. On cessait un moment de sentir les tristesses de la terre, veuve de son Emma- nue , pour ne se souvenir que de la parole quil a dite à ses Apôtres, arîn quelle nous tut répétée : « Si vous m'aimiez, vous vous « réjouiriez de ce que je m'en vais à mon « Père '. » Imitons cet exemple; offrons à notre tour la rose à celui qui l'a faite pour I embellissement de notre séjour, et sachons nous aider de sa beauté et de son parfum pour nous élever jusqu'à lui, qui nous dit dans le divin Cantique : « Je suis la fleur des <c champs et le lis des vallons -'. » Il voulut être appelé Nazaréen, afin que ce nom mvs- tcrieux réveillât en nous le souvenir qu'il retrace, le souvenir des fleurs dont il n'a pas dédaigne d emprunter le symbole, pour ex- primer le charme et la suavité que ceux qui 1 aiment trouvent en lui.

I. JOHAN. XIV, 28. 2. Ci

A la Messe.

A LA MESSE.

I 'Introït, tiré du Psautier, exprime le désir que ressent la sainte Eglise de revoir son Epoux qui s'est enfui loin d'elle. L'âme fidèle partage ce sentiment, et s'unit à la mère commune pour dire comme elle à l'Emma- nuel : « Mon cœur vous le dira, je veux « revoir vos traits divins ; offrez-les bientôt à « ma vue. ->

EXAUCEZ ma prière, Sei- gneur, accueillez le cri que je pousse vers vers vous, alléluia. Mon cœur vous dit : J'ai cherché votre visage, Seigneur ; je ne cesserai de le chercher : daignez ne pas le détourner de moi, alléluia, alléluia.

Ps. Le Seigneur est ma lu- mière et mon salut : que craindrai-je ? Gloire au Père. Exaucez.

EXAUDI, Domine, vo- cem meam. qua cla- mavi ad te, alléluia : tibi dixit cor meum : Quassi vi vultum tuum, vultum tuum, Domine, requi- ram : ne avortas faciem tuam a me, alléluia, allé- luia.

Ps. Dominus illumina- tio mea, et salus mea : quem timebo ? Gloria Patri. Exaudi.

Dans la Collecte, l'Eglise nous apprend à demander à Dieu cette; bonne volonté qui nous rendra dignes de revoir Jésus, par notre zèle à servir la divine Majesté.

ORAISON.

DIEU tout-puissant et éter- nel, faites que notre vo- lonté vous soit toujours dé- vouée, et que nous servions votre Majesté d'un cœur sin- cère. Par Jésus-Christ.

OMNIPOTENs sempi- terne Deus, fac nos

tibi semper et devotam gerere voluntatem, et majestati tuae sincero corde servire. Per Do- minum.

2 0 2 Le Dimanche dans VOct. de V Ascension.

On fait mémoire de la fête de l'Ascension, page i55.

ÉPÎTRE.

Leciio Epistoh Pétri Apostoli

IV.

beati , Cap.

Ç^ HARissiMl, Estote pru- ^^ dentés, et vigilate in orationibus. Ante omnia autem, mutuam in vobis- metipsis eharitatem con- tinuam habentes : quia charilas operit multitu- dinem peccatorum. Hos- pitales invicem sine murmuratione. Unus- quisque, sicut accepit gratiam, in alterutrum illam administrantes, si- cut boni dispensatores multiformis gratias Dei. Si quis loquitur, quasi sermones Dei : si quis ministrat, tamquam ex virtute, quam adminis- trât Deus : ut in omni- bus honorificetur Deus Êer Jesum Christum lominum nostrura.

Lecture de l'Epître de saint Pierre, Apôtre. I, Chap. iv.

1^ ES bien-aimés , soyez *■ *■ prudents et veillez dans la prière ; mais avant tout, ayez une charité persévérante les uns envers les autres : car la charité couvre la multi- tude des péchés. Exercez en- tre vous l'hospitalité sans murmurer. Que chacun se ren- de utile aux autres, selon la grâce qu'il a reçue, comme étant de fidèles dispensateurs des diverses grâces de Dieu. Si quelqu'un parle, que ce soit commue des paroles de Dieu ; si quelqu'un exerce un ministère, que ce soit comme par la vertu que Dieu lui donne ; afin qu'en toutes choses Dieu soit honoré par Jésus-Christ notre Seigneur.

T" ANDis que les disciples sont réunis dans le ' Cénacle, n'ayant qu'un cœur et qu'une âme, et attendant la venue de l'Esprit-Saint, le prince des Apôtres qui présidaitcetteassem- blée sainte se tourne vers nous qui attendons ici-bas la même faveur, et nous recommande la charité fraternelle. 11 nous promet que cette vertu couvrira la multitude de nos péchés ;

A la Messe.

2o3

quelle heureuse préparation pour recevoir le don divin ! L'Esprit-Saint arrive afin d'unir les hommes en une seule famille ; arrêtons donc toutes nos discussions, et préparons-nous à la fraternité universelle qui doit s'établir dans le monde à la prédication de l'Evangile. En attendant la descente du Consolateur pro- mis, TApôtre nous dit que nous devons être prudents et veiller dans la prière. Recevons la leçon : la prudence consistera à écarter de nos cœurs tout obstacle qui repousserait le divin Esprit ; quant à la prière, c'est elle qui les ouvrira, ahn qu'il les reconnaisse et s'y établisse.

Des deux Versets de l'Alleluia, l'un est emprunté à David, et célèbre la majesté de Jésus sur son trône royal ; l'autre est formé des paroles mêmes du Sauveur qui nous pro- met son retour à la fin des temps, lorsqu'il viendra réclamer ses élus.

A LLELUIA, alléluia.

f. Le Seigneur règne sur toutes les nations : Dieu s'est assis sur son trône de sainteté.

Alléluia.

"f. Je ne vous laisserai pas orphelins : je m'en vais, mais je reviendrai à vous, et votre cœur sera dans la joie, allé- luia.

A LLELUIA, alléluia.

^. Regnavit Dominus super omnes gentes : Deus sedet super sedem sanctam suam.

Alléluia.

j^. Non vos relinquam orphanos : vado et venio ad vos, et gaudebit cor vestrum, alléluia.

2 04 J^c Dimanche dnns COct. de V Ascension.

EVANGILE.

La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. xv.

Sequentia sancti Evan- gelii secundum Johan- nem. Cap.xv.

IN illo tcmpore : Dixit Jcsus discipulis suis : Cum venerit Paraclitus, quem ego mittam vobis a Pâtre. Spiritum verita- tis, qui a Pâtre procedit. ille testimonium perhi- bebit de me : et vos tes- timonium perhibebitis. quia ab initio mecum estis. Haec locutus sum vobis, ut non scandalize- mini. Absque synagogis facient vos : sed venit hora ut omnis, qui inter- ficit vos, arbitretur obse- quium se prsestare Deo. Et hacc facient vobis, quia non noverunt Pa- trem, neque me. Sed hœc locutus sum vobis : ut, cum venerit hora eorum, reminiscamini quia ego dixi vobis.

A LA veille de nous envoyer son Esprit, Jésus nous annonce les effets que ce divin Consolateur produira dans nos âmes. S'adrcs- sant aux Apôtres dans la dernière Cène, il leur dit que cet Esprit leur rendra témoi- gnage de lui, c'est-à-dire qu'il les instruira sur la divinité de Jésus et sur la fidélité qu'ils lui doivent, jusou'à mourir pour lui. Voilà donc ce que produira en eux cet hôte

EN ce temp)s-là, Jésus dit à ses disciples : Lorsque viendra le Consolateur que je vous enverrai du Père, l'Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoi- gnage de moi ; et vous aussi vous rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement. Je vous ai dit ces choses, afin que vous ne soyez pas scanda- lisés. Ils vous chasseront des synagogues ; et vient l'heure quiconque vous tuera croira rendre service à Dieu. Et ils vous traiteront ainsi, parce qu'ils ne connaissent ni le Père, ni moi. Je vous ai dit ces choses, afin que lors- que l'heure sera venue, vous vous souveniez que je vous les ai dites.

A la Messe.

divin que Jésus, près de monter aux cieux, leur désignait en l'appelant la Vertu d'en haut. De rudes épreuves les attendent ; il leur fau- dra résister jusqu'au sang. Qui les soutien- dra, ces hommes faibles *? L'Esprit divin qui sera venu se reposer en eux. Par lui ils vain- cront, et l'Evangile fera le tour du monde. Or, il venir de nouveau, cet Esprit du Père et du Fils ; et quel sera le but de sa venue, sinon de nous armer aussi pour le combat, de nous rendre forts pour la lutte ? Au sortir de la Saison pascale, les plus augustes mystères nous illuminent et nous protègent, nous allons retrouver en face le démon irrité, le monde qui nous attendait, nos passions calmées un moment qui vou- dront se réveiller. Si nous sommes «revêtus de la Vertu d'en haut », nous n'aurons rien à craindre ; aspirons donc à la venue du céleste Consolateur, préparons-lui en nous une réception digne de sa majesté ; quand nous l'aurons reçu, gardons-le chèrement ; il nous assurerala victoire, comme il l'assura aux Apôtres.

L'Otfertoire rappelle avec les paroles du Roi-prophète les grandeurs de Jésus montant au ciel ; la sainte Eglise veut que la pensée d'un tel triomphe nous accompagne sans cesse, et qu'elle fixe à jamais nos cœurs dans le séjour le Triomphateur nous attend.

OFFERTOIRE.

T\ lEu est monté aux accla- A scendit Deiis m ju- ■*-^ mations de la joie : le ^^ bilatione : et Domi- nus in voce tubas, allé- luia.

Seigneur est monté au brui des trompettes, alléluia

.06

Le Temps Pascal.

En olTrant à Dieu ic pain et le vin qui bientôt vont être transformés au corps et au sang de Jésus, la sainte Eglise demande pour nous, dans l'Oraison Secrète, non seulement que le contact des Mystères divins nous rende purs, mais qu'il nous donne cette énergie sans laquelle la vie chrétienne n'existe pas.

^ACRIFICIA nos. Domi- N ne, immaculata puri- ncent : et mentibus nos- tris supernae gratiœ dent vigorem. Per Dominum.

FAITES, Seigneur, que ce Sacrifice sans tache nous iipporte la purification, et qu'il communique à nos âmes la vigueur que produit la grâce céleste. Par Jésus- Christ.

On fait mémoire de la fête de l'Ascension, page 162.

Préface de l'Ascension, vieme page.

Les paroles de la prière de Jésus à son Père forment l'Antienne de la Communion. Il les prononça après avoir nourri ses disciples de sa chair sacrée. Elles montrent son désir à notre éaard.

COMMUNION. ATER, cum essem cum

1 eis, ego servabam eos quos dedisti mihi, allé- luia : nunc autem ad te venio : non rogo ut tol- las eos de mundo, sed ut serves eos a malo, allé- luia, alléluia.

OPÈRE, lorsque j'étais avec eux, je gardais ceux que vous m'avez donnés, al- léluia ; maintenant je m'en vais à vous ; je ne vous de- mande pas de les ôter du monde, mais de les délivrer du mal, alléluia, alléluia.

L'action de grâces est le premier devoir du chrétien après la communion au corps et au

Le Dimancïie dans l'Oct. de l'Ascension. 20 j

sang de Jésus-Christ ; l'Eglise, qui connaît mieux que nous la grandeur du oienfait que nous avons reçu, demande dans la Postcom- munion que cette action de grâces demeure continuellement en nous.

EMPLIS de VOS dons sa- Y^ crés, faites. Seigneur, que nous vous en rendions désormais de continuelles actions de ffrâces. Par Jésus- Christ.

POSTCOMMUNIOX.

Q EPLETi. Domine, mu- 1 \ neribus sacris : da quaesumus ; ut in gratia- rum semper actione ma- neamus. Per Dominum.

On fait mémoire de la fête de l'Ascension, page 164.

A VÊPRES.

ANTIENNE DE MagnifiCOt

HRQ. locutus sum vo- bis, ut quum venerit hora eorum, reminisca- mini, quia ego dixi vobis, alléluia.

JE vous ai dit ces choses, afin que lorsque l'heure sera venue, vous vous souve- niez que je vous les ai dites, alléluia.

I~v lEU tout-puissant et éter- yj nel, faites que notre vo- lonté vous soit toujours dé- vouée, et que nous servions votre Majesté d'un cœur sin- cère. Par Jésus-Christ.

OMNIPOTENS sempi- terne Deus, fac nos tibi semper et devotam gerere voluntatem, et majestati tu?e sincero corde servire. Per Domi-

O FERONS à Jésus triomphant cette belle Hymne que l'Eglise emploie, à l'Office des Matines, le jour de l'Ascension et durant toute l'Octave. Elle exprime avec énergie le

20S

Le Temps Pascal.

mystère tout entier, et nous montre comment 'a chrétienté latine, dans l'antiquité, savait •cndre ses sentiments en présence du Rédemp- teur glorifié.

jj TERNE rex altissime, /t Redemptor et fide-

lium, Cui mors perempta de-

tulit Summœ triumphum glo-

rias.

Ascendis orbes side-

rum,

Quo te vocabat coelitus

CoUata, non humanitus,

Rerum potestas omnium.

Ut trina rerum ma- china Cœlestium, terrestrium Et inferorum condlta. Flectat genu jam sub- dita.

Tremunt videntes An-

geli Versamvicemmortalium: Peccat caro, mundat

caro. Régnât Deus Del caro.

Sis ipse nostrum gau- dium. Manens Olympo prae-

Roi éternel, Roi très-haut. Rédempteur des fidèles, 6 vous, à qui la victoire sur la mort désormais abattue a mérité le plus glorieux triom- phe.

En vous élevant aujour- d'hui, vous franchissez la ré- gion des astres, et vous allez vous asseoir sur le trône pour exercer le souverain pouvoir que le ciel, et non l'homme, vous a conféré.

C'est que vous recevez l'hommage des trois régions créées, le ciel, la terre et les enfers, qui, dans leur soumis- sion, fléchissent le genou de- vant votre majesté.

Les Anges contemplent avec stupeur la révolution qui s'est accomplie dans le sort des mortels; la chair avait péché, et la chair a tout purifié ; un Dieu fait chair étend partout son empire.

Soyez gresse, c

au ciel pour être notre ré- compense! Vous qui tenez les

donc notre alle- vous qui demeurez

Le Dimanche d.vns l'Oci. de l'Ascension. 2oq

rênes de ce monde, et nous aidez à triompher de ses dan- gereux attraits l

Daignez pardonner toutes nos offenses, et par l'énergie de votre grâce, attirez eu haut et vers vous nos cœurs ;

Afin qu'au jour vous paraîtrez soudain assis comme un juge sur la nuée, vous écartiez de nous les châ- timents que nous méritons, et nous rendiez la couronne que nous avions perdue.

A vous soit la gloire avec le Père et l'Esprit-Saint, dans les siècles éternels, ô Jésus qui, vainqueur aujour- d'hui, remontez dans les cieux 1

Amen.

Mundi régis qui fabri-

cam, Mundana vincens gaudia.

Hinc te precantes quaî- sumus. Ignosce culpis omnibus. Et corda sursum subleva Ad te superna gratia.

Ut cum repente cœpe- ris Clarere nube judicis, Pœnas repellas débitas, Reddas coronas perditas.

Jesu, tibi sit gloria, Qui Victor in cœlum

redis, Cum Pâtre et almo Spi-

ritu. In sempiterna sœcula.

Amen.

Terminons par cette prière que nous fournit le Bréviaire mozarabe.

NOTRE Sauveur et notre maître, vous qui, mon- tant aux cieux, avez dai- gné vous glorifier aux regards de ceux qui vous contem- plaient, leur promettant que votre retour comme juge se- rait semblable à votre départ, faites-nous aujourd'hui ac- cueillir avec une dévotion sincère la fête de votre As-

qALVator noster, et O Domine, qui ascen- dens in cœlos, intuen- lium clarificatus appa- rere dignatus es oculis dum ita ut nscenderas, venturum ad judicium polliceris; fac nos ho- diernœ Ascensionis ture festum pura cordium de- votione suscipere : ut ita

LE TEMPS PASCAL. T. III.

-:

210

Le Temps Pascal.

in te semper ad melius vita nostra ascendendo proficiat, qualiter ad ju- dicium vcnientem incon- fusibili contuitu te sem- per visionis ad spiciat. Amen.

cension, afin que notre vie s'élève sans cesse en vous à ce qu'il y a de meilleur, en sfirtc que nos yeux puissent se porter avec assurance sur vous, lorsque vous viendrez I pour le jugement.

(é^<ég^<^c.Wg»<^g^Wg^(^(^(^(^

LE LUNDI

DANS L'OCTAVE DR I ,' ^ ^'^F N^ !0N.

^~) Roi de gloire. Seigneur des armées, qui aujour- d'hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux, ne nous laissez pas orphe- lins; mais envoyez-nous l'Esprit de vérité, selon la promesse du Père, alléluia.

O

Rex glorire, Domi- ne virtutum , qui triumphator hodie super omnes cœlos ascendisti, ne derelinquas nos or- phanos ; sed mitte pro- missum Patris in nos Spiritum veritatis, alle-

K royauté sur les hommes n'est pas le seul diadème que reçoit noire divin triomphateur dans son Ascen- sion. L'Apôtre nous enseigne for- mellement que Jésus est aussi » Chef de toutes les Principautés et de toutes les Puis- sances 1 ». Au-dessus de la race humaine s'é- lèvent les degrés éblouissants de la hiérarchie angélique, l'œuvre la plus magnifique de la création. Après l'épreuve suprême, ces nobles et saintes milices décimées par la chute et la réprobation des rebelles, sont entrées dans la jouissance surnaturelle du souverain bien, et elles ont commencé le cantique sans fin

3ui retentit autour du trône de Dieu, et ans lequel elles expriment leurs adorations, leurs transports d'amour et leurs actions de grâces.

I. Col. II, 10.

Le Temps Pascal.

Mais une condition jusqu'à présent a man-

êué à leur entière félicité. Ces innombrables sprits si beaux et si lumineux, tout comblés qu'ils sont des dons de la muniticence divine, attendent un complément de gloire et de bonheur. Lorsqu'ils eurent été appelés du néant à la vie, Dieu leur vêla qu'il devait créer encore d'autres êtres, des êtres d'une nature inférieure à la leur, et que parmi ces êtres composés d'une âme et d'un corps, il en devait naître un que le Verbe éternel unirait à sa nature divine en une seule et même personne. Il leur fut manifesté que cette nature humaine dont la gloire, avec celle de Dieu même, a été le but de la création, serait appelée « le premier-né de toute créature i », et que tout Ange, ainsi que tout homme, devrait fléchir le genou devant elle, qui, après avoir été Viumi- liée sur la terre, serait gloriflée dans les cieux ; qu'enfin le moment viendrait toutes leshiérarchiescélestes, jusqu'aux Principautés et aux Puissances, jusqu'aux Chérubins et aux Séraphins, l'auraient pour Chef.

Jésus fut donc attendu par les Anges, comme il le fut par les hommes. Par les Anges, il fut attendu comme le perfectionnement suprême de leurs hiérarchies, dont la multiplicité arriverait par lui à l'unité, et qui seraient reliées plus étroitement à Dieu au moyen de cet ineffable intermédiaire qui réunirait en sa personne une nature divine et une nature créée ; par nous autres hommes, il fut attendu comme le réparateur rendu nécessaire par le péché qui nous avait fermé le ciel, et aussi

I. Col. I, i5.

Le Lundi dans l'Oct. de l'Ascension. 21 3

comme le médiateur éternellement prédes- tiné à venir prendre la race humaine aux confins du néant, pour la réunir à Dieu qui avait résolu de lui communiquer sa gloire. Ainsi, tandis que sur la terre les justes qui vécurent avant le jour le Verbe éternel fut conçu au sein de la plus pure des vierges, se rendaient agréables à Dieu en s'unissant à ce réparateur, à ce médiateur qui devait venir ; de même, au ciel, les hommages des Anges à la Majesté divine montaient jusqu'à elle par l'otfrande anticipée que lui adres- saient ces Esprits bienheureux, s'unissant à ce Chef dont la mission non réalisée encore était présente dans les décrets éternels de l'Ancien des jours.

Enfin la plénitude des temps 1 étant venue, comme parle l'Apôtre, « Dieu introduit sur la « terre son premier-né 2 », l'archétype de la création, et à cette heure sacrée ce ne sont pas les hommes qui adorent les premiers ce Chef de leur race ; le même Apôtre nous rappelle que ce sont les Anges qui lui ren- dent les premiers leur hommage 3. David l'avait prédit dans son sublime c'antique sur la venue de l'Emmanuel -^ : et il était juste qu'il en fût ainsi ; car l'attente des Anges avait duré plus longtemps, et d'ailleurs ce n'était pas en qualité de réparateur qu'il venait pour eux, mais uniquement comme le médiateur fermement espéré, qui devait les rattacher plus étroitement à l'infinie beauté, objet de leurs délices éternelles, et combler,

I. Gai. IV, 4. 2. Hcb. I, 6. 3. Ibià. 4.. Psalm. xcvL 7.

2 14 Le Temps Pascal.

pour ainsi dire, l'intervalle qui n'avait été rem- pli jusqu'alors que par leurs aspirations à le voirenfinoccuperlaplacequiluiétaitdestinée.

Alors s'accomplit cet acte d'adoration en- vers le Dieu-Homme, cet acte exigé des Es- prits célestes au commencement de toutes choses comme l'épreuve suprême, et qui devait, selon qu'il obtiendrait acquiescement ou refus, décider du sort éternel de ces nobles créatures. Avec quel amour et quelle soumis- sion ne l'avons-nous pas vu rempli, à Beth- lehem, parles Anges tidùles, lorsqu'ils virent leur Chef et le notre, le Verbe fait chair, reposant entre les bras de sa chaste mère, et qu'ils allèrent bientôt annoncer avec trans- port aux hommes représentés par les bergers l'heurease nouvelle de l'arrivée de ce com- mun médiateur!

Mais aujourd'hui ce nest plus sur la terre que les Esprits célestes contemplent le fils de Marie ; ce n'est plus sur la voie des humi- liations et des souffrances par lesquelles il lui a fallu passer pour lever d'abord l'obsta- cle du péché qui nous privait de l'honneur de devenir ses heureux membres: c'est sur le trône préparé à la droite du Père qu'ils l'ont vu s'élever, qu'ils le contemplent désor- mais, qu'ils s'unissent à lui étroitement, en le proclamant leur Chef et leur Prince. A cet instant sublime de l'Ascension, un frémis- sement de bonheur inconnu parcourt toute la succession des célestes hiérarchies, des- cendant et remontant des brûlants Séraphins aux Ansçesçiui avoisinent la nature humaine. Une félicité nouvelle, celle qui consiste dans la jouissance réelle d'un bien dont l'attente

Le Lundi dayis l'Oct. de l'Ascension. 21 5

est déjà remplie de délices pour le cœur d'une créature, opère un renouvellement de béatitude dans ces êtres privilégiés, que l'on eût pu croire parvenus à l'apogée des joies éternelles. Leurs regards se fixent sur la beauté incomparable de Jésus, et ces Esprits immatériels s'étonnent de voir la chair revêtue d'une splendeur qui dépasse leur éclat par la plénitude de grâce qui réside en cette nature humaine. Leur vue, pour plon- ger plus avant dans la lumière incréée, tra- verse cette nature inférieure à la leur, mais divinisée par son union avec le Verbe divin; elle pénètre à des profondeurs qu'elle n'avait pas sondées encore. Leurs désirs sont plus ardents, leur élan plus rapide, leurs concerts plus mélodieux ; car, ainsi que le chante la sainte Eglise, Anges et Archanges, Puissances et Dominati-ons, Chérubins et Séraphins, ils louent désormais la majesté du Père céleste par Jésus-Christ son Fils : per quem majes- tatem tiiam laudant Angeli.

Mais qui pourrait décrire les transports des Esprits célestes à l'arrivée de cette multitude d'habitants de la terre, membres comme eux du même Chef, se pressant sur ses pas et se partageant selon les diverses hiérarchies, la chute des mauvais anges laissait des places désertes ? La résurrection générale n'a pas encore restitué à ces âmes les corps aux- quels elles furent unies ; mais, en attendant, leur chair n'est-elle pas déjà glorifiée en celle de Jésus? Plus tard, à l'heure marquée, la trompette de l'Archange ayant retenti 1, ces

I. 1 Thess. IV, i5.

j6

Le Temps Pascal.

âmes bienheureuses reprendront leur vête- ment terrestre, désormais voue à l'immorta- lité. C'est alors que les saints Anges recon- naîtront avec un enthousiasme fraternel dans les traits d'Adam, notre ancêtre, ceux de Jésus son fils, ainsi que nous l'enseignent les plus anciens Pères, et dans les traits d'Eve, notre première mère, ceux desa fille Marie ; mais la ressemblance sera plus parfaite au ciel qu'elle ne l'était sous les ombrages du jardin des Délices. Vienne donc ce joïir glo- rieux, où le.splendide mystère de l'Ascension sera réalisé dans ses dernières conséquences ; les deux créations, angélique et humaine, s'embrasseront pour l'éternité dans l'unité d'un même Chef!

C AiNT Ambroise nous prêtera aujourd'hui ■^ sa voix pour célébrer le mystère du triomphe de la nature humaine en 'Jésus, par cette belle Hymne du Bréviaire de Milan.

OPTAT niut

PTATUS votis om- im

Sacratus illuxit dies Quo Cliristus, mundi

spes. Deus, Conscendit cœlos arduos.

Ascendens in altum

Dominus, Propriam ad scdem re-

means, Gavisa sunt cœli régna. Reditu Unigeniti.

LE jour tant désiré a lui en- fin à nos yeux; jour au- quel le Christ, espoir du monde, Dieu par essence, s'éleva jusqu'au sommet des cieux.

A l'arrivée du Seigneur dans ces hautes régions, à son retour sur le siège de sa gloire, les royaumes célestes ont été dans la jubilation, c'était le Fils unique qui arrivait.

Le Lundi dans VOct. de V Ascension. 21 y

Digne triomphe à la suite d'une si noble lutte! Après avoir abattu le prince du monde, il étale aux regards du Père les membres glo- rieux d'une chair qui a vaincu.

S'élevant sur les nuages, il sollicite à l'espérance le cœur des croyants ; car il leur ouvre le paradis que le premier père avait fermé.

O joie immense pour nous tous ! Voir le fils d'une Vier- ge de notre sang, après les crachats, les fouets et la croix, entrer en possession du trône de son Père.

Offrons nos actions de grâces à l'auteur de notre salut, pour avoir élevé en sa personne notre propre chair jusqu'aux honneurs des céles- tes palais.

Que la joie soit commune entre nous et les Anges ; car s'il vient s'offrir à leurs re- gards , nous pouvons dire qu'il n'a pas rompu avec nous.

Ce qui nous reste à faire, c'est d'attendre le Christ dans la pratique des bonnes œuvres, et de mener une vie

Magni triumphum praslii ! Mundi perempto prin- cipe, Patris praîsentatvultibus Victricis carnis gloriam.

Est elevatus nubibus Et spem fecit credenti-

bus, Aperiens paradisum, Quem protoplastus clau- serat.

O grande cunctis gau-

dium ! Quod partus nostrae Vir-

ginis, Post sputa, flagra, post

crucem, Paternœ sedi jungitur.

Agamusergo gratias Nostrœ salutis vindici, Nostrum quod corpus

vexerit Sublimem ad cœli re-

giam.

Sit nobis cum cœles-

tibus Commune manens gau-

dium, mis quod se praesentavit, Nobis quod se non abs-

tulit.

Nunc provocatis actibus Christum exspectare nos

decet, Vitaque tali vivere,

2l8

Le Temps Pascal.

Qu3e possit cœlos scan- qui dere.

Gloria tibi, Domine, Qui scandis super sidéra, Cum Pâtre et Sancto

Spiritu In sempiterna saecula. x\men.

soit digne d£s cicux.

A vous, Seigneur , qui vous élevez au-dessus des astres, gloire et honneur, avec le Père et le Saint-Es- prit, dans les siècles éternels. Amen.

Nous achèverons la journée par cette prière du Bréviaire mozarabe.

CHRISTE Dei virtus, et Dei sapientia, qui propter nos et nostram salutcm descendens e cœlis, humani generis carne vestiri dignatiises, ut dignissima societate nos tua Deitate vestires, et quod morîale descen- dendo susceperas, im- raortalitati ascendendo donares; tribue nobis interventu solemnitatis hodiernsE, qua te cœlos ascendente et sequi cupi- mus et gaudemus. ut benignissimœ dispensa- tionis hujus munera co- gnoscentes, rcddamus pietati tuae quod solum possumus, vota laudum ; exspectantcs secundi ad- ventus tui aeternorum so- latia gaudiorum.

O Christ, vertu et sagesse de Dieu, vous qui, des- cendu des cieux à cause de nous et pour notre salut, avez daigné revêtir la chair de l'homme, afin de nous revêtir nous-mêmes de Dieu par la plus noble alliance, et de gratifier de l'immortalité dans votre Ascension cette même chair que, descendu du ciel, vous aviez revêtue sujette à la mort, accor- dez-nous dans la solennité d'aujourd'hui, nous nous livrons à la joie de vous voir monter aux cieux et au désir de vous suivre, la faveur de comprendre toute l'étendue de vos bienfaits et de rendre à votre bonté le seul hom- mage que nous puissions lui offrir, celui de la louange, dans l'attente nous som- mes des joies éternelles dont votre second avènement doit ouvrir le cours.

LE MARDI DANS LOCTAVE DE L'ASCENSION.

(~\ Roi de gloire, Seigneur ^"^ des armées, qui aujour- d'hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux, ne nous laissez pas orphe- lins ; mais envoyez-nous l'Esprit de vérité, selon la promesse du Père, alléluia.

(^ Rex gloriœ. Domi- ne virtutum, qui triumphator hodie super omnes cœlos ascendisti, ne derelinquas nos or- phanos; sed mitte pro- missum Patris in nos Spiritum veritatis, allé- luia.

lE Seigneur de gloire est monté aux cieux, et selon Te langage de l'Apôtre, il y est entré comme « notre avant- coureur 1 » ; mais comment l'homme pourra-t-il le suivre jusqu'au séjour de toute sainteté, lui dont la voie est sans cesse en- travée par le péché, lui qui a plus besoin de par- don que de gloire? Or, c'est ici encore une des merveilleuses suites de cet auguste mystère de l'Ascension, dont nous ne saurions épuiser toute la richesse. Jésus ne monte pas au ciel seulement pour y régner ; il doit y résider aussi pour y être notre intercesseur, notre Pontife, chargé d'o-btenir en cette qualité le pardon de nos péchés, avec les grâces qui nous ouvriront le chemin pour arriver jus- qu'à lui. Sur la croix il s'offrit en victime pour nos péchés; son sang divin, épanché de

Le Temps Pascal.

tous ses membres, forma dès lors notre ran- çon surabondante ; mais le ciel demeurait terme aux rachetés jusau'à ce qu'il en eût franchi les portes, jusqu'à ce qu'il eût pénétré l'intime sanctuaire il doit exercer à jamais la charge de Pontife selon l'Ordre de Melchi- sédech 1^. Aujourd'hui le sacerdoce du Calvaire se transforme en un sacerdoce de gloire. Jésus est entré « au delà du voile, de ce voile qui était sa chair encore passible et mortelle » 2 ; il a pénétré dans le plus intime de la présence de son Père, et il est notre Pontife à jamais.

Il estle Christ, sacré d'une doubleonction, au moment sa personne divine s'unissait à la nature humaine : il est Roi, il est Pontife. Sa Royauté, nous l'avons acclamée les jours pré- cédents; aujourd'hui c'est son Sacerdoce que nous avons à reconnaître. Durant son passage en ce monde, quelques traits de l'un et de l'autre nous ont apparu ; mais cette Royauté et ce Pontificat ne devaient briller de tout leur éclat qu'au jour de l'Ascension. Suivons donc encore notre Emmanuel d'un œil res- pectueux, et considérons ce qu'il vient opérer dans le ciel.

L'Apôtre va d'abord nous donner la notion du Pontife dans sa sublime Epître aux Hébreux. Le Pontife, nous dit-il, est choisi par Dieu même, afin d'offrir des dons et des sacrifices pour les péchés; il est établi près de Dieu en faveur des hommes, dont il est l'ambassadeur et l'intercesseur ^. Or, telle est la qualité, tel est le ministère de Jésus dans les cieux, à partir de l'heure nous

I. Psalm. cix. 2. Heb. vi, 19; x, 20. S.lbid. v, i.

Le Mardi dans l'Octave de l'Ascension. 221

sommes. Mais si nous voulons pénétrer plus avant un si vaste et si profond mystère, il nous faut nous aider des symboles que nous offrent les livres saints ; ces symboles dont saint Paul lui-même a emprunté le secours, vont nous faire comprendre le rôle de notre Pontife.

Transportons-nous par la pensée dans le temple de Jérusalem. Nous traversons d'abord cette vaste enceinte à ciel ouvert, entourée de portiques, et au centre de laquelle s'élève l'autel sur lequel les victimes égorgées dont le sang s'écoule par de nombreux canaux, sont consumées selon le rite des divers sacri- fices. Nous nous dirigeons ensuite vers un lieu plus auguste, cet édifice couvert qui s'élève au delà de l'autel des holocaustes et qui resplendit de toutes les richesses de l'Orient. Entrons avec respect ; car ce lieu est saint, et Dieu même a donné à iMoïse le plan des ouvrages merveilleux qui le décorent et qui sont tous à sa gloire: l'autel des parfums, d'où s'exhale soir et matin la fumée de l'en- cens ; le Chandelier à sept branches qui étale avec complaisance ses lis et ses grenades ; la table sur laquelle reposent les pains de pro- position, hommage de notre race à celui qui fait mûrir les moissons sur la terre. Mais ce n'est pas encore sous ces lambris étincelants de l'or d'Ophir que s'est établie l'ineffable majesté de Jéhovah. Contemplez au fond de l'édifice ce voile d'un tissu précieux, riche- ment brodé d'images de Chérubins, et des- cendant jusqu'à terre. C'est là, derrière ce voile, que le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob fait sentir sa présence ; c'est que

Le Teynps Pascal.

repose l'Arche d'alliance, sur laquelle les deux Chérubins d'or étendent ' mystérieu- sement leurs ailes. Ce réduit sacré et inacces- sible se nomme le Saint des Saints; aucun homme ne pourrait, sans mourir, soulever ce voile, porter un regard téméraire dans cet asile terrible et entrer le Dieu des armées daigne habiter.

L'homme est donc banni du séjour Dieu habite. La sainteté divine l'exclut de sa présence comme indigne. Créé pour voir Dieu, pour être heureux éternellement par la vue de Dieu, l'homme, à cause de son péché, est condamné à ne le pas voir. Un voile lui dérobe la vue de celui qui est sa fin, et l'obstacle de ce voile est pour lui infran- chissable. Telle est la sévère leçon que nous donne le symbole formidable de l'ancien temple.

Une promesse miséricordieuse est néan- moins intervenue. Ce voile sera soulevé un jour, et laissera passage à l'homme ; mais à une condition, et cettecondition, nous allons la connaître en continuant de suivre les symboles de l'ancien temple . Entre tous les mortels exclus du Saint des Saints, il en est un cependant à qui il est donné une fois l'année de pénétrer derrière le voile. C'est le Pontife, Que s'il entre ce jour-là dans l'en- ceinte terrible, sans tenir entre ses mains le vase rempli du sang des deux victimes qu'il a immolées auparavant pour ses propres péchés et pour ceux de son peuple, il sera exterminé; si au contraire il remplit fidèle- ment l'ordre du Seigneur, il sera protégé par le sang qu'il porte, et il sera admis en ce

Le Mardi dans VOct. de l'Ascension. 2 23

jour unique à intercéder pour lui-même et pour Israël tout entier.

Qu'elles sont belles, qu'elles sont fortes, CCS figures de l'ancienne Alliance ! mais com- bien plus belle et plus forte est leur réalisa- tion dans l'inépuisable mystère de l'Ascension de notre divin libérateur ! Il était encore dans la période de ses humiliations volon- taires, que déjà sa puissance s'était fait sentir jusque dans ce réduit sacré sur lequel pla- nait la terreur de Jéhovah. Son dernier sou- pir sur la croix avait déchiré du haut en bas le voile du Saint des Saints, pour annoncer que bientôt l'accès auprès de Dieu allait être ouvert aux hommes comme avant le péché. Mais restait la victoire à remporter sur la mort par la résurrection ; restait encore la période de quarante jours que notre Pontife devait employer à organiser le sacerdoce véritable qui s'exercera sur la terre jusqu'à la consommation des siècles, en union avec celui qu'il va remplir lui-même au ciel.

Aujourd'hui, tous les délais sont accom- plis; les témoins de la résurrection l'ont constatée, les dogmes de la foi sont révélés dons leur ensemble, l'Eglise est constituée, les sacrements sont déclarés; il est temps que notre Pontife pénètre dans le Saint des Saints et qu'il y entraîne ses élus à sa suite. Suivons son vol des yeux de notre foi. A son approche, le voile abaissé depuis quatre mille ans se lève et lui livre passage. Jésus n'a-t-il pas, comme le Pontife de l'ancienne loi, offert le sacrifice préalable, le sacrifice non plus figuratif, mais réel, par l'effusion de son propre sang ? Arrivé en présence de

Le Temps Pascal.

la Majesté divine pour y exercer sa puissante intercession, qu'a-t-il à faire autre chose que de présenter à son Père, en notre faveur, ces blessures qu'il a reçues il y a peu de jours, et par lesquelles s'est épanché le sang qui satisfaisait d'une manière complète à toutes les exigences de la suprême justice ? Et pourquoi a-t-il tenu à conserver ccà augustes stigmates de son sacrifice, sinon pour s'en servir, comme notre Pontife, à désarmer le courroux céleste provoqué sans cesse par les péchés de la terre? Ecoutons l'apôtre saint Jean: « Mes « petits enfants, dit-il, je vous écris ceci, « afin que vous ne péchiez pas; mais si quel- « qu'un pèche, nous avons pour avocat Jé- « sus-Christ qui est juste i. » Ainsi donc, au delà du voile il pénètre aujourd'hui, Jé- sus traite avec son Père de nos intérêts, il met la dernière main aux mérites de son sacrifice, il est un Pontife éternel, un Pontife à l'intercession duquel rien ne résiste.

Saint Jean, qui a vu le ciel ouvert, nous décrit d'une façon expressive cette double qualité de notre divin Chef, victime et roi en même temps, sacrifié et néanmoins im- mortel. Il nous montre le trône de l'éter- nelle Majesté entouré des vingt-quatre vieil- lards sur leurs sièges et des quatre animaux symboliques, ayant en face les sept Esprits rayonnants de force et de beauté; mais le sublime prophète n'arrête pas son ineûa- ble description. Il entraîne nos regards jus- que sur le trône même de Jéhova\i; et nous apercevons debout au milieu de ce trône un

Le Mardi dans î'Oct. de V Ascension. 22 5

Agneau, mais un agneau « comme immolé » et toutefois revêtu des attributs de la force et de la puissance i. Qui oserait tenter d'expli- quer de telles images, si notre grand mys- tère d'aujourd'hui^ ne nous en donnait la clef? Mais avec quelle facilité tout s'éclaircit à sa lumière! Aux traits que nous révèle l'A- pôtre nous reconnaissons notre Jésus, Verbe éternel, et en sa qualité de Verbe éternel sié- geant sur un même trône avec son Père au- quel il est consubstantiel. Mais en même temps il est Agneau : car il a pris notre chair, afin d'être égorgé pour nous comme une vic- time ; et ce caractère de victime demeure en lui pour l'éternité. Le voici donc dans toute sa majesté de Fils de Dieu, debout, et posant avec une dignité souveraine; mais en même temps il apparaît comme immolé. Les cica- trices des blessures que lui a faites le couteau du sacrifice demeurent à jamais visibles; c'est identiquem.ent l'Agneau du Calvaire qui" consomme éternellement dans la gloire l'im- molation qu'il accomplit douloureusement sur la croix.

Telles sont les merveilles que l'œil des An- ges contemple « à l'intérieur du voile ~ », et que notre œil verra aussi, lorsque nous aurons franchi le voile à notre tour. Nous ne sommes pas destinés à rester au dehors, comme le peuple juif qui voyait une fois l'an son Pontife disparaître quelques instants derrière la courtine qui fermait l'accès du Saint des Saints. Voici que l'Apôtre nous enseigne que « Jésus notre avant-coureur,

I. Apoc. IV, V. 2. Heb. VI, 19.

LE TEMPS PASCAL. T. III.

2 20 Le Temps Pascal.

« Jésus Pontife à jamais, est entré pour nous u dans le sanctuaire* » ; entré pour nous! qu'est-ce à dire, sinon gu'il nous y précède, et que nous l'y suivrons ? Il est juste qu'il en- tre le premier; mais c'est comme avant- coureur (^u'il entre. Dès aujourd'hui même il n'est déjà plus seul à l'intérieur du voile; la foule des élus qui montait après lui a pénétré à sa suite, et à partir de ce moment, le nombre de ceux qui seront admis va s'ac- croître d'heure en heure. Nous ne sommes aue de pauvres pécheurs, et l'Apôtre nous it que « nous sommes déjà sauvés en es- « pérance »-; et notre espérance, c'estde péné- trer un jour dans le Saint des Saints. Alors nous répéterons avec les Anges, avec les vingt-quatre vieillards, avec les millions d'êtres glorifiés, cette acclamation éternelle : « A l'Agneau qui fut immolé, puissance et c divinité! sagesse et force! honneur, gloire « et bénédiction, dans les siècles des siècles! « Amen-' ! »

p ouR terminer la journée, nous emprunte- * rons aujourd'hui cette antique Séquence que le pieux Notker composa au ix« siècle, pour l'abbaye de Saint-Gall.

CHRISTUS hune diem jucundum Gunctis concédât esse christianis. Amatoribus suis.

SEQUENCE.

DAIGNE le Christ rendre favorable cette journée aux chrétiens qu\ lui olTrenl

leur amour.

I. Heb. VI, 20. 2. Rom. viii, 24. 3. Apoc. v, 13.

Le Mardi dans VOci. de V Ascension. 22 j

Ghriste Jesu, FiliDei, Mediator nostras natura; Ac Divinœ.

O Christ ! ô Jésus, Fils de Dieu ! tu réunis en ta per- sonne la nature divine et la nôtre.

Dieu éternel, tu as visité la terre ; homme nouveau, tu as traversé les airs dans ton vol.

Les Anges et les nuées t'environnent dans ton retour vers ton Père.

Comment s'en étonner , lorsque, dans ton berceau, l'étoile s'unissait aux Anges pour accomplir tes ordres ?

En ce jour, Seigneur, tu as inspiré aux hommes un nou- veau et cher désir, l'espérance des biens célestes.

C'est la nature humaine vé- ritable que tu as emportée r.u delà des limites s'arrêtent les astres, ô Roi des rois.

Quelle joie remplit le cœur de tes Apôtres, auxquels tu accordes la faveur de te con- templer dans ton retour vers les cieux !

Avec quels transports joyeux les neuf chœurs des Anges se portent à ta ren- contre !

Terras Deus visitasti aeternus, jEthera novus homo Transvolans.

Officiis te Angeli at- que nubes Stipant, ad Patrem Reversurum.

Sed quid miruin, Cum lactanti adhuc Stella tibi serviret Et Angeli ?

Tu hodie tcrrestribus Rem novam et dulcem Dedisti, Domine,

Sperandi cœlcs- tia.

Tu hominem non fic- tum Levando super sidercas metas,

Regum Domine.

Quanta gaudia Tuos replent Apostolos, Quis dedisti cernere

Te cœlospergere.

Quam hilares In coelis tibi occurrunt Novem ordines.

228

Le Temps Pascal.

In hiimeris portanti Diu dispersum a lupis, Gregem unum,

Quem. Christe, Bonc Pastor, Tu dignare custodire. Amen.

Tu portes sur tes épaules la brebis du troupeau, de ce troupeau dispersé longtemps par les loups, mais que tu as réuni dans l'unique bercail.

O Christ, bon Pasteur, dai- gne être son gardien toujours.

Amen.

Complétons les hommages de ce jour par ces deux éloquentes oraisons du Bréviaire mozarabe.

DOMINE Jesu Christe, Creator astrorum , qui inclinasti capita nu- bium, dura te humiliasti in conversatione morta- lium ; ut in eo corpore, quo pro nobis probra sustinuisti impiorum, in ipso ascenderes super omnes cœlos cœlorum, et laudes sumeres Angelo- rum : exaudi nos propi- tius, et hoc nobis con- cède placatus, ut. abso- luti criminibus, illuc te nunc prœvium sequamur corde, quo tu ascendisti glorificatus in homine ; ut te etiam tune contem- plari possimus condito- rem et Dominum œter- num in .Majestate, quem nunc verum Deum rra?- stolamur et j u d i c^ m. Amen.

SEIGNEUR Jésus-Christ, _ créateur des astres, qui avez incliné les cieux en vous humiliant jusqu'à vivre avec les mortels, et qui. dans ce même corps qui a supporté pour nous les opprobres des impies, deviez monter au- dessus des cieux et recevoir 1 e s applaudissements des Anges ; soyez-nous propice, laissez -vous apaiser, et accor- dez-nous qu'étant absous de nos péchés, nous vous sui- vions de cœur, comme notre avant-coureur , vous êtes monté en glorifiant votre humanité ; afin que nous puissions un jour vous con- templer dans votre Majesté comme le créateur et le Sei- gneur éternel, vous en qui maintenant nous confessons le vrai Dieu et attendons notre juge. Amen.

Le Mardi dans VOct. de V Ascension.

2g

CAPITULA.

SEIGNEUR Jésus-Christ qui êtes monté sur les cieux des cieux à l'Orient après avoir triomphé de l'Occident, daignez perfectionner en vous ceux dont vous avez pris sur vous le rachat, et que vous devez enlever jusqu'aux cieux. Complétez la gloire de votre corps en attirant vos membres en ce séjour vous, qui êtes le Chef, nous avez précédés avec tant de splendeur, et n'abandonnez pas à l'Occident de ce monde ceux que, dans votre triom- phe , vous devez emporter vers l'éternel Orient.

C-, OMINE Jesu Christe, qui ascendisti super cœlos cœlorum ad Orien- tera, Occasum devincens ; quos in te suscepisti re- dimendos, in te perfice ad excelsa toUendos : ut ubi caput prœcessisti glo- rificatum , illuc totum corpus adtrahas hono- randum : nec in Occi- duum mundi relinquas, quos ad Orientem perpe- tuum versus triumphator exaltas.

^^^^^^^^

LE MERCREDI DANS LOCTAVF. DE I, ASCENSION

OREXgloriaî, Domine virtutum, qui trium- phatorhodie superomnes cœlos ascendisti, nedere- linquas nos orphanos ; sed mitte promissum Pa- tris in nos Spiritura ve- ritatis, alléluia.

ORoi de gloire, Seigneur des armées, qui aujour- d'hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux, ne nous laissez pas orphe- lins ; mais envoyez-nous l'Esprit de vérité, selon la promesse du Père, alléluia.

.BAISSONS sur la terre nos regards, que nous avons tenus jusqu'ici tixés au ciel pour y suivre Celui qui nous a quittés. Recherchons maintenant les effets du divin mystère de l'Ascension jusque dans notre humble et passagère de- meure, où le Fils de Dieu a cessé de résider visiblement. Quel étonnant spectacle attire notre attention ici-bas ! Ce Jésus, qui monta aux cieux en ce jour, sans que la ville de Jé- rusalem s'en émût, sans qu'elle s'en fût même aperçue, sans que le genre humain s'ébranlât à la nouvelle du départ de son hôte divin ; ce même Jésus, en ce simple an- niversaire d'aujourd'hui, dix-neuf siècles après l'événement, émeut encore la terre tout en- tière de l'éclat de son Ascension. En nos tris- tes jours la foi est languissante; quelle est cependant la région du globe n'habitent pas les chrétiens, soit à l'état de peuple, soit

île Mercredi dans l'Oct. de V Ascension. 23 1

à l'état d'individus? c'en est assez pour que l'univers entier entende dire que Jésus est monté aux cieux, et que ce jour est consacré à fêter sa glorieuse Ascension.

Durant trente-trois années il vécut de notre vie sur la terre. Fils éternel de Dieu, son séjour parmi nous fut ignoré de toutes les nations sauf une seule. Cette nation le crucifia; les Gentils ne l'eussent pas même regardé ; car « la lumière a beau luire dans 0 les ténèbres, les ténèbres ne la compren- « nent pas ' »; et Dieu a pu « venir dans « son œuvre même, et ne pas être accueilli « par les siens '■^. » Au sein du peuple préparé pour sa visite, sa parole a été cette semence qui tombe sur un terrain pierreux et ne germe pas, dans les épines et est bientôt étouffée par elles, et qui rencontre à peine un coin de cette bonne terre elle peut fructifier s. Si, à force de patience et de bonté, il main- tient autour de lui quelques disciples, leur confiance en lui est demeurée faible, hési- tante, toujours prête à s'éteindre.

Et néanmoins, depuis la prédication de ces mêmes Apôtres, le nom et la gloire de Jésus sont partout ; en toutes les langues, dans toutes les races, il est proclamé"" le Fils de Dieu incarné ; les peuples les plus civilisés comme les plus barbares sont venus à lui ; on fête sa naissance dans Tétable de Beth- léhem, sa mort douloureuse sur la croix il paya la rançon du monde coupable, sa résur- rection par laquelle il confirma la rnission divine qu'il était venu accomplir, enfin son

I. JoHAN. I, 5—2. Ibid. 1 1. 3. Mattm. xni.

2? 2 Le Temps Pascal.

Ascension qui le fait asseoir en ce jour Homme-Dieu, à la droite de son Père. Dans Punivers entier la grande voix de l'Eglise fait retentir le mystère de la glorieuse Tri- nité, qu'il est venu révéler au monde. Cette sainte Eglise qu'il a fondée enseigne à toutes les nations la vérité révélée, et dans toutes les nations elle rencontre des âmes dociles qui répètent son symbole.

Comment s'est accomplie cette merveille ? comment a-t-elle persévéré et persévère- l-elle depuisdix-neufsiècles ? Jésus, qui s'élève au ciel en ce jour, nous l'explique d'un seul mot : ce Je m'en vais, dit-il, et il vous est avan- « tageux que je m'en aille. » Qu'est-ce à dire, sinon que, dans notre état actuel, il y a pour nous c^uelque chose de plus avantageux que sa présence sensible ? Cette vie n'est donc pas le moment de le voir et de le con- templer, même dans sa nature humaine. Pour le connaître, pour le goûter, même dans cette humaine nature, un autre élément nous est nécessaire : c'est la foi. Or, la foi aux mystères du Verbe incarné ne commence à régner sur la terre qu'à partir du moment il cesse d'être visible ici-bas.

Qui pourrait dire la force triomphante de la foi? Saint Jean l'appelle d'un nom glo- rieux. <L La foi, dit-il, c'est la victoire qui « abat le monde sous nos pieds *. » C'est elle qui a abattu aux pieds de notre divin Chef absent de ce monde, la puissance, l'or- gueil et les superstitions de la société anti- que ; et l'hommage en est monté jusqu'au

I. JOHAN. y, 4.

Le Mercredi dans VOct. de V Ascension. 233

trône prend place aujourd'hui Jésus, Fils de Dieu et fils de Marie.

Saint Léon le Grand, le sublime interprète du mystère de l'Incarnation, a pénétré cette doctrine de son couf? d'œil toujours si sûr, et il l'a rendue avec l'éloquence qui lui est fa- milière. « Après avoir accompli la prédica- tion de l'Evangile et les mystères de la nou- velle Alliance, nous dit-il, Jésus-Christ notre Seigneur s'élevant au ciel sous les yeux de ses disciples, a mis un terme à sa présence corporelle ici-bas, et il doit demeurer à la droite de son Père jusqu'à ce que soient accomplis les temps divinement destinés à la multiplication des enfants de l'Eglise; après quoi il reviendra pour être le Juge des vivants et des morts, dans la même "chair avec laquelle il est monté. Ainsi donc, tout ce qui avait été visible ici-bas en notre Rédemp- teur a passé dans Tordre des Mystères; et afin de rendre la foi plus excellente et plus ferme, la vue a été remplacée par un en- seignement dont l'autorité, entourée d'un rayonnement céleste, entraîne les cœurs des croyants.

«C'est par la vertu de cette foi dont l'As- cension du Seigneur a accru l'énergie, et que le don de l'Esprit-Saint est venu fortifier, que ni les chaînes, ni les cachots, ni l'exil, ni la faim, ni les bûchers, ni la dent des bêtes féroces, ni les supplices inventés par la cruauté des persécuteurs, n'ont pu effrayer les chrétiens. C'est pour leur fidélité à cette foi que, dans le monde entier, non seule- ment des hommes, mais même des femmes, non seulement des enfants et des adolescents.

234 Le Temps Pascal.

mais des jeunes filles délicates, ont combattu jusqu'à l'ellusion de leur sang. C'est cette foi qui a chassé les démons, fait disparaître les maladies, ressuscité les morts. De là, nous avons vu les bienheureux Apôtres eux-mêmes qui, après avoir été confirmés par tant de miracles, instruits par tant de discours du Seigneur, s'étaient laissé eifrayer par, les indignités de sa Passion, et n'acceptèrent la vérité de sa résurrection qu'après avoir hésité ; nous les avons vus changés aussitôt après son Ascension, à tel point que les choses qui jusqu'alors ne leur inspiraient que de la terreur, devinrent tout à coup pour eux une source d'allégresse. Toute la force du regard de leur âme s'était dirigée sur la divinité de celui qui est assis à la droite du Père ; la vue de son corps ne retar- dait plus la vigueur de leur œil, dès lors qu'ils pénétraient le Mystère, et arrivaient à comprendre qu'en descendant des cieux il ne s'était pas séparé de son Père, pas plus qu'en y remontant il ne s'était isolé de ceux qui avaient été ses disciples.

« Le moment donc le Fils de l'homme, qui est aussi le Fils de Dieu, s'est manifesté d'une façon plus excellente et plus auguste, est celui il s'est retiré dans la gloire et la majesté de son Père; car c'est alors que, par un procédé ineffable, il s'est rendu plus pré- sent par sa divinité, à mesure que son huma- nité s'éloignait de nous davantage. C'est alors que la foi plus éclairée que l'œil terrestre s'est approcnée d'un pas plus ferme de celui qui est le Fils égal au Père, qu'elle n'a plus eu besoin de palper dans le Christ cette

Le Mercredi dans VOct. de V Ascension. 235

nature humaine par laquelle il lui est infé- rieur. La substance de ce corps glorifié est demeurée la même; mais la foi des croyants avait désormais son rendez-vous non plus une main de chair, mais une intelligence spirituelle est admise à toucher le Fils égal au Père. De vient que le Seigneur ressus- cité, lorsque Marie-Madeleine, qui représen- tait l'Eglise, s'élançait pour saisir ses pieds, l'arrêta par ces paroles : a Ne me touche pas; car je ne suis pas monté encore vers mon Père » ; comme s'il eût dit : « Je ne veux plus que tu arrives à moi par une \o\ç. sensible, ni que tu me reconnaisses au contact humain; je t'ai réservée à une plus sublime expérience; j'ai préparé pour toi un sort plus digne d'en- vie. Lorsque )e serai monté vers m.on Père, c'est alors que tu me saisiras, mais d'une manière plus parfaite et plus vraie, parce que les sens étant dépassés, la foi te révélera ce que tes yeux ne verront pas encore i. »

Il est donc inauguré par le départ de notre Emmanuel, ce règne de la foi qui doit nous préparer à l'éternelle vue du souverain bien; et cette heureuse foi, qui est notre élément, nous donne en même temps toute la lumière compatible avec notre faible condition pré- sente pour saisir et adorer le \'erbe consub- stantiel au Père, et pour avoir l'intelligence des Mystères que ce Verbe incarné a opérés ici-bas dans son humanité. Un grand nom- bre de siècles nous sépare du moment il se rendit visible sur la terre, et nous le con- naissons mieux que ne le connurent et ne le

I. De Ascensione Domini, Sermo ii.

2 36 Le Temps Pascal.

goûtèrent ses propres disciples avant son Ascension sur le mont des Oliviers. Il nous était donc véritablement avantageux qu'il s'éloignât ; sa présence eût gêné l'essor de notre foi, et notre foi seule pouvait remplir rintervalie qui le sépare de nous, jusqu'à ce que nous ayons pénétré « à l'intérieur du voile ».

Combien est profond l'aveuglement de ces hommes qui ne sentent pas la puissance sur- humaine de cet élément de la foi, par lequel le monde a été non seulement vaincu, mais transformé ! Ils prétendent avoir découvert la fabrication des Evangiles, et ils ne voient pas cet Evangile vivant qui résulte de dix- neuf siècles de foi unanime, qui ressort de la confession généreuse de tant de millions de martyrs, de la sainteté de tant de justes, de la conversion successive de tant de nations, à commencer par les plus civilisées et à linir par les plus barbares. Certes, celui-là qui, après avoir visité un coin de cette terre durant quelques années, n'a eu besoin que de dis- paraître pour attirer à lui la foi des plus grands génies comme des coeurs les plus sim- ples et les plus droits, est bien ce qu'il nous a dit être : le Fils éternel de Dieu. Gloire et action de grâces soient donc à vous, Seigneur, qui, pour nous consoler de votre départ, nous avez "donné la foi par laquelle l'œil de notre âme s'épure, l'espérance de notre cœur s'en- flamme, et les divines réalités que nous pos- sédons se font sentir à nous dans toute leur puissance ! Conservez en nous ce don précieux de votre bonté toute gratuite, accroissez-le sans cesse, faites qu'il s^épanouissedans toute

Le Mercredi dans VOct. de V Ascension. 23 j

sa maturité, au moment solennel qui doit précéder celui vous vous révélerez à nous face à face.

N'

ous célébrerons aujourd'hui le mystère de l'Ascension en empruntant la voix d'une de nos Eglises les plus septentriona- les, tombée, hélas! comme toutes ses sœurs de la Suède, sous le joug du luthéranisme. C'est une Séquence tirée du dernier missel d'Abô, dans la Finlande. La composition de cette pièce se rapporte au xiv^ ou au xv" siècle.

SEQUENCE.

NATIONS, applaudissez, me- nez des chœurs de fête : le Christ triomphe, il re- monte victorieux, traînant après lui les dépouilles qu'il a conquises ; il monte au son joyeux de la trompette.

Oh ! quelle gloire entoure aujourd'hui le Fils du souve- rain Seigneur ! Comme il s'élève, le fruit de la terre, au-dessus de tous les trônes du ciel.

De même que Moïse étant entré dans le Tabernacle, le peuple est entraîné à contem- pler un spectacle si étonnant ; ainsi les hommes de Galilée ne peuvent détacher leurs re-

OMNES gentes plau- dite, Festos choros ducite, Christo triumphan- te; Redit cum Victoria, Capta dacens spolia, Tuba jubilante.

Papas! quam magnifi-

cum Hodie dominicum

Germen gloriatur ! Terr« fructus hodie Super thronos curias

Cœli sublimatur.

Intrat tabernaculum Moyses, et populum Trahit ad spectaculum Tantœ virtus rei : Stant suspensis vultibus, Intendentes nubibus

238

Le Temps Pascal.

Jesum subducentibus, Viri Galilaîi.

Dum Elias sublcva-

tur, Elis.To duplex datur

Spiritus et pallium : Alta Christus dum cons-

cendit, Servis suis mnas appen-

dit

Gratiarum omnium.

Transit Jacob hune

Jordanem, Luctum gerens non ina-

nem,

Crucis usus baculo ; Redit turmis cum dua-

bus, Angelis et animabus,

Et thesauri saccu- lo.

Hic est fortis,

Qui de mortis

Victor porîis Introit cum gloria ;

Rex virtutum,

Cujus nutum

Et obtutum Trina tremit régla.

Vocac Pater Filium Ad consessus solium, Donec suppedaneos, \^ictos vel spontaneos,

Ponat inimicos. Sedet in altissimis, Fruitur potissimis ; Redit ex novissimis Judicans ex intirais

gards de la nuée qui leur a soustrait Jésus.

Elic s'élève au ciel, laissant à Elisée son double esprit et son manteau; le Christ, mon- tant à son tour, fait part à ses serviteurs du trésor de ses grâces.

Le véritable Jacob a passé le Jourdain, et à travers la souffrance, se servant de la croix pour bâton, aujourd'hui il revient escorté de deux ba- taillons, les Anges et les âmes rachetées, et il porte avec lui le trésor qu'il a conquis.

C'est le vaillant qui. vain- queur des portes de la mort, entre avec gloire; c'est le Seigneur des armées, dont un signe, un regard, fait trembler le triple univers.

Le Père invite son Fils à s'asseoir sur le trône jusqu'à ce qu'il ait réduit, de gré ou de force, ses ennemis à lui servir de marchepied. Le voi- là siégeant au plus haut des cieux, en possession d'hon- neurs infinis ; mais à la fin il doit revenir, pour juger les

Le Mercredi dansVOct. dj l'Ascension.

3 g

bons et les méchants sur leurs actions même les plus secrètes.

Dieu vengeur, venez avec clémence, en ce jour nous serons présentés en face de votre trône ; en cette vie, faites-nous goûter dès le ma- tin votre miséricorde ; et transportez nous bientôt dans la vie éternelle, pour y pren- dre part à la gloire future.

Amen.

Nous terminerons, comme les jours précé- dents, par une des belles prières du Bréviaire mozarabe dans le cours de l'Octave.

Justos et iniquos.

Vcni, Deus ultionum, Veni cum clemcntia : Dum sistemur ante thro-

num Tua in prassentia : Mane nobis tune auditam Fac misericordiam ; In perennem transfer vi-

tam Ad futuram gloriam. Amen.

SEIGNEUR Jésus-Christ, qui avez élevé avec tant de gloire votre trône dans votre cité de Jérusalem qui est l'Eglise ; vous qui en avez fait si glorieusement la conquête, et qui de son sein vous élevez dans un si beau triomphe jusqu'au Père, et nous manifestez les grandeurs de votre Ascension dans la nature humaine que vous avez revêtue, daignez agréer nos vœux et accepter nos œuvres, afin que nous puissions posséder le royaume avec vous dans la gloire éter- nelle. Amen.

DOMINE Jesu Christe, qui sublimius exal- tasti thronum tuum in Jérusalem civitatem tu- am. quîe est utique Ec- clesia, dum eara gloriose conquiris et ab ea trium- phaliter ad Patrem as- cendis : dum in assump- to homine Assumptionis tuae gloriam manifestas : sint ergo in nobis, et vota tibi placita, et opé- ra ipsa accepta ; ut ex hoc tecum possideamus regnum in gloria sempi- terna. Amen.

-?i^

LE JEUDI OCTAVli DE L'ASCENSION.

OREXgloriae, Domine virtutum.qui trium- phator hodie super om- nes cœlos ascendisti, ne derelinquas nos orpha- nos ; sed mitte promis- sura Patris in nos Spiri- tum veritatis, alléluia.

^~\ Roi de gloire. Seigneur ^^ des armées, qui aujour- d'hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux, ne nous laissez pas orphe- lins ; mais envoyez-nous l'Es- prit de vérité, selon la pro- messe du Père, alléluia.

[oùs avons vu comment l'Ascension de notre Emmanuel lui a assuré ici-bas un premier triomphe par la foi, qui lui' donne l'empire sur les intelligences. Une seconde victoire ressort du même mystère : c'est la victoire de l'amour qui fait régner Jésus sur les cœurs. Depuis dix-neuf siècles, en qui les hommes ont-ils cru fermement, universellement, si ce n'est en lui ? Quel autre point de ralliement ont eu les intelligences, si ce n'est dans les dogmes de la foi ? Quelles ténèbres ce divin flambeau n'a-t-il pas éclairées ? Quelles clar- tés n'a-t-il pas projetées sur les peuples qui ont accueilli sa lumière? En quelles ombres n'a-t-il pas laissé ceux qui, après l'avoir accueilli, ont fermé plus tard leurs yeux à ses rayons ?

De même on peut bien le dire, depuis l'As- cension de notre Rédempteur nul n'a été aimé des hommes de tous les lieux et de

L'Octave de l'Ascension. 241

toutes les races comme il l'a été, comme il l'est encore, comme il lésera jusqu'à la fin. Or, il fallait qu'il se retirât pour être ainsi aimé, comme il le fallait pour que nous crus- sions en lui. « Il vous est avantageux que je « m'en aille » ; ces mômes paroles nous ser- viront encore aujourd'hui à mieux pénétrer le mystère. Avant l'Ascension, les disciples étaient aussi chancelants dans leur amour que dans leur foi ; Jésus ne pouvait compter sur eux; mais à peine a-t-il disparu à leurs regards, qu'un élan inconnu s'empare de leurs cœurs. Au lieu de plaindre leur aban- don, ils rentrent pleins de joie dans Jérusa- lem. Heureux du triomphe de leur Maître, oublieux d'eux-mêmes, ils s'empressent de lui obéir en se rendant au Cénacle, la Vertu d'en haut doit venir les visiter. Étudiez ces hommes dans les années qui vont suivre, parcourez leur carrière jusqu'à la mort ; comptez, si vous pouvez, les actes de leur dévouement dans l'immense labeur de la pré- dication de l'Evangile, et dites si un autre mobile que l'amour de leur Maître les a soutenus et rendus capables de tout ce qu'ils ont fait. Avec quel empressement ils ont bu son calice ^ ! Avec quel transport ils ont salué sa croix, lorsqu'ils l'ont vue dressée pour eux-mêmes !

Mais ne nous arrêtons pas à ces premiers témoins ; ils avaient vu le Christ , ils l'avaient entendu , ils l'avaient touché de leurs mains -. Tournons nos regards sur les générations qui ne l'ont connu que

I. MatTH. XX, 2.3. 2 I JOHAN. I, I.

LE TEMPS PASCAL.

242 Le Temps Pascal.

par la foi, et voyons si cet amour qui triom- phe dans les Apôtres, a fait défaut chez les chrétiens un seul jour dans le cours de dix- huit siècles. C'est d'abord la lutte du martyre qui n'a jamais totalement cessé depuis la promulgation de l'Evangile, et qui occupe trois cents ans pour le début. Par quel motif tanide millions de héros et d'héroïnes ont-ils couru au-devant des tortures les plus affreuses, bravé en souriant la flam.me des bûchers, la dent des bctcs féroces, si ce n'est pour prouver au Christ leur amour ? Rappe- lons-nous ces terribles épreuves qu'ont acceptées avec tant d'empressement non seu- lement des hommes aguerris à la souffrance, mais des femmes délicates, de jeunes vierges et jusqu'à des enfants. Remettons-nous "en mémoire tant de sublimes paroles, noble élan du cœur qui aspire à rendre au Christ mort pour mort, et n'oublions pas que les martyrs de nos jours, en Chine, au Tongking, dans la Cochinchine, dans la Corée, ont ref^roduit textuellement, sans s'en douter, en présence de leurs ju^es et de leurs bourreaux, le langage que tenaient leurs prédécesseurs devant lès proconsuls du m" et du iv^ siècle.

Oui, certes, il est aimé comme nul ne le sera jamais, ni ne le pourrait être, notre divin Roi qui s'est enfui aux cieux; car de- puis son départ, on ne saurait compter les millions d'âmes qui, pour s'unir à lui unique- ment, ont foulé aux pieds les séductions de l'amour terrestre, et n'ont voulu connaître d'autre amour que le sien. Tous les siècles, même le nôtre dans sa triste défaillance, les ont vus, et Dieu seul en connaît le nombre

L'Octave de V Ascension. 243

Il a été aimé sur cette terre, notre Emma- nuel, et il le sera jusqu'au dernier jour du monde, ainsi qu'en fait foi, dans toute la suite des temps, le généreux abandon des biens terrestres, dans'^le but de conquérir la ressemblance avec l'enfant de Bethléhem; abandon pratiqué si souvent par les per- sonnes les plus opulentes du siècle ! Que serait-ce s'il nous fallait signaler tant de sacrifices de la volonté propre obtenus de l'orgueil humain, afin de réaliser dans l'hu- manité le mystère de l'obéissance de l'Homme- Dieu sur la terre, et les innombrables traits d'héroïsme offerts par la pénitence chrétienne, qui continue et complète ici-bas avec tant de générosité les satisfactions que l'amour du kédempteur pour les hommes lui fit accepter dans sa douloureuse Passion ?

Mais cette inextinguible ardeur pour Jésus envolé au ciel, ne s'est pas trouvée satisfaite encore de tant de dévouements. Jésus avait dit : « Tout ce que vous ferez en faveur du « moindre de vos frères, c'est à moi que « vous l'aurez fait » ; l'amour pour le Christ s'est emparé de cette parole, et depuis le commencement jusqu'aujourd'hui , il s'est livré à un autre genre de recherche pour atteindre, à travers le pauvre, jusqu'à Jésus qui réside en lui. Et comme la première de toutes les misères de l'homme est l'ignorance des vérités divines, sans lesquelles il ne peut être sauvé, chaque époque a fourni une suc- cession d'apôtres qui, renonçant aux liens les plus doux de la patrie et de la famille, s'élancent au secours des peuples assis dans l'ombre de la mort. Qui pourrait dire les

244 ^^ Temps Pascal.

fatigues qu'ils assument dans un tel labeur, les "tourments qu'ils bravent, afin que le nom de Jésus soit annoncé, qu'il soit aimé d'un sauvage, glorifié par un Chinois ou par un Indou?

S'agit-il de consoler les douleurs du Christ ou de panser ses plaies dans ses frèreslcs plus disgraciés ? n'allez pas croireque l'amour qui réside dans lesfiidèles de son Eglise fasse jamais défaut. Comptez plutôt les membres de ces associations charitables qui se sont vouées au soulagement des pauA'res et des malades, depuis qu'il a été possible aux chrétiens de développer au grand jour leurs plans pour l'exercice de la charité. Voyez le sexe le plus faible, décimé chaque année par les plus nobles vocations, payer avec un empresse- ment héroïque son tribut au chevet des in- firmes et des mourants. Le monde lui-même s'en émeut, les économistes s'étonnent d'être obligés de compter avec un élément indis- pensable aux sociétés, et qui échappe à toutes leurs spéculations. Heureux s'ils en venaient jusqu'à reconnaître celui dont l'amour seul opère toutes ces merveilles !

Mais ce que l'œil de l'homme peut attein- dre n'est rien : il ne saisit que ce qui paraît à l'extérieur. Nul ne saurait donc appréciera quel point Jésus a été aimé et l'est encore sur la terre. Qu'on se retrace les millions de chrétiens qui ont passé ici-bas depuis l'ori- gine de l'Eglise. Parmi eux, sans doute, il en est beaucoup qui ont eu le malheur de manquer leur hn ; mais quelle multitude innombrable a aimé le seigneur Christ de tout son cœur, de toute son ame et de toutes

L'Octave de l'Ascension. 245

ses forces ! Les uns l'ont aimé constamment, d'autres ont eu besoin d'être rappelés par sa miséricorde, mais ils se sont endormis dans son baiser. Comptez, si vous pouvez, les actes vertueux, les sacrifices sublimes, en dix- huit siècles, au sein de cet immense peuple chrétien que nous verrons se dérouler tout entier au dernier jour du monde, dans la vallée de Josaphat ! La mémoire de Dieu.peut seule en embrasser le souvenir. Or, tout cet ensemble d'œ(Uvres, de sentiments, depuis l'élan séraphique de l'àme déjà divinisée, jusqu'au verre d'eau donné au nom du Rédempteur, qu'est-ce autre chose qu'un incessant concert d'amour qui monte nuit et jour vers le Christ, vers ce divin absent que la terre ne peut oublier ? est-il l'homme d'entre nous, si chère que soit sa mémoire, pour lequel on se dévouera encore, pour lequel on mourra encore, pour l'amour du- quel on se renoncera soi-même, un siècle, dix siècles, vingt siècles après sa mort ? trouvera-t-on cet homme mort dont le nom fera battre le cœur à tant de millions d'hom- mes de toute génération, de toute race, de tout siècle, si ce "n'est Jésus, qui est mort, qui est ressuscité, qui est monté aux cieux ?

Mais, nous le reconnaissons humblement, ô notre Emmanuel, il était nécessaire que vous disparussiez du milieu de nous, afin que la foi, prenant son essor, allât vous chercher jusqu'aux cieux, désormais votre séjour, et que nos coeurs, ainsi éclairés, fus- sent rendus capables de vous aimer. Jouissez de votre Ascension, ô divin Chef des Anges et des hommes! dans notre exil, nous goûte-

246 Le Temps Pascal.

rons les fruits de ce sublime mystère, jus- qu'à ce qu'il s'opère en nous. Eclairez les pauvres aveugles que l'orgueil empêche de vous reconnaître à des traits si frappants. Ils vous discutent, ils vous jugent, sans s'être rendu compte de ce témoignage de la foi et de l'amour de tant de générations. L'honi- mage que vous offre l'humanité représentée par les premières nations de la terre, par les coeurs les plus vertueux, par tant d'hom- mes de génie, est pour eux comme non avenu. Que sont-ils pour s'opposer à un tel concert? Sauvez-les, Seigneur, de leur vain et péril- leux orgueil, et ils reviendront, et avec nous ils diront : « Il était véritablement avanta- « geux pour ce monde qu'il perdît votre pré- ce sence sensible, ô Emmanuel! car si votre « grandeur, votre puissance et votre divinité « ont paru et ont été reconnues, c'est depuis « que vous avez cessé d'être visible parmi « nous. Gloire soit donc au mystère de votre « Ascension, par lequel en montant aux « cieux, comme dit le Psalmiste, vous rece- « vez les plus hauts dons pour les répandre « en largesses sur les hommes i. »

T 'Eglise grecque nous fournira aujourd'hui ^ la mati'ère de notre hommage liturgique au Rédempteur triomphant; c'est une Hymne du jour de la fête, à l'Office du soir. .

I. Psalm. Lxvn, 9.

L'Octave de V Ascension.

247

IN ASSUMPTIONE DOMINI, AD MAGNUM VESPERTINUM.

LE Seigneur a été enlevé dans les cieux , d'où il doit envoyer au monde le Paraclet. Les cieux lui ont préparé un trône, et les nuées ont secondé son Ascension. Les Anges sont dans l'éton- nement, voyant un homme établi au-dessus d'eux. Le Père reçoit à son arrivée celui qui lui est coéternel dans son sein. L'Esprit-Saint donne un commandement à tous ses Anges : « Princes, élevez vos portes. Nations , battez des mains ; car le Christ est monté il était auparavant. »

A ton Ascension, ô Christ, les Chérubins furent dans l'étonnement, te voyant mon- ter sur les nuées et aller t'asseoir au-dessus d'eux. Pour nous, nous te glori- fions ; car ta miséricorde est remplie de douceur : Gloire à toi !

O Christ, splendeur de la gloire du Père, nous contem- plons ton Ascension jusqu'aux sommets des montagnes sain- tes, nous célébrons l'éclatante beauté de ton visage, nous adorons tes souffrances, nous honorons ta résurrection, nous glorifions ton Ascension su- blime : Aie pitié de nous !

AssuMPTUS est m cœ- los Dominus , ut mundo mitteret Para- clitum. Cœli praepara- verunt thronum ejus, et nubes ascensum ejus. Mi- rantur Angeli , supra seipsos hominem viden- tes. Pater suscipit quem habet in sinu coasternum. Spiritus Sanctus omni- bus Angelis suis impe- rat : AttoUite portas , principes, vestras; om- nes gentes plaudite ma- nibus , quia ascendit Christus ubi erat prius.

Domine, Assumptione tua obslupuerunt Cheru- bim, conspicientia te Deum in nubibus ascen- dentem, super ipsa se- dentem ; et glorificamus te, quoniam benigna est misericordia tua : Gloria tibi.

In montibus sanctis tuas videntes exalta- tiones, Christe, splendor gloriae Patris, fulgentem vultus tui speciem ite- rum atque iterum cele- bramus ; tuas adoramus passiones , resurrectio- nem honoramus , incly- tSm glorificantes As- sumptionem : miserere nobis.

248

Le Temps Pascal.

Domine, quando te in nubibus elevatum vide- runt Apostoli, cum ge- mitibus lacrymarum tris- titia repleti, Christevitœ dator, lamentantes dice- bant : Domine, utpote misericors, ne derelin- quas nos orphanos, quos propter clementiam di- iexisti servos tues ; sed mitte, sicut promisisti nobis, sanctissimum Spi- ritum tuum, illuminan- tem animas nostras.

Domine, dispensatio- nis impleto mysterio , tuos assumen? discipulos, in montera Olivarum te- ciim ducebas; et ecce fir- mamentuum cœli intras- ti. Qui propter me ege- nus sicut ego factus es, et illuc ascendisti unde non es separatus, sanc- tissimum tuum mitte Spi- ritum, illuminantem ani- mas nostras.

A sinu paterno non separatus , dulcissime Jesu, et cum iis qui sunt in terra sicut homo con- versatus, hodie a monte Olivarum assumptus es in gloria, et lapsam na- turam nostram pro mi- sericordia elevans, cum Pâtre sedere fecisti. Unde cœlestia incorpo- reorum agmina , prodi- gium stupentia, admira- tione stabant attonita ;

Quand les Apôtres te vi- rent, Seigneur, t'éiever sur les nuées, saisis de tristesse, ils s'adressèrent à toi, dans les gémissements et les larmes, ô Christ, auteur de la vie 1 ils se lamentaient en disant : « Seigneur miséri- cordieux, ne laisse pas orphe- lins les serviteurs que tu as aimés dans ta bonté ; mais envoie-nous, ainsi que tu l'as promis, ton Très Saint Es- prit pour illuminer nos âmes.

Après avoir accompli le mystère de la dispensation, Seigneur, tu pris avec toi tes disciples, et tu les conduisis sur la montagne des Oliviers, et bientôt tu pénétras le fir- mament du ciel. O toi qui t'es fait pauvre pour moi et avec moi, et qui es monté dans ce séjour que tu n'avais pas quitté, envoie ton Très Saint Esprit pour illuminer nos âmes.

Conversant avec les hom- mes qui sont sur la terre, ô très doux Jésus, tu ne t'étais pas séparé du sein paternel ; aujourd'hui tu t'élèves glo- rieux du sommet de la mon- tagne des Oliviers, et dans ta miséricorde , relevant notre nature tombée, tu l'as fait asseoir sur le trône même du Père. Les bataillons célestes des Esprits incorporels ont contemplé avec stupeur le prodige. Saisis d'une crainte

L'Octave de V Ascension.

24g

respectueuse, ils ont célébré ton amour pour les hommes. Nous nous joignons à eux, nous habitants de la terre ; nous glorifions ta descente vers nous et ton départ d'avec nous, et nous t'adressons cette supplication : « O toi qui, au monaent de ton Ascension, as rempli d'une allégresse in- finie le coeur de tes disciples et celui de ta mère qui a en- fanté un Dieu, daigne, par leurs prières et par ta grande miséricorde, nous donner part à la joie de tes élus.

et tremore comprehensa tuum erga homines amo- rem magnificabant. Cum quibus et nos in terra existentes, tuam ad nos descensionem et a nobis Assumptionem glorifi- cantes, rogamus dicen- tes : Qui discipulos et genitricem tuam Deipa- ram infinito gaudio in tua Assumptione reple- visti, nos quoque electo- rum tuorum lœtitia di- gnare , precibus eorum, propter magnam miseri- cordiam tuam.

Enfin nous recueillerons, pour terminer cette glorieuse Octave, la huitième de ces belles prières que le Bréviaire mozarabe nous a fournies pour chaque jour.

O Christ, ô Jésus, notre Dieu terrible et notre roi, vous qui à votre nais- sance reçûtes les hommages des Anges et des bergers ; vous qui, après avoir vaincu l'auteur de la mort, avez vu toutes les nations applaudir de la main et du cœur ; vous qui, emportant au ciel les trophées de votre victoire, y avez été suivi par la foi de vos Apôtres : accordez-nous de célébrer les mystères de notre rédemption et de votre Ascension dans les transports d'une foi semblable, et d'of-

CHRISTE Jesu, terribi- lis Deus noster, et rex noster, cujus in na- tivitate cum pastoribus Angeli gloriam detule- runt ; cui, devicto mortis auctore, omnes gentes manibus cordibusque plauserunt ; quem tro- phasa victricia reportan- tem ad œthera, Aposto- lorum est fides prose- cuta : fac nos redemp- tionis nostrae, et Ascen- sionis tuas mysteria fidei jubilatione cantare ; et cum principibus populi,

25o

Le Temps Pascal.

Deo Abraham fideli fa- tnulatu placera. Amen.

frir au Dieu d'Abraham nos hommages fidèles dans la compagnie de ceux qui ont été établis les Princes de votre peuple. Amen.

LE VENDREDI APR[-:S LOCTAVR DE L'ASCENSION

(^ Roi de gloire, Seigneur des armées, qui aujour- d'hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux, ne nous laissez pas orphe- lins • ; mais envoyez-nous l'Esprit de vérité, selon la promesse du Père, alléluia.

(^} Rex gloriae. Do- mine virtutum, qui triumphator hodie super omnes cœlos ascendisti, ne derelinquas nos orpha- nos ; sed mitte promis- sum Patris in nos Spi- ritum veritatis, alléluia.

Octave est achevée; le mystère de la glorieuse Ascension est accom- pli; c'en est fait, Jésus ne se mon- trera plus à nos regards, jusqu'à ce qu'il vienne juger les vivants et les morts. La foi seule nous le révèle désormais, et nous ne pouvons plus le saisir que par l'a- mour : telle est la condition de notre épreuve, jusqu'à ce que, pour récompense de cette foi et de cet amour, nous soyons admis à l'inté- rieur du voile.

Ne murmurons pas cependant. Espérons plutôt de cette espérance qui ne trompe pas, comme dit l'Apôtre LEt comment ne serions- nous pas tout entiers à cette espérance fortu- née, lorsque nous nous souvenons que Jésus nous a promis d'être avec nous jusqu'à la consommation des siècles 2 ? Il ne se rendra

V, 5. 2. Matth. xxviii, 20.

252 Le Temps Pascal.

pas visible, mais il sera toujours. Pour- rait-il abandonner l'Eglise son épouse? et ne sommes-nous pas les membres de cette épouse bien-aimée ?

Mais Jésus a fait plus encore pour nous. S'il se retire, c'est en nous disant avec une tendresse infinie : « Je ne vous laisserai pas « orphelins i. « Quand il nous disait : « 11 « vous est avantageux que je m'en aille, » il ajoutait : « Si je ne m'en allais pas, le Conso- « lateur ne viendrait pas vers vous 2. » Ce consolateur ineffable est l'Esprit-Saint, l'Es- prit du Père et du Fils qui va desceiîdre incessamment sur nous, et qui doit demeurer avec nous, visible dans ses œuvres, jusc^u'à ce que Jésus reparaisse pour enlever ses élus d'un monde qui aura mérité d'être abandonné aux flammes. xMais l'Esprit ne doit pas des- cendre qu'il ne soit envoyé, et, comme nous l'apprend TEvangéiiste, « il ne doit pas être « envoyé que Jésus n'ait été glorifié 3. » Il vient continuer l'œuvre; mais cette œuvre devait d'abord être conduite par le Fils de Dieu jusqu'au terme assigné dans les décrets éternels.

Après ses labeurs, Jésus est entré dans son repos, emportant avec lui notre humanité élevée en lui aux honneurs divins. L'Espnt- Saint ne revêtira pas cette nature ; mais il vient nous consoler de l'absence de Jésus, il vient opérer ce qui reste à accomplir dans l'œuvre de notre sanctification ; et c'est lui déjà que nous avons vu à l'œuvre dans les

Le Vendredi après VGct. de l'Ascension. 253

deux jours précédents, lorsque nous avons contemplé les prodiges de la foi et de l'a- mour, depuis le départ de celui qui est l'ob- jet de l'une et de l'autre. C'est l'Èsprit-Saint qui produit la foi dans les âmes, de même que c'est lui « qui répand la charité dans les cœurs 1. »

Nous voici donc au moment de voir s'ou- vrir une nouvelle série des merveilles de l'amour de Dieu envers sa créature. Encore quelques heures, et le règne de l'Esprit- Saint aura commmencé ; mais en ce jour, le dernier qui nous reste, puisque dès demain, à l'heure du soir, s'ouvrira déjà la solennité de la Pentecôte, laissons-nous aller au légi- time besoin de vénérer encore les traces augustes de notre divin Rédempteur sur cette terre. La sainte Liturgie nous l'avait rendu présent jour par jour, depuis ces touchantes seniaines de l'Avent nous entourions la divine Mère, attendant avec respect l'heu- reux moment elle nous donnerait son fruit à jamais béni; et maintenant, pour le retrouver, il nous faut lever les regards vers le ciel, sortir de ce monde il ne se laisse plus voir. Heureux souvenirs de l'intime commerce que nous eûmes si longtemps avec l'Emmanuel, alors qu'il nous admettait à le suivre dans toutes ses voies, nous ne pou- vons vous mettre en oubli. Bien plus, nous comptons sur l'Esprit divin pour vous gra- ver plus profondément encore dans nos âmes. Jésus n'a-t-il pas annoncé que cet inef- fable Consolateur étant venu en nous, il nous

I. Rom. V, 5.

2 54 ^^ Temps Pascal.

ferait ressouvenir de tout ce que nous avons entendu, goûte et expérimente dans la so- ciété de celui qui, étant Dieu, a daigné vivre avec nous de notre vie, pour nous prépa- rer à vivre nous-mêmes éternellement de la sienne ^ ?

Au reste, s'il nous est cher de suivre ainsi les vestiges de notre Sauveur sur la terre, il nous est bien permis de nous rappeler aussi qu'il ne l'a pas voulu quitter sans y laisser une marque sensible de son amour pour cet humble séjour il fut conçu au sein de la Vierge, il naquit, il daigna passer par toutes les phases de la vie de l'homme, il mourut sur la croix, il ressuscita glo- rieux, et d'où il s'élança enfin pour monter à la droite de son Père. N'a-t-il pas laissé sur la roche du mont des Oliviers le double ves- tige de ses derniers pas ? tant il se détachait avec peine de cette humble demeure son amour pour nous l'avait retenu durant trente- trois années! Ce fait est fondé sur le témoi- gnage de saint Augustin, de saint Paulin, de saint Optât, de Sulpice Sévère, qui nous attes- tent le prodige que les siècles suivants ont constaté aprè's eux.

En vain, comme le remarquent ces anciens, l'armée de Titus vint s'établir en ce lieu, d'où elle déminait la ville déicide sur laquelle elle allait fondre ; ni les pas du soldat romain, ni les roues des chariots de guerre, ni les pieds des chevaux, ne purent altérer ces traces du dernier adieu que .lésus laissa à sa sainte Mère, à ses disciples, à nous tous, du

I. JOHAN. XIV, 26.

Le Vendredi après l'Oct. de l'Ascension. 2 55

lieu même il doit reparaître au dernier jour. C'était donc sur ce même sol que, qua- rante ans après, les enseignes romaines appa- raissaient tout d'abord, à cette heure si ter- rible pour l'ingrate Jérusalem. Rappelons- nous ici les deux Anges qui vinrent annoncer le dernier avènement du Fils de Dieu, au moment même la nuée le dérobait à tous les regards terrestres, et le rapprochement

aue le Seigneur avait fait lui-même de la ruine e Jérusalem et de la dernière catastrophe du monde. Ces derniers vestiges des pas de Jésus sont donc à la fois un adieu plein de tendresse et la menace d'un retour plein d'effroi. Au bas de la montagne s'étend la Vallée de Josaphat, la \'allée du Jugement , et ce n'est pas en vain que le Prophète a dit : » Ses pieds poseront en ce jour sur la mon- « tagne des Oliviers qui est en face de Jéru- « salem, à l'Orient i. »

Acceptons humblement cette impression de crainte, par laquelle le Seigneur visite notre âme en ce moment, afin de l'établir plus solidement dans l'amour, et baisons avec émotion ces derniers vestiges des pieds sacrés de notre Emmanuel. La pieuse impé- ratrice sainte Hélène, dont la noble mission ici-bas fut de rechercher et d'honorer les traces du passage du Fils de Dieu sur la terre, n'eut garde d'oublier celles que gar- dait encore le mont des Oliviers. Par ses or- dres un somptueux édifice, construit en ro- tonde, s'éleva pour couvrir ce lieu auguste ; mais lorsque les ouvriers voulurent revêtir

2.'^6 Le Temps Pascal.

le sol de marbres précieux, et qu'ils arrivè- rent à l'endroit étaient imprimés les pas du Christ, une force invincible les arrêta. La pierre éclatait et jaillissait à leur visage, en sorte qu'ils durent laisser apparentes les traces surnaturellement empremtes sur la roche.

Tels sont les faits merveilleux constatés par une longue série d'auteurs pieux et graves qui remonte jusqu'au siècle même ils s'o- pérèrent ; mais le Sauveur ne voulut pas se borner à maintenir accessibles aux regards des homm^es ces derniers vestiges qui "sem- blent nous dire qu'il n'est pas parti depuis longtemps et qu'il ne doit pas tarder à reve- nir; il daigna confirmer l'espérance que nous avons de le suivre un jour, en opérant un nouveau prodige. Quand il fallut fermer la voûte de l'élégant sanctuaire qui devait abriter le monurnent suprême du passage du Fils de Dieu sur la terre, un nouvel obsta- cle se déclara. Les pierres ne pouvaient tenir et tombaient à mesure qu'on les plaçait. On dut renoncer à terminer l'édifice dans sa partie supérieure, qui resta ouverte, comme pour apprendre aux hommes que la voie inaugurée par l'Emmanuel sur le sommet du mont des Oliviers leur est toujours acces- sible, et qu'ils doivent sans cesse aspirer à rejoindre leur divin chef qui les attend dans les cieux.

Saint Bernardin de Sienne rapporte, dans son premier Sermon pour la fcte de l'As- cension, une émouvante histoire qui nous servira d'utile entretien dans cette journée nous faisons nos derniers adieux à la pré-

Le Vendredi après VOct. de VA scetuion. 25 y

sence visible de notre Rédempteur. Il raconte

3u'un pieux chevalier entreprit le voyage 'outre-mer, désirant visiter les lieux témoins des mystères du salut. Dans son dévot pèle- rinage, il voulut débuter par Nazareth, et sur le lieu même le Verbe se fit chair, il rendit ses hommages à l'amour infini qui l'a- vait attiré du ciel en terre, afin de nous reti- rer de la perdition. Bethléhem vit ensuite notre pèlerin arriver dans ses murs, cher- chant le lieu de la bienheureuse naissance qui nous donna un Sauveur. Ses larmes cou- lèrent abondantes à l'endroit Marie avait adoré son nouveau-né, et comme parle saint François de Sales qui a voulu aussi raconter cette délicieuse histoire, « il lécha la pous- « sière sur laquelle la première enfance du « divin poupon avait été reçue i. »

De Bethléhem, le noble voyageur, qui ne craignait pas de parcourir en tous sens la Palestine, se rendit sur les bords du Jour- dain, et s'arrêta à Bethabara, au lieu appelé Béthanie, le Précurseur avait baptisé le Rédempteur. Afin d'honorer plus complète- ment le mystère, il voulut à son tour entrer dans le lit du fleuve, et se plongea avec déli- ces dans ces eaux qui lui rappelaient celles que Jésus avait daigné sanctifier par le con- tact de ses membres sacrés. De là, suivant toujours la trace du Fils de Dieu, il s'en- fonça dans le désert, voulant avoir sous les yeux le théâtre de la pénitence, des combats et de la victoire de notre Maître. Sa marche se dirigea ensuite vers le Thabor, sur les

I. Traité de l'Amour de Dieu, Livre VII, chap. xii.

LE TEMPS PASCAL. T. UI.

258 Le Temps Pascal.

sommets duquel il honora le mystère de la Transfiguration de Jésus, lorsqu'il laissa bril- ler aux regards de trois de ses disciples quelq^ues rayons de sa gloire.

Enhn notre pieux chevalier entra dans Jé- rusalem. Le saint Cénacle le vit recueillant avec le plus tendre amour, dans un si au- guste asile, les souvenirs du lavement des pieds aux disciples, et de l'institution du grand et sublime mystère de l'Eucharistie. Soutenu par le désir de ne pas laisser une station sans y avoir versé ses larmes avec ses prières, il passa le torrent de Cédron, et se rendit au jardin de Gethsémani, la peasée de son Sauveur couvert d'une sueur de sang fondit son cœur dans une ineffable s)^mpathie pour la victime de nos péchés. Bientôt il se représenta ce même Sauveur chargé de chaînes et entraîné dans Jérusalem. « Il s'achemine alors, nous dit le saint évé- « que de Genève, à qui il convient de ren- « dre la parole sur un tel sujet; il s'ache- « mine, suivant partout les traces de son « bien-aimé, et le voit en imagination traîné çà « et chez Anne, chez Caïphe, chez Pilate, « chez Hérodes, fouetté, baffbué, craché, cou- «« ronné d'épines, présenté au peuple, con- « damné à mort, chargé de sa croix, laquelle « il porte, et la portant fait la pitoy;able ren- « contre de sa mère toute détrempée de dou- M leur, et des dames de Hiérusalem pleuran- « tes sur lui.

« Si monte enfin ce dévost pèlerin sur le « mont Calvaire, il voit en esprit la croix « estcndue sur la terre, et Nostre Seigneur « que l'on renverse et que l'on cloue pieds et

Le Vendredi après VOct. de V Ascension. 2 5g

« mains sur icelle cruellement. Il contemple « de suite comme on lève la croix et le cruci- « fié en l'air, et le sang qui ruisselle de tous « les endroits de son divin corps. Il regarde « la pauvre sacrée Vierge toute transpercée « du glaive de douleur; puis il tourne les « yeux sur le Sauveur crucifié, duquel il es- « coûte les sept paroles avec un amour non « pareil ; et enfin le voit mourant, puiô mort, « puis recevant le coup de lance, et mons- « trant par l'ouverture de la playe son Cœur « divin; puis osté de la croix et porté au se- rt pulcre il va le suivant, jettant une mer « de larmes sur les lieux détrempez du sang « de son Rédempteur; si qu'il entre dans le « sépulcre, et ensevelit son cœur auprès du « corps de son Maistre.

(C Puis, ressuscitant avec luy, il va en Em- « maùs, et voit tout ce qui se' passe entre le « Seigneur et les deux disciples; et enfin re- « venant sur le mont Olivet se fit le mys- a tère de l'Ascension, et voyant les der- « nières marques et vestiges des pieds du di- <r vin Sauveur, prosterné sur iceiles, et les « baisant mille et mille fois avec des soupirs « d'un amour infiny, il commença à retirera « soy toutes - les 'forces de ses affections, « comme un archer retire, la corde de son « arc quand il veut descocher sa flèche ; puis « se relevant, les yeux et les mains tendus « au ciel : O Jésus, dit-il, mon doux Jésus, je « ne sçay plus vous chercher et suivre « en terre. Hé! Jésus, Jésus mon amour, « accordez donc à ce cœur qu'il vous suive « et s'en aille après vous là-haut; et avec ces « ardentes paroles il lança quant et quant son

200 Le Temps Pascal.

« âme au ciel, comme une sacrée sagette, que « comme divin archer il tira au blanc de son « très-heureux object '. »

Saint Bernardin de Sienne raconte que les compagnons et les serviteurs du pieux cheva- lier, le voyant ainsi succomber sous l'etfort de son amour, coururent chercher un méde- cin, dans la pensée qu'il serait possible encore de le rappeler à la vie. Mais cette bienheu- reuse âme s'était envolée à la suite du Ré- dempteur, nous laissant un monument im- mortel de l'amour qu'a pu faire naître au cœur d'un homme la seule contemplation des divins mystères que nous avons suivis à loisir, sous la conduite de l'Eglise, dans la succes- sion des scènes de la sainte Liturgie. Puis- sions-nous posséder maintenant en nous le Christ que nous avons été si à même de con- naître ! et daigne l'Esprit-Saint, dans sa vi- site si prochaine, conserver dans nos âmes les traits de ce divin chef, avec lequel il vient nous relier plus étroitement encore !

A'

FIN de célébrer plus dignement le grand mystère qui s'est clos hier et celui non moins sublime qui s'ouvre demain, nous placerons aux contins des deux l'un des plus magnifiques cantiques de l'ancienne Alliance, celui David a prophétisé à la fois de l'As- cension et de la Pentecôte. Interprété par saint Paul, le Psaume lxvii, destiné à accom-

Le Vendredi après VOct. de V Ascension. 26 1

pagner l'entrée de l'Arche d'alliance dans Sion, annonce en même temps le triomphe du Christ remontant dans les cieux. La vic- toire qu'il a remportée auparavant sur ses ennemis dans sa résurrection est d'abord célébrée avec magnificence; les merveilles qu'il a opérées en faveur de ses fidèles ont ensuiteleur tour; l'Eglise qu'il a fondée appa- raît enfin tout ento'urée de combats et de triomphes; en un mot, nous avons ici l'œuvre commune de l'Emmanuel qui a commencé et de l'Esprit divin qui a consommé. Afin de rendre plus accessible au commun des lec- teurs ce chant si mystérieux, nous en don- nons plutôt une glose qu'une traduction, en nous aidant des interprétations de l'antiquité chrétienne.

PSAUME LXVII.

QUE Dieu se lève, le Dieu- Homme ! que ses enne- mis soient dispersés ! que ceux qui le haïssent fuient devant sa face !

Comme la fumée s'évanouit, qu'ils se dissipent de même ; comme se fond la cire en pré- sence du feu, ainsi périssent les impies devant la face de Dieu.

Quant aux justes , qu'ils fassent des festins, qu'ils tres- saillent d'allégresse, qu'ils se laissent aller aux transports de la joie en présence de Dieu.

O hommes, ô rachetés , chantez à Dieu, faites reten- tir vos cantiques à la gloire

ExsuRGAT Deus, et dis- sipentur inimici ejus : * et fugiant, qui oderunt eum, a facie ejus.

Sicut déficit fumus, deficiant : * sicut fluit cera a facie ignis, sic pe- rçant peccatores a facie Dei.

Et justi epulentur, et exsultent in conspectu Dei : * et delectentui in Istitia.

Cantate Dec , psal- mum dicite Nomini ejus : * iter facile ei qui ascen-

202

Le Temps Pascal.

dit super occasum : Do- minus nomen illi.

Exsultate in conspcctu ejus : * fjrbabuntur a facie ejus, patris orpha- norum et judicis vidua- rum.

Deus in loco sancto suo : * Deus qui inhabi-

tare facit domo.

unius mons in

Qui educit vinctos in fortitudine : * similiter eos, qui exaspérant, qui habitant in sepulcris.

Deus, quum egredere- ris in conspectu populi lui : * quum pertransires in deserto :

Terra mota est ; et- enim cœli distillaverunt a facie Dei Sinai : * a facie Dei Israël.

Pluviam voUtntariam segregabis, Deus, haere- ditati tuse : * et infirmata

de son Nom ; ouvrez le che- min à celui qui est monté sur l'Occident, comme sur un trône. Il est fils de l'homme, mais néanmoins son nom est Jchovah ;

Livrez-vous à l'enthou- siasme en sa présence. A son aspect, ses ennemis infernaux se sont troublés ; car il est venu pour être le père de l'orphelin, le défenseur de la veuve, le rédempteur du genre humain que le péché avait livré à Satan.

Dans les profondeurs de son sanctuaire, il est Dieu même, e^ il veut faire habiter dans sa propre maison ceux qui auront vécu dans l'unité d'une même foi et d'une même charité.

Ceux qui étaient captifs, il les délivre par la puissance de son bras ; quant à ceux qui l'irritent par leur résistance, il les précipite dans l'abîme.

O Dieu 1 ô Christ 1 quand vous apparûtes sur la terre, marchant à la tête de votre peuple que vous aviez rallié de toutes parts, quand vous traversâtes le désert de ce monde aride et désole,

La terre s'émut, les cieur envoyèrent leur rosée fécon- dante, de la part du Dieu du Sinai, du Dieu d'Israël qui vous avait envoyé.

Vous aviez réservé pour votre héritage , pour votre Eglise, une pluie de bienfaits.

Le Vendredi après VOct. de V Ascension. 263

Votre héritage avait dépéri, la race humaine était défait lante lors de votre venue ; mais vous l'avez raffermie.

C'est en elle qu'habite dés- ormais le troupeau dont vous êtes le Pasteur ; et vous avez, ô Dieu, préparé dans votre douceur un aliment destiné à soutenir sa faiblesse.

Pour convier ses élus à tant de faveurs , l'Esprit- Saint, qui est aussi le Sei- gneur, va donner une langue, une voix à ceux qui auront à évangéliser la terre, et ils parleront avec une force irré- sistible.

Les rois des armées tombe- ront sous celui qui est chéri et le bien-airaé du Père ; et celle qui est la beauté de la maison partagera leurs dépouilles.

Durant la lutte, ô enfants de l'Eglise, vous dormirez en sûreté dans l'enceinte qui vous protège, semblables à la colombe au plumage d'argent, dont le dos a des reflets d'or. Lorsque celui dont le trône est aux cieux exercera son jugement sur ces rois, ses pro- tégés seront égaux en blan- cheur à la neige qui couvre les sommets de Selmon.

Il est une montagne , la montagne de Dieu, montagne fertile, grasse et féconde : c'est son Eglise. cherchez- vous ailleurs des montagnes qui lui seraient comparables en fertilité ?

est, tu vero perfecisti eam.

Animalia tua habita- bunt in ea : * parasti in dulcedine tua pauperi, Deus.

Dominus dabit verbum evangelizantibus : * vir- tute multa.

Rex virtutum dilecti dilecti : * et speciei do- mus dividere spolia.

Si dormiatis inter me- dios cleros.pennae colum- bae deargentatœ : * et posteriora dorsi ejus in pallore auri.

Dum discernit coelestis reges super eam , nive dealbabuntur in Sel- mon : * mons Dei, mons pinguis.

Mons coagulatus,mons pinguis : * ut quid sus- picamini montes coagu- latos ?

204

Le Temps Pascal.

Mons, in quo benepla- citum est Deo habiiare in eo : * etenim Dominas habitabit in fincm.

Currus Dei decemmil- libiis multiplex, millia laetantium : * Dominus in eis in Sina in Sancto.

Ascendisti in altum, cepisti captivitatem : * accepisti dona in homi- nibus.

Etenim non credentes : * inhabitare Dominum Deum.

Benedictus Dominus die quotidie : * prospe- rum iter faciet nobis Deus salutarium nostfo- rum.

Deus noster, Deus sal- ves faciendi : * et Domini Domini exitus mortis.

Verjmtamen Deus confringet capita inimi- corum suorum : * verti- cera capilli perambu- lantium in delictis suis.

Dixit Dominus : Ex Basan convertam : * con- vertam in profundum maris.

C'est elle qui est cette mon- tagne où il a plu à Dieu d'ha- biter, et le Seigneur l'habi- tera jusqu'à la fin.

Le char du Fils de Dieu remontant au ciel est plus que dix mille chariots de guerre ; des milliers d'Anges l'entourent dans l'allégresse. Le Seigneur est au milieu d'eux ; il s'est arrêté dans son sanctuaire, comme au- trefois sur le Sina.

O Christ, vous êtes monté dans les hauteurs ; vous avez emmené avec vous ceux qui étaient captifs ; vous avez reçu dans votre humanité des dons ineffables, et vous les répandez sur les hommes.

Et ceux mêmes qui jusque- ne croyaient pas, recon- naissent aujourd'hui que Dieu habite parmi nous.

Béni soit le Seigneur dans toute la suite des jours 1 Le Dieu auteur de notre salut rendra notre voie heureuse.

Oui, notre Dieu est un Dieu de salut ; au Seigneur, au Seigneur appartient de nous délivrer de la mort.

Mais ce Dieu brisera les tètes de ses ennemis, les têtes altières de ceux qui marchent avec complaisance dans la voie de leurs crimes.

Le Seigneur a dit : « Je les R arracherai de Basan, je les * précipiterai dans les pro- 1 fondeurs de la mer ;

Le Vendredi après l'Oct. de V Ascension. 265

t Et tu rougiras ton pied « dans leur sang, ô mon peu- « pie choisi ! et la langue de « tes chiens en sera teinte. »

O Dieu, on vit votre entrée dans les cieux, votre entrée triomphante, à vous qui êtes mon roi établi pour jamais dans son sanctuaire.

Les princes de la milice des Anges étaient venus au- devant, et avec eux ceux qui exécutaient des cantiques, en- tourés du chœur des jeunes filles battant du tympanon ; car tel est 'e cortège du Christ : la force, la mélodie et la pureté.

Sur la terre, bénissez donc le Seigneur dans vos assem- blées, vous qui êtes de la source du véritabfe Israël, vous qui êtes membres de l'Eglise.

Que l'on voie réunis dans un même concert l'adolescent Benjamin , saisi d'enthou- siasme,

Les princes de Juda avec leurs chefs, les princes de Zabulon, les princes de Neph- tali.

Commandez , ô Dieu , ô Christ, dans votre puissance ; envoyez l'Esprit de force ; affermissez, confirmez par lui ce que vous avez opéré en nous.

De votre temple saint qui est en Jérusalem, figure de votre Eglise, les rois domptés vous offriront leurs dons.

Ut intingatur pes tuus in sanguine : * lingua ca- num tuorum ex inimicis, ab ipso.

Viderunt ingressus tuos, Deus : * ingressus 1 Dei mei : Régis mei qui est in Sancto.

Prasvenerunt principes conjuncti psallentibus : * in medio juvencularum tympanistriarum.

In ecclesiis benedicite Deo Domino ; * de fonti bus Israël,

Ibi Benjamin adoles- tul'js : * in mentis ex- cessu.

Principes Juda, duces eorum : * principes Za- bulon, principes Neph- tali.

Manda Deus virtuti tuœ , * confirma hoc Deus, quod operatus es in nobis.

A templo tuo in Jéru- salem : * tibi offerent re- ges munera.

\66

Le Temps Pascal.

Increpa feras arundi- nis, congregatio tauro- rum in vaccis populo- rum : * ut excludant eos, qui probati sunt argento.

Dissipa gentes , qune bella VQlunt ; venient le- gati ex iEgypto : * jEthio-

Ëtapraeveniet manusejus leo.

Régna terrœ cantate Deo : ' psaliite Domino.

Psallite Deo qui ascen- dit super cœlura cœli : " ad Orientera.

Ecce dabit voci suae vocem virtutis ; date glo- riam Deo super Israël : * magnificentia ejus, et virtus ejus in nubibus.

Mirabilis Deus in sanctis suis ; Dcus Israël ipse dabit virtutem et fortitudinem plebi suae : * benediclus Deus.

Daignez réprimer les bctcs sauvages qui se cachent dans les roseaux, les taureaux qui fondent sur les génisses, les hérésies qui troublent la paix de votre peuple. Ils ont cons- piré de chasser de votre hé- ritage ceux dont la foi a été éprouvée comme l'argent.

Dispersez ces nations qui ne veulent que la guerre. Voici que l'Egypte enverra ses ambassadeurs pour obte- nir d'être initiée à la connais- sance du vrai Dieu ; l'Ethio- pie elle-même tendra les mains vers lui, et prévien- dra d'autres peuples.

Royaumes de la terre, chan- tez à Dieu ; célébrez le Sei- gneur dans vos cantiques.

Chantez à Dieu q.ii est monté au delà des cieux. par- tant de l'Orient, du mont des Oliviers.

Voici le moment oii il va donner à sa voix une nouvelle force par l'organe de ses Apôtres. Rendez gloire à Dieu de tout ce qu'il fait en faveur du nouvel Israël; sa magnificence et sa force res- plendissent en ses envoyés qui volent comme les nuées du ciel.

Admirable est Dieu dans les profondeurs de son sanc- tuaire : c'est lui , le Dieu d'Israël, qui donnera à son nouveau peuple l'énergie et la force pour durer jusqu'à la fin des siècles. Béni soit Dieul

yyyyyyyyyyyyyy

LE SAMEDI VEILLE DE LA PENTECOTE.

^~^ Roi de gloire, Seigneur ^~^ des armées, qui aujour- d'hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux, ne nous laissez pas orphe- lins ; mais e-nvoyez-nous l'Esprit de vérité, selon la promesse du Père, alléluia.

Ç\ Rex gloriae. Domi- ne virtutum , qui triumphator hodie super omnes cœlos ascendisti, ne derelinquas nos orpha- nos ; sed mitte promis- sum Patris in nos Spiri- tum veritatis, alléluia.

V lumière éblouissante de la solen- nité de demain illumine déjà cette journée qui en est la veille. Les fidèles se disposent par le jeûne à

célébrer dignement le mystère; mais, comme

à la Vigile de Pâques, la messe des néophy- tes,_ qui autrefois avait lieu dans la nuit, est maintenant anticipée, et dès avant le milieu du jour la louange de l'Esprit-Saint, dont l'effusion est si proche, a retenti avec éclat dans toute église pourvue d'une fontaine baptismale. Sur le soir, l'Office des premiè- res Vêpres ouvre à son heure l'auguste solen- nité. Le règne du divin Esprit est donc pro- clamé dès aujourd'hui par la sainte Liturgie. Unissons-nous aux pensées et aux sentiments des habitants du Cénacle, dont l'attente est au moment d'être remplie.

Dans toute la série des mystères que nous avons vus se dérouler jusqu'ici durant le

208 Le Temps Pascal.

cours de l'Année liturgique, nous avons sou- vent pressenti l'action de la troisième per- sonne de l'auguste Trinité. Les lectures des livres saints, tant de l'Ancien que du Nou- veau Testament, ont éveillé plus d'une fois notre attention respectueuse sur ce divin Es- prit qui semblait s'environner de mystère, comme si le temps de sa manifestation n'était pas venu encore. Les opérations de Dieu dans les créatures sont successives; mais elles arrivent infailliblement en leur temps. L'historien sacré nous raconte com- ment le Père céleste, agissant par son Verbe, disposa en six journées ce monde qu'il avait créé; mais il nous montre en même temps dans un lointain mystérieux l'Esprit-Saint planant sur les eaux' et les fécondant silen- cieusement, en attendant que le Fils de Dieu les séparât de la terre qu'elles inondaient.

Si donc le rè^ne patent du Saint-Esprit sur le monde a été différé jusqu'à l'établisse- ment de l'Homme-Dieu sur son trône éter- nel, n'allons pas croire que ce divin Esprit soit demeuré jusqu'alors inactif. Toutes ces Ecritures sacrées dont nous avons rencontre tant de sublimes fragments dans la sainte Liturgie, que sont-elles sinon l'œuvre cachée de celui qui, comme nous dit l'antique Sym- bole, <« a parlé par les Prophètes * » ? C'est lui qui nous donnait le Verbe. Sagesse de Dieu, au moyen de l'Ecriture, comme il devait nous le' donner plus tard dans la chair de l'humanité.

I. Qui locutiis est per Prophetas. Symbole de Nicée et de Constantinople.

La Vigile de la Pentecôte. 26g

Il n'a pas été oisif un moment dans la durée des siècles. Il préparait le monde au règne du Verbe incarné, rapprochant et mê- lant les races, produisant cette attente univer- selle qui s'étendit des peuples les plus barba- res aux nations les plus avancées dans la ci- vilisation. Il ne s'était pas encore nommé à la terre; mais il planait sur l'humanité avec amour, comme il avait plané avec mystère, au commencement, sur les eaux muettes et insensibles.

^.n attendant sa venue, les prophètes l'an- nonçaient dans les mômes oracles ils pré- disaient l'arrivée du Fils de Dieu. Le Sei- gneur disait par la bouche de Joël : « Je ré- « pandrai mon Esprit sur toute chair >. » Ail- leurs il s'énonçait ainsi par l'organe d'Ezé- chiel : « Je répandrai sur vous une eau pure, « et vous serez purifiés de toutes vos souil- « lures, et je vous purifierai de toutes vos « idoles. Et je vous donnerai un cœur nou- « veau, et je placerai au milieu de vous un « esprit nouveau ; et j'enlèverai le cœur de « pierre qui est dans votre chair, et je vous « donnerai un cœur de chair, et je placerai au « milieu de vous l'Esprit qui est le mien 2. »

Mais avantsa propre manifestation, l'Esprit- Saint avait à opérer directement pour celle du Verbe divin. Lorsque la puissance créa- trice fit sortir du néant le corps et l'âme de la future mère d'un Dieu, ce fut lui qui prépara l'habitation de la souveraine Majesté, en sanctifiant Marie dès le premier instant de sa conception, prenant possession d'elle comme

I. Joël, ii, 29. 2. Ezech. xxxvi, a5-27.

ajo Le Temps Pascal.

du temple divin le Fils de Dieu S'apprê- tait à descendre. Au moment fortune de 1 An- nonciation, l'Archange déclare à la Vierge que l'Esprit-Saint va survenir en elle et que la Vertu du Très-Haut va la couvrir de son ombre. A peine la Vierge a-t-elle pro- noncé son acquiescement au décret éternel, que soudain l'opération du divin Esprit a produit en elle le plus ineflable des mys- tères : oc le \erbe est fait chair, et il habite parmi nous. »

Sur cette fleur sortie de la branche émanée du tronc de Jessé, sur cette humanité pro- duite divinement en Marie, l'Esprit du Père et du Fils se repose avec délices; il la com- ble de ses dons, il l'adapte à sa fin glorieuse et éternelle i. Lui qui avait doué la mère de tant de trésors de lagrâce, dépasse encore pour lefils d'une manière incommensurable la me- sure qui semblait la plus voisine de l'infini. Et toutes ces merveilles, le divin et puissant Esprit les accomplit silencieusement comme toujours; car Iheure doit éclater sa venue n'est pas arrivée encore. La terre ne fera que l'entrevoir au jour sur le lit du Jourdain, dans les eaux duquel Jésus est descendu, il étendra ses ailes et viendra se reposer sur la tête de ce Fils bien-aimé du Père. Jean pénètre le mystère dans son ravissement, comme, avant de naître, il avait senti au sein de Ma-- rie le fruit divin qui habitait en elle; mais les hommes n'ont vu qu'une colombe, et la colombe n'a pas révélé les secrets de l'éternité.

Le règne du Fils de Dieu, de notre Emma-

La Vigile de la Pentecôte. 2j i

nuel, s'assied sur ses fondements prédestinés. Nous avons en lui notre frère, car il a pris notre chair avec ses infirmités; nous avons en lui notre docteur, car il est la Sagesse du Père, ei il nous initie par ses leçons à toute vérité; nous avons en lui notre médecin, car il guérit toutes nos langueurs et toutes nos infirmités ; nous avons en lui notre média- teur, car il ramène en son humanité sainte toute l'œuvre créée à son divin auteur; nous avons en lui notre réparateur, et dans son sang notre rançon: car le péché de l'homme avait brisé le lien entre Dieu et nous, et il nous fallait un rédempteur divin; nous avons en lui un chef qui ne rougit pas de ses mem- bres, si humbles qu'ils soient, un roi que nous venons de voir couronner à jamais, un Seigneur que le Seigneur a fait asseoir à sa droite i.

Mais s'il nous gouverne pour toujours, c'est maintenant du haut des cieux, jusqu'au mo- ment où il apparaîtra de nouveau pour bri- ser contre terre la tête des pécheurs, lorsque la voix tonnante de l'Ange criera : « Le temps « n'est plus -. » En attendant, des siècles nom- breux doivent se dérouler, et ces siècles ont été destinés à l'empire de l'Esprit divin. « Mais l'Esprit ne pouvait encore être donné, « nous dit saint Jean, tant que Jésus n'avait <^ pas été glorifié s. » Notre beau mystère de l'Ascension forme donc la limite entre les deux règnes divins ici-bas : le règne visible du Fils de Dieu et le règne visible de l'Es-,

i. Psalm. cix. 2. Apoc. x. 6, 5. Johan, vil, 39.

2 y 2

Le Temps Pascal.

f)rit-Saint. Afin de les unir et d'en préparer a succession, ce ne sont plus seulement des propthètes mortels qui parlent ; c'est notre Emmanuel lui-même, durant sa vie mortelle,

3ui se fait le héraut du règne prochain du ivin Esprit.

Ne l'avons-nous pas entendu nous dire : « Il vous est avantageux que je m'en aille; « car si je ne me retirais pas, le Paraclet ne u viendrait pas à vous ^ ? » Le monde a donc un grand besoin de ce divin hôte, dont le propre Fils de Dieu se fait ainsi le précur- seur ! Et afin que nous connaissions quelle est la majesté de ce maître nouveau qui va régner sur nous, Jésus nous déclare la gra- vité des châtiments qu'attireront sur eux ceux qui l'offenseront. « Quiconque, dit-il, aura « proféré une parole contre le Fils, elle lui « sera pardonnée ; mais celui qui aura dit « cette parole contre le Saint-Esprit, il n'en « obtiendra le pardon ni en ce monde, ni en « l'autre -. » Cependant cet Esprit divin ne prendra pas la nature humaine comme le Fils; il n'aura point à racheter le monde comme l'a racheté le Fils; mais il A'iendra avec une immensité d'amour qui ne saurait être méprisée impunément. C'est à lui que Jésus confiera l'Eglise son Epouse pendant les longs siècles que doit durer son veuvage, à lui qu'il remettra son œuvre, afin qu'il la maintienne et la dirige en toutes choses.

Nous donc, appelés à recevoir sous peu d'heures l'effusion de cet Esprit d'amour qui

JOHAN. XVI, 7. 2. MaTTH. XII, 2)2.

La Vigile de la Pentecôte. 2j3

vient « renouveler la face de la terre ', » soyons attentifs comme nous le fûmes à Bethléhem, dans les moments qui précédè- rent la naissance de notre Emmanuel. Le Verbe et l'Eprit-Saint sont égaux en gloire et en puissance, et leur venue sur la terre procède du même décret éternel et pacifi- que de la glorieuse Trinité, qui a résolu, par cette double visite, de nous « rendre parti- « cipants de la nature divine 2. » Nous les fils du néant, nous sommes appelés à devenir, par l'opération du Verbe et de l'Esprit, les fils du Père céleste. Maintenant, si nous dési- rons connaître en quelle manière doit être préparée l'âme fidèle à l'arrivée du divin Paraclet, retournons par la pensée au Céna- cle où nous avons laissé les disciples rassem- blés, persévérant dans la prière, selon l'ordre de leur Maître, et attendant que la Vertu d'en haut descende sur eux et vienne les couvrir comme une armure pour les combats qu'ils auront à livrer.

Dans cet asile sacré du recueillement et de la paix, notre œil respectueux cherche d'a- bord Marie, mère de Jésus, chef-d'œuvre de l'Esprit-Saint, Eglise du Dieu vivant, de laquelle sortira demain, comme du sein d'une mère, par l'action du même Esprit, l'Eglise militante que cette nouvelle Eve représente et contient encore en elle. N'a-t-elle pas droit à tous nos hommages en ce moment, cette créature incomparable que nous avons vue associée à tous les mystères du Fils de Dieu, et qui tout à l'heure va devenir le plus digne

I. Psalm. cm. 2. II Petr. i, 4.

LE TEMPS PASCAL.

2J4 ^e Temps Pascal.

objet de la visite de l'Esprit-Saint ? Nous vous saluons, ô Marie pleine de grâce, nous tous qui sommes encore renfermés en vous et goûtons l'allégresse dans votre sein maternel. N'est-ce pas pour nous qu'a parlé l'Eglise dans la sainte Liturgie, lorsqu'elle commente à votre gloire le divm cantique de votre aïeul David * ?^En vain votre humilité veut se sous- traire aux honneurs qui demain vous atten- dent. Créature immaculée, temple du Saint- Esprit, il faut que ce divin Esprit vous soit communiqué d'une nouvelle manière ; car une nouvelle œuvre vous attend, et la terre doit vous posséder encore.

Autour de Marie est rassemblé le collège apostolique, contemplant avec ravissement celle dont les traits augustes lyi rappellent le Seigneur absent. Dans les jours précédents un grave événement a eu lieu au Cénacle sous les yeux de la Mère de Dieu et des hommes. De même que pour l'établissement du peuple Israélite, Dieu avait fait choix de douze fils de Jacob comme d'autant de fon- dements de cette race privilégiée, de même Jésus avait choisi douze hommes au sein des ce même peuple pour être les bases de l'édi- fice de l'Eglise chrétienne dont il est, et Pierre avec lui et en lui, la pierre angulaire. La chute lamentable de Judas avait réduit à onze ces élus du choix divin ; le nombre sacré n'existait plus, et l'Esprit-Saint était au mo- ment de descendre sur le collège des Apôtres.

I. Sicut Ixtantitim omnium nostrum habitatio est in te, sancta Dei Genitrix. (Antienne du nocturne de l'OfTice de la sainte Vierge, sur le Psaume Fiindamenta.)

La Vigile de la Pentecôte. 2j5

Avant de monter au ciel , Jésus n'avait pas jugé à propos de faire lui-même le choix du successeur du disciple déchu; mais il fallait que le nombre sacré fût complété avant l'ef- fusion de la Vertu d'en haut. L'Eglise n,e devait rien avoir à envier à la Synagogue. Qui donc remplirait l'office du Fils de Dieu dans la désignation d'un Apôtre ? Un tel droit ne pouvait appartenir qu'à Pierre, nous dit saint Jean Chrysostome; mais dans sa modes- tie, il déclina l'honneur, ne voulant se sou- venir que de l'humilité i. Une élection fut la suite du discours de Pierre, et Mathias mêlé aux autres Apôtres compléta le nombre mys- térieux, et attendit avec eux la descente pro- mise du Consolateur.

Dans le Cénacle et sous les yeux de Marie, sont réunis aussi les disciples qui, sans avoir eu l'honneur d'être admis dans le duodénaire sacré, n'en ont pas moins été les témoins des œuvres et des mystères de l'Homme-Dieu; ils sont mis à part, et réservés pour la pré- dication de la bonne nouvelle. Madeleine enfin et les autres saintes femmes attendent dans le recueillement que leur a prescrit le Maître, cette visite d'en haut dont elles con- naîtront bientôt la puissance. Rendons nos hommages à cette assemblée sainte, à ces cent vingt disciples qui nous sont donnés pour modèles dans cette grande circonstance; car l'Esprit divin doit d'abord venir en eux; ils sont ses prémices. Plus tard il descendra aussi sur nous, et c'est afin de nous préparer

276 Le Temps Pascal.

à sa venue que la sainte Eglise nous impose un jeûne solennel aujourd'hui.

Dans l'antiquité, cette journée ressemblait à. celle de la veille de Pâques. Sur le soir les fidèles se rendaient à l'église pour prendre part aux solennités de l'administration du baptême. Dans la nuit qui suivait, le sacre- ment de la réçénération était conféré aux catéchumènes que l'absence ou quelque mala- die avait empêchés de se joindre aux autres dans la nuit de Pâques. Ceux qu'on n'avait pas ju^és suffisamment éprouvés encore, ou dont rinstruction n'avait pas semblé assez complète, ayant satisfait aux justes exigences de l'Eglise, contribuaient aussi à former le croupe des aspirants à la nouvelle naissance qui se puise dans la fontaine sacrce. Au lieu des douze prophéties qui se lisaient dans la nuit de Pâques pendant que les prêtres accomplissaient sur les catéchumènes les rites préparatoires au baptême, on n en lisait ordinairement que six; ce qui amené a con- clure que le nombre des baptises dans la nuit de la Pentecôte était moins considérable.

Le cierge pascal reparaissait durant cette nuit de çrâce, afin d'inculquer à la nouvelle recrue que faisait l'Eglise, le respect et la- mour envers le Fils de Dieu, qui s est tait homme pour être « la lumière du monde 1. » Tous les rites que nous avons détailles et expliqués au Samedi saint s'accomplissaient dans cette nouvelle occasion paraissait la

I. JoHAN vin, 12

La Vigile de la Pentecôte. 2yj

fécondité de l'Eglise, et le divin Sacrifice au- quel prenaient 'part les heureux néophytes commençait dès avant le point du jour.

Dans la suite des temps, la coutume chari- table de conférer le baptême aux enfants aussitôt après leur naissance, ayant pris force de loi, la Messe baptismale a été anticipée à la matinée du samedi veille de la Pentecôte, comme il est arrivé pour la veille de Pâques. Avant la célébration du Sacrifice, on lit les six prophéties dont nous avons parlé tout à l'heure; après quoi a lieu solennellement la bénédiction de l'eau baptismale. Le cierge pascal se retrouve à cette fonction, à laquelle manque trop souvent l'assistance des fidèles.

Dans l'après-midi a lieu la solennité des premières Vêpres. Nous omettons d'insérer ici les Psaumes, les Antiennes et les autres parties de cet Office, parce que la Vigile de la Pentecôte ne peut jamais se rencontrer un Dimanche, tandis qu'il en est autrement pour les fêtes auxquelles nous avons accordé ce développement. Au reste, si l'on excepte quel- ques détails, les premières et les secondes Vêpres de la Pentecôte sont entièrement semblables.

N'

fous clorons la journée en insérant ici l'une des plus belles Séquences d'Adam de Saint-Victor sur le mystère de la Pentecôte. Ce prince de la poésie liturgique dans l'Oc- cident s'est surpassé lui-même sur les louan- ges du divin Esprit; et plus d'une fois dans le cours de l'Octave, nous aurons recours à son magnifique répertoire. Mais ce n'est pas

278

Le Temps Pascal.

seulement une œuvre de génie que nous allons reproduire ici ; c'est une prière sublime et ardente adressée au Paraclct que Jésus nous a promis et dont nous attendons la venue. Lfforçons-nous de faire passer dans nos âmes les sentiments du pieux docteur du xii® siècle, et aspirons comme lui à la des- cente du Consolateur qui vient renouveler la face de la terre et habiter en nous.

OUI procedis ab utro- que, Genitore Genitoque

Pariter, Paraclite, Redde linguas éloquen- tes, Fac ferventes in te men- tes Flamma tua divite.

Amor Patris Filiique,

Par amborum, et utrique

Compar et consimi-

lis,

Cuncta repies, cuncta

foves, Astra régis, cœlum mo- ves,

Permanens immobi- lis.

Lumen carum, lumen

clarum, Intcrnarum tenebrarum

Effugas caliginem; Fer te mundi sunt mun-

dati ; Tu peccatum, tu peccati

Destruis rubiginem.

SEQUENCE

O

TOI qui procèdes du Père et du Fils, divin Paraclet, par ta flamme fé- conde, viens rendre éloquent notre organe, et embraser nos cœurs de tes feux.

Amour du Père et du Fils, l'égal des deux et leur sem- blable en essence, tu remplis tout, tu donnes la vie à tout ; dans ton repos, tu conduis les astres, tu règles le mou- vement des cieux.

Lumière éblouissante et chérie, tu dissipes nos ténè- bres intérieures; ceux qui sont purs, tu les rends plus purs encore ; c'est toi qui fais disparaître le péché et la rouille qu'il apporte avec lui.

La Vigile de la Pentecôte.

79

Tu manifestes la vérité, tu montres la voie de la paix et celle de la justice; tu fuis les cœurs pervers, et tu combles des trésors de ta science ceux qui sont droits.

Si tu enseignes, rien ne de- meure obscur; si tu es pré- sent à l'âme, rien ne reste impur en elle; tu lui appor- tes la joie et l'allégresse, et la conscience que tu as puri- fiée goiitc enfin le bonheur.

Ton pouvoir transforme les éléments; par toi les sa- crements obtiennent leur effi- cacité ; tu fais obstacle à la puissance mauvaise, tu re- pousses les embiiches de nos ennemis.

A ta venue, nos cœurs sont dans le calme; à ton entrée, le sombre nuage se dissipe ; feu sacré, tu embrases le cœur sans le consumer, et ta visite l'affranchit de ses an- goisses.

Des âmes jusqu'alors igno- rantes, engourdies et insen- sibles, tu les instruis et les ranimes. Inspirée par toi, la langue fait entendre des ac- cents que tu lui donnes: la

Veritatem notam facis, Et ostendis viam pacis

Et iter justitiae.

Perversorum corda vitas,

Et bonorum corda ditas

Munere scientias.

Te docente nil obscu-

rum, Te présente nil impu-

rum ;

Sub tua praesentia Gloriatur mens jocunda; Per te laeta, per te munda

Gaudet conscientia.

Tu commutas elemen-

ta, Per te suam sacramenta

Habent ef^caciam : Tu nocivam vim repel-

lis, Tu confutas et refellis

Hostium nequitiam.

Quando venis. Corda lenis ; Quando subis, Atrœ nubis EfFugit obscuritas; Sacer ignis, Pectus uris ; Non comburis, Sed a curis Purgas, quando visitas.

Mentes prius imperi-

tas, Et sopitas et oblitas

Erudis et excitas. Foves linguas, formas

sonum.

28o

Le Temps Pascal.

Cor ad bonum facit pro- num A te data charitas.

O juvamcn oppresso-

rum, O solamen miserorum,

Pauperum refugium, Da conteniptum terrcno-

riim : Ad amorem supernorum

Trahe desiderium.

Consolator et funda- tor, Habitator et amator

Cordium humilium, Pelle»mala, terge sordes, Et discordes fac concor- des, Et affer praesidium.

Tu qui quondam visi- tasti, Docuisti, confortasti

Timentes discipulos, Visitare nosdigneris; Nos, si placet, consoic- ris

Et credentes popu- los.

Par majestas pcrsona-

rum,

Par polcstas est earum.

Et commuais deitas :

Tu procedens a duobus

Coaequalis es ambobus :

In nullo disparitas.

Quia tantus es et talis.

charité que tu apportes avec toi dispose le cœur à tout bien.

Secours des opprimés, con- solation des malheureux, re- fuge des pauvres, donne- nous de mépriser les objets terrestres ; entraîne notre désir à l'amour des choses célestes.

Tu consoles et tu affermis les cœurs humbles; tu les habites et tu les aimes; ex- pulse tout mal, efface toute souillure, rétablis la con- corde entre ceux qui sont di- visés, et apporte-nous ton secours.

Tu visitas un jour les dis- ciples timides; par toi ils furent instruits et fortifiés; daigne nous visiter aussi et répandre ta consolation sur nous et sur le peuple fidèle.

Egale est la majesté des divines personnes, égale leur puissance ; commune aux trois est la divinité; tu pro- cèdes des deux premières, semblable à l'une et à l'autre, et rien d'inférieur n'est en toi.

Aussi grand que l'est le

La Vigile de la Pentecôte. 28 t

Père lui-même, souffre que tes humbles serviteurs ren- dent à ce Dieu-Père, au Fils rédempteur et à toi-même la louange qui vous est due.

Quantus Pater est et qualis ;

Servorum humilitas Deo Patri, Filioque Rcdemptori, tibi quoquc Landes reddat débi- tas. Amen.

LE SAINT JOUR DE LA PENTECOTE.

VENI, Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.

WENEZ, ô Esprit- Saint, V remplissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

\ grande journée qui consomme l'œuvre divine sur la race humaine a lui entin sur le monde. « Les jours de la Pen- tecôte, comme parle saint Luc, sont accomplis i. » I>epuis la Pâque, nous avons vu se dérouler sept semai- nes; voici le jour qui fait suite et amène le nombre mystérieux de cinquante. Ce )our est le Dimanche, consacré par les augustes souvenirs de la création de la lumière et de la résurrection du Christ; son dernier caractère lui va être imposé, et par lui nous allons recevoir « la plénitude de Dieu - ». Sous le règne des figures, le Seigneur mar-

I. Act. II, I. 2. Voir la Mystique du Temps Pas- cal, tome I, pages 24-28.

Le Saint Jour de la Pentecôte. 2 83

qua déjà la gloire future du cinquantième jour. Israël avait opéré, sous les auspices de l'agneau de la Pâque, son passage à travers les eaux de la mer Rouge. Sept semaines s'écoulèrent dans ce désert qui devait con- duire à la terre promise, et le jour qui suivit les sept semaines fut celui l'alliance fut scellée entre Dieu et son peuplé. La Pente- cote (le cinquantième jour) fut marquée par la promulgation des dix préceptes de la loi divine, et ce grand souvenir resta dans Israël avec la commémoration annuelle d'un tel événement. Mais ainsi que la Pâque, la Pente- côte était prophétique : il devait y avoir une seconde Pentecôte pour tous les peuples, de même qu'une seconde Pâque pour le rachat du genre humain. Au Fils de Dieu, vainqueur de la mort.'la Pâque avec tousses triomphes; à l'Esprit-Saint, la Pentecôte, qui le voit entrer comme législateur dans le monde placé désor- mais sous sa loi.

Mais quelle dissemblance entre les deux Pentecôtes ! La première sur les rochers sau-* vages de l'Arabie, au milieu des éclairs et des tonnerres, intimant une loi gravée sur des tables de pierre; la seconde en Jérusa- lem, sur laquelle la malédiction n'a pas éclaté encore, parce qu'elle contient dans son sein jusqu'à cette heure les prémices du peu- ple nouveau sur lequel doit s'exercer l'em- pire de l'Esprit d'amour. En cette seconde Pentecôte, le ciel ne s'assombrit pas, on n'en- tend pas le roulement de la foudre ; les cœurs des hommes ne sont pas glacés d'effroi comme autour du Sinaï ; ils battent sous l'impression du repentir et de la reconnais-

j3.^4 ^c Temps Pascal.

sance. L'n feu divin sest emparé d'eux, et ce feu embrasera la terre entière. Jésus avait dit : « Je suis venu apporter le feu sur la « terre, et quel est mon vœu, sinon de le voir « s'éprendre ' ? » L'heure est venue, et celui qui en Dieu est l'Amour, la flamme éternelle et incréée, descend du ciel pour remplir l'in- tention miséricordieuse de l'Emmanuel.

En ce moment le recueillement plane sur le Cénacle tout entier, Jérusalem est remplie de pèlerins accourus de toutes les régions de la gentilité, et quelque chose d'in- connu se remue au fond du cœur de ces hommes. Ce sont des Juifs venus pour les fêtes de la Pâque et de la Pentecôte de tous les licuK Israël est allé établir ses synago- gues. L'Asie, l'Afrique, Rome elle-même, ont fourni leur contingent. Mêlés à ces Juifs de pure race, on aperçoit des gentils qu'un mouvement de piété a portés à^embrasser la loi de Moïse et ses pratiques; on les appelle Prosélytes. Cette population mobile qui doit se disperser sous peu de jours, et que le seul désir d'accomplir la loi a rassemblée dans Jérusalem, représente, par la diversité des langages, la confusion de Babel; mais ceux qui^la composent sont moins influencés que les habitants de la Judée par l'orgueil et les préjugés. Arrivés d'hier, ils n'ont pas, comme ces derniers, connu et repoussé le Messie, ni blasphémé ses œuvres qui rendaient témoi- gnage de lui. S'ils ont crié devant Pilate avec les autres Juifs pour degiander que le Juste fût crucifié, c'est qu'ils étaient eiitraînés par

I. Luc. XII, 49.

Le Saint Jour 'de la Pentecôte. 285

l'ascendant des prêtres et des magistrats de cette Jérusalem vers laquelle leur piété et leur docilité à la loi les avaient amenés.

Mais l'heure est venue, l'heure de Tierce, l'heure prédestinée de toute éternité, et le dessein des trois divines personnes conçu et arrêté avant tous les temps se déclare et s'ac- complit. De même que le Père, sur l'heure de minuit, envoya en ce monde pour y pren- dre chair au sein de Marie, son propre Fils qu'il engendre éternellement : ainsi, le Père et le Fils envoient à cette heure de Tierce sur la terre l'Esprit-Saint qui procède de tous deux, pour y remplir jusqu'à la fin des temps la mission de former l'Eglise épouse et empire du Christ, de l'assister, de la main- tenir, de sauver et de sanctifier les âmes.

Soudain un vent violent qui venait du ciel se fait entendre; il mugit au dehors et rem- plit le Cénacle de son souffle puissant. Au dehors il convoque autour de l'auguste édifice que porte la montagne de Sion une foule d'habitants de Jérusalem et d'étrangers; au dedans il ébranle tout, il soulève les cent vingt disciples du Sauveur, et montre que rien ne lui résiste. Jésus avait dit de lui . « C'est un vent qui souffle il veut, et vous « entendez retentir sa voix i « ; puissance invisible qui creuse jusqu'aux abîmes dans les profondeurs de la mer, et lance les vagues jusqu'aux nues. Désormais ce vent parcourra la terre en tous sens, et rien ne pourra l'ar- rêter dans son domaine.

Cependant l'assemblée sainte qui était

I. JOHAN. ni, 8.

2S6 Le Temps Pascal.

assise tout entière dans l'extase de l'attente, a conserve la même attitude. Passive sous l'effort du divin envoyé, elle s'abandonne à lui. Mais le souffle n'a été qu'une prépara- tion pour le dedans du Cénacle, en même temps qu'il est un appel pour le dehors. Tout à coup une pluie silencieuse se répand dans l'intérieur de l'édifice; pluie de feu, dit la sainte Eglise, « qui éclaire sans brûler, qui luit sans consumer i » ; des flocons enflam- més ayant la forme de langues, viennent se poser sur la tête de chacun des cent vingt disciples. C'est l'Esprit divin qui prend pos- session de l'assemblée dans chacun de ses membres. L'Eglise n'est plus seulement en Marie; elle est aussi dans les cent vingt dis- ciples. Tous sont maintenant à l'Esprit qui est descendu sur eux; son règne est ouvert, il est déclaré, et de nouvelles conquêtes se pré- parent.

Mais admirons le symbole sous lequel une si divine révolution s'opère. Celui qui naguère se montra au Jourdain sous la forme" gra- cieuse d'une colombe, apparaît aujourd'hui sous celle du feu. Dans l'essence divine il est amour; or, l'amour n'est pas tout entier dans la douceur et la tendresse ; il est ardent comme le feu. Maintenant donc que le monde est livré à l'Esprit-Saint, il faut q^u'il brûle, et l'incendie ne s'arrêtera plus. Lt pourquoi cette forme de langues ? sinon parce que la parole sera le moyen par lequel se propagera le divin incendie. Ces cent vingt disciplesn'auront qu'à parier du Fils de Dieu

I. Répons du Jeudi de la Pentecôte.

Le Saint Jour de la Pentecôte. 28 j

fait homme et rédempteur de tous, de l'Es- prit-Saint qui renouvelle les âmes, du Père céleste qui les aime et les adopte : leur parole sera accueillie d'un grand nombre. Tous ceux qui l'auront reçue seront unis dans une m.ème foi, et l'ensemble qu'ils formeront s'ap- pellera l'Église catholique, universelle, répan- due en tous les temps et en tous les lieux. Le Seigneur Jésus avait dit : a Allez, enseignez « toutes les nations »; l'Esprit divin apporte du ciel sur la terre et la langue qui fera retentir cette parole, et l'amour de Dieu et des hommes qui l'inspirera. Cette langue et cet amour se sont arrêtés sur ces hommes, et par le secours de l'Esprit divin, ces hom- mes les transmettront à d'autres jusqu'à la fin des siècles.

Un obstacle cependant semble se dresser à rencontre d'une telle mission. Depuis Ba- bel, le langage humain est divisé, et la pa» rôle ne circule pas d'un peuple à l'autre. Comment donc la parole pourra-t-elle être l'instrument de la conquête de tant de na- tions, et réunir en une seule famille tant de races qui s'ignorent? Ne craignez pas: le tout-puissant Esprit y a pourvu. Dans l'ivresse sacrée qu'il inspire aux cent vingt disciples, il leur a conféré le don d'entendre toutes langues et de se faire entendre eux-mêmes en toute langue. A l'instant même, dans un transport sublime, ils s'essayent à parler tous les idiomes de la terre, et leur langue, comme leur oreille, se prête non seulement sans effort, mais avec délices, à cette plénitude de la parole qui va rétablir la communion des hommes entre eux. L'Esprit d'amour a fait

2SS Le Temps Pascal

cesser en un moment la séparation de Babel, et la fraternité première reparaît dans l'u- nité du langage.

Que vous êtes belle, 6 Eglise de Dieu, ren- due sensible dans cet auguste prodige de l'Esprit divin qui agit désormais sans'limi- tcs ! Vous nous retracez le magnifique spec- tacle qu'offrait la terre, lorsque la race hu- maine ne parlait qu'un seul langage. Et cette merveille ne sera pas seulenïent pour la journée de la Pentecôte, et elle ne durera pas seulement la vie de ceux en qui elle éclate en ce moment. Après la prédication des Apôtres, la forme première du prodige s'ef- facera peu à peu, parce qu'elle cessera d'être nécessaire ; mais jusqu'à la fin des siècles, ô Eglise, vous continuerez de parler toutes les langues; car vous ne serez pas confinée dans un "seul pays, mais vous habiterez tous les pays du monde. Partout on entend exprimer une même foi dans la langue de chaque peu- ple, et ainsi le miracle de la Pentecôte, renou- velé et transformé, vous accompagnera tou- jours, ô Eglise ! et demeurera l'un de vos prin- cipaux caractères. C'est ce qui fait dire au grand docteur saint Augustin parlant aux fidè- les, ces paroles admirables: « L'Eglise ré- « pandue parmi les nations parle toutes les « langues. Qu'est cette Eglise, sinon le corps « du Christ? Dans ce corps vous êtes un mem- « hre. Etant donc membre d'un corps qui « parle toutes les langues, vous avez droit de a vous considérer vous-même comme parti- « cipant au même don i. » Durant les siècles

I. In Johan. Tract, xxii.

Le Saint Jour de la Pentecôte. 2 S g

de foi, la sainte Eglise, source unique de tout véritable ^progrès dans l'humanité, avait fait plus encore; elle était parvenue à réunir dans une même forme de langage les peuples qu'elle avait conquis. La langue la- tine fut longtemps le lien du monde civilisé. En dépit des distances, les relations de peu- ple à peuple, les communications de la science, les affaires même des particuliers lui étaient confiées; l'homme qui parlait cette langue n'était étranger nulle part dans tout l'Occident et au delà. La grande hérésie du xvi* siècle émancipa les nations de ce bienfait comme de tant d'autres, et l'Europe, scindée pour longtemps, cherche, sans le trouver, ce centre commun que l'Eglise seule et sa lan- gue pouvaient lui offrir. Mais retournons au Cénacle dont les portes ne se sont pas encore ouvertes, et continuons à y contempler les merveilles du divin Esprit.

Nos yeux tout d'abord cherchent respec- tueusement Marie, Marie plus que jamais « pleine de grâce ». Il eût semblé qu'après les dons immenses qui lui furent prodigués dans sa conception immaculée , après les trésors de sainteté que versa en elle la pré- sence du Verbe incarné durant les neuf mois qu'elle le posséda dans son sein, après les se- cours spéciaux qu'elle reçut pour agir et souffrir en union avec son fils dans l'œuvre de la Rédemption, après les faveurs dont Jésus la combla au milieu des S{?lendeiirs de la résurrection, le Ciel avait épuisé la mesure des dons qu'il avait à répandre sur une simple créature, si élevée qu'elle pût être dans le plan éternel. 11 n'en est pas

LE TEMPS PASCAL. T III, I9

2 go Le Temps Pascal.

ainsi. Une nouvelle mission s'ouvre pour Marie: à eetic heure, la sainte Eglise est enfantée par elle; zMarie vient de mettre au jour l'Epouse de son Fils, et de nouveaux devoirs l'appellent. Jésus est monté seul dans les cieux; il l'a laissée sur la terre, afin qu'elle prodigue à son tendre fruit ses soins maternels. Qu'elle est touchante, mais aussi

âu'elle est glorieuse cette enfance de notre glise bien-aimée, reçue dans les bras de Marie, allaitée par elle, soutenue de son appui dès les premiers pas de sa carrière en ce monde ! Il faut donc à la nouvelle Eve, à la véritable « Mère des vivants », un surcroît de grâces pour répondre à une telle mission : aussi est-elle l'objet premier des faveurs de l'Esprit-Saint. Il la féconda autrefois pour être la mère du Fils de Dieu; en ce moment il forme en elle la mère des chrétiens. « Le « fleuve de la grâce, comme parle le Roi- ce prophète, submerge de ses eaux cette Cité « de Dieu qui les reçoit avec délices * » ; l'Es- prit d'amour accomplit à ce moment l'oracle divin du Rédempteur mourant sur la croix. Il avait dit, en désignant l'homme : « Femme, « voilà votre fils» ;r'heure est arrivée, et Marie a reçu avec une plénitude merveilleuse cette grâce maternelle qu'elle commence à appli- quer dès aujourd'hui, et qui l'accompagnera jusque sur son trône de reine, lorsqu'enfin la sainte Eglise ayant pris un accroissement suffisant," sa céleste nourrice pourra quitter la terre, monter aux cieux et ceindre le dia- dème qui l'attend.

^ ?-«

Le Saint Jour de la Pentecôte. 2g i

Contemplons cette nouvelle beauté qui éclate dans les traits de celle en qui le Sei- gneur vient de déclarer une seconde mater- nité : celte beauté est le chef-d'œuvre de l'Esprit- Saint en cette journée. Un feu divin transporte Marie, un amour nouveau s'est allumé dans son cœur; elle est tout entière à cette autre mission pour laquelle elle avait été laissée ici-bas. La grâce apostolique est descendue en elle. La langue de feu qu'elle a reçue ne parlera pas dans les prédications publiques; mais elle parlera auXiVpôtres, les dirigera, les consolera dans leurs labeurs. Elle s'énoncera, cette langue bénie, avec autant de douceur que de force, à l'oreille des fidè- les qui sentiront l'attraction vers celle en qui le Seigneur a fait l'essai de toutes ses mer- veilles. Comme un lait généreux, la parole irrésistible de cette mère universelle donnera aux premiers enfants de l'Eglise la vigueur qui les fera triompher des assauts de l'enfer; et c'est en partant d'auprès d'elle qu'Etienne ira ouvrir la noble carrière des martyrs.

Regardons maintenant le collège apostoli- que. Ces hommes que quarante ^ours de re- lations avec leur Maître ressuscité avaient relevés, et que nous trouvions déjà si diffé- rents d'eux-mêmes, que sont-ils devenus depuis l'instant l'Esprit divin les a saisis? Ne sentez-vous pas qu'ils sont transformés, qu'un feu divin éclate dans leur poitrine, et que dans un moment ils vont s'élancer à la conquête du monde? Tout ce que le Maître leur avait annoncé est accompli en eux; et c'est véritablement la Vertu d'en haut qui est descendue pour les armer au combat.

2g2 Le Temps Pascal.

sont-ils ceux qui tremblaient devant les en- nemis de Jésus, ceux qui doutaient de sa résurrection? I.a vérité que le Maître leur a enseignée brille aux regards de leur intelli- gence'; ils voient tout, ils comprennent tout. L'Esprit-Saint leur a infus le don de la foi dans un degré sublime, et leur cœur brûle du désir de répandre au plus tôt cette foi dans le monde entier. Loin de craindre désormais, ils n'aspirent qu'à affronter tous les périls en prêchant, comme Jésus le leur a commandé, à toutes les nations son nom et sa gloire.

Contemplez Pierre. Vous le reconnaissez aisément à cette majesté douce que tempère une ineffable humilité. Hier son aspect était imposant mais tranquille ; aujourd'hui, sans rien perdre de leur dignité, ses traits ont pris une expression d'enthousiasme que nul n'avait encore vue en lui. L'Esprit divin s'est emparé puissamment du Vicaire de Jésus ; car Pierre est le prince de la parole et le maître de la doctrine. Près de Pierre, c'est André son frère aîné, qui conçoit en ce moment cette passion ardente pour la croix

Î|ui sera son type à jamais glorieux; c'est ean dont les traits semblaient naguère ne respirer que la douceur, et qui subitement ont pris l'expression forte et inspirée du pro- phète de Pathmos; à ses cotés, c'est Jacques son frère, l'autre « fils du tonnerre », se cires- sant avec toute la vigueur du vaillant che- valier qui s'élancera bientôt à la conquête de ribérie. Le second Jacques, celui qui est aimé sous le nom de a frère du Seigneur », puise dans la vertu du divin Esprit qui le transporte, un nouveau degré de charme et

Le Saint Jour de la Pentecôte. 2g3

de béatitude. Matthieu est illuminé d'une splendeur qui fait pressentir en lui le pre- mier des écrivains du nouveau Testament. Thomas sent en son cœur la foi qu'il a reçue au contact des membres de son Maîtrp res- suscité, prendre un accroissement sans me- sure ; il est prêt à partir pour ses laborieuses missions dans l'extrême Orient; tous, en un mot, sont un hymne vivant à la gloire de l'Esprit tout-puissant, qui s'annonce avec un tel empire dès les premiers instants de son arrivée.

Dans un rang inférieur apparaissent les disciples, moins favorisés dans cette visite que les douze princes du collège apostoli- que, mais pénétrés du même feu; car eux aussi marcheront à la conquête du monde et fonderont de nombreuses chrétientés. Le groupe des saintes femmes n'a pas moins res- senti que le reste de l'assemblée la descente du Dieu qui s'annonce sous l'emblème du feu. L'amour qui les retint au pied de la croix de Jésus et qui les conduisit les premières à son sépulcre au matin de la Pâque, s'est en- flammé d'une ardeur nouvelle. La langue de feu s'est arrêtée sur chacune d'elles, et elles seront éloquentes à parler de leur Maître aux Juifs et aux gentils. En vain la synagogue expulsera Madeleine et ses compagnes; la Gaule méridionale les écoutera à son tour, et ne sera pas rebelle à leur parole.

Cependant, la foule des Juifs qui avait entendu le bruit de la tempête annonçant la venue de l'Esprit divin, s'est amassée en grand nombre autour du mystérieux Céna- cle. Ce même Esprit qui agit au dedans avec

2g4 Le Temps Pascal.

tant de magnificence, les pousse à faire le siège de cette maison qui contient dans ses murs l'Eglise du Christ dont la naissance vient d'éclater. Leurs clameurs retentissent, et biçntôt le zèle apostolique qui vient de naître pour ne plus s'éteindre, ne peut plus tenir dans de si étroites limites. En un moment l'assemblée inspirée se précipite aux portes du Cénacle, et se met en rapport avec cette multitude avide de connaître le nou- veau prodige que vient d'opérer le Dieu d'Israël.

Mais, ô merveille ! la foule composée de toutes les nations, qui s'attendait à entendre le parler grossier des Galiléens, est tout à coup saisie de stupeur. Ces Galiléens n'ont fait encore que s'énoncer en paroles confuses et inarticulées, et chacun les entend parler dans sa propre langue. Le symbole de l'unité apparaît dans toute sa splendeur. L'Eglise clirétienne est montrée à tous les peuples représentés dans cette multitude. Elle sera une, cette Eglise; car les barrières que Dieu plaça autrefois, dans sa justice, pour isoler les nations, viennent de s'écrouler. Voici les messagers de la foi du Christ; ils sont prêts, ils vont partir, leur parole fera le tour de la terre.

Dans la foule cependant, quelques hom- mes, insensibles au prodige, se scandalisent de rivresse divine dans laquelle ils voient les Apôtres : « Ces hommes , disent-ils, sont « pleins de vin. » C'est le langage du ratio- nalisme qui veut tout expliquer par des rai- sons humaines. Et pourtant, ces Galiléens prétendus ivres abattront à leurs pieds le

Le Saint Jour de la Pentecôte. 2g5

mande entier, et l'Esprit divin qui est en eux, ils le communiqueront avec son ivresse à toutes les races du genre humain. Les saints Apôtres sentent que le moment est venu ; il faut que la seconde Pentecôte soit proclamée en ce jour anniversaire de la pre- mière. Mais dans cette proclamation de la loi de miséricorde et d'amour qui vient rem- placer la loi de la justice et de la crainte, quel sera le Moïse ? L'Emmanuel, avant de monter au ciel, l'avait désigné : c'est Pierre, le fondement de l'Eglise. U est temps que tout ce peuple le voie et l'entende ; le trou- peau va se former, il est temps que le pas- teur se montre. Ecoutons l'Esprit-Saint qui va s'énoncer par son principal organe, en présence de cette multitude ravie et silen- cieuse ; chaque mot que va dire l'Apôtre qui ne parle qu'une seule langue est compris de chacun des auditeurs, à quelque idiome, à quelque pays de la terre qu'il appartienne. Un tel discours est à lui seul la démonstra- tion de la vérité et de la divinité de la loi nouvelle.

« Hommes juifs, s'écrie dans la plus haute éloquence le pécheur du lac de Génézareth, hommes juifs et vous tous qui habitez en ce moment Jérusalem, apprenez ceci et prêtez l'oreille à mes paroles. Non, ces hommes que vous voyez ne sont pas ivres comme vous l'avez pensé; car il n'est encore que l'heure de tierce; mais en ce moment s'accomplit ce qu'avait prédit le prophète Joël : « Dans les « derniers temps, dit le Seigneur, je répan- «« drai mon Esprit sur toute chair, et vos fils a et vos filles prophétiseront, et vos jeunes

2g6 Le Temps Pascal.

« gens seront favorisés de visions, et vos « vieillards auront des songes prophétiques. « Et dans ces jours, je répandrai mon Esprit « sur mes serviteurs et sur mes servantes, et « ils prophétiseront. » Hommes Israélites, écoutez ceci. Vous vous rappelez Jésus de Nazareth, que Dieu même avait accrédité au milieu de vous par les prodiges au moyen desquels il opérait par lui, ainsi que vous le savez vous-mêmes. Or, ce Jésus, selon le décret divin résolu à l'avance, a été livré à ses ennemis, et vous-mêmes vous l'avez fait mourir par la main des impies. Mais Dieu l'a ressuscité, en l'arrachant à l'humiliation du tombeau qui ne pouvait le retenir. David n'avait-il pas dit de lui : a Ma chair reposera « dans l'espérance ; car vous ne permettrez « pas. Seigneur, que celui qui est votre « Saint éprouve la corruption du tombeau »? Ce n'était pas en son propre nom que David parlait; car il est mort, et son sépulcre est encore sous nos yeux; mais il annonçait la résurrection du Christ qui n'a point été laissé dans le tombeau, et dont la chair n'a pas connu la corruption. Ce Jésus, Dieu lui- même l'a ressuscité, et nous en sommes tous témoins. Elevé à la droite de Dieu, il a, selon la promesse qu'en avait faite le Père, répandu sur la terre le Saint-Esprit, ainsi que vous le voyez et l'entendez. Sachez donc, maison d'Israël, et sachez-le avec toute cer- titude, que ce Jésus crucifié par vous, Dieu en a fait le Seigneur et le Christ i. » Ainsi fut accomplie la promulgation de la

I. Act. II.

Le Saint Jour de la Pentecôte. 2gj

loi nouvelle par la bouche du nouveau Moïse. Comment les auditeurs n'eussent-ils pas accueilli le don inestimable de cette seconde Pentecôte, qui venait dissiper les ombres de l'ancienne et produire au grand jour les divines réalités? Dieu se révélait, et, comme toujours, il le faisait par les miracles. Pierre rappelle les prodiges de Jésus dont la Syna- gogue n'a pas voulu tenir compte, et qui ren- daient témoignage de lui. Il annonce la des- csnte de l'Esprit-Saint, et en preuve il allè- gue le prodige inouï que les auditeurs ont sous les yeux, dans le don des langues départi aux habitants du Cénacle.

Poursuivant son œuvre sublime, l'Esprit- Saint qui planaitsur cette foule, féconde par son action divine ces cœurs prédestinés. La foi naît et se développe tout d'un coup dans ces disciples du Sinaï accourus de tous les points du monde pour une Pâque et une Pentecôte désormais stériles. Saisis de crainte et de regret d'avoir demandé la mort du Juste, dont ils confessent la résurrection et l'ascension au ciel, ces Juifs de toute nation poussent un cri pénétrant vers Pierre et ses compagnons : « Qu'avons-nous donc à faire, « ô vo'us qui êtes nos frères ? » Admirable disposition pour recevoir la foi! le désir de croire, et le dessein arrêté de conformer ses actes à sa croyance. Pierre reprend son dis- cours : « Repentez-vous, leur dit-il, et que « chacun de vous soit baptisé au nom de « Jésus-Christ, et vous aurez part, vous aussi, « au don du Saint-Esprit, La promesse a été « faite pour vous et pour vos fils et égale- « ment pour ceux qui sont loin, c'est-à-dire

2gS Le Temps Pascal.

« les gentils : en un mot, pour tous ceux « qu'appelle le Seigneur notre Dieu. »

A chaque parole du nouveau Moïse, la Pentecôte juaaïque s'efface, et la Pentecôte chrétienne resplendit d'une lumière toujours plus splendide à l'horizon. Le règne de l'Es- prit divin est inauguré dans Jérusalem, à la face du temple condamné à s'écrouler sur lui-même. Pierre parla encore ; mais le livre sacré des Actes n'a recueilli que ces paroles qui retentirent comme le dernier appel au salut : « Sauvez-vous, enfants d'Israël, sau- ce vez-vous de cette génération perverse. »

Il fallait rompre, en effet, avec les siens, mériter par le sacrifice les faveurs de la nou- velle Pentecôte, passer de la Synagogue dans l'Eglise. Plus d'un combat se livfa dans les cœurs de ces hommes; mais le triomphe de l'Esprit-Saint fut complet en ce premier )our. Trois mille personnes se déclarèrent disci- ples de Jésus, et furent marquées aujour- d'hui même du sceau de l'adoption. O Eglise du Dieu vivant, qu'ils sont beaux vos progrès sous le souffle du divin Esprit ! D'abord vous avez résidé en Marie l'immaculée, pleine de grâce et mère de Dieu; votre second pas vous' a donné les cent vingt disciples du Cénacle; et voici que le troisième vous dote de trois mille élus, nos ancêtres, qui vont bientôt quitter Jérusalem la répudiée, et por- ter dans les pays d'où ils sont partis les pré- mices du peuple nouveau. Demain c'est au temple même que Pierre parlera, et à sa voix cinq mille personnes se déclareront à leur tour disciples de Jésus de Nazareth. Salut donc, ô Eglise, noble et dernière créa-

Le Saint Jour de la Pentecôte. 2gg

tion de l'Esprit-Saint, société immortelle qui militez ici-b^s, en môme temps que vous triomphez dans les cieux. O Pentecôte, jour sacré de notre naissance, vous ouvrez avec gloire la série des siècles que doit parcourir en ce monde l'Epouse de TEmmanuel. Vous nous donnez l'Esprit divin qui vient écrire, non plus sur la pierre, mais dans nos cœurs, la loi qui régira les disciples de Jésus. O Pentecôte promulguée dans Jérusalem, mais qui devez étendre vos bienfaits à ceux « qui sont au loin », c'est-à-dire aux peuples de la gentilité, vous venez remplir les espérances que nous fit concevoir le touchant mystère de l'Epiphanie. Les mages venaient de l'O- rient; nous les suivîmes au berceau de l'En- fant divin, et nous savions que notre tour viendrait. Votre grâce, ô Esprit-Saint, les avait secrètement attirés à Bethléhem ; mais dans cette Pentecôte qui déclare votre souve- rain empire avec tant d'énergie, vous nous appelez tous; l'étoile est transformée en lan- gues de feu, et la face de la terre va être renouvelée. Puissent nos cœurs conserver les dons que vous nous apportez, ces dons que le Père et le Fils qui vous envoient nous ont destinés!

L'importance du mystère de la Pentecôte étant si principale dans l'économie du chris- tianisme, on ne doit pas s'étonner que l'E- glise lui ait assigné dans la sainte Liturgie un rang aussi distingué que celui qu'elle attribue à la Pàque elle-même. La Pâque est le rachat de l'homme par la victoire du Christ ; dans la Pentecôte l'Esprit-Saint prend

3oo Le Temps Pascal.

possession de l'homme racheté ; l'Ascension est le mystère intermédiaire. D'un côté, elle consomme la Pâque en établissant l'Homme- Dieu, vainqueur de la mort et chef de ses fidèles, à la droite du Père; de l'autre, elle détermine l'envoi de l'Esprit-Saint sur la terre. Cet envoi ne pouvait avoir lieu avant la glorification de Jésus, comme nous dit saint Jean i, et de nombreuses raisons allé- guées par les Pères nous aident à le com- prendre. Il fallait que le Fils de Dieu, qui avec le Père est le principe de la procession du Saint-Esprit dans l'essence divine, envoyât personnellement aussi cet Esprit sur la terre. La mission extérieure de l'une des divines personnes n'est qu'une suite et une manifes- tation de la production mystérieuse et éter- nelle qui a lieu au sein de la divinité. Ainsi le Père n'est envoyé ni par le Fils ni par le Saint-Esprit, parce qu'il n'est pas produit par eux. Le Fils a été envoyé aux hommes par le Père, étant engendre par lui éternelle- ment. Le Saint-Esprit est envoyé par le Père et par le Fils, parce qu'il procède de l'un et de l'autre. Mais pour que la mission du Saint-Esprit s'accomplît de manière à donner plus de gloire au Fils, il était juste qu'elle n'eût lieu qu'après l'intronisation du Verbe incarné à la droite du Père, et il était souve- rainement glorieux pour la nature humaine qu'au moment de cette mission elle fût indis- solublement unie à la nature divine dans la personne du Fils de Dieu, en sorte qu'il fût

Le Saint Jour de la Pentecôte. 3oi

vrai de dire que l'Homme-Dieu a envoyé le Saint-Esprit sur la terre.

Cette auguste mission ne devait être don- née à l'Esprit divin que lorsque les hommes auraient perdu la vue de l'humanité de Jésus. Ainsi que nous l'avons dit, il fallait dés- ormais que les yeux et les cœurs des tidèles poursuivissent le divin absent d'un amour plus pur et tout spirituel. Or, à qui appar- tenait-il d'apporter aux hommes cet amour nouveau, sinon à l'Esprit tout-puissant qui est le lien du Père et du Fils dans un amour éternel? Cet Esprit qui embrase et qui unit est appelé dans les saintes Ecritures le « don de Dieu » ; et c'est aujourd'hui que le Père et le Fils nous envoient ce don ineffable. Rappelons-nous la parole de notre Emma- nuel à la femme de Samarie, au bord du puits de Sichar. « Oh ! si tu connaissais le « don de Dieu M » Il n'était pas descendu encore ; il ne se manifestait jusqu'alors aux hommes que par des bienfaits partiels. A partir d'aujourd'hui, c'est une inondation de feu qui couvre la terre : l'Esprit divin anime tout, agit en tous lieux. Nous connaissons le don de Dieu ; nous n'avons plus qu'à l'accep- ter, qu'à lui ouvrir l'entrée de nos cœurs, comme les trois mille auditeurs fidèles que vient de rencontrer la parole de Pierre

Mais voyez à quel moment de l'année l'Es- prit divin vient prendre possession de son domaine. Nous avons vu notre Emmanuel, Soleil de justice, s'élever timidement du sein des ombres du solstice d'hiver et monter

I. JOHAN. IV, lO.

3o2 Le Temps Pascal.

d'une course lente à son zénith. Dans un su- blime contraste, l'Esprit du Père et du Fils a cherche d'autres harmonies. Il est feu, feu qui consume ^ ;• il éclate sur le monde au moment le soleil brille de toute sa splen- deur, où cet astre contemple couverte de fleurs et de fruits naissants la terre qu'il ca- resse de ses rayons. Accueillons de même la chaleur vivifiante du divin Esprit, et deman- dons humblement qu'elle ne se ralentisse plus en nous. A ce moment de l'Année litur- gique, nous sommes en pleine possession de la vérité par le \'erbe incarné ; veillons à en- tretenir fidèlement l'amour que l'Esprit- Saint vient nous apporter à son tour.

Fondée sur un passé de quatre mille ans quant aux figures, la Pentecôte chrétienne, le vrai quinquagénaire, est du nombre des fêtes instituées par les Apôtres eux-mêmes. Nous avons vu qu'elle partagea avec la Pâque, dans l'antiquité, l'honneur de conduire les catéchumènes à la fontaine sacrée, et de les en ramener néophytes et régénérés. Son Oc- tave, comme celle de Pâques, ne dépasse pas le samedi par une raison identique. Le bap- tême se conférait dans la nuit du samedi au dimanche, et pour les néophytes la solennité de la Pentecôte s'ouvrait au moment même de leur baptême. Comme ceux de la Pâque, ils revêtaient alors les habits blancs, et ils les déposaient le samedi suivant, qui était compté pour le huitième jour.

Le moyen âge donna à la fête de la Pente- côte le grac4eux nom de Pdque des roses;

Le Saint Jour de la Pentecôte. 3o3

nous avons vu celui de Dimanche des roses imposé dans les mêmes siècles de foi au Di- manche dans l'Octave de l'Ascension. La couleur vermeille de la rose et son parfum rappelaient à nos pères ces langues enflam- mées qui descendirent dans le Cénacle sur chacun des cent vingt disciples, comme les pétales effeuillées de la rose divine qui~ ré- pandait l'amour et la plénitude de la grâce sur l'Eglise naissante. La sainte Liturgie est entrée dans la même pensée en choisissant la couleur rouge pour le saint Sacrifice du- rant toute l'Octave. Durand de Mende, dans son Rational si précieux pour la connais- sance des usages liturgiques du moyen âge, nous apprend qu'au treizième siècle, dans nos églises, à la Messe de la Pentecôte, on lâchait des colombes qui voltigeaient au-des- sus des fidèles en souvenir de la première manifestation de l'Esprit-Saint au Jourdain, et que l'on répandait de la voûte des étoupes enflammées et des fleurs en souvenir de la seconde au Cénacle.

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Pierre. Il était juste de rendre hom- mage au prince des Apôtres en ce jour son éloquence inspirée par l'Esprit-Saint con- quit à l'Eglise les trois mille chrétiens dont nous sommes les descendants. Actuellement, la Station demeure toujours fixée à Saint- Pierre avec les indulgences qui s'y rappor- tent ; mais le Souverain Pontife et le sacré Collège se rendent pour la Fonction à la Basi- lique du Latran, Mère et Chef de toutes les églises de la ville et du monde.

3o4 J-e Saint Jour de la Pentecôte.

A TIERCE.

LA sainte Eglise célèbre aujourd'hui l'heure de Tierce avec une solennité particulière, afin de se maintenir dans un rapport plus intime avec les heureux habitants du Céna- cle. Elle a même choisi cette heure, dans tout le cours de l'année, comme la plus pro- pice pour l'offrande du saint Sacrifice, au- quel préside l'Esprit-Saint dans toute la puis- sance de son opération. Cette heure de Tierce, qui répond à neuf heures du matin selon notre manière de compter, est remar- quable chaque jour par une invocation au Saint-Esprit formulée dans une Hymne de saint Ambroise ; mais aujourd'hui ce n'est pas l'Hymne ordinaire de Tierce que l'Eglise adresse au divin Paraclet ; c'est le cantique si mystérieux et si grandiose que le ix^ siè- cle nous a légué, en nous transmettant la tradition qui donne Charlemagne pour au- teur de cette œuvre sublime.

La pensée d'en enrichir l'Office de Tierce au jour de la Pentecôte appartient à saint Hugues, abbé de Cluny au xi^ siècle ; et cette pratique a semblé si belle, que l'Eglise Ro- maine a fini par l'adopter dans sa Liturgie. De est venu que dans les Eglises même l'on ne célèbre pas l'Office canonial, on chante du moins le Veni creator avant la Messe du jour de la Pentecôte.

A cette heure si solennelle, aux accents inspirés de cette Hymne si tendre à la fois et si imposante, l'assemblée des fidèles se re- cueille; elle adore et appelle l'Esprit divin.

A Tierce.

^o5 }

A ce moment, il plane sur tous les temples de la chrétienté, et descend invisiblement dans tous les cœurs qui l'attendent avec ferveur. Exprimons-lui le besoin que nous éprouvons de sa présence, le suppliant de demeurer en nous, et de ne jamais s'en éloi- gner. Montrons-lui notre âme marquée de son sceau ineffaçable dans le Baptême et dans la Confirmation; prions-le de veiller sur son œuvre. Nous sommes sa propriété; qu'il daigne faire en nous ce que nous le prions d'y accomplir; mais que notre bouche parle avec sincérité, et souvenons-nous que pour recevoir et conserver l'Esprit-Saint, il faut renoncer à l'esprit du monde ; car le Sei- gneur a dit: « Nul ne peut servir deux maî- « très '. »

La première strophe de cette Hymne vé- nérable se chante toujours à genoux; on se lève ensuite, et l'on chante debout les stro- phes suivantes.

VENEZ , Esprit Gréateur , visiter les âmes de vos fidèles, et remplir de la grâce céleste les cœurs que vous avez créés.

Vous êtes appelé le Con- solateur, le Don du Dieu Très-Haut, la source d'eau vive, le feu, l'amour, l'onction spirituelle.

■\7eni, Creator Spiritus, ' Mentes tuorum visi- ta, Impie superna gratia Quae tu creasti pectora.

Qui diceris Paracli-

tus, Altissimi donum Dei, Fons vivus, ignis, cari- tas, Et spiritalis unctio.

LE TEMPS PASCAL. T. III.

3o6 Le Saint Jour de la Pentecôte.

Tu septiformis mune- re, Digitus Patern» dexterae, Tu rite promissum Pa-

Ditris, Sermone ditans guttura.

Accende lumen sensi-

bus, Infunde amorem cordi-

bus, Infirma nostri corporis Virtute firmans perpeti.

Hostem repellas lon-

gius, Pacemque dones proti-

nus : Ductore sic te praevio Vitemus omne noxium.

Per te sciamus da Pa-

trem, Noscamus atque Filiura, Teque utriusque Spiri-

tum Credamus omni tempo-

Deo Patri sit gloria, Et Filio, qui a mortui Surrexit, ac Paraclito In saeculorum saecula.

Amen.

Versant sur nous vos sept dons, vous êtes le doigt de la main du Père ; promis solen- nellement par lui aux hom- mes, vous venez leur appor- ter la puissance du langage.

Eclairez nos esprits de votre lumière, versez l'amour dans nos cœurs ; soutenez la faiblesse de notre corps par votre incessante énergie.

Repoussez l'ennemi loin de nous , hâtez-vous de nous donner la paix ; marchez de- vant nous comme notre chef, et nous éviterons tout mal.

Faites-nous connaitre le Père et le Fils ; donnez-nous la foi en vous qui procédez de l'un et de l'autre.

Gloire soit à Dieu le Père ! Gloire soit au Fils ressuscité des morts ! Gloire au Para- clet , dans les siècles des siècles !

Amen.

On continue ensuite l'Office de Tierce, dont les trois Psaumes se trouvent ci-dessus, page 5i.

»-,_ c PiRiTus Do- I \k,t I 'Esprit du Sei- '^"^' O mini reple- | '^^^- L gncur a rem-

A Tierce.

3oj

pli la terre entière, alléluia. 1 vit orbem terrarum, al- I leluia.

CAPITULE. (Act. II.)

LES jours de la Pentecôte étant accomplis, et tous les disciples se trouvant réu- nis dans un même lieu, il se fit tout à coup un grand bruit, comme d'un vent impétueux qui venait du ciel, et qui rem- plit toute la maison ils étaient assis.

A , T 'Esprit du Sei- ^' '^* A- gneur a rem- pli la terre entière, * Allé- luia, alléluia. L'Esprit.

j^. Et lui qui embrasse toutes choses possède la science du langage. * Allé- luia, alléluia.

Gloire au Père. L'Esprit du Seigneur.

f. L'Esprit Paraclet, allé- luia.

^. Vous enseignera toutes choses, alléluia.

CUM complerenturdies Pentecostes , erant omnes discipuli pariter in eodem loco ; et factus est repente de cœlo so- nus tamquam advenien- tis spiritus vehementis. et replevit totam domum ubi crant sedentes.

Tf. br. CP'RiTUs Do-

^ O mini reple-

vit orbem terrarum , * Alléluia, alléluia. Spiri- tus.

f. Et hoc quod con- tinet omnia scientiam habet vocis, * Alléluia, alléluia.

Gloria Patri. Spiritus Domini.

i^. Spiritus Paraclitus, alléluia^

^. Docebit vos omnia, alléluia.

L'Oraison est la Collecte de la Uqssc, page Sog.

.^oS Le Saint Jour de la Pentecôte.

A LA MESSE.

LE moment de célébrer le saint Sacrifice est arrivé. Remplie de l'Esprit divin, l'Eglise va payer le tribut auguste de sa reconnais- sance en offrant la victime qui nous a mé- rité un tel don par son immolation. Déjà l'Introït retentit avec un éclat et une mélo- die non pareils. Le chant grégorien s'élève rarement à un tel enthousiasme. Les paroles contiennent un oracle du livre de la Sagesse, qui reçoit son accomplissement aujourd'hui. C'est l'Esprit divin se répandant sur le monde, et comme gage de sa présence don- nant aux saints Apôtres la science de la parole dont il est la source.

SPIRITUS Domini reple- vit orbem terrarum, alléluia : et hoc quod continet omnia , scien- tiam habet vocis, allé- luia, alléluia, alléluia.

Ps. Exsurgat Deus, et dissipentur inimici ejus : et fugiant qui oderunt eum a facie ejus. Gloria Patri. Spiritus Domini.

L'Esprit du Seigneur a rempli la terre entière, alléluia ; et lui qui embrasse toutes choses , possède et communique la science du langage, alléluia , alléluia, alléluia.

Ps. Que Dieu se lève, et que ses ennemis soient dissi- pés ; que ceux qui le haïssent fuient devant sa face. Gloire au Père. L'Esprit du Sei- gneur.

La Collecte nous fournit l'expression de nos vœux pour un si grand jour. Elle nous avertit en même temps que l'Esprit divin nous apporte deux dons principaux : le goût des choses divines et la consolation du cœur;

demandons que l'un et l'autre demeurent en nous, afin que nous devenions parfaits chré- tiens.

/^ Dieu qui avez éclairé ^^ en ce jour les cœurs des fidèles par la lumière du Saint-Esprit, accordez-nous par le même Esprit de goû- t3r ce qui est bien et de jouir sans cesse de la consolation dont il est la source. Par Jé- sus-Christ.

DEUS, qui hodiernadie corda fidelium Sanc- ti Spiritus illustratione docuisti : da nobis in eodem Spiritu recta sa- pere, et de ejus semper consolatione gaudere. Per Dominum.

Lecture des Actes des Apô- tres. Chap, II.

LES jours de la Pentecôte étant accomplis, et tous les disciples se trouvant réu- nis dans un même lieu, il se fit tout à coup un grand bruit, comme d'un vent impé- tueux qui venait du ciel, et qui remplit toute la maison ils étaient assis. Et ils virent apparaître comme des lan- gues de feu qui se partagè- rent, et s'arrêtèrent sur cha- cun d'eux. Et iJs furent tous remplis du Saint-Esprit, et commencèrent à parler diver- ses langues, selon que le Saint-Esprit leur en mettait l'expression dans la bouche. Or, il y avait à Jérusalem des Juifs remplis de religion, et appartenant à toutes les

Lectio Actuum Aposto- lorum. Cap. ii.

CUiM complerentur dies Pentecostes , erant omnes discipuli pariter in eodem loco : et fac- tus est repente de cœlo sonus, tamquam adve- nientis spiritus vehemen- tis, et replevit totam do- mum ubi erant sedentes. Et apparuerunt illis dis- pertitse linguae tamquam ignis, seditque supra sin- gulos eorum : et repleti sunt omnes Spiritu Sanc- to, et cœperunt loqui variis linguis, prout Spi- ritus Sanctus dabat elo- Ïui illis. Erant autem in . erusalem habitantes Ju- daei, viri religiosi ex omni natione, quoe sub

3 10 Le Saint Jour de la Pentecôte.

cœlo est. Facta autem hac voce, convenit mul- titudo, et mente confusa est, quoniam audiebat unusquisque lingua sua illos loquentes. Stupe- bant autem omnes, et mirabantur dicentes : Nonne ecce omnes isti, qui loquuntur, Galilaei sunt ? et quomodo nos audivimus, unusquisque linguam nostram, in qua nati sumus ? Parthi et Medi, et iElamitas, et qui habitant Mesopota- miam, Judaeam et Cap- padociam . Pontum et Asiam , Phrygiam et Pamphyliam, ^gyptum, et partes Libyœ qua? est circa Cyrenen, et advenœ Romani, Judasi quoque. et Proselyti, Crêtes et Arabes : audivimus eos loquentes linguis nostris magnalia Dei.

nations qui sont sous le ciel. Le bruit de ce qui venait de se passer s'étant répandu, il ' s'en rassemble un grand I nombre, et ils furent très I étonnés de ce que chacun d'eux les entendait parler en I sa propre langue. Ils en étaient tous hors d'eux-mê- mes, et dans leur étonne- I ment, ils se disaient les uns ! aux autres : Tous ces gens I qui nous parlent ne sont-ils pas Galiléens ? Comment donc les entendons-nous par- ler chacun la langue de notre pays ? Parthes, Mèdes, Ela- mites, ceux d'entre nous qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont et l'Asie, la Phrygie et la Pamphylie, l'Egypte et la contrée de la Libye qui est proche de Cyrène ; et ceux d'entre nous qui sont venus de Rome, Juifs et Prosélytes, Cretois et Arabes, nous les entendons parler chacun en notre langue les merveilles de Dieu.

QUATRE grands événements signalent l'exis- tence de la race humaine sur la terre, et tous les quatre témoignent de la bonté in- finie de Dieu envers nous. Le premier est la création de l'homme et sa vocation à l'état surnaturel, qui lui donne pour fin dernière la vision et la possession éternelle de Dieu. Le second est l'incarnation du Verbe divin qui, unissant la nature humaine à la nature

A la Messe. 3ii

divine dans le Ciirist, élève l'être créé à la participation de la divinité, et fournit en même temps la victime nécessaire pour ra- cheter Adam et sa race de leur prévarication. Le troisième événement est la descente du Saint-Esprit, dont nous célébrons l'anniver- saire en ce jour. Enfin le quatrième est le second avènement du Fils de Dieu qui viendra délivrer l'Eglise son épouse, et l'emmènera au ciel pour célébrer avec elle les noces éternel- les. Ces quatre opérations divines, dont la dernière n'est pas accomplie encore, sont la clef de l'histoire humaine ; rien n'est en dehors d'elles; mais l'homme animal ne les voit même pas, il n'y songe pas. « la lumière « a lui dans les ténèbres,"^ et les ténèbres ne « l'ont pas comprise i. »

Béni soit donc le Dieu de miséricorde qui a nous a appelés des ténèbres à l'admirable u lumière de la foi 2. « H nous a faits enfants de cette génération a qui n'est ni de la chair « et du sang, ni de la volonté de l'homme, ce mais de Dieu 3. » Par cette grâce, nous voici aujourd'hui attentifs à la troisième des opérations divines sur ce monde, à la des- cente de l'Esprit-Saint, et nous avons entendu le récit émouvant de sa venue. Cette tem- pête mystérieuse, ce feu, ces langues, cette ivresse sacrée, tout nous transporte au cen- tre même des divins conseils, et nous nous écrions: « Dieu a-t-il donc tant aimé ce « monde ? » Jésus, quand il était avec nous sur la terre, nous le disait: « Oui, Dieu a tant

I. JoHAN. I, 5. 2. î Petr. II, g. 3. Johan. i, i3.

3i2 Le Saint Jour de la Pentecôte.

V aimé le monde qu'il lui a donné son Fils « unique K » Aujourd'hui il nous faut complé- ter cette sublime parole et dire : « Le Père « et le Fils ont tant aimé le monde, qu'ils « lui ont donné leur Esprit-Saint. » Accep- tons un tel don, et comprenons enfin ce qu'est l'homme. Le rationalisme, le natura- lisme, prétendent le grandir en s'etforçant de le captiver sous le )ougde l'orgueil et de la sensualité; la foi chrétienne nous im- pose l'humilité et le renoncement; mais pour prix elle nous montre Dieu lui-même se donnant à nous.

Le premier Verset alléluiatique est formé des paroles de David l'Esorit-Saint est montré comme l'auteur d'une création nou- velle, comme le rénovateur de la terre. Le second est la touchante prière par laquelle la sainte Eglise appelle sur ses enfants l'Es- prit d'amour. On la chante toujours à ge- noux.

ALLELUIA, alléluia.

î^. Einitte Spiritum tuum, et creabuntur : et renovabis faciem terr.t.

Alléluia.

f. Veni, Sancte Spi- ritus, reple tuorum cor- da fidelium : et tui amo- ris in eis ignetn accende.

A LLELUiA, alléluia.

f. Envoyez votre Esprit, et une création nouvelle s'o- pérera, et vous renouvellerez It face de la terre.

Alléluia.

f. Venez, ô Esprit-Saint, remplissez les cœurs de vos fidèles , et allumez en eux le feu de votre amour.

Vient ensuite la Séquence, œuvre d'en- thousiasme et en même temps d'une inelîa-

I. JOHAN. m, i6.

A la Messe.

3i3

ble tendresse pour celui qui vit et règne éter- nellement dans la société du Père et du Fils, et qui va désormais établir son empire, dans nos cœurs. Cette pièce est de la fin du xii" siècle, et on l'attribue, avec vraisem- blance, au grand Pape Innocent III.

SEQUENCE.

VENEZ, ô Esprit-Saint, et lancez sur nous du haut du ciel un rayon de votre lumière.

Venez, père des pauvres ; venez, distributeur des dons; venez, lumière des âmes.

Vous êtes le consolateur rempli de bonté, l'hôte bien- veillant de nos âmes, leur aimable rafraîchissement.

Dans le labeur, vous êtes notre repos ; notre abri dans les ardeurs brûlantes, notre consolation dans les pleurs.

O lumière heureuse et ché- rie, remplissez de vos clartés les cœurs de vos fidèles jus- qu'au plus intime.

Si votre divin secours n'ar- rive pas à l'homme, il n'est rien en lui qui ne puisse lui devenir nuisible.

Lavez nos souillures, arro- sez nos sécheresses, guéris- sez nos blessures.

■y/ ENi, Sancte Sçiritus, ' Et emitte cœlitus Lucis tuae radium.

Veni pater pauperum, Veni dator munerum, Veni lumen cordium.

Consolator optime, Dulcishospes animae, Dulce refrigerium.

In labore requies, In sestu temperies. In fletu solatium.

O lux beatissima, Rcple cordis intima Tuorum fidelium.

Sine tuo numine, Nihil est in homine, Nihil est innoxium.

Lava quod est sordi- dum, Riga quod est aridum. Sana quod est saucium.

Flcctc quod est rigi- dutn, Fove quod est frigidum, Rege quod est devium.

Da tuis fidelibus, In te confidentibus, Sacrum Septenarium.

Da virtutis meritum, Da salutis exitum, Da perenne gaudium.

Amen. Alléluia.

Pliez ce qui se roidit en nous, échaufrez notre froi- deur, redressez nos pas qui s'égarent.

Répandez vos sept Dons sur vos fidèles, qui mettent en vous toute leur confiance.

Accordez-leur le mérite de la vertu, l'heureuse issue du salut, et enfin les joies éter- nelles.

Amen. Alléluia.

EVANGILE.

Sequentia sancti Evan- gelii secundum Johan- nem. Cap. xiv.

IN illo tempore : Dixit Jésus discipulis suis : Si quis diligit me, ser- monemmeumservabit, et Pater meus diliget eum, et ad eum veniemus, et mansionem apud eum fa- ciemus : qui non diligit me, sermones meos non serva.. Et sermonem quem audistis, non est meus : sed ejus qui rnisit me, Patris. Haec locutus sum vobis, apud vos ma- nens ; Paraclitus autem Spiritus Sanctus, quem mittet Pater in nomine meo, ille vos docebit om- nia, et suggeret vobis omnia quaecumque dixero vobis. Pacera relinquo

La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap.

XIV.

EN ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Si quel- qu'un m'aime, il gardera ma parole ; et mon Père l'ai- mera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui no- tre demeure. Celui qui ne m'aime pas, ne garde pas mes paroles; et la parole que vous avez entendue n'est pas ma parole, mais celle de mon Père qui m'a envoyé. Je vous ai dit ceci, demeurant encore avec vous ; mais le Paraclet, l'Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes cho- ses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je vous la

A la Messe.

3i5

donne, non comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble point et ne s'effraie point. Vous avez entendu que je vous ai dit : Je m'en vais, et je reviens à vous. Si vous m'aimez, vous vous ré- jouirez de ce que je vais au Père; parce que le Père est plus grand que moi. Je vous le dis maintenant, avant que cela arrive, afin que quand ce sera arrivé, vous croyiez. Je ne vous parlerai plus beaucoup ; car le Prince de ce monde vient, et il n'a rien en moi qui soit à lui ; mais c'est afin que le monde connaisse que j'aime le Père, et que, selon le commande- ment que le Père m'a donné, ainsi je fais.

vobis, pacem meam do vobis : non quomodo mimdus dat ego do vobis. Non turbetur cor ves- trum, neque formidet. Audistis quia ego dixi vobis : V'ado et venio ad vos. Si diligeretis me, gauderetis utique, quia vado ad Patrem : quia Pater major me est. Et nunc dixi vobis prius- quam fiât : ut quum fa- ctum fuerit , credatis. Jam non multa loquar vobiscum. Venit enim Princeps mundi hujus. et in me non habet quid- quam. Sed ut cognoscat mundus quia diligo Pa- trem, et sicut mandatum dédit mihi Pater, sic fa-

T Avenue de l'Esprit-Saint n'est pas seule- *- ment un événement qui intéresse la race humaine considérée en général ; chaque homme est appelé à recevoir cette même visite qui aujourd'hui « renouvelle la face de la « terre entière '. «Le dessein miséricordieux dusouverain Seigneur de toutes choses s'étend jusqu'à vouloir contracter une alliance indivi- duelle avec chacun de nous. Jésus ne de- mande de nous qu'une seule chose : il veut que nous l'aimions et que nous gardions sa parole. A cette condition, il nous promet que son Père nous aimera, et viendra avec lui

I. Psalm. cm, 3o.

3i6 Le Saint Jour de la Pentecôte.

habiter notre âme. Mais ce n'est pas tout encore. Il nous annonce la venue de l'Esprit- Saint, qui par sa présence complétera l'ha- bitation de Dieu en nous. L'auguste Trinité tout entière se fera comme un nouveau ciel de cette humble demeure, en attendant que nous soyons transportés après cette vie au séjour même nous contemplerons l'hôte divin, Père, Fils et Saint-Esprit, qui a tant aimé sa créature humaine.

Jésus nous enseigne encore dans ce pas- sage, tiré du discours qu'il adressa à ses dis- ciples après la Cène, que le divin Esprit qui descend sur nous aujourd'hui est envoyé par le Père, mais par le Père ce au nom du Fils » ; de même que dans un autre endroit Jésus dit que « c'est lui-même qui enverra l'Esprit- Saint t ». Ces diverses manières de s'exprimer ont pour but de nous révéler les relations qui existent dans la Trinité divine entre les deux premières personnes et le Saint-Esprit. Ce di- vinEspritestdu Père, mais il est aussi du Fils ; c'est le Père qui l'envoie ; mais le Fils l'en- voie aussi; car il procède de l'un et de l'au- tre comme d'un même principe. En ce grand jour de la Pentecôte, notre reconnaissance doit donc être la même envers le Père qui est la Puissance, et envers le Fils qui est la Sagesse ; car le don qui nous arrive du ciel vie'nt de tous les deux. Eternellement le Père a engendré son Fils, et quand la pléni- tude des temps fut venue, il l'a donné aux hommes pour être dans la nature humaine leur médiateur et leur sauveur ; éternelle-

I. JOHAN. XV,

A la Messe. 3iy

ment le Père et le Fils ont produit l'Esprit- Saint, et, à l'heure marquée, ils l'ont envoyé ici-bas pour être dans les hommes le prin- cipe d'amour, comme il l'est entre le Père et le Fils. Jésus nous enseigne que la mis- sion de l'Esprit est postérieure à la sienne, parce qu'il a fallu que les hommes fussent d'abord initiés à la vérité par celui qui est la Sagesse. En effet, ils n'auraient pu aimer ce qu'ils ne connaissaient pas. Mais lorsque Jésus a consommé son œuvre tout entière, qu'il a fait asseoir son humanité sur le trône de Dieu son Père, de concert avec le Père, il envoie l'Esprit divin pour conserver en nous cette parole qui est «esprit et vie i », et qui est en nous la préparation de l'amour.

L'Offertoire est formé des paroles du Psaume lxvii, David prophétise l'arrivée de l'Esprit dont la mission est de confirmer ce que Jésus a opéré. Le Cénacle efface tou- tes les splendeurs du temple de Jérusalem: désormais il n'y aplus que l'Eglise catholique qui recevra bientôt dans son "sein les rois et les peuples.

OFFERTOIRE.

C)NF1RMEZ, o Dieu, ce que vous avez opéré en nous ; dans votre temple qui est à Jérusalem, les rois vous pré- senteront leurs offrandes, al- léluia.

CONFIRMA hoc DeUS, quod operatus es in nobis : a tempio tuo, quod est in Jérusalem, tibi offerent reges mu- nera, alléluia.

En présence des dons sacrés qui vont être

I. JOHAN. VI 64.

3 iS Le Saint Jour de la Pentecôte.

offerts et qui reposent sur l'autel, l'Eglise, dans la Secrète, demande que la venue du divin Esprit soit pour les fidèles un feu qui consume leurs souillures, et une lumière qui éclaire leur esprit par une plus complète intelligence des enseignements du Fils de Dieu.

MUNERA, quaesumus Domine, oblata sanc- tifica : et corda nostra Sancti Spiritus illustra- tioneemunda. Per Domi- num.

DAIGNEZ. Seigneur, sanc- tifier les dons qui vous sont offerts, et purifiez nos cœurs en leur envoyant la lumière du Saint-Esprit. Par Jésus-Christ.

VERE dignum et jus- tum est, a?quum et salutare, nos tibi semper, et ubique gratias agere : Domine sancte, Pater omnipotens. a t e r n e Deus : per Christum Do- minum nostrum ; qui as- cendens super omnes cœlos, sedensque ad dex- teram tuam, promissum Spiritum Sanctum ho- dierna die in filios adop- tionis effudit. Quapro- pter profusis gaudiis, totus in orbe terrarum mundus exsultat. Sed et supernffi Virtutes, aique angelicœ Potes ta tes, hymnura gloriae tua; con- cinunt, sine fine dicentes : Sanctus, Sanctus, Sanc- tus.

OUI, c'est une chose digne et juste, équitable et salutaire, que nous vous rendions grâces, toujours et en tous lieux, Seigneur snint. Père tout-puissant, Dieu éternel ; par Jésus-Christ notre Seigneur : qui étant monté au delà de tous les cieux et s'étant assis. à votre droite, répand aujourd'hui sur les enfants de l'adoption l'Esprit-Saint qu'il avait pro- mis. Sa venue excite un trans- port universel de joie, et la race humaine se livre à l'al- légresse sur toute la surface de la terre, en même temps que les Vertus célestes et les Puissances angéliques chan- tent l'hymne à votre gloire, répétant sans fin : Saint 1 Saint ! Saint !

A la Messe.

3ig

L'Antienne de la Communion célèbre par les paroles du texte sacré le moment de l'a- vènement de l'Esprit divin. Le Seigneur Jésus s'est donné à ses fidèles dans l'aliment eu- charistique ; mais c'est l'Esprit qui les a pré- parés à une telle faveur, lui qui a changé sur l'autel le pain et le vin en le corps et le sang de la victime sainte, lui qui les aidera à conserver en eux l'aliment sacré qui garde les âmes pour la vie éternelle.

COMMUNION.

IL se fit tout à coup un grand bruit, comme d'un vent impétueux qui venait du ciel, dans le lieu ils étaient assis, alléluia. Ils furent tous remplis du Saint- Esprit, et publièrent les mer- veilles de Dieu, alléluia, al- léluia.

FACTUS est repente de coelo sonus, tamquam advenientis spiritus vehe- mentis, ubi erant seden- tes, alléluia : et repleti sunt omnes Spiritu Sanc- to, loquentes magnalia Dei, alléluia, alléluia.

Mise en possession de son Epoux par le sacré Mystère, l'Eglise, dans la Postcommu- nion, implore po'ur ses fidèles la perma- nence de l'Esprit-Saint dans leurs âmes, en même temps qu'elle nous révèle une des prérogatives de ce divin Esprit, qui, trouvant nos âmes arides et incapables de fructifier par elles-mêmes, se transforme en rosée pour les féconder.

POSTCOMMUNION.

FAITES. Seigneur, que l'Es- prit-Saint se répande dans nos cœurs, qu'il les purifie, et que les pénétrant de sa rosée

S

ANCTi Spiritus, Do-

mundet infusio : et sui roris intima aspersione

320 Le Saint Jour de la Pentecôte.

fœcundet. Per Dominum. 1 mystérieuse, il leur donne la I fécondité. Par Jésus-Christ.

A SEXTE.

T 'Hymne et les trois Psaumes dont se com- ^ pose l'Office de Sexte, se trouvent ci- dessus, page 56.

Lsfurent tous rem-

Ant. R^

EPLETI SUnt

omnes Spi- ritu Sancto, et cœperunt loqui, alléluia.

» 1 LSiurent tous rem-

^^^- 1 plis du Saint-Es- prit, et ils commencèrent parier, alléluia.

CAPITULE. {Act. II.)

FACTA autem hac voce, convenit multitudo, et mente confusa est, quo- niam audicbat unusquis- que lingua sua illos lo- quentes.

, CPIRITUS Pa-

^ ^''- O raclitus. * Alléluia, alléluia. Spiri- tus.

f. Docebit vos omnia. * Alléluia, alléluia.

Gloria Patri. Spiritus.

f. Repleti sunt omnes Spiritu Sancto, alléluia.

^. Et cœperunt loqui, alléluia.

L'Oraison est la C< dessus, page 3 09.

LE bruit de ce qui vemait de se passer s'étant répandu, il se rassembla un grand nombre de gens, et ils furent très étonnés de ce que cha- cun d'eux les entendait parler en sa propre langue.

A , 1 'Esprit Paraclet, RI- t>r. L Alléluia, allé- luia. L'Esprit.

f. Vous enseignera toutes choses. * Alléluia, alléluia. Gloire au Père. L'Esprit.

j^. Ils furent tous remplis du Saint-Esprit, alléluia.

^. Et ils commencèrent à parler, alléluia.

)llecte de la Messe, ci

A None.

32 1

A NONE.

L'Hymne et les Psaumes, ci-dessus, pageôi.

Ant 1 ES Apôtres racon- *- taient en diverses langues les merveilles de Dieu, alléluia, alléluia, allé- luia.

Amt Î oquebantur ^^^' ^ variis lin- guis Apostoli magnalia Dei, alléluia, alléluia, alléluia.

CAPITULE. (Act. .1.")

luiFS aussi et prosélytes, *' Cretois et Arabes, nous les avons entendus raconter chacun en notre langue les merveilles de Dieu.

_ , T LS furent tous rem-

^- ^'^^ '■ plis du Saint-Es- prit, * Alléluia, alléluia. Ils furent tous remplis.

j^. Et ils commencèrent à parler. * Alléluia, alléluia.

Gloire au Père. Ils furent tous remplis.

f. Les Apôtres racontaient en diverses langues, alléluia,

ft. Les merveilles de Diea, alléluia.

JUD.EI quoque et pro- selyti, Crêtes et Ara- bes, audivimus eos lo- quentes nostris linguis magnalia Dei.

>..R

EPLETI sunt omnes Spi- ritu Sancto, * Alléluia, alléluia, Repleti sunt.

j^. Et cœperunt loqui. * Alléluia, alléluia.

Gloria Patri. Repleti sunt.

f. Loquebantur variis linguis Apostoli, allé- luia,

]S|. Magnalia Dei, allé- luia.

L'Oraison ci-dessus, page 309.

LE TEMPS PASCAL,

322 Le Saint Jour de la Pentecôte.

A VÊPRES.

f A grande journée avance dans son cours, L et remplis du Saint-Esprit comme nous l'avons été à l'heure de Tierce, nous ne pou- vons nous détacher du sublime spectacle dont Jérusalem est témoin. Du cœur des saints Apôtres le feu divin a passé dans la foule qui les entoure. Le regret d'avoir cru- cifié « le Seigneur de gloire i » a dompté l'orgueil juif dans ces ^hommes qui avaient accompagné la victime de leurs clameurs et de leurs malédictions sur la Voie douloureuse. Que leur manque-t-il maintenant pour être chrétiens ? Connaître et croire, puis être bap- tisés. Du milieu du tourbillon de l'Esprit- Saint qui les enveloppe, !a voix de Pierre et de ses frères retentit: a Celui qui a souffert « sur la croix et qui est ressuscité d'entre les 0 morts est le propre Fils de Dieu engendré « éternellement du Père; l'Esprit quisema- « nifeste en ce moment est la troisième per- « sonne dans l'unique et divine essence. > La Trinité, Tlncarnation, la Rédemption, resplendissent aux yeux de ces disciples de Moïse, les ombres s'effacent et font place au jour radieux de la nouvelle alliance. Il est temps que s'accomplisse la parole de Jean- Baptiste au bord du Jourdain, cette parole dont plusieurs des assistants ont gardé mé- moire. « Au milieu de vous est quelqu'un que « vous ne connaissez pas, dont je ne suis pas « même digne de délier la chaussure. Moi,

I. I Cor. II, 8.

A Vêpres. 323

« je vous baptise dans l'eau ; mais lui vous « baptisera dans le Saint-Esprit et dans le « feu ^ D

Toutefois ce baptême de feu, c'est par l'eau qu'il doit s'administrer. L'Esprit qui est feu opère par l'eau, et il est appelé lui-même « la fontaine d'eau vive d. L'antique prophète Ezéchiel avait salué de loin cette heure so- lennelle, lorsqu'il rendait en ces termes l'o- racle divin : « Voici que je répandrai sur vous « une eau pure, et vous serez lavés de toutes « vos souillures, et je vous purifierai de tou- « tes vos idoles. Et je vous donnerai un « cœur nouveau, et je placerai au milieu de « vous un esprit nouveau. Et j'ôterai de votre « poitrine votre cœur de pierre, et je vous « donnerai un cœur de chair. Et je placerai « mon Esprit au milieu de vous, et je vous « ferai marcher dans la voie de mes com- « mandements. Et vous garderez ma loi « sainte; et vous serez mion peuple, et je serai « votre Dieu -. »

La prophétie était claire, et l'heure à la- quelle l'Esprit arrivait était la même l'eau allait couler. Cet élément sur lequel planait l'Esprit divin à la première origine de ce monde, nous l'avons vu, dans l'Epiphanie, recevoir au Jourdain le contact de la chair sacrée du Verbe incarné, et la céleste colombe unir son action sanctifiante à celle du Fils de Dieu. Récemment nous vîmes la main du Pontife, au Samedi saint, dans la con- sécration de la fontaine baptismale, plonger le cierge, type du Christ, dans les eaux, et

J. JOHAN. I, 26. 2. EZECH. XXXVI. 25-28.

324 L^ Saint Jour de la Pentecôte.

nous l'entendîmes faire cette prière : « Qu'elle (( descende dans cette fontaine, la grâce et la « vertu de l'Esprit-Saint! » Aujourd'hui la source purifiante répand ses eaux dans Jéru- salem; la main de Pierre et celles de ses frè- res plongent dans l'élément sacré ces fils d'Israël, et trois mille hommes ont relevé un front chrétien et régénéré. Qu'ils sont beaux, ces ancêtres de notre foi, en qui nous véné- rons les prémices de l'accomplissement des prophéties! Plus beaux encore que les trois Maçes que nous vîmes autrefois avec tant de )oie descendre de leurs chameaux et pé- nétrer dans retable, pour déposer aux pieds du divin Roi des Juifs les offrandes mystiques de l'Orient. Maintenant toute la série des mystères est accomplie ; nous sommes rache- tés, Jésus est assis à la droite de son Père, et l'Esprit divin, envoyé par lui, vient de nous arriver, et il doit demeurer avec nous jusqu'à la fin des siècles. Voilà pourquoi les sources des Sacrements sont ouvertes. A cette heure, l'Esprit du Père et du Fils a levé le premier des sceaux, et l'eau baptis- male coule pour ne plus s'arrêter dans son cours, jusqu'à ce qu'elle ait régénéré le der- nier des chrétiens qui doit passer sur cette terre. Mais le divin Esprit est le « Don du Dieu Très-Haut f) ; les saints Apôtres sont en possession de ce don fait aux hommes : ils ne doivent pas le retenir pour eux. Un se- cond sceau est donc levé, et le sacrement de Confirmation fait descendre sur les néophy- tes l'Esprit qui a éclaté dans le Cénacle. Par la vertu qui est en eux, Pierre et ses frères, pontifes de la loi nouvelle, communiquent

A Vêpres.

325

à ces hommes, dans le Saint-Esprit, la force divine qui leur sera désormais nécessaire pour confesser ce Jésus de Nazareth dont ils sont pour jamais les heureux membres.

Mais ils ne sont pas assez divinisés encore, ces nouveau-nés à la grâce céleste, marqués déjà d'un double caractère; il leur reste à communier au Christ, au divin instituteur des Sacrements, au médiateur et rédemp- teur qui a réuni Dieu et l'homme. Il faut qu'un troisième sceau soit levé, que le sacer- doce nouveau agissant pour la première fois par les Apôtres, produise Jésus, le Pain de vie, et que cette multitude saintement affa- mée goûte cette manne qui ne nourrit pas seulement le corps comme celle du désert, « mais qui donne la vie au monde k » L'au- guste Cénacle, tout embaumé encore du sou- venir de la merveille que le Christ y opéra la veille de sa Passion, revoit le sublime pro- dige dont il fut témoin. Entouré de ses frè- res, Pierre consacre le pain et le vin par les paroles divines que sa bouche n'avait pas pro- noncées encore, et l'opération de l'Esprit d'a- mour produit entre ses mains le corps et le san^de Jésus. Le Sacritice nouveau est inau- guré, et désormais il sera offert chaque jour jusqu'à la consommation des siècles. Les néo- phytes s'approchent, et par les mains des saints Apôtres ils entrent en possession de l'aliment céleste qui consomme leur union avec Dieu, par Jésus Pontife éternel selon l'ordre de Melchisédech. . Mais n'oublions pas en ce grand jour, à ce

I. JOHAN. VI, 33.

320 Le Saint Jour de la Pentecôte.

premier Sacrifice offert par Pierre, assisté de ses collègues dans l'apostolat, la participation de Marie à cette chair divine dont son sein virginal a été la source. Embrasée des feux de l'Esprit-Saint qui est venu confirmer en elle cette maternité à l'égard des hommes que Jésus lui confia sur la croix, elle s'unit dans le mystère d'amour à ce fils bicn-aimé qui s'en est allé aux cieux, et qui l'a chargée de veiller sur son Eglise naissante. Désormais le Pain de vie lui rendra son fils chaque jour, jusqu'à ce qu'elle-même soit enlevée à son tour dans les cieux pour jouir éternellement de sa vue, recevoir ses caresses et lui prodi- guer les siennes.

Quel ne fut pas le bonheur de ceux des néophytes auxquels il fut donné, en cette heureuse journée, d'approcher d'une si au- £;uste reine, de la Vierge-Mère, à qui il avait été donné de porter dans ses chastes flancs celui qui était l'espérance d'Israël ! Ils con- templèrent les traits de la nouvelle Eve, ils entendirent sa voix, ils éprouvèrent le senti- ment filial qu'elle inspire à tous les disciples de Jésus. Dans une autre saison, la sainte Li- turgie nous parlera de ces hommes fortunés; nous ne rappelons en ce moment leur bon- heur que pour montrer combien fut grande et complète cette journée qui vit le commen- cement de la sainte Eglise. La hiérarchie sacrée apparut dans Pierre, Vicaire du Christ, dans les Apôtres ses frères, dans les disciples choisis par Jésus lui-même. La semence de la

Parole divine fut jetée dans la bonne terre, eau baptismale régénéra l'élite des enfants d'Israël, l'Esprit-Saint leur fut communiqué

A Vêpres.

327

dans sa force, le Verbe divin les nourrit de sa chair qui est vraiment une nourriture et de son sangqui est vraiment un breuvage i, et Marie les' reçut à leur nouvelle naissance dans ses bras maternels.

Unissons-nous maintenant à la sainte E- glise, et chantons avec elle les louanges du divin Esprit qui , descendu à l'heure de Tierce, a rempli de tant de merveilles ce premier jour il débute dans sa divine mis- sion.

L'Office des Vêpres s'ouvre par la procla- mation du nombre quinquagénaire qui réu- nit les deux Pentecôtes. L'Antienne nous montre en même temps les disciples au Cé- nacle dans l'attente de l'arrivée du Don pro- mis.

Ant.

I ES jours de la ^ Pentecôte étaient accomplis, et tous les disci- ples se trouvaient réunis en un même lieu, alléluia.

Aj,t. pUM comple-

\^ rentur dies

Pentecostes, erant omnes

pariter in eodem loco,

alléluia.

Le Psaume que l'Eglise chante sous cette Antienne représente le triomphe du Christ dans son Ascension. Il s'assied à la droite du Père, et c'est de que. Dieu et homme, il consolide son règne sur la terre, en envoyant aujourd'hui son Esprit pour habiter avec nous jusqu'à ce que lui-même redescende, vengeur de son Eglise, qu'il affranchira du joug de ses ennemis, et emmènera avec lui dans la gloire éternelle.

328 Le Saint Jour de la Pentecôte.

PSAUME cix.

DlxiT Dominus Dorai- no mec : * Sede a dextris meis.

Donec ponam inimicos tuos : ' scabellum pedum tuorum.

Virgam virtutis tuje emittet Dominus ex Sioa : * dominare in me- dio inimicorum tuorum.

Tecura principium in die virtutis tuas in splen- doribus Sanctorum : * ex utero ante luciferum ge- nui te.

Juravit Dominus, et non pœnitebit eum : * Tu es Sacerdos in aeternum secundum ordinem Mel- chisedech.

Dominus a dextris tuis: confregit in die irae suae reges.

Judicabit in nationi- bus: implebit ruinas: * conquassabit capita in terra multorum.

De torrente in via bi- bet: * propterea exalta- bit caput.

CELUI ^iii est le Seigneu. a dit à son Fils, mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite et rci^ne'^ jvec moi:

Jusqu'à ce que, ait jour Je votre dernier avènement, je fasse de vos ennemis l'esca- beau de vos pieds.

O Christ ! le Seigneur votre Père fera sortir de Sien le sceptre de votre for- ce ; c'est de que vous parti- rez pour dominer au milieu de vos ennemis.

La principauté éclatera en vous, au jour de votre force, au milieu des splendeurs des Saints ; car le Père vous a dit: Je vous ai engendré de mon sein avant l'aurore.

Le Seigneur l'a juré, et sa parole est sans repentir ; il a dit en vous parlant: Dieu- Homme, vous êtes Prêtre à jamais, selon l'ordre de Mel- chisédech.

OPèrel le Seigneur ro/rc Fils est donc à votre droite : c'est lui qui, au jour de sa colère, viendra juger les rois.

Il jugera aussi les nations : dans cet avènement terrible, il consommera la ruine du monde, et brisera contre terre la tète de plusieurs.

Il s'est abaissé pour boire l'eau du torrent des afflic- tions ; mais c'est pour cela même qu'au jour de son triom- phe il élèvera la tête.

A Vêpres.

32g

Ant. Les jours de la Pen- tecôte étaient accomplis, et tous les disciples se trou- vaient réunis en un même lieu, alléluia.

L'attente des disciples prit divin est descendu s'est pas borné à visiter jourd'hui, c'est le mon vient conquérir.

Ant. Cum corapleren- tur dies Pentecostes, erant omnes pariter in eodem loco, alléluia.

a été comblée, l'Es- sur eux, mais il ne leurs âmes; dès au- de tout entier qu'il

'Esprit du Sei- neur a rempli la terre entière, alléluia.

Ant.

Ant.''».

PIRITUS Do-

r^ mini replevit orbem terraruin, alle-

Le second Psaume célèbre les bienfaits de Dieu envers son peuple : l'alliance promise,

3ui se consomme aujourd'hui, la rédemption e l'homme et la fidélité du Seigneur à ses promesses. La mission du Saint-Esprit avait été annoncée par les Prophètes et par Jésus lui-même : le Seigneur a daigné dégager sa parole en ce jour.

PSAUME ex.

JE VOUS louerai, Seigneur, de toute la plénitude de mon cœur, dans l'assemblée des justes.

Grandes sont les œuvres du Seigneur; elles ont lété concertées dans les desseins de sa sagesse.

Elles sont dignes de louan- ges et magnifiques ; et la jus- lice de Dieu demeure dans les siècles des siècles.

Le Seigneur clément et miséricordieux nous a laissé

CONFITEBOR tibi. Do- mine, in toto corde meo : * in concilio justo- rum et congregatione.

Magna opéra Domini : * exquisita in omnes vo- luntates ejus.

Confessio et magnifi- centia opus ejus : ' et jus- titia ejus manet in sae- culum sasculi.

Memoriam fecit mira- bilium suorum, miseri-

33 0 Le Saint Jour de la Pentecôte.

cors et miserator Domi- nus: * escam dédit ti- mentibus se.

Memor erit in saecu- lum testamenti sui : * virtutem operum suorum annuntiabit populo suo.

Ut det illis haeredita- tem gentium :, * opéra manuum ejus veritas et judicium.

Fidelia omnia manda- ta ejus, confirmata in sae- culum sœculi : * facta in veritateet aequitate.

Redemptionem misit populo suo : * mandavit m asternum testamentum suum.

Sanctum et terribile Nomen ejus : * initium sapientiae tiraor Domini.

Intellectus bonus om- nibus facientibus eum : * laudatio ejus manet in sasculum sœculi.

Ant. Spiritus Domini replevit orbem terrarum, alléluia.

un mémorial de ses merveil- les; il est le Pain de vie, et il a donné une nourriture à ceux qui le craignent.

Il se souviendra à jamais de son alliance avec les hom- mes; il enverra son Esprit, et fera éclater aux yeux de son peuple la vertu de ses œuvres.

Il donnera à son Eglise l'héritage des nations : tout ce qu'il fait est justice et vé- rité.

Ses préceptes sont immua- bles et garantis par la suc- cession des siècles ; ils sont fondés sur la vérité et la jus- tice.

Il a envoyé à son peuple un Rédempteur ; et par la mission de l'Esprit divin il rend son alliance éternelle.

Son Nom est saint et terri- ble ; le commencement de la sagesse est de craindre le Seigneur.

La lumière et l'intelligence sont pour celui qui agit se- lon cette crainte: gloire et louange à Dieu dans les siè- cles des siècles !

Ant. L'Esprit du Seigneur a rempli la terre entière, allé- luia.

L'Esprit divin s'empare des disciples, il les rend aptes à parler ; car c'est par la parole qu'ils feront la conquête du monde.

Ant.

R

EPLETI sunt omnes Spi-

Ant.

LS furent tous rem- plis du Saint-Es-

A Vêpres.

33 1

prit, et ils commencèrent à 1 ritu Sancto, et cœperunt parler, alléluia, alléluia. I loqui, alléluia, alléluia.

Le troisième Psaume chante la félicité de l'homme juste et ses espérances. La lurnière qui s'élance du sein des ténèbres, c'est Jésus, le Fils éternel de Dieu; c'est ensuite l'Esprit- Saint qui éclate tout à coup aujourd'hui. Le pécheur qui s'irrite à la vue des dons de Dieu, c'est le Juif incrédule qui ferme les yeux à la lumière et repousse le divin Esprit, comme il avait repoussé le Fils du Père céleste.

PSAUME CXI.

HEUREUX l'homme qui craint le Seigneur, et qui met tout son zèle à lui obéir.

Sa postérité sera puissante sur la terre: la race du juste sera en bénédiction.

La gloire et la richesse sont dans sa maison, et sa jus- tice demeure dans les siècles des siècles.

Une lumière s'est levée sur les justes du milieu des ténè- bres : c'est le Seigneur, le Dieumiséricordieux, clément et juste ; l'Esprit qui vient renouveler la terre.

Heureux alors l'homme qui a fait miséricorde, qui a prêté au pauvre, qui a réglé jusqu'à ses paroles avec jus- tice 1 car il ne sera point ébranlé.

La mémoire du juste sera éternelle : s'il entend une nouvelle fâcheuse, elle ne lui donnera point à craindre.

BEATUS vir, qui timet Dominum : * in man- datis ejus volet nimis.

Potens in terra erit semen ejus : * generatio rectorum benedicetur.

Gloria et divitiae in domo ejus : * et justifia ejus manet in saeculum sa£culi.

Exortum est in tene- bris lumen rectis : * mi- sericors, et miserator, et justus.

Jucundus homo, 'qui miseretur et commodat, disponet sermones suos in judicio : * quia in aïternum non commove- bitur.

In memoria aeterna erit justus : * ab audi- rione mala non timebit.

332 Le Saint Jour de la Pentecôte.

Paratum cor ejus spe- rare in Domino, confir- matum est cor ejus : non commovebitur donec despiciat inimicos suos.

Dispersit, dédit pau- peribus, justitia ejus ma- net in saeculum saîculi : * cornu ejus exaltabitur in gloria.

Peccator videbit , et irascetur, dentibus suis fremet et tabescet : * de- sidcrium peccatorum pe- ribit.

Ant. Replcti sunt om- nes Spiritu Sancto , et cœperunt loqui, alléluia, alléluia.

Dans son allégresse à la pensée des trois mille néophytes de ce jour, la sainte Eglise chante la fontaine d'eau vive que l'Esprit divin a fait jaillir pour leur régénération; elle nous les montre comme d'heureux poissons qui s'agitent dans les ondes du sa- lut.

Son cœur est toujours prêt à espérer au Seigneur ; son cœur est en assurance : il ne sera point ému, et méprisera la rage de ses ennemis.

Il a répandu l'aumône avec profusion sur le pauvre : sa justice demeurera à jamais, sa force sera élevée en gloire.

Le pécheur le verra, et il entrera en fureur ; il grin- cera des dents et séchera de colère : mais les désirs du pécheur périront.

Ant. Ils furent tous rem- plis du Saint-Esprit, et ils commencèrent à parler, allé- luia, alléluia.

Ant contes et

i omnia quas

moventur in aquis. hym-

num dicite Deo, alléluia.

ONTAINES et vous tous qui vous

Ant. P

ébattez dans les eaux, chan tez un cantique à Dieu, allé- luia.

Le quatrième Psaume est un chant de louange au Seigneur qui, du haut du ciel, a pris pitié de la nature humaine, et qui, pour la relever de l'abaissement elle languis- sait, lui a d'abord envoyé son propre Fils, et aujourd'hui fait descendre vers elle son divin Esprit.

A Vêpres.

333

PSAUME CXII.

SERVITEURS du Seigneur , faites entendre ses lou- anges, célébrez le Nom du Seigneur.

Que le Nom du Seigneur soit béni, aujourd'hui et jus- que dans l'éternité.

De l'aurore au couchant, le Nom du Seigneur doit être à jamais célébré.

Le Seigneur est élevé au- dessus de toutes les nations ; sa gloire est par delà les cieux.

Qui est semblable au Sei- gneur notre Dieu, dont la demeure est dans les hau- teurs ? C'est de qu'il abaisse ses regards sur les choses les plus humbles dans le ciel et sur la terre.

C'est de qu'il soulève de terre l'indigent ; qu'il élève le pauvre de dessus son fu- mier où il languissait,

Pour le placer avec les princes , avec les princes mêmes de son peuple.

C'est lui qui a fait habiter pleine de joie dans sa maison celle qui longtemps fut sté- rile, et qui maintenant est mère de nombreux enfants.

Ant. Fontaines et vous tous qui vous ébattez dans les eaux, chantez un cantique à Dieu, alléluia.

T AUDATE, pueri, Domi- i- num : * laudate No- men Domini.

SitNomen Domini be- nedictum : * ex hoc nunc et usque in sasculum.

A solis ortu usque ad occasum : * laudabile No- men Domini.

Excelsus super omnes gentes Dominus : * et su- per cœlos gloria ejus.

Quis sicut Dominus Deus noster, qui in altis habitat : * et humilia respicit in cœlo et in ter- ra ?

Suscitans a terra in- opem : * et de stercore erigens pauperem.

Ut collocet eum cum principibus : * cum prin- cipibus populi sui.

Qui habitare facit ste- rilem in domo : * ma- trem filiorum laetantem.

Ant. Fontes et omnia quae moventur in aquis, nymnum dicite Deo, allé- luia.

En ce grand jour, l'Esprit-Saint a conquis

334 Le Saint Jour de la Pentecôte.

le monde ; mais c'est par la parole des Apô- tres qu'il s'en est rendu le maître, cette parole d'une éloquence miraculeuse qu'il a formée en eux, et à laquelle il a joint sa toute- puissance.

Ax,^ I OQUEBANTUR ^^^- ^ variis lin- guis Apostoli magnalia Dei , alléluia, alléluia, alléluia.

AvT L ^^ Apôtres par- -^^^^ *" laient en di- verses langues des merveilles de Dieu, alléluia, alléluia, cileluia.

Le cinquième Psaume rappelle d'abord la première Pâque, la sortie de l'Egypte et les prodiges qui l'accompagnèrent et la suivi- rent. "On y voit ensuite les nations devenues esclaves de leurs idoles ; mais aujourd'hui le divin Esprit suscite des conquérants qui abat- tront ces vains simulacres. La maison d'Israël et la maison d'Aaron ne se vanteront plus d'être les seules à servir le vrai Dieu. Ins- truits par les hommes à la langue de feu, tous les peuples acquerront la crainte du Sei- gneur et espéreront en lui. Nous ne som^mes plus au nombre de ces morts qui ne louent pas Dieu ; mais nous vivons de la vie surna- turelle que le Fils de Dieu a conquise pour nous par sa Passion et par sa Résurrection, et que l'Esprit-Saint fait pénétrer en nous par le divin mystère de ce )Our.

PSAUME CXIII.

IN exitu Israël de jEgyp- to : * domus Jacob de populo barbaro.

Facta est Judaea sanc- tificatio ejus : * Israël potestas ejus.

tRSQUE Israël sortit d'E- gypte, et la maison de Jacob du milieu d'un peuple barbare,

La nation juive fut consa- crée à Dieu, Israël fut son domaine.

A Vêpres.

335

La mer le vit et s'enfuit ; le Jourdain remonta vers sa source.

Les montagnes bondirent comme des béliers , et les collines comme des agneaux.

O mer, pourquoi fuyais- tu ? Et toi, Jourdain, pour- quoi remontais-tu vers ta source ?

Montagnes, pourquoi bon- dissiez-vous comme des bé- liers ? Et vous, collines, com- me des agneaux ?

A la face du Seigneur, la terre a tremblé : à la face du Dieu de Jacob,

Qui changea la pierre en torrents, et la roche en fon- taines.

Non pas à nous. Seigneur, non pas à nous, mais à votre Nom donnez la gloire,

A cause de votre miséri- corde et de votre vérité, de peur que les nations ne disent : est leur Dieu ?

Notre Dieu est au ciel : il. a fait tout ce qu'il a voulu.

Les idoles des nations ne sontque de l'oretde l'argent, et l'ouvrage des mains des hommes.

Elles ont une bouche, et ne parlent point; des yeux, et ne voient point. ,

Elles ont des oreilles, et n'entendent point; des nari- nes, et ne sentent point.

Elles ont des mains, et ne

Mare vidit, et fugit : * Jordanis conversus est retrorsum.

Montes exsultaverunt ut arietes : * et colles sicut agni ovium.

Quid est tibi , mare ,

3uod fugisti : * et tu, ordanis; quia conversus es retrorsum ?

Montes exsultastis si- cut arietes : * et colles sicut agni ovium ?

A facie Domini mota est terra : * a facie Dei Jacob.

Qui convertit petram in stagna aquarum : * et rupem in fontes aqua- rum.

Non nobis, Domine, non nobis : * sed Nomi- ni tuo da gloriam.

Super misericordia tua, et veritate tua : * nequando dicant gentes : Ubi est Deus eorum ?

Deus autem noster in cœlo : * omnia quascum- que voluit, fecit.

Simulacra gentium ar- gentum et aurum : * opéra manuum hominum.

Os habent, et non lo- quentur : * oculos habent, et non videbunt.

Aures habent, et non audien* : * nares habent, et nonodorabunt.

Manus habent, et non

336 Le Saint Jour de la Pentecôte.

palpabunt ; pedes habent, etnon ambulabunt : ' non clamabunt in gutture suo.

Similes illis fiant qui faciunt ea : * et omnes qui confidunt in eis.

Domus Israël spera- vit in Domino : * adju- tor eorum et protector eorum est.

Domus Aaron speravit in Domino : * adjutor eo- rum, et protector eorum est.

Qui timent Dominum speraverunt in Domino :

* adjutor eorum, et pro- tector eorum est.

Dominus memor fuit nostri : * et benedixit nobis.

Benedixit doraui Is- raël : * benedixit domui Aaron.

Benedixit omnibus qui timent Dominum : * pu- sillis cum majoribus.

Adjiciat Dominus su- per vos : * super vos, et super filios vestros

Benedicti vos a Domi- no : * qui fecit cœlum et terram.

Cœlum cœli Domino:

* terram autem dédit fîliis hominum.

Non mortui laudabunt te. Domine : * neq^e om- nes qui descendunt in infernum.

peuvent rien toucher ; des pieds, et ne marchent point ; un gosier, et ne peuvent se faire entendre.

Que ceux qui les font leur deviennent semblables, avec tous ceux qui mettent en elles leur confiance.

La maison d'Israël a espé- ré dans le Seigneur: il est leur appui et leur protecteur.

La maison d'Aaron a es- péré dans le Seigneur : Il est leur appui et leur protecteur.

Ceux qui craignent le Sei- gneur ont espéré en lui : il est leur appui et leur protec- teur.

Le Seigneur s'est souvenu de nous, et il nous a bénis.

Il a béni la maison d'Israël •. il a béni la maison d'Aaron.

Il a béni tous ceux qui craignent le Seigneur, grands .et petits.

Que le Seigneur ajoute en- core à ses dons sur vous, sur vous et sur vos enfants.

Bénis soyez-vous du Sei- gneur, qui a fait U ciel et la terre !

Au Seigneur, les hauteurs du ciel ; la terre est aux hommes par sa largesse.

Ce ne sont pas les morts qui vous loueront, 6 Sei- gneur 1 ni tous ceux qui des- cendent dans le sépulcre ;

A Vêpres.

337

Mais nous qui vivons, nous bénissons le Seigneur , au- jourd'hui et à jamais. ^

Ant. Les Apôtres par- laient en diverses langues des merveilles de Dieu, allé- luia, alléluia, alléluia.

Sed nos qui vivimus. benedicimus Domino : * ex hoc nunc et usque in sœculum.

Ant. Loquebantur va- riis linguis Apostoli ma- gnalia Dei, alléluia, allé- luia, alléluia.

CAPITULE. (Act. II.

^V M complerentur ^-^ dies Pentecostes , erant omnes discipulipa- riter in eodem loco : et factus est repente de cœ- lo sonus, tamquam ad- venientis spiritus vehe- mentis, et replevit totam domum ubi erant se- dentes.

L'Hymne est celle que nous avons déjà chantée à Tierce, à l'heure même le divin Esprit descendit dans le Cénacle. La gran- deur des pensées et l'onction du sentiment forment le caractère de ce sublime cantique, toujours nouveau et toujours inépuisable.

Tes jours de la Pentecôte ^ étant accomplis, et tous les disciples se trouvant réu- nis dans un même lieu, il se fit tout à coup un grand bruit, comme d'un vent impé- tueux qui venait du ciel, et qui remplit toute la maison ik étaient assis.

"\/enez , Esprit créateur , ' visiter les âmes de vos fidèles, et remplir de la grâce céleste les cœurs que vous avez créés.

Vous êtes appelé le Con- solateur , le Don du Dieu très-haut , la source d'eau vive, le feu, l'amour, l'onc- tion spirituelle.

Veni, Creator Spiritus, Mentes tuorum visi- ta, Impie superna gratia Quae tu creasti pectora.

Qui diceris Paraclitus, Altissimi donuin Dei. Fons vivus, ignis, cha-

ritas, Et spiritalis unclio.

LE TEMPS PASCAL. T. III.

338 Le Saint Jour de la Pentecôte.

Tu septiformis mune-

re, Digitus Paternre dexte-

rae. Tu rite promissum Pa-

tris, Sermone ditans guttura.

Accende lumen sensi-

bus, Infunde amorem cordi-

biis. Infirma nostri corporis Virtute firmans perpe-

ti.

Hostem repellas lon-

gius, Paceraque dones proti-

nus : Ductore sic te prœvio Vitemus omne noxium.

Per te sciamus da Pa-

trem, Noscamus atque Filium, Teque utriusque Spiri-

tum Credamus omni tempore.

Deo Patri sit gloria, Et Filio, qui a mortuis Surrexit, ac Paraclito In sxcuiorum snecula.

Âmen.

^ j OQUEBANTUR va- ' Lriislinguis Apos- toli, alléluia,

Vf. Magnalia Dei, allé- luia.

Versant sur nous vos sept dons, vous êtes le doigt de la main du Père ; promis solen- nellement par lui aux hom- mes, vous venez leur appor- ter la puissance du langage.

Eclairez nos esprits de votre lumière, versez l'amour dans nos cœurs ; soutenez la fai- blesse de notre corps par votre incessante énergie.

Repoussez l'ennemi loin de nous, hâtez-vous de nous don- ner la paix ; marchez devant nous comme notre chef, et nous éviterons tout mal.

Faites-nous connaître le Père et le Fils ; donnez-nous la foi en vous qui procédez de l'un et de l'autre.

Gloire soit à Dieu le Père ! ' Gloire soit au Fils ressuscité des morts 1 Gloire au Para- clet, dans les siècles des siè- cles !

Amen.

^ j ES Apôtres parlaient ' i- en diverses langues,

alléluia, Vf. Des merveilles de Dieu,

alléluia.

A Vêpres.

33g

Vient ensuite le Cantique de Marie, partie essentielle de l'Office du soir, accompagné du solennel encensement de l'autel. L'accent de cet hymne divin s'est enrichi encore. Ce n'est plus seulement la Vierge portant en elle le Fils éternel du Père que l'on entend épan- cher les émotions de son âme ; c'est la Mère de Dieu inondée des feux de l'Esprit-Saint, et préparée pour le nouveau ministère qui l'attend. Le cantique est harmonisé pour la fête au moyen de la magnifique Antienne qui le précède.

Ant. a

ujouRD HUi sont accomplis les jours de la Pentecôte, allé- luia. Aujourd'hui l'Esprit- Saint a apparu aux disciples sous la forme du feu. et il a répandu en eux les dons de ses grâces. Il les a envoyés dans le monde entier prêcher et rendre témoignage. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, alléluia.

Ant. W

ODIE com- pleti sunt dies Pentecostes, allé- luia : hodie Spiritus Sanc- tus in i'gne discipulis ap- paraît, et tribuit eis cha- rismatum dona : misit eos in universum mun- dum praedicare et testifi- cari : qui crediderit et baptizatus fuerit, salvus erit, alléluia.

CANTIQUE DE MARIE.

MON âme glorifie le Sei- gneur ;

Et mon esprit tressaille en Dieu mon Sauveur, et en son Esprit qui est descendu sur moi.

Car il a regardé la bassesse de sa servante ; et pour cela, toutes les nations m'appelle- ront bienheureuse.

Il a fait en moi de grandes

MAGNIFICAT : anima mea Dominum. Et exsultavit spiritus meus : * in Dec salutari meo.

Quia respexithumilita- tem ancillae suae : * ecce enira ex hoc beatam me dicent omnes generatio- nes.

Quia fecitmihi magna

340

Le Temps Pascal.

qui potens est : * et Sanc- tum nomen ejus.

Et miserieordia ejus a progenie in progenies : timentibus eum.

Fccit potentiam in bra- chio suo : * dispersit s.:- perbos mente cordis sui.

Deposiiit potentes de sede : * et exaltavit hu- miles.

Esurientes implevit bo- nis : * et divites dimisit inanes.

Suscepit Israël puerum suum : * recordatus mise- ricordiae suae.

Sicut locutus est ad pa- tres nostros : * Abraham et semini ejus in sœcula.

Ant. Hodie completi sunt dies Pentecostes, al- léluia : hodie Spiritus Sanctus in ignediscipulis apparuit, et tribuit eis charismatum dona : misit eos in universum mundum prœdicare et testificari : qui crediderit et baptiza- tus fuerit, salvus erit, al- léluia.

choses, il m'a associée à toutes ses œuvres, celui qui est puis- sant et de qui le nom est Saint ;

Et sa miséricorde s'étend de génération en génération sur ceux qui le craignent.

Il a opéré puissamment par .son bras, et dispersé ceux qui suivaient les orgueilleuses pensées de leur cœur.

Il a mis à bas de leur trône les puissants, et il a élevé les humbles.

Il a rempli de biens ceux qui avaient faim, et renvoyé vides ceux qui étaient riches.

Il a reçu sous sa protection Israël son serviteur, se sou- venant de la miséricordieuse promesse

Qu'il fit autrefois à nos pères, à Abraham et à sa pos- térité pour jamais.

Ant. Aujourd'hui sont ac- complis les jours de la Pente- côte, alléluia. Aujourd'hui, l'Esprit-Saint a apparu aux disciples sous la forme du feu, et il a répandu en eux les dons de ses grâces. Il les a envoyés dans le monde entier prêcher et rendre témoi- gnage.Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, alléluia.

ORAISON.

P^us, qui hodierna die ^^corda fideliura Sanc- ti Spiritus illustratione docuisti : da nobis in co-

ODlEU, qui avez éclairé en ce jour les cœurs des fidàles par la lumière du Saint-Esprit, accordez-nous

Le Saint Jour de la Pentecôte. 341

par le même Esprit de goûter 1 dem Sçiritu recta sapere, ce qui est bien, et de jouir et de ejus semper conso- sans cesse de la consolation latione gaudere. Per Do- dont il est la source. Par minum. Jésus-Christ.

SELON notre usage, nous achèverons une si sainte journée en réunissant, comme dans un concert, les voix de toutes les Eglises célébrant le glorieux mystère de la Pentecôte chrétienne. Nous nous sommes unis à la sainte Eglise Romaine dans tous les cantiques de ce jour ; il nous faut enteridj-e maintenant la voix de l'Eglise grecque. Saint Jean Damas- cène est auteur de l'Hymne qui suit, et que nous em-pruntons au Pentecostanon.

HYMNE.

AU sortir du nuage divin. le prophète dont la lan- gue était tardive promulgua la loi écrite par le doigt de Dieu ; guéri de son infirmité, il avait contemplé de l'ceil de l'âme celui qui est, et il célé- bra dans de sacrés cantiques la science de l'Esprit qu'il avait reçn.

Le grave et auguste Maître avait dit à ses disciples : « Ne vous séparez point, ô mes amis ! lorsque je serai assis sur le trône sublime de mon Père, je répandrai la grâce infinie de l'Esprit dans tout son éclat sur vous qui désirez la connaître. »

DiviNA tectus tardilin- guis nebula, Eloquutus a Deo scrip-

tam legem : Materia enim abjecta,

oculis mentis Videre eum qui est discit,

Spiritus Cognitionem laudans di-

vinis cantibus.

Dixit severum et vene- randum os :

Divisio vobis non fiet, o amici :

Ego enim ad paternum excelsum thronum

ConsidenSjCfFundam Spi- ritus -

Splendere desiderantibus gratiam infinitam.

u^

Le Temps Pascal.

Terminus perfectus ve-

rissimum Verbum Tranquillae formœ implet

cor : Opère enim expleto, laeti-

ficavit amicos Flalu violento, et ignis

glossematis Dato Spiritu, Christus ut

pollicitus est.

Incomprehensibilis est divinissimus princi- patus.

Rhetores enim demons- Iravit illitteratos,

Satis sophistas mu- tire faciendo ser- mone.

Et a profunda n^cte e\- trahendo

Populos infinitos fulgiir Spiritus.

Erat procedens ex in-

genita luce Omnipotenter lucificus

incorruptusque

splendor. Cujusper Filii paternam

substantiam. Nunc manifestât cogna-

tam facem Ignita vox in Sion gen-

tibus.

Balneum divinum re- generationis,

Verbo miscens composi- te natur^e.

Suppeditas mihi aquam ex incorrupto

Sa carrière étant terminée, le V^erbe, fidèle à sa promesse, remplit leurs cœurs d'un doux recueillement. Ayant achevé son œuvre, il répand sur ses amis d'abord un souffle vio- lent, bientôt des langues en- flammées ; lui le Christ, il leur donne l'Esprit et dégage ainsi sa parole.

Le pouvoir divin dépasse toute borne ; de gens illettrés il fait des orateurs, leur pa- role réduira les sophistes au silence, et semblable à un éclair éblouissant, l'Esprit enlèvera à leur nuit profonde des peuples innombrables.

Cet Esprit tout-puissant, splendide, incorruptible, pro- cédait de la lumière incréée, de la substance que le Père transmet au Fils ; aujour- d'hui, langue de feu dans Sion, il manifeste aux nations cette lumière qu'il puise dans la divinité.

Et toi, ô Fils de Dieu qui as réuni deux natures, tu prépares le bain divin de la régénération; l'eau d'un tel bain s'est épanchée de ton côté, ô Verbe, et l'ardeur

Le Saint Jour de la Pentecôte. 343

puissante de l'Esprit en est le sceau.

Vous êtes les vrais servi- teurs du Dieu souverain, vous qui adorez l'essence trois fois lumineuse. Le Christ met aujourd'hui la dernière main à son bienfait surnaturel, envoyant pour notre salut celui qu'exprime le feu, ver- sant sur nous la grâce uni- verselle de l'Esprit.

Enfants de l'Eglise, fils de la lumière, recevez la rosée enflammée de l'Esprit, et par elle îa rémission et l'affran- chissement de vos péchés ; car aujourd'hui la loi est sor- tie de Sion, la grâce du Saint-Esprit, sous la forme d'une langue de feu.

Autrefois on entendit un concert d'instruments qui conviait les hommes à adorer la statue d'or inanimée ; maintenant, c'est la grâce lu- mineuse du Paraclet qui les rend dignes de s'écrier : O Trinité unique, égale en pou- voir, sans commencement, nous te bénissons.

Oubliant l'oracle du Pro-

Vulnerato tuo latere, o

Dei Verbum, Sigillans fervore Spiri-

tus.

Servitis omnes divî-

nissimo principatui, Quot servi estis trilumi-

nis substantiae : Supernaturaliter enim

perficit ut benefac-

tor. Et igneam for m a m

Christus dat in salu-

tem, Totam porrigens gratiam

Spiritus.

Solubilem purgatio- nem criminum,

Ignitum accipite Spiri- tus rorem,

O fîlii luciformes Eccle- sias :

Nunc enim ex Sion exi- vit lex,

Igneas linguae forma , Spiritus gratia.

Concors clamavit ins-

trumentorum can-

tus. Adorare auream inani-

mam imaginera : Paracliti autem lucifera

gratia Dignes facit ut clament :

O Trinitas sola, .(Equipotens, sine prin-

cipio, bencdicta es.

V 0 c e m a Propheta

344

Le Temps Pascal.

dictam qui ignora-

runt, Diccbant stulti, factam

a vino ebrietatem, Loquclac pcregrinse au-

ditse sunt ut Aposto-

lorum. Pii autem tibi clamamus

divinitus : Novifice universi, bene-

dictus es,

Tertia quidem nacta

est horarum gra-

tiam, Ut demonstraret , très

substantias Adorare in simplicitatc

potestatis : Sed in prima nunc die-

rum Dominica Filius, Pater et Spiri-

tus, benedictus es.

phète, des insensés disaient que l'ivresse des Apôtres était produite par le vin ; on enten- dait retentir tous les langages étrangers ; pour nous, nous n'avons qu'un cri : Toi qui renouvelles divinement l'uni- vers, sois béni.

L'heure de Tierce fut choi- sie pour l'effusion d'une telle grâce ; elle signifiait que l'on devait adorer trois personnes dans l'unité de puissance; en ce jour du Dimanche, le pre- mier des jours, ô Père, ô Fils, ô Esprit, soyez béni.

à son tour. Les strophes suivantes si majes- tueuses et si remplies de mystère remontent au cinquième siècle. La tradition les attribue à Moïse de Khorène, ou à Jean Matagouni.

CANON PRIM.E DIEI,

MissAcolumba descen- dens magna? vocis sonitu de excelsis ad si- militudinem lucis, ful- goris igné armavit sine combustura discipulos, dum adhuc sederent in sacro ccenaculo.

LA colombe envoyée aux hommes est descendue des cieux, annoncée par un grand bruit ; voilée sous l'emblème d'une lumière éclatante, elle a couvert d'une armure de feu, sans qu'ils en fussent brtjlés, les disciples qui étaient encore assis dans le sacré cénacle.

Le Saint Jour de la Pentecôte. 345

C'est la colombe immaté- rielle, insondable, qui pénè- tre les profondeurs de Dieu, qui annonce le second et ter- rible avènement, qui procède du Père, et que Ton nous en- seigne lui être consubstan- tielle.

Gloire au plus haut des cieux, à l'Esprit-Saint qui procède du Père ! Les Apô- tres ont été enivrés à son calice immortel, et ils ont invité la terre à s'unir au ciel.

Esprit divin et vivifiant, rempli de bonté pour les hom- mes, tu as éclairé par les lan- gues de feu ceux qui étaient rassemblés par le lien d'un mutuel amour ; c'est pourquoi nous célébrons aujourd'hui ton avènement sacré.

Les saints Apôtres ont été comblés de délices à ton arri- vée ; en parlant diverses lari- gues ils ont attiré des disci- ples qu'aucun lien n'aurait réunis ; c'est pourquoi nous célébrons aujourd'hui ton avènement sacré.

Tu t'es servi d'eux pour embellir, par le saint et spi- rituel baptême, la terre en- tière : tu l'as couverte de vê- tements nouveaux d'une blan- cheur éclatante ; c'est pour- quoi nous célébrons aujour- d'hui ton avènement sacré.

Toi qui reposes sur le char des chérubins, Esprit-Saint, tu es descendu aujourd'hui

Immaterialis columba, inscrutabilis, quas scru- tatur profunda Dei, quae accipiens a Pâtre, renun- tiat terribilem alterum adventum, quamque prœ- dicarunt consubstantia- lem.

Laus in altissimis pro- cedenti a Pâtre Spiritui Sancto. per quem Apos- toli inebriati sunt im- mortali calice, et invita- runt terram ad cœlum.

Vivificator Deus, hu- mane Spiritus, congre- gatos unanimi amore il- luminnsti igneis linguis; quapropter nos quoque hodie celebramus adven- tum tuum sanctum.

Delectati sunt tuo ad- ventu sancti Apostoli, accersitis insimul disper- sis ab invicem multiso- nis linguis ; quapropter nos quoque hodie cele- bramus adventum tuum sanctum.

Spiritali sancto bap- tismate, exornasti per eos terrarum orbem in vesti- bus pellucidis ac in no- vis amictibus ; quaprop- ter nos quoque hodie ce- lebramus adventum tuum sanctum.

Qui incherubico curru quiescis, hodie descen- disti de cœlis in chorum

346

Le Temps Pascal.

Apostolorum , Sancte Spiritus: benedictus es, rex immortalis.

Qui graderis super pennas ventorura, hodie m igneis linguis divisus quicvisti in Apostolis, Sancte Spiritus : bene- dictus es, rex immortalis.

Qui curam habes in providentia tuarum crea- turarum, hodie venisti ad firmandam Ecclesiam tuam. Sancte Spiritus : benedictus es, rex im- mortalis.

La Liturgie ambrosienne nous donne cette belle Préface qui, dans sa concision, réunit tous les mystères de la Pentecôte.

des cieux sur le chœur apos- tolique: sois béni, roi immor- tel !

Toi qui t'avances sur l'aile des vents, Esprit-Saint, tu t'es partagé en langues de feu, et tu t'es reposé sur les Apôtres : sois béni, roi im- mortel !

Toi qui prends soin de toutes les créatures dans ta providence, Esprit-Saint, tu es venu aujourd'hui pour af- fermir ton Eglise: sois béni, roi immortel !

2nQUUM et salutare , /t nos in hac praecipua festivitate gaudere, qua sacratissimura Pascha quinquaginta d i e r u m mysteriis tegitur, etmys- ticus numeru? adimplc- tur, et dispersio lingua- rum, quns dudum per superbiam in confusione facta fucrat, nunc per Spiritum Sanctum adu- natiir. Hodie enim de cœlis repente sonum au- dientes Apostoli unius fidei symbolum excepc- runt, et linguis variis Evangelii tui gloriam cunctis gentibus tradide-

IL est Juste et salutaire que nous nous laissions aller à la joie, en cette illustre so- lennité qui vient ajoutera la Pâque sacrée le mystère des cinquante jours et compléter ainsi le nombre mystique. C'est pareillement en ce jour que la division des langues, qui avait été opérée autre- fois pour humilier l'orgueil, fait place maintenant à leur réunion par le Saint-Esprit. C'est aujourd'hui que les Apôtres, après avoir enten- du soudain un bruit qui ve- nait du ciel, ont reçu le sym- bole de la foi unique, et par- lant diverses langues, ont

Le Saint Jour de la Pentecôte. 84-;

révélé à toutes les nations la runt. Per Christum Do- gloire de votre Evangile. Par minum nostrum. le Christ notre Seigneur.

L'Eglise gothique d'Espagne procède avec son abondance et son enthousiasme accoutu- més, dans cette magnifique Illation que nous fournit son Missel mozarabe.

IL est juste et raisonnable, ô Dieu tout-puissant, que nous célébrions, dans la fai- blesse de notre nature, vos dons et vos bienfaits, et que chaque année nous honorions particulièrement la mémoire de celui que vous avez dai- gné nous faire aujourd'hui pour notre éternel salut. Qui oserait garder le silence sur l'arrivée de votre Esprit- Saint, en ce jour pas une seule langue des nations bar- bares n'est oubliée pnr vos Apôtres? Mais qui pourrait raconter dignement le mys- tère de ce feu qui descend aujourd'hui, et les idiomes de tous les peuples inspirés aux disciples, en sorte que le La- tin et l'Hébreu, le Grec et l'Egyptien, le Scythe et l'In- dien, s'exprimant dans une langue qui leur était incon- nue, n'altèrent en rien l'i- diome qui leur est étranger, et entendent parler sans al- tération celui qui leur est propre? Qui pourrait dé- crire le divin pouvoir qui

DIGNUM et justum est, omnipotens Deus. pro possibilitate carnali munerum tuorum béné- ficia contiteri, et indul- tum hodierno die donum salutis asternœ anniver- saria semper commemo- ratione celebrare. Ete- nim pro adventu Spiri- tus tui Sancti tacere quis audeat ? cum omnis per Apostolos tuos etiam gentium barbararum lin- gua non taceat. Quis enim enarrare valet hu- jus hodierno die ignis illapsum, sic distributa discipulis geneca uni- versa linguarum ; ut nec Latinus Hebraeo, nec GrEecus '^Egyptio, nec Scytha Indo , propria dum quisque et pere- grina audiens loquitur iingua, detrimentum vel alienigeni fecerit, vel sui senserit intellectus? Quaque virtute sit ac- tum, quod dicentis veri- tatis prœconibus per spa-

348

Le Temps Pascal.

tia immensa terrarum unius atquc indivisibilis dortum doctrina; coelestis pro potestate voluntnria partiretur? Nihil agens unitati fidci dissonum, quamvis multiplicis scientia distributione pulcherrimurn, et multi- moda mirificumexstiterit varietate sermonum. Os- tendens qaod confessioni dominicre non impedit diversitas linguas, nec interestquod vario quis sermone fateatur, dum- modo unus sit ille qui creditur.

Obsecramus igitur, Domine, ut hase nostra confessio de cordibus fi- liorumpromissionis emis- sa, tibi Pater gloriae, semper accepta sit, et ad speranda ac prome- renda ea quœ tuis lîdeli- bus promisisti, sensus nostros divini Spiritus int'usione benedicas at- que sanctifiées. Effusa etenim ad nostram in- dulgenliam tuae gloriœ largitate inter innumera dona atque opéra San- cti Spiritus, nihil subli- mius Ecclesiîe exordiis collatam fuisse cognos- cimus. quam ut prœco- nium Evangelii tui ora linguis universarum gen- tium loquerentur. Et hoc non nisi Sancti Spiritus

vient à son gré répandre sur ceux qui devront prêcher la vérité parlante par toute la terre, le don d'une doctrine céleste, une et indivisible ? Ni la science ainsi distribuée dans la plus riche variété, ni la diversité merveilleuse des langages, n'enlèvent rien à l'unité de la foi. Nous ap- prenons ici que la dissem- blance des idiomes n'arrête en rien la louange du Sei- gneur, et que peu importe la langue dont on se sert, si le même Dieu est l'objet d'une même foi.

Nous vous supplions donc, Seigneur, Père de la gloire, d'agréer notre confession qui s'élève vers vous du cœur des enfants de la promesse. Dai- gnez par l'infusion du divin Esprit, bénir et sanctifier nos âmes, les renJant capables d'espérer et de mériter la ré- compense que vous avez pro- mise à vos fidèles. Dans l'ef- fusion que votre munificence pleine de gloire a faite pour notre salut, entre les oeuvres et les dons de votre Esprit- Saint, nous ne voyons rien de plus sublime, à l'origine de l'Eglise, que la prédica- tion de votre Evangile ac- complie par des bouches qui parlaient les langues de toutes les nations. Un tel prodige ne pouvait être pro- duit que par la grâce de l'Es-

Le Saint Jour de la Pentecôte. 34g

prit-Saint, qui est venu à nous sept semaines après la glorieuse Résurrection de votre Fils, montrant ainsi que s'il est septiforme, toutes ses puissances se concen- trent dans une harmonieuse unité, et de même que sept est à part dans les nombres, ainsi sept se retrouve en cha- cun d'eux. De les sept de- grés de votre temple par les- quels nous entrons au royau- me des cieux. De la cin- quantième année, celle de la rémission si célèbre dans les mystères de la loi. C'est le fruit de la moisson nou- velle qu'il nous est com- mandé d'offrir aujourd'hui. II est avant tous les siècles, il est éternel; mais pour nous il est devenu nouveau, quand il nous a apparu.

Ce n'est pas non plus sans mystère qu'un tel don est répandu sur nous le dixième jour après l'Ascension de votre Fils ; nous y reconnais- sons ce denier promis par le père de famille aux ouvriers de la vigne. Il nous fallait ce signe imposant de votre di- vine bonté qui s'est montrée lorsque la forme des langues apparaissant en feu sur les têtes des disciples, elle fit produire aux cœurs des croyants ces nouveaux ac-

tui gratia révélante, qui nobis post Resurrectionis Filii tui gloriam. trans- actis septem hebdoma- dibus venit : ostendens quod etsi septiformis est, tamen in uno gradu om- nium concordantium sibi virtutum summa consis- tit. Ac sicut septem unum in numeris est, sic septem inveniuntur in singulis. Hi sunt sine dubio septem gradus templi tui, per quos ad cœlorum régna conscen- ditur. Hic est quinqua- gesimus remissionis an- nus olim in legis tropo- logiis prœdicatus. Hic est fructus messis novae, qui hodie mandatur of- ferri. Qui licet ante om- nia sœcula semper ^ter- nus sit : tamen nobis quum ionotuit, tune no- vus effectus est.

Nec illud sine myste- rio esse significans, quod post Ascensionem Filii tui décima nobis die hoc munus infunditur, os- tendens quod cultoribus vineœ hic esset a patre- familias denarius repro- missus. Magnum autem et pras omnibus necessa- rium fuit hoc tibi divini muneris signum, quod quum super capita dis- cipulorum ignea cons- cendisset forma lingua-

35 o

Le Temps Pjscal.

rum, de cordibus cre- dentium nec dissonum aliquid faceret prodire nec tepidum ; sed prje- dicatorcs Verbi tui et intellif,fentia essent una- nimes, et charitate fer- ventes. O ignis exurendo fœcundans. Hune igitur omnipotentem esse Do- minum omnis intellec- tualis creatura vivifica- tione fatetur, cujus etiam Chérubin et Séraphin, ferventes copiosius igné, speciali ejus vocabulo sanctitatis divins magni- ficantes aequalitatem at- que omnipotentiam Tri- nitatis, requiem non ha- bentes, nec tali unquam officio lassescentes, cœ- lestium exercituum prœ- cinentibus choris, pe- renni jubilatione décan- tant, adorant atque ma- gnificant, ita dicentes : S.mctus ! S.victus ! Sanc- tiis !

cents dans lesquels ne parais- sait rien de dis«onant ni de tiède. Prédicateurs de votre Verbe, on les vit unanimes dans l'intelligence et em- brasés de charité. O feu qui brûles et fécondes en même temps ! toute créature éclai- rée par le principe de vie confesse que ce feu est le Sciorneur tout-puissant. C'est lui dont l'ardeur embrase les Chérubins et les ardents Sé- raphins désignés par son nom, et qui glorifiant avec transport l'égalité de la sain- teté divine et la loute-puis- sancc de la Trinité, n'ont pas de repos, et sans jamais se lasser chantent, adorent et glorifient dans une jubilation éternelle, disant en commun ûvcc les chœurs des armées célestes : Saint ! Saint ! Saint !

Le moyen âgé des Eglises latines a célébré le mystère de la Pentecôte dansde magnifiques Séquences. Nous en insérons quelques-unes dans le cours de l'Octave. Aujourd'hui nous reproduisons celle qui fut longtemps attribuée au pieux roi Robert. Cette pièce intéressante, dont Notkcr est le véritable auteur, a disparu des Missels romains-français au xvii* siècle, et on l'y a remplacée par la Séquence romaine, Veni, Sancte Spiritus. Nous avons pensé que

Le Saint Jour de la Pentecôte. 35 1

l'on ne devait pas laisser périr ce noble can- tique dont parlent nos anciens chroniqueurs, et que tous les historiens modernes confon- dent à l'envi avec la Séquence du Missel romain, qui n'a dans sa composition et dans son rythme aucun rapport avec les Séquences du xr siècle.

SEQUENCE.

QUE la grâce de l'Esprit- Saint daigne nous assis- ter !

Qu'elle fasse de nos cœurs son habitation,

Qu'elle en expulse les vices de notre esprit.

O vous qui éclairez les hommes, Esprit plein de bonté,

Chassez les sombres ténè- bres qui attristent notre âme.

Vous qui êtes l'ami des sages pensées, bon et saint,

Répandez votre onction dans nos âmes.

O Esprit, c'est vous qui nous purîliez de tous nos pé- chés.

SANCTi Spiritus Adsit nobis gratia.

Quae corda nostra Sibi faciat Habitaculum.

Expulsis inde Cunctis vitiis Spiritalibus.

Spiritus aime, Illustrator hominum.

Horridas

Nostrae mentis Purga tencbras.

Amator sancte

Sensatorum

Semper cogitatuum.

Infunde unctionem tu- am Clemens nostris sensi-

bus.

Tu purificator Omnium flagitiorum, Spiritus.

35 2

Le Temps Pascal.

Purifica nostri oculum Interioris hominis.

Ut vidcri Supremus Genitor Possit a nobis.

Mundi cordis, Quetn soli cernere

Possunt oculi.

Prophetas tu inspiras- ti. Ut praeconia Christi Praecinuissent inclyta.

Apostolos confortasti, Uti tropaeum Chris- ti Per totum orbem vehe- rent.

Quando machinam Per Verbum suum Fecit Deus Cœli, terrae, marium.

Tu super aquas, Foturus eas, Numea tuum expandis- ti, '^ Spiritus.

Tu animabus Vivificandis Aquas fœcundas.

Tu aspirando, Das spiritales Esse homines.

Tu divisum

Purifiez en nous l'œil de l'homme intérieur,

Afin que nous puissions un jour contempler le Père su- prême,

Qu'il n'^est donné de voir qu'à ceux qui ont le cœur pur.

C'est vous qui avez inspiré les Prophètes, et leur avez fait célébrer d'avance les lou- anges du Christ.

Vous avez fortifié les Apô- tres pour élever le trophée du Christ par le monde en- tier.

Lorsque Dieu, pat son Verbe, créa le ciel, la terre et la mer.

Vous fîtes planer votre di- vinité sur les eaux pour les féconder, ô Esprit 1

Maintenant vous donnez à ces eaux la vertu de vivifier les âmes.

Votre souffle rend les hom- mes spirituels.

Le monde divisé en diver-

Le Saint Jour de la Pentecôte. 353

ses langues et en divers cul- tes, vous l'avez réuni en un seul, ô Seigneur !

O Docteur rempli de bonté, c'est vous qui avez rappelé les idolâtres au culte du vrai Dieu.

Daignez donc , Esprit- Saint, exaucer nos supplica- tions.

Sans vous toutes nos priè- res seraient vaines et indi- gnes de monter jusqu'à l'o- reille de Dieu.

C'est vous qui, par vos di- vines caresses, avez instruit et dirigé les saints dans tous les siècles, ô Esprit !

Décorant aujourd'hui les Apôtres de dons nouveaux et inconnus aux âges précé- dents,

Vous avez rendu ce jour glorieux à jamais. Amen.

Per linguas mundum et ritus Adunasti, Domine.

Idololatras Ad cultum Dei revocas, Magistrorum optime.

Ergo nos

Supplicantes tibi Exaudi propitius, Sancte Spiritus.

Sine quo preces om- nes

Cassae creduntur, Et indignae Dei auribus.

Tu qui Omnium saeculorum san-

ctos Tui numinis docuisti in- stinctu

Amplectendo, Spiritus.

Ipse hodie

Apostolos Christi Donans munere insolito, Et cunctis inaudito Saeculis,

Hune diem

Gloriosura fecisti. Amen.

^4^ ^'^

LE TEMPS PASCAL.

iXlA. ttlA CX^ ctlA ftlA CtlA ftlA ctiA CTi^k ctlA ftlA ftlA

LES DONS DU SAlNl-ESPRll

ous devons exposer durant toute cette semaine les divines opérations du Saint-Esprit dans l'Eglise et dans l'âme du fidèle ; mais il est néces- saire d'anticiper dès aujourd'hui sur l'en- seignement que nous aurons à présenter. Sept journées nous sont données pour étu- dier et connaître le Don suprême que le Père et le Fils ont daigné nous envoyer, et l'Esprit qui procède des deux se manifeste en sept manières dans les âmes. Il est donc juste que chacun des jours de cette heureuse semaine soit consacré à honorer et à recueil- lir ce septénaire de bienfaits par lequel doi- vent s'opérer notre salut et notre sanctifi- cation.

Les sept Dons du Saint-Esprit sont sept énergies qu'il daigne déposer dans nos âmes, lorsqu'il y pénètre par la grâce sanctifiante. Les grâces actuelles mettent en mouvement simultanément ou séparément ces puissances divinement infuses en nous, et le bien sur- naturel et méritoire de la vie éternelle est produit avec l'acquiescement de notre vo- lonté.

Le prophète Isaïe, conduit par l'inspiration divine, nous a fait connaître ces sept Dons dans le passage décrivant l'opération de l'Esprit-Saint'sur l'âme du Fils de Dieu fait

Les Dons du Saint- Elprit. 355

homme, qu'il nous représente comme la fleur sortie de la branche virginale issue du tronc de Jessé, il nous dit: «-Sur lui reposera l'Es- « prit du Seigneur, l'Esprit de Sagesse et « d'Intelligence, l'Esprit de Conseil et de « Force, l'Esprit de Science et de Piété; et « l'Esprit de Crainte du Seigneur le rem- « plira 1. » Rien de plus mystérieux que ces paroles; mais on sent que ce qu'elles expriment n'est pas une simple énumération des caractères du divin Esprit, mais bien la description des effets qu'il opère dans l'âme humaine. Ainsi l'a compris la tradition chré- tienne énoncée dans les écrits des anciens Pères, et formulée par la théologie.

L'humanité sainte du Fils de Dieu incarné est le type surnaturel de la nôtre, et ce que l'Esprit-Saint a opéré en elle pour la sancti- fier doit en proportion avoir lieu en nous. Il a déposé dans le fils de Marie les sept éner- gies que décrit le Prophète; les mêmes Dons en même nombre sont préparés à l'homme régénéré. On doit remarquer la progres- sion qui se manifeste dans leur série. Isaïe énonce d'abord l'Esprit de Sagesse, et s'ar- rête en descendant à l'Esprit de Crainte de Dieu. La Sagesse est en etfet, ainsi que nous le verrons, la plus haute des préroga- tives à laquelle puisse être élevée l'âme humaine, tandis que la Crainte de Dieu, selon la profonde expression du Psalmiste, n'est que le commencement et l'ébauche de cette divine qualité. On comprend aisément que l'âme de Jésus appelée à contracter l'u-

I. ISAI. XI, 2, 3.

356 Le Saint Jour de la Pentecôte.

nion personnelle avec le Verbe divin ait été traitée avec une dignité particulière, en sorte que le Don de la Sagesse ait être infus en elle d'une manière primordiale, et que le Don de la Crainte de Dieu, qualité nécessaire à une nature créée, n'ait été mis en elle que comme un complément. Pour nous au contraire, fragiles et inconstants que nous sommes, la Crainte de Dieu est la base de tout l'édifice, et c'est par elle que nous nous élevons de degré en degré jusqu'à cette Sagesse qui unit" à Dieu. C'est donc dans l'or- dre inverse à celui qu'a posé Isaie pour le Fils de Dieu incarné, que l'homme monte à la perfection au moyen des Dons de l'Esprit- Saint qui lui ont été conférés dans le Baptême, et qui lui sont rendus dans le sacrement de la réconciliation, s'il a eu le malheur de perdre la grâce sanctifiante par le péché mortel.

Admirons avec un profond respect l'au- guste septénaire qui se trouve empreint dans toute l'œuvre de notre salut et de notre sanc- tification. Sept vertus rendent l'âme agréable à Dieu; par ses sept Dons, l'Esprit- Saint la conduit à sa fin ; sept Sacrements lui com- muniquent les fruits de l'incarnation et de la rédemption de Jésus-Christ; enfin, c'est après sept semaines écoulées depuis la Pàque, que le divin Esprit est envoyé sur la terre

Êour y établir et y consolider le règne de lieu. Nous ne nous étonnerons pas après cela que Satan ait cherché à parodier sacri- lègemcnt l'œuvre divine, en lui opposant l'affreux septénaire des péchés capitaux, par lesquels il s'efforce de perdre l'homme que Dieu veut sauver.

Le Don de Crainte. 35 j

LE DON DE CRAINTE.

L'obstacle au bien en nous est l'orgueil. C'est l'orgueil qui nous porte à résister à Dieu, à mettre notre fin en nous-mêmes, en un mot à nous perdre. L'humilité seule peut nous sauver d'un si grand péril. Qui nous donnera l'humilité? l'Esprit-Saint, en répandant en nous le Don de la Crainte de Dieu.

Ce sentiment repose sur l'idée que la foi nous donne de la majesté de Dieu, en pré- sence duquel nous ne sommes que néant, de sa sainteté infinie, devant laquelle nous ne sommes qu'indignité et souillure, du juge- ment souverainement équitable qu'il doit exercer sur nous au sortir de cette vie, et du danger d'une chute toujours possible, si nous manquons à la grâce qui ne nous manque jamais, mais à laquelle nous pou- vons résister.

Le salut de l'homme s'opère donc « dans la « crainte et le tremblement », comme l'ensei- gne l'Apotre 1 ; mais cette crainte, qui est un don de l'Esprit-Saint, n'est pas un senti- ment grossier qui se bornerait à nous jeter dans répouvante à la pensée des châtiments éternels. Elle nous maintient dans la com- ponction du cœur, quand bien même nos péchés seraient depuis longtemps pardon- nés; elle nous empêche d'oublier que nous sommes pécheurs, que nous devons tout à la miséricorde divine, et que nous ne sommes encore sauvés qu'en espérance 2.

1. Philip. II, 12. 2. Rom. viii, 24.

358 Le Saint Jour de la Pentecôte.

Cette crainte de Dieu n'est donc pas une crainte servilc; elle devient au contraire la source des sentiments les plus délicats. Elle peut s'allier avec l'amour, n'étant plus qu'un sentiment filial qui redoute le péché à cause de l'outrage qu'il fait à Dieu. Inspirée par le respect "de la majesté divine, par le sen- tirnent de la sainteté infinie, elle met la créature à sa vraie place, et saint Paul nous enseigne qu'ainsi épurée, elle contri- bue à « l'achèvement de la sanctification i. » Aussi entendons-nous ce grand apôtre, qui avait été ravi jusqu'au troisième ciel, con- fesser qu'il est rigoureux envers lui-même t afin de n'être pas réprouvé -. »

L'esprit d'indépendance et de fausse liberté qui règne aujourd'hui contribue à rendre plus raVe la crainte de Dieu, et c'est une des plaies de notre temps. La familiarité avec Dieu tient trop souvent la place de cette disposition fondamentale de la vie chré- tienne, et dès lors tout progrès s'arrête, l'illusion s'introduit dans l'âme, et les divins Sacrements, qui au moment d'un retour à Dieu avaient opéré avec tant de puissance, deviennent à peu près stériles. C'est que le Don de Crainte a été étouffé sous la vaine complaisance de l'âme en elle-même. L'humi- lité s'est éteinte; un orgueil secret et univer- sel est venu paralyser" les mouvements de cette âme. Elle arrive, sans s'en douter, à ne plus connaître Dieu, par cela même qu'elle ne tremble plus devant lui.

Conservez donc en nous, ô divin Esprit,

I. II Cor. VII, I. 2. I Cor. ix, 27.

Le Don de Crainte. 35g

le Don de la Crainte de Dieu que vous avez répandu en nous dans notre baptême. Cette crainte salutaire assurera notre persévérance dans le bien, en arrêtant les progrès de l'es- prit d'orgueil. Qu'elle soit donc comme un trait qui traverse notre âme de part en part, et qu'elle y reste toujours fixée comme notre sauvegarde. Qu'elle abaisse nos hauteurs, qu'elle nous arrache à la mollesse, en nous révélant sans cesse la grandeur et la sainteté de celui qui nous a créés et qui doit nous juger. Nous savons, ô divin Esprit, que cette heureuse crainte n'étouffe pas l'amour; loin de là, elle enlève les obstacles qui l'arrête- raient dans son développement. Les Puis- sances célestes voient et aiment avec ardeur le souverain Bien, elles en sont enivrées pour l'éternité; cependant elles tremblent devant sa majesté redoutable, tremunt Potestates. Et nous, couverts des cicatrices du péché, remplis d'imperfections, exposés à mille piè- ges, obligés de lutter contre tant d'ennemis, nous ne sentirions pas qu'il nous faut stimu- ler par une crainte forte, et en même temps filiale, notre volonté qui s'endort si aisément, notre esprit que tant de ténèbres assiègent ! Veillez sur votre oeuvre, ô divin Esprit ! pré- servez en nous le précieux don que vous avez daigné nous faire ; apprenez-nous à concilier la paix et la joie du cœur avec la crainte de Dieu, selon cet avertissement du Psal- miste : « Servez le Seigneur avec crainte, et « tressaillez de bonheur en tremblant devant « lui 1. »

I. Psalm. II, II.

LE LUNDI DE LA PENTECOTE.

VENI Sancte, Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.

VENEZ, Esprit-Saint ; rem- plissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

|iER l'Esprit-Saint a pris posses- sion du monde, et ses débuts dans la mission qu'il a reçue du Père et du Fils ont annoncé sa puissance sur les cœurs, et ont préludé avec éclat à ses conqu^îtes futures. Nous allons suivre respec- tueusement sa marche et ses opérations sur cette terre qui lui a été confiée; la succession des jours d'une si solennelle Octave nous permettra de signaler tour à tour ses œuvres dans l'Eglise et dans les âmes.

Jésus,' notre Emmanuel, est le Roi du monde; il a reçu de son Père les nations en héritage L II nous a déclaré lui-mcme que « toute puissance lui a été donnée au ciel et sur la terre -. » Mais il est monté au ciel avant que son empire fût établi ici-bas. Le

I. Psalm. II, 8. 2. Matth. xxviii, i8.

Le Lundi de la Pentecôte. 36 1

peuple d'Israël lui-même auquel il a fait.en- tendre sa parole, sous les yeux duquel il a opéré les prodiges qui attestaient sa mission, ce peuple l'a renié et a cessé d'être son peu- ple 1. Quelques-uns de ses membres seule- ment l'ont accepté et l'accepteront encore ; mais la masse d'Israël confirme le cri sacri- lège de ses pontifes : « Nous ne voulons pas ce que celui-là règne sur nous ^. »

La gentilité est tout aussi éloignée d'accep- ter le fils de Marie pour son maître. Elle ignore profondément sa personne, sa doc- trine, sa mission. Les traditions antiques de la religion primitive se sont graduelle- ment effacées. Le culte de la matière a en- vahi le monde civilisé comme le monde bar- bare, et l'adoration est prodiguée à toute créa- ture. La morale est altérée jusque dans ses sources les plus sacrées et les plus inviola- bles, La raison s'est obscurcie chez cette minorité imperceptible qui se fait gloire du nom de philosophes; « ils se sont évanouis « dans leurs pensées, et leur cœur insensé « s'est aveuglé 3. » Les races humaines déraci- nées ont été mêlées successivement par la conquête. Tant de bouleversements n'ont laissé chez les peuples que l'idée de la force, et le colossal empire romain dominé par César pèse de tout son poids sur la terre. C'est le moment que le Père céleste a choisi pour envoyer son Fils en ce monde. Il n'y a pas place pour un roi des intelligences et des cœurs; et cependant il faut que Jésus règne sur les hommes et que son règne soit accepté.

I. Dan. IX, 26. 2. Luc. xix, 14. 3. Rom. i, 21.

302 Le Temps Pascal.

Eh attendant, un autre maître s'est pré- senté, et les peuples l'ont accueilli avec accla- mation. C'est Satan, et son empire est si fortement établi que Jésus lui-même l'appelle le Prince de ce monde. Il faut qu'il soit « jeté dehors »; il s'agit de le chasser de ses tem- ples, de l'expulser des mœurs, de la pensée, de la littérature, des arts, de la politique; car il possède tout. Ce n'est pas seulement l'humanité dépravée qui résiste ; c'est le fort armé qui la regarde comme son domaine, et qui ne cédera pas devant une force créée.

Tout est donc contre le règne du Christ, et rien pour lui. Que sert à l'impiété moderne de dire, contre l'évidence des faits, que le monde était prêt pour une si complète révo- lution ? Comme si tous les vices et toutes les erreurs étaient une préparation à toutes les vertus et à toutes les vérités! comme s'il suf- fisait à l'homme vicieux de sentir le mal- heur, pour comprendre que son malheur vient de ce qu'il est dans le mal, pour se résoudre à devenir tout d'un coup, et au prix de tous les sacrifices, un héros de vertu 1

Non, pour que Jésus régnât sur ce monde pervers, il fallait un miracle et le plus grand de tous les miracles, un prodige qui, comme le dit Bossuet, n'a de terme de comparaison qu'avec l'acte créateur qui a fait sortir les êtres du néant. Or, ce prodige, qui l'a fait, sinon le divin Esprit? C'est lui-même qui a voulu que nous qui n'avons pas vu le Sei- gneur Jésus, nous fussions rendus aussi cer- tains de sa nature divine et de sa mission

I. JOHAN. XII, 3i.

Le Lundi de la Pentecôte. 363

de Sauveur, que si nous eussions été témoins de ses miracles et auditeurs de ses enseigne- ments. C'est dans ce but qu'a été opéré ce prodige des prodiges, cette conversion du monde, dans laquelle « Dieu a choisi ce « qu'il y avait de plus faible dans le monde « pour renverser ce qui était fort, ce qui « n'était pas pour détruire ce qui était i. » C'est dans ce fait immense et plus lumineux que le soleil, que l'Esprit-Saint a rendu sa pré- sence visible, qu'il s'est affirmé lui même.

Voyons par quels moyens il s'y est pris pour assurer le règne de"^ Jésus sur le monde. Retournons d'abord au Cénacle. Considérez ces hommes revêtus maintenant de la Vertu d'en haut. Qu'étaient-ils tout à l'heure? Des gens sans influence, de condition vile, sans lettres, d'une faiblesse connue. N'est-il pas vrai que l'Esfirit-Saint en a fait tout à coup des hommes éloquents et du plus haut cou- rage, des hommes que le monde connaîtra bientôt, et qui remporteront sur lui une vic- toire devant laquelle pâliront les triomphes des plus glorieux conquérants? Il faut bien que l'incrédulité l'avoue, le fait est par trop évident: le monde a été transformé, et cette transformation est l'œuvre de ces pauvres juifs du Cénacle. Ils ont reçu le Saint-Esprit en ce jour de la Pentecôte, et cet Esprit a accompli par eux tout ce qu'il avait à accomplir.

Il leur a donné trois choses en ce jour: la parole figurée par les langues, l'ardeur de l'amour r'eprésentée par le feu, et le don des miracles -qu'ils exercent tout aussitôt. La

1. I Cor. I, 27.

364 Le Temps Pascal.

parole est le glaive dont ils sont armés, l'a- mour est l'aliment du courage qui leur fera tout braver, et par le miracle ils forceront l'attention des hommes. Tels sont les moyens devant lesquels le Prince du monde sera ré- duit à capituler, par lesquels le règne de l'Emmanuel s'établira dans son domaine, et ces moyens procèdent tous de l'Esprit-Saint. Mais il ne borne pas son action. Il ne suffit pas que les hommes entendent retentir la parole, qu'ils admirent le courage, qu'ils voient des prodiges. Il ne suffit pas qan'ils en- trevoient la splendeur de la vérité, qu'ils sentent la beauté de la vertu, qu'ils recon^ naissent la honte et le crime de leur situation. Pour arriver à la conversion du cœur, pour reconnaître unDieudansce Jésusqu'onvaleur prêcher, pour l'aimer et se vouer à lui dans le baptême et jusqu'au martyre, s'il le faut, il est nécessaire que le Saint-Esprit inter- vienne. Lui seul, comme parle le Prophète, peut enlever de leur poitrine le cœur de pierre et y substituer un cœur de chair capable d'éprouver le sentiment surnaturel de la foi et de l'amour. L'Esprit divin accompagnera donc partout ses envoyés ; à eux l'action vi- sible, à lui l'action invisible; et le salut pour l'homme résultera de ce concours. Il faudra que l'une et l'autre action s'exercent sur chaque individu, que la liberté de chaque individu ac- quiesce et se rende à la prédication extérieure de l'apôtre et à la touche intérieure de l'Esprit. Certes, c'est un grand œuvre d'entraîner la race humaine à confesser Jésus son seigneur et roi ; la volonté perverse résistera longtemps; mais qu'il s'écoule seulement trois siècles, et le

Le Lundi de la Pentecôte. 365

monde civilisé se rangera autour de la croix du Rédempteur.

Il était juste que l'Esprit-Saint et ses en- voyés s'adressassent d'abord au peuple de Dieu. Ce peuple « avait reçu en dépôt les « divins oracles 1 » ; il avait fourni le sang de la rédemption. Jésus avait déclaré qu'il était envoyé « pour les brebis perdues de la mai- « son d'Israël -. » Pierre, son vicaire, devait hériter de cette gloire d'être l'Apôtre du peu- ple circoncis 3 ; bien que la gentilité, en la personne de Corneille le Centurion, dût être par lui introduite dans l'Eglise, et l'éman- cipation des gentils baptisés proclamée par lui dans l'assemblée de Jérusalem. Mais l'honneur était d'abord à la famille d'A- braham, d'Isaac et de Jacob; voilà pourquoi notre première Pentecôte est juive, pourquoi nos premiers ancêtres en ce jour sont juifs. C'est sur la race d'Israël que l'Esprit-Saint répand d'abord ses dons inetfables.

Voyez-les maintenant partir de Jérusalem ces juifs qui ont reçu la parole, et dont le saint baptême a fait de véritables enfants d'Abraham. La solennité passée, ils retour- nent dans les provinces de la gentilité qu'ils habitent, portant dans leurs cœurs Jésus qu'ils ont reconnu pour le Messie roi et sauveur. Saluons ces prémices de la sainte Eglise, ces trophées de l'Esprit divin, ces porteurs de la bonne nouvelle. Ils ne tarderont pas à voir arriver les hommes du Cénacle qui se tourne- ront vers les gentils,après l'inutile sommation faite à l'orgueilleuse et ingrate Jérusalem.

I. Rom. III, 2. 2. Matth. XV, 24. 3. Gai. 11, 7.

366

Le Temps Pascal.

Une faible minorité dans la nation juive a donc consenti à reconnaître le fils de David pour l'héritier du Père de famille; la masse est demeurée rebelle et court obstinément à sa perte. Comment qualifier son crime? Etienne, le Protomartyr, nous l'apprend. S a- dressant à ces indignes fils d'Abraham : 0 Hommes à la tête dure, leur dit-il, cœurs et « oreilles incirconcis, vous résistez continuel- « lement au Saint-Esprit K » Un si coupable refus d'obéir chez la nation privilégiée donne le signal de la migration des Apôtres vers la gentilité. L'Esprit-Saint ne les quitte plus, et c'est désormais sur les peuples assis dans les ombres de la mort qu'il va épancher les tor- rents de la grâce que Jésus a mérités aux hommes par son Sacrifice sur la croix.

Ils s'avancent, ces porteurs de la parole de vie, vers les régions païennes. Tout s'arme contre eux, mais ils triomphent de tout. L'Esprit qui les anime féconde en eux ses dons. Il agit en même temps sur les âmes de leurs auditeurs, la foi en Jésus se répand avec rapidité; et bientôt Antioche, puis Rome, puis Alexandrie, voient s'élever en leur sein une population chrétienne. La langue de feu parcourt le monde; elle ne s'arrête même pas aux limites de l'empire romain, prédes- tiné, selon les divins Prophètes, à servir de base à l'empire du Christ. Les Indes, la Chine, l'Ethiopie et cent peuples lointains en- tendent la voix des Evangélistes de la paix.

Mais il ne leur faut pas seulement rendre témoignage par la parole à la royauté de

Le Lundi de la Pentecôte. 36 j

leur Maître; ils lui doivent aussi le témoi- gnage du sang. Ils ne seront pas en retard. Le feu qui les embrasa au Cénacle les con- sume dans l'holocauste du martyre.

Admirons ici la puissance et la fécondité du divin Esprit. A ces premiers envoyés il fait succéder une génération nouvelle. Les noms sont changés, mais l'action continue et conti- nuera jusqu'à la fin des temps, parce qu'il faut que Jésus soit reconnu sauveur et maître de l'humanité, et que l'Esprit-Saint a été envoyé pour opérer cette reconnaissance sur la terre.

Le Prince de ce monde, « l'ancien ser- pent 1 », s'agite avec violence pour arrê- ter les conquêtes des envoyés de l'Esprit. Il a crucifié Pierre, tranché la tête à Paul, im- molé leurs compagnons; mais lorsque ces nobles chefs ont disparu, son orgueil est sou- mis à une épreuve plus dure encore. C'est un peuple entier qu'a produit le mystère de la Pentecôte; la semence apostolique a germé dans des proportions immenses. La persécu- tion de Néron a pu abattre les chefs juifs du nouveau peuple; mais voici maintenant la

fentilité elle-même établie dans l'Eglise, jnsi que nous le chantions hier en triom- phe, « l'Esprit du Seigneur a rempli la terre « entière 2. » Nous voyons, dès la fin du pre- mier siècle, le glaive de Domitien sévir jus- que sur les membres de la famille impériale. Bientôt les Trajan, les Adrien, les Antonin, les Marc-Aurèle, épouvantés du compétiteur Jésus de Nazareth, s'élancent sur son trou-

I. Apoc. xiî, 9. 2. Introït de la fête de la Pentecôte tiré du livre de la Sagesse.

368 Le Temps Pascal.

peau ; mais c'est en vain. Le Prince du monde les avait armes de la politique et de la philosophie; TEsprit-Saint dissout tous ces faux prestiges, et la vérité s'étend tou- jours plus sur la surface du monde. A ces sages succèdent des tyrans forcenés, un Sé- vère, un Décius, un Gallus, un Valérien, un Aurélien, un Maximien; le carnage s'étend à tout l'empire, parce que les chrétiens y sont partout. Enfin l'etfort suprême du Prince du monde est dans l'effroyable persé- cution décrétée par Dioclétien et les farou- ches Césars qui partagent le pouvoir avec lui. Ils avaient résolu l'extermination du christianisme, et ce sont eux-mêmes qui, après avoir répandu des torrents de sang, s'affaissent dans le désespoir et l'ignominie.

Qu'ils sont magnifiques vos triomphes, ô divin Esprit ! qu'il est surhumain l'empire du Fils de Dieu, lorsque vous l'établissez ainsi à rencontre de toutes les résistances de la faiblesse et de la perversité humaines, à la face de Satan dont le règne semblait pour jamais consolidé sur la terre! Mais vous aimez le futur troupeau du Rédempteur, et vous répandez dans des millions d'àmes l'at- trait pour une vérité qui exige de si redou- tables sacrifices. Vous renversez les prétex- tes d'une vaine raison par des prodiges in- nombrables, et échauffant ensuite par l'a- mour ces cœurs arrachés à la concupiscence et à l'orgueil, vous les envoyez pleins d'un enthousiasme tranquille au-devant de la mort et des tortures.

Alors s'accomplit la promesse que Jésus avait faite pour le moment ses fidèles

Le Lundi de la Pentecôte. 36g

comparaîtraient devant les ministres du Prince du monde. Il avait dit : « Ne prenez « pas la peine de réfléchir sur la manière « dont vous parlerez et sur ce que vous di- « rez. A l'heure même, vous sera donné ce « que vous aurez à dire ; car ce ne sera pas « vous-mêmes qui parlerez, mais ce sera l'Es- « PRIT de votre Père qui parlera en vous i. » Nous en pouvons juger encore en lisant les limmortes Actes de nos martyrs, en suivant ces interrogatoires et ces réponses simples et sublimes qui s'échappent du milieu même des tourments. C'est la voix de l'Esprit, la parole de l'Esprit qui lutte et qui triomphe. Les assistants s'écriaient: « Il est grand, le « Dieu des chrétiens! » et plus d'une fois on vit les bourreaux, séduits par une si di- vine éloquence, se déclarer eux-mêmes les disciples d'un Dieu si puissant, et se ranger soudain parmi les nobles victimes qu'ils dé- chiraient tout à l'heure. Nous savons par les monuments contemporains que l'arène du martyre fut la tribune de la foi, et que le sang des martyrs, joint à la beauté de leur parole, fut la semence des chrétiens.

Après trois siècles de ces merveilles du di- vin Esprit, la victore fut complète. Jésus était reconnu Roi et Sauveur du monde, docteur et rédempteur des hommes ; Satan était ex- pulsé du domaine qu'il avait usurpé, le po- lythéisme dont il fut l'auteur était remplacé par la foi en un seul Dieu, et le culte igno- ble de la matière n'était plus qu'un objet de honte et de mépris. Or, une telle victoire qui

I. Matth. X, 20.

LE TEMPS PASCAL. T, III, 24

3jo Lundi de la Pentecôte.

eut d'abord pour théâtre l'empire romain tout entier, et qui n'a cesse de s'étendre, de siècle en siècle, à tant d'autres nations infi- dèles, est l'œuvre du Saint-Esprit. La ma- nière miraculeuse dont elle s'est accomplie contre toutes les prévisions humaines est l'un des principaux arguments sur lesquels re- pose notre foi. Nous n'avons pas vu de nos yeux, nous n'avons pas entendu de nos oreilles le Seigneur Jésus; mais nous le con- fessons pour notre Dieu, à cause du témoi- gnage que lui a rendu si visiblement l'Esprit- Saint qu'il nous a envoyé. Soient donc a ja- mais à ce divin Esprit gloire, reconnaissance et amour de la part detoute créature ! car il nous a mis en possession du salut que notre Emmanuel nous avait apporté.

A LA MESSE.

LA Station est aujourd'hui dans la Basilique de Saint-Pierre-aux-Liens. Cette église, appelée aussi la Basilique d'Eudoxie, du nom de l'impératrice qui l'éleva, garde précieuse- ment les chaînes dont saint" Pierre fut lié à Jérusalem par l'ordre d'Hérode, et à Rome par l'ordre de Néron. La réunion du peuple fidèle en son enceinte aujourd'hui rappelle merveilleusement la force dont l'Esprit-Saint revêtit les Apôtres au jour de la Pentecôte. Pierre s'est laissé lier pour le service de son maître Jésus, et il s'est fait honneur de ses liens. Cet apôtre qui avait tremblé à la voix d'une servante, ayant reçu le don de l'Esprit- Saint, est allé au-devant des chaînes. Le

A la Messe.

3?

Prince du monde a cru qu'il pourrait enchaî- ner la divine parole; mais cette parole était libre jusque dans les fers.

L'Introït, formé des paroles de David, fait allusion aux néophytes qui viennent d'être baptisés, et sont présents avec leurs robes blanches. Au sortir de la fontaine, ils ont été nourris de pain de vie qui est la fine fleur du divin froment. On leur a donné à goûter la douceur du miel qui procède de la pierre. Or la Pierre est le Christ, nous dit l'Apôtre i, et le Christ a admis Simon, fils de Jonas, à l'honneur de participer à ce noble symbole. Il lui a dit: « Tu es Pierre », et les chaînes sacrées qui sont montrent assez avec quelle fidélité Simon a compris qu'il devait s'attacher à la suite de son Maître. Le même Esprit qui l'a fortifié dans la lutte repose maintenant sur les néophytes de la Pentecôte.

DIEU les a nourris de la fleur du froment, alléluia: il les a rassasiés d'un miel sorti de la pierre, alléluia, alléluia, alléluia.'

Ps. Livrez-vous à la joie en Dieu notre protecteur : chantez avec transport les louanges du Dieu de Jacob. Gloire au Père. Dieu les a nourris.

CIBAVIT eos ex adipe frumenti, alléluia; et de petra, melle satu- ravit eos, alléluia, allé- luia, alléluia.

Ps. Exsultate Deo ad- jutori nostro : jubilate Deo Jacob. Gloria Patri. Cibavit.

Dans la Collecte, la sainte Eglise rappelle la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, et remerciant Dieu qui a daigné répandre le

1. 1 Cor. X, 4.

3^2

Lt Lundi de la Pentecôte.

don de la foi dans les nouveaux chrétiens, elle implore pour eux celui de la paix que Jésus ressuscité apporta à ses disciples.

ORAISON.

DEUS, qui Apostolis tuis Sanctum dedis- li Spiritum : concède plebi tuae piœ petitionis efFectum ; ut quibus de- tiisti fidem largiaris et pacem. Per Dominum.

O

Dieu, qui avez donné le Saint-Esprit à vos Apôtres, accordez à votre peuple l'objet de son humble prière, et donnez aussi la paix à ceux que vous avez favorisés du don de la toi. Par Jésus-Christ.

Lectio Actuum Aposto- lorum. Cap. x.

IN diebus illis : Ape- riens Petrus os suum dixit : Viri fratres, no- bis praecepit Dominus praedicare populo, et tes- tificari quia ipse est, qui constitutus est a Deo Ju- dex vivorum et mortuo- rum. Huic omnes pro- phetaî testimonium per- hibent, remissionem pec- catorumaccipereper No- men ejus omnes qui cre- dunt in eum. Adhuc lo- quente Petro verba hxc, cecidit Spiritus Sanctus super omnes qui audie- bant verbum. Et obstu- puerunt ex circumcisione fidelesqui vénérant cum Pelro : quia et in nationes gratia Spiritus Sancti effusa est. Audiebant

Lecture des Actes des Apô- tres. Chap. X.

EN ces jours-là, Pierre, ouvrant la bouche, dit : Mes frères, le Seigneur nous a commandé de prêcher au peuple, et de témoigner que c'est Jésus qui a été établi de Dieu pour être le juge des vivants et des morts. Tous les prophètes lui rendent ce témoignage, que quiconque croira en lui, recevra par son Nom la rémission de ses pé- chés". Pierre parlait encore, lorsque le Saint-Esprit des- cendit sur tous ceux qui écoutaient la parole. Et les fidèles circoncis, qui étaient venus avec Pierre, furent frappés d'étonnement, en voyant que la grâce du Saint- Esprit se répandait aussi sur les Gentils ; car ils les enten- daient parler diverses lan-

A la Messe.

373

eues, et glorifier Dieu. Alors Pierre dit : Peut-on refuser l'eau à ceux qui ont déjà reçu comme nous le Saint- iLsprit ? Et il commanda qu'on les baptisât au nom du Seigneur Jésus-Christ.

enim illos loquentes lin- guis, et magnificantes Deum. Tune respondit Petrus : Numquid aquam quis prohibere potest, ut non baptizentur hi, qui Spiritum Sanctum acce perunt sicut et nos ? Et jussit eos baptizari in no- mine Domini Jesu Chris- ti.

r^E passage du livre des Actes des Apôtres est d'une haute éloquence en un tel jour et en un tel lieu, Pierre, le vicaire du Christ, est en présence des chrétiens sortis de la Sy- nagogue; sous leurs yeux sont réunis plu- sieurs hommes de la gentilité que la grâce a conduits, par la prédication de Pierre, à reconnaître Jésus pour le Fils de Dieu. L'Apôtre est arrivé au moment solennel il doit ouvrir la porte de l'Eglise aux gentils. Pour ménager la susceptibilité des anciens juifs, il en appelle à leurs prophètes. Qu'ont- ils dit, ces prophètes ? Ils ont annoncé que tous ceux, sans exception, qui croiraient en Jésus recevraient la rémission de leurs pé- chés par son Nom. Tout à coup l'Esprit-Saint interrompt l'Apôtre, il décide la question en fondant, comme au jour de la Pentecôte, sur ces gentils humbles et croyants. Les signes de sa présence en eux arrachent un cri d'é- tonnement aux chrétiens circoncis. « C'en « est donc fait, s'écrient-ils ; la grâce du Saint- ce Esprit estdonc aussi pour les Gentils ! » Alors Pierre, avec toute l'autorité de Chef de l'E- glise, décide la question. « Oserions-nous « refuser le baptême à des hommes qui ont

3^4

Le Lundi de la Pentecôte.

« reçu l'Esprit- Saint comme nous l'avons « reçu nous-mêmes? » Et sans attendre la réponse, il donne Ordre de conférer immé- diatement le baptême à ces heureux caté- chumènes.

Une telle lecture, au sein de Rome centre de la gentilité, dans une Basilique dédiée à saint Pierre, en présence de ces néophytes si récemment initiés aux donsde l'Esprit-Saint par le Baptême, offrait un à-propos qu'il nous est aisé de sentir. Puisons-y en même temps un profond sentiment de reconnais- sance envers le Seigneur notre Dieu qui a daigné appeler nos pères du sein de l'infidé- lité, et nous associer après eux aux faveurs de son divin Esprit.

L LLELUIA, alléluia.

A LLELUIA,

alléluia.

^. Loquebantur variis linguis Apostoli magna- lia Dei.

Alléluia.

f. Veni, Sancte Spi- ritus, reple tuorum cor- da fidelium : et tui amo- ris in eis ignem accende.

f. Les Apôtres publiaient en diverses langues les mer- veilles de Dieu.

Alléluia.

t. Venez , Esprit-Saint , remplissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

La Séquence Veni, Sancte Spiritus, ci-des- sus, page 3i3.

EVANGILE.

Sequeniia sancti Evan- gelii secundum Johan- nem. Cap. m.

IN illo tempore : Dixit Jésus Nicodemo : Sic Dcus dilexit mundum,

La suite du saint Evangile selon saint Jean. Chap. m.

EN ce temps-là, Jésus dit à Nicodème : Dieu a aimé le monde jusqu'à donner son

A la Messe.

3-75

Fils unique, afin que quicon- que croira en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éter- nelle. Car Dieu n'a pas en- voyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui. Qui croit en lui n'est pas jugé ; mais qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il ne croit pas au nom du Fils unique de Dieu. Et voici le motif du jugement : C'est que la lumière est venue dans le monde, et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvai- ses. Car quiconque fait le mal, hait la lumière, et il ne s'approche point de la lu- mière, de peur que ses œuvres ne soient convaincues de mal. Mais celui qui fait selon la vérité, vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées, parce qu'elles sont faites en Dieu.

ut Filium suumUnigeni- tum daret : ut omnis qui crédit in eum, non pe- reat, sed habeat vitam aeternam. Non enim mi- sit Deus Filium suura in mundum, ut judicet mundum, sed ut salve- tur mundus per ipsum. Qui crédit in eum, non judicatur : qui autem non crédit, jam judicatus est: quia non crédit in nomi- ne Unigeniti Filii Dei. Hoc est autem judicium : quia lux venit in mun- dum, et dilexerunt homi- nes magis teneb'ras quam lucem : erant enim eo- rum mala opéra. Omnis enim, qui maie agit, odit lucem, et non venit ad lucem, ut non arguan- tur opéra ejus : qui au- tem facit veritatem, venit ad lucem, ut manifesten- tur opéra ejus, quia in Deo sunt facta.

LE Saint-Esprit crée la foi dans nos âmes, et par la toi nous obtenons la vie éter- nelle ; car la foi n'est pas l'adhésion à une thèse rationnellement démontrée, mais une vertu qui procède de la volonté fécondée par la grâce. Au temps nous vivons, la foi devient rare. L'orgueil de l'esprit est monté à son comble, et la docilité de la raison aux enseignements de l'Eglise fait défaut chez un grand nombre. On se croit chrétien et Catholi- que, et en même temps on ne se sent pas dis-

^76

Le Lundi de la Pentecôte.

posé à renoncera ses idées en toute simplicité, si elles étaient désapprouvées par l'autorité qui seule a le droit de nous diriger dans la croyance. On se permet des lectures impru- dentes, quelquefois mcme mauvaises, sans s'inquiéter si l'on contrevient à des défenses sacrées. On fait peu pour arriver à une ins- truction sérieuse et complète sur les choses de la religion, en sorte que l'on conserve dans son esprit, comme un poison caché, beaucoup d'idées hétérodoxes qui ont cours dans l'atmosphère que l'on respire. Souvent il arrive qu'un homme compte parmi les ca- tholiques, et remplit les devoirs extérieurs de la foi par principe d'éducation, par tradi- tion de famille, par une certaine disposition naturelle du cœur ou de l'imagination. Il est triste de le dire, plusieurs aujourd'hui pensent avoirla foi, et elle est éteinte en eux.

Cependant la foi est le premier lien avec Dieu; c'est parla foi, nous dit l'Apôtre, que l'on approche de Dieu^, et qu'on lui demeure attaché. Telle est l'importance de la foi, que le Seigneur vient de nous dire que « celui qui C( croit n'est pas jugé. » En effet, celui qui croit dans le sens de notre Evangile, n'adhère pas seulement à une doctrine; il croit, parce qu'il se soumet de cœur et d'esprit, parce qu'il veut aimer ce qu'il croit. La foi opère par la charité qui la complète, mais elle est un avant-goût de la charité; et c'est poiir cela que le Seigneur promet déjà le salut à celui qui croit, tette foi éprouve des obstacles de la part de notre nature déchue. Nous venons

I. Heb. XI, 6.

A la Messe. B'j'j

de'l'entendre : « La lumière est venue dans « le monde ; mais les hommes ont mieux aimé « les ténèbres que la lumière. » En notre siècle, les ténèbres régnent, elles s'épaissis- sent; on voit même s'élever de fausses lu- mières; des mirages trompeurs égarent le voyageur, et nous le répétons, la foi est deve- nue plus rare, cette foi qui unit à Dieu et sauve de ses jugements. Divin Esprit, arra- chez-nous aux ténèbres de notre temps, corri- gez l'orgueil de notre esprit, délivrez-nous de cette vaine liberté que l'on prône comme l'unique lin de toutes choses, et qui est si complètement stérile pour le bien des âmes. Nous voulons aimer la lumière, la posséder, la conserver, et mériter par la docilité et la simplicité des enfants le bonheur de la voir épanouie dans le jour éternel.

L'Offertoire est tiré d'un des plus magnifi- ques cantiques de David. On y entend le bruit de la tempête qui annonce l'arrivée de l'Es- prit. Bientôt les sources des eaux vives s'é- panchent et fertilisent la terre; c'est lèvent impétueux de la Pentecôte et le baptême qui succède à l'émission des feux.

OFFERTOIRE.

î E Seigneur a tonné du *"" haut du ciel, et le Très- Haut a fait retentir sa voix, et les sources des eaux ont paru au jour, alléluia.

I NTONUIT de cœlo Do- minus, et Atissimus dédit vocem suam : et apparuerunt fontes aqua- rum, alléluia.

Dans la Secrète, l'Eglise demande qu'il n'y ait qu'une offrande sur l'autel, et qu'elle soit formée à la fois des éléments sacrés et des

378

Le Lundi de la Pentecôte.

cœurs des fidèles par l'opération du divin Esprit.

SECRETE.

PROPITIUS , Domine quaesumus, haec dona sanctifica: et hostiae spiri- talis oblatione suscepta, nosmetipsos tibi perfice munus aeternum. Per Do- minum.

T~^ AIGNEZ, Seigneur, sanc- ^ tifier ces dons ; et en agréant l'offrande de cette hostie spirituelle, faites de nous-mêmes une oblation éternelle à votre gloire. Pat Jésus-Christ.

La Préface de la Pentecôte, ci-dessus , page 3 18.

L'Antienne de la Communion est formée des paroles du Christ annonçant à ses dis- ciples le ministère que va remplir le Saint- Esprit sur la terre. Il présidera à l'enseigne- ment des vérités que Jésus lui-même a ré- vélées.

COMMUNION.

] 'Esprit-Saint vous ensei- L gnera, alléluia, tout ce que je vous aurai dit, allé- luia, alléluia.

SPIRITUS Sanctus do- cebit vos, alléluia : quaïcumque dixero vobis, alléluia, alléluia.

Dans la Postcommunion, la sainte Eglise se préoccupe du sort de ses chers néophytes. Ils viennent de participer au Mystère céleste, mais au dehors de graves épreuves les attendent : Satan, le monde, les persécu- teurs. La Mère commune intervient auprès de Dieu, pour obtenir que ces nouveaux fruits de son sein soient traités avec des mé- nagements proportionnés à leur âge encore tendre.

A Vêpres.

37g

POSTCOMMUNION.

ASSISTEZ votre peuple , Seigneur, et après l'avoir nourri des Mystères céles- tes, défendez-le de la fureur de ses ennemis. Par Jésus- Christ.

A D E s T o, quaesumus ^ Domine, populo tuo: et quem mysteriis cœles- tibus imbuisti, ab hos- tium furore défende. Per Dominum.

A VEPRES.

ON emploie à cet Office les Antiennes, les Psaumes et tout ce qui compose les Vêpres du jour même de la Pentecôte, ci- dessus, page 327, sauf l'Antienne de Magni- ficat et fa Collecte qui sont propres au lundi.

ANTIENNE DE Magnificat.

SI quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous vien- drons à lui, et nous ferons notre demeure en lui, allé- luia.

C I quis dîligit me, ser- "^ monem meum serva- bit : et Pater meus dili- get eum, et ad eum ve- niemus, et mansionem apud eum faciemus, allé- luia.

L'Oraison des Vêpres est la Collecte de la Messe, ci-dessus, page 872.

T 'Eglise arménienne continue de nous four- ■^ nir ses beaux chants pour célébrer la mission du Saint-Esprit. Voici- l'Hymne qui se rapporte au lundi de l'Octave.

38o

Le Temps Pascal.

CANON SECUNDiE DIEI.

Idem ac similis Patri et ' Filio, Spiritus tu non facte, et coexistens, pro- cedens a Pâtre inscruta- biliter, accipiens a Filio inenarrabiliter, in Cœ- naculum hodie descen- disti, spiritu gratiae tuas potasti : pota nos quo- que per misericordiam calice sapientiae.

Kxstantium creator ef- fectorum, qui ferebaris super aquas, pariter in aquis lavacri concessi nobis a tibi coexistente, blandiris amore columbœ instar, homines gêneras Deiformes : pota nos quoque per misericor- diam calice sapientias.

Magister supernorum intellectualium, ac imo- rum horum sensibilium ; qui Prophetas das de pastoribus, et Apostolos de piscatoribus, Evange- listas publicanos, prasdi- catores verbi tui persecu- tores : pota nos quoque per misericordiam calice sapienti.ne.

/^ Esprit semblable au -^ Père et au Fils et de la même essence, tu n'as pas été fait; mais tu coexistes, procédant du Père d'une façon mystérieuse, et rece- vant du Fils d'une manière inénarrable ; tu es descendu aujourd'hui dans le Cénacle pour donner à tes convives le breuvage de ta grâce : dai- gne nous abreuver aussi dans ta miséricorde au calice de la sagesse.

Créateur de tous les êtres, toi qui étais porté sur les eaux, tu te montres caressant comme la colombe dans les eaux du bain sacré qu'a dai- gné instituer pour nous celui qui t'est coexistant; tu enfantes des hommes qui ont la forme de Dieu ; daigne nous abreuver aussi dans ta miséricorde au calice de la sagesse.

Toi qui instruis à la fois les intelligences célestes et nous qui vivons sous les or- ganes corporels ; toi qui prends des bergers pour en faire des Prophètes, des pê- cheurs pour en faire des Apôtres, des publicains pour en faire des Evangélistes, des persécuteurs pour en faire des prédicateurs de ta parole, daigne nous abreuver aussi dans ta miséricorde au calice de la sagesse.

Le Lundi de la Pentecôte.

38.

Comme un vent redouta- ble, au bruit violent d'une tempête, ô Esprit, tu as ap- paru dans le Cénacle au chœur des douze ; tu les as baptisés dans le feu, tu les as purifiés comme l'or dans la flamme ; chasse loin de nous les ténèbres du péché, et revêts-nous de la lumière de gloire.

Celui qui est amour t'a en- voyé par amour, toi qui es amour; par toi il s'est uni ses membres, il a établi sur tes sept colonnes son Eglise qu'il a bâtie; il a établi en elle, pour l'administrer, ses Apô- tres décorés de tes sept dons"; chasse loin de nous les ténè- bres du péché, et revêts- nous de la lumière de gloire.

Formidabilis venti in- star, horrisono vehemen- ti sonitu, apparuisti in Cœnaculo, Spiritus tu, choro duodecim, qui a te baptizati, velut aurum igné purgati sunt, expur- ga a nobis caliginem peccati, et indue nos lu- mine gloriae.

Amor examore te amo- rem misit, sibi membra sua junxit , Ecclesiam suam quam a?dificavit, septem columnis tuis fir- mavit, ceconomos in ea posuit Apostolos septem charismatibus tuis exor- natos : expurga a nobis caliginem peccati, et in- due nos lumine gloriae.

La Séquence qui suit fut composée au xi» siècle par le pieux et docte Hildebert, d'a- bord évêque du iMans, plus tard archevêque de Tours. On y sent combien était profonde, dans les âges de foi, la connaissance du mys- tère du Saint-Esprit, et quel enthousiasme excitait sa venue parmi les hommes.

SÉQUENCE.

dieux Paraclet,

Amour du Père et du Fils, lien éternel entre celui qui engendre et celui qui est en- gendré.

SPIRITUS Sancte, Pie Paraclite,

Amor Patris et Filii Nexus Gignentis et Gc- niti.

3S2

Le Temps Pascal.

Ulriusquc bonitas et

caritas, Et amborum essentiae

puritas ; Benipnitas, suavitas, Jocunditas.

Vinculum nectens Deum homini, Virlus adunans Hominem Numini.

Tibi soH digno coli Cum Pâtre Filioque

Jugis cultus,

Honormultus

Sit semper Procèdent! ab utro-

que.

Tu mitis et hilaris. Amabilis, laudabilis, Vanitatis mundator, Munditiae amator.

Vox suavis exsulum Mœrentium, Melodia civium Gaudentiiim.

Islis solamen, Ne desperent de te, Istis juvamen, Ut suspirent ad te.

Consolator piorum, Inspirator bonorum, Consiliator mœstorum

Vous êtes le principe de bonté et d'amour qui unit l'un et l'autre, la pureté de leur essence ; vous êtes tout bénignité , suavité , vous charmez tout par votre pré- sence.

C'est vous qui formez le lien pour réunir Dieu à l'homme ; vous êtes la force qui produit cette union.

A vous seul donc digne d'adoration, ainsi que le Père et le Fils, culte à jamais. A vous qui procédez éternelle- ment des deux, hommage immense.

Vous êtes doux et joyeux, digne d'amour et de louanges : vous purifiez l'âme de la vanité, la pureté fait vos dé- lices.

Vous inspirez de suaves accents à ceux que consumait la tristesse de l'exil, de mélo- dieux accords à ceux qui sont dans l'allégresse.

Vous consolez les pre- miers, et les sauver du déses- poir ; vous venez apprendre aux seconds à soupirer vers

Consolateur des cœurs pieux, inspirateur des bons, conseiller des affligés.

Le Lundi de la Pentecôte.

383

Vous purifiez l'homme de ses erreurs, vous lui ensei- gnez ce qu'il ignorait, vous fixez ses perplexités.

Vous ranimez celui qui est faible, vous recueillez celui qui s'égarait, vous corrigez celui qui se trompait ; vous soutenez celui qui allait tom- ber, vous aidez les efforts de celui qui combat, vous per- fectionnez celui qui aime déjà.

C'est vous qui avez fait sortir du lac de corruption et de misère celui qui main- tenant est parfait.

C'est vous qui le conduisez par un sentier de paix et d'allégresse, et l'introduisez sous le nuage de la foi jusque dans le sanctuaire de la divine Sagesse.

Fondement de toute sain- teté, vous êtes l 'aliment de la chasteté, vous embellissez la douceur, vous rendez douce la pauvreté, vous fournissez aux largesses, vous êtes l'ap- pui de toute honnêteté.

Refuge des misérables , secours de ceux qui sont cap- tifs ;

Venant à point pour les

Purificator errorum, Eruditor ignotorum, Declarator perple.xorum.

Debilem erigens, Devium colligens, Errantem corrigens, Sustines labantem, Promoves conantem, Perficis amantem.

Perfectum educis De lacu fascis, Et miseriae.

Deducis per semitam Pacis et Istitiaî : Inducis sub nube In aulam Sapientiae.

Fundamentum sancti-

tatis. Alimentum castitatis, Ornamentum Icnitatis, Lenimentum pauperta-

tis, Supplementum largita-

tis, Munimentum probitatis.

Miserorum refugium , Captivorum suffragium.

mis aptissimus,

384

Lundi de la Pentecôte.

Istis promptissiraus.

Spiritus veritatis, Nodus fraternitatis, Ab eodcm missus A quo et promissus.

Tu crederis

Omnium judex, Qui crederis Omnium opifex.

Honestans bene meri- tos

Prœœio, Onustans immeritos Supplicio.

Spiras ubi vis Et quando vis ; Doces quos vis Et quantum vis.

Impies et instruis Certes in dubiis, Firmas in subitis, Régis in licitis.

Tu ordo decorans Omnia,

Décor ordinans et oi Bans Omnia,

Dicta, facta. cogitata, Dicta vcrilale, P'acta honestate, Cogitata puritate.

premiers, envoyant un prompt secours aux seconds.

Esprit de vérité, nœud de la fraternité ; celui qui vous a envoyé est le même qui vous avait promis.

Notre foi qui reconnaît en vous le créateur des êtres, vous reconnaît aussi comme leur juge qui doit venir.

Pour honorer de la récom- pense ceux qui l'auront méri- tée, et soumettre au supplice ceux qui s'en seront rendus dignes.

Vous soufflez il vous plaît et quand il vous plaît ; vous êtes le docteur de ceux que vous choisissez, et au degré qui vous convient.

Vous remplissez les âmes et les éclairez de votre lu- mière dans leurs doutes ; vous êtes leur force dans les attaques subites, leur règle dans le choix de ce qui est licite.

Vous êtes l'harmonie qui donne à tout sa beauté ; car toute chose est par vous mise en ordre et reçoit de vous sa splendeur. Dans nos paroles, vous mettez la vérité. dans nos actions l'honnêteté, dans nos pensées la pureté.

Le Don de Piété.

385

O'don excellent ! Bien par- fait ! Vous donnez l'intelli- gence et vous donnez aussi le sentiment.

Vous dirigez en nous le bien, vous créez en nous l'a- mour, vous nous fortifier dans la course, et aux portes du paradis, vous couronnez celui que vous avez aimé.

Amen.

Donum bonum, Bonum perfectum, Dans intellectum, Dans et affectum.

Dirigens rectum, Formans affectum, Firmans provectum, Et ad portas Para-

disi Coronans dilectum.

Amen.

LE DON DE PIETE.

T E don de Crainte de Dieu est destiné à -^ guérir en nous la plaie de l'orgueil; le don de Piété est répandu dans nos âmes par le Saint-Esprit pour combattre l'égoïsme, qui est l'une des mauvaises passions de l'homme déchu, et le second obstacle à son union avec Dieu. Le cœur du chrétien ne doit être ni froid ni indifférent; il faut qu'il soit tendre et dévoué; autrement il ne pourrait s'élever dans la voie à laquelle Dieu, qui est amour, a daigné l'appeler.

L'Esprit-Saint produit donc en l'homme le don de Piété, en lui inspirant un retour filial vers son Créateur. « Vous avez reçu « l'Esprit d'adoption, nous dit l'Apôtre, et « c'est par cet Esprit que nous crions à Dieu : « Père ! Père ^ ! » Cette disposition rend l'âme sensible à tout ce qui touche l'honneur de Dieu. Elle fait que l'homme nourrit en lui-

I. Rom. VIII, i5.

LE TEMPS PASCAL.

2$

386

Le Lundi de la Pentecôte.

môme la componction de ses péchés, à la vue de l'intinie bonté qui a daigné le supporter et lui pardonner, à la pensée des souffrances et de la mort du Rédempteur. L'âme initiée par le don de Piété désire constamment la gloire de Dieu ; elle voudrait amener tous les nommes à ses pieds, et les outrages qu'il reçoit lui sont particulièrement sensibles. Sa joie est de voir le progrès des âmes dans l'amour, et les dévouements que cet amour leur inspire pour celui qui est le souverain bien. Remplie d'une soumission filiale envers cp Père universel qui est aux cieux, elle est prête à toutes ses volontés. Elle se résigne de cœur à toutes les dispositions de sa Pro- vidence.

Sa foi est simple et vive. Elle se tient amoureusement soumise à l'Eglise, toujours prête à renoncer à ses idées les plus chères, si elles s'écartent en quelque chose de son enseignement ou de sa pratique, ayant une horreur instinctive de la nouveauté et de l'indépendance.

Ce dévouement à Dieu qu'inspire le don de Piété en unissant l'âme à son Créateur par l'affection filiale, l'unit d'une affection fraternelle à toutes les créatures, puisqu'elles sont l'œuvre de la puissance de Dieu et qu'elles sont à lui.

Au premier rang dans les affections du chrétien animé du don de Piété se placent les créatures glorifiées dont Dieu jouit éter- nellement, et qui jouissent de lui pour jamais. 11 aime tendrement Marie, et il est jaloux de son honneur; il vénère avec amour les saints ; il admire avec effusion le cou-

Le Don de Piété. 38j

rage des martyrs, et les actes héroïques de vertu accomplis par les amis de Dieu; il se délecte de leurs miracles, il honore religieu- sement leurs reliques sacrées.

Mais son affection n'est pas seulement pour les créatures couronnées au ciel ; celles qui sont encore ici-bas tiennent une large

f)lace dans son cœur. Le don de Piété lui ait trouver en elles Jésus lui-même. Sa bien- veillance pour ses frères est universelle. Son cœur est disposé au pardon des injures, au support des imperfections d'autrui, à l'ex- cuse pour les torts du prochain. Il est com- patissant pour le pauvre, empressé auprès de l'infirme. Une douceur affectueuse révèle le fond de son cœur; et dans ses rapports avec ses frères de la terre, on le voit toujours dis- posé à pleurer avec ceux qui pleurent, à se réjouir avec ceux qui sont dans la joie.

Telle est, ô divin Esprit, la disposition de ceux qui cultivent le don de Piété que vous avez versé dans leurs âmes. Par cet ineffable bienfait, vous neutralisez le triste égoisme qui flétrirait leur cœur, vous les délivrez de cette sécheresse odieuse qui rend l'homme indifférent à ses frères, et vous fermez son âme à l'envie et à la haine. Pour cela il ne lui a fallu que cette piété filiale envers son Créateur; elle a attendri son cœur, et ce cœur s'est fondu dans une vive affection pour tout ce qui est sorti des mains de Dieu. Faites fructifier en nous un si précieux don, ô divin Esprit ! ne permettez pas qu'il soit étouffé par l'amour de nous-mêmes. Jésus nous a encouragés en nous disant que son Père céleste « l'ait lever son soleil sur les

^88

Le Lundi de la Pentecôte.

bons et sur les méchants ^ » ; ne souffrez pas, divin Paraciet, qu'une si paternelle indul- gence soit un exemple perdu pour nous, et daignez développer dans nos âmes ce germe de dévouement, de bienveillance et de com- passion que vous y avez daigné placer au moment vous en preniez possession par le saint Baptême.

LE MARDI DE LA PENTECOTh;

VENEZ, Esprit-Saint ; rem- plissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

VENI, Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in cis ignem accende.

ous avons admiré l'œuvre du Saint-Esprit accomplissant dans le monde, par les Apôtres et par ceux qui vinrent après eux, la conquête du genre humain au nom de Jésus" à qui « toute « puissance a été donnée au ciel et sur la « terre ^ ». La langue de feu a vaincu, et le Prince du monde, en dépit de ses fureurs, a vu crouler ses autels et tomber son pouvoir. Voyons la suite des œuvres de ce divin Esprit pour la glorification du Fils de Dieu qui l'a envoyé aux hommes.

L'Emmanuel était descendu ici-bas cher- chant dans son amour l'Epouse qu'il avait désirée de toute éternité. Il l'épousa d'abord

I. Matth. XXVIII, i8.

3go

Le Temps Pascal.

en prenant la nature humaine et l'unissant indissolublement à sa personne divine; mais cette union individuelle ne suffisait pas à son amour. Il daignait aspirer à posséder la race humaine tout entière; il lui fallait son Eglise, « son unique », comme il l'appelle au divin Cantique ', son Eglise formée de l'élite de tous les peuples, « pleine de gloire, n'ayant « ni tache ni ride, mais sainte et immacu- « lée'-. » Il trouvait la race humaine souillée par le péché, indigne de célébrer avec lui les noces augustes auxquelles il la conviait. Son amour cependant n'hésita pas. Il déclara qu'il était l'Epoux annoncé dans l'Epithalame sacré 3 ; il lava dans son propre sang les souil- lures de sa fiancée, et lui attribua en dot les mérites infinis qu'il avait conquis.

L'ayant ainsi préparée pour lui-même, il voulut que son union avec lui fût la plus intime qui pût être. Jésus et son Eglise sont un seul corps; il est la tête, elle est l'ensem- ble des membres réunis dans l'unité sous ce< unique chef. C'est la doctrine de l'Apôtre : « Le Christ est la tête de l'Eglise ; nous som- « mes les membres de son corps, nous som- « mes de sa chair et de ses os ^. » Ce corps se formera par l'accession successive des fils de la race humaine qui, prévenus du secours surnaturel de la grâce, voudront en faire partie ; et ce monde que nous habitons sera conservé jusqu'à ce que le dernier élu qui manquait encore à rintégralité du corps mys-

I. Cant. VI, 8. 2. Eph. v, i5 ; XXV, 6; Marc, ii, 19; Luc. v 4. Eph. V, 23-3o.

X

3. Matth. IX, ; JoHAN. m, 29.

I.e Mardi de la Pentecôte. 3g i

téricux du Fils de Dieu soit venu s'y réunir pour l'éternité. Alors tout sera consommé, et la dernière des conséquences de la divine incarnation sera remplie.

Or, de même que dans le Verbe incarné l'humanité est composée d'une âme invisible et d'un corps visible, ainsi l'Eglise sera à la fois une âme et un corps : une âme dont l'oeil seul de Dieu pourra contempler ici-bas toute la beauté ; un corps qui attirera les regards des hommes, et sera le témoignage éclatant de la puissance de Dieu et de l'amour qu'il porte à la race humaine. Jusqu'aux jours nous sommes, les justes appelés à être réunis sous le divin Chef avaient seulement appar- tenu à l'âme de l'Eglise ; car le corps n'exis- tait pas encore. Le Père céleste les avait adop- tés pour ses enfants, le Fils de Dieu les avait acceptés pour ses membres, et l'Esprit-Saint, dont nous allons voir désormais l'action exté- rieure, avait opéré intimement leur élection et leur consommation. Le point de départ du nouvel ordre de choses est en Marie. En elle d'abord, ainsi que nous l'avons enseigné dans une des semaines précédentes, résida l'Eglise complète, âme et corps. Celle qui devait être aussi réellement la Mère du Fils de Dieu selon l'humanité, que le Père céleste en est le Père selon la divinité, devait être dans l'ordre des temps, comme dans la mesure des grâces, supérieure à tout ce qui avait précédé et à tout ce qui devait suivre.

L'Emmanuel voulut aussi poser lui-même, en dehors de sa mère bien-aimée, les assises de son Eglise. îl en plaça de ses mains divi- nes la Pierre fondamentale, il en éleva les

^^

Le Temps Pascal.

colonnes, et nous avons vu comment il employa les quarante jours qui précédèrent son Ascension à l'organisation de cette Eglise encore si restreinte, mais qui devait un jour couvrir le monde entier. Il annonça qu'il serait avec les siens « jusqu'à la consomma- « tion des siècles * » ; c'était promettre que, lors même qu'il serait monté au ciel, la race de ses disciples se perpétuerait jusqu'à la fin des temps.

Pour l'accomplissement de son œuvre qu'il n'avait qu'ébauchée, il comptait sur le divin Esprit. Il était même nécessaire que cet Esprit-Saint descendît pour perfectionner et confirmer les élus de l'Emmanuel. Il devait être leur Paraclet. leur Consolateur, après le départ de leur Maître; il était la Vertu d'en haut qui devait les protéger comme une armure dans leurs combats; il devait leur remettre en mémoire les enseignements de leur Maître; il devait féconder de son action les Sacrements que Jésus avait institués, et dont le pouvoir était en eux par le caractère qu'il avait imprimé à leurs âmes. Voilà pour- quoi il leur dit : « Il vous est avantageux que « je m'en aille ; car si je ne m'en allais pas, « le Paraclet ne viendrait pas vers vous. » Au jour de la Pentecôte, nous avons vu le divin Esprit opérer sur la personne des Apô- tres et des disciples ; maintenant il nous faut le voir à l'œuvre dans la création, dans le maintien et le perfectionnement de cette Eglise que Jésus a promis d'assister de sa

Le Mardi de la Pentecôte. 3g 3

présence mystérieuse « jusqu'à la consomraa- « tion des siècles ».

La première opération de l'Esprit-Saint dans l'Eglise est l'élection des membres qui doivent la composer. Ce droit de l'élection lui est tellement personnel que, selon laparole du livre sacré, les disciples même que Jésus s'était choisis pour être les bases de son Eglise, il les avait élus « avec le concours de TEsprit- « Saint 1 ». Dès le jour môme de la Pentecôte, nous avons vu ce divin Esprit débuter par l'élection de trois mille personnes. Peu de jours après, cinq mille autres sont attirées, ayant entendu la prédication de Pierre et de Jean sous les portiques du temple. Après les Juifs, la gentilité a son tour; et TEsprit- Saint, ayant conduit Pierre auprès du cen- turion Corneille, fond tout à coup sur ce Romain et sur ses gens, les déclarant ainsi élus pour l'Eglise et appelés au baptême. La sainte Liturgie nous faisait lire ce récit hier encore dans la solennité de la Messe.

A la suite de ces débuts, qui pourrait suivre la marche impétueuse de cet Esprit que rien n'arrête? « Le bruit de ses envoyés parcourt « la terre entière, et leur parole retentit jus- « qu'aux extrémités du monde 2. » L'Esprit les précède et les accompagne, et c'est lui qui fait la conquête pendant qu'ils parlent. On n'est encore qu'au commencement du iii^ siècle, et un écrivain chrétien peut dire aux magistrats de l'empire romain : « Nous « sommes d'hier, et nous remplissons tout, « vos villes, vos municipes, vos camps, le pa-

I. Act. I, 2. 2. Psalm. xviii, 5.

3q4

Le Temps Pascal.

« lais, le sénat, le forum *. » Rien ne résiste à l'Esprit ; trois siècles sont loin encore d'être écoulés depuis la manifestation du jour de la Pentecôte, et ce sont les Césars eux-mêmes que l'Esprit choisit pour en faire des membres de l'Eglise.

xVinsi se forme d'heure en heure l'Epouse que Jésus attend, et dont il contemple avec amour, du haut du ciel, la croissance et les développements. Dans les premières années du iw^ siècle, cette Eglise, œuvre du Saint- Esprit, dépasse les limites de l'empire ro- main; et si dans cet empire lui-même, il est çà et des groupes païens qui tiennent encore, tous du moins ont entendu parler d'elle, et la haine qu'ils lui portent témoi- gne assez des progrès qu'elle fait sous leurs yeux.

Mais n'allons pas croire que le rôle de l'Es- prit-Saint se borne à assurer l'établissement de l'Eglise sur les ruines de l'empire païen, Jésus veut une Epouse immortelle, toujours plus connue par sa présence en tous lieux et en tous temps, toujours supérieure à toute autre division de la race humaine par l'éten- due de son empire et le nombre de ses su- jets.

Le divin Esprit ne saurait donc s'arrêter dans l'accomplissement de sa mission. Si Dieu a résolu de submerger l'empire coupa- ble sous l'inondation des barbares, c'est un nouveau triomphe préparé pour l'Esprit. Laissez-le pénétrer et agiter doucement cette masse formidable. Il a ses élus, et par

I. Tehtull. Apolcget. xxxvn.

Le Mardi de la Pentecôte. 3g 5

millions. Il avait renouvelé la face de la terre païenne; il renouvelle la face du monde de- venu barbare. Les coopérateurs qu'il se pré- pare lui-même ne lui feront pas défaut. Il crée sans fin de nouveaux apôtres, et puissant comme il est, il en emploie de tout genre à son œuvre. Les Clotilde, les Berthe, les Théodelinde, les Hedwige et tant d'autres, sont à ses ordres : parée de leurs royales mains. l'Epouse de Jésus croît touiours''plus jeune et plus belle.

Si de vastes continents en Europe n'ont pas encore été associés au mouvement, c'est qu'il fallait d'abord consolider l'œuvre dans les régions les chrétientés de la première époque avaient été comme submergées sous le torrent de l'invasion. Mais voici qu'à par- tir de la fin du vi« siècle, le divin Esprit lance tour à tour sur l'île des Bretons, sur la Germanie, sur les races Scandinaves, sur les pays slaves, les Augustin, les Boniface, les Anschaire, les Adatbert, les Cyrille, les Mé- thodius, les Othon. Servie par ces nobles instruments de l'Esprit-Saint, l'Epouse répare les pertes qu'elle a subies dans l'Orient, le schisme et l'hérésie ont successivement rétréci son héritage primitif. Celui qui, étant Dieu comme le P'ère et le Fils, a reçu pour mission de la maintenir dans ses honneurs, veille fidèlement à sa garde.

Et en effet, lorsqu'une défection plus dés- astreuse encore est à la veille d'éclater en Europe par la prétendue réforme, l'Esprit- Saint a déjà pris les devants. Les Indes orien- tales sont devenues tout.à coup la conquête de la nation très fidèle; un nouveau monde

3g6

Le Temps Pascal.

occidental est sorti des eaux, et forme un nouvel apanage au royaume catholique. C'est alors que le divin Esprit, toujours jaloux de maintenir dans sa dignité et dans sa pléni- tude le dépôt que lui a confié le \'erbe incarné, suscite de nouveaux envoyés pour aller porter sur ces plages immenses le nom de celui qui est l'Epoux, et qui sourit du haut du ciel aux accroissements qu'obtient l'E- pouse. François Xavier est donné aux Indes orientales; ses frères, joints aux fils de Domi- nique et de François, défrichent avec une in- domptable persévérance l'héritage que les Indes occidentales offrent à l'Eglis'e.

Mais si plus tard la vieille Europe, trop crédule à des docteurs de mensonge, semble repousser cette noble reine qui "est aimée du Fils éternel de Dieu; si, trahie et dé- pouillée, calomniée et privée de ses droits, cette sainte Eglise doit être en butte à ceux qui longtemps furent ses fils, tenez pour cer- tain que le divin Esprit ne la laissera pas manquer à ses destinées. Voyez plutôt ses œuvres en nos jours. D'où viennent, si ce n'est de son souffle, ces vocations à laposto- lat plus nombreuses d'année en année? Tan- dis que d'un côté les retours des hérétiques à l'antique foi sont plus fréquents qu'ils ne l'ont jamais été, toutes les régions infidèles sont visitées par le flambeau de l'Evangile. Notre siècle a revu les martyrs, il a entendu les interrogatoires des proconsuls chinois et annamites, il a recueilli dans son admiration les réponses des confesseurs dictées par l'Es- prit-Saint, selon la promesse du Maître. L'ex- trême Orient donne ses élus, les nègres de

Le Mardi de la Pentecôte. 3gj

l'Afrique sont évangélisés; et si une cin- quième partie de la terre s'est révélée, elle possède déjà de nombreux fidèles sous une hiérarchie de pasteurs légitimes.

Soyez donc béni, divin Esprit, qui veillez avec tant de sollicitude sur l'Epouse chérie de Jésus ! Elle n'a pas défailli un seul jour, grâce à votre action constante et jamais lassée. Vous n'avez pas laissé passer un siècle sans susciter des apôtres pour l'enrichir de leurs conquêtes; sans cesse vous avez sollicité par votre grâce les esprits et les cœurs de se donner à elle; en toute race, en tous les siècles, vous avez élu vous-même les innom- brables fidèles dont elle se compose. Comme elle est notre mère et que nous sommes ses fils, comme elle est l'Epouse de notre divin Chef auquel nous espérons nous réunir en elle, en opérant pour la gloire du Fils de Dieu qui vous a envoyé sur'la terre, ô divin Es- prit, vous avez àaigné travailler pour nous, humbles et pécheresses créatures. Nous vous otfrons nos faibles actions de grâces pour tant de bienfaits.

Notre Emmanuel nous a révélé que vous devez demeurer ainsi avec nous jusqu'à la fin des temps, et nous comprenons mainte- nant la nécessité de votre présence, ô divin Esprit! Vous dirigez la formation de l'Epouse, vous la maintenez, vous la rendez victorieuse de toutes les attaques, vous la transportez d'une région dans l'autre, lorsque le sol qu'elle foule n'est plus digne de la porter; vous êtes son vengeur contre ceux qui l'ou- tragent, et vous le serez jusqu'au dernier jour.

3g8 Le Mardi de la Pentecôte.

Mais cette noble Epouse d'un Dieu ne doit pas toujours demeurer ainsi exilée loin de son Epoux. De même que Marie resta plu- sieurs années sur la terre, atin d'y travailler à la gloire de son tils, et fut enfin enlevée aux deux pour y régner avec lui ; ainsi l'E- glise demeurera militante ici- bas durant les siècles qui sont nécessaires pour arriver au complément du nombre des élus. Mais nous savons qu'un temps doit venir dont il est écrit : « Les noces de l'Agneiui sont venues, et son « Epouse s'est préparée. On lui a donné un « vêtement de fin lin d'une blancheur éblouis- « santé, et le tissu en est composé des vertus « dessaintsqu'elle a formés i. » En ces derniers jours, l'Epouse, toujours belle et digne de l'Epoux, ne croîtra plus; elle diminuera même ici-bas, en proportion de ce qu'elle grandira triomphante au ciel. Autour d'elle, sur la terre, la défection prédite par saint Paul 2 se fera sentir; les hommes la laisseront seule, ils courront vers le Prince du monde qui sera dglié « pour un peu de temps ^ », et vers la bête à laquelle « il sera donné de faire la « guerre aux saints et même de les vain- « cre^. » Les dernières heures de l'Epouse ici- bas seront dignes d'elle; vous soutiendrez notre mère, ô divin Esprit, jusqu'à l'arrivée de l'Epoux. Mais après l'enfantement du dernier élu, l'EsPRiT et I'Epouse s'uniront dans un même cri : « Vene:^ ! diront-ils •''. » Alors l'Emmanuel paraîtra sur les nuées du ciel, la mission de l'Esprit sera terminée, et l'E-

I. Apoc. XIX, 7. 2. II Thess. 11, 3. 3. Apoc. XX, 3. 4, Ibiu. xiii, 7. 5. Ibid. XXII, 17.

A la Messe. 3gg

pouse, « appuyée sur son bien-aimé » i s'élè- vera de cette terre ingrate et stérile vers le ciel l'attendent les noces de l'éternité.

A LA MESSE.

LA Station de ce jour est dans l'Eglise de Sainte-Anastasie, cette intéressante basili- que nous assistâmes à la Messe de l'Aurore le jour de la naissance de l'Emmanuel. Nous la revoyons aujourd'hui que toute la série des mystères de notre salut est à son terme. Bénissons Dieu qui a daigné achever avec tant de force ce qu'il a commencé pour nous avec tant de douceur. Les néophytes assis- tent encore à cette Messe avec leurs robes blanches, et leur présence atteste à la fois l'amour du Fils de Dieu qui les a lavés dans son sang, et la puissance de l'Esprit-Saint qui les a ravis à l'empire du Prince de ce monde.

L'Introït s'adresse aux néophytes et les engage à sentir tout leur bonheur. C'est au royaume céleste qu'ils sont désormais appelés ; qu'ils offrent donc une continuelle action de grâces à celui qui a daigné les choisir. Les paroles de cette pièce, qui est de la plus haute antiquité, sont tirées du iv' livre d'Es- dras que les premiers chrétiens lisaient sou- vent à cause de la beauté et de la gravité de ses enseignements, bien qu'il ne soit pas reconnu par l'Eglise pour un livre inspiré.

400

Le Mardi de la Pentecôte.

D ECEVEZ et goûtez ks dé- lices de la gloire qui vous était préparée, alléluia ; ren- dez grâces à Dieu, alléluia, qui vous a appelés au royaume céleste, alléluia, alléluia, allé- luia.

Fs. Ecoute ma loi, ô mon peuple : prête l'oreille aux paroles de ma bouche. Gloire au Père. Recevez.

A cciPiTE jucundita- ^*' tem gloriae vestrae, alléluia : gratias agentes Deo, alléluia : qui vos ad cœlestia régna Tocavit, alléluia, alléluia, allé- luia.

Ps. Attendite, popule meus, legem meam : in- clinate aurem vestram in verba oris mei. Gloria Patri. Accipite.

Dans la Collecte, l'Eglise nous enseigne que l'action du Saint-Esprit est pleine de douceur

f)our nos âmes. C'est cette action divine qui es purifie de toutes leurs souillures, en même temps qu'elle les garde des attaques de l'es- prit perfide et jaloux qui les menace sans cesse.

ADSIT nobis, quaesu- mus Domine, virtus Spjritus Sancti, quas et corda nostra clementer expurget, et ab omnibus tueatur adversis. Per Do- minum.

SEIGNEUR, daignez nous assistei de la vertu du Saint-Esprit ; afin qu'elle puritîe nos cœurs dans sa mansuétude, et qu'elle nous défende contre tout adver- saire. Par Jésus-Christ.

Lectio Actuum Aposto- lorum. Cap. vhi.

IN diebus illis : Quum audissent Apostoli, qui erant Jerosolymis, quod récépissé! Samaria

Lecture des Actes des Apô- tres. Chap. vni.

EN ces jours-là, les Apô- tres qui étaient à Jérusa- lem ayant appris que Samarie avait reçu la parole de Dieu,

A la Messe.

401

leur envoyèrent Pierre et Jean, qui, étant venus, firent pour eux des prières, afin qu'ils reçussent le Saint-Es- prit ; car il n'était pas encore descendu sur aucun d'eux, mais ils avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors ils imposèrent les mains sur eux, et ils reçu- rent le Saint-Esprit.

verbum Dei, miserunt ad eos Petrum et Johannem, qui quura venissent, ora- verunt pro ipsis ut acci- perent Spiritum Sanc- tum ; nondum enim in quemquam illorum véné- rât, sed baptizati tantum erant in nomine Doraini Jesu. Tune imponebant manus super illos, et ac- cipiebant Spiritum Sanc- lum.

T ES habitants de Samarie avaient accepté ^ la prédication évangélique qui leur avait été portée par le diacre Philippe. Ils avaient reçu de sa main le baptême qui en avait fait des chrétiens. On se rappelle le dialogue de Jésus avec une femme de cette ville au bord du puits de Jacob, et les trois jours qu'il daigna passer avec les habitants. Leur foi est récompensée : le baptême les a faits enfants de Dieu et membres de leur Rédempteur. Mais il faut encore qu'ils reçoivent l'Esprit- Saint dans le Sacrement de force. Le diacre Philippe n'a pu leur octroyer ce don; deux apôtres, Pierre et Jean, revêtus du caractère de pontifes, viennent le leur conférer, et les rendre parfaits chrétiens. Ce récit nous remet en souvenir la grâce qu'a daigné nous faire l'Esprit-Saint en imprimant sur nos âmes le sceau de la Confirmation : offrons-lui notre reconnaissance pour ce bienfait qui nous a attachés à lui plus étroitement, et nous a rendus capables de confesser sans faiblesse notre foi devant tous ceux qui voudront nous en demander compte.

LE TEMPS PASCAL. T. III.

26

402

Le Mardi de la Pentecôte

A LLELUIA, alléluia.

f. Spiritus Sanctus docebit vos quaecumque dixero vobis.

Alléluia.

f. Veni, Sancte Spiri- tus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.

A LLELUIA, alléluia.

f. Le Saint-Esprit vous enseignera tout ce que je vous ai dit.

Alléluia.

y. Venez, Esprit-Saint, remplissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour

On chante ensuite la Séquence Veni, Sancte Spiritus, ci-dessus, page 3i3.

Sequentia sanctiEvange- lii secundum Johan- nem. Cap. x.

IN illo tempore Dixit Jésus Pharisaeis Amen, amen dico vobis, qui non intrat per ostium in ovile ovium, sed as- ccndit aliunde, ille fur est, et latro. Qui autem intrat per ostium, pastor est ovium. Huic ostiarius aperit, et oves vocem e)us audiunt, et proprias oves vocat nominatim, et educit eas, et quum pro- prias oves emiserit, ante eas vadit ; et oves illura sequuntur, quia sciunt vocem ejus. Alienum au- tem non sequuntur, sed fugiunt ab eo : quia non noverunt vocem alieno- rum. Hoc proverbium dixit eis Jésus. lUi autem

La suite du saint Evangile se- lon saint Jean. Chap. x.

EN ce temps-là, Jésus dit aux Pharisiens ; En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui n entre pas par la porte dans la bergerie des brebis, mais qui y monte par un autre endroit, celui-là est un voleur et un larron. Mais celui qui entre par la porte, est le pas- teur des brebis. C'est à celui- que le portier ouvre, et les brebis entendent sa voix. Il appelle les brebis qui sont à lui par leurs noms, et il les fait sortir. Et lorsqu'il a fait sortir ses propres brebis, il va devant elles, et les brebis le suivent, parce qu'elles con- naissent sa voix. Elles ne sui- vent point un étranger, mais elles s'éloignent de lui, parce qu'elles ne connaissent pas la

A la Messe.

4o3

non ccgnoverunt quid lo- queretur eis. Dixit ergo eis iterum Jésus : Amen, amen dico vobis quia ego sum ostium ovium. Om- nes quotquot venerunt, fures sunt et latrones, et non audierunt eos oves. Ego sum ostium. Par me si quis introierit, salva- bltur : et ingredietur, et egredietur, et pascua in- veniet. Fur non venit nisi ut furetur, et mactet et perdat. Ego veni ut vitam habeant, et abun- dantius habeant.

voix des étrangers. Jésus leur dit cette parabole ; mais ils ne comprirent pas de quoi il leur parlait. Jésus leur dit donc encore : En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis. Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des larrons, et les brebis ne les ont pas écou- tés. Je suis la porte. Si quel- qu'un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et il sortira, et il trouvera des pâturages. Le voleur ne vient que pour voler, pour égorger et pour perdre. Moi je suis venu afin que les brebis aient la vie, et une vie plus abondante.

EN f)roposant ce passage de l'Evangile aux néophytes de la Pentecôte, l'EglTse vou- lait les prémunir contre un danger qui pou- vait se présenter à eux dans le cours de leur vie. Au moment nous sommes, ils sont les heureuses brebis de Jésus le bon Pasteur, et ce divin Pasteur est représenté auprès d'eux par des hommes qu'il a investis lui- même de la charge de paître ses agneaux. Ces hommes ont reçu de Pierre leur mission, et celui qui est avec Pierre est avec Jésus. Mais il est arrivé souvent que de faux pas- teurs se sont introduits dans la bergerie, et le Sauveur les qualifie de voleurs e't de lar- rons, parce qu'au lieu d'entrer par la porte, ils ont escaladé les clôtures de la bergerie. Il nous dit qu'il est lui-même la Porte par laquelle doivent passer ceux qui ont le droit de paître ses brebis. Tout pasteur, pour

404

Le Mardi de la Pentecôte.

n'être pas un larron, doit avoir reçu la mis- sion de Jésus, et cette mission ne peut venir que par celui qu'il a établi pour tenir sa place, jusqu'à ce qu'il vienne lui-même.

L'Esprit-Saint a répandu ses dons divins dans les âmes de ces nouveaux chrétiens; mais les vertus qui sont en eux ne peuvent s'exercer de manière à mériter la vie éter- nelle qu'au sein de l'Eglise véritable. Si, au lieu de suivre le pasteur légitime, ils avaient le malheur de se livrer à de faux pasteurs, toutes ces vertus deviendraient stériles. Ils doivent donc fuir comme un étranger celui qui n'a pas reçu sa mission du Maître qui seul peut les conduire aux pâturages de la vie. Souvent, dans le cours des siècles, il s'est rencontré des pasteurs schismatiques ; le devoir des fidèles est de les fuir, et tous les enfants de l'Eglise doivent être attentifs à l'a- vertissement que notre] Seigneur leur donne ici. L'Eglise qu'il a fondée et qu'il conduit par son "divin Esprit a pour caractère d'être Apostolique. La légitimité de la mission des pasteurs se manifeste par la succession ; et parce que Pierre vit dans ses successeurs, le successeur de Pierre est la source du pouvoir pastoral. Qui est avec Pierre est avec Jésus- Christ.

Dans l'Offertoire l'Eglise , préludant au divin Sacrifice, exalte par les paroles du Psalmiste la nourriture sacrée à laquelle vont communier les fidèles; c'est une manne qui vient du ciel, c'est le pain même des Anges.

A la Messe

4o5

OFFERTOIRE.

P'

ORTAS cœli aperuit Dominus, et pluit il- lis manna, ut ederent : panem cœli dédit eis, pa- nem Angelorum mandu- cavit homo, alléluia.

LE Seigneur a ouvert les portes du ciel, et il leur a fait pleuvoir la manne pour leur nourriture ; il leur a donné le pain du ciel, et l'homme a mangé le pain des Anges, alléluia.

La Victime qui va être offerte a le pouvoir de purifier par son immolation ceux qui sont appelés à s'en nourrir ; la sainte Eglise, dans la Secrète, demande qu'il en arrive ainsi pour les fidèles qui forment l'assistance.

■puRiriEz-NOUS, Seigneur, * par l'oblation des dons que nous vous offrons, et faites qu'elle nous rende di- gnes de participer au Mys- tère sacré. Par Jésus-Christ.

P URIFICET nos, quaesu- mus Domine, mune- ris prîesentis oblatio : et dignos sacra participa- tione efficiat. Fer Domi- num.

La Préface est celle du jour même de la Pentecôte, ci-dessus, pa^e 3i8.

Dans l'Antienne de la Communion, l'Eglise rappelle les paroles dans lesquelles Jésus a annoncé que l'Esprit-Saint le glorifierait; nous qui venons de voir ce divin Esprit à l'œuvre dans le monde entier, nous savons (^u'il a accompli l'oracle dans toute son étendue.

COMMUNION.

L'Esprit qui procède du Père, alléluia, me glori- fiera, alléluia, alléluia.

C PIRITUS, qui a Patte "■ procedit, alléluia ille me clarificabit, allé- luia, alléluia.

4o6

Le Temps Pasav

Le peuple fidèle vient de participer au Mystère de Jésus; la sainte Eglise nous ap- prend, dans la Postcommunion, que la Vertu de l'Esprit-Saint a influe divinement à ce moment auguste. C'est lui qui a accompli le changement des dons sacrés au corps et au sang du Rédempteur, lui encore cjui a pré- pare les âmes à s'unir au Fils de Dieu, en les puritîant du péché.

POSTCOMMUNION.

ENTES nostras, quae- sumus Domine, bpi-

ritus Sanctus divinis rc paret sacramcntis : quia ipse est remissio omnium peccatorura. Per Demi-

D

AIGNEZ faire, Seigneur, que l'Esprit-Saint renou- velle nos âmes par ces divins Mystères ; car il est lui-même la rémission de tous les pé- chés. Par Jésus-Christ.

A VEPRES.

1 ES Antiennes, les Psaumes et tout le reste *- de rOflicc des Vêpres, sauf l'Antienne de Magnificat, sont les mêmes qu'au jour de la Pentecôte, ci-dessus, /7<3jg-e 327.

ANTIENNE DE Magnificat.

•pco sum ostium, dicit JUr Dominus : per me si

T E suis J gneur

la porte, dit le Sci-

: si quelqu'un entre

quis introierit, salvabitur

par moi.

il sera sauvé et il

et pascua inveniet, allé-

trouvera

es pâturages, aile-

luia.

luia.

LOraison est la Collecte de la Messe, ci- dessus, page 400 .

Le Mardi de la Pentecôte.

407

N

ous entendrons encore aujourd'hui l'Eglise arménienne célébrer la venue de l'Esprit- Saint avec toute la dignité et la splendeur qui caractérisent son Hymnaire.

CANON TERTLE DIEI ,

Aujourd'hui les Esprits célestes se sont réjouis du renouvellement de la terre ; car l'Esprit rénova- teur des êtres est descendu dans le sacré Cénacle, et il y a renouvelé le collège apos- tolique.

Aujourd' hui notre nature terrestre tressaille de se sen- tir réconciliée avec le Père ; car celui qui avait enlevé son esprit aux hommes devenus charnels, daigne le leur don- ner de nouveau.

Aujourd'hui les enfants de l'Eglise célèbrent avec trans- port l'avènement du Saint- Esprit, qui les a parés de vêtements nobles et lumi- neux, et ils sont admis à chan- ter le trisagion avec les Séra- phins.

Celui qui sépara par la di- vision des langues ceux qui s'étaient unis pour bâtir la tour, a réuni de nouveau au- jourd'hui, dans le sacré Cé- nacle, les langues des na- tions en une seule. O vous tous. Esprits, bénissez l'Es- prit de Dieu.

L'Esprit du Seigneur qui

HODIE cœlestes laîtati sunt de terrestrium renovatione : namque in- novator existentium Spi- ritus descendit ad sacrum cœnaculum, quo renovati sunt chori apostolorum.

Hodie humea natura nostra exsultat reconci- liatione cum Pâtre ; quia qui abstulit spiritura ab hominibus. caro effectis, iterum donal.

Hodie pueri Ecclesiae célébrant in exsultatione adventum Sancti Spiri- tus, per quem exornati sunt vestibus pellucidis et clarissimis, cantantes cum Seraphim trisagium.

Qui unitos turris, divi- sione linguarum sejunxit, hodie divisas linguas na- tionum univit rursum in sacro cœnaculo ; omnes Spiritus, benedicite Spi- ritum Dei.

Qui descendit, Spiri-

4o8

Le Temps Pascal.

tus Domini, et ductor fuit duodecim tribuum Israël in deserto, hodie duodecim Apostolos per- ducit ad Evangelium ; omnes Spiritus. bénédi- cité Spiritum Dei.

Qui implevit Spiritus Domini, Beseleel archi- tectorem tabernaculi. ho- die efficit homines taber- naculum sanctne Trini- tati ; omnes Spiritus, bé- nédicité Spiritum Dei.

descendit autrefois, et fut le conducteur des douze tribus d'Israël dans le désert, con- duit aujourd'hui les douze Apôtres à la prédication de l'Evangile. O vous tous, Es-

Êrits, bénissez l'Esprit de lieu.

L'Esprit du Seigneur qui remplit autrefois Bézeléel, l'architecte du tabernacle, rend aujourd'hui les hommes comme les tabernacles de la sainte Trinité. O vous tous, Esprits, bénissez l'Esprit de Dieu.

La belle Séquence que nous donnons ici îst empruntée aux anciens Missels de Liège.

SEQUENCE.

AMOR Patris et Filii, Veri splendor auxi lii, Totius spes solatii.

O indeficiens piorum lux, Et praemium justorum : Sublevator perditorum.

Omnis fortitudinis, Ac omnis sanctitudinis, Ac beatitudinis

Donator, Omnis rectitudinis ama-

tor.

Omnipotens, propi- tius ;

AMOUR du Père et du Fils, vous êtes pour nous un éclatant secours, notre espoir et notre consolation.

Lumière incessante pour les cœurs pieux, vous êtes la récompense des justes, la commisération pour ceux qui étaient perdus.

Toute force vient de vos dons, toute sainteté, toute béatitude, ô vous qui aimez toute justice !

Vous êtes tout-puissant, plein de bonté ; vous tenez

Le Mardi de la Pentecôte.

4oq

tout entre vos mains, vous si éloigné du péché !

Omnitenens, innoxius.

Nul ne vous surpasse en justice et en sainteté ; nul ne peut égaler la force et la spi- ritualité de votre substance ; rien ne peut lutter en puis- sance avec vous, et rien n'est meilleur que vous.

Justius, carius,

Honestius, Sanctius, fortius,

Subtilius : Quo nihil est potentius, Quo nihil est vel raelius.

Vous êtes la lumière des cœurs ; par vous nous allons au Père universel et à son Fils divin.

lUuminator cordium, Per quem ad Patrem om- nium Venitur, et ad Filium.

Source d'intelligence, prin- cipe de bonheur, remède con- tre le péché, Esprit de con- seil.

Fons ingenii, Dator gaudii : Medicina vitii, Spiritus consilii.

Vous agissez sans bruit, vous êtes souple, et cepen- dant vous ne changez pas ; adresse, noblesse, puissance, ces qualités sont les vôtres ; votre marche est rapide, et votre conduite envers nous est aimable.

Humilis, docilis. Et invariabilis ; Habilis, nobilis. Et insuperabilis,

Promptus et amabilis

Vous êtes le don choisi : vous donnez l'intelligence et l'amour, vous aimez ce qui est droit.

Donum electum, Dans intellectum, Dans et affectum, Diligens rectum.

Esprit du Père et du Fils, Paraclet vivifiant, doigt de la main divine.

Patris ac Nati Spiri- tus, Vivificans Paraclitus : Divinae dextrae digitus.

Sublimité et charme, com- passion et bonté, clémence et largesse

Sublimitas, jucundi- tas,

Pietas et bonitas, Benignitas et largitas :

410

Le Mardi de la Pentecôte.

Qui prout vult, Quando vult, Et ubi vult, Quousque vult, Et quantum vult, Spirat et erudit. Replet et erigit, Ditat et instruit.

Spiritus scientiœ, Ad consolandum hodie Apostolis donatur :

Et eis plenarie, Fons verne sapicntix Per hune admiuistratur.

Amen.

Ainsi que vous voulez, quand vous voulez, vous voulez, jusqu'où vous voulez, et autant que vous voulez, votre souffle se répand sur les hommes et il les assiste, il les remplit et les relève de leur chute ; il les comble de richesses et les instruit lui- même.

Aujourd'hui même cet Es- prit de science est départi aux Apôtres pour être leur conso- lateur ; et dans sa confiance, il remet en leur pouvoir et avec plénitude la source même de la véritable sagesse.

Amen.

LE DON DE SCIENCE.

, 'ame ayant été détachée du mal par la L Crainte de Dieu et ouverte aux nobles affec- tions par le don de Piété, éprouve le besoin de savoir par quel moyen elle évitera ce qui fait l'objet de sa crainte et pourra trouver ce qu'elle doit aimer. L'Esprit-Saint vient à son secours, et lui apporte ce qu'elle désire, en répandant en elle le Don de Science. Par ce don précieux la vérité lui apparaît, elle connaît ce que Dieu demande et ce qu'il réprouve, ce qu'elle doit rechercher et ce qu'elle doit fuir. Sans la science divine notre vue court risque de s'égarer, à cause des ténèbres qui trop souvent obscurcissent en tout ou en partie l'intelligence de l'homme.

Le Don de Science. 411

Ces ténèbres proviennent d'abord de notre propre fonds qui porte des traces trop réelles de la déchéance. Elles ont encore pour cause les préjugés et les maximes du monde qui faussent "tous les jours les esprits que Ton croirait les plus droits. Enfin l'action de Satan, qui est le Prince des ténèbres, s'exerce en grande partie dans le but d'environner notre "âme d'obscurités, ou de l'égarer à l'aide de fausses lueurs.

La foi qui nous a été infuse dans le bap- tême est la lumière de notre âme. Par le don de Science, TEsprit-Saint fait produire à cette vertu des rayons assez vifs pour dissiper toutes nos ténèbres. Les doutes alors s'éclair- cissent, l'erreur s'évanouit, et la vérité appa- raît dans tout son éclat. On voit chaque chose dans son véritable jour, qui est le jour de la foi. On découvre les déplorables erreurs qui ont cours dans le monde, qui séduisent un si çrand nombre d'âmes, et dont peut-être on a été soi-même longtemps la victime.

Le don de Science nous révèle la fin que Dieu s'est proposée dans la création, cette fin hors laquelle les êtres ne sauraient trouver ni le bien ni le repos. Il nous apprend l'u- sage que nous devons faire des créatures, qui nous ont été données non pour nous être un écueil, mais pour nous aider dans notre mar- che vers Dieu. Le secret de la vie nous étant ainsi manifesté, notre route devient sûre, nous n'hésitons plus, et nous nous sentons disposés à nous retirer de toute voie qui ne nous conduirait pas au but.

C'est cette Science, don de l'Esprit-Saint, que l'Apôtre a en vue lorsque, parlant aux

412 Le Mardi de la Pentecôte.

chrétiens, il leur dit : « Autrefois vous étiez « ténèbres ; maintenant vous êtes lumière « dans le Seigneur : marchez désormais « comme les fils de la lumière ' ». De vient cette fermeté, cette assurance de la conduite chrétienne. L'expérience peut manquer quel-

?|uefois, et le monde s'émeut à la pensée des aux pas qui sont à redouter ; mais le monde a compté sans le don de Science. « Le Sci- « gneur conduit le juste par les voies droites, « et pour assurer ses pas il lui a donné la Science des saints -. )> Chaque jour cette leçon est donnée. Le chrétien, au moyen de la lumière surnaturelle, échappe à tous les dangers, et s'il n'a pas l'expérience propre, il a'i'expérience de Dieu.

Soyez béni, divin Esprit, pour cette lumière que vous répandez en nous, que vous y maintenez avec une si aimable persévérance. Ne permettez pas que nous en cherchions jamais une autre. Elle seule nous suffit; hors d'elle il n'y a que ténèbres. Gardez-nous des tristes inconséquences auxquelles plusieurs se laissent aller imprudemment, acceptant un jour votre conduite, et le lendemain se livrant aux préjugés du monde ; menant une double vie qui ne satisfait ni le monde ni vous. Il nous faut donc l'amour de cette Science que vous nous avez donnée pour que nous fussions sauvés ; l'ennemi de nos âmes la jalouse en nous, cette science salutaire ; il voudrait y substituer ses ombres. Ne permet- tez pas, divin Esprit, qu'il réussisse dans son perhde dessein, et aidez-nous toujours à dis-

I. Eph. V, 8. 2. Sap. X, lo.

Le Don de Science. 41 3

cerner ce qui est vrai de ce qui est faux, ce qui est juste de ce qui est injuste. Que, selon la parole de Jésus, notre œil soit simple, afin que tout notre corps, c'est-à-dire l'ensemble de nos actes, de nos désirs et de nos pensées, soit dans la lumière ^ ; et sauvez-nous, divin Esprit, de cet œil que Jésus appelle mau- vais, et qui rend ténébreux le corps tout entier.

I. MaTTH. VI, 23.

tS£iXt3MM^X)dhXt3h3St3hjf~ Jlùîilidli3li3b3LéiùAtdlidliJlù

LE MERCREDI DE LA PENTECOTE.

VENi, Sancte Spîritiis, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.

VENEZ, Esprit-Saint, rem- plissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le Lu de votre amour.

|ous avons vu avec quelle fidélité le divin Esprit a su accomplir, dans le cours des siècles, la mission que l'Emmanuel lui a donnée de for- mer, de protéger et de maintenir l'Eglise son Epouse. Cette recommandation d'un" Dieu a été remplie avec toute la puissance d'un Dieu ; et c'estle plus beau et le plus étonnant spectacle que présentent les annales de l'hu- manité depuis dix-neut siècles. Cette conser- vation d'une société morale, toujours la même en tous les temps et en tous les lieux, pro- mulguant un symbole précis et obligatoire pour tous ses membres, et maintenant par ses arrêts la plus compacte unité de croyance entre tous ses fidèles, est, avec la merveilleuse propagation du christianisme, l'événement capital de l'histoire. Aussi ces deux faits sont-ils, non l'effet d'une providence ordi- naire, comme le prétendent certains philoso- phes de notre temps, mais des miracles de premier ordre opérés directement par le Saint-Esprit, et destinés à servir de base à notre foi dans la vérité du christianisme. L'Esprit-Saint qui ne devait pas, dans l'exer- cice de sa mission, revêtir une forme sensi-

Le Mercredi de la Pentecôte. 41 5

ble, y a rendu sa présence visible à notre intelligence, et par ce moyen, il a fait assez pour démontrer son action personnelle dans l'œuvre du salut des hommes.

Suivons maintenant cette action divine, non plus en tant qu'elle a pour but de secon- der le dessein miséricordieux du Fils de Dieu qui a daigné prendre une Epouse ici-bas, mais dans les rapports de cette Epouse avec la race humaine. Notre Emmanuel a voulu qu'elle fût la Mère des hommes, et que tous ceux qu'il convie à l'honneur de devenir ses propres membres, reconnussent que c'est elle qui les enfante à cette glorieuse destinée. L'Esprit-Saint devait donc produire l'Epouse de Jésus avec assez d'éclat pour qu'elle fût distinguée et connue sur la terre, tout en lais- sant à la liberté humaine le pouvoir de la méconnaître et de la repousser.

Il fallait que cette Eglise dans sa durée embrassât tous les siècles, qu'elle eût par- couru la terre d'une manière assez patente pour que son nom et sa mission pussent être connus chez tous les peuples; en un mot elle devait être Catholique, c'est-à-dire universelle, possédant la catholicité des temps et la catho- licité des lieux. Telle est, en effet, l'existence que le divin Esprit lui a créée sur la terre. Il l'a d'abord promulguée à Jérusalem, au jour de la Pentecôte, sous les yeux des Juifs venus de tant de régions diverses, et qui par- tirent bientôt pour aller en porter la nou- velle dans les contrées qu'ils habitaient. Il a lancé ensuite les Apôtres et les disciples sur le monde, et nous savons par les auteurs con- temporains qu'un siècle était à peine écoulé

41 6 Le Temps Pascal.

que déjà la terre entière possédait des chré- tiens. Dès lors chaque année a profité à la visibilité de cette sainte Eglise. Si le divin Esprit, dans les desseins de sa justice, a jugé à propos de la laisser s'affaiblir au sein d'une nation qui n'était plus digne d'elle, il l'a transférée dans une autre elle devait ren- contrer des fils plus soumis. Si des régions entières ont quelquefois semblé lui être fer- mées, c'est qu'à une époque antérieure elle^ se présenta et fut repoussée, ou encore que' le moment n'était pas venu elle devait paraître et s'établir. L'histoire de la propa- gation de l'Eglise nous donne à constater cet ensemble merveilleux de vie perpétuelle et de migrations. Les temps et les lieux lui appartiennent ; elle ne règne pas, elle est présente par ses membres, et cette préro- gative de la catholicité qui lui a valu son nom est un des chefs-d'œuvre de l'Esprit- Saint.

Mais ne se borne pas son action pour l'accomplissement de la mission que lui a confiée l'Emmanuel à l'égard de son Epouse, et ici nous devons pénétrer la profondeur du mystère du Saint-Esprit dans l'Eglise. Après avoir constaté son influence extérieure pour la conserver et l'étendre, il nous faut appré- cier la direction intérieure qu'elle reçoit de lui, et qui produit en elle l'unité, l'infaillibi- lité et la sainteté, qualités qui, avec la catho- licité, forment le signalement de l'Epouse du Christ.

L'union de l'Esprit-Saint avec l'humanité de Jésus est une des bases du mystère de l'Incarnation. Notre divin médiateur est appelé

Le Mercredi de la Pentecôte. 41 j

le Christ, parce qu'il a reçu Tonction ', et cette onction est l'etTet de l'union de son hu- manité avec le Saint-Esprit 2. Cette union est indissoluble: éternellement le Verbe demeu- rera uni à son humanité, éternellement aussi le divin Esprit-Saint imprimera sur cette humanité le sceau de l'onction qui fait le Christ. Il suit de que l'Eglise, étant le corps de Jésus-Christ, doit avoir part à l'union qui existe entre son divin Chef et l'Esprit-Saini. Le chrétien, dans le baptême, reçoit l'onc- tion divine par le Saint-Esprit qui habite désormais en lui comme le gage de l'héritage éternel ^ ; mais il y a cette différence qu'il peut perdre par le péché cette union qui est en lui le principe de la vie surnaturelle, tandis qu'elle ne peut jamais faire défaut au corps même de l'Eglise. L'Esprit-Saint est incorporé à l'Eglise pour toujours; il est le principe qui l'anime, qui la fait agir et mou- voir, et lui fait surmonter toutes les crises auxquelles, par la permission divine, elle demeure exposée durant le trajet de cette vie militante.

Saint Augustin exprime admirablement cette doctrine dans un de ses Sermons pour la fête de la Pentecôte : « Le souffle par lequel « vit l'homme, nous dit-il, s'appelle l'âme; et « vous êtes à même d'observer le rôle de « cette âme relativement au corps. C'est fl elle qui donne la vie aux membres : elle « qui voit par l'œil, entend par l'oreille, sent « par l'odorat, parle par la langue, opère par ■> la main, marche par les pieds. Présente à

I. Psalm. XLiv, 8. 2. Act. x, 38. 3. Eph. i, i3.

LE TEMPS PASCAL. T. III.

4iS

Le Temps Pascal.

« chaque membre, elle donne la vie à tous « et la fonction à chacun. Ce n'est pas l'œil « qui entend, ce n'est pas l'oreille qui voit ni 0 la langue, de même que ce n'est ni l'oreille « ni l'œil qui parlent; cependant l'oreille est « vivante, la langue est vivante; les fonctions « des sens sont donc varices, mais une même « vie est commune à tous. Ainsi en est-il « dans l'Eglise de Dieu. Dans tel saint elle « opère des miracles, dans tel autre elle ensci- « gne la vérité, dans celui-ci elle pratique la « Virginité, dans celui-là elle garde la chas- « tetc conjugale ; en un mot les divers mem- « bres de l'Église ont leurs fonctions variées, « mais tous puisent la vie à une même source. « Or ce qu'est l'âme au corps humain, le (( Saint-Esprit Test au corps du Christ qui est (c l'Eglise. Le Saint-Esprit opère dans toute « l'Eglise ce que l'âme opère dans tous les « membres d'un même corps ^ »

La voilà donc dégagée, cette notion à l'aide de laquelle nous nous rendrons compte de l'existence de l'Eglise et de ses opérations. L'Eglise est le corps du Christ, et en elle le Saint-Esprit est le principe de la vie. C'est lui qui l'anime, la conserve, agit en elle et par elle.' Il est son âme, non plus seule- ment dans le sens restreint selon lequel nous avons parlé plus haut de l'àme de l'Eglise, c'est-à-dire son être intérieur qui est du reste en elle le produit de l'action du Saint-Es- prit ; mais il est son âme en ce que toute sa vie intérieure et extérieure, et toute son opération, procèdent de lui. L'Eglise est im-

Serra, cclvii. In die Pentecostes.

Le Mercredi de la Pentecôte. 41g

périssable, parce que l'amour qui a porté l'Esprit-Saint à habiter en elle durera tou- jours; telle est la raison de cette perpétuité qui est le phénomène le plus étonnant en ce monde.

Mais il nous faut considérer maintenant cette autre merveille qui consiste dans la conservation de l'unité au sein de cette société. L'Epoux, dans le divin Cantique, appelle l'Eglise « son unique ». Il n'a pas désiré plusieurs épouses ; l'Esprit-Saint aura donc veiller avec sollicitude sur l'accom- plissement du dessein de l'Emmanuel. Sui- vons les traces de sa sollicitude pour obtenir un tel résultat. Est-il possible humainement qu'une société traverse dix-neuf siècles sans avoir changé, sans avoir remanié son exis- tence en mille façons, en supposant même que, sous un nom ou sous un autre, elle ait pu remplir une telle durée ? Songez que cette société, durant un si long espace de temps, n'a pu manquer de voir s'agiter dans son sein, sous mille formes, les passions humaines qui souvent entraînent tout après elles ;

au'elle a toujours été composée de races iverses de langage, de génie, de mœurs, tan- tôt éloignées les unes des autres au point de se connaître à peine, tantôt voisines mais divisées par des intérêts et même par des an- tipathies nationales; que des révolutions politiques sans nombre ont modifié sans cesse, renversé même l'existence des peuples; et cependant, partout il a existé, partout il existera des catholiques, l'unitédemeure le caractère de ce corps immense et des membres qui le composent. Une même foi,

42 0 Le Temps Pascal.

un même symbole, une même soumission à un même chef visible, un même culte quant aux points essentiels, une même manière de trancher toute question par la tradition et l'autorité. Des sectes se sont élevées en chaque siècle ; toutes ont dit : « Je suis la vraie Eglise » ; et pas une seule n'a pu sur- vivre aux circonstances qui l'avaientproduitc. sont maintenant les ariens avec leur puis- sance politique, les nestoriens , les euty- chiens, les monothélites, avec leurs inépui- sables subtilités ? Quoi de plus impuissant et de plus stérile que le schisme grec asservi soit au sultan, soit au moscovite ? que reste- t-il du jansénisme épuisé par ses vains efforts pour se maintenir dans l'Eglise malgré l'Eglise ? et quant au protestantisme parti du principe de négation, ne l'a-t-on pas vu dès le lendemain brisé en morceaux, sans jamais

Êouvoir former une même société religieuse? t ne le voyons-nous pas aujourd'hui aux abois, incapable de retenir les dogmes qu'il avait regardés d'abord comme fondamentaux.: i'inspiration des Ecritures et la divinité de Jésus-Christ ?

En face de tant de ruines amoncelées, qu'elle est belle et radieuse dans son unité, notre mère la sainte Eglise catholique , l'Epouse unique de l'Emmanuel ! Les millions d'hommes qui l'ont composée, et qui la com- posent encore aujourd'hui, seraient-ils d'une autre nature que ceux qui se sont partagés entre les diverses sectes qu'elle a vues naî'trc et mourir ? Orthodoxes ou hétérodoxes, ne sommes-nous pas tous membres de la même famille humaine, sujets aux mêmes passions

Le Mercredi de la Pentecôte. 421

et aux mêmes erreurs? D'où vient aux fils de l'Eglise catholique cette consistance qui triomphe du temps, sur laquelle n'influe pas la dissemblance des races, qui survit à ces crises et à ces changements que n'ont pu pré- venir ni la forte constitution des Etats, ni la résistance séculaire des nationalités? 11 faut en convenir, un élément divin est qui résiste et qui maintient. L'âme de l'Eglise, l'Esprit-Saint, influe dans tous ses membres, et comme il est unique, il produit l'unité dans tout l'ensemble qu'il anime. Ne pou- vant être contraire à lui-même, rien ne sub- siste par lui qu'au moyen d'une entière con- formité avec ce qu'il est. Nous avons ainsi la clef du grand problème.

Demam nous parlerons de ce que fait l'Es- prit-Saint pour le maintien de la foi une et invariable dans tout le corps de l'Eglise; arrêtons- nous aujourd'hui à le considérer comme principe d'union extérieure par la subordination volontaire à un même centre d'unité. Jésus avait dit : « Tu es Pierre et sur « cette pierre je bâtirai mon Eglise » ; mais Pierre devait mourir. La promesse n'avait donc pas pour objet sa personne seulement, mais toute la suite de ses successeurs jusqu'à la fin des siècles. Quelle étonnante et éner- gique action du divin Esprit produit ainsi, anneau par anneau, cette dynastie de princes spirituels arrivée à son deux cent soixante- quatrième Pontife, et devant se poursuivre jus- qu'au dernier jour du monde ! Aucune vio- lence ne sera faite à la liberté humaine; le divin Esprit lui laissera tout tenter; mais il faut cependant qu'il poursuive sa mission.

42 2 Le Temps Pascal.

Qu'un Décius produise par ses violences une vacance de quatre ans sur le siège de Rome, qu'il s'élève des anti-papes soutenus les uns par la faveur populaire, les autres par la politique des princes, qu'un long schisme rende douteuse la légitimité de plusieurs Pontifes, l'Esprit-Saint laissera s'écouler l'é- preuve, il fortifiera, pendant qu'elle dure, la foi de ses fidèles ; enfin, au moment marqué, il produira son élu, et toute l'Eglise le recevra avec acclamation.

Pour comprendre tout ce que cette action surnaturelle renferme de merveilleux, il ne suffit pas d'apprécier les résultats extérieurs qu'elle produit dans l'histoire; il faut la suivre dans ce qu'elle a d'intime et de mystérieux. L'unité de l'Eglise n'est pas du genre de cette unité que les conquérants établissent dans les pays qu'ils ont soumis, l'on paie le tribut parce qu'il faut bien se soumettre à la force. Les membres de l'Eglise gardent l'unité dans la foi et dans la soumission, parce qu'ils se courbent avec amour sous un joug imposé à leur liberté et à leur raison. Mais qui donc captive ainsi l'orgueil humain sous une telle obéissance ? Qui donc fait trouver la joie et le contentement dans l'abaissement de toute pré- tention personnelle? Qui donc dispose l'homme à mettre sa sécurité et son bonheur à dispa- raître comme individu dans cette unité abso- lue, et cela en des questions le caprice hu- main s'est donné plus large carrière dans tous les temps ? N'est-ce pas le divin Esprit qui opère ce miracle multiple et permanent, qui anime et harmonise ce vaste ensemble, et qui, sans violence, fond dans l'unité d'un même

Le Mercredi de la Pentecôte. 428

concert les millions de cœurs et d'esprits qui forment l'Epouse « unique » du Fils de Dieu ?

Dans les jours de sa vie mortelle, Jésus demandait pour nous l'unité au Père céleste. « Qu'ils soientun, comme nous sommes un 1», disait-il. Il la prépare, en nous appelant à devenir ses membres; mais pour opérer cette union, il envoie aux hommes son Esprit, cet Esprit divin qui est le lien éternel entre le Père et le Fils, et qui daigne, dans le temps, descendre jusqu'à nous, pour y réaliser cette unité ineffable qui a son type en Dieu même.

Grâces vous soient donc rendues, divin Esprit, qui habitant ainsi dans l'Eglise de Jésus, nous inclinez miséricordieusementvers l'unité, qui nous la faites aimer, et nous dis- posez à tout souffrir plutôt que de la rompre. Fortifîez-la en nous, et ne permettez jamais qu'un défaut de soumission l'altère même légèrement. Vous êtes l'âme de la sainte Eglise; gouvernez-nous comme des membres toujours dociles à votre impulsion; car nous savons que nous ne saurions être à Jésus qui vous a envoyé, si nous n'étions à l'Eglise son Epouse et notre Mère, à cette Eglise qu'il a rachetée de son sang, et qu'il vous a donnée à former et à conduire.

Samedi prochain, l'Ordination des prêtres et des ministres sacrés aura lieu dans toute l'Eglise; l'Esprit-Saint, dont le sacrement de l'Ordre est une des principales opérations,

I. JOHAN. XVII, II.

424

Le Temps Pascal.

descendra dans les âmes qui lui seront pré- sentées, et imprimera sur elles, par les mains du Pontife, le sceau du Sacerdoce ou du Diaconat, En présence d'un si grave intérêt, la sainte Eglise prescrit dés aujourd'hui à ses fidèles le jeûne et l'abstinence, pour obte- nir de la miséricorde divine que l'etfusion d'une telle grâce soit favorable à ceux qui la recevront et avantageuse à la société chré- tienne.

A Rome, la Station est aujourd'hui dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure. Il était juste qu'un des jours de cette grande Octave vît les fidèles réunis sous les auspices de la Mère de Dieu, dont la participation au mys- tère de la Pentecôte a été si glorieuse et si favorable à l'Eglise naissante.

eus achèverons la journée en insérant ici l'une des plus belles Séquences d'Adam de Saint-Victor sur le mystère du Saint-Es- prit.

N

SÉQUENCE.

LUX jocunda, lux insi- gnis, Qua de throno missus ignis

In Christi discipulos Corda replet, linguas di-

tat. Ad concordes non invi- tât

Linguœ cordis mo- dulos.

UNE lumière joyeuse, écla- tante, un feu lancé du trône céleste sur les disciples du Christ, remplissent les cœurs, fécondent les langues, et nous invitent ù unir dans un concert mélodieux et nos langues et nos cœurs.

Le Mercredi de la Pentecôte.

42 5

Le gage que le Christ avait promis à son Epouse, il le lui envoie au cinquantième jour; devenu ferme comme un ro- cher, Pierre répand dans ses discours le miel le plus doux, l'huile la plus généreuse.

Sur la montagne, l'ancien peuple reçut la loi, non dans des langues de feu, mais gra- vée sur la pierre ; dans le Cé- nacle, un petit nombre d'hom- mes reçoit un cœur nouveau, et revient à l'unité des lan- gues.

O jour heureux, jour solen- nel, où l'Eglise primitive est fondée ! Trois mille hommes sont les prémices de cette Eglise à sa naissance.

Les deux pains oflerts en prémices dans la loi, figu- raient les deux peuples adop- tés en ce jour dans une même foi la pierre placée à la tête de l'angle s'interpose entre les deux, et des deux ne fait plus qu'un seul peuple.

De nouvelles outres, non plus les anciennes, sont rem- plies d'un vin nouveau : la veuve préparc ses vases, tan- dis qu'Elisée multiplie l'huile en abondance : ainsi Dieu

Christus misit quod promisit Pignus Sponsae, quam revisit

Die quinquagesima ; Post dulcorem mcl-

leum Petra fudit oleum, Petra jamfirmissima.

In tabellis saxeis, Non in linguis igneis, Lex de monte popu- lo ; Paucis cordis covi-

tas Etlinguarum unitas, Datur in Cœnaculo.

O q.uam felix, quam festiva Dies in qua primitiva Fundatur Ecclcsia l Vivœ sunt primitia; Nascentis Ecclesicc, Tria primum millia.

Panes legis primitivi, SuQt sub una adoptivi

Fide duo populi : Se duobus interjecit Sicque duos unum fecit

Lapis, caput anguli.

Utresnovi,nonvetusti, Sunt capaces novi musti :

Vasa paret vidua. Liquorem dat Eliseus : Nobis sacrum rorem

Deus,

42 G Le Mercredi de la Pentecôte.

Si corda sint con- grua.

Non hoc musto vel li-

quore, Non hoc sumus digni

rore,

Si discordes mori- bus. In obscuris vel divisis, Non potest haec Paracli-

sis

Habitare cordibus.

Consolator aime, veni :

Linguas rege, corda le- ni :

Nihil fellis aut veneni Sub tua praesentia.

Nil jocundum, nil amœ- num,

Nil salubre, nil sere- num,

Nihil dulce, nihil plé- num. Sine tua gratia.

Tu lumen es et un-

guentum, Tu cœleste condimen-

tum, Aquas ditans eleraen-

tum

Virtute mysterii. Nova facti creatura, Te laudemus mente pa- ra, Gratiœ nunc, sed na-

tura

Prius irœ filii.

répand aujourd'hui la céleste robée, autant qu'il trouve de cœurs préparés à la rece- voir.

Nous ne serions pas dignes de recevoir ce vin précieux, cette rosée divine, si notre vie était déréglée : ce Para- clet ne saurait habiter dans des cœurs remplis de ténè- bres ou divisés.

Viens donc à nous, auguste Consolateur ! gouverne nos langues, apaise nos cœurs : ni fiel, ni venin n'est compa- tible avec ta présence. Sans la grâce, il n'est ni délice, ni salut, ni sérénité, ni dou- ceur, ni plénitude.

Tu es lumière et parfum -, tu es ce principe céleste qui confère à l'élément de l'eau une puissance mystérieuse . nous qui sommes devenus une création nouvelle, d'a- bord enfants de colère par nature, maintenant enfants de la grâce, nous te louons d'un cœur purifié.

Le Don de Force.

427

Toi qui donnes et qui es en même temps le don, toi qui verses sur nous tous les biens, rends nos cœurs capables de te louer, forme nos langues à célébrer tes grandeurs. Auteur de toute pureté, purifie-nous du pé- ché : renouvelle-nous dans le Christ, et fais-nous goûter la joie entière que donne à l'âme la vie nouvelle.

Amen.

Tu qui dater es et do-

num, Nostri cordis orane bo-

num, Cor ad laudera reddc

pronum, Nostrœ linguae formans

sonum

In tua praeconia. Tu nos purga a pecca-

tis, Auctor ipse pietatis, Et in Christo renovatis Da perfectœ novitatis

Plena nobis gaudia. Amen.

LE DON DE FORCE.

LE don de Science nous a appris ce que nous devons faire et ce que nous devons éviter pour être conformes au dessein de Jésus-Christ notre divin chef. Il faut mainte- nant que l'Esprit-Saint établisse en nous un principe duquel nous puissions emprunter l'énergie qui devra nous soutenir dans la voie qu'il vient de nous montrer. Nous de- vons en effet compter sur des obstacles, et le grand nombre de ceux qui succombent suffit à nous convaincre du besoin que nous avons d'être aidés. Le secours que le divin Esprit nous communique est le don de Force, par lequel, si nous sommes tidèles à l'employer, il nous sera possible et même aisé de triom- pher de tout ce qui pourrait arrêter notre marche. Dans les difficultés et les épreuves de la

42<V Le Mercredi de la Pentecôte

vie, l'homme est tantôt porté à la faiblesse et à l'abattement, tantôt poussé par une ar- deur naturelle qui a sa source dans le tem- pérament ou dans la vanité. Cette double disposition avancerait peu la victoire dans les combats que l'âme doit livrer pour son salut. L'Esprit-Saint apporte donc un élément nouveau, cette force surnaturelle qui lui est tellement propre que le Sauveur, instituant ses Sacrements, en a établi un qui a pour objet spécial de nous donner ce divin Esprit comme principe d'énergie. Il est hors de doute qu'ayant à lutter pendant cette vie contre le démon, le monde et nous-mêmes, il nous faut autre chose pour résister que la pusillanimité ou l'audace. Nous avons besoin d'un don qui modère en nous la peur, en même temps qu'il tempère la confiance que nous serions portés à mettre en nous-mêmes. L'homme ainsi modifié par le Saint-Esprit vaincra sûrement; car la grâce suppléera en lui à la faiblesse de la nature, en même temps qu'elle en corrigera la fougue.

Deux nécessités se rencontrent dans la vie du chrétien : il lui faut savoir résister et savoir supporter. Que pourrait-il opposer aux ten- tations de Satan, si la Force du divin Esprit ne venait le couvrir d'une armure céleste et aguerrir son bras? Le monde n'est-il pas aussi un adversaire terrible, si l'on considère le nombre des victimes qu'il fait chaque jour par la tyrannie de ses maximes et de ses prétentions? Quelle ne doit pas être l'assis- tance du divin Esprit, lorsqu'il s'agit de ren- dre le chrétien invulnérable aux traits meur- triers qui font tant de ravages autour de lui ?

Le Don de Force. 42g

Les passions du cœur de l'homme ne sont pas un moindre obstacle à son salut et à sa sanctification: obstacle d'autant plus redou- table qu'il est plus intime. 11 faut que l'Es- prit-Saint transforme le cœur, qu'il l'entraîne même à se renoncer, lorsque la lumière céleste indique une autre voie que celle vers laquelle nous pousse l'amour et la recherche de nous-mêmes. Quelle Force divine ne faut- il pas pour « haïr jusqu'à sa propre vie », quand Jésus-Christ l'exige 1, quand il s'agit de faire le choix entre deux maîtres dont le service est incompatible-? L'Esprit-Saint fait tous les jours de ces prodiges au moyen du don qu'il a répandu en nous, si nous ne méprisons pas ce don, si nous ne l'ctouffons pas dans notre lâc'neté ou dans notre impru- dence. Il apprend au chrétien à dominer ses passions, à ne pas se laisser conduire par ces guides aveugles, à ne céder à ses instincts que lorsqu'ils sont conformes à l'ordre que Dieu a établi.

Quelquefois ce divin Esprit ne demande pas seulement que le chrétien résiste inté- rieurement aux ennemis de son âme; il exige qu'il proteste ouvertement contre l'erreur et le mal, si le devoir d'état ou la position le réclament. C'est alors qu'il faut braver cette sorte d'impopularité qui s'attache parfois au chrétien, et qui ne doit pas le surprendre quand il se rappelle les paroles de l'Apôtre : u Si j'étais agréable aux hommes, je ne serais « pas serviteur du Christ 3. » Mais l'Esprit-

I. JOHAN. XH, 25. 2. MaTTH. VI, 24. 3. Gai.

I, 10,

4^0 Le Mercredi de la Pentecôte.

Saint ne fait jamais défaut, et lorsqu'il ren- contre une âme résolue à user de la Force divine dont il est la source, non seulement il lui assure le triomphe, mais il l'établit pour l'ordinaire dans cette paix pleine de douceur et de courage qu'apporte la victoire sur les passions.

Telle est la manière dont l'Esprit-Saint applique le don de Force au chrétien, lors-

âue celui-ci doit s'exercer à la résistance, bus avons dit que ce précieux don apportait en même temps l'énergie nécessaire pour supporter les épreuves au prix desquelles est le salut. Il est des frayeurs qui glacent le cou- rage et peuvent entraîner l'homme à sa perte. Le don de Force lesdissipe; il les remplace par un calme et une assurance qui déconcertent la nature. Voyez les martyrs, et non pas seule- ment un saint Maurice, chef de la légion Thébaine, accoutumé aux luttes du champ de bataille, mais ces Félicité, mère de sept enfants, ces Perpétue, noble dame de Car- thage pour laquelle le monde n'avait que des faveurs; ces Agnès, enfant de treize ans, et tant de milliers d'autres, et dites si le don de Force est stérile en sacrifices. Qu'est devenue la peur de la mort, de cette mort dont la seule pensée nous accable parfois.^ Et ces généreuses offrandes de toute une vie immo- lée dans le renoncement et les privations, afin de trouver Jésus sans partage et de sui- vre ses traces de plus près! Et tant d'exis- tences voilées aux regards distraits et super- ficiels des hommes, existences dont l'élément est le sacrifice, la sérénité n"est jamais vaincue par l'épreuve, la croix toujours

Le Don de Force. 43 1

renaissante est toujours acceptée ! Quels tro- phées pour l'Esprit de Force ! que de dévoue- ments au devoir il sait produire ! Et si l'homme à lui seul est peu de chose, com- bien il grandit sous l'action de l'Esprit- Saint!

C'est lui encore qui aide le chrétien à bra- ver la triste tentation du respect humain, l'élevant au-dessus des considérations mon- daines qui dicteraient une autre conduite. C'est lui qui pousse l'homme à préférer au vain honneur du monde la joie de n'avoir pas violé le commandement de son Dieu. C'est cet Esprit de Force qui fait accepter les dis- grâces de la fortune comme autant de des- seins miséricordieux du ciel, qui soutient le courage du chrétien dans la perte si doulou- reused'êtres chéris, dans les souffrances phy- siques qui lui rendraient la vie à charge, s'il ne savait qu'elles sont des visites du Sei- gneur. C'est lui enfin, comme nous le lisons dans la vie des saints, qui se sert des ré- pugnances même de la nature, pour pro- voquer ces actes héroïques la créature humaine semble avoir franchi les limites de son être pour s'élever au rang des esprits im- passibles et glorifiés.

Esprit de Force, soyez toujours plus en nous, et sauvez-nous de la mollesse de ce siècle. A aucune époque l'énergie des âmes n'a été plus affaiblie, l'esprit mondain plus triomphant, le sensualisme plus insolent, l'or- gueil et l'indépendance plus prononcés. Sa- voir être fort contre soi-même, est une rareté qui excite l'étonnement dans ceux qui en sont témoins: tant les maximes de l'Evangile

4^2 Le Temps Pascal.

ont perdu de terrain ! Retenez-nous sur cette pente qui nous entraînerait comme tant d'autres, ô divin Esprit! Souffrez que nous vous adressions en forme de demande les vœux que formait Paul pour les chrétiens d'Ephèse, et que nous osions réclamer de votre largesse « cette armure divine qui « nous mettra en état de résister au jour « mauvais et de demeurer parfaits en toutes « choses. Ceignez nos reins de la vérité, couvrez-nous de la cuirasse de la justice, « donnez à nos pieds l'Evangile de paix pour u chaussure indestructible ; munissez-nous « du bouclier de la foi, contre lequel vien- « nent s'éteindre lestraits enflammés de notre « cruel ennemi. Placez sur notre tète le cas- « que qui est l'espérance du salut, et dans « notre main le glaive spirituel qui est la « parole même de Dieu i, » et à l'aide duquel, comme le Seigneur dans le désert, nous pou- vons venir à bout de tous nos adversaires. Esprit de Force, faites qu'il en soit ainsi.

LE JEUDI DE LA PENTECOTE.

^ENEZ, Esprit-Saint, rem- plissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de voire amour.

Y ENi, Sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.

E divin Esprit qui tient unis dans un même tout les membres de la sainte Eglise, parce qu'il est lui- '.:-^c~^.^ même unique, n'a pas seulement ete envoyé pour assurer l'unité -inviolable à l'Epouse du Christ. Cette Epouse d'un Dieu qui s'est appelé lui-même la Vérité ', a besoin d'être dans la vérité, et ne peut être acces- sible a l'erreur. Jésus lui a confié sa doc- trine, il l'a instruite en la personne des Apô- tres. « Tout ce que j'ai entendu de mon Père, « dit-il, )e vous l'ai manifesté 2. Mais com- ment cette Eglise, si elle est laissée à l'hu- maine faiblesse, pourra-t-elle conserver sans mélange et sans altération, durant la traver- sée des siècles, cette parole que Jésus n'a pas écrite, cette vérité qu'il est venu de si haut apporter à la terre ? L'expérience prouve que tout s altère ici-bas, que les textes écrits sont sujets a de fausses interprétations, et que les traditions non écrites deviennent mécon- naissables parle cours des années. C'est ici encore que nous devons recon-

I. JOHAN. XIV, 6. 2.1bid. XV, i5.

LE TEMPS PASCAL. T. III.

28

434 L.e Temps Pascal.

naître la divine prévoyance de notre Emma- nuel montant au ciel. De même que pour accomplir le désir qu'il a « que nous soyons « un. comme il est un a\ ce son Père »,' il a député vers nous son unique Esprit ; ainsi, pour nous maintenir dans la vérité, il nous a envoyé ce même Esprit qu'il appelle l'Es- prit de vérité. « Quand il sera venu, dit-il, « cet Esprit de vérité, il \ ous enseignera toute « vérité '. » Et quelle est la vérité qu'ensei- gnera cet Esprit? « Il enseignera toutes cho- « ses, et il vous suggérera tout ce que je vous « aurai dit -. »

Rien donc ne se perdra de ce que le Verbe divin a dit aux hommes. La beauté de son Epouse aura pour fondement la vérité; car la beauté est lasplendeur du vrai. Sa fidélité à l'Epoux sera parfaite; car s'il est la Vérité, la Vérité est assurée en elle pour jamais. Jésus le déclare ainsi: « Le nouveau Consolateur que « le Père vous enverra demeurera avec vous « pour toujours, et il sera en vous s, » C'est donc par l'Ésprit-Saint que l'Eglise possédera en propre la vérité, et cette possession ne lui sera jamais enlevée; car cet Esprit envoyé par le Père et par le Fils s'attachera à l'É- glise et ne la quittera plus.

C'est ici le moment de se rappeler la magni- fique théorie de saint Augustin. Selon sa doctrine qui n'est que l'explication des pas- sages du saint Evangile que nous venons de lire, l'Esprit-Saint est le principe de la vie dans l'Eglise; étant donc l'Esprit de vérité,

I. JoHAN, xvî, i3. 2. Ibid. XIV, 26. 3. Ibid. xiv, 16, 17.

Le Jeudi de la Pentecôte. 435

il conserve la vérité en elle, il la dirige dans la vérité, en sorte qu' elle ne peut exprimer que la vérité dans son enseignement et dans sa conduite. Il assume la responsabilité de SCS paroles, comme notre esprit répond de ce que profère notre langue ; et c'est pour cela que la sainte Eglise est tellement iden- tifiée avec la vérité par son union avec l'Es- prit divin, que l'Apôtre ne fait pas difficulté de nous dire qu'elle en est « la colonne et l'ap- pui ^ '> Que l'on ne s'étonne donc pas si le chré- tien se repose sur l'Eglise dans sa croyance. Ne sait-il pas que cette Eglise n'est jamais seule, qu'elle est toujours avec l'Esprit divin qui vit en elle, que sa parole n'est pas sa parole à elle, mais la parole de l'Esprit qui n'est autre que la parole de Jésus ?

Or, cette parole de Jésus, l'Esprit la con- serve pour l'Eglise dans un double dépôt. Il veille sur elle dans les saints Evangiles qu'il a inspirés à leurs auteurs. Par ses soins, ces livres sacrés sont défendus contre toute alté ration, et ils traversent les siècles sans que la main de l'homme leur ait fait subir de changement. Il en est de même des autres livres du Nouveau Testament composés sous le souffle du même Esprit. Ceux dont se com- pose l'Ancien Testament sont également le produit de l'inspiration du divin Esprit. S'ils ne rapportent pas les discours de Jésus du- rant sa vie mortelle, ils parlent de lui, ils l'annoncent, en même temps qu'ils contien- nent la première initiation aux choses divi- nes. Cet ensemble des livres sacrés est rem-

4^à Le Temps Pascal.

pli des mystères dont l'Esprit a la clef pour la communiquer à l'Eglise.

L'autre source de la parole de Jésus est la Tradition. Tout ne devait pas être écrit, et l'Eglise existaitdéjàque les Evangiles n'étaient pas encore rédigés. Cette Tradition, élément divin comme l'Écriture elle-même, comment aurait-elle survécu sans altération, si l'Esprit de Vérité ne veillait à sa garde ? 11 la main- tient donc dans la mémoire de l'Eglise, il la préserve de tout changement : c'est sa mis- sion, et par la fidélité qu'il met à remplir cette mission, l'Epouse demeure en posses- sion de tous les secrets de l'Epoux.

Mais il ne suffit pas que l'Eglise possède la vérité écrite et traditionnelle, comme un dépôt scellé. Il faut encore qu'elle en ait le discernement, afin de pouvoir l'interpréter à ceux auxquels elle doit rendre les enseigne- ments de Jésus. La vérité n'est pas descendue du ciel pour n'être pas communiquée aux hommes; car elle est leur lumière, et sans elle ils languiraient dans les ténèbres, sans savoir d'où ils viennent et ils vont '. L'Esprit de \'érité ne se bornera donc pas à conserver la parole de Jésus dans l'Eglise comme un trésor caché, il en dirigera l'épan- chement sur les hommes, afin qu'ils y puisent la vie de leurs âmes. L'Eglise sera donc infaillible dans son enseignement ; car elle ne pourrait se tromper ni tromper les hommes, puisque l'Esprit de Vérité la conduit en tout et parle par son organe. II est son

Le Jeudi de la Pentecôte. 43 j

âme, et nous avons reconnu, avec saint Augustin, que lorsque la langue s'exprime, c'est l'âme que l'on entend.

La voilà, cette infaillibilité de notre mère la sainte Eglise, résultat direct et immédiat de l'incorporation de l'Esprit de Vérité en elle! c'est la promesse du Fils de Dieu, c'est l'effet nécessaire de la présence du Saint- Esprit. Quiconque ne reconnaît pas l'Eglise pour infaillible doit, s'il est conséquent avec lui-même, admettre que le Fils de Dieu a été impuissant à remplir sa prom.esse, et que l'Esprit de Vérité n'est qu'un Esprit d'erreur. Mais celui qui raisonne ainsi a perdu le sentier de la vie ; il a cru nier seulement l'Eglise, et sans s'en apercevoir, c'est Dieu même qu'il a renié. Tel est le crime et le malheur de l'hérésie. Le défaut de rétlexion sérieuse peut voiler cette terrible consé- quence : elle n'en est pas moins rigoureuse- ment déduite. L'hérétique a rompu avec le Saint-Esprit, en rompant de pensée avec l'Eglise : il pourrait revivre en retournant humblement vers l'Epouse du Christ, mais présentement il est dans la mort; car l'âme ne l'anime plus. Ecoutons encore le grand Docteur : « Il arrive parfois, dit-il, qu'un « membre du corps humain soit coupé, une « main, un doigt, un pied : l'âme suit-elle le « membre ainsi séparé du corps ? non ; ce « membre, quand il était uni au corps, «« jouissait de la vie; isolé maintenant, c'est « la vie même qu'il a perdue. De même le « chrétien demeure catholique tant qu'il est « adhérent au corps de l'Eglise; en est-il « séparé, le voilà hérétique; l'Esprit ne

438 Le Temps Pascal.

« suit pas le membre qui s'est détaché ^ ». Honneur soit donc à l'Esprit divin pour la splendeur de vérité qu'il communique à itpouse ! mais pourrions-nous, sans le plus affreux péril, imposer des bornes à notre docilité, aux enseignements qui nous vien- nent à la fois de l'Esprit et de l'Epouse que nous savons unis d'une manière si indisso- luble-? Soit donc que l'Eglise nous intime ce que nous devons croire en nous montrant sa pratique, ou par la simple énonciation de ses sentiments, soit quelle déclare solen- nellement la définition attendue, nous de- vons regarder et écouter avec soumission de cœur: car la pratique de l'Eglise est mainte- nue dans la vérité par l'Esprit qui la vivifie; renonciation de ses sentiments à toute heure est l'aspiration continue de cet Esprit qui vit en elle ; et quant aux sentences qu'elle rend, ce n'est pas elle seule qui prononce, c'est l'Esprit qui prononce en elle et par elle. Si c'est son Chef visible qui déclare la doctrine, nous savons que Jésus a daigné prier pour que la foi de Pierre ne défaille pas, qu'il l'a obtenu de son Père, et qii'il a confié à l'Esprit la charge de maintenir Pierre en possession d'un don si précieux pour nous. Si le Pontife suprême, à la tête du collège épiscopal réuni conciliairement. déclare la foi dans l'accord parfait du Chef et des membres, c'est l'Esprit qui dans ce jugement collectif prononce avec une majesté sou- veraine pour la gloire de la vérité et la confu-

Le Jeudi de la Pentecôte. 43g

sion de l'erreur. C'est l'Esprit qui a abattu toutes les hérésies sous les pieds de l'Epouse victorieuse ; c'est l'Esprit qui a suscité dans son sein, à tous les siècles, les docteurs qui ont terrassé l'erreur aussitôt qu'elle s'est montrée.

Elle a donc en partage le don de l'infailli- bilité, notre Eglise bien-aimée; elle est donc vraie en tout et toujours, l'Epouse de Jésus ; et elle doit cet heureux sort a celui qui pro- cède éternellement du Père et du Fils. Mais il est encore une gloire dont elle lui est redevable. L'Epouse du Dieu saint doit être sainte. Elle l'est ; et c'est de l'Esprit de sain- teté qu'elle reçoit la sainteté. La vérité et la sainteté sont unies en Dieu d'une manière in- dissoluble ; etc'estpour celaque Jésus voulant « que nous soyons parfaits comme notre Père « céleste est parfait ^ )),'et que tout en restant de simples créatures nous cherchions notre type dans le souverain bien, demande « que il nous soyons sanctifiés dans la Vérité 2. »

Jésus a donc remis son Epouse à la direc- tion de l'Esprit, afin qu'il la rendît sainte. Or, la sainteté est tellement inhérente à cet Esprit divin qu'elle sert à le désigner com- me sa qualité fondamentale. Jésus lui-même l'appelle le Saint-Esprit, en sorte que c'est 'lUr le témoignage du Fils de Dieu que nous iui donnons" ce beau nom. Le Père est la Puissance, le Fils est la Vérité, l'Esprit est la Sainteté; et c'est pour cela que l'Esprit remplit ici-bas le ministère de sanctificateur, bien que le Père et le Fils soient saints, de

I. MaTTH, y, 48. 2. JOHAN. XVII, IQ.

440 Le Temps Pascal.

même que la vérité est dans le Père et dans Ibspnt, et que l'Esprit ainsi que le Fils aient aussi la puissance. Les trois divines personnes ont leurs propriétés spéciales, mais elles sont unies dans une seule et même essence. Or, la propriété spéciale du Saint- tsprit est d'être l'amour, et l'amour produit la samtete; car il unit et identifie le souve- rain bien avec celui qui en a l'amour, et cette union ou identification est la sainteté qui est a splendeur du Bien, comme la beauté est la splendeur du Vrai.

Pour être digne de l'Emmanuel son Epoux, 1 Eglise devait donc être sainte. Il lui avait donne la venté que l'Esprit a maintenue en elle; 1 Esprit a son tour lui donnera la sain- teté, et le Père céleste la voyant vraie et sainte, l'adoptera pour sa fille: telle est sa destinée glorieuse. Vovons maintent les traits de cette sainteté. Le premier est la fidélité à 1 Epoux. Or, l'histoire de l'Eglise tout entière dépose de cette fidélité. Tous les pièges lui ont ete tendus, toutes les violences ont été dirigées contre elle, pour la séduire et pour la détacher de l'Epoux. Elle a tout déjoué, tout brave; elle a sacrifié son sang, son repos, et jusqu'au territoire elle régnait, plutôt que de laisser altérer entre ses mains le dé- pot que l'Epoux lui avait confié. Comptez, si vous pouvez, les martyrs depuis les Apôtres jusqu'aujourd'hui. Rappelez-vous les offres des princes, si elle voulait se taire sur la vente divine, les menaces et les traitements cruels qu'elle a encourus plutôt que de lais- ser mutiler son symbole. Pourrait-on oublier les luttes formidables qu'elle a soutenues

Le Jeudi de la Pentecôte. 441

contre les empereurs d'Allemagne pour sau- vegarder sa liberté dont son Epoux est si jaloux; le noble détachement qu'elle a mon- tré, aimant mieux voir l'Angleterre rompre avec elle que de sanctionner par une dis- pense illicite l'adultère d'un roi; la géné- rosité qu'elle a fait paraître dans la personne de Pie IX, en bravant les dédains de la poli- tique mondaine et les lâches étonnements des faux catholiques, plutôt que de laisser un enfant juif à qui le baptême avait été conféré en danger de mort, exposé à renier l'ineffaçable caractère de chrétien, et à blas- phémer le Christ dont il était devenu l'heu- reux membre ?

L'Eglise agit et agira ainsi jusqu'à la fin, parce qu'elle est sainte dans sa fidélité; et l'Esprit nourrit toujours en elle un amour qui ne calcule jamais en présence du devoir. Elle peut ouvrir le code de ses lois en pré- sence de ses ennemis comme de ses enfants fidèles, et leur demander s'ils pourraient en signaler une seule qui n'ait pas pour objet de procurer la gloire de son Epoux et le bien des hommes par la pratique de la vertu. Aussi, voyons-nous sortir de son sein des millions d'êtres vertueux qui s'en vont à Dieu après cette vie. Ce sont les saints que l'Eglise sainte produit par l'influence de l'Esprit-Saint. Dans toutes ces myriades d'élus, il n'en est pas un que l'Eglise ne re- vendique comme le fruit de son sein mater- nel. Ceux-là même ou'une permission divine a laissé naître dans des sociétés séparées, s'ils ont vécu dans la disposition d'embrasser la vraie Eglise quand elle leur serait manifestée.

442 Le Temps Pascal.

et s'ils ont praticqué toutes les vertus dans une entière fidélité à la grâce qui est le fruit de l'universelle rédemption : cette Eglise sainte les réclame pour ses fils.

Chez elle fleurissent tous les dévouements, tous les hcroismes. Des vertus inconnues au monde avant qu'elle fût fondée, sont journa- lières dans son sein. En elle il est des sain- tetés éclatantesqu'ellc couronne deshonneurs de la canonisation : il est des vertus humbles et cachées qui ne rayonneront qu'au jour de l'éternité. Les préceptes de Jésus sont observés par ses disciples, et il règne en eux comme un maître chéri. Mais ce maître a donné aussi des conseils qui ne sont pas à la portée de tous, et c'est la source d'un nouvel épanouissement de la sainteté intarissable de l'Epouse. Non seulement il est des âmes généreuses qui s'attachent avec amour à ces divins conseils ; mais le sein de l'Eglise fé- condé par le divin Esprit ne cesse de produire et d'alimenter d'immenses familles religieu- ses, dont l'élément est la perfection, dont la loi suprême est la pratique des conseils unie par le vœu à celle des préceptes.

Nous ne nous étonnerons plus après cela que l'Epouse resplendisse de ce don des mi- racles qui atteste visiblement la sainteté. Jésus lui a promis que son front serait tou- jours entouré de cette surnaturelle auréole ^ ; or, l'Apôtre nous enseigne que les prodiges opérés dans l'Eglise sont l'œuvre directe du Saint-Esprit -.

Que si quelqu'un fait la remarque que tous

I. JOHAN, XIV, 12. 2. 1 Cor. xn, I I.

Le Jeudi de la Pentecôte. 448

les membres de l'Eglise ne sont pas saints, nous lui répondrons qu'il suffit que cette Epouse du Christ offre à tous le moyen de le devenir; mais que la liberté étant donnée pour être l'instrument du mérite, il serait contradictoire que ceux qui possèdent la liberté fussent en même temps nécessites au bien. Nous ajouterons qu'un nombre im- mense de ceux qui sont dans le péché, res- tant membres de l'Eglise par la foi et la sou- mission respectueuse aux pasteurs légitimes et principalement au Pontife romain, rentre- ront tôt ou tard en grâce avec Dieu et ter- mineront leur vie dans la sainteté. La misé- ricorde de l'Esprit-Saint opère cette mer- veille par le moyen de l'Eglise qui, à l'exem- ple de son Epoux, « n'éteint pas la mèche qui « fume encore, et n'achève pas de rompre le « roseau déjà éclaté 1. »

Celle qui a reçu, pour le communiquer à ses membres, le divin septénaire des Sacre- ments dont nous avons exposé la richesse dans le cours d'une des semaines précédentes, comment ne serait-elle pas sainte ? Est-il rien de plus saint que cet auguste ensemble de rites qui donnent les uns la vie aux pé- cheurs, les autres l'accroissement de la grâce aux justes? Ces Sacrements établis par Jésus lui-même et qui sont l'héritage de la sainte Eglise, ont tous leur relation avec l'Esprit- Saint. Dans le Baptême, la Confirmation et l'Ordre, c'est lui-même qui agit directement; dans le Sacrifice eucharistique, c'est par son action que l'Homme-Dieu vit et est immolé

I. ISAI. XLII, 3.

444

Le Temps Pascal.

sur notre autel ; il fait renaître la grâce bap- tismale dans la Pénitence ; il est l'Esprit de Force qui conforte le mourant dans l'Onc- tion suprême, le lien sacré qui unit indisso- lublement les époux dans le Mariage. En montant aux cieux, notre Emmanuï nous laissait comme gage de son amour ce septé- naire sacrament'eT; mais le- trésor demeura scellé jusqu'à ce que l'Esprit divin fût des- cendu. Il devait lui-même mettre l'Epouse en possession d'un dépôt si précieux, l'ayant préparée, en la sanctifiant, à le recevoir dans ses royales mains et à l'administrer fidèlement à ses heureux membres,

L'Eglise enfin est sainte au moyen de la prière qui en elle est incessante. Celui qui est a. l'Esprit de grâce et de prières i » pro- duit continuellement dans les fidèles de l'Eglise, les actes divers qui forment le su- blime concert de la prière : adoration, action de grâces, demande, élans du repentir, effu- sions de Tamour. Il y joint chez plusieurs les dons de la contemplation, par lesquels la créature est tantôt ravie jusqu'en Dieu, tan- tôt voit descendre Dieu jusqu'à elle avec des faveurs qui tiennent de la vie à venir plus que de celle-ci. Qui pourrait compter les respirations de la sainte Eglise, je veux dire ses épanchements vers l'Epoux, dans les millions de prières qui montent à chaque minute de la terre au ciel, et semblent les unir l'un à l'autre dans le plus étroit embrasse- ment ? Comment ne serait-elle pas sainte, celle qui a ainsi, selon la forte expression de

I. ZaCH. XII, 10.

Le Jeudi de la Pentecôte. 445

l'Apôtre , c( sa conversation dans le ciel 1 ? » Mais si la prière des membres est si mer- veilleuse dans sa multiplication et son ar- deur, combien plus encore est imposante et plus belle la prière générale de rÈglise elle- même dans la sainte Liturgie, l'Esprit- Saint agit avec plénitude, inspirant l'Epouse, et lui suggérant ces touchants et nobles ac- cents que nous avons cherché à traduire dans la succession de cet ouvrage! Que ceux qui nous ont suivi jusqu'ici disent si la prière liturgique n'est pas la première de toutes, si elle n'est pas désormais la lumière et la vie de leur prière personnelle. Qu'ils applaudis- sent donc à la sainteté de l'Epouse qui leur donne de sa plénitude, et qu'ils glorifient « l'Esprit de grâce et de prière » de ce qu'il daigne faire pour elle et pour eux.

Ô Eglise, vous êtes « sanctifiée dans la vérité » ; et par vous nous sommes initiés à toute la doctrine de Jésus votre Epoux; par vous nous sommes établis dans la voie de cette sainteté qui est votre élément. Que pouvons-nous désirer, ayant ainsi le ^'rai et le Bien ? Hors de vous c'est en vain que nous les chercherions, et notre bonheur consiste en ce que nous n'avons rien à chercher ; car votre cœur de mère ne désire que de répan- dre sur nous tout ce qu'il a reçu de dons et de lumières. Soyez bénie en cette solennité de la Pentecôte vous avez tant reçu pour nous! Nous sommes éblouis de l'éclat des prérogatives que la munificence de votre Epoux vous a préparées, et dont l'Esprit-

I. Philip. Hl, 20.

446

Le Temps Pascal.

Saint vous comble de sa part ; et mainte- nant que nous vous connaissons mieux en- core, nous promettons de vous être plus fidèles que jamais.

La Station du Jeudi de la Pentecôte est dans la basilique de Saint-Laurent-hors-lcs- Murs. Ce vénérable sanctuaire repose la dépouille du vaillant Archidiacre de l'E- glise romaine, est un des plus nobles tro- phées de la victoire de TEsprit divin sur le Prince du monde, et rassemblée annuelle des fidèles dans un tel lieu depuis tant de siècles atteste combien fut complète la victoire qui donna au Christ Rome et sa puissance.

L'Eglise arménienne se retrouve aujour- d'hui pour nous fournir la matière des louanges que nous offrirons à l'Esprit-Saint, dans ces belles strophes qui respirent un si odorant parfum d'antiquité.

CANON QUINT.E DIEI.

HODIE exsultant chori Apostolorum adven- tu Spiritus Dei, c\nos consolatus est loco \' er- bi incarnati, degens apud illos : gloriam offeramus illi agiologa voce.

Hodie exiit aqua viva in Jérusalem, unde re- pleta sunt fluraina Dei, et currentes inebriarunt terrarum orbem quadri- fluvio fonte Eden : glo-

» UJOURd'hui le chœur des /\ Apôtres tressaille de bonheur à l'arrivée de l'Es- prit de Dieu qui vient les consoler en place du Verbe incarné, et habiter avec eux; rendons-lui gloire, et que nos voix célèbrent sa sainteté.

Aujourd'hui une eau vive a jailli dans Jérusalem ; les fleuves de Dieu en ont été remplis, et dans leur cours ils ont enivré la terre, comme les quatre sources qui arro-

Le Jeudi de la Pentecôte.

447

Eden ; rendons-lui 2t que nos voix célè-

riam offeramus illi agio- loga voce.

Hodie rore intelligi- bili de nubibus Spiritus lœtata sunt germina Ec- clesiœ, pinguefacti sunt agri justitia. speciosa ef- fecta est déserta purn virginitate : gloriam offe- ramus illi agiologa voce.

saient gloire, brent sa sainteté.

Aujourd'hui la rosée spiri- tuelle est descendue des nuées, les jeunes plants de l'Eglise en ont été réjouis, ses sillons ont été fertilisés par la jus- tice, ses déserts sont deve- nus gracieux par l'éclat de la virginité ; rendons-lui gloire, et que nos voix célèbrent sa sainteté.

Nous ajoutons cette belle Séquence que l'Allemagne a produite, et dans laquelle son illustre prophétesse, la grande et sainte ab- besse Hildegarde, exprime son amour pour l'Esprit divin dont elle fut constamment l'organe inspiré.

SEQUENCE

Vous êtes un feu, ô Esprit Paraclet, la source de vie pour toute créature !

Saint étes-vous, lorsque vous vivifiez les êtres.

Saint étes-vous, lorsque par votre onction vous êtes un baume pour nos mortelles blessures.

Saint étes-vous , lorsque vous nettoyez nos plaies hu- miliantes.

O souffle de sainteté! O flamme de charité ! O saveur

Spiritus Pa-

V_J rachte,

Vita vitae omnis créatu- re.

Sanctus es, vivificando Formas.

Sanctus es, ungendo Periculose fractos.

Sanctus es, tergendo fœtida vulnera.

O spiraculum sancti- tatis.

448

Le Jeudi de la Pentecôte.

O ignis caritatis, O dulcis oujtus In pectoribus, Et infusio cordium In bono odore virtutum !

O fons purissimus, In qiio consideratur Quod Deus aliènes

Colligit, Et perditos requirit !

O lorica vitœ, Et spes compaginis ISIcmbrorura omnium; O cingulum honestalis, Salva beatos !

Custodi eos Qui carcerati sunt

Ab inimico, Et solve ligatos, Quos divina vis Salvare vult.

O iter fortissimum. Quod penetravit omnia. In altissimis, Et in terrenis, Et in omnibus abys-

sis, Quum omnes com-

ponis Et colligis.

De te nubes fluunt,

iEther volât, Lapides humorem ha-

bent, Aqua- rivulos educunt Et terra viriditatem su-

dat.

si douce à nos cœurs! O par- fum pénétrant qui leur faites répandre la bonne odeu*- des vertus 1

O source pure et vive, qui manifestez la bonté de Dieu recueillantceuxqui lui étaient étrangers , et recherchant ceux qui étaient perdus 1

O défense de notre vie, es- pérance de notre conserva- tion, ceinture protectrice de la vertu, sauvez ceux dont vous êtes le bonheur !

Préservez des coups de l'ennemi ceux qui sont encore dans ses liens; brisez leurs chaînes, ô force divine, vous qui voulez les sauver 1

O sentier puissant, tracé de la terre au Ciel, traversant tous les abîmes, afin de re- cueillir et de rassembler tous les élus.

Par vous les nuages par- courent le ciel, l'atmosphère vivifiante s'étend autour de nous, les rochers recèlent des sources d'eau qui arrosent la terre en ruisseaux; par vous la terre se couvre de sa verdure.

Le Don de Conseil.

449

C'est vous aussi qui ins- truisez les âmes et qui les réjouissez, en leur inspirant la sagesse.

Louange donc soit à vous qui êtes l'harmonie de nos chants, le charme de nortre vie, notre espérance et notre gloire, celui qui nous confère le précieux don de la lumière.

Amen.

Tu etiam semper Educis doctos, Per inspirationem sa- pientiae Lœtificatos.

Unde laus tibi sit, Qui es sonus laudis Et gaudium vitœ, Spes et honor fortissi-

mus, Dans praemia lucis.

Amen.

LE DON DE CONSEIL.

T ^ don de Force dont nous avons reconnu *-- la nécessité dans l'œuvre de la sanctifica- tion du chrétien, ne suffirait pas pour assu- rer ce grand résultat, si le divin Esprit n'avait pris soin de l'unir à un autre don qui vient à la suite et prévient tout danger. Ce nou- veau bienfait consiste dans le don de Conseil. La Force ne saurait être laissée à elle seule : il lui faut un élément qui la dirige. Le don de Science ne pourrait être cet élément, parce que s'il éclaire l'âme sur sa fin, et sur les règles générales de la conduite qu'elle doit tenir, il n'apporte pas une lumière suffi- sante sur les applications spéciales de la loi de Dieu et sur le gouvernement de la vie. Dans les diverses situations nous pouvons être placés, dans les résolutions que nous pouvons avoir à prendre, il est nécessaire que nous entendions la voix de l'Esprit-Saint,

LE TEMPS PASCAL. T. UI.

J.

^5o Le Jeudi de la Pentecôte.

et c'est par le don de Conseil que ce e voix divine arrive jusqu'à nous. C est elle qui nous dit, si nous voulons 1 écouter, ce que nous devons faire et ce que nous devons éviter ce que nous devons dire et ce que nous devoni taire, ce que nous pouvons con- server et ce à quoi nous devons renoncer. Par le don de Conseil, l'Esprit-Saint a§it sur notre intelligence, de mcme qu il agit sur notre volonté par le don de Force.

Ce donprécieuxs'applique ala vie entière , car il nous faut sans cesse nous déterminer pour un parti ou pour l'autre, et ce nous est un grand sujet de reconnaissance envers 1 es- prit divin, de penser qu'il ne nous laisse lamais à nous-mêmes, tant que nous som- mes disposés à suivre la direction qu il nous imprime. Que de pièges il peut nous faire éviter! que d'illusions il peut détruire en nous ! que de réalités il nous découvre ! Mais pour ne pas perdre ses inspirations, il nous faut nous garder de l'entraînement naturel qui nous détermine trop souvent peut-etre, de la témérité qui nous emporte au g^e de a passion, de la précipitation qui nous sollicite Se juger et d'agir, lors même que nous n a- vons ?u encore qu'un côte des choses, de 1 in- souciance enfin qui fait que nous nous déci- dons au hasard, dans la crainte de nous fa " guer par la recherche de ce qui serait lemeil-

'^L^e Saint-Esprit, par le don de. Conseil; arrache l'homme à tous ces inconvénients. 11 réforme la natures! souvent excessive, quand elle n'est pas apathique. Il tient l'ame atten- tive à ce qui est vrai, a ce qui est bon, a ce

Le Don de Conseil. 45 t

qui lui est vraiment avantageux. Il lui insi- nue cette vertu qui est le complément et comme l'assaisonnement de toutes les autres, nous voulons dire la discrétion dont il a le secret, et par laquelle les vertus se conser- vent, s'harmonisent et ne dégénèrent pas en défauts. Sous la direction du don de Conseil, le chrétien n'a rien à craindre ; TEsprit-Saint prend sur lui la responsabilité de tout. Qu'im- porte donc que le monde blâme ou critique, qu'il s'étonne ou se scandalise ! le monde se croit sage ; mais il n'a pas le don de Conseil. De vient que souvent les résolutions pri- ses sous son inspiration aboutissent à un but tout autre que celui qu'il s'était proposé. Et il en devait être ainsi; car c'est à lui que le Seigneur a dit: « Mes pensées ne sont pas « vos pensées, et mes voies ne sont pas vos c( voies '. »

Appelons donc de toute l'ardeur de nos désirs le don divin qui nous préservera du danger de nous gouverner nous-mêmes; mais comprenons que ce don n'habite que dans ceux qui l'estiment assez pour se renoncer en sai,présence. Si l'Esprit-Saint nous trouve détacnés des idées humaines, convaincus de notre fragilité, il daignera être notre Con- seil ; de même que si nous étions sages à nos propres yeux, il retirerait sa lumière et nous laisserait à nous-mêmes.

Nous ne voulons pas qu'il en arrive ainsi pour nous, ô divin Esprit ! Nous savons trop par notre expérience qu'il ne nous est pas avantageux de courir les hasards de la pru-

I. ISAI. LV, 8.

452 Le Temps Pascal.

dence humaine, et nous abdiquons sincère- ment devant vous les prétentions de notre esprit si prompt à s'éblouir et à se faire illu- sion. Conservez en nous et daignez y déve- lopper en toute liberté ce don ineffable que vous nous avez octroyé dans le Baptême : soyez pour toujours notre Conseil. « Faites- « nous connaître vos voies, et enseignez-nous « vos sentiers. Dirigez-nous dans la vérité et « instruisez-nous; car c'est de vous que nous « viendra le salut, et c'est pour cela que nous « nous attachons à votre conduite '. » Nous savons que nous serons jugés sur toutes nos œuvres et sur tous nos desseins ; mais nous savons aussi que nous n'avons rien à crain- dre tant que nous sommes fidèles à votre conduite. Nous serons donc attentifs ;< à écou- « ter ce que dit en nous le Seigneur notre « Dieu 2 », l'Esprit de Conseil, son: qu'il nous parle directement, soit qu'il nous renvoie à l'organe qu'il a voulu choisir pour nous. Soit donc béni Jésus qui nous a envoyé son Esprit pour être notre conducteur, et soit béni ce divin Esprit qui daigne nous assister tou- jours, et que nos résistances passées n'o|it pas

LE VENDREDI DE LA PENTECOTE.

VENEZ, Esprit-Saint, rem- plissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

VENl,^Sancte Spiritus, rep'le tuorum corda fidelium, et tui amoris in eis ignem accende.

'l'SQu'ici nous avons considéré l'ac- tion du Saint-Esprit dans l'Eglise; il nous faut maintenant la suivre sur un théâtre moins étendu, il nous faut l'étudier dans le cœur du chrétien. encore nous puiserons de nouveaux sen- timents d'admiration et de reconnaissance pour ce divin Esprit qui daigne se prêter à tous nos besoins, et nous conduire à la fin bienheureuse pour laquelle nous avons été créés.

De même que l'Esprit-Saint envoyé « pour demeurer avec nous » s'emploie à maintenir et à diriger la sainte Eglise, afin qu'elle soit toujours" l'Epouse fidèle de Jésus son Epoux immortel; ainsi s'attache-t-il à nous pour nous rendre les dignes menrbres de ce chef saint et glorieux. Sa mission est de nous unir à Jésus si étroitement que nous lui soyons incorporés. C'est à lui de nous créer dans l'ordre surnaturel, de nous donner et de nous conserver la vie de la grâce, en nous appli- quant les mérites que Jésus notre médiateur et notre Sauveur nous a conquis.

Elle est sublime cette mission du Saint- Esprit qui lui a été conférée par le Père et

454 ^<? Temps Pascal.

par le Fils, et qu'il exerce sur le genre humain. Au sein de la divinité l'Esprit-ISaint est produit et ne produit pas. Le Père engen- dre le Fils, le Père et le Fils produisen't le Saint-Esprit; cette diffcrcncc est fondée dans la nature divine elle-même, qui n'est et ne peut être qu'en trois personnes. De vient, comme l'enseignent les Pères, que le Saint- Esprit a reçu pour le dehors la fécondité qu'il n'exerce pas dans l'essence divine. Si donc il s'agit de produire l'humanité du Fils de Dieu au sein de Marie, c'est lui qui opère; et s'il s'agit de créer le chrétien du sein de la corruption originelle, et de l'appeler à la vie de la grâce, c'est lui encore qui exercera son action : en sorte que, selon l'énergique expression de saint Augustin, « la même « grâce qui a produit le" Christ à son com- « mencement, produit le chrétien lorsqu'il « commence à croire ; le même Esprit duquel « le Christ a été conçu est le principe de la «i nouvelle naissance du fidèle '. »

Nous nous sommes étendu longuement sur l'action du Saint-Esprit dans la "formation et le gouvernement de l'Eglise, parce que l'œu- vre principale de ce divin Esprit est de for- mer sur la terre l'Epouse du Fils de Dieu, et que c'est par elle que nous viennent tous les biens. Elle est dépositaire d'une partie des grâces de cet auguste Paraclet, qui a dai- gné se mettre à sa disposition pour nous sau- ver et nous sanctifier. C'est pour nous égale- ment qu'il l'a rendue catholique, visible à tous les regards, afin qu'il nous fût plus facile

I. Da praedestinatione Sanctorum. Cap. xv.

^

Le Vendredi de la Pentecôte. 455

de la trouver; c'est pour nous qu'il maintient dans son sein la vérité et la sainteté, afin que nous soyons abreuvés à ces deux sour- ces ineffables. Aujourd'hui nous voici atten- tifs à ce qu'il opère dans les âmes, et tout d'abord nous nous trouvons en face de son pouvoir créateur. N'est-ce pas en effet une véritable création, d'amener une âme plongée dans la déchéance originelle, ou, ce qui est plus merveilleux encore, une âme défigurée par le péché volontaire et personnel, de l'a- mener à devenir en un moment la fille adop- tive du Père céleste, le membre chéri du Fils de Dieu ? Le Père et le Fils se complaisent à voir accomplir cette œuvre par l'Esprit qui est leur amour mutuel. Ils l'ont envoyé afin qu'il agisse, afin qu'il se conduise en maître dans sa mission, et partout il règne, ils régnent aussi.

Eternellement l'âme élue a été présente à la divine Trinité; mais, le moment arrivé, l'Esprit descend. Il s'empare de cette âme comme de l'objet désigné à son amour. Le vol de la colombe miséricordieuse est plus rapide que celui de l'aigle qui fond sur sa proie. Que la volonté humaine n'entrave pas son action, et il arrivera de cette âme ce qui est arrivé pour l'Eglise elle-même, c'est-à- dire que « ce qui n'était même pas triom- « phera de ce qui était *. » On voit alors des miracles d'un ordre étonnant, « la grâce « surabondant même le péché avait « abondé -. »

Nous avons vu l'Emmanuel conférer aux

Cor. I, 28. 2. Rom. v, 20.

456 Le Temps Pascal.

eaux la vertu de purifier les âmes; mais nous nous souvenons que lorsqu'il descendit dans les flots du Jourdain, la colombe divine vint se poser sur sa tôte, et prit possession de l'élément régénérateur. La fontaine baptis- male est demeurée son domaine. « C'est là, « nous dit le grand saint Léon, qu'il préside « à la nouvelle naissance de l'homme, ren- « dant féconde la fontaine sacrée, comme « autrefois il rendit fécond le sein de la « Vierge, à cette différence que le péché fut « absent dans la conception sacrée du Fils « de Dieu, tandis que la mystérieuse ablu- (( tion le détruit en nous '. »

Avec quelle tendresse l'Esprit divin con- temple cette nouvelle créature sortant des eaux ! avec quelle impétuosité d'amour il fait irruption en elle ! Il est le Don du Dieu très- haut, envoyé sur nous pour résider en nous. Il prend donc son habitation dans cette âme toute neuve, qu'elle soit celle de l'enfant d'un ;our, ou celle de l'adulte dé)à chargé d'an- nées. Il se complaît dans ce séjour qu'il a éternellement ambitionné; il l'inonde de ses feux et de sa lumière ; et comme il est par nature inséparable des deux autres personnes divines, sa présence est cause que le Père et le Fils viennent établir aussi leur demeure en cette âme fortunée -.

Mais l'Esprit-Saint a ici son action propre, sa mission sanctificatrice, et pour bien com- prendre la nature de sa présence dans le chrétien, il faut savoir qu elle ne se borne

I. Serm. xxvi. In Nativitate Domini, iv. 2. JoHAN. XIV, 23.

Le Vendredi de la Pentecôte. 4^7

pas à l'âme. Le corps fait aussi partie de rhomme, et il a eu sa part dans la régénéra- tion ; c'est pourquoi l'Apôtre, en même temps qu'il nous révèle l'heureuse « habitation » du divin Esprit en nous 1, nous apprend encore que nos membres matériels sont eux-mêmes ses temples 2. n veut les faire servir à la jus- tice et à la sainteté 3 ; il dépose en eux un germe d'im.mortalité qui les conservera dans la dissolution même du tombeau, en sorte qu'au jour de la résurrection ils reparaîtront, mais spiritualisés *, gardant ainsi le signe de l'Esprit qui les aura possédés en cette vie mortelle.

Le chrétien étant donc ainsi l'habitation de l'Esprit- Saint, nous ne devons pas nous éton- ner que ce divin Esprit songe à orner digne- ment la demeure qu'il s'est choisie. Quelle plus noble parure que celle des vertus théo- logales : la Foi qui nous met en possession certaine et substantielle des vérités divines que notre intelligence ne peut voir encore; 1 Espérance qui rend déjà présent le secours divin qui nous est nécessaire et la félicité éternelle que nous attendons; la Charité qui nous unit à Dieu par le plus fort et le plus doux des liens ! Or, ces trois vertus, ces trois moyens pour l'homme régénéré d'être en rapport avec sa tin, c'est à la présence du Saint-Esprit que le chrétien les doit. Il a daigné signaler son arrivée par ce triple bienfait qui dépasse tous nos mérites passés, présents et futurs.

I. Rom. VIII, II. 2. I Cor. VI, IQ. 3. Rom. vi, 19. 4. I Cor. XV, 44.

458 Le Temps Pascal.

Au-dessous des trois vertus théologales, il établit ces quatre autres qui sont comme les assises de la vie morale de l'homme: la jus- tice, la force, la prudence et la tempérance-, qualités naturelles, qu'il transforme en les adaptant à la fin surnaturelle du chrétien. Enhn comme un dernier lustre cju'il ajoute à sa demeure, il }^ dépose le septénaire sacré de ses dons, destinés à répandre le mouvement et la vie dans le septénaire des vertus.

Mais les vertus et les dons c|ui tous ten- dent vers Dieu, réclament l'élément supé- rieur qui est le moyen essentiel de l'union avec lui : élément indispensable et que rien ne peut suppléer, âme de l'âme, principe vi- vifiant, sans lequel elle ne saurait ni voir ni posséder Dieu; c'est la Grâce sanctifiante. Avec quelle satisfaction l'Esprit divin l'intro- duit dans l'àme à laquelle elle s'incorpore, et qu'elle rend l'objet des complaisances di- vines! Une étroite alliance existe entre cette ^râce et la présence de l'Esprit-Saint; car si î'àme venait à donner entrée au péché mor- tel, l'Esprit cesserait d'habiter cette âme in- fortunée, au moment même s'éteindrait en elle la grâce sanctifiante.

Mais il veille soigneusement sur son héri- tage, et il n'y demeure pas oisif. Les vertus qu'il a infuses dans cette âme si chère ne doivent pas demeurer inertes ; il faut qu'elles produisent les actes vertueux, et que le mé- rite qu'elles obtiendront vienne accroître la puissance de l'élément fondamental, forti- fier et développer cette grâce sanctifiante qui enchaîne si étroitement le chrétien à Dieu. L'Esprit-Saint ne cesse donc de mouvoir

Le Vendredi de la Pentecôte. 45g

l'âme vers l'action soit à l'intérieur, soit à l'extérieur, par ces touches divines que la théologie appelle grâces actuelles. Il obtient ainsi que sa créature s'élève de plus en plus dans le bien, qu'elle s'enrichisse et se conso- lide toujours davantage, entin qu'elle serve à la gloire de son auteur qui la veut féconde et agissante.

"Dans cette intention, l'Esprit qui s'est donné à elle, qui l'habite avec une si vive tendresse, la pousse à la prière par laquelle elle pourra tout obtenir, lumière, force et succès. « Mais, dit l'Apôtre, savons-nous « comment il faut prier ? » A cette question il répond lui-même d'après son expérience: M Ce sera l'Esprit qui demandera pour nous « dans des gémissements inénarrables i. » Ainsi le divin Esprit s'associe à tous nos be- soins; il est Dieu, et il gémit comme la co- lombe, afin de mettre ses accents à l'unisson des nôtres. « Il crie vers Dieu dans nos « cœurs, » dit le même Apôtre 2; nous certi- fiant ainsi par sa présence et ses opéra- tions en nous que nous sommes les enfants de Dieu 3. Se peut-il rien de plus intime, et devons-nous nous étonner que Jésus nous ait dit qu'il n'y avait qu'à demander pour rece- voir ^, lorsque c'est son Esprit même qui demande en nous ?

Auteur de la prière, il coopère puissam- ment à l'action. Son intimité avec l'âme fait qu'il ne laisse à celle-ci que la liberté néces- saire au mérite ; pour le reste, il la meut, il la

I. Rom. vni, 26. 2. Gai. iv, 6. ?. Rom. vni, 16. 4. Luc. XI, 9

4^0 Le Temps Pascal.

soutient, il la dirige, en sorte qu'à son tour elle n'a plus qu'à coopérer à ce qu'il fait en elle et par elle. A cette action commune de l'Esprit et du chrétien, le Père céleste recon- naît ceux qui lui appartiennent, et c'est pour cela que l'Apôtre nous dit encore que « ceux- « sont les entants de Dieu qui sont conduits « par l'Esprit de Dieu '. » Heureuse société qui mène le chrétien à la vie éternelle, qui fait triompher Jésus en lui, Jésus dont l'Es- prit-Saint imprime les traits dans sa créa- ture, ahn qu'elle soit un membre digne d'être uni à son Chef !

Mais, hélas! cette société fortunée peut se dissoudre. Notre liberté, qui ne se transforme qu'au ciel, peut amener et amène trop sou- vent la rupture entre l'Esprit sanctificateur et l'homme sanctifié. Le désir malheureux de l'indépendance, les passions que l'homme aurait le moyen de régler s'il était docile à l'Esprit, ouvrent le cœur imprudent à la con- voitise de ce qui est au-dessous de lui. Satan, jaloux du règne de l'Esprit, ose faire briller aux yeux de^ l'homme la trompeuse image d'un^bonheur ou d'un contentement hors de Dieu. Le monde, qui est aussi un esprit maudit, ose rivaliser avec l'Esprit du Père et du Fils. Subtil, audacieux, actif, il excelle à séduire, et nul ne pourrait compter les nau- frages qu'il a causés. Il est cependant dé- noncé aux chrétiens par Jésus lui-même qui nous a déclaré qu'il ne prierait pas pour lui 2, et par l'Apôtre qui nous avertit « que ce n'est

Le Vendredi de la Pentecôte. 46 1

« pas l'esprit du monde que nous avons reçu, « mais bien l'Esprit qui est de Dieu ^. »

Néanmoins un cruel divorce s'opère fré- quemment entre l'homme et son hôte divin. Il est précédé pour l'ordinaire par un refroi- dissement qui se manifeste du côté de la créature envers son bienfaiteur. Un manque d'égards, une légère désobéissance, sont les préludes de la rupture. C'est alors qu'a lieu chez le divin Esprit ce froissement qui mon- tre si clairement l'amour qu'il porte à l'âme, et que l'Apôtre nous rend d'une manière expressive, lorsqu'il nous recommande de ne pas contrister l'Èsprit-Saint qui nous marqua de son sceau au jour la rédemption ve- nait à nous 2. Parole remplie d'un sentiment profond, et qui nous révèle la responsabilité qu'entraîne après lui le péché véniel. L'ha- bitation de l'Esprit-Saint dans l'âme devient pour lui une cause d'amertume, une sépara- tion esta craindre; et si, comme l'enseigne saint Augustin, « il n'abandonne pas qu'il ne « soit abandonné, » si la grâce sanctifiante de- meure encore, les grâces actuelles deviennent plus rares et moins pressantes.

Mais le comble du malheur est dans la rupture du pacte sacré qui unissait l'âme et l'Esprit divin dans une si étroite alliance. Le péché mortel est l'acte d'une souveraine audace et d'une cruelle ingratitude. Cet Es- prit si rempli de douceur se voit expulsé de l'asile qu'il s'était choisi, et qu'il avait em- belli en tant de manières. C'est le comble de l'outrage, et l'on n'a pas droit de s'étonner

I. I Cor. II, 12. 2. Eph. IV, 3o.

462

Le Temps Pascal.

de l'indignation de l'Apôtre quand il s'écrie : « Quel supplice ne mérite-t-il pas celui qui « a foulé aux pieds le Fils de Dieu, méprisé « le sang de l'alliance, et fait une telle injure « à l'Esprit de grâce ' ? »

Cependant cette situation désolante du chrétien infidèle au Saint-Esprit peut en- core exciter la compassion de celui qui, étant Dieu, a été envoyé vers nous pour être notre hôte plein de mansuétude. Il est si triste l'état de celui qui, en chassant l'Esprit divin, a perdu l'âme de son âme, qui a vu s'éteindre au même moment le flambeau de la grâce sanctifiante, et s'anéantir tous les mérites dont elle s'était accrue. Chose admirable et digne d'une reconnaissance éternelle ! L'Es- prlt-Saint expulsé du cœur de l'homme as- pire à y rentrer. Telle est l'étendue de la mission qu'a reçue du Père et du Fils celui qui est amour, et qui par amour ne veut pas abandonner à sa perte le chétif et ingrat vermisseau qu'il avait voulu élever jusqu'à la participation de la nature divine -,

On le verra donc, avec une abnégation su- blime dont l'amour seul a le secret, faire le siège de cette âme, jusqu'à ce Qti'il ait pu s'en emparer de nouveau. Il l'effrayera par les terreurs de la justice divine, il lui fera sentir la honte et le malheur se préci- pite celui qui a perdu la vie de son âme. Il le détache ainsi du mal par ces premières atteintes que le saint Concile de Trente ap- pelle « les impulsions de l'Esprit-Saint qui « meut l'âme au dehors, sans l'habiter en-

I. Heb. X, 29. 2. II Petr. I, 4.

Le Vendredi de la Pentecôte. 463

« core au dedans i. » L'âme inquiète et mé- contente d'elle-même finit par aspirer à la réconciliation; elle rompt les liens de son es- clavage, et bientôt le sacrement de Pénitence va répandre en elle l'amour qui ranime la vie, en consommant la justification. Qui pourrait exprimer le charme et le triomphe de la rentrée du divin Esprit dans son do- maine chéri ! Le Père et le Fils reviennent vers cette demeure souillée naguère, et peut- être depuis longtemps. Tout revit dans l'âme renouvelée ; la grâce sanctifiante y renaît telle qu'elle était au moment l'âme sortit de la fontaine baptismale. Les mérites acquis en avaient développé la puissance, mais nous les avons vus tristement sombrer dans la tempête ; ils sont restitués en leur entier, et l'Esprit de vie se réjouit de ce que son pou- voir est égal à son amour.

Un changement si merveilleux n'a pas lieu une fois dans un siècle; chaque jour, chaque heure le voient s'accomplir. Telle est la mis- sion de l'Esprit divin. Il est descendu pour sanctifier l'homme, il faut qu'il le sanctifie. Le Fils de Dieu est venu; il s'est donné à nous. Nous ayant trouvés en proie à Satan, il nous a rachetés au prix de son sang ; il a tout disposé pour nous conduire â lui et à son Père; et s'il a remonter aux cieux pour nous y préparer notre place, bientôt il a fait descendre sur nous son propre Esprit, afin qu'il soit notre second Consolateur jusqu'à son retour. Voici donc à l'œuvre ce divin auxiliaire. Eblouis de la magnificence de ses

I. Sess. XIV, Cap. iv.

464 Le Temps Pascal.

opérations, célébrons avec effusion l'amour avec lequel il nous traite, la puissance et la sagesse qu'il développe dans l'accomplisse- sement de sa mission. Qu'il soit donc béni, qu'il soit glorifié, qu'il soit connu en ce monde qui lui doit tout, dans l'Eglise dont il est l'âme, et dans ces millions de cœurs qu'il désire habiter pour les sauver et les rendre heureux à jamais !

Ce jour est consacré au jeûne comme ce- lui du mercredi précédent. L'Ordination des prêtres et des ministres sacrés aura lieu de- main. Il importe de faire une plus vive ins- tance auprès de Dieu pour obtenir que l'ef- fusion de la grâce soit aussi abondante que sera durable et auguste le caractère que l'Es- prit-Saint imprimera sur les membres de la tribu sainte qui lui seront présentés.

A Rome, la Station est aujourd'hui dans la basilique des Douze- Apôtres, reposent les corps de saint Philippe et de saint Jacques- le-Mineur. Ce souvenir donné aux habitants du Cénacle ne saurait être plus à propos en ces jours l'Eglise entière les salue comme les premiers hôtes de l'Esprit- Saint.

T ES beaux chants de l'Eglise arniénienne ^ nous aideront encore aujourd'hui à glori- fier la venue du divin Paraclet. Nous inserons ici les strophes qui se rapportent à cette jour-

Le Vendredi de la Pentecôte. 465

CANON SEXT.E DIEI.

Tu es, ô Esprit-Saint, le calice rempli dans les cieux et qui rend immortel, dans lequel a bu au Cénacle le chœur des saints Apôtres : tu es béni, ô Esprit-Saint, tu es plein de vérité.

Tu t'es répandu sur nous avec abondance, ô flamme vivante; car les Apôtres, après s'être désaltérés en toi, ont désaltéré toute la terre : tu es béni, ô Esprit-Saint, tu es plein de vérité.

Aujourd'hui les Eglises de la gentilité se livrent au trans- port de la joie ; tu es le prin- cipe de cette allégresse, calice vivifiant : tu es béni, ô Es- prit-Saint, tu es plein de vérité.

Toi qui procèdes de la vérité du Père, source de lumière, tu as réjoui de tes rayons les xVpôtres et tu les as remplis de ta splendeur : par leurs prières aie pitié de nous.

Tu as dévoilé ton essence en te montrant sous la forme d'un feu merveilleux ; c'est la lumière divine dont tu as rempli les Apôtres en les rendant heureux : par leurs prières aie pitié de nous.

Toi qui, au commencement, as changé en lumière les té- nèbres qui enveloppaient le monde, tu as aujourd'hui

T.MMORTALEM efficicns 1 calix effuse de cœlis, Sancte Spiritus , quem biberunt in cœnaculo chori sanctorum Apos- tolorum : benedictus es, Sancte Spiritus, tu vere. Large diffusus es in nobis, ignis vivus ; nam potati Apostoli, potarunt etiam terrarum orbem : benedictus es, Sancte Spiritus, tu vere.

Hodie magnopere ex- sultant Ecclesiœ genti- lium, oblectati gaudio ex te, vivifice calix ; bene- dictus es, Sancte Spiri- tus, tu vere.

Qui a Paterna veritate procedens fons luminis, radios vibrante lumine oblectans replevisti Apostolos : precibus ho- rum miserere.

Qui essentiam tuam igneis mire ostendisti, eo ipso intelligibili divino lumine delectans, imple- visti Apostolos : preci- bus horum miserere.

Qui mundum ambian- tes tenebras initio in lu- cem permutasti , hodie mirabili atque divino

LE TEMPS PASCAL. T. HI.

466

Le Temps Pascal.

lumine tuo delectans im- plevisti Apostolos : pre- cibus horum miserere.

Qui ignem vibranti- bus, ac alas pandentibus insides, hodie in chorum humanorum ineffabili amore effusus es de cœ- lis : benedictus es , Sancte Spiritus Deus.

Qui ab igneis linguis trisagio agiologaris, ho- die in iabia humanorum igniflue etîusus es de cœlis : benedictus es, Sancte Spiritus Deus.

Qui ab igniformibus in fulgentissimis flam- mis semper videris, ho- die terris ignigustus ca- lix effusus es de cœlis : benedictus es , Sancte Spiritus Deus.

rempli les Apôtres de ta lumière admirable et divine, en les rendant heureux : par leurs prières aie pitié de nous.

loi qui es assis sur ceux qui lancent des rayons en- flammés et se balancent sur leurs ailes, lu as été aujour- d'hui répandu du haut des cieux par un ineffable amour sur la race humaine : tu es béni , ô Esprit-Saint , ô Dieu 1

Toi qui fais chanter le trisagion par des langues de feu, tu as été répandu des cieux aujourd'hui comme une flamme sur les lèvres des humains : tu es béni, ô Es- prit-Saint, ô Dieu !

Toi que les Esprits dont la nature est la flamme contem- plent éternellement au milieu de tes feux éblouissants, au- jourd'hui tu as été répandu des cieux sur la terre comme une coupe remplie d'une li- queur embrasée : tu es béni, ô Esprit-Saint, ô Dieu !

Nous empruntons au Missel mozarabe cette allocution que le pontife adresse au peuple fidèle dans la Messe du jour de la Pentecôte, pour l'exhorter à faire un religieux accueil au divin Esprit qui s'apprête à descendre dans les âmes.

Le Vendredi de la Pentecôte. 467

MISSA.

C'est aujourd'hui , Frères très chers , qu'il nous faut célébrer l'arrivée des dons de l'Esprit-Saint qui nous a été promis par le Fils de Dieu ; aujourd'hui que nous devons employer à l'ac- complissement de ce devoir tout ce que nous avons de foi, d'ardeur et d'allégresse. Unissons à nos louanges les sentiments de la piété, joi- gnons-y l'humilité et la pu- reté, et ouvrons l'intérieur de nos âmes au transport que fait naître un tel événement. Que les cœurs des croyants soient purifiés, que leurs esprits soient ouverts, que le plus intime de leurs âmes se prépare ; car une étroite poi- trine serait insuffisante pour célébrer la louange et l'avè- nement de celui qui est sans mesure. Il est en effet le con- substantiel du Père et du Fils, le troisième dans l'ordre des personnes, mais le même dans la gloire. Celui que le royaume du ciel ne peut contenir, qui n'est renfermé par aucune limite, descend aujourd'hui dans l'humble asile de notre cœur pour y prendre l'hospitalité. Qui d'entre nous. Frères très chers, pourrait se croire digne d'un tel hôte ? (^ui serait en état de lui fournir à son arri-

OUANTA possumus,'fra trescharissimi, fide, intentione, virtute, gau- dio, exsultatione, praeco nio, devotione, obsequio, puritate, promissa nobis per Filium Dei, Sancti Spiritus munera hodie transmissa praedicemus. Reseretur nostrorum

compago viscerum. Pur- gentur corda credentium, et pateant omnes sensus, atque recessus animorum. Quia nequaquam im- mensi laudem atque ad- ventum, pectora angusta narrare sufficiunt. Ille etenim consors Patris, et Filii, unius ejusdem- que substantiaî tertius in persona, sed unus in glo- ria. Quem cœlorum régna non capiunt, quia non eum circumscribunt ne- que claudunt. hodie ad angustum cordis nostri descendit hospitium. Et quis nostrum , fratres dilectissimi, tali se di- gnum hospite recognos- cit ? Quis condigna ad- venienti exhibeat ali- menta ? Quum et Ange- lorum et Archangelorum, et omnium Virtutum cœ- lestium ipse est vita. Et ideo quia nos impares tali habitatore cognosci-

468 Le Vendredi de la Pentecôte.

mus, ut in nobis locum habitaculi sibimet prae- p a r e t suppliceinus. Amen.

vée un festin digne de lui ? C'est par lui que vivent les Anges et les Archanges, et toutes les Vertus célestes. Re- connaissons-nous donc inca- pables de recevoir en nous un tel hôte, et supplions-le de préparer lui-même son habi- tation dans nos âmes. Amen.

LE DON D INTELLIGENCE.

r^ E sixième Don de l'Esprit-Saint fait entrer ^ l'âme dans une voie supérieure à celle elle sest exercée jusqu'ici. Les cinq pre- miers Dons tendenttous à l'action. La Crainte de Dieu remet l'homme à sa place en l'humi- liant, la Piété ouvre son cœur aux affections divines, la Science lui fait discerner la voie du salut de la voie de perdition, la Force l'arme pour le combat, le Conseil le dirige dans ses pensées et dans ses œuvres ; il peut donc agir maintenant, et poursuivre sa route avec l'espoir d'arriver au terme. Mais la bonté du divin Esprit lui réserve encore d'autres faveurs. Il a résolu de le faire jouir dès ce monde d'un avant-goût de la félicité qu'il lui réserve dans l'autre'vie. Ce sera le moyen d'affermir sa marche, d'a- nimer son courage et de récompenser ses efforts. La voie de la contemplation lui sera donc désormais ouverte, et le divin Esprit l'y introduira au moyen de l'Intelligence.

A ce mot de contemplation, plusieurs per- sonnes s'inquiéteront peut-être, persuadées à tort que l'élément qu'il signifie ne saurait se

Le Don d'Intelligence.

46 g

rencontrer que dans les conditions rares d'une vie passée dans la retraite et loin du commerce des hommes. C'est une grave et dangereuse erreur, et qui arrête trop sou- vent l'essor des âmes. La contemplation est l'état auquel est appelée, dans une certaine mesure, toute âme qui cherche Dieu. Elle ne consiste pas dans les phénomènes qu'il plaît à l'Esprit-Saint de manifester en certaines personnes privilégiées, et qu'il destine à prou- ver la réalité de la vie surnaturelle. Elle est simplement cette relation plus intime qui s'établit entre Dieu et l'âme qui lui est fidèle dans l'action ; â cette âme, si elle n'y met obstacle, sont réservées deux faveurs, dont la première est le don d'Intelligence qui consiste dans l'illumination de l'esprit éclairé désormais d'une lumière supérieure.

Cette lumière n'enlève pas la foi, mais elle éclaircit l'œil de l'âme en la fortifiant, et lui donne une vue plus étendue sur les choses divines. Beaucoup de nuages s'effacent, qui provenaient de la faiblesse et de la grossièreté de l'âme non initiée encore. La beauté pleine de charme des mystères que l'on ne sentait que vaguement se révèle, d'ineffables harmo- nies que l'on ne soupçonnait pas apparais- sent. Ce n'est pas la vue face à face réservée pour le jour éternel ; mais ce n'est déjà plus cette faible lueur qui dirigeait les pas. Un ensemble d'analogies, de convenances, qui se montrent successivement à l'oeil de l'esprit, apportent une certitude pleine de douceur. L'ame se dilate à ces clartés qui enrichissent la foi, accroissent l'espérance et développent l'amour. Tout lui semble nouveau; et quand

47 0 Le Vendredi de la Pentecôte.

elle regarde derrière elle, elle compare et voit clairement que la vérité, toujours la même, est maintenant saisie par elle d'une manière incomparablement plus complète.

Le récit des Evangiles l'impressionne davan- tage; elle trouve une saveur inconnue pour elle jusqu'alors dans les paroles du Sauveur. Elle comprend mieux le but qu'il s'estproposé dans l'institution de ses Sacrements. La sainte Liturgie l'émeut par ses formules si augustes et ses rites si profonds. La lecture de la Vie des Saints l'attire, rien ne Tétonne dans leurs sentiments et leurs actes ; elle goûte leurs écrits plus que tous les autres, et elle ressent un accroissement de bien-être spirituel en traitant avec ces amis de Dieu. Entourée de devoirs de toute nature, le flambeau divin la guide pour satisfaire à chacun. Les vertus si diverses qu'elle doit pratiquer se concilient dans sa conduite ; l'une n'est jamais sacrifiée à l'autre, parce qu'elle voit l'harmonie qui doit régner entre elles. Elle est loin du scru- pule commedurelàchement, et toujours atten- tive à réparer aussitôt les pertes qu'elle a pu faire. Quelquefois même le divin Esprit l'ins- truit par une parole intérieure que son âme entend, et qui éclaire sa situation d'un nou- veau jour.

Désormais le monde et ses vaines erreurs sont appréciés par elle pour ce qu'ils sont, et l'âme se purifie du reste d'attache et de complaisance qu'elle pouvait encore conser- ver pour eux. Ce qui n'a de grandeur et de beautés que selon la nature, paraît chétif et misérable à cet œil que l'Esprit-Saint a ouvert aux grandeurs et aux beautés divines et éter-

Le Don d'Intelligence. 47 1

nelles. Un seul côté rachète à ses yeux ce monde extérieur qui fait illusion à l'homme charnel : c'est que la créature visible, qui porte la trace de la beauté de Dieu, est sus- ceptible de servir à la gloire de son auteur. L'âme apprend à user d'elle avec action de grâces, la rendant surnaturelle,' glorifiant avec le Roi-Prophète celui qui a empreint les traits de sa beauté dans cette multitude d'êtres qui servent si souvent à la perte de rhomme, tandis qu'ils sont appelés à deve- nir les degrés qui le conduiraient à Dieu.

Le don d'Intelligence répand aussi dans l'âme la connaissance de sa propre voie. Il lui fait comprendre combien ont été sages et miséricordieux les desseins d'en haut qui l'ont parfois brisée et transportée elle ne comptait pas aller. Elle voit que si elle eût été maîtresse de disposer elle-même son existence, elle eût manqué son but, et que Dieu l'a fait arriver, en lui cachant d'abord les desseins de sa paternelle Sagesse. Main- tenant elle est heureuse, car elle jouit de la paix, et son cœur n'a pas assez d'actions de grâces pour remercier Dieu qui l'a conduite au terme sans la consulter. S'il arrive qu'elle soit appelée à donner des conseils, à exercer une direction par devoir ou par le motif de la charité, on peut se confier en elle ; le don d'In- telligence l'éclairé pour les autres comme pour elle-"même. Elle ne s'ingère pas cependant à poursuivre de ses leçons ceux qui ne les lui demandent pas; mais si elle est interrogée, elle répond, et ses réponses sont lumineuses comme le flambeau qui l'éclairé.

Tel est le don d'Intelligence, véritable illu-

472 Le Vendredi de la Pentecôte.

mination de l'àme chrétienne, et qui se fai' sentir à elle en proportion de sa fidélité à user des autres dons. Celui-ci se conserve par l'humilité, la modération des désirs et le recueillement intérieur. Une conduite dissi- pée en arrêterait le développement et pour- rait môme l'étouffer. Dans une vie occupée et remplie par des devoirs, au sein même de distractions obligées auxquelles l'àme se prête sans s'y livrer, cette âme fidèle peut se con- server recueillie. Qu'elle soit donc simple, qu'elle soit petite à ses propres yeux, et ce que Dieu cache aux superbes et révèle aux petits 1 lui sera manifesté et demeurera en elle.

Nul doute qu'un tel don ne soit d'un secours immense pour le salut et la sanctification de l'âme. Nous devons donc l'implorer du divin Esprit avec toute l'ardeur de nos désirs, en demeurant convaincus que nous l'atteindrons plus sûrement par l'élan de notre cœur que par l'effort de notre esprit. C'est dans l'intel- ligence, il est vrai, que se répand la lumière dtvine qui est l'objet de ce don ; mais son effusion provient surtout de la volonté échauf- fée du feu de la charité, selon la parole d'î- saïe : « Croyez , et vous aurez l'intclli- « gence 2. » Adressons-nous à l'Esprit-Saint, et nous servant des paroles de David, disons- lui : « Ouvrez nos yeux, et nous contemple- « rons les merveilles de vos préceptes; don- •c nez-nous l'intelligence, et nous aurons la

I. Luc. X. 21. 2. IsAi. VI. 9, cité ainsi par les Pères grecs et latins d'après les Septante.

^7?

« vie 1 » . Instruits par l'Apôtre, nous expo- serons notre demande d'une manière plus pressante encore, en nous appropriant la prière qu'il adresse au Père céleste en faveur des fidèles d'Ephèse, lorsqu'il implore pour eux « l'Esprit de Sagesse et de révélation par « lequel on connaît Dieu, les yeux illuminés « du cœur qui découvrent l'objet de notre « espérance et les richesses du glorieux héri- « taçe que Dieu s'est préparé dans ses « saints 2. »

I. Psalm. cxviii. 2 Eph. i, 17-18.

LE SAMEDI DE LA PENTECOTE.

T tENI, Sancte Spiritus, V reple tuorum corda fidelium. et tiii amoris in cis ignem accende.

VENEZ, Esprit-Saint ; rem- plissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le feu de votre amour.

lous avons admiré avec une tendre reconnaissance le dévouement inef- fable, la constance toute divine, avec lesquels l'Esprit-Saint accom- plit sa mission dans les âmes; il nous reste encore quelques traits à ajouter, pour com- pléter, bien imparfaitement sans doute, l'idée des merveilles de puissance et d'amour qu'o- père cet hôte divin dans l'homme qui ne ferme pas son cœur à ses influences. Mais avant d'aller plus loin nous éprouvons le besoin de rassurer ceux qui, au récit des prodiges de bonté que fait en notre faveur le divin Esprit, et du mystère sublime de sa présence continue au milieu de nous, en viendraient à craindre que celui qui est des- cendu pour nous consoler de l'absence de notre Rédempteur ne prenne place dans nos affections aux dépens de celui qui « étant de « la substance divine, et pouvant sans usur- « pation se donner pour l'égal de Dieu, s'est « anéanti lui-même, prenant la forme de « l'esclave et se rendant semblable aux hom- « mes 1. »

I. Philip. Il, 6-7.

Le Samedi de la Pentecôte 4j5

La faiblesse de rinstruciion chrétienne chez un grand nombre de hdèles en notre temps est cause que le dogme du Saint-Esprit n'est guère connu d'eux que d'une manière vague, et qu'ils ignorent pour ainsi dire son action spéciale dans l'Eglise et dans les âmes. Ces mêmes fidèles connaissent et honorent avec la plus louable dévotion les mystères de l'Incarnation et de la Rédemption du Fils de Dieu notre Seigneur; mais on dirait qu'ils attendent l'éternité pour savoir en quoi ils sont redevables au Saint-Esprit.

Nous leur dirons donc ici que la mission de ce divin Esprit est si loin de faire oublier ce que nous devons à notre Sauveur, que sa présence au milieu de nous et en nous est le don suprême de la tendresse de celui qui a daigné nous racheter sur la croix. Le souve- nir si touchant et si efficace que nous entre- tenons de ses mystères, par qui est-il produit et conservé dans nos cœurs, si ce n'est par l'Esprit-Saint ? Et le but de toutes ses sollici- tudes dans nos âmes, quel est-il, sinon de former en nous le Christ, l'homme nouveau, afin que nous puissions lui être incorporés éternellement en qualité de ses membres ? L'amour que nous portons à Jésus est donc inséparable de celui que nous devons à l'Es- prit-Saint, de même que le culte fervent de ce divin Esprit nous unit étroitement au Fils de Dieu dont il procède et qui nous l'a donné. Nous sommes remués et attendris à. la penséedes douleurs de Jésus, et il en doit être aijisi; mais il serait indigne de rester insensible aux résistances, aux mépris et aux trahisons auxquels l'Esprit-Saint demeure

47^ L^ Temps Pascal.

exposé dans les âmes et qu'il y recueille sans cesse- Nous sommes les enfants du Père céleste : mais puissions-nous comprendre dès ce monde que nous en sommes redeva- bles au dévouement des deux divines per- sonnes c^ui nous auront servi aux dépens de leur gloire !

Après cette digression qui nous a semblé utile, nous continuons à décrire respectueu- sement les opérations de l'Esprit-Saint dans l'âme de l'homme. Ainsi que nous venons de le dire, le but de ses efforts est de former en nous Jésus-Christ par l'imitation de ses sen- timents et de ses actes Qui mieux que ce divin Esprit connaît les dispositions de Jésus dont il a produit l'humanité bienheureuse au sein de Marie, de Jésus qu'il a rempli et habité dans une plénitude au-dessus de tout, qu'il a assisté et dirigé en tout par une grâce pro-

Eortionnée à la dignité de cette nature umaine personnellement unie à la divinité? Son vœu est d'en reproduire la fidèle copie, autant que la faiblesse et l'exiguïté de notre humble personnalité, lésée déjà par la chute originelle, le lui pourra permettre.

Néanmoins le divin Esprit obtient dans cette œuvre digne d'un Dieu de nobles et glorieux résultats. Nous l'avons vu disputant au péché et à Satan l'héritage racheté du Fils de Dieu; considérons-le opérant avec succès dans la « consommation des saints », selon la magnifique expression de l'Apôtre*. Il les prend dans l'état de déchéance géné- rale, il leur applique d'abord les moyens

I. Eph. IV, 12.

Le Samedi de la Pentecôte. 4yj

ordinaires de sanctification, mais résolu à les pousser jusqu'à la limite possible pour eux du bien et de la vertu, il développe son œuvre avec un courage divin, La nature est devant lui: nature tombée, et infectée d'un virus qui donnerait la mort; mais nature qui garde encore quelque ressemblance avec son créateur, dont elle a retenu divers traits dans sa ruine, L'Esprit a donc à détruire la nature souillée et malsaine, en même temps qu'à relever, en la purifiant, celle qui n'a pas été atteinte mortellement par le poison II faut, dans cette œuvre si délicate et si laborieuse, qu'il emploie le fer et le feu, comme un habile médecin, et, chose admirable ! qu'il emprunte le secours du malade lui-même pour appliquer le remède qui seul peut le guérir. De même qu'il ne sauve pas le pécheur sans lui, il ne sanctifie pas le saint, sans être aidé de sa coopération. Mais il anime et soutient son courage par les mille soins de sa grâce, et insensiblement la mauvaise nature perdant toujours du terrain dans cette âme, ce qui était demeuré intact va se trans- formant dans le Christ, et la grâce arrive à régner dans l'homme tout entier.

Les vertus ne sont plus inertes ou faible- ment développées dans ce chrétien : chaque jour leur voit prendre un nouvel essor. L'Es- prit ne souffre pas qu'une seule reste en arrière; sans cesse il montre à son disciple le type qui est Jésus, en qui les vertus sont dans leur plénitude comme dans leur perfec- tion. Parfois il fait sentir à l'âme son impuis- sance, afin qu'elle s'humilie; il la laisse ex- posée aux répugnances et aux tentations ;

4yS Le Temps Pascal.

mais c'est alors qu'il l'assiste avec plus de sollicitude. Il faut qu'elle agisse, comme il faut qu'elle souffre , mais l'Esprit l'aime avec tendresse, et ménage ses forces tout en l'exer- yant. C'est un grand œuvre d'amener un être borné et déchu à reproduire ce qu'il y a de plus saint. Dans ce labeur, plus d'une fois le courage défaille, et un faux pas est toujours possible; mais, péché ou imperfec- tion, rien ne résiste; l'amour que le divin Esprit entretient avec un soin particulier dans ce cœur a bientôt consumé ces scories, et la tiamme monte toujours.

La vie humaine s'est évanouie; c'est le Christ qui vit en cet homme nouveau, de même que cet homme vit dans le Christ ^ La prière est devenue son élément , car c'est en elle qu'il sent le lien qui l'unit à Jésus, et que ce lien se resserre de plus en plus L'Esprit ouvre à Vàx\:q des voies nouvelles pour lui faire trouver son souverain bien dans la prière II en a disposé les degrés comme une échelle divine qui monte de la terre et dont le sommet se perd dans les cieux. Qui pourrait raconter les faveurs de la divi- nité envers celui qui s'étant dégagé de l'estime et de l'amour de lui-même, n'aspire plus, dans l'unité et la simplicité de sa vie, qu'à voir et à goûter Dieu, qu'à se perdre en lui éternel- lement? La divine Trinité tout entière s'inté- resse au chef-d'œuvre de l'Esprit-Saint. Le Père céleste fait sentir à cette âme les étrein- tes de sa tendresse paternelle, le Fils de Dieu ne contient plus les élans de l'amour

i.Gal. II, 30.

Le Samedi de la Pentecôte 4^ g

qu'il a pour elle, et l'Esprit l'inonde toujours davantage de ses lumières et de ses conso- lations.

La cour céleste qui demeure attentive à tout ce qui intéresse l'homme, au point qu'elle tressaille de bonheur à la vue d'un seul pé- cheur qui fait pénitence i, a vu ce beau spectacle, elle le suit avec un indicible amour, et rend honneur à l'Esprit divin qui sait opérer de tels prodiges au sein d'une nature disgraciée. Quelquefois Marie, dans sa joie maternelle, rend sa présence sensible à ce fils nouveau qui lui est né; les Anges se montrent aux regards de ce frère déjà digne de leur société, et les saints de la race hu- maine entretiennent une aimable familiarité avec celui dont ils attendent d'ici à peu de temps l'arrivée au séjour de la gloire Quoi d'étonnant que ce nourrisson de l'Esprit di- vin n'ait souvent qu'à étendre la main pour suspendre les lois de la nature, et consoler ses frères d'ici-bas dans leurs soutirances ou leurs besoins? Ne les aime-t-il pas d'un amour puisé à la source infinie de l'amour, d'un amour que n'enchaînent plus l'égoïsme et les tristes retours sur soi-même auxquels est sujet celui en qui Dieu ne règne pas r

Mais ne perdons pas de vue le point cul- minant de cette vie merveilleuse, moins rare aue ne le pensent les hommes profanes ou istraits. C'est ici qu'apparaît la puissance des mérites de Jésus et son amour pour sa créature, en même temps que la divine éner- gie de l'Esprït-Saint Cette âme est appelée

I. Luc. XV, 7

4^0 Le Temps Pascal.

à des noces sublimes, et ces noces ne seront pas réservées pour l'éternité C'est dans le temps, sous l'horizon étroit de ce monde passager, qu'elles doivent s'accomplir, Jésus aspire à l'Epouse qu'il a rachetée de son sang, et l'Epouse n'est plus seulement son Eglise bicn-aimée. C'est aussi cette âme qui était encore dans le néant il y a peu d années, cette âme que les hommes ignorent, mais dont « il a convoité la beauté •. » Il est l'au- teur de cette beauté qui est en même temps l'œuvre de l'Esprit; il n'aura pas de repos qu'il ne se la soit unie. Alors s'accomplit par le divin Esprit en faveur d'une âme individuelle ce que nous l'avons vu opérer pour l'Eglise elle-même. Il la prépare, il l'établit dans l'unité, il la consolide dans la vérité, il la consomme dans la sainteté ; alors « l'Esprit « et l'Epouse disent Venez -. »

Il faudrait un livre entier pour décrire l'ac- tion du divin Esprit dans les Saints, et nous n'avons pu en tracer qu'une insuffisante et grossière ébauche. Toutefois cet essai si in- complet, outre qu'il était nécessaire pour achever de décrire, si en abrégé que ce soit, le caractère complet de la mission du Saint- Esprit sur la terre d'après l'enseignement des divines Ecritures et la doctrine die la théolo- gie dogmatique et mystic|ue, pourra servir à diriger le lecteur dans l'étude et dans l'intel- ligence de la vie des Saints. Dans le cours de cette Année liturgique, les noms et les œuvres des amis àe Dieu sont si souvent rappelés et célébrés par l'Eglise elle-même,

l Psalm. XLiv. 2. Apoc. xxii, 17.

Le Samedi de la Pentecôte. 481

il importait de proclamer la gloire de l'Esprit sanctificateur.

Mais nous ne saurions laisser s'achever cette journée, la dernière du Temps pascal en même temps qu'elle est la dernière de l'Oc- tave de la Pentecôte, sans offrir à la Reine de tous les Saints l'hommage qui lui est dû, et sans rendre gloire au divin Esprit pour toutes les grandes choses qu'il a opérées en elle Après'l'humanité de notre Rédempteur ornée par lui de tous les dons qui pouvaient la rapprocher, autant qu'il était possible à une créature, de la nature divine à laquelle la divine incarnation l'avait unie, l'âme, la personne entière de Marie ont été favorisées dans l'ordre de la grâce au-dessus de toutes les autres créatures ensemble. Il n'en pou- vait être autrement, et on le concevra pour peu que l'on essaye de sonder par la pensée l'abîme de grandeurs et de sainteté que repré- sente la Mère d'un Dieu. Marie forme à elle seule un monde à part dans l'ordre de la grâce ; à elle seule, un moment, elle a été l'Eglise de Jésus. Pour elle seule d'abord l'Es- prit a été envoyé, et il l'a remplie de la grâce dès l'instant même de sa conception imma- culée. Cette grâce s'est développée en elle par l'action continue de l'Esprit jusqu'à la rendre digne, autant qu'une créature pouvait l'être, de concevoir et d'enfanter le propre Fils de Dieu qui est devenu aussi le sien. En ces jours de la Pentecôte, nous avons vu le divin Esprit l'enrichir encore de nou- veaux dons, la préparer pour une mission nouvelle ; à la vue de tant de merveilles, notre cœur filial ne peut retenir l'élan de son ad-

LE TEMPS PASCAL.

4S2 Le Temys Pascal.

miration, ni celui de sa reconnaissance en- vers l'auguste Paraclet qui a daigné agir avec tant de muniticence à 1 "égard de la Mère des hommes.

Mais aussi nous ne pouvons nous empêcher de célébrer, dans un enthousiasme légitime, la complète fidélité de la bien-aimée de l'Es- prit à toutes les grâces qu'il a répandues en elle. Pas une n'a été perdue, pas une n'est retournée à lui sans etfct, comme il arrive quelquefois pour les âmes les plus saintes. À son début, elle a été « semblable à l'aurore u qui se lève 1, » et l'astre de sa sainteté n'a cessé de monter vers ce midi qui pour elle ne devait pas avoir de couchant. L'Archange n'était pas encore venu vers elle pour lui annoncer qu'elle allait concevoir dans son chaste sein le Fils du Tout-Puissant, et déjà, comme nous l'enseignent les Pères, elle avait conçu dans son âme ce Verbe éternel. Il la possédait comme son épouse, avant de l'ap- peler à l'honneur d'être sa mère. Si Jésus a Eu dire en parlant d'une âme qui avait eu esoin de la régénération : « Celui qui me « cherche me trouvera dans le cœur de Ger- « trude, » quelle a être l'identification des sentiments de Marie avec ceux du Fils de Dieu, et combien est étroite son union avec lui ! De cruelles épreuves l'attendaient en ce monde . elle a été plus forte que la tribulation; et lorsque le moment est arrivé elle devait se sacrifier dans un même holocauste avec son fils, elle s'est trou- vée prête. Après l'Ascension de Jésus, le

Le Samedi de la Pentecôte 488

Consolateur est descendu sur elle; il a ouvert devant elle une nouvelle carrière; pour la parcourir il fallait que Marie acceptât un long exil de la patrie régnait déjà le fruit de ses entrailles: elle n'a pas hésité, elle s'est montrée la servante du Seigneur, ne désirant autre chose qu'accomplir en tout sa volonté. Le triomphe de l'Esprit-Saint en Marie a donc été complet ; si magnifiques qu'aient été ses avances, elle a répondu à toutes. La qua- lité sublime de Mère de Dieu à laquelle elle était destinée appelait sur elle des grâces immenses; elle les a reçues et elles ont fruc- tifié en elle. Dans l'œuvre de la « consomma- tion des saints et de la construction du corps de Jésus-Christ i, « le divin Esprit a ménagé à Marie, en retour de sa fidélité et à cause de sa dignité incomparable, la noble place qui lui convenait. Nous savons que son divin Fils est la tête du corps immense des élus, qui se réunissent au-dessous de lui avec une harmonie parfaite. Dans cet ensemble pré- destiné, notre auguste Reine, selon la tnéo- logie mariale, représente le cou qui est étroi- tement lié à la tête, et par lequel la tète com- munique à tout le reste du corps le mouve- ment et la vie. Elle n'est pas agent principal, mais c'est par elle que cet agent'influe sur cha- cun des membres. Son union, comme il était juste, est immédiate avec la tête, parce que nulle créature, si ce n'est elle, n'a eu et ne pourrait avoir une telle relation avec le Verbe incarné ; mais tout ce qui descend sur nous de grâces et de faveurs, tout ce qui nous illumine

I. Eph. IV, 12.

484 Le Temps Pascal

et nous vivifie, nous vient par elle de son Fils. . De résulte l'action générale de Marie sur l'Eglise, et son action particulière sur chaque fidèle. Elle nous unit tous à son Filsqui nous unit tous à la divinité. Le Père nous a donné son Fils, le Fils s'est choisi une Mère parmi nous, et l'Esprit-Saint, en rendant féconde cette Mère virginale, a consommé la réunion de l'homme et de toute création avec Dieu. Cette réunion est le dernier terme que Dieu s'est proposé dans la création des êtres; et maintenant que le Fils est glorifié et que l'Esprit est venu, nous connaissons toute la pensée divine. Plus favorisés (que toutes les générations qui se sont succédé avant le jour de la Pentecôte, nous avons, non plus en pro- messe mais en réalité, un Frère que couronne le diadème de la divinité, un Consolateur qui demeure avec nous jusqu'à la fin des temps pour éclairer notre voie et nous y soutenir, une Mère dont l'intercession est toute-puis- sante, une Eglise, Mère aussi, par laquelle nous entrons'en partage de tous ces biens.

La Station, à Rome, est aujourd'hui dans la Basilique de Saint-Pierre. C'est dans cet au- guste sanctuaire que les néophytes de la Pen- tecôte paraissaient pour la dernière fois cou- verts de leurs robes blanches, et qu'ils étaient présentés au Pontife comme les derniers agneaux de la Pàque qui expire en ce jour, "Présentement la journée est encore célèbre par la solennité de l'Ordination. Le jeûne et la prière que la sainte Eglise a imposés du- rant trois jours à ses enfants, ont rendre le ciel favorable, et nous devons espérer que

Le Samedi de la Pentecôte

485

l'Esprit-Saint qui va imprimer sur les nou- veaux prêtres et sur les nouveaux ministres le sceau immortel du Sacrement, daignera agir dans toute la plénitude de sa bonté comme de son pouvoir ; car il ne s'agit pas seulement en ce jour de l'initiation de ceux qui vont recevoir un si sublime caractère, mais encore du salut de tant d'âmes qui seront confiées à leurs soins.

A LA louange du divin Esprit, nous emprun- ^ tons à la Liturgie arménienne ces der- nières strophes dont elle use en ce jour se conclut la solennité de la Pentecôte.

CANON SÉPTIM.E DIEI.

TOI qui, assis sur les ailes agiles des Séraphins qui dans leur vol spirituel lan- cent l'éclair de leurs feux, prends soin de toute créa- ture dans ta providence : Es- prit-Saint, tout ce que tu as créé te bénit.

Toi qui es éternellement célébré avec le Père et le Fils dans un concert sublime d'une harmonie merveilleuse, et qui daignes abaisser ton regard sur les créatures : Es- prit-Saint, tout ce que tu as créé te bénit.

Aujourd'hui, par la bonté divine, tu fais retentir le Cé- nacle du bruit de la tempête, tu enivres les Apôtres de tes feux, et tu te distribues aux

QUI in pennis agilibus immaterialium vo- lantium ac ignem vibran- tium Seraphim supcrse- dens, in providentia cu- ram geris creaturarum, Spiritus tu Sancte, be- nedictus es a creaturis tuis.

Qui praeclarissima ac miroplena voce cum Pâ- tre et Filio semper glori- ficaris, ac bénigne res- picis ad creaturas , Spi- ritus tu Sancte, benedic- tus es a creaturis tuis.

Hodie divina Provi- dentia in cœnaculo per- sonans ventoso sonore, atque Apostolos ine- brians distributus es in

486

Le Temps Pascal.

creaturis ; Spiritus tu Sancte, benedictus es a creaturis tuis.

créatures : Esprit-Saint, tout ce que tu as créé te bénit.

Le répertoire des Séquences d'Adam de Saint-Victor nous fournira cette dernière qui est aussi d'une grande beauté, et par laquelle nous terminerons la série des hommages de la sainte Liturgie à l'Esprit du Père et du Fils.

SEQUENCE.

VENI, summe Consola- tor, Spes salutis, vitae

dator, Adsit tua gratia ! Dulcis ardor, ros divine, Bonitatis germine Eadem substantia.

Ab utroque derivatus. Et a neutre separatus. Ad utrumque colligatus

Sempiterno fœdere ; Ros et vapor utriusque, Donet Pater Filiusque Quod effluas ad nos us-

que

Largifluo munere.

Rorem audis et vapo- rcm, Crede simul et odorem Quo Deus discerni- tur. Rorem istum quem emit-

tit Qui plus gustat, magis sitit,

Nec ardor reprimi- tur.

VIENS, ô Consolateur su- prême, espoir du salut, auteur de la vie; viens avec ta grâce ! Douce ardeur, ro- sée divine, en l'unique et di- vine substance tu es le prin- cipe de bonté.

Procédant du Père et du Fils, jamais séparé d'eux, rattaché à l'un et à l'autre par un lien éternel, ardeur et rosée au sein de la divi- nité, daignent le Père et le Fils te répandre sur nous dans l'abondance de tes dons.

Ardeur et rosée, parfum aussi qui révèle un Dieu -, cette rosée que répand l'Es- prit, plus on la goûte, plus on en est altéré ; l'ardeur de ses feux ne faillit jamais.

Le Samedi de la Pentecôte

48j

Au commencement de toutes choses il était porté sur les eaux ; c'est lui qui maintenant consacre l'eau de laquelle sort le peuple saint. Il est la fontaine d'où émane la piété, la fontaine qui pu- rifie du péché, la fontaine jaillissante du sein de la di- vinité, la fontaine qui rend sacrées toutes les fontaines.

Feu ardent, onde vive, purifie nos cœurs et rends-les féconds , apporte-nous la grâce ; visite-nous par la flamme de charité, daigne faire de nous une hostie de sainteté à ta gloire.

Souffle sacré du Père et du Fils, remède de tout péché, sois notre soulagement dans la fatigue, notre consolation dans la tristesse. Amour ar- dent, amour chaste, guéris par ton onction puissante ceux que brûle une ardeur coupable.

Voix qui s'énonce sans bruit, voix mystérieuse qu'en- tend l'oreille du cœur,voix qui descend à l'àme fidèle; douce voix, voix tant aimée, reten- tis dans nos âmes I Lumière qui dissipes l'erreur, lumière qui donnes la vérité, apporte à nous tous vie et santé, et

Plebs ut sacra renasca-

tur. Fer hune unda consecra-

tur, Cui super ferebatur

In rerum exordium , Fons, origo pietatis, Fons emundans a pecca-

tis, Fons de fonte deitatis,

Fons sacrator fon- tium I

Ignis vive, vivax unda,

Munda sinus et fecunda,

Subministra gra-

tiam ;

Caritatls tactos igné,

Nosmet tibi fac bénigne

Sanctitatis hostiam.

Patris, Nati pium Fla-

men, Vitiorum medicamen, Fessis esto sublevamen,

Mcestis consolatio. Castus amor et hones-

tus, jEstus ardens, sed mo-

destus, Urit ardor quos incestus

Tua sanet unctio.

Vox non sono desi- gnata, Vox subtilis, vox privata, Vox beatis inspirata, O vox dulcis, o vox grata,

Sona nostris menti- bus ! Lux depellens falsitatem,

4SS Le Samedi de la Pentecôte.

Lux inducens vcritatem, Vitam atque sanitatem Et jeternam clarltatem Nobis confcr omni- bus. Amen.

mets-nous en possession de l'éternelle splendeur. Amen.

LE DON DE S.\GESSE.

LA seconde faveur qu'a destinée le divin Esprit à l'âme qui lui est fidèle dans l'ac- tion, est le don de Sagesse, supérieur encore à celui de l'Intelligence. Il est lié cependant à ce dernier, en ce sens que l'objet montré dans l'Intelligence est goûté, et possédé dans le don de Sagesse. Le Psalmiste, invitant l'homme à s'approcher de Dieu, lui recom- mande la saveur du souverain bien <r Goû- « tez, dit-il, et expérimentez que le Seigneur « est rempli de douceur i.»La sainte Eglise, au jour même de la Pentecôte, demande à Dieu pour nous la faveur de goûter le bien, recta sapere, parce que l'union de l'âme avec Dieu est plutôt l'expérimentation par le goût gu'une vue qui serait incompatible avec notre état présent. La lumière donnée par le don d'Intelligence n'est pas immédiate, elle réjouit vivement l'âme, et dirige son sens vers la vé- rité; mais elle tend à" se compléter par le don de Sagesse qui est comme sa fin.

L'Intelligence est donc illumination, et la Sagesse es^t union. Or, l'union avec le souve- rain bien s'accomplit par la volonté, c'est-

!. Psalm XXXIII, 9.

Le Don de Sagesse. 48g

à-dire par l'amour qui réside dans la volonté. Nous remarquons cette progression dans les hiérarchies angéliques. Le Chérubin étincelle d'intelligence, mais au-dessus de lui encore est le Séraphin embrasé. L'amour est ardent chez le Chérubin, de même que l'intelligence éclaire de sa vive lumière le Séraphin ;"mais l'un est différencié de l'autre par la qualité prédominante, et le plus élevé est celui qui atteint le plus intimement la divinité par l'amour, celui qui goûte le souverain bien.

Le septième don est décoré du beau nom de Sagesse, et ce nom lui vient de l'éternelle Sagesse à laquelle il tend à s'assimiler par l'ardeur de l'atîection. Cette Sagesse incréée, qui daigne se laisser goûterparl'homme dans cette vallée de larmes, est le Verbe divin, celui-là même que l'Apôtre appelle a la splen- « deur de la gloire du Père et la forme de sa sub- « stance 1. «C'est lui q|ui nous a envoyé l'Es- prit pour nous sanctifier et nous ramener à lui, en sorte que l'opération la plus élevée de ce divin Esprit est de procurer notre union avec celui qui, étant Dieu, s'est fait chair et s'est rendu pour nous obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la croix 2, Par les rnys- tères accomplis dans son humanité, Jésus nous a fait pénétrer jusqu'à sa divinité ; par la foi éclairée de l'Intelligence surnaturelle, « nous voyons sa gloire qui est celle du Fils « unicque "^du Père, plein de grâce et de a vérité 3 B ; et de même qu'il s'est fait parti- cipant de notre humble nature humaine, il se donne dès ce monde à goûter, lui Sagesse

I. Heb. ;, 3, 2. Philip. 11, 8.-3. Johan. r, 14.

4go Le Samedi de la Pentecôte.

incréée, à cette Sagesse créée que l'Esprit- Saint forme en nous comme le plus sublime de ses dons.

Heureux donc celui en qui règne cette pré- cieuse Sagesse qui révèle à l'âme la saveur de Dieu et de ce qui est de Dieu ! « L'homme « animal, nous dit l'Apôtre, est privé de ce « goût qui perçoit ce qui vient de l'Esprit de (( Dieu 1 : » pour )ouir de ce don, il lui fau- drait devenir spirituel, se prêter docilement au désir de l'Esprit, et il arriverait comme d'autres qui après avoir été ainsi que lui es- claves de la vie charnelle, en ont été affran- chis par la docilité à l'égard de l'Esprit divin qui les a cherchés et qui les a retrouvés L'homme moins grossier, mais livré à l'es- prit du monde, est également impuissant à comprendre ce qui fait l'objet du don de Sagesseet ce que révèle le dondlntelligence II juge ceux qui ont reçu ces dons, et il les blâme ; heureux s'il ne les traverse pas, s'il ne les poursuit pas! Jésus nous le dit expres- sément : « Le monde ne peut recevoir l'Es- « prit de Vérité, parce qu'il ne le voit pas et « ne le connaît pas '-. » Que ceux-là donc qui ont le bonheur de désirer le bien suprême, sachent qu'il leur faut être entièrement déga- gés de l'esprit profane qui est l'ennemi per- sonnel de l'Esprit de Dieu Affranchis de sa chaîne, ils pourront s'élever jusqu'à la Sa- gesse.

Le propre de ce don est de procurer une grande vigueur à l'âme et de fortifier ses puissances. Toute la vie en est comme assai-

I. I Cor, II, 14. 2. JoHAN. XIV, 17;

Le Don de Sagesse. 4g i

nie, ainsi qu'il arrive à ceux qui font usage d'aliments qui leur conviennent II n'y a plus de contradiction entre Dieu et l'àme, et c'est pour cette raison que l'union est rendue facile. « est l'Esprit du Seigneur, est la « liberté, » dit l'Apôtre 1. Tout devient aisé pour l'âme, sous l'action de l'Esprit de Sa- gesse. Les choses dures à la nature, loin d'étonner, semblent douces, et le cœur ne s'effraye plus autant de la souffrance. Non seulement on peut dire que Dieu n'est pas loin d'une âme que l'Esprit-Saint a mise dans cette disposition; il est visible qu'elle lui est unie. Qu'elle veille cependant sur l'humilité ; car l'orgueil peut encore monter jusqu'à elle, et sa chute serait d'autant plus profonde que son élévation est plus grande.

Insistons auprès du divin Esprit, et prions- le de ne pas nous refuser cette précieuse Sagesse qui nous conduira à Jésus, la Sagesse infinie. Un sage de l'ancienne loiaspirait déjà à cette faveur , quand il écrivait ces paroles dont le chrétien seul a l'intelligence parfaite: a J'ai désiré, disait-il, et l'Intelligence m'a « été donnée ; j'ai prié, et l'Esprit de Sagesse « est venu en moi 2. » H faut donc demander ce don avec instance. Dans la nouvelle Alliance, l'Apôtre saint Jacques nous y invite par ses exhortations les plus pressantes « Si « quelqu'un de vous, dit-il, veut avoir la « Sagesse, qu'il la demande à Dieu qui donne « à tous avec tant de largesse et qui ne re- «( proche pas ses dons ; qu'il demande avec « foi, et qu'il n'hésite pas 3. » Nous osons

I. II Cor. ni, 17. 2. Sap. vu, 7—3. Jac. i, 5.

49- ^^ Temps Pascal.

prendre pour nous cette invitation de l'Apotre, ô divin Ksprit, et nous vous disons: O vous qui procédez de la Puissance et de la Sagesse, donnez-nous la Sagesse. Celui qui est la Sa- gesse vous a envoyé vers nous pour nous réunir à lui. Enlevez-nous à nous-mêmes, et unissez-nous à celui qui s'est uni à notre faible nature. Moyen sacré de l'unité, soyez le lien qui nous unira pour jamais à Jésus, et celui qui est la Puissance et le Père nous adoptera « pour ses héritiers et pour les co- « héritiers de son Fils i. »

LA série successive des Mystères est com- plète désormais, et le Cycle mobile de la sainte Liturgie est arrivé à son terme. Nous traversâmes d'abord, au Temps de l'Avent, les quatre semaines qui représentaient les quatre millénaires employés par le genre humain à implorer du Père l'envoi de son Fils. Enfin l'Emmanuel descendit; nous nous associâmes tour à tour aux joies de sa nais- sance, aux douleurs de sa Passion, à la gloire de sa Résurrection, au triomphe de son As- cension. Enfin, nous avons vu descendre sur nous l'Esprit divin, et nous savons qu'il reste avec nous jusqu'à la fin. La sainte Eglise nous a assistés dans tout le cours de cet immense drame qui contient notre salut Ses divins cantiques et ses augustes cérémonies nous ont chaque )our éclairés, et ainsi nous avons pu tout suivre et tout comprendre.

I. Rom. viii, 17.

Le Samedi de la Pentecôte 4g 3

Bénie soit cette Mère par les soins de laquelle nous avons été initiés à tant de merveilles qui ont ouvert nos esprits et réchauffé nos cœurs ! Bénie soit la Liturgie sacrée, source de tant de consolations et d'encouragements ! Maintenant il nous reste à achever le par- cours du Cycle dans sa partie immobile De sublimes épisodes nous y attendent Prépa- rons-nous donc à reprendre notre marche, comptant sur l'Esprit-Saint qui dirigera nos pas, et continuera de nous ouvrir, par la sainte Liturgie dont il est l'inspirateur, les trésors de la doctrine et de l'exemple.

PROPRE DES SAINTS

LE XX MAI.

SAINT BERNARDIN DE SIENNE,

CONFESSEUR.

ANS une autre saison de l'année liturgique, lorsque nous appor- tions"^ nos hommages et nos vœux au berceau de l'Enfant di- vin, une de nos journées fut consacrée à célébrer la gloire et à goûter la douceur de son nom. La sainte Eglise tressaillait de bonheur en prononçant ce nom chéri que son céleste Epoux a choisi de toute éternité, et le genre humain respi- rait à l'aise, en songeant que le grand Dieu qui pourrait s'appeler le Juste et le Vengeur, consentait à se nommer désormais le Sau- veur. Le pieux Bernardin de Sienne, que nous fêlons aujourd'hui, nous apparut alors

4g 6 Le Temps Pascal

portant dans ses mains et élevant aux regards des hommes ce nom béni entouré de rayons. Il invitait toute la terre à vénérer avec amour et contiance cette appellation sacrée sous laquelle se révèle divinement toute l'é- conomie de notre salut. L'Eglise attentive acceptait ce signe sacré , elle encourageait ses fidèles à recevoir des mains de l'homme de Dieu un bouclier si puissant contre les traits de l'esprit des ténèbres, à goûter sur- tout un nom qui nous apprend jusqu'à quel excès Dieu a aimé le monde , et lorsque le saint nom de Jésus eut enfin conquis par son adorable beauté tous les cœurs chrétiens, elle lui consacra une des plus touchantes solen- nités du Temps de Noël

Aujourd'hui le noble enfant de saint Fran- çois a reparu, et ses mains tiennent toujours la glorieuse effigie du nom sacré. Mais ce n'est plus l'appellation prophétique de l'En- fant nouveau-né, le doux nom que la Vierge- mère murmurait avec tendresse et respect, penchée sur son berceau ; c'est un nom qui retentit plus fort que tous les tonnerres, c'est le trophée de la plus éclatante des victoires, c'est la prophétie accomplie en son entier Le nom de Jésus promettait au genre humain un Sauveur ; Jésus a sauvé le genre humain en mourant et en ressuscitant pour lui; il est maintenant Jésus dans toute la plénitude de son nom. Parcourez la terre, et dites-nous en quel lieu ce nom n'est pas connu ; dites- nous quel autre nom a jamais réuni les hommes en une seule famille.

Les princes de la Synagogue ont voulu arrêter l'essor de ce nom victorieux, l'étouf-

s. Bernardin de Sienne, Confesseur. 4g j

fer dans Jérusalem ; ils ont dit aux Apôtres : « Nous vous défendons d'enseigner en ce « nom 1 » ; et c'est pour leur repondre que Pierre a prononcé cette forte sentence qui résume toute l'énergie de la sainte Eglise : « Mieux vaut obéir à Dieu qu'aux hommes. » Autant eût valu essayer d'arrêter le soleil dans son cours ; et lorsque bientôt la puis- sance romaine s'est mise en devoir de mettre obstacle par ses édits à la marche triom- phante de ce nom devant lequel tout genou doit fléchir, elle s'est vue réduite à l'impuis- sance. Au bout de trois siècles le nom de Jésus planait sur le monde romain tout entier.

Armé de ce signe sacré, Bernardin par- courut au xv" siècle les villes de l'Italie ar- mées les unes contre les autres, et souvent même divisées jusque dans leur propre sein. Le nom de Jésus entre ses mains devenait l'arc-en-ciel delà paix; tout genou fléchissait, tout cœur ulcéré et vindicatif s'apaisait, tout pécheur courait aux sources du pardon, dans tous les lieux Bernardin avait arboré ce puissant symbole. Les trois lettres qui repré- sentent ce nomà jamais béni devenaient fami- lières à tous les fidèles; on les sculptait, on les gravait, on les peignait partout ; et la catholicité acquérait pour jamais une expres- sion nouvelle de sa religion et de son amour envers le Sauveur des hommes.

Prédicateur inspiré, Bernardin a laissé de nombreux écrits qui révèlent en lui un doc- teur de premier ordre dans la science de

I. Act. V, 28.

LE TEMPS PASCAL. T. HI.

4g ^ Le Temps Pascal.

Dieu. Il nous serait agréable, si l'espace nous le permettait, de le laisser exposer ici les grandeurs du mystère de la Pâque ; donnons du moins son sentiment sur l'apparition du Sauveur ressuscité à sa sainte mère. Le lec- teur catholique verra avec joie Tunité de doc- trine sur ce point si important régner entre l'école franciscaine représentée par saint Ber- nardin, et l'école dominicaine dont nous avons produit le témoignage à la fête de saint Vincent Ferrier.

« De ce que l'histoire évangélique ne donne aucun détail sur la visite que le Christ fit à sa mère pour la consoler, après qu'il fut res- suscité, on ne saurait conclure que le très miséricordieux Jésus, source de toute grâce et de toute consolation, si empressé à réjouir les siens par sa présence, aurait oublié sa mère qu'il savait avoir été si pleinement abreuvée des amertumes de sa Passion. Mais il a plu à la providence de Dieu de ne pas nous manifes- ter cette particularité par le texte même de l'Evangile, et cela pour trois raisons.

« Eri premier lieu, à cause de la fermeté de la foi qui était en Marie. La certitude qu'avait la Vierge-mère de la résurrection de son fils ne fut ébranlée en rien, même pas par le doute le plus léger. On le croira aisément, si l'on veut réfléchir à la grâce très particu- lière dont fut remplie la mère du Christ- Dieu, la reine des Anges, la maîtresse de l'u- nivers. Le silence de l'Ecriture à ce suj-et en dit plus que Taftirmation même aux âmes vraiment éclairées. Nous avons appris à con- naître Marie lors de la visite de l'Ange, au moment l'Esprit-Saint la couvrit àe son

s. Bernardin de Sienne, Confesseur. 4g ()

ombre; nous l'avons retrouvée au pied de la croix, mère de douleurs, se tenant près de son fils mourant. Si donc l'Apôtre a pu dire : «En proportion de ce que vous aurez eu « part aux souffrances, vous participerez aux « consolations ^ » ; calculez d'après cela la mesure selon laquelle la Vierge-mère dut être associée aux joies de la résurrection. On doit donc tenir pour certain que son très doux fils ressuscité l'a consolée avant tous les autres. C'est ce que la sainte Eglise Romaine semble vouloir exprimer en célébrant à Sainte-Marie-Majeure la Station du jour de Pâques. Autrement si, de ce que les Evangé- listes n'en disent rien, vous vouliez conclure que son fils ressuscité ne lui est pas apparu en premier lieu, il faudrait aller jusqu'à dire qu'il ne s'est pas du tout montré à elle, puisque les mêmes Evangélistes, dans les di- verses apparitions qu'ils rapportent, n'en si- gnalentpasuneseulequi laconcerne, Unetelle conclusion aurait quelque chose d'impie.

« En second lieu, le silence de l'Evangile s'explique par l'infidélité des hommes. Le but de l'Esprit-Saint, en dictant les Evan- giles, était de décrire celles des apparitions qui pouvaient enlever tout doute aux hommes charnels au sujet de la croyance en la résur- rection du Christ. La qualité de mère eût diminué à leurs yeux le témoignage de Marie; et c'est pour ce motif qu'elle n'a pas été alléguée, bien qu'il ne pût y avoir, assuré- ment, parmi tous les êtres nés ou à naître, si l'on en excepte l'humanité de son fils,

I. II Cor. I, 7.

5 00 Le Temps Pascal.

aucune créature dont l'assertion méritât mieux d'être admise par toute âme vraiment pieuse. Mais il fallait que le tjxte évangé- lique ne nous produisît que des témoignages qui fussent de nature à ctre émis en pré- sence de tout le monde; quant à l'appari- tion de Jésus à sa mère, l'Esprit-Sainl l'a lais- sée à ceux qui sont éclairésde sa lumière.

« En troisième lieu, ce silence s'explique par la sublimité même de l'apparition. Après la résurrection, les Evangiles ne disent plus rien sur la mère du Christ, par cette raison que ses relations de tendresse avec son tils furent désormais tellement sublimes, tellement ineffables, qu'il n'y aurait pas de termes pour les exprimer. Il est deux sortes de visions : l'une purement corporelle, et faible en proportion ; l'autre qui a son siège principal dans l'âme, et qui ne convient qu'aux âmes déjà transformées. Admettez, si vous voulez, que Madeleine a eu part avant les autres à la vision purement corporelle, pourvu que vous reconnaissiez que la Vierge a vu avant elle, et d'une manière bien autre- ment sublime, son fils ressuscité, qu'elle l'a reconnu, et qu'elle a joui tout d'abord de ses délicieux embrassements dans son âme plus encore que dans son corps i. »

Lisons maintenant, dans les Leçons trop abrégées de l'Office de saint Bernardin, le récit de ses vertus.

pERNARDlNlis Albi- 1 n ERNARDIN Albizesca, issu 13 zesca, nobili Senensi | D d'une noble famille de

I . Sermo LU. Dominica in resurrectione, art. III.

s. Bernardin de Sienne, Confesseur. 5o i

Sienne, donna dès son en- fance des marques éclatantes de sainteté. Elevé dans des habitudes honnêtes par ses parents qui étaient vertueux, il négligea les jeux de l'en- fance, et dès ses premières études sur la grammaire on le vit se livrer aux œuvres de la piété, au jeiine, à l'orai- son, et particulièrement au culte de la très sainte Vierge. La charité envers les pau- vres éclatait en lui. Après quelques années, dans le but de mieux pratiquer encore toutes ces vertus, il voulut être du nombre des con- frères qui servent Dieu à Sienne dans l'hôpital de No- tre-Dame de la Scala, d'où sont sortis plusieurs person- nages célèbres par leur sain- teté. Il s'y exerça avec une ferveur et une charité in- croyables à la mortification de son corps et au soin des malades, durant une peste qui sévissait cruellement sur la ville. Entre autres vertus, il garda inviolablement la chasteté, malgré les dangers que pouvait lui susciter la rare beauté de ses traits ; et tel fut le respect qu'il inspira, que les plus licencieux n'au- raient osé prononcer un mot déshonnête en sa présence.

APRÈS une grave maladie qu'il avait endurée avec la plus héroïque patience

familia ortus, ab ineunte astate non obscura san- ctitatis dédit indicia ; nam a piis parentibus honeste educatus, negle- ctis puerilibus ludis, in- ter prima grammaticœ studia, pietatis operibus animum intendit, jeju- niis, orationi, et beatis- simae Virginis cultui prse- cipue addictus. Miseri- cordia vero in pauperes fuit insignis; quae qui- dem omnia procedente tempore quo melius pos- set excolere, eorum nu- méro adscribi voluit, qui Senis in hospitali domo beatae Marise de Scala, Deo inserviunt ; unde complures sancti- tate célèbres viri prodie- runt. Ibi corporis afBic- tatione, et œgrotantium cura, dum atrox pestilen- tia grassaretur, incredi- bili charitate sese exer- cuit. Inter casteras autem virtutes castitatem, egre- gia forma répugnante, sanctissime custodivit, adeo ut eo prœsente, nemo umquam, ne impudentis- simus quidem, verbum minus honestum proferre auderet.

/ ^ RAVI morbo tentatus, i eoque ad quatuor menses patientissime to-

502

Le Temps Pascal.

lerato, deinum incolumis de religiosae vitae insti- tuto capessendo delibe- rare cœpit : quo ut sibi viam muniret, aïdiculam in extrcma urbe conduxit, in quam quum sese ab- didisset, aspetrimam om- ni ex parte vitam trahe- bat, Deum assidue orans, ut quid sibi sequendum esset, ostenderet. Quare divinitus factum est, ut beati Francisci Ordinem prae cseteris optaret, in quo humilitate , pa- tientia. allisque religiosi hominis virtutibus excel- luit, Id quum cœnobii rector animadverteret, jamque antea Bernardini doctrinam, et sacrarum litterarum peritiam pers- pectam haberet. prasdi- candi onus eidem impo- suil, quo humillime sus- cepto, quum se minus idoneum agnosceret, ob vocis exilitatera ac rau- citatem, Dei ope implo- rata, non sine miraculo ejusmodi impedimento liberatus est.

OULMQUE ea tempora vitiis criminibusque redundarent. et cruentis faclionibus in Italia, di- vina humanaque omnia permixta essent, Bernar- dinus urbes atque oppida concursans in nomine

pendant quatre mois, il con- çut le dessein d'embrasser la vie religieuse. Afin de s'y disposer, il loua une petite maison à l'extrémité de la ville, il vécut inconnu, me- nant la vie la plus austère, et priant Dieu continuelle- ment de lui faire connaître le parti qu'il devait prendre. L'inspiration divine lui fit préférer l'Ordre de Saint- François, il excella en humilité, en patience et en toutes les autres vertus reli- gieuses. Le gardien du cou- vent ayant remarqué cette haute vertu, et connaissant d'ailleurs la science à laquelle ce religieux était arrivé dans les saintes lettres, lui imposa le devoir de la prédication. Le saint accepta humblement cet emploi, bien qu'il s'y reconnût peu propre, à cause de la faiblesse et de l'enroue- ment de sa voix. Mais .ayant imploré le secours de Dieu, il se trouva délivré miracu- leusement de cet obstacle.

A CETTE époque, un débor- demant de crimes était répandu en Italie, et de san- glantes factions y foulaient aux pieds toutes les lois di- vines et humaines. Bernardin parcourut les villes et les villages au nom de Jésus

s. Bernardin de Sienne, Confesseur. 5o3

qu'il avait toujours à la bouche et dans le cœur, et vint à bout par ses discours et ses exemples de rétablir presque partout la piété et les bonnes mœurs qui avaient disparu. Plusieurs villes considérables le de- mandèrent au pape pour leur évéque; mais Bernardin re- fusa constamment cette di- gnité par une humilité invin- cible. Enfin cet homme de Dieu, après d'immenses fati- gues, après de grands et nom- breux miraclas, ayant com- posé des écrits remplis de piété et de doctrine, et vécu soixante-six ans, termina sa vie par une sainte mort à Aquila, ville de l'Abruzze. Il éclata par de nouveaux miracles ; et, six ans après sa mort, le pape Nicolas V le mit au nombre des Saints.

Jesu, quem semper in ore et in pectore gere- bat, collapsam pietatera moresque verbo et exem- plo magna ex parte res- tituit : quo factum est, ut prasclarcB civitates eum sibi Episcopum a Summo Pontifice postu- larent : quod ille munus invicta humilitate con- stantissime rejecit. De- nique vlr Dei immensis laboribus exhaustis, mul- tis magnisque editis mi- raculis, libris etiam pie docteque conscriptis , cum vixisset annos sex ac sexaginta, in urbe Aquila in Vcstinis beato fine quievit : quem novis in dies coruscantam si- gnis, anno post obitum sexto, Nicolaus Quintus Pontifex Maximus in Sanctorum numerum re- tulit.

Qu'ils sont beaux, ô Bernardin, les rayons qui forment l'auréole du nom de Jésus! Que leur lumière est douce, au moment le Fils de Dieu reçoit ce nom sauveur, le huitième jour après sa naissance! Mais quel œil mortel pourrait supporter leur éclat, lorsque Jésus opère notre salut, non plus dans l'humilité et la souffrance, mais par le triomphe de sa résurrection ? C'est au milieu des splendeurs pascales du nom de Jésus que vous nous apparaissez, ô Bernardin ' Ce nom que vous avez aimé et glorifié vous associe

5 04 Le Temps Pascal.

désormais à son immortelle victoire. Mainte- nant donc répandez sur nous, plus abon- damment encore que vous ne le faisiez sur la terre, les trésors d'amour, d'admiration et d'espérance dont ce divin nom est la source, et purifiez les yeux de notre âme, afin que nous puissions un jour contempler avec vous ses magnificences.

Apôtre de la paix, l'Italie, dont vous avez si souvent apaisé les factions, a droit de vous compter au rang de ses protecteurs. Voyez- la en ces jours livrée en proie aux ennemis du Sauveur des hommes, rebelle à la voix de la sainte Eglise, et tristement abandonnée à son sort. Ne vous souviendrez-vous pas que c'est dans son sein que vous avez pris nais- sance, qu'elle fut docile à votre voix, et que longtemps votre mémoire lui fut chère? In- tervenez en sa faveur; arrachez-la à ceux qui l'oppriment, et montrez qu'au défaut des armées de la terre, les milices célestes peuvent toujours sauver les villes et les provinces.

Illustre fils du grand patriarche d'Assise, l'Ordre séraphique vous vénère comme l'une de ses principales colonnes. Vous avez ra- vivé dans son sein l'observance primitive ; continuez du haut du ciel à protéger l'œuvre commencée par vous ici-bas. La famille de saint François est l'un des plus fermes appuis delà sainte Eglise ; faites-la fleurir toujours, soutenez-la dans les tempêtes, multipliez-la en proportion des besoins du peuple fidèle ; car voiK êtes le second père de cette famille sacrée, et vos prières sont puissantes auprès du Rédempteur dont vous avez confessé le nom glorieux sur la terre.

LE XXIV MAI. LA FÊTE

DE NOTRE-DAME AL XILIATRICE.

'epuis que nous sommes entrés dans les joies pascales, le Cycle n'a cessé, pour ainsi dire, de nous apporter jour par jour de nouveaux noms à saluer, de nouvelles gloires à honorer; et tous ces noms, toutes ces gloires se sont mon- trés à nous tout rayonnants des feux du soleil de la Pâque. Cependant aucune fête consa- crée à Marie n'est venue réjouir nos cœurs, en nous retraçant quelqu'un des mystères ou quelqu'une des grandeurs de cette auguste reine. Avril voit, il est vrai, la fête des Sept- Douleurs dans les années la Pâque des- cend jusqu'au dix de ce mois et au-dessous ; mais les mois de mai et de juin s'écoulent sans amener aucune solennité spéciale en l'honneur de la Mère de Dieu. Il semble que la sainte Eglise veuille honorer dans un res- pectueux silence les quarante jours durant lesquels Marie, après tant d'angoisses, se repose dans la possession de son fils ressus- cité. En méditant le mystère pascal dans le cours de cette mystérieuse période, nous devons donc avoir soin de ne jamais isoler le fils de la mère et nous demeurerons dans la vérité. Jésus, durant ces quarante jours, se communique fréquemment à ses disciples, hommes faibles et pécheurs; peut-il se sépa-

5o6 Le femps Pascal.

rer un instant de sa mère, à la veille de la nouvelle et dernière épreuve qu'elle doit subir, lorsque les portes du ciel s'ouvriront pour recevoir son fils? Bien souvent Jésus se montre à ses regards, et la comble de ses caresses filiales; mais dans les intervalles de ces visites il ne la quitte pas ; non seulement son souvenir, mais sa présence reste tout en- tière dans l'âme de Marie, avec tout le charme d'une intime et inetfable possession.

Aucune fête n'aurait pu exprimer un tel mystère ; toutefois l'Esprit-Saint, oui gou- verne les sentiments de la sainte 'Eglise, a fait naître insensiblement dans les cœurs des fidèles la pensée de décerner des hommages spéciaux à Marie dans tout le cours du mois de mai, qui s'écoule, presque chaque année, tout entier au milieu des joies du Temps pascal. Sans doute d'heureuses harmonies ont aidé la piété à concevoir la gracieuse idée de consacrer mai à Marie ; mais si nous réflé- chissons à l'influence céleste et mystérieuse qui conduit tout dans l'Eglise, nous com- prendrons qu'il existe, au fond de cette déter- mination, une intention divine d'unir aux allégresses maternelles dont surabonde en ces jours le cœur immaculé de Marie, la joie qui remplit les cœurs de ses enfants de la terre, dans le cours de ce mois employé tout entier à célébrer ses grandeurs et ses miséricordes.

Or voici cependant une fête de Marie en ce jour. Hâtons-nous de dire qu'elle n'est pas inscrite sur le Cycle universel de la sainte Eglise ; mais ajoutons en même temps qu'elle est tellement répandue, avec l'agrément du Siège Apostolique, que cette Année liturgique

La Fête de Notre-Dame Auxiliatvice. 5oj

eût été comme incomplète, si nous n'eus- sions pas donné place à cette solennité. Son but est d'honorer la Mère de Dieu sous le titre de Secours des Chrétiens; appellation méritée par les innombrables faveurs que cette toute-puissante Auxiliatricen'a cessé de répandre sur la chrétienté. Depuis le jour dont nous devons célébrer bientôt l'anniver- saire, et dans lequel l'Esprit-Saint descendit sur Marie au Cénacle, ahn qu'elle commen- çât à exercer sur l'Eglise militante son pou- voir de Reine, jusqu'aux dernières heures de la durée de ce monde, qui pourrait énumé- rer toutes les occasions dans lesquelles elle a signalé et signalera son action protectrice sur l'héritage de son fils ?

Les hérésies se sont levées tour à tour plei- nes de rage, appuyées sur le bras des puissants delà terre; il semblait qu'elles allaient dé- vorer la race des fidèles ; tour à tour elles sont tombées les unes sur les autres, atteintes d'un coup mortel ; et la sainte Eglise nous révèle que c'est le bras de Marie qui chaque fois a frappé ce coup ^ . Si des scandales inouïs, des tyrannies sans nom, ont semblé entraver un moment la marche de l'Eglise, le bras tou- jours armé de l'invincible Reine a dégagé le passage; et l'Epouse du Rédempteur s'est avancée libre et fière, laissant derrière elle ses entraves brisées et ses ennemis abattus. C'est en repassant dans son esprit tant de merveilles que le grand pape saint Pie V, au

I. GaiiJe, Maria Virgo ; cunctas hxreses sola intere- misti in universo mundo. Office de la très sainte Vierge à Matines, vu" Antienne.

5o8 Le Temps Pascal.

lendemain de la victoire de Lépante, notre auguste triomphatrice venait d'anéantir pour jamais la puissance navale des Otto- mans, jugea que l'heure était venue d'inscrire dans les Litanies de la sainte Vierge, à la suite des titres pompeux dont l'Eglise la salue, celui de Secours des Chrétiens, Auxi-

LIUM CHRISTIANORUM.

Il était réservé au dernier sièc'e de voir un Pontife, décoré aussi du nom de Pie, relever encore ce beau titre, et en faire l'objet d'une fête commémorative de tous les secours que Marie a daigné apporter à la chrétienté dans tous les âges. Le jour désigné à cet effet ne pouvait être mieux choisi. Le 24 mai de l'an- née 18 14 éclaira dans Rome le plus magni- fique triomphe dont les fastes de la chré- tienté aient enregistré le souvenir. Ce fut un grand jour, celui Constantin traça les fondements de la basilique vaticane en l'hon- neur du Prince des Apôtres, sous les yeux de Silvestre, bénissant le César qui abordait au christianisme ; mais ce fait imposant n'é- tait qu'un signe de la dernière et décisive victoire remportée par l'Eglise sur toute la surface de la terre, dans la récente persécu- tion de Dioclétien. Ce fut un grand jour, celui Léon III, vicaire du Roi des rois, posa sur la tête de Charlemagne la couronne impériale, et renoua de ses" mains aposto- licjues la chaîne brisée des Césars ; mais Léon III ne faisait que donner une expression solennelle au pouvoir que l'Eglise exerçait déjà de toutes parts au sein des nations nou- velles, qui recevaient d'elle l'idée de la sou- veraineté chrétienne, la consécration de ses

La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 5og

droits et la sanction de ses devoirs. Ce fut un grand jour, celui Grégoire XI ramena dans la ville de saint Pierre la majesté papale, après un triste exil de soixante-dix années à Avignon ; mais Grégoire XI ne faisait que remplir un devoir; et il n'avait tenu qu'à ses prédécesseurs d'accomplir avant lui ce retour que réclamaient impérieusement les néces- sités de la chrétienté.

Le 24 mai 18 14 efface par son éclat tous ces jours, si glorieux qu'ils aient été. Pie VII rentre dans Rome aux acclamations de la ville sainte, dont la population tout entière, transportée d'enthousiasme, est allée au- devant de lui, des palmes à la main, et au cri de l'Hosanna. Il sort d'une captivité de cinq années, durant lesquelles le gouvernement spirituel de la chrétienté a été totalement suspendu. Les puissances coalisées contre son oppresseur n'ont pas eu l'honneur de briser ses fers ; celui-là même qui le retenait loin de Rome l'a déclaré libre d'j retourner dès les derniers mois de l'année précédente ; mais le Pontife a voulu prendre son temps, et ce n'est que le 25 janvier qu'il a quitté Fontainebleau. Rome, dans laquelle il va rentrer, a été réunie à l'empire français, il y a cinq ans, par un décret se lisait le nom de Charlemagne ; elle s'est vue, elle, la ville de saint Pierre, réduite en chef-lieu de département, administrée par un préfet ; et comme pour effacer à jamais le souvenir de ce que fut la ville des Papes, son nom a été donné en apanage à l'héritier présomptif de la couronne impériale de France.

Quel jour que le 24 mai qui éclaira le re-

Le Temps Pascal.

tour triomphal du Pontife en qualité de Pas- teur et de Souverain dans les murs de cette cité sacrée, d'où il avait été arraché la nuit par des soldais ! Sur sa route à petites journées, Pie .Vil a rencontré les armées, et l'Europe s'est inclinée devant son droit. Ce droit sur- passe en ancienneté comme en dignité celui de tous les rois ; et tous, sans distinction d'hérétiques, de schismatiques ou de catho- liques, se feront un devoir de le reconnaître solennellement.

Mais tout ceci ne nous révèle pas encore en son entier l'étendue du prodige qu'a daigné opérer la toute-puissante Auxiliatrice. Pour le saisir tel qu'il est, il importe de se rappe- ler que ce miracle ne s'accomplit pas au siè- cle de saint Silvestre et de Constantin, ni au siècle de saint Léon III et de Charlemagnc, ni au siècle la grande prophétesse Cathe- rine de Sienne intimait les ordres du ciel aux populations de l'Italie et aux Papes d'Avi- gnon. Le siècle témoin de cette merveille est ie XIX' ; et il la voit s'effectuer dans les an- nées où il subit encore le joug flétrissant du voltairianisme, vivent en'core de toutes parts les auteurs et les complices des crimes et des impiétés qui furent comme le couron- nement du xviii« siècle. Tout était contre un résultat aussi plein et aussi inattendu ; la . conscience catholique était loin d'être éveillée alors comme elle le fut plus tard; l'actiori \ céleste avait à se manifester directement ; et ; c'est afin de révéler à la chrétienté qu'il en a été ainsi, que Rome a érigé en trophée à Marie, Secours des Chrétiens, ta journée du 24 mai de chaque année.

La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 5i i

Cherchons maintenant à saisir l'intention divine dans la double restauration que le Christ opère aujourd'hui par la main de son auguste mère. Pie VII avait été enlevé de Rome et détrôné ; il est rétabli dans Rome comme Pape et comme souverain temporel. Aux jours des fêtes de la Chaire de saint Pierre à Rome et à Antioche, nous avons établi la doctrine de l'Eglise qui nous ensei- gne que la succession aux droits conférés par le Christ à saint Pierre est ati achée à la qualité d'Evêque de Rome. Il suit de que la résidence dans la ville de Rome est à la fois le droit et le devoir du successeur de Pierre, sauf le cas il jugerait, dans sa sagesse, devoir s'en éloigner pour un temps. Celui-là donc qui, par les moyens de la force matérielle, retient hors de Rome le Souve- rain Pontife, ou l'empêche d'y résider, agit contre la volonté divine ; car le pasteur doit habiter au milieu de son troupeau ; et le Christ ayant préposé l'Eglise Romaine à toutes les Eglises du monde, elles ont droit à trou- ver dans Rome, prédestijiée à un tel honneur par tout son passé, celui qui est en même temps le docteur infaillible de la foi et la source de tout pouvoir spirituel. Le premier bienfait dont nous sommes redevables à Marie en ce jour est donc d'avoir restitué l'Epoux à l'E- pouse, et rétabli dans ses conditions nor- males le gouvernement suprême de la sainte Eglise.

Le second bienfait est d'avoir remis le Pon- tife en possession de la puissance temporelle, 3ui est la plus sûre garantie de son indépen- ance dans l'exercice de son pouvoir spiri-

Le Temps Pascal.

tuel. De tristes faits inscrits dans l'histoire ont révélé plus d'une fois les dangers d'un état de choses qui mettrait le Pape sous la dépendance d'un prince ; et l'expérience du passé démontre que la ville de Rome, si elle n'est pas placée sous le domaine de la pa- pauté, pourrait encourir, aux yeux de la chrétienté, le reproche de n'avoir pas tou- jours su veiller à la liberté ou à la dignité de l'Eglise dans l'élection du Pontife suprême. La sagesse divine a pourvu au besoin de l'immense troupeau du Christ, en préparant de bonne heuTe les bases du domaine tempo- rel de la papauté sur Rome et son territoire, avant même que l'épée des Francs intervînt pour venger, pour constituer et agrandir ce précieux domaine qui est un bien de la chré- tienté. Quiconque ose l'envahir porte la plus sensible atteinte à la liberté de l'Eglise tout entière ; et nous entendions, il y a un mois, le grand docteur saint Anselme nous ensei- gner que « Dieu n'aime rien tant en ce monde « que la liberté de son Eglise. » Aussi l'a-t-il vengée toujours.

La souveraineté pontificale sur Rome et sur le territoire atfecté à l'Eglise puise donc sa raison d'être dans les nécessités de l'ordre surnaturel. Il s'ensuit que cette souveraineté dépasse en dignité toutes les autres, et qu'é- tant vouée au service de Dieu sur la terre, elle doit être rangée parmi les choses sacrées. Quiconque ose l'envahir n'est plus seulement spoliateur, mais sacrilège ; et les anathèmes de l'Eglise tombent sur lui de tout leur poids. L'histoire est tout entière pour nous redire combien a été lamentable le sort de tous les

La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 5i3

princes qui, ayant bravé l'anathème, ont négligé de donner satisfaction à l'Eglise, et ose affronter la justice de celui qui a conféré à Pierre le pouvoir de lier et de délier.

Enfin, la souveraineté étant le fondement de toutes les sociétés humaines, et sa conser- vation sur la terre important au plus haut point au maintien de l'ordre et de la justice, elle doit être sauvegardée avant tout en celui qui en est la plus haute expression ici-bas ; c'est-à-dire dans le Pontife romain, dont les droits temporels sont les plus anciens que l'on puisse constater aujourd'hui, et chez qui le suprême pouvoir spirituel relève encore la dignité royale. Quiconque attaque ou ren- verse la souveraineté temporelle du Pape, attaque et renverse donc toutes les souve- rainetés ; car il n'en est pas une autre qui puisse soutenir le parallèle avec celle-ci, pas une qui puisse prétendre à être épargnée, si celle-ci succombe.

Gloire soit donc à Marie en ce vingt-qua- trième jour de mai, consacré à reconnaître le double bienfait qu'elle a signalé , en déployant la puissance de son bras pour opé- rer d'un même coup le salut de l'Eglise et celui de la société ! Unissons-nous aux vives acclamations des Romains, fidèles alors, et faisant retentir dans un même enthousiasme V Alléluia de la Pâque et VHosanna au Vicaire de Dieu, au Père de la Patrie. Le souvenir de saint Pierre délivré de sa prison et rendu à la liberté, planait sur cette foule passionnée d'amour pour un Pontife que tant d'épreuves avaient rendu plus auguste encore. Le char s'avançait par la voie Flaminienne; il fut

LE TEMPS PASCAL. T. 111.

5j4

Le Temps Pascal.

dételé el traîné par les citoyens ivres de joie jusqu'à la Basilique vaticane, le Pontife avait hâte d'épancher ses actionsde grâces sur le tombeau du Prince des Apôtres.

Mais ne terminons pas cette journée sans avoir célébré la miséricordieuse intervention de notre puissante Auxiliatrice, Si elle se montre quelc^ue fois terrible dans la protec- tion qu'elle répand sur son peuple, son cœur de mère ne saurait se défendre de la pitié pour les vaincus; à eux aussi, quand ils sont abattus, elle sait se montrer secourable. Témoin le grand guerrier dont elle triompha le vingt-quatre mai, et que sa bonté entre- prit ensuite de réduire, en le ramenant à la foi de ses pères. Du sein d'une île perdue dans l'immensité de l'Océan, Pie VII vit un jour arriver un message. Le prince détrôné sur lequel il avait répandu l'huile sainte à Notre-Dame, et qui depuis avait eu le mal- heur d'attirer sur lui ces foudres spirituelles dont Dieu même gouverne l'emploi, deman- dait au Pontife, au seul roi de Rome, la faveur de ne pas vivre privé plus longtemps des augustes Mystères dont le sacerdoce ca- tholique est le ministre accrédité par le ciel. Marie avait en vue une seconde victoire.

Pie \'II, dont le prince ne prononçait le nom qu'avec attendrissement dans les jours de son exil, qu'il appelait « un agneau ^ » Pie VII qui avait, aux yeux de toute l'Eu- rope, ouvert un asile dans Rome aux mem- bres de cette famille descendue de tant de

La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 5 15

trônes à la fois, se hâte de remplir le vœu de son ancien adversaire ; et bientôt le Sacrifice qui réconcilie le ciel et la terre est offert en pré- sence du vaincu, dans cette île anglaise et pro- testante. Marie avançait dans sa conquête.

Mais la divine justice, avant de pardonner, voulait que l'expiation fût complète et solen- nelle. Celui qui, en relevant les autels de la France, fut l'instrument du salut de tant de millions d'âmes, ne devait pas périr ; mais il avait osé tenir captif au château de Fontai- nebleau le Pontife suprême, et ce fut en ce même château de Fontainebleau, et non ail- leurs, qu'il lui fallut signer l'acte de son ab- dication. Il avait retenu cinq années dans les fers le Vicaire de Dieu; cinq années de capti- vité, de souffrances et d'humiliations, lui furent infligées. La loi du talion accomplie, le ciel laissa à Marie le soin d'achever son triomphe. Réconcilié avec l'Eglise sa mère, muni des divins Sacrements qui purifient toute âme et la préparent pour l'éternité. Napoléon rendit la sienne à Dieu le cinq mai, dans le mois consacré à Marie, dans le mois qui contient le noble anniversaire que nous fêtons aujourdh'ui. Et si l'on ose péné- trer la pensée de Dieu dans le choix du jour marqué éternellement pour ce grand trépas, ce jour n'est-il pas celui nous avons célé- bré la fête de saint Pie F, le jour Rome offrait ses vœux au septième Pie, au Pie réconciliateur, dont le nom qui devait repa- raître encore en nos temps avec tant de gloire, signifie la tendre compassion et la miséri- corde ? «Dieu QsX pie et miséricordieux, jpn/5 et mlsericovs, » dit la Sagesse dans le livre

5i6

Le Temps Pascal.

de l'Ecclésiastique '. Marie aussi est pie et miséricordieuse ) et c'est pour cela que nous la saluons aujourd'hui de ce beau titre dWuxiliatrice. Qu'il s'agisse du salut de l'E- çlise entière, qu'il s'agisse du salut d'une ame en particulier, Mairie est et demeure à jamais le Secours des chrétiens. Dieu l'a voulu ainsi, et nous entrons dans ses intentions, lorsque nous professons une confiance sans bornes dans le bras d'une si puissante reine et dans le cœur d'une si tendre mère.

Lisons maintenant le récit de la sainte Li- turgie sur le grand événement qui signala en ce jour la protection de Marie sur la chré- tienté.

PR.ESENTISSIMUM Dei- parae auxilium ad re- ligionis hostes profli- gandos, saspe populus Christianus mirum in modum expertus est ; ex quo factum ut sanctissi- mus pontifex Plus Quin- tus, post insignem vic- t o r i a m, intercedente beatissima Virgine, a christianis de Turcarum tyranno apud Echinadas insulas reportatam, in Litaniis Lauretanis eam- dem reginam cœlorum, interalia praeconia, Au- xilium christianorum ap- pellari constituerit. Sed illud in primis memora-

LE secours de la Mère de Dieu s'est souvent fait sentir au peuple chrétien d'une manière miraculeuse, lorsqu'il s'est agi de repous- ser les ennemis de la religion. C'est pour cette raison que le très saint pontife Pie V, après l'insigne victoire remportée par les chrétiens sur les Turcs, dans le golfe de Lë- pante, par l'intercession de la bienheureuse Vierge, ordon- na que parmi les titres d'hon- neur qui sont attribués à la reine des cieux dans les Lita- nies de Lorette, on insérerait désormais celui de Secours des Chrétiens. Mais un des faits les plus mémorablss et

I. Eccli. II, i3

La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice 5ij

les plus dignes d'être comptés parmi les traits miraculeux de cette protection, est celui qui se rapporte au souverain pon- tife Pie VII, qui ayant été enlevé du Siège apostolique de Pierre par le conseil des 'impies secondés de la force armée, et, chose inouïe dans les annales qui relatent les persécutions de l'Eglise ! ayant été détenu sous la garde la plus sévère, princi- palement à Savone, durant plus de cinq ans, le gouver- nement de l'Eglise de Dieu lui étant rendu impossible par toute espèce d'entraves, fut tout à coup et contre l'attente universelle rétabli sur le trône pontifical, aux applaudissements et par le concours du monde entier Ce qui arriva encore une seconde fois , lorsqu'une nouvelle tempête l'ayant contraint de sortir de Rome, et de se reti- rer en Ligurie avec le sacré Collège des cardinaux, un nouveau bienfait de Dieu apaisa l'orage qui menaçait l'Eglise des plus grands mal- heurs, et permit au Pontife de rentrer à Rome, au milieu des transports de joie de la chrétienté tout entière. Mais auparavant le Pontife avait voulu accomplir un désir qu'il avait conçu, et que sa captivité l'avait seule empê- ché d'effectuer. Ce fut de placer solennellement et de

bile est, atque explorati miraculi loco habendum, quod quum Romanus Pontifex, Pius Septimus, impiorum consiliis et ar- mis ex Apostolica Pétri sede exturbatus, et arcta custodia, praïsertim Sa- vonrc per annos quinque, eoque amplius fuisset de- tentus, viis omnibus pe- nitus interclusis, ne Dei Ecclesiam regere posset, nullo similis persecutio- nis in priscis annalibus exemplo, inopinato et praïter omnium exspecta- tionem contigit, ut in- genti plausu , ac veluti universi orbis manibus Pontificio solio restitue- retur. Quod et secundo accidit, dum iterum com- [ moto turbine, ab Urbe [ discedens, sacro comi- k tante cardinalium CoUe- gio, Liguriam contendit. Verum praesentissimo Dei benefîcio, cessante procella, quae grave mi- nabatur excidium, Ro- mam, plaudentibus prae novo gaudio populis, re- versus est. Antea tamen, quod in votis habuerat. et captivitate detentus exsequi nequiverat, aurea corona insignem Savonae imaginem Deiparae Vir- ginis sub titulo Matris Misericordiae, solemni ri- tu, propriisque manibus

5i8

Le Temps Pascal.

decoravit. Quam mira- bilem rerum vicissitudi- nem idem Pontifex maxi- mus Pius Septimus, to- tius eventus intime cons- ciiis, quum intercessioni sanctissimae Dei Geni- tricis, cujus potentem opem et ipse impense im- ploraverat. et ab omni- bus Christi fidelibus im- plorari curaverat, accep- tam merito referret, in ejusdem Virginis Matris honorem sub appella- tione Auxilii Cnristia- norum solemne festum indixit perpetuo cele- brandum die mensis Maii vigesimo quarto, taus- tissimi sui in Urbem re- ditus anniversario. ad- probato etiam OfRcio proprio. ut tanti benefi- cii distincta et perennis exstet memoria, et gra- tiarum actio.

ses propres mains une cou- ronne d or sur l'insigne image de la Vierge Mère de Dieu, honorée à Savone sous le titre de Mère de la Miséri- corde. Le même pontife Pie W\ ayant la conscience in- time de tous ces faits, et rap- portant avec raison leur ad- mirable vicissitude à l'inter- cession de la très sainte Mère de Dieu, dont il avait de- mandé le secours avec ins- tance, en même temps qu'il le faisait implorer par tous les fidèles, institua en l'hon- neur de la Vierge Mère une fête solennelle qui doit être célébrée à perpétuité le vingt- quatre de mai, anniversaire de son heureux retour à Rome ; et il approuva un Office propre pour cette fête, afin que le souvenir et l'ac- tion de grâces pour un tel bienfait demeurassent à ja- mais présents à la pensée des fidèles.

Les deux belles Hymnes c^ui suivent com- plètent la solennité de ce jour, et sont une noble expression de la reconnaissance de l'Eglise envers sa libératrice.

I" HYMNE.

S^PEdum Christi po- puUis cruentis Hostis infensi premexe-

tur armis, Venit adjutrix pia Virgo cœlo

LE peuple du Christ étant près de succomber sous les armes ensanglantées de son cruel ennemi, souvent on a vu la Vierge pleine de bon- té descendre du ciel devenu

La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 5iq

propice, et venir au secours.

Les antiques monuments élevés par nos pères, les tem- ples décorés de dépouilles opimes, attestent cette pro- tection ; et chaque année des fêtes publiques viennent rap- peler par leurs pompes le sou- venir des bienfaits reçus.

Une nouvelle faveur ré- clame aujourd'hui nos actions de grâces envers Marie : un nouveau concert de joie doit s'unir aux applaudissements dont retentissent et Rome et l'univers entier.

O jour fortuné, jour à ja- mais célèbre dans nos fastes, qui vit le siège de Pierre recevoir de nouveau le doc- teur de la foi, après cinq an- nées d'un lamentable exil 1

- Vierges modestes, enfants innocents, prêtres transpor- tés de joie, peuple ravi d'en- thousiasme , unissez-vous pour célébrer à l'envi les bienfaits de la Reine du ciel.

Mère bénie de Jésus , Vierge des vierges, mettez le comble à vos faveurs ; soyez propice au saint Pasteur, ai- dez-le à conduire le troupeau dans les pâturages du salut.

Lapsa sereno.

Prisca sic patrum mo- numenta narrant, Templa testantur spoliis

opimis Clara, votivo repetita cultu Festa quotannis.

En novi grates liceat Mariae Cantici Isetis modulis re- ferre Pro novis donis, réso- nante plausu Urbiset Orbis.

O dies felix, memo- randa fastis, Qua Pétri sedes fidci

magistrum Triste post lustrum re- ducem beata Sorte recepit !

Virgines castae, pue- rique puri, Gestiens clerus, popu-

lusque grato Corde Reginae celebrare cœli

Munera certent.

Virginum V irgo, benc- dicta Jesu Mater, haec auge bona ;

fac, precamur. Ut gregem Pastor Piuj ad salutis Pascua ducat.

1

-

w

520 Le Temps Pascal.

Te pcr ccternos venc-

Trinité digne de toutes nos

remur annos,

louanges, accordez-nous de

Trinitas, sumrao cele-

vous honorer durant les an-

branda plausu;

nées éternelles ; agréez au-

Te fide mentes, resono-

jourd'hui la foi de nos cœurs,

que linguae

avec les cantiques que nos

Carminé laudent.

voix font monter vers vous.

Amen.

Amen.

II"

HYMNE.

•-p E Redemptoris Domi- 1 nique nostri

XT ous vous appelons la J^ Mère de notre Rédemp-

Dicimus Matrem, spe-

teur et Maître, ô Vierge belle

ciosa Virgo,

entre toutes! mais vous êtes

Christianorura decus, et

aussi la gloire des chrétiens

levamcn

et leur Secours dans l'infor-

Rébus in arctis.

tune.

Saeviant porta; licet

Que les portes de l'enfer se

inferorum,

déchaînent, que l'antique en-

Hostis antiquus fremat,

nemi frémisse, qu'il suscite

et minaces,

des colères contre le peuple

Ut Deo sacrum popule-

que Dieu s'est consacré;

tur agmen,

Suscitet iras.

Nil truces possunt fu-

Ses fureurs et sa rage ne

ria; nocere

sauraient nuire aux âmes pu-

iMentibus castis, prece

res qui implorent la Vierge ;

quas vocata

car elle les couvre et les for-

Annuens Virgo fovet, et

tifie de son secours céleste.

superno

Robore firmat.

Tanta si nobis faveat

Lorsqu'une telle protec-

patrona.

trice daigne se déclarer pour

Bellici cessât sceleris tu-

nous, aussitôt s'arrête la fu-

multus,

reur des guerres, et l'on voit

Mille sternuntur, fugiunt-

succomber et fuir les batail-

ve turmae,

lons ennemis qui s'avançaient

Mille cohortes.

avec fureur.

.^^^^

*^

La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 52 1

De même que s'élève sur la sainte montagne de Sion la citadelle construite avec so- lidité, la tour de David pro- tégée par mille boucliers, et défendue par une vaillante garnison ;

Ainsi la Vierge, que la main du Seigneur lui-même a comblée des dons célestes, écarte de son bras invincible les coups que le démon di- rige contre ceux qui la ser- vent avec ferveur.

Trinité digne de toutes nos louanges, accordez-nous de vous honorer durant les an- nées éternelles ; agréez au- jourd'hui la foi de nos cœurs, avec les cantiques que nos voix font monter vers vous.

Amen.

Tollit ut sancta caput in Sione Turris, arx fîrmo fabri-

cata muro, Civitas David, clypeis et acri

Milite tuta :

Virgo sic fortis Domi- ni potenti Dextera, cœli cumulata

donis, A piis longe famulis re- pellit

Daemonis ictus.

Te per asternos vene- remur annos, Trinitas, summo cele-

branda plausu ; Te fide mentes, resono- que linguaï

Carminé laudent. Amen.

J'ai levé mes yeux vers les montagnes d'où vient le Secours, et le Secours « que j'attends vient du Seigneur, qui a fait a le ciel et la terre ^ » C'est ainsi que priait Israël. L'Eglise chrétienne répète la même prière; mais pour elle le secours est plus voisin et plus prompt. Les vœux du Psalmiste ont été remplis ; les cieux se sont abaissés, et le divin Secours est maintenant tout près de nous. Jésus, Fils de Dieu et fils de Marie, est ce Secours, et il accomplit à tout instant cette promesse qu'il nous avait faite par son

I. Psalm. cxx.

52 2 Le Temps Pascal.

Prophète : « Au jour de ton salut, je suis a devenu ton Auxiliaire ^ » Mais ce Roi des rois a voulu nous donner une Reine, et cette Reine est Marie sa mère. Dans son amour, il a fait dresser pour elle un trône à sa droite, comme fit Salomon pour sa mère Bethsabce 2, et il a voulu que du haut de ce trône Marie fût aussi le Secours des chrétiens. C'est la sainte Eglise qui nous l'enseigne, en inscrivant ce beau titre sur la Litanie ; c'est Rome même qui nous convie à nous unir à elle aujourd'hui, afin de rendre gloire à la céleste Auxiliatrice pour l'un de ses plus signalés bienfaits.

"Nous venons donc mêler aux allégresses pascales, ô notre Reine, les joies qu'inspire à tout enfant de l'Eglise le souvenir de votre intervention en faveur de la chrétienté, en ce jour mémorable Rome revit son Pasteur et son Roi. Recevez nos hommages, ô vous qui avez remporté la victoire. Ce mois tout entier retentit de vos louanges ; mais elles montent vers vous plus joyeuses en ce jour. Daignez donc abaisser vos' regards sur Rome et sur son Pontife. De nouveaux périls se sont élevés ; la pierre posée par Jésus est redevenue un signe de contradiction, et les vagues mugissantes de l'impiété la couvrent de leur écume. Nous savons, ô Marie, que cette pierre ne peut être déracinée, et que la sainte Eglise pose sur elle en sûreté ; mais nous savons aussi c)ue les destinées de cette Eglise ne sont pas éternelles ici-bas. Un jour elle doit être enlevée dans les cieux, et ce

I. ISAI. XLIX. 8. 2. III Recj. II, IQ.

La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 523

jour sera le dernier que verra ce monde cou- pable. Jusqu'à ce moment terrible, n'êtes- vous pas, 6 Marie, notre toute-puissante Auxiliatrice ? Oh ! daignez étendre ce bras auquel rien ne résiste. Souvenez-vous de cette Rome à qui votre culte fut si cher, tant de nobles sanctuaires proclament la gloire de votre nom. L'heure dernière de ce monde n'a pas encore sonné; venez en aide à la plus sainte des causes ; ne permettez pas que la ville sainte soit foulée plus longtemps sous les pieds des impies; conservez-lui son Pon- tife, et rendez l'indépendance qui lui est né- cessaire à celui en qui nous vénérons le Vicaire du Roi des rois.

Mais Rome n'est pas le seul point de la terre qui appelle votre puissant secours, ô Marie ! De toutes parts la Vigne de votre fils est exposée aux ravages du sanglier i. Le mal est partout, l'erreur est partout, la séduc- tion est partout; il n'est aucune contrée l'Eglise ne soit dans la souffrance, sa liberté ne soit violée ou menacée. Les sociétés, entraînées loin de la tradition chrétienne dans leurs lois et dans leurs mœurs, sont frappées d'impuissance et sans cesse au moment de rouler dans l'abîme. Secourez le monde dans un aussi grand péril, 6 notre Auxiliatrice ! Vous en avez la force et le pou- voir ; ne laissez pas périr la race que Jésus a rachetée, et qu'il vous a léguée du haut de sa croix.

O Marie, Secours des Chrétiens, vous êtes l'espoir de nos âmes ; et nos âmes sont mena-

I. Psalm. Lxxix.

524 Le Temps Pascal

cées par le mCme ennemi qui s'attaque aux sociétés humaines. Dans sa rage infernale il

I homme et dans l'humanité. Venez au secours tH^r^/"^^"''- ^-^^^.achez-Ies à la dent meur- tr ère du serpent. Le monstre connaît votre puissance ; il sait que vous pouvez sauver sa victinae tant qu'elle n'est pas"^ sortie encore des conditions du temps, et que l'éternité ne s est pas encore ouverte pour elle. V^ous avez re^l'lm'L'^'P^''" d'éclatants triomphes pou; IJ.^ ^"^ ''°' ^"fa"ts; ne vous lassez pas, nous vous en supplions, d'être secourablè fZ if'i P%"'^'", P^^heurs. C'est vous sur- envuVnL'' ^^ prouvent, que Jésus avait uZu '5^^%^^'. ^'o.ulant remplir de convives r.fil/'' festin éternel, il^dit aux minis- tres de son amour : « Forcez-les d'entrer i »

nJ^r'i'A'°'^,'''PP'^^^^^' montent vers vous", ô notre Auxiliatnce, car nos besoins nous près- sent; mais nous n'avons garde d'oublier les devoirs particuliers qui vSus sont dus en ces K'rH "l-^" '"'"'" ^§''^^ honore vos ineffa- niln Jm"^ ^^^^ ''^^^^ ^'s ressuscité. Avec quelles dehces elle s^identifie aux transports de bonheur qui ont tout à coup remplacé dans votre ame les angoisses du Calvaire et du sépulcre! C'est à la mère consolée en son fils, triomphante en son fils, que nous offrons, avec les fleurs du printemps,

mHr^^^^ ^"i""^^ ^'^ ""^ louanges dans tout le cours du mois dont les grâces et la splendeur offrent tant d'harmonies avec votre immortelle beauté. En retour, conser-

I. Luc. XIV, 23.

La Fête de Notre-Dame Auxiliatrice. 525

vez à nos âmes l'éclat qu'elles ont puisé dans la Pàque au contact de votre divin ressus- cité, et daignez nous préparer vous-même à recevoir dignement les dons de l'Esprit-Saint qui viendra bientôt, resplendissant des feux de la Pentecôte, sceller par sa descente en nous l'œuvre de la régénération pascale.

LE XXV MAI.

S. G R F GO I R F V 1 1 , i \'V {^ F. ET CO N FESS R U R.

.PRÈS avoir salué sur le cycle du Temps Pascal les deux noms illus- tres de Léon le Grand et de Pie V, nous nous inclinons aujourd'hui devant celui de Grégoire VII. Ces trois noms résument l'action de la Papauté dans la suite des siècles, après l'â^e des persécutions. Le maintien de la doctrme révélée, et la défense de la liberté de l'Eglise : telle est la mission divinement imposée aux successeurs de Pierre sur le Siège Apostolique. Saint Léon a soutenu avec courage et éloquence la foi antique contre les novateurs ; saint Pie V a fait reculer l'invasion de la prétendue ré- forme, et arraché la chrétienté au joug^ de l'islamisme ; placé entre ces deux pontifes dans l'ordre des temps, saint Grégoire VII a sauvé la société du plus grand péril qu'elle eût encore éprouvé, et fait refleurir dans son sein les mœurs chrétiennes par la restaura- tion de la liberté de l'Eglise.

Au moment finissait le siècle et com- mençait le xi% l'Eglise de Jésus-Christ était en proie à l'une des plus terribles épreuves qu'elle ait rencontrées sur son passage en ce monde. Après le fléau des persécutions, après le fléau des hérésies, était arrivé le fléau de la barbarie. L'impulsion civilisatrice donnée par Charlemagnc s'était arrêtée de bonne

s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 52 j

heure au ix' siècle, et l'élément barbare, plutôt comprimé que dompté, avait forcé ses digues. La foi demeurait encore vive dans les masses; mais elle ne pouvait à elle seule triompher de la grossièreté des mœurs. Le désordre social provenant de l'anarchie q^ue le système féodal avait déchaînée dans toute l'Europe, enfantait mille violences, et le droit succombait partout sous la force et la licence. Les princes ne rencontraient plus un frein dans la puissance de l'Eglise; car Rome elle- même asservie aux factions voyait trop sou- vent s'asseoir sur la chaire apostolique des hommes indignes ou incapables.

Cependant le xi^ siècle avançait dans son cours, et le désordre semblait incurable. Les évêchés étaient devenus la proie de la puis- sance séculière qui les vendait, et les princes se préoccupaient surtout de rencontrer dans les prélats des vassaux disposés à les soute- nir par les armes dans leurs querelles et leurs entreprises violentes. Sous un épiscopat en majeure partie simoniaque, comme l'atteste saint Pierre Damien, les mœurs du clergé du second ordre étaient tombées dans un affaissement lamentable ; et pour comble de malheur, l'ignorance, comme un nuage tou- jours plus sombre, s'en allait anéantissant de plus en plus la notion même du devoir. C'en était fait de l'Eglise et de la société, si la promesse du Christ de ne jamais abandonner son œuvre n'eût été inviolable.

Pour guérir tant de maux, pour faire péné- trer la lumière dans un tel chaos, il fallait que Rome se relevât de son abaissement, et qu'elle sauvât encore une fois la chrétienté.

528 Le Temps Pascal.

Elle avait besoin d'un Pontife saint et éner- gique qui sentît en lui-même cette force divine que les obstacles n'arrêtent jamais ; d'un Pontife dont l'action pût être longue et non passagère, et dont l'impulsion fût assez énergique pour entraîner ses successeurs dans la voie qu'il aurait ouverte. Telle fut la mis- sion de saint Grégoire VU.

Cette mission, comme chez tous les hommes de la droite de Dieu, fut préparée dans la sainteté. Grégoire se nommait encore Hilde- brand, lorsqu'il alla cacher sa vie dans le cloître de Cluny. seulement, et dans les deux mille abbayes confédérées sous la crosse de cet insigne monastère de France, on ren- contrait le'sentiment de la liberté de l'Eglise et la pure tradition monastique ; était'pré- parée depuis plus d'un siècle la régénération des mœurs cnrétiennes, sous la succession des quatre grands abbés, Odon, Maïeul, Odilon et Hugijes. Mais Dieu gardait encore son secret ; et nul n'eût découvert les auxi- liaires de la plus sainte des réformes dans ces monastères qu'un zèle fervent avait atti- rés d'un bout de l'Europe à l'autre à cette alliance avec Cluny, par ce seul motif que Cluny était le sanctuaire des vertus du cloître. Hildebrand chercha pour sa personne ce pieux asile, au sein duquel il espérait du moins fuir le scandale.

L'illustre saint Hugues ne tarda pas à dé- mêler le mérite du jeune Italien qui fut admis dans la grande abbaye française. Un évêque étranger se rencontra un jour avec le maître et le disciple. C'était Brunon de Toul, désigné par l'empereur Henri III pour être

s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 52g

le Pontife de l'Eglise Romaine. Hildebrand s'émeut à la vue de ce nouveau candidat à la chaire apostolique , de ce pape que l'Eglise Romaine qui seule a le droit d'élire son évêque, n'a pas élu, qu'elle ne connaît pas. 11 ose dire à Brunon qu'il ne doit pas accepter les clefs du ciel de la main de Cé- sar , que la conscience l'oblige à se sou- mettre humblement à l'élection canonique de la ville sainte. Brunon, qui fut saint Léon IX, accepte avec soumission l'avis du jeune moine, et tous deux ayant franchi les Alpes s'acheminent vers Rome. L'élu de César devint l'élu de l'Eglise Romaine; mais Hildebrand n'eut plus la liberté de se sépa- rer du nouveau Pontife. II dut bientôt accep- ter le titre et les fonctions d'Archidiacre de l'Eglise Romaine.

Ce poste éminent l'eût élevé promptement sur la chaire apostolique, si Hildebrand eût eu une autre ambition que celle de briser les fers sous lesquels gémissait l'Eglise, et de préparer la réforme de la chrétienté. Mais cet homme de Dieu préféra user de son in- fluence pour faire asseoir sur le siège de Pierre par la voie canonique et en dehors de la faveur impériale, une suite de Pontifes intègres et disposés à user de leur autorité

Eour l'extirpation des scandales. Après saint ,éon IX, on vit passer successivement Vic- tor II, Etienne IX, Nicolas II, et Alexandre II, tous dignes du suprême honneur. Mais il fallut enfin que celui qui avait été l'àme du pontificat sous cinq papes consentît à ceindre lui-même la tiare. Son grand cœuf s'émut au pressentiment des luttes terribles qui

LE TEMPS PASCAL, T. lil. 54

53 o Le Temps Pascal.

l'attendaient ; mais ses résistances, ses ten- tatives pour se soustraire au lourd fardeau de la sollicitude de toutes les Eglises, demeu- rèrent infructueuses; et sous le nom de Grégoire VII, le nouveau Vicaire du Christ fut révélé au monde. Il devait remplir toute l'étendue de ce nom qui signifie la Vigilance.

La force brute se liressait devant lui in- carnée dans un prince audacieux et rusé, souillé de tous les crimes, et, comme un aigle ravisseur, tenant dans ses serres l'Eglise deve- nue sa proie. Dans les états de lempire, nul évèque n'eût été souffert sur son siège, s'il n'eût reçu, par l'anneau et la crosse, l'investi- ture de César. Tel était Henri de Germanie, et à son exemple les autres princes anéantissaient par le même procédé toute liberté dans les élections canoniques. La double plaie de la simonie et de l'incontinence continuait à sévir sur le corps ecclésiastique. Les pieux prédécesseurs de Grés^oire avaient fait recu- ler le mal par de généreux efforts; mais au- cun d'eux ne s'était senti la force de se me- surer corps à corps avec César, dont l'action désastreuse fomentait toutes ces corruptions. Un tel rôle, avec ses périls et ses angoisses, était réservé à Grégoire, et il n'y faillit pas.

Les trois premières années de son pontifi- cat furent cependant assez pacifiques. Gré- goire fit des avances paternelles à Henri. Il chercha, dans sa correspondance avec ce jeune prince, à le fortifier contre lui-même, en témoignant des espérances que les faits vinrent trop tôt démentir, en comblant des maraues de sa confiance et de sa tendresse le fils d'un empereur ^ui avait bien mérité de

s. Grégoire VJf, Pg^ç ^j Confesseur. 53 1

l'Eglise. Henri crut devoir se contenir quelque emps en face d'un pape dont il connais^^i^ Mr^S'/'^'^-^-T'' la digue céda enfin sous 1 impétuosité du torrent, et l'adversaire du pouvoir spirituel se révéla tout entier La vente des évêchés et des abbayes recom- mença au profit de César. Grégoire tVap^a dexcommunicationlessimoniaqSes.etHend bravant avec audace les censures de FE- glise persista à maintenir sur leurs sièges

excès. Grégoire adressa au prince un solen-

avlTefe^r'"'' ^"^' ^"i-gnant de rompre avec ces excommunies, sous peine de voir arriver sur lui-même les foudres de l'E^Iisê Henri, qui avait jeté le masque, se promet- du Pont^f/?^' '^'^^ ^°"^P'^ ^^^ "-'^"^'es la Saxe do t°'^'^''' '^"'.^ "°"P '^ ^^^-ol^e de nlr^ 'k ""^ P'^sieurs des électeurs de l'Em- pire embrassaient la cause, vient l'inquiétTr

avec l'F.r"''""""'-.^^ ^^"^ ^^'"^^^ ^^ture avec 1 Eglise peut, dans un tel moment. lui devenir fatale. On le voit alors s'adresser en suppliant à Grégoire, solliciter rabsolut on et abjurer sa conduite passée entre les ma?ns ÎJ.Tl^^^''^ envoyés^n Allemagne par le l ?! Hnn.^ï' ' P"'^" '^ monarque félon a- i-u triomphe pour un moment de la révolte l'E^Te^'Tl'^L'i /^'^«"^"^ence la guerre contre d\Ël } «selansune assembléed'évêques, fen '^%^'' proclamer la déposition de S?hT'' ^'^"'°' ^'^^^^^^ ^^ voit arrivera la fofl.^ '^' M^'^P,^'' ^' '^ ^'^""^ donne à une un i.n."^ -f ''^^''' ^? '^§"^1 d^ ^^ révolte contre de feur viê'^°'^ ^ "' P"' '°"^''' l'ignominie

532

Le Temps Pascal.

C'est alors que Grégoire, dépositaire de ces clefs puissantes qui signifient le pouvoir de lier et de délier au ciel et sur la terre, prononce la terrible sentence qui déclare Henri privé de la couronne et ses sujets dégagés du serment de fidélité à sa personne. Le Pontife ajoute un anathème plus redou- table encore aux princes infidèles : il le déclare exclu de la communion de l'Eglise. En s'oppo- sant ainsi comme un rempart pour la défense de la société chrétienne menacée de toutes parts, Grégoire attirait sur lui l'effort de toutes les mauvaises passions; et l'Italie était loin de lui offrir les garanties de fidélité sur les- quelles il eût eu droit de compter. César avait pour lui plus d'un prince dans la Pénin- sule, et les prélats simoniaques le regardaient comme leur défenseur contre le glaive de Pierre. Il était donc à prévoir que bientôt Grégoire n'aurait plus mettre le pied dans toute l'Italie ; mais Dieu qui n'abandonne point son Eglise avait suscité un vengeur pour sa cause. A ce moment la Toscane et une partie de la Lombardie reconnaissaient pour souveraine la jeune et vaillante comtesse Mathilde. Cette noble femme se leva pour la défense du Vicaire de Dieu ; ses trésors, ses armées, elle les tint à la disposition du Siège Apostolique tant qu'elle vécut; et ses doma'i- nes, elle les légua avant sa mort au Prince des Apôtres et à ses successeurs.

Au fort de ses succès, Henri eut donc à con;pter avec Mathilde. Cette princesse, qui balançait son influence en Italie, put sous- traire à sa fureur le généreux Pontife. Par ses soins, Grégoire arriva sain et sauf à Ca-

s. Grégoire Vil, Pape et Confesseur. 533

nossa, forteresse inexpugnable près de Reg- gio. A ce moment même la fortune de Henri sembla vaciller. La Saxe relevait l'étendard de la révolte, et piusd'un feudataire de l'Em- pire se liguait avec les rebelles pour anéantir le tyran que l'Ectlise venait de mettre au ban de la cnrétiente. Henri eut peur pour la seconde fois, et son âme aussi perfide que lâche ne recula pas devant le parjure. Le pou- voir spirituel entravait ses plans sacrilèges : il osa penser qu'en lui offrant une satisfac- tion passagère, il pourrait le lendemain rele- ver la tête. On le vit se présenter nu-pieds et sans escorte à Canossa, vêtu en pénitent et sollicitant avec de feintes larmes le pardon de ses crimes. Grégoire eut compassion de son ennemi, pour "lequel Hugues de Cluny et Mathilde intercédaient à ses pieds. Il leva l'excommunication, et réintégra Henri au sein de l'Eglise; mais il ne jugea pas à propos de révoquer encore la sentence par laquelle il l'avait privé des droits de souverain. Le Pon- tife annonça seulement l'intention de se rendre à la diète qui devait se tenir en Alle- magne, de prendre connaissance des griefs que les princes de l'Empire avançaient contre Henri, et de décider alors selon la justice.

Henri accepta tout, prêta serment sur l'E- vangile, et rejoignit son armée. L'espérance renaissait dans son cœur, à mesure qu'il s'é- loignait de la redoutable forteresse dans les murs de laquelle il avait sacrifier un ins- tant son orgueil à son ambition. Il comptait sur l'appui des mauvaises passions, et son calcul jusqu'à un certain point ne fut pas trompé. Un tel homme devait finir misera-

5Jf4 Le Temps Pascal.

blement ; mais Satan était trop intéressé à son succès pour ne pas lui venir en aide.

Cependant un rival s'élevait en Allemagne contre Henri : Rodolphe, duc de Souabe, appelé à la couronne dans une diète des élec- teurs de l'Empire. Grégoire, fidèle à ses prin- cipes de droiture, refusa d'abord de recon- naître cet élu, bien que son attachement à l'Eglise et ses nobles qualités le rendissent particulièrement recommandable. Le Pon- tife persistait dans son projet d'entendre dans l'assemblée des princes et des villes de l'Alle- magne les griefs reprochés à Henri, de l'écou- ter lui-même, et de mettre tin aux troubles en prononçant un jugement équitable. Ro- dolphe insistait auprès du Pontife pour en obtenir la reconnaissance de ses droits ; Grégoire qui l'aimait eut le courage de résis- ter à ses instances, et de remettre l'examen de sa cause à cette diète que Henri avait acceptée avec serment à Canossa, mais dont il craignait tant les résultats. Trois années se passèrent durant lesquelles la patience et la modération du Pontife furent cons- tamment mises à l'épreuve par les délais de Henri, et par son refus d'assurer la sé- curité de l'Eglise. Enfin le Pontife, dans l'impuissance'de mettre un terme aux dis- cussions armées qui ensanglantaient l'Alle- magne et l'Italie, ayant constaté le mauvais vouloir de Henri et son parjure, lança de nouveau contre lui l'excommunication, et renouvela dans un concile tenu à Rome la sentence par laquelle il l'avait déclaré privé de la couronne. En même temps Grégoire reconnaissait l'élection de Rodolphe et ac-

s. Grégoire Vif, Pape et Confesseur. 535

cordait la bénédiction apostolique à ses adhé- rents.

La colère de Henri monta au comble, et sa vengeance ne garda plus de mesure. Parmi les prélats italiens les plus dévoués à sa cause, Guibert, archevêque de Ravenne, était le plus ambitieux et le plus compromis à l'égard du Siège Apostolique. Henri fit de ce traître un anti-pape, sous le nom de Clé- ment III. Ce faux pontife ne manqua pas de partisans, et le schisme vint se joindre aux autres calamités qui pesaient déjà sur l'Eglise. C'était un de ces moments terribles où, selon l'expression de saint Jean, « il est « donné à la bête de faire la guerre aux « saints et de les vaincre ^ ». Toiit à coup la victoire se déclare en faveur de César. Rodolphe est tué dans une bataille en Alle- magne, et les troupes de Mathilde sont défai- tes en Italie. Henri n'a plus qu'un vœu, celui d'entrer dans Rome, d'en chasser Grégoire et d'introniser son anti-pape sur la chaire de saint Pierre.

Au milieu de ce cataclysme effrayant d'où l'Eglise cependant devait sortir épurée et affranchie, quels étaient les sentiments de notre saint Pontife ? Il les décrit lui-même dans une lettre adressée à saint Hugues de Cluny. « Telles sont, lui dit-il, les angoisses auxquelles nous sommes en proie, que ceux- même qui vivent avec nous, non seule- ment ne les peuvent plus souffrir, mais n'en supportent pas même la vue. Le saint roi David disait : a En proportion de la

I. Apoc. XI, 7.

536 Le Temps Pascal

«( douleur immense qui oppressait mon cœur, « vos consolations, Seigneur, sont venues « réjouir mon âme » ; mais pour nous, bien souvent la vie est un ennui et la mort un vœu ardent. S'il arrive que Jésus, le ten- dre consolateur, vrai Dieu et vrai homme, daigne me tendre la main, sa bonté rend la )oie à mon cœ-ur affligé ; mais pour peu qu'il se retire, mon trouble arrive à l'excès. En ce qui est de moi je meurs sans cesse ; en ce qui est de lui je vis par moments. Si mes forces défaillent tout à fait, je crie vers lui, je lui dis d'une voix gémissante : « Si vous « imposiez un fardeau aussi pesant à « Moïse et à Pierre, ils en seraient, ce me « semble, accablés. Que peut-il advenir de « moi qui ne suis rien en comparaison d'eux? « Vous n'avez donc. Seigneur, qu'une chose « à faire : c'est de gouverner vous-même, « avec votre Pierre, le pontificat qui m'est « imposé ; autrement vous me verrez suc- « comber, et le pontificat sera couvert de « confusion en ma personne K »

Ce cri de détresse qui s'échappe de l'âme du saint Pontife révèle son caractère tout entier. Le zèle pour les mœurs chrétiennes qui ne peuvent se conserver que par la liberté de l'Eglise, était le mobile de sa vie entière. Un tel zèle avait pu seul lui faire affronter cette situation terrible, dans laquelle il n'avait à recueillir en ce monde que les chagrins les plus cuisants. Et pourtant, Gré- goire était ce père de la chrétienté qui, devan- çant ses successeurs, avait conçu dès les pre-

I. Data Romae, nonis mail, indictione l (1078).

s. Grégoire VJI, Pape et Confesseur. 53y

mières années de son pontificat la grande et courageuse pensée d'aller refouler l'isla- misme jusqu'en Orient, et de briser par une descente chez le Sarrasin le joug des chré- tiens opprimés. Il avait débute dans ce projet par une lettre adressée à tous les fidèles. Il y montre l'ennemi du nom chrétien déjà sous les murs de Constantinople, et signalant sa férocité par d'horribles carnages.

« Si nous aimons Dieu, dit-il dans cette épî- tre, si nous nous reconnaissons chrétiens, il nous faut gémir sur de tels désastres ; mais gémir ne suffit pas. L'exemple de notre Rédempteur et le devoir de la charité frater- nelle nous imposent l'obligation de donner notre vie pour la délivrance de nos frères. Sachez donc que, rempli de confiance dans la miséricorde de Dieu et dans la puissance de son bras, nous faisons tout et nous pré- parons tout, afin de porter un prompt secours à l'empire chrétien i. » Peu de temps après, il écrivait à Henri qui n'avait pas encore démasqué ses projets hostiles à l'Eglise : « Mon avertissement aux chrétiens d'Italie et d'au delà des monts a été reçu avec faveur. Déjà plus de cinquante mille hommes se pré- parent, et s'ils peuvent compter sur moi comme chef de l'expédition et comme Pon- tife, ils marcheront à main armée contre les ennemis de Dieu, et avec le secours divin, ils iront jusqu'au sépulcre du Seigneur. » Ainsi le sublime vieillard ne reculait pas devant la pensée de se mettre lui-même à la tête de l'armée chrétienne. « Une chose, dit-

I. Data Romae, calendis martii, indictione 12 (1074).

53 s Le Temps Pascal.

il, m'engage à exécuter ce projet: c'est 1 état de l'Eglise\le Constantinoplc qui s'ccarte de nous sur le dogme du Saint-Esprit, et qui a besoin de rentrer en accord avec le Sicge \postolique. L'Arménie presque tout entière s'est éloignée de la foi catholique ; en un mot, la grande majorité des Orientaux ressent le besoin de connaître quelle est la foi de Pierre sur les diverses opinions qui ont cours chez eux. Le moment est venu d'user de la grâce que le miséricordieux Rédempteur a conférée à Pierre, en lui faisant ce comman- dement : J'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille pas ; confiryne tes f rares. Nos pères, dont notre désir est de suivre les tra- ces quoique indigne de leur succéder, ont plus d'une fois visité ces contrées pour y con- firmer la foi catholique : nous donc aussi, nous nous sentons poussé, si le Christ nous ouvre la voie, à entreprendre cette expédition dans l'intérêt de la foi et pour aller au secours des chrétiens. » ^ . . . .^

Dans sa loyauté accoutumée, Grégoire était allé jusqu'à compter sur le concours de Henri pour protéger l'Eglise durant son absence. « Un tel projet, écrit-il à ce prince, demande un grand conseil et un secours puissant, si Dieu permet qu'il se réalise ; je viens donc te demander ce conseil et aussi ce secours, s'il t'est agréable. Si, par la faveur divine, je pars, après Dieu c'est à toi que je laisse- rai l'Eglise Romaine, afin que tu la gardes comme une mère sainte, et que tu protèges son honneur. Fais-moi savoir au plus tôt ce que tu auras décidé dans ta prudence aidée du conseil divin. Si je n'espérais pas de toi

n

s. Grégoire VIT, Pape et Confesseur. 53g

plus que d'autres ne croient, je t'aurais écrit ceci bien inutilement; mais comme il peut se faire que tu ne te laisses pas aller à une entière contiance en l'atFection que je te porte, je m'en remets à l'Esprit-Saint qui peut tout. Je le prie de te faire comprendre à sa manière l'attachement que j'éprouve pour toi, et de gouverner ton esprit, de façon à renverser ïes désirs des impies et à fortifier l'espérance des bons i. »

Moins de trois ans après avait lieu l'entre- vue de Canossa ; mais au moment Gré- goire écrivait cette lettre à Henri, sa confiance dans l'expédition qu'il projetait était assez fondée, pour qu'il en fît part à la comtesse Mathilde. « L'objet de mes pensées, écrit-il à la chevaleresque princesse, le désir que j'éprouve de passer la mer, pour venir au secours des chrétiens que les païens immo- lent comme un vil bétail, me cause de l'em- barras vis-à-vis de plusieurs; je crains d'être taxé par eux d'une certaine légèreté. Mais je n'ai aucune peine à te le confier, à toi, ma fille très chère, dont j'estime la prudence plus que tu ne saurais t'en rendre compte. Après avoir lu les lettres que j'envoie au delà des monts, si tu as un conseil à émettre, ou mieux encore à prêter un secours à la cause de Dieu ton créateur, fais en sorte d'y appor- ter tous tes soins ; car s'il est beau, comme on le dit, de mourir pour sa patrie, il est plus beau et plus glorieux encore de sacrifier la chair mortelle pour le Christ qui est l'éter- nelle vie. J'ai la confiance que beaucoup

I. Data Romae, 7 idus decembris, indictione 13(1074).

540 Le Temps Pascal.

d'hommes de guerre nous viendront en aide dans cette expédition ; j'ai des raisons de pen- ser que notre impératrice (la pieuse Agnès, mère de Henri) a l'intention de partir avec nous; elle désire t'emmencr avec elle. Ta mère (la comtesse Béatrix) demeurera dans ce pays, pour veiller à la défense des intérêts communs ; et toutes choses étant ainsi réglées, avec l'aide du Christ nous pourrions nous mettre en route. En venant ici pour satisfaire sa dévotion, l'impératrice, aidée de ton secours, pourra animer un grand nombre de personnes à cette sainte entreprise. Pour ce qui est de moi, honoré de la compagnie de si nobles sœurs, je passerai volontiers les mers, disposé à donner ma vie pour le Christ avec vous, dont je désire n'être pas séparé dans la patrie éternelle. Adresse-moi promp- tement une réponse sur ce projet et sur ton arrivée à Rome, et daigne le Seigneur tout- puissant te bénir et te mire marcher de vertu en vertu, afin que la Mère universelle puisse se réjouir en toi durant de longues années ^ ! »

La pensée de Grégoire, à laquelle il se livrait avec tant d'enthousiasme, n'était pas uniquement un rêve généreux de sa grande âme ; c'était un pressentiment divin. "Sa vie héroïque ne devait pas laisser place à une lointaine expédition ; il allait avoir à com- battre un autre ennemi que le Sarrasin , mais la croisade qu'il saluait avec tant d'ar- deur n'était pas loin. Urbain 11, son second successeur, comme lui moine de Cluny,

I. l6 décembre 1074. Jaffé, Monumenta Grego- riana, fjg. 532.

s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 541

devait sous peu d'années ébranler l'Europe chrétienne et la lancer sur l'ennemi com- mun. Mais puisque nous avons rencontré le nom de Mathilde, nous profiterons de cette occasion pour pénétrer plus intimement encore dans l'âme de notre grand Pontife. On verra comment cet illustre athlète de la liberté de l'Eglise savait unir à la hauteur et à la grandeur des vues la touchante sollici- tude du plus humble prêtre pour l'avance- ment spirituel d'une âme. « Celui-là seul qui pénètre le secret des cœurs, écrit-il à la pieuse princesse, peut connaître, et connaît mieux que moi encore, le zèle et la sollici- tude que je porte à ton salut. Je me liatte que tu sais comprendre que je suis tenu à prendre soin de toi, en vue de tant de peu- ples pour l'intérêt desquels la charité m'a contraint de te retenir, lorsque tu songeais à les abandonner, afin de ne ^lus songer qu'au bien de ton âme. La charité, ainsi que je te l'ai dit souvent et que je te le dirai encore, d'après celui qui est la trompette du ciel, la charité ne cherche pas ce qui est de son intérêt. Mais comme entre les armes de défense que je t'ai fournies contre le prince du monde, la principale est de recevoir fré- quemment le Corps du Seigneur, et de te livrer avec une entière confiance à la protec- tion de sa Mère, dans cette lettre je veux te transcrire ce que le bienheureux Ambroise a pensé au sujet de la communion. »

Le pieux Pontife insère ici deux passages du saint Docteur, qu'il fait suivre d'autres citations empruntées à saint Grégoire le Grand et à saint Jean Chrvsostome sur le

542 Le Temps Pascal.

bienfait de la divine l'ucharistie. Il continue ainsi : « Nous devons donc, 6 ma fille, recou- rir à ce merveilleux sacrement, aspirer à ce puissant remède. Je t'ai écrit cette lettre, 6 fille du bienheureux Pierre, pour accroître encore ta foi et ta confiance, lorsque tu re- çois le Corps du Seigneur. Tel est le trésor, tel est le bienfait, au-dessus de l'or et des pierres précieuses, que ton âme attend de moi dans son amour pour le Roi des cieux

aui est ton père ; bien qu'il te fût possible 'obtenir par tes mérites quelque chose de meilleur en t'adressant à un autre ministre de Dieu. Quant à la Mère du Seigneur, à laquelle je t'ai confiée pour le passé, pour le présent et pour toujours, jusqu'à ce que nous puissions la contempler au ciel selon notre désir, je ne t'en entretiendrai pas aujour- d'hui. Que pourrais- je dire qui fût digne de celle que le ciel et la terre ne cessent de combler de louanges, sans pouvoir atteindre à ce qu'elle mérite ? mais tiens ceci pour assuré, qu'autant elle est plus élevée, plus dévouée et plus sainte que toutes les autres mères, autant elle se montre miséricordieuse et tendre envers ceux et celles qui ont péché et qui s'en repentent. Renonce donc à toute inclination au péché, et prosternée devant elle, répands les larmes d'un cœur contrit et humilie. Tu la trouveras alors, je te le pro- mets en toute assurance, plus empressée et plus affectueuse dans sa tendresse pour toi que ne saurait l'être une mère selon la chair *. » L'œil du Pontife que tant de sollicitudes ne

s. Grégoire Vil, Pape et Confesseur. 543

pouvaient distraire de l'intérêt paternel qu'il portait à l'avancement d'une âme, allait chercher, malgré les distances, à travers la chrétienté, les nommes trop rares alors dont la sainteté et la doctrine devaient faire plus tard l'ornement et la lumière de l'Eglise. C'est ainsi que Grégoire avait découvert le grand Anselme, alors encore caché au fond de son abbaye du Bec. Du milieu de ses tri- bulations inouïes (107Q), le Pontife adresse à l'Abbé cette lettre touchante : « La bonne odeur de tes fruits, lui dit-il, s'est fait sentir jusqu'à nous. Nous en rendons à Dieu nos actions de grâces, et nous t'embrassons de cœur dans l'amour du Christ, assuré que nous sommes du succès que l'Eglise de Dieu retirera de tes études, et de l'aide que, par la miséricorde du Seigneur, lui apporteront, dans ses périls, tes prières jointes à celles qu'otYrent au ciel ceux qui te ressem.blent. Tu sais, mon frère, la puissance qu'exerce auprès de Dieu la prière du juste ; celle de plusieurs justes a plus de force encore ; il n'y a même pas lieu de douter qu'elle n'ob- tienne ce qu'elle implore. C'est l'autorité de la Vérité même qui nous oblige de le croire. C'est elle qui a dit : « Frappez, et l'on vous (( ouvrira. »> Frappez avec simplicité, deman- dez avec simplicité, dans les choses qui lui sont agréables ; alors il vous sera ouvert, alors vous recevrez, et c'est en cette manière que la prière des justes sera exaucée. C'est pourquoi nous voulons que ta Fraternité et celle de tes moines s'adressent à Dieu par des prières assidues, afin qu'il daigne sous- traire à l'oppression des hérétiques son

544 L^ Temps Pascal.

Eglise et nous-mêmc qui lui sommes pré- posé, quoique indigne, et que dissipant l'er- reur qui aveugle nos ennemis, il les ramène au sentier de la vérité i. »

Mais l'œil de Grégoire ne s'arrêtait pas seu- lement sur des princesses comme Mathilde, sur des docteurs comme Anselme. Il savait découvrir jusque dans la mêlée l'humble et courageux blessé qui soulfrait pour la cause de l'Église, et l'entourait d'une admiration et d'une tendresse qu'il n'eût pas éprouvée pour ces chefs dont la ridélité est au prix de la gloire. Qu'on lise cette lettre à un pauvre prêtre milanais que les simoniaques avaient mutilé d'une façon barbare. « Si nous véné- rons la mémoire des Saints qui sont morts après que leurs membres ont été tranchés par le fer, écrit-il à cet obscur soldat de l'Eglise, nommé Liprand, si nous célébrons les souffrances de ceux que ni le glaive, ni les souffrances n'ont pu séparer de la foi du Christ, toi à qui on a coupé le nez et les oreilles pour son nom, tu es plus digne de louanges encore d'avoir mérité une grâce qui, si elle est jointe à la persévérance, te donne une entière ressemblance avec les Saints. L'intégrité de ton corps n'existe plus ; mais l'homme intérieur qui se renouvelle de jour en jour, s'est développé en toi avec gran- deur. Extérieurement les mutilations désho- norent ton visage ; mais l'image de Dieu, qui est le rayonnement de la justice, est devenue en toi plus gracieuse par ta bles- sure même, plus attrayante par la diftormité

s. Grégoire V/I, Pape et Confesseur. 545

3u'on a imprimée à tes traits. L'Eglise ne it-elle pas elle-même dans le Cantique : « Je suis noire, ô filles de Jérusalem » ? Si donc ta beauté intérieure n'a pas souffert de ces cruelles mutilations, ton caractère sacer- dotal qui est saint, et qu'il faut reconnaître plutôt dans l'intégrité des vertus que dans celle des membres, n'en a pas été atteint davantage. N'a-t-on pas vu l'empereur Cons- tantin baiser respectueusement au visage d'un évêque la cicatrice d'un œil qui avait été arraché pour le nom du Christ ? L'exemple des Pères et les anciennes écritures ne nous apprennent-ils pas qu'on maintenait les mac- tyrs dans l'exercice du ministère sacré, même après la mutilation qu'ils avaient soufferte dans leurs membres ? Toi donc, martyr du Christ, sois plein d'assurance dans le Sei- gneur, Regarde-toi comme ayant fait un pas de plus dans ton sacerdoce. Il te fut conféré avec l'huile sainte ; aujourd'hui le voilà scellé de ton propre sang. Plus on t'a réduit, plus il te faut prêcher ce qui est bien, et semer cette parole qui produit cent pour un. Nous savons que les ennemis de la sainte Eglise sont tes ennemis et tes persécuteurs ; ne les crains pas, et ne tremble pas devant eux; car nous gardons avec amour sous notre tutelle et sous celle du Siège Apostolique ta personne et tout ce qui t'appartient; et s'il te devient nécessaire de recourir à nous, nous acceptons d'avance ton appel, disposé à te recevoir avec allégresse et grand honneur, lorsque tu vien- dras vers nous et vers ce saint Siège *. »

I. 1075. Jaffé, pag. 533.

LE TEMPS PASCAL. T. III.

3^6 Le Temps Pascal.

Tel était Grégoire, unissant la simplicité du cloître aux plus graves sollicitudes de la papauté. Et quelles sollicitudes, si nous oublions pour un moment l'affreuse crise au milieu de laquelle il disparut! Nous venons de parler du projet de la croisade, qui plus tard a suffi à lui seul pour immortaliser Urbain II ; mais que d'œuvres diverses, que d'interven- tions pastorales dans tout le monde chrétien, qui font des douze années de ce pontihcat si agité l'une des époques la papauté, présente partout, semble avoir déployé le plus d'acti- vité et de vigilance ! Dans sa vaste corres- pondance, Grégoire ne se borne pas à diriger les affaires de l'Eglise dans l'Empire, en Ita- lie, en France, en Angleterre, en Espagne; il soutient les jeunes chrétientés du Danemarck, de la Suède, de la Norwège ; la Hongrie, la Bohème, la Pologne, la Servie, la "Russie elle-même, reçoivent ses lettres remplies de sollicitude. Malgré la rupture du lien de communion entre Rome et Byzance, le Pon- tife ne cesse pas ses interventions ; il voudrait arrêter le scnisme qui emporte l'Eglise grec- que loin de son orbite. Sur la côte d'Afrique, sa vigilance soutient encore trois évèchés qui ont survécu à l'invasion sarrasine. Dans le but d'unifier la chrétienté latine, il resserre le lien de la prière publique, abolissant en Espagne la liturgie gothique, et faisant recu- ler au delà des frontières de la Bohême la liturgie de Byzance qui allait l'envahir. Quelle carri'ere pour un seul homme ; mais aussi quel martyre était réservé à ce grand cœur ! li nous faut reprendre le récit, "un moment suspendu, des épreuves de notre Pontife. Par

s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 547

lui l'Eglise et la société devaient être sau- vées; mais comme son Maître divin, « il « devait boire l'eau du torrent pour relever <( ensuite la tête 1. »

Nous l'avons vu humilié dans ses défen- seurs, le sort des armes lui étant devenu con- traire ; nous l'avons vu menacé par son vain- queur, après l'avoir tenu sous ses pieds ; nous l'avons vu en but*^'^'- à un anti-pape dont la cause est soutenue par d'indignes prélats; mais « ce n'est encore que le commence- ment des douleurs 2. » Henri marche sur la ville sainte en la compagnie du faux vicaire du Christ. Un incendie allumé par sa main sacrilège menace de dévorer le quartier du Vatican; Grégoire envoie sa bénédiction sur son peuple éperdu, et tout aussitôt la flamme recule et s'éteint. Un moment l'enthousiasme gagne les Romains, si souvent ingrats envers le Pontife qui est à lui seul la vie et la gloire de Rome. Prêt à consommer le sacrilège, Henri hésite et tremble. Il laissera tomber dans la poussière l'ignoble fantôme qu'il a voulu opposer au véritable pape -, il ne demande plus qu'une chose aux Romains : que Grégoire consente à lui donner l'onction sainte, et lui, Henri de Germanie, désormais empereur, se montrera fils dévoué de l'Eglise. Cette prière est transmise à Grégoire par la cité tout entière : « Je connais trop la four- « berie du roi, répond le noble Pontife. Qu'il « satisfasse d'abord à Dieu et à l'Eglise qu'il « a foulée aux pieds : je pourrai alors absou- « dre son repentir, et placer sur sa tète con-

5^v Le Temps Pascal.

« vertie la couronne impériale. « Les ins- tances des Romains ne purent obtenir d'autre réponse de l'inflexible gardien du droit de la chrétienté. Henri allatt s'éloigner, lorsque tout à coup cette population mobile, gagnée par d'infâmes largesses venues de Byzance (car tous les schismes s'entendent contre la papauté), se détache de celui qui est son roi et son père, et vient déposer les clefs de la ville aux pieds du tyran qui apporte la ser- vitude des âmes. Grégoire se voit alors réduit à chercher un asile dans le fort Saint-Ange, et la liberté de l'Eglise y est assiégée avec lui. C'est de là, ou"peut-être quelques jours avant de s'y enfermer, qu'il écrit, en l'année 1084, cette lettre sublime adressée à tous les fidèles, et qui est comme le testament de sa grande âme :

« Les princes des nations et les princes des prêtres se sont réunis contre le Christ, Fils du Dieu tout-puissant, et contre son apôtre Pierre, pour éteindre la religion chrétienne et propager partout l'hérétique perversité. Mais, par la miséricorde de Dieu, ils n'ont pu, malgré leurs menaces, leurs cruautés et leurs promesses de gloire mondaine, entraî- ner dans leur impiété ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur. D'iniques cons- pirateurs ont levé la main contre nous, uni- quement parce que nous n'avons pas voulu couvrir du silence le péril de la sainte Eglise, ni tolérer ceux qui ne rougissent pas de réduire en servitude l'Epouse même de Dieu. En tout pays, la dernière des femmes peut se donner îin époux à son gré avec l'appui des lois; et voici qu'il n'est plus permis à la

s. Grégoire VU, Pape et Confesseur. 54g

sainte Eglise qui est l'Epouse de Dieu et notre mère, de demeurer unie à son Epoux, comme le demande la loi divine et comme elle le veut elle-même. Nous ne devons pas souffrir que les fils de cette Eglise soient asservis à des hérétiques, à des adultères, à des oppres- seurs, comme si ceux-là étaient leurs pères. De des maux de toute nature, des périls divers, des actes de cruauté inouïe, ainsi que vous pourrez l'apprendre de nos légats.

« Il a été dit au Prophète, comme le sait votre fraternité : « Du sommet de la monta- « gne, fais entendre des cris, et ne cesse « pas. » Poussé irrésistiblement, sans aucun respect humain, me mettant au-dessus de tout sentiment terrestre, j'évangélise à mon tour, je crie et je crie encore, et je vous annonce que la religion chrétienne, la vraie foi que le Fils de Dieu venu sur la terre nous a enseignée par nos pères, est menacée de se corrompre par l'envahissement de la puis- sance séculière, qu'elle tend à s'anéantir, à perdre sa couleur antique, exposée ainsi à la dérision non seulement de Satan, mais des juifs, des sarrasins et des païens. Ces derniers du moins gardent leurs lois qui ne peuvent être utiles au salut des âmes, et qui n'ont point été garanties par des miracles comme la nôtre que le Roi éternel a attestée lui- même : ils les gardent et ils y croient. Nous chrétiens, enivres de l'amour du siècle et trom- pés par une vaine ambition, nous faisons céder toute religion et toute honnêteté à la cupidité et à la superbe, nous semblons dépourvus de toute loi et comme insensés, n'ayant plus le soucirqu'avaient nos pères du salut et de l'hon-

55o Le Temps Pascal.

neur de la vie présente et de la vie future, n'en faisant même pas l'objet de notre espérance. S'il s'en rencontre qui craignent encore Dieu, c'est uniquement de leur salut qu'ils s'occu- pent, et non de l'intérêt commun. Qui voit- on aujourd'hui se donner de la peine, exposer sa vie dans les fatigues par le motif de la crainte ou de l'amour du Dieu tout-puissant, tandis qu'on voit les soldats de la milice sécu- lière braver tous les dangers pour leurs maî- tres, pour leurs amis et même pour leurs sujets ? Des milliers d'hommes savent courir à la mort pour leurs seigneurs; mais s'agit-il du roi du ciel, de notre Rédempteur, loin de jouer ainsi sa vie, on recule devant l'inimitié de quelques hommes. S'il en est (et il en existe encore, par la miséricorde de Dieu, si peu que ce soit), s'il en est, disons-nous, quelques-uns qui, pour l'amour de la loi chrétienne, osent résister en face aux impies, non seulement ils ne trouvent pas d'appui chez leurs frères, on les taxe d'imprudence et d'indiscrétion, on les traite de fous.

« Nous donc qui sommes obligé par notre charge de détruire les vices dans les cœurs de nos frères et d'y implanter les vertus, nous vous prions et vous supplions dans le Seigneur Jésus qui nous a rachetés, de réfléchir en vous- mêmes, afin de bien comprendre pour quel motif nous avons à souffrir tant d'angois- ses et de tribulations de la part des ennemis de la religion chrétienne. Du jour où, par la vo- lonté divine, l'Eglise mère m'a établi, malgré ma grande indignité, et malgré moi. Dieu le sait, sur le trône apostolique, tous mes soins ont été pourque l'Epouse de Dieu, notre dame

s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 55 1

et mère, remontât à la dignité qui lui appar- tient, pour qu'elle se maintînt libre, chaste et catholique. Mais une telle conduite devait déplaire souverainement à l'antique ennemi ; c'est pourquoi il a armé contre nous ceux qui sont ses membres, et nous a suscité une oppo- sition universelle. C'est alors que l'on a vu se diriger contre nous et contre le Siège Apos- tolique plus d'efforts violents qu'il n'en avait été tenté depuis les temps de Constantin le Grand. Mais que l'on ne s'en étonne pas ; il est naturel que plus le temps de TAniéchrist approche, plus il mette d'acharnement à poursuivre l'anéantissement de la religion chrétienne i. »

Telle était à ce moment suprême l'îndigna- tion douloureuse du grand Pontife, presque seul contre tous, abattu par les revers, mais non vaincu. De la forteresse il avait abrité la majesté apostolique, il put entendre les impies vociférations du cortège qui condui- sait à la basilique vaticane Henri, que son faux pape attendait à la Confession de saint Pierre. C'était le dimanche des Rameaux io85. Le sacrilège fut consommé. La veille, Guibert avait ose trôner dans la basilique de Latran ; et sous les palmes triomphales por- tées en l'honneur du Christ dont Grégoire était le vicaire, on vit l'intrus placer sur la tête du César excommunié la couronne de l'Empire chrétien ; mais Dieu préparait un vengeur à son Eglise. Au moment le Pontife était serré de plus près dans la forte- resse qui lui servait d'abri, et qu'il semblait

I. 1084. JaffÉ, ;E:'ag'. 572.

55:

Le Temps Pascal.

avoir tout à craindre de la fureur de son en- nemi, Rome retentit tout à coup du bruit de l'arrivée du vaillant chef des Normands, Robert Guiscard. Cet homme de guerre est accouru pour mettre ses armes au service du Pontife assiég'^, et pour délivrer Rome du joug des Allemands. Une panique soudaine s'empare du faux César et du faux pape ; l'un et l'autre prennent la fuite, et la cité parjure expie dans les horreurs d'un saccagement effroyable le crime de son odieuse trahison.

Le cœur de Grégoire fut accablé du désas- tre de son peuple. Impuissant à contenir la rage dévastatrice de ces barbares qui ne surent pas se borner à délivrer le Pontife, mais donnèrent carrière à toutes leurs cupi- dités au sein de cette ville qu'ils auraient châtier et non écraser; menacé du retour de Henri qui comptait sur le ressentiment des Romains et se préparait à remplacer les Normands, lorsqu'ils auraient assouvi leurs convoitises, Grégoire sortit de Rome avec désolation, et, secouant la poussière de ses pieds, il alla demander asile au Mont-Cassin, et passer quelques heures dans ce sanctuaire du grand patriarche des.moines. Le contraste des jours tranquilles de sa jeunesse abritée sous le cloître, avec les orages dont sa car- rière apostolique n'avait cessé d'être agitée, dut se présentera sa pensée. Errant, fugitif, abandonné, sauf d'une élite d'âmes fidèles et dévouées, il poursuivait sa douloureuse pas- sion ; mais son calvaire n'était pas éloigné, et le Seigneur ne devait pas tarder à le re'cevoir dans le repos de ses saints. Avant qu'il des- cendît de la sainte montagne, un fait mer-

s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 553

veilleux arrivé déjà plusieurs fois se mani- festa de nouveau. Grégoire étant à l'autel et célébrant le saint Sacrifice, une blanche colombe parut tout à coup posée sur son épaule, et parlant à son oreille. Il ne fut pas difficile de reconnaître à ce symbole expres- sif l'action de l'Esprit-Saint qui dirigeait et Pouvernait les pensées et les actes du saint ontife.

On était dans les premiers mois de l'année io85. Grégoire se rendit à Salerne, dernière station de sa vie si agitée. Ses forces l'aban- donnaient de plus en plus. Il voulut cepen- dant faire la dédicace de l'Eglise du saint évangéliste Matthieu dont le corps reposait dans cette ville, et d'une voix défaillante il adressa encore la parole au peuple. Ayant pris ensuite le Corps et le Sang du Sauveur, fortifié par ce puissant viatique, il reprit le chemin de sa demeure, et s'étendit sur la couche d'où il ne devait plus se relever. Image saisissante du Fils de Dieu sur la croix, comme lui dépouillé de tout et aban- donné de la plupart des siens, ses dernières pensées furent pour la sainte Eglise qu'il laissait dans le veuvage. Il indiqua aux quel- ques cardinaux et évèques qui l'entouraient, les noms de ceux entre les mains desquels il verrait avec contentement passer sa labo- rieuse succession : Didier, Abbé du Mont- Cassin, qui fut après lui Victor III ; Othon de Châtillon, moine de Cluny, qui fut après Victor Urbain II ; et le fidèle légat Hugues de Die, que Grégoire avait fait archevêque de Lyon. On interrogea le Pontife agonisant sur ses

554 ^^ Temps Pascal.

intentions relativement aux nombreux cou- pables qu'il avait frapper du glaive de l'excommunication. encore, comme le Christ sur la croix, il exerça miséricorde et justice : « Sauf, dit-al, le roi Henri, et Gui- « bert l'usurpateur du Siège Apostolique, « ainsi que ceux qui favorisent leur injustice « et leur impiété, j'absous et bénis tous « ceux qui ont foi en mon pouvoir comme a étant celui des saints apôtres Pierre et (( Paul. » Le souvenir de la pieuse et invin- cible Mathilde s'étant présenté à sa pensée, il confia cette fille dévouée de l'Eglise Romaine aux soins du courageux Anselme de Lucques, rappelant ainsi, comme le remarque le bio- graphe de ce saint évêque, le don (que Jésus expirant fit de Marie à Jean son disciple de prédilection. Trente années de luttes et de victoires furent pour l'héroïque comtesse le prix de cette bénédiction suprême.

La fin était imminente ; mais la sollicitude du père de la chrétienté survivait encore en Grégoire. Il appela l'un après l'autre ces hornmes généreux qui entouraient sa couche, et leur fit prêter serment entre ses mains glacées de ne jamais reconnaître les droits du tyran, tant qu'il n'aurait pas donné satisfac- tion à l'Eglise. Il résuma sa dernière énergie dans une défense solennelle intimée à tous de reconnaître pour Pape celui qui n'aurait pas été élu canoniquement et selon les règles des saints Pères, Se recueillant ensuite en lui-même, et acceptant la divine volonté sur sa vie de pontife qui n'avait été qu'un sacri- fice continuel, il dit : « J'ai aimé la justice et « j'ai haï l'iniquité; c'est pour cela que je

s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 555

a meurs en exil. » Un des évêques qui l'en- touraient répondit avec respect : « Vous ne « pouvez, seigneur, mourir en exil, vous qui, « tenant la place du Christ et des saints « Apôtres, avez reçu les nations en héritage, « et en possession l'étendue de la terre. » Parole sublime que déjà Grégoire ne pouvait plus entendre ; car son âme s'était élancée au ciel, et recevait dès ce moment l'immor- telle couronne des martyrs.

Grégoire était donc vaincu, comme le Christ lui-même fut vaincu par la mort ; mais le triomphe sur cette mort ne manqua pas plus au disciple qu'il n'avait manqué au Maître. La chrétienté abaissée en tant de manières se releva dans toute sa dignité ; et l'on peut même dire qu'un g^ge de cette résurrection fut donné par le ciel le jour même Grégoire rendait à Salerne son dernier soupir. Ce même jour, vingt-cinq mai io85, Alphonse VI entrait victorieux à Tolède, et arborait la croix dans la cité re- conquise des Eugène et des Julien, après quatre siècles d'esclavage sous le joug sar- rasin.

Mais il fallait à l'Eglise opprimée un con- tinuateur de Grégoire, et le Dieu dont il fut le vicaire ne le lui refusa pas. Le martyre du grand Pontife fut comme une semence de Pontifes dignes de lui. De même qu'il avait préparé ses prédécesseurs, on peut dire que ses successeurs procédèrent de lui > et les fastes de la papauté ne présentent nulle part dans toute leur teneur une suite de noms plus glorieuse que celle qui s'étend de Victor III, successeur immédiat de Grégoire, à Boni-

556

Le Temps Pascal.

face VIII, en qui recommença pour de longs siècles le martyre que noire grand héros avait subi. Son âme était à peine affranchie des épreuves de cette vallée de larmes, et déjà la victoire se déclarait. Les ennemis de l'Eglise étaient abattus, la sup- pression des investitures éteignait la simonie et assurait l'élection canonique des Pasteurs ; la loi sacrée de la continence des clercs re- prenait partout son empire.

Grégoire avait été l'instrument de Dieu pour ia réforme de la société chrétienne ; et si son nom est demeuré béni des vrais enfants de l'Eglise, sa mission avait été trop belle et trop courageusement remplie pour qu'elle n'attirât pas sur lui la haine de l'en- fer. Or, voici ce que le Prince de ce monde * imagina contre lui dans sa rage. Non content d'avoir fait de Grégoire un objet d'exécration pour les hérétiques, il vint à bout de le ren- dre odieux aux faux catholiques, embarras- sant pour les demi-chrétiens. Longtemps ces derniers, malgré le jugement de l^Eglise qui l'a placé sur ses autels, affectèrent de l'ap- peler insolemment Grégoire VJI. Son culte tut proscrit par des gouvernements qui se disaient encore cathotiques ; il fut prohibé par des mandements épiscopaux. Son ponti- ficat et ses actes furent attaqués comme con- traires à la religion chrétienne par le plus éloquent de nos orateurs sacrés. II fut un temps les lignes que nous consacrons à ce saint Pape, dans un livre destiné à nourrir chez les fidèles l'amour et l'admiration pour

I. JOHAN. XII, 3i.

5. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 55']

les héros de la sainteté que l'Eglise offre à leur culte, eût attiré sur nous la vindicte des lois. Les Leçons de l'Office d'aujourd'hui furent supprimées par le Parlement de Paris en 1729, avec défense de s'en servir, sous peine de saisie du temporel. Ces barrières sont tombées, ces scandales ont cessé. Par suite du rétablissement de la Liturgie ro- maine en France, chaque année le nom de saint Grégoire VII est proclamé dans nos Eglises, la louange qui honore les saints lui est publiquement décernée, et le divin Sacri- fice est offert à Dieu pour la gloire d'un si illustre Pontife.

Il était temps pour notre honneur français qu'une telle justice fût rendue à qui la mérite. Lorsque depuis plus de soixante ans on entendait les historiens et les publicistes protestants de l'Allemagne combler d'éloges celui qui n'est pourtant à leurs yeux qu'un grand homme, mais en qui ils reconnaissent l'héroïque vengeur des droits de la société humaine ; lorsque les gouvernements réduits aux abois par l'envahissement toujours plus impérieux du principe démocratique, n'ont plus le loisir de céder à leurs anciennes jalousies contre l'Eglise ; lorsque l'Episcopat se serre toujours plus étroitement autour de la Chaire de saint Pierre, centre de vie, de lumière et de force : rien n'est plus naturel que de voir le nom immortel de saint Gré- goire VII resplendir d'une gloire nouvelle, après l'éclipsé qui l'avait si longtemps dérobé aux regards d'un trop grand nombre de fidè- les. Qu'il demeure donc, ce glorieux nom, jusqu'à la fin des siècles, comme l'un des

55S

Le Temps Pascal.

astres les plus brillants du Cycle pascal, et qu'il verse sur l'Eglise de nos jours l'influence salutaire qu'il répandit sur celle du moyen âge!

Nous lirons maintenant les pages que la sainte Eglise a consacrées à la mémoire du saint Pontife, et nous les lirons avec d'autant plus de respect cju'elles ont été plus outragées par ceux « qui ne savaient ce qu'ils fai- saient 1. »

.->REGORius papa Sep- V_J timus. antea Hilde- brandus, Soanae in Etru- ria natus, doctrina, sanc- titate, omnique virtutum génère cum primis nobi- lis, mirifice universam Dei illustravit Eccle- siam. Cum parvulus ad fabri ligna edolantis pe- des, jam litterarum ihs- cius, liideret, ex rejectis tamen segmentis illa Da- vidici elementa oraculi : Dominabitur a mari us- que ad mare : casu for- masse narratur, manum pueri ductante Numine, quo significaretur ejus fore amplissimam in mundo auctoritatem. Ro- mam deinde profectus, sub protectione sancti Pétri educatus est. Juve- nis Ecclesia» libertatem a laicis oppressam, ac depravatos Ecclesiasti-

GRÉGOIRE VII. nomme au- paravant Hildebrand , à Soana en Toscane, il- lustre au plus haut degré par la science, la sainteté et tou- tes les vertus, glorifia d'une manière merveilleuse l'Eglise de Dieu tout entière. Etant encore dans la première en- fance, et jouant aux pieds d'un ouvrier qui travaillait le bois, ignorant encore les lettres, on rapporte qu'il for- ma comme par hasard avec les copeaux cette parole pro- phétique de David : « II do- minera d'une mer à l'autre; » mais Dieu conduisait la main de l'enfant, et voulait mon- trer par qu'un jour il de- vait exercer dans le monde le plus grand des pouvoirs. S'étant rendu à Rome, il y fut élevé sous la protection de saint Pierre. Etant encore dans les années de sa jeunesse, il conçut une si grande dou-

I. Luc. XXIII, 34.

s. Grégoire VII, Pape et Confe^eiir. 55g

leur en vo^-ant l'oppression qui étouffait la liberté de l'Eglise et la dépravation des mœurs du clergé, qu'il se re- tira à l'abbaye de Cluny, l'observance et l'austérité de la vie monastique était alors en pleine vigueur sous la rè- gle de saint Benoît. II y prit l'habit de moine et se livra au service de la divine Ma- jesté avec tant de piété et d'ardeur, qu'il fut élu Prieur par les saints religieux de ce monastère. Mais la divine Providence l'ayant destiné à un plus haut emploi pour le salut d'un grand nombre, Hildebrand fut tiré de Cluny, pour être d'abord Abbé du monastère de Saint-Paul , hors les murs de Rome; il fut ensuite créé Cardinal de l'E- glise Romaine. Chargé des emplois et des missions les plus importantes, sous les papes Léon IX, Victor II, Etienne IX. Nicolas II et Alexandre II, il mérita d'ê- tre appelé l'homme de con- seil très saint et très pur par saint Pierre Damien. Envoyé en France par Victor II, en qualité de légat a latere. il força par un miracle l'arche- vêque de Lyon, qui «tait souillé de la simonie, à con- fesser son crime, et contrai- gnit Bérenger à abjurer de nouveau son erreur dans un concile tenu à Tours. Il par- vint aussi par son énergie à

corum mores vehemen- tius dolens, in Clunia- censi monasterio, ubi sub régula sancti Patris Be- nedicti austerioris vitae observantia eo tempore maxime vigebat, mona- chi habitum induens , tanto pietatis ardore di- vinœ Majestati deservie- bat. ut a sanctis ejusdem Cœnobii Patribus Prier sit electus. Sed divina Providentia majora de eo disponente in salutem plurimorum. Cluniaco eductus Hildebrandus , Abbas primum monas- terii sancti Pauli extra muros Urbis electus, ac postmodum romanae Ec- clesias Cardinalis crea- tus, sub summis pontifî- cibus. Leone Nono, Vie- tore Secundo. Stéphane Nono. Nicolao Secundo et Alexandre Secundo, puEecipuis muneribus et legationibus perfunctus est, sanctissimi et puris- simi consilii vir a beato Petro Damiano nuncu- patus. A Victore papa Secundo legatus a latere in Galliam missus, Lug- duni episcopum simo- niaca labe infectum ad sui criminis confessio- nem miraculo adegit. Be- rengarium in concilio Turonensi ad iteratam h as r es i s abjurationem

56o

Le Temps Pascal.

compulit. Cadaloi quo- que schisma sua virtute comprcssit.

MORTUO Alexandre Secundo, invitus et mœrens unanimi omnium consensu, decimo calen- das maii, anno Christ! millesimo septuagesimo tertio, summus Pontifex electus, sicut sol effulsit in domo Dei : nam po- tens opère et sermone, Ecclesiasticae disciplina; reparandae, fidei propa- gandas, libertali Eccie- sise restituendae , exstir- pandis erroribus, et cor- ruptelis tanto studio in- cubuit, ut ex Apostolo- rum astate nullus Ponti- ficum fuisse tradatur, qui majores pro Ecclesia Dei labores , molestiasque pertulerit, aut qui pro ejus libertate acrius pu- gnaverit. Aliquot pro- vincias a simoniaca labe expurgavit. Contra Hen- rici imperatoris impies conatus fortis per omnia athleta impavidus per- mansit. seque pro muro domui Israël ponere non timuit, ac eumdera Hcn- ricum in profundum ma- lorum prolapsura, fide- lium communione, rc- gnoque privavit , atque subditos populos lide ci data liBeravit.

comprimer le schisme de Ca- daloûs.

A LA mort d'Alexandre II, malgré ses répugnances et ses regrets, il fut élu sou- verain Pontife d'un consen- tement unanime, le dix des calendes de mai, l'an de Jé- sus-Christ mil soixante-trei- ze, et brilla tout aussitôt comme un soleil dans la mai- son de Dieu. Puissant en œuvres et en paroles, on le vit s'appliquer avec un si grand zèle au renouvellement de la discipline ecclésiastique, à la propagation de la foi, au rétablissement de la liberté de l'Eglise, à l'extirpation des erreurs et des scanda- les, que l'on peut dire qu'il n'est aucun Pontife, depuis le temps des Apôtres, qui ait encouru plus de labeurs et de tribulations pour le service de l'Eglise de Dieu, et qui ait combattu pour sa liberté avec plus de courage. Des provinces entières furent arrachées par lui au fléau de la simonie. Comme un athlète intrépide il s'opposa sans trembler aux fureurs impies de l'empereur Henri, e{ ne craignit pas de s'opposer comme un mur pour la défense de la maison d'Israël ; et lors- que ce même Henri fut tombé jusqu'aux derniers excès du mal, il le priva de la commu-

s. Grégoire VIT, Pape et Confesseur. 56 1

nion des fidèles ainsi que de l'empire, et- délia du ser- ment de fidélité les peuples qui lui étaient soumis.

PENDANT qu'il célébrait la Messe, des hommes pieux aperçurent une colombe, qui, descendant du ciel, venait se reposer sur son épaule et lui voilait la tête de ses ailes : ce qui signifiait que Grégoire était conduit dans le gouver- nement de l'Eglise par le souffle de l'Esprit-Saint, et non par les raisons de la pru- dence humaine. La ville de Rome se trouvant assiégée par l'armée du méchant roi Henri, Grégoire éteignit par le signe de la croix un incen- die que les ennemis avaient allumé. Enfin arraché de leurs ma-ins par Robert Guis- card, chef Normand, il se rendit au Mont-Cassin, et de à Salerne pour y faire la dédicace de l'Eglise de l'apôtre saint Matthieu. Après avoir adressé un ser- mon au peuple de cette ville, se sentant épuisé de traver- ses, il tomba malade et pres- sentit sa fin prochaine. « J'ai « aimé la justice et j'ai haï l'i- (• niquité ; c'est pour cela que « je meurs en exil.» Telles fu- rent les dernières paroles de Grégoire mourant. Les épreu- ves qu'il supporta avec tant de courage furent innombra- bles, et les décrets qu'il porta dans les nombreux conciles qu'il rassembla sont remplis

DUM Missarum solem- nia perageret, visa est viris piis columba e cœlo delapsa humero ejus dextro insidens alis extensis caput ejus ve- lare, quo significatum est, Spiritus Sancti af- flatu, non humanae pru- dentiœ rationibus ipsum duci in Ecclesise regimi- ne. Cum ab iniqui Hen- rici exercitu Romae gravi obsidione premeretur , excitatum ab hostibus in- cendium signo crucis exs- tinxit. De ejus manu tan- dem a Roberto Guis- cardo duce Northmanno ereptus , Cassinum se contulit ; atque inde Sa- lernum ad dedicandam Ecclesiam sancti Mat- thaei Apostoli contendit. Cum aliquando in ea ci- vitate sermonem habuis- set ad populum, aerum- nis confectus in morbum incidit, quo se interitu- rum praescivit. Postrema morientis Gregorii verba fuere : Dilexi justitiam et odivi iniq u i t a t e m, propterea morior inex- silio. Innumerabilia sunt qucc vel fortiter susti- nuit, vel multis coactis in Urbe synodis sapien- ler constituit, vir vere

LE TEMPS PASCAL. T. III.

562

Le Temps Pascal.

sanctus, cnminum vin- dex, et acerrimus Eccle- siae defensor. Exactis ita- que in pontificatu annis duodecim, migravit in coelum, anno salutis mil- lesimo octoijesimo quin- to, pluribus in vita et post mortem miraculis clarus, ejusque sacrum corpus in calhedrali ba- silica Salernitana est ho- Qorifice conditum.

de sagesse ; homme véritable- ment saint, vengeur du crime et ardent défenseur de l'E- glise. Après douze ans de pontificat, il partit pour le ciel l'an du salut mil quatre- vingt-cinq. Il fut célèbre par ses miracles durant sa vie et après sa mort, et son saint corps repose avec honneur dans l'église cathédrale de Salerne.

Les Répons que nous insérons ici font par- tie de l'Office du saint Pape; ils retracent ses combats et ses triomphes.

/^^ REGORIUS primo ™' vj tempore Hilde- brandus , nomen ignis sortitus est , non sine grandi prcesagio futuro- rum : * Qui divini elo- quii jaciilo ingruentes hostes a domo Dei pro- pulsavit.

j^. Nomine praetulit incendiura , quod exhi- buit fervent! charitate. * Qui divini eloquli jaculo ingruentes hostes a domo Dei propulsavit.

^. Cernens juvenis sx- culum peccatis invetera- tum, nec inveniens ubi cor suum requiesceret , patrium solum reliquit :

/'GRÉGOIRE, nommé d'a- ^- V_J bord Hildebrand, emprunta son nom du feu, non sans un éloquent présage de l'avenir : * Car il devait repousser par les traits de la parole divine, les ennemis prêts à envahir la maison de Dieu.

f. Son nom signifiait la flamme, et il en remplit le sens par son ardente charité. * Car il devait repousser par les traits de la parole divine, les ennemis prêts à envahir la maison de Dieu.

^. Dès sa jeunesse il vit que le monde était envieilli dans le péché ; ne trouvant pas reposer son cœur, il quitta le sol /^e sa patrie : *

s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 563

Et ayant passé en France, il résolut d'embrasser le service de Dieu seul sous la disci- pline de Cluny.

j^. Sous la conduite de la foi, il sortit de son pays, se mettant à la recherche de la cité dont Dieu est l'auteur et l'architecte. * Et ayant passé en France, il résolut d'em- brasser le service de Dieu seul sous la discipline de Cluny.

ft. Le saint Pontife Léon, dont Hildehrand avait en- flammé le courage, l'appela à prendre part à ses sollicitu- des : * Et par leur concert à tous deux, le champ du Sei- gneur commença à refleurir.

j^. Hildebrand, homme de conseil très saint et très pur, se montra fort dans l'adver- sité et maître de lui-même dans la prospérité. * Et par leur concert à tous deux, le champ du Seigneur com- mença à refleurir.

Ri. Spirituel agriculteur, le Pontife Léon ayant admiré la fécondité d'un tel rejeton, accrut encore en lui la pré- sence du Christ par l'imposi- tion de l'ordre lévitique : * Par le commandement du Seigneur Apostolique, Hil- debrand brilla comme Archi- diacre de l'Eglise romaine.

* Et ad partes Gallorum transiens, soli Deo sub Cluniacensi disciplina militare decrevit.

f. Fide egressus est de terra sua, quasrens ci- vitatem cujus artifex et conditor Deus. * Et ad partes Gallorum tran- siens, soli Deo sub Clu- niacensi disciplina mili- tare decrevit.

'Bf. Léo Pontifex sanc- tus, cujus animum Hil- debrandus accenderat , hune in partem soUici- tudinis vocavit : * Et amborum concordia Do- minicus ager jam reflo- rescere cœpit.

f. Hildebrandus, san- ctissimi et purissimi con- silii, in adversis visus est fortis, in prosperis tem- peratus. * Et amborum concordia Dominicus ager jam reflorescere cœ- pit.

^. Spiritualis agricola, Léo Pontifex, tanti pal- mitis feracitatem admi- ratus, in eo mansionem Christi per impositio- nem levitici ordinis dila- tavit : * Et Apostolico mandato, Hildebrandus romanae Ecclesiae Archi- diaconus cffulsit.

504

Le Temps Pascal.

f. Qui die nociuque saluti Ecclesiae invigi- lans, minori considens loco, quinque Pontifici- bus mirum in modum pro- fuit. * Et Apostolico mandate, Hildebrandus romanas Ecclesiae Archi- diaconus effulsit.

IÇ!. Invitum tandem Gregorium romana Ec- clesia ad sua gubernacu- la traxit : * Qui potius voluisset vitam in pere- grinatione finire, quam Pctri locum pro mundi gloria conscendere.

^. Nec sibi sumpsit honorem, sed a Deo vo- catus est tamquam Aaron. * Qui potius voluisset vi- tam in peregrinatione fi- nire, quam Pétri locum pro mundi gloria cons- cendere.

I^. Vineam Domini exercituum, quam plan- tavit dextera ejus, exter- minavit aper de silva, et singularis férus depastus est eam : * Accingere gladio tuo super fémur tuum, fidelissime.

f. Si Angelos judica- turus es, quanto magis sxcularia? * Accingere gladio tuo super fémur luum, fidelissime.

t. Veillant jour et nuit au salut de l'Eglise, bien qu'il fut établi dans un degré infé- rieur, il servit successivement cinq Pontifes, et les aida d'une manière admirable.

* Par le commandement du Seigneur Apostolique, Hil- debrand brilla comme Archi- diacre de l'Eglise romaine.

^. L'Eglise romaine fit enfin violence à Grégoire, en l'obligeant à la gouverner :

* Lui qui eût mieux aimé finir sa vie sur une terre étrangère que de s'asseoir pour la gloire mondaine sur le siège de Pierre.

j^. Il ne porta pas la main sur un tel honneur ; mais il y fut appelé de Dieu comme l'avait été Aaron, * Lui qui eût mieux aimé finir sa vie sur une terre étrangère que de s'asseoir pour la gloire mon- daine sur le siège de Pierre.

Vf. Le sanglier de la forêt s'est rué sur la vigne qu'avait plantée la main du Seigneur des armées ; cette bête féroce l'a ravagée tout entière : * Ceins ton glaive sur ta cuisse, ô gardien fidèle !

f. S'il t'appartient de ju- ger jusqu'aux Anges même, combien plus les puissances du siècle?* Ceins ton glaive sur ta cuisse, ô gardien fi- dèle !

s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 565

^. Le roi, étant entré dans la forteresse, déposa les mar- ques de sa dignité, restant à Jean du matin jusqu'au soir, vêtu de laine et nu-pieds : * II implorait le secours de la miséricorde apostolique.

f. Lui qui avait dit dans son cœur : J'élèverai mon trône sur l'autel même de Dieu, je m'assiérai sur la mon- tagne du testament.* Il im- plorait le secours de la misé- ricorde apostolique.

1^. Grégoire dit au roi Henri : Voici le Corps du Seigneur ; que ce soit au- jourd'hui l'épreuve de mon innocence : * Fais donc, ô mon fils, ce que tu m'as vu faire.

f. Mais le roi n'osa éten- dre la main pour recevoir le Saint des saints. ' Fais donc, ô mon fils, ce que tu m'as vu faire.

f. Un jour que le bienheu- reux Grégoire célébrait so- lennellement la Messe, une colombe blanche comme la neige parut tout à coup des- cendre près du saint autel, d'où s'élevant d'un vol léger : * Elle se reposa, les ailes étendues, sur l'épaule droite du Pontife.

f. La colombe demeura ainsi immobile, jusqu'à ce

B^. Rex castellum in- gressus, deposito cultu regio, jejunus a mane us- que ad vesperam persta- bat ; indutus laneis et nudis pedibus : * Apos- tolicae miserationis auxi- lium implorabat.

j^. Qui dixerat in corde suo : Super altare Dei exaltabo solium meum, sedebo in monte testa- menti. * Apostolicas mi- serationis auxilium im- plorabat.

]^. Dixit Gregorius ad Henricum regem : Ecce Corpus Dominicum; fiât hodie experimentum in- nocentiae meœ : * Fac er- go, fili, si placet, quod me facere vidisti.

j^. Nec ausus est rex manum extendere, ut ac- ciperet Sancta sancto- rum. * Fac ergo, fili, si placet, quod me facere vidisti.

^. Dum beatus Gre- gorius Missarum solem- nia celebraret, nivei candoris columba sacro altari protinus adstitit; quae inde leviter advo- lans : * Supra dextrum Pontificis humerum re- cubuit, alis expansis.

f. Et tamdiu sic pers- titit quousque sacri mys-

566

Le Temps Pascal.

terii commixtio in calice fieret. * Supra dextrum Pontificis humerum re- cubuit, alis expansis.

Hj. Cum ultimi doloris luctam inchoasset beatus Gregorius, adstantibus dixit : Nullos labores meos alicujus momenti facio : * In hoc solum- modo confidens, quod semper dilcxi justitiam et odivi iniquitatem.

j^. Et elevatis in cœlum oculis, ait : Illuc adscen- dam, et obnixis precibus Deo pronitio vos com- raittam. In hoc sohim- modo confidens, quod semper dilexi justitiam, et odivi iniquitatem.

fi|. Pontifex sanctissi- mus cum doleret se mori in exsilio, quidam venerabilis episcopus ait : In exsilio mori non potes, qui vice Christi et Apostolorum ejus : * Ac- cepisti gentes in haeredi- tatem, et possessionem tuam termines terrac.

f. Dominabitur a mari usque ad mare, et a flu- mine usque ad terminos orbis terrarum. * Acce- pisti gentes in haeredita- tem, et possessionem tuam terminos terra?.

que le mélange du Mystère sacré eût lieu dans le calice. " Elle se reposa, les ailes éten- dues, sur l'épaule droite du Pontife,

^. Le bienheureux Gré- goire étant arrivé à ses der- niers moments, luttait avec la souffrance; alors il dit aux assistants: Je ne fais aucun compte des labeurs que j'ai soufferts : * Mon unique motif de confiance est d'avoir tou- jours aime la justice et haï l'iniquité.

^. Il éleva ensuite les yeux au ciel, et dit : C'est que je veux monter, et par mes instantes prières je vous re- commanderai au Dieu de bonté. *Mon unique motif de confiance est d'avoir toujours aimé la justice et haï l'iniquité.

]^. Le saint Pontife ayant témoigné du regret de mou- rir dans l'exil, un vénérable évèque lui dit : Vous ne pou- vez mourir en exil, puisque, tenant la place Christ et de ses Apôtres : * Vous avez reçu "es nations en héritage, et es confins de la terre comme a limite de vos possessions. j^. Il dominera de la mer usqu'à la mer, et du fleuve lusqu'aux confins de la terre. * Tu as reçu les nations en hé- ritage, et les confins de la terre comme la limite de tes possessions.

s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 5 67

Nous réunissons dans une seule Ode trois Hymnes consacrées à célébrer les vertus et les services de saint Grégoire VII.

C'est toi-même , ô Gré- goire, que nous célébrons dans nos chants de triomphe ; toi l'honneur de Rome, toi dont le grand cœur brava les tempêtes, après lesquelles tu touches aujourd'hui le ri- vage.

Qu'elle soit dans la joie, la race du père Benoît, qui a jusqu'ici enfanté tant de hé- ros ; aucun n'a brillé encore d'une gloire semblable.

Un jour, dans son enfance, il assistait au travail d'un ouvrier : on le vit, de sa main conduite par le ciel, tracer en se jouant des caractères qui annonçaient qu'un jour il régirait un vaste empire.

Monte donc, ô Père ! comme un soleil nouveau, lève-toi, et viens éclairer le monde de tes rayons. Pontife, assieds-toi sur la chaire de Pierre, et sois-y l'arbitre de la terre.

Ils n'ont qu'à fuir mainte- nant dans leurs sombres ca-

nr E triumphanti cele- *■ bramus ore, Inclytum Romœ jubar, c

Gregori ; Corde qui magno supe-

rans procellas, Littora tangis.

Gaudeat cœtus Bene- dicti patris. Qui tôt et tantos ge-

neravit orbi Filios : nullus simili re- fulsit

Laude verendus.

Nuntium latœ ditionis adfert Dextra ludentis pueri,

dolantem Dum secus fabrum. Do- mino régente,

Segmine scribit.

Alla conscendas, Pa- ter ; oriaris Sol novus mundum ra-

diis serenans : Pontifex Pétri sedeas cathedra, Arbiter orbis.

In latebrosos fugiant recessus.

568

Le Temps Pascal.

Quotquot hostili rabie

furentcs, In gregcm Christi sata-

gunt nefanda Tela vibrare.

En adest Pastor vigil et superno Spiritu plenus : gladio-

que verbi Conteret tetros Zabuli minantis

Fortior astus.

Jam Sicambrorum do- minator audax Gestit Henricus, monitis

supremi Patris abscedens, vete- rum furorum Flare favillas.

Sed reluctantem co- hibes, Gregori, E sacra fulmen jaculatus

arce : Et potestatis tumidos ca- ducae

Despicis ausus.

Mox ab indîgnis mani- bus révulsa Sceptra regnantis regl-

menque transfers, A fide cives relevans ty- ranno Jure negata.

Pontifex magnus, po- pulo stupente, Sub coiumbina specie, loquentis

vernes, tous ceux qui exer- cent leurs hostilités contre l'Eglise, et ne cessent de lan- cer leurs traits sacrilèges sur le troupeau du Christ.

Voici le Pasteur vigilant et plein de l'Esprit d'en haut; le glaive de la parole est dans sa main ; et plus fort que Satan, il saura briser ses résistances et déjouer ses noirs complots.

C'est en vain que Henri, l'audacieux prince des Ger- mains, sourd à ses avertisse- ments paternels, suscite un incendie qui rappelle les premières fureurs des princes contre l'Eglise.

Tu le domptes, ô Grégoire, malgré ses résistances ; et dédaignant les orgueilleuses prétentions d'une puissance caduque, tu lances sur elle la foudre, du haut des remparts sacrés.

Bientôt tu arraches le scep- tre à ses indignes mains, et tu transmets le pouvoir à un plus digne, déliant ainsi les peuples de la foi jurée à celui qui n'est plus qu'un tyran.

Tel est notre grand Pon- tife, dirigé dans ses conseils par l'Esprit-Saint lui-même, dont il ne fait que remplir

s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 5&g

les ordres ; le peuple saisi d'un saint respect a vu la divine colombe apparaître et parler à son oreille.

Mathilde, la femme forte, vient au secours du Pontife ; elle apporte son aide efEcace au souverain Père, et sou- tient par sa fidélité les droits menacés du plus auguste des sièges.

Grégoire a vu de toutes parts l'ivraie disputer la place au bon grain, et la moisson sur le point de pas- ser tout entière en des mains profanes ; nouvel Elie, le zèle le transporte, et il sévit contre les sacrilèges.

Afin d'assurer au peuple fidèle la liberté de marcher d'un pas rapide dans le che- min de la patrie céleste, il s'avance à leur tète, prêt à donner sa vie, comme il est du devoir du pasteur.

Tu as été, ô Grégoire, le ferme rempart de la maison d'Israël, le vengeur das cri- mes, le soutien de Rome ; mais une mort tranquille t'é- tait réservée après tant d'é- preuves.

Presque martyr ici-bas, ton front est ceint de la cou- ronne ; la fermeté, la cons- tance et la fidélité ne t'abaa-

Spiritus Sancti docu- menta sensit, Actibus implet.

Fortis occurrit mulier Mathildis, Quae, Patri summo tri-

buens juvamen, Inclytae Sedis, studio fi- deli,

Jura tuetur.

Triticumcernens loliis scatere Prœsul, et messem mani-

bus profanis Objici; zelo rapiente, srevit,

Alter Elias.

Ut viam currant pa- triae supernae Libero gressu populi fi- dèles, Anteit pastor, propriam paratus

Tradere vitam.

Murus Israël domui stetisti, Criminum vindex, colu-

menque Romae, Inter œrumnas placida, Gregori,

Morte potiris.

Martyres pergis prope, laureatus ; Firmus et constans, fidei tenacem.

570

Le Temps Pascal.

O Pater, praebes ani- mum : triumphi Gaudia sumas.

Sis memor chari gre- gis, et patronus, Sis ad reternam Triadem,

precamur : Cuncla cui dignas reso- nent per orbem Saecula laudes.

- Amen.

donnèrent jamais: goûte main- tenant l'allégresse du triom- phe.

Daigne avoir souvenir du troupeau qui te fut si cher, sois son protecteur auprès de l'éternelle Trinité, à qui les siècles tour à tour envoient de toutes les parties de la terre l'hommage qui lui est dû.

Amen.

N'

os joies pascales se sont accrues de votre triomphe, ô Grégoire ; car nous recon- naissons en vous l'image de celui qui, par sa résurrection glorieuse annoncée à tout l'uni- vers, a relevé le monde qui s'atfaissait sur lui-même. \'otre pontificat avait été préparé dans les desseins de la divine sagesse comme une ère de régénération pour la société suc- combant sous l'etfort de la barbarie. Votre courage fondé sur la confiance dans la parole de Jés'us ne recula devant aucun sacrifice. \'otre vie sur le Siège Apostolique ne fut qu'un long combat; et pour avoir aimé la jus- tice et haï l'iniquité, il vous fallut mourir dans l'exil. Mais en vous s'accomplissait l'ora- cle du Prophète sur votre Maître divin : « Parce qu'il a donné sa vie à cause du « péché , il jouira d'une postérité nom- « breuse ^ » Une suite glorieuse de trente- six papes s'avança dans' la voie q^ue votre sacrifice avait ouverte ; par vous l'Lglise fut libre, et la force s'inclina devant le droit.

s. Grégoire VII, Pape et Confesseur. 5yi

Après cette période triomphante, la guerre a été déclarée de nouveau, et elle dure encore. Les princes se sont insurgés contre la puis- sance spirituelle; ils ont secoué le joug du vicaire de Dieu, et ils ont décliné le contrôle de toute autorité ici-bas. A leur tour les peuples se sont levés contre un pouvoir qui ne se rattache plus au ciel par un lien visi- ble et sacré, et cette double insurrection met aujourd'hui la société aux abois.

Ce monde est à Jésus-Christ, « le Roi des « rois, le Seigneur des seigneurs ^ » ; à lui, à l'Homme-Dieu, « toute puissance a été don- « née au ciel et sur la terre '- ». Quiconque s'insurge contre lui, roi ou peuple, sera brisé comme l'a été le peuple juif qui s'écriait dans son orgueil : « Nous ne voulons pas que « celui-là règne sur nous 3 ». Grégoire, priez

Eour ce monde que vous avez sauvé de la arbarie, et qui est au moment d'y retomber. Les hommes de ce temps ne parlent que de liberté ; c'est au nom de cette prétendue liberté qu'ils ont dissous la société chré- tienne ; et le seul moyen qui leur reste de maintenir quelque ordre au sein de tant d'é- léments ennemis, le seul moyen, c'est la force. Vous aviez triomphé de la force, vous aviez rétabli les droits de l'esprit; par vous la liberté des enfants de Dieu, la liberté du bien, était reconnue, et elle régna durant plusieurs siècles. Généreux Pontife, venez en aide à cette Europe que votre main ferme préserva autrefois d'une

I. I Tira. VI, i5. 2. Matth. xxvni, i8. 3. Luc. XIX, 14.

^7-

Le Temps Pascal.

ruine imminente. Fléchissez le Christ que les hommes blasphèment, après l'avoir expulsé de son domaine, comme s'il ne devait pas y rentrer triomphant au jour de ses justices. Implorez sa clémence pour tant de chrétiens séduits, et entraînés par d'absurdes sophis- mes, par d'aveugles préjugés, par une éduca- tion perfide, par des mots sonores et mal définis, et qui appellent voie du progrès celle qui les éloigne toujours plus de l'uni- que but que Dieu s'est proposé en créant l'homme et l'humanité.

De ce séjour tranquille vous vous reposez après tant de combats, jetez, ô Gré- goire, un regard sur la sainte Eglise qui poursuit sa marche pénible à travers mille entraves. Tout est contre elle : les débris d'anciennes lois inspirées par la réaction de la force contre l'esprit, les entraînements de l'orgueil populaire qui poursuit avec achar- nernent tout ce qui lui semble contraire à l'égalité des droits, la recrudescence de l'im- piété qui a compris qu'il faut marcher sur l'Eglise pour monter jusqu'à Dieu. Au mi- lieu de cette tempête, le rocher qui porte le siège immortel sur lequel vous avez tenu, 6 Grégoire, la place de Pierre, est battu par les flots en furie. Priez pour le vicaire de Dieu. Comme vous, il a aimé la justice, il a détesté l'iniquité; et nous craignons de le voir par- tir aussi pour l'exil. Détournez, ô saint Pon- tife, le fléau qui pèse sur Rome. « Les secta- « teurs de Satan, ainsi que l'a annoncé Jean, « Evangéliste et Prophète, sont rnontés de «c leurs antres ténébreux à la scirface de la « terre ; ils ont fait le siège du camp des saints

s. Grégoire VU, Pape et Confesseur. 5y3

« et cje la cité bien-aimée i. » Veillez, ô Gré- goire, sur cette ville sainte qui fut votre épouse sur la terre. Déjouez des plans per- fides, ranimez le zèle des enfants de l'Eglise, afin que, par leur courage et par leurs lar- gesses, ils continuent de venir en aide à la plus sacrée des causes.

Priez, ô Pontife, pour l'ordre épiscopal dont le Siège Apostolique est la source. For- tifiez les oints du Seigneur dans la lutte qu'ils ont à soutenir contre les tendances d'une société qui a expulsé le Christ de ses lois et de ses institutions. Qu'ils soient revêtus de la force d'en haut, fidèles dans la confession de l'antique doctrine, empressés à prémunir les fidèles exposés à tant de séductions dans ce fatal naufrage des vérités et des devoirs. Dans un temps comme le nôtre, la force de l'Eglise n'est plus que dans les âmes ; ses appuis extérieurs ont disparu presque par- tout. Le divin Esprit, dont la mission est de soutenir ici-bas l'œuvre du F'ils de Dieu, l'assistera jusqu'au dernier jour; mais il veut pour instruments des hommes dégagés des préoccupations de la vie présente, resignés, s'il le faut, à l'impopularité, résolus à braver tout pour proclamer l'immuable enseigne- ment de la Chaire suprême. Par la miséri- corde divine, ils sont nombreux aujourd'hui dans la sainte Eglise, ô Grégoire, les pasteurs conformes à l'intention de celui que saint Pierre appelle « le Prince des pasteurs 2 ». Priez, afin que tous, à votre exemple, aiment la justice et haïssent l'iniquité, aiment la

I. Apoc. XX, 8. 2. 1 Petr. y,

Le Temps Pascal.

vérité et haïssent l'erreur; qu'ils ne* crai- gnent ni l'exil, ni la persécution, ni la mort; car « le disciple n est pas au-dessus du maître *. »

LE MÊME JOUR. SAINT URBAIN, PAPE ET MARTYR.

[ette journée est marquée par le triomphe de deux saints papes, et le septième Grégoire, en quittant la terre, est introduit dans le séjour céleste par un de ses prédécesseurs : Urbain, martyr par l'etfusion de son sang; Grégoire, martyr par les douleurs qu'éprouva sa grande âme. La cause était la même. Urbain don- nait sa vie plutôt que de céder à la puis- sance terrestre qui eût voulu courber toute âme généreuse devant les idoles des faux dieux ; Grégoire préféra encourir toutes les disgrâces de cette vie plutôt que de laisser la sainte Eglise sous le joug de César. Tous deux embellissent le cycle pascal de leurs palmes et de leurs couronnes. Jésus ressus- cité avait dit à Pierre : « Suis-moi i. » Pierre suivit son Maître jusqu'à la croix. Héritiers de Pierre, Urbain et Grégoire se sont atta- chés à la suite du même chef, et nous saluons leur commun triomphe, en lequel brille la force invincible que le triomphateur de la mort a communiquée dans tous les siècles à ceux qu'il a choisis pour rendre témoignage ici-bas à la vérité de sa résurrection.

Voici maintenant le récit que la Liturgie

1. JOHAN. XXI, 19.

S-rf)

Le Temps Pascal.

romaine nous donne sur les œuvres et mérites du saint pape Urbain.

les

LiRBANL's Romanus, ' Alexandre Severo imperatore, doctrina et vitas sanctitate multos ad Christi fîdem convertit : in illis Valerianum, bea- ta; Cœciliœ sponsum, et Tiburtium Valeriani fra- trem, qui postea marty- rium forti animo subie- runt. Hic de bonis Ec- clesiœ attributis scripsit his verbis : Ipsae res fide- lium, quae Domino offe- runtur, nor. debent in alios usus, quam Eccle- siasticos et Christiano- rum fratrum, vel indigen- tium, converti : quia vota sunt fidelium, et pretia peccatorum. ac patrimo- nia pauperum. Sedit an- nos sex. menses septem, dies quatuor : ac marty- rio coronatus, sepultus est in cœmeterio Prsetex- tati, octavo calendas ju- nii, Ordinationibus quin- que habitis mense de- cembri, creavit presbytè- res novem , diaconos quinque, episcopos per diversa loca octo.

URBA ver

RBAIN, ne à Rome, gou- rna l'Eglise au temps de l'empereur Alexandre Sé- vère. Par son enseignement et la sainteté de sa vie il con- vertit un grand nombre de personnes à la foi du Christ, entre autres Valérien, époux de la bienheureuse Cécile, et Tiburce, frère de Valé- rien. lesquels endurèrent plus tard le martyre avec un grand courage. Il a écrit ces paroles au su)ct des biens qui sont donnés à l'Eglise : « Les « choses que les fidèles offrent « au Seigneur ne doivent « être employées que pour la « subsistance des ministres « de l'Eglise, des chrétiens « nos frères et de ceux qui « sont dans le besoin, parce « que ce sont les oblations « des fidèles, le prix de la « rémission de leurs péchés, M et le patrimoine d«s pau- » vres. » Il siégea six ans, sept mois et quatre jours; il reçut la couronne du martyre, et fut enseveli dans le cime- tière de Prétextât, le huit des calendes de juin. En cinq ordinations qu'il tint au mois de décembre, il créa neuf prêtres, cinq diacres et huit évêques pour divers lieux.

SAINT Pontife, nous célébrons votre triom- phe avec une joie augmentée encore par

Saint Urbain^ Pape et Martyr. 5yy

l'anniversaire du départ de votre illustre successeur pour le séjour vous l'attendiez dans la gloire. Du haut du ciel vous aviez suivi ses combats, et vous aviez reconnu que son courage n'était pas au-dessous de celui des martyrs. Lui, sur sa couche funèbre à Salerne, s'animait à la dernière lutte par la pensée de votre dernier combat en ce même jour. O lien merveilleux de l'Eglise triom- phante et de l'Eglise militante"! 6 sublime fraternité des saints! ô espérance immortelle pour nos cœurs ! Jésus ressuscité nous convie à nous réunir à lui pour l'éternité. Chaque génération lui envoie ses élus, et ils viennent tour à tour se grouper au-dessous de ce di- vin Chef, comme autant de membres qui forment la plénitude de son corps. Il est « le premier-né entre les morts », et il nous fera participer à sa vie, selon que nous au- rons participé à ses souffrances et à sa mort. Priez, ô Urbain, afin que le désir de nous réunir à Jésus qui est « la voie, la vérité et « la vie », s'enflamme en nous toujours plus. Rendez-nous supérieurs aux calculs terres- tres, et donnez-nous de sentir toujours que tant que nous restons en ce monde, « nous a sommes exilés du Seigneur ^ ».

I. II Cor. V, 6,

LE TEMPS PASCAL. T. HI.

^^m^m^Émm^^^^

LE XXVI MAI.

SAINT PHILIPPE NKRI, CONFESSEUR.

\ joie est, ainsi que nous l'avons dit, le caractère principal du Temps pascal: joie surnaturelle, motivée à la fois par le triomphe si éclatant de notre Emmanuel et par le sentiment de notre heureuse délivrance des liens de la mort. Or, ce sentiment de l'allégresse inté- rieure a régné d'une manière caractéristique dans le grand serviteur de Dieu que nous honorons aujourd'hui ; et c'est bien d'un tel homme, dont le cœur fut toujours dans la jubilation et dans l'enthousiasme des choses divines, que l'on peut dire, avec la sainte Ecriture, « que le cœur du juste est comme « un festin continuel i ». Un de ses derniers disciples, l'illustre Père Faber, fidèle aux doctrines de son maître, enseigne, dans son beau livre du Progrès spirituel, que la bonne humeur est l'un des principaux moyens d'a- vancement dans la perfection chrétienne. Nous accueillerons donc avec autant d'allé- gresse que de respect la figure radieuse et bienveillante de Philippe Néri, l'Apôtre de Rome et l'un des plus beaux fruits de la fé- condité de l'Eglise au xvi* siècle.

L'amour de Dieu, un amour ardent, et qui

Saint Philippe Néri, Confesseur. Sjg

se communiquait comme invinciblement à tous ceux qui l'approchaient, fut le trait par- ticulier de sa vie. Tous les saints ont aimé Dieu; car l'amour de Dieu est le premier et le plus grand commandement; mais la vie de Philippe réalise ce divin précepte avec une plénitude, pour ainsi dire, incomparable. Son existence ne fut qu'un transport d'amour en- vers le souverain Seigneur de toutes choses; et sans un miracle de la puissance et de la bonté de Dieu, cet amour si ardent au cœur de Philippe eût consumé sa vie avant le temps. Il était arrivé à la vingt-neuvième année de son âge, lorsqu'un jour, dans l'Oc- tave de la Pentecôte, le feu de la divine cha- rité embrasa son cœur avec une telle impé- tuosité que deux côtes de sa poitrine éclatè- rent, laissant au cœur l'espace nécessaire pour céder désormais sans péril aux trans- ports qui l'agitaient. Cette fracture ne se ré- para jamais; la trace en était sensible par une proéminence visible à tout le monde ; et grâce à ce soulagement miraculeux, Phi- lippe put vivre cinquante années encore, en proie à toutes les ardeurs d'un amour qui tenait plus du ciel que de la terre.

Ce séraphin dans un corps d'homme fut comme une réponse vivante aux insultes dont la prétendue Réforme poursuivait l'Eglise ca- tholique. Luther et Calvin avaient" appelé cette sainte Eglise l'intidèle et la prostituée deBabylone; et voici que cette même Eglise avait à montrer de tels enfants à ses aniis et à ses ennemis : une Thérèse en Espagne, un Philippe Néri dans Rome. Mais le protestan- tisme s'inquiétait beaucoup de l'affranchis-

5So

Le Temps Pascal.

sèment du joug, et peu de l'amour. Au nom de la liberté des croyances, il opprima les faibles partout il domina, il s'implanta par la force même il était repoussé; mais il ne revendii^uait pas pour Dieu le droit

3u'il a d'être aimé. Aussi vit-on disparaître es pays qu'il envahit ce dévouement qui produit le sacritice à Dieu et au prochain. Un long intervalle de temps s'est écoulé de- puis la prétendue Réforme, avant que celle- ci ait songé qu'il existe encore des inridèles sur la surface du globe; et si plus tard elle s'est fastueusement imposé l'œuvre des mis- sions, on sait assez quels apôtres elle choisit pour organes de ses étranges sociétés bibli- ques. C"est donc après trois siècles qu'elle s'aperçoit que l'Eglise catholique n'a pas cessé de produire des corporations vouées aux œuvres de charité. Emue d'une telle dé- couverte, elle essaie en quelques lieux ses diaconesses et ses infirmières. Quoi qu'il en soit du succès d'un effort si tardif, on peut croire raisonnablement qu'il ne prendra ja- mais de vastes proportions; et il est permis de penser que cet esprit de dévouement qui sommeilla trois siècles durant au cœur du protestantisme, n'est pas précisément l'es- sence de son caractère, quand on Ta vu, dans les contrées qu'il envahit, tarir jusqu'à la source de l'esprit de sacrifice, en arrêtant avec violence la pratique des conseils évangéli- ques qui n'ont leur raison d'être que clans l'amour de Dieu.

Gloire donc à Philippe Néri, l'un des plus dignes représentants de la divine charité au xvi« siècle ! Par son impulsion, Rome et bien-

Saint Philippe Néri, Confesseur. 58 1

tôt la chrétienté reprirent une vie nouvelle dans la fréquentation des sacrements, dans les aspirations d'une piété plus fervente. Sa parole, sa vue même électrisaient le peuple chrétien dans la cité sainte ; aujourd'hui encore la trace de ses pas n'est point effacée. Chaque année, le vingt-six mai, Rome célè- bre avec transport la" mémoire de son paci- fique réformateur. Philippe partage avec les saints Apôtres les honneurs de Patron dans la ville de saint Pierre. Les travaux sont sus- pendus, et la population en habits de fête se presse dans les églises pour honorer le jour Philippe naquit au ciel, après avoir sanc- tifié la terre. Le Pontife romain en personne se rend en pompe à l'église de Sainte-Marie in Vallicella, et vient acquitter la dette du Siège Apostolique envers l'homme qui releva si haut la dignité et la sainteté de la Mère commune.

Philippe eut le don des miracles, et tandis qu'il ne cherchait que l'oubli et le mépris, il vit s'attacher à lui tout un peuple qui deman- dait et obtenait par ses prières la guérison des maux de la vie présente, en même temps que la réconciliation des âmes avec Dieu. La mort elle-même obéit à son commande- ment, témoin ce jeune prince Paul Massimo que Philippe rappela à la vie, lorsque l'on s'apprêtait déjà à lui rendre les soins funé- raires. Au moment cet adolescent rendait le dernier soupir, le serviteur de Dieu dont il avait réclamé l'assistance pour le dernier passage, célébrait le saint Sacrifice. A son entrée dans le palais, Philippe rencontre par- tout l'image du deuil : un père éploré, des

5S2 Le Temps Pascal.

sœurs en larmes, une famille consternée ; tels sont les objets qui frappent ses regards. Le jeune homme venait de succomber après une maladie de soixante-cinq jours, qu'il avait supportée avec la plus rare patience. Philippe se jette à genoux, et après une ardente prière, il impose sa main sur la tète du défunt et l'appelle à haute voix par son nom. Paul, réveillé du sommeil de la mort par cette parole puissante, ouvre les yeux, et répond avec tendresse : « Mon Père ! » Puis il ajoute : « Je voudrais seulement me « confesser. » Les assistants s'éloignent un moment, et Philippe reste seul avec cette conquête qu'il vient de faire sur la mort. Bientôt les parents sont rappelés, et Paul, en leur présence, s'entretient avec Philippe d'une mère et d'une sœur qu'il aimait tendrement, et que le trépas lui a ravies. Durant cette conversation, le visage du jeune homme, naguère défiguré par "la fièvre, a repris ses couleurs et sa grâce d'autrefois. Jamais Paul n'avait semblé plus plein dévie. Le saint lui demande alors s'il mourrait volontiers de nouveau. « Oh ! oui, très volontiers, répond « le jeune homme ; car je verrai en paradis « ma mère et ma sœur. » « Pars donc, « répond Philippe ; pars pour le bonheur, et « prie le Seigneur pour moi. » A ces mots, le jeune hornme expire de nouveau, et entre dans les joies de l'éternité, laissant l'assis- tance saisie de regret et d'admiration.

Tel était cet homme favorisé presque cons- tamment des visites du Seigneur dans les ravissements et les extases, âoué de l'esprit de prophétie, pénétrant d'un regard les cons-

Saint Philippe Néri, Confesseur. 583

ciences, répandant un parfum de vertu qui attirait les âmes par un charme irrésistible, La jeunesse romaine de toute condition se pressait autour de lui. Aux uns il faisait évi- ter les écueils ; aux autres il tendait la main dans le naufrage. Les pauvres, les malades, étaient à toute heure l'objet de sa sollicitude. Il se multipliait dans Rome, employant tou- tes les formes du zèle, et ayant laissé après lui une impulsion pour les bonnes œuvres qui ne s'est pas ralentie.

Philippe avait senti que la conservation des mœurs chrétiennes dépendait principa- lement d'une heureuse dispensation de la parole de Dieu, et nul ne se montra plus empressé à procurer aux fidèles des apôtres capables de les attirer par une prédication so- lide et attrayante. Il fonda sous le nom d'Ora- toire une institution qui dure encore, et dont le but est de ranimer et de maintenir la piété dans les populations. Cetteinstitution, qu'il ne faut pas confondre avec l'Oratoire de France, a pour but d'utiliser le zèle et les talents des prêtres que la vocation divine n'appelle pas à la vie du cloître, et qui, en associant leurs efforts, arrivent cependant à produire d'abon- dants fruits de sanctification.

En fondant l'Oratoire sans lier les mem- bres de cette association par les vœux de la religion, Philippe s'accommodait au genre de vocation que ceux-ci avaient reçu du ciel, et leur assurait du moins les avantages d'une règle commune, avec le secours de l'exemple si "puissant pour soutenir l'âme dans le ser- vice de Dieu et dans la pratique des œuvres du zèle. Mais le saint apôtre était trop atta-

584 J^e Temps Pascal.

ché à la foi de l'Eglise pour ne pas estimer la vie religieuse comme l'état de la perfec- tion. Durant toute sa longue carrière, il ne cessa de diriger vers le cloître les âmes qui lui semblcrent appelées à la profession des vœux. Par lui les divers ordres religieux se recrutèrent d'un nombre immense de sujets qu'il avait discernés et éprouvés : en sorte que saint Ignace de Loyola, ami intime de Philippe et" son admirateur, le comparait agréablement à la cloche qui convoque les fidèles à l'Eglise, bien qu'elle n'y entre pas elle-même.

La crise terrible qui agita la chrétienté au XVI* siècle, et enleva à l'Eglise catholique un si grand nombre de ses provinces, affecta doiTloureusement Philippe durant toute sa longue vie. Il souffrait cruellement de voir tant de peuples aller s'engloutir les uns après les autres dans le gouffre de l'hérésie. Les efforts tentés par le zèle pour reconquérir les âmes séduites par la prétendue Réforme faisaient battre son cœur, en même temps qu'il suivait d'un œil attentif les manœuvres à l'aide desquelles le protestantisme travail- lait à maintenir son influence. Les Centuries de Magdebourg, vaste compilation historique destinée à donner le change aux lecteurs, en leur persuadant, à l'aide de passages falsifiés, de faits dénaturés et souvent même inventés, que l'Eglise Romaine avait abandonné l'anti- que croyance et substitué la superstition aux pratiques primitives; cet ouvrage sembla à Philippe d'une si dangereuse portée, qu'un travail supérieur en érudition, puisé aux véritables sources, pouvait seul assurer le

Saint Philippe Néri, Confesseur. 585

triomphe de l'Eglise catholique. Il avait deviné le génie de César Baronius, l'un de ses compagnons à l'Oratoire. Prenant en main la cause de la foi, il commanda à ce savant homme d'entrer tout aussitôt dans la lice, et de poursuivre l'ennemi de la vraie foi en s'é- tablissant sur le terrain de l'histoire. Les Annales ecclésiastiques furent le fruit de cette grande pensée de Philippe; et Baronius lui- même en rend le plus touchant témoignage en tête de son huitième livre. Trois siècles se sont écoulés sur ce grand œuvre. Avec les moyens de la science dont nous disposons aujourd'hui il est aisé d'en signaler les imper- fections ; mais jamais l'histoire de l'Eglise n'a été racontée avec une dignité, une élo- quence et une impartialité supérieures à celles qui régnent dans ce noble et savant récit dont le parcours est de douze siècles. L'hérésie sentit le coup ; l'érudition malsaine et infidèle des Centuriateurs s'éclipsa en pré- sence de cette narration loyale des faits, et Ton peut affirmer que le flot montant du protestantisme s'arrêta devant les Annales de Baronius, dans lesquelles l'Eglise appa- raissait enfin telle qu'elle a été toujours, « la colonne et l'appui de la vérité ^ » La sain- teté de Philippe et le génie de Baronius avaient décidé la victoire ; de nombreux retours à la foi romaine vinrent consoler les catholiques si tristement décimés; et si de nos jours d'innombrables abjurations annon- cent la ruine prochaine du protestantisme, il est juste de l'attribuer en grande partie au

I. I Tim. ni, i5.

succès de la méthode historique inaugurée dans les Annales.

Mais il est temps de lire le récit liturgique des vertus et des saintes œuvres de l'apôtre de Rome au xvi^ siècle.

Philippus Nerius piis * honestisque parenli- ubs Florentiae natus, ab ipsa ineunte œtate non obscura dédit futurae sanctitatis indicia. Ado- lescens ampla patrui he- reditate dimissa, Romam se contulit ; ubi philoso- phia ac sacris litteris eru- ditus, totum se Christo dicavit. Ea fuit absti- nentia, ut sœpe jejunus triduum pcrmanserit. Vigiliis et orationibus intentus, septem Urbis Ecclesias fréquenter visi- tans, apud Cœmeterium Callisti in cœlestium re- rum contemplatione per- noctare consuevit. Sacer- dos ex obedientra factus. in animarum salute pro- curanda totus fuit, et in confessionibus audiendis ad extremum usque diem perseverans. innumeros pêne filios Christo pepe- rit ; quos verbi Dei quo- tidiano pabulo, Sacra- m e n t o r u m frequentia, G r a t i o n i s assiduitate, aliisque piis exercita- tionibus enutriri cupiens,

P HILIPPE Néri naquit à Florence de parents bon nétes et pieux, et dès son en- fance il donna des marques visibles de sa future sainteté. Arrivé à l'adolescence, il abandonna une riche succes- sion qui lui venait d'un oncle paternel, et se rendit à Romo il étudia la philosophie et la théologie, et se consacra entièrement à Jésus-Christ. Son abstinence était telle, que souvent il passait jusqu'à trois jours sans nourriture Adonné à la veille et à la prière, il visitait fréquem- ment les sept Eglises de Rome, et il avait coutume de passer la nuit au Cimetière de Callixte dans la contem- plation des choses célestes. Ayant reçu par obéissance le sacerdoce, il s'appliqua tout erM'er au service des âmes, e; continua jusqu'au dernier jour de sa vie d'entendre les confessions. Il donna à .Tésus- Christ un nombre d'enfants presque innombrable ; et afin de les soutenir par la nour- riture quotidienne de la pa- role de Dieu, la fréquenta- tion des sacrements, l'assi-

Saint Philippe Néri, Confesseur. 58y

duilé à l'oraison, et par d'autres exercices de piété, i! institua la congrégation de l'Oratoire.

L'amour de Dieu dont il portait la blessure le jetait dans une continuelle lan- gueur, et l'ardeur qui l'em- brasait était si grande, que son cœur se trouvant trop resserré dans les bornes na- turelles, le Seigneur lui élar- git miraculeusement la poi- trine parla rupture et l'élé- vation de deux côtes. Quel- quefois Philippe, célébrant la Messe, ou priant avec une plus grande ferveur, était élevé de terre, et paraissait tout environné d'une lumière éclatante. Il rendait aux pau- vres et à ceux qui étaient dans quelque besoin tous les soins que peut inspirer la charité, et il mérita qu'un ange vînt recevoir de lui l'aumône sous la figure d'un mendiant. Une autre fois, comme il portait du pain la nuit aux indigents, étant tombé dans une fosse, le secours d'un autre ange l'en fit sortir sain et sauf. Voué à l'humilité, il eut tou- jours le plus grand éloigne- ment pour les honneurs, et refusa plus d'une fois les premières dignités de l'Eglise qui lui étaient offertes.

RENDU illustre par le don de prophétie, il fut remar-

Oratorii congregationem instituit.

r^ HARiTATE Dei vulnc- ^— ' ratus languebat ju- giter : tantoque cor ejus œstuabat ardore, ut cum intra fines suos contineri non posset, illius sinuni, confractis atque elatis duabus costulis, mirabi- Hter Dominus amplia- verit. Sacrum vero fa- ciens , aut ferventius orans, in aéra quandoque sublatus, mira undique luce fulgere visus fuit. Egenos et pauperes omni charitatis officio prose- quebatur : dignus qui et augelo, in specie paupe- ris eleemosynam eroga- ret, et dum egentibus noctu panem deferret, in foveam lapsus, inde pa- riter ab angelo incolu- mis eriperetur. Humili- tati addictus ab honori- bus semper abhorruit , atque ecclesiasticas di- gnitates, etiam prima- rias, non semel ultro de- latas constantissime re- ciisavit.

PROPHEl illustr

ETIVE donc fuit et in ani-

588

Le Temps Pascal.

morum sensibus pene- trandis mirifice enituit. Virginitateni perpétue illibatam servavit : id- qiic assccutus est, ut eos qui puritatem colerent, ex odore ; qui vero secus, ex fœtore dignoscerot. Absentibus interdutn ap- paruit, iisque pereclitan- tibus opem tulit. iEgro- tos plurimos, et morti proximos sanitati resti- tuit. Mortuum quoque ad vitam revocavit. Cœ- lestium spirituum , et ipsius Deiparaî Virginis, fréquenter fuit appari- tione dignatus, ac pluri- morum animas splendore circumfusas ia cœlum conscondere vidit. Deni- que anno salutis millesi- mo quingentcsimo nona- gesimo quinto, octavo calendas junias, in quem diem inciderat festum Corporis Christi, Sacro maxirua spiritus cxsulta- tioae peracto, caeterisque functionibus expletis , post mediam noctem, qua praedixerat hora, oc- togenarius obdormivit in Domino. Quem Grego- rius Decimus quintus miraculis clarum in Sanctorum numerum re- tulit.

quable aussi par la périctra- tion des pensées les plus se- crètes. Il garda toute sa vie la plus entière virginité, et il avait reçu le don de distin- guer à la bonne ou à la mau- vaise odeur ceux qui étaient chastes et ceux qui ne l'étaient pas. Il apparaissait quelque- fois à des personnes éloignées du lieu il se trouvait, et les secourait dans le danger. Il rétablit en santé un grand nombre de malades, et même des moribonds. Il rappela un mort à la vie. Honoré sou- vent de l'apparition des es- prits célestes et même de la Vierge Mère de Dieu, il vit les âmes de plusieurs per- sonnes monter au ciel bril- lantes de lumière. Enfin l'an du salut mil cinq cent quatre- vingt-quinze, le huit des calendes de juin, jour auquel tombait la fête du Saint-Sa- crement, après avoir célébré leSacrifice dans les transports d'une pieuse joie, et avoir exercé les autres fonctions ordinaires, il s'endormit dans le Seigneur âgé de quatre- vingts ans, un peu après mi- nuit, à l'heure même qu'il avait prédite. Après sa mort il éclata encore par ses mi- racles, et fut mis au nombre des Saints par Grégoire XV,

rous avez aimé le Seigneur Jésus, ô Phi- lippe, et votre vie tout entière n'a été

Saint Philippe Néi-i, Confesseur. 58g

qu'un acte continu d'amour ; mais vous n'a- vez pas voulu jouir seul du souverain bien. Tous vos efforts ont tendu à le faire connaî- tre de tous les hommes, afin que tous l'ai- massent avec vous, et parvinssent à leur tin suprême. Durant quarante années, vous fûtes l'apôtre infatigable de la ville sainte, et nul ne pouvait se soustraire à l'action du feu divin qui brûlait en vous. Nous qui sommes la postérité de ceux qui entendirent votre parole et admirèrent les dons célestes qui étaient en vous, nous osons vous prier de jeter aussi les regards sur nous. Enseignez- nous à aimer notre Jésus ressuscité. 11 ne nous suffit pas de l'adorer et de nous réjouir de son triomphe; il nous faut l'aimer; car la suite de ses mystères depuis son incarnation jusqu'à sa résurrection, n'a d'autre but que de nous révéler, dans une lumière toujours croissante, ses divines amabilités. C'est en l'aimant toujours plus que nous parviendrons à nous élever jusqu'au mystère de sa résur- rection, qui achève de nous révéler toutes les richesses de son cœur. Plus il s'élève dans la vie nouvelle qu'il a prise en sortant du tombeau, plus il apparaît rempli d'amour pour nous, plus il sollicite notre cœur de s'attacher à lui. Priez, ô Philippe, et deman- dez que « notre cœur et notre chair tressail- « lent pour le Dieu vivant K » Après le mys- tère de la Pâque, introduisez-nous dans celui de l'Ascension ; disposez nos âmes à recevoir le divin Esprit de la Pentecôte ; et lorsque l'auguste mystère de l'Eucharistie brillera à

I. Psalm. Lxxxiii,

5(^0 Le Temps Pascal.

nos regards de tous ses feux dans la solen- nité qui approche , vous, ô Philippe , qui l'ayant fcie une dernière fois ici-bas, êtes monté à la fin de la journée au séjour éter- nel où Jésus se montre sans voiles, prépa- rez nos âmes à recevoir et à goûter « ce « pain vivant qui donne la vie au monde ».

La sainteté qui éclata en vous, 6 Philippe, eut pour caractère Tel an de votre âme vers Dieu, et tous ceux qui vous approchaient participaient bientôt à cette disposition, qui seule peut répondre à l'appel du divin rédemp- teur. Vous saviez vous emparer des âmes, et les conduire à la perfection par la voie de la confiance et la générosité du cœur. Dans ce grand œuvre votre méthode fut de n'en pas avoir, imitant les Apôtres et les anciens Pères, et vous confiant dans la vertu propre de la parole de Dieu. Par vous la fréquenta- tion fervente des sacrements reparut comme le plus sûr indice de la vie chrétienne. Priez pour le peuple fidèle, et venez au secours de tant d'âmes qui s'agitent et s'épuisent dans des voies que la main de l'homme a tracées, et qui trop souvent retardent ou empêchent l'union intime du créateur et de la créa- ture.

Vous avez aimé ardemment l'Eglise, 6 Phi- lippe ; et cet amour de l'Eglise est le signe indispensable de la sainteté. Votre contem- plation si élevée ne vous distrayait pas du sort douloureux de cette sainte Epouse du Christ, si éprouvée dans le siècle qui vous vit naître et mourir. Les efforts de l'hérésie

I. JOHAN. VI, 33.

Saint Philippe Néri, Confesseur. Sgi

triomphante en tant de pays stimulaient le zèle dans votre cœur : obtenez-nous de l'Es- prit Saint cette vive sympathie pour la vérité catholique qui nous rendra sensibles à ses défaites et à ses victoires. Il ne nous suffit pas de sauver nos âmes ; nous devons désirer avec ardeur et aider de tous nos moyens Tavance- mentdu règne de Dieu sur la terre, l'extirpa- tion de l'hérésie et l'exaltation de notre mère la sainte Eglise : c'est à cette condition que nous sommes enfants de Dieu. Inspirez-nous par vos exemples, 6 Philippe, cette ardeur avec laquelle nous devons nous associer en tout aux intérêts sacrés de la Mère commune. Priez aussi pour cette Eglise militante qui vous a compté dans ses rangs comme un de ses meilleurs soldats. Servez vaillamment la cause de cette Rome qui se fait honneur de vous être redevable de tant de services. Vous l'avez sanctifiée durant votre vie mortelle ; sanctifiez-la encore et défendez-la du haut du ciel.

LE MÊME JOUR.

^AINT ELFL'THÈRF. PAPE f.tMARTYP

A journée est encore embellie par la mémoire d'un de ces premiers pon- tifes qui, comme Urbain, ont été les fondements de la sainte Eglise à l'âge des tempêtes. Eleuthère monta sur le Siège Apostolique au milieu de la tourmente excitée par la persécution de Marc-Aurèle et de Commode. Il vit arriver à Rome la léga- tion que lui envoyaient les martyrs de TE- glise de Lyon, et qui avait à sa tê'te le grand ïrénée. Cette illustre Eglise, couronnée à ce moment des palmes les plus glorieuses, venait les offrir à la nouvelle Rome en qui elle reconnaissait la « puissante principauté » qu'a célébrée le même saint ïrénée, dans ses livres Contre les Hérésies.

La paix ne tarda pas à être rendue à l'E- glise, et le reste du pontificat d'Eleuthère s'écoula dans le calme et la tranquillité. Au sein de cette paix, avec son nom qui exprime la Liberté^ ce pontife est une image de notre divin ressuscité, dont le Psalmiste nous dit qu'il est « libre entre les morts i ».

L'Eglise honore saint Eleuthère comme mar- tyr, avecles autrespapes qui ont siégé avant la paix de Constantin, et qui presqiie tous ont versé leur sang dans les persécutions des trois

Saint Éleiithère, Pape et Martyr. 5g3

f)remiers siècles. Associés à toutes les souf- rances de l'Eglise, gouvernant la chrétienté à travers mille périls, ne goûtant la paix que dans de rares et courts intervalles, cette suite de trente-trois pontifes a droit d'être consi- dérée comme une série de martyrs.

Une gloire particulière pour Eleuthère est d'avoir été l'apôtre de la grande île britan- nique qui est devenue plus tard l'Angleterre. Les Romains avaient colonisé dans cette île, cfui n'était plus comme auparavant séparée du reste du monde. La divine Providence choi- sit les années de paix du pontificat d'Eleu- thère pour aggréger à l'Eglise les prémices delà race bretonne. Plus tard, l'île évangé- lisée ainsi dès le second siècle par les soins de notre saint pape deviendra l'Ile des saints, et dans deux jours ses gloires chrétiennes resplendiront une seconde fois sur le cycle.

ELEUTHÈRE, à Nicopo- lis en Grèce, fut d'abord diacre du pape Anicet, et gouverna ensuite l'Eglise sous l'empire de Commode. Au commencement de son pontificat, il reçut des let- tres de Lucius, roi des Bre- tons, qui le suppliait de l'ad- ûiettre ainsi que ses sujets au nombre des chrétiens. Eleu- thère envoya donc dans la Grande-Bretagne Fugacius et Damien, personnages doc- tes et pieux, pour enseigner la foi à ce prince et à sa na- tion. Ce fut aussi sous son pontificat que saint Irénée, disciple de saint Polycarpe,

ELEUTHERIUS, Nicopoiî in Grascia natus , Aniceti Pontificis Dia- conus, Commodo impe- ratore, prasfuit Ecclesias. Huic initio Pontificatus supplices litterœ vene- runt a Lucio, Britanno- rum rege, ut se ac suos in Christianorura nume- rum reciperet. Quamob- rem Fugatium et Da- mianum, doctos et pios viros misit in Britan- niam, per quos rex et re- liqui fidem susciperent. Hoc Pontifice Irenaeus, Polycarpi d i s c i p u I u s, Romam veniens, ab eo

LE TEMPS PASCAL. T. III.

5g4

Le Temps Pascal.

bénigne acceptas est. Quo tempore surama pa- ce et quiète frucbatur Ecclesia Dei : ac per to- tum orbem terrarum , maxime Romae, fides pro- pagabatur. Vixit Eleu- therius in Pontificatu an- nos quindecim, dies vi- ginti très. Fecit Ordina- tiones très mense decem- bri, quibus creavit pres- bytères duodecim, dia- conos octo, episcopos per diversa loca quinde- cim : sepultusque est in Vaticano prope corpus sancti Pétri.

vint à Rome, il fut ac- cueilli avec une grande cor- dialité. L'Eglise jouit d'une grande paix et d'un profond repos sous Eleuthére, et la foi faisait de grands progrés dans le monde entier, princi- palement à Rome. Il exerça le pontificat quinze ans et vingt-trois jours, et fit trois ordinations au mois de dé- cembre, dans lesquelles il créa douze prêtres, huit dia- cres et quinze évèques pour divers lieux. Il fut enseveli au Vatican près du corps de saint Pierre.

VOTRE nom, ô Eleuthère, est le nom du chrétien ressuscité avec Jésus-Christ. La Pâque nous a tous délivrés, tous affranchis, rendus tous libres. Priez donc, afin que nous conservions toujours cette « glorieuse liberté « des enfants de Dieu », que recommande l'Apôtre 1. Par elle nous sommes retirés des liens du péché qui nous livrait à la mort, de la servitude de Satan qui nous entraînait loin de notre fin, de la tyrannie du monde qui nous égarait par ses maximes charnelles. La vie nouvelle que nous a donnée la Pâque est toute du ciel le Christ nous attend dans sa gloire; nous ne pourrions la perdre que pour être esclaves de nouveau. Saint Pontife, obtenez que la Pâque, à son retour en l'année qui suivra, nous retrouve dans cette heureuse

I. Rom. VIII, 21.

Sahit Éîeuthére, Pape et Martyr. 5g5

liberté qui est le fruit de notre délivrance par le Christ \

Il est une autre liberté que vante le monde, et pour la conquête de laquelle il arme les hommes les uns contre les autres. Elle con- siste à fuir, comme on fuirait un crime, toute sujétion et toute dépendance, à ne s'incliner devant aucune autorité qu'on ne l'ait créée soi-même, pour ne durer qu'autant qu'il nous plaira. Délivrez-nous, saint Pontife, de tout attrait pour cette prétendue liberté si con- traire à la soumission chrétienne, et qui n'est que le triomphe de l'orgueil humain. Dans sa frénésie, elle verse des torrents de sang ; enivrée de ce qu'elle appelle fastueusement les droits de l'homme, elle substitue l'égoïsme au devoir. Pour elle la vérité n'est plus, car elle va jusqu'à reconnaître des droits à l'er- reur ; pour elle le bien n'est plus, car elle a abdiqué tout droit d'enchaîner le mal: tant elle est devenue esclave du principe sauvage de l'indépendance. Elle détrône Dieu autant qu'il lui est possible, en refusant de le recon- naître dans les dépositaires de l'autorité so- ciale, et jette l'homme sans défense sous le joug de la force brutale, l'écrasant sous le poids de ce qu'elle appelle les majorités, et sous la pression monstrueuse des faits ac- complis. Non, telle n'est pas, 6 Eleuthère, la liberté à lacjuelle nous a conviés le Christ, notre libérateur. « Soyez comme des « hommes libres », nous dit Pierre votre prédécesseur, « et ne soyez pas de ceux qui,

I. Gai. IV, 3i.

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Le Temps Pascal.

« sous un voile trompeur, sont les sectateurs « de la liberté du mal i. »

Demeurez toujours, 6 saint Pontife, le père de la société humaine dont vous fûtes le chef ici-bas. Durant votre règne pacitique, vous avez siégé près des Césars dans la ville aux sept coUmes. La pourpre et le diadème étaient portés par d'autres; mais votre nom n'était pas ignoré dans le monde. Tandis que le pouvoir matériel tenait la hache suspen- due sur votre tête, d'innombrables fidèles se dirigeaient vers Rome pour vénérer la tombe de Pierre et rendre hommage à son suc- cesseur. Vous vîtes arriver un jour l'ambas- sade d'un roi barbare. Cette légation ne se dirigeait pas vers le palais des Césars; elle s'arrêtait à la porte de votre humble demeure. Un peuple était appelé par la grâce divine à recevoir la bonne nouvelle, à entrer dans la famille chrétienne. Les destinées de ce peu- ple que vous avez évangélisé le premier de- vaient être grandes dans l'Eglise. L'île des Bretons est fille de l'Eglise Romaine; et c'est en vain qu'elle voudrait effacer cette noble origine. Prenez ses maux en pitié, ô vous qui fûtes son premier apôtre ; aidez les efforts qui sont faits de toutes parts pour la rendre à l'unité. Souvenez- vous de la foi de Lucius et de son peuple, et montrez votre paternelle sollicitude en faveur d'un pays que vous avez enfanté à la foi.

I. I Petr. II, i6.

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LE XXVII MAI. SAINT BEDE LE VHNÉRABLE.

CONFESSEUR ET DOCTEUR DE l'ÉGLISE-

A bénédiction que le Seigneur donnait à la terre en s'élevant au ciel atteint les plus lointaines frontières de la gentilité. Trois jours de suite, le Cy- cle nous montre les grâces qu'elle annonçait concentrant sur rextr'éme Occidentleurs éner- gies : c'est le fleuve de Dieu i, dont les eaux débordées se font plus impétueuses à la li« mite qu'elles ne dépasseront pas.

Hier, l'expédition évangélique que le roi Lucius avait sollicitée du Pontife Eleuthère quittait Rome pour la future Ile des Saints. Demain, dans la terre des Bretons devenue celle des Angles, elle sera suivie par le chef du second apostolat, Augustin, l'envoyé de Grégoire le Grand. Aujourd'hui, impatiente de justifier ces céleste« prodigalités, Albion produit devant les hommes son illustre fils, Bède le Vénérable, l'humble et doux moine dont la vie se passe à louer Dieu, à le cher- cher dans la nature et dans l'histoire, mais plus encore dans l'Ecriture étudiée avec amour, approfondie à la lumière des plus sûres traditions. Lui qui toujours écouta les anciens prend place aujourd'hui parmi ses maîtres, devenu lui-même Père et Docteur de

5g8 Le Temps Pascal.

l'Eglise de Dieu. Entendons-le, dans ses der- nières années, résumer sa vie :

(( Prêtre du monastère des bienheureux Pierre et Paul, Apôtres, je naquis sur leur territoire et je n'ai point cessé , depuis ma septième année, d'habiter leur maison, obser- vant la règle, chantant chaque jour en leur église, faisant mes délices d'apprendre, d'en- seigner ou d'écrire. Depuis que j'eus reçu la prêtrise,j"annotai pour mes frères et pour moi la sainte Ecriture en quelques ouvrages, m'ai- dant des expressions dont se servirent nos Pères vénérés, ou m'attachant à leur manière d'interprétation. Et maintenant, bon Jésus , je vous le demande : vous qui m'avez misé- ricordieusement donné de m'abreuver à la douceur de votre parole, donnez-moi béni- gnement d'arriver à la source, ô fontaine de sagesse, et de vous voir toujours i »>.

La touchante mort du serviteur de Dieu ne devait pas être la moins précieuse des leçons qu'il laisserait aux siens. Les cinquante jours de la maladie qui l'enleva de ce monde s'étaient passés comme toute sa vie à chanter des psaumes ou à enseigner. Comme on approchait de l'Ascension du Seigneur, il redisait avec des larmes de joie l'Antienne de la fête : « O Roi de gloire qui êtes monté triomphant par delà tous les cieux, ne nous laissez pas orphelins, mais envoyez-nous l'Es- prit de vérité selon la promesse du Père. » A ses élèves en pleurs il disait, reprenant la parole de saint Ambroise ; « Je n'ai pas vécu de telle sorte que j'eusse à rougir de vivre

I. Bed. Hist. eccl. Cap. uhimum.

Saint Bède le Vénérable. 5gg

avec vous ; mais je ne crains pas non plus de mourir, car nous avons un bon Maître. » Puis revenant à sa traduction de l'Evangile de saint Jean et à un travail qu'il avait entrepris sur saint Isidore : « Je ne veux pas aue mes disciples après ma mort s'attardent à des faus- setés et que leurs études soient sans fruit. « Le mardi avant l'Ascension, l'oppression du malade augmenta, 'et les symptômes d'un dénouement prochain se montrèrent. Plein d'allégresse, il dicta durant toute cette jour- née, et passa la nuit en actions de grâces. L'aube du mercredi le retrouvait pressant le travail de ses disciples. A l'heure de Tierce, ils le quittèrent pour se rendre à la proces- sion qu'on avait dès lors coutume de faire en ce jour avec les reliques des Saints. Resté près de lui: « Bien-aimé Maître, dit l'un d'eux, un enfant, il n'y a plus à dicter qu'un chapitre ; en aurez-vous la force ? C'est facile, répond souriant le doux Père :

E rends ta plume, taille-la, et puis écris ; mais âte-toi. » A l'heure de None, il manda les prêtres du monastère, et leur fit de petits présents, implorant leur souvenir à l'autel du Seigneur. Tous pleuraient. Lui, plein de joie, disait : « il est temps, s'il plaît à mon Créateur, que je retourne à Celui qui m'a fait de rien quand je n'étais pas ; mon doux Juge a bien ordonné ma vie ; et voici qu'ap- proche maintenant pour moi la dissolution; le la désire pour être avec le Christ : oui, mon âme désire voir mon Roi, le Christ, en sa beauté. »

Ce ne furent de sa part jusqu'au soir qu'effusions semblables, jusqu'à ce dialogue

6oo

f.e Temps Pascal.

plus touchant que tout le reste avec Wibert, l'enfant mentionné plus haut : « Maître chéri, il reste encore une phrase. Ecris-la vite. » Et après un moment : « C'est fini, dit l'enfant. Tu dis vrai, répartit le bienheureux: c'est fini ; prends ma tête dans tes mains et sou- tiens-la du côté de l'oratoire, parce que ce m'est une grande joie de me voir en face du lieu saint j'ai tant prié. » Et du pavé de sa cellule on l'avait déposé, il entonna : Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit; quand il eut nommé l'Esprit-Saint, il rendit l'âme i.

Lisons la vie du saint moine dans le livre de l'Eglise.

BEDA presbyter Girvi, in Britanniœ et Sco- tiœ finibus ortus, sep- tennis sancto Benedicto Biscopio abbati Wire- muthensi educandus tra- ditur. Monachus deinde factus, vitam sic insti- tuit, ut dum se artium et doctrinarum studiis totum impenderet, ni- hil unquam de rcmula- ri disciplina remittcret. Nullum fuit doctrinœ chenus, in quo non esset diligentissime versatus ; sed prascipua illi cura divinarum Scripturarum mcditatio, quarum scn- tentiam ut plenius asse- queretur, graeci hebrai- cique sermonis notitiam

LE prêtre Bède naquit à Yarrow, aux confins de la Grande-Bretagne et de l'Ecosse ; âgé de sept ans, son éducation fut confiée à saint Benoît Biscop, Abbé de Wearmouth. Devenu moine, il ordbnna de telle sorte sa vie, que se livrant tout entier à l'étude des arts et des sciences, il n'omit jamais rien toutefois des observances de la discipli- ne régulière. Excellemment versé en tous les genres de connaissances, la méditation des divines Ecritures fixa néanmoins ses préférences ; et pour les mieux compren- dre, il se rendit maître de la langue grecque et de l'hé- braïque. Ordonné prêtre en

Saint Bède le Vénérable.

60 T

sa trentième année par l'or- dre de son Abbé, ce fut à la sollicitation d'Acca, évêque d' Hexham , qu'il entreprit alors d'expliquer les saints Livres ; il ne le fit qu'en suivant d'aussi près que pos- sible la doctrine des saints Pères, n'avançant rien qu'ils n'eussent eux-mêmes ensei- gné, et pour ainsi dire repro- duisant leur langaÊfe. Enne- mi constant de l'oisiveté, il ne quittait l'étude que pour la prière, et revenait pareil- lement de la prière à l'étude ; son cœur s'y embrasait au point que souvent, ensei- gnant ou lisant, il fondait en larmes. Ne voulant point être distrait par le souci des choses qui passent, il re- fusa constamment la charge d'Abbé.

BIENTOT une telle répu- tation de piété et de science s'attachait à s 09 nom, que le Pape saint Ser- gius eut la pensée de l'appe- ler à Rome pour y travail- ler à la solution d épineuses difficultés qui s'étaient éle- vées dans l'Eglise. Il écrivit beaucoup d'ouvrages pour réformer les mœurs des fi- dèles, pour soutenir et dé- fendre la foi. Grande fut l'es- time universelle qu'il s'ac- quit ainsi : saint Boniface, evêque et martyr, le procla-

est adeptus. Triccsimo atatis anno, abbatîs sui jussu sacerdos initiatus, statim , suasore Acca Hagulstadensi episcopo, sacros explanare libres aggressus est : in quo eanctorum Patrum doc- trinîs adeo inhaesit, ut nihil proferret nisi illo- rum judicio comproba- tum , eorumdem etiam fere verbis usus. Otium perosus semper, ex Icc- tione ad orationem tran- sibat ac vicissim ex ora- tione ad lectionem : in qua adeo animo inllam- mabatur, ut srcpe inter legendum et docendum lacrymis perfunderetur. Ne autem rerumfluxarum curis distraheretur, dela- tum abbatis munus con- stantissime detrectavit.

SciENTi.E ac pietatis laude Bedœ nomen sic brevi claruit, ut sanc- tus Sergius Papa de eo Romam arcessendo cogi- taverit ; quo difficilli- mis scilicet, quae de ré- bus sacris exortœ erant, quasstionibus definiendis conferret operam. Emen- dandis fîdelium mori- bus, fidei vindicandse atque adserendae libres plures conscripsit : qui- bus tantam sui apud omncs opinionem fecit,

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Le Temps Pascal.

ut illum sanctus Bonifa- cius episcopus et martyr Ecclesiae lumen praedi- caverit, Lanfrancus An- (;lorum doctorem , Con- c i 1 i u m Aquisgranense doctorem admirabilem dixerit.Quin ejus scripta eo adhuc vivente, publi- ée in Ecclesiis legeban- tur. Quod cum fieret, quoniam ipsum sanctum minime appellare lice- ret , venerabilis titulo cfferebant : qui deinde veluti proprius sequutis etiam temporibus sem- per habitus est. Ejus au- tem doctrinae eo vis effi- cacior erat, quod vitœ sanctimonia religiosis- quc virtutibus confirma- batur. Quamobrem dis- cipulos, quos multos e

mait la lumière de l'Eglise ; Lanfranc lui donnait le ti- tre de docteur des Anglais, le Concile d'Aix-la-Chapelle celui de docteur admirable. 11 arriva que, de son vivant même, on lut publiquement ses écrits dans les Eglises, et comme alors on ne pou- vait lui attribuer le titre de saint, on lui donnait celui de vénérable qui lui resta toujours depuis. Son ensei- gnement était d'autant plus efficace, qu'il était soutenu de la sainteté de la vie et des vertus religieuses. Aussi ses disciples , qui furent nombreux et remarquables, devinrent-ils, grâce à son zèle et à son exemple, non moins éminents dans la

sainteté que dans les lettres et les sciences, egregios imbuendos habuit, studio et exemplo non litteris modo atque scientiis, sed etiam sanctitate fecit insignes.

w^TATE demum et la- /t boribusfractus, gra- vi rHorbo correptus est. Quo cum amplius quin- quaginta dies detentus esset, consuetum orandi more m Scripturasque interpretandi non inter- cepit : eo namque tcm- pore Evangclium Joan- nis in popularium suo- rum usum anglice veriit Cum autem in Atccnsio- nis pracludio instare sibi

BRISÉ enfin par l'âge et le labeur . il fut atteint d'une maladie grave. Il la supporta cinquante jours et plus sans interrompre ni ses habitudes de prière, ni son travail d'interprétation des Ecritures ; car ce fut en ce temps qu'il traduisit en anglais pour ses compatrio- tes l'Evangile de saint Jean. La veille de l'Ascension , sentant que la mort appro- chait, il voulut être muni

Saint Bède le Vénérable.

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des derniers sacrements , embrassa ses frères et se fit étendre à terre sur un cilice ; redisant alors : Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, il s'endormit dans le Sei^^neur. Son corps exhalant, dit-on, une odeur très suave, fut enseveli dans le monastère de Yarrow, et par la suite transporté à Durham avec les reliques de saint Cuthbert. Les Bénédic- tins, d'autres familles reli- gieuses, des diocèses l'hono- raient par avance comme docteur , quand , sur l'avis de la Congrégation des Rites sacrés, Léon Xlll, Souve- rain Pontife, le déclara doc- teur de l'Eglise universelle, décrétant que Messe et Office des Docteurs seraient désor-

mais récites par tous au jour de sa fête.

mortem persentiret, su- premis Ecclesise Sa- cramentis munirivoluit : tum sodales amplexatus, atque humi super cilicio stratus, cum illa verba ingeminaret,- Gloria Pa- tri et Filio et Spiritui Sancto , obdormivit in Domino. Ejus corpus, suavissimum, uti fertur, spirans odorem, sepul- tum est in monasterio Girvensi, ac postea Dun- clinum cum sancti Cuth- berti reliquiis trans- latum. Eum tamquam doctorem a Benedictinis aliisque religiosis fami- liis ac diœcesibus cul- tum, Léo decimus tertius Pontifex Maximus , ex Sacrorum Rituum Con-

gregationis consulto , universalis Ecclesiœ doc- torem declaravit, et festo ipsius die Missam et Offi- cium de Doctoribus ab omnibus recîtari decrevit.

Q LOIRE au Père, et au Fils.et au Saint-Esprit! C'est le chant de Téternité : l'ange et l'homme n'étaient pas, que Dieu, dans le con- cert des trois divines personnes, suffisait à sa louange : louange adécquate, infinie, parfaite comme Dieu, seule digne de lui. Combien le monde, si magnifiquement qu'il célébrât son auteur par les mille voix de la nature, demeurait au-dessous de l'objet de ses chants! Toutefois la création elle-même était appelée à renvoyer au ciel un jour l'écho de la mélo- die trine et une ; lorsque le Verbe fut devenu

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Le Temps Pascal.

par l'Esprit-Saint his de l'homme en Marie comme il l'était du Père, la résonance créée du Cantique éternel répondit pleinement aux adorables harmonies dont la Trinité gardait primitivement le secret pour elle seule. Depuis, pour l'homme qui sait comprendre, la perfec- tion fut de s'assimiler au tils de Marie afin de ne faire qu'un avec le Fils de Dieu, dans le concert auguste Dieu trouve sa gloire.

Vous fûtes, ô Bède, cet homme à qui l'in- telligence est donnée. 11 était juste que le dernier souffle s'exhalât sur vos lèvres avec le chant d'amour oii s'était consumée pour vous la vie mortelle, marquant ainsi votre entrée de plain-pied dans l'éternité bienheu- reuse et glorieuse. Puissions-nous mettre à profit la leçon suprême se résument les en- seignementsde votre vie si grande etsi simple.

Gloire à la toute-puissante et miséricor- dieuse Trinité î N'est-ce pas aussi le dernier mot du Cycle entier des mystères qui s'achè- vent présentement dans la glorification du Père souverain par le triomphe du Fils ré- dempteur, et l'épanouissement du règne de TEsprit sanctificateur en tous lieux.- Qu'il était beau dans l'Ile des Saints le règne de l'Esprit, le triomphe du Fils à la gloire du Père, quand Albion, deux fois donnée par Rome au Christ, brillait aux extrémités de l'univers comme un joyau sans prix de la parure de l'Epouse ! Docteur des Angles au temps de leur fidélité, répondez à l'espoir du Pontile suprême étendant votre culte à toute l'Eglise en nos jours, et réveillez dans l'âme de vos concitoyens leurs sentiments d'autre- fois pour la Mère commune.

LE MÊME JOUR. SAINT JEAN 1^'\ PAi'E ET MARTYR.

A palme du martyre n'a pas été con- quise par ce saint pape dans une victoire remportée sur quelque prince païen ; il l'a gagnée en lut- tant pour la liberté de l'Eglise contre un roi chrétien. Mais ce roi était hérétique, et par conséquent ennemi de tout pontife zélé pour le triomphe de la vraie foi. La situation du vicaire de Jésus-Christ ici-bas est une situa- tion de lutte, et souvent il arrive qu'un pape est véritablement martyr sans avoir versé son sang. Saint Jean 1^% que nous honorons aujourd'hui, n'a pas succombé sous le glaive; un indigne cachot a été l'instrument de son martyre ; mais bien d'autres pontifes brille- ront au ciel en sa compagnie, sans avoir même porté le poids des chaînes : le Vatican a été leur Calvaire. Ils ont vaincu et ils ont succombé sans éclat, laissant au ciel le soin de venger leur cause : tel fut entre autres t'an- gélique Clément XIll audix-huitième siècle. Celui qui paraît aujourd'hui sur le Cycle exprime dans sa conduite la pensée qiii doit inspirer tout membre de l'Eglise, s'il est digne de sa mère. Saint Jean I*"' nous apprend que nous ne devons jamais pactiser avec l'hérésie, ni prendre part aux mesures qu'une politique mondaine croit devoir ins- tituer pour lui assurer des droits. Si les siè-

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Le Temps Pascal.

clés, aidés de l'indillérence religieuse des gouvernements, ont lé^ué la tolérance 2t même le privilège de l'égalité aux sectes qui ont rompu avec l'Eglise, nous pouvons subir cette situation qui est la plus grave atteinte à la constitution chrétienne d'un Etat; mais notre conscience catholicjue nous inter- dit de la louer et de la considérer comme un bien. En quelque condition que la divine Providence nous ait placés, nous n'en devons pas moins puiser nos inspirations dans la foi de notre baptême, dans l'enseignement et dans la pratique infaillibles de l'Eglise, hors desquels il n'y a que contradiction, péril et naufrage,

La sainte Liturgie consacre aujourd'hui ces lignes à l'éloge des vertus et de la constance de saint Jean I»'.

JOANNES Etruscus, Jus- tine seniore impera- iore rexit Ecclesiam : ad quem profectus est Cons- tantinopolim auxilii cau- sa, quod Theodoricus rex hœreticus divexabat Ita- liam : cujus etiam iter Deus rairaculis illustra- vit. Nam cum ei nobilis vir ad Corinthumequum, quo ejus uxor mansueto utebatur, itineris causa commodasset ; factum est, ut domino postea remissus equus ita ferox evaderet, ut frcmitu et totius corporisagitatione sempcr deinccps domi-

JEAN, dans l'Etrurie, gouverna l'Eglise sous l'empire de Justin l'Ancien. Il fit le voyage de Constan- tinople pour implorer le secours de ce prince, dans un moment !e roi hérétique Théodoric persécutait l'Ita- lie. Dieu illustra par des mi- racles le voyage du pontife. Un homme de condition lui prêta pour se rendre à Corin- the le cheval dont sa propre femme se servait. Il arriva que cette bête qui avait été jusqu'alors de la plus grande douceur, ayant été rendue après que le pontife s'en fut servi, se montra désormais

Saint Jean i«f, Pape et Martyr, ôo-j

furieuse et agitée de mouve- ments violents chaque fois que sa maîtresse voulut la monter, et qu'elle la jeta par terre plusieurs fois, comme si elle se fût indignée de porter une femme, après avoir été montée par le vicaire de Jésus-Christ ; ce qui fut cause que le mari et la femme en firent hommage au pontife. Mais un prodige plus grand eut lieu à Constantinople à l'entrée de la porte dorée, lorsque le saint Pape rendit la vue à un aveugle, sous les yeux d'un peuple immense qui, ainsi que l'empereur, était accouru par honneur au- devant du pontife. Ce prince se prosterna à ses pieds pour lui rendre l'hommage de sa vénération. Les afTaires étant réglées avec l'empereur, Jean retourna en Italie, et envoya aussitôt à tous les évêques de ce pays l'ordre de consacrer au service catholique les Eglises des ariens. Il ajoutait ces paroles : « Nous-mème, durant le séjour que nous avons fait à Constantinople pour l'intérêt de la religion catholique et pour les affaires du roi Théodoric, nous avons consacré dans ce pays comme Eglises catholiques toutes celles que nous avons trou- vées en la possession des hérétiques. » Théodoric fut irrité de cette conduite ; il attira par ruse le pontife à

nam expulerit : tamquam indignaretur mulierem recipere, ex quo sedisset in eo Jesu Christi vica- rius. Quamobrem illi equum pontifici donave- runt. Sed illud majus mi- raculum, quod Constan- îinopoli in aditu portae aureœ, inspectante fre- quentissimo populo, qui unacum imperatore Pon- tifici honoris causa oc- currerat, casco lumen res- tituit. Ad cujus pedes prostratus etiam impera- tor eum veneratus est. Rébus cum Imperatore compositis, in Italiam re- diit, statimque epistolam scripsit ad omnes Italiae episcopos, jubens eos arianorum Ecclesias ad Catholicum ritum conse- crare, illud subjungens : Quia et nos quando fui- mus Constantinopoli, tam pro religione Catho- lica, quam pro régis Theodorici causa, quas- cumque illis in partibus eorum Ecclesias reperire potuimus, Catholicas eas consecravimus. Quod iniquissimo animo ferens Theodoricus, dolo ac- cersitum Pontificem Ra- vennam in carcerem con- jecit : ubi squalore ine- diaque afflictus, paucis diebus cessit e vita, cum sedisset annos duos, men-

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Le Temps Pascal.

ses novem, diesquatuor- dccim : ordinatis eo tem- pore episcopis quinde- cim. Paulo post moritur Theodoricus : quem qui- dam eremita, ut scribit sanctus Gregorius, vidit jnter Joanncm Pontifi- ceni, et Symmachum pa- tritium; quem idem occi- derat, demergi in ignem Liparitanum, ut videlicet illi, quibus mortem attu- lerat, tamquam judices essent ejus interitus. Joannis corpus Ravenna Romam portatum est, et in Basilica sancti Pétri sepultum.

Ravenne, et le fit jeter en prison. L'insalubrité du lieu et les dures privations que Jean y subit achevèrent sa vie en peu de jours. Il avait siégé deux ans, neuf mois et quatorze jours, et avait ordonné durant ce temps quinze évèques. Théodoric mourut peu après ; et saint Grégoire raconte à son sujet qu'un pieux anachorète avait vu ce prince en présence du pape Jean et du patricien Symmaque, qu'il avait aussi fait mourir, et que Théodoric avait été jeté dans le cratère de Lipari ; en sorte que ces deux hommes de la mort des- quels il était coupable étaient ses juges et le condamnaient. Le corps de Jean fut rapporté de Ravenne à Rome, et on l'ensevelit dans la Basilique de Saint-Pierre.

■y ous avez cueilli la palme, saint Pontife, en ^ confessant la sainteté itrimaculée de l'E- glise. Cette Epouse du Fils de Dieu u n'a ni tache ni ride i, » comme nous dit l'Apôtre; et c'est pour cela qu'elle ne peut habiter avec l'hérésie dans la terre que son Epoux divin lui a assignée en dot. Des jours sont venus les hommes, épris des calculs et des inté- rêts de ce monde passager, ont résolu de régler la société humaine sans plus tenir compte des droits du Fils de Dieu, de qui procède tout ordre social comme toute vérité.

Saint Jean F"^, Pape et Martyr. 6og

fidèles, et se sont complus à élever de toutes parts des temples pour les sectes qui se sont révoltées contre elle. Le catholique Mexique a vu s'accomplir cet attentat au grand jour, et Dieu ne l'a pas laissé sans Vengeance. Saint Pontife, reveillez dans les cœurs des chrétiens d'aujourd'hui le sentiment du droit imprescriptible de la vérité divine. Nous pourrons alors nous abaisser devant les néces- sités imposées par le triomphe fatal de l'er- reur, dans l'âge qui nous a précédés, sans accepter comme un progrès l'égalité que l'on affecte d'établir entre 1 erreur'et la vérité. Dans votre prison, vaillant martyr, vous avez proclamé le droit de l'Eglise unique ; au milieu de la défection prédite par l'Apôtre i, gardez-nous des lâches complaisances, des entraînements funestes, de la légèreté cou- pable qui fait tant de victimes en ces jours; et que notre dernière parole, au sortir de ce monde, soit celle que le Fils de Dieu a daigné nous apprendre lui-même : « O vous « qui êtes notre père, que votre Nom soit « sanctifié, que votre règne arrive ! »

I. II Thess. II, 3.

LE TEMPS PASCAL. T. III.

LE XXVIII MAI. SAIN J AUL.U6 1 IN, ÉVÈgUE,

APÔTRE DE L'ANGLETERRE.

UATRE cents ans étaient à peine écou- lés, depuis le départ d'Eleuthère pour la patrie céleste, qu'un second apôtre de la grande île britannique s'élevait de ce monde, au môme jour, vers la gloire éternelle. La rencontre de ces deux pontifes sur le cycle est particulièrement tou- chante, en même temps qu'elle nous révèle la prévoyance divine qui règle le départ de chacun de nous, en sorte' que le jour et l'heure en sont tixés avec une sagesse admi- rable. Plus d'une fois nous avons reconnu avec évidence ces coïncidences merveilleuses qui forment un des principaux caractères du cycle liturgique. Aujourd'hui, quel admirable spectacle dans ce premier archevêque de Cantorbéry, saluant sur son lit de mort le jour le saint pape à qui l'Angleterre doit la première prédication de l'Evangile, monta dans les cieux, et se réunissant à lui dans un même triomphe ! Mais aussi qui n'y recon- naîtrait un gage de la prédilection' dont le ciel a favorisé cette contrée longtemps fidèle, et devenue depuis hostile à sa véritable gloire ?

L'œuvre de saint Eleuthère avait péri en grande partie dans l'invasion des Saxons et

5. A ugustin, Év., Apôtre de VA ngleterre. 6 1 1

des Angles, et une nouvelle prédication de l'Evangile était devenue nécessaire. Rome y pourvut comme la première fois. Saint Gré- goire le Grand conçut cette noble pensée ; il eût désiré assumer sur lui-même les fatigues de l'apostolat dans cette contrée redevenue infidèle; un instinct divin lui révélait qu'il était destiné à devenir le père de ces insulai- res, dont il avait vu quelques-uns exposés com.me esclaves sur les marchés de Rome. Mais du moins il fallait à Grégoire des apôtres capables d'entreprendre ce labeur auquel il ne lui était pas donné de se livrer en per- sonne. Il les trouva dans le cloître bénédic- tin, où lui-même avait abrité sa vie durant plusieurs années. Rome alors vit partir Augustin à la tête de quarante moines se dirigeant vers l'île des Bretons, sous l'éten darà de la croix,

Ainsi la nouvelle race qui peuplait cette île recevait à son tour la foi par les mains d'un pape; des moines étaient ses initiateurs à la doctrine du salut. La parole d'Augustin et de ses compagnons germa sur ce sol privi- légié. Il lui fallut, sans doute, du temps pour s'étendre à l'île tout entière; mais ni Rome, ni Tordre monastique n'abandonnèrent l'œu- vre commencée ; les débris de l'ancien chris- tianisme breton finirent par s'unir aux nou- velles recrues, et l'Angleterre mérita d'être appelée longtemps l'Ile" des saints.

Les gestes de l'apostolat d'Augustin dans cette île ravissent la pensée. Le dél^arquement des missionnaires romains qui s'avancent sur dette terre infidèle en chantant la Litanie; l'accueil pacifique et même bienveillant que

ôia

Le Temps Pascal.

leur fait dès l'abord le roi Ethclbert ; l'in- fluence de la reine Bcrthe, française et chré- tienne, sur rétablissement de la foi chez les Saxons; le baptême de dix mille néophytes dans les eaux d'un fleuve au jour de Noël, la fondation de l'Eglise primatiale de Cantor- béry, l'une des plus illustres de la chrétienté par la sainteté et la grandeur de ses évèques : toutes ces merveilles montrent dans l'évan- gclisation de l'Angleterre un des traits les plus marqués de la bienveillance céleste sur un peuple. Le caractère d'Augustin, calme et plein de mansuétude, son attrait pour la contemplation au milieu de tant de labeurs, répandent un charme de plus sur ce magni- fique épisode de l'histoire de l'Eglise ; mais on a le cœur serré quand on vient à songer

au'une nation prévenue de telles grâces est evenue infidèle à sa mission, et qu'elle a tourné contre Rome, sa mère, contre l'insti- tut monastique auquel elle est tant redeva- ble, toutes les fureurs d'une haine parricide et tous les efforts d'une politique sans en- trailles.

Nous donnons ici le récit liturgique de la vie du saint apôtre.

AUGUSTINUS Romae in Lateranensi cœnobio monachus, a Gregorio Magno cum sociis mo- nachis fere quadraginta in Angliam missus est anno qiiingentesimo no- nagesimo septimo , ut gentcs illas ad Christum

AUGUSTIN, moine du mo- nastère de Latran à Rome, fut envoyé par Gré- goire le Grand en Angleterre pour convertir à Jésus-Christ les peuples de cette contrée. Environ quarante moines de sa communauté l'accompa- gnaient. C'était en l'année

s. A u^ustin, Év., Apôtre de VA ngleterre. 6 13

cinq cent quatre-vingt-dix- sept. Le très puissant Ethel- bert, alors roi de Kent, ayant appris la cause de l'arrivée d'Augustin, l'invita à venir à Contorbéry , métropole de son royaume, et lui accorda gracieusement la faculté d'y demeurer et de prêcher Jésus- Christ. Le saint construisit donc près de Cantorbéry un oratoire il se fixa quelque temps et s'efforça d'imiter avec les siens la vie aposto- lique.

L'exemple de sa vie , la doctrine céleste qu'il prê- chait et qu'il confirmait par beaucoup de miracles, adou- cirent tellement le caractère de ces insulaires, qu'il amena la plupart d'entre eux- à la foi chrétienne, et enfin le roi lui-même, qu'il régénéra dans la fontaine sacrée avec un nombre considérable des gens de sa suite. Berthe, l'é- pouse royale, qui était chré- tienne, s'en réjouit grande- ment. Un jour de Noël il administra le baptême à plus de dix mille personnes dans les eaux de la rivière d'York ; et l'on raconte que tous ceux de ces néophytes qui étaient atteints de quelque maladie, reçurent en cette circonstance la santé de leur corps avec

converteret. Erat eo tempore rex Ethelbertus in Cantio potentissimus, qui audita adventus Au- gustini causa, eum cum sociis Cantuariam. sui regni metropolim, invi- tavit ; ibique manendi et Christum prœdicandi fa- cult-atem eidem libérali- té r concessit. Quare sanctus vir prope Can- tuariam oratorium ex- struxit, ubi ipse aliquam- diu consedit, atque apos- tolicam vivendi ratio- nem cum suis asmulatus est.

LE s T I s doctrinae prœdicatione pluri- mis firmata miraculis, ac vitœ exemple sic insu- lanos illos demulsit, ut eorum plerosque ad chris- tianam fidem perduxerit, ac demum regem ipsum quem cum innumero suo- rum comitatu sacro fonte lustravit , summa cum laetitia Berthae regias uxo- ris. quœ christiana erat. Olim in Natali Domini, cum decem millibus et amplius baptismum in alveo fluminis Eboraci contulisset, quotquot ex lis morbo aliquo affecti erant, cum animas salu- te, corporis quoque sani- tatem récépissé memoriae prodiîum est. Jussu Gre-

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Le Temps Pascal.

gorii ordinatus episco- pus , sedem Cantuarine iDstituit in Ecclesia Sal- vatoris a se erecta, in qua monachos opcris sui sabsidiarios collocavit ; et Sancti Pétri monaste- rium, quod postea et a suo nomine dictum est, in suburbanis construxit. Idem Gregorius usum pnllii cum facultate ec- clesiasticas hierarchias in Anglia instituendœ ei concessit , quo novam etiam operariorum ma- num misit, nerape Mel- litum. Justura, Paulinum et Rufinianum.

Disposrns ejus Eccle- sias rébus, synodum habiiit Augustinus cum episcopis atque doctor:- bus veterum Britonum, qui in Paschae celebratio- ne aliisque ritibus ab Ec- clesia Romana jamdudum dissidebant. Sed cum eos neque Apostolicaî Sedis auctoritate, neque mira- culis movere posset ut dissidio cessarent, pro- phetico spiritu eis exci- dium prccnuntiavit, De- nique maximis p r o Christo exantlatis labo- ribus, miraculis clarus, cum Mellitum Londi-

le salut de leurs âmes. Or- donné évéque par le com- mandement de Grégoire, il établit son siège à Cantor- béry, dans l'Eglise du Sau- veur qu'il avait bâtie, et il y plaça une partie des moinci qui l'aidaient dans ses tra- vaux. Il fonda ensuite dans les faubourgs le m'-nastère de Saint-Pierre, qui plus tard fut appelé du nom d'Au- gustin lui-même. Le même Grégoire lui accorda l'usage du pallium et les pouvoirs nécessaires pour établir la hiérarchie ecclésiastique en Angleterre, en même temps qu'il lui envoyait un nouveau renfort d'ouvriers , savoir Meilitus, Juslus, Paulin et Rufinien.

AYANT réglé les affaires de cette Eglise , Augustin tint un concile avec les évé- ques et les docteurs des an- ciens Bretons, qui étaient depuis longtemps en désac- cord avec l'Eglise Romaine dans la célébration de la Pà- que et sur plusieurs autres rites. Mais comme ils refu- saient de se rendre et à l'au- torité du Siège Apostolique, et aux miracles qu'il faisait pour les ramener à la con- corde, inspiré par un esprit prophétique, Augustin leur prédit les désastres qui les attendaient. Enfin, après avoir accompli les plus

s. Augustin, Ev., Apôtre de V Angleterre. 6 1 5

grands travaux pour Jésus- Christ, illustre par ses mira- cles, ayant préposé Mellitus à l'Eglise de Londres, Justus à celle de Rochester, Lau- rent à la sienne, il passa au ciel le sept des calendes de juin, sous le règne d'Ethel- bert. On l'ensevelit au mo- nastère de Saint-Pierre, qui devint par la suite le lieu de sépulture des archevêques de Cantorbéry et de plusieurs rois. Les peuples d'Angle- terre lui rendirent un culte fervent ; et le Souverain Pontife Léon XIII a étendu son Office et sa Messe à toute l'Eglise.

Nous plaçons ici cette Hymne qui a été approuvée par le Saint-Siège, en l'honneur de l'apôtre de TAngleterre.

nensi Ecclesiae prœfecis- set, Justum Roffensi, suae Laurentium, in cœlum migravit septimo calen- das junias , Ethelberto régnante, ac sepultus est in monasterio Sancti Pétri, quod exinde Can- tuariensium Antistitum et aliquot regum condi- torium fuit. Èjus cultum ferventi studio prose- c u t 32 sunt Anglorum gentes, ac Léo Decimus- tertius Pontifex Maxi- mus ejus Officium et Missam ad universam extendit Ecclesiam.

ILE féconde des saints, cé- lèbre ton apôtre, exalte lans tes pieux concerts le rils de Grégoire.

Rendue fertile par ses la- beurs, tu donnas une moisson abondante ; et longtemps les fleurs de sainteté qui cou- vraient ton sol répandirent sur toi un éclat supérieur.

Suivi d'une troupe de qua- rante moines , il débarqua

FŒCUN la,

DA sanctis insu-

Tuum canas apostolum ; Et filium Gregorii Laudes piis concenti- bus.

Ejus labore fertilis, Messem dedisti pluri-

mam, Quae sanctitatis floribus Diu refulges inclyta.

Turma quadragenaria Stipatus intrat Angliann:

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Le Temps Pascal.

Vexilla Christi profe-

rens, Dus pacis adfert pigno-

Crucis trophaeum pro- micat,

Verbum salutis spargi- tur:

Fidera quin ipse barba- rus

Rex corde prompto sus- cipit.

Mores feros gens exuit, Undisque Iota fluminis, Ipsa die renascitur Qua sol salutis ortus est.

O Pastor aime, filios E sede pascas siderum : In matris ulnas anxiae Gregem reducas devium.

Praesta, beata Trini-

tas, uae rore jugi gratiae item rigas : ut pristina Fides resurgens floreat.

Amen.

î

sur tes rivages, ô terre des Anglais ! Il portait l'étendard du Christ ; messager de la paix, il venait en apporter les gages.

Bientôt la croix est plantée sur ton sol comme un écla- tant trophée, la parole du salut se répand de toutes parts ; et un roi barbare re- çoit lui-même la foi d'un cœur docile.

La nation renonce à ses coutumes sauvages ; elle se plonge dans les eaux sancti- fiées d'un fleuve, et renaît à la vie de l'àme le jour même le Soleil de justice se leva sur le monde.

O Pasteur auguste, du haut du ciel, gouverne toujours tes fils; ramène dans les bras de la mère désolée l'ingrat troupeau qui s'est éloigné d'elle.

Heureuse Trinité, qui en- voyez sans cesse sur votre vigne la rosée de la grâce, daignez faire renaître l'anti- que foi, afin qu'elle fleurisse comme aux anciens jours.

Amen.

- .ous êtes, ô Jésus ressuscité, la vie des peu- y pies, comme vous êtes la vie de nos âmes. Vous appelez les nations à vous con-

s. A ugiistin, Êv. , Apôtre de l'A ngleterre. 6 1']

naître, à Vous aimer et à vous servir ; car « elles vous ont été données en héritage i )), et vous les possédez tour à tour. Votre amour vous inclina de bonne heure vers cette île de l'Occident que, du haut de la croix du Calvaire, votre regard divin considérait avec miséricorde. Dès le deuxième siècle, votre bonté dirigea vers elle les premiers envoyés de la parole ; et voici qu'à la fin du sixième, Augustin, votre apôtre, délégué par Grégoire, votre vicaire, vient au secours d'une nouvelle race païenne c^ui s'est rendue maîtresse de cette île appelée à de si hautes destinées.

Vous avez régné glorieusement sur cette région, ô Christ ! Vous lui avez donné des pontifes, des docteurs, des rois, des moines, des vierges, dont les vertus et les services ont porté aii loin la renommée de l'Ile des saints, et la grande part d'honneur dans une si noble conquête revient aujourd'hui à Augus- tin, votre disciple et votre héraut. Votre em- pire a duré longtemps, 6 Jésus, sur ce peuple dont la foi fut célèbre dans le monde entier ; mais, hélas ! des jours funestessont venus, et l'Angleterre n'a plus voulu que vous régniez sur elle 2, et elle a contribuée égarer d'autres nations soumises à son influence. Elle vous a haï dans votre vicaire, elle a répudié la plus grande partie des vérités que vous avez ensei- gnées aux hommes, elle a éteint la foi, pour y substituer une raison indépendante qui a produit dans son sein toutes les erreurs. Dans sa rage hérétique, elle a foulé aux pieds et brûlé les reliques des saints qui étaient sa

I. Psalm. II. 2. Luc. XIX, 14.

6iS Le Temps Pascal.

gloire, elle a anéanti l'ordre monastique au- quel elle devait le bienfait du christianisme, elle s'est baignée dans lesangdcs martyrs, en- courageant l'apostasie et poursuivant comme le plus grand des crimes la fidélité à l'anti- que foi.

En retour, elle s'est livrée avec passion au culte de la matière, à l'orgueil de ses flottes et de ses colonies ; elle "voudrait tenir le monde entier sous sa loi. Mais le Seigneur renversera un jour ce colosse de puissance et de richesse. La petite pierre détachée de la montagne l'atteindra à ses pieds d'argile, et les peuples seront étonnés du peu de soli- dité qu'avait cet empire géant qui s'était cru immortel. L'Angleterre "n'appartient plus à votre empire, 6 Jésus ! Elle s'en est séparée en rompant le lien de communion qui l'unit si longtemps à votre unique Eglise. \'ous avez attendu son retour, et elle ne revient pas ; sa prospérité est le scandale des faibles, et c'est pour cela que sa chute, que l'on peut déjà prévoir, sera lamentable et sans retour.

En attendant cette épreuve terrible que votre justice fera subir à l'île coupable, votre miséricorde, ô Jésus, glane dans son sein des milliers d'âmes, heureuses de voir la lumière, et remplies pour la vérité qui leur apparaît, d'un amour d'autant plus ardent, qu'elles en avaient été plus longtemps privées. Vous vous créez un peuple nouveau au sein même de l'intidélité, et chaque année la moisson est abondante. Poursuivez votre œuvre miséri- cordieuse, aùn qu'au jour suprême ces restes d'Israël proclament, au milieu des désastres de Babylone, l'immortelle vie de cette Eglise

s. Augustin, Év., Apôtre de l'Angleterre. 61 g

dont les nations qu'elle a nourries ne sau- raient se séparer impunément.

Saint apôtre de l'Angleterre, Augustin, votre mission n'est donc pas terminée. Le Seigneur a résolu de compléter le nombre de ses" élus, en glanant parmi l'ivraie qui couvre le champ que vos mains ont ensemencé. Venez en aide au labeur des nouveaux envoyés du Père de famille. Par votre intercession, obtenez ces grâces qui éclairent les esprits et changent les cœurs. Révélez à tant d'aveugles que l'Epouse de Jésus est « unique d, comme il l'appelle lui-même ^ ; que la foi de Grégoire et d'Augustin n'a pas cessé d'être la foi de l'Eglise catholique, et que des siècles de possession ne sauraient créer un droit a l'hé- résie sur une terre qu'elle n'a conquise que par la séduction et la violence, et qui garde toujours le sceau ineffaçable de la caTholi- cité.

OiA (XUL CZUk CXtÀ. <tlA <tiA iXU, <\2J^ CZUl, CXiJL CtiA <TiA LE XXIX MAI.

SAINTE MARIE-MADELEINE DE PAZZI,

: Cycle pascal nous oifïre trois illus- tres vierges que l'Italie a produites. Nous avons salué dans notre admi- ration la vaillante Catherine de Sienne ; sous peu de jours, nous célébrerons Angèle de Mérici, entourée de son essaim de )eunes tilles ; aujourd'hui le lis de Florence, Madeleine de Pazzi, embaume toute l'Eglise de ses parfums. Elle a été l'amante et l'imita- trice du divin crucifié ; n'est-il pas juste qu'elle ait part aux allégresses de sa résur- rection ?

Madeleine de Pazzi a brillé sur le Carmel par son éclatante pureté et par l'ardeur de son amour. Elle a été, comme Philippe Néri, l'une des plus éclatantes manifestations de la divinecharitéau sein de la vraie Eglise, se con- sumant à l'ombre du cloître comme Philippe dans les labeurs du ministère des âmes, ayant recueilli l'un et l'autre, pour l'accomplir en eux, cette parole de l'Homme-Dieu : « Je suis « venu allumer le feu sur la terre ; et quel est ({ mon désir, sinon qu'il s'entlamme ' ? »

La vie de l'Epouse du Christ fut un mira-

I. Luc. XII, 49.

Sainte Marie-Madeleine de Pa:^:{ii Vierge. 621

cle continuel. L'extase et les ravissements étaient journaliers chez elle. Les plus vives lumières lui furent communiquées sur les mystères, et, afin de l'épurer davantage pour ces sublimes communications, Dieu lui fit traverser les plus redoutables épreuves de Ir. vie spirituelle. Elle triompha de tout, et sor. amour montant toujours, elle ne trouvait plus de repos que dans la souffrance, paï laquelle seule elle pouvait alimenter le feu

aui la consumait. En même temps son cœur ébordait d'amour pour les hommes ; elle eût voulu les sauver tous, et sa charité si ar- dente pour les âmes s'étendait avec héroïsme jusqu'à leurs corps. Tant que dura ici-bas cette existence toute séraphique, le ciel re- garda Florence avec une complaisance par- ticulière ; et le souvenir de tant de merveilles a maintenu dans cette ville, après plus de deux siècles, un culte fervent à l'égard de l'insigne épouse du Sauveur des hommes.

L'un des plus frappants caractères de la divinité et de la sainteté de l'Eglise apparaît dans ces existences privilégiées, sur lesquelles se montre avec tant d'éclat l'action directe des mystères de notre salut, u Dieu a tant f( aimé le monde, qu'il lui a donné son Fils « unique 1 » ; et ce Fils de Dieu daigne se passionner pour une de ses créatures, pro- duisant en elle de tels effets, que tous les hommes sont à même d'y prendre une idée de l'amour dont son Cœur divin est embrasé pour ce monde qu'il a racheté au prix de son sang. Heureux ceux qui savent goûter ce

I. JOIIAN. III, i5.

622

Le Temps Pascal.

spectacle, qui savent rendre grâces pour de tels dons ! Ils ont la vraie lumière, tandis que ceux qui s'éionnent et hésitent font voir que les lueurs qui sont en eux luttent encore avec les ténèbres de la nature déchue.

L'espace qui nous reste ne nous permet pas, à notre grand regret, de développer davan- tage le caractère et la vie de notre sainte; nous insérons ici les Leçons trop abrégées de son Office qui n'en donnent qu'une faible idée.

MARIA Magdalena, il- lusiriori Pazziorum génère Florentiae nata, fere ab incunabulis iter pert'cctionisarripuit.De- cennis pcrpetuara virgi- nitatem vovit. suscepto- que habitu in monaste- rio Sanctœ Marias Ange- loruin ordinis Carmeli- tarum, se omnium virtu- tum exemplar exhibuit. Adeo casta fuit, ut quid- quid puritatem laedere potest. penitus ignorave- rit. Quinquennium, Deo jubente. solo pane et aqua transegit. exceptis dicbiis Dominicis, qui- bus cibis Quadragesima- libus vescebatur. Corpus suum cilicio, flagellis, frigore, inedia, vigiliis, nuditate , atque omni pœnarum génère crucia- bat.

Marie-Madeleine , de l'illustre famille des Paz- zi. naquit à Florence, et marcha presque dès le ber- ceau dans le chemin de la perfection. Dès l'âge de dix ans, elle fit vœu de virginité, et, lorsqu'elle eut pris l'habit de carmélite dans le monas- tère de Notre-Dame- des- Anges. elle fit voir en sa per- sonne un modèle achevé de toutes les vertus. Sa pureté alla jusqu'à ignorer toute sa vie ce qui peut blesser cette vertu. Par l'ordre de Dieu, elle jeûna cinq ans au pain et à l'eau, hors les dimanches qu'elle usait des mets permis en Carême. Elle afliigeait son corps par le cilice, les fouets, l'abstinence, les veil- les, la nudité, et par toutes sortes de tourments.

Sainte Marie-Madeleine de Pa^:^i, Vierge. 623

LE feu de l'amour divin était si brûlant en elle, que, n'en pouvant supporter l'ar- deur, elle était obligée, pour la tempérer, de répandre de l'eau sur sa poitrine. Souvent ravie hors d'elle-même, elle éprouvait de longues et me-r- veilleuses extases, dans les- quelles elle pénétrait les mys- tères célestes, et recevait de Dieu des faveurs admirables. Fortifiée par ces secours, elle soutint un long combat con- tre les princes des ténèbres, livrée à la sécheresse et à la désolation, abandonnée de tout le monde, et poursuivie de diverses tentations, par la permission de Dieu, qui vou- lait en faire le modèle d'une invincible patience et de la plus profonde humilité.

SA charité envers le pro- chain éclatait particuliè- rement : souvent elle passait les nuits sans dormir, ;occu- pée soit à faire l'ouvrage des sœurs, soit à servir les mala- des, qu'elle guérit plus d'une fois en suçant leurs ulcères. Elle pleurait amèrement la perte des infidèles et des pé- cheurs, et s'offrait à endurer toutes sortes de tourments pour leur salut. Plusieurs années avant sa mort, elle renonça avec une vertu héroï- que à toutes les délices dont le Ciel la comblait, et elle avait souvent à la bouche ces

TANTO ignc divini amoris œstuabat , ut ei ferendo impar, ingasta aqua pectus refrigerare cogeretur. Extra sensus fréquenter rapta, diutur- nas et admirabiles exsta- ses passa est, in quibus et arcana cœlestia pene- travit, et eximiis a Deo gratiis illustrata fuit- His autem munita lon- gum certamen a princi- pibus tenebrarum susii- nuit, arida, desolata, ab omnibus derelicta, va- riis que tentationibus vexata ; Deo sic permit- tente, ut invictœ pat.ien- tiaï. ac profundissimœ humilitatis exemplar praeberet.

CHARiTATEerga proxi- mum singulariter enituit ; nam sœpe noc- tes ducebat insomnes, vel obeundis Sororum ministeriis, vel inser- viendo infirmis occupata, quarum aliquando ulcéra lambens sanavit. Infide- lium et peccatorum per- ditionem amarc deflens, se ad quîelibet pro illo- rum salute tormenta pa- ratam offerebat, Multis ante obitum annis, uni- versis cœli deliciis, qui- bus copiose affluebat, he- roica virtute renuntians,

6^4

Le Temps Pascal.

illud fréquenter in orc habebat : Pati, non mori. Tandem lonj^a et gravis- sima infirmitate exhai;s- ta, transivit ad Spon- sum die vigesima quin- ta maii anr.o millesimo sexcentesimo septimo, explcto anno quadrap;e- simo primo netatis sua?. Eam multis in vita et post mortem miraculis claram Clemens Nonus sanctarum Virginum nu- méro adscripsii : cujus corpus in prœsentem diem incorruptum con- servât ur.

paroles : Souffrir, et ne pas mourir. Epuisée enfin par une longue et grave maladie, elle alla se réunir à TEpoux le vingt-cinq mai de l'an mil six cent sept, étant âgée de quarante-un ans. De nom- breux miracles la rendirent célèbre durant sa vie et après sa mort. Clément IX lin- scrivit au nombre des saintes vierges, et son corps s'est conservé jusqu'aujourd'hui sans corruption.

VOTRE vie ici-bas, ô Madeleine, a semblé celle d'un ange que la volonté divine eût captivé sous les lois de notre nature inférieure et déchue. Toutes vos aspirations vous en- traînaient au delà des conditions de la vie présente, et Jésus se plaisait à irriter en vous cette soif d'amour qui ne pouvait s'apaiser qu'aux sources jaillissantes de la vie éter- nelle ^. Une lumière céleste vous révé- lait les mystères divins ; votre cœur ne pouvait contenir les trésors de vérité et d'amour que l'Esprit-Saint y accumulait; et alors votre énergie se réfugiait dans le sacri- fice et dans la souffrance, comme si l'anéan- tissement de vous-même eût pu seul acquitter la dette que vous aviez contractée envers le grand Dieu qui vous comblait de ses faveuss les plus chères.

JOHAN. IV, t4.

Sainte Marie-Madeîeine de Pu;; ji, Vierge. 025

Ame de séraphin, comment vous suivrons- nous ? Qu'est notre amour auprès du vôtre ? Nous pouvons cependant nous attacher de loin à vos traces. L'année liturgique était le centre de votre existence ; chacune de ses saisons mystérieuses agissait sur vous, et vous apportait, avec de nouvelles lumières, de nouvelles ardeurs. L'Enfant divin de Bethléhem, la sanglante Victime de la croix, le glorieux Epoux vainqueur de la mort, l'Esprit rayonnant de sept dons ineffables, vous ravissaient tour à tour ; et votre âme, renouvelée par cette succession de merveilles, se transformait toujours plus en celui qui, pour s'emparer de nos cœurs, a daigné se traduire lui-même dans ces gestes immortels que la sainte Eglise nous fait repasser chaque année avec le secours d'une grâce toujours nouvelle. Vous aimiez ardemment les âmes durant votre vie mortelle, 6 Madeleine; votre amour s'est accru encore dans la possession du bien suprême ; obtenez-nous la lumière pour voir mieux ce qui ravissait toutes vos puissances, l'ardeur de l'amour pour aimer mieux ce qui passionnait votre cœur.

LE TEMPS PASCAL. T. III. 40

*^<*&W&«i^«*^»S.«é&«é&Wg.(^W£.

LE XXX MAI.

SAINT FELIX I", PAPE ET MART^ R.

ES saints papes de l'âge primitif apparaissent en groupe sur cette dernière partie du Cycle pascal. Aujourd'hui, c'est Félix I", un mar- tyr de la persécution d'Aurélien au iii« siè- cle. Le détail de ses actes ne s'est pas con- servé ; nous savons seulement qu'il proclama le dogme de l'Incarnation avec une admira- ble précision dans une lettre à l'Eglise d'A- lexandrie, dont un fragment fut lu avec éloge dans les deux conciles œcuméniques d'Ephèse et de Chalcédoine.

Un autre trait emprunté aux usages de l'Eglise de ces temps orageux nous montre le saint Pontife empressé à faire rendre aux saints martyrs l'honneur qui leur est dû. Il ordonna qu'on célébrerait le divin Sacrifice sur leurs tombeaux ; et l'Eglise pratique encore aujourd'hui un reste ^e cette pres- cription, en exigeant que tous les autels, fixes ou portatifs, contiennent au moins quelques reliques des martyrs. Nous aurons occasion de revenir sur cet usage.

Voici le court récit que la Liturgie consa- cre à la mémoire du saint Pape.

FELIX Romanus, pâtre Constantio, Aurelia- no imperatore praefuit

FÉLIX, à Rome, fils de Constantius, gouverna l'Eglise sous l'empire d'Au-

Saint Félix I^^, Pape et Martyr. 62-

rélien. Il ordonna que la Messe serait célébrée sur les Mémoires et sur les Sépul- cres des martyrs. Il tint deux ordinations au mois de dé- cembre, où il créa neuf prê- tres, cinq diacres et cinq évêques pour divers lieux. II fut couronné du martyre, et enseveli sur la voie Auré- lia, dans une basilique qu'il avait élevée, et qu'il dédia. 11 vécut dans le pontificat deux ans, quatre mois et vingt-neuf jours.

Ecclesiae. Constituit ut Missa supra memorias et sepulcra Martyrum ce- lebraretur. Qui cum mense decembri habuis- set Ordinationes duas, et creasset presbytères novem, diaconos quin- que, episcopos per di- versa loca quinque, mar- tyrio coronatus, via Au- rélia sepelitur in Basilica quam a se aedificatam dedicarat. Vixit in pon- tificatu annos duos, men- ses quatuor, dies viginti novem.

VOUS avez imité dans sa mort votre Maître divin, ô saint Pontife; car vous avez donné comme lui votre vie pour votre trou- peau. Comme lui aussi vous sortirez vivant du tombeau, et votre âme bienheureuse vien- dra rejoindre ce corps qui a souffert la mort en témoignage de la vérité que vous annon- ciez dans Rome. Jésus est le premier-né entre les morts ' ; après l'avoir suivi dans sa passion, vous le suivrez dans sa résurrection Votre corps fut déposé dans ces souterrains glorieux que la piété de l'Eglise de votre temps décora du nom de Cimetières, qui signifie un lieu préparé pour le sommeil. Vous vous réveillerez, ô Félix, en ce grand jour la Pâque recevra son dernier accom- plissement ; priez afin que nous ayons part avec vous à la bienheureuse résurrection.

1. Apec. I, 5.

638

Le Temps Pascal.

Obtenez que les grâces de la solennité pas- cale se conservent en nous, et disposez nos cœurs à la visite de l'Esprit-Saint, cjui con- firme dans les âmes l'œuvre accomplie par le divin auteur du salut.

LE MÊME JOUR.. S. FERDINAND 11!. ROI DE CASTILLE,

ET CONFESSEUR.

'ans les jours consacrés à honorer la naissance de notre Emmanuel, nous vîmes près de son berceau l'impo- sante figure du Bienheureux empe- reur Charlemagne. Ceint du diadème impé- rial, tenant en main son puissant glaive, il semblait veiller sur l'enfant que des bergers avaient adoré les premiers. Aujourd'hui, près du glorieux sépulcre visité d'abord par Made- leine et ses compagnes, nous apercevons un roi, Ferdinand le Victorieux , ceint de la couronne et faisant la garde avec sa vaillante épée si redoutée du Sarrasin. La France et l'Espagne sont ainsi représentées sur le Cycle par leurs plus nobles souverains : l'un véné- rant le mystère du Dieu incarné, l'autre ren- dant son hommage au mystère du Dieu vain- queur de la mort.

La catholique Espagne est personnifiée dans son Ferdinand, et la France très chré- tienne reconnaît dans ce prince héroïque le sang de son saint Louis. Bérengère, mère de Ferdinand, et Blanche, mère de Louis, étaient sœurs. Pour former le royaume catholique, il fallut un des Apôtres du Christ, saint Jac- ques le Majeur ; il fallut une épreuve formi- dable, l'invasion du Sarrasin qui déborda sur la Péninsule comme un déluge ; il fallut un

63 o Le Temps Pascal.

exploit chevaleresque qui dura huit siècles, et par lequel l'Espagne recouvra son sol et sa liberté. Saint Ferdinand résume en lui cette armée de héros qui ont repoussé le Maure et créé la patrie ; mais au courage du soldat il a réuni les vertus du saint.

Quels exploits dans cette vie qui compte autant de victoires que de combats! Cordoue, la ville des Califes, tomba au pouvoir d'un si fier chrétien, et les portiques de son alham- bra n'abriteront plus le luxe et la mollesse féroce des sectateurs de l'Islam. Sa splen- dide mosauée est purifiée par l'eau sainte, et devient l'église cathédrale de Cordoue rede- venue chréuenne. Les sectateurs de Mahomet avaient enlevé les cloches de l'Eglise de Saint- Jacques à Compostelle, ils les gardaient en trophée à Cordoue; par ordre du saint roi, ces cloches sont reportées à dos de Sarrasin, à travers l'Espagne, jusqu'à l'auguste sanc- tuaire auquel elles avaient été ravies.

Séville, à son tour, après un siège de seize mois, tomba au pouvoir de Ferdinand, mal- gré sa double enceinte de murailles flanquées cie cent soixante-six tours. L'armée chrétienne était faible en nombre; la défense des Sar- rasins servis par tous les avantages du site et l'habileté de la conduite, fut de la dernière énergie ; mais le croissant dut s'éclipser devant la croix triomphante. Ferdinand accorda un mois aux Sarrasins pour se reti- rer de la ville et du territoire. Trois cent mille se replièrent sur Xérès, et cent mille passèrent en Afrique. Le vaillant chef de ce peuple abattu, jetant un dernier regard sur la ville rentrée au pouvoir des chrétiens, dit

5. Ferdinand, Roi de Castille et Conf. 63 r

à ses officiers, les larmes aux yeux : « Il n'y « a qu'un saint qui ait pu avec de si faibles « troupes se rendre maître d'une place si « forte et peuplée de tant de défenseurs. » Nous n'énumérerons pas ici les villes et les

grovinces reconquises par le héros chrétien, a carrière toute de succès dut faire pressen- tir aux Maures que la Péninsule leur échap- perait un jour tout entière ; au reste, Ferdi- nand avait formé le projet de faire une des- cente sur la côte africaine, et d'aller ainsi éteindre l'islamisme jusque dans son foyer le plus ardent. La mort arrêta ce noble dessein, et parvenu à Tàge de cinquante-trois ans, le saint roi échangea la couronne de la terre pour celle du ciel.

Sa piété l'avait rendu le ministre docile de la volonté de Dieu, dont il se regarda toujours comme l'humble instrument. Austère comme un anachorète, Ferdinand fut compatissant comme un père pour ses peuples: « Je crains « plus, dit-il un jour, les malédictions d'une « î?auvre femme que toute l'armée des Sar- « rasins. » Il dota richement les églises qu'il élevait dans l'Espagne reconquise,' et, fidèle chevalier de la Rei^ne des cieux, il l'honora toujours commue sa dame et maîtresse. En retour d'un culte si fervent, Marie daigna bénir constamment les armes de son illus- tre champion. On doit voir aussi un gage de sa maternelle tendresse pour le saint roi dans un fait mentionné par les chroniqueurs con- temporains, et qui dans ces siècles atteste l'intervention divine. Durant tout le règne de Ferdinand, ni la peste ni la famme ne vin- rent affliger ses Etats. A la ditîérence de notre

632 Le Temps Pascal.

saint Louis, dont la vie fut remplie d'épreu- ves, Ferdinand fut toujours heureux ; comme si Dieu eût voulu donner à la fois aux hom- mes, dans ces deux admirables princes, le modèle du courage dans l'adversité et l'exem- ple de la modération dans les prospérités. A eux deux ils forment le plus complet tableau de la vie humaine régénérée dans le Christ, en qui nous adorons les humiliations de la croix et les splendeurs de la résurrection. Heureux siècles Dieu choisissait les rois pour donner aux chrétiens de telles leçons! On se demandera comment un homme, un prince, tel que saint Ferdinand, accueillit la mort, lorsqu'elle vint tout à coup arrêter le cours de sa glorieuse carrière. Il était encore dans la force de l'âge. A l'approche du prêtre qui lui apportait le Corps du Seigneur, le pieux héros descend de son lit, et ce n'est qu'après avoir adoré son Sauveur, la face contre terre et la corde au cou, qu'il reçoit i'hostie sacrée. Ayant accompli ce grand acte, se sentant arrivé aux portes de l'éternité, il ordonne qu'on le dépouille des marques de la royauté, et appelle ses tils autour de son lit de mort. S'adressant à l'aîné qui fut Alphonse le Sage, il lui recommanda le soin de ses frères étales égards qu'il devrait à ceux qui sont les vassaux du prince et ses com- pagnons d'armes ; puis il ajouta: « Mon lils, « tu vois de quelles forces, de quelles posses- « sions, de quel nombre de sujets tu es en- « touré, plus qu'aucun autre roi chrétien ; « fais en sorte d'user dignement de ces avan- « tages ; sois bon, ayant tant de moyens « de faire le bien. Te voilà maître de cette

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.V. Ferdinand III, Roi de Castille et Conf. 633

« terre que les Maures enlevèrent jadis au « roi Rodrigue. Si tu conserves le royaume « dans l'état je te le laisse, tu seras un « bon roi, comme je l'ai été ; il en serait « autrement, si tu en laissais perdre quelque « chose. »

La dernière heure approchait; une appari- tion céleste vint conforter le royal mourant. Il remercia Dieu de cette faveur, et demanda le cierge béni ; mais avant de le prendre dans ses mains, levant les yeux au ciel, il dit : c( Seigneur, vous m'avez donné le ro- « yaume que je n'avais pas, vous m'avez donné <L plus d'honneur et de puissance qiie je ne « méritais : recevez-en mes actions de grâces. « Je remets entre vos mains ce royaume que « j'ai accru autant qu'il m'a été possible : je « vous présente en même temps mon âme. » Il demanda ensuite pardon à ceux qui l'entou- raient, les priant de lui faire grâce, s'il leur avait donné lieu quelquefois de se plaindre de lui. Toute la cour était présente ; et l'on n'entendit que des voix entrecoupées de san- glots, qui àleur tour imploraient le pardon.

Le saint roi prit alors le cierge en ses mains, et l'élevant vers le ciel, il dit : ce Sei- « grieur Jésus-Christ, mon rédempteur, je « suis sorti nu du sein de ma mère, et je vais « rentrer nu dans la terre. Seigneur, recevez « mon âme, et par les mérites de votre très « sainte Passion, qu'il vous plaise la placer « parmi celles de vos serviteurs. » Après ces paroles, il rendit le cierge, et demanda aux évêques et aux prêtres qui étaient autour de lui, de réciter les Litanies, après lesquelles il leur fit chanter le Te Deion. Tout étant

634

Le Temps Pascal.

achevé, il inclina la tète, ferma les veux et expira doucement.

Ainsi mouraient ces hommes dont la foi avait inspire toutes les œuvres, et qui sen- taient qu'ils n'étaient en ce monde que pour servir Jesus-Christ et le faire régner Ces rois avaient fait l'Europe; ils lui avaient donné pour première loi l'Evan-ile, et pour droit public les canons de l'Eglise. L'Eufope, après des siècles d'unité dans le lien catholique, a cherche une autre loi et un autre droit; elle se dissout aujourd'hui, et semble même avoir oublie 1 élément qui la forma et la maintint durant tant de siècles à la tète de l'humanité, ruisse-t-elle un jour ouvrir les yeux, et, s'il en est temps encore, arrêter la décadence qui 1 entraîne fatalement, et conjurer la ruine qui la menace !

Nous empruntons les Leçons de l'Office du saint roi au Propre de la ville de Rome.

FERDINANDLS Tertius Castellae. et Legionis rex, cui Sancti cogno- mentum jam inde a qua- tuor saeculis ecclesiasti- corumet sœcularium con- sensus dedere, tantum prudentia; adolescens adhuc spécimen prœbuit, ut Berengaria mater Ca- stella» regina, a qua per- sancte educatus fuerat, abdicatum a se regnum in filium transtulerit. In eo, adjunctis regni curis, regiœ virtutes eraicuere : magnanimitas, clemen-

PERDINAND III, roi de Cas- 1 tille et de Léon, à qui depuis quatre siècles l'accord des ecclésiastiques et des sé- culiers a attribué le nom de saint, donna, dès son ado- lescence, ds si grandes preu- ves de sagesse, que Béren- gère, reine de Castille, sa mère, qui l'avait élevé très saintement , abdiqua la royauté pour la lui remettre entre les mains. A peine Fer- dinand fut-il entré dans les soins du gouvernement, que l'on vit briller en lui les vertus d'un roi : la magnani-

s, Ferdinand III, Roi de Castille et Conf. 635

mité, la clémence, la justice, et par-dessus tout le zèle de la foi catholique, dont il sut défendre et propager la pra- tique religieuse avec ardeur. Il montra ce zèle principale- ment en poursuivant les héré- tiques, auxquels il ne permit jamais d'habiter dans ses royaumes. Il le fit voir encore en érigeant, dotant et consa- crant au culte chrétien les églises de Cordoue, Jaen, Séville, et autres villes arra- chées par lui au joug des Maures. Il rétablit avec une pieuse et royale munificence les cathédrales de Tolède, de Burgos, et plusieurs autres.

EN même temps, dans le royaume de Castille et de Léon, il avait succédé à Alphonse son père, il réunit de fortes armées, et entreprit chaque année des expéditions contre les Sarrasins, ennemis du nom chrétien. Le plus puissant moyen de ce pieux roi pour s'assurer constam- ment la victoire fut dans les prières qu'il adressait à Dieu, dont il s'assurait le secours en flagellant sévèrement son corps avant la bataille, et se couvrant d'un rude cilice. Ce fut ainsi qu'il remporta d'insignes victoires contre les puissantes armées des Maures, et qu'il restitua au culte chrétien et à l'Espagne

tia, justitia, et prae caete- ris catholicae fidei zelus, ejusque religiosi cultus tuendi, ac propagandi ardens studium. Id praes- titit inprimis hœreticos insectando, quos nullibi regnorura suorum consi- stere passus est. Praesti- tit insuper in erigendis, dotandis, et consecrandis christiano ritu Cordu- bensi, Giennensi, Hispa- lensi et aliarum urbium ecclesiis, a maurico erep- tarum jugo, simulque in instaurandis primariis templis Toletano, Bur- gensi et aliis pia et regia munificentia.

T NTER hœc, per Castel- I et Legionis re- gnum, in quo patri Al- fonso successerat, col- lectismagnis exercitibus, annuas expeditiones con- tra Saracenos Christian! nominis hostes suscepit. In queis, ut semper vin- ceret, prsecipui exercitus fuere preces piissimi ré- gis ad Deum fusse, et quod ante pugnam, ut sibi Deum propitiaret, flagris in se saeviebat, at- que aspero cilicio mu- niebat corpus. Sicque insignes contra ingentes Maurorum acies victorias reportavit, et plures ur- bes christiano cultui,

63b

Le Temps Pascal.

imperioque restituit , c«nquisiiis Giennii, Cor- dub;c et Miirciae ret,'nii», ac Granatensi vectigali facto. Ad expugnandam Hispalim primariam Bae- tica; urbem, hortante in visione (ut traditum est) leato Isidoro olim illius urbis episcopo, victricia signa transtulit. In ea obsidione prœsentem di- vinam opem habuisse fertur ; nam ferream ca- tenam. quae super Bœtim transversim extensa Ma- hometanis pro repagulo erat, coorto validiori vento, una ex navibus re- giis, régis jussu eo de- lata, tanto impetu fregit, ut longius praetervecta , ponîem quoque ligncum, et simul spes Maurorum obruperit et ad deditio- ncm coegerit.

TOT victorias beatas Virginis Marias pa- trocinio ferebat acceptas, cujus imaginem secum in castris habens, peculiari cuitu prosequebatur.

Capta Hispali, prima religionis cura fuit : nam templum Maurorum ex- piatum et Christianorum dedicatum sacris, insigni archiepiscopatu, et ho-

I des villes nombreuses, ayant conquis les royaumes de Jaën, Cordoue et Nlurcie, en même temps qu'il rendit tributaire celui de Grenade. Il amena ses étendards victorieux de- vant Séville, capitale de la Bétique, après une vision dans laquelle on rapporte que saint Isidore, autrefois évéque de cette ville, lui en avait donné le conseil. Les historiens racontent aussi qu'il fut assisté du secours divin dans ce siège, en la ma- nière suivante. LesMahomé- tans avaient tendu sur le Guadalquivir une chaîne de fer qui barrait le passage. Un vent violent s'éleva tout à coup, et l'un des navires royaux lancé par l'ordre du prince alla briser cette chaîne avec une telle violence qu'il fut entraîné plus loin, et alla rompre un pont de bateaux dont la ruine enleva l'espoir aux Maures, et amena la red- dition de la place.

FERDINAND a attribué toutes ces victoires au patronage

j de la bienheureuse Vierge Marie, dont il avait toujours

I dans son camp l'image qu'il honorait d'un culte spécial. Avant pris Séville, son pre- mier soin fut de songer au culte divin. Il fit purifier tout aussitôt la mosquée des Sar- rasins, et la dédia au service religieux des chrétiens,

s. Ferdinand III, roi de Castille et Conf. b3j

l'ayant pourvue avec une royale et pieuse libéralité d'un siège archiépiscopal ri- chement doté et d'un collège de chanoines et de dignités convenablement établis. Il érigea encore d'autres églises et plusieurs monastères dans cette ville. Au milieu de ces actes de piété, il se préparait à passer en Afrique pour y anéantir la puissance musul- mane, lorsqu'il se vit appelé au royaume du ciel. Etant arrivé à ses derniers mo- ments, il adora la corde au cou, prosterné par terre, avec d'abondantes larmes, la sainte Eucharistie qu'on lui appor- tait pour viatique. Ayant reçu le divin sacrement avec la plus humble révérence ac- compagnée des plus vifs té- moignages de son attache- ment à la foi catholique, il s'endormit dans le Seigneur. Son corps, demeuré sans cor- ruption depuis six siècles, repose dans la cathédrale de Séville, il est renfermé dans un tombeau de la plus rare magnificence.

VTous avez délivré votre peuple du joug de l'infidèle, ô Ferdinand, imitant le divin ressuscité qui nous a affranchis de la mort du péché et rendus à la vie que nous avions per- due. Vos conquêtes n'ont point ressemblé à celles des conquérants profane-s, qui n'ont d'autre but que de satisfaire leur orgueil et celui de leurs peuples. Vous veniez délivrer

nestissimo carK)nicorum et dignitatum collegio, regia et religiosa libera- litate exornavit. Alia deinde in urbe templa et cœnobia erexit : inter quas pietatis oflficia, dum trajicere in Africam pa- rât, mahumetanum in ea imperium eversurus, ad cœlestem regiam voca- tur. In extremo vitae ago- ne sacram Eucharistiam pro viatico allatam, fune ad collum alligato, et humi stratus, cum lacry- mis ubertim fusis ado- rans, eaque dignis reve- rentiae, humilitatis et ca- tholicne fidei obtestatio- nibus accepta, obdormi- vit in Domino. Jacet ejus corpus, incorruptum adhuc post sex sœcula, in templo maximo His- palensi, honorificentissi- mo inclusum sepulcro.

63 s Le Temps Pascal.

vos frères opprimes et courbés depuis des siècles sous un joug odieux. Vous veniez les arracher aux périls" de séduction qu'ils cou- raient dans un esclavage séculaire. Champion du Christ, c'est pour lui d'abord çque vous forciez les remparts des cités sarrasines. Son étendard était le vôtre, et vouscherchiez avant tout à étendre son royaume. En retour, il daigna vous bénir en tous vos combats, et votre épée sortit toujours victorieuse.

Votre mission, 6 Ferdinand, fut de prépa- rer au Seigneur un peuple que la sainte E£;lise a honoré entre tous les autres, en lui décer- nant le beau nom de Catholii^ue. Heureuse Espagne, qui à force de persévérance et de courage a su briser le joug musulman, que les peuples qui l'ont subi gardent toujours ! Heureuse Espagne, qui a repoussé avec suc- cès l'invasion âe la prétendue Réforme au XVI* siècle, ayant ainsi conservé l'antique foi qui sauve les âmes, et est en même temps le plus fort lien de la patrie ! Priez pour votre peuple, ô Ferdinand ! Des doctrines perverses circulent dans son sein, des influences per- fides cherchent à l'égarer, et beaucoup d'âmes sont séduites. Ne souffrez pas qu'il sacrifie jamais par d'imprudentes et lâches conces- sions ce dépôt de foi qu'il a su maintenir intact durant tant de siècles. Combattez les machinations ténébreuses par lesquelles les méchants cherchent à le lui enlever. Mainte- nez en lui l'horreur qu'il a si longtemps res- sentie pour l'hérésie, et que rien ne le fasse déchoir du rang qu'il a conquis entre les peuples fidèles." L'unité de croyance et de culte peut le sauver encore, le retenir sur le

s. Ferdinand III, Roi de Castille et Conf. 63g

bord de l'abîme tant de nations ont som- bré ; saint roi, sauvez encore une fois le royaume que Dieu vous avait confié, et que vous remettiez entre ses mains avec une si humble reconnaissance, au moment vous alliez échanger la couronne de la terre contre celle du ciel. Vous êtes resté son protecteur aimé ; hâtez-vous de le secourir.

LE XXXI MAI.

SAINTE ANGÈLE DE MÉRICI, VIERGE.

E jour rayonne d'unedouble gloire : marqué par le triomphe virginal d'Aurélia Pétronilla au premier âge de l'Eglise, il est embaumé par le parfum des lis qui ceignent le front d'Angèle de Mérici. Le xvi' siècle, qui naguère offrait au Christ ressuscité !a séraphique Madeleine de Pazzi, lui présente aujourd'hui ce nouveau tribut de la sainteté de l'Eglise. Angèle rem- plit toute la signihcation du beau nom qu'elle a reçu. Elle possède dans un corps mortel la pureté des esprits bienheureux, et elle imite leur vol agile, leur céleste énergie, par la vi- gueur de toutes les vertus. On voit cette hé- roïne de la grâce céleste abattre à ses pieds tout ce qui pourrait arrêter sa course. Elevée de bonne heure à la plus haute contempla- tion, une ardeur chevaleresque la pousse jus- que sur les plages de l'Orient pour y suivre les traces de l'Époux divin auquel elle s'est donnée. On la voit ensuite visiter la nouvelle Jérusalem, et répandre ses vœux devant la Confession de saint Pierre ; après quoi, ren- trée dans son repos, elle fonde un Ordre re- ligieux qui est encore et qui sera toujours l'un des ornements et l'un des secours de la sainte Eglise. Le spectacle d'Ursule entourée de sa légion

Sainte Angèle de Mérici, Vierge 641

de vierges a séduit le cœur d'Angèle ; il lui faut aussi une armée de filles vaillantes. La noble princesse bretonne atfronta les bar- bares ; Angèle, nouvelle Ursule, livrera ba- taille au monde et à ses séductions si redou- tables pour des âmes encore neuves, et, comme trophée de ses victoires, elle peut montrer les innombrables générations d'ado- lescentes que son saint institut a sauvées depuis trois siècles, en les initiant à la pra- tique et à l'amour des vertus chrétiennes.

La sainte Eglise nous donne en ces termes le récit abrégé des vertus et des actions de sainte Angèle.

ANGÈLE de Mérici naquit de parents pieux à De- cenzano, petite ville du dio- cèse de Vérone, près du lac Benago, dans l'Etat de Ve- nise. Dès son jeune âge, elle veilla avec la plus grande précaution sur le lis de la vir- ginité, qu'elle avait résolu de conserver à jamais intacte. Repoussant toutes les parures de son sexe, elle altéra la beauté de son visage et coupa ses cheveux, afin de ne plaire qu'au céleste Epoux des âmes. Etant encore dans la fleur de son adolescence, et ayant perdu ses parents, elle tenta de s'enfuir dans un désert, afin d'y mener une vie plus austcre. Ayant été empêchée par un oncle de mettre ce dessein à exécution, elle sut pratiquer à la maison ce qu'il

ANGELA Mericia, De- centiani Veronensis diœcesis oppido ad lacum Benacum, in ditione Ve- neta, piis orta parenti- hus, a prima asiate virgi- nitatis lilium, quod per- pétue servare statuerai, sedula sepsit. Ab omni muliebri ornatu abhor- rens, egregiam vuhus formam, pulchram cjesa- riem studiose fœdavit, ut cœlesti duntaxat anima- rum sponso placcret. In ipso autem adolescentiae flore parentibus orbata, austerioris vitae desiderio in desertum locum aufu- gere tentavit ; sed ab avuncLiloprohibita, novit praïstare domi, quod in solitudine non licuit. Ci- licio, ac flagellis frequen-

LE TEMPS PASCAL.

T. III.

64..

Le Temps Pascal.

ter usa ; carnem non nisi infirma valetudine, vi- num in Nativitatis et Rc- surrectionis Dominicoe tantiim celebritate, com- plures vero dies nihil omnino dcgustavit. Ora- tioni dedita brevissimiim liumi carpebat somnum : daemonem vero sub lucen- tis angeli forma sibi illu- dere conantem agnovit protinus. et conjecit in fugam. Tandem paternis bonis abdicatis, et habi- tum ac regulam tertii Ordinis sancti Francisci amplcxa, evangelicam paupertatem virginitatis laudi conjunxit.

NULLUM pietatis offi- cium erga proximos omittens, pauperibus quidquid sibi ex emendi- cato victusuperesset. lar- giebatur. Libenter mi- nistrabat aegrotis, plura- quc cum magna janctita- tis fama peragravit loca, ut vel solatio esset afflic- tis, vel reis veniam impe- traret, vel infensos invi- cem reconciliaret ani- mes, vel e vitiorum cœno scelestos revocaret. An- gelorum pane, quem

ne lui était pas permis de faire dans la solitude. Elle se revêtit du cilice, et prit fré- quemment la discipline ; hors les cas de maladie elle s'in- terdit la viande, et n'usa de vin qu'aux fêtes de la Nati- vité et de la Résurrection du Seigneur ; il lui arrivait même de passer plusieurs jours sans prendre de nourri- ture. \'ouée à une prière con- tinuelle, elle prenait sur la terre nue un court sommeil. Le démon ayant voulu lui faire illusion sous la forme d'un ange de lumière, elle le reconnut aussitôt et le mit en fuite. Ayant enfin renoncé à la succession de son père, et embrassé la règle du tiers- ordre de saint François dont elle prit l'habit, elle joignit la pauvreté évangélique à la gloire de la virginité.

FIDÈLE à tous les devoirs de miséricorde envers le pro- chain, elle donnait aux pau- vres tout ce qui lui restait de la nourriture qu'elle avait obtenue par l'aumône, et se livrait avec empressement au soin des malades. Elle laissa une haute renommée de sain- teté dans un grand nombre de lieux quelle visitait, soit pour consoler les affligés, soit pour réconcilier des ennemis, soit pour retirer de grands pécheurs du bourbier des vices. Nourrie fréquemment

Sainte Angcle de Mérici, Vierge. 643

du pain des anges, unique objet de ses désirs, l'ardeur de son transport pour Dieu était si grande, que souvent elle était ravie hors de ses sens. Elle visita avec une piété profonde les saints lieux de la Palestine. Dans le cours de ce voyage, ayant perdu la vue en passant dans l'île de Candie, elle l'y recouvra au retour, après avoir échappé par le secours divin aux mains des barbares et au dan- ger imminent d'un naufrage. Sous le pontificat de Clément VII. elle se rendit à Rome, afin d'y vénérer la pierre fon- damentale de l'Eglise et d'y gagner l'abondant pardon du jubilé. Le pape ayant eu avec elle un entretien, découvrit sa haute sainteté, parla d'elle avec les plus grands éloges, et ne lui permit de sortir de Rome qu'après avoir reconnu que le ciel l'appelait ailleurs.

DE retour à Brescia, elle alla prendre sa demeure près de l'Eglise de Sainte- Afra. Ce fut qu'elle insti- tua, d'après l'ordre de Dieu qu'elle avait connu par une voix céleste et par une vision, une nouvelle société de vier- ges sous une discipline par- ticulière, avec des règles qu'elle avait rédigées d'une manière toute sainte. Elle donna à cet institut le nom et le v^atronage de sainte Ursule.

unice esuriebat, frequen- tissime refecta, tanta cha- ritatis vi ferebatur in Deum, ut saspius extra sensus raperetur. Sacra Halaestinae loca summa cum religione obivit. Quo in itinere, et visum quem ad Cydonias ap- pulsa oras amiserat, eo- dem régressa rocupera- vit. et barbarorum capti- vitatem ac naufragium imminens divinitus eva- sit. Romam denique fir- mam Ecclesias petram veneratura, et amplissi- mae Jubilaei venias per- cupida, sedente Clémente Septimo accessit, quam summus Pontifex allocu- tus, ejusdem sanctimo- niam suspexit, et com- mendavit summopere ; nec ab Urbe ipsam abire ante permisit, quam alio cœlitus vocatam agnovit.

BRixiAM itaque, ubi donuim ad sanctae Aphrae templum condu- xir, reversa, novam ibi virginum societatem, si- cut cœlesti voce ac vi- sione mandatum sibi fue- rat, sub certa disciplina, sanctisque vivendi regu- lis constituit, quam sanc- t<T Ursulaî invictœ virgi- num ducis patrocinio, ac nomine insignivit, eam vero perennem futuram

644

Le Temps Pascal.

inorti proxima pra-dixii. Tandem prope septua- genaria, divcs meritiN avolavit in cœliim sexlo calendas februarias anni millesimi quingentesimi et quadragesimi ; cujus cadaver per ipsos tri- ginta dies inhumatum, flexibile, ac vivo similli- mum perseveravit. De- nium in sancta; Aphrae templo inter cœteras, quibus illud abundat, sanctoruni reliquias, re- posito, plurima ad ejus sepulcrum agi statim cœpere miracula : quo- rum fama late diffusa non Brixiœ modo, et De- centiani, sed alibi etiam vulgo coepit nuncupari Beata, ejusque imago aris iraponi : imo sanctus ipse Carolus Borromneus non multis post annis di- gnam. quae ab Apostolica Sede in sanctarum virgi- num album referretur, Brixias palam asseruit. Cultum vero illi jamdiu a populis exhibitum, et tum locorum ordinariis probatum, tum pluribus etiam sumraorum Ponti- ficum indultis munitum, Clemens papa Tertius Decimus solemni decreto ratum habuit et confir- mavit. Eain tandem, no- vis miraculis rite proba- tis insignem, Plus papa

chef invincible de l'armée des vierges, et prédit, peu avant de mourir, qu'il durerait tou- jours, l^lnfin, étant presque septuagénaire, comblée de mérites, elle s'envola r.u ciel le six des calendes de février de l'an mil cinq cent qua- rante. Son corps, que l'on garda trente jours avant de l'inhumer, demeura flexible et conserva les apparences de la vie. On le déposa dans l'Eglise de Sainte-Afra, par- mi les autres reliques des saints qu'elle possède en grand nombre ; et plusieurs miracles commencèrent à se manifester à son tombeau. Le bruit s'en répandit non seule- ment à Brescia et à Decen- zano, mais encore au loin, et l'on commença de bonne heure à donner le nom de Bienheureuse à Angèle et à placer son image sur les au- tels. Saint Charles Borro- mée lui-même, peu d'années après la mort d'Angèle. affir- ma en chaire à Brescia qu'elle était digne d'être inscrite par l'autorité du Saint-Siège au catalogue des saintes vierges. Clément XIII ratifia et con- firma par un décret ce culte populaire approuvé déjà par plusieurs évéques, et encou- ragé par de nombreux induits des Souverains Pontifes. En- fin après de nouveaux mira- cles légitimement prouvés. Pie Mi ins. rivit Angèle sur

Sainte Ansrèle de Mer

f)45

la liste des saintes viert^ei, dans la solennelle canonisa- tion qu'il accomplit dans la basilique vaticane le vingt- quatre mai mil huit cent sept.

Septimus solemni cano- nizatione in vaticana ba- silica peracta, die vigesi- ma quarta maii, anno millesimo octingentesi- mo septimo sanctarum virginum catalogo ads- cripsit.

V

ous avez combattu les coinbats du Sei- gneur, 6 Angèle, et votre vie si remplie d'œuvres saintes vous a mérité un repos glo- rieux dans l'éternel séjour. Un zèle insatia- ble pour le service de celui que vous aviez choisi pour Epoux, une ardente charité pour tous ceux qu'il a rachetés de son sang divin, forment le caractère de votre existence tout entière. Cet amour du prochain vous a ren- due mère d'une famille innombrable ; car nul ne pourrait compter les jeunes enfants qui ont sucé à l'école de vos filles le lait de la saine doctrine et de la piété. Vous avez puissamment contribué, ô Angèle, au main- tien de la famille chrétienne en préparant tant de mères et tant d'épouses pour leurs sublimes devoirs ; et comoien d'institutions appelées au même but sont sorties de la vôtre pour la consolation de l'Eglise et l'a- vantage de la société ! Le Pontife" suprême a ordonné que votre nom fût désormais fêté dans toute la catholicité. En promulguant ce décret, il a déclaré qu'il voulait placer sous votre maternelle protection toute la jeunesse de votre sexe exposée aujour- d'hui à tant de périls de la part des enne- mis de Jésus-Christ et de son Eglise. Ils ont formé le dessein d'arracher la Toi du cœur

646 Le Temps Pascal.

des épouses et des mères, atin d'anéantir plus sûrement le christianisme, qu'une forte et douce influence a conservé jusqu'ici dans la famille. Déjouez ces noirs complots, 6 Angèle ! Protégez votre sexe ; nourrissez en lui le sentiment de la dignité de la femme chrétienne, et la société peut encore être sauvée.

Nous nous adressons aussi à vous, ô épouse du Christ, pour obtenir votre aide dans le parcours de cette année liturgique, nous retrouvons chaque jour vos traces. Votre ardeur à suivre les divins mystères qui se déroulent successivement à nos yeux vous entraîna au delà des mers. Vous vouliez voir Nazareth et Rethléhem, parcourir la Galilée et la Judée, rendre grâces dans le Cénacle, pleurer sur le Calvaire, adorer le Sépulcre glorieux. Daignez bénir notre marche timide clans ces sentiers que vos pas ont parcou- rus. Nous voulons vous suivre sur le mont des Oliviers , d'où notre Emmanuel est remonté dans les cieux ; il nous faut péné- trer une seconde fois dans le Cénacle, que le divin Esprit illumine de ses feux. Condui- sez-nous sur vos pas, 6 Angèle, vers ces lieux bénis dont Tattraii vous arracha à votre patrie, et vous lança à travers les hasards dans une lointaine et périlleuse pérégrina- tion ; élevez nos âmes à la hauteur des augustes mystères qui couronnent le Temps pascal.

LE MÊME JOUR.

SAINTE PÉTRONMLLE, VIERGE

'Eglise n'accorde qu'un souvenir à cette illustre vierge dans l'Office d'aujourd'hui ; mais nous ne lais- serons pas de lui rendre nos hom- mages. Au douze de ce mois nous avons fêté la noble Flavia Domitilla, décorée de la dou- ble palme de la virginité et du martyre ; Aurélia Pétronilla paraît avoir appartenu comme elle à la race impériale des Flaviens. Les plus antiques traditions nous la recom- mandent comme la fille spirituelle du Prince des Apôtres ; et si elle n'eut pas la fortune de répandre son sang pour la foi du Christ comme Domitilla, elle offrit à l'Epoux divin l'hommage suprême de la virginité. De très anciens documents nous apprennent qu'ayant été demandée en mariage par un patricien de Rome du nom de Flaccus, elle réclama trois jours pour réfléchir à la proposition Son refuge tut auprès du Seigneur auquel elle s'éia'it vouée; et Flaccus s'ètant présenté le troisième jour, trouva le palais dans le deuil, avec tout l'appareil des solennelles funérailles que Ton préparait pour la jeune vierge qui s était envolée comme la colombe aux approches de l'oiseleur.

Au viii'^ siècle, le pape saint Paul I*"" retira des Catacombes le corps de sainte Pétronille, qui reposait au Cimetière de Domitilla, sur

b4^ Le Temps Pascal.

la voie Ardéatine. On le trouva renfermé dans un sarcophage de marbre, dont le cou- vercle était orné de dauphins aux quatre angles. Paul le déposa dans une petite église qu'il éleva près du flanc méridional de la basilique vaticane.

La France a professé longtemps une ten- dre vénération pour sainte Pétronille. Pépin le Bref fit transporter à Rome sa tille Gisèle qui venait de naître, demandant qu'elle reçût le baptême des mains du pape saint Paul I*" près du tombeau de la noble vierge. L'église bâtie par ce pontife fut longtemps appelée la Chapelle des rois de France. Louis XI la fit restaurer et la dota richement, et son tils Charles VIII lui donna de nouvelles marques de sa muniticence. Cette église, l'on remar- quait de nombreuses sépultures françaises, fut détruite au xvi« siècle par suite des dis- positions que nécessitait la construction de la nouvelle basilique de Saint-Pierre, et le corps de sainte Pétronille fut transféré sous l'un des autels de la partie occidentale de ce temple auguste. Il ne convenait pas

?[ue la dépouille mortelle de l'illustre vierge ût éloignée de la Confession du Prince des Apôtres qui l'avait initiée à la foi, et préparée pour les noces éternelles.

Nous associons votre triomphe à nos joies pascales, ô tille de Pierre ! nous vénérons à travers les siècles votre mémoire bénie. \'ous avez dédaigné le monde avec ses délices et ses honneurs, et votre nom virginal se lit en tète des fastes de la sainte Eglise Romaine qui s'honore d'avoir été votre mère. Aidez-la maintenant de vos prières, et souvenez-vous

Sainte Pétronille, Vierge.

f>4Q

aussi de la France, qui longtemps vous voua un culte fervent. Protégez tous ceux qui vous implorent, et donnez-nous de célébrer avec un saint enthousiasme les solennités qui se multiplient en ces jours.

FI.V DU TEMPS PASCAL.

/^i£/^ff^if^f,yi^^^^^yi^£^i^f$L/i¥^i^y^^yS^£/^^£j^£

TABLE

Pages.

LE TEMPS PASCAL. Préface v

Chapitre I^'^ Prières du matin et du soir, au

Temps Pascal i

Chapitre IL De l'assistance à la sainte Messe,

au Temps Pascal 17

Chapitre IIL Pratique de la sainte Commu- nion, au Temps Pascal 43

Chapitre IV. Des Offices de Tierce, Sexte et

None, au Temps Pascal 5o

Chapitre V. De l'Office des Vêpres des

Dimanches et Fêtes, au Temps Pascal. ... 67

Chapitre VI. De l'Office de Complies, au

Temps Pascal 77

PROPRE DU TEMPS 87

Le Cinquième Dimanxhe après Pâques. . . çS

A la Messe gS

A Vêpres ... 104

Le Lundi des Rogations 108

La Messe des Roifations I16

^"52 Table.

Papes,

Le Mardi des Rogations 123

Le Mercredi des Rogations. La Vigile de 1 Ascen- sion i3j

L'ASCENSION DE NOTRE-SEIGNEUR. . 142

A Tierce l52

A la Messe i 53

A Sexle 1O4

Midi . . . i65

A None 167

A Vêpres 168

Le Vendredi dans l'Octave de l'Ascension . . . 178

Le Samedi dans l'Octave de l'Ascension. . . . 186

Le Dimanche dans l'Octave de l'Ascension. . 194

A la Messe 201

A Vêpres 207

Le Lundi dans l'Octave de l'Ascension 211

Le Mardi dans l'Octave de l'Ascension 219

Le Mercredi dans l'Octave de l'Ascension. . . . 23o

L'Octave de l'Ascension 240

Le Vendredi après rOctave de l'Ascension. . 25l

Le Samedi veille do la Pentecôte 267

LE JOUR DE LA PENTECOTE 282

A Tierce 3o4

A la Messe ?oS

A Sexte ?20

A None. . 32i

A Vêpres . . 32 2

Les Dons du Saint-Esprit 334

Le Don de Craints 357

Table. 653

Pages.

Le Lundi de la Pentecôte 36o

A la Messe 3yo

A Vêpres 3jq

Le Don de Piété 385

Le Mardi de la Pentecôte 389

A la Messe 3qg

A Vêpres 4.06

Le Don de Science 410

Le Mercredi de la Pentecôte ^14

Le Don de Force ,|27

La Jeudi de la Pentecôte 433

Le Don de Conseil.

449

Le Vendredi de la Pentecôte . ^53

Le Don d'Intelligence 468

Le Samedi de la Pentecôte 474

Le Don de Sagesse 488

PROPRE DES SAINTS 495

XX Mai. Saint Bernardin de Sienne. Confesseur. 4q5

XXIV .^1ai. La Fête de Notre Dame Auxiliatrice. 5o5

XXV Mai. Saint Grégoire VII, Pape et Con- fesseur 526

Le ve jour. Saint Urbain, Pape et Martyr. b-]b

XXVI Mai. Saint Philippe Néri, Confesseur. . SyS Lemême jour. Saint Eleuthére, Pape et Martyr, 592

XXVII Mai. Saint Bède le Vénérable, Confes- seur et Docteur de l'Eglise Sq"

65^ Table.

Pages. Le même jour. Saint Jean I", Pape cl Martyr. . 6o3 XXVIII Mai. Saint Augustin, Evoque, apô- tre de TAngleterre 6lo

XXIX Mai. Sainte Marie-Madeleine de Pazzi,

Vierge 620

XXX Mai. Saint Félix I", Pape et Martyr. . 6 6 Le même jour. Saint Ferdinand II F, roi de Cas- tille et Confesseur 629

XXXI Mai Sainte Angèle de Mérici, Vierge 640

Le même jour. Sainte Pétrunille, Vierge . . 647

FIN DE LA TABLE DU TOME TROISIEME

POITIERS, LIBRAIRIE H. OUDIN.

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