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LA^ POLYGYNIE SORORALE

ET LE SOKORAT DAINS LA CHIINE FÉODALE

A.Nama. im*. F. Gaixtier rr A. ThCiirt.

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POLYGYNIE SimORALE

ET LE

SORORAT DA.NS LA CHlNfi FÉODALE

ÉTUDE SUR LES FORMES ANCIENNES DE LA POLYGAMIE CHINOISE

Marcel GRANET

Docteur ès-Let(res Ancien élève de l'Ecole Normale supéru'ure. Directeur d'Etudes "i l'Enole des Hautes-Kt'idf

« Je lui rôpoudîs qu'il voyait bien, a la proposition que je lui faisais, que ce n'était pas le bien qui m'amenait à lui, ni même sa fille que je n'avais jamais vue. que c'était lui qui m'avait cliarm'é et que je voulais épouser avec M™^ de Beauviiliers. « Mais, me dit il. si elle o veut absolument être religieuse? » Alors, répliquais-je, je vous demande la troisième. -

Saint-Simon. Mem . Ch. VUi

PARIS

EDITIONS ERNEST LEROUX

28, RIE BONAPARTE, 28

192U

A Lucien HERR

LA POLTGYNIE SORORALE ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE

ÉTUDE SUR LES FORMES ANCIENNES DE Li POLÏGAMIE CBIIISE

ce Je lui répondis qu'il voyait bien, à la proposition que je lui faisais, que ce n'était pas le bien qui m'amenait à lui, ni même sa fille que je n'avais jamais vue, que c'était lui qui m'avait charmé et que je voulais épouser avec M"»" de Beauvilliers. « Mais, me dit-il, si elle " veut absolument être religieuse? " Alors, répliquais-je, je vous demande « la troisième. »

Saint-Simon, Mém., Ch. VIII.

I

INTRODUCTION. FAITS MODERNES ET ANALOGIES ETHNOGRAPHIQUES

Voici comment mon attention a été attirée sur les faits qui forment l'objet de ce travail. On sait que les mariages se font en Chine sans que les fiancés se soient choisis ou même qu'on leur ait donné l'occasion de se connaître un peu ; entrés en ménage, maris et femmes s^ voient à peine; il n'y a point entre eux une intimité conjugale com- parable à celle qui unit un couple de chez nous : c'est une question de savoir si l'affection entre époux chinois peut être nommée de l'amour. Est-ce un sentiment fait de ce que chacun d'eux éprouve vivement le charme singulier de l'autre? Vient-il de l'attrait mutuel de deux personna- lités qui se conviennent ? Ou bien cette affection n'esl-elle

1

2 LA POLY(JYMK SORORALE

rien dautro que le résultat d'une accoutumance ou d'une obligation ? Comme j'essayais de m'informer, il me fut une fois répondu que les époux chinois s'aimaient assurément de la même manière que les nôtres; à titre cîe preuve une histoire me l'ut contée : c'était celle d'un mari à tel point amoureux de sjt femme que, lorsqu'il la perdit, il demanda tout aussitôt à en épouser la sœur. D'une autre manière qu'il ne pensait, mon informateur répondait à la question : il me montrait (jue les qualités (|ue les Chinois a|)précient le plus dans une épouse, ce ne sont pas celles qui sont individuelles, mais impersonnelles et familiales. Une chose me frappa surtout, savoir le mariaiçe d'un veuf avec la sœur de la défunte : il était clair qu'on le considérait comme un témoignage suprême d'amour conjugal.

J'obtins à quelque temps de une information ana- logue. Ce fut en revenant d'entendre, dans l'église de Pékin, la messe de Noël : j'avais tâché, non sans peine, d'expliquer ce qu'était la transsubstantiation a un Chinois fort instf uit et d'esprit curieux ; il voulut me remercier de ma bonne volonté à lui découvrir l'un des rites les plus mystérieux de ma nalion ; par courtoisie, sachant que je m'occupais de la famille chinoise, il m'en parla ; peut-être craignait-il que je ne jugeasse avec défaveur les usages de son pays, comme tant d'étrangers qui ont tout dit lors- qu'ils ont reproché aux (Chinois d'avoir des concubines et de mépriser les lémmes : « Ne croyez pas, me dit-il à peu près, que nos mœurs soient si difT.Tentes des vôtres. Cliez nous, comme chez vous, quand un jeune homme demiimie une lille à son pcre, celui-ci prend des informa- lions et des garanties pour que son enfant soit licurewse. Quand la famille de la jeune (ille est considérable et qu'elle est en étal de faire sentir le prix de son alliance, il n'est pas rare <|ue l'on exige du prétendant qu'il s'engage a ne point pi.ndre de concubines durant la vie de sa

ET LE SORORAT DANS LA CHINE SORORALE 3

femme ou encore, si elle meurt, a se remarier avec sa sœur. » Ainsi, m'affirmait-on, un père pense protéger sa fille en circonscrivant par avance à sa propre famille l'avenir matrimonial de son gendre. A quoi pouvait tenir cette faveur marquée pour les mariages des veufs et de leurs belles-sœurs ? Je tâchai de me rendre compte.

Il me fut facile de me convaincre, sur de nombreux exemples, que l'union en secondes noces d'un veuf et de la sœur de sa femme défunte était d'un usage général et généralement bien vu. Qui plus est, certaines règles juri- diques m'amenèrent à le considérer comme étant quasi- ment obligatoire.

Les lois chinoises modernes, qui sont d'une sévérité minutieuse en matière d'inceste, n'interdisent point un tel mariage : ce n'est pas, comme on pourrait le croire d'après ce que l'on sait de l'organisation agnatique de la parenté chinoise, parce que l'union matrimoniale n'établit point de liens entre le mari et les proches de sa femme. Bien que, d'après le deuil porté, qui est le signe de la proximité familiale, celle-ci j<araisse médiocre entre le mari et la belle-mère, la loi des Ts'jng leur interdit le mariage et punit leur inceste de la peine de strangulation immé- diate (1). De même l'union incestueuse avec la veuve d'un oncle maternel est punie par un exil d'un an (2). Au con- traire, on peut valablement épouser une cousine ger-

(i) P. Pierre HoaDg, Le mariage cliiiiois au point de vue légal. Varié- tés sinologiques, i4, voir page 65. Le mariage est prohibé même s'il ne s'agit point de la mère naturelle de la femme, mais de sa mère légi- time '■Ih) ^ (femme légitime de son père) de sa marâtre !FBa ^ (femmes eu secondes noces de son père), de la femme du père qui

l'a élevée /@ ^ (mère d'/iffection), ou de la femme qui l'a nourrie

1^ r^ (mère nourricière). (2) Ho.iug, Mar., p. 65.

4 LA POLYOYNIE SOHORALF.

maine, fille J'oncle piilernel ou maternel de sa femme, ou fille tie lante paternelle ou maternelle de sa femme : et le mariage avec la steur de celle ci loin d être défendu ou de passer pour imonveiiant ■< a été de tous temps en usage et l'est encore parmi les princes et les grands (1) ••

11 est curieux (|ue la loi se relàclie de sa sévérité pour une telle union, et que celle-ci soit dun usage constant : il est plus curieux encore de constater que cet usage est en relation avec une «outume (]ui snri>rend un juriste tel que le P. Iloang (2). << Hieii qu il n'v ait aucune honte, dit-il, pour une femme à épouser le mari de sa sœur, il serait mal vu, dans la bonne société, qu'elle allât en visite chez le mari de sa sœur. C'est ce qu'exprime le proverbe

N' M ^ ± ^ ^ PI . (La cadette ne franchit pas la porte du mari de la sœur aînée). » Cetle coutume est signi- ficative, mais autrement que le 1'. Hoang ne le pense : si la sœur cadette évite tout contact avec le mari de l'atnée, c'est qu'elle doit le considérer comme un fiancé éventuel. On conuuit cette règle de la pmleur chinoise : dès (|u'une jeune fille est en passe d'être mariée, elle est obligée de fuir, non pas seulement son- prétendu mari mais tout ce qui peut en appeler l'image ; il faut (|u'elle s'arrange pour ne le point apercevoir, ni sou portrait, ni ses parents, ])Our ne point entendre prononcer son nom ou même lire le carac- tère (|ui le symbolise. Si pareils accidents arrivaieni elle devrait à son honneur de rt>ugir; témoin celle histoire citée dans le l'olL-lore chii.ois du I'. NVicger (3) : Une fiancée ressuscite dans le cadavre d tiue femme mariée ; ce n'est point a la vue du mari étranger (ju'elle rougit, mais quand accourent lu visiter les parents de son prétendu. Et

(l) Ibld., |j. 'ib et .'>6. Voir Iva cxciuplrs hiatoriquei iatliqui5* |iar le P. iio«UK.

(•J> Ihlit., p. 5(i. '

^^; \Vie({cr, Léon, b. J. folk-tore chinois moderne, n' i;i, ji U\.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FEODALE D

ceux-ci considèrent cette rougeur comme une preuve d'identité valable en justice.

Ainsi, si une cadette qui, fréquemment, à la mort de l'aînée, est appelée à épouser son beau-frère devenu veuf, doit toujours s'abstenir de le rencontrer, c'est, sans doute, qu'elle est, en tous cas, obligée de garder la conduite qui convient à une fiancée prédestinée. Ne devons-nous point, dès lors, imaginer que le mariage en secondes noces avec la sœur de la femme défunte, si fréquent dans la pratique, a, en principe, un caractère obligatoire ?

Quand un Chinois se marie^ en secondes noces, s'il n'épouse pas sa belle-sœur, sa seconde femme n'en est pas moins considérée comme la fille des parents de la première épouse : à tel point qu'elle porte à leur mort le deuil que leur véritable fille eut porter (1). De même, il est d'usage que les enfants de la deuxième épouse portent le deuil des parents de la première et les fassent passer dans les cérémonies familiales avant leurs propres grands-parents (2) ; leur mère est en effet considérée comme entièrement substituée à la première épouse, elle en apparaît comme une espèce de sœur adoptive ; pour les parents de déiunte, elle est comme une fille retrouvée (3).

Les coutumes chinoises modernes que je viens d'expo- ser ne se peuvent guère comprendre que si on les regarde comme les formes atténuées d'un usage ancien imposant au mari devenu veuf l'obligation d'épouser la sœur de sa première femme. Un tel usage doit être rapproché de

(i) Hoang, Mariage, (4o) note l^.

(a) lliid., note 3.

(î) lild., note 69. On notera les .ippellations données dans le peuple à

la seconde femme 1111:^0^^:^°^^:^: lille suc- cédant dans la chambre .i coucher.

6 LA POLYGYNIE SORORALE

l'usage antitliétique connu sous le nom de lévirat : chez les anciens Hébreux, par exemple, une veuve était obliga- toirement mariée au frère caJel de son défunt mari, (^ette règle, célèbre pour avoir été pratiquée dans tout le monde sémitique, a été étudiée par Robertson Sniilli dans son ouvrage sur la parenté et le mariage thins l'Arabie ancienne (1). Smith, grâce à cette intuition concrète qui caractérise ses vues sur les phénomènes primilifs. a vivement senti et mis en lumière les rapports du lévirat et de la polyandrie fraternelle. Par la comparaison avec les différents systèmes de polyandrie et en particulier avec le système tibétain, Smith avait été amené à poser le principe que le lévirat est une trace du mariage de groupe tel que Mac-Lennan et Morgan en avait lait la théorie. Moins systématiques, mais conduites avec une admirable précision, les études de M. Hivers (2) sur les Todas ont encore mieux établi les rapports du lévirat et de la polyandrie fraternelle.

Le fait inverse, l'obligation d'épouser la sœur cadette de la femme défunte, a beaucoup moins attiré l'attention. Le premier, M. Frazer, dans Totemism and Exogamiy, a groupé un assez grand nombre de témoignages q»ii s'y rapportent, et il a proposé de donner à l'usage le nom de sororat (sororate) (3). Sororat et lévirat lui apparaissent comme I endroit et l'envers dune coutume originale. « Si le sororat, limité au droit il'épouser la sœur d'une femme défunte, est certainement dérivé d'un droit ancien dépouser la sœur de sa femme vivante, il devient hau-

(i) W. K. Siiiilli. Kinship and Mnrringe in rarly .irnhia (<?dit. de ipoS), parlii'iilièrciiiriit rlinp. V.

(a) W. H. H. Kiver», The Todat, i<)ofi, cl». .\.\II, p..rli. uliorf m«-iil p. h09 Slf).

(1) J. G. Fr«ïi«r, Tulemism nnd Exogamy, i.,io, i. \\\ j,. , (,, i iSi.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 7

tement probable que la coutume répandue par tout le monde du lévirat, laquelle oblige une femme à épouser le frère de son mari défunt, est, en même manière, dérivée d'un ancien droit d'épouser le frère de son mari vivant. Comme les deux coutumes du lévirat et du sororat sont communément pratiquées par les mêmes gens, nous sem- blons justifiés à conclure qu'elles sont les deux côtés d'une ancienne institution unique, savoir le mariage de groupe, dans lequel un groupe de frères épouse un groupe de sœurs et possède les femmes en commun. » (1)

Des documents venus du passé chinois permettent d'étu- dier avec quelque précision les faits qui ont intéressé Robertson Smith et M. Frazer. J'emploierai, dans leur ^ étude, les définitions suivantes : j'appellerai sororat l'usage d'après lequel un homme est obligé d'épouser la sœur cadette de sa femme défunte et polygynie sororale, l'usage d'après lequel un homme s'unit, en un mariage, avec deux ou plusieurs sœurs (2).

Pour n'être point embarrassé dans l'analyse des docu- ments par des difficultés de textes, je donnerai d'abord la traduction des principaux d'entre ceux-ci et passerai ensuite à l'étude des faits.

(i) Ihid., p. 1^9.

(2) Je crois utile d'établir celle distinction que M. Frazer n'a point faite, ne fût-ce que pour apporter quelque précision au classement des faits. Au reste, il est bon de n'opposer sororat qu'à lévirat et, parlant, de créM- par opposition à l'expression consacrée de polyandrie frater- nelle celle de polygynie sororale. J'ai adopté l'expression polygynie de préférence à polygamie parce que ce dernier mot laisse entendre que le recrutement des femmes multiples se fait à l'aide d'une pluralité de contrats. On verra au contraire que ce qui caractérisé la polygynie sororale au moins chez les anciens Chinois c'est qu'il suffit d'un seul contrat pour créer des relations matrimoniales non pgs entre deux mais entre plusieurs personnes.

LA l'OLVGVNIK SORORALIÎ

II

RECUEIL DE TEXTES RELATIFS A LA POLYGYNIE 1

1.1 i-xie du l'siiuo Iclioiian pl coiiiineutaires aou<>xeê ijestiaés à eipli- quer l'acceesiuD au pouvoir du duc Vin de Lou (721-71 1 avant J.-C); pour- quoi ce prince ne ful-il point considéré comme régnant pour son propre compte mais au nom de sou frère Houan? Et pourquoi, en conséquence, les chroniques n'annoucent-elles point son avènement avec la formule ordinaire '.'

Tsoiio. Vin. ]" n. {Legge, p. 3) [Comp. S.MJ' IV, p. lOGJ La princesse épouse principale du duc Houei était Mong

Tseu nu. "r {Tsett Vainée). Mong Tseii muurnl ; on lui donna roiiime Suppléante lif ^ remplaçaute à la chambre conjugale) ChengTseu % ^ qui enfanta le dut- Vin. Le duc Wou de Song engendra Tchong Tseu # T" [Tseu la cadêlte). Tchong Tseu, à sa naissance, avait un signe sur la main .lisant : ce sera une princesse de Lou.

(i) J'ai (groupé les teïtcs de façon que ceux qui proviennent d'un même auteur soient placés cote i cAte. On trouvera d'abord les textes d ordre historique, puis cpux d'ordre littéraire, enfin ceux qui .ont extraits des rituels. Je me suis arrangé ponr que. les rèples principales de l'usaRe étant dahord énoncées, ou trouve ensuite des fait, portant tr,uul^'nap,• que ces rcKles étaient elTecliTement suivies, pour que l'on pr.Due enfin connaissance des (ormes de détail du contrat polvirvnique et des rouluraes de 1, vie domestique qui correspondent à ce type dins- t.tut.on. Eu outre, les textes, comme je le» ai disposés, apprendront les variations des usages poIvRvniques selon les diflérentes classes de la noblesse, seigneurs, Rrands-offiriers, nobles ordinaires.

Les commentaire, ,e rapportant i un texte cité sont pla..-. s„„s ,e men.e numéro, affecté d'une lettre, et précédé du nom du con.men.a.eur. Poin- le. texte, déjà tradui.s. j'ai renvoyé à la traduction. SMT = Sseu-

ma l.ieo, Mémoires hiit.irinii.<> ■.. 1 *^i t t

•iiiKiriqiie., trnil. Cliavauoes. I .ouo = 1 souo tchouan, trsd. I.eggi..

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FEODALE 9

Aussi Tchong Tseu vint-elle chez nous comme épouse [fiancée d'abord au duc Yin, puis prise pour femme par Houei,père de celui-ci, cf. SMT IV, p. 106]; puis le duc Houei mourut. Aussi le duc Yin établit-il comme héritier et présenta-t-il en cette qualité [le duc Houan) [tout en prenant lui-même provisoirement le pouvoir).

I a Ton Yii, ibid. {Tsouo) dit : « la princesse épouse principale i) pour signifier qu'elle [Mong Tseu) était la princesse épousée comme femme' principale au premier

mariage (du duc Houei) $0 i^^ 7C /V . Tseu J est le nom de famille (des seigneurs) de Song... Cheng est un nom posthume. Cheng Tseu était sans doute la nièce ou la sœur cadette de Mong Tseu. Au premier mariage d'un seigneur, les seigneuries du même nom de famille [que celle il prend femmes) envoient comme suivantes des

nièces et des cadettes I^if4^H0$^^^. Quand la pri'ncesse épouse principale meurt, la princesse qui la suit en dignité dirige à sa place les affaires de la Maison

intérieure y\. y,\L •© 7p 1^ ^ , mais, comme elle n'a pas

droit à rappellation de 7C /V fou-jen [princesse épouse), oh l'appelle la Suppléante... Les signes marqués par la nature sur la main (de Tchong Tseu) semblèrent un ordre du ciel : aussi la maria-t-on à Lou... Le duc Yin, fils de la Suppléante, aurait succéder. A cause du présage faste {de Tchong Tseu, mère de Houan), il {le duc Yin) accomplit après la mort de son père le vœu de celui-ci et, comme le duc Houan était encore trop jeune, il l'établit comme héritier présomptif (</« duc Houei, mais non comme duc). Les chefs et le peuple de la seigneurie le reconnurent comme tel à sa présentation. C'est pour expliquer que le Livre {des chroniques de Lou) {après les mots) « la pre- mière année au printemps » ne dit pas « {le duc Yin)

10 I.A POLYOYN'IR SOROnAI.K

accéda à la seigneuri*' » (|ii'est fait i;e romiiR-ntaire de Tsouo.

I //. J/o IJit-ou, ibitl. {Fils) principal îo désigne les fils de la princesse épouse principale; [parmi les fils de la /'■/lime principale) il n'y a pas d'inégalité de rang, c'est poun|uoi on ciioisit d'après l'âge {m à m. : la dentition).

Fils i désigne les lils des suivantes de droite et de

gauche Ai aL'>9 ainsi que des nièces et des sœurs cadettes ; entre eux il y a des dillérences de dignité et il faut veiller au fait qu'ils peuveiit c^lre du même âge ; c'est pourquoi on choisit d'après la noblesse. Selon les Rites, quand la princesse épouse principale n'a pas de lils, on établit {comme successeur) {It fils de) la suivante de droite, a défaut {celui de) la suivante de gauche, à défaut [celui de) la nièce ou de la cadette de la {princesse) épouse prin- cipale, à défaut {celui de) la nièce ou la cadette de la sui- vante de droite, à défaut {celui de) la nièce la sœur cadette de la suivante de gauche. Dans les familles de

gens simples M ^ {dont le principe d'organisatioi] est)

traiter les proches en j)roches ^^, on établit d'abord {le fils de) la sœur cadette. Dans les lainilles distinguées

3C W- [dont le principe d'organisation est) traiter confor- mément à leuraulorilé ceux (|ui possèdent l'autorité ^- ^ {l'autorité doniesti(/ue, c. a. d. la branche ai née), on établit en prt'micr lieu (le fils de) la nièce {car la nièce doit être

une fille du /n'-re aine). Quand un lils principal 8|^ J {fils de l épouse principale) a un [fils <jui est le) pclit-lils {en Uiine directe du propre père de ce fils principal) et que ce lils [principal) meurt, dans les familles de gens Bimpb's [dont Ir principe d'iimanisalion est) traiter les

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE H

proches en proches, on établit {comme successeur du grand- père) le irère cadet [du fils principal) ; dans les lamilles distinguées {dont le principe est de) traiter conformément à leur autorité ceux qui possèdent l'autorité, on établit d'abord le petit-fils {représentant de la branche aînée). Quand il naît des jumeaux, dans les familles de gens simples, on se fonde sur la {première) apparition et l'on établit le premier-né, dans les familles de gens distingués, on se fonde sur l'idée d'origine et l'on établit le der- nier-né.

II. Textes destinés à montrer pourquoi les chroniques de l>ou font uiention du mariage d'une cadette.

Tc/i'ouen Ts'ieou. Yin. 2" a. {Legge, pp. 8-iO). En hiver,

au.deuxième mois, Po Ki 10 5|fi {Ki l'aînée) alla comme épouse à Ki.

[Po Ki, [plie aînée du duc Yin de Lou.) {Ki est une sei- gneurie de nom Kiang 3c).]

Il a. Tch'ouen Ts'ieou. Yin.l" a. {Legge, pp. 22-23). Au

printemps, au troisième mois. Chou Ki '^ 512 {Ki la cadette) alla comme épouse {secondaire) à Ki.

H b. Tou Yu, ibid. Chou Ki, sœur cadette de Po Ki : ce ne fut qu'à cette époque qu'elle alla comme épouse {secondaire à Ki). Elle attendit d'avoir l'âge {requis) dans

le pays de ses parents W ^ M JX, W IS . Elle ne parti- cipa pas avec {son aînée) la femme principale à la pompe

nuptiale -^ ^k ^m Wr 'TT ; c'est pourquoi on fait mention d'elle {ici).

II c. Ho Hieou {ibid. glose de Kong Yang) Chou Ki est

une suivante de Po Ki m SlE -O i)9; à cette date {seule-

12 t.A l'OLYOYME SORORALE

ment, c'rsl-à-c/irr ,5 uns après son aînée) elle alla ^roninie épouse secondaire à Ki) parce qu'elle attendit d'avoir l'âge dans le pays de ses parents. Une femme à partir de huit ans

peul {élre désignée pour) compléter le nombre m WL {des suivantes à fournir pour un mariage seigneurial); à partir de quinze ans elle peut aller comme suivante ou femme

principale vE i^ . A partir de vingt ans elle a l'honneur de servir son seigneur. Les suivantes sont de rang secondaire

f^ Re : on fait ici mention {d'une suivante) parce que

Chou Ki dans la suite devint épouse principale ^fjfij et eut la conduite d'une {femme) Sage.

1 1 d . /Hu C/icn (i:loses lie Kou Leang, ibid). La nièce et la sœur cadette à partirde quinze ans sont capables de servir leur seigneur. Il convient qu'elles aillent à cet âge dans

sa seigneurie 'QË . Quand elles ont vingt ans, il peut cou- cher avec elles îflJ .

[La plupart des glossateurs chinois estiment que, pour une femme, vingt ans est l'âge obligatoire du mariage. Or, si l'aînée est mariée à vingt ans précis, il ya quelque dilTiculté à admettre que ses suivantes, cadettes ou nièces, aient aussi, en nit^me temps, vingt ans. 11 est vrai qu'il ne s'agit point de sœurs au sens strict, mais de sœurs ou cousines et, en tous cas, (|u'il ne s'agit point de sœurs de mère. \'rai- semblablemenl, pour faire partie d'un même lot d'épouses, il devait suffire d'être de la même géné- ralion, et d'avoir reçu l'épingle de tête (svmhole de la niajorili' ' en ini'me h'lnp^i, d'être de la rnênie pro- motion I

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 13

III. Textes relatifs aux suivantes envoyées à Po Ki^ fille de la mai- son de Lou (de nom Ki %V^].

Tch'ouen Ts'ieou. Tch'eng. 8* a. (Legge. p. 366) (584 ac.

/. C.) Des gens de Wei arrivèrent avec la suivante 7^ il^ .

(Wei TO est une seigneurie de nom 512 Ki).'

nia. Tou Yu, ibid. Autrefois la princesse épouse prin- cipale qu'épousait un seigneur et ses suivantes de gauche et de droite avaient chacune [avec elles) une nièce et une

sœur cadette ^^A^^^^-^^^. Toutes appartenaient à des seigneuries de même nom ; elles étaient trois par seigneurie, soit en tout neuf femmes. Elles servaient à augmenter le nombre des descendants

JtT J^ S -i^S B9^ . Lou [de nom Ki) devant marier Po Ki

{Kil'ainée)k Song{de nom Tseu j), des gens de Wei vin- rent pour lui amener une suivante [plus une nièce et une cadette).

III b. Tsouo, ibid. Des gens de Wei arrivèrent avec la suivante : contribution aux hommages rituels dus à [Po)

Ki ^ >(|fi /Ta . En général, quand un seigneur marie sa fille, {des seigneuries) de même nom envoient des sui- vantes; celles de nom différent ne le peuvent pas. ra m

III c. Tou Yu, ibid. Il faut qu'elles soient de même nom, parce que [alors) toutes trois [la femme principale et ses deux suivantes) étant intimement liées par les liens du

sang, les conflits sexuels sont apaisés iîù' kX |9j ^ III rf. Ho Hieou, ibid. Selon les rites, un seigneur ne

14 LA l'OLYGYNlE SORORALE

demande point <|u'on envoie des suivantes sa fille qu'il marie). Les seigneurs, d'eux-mêmes, envoient des sui- vantes à une princesse [de mùine nom) ^ >v >i< nv lîff

B^ H '1^ 7C /\ ; ;< cause du renom de Sagesse de l'o Ki, les seigneurs désirèrent à 1 envi lui envoyer des suivantes.

III e. Tc/i'ouen Ts'ieou. Tch'eng.9' a. (583 ai'. /. C ) {Legge, p. 37U). Des gens de Tsin arrivèrent avec la sui vante. {Tsin est de nom Ki comme Lou et Wei).

111 /. Tsouo, ibid. C'était conforme aux rites.

III if. - Tou Ytt, ibid. Parce que (ces seigneuries étaient) de même nom.

III /(. Tch'ouen Ts'ieou. Tch'eng. lC)« a. (.582 ai'. J. -(.'.) [Legge, p. 373). Les gens de Ts'i arrivèrent avec une sui- vante (Ts'i n'est pas de nom 5|E At, mais de nom^^ Kiang).

111/. Tou Vu, ibid. (Juand d un pays de nom diffé- rent, il vient une suivante, c'est contraire aux rites.

111 y. Kong Yang. Les suivantes ^^d' ordinaire) ne sont pas mentionnées {dans les chroniques de Lou). Pourquoi en fait-on mention dans ce cas? c'est qu'on veut inscrire Po Ki dans les annales. Que do trois seigneuries il vienne des suivantes {cl non de deu.t: seulement^, cela est contraire aux rites. Pourquoi {cependatit) note-t-on le (ait pour l'inscrire dans les annales à la louange de Po Ki? Pour une femme, le grand nombre des suivantes constitue

la magnilicence : ^i K)^ $\l ^ "^ i^ ^ .

III A*. Ho Uieou, ibid. La suprême Sagesse de Po Ki lut la cause |)()ur laquelles trois l'tats rivalisèrent pour lui fournir des suivantes : on mit de la magnilicence à ce qui pouvait lui donner du prestige. Seul le Fils du ciel épouse

douze femmes. ^ '^ -7^'ic + Zl A" .

(Le» priucca de Lou, fier* de deiiocndre de Trhooii Koii)(, uiurjiairDl friî.iucmiiicnl !<■• |iri»il*({i'i «le» l'il» du ci»l].

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 15

)V. Tcliouen Ts'ieou. Tchoua'ng. 19® a. (675 av. J.-C.) {Legge p. 98).

Le Kong-tseu Ki accompagna à Kiuan la suivante ^ de la femme d'une personne de Tch'en.

[Les commentateurs discutent pour savoir si « la personne de Tch'en » en est le seigneur, ou quelqu'un de rang inférieur : les mots employés donnent plus de poids à la deuxième opinion.]

IVr/. Kong Yang,ibid. Quand un prince se marie dans une seigneurie, deux autres seigneuries envoient des sui- vantes [à sa femme) et font {chacune) accompagner {cha- cune de) ces [deux) suivantes par une nièce et une sœur

cadette. Une nièce est la fille d'un frère aîné Jh ^ i' ;

une sœur cadette est une cadelte Wt Les Seigneurs en une seule alliance matrimoniale prennent neuf femmes

0H ly^ *a W 7L I?Ç . Les seigneurs ne se remarient pas.

\Nb. Ho Hieou, ibid. On dit envoyer des suivantes "fî ^ parce que, selon les Rites, un seigneur ne demande pas

qu'on envoie des suivantes sa fille) -T* ^ fr#. Deux seigneuries, de leur propre mouvement, envoient des sui- vantes à la princesse H '(È W tC A . Gela est pour honorer cette princesse seule. On doit faire accompagner les suivantes d'une nièce et d'une sœur cadette. On désire faire en sorte que, si une femme a un fils, deux autres per- sonnes s'en réjouissent ' A W 'T' o -A & lE* . Par là, en empêchant la jalousie, on augmente le nombre des descendants; {envoyer une nièce et une cadette est) un moyen de pratiquer complètement la fois les deux prin- cipes) : « Traiter en proches ses proches » et < traiter con- formément à leur autorité ceux qui possèdent une auto-

16 LA l'OLYGYN[E SOHORALE

rité. » ((/; 11)). [Un seigneur <i neuf femmes, parce que)

neuf est le nombre limite du Yang 7t. ^ . ■S Iw fcX "(ft . L'n seigneur ne se remarie pas, usage qui a pour Ijut de

régler les désirs humains^ W J\ Iw et d'ouvrir un avenir

aux suivantes [>{j ^ .

V. Tck'oueu Js'ieou. Siang. 23«rt. (550 av. J.-C.){Leiige,

p. 500). Comme Tt=in [de nom Ki SjB ) allait marier sa fille

à Wou [de nom Ki) le marquis de Ts i (de nom Kian</ 3c ) envoya Si I\ouei-fou accompagner une suivante.

\ a. ICong Ying-ta, ibid. Selon les rites, les suivantes doivent otre de même nom (c/we lu femme principale). La femme principale doit être d'un autre nom rjue le mari. Dans le cas présent, Tsin marie une liile a un seigneur de môme nom ; et Ts'i lui fournil une suivante de nom diffé- rent : tout cela est contraire aux rites.

VI. Tsouo. Tcliouang. 28* a. {Le(;gc, p. 113). Le duc Mien de Tsin épousa deux femmes de la tribu des Jong,

savoir Hou Ki ^ et sa cadette ^^^.c/. .s.l/y, /!', p. 259. Vil. Tsouo. Min. l'a. (Legge, pp. 126 et 129). Le duc

Min était le fils de Chou Kiang ^ Se {Kiang la cadette),

sœur cadette ÎM' de Ngai [nom de temple) Kiang.

(Toutes lieux jiriuccsses de Ts'i, nom Kiaug]. Ct. .S'.tf/', IV, ii|i. m et 1 13 : Nr»! Kiang, |).tr l'eiilreiiiise de sou aniaot, essaye de faire accéder (1 la Kci^ueurie le tils de sa cadelto. J

VIII. Tsouo. Wen. l'a. (Leggiu pp. 2'.7-2'.9l Mou-po

se maria à Kieuu ti (nom Sscu Ci ^ : sa (emme Tai Sseu

eut un (ils nommé ^\^■^-po; sa suiir c:idette Xlfl (^licng .Sseu eut un lils noiiimc liouci (]liiiii ( Tui ri ( liem:, iioiii.< d>' temple).

IX. Tsouo. Si/ing. 31" a. {Legge, pp. .')59-,'ifi3). \ la

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 17

mort du duc Siang, on établit comme successeur 1" le fils de la fille des (barbares) Hou, King Kouei, le fils de la

sœur cadette ??^ de King Kouei, nommée Ts'i Kouei.

X. Tsoao. A'gai. 11" a. [L^gge, pp. 823-826). Tsi s'était marié avec une fille de Tseu Tchao (du pays) de Song,

dont la sœur cadette W^ fut la favorite de Tsi. Quand Tseu Tchao quitta le pays, K'ong Wen-tseu fit répudier par Tsi sa femme, et lui donna une épouse de sa famille. Tsi envoya un serviteur solliciter la cadette de sa pre- mière femme B/^^ 'W ^ ^ Wi et la logea à Li il lui bâtit un palais, tout comme s'il avait deux femmes V^

■^ Wen-tseu se mit en colère et voulut l'atlaquer. Gonfucius l'en empêcha (Tsi, chassé de son {)ays à la suite de débauches, est remplacé par son frère Yi, à <jui l'on fait épouser K'ong Ki, la fille de K'ong Wen-tseu, précé- demment femme en secondes noces de Tsi.) Cf. Kia

yu. Ch<> jE i^.

XI. Sseu-ma Ts'ien. Mémoires historiques. Trad. Chavannes, IV, pp. 58-59.

Composition du harem du duc Houan do Ts'i. Trois femmes considérées comme princesses zC A » savoir Wang Ki, Siu Ki, Ts'ai Ki. 2" Six femmes traitées

comme des princesses : ÏW 7C A. W savoir, l'aînée des Wei Ki (exactement l'aînée des Ki de Wei) la cadette

des Wei Ki Tch'eng Ki, Iv'o Ying— Mi Ki ^ ^ Sone Houa-tseu.

[Sur les neuf, deux sont assurément des sœurs,

savoir les filles de Wei; six sont de nom Ki 51B-, deux de nom Ying, K'o Ying et Siu Ki, une de nom Tseu. On notera que, bien que le nom des seigneurs

18 LA l'OLYGYNIE SORORALE

de Siu soit Ying, leur fille (qu'on devrait Dominer Siu Ying) est appelée Siu Ki : le nom royal de Ki commence à ôtre employé, à titre honorable, dans la composition des nonis de princesses, à la place du nom de famille]

XII. .'^.1/7', JV, p. 68. Le duc Ling de Ts'i marie' à Lou (nom Ki) a eu, en outre, deux femmes nommées Tc/iong Ki et Jong Ki; long Ki était la favorite. « Lorsque Tchong Ki enfanta un fils nommé Yu, elle le remit à Jong Ki, qui demanda qu'il (ùt nommé héritier présomptif. » Le fils de la princesse de Lou, ayant en fait réussi à prendre le pou- voir, fit tuer Jong Ki.

XIII. SMT, IV, p. 78, nomme, parmi les femmes du duc King de Ts'i, Yen Ki et Jouei Ki.

XI\'. .S'.)/7', IV. p. 178, cite parmi les femmes du duc ISgai de Tch'en, Tchang Ki (Ki l'aînée) et Chao Ki (Ki la cadette) (princesses venues de Tcheng, cf. Tsouo. Tchao. 8* a.) plus deux concubines désignées comme l'aînée et la cadette.

Xy. SMT, IV, p. 1<.I2. Le duc ïchouang de Wei % épouse des lilles de Ts'i (nom Kiang) et de Tch'en (nom Kouei). De Tch'en lui viennent une aînée et une cadette

jK Wi Toutes deux ont un lils; la cadette meurt; le duc donne l'enfant à In fille de Tsi, en lui ordonnant de le

considérer comme son fils TC A ^ "î».' "T" <I (glose

XVI. S.MT, IV, p. 2;W. {Le Hoi Tc/i'mg de Tc/i'ou ai/ant .srciviru le srigm-ur de Trlieng, (/iii l'in^'ilc à un banquet).

L<- mi «Miieva deux lilles du seigneur de Tcheng ^ C^5

- 33£ y*- Àii pour les emmener comme épouses.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 1!)

<( les règles de la séparation des sexes BS /}" qui exigent que l'on pro- cède au mariage par cntremelleur. »

XVII. SAIT, IV, pp. 257 et 259. Le duc Bien de Tsin marié à Ts'i Kiang a de plus deux femmes Ti, une aînée,

une cadette ^ , deux femmes Li Jong, Li Ki et sa cadette.

XVIII. SAIT, IV. p. 289. Le duc deTs'in donne àTch'ong-

eul prétendant de Tsin cinq filles de sa famille :^ ^ 5.

Jk et, parmi elles, la femme j)récédemment mariée à Yii, neveu de Tch'ong-eul.

XIX. SAIT, IV, p. 366. Le roi Ling de Tch'ou meurt dans la maison de Chen Hai. Chen Hai le fait suivre dans

la mort par ses deux filles et les enterre avec lui. W m

XX. SAIT, V, p. 68. Wou Kouang, voulant faire entrer sa fille dans le gynécée du'roi Wou Ling de Tchao, y réussit par l'intermédiaire de la princesse femme prin- cipale du roi 0 ^ A ft SS lÂ' .

XXI. SAIT, I, p. 53. {Yao) lui donna Choiien) en

mariage ses deux filles ^ ^ ' I5C , cf. /, p. 73, IV,

p. 169 e/ /F, p. 26 ^ ^ J;^ ^ ^ .

XXIa. Mencius V, 2. {Legge, pp. 222-223), cf. SAIT, /, p. 75. [Le frère de Choucii, Siang, tente d'assassiner Chouen et, croijant avoir réussi, distribue ainsi l'héritage :) a Que les bœufs et les moutons soient à mon père et à ma mère ! Que le magasin et le grenier soient à mon père et à ma mère ! Que le bouclier et la lance soient à moi ! Que le luth soit mien ! Que l'arc soit mien I Que les deux femmes prennent soin de mon lit. »

XXII. (Textes relatifs à la conception miraculeuse de Kieu Ti,

SAIT, I, p. 173. Kien Ti était épouse de second rang de

20 LA POLYGVME SOROUALE

l'empereur Kou ; elle alla se baigner avec deux femmes {ses suivantes).

XXII a. (jlosc du Tchou cJiou Ai m'en. Kien'Ti, à l'cciuinoxe de printemps, le jour du retourdes hirondelles, alla à la suite de l'empereur (A'oh, son mari), faire le sacri- fice Kiao Mei (sacri/ice fait dans la banlieue au dieu du

mariage) ; elle se baigna avec sa sœur cadette ^ ^ 5* dans la rivière du tertre Yuan.

XXm.—SMT, m, ch. 207 {edit. de Chang-hai, ch. 23 p, 5 /•■>! [cf. Biog. de Kouan Tchong, iùid., ch. 62, p. 1, v" et Louen yu, III, 22).

Dans la maison de Kouan Tchong, il y avait un lot com- plet de [m. à. m. trois arrivées de femmes) femmes venues

de trois familles différentes. # # ^ M oWi M =- 'A\i .

.Wlil </. Tsi Kiai (citant l'ao Vl } : Trois arrivées de femmes {veut dire que) : il avait épousé des filles de trois

familles. Pour une femme, se marier se dit Kouei ififi

{arriver). H [is^ . .^ H M' I^ iË. . Noter: Sing— famille et non pas nom de famille).

\XI1I b. (5.1/7'. Biog. de Kouan Tchong) Kouan Tchong, en abondance, égalait les maisons princières : il avait des femmes venues de trois familles et une crédence

{oii les visiteurs déposaient leurs tablettes de Jade) W 1T XXlll ^. —{Lotien 7/11 ; glose au te.rte.) Wl K 9i 'M il

mm ^ n 'jé - i* . 4^ n # ^- h n: ^ :k

kX tn . 4i ^^^ ifli» . .Si'lon les rites, les grands-olli<iers, bien (|uils aient des femmes secondaires, des suivantes (:= la sœur cadette et la nièce de leur femme principale) el nue femme principale, prennent cependant femmes dans

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 21

une seule famille. Kouan Tchong avait pris pour femmes les filles de trois familles, c'est pourquoi le texte dit : trois arrivées de femmes.

[Exemple d'usurpation : de même que pour Po Ki

(cf. III), dans un mariage seigneurial, on employa les

-règles particulières au mariage du Fils du Ciel, de

même Kouan Tchong se maria selon les rites des

seigneurs régnants, c'est à-dire qu'il prit non pas un

groupe de trois femmes —^ m (deux sœurs, aînée et cadette, plus une nièce), mais trois groupes de trois femmes, venus de trjDis familles différentes

(exactement de branches familiales différentes ^

mais de même nom de famille ). Noter le mot

m compléter qui est d'un usage régulier pour exprimer que le groupe de femmes est au complet, cf. Iviuli.ll. 3 inf].

XXIV. SMT, I, p. 265 et Kouo i/u, Tcheou yu, /, 2

{Textes identiques à quelques graphies près; ^ pour ^

e{''m- pour ^. Dans le texte de SMT un caractère {^) s'est glissé, par raison de symétrie, enlevant tout sens à la phrase. « Le roi Kong alla se promener sur la rivière King. Le duc K'ang de Mi l'accompagnait. Il y eut trois

filles qui s'unirent à lui ^ =:! lîC i'r ^ .Sa mère lui dit : « 11 vous faut les offrir au roi. Les animaux, dès qu'ils sont

trois, forment un troupeau [kiun ^); les hommes, dès

qu'ils sont trois, lorment une assemblée [tchong ^) ; les femmes, dès quelles sont trois, forment une parure (ts'an

^) {sur ce mot, voir J'ang fong V vers 16 e/ la glose : trois filles forment un ts'an : les grands-officiers ont une épouse

22 LA POLYGYNIE SORORALE

et deux fi-mmes secondaires). Un roi à la chasse ne prend pas un troupeau (— trois aniniaur). Un seigneur en voyage descend de voiture devant une assemblée (=: /row hommes : Cf. Li AV. Kiu li, I, 5.) Un roi. parmi ses femmes,

{m. Cl m. les personnes avec ijui il couche fiqJ ), n'a pas trois personnes {qui, étant déjà de la mê/nc branche fumiliule,

soient encore) de la même génération i i^\ -T* W- """

^. Une parure (= ts'aii : de trois femmes) est chose de prix. On vous a remis cette chose de prix; mais quelle

Vertu avez-vous pour la mériter 1^ ^ 1^ *e ^ . Un roi lui-même n'a pas assez de mérite (pour l'a^'oir) ; à plus forte raison, vous, petit vilain ! Un petit vilain qui thé- saurise finira à coup sur par disparaître ^J^ Wi m Vl . ^fv

ili^ Lj . » Le duc K'ang ne lit point hommage de ces femmes au roj. La même année, le roi détruisit [sa sei- gneurie de) Mi. »

XXIV (/. Même texte au Kou lie niu tchouan (section

1-- 7^ . Biog. de la mère du duc K'ang de Mi) at'ec un passage tombé et un commentaire.

Or, une parure, qui est une chose de prix, vous a été

remise Le sage dit : La mère [du duc) de Mi eut le

talent de discerner les signes mystérieux de l'avenir. Le Che King dit [Kouo-fong. T'ahg fong 1 in /. : pièce rhnntée aux fêtes automnales, ci. Fêles et cbansons anciennes. Le rythme saisonnier) : « Pourtant gardons la mesure songeons aux jours de chagrin! » Tel est le sens de cette histoire {du duc ICan;/). Léloge dit : I.a mère du duc Iv'anj; diî Mi discernait d'avance le succès et la ruine. Elit; hlAma le tluc K'ang île recevoir une

parure et de ne point l'olliir [l'envoyer um : terme rarac-

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 23

téristique des envois de femmes) au roi Kong. Un seigneur en voyage descend de voiture devant une assemblée (=: trois hommes). Quand on a la plénitude des biens, on

la réduit i^^ V^ K!l M . Elle eût voulu que le duc fit hommage [de sa parure de trois femmes au roi); elle ne fut point obéie : Mi devait disparaître.

XXIV b. Notes 'extraites des gloses de Wei Tchao au

Kouo yu. ^ ^ i tËi : L'expression Yi tsou doit s'en- tendre par une génération (cf. l'expression /Loties neuf générations allant du trisaieul au fils de V arrière- petit- fils) ^:^ 3C FQ TSi , les trois filles étaient de même origine familiale (cf. glose de Wang Yuan-souen dn}^ # in H iq # iE HTKK ck. 529: f^ veut dire nais- sance : Wt ^ ^ ^ iH». H "T équivaut à la même

naissance: N JH ^ 1^ WÊ. ^ ). Onprendlesfemmes d'origine familiale différente (c'est-à-dire: on ne les prend pas toutes du même père) [ionr com^\é\.e.r {le lot régulier de)

trois femmes i^ ^ ^4 0 11 = .

XXIV f. Tsi Kiai, SMT, I, p. 265. —ik. —^^

Yi tsou : doit s'entendre par zine seule génération : Pour compléter le nombre régulier de trois femmes (prises dans une branche familiale) on prend (avec la femme principale) sa sœur cadette {qui est de la même génération quelle) et sa nièce {qui est d'une autre origine familiale

•^ )&. : d'une génération différente) ; on ne les prend pas toutes les trois de la même génération.

XXIV d. Li Ki. Kiu li Ilinf^'Âi^^^. 0 #

24 i.A i'(ilv(;ynie sohorale

^n.ir^m^.B m 'M.ni^ k B 1 >t

lilB ijuaiul on lait (!nlier une fille dans le gynécée du (ils

du . iel [glose : W : ÎX offrir), {ou la lui présente) en disant [qu elle vient) compléter le nom\>Te [des femmes des- tinées à accroître le nombre) de ses descendants (glosé :

M ~J' xi.). Quand on fait entrer une fille dans le gynécée d'un seigneur [on la lui présenfe) en disant [qu'elle vient) compléter le nombre ides femmes chargées) des offrandes [aux ancêtres). Quand on fait entrer une femme dans le gynécée d'un grand-ofticier, [on la lui présente) en disant qu'elle vient compléter le nombre (des femmes chargées) des soins du balayage [du temple ancestral).

[Texte (jui montre la valeur consacrée du terme

m compléter le nombre régulier des épouses attri- buées par le protocole à chaque degré de la hiérar- chie féodale. Les formules rappelées par le texte du Kiu li étaient employées lors d'une cérémonie, faite trois mois après la pompe nuptiale, et la famille des femmes épousées en faisait la livraison

tléfinitive au mari 3iX lîC cf. Tsotto. Tch'eng. a.

L'expression m îi% figure dans le mémoire addi- tionnel du chapitre du mariage du Yi li : Quand on

lui demande le nom H') ^, le pi-re de la lille répond : Monseigneur, puisque vous l'ordonnez, [que vous voulez) qu'elle lomplète le nombre des

épouses tlH ?f5t et que vous l'avez choisie, (moi), un tel, je n'oserai |)as m'y refuser. [Je ne comprends fiiiint ta trailuction ilonnée par Sterle de ce passage II, p. :t7.) l'omp, XXVI j

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 25

XXIV. Note 1. Le texte a évidemment pour but de montrer les raisons de la destruction de Ml : il est clair que cette destruction est mise en rapport avec une affaire de femmes. Souvent, en effet, les femmes étaient considérées comme les causes de la ruine des seigneuries : témoin le texte du Kouo yu, Tcheou yu il, 1. Dans ce texte, précisément, il est dit que la ruine d'un État nommé Mi-siu vint d'une

femme nommée Po Ki 1p î?b (Ki l'aînée). Or, les

seigneurs de Mi-siu étaient de nom Ki 5b : ils périrent donc, selon ce texte, pour avoir violé la règle d'exogamie. Un commentateur du Kouoyu, Wang Yuan-souen [in Kouo yu Fa tcli'eng HTKK 629) fait, sous forme dubitative, l'hypothèse que Po Ki était peut-être l'une des trois femmes épou- sées sur la King par le duc K'ang de Mi fH ^b

^^^ 3C ' J\ . Cette hypothèse suppose l'identification de Mi et de Mi-siu. Or, 1" il est étrange que le Kouo yu et Sseu-ma Ts'ien écrivent ici Mi et non Mi-siu, alors que par ailleurs ils parlent de Mi-siu {Kouo yu. Tcheou yu'II 1. SMT IV p. 37) ; 2" Wang admet qu'il s'agit, dans le texte qni.nous occupe, de Mi-siu parce qu'il y est parlé de la rivière

King loi , qui, selon lui, coule dans le Kan-sou, pré- fecture de Ping-leang, sous- préfecture de Ling-tai; c'est que se trouverait aussi, selon lui, la tombe du duc K'ang : et ce serait que, sous les Chang, aurait existé le fief de Mi-siu. S'il en était ainsi, i' faudrait que Wei Tchao se fût trompé lourdement,

car, pour lui, Mi, seigneurie de nom Ki ^J^, se trou- vait dans le Ilo-nan, préfecture de K'ai-fong, à 70 li

26 LA POLYCYNIE SORORALE

à l'est de la sous-préfecture de Mi; S" IJien avant la naissance du roi Kong et du duc K'ang, la princi- pauté de Mi-siu avait été détruite par le roi W'en : SM r IV p. 37; fait historique particulièrement sur puisqu'il est affirmé par le Che King (Ta yu I, 7. Couv. p. .338); Dans la période Tch'ouen Ts'ieou, qui est celle vécurent K'ang et Kong, il n'est question que de Mi et point de Mi-siu. Sseu-ma Ts'ien mentionne une princesse de Mi comme fai- sant partie du harem du duc Houan de Ts'i (cf. XI). On peut voir qu'elle était à peu près sûrement de

nom Ki 5|fi : elle est appelée en effet wi 5l£ . .\insi il est prali(]uement certain que la chute de Mi ne provint ni de Po Ki ni d'une violation de la règle exogamique.

A'A7F. Note2. En tous cas, le texte explique la ruine de Mi autrement. Elle vint de ce que le duc

K'ang épousa trois filles d'un même Tsou ' m^ . \Vei Tchao donne à cette expression une valeur

équivalente à " X-E . .Sous l'inlluence de Wang Yuan-souen, on pourrait être tenté d'admettre qu'il

faut traduire Ïa^ -^ W- ' W^ : « un roi, pour femmes, n'en a pas trois de la même famille cjuc

lui ». Mais ce serait oublier : que Tsuu JpÇ n'équi- vaut jamais à Sing Wi en tant que ce dernier mot a son sens de groupe familial porlant un même nom ; (|ue Wr\ Tchao expliiiue l'expression \\

Tsou A^ parles mots ^ "T* , c'est-à-dire : une

générniitni ; À" que Wang Yuan-souen lui-même lui lionne le même sens : il explitjue en ell'et

l"J R'\- |);ir PJ œ lie In mânif luiisscnirr, de la

ET LE SORORAT DANS IX CHINE FÉODALE 27

même origine, du même père ; enfin que la note des glossateurs de Sseu-ma Ts'ien {Tsi Kiai.) lè\e toute difficulté : Elle montre que la faute commise par K'ang est d'avoir épousé trois ^œurs (trois en- fants du même père J)C "T" ou ■"" ^) alors que ré- gulièrement il eut épouser deux sœurs, aînée et cadette, plus une nièce. Il faut noter en outre que toute traduction autre que celle indiquée par le Tsi Kiai est impossible, non pas seulement à cause du sens des mots mais en raison de la syntaxe.

XXIV. Note 3. Pourquoi était-il interdit d'épou- ser trois sœurs? le texte en indique les raisons : elles tiennent à la valeur caractéristique du nombre trois. Trois, pour les Chinois, est le premier pluriel et, partant, signe de totalité; trois animaux consti- tuent un troupeau; trois hommes suffisent à cons- tituer une assemblée. Un seigneur considère un groupe de trois hommes comme une assemblée symbolique de la totalité de ses sujets; c'est pour- quoi il s'incline devant eux (cf Li Ki. Kiu li. I, 5, 37). Un roi ne prend pas trois animaux à la chasse : ce serait épuiser les espèces vivantes (cf Yi Ring), Un prince qui a fait périr trois hauts dignitaires, « ne saurait y ajouter n [SMT IV 326). C'est un crime réputé horrible par le code des Le [in Delous- tal B. E. P. E. O. IX p. 97) de faire périr trois membres de la même famille, car c'est la ruiner complètement. Un honnête guerrier ne tue pas plus de trois hommes dans une bataille [LiKi. Couvreur, I p. 325). Le troisième refus est définitif. Le troi- sième étage des sources souterraines est au plus

profond de l'univers :=- M ^ ^ "3 ^ /T^ ; aussi la troisième source ^^ ^ signifie : le plus profond

28 LA POLYGYNIE SOHORaLE

{SMT III [>. 194 et IV p. 705). Prendre les trois sœurs, c'est accaparer lotîtes les filles d'une géné- ration, car trois est le nombre final ^^ -W ?yC ^ ''J"* ^i? iS» . Les nombres qui commencent à 1 et finissent à 10, ont leur perfection à .'< HZ W fl^ . ^1A-\^. )&i^=-.Le Chouo (ven définit 3

le nombre parfait, wC Wi vL . C'est donc faire preuve d'une arrogance fatale et d'esprit de per- dition que d'épouser trois so'urs : c'est vouloir

thésauriser Vm ^ : manquer de modération, et,

ayant la plénitude des biens ^ ïjfl , ne point vou- loir la réduire, ne pas la diminuer par un tribut envoyé en hommage au souverain, telle est la faute que le duc Kang commit, malgré les conseils de sa prudente mère.

XX/V. Note 4. Nous savons par le Kiao t'ii cheng que les tributs envoyés au roi par les seigneurs à la fête automnale se chantait cet éloge de la modé- ration que rappelle la biographie de la mil-re du duc de Mi, comprenaient un envoi de femmes

Îa 3C {Sur cette question, ^'oir Fêtes et chansons anciennes : Le rythme saisonnier). Or cette fêle automnale, qui dans l'organisation féodale du culte prit le nom de l'a Tcha, dérive dos anciennes fêtes de la jeunesse se faisaient les mariages : les unions alors conclues étaient désignées par le mot

TT s'unir dans 1rs champs, qui est précisément employé ici nit^me à propos du duc K'ang (Voir Granet, Coutumes matrimoniales de l'ancienne Chine

in T'itinii^ pnn Xlll, p. r)Vt si|(|.). Elles se cmlrac-

V

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 29

traient au bord de l'eau : c'est près de la King que le duc de Mi s'unit aux trois sœurs. Enfin le terme régulier employé pour désigner les promenades au

bord de l'eau'est 'W? ou iM: qui se trouve précisé- ment aussi dans notre texte (cf. Fêles et chansons et particulièrement la préface de la chanson 1 du Tch'enfong). Il convient donc de rapprocher notre texte du texte XXII l'on voit Kien Ti, la mère de la race des Yin, prendre part avec sa sœur cadette (XXII rt) ou avec ses deux suivantes (XXII) à la fête printanière des mariages.

XXV. Che King. Kouo fong. Pei fong. 14. Couv., p. 45.

1. iÊi> m^ ix>' . Elle naît, la source Ts'iuan,"

2. ^ !^ "î" VS. Puis se jette dedans la Wei.

3. '^ '1^ "T" TO . Voici que je rêve de Wei.

4. 1^ H ^ <s» . Il n'est de jour que je n'y pense.

5. ^^mW-. Que belles sont toutes ces sœurs!

(m. à m. toutes les Ki).

6. W M -w ^ . Avec elles je m'entendrai !

[Vers 5, glose : R Àï ■^ -t< les femmes du môme nom de tamille ; la femme dont parle la chan- son ou qui la chante est une fille de Wei c'est-à- dire de nom Ki W^\. XXVI Che King. Kouo fong. Wei fong 3. Couv. p. 55.

1. 'M ^ W . L'eau du Fleuve, qu'elle vient haute!

2. Au Wi '/ o 'in . Vers le Nord, comme il coule à flots!

3. 1^ aR 'JSVS.Les filets, quel bruit quand ils tombent!

4. iM ^H 0 ^ . Les esturgeons, qu'ils sont nombreux !

30 LA POLYGYNIE SORORALE

5. R jR TÎry liry . Les joncs et roseaux, qu'ils sont hauts!

6. Jïïl ^ ^ ^ Les suivantes, quel beau cortège !

7. JitJi it ^ £& . Les gens d'escorte, quel grand air!

[C>. Les suivantes, m. à m. les Kiang, les filles de noms Kiang, qui accom|)agnent Tchouang Kiaiig à Wei elle se marie (cf. préface de la chanson)].

XX\'I b. glose de Tcheng K'ang-lch'eng nu vers 6. Les Kiaiii^ désignent les nièces et sœurs cadettes : ft\ ^ BB 5l W . Les gens d'escorte et les femmes rendent com- plète fi la cérémonie d'alliance. ± ic ï^ ^ îl '^

XXVll. Che King. Ta ya. III. 7, Conv. p. 405.

1. ^ -^ ^ Le prince de Han prend pour femme

2. î^ î <^ '^ . La nièce du roi de la Fen,

3. W. JX^ ^ ~T . La fille du seigneur de Kouei!

4. 14 ^c iÛi Le. Le prime de Han vient à elle!

5. "4 ®K ^ M . Il vient au village de Kouei !

<». H ÏÏ^ B^ . Cent chars roulent à grand tapage :

7. /> Tw {l# i|}. Leurs huit sonnailles font grand bruit.

8. Ht» :R ^ . Vit-on rien de plus éclatant?

;•. m 'W VL ^ Les sœurs cadettes font escorte,

10. 1î|> 'jip «H jf . S'avançant comme des nuées !

11. '!'?|^ f^- <! L.- |)ri II. (■ d.- lin les regarde :

12. Mà\ Ui{ l"l. Leur spl.ndtM.r.Mni. 1.1 I.- p;.lais:

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 31

XXVII a. Mao : glose aux vers 9-10. Les seigneurs, en un seul mariage, prennent neuf femmes. Deux seigneuries envoient des suivantes la

femme principale), re 1^ ~~' ^ jL JK . -^ ^ n^ ^ .

XXVII h. Tcheng : glose aux vers 9-10.

Les suivantes sont nécessairement accompagnées de sœurs cadettes et de nièces : on ne nomme ici que les sœurs cadettes parce qu'elles sont d'un rang plus élevé.

XXVI II. Che King. Kouo fong. Pei fongd. Couv. : p. 31.

Pièce qui passe pour faire allusion aux faits rapportés par Tsouo Wen, i8° a. Il serait question de Tchouang Kiang, princesse mariée à Wei et d'une de ses suivantes (ou selon d'autres d'une femme épousée par le duc Tchouang dans un autre mariage contracté à Tcli'en.)

1. Jîï5 ftî^ T^ ^ . L'hirondelle et Thirondelle envolées,

2. ^ /ta A ^ L'une vers l'autre ont leurs ailes pen-

chées!

3. ^ J 4 ^ . Cette fille qui s'en va se marier,

4. iSîii J ^. Au loin je l'ai suivie dans la campagne!

5. BM ^ ^ -^ . Mes regards ne peuvent plus l'atteindre,

6. )U W> 5B I^ . Mes pleurs coulent comme la pluie !

(Le vers 3, classique pour exprimer la pompe nuptiale, est ici interprété par les glossateurs comme signifiant le retour d'une femme dans sa famille natale.)

XXIX. Che King, Kouo fong Chao nan, 11. Couvreur,

p. 25.

Pièce destinée, dit la préface, à louer une sui- vante ^v fl^ : La femme principale n'ayant point voulu d'elle, pour compléter le nombre de ses sui- ntes, ^^ ^ 0 ^l#1ii ii, elle n'en conçut

va

32 I.A l'OLYdYMK SOItOHALE

point de colère et plus tard la femme principale se repentit.

1. yl ^ VL . Le Fleuve a des bras secondaires!

2. ^ Tr ifiR . Cette fille en se mariant,

3. A^ ^K K^ . N'a point voulu de moi !

4. ^"^ 3^ kX . N'a point voulu de moi !

5. ^^ "K to W- l'uis voilà qu'elle s'en repent.

XXX. Che King, Kouo fong, Chao nan, 1, Conv.. p. 16.

(Cf. Fêtes et chansons anciennes, IX et les notes). D'après la pré- face, la Vertu du roi Wen, après s'être étendue à sa femme T'ai Sseui s'est répandue, par l'intermédiaire de celle-ci, à toutes les femmes royales, puis à toutes les femmes du royaume : Voici, dès lors, l'inter- prétation symbolique de la chanb.ou. Le prince, par sa Sainteté, a établi sa domination (la pie a fait le nid) ; la jjrincesse, par sa Vertu, mérite

d'être associée à lui ^u (le ramier occupe le nid): enfin, les autres femmes du roi, sous l'influence de la première, acquièrent assez de mérite pour occuper aussi le nid (3' couplet); en fait, le rythme de la chanson indique que dans les trois couplets la pie symbolise la femme principale, la fille qui se marie, et les ramiers les suivantes qui occupent les chars de l'escorte.

1. 7F^ H-sJ 'W ^ . C'est la pie qui a fait un nid :

2. $tfc W.,3 /S ^ . (a- sont ramiers qui logent !

3. ^ J 4 ifffî . Cette fille tpii se marie,

4. H PW fill J ^ . .\vec cent chars accueillez-la !

5. ^ l^ t3 vil- . C'est la ]ùo. (|ui a fait un nid : (■). J^ W.j yj <, , Ce sont ramiers qui gitent !

7. -O T' 4 \i\\i . Celti' tille (|ui s<- marie,

8. H [4*1 A^t <— . Avec cent ihars escortez-la!

ET LE SORORAT DAN* LA CHINE FÉODALE 33

9. ips H'^ W ^ . C'est la pie qui a fait un nid.

10. ÎPS ^ "m? ^ . Ce sont ramiers plein ce nid-là !

11. ^ jT i ^ . Cette fille qui se marie, f

12. 0 RÎ? ,^ -w . De cent chars d'honneur comblez-la!

XXX a. Mao : M ï^ iÈi . Tcheng : ÏJ^ Combler ( 12'^ v.) signifie le grand nombre des suivantes, nièces et sœurs cadettes. Comp. l'expression rituelle ; compléter le nombre des suivantes.

XXX. Noie. f^P (4" v.)doit être rapproché def^P le Cocher qui, dans les rites du mariage du Yi 11

(cf. XXXII), joue le rôle de second du mari, w

(8» V.) est assimilé à 5i : or, le Yi li (cf. XXXII a)

assimile 1^ (suivantes) à àSs . Cent chars viennent à la rencontre de la mariée ; autant l'escortent ; autant forment l'ensemble des chars de la pompe nuptiale. On n'y verra point de difficultés si, d'une part, l'on tient compte du fait qu'au Yi li le Suivant du mari [le Cocher) agit toujours en connexion avec la Suivante de la femme, et si, d'autre part, l'on rapproche de ce fait l'usage pratiqué aux fêtes anciennes de la jeunesse, selon lequel les jeunes gens partaient par couples dans le même char (Cf. Fêtes et chansons anciennes, Chansons XII : les mains jointes montons en char; XXV, 14 : en char emmenez-moi chez vous ; XXVI : La fille monte au même char. Voir encore XLV ; L, 7 ; LX, 1 et 2, 26-30; LXVI, 35-36 et surtout LVlIl,13et 14) (cf. Li Ki, Couv. 1, p. 608 *§, fiîP le fiancé jouant person- nellement le rôle du cocher.) XXXI Yili. Mariage des nobles. Steele I chap. III cl /(',

3

34 . LA IcpL^i.VMt .SOliUlt.VLl;

p. 2'^. [Quand le /iniiré tient m personne au devant de la fiancée tc iïîi et que la fiancée l'attend dans la salle Wf \

vante, habillée de noir et portant un bandeau et l'épingle de tète avec un manteau blanc et noir passé sur les vêle- ments, se tient derrière {la gouvernante de la mariée, c'est-à-dire en arrière de celle-ci).

XXXI a. - Tcheng. lA # ^ sl ^ ^ ^Ê» . La

Suivante, c'est la nièce ou la sœur cadette {Tclieng

cite XX y II vers 9).

XXXll. Yi li. ibid. Sléele, p. 23. [La fiancée suit le

fiancé gui la fait monter en char; il conduit lui-même le

char pendant trois tours de roues [sur la valeur du nombre

trois voir XXIV note 3), puis descend du char]. W K' H: . Le Cocher le remplace.

XXXin. Yi li. ibid. Stèele, p. 24. [Le cortège arrive à la maison du fiancé qui fait entrer la fiancée dans la

chambre. Lit sont disposés des lavabos]. W^ W )in J ^

.... fl§ -(iqj f5t hl j5<. . La Suivante dispose une natte dans le coin sud-ouest... La Suivante et le Cocher versent de l'eau (aux è()ou.\) pour qu'ils se lavent les mains, en croi- sant les places (cf. XL).

XXXIll a. Tclien<j. fl^ ^ ili . La Vin- c'est

la Suivante de la femme iK ^ "^ /0 M ^ . Il

ni Ut "H . Le Cocher, c'est le .Suivant du mari. La Suivante de la femme verse de l'eau au mari (|ui se lave les mnins dans le lavabo du Sud ; le Cocher (Suivant du mari) verse de l'eau à la femme (|ui se lave les mains dans le lavabo du Nord. Le m:iri et lit rfiiiiiK-. aux débuts de leur union .sentinu-ntale.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 35

éprouvent une pudeur; la Suivante et le Cocher, par leur action croisée, ouvrent la voie à leurs senti-

ments. ^t t^ ^ 1 M \^ '^^ . W "^ ^ B. t^

:itt^. ^m^fi^ ti ^ m mk b m ^

XXXIV. Yi li, ibid. Steele, p. 25 [Quand les préparatifs

du repas coininuniel des époux sont terminés], jî^P Tu 5^

/rfi le Cocher dispose une natte correspondante celle qu'a disposée la Suivante cf. XXX/II;celle qu'a disposée l'a Suii'ante est pour le mari; celle que dispose le Cocher est pour la femme).

XXXV. Yi li, ibid. Steele. p. 26. [Lf repas fini, les époux quittent chacun leur natte ; la femme reste dans la chambre,

le mari passe dans la pièce latérale], ï yv 8>t W "J

^. m^z. mxm^^=f'Ê.. m^z. Le

mari enlève ses vêtements dans la pièce latérale, la Sui- vante les reçoit. La femme enlève ses vêtements dans la chambre, le Cocher les reçoit.

XXXVI. Yi li, ibid, Steele, p. 26. f P T ^

^X ^ f^V^ W>. Le Cocher étend la natte (de la femme) dans le coin Sud-Ouest de la chambre. La Suivante étend la natte du mari à TEst de la premier*.

XXXVI I. Yi li. ibid. Steele, p. 27. [Les flambeaux

sont emportés]. 0 It ± A ^^ |^ . W Î^M ^^. . ^

^M'M^^ Z. (Dans la pièce latérale), la Suivante mange les restes du mari, le Cocher les restes de la femme. Le maître de cérémonie puise du vin dans la jarre placée à l'extérieur et leur en donne [de même qu'il en a donné au mari et à la femme après le repas de noces].

30 LA POLVDYNIE SORORALE

WXVIII. - )7 U, ibid. Steele, p. 27. B^ ^t T /^ ^K

P'r >vJ py . La Suivante alteiul en dehors de la porte {delà clidiubre des époui) de façon à entendre si on l'appelle. [Les f/lossaleurs estiment (jiie le Cocher reste aussi à attend' e\ mais la Suivante est seule nommée parce que, étant d'un rang plus élevé, elle prêtera mieux attention au moindre indice d'appel.)

XXXI. K. IV li. ibid Steele, p. 30. [La femme va se présenter à ses beaux-parents, en reçoit une coupe de vin doux, puis leur offre à manger ; après quoi, clic se prépare à manger les restes du beau-père qui l'en cmpèc/w. F.lle

mange alors ceux de la belle-mère]. ™- ^ ^ S. ^ fllll . Le Cocher l'aide à l'aire l'ofl'rande des reliefs, millet glu- tineux et poumon.

XL. IV li, ibid. Steele, p. 'M. [La fi mme emporte les

restes dans la pièce latérale], fl^ W î^ M M ^ SI

W^^m^.T- 1 m itimZ^. La Sulvame et le Cocher mangent les restes. La belle-mère leur donne à boire. Même si la Suivante n'est pas la sœur cadette de la femme, elle a le premier rang (par rapport au ('ocher). Dans cette cérémonie, il y a la même disposition croisée que dans le repas précédent (fait pur la suivante et le cocher a\>ec les restes des époux).

XL a. Tcheng. Autrefois uni' lille qui se mariait était toujours accompagnée de'sa sœur cadette ou de sa nièce, (|u'on appelait la Suivante. La nièce est une fille du l'rcre aine «le la femme. La sœ.ur cadette »'--t une ca<lotte. La sœur cadelte est d'un rang supé- rieur à celui de la nièce. Mi^me si la Suivante n'est pas une sœur cadette {mais une nièce), elle passe avant le Cocher |)arci; (ju'elle est une hôte. La dis- position croisée indi(|ue(|ue la Suivante mange les

KT LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 37

restes du beau-père, et le Cocher ceux de la belle- mère. XLl. Li Ki. Kiu li. Couvreur, p. 71. Un seigneur n'ap- pelle point par leurs noms personnels ^ les ministres dits K'ing lao W(> ^ , ni ses femmes de second rang {Che fou) ift ^. Un grand-oflicier n'appelle point par leurs

noms personnels, un vassal héréditaire W. H- , ni la nièce et la sœur cadette de sa lemme [ses femmes secondaires). Un noble n'appelle pas par leurs noms personnels l'inten- dant de sa maison et sa première concubine T< ^ .

[K'ong Ying ta est d'avis : que cette première concubine est la sœur cadette de la femme; que les femmes de second rang (Che fou) d'un seigneur sont les deux Suivantes de sa femme (venues chacune d'un état différent).] '

XLU. Li Ki. Sang ta ki. Couvreur, II, p. 236. Un seigneur touche de la main {aux cérémonies des funé railles, la poitrine de) celles de ses femmes les plus éle- vées en dignité... Un grand-olficier touche de la main {la poiùrine) de la nièce et de la sœur cadette de sa femme (ses femmes secondaires) .

XLIII. Li Ki. Houen yi. Couv., Il, p. 648. Dans l'anti- quité, la Reine {épouse) du Fils du ciel plaçait en charge {les femmes du roi habitant) les six palais édifiés pour

elles, {savoir) les trois princesses /oh y'e// 7C A, les neuf femmes du troisième rang m. Pin, les vingt-sept femmes du quatrième rang Che fou ift ^ et les quatre-vingt- une femmes de palais W ^ , l'« tsi (Cf. Li Ki. Kiu li. Couvreur, 1, pp. 86 et 94 s(iq. et Tcheou li. Tien Kouan,

articles M,1&iê et iK W in Biot, I, p. 154 sqq.

38 LA POLYGVNIE SORORALE

[Les nombres de femmes donnés par ces textes sont assurément d'ordre théorique : ils ont été déterminés par le souci d'établir une équivalence numérique entre la hiérarchie féminine aboutissant à la reine et la hiérarchie masculine aboutissant au roi.. Les glossateurs remarquent que le Tcheou li ne

donne de nombres que pour les 3 fou jeu xC A. et les 9 pin %^ ; ils concluent généralement que le nombre des autres femmes n'était point (ixe et que les chiffres donnés ici indiquent une espèce à'opti- mtini. Pour les douze premières femmes, ils en ex- pliquent le nombre par le fait que les femmes du mariage royal venaient de quatre états, et de cha- cun, selon la règle, par groupes de trois. Mais il y a une difflculté : la reine n'est pas comprise dans les/;/«et les /o?/ yen, et comme il faut la compter, on arrive au chiffre de treize femmes. Je pense qu'il faut admettre que, à l'organisation normale du harem royal, savoir une reine, ses trois suivantes, et leurs huit nièces ou sœurs cadettes, plus un nombre indéfini de femmes du palais, s'est substi- tuée une organisation d'ordre théorique (et, en fait, appliquée ou non) fondée sur la valeur du nombre trois et de ses multiples, 3, 9, 27, 8Lj

XLIV. Les érudils chinois se sont efforcés de reconsti- tuer les règles donnant l'ordre sehni lequel les femmes approchaient du mari dans les différentes sortes de ménages polygyniqucs. Il y a certainement une part d'ar- bitraire et de théorie dans ces reconstitutions ; elles ont au moins le mérite démontrer que pour les Chinois les rapports conjugaux doii'enlèlrr strictement réglementés {Comp. /'êtes et chansons, n"> XXXiX et LXVII.) Je réunis ici les com- mentaires les plus intéressants.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 39

Li Ki. Net Isa, Couv. I, p. G61. Une femme secondaire, même vieille, si elle n'a pas cinquante ans {époque théo- rique du retour d'âge en vertu de la théorie que la vie féminine est réglée par le nombre 7:7X7 =49 = 50) doit coucîier avec son mari une fois tous les cinq jours.

XLIV b. Tcliewy. Coucher avec le mari une fois tous

les cinq jours est un règlement propre la classe) des seio-neurs. Les seigneurs épousent neuf fejnmes. Les nièces et sœurs cadettes couchent avec le seigneur deux par deux, ce qui fait trois jours; puis viennent les deux suivantes, ce qui fait quatre jours; puis la femme princi- pale a sa nuit particulière # ^ , ce qui fait cinq jours. Le Fils du Ciel couche une fois tous les quinze jours {avec chacun de ses groupes de femmes.)

XLIV c. Tcheng {Glose au Tcheou li, V jL W.). A partir des neuf Pin {femmes de troisième rang) les lemmes du roi couchent avec lui neuf par neuf. Le règlement qui détermine l'ordre selon lequel les princesses couchent avec le roi, est fondé sur le fait que la lune est le symbole de la reine. Les femmes les moins nobles {vont coucher avec le roi) les premières {au début de la lunaison); puis

viennent les plus nobles. Les femmes du palais JK W qui sont Si {groupées en groupes de 9) ont 9 nuits pour elles ;

les femmes de quatrième rang Che fou W M qui sont 27

ont 3 nuits pour elles ; les neuf i'i/î % m. qui sont 9 ont une nuit pour elles ; les trois fou-jen ont une nuit pour elles ; et la reine une nuit : soit un tour de 15 jours : après la pleine lune {nuit réservée à la reine) on suit l'ordre inverse. {Dans les ménages seigneuriaux) la nièce et la cadette de la femme principale {qui forment l'un des groupes de deux) étant moins nobles que les deux sui- vantes {qui font un autre groupe) passent d'abord. Les

4

'|(l LA l'dl.VCYNIK SOROHALK

grands-ollifiers ont iino lemiiie et deux femmes secon- daires {cadette cl nièce) : pour elles le tour est de trois jours. Les Nobles ont une femme et une femme secon- daire [ordiiuiirement cadette de l'épouse), le tour est pour elles de deux jours. La femme secondaire ne doit pas empiéter sur le jour réservé à l'épouse ; quand c'est son tour, elle ne doit pas/prendre la nuit tout entière. Quand elle voit les étoiles, elle se retire. (Cf. Fêtes et chansons, la chanson des Petites Etoiles, LXVIl, p. 1V2).

III

LA SOCIÉTÉ CHINOISE DES TEMPS FÉODAUX

Les textes que j'ai rassemblés établissent de façon for- melle que la polygynie sororale était une coutume géné- ralement suivie, en fait, et obligatoire, en droit, dans la noblesse, à la période féodale de l'histoire chinoise, qu'on iKiimne d'ordinaire la période Tch'ouen Ts'ieou et qui correspond à la lin de la dynastie des Tcheou (1). Les laits que les chroniqueurs nous ont conservés sont assez nom- breux et assez explicites pour permettre une étude assez détaillée de l'usage ; mais ce n'est pas peut-être le plus grand intérêt de ces faits chinois: ils sont principalement précieux parce qu'ils donnent le moyen de considérer une instilution matrimoniale, connue jusqu'ici par des tloniu'fs illmoLrra|ihi(|ii('s un peu (rni^nu-ntaires, dans ses

(l) l'i'riiMli' l'iiiiiiiii' |.rii]ii|i.iiiiiiiiil par le Tsoiio l('<ioii:in, Irailiiit jiar '''BB'i •■' parlfii |iurlii-8 de l'Histoire <lr Sseii iiin Ts'ion roiiteiiuca d.iiis Ips vulliiiieii IV 1-1 V lie lii triuluction ilr M. Cli«v.iiiiie«.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 41

rapports avec un état défini de l'organisation familiale et sociale.

Je donnerai d'abord en raccourci les traits caractéris- tiques de cette organisation (1).

A l'époque féodale, le peuple chinois se divise en deux parts ; d'un côté la noblesse ou ce que les érudits indi- gènes appellent les familles distinguées !x ^ , de l'autre le peuple des campagnes, les familles de gens simples,

^ ^ , rustiques (2), ceux que les textes désignent le plus

souvent par l'expression X|^ /V Chou jen, la plèbe.

Les rites, dit le Kiu li (3), ne s'appliquent pas aux gens du peuple : en effet, les grands recueils rédigés par les ritualistes ne nous renseignent point sur les usages populaires, et nous ne posséderions sur eux que des indi- cations isolées si le Che Kine: ne nous avait conservé un ensemble important de vieilles chansons oii nombre de ces usages se sont inscrits.

(i) Aucune étude d'ensemble neu a été faite : les documents ne manquent pas, préparés par les traductions de Legge^ de Couvreur et surtout par celle de Sseu-ma Ts'ien et les notes dont M. Chavannes l'a enrichie. J'ai décrit le genre de vie et les usages populaires dans les Fêtes et chansons anciennes de la Chine, Une étude sur la Famille chi- noise des temps féodaux, que je publierai sous peu, renseignera sur les us.iges de la noblesse. Le tableau que je donne ici de la société à l'époque Tch'ouen Ts'ieou est tiré des conclusions m'ont conduit ces deux études.

(2) Ci. Ho Hieou (1 h). Cf. l'expression -m\ ,< ]e paysan » ; Fêtes et chansons, LXVI.

(3) Li Ki. Couvreur, I, 53 fe 'T* P Jttt /v ; L'opposition entre les usages nobles et plébéiens est bien marquée par Ho Hieou (I h). Le Po hout'ong (chapitre du mariage) note (et c'est un lait curieux et impor- tant) que les familles rustiques donnaient la préléience à la gauche parce qu'elles prenaient pour modèle l'ordre céleste, tandis que les familles

Jg ^ tt

distinguées, suivant l'ordre terrestre, préféraientla droite. ^. ^*- 1^

42 LA pnr.Yr.vME sororale

Les familles riisti(|iies habitaient la campagne 3?]" /V hors de l'inlUience du gouvernement étaljli dans les.

villes (1); elles y vivaient dans des villages enclos M. Li (2), réunissant toutes les maisons d'un groupe de personnes (3) dont la parenté était indiquée par un nom

d<! famille, Sing , propriété commune du groupe : il y a des chances (|ue ce nom de la famille fût celui du village familial (4). Unis par la communauté du nom, lien mystique qui leur a])[)araissait comme le signe

d"ime identité spécifique 1^ ^, les parents vivaient

dans une intimité complète de sentiments 1^ ^Li* et de

désirs 1^ /\i^ 5) ; ils formaient un groupe d'une solidarité si parfaite que leur parenté n'apparaissait point comme le résultat de liens personnels, mais quelle dérivait sim- plement (le la vie en commun ; c'était une parenté de groupe ne se distinguaient point des rapports définis; le langage n'éprouvait pas le besoin d'attribuer un nom particulier au père et un autre à l'onde ; le même mol suffisait pour la femme de celui-ci et pour la mère, de même qu'il n'en (allait qu'un pour désigner le fils et le neveu. La nomenclature de parenté n'avait à tenir compte (|ue des dill'érences de sexe, d'âge et de génération. Dans ce groupement strictement homogène, pas de hiérarchie ou presque ; les membres du groupe se classaient d'après

(i) Cf. Yi li. Glosts IriditioDiiellea du Clinpilre sur !<•» vêlements de deuil. Cf. Steele, II, p. nj.

(a) Cf. Fi'le.i et chansons. Cliauson .VI.. (3) Cf. Yi li. Sleele, II, p. 17.

f'i I-o bi>iiu-p,re du priiiri; Ilan, Kouci lou (le iiirc de Ki.\i.i, le rliel

.Ir h'oiici 'SîK) a aa rcuiduuce l.iniiliuli' hu vilhiRc (Li) de h',niei. Cf. X.WII, ver» 3 cl ,S. (S) Cf. Kouo vu. ïniii jn, IV, ',. Cf. le» joule», Fi'tc.i et ch,ins„ns.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 43

l'âge (1) M et le doyen '^ parlait au nom de tous. C'était par des repas de famille que s'entretenait le sens de la communauté domestique, qui semblait reposer, sur une identité substantielle, identité absolue entre deux parents de même génération (2); quand meurt le doyen d'une famille, s'il reste un membre de la génération du mort, il remplit à sa place les fonctions du disparu ; on ne peut pas dire qu'il lui succède ; il n'y a pas de succeission entre des

gens de même génération : ils se suppléent ^ par rang d'âge (3), trop indistincts entre eux pour que le passage de l'un à l'autre paraisse marquer un changement.

La solidarité indistincte qui unit les membres d'un groupe familial, se traduit d'abord dans ces manifestations de l'unité domestique que sont les repas communiels ou encore les réunions de toute la parenté à l'occasion d'une mort ; elle est surtout sensible dans ce fait que le groupe est absolument fermé ; même après qu'une organisation hiérarchique s'y fut développée, même après l'avènemen- d'une autorité familiale, de type seigneurial, et presque aussi forte que la romaine, jamais il ne fut possible au chef de famille d'introduire des éléments étrangers dans le corps domestique : pour perpétuer sa lignée, pour instituer un héritier du culte, il demeura toujours obligé de prendre son fils adoptif à l'intérieur du cercle familial (4). La vertu

(i) Être chassé d'une famille, perdre la qualité de parent se dit :

^"* Wi ne plus prendre sa place aux réunions familiales d'après son âge (m. à m. d'après ses dents). Cf. Li Ki. Yu tsao. Couvreur, I, 691.

. mm

(2) Les frères sont dits BH n'être qu'un seul et même corps : ou les compare aux quatre membres. Cf. Yi li, Steele, II, 17.

(3) Cf. Ho Hieou (I b).

(4) Cf. Yi li, Steele, II, pp. I2 et 19.

ïï LA POLYGVNIE SORORALE

caractéristique (I; d'wne famille ^, qui est le fondement de la parenté, est instransinissible, incommunicable.

Les groupes familiaux s'opposent fortement entre eux, au moins dans le cours ordinaire de la vie: pendant la bonne saison, les parents cultivent en commun le ciiamp domestique; pendant l'hiver, ils s'enferment tous dans le village familial. Mais le printemps et l'automne sont l'occasion de fêtes ils se réunissent avec leurs voisins. Dans ces rapprochements solennels, les groupes voisins, fermés d'ordinaire, séparés et hostiles, s'ouvrent brus- quement au sentiment inaccoutumé d'affinités qui les relient entre eux. Autant ils sont habituellement jaloux de leur indépendance, autant ils se sentent obligés, dans ces fêtes, à se fondre en une communion complète et pathé- tique; ces groupes, usuellement impénétrables, se mêlent alors de toute manière : par un système d'échanges pra- tiqués avec la plus large libéralité, ils épuisent toutes leurs ressources : ce qu'ils gardaient jalousement, ils le livrent à l'orgie commune, les proiluits de leur terre, les enfants de leur sang, .\ucun d'eux ne veut rien garder q^ui détruirait a son profit l'équilibre des forces tradition- nelles sur quoi repose l'alliance des groupes voisins, car, de cette alliance, tous ont alors le sentiment qu'elle est un bienfait suprême (2). Ainsi, grfice à des prestations

mutuelles de type exhaustif, des groupes locaux M. réus- sissaient à se constituer en une Communauté de pays H .

(i) C(. Koiio yu. Tsiu yu, IV, 4. I.'"-'* ani'clrt-s no iimugenl iiuc la ciii- ■ine du leurs desccDdants. Ce n'est que Lindivemeot, et à \i\ suite du déTi'lo|ipcineiit de» relnlioiia Ti^odalos, <]U0 les sei^noura ciivov<Teiil à de»

princes de auiii dill'érenl 1rs viaudos sacriliiïes aux ancilrc» -iX HW par les.jtielle» se roniiiiiiniqiiait le Konheur spi'-riiiqne d'une race, (a) Cf. /■VifS et chansons^ l.e rydime saisonnier.

ET LE SORORÂT DANS LA CHINe' FÉODALE

45

Dans l'intense émotion de leur rapprochement extraordi- naire, les groupes voisins arrivaient à sentir dans leurs différents génies spécifiques assez d'affinités pour les autoriser à s'envoyer mutuellement leurs filles comme épouses. Les Communautés de pays avaient pour fon- dement stable un système équilibré d'échanges matri- moniaux opérés en bloc ; elles rajeunissaient périodi- quement leur lorce par une célébration collective des

mariages.

Il semble que l'organisation des Communautés de pays ait été d'abord très simple: très peu nombreux étaient les groupes familiaux qui constituaient chacune d'elles, c'est- à-dire qui sentaient assez d'aifinités entre leurs génies spécifiques pour pouvoir s'unir par une alliance matrimo- niale : pour prendre femmes, le choix d'une famille déter- minée était limité à un petit nombre d'autres iamiUes (1). Il y a des raisons de croire qu'a l origine une Communauté ne comprenait que deux groupes familiaux échangeant entre eux leurs filles: celte hypothèse est la seule qui rende compte de la nomenclature de parenté chinoise, ou un seul mot suffit pour père et frère du père 3c , pour ™ère et sœur de la mère # , pour sœur du père et belle- (rà , pour frère de la mère et beau-père m , et

mère

Cf. SMT, IV, 4<i<>-

46 LA POLM.VNIK SOHORALE

dans la(nielle un homme ne distingue point entre son

prondre et le lîls de sa sœur ^ (l).

Pour résumer, la plèbe chinoise, telle qu'elle m'appa- raît, était organisée en Communautés de pays, et chaipie Communauté consistait en un couple de groupes locaux homogènes qui maintenaient entre eux un équilibre tra- ditionnel, grâce à des prestations mutuelles et pério- tli(iues de type exhaustif. La principale de ces presta- tions était celle qui fondait l'alliance matrimoniale, savoir un échange régulier de toutes les filles du groupe en âge d'être mariées.

Les érudits chinois ont bien marqué l'opposition des principes d'organisation de la société populaire et de la noblesse féodale : dans les groupes homogènes que forment les gens des campagnes, tout revient « à traiter

ses proches en proches (2) tBHi ivC » c'est-à-dire au senti- ment des liens domestiques. Ce (\u'\ caractérise, au contraire, la société noble, c'est le sentiment de la hiérar- chie J^ -©■ , la reconnaissance d'autorités constituées, dans l'ordre politique comme dans l'ordre familial.

La noblesse, ce sont les habitants des villes seigneu- riales (3), ceux qui se sont placés sous la recomman- dation d'un seigneur ^ . (|ui sont ses vassaux S , qui en ont reçu une investiture a]j , qui lui doivent l'hom- mage ^ , le service ^ «1 le i on><fil u , qui forment

(i) Chez les Toihis II- niari.ijri' nornial i-bI celui îles cousins (issus de fri-rea cl ilc sœurs) (miiriage de Miitchitiii. CA. Rivers, p. ftia sqq.) el ou.le pratique par *ch,iO)fe de frères et de sœurs. l!f. Ibtd p. .Svia et les exemple».

(a) et. Ho llirou I h).

(3) Yi II, Mecl., II. p. M, W èî C i

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 47

SOUS sa direction un groupe hiérarchisé, une cour. Le Seigneur est représentant d'une race sacrée, doLiée d'une

Vertu spécifique ?§, Îsl» qui l'habilite à exercer une

Influence souveraine tu sur un pays déterminé. Par une espèce de collégialité avec le lieu saint de son pays, le seigneur possède un pouvoir régulateur dont dérive une double autorité sur les hommes et sur les choses (1) ; en raison de ce pouvoir tutélaire par lequel il réussit à accorder le cours de la^ nature et les besoins humains, la terre est considérée comme son domaine et les hommes

comme ses vassaux ^ ^-tB ^ H- . U réunit une cour dans sa ville, à côté des temples il rend le culte qui entretient en lui les Vertus de sa race : ses vassaux l'assistent dans ce culte et participent avec lui à l'in- fluence bienfaisante qui en dérive ; ils y participent plus ou moins, selon l'étroitesse du lien vassalitique qui les unit au seigneur (2). Les fidèles immédiats, qui communient avec lui dans les banquets sacrificiels de la façon la plus directe, obtiennent de ce fait comme une délégation de sa puissance régulatrice : les grands-oifi-

ciers yC !7C reçoivent une portion du domaine seigneu- rial ; ils ont une terre et des vassaux ; ils sont seigneurs, mais à titre précaire, et, au moins théoriquement, à titre viager. Communiant moins directement avec les forces mystiques qui constituent le pouvoir du chef, les simples nobles ne reçoivent en principe qu'un fief de nature

mobilière If^ : il consiste essentiellement dans la nour- riture, principalement dans les viandes de sacrifice,

(i) Voir Fêles et chansons : Les lieux saiuts.

(2) Voir au Li ?vi, Tsi t oug Couvreur, Il p. Sag sqq. le récit de l.i comniuuioi) vassalitique qui suit un sacrifice.

4rt LA POLYtiVME ï^OliOHALE

qu'ils reçoivent du seigneur. Us n'ont point droit à pos- séder un domaine ou des vassaux [)r()jirement dits; mais ils sont revêtus d'un caractère auguste qui leur permet d'avoir, dans leur propre famille, figure de seigneurs.

La (àmille noble, comme la société, est de forme hiérarchique ; elle est caractérisée par l'existence d'une

autorité domestique-^ . Cette autorité appartient au repré- sentant de la droite lignée par primogéniture. Le chel

de famille "^ J est, avant tout, le chef du culte des Ancêtres ; grfice à ce culte qui le fait étroitement partici- per aux vertus anceslrales, il apparaît comme l'incarna- tion directe et véritable jt na. (1) des ancêtres; il reçoit d'eux [)ar délégation on l'autorité qu'il exerce sur la

j p ^

parenté ^. Comme pour les vassaux, par l'ellet de la communion, cette autorité descend aux chefs des lignées

collatérales ■^i^ i}< , et jus(|u'au père de famille ijui, s'il est lils aîné, est le seigneur, ;iu sens propre, de ses fils, de ses neveux et de ses cadets. La famille noble est un groupement féodal composé de sous-groupes de vassaux dont les chefs obéissent tous au seigneur commun, le chef de famille. Dans une telle famille, oii existe une autorité, il y a lieu à succession: celle-ci se fait, non [)oinl d'après l'âge, en épuisant chaque génération, mais dans chaque souche ("2) : le fîls aîné succède au pouvoir sei- gneurial du père, car il est chef <lu culte de son père défunt (3).

{,) Yi li, Sl.yle, 11, p. II.

(•;!) Mo IIIloii ! /<). '

(3) Yi li, Stvtk-, II, |i. II). I,,i fainille noble est pMsoiiliellenicnt ngon- liquc. Il va est iiulrvnicul do la rniiiille pléhëioiine ; je lrr*i la preuve (^Famille chinoise, ch. VII) que celle-ci fui d'aboril régie par un «ymèmi

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 49

Dans les villes seigneuriales, les familles nobles sont rapprochées en une unité politique de forme plus complexe que n'est le groupement constitué par une Communauté plébéienne. Le rang qu'occupe leur chef dans la hiérarchie vassalitique détermine d'abord leurs rapports avec la famille seigneuriale. Ces rapports sont définis par un protocole minutieusement réglé, que nous connaissons surtout en ce qui concerne le deuil. Le principe de ce protocole est de conserver les distances hiérarchiques grâce à un système de prestations alterna- tives réglées; la largesse (1) seigneuriale s'étend, confor- mément à ce protocole, à toutes les familles vassales ; sous forme d'hommages et de tributs, ses bienfaits pré- caires retournent ensuite au seigneur. D'autre part, entre les familles de même rang, un autre système de prestations alternatives, que régie aussi le protocole, permet d'obtenir un état d'équilibre. Les familles de même classe nobiliaire sont unies entre elles par des liens analogues à ceux qui rapprochent les familles accouplées d'une Communauté plébéienne; seulement, la valeur des prestations qui servent à obtenir le rapproche- ment n'est plus déterminée par le désir d'épuiser tous

de fîtiation utérine. A l'époque elle coexiste avec une famille noble, elle n'a point encore pris le type agnalique : Les campagnards, disent les éi'udits, ne distinguent point entre leur mère et leur père : il est clair que dans le système des communautés-couples de deux laniilles, l(^s rapports, pour être de nature diverse, ne sont pas moins étroits entre le neveu-gendre et le beau-pcre-oncle maternel qu'entre le fils et le père. Noter le rôle joué encore aujourd hui, surtout dans les familles du peuple par le beau-père et l'oncle maternel.

(i) Voir au Tsi T'oug. Li Ki Couv. II, pp. 33i et 34i l'analyse des

notions de largesse et de bienfaisance seigneuriales ^li»» ut I^F , et de

la règle interdisant d'accaparer ^^ >M . Voir Fêles et chansaiis . Le rythme saisonnier et Famille chinoise, ch, IV.

50 LA l'OLVr.YNlE SOHORAtK

les moyens possibles d'union ; elle est réglée eu égard au statut nobiliaire de chaque famille : à chaque classe conviennent des prestations définies.

Les dilTérentes familles seigneuriales forment une

confédération (1) placée sous la suzeraineté du Roi i, du

Fils du Ciel JZ TT ; certaines qui sont de même nom 1^

m ^ IS se considèrent comme les branches d'un môme tronc : les rapports d'ordre politique qui sont établis entre elles sont réglés d'après les principes du droit domestique; par exemple, de même que les parents s'in- terdisent toute vendetta, les seigneuries de même nom ne doivent point se faire la guerre. Pour celles qui sont de nom différent, leurs relations ressemblent à celles des familles antithétiques des Communautés plébéiennes; les échanges matrimoniaux leur semblent le plus efficace moyen d'atténuer leur antagonisme foncier, et le prin- cipe premier de toute alliance. Certaines ont entre elles une affinité plus sensible et forment des couples tradi- tionnellement unis par l'alliance matrimoniale ; même quand elles sont d'un éclectisme plus marqué, toutes considèrent comme une faut,e de ne point rester fidèles à leurs anciennes relations : elles ont comme idéal une certaine stabilité fondée sur la pratique continue des mêmes systèmes d'alliance (2). C'est uniquement dans la classe des seigneurs (jue semblent avoir une force véri- table ces groupements de familles attestés par une tra- dition suivie d'intermariages (3) : dans la Confédéra-

(i| Coarédci.ilKin rhiiioisc ost le sens qu'il laul iloimcr à T^ K Cliinc, aoiiri-iil Inidiiii par li' roviiiiiDi- on les royaiiines Ju luili.u. (•j) Voir Kimo jii. r<'lieuu vu, II, l. (!) Cf. .s.MT. IV. f.._i„s.

ET LE SOROKAT DANS LA CHINE FÉODALE 51

tion chinoise f , les familles seigneuriales retrou- vaient en effet une unité analogue à celle qui réunis- sait en Communautés locales les familles plébéiennes. Les familles de simple noblesse (1), au contraire, dont les chefs étaient attachés par une inféodation à une race seigneuriale, ne pouvaient posséder, à l'intérieur d'un groupe féodal, assez d'indépendance pour obtenir de former, grâce à des alliances matrimoniales stables et définitives, des groupements dont la puissance eût fait obstacle à l'exercice du pou-voir seigneurial; seul, le lien qui attache le vassal au suzerain étant absolu, les familles ne pouvaient se lier entre elles par des liens d'interdépendance complète, pas plus qu'un fils de famille, dès qu'existe une autorité domestique, n'est laissé libre de contracter des amitiés qui l'engagent jusqu'à la mort (2).

IV

LA POLYGYNJE DANS LA NOBLESSE FÉODALE

Les érudits chinois qui se sont occupés des institutions matrimoniales, ont analysé les principes de droit qui leur semblaient les fondements des usages polygyniques.

(i) Le seigneur doit être averti du mariage du vassal. Cf. Li Ki. Cou- vreur, 1, p. 3i.

(2) Uu fils soumis au pouvoir paternel ne peut s'engager dans une

amitié à mort. -^ BT ^ AÏX yt Cf. Li Ki. Couvreur, I, p. 14 : C'eût été contraire au principe que le père -est l'autorité non seulement

35 ]gr . . . =1r

suprême ^t. -^- , mais unique, tel le ciel ^v . Le seigneur est aussi

le ciel yV du vassal. Cf. Yi li, gloses aux textes sur le deuil pour le père et le seigneur : Steele, H, p. ii.

;;2 LA POLYGYNIE SOnOKALE

Ils ont eu a cœur de justifier ces usages : ils les pré- sentent comme établis délibérément par le législateur et conformément au plan d'organisation de la société fV'odale. Leurs conceptions sont dominées par l'idée que la durée, pendant laquelle le pouvoir appartient a une

race, manifeste la légitimité de ce pouvoir a(j ; cette durée dépend d'une force particulière à chaque famille,

le HÎM Bonheur idiosyncrasique propre à une lignée. Qui mérite d'être un chef, possède ce Bonheur et, par même, est assuré de posséder une longue descendance. En vertu de cette théorie, toutes les règles matrimoniales apparaissent aux annotateurs comme des règles élaborées pour <jue les mariages donnent de nombreux enfants (1). Je montrerai plus loin que la polygynie, telle que la pratiquaient les différentes classes de la Noblesse, dérive d'usages anciens et populaires adaptés aux conditions nouvelles de la Société féodale. Je ne puis donc y voir, comme les auteurs chinois, une invention législative. Mais les analyses qu'ils en ont données ont au moins un mérite ; c'est de rappeler ce fait essentiel : aux temps anciens de la Chine, le mariage était considéré comme 1 acte fondamental non pas tant de la vie |)rivée que de la vie publicjue, ou, pour mieux dire et seulement traduire une formule alors admise, les alliances matrimoniales étaient considérées comme les degrés p ir lesquels péné- traient clans une Maison seigneuriale le Bonheur ou le

Malheur if 'M Wi ilîM ^ ^ (2). On va voir en cllel que c'est bien de ce point ije vue (jue l'on peut comprendre l'usage féodal de la polygj'nie.

(l)\"irji.ir c». iii|j1c le» .iii.ily>cs plari loin rili'fs .lu l'o lioii long, rliap. .Muriii^o.

(a) Kouo )ii. 'l'clirou vu, i' «lise.

j:t le sororat dans la chine féodale 53

La polygynie, pratiquée dans la Noblesse, y était régle- mentée par deux règles antithétiques que j'étudierai l'une après l'autre : Un noble, à son mariage, ne devait prendre femmes que dans une famille et il était plus ou moins strictement obligé de ne se marier qu'une fois. Inverse- ment, la famille il prenait femmes était tenue de lui fournir d'un coup un nombre d'épouses déterminé par son rang nobiliaire.

Toutes les femmes qu'un noble, d'après son rang pouvait épouser par un mariage, il devait les prendre

dans une même famille, N ; un noble ordinaire ou un grand-officier les prenait dans une même maison ^, dans une seule branche familiale ; pour un seigneur fieffé, elles venaient de trois seigneuries, c'est-à-dire de trois

branches familiales distinctes yC , mais rameaux d'une même famille : dans tous les cas, c'était une rèerle

absolue qu'elles portassent le même nom X't , signe véri- table de la parenté.

Les manquements à cette règle étaient l'objet d'un blâme sévère : ils méritaient d'être inscrits dans les Annales au même titre que les violations de la loi d'exogamie. Le Tch'ouen Ts'ieou, par exemple, en cite deux cas, et dans les deux cas, les annotateurs remarquent que le faitétait con- traire aux Rites (1). Ils le remarquent même à l'occasion du mariage de Po Ki, princesse de Lou, dont ils font^ par ailleurs, ressortir la réputation de Vertu et dont la mémoire leur semblait mériter d'être gardée de toute tache (2). Ainsi, même dans une époque troublée et souvent appelée période d'anarchie, ces défaillances ne paraissent

(i) Cf. III (III i et III /;) et V. (2) et. III.

54 LA POLVGYNIE SORORALE

|)as avoir élé très fréquentes. Si l'on relève dans les Mémoires historiques de Sseu-nia Ts'ien le nom des femmes épousées par les seigneurs dont 1 histoire y est contée, on voit sans doute de temps à autre figurer dans le même gynécée des princesses de nom de famille diffé- rent. Au reste, tant la chose paraissait blâmable j"ai l'impression qu'on essayait de la dissimuler : on sait que d'assez bonne heure (c'est une pratique constante dans le Kou lie niu Ichouan), on prit l'habitude de faire figurer dans la désignation des princesses, à la place de leur nom de famille, employé d'abord précisément pour montrer que le mariage était régulier, le nom de famille

de la maison royale Ivi Wf-, employé, dit-on, à titre d'hon- neur. Or, dans la lisle des femmes du duc Houan de Ts'i,

(jui s'était manifestement marié dans la famille Ki SjÈ , figure une princesse que d'après la vieille règle on eût du appeler Siu Ying mais qu'on appelle justement Siu

Ki SIS ^1), comme si elle appartenait, elle aussi, a la famille Ki; au reste, quand un gynécée renferme des femmes de nom différent, on peut constater, presque toujours, (ju'clles ne proviennent pas du même mariage : le sei- gneur — ceci est un manquement à une autre règle qu'on étudiera tout à l'heure ne s'est point contenté d'une seule alliance matrimoniale; il est d'ailleurs reinar(]uable que, dans beaucoup lie cas de ce genre, le deu.xicme mariage a été contracté avec des barbares (2). Notons en

(0X1.

(a) SMT, lY, |i. t!S, lu Mi^iirm iii,iri(- a l.oii ^iiom Ki Ifîp) se ni;irir «■nrorc clifi Itrs .loiif;; los Jonj; s'étnieut vu nflVcler, [jn-ciR^iiicnl pour

ri^({liT le» illiaiiroo nmlriinoninleR: le nuni Ki >lpi . SMT, IV. p. aSg ; II- iliu- IliiMi ili' 'r»iii, iii.irii' à Ts'i (iioiii Kixii;.'), ôpoutit' eu oiilro deux l>arli«rr* 'l'i.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 55

outre que, lorsqu'on mentionne de telles unions, c'est pour expliquer des troubles qui ont amené les seigneuries près de leur ruine. Celle-ci manque d'arriver à la suite de querelles de succession l'on voit les fils des prin- cesses de nom différent se disputer l'héritage paternel, soutenus chacun par la famille de leur mère (1).

D'après les auteurs chinois, les législateurs avaient interdit de prendre femmes dans des familles diffé- rentes afin d'éviter les querelles de gynécée (2). Seules des femmes unies par des liens de parenté ne pouvaient

pas être divisées par la jalousie W: ¥S . La jalousie, selon eux, est la principale des causes qui affaiblissent les états. Ils l'expliquent ainsi : une princesse jalouse s'efforce de garder pour elle seule les faveurs de son époux (3); elle cherche à écarter les autres femmes du lit seigneurial. Une princesse digne de ce nom, au contraire, telle par exemple que T'ai Sseu, la femme du roi Wen, fondateur de la dynastie Tcheou, permet à toutes les autres épouses d'approcher du seigneur conformément à l'ordre établi par les Rites (4). Aussitôt une jiombreuse descendance, cent fils dit-on, vient rendre manifeste le Bonheur qui fait que la race des Tcheou mérite de régner et la lignée princière apparaît indestructible, à l'égal d'une ra(;e de sauterelles, seuls animaux qui ne connaissent point la jalousie (5).

(i) Voir XI et tout au long dans SMT, IV, p. Sg, sqq. l'histoire de la succession du duc Houan de Ts'i.

(2) Cf. IV /;.

(3) Voir dans le Che King les préfaces des chansons du Tcheou nan et du Chao nan. Voir en particulier dans Fêtes et chansons les n"' VI, LVI.

(4) Cf. Fêtes et clmnsons, XXXIX et LVI et les textes groupés dans la présente otude^ in X.\^l\ .

(5) C(. Sauterelles ailées. Fêtes et chansons^ u" VI.

Ob LA POLYiiYMK POROIULK

L'iiisloire l«o<lale montre que bien souvent, contraire- ment aux théories des j^lossateurs, les troubles dynas- li([Uos sortaient des (|uerelles d'enfants trop immljreux; mais elle montre surtout que ces querelles prenaient plus de gravité lorsque des familles maternelles diffé- rentes soutenaient la lause des frères ennemis. On peut dès lors se demander si l'interdiction d'épouser des femmes de familles différentes n'était pas une simple conséquence de cette règle fondamentale de la société chinoise : Xe pas chercher à sortir d'un système consacré d'alliances, se borner, par des intermaria<j;es, à conserver des relations éprouvées (1), ne point cherciier, en un mot, à compliquer par des innovations dangereuses les grou- pements traditionnels de familles. Celte induction paraîtra sans doute plus légitime si l'on considère que l'obligation de n'épouher que des femmes dune même faniill e se doublait de l'obligation de ne se marier qu'une seule fois.

A première vue, la règle (jui imposait de ne se marier qu'une fois contraste avec limage qui dotait i'ha(|ue .Noble d'uni' pluralité d'épouses et qui l'autorisait en outre à

acheter des concubines jP[ ^- ; mariage uiiique et harem nomijreux, voilà qui peut étonner, surtout quand on sait que les auteurs chinois voient dans l'interdiction des secondes noces une mesure législative adoptée pour

réfréner le goût de la débauche (2), ' ^- 'f^ . K^ i^ i%

tE» . Mais il est facile de comprendre à (|u<ii répond leur idée. Des concubines achetées sont des femmes sans statut juridi<|ue, sans importance et sans relations; ; si l'une d'elles devient une favorite, sans doute elle peut exereor sur le

(i) (.(. l'rli-i ,1 chiiiiaiirii^ I.F« joiilea. Voir Koito yii, T»in jii. {■») Poitou l'oiig, M.iriu){r. ("f. IV /.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 37

seigweur une influence pernicieuse ; mais^cetle influence a des chances de rester sans grande conséquence, parce que la concubine n'a point derrière elle toute une parenté pjur la soutenir. Entre les femmes épousées en un seul mariage, il y a un ordre de préséance établi dès avant les noces et que le mariage confirme; d'où la possibilité d'une discipline qui est un obstacle à l'influence exagérée que sa beauté pourrait procurer à l'une d'elles : mais surtout, toules étant de même famille, toutes représentant les mêmes intérêts extérieurs, les rivalités qui peuvent surgir entre elles ne sauraient être des facteurs d'anarchie, car ils n'ont point pour retentissement des conflits entre familles. Au contraire, un deuxième mariage peut être l'origine des troubles les plus graves ; il peut l'être même s'il est contracté dans la même famille que le premier : car il est difficile d'établir une hiérarchie entre les femmes épousées en deux fois; entre elles, comme entre leurs enfants, se posent des questions de préséance, d'où peuvent résulter de terribles conflits (1). Mais,-si le '^deuxième mariage amène à faire jouer dans la politique du pays une deuxième influence familiale, il risque encore plus d'entraîner les pires désordres; la rivalité des épouses met leur parenté en état de çruerre : il en est ainsi chez le vulu^aire. Les complaintes des femmes délaissées au profit d'une nou- velle épousée nous parlent toujours de l'intervention des

(i) Les troubles du pays de Lou racontés au début du Tsouo Tchouan proviennent d'un deuxième mariage, conclu coptrairement aux règles et pour des raisops exceptionnelles, savoir un prodige. Le duc Houei de Lou, déjà marié à Song (nom Tseu) et ayant de son premier mariage un fils destiné à lui succédel*, épouse encore à Song une princesse qui lui donne un autre fils : d'où les troubles qui divisèrent Lou entre les ducs Yin et Houan. On peut voir, d'après les gloses, que la question juridique était délicate : les auteurs chinois hésitent pour savoir lequel des deux ducs était appelé par le droit à prendre le pouvoir.

58 LA FOLYGYKIE SCRORALE

frères (1). Cette intervention, quand il s'agit de princes, c'est un conflit entre seigneuries, c'est le mariage qui cesse d't^tre un principe d'alliance, favorable à tout un pays, pour devenir l'occasion d'une vendetta qui met deux peujiles sous les armes (2). Interdire à un prince de se marier plus dune fois, ce n'est pas tatit lui interdire les l'anlaisies de la passion, que des concubines peuvent satisfaire, qu'empôi:her les conséquences néfastes de son goût, s'il voulait se manifester en caprices matrimo- niaux.

Ne se marier qu'une fois est une règle stricte : elle ne veut pas seulement dire que, tant que vivent les femmes que l'on a d'abord épousées, on n'a point Je droit de se marier à nouveau ; elle ordonne que l'on ne se marie

(ju'une fois dans sa vie (3), ' ^ tfll tL . L'avenir matri- monial d'un homme est circonscrit une fois pour toutes par son mariage: par lui, il contracte une alliance unique, et c'est assez. On voit aisément que cette prescription est conforme au désir de conserver quelque stabilité aux groupements de familles seigneuriales qui sont le fonde- ment de la politique féodale. Aussi, jiaur les seij^neurs, cette règle est-elle impérieuse (4).

Elle l'est moins pour les autres nobles. Sans doute l'usage veut que l'on considère avec défaveur les seconds mariages : c'est un iiiallieur que d'y être réduit (5). ICncore y a-t-il un cas l'on y est obligé, et ce cas est

(i) C(. <>lic Kiiig, l'ci foiiK Couv. p. .'|o. Nouvelle épousée ^yT ?*H etprcttion qui indique une dcuxionu- .illlaucc m.itriuiouialo. Voir encore iliid., (17, el Pi'te.1 et chansons, l.XVI.

(i) Cf. SMT, IV, r.j.

(3) f u liou t'oug, Mari.ige.

(0 l'o I...U |-..„K. .M.-,ri»Ke A H* S ^ ^ ^ .

(S). Voir II Ki ('iimriiir I |,|. ,., .•

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 59

instructif. La vie sexuelle d'un homme se termine, disent les rites, à soixante-dix ans (1). C'est aussi l'époque de la retraite, tant pour la vie publique (2) que pour la vie familiale : un homme de soixante-dix ans ne doit plus se marier (3) et à plus forte raison se remarier, sauf au cas

il est chef de famille et chef de culte iif^ "T* et il n'a point d'héritier à qui il puisse transmettre ses fonctions. Alors il peut et il doit prendre une femme (4), car un chef de culte a besoin, absolument, pour exercer son sacerdoce de la collaboration d'une femme qui préside à ses côtés

aux cérémonies cultuelles 3E îiW .

Dans la famille des temps féodaux, le mariage a moins pour but de permettre à la race de'se perpétuer que de fournir au mari une collaboratrice indispensable dans le service du culte ancestral. Quand on prend femme, c'est de cette nécessité l'on est d'avoir une collaboratrice au sacerdoce que l'on s'autorise pour obtenir d'une famille qu'elle donne un de ses enfants (5). Quand on répudie une épouse, c'est en prétextant une incapacité de collaborer avec elle dans les fonctions sacerdotales que l'on espère faire accepter son renvoi à sa famille natale (6). D'où vient la nécessité de cette collaboration, indispensable au point de rendre légitime un manquement à la règle qui interdit

i) La vie masculine esl réglée par le chiffre 8 : première dentition 8 mois, deuxième Sans, puberté i6 ans (8X2), fin de la vie sexuelle 70 ans (8 X 8= arrondis 70). Cf. Li ki, Nei tsô. Couvreur, I, p. 661,

gloses de Tcheng. Chouo wen ui et Houang li Nei King, ch. I.

(2) Cf. Li Ki, Couvreur, I, pp. 3i5, 3i6 et 65i.

(3) Voir SMÏ, V, 287, les discussions relatives au mariage du père de Confucius.

(4) Li Ki, Couvreur, 1, p. 4<8.

(5) Cf. Li Ki, Couvreur, I, p. 6ofi.

(6) Cf. Li Ki, Couvreur, II, p. 197.

GO LA POLYGYNIE SOItOHALE

les set-onds mariages, comme à celle qui défend les niariaj^es lanlifs"

D'après k's ailleurs ( liinois, les cérémonies du temple ancestral niellent en évidence deux principes antithétiques et solidaires (1). Liin est celui de cette collaboration

indispensable des époux yC Sw ^ ^ , l'autre est celui

qui contraint les époux à vivre strictement séparés yC îm

^ ^U . Ce deuxième principe n'est pas autre chose que l'application au ménage d'une règle générale qui prescrit

la séparation des sexes ^ 3C ^ SU . C'est de celte règle que les Chinois l'ont dériver l'obligation exogamique.

Pour manifester de façon éclatante le principe de la séparation des sexes, fondement de toute l'organisation sociale, il faut ne point prendre femmes parmi ses parentes; le mariage unit des personnes étrangères. 11 ne les raj)pro'-he pas au point de supprimer leur antagonisme

fondamental; les époux ne forment qu'un corps 'Wâ mais composé de parties qui, pour être étroitement unies, n'en sont pas moins foncièrement antithétiques (2). Pour maintenir ensemble les parties adverses qui lormenl un nu-nage, il ne faut rien de moins <|ue la pratique cons- tante d'observances dont la rigueur s'atténue au terme de la vie sexuelle (3) et (|ui ne prennent véritablement fin qu'à la mort (4), Iors(|ue les éponx forment un couple ances- tral (5). Celle série d'observances commence avec lescéré-

(i) lliid.. Il, pp. 645 »i 3as.

(a) Yi li, <lloso8 au cliap. du deuil, tSleolc, II, p. 17.

(î) Cf. Li Ki, Nci Isô, Couvreur, 1, p. O60. Ce terme arrive quand la friiiiiie n fio 1111», le mari 70, c'esl-à-ilire au moment oïl ce dernier prend *a retraite et attandonno le sncerdoee dea ancêtres à son successeur,

(\) Clie King, t;onvreur, p. 83. Voir FiUe* et chansotir, u" Xl.lll.

(ft) (irace aiix-ilf ilT . Cf. l.i Ki, Couvreur, I, |ip. i3a, 7fio, 71)7 .t

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉOnALE 61

monies du mariage; pour que toute la chaîne, qu'elles constituent, conduise à une bonne fin, il importe que le début en soit régulier. L'accoutumance conjugale néces- saire à la collaboration des époux, même si le ménage s'efforce de l'obtenir par les rites appropriés, ne sera jamais parfaite si les époux n'ont pas été appariés confor- mément aux règles prescrites. L'une des plus importantes est celle qui ordonne de se marier à un âge déterminé. Il n'y a de couple conjugal digne du sacerdoce jumelle qui lui incombe, que celui dont le mariage s'est fait, selon les coutumes féodales, quand l'homme avait trente ans et la femme vingt (1). On voit que c'est seulement une fois dans sa vie qu'un homme peut se marier de façon à fournir aux ancêtres la servante qu'ils exigent : un seigneur, pour qui le culte ancestral a plus d'importance que pour personne, ne peut donc contracter qu'un seul mariage valable, le premier.

Mais, pourquoi la collaboration d'une épouse est-elle nécessaire dans le service du temple? Les règles de l'organisation du culte dérivent presque toutes d'une certaine disposition du temple ancestral. Les tablettes des ancêtres auxquels se rend le culte sont classées par géné- rations alternées, celle du père et du bisaieul étant d'un côté de l'édifice, celles du grand père et du trisaïeul de 1 autre. Cette disposition, que les textes appellent l'ordre

lio ^ du temple ancestral. implique que la parenté est répartie en deux groupes, les membres de deux géné- rations successives ne faisant jamais partie du même groupe ; elle s'explique par un état ancien de la famille

(i) Cf. Li Ki, Couvreur, I, p. i8. Voir Granet, Jnciennes coutumes matrimoniales iu T'om«^' />«o, XIII, p. 5^r et Fctes e.l chanxons, n"" I, XXII.

02 LA POLYOYNIE SORORALE

chinoise (1) dans lequel, par un effet delà filiation utérine, le fils ne pouvait se trouver dans le m{*me groupe que son père, tandis que le petit-fils ét;iit nécessairement du nit^iiie {groupe que son grand-père paternel, le mariage se faisant obligatoirement entre cousins issus de frères et de sœurs. Il en résulte quun homme n'eat point qualifié pour rendre à lui seul les honneurs cultuels à tous ses ancêtres ; il ne peut les adresser valablement qu'à son grand-père et à sou trisaïeul, car il est du même côté de la parenté qu'eux- mêmes : mais, si son mariage est normal, si sa femme est la fille de la sœur de son père, celte femme (qui fait néces- sairement partie du même groupe que son oncle maternel

•^ , savoir son beau-père) est parfaitement qualifiée pour le sacerdoce du culte du père et du bisaïeul. Et l'on voit (|u<* la collaboration sacerdotale des époux est en effet obligatoire parce qu'elle dérive, comme les auteurs chi- nois en conservaient la tradition, des prescriptions an- ciennes relatives à l'exogamie, conséquences elles-mêmes de la règle ordonnant la séparation des sexes. On voit aussi que, pour obtenir que la femme fût une véritable collaboratrice, il fallait qu'elle appartînt à la même géné- ration que son mari. D l'obligation de se marier à âge fixe, qui revient à exiger que les époux soient de la même pron-.olion (2), d'où le mépris des unions dispropor- tionnées (.'3), d'où la prohibition du mariage, quand, deux familles étant ilêjà unies par une allian<'e matrimoniale, la

(i) On voudra bien .idnieltre provisoirement l'explicntion que j'indique ici it graniU traits : elle ser» jiistinëe diuis le clmp. VI de l.a FuiniUr ehiiioi»e de* temps féodaux,

(•i) C'est-à-dire que l'époux et l'épouse .lienl rec;» en même temps lo bonnet Tinl et ri''piu){le de l*le, signen tie la majorité.

(î) tjualifit'es d'uiiioni (auTa^eii : »-V O , Voir SMT. V, 287, les lioleii de M, (^liaViiiiiic'A niir le iii.ii I.il;<' 'lu prre de Ouiifueius,

ET LS SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 63

femme et celui qu'elle épouserait se trouvent classés, du fait de l'alliance établie, dans des générations diffé- rentes (1).

Ainsi les règles qui exigent que l'on se marie à l'âo-e requis et une seule fois dans sa vie, de façon à obtenir de sa femme l'aide cultuelle dont on a besoin, se rattachent à d'anciens usages grâce auxquels un certain état d'équilibre traditionnel était assuré, dans les communautés locales, parla régularité des échanges matrimoniaux. J'en conclus que, si les nobles de l'époque féodale étaient obligés de prendre femmes dans une seule famille et une fois pour toutes, cette règle avait pour fonction de circonscrire dès l'origine leur avenir matrimonial et de donner par quelque stabilité aux groupements d'alliances qui for- maient le fondement de la confédération chinoise. Et si, précisément, cette double règle n'est demeurée stricte, dans ses deux parties, que pour les seigneurs seulement, c'estque, pour les autres classes de la noblesse, la stabilité des alliances matrimoniales, loin d'aider à léquilibre général, eût fait obstacle à l'exercice de la toute puissance seigneuriale.

Celui qui s'engage une fois pour toutes dans une alliance matrimoniale avec une famille unique ne serait point payé de retour, si cette famille ne se donnait pas à l'alliance intégralement. Ainsi s'explique l'obligation celle-ci se trouve de donner comme épouses non pas une mais autant de femmes que l'exige le rang de son. gendre ; car c'est d'après lui que se mesure l'importance de l'al- liance offerte,

(i) Voir P. Hoang, Le Mariage chinois, p. (îg (uote) et rapprocher les

développements consacrés à l'ordre flO '^^ dans le Li Ki, Couvreur, I> PP- 779> 7''^° ^l dans la glose au chapitre du deuil du Yi li Steele, II, P- 29-

(•,4 LA l'OLYCYNIE SOHORALE

Un nol)le recevait en mariage un lot de femmes suffisant pour qu'il lût assuré de toujours fournir une servante a ses ancêtres. 11 les épousait en une fois, par le même contrat et dans une cérémonie unique; il les épousait toutes ensemble (1) mais contractait avec chacune d'elles un lien particulier selon la hiérarchie qui existait natu- rellement entre elles d'après leur naissance. L'aînée

devenait la femme principale ^ffq ; épousée par un seigneur

elle avait seule le rangde princesse tC yV . C'est que, dès la cérémonie du mariage, elle était placée sur le même rang (|ue son mari. .\u repas des noces, l'époux et sa femme ainée se placent côte à côte, mangent ensemble des mets servis par deux ou par moitiés, font un nombre égal de libations et boivent dans une même calebasse divisée en deux parties égales (2). Les autres femmes n'ont pas le droit de manger avec leur seigneur, elles ne communient point avec lui sur un pied d'égalité, elles mangent ses restes, comme fait un vassal (3). Cette communion, plus ou moins complète, se renouvelle, avec les mômes dill'é- rences hiérarchiques, après un accouchement, avant que le mari rejjrenne des relations sexuelles avec l'épouse déli- vrée (4). Par ces rapprochements substantiels, toutes les femmes obtiennent le droit de venir [)artager le lit du sei-

(i) Il IcK opouse toutes l'useiuble et par un coutr.it unique : de nièuie, k'il Ic8 répudie, c'est aussi toutes à lu fois. Voir X : Un mari répudie par politique toutes les femmes épousées dnus uu premier mariage, bien •|u'il ait de l'amour pour la cailetle de l.i pre'miérc épouse ; par poli- tique Fucorv, il se remarie, puis, par amour, repreud la cadette : il est alors accusé de bigamie.

(a) iJe petits détails rituels et l'ordre des actes de la cérémonie indiqui-nt seul» que le ui.iri a l.i préséance. Voir Yi II, .Mariajje, et I.i Ki, llouen yi.

(■J) Cf XWVII.

(^) I.i Ki, Couvriiir. I, pp. (liiM et li^o.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 65

gneur; elles n'y vont pas toutes avec la même pompe, les cadettes moins souvent que l'aînée et sans jamais rester auprès de lui une nuit tout entière (1). Une fois rappro- chées de l'époux par les rites nuptiaux, toutes pénètrent dans sa famille ; toutes sont présentées aux beaux-parents ; sans doute la première épouse joue le rôle principal ; elle fait l'offrande au beau-père et à la belle-mère et elle mange la première les restes ; mais les autres en mangent à leur tour et toutes, selon leur rang, reçoivent des parents du mari, une coupe de liqueur, signe qu'ils les recon- naissent comme brus, témoignage qu'elles sont dès lors considérées comme appelées à succéder éventuellement à leur belle-mère dans ses fonctions de maîtresse de mai- son (2). Enfin toutes sont admises à collaborer au culte ancestral, l'épouse principale pour y présider à côté du mari, les autres pour aider leur aînée, de la même façon que les frères cadets viennent, en ce cas, aider le chef de famille (3).

Ni les ancêtres, ni les beaux-parents, ni le mari ne se voient privés d'une servante d'une auxiliaire indispen- sable, si l'épouse vient à mourir : celle de ses suivantes qui vient immédiatement après elle en dignité, est toute

prête pour la suppléer. La suppléante ijm M (4) remplit à

(i) Pètes et chansons, LXVII. Cf. les textes rassemblés au n" XLIV part. XLIV, b. '

(2) Yi li. Mariage ; Rapprocher l'octroi de cette coupe de liqueur d'un geste rituel identique fait par le père à la cérémonie de majorité de son fils. Cf. Yi li, Majorité et Li Ki, Kouan yi.

(3) Cf. Fêtes et chansons, a" LVI.

(4) Femme qui succède dans la chambre conjugale : comparer les expressions modernes employées pour désigner la femme épousée en secondes noces. Cf. p. 6, n" 3. Une des explications données par les Chinois de l'interdiction des secondes noces est qu'elle est fondée sur le droit des suivantes à suppléer leur aînée : On ne se remarie pas, pour

ouvrir un chemin, un avenir, aux Suivantes \)rj ri^ IPn .

66 LA POLYGYNIE SOROIIALE

la place de la défunte toutes les fonctions qui lui étaient dévolues : car elle est déjà accoutumée au mari et incor- porée à la vie familiale. Elle tient la place de l'aînée, comme un cadet tient celle du premier-né, si celui-ci meurt sans successeur (1). Cadet ou suivante tiennent la place pour le compte du mort; ils ne le remplacent pas ; ils n'accèdent pas à une dignité nouvelle; la Suivante ne |>rend point le titre de princesse (2); le gouvernement du cadet ne compte point pour un règne (3). Il n'y a de suc- cession qu'entre générations différentes; entre les mem- bres d'une même génération, il n'y a qu'une substitution de personnes qui n'implique aucun changement de fond, tant est resté puissant, dans le droit chinois, ce principe hérité du temps oii la parenté était une parenté de groupes, savoir qu'ily a entre les parents dune même génération une identité substantielle telle qu'elle rend leurs person- nalités indistinctes, ou telle, si l'on veut, qu'ils ne forment qu'une personnalité juridique collective.

Cette idée, de toute évidence, est au fond du type de con- trat (|ui rend possible l'institution polygyni(|ue, institution essentielle dans un système féodal I idée d'un équilibre traditionnel des gioupements familiaux joue le rôle que l'on sait. Ur, il est clair, d'autre part, que cette idée se trouve en contradiction avec les principes juridiques de la famille féodale, dans laquelle les liens de parenté sont avant tout des liens personnels. Donc, pour si fondamen- tale (|ue soit cette idée, il n'y a pas lieu de s'étonner si les coutumes polygyniques n'ont pas pu se développer dans la

(i) Cf. p. 13. (a) Cf. la.

(3) Cf. I. Uf Toh'oinMi Tsii-oii s';ilis(ic-iit il'in.liqiier rui-cessioii .m poii- roir pour Vin, prime de l.ou ; Iloiiaii. oiUKidêrù coiiiiiic file prinripul preiuii-r-ii(î (Yiii n'élKiil r.iiiii'- que par Vûge) e»l cen8(t régner : Yin i-iiini'itic piiur le roinpie de lluunn.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 67

société noble sans y porter atteinte. Bien que, paressence, la polygynie semble être sororale, les habitudes de la noblesse admettent dans un lot d'épousées d'autres parentes que des sœurs. Nous allons essayer de com- prendre les raisons précises d'un tel manquement au principe de l'usage.

Une famille qui s'alliait à un noble ordinaire devait lui donner deux épouses, trois à un grand officier, neuf à un seigneur, et, selon les traditions, neuf ou douze au roi (1). Ces différences marquent sans doute les valeurs diverses qu'on attache à l'alliance des nobles de divers rangs : à l'alliance la plus honorable, à l'allié le plus puissant et qui peut le plus exiger, on donne le plus. Le plus riche a droit aux prestations les plus abondantes et l'abondance de femmes est un des signes extérieurs les plus éclatants de la Fortune féodale.

Le duc de Ts'in, qui croit Tch'ong-eul réservé à la plus haute destinée, lui envoie une prestation du chiffre excep- tionnel de cinq femmes (2). Houan, duc de Ts'i, qui aspire à l'hégémonie, se constitue un harem comparable à celui du fils du Ciel (3). Kouan Tchong, puissant ministre, prend

(i) Le Po hou t"ong indique les deux traditions J^ 4 PB y?C

^C Ai'if^ et ^'T'^T I^.Ho Hieou (cf. III k) affirme

que le fils du ciel et lui seul prenait douze femmes M^ ^^ 7 !^C

I ' IsS . Cette deuxième version est la seule qui rende compréhen- sible l'histoire de Po Ki, HUe de Lou, qui, allant comme épouse chez un seigneur, emmena avec elle onze suivantes. Il est vraisemblable que les fils du ciel, après s'être contentés du statut matrimonial des seigneurs régnants, voulurent se distinguer et firent passer le nombre de leurs épouses de neuf, chiffre terrestre, à douze, chiffre céleste.

(2) S.MT, IV, 289.

(3) XI.

68 LA POLYGYNIE SORORALE

autant de feiiimcs (|uun seigneur (l). Les seigneurs de Lou, <]ui descendent du fondateur de la dynastie Tcheou, profitent du renom de sagesse de leur fille Po Ki pour lui donner autant de suivantes que si elle eut fait un mariage royal (2). Le faste matrimonial donne aux seigneuries un prestige dont est fait en partie leur puissance : on le sent bien à lire les épithalames du Che king (3). Celui, en par- ticulier, qui fut fait pour le mariage du prince de Han, donne nettement l'impression que l'immense Fortune de ce seigneur lui vint de la gloire dont le couvrit la splen- deur de ses noces. C'était donc par le mariage que l'on se classait, et il n'y aurait plus eu aucune stabilité dans la hiérarchie féodale, si l'éti(|uette n'avait pas imposé à cha- cun le nombre protocolaire dépouses (|ui correspondait à son rang, et mesurait au juste sa part légitime de pres- tige.

Ainsi une famille est tenue de iournir à son gendre le nombre régulier de lemmes auquel lui donne droit son ran<' nobiliaire. 11 est remarquable que, quel que soit ce nombre, c'est toujours, à tous les degrés de la hiérarchie sauf un (4), un nombre représentatif de la totalité. Un sei- gneur, dit le Po hou t'ong, a droit à neuf femmes : il se rc"le sur la terre (jui possède neuf départements, lesquels suflisent à tout produire sous linlluence de l'action céleste (5) ; de même il ne faut pas au prince plus de neuf

(2)111, 111;,', 111 I..

(3) N»« XXVI et XXVII.

(/|) Uaas le cas des Nobles <iii miiiH r iing.

(5) l'o liou loni,', .Maiii>n.. : ÎÈ^ ^ ^ Jl ^ -^î^^

ET LE SOKOItAT DANS LA CHINE FÉODALE 69

femmes pour exercer son action de façon complète. Oui avec neuf femmes n'aurait point d'entants n'en aurait pas plus avec cent (1). Le fils du Ciel qui prend douze femmes se règle sur le Ciel qui n'a besoin que de douze mois pour tout produire (2). Ainsi c'est assurément une marque plus éclatante d'honneur de prendre douze et non pas neuf femmes; mais avec neuf on a autant de garanties de Bon- heur féodal qu'avec douze. Avec trois femmes seulement un grand-officier n'a pas moins de garanties, car si trois est le plus petit des nombres symboliques de la totalité, il est peut-être celui qui la représente le plus parfaite- ment (3). Au reste, neuf et douze ne sont que des multiples de trois : ils symbolisent, si je puis dire, une surenchère de la totalité. Comme les grands-officiers, seigneurs et fils du Ciel ne prenaient pas plus de trois femmes dans une seule branche familiale ; seulement ce n'était point une seule branche familiale qui était tenue de leur donner en mariage un nombre de ses filles, représentatif de la totalité, c'était trois (4) branches familiales, qui leur en fournissaient chacune autant : trois c'est-à-dire toutes. Tandis qu'un seul rameau familial épuisait ses ressources pour mériter l'alliance d'un grand-officier, il fallait pour

(i) Neuf est, dans l'ordre Yang, le symbole de la totalité. Cf. IV /).

(2) Po hou t'ong, Mariage. ïî" ^ "W "T /J ^ ^ ^X)^

(3) Cf. XXIV. note 3.

(4) Quatre pour le fils du ciel dans le cas l'on admet la version qu'il recevait douze femmes : quatre est aussi un signe du tout.

L'on peut dire que 3x3 égale en valeur symbolique 3X4: l'bistoire de Chine hésite souvent entre les nombres 9 et V2. Il y a des chances que le fils du ciel ait d'abord épousé neuf filles venues de trois Etals; puis il parut bon de le distiuguîr des seigneurs ordinaires, 'et on lui attribua comme nombre, un nombre qui fut, comme l'autre, un signe do totalité, mais d'un ordre plus élevé.

70 LA POLYOYNrE SORORALE

obtenir celle d'un seigneur, prince souverain dont le pres- tige rayonne dans toute la confédération féodale, épuiser toute sa parenté et faire collaborer aux prestations, au moins symboliquement, toutes les seigneuries de même nom.

Les nombres protocolaires qui règlent les prestations de l'alliance matrimoniale indiquent emblitmatiquêment qu'elles doiventavoir un caractère complet. Sans doute un grand-oflicier (1) ne se voitfournir de femmes que par une seule branche familiale, sans doute aussi un Noble ordi- naire n'a-t-il droit qu'à deux épouses (et deux n'est point signe de la totalité): même pour eux, le terme employé pour désigner la prestation qui détermine l'alliance, indi(jue qu'il est de son essence d'être lomplètc. Le mot rituel qui

l'exprime (2) est le mol m, qui signifie la plénitude et

la totalité (3). Il est l'équivalent des mots m , -^ , qui tous

(.) Po hou fons. M.,r. i< ^ ^ li if. Wj m ^t ^tl

E ni ^ -?£ ^ l^t A 1t 1^ ^ ^. Uu graQd.o%ie,- u'oh- lient pus uu lot complet de suirautes parce qu'uD vassal, u'élaut pas souverain, n'a point assez de dignité pour épuiser à son proGt toute une parent»'.

('il On l'emploie pour li'S si-ij^neiirs el grands. officiers dans la o^-rc- nionii' de la délivrance ilélinitive des épouses, faite par leur famille trois

mois après les noces ^( Jf\ . \oir Li Ki, Kiu li, II, 1. Dans le maria^'c noble ou le retrouve enijiloyé dans la formule solennelle du rite des

li.ini,'aillcs appelé « la demande du nom " 1'" "tV . Cf. Yi li. Mémoires annexes au cliap. du .Mariage. Steele, I, p. '!,- (La traducliou donnée

par Sieele de ce passa^'o est incompréhensible) Cf. sur l'expression TIfl

(3) Sur la valeur de llll voir l.i Ki, Couvreur, I, pp. jJflS, /(.'«.S, II, pp. 3i8, Vxi. CI. XXX vers \i.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 71

donnent l'idée de plein, de complet, de parfait. Dans la poésie, ce sont les cent chars de la pompe nuptiale (i) - cent est un signe de la totalité qui reviennent rituel- lement signifier, par emblème, que la prestation est com- plète, comme il se doit.

C'est la pie qui a fait ua nid,

Ce sont ramiers plein ce nid-là !

Celte fille qui se marie

De cent cViars d'honneur comhlez-la !

Quand une famille contracte une alliance par mariage, elle remet à son gendre autant de femmes que son ran»- le mérite et que l'importance de l'alliance l'exige, mais la prestation qu'elle fournit alors est toujours un signe qu'elle ne ménage rien pour se donner entièrement à l'alliance contractée. Pourtant, il est remarquable qu'en aucun cas le lot d'épouses qui symbolise numériquement le caractère intégral de l'alliance, ne peut être pris entiè- rement parmi les filles d'uile même génération. Dans chacune des branches familiales qui lui envoient des femmes, un seigneur ni un roi ne peuvent prendre plus

de deux sœurs ^ W- ' t^ (2) : quel que soit leur pres- tige, ils n'en peuvent prendre trois ; celui qui oserait le faire, tel le duc K'ang de Mi, donnerait la preuve d'une arrogance qui, à coup sûr, déterminerait sa perte : c'est un excès punissable qu'épouser trois sœurs, car c'est signifier, de manière symbolique, que l'on prétend acca- parer (3) toutes les ressources dont une famille dispose.

(i) Cf. XXX et XXYII h,

(2) Voir XXIV.

(^3) Il est très curieux de retrouver dans l'histoire du duc K'ang

pour signifier l'accaparement total Dlll ^ ce terme m qui désigne la prestation symboliquement complète de l'alliance matrimoniale. Ce rapprochement de termes fait sentir l'embarras du droit féodal : d'une

/2 LA POLVGYNIE SORORALE

dans le présent, pour fournir à ses alliances. Ainsi, il faut, (l'une part, que l'alliance soit intégrale et, d'autre part, qu'elle ne le soit point absolument. Cette règle contra- dictoire s'explique par le double besoin qui était au fond de la société féodale : conserver la stabilité due aux grou- pements traditionnels et laisser pourtant une certaine liberté qui permette les accroissements de prestige et les développements d'influence.

C'est de ce besoin contradictoire qu'est sortie une trans- formation notable de l'institution pol)'gyni<iue. Les Nobles, soumis :iu [jouvoir seigneurial, ne furent point autorisés à former des groupements familiaux trop étroi- tement solidaires; les alliances matrimoniales qu ils eurent le droit de former, ne le furent point par des pres- tations d'un t\ pe exhaustif: ils ne purent obtenir de leurs alliés que doux filles, garantie insuffisante de l'intégralité et de la permanence des liens créés entre les familles par le mariage (1). Chacjue seigneur futobligé de tenir compte du désir qu'avaient tous les autres d'accroître leur champ d'influence; il n'osa pas exiger des prestations qui fussent l'emblème d'une alliance intégrale; il obtint du moins de recevoir par elles les gages d'une entente durable {'2) : les lots d'épouses qui lui étaient dus ne comprirent chacun <piedeux soeurs, mais il furent complétés par l'appoint

p.Trt, li>s pjroiipcmenls «les familIpR repos.iiont mir dos alliaucrs qui ôtairni tradilioDiiellL-s et qui aviiionl, par cela mémo, un caractère «l'absolue obli- f^ntioD : les ailiers devaient mutiielleraent se confier toutes les piranlie* possibles. D'autre part, le besoin d'accroître ce prestige nécessaire au pouvoir féodal par des alliances nouvelles faisait désirer qu'il restât dans les systèmes d'alliance une possibiliti' de jeu.

(i) Kn rovanclic, les Nohlos possèdent le droit de contracter des mariages siicceKsifs, Voir plus liant, Les Nobles épousent d'ordi- naire deux sreiirs, mais ils peuvent aussi bien, sous l'infliionce des uia|{r« sei({neurinuT, épouser une femme cl sa nièce.

(a) Un aeifjneur ne se niaiio <|u'une fois.

ET LE SOnORAT DANS LA CHINE FÉODALE 73

d'une nièce; ils n'épuisaient point toute une génération, mais ils apportaient par avance un lien avec la génération suivante. La famille des femmes ne se donnait point abso- lument à l'alliance conclue, elle se réservait la possibilité d'autres alliances contrebalançant la première; mais elle s'engageait à conserver à celle-ci le premier rang; pour cela, elle donnait comme gages, avec une fille aînée et une

cadette, leur nièce, fille de leur frère aîné yL ^ !5C, c'est- à-dire un membre de la droite lignée qui fournit les chefs de famille (1). Ainsi les familles alliées se livraient incom- plètement l'une à l'autre et prenaient en même temps souci de l'avenir. Prendre une nièce dans un lot d'épouses, s'emparer par avance de garanties sur la génération sui- vante, c'est manifester le désir que le rapprochement des familles soit durable, mais c'est aussi indiquer qu'elles ne forment point un groupement d'une permanence assurée. On voit assez bien comment les nécessités de l'organi- sation féodale ont amené à compléter les lots d'épouses avec une nièce: mais il est clair que c'est une innova- tion en contradiction avec les principes des usages polygyniques. Pour qu'ait été possible la création, par un mariage unique, des liens divers qui unissaient le mari à toutes ses femmes, pour qu'elles aient pu se suppléer l'une l'autre sans que Se sentît aucun changement, il faut

(r) Cet avantage d'être par avance lié avec le successeur éventuel du chef de la famille à laquelle on s'unit, fut certainement très vivement senti. Il y eut en edet une tendance (cf. I h) à faire passer la nièce avant la cadette ; cette tendance est d'ailleurs conforme aux principes de la parenté féodale, la sucession se fait par lignée, tandis que dans le système populaire et ancien, il y a succession seulement quand la génération la plus ancienne, dont les membres se suppléent l'un après l'autre, est épuisée. Les grands officiers, dont le pouvoir, bien que précaire en théorie, était pratiquement héréditaire, eurent aussi droit .i une nièce : pour eux, comme pour les seigneurs, l'importance prise jiar l'idée de race amenait au premier plan le souci du futur.

74 LA POLVGYNIE SORORALE

supposer qu'il existait entre elles une espèce d'identité foncière qui n'est convenable qu'entre sœurs, et qui ne se conçoit que dans le cas la parenté est une parenté de groupes. En lait, la règle (|ui impose une nièce comporte des difficultés que les Chinois ont senties : il y a de grandes chances qu'il y ait entre elles et ses tantes une assez forte différence d'âge; comment pourront-elles se marier ensemble et toutes ayant sensiblement vingt ans, âge requis? Si la nièce attend d'avoir l'âge dans la maison natale (1), autre difficulté: comment peut-elle être liée par les rites du contrat matrimonial? Comment peut-il y avoir mariage unique, ce qui est un des principes essentiels de l'institution? Il est du reste remarquable que toutes les suivantes dont nous parlent les chro- niques sont des cadettes et non des nièces (2). Le texte du Yi-li ne parle que de la cadette (3). Le Yi Kini!» ne mentionne qu'elle (4). Elle est seule à figurer dans le Che King (5). Le roi Ling de Tch'ou fut enterré avec les deux filles d'un vassal fidèle (|ui en fit ses épouses mor- tuaires (6). Chouen épousa deux sœurs, les filles de Yao (7). Le duc K'ang ne rencontra sur les bords de la King que des sœurs (8). Kien Ti n'était accompagnée que par sa cadette ([uand elle prit part, auprès de la rivière

(i) Cf. II.

(a) II. Cliou Ki, cadeUe de l'o Ki. ,— IV. Cadellc de Hou Ki. VII. Chou KiuuK, radcUe de N^ai KiuDf;. VIII. Clieu),' Sscu. cadette de Tai Sscu. IX. Ts'i Kouei, i-adette de Kiiif; Kouei. XI. Wci Ki, «îucc et cadette. XV, .Wll.

(3) Slcelc, 1, p. îi aqq/et XXXI à XI..

f»3: J.+: (')) IlcinKiMiiiiiic ihli v?J^

(5) XXVII, VITK .,.

(«iXIX. (7)X.\I (K) XXIV

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 75

du tertre Yuan aux fêtes printanières du mariage (1).

La polygynie que pratiquait la noblesse féodale est loin d'être une invention cohérente du législateur. Elle com- mença par être strictement sororale, puis prit une forme plus compliquée : cette transformation, qu'expliquent les principes de l'organisation féodale, put se faire seulement lorsque, d'une part, les groupements traditionnels de familles ayant perdu leur caractère impérieux, on voulut donner à l'alliance matrimoniale une base moins large et plus durable, et que, d'autre part, la reconnaissance des liens individuels de parenté et la primauté donnée aux lignées directes laissèrent concevoir autant d'intimité entre une nièce et sa tante qu'entre deux sœurs. Puisque, sous l'influence du droit féodal, l'institution dévia de ses données premières, il y a lieu de croire qu'elle n'est point une institution proprement féodale, mais héritée d'un droit plus ancien. Or, elle suppose des groupements tradition- nels de familles obtenus par un système d'alliances matri- moniales définitives et complètes, stables et intégrales, que l'on retrouve précisément dans le droit populaire. On peut donc penser que la polygynie sororale pratiquée par la Noblesse des temps féodaux dérive des institutions matrimoniales droit populaire. Celui-ci, en même temps qu'il admet l'existence de la parenté de groupe, ne con- naît point celle d'autorités domestiques ou autres. Il ne connaît aucun chef de famille ou de culte autorisé à con- clure au bénéfice de la famille, mais en son nom personnel, une alliance matrimoniale : en conséquence, il y a lieu de supposer que le contrat matrimonial, qui, dans l'institution polygynique, engageait d'un seul coup un groupe de femmes et, primitivement, un groupe de sœurs, devait aussi, à l'origine, engager d'un seul coup un groupe de

l.) XXll „.

76 LA fOLV(;YNIE SOROHALE

frères. Peiil-oii retrouver les traces de ce mariage ool- lecliT'

V

ORIGINES ET HISTOIRE DES INSTITUTIONS POLYGYNIQUES

Si la polygynie sororale dérive du mariage d'un groupe de frères et d'un groupe de sœurs, on doit trouver les témoignages, au moins à l'état de survivances, d'un lien d'ordre matrimonial unissant beaux-frères etbelles-sœurs. Va. en eil'et, il en existe un (|ui est significatif. On sait que le deuil est la principale caractéristique des relations de parenté; deux [)ersonnes qui portent le deuil l'une de I autre sont parentes et n'ont point le connubiuin : celui- ci existe, au contraire, entre ceux qui ne se doivent point de deuil. ( >r, on doit le deuil à toutes femmes entrées par mariage dans la famille, épouses d'ondes ou de neveux; on n'en porte point |)our les belles-sœurs, et celles-ci n'en porient pas pour leurs beaux-frères (1).

Cette absence de deuil, les auteui's chinois la noient avec insistance surtout dans le cas du frère cadet et de la femme du frère aîné; ils l'expliquent en disant qu'on a voulu ainsi les éloigner l'un do l'autre (2^. Il y a là, sans doule, une trace du lévirat. En fait, on le voit à lire leurs ethnographes, les Chinois ne manifestent une haine véri- table <|ue pour le mariage du frère aîné avec la veuve du cadet (.j) et leur histoire od're quelques exemples de ma-

fi) Cf. Yi M, Slceli-, II, p. j;,.

(,) u Ki. couv .1. .r.u. mUZU 11^ -É. K*^ m rffi ^

•21. Cf. llnH., II. srii. (3) Cf. H. V..V. K. O., VIII. |.. 37fi.

KT LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 77

riage avec la femme d'un collatéral (1); un seul, a vrai dire, est un cas de lévirat. Le frère de Chouen, croyant celui- ci mort, opère, avec des formules qui ont l'air d'être rituelles, l'attribution des biens de l'héritage : il prend pour lui les deux filles de Yao épousées par Chouen (2). Etant donné le développement du droit chinois en ma- tière d'inceste, l'interdiction du lévirat ne peut pas plus surprendre que l'absence des témoignages histo- riques sur cette pratique. Resterait à voir s'il n'e^t point resté en usage dans le peuple ; sur ce point, nous sommes mal renseignés : Je ne connais qu'un fait, assez suggestif. Bien que la loi chinoise punisse de mort le mariage avec la veuve d'un frère, elle semble admettre des circonstances atténuantes quand ce crime a été commis dans une famille pauvre et paysanne (3).

Une autre série de faits mérile peut-être davantage l'at- tention : ce sont ceux qui sont relatifs aux interdictions an- ciennes qui séparent le cadet de la femme de l'aîné. 11 leur est interdit de s'adresser la parole (4) ; si l'un meurt, l'autre n'a pas le droit de pratiquer, comme il faut le faire sur

(i) Cf. SMT, IV, 289. Tch'odg-eul épouse, après hésitation, (voir Kouo vu, Tsin yu 8' d.) la temme abandonnée de son neveu Yu. De même X.

(2) XXI, cas double, polysynie sororale et lévirat.

(3) Hoang, Mariage chinois, p. Sg. Le lévirat est d'un usage constant dans les tribus du Haut Tonkin qui ont tant de parenté avec les Chi- nois. Cf. B. E. F. E. O., VIII, 362 (notede M. Bouifacy). Chez les Lolo, il est permis de se marier avec les sœurs de sa femme, le lévirat se pratique aussi ; ifciV., p. 566.— Chez les aborigènes du Kamtchatka, l'usage de la polygynie sororale est complétée par celui du sororat et du lévirat. Chez les Koryaks du N.-E. de l'Asie, la polygynie sororale est interdite, mais le sororat et le lévirat sont obligatoires. Cf. Frazer, Totemifni and exogamy, IV, 1/47.

(4) Li Ki, Couvreur, 1, p. 2,, ^ M A* M. V^ '

78 LA POr.YHYNIE SORORALE

tDiit ;tiili<' (mniit (léfiiiit. le rite de l'attouchement "raf (1). Il est impossible de ne pas rapprocher cette règle de celle (|ui, de nos jours, interdit à la sœur cadette de la femme, épouse présomptive du mari, de passer la porte de sa maison (2). Il est clair que le beau-frère cadet et la belle- sœur aînée agissent, lun par rapport à l'autre, comme deux liancés(3). Les progrès de la morale, <]ui ont rendu impossible leur mariage, n'ont point fait disparaître les interdictions qui semblaient les éloigner l'un de l'autre. Elles sont, en réalité, les traces d'usages anciens les auto- risant à des rapports maritaux éventuels.

Si peu nombreux qu'ils soient (4), les indices d'une pratique amienne du mariage collectif que nous venons d'énumérer suffisent à donner une pleine valeur a un fait de langage, qui est le suivant. Une femme chinoise dési- gnait de la môme façon sa suivante, épouse secondaire de son mari, et sa belle-sœur, femme du frère cadet du mari :

tels sont en elfet les deux sens du mot w, dont le sens premier semble être celui de sœur cadette (5). Or, la vieille

(,) /w., II. .88 ^ ^ il ^ . ^r-mtâ.

(a) Voir p. 5-6. Voir Frazer, Toiemism, IV, i'|8. une interdiction analogue, dans l'arcliipel de la Louisiane, se pratique le sororat.

(3) Coinp. Howit, The native Trihes of Soiilh East Jiistraliti, p. iga : (tribu des Kurnandaburi existe le mariage entre un groupe de irères et un proupe do eœurs) u en somme, la sœur de sa femme et la femme de son (rèrc ue peuvent tiabiter dans le môme camp et converser librement; mais il existe entre eux, en secret, des relations maritales. « L'inceste secret du beau-frère et de la belle-sœur passe pour être froqiiiiil en Chine.

('4) Le petit nombre de témoifjuages ne doit pas étonner. Ou peut m- conTaincre en lisant le catalogue, dressé par Kraier, des laits de sorural [Tutcmism ariJ F.xugamy\ p. l'Iç) 11 ij^ii du t. IV) que, lorsque celui-ci est pratiqiii!, le lérirat est le plus souvent interdit ou inversement.

(f)) Le Yi li, chapitre ilu deuil, donne à Si' le sens de belle-sœur rndelle ; le (^he Kin^, \XVII, ç), lui donne le sens de suivante. Le Yt li. Maringe, !•■ •..■n'- ■)•• «■. im .il. ii<- servant de suivante.

Er LE SORORAT DANS LA CHInE FÉODALE 79

organisation plébéienne suppose un échange régulier des filles entre deux groupes exoganies, régis chacun parle système de la parenté du groupe, et organisés de façon à former Tin couple de familles traditionnellement asso- ciées (1). Il paraît donc légitime de penser que le mariage primitif fut conçu comme l'union collective d'un groupe de frères à un groupe de sœurs.

On ne doit pas penser que cette union collective éta- blissait entre tous les participants une promiscuité indis- tincte : ce serait laisser sans explications possibles les interdictions qui séparent beaux-frères et belles-sœurs. Il semble plutôt que de cette union résultait, en même temps que des.droits secondaires rendant possibles à cha- cun et à chacune des rapports maritaux éventuels, un droit de préférence maritale par lequel étaient formés des couples individualisés. On sait, d'après Howit, que tel est le cas des nègres du sud-est australien (2). Il existe chez eux deux types de relations matrimoniales; l'une nommée Tippa-malku sert à former des ménages; l'autre, nommée Pirrauru, unit d'un lien secondaire un groupe d'époux Tippa malku. Chaque femme devient une épouse Tippa- malku avant de devenir une épouse Pirrauru; une Pir- rauru est toujours une sœur de la femme ou une femme du frère; la relation naît de l'échange, fait par les frères, de leurs femmes; pendant l'absence du mari Tippa- malku, le mari Pirrauru prend la femme du premier sous sa protection : deux frères mariés à deux sœurs vivent habituellement ensemble en un groupe matrimonial de quatre personnes. Les Kurnandaburi pratiquent les mêmes usages, mais, chez eux, existent en même temps que des rapports maritaux entre beaux-frères et belles-sœurs

(i) Voir page 45.

(2) Howit, OD. c.,pp. 181 sqq. Tribus Urabunaa, Dieri, Kurnandaburi.

SO LA l'OLVCYME SOUORALIi

(éj)oux l'irrauru) une interdiction <|iii leur delend de voir en public ou de converser librement (1). Chez les Todas, le mariage normal consiste en une polyandrie fra- ternelle : mais il n'est pas rare que celle-ci se double de polygynie sororale; un groupe de frères forme avec un grou[)e de sœurs un ensemljle matrimonial dans lequel les rap[)orls d'ensemble n'excluent point les relations parti- culières de couples conjugaux. Les deux groupes ainsi réunis en un ensemble matrimonial sont composés d'en- fants de frères et de sœurs (matiliuni) (2).

Je pense que les Chinois, avant de passer, non pas comme les Todas à la polyandrie fraternelle, mais à la polygynie sororale, ont pratiqué un mariage de groupe analogue à ceux qui viennent d'être décrits. Cette hypo- thèse est, à mon sens, la seule qui puisse rendre compte des cérémonies par lesquelles se contractait un mariage noble.

Laissés à eux-mômes, les époux prétendus eussent été incapables de réussir leur rapprochement matrimonial ; il l'allait à l'un et à l'autre, pour y arriver, la collaboration d'un suivant et d'une suivante : ceux-ci, par une action

croisée, ^ (3) ou ot (4) ouvraient la voie ag, ^ /u»> à leur union sentimentale (5). Le suivant du mari aidait la femme, la suivante aidait le mari à opérer les lustrations pré|)aratoires (G); la première disposait la natte le mari s'asseyait pour le re|)as de noces (7), l'autre étendait

(i) Sur les mômes l'iiiu voir Spencer .-iiicl Gillen, The nnlitie J'rihes of Central Aiistralia. Ga sqq. et ."iSq, (•i) Hivers, The Todas, p. 5o3-5i2. (î)Cf .V.VXIIl.

(4) Cf. XI,.

(5) XXXlll a.

'fi) XXXIII .1 XXMII .1. (7)XXXIII.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 81

celle de la femme (1); tous deux préparaient ensemble la couche nuptiale, arrangeant l'un la place de l'époux, l'autre celle de l'épouse (2). La suivante aidait le mari à se dévêtir ; la femme remettait ses vêtements au suivant du mari (3). Dans une société, oii la séparation des sexes est Un principe fondamental, l'intimité particulière des rap- ports établis, par ces pratiques, entre des personnes de sexe différent ne peut se comprendre que s'il doit exister entre elles des rapports maritaux; et, en effet, c'est grâce à ces pratiques que la suivante de la femme est rappro- chée du mari et en devient une épouse secondaire; les mêmes pratiques ne donnaient-elles pas au suivant du mari des droits secondaires sur l'épouse?

Chez les populations aborigènes du Sud de la Chine dont la civilisation a tant de parenté avec celle des Chinois, se retrouve aussi dans les coutumes matrimoniales l'usage des garçons et des filles d'honneur. Dans le mariage Man Khoangj la fille est accompagnée de deux amies, le garçon de deux amis (4) ; chez les Lolo, le mari est accompagné par un camarade, la femme par une amie ; le camarade du m^ari se conduit en tout comme lui ; chez les Thais les compagnons de chacun d'eux sont en plus grand nombre, et en nombre égal de part et d'autre : on leur donne le nom de pailan (aller ensemble) (5). Dans tous ces usages, le C Bonifacy voit une trace du mariage par groupe. Les coutumes des T'ou jen de la région de Long Tcheou sont un peu différentes : ils professent plus strictement que les Lolo la règle de la séparation des sexes : mari et femme ne sont aidés que par des suivantes ; celles-ci sont prises

(i) XXXIV. (a) Cf. XXXVI.

(3) Cf. XXXV.

(4) B. E. F. E, O., VIII. 540.

(5) Ibid., 545.

82 LA l'OLVtiYNlE SOKOHALE

dans leurs familles respectives. Le iiiafiage x-onsiste prinL-ipaiement, comme chez les Chinois, clans un repas conimuniel des époux. Avant qu'il n'ait lieu, la suivante du mari et la fiancée font le simulacre d'un repas dans la maison de celle-ci ; la suivante de la femme en l'ait ensuite un autre dans la maison du mari (l). 11 est clair (jn il s'agit de survivances et (jue l'usage primitif s'est déformé, d'une part, pour ne plus mettre en contact des personnes de se.xe dilférent, d'autre part, pour empêcher, en ne faisant que le simulacre d'un repas, les ell'ets de la communion alimentaire.

Or, dans le mariage des nobles chinois et contraire- ment aux principes de la morale noble, on ne prenait point les mûmes précautions : (ju'est-ce à dire, sinon qu'il était dans l'essence du contrat matrimonial d'être coUectil et de ne pouvoir se conclure (|u'entre un groupe d'hommes et un groupe de femmes? L'époux et l'épouse prenaient part à un repas composé de façon a symboliser la dualité et l'union du couple conjugal; par son ell'et, ils devenaient deux moitiés unies et comme un seul corps. Après eux le suivant et la suivante achevaient le repas (2) : la suivante mangeait les restes du mari, et communiait ainsi secondai- rement avec lui; [)arce procédé, elle s'habilitait à devenir une épouse de second rang ; elle avait droit, tant que vivait l'épouse principale, à entretenir avec le mari, sans autant d'intimité que l'épouse, des rapports conjugaux ; la femme principale morte, elle la suppléait absolument. Le suivant se liait de même avec l'épouse, dont il mangeait les restes. Du même coup, il se rapprochait de la suivante et de même manière que le mari s'était rapproché de l'épouse : suivant <'t suivante, pour consonuner les restes, se pla-

(i)Cf. H. i:.F. E. O., VII, •J178 9<iq. (a) X.XXVII

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 83

çaient côte à côte sur les nattes conjugales (1), et bénéfi- ciaient conjointement des effets symboliques résultant de l'ordonnance du repas des noces. Ensemble de rites incom- préhensible, s'ils ne se rapportent point à un mariage de groupe, si le suivant n'est point uni à l'épouse d'un lien secondaire analogue à celui qui unit le mari et la suivante, si le suivant et la suivante ne sont point unis d'un lien principal analogue au lien matrimonial que la communion directe crée entre les époux.

Dans le mariage noble du temps de la polygynie soro- rale, la suivante est la cadette de l'épouse, le suivant n'est qu'un figurant pris parmi les domestiques du mari. Celui que l'on choisit, c'est le cocher: C'est lui qui conduit le char de l'épousée de la maison natale jusqu'à celle du mari (2). D'après ce que les chansons chinoises nous apprennent des mœurs populaires, monter au même char en se joignant les mains, était, aux temps anciens, le sym- bole même du mariage (3). Le mari venait en char chercher l'épouse et son trousseau (4); les rênes bien tendues, comme les cordes de luth, auxquelles on les compare, étaient un emblème du bonheur conjugal espéré (5); rien qu'à monter en char, l'angoisse amoureuse se dissipait (6). Plus tard, avec l'accroissement de dignité que la civilisa- tion féodale donna à l'homme, le mari s'interdit déjouer auprès de l'épouse un rôle considéré comme étant celui d'un subalterne; il se fit remplacer par un domestique, se bornant lui-même à conduire le char pendant trois tours

(,)XL.

(2) XXXII.

(3) Fêles et chansons, XII, XXXVI, .XXXV, XIJ, L, 7, LVllI, ,3-i^. LX, i-a et a6 sqq.

(4) Ibid., LXYI.

(h) Ibid.. LXI, 26 sqq. (6) Ibid., XM, iuf.

84 LA POLYGYNIE SORORALE

de roue (1). N'est-il pas remarquable que ce soit un cocher qu'on ait précisément choisi comme figurant pour con- server aux cérémonies nuptiales la symétrie qui leur venait de leur caractère ancien de contrat collectif et dont la pré- sence d'une suivante exigeait le maintien (2). Ne doit-on pas penserqu'aux temps anciens, quand l'époux et l'épouse montaient au même char, les chars de l'escorte, garnis de suivantes, étaient conduits par leurs propres époux? Et quels pouvaient ôtre ces époux des sœurs cadettes de la mariée, puisque cousins et cousines issus de frères et de sœurs se mariaient ensemble obligatoirement, sinon les cadets du mari ? (3).

11 y a donc tout lieu de penser (jue la polygynie soro- rale dérive d'un mariage collectif unissant un groupe de frères à un groupe de sœurs, de manière qu'ils forment par deux des couples conjugaux, mais de manière aussi que chacun des époux possède sur chacune des épouses des droits secondaires. Comment, de ce mariage, les usages polygyniques ont-ils pu sortir? Ce qui peut l'expli- quer, ce sont les modifications survenues dans l'institution lamiliale.

La principale de ces modifications est l'apparition d'une autorité domestique. La famille a cessé d'être un simple

(i) Trois, succcJaDil- de la totalilé.

(a) Le mol qiii sigui(ic cocher, conduire eu char W^ osl le iii^mc i|u on L'iiiploie pour exprimer les rapports sexuels. Klaul doiiué l'étal de» éludes élymologiques eu cliiuois, je me boruc à noter le fait, sans essayer d'eu rieu conclure. On notera que, seule, la Suivante attend à la porte de la cliumbrc uuptiale, X.X.WIII ; le cocher n'est point men- tioiiué : mai» les glossaleurs ont l'uir de croire qu'il reste auprès d'elle. S il n'en éliil pas ainsi ce serait le seul uionient dos cérémonies la symétrie nVhl pas coUNorvée : au dernier moment, il se révèle que le cocher n'est qu un figurant.

( <) Voir un ensemble de faits symétrique» dans lieports of the Cnm- hridj^e .iiilhrupotogical E.rpcdition lo Torres Slraits, pp. 3^7 et -2^1 sqq.

ET LE SORORA.T DANS LA CHINE FÉODALE 85

groupement de générations formant un groupe homo- gène ; elle est devenue un groupement hiérarchique de lignées obéissant au premier-né des ascendants, au chef de la lignée directe. Ce chef de la famille est seul qualifié pour la représenter ; il conclut en son nom les alliances matrimoniales qui maintiennent une union avec les familles traditionnellement associées. Pour manifester qu'elles sont par nature stables, définitives et intégrales, ces alliances se concluent, comme jadis, à l'aide de presta- tions qui signifient un engagement absolu et quî confè- rent des garanties durables; le chef de famille reçoit un lot de filles suffisant pour qu'il soit assuré de posséder toujours une collaboratrice féminine dans l'exercice de son autorité domestique et pourque ses alliés n'aient point à craindre de lui voir rechercher d'autres alliances. Plus est élevé son rang social, plus on doit dépenser pour obtenir son alliance et la conserver : un protocole fixe, comme toutes les autres prestations féodales, le nombre de femmes auquel donnent droit chaque rang nolnliaire et l'étendue de chaque influence seigneuriale. Comme le . régime féodal ne va point sans un certain jeu des alliances, et comme le chef de famille garde pour lui les femmes qu'il reçoit et ne les partage plus avec ses parents, le nombre de ces femmes est limité à deux sœurs. Pour les seigneurs dont l'influence rayonne dans toute la con- fédération, toutes les branches familiales dispersées dans les différents pays concourent à l'alliance et trois d'entre elles lui fournissent un lot d'épouses. Dans chacun de ces lots figure une nièce, fille du frère aîné, qu'on envoie pour siguifier que l'alliance sera conservée lorsque le pouvoir passera à la génération inférieure.

Le chef de famille est revêtu d'une autorité qui rend sacré tout ce qui l'approche; ce qu'il s'approprie ne peut être qu'à lui. Ses frères, qui le respectent à l'égal d'un

86 f-A POLYGYNrE SORORAF.E

|)fre, n'osent plus exercer les droits secondaires qu'ils possédaient dans le .Iroit ancien sur l'épouse de l'aîné : les règles anciennes <|ui les écartaient d'elle comme d'une fiancée prennent l'allure d'interdits catégoriques. La femme est tellement associée au pouvoir cultuel du mari, tellement destinée à former avec lu! un couple d'ancêtres, que l'on voit, en dépit de mœurs humaines, tenter de s'établir la coutume de la sacrifier à la mort du mari (1) ; elle doit en tout cas garder le veuvage : le lévirat est inter- dit. «

La sœur cadette vient d'ordinaire avec l'aînée épouser le mari commun ; elle tient la place de la première épouse à la mort de celle-ci. Mais on voit commencer la coutume de garder dans la maison natale la cadette trop jeune pour servir d'épouse (2) ; elle est engagée au mari de l'aînée par le seul l'ait du mariage de celui-ci avec sa sœur : ce sont les débuts du sororat, (jui deviendra un fait juridique indépendant seulement au moment les épousailles des deux sœurs se feront par des contrats successifs, tels que le premier prédétermine le second. La liberté plus grande des alliances matrimoniales rend possible, au moins pour les nobles ordinaires, la conclusion d un second niariaire dans une famille autfe ([ue celle dont venait la première épouse; les droits de cette famille à ne point voir rompre l'ailiance conclue amènent à considérer que la deuxième femme est simplement substituée à la première et qu'elle garde à l'égard do la famille de celle-ci les mêmes devoirs r|ue sa devancière. Telle est l'origine du succédané de sororat prati(|uè de nos jours.

(i) Cl. MX .1 l.i Kl, I, |i. -vu,, (3) Ciis de Clioii Ki, cl. M.

ET LE SOROKAT DANS LA CHINE FÉODALE 87

VI

CONCLUSION.

INFLUENCES LES USAGES POLYGYNIQUES

SUR L'HISTOIRE

LES INSTITUTIONS LOMESTIQUES

Si le primitif mariage de groupe s'est transformé en polygynie sororale et non en polyandrie fraternelle, c'est parce que l'avènement d'une autorité domestique de type seigneurial, en même temps qu'elle plaçait les cadets dans la situation de vassaux de l'aîné, conférait à celui-ci le droit exclusif de disposer des femmes fournies en garantie par la famille alliée. Celle-ci, d'autre part, et cet aspect inverse est important, avait tout avantage à placer auprès du chef de famille toutes celles de ses enfants qu'elle envoyait pour représenter son influence. Si le grand nombre d'épouses fait éclater la gloire du mari, le prestige de la femme et celui de sa famille dépend de l'abondance de suivantes (1). Vn seigneur n'avait pas à demander aux familles seigneuriales portant le même nom que celle il prenait femmes de lui fournir les suivantes réglementaires (2). Elles venaient spontané- ment (3), le terme rituel est significatil ^ HW . C'était un devoir de solidarité entre familles de même nom que fournir de suivantes celle de leurs filles qui se mariait. Les suivantes étaient les auxiliaires de l'épouse principale et formaient avec elle un groupe solidaire, s'entr'aidant,

(0 Cf. III j.

(2) ^^ 5#.cf. nid.

(3) Cf. ni. ,

88 LA POLYOYNIE SORORALE

défendant les mêmes intérêts (1). Par ce côté la polygynie sororale a exercé une grande influence sur l'histoire de la famille chinoise, y conservant les elfets de la parenté de groupe, dont elle était elle-même une conséquence, mtine après l'apparition de la parenté individuelle.

Far lelTot de la polygynie sororale, le gynécée conserve

une homogénéité incomparable, le gynécée W ou plutôt

la famille, car la place des hommes est au dehors "y , dans les occupations de la vie publique (2). La femme princi- pale 5|§ y jouit d'une autorité naturelle qu'elle doit à son rang d'aînée ; elle dirige les autres femmes dans leurs

travaux et en toutes choses : elle est leur Dame I^ ^ comme le mari est un Seigneur domestique. Si celui-ci a une autorité princière, les huit suivantes forment à la femme une cour de vassales organisée hiérarchiquement. L'épouse exerce une autorité directe sur sa nièce et sa cadette ; elle commande toutes les autres nièces et cadettes

par l'intermédiaire des deux suivantes principales fl^. Dans la cour royale, la reine commande aux trois prin- cesses xC /\. qui dirigent chacune trois femmes du troi-

(i) C(. \X\'IU et XXIX.

(3) Je Df puis qu iixliqut'i' ici un fait de haule iinporlaarc ; luoilé de la partie lùminine île la Limillc s'oppose à une espèce de dualité qui divise le» parents mâles, les agnats, en deux groupes (voir ce qui a clé dit plus haut de l'ordoiiiiaore du tiMuple ancestral). Ce fait sociologique doit •'•tro r.ipprorlii'' d'un autre : il semble qu'aDcieiiuemeDI la surcession au pouvoir se soit faite par le mariage. Choueii épousa les lilles de Yao, puis lui succéda. Ce soot des femmes, K'ai yuan, Kien Ti qui sont à l'origine des dynasties. La parenté fut d'abord utérine. Il semble que l'unité lumiliale ait été surtout représentée par la dynastie que lor- mairut le» uuilrrssf» df luaisnn : les mères 8*eHT)rïBieut toujours de marier k-ur lils tl.ins leur lamillc natale.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 89

sième rang %M. , lesquelles ont autorité sur trois femmes

du quatrième rang 5w , etc.

De cette autorité seigneuriale de la femme principale dérive son pouvoir maternel. Le bon ordre qu'elle établit dans le gynécée est le principe des maternités heureuses de toutes les suivantes. C'est ainsi que, grâce à la fécon- dité que ses suivantes devaient à son bon gouvernement.

T'ai Sseu (1) eut cent fils. On considère la Dame 3C

^ comme la mère véritable, comme la matrone ^ T9- de la famille; la maternité réelle n'est pas une cause véri- table de parenté. Non-seulement le deuil que les enfants doivent porter pour la matrone est bien plus important que celui qu'ils prennent pour leur mère naturelle (2), mais au cas où, par dérogation aux usages polygyniques, les deux femmes n'ont pas les mêmes parents, la seule maternité juridique peut créer un lien entre les enfants et les grands-parents paternels; tous, quelles que soient leurs mères, ne portent que le deuil des parents de la matrone (3). Les principes de la parenté de groupe continuent à dominer si fortement la vie du gynécée que, peut-on dire, les sentiments maternels n'y prennent point cet aspect exclusif et jaloux qui semble leur caractéris- tique naturelle. Les auteurs (4) affirment que posséder trois épouses de la même famille est un bien parce que, si l'une délies a un enfant, il y a trois personnes pour en prendre soin, chacune aussi bien que si elle l'avait enfanté

(i) Voir Che King, Commentaires des pièces du ïcheou nan.

(2) Cf. Steele, II. p. Sy.

(3) Cf. Steele, II, pp. 35 et 39.

(4) Po hou t'ong, Mariage. ~~' y\ ^ "v /v x > 'W ^^

90 LA POLYGYNIE SORORALE

elle-môme. Et ceci n'est pas une affirmation de juriste pressé de justifier un usage. C'est un faif. .XoniJjreuses sont les anecdotes liistori(|ues (1) l'on voit une mère conlier sou enfant à son aînée ou à une suivante mieux en cour : c'est (|ue le prestige de toutes les femmes est inté- ressé à la maternité de chacune d'entr'elles ; un enfant est un principe d'influence dont tire indistinctement profit tout le groupe de femmes (2). Dans un gynécée recruté par la polygynie sororale, la maternité n'est point une occasion de sentiments exclusifs et de discorde : elle ne le devient que Iorsi|ue les règles de la polygynie ne sont plus res- pectées et qu'elle se transforme en polygamie : alors se montrent de terribles rivalités maternelles; mais, et cela est significatif, ce n est point la mère naturelle qui se montre toujours la plus âpre (X) à lutter pour son enfant, c'est le plus souvent la femme principale du groupe de la mère, ou celle à qui les circonstances ont donné le plus d'autorité.

Les ethnographes s'étonnent souvent, et les ethno- graphes chinois modernes tous les premiers, à constater que les usages polyandriques ou [)olygyni<|ues n'en- Irainent point de jalousie (4). Au contraire, pour les anciens auteurs chinois, le plus grand mérite de l'institu- tion était d'empêcher la jalousie (.')). Les sentiments natu- rels de deux sœurs mariées aux même époux ne leur per- mettent point (le devenir jalouses l'une de l'autre. Il suffit

(i) l'or ex. XII.

(•i) Cf. L'ii ctlliio^T.iplii' cliiiiois noie un fiiil •symôlrique : dioz los Kou Taonf;, qui praliqueiit la polyandrie, lescar.inls sonl coniinuiis à tous le» maris. U. lî. K. K. O., VIII, 373.

(3) Cf. XII. Voir riiisloirc loul an lon^', daua S.MT, IV, 68.

(.'l) I.C8 frtre», mnrii'-s ù iioe même î-ponni', riiez les Kou Ttonp « ne se qucrellviil ni »e baticat n B. E. F. K. O.. VIII, 3^3.

(r,^ hou X-ouK. M..riaLM., ^ ^Ci» ^ ^ h^ H ^

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 91

pour éviter les conflits sexuels que, par Tautorité de la Dame, l'ordre du gynécée soit respecté, c'est-à-dire que riiacune des épouses obtienne exactement du mari les faveurs auxquelles son rang lui donne droit. Chacune des femmes connaît d'avance, par la place qu'elle occupe dans le lot des suivantes, tout ce que sera sa vie sexuelle, si la surveillance de la femme principale s'exerce comme il se doit. On peut voir, à lire les réglementations (1) de la vie sexuelle d'un gynécée, telles que les auteurs chinois nous les ont conservées, que le devoir conjugal y est conçu d'une façon stricte; aucune possibilité n'est laissée ni aux femmes ni au mari de s'abandonner aux caprices de la passion; le rapprochement sexuel est considéré comme une obligation maritale qui ne laisse place à aucun jeu : chaque femme doit approcher du mari au jour convenable et à l'heure prescrite; la fréquence, la date, la pompe (2) de ces rapprochements sont fixées par un protocole impé- rieux. De même qu'il n'y a point de choix libre dans le mariage, il n'y a point de caprice dans la vie matrimo- niale. Dans leurs rapports entre elles, comme dans leurs rapports avec l'époux, ies femmes sont tenues d'obéir à une hiérarchie qui leur paraît trop naturelle, puisqu'elles ont appris à la respecter dès l'enfance, pour permettre l'essor d'aucun sentiment personnel.

Tout change dès que les règles de la polygynie sororale ne sont plus respectées. Les femmes venues de lamilles différentes ne forment plus un corps homogène ; il n'y a plus entre elles une hiérarchie naturelle et qui s'impose à leur cœur; elles ne sont plus des aînées ou des cadettes habituées dès le jeune âge à obéir ou à^commander ; elles représentent les intérêts de familles diverses ; elles ont

(i) Cf. XLIV.

(2) Voir Frtes et chansons, n" LXVII.

92 LA POLYGYNIE SORORALE

chacune l'attrait d'une éducation particulière et d'une race diflerente. Entre elles se posent des questions de préséance et de prestige et chacune est armée à sa manière pour tenter de triompher de l'autre. G est alors le règne des querelles de gynécée (jui ne sont en somme que des conflits d'influence familiale et le retentissement dan;; la vie privée des (|uerelles [)ubliques, résultats de l'instabilité des alliances seigneuriales. En même temps que les seigneurs épousent dans diverses familles pour accroître le rayonnement de leur prestige, ils cherchent à donner un prestige plus grand à leur autorité par la manifestation de leur luxe : ils se fournissent d'un harem splendide; ils s'entourent d une cour éclatante de femmes ; on leur donne et ils achètent des concubines, en grand nombre et les plus belles possible. Celles-là ne sont pas capaides, comme les épouses des Ages l'on se conformait aux rites (1), d'attendre dons la retraite du gynécée le temps fixé pour approcher du seigneur : rien ne les retient d'user de leurs charmes pour séduire le maître; elles cherchent à plaire, à l'aire naître un amour pour leur personne, une passion nourrie sentiments particuliers, qui sera e.xclusive et qui provoquera la jalousie. Dans la poésie de cour, éclose dans les harems somptueux, apparaissent des sentiments personnels, absents de la vieille poésie populaire ; ils correspondent à l'apparition des drames passionnels déjà Irequents dans les hautes classes de la noblesse. Et pourtant, même aux temps de l'anarchie féodale, l'influence des principes sur les(|uels reposait la polygynie sororale continuait à se faire sentir et, dans son fond, le lien matrimonial déter- minait si peu de sentiments |tersonnels et exclusifs que les épouses «continuaient à se charger d'introduire, sous

(t) Voir Frli'y l'I i-hiiti.\ofi.\, ciiiniiirnl.iirrs (lu »■' \\\IX.

ET LE SORORAT DANS LA CHINE FÉODALE 93

leur patronage, auprès de leur mari, les femmes nouvelles qu'on leur offrait (1).

La possibilité qui était laissée aux Nobles de se marier plus d'une fois fut apparemment l'origine d'une vie passionnelle dans les classes moyennes de la société chinoise : en effet, les seuls accents personnels qu'on trouve dans les pièces poétiques qui ne sont point des poésies de cour, ce sont des épouses délaissées pour une épousée nouvelle qui les font entendre. Mais, précisément parce que cette poésie personnelle resta sans développe- ment, il est à présumer que la vie passionnelle ne prit jamais grande importance : en fait, la vie de ménage ne cessa pas d'être réglée comme aux temps anciens; ce que l'on continua d'aimer chez sa femme, ce fut sa famille et l'alliance qu'elle apportait, si bien que, de nos jours encore, il est fréquent qu'un mari, heureux en ménage, s'il devient veuf, croie remplacer sa femme en en prenant la sœur et nous fournisse ainsi la démonstration que les sentiments impliqués par l'antique organisation domes- tique et conservés par le tour que donne à la vie conju- gale l'institution de la polygynie sororale, sont demeurés assez puissants pour déterminer des retours à l'usage dont ils expli([uent l'origine.

(i) C'est par rintermédiaire de l'épouse principale quo Woa Kouang introduit sa fille auprès du roi Wou Liog. Cf. XX 1^ /C /^ r^ ^-^

TABLE DES MATIERES

Pages.

I. Introduction. Faits modernes et analogies ellinographiques. . . J

II. Recueil de testes relatifs à la polygyoie 8

III. La société chinoise des temps féodaux 40

IV. La polygynie dans la noblesse féodale 51

V. Origiues et histoire des institulions polygyniques 16

VI. Conclusion, lolluences des usages polygyuiques sur l'histoire

Lies institutions domestiques 87

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