y& r «%?•> ■ \m '&> ♦^ N, «â? « ^ ■4 1 University of Illinois at Urbana-Champaign ^^«B Ifarifl^^^B v Friends w jr v- / University of Ittinois Library at Urbana/Champaiqn Y H * La pratique DU JARDINAGE. 4 <>J xsr F*dd LA PRATIQUE Par M. l'Abbé Rogek Schabol, Ou VRAGE rédige après fa mort fur fes Mémoires 3 par M, D***. NOUVELLE ÉDITION, \evue > corrigée j augmentée 3 & crnée de Figures en taille- douce* Nihil efi Agriculturâ melius > nihil uberius , nihil dulcius , nihil homins. , nihil libero dignius* Cic. de off. lib. i. TOME PREMIER. - e©> A PARIS* - Chez les Frères DE BU RE, Libraires l Quai des Auguftins. « . y M. DCC. LXX1V. Avec Approbation & Privilège du Rck COif, tCU*-,, LA PRATIQUE D U JARDINAGE «G= ..s^.- ^3=^^—= ■> CHAPITRE PREMIER. Du Jardinage en général. Ij'Art du Jardinage , portion la plus noble de l'Agriculture , fe borne à cultiver dans un efpace particulier de terre , les arbres fruitiers , les plan- tes potagères de ufuelles , les arbres de fimple ornement , les rieurs de les plantes curieufes. Il fe propefe moins l'agrément que procure un terrein rem- pli de légumes &c de fleurs 5 bien planté & orné de quantité d'arbres chargés de Tome I, A x La Pratique toutes fortes de fruits , que l'utilité qui naît du travail & de l'induttrie à les faire fructifier. Le Jardinage réunit toutes les opé- rations de l'Agriculture j mais dans des vues bien plus relevées. Le Jar- dinier ambitionne plus la jouiffance d'un terrein bon , bien dreffe , favo- rablement expofé , &c fourni de tout ce qu'on peut defirer en chaque fai- fon , que la poiTeflion d'un espace de terre immenle : il fuit en cela le con- feil d'un Poëte. Laudato ingentia tara , Exrguum colito. Il y a cette différence entre le Jardi- nier & le Laboureur, que celui-ci n'a pour but que l'abondance , 8c qu'il ne cultive la terre que pour le feul profit, fans fe mettre en peine d'orner ôc d'embellir fon ouvrage. Son travail, quoique d'une plus grande importance pour le bien de la Société , eft néan- moins fort borné. L'art &: l'induitrie y ont moins de part qu'une certaine rou- tine Se Fufage des lieux. Ses terres une fois enfemencées ne requièrent plus de fa part que de légères attentions, du Jardinage. 5 8c fon ouvrage bien ou mal fait ne peut erre réformé : le fuccès eft plus ferlet des faifons Se du temps , que le fruit de fes peines. Le Jardinier au contraire , outre l'utilité & cette abon- dance qu'il fe propofe de tirer des dif- férentes façons qu'il donne à la terre , obferve de plus Tordre , la fymmétrie , une méthode réglée Se raifonnée. Il confulte le plaifîr des yeux -y fes foins Se fa vigilance influent du moins au- tant fur le fuccès de fes entreprifes que la Nature Se la difpofîtion du temps. Il fe rend maître jufqu'à un certain point des faifons , par les divers moyens que lui fuggere l'induftrie , &: toujours en garde contre l'intempé- rance de l'air , il brave pour ainfi dire les orages , il les prévoit Se pare leur maligne fureur. Au milieu des fté- nles hivers il fait briller les charmes du printemps , Se goûter les délices des fruits Se des légumes de l'au- tomne. Le Jardinier diffère du Vigneron , en ce que celui-ci , lorfqu'il plante , taille Se ébourgeonne 5 n'envifage qu'une ample récolte , au lieu que celui-là , s'il cultive la vigne dans fes jardins , c'eil uniquement dans Fin- A ij 4 L A P R AT I QIT E tention de lui faire produire une cer- taine quantité de rail ns , dont les grains gros & calTans , jaune s &c dorés , vien- nent d'abord s'offrir a la vue , puis flatter agréablement le { oût. 11 a grand foin que ce coloris tendre &c délicat, que la Nature d'une main légère y a placé, comme avec un pinceau , ne ioit aucunement terni. On ne voit point les pampres de fes vigres grof- fièrement raflemblés , préfemer des grouppes informes de feuillages , ram- per eu pencher négligemment vers la terre. On les confîdere a'u contra: re relevés avec art , Se attachés régulière- ment fur la muraille. Si le Jardinier plante des pleins bois ou des arbres de haute futaie , c'eft pour procurer un ombrage , Se former de riantes promenades. Les arbres fruitiers en plein vent, Se les vergers , il les difpofe en quin- conces , dent les allées , aufïi variées que les faces , partagent en tout fens , coupent Se varient agréablement le terrein. S'il feme des graines , c'en: en cbfervant les formes de carrés , de planches , de rigoles , en bordures Se toujours avec fymmétrie. En un mot, il oi£t tout en œuvre pour réunir l'utile pu Jardinage. ç avec l'agréable dans les diverfes opé- rations de fon art. Ainfî , le Jardinier enchérit fur tous les ouvriers qui travaillent à la terre , 6c qui donnent plus à la nature qu'à l'induftrie. Il réfléchit fur tout ce qu'il fait, il imagine , il invente fans perdre de vue les règles Se les principes. 11 'n'eft rien par conféquent dont il ne doive rendre raifon. Il eft tout à la fois le fecrétaire de la Nature , le dé- pofitaire fidèle de fes fecrets & de fes oracles , l'économe Ôc le difpen- fateur de fes tréfors , fon conducleur êc fon euide. Comme il règne entre elle Ôc lui un heureux concert , il n'entre- prend rien fans la confulter , fans l'in- terroger , fans en être avoué. C'eft d'elle qu'il attend le fuccès de fes entrepri- fes ; de même que de fon côté , elle veut bien fe montrer docile à fes in- tentions. Sans la coopération de la Na- ture , tout l'art imaginable échoue , de fans le fecours de l'art , la Nature brute & groiliere n'offre plus dans nos jardins qu'un fpectacle hideux. Si dans fes productions libres elle nous plaît, û les prés , les bois touffus , les fom- bres vallons , les montagnes efearpées , les lieux les plus délaiffés ont pour Aiij 6 La Pratique nous quelque attrait, ce n'eft qu'autant que la Nature s'y joue en variant à l 'in- fini fes ouvrages. Par-tout l'œil y ren- contre des objets qui font une agréable diverfîon , & un contraire charmant avec lapompe éclatante de nos jardins. Telle une beauté négligée nous ravit par fa modeite (implicite , & obtient la préférence fur celle que relevé l'é- clat de la parure & des ornemens. Je compare le Jardinier, par rap- port aux phénomènes de la nature , à nos Aflronomes appliqués à étudier les mouvemens des aftres & les moindres événemens qui furviennent dans le globe célefte pour les recueillir , les fuivre &: les approfondir. Le Jardinier non moins exact, ne laiffe rien échap< per de nouveau , de fmgulier & d'ex- traordinaire. Mais il y a cette diffé- rence entre celui qui obferve les phé- nomènes de la région fupérieure des airs, de le Jardinier qui contemple la nature dans le fancluaire obfcur du fein de la terre , ou dans la ftructure des plantes , que le premier n'a fouvent pour motif qu'une fimple curioiîté très- louable en elle-même , au lieu que le* obfervations du fécond tendent tou- jours à l'utile 3c à la pratique. du Jardinage. 7 L'Agriculture nai (lance réaniifoit tous les travaux champêtres. L'homme vaquoit indiftindtement au labour des terres , à la culture des arbres , des vignes , des plantes potagères , & même des fleurs. Ce ne fut que long- temps après que naquirent les profef- fions de Laboureurs proprement dits , de Jardiniers particuliers , de Vigne- rons, &. des autres. Cette diflinéticn n'eft marquée dans aucun endroit de nos Écritures. J'y aperçois bien la différence des terres de (impie labour avec les jar- dins , celle des fruitiers avec les pota- gers [a) , hortum oUrum, J'y trouve les enclos, les plants d'arbres, les vignes, les pâturages , les beiHaux \ mais il ne paroît point que les fonctions en fuf- fent attribuées à des particuliers plutôt Deut. XI , 10 , Liv. III. des Rois, XX, a, Ecclef. II , 4 & ç. Ifa. LXI. f . A ÎY 8 La Pratique v. i <ç , où il eft dit , en parlant de la Madeleine , exijlimans quoi hortulanus effet. Dans le très- élégant ouvrage des Géorgiques , qui renferme de grande détails de la vie champêtre 3c de l'A- griculture , nous n'apercevons point non plus cette diftinétion. Le Poëte y attribue aux mêmes ouvriers les la- bours & femences, la culture de toutes fortes d'arbres fruitiers , les pépiniè- res, les vignes , les bois, les prés 8c les herbages : fous le nom de Labou- reur , ^grïcola , Colonus , il comprend ceux qui vaquoient à quelque fonction eue ce pût être } relativement a l'Agri- culture. Il faut donc remonter au prin- cipe , & examiner comment fe font établies les différentes fortes d'ou- vriers qui travaillent à la terre. Il en eft de l'établiffement du Jar- dinage de des fubdivifions de cette profelîion , comme de l'Agriculture elle-même , dont il eft un démem- brement. Deux fortes de Laboureurs exploitoient les terres ; les uns pre- noient foin eux-mêmes de leurs pro- pres fonds , comme les Fabius , les Caton , les Cincinnatus , 8c tels font parmi nous beaucoup de Gentilshom- du Jardinage. '9 mes dans les Provinces ; & les parti- culiers qui font valoir des fonds acquis' en vertu de quelque privilège que ce foit. Les autres cultivoient ceux d'au- trui , à titre de bail à ferme , ou de loyer en argent. Tous exerçoient l'ex- ploitation des terres & les divers tra- vaux décrits , tant dans les Géorgiques que dans les ouvrages des Anciens fur l'Agriculture. Le tout étoit telle- ment dépendant l'un de l'autre que , Ciceron ( de fen, ) faifant le détail des occupations champêtres , réunit dans l'Agriculture les diverfes fonctions de cet art. Il dit , en parlant de la taille des arbres & des greffes : Nec confia tîones mode deleclant , fed eciam inji~ tlones : quitus nihïl invenu Agricultura folertius. Les greffes , comme on le verra , étoient du reffort de l'Agri- culture en général. Quanta l'époque &àrétablilïement des pratiques qui en ont été diftraites , ôc qui ont fait par la fuite des profef- fîons diftinctes &c féparées , nous n'a- vons rien qui puhTe nous fixer j nous ne pouvons parler que d'après des con- jectures fondées fur le fait même. Voici de quelle manière je conçois que cette diftra&ion a pu avoir lieu", A v io La Pratique en fuivant la Quintinye qui a effleure ce fujet. Les fondions de l'Agriculture étant fi multipliées , fi diverfes Se Ci éten- dues , il n'étoit pas poflible que les mêmes perfonnes réunifTent tous les ralens propres à autant de parties fi difTemblables , & que les ouvriers de campagne pufîent y vaquer. Chacun fe décida donc fuivant fon goût Se fes talens. Le labour proprement dit, Se tout ce qui en eft une fuite nécef- faire , fut le partage de ceux qu'on nomma Laboureurs , Se tel qu'il eft afTez univerfellement établi parmi les diverfes Nations policées. Quoique les beftiaux fuftent de fon reflfort , je lis néanmoins foit dans l'Ecriture fainte, foit dans les ouvrages faits fur l'Agriculture , qu'il y eut tou- jours des gens que nos Anciens nom- ment Pâtres 9 Pajloureaux ou Pafteurs de troupeaux. Ils étoient tellement dévoués à les nourrir , les conduire , les garder , les panfer , en élever de |eunes , les tondre , Se en faire trafic , qu'ils s'y confacroient privativement à toute autre occupation. Cette pro- feflion féparée du labourage fut ,, du- rant plufieurs fiécles , le partage des au Jardinage. xi Patriarches. On voit dans Homère , &qs Rois Se des Princes travaillant de leurs mains , fe nourrilïant des fruits de leurs terres , Se du produit de leurs rroupeaux. On fit encore diftraétion des vignes, dont la culture forma dans la fuite une profeffion auiïi confidérable qu'éten- due. Du temps de Cicéron , de Vir- gile Se d'Horace , elle dépendoit en- core du labour des terres. Mais je ne vois nulle part , comment elle en fuc féparée. L'exploitation des bois fut de même un démembrement de l'Agriculture. Des particuliers s'adonnèrent à la plan- tation , a la culture, au débit des bois, foit pour les bâtimens , foit pour la conftruction v Jardinage.' 13 veilles du monde. Qui ne fait l'hiftoire de Dédale , auteur du fameux laby- rinthe , où lui-même fut enfermé fui- vant la fable ? Tous ces démembremens fucceffifs arrivés dans l'Agriculture > ont eu lieu par la fuite dans le Jardinage. Un Jar- dinier étoit originairement Fruitier , Fleuriite , Pépinièrifte , Botanifte Se Marager. Ceux qui fe fentirent du goût pour les arbres fruitiers portèrent de ce côté-là leur induftrie , & formè- rent des enclos. Sans doute qu'ils les entourèrent de haies sèches ou vives , de larges folfés , ôc enfuite de murs de terre , comme ceux de nos maragers autour de Paris , & peut-être aulîi de murailles en forme. Ces Jardiniers que j'appelle Fruitiers ., cultivoient aufli des légumes , ce que nous nommons graines , de d'autres herbages j les fruits n'étant pas fuffifans pour occuper une feule perfonne dans les différens temps de l'année. Qu'on ne s'imagine point qu'en conftruifant des murailles on fe foit aperçu des avantages qui en pouvoient réfulter , & qu'on y ait planté des ar- bres fruitiers , pour en avoir des pro- ductions belles & prématurées. 11 faut 14 Ï-a Pratîqçï faire a ce fujet quelques obfervations importantes. D'abord , on n'auroit pu profiter de ces murailles, & y placer des arbres fuivant notre ufage , que dans des cli- mats tempérés ou dans des pays froids j car dans les pays chauds les arbres auroient brûlé. De plus , les anciens jardins étoient fermés de murs fort bas en dedans, 8c irès-élevés en de- hors , parce qu'ils ne fer voient qu'à foutenir la pouilée des terres. Les châ- teaux flanqués de tours & de battions étoient deftinés à fe mettre à couvert des incurfions des Peuples barbares, & des attaques des voifins avec lefquels on étoit continuellement en guerre , 8c l'on s'occupoit moins des ornemens des murs que de leur folidité. Lorfque ces raifons cefierent , on ne penfa point à profiter des avantages réfultans de leurs expositions favorables j les yeux étant accoutumés à les voir dé- nués de verdure. Les jardins fruitiers étoient ou joints aux maifons ou en étoient fé- parés. Il n'a jamais été trop pofiible que des particuliers dans l'enceinte des villes , euffent de grands jardins , des vergers ou des parcs. Il fallut donc' fcv Jàrs>înàg«. t| chercher au~dehors des lieux commo- des , pour y former des habitations riantes ôc des jardins fpacieux. Ceux qui n'en eurent point les facultés , ou que leurs affaires rappelloient incef- lamment à la ville , pratiquèrent dan$ leurs remparts des jardins, où ils firent conftruire de petits réduits; on en voit quantité dans beaucoup de villes de provinces , qui ne font point villes Frontières. La dépofition des plus an- ciens habitans fait foi, que de temps immémorial il y eut dans ces endroits de ces fortes de jardins particuliers & ifolés , où l'on cultivoit des arbres fruitiers pour l'ufage de la maifon. Telle eft , à ce que je crois , une des premières origines des jardins en gé* néral. On voulut bientôt y pratiquer des promenades agréables , & s'y procurer un ombrage frais. On travailla de génie , l'émulation fit des curieux. L'art Se les règles multiplièrent beau- coup les ouvrages , & par conféquenr les ouvriers , qui y confacrèrent leur temps de leurs talens. Je penfe que les vergers eurent d'à» bord la préférence , les arbres qu'on y planta furent apportés des bois dans t£ La Pratique les enclos. Il eft à préfumer que par la fuite on deftina des cantons parti- culiers pour les y élever. On forma fans doute des plants provenant de pépins , de noyaux, de boutures , 8c l'on coucha ceux dont l'expérience fit connoître la facilité à prendre racine , tels que la vigne , le figuier 8c le mû- rier. On greffa ces arbres tranfplantés dans les jardins , fur les fruits qui femblèrent les meilleurs. Divers efpa- ces de terre fuient confacrés à des pé- pinières. Des Jardiniers en firent com- merce , 8c telle eft l'origine de ceux que nous nommons Pépinièrijles. Le plus grand nombre des légumes 8c des heibes potagères , eft originaire S.qs bas prés, des fonds 8c des terres grafïes ou fortes. Ce fentiment eft fondé fur ce que les légumes qui font maintenant dans nos jardins , fe trou- vent encore épars aujourd'hui dans ces lieux. Les différentes contrées fe font réciproquemenr communiqué les légumes qui crohToient chez elles. II n'y a pas plus de quarante ans que les laitues de Siléfie 8c de Batavia Ont été apportées dans nos climats , ainfi que la chicorée d'Efpagne 8c celle d'Italie , qui ne font connues que récemment. du Jardinage. 17 parmi nous. Prefque tous nos légumes confervent encore les noms des lieux qui furent leur patrie , tels que les car- dons d'Efpagne , les choux de Milan , la civette d'Angleterre Se autres. Des particuliers delîéchèrent des marais, ôc défrichèrent des terreins bas de en- foncés , d'où leur eft. venu le nom de Maragers. Ils préférèrent ces lieux non- feulement à caufe de l'humidité du fol , mais encore parce que les puits font plus proches de la fuperficie de la terre , ôc que le tranfport des fumiers y eft plus facile. Ces jardins font aufîi anciens que les vergers. Lorfqu'Achab , Roi d'Ifraël , de- manda à Naboth fa vigne , l'Ecriture dit que ce fut pour en faire un po- tager , ut faciam mïhi hortum olerum, Reg. L. III. 21. 2. Les jardins fleuriftes ôc les parteres font d'une date bien plus récente. Les premiers hommes, tels que nous les dépeignent les Ecritures , ôc d'après elles la fable ôc l'antiquité , ne s'a- musèrent point à la culture des fleurs. Pourvoir à leur nécefîaire , fit tout leur objet. L'époque de l'établiiTement de ces jardins n'eft point connue. Je les trouve dans les Auteurs ôc dans» iS La Pratique Cicéron ( de fenec. ) confondus encore avec le labour , les moiffons , les vi- gnes , les beftiaux , les abeilles , lorf- que ce dernier décrit les plaifirs cham- pêtres , tum pecudum vaftu .... florum omnium varktate. L'origine de la culture des fleurs fe perd dans les temps éloignés. Elles furent particulièrement employées au culte de religion dans les folennités Ôc dans les fêtes publiques. De tout temps elles fervirent à la parure des perfonnes du fexe. Il eft croyable qu'on les cultivoit conjointement avec les arbres fruitiers , bc que dans les pays chauds où celles que nous élevons fur couches viennent naturellement , on alloit les chercher dans les prairies 8c dans les bois. L'exemple des lis qui croiffent d'eux-mêmes dans les champs, peut être cité en preuve de ce que j'a- vance. La Nature qui fe plaît dans la diver- fité , forma les fleurs, *c les plaça non dans les endroits où la terre eft la meil- leure , mais dans les lieux les plus dé- laiifés , comme pour leur fervir de parure. Les premiers Fleuriftes les dé- couvrirent le long des ruiffeaux , dans les forêts fombres , & dans les friches. »u Jardinagî, i$ La nature du terrein qui les produisit régla leur culture. La faifon propre à les femer & à les élever , fut enfuite étudiée , 8c leur foin devint une pro* feflion fort étendue. Ce fut alors qu'on vit la terre des jardins fuperbement ornée en chaque faifon par un afTemblage fymmétrifé de fleurs de différentes nuances. Elles furprirent d'autant plus , que les pre- mières payèrent de leurs peines avec ufure , ceux qui les élevèrent ; 8c qu'elles acquirent ce coloris brillant Se ce volume que l'art feul peut leur don- ner. Leur culture devint une forte de Î>alîion , comme toutes les chofes de a vie dont le piaifir eft l'objet. Les Fleuriftes voulurent avoir des fleurs étrangères ; ils en firent venir de tous les endroits de l'Univers , Se les culti- vèrent à grands frais. Encouragés par d'heureules tentatives , ils fe livrèrent à cette feule partie du jardinage. Je penfe encore que la feience de la Botanique fut anciennement fort bornée , & que les jardins de plantes curieufes n'ont été formés que très- tard. Ils étoient fans doute fournis de plantes ufuelles , mais éparfes de tous cotés. On alloit chercher les médici* i® La Pratique nales , les potagères de les fleurs , pour les placer pêle-mêle , ou dans un can- ton féparé du jardin. Mais on ne pou- voit les avoir ni en aufli grande quan- tité , ni dans toutes les faifons. En voici la raifon. On ne connoifîoit point les couches y les cloches , les chafîis vi- trés (a) , les ferres chaudes, les étuves (û)Nous lifons dans Columelle , qui^vivoic fous l'empire de Claude, que pour hâter la maturité des concombres , on les expofoic pendant l'hiver au foleil , en les couvrant de pierres tranfparentes , & qu'on les rentroin enfuite dans la ferre : afin de leur procurer cet avantage on les plaçoit dans des tonnes ou cuves portées fur des roulettes. Voici fes paroles : PuJJ'unt vajis majoribus rotuU fubjici , quo minus labore producanLur & rurshs intra tctlu. recîpiuntur , fed nihilominus fpe- cularibus ïntegi debebunt , ut etiam frigoribus , ferenis diebus , tuto producantur ad Jolem. Col. lib. XI. Cap. III. Martial , qui a vécu fous Domitien , nous apprend auiïi des particularités qui ne font pas a négliger : c'eft dans le Livre VIII de fes épigrammes. H * Vallida ne Cilicûm timeant pomaria brumam f Mordeat & ienerumfortior aura nemus ; Hibernis objecta Notis fpecularia pur os Admktunt foies & fine fs.ee diem, «S Invida purpureos urat ne bruma racemos , Et gelidum Batchi munerafrigus edat ; t>u Jarbinagi, xï à poêle j inventions récentes , filles de la délicatefTe 6c de la volupté. Elles ont forcé la Nature à donner prématu- rément & contre fan gré des fruits dont elle ne nous fait jouir que beau- coup plus tard. Dans les premiers temps , on fe contentoit des plantes ou nées fur les lieux , ou qui pouvoient y croître naturellement. Les exotiques ne fu- rent recherchées que les dernières. Leur culture eft différente. Accoutu- mées à refpirer dans d'autres climats un air entièrement oppofé à celui de nos régions , elles ne doivent , parmi nous , leur confervation qu'à des foins Çondita perfpicuâ vivit vindemia gemma , Et tegitur felix , nec tamen uva latet. Quid non ingenio voluit natura lie ère? Autumnum Jierilis ferre jubecut hiems. Ces paflages prouvent feulement que !es Anciens employèrent des vafes de pierre fpé- culaires , afin de hâter la maturité des légu- mes , & qu'ils avoient de petites chambres fer- mées auvent & uniquement ouvertes au midi , pour conferver des railins en hiver & renfer- mer des citroniers , grenadiers &: autres arbres délicats nés en Cilicie , partie méridionale de. l'Afie mineure. Ces efpèces de ferres avoiehc des carreaux faits d'une pierre blanche & tranfparentp , qui fe coupoit par feuilles. li La Pratiqua infinis. Nos Jardiniers ordinaires font peu propres à les gouverner j il faut des connoiifances particulières & une étude toute différente pour entendre la pratique de cette fubdivifion du Jardinage , qui en forme une clafle féparée. , A l'égard des jardins^ de propreté & de fimple ornement où l'art femble vouloir alfervir les beautés de la na- ture ; je les crois fort anciens. On prétend qu'Epicure les a le premier introduits dans les villes. Ce qui eft certain , c'eft que les Hiftoriens & les Poètes des temps les plus reculés , nous représentent les jardins très- ornés , & décorés de figures , d'obe- lifques, de vafes précieux, de perf- pedives , de cafeades naturelles^ ou artificielles , de canaux , de jets d'eau & de portiques. Tout ce qui eft du reflort des beaux arts , fe reflentoit apurement de leur enfance. Les Prin- ces, pour déployer leur magnificence, &; les riches particuliers , pour faire éclater leur fomptuofité , plantèrent dans tous les temps des jardins uni- quement confacrés au plaifir des yeux , & à l'agrément de la promenade. Les hommes iiluftres , que leurs ouvrages du Jardinage. 15 en ce genre immortalifent , ne doivent point être compris dans la clafle des Jardiniers *, leurs talens pour le defîin &: la diftribution des jardins , les ran- gent dans celle des Architectes. Nous devons à leur génie les progrès éton- nan: que le Jardinage a fait parmi nous depuis près d'un fiécle , & la fupério- rité confiante que nous avons fur les Anciens dans cette partie de l'Agri- culture. Après avoir parlé de l'établiflTement du Jardinage, & de fes divers ou- vriers , il eft. naturel de dire un mot des outils connus de nos pères, 3c de ceux employés de nos jours. Les inftrumens du Jardinage ont été ou empruntés de l'Agriculture & du labour des terres , ou trouvés par fuccefîion de temps , comme ceux des autres arts. Quant à leur invention , je compare les premiers hommes aux habitans des pays nouvellement dé- couverts , de aux Sauvages. Ces der- niers travaillent à la terre , fans les outils enufage chez les peuples qui cultivent les arts Se les feiences. Us fe fervent de pierres fort aiguifées , d'os d'animaux & de poifïbns , avec lefquels ils fouillent la terre , fendent le bois & i4 La Pratique font quantité d'ouvrages pour fe pro- curer les chofes utiles , comme des arcs , des flèches , des naffes & des filets. Je parle des peuples fauvages qui ne font pas en relation avec les Européens ôc les autres chez qui les arts Ion: connus , tels qu'un grand nombre de Sauvages à la Louifïane ôc ailleurs. La defcription que nous liions dans Virgile , des inftrumens fervans au labour , nous fait croire qu'ils ont beaucoup de rapport avec les nôtres. Nous"- nous fouîmes contentés de les perfectionner , à en juger par les def- criptions que nous en ont lailTé plu- fleurs Auteurs. La différence qui peut être entre nos outils & les leurs eft la même qui fe trouve entre ceux des diverfes régions. Nos Couteliers de Paris , par exemple , font des ferpetres qui ne reflemblent point à celles de Châtelleraut. Dans ces derniers temps on les a perfectionnées. On fait de très- groiles ferpettes pour travailler dans les bois , & dans les brolfailles , des demi-ferpettes (planche I. fig. i.) pour les moindres ouvrages, Se des ferpil- lons (fig* 2. ) à long manche , à lame courte 6c à petit bec, très-commodes pour du Jardinage. if pour l'ébourgeonnement &■ le palif- îage. Il y a auiîîdes ferpettes renforcées (fig. 3.) propres à toutes fortes d'ou- vrages [a). Je dirai à ce fujet que pour opérer furement avec ces outils , il faut avoir la main gauche au-deiïus de la branche , quand on coupe en en-bas , Ôc au-deiTous lorfqu'on fait fa coupe en-delTus. On fait aller fa ferpette en coulant d'un cote ou d'un autre , tou- jours en-dehors , quand on retranche une branche fur le devant. (a) Le manche de ces ferpettes a quatre pouces nnquut de long , dégénérant par le bas un peu en arrondiiîeiîient en dehors , il a onze lignes de Hiamètre & neuf d'épaiffear ; la lame a deux pouces trois quarts & les plus grandes trois pouces, fur un de largeur. Au lieu d'être alongée & peu courbée'par la pointe , elle a une forre de bec arrondi en dedans. L'œil ou le clou rivé qui traverfe le manche & la lame eft à trois quarts de pouce en-deçà de fon extrémité fupérieure j cet éloignement du bord garantit la lame & la tient ferme , de plus le reflort pi us court que le manche em- pêche la lame de vaciller & i'emboîte pour ainfi dire. Bor.ié , Maître Coutelier , rue de la Vieille Monnoie , près celle des Lombards , fait de ces fortes de ferpettes oc d'autres outils t d'après les mefures ci-defTus données par l'Auteur. Le prix des groffes ferpeites eft de 3 liv. celui des moyennes , z liv. & les autres font de 30 fous , les grandes feies à main de buis à virole courent 4 liv. & $■ liv. félon leur force , ôc les moyennes de corne de cerf j 3 Hv. Tomt I% B 10 La Pratique Les fcies à mains que j'ai rendu plus commodes , ont différentes formes j les unes font à manche de bois 5 non fermantes (fg. 4. ) Se les autres à virole (j^. 5.) ou à reffort qui fer- ment, (fg. 6.) Ces fcies ont beaucoup de voie & font plus épaiifes par les dents que par le dos , fans quoi elles ne patferoient pas aifément j parce que leurs clents feroient bientôt engorgées, 11 y en a une que j'appelle pafTe-par- tout , {fig>7* ) deftinée à ôter les branches en fourches , où la largeur des autres fcies les rendroit inutiles , Se à faire une coupe moins groflière eu égard à la nneiTe de fes dentelures. La, lame de ces pa(Te - par - tout a cinq pouces de long fur un pouce par en- bas. Tout Jardinier doit avoir une trouffe femblable à celle des Tapiiîiers, où il y ait plufieurs poches pour placer fes ferpettes , fa pierre à aiguifers fon carrelet , fa feie , les clous & les lo- ques. Sur les côtés de cette trouffe on met deux anneaux où on pane les tenailles & le marteau à dents. La fg. 8. offre le greffoir : a , eft le manche arrondi en-dehors plus com- mode pour le travail \ b , le morceau d'ivoire en forme de petite efpatule , pu Jardinage. 27 îl fert à ouvrir la peau du fujet & à y inférer l'écuffon La j%. 9. eft une fourche nouvel- lement introduite dans le Jardinage , pour fouiller la terre , & lever les ar bres fans ofFenfer leurs racines. Cette fourche a trois dents comme celle à fumier , avec cette différence qu'elles font plus fortes , que leur pointe- eft plus camufe, & qu'au lieu que celle-ci eit arrondie de chaque côté de la douille , celle-là eft faite carrément , enforte qu'on peut pofer le pied déifias comme fur une bêche pour la faire entrer en terre. Je ne puis me défendre de joindre à ces outils de Jardinage un inftrument d'Agriculture autant connu dans l'An- jou qu'il l'eft peu par- tout ailleurs j il fe nomme Ecobue , eft recourbé a-peu- près comme une Houe , il n'a pas plus befoin de reftaurans que nous , lorfque notre eftomac fait bien fes fonctions y mais quand on voit cet arbre dépérir , un peu de fumier bien confommé eft efTentiel pour le faire renaître. Je ne confidere ici les engrais que par rapport à leur origine. J'en parlerai plus au long en traitant des pratiques du Jardinage, Ôc des raifons- Bhj 30 La Pratique fur lesquelles elles furent établies.' Quoique le fumier ait été en ufage dans tous les temps , la façon de l'em- ployer ne rut pas toujours la même. L'invention des couches chaudes , par exemple , Se des réchauds mis tout autour eft récente , ainfi que les cou- ches fourdes Se celles à champignons. Je ne crois pas qu'elles ayent plus d'un iiécle d'ancienneté. J'imagine que les meules à fumier Se les foiïes où on l'a entaifé , ont donné lieu à l'invention .des couches. On a vu que ces meules s'échauffoient, Se que quelques graines apportées par le vent , y germoient , Si projuifoient des plantes ; on s'efi: avifé d'imiter ce qui fut l'effet du ha- ïafA. On a donc entaffé ces fumiers, on les arrangés par lits , on a mis de la terre ou du terreau par-dedlis , puis on y a femé Se planté. Quand on a remarqué que la chaleur de ces cou- ches diminuait , l'idée eft venue d'y appliquer autour du fumier chaud. On a arrolé ces couches , Se on s'efb aperçu que les unes Se les autres donnoient des champignons. Les cloches de verre, les chadis, les ferres échauffées par des fourneaux Se des poêles font dus à dçs obfervations fubféqueiues. du Jardinage. 3 ï C'eft aux Hollandois principalement &e aux Anglois, que nous fommes re- devables de ces utiles inventions. Leur climat ne leur permettant point d'a- voir des plantes de toute efpèce dans le même temps que nous , ils ont in- voqué le fecours de l'art, pour jouir de celles que la Nature leur refufoit. Je parlerai dans un autre endroit des murs coupes de Montreuii, de fes brife-vents , de fes paillafïons , de fes auvents Se de fes tablettes , dont le ha- fard fut le père. Il en eft de même de ce qu'on appelle ados Se coflière. Sans doute qu'à l'occafîon de quel- que éminence de terre , ou de fumier , on aura vu des plantes préfervées du froid Se des mauvais vents ; Se l'on aura , en conféquence , imaginé de creufer la terre , pour y femer &e plan- ter durant l'hiver &: le printemps. Les pratiques qui onr été en ufage avant nous, ont été perfectionnées , comme il eft probable que les nôtres le feront. Jufqu'ici , j'ai confidéré le Jardinage relativement à fon établiiîement, à fes progrès Se à fa formation. Je vais pré- sentement l'envifager du côté de l'ef- prit Se des talens qu'il requiert. B îv 32. La Pratique CHAPITRE IL 2)a Jardinage confédéré du cou de l'efprit. Vj/uelçue amusantes que foient les occupations de cet Art fi univer- sellement aimé , quelque brillantes que foient pU.fieurs d'entre elles, néanmoins A ïe$ bien confidérer , le Jardinier ne trouve par-tout que des fujets d'buir i:io:ion. Ses conncifTan- ces , relativement aux opérations de la Nature , font (î bornées , les expé- riences fcnt fi trompeufes , & les con- jeclt res 11 hafardées que toujours il eft novice cians le Jardinaee. De tous les Arts qui ont été dé- membrés de [Agriculture tk qui en font partie , le Jardinage eft le feul où Ton foi t à portée de fuivre la Na- ture, Ôc de Pobferver dans fes phéno- mènes & fes variations } j'ai prefque dit fes caprices. Réunifiant les opéra- tions des autres ouvriers occupés du travail de la terre , le Jardinier aper- çoit, ainfi qu'eux, les merveilles de la du Jardina g £.- $$ Nature } mais comme il eft le feul de toas ceux qui cultivent les végétaux , qui foit appliqué fans interruption au£ fonctions qu'il partage avec eux \ il eft bien plus en état d'obferver à chaque inftant les é/énemens extraordinaires- Se merveilleux. Cette raifon eft , à mon avis , une de celles qui démontrent l'impoilibilité' de raifonner pertinemment de la végé- tation, quelque pénétration Se quel- ques talens qu'on ait d'ailleurs , tant qu'on fe contentera de faire des épreu- ves paiîagèL-eSj, de des fpéculationsdans: fon cabinet. Je démontrerai cette pro- portion , en parlant de la nécerïité de la Phyfique inftrumentale Se expérimen- tale. Il faut pour fonder les myftères dev h. Nature en être l'efpion. Dès que vous l'a perdez de vue , elle vous échappée Toujours elle prend plaifir à fe cacher,, toujours elle fe mafque Se fe travefHt. Vous vous flattez d'être parvenu à une- découverte , en conféquence de vos obfervations Se de quelques expérien- ces particulières ^ vous les réitérez , Se- vous trouvez tout changé au point que nulle de vos obfervations ne cadre avec- ce que la Nature vous a fait apercevoir By 34 La Pratique quelques mois , quelques jours aupa- ravant, Se fouvenr au moment où vous croyez l'avoir faille dans fon vrai point. Je me bornerai à deux exemples tirés de pratiques très-ordinaires dans le Jardinage : le premier regarde le ravalement des vieux arbres , Se le changement de leur greffe ; le fécond eft pris de la tranfplantation de ces rnêmes arbres déjà âgés. Durant plus de quarante années confacrées au Jardinage , il m'eft arrivé <5'ébotter un grand nombre de vieux arbres auxquels je ne laifiois prefque que le tronc avec quelques grones branches très-écourtées , fuivant l'u- fage. Fort peu ont réuiîî ; un arbre eft vieux Se caduc , il ne rapporte plus , il ne pouffe plus , on a de la peine à l'ar- racher, Se Y on efpère qu'à la faveur de quelques amendemens , on le vivifiera. On le fume donc , on le laboure , on le change de terre , Se enfin on l'étron- çonne. Pendant les premières années il donne de nouveau bois , on ne peut fe laffer de l'admirer , on fe félicite Se l'on s'applaudit de ces lignes trom- peurs de fécondité qui ne iont que les efforts d'une fève expirante. Ce- du Jardinage. 55 pendant ce même arbre , après avoir jeté fon feu , & s'être foutenu durant quatre ou cinq ans , retombe dans {on premier état j & enhn il faut replan- ter. Voilà donc plusieurs années de perdues , durant lefquelles un jeune arbre mis à la place du vieux , fe fe- roit formé & auroit déjà produit du fruit. Il eft encore fort en ufaee de chan- ger de greffe ces vieux arbres } par la même raifon que ceux qu'on avoit ébottés ont pouffé vivement , ceux-ci font admirer la forée de leurs jets. Ces nouvelles greffes portent auffi quelquefois des fruits dont on tire d'heureux préfages. Mais au bout de quelques années , elles meurent l'une après l'autre , & les gros bois quittent leur écorce. J'ai pratiqué heureufe- ment à l'égard des uns & des autres le rapprochement , dont le détail fe lira dans mon Traité du Pêcher. Le fécond exemple eft tiré de îa tranfplantation des arbres de moyen âge. On les plante en motte , avec toutes les précautions polîibles , on les fume , on les arrofe , & on en a beaucoup de foin. Ils reprennent de donnent du fruit durant pluiieurs; Bvj 3<> La Pratique • années. Ces mo'uvemens de la fève ne font que pafiTagers, &z forcent enfin d'arracher des arbres qu'on auroit mieux fait de ne pas conferver. Le fuccès de ces deux pratiques très- vtfîtées dans le Jardinage , n'a jamais été heureux pour le pécher, quoiqu'il l'ait été quelquefois à l'égard de cer- tains arbres de fruits à noyau. Je puis ailurer que dans l'un & l'autre exem- ple , fur un cent d'arbres , il en eft tout au plus un quart qui réuflhTe. Un grand défaut de ceux qui s'appliquent au Jardinage , c'en: de n'être point aifez en garde contre les préjugés & les pré- comptions. Il vient une idée , on la met à exécution , elle femble réuiîir d'abord, on l'étend , on la modifie, on s'en promet des fuites , qui pour- tant n'ont point lieu , mais n'importe : l'amour-propre ne veut jamais avouer fon erreur. Que fait- on alors ? On at- tribue le défaut de fuccès à quantité de caufes aulîi étrangères que chiméri- ques. Ainfi , dans le cours de fa vie, l'homme eft induftrieux à s'abufer lui- même. Pour -avoir de la végétation des idées nettes , étendues Se appro- fondies , il faudroit connoître parti- culièrement la fève , fa nature , fou du Jardinage. 37 action , fon jeu & fes mouvement dans toutes les patries des végétaux. Il faudroit fa voir comment d'autres cau- fes particulières concourent avec elle, pour procurer des effets diiTemblables, 8c concevoir leur accord dans la pro- duction de ce nombre infini de plantes diverfes. L'efprit de l'homme ne com- prendra jamais que la fève qui n'eft qu'une & la même dais tous les vé- gétaux , puiffe être modifiée en au- tant de formes , acquérir autant de propriétés , de qualités , de faveurs , d'odeurs &c de couleurs , qu'il y a de plantes particulières &z de parties qui les compofent 'y &c que l'action du feu, de l'air Se de l'eau , tant en-dehors que dans le fein de la terre , contribue avec fes fucs à la germination & à Taccroif- fement des végétaux. Nous ignorerons toujours pourquoi les canaux de la fève, fes tamis intérieurs, les fibres qu'elle a à parcourir , les loges , les calibres , les trachées , éc tant d'au- tres parties internes des plantes occa- sionnent des effets fi variés. Tous ceux qui jufqu'ici ont travaillé fur les végétaux , ont-ils pu pénétrer aGfez avant dans le fanctuaire de la Nature , pour lavoir comment les 3$ La Prati qu e plantes afpirent & pompent le fuc nu- tritif par l'entremife des racines , &C quelles font les fonctions particulières de celles-ci ? Quel génie a pu fuivre la fève dans fes deux mouvemens bien diftingués ; favoir , du bas en haut , de la part des racines , Se du haut dans le bas , lorfque de l'extrémité des bran- ches & des feuilles elle revient fur {es pas fe répandre toute travaillée dans les différentes parties des plantes , &: y porter la nourriture & la vie néceiTai- res à leur accroiffement ? Les divers phénomènes qui frap- pent nos yeux , & les variations de la Nature qui nous déconcertent fans eefTe , nous forcent à faire à chaque inftant l'humiliant aveu des bornes de notre intelligence. Par-tout nous ne trouvons que ténèbres , nuages obf- curs , voiles , énigmes de difficultés infurmontables. Cependant j'ai ofé , malgré ces obftacles , rendre raifon de quantité d'efrets dans la végétation. Je n'ai point prétendu donner des folu- tions ? ni des démonstrations , mais des probabilités fondées fur des con- jectures & des préemptions d'après, des faits. Quoi qu'il en foit de ces obscurités du Jardinage. 39 myftérieufes , on peut dire que d'un autre coté la Nature fe proportionnant jufqu'à un certain point à la foible portée de notre efprit , ie manifefte a nous en nombre d'occafions. C'eft un grand livre ouvert à tout le monde , c'eft un miroir univerfel où l'on trouve toujours à contempler j c'eft une fource incpuifabie de réflexions. L'étude de la Nature , quoiqu'elle nous rabaiffe 5c nous humilie , élève l'ame au-deiïus d'elle-même , l'annoblit , l'aggrandit & l'enrichit. Il n'eft point -de icience plus fublime , ni de philofophie plus étendue. La végétation, portion la plus riche de la fcience de la Nature , eft le prin- cipe de la formation de notre être. Notre fubfiftance , notre fanté , notre vie, nos aifes, font dépendantes de la végétation. Il faut , afin que nous vivions , labourer , fumer , herfer , farder, jufqu'à ce que tirés de la pouf- ficre nous y rentrions. Qui pourroit nombrer toutes les caufes particulières qui concourent à procréer dans la terre de quoi fournir à nos befoins , à nos plaifirs , a nos commodités , à notre fenfualité ? Que de fervitudes de notre part ! Quel enchaînement de 4© La Pratique moyens , avant que de recueillir Se de m ordonner ! Par combien d'états doivent paffer toutes chofes avant que de nous nourrir , de nous vêtir , de nous guérir, de nous loger &: d'être propres à nos befoins ! Si le ciel frappe la terre de ftérilité , des mil- lions d'hommes périffent de mifère &: de faim. Si des contretemps fâcheux interrompent la végétation , fi les fucs informes de la terre ont paffé dans les plantes contre l'ordre de la Nature , il s'enfuit des maladies univerfelles ou des dérangemens de fanté &c (payent la mortalité parmi les humains , com- me parmi les animaux. Tout ce que la terre fait éclorre de fon fein fécond eft également immenfe & incompréhensible. Le moindre des fruits , le plus petit herbage , les lé- gumes, avant que d'arriver à leur for- mation & a leur maturité , ont eue modifiés à l'infini. Ils ont été , comme nous mêmes , oeuf ou germe , em- bryon , fœtus. Enfuite il leur a fallu , paffer par les différens degrés de la végétation , croître fucceilivement &: fe former. Tout cela n'a pu fe faire fans le concours des faifons, fans les dirférens afpe&s du foleil , les pluies».. ï> U J A R D î N A G I. 4Ï les rofées , la fucceiîion de la nuit Se du jour , les diverfes influences de l'air , fon action Se fon jeu. Il a fallu que les feuilles ayent préparé la fève aux boutons qui ont du , au fortir de leur prifon , s'alonger , fe former par gradations infenfibles , & de {impies bourgeons arriver à la coniiftance de bois dur , Se devenir chefs d'une pofté- rité nombreufe de graines Se de fruits. Toutes ces chofes le font avec un or- dre , un concert Se une économie fî parfaite , que chacune de ces caufes coopère à cette grande œuvre , fans qu'aucune fe dérange. Au défaut d'une feule , tout eft manqué , il n'y a plus de végétation. Malgré cet ordre général Se cette économie dont la Nature paroît ne point fe départir , fes variations la font paraître dans un certain nombre de végétaux fwivre un cours tout dif- férent que dans les autres. Toutes les plantes ont pour principe un germe y une graine qui fe développe par gra- dation dans le fein de la terre. Là , par fucceiîion de temps , ce germe arrive fuivant fa façon de végéter à fa croif- fance parfaite. Cependant tout ce bel ordre eft changé ailleurs. Au moyen 42. La Pratique d'une branche féparée de fa tige, ou d'une bouture , d'un rejeton , d'un filet alongé , on voit des plantes for- mées prefque à Imitant : en couchant Amplement en terre un rameau , je vois avec furprife un arbre tout venu , fans avoir patfé comme les autres par ces états progreiîifs , dont je viens de parler. C'eft ainfi , qu'en coupant un far ment de vigne , une branche de faule , un brin d'ofier , un rameau de fureau, de grofeillier , & le mettant en terre 5 il prend racine. Tous les jours les violiers ,' les fraifiers , le hou- blon , le chiendent fe multiplient par u Jardinage. 45 quelques rapports particuliers qu'ils puiftent d'ailleurs avoir entre eux. Les principes , quoique les mêmes en un fens , font néanmoins très-diifembla- bles dans les effets. L'inftinc~t particu- lier des animaux , qui ne fe reuemble en rien dans chaque efpèce , eft quel- que chofe d'incompréhenfible. De même tout ce qui dans les plantes, ainil qu'en nous , eft purement ma- chinai , dépend uniquement de la conftitution particulière, de l'aifem- blage intérieur & de l'arrangement mécanique des parties tant internes qu'externes. Que doit faire le Jardi- nier à la vue de tous ces effets mer- veilleux ? Les contempler Se les admi- rer avec une foumiilion aveugle aux loix de celui qui a voulu lui en cacher les caufes. Une des raifons pour lefquelles la profeiiion de Jardinier eft réputée vile, c'eft qu'il en eft peu parmi ceux qui l'exercent, qui en poûedent les talens. Eile eft auiti regardée comme très- bornée , par le défaut de connoilïance de la Phyfique, du moins dans ceux qui doivent donner le ton aux autres. Je ne demande point qu'un homme de campagne qui fouvent ne fait pas 4# La Pratique lire , ait des notions de Phyfîque ,1 proprement dite , mais je defire en lui un inftincl: machinal de cette fcience , fondé fur des notions particulières d'une forte d'anatcvmie des plantes en général , le tout à fa portée. Ces no- tions font tellement néceifaires pour être Jardinier , qu'il eft impollible fans leur fecours de fe bien conduire dans l'art de gouverner les végétaux , fur- tout les arbres fruitiers. J'entends par Phyfique înftrumen- tale 3c expérimentale , la connoiifance des parties des plantes , du moins des plus elfentielles , & de l'ordre qui eft entre elles, ainfi que du cours de la Nature 8c de fon action dans les plantes , fuivant leurs efpèces par- ticulières *, c'eft cette fcience qui ap- prend à connoître les chofes dans leurs principes 8c dans leurs caufes , pour parvenir à diriger fon travail quant aux végétaux. Le Phyficien fpéculatif 8c le Jardi- nier Phyficien , diffèrent en ce que l'un eft un beau raifonneur , & l'autre un bon ouvrier j le premier ne vife qu'à l'efprit pour tout approfondir , fans tendre directement à la pratique, ôc l'autre n'étudie jufqu'à un certain du Jardinage. 47 point la Nature, que pour mieux opé- rer. Celui-là ambitionne plus de faire briller fon génie fertile , en l'exerçant fur les phénomènes de la Nature, qu'à la rendre plus féconde par des connoiiTances Se des leçons utiles , au- lieu que celui-ci ne cherche qu'à s'inf- truire pour mieux diriger fes opéra- tions , afin de procurer l'abondance en tout genre dans fon Art. Comparez le fyftème des Montreuillois dans le gouvernement des arbres , leurs prin- cipes Se les conséquences qu'ils en tirent pour la pratique , avec les idées brillantes de nos Phyficiens fublimes , Se vous verrez combien les premiers l'emportent fur ces derniers. Un bon Jardinier , félon moi , Se un bon Phyficien font fynonymes ; je * vais plus loin , au rifque de paroître fingudier , Se je prétends que pour parvenir à une connoilTance parfaite des végétaux , comme à leur gouver- nement exact , il faut avoir une tein- ture furfifante de l'anatomie des fub- ftances végétales Se des fubftances animales j la refTemblance de leurs organes 5 l'identité de leurs fonc- tions m'ont toi jours paru bien dé- cidées. Un Jardinier tant foit peu 4 S La Pratique verfé dans ces connoiflances , fera très-réfervé pour ne leur point faire de plaies fans néceflité. Il imitera l'exem- ple des Siamois qui n'ofent élaguer les rameaux de leurs arbres , de peur de leur faire des incitions douloureufes. L'anatomie des plantes a été incon- nue aux Anciens , de même qu'une grande partie de celle du corps hu- main j faute de microfcope , ils n'ont pu raifonner qu'imparfaitement fur la mécanique des unes & des autres fub- ftances , n'étant point éclairés par le flambeau de la Pnyiique. C'eft la con- noifTance de l'anatomie des plantes , fcience extrêmement curieufe & amu- fante , qui nous élève à celle de leur organifation } par le fecours de cette ^Phyiique , ainfi que par les inductions qu'elle nous fournit, nous apercevons une grande conformité de cette orga- nifation avec celle de notre corps. Ces notions peuvent nous guider dans le régime , 8c la conduite que nous de- vons obferver à leur égard. Quelques exemples vont confirmer ce que j'a- vance. Il eft queftion de favoir pourquoi les branches à bois dans les arbres de fruits à pépin , ne font jamais frudtueufes, pourquoi du Jardinage. 4^ pourquoi elles montent verticalement, à moins que la futabondance du fuc nourricier ou quelque caufe étrangère ne les faife pencher , & pourquoi au contraire les branches à fruit ou ne pouffent point du tout en bois , ou ne pouffent que foiblement ; pourquoi aulfi elles ne montent point vertica- lement , font placées obliquement , latéralement , de pointent en devant ou fur les côtés en forme de dard. La connoiffance de la configuration intérieure des parties des unes & des autres répand là-deifus un grand jour. J'ai , pour cQt effet , examiné leur dif- poficion intérieure. Les branches à bois feulement , 5c celles de faux-bois m'ont paru , au micro feope , avoir â.QS fibres droites , alongées «Se aplaties les unes fur les autres , occupant toute l'étendue de la branche &c diminuant à mefure qu'elle diminue de grof- feur jufqu'à fon extrémité. Je les ai trouvé fi filandreufes qu'elles fe déta- choient comme des brins de chanvre qui n'eft point travaillé ; leurs aires , leurs pores , ceux par lefquels la fève fe communique à ces fibres , leurs pa- rois m'ont femblé auiîi pratiqués dans route la longueur des branches. Elhs Tome I. G $o La Pratique fe tordoient aifément , & la plupart: obéifToient jufqu'a plier en forme fpi- rale , fans fe calfer. Quand je les rom- pois , elles s'éclatoient , & lahToient des efquilles inégales , à chacune des parties féparées. Les branches à fruit au contraire ont des fibres courtes &c tranfvèrfales , elles font toutes criblées de trous fem- blables à ceux d'un dé à coudre. Quan- tité de petits vaifTeaux , dont quelques- uns font prefque imperceptibles , des particules de fève amatTées çà 8c là , dont le tiiTu eft plus ferré , des îinus , de petites cavités dont les orifices paroif- fent imiter ceux d'une éponge , font répandus dans toute la capacité de ces fortes de branches. J'y ai trouvé nom- bre de cellules dans lefquelîes étoit contenu le fuc nutritif, plus épais &c plus gluant que la fève renfermée dans l'intérieur des branches à bois feule-r ment. En tirant avec une épingle du fond de ces loges des particules de ce fuc, & les confidérant dans le microf- cope , elles m'ont paru comme de la bouillie , de la couleur &: de la con- iifbnce de la glaire d'un œuf. Les bran- ches à fruit ou brindilles , au- lieu de plier Se de fe rompre par éclat , fe du Jardinage. 51 eaïfent net , comme le verre, ou comme le fer aigre. Quant aux lambourdes , j'ai trouve leur tiiîu ferré , leurs fibres fort me- nues , aplaties , preifées & compactes. En les fuivant de près fur les arbres , j'ai remarqué les cliangemens fucceilifs qu'elles éprouvent. Elles grofiiifent d'abord fort peu , parce que la fève qui leur eit préparée étant extrême- ment travaillée , forme un moindre volume que celle qui étant crue paife directement dans les branches finale- ment à bois. Mais fi elles n'acquiè- rent pas une plus ample capacité, leurs yeux ou boutons grofiilfent confidéra- blement , &c à la^troifième année qu'ils deviennent boutons à fruit , ils pren- nent la même conformation intérieure que ces brindilles dont je viens de par- ler ; c'eft-à-dire que de feches 8c de compactes , elles deviennent dilatées* 8c poreufes. Voici maintenant Pillage que j'ai fait de ces découvertes. J'ai imaginé d'abord pour rendre fruétueufes ces branches à bois , 8c celles qu'on ap- pelle de faux-bois dans les poiriers Se pommiers , de les cafTeràdeux ou trois lignes en-decà de leur nailTance , vers Cij 51 La Pratique l'endroit où font communément les fous-yeux. Il s'y fait des efquilles qui ne fe recouvrent que difficilement, en ce quelles forment autant d'obftacles au pansage de la fève , qui eft obligée de refluer ailleurs, Telle eft la différence pour la réunion des parties de la promp- titude de la guérifon d'une coupure fimple faite à nos chairs d'avec une plaie , à l'occafion de laquelle elles auroient été arrachées ou déchirées par lambeaux. Puifque le rapprochement des fibres de la contraction des parties occafion- nent la formation des branches fruc- tueufes , de qu'en oppofant des bar- rières à la fève , elle fe filtre , de ne paiTe que peu à peu dans ces branches d'un tilTu ferré, j'ai effayé de faire par art, ce que fait la Nature dans ion cours ordinaire. J'ai donc caiTé une partie de ces branches ftériles par elles-mêmes. La fève ne trouvant plus pour faire éruption au dehors que les fous-yeux , dont le calibre eft fort étroit , de dont les orifices font extrê- mement fins , ne peut y paffer , qu'elle ne foit très-affinée , & par-conféquent propre à la formation du fruit. L'évé- nement a tellement répendu à mon du Jardinage. 53 attente , que pendant plus de trente ans ce caifement m'a produit ou lam- bourde , ou brindille , ou bouton à fruit pour l'année. Ces mêmes expériences m'ontguidé dans l'ufage 3c la direction des bourfes a fruit afin d'en faire des branches à bois, en cas de nécefîité. Nos Jardi- niers font prefque toujours avorter ces branches fi précieufes : elles font telle- ment abondantes en certains arbres , qu'ils ne pouifem plus de branches à bois : leur fort eit d'être bientôt épui- fés , 11 au -lieu de les foulage r on fé- conde leur intempérance, en leur laif- fant toutes leurs branches à fruit. Mais celui qui connoît la néceiTite des ma- gafins 3c des réfervoirs de la fève , fe comporte tout différemment. Il taille à bois ces fortes d'arbres , qui n'ont que des lambourdes & des bourfes à fruit , &: pour cet effet il choifit les plus fortes 6c les mieux placées , qu'il taille à un œil feulement , & ce feul œil produit infailliblement un bour- geon à bois. Si l'arbre , au-lieu de lambourdes, n'a que des brindilles & des boutons à fruit, il faut le rapprocher , le rabat- tre ■& le tailler far le vieux bois j alors C iij 54 ^ A PRATIQUE on eft allure d'avoir des branches à bois. Je conviens qu'elles ne feront point dans l'ordre ordinaire , &; qu'elles ne feront pas forties des bornons à bois dont l'arbre eft totalement dé- pourvu -, mais j'aurai des branches de faux-bois , qui perceront de l'écorce , ÔC par leur moyen je regarnirai cet arbre de branches à bois , que je tail- lerai fort court, jufqu'à ce qu'il foit entièrement renouvelé. A l'égard des bourfes à fruit , elles produisent affez fouvent deux fortes de branches ) favoir , des lambour- des & des branches a bois. Si ce font des lambourdes , nos Jardi- niers fe contentent de les caffer par le petit bout, Se iî ce font des bran- ches à bois ils les fuppriment , afin y diferit-ils , que la fève ne s'y perde point. Ce raifonnement prouve qu'ils font peu au fait de la végétation. En eonféquence de ce principe > il faut amufer la fève ; je taille avec Mon- treuil les lambourdes à un ou deux yeux y afin d'attirer la fève de ce côté- là , & afin que devenant branches à bois , elle y trouve un réfervoir Se un entrepôt , pour pafler enfuite dans ta bourfe àiiuit, & la fournir au befoin.. du Jardinage. 55 Celle-ci eft dans l'abondance , &: tire de ces branches à bois toute la fub- ftance néceffaire pour elle-même , ôc pour les fruits quelle nourrit ou les boutons à fruit qu'elle forme. Dans le cas où la bourfe a fruit fait éclorre une branche à bois , je la taille à fix , fept ou huit yeux , parce que je ne l'ai jamais vu fupprimer fans que la bourfe à fruit ait péri. D'après la connoiiïance du tiiïu &z de la configuration des branches fructueufes dans les arbres tant à pcpin qu'à noyau , j'ai reconnu que les gens de Montreuii avoient beaucoup de principes de Phyiique , fondés fur la feule expérience : fans cette étude je n'euffe jamais porté de leur travail quun jugement faux.C'eftauiÏÏ d'après leurs opérations , quant au traitement des gourmands , que je me fuis dé- cidé pour en faire la bafe de mes ar- bres , conféquemment aux intentions de la Nature , fi viliblement mar- quées dans ces branches précieufes , réprouvées univerfellement par les Jardiniers dénués d'intelligence. Les Montreuillois ont des moyens d'ar- rêter & de divifer la fève , qui fup- pofentune excellente judiciaire. Patmi Ç iv j ë La Pratique les exemples fans nombre , que je pourrois rapporter , je choifîs celui qu'ils ont inventé , favoir , la fup- prefïion du canal direct de la fève , & de toutes branches verticales à leurs arbres d'efpaliers. Ce point feul fait voir que leur fyftème tient à un goût de Pkyfique , qu'il eft impoflible de ne pas admirer. Quoique non fuivi par les Jardiniers , ce fyftème n'eft: pas nouveau dans le Jardinage , il ne î'eft que pour les arbres d'efpaliers } mais l'application en eft due aux gens de Mon treuil. Il me refte a confidérer le Jardi- nage du côte des fondions corporel- les , & des exercices fatigans qui en font inféparables. 4 . ,^^g$%gffi km CHAPITRE III. Du Jardinage conjîdéré du côté de l'opération. Lis talens particuliers Se les qualités de Tefprit ne fuffifent pas pour être Jardinier j il faut , de plus , être doue du Jardinage. 57 ^par la Nature de plufieurs avantages corporels quelle refufe quelquefois , je veux dire d'un tempérament ro- bufte & d'une forte de rufticité. J'a- joute qu'on doit tout faire par foi- même. Quiconque ne voit que par les yeux d'autrui, voit prefque tou- [ours mal. Il faut donc avoir pratiqué les diverfes fondions du Jardinage, en qualité de ce qu'on appelle manou- vrier , de même qu'il n'eft pas pofTible d'être bon Médecin, ni habile Chirur* gien , quelque génie & quelque péné- tration qu'on ait d'ailleurs , fi l'on n'a diiïequé les différentes parties du corps humain, pour en découvrir les relions & les mouvemens. La profeilion de Jardinier , quand on veut en remplir les devoirs, ne s'accorde guère avec les aifances 6c les commodités de la vie. La parefTe Se l'indépendance font inalliables avec elle. Il n'eft peut-être point de profef- fion plus amijétiffante. Dans tous les autres états on peut différer, avancer, fuppléer fuivant les occurrences , ici tout affujétit ôc preffe dans chaque faifon. Manquez le temps des labours , une féchereue fend la terre , ôc vous n'y revenez plus. Différez la taille Cv* 58 La Pratique des arbres , la fève perçant alors de toutes parts , leurs fleurs tombent aifé- ment. D'ailleurs vous rifquez 5 quel- ques précautions que vous puiffiez prendre , d'abattre quantité de bou- tons à fruit extrêmement tendres alors; je parle ici des fruits à pépin : fi vous êtes obligé de faire de fortes amputa- tions , vous êtes fur d'éventer la fève. Que vous remettiez à ébourgeonner quand la fève eft- répartie trop abon- damment dans les bourgeons furnu- méraires } c'eft autant de perte pour ceux qui doivent refter. Si d'un autre côté vous ébourgeonnez trop tôt pour avancer l'ouvrrge , vous le reculez réellement en ce que la fève n'ayant point jeté fon feu , vous ne tardez pas à recommencer. Soyez une feule nuit fans couvrir vos couches par trop de confiance dans le temps , èc que cetre nuit-là même une gelée vous fur- prenne , vos plantes font moiiïbnnées ians reflource. Les faifons ayant donc leurs ouvra- ges déterminés , vous tracent votre devoir ôc vous commandent. Mais il eft quelque chofe de plus ; c'eft que dans chacune , chaque ouvrage a également fes inftans marqués , par 1* U J A R D I N A G K ff rapport au temps qui lui eft propre. Manquez un feul jour d'arrofer vos plants de laitues , de fleurs & autres , lorfqu'un foleil brûlant darde à plomb fes rayons fur la terre , vous êtes allure qu'en vingt -quatre heures tout eft monté , defleché ou avorté , vous avez beau les arrofer après coup , c'en eft fait, dès qu'une fois le foleil a frappé le cœur de ces plantes. Ne cueillez point les fruits dans leur faifon , ils tombent, fe froifTent ôc fe perdent. Cueillez-les trop tôt ou par l'humi- dité , ils fe fanent, n'ont point de goût & pourrhTent. Il en eft de même de tout ce qui n'eft pas fait dans fon temps , ou qui ne l'eft pas fuivant les règles de l'art. Mais les fatigues , les foins de cette profeffion de Jardinier , les difgraces même qui en font inféparabîes , font bien autre chofe. L'expofé de quel- ques-unes de fes principales fondions en donnera une jufte idée. Si l'on confidere plus particulière- ment le Jardinage du coté de fes occu- pations ordinaires, combien, de fervi- tudes encore ! De quel droit au refte cette profeiîion prétendroit- elle ne point le reflentir des amertumes , qui: C vj. . éo La Pratiqui accompagnent toutes les chofes d'ici bas ? Toujours dans l'action 8c dans un cercle perpétuel d'occupations de de travaux ; expofé aux vicimrudes des faifons , le Jardinier brave les intem- péries de l'air , travaillant mal à fon aife , & dans les poftures les plus gê- nantes. Là , pour étancher la foif ardente de fes plantes dévorées par le foleil , Se lui-même en proie à {es ardeurs brûlantes ,• il lui faut tarir des puits profonds , pour emplir fuccefïivement à force de bras de vaftes cuviers , puis , chargé de deux arrofoirs , fe tranfporter dans les différentes par- ties du jardin. A l'inflant même , il remplit, à la fueur de fon front, ces mêmes cuviers defhnés à renfermer une provision d'eau imprégnée des par- ticules ignées , répandues dans l'air. S'il eft aifez heureux pour que des fburces abondantes l'exemptent de ce pénible exercice , il eft d'autant plus obligé aux arrofemens fréquens , qu'il elt pîus à portée de les réitérer. Ici les mains dans la terre humide &: le fumier, àlarofée, durant Se après les pluies , il fe trouve dans la boue êc dans la fange j comme aufli durant les DÛ JARD1WA6H, W féchereffes , il eft au milieu des im- mondices 6c de la poulîière. La , des fatigues d'un genre diffé- rent lui font préparées. Ce font des fardeaux pefans , des tranfports de terre , de fumier , de terreau , des caiffes & des vafes à remplir de terre & à porter aux lieux de leur détona- tion , pour les renfermer enfuite dans la ferre. Ailleurs des fruits à cueillir dans leur faifon. Sans parler des précautions nécefTaires pour ne les point frohTer , le Jardinier eft oblige de les arranger dans de vaftes mânes avant que de les dépofer dans la fruiterie , chacun à la place deftinée à ceux de fon e£« pèce. S'il aime fon état , quels momens trouvera-t-il le long du jour pour goû- ter les douceurs du repos? Toujours en guerre avec des ennemis fans nom- bre , qui ne lui donnent aucun re- lâche j les uns font apportés par les faifons ôc par l'air : tels font les vents defTéchans durant l'été > & les noirs aquilons fuivis des frimats & des ge- lées : telles font encore les brûlantes ardeurs du foleil , & les longues fé- chereffes , comme les humidités con- 4i La Pratique tinues , les brouillards vermineux & les autres influences malignes. Il eft d'autres ennemis non moins à crain- dre pour les végétaux., les uns ofent braver effrontément le Jardinier , ôc comme lui infulter en plein jour ; les autres profitent de Fobfcurité de la nuit , pour exercer impunément leur brigandage. Quel que ioit leur nom- bre , le Jardinier vigilant peut les détruire par quantité de moyens effi- caces y mais il en eft contre lefquels il ne lui eft pas facile de fe défendre. Ce font ceux qui enfevelis dans le fein de la terre , femblent conjurer contre les végétaux , comme les vers deftruéteurs , qui rongent les racines des plantes } les taupes de les mulots, dont Virgile dit qu'ils fe creufent des demeures & des greniers fouterair-s , .où on ne peut les attaquer : S&pe txïguus mus In terris pofuiique nidos , atque horreafecit , Aut oculis capti fodére cubilia talpn. La terre elle-même , lo;n de répon- dre aux intentions du Jardinier , par une prédilection qui nous paroi t bi- garre y préfère à nos plantes utiles ôc du Jardinage. ^f les plus falutaires des herbes inutile! & préjudiciables. Un foin &: une atten- tion aflidus arrêtent le progrès de toutes ces plantes ; d'autant plus funeftes , qu'elles renaiffent à mefure qu'on les détruit. Que de peines donc > &: que de fu- jetions pour un Jardinier qui veut tout prévoir , 8c fe mettre en garde contre tant d'ennemis ligués contre lui ? De combien de fecrets n'a-t-il pas befoin pour s'en garantir ? A com- bien de rufes , d'artifices &deftrata- gêmes ne faut-il pas qu'il recoure fé- lon les divers obftacles qu'il rencontre? Tantôt appliqué à préferver de la ge* lée de des frimats les arbres de fes= efpaliers,. dont les fleurs tendres en- core & les bourgeons naifTans peu- vent être moiffonnés dans une nuit ; il faut que le foir il place fes paillaf- fons , èc les ôte le lendemain , fouvent même dans la journée. Portant fes pas ailleurs , il rend le même office à quantité de plantes foi- bles 6c faciles à endommager , aux- quelles il a foin de procurer une cha- leur artificielle. par le moyen des cou- ches & des réchauds. Avant le lever de l'Aurore, &: lorfque la douce -rofée. tf 4 La Pratique humecte encore la terre , il cherche les limaçons &c les autres infectes qui dévorent les plus beaux fruits dans leur nailfance , comme dans leur ma- turité. Ici fes efpaliers exigent de lui les mêmes attentions durant le cours de la journée , après des pluies abon- dantes. Là , d'autres foins non moins importans appellent le Jardinier en divers lieux à la fois. Ce font des figues exquifes , des mufcats dorés > des chaflTelas délicieux qu'il eft obligé de garantir de l'avidité des oifeaux &c des mouches. Par-tout il emploie de& phioles emmiellées , il a recoursa des facs de papiers ou de crin, à de grolTes toiles claires attachées avec des clous à crochet, ou à des filets de pêcheur „ préférables en ce que la maturité , la fa- veur & la couleur des fruits y font bien différentes que dans des facs ou fous des toiles. Un réduit , feparc du jardin par des murailles , ou des brife-vents , ren- ferme fous des cloches de verre des fleurs &c des plantes curieufes, que dans rinftant même il faut couvrir , parce que le ciel obfcurci s'apprête à frapper la terre d'une horrible grêle* du Jardinage. 65 Souvent il s'échappe brufquement des bras du fommeil au bruit effrayant du tonnerre , pour courir dans le jardin rendre à ces plantes le même office : heureux fi. la terre fécondant fes tra- vaux 5 fes foins pénibles ne font pas infructueux. Je pafTe fous filence ces contre- temps , ces révolutions fubites & dé- fefpérantes , & les différens revers auxquels le Jardinage eft fujet prefque tous les ans. Le Jardinier ne doit point alors fe décourager. Soumis, aux ordres d'en-haut , il adore le Dieu qui commande aux élémens ; comme eux , il obéit & fe tait. Ainfi les tra- vaux du Jardinage quelque amufans qu'ils paroifTent , quand on ne fait que l'y prêter , font d'un poids accablant pour ceux qui les exercent par état* ou qui veulent s'y livrer. C'eft à ce fujet que le Prince des Poètes a dit : Pater ipfe toltndi Haud facUcm effe viam volait, f6 La Pratique CHAPITRE IV. Z)^ diverfcs pratiques ujitées dans le Jardinage. -Les Greffes, à ce que je crois, font auiïi anciennes que le Jardinage. Je penfe bien quelles n'ont pas été trouvées toutes à la fois , ni telles que nous les pratiquons , mais on connoif- foit les trois principales ; favoir , celle en approche , celle en fente & celle en écufïbn. Du temps de Virgile elles étoienten ufâge, fuivant la riche des- cription qu'il nous en a laifTée dans le fécond livre de fes Géorgiques 3 & qu'il termine par ces vers : Nec longum tempus & ingens Exiït ad cœlum ramis felicibus arbor , Miraturque novas frondes & non fua poma. On ne peut difconvenir que , quoi- que les fruits ne foient pas d'une né- ceflité abfolue pour la vie de l'homme, ils n'en ayent fait dans tous les temps %ine des principales douceurs. J'ai dit txv Jardinage. £7 la manière dont la découverte avoit pu s'en faire. Le befoin enfuite £c la néceflîté de pourvoir à la multiplica- tion des fruits doux , ont rendu l'homme a (fez induftrieux pour in- venter l'art de grefier.S.m origine peut être attribués au hafard , ainii que la plupart des découvertes utiles, dont il eft le père. On aura vu deux arbres de différente efpèce étendre au loin leurs branches fouples, quife feront croifées. Ces branches grofïiiTant , feront de- venues plus pe fautes à proportion du plus gr?nd oômbre de leurs rameaux. Celle de deffus patfant en travers fur l'inférieure , aura appuyé fur for* écorce. Le vent, à force de les agiter, leur aura caufé par le frottement réi- téré des contufion~s, des déchiremens, puis une double excoriation à leur peau. Enfin le poids de la branche fupérieure devenu plus confïdérable y l'aura fixée fur l'inférieure* La fève alors venant pour cicatrifer chacune de ces plaies n'aura pas pu pénétrer dans l'endroit où leur bois fe tou- choit, Se les deux fèves fe rencon- trant, auront formé deux bourrelets qui fe feront foudés & confondus, enforte qu'il n'aura plus été poiïïble dç 68 La Pratiqua les féparer au nodus qui les joignoît. Un des deux arbres fera mort , fa branche inoculée par la Nature n'en aura pas moins fubfifté , & en aura produit d'autres c,vec leurs fruits. De ce phénomène, ou aura conclu que fi la fève d'un arbre fe communique à une branche étrangère , on peut 5 en plaçant un ceil de quelque bon arbre fruitier fur les branches ou fur le tronc de celui qui n'en porte que de mau- vais , faire d'un fujet inutile , un fujet précieux. C'eft ce qui fe paiTe tous les jours fous nos yeux par le moyen des différentes greffes , que d'heureufes expériences ont amenées à leur per- fection. Elles ne permettent pas de douter que la branche unie à un corps étran- ger ne végète comme fi elle étoit fur fa propre tige , de forte que la gtefte, loin de changer les efpèces des fruits , ou d'en créer de nouvelles , les con- ferve , les multiplie de les perfectionne en fubflituant de la douceur à l'âcreté qu'elles avoient. Je me perfuade aifé- inent que par (on union intime avec le fujet , elle eft devenue une de fes branches naturelles , que l'identité de U lymphe , du fuc propre , de l'orga- du Jardinage. 6j nifation du bois efl elfentielle a fon fuccès , Se qu'il n'efl pas indifférent de considérer dans cette opération les différens temps de la première pouffe des végétaux. Ces conditions réunies diminuent a mes yeux le merveilleux de cette opération, je l'ainmile alors à l'incilion qu'on tait a la peau d'un bras dont on coupe un lambeau pour ralonger un nez trop court, ou à l'in- fertion d'un ergot d'un coq fur fa crête , lequel prend fon accroiffement tant au-dedans qu au-dehors. Mais ce qui excite ma curiofîté, c'eft de favoir pourquoi certains fruits , tant ceux qui naiffent parmi nous , qu'une infinité d'autres dans les pays éloignés , n'ont pas befoin d'être gref- fés , & que quantité de fruits excel- lens deviennent amers &c chétifs , lî on met en terre leurs novaux ou leurs pépins. Le figuier, par exemple, l'a- mandier , le mûrier, le noifeteier rap- portent , fans être greffés , les fruits qui leur font propres • un beurré , au contraire , un cerifîer , un pêcher en donnent de déteilabie*, quands ils ne font point greffés. Ce changement d'un fruit excellent dans un autre d'un goût défagréable , ôc les contraries que la jo La Pratique Nature nous fait apercevoir à ce fujet, font-ils de la première institution ? Faut-il les affimiler aux mifères hu- maines , Se aux maux qui font une fuite de la prévarication du premier homme ? Ces queftiens auffi curieufes qu'in- térelTantes . ne peuvent fe réfoudre par des raifons Phyfiques prifes du fond même de la Nature. Il faut né- cessairement interroger la Morale : elle nous dira que tout eft confé- quent aux intentions d'une Provi- dence fpéciale du Créateur. Attentive aux befoins de fes créatures , elle a pourvu par-là à ceux des nombreux Citoyens de la région des airs , Se à la nourriture d'une infinité d'animaux qui font faits pour l'homme , tels que les habitans des forêts , d'où nous vien- nent ceux qu'on appelle domefti- ques. Tous , Se particulièrement les animaux de la plus grolfe efpèce , ai- ment ces fruits îauvageons , quand ils peuvent en trouver en pâturant dans les bois. L'âcreté Se l'amertume , qui nous les rendent infupportables , ont une analogie avec leur goût. Ceux au contraire qui font analogues à notre palais font moins fpiritueux Se moins du Jardinage. yt fubftantiels pour eux. Leur durée eft également moins longue , au-lieu que les fauvageons dontles parties font plus compactes Se plus cohérentes , Se qui font aufîî plus petits pour la plupart que nos fruits à couteau , reftent bien plus long-temps fur les atbres fans être abattus par les vents , ainfi que fur terre , fans fe gâter. Ceux qui nous fontréfervés font communément plus tendres Se plus gros } leur confif- tance eft aufîî moindre , a l'exception de quelques-uns ; Se de plus, dès qu'ils tombent , ils ne tardent point à fe pourrir. Il en eft de ces fruits fauvageons , comme des herbages des campagnes, des prés , des bois Se des friches. C'eft pour la même raifon que l'Auteur de la Nature a multiplié à l'infini ceux-là, tandis que ceux qui font propres à notre fubfiftance Se à nos befoins , font en bien plus petit nombre. Il a donné à l'homme les talens de les chercher & de les faire croître par Coa travail Se £bn induftrie , au - lieu qu'ayant privé l'animal de ces avan- tages , il fui a feulement départi l'inf- tin&qui lui eft propre^ s'eft chargé de fournir directement à tous fes befoins. jl La Pratique Sans attribuer l'obligation de greffer certains arbres , à la défobéiffance du premier homme , il me femble qu'on peut fe difpenfer d'admettre de fon temps la néceflité des greftes pour avoir des fruits doux , parce que tous les arbres lui ayant été abandonnés , il étoit libre de laifTer les fruits fauvages aux animaux qui s en nourriflent , &c de fe réferver les autres. On peut aiîî- miler ces fruits amers Se fauvageons aux ronces & aux épines que la terre produifoit , en fortant des mains du Créateur ; mais elles ne pouvoient nuire à l'homme innocent. Au mo- ment de fa prévarication , elles lui font devenues nuifibles. De même en fuppolant que ces fruits fauvages lui euffent femblé défagréables , il fau- droit dire que fa défobéiffance ayant occafîonné le dérangement de fa fanté > 8c fa mortalité , elle auroit auili opéré dans {on palais des fenfations diffé- rentes, & que les fruits devenus amers pour lui dès cet inftant , pouvoient ne le pas être dans fon état d'innocence. Enfin il en feroit comme de fa nudité dont il n'eut de honte qu'après fon péché. Cette difficulté refiera toujours i réfoudre , du Jardinage. 7$ féfoudre , pourquoi un grand nombre d'autres fruits n'ont pas befoin d'être greffes. Eft-ce que la malédiction dont, ïuivant l'Ecriture , le Tout- PuifFanc frappa la terre, n'eft point tombée fur eux, Se pourquoi en auroient-ils été exempts plutôt que les autres ? En remontant à l'origine des fruits, O F nous verrons que ceux que nous trou- vons 11 excellens Se que nous greffons • fur des fauvageons, font eux-memes fauvageons. La Nature a donné à un certain nombre d'arbres la faculté de travailler les femences de leurs fruits , . de façon que les uns en rapportent de femblables à eux-mêmes , Se d'autres de tout différons. Pour cet effet , les fucs des arbres qui ont des graines & des femences, produisant leurs fem- blables , paffent par des couloirs capa- bles de les modifier tels ; de les mou- les internes des autres font propres à donner aux graines Se aux femences une configuration différente. Tout fuit des loix fixes dans la Na- ture. J'ai fait à ce fujet plufieurs efïais : j'ai femé des pépins des meilleurs fruits , Se tous ne m'ont produit que des fauvageons. Quelques-uns m'ont donné des fruits payables Se du moiBS Tome L D 74 La Pr at iquï aufii mangeables que beaucoup de ceux qu'on greffe dans nos jardins, il a fallu greffer ces arbres venus de pépin. Un Fermier qui avoit une pièce de terre, dont le fonds étoit extrême- ment chaud , s'avifa de la fumer avec du marc de différentes pommes tom- bées, dont il venoit de faire du cidre. Son deffein étoit , après que les pluies d'hiver auroient pourri ce marc , de femer fa terre en graines de Mars , pour la nourriture Aqs animaux. Je lui confeillai de n'y rien mettre , de de Jaiffer germer tous les pépins du marc, de creufer un large fofïé autour, de laiffer croître les fauvageons qui pro- viendroient de ces pépins , &c de les faire farder exactement. Il le fit : l'an- née d'après ôc les fuivantes , il en ven- dit quelques milliers pour former des pépinières. D'un nombre confidéuable de plants qui furent diftribués dans dif- férens jardins , pas un feul ne donna ni rainette , ni api , ni calleville , mais toutes pommes douceâtres & amères , de on fut obligé de les greffer. J'ai femé des noyaux de pèches j la plupart ne m'ont donné que des fruits fades ôc infipides , fecs & acres ? ou Jardina*?; jf ïels que ceux de Corbeil. J'en ai eu quelques-uns d'excellens , & une ef- pèce parfaitement reffemblante à celle qu'on nomme l'admirable , que j'ai greffée heureufement fur des pruniers 8c des amandiers. A l'égard des noyaux d'abricots que j'ai femés , la plupart des fruits pro- venant des fauvageons qu'ils ont pro- duits , étoient fecs ; leur chair mince de aplatie touchoit prefque au noyau. Un entre autres me donna des abri- cots paffablement gros ôc d'un goût exquis , même fupérieurs à ceux en plein-vent , leur chair étoit attachée au noyau. J'ai voulu faire une autre épreuve , en greffant ces fauvageons , dont aucun n'a réufli. Durant quelques années , ils ont médiocrement rapporté j mais peu à peu ils ont dépéri , malgré mes foins. Plufieurs font morts tout d'un coup au milieu de l'été. J'ai remarqué de plus qu'ils étoient beaucoup plus gommeux que les fouches d'aman- diers & de pruniers. Ces fauvageons. mis de bonne heure en terre , font quelquefois des arbres formés dès la première année , Se portent fruit à la féconde. Comme la Nature fe hâte i 76 La Pratiqua leur égard , elle les abandonne prompt tement. Dans les pays chauds où la terre eft plus fpiritueufe ôc plus fubf- tantielle , on ne greffe point ces fauva- geons , &: cependant leurs fruits font gros ôc exquis. Leur durée n'eft pas longue. Toutes ces épreuves ont été faites fur des . fauvageons provenant de noyaux de pruniers , ôc de cerifïers. Tantôt ces noyaux , quoique d'une même efpèce , produifoient des prunes pafTables , tantôt de fort mauvaifes , ôc quelquefois de très-bonnes. Ceux de cerifes venues fur des arbres greffés ont donné des fauvageons qui ont porté des cerifes , les unes aufîi belles que celles dont j'avois mis les noyaux en terre, les autres moindres, quoi- que vraies cerifes , ôc plusieurs des efpèces de merifes prefque femblables à celles du bigarreautier &: du gui- gnier. J'ai femé pareillement des pépins de mufeats Ôc de chafîelas , les uns Se les autres n'ont fait éclorre que des ceps dont les raifins étoient petits Ôc acres , ayant de gros pépins , ôc prefque point de chair ni de jus. Comment le peut-il que des noyaux ou pépins du Jardinage. 77 cfe fruits de même efpèce,il provienne diverfes fortes de fruits à la fois , bons , mauvais , payables ? Il n'eft pas plus aifé d'en trouver la caufe, que de dire la raifon pour laquelle quantité de graines de rieurs doubles , ne donnent que des rieurs iimples , tandis que de iimples en produifent de doubles. Les œillets font un exemple de cette bi- zarrerie de la Nature. Il eft tellement confiant que les fruits fauvages font fauvageons dans leur origine , qu'on trouve des fruits nouveaux qui font exquis. Le hafard a donné lieu à pluiieurs découvertes en ce genre. Quiconque fe donneroit la peine de parcourir tous les bois dans différens climats 8c d'examiner les fruits des diverfes faifons , en trouve- roit , fans doute , quantité d'efpèces excellentes répandues ça. Se là. Pluiieurs fruits venus de cette force ont été naturalifés dans nos jardins , ôc n'ont été connus que récemment. Telle eft , félon la Quintinye, la poire nommée échaiïerie : elle n'avoit de fon temps , qu'environ une vingtaine d'années d'antiquité : il nous dit encore que la poire de colmar lui avoit été communiquée par un Curieux de Dii^ jî t La Pratique Guienne. L'épine d'hiver , ainfi ap- pelée à caufe des piquans de l'arbre qui la produit , eft un de ces fruits fauvageons dont on greffe d'autres poiriers de la même efpèce. Qu'on ne dife point 3 avec un célèbre Na- turalifte , qu'au bout de vingt ans , un fauvageon pourra rapporter des fruits doux , Se que la fève à force d'être filtrée , s'adoucira enfin , Se formera de bons fruits. Cette opinion eft con- tredite par l'exemple de tous ceux qu'on cultive dans nos jardins. J'ai vu des merifiers de plus de quarante an- nées , remarquables par la beauté de leurs têtes , qui ne portaient que des merifes fi petites , qu'elles n'avoient qu'un noyau couvert d'une peau noire , fort fèche , Se dénuée de chair. On a fait dans tous les temps divers ef- fais pour grerrer des fruits fur des ar- bres non analogues , comme des poi- riers fur des noyers , des cerifiers fur des châtaigniers , & des fruits à noyau fur des arbres de fruits à pépin , qui n'ont jamais réuflï. On a pareillement tenté de greffer fur des arbres ftériles , mais toutes ces épreuves n'ont eu de fuccès que dans l'imagination des du Jardinage. 79 Poètes. Ainfi un fruit à noyau ne prendroit pas fur un fauvageon ni fur un arbre franc à pépin , non plus qu'un fruit à pépin fur un fauvageon , ou fur un franc à noyau. Tous les fruits à noyau ne peuvent pas être greffés fur leurs pareils. L'abricotier , le prunier , l'amandier 5c le pêcher, qui fe greffent les uns fur les autres , ne pourroient pas l'être fur le cerifier , non plus que le cerifier fur aucun de ceux-là. Mais voici quelque chofe de plus intérelfant , que perfonne n'a encore pratiqué. C'eft de greffer un même arbre dix à douze fois de fuite , en pofant toujours un nouvel écuffon fur la greffe, faite en dernier lieu. J'ai greffé un jeune poirier , qui l'avoir déjà été , ôc j'y ai mis pendant neuf ans de fuite une greffe en écuffon, changeant toujours les fujets d'efpèce: à la dernière année je laiffai pouffer l'arbre. Trois ans après j'eus fix poires de bon-chrétien d'été , monftrueufes &c d'un goût exquis , leur figure régu- lière répondoit à la grolfeur & à la beauté de leur coloris ; elles égaloienc les poires de catillac. Cet arbre n'a pas cette de rapporter beaucoup, & quoi- 3o La Pratique qu'on le déchargeât confidérablement, les fruits n'égalèrent point enfui te cette première production ; ils furpaf- f èrent néanmoins leur groiTeur ordi- naire. Plus une liqueur eft filtrée, plus elle eft épurée , & la fève palfant par tant de couloirs différens , qui tous la varient Se la modifient , doit être bien autrement travaillée que dans les au- tres arbres où elle ne pa(Te que pat les couloirs d'une feule greffe. Sans entrer ici dans le détail des grefies qu'on lira dans la fuite , je ne parlerai que d'une qui m'a réuiîi fur quelques arbres. Je perçois avec une vrille l'écorce litfe & unie d'un poi- xier , &: j'y faifois un trou d'environ un pouce de profondeur. Puis avec im fermoir de menuifier 5 j'unifïois la plaie fur-tout à l'endroit de l'écorce. Je prenois enfuite la mefure de la pro- fondeur du trou , 8c je diminuois par le bout mon rameau en forme de che- ville ronde , en obfervant qu'il fût de la même groffeur que la vrille» Après l'avoir fait entrer un peu à force , & l'avoir enfoncé jufqu'au fond du trou , j'obfervois que l'écorce de la tige de l'arbre Ôc celle du rameau fe touchaffent de toutes parts , après. du Jardinage. Si quoi j'enduifois ce: endroit d'on- guent de Saint Fiacre. Le rameau étoit toujours de la pouiTe précédente , de je lui laifïois trois ou quatre yeux. Cette façon de greffer a lieu à la un. de Février ou au commencement de Mars, comme la greffe en fente à qui elle eit bien fupérieure , quand elle réufîît: il faut avoir étêté l'arbre qui l'année fuivante devient très- touffu. J'ai effayé la même greffé d'une autre manière. Avec un cifeau plat ,. fort mince Se d'un quart de pouce de large , j'ai fait tout près âe l'ecorce de la tige une entaille profonde d'un demi-pouce. Enfuite d'après fon épaif- feur , j'ai aplati deiïus. Se defîbus ert forme* d'efpatule , l'extrémité infé— Heure du rameau , Se je l'ai enfoncé jufqu a la profondeur de l'entaille % faite à la tige. J'ai obfervé pareille- ment que les écorees fe rapprochau^enc exactement , fans négliger le cata- plafme ordinaire.. Les Auteurs font mention des gref- fes à 'rebours, qui con&tent & pofeir dans l'entaille, les greffes en fente par- le petit bout , au lieu du gros; bout,, oie réauTon x L'oeil fens. deiïus deiTous;. Si La Pra tiqtte Ces greffes ne taillent pas de prendre,; avec cette différence que les rameaux qui en proviennent, décrivent un de- mi-cintre , ou font un coude , en for- çant de chaque œil pour s'élever en- fuite verticalement. Tout ce qui eft contre nature , cV qui fans nécefîité tend à changer Tordre de la végétation, n'eut jamais d'attrait pour moi. Voyc[ à ce fujet le livre du Docteur Àgri- cola , part. I , fect. III , chap. I. Je ne confîdère ici le labour des terres que du côté des raifons phy- fiques fur lefquelles il eft fondé. Le Laboureur fe borne à le regarder comme néceifaire pour i'accroiffement des plantes. Celui qui fait plus d'ufage de fa raifon que l'ouvrier accoutumé à travailler machinalement, penfe que l'objet du labour doit être le dévelop- pement des fucs de la terre. En effet , tant qu'elle eft compacte , que fes par- ties font fcellées les unes avec les autres , l'air, le foleil, les rofées hu- mectantes , les pluies douces , les brouillards fulfureux:, ne pouvant pé- nétrer cette croûte dure qui fe forme fur fa fuperficie , elle eft privée des Bienfaits qu'elle a droit d'en attendre» Alors tous tel fucs font comme enr du Jardinagi. 8$ gourdis , & la terre éprouve une ef- Î)èce de léthargie. Mais par le fou- èvement de fes parties qu'occafionne 3e labour en mettant la iuperficie à la place du fond , ôc le fond à la place de la fuperhcie ; l'air aidé des influen- ces d'en-haut fait fermenter les aci- des renfermés dans le fein de la terre- Rien de plus jufte , de plus conforme à l'expérience Se de mieux penfé. N'y auroit-il pas néanmoins d'autres raifons plus fortes &c plus décifives du labour des terres ? En voici quel- ques-unes qu'une longue expérience &: que des réflexions fur la végéta- tion m'ont fuggérées. Deux chofes conftituent elTentiellement la terre,, indépendamment de ce qui forme le fol • fa voir , l'air intérieur renfermé dans fbn fein ôc fon humidité. Ces deux principes contribuent fmguliere- ment à l'action des fucs de la terres tant qu'elle eft durcie en-deflûs, que* l'air intérieur y eft renfermé, Se que fon humidité refte fans être renouve- lée, ce qui s'y trouve planté ne profite1 point ou profite bien moins* que lorf- qu'elle eft douce &c friable : or, par le labour , qui brife & met en miettes k fuperficie de la,, terre , qui en ouvre; 84 La Pratique les pores pour la fortie de cet air in- térieur , ôc qui donne lieu à la trans- piration de l'humidité , dont le renou- vellement doit également fe faire , le mouvement & l'agitation deviennent vmiverfels. Arrofez une terre excellente fur laquelle le haie aura formé une croûte épaifle j meptez defîus du fu- mier de plantez enfuite3 jamais rien nf profitera par défaut d'air, dont les par- ties nutritives & élaftiques auroient opéré la végétation. Il fe fait un flux perpétuel des in- fluences d'en-haut , qui , après avoir été dépofées fur la terre , remontent- dans la région fupérieure de l'air , pour enfuite retomber fur cette terre qui les reçoit & les afpire. Quant à ce point que fait le labour ? Il lui forme d'une part des ouvertures & des foupiraux pour l'évaporation de l'air 8c de l'hu- mide qu'il renferme , & il donne lieu, en même temps à l'entrée de cet air nou- veau , en pratiquant un paffage libre à d'autres humidités , pour remplacer celles qui font afpirées par l'air exté- rieur. On ne peut concevoir que Pair intérieur de la terre foit toujours le marie , fans qu'il perde de fon reiTort , m que fon humidité n'éprouve point du Jardinage. S 5 Je changement. Il faut à cet élément ^ ainfi qu'à l'eau , une fluidité perpétuelle, pour que l'un de l'autre fe confervenr dans leur pureté & dans leur a&ion. De même que la tranfpitation fen- fible & infenhble eft néceffaire à nos corps , Se que l'air que nous recevons par l'afpiration , s'il n'étoit pouffé de- hors parlarefpiration , fe corromproit en féjoutnant dans nos poumons , de même l'air , renfermé de comprimé dans le fein de la terre r feroit plus capable de faire périr les racines , en les pour ridant , que de contribuer à leur avancement, parce qu'il eft effen- riellement uni à l'humidité de la terre, C'eft pour cette raifon que les terres glaifeufes & argilleufes qui fe fcellent ^ & les autres qui fonrmattes , ne don- nent que de mauvais fruits ,x en com- muniquant , fur-tout à la vigne , di- vers goûts de terroir, ou que les ar- bres après y avoir pouffé vigoureufe- ment périffent tout formés 5 j'ai exa-~. miné plufienrs de ces arbres infor- tunés , &c j'ai trouvé leurs racines noi* res par le bout, chancreufes 8c pour- ries» Il en eft de l'air & de l'humide de la terre , quand l'un & l'autre fonc ou ne font pas renouvelés par cette $6 La Pratique tranfpiration dont je parle , comme d'une rivière dont le cours eft rapide , avec une autre qui roule pefammenr une eau donnante. Ceci n'eu: point établi fur une conjecture , mais fur un point de fait , qui conftate ce qu'on appelle vapeurs de la terre- Non- feulement le labour donne une ilïue libre à la tranfmilîion des vapeurs de la terre Se au renouvelle- ment de fon humidité ; mais il pro- cure encore un cours facile à [es exha- laifons. On fume cette terre , on y met des engrais : leurs parties étant développées & mifes en mouvement par la fomentation, les unes plus fpi* ritueufes. 3c plus volatiles font enle- vées dans les airs ,. les autres onctueux fes , balfamiques , anodines partent dans la fubftance des végétaux. Le labour opérant àonc des vides Se àes ventoufes , pour fervir de paflages à ces exlialaifons qui par leur fubtilité. s'évaporent, contribue directement à. la fécondité de la terre , par la fouf- . traction de ces parties trop fpiritueufes, $c pas alfez fubftantielles , qui nui- loient plutôt à la végétation qu'elles, n'y contribueroient. Dans les terres, îûtreuies de pleines de falpÊtre?,. les. végétaux font chétifs, leurs racines ne grôfîifTent ni ne s'étendent , les arbres y croiffent peu , &c n'y durent pas long-temps , fans compter qu'ils ne peuvent jamais être d'une belle venue- Une autre raifon plus particulière du labour des terres m'a été fuggérée par un fameux Laboureur du côté de Louvres en Parifis & de Dammartin- Une des chofes qui me firent le plus d'imprefïion dans fa façon de régir fa ferme , fut de lui voir faire fes fe- mences différemment des autres. Tous les Laboureurs commencent par pré- parer leurs terres à recevoir la fe- mence , puis fuivant la difpofition du temps , ils les enfemencent fur ces labours ci-devant faits. Celui dont je parle ne donnoit au contraire la der- nière façon à fes terres qu'en même temps il ne les femât. Toujours le fe- meur fuivoit le charretier labourant en dernier lieu.. Il m'aflura qu'au moyen de fa méthode , quatre cens arpens dont fa ferme étoit compofée lui rapportoient plus que celle de fou voifin, qui en exploitoit huit cens. Je dis d'abord que la raifon la plus «rflentielle du labour eft la néceilké d'enfouir les mauvaifes herbes , en $8 La Pratique retournant la terre où il s'en trouve de trois fortes : les unes apparentes & déjà grandes , les autres prêtes à éclorre dans fon fein & un plus grand nom- bre en graine feulement. Perfonne ne s'avife de femer fur les mauvaifes herbes qui couvrent îa furfaee de la terre , ni de planter parmi celles qui ofFufaueroient les végétaux. Par la même raiion , quoiqu on ne voye: aucune mauvaife herbe fur la fuper- ficie de la terre , on ne doit femer ni planter , qu'après un labour fait im- médiatement avant la femence ou la plantation y à caufe des mauvaifes herbes en graine , qui font déjà fur îa terre ou dans fon fein. Ce Laboureur ayant remarqué que les terres récemment labourées & en- feniencées tout de fuite , rapportoient: plus que celles qui l'étoient ancien- nement, que les grains y levoient plus, promptement, ëc qu'il y avoit beau- coup moins de mauvaifes herbes y voulut en découvrir la caufe , 8c il re- connut par la comparaifon des femences. faites fur des labours, anciens , avec cel- les faites fur des labours acluels, qu'il y< avoit le double contre le fimple pour la: prompte végétation % ôc L'abondance* du Jardinage. %$ En femanc fur un labour ancien , le grain trouve de mauvaifes herbes déjà levées ou prêtes à lever entre deux terres \ comme les premières ont de l'avance fur le grain que vous y femez , il a bien moins de nourriture , 8c il a plus de peine à lever*} & durant le cours de la végétation jufqu'à la moif- fon les mauvaifes herbes ont toujours le deilus. Lorfque la femence au contraire accompagne ou fuit le labour , les mauvaifes herbes étant mifes en- defïus & expofées aux injures de l'air, périment pour la plus grande partie. Le grain que vous femez , qui a été leiîivé ou avec de la chaux > ou avec toute autre composition 5 l'emporte fur les mauvaifes herbes qui ne font qu'en graine , ou fur celles que l'air y ap- portera par la fuite. Non-feulement ii fe défend contre les unes 3c les autres, mais il les étouffe au point qu'elles ne croiflfent que fort peu , fans être en état de lui nuire. Quelques foient les avantages du labour , il eft certain qu'il peut devenir nuiilble lorfqu'il eft trop fréquent. Les engrais de l'air qui ont bénéficié le defïlis , n'ont pas le çemps de palTer dans l'intérieur dp $o La Pratiqua la terre, Se vous remettez en-deflus les mauvaifes herbes , ou leurs graines que vous aviez enfouies. Des engrais. Tout eft terre ou ori- ginaire de la terre, Comme elle eft le principe des êtres corporels , elle en eft aufîi le terme &: la fin. Ce qui émane d'elle redevient terre, pour y reparoître enfuite fous une autre for- me , s'y replonger enfin , &: s'y con- fondre. Rien donc qui ne foit , qui ne doive , ou qui ne puifTe être engrais de la terre , ce que Virgile appelle pabula terra dans un autre fens. De même que tous les mets ne con- viennent pas également à tous les efto- macs , ni les mêmes nourritures aux diverfes espèces d'animaux , de même aufti toutes fortes d'engrais ne font pas indiftinctement propres aux terres , qu'on pourroit dire en avoir chacune de fpécifiques 8c de perfonnels. Il n'eft aucun corps qui n'exhale à chaque inftant des parties fubtiles de lui-même , qui vont fe perdre dans les airs. Les pierres 8c les métaux même n'en font point exempts. Les parties humides & liquides des ruif- Jèaux 8c des fleuves retombent fur la i>u Jarbinaô!. ^î terre après en avoir été enlevées Se for- ment les pluies , les rofées , les neiges Se les frimats. Ces brouillards épais Se fouvent mal-fains , qui engraûTent les terres , font formés des parties nitreu- fes , fulfureufes Se vitrioliques , éma- nées des différens corps qui les renfer- ment. Les parties ignées, métalliques, terreftres , compofent les météores Se font la matière du tonnerre. Que d'ex- halaifons nuifibles autant que défa- gréables affe&eroient notre odorat , quel fpectacle dégoûtant frapperoit nos yeux de toutes parts *, fi la terre offi- cieufe ne nous débarrafToît de nos im- mondices , Se ne les convertifïbit en fa propre fubftance , pour fervir en* fuite fous d'autres formes à nos diffé- rens ufages ! Voici les principaux engrais de la terre propres au jardinage. Les moujfcs doivent être entafTées dans un lieu humide , ou mêlées dans le trou à fumier par couches minces pour y pourrir. Non-feulement elles ne valent rien employées crues , mais leur graine invifible , enlevée dans l'air , leveroit fur tous les arbres du jardin bien plus qu'auparavant. Sèches par leur nature Se fades, elles attire-. «>i La Pratique roient les fucs de la terre Se les retien- droient , comme fait l'éponge à l'é- gard de l'eau , jufqu'à ce qu'elles vinf- fent à pourrir , ce qui ne leur arrive qu'à la longue , Se que difficilement : réduites en terreau , elles font très- utiles aux planches de graines Se de fleurs. Leur engrais fort léger Se peu fubftantiel , ne peut être employé que pour les terres fortes & grades ^ il Faut en mettre plus que de tout au- tre , parce qu'il eft promptement éva- poré. Les galons. J'en diftingue quatre fortes , ceux des prés , des places va- gues Se des chemins 3 ceux des bruyè- res Se des friches , les gazons de chien- dent & de ce qu'on appelle faux-blés, où croiflent auiîi des chardons Se des orties, Se ceux des bois Se des endroits marécageux. Les premiers font préférables à tous les autres ; ils forment les pâturages les plus fucculens; auflîles animaux Se le gibier qui s'ennourriffent, ont-ils la chair plus délicate que ceux qui paillent dans les bois , dans les prés Se dans les fonds. Ces gazons dont l'herbe eft tou- • 1 • • i jours broutée par ces individus , pren- nent toute la fubftance de la terre du Jardinage. 9$ qu'ils couvrent ; leurs lues frappés par les rayons du foleil & hume&és par les bienfaits de l'air qu'à caufe de leur touffu ils retiennent plus que les au- tres , font bien autrement travaillés , que ceux que les humidités détrem- pent , ou que le hâle dans les fables arides delfèche & dévore. La manière d'en faire ufage con- ilfte à les jeter dans la tranchée , l'herbe en deftous, afin que la terre qui tient aux racines la faife pour- rir , quelle ne réponde point fur- tout étant proche de fa fuperflcie, 8c qu'elle fonde aifément fans fe moi- kfir. Guidés par la ïimple Nature , les gens de campagne lèvent des gazons en automne , & en forment de petits monticules , après avoir gratté la fu- perflcie de la terre , dont ils les cou- vrent. Ces gazons jufqu'au printemps , reçoivent les influences bénignes de l'air , qui les fondent & les rédui- fent en miettes : on les éparpille alors , on les enfouit par un labour fubfé- quent , on plante 3 on fème , 6c tout vient à fouhait. C'eft une très-bonne pratique que de dé.pôfer des gazons dans une foiTe vers laquelle on ménage une pente 54 La Pratique pour l'écoulement des eaux. A mefure qu'on les y décharge, un homme a foin de les arranger par lit , & de les fouler , en les empilant plus haut que les bords de la folfe. Au bout de l'année , on en répand fur les carrés, dont la terre devient douce , maniable &c friable. Qu'on ne les accufe point de faire pouffer quantité de mauvaifes herbes : en ce cas , il ne faudroit ja- mais employer aucune efpèce de fu- mier. Il eft hors de doute , que plus les terres font préparées , plus il y croît de ces fortes d'herbes qui y trouvent une meilleure nourriture que dans les friches. La féconde efpèce de gazons n'eu: autre chofe que ce que nous nom- mons peloufe. Elle eft extrêmement fèche , ce qui paroît en ce qu'elle ne croît ni ne fe fortifie. Ces gazons pris dans les bruyères 8c dans les triches , ne doivent être recherchés qu'au dé- faut d'autres ; il n'y a que les terres fortes qui puiifent s'en accommoder. Ceux de la troifième efpèce exigent des précautions dans l'emploi qu'on en fait. Le chiendent , même à un pied de terre , ne meurt pas , il f trace au contraire &: reparoît quelque-» dit Jardinag!, 95' fois fur fa fuperficie. J'ai vu des raci- nes d'arbres qu'il avoit percées d'outre en outre , comme une alêne. Ces ga- zons auxquels font aftbciés convTiuné- ment les faux-blés , les chardons 8c les orties , font réfrigérans , crus &c fort acres. Néanmoins , avec ces mauvaifes qualités , ils ne laiflfent pas d'hume&er la terre 8c de rafraîchir celle qui eft brillante ; en fe fondant, ils font un terreau paffable , quoique froid : je ne voudrois donc pas les bannir des terres chaudes, & fèches , ou fans fa- veur , en obfervant de les couvrir au moins de trois bons pieds de terre ôc de les ferrer les uns près des au- tres. Les gazons des bois Se des maré- cages compofent la dernière efpèce. Le principal aliment des végétaux, après la terre , eft l'air. Toute plante qui en eft privée , ne peut être que fade par elle-même. Par conféquent les gazons ombragés par le touffu des arbres , doivent être fort infipides. Cette raifon leur donne l'exclufion des jardins. Ceux des marécages font pareillement à rejeter : le tilfu ^e leur herbe eft épais , large & incifif j ce font des efpèces de rofeaux , qui tou»- 9 6 La Pratique jours imprégnés d'une humidité mor- fondante , ne peuvent profiter des rayons vivifians du foleil. Les beftiaux qu on met pâturer dans ces endroits , ne donnent qu'un lait mat Se pefant j les chevaux nourris des foins qui j croiffent , font veules , maladifs Se toujours maigres. Les feuilles font le fumier naturel des arbres. Quoique deiféchées, elles confervent des fucs &: des parties fpi- ritueufes j on les brûle , Se leurs cen- dres font d'une grande utilité pour la leflive. Pourries Se transformées en terreau , elles allègent beaucoup la. terre. Cette forte de fumier peut être prodiguée aux rieurs délicates , Se aux plantes curieufes , attendu quelle ne peut contenir que des efprits déliés, ce qui la rend peu propre aux plan- tes fortes , telles que les carottes , les oignons , les choux. Cependant en les femant , les jardiniers couvrent de trois ou quatre pouces de ce terreau leurs planches Se leurs carrés , parce qu'il ne fe durcit point , que les mauvaifes herbes y font plus faci- lement farclées , que les pluies cou- lent aifément à travers fes pores , qui font larges , Se qu'il empêche que la tfu Jardinas £ #7 la fécherelTe ne gagne les racines des plantes. Il y a beaucoup d'autres engrais j tels que les rieurs fanées , les herbages , les épluchures d'herbes , les tontures , le* lavures de vaiffelle , les balayures des cours des maifons , des appartemens^ des greniers j un Jardinier économe , qui en connoîc les avantages , fait en profiter. Il a dans un endroit particulier de fon potager, une foife large Se pro- fonde , garnie d'un contre-mur , ou de doffes avec des pieux pour retenir les terres & où les eaux voifines viennent fe perdre. Là, il porte habituellement les dépouilles de fes plantes & de (es fleurs , qui, étant bien confommées , font , d'une année à l'autre , un ter- reau excellent pour fes femences &c les légumes. Les terres rapportées font un def meilleurs fpécifiques pour amender les jardins , j'entends les terres faines &: franches , fuivant l'avis des gens de l'art. Telles font celles des prés , du moins jufqu'à une certaine profon- deur. J'entrerai à cet égard dans un plus grand détail , en parlant de la fa- çon de planter les arbres de de remonter les terres. Tome L & 9$ La Pratique Rien de plus commun en Bourgo- gne & en Champagne , que de voir le long des grands chemins & des voi- jies quantité d'enfans occupés fans ceiTe à ramaifer la fiente des animaux dans des paniers y qu'ils vendent pour remonter les terres des vignes , ou qu'ils portent pour le même ufagechez leurs pères de mères vignerons. On fait très-bien d'amaifer les boues le long des grands chemins ou dans les rues des Villes & des Villages. Après une grande averfe , avant qu'il fe forme une croûte fur ia boue , on balaye ôc on la relève des deux côréspour la por- ter dans un trou où elle refte au moins un an. Ces immondices font brûlantes de crues en même temps ; il eft à propos que les eaux puiffent s'écouler du côté du trou , pour qu'elles fe confomment plus aifément. Vers l'automne de l'an- née fuivante, couvrez de cette terre vos planches , vos carrés , vos plate- bandes , cV rien n'y manquera. On peut placer parmi les engrais * les démolitions des maifons bâties en plâtre , les décombres des vieux bâti— mens , les chaumes qui fervent à cou- -vrir les habitations des gens de campa- gne, de beaucoup d'autres, dont je ne tîlT TAKffîN Affft' C)$ fais aucune mention , à caufe qu'ils appartiennent moins au Jardinage qu'au Labourage. Tels font les marcs de raifin , de bierre , de cidre , d'huile , la marne , la charrée , les curures de puits , de puifards , la poudrette , la. bourbe des rivières , des étants , des pièces d'eau, & le fabîe de ravines. On peut confldérer tous les fu- miers fous trois rapports différons y favoir , immédiatement après qu'ils font fortis de deHous les animaux , quand ils font entaffés en forme de meules ifolées , ou dépofés par mon- ceaux dans des fofifes 3c quand après avoir fermenté en cet état, ils ontlaiiTe évaporer leurs parties humides , aind que les plus acres , & les plus fpiritaeu- £es , & fe font convertis en terreau. Les principaux fumiers qui appartien- nent au Jardinage font ; Celui de cheval : fraîchement fortî de delfous l'animal , il fert à faire des couches. Il s'échauffe alors aifément par le moyen de l'air , qui agite &c met en mouvement toutes fes parties fpiritueufes. Le fumier ainfi employé ne fert pas feulement a avancer le* dons de la Nature , mais il nous pro- cure quantité de plantes donr nous îoo La Pratique ferions privés , fans le fecours de§ couches Ôtdes cloches de verre , dont la forme concave & orbiculaire con- centre les rayons du foleil , tandis que les vapeurs douces ôc bénignes de ce fumier entaffé , portent vers le haut leurs particules humides Ôc chaudes. Par leur moyen nous avons quantité de plantes qui périroient en pleine terre. La féconde façon de confîdérer le fumier de cheval , &c celui des autres animaux , c'eft lorfqn'il eft en mrule ou en tas dans des foiTes. Comme il ji'eft pas pofîible que le Jardinier ait toujours du fumier neuf fortant de defîous les chevaux , ôc qu'il n'a pas befoin d'un fi grand nombre de cou- ches à la fois , il a foin d'avoir à fa portée de femblables amas pour y re- courir au befoin , ôc voici ce qu'il pratique à. cet égard. Après qu'on a fait une première couche pour y met- tre la femence , on fait par expérience que fa chaleur va toujours en décli-» nant , ôc avant qu'elle foit tout-à-fait palfée , on la ranime par des réchauds , c eft-à-dire qu'on environne la couche de fumier mis en meule , qui nouvel- lement remué > mêle fa chaleur avec du Jardinage,' i o i celle de la couche , & fufKt pour la conferver en vigueur durant une quin- zaine de jours. Quelques-uns font les réchauds en même temps que la cou- che , Se les rebattent par la fuite, en les remettant en place , ce qui fuffiit pour lui procurer une nouvelle cha- leur. Cependant la femence a levé , elle a formé du plant qui s'eft fortifié. On pratique alors une féconde couche au-- devant de la première , & lorfque celle-ci a jeté Ion feu , & que celle-là a acquis une chaleur convenable , on y repique ce qui étoit fur l'autre ôc ainfi fuccemVement, à mefure que les plants grandilTans ont plus befoin d'êtte efpacés. On défait la première couche , 8c on la rebat, en y mêlant de nouveau fumier pris de la meule. Elle n'a jamais la même chaleur, que fi elle étoit entièrement compofée de fumier neuf j mais comme le temps s'adoucit lors de cette opération , la chaleur du foleil fupplée à fon défaut. Le fumier mis dans les foiTes peut fervir à faire des couches , quand il n'y a pas féjourné long-temps j & lors- qu'il n'eft qu'à demi confommé , il eft bon à fumer des carrés de des Eiij •j©2 La Pratique plate-ban :er. Mais quand il eft refté îcne-te-!r,ps dins la foffe ou qu'il a fervi à faire des couches, il devient terreau. Il ne convient point à toutes fortes de terres , fur-tout à celles qui font brûlantes ; on le réferve pour les froides , les humides, lesépaines év les glaifeures. Après le fumier de' cheval , celui de mulet cV de bête afme tient le pre- mier rang : la coiiitrudion interne des animaux de leurs différentes nour- ritures mettent auiîî- des différences dans leurs excrémens. Le fumier de mulet moins onctueux & moelleux , que celui de cheval, pafïe pour être plus chaud. Celui des bêtes afines l'en: encore moins. L'un & l'autre, quoique non tout-à-fait confommés , peuvent fervir peur les terres fermes Se fraî- ches j & quand ils font récemment ti- rés de defTous les animaux, on les ad- met pour faire des couches j ils fe ré- duifent aiifli en un terreau léger ex fort fpiritueux. La troifième forte de fumier utile- ment employé dans le Jardinage , effc celui des bêtes à cornes, ôc particu-' Iièrement celui de vache , qui effc gras , pefant ôc froid jufqu'à un cer-» du Jardinage. ioj- faîn point. ïl faut, pour être admis dans les jardins , qu'il ait féjourné quelque temps dans- la fofTe. Peu de plantes s'accommoderoient de fon hu- midité gra(Te , épaiffe & vifqueufe. Il eft pour cette raifon long-temps à fe confommer ; fouvent les plantes ÔC les graines pourrirTent , fur-tout dans Tes années tendres de humides , lorf- qu'il a été dépoié tout frais en des terres fraîches par elles-mêmes. La vraie façon de tirer parti de ce fumier non-confommé , c'en: de le répandre fur la terre vers la Touîfaint, après un labour, êc de l'y laiiïer tout l'hiver, afin que les pluies, les gelées ôc les humidités d'en haut le pourriirent. Le jus qui s'en détache , pénètre la terre y ÔC on l'enfouit au printempi. Les par- ties du fond qu'on met deiïus en la- bourant &c qui reçoivent en outre les bienfaits de l'air font animées & mifes en mouvement. Celles qui n'ont point été fondues & qui font enfouies fe confomment dans le fond de la terre, ôc elles envoyent vers le haut des va- peurs douces & pleines de fels. Il eft inutiîe de dire que le fumier de vache ne convient qu'aux terreins fecs , lé- gers oh briilans. Celui de bœuf eft E iv 104 L A PRATIQUE un peu moins humide & froid , à caufe de la complexion plus sèche de cet animal, Se du plus grand feu de ion eftomac. Aufli la chair eft plus com- pacte que celle de la vache , qui eft plus molle , plus lâche 8c plus di- latée. Le fumier de mouton plus chaud que les précédens , s'emploie rarement feul. Pour en corriger l'acrimonie 8c Ja féchereffe , on le mêle avec celui de vache. Il faut de plus qu'il ait eifuyé pendant lhiver les diverfes influences de J'air , afin que le crottin qui le compofe puifTe être attendri , autre- ment il brûle les plantes, deifèche la terre, 8c aulieu de s'incorporer avec elle , il refte en mottes lèches , ou par menues parcelles. Les terres froi- des 8c humides s-'accommodent très- bien de cette forte de fumier ; mais l'ufage le plus ordinaire qu'on en fait dans le Jardinage , eft pour les oran- gers. Le fumier de porc ne doit être em- ployé dans nos jardins , quelorfqu il eft bien pourri , qu'il a paflé l'hiver fur la terre , 8c qu'il a été bien mêlé avec elle ou d'autre fumier. On eftaftez d'accord fur fa qualité pefante 8c matte, médio- crement chaude , peu fubftantielle de fort acre. On l'accufe de produire une infinité de mauvaifes herbes , fans doute à caufe de la qualité des nour- ritures qui font propres à l'animal , comme fi par la digeftion qu'il a faite des graines de ces mauvaifes herbes ,. renfermées dans fes alimens , elles n'a- voient pas été broyées 8c confommées , de forte qu'il *eft aufii impolîible qu'el- les lèvent , que les pépins de poires 8c de pommes , qui y après avoir fé jour né dans notre eftomac , ont pa(Té par la ftercoration. La vraie raifon pour la- quelle le fumier de porc femble pro- curer plus de mauvaifes herbes qu'unt autre , e'eft qu'apparemment fes fucs font plus propres à. les faire germer 8c à les nourrir , 8c qu'elles y . trou»- vent plus de conformité 8c d'ana- logie. La fiente de pigeon, de poule & de volaille ne s'emploie point feule , ex- cepté la première. Tous ces engrais fonr fort chauds 5 auili ne les répand- on point , mais on les sème r à peu*- près comme les graines , dans les terres îortes T froides 8c humides. .Ils font ordinairement confondus 8c mêlés avec les autres engrais dont j'ai parlév ': \W# '/*•.%> \ . „ io6 La PRATIQUE' Se on les jette fur le grand fumier qui eft dans la baiTe-cour. Je penfe qu'ils doivent être exclus du Jardinage à\ caufe des infectes , de la vermine im- perceptible dont ils fourmillent, & de leurs œufs , qui ne manquent pas d'éelorre au grand air. Cette fiente , à mefure que les animaux la laiffent tomber , s'entaffe Se s'aigrit -y de alors une foule d'infectes s'en nourrirent , attirés par l'aigre & la fermentation : comme on ne la lève que rarement , iîs ont le temps d'y dépofer leurs œufs y êc de- là des infectes fans nombre, qui inondent les jardins , & qui font périr les graines , en les criblant à me- fure qu'elles lèvent. Je n'ai plus qu'un mot à dire de îa taille des arbres, & de l'ébourgeon- jiement. Quel peut être le but de la taille ? pixels font les effets des diverfes formes que l'Art a jugé à propos de faire pren- dre aux arbres , foit à ceux en plein, vent , qu'on dirige dans nos jardins ^ foit à ceux qu'on drelfe en buiifon , & en contrefpalier , foit aux arbres qui s'appliquent contre les murailles , J& dont les branches font étendues ? quelle peut être l'origine de la taille ? du Jardinage. 107 La fin de cette opération fur les ^rbres , eft de leur faire rapporter des fruits, & d'en procurer de plus beaux, en fupprimant certaines branches & rac- çourciffant les autres. C'eft aufli pour leur donner une forme plus régulière. De plus 3 il eft des fruits dont nous fe- rionsprivés, s'ils étoientexpofésàla vio- lence des vents , comme ceux des ver- gers &des campagnes , .& tels font en particulier les fruits qui ont la queue fort longue , ou dont le volume eft confidérable. Plufieurs n'acquièrent point en plein vent cette maturité,, ce coloris charmant, ni ce goût fin 3c délicat , qui nous les rendent fi pré- cieux. Àinfi , l'Art aidé de la taille r dirige le cours de la fève de la fixe par la fupprefïion des rameaux furnumé- raires , êc le raccourciflemeiit des autres. Il faut en outre que les arbres ÔC leurs branches foient attachés à la mu- raille ou au treillage , fi l'on veut que* les fruits reçoivent du Père de la Na- ture ces coups de pinceau charmans 3 que lui feul peut donner , cette faveur douce , éx ce parfum qu'il leur pro- cure. De même les autres placés dans les carrés du jardin , ou dans les plate- bandes > n'auraient que aes truies a'uii E'vf 108 La Pratique vert mat , ou d'un goût fade , privés ide cette couleur tendre, de ce Me 'Se de ce poli qui brillentfur la peau des fruits aérés de toutes parts , fi une main habile Se intelligente ne déga- geoit les arbres au pourtour , 3e ne les evidoit entièrement dans le milieu. Tels font nos bons-chrétiens tant d'été que d'hiver , nos beurrés , nos rouf- felets , nos martinfecs , nos prunes de reine-cîaude. J'ai dit qu'une des raifons de Iz taille & l'un de (es effets eft la beauté des fruits. En ôtant aux arbres quan- tité de rameaux, tk en raccourci {fan r les autres , que faifons-nous ? Nous" fupprimons' autant de canaux 8c der réfervoirs où la fève fe feroit dépo- fée , parce que les racines en pompent? ôc en envoient toujours dans l'arbre la- même quantité, foit qu'on le taille ou- non. La fève ne trouvant plus fes en- trepôts auiïi nombreux qu'auparavant, lorsqu'elle enfile les fibres des ra- meaux qu'on lui laifTe , rencontre des^ yeux à bois ôc des boutons à fruit vers îefquels elle fe porte en entier. Les Vcns de les autres profitent de ce qui auroit paffé dans les branches fuppri- mées ou raccourcies parla taille. De-là> %V J A K D I S A C I.' I 0 J on conçoit aifément qu'il doit y avoir une plus grande abondance de fucs dans les fruits des arbres taillés 3c dans leurs rameaux , que dans ceux qu'on ne taille point , où cette fève eft ré- partie en tant de branches différentes., D'un autre côté, l'expérience nous apprend que les arbres taillés gro&f- fent moins que ceux qui ne le font pas. Dans ceux-ci la fève eft entière- ment confervée ; ceux-là en font pri- vés en grande partie par l'amputation de leurs rameaux. Dans les arbres qu'on raille , on la force à faire des efforts Ôc des frais pour remplacer ce qu'on lui ôte } ce qui n'a point lieu pour les arbres non-taillés. Par la fup- prefïïon des rameaux on dérange le cours de la fève , qui fe répand où elle trouve quelque ifTue , ou s'en fait une ; & on en occaflonne une grande dilîipatioiï , qui opère un retardement considérable dans leur accroiffement. On expofe à l'air l'intérieur de l'é- corce , la partie îigneufe & la moelle, par toutes ces ouvertures, il fe fait une évaporation de fucs confidérable^ qui l'eit bien davantage , quand la •fève eft obligée de faire bourrelet «> pour couvrir chacune de ces plaies no La Pratique dues à la taille , comme on le verra ailleurs. Je penfe que fes Auteurs ont voulu prévenir prudemment les fâcheux évé- nemens qu'éprouve trop fréquemment: le Jardinage, Dans les années criti- ques , les vents font des ravages af- freux à ces arbres en plein vent , ainfir que les gelées tardives , les giboulées ôc les grêles , les neiges fondues , les vents brûlans 6c deiTéchans , fans par- ler de quantité d'animaux , dont le cours eft périodique. Les uns fourra- gent la verdure naifTante , tels que les hannetons & les chenilles j les autres piquent le dedans des fleurs au fond- du calice , comme ces mouches lon- guettes qui ont le corps noir .& qui font rongeâtres à leur extrémité. Elles ne vivent que quinze jours 3 durant, lefquels elles font beaucoup de dégâts. Les gens de campagne les nomment mouches de faint Marc, parce qu'elles ont coutume de paroître vers la fêter de ce Saint. Elles lauTent après elles une nombreuse poftériré. Si dans les contretemps dont je Tiens de parler , on n'avoir point de- reflource pour les fruits du côté de la raille ; on ferok privé de ceux des^ du Jardinage. iîï arbres ifolés des vergers de des cam- pagnes , qui fouvent font moiiTonnés dès leur naiffance , au-lieu que les pre- miers , moins expofés à tous ces dan- gers , nous dédommagent alors de la difette de ces derniers. Enfin , il eft à préfumer crue la fa- cilité de cueillir les fruits , Se l'avan- tage de les lailTer arriver &r l'arbre même à leur parfaite maturité , font entrés pour beaucoup dans la taille des arbres. Par cette opération on les tient toujours de court en les empêchant de s'élever , &: on peut attendre pour ert détacher les fruits , qu'ils ayent acquis plus de qualité en murifiant , je parle de ceux d'été «Se d'automne ; au-lieu que fur les arbres en plein vent, ort eft obligé de les cueillir avant leur ma- turité ; autrement ils tomberaient les uns après les autres. Ces raifons fufrifent pour avoir en- gagé l'homme à tailler les arbres , fans parler de celle alléguée par Cicéron ne Jîlvefcant farmentis. S'il perd du coté de leur force , de leur étendue , de. leur durée , & même de la quantité' de leurs fruits , il en eft amplement: dédommagé par les avantages que- -j'ai expofés. 5ï2 La Pratique L'ÉBOURGEONNEMENT , en fllpprï~ mant à propos ou mal-à-propos les bran- ches des végétaux , leur procure ou- l'abondance ou ia difette. Décharger un arbre de (es rameaux fuperrlus, faire choix avec difcerneinent de ceux qui font les plus propres , foit à le former , foit à lui donner une figure régulière , pourvoir habilement par ce fage retranchemenr a fa fécondité préfente & future , lui laiffer fuffifam- ment de bourgeons pour le rendre plein par-tout , diftribuer avec art dans {es parties les branchera bois de les. branches à fruit , furcharger en cer- tains cas , 8c foulager en d'autres quel- ques parties de l'arbre pour parvenir à. un bel équilibre , mettre un frein à l'intempérance fougueufe des uns qui s'emportent ou du haut ou d'un leul côté , aider cependant Se foutenir la partie foible , procurer en un mot cette belle harmonie , cette fage or- donnance de chacune des parties avec îe tout ; voilà le but &c les effets de. l'ébourgeonnement. Le palhTage ne contribue pas moins à la régularité de la figure de l'arbre- eufà fa fécondité. C'eîl l'art d'aiîigner aux bourgeons leur glace * de les e&- r>v Jardinage. îi'j riger avec ordre pour lai(Ter entre eux un efpace proportionné , afin qu'à peu de choie près , ils foient égale- ment proches &: également diftans , fans foicer ni contourner les uns , ni leur faire prendre une forme défagréa- ble. Cette féconde opération exige du goût & de l'intelligence. Confidérez un arbre palifTé par une main habile. Vous y apercevrez la naifïance de cha- que branche , 6c vous la fuivrez de l'œil 3 aucune ne croifera fur fa voi- sine, toutes les parties de l'arbre tirées & alongées par les extrémités formeront comme autant de bras étendus fur la muraille , avec laquelle ils fembîe- ront ne faire qu'un. Comparez en- fuite un arbre ainfî dreffé , avec ceux de tous nos jardins, où vous ne voyez rien que de forcé ôc hors de fa place naturelle , où des parties font abfolu- ment dégarnies , tandis que d'autres font dans la confufion , où loin de diriger la Nature avec art , chaque bourgeon a été palifTé comme il s'eft préfenté , quelle différence pour le coup d'œil , la pouffe & le progrès de l'arbre , ainfi que pour l'abondance des fruits 1 Quelque grands que puifTent être 1*4 La Pratique les avantages de cette double opéra- tion , on ne peut difconvenir que ce lie foit troubler l'ordre de la végéta- tion , que de priver la fève d'une partie des réfervoirs deftinés à lui fervir de paifage de de dépôt. Par ces retran- chemens , on fait aux arbres des plaies vers lefquelles elle eft obligée de fe porter en fe détournantpour les fermer. Les formes auxquelles nous les afïujet- tiilbns, font également contre les inten- tions de la Nature. Elle les a faits pour ' élever vers le Ciel leur tète altière, pour étendre à leur gré leurs rameaux fou- pies , Se faire briller dans toutes leurs parties cette multitude de branches de de bourgeons , dont chaque année elle embellit leur tige. L'Art qui s'eft attri- bué fur la Nature un empire abfolu , en même temps qu'il raflujettit, fait aufli la diriger , ï'orner & la perfection- ner. Docile à fes loix, elle le féconde dans tour ce qui ne tend point à fa deftruCiUÀi>. Ce concours de la Na- çure & de l'Àtt ■: procuré aux arbres en efpalier cette forme régulière , qui offre le long des murailles une ta- phTerie riche & une riante verdure, en abattant les branches de devant ôc de derrière , pour étendre avec du Jarbinagl 115 ordre *T fyrnmétrie celles des cotés. L'niage d appliquer, les arbres aux murailles a été p?u pratiqué jufqu'au fiécîe précédenfi Le plus grand nom- bre des anciens châteaux & leurs jar- dins ne font fermés que par des haies fortes, ou par des murs de terraffes , avec de larges folTés. Les guerres con- tmuer.es , l'inondation des Peuples barbares -, la difliculcé de trouver des* ouvriers propice à ces fortes d'ouvra- ges , le défaut de confommation ea certains lieux éloignés des grandes Villes , ont pu faire négliger les efpa- liers. Qu^i qa'il en fait, jufqu'au fiécle de Louis XIV, les Donnes pèches furent très-rares , parte qu'on ne s'etoit point avifé de placer les pêchers en efpa- lier. Les feules pech îs de vignes ôc celles de Corbtrd croient en recom^ mandation. Tandis qu2 la Qiânrinye, l'oracle de fon temps , s'occupoit à former les efpaliers de Verfailles , de qu'il dirigeoitles jardins des Seigneurs de la Cour , les Montreuillois hum- bles , cachés & inconnus formoient fans bruit le grand œuvre du Jardi- nage , Ôc drefïoient leurs efpaliers , tels que nous les voyons aujourd'hui. ïi£ La Pratique t>v Jarêïk. Girardot vint enfuite , qui fe rendit fameux par le débit confidérable qu'il fit de fes pêches. Depuis ce temps , leur art de gouverner les arbres eft inconnu , & leurs talens éminens pour le Jardinage ont uniquement tourné a leur profit. Toutes ces opérations , telles que je viens de les expofer, font aifées, quand on veut fuivre la Nature 8c la féconder. Un Jardinier qui les met en ufage d'après de bons principes 8c une bonne judiciaire foutenue par l'expé- rience, jouit de l'abondance 8c de la fécondité. Mais iî , au-lieu de fe con- former à ce que cette Nature exige de lui , fi au-lieu de l'écouter & de n'é- couter qu elle , il prétend fe faire des fyftèmes particuliers 8c donner l'elïbr à fon imagination pour forcer la Na- ture , fans fe régler fur les climats 8c les terreins ; alors il confond tout, & renverfe l'ordre naturel. Les végétaux deviennent les victimes de fes tenta- tives hafardées 8c de fes entreprifes audacieufes, DISCOURS SUR LE VILLAGE DE MONTREUIL IV 1 oNTREUiieft un Village à deux lieues de Paris où la culture des arbres fruitiers eft portée à la perfection. Ses Habitans font les feuls qui jufqu'ici ayent entendu la direction de la fève dans le gouvernement des végétaux. Leur favoir Se leur pratique font fon- dés fur une Phyfique expérimentale , plus parfaite , j'ofe le dire , que les fpéculations renfermées dans les écrits des Phyfîciens les plus profonds, Ceux- ci ont mis fur le papier leurs idées Se leurs penfées, fans trop s'embarra(Ter fi elles pouvoient cadrer avec la pra- tique j au-lieu que ceux-là ne travail- t 1 8 La Pratique lent que d'après un fyftème le plus fuivi qui fut jamais. A la faveur de ce fyftème , les Mon- treûillois ont trouvé le fecret de tirer . des arbres fruitiers tous les avantages . poflibles. Leur méthode a , jufqu'à préfent, été ignorée j ceux qui s'imaginent la connoître , n'y entendent rien. Elle eft tellement raifonnée , qu'il eft impofïible d'y rien comprendre au premier coup d'œil , de en les voyant travailler. On ne peut même en porter qu'un jugement faux , fi l'on n'a ap- profondi leur travail & fi l'on n'a eu des relations particulières avec eux. Telle eft l'origine de l'erreur des Jar- diniers au fujet de cette méthode. Tout ce qu'ils ont imaginé a cet égard 8c qu'on a imprimé d'après eux , n'eft qu'un tifiu de chimères. Aufli fe font- ils accordés pour la bannir du Jardi- nage , fans lavoir ce qu'ils ont ré- prouvé. Comme on pourroit me taxer de prévention en faveur de Montreuil , ou d'une cenfure trop févère à l'égard de tous mes Confrères , qui fe font ligués contre fa méthode , je me crois obligé d'entrer dans quelque détail du Jardinage. 119 fur le travail des Montreuillois , leurs talens & leur induftrie. Je ferai voir qu'il n'y a aucune de leurs opérations qui ne foit fondée fur des règles inva.- riables , puifées dans la Nature : au- lieu que nos Jardiniers n'ont pour guide qu'une routine aveugle defti- tuée de raifonnement ; cette Société eft en état de rendre raifon jufqu'à un certain point de toutes fes prati- ques. Mes recherches remontent jufqu'à l'établilTement du Jardinage à Mon- treuil : on y verra comment de fim- pies campagnards ont trouvé ce qui n'a point été aperçu des plus grands Phyficiens , qui fe font exercés fur les phénomènes de la Nature. Sans ctre découvert, fans que fa méthode ait tranfpir? , un Peuple aulîi nom- breux, renfermé dans plufieurs Villa- ges , qui fait depuis plus d'un fiécle un commerce immenfe de toutes for- tes de denrées dans un efpace de ter- rein aifez borné , eût attiré les regards de la République Romaine. En publiant les talens de ce Peuple enfevelis , juf- qu'à préfent , dans l'obfcurité ôc dans le filence , je me propofe de détruire les faulTes préventions prifes fur foa lio La Pratique compte, & d'inftruire en même temps ceux qui ne connoûîent point fon travail. La première idée qui fe préfente à l'efprit , quand on fait Fénumé ra- tion de tout ce qui croît dans le terrein de Montreuil , eft fon excellence pour les productions de la Nature que fes liabitans cultivent. C'eft-là , félon l'Auteur du Traité de la Culture des Pêchers , la principale caufe de fcs grands fuccès. Or , je prétends quef li le pêcher fe plaît plus dans le ter- rein de Montreuil que dans un autre > parce qu'il y produit une fi grande abondance de fruits , il faut convenir, aufîi que ce terrein eft propre à tous les végétaux qui y croiflent & y réuf- filfent également. 11 eft plus d'un can- ton chez les Montreuillois fort infé- rieur en bonté à ceux où l'impéritie d'un grand nombre de Jardiniers laiiTe tout périr. Les terres les plus mauvaifes celfent de l'être entre leurs mains. Dans le Jardinage , tout dépend plus de la culture que de la qualité du terrein : d'où je conclus qu'il eft infini- ment plus rare de trouver des Cultiva- teurs aufli intelligens , qu'un terrein fernblable au leur, Je r> u Jardinage* i if Je commence par les (a) enclos de ♦Montreuil que peu de gens connoif- fent j il eft effentiel d'y conduire mon lecteur. Ses habitans ont imaginé de partager leur terrein par carrés , & d'y pratiquer des murailles en tout fens. Qu'y aperçoit-on en y entrant? Des murs tapiues d'une riante verdure, ÔC couverts d'une riche moifTon de fruits , un arbre feul qui paroît remplir un plus grand efpace que quatre des nôtres, des pêchers âgés de dix-huic ans , dont l'étendue eft de huit à neuf toifes , & nombre d'autres qui , à l'âge de douze ans , s'étendent à vingt Ôc .'-■■, ° trente pieds. Si je m'arrête a tous les objets fîngu- liers offerts à mes regards , je ne puis me laffer d'admirer les diverfes inven- tions de l'art qui les a produites. Pour- quoi, demanderai-je, ces murailles (i multipliées & pratiquées en tout fens? pourquoi ces tablettes faifant faillie le long de leur larmier ? à quoi fervent ces auvents , portés fur des morceaux ï (a) Les enclos donc tous les Cultivateurs ne font pas propriétaires, fontlojés depuis cin- quante écus, jufqu a vingt & vingt-cinq piflo- les l'arpent. Ils ont été taxés pour la taille à fo & 60 livres : les terres en dehors font louées 4» & jo liv. l'arpent;. Tome L F in La Pratique -de bois fcellés dans les chaperons , Se qui régnent dans toute l'étendue de ces murailles ? pourquoi ces divers abris , fi artiftement placés , &c qu'on nomme des brife-vents ? En examinant toutes ces chofes , je ttouve que ces murs qui coupent le terrein ont été inventés pour garantir les arbres des mauvais vents , & en dé- tourner les influences nuifibles de l'air. Par leur moyen , les gens de Montreuil ont réuni dans chacun des carrés , que forment ces murailles , les rayons du foleil dont ils ménagent la réverbéra- tion , lorfqu'il eft pafïe , pour en con- ferver long-temps après la chaleur. Les autres inventions qui m'ont frappé, me paroiffent tendre à procurer aux fruits des arbres la facilité de nouer plus promptement &c plus furement , ainfî que les moyens de croître &c d'acqué- rir plus de faveur. Curieux de connoî- tre l'époque & les auteurs de ces prati- ques ingénieufes, tous me répondent que leurs ancêtres apprirent d'âge en âge à leurs defcendans , depuis plus d'un fiécle , à les mettre en ufage , com- me eux à leur tour les tranfmettront à leurs enfans. J'examine enfuite les carrés, l'es ftu Jardina* z. f i $ ados , les plate-bandes , & toutes les autres parties du terrein , ainii fermé de murs , afin de voir ce qu'on y culti- ve, quels végétaux y croisent, com- ment ils y croiffent, & quel profit ils rendent à leurs maîtres. Alors, que d'objets s'offrent à moi quicaraétérifent le génie de ces laborieux Cultivateurs ! Là , ce font des cerifes hâtives , en abondance , dont les arbres par leur étendue prodigieufe Se le touffu de leur riche feuillage forment une tapifTerie la plus régulière. Le contrarie de leurs petits huits dun rouge incarnat, avec les feuilles d'un vert brun mat, eft charmant. Que de foins pour arranger leurs rameaux fouples avec tant d'art \ Près de ces arbres li renommés à Montreuil & qui font partie de fes revenus confidérables , fe trouvent des abricotiers non moins avantageufe- inent placés. Ils offrent à mes regards , outre leurs feuilles d'un vert médiocre- ment foncé , des fruits pâles d'un coté ôc d'un vermillon aufli vif que brillant de l'autre. J'en vois de deux fortes, dont les branches font pompeufement étalées fur la muraille. Ailleurs , j'aper- çois ces mêmes fruits en plein vent. Le haie &: le foleil les ont brunis j ils me Fi] ii4 La Pratique parohTent panachés ôc marqués de petites taches d'un rouge brunâtre. Non loin de-la, les feuillages fim- ples ôc d'un vert brun, des pruniers précoces placés entre les pêchers, fer- vent a relever le vert tendre de ces der- niers j leurs branches artiftement éten- dues, préfentent à mes yeux, les unes des fruits rougeatre s d'un brunobfcur , les autres d'un jaune doré , ceux-ci d'un rouge de cerife, ceux-là d'un blanc pâle. Mais rien n'excite plus ma fur- prife que ces reines-claudes , tant en efpalier ôc en éventail, qu'en buiifon ôc en plein vent. Le vert de mer des unes ôc la verdure foncée des autres, avec les taches de la plupart mélangées d'une petite teinte de rouge , forment un coup d'oeil raviffant. Ailleurs , ce font des poiriers de primeur , ainfi que d'été , d'automne ôc d'hiver. Si je confidere ces arbres im- menfes , furchargés de fruits , taillés ôc paliiTés avec tout l'art imaginable; je demande pourquoi on n'en trouve point ailleurs de femblables. Mais ceux qui me charment le plus font, les roufTelets exquis , les beurrés d'une grofTeur pro- digieufe , recherchés pour leur coloris & k régularité de leur forme , les cra- bu Jardinage. î i 5 iannes dénuées de cette âpreté, qui en diminue fi fouvent le prix, les colmars fucculens , les martinfecs d'un vermil- lon brillant & d'une grofTeur au-deifus del'ordinaire,les bons-chrétiens d'été & d'hiver, où fe trouvent réunies les per- fections des fruits les plus renommés. Un fpecbacle nouveau attire encore mes regards. Ce font les pommes d'api d'unlilfe & d'un luifant qu'on prendroit pour un beau verni. Elles ne font par- venues à une grofTeur fi furprenante , que parce qu'on a fu leur prodiguer une fève qui trop partagée n'eût fais que des fruits maigres , imparfaits & de mauvais goût. Pour leur procurer le rouge éclatant qu'y a appliqué le grand Peintre de la Nature , il a fallu qu'une main habile ait coupé fagement les feuilles qui pouvoient leur porter une ombre funefVe. Pourrois-je ne pas jeter les yeux fur les chafTelas , dont Montreuil fournie fi amplement nos tables fomptueufes. Ils font roux , dorés , clairs , tranfpa- rens, croquans, nourris & ornés de leur fleur. Leurs mufeats ne leur cèdent en rien. Je remarque qu'il en eft d'une grofTeur extraordinaire, Se que pour éclaircir les grappes , dont les grains ¥ iij ^iz6 La Pratiqua font trop drus , on en a coupé délica- tement un entre deux. Enfin., par- tout où je porte mes pas dans ces riches enclos, je ne trouve que des productions perfectionnées par le génie du Cultivateur, ou des effets de fon induftrie. Les carrés & les plate - bandes offrent des pois hâtifs , des ha- ricots , des fraifes , desframboifes , des grofeilles , des violettes recherchées j^ar préférence à celles des bois Se des jardins pour le firop violât. J'aperçois de tous côtés des bordures Se des plan- ches d'ofeilie, qu'on réchauffe en hiver , Se qu'on couvre pour en avoir de primeur. Enfin > je ne trouve rien de confus , rien de négligé , pas un coin de terre qui ne foit occupé. Les murs même du coté du Nord , font garnis d'arbres aufll touffus , que ceux qui font îe plus favorablement expofés dans nos jardins : on y a placé les fruits dont la chair plus groffière eft en état de fe dé- fendre de la rigueur du froid , tels que les poires, les pommes à cuire, les meflire-jean , les martinfecs, Se quan- tité de fruits d'hiver. Mais, pourquoi netrouve-t-on point ailleurs des arbres aufîi bien paliffés ? Ici i on ne voit ni treillage 3 ni gaulettes bu Jardinage. iij pour les tenir 3 ni ofier , ni jonc pour les attacher; ce font de petits morceaux d'étoffe qui embrafTent chaque bour- geon &c chaque branche , & qui les re- tiennent avec un clou, comme pla- qués fur la muraille avec laquelle ils lemblent s'unir. Quelle peut-être la raifon d'une pratique aufïî fingulière ? Tout ce qui violente la Nature, difent les Montreuillois , hors le cas de né- cefïité , eft contraire à la végétation. Un lien qui appuyé fur la peau de la bran- che , la prelTe & y fait contufion. Les- jeunes bourgeons qui l'ont plus tendre, fourrrent quelque altération de tout ce qui les contraint , les branches ferrées par Pofier venant à groiîir, fes ligatures gênent le cours de la fève : fi elles font lâches , il en réfulte que les grands vents agitent Se fo uvent brifent les bourgeons & les branches de l'arbre. Leurs murs font enduits de plâtre , qui ne peut jamais orTenferl'écorce , & pro- cure aux fruits, outre la chaleur dufo- leil pour les faire mûrir plus prompte- ment , cette faveur , cette grofleur 6c ce* colons , qui les diftinguentde ceux des autres jardins. J'approche de plus près , pour mieux contempler ces arbres fi bien tenus. J& F iy 12$ La Pratique n'y vois ni onglets , ni chicots, ni bois morts , ni chancres , nulle gomme , mais une écorce brillante. La plupart font des pêchers où les fruits font dii- tribués dans leurs différentes parties , t avec tant d'ordre & de profurlon , qu'on les croiroit placés par la main de l'Art plutôt que par celle de la Nature. Ils profitent tous également , & parvien- nent tour à tour à une heureufe matu- rité. Ici la petite mignone, par fon ve- louté éblouiffant charme les yeux ; là , fe préfente la madeleine , non avec ce teint pâle 8c cette couleur blafâtre qu'on ne lui voit que trop , mais avec un ver- millon éclatant. Ailleurs la grofTe mi- gnone , l'admirable, la pourprée, la nivette, la bourdine , le téton de Vé- nus de une infinité d'autres qui fe fuc- cèdent , contraient par leur colons varié avec le vert rendre du feuillage. Au refte , ces arbres furchargés de fruits, n'en font point épuifés, vous les verrez l'année fuivante faire des pouf- fes vigoureufes, qui femblent annon- cer, qu'ils acquièrent incerTamment de nouvelles forces. Confidérez leurs membres alongés , jetez les yeux fur cette foule innombrable de branches à. fruit , regardez la groffeur des tiges Ôc du Jardinage. îij l'efpace immenfe que chacun d'eux occupe , toutes ces chofes font les effets d'une taille raifonnée faite fur les gour- mands, qu'on a trouvé le moyen de convertir en branches fructueufes. Cette abondance, cette vigueur, font également dues a un ébourgeonnemenç fage ëc modéré. Là , on ne fait ce que c'eft que de pincer ôc d'arrêter les bour- geons par les bouts j là, on ignore l'arc pernicieux de violenter la Nature , de déranger ou de troubler les arbres dans leur action de végéter. Nous ne pouvons quitter ces enclos charmans , fans confidérer avec quel- que attention un objet (ingulier. C'efl la difpofition de tous les arbres en ef- palier, qui au-lieu d'être formés en éventail, comme tous ceux de nos jar- dins, & de n'avoir que des branches montantes, n'en ont aucunes vertica- les, perpendiculaires à la tige. Toutes font obliques, latérales > diagonales , Se le canal direct de la fève eft fupprimé , fans que les arbres foient dégarnis du bas. Si nous parcourions les dehors de Montreuil , quelle foule d'objets nou- veaux fe prefenteroient à nos yeux l des plants de vignes > fur des coteaux 7 %fè La Pratiqua des noyers fort élevés , de vaftes ofe* raies , des luzernes , des prés , des blés* des feigles, de petits emplacemens entoures de paillaifons, & deftinés à élever des fraifes , des plantes de chico- rée, de petites pépinières. Les Mon- treuillois ne cultivent point de rieurs , ce font eux cependant qui en font un des plus amples commerces. Rien n'é- gale leur activité induftrieufe pour fe pourvoir de tout ce qu'ils n'ont pas s comme d'œufs frais, de laitage, de crème , de petits fromages , qu'ils ven- dent dans les faifons où ils ne recueil- lent point de fruits. Il ne leurferoit pas poflible de fe livrer en même temps y a tous les foins des baffe-cours , étant obligés d'être fans ce^Te hors de leurs habitations pour vaquer à leurs affaires* Après ce que je viens de dire , il elï bien aiféde décider fi c'eft la Nature ou l'Art qui rend le terrein de ces labo- rieux Villageois inépuifable , & propre à tous les végétaux , & non pas Ample- ment au pêcher , & s'il eftpolîible qu'ils y ayent adapté leur méthode. De huit cens ménages , il y en a fix cens qui gouvernent le pêcher & qui cultivent également les denrées. La, nul n'eft «ïfif ni exempt de peine, pas même ©v Jardinage. 131 celles que la foibleffe de leur fèxe ne difpenfe que trop fouvent du travail. Plufîeurs- parmi elles entendent parfai- tement la direction des arbres , & fe livrent aux ouvrages les plus pénibles. Chaque jour on les voit prévenir le lever de l'Aurore , pour apporter fur leurs têtes à nos marchés les riches productions de leurs enclos , dans des mannes d'ofîer appelées noguets. Quel- ques-unes ainh* chargées conduifent en même temps des bêtes defomme. Ce- pendant les pères , les maris &c les en- fans de tout âge , font les préparatifs du voyage f'ubféquent. Il n'eft retardé ni par les ardeurs brûlantes du foleil, ni par les pluies , les vents &c les orages. Ai- peine ces femmes laborieufes font- elles de retour , qu'elles prennent un- frugal repas &: un rapide fommeil , ÔC revoient dans les champs s'occuper d'une nouvelle récolte dont elles fe chargeront a deux &c trois heures da matin , comme le jour précédent. Le terrein de ces Villageois , voifnx de carrières à plâtre , leur, a fait naître fidée à' en faire ufage. Ils en tirent la pierre , la cuifent, la battent, Se leurs mains adroites élèventles murs de leurs enclos. Ils ménagent tellement leurs. ï Y)i 332 La Pratique arbres , qu'au milieu même de l'été * quand ils font forcés de fe clorre , ils n'abattent ni fleurs ni fruits. On leur fait un reproche qui a quel- que chofe de fpécieux, au fujet des longues tailles qu'ils donnent quelque- fois à leurs arbres. La confiance qu'ils ont en la bonté de leurterrein eftcaufe, dit-on, qu'ils s'embarratfent peu de les furcharger , au rifque de les faire périr» Je puis démontrer que les gens de Montreuil ,. dans leur façon de tailler leurs pêchers , leur laiffent moins de bois , que ne font ceux qui leur attri- buent un tel défaut. En donnant à certaines branches , telles que font quelques gourmands , deux ou trois pieds de longueur de taille, ils ne fatiguent nullement leurs arbres , en ce qu'ils fe gardent bien lors, de la pomTe d'en rogner les bourgeons j au-lieu que les Jardiniers qui pincent, arrêtent, caffent les bouts, forcent la. Nature à repouffer de nouvelles extré- mités. De plus , ils évident davantage êc déchargent plus leurs arbres tant à. îa taille qu'à l'ébourgeonnement. ÏÏs n'alongent que les gourmands j tes au- nes. , au contraire , alongent les bran- cnesicibles*& taillent court les fortes* t>v Jardinage: ï$f d'où il arrive que celles-là s'épuïient , languiffent Se meurent , de que celles- ci ne pouffent que de nouveaux gour- mands , dont le retranchement conti- nuel fatigue Se ruine en peu de temps les arbres. Mais en fécondant la Na- ture par des tailles longues fur des branches à qui elle prodigue la nour- riture , les Montt euillois en titent des fruits fans nombre , Se n'altèrent nullement leurs arbres , qui croiffent rapidement , rapportent promptement, grofîiffent considérablement , Se ont une étendue prodigieufe , en donnant des fruits abondans. Autant qu'ils font attentifs à ne paliifer que les bons bois Se I fupprimer tous les autres comme défectueux, ou comme furnuméraires 'y autant les Jardiniers laiflent des forêts, de bourgeons à leurs arbres, qui les épuifent. Jetez les yeux fur les efpa- Iiers de Montreuil, vous verrez des efpaces réglés avec jugement entre les branches Se les bourgeons , afin qu'ils puiffent jouir des bienfaits de l'air , Se vous les conduirez de l'œil, depuis l'endroit où chaque bourgeon fort de la mère-branche jufqu'à fon extrémité* Rien de plus étonnant que de voir .154 La Pratique comment les Montreuiliois ont pu ; fans avoir étudié la Phyfique , faifir le point fixe de diriger les arbres par principes , & comment ils ont pu réuflir à l'égard du pêcher dans le gou- vernement duquel les perfonnes les plus verfées dans le Jardinage , ôc la Quintinye même ont échoué- J'ai toujours été furpris. que ceux qui par état l'ont dirigé ,. n'ayent pas découvert leur méthode } que la Quin- tinye qui aimoit fi fort fon art , de tant d'autres Savans ayent pris un parti fî contraire à la nature de cet arbre , 8c qu'en fuivant une route tout oppofée , une fociété de Jardiniers ifolés , ait fait aux portes de Paris ,. depuis cent cin- quante ans , tout le commerce des pê- ches Se des autres fruits^ Quiconque fe donneroit la peine de recueillir ce que la Quintinye a dit du pêcher , feroit aiïurément un gros volume , mais il feroit fur , en s'y con- formant , d'avoir peu de fruit , de re- planter fouvent 3c de fupporter beau- coup de dépenfes infruétueufes. Quant: aux autres Auteurs qui ont écrit fur ce fujet , ils fe font copiés réci- proquement , & m'apprennent autre choie qu a hâter la perte du pêcher*. DU Jarbtkace. ÎJf J'ai fait différentes perquifitions à Montreuil pour avoir des Anciens quelques éclairciffemens fur l'époque de la culture de cet arbre. Je n'ai pu apprendre que diverfes particularités > qui m'ont amené a des inductions d'a- près lefquelles j'ai tracé cette efquifle* Jetant par hafard les yeux far un livre de Médecine intitulé les Œuvres de Nicolas Abraham de la Framboijiere > Médecin de Henri IV , enfuite de Louis XIII , & de la Reine-Mère; je lus ce qui fuit , » les meilleures pè- » ches font celles de Corbeil , qui ont n la chair fèche de folide , tenant au- jî ornement au noyau. Les abricots- *» font beaucoup meilleurs que les pë- «• ches : car ils ne fe corrompent pas; sr fï-tôt au ventricule , & ne s'aigrifïent » point, & ont le goût plus fuave», » ôc pour ce font plus agréables à ?» l'eftomac Telle étoit Pidée de l'ancienne Mé- decine au fuj et des pêches j celle d'au- jourd'hui eft bien différente , Se dans nombre de maladies elle les permet avec le correctif du fucre. Il faut dire •auffi que nos pèches d'efpalier &c celles de Corbeil font aufîi différentes que nos excellens fruits à couteau le font i$6 La Pratique de ceux: deftinés à: faire la boiiïbn err Normandie. L'Auteur avoit remarqué que Diofcoride & Galun étoient en grand débat fur le fait des pêches ; Diofcoride pour , & Galien contre. La Q'uintinye nous apprend d'un autre côté , que quoique de fon temps les efpaliers de pêchers fuirent très en vogue , néanmoins ils n'étoient pas fort anciens. Voici un fait certain , qui prouve la vérité de ce qu'avance cet Auteur , Se qui fait voir combien Montreuil étoit alors peu connu. Pépin , dont la famille étoit établie en ce lieu depuis long-temps, quitta fa patrie pour fe mettre au fervice de la Quintinye à Verfailles y en qualité de garçon Jardinier ; c'étoit dans le temps que Louis XIV venoit de faire la dépenfe prodigieufe de fes potagers. La manière de conduire le pécher pra- tiquée aujourd'hui à Montreuil exi£~ toit déjà ,. mais elle navoit pas encore pénétré jufqu'au Directeur des pota- gers du Roi. Le jeune homme qui ne goûtoit point fa façon d'opérer , tra- vailloit à Verfailles fuivant les prin- cipes qu'il avoit reçus dans fon enfance. Le difciple n'étoit rien moins que d'ac- coid ayee fon maître. Celui-ci laffé: du Jardinage. 157 d'être toujours contredit, fe débarraffa un peu brufquement d'un ouvrier in- docile , Se ils fe féparèrent fort mécon- tens l'un de l'autre. Le jeune Pépin re- prit le chemin de Montreuil , où la mé- moire de fes ancêtres fembloit l'inviter à fe fixer , pour y foutenir la gloire que leurs talens leur avoient acquife. En rapprochant ces époques 5c ces anecdotes , il eft confiant qu'en 161 3 , remps auquel écrivoitlaPramboifiere, on ne connoifïoit d'autres pêches que celles en plein vent , qui croifTent encore actuellement dans le territoire de Corbeil. Servies alors fur les tables des Rois , elles font devenues depuis le partage du menu peuple. On ne par- loit point des pêches de Montreuil, non plus que du temps de la Quinti- nye , qui a écrit vers Tan 1680. J'ai conféré fur tous ces différens faits avec les principaux perfonna- ges (a ) de Montreuil de de Bagnolet , 3c le réfultat a été que depuis cent cinquante ans , on y cultive le pêcher comme on fait aujourdhui. Ils m'ont déclaré que leurs pères ne l'y avoient ( a ) Boudin , Pépin , & de Beautfe le père ; cz dernier cft décédé à quatre-vingts & tauf d'années > en 17 î 4. .135 La Pratique point vu naître. Quelques anciens ar- bres de leurs jardins font juger par la façon dont ils font dreffés , que les fondateurs de l'établiffement du pê- cher à Montreuii , n'avoient point at- teint cette perfection à laquelle on eft parvenu depuis pour le paliffage. Plu- fîeurs fouches de pêchers antiques fur amandier , qui ont un pied de dia- mètre, font tout-à-fait en terre , Se fèches , à l'exception d'un peu d'é- corce vivante par derrière , qui porte la nourriture à un rejeton greffé en pêches depuis vingt ans. Les uns & les autres peuvent en avoir quatre-vingts, êc ils ne laiffent pas de bien pouffer & de donner amplement de beaur fruits. Des gens de Montreuii, m'a-t-ondit, après avoir mangé des pêches de vigne, ou de celles de Corbeil dont j'ai parlé » jetèrent les noyaux dans leurs jardins. Quelques-uns ayant levé le long d'un mur , produisent des arbres. Il prit . fantaifie aux propriétaires de foutenir leurs branches chargées de fruit , Se de les attacher à la muraille. On igno- roit alors en France l'art d'y appliquer les arbres. Ces bonnes gens n'ayant ni jonc ni ofier , firent à^s loques ayee du Jardinage. 159 -^es morceaux de leurs vieux habits Ô£ changèrent des clous dans la muraille fur les deux bouts de ces loques unis dont ils enveloppèrent chaque bran- che. Telle eft l'origine de la méthode de travailler a la loque , pratiquée dans tout le pays. Les pêches ainlî expofées au grand foleil , prirent cou- leur , acquirent du goût 8c groflirent davantage. Ce fuccès engagea a plan- ter de nouveaux noyaux } les fruits portés au marché , furent enlevés d'ar bord & bien vendus. L'Auteur de cette découverte , attacha bientôt toutes les branches de fes pêchers le long de fes murailles, qu'il multiplia aufïï. Pluneurs particuliers de Montreuil voyant l'heureux débit de ces fruits , plantèrent pareillement le long de leurs murs de ces arbres venus de noyau. Il fe trouva des efpèces plus fucculentes , plus charnues , plus co- lorées , qu'on s'appliqua à multiplier par la voie des greffes , 3c on effaya fans doute d'écuiïbnner les pruniers fauvageons & les amandiers. Ces pê- ches prirent le nom de ceux qui en firent les premiers la découverte : -celle , par exemple , qu'on appelle la Sourdine ( fon vrai nom eft la BovH Î40 La Pratique dine ) laquelle eft très-eftimée a Mon* treuil ôc à Bagnolet , doit fon exif- tence au nommé Boudin. Les fuccès de ces partimliers don- nèrent de l'émulation aux autres. Non- feulement ils s'appliquèrent à cultiver le pêcher ; mais tous enchérifTant les uns fur les autres a s'empreflçrent de planter & de gouverner les arbres de leur mieux. Dès - lors les pèches de Corbeii difparurent de nos marchés. Les Jardiniers ck les Maîtres des mai^ fons de campagne autour de Paris , voulurent avoir de ces fruits fi colo- rés , d'un goût fi fuave , 3c qui fe vendoient fort cher. Bientôt les Pé- pinièriftes élevèrent des amandiers & des pruniers fur lefquels ils greffèrent diverfes fortes de pèches. Il n'y avoit originairement qu'une douzaine de jardins à Montreuil , ou l'on cultivât le pécher j à la mort d'un des propriétaires qui polfédoit un ter- rein d'environ quatre arpens , fitué vers l'endroit qu'on nomme la Croix-du- bois , {q$ enfans eurent chacun un arpent qu'ils firent enclorre de mu- railles. Les héritiers d'un de ces der- niers , au nombre de quatre, partagè- rent entre eux l'arpent de terre prove- dû Jardinage. 14* nant de la fucceflîon de leur père. Tous plantèrent des pêchers le long de leurs rnurs de clôture. On s'aperçut alors que dans les quatre quartiers de terre du dernier décédé , les pèches avoient plus de couleur 3c de goût, que les arbres profitoient mieux , ge- loient moins tous les ans , 3c que ce qu'on avoit planté dans le refte de chaque carré , étoit plus hâtif. Bien- tôt le terrein commença à être coupé de murs en tout fens ; ufage préfente- ment général à Montreuil. On remplit enfuite les carrés non- feulement de fruits d'un débit fur , tels que les fraifes & les framboifes j mais encore de plantes d'un com- merce lucratif de abondant. On planta des primeurs , des vignes , Se des ar- bres de fruits à pépin de toute nature. Les exportions du nord& du couchant moins favorables au pêcher que celles du levant de du midi, furent deftinées aux fruits à pépin &: à noyau , qui peuvent y réuflir. L'intelligence des Montreuillois jufqu'alors renfermée dans la feule culture du pêcher, s'é- tendit infenfiblement aux denrées , Ôc aux fruits de toute efpèce. De- puis ce temps - là , ils multiplièrent La Pratique" tellement leurs murailles que tous les tërreins de la campagne même éloi- gnés en furent coupés. Pour bien juger de leur effet , il faut fe tranfporter fur le haut de la montagne, en venant par Bagnolet, & confidérerde-là Mon- treuil à vue d'oifeau. Lors des révolutions , que fit éprou- ver à la France le fyftème , qui chan- gea la face des affaires de l'État 8c des Particuliers , les habitans de ce lieu qui faifoient des rentes fur leurs biens, les rembourfèrent , foit par les facili- tés qu'ils trouvèrent à faire des em- prunts en billets , foit par les gains immenfes que leur produifoit la vente de leurs denrées. Ils firent plus. Ils achetèrent les maifons bourgeoifes affez nombreufes. Alors, ils conftruifi- rent des murs de toutes parts , tant dans leurs enclos qu'en dehors. Les tablet- tes, les auvents, les paillaffons plats Se les autres abris Eurent des fuices de ces agerandiiïemens. Girardot , fi renomme pour le commerce des pêches à Bagnolet, n'en fut point l'inventeur. Ce ne fut que vers la fin du dernier fiécle que cet habile Agriculteur commença fon éta- blifTement. 11 avoit plus befoin que: x>u Jardinage. 14/ tout autre du fecours de l'art pour {es arbres plantés dans un lieu fort bas Se aquatique. Il fit donc faire des rideaux de grofle toile qu'on tiroit tous les foirs & durant le jour dans les temps nébuleux. Long-temps avant fa more il ufoit de fimples paillaiTbns comme les autres , & avoit abandonné ces, rideaux qui ne garantilfoient pas fes arbres des vents coulis. Les vents de plus les déchiroient , de en les faifant flotter , occafionnoient la chute des rieurs. Il avoit fait aufli fceller dans fes murs des fupports de fer qui por- toient des planches peintes en huile. Pendant une longue fuite d'années , il préfenta alfidûment à Louis XIV, qu'il avoit fervi en qualité de Mouf- quetaire , les fruits de fes arbres naif- ians. Il n'y avoit pas encore long-temps qu'il jouiffoit de fes dépenfes excefii- ves j lorfque l'hiver de 1 709 , fi fatal i tous les végétaux , n'épargna point fes pêchers , ni ceux des environs. Les pêches fe vendirent cette année jufqu'à quatre francs la pièce , & Girardot , -c:<:^;:<:x:x>o<:»<::<:>::::<>::-:0<^:::<;.::>:>:>:^| jj CC*n©<§*C@. LE PECHER ET LES AUTRES ARBRES Considérés dans leur premier âge. PREMIÈRE PARTIE. * =^g£}4CS=(5^T — » CHAPITRE PREMIER. Defcripzion du Pêcher >fon gouvernement commun aux autres arbres. jLu E Pécher , originaire de Perfe (a) , eft un arbre médiocrement touffu , de (a) Ex Perfide advecla ( die Pline liv. XV , Hift. Nat. ) Son nouveau Commentateur pré- tend que le pêcher vient de la Celtique Belgi- que , parce qu'aujourd'hui en langue Belgique ou Flamande, qui eft un refte de la langue des anciens Gaulois , une pêche s'appelle Pefc Tomsl, G 146 La Pratique ^moyenne hauteur 3c groifeur , afTez femblable à 1 amandier, par fon écorce d'un rouge grifâtre , fes feuilles lon- gues, pointues , liiles & dentelées, fes fleurs d'un rouge mat , & fa façon de pouffer. Ses feuilles , étant écrafées , répandent une odeur d'amande, &fes fleurs, en cela différentes de celles des arbres fruitiers à pépin , fe montrent Ôc s'épanouiffent avant qu'aucune feuille les devance. Ses boutons , au-lieu d'at- tendre que le printemps leur donne le fignal, femblent s'efforcer de le préve- nir j & dès la fin de Février ils com- mencent à paroître de grofliiîent lente- ment. On diroit , à voir la façon dont ils fe développent alors, que prévoyant les contretemps qu'ils auront à efïuyer, ils femblent s'aguérir contre le froid ; . & telle eft la raifon pour laquelle ils font huit jours fans s'ouvrir. Quand on néglige de tailler le pécher , foit en plein vent , foit en buiffon , (qs ra- meaux d'une écorce liffe & tachetée de rouge du coté du foleil s'alongent toujours , il les fait tomber négligem- ment vers fa tige , les yeux du bas & Per^e , & que Coiumelle dit que les plus groifes& celles qui viennent le mieux fe font toujours trouvées dans les Gaules» *u Jardina g';e. 147 avortent, chaque branche meurt in- fenfiblement , 5c l'arbre périt en peu d'années. Il eft inconcevable à combien d'ac- cidens le pêcher eft fujet dans nos climats. On le voit tantôt orefque fans vie d'un côté , tandis que de l'autre il pouffe des branches nombreufes & fé- condes. Le plus fouvent il porte toute fa fève vers l'extrémité de fes bran- ches , pendant que le bas eft vide &: dégarni. D'autres fois , il n'en a que de gourmandes , Se fi on les lui ôte , il n'en produit que de chiffonnes -y fou- vent il paroît deiféché , puis il renaît pour ainfi dire , & repouiTe avec une fingulière vigueur. On le voit auili du- rant quelque temps maigrir & rechi- gner ; ik. lorfqu'on eft près de l'arra- cher , il reproduit de fa fouche , fur- tout étant greffé fur amandier, des. ra- meaux vercipyans qui opèrent fon re- nouvellement pour une longue fuite d'années. Ses branches d'un vert écla- tant deviennent fanées & defféchées , fans qu'on puiffe en deviner la.çaufe, ôc fouvent l'arbre meurt , ou avec fes fruits avancés , ou après les avoir ame- nés aune heureufe maturité. A tous. lés arbres fruitiers, foit;i G ij 148 La Pratique pépin , foit à noyau , le fruit noue foie au bout des branches , foit dans le mi- lieu, Se mûrit s'il ne furvient point d'accident. Pour que la pêche au con- traire tienne Se murifTe , il faut qu'il y ait à côté ouau-deiTus une branche à bois à laquelle elle foit attachée , comme à fa mère nourrice. S'il arrive que fans elle une pêche groiïiflTe , elle tombe or- dinairement avant fa maturité. Quel- quefois un Jardinier s'avife de couper la mère nourrice du fruit après qu'il a noué ; ou féduit par le brillant éclat des branches qui ont des toupil- lons de fleurs entafïees les unes fur les autres fans boutons à bois , il taille fur ces branches : les pèches alors avortent ou tombent toutes groiîes. Nous n'avons point d'arbres frui- tiers aullî féconds que le pêcher. Il ail étonnant qu'il puiiTe fournir à tou- tes les pertes qu'il fait par le retran- chement des branches dont on le dé- charge à la taille , Se de celles qu'on lui ôte lors de rébourgeonnement. Il ne l'eft pas moins qu'il fuflife à la pro- digieufe quantité de fes fruits pefans Se très-aqueux. On voit des pêchers à Montreuil qui produifent un millier de pêches toutes fort groifes, fans que; DU J A R D I tf A G t. I 49 l'année fuivanteils foient épuifés. Du- rant l'été , il s'extravafe quantité de gomme de plufieurs de leurs bran- ches ; leur verdure n'eft point altérée, quoiqu'ils foient appliqués contre un mur à la merci des rayons brûlans du foleil , qui les deflèchent continuelle- ment. Toutes ces chofes prouvent l'a- bondance exceiîive de leur fève. Le pêcher eft plus difficile à con- duire que les autres arbres. C'eft un étranger qui conferve parmi nous une forte de férocité qui le rend peu trai- table , fur-tout quand il eft gouverné par des gens qui n'ont point étudié fon goût, fon caractère , fes penchans ni {qs vices. Les naturels du pays ré- fiftent mieux à un traitement qui en peu d'années caufe infailliblement la perte du pêcher. On peut bien gou- verner ceux-là, fans être au fait de celui ci. Quiconque au contraire ex- celle à diriger le pêcher , réudira aux autres } avec le fecours d'une bonne judiciaire , il variera fa méthode fui- vant la différence de leur poulie. Bien des pratiques font communes à tous les atbres, telles que la prépa- ration de la terre avant la plantation, la difpofuion des racines , les pré- Giij 150 La Pratique cautions fages qu'exige leur ieunefle,. êz les divers foins fuxvanf ies faifons. L'alongement des branches , la taille des gourmands , le rapprochement 8k la façon ie concentrer le pêcher eii lui-mcme , font des exceptions donc je ferai mention , 3c qui ne convien- nent aux autres arbres que dans, cer- taines circonltances. J'ajoute que le pêcher eft d'une telle fujétion , qu'une feule rnaavaife taille , un ébourgeon- nement d-.'tectueux , le défaut même de direction des premières poulies après fa plantation , décident de fon . Au(îi ra deftinée , entre les mains des Jardiniers ordinaires , eft de périr promprement après avoir donné mé- diocrement de fruits. Sa délicatelïe s'habitue difficilement a nos terres franches. Dans les unes il lèche, fes- branches meurent l'une après l'autre , fes fruits , quoique Bons , font petits Ôc rares. Dans les autres il poulie ex- ttèmement en bois , on a beaucoup de pc.ne à \a retenir, fes fruits agréa- bles aux yeux font dénués de cette eau fuave «Se de ce parfum qui en font l'excellence. Dans de certaines terres , il ne réuffir guère mieux } les brouil- lards , les mauvais vents , les gelées du Jardinage. 151- tardives , les pucerons , la gomme ac- célèrent fa fin. On dit ordinairement que notre climat ne convient pas au pêcher , Se qu'au bout d'une quinzaine d'années fa fin arrive. 11 y a même des jardins où l'on le renouvelle tous les fept ou huit ans. 11 eft vrai qu'il parvient rare- ment à la vieillelfe comme les autres arbres } mais il ne faut attribuer fon peu de durée , ni à fa nature , ni à la terre , ni au climat. Sa vie eft en- tre nos mains ; elle dépend de notre travail & de notre induftrie. J'avance hardiment qu'un pêcher bien gouverné doit durer un fiécle. 11 y en a à Mon- treuii qui rapportent cinq ou fix cens pèches 3 quoiqu'ils ayent plus de foixante ans , & qui dureront autant. On voit à Bagnolet des arbres qui ont pafïé par les mains de différens Jardiniers , & qui néanmoins font peu éloignés d'un fîécle. GiV 152 La Pratiqué CHAPITRE IL Des différentes fortes de greffes & de celle du Pécher en par- ticulier. JL A greffe ( a ) eft un moyen ingé- nieux de changer la nature des fau- vageons, de multiplier les fruits, d'ea mêler les efpèces, de les conferver Se de s'en procurer de tous les climats»- On en diftingue fix fortes ; favoir en fente , en couronne , en écuflon , erv £ûte , à emporte-pièce Sz en appro- che. Les trois premières font les plus ufitées. On greffe en fente en Février & en Mars ; en couronne au com- mencement de Mai ; & en écuflon dans les mois de Juin , de Juillet" , d'Août &c de Septembre. La greffe en jente ou en poupée , qui eft la plus ancienne, convient princi- (a) Quoique tous les livres du Jardinage encrent au lujct de la greffe dans le plus ample dérail , j'ai penfé qu'une notice abrégée de cette opération omife par l'Abbé Roger , contribueioit à la perfection de Ton ouvrage. du Jardinas ïC t$p paiement aux poiriers & aux pom~ miers francs , & s'applique également à la naiiTance des branches & au haut de la tige. C'eft en Janvier 8c avant que les arbres foient en fève, qu'on lève les rameaux deftinés à être entés;,, leur longueur doit être de deux ou trois pouces , & il doit s'y trouver au moins trois bons yeux. J'ajoute que ces rameaux feront pris fur des bran- ches faines, émanées d'arbres qui don- nent du fruit. On taille la greffe par. le gros bout en forme de coin fur deux faces de la longueur d'un demi pouce {Plan, Il^fig- i .■) : au-deifus de l'endroit où commence fa tête , on pratique deux petites retraites pour l'arrêter , &c on obferve que de cha- que côté il y ait de l'écorce bien adhé- rente au bois. Le côté deftinéàêtre en- dedans fera moins épais que celui qui- fera placé en-dehors. Lorfque le fujet qu'on veut greffet a été fcié (fig. 2. ) un peu en pied de biche , &: qu'on l'a ragréé ,: on le fend, avec une ferpeaffez avant <3ç dans toute- la largeur du tronc. Un coin, de bois", place dans la fente,,, la tient , ouverte* jufqua ce que^la greffe y foit entrée librement. Pour qu'elle fe- lie au fujet.,, G. Y- 154 ^ A Pk AtîQVl " jY eft effentiel qu'il n'y refte pointée jour , qu'elle ne puiffe être ébranlée, de que fon liber coïncide avec le liber du fujet. Lorfque la greffe eft placée , on couvre l'aire de la coupe du fujet avec de la rerre glaife mêlée de moufle que l'on enveloppe d'un linge. Il eft d'ufâge de ne mettre qu'une greffe fur un fauvageon , Se deux ou quatre fur les gros troncs d'arbres (fig. i. ) en y faifant une fente en croix. Si l'on greffe de jeunes plants de pépinière , on cou- pera le pied qu'on voudra enter , à ftit pouces de terre Se du côté du fep- tentrion pour que la greffe foit oppo- fée au midi , on le taillera enfuite en talus jufqu'à la moitié de la tige , Se on coupera l'autre moitié toute plate. Cette- manière de greffer rend la fente plus aifée à faire , Se le recouvrement de la plaie plus facile. Lorfque les arbres font plus menus , on choifit une greffe de la même groffeur que l'endroit da fujet , de forte que la moelle du bois Se l'écorce de la greffe répondent aux mêmes parties du fujet, comme dans kfig- 3- La greffe en couronne eft préférée à celle en fente , parce qu'elle eft plus fure , plus aifée , Se qu'elle fatigue du Jardinage. 155 moins l'arbre. Elle fe fait entre le bois &■ l'écorce , principalement fur de gros arbres fruitiers à pépin : fon nom lui vient de ce qu'on met plufieurs greffes à trois pouces les unes des autres fus le fujet relativement à fa force , ce qui forme une efpèce de couronne (fi g. 4. ). On les prend d'un demi- pouce de groffeur & garnies de quatre ou cinq beaux yeux, ôc on les taille comme le bout d'un cure-dent par le gros bout , afin que l'entaille ait près d'un pouce de long (fig. 5.)* Pour appliquer ces greffes on ehoifit fur le fujet un en- droit bien uni & fans nœud , on fait à l'écorce une incifion verticale avec la, pointe d'un couteau , & fans l'endom- jnager on achève de la féparer du bois avec un petit coin qu'on chaffe légèrement. Enfuite on y introduit la greffe , v , • La greffe à emporte-pièce n'eft d'il- fage que pour les gros arbres de fruits à pépin, qu'on altéreroit nécefTairemenr en les fendant. Lorfque la greffe eft difpofée comme pour la fente 8c dans BU J A R D I tf A G î. I lamêmefaifon, on fait avecunfermoir de menuifier ( fig» 1 i , ) une entaille longue Se large dans l'écorce Se dans le bois d'une tige étronçonnée , & on y infère la greffe le plus jufte qu'il eit poflible , on lie le tour de fa tête avec de l'ofier , & ony fait une pou- pée. On obferve de plus de ne pas étêter trop court ni trop près de la tige les arbres qu'on a defîein de greffer à emporte-pièce. La greffe en approche, Lorfqu'on entamera l'écorce Se le bois de deux arbres voifins l'un de l'autre & d'égale IgrofTeur ., comme le repréfente la fig* u, & qu'on appliquera les plaies l'une fur l'autre , ces arbres fe gref- feront fi exactement vers a , que fi l'on en coupe un au-defïous de l'en- droit où ils s'unifTent 5 les racine» de l'autre nourriront les deux têtes, II eft plus d'ufage d'étêter le fujet , de lui faire dans le haut une entaille triangulaire {fig, 13.) y Se de tailler enfuite en forme de coin vers la moitié de fa circonférence la tige ou une des branches de l'arbre qu'on veut multiplier {fig* 14. )• On les affiijettit dans cette pofition avec un ofier {fig, 1 5. ) , Se lorfqu'ils ont con- !ï 66 La Pratique tracté une union affez parfaite , on' coupe par le haut la branche qui forme la greffe vers a. Il efl encore plus aifé de greffer par approche en1 coupant fimplement en forme de coin; la tige du mfez\fig, i6r) , &: fen- dant celle de l'arbre voifîn qu'on veut multiplier , de façon que les deux liber coïncident , & que le coin foit exactement embraiTé par les deux côtés de la fente. On ne fe fert guère de cette manière de greffer que pour des arbriffeaux curieux. Il y a encore une greffe qui fe pratique fur les racines lorfqu'on ente une branche à fruit fur une fouche. On choifit à cet efret une forte racine d'un arbre analogue à celle de celui qui a fourni la greffe , & on la coupe en plufieurs divifions , dans chacune defquelles on infère une greffe. Si le fujet eft affez vigoureux, on peut en ©ter une racine qui fournira une ving- taine de pieds. Un habile Cultivateur a fait greffer quelques arbres très-bas 3 Se leurs greffes étant bien reprifes , il les a fait planter affez avant, pour que la greffe fût enterrée. Le collet a produit des racines, de on a levé les arbres pour retrancher tout, ce qu^ du Jardinage. i£i appartenoit au fa jet. Cette plantation a procuré placeurs bonnes efpèces d'arbres fruitiers, dont tous les rejets n'ont pas eu befoin d'être greffés. Le pêcher fe greffe à œil dormant fur fauvageon , c'eft-à-dlre fur un ar- bre venu d'une bouture , d'un reje~ ton , ou d'un noyau ; ou fur un ar- bre greffe d'un fruit à noyau qui lui eft analogue. Quand il vient d'un noyau de pêche fans être greffé , il refte pêcher, & rapporte des fruits tels que ceux de vignes & de Corbe^l. Les arbres , foit fauvageons , foit greffés > qui lui conviennent le plus , font l'amandier, le prunier, l'abricotier >' le pêcher venu de noyau de celui qu'on veut changer de greffe. Jufqu'ici on a cru que les pêchers fur amandier réufîifToient mieux dans les terres lé* gères que le prunier , & qu'au con- traire ceux entés fur prunier conve- noient mieux aux terres fortes. La raifon qu'on en apporte eft que le fauvageon de l'amandier fe nourrif- fant de peu 3c ne pouffant prefque point de chevelu qui pompe &c fuce fans cette , n'a pas tant befoin de fucs ni d'une terre fi fubftantielle , au-Iieir que le prunier étant un arbre de plus iGi La Pratique longue durée , a peu de girofles ra- cines ; mais quantité de moyennes 8c de petites qui exigent plus de nourri- ture. Je m'embarralTe peu de la dis- tinction des terres fortes ou légères , de celles qui ont du fond , d'avec celles qui n'en ont pas , &: j'ai toujours préféré de planter fur amandier dans quelque terrein que ce fût. De plus le pêcher fur prunier eft toujours gom- meux , dure peu , & à l'endroit de fa greffe il fe fait une extravafîon de fève , qui forme un bourrelet énor- me , enfin fa tige ne profite point éga- lement comme la greffe qui eft ordi- nairement plus forte du double. La greffe eft une opération efTen- tielle. On ne connoifloit autrefois que les pêches de Corbeil , il n'y a pas plus d'un fiécle qu'on s'eft avifé de greffer le pêcher • j'ai dit que c'eft Montreuil 8c (es environs qui l'ont tiré de fon état obfcur, en le greffant & le plaçant avantageufement , afin de lui faire rapporter de plus beaux de de meilleurs fruits. Les pépinièriftes , fans attendre que leurs iauvageons ayent une groffeur convenable , les greffent dans le tronc même , au moyen de quoi on eft fort bu Jardinage. i£$ embarraffé pour les planter. Si on les enfonce en terre, tels qu'ils doivent être, la greffe eft enterrée; fi on les Î liante en fuperfkie , leurs racines bru- ent. Dans le cas où Ton feroit obligé' de planter de tels arbres , on n'auroit qu'a les buter jufqu'à ce que la terre fût affaiffée. Les Chartreux greffent ordinairement leurs fauyageons à fix ou fept pouces au-deifus de la terre, lorfqu'ils en ont deux ou trois ; au- lieu de rebotter ceux qu'ils ne vendent pas , ils greffent un nouveau fruit fur la greffe , qui a pouffé l'année précé- dente ; ainn, les ai&ffes reltent deux années de plus en place , & forment ee qu'on appelle franc fur franc JTen ai plantés d'une grofleur prodigieufe , avec des racines immenfes , Se à qui Je laiffois des têtes de vieux bois , qui m'ont donné des fruits l'année même , & qui à la troifîème pouffe avoient vingt-cinq pieds d'étendue. Dans les pépinières , on greffe le pécher trop tôt fur de maigres ou fur de mauvais fujets , fur des amandiers d'un an , ou fur des pruniers trop fluets. L'expérience démontre que fur un fauvageon qui n'eu: point d'una groffeur formée , la tige ne prendra i'^4 I-a Pratique que fort peu de corps durant toute îa' vie du pêcher. La greffe s'y trouve communément du double de la grof- feur de la tige qui refte maigre & ra- bougrie. De là vient ce calus ou ce gros bourrelet fi difforme à quantité de pêchers vers l'endroit de la greffe. La Quintinye ne veut pas qu'on en plante venant de la pépinière , qui n'ayent par le bas un pouce de dia- mètre , quand ce font des nains , & dix-huit lignes quand ce font des tiges ou des demi-tiges. Il y a en effet dou- ble profit pour la vigueur , la fanté de l'arbre , fon prompt rapport &: fa durée , pour l'abondance de fes fruits èc leur bonté. Le choix des pépinières n'eft pas indifférent. On doit toujours préférer à celles qui font fumées 5 ter- reautées ou d'excellente terre , les pé- pinières maigres de légères , telles que celles deVitry. Lorfqu'on tranfpîantera les arbres au loin , on aura foin , pour qu'ils ne fouffrent pas hors de terre , de les lever dans la faifon où ils ne pouffent point , de bien couvrir leurs racines avec des herbages frais ôc abondans en fève, & de mettre par-deffus ce premier lit , quelque ondtueux qui ne a u Jardinage. i £f ^évapore pas aifément , tel que du fu- mier gras de bien confommé , recou- vert de moufle Se enveloppé dans une toile cirée. On fait que la moufle ne fe pourrit que difficilement, & qu'elle conferve l'humidité fans fermenter. De temps à autre on les humectera , en jettant de l'eau deflus. Arrivés à leur deftination , ces végétaux doivent auflî-tôt être plongés durant vingt- -quatre heures dans une mare d'eau de fumier, ou dans quelque eau bour- beufe , pour que fes particules dé- veloppent leur humide radical. Les plantes délicates feront dépofées dans du fumier un peu moite , médiocre- ment chaud , ou dans du terreau hu- mide. Enfin , fi on mettoit à couvert les plantes robuftes durant une jour- née , après les avoir arrofées , &c en- faite dans un ruifleau ou dans un bac- quet plein d'eau , je penfe qu'il en réchaperoit un grand nombre. Il cft aifé de le ménager une pépi- nière. On drefle un canton , 8c de trois pieds en trois pieds on y plante , au printemps , à trois pouces de pro- fondeur des amandes qu'on a fait ger- mer à la cave dans du fable ; à me- fure que les amandiers font en état *6£ La Pratique d'être greffés , on les écuffonne } 8c lorfqu'on veut les planter , on les lève en motte & on les met en place. On peut encore les laiffer en pépinière jufqu'à ce qu'ils ayent rapporté des .fruits, de cette manière on ne peut rfe méprendre ni fur la qualité, ni fur rJa bonté des efpèces. Dans une pépi- . nière où il n'y a que des fauvageons nains , je plante au milieu des ran- gées à fîx pieds de tout fens , un ar- bre greffé de l'efpèce qui me convient. Fort & vigoureux, tel que je le fup- pofe , il ne manque pas de faire des pouffes très-alongées. Alors , je greffe en approche tous ces bons bois au printemps fur autant de ces fauva- geons , qui font en état d'être greffés , 8c fur lefquels ces rameaux peuvent s'étendre. Quand on a des arbres vieux ou caducs , on plante , entre deux dans le printemps , une amande qu'on aura mis germer dès le mois de Novembre pour greffer enfuite le fauvageon, fouvent dans l'année même. Cette façon de regarnir fes efpaliers eft très- bonne : lorfqu'une fois ces arbres ont pris , ils font d'une très-longue durée, .pourvu qu'ils fbient fécondés &c coiv- du Jardina&e. 167 duits avec intelligence. Je fupppofe qu'on a auparavant fondé la terre , 8c qu'on Ta défoncée. Un fauvageon de prunier peut auiîi être greffé en place , s'il eft bien vif 8c fuffifamment fort. La réunion de différentes greffes fur un même fujet , réuflit rarement : la dominante l'eoiporte toujours fur la plus foible. Je ne fâche qu'une occa* fionoùPon puiffe y conferver plufieurs greffes. Vous avez des arbres fort vieux , dont les fruits ne vous con- viennent point , foit parce qu'ils ne font pas excellens , foit parce que vous en avez trop de la même efpèce. Ces arbres pouffent de leur fouche des branches gourmandes , qui viennent du fauvageon. On les greffe ( a ) la même année , & on projette de les renouveler fur ce rejeton greffé , en obfervant de ne pas les fapper tout d'un coup , de peur de faire à la fois fur une vieille fouche des plaies 8c trop nombreufes 8c trop confidérables j (a) Quand on voit que la fève eft trop abondante & que l'écullon groflit , au poinc ,qu'il y a lieu de craindre qu'elle ne foi: noyée, il faut couper par derrière la laine & l'écorce , jufqu'au bois, à quatie ou cinq pouces au- CHAPITRE III. Des terres propres au Pécher > & des moyens de corriger celles qui ne lui conviennent point. JL/'apres des obfervations certai- nes , je penfe que les arbres 3c les plantes fe nourriffent des lues de la terre, non par voie de broyement 'y mais d'abord par voie de pompement, enfuite d'action de la fève , & enfin. d'élafticité des organes , qui pré- parent les parties fpiritueufes de cette même levé. Ce pompement eft fondé fur ce que toutes les racines des plantes font ouvertes par leurs extrémités 'y 3c qu'elles dégénèrent en pointes arrondies , au bout defquelles eft un petit trou femblable à celui qui paroît dans chaque graine, 3c par le- quel la fubftance des fucs de la terre y eft reçue. Telles qu'une éponge qui de plate quelle eft, groflic dans l'eau, *2 t>u Jardinage \6+ en recevant par {es pores les parties liquides qui les imbibent 8c les font gonfler; les racines d'un arbre déplanté depuis quelques jours, plates, fèches, rentrées en elles-mêmes , fe dilatent 8c rendent l'eau , quand on les p relie fortement , après un certain féjour qu'elles y ont fait. 11 eft allez inutile de s'étendre fur la néceflité d'un bon fonds de terre , pour tous les arbres généralement. Je dirai quel eft le meilleur pour le po- cher , en traitant de fa plantation ac- tuelle. J'ajouterai feulement ici , en faveur des perfonnes qui veulent plan- ter en toutes fortes de terres , que le pêcher fe plaît fur-tout dans celle qui étant douce , médiocrement gratte , 8c un peu fablonneufe, tient le milieu entre les terres fortes , 8c les terres légères. Son fruit eft moins agréable dans les terreins argilleux 8c humides , que dans les terres un peu fèches. A l'égard des poiriers , fur-tout de Saint- Germain , leur fruit a plus de goût clans une terre maigre 8c fèche que dans une terre grade , forte 8c hu- mide , mais aufti il y devient plus pierreux. Une terre , quelque excellente qu'elle Tome I, H ï7o La Pratique puiffe être , dégénère à mefure qu'elle eft défoncée. Il y a ordinairement un premier lit , qui , à caufe des pluies , des influences de l'air , ôc des -engrais , a des qualités plus avantageufes. A un pied ou deux , on trouve un lit de couleur moins foncée 3c rude au toucher. A celui-ci en fuccède un troifième , dont la terre eft jaunâtre , rouflfâtre , blanchâtre , fablonneufe , cendreufe, êc enfin arrive le tuf, la craie , la pierre , la grou. Si la terre ne vaut rien , il faut en former une , qui approche de celle dont je viens de parler. Eft- elle trop gratte , il faut l'alléger ; quant aux maigres oc aux légères on les remonte pour leur donner du corps. A l'égard des terres humides Se froides , je les deffèche, de je leur fubftitue de quoi les ranimer j enfin je fais enforte de diminuer la grande ardeur des fables brûlans , en leur procurant une fraî- cheur tempérée. Pour alléger les terres trop graffes , & affoiblir leurs fucs trop fubftantiels } je propofe quatre moyens , qui m'ont également réufïi ; favoir : Les gazons renverfés , La charrée , ! *tj Jardinage. 171 Le fable , Les plâtras battus. Les avantages des gazons qu'une longue expérience m'a fait connoître , me déterminent à les confeiller pour en faire la bafe de toutes les planta- tions. Quand on les a levés &c amenés au bord du trou , on les jette au fond, en mettant l'herbe deiîous & la racine demis. On les étend enfuite & on en fait plufieurs lits , jufqu'à la moitié du trou. Les gazons étant le fumier na- turel de la terre , & fa production la plus ordinaire , m'ont paru d'autant plus propres à remonter la terre du pécher , que cet arbre demande un lue doux ôc bénin. Lorfque les extré- mités des racines les ont atteints , elles s'accommodent parfaitement de leur fubftance friable. Ils durent dix, douze & quinze ans , fans être con- fommés tout-à-fait , te ne pourri(Tent que lentement. A mefure que les pluies; Ôc les neiges humectent la terre , ces gazons qui forment comme une efpèce d'épongé , portent avec eux une im- prefïion d'humidité douce , qui jointe à la chaleur des rayons du foleii , fait paiïer dans les racines de l'arbre ces fucs qu'ils contiennent. J'ai remarqué Hij ïyi La Pratique" que , quelque fécherefle qu'il arrive ^ îes arbres au pied defquels on a pra- tiqué de ces couches fourdes & fou- terraines font toujours verdoyans , 6c pouffent des jets vigoureux. La jauge étant à moitié remplie de gazons , je mêle de la terre du defïus qui vient* de la fouille , avec un tiers de charrée ou de plâtras battus , Se quand le tout eft bien mélangé , je remplis le refte de la jauge &c je plante. Cette charrée , renferme beau- coup de parties fpiritueufes > ôc eft très-propret rendre légère une terre grofîière. Si l'on employoit de la cen- dre pure , elle brûleroit les racines , à moins qu'elle n'eût paiTé l'hiver , expofée aux influences de l'air. Le fable dont je parle eft différent de ceux de rivière , 3c des fables rou- ges & infertiles. 11 eft doux Se léger, approchant de ce qu'on nomme fa- blon } on le trouve dans des fonds où les ravines l'ont entraîné , ôc le long des chemins ôc voiries qui font un peu en pente. Tranfporté dans les terres trop fortes , la chaleur du foleil qui les pénètre profondément , difïbut les parties intégrantes de la fève & en ranime le mouvement. du Jardinage. 173 Je mêle les plâtras , de même que les ingrédiens dont je viens de parler. Quiconque fait les employer à propos , peut être allure de fertilifer fes terres pour long-temps. Il faut commencer par les battre & les paffer enfuite à la claie. On fait que les falpêtriers trouvent dans ces plâtras de quoi faire leur nitre , qui forme la poudre , 3c qu'ils en tirent une quantité confidé- rable de fel extrêmement corrofîf. On peut en inférer que ces plâtras fage- ment difpenfés doivent remonter une terre encore mieux que la marne dont on la couvre. Une faudroit pas en faire ufage dans celle qui feroit légère , brû- lante ou fablonneufe. Inutilement planteroit-on des pê- chers dans des terres glaifeufes & ar- gilleufes , fi l'on n'employoit les moyens convenables pour en adoucir & en corriger la roideur. Il s'agit de les développer & de les émier, afin que leur furface ne préfente point de croûtes dures , impénétrables aux rayons du foleil Se aux pluies. Je fup- pofe d'abord que la jauge eft à moitié remplie de gazons renverfés. Si toute la terre eftgralfe , forte 8c de même na- ture , je fais écrouter , pour la rem- Hiij 174 La Pratique placer , celle des grands chemins Si des voiries. Il eft des cours de fer- miers dans lefquelles les animaux ont dépofé depuis un temps immémo- rial des engrais lavés & détrempés , Se dent les fucs ont été développés par les pluies , les neiges 8c les gelées» Les cours des particuliers contiennent de très-bonnes terres provenantes de balayures , de vannures de grains Se autres engrais femblables. Dans les carrefours, les rues Se les places va- gues des Villages , on trouve des immondices confommées Se pourries* Après les avoir fondées , Je les fais paffer à la claie Se enlever. Au défaut de ces engrais , j'ai recours aux terres de prés Se de ma- res , au fumier des chevaux Se des beftiaux que je mets pourrir dans ur» grand trou où je fais tomber toutes les eaux voifines. Quand il s*agit de remplir ma jauge 3 je me fers de ces différentes terres , Se à leur défaut je mêle moitié fumier réduit en terreau avec ma terre argilleufe. Quant à ce dernier engrais , je fuis obligé d'y recourir tous les trois , quatre ou cinq ans , félon que ma terre reprend plus ou moins fon ancienne roideur. Ainû DU JaRDINAC!. 17$ dans un fol jugé impropre au pêcher, viennent des arbres admirables , Se des fruits aufïî abondans qu'excel- lens. A l'égard des terres maigres Se lé- gères , il faut leur donner de la fa- veur Se de la fécondité , fuppléer à la nature , donner un corps à ce qui n'en a point. Par-deffus les gazons j'emploie la vafe des ruilTeaux , Se les dépôts faits par les ravines dans des fondrières ou les fucs des terres voi- fines ont été entraînés. Je fais aufîi un amas de fiente de vache , que je lailïe pourrir , Se je mêle le tout par moitié avec ma terre maigre. Il eft à pro- pos j dans ces fortes de terreins, d'ar- rofer les pêchers avec un feau d'eau de fumier tous les ans au printemps , ou dans le courant de l'été. Cet arro- fement qui les tient frais , les fait pouffer Se produire comme dans les meilleures terres. Il s'agit de deiTécher Se d'échauffer celles qui font humides Se froides : voici comme je m'y prends. Dans ma jauge, je mets des plâtras Se des dé- molitions à la hauteur d'un pied , j'en excepte les pierres à plâtre ou à chaux, les moellons tendres , les recoupes Hiv tj6 La Pratique qui fe mettent en bouillie dans l'hu- midité. Par-defTus je fais placer les plus grofTes pierres en Forme de parpaings , en obfervant qu'elles ne fè joignent pas exactement pour facili- ter l'écoulement des eaux. Sur cette efpèce de pierrée ou de puifart , j'éta- blis un lit de gazon d'un pied égale»- ment de hauteur. Reftent deux pieds de rempliffage pour combler ma jauge. J'ai recours à la charrée incorporée avec la terre du delTiis , ou à des feuilles pourries Se confommées , ou à la poudrette. Je mêle ces engrais jufqu'à la concurrence d'un tiers , avec ma terre humide 8c froide. Us font excellens lorfqu ils font réduits, eh terreau, qui devient très-maniable1, £c dont la qualité eft chaude. On peut aufîi employer les terres d'égout, pour- vu qu'elles ayent été cuites au moins durant un an au foleil , aux pluies 8ç aux gelées. Au défaut de toutes ces chofes , on ufera de fumier contam- iné , de cheval , de mulet , d'âne , de crottin de mouton , excepté de fiente de pigeon qui fe met toujours en bouillie , s'empuantit & eft très-per- nicieufe aux arbres pour plus d'une raifon< d« Jardinas!. 177 Deux moyens dont j'ai fait ufage avec fuccès , peuvent fuppléer au dé- foncement. Le premier dont la dé- penfe eft à-peu-près égale , confifte à charger la terre le long des efpiliers , &: d'en former une forte de terrafïe élevée de deux pieds. Pour la foutenir on conftruit un petit mur à joints ap- pareils , ou un talus garni par le bas de gazon bien battu. Cette terrafle doit avoir au moins fîx pieds d'éten- due , & peut formet une coftière pouc avoir des primeurs , ou pour con- ferver dans l'hiver quantité de plantes délicates. Le fécond expédient moins difpendieux , eft d'incliner les arbres , & de les placer fort loin du mur , à douze pieds de diftance les uns des autres , en les tirant au cordeau. On choi/îra , pour cette plantation , des arbres greffés fort haut , Se un pea. cambrés. La muraille fait , à leur égard , le même effet, que le pen- chant d'une colline qui ne les em- pêche ni de venir , ni de prod lire. Les racines cambrées qui s'étendront alors horizontalement, fuffiront feules à la nourriture de l'arbre. Je ne dif- conviens point que les lecherelfes ne foient défavorables à des arbres airu! Hy 178 La Pratique plantés , mais on peur y fuppléer par des balîins , 3c y verfer de l'eau au befoin. Cette plantation exige une précau- tion efTentielle , c'eft de la fumer abon- damment tous les trois ans. Vers la ToufTaint , on déchaufle les arbres , &: on jette autour le fumier. Les nei- ges Se les pluies le détrempent, & en Font paiTer le jus aux racines 5 lors du printemps on ne craint point qu'il les brûle , & on l'enfouit en labourant. Les fables brûlans dans lefquels les mauvaifes herbes n'ofent éclorre , doi- vent être traités de même que les terres maigres & légères. Les arrofe- mens y feront employés fréquemment durant l'été ; de de peur que le foleil ne pénètre jufqu'aux racines, on éten- dra fix pouces de fumier fur la fuper- ficie de la terre à un pied autour de la tige des arbres. L'afpeél peut en être défagréable , je ne crois pas qu'on lui préfère la vue d'arbres brûlés, qui meurent &c ne rapportent rien. On 6te ce fumier l'hiver pour le renou- veler tous les ans au printemps. Sans fonder la terre , il eft aifé de «onnoître , £ elle eft mauvaife , à la pileur , la jauniffe , la poufle maigre de fluette des arbres , la petitefle & le défaut de faveur de leurs fruits , leur chute &: celle des feuilles , aux bouts de leurs branches qui fe brûlent , à la précipitation avec laquelle l'écorce s'aoute avant que les rameaux ayent atteint leur grolfeur ordinaire ; enfin., a tout leur extérieur qui languit 8c dé- périt. Quelquefois aufll les arbres , quoiqu'en bonne terre , font fujets à des dérangemens de fauté , lorfqu'elle s'épuife 3c fe trouve dépourvue de fucs : alors on la remonte confor- mément a ce que j'ai indiqué çi- defTus. Je me comporte différemment à l'égard des vieux arbres , que des jeu- nes qui fe trouvent dans un mauvais fonds. Si ceux-ci peuvent fe lever en ,motte , pour être remis en place > quand le vice de >la terre aura été réformé -y c'eft le parti que je prends, à l'égard des pêchers greffés fur pru- nier, qui ont beaucoup plus de che- velu & de racines moyennes que ceux fur amandier. S'ils font anciens 3c dé- crépits , on fait un trou entre- deux pour renouveler l'efpalier. Mais fi ce font des arbres de douze a quinze ans, H vj \îo La Pratique qui en vaillent la peine , je les fouille di£ xant l'automne de quatre pieds en tout fens & avec beaucoup de précautions a pour ne couper aucunes racines , je mets a part les terres du defïous , & celles du fond. Quand Je les ai bien déga- gés , je creufe en-defïous , laiffânt une motte à leur pied , autant qu'il m'en; poffible. Les racines qui mrempêchent - de travailler font retrouflees ou atta- chées à une voifine avec un ofier. Dans les entre-deux 5 où la bêche ni la pio- che ne peuvent aller , je me fers de la houlette , & avec la main j'enlève la mauvaife terre à la profondeur de trois ou quatre pieds jufqu'au bout des racines j je coule à fa place celle du deffus , & j'introduis de la miette dans les cavités entre les racines remi- ses à leur place. Lorfqu'elies font recouvertes de ce premier lit \ je fais mettre un lit de fumier bien confommé , &: par-defTus fix pouces de bonne terre alternative- ment y que je mêle enfemble en def- cendant dans la jauge jufqu'à ce qu'elle foit entièrement comblée. Plufieurs féaux d'eau jetés enfuite fervent de liai— fon au tout enfemble. Des arbres ainfi traités font plus hâtifs que leurs voifîns , % V I A M) I N A « 1. 1 £t te pouffent au printemps des jets mer- veilleux. Je les foulage alors en les déchargeant amplement de bois & les taillant court. J'ai employé cet expé-. dient dans le tuf, & dans la grou , &C je l'ai exécuté avec autant de fuccès à l'égard des arbres y qui jauniifent 8c ceffent de rapporter. I/ufage eft de les arracher : s'ils font bons d'ailleurs 8c vigoureux , j'eftime qu'on doit prendre la peine de les panfer & de les réta- blir de la même façon. «^QsSSNGWàfe: CHAPITRE IV- De la plantation des arbres fruitiers. v/est une erreur d'avancer qu'il faut s'arrêter aufîî-tôt qu'on trouve la glaife ou le tuf , parce que le fé- jour de l'eau dans cette efpèce de caiffe que vous formez de ces ma- tières en les perçant , pour y fubfti- tuer de bonne terre , pourrit en peu d'années les racines des arbres. Je dis au contraire que c'eft le cas de faire. jSi La Pratique une fouille plus profonde , attendit qu'ils périiîent dès qulls ont atteint la glaiie ou le tuf, Se qu'il eft même efïentiel de n'en planter aucun , qu'on n'ait auparavant défoncé la terre de quatre pieds en tout fens , quelque af- fucé qu'on foie de fa bonté. Ces qua- tre pieds font également néceflaires aux pêchers nains , de à ceux de tige , pour rendre la terre douce , meuble , friable 3c pénétrable Jufqu'à cette pro- fondeur aux influences d'en-haut, Se à l'air aufli efTentiel aux végétaux que la refpiration aux animaux. Une des raifons pour lesquelles ils languifTent au bout de quelques années , eft le défaut de fouille nécefTaire dans des terres fouvent fcellées 6c ufées. Elles eeffenr d'être meubles à la profondeur de dix-huit pouces. Or , les filets qui fe forment aux racines , 5c qui font extrêmement tendres 3c faciles à être offenfés^, percent très - difficilement une terre compacte , lorsqu'ils eflayent d'en piquer le fond. De plus , les humidités ne peuvent pénétrer cette efpèce de plancher fur lequel les ra- cines ne font plus que s'étendre fur- tout le long des murs des efpaliers : cm fi elles y parviennent, elles y du Jardinage. i$$ féjournent , chanchifïent les racines ôc les pourrifTent j bientôt l'arbre jaunit 8c dépérit. Perfonne n'ignore que durant les chaleurs , 3c tant que fouftient les vents defféchans, tout l'humide de* plantes en: enlevé , il fe fait fur la terre une croûte dure , elle fe gerce & fe fend , les végétaux fourTrerit prodigieufement de l'attraction de la part de l'air Se du pompement du îbleil. Il faut alors que les racines puiflent fournir un humide au moins équivalent à cette tranfpiration. Quand donc la rerre a été une fois défoncée > les racines font en état d'envoyer fuf- fifamment à la plante de quoi fournie à l'évaporation , & elle n'eft pas in- commodée des féchereifes , 1ô haie ne pénétrant point aufïi avant en terre que la fouille. 11 n'y a point de terre qui ne foit pierreufe : ces pierres font des rem- parts impénétrables aux racines naif- fantes, qui les rencontrent. On les trouve en fouillant de on les ôte. Le long d'un efpalier r dont le mur avoit une retraite de plus d'un pied d'épaif- feur à trois pieds de bas , j'ai fait planter des arbres de dix-huit pouces i$4 La Pratique en avant dans la plate-bande , en les cambrant par la tête , afin que les racines ne pufTent rencontrer les pier- res , & que la tête approchât du mur, en obfervant de leur laifTer plus de longueur de tige. Une excellente pra- tique eft de pafTer à la claie toute la terre du trou & de la tranchée , lorf- qu'elle a les conditions requifes pour le pêcher. Les terres des efpaliers expofés fur- tout au midi & au couchant , font extrêmement remplies d'oeufs d'in- fectes , qui rongent les racines & la verdure. En les défonçant , on dé- truit une partie de ces ennemis : les humidités & les gelées jointes aux labours achèvent de les faire périr. C'eft mal planter que de mettre un arbre à la place d'un autre qui eft mort , fans changer auparavant toute la terre du trou. Rien de plus rare que de voir un pêcher profiter dans la même place où un autre n'a point réufli , quand il a été recouvert de la même terre. En conféquence , je n'ai jamais planté fans avoir rempli le trou de mes arbres de celle de la fuperficie prife à trois ou quatre pieds, terre imprégnée du nitre de l'air y cuite du Jardinas!. 185 Se digérée par le foleil & les influen- ces bénignes d'en-haut: je fais enfuite joncher à fa place celle du trou, qui ne peut envoyer qu'une fève crue , incapable de rendre les arbres fé- conds , Se qui , avec le fecours des influences du Ciel Se- des vents , de- viendra terre neuve. Si vous faites la fouille en automne, pour ne planter qu'au printemps , vous ! pouvez vous contenter de répandre- la terre pour la laifler hiverner , ainfi que le trou. Je vais plus loin *, je prétends qu'il ne faut point planter un arbre à la place d'un autre arraché , quoique vivant , fans renouveler aufli la terre , Se fans enlever toutes les racines de celui qu'on ôte. On conçoit aifément que la terre ayant été épuifée pour la nourriture de l'arbre précédent a be- foin d'être remontée, Se que dans un fol occupé par un végétal , la même efpèce réuflir rarement , fi l'on ne le change ou il l'on ne le laifTe repofer. Cette règle ne fourfre d'exception que dans le cas d'une terre extrêmement féconde ou abondamment fumée. En-» fin , les racines de l'arbre déplanté , étant encore en terre, y reftent du femps fans fe pourrir ? & ne lç feront i86 La Pratique point quand le nouvel hôte du jar- din étendra les fîennes , que leur ren- contre empêchera de pouffer. On obfetvera encore , avant que de planter le pêcher, de l'éloigner des plantes gourmandes, qui effruittent &c mangent la terre , & d'ôter foigneu- fement les racines de chiendent, ainfi que les rejetons des arbres voifins j le Jardinier qui fe contente de les en- lever de la fuperficie de la terre , les voit fans cefîe repouffer. C'eft affez l'ufage de planter entre deux pêchers des vignes , qui couvrent la muraille jufqu'à ce qu'ils foient affez grands pour la tapiffer eux-mêmes : on élague enfuite ces vignes , & on pra- tique le long du chaperon un cordon qui donne de très beau raiffn. Je con- damne cet ufage , & je dis que pour vouloir trop avoir on n'a rien > ou prefque rien. Ces vignes par leur large 8c épais feuillage, forment une efpèce d'auvent par-deffus l'arbre auquel elles raviffent les pluies & les rolées de la nuit, lui donnent de l'ombre & em- , pèchent ce renouvellement d'air, qui lert merveilleufementa fa refpiration. Les gouttières qu'elles occafionnenc fur les branches de fur les fruits do. du Jardinage. 1^7 pêcher, lors des grandes averfes, ca- vent 3c carient Tes blefîures de fes cica- trices , & font fluer !a gomme de tous les côtés. Je n'ai jamais vu cet arbre réuflir à des pignons où il y a des égouts. De plus , les racines des vi- gnes l'affament , fe mêlent avec les fiennes & fe croifent dans peu de temps. Je n'approuve pas davantage les vignes en comrefpalier 3 que celles ap- pliquées au mur , à moins que les plate- bandes ne foient fort larges , & que les vignes ne foient plantées entre les arbres , & non en face. On allègue , en leur faveur , qu'elles parent les ar- bres des grandes ardeurs du foleil , & qu'elles tiennent la terre fraîche à leur piçd. Le pêcher s'accommode peu de ces foins officieux ; il eft jaloux de jouir feul de tous fes droits , & des rayons du foleil fon bienfaiteur. L'ufage des bons ouvriers de Mon- treuil eft de placer entre leurs pêchers, un poirier ou un pommier , a qui ils laifTent une tête , & d'en tirer ce qu'ils peuvent durant quelques années , en l'élaguant à mefure que grandiiîenc les arbres qui doivent refter en place. Il eft euentiel avant la plantation de Yifiter la tige de fon arbre. Si ellç i88 La Pratique cft noueufe , remplie de bltflkres , de calus , de froiffures , &c que l'écorce au-lieu d'être claire & nette foit livide ôc noirâtre , il faut le rebuter. Si au contraire ce ne font que de légères contufions caufées par le tranfport, on y applique l'onguent de Saint-Fiacre j s'il y a quelque chancre peu confi- dérable , il faut couper l'écorce noire, en ufant du même remède , & mettre un tuteur à la tige tortueufe, qui peut être redrefTée. A l'égard des racines , il eft une préparation effentielle omife par les plus habiles Jardiniers, pour habiller Je pêcher Ôc le mettre en état d'être placé enterre. i°. Sonder toutes les racines, ÔC examiner s'il n'y en a point de mor- tes , de brifées , d'éclatées , de ron- gées par les vers ou d'attaquées de chancres. Dans tous ces cas , il faut fupprimer celles qui font totalement défectueufes , raccourcir celles qui font caffées ou fendues. A l'égard des racines endommagées par des plaies ou des contufions , & don£ le retranche- ment feroit tort à l'arbre, on les guérira par l'onguent de Saint-Fiacre ; précau- tion telïerriçiu effentielle , qu'un pê- © u JardinaseJ I $} fcher à l'égard duquel on l'aura em- ployée, viendra plus vite en trois ans, qu'un autre en fix. 2°. Ménager foigneufement les pi- vots , bien loin de les couper en-deflbus près du tronc , fuivant la pratique or- dinaire des Jardiniers. Il eft impoflîble que toute plante pivotante à qui l'on a fupprimé ion pivot , croiffe & fe for- tifie , à moins que la perte n'en foie réparée par un nouveau. Ceux qui ont étudié la Nature , ont vu qu'elle re- produit un pivot , de fouvent plufieurs a nombre de plantes qui en ont été privées. Dans les amandiers , par exem- ple , vous trouverez des racines plon- geantes Se pivotantes & non des latéra- les. Comme elles font perpendiculaires au tronc, elles prennent des fucs plus abondans que celles qui font placées horizontalement. J'ai remarqué que les arbres fruitiers qui pivotent , ont toujours rapporté les fruits les mieux nourris & les plus fucculens , & que les plus vigoureux qu'on lève dans les pépinières font ceux qui ont des pivots. J'ajoute que ii l'on fouille au bout de trois femaines à l'endroit de ces plaies confidérables faites au tronc , on trouvera la terre imbibée des pleurs i$9 La Pratique qui en fortent continuellement. On verra la chanchifîure prendre à ces plaies , & des infectes , fur-tout de pe- tites fourmis jaunes , picoter leurs lè- vres , dont ils empêchent la réunion» Par elles, de gros vers entrent quel- quefois dans le tronc de l'arbre , Se en montant toujours vers fa tige, ils la carient au point qu'il meurt. J'ai vu à. des arbres de vingt ans ces plaies non recouvertes encore , & le corps ligneux devenu comme du terreau. Ces obfervations ne s'accordent guère avec le fentiment d'un Naturalise mo- derne, qui recommande dans fes écrits de retrancher le pivot des arbres, ôc de mutiler leurs racines. Suivant lui , on ne rifque rien en coupant lors du labour , les racines du blé , de la ►vigne &: des arbres ; on leur rend même un grand fervice , parce que pour quelques fuçoirs qu'on leur 6te , il s'en forme une foule d'autres. 39. Planter les arbres avec toutes leurs bonnes racines , quand elles au- roientune aune de long j c'eft le moyen de leur faire pouffer des j ets vigoureux , dès la première année, 5c de les voir tout formés à la féconde. Le 1 1 Dé- cembre 1761 , le Roi ayant demandé ©tf Jardinage. 19 1 pour Bellevue un peuplier de la Caro- line, nous en avons fait lever un à Choify, dont les racines avoient feize pieds d'un côté Se quatorze de l'autre. Il a été enfuite voiture à Bellevue de replanté avec toutes fes racines , fans qu'aucune ait été ca(Tée. La règle gé- nérale eft de ne rafraîchir le bout des racines que de i'épaifTeur d'une ligne , en proportionnant la grandeur du trou a leur longueur: coupées dans l'endroit où elles font le plus menues ; elles s'alongent , en croifTant par la fuite , dans leur grofTeur naturelle. Le con- traire arrive , quand on les a raccour- cies dans leur fort : il fe fait alors au- tour de la coupe un petit bourrelet en- vironné de filets , qui deviennent ra- cines moyennes , mais jamais auflî groifes quelles auroient du l'être. Il m'eft arrivé de faire lever des arbres , que j'avois plantés avec toutes leurs racines par voie de perpendicularité , ôc fans fupprimer le pivot , ils les avoient alongées jufqu'à cinq pieds de bas , &c fix à fept au pourtour. J'en ai vu un grand nombre qui en quatre ou cinq ans avoient des racines de treize pieds de longueur. 4Q. Ne toucher en aucune façon au ïyi La Pratique chevelu. Il y a entre toutes les racine^ un rapport des unes avec les autres , feinbîable à celui qui dans le corps humain fe trouve entre les vaiffeaux qui contiennent le fang , de les liqueurs néceffaires à la nutrition &: à laccroif- fement ; ainfi l'ordre eft totalement dérangé par la fupprefîion de ces mêmes filets. 5 °. Faire fa coupe par-defïous , nette des arbres qui font dénies, parce que 55 leurs racines font a une trop grande ^ profondeur , & que par-coriféquent 3j elles font trop humides cV trop ëloi- 3> gnées de l'aàibn du foleil. Ces ar- >» bres ne tirent donc qu'une fève 35 crue , qui n'eft pas propre à former 3) le fruit , quoiqu'elle , foît bonne sî pour nourrir 6c faire augmenter le m bois. 40. Les arbres dont les racines font plantées trop profondément dans les du Jardinage. 197 cerres humides 3 fpongieufes & argil- leufes, ne rapportent que peu de Fruit f parce qu'elles tirent abondamment une fève crue. Ainfi àu-lieli de mettre dans te fond les racines en plongeant , il fau- dra les placer de façon qu'elles foient toutes horizontales. Quant à celles qui pivotent , les plier autan: qu'elles peu- vent le foufFrir fans calfer , & les cour- ber en genouillière , en les faifant pla- ner environ à un pied de bas , comme lorfqu'on plante des afperges : alors l'humidité ne peut jamais les prendre. Mais comme ces fortes de terres font fujettes à fe fceller , il eft à propos de lés labourer fréquemment , & lorf- qu'elles font fumfamment efïbrées , de les couvrir au pourtour de chaque arbre , avec du fumier réduit en ter- reau. 5 °. LaifTer toujours un pied de dif- tance entre le mur & l'arbre. L'ufage de planter le pêcher perpendiculaire- ment à la muraille a été reconnu nui- fible , & on commence à fe réformer a cet .égard , en l'avançant de quel- ques pouces j.mais ce n'eft point aifez , à moins que la muraille ayant p3ii de fondation, les racines trouvent délions fuffifamment de terre pour s'étendre. 1^3 La Pratique Voici mes raifons de cette façon de planter à un pied du mur. i°. Le foleil qui darde à plomb fur la fouche & les racines du pêcher , les empêche de reifentir les faveurs des influences du Ciel , des pluies &: des rofées. Qu'a- près de fortes pluies on fouille au pied de ces arbres , on trouvera que la terre n'eft point du tout humectée : quand même elle pourroit l'être , le moindre rayon de foleil l'auroit bien- tôt delTéchée. iQ. Tout le monde fait que lorfqu'un arbre eft planté , la pre- mière aâion qui fe pane dans fon in- térieur eft de former & de darder de Toutes parts à travers les pores de la terre de petits filets blancs au bout & autour de ces racines, qu'on nomme chevelu. Ces filets font , comme je l'ai dit , extrêmement tendres & caftans** Lors donc qu'ils rencontrent les pier- res du mur & fes fondemens , il faut néceftairement qu'ils fe rebrouftent , comme ceux des plantes renfermées dans des vafes ou dans des cahTes. A leur défaut les ;racine$ du devant & des côtés font obligées d'y fuppléer , mais elles ne font guère plus à leur aife , comme on va le voir. $Q. Le fentier qui règne d'un bout à l'autre du Jardinage. 199 de l'efpalier , afin de travailler aux arbres , eft perpétuellement foulé au* pieds : il fe durcit 3c devient impéné- trable aux pluies 3c aux humidités du moins en été. Dans cette faifon , il eft fendu de tous côtés , fur- tout dans les terres fortes j par ces gerçures les racines font pour ainfi dire à jour, &C le peu d'humidité eft delféché par les vents , le haïe 3c les rayons du foleil. 4°. Les mulots 3c les fouris des champs établirent leur demeure dans le pied des murs a travers les racines de ces arbres. Leur accroifTement 3c leur fanté ne reçoivent pas peu de dom- mage des différens pauages que ces animaux y pratiquent. 50. La tige de l'arbre ainfï appliquée au mur doit être brûlée dans les chaleurs immodérées qui diilipent une grande partie de lu fève. Celle-ci ne pouvant plus trouver paffage par le devant, qui eft deiTéché , monte 3c defeend par le derrière de l'arbre du côté où il eft appliqué au mur. Le mécanifme de la végétation devient imparfait, dès que les parties qui doivent y concourir n'agiiTent plus de concert , 3c enfin celle qui Fait feule les fonctions des autres , doit à la fin s'épuifer elle-même. 69 . Quand on eft l iv aoo La Pratique obligé de réparer les murs , il eft pres- que impoffible que des arbres plantés perpendiculairement , ne foufFrent beaucoup de dommage tant de la part des ouvriers que du plâtre ou de la chaux, qui leur eft funefte : au-lieti qu'étant éloignés d'un pied , on les dépalilfe , Se on les tire en devant , on les attache à un pieu avec une corde , Se les ouvriers travaillent avec une entière liberté. Quand on plante un arbre au pied d'un mur, il a en* viron un pouce , mais quand il eft parvenu à en avoir cinq à fix , que veut-on qu'il devienne ? J'en ai vu dont l'écorce étoit tellement aplatie du côté de la muraille , que la faillie des pierres y étoit imprimée \ ou- tre l'inconvénient d'une telle con- trainte , il faut de néceiïité les arra- cher quand il eft queftion de rebâtk le mur. Après que les trous deftinés à rece- voir des arbres font remplis à dix-huit pouces près , je laiile un pied franc depuis le mur jufqu'à l'ouverture du trou , &* je cambre mon arbre de f?^ con que fa tête touche au mur , tan- dis que fa tige en eft à un pied de diftance. S'il a un courbe , je mets le i> u Jardin a g i. ioï coté creux en-devant, & le fort du côté du mur. A l'égard des nains , lorfqu'au printemps j'abats leur tête, je la tiens plus longue , fuivant la hauteur de la greffe, pour qu'elle ap- proche du mur , en fupprimant les yeux du bas &: réfervam ceux d'en- haut , qui , fans être forcés > doivent joindre le mur, Je conviens que, fui- vant ma méthode , les racines du côté du mur feront fort enfoncées en terre, tandis que du côté du fentier elles fe- ront en fuperfîcie. Mais il n'en réful- tera ni inconvénient ni dommage pour; les arbres. Les racines ne fe porteront que foiblement du côté de la mu- raille , tandis que s'étendant en fu- perficie vers le fentier , elles plonge^ ront en terre. Le Jardinier en labou- rant , ne fera fimplement que planer au pied. Pour éviter qu'on, n'offenfe les fouches de ces jeunes arbres v j'y mets, un petit piquet, de chaque côté. La raifon qu'on malléguera, prife du mauvais effet que produiront des- arbres efpacés d'un pied du mur avec' d'autres déjà plantés perpendiculaire-- ment , n'eft: pas capable d'arrêter , à moins qu'on ne préfère un peu de 1y 202 La Pratique régularité à là poffefïion d'arbres fains y abondans en fruits , & de longue durée. Cette raifon de difformité s'é- vanouit, en ne plantant que des nains le long des murs d'une hauteur mé- diocre , & en les plaçant à la diftance que j'indiquerai , au-lieu de les mettre à fept ou huit pieds. Le pêcher , comme tous les autres arbres y fe plante de quatre façons ; en efpalier , en contrefpalier &c en plein vent , foit à haute tige , foit en buifïon. Il réuflit mieux en efpalier que des rrois autres manières. Ceux qu'on met en plein vent font des efpeees d'en- fans perdus , qu'on veut bien rifquer. Les fruits qu'ils produifent, s'ils cèdent à ceux -des efpaliers\ pour l'éclat ôc le coloris brillant , l'emportent fur eux , pour la faveur & l'abondance de leur Jus , comme les abricots en plein vent furpafïent ceux des efpaliers. Les pêches en buifïon en approchent 9. mais ne les égalent pas. À l'égard des contrefpalîers , je n'en ai point vu réuflîr durant l'efpace de cinquante ans que jTai confacrés au jardinage ; ainfî je n'ofe les conseiller. On ohfervera de rien planter qu'à dix d v Jardinage. 105 ou douze pieds au moins de refpalier, de ne mettre aucun arbre en face d'un autre , mais en échiquier , fk. de ne jamais former de contrefpalier avec des pêchers , même au midi. L'expé- rience apprend que tous les ans ils gè- lent , font cloques , rongés de chan- cres, 8c fujets à fe dépouiller du bas, à caufe des humidités de la terre dont ils fe reflentent , n'ayant pas , comme à l'efpalier , la réflexion du foleil par en-bas. J'ai indiqué à des perfonnes qui avoient de ces contrefpaliers un moyen cVen tirer quelque parti. Au- lieu de tailler en fleurs ces fortes d'ar- bres , les tailler en boutons , les pa- liffer , & appliquer par derrière des paillaflbns qui reftent jufqu'à la mi- Avril , & qu'on replace l'année fuï- vante vers la fin de Février. J'ajoute qu'il faut préférer le pêcher dont les fruits font hâtifs ■,. parce que leur po- fition ne leur permet de mûrir que difficilement. Les contrefpaliers ne feront donc formés que de poiriers , pommiers ,. pruniers, abricotiers de vignes j plants qui réiiftent aux gelées printanières». Comme leur hauteur eft ordinaire- ment de quatre pieds , on. efpacerai I vj 204 -^ A Pratique les arbres à quatre toifes Tes uns des- autres , avec des vignes entre deux pour garnir feulement en. attendant : ôc on les plantera droits, foit qu'il y ait du treillage ou non. On connoît deux manières de plan- ter les arbres , en mannequin , & lès Tacines découvertes. Ceux qui penfent jouir plutôt adoptent la première , mais je la condamne. i°. Parce- que ces fortes d'arbres font communément le rebut des pépinières. i°. Parce que foit en les levant , foit en les trans- portant , leurs racines font mifes h jour & leur motre ett ébranlée. 3*. Parce que les extrémités des racines qui ont pouiTe à travers le mannequin- \p fanent & s'altèrent en prenant l'air» 40. Parce que les Jardiniers , pour les faire profiter ,. 6c fouvent pour les faire rapporter la même année , les fument amplement, & les. réchauffent * plantés en-fuite dans les jardins , ils rechignent & ne tardent pas a mourir- 5Q. Les racines font gênées & écour- tées dans un mannequin étroit. Je ne parle point des pêchers mis dans des. pots : il eft aire , d'après ce que je viens de dire , de juger du cas qu'on doit en. faire,. du Jardinage. 205e La vraie façon de planter des arbres en mannequin , eft de les avoir chez foi , les racines découvertes , & de. les habiller comme fi on les plantoir à demeure. Il faut choifir des manne- quins d'ofier qui ayent un peu de con- fîftance , quoiqu'à claire voie , afin qu'en les tirant de terre ils ne reftent pas dans les mains à demi-pourris. Leur largeur doit être de quinze pon- ces , fur dix-huit de profondeur : on les remplit de bonne terre , on étale les racines de l'arbre , fans laiflfer de jour entre elles ,, & on les place en- fuite dans une terre meuble à trois pieds les uns des autres pour les le- ver , fans qu'ils endommagent leur$ voiiins. La dernière façon de planter le pê- cher , ufitée dans les pays chauds , eft de mettre, en pleine terre, dans une cave ou en place des noyaux de pê- ches qu'on laiffe croître jufqu'à ce qu'ils rapportent du fruit. J'ai eu de ces fauvageons dont les fruits fe font trouvés excellens , & dont je me fuis fervi pour greffer de leurs eipèces.. Leur durée eft courte v ils pouffent d'abord exceflivement 5 c'eft la raifon: pour laquelle on ne pratique poinr. io£ La Pratique parmi nous cette façon d'avoir des pêches. L'ufage eft de placer la greffe du côté du mur quand on plante en ef- palier , & du coté du nord Quand on plante en plein vent r on fe fonde fur ce que le foleil 5c la pluie nuifent éga- lement au recouvrement de la plaie. De cette fujétion , il s'enfuit qu'on plante d'ordinaire fort mal , & qu'on a des arbres mal faits & contournés. Pour moi je ne cherche que le bon fens de l'arbre, & je m'embarraffe peu de quel côté fe trouve la grerle. Mais pour la préferver tant du foleil que des pluies , fe la couvre d'onguent de Saint- Fiacre , ainfi que la coupe faite a la tête de l'arbre ; avec cette précaution mes arbres font plutôt repris, de leurs plaies plutôt recou- vertes en un an , qu'elles ne le font en trois , fui van t la pratique ordi- naire. Obfervez toujours en plantant de laifïer la greffe de votre arbre plus éle- vée de quelques pouces que le niveau de la terre. Dans prefque tous les jar- dins , tes arbres font enterrés par- deffus la greffe de quatre à cinq pou- ces» Une- terre défoncée s'arTaiifa ordi-- du Jardinage. 107 nairementd'un pouce par chaque pied- Ainfi , quand un Jardinier fe con- tente de mettre la greffe à fleur de la terre qui a été fouillée de quatre à cinq pieds , il la trouvera engorgée de quatre pouces , lorfque la terre en s'affaiffant aura entraîné l'arbre avec fes racines. C'eft une attention aufli eifentielle de ne point planter trop fuperncielle- ment, ni durant & après une longue fécherefFe , ou une grande humidité» Je ne m'arrête point à prouver les in- convéniens qui réfultent de la pratique contraire. On efpace ordinairement les pê- chers à quatre , cinq ou (îx pieds , & on eft étonné de leur prompt dépérif- fement. Pour moi , je ne fuis point furpris que des arbres fi peu diitans les uns des autres ne vivent pas long- temps fleurs branches ne tardent guère à fe toucher , èc en les arrêtant fans cefle on les épuife promptement. La terre eft bientôt ufée , les racines s'en- trelacent dès les premières années , la. fève ne peut être tranfpirée dans une proportion louable > $c enfin les ar- bres ne profitent point de la tige , ôc font toujours étiques. En a-t-on va- ioS La P r a t r q v e donner du fruit & durer long-temps , tandis que la fouche qui eft leur point d'appui > refte dans le même état ? Les Maîtres en mettant une tige entre deux nains 9 pour les garnir de verdure plus promp- tement. Je fais que difficilement on conçoit que des arbres plantés à une diftance 11 grande en apparence &C dont la tige eft fï petite , puifTent s'approcher de fort près en quatre ou cinq ans : c'eft qu'on ne les conlldèxe que dans le coup d'oeil actuel , ÔC nullement dans le point de vue où l'on devroit fe les repréfenter. Lorfqu'on plante un arbre , on doit, i°. jeter légèrement de la miette au pied pour couvrir les racines 9 èc pour qu'il n'y ait point de jour , & en éloigner les mottes & les pierres. i°. Le foule ver après qu'il eit planté j en le tirant obliquement du no La Pratique côté de la muraille & le rabaiffant enfuite de fon côré , afin qu'il en ap- proche par la tête le plus qu'il eft pof- fible , & que la miette s'inimuë entre les racines , ayanc toujours égard à la hauteut de la greffe, 3°. Laifler la terre meuble, & la fouler feulement avec la main , au- tour de la tige. C'elt une pratique meurtrière que de plomber la terre avec les pieds , pratique que je prof- cris même à l'égard des arbres en plein vent , qu'il fufKt de buter juf- qu'à l'entière reprife des racines. 4°. Rogner la tête du pêcher à une certaine hauteur. Au moyen de cette fouitraction il reprend plus vite , 6c a a/fez de fubftance pour nourrir ce qu'on lui lailTe , au-lieu qu'avec tou- tes fes branches il ne feroit que des pouffes fort minces , & périroit après avoir long- temps langui. Ce retran- chement ne doit être fait qu'au prin- temps. 11 peut arriver qu'ayant coupé, en automne , la tête de votre arbre , une forte gelée accompagnée de ver- glas tombe fur les boutons que vous aurez laiifés : vous n'avez plus alors de reiîource , 6c fouvent , quoique yotre arbre foit jeune , il n^n perce du Jardinage. m plus à travers la peau. J'ajoute qu'une tige qui aura été , laiffée courte en automne , n'ayant que peu de bou- tons à nourrir , fe hâte dès les pre- miers jours du printemps de les faire éclorre , &c il peut furvenir des gelées tardives , qui mordent defïus vive- ment , 8c font périr ces mêmes yeux. En 1749 , le 25 Avril, il gela à glace de l'épaiffeur d'un quart de potce } cette gelée ruina ce que les précédentes avoient épargné. Une autre raifon eft tirée de la crainte de la gomme qui fe met à la coupe durant Uhiver , ôc par laquelle la neige Se la pluie s'infinuent entre Fé- corce & le bois , à travers la moelle de Parbre. Par rapport à la hauteur a laquelle la tige doit être coupée , la force de l'arbre la détermine à un pied , & fouvent à un pied & demi , quand les yeux du bas font bien fains. Dès la première année il produira fuffi- famment de bourgeons , pour qu'on fafTe choix de ceux qui font le mieux placés , afin de former l'arbre. L'ayant planté avec toutes {qs racines , je puis lui donner plus d'effor. Il eft inutile d'ajouter que la coupe fera ii 2 La Pratique du Jàrbinv faite horizontalement , un peu en bec .de flûte , par derrière l'œil 3 & à une bonne ligne au-defïiis , en obfer- vant de ne point ébranler les racines de l'arbre. «•s \ A ^NAA/^A 4. il, ^Jj» SB t*- LE PECHER ET LES AUTRES ARBRES Considères dans leur second âge , ou leur jeunesse. :i»2^GS XiX. SECONDE PARTIE. TT CHAPITRE PREMIER. ]Les arbres font plantés , ils ont pouflé des branches ; leurs rieurs , leurs bourgeons commencent à éc.lor- re ; ils ont^aduellement befoin d'être préfervés des gelées printanières, des. temps critiques &: des froidures tar- dives. Il s'agit enfuite^de les diriger ôc 214 La Pratique de les attacher , foit fur des treillages avec de l'ofier & du jonc , foit fur le mur avec des loques. De quelque façon que foient finies les jardins de Montreuil ÔZ de Bagno- let, leurs propriétaires y pratiquent des enceintes de murs à cinq à fix toifes les uns des autres , dans lef- quelles ils rafTemblent les trois expo- rtions du levant , du midi ôc du cou- chant. Et afin que chacune reçoive à la fois la réverbération de la chaleur du foleil , à mefure qu'il paife de l'une à l'autre , toutes ces enceintes forment autant de culs-de-fac , dont le fond répond par derrière au nord , & par devant- en face du midi. Le mur qui eft à droite eft oppofé au levant , Se a pour expofîtion le cou- chant : celui qui eft à gauche eft op- pofé au couchant , & a pour expo- lîtion le levant. L'efpace vide d'un mur à l'autre eft employé a cultiver des arbres en buifTon , ces chaffelats tant eftimés pour leur couleur do- rée , des fraifes, des framboifes , des pois & quantité de nouveautés en tout genre. La plupart de ceux qui élèvent des murailles , les conftruifent en pierre d ©u Jardinàgi. ii 5 avec du mortier de terre , quelque- fois de fable mêlé avec de la chaux. A Montreuil où le palifTage à la lo- que eft en ufage , les murailles ont un fort enduit de plâtre pour rece- voir les clous. J'eftime beaucoup les murs à moellons apparens , dont on bouche exactement tous les joints j méthode qui ne peut convenir qu'aux efpaliers garnis de treillage. A l'é- gard de leur hauteur neuf pieds fuffi- fent , en ne plantant que des arbres nains ; elle peut être portée à quinze pieds , G on place une demi-tige entre deux nains. Les murs doivent avoir un double chaperon, qui contribue autant à leur durée qu'à l'écoulement des eaux qu'il partage en deux. Les abris néceffaires au pêcher , font les tablettes , les rais ou rayons , & les échalats fcellés dans les murs , les paillaffons , les brife-vents, cV les au- vents. Les tablettes. On fait qu'à l'extré- mité du chaperon on ménage une faillie d'un pouce ou environ, nom- mée larmier, qui fert à rejeter loin du mur les eaux pluviales. Ces ta- blettes faites en plâtre ( PL II l. A. ) ne font autre chofe que le larmier il 6 La Pratique alongé de cinq à iix pouces , fur deux d'épaifleur. Leur effet eft le même que de celles qu'on place fur les murs de terralfes , avec cette différence , que ces dernières qui font de pierre ont moins de faillie. Pour leur folidité ; on met de diftance en diftance des fan- tons ou des morceaux de bois de chêne qui prennent dans le mur. Elles fervent, i°. à éloigner des pêchers Se de leurs fruits les eaux du ciel , qui leur font très-nuifîbles , fur- tout lors des faux-dégels. i°.. A re- tarder la ieve du pêcher , à l'arrêter même & à la faire refluer par le bas à raifon du défaut de circulation d'air, dont ces tablettes empêchent la perpen- dicularité , afin que cet arbre qui fe porte toujours vers le haut , fe trouve également garni par-tout. 30. A ga- rantir de la gelée au printemps la partie fupérieure de l'arbre. On a vérifié qu'au moyen de ces tablettes , le pêcher pouiToit moins vite par le haut que par le bas. Le contraire arrive aux ef- paliers ordinaires. 40. A divifer , bri- îer &c écarter , ce qu'on appelle vents- roux , les brouillards malfaifans , qui brouiiTent au printemps les feuilles Sç endommagent les fleurs. 50. A com- primer du Jardinage. 217 primer l'air &j à rallentir fon action fur les pêchers , qui poiuTent vers le haut avec plus de modération. 6Q. La faillie de ces tablettes brife l'ardeur des rayons du foleii B. ) Comme ils fonz plus gros par le tenon qui les en fermoir dans la mortaife de la jante, «3c que leur forme eft carrée, ils tiennent plus folidement attachés au mur , à la dif- tance de deux ou trois pieds. On peut y fuppléer par des échalas , ou par des fupports de fer avec des planches mi- fes à plat par-delTus. Leur ufage ell de recevoir de petits paillalïons de même largeur que ces bois , qu'on y applique depuis le mois de Février j uf- qu'à la fin d'Avril & dont la faillie garantit le haut des arbres des gelées 9 des neiges , de des pluies froides. On les entretient avec des ofiers attachés Tome /, K. a iS La Pratique à leurs ficelles, & à un clou enfoncé dans -le mur (PL IF, A. ) Au -lieu de pofer Us pailla ffbns , comme on fait ordinairement , fur les arbres mêmes , il faut les mettre a une certaine diftance du mur , Se leur donner plus de folidité que n'en ont les paillaflons volans. Ceux des Montreuillois beaucoup plus fimples, font aufïi de la plus longue durée , quand on a foin de les ferrer lors- qu'ils ne fervent plus. Au-lieu de les faire avec de la ficelle qui tient les pailles à diverfes mailles , ils choifif- fent trois traverfes faites avec du cer- ceau droit de demi-muid , une dans le milieu Se une à chaque extrémité. Sur leur plat, ils pofent un lit fort épais de paille de feigle , entretenu par trois autres traverfes qui répon- dent à celles de delTous, Se ils joi- gnent le tout enfemble , avec du fil de fer de diftance en diftance. Vous placez dans le mur , aux côtés de chaque arbre , deux crochets de fer de fix pouces , ou deux chevilles de bois faisantes d'environ un pied , deftinées a recevoir le oaillafïbn. Vous l'enfon- cez à tel éloigneraient du mur que vous voulez , immédiatement au-deflous du Jardinag!. 11 f, âe fa première traverfe , Se vous l'ap- pliquez par le bas feulement , le haut étant fuffifamment garanti par les ta- blettes , Se les paillaflfons dont je viens de parler. Comme il ne touche point aux arbres , l'air circule par derrière , les boutons , les rieurs & les bour- geons ne peuvent être attendris ni jaunir. Les brife vents fervent à préferver les fruits Se les légumes des temps contraires Se de la trop grande im- preflion de l'air. On fait beaucoup d'ufage à Montreuil de murailles pla- cées en face des endroits par lefquels les vents nuifibles fouftlent fur les ef- paliers. Les brife-vents qu'on y em- ploie dans les champs , ainfi que no3 maragers , font de fimples paillaffons retenus par des échalas enfoncés en terre. Ceux-ci forment toujours des carrés en forme de cul-de-fac , dont l'ouverture eft en face du midi , au moyen de quoi les vents fâcheux du nord Se de galerne y font brifés Se cèdent d'être nuifibles. Tels font les effets de l'art pour diriger l'air , Se ne craindre ni les gelées lors de la fleur , ni la bife , ni les frimats. Le foleil par fa chaleur , Se l'air par fa bénU Kij iio La Pratique gnité Se fa douceur n'apportent que des parties anodines qui s'infînuent a travers les pores des plantes & des fruits. Nous avons admis dans le Jardi- nage une efpèce d'auvent fort fimple Ôc inconnu jufqu'ici. Il eftfaitde pail- laflons pofés en forme de toit ou de tente prenant du haut du mur où ils font fortement attachés , &c defeen- dant vers les deux tiers de fa hauteur. On les fourient par en bas avec des perches ou des piquets à une élévation luffifante , pour qu'on puilfe facile- ment parler defTous. Ces auvents ref- tent jufqu'à ce que les dangers foient paffés , parce qu'il y a allez d'air pour que les feuilles , les fleurs ôc les bou- tons ne s'attendrifTent point , ou bien on les pofe de façon qu'ils puifïent être enlevés facilement. Cet expé- dient garantit les efpaliers des in- fluences malignes de l'air , & n'a point les inconvéniens âos paillafTons ordi- naires. du Jardinage. 121 CHAPITRE IL Z?£5 Efpaliers & des Expq/îtions* Les treillages ordinaires dans les pays où les murs font bâtis en chaux ôc fable , font faits avec des échalas , drefles & planés , traverfés par d'au- tres auxquels ils font attachés avec du fil de fer pour former des mailles , enfuite peints en vert & retenus avec des crochets fcellés dans la muraille. Il s'en faut beaucoup que ce foient les plus utiles. Plus le fruit approche du mur , plus il eft abrité durant le prin- temps , plus il acquiert de qualité Ôc de maturité. Or , avec ce treillage le fruit eft éloigné du mur par fon épaif- feur Ôc par les inégalités qui s'y ren- contrent, ainfi qu'au mur. Ce treil- lage eft en outre Fafîie d'une foule d'infectes très - nuifibles , qu'il eft prefque impoftible de détruire quand ils font caches dans le mur entre les bois. L'inconvénient des branches qui fe fourrent derrière malgré les pré- K iij 122 La Pr AT IQUI cautions qu'on prend , eft encore à confidérer. Il y a une forte de treillage fait avec des ofTemens de pieds de mou- ton , dont on garnit la mut aille , qu'ils excèdent d'un pouce , pour attacher le pêcher. Elle eft bonne , quoiqu'elle n'ait pas trop pris faveur , à caufe de fon peu d'agrément. Le paliiTage à" la loque , comme on le verra dans la fuite , a de grands avantages. Les Montreuillois n'en connoilTent point d'autres ; il leur eft fi familier qu'ils travaillent pref- que aufli vîte que ceux qui paliflent au jonc. On peut choifir des gaulettes de la grofteur du doigt , les plus droites qu'il eft poftible, &: les difpofer en demi-cintre, en les attachant avec des clous &c des ofiers à la muraille , à la diftance de huit à dix pouces les unes des autres. Cette forte de treillage n'a rien de difgracieux , &c approche le fruit aflez près du mur. Le treillage en fil de fer par mail- les régulières peut avoir fon utilité. D'abord 3 pour une toife de treillage peint en vert , on en a de celui-ci fept à huit. A l'égard de la folidicé 5 bu Jardinage. ii$ de la durée & de la propreté , on n'a rien à lui reprocher. Quant à la pro- ximité du fruit a la muraille & quant à l'abri des influences malignes de l'air & des vents , il peut avoir la fupériorité. La rouille , j'en conviens , rend les branches gommeufes & les coupe lorfqu'elles font tendres. Mais il eft aifé d'y remédier , en mettant fon oder autour du fil de fer après l'avoir croifé , & en prenant enfuite la branche dans l'ofier. S'il faut tenir for- cément en place quelque groffe bran- che , on frappe un clou dans le mur auquel on l'attache après avoir pris par rapport au clou la même précau- tion du demi-tour avec l'ofier. On ne peut fe difpenfer de pein- dre le fil de fer à l'huile : il y a deux façons de s'y prendre j la première , c'eft de le tendre d'un bout à l'autre d'une allée , & de lui donner deux couches de couleur , foit en blanc , foit en vert ; puis , quand il eft fec , de l'employer fans le tortuer , en cou- pant les montans & les traverfes de longueur, & les attachant avec des clous à la muraille , en mailles cor- rectes. La deuxième , c'eft de faire dQS bâtis avec des échalas bien dreftes de Kiv 124 La Pratique de les appliquer au mur par panneaux, après qu'ils ont -reçu une couche de peinture à l'huile des deux cotés. J'ai fait en petit une nouvelle efpèce de treillage , qui confifte à employer en forme de panneaux qu'on joint en- femble , en les appliquant fur la mu- raille , des lattes deftinées à la cou- verture des maifons , ôc je crois qu'exécutée en grand, elle réuniroit les divers avantages que procure le treillage. On fcelle d'abord à trois pouces au-deflous du larmier un cor- don de petits crochets , il n'en faut qu'un dans le milieu de chaque latte. Ces lattes de cœur de chêne aplaties par les bouts & unies avec des liens de fil de fer , ont quatre pieds de long fur un pouce & demi de large &c un quart de pouce d'épanTeur. Une botte en contient cinquante , & par conféquent fera deux cens pieds qui formeront environ fix toifes courantes. Etant peintes en vert elles dureront, quoique minces , plus que le treil- lage ordinaire fait de châtaignier. Il y a deux façons de palifTer fur ces lattes avec le jonc ou à la loque , en l'atta- chant fur chacune avec des clous à tête ronde, ou avec du petit clou à latte. du Jardinage. 225 îl n'y a point d'expofition qui ne tienne à quelque autre : celle du nord , par exemple , a pendant un certain temps le foleil depuis qu'il fe lève jufqu'à fept ou huit heures du matin en été. De même l'expofîtion du levant a aufli un peu du midi , ainn* que celle du couchant. Mais chacune porte le nom de la fituation la plus dominante, par rapport aux regards du foleil. La plus favorable eft celle du levant, parce qu'elle eft fufïifamment échauf- fée depuis que le foleil paroît fur l'ho- rizon jufqu'à ce qu'il pafTe ifon midi, fans qu'elle foit brûlée par fes rayons dévorans. En hiver le pêcher y eft moins incommodé des vents &c de la gelée , à moins que le vent d'Eft ne vienne le frapper, comme en 1749 , ce qui eft fort rare. Il y poulie plus fagement, & rapporte des fruits plus abondans ; quoique moins vineux que ceux du midi , leur eau eft plus fuave , plus parfumée & plus exquife. 11 y dure auiîi plus long-temps , &: eft fujet à moins de maladies, attendu la température de l'air qui y règne plus qu'ailleurs. A l'expofîtion du midi, il n'eft point de faifon où le pêcher n'ait cruellement Kv 2i£ La Pratique à fourTrir. Durant l'hiver, il a à com- battre les rayons du foleil qui , à me- fure qu'il avance vers fon midi , fait fondre les neiges Se les frimats. A fa retraite , ils fe congèlent à l'inftant Se forment tant fur le bourrelet de la greffe que fur les branches faillantes , une incruftation de verglas , qui dé- gèlera Se fe fondra de nouveau fuc- cefïivement dans le cours de l'hiver. Ce font ces faux dégels Se ces congé- lations réitérées qui brûlent le pêcher au midi , & non les rayons du foleil en été , comme on le verra dans la qua- trième partie. Durant l'été le foleil le pénètre , le defleche jufque dans la inoëlle, Se achève de détacher l'écorce que les frimats congelés ont déjà fait lever. Si à cette expofition il fe hâte de verdir Se de fleurir , il eft aufli dé- pouillé plus promptement, fes fruits y font auflî plus prématurés , & c'eft cette fituation , qui doit être préférée pour les fruits , qu'on veut avoir les plus hâtifs , Se pour ceux qui mur if- lent moins aifément. Comme à cette expofition le pêcher a tout à fouffrir , il faut le conduire différemment. Plus hâtif, il doit être taillé > palifle Se ébourgeonné le pre- du Jardinage. 227 mier, Plus fouvent attaqué de la gom- me , il demande à être foigné davan- tage. Nombre de fes branches étant fujettes à mourir à cette exposition, il faut fe précautionner pour en avoir de réferve dans Poccafion : durant les grandes féchereffes, les arrofemens ne doivent point être oubliés. A. l'expolition du couchant , on ob- servera 1°, de ne pas laiTer encuiraf- fer la gomme qui l'attaque fréquem- ment. 2\ De lui donner de bons en- grais , pour réparer la diiïipation de l'humide radical caufée par les rayons du foleil. 30. De faire ufage dQS gour- mands , qui pouffent inceffamment, en ravalant , autant qu'il fera poflî- ble , l'arbre fur ces gourmands, & qu'elles ne font pas ou Jardinage.' 219 perpendiculaires , en partant de la tige j mais perpendiculaires fur obli- ques. 20. A ne jamais arrêter par les bouts , ne jamais pincer, rogner , caf- fer par le milieu les branches fur- tout du pêcher , mais les laiiTer pouf- fer de leur longueur &: les palifTer. 3Q. A fonder fur les gourmands toute l'économie Se la difpofition du pêcher, les palifTer avec tous leurs bourgeons pourvu qu'ils puilïent trouver place fans conrufîon , fans quoi il faudroit les fupprimer. C'eft d'affeoir fur ces gourmands fa taille annuelle autant que l'arbre peut l'exiger 3 leur don- nant une charge proportionnée à. leur vigueur , & les alongeant le plus qu'il eft polîible. On verra les raifons de ces pratiques fondées fur l'ufage ôc lefuc- cès de Montreuil. J'établis préfentement trois clafîes de branches : favoir, i°, des branches- mères ; il ne doit y en avoir que deux à chaque pêcher , l'une à droite , l'au- tre à gauche \ enforte qu'il repréfente la forme d'un \/ , un peu plus ou- vert que de coutume : 20. Des mem- bres , ou branches montantes & dépen- dantes , qui croilfent fur les deux branches - mères , communément à .130 La Pratique un pied, de diftance les uns des autres. Les branches montantes garnirent le dedans , Se les dépendantes le dehors. 30. Des branches appelées crochets, qui font à bois 5c à fruit pour l'année, & qui en fournirent d'autres pour les années fubféquentes. L'habileté du Jardinier confifte à les ménager , tel- lement que l'arbre en foit toujours pourvu. Pour avoir une idée de ce fyftème, il fuffit de comparer un pêcher con- duit fuivantla routine ordinaire, avec un autre traité de la façon qui va être expliquée. Le premier forme un éven- tail, tel qu'il eft repréfenté {PL III , fig. 1 . ) a eft la fouche d'un pied de diamètre j b eft une excoriation occa- fionnée par un flux de gomme \ c bran- che verticale 3c perpendiculaire j d ci- catrice d'une branche viciée qu'on a été obligé de couper ; e branche qui croife en-deftous de la grolTe pour remplir le vide. Cet arbre , comme on le voit , eft dégarni du bas juf- qu'en-haut à la lettre c , pour avoir toujours été tiré de long par voie de perpendicularité : il eft repréfenté ébourgeonné ôc palifTé régulièrement (PL IX) fig* 5. ) comme un exemple du Jardinage. 131 du parti qu'on peut tirer d'un vieil arbre qui a toujours été mal gou- verné. Le pêcher au contraire , que je donne pour modèle , forme , tant de fes membres , que de fes branches- mères , autant d'éventails particuliers, On remarque fur celui de la fig, z9 (PL III.) un bourrelet a {impie & non gonflé de la greffe , les branches la- térales b 8c ce qu'on nomme forties , c les branches-crochets ou lambour- des , qui ont pris nairTance fur les deux branches -mères d , Se fur les fix appelées membres e. Ces fortes de branches font le fruit de l'indufhie du Jardinier , qui a fu les ménager à propos , fuivant an ordre de fymmé- trie , tel qu'on le voit dans cette figure* La lettre / déflgne les clous & les lo- ques qui fervent à palnTer les branches fur les murs enduits de plâtre. La fig. 1 de la PL IV , offre un poirier traité fuivant la méthode or- dinaire. Les branches cotées a font verticales de montent perpendiculai- rement plus ou moins. Celles cotées b font les branches latérales &: obliques , mais toujours foibles &c ordinairement mourantes. Cet arbre a la forme d'un 2$a La Pratique éventail, &: toutes fes branches par- tent du tronc , comme les rayons du centre d'un demi-cercle à la circon- férence. La jig. i repréfente le même arbre tel qu'il doit être : a le canal direct de la fève coupé j b les deux bran- ches-mères, d'où dérivent les autres- nommées membres , fur lefquelles naiifent les petites branches-crochets qui portent les fruits. La différence de ces deux arbres eft fenfible. La fig. 3 eft un arbre nain qui eft fur une feule branche montante ou mère : on peut fnppofer que l'autre a péri , & que celle-ci a été con- trainte dans cette attitude pour le coup d'œil. Le pêcher delà PL V {fig. i. ) eft tout taillé ôc paliffé à la loque : le vide a fera rempli comme on le verra à la lettre b de \*fig. z , {PL VIII,) la branche-mère b , plus forte , parvien- dra peu à-peu à une égalité propor- tionnelle , par le moyen de i'ébour- geonnement. Les tailles y font diffé- rentes fur les différentes branches } les unes taillées fort long , pour donner du fruit la même année, 8c les au- tres court qui font les branches de du Jardinage. 233 réferve pour tailler deffus Tannée fui- vante. La différence de ces arbres pour la pouffe eft telle , que ceux de Mon- treuil à l'âge de cinq ou fix ans font plus formés , qu'ils occupent plus de terrein , que leur tige & leurs branches font plus grofTes , & qu'ils donnent plus de fruit que les autres arbres de dix à douze ans. De plus , à mefure que les branches qui pouffent perpen- diculairement au tronc groflifïent , celles des côtés meurent fuccelîive- ment après avoir langui , & il ne refte plus que le milieu 8c le haut qui pro- fitent. Ces groffes branches perpen- diculaires croiffent aufîi aux dépens de la tige , & la furpaffent en grof- feur. Au contraire les arbres étant dreffés en forme de V , il fe fait une diftribution proportionnelle de fève , qui des deux mères-branches paiTe obliquement , & par conféquent avec moins d'impétuolité , tant dans les branches montantes que dans les def- cendantes. Cette manière de former les arbres en efpalier eft conforme à Pufage pratiqué envers ceux de tige ôc les bluffons auxquels on coupe la tête pour forcer la fève , qui ne forme- 2.$ 4 La Pratique roit que des branches verticales , ca- pables d'emporter les arbres , de fe divifer , fe partager & fe répandre horizontalement. Pourquoi arrête-t-on par le haut une branche qu'on veut faire pouffer du bas ? C'eft pour empêcher qu'elle ne s'emporte. Ce n'eft pas au refte que j'approuve cet ufage. Pourquoi rabat-on les giroflées , les pois , les fè- ves de marais qu'on veut faire mul- tiplier ou faire étendre des cotés ? C'eft afin que ni les uns ni les au- tres ne s'étiolent , ce qui arriveroit fi on les laiffoit monter perpendiculai- rement. Cette fupprefîion du canal direct de la fève , qui ne trouve plus à fe dépofer dans ces extrémités re- tranchées , la détermine à fe rabattre fur les yeux du bas , qui font alors éclorre des bourgeons dus à cette in- duftrieufe invention. Les fluides , me difoit un Jour un Académicien , agifTent également 3c en tout fens j la fève eft fluide , donc il importe peu qu'elle foit mue per- pendiculairement ou obliquement. Le fait décide. Un arbre conduit fuivant la méthode ordinaire eft très-long- temps à fe former de à rapporter : un du Jardinage. 2 $ $ autre au contraire dirigé à la Montreuil, fait des progrès rapides , & devient extrêmement fructueux j dans le pre- mier , la fève eft portée verticalement ; dans le fécond , elle Peft obliquement. Mais quels effets furprenans en ce dernier ! Outre les trois clafîes de branches que j'ai diftinguées , il y en a un autre ordre , i* , des gourmandes qui naif- fent communément de l'écorce , des yeux , des boutons , de la tige , fou- vent même des racines dont elles font des rejetons. 2°. Des demi-gourmands qui viennent également par - tout. 3°. Des lambourdes ou brindilles qu'on ne connoît pas , ou que Ton confond fouvent. 40. Des branches folles ou chiffonnes que l'on appelle aufïi faux-bourgeons , ou branches de faux-bois. Telles font ordinairement toutes celles dont le pêcher 8c les autres ar- bres font compofés. Pour former les branches-mères qui font le premier ordre , je commence à drefier mon arbre fur deux branches , que je taille à quatre , cinq ou fix yeux ; Se dans le cas ou il en a pouffé une plus forte d'un coté que de l'autre , je taille fort 2 5 6 La Pratique long la plus forte Se je tiens très-court la plus foible qui tarde peu à ra- ttraper la première beaucoup char- gée pour erre réduite. A mefure que ces branches s'alongent , je leur donne plus ou moins de charge afin de leur faire occuper une plus grande éten- due fur la muraille. Elles me produi- fent une infinité de gourmands qui pouffent à leur extrémité } je les taille fort long , à un , deux Se trois pieds , fuivant la vigueur de l'arbre , de je rabats le bout de la branche-mère fur ce gourmand , qui a pouffé le plus près de fon extrémité. Je détache en- fuite du mur les branches - mères , pour abailfer chaque côté davantage 9 aûn de l'évafer Se de l'étendre. Le milieu de l'arbre , loin d'être vide , fe trouve auffi garni que les côtés, au moyen des branches mon- tantes Se dépendantes , qui font aufîî la plupart des gourmands alongés , Se au moyen des branches-crochets pla- cées de diftance en diftance , pour en garnir les intervalles. Ces branches- mères Se ces membres font éclorre des branches - crochets qu'on laifTe pouffer de toute leur longueur , Se qu'on taille au printemps à bois Se eu Jardinage. 237 à fruit , fiûvant l'âge & la force de' l'arbre. Parmi les branches - crochets qui pouffent à coté de chaque œil des gourmands confervés , je fupprime au palilfage 3c à rébourgeonnement tou- tes celles de devant & de derrière , pour paliffer celles des côtés , Se à la taille fui vante , j'en abats une entre- deux , je taille les autres à un ou deux yeux fut les fleurs qui fe rencontrent. Ces branches-crochets me donnent Tannée même du fruit , &c du bois pour la fuivante. Qu'on ne dife point que je me contredis , & que je laiffe fur le* branches-mères des branches tirantes qui pouffent perpendiculairement. Ces dernières , quoique perpendiculaires , font originaires de branches obliques, & par conféquent elles ne peuvent attirer à elles feules toute la nourri- ture , ni affamer les autres , comme fi elles étoient d'à plomb à la tige. Il arrive néanmoins quelquefois qu'elles prennent trop de nourriture : on les réduit alors, foit en les fupprimant, s'il y en a de voifines , pour leur fuc- céder , foit en les ravalant fur une baffe 3 foit enfin en les courbant for- z$% La Pratique cément poiu* arrêter la fève , comme je le dirai en parlant de la combine, des branches. Par rapport aux branches-crochets c^ui donnent bois & fruit, les fortes dont les yeux font doubles., avec un bouton à bois au milieu , reçoivent un peu plus de charge que les autres. Les demi-fortes rien* la grofleur eft moindre , font moins chargées. Quant aux foibles qui n'ont qu'un œil a fruit &: à bois , on les tient court. Mais à force de tailler fucceflivement fur les unes & fur les autres , les branches fur lefquelles on a taillé précédem- ment, fe trouvent trop haut montées, on les rabat d'année en année , ôc on profite de celles qui percent aux en- virons &: des gourmands pour rappro- cher fa taille. Les gourmands pouffent plus promp- tement , plus vivement &: plus abon- damment que les autres branches. Ils ne viennent fur les arbres que lorf- qu'on les taille trop court , qu'on les décharge trop , ou qu'ils font extrê- mement vigoureux. Ce font âcs efpè- ces d'hémorragie de fève qui vient de pléthore ou de plénitude. Ils font une fuite du jeu de la Nature. Tel le fang du Jardinage. ï$y èft porté dans certaines parties du corps humain , avec plus d'impétuofité que dans d'autres. On diftingue trois fortes de gourmands ; les naturels , qui naiffent immédiatement de la grefte & des branches -y les fauvageons qui pouffent au-deffous de la greffe Se du tronc même , Se les demi-gour- mands également produits de ces par- ties de l'arbre. Je pourrois y ajouter une quatrième forte de gourmands que j'appelle artificiels , Se qu'un Jardinier induftrieux fait pouffer à tout arbre pour le renouveler , lorfqu'il com- mence à s'ufer , ou pour le regarnir. Voici les principaux indices pour connoître les gourmands, i9. Leur pofition : la plupart pouffent de Fé- corce Se non d'un œil. i°. Leur ex- trémité inférieure : foit qu'ils partent de la peau ou d'un œil , ils f jnt gros du bas , fournis Se nourris même en naiffant , Se ils occupent toujours par leur bafe prefque toute la capacité de la branche dont ils fortent. yJ. La précipitation avec laquelle ils s'ef- forcent de poulfer: ils naiffent , croif- fént , grofîiifent Se s'alongent comme :out-àcoup. 11 en eft qui durant un été pouffent jufqu'à Bx à fept pieds de i4<> .La Pratique haut , Se qui parviennent a la grofTeur du doigt. 40. Le tiffu du bois d'un gourmand & fon écorce , font des marques certaines auxquelles il fe fait connoître. Ces fortes de branches commencent de fort bonne heure à avoir par le bas cette couleur brune de la peau , qui n'exifte fur les bour- geons , que quand ils font convertis en bois dur. Leurs feuilles font aufii plus longues , plus larges , plus épaif- îes , & d'un vert plus fonci. Ces ca- ractères diftinctifs font une fuite de l'abondance immodérée de la fève. 50. Leurs boutons tout difTérens de ceux des autres branches font petits, noirâtres , &c fort diftans les uns des autres. 6°. Leur figure les décelé. Ils ne font point exactement ronds com- me les branches venues dans l'ordre naturel, mais aplatis plus ou moins d'un coté ou d'un autre , jufqu'à ce qu'ils grandifïent. y°c Leur écorce , au-lieu d'être lifTe , luifante , verniiTée , eft ordinairement graveleufe & ra- boteufe. La Nature , en leur prodiguant tant de fève , a des deiTeins dans lefquels nous devons entrer pour les Faire tourner à l'avantage de l'arbre. Rien de ©u Jardïnagï. 14? de plus commun , par exemple , que de voir une branche d'une eroffeur ordinaire devenir gourmande au bouc d'un an ou deux. Vous l'aurez tail- lée à quatre , cinq ou fîx yeux , pour en faire un des membres de votre arbre , mais parce qu'elle eft perpendiculaire, quoique fur oblique , elle prend tellement de la nourriture qu'elle furpafTe en groffeur la mère- branche &c fes voifines. Si on ne peut la retrancher , fans dégarnir l'arbre , il faut chafTer dans le mur un fore clou, qu'on garnit de linge , puis forcer prefque jufqu'à calTer cette branche rétive , l'y attacher Se l'arrêter de même par le haur. Tel eft le fecret de faire d'une branche directe & fé- conde , une branche oblique Se mère. Une économie judicieufe fuppnmera enfuite toutes celles qui s'entrelace- ront , Se fera choix de celles propres à former l'arbre. A l'égard des gourmands fauvageons, je les laiffe, quand ils font néceiïaires , foit pour le renouveler dans fa vieil- lelfe , foit pour le remettre des épuife- mens caufés par le mauvais gouver- nement. Je les greffe alors , finon je tes coupe fort près , afin que la plaie. Tome I. L 141 La Pratiqué fe recouvre. Pour les demi-gourmands , j'en fais le même ufage à peu de chofe près que des gourmands décidés. Quant aux artificiels , j'emploie pour les faire naître le ravalement ôc le rapprochement. D'autres fois je mets en ufage divers expédiens qui feront la matière du Chapitre fuivant, expé- diens tirés de la Médecine 8c de la Chirurgie , dont je fais l'application au Jardinage. On eft maître jufqu'à un certain point de ne pas avoir de gourmands , ou d'en avoir peu. En les fupprimant , l'arbre chargé d'une fève furabondante , en produit tou- jours de nouveaux jufqu'à ce qu'enfin il foit épuifé. Pour les diminuer , ou s'en préferver , il fuffit de profiter de ceux que la Nature nous préfente , de tirer defïus , de les alonger , 5c de les charger amplement. Un arbre eft épuifé } je fuppofe qu'il eft bon , Le que fes branches ne font point totalement defTéchées. On lui a 6 té tous fes gourmands qui fai- foient fa richefle , fa force , fa fanté 6c fa fécondité. 11 n'a poufle que de faux bourgeons. On a rogné , pincé ou arrêté par leurs extrémités le peu de bonnes branches ou de bourgeons "DU JaRDÏNAGÏ, 24^ qu il a fait éclorre , auxquels ont fuc- cédé des branches chiffonnes. De plus , il eft dégarni en quantité d'en- droits. La gomme qui le ronge a carie fes branches remplies de chancres. Cet arbre , quoique jeune , va être la proie du feu. Pour peu que j'aperçoive en fouillant (es racines qu'elles foient fai- nes , je le renouvelle par le ravalement de le rapprochement , après quoi je panfe les plaies que j'ai été obligé de lui faire. Je coupe au printemps toutes les branches de vieux bois fur celles qui font les plus voifines , que je taille à un ou deux yeux. Je le rapproche en fupprimant une partie de fes an- ciennes pouffes , Ôc en obfervant de le mettre fur les branches du bas Se du milieu qui annoncent le plus de vigueur. Je fuis fur alors d'avoir des gourmands , ou même d'autres bran- ches qui perceront de la peau au-def- fous de mes coupes. Il eft inutile d'a- jouter que , pour faciliter la végéta- tion , on doit lui donneur de bons en- grais , 3c que pour le recouvrement des plaies , les coupes doivent être nettes & fans chicot. J e crois que d'après ce que je viens de dire* tout Lecteur M 244 La Pratiqué fenfé conclura, i° , que les gour- mands font comme les entrepôts ôc les magafins que la Nature a prati- qués pour y renfermer des provisions de fève , afin de la diflribuer enfuite dans toute la capacité de l'arbre. Ce font en effet , après la tige , les ré- fervoirs fecondaires qui la contiennent en plus grande abondance , que les branches dont ils reçoivent l'être. 2°. Qu'ils prouvent la fécondité des ar- bres j ceux qui font chétifs , malades, mourans ou épuifés , n'en produifent point. Faites-en l'expérience fur deux branches , pour voir laquelle aura plus profité de celle qui a été privée des bois réputés gourmands , ou de celle à qui on les a laiffés. La première n'aura que des cercles minces , aplatis & ferrés} dans la féconde, vous les verrez gon- flés , nourris 8c plus efpacés. On remarque qu'en fupprimant les gourmands, la tige cefTe de profiter, 8c refte à-peu-près dans le même état, qu'en pinçant ou arrêtant quelques branches au pêcher , la Nature , à qui cette extrémité eft efTentielle , en re- produit fur le champ une autre. De plus au-lieu d'un petit rameau que vous ôtez, il en croit d'innombrables 9 î> u Jardinage. 24$ qui fubiirent le même traitement , & qui forment à chaque bout rogné au- tant de têtes de faille , d'où il arrive que tous les yeux du bas de ces bran- ches rognées , qui dans le pêcher vous auroient donné du fruit l'année fui- vante , s'ouvrent dès l'année même en pure perte. De-là, votre arbre s'em- porte 9 vous n'avez plus que des bran- ches par en-haut , & tout le bas périt infailliblement. Les lambourdes & brindilles exis- tent dans tous les arbres fruitiers , tant à noyau qu'à pcpin , avec cette différence que dans ceux-là elles don- nent leur fruit la même année qu'elles ont été produites , au-iieu que dans ceux-ci les lambourdes font trois ans à fe former en brindilles pour fruc- tifier. Les lambourdes font de petites branches menues &c longues , qui ne crohTenc guère fur le pêcher que de cinq à fix pouces , quelquefois plus fur les autres arbres ; elles nauTent ordinairement vers le bas a travers l'écorce du vieux bois , & même des yeux des branches de l'année précé- dente. Leurs yeux font drus , de cou- leur noirâtre , plus gros & plus re- t nj 146 La Pratique bondis que ceux des fortes branches» La couleur de leur peau eft d'un beau vert de mer , clair & luifant. Leur extrémité fupérieure eft couronnée par iine efpèce de bouquet ou grouppe de boutons noirâtres , avec un feul bou- ton à bois. On peut juger de leur fé- condité , parce qu'une feule nourrit cinq à fix pêches. Leur durée n'en: que d'un an ; épuifées enfuite , elles font retranchées à la taille. Les brindilles plus précieufes en* core font à-peu-près la même chofe y excepté qu'elles font moins longues,, moins élancées , mais plus groflTes 8c plus nourries ; elles n'excèdent ja- mais deux ou trois pouces de long: fouvent elles fe trouvent placées par devant , en forme de dards. Nulle raifon ne peut autorifer à abattre ces deux fortes de branches , foit à la taille , foit à Pébourgeonne- ment & au paliffage , quand même elles fe trouveroient fur le devant. Heureufe difformité qui naît de l'a- bondance ! Je préfère des arbres bien fournis de fruits Se un peu irréguliers à ceux qui traités félon les règles en auroient moins. On retrouffe néan- moins ces branches quand le bouton du Jardinage. 247 à bois eft grandi , &c on les attache , en leur faifant faire tant foit peu l'anfe de panier. 11 n'y a qu'une exception à cette règle , c'eft quand l'œil à bois a gelé ou manque : le fruit du pécher , comme on l'a vu , ne mûrit point qu'il n'ait à coté ou au-defTus une branche pour lui fervir de mère nourrice , qu'on fait fagement de couper a trois ou quatre yeux, lotfque le fruit peut être fevré 5c qu'il a acquis les deux tiers de fa groiîeur , afin que les feuil- les placées à chaque œil fervent à le défendre des rayons du foleil. Il pror- fite alors de la fève qui auroit monté dans toute la branche. J'ai dit qu'on diftinguoit dans le pécher trois fortes de branches à fruit , les groiTes, les médiocres, & les pe- tites. Les fortes font celles qui font de la grofleur d'une plume à écrire , qui ont des yeux triples à chaque nœud ; favoir deux yeux à fleur , avec un œil à bois au milieu. Ces branches , loin de s'aouter comme les gourmands > font d'un vert un peu foncé , avec des marques noirâtres &c un peu grave- leufes. Leurs yeux voifins les uns des autres , font bien nourris de produi- fent des feuilles longues , larges de Liv '^4S La Pratique * d'un beau vert. A ces fortes de bran- ches on donne fept à huit pouces de taille , félon la vigueur de l'arbre. Mais à rébourgeonnement , on enfup- prime une partie fans les éclater ni les pince t , pour peu que les autres s'alongent. Les branches médiocres à fruit tiennent le milieu entre celles dont je viens de parler de les petites. Elles ont aufli des yeux triples , com- me les groffes , leur couleur eft la même &: leur grolfeur peut être celle d'un cure-dent : on les taille à quatre , cinq ou fïx yeux. Les petites branches font de deux fortes. Les unes fruc- tueufes , 3c qui ont à chaque nœud un feul œil à fruit avec un œil à bois , font particulièrement celles que les gens deMontreuil nomment branches- crochets , dont ils fe fervent pour amu- fer la levé , &c fur lefquelles ils ti- rent à fruit au défaut des fortes fans épuifer , dès fon jeune âge , un arbre qui fait tous les ans apure perte la poufle de quatre ou cinq branches. A la féconde année , il doit avoir trois ou quatre pieds d'étendue , 8c fa tige une grofFeur confidérable : s'il ne pouf- foit pas aufïî vigoureufement , on le tiendroit plus court, relativement à fa force. On demande s'il faut conferver aux pêchers de cet âge quelques branches à fruit pour en eOayer la vigueur* Malgré le fentiment de la Quintinye, qui laiiîoit un petit nombre de pê- ches aux arbres vigoureux , je dirai avec les Montreuillois qu'on aura tou- jours du fruit quand on aura du bois > mais qu'il y aura difette de bois lors- que l'arbre commencera par donner su Jardina g l i$f du fruit. Si , contre l'ordinaire , des pêchers en donnant du fruit dès la pre- mière année, ont fait en même temps de belles pouffes ; il eft certain qu'a- près les avoir amufés à porter d'abord quelques fruits , ils font long-temps 6c prefqae toute leur vie étiques. Ces oracles du Jardinage ne lairTent au- cune branche fruétueufe, la première ni la féconde année. Si dès la première les fruits fe nouent, ils les abattent ç s'ils en fourrTent quelquefois à la, fé- conde , c'eft fur un petit nombre d'ar- bres d'une foice extraordinaire. En un mot , quel eft le but auquel on doit tendre alors ? C'eft à former fon arbre » & ce n'eft que par les branches à. bois qu'on y parvient. Quant à l'ébourgeon- nement durant ces deux premières an- nées, je laide fort peu de bois? choiuT- fant toujours le plus fort ôc le mieux placé , conformément a mon fyftème du V ouvert. Si je vois que le jeune arbre produit beaucoup de gourmands y Je lui laiiîe plus de bois qu'il ne lui en faut , ahn d'amufer la fève , fauf à le fupprimer à la tadîe , &c j'aionge les deux branches -mères-. C'eft le feuï moyen d'avoir des arbres y qui s'éten- dent a cronTent ôc groililfent , & de LvJ 'n 5 1 La Pratique faire profiter la tète de la tige en même temps. Si ces moyens ne réuftifïoient pas , il faudroit recourir à ceux que j'indi- querai ci -après , l'incifion , la faignée , êç ce feroit un fort mauvais figne. Voici donc un avis que je donne à tous les Jardiniers j c'eft en même temps qu'ils jettent les yeux iur la pouffe des jeunes arbres , d'avoir tou- jours attention à leur tige. Elle eft la Bafe 3c le principe de la végétation; elle doit dominer. Il eft impoffible qu'un arbre réulïïife , quand la grof- feur de fa tige n'eft pas en proportion avec fes branches. - Mon arbre, à fa troifième année, doit commencer non-feulement à occuper 'une vafte étendue , mais encore a don- ner fufrifamment de fruit. Voici mon procédé a fon égard dans le temps de la taille. Quand il eft dépaliffé, j'abaiife de côté Se d'autre les deux branches- mères, & je les étends à chaque ex- trémité , en confultant toujours la vigueur de mon arbre. J'alonge à proportion les membres , & je leur donne en hauteur Fétendue qu'ils peuvent fupporter. Quant aux bran- ches-crochets P je les tiens toujours du Jardinage. 153 un peu de court afin d'avoir du fruit, en même temps que des branches fruc- rueufes pour la taille fubféquente. En les tirant , elles pourroient me donner plus de fruit , mais elles n'auroient que des branches étiolées pour l'an- née fuivante. Si cependant l'événement ne répon- doit pas à mon attente , je déchargerons amplement mon arbre , en l'ébour- geonnant. Le peu de bois que je lui laiflerois , ayant toute la fève à lui feul , profiteroit nécefTairement. Dans ces commencemens il poufle toujours une infinité de gourmands. Au moyen de la charge &: de l'alongement dont je viens de parler , il en a beaucoup moins, que fuivant la méthode or- dinaire. Les Jardiniers ont coutume d'alonger le menu bois : il arrive de-là qu'il noue fort peu de fruit , parce que ces branches foibles & fluettes n'ont pas des récipiens affez vaftes , pour contenir fumfamment de fève, afin de le nourrir. Alors ou il avorte, ou celui qui eft noué tombe. De plus, en taillant court les gros bois , ils pouffent avec véhémence : c'eft un fait incontestable. Ces ouvriers peu intelligens arrêtent par les bouts ces 254 La Pratique branches fortes , & raccourcirent fan& celle les branches folles qu'elles onr pouuees de tous les yeux du bas qui- fe font ouverts contre l'ordre de la végétation. Cette opération meurtrière répétée tous les ans , prive le Maître de fruit & bientôt d'arbres. Malgré l'ellor que je donne au pê- cher , il ne laine pas de produire des gourmands de toutes parts. Je les paliiTe Se je n'6te que ceux qui s'en- trenuifent, ou qui font placés devant, derrière , aux extrémités , & tout au haut de l'arbre. Pour ne point l'épuifer à force de porter des gourmands en pure perte , on taille vers le mois de Juin îk au commencement de Juillet ceux qui fe trouvent néceffaires dans les places où ils font nés , Se on les. ravale fur deux ou trois yeux les plus bas , quelquefois même fur lui feul. Alors on voit éclorre de ces yeux des branches -crochets , qui feront for- mées encore allez à temps pour don- ner du fruit l'année fuivante. Quand on appréhende que ces gourmands ainïi traités ne prennent trop de force du bas & ne deviennent branches do- minantes , on commence dès la lin de Mai à. les couper à moitié * coût w Jardinage* 25 £ près d'un œil j à la mi- Juin on les coupe encore plus bas , Se au com- mencement de Juillet on les met à un feul œil. Au moyen de toutes ces plaies fur lefquelles l'air agit , la fève s'évapore , (on action fe rallentit , Se le gourmand eft dompté. Les autres foins nécefTaires aux ar- bres nouvellement plantés font de les labourer à temps, de les préferver de la gomme , de la cloque , des puce- rons , de mettre fur la fuperficie de la terre deux pouces de terreau autour de leur pied, defupprimer les pouffes qu'ils pourroient faire en devant , foie de leurs yeux , foit de la tige même y non en les catïant , ce qui occaiionne- roit un flux de gomme , mais en les coupant proprement près de Pécorce > de les buter afin de les empêcher de- jaunir durant les humidités continues, en battant un peu la terre par-derïus en forme de talus , ou en plaçant une douve à leur pied qui en éloigne les eaux , de laver fréquemment leur tronc durant les fécherelfes , de les frotter avec une buofle , Se de mouil- ler leur tête vers le foir j on a vu que les végétaux tiroient la pluie Se lai xofée* fur-tout dans les faifons fèches > x^G La Pratique 8c enfin de leur faire un badin pour les arrofer. L'effet de ces arrofemens eft de détremper les fucs de la terre 8c les fels nitreux qui doivent parler dans les racines des arbres 8e leur don- ner la nourriture. A la faveur des feux qui font dans la terre ou de ceux du foleil qui la pénètrent , il fe fait une fermentation 3c un bouillonnement qui occasionnent le foulèvement de l'agitation de fes parties fpiritueufes , portées rapidement des racines dans la tige , & de la tige dans les autres parties des plantes. L'eau fait à- peu- près le même effet dans la terre que dans la chaux. Celle-ci ne fermente Se ne s'échauffe qu'au moment quelle refirent les imprellîons de l'eau , qui foulève de développe fes parties. La trop grande abondance d'eau peut de- venir nuifible , en ce qu'elle noyé ces fucs 8e ces fels de la terre. Les arbres ont produit du bois de des jets vigoureux. Ils ne demandent qu'à être taillés 8c attachés à la mu- raille. Mais auparavant il faut les régler dans leurs pouffes , & examiner les expédiens les plus propres à les former 8c à les rendre fructueux. ©u Ja-rdinagi. 257 CHAPITRE V. De la Difiribution proportion- nelle des Branches. V^'est à la troifîème & à la qua- trième année qu'il faut ufer envers les arbres de divers moyens pour les di- riger. Ces moyens font de deux for- tes : les uns appartiennent à la Mé- decine & à la Chirurgie dont je les ai empruntés, tels que la diette > la fai- gnée \ les autres font des inventions particulières , comme la courbure des branches , le cajfement. Après les avoir long-temps pratiqués avec le plus grand fuccès , je ne crains point d'en démon- trer les avantages. Ils ont pour but de régler la pouffe des arbres , afin d'opérer une diftri- bution proportionnelle de la fève dans toutes leurs parties , de faire enforte que déformais ils ne s'emportent plus* foit du haut en fe dégarnifTant du bas , foit d'un feul coté , tandis que l'autre eft foible & languifTant. Il eft queftion de renouveler des^arbres malades 3 ôc 2. 5 S La Pratiqua de conferver ceux que les Jardiniers condamnent à être remplaces par d'au- tres , de faire porter du fruit aux ar- bres de quatre Se cinq ans en plus grande quantiré qu'on n'a fait jufqu'iei à dix ou douze , de leur donner une étendue immenfe par rapport aux bor- nes étroites dans îelquelles on a cou- tume de les retenir, de les faire groiîir de la tige à proportion , enfin de leur procurer , durant un fîécle , une par- faite fanté , tandis que l'expérience journalière nous apprend qu'à peine tous les arbres , Se fur-tout les pêchers , ont fait paroître une brillante verdure pendant quelques années de vigueur, ils font aiTaillis à la fois par tous les maux d'une vieilleiTe prématurée. Si je parviens à ces différens points par ma méthode Se par les moyens que j'indique , les gens fenfés , pourront- ils les défapprouver Se refufer de s'en fervir ? Je commence par ceux qui font tirés de la Médecine Se de la Chi- rurgie. i°.Ladiette Se l'abftinence. 2°. L'incifîon Se la faignée. 3 Q . Le cautère à la tige , aux bran- ches Se aux racines. du Jardinagi. 259 40. La fcarifi on, 5 *. Les cacapL ( les & les topiques. 6°. Les éclitTcs , les bandages éc les ligatures. Toutes ces nouvelles inventions font établies fur des expériences, 6c ont pour rond:- ment les principes de la phyfiqae des végétaux. Celles dont la Médecine & la Chirurgie fe fervent pour la cure de nos mala- dies , ont pour les arbres des vertus de des propriétés qu'on ne peut trop admirer. Ces expédiens pour opérer la diftrî- bution proportionnelle des branches fervent encore à mettre à fruit les arbres qui n'en rapportent jamais s comme je le dirai dans ma troifième Partie. Leur effet eft aufli la belle fi- gure de l'arbre , fa fanté , fa vigueur Se fa durée. On n'y parvient qu'en faifant fluer la fève du côté où elle alloit peu auparavant , & en l'arrêtant du côté où elle fe portoit avec trop de viva- cité. Par ce moyen le pêcher eft éga- lement fourni débranches & de fruits > de façon qu'il ne s'emporte point vers le haut , de que dans le bas & dans le milieu il n'offre point de grands mem- bres alongésj dégarnis de branches. i6o La Pratique &: qu'il ne poiuTe point d'un feul côté aux dépens de l'autre. Cette diftribu- tion eft , comme dans P Architecture , ce bel enfemble dans lequel les parties fe rapportent au tout. Ce que j'ai à dire fur cette im- portante matière a , pour bafe , les trois principes fuivans ; ic, fixer le pêcher dans fes variations , fans le violenter. i°. Faire avantageufement ufage de l'abondance & de Pimpétuo- fité de fa fève. ?°. Partager toutes fes branches de manière qu'elles ne puif- fent fe détruire , comme il n'arrive que trop fouvent par les gourmands qu'on lui fait pouffer de tous côtés. Mais avant que d'entrer à cet égard dans aucun détail , j'établis ici quel- ques propofitions qui font autant de corollaires de tout ce que j'ai avancé. i°. Après l'ordre de la préparation des racines , la diftribution propor- tionnelle des branches dépend abfolu- ment de la fuppreffion totale des per- • pendiculaires a la tige ; & il ne doit y avoir dans tout arbre , qu'on veut rendre régulier en même temps que fructueux , que des branches obliques ôc latérales d'où procèdent toutes les autres. J'ai déjà traité ce point. ©u Jardinage. i6x 2°. Le moyen le plus analogue à la façon de pouffer du pêcher , Se le plus efficace pour l'égale diftriburion des branches dans tout arbre , eft de faire des gourmands , le fondement de fa taille Se de l'harmonie des branches entre elles. 3°. Pour avoir un arbre garni de toutes parts , il faut en même temps qu'on le charge d'un grand nombre de branches , lui faire prendre l'elfor en Palongeant beaucoup , proportion- nément à fa vigueur. 4°. Tailler long les branches a bois Se les gourmands , Se court les bran- ches à fruit. 5°. Rapprocher toujours Se renou- veler les branches du pêcher, le con-* centrer pour ainfi dire , en tirant fur les branches du bas par préférence à celles du haut. 69. Quand un arbre a , durant fec premières années , jeté fon feu , Se qu'il pouffe plus fagement , le tenir un peu plus de court Se ne lui plus tant donner l'effor. 7°. Recourir alors aux engrais Se au changement de terre, fur-tout pour le pêcher. 8°. Lors de rébourgeonnement & i.6i La Pratiqua du palifTage , éclaircir , élaguer , tirant toujours du plein au vide , du plus fourni à ce qui l'eft moins. 9°. Le pêcher étant fujet à la mor- talité de fes branches , veiller à ce qu'il y en ait de réferve auxquelles on puifle recourir pour remplacer les mortes , 8c qu'on puiiTe attirer fans rien dégarnir. io°. Dans le cas de remplacement des branches mortes , fi dans le voi- (mage il n'y a que des branches à fruit , faire d'une branche à fruit une branche à bois. Il efl: queftion de remplir un vide &: je n'ai que des branches fructueu- fes. Si je les taille a la longueur ordi- naire , c'eft-à-dire à fruit , elles me donneront bien moins de bois. En les taillant à un ou deux yeux feulement, je fuis aiïuré d'avoir de bon bois pour garnir , parce que l'année fuivante j'a- longe les branches venues des yeux de celles que je taille ainfi fort court, 8c je les mets à bois 8c à fruit tout en- femble. Les Jardiniers au contraire alongent ces menues branches pour garnir, 8c au-lieu d'avoir de bon bois, ils n'ont que des pouffes chécives qui meurent , ou qui ne garnirent point. ; du Jardinage. i5$ Je vais maintenant rapporter divers expédiens tirés de la Médecine Se de la Chirurgie , pour régler la pouffe des arbres, Se les diriger. i°. La diette & tabjiinence. Je re- marquai un jour , dans la cour d'un Vigneron , un mûrier qui d'un côté faifoit briller une riante verdure , fes feuilles plus grandes qu'à l'or- dinaire , & fes fruits abondans con- traftoient avec l'autre côté qui étoit étique ôc n'avoit que des feuilles ché- tives Se de petits fruits. En fouillant une première racine depuis le pied de l'arbre , je rencontre une fofle à fu- mier comble Se toute couverte de gazon qui a voit cru par-deflus. A travers les terres de cette foiïs , j'a- perçois une multitude innombrable de petites racines Se de chevelu qui pompoient les fncs de la terre où les parties fpiritueufes du fumier avoient pénétré. De l'autre côté , ce n'étoit que gravois , cailloutage , ronces , épi- nes fur la fuperficie de la terre , Se tuf dans le fond. De-là , je tirai beau- coup de conféquences utiles dans la pratique , telles que celle de faire jeûner les arbres en pareil cas , Se de bien nourrir le côté maigre. %6âç La Pratique Je fuppofe un arbre plein d'un cote Se dégarni de l'autre : je commence par charger amplement le premier ; êc afin que le fécond puilfe fournir au peu que je lui laifle , je le dé- charge ôc le tiens forr court. Il s'agit enfuite de couper les vivres au côté plein , pour qu'il ne faffe que s'en- tretenir , de de les faire paffer au coté maigre. Je ne parle ici que de ces arbres vigoureux qui portent toute leur fève d'un côté , dont les bran- ches ont affamé l'autre. La diette 3c l'abftinence que je fais obferver à ce côté trop nourri confident dans la fouftraction de la bonne terre 3 pour en fubftituer une inférieure en bonté. J'y joins quelquefois le raccourcif- fement de quelques racines dans leur fort. Lors du printemps , ou à la chute des feuilles , j'enlève au coté parafite toute la bonne terre à trois ou quatre pieds environ du tronc , je laifie à l'arbre de ce même côté une motte de terre d'un pied , à laquelle je ne touche point , de peur d'ébran- ler ou d'entamer fes premières racines qui partent du tronc. Du refte , je les découvre tcut-à-fait , comme pour déplanter b-u Jardinage; iui Jardinage- 275' rnands & des branches à bois qui pro- fitent d'autant plus qu'elles fe tournent moins à fruit. Un autre fleurit tous les ans : fes fleurs coulent bientôt après , 8c il ne noue qu'un petit nombre de fruits : à celui-ci ils tombent chaque année à la moitié de leur grolfeur. Par le fecours de la laignée qui , comme je l'ai dit , amortit ce flux impétueux, de fève, je réduis ces arbres intem- pérans. 5Q. Le cautère à la tige , aux bran- ches , de aux racines. Il y a cette diffé- rence entre les cautères humains ôc ceux des arbres , que les premiers fe font par l'application des cauftiques, qui brûlent , ou confirment les chairs, au- lieu que les derniers font proprement î'incinon Se la faiçnée , mais différem- ment modifiées. Quant à la fin 8c aux effets , la parité eft telle que j'ai cra pouvoir donner ce nom à cette opé- ration nouvelle du Jardinage , par la- quelle J'attire les humeurs fuperrlues d.e l'arbre , je renouvelle 6c purifie la fève , Se ïe la détourne vers les parties dénuées de verdure. Lors du printemps jufqu'au com- mencement de Juin , on fait une in- ciflon de deux à trois ponces de long: M. vj. %-}6 La Pratique & en droite ligne à Pécorce d'un^ branche jeune & vigoureufe ou d'une tige liiTe de unie qu'on veut garnir d'un côté , ou enfin aux racines. Peu importe dans quel endroit elle fe faiFe, pourvu qu'on en détourne les rayons du foleiL Cette incifion fe fait avec la pointe de la ferpette on du greffoir, ou avec un couteau bien aiguifé , de même que fi on vouloir greffer a œil dormant. On a enfuite un petit coin d'un bois dur de la longueur de l'ou- verture ,. affez coupant pour entrer jufquaii fond de l'incifion , Se fans que le tranchant puifle refter dans la plaie lcrfqu'on l'en retirera. On l'en- fonce un peu à force,, en frappant lé^ gèrement defïus avec le manche de la ferpette : aiin de donner le temps à la fève d'y arriver y il faut l'y laiffer deux ou trois jours, au boutdefquels on vi- ïite la plaie &: on ôte le coin. L'écorce paroît alors retirée un peu des deux côtés & flétrie. Il arrive à cette partie de l'arbre incifée la même chofe qu'à la chair humaine. Si la plaie a flué , la fève aura tranfpiré au dehors 8c dans les côtés de les lèvres : aux arbres de fruits à pépin , elle aura fuinté y dans du Jardinage.' 277 ceux à noyau ,' elle aura produit de la gomme. Dans l'un & l'autre cas on nettoie la plaie avec une efpatule de bois amincie , on l'eiTuie avec un linge , 3c on remet le coin ; ce pan- fement qui fe fait tous les trois jours, cave toujours un peu la plaie , l'ex- corie de nouveau & ouvre les pafla-' ges de la fève qui ne manqueroient pas de fe fermer. Le cautère fe fair aux branches &: à la tige , afin d'at- tirer la fève dans les endroits où elle n'iroït pas , fuivant fon cours ordi- naire ; aux racines pour fervir d'égour aux humeurs de l'arbre , purger la. maiTe de la fève & la renouveler^ On peut en faire pluiieurs : néan- moins il faut diftinguer y à la tige de Parbre , il n'en faut faire quun y aux branches cv aux racines on peut l'ap- pliquer fur celles où il eft néceifaire pour regarnir l'arbre dénué de ver- dure. Il ne faudroit pas cependant les trop multiplier parce qu'ils occafion- neroient une trop grande diflipation de fève >il vaut mieux remettre à en faire de nouveaux l'année fuivante. Cet écoulement dure quinze jours ou trois femaines , quelquefois plus». Dans les arbres de fruits à pépin y on !•/% La Pratique n'aperçoit fouvent qu'une lymphe qui fiiinte peu- à-peu , ou point du touty il ne faut pas s'en étonner , le cautère n'en fait pas moins fon effet j cette férofité étant à ['mitant pompée & def- féchée par l'air. Quant aux fruits à* noyau , la fève femblable au fang forti de nos veines, fe fige, fe coagule ôc fe met en grumeaux. Il faut remarquer que dans ces derniers elle devient au bout de quinze jours limpide , comme l'eau qui fort de la vigne , quand elle pleure. On fait également le panfe- ment du cautère. Lorfqu'on voit que l'écoulement n^eft plus fi abondant , au bout de trois femaines ou un mois, on retire le coin tout-a-fait. Enfui ce quand la- plaie a été bien nettoyée de eifuyée ,. on la remplit de boufe de vache ou de terre graffe , qu'on recouvre d'une petite emplâtre enveloppée d'un lin- ge. Trois mois font plus que fufri- fans pour que la plaie foit entière- ment fermée. L'effet du cautère eft tout naturel èc très-curieux. Une première goûte1 du liquide qui compofe la fève entre par l'orifice de chaque racine : une autre eft lancée vivement à la fuite » v Jardinage. ijf de cette première goûte, ôcainfi jufqu'à la dernière qui toujours fe renouvelle^ de eft produite à chaque inftant. Les racines envoient de la même manière cette fève dans le trône , puis dans- toutes les autres parties. Le cautère lui occafionne une diverlion , enforte qu'au- lien de palier outre , elle eft ar- rêtée à l'endroit de l'ouverture où. elle trouve une ilîue plus facile. Son cours y eft nécessairement déterminé. Com- me elle a toujours dilaté les canaux de ces branches , elle trouve plus de force-- pour y être lancée. Enfin ces parties liquides qui ne font autre choie que les fucs de la terre accoutumés à cire pouffes de ce côté-là & à s'y fixer, con- tinuent de le faire avec la même im- pétuofité. De plus , la plaie quoique fermée , opère en cet endroit une tu- meur 8c un gonflement, par lefquels eft entretenue vers cette partie une nouvelle émiflîon de fève , qui ne pouvant plus s'extravafer , fait ce que les Médecins appellent éruption à tra- vers la peau. Des branches percent de toutes parts de la peau de cet arbre : il éprouve le même fort que celui qui a été ravalé ou recépé. Pourquoi ce dernier poulTe- i$o La Pratique t-il un fi grand nombre de jets Se de gourmands ? C'en: parce que la fève qui jufque-la avoit dirigé fon cours vers les branches ïupprimees y ar- rive comme auparavant : le pafTage eft frayé ; mais parce qu'elle ne trouve plus à fe décharger dans ces parties ou elle avoit coutume d être reçue , elle fe porte horizontalement , fe fait jour par les endroits de la peau qui prêtent davantage , les dilate en de- dans , les pouffe au dehors , & ouvre des partages pour en faire éclorre des bourgeons- Le cautère fert encore à procurer aux arbres une plus ample végétation , à lever les obftructions , à- augmenter l'action de l'a fève , &: à faciliter fou cours en l'arrêtant.. Il renouvelle l'ar- bre , don*- il rend la peau lifTe & unie ; fes bourgeons font plus nourris., croif- fent plus promprement, & font bril- ler une éclatante verdure. Par fon moyen on a du fruit en abondance durant plufieurs années. Je n'ajouterai point que l'arbre un peu atténué par cette déperdition de fève, a befoin d'engrais , tels que de l'eau de fumier prife dans la baiie-cour , ou de bonne serre fubnutuée à la vieille , qu'oie D V JARDINAGE. 28l enlève jufqu'aux premières racines. Le cautère s'applique fur les raci- nes de la même manière que fur les branches. En Mars & en Avril on fouille un pécher malade à un pied 8c demi, fuivant que les maîtrelTes racines font plus ou moins en terre , 3c on les met à jour , fans les dé- ranger. J'en choifis trois des plus grof- fes , ou deux , fi l'arbre a moins de force 3 & je fais à chacune fur les côtés une incifion longue de trois pouces où j'infère un coin de bois , comme aux branches. Je mets par-de(Tous dans le fond du trou une affiette pour rece- voir la lymphe qui aura flué des ra- cines , afin de me régler pour fon écoulement. Je les couvre enfuite de quelque linge , & je place par-demis des douves ou des tuiles avec de la grande litière ou des gazons renver- fés. Treis jours fe pafïent fans vifiter la plaie , au bout defquels j'ôte le coin , j'effuie la plaie > puis je le re- mets & recouvre le tout pour recom- mencer au bout de trois jours. L'écou- lement en doit durer au moins quinze. Quand la fève n'eft plus épaiiTe > je ferme la plaie de la même façon qu'aux branches . , 8c je garnis les 2 S 2 La Pratique racines de bonne terre , après une fup- puration furnfante. Les arbres pouffent inceffamment des jets admirables , de fur-tout des eourmands précieux qui percent de l'écorce. Ces cautères aux racines font 'très-utiles pour remettre un pécher cloqué. 4°. La feanfication. Le hafard m'a fuggéré cett-~: invention. Je voyois des conciliions & des plaies à certaines branches , & je m'apercevois qu'elles profitoient moins que celles qui étoient faines & intactes , que tant que le petit bourrelet fe formoit autour de la plaie pour en opérer le recouvre- ■ment , les bourgeons , & les fruits de ces branches meurtries ne profitoient point comme les autres, & que la vé- gétation étcit retardée ou avancée à proportion de l'ouverture de la plaie. Il m'a femblé que cet effet devoit être attribué à ce que la levé détournée de ien cours ordinaire , eft forcée de prendre des circuits , femblable à un courant d'eau , qui trouvant à fon paffage des corps étrangers , fe dé- tourne pour couler vers fa pente , d'au- tant moins rapide que les obllacles font plus coniidérables , ou plus mul- tipliés. De-là , j'ai conclu que ce qu'a- du Jardinage. 2S3 lors je regardois comme "un accident fâcheux , pouvoir en certaines circons- tances être utilement employé. Une autre fois voyant des branches qu'on avoit trop ferrées , j'aperçus au- defïus ôc au-deffous de la ligature un double bourrelet, & je remarquai que celles qui n'avoient point un pareil lien s'étoient beaucoup alongées , au- lieu que les premières croient plus groffes du bas que dans la partie au- deffus du fécond bourrelet. J'ai ima- giné de tourner au profit des arbres , par le moyen de l'art , ce qui n'étoit que l'effet de la maladreffe de l'ouvrier. La fcarihcation fert à arrêter le flux défordonné de la fève dans les arbres de pur ornement, qui s'emportent foit d'un coté , foit du haut fur une feule branche. A l'égard des arbres de fruits à pépin, elle eft d'une grande reflburce pour les faire frudfciher. Mais quanta ceux à noyau , il faut beaucoup de prudence pour la mettre en ufage. Je l'ai fouvent employée fur des gour- mands d'abricotiers & de pruniers , à l'égard defquels elle a parfaitement réuni. Il eft vrai que tous les jours j'effuyois la gomme , fans lui donner le temps de le congeler. 184 La Pratique Le but de cette opération eft de rendre féconds des arbres qui ne rap- portent point , tels que des poiriers 8c des pommiers fur franc , dont toute la poulie eft en bois , de faire nouer les fruits de ceux qui tous les ans fleu- rirent inutilement , & de mettre à fruit les boutons de quantité d'arbres qui s'alongent ôc ne s'ouvrent ni ne fleurifTent peint. La fève pailant avec rapidité dans les arbres , dont les cou- loirs font trop dilatés & les fibres trop lâches , n'a point le temps de fe cuire ôc de fe digérer. Telle qu'une ean qui dans fou cours rapide ne fait que bat- tre la terre & la durcir , cette fève s'emporte toujours , inonde certaines branches & laiiïe à fec les fructueu- ses , dont les orifices font trop petits pour la contenir. De-là, cette ftcrilité des boutons à fruit qui , ou fleuriflent fans fe nouer , ou s'alongent fans s'é- panouir , & qui rongés intérieurement par le trop long féjour d'une fève inu- tile Se trop délayée 3 tombent enfin en pourriture. Toutes les branches qui ne font point à fruit , je parle des arbres de fruits à λepin , ont ordinairement la peau belle3 uifante ôc fort unie. Celles au cou- DU JAR -BINAGE. 1%$ traire qu'on nomme brindilles fonc pleines de rides. La Quintinye les ap- pelle des anneaux , parce qu'en effet ces rides font placées à ces brindilles comme des anneaux arrangés les uns près des autres ; ce font autant de petits bourrelets gonflés , qui fervent de réfervoirs à la fève. Les rides fur les arbres de fruits à noyau ne font pas fi marquées que fur les branches de ceux à pépin , cependant elles font Senfibles fur les btindilles & les lam- bourdes qui font toujours fluettes. La Jïg. i de la PL V, offre une brindille d'un poirier groflie à la loupe avec fes rides & fes boutons à fruit mar- qués a. La/SJff. 3. a représente un bois vieux avec des rides & une bourfe à fruit ancienne ; b deux autres bourfes à fruit plus récentes avec les anneaux & les rides j c les boutons à fruit Sor- tant de leur bourfe. Chaque année ces rides fe multiplient , &c le bou- ton croît d'une ride jufqu'a ce qu'il en écloSe des fleurs ou des fruits. Leurs inégalités retardent fuccefïïve- ment le paflage de la levé , au-lieu que dans les branches unies n'étant arrêtée par aucun obftacle , elle entre avec aifance & Se porte en avant. Je i%6 La Pratique prétends donc que la fcarificatîon l'empêche de féjourner inutilement dans ces brindilles , & qu'elle lui pro- cure une filtration aifée par ces rides qui en abforbent une partie par l'em- ploi que l'arbre eft forcé d'en faire pour leur formation. Combien encore ne s'en extravafe-t-il point par les ou- vertures faites à la peau 3 & qui font pompées & afpirées par l'air ? En même temps qu'il en diminue le vo- lume , il contribue à fa cuifïon Se à l'affinage des fucs , en portant dans l'ar- bre la bénignité des fiens. Les moyens que j'emploie font les nodus, les calus êc les bourrelets que cette opération fait naître de toutes parts fur les bran- ches pour le recouvrement des plaies. On la fcarilie avec la ferpette la peau de l'arbre jufqu'au bois , un peu tranfverfalement du bas en haut, à la longueur de deux ou trois pouces , ôc à la diftance de cinq à fix , toujours à l'oppofite d'une incifion à l'autre. Pour les arbres de fruits à pépin, le temps le plus propre eft la chute des feuilles , jufqu'au printemps , avant que la fève foit tout-à-fait en mouve- ment. A ceux à noyau , le printemps eft l'unique faiion convenable : on obfervera d'elîuyer la gomme qui ne manquera pas de Huer. Il eft inutile de dire que du terreau bien gras ou de la boufe de vache , font des pré- fervatifs néceiTaires pour éloigner les infectes , qui feroient de toutes ces plaies des lieux de retraite. En faifant ces inciiions en-detTous, Ôc un peu de côté , la fève eft nécef- fairement arrêtée ou du moins re- tardée dans {on paftage ; les plaies font plus lentes à fe refermer , de les arbres n'ont rien a craindre des pluies ni des gelées. Faites du haut en bas , ces inciiions formeroient infenfîblement autant de petits au- gets propres à retenir les humidités nuifibles , qui leur cauferoient des chancres. Enfin leur pofidon tant foit peu inclinée , imercepte le coiars de la fève, en divifant 6c féparant les fibres aloneées de l'arbre. Au Vefte ces plaies fe guéri (Te nt dans l'année même , fur lesfiijets vi- goureux , de la faifon du printemps à ce"e de l'hiver. Sur ceux-ci je les fais plus longues &z plus drues ; fou- vent je ne fcarhie que la tige ou quel- ques branches. A l'égard des gour- mands, on. obfervera de ne faire les 2.88 La Pratique incifions. que dans l'efpace d'un œil à un autre , fans les endommager. Elles opéreront dans l'arbre une plus ample végétation démontrée par fon accroif- fement fenfible , fur un jeune abri- cotier , par exemple , dont les refïorts n'ont point été ufés ni relâchés par des poufles forcées , Se toujours re- tranchées j il s'accommodera beau- coup mieux de cette opération , qu'un vieil arbre à qui un mauvais gouver- nement continué depuis longues an- nées a ôté la force de la fupporter. J'ai dit que la fearification étoit très-utile pour mettre à fruit les arbres fur franc , tels que les virgouleufes ôc les bergamottes , qu'on prétend n'être fructueux qu'au bout de quinze ou vingt ans. Je fuis parvenu à en cueillir des fruits à la quatrième ôc cinquième année , mais je n'épuifois point ces arbres dès leur premier âge , en leur faifant pouffet fans ceiTe du bois que chaque année on leur en- lève, éc qu'ils produifent toujours avec d'autant plus d'abondance qu'on le leur coupe plus fréquemment. Je compare ces arbres ainn* retenus , à de jeunes chevaux vifs & fougueux , qu'un mauvais cavalier pique des deux eu Jardinage. i%yr deux en même temps qu'il leur re- tient la bride : ces animaux fe tour- mentent Ôc s'épuifent , toujours en fueur , Se toujours arrêtés dans leur courfe j en leur lâchant un peu la bride , ils avanceroient fans fe fati- guer. 50. Les cataplafmes. La Pharmacie 8c la Médecine du Jardinage ont été jufqu'ipréfentprefque ignorées. Trois fortes de topiques indiqués par les Auteurs, font connus des Jardiniers ; favoir les iimples Se les naturels , tels que les terres graiTes détrempées , ufi- tées pour les greffes en fente , aux- quelles on joint de la moufle ou du foin , Se les dîverfes cires : enfuite les topiques onctueux de graiffèux. De ce genre font le vieux oing , le beurre , la térébenthine Se la poix , qu'on ap- plique tant fur les plaies des arbres , que fur ceux qui font fains. Enfin les topiques compofés : ce font des re- cettes où il entre quantité d'ingré- diens, auxquels on attribue des effets furprenans , foit pour guérir les ma- ladies des végétaux , foit pour dila- ter leur écorce Se leurs fibres } pour les faire même fructifier , 6c faire pren- dre racine aux bourgeons > aux feuilles f Toync L N ïo,o La Pratique à des branches même inanimées Se comme deiTéchées. On peut confulrer H-deiTus l'Ouvrage du Docteur Agri- cola , Médecin a Racisbonne , impri- mé en François à Amfterdam en 1720 , &c qui eft intitulé Y Agriculture parfaite, A l'égard des topiques de la pre- mière efpèce , les recettes les plus (impies font non-feulement préféra- bles aux autres 5 mais les feules bon- nes pour les arbres , conféquemment aux épreuves & aux expériences que j'ai faites tant de celles indiquées dans les livres , que de celles qu'on m'a communiquées. Les terres gra(Tes , Se la cire font les topiques le plus en ufage. Par terre gralfe , on entend communément la terre glaife. Je la crois nuifible dans le Jardinage ; dé- compofée , on la trouvera innpide &c dépourvue de parties fpiritueufes. En terre , elle fait pourrir par les eaux qu'elle retient , les racines qui en ap- prochent. Lors des fécherenès elle le durcit. Si-tôt qu'elle fent le haie , elle fe gères & fe fend de toutes parts. Appliquée fur quelque partie d'un arbre , elle laiiTe entrer l'air & le haie par fes ouvertures. du Jardinage. 291 Je "bannis également L'ufage c'u la cire , tant de la blanche , que de la verte employée aux orangers par gouc de propreté. C'eft un defficatif, & par conféqaent elle retarde la réu- nion des parties , & fait fendre , fou- vent même éclater l'écorce, en la fé- parant du bois qu'elle gerce. Les plaies au contraire enveloppées d'on- guent de Saint-Fiacre , font recou- vertes infiniment plutôt. Je dis à ce fujet que la raifon pour laquelle on met de la terre détrempée avec du foin ou de la mouffe , aux greffes en fente , eft afin que l'air ne deiféche ni l'écorce , ni le bois , ni les entes qui font appliquées de (Tus j &c que la terre naturellement humectante com- munique aux greffes une forte d'ali- ment extérieur qui , avec le fecours. des pluies , des rofées, & des brouil- lards , paife par l'écorce &c dans la partie de l'arbre fur laquelle on a enté. Les topiques gras Se huileux , les ab- forbaiïs, les cauftiques me femblent également contraires à la végétation , dues à l'impreffion de l'air , comme on l'a cru , avant qu'on en eût fait Panalyfe , qui n'a pro- duit que de l'eau j mais j'ai remarqué qu'étant répandues le long des efpa- liers , elles les préfervent d.QS atteintes d'une chaleur excefllve. 6°. Enfin , lés écliffes > les bandai ges & les ligatures â uutés dans la Chirurgie , à l'égard des membres caffés Se débo-îtés-, ont lieu pour les arbres dans le cas de diflocation des branches , fractures 3c autres déran- gemens forcés. Tous les Jardiniers ne connoiiTent d'autres remèdes à cqs accidens que l'amputation y opération DU JAR'DINÀGE. l^J plus prompte que celle de pofer une éciiiTe , & de mettre' un appareil fur la plaie. J'en ai vu néanmoins qui vouloient bien prendre la peine d'en- tourer d'un ofier une branche éclatée, pour la tenir en place. Eft-ce la tra- vailler ? Par un accident imprévu une bran* ehe eft ou éclatée , ou caffée tout-à- fait ; mais elle tient encore fuflifam- ment a l'écorce. Je rapproche les parties les unes contre les autres , je les enduis d'un des topiques que j'ai indiqués ci- de (fus , & je les en- veloppe d'un linge double. Je bande enfuite mon appareil , avec un ofier fendu en deux , ou avec une vieille corde que je défile pour qu'elle ne foit point coupante. Je me fuis muni auparavant de morceaux de lartes fort étroits , ou d'éclats de douves fendues en deux , que j'arrange au- tour du topique. Quand ces éclilTcs miles l'une près de l'autre ont fuffi- famment recouvert la branche , je les tiens en état avec un ofier que je ferre un peu , & je fais dans le milieu , à l'endroit même de la plaie , une ligature avec une corde un peu forte, que ie bande le plus qu'il m'efl Niv ij6 La Pratique poHible. Je proportionne la longueur des édifies , & je multiplie les liga- tures fuivanr la portée & le poids de la branche. Ces écliiTes appuyent alors &: fur le chiffon 6c fur le topique , ainfi elles ne peuvent entamer ni même preffêr i'écorce. Cette opéra- tion fe réitère aux deux bouts à un pouce près. Ma branche ainfi panfée cft attachée enfuire bien ferme , foit au. mur, foit au treillage, &c je n'at- tends point que les ligatures foient pourries pour les renouveler. Je fuis fur qu'elle reprendra , qu'elle pouf- fera ij Jardinage/ "ityj fractures , on ne peut faire trop de diligence pour renouer leurs mem- bres difloqués. Si on laide agir l'air Ôc le hâle fur les parties ouvertes 8c féparées , la fève defléchée au-dehors 9 la flétriû* ure des feuilles , le retour de la fève & le ferrement intérieur des parties , feront autant d'obftacles in- furmontables à leur réunion. Il eft des plaies de peu de confé- quence , telles qu'une écorchure à la peau ou à l'écorce d'une branche dont on taille la voifine , une entamure à quelque partie que ce foit. Un peu de laine , de coxon , de filade , uns bande d'étoffe en fait tout l'appareil. Je conviens que fans ces foins , ces plaies légères fe guériiïent tous les jours : mais je demande fi nous n'é- prouvons pas des piqûres , des égra- tignures , des contufions , des cou- pures que nous négligeons , de qui après s'être guéries d'elles-mêmes for- ment des abfcès , des ulcères , des maux d'aventure * Se donnent lieu à des opérations douloureufes. Aux: arbres gommeux fur-tout, ôc au pécher, il n'y a point de petites plaies. La gomme fluante opère néceflairernent des chan- cres > quand ôii néglige d'y pourvoi Nt loS La Pratiqué du Jardin'» par une timple ligature , ou un peu de terre; Apres avoir prouve dans la Thcorie^ que les plantes ont beaucoup d'ana- logie avee le eorps humain , cv qu'elles ne font pas plus exemptes que lui de maladies ce de blell li- res ; il m'a temble pouvoir en cou- . dure que dans bien des eirconitanees elles doivent être ioumiies aux iai- gnees , aux amputations , a la diette , Cv enrin à an régime régie. '% * :^ •■■■>, k « ■*, r >4? Tyv ' - - * * 7/ ? • - . . sJT ^c » V*r^ • -7 \1; \ < LE PÈCHEU £r Z£5 AUTRES ARBRES COHSIOÉXJS da: ' » ;:, s -^^O •? '-> »y^ TROISIÈME PARTIE. i aâfi €* Ste* — » CHAPITRE PREMIER. Z)e /a Taille. JL»; spoqu fi cie l\.vie forme des ar- bres en générd , St fur-tout des pê- chers don: je nie propofe de parier lions cette troifième partie, efi dépôts ne année de leur plantatr jufqae vers le temps où ils commen- cent a viediir. Il y a cette di~ . entre les arbres de fritftsuî pépin ÔC 300 Là- Pratique ceux a noyau , que les premiers font plus tardifs, & que les féconds qui viennent plus vite finilTent aufli de même. Le pêcher en particulier tra- vaillé comme il l'eft, n'eft guère formé qu'au bout de quinze ou vingt ans ,, au-lieu qu'il l'eft à Montreuil à cinq ou fix. 11 eft donc intérelTant pour le Public de voirune réforme établie dans la culture d'un arbre , dont le fruit fait l'ornement des jardins &c les délices des tables. La taille fera mon premier objet. Je pafTerai enfuite àl'ébourgeonnement &c au paliiTagedontje donnerai les règles. Cette matière importante fera traitée confcquemment à des pratiques peu connues , mais fondées fur un fuccès confiant. Le hafard en beaucoup d^ôc- eafions fut mon maître : la curiotité ôc la réflexion me guidèrent, 5c l'expé- rience me décida. La raille eft une opération de l'Art oppofée à l'intention de la Nature. Les arbres ne furent point faits pour être ar- rêtés dans leur aclion de végéter, cou- pés , élagués y ébottés , 5c alfujettis à des incitions qui dérangent l'organifa- tion de leurs parties. Les arbres des forêts fubtiftent fans qu'on les tailla î> U JaROIKA«!.' J<5Î & fans qu'on les émonde. Ceux de nos vergers 8c des campagnes portent également des fruits , avec le recours de la feule Nature. Cette fage mère pourvoit à leur renouvellement par les branches qui remplacent celles qui , après avoir été ufées 8c épuifées , fe defTéchent 8c tombent d'elles-mêmes, La taille des arbres eft la fup- preflion de certaines branches 8c le raccourciffement des autres, pour les rendre d'une forme plus régulière , plus hâtifs 8c plus féconds en fruits beaux 8c favoureux. La Quintinye a bien raifon de dire , que beaucoup de- gens coupent , mais que peufavent tail- ler» Je confidère la taille fous deux rapports différent } favoir en elle- même , 8c quant à la méthode qui doit fervir de règle dans cette opé- ration. Qu'on jette Tes yeux fur tous les ar- bres de nos jardins. Qu'y voit-on? Des chicots, des ergots, des onglets y des branches mortes , de la moulfe , de la gale , de vieille gomme , dos chancres r d'anciennes plaies non re- couvertes 8c delTcchées , des faux-bois , des branches chiffonnes , des coupes défe&ueufes. Ce portrait n'eftfurement $02 La Pratique point outré. Les Jardiniers y font tel- lemem accoutumés, qu'ils ne s'en aper- çoivent pas ; peu de Maîtres fe con- noilTent en Jardinage , & un fpectacle qu'ils voient chez leurs voiiins ne les touche guère dans leurs maifons. Je vais tâcher de les mettre en état de juger par eux-mêmes fi leurs arbres font bien ou mal tenus , & de ban- nir des- objets1 aulîi difgracieux que ceux dont je viens de faire le dé- Les chicots font les reftes des bran- ches foit mortes , foit vives , qu'un- Jardinier négligent a lairTées de la longueur d'un pouce , au-lieu de les couper près de l'écorce. {PL V.fig,.^. a). Je demande fi la fève peut monter par- deiïus pour recouvrir la plaie, tandis qu'elle trouve un obftacle à fa rencon- tre, & comment peut fe faire fa com- munication dans les parties voifines , lorfqu'elle eft interrompue par des obftruôtions que ces chancres forment? De plus , un bois mort communique fa contagion au bois auquel il tient, de même que les chairs mortes oc baveufes dans nos corps aux parties» circonvoifines. Et comme la fève ne peut plus y parvenir, il fautde néceiHtc bu Jardînagi. $0£ que le pourtour de la branche à la- quelle ce bois mort eft attaché , meure à (on tour. U ergot confondu ordinairement avec le chicot , quoiqu'il en diffère , eft un talus en forme de courfon, laifTé à l'endroit ou l'on a coupé une branche. ( PL V, fig. 4. b. ) Quoique moins vifible que le chicot , parce qu'il n'eft pas il faillant , il produit les mêmes effets, ôc oecalionne un flux de gom- me , qui fait naître les chancres j l'inap- plication Se la pareife font fermer les yeux fur les ergots , ainii nommes à caufe de leur relTemblance avec ceux qu'ont a leurs pattes les poules 5 les coqs Se les dindes. On appelle Onglet cène partie qui eft à l'extrémité de la taille , $e qu'on1 a coupée à quatre ou cinq lignes au- deffus de l'œil. ( PI. F. fg. 4. c. ) On doit tailler une branche un peu en bec de flûte ?plus avant derrière l'œil qu'au- deiTus. Quand ce bec eft trop alongé , il forme au bout de la branche coupée une petite faillie nommée onglet >. parce qu'elle imite la forme de nos ongles. Il eft démontré que la fève ne: les couvre Jamais , qu'ils fe fèch ut & meurent , que le bourgeon, qui 304 La Pratique naît de l'oeil au-deflus en foufire , 8c que la réunion de la peau ne peur fe faire. Les Jardiniers difent qu'ils les ra- battent à la taille prochaine. D'abord, il eft certain qu'ils ne le font pas ; mais quand ils le feroient , ce font tou- jours deux plaies pour une > &: le recouvrement de la coupe fe fair un an plus tard , & par conféquent l'ar- bre en pârit. Pour éviter de lailTer des onglets , il ne faut pas couper tout près de l'œil. On courroit rifque de l'abattre, de l'effleurer ou de le faire avorter. 11 eft un juite milieu , qui eft de tailler environ à une ligne plus haut que l'œil , un peu au-deiTus de fa petite pointe de par derrière en be? de flûte. On voit à la fig. 5. de la PL V, une coupe tirée &: alongée a qui auroit dû être d'un tiers plus courte par en bas. Les bois morts êc les brandies ieches font auflî communs fur les arbres. J'ai vu des Jardiniers les empoigner de les éclater à force } de-là, ces chicots dont j'ai parlé ci-devant ; d'autres moins pa- relTeux fe contenter de les fcîer : cela ne furïït pas , il fout avec la ferpette aller jufquau vif, 5c après qu'on & ru Jardinage. 305 bien uni fa coupe , y employer l'on- guent de Saint-Fiacre , en faifant à la plaie une poupée, telle qu'on en met aux greffes en fente. Les raifons qui engagent à la mettre en ufage envers celles-ci , font les mêmes pour les- quelles je l'exige à l'égard des ampu- tations des groffes branches des ar- bres fruitiers de fur-tout du pêcher. Sans cette précaution , la gomme rlue incelfamment à ces plaies laiffées à l'air , & corrode toutes les parties cir- convoilines. Comme il n'eft point d'animaux qui ne foient tourmentés par d'autres , il n'eft point de plantes qui tfayenr auflî à redouter leurs femblables qui s'at- tachent à elles pour vivre a leurs dé- pens. Telles font celles q û prennent racine fur l'écorce Se les branches des arbres. Les unes s'approprient leur fubitance , on les nomme parafites , telles que le gui ; les autres , comme les lichen Se les moufles , efpèces d'é- ponges qui retiennent les eaux, font caufe qu'en hiver elles fe congèlent, pénètrent l'écorce , le bois, la moelle des arbres , Se leur occafîonnent des chancres Se fouvent la mort. Une in- finité d'infectes, durant la belle faifona s'y réfugient , Se y dépofent leurs csufs. Les moufles contribuent aufli à. faire avorter les boutons à fleurs, par la fraîcheur qu'elles entretiennent, Se dans l'hiver &: au printemps. Elles font alors 5 à l'égard des végétaux , ce que les humidités font à nos> corps quand elles y produifent des fluxions , des rhumes ou des rhumatifmes , qui pro- viennent de férofités étrangères Se du défaut de circulation dans le fang. Outre les moufles qu'on connoît, il en eft une qui n'eft prefque pas fenflble ,. c'eft une forte de gale d'un vert un. peu plus jaunâtre , mince Se épatfe , qui s'attache également à la peau des arbres , de qui , vue au microfeope , eft reconnue pour une plante Se pour une moufle d'une plus petite efpèce. Après une pluie , une roiée, un brouil- lard , on les ôte aifément depuis la fin de l'automne jufqu'au printemps, foit avec un morceau de bois fait en cou- teau , foit avec des brofles. On ob- fervera de commencer toujours par le bas , en remontant vers le haut- C'eft un moyen fur de n'arracher Se de n'endommager aucun bouton. On lit dans les Mémoires de l'Aca- démie des Sciences [annee ij*6) DU JARDINAGE. 307 qu'il faut, pour détruire la moufle, incifer en ligne droite avec la pointe de la ferpette l'écorce de l'arbre jus- qu'au bois , & depuis les premières branches jufqu'à fleur de terre. Cette ploie fe fait à la fin de Mars jufqu'en Mai , au côté de l'arbre le moins ex- pofc au foleil , &: fe referme au bout d'un certain temps -y l'écorce devient bientôt nette &: garantie de moufle pour toujours. Je conviens qu'une furface unie efl moins propre à rece- voir ia graine de cette plante , qu'une furface raboteufe , de que Fincifiori donne "plus de liberté au mouvement de la fève , en relâchant l'écorce dont les inégalités viennent de ce qu'elle n'y circule pas aifément. Mais je ne puis adopter la raifon qu'on donne de la deftru&ion de la moufle. La fè- ve , dit -on, fe diftribuant mieux dans l'écorce après cette incifion , ne fe porte plus tant dans les racines de cette plante , elle périra par famine. J'ai expliqué dans la Théorie , ce qu'il falloit penfer du tort que la moufle fait aux végétaux. J'entends par vieille gomme, non celle qui flue durant la végétation , & dont je parlerai dans ma quatrième partie , 3 ©S La Pratique mais celle qui pour n'avoir pas été en- levée dans le temps, a par (on féjour rongé de carié une infinité de branches , 6c a formé des chancres , des tumeurs 3c des élévations dans la peau. C'eft à la taille qu'on remédiera à tous ces maux. Si les branches font cariées , il faut, après un temps humide, en- lever cette vieille gomme avec la pointe de la ferpette , de aller jufqu'au vif, du moins par chaque côté de la plaie. Cette efpèce de gangrené cefTe alors d'être funefte. Les chanens nés de la gomme qui a corrodé une branche, fe guériffent par les mêmes moyens. Ce font de pentes taches noires 3c livides , foit à la tige, foit aux branches, par lefquelles il s'efl fait une extravafion de fève , qui en féchant fur la peau la fait mourir. Les chancres naiffent aufïi des queues des pêches qui demeurent fur les arbres plus d'une année après qu'elles font cueillies; ces queues fe lèchent, meu- rent Se fe durcnTent. Vieilles plaies non recouvertes. On a coupé anciennement de groiTes bran- ches , 8c ces coupes font refiées dé- couvertes. Le haie les a prifes , les ge- lées ont pénétré , les humidités onc bu Jardinage. 305 tranfpiré entre Pécorce & le bois, le foleil a enfuite defféché , Se en a fait féparer les parties , des infectes s'y font établis. Que faire alors ? Si ce font de vieux pêchers , il faut les laif- fer vivre 3c en tirer ce qu'on pourra , en attendant que leurs fucceileurs les remplacent. S'ils font de moyen âge , il faut avec la feie à main aller juf- qu'au vif, puis avec la ferpette unir les plaies , éc y mettre un topique. En deux ou trois ans , elles fe recouvri- ront entièrement. Pour peu qu'on connoilTe le mécanifme de la végé- tation , on fentira l'importance de ces foins , loin de les traiter de fri- voles &c d'inutiles. Les faux-bois font certaines bran- ches qui ne pouffent point d'un œil ni d'un bouton , mais directement de l'écorce à travers laquelle la fève fe fait jour , en produifant un rameau verdoyant. Ces fortes de branches font rarement fructueuses , 8c ne le deviennent qu'après un très - long- temps : on ne taille demis que dans la néc'eflkc. Elles font vigoureufes , bien nourries te gourmandes ; la raifon en eft bien (impie. Quand on taille un arbre qui regorge de fève, on lui 5i© La Pratique en ôte les récipient : comme les ra- cines en fournirent plus abondam- ment que les réfervoirs n'en peuvent contenir, elle s'en fait de nouveaux j aufli n'y a-t-il que les arbres fort vi- goureux parmi ceux de fruits à pépin, qui produifent de ces faux-bois lors- qu'ils font taillés trop court. Les Jar- diniers s'accordent à les Supprimer. Mais le moyen de n'en point avoir ou d'en avoir moins , eft de donner d'abord aux arbres qui en ptoduifent, une taille longue Se réitérée fur un plus grand nombre de branches , 8c de cafter enfuite ces faux-bois à un demi-pouce environ des fous -yeux. Les branches folles ou chiffonnes ont une double origine : elles croif- fent naturellement faute de vigueur de la part de l'arbre , ou par acci- dent, 8c par une fuite d'un mauvais gouvernement. Dans le premier cas , il faut mettre en ufage les moyens que j'indiquerai pour remédier à la foibleiTe de l'arbre ; dans le fécond , il faut s'abftenir de donner lieu à la production de ces fortes de branches , puis à la taille les récéper, comme in- fertiles , fe pourvoir fur les meil- leures branches , 8c rabattre fur les t>V jARD'lNAè!, 311 plus fortes pour faire pouffer de bon bois. Je fens que de tels arbres où l'ignorance & la négligence les a épar- gnées , font très-difficiles à remettre , Se que c eft l'ouvrage de plufieurs an- nées. La coupe defeciueufe peut l'être en elle-même par le vice de l'incifîon , &: dans la forme par l'impéritie du Jardinier. Au-lieu de faire fa coupe courte fk horizontale , tant foit peu en bec de flûte , il coupe à un demi- pouce plus bas , tirant fon incilion en bec de flûte alongé, de façon qu elle fe trouve par derrière plus baffe que l'œil qui eft par devant ; ou bien fans regarder fi la branche eft dans fon fens ou non , il la taille comme elle fe préfente fous fa ferpette à un des cotés de l'œil. La coupe eft encore défectueufe quand elle eft faite par devant l'œil, au -lieu de l'être par derrière , parce que la fève ne peut monter fur les onglets que produit cette double coupe vicieufe , pour opérer le recouvrement. On voit à la^zg. 4. [PL V. d) une coupe vicieufe au-deffus de l'œil e 9 au-lieu d'être près de lui. On tombe dans le même inconvénient , lorfqu'après avoir fcié 312. La Pratique une branche , on néglige d'unir avec la ferpette , la plaie qui refle grave- le ufe. Toutes ces pratiques vicieufes font également préjudiciables au pêcher. i*. En faifant une coupe longue, on ôte a la fève fon paiîage pour arriver à l'œil , au-defïus duquel on coupe , attendu qu'elle eft plus batfe par der- rière , & que toutes les fois qu'on retranche une branche , le bois meurt à une demi- ligne près de l'extrémité de cette coupe , d'où il s'enfuit que l'œil doit périr. 2°. On entame la moelle de l'arbre , êc on l'éventé : fa nature 4pongieufe reçoit durant les gelées printanières les neiges & les Frimats qui font funeftes à l'arbre. Le foleil enfuite fait fécher ce bout de branche qui devient chicot. 30. On donne jour à la forue de la gomme. 4*. On laifTe aux extrémités de cha- que branche coupée , ou fur les côtés , ou fur le devant autant d'onglets qui empêchent le recouvrement des plaies. La coupe régulière au contraire (PL V. fig. 5. b. ) eft celle qui eft près de l'œil , fuffifamment pour ne pas l'affamer, courte, ronde , un peu en bec de flûte > lifTe Se unie. 11 ne doit du Jardinage. 315 doit y avoir ni creux , ni cminence , ni haut , ni bas , toujours l'écorce doit être à fleur de la partie ligneufe. Ja- mais 1-e bois ne doit être éclaté , fendu , ni la peau entamée , ou pleine de fi- landres Se d'efquilles. 4 .■ v&zfê>^ CHAPITRE IL Suite de la Taille ^ du temps dt la faire , & des BuiJJons. 1 L faut d'abord obferver que la taille du pécher remife au printemps n'a lieu que dans les climats froids, Se non dans les pays chauds ; mais cette pratique n'eft que locale en ce fens. i°. La délicateiTe de cet arbre Se fa fenfibilité au froid font telles , que l'hiver brûle quantité de boutons à bois Se à fruit , Se altère beaucoup de branches. Dans cette faifon les uns Se les autres font réellement morts, quoiqu'un refte de fève qui les fou- tient encore les fafle paroître vivans» Ces apparences trompeufes s'évanouif- fent au printemps j le haie Se les Tçmc L O 314 La Pratique premiers coups de foleil achèvent de defTécher toutes les parties fur les- quelles le froid a agi. Si on avoit taillé plutôt , qu'en feroit-il arrivé ? J'ai fait à cet éeard une obfervaticn qui me femble décifive. En viiitant mes pêchers durant les temps nébu- leux dans les gelées à glace , j'ai vu quantité de goûtes d'eau qui tom- boient fur les branches , s'arrêter à chaque petite éminence que forme le nodus des yeux. Ces goûtes d'eau s'y congeloient & formoient un glaçon dont le féjour brûloit les boutons moins garnis de cette bourre , ciue. la Natute a pratiquée autour des yeux, en dedans, pour les préferver de la rigueur du froid. J'ai taillé ces branches à l'endroit de ces boutons que j'avois marqués , & j'ai reconnu au printemps que la plupart étoient brûlés en dedans , quoique lors de la taille il me parufTent aufïï fains que les autres \ de après le développement de la fève les uns étoient gelés en bourre , les autres un peu moins. 2°. Pour ne point tailler le pêcher en hiver , on allègue les effets de la gelée 8c du freid. La moelle fpon- gieufe des branches mife à l'air par du Jardinage. 315 l'ouverture de l'incifion , reçoit les eaux glacées des pluies & des frirnats qui fe congèlent deiïus , &c i'œil qui y répond doit périr. 3Q. Cet arbre poulie d'abord avec impétuohté , & s'emprefle de donner des preuves prématurées de fa fécon- dité , avant que les gelées foient paf- fées. Si donc au-lieu de lui laiMer tout fon bois , toutes fes rieurs &C tous fes boutons dans lefquels la fève fe diftribue , on l'en déchargeoit d'une partie dans l'hiver, avec- quelle vé- hémence ne pouTeroit-il -pas au prin- temps , livré aux gelées tardives qui- trouveroient d'autant plus a mordre que les bourgeons feroient plus avan- cés ! Les vignes , par exemple , font plus ou moins endommagées , fui- vant que le bourgeon eft long &c for- mé , & moins défendu par les feuilles1 naiiïantes. Si ce bourgeon encore oetit- vient à être orienté , la fève qui a peu fourni à fa fubîlance , eft en état de réparer ce dommage , foit par une nourriture plus abondante aux bour- geons épargnés par la gelée , foit en faifant percer des yeux à travers "la; peau des branches vigoureufes \, quoi- que cela ne foit pas dans l'ordre Oij $i6 La Pratique ordinaire de la pouffe du pêcher/ 4°. J'ai remarqué , en taillant d'hi- ver , qu'il eft furement attaqué de la gomme. Les partifans de cette taille n'y font point attention : accoutumés à en voir fur leurs pêchers , ils la regardent comme une maladie an- nexée à leur nature , Se ils négligent d'en examiner la fource 3 les effets & les progrès. Us en rejettent aulîi la caufe fur le climat , fur le terrein , fur la faifon , fur le vice même des arbres en particulier, Ôc fur mille au* très raifons chimériques , tandis qu'ils fe diffimulent la véritable. 5 °. Tout étant comme dans l'inac- tion durant l'hiver , les branches ma- lades , gangrenées , ou mortes , font abreuvées par les humidités , & pa- roiifent fous un coup d'œil tout dif- férent , que lorfque la fève fe déve- loppant au temps de la taille fait aper- cevoir fèches ou remplies d'une mobile noirâtre , ces branches qui fembloient vives. Ces raifons tendantes à prouver la néceflité de différer la taille du pê- cher jufqu'au printemps, font fondées fur mes obf:rvations & appuyées fur îe Sentiment d'un grand Maître dans le Jardinage. du Jardinage* iij A l'égard du temps où elle doit être faite, il n'eft pas absolument fixe. Ceft à la circonftance des faifons , am£ climats , aux portions , à la nature du terrein, à l'âge & à la qualité des arbres à en décider. Pour les faifons &c les! climats , on comprend qu'on taille plu- tôt ou plus tard , fuivânt qu'ils font hâ- tifs. Dans un fond , dans une vallée froide & aquatique , je taille plus tard que fur le fommet d'une 'iricattagrie ou fur le penchant d'une colline , à caufe des dangers provenant de l'hu- midité. L'expoiiCion du midi eft la plus hâtive , &c par confequent j'y taille les pêchers éc les jaunes arbres qui ont plus de feu avant ceux dont la pouffe tardive ne fe prelfe point d'éclorre. Certaines efpèces de fruits , telles que l'avant-pêche , celle de Troyes 8c la madeleine hâtive , me prefcrivent ce que j'ai à faire. Le ter- rein fec 8c chaud doit aufîi avoir la préférence fur un fable froid ou fur des terres lourdes 8c maflives. Les fruits font plus hâtifs dans cesterreins que dans les terres humides , non- feulement parce qu'ils font plus chauds à raifon de leur îecherefTe , mais en- fore parce qu'ils ixqxx tirent qu'une O iij 5-i8 La Pratique plus petite quantité de fucs. L'abon- dance de la fève , en augmentant l'ac- croiiTement des fruits , en retarde la maturité. Avant que d'expliquer la manière de procéder à la taille, il eft à propos de parler des buiffbns auxquels on veut faire prendre un bon pli , & une figure agréable. Leur régularité con- fîfte dans la proportion de toutes les branches entre elles, de façon qu'ils foient pleins fans confufîon , dégagés fans altération, à jour fans aucun vide, qu'il y règne une fage ordonnance , &: que les fruits également diftribués dans tout l'arbre , jouifTent des bien- faits de l'air &c des regards du foleil. Nulle branche ne doit y être perpen- diculaire ou verticale , mais toutes feront latérales & obliques , comme autant de ventoufes pour pomper ôc contenir la fève. Le poirier de la PL VL {fig. i . ) a été deiiiné d'après un buiffon qu'on voit dans- la maifon de campagne de M. l'Archevêque de Rouen , à Gail- lon. Il a trente ans , trois toifes de diamètre a , Se une rige c qui a dix- huit pouces de groffeur. Les branches horizontales b ont été alongécs par DU j A R ÏÏ I N A G !. §\9) fucceiîlon de temps. Il eft évafé en for- me d'un verre à boire Pour y parvenir , il faut s'y préparer dès les premières années , 8c tailler toujours fur l'œil de dehors, jamais fur celui de dedans, à moins qu'une branche s'échappant trop , il ne fallût , pour la remettre en fon rang , tailler fur ce dernier. On alongera les poufies & on les chargera fuivant la portée de chaque arbre fans arrêter les bourgeons. Tous les Jar- diniers font dans l'ufage de raccour- cir , en taillant , les extrémités des branches à la même hauteur, en forte qu'elles foient de niveau , ce qu'ils appellent couronner. Ainfi une bran- che groffe , comme le pouce , & de cinq ou fix pieds de haut , n'eft pas plus alongée que celle qui n'a que la gro fleur d'un fétu , & qui a fix ou fept pouces de long. Il arrive de-là que la première ainfi retenue pouffe avec plus de vigueur, Se que la fé- conde prend d'autant moins l'eflor qu'on lui a donné plus d'alongement.- Prétendre que la branche fluette s'ap- propriera la fève de la grofle qui a été taillée court , c'eft un paradoxe. Un arbre ainfi couronné eft fymmétnfé l'hiver quand perfonne ne le voit } &c Oiv $2o La P&àtiqtji lors de la belle faifon il eft épaulé : les principes du Jardinage fondés fur la raifon enfeignent de tailler les bran- ches fuivant leur force , fauf à réduire les fortes en Mai , Juin , Juillet de Août , de à les rabattre fur les infé- rieures. Les Jardiniers ont pareillement cou- tume de tailler à la même longueur les branches de côté au pourtour des bluffons , & ils en font des objets des plus difformes , ce qu'ils nomment double couronne. Il vaudroit mieux couper tout près de l'écorce les bour- geons qui ne peuvent trouver place. Suivant notre méthode on ne taille point les branches du tour , mais on les caffe , & on a des fruits en quan- tité l'année fuivante : on pourra en- fuite les rapprocher , comme il fera dit. On fe plaint tous les jours de ce que les arbres fur franc ne fe portent point à fruit , malgré les moyens em- ployés pour y réuflir. Ces plaintes cef- feroient bientôt, fi l'on faifoit atten- tion à la manière dont ils ont été tra- vaillés 6c traités dès leur tendre jeu- neffe. On a commencé par couper fort court tous les ans &c par fupprimer bu Jardinas*. 31* prefque entièrement les pouffes de ces arbres ordinairement fougueux. De-là, qu'eft-ii arrivé ? La fève à pris fon cours vers les extrémités , ou vers la, peau même , au-lieu de fe décharger dans les branches alongées que la Na- ture lui avoit pratiquées. Cette liqueur accoutumée à s'y porter , a élargi les premiers couloirs 5 Se a dilaté leurs fibres , en faifant continuellement effort pour fe dépofer où elle a pu f étant privée de les vafes Se de fes récipiens naturels. Telle une eau qui eft re renne Se qui s'eft formé une pente qu'elle fuit toujours , fi on n'a foin de résbr (on cours. Il auroic fallu d'abord amortir la fougue de ces ar- bres par de longues tailies Se par une grande quantité de branches laiffees dans toute leur étendue : la fève trou- vant alors fufrifa aiment de vafes pour; y être reçue , eût coulé plus lente- ment, Se auroit eu le temps d'être travaillée Se afnnée. Lorfqu'un arbre eft greffe en pied f ou lorfqu'il a été récépc proche dit tronc , le nodus étant plus bas , la, fève a moins de chemin À faire pour" arriver à fa tête Se pour la former.» De-là vient que les arbres nains faifant $ir La Pratique" des progrès plus rapides que ceux qui font greffés en tiçe , on doit les tailler beaucoup plus long , ce que n'obier- vent pas tous les Jardiniers. ÀufÏÏ il arrive que la fructification des arbres- nains , fur-tout de fruits à pépin , eft très- tardive , que la plupart de ceux à noyau ne pouffent que des gour- mands durant les premières années , & ne donnent auni que fort peu de fruit. Excepté certains arbres de fruits à noyau , tous peuvent être mis en buif- fon. Il en eft que les Jardiniers n'en- tendent point à gouverner , tels que les arbres fur franc & la virgouleufe^ Ceux-ci demandent à n'être prefque- point taillés , 8z à être fortement alon- gés fur les gourmands. Un défait très-commun dans le Jardinage eft la plantation trop pro- chaine. On peut y remédier, i°. En otantun arbre entre-deux. 2°. En pla- çant dans l'intérieur de chaque arbre un ou deux cerceaux c (fig- 1 . PI* VL ). proportionnés à fon étendue , aux- quels on fait des coches , pour que les branches liées avec des ofiers ref- tent en place. Ces cerceaux feront at- tachés à des pieux enfoncés en terre du Jardinage, 323 pour leur fervir d'appui. 3 °. En tenant fort court un buirfbn entre-deux, 8c le chargeant en lambourdes , il rera des poulfes vigonreufes , dont on lup- primera entièrement la meilleure par- tie , 8c on laiiîera prendre l'eiïor aux deux voifins. Maintenant je réduis à trois points ce qu'il faut faire avant , durant 8c. après la taille. Je pofe d'abord pour conditions eflentielles les deux pratiques fui van- tes. La première confifte dans un coup d'ceil général jeté fur l'arbre , & dans une vifite plus exacte pour s'affurer de la diftribution de fes branches , de leur quantité 8c de leur qualité , de {on état de vigueur ou de foibleife, de famé ou de maladie , de fa forme 9 de fes difpofitions à s'emporter, pour fe régler fur la conduite qu'on doit tenir en le taillant. La féconde eft de dé- palilfer toutes les branches, afin d'être le maître de tailler (on arbre , 8c de lui donner une forme régulière , aute.nc qu'il eft poifible. Je ne parle point des maîcreffes branches, m des branches- mères , qu'il ne faut détacher qu'en cas de ravalement. Après av.oirviiité mon arbre, comme 524 La Pratique je l'ai dît, je le décharge de tour le bois mort , cbs branches rainées , galeufes èc gangrenées, enfuit e je coupe les chicots & onglets. Les vides occa- fionnés tant par la fuppreflîon des branches. défe£fcueufes que par le vice même de l'arbre , m'obligeront à ame- ner de loin des branches pour les rem- plir. J'obfeiverai de les tirer avec pré- caution , en appuyant légèrement def- fus par l'extrémité d'en-haut , ou un- peu en- deçà à un aoint d'appui foli:le9 fans les forcer ni les tordre , de quand elles feront à leur point je les atta- cherai. Je taille enfuite le côté le plus dif- ficile de Y à bre , en commençant par le bas , qui ne doit jamais être placé qu'a fix pouces au moins au-deilus de la terre , je remonte jufque vers le milieu, en efpaçant mes branches d?ns une force d' fer il! té , aiin de ne- point la.tfcr de grands vides en nés endroits , Se en d'autres des branches trop proches. Je me comporte de même envers Fautie eôpé , & je m'ar- range pour que le milieu Te trouve garni, 8c qus les br- ne h es re dan tes ibLnt à-peu-près à une éçjale diftanee c,m fera remplie au pahifage futur pas? du Jardinage. $ij les bourgeons qui vont croître Se sra- longer Je fuis très-exa£fc à pahfTer Ôc à attacher les branches à mefure que je les taille. Sans cette attention , celles fur- tout qui ont été laifTées de lon- gueur , deviennent le jouet des vents , & le crépi du mur les froiile Se les écorche» Forr éloigné de penfer qu'il faille donner plufieurs taillas fuccefïives au pêcher , je dis qu'il n'en faut faire qu'une feule au printemps pour ne plus y retoucher , que lors de l'é- bourgeonnement 8c du pali(Tage. La maxime de tenir long une branche a fruit, parce qu'on ne fait pas où les fruits noueront , n'eft point recevable,- attendu qu'il eft impoflîble que , laiffant fur une branche fluette une aufîi grande quantité de fleurs, le fruit puhTe profi- ter & mûrir, s'il vient à nouer. On en fera de plus en plus convaincu, en confidérant qu'outre les pêches que ces branches fluettes font obligées- de nourrir, chacune a une mère nourrice, qui doit participer a la même noue- nt ure» Une autre pratique non moins vi- cieufe eft celle de raccourcir ces bran- ches où les fruits ont noué'y ou de? 32 qui ne poulTe que des branches chiffon- nes , de dans le troifième la place leur manque au paliffage. Si vous en fup- primez trop , vous n'aurez point de fruit. C'eft au jugement & à l'expé- rience à décider des pratiques qu'exi- eent les différens cas où l'on fe trouve. Je dis qu'en taillant long , on ne- doit point craindre d'épuifer fes ar- bres. Les Jardiniers taillent par fup- poiition une douzaine de branches , ÔC ils laiffent à chacune environ fix pou- ces : douze fois fix pouces font fix pieds d'alongement fur douze bran- ches. Je ne conferve au contraire que fix branches bien nourries fur iet» $1$ La Pratique quelles j'afïîeds ma tailie , Se je Ieirr donne un pied à chacune. Par con- féquent, je ne laifTe pas plus- de lon- gueur que les Jardiniers \ mais avec cette différence , que ce qui eft par- tagé en douze fuivant la routine or- dinaire, fe trouve réuni en fîx dans ma méthode. Je vais plus loin, Se je dis que ces branches multipliées laif- iées aux arbres font très- propres à les ruiner. Elles cenfument en pure perte ime grande quantité de fève \ aufli. font-elles- petites , maigres Se rabou- gries , Se font de l'arbre une efpèce de hériffon. Ses fruits ne font rien moins que fav-oureux Se nourris. D'ail- leurs tant de petits bois s'ofFufquent réciproquement , Se fe dérobent les rofées y les influences de l'air , & les- rayons vtviiians du foleil. Le pécher s'emporte vers le haut Se fe dégarnit du bas. Pour le retenir , il furfit de le rapprocher en taillant tant fur les branches fortes , que fur les demi •< fortes \ c'en: à-dire que fi on a taillé les fortes l'année dernière & quatre , cinq Se fix yeux , Se les demi- fortes i un , deux & trois j oïi rabaifîe à la taille actuelle chacune de ces- branches £at celle qui aura pouffé- 4& ou Jard'ikaci. \l$ l'œil le plus bis. Mais fi cette dernière étoit ou défectneufe ou plus fluette que celle du nœud au-deims , on tail- leroit la foible du bas à deux yeux , ÔC celle d'au-deflus à trois ou quatre ; au moyen de ce rapprochement de cha- que année , on met un frein à la fou- gue du pêcher. On a remarqué que plus le fruit eft rapproché de la bran- che-mère , plus la fubftance lui eft fournie abondamment. Elle n'arrive ni aulîi-tôt ni en aulli grande quantité aux fruits placés à l'extrémité des branches. Quoique le pécher pouffe rarement de l'écorce de du vieux bois> il arrive qu'étant ravalé Se concentré , la fève s'entretient avec une forte d'équilibre vers le bas , &: qu'accoutumée à s'y porter elle y fixe fon cours. En con- séquence , elle fait éclorre de temps en temps à travers la peau , des bran- ches inefpérées , qu'on conferve pré- cieusement au palifTage , fk qui renou- vellent une partie de l'arbre l'année fuivante. On les rallie long , fans ap- préhender que les yeux d'en bas s'é- teignent. Ce font des branches gour- mandes &c vigoureufes , qui rempla- cent leurs voifines ufées K ou trop 3 3° La Pratique alongées , & qui deviennent très- fructueufes. Les lambourdes 3c les brindilles ne doivent être taillées aucunement. On caffera les premières par le bout, afin de ne point leur laifîer une fi grande quantité de boutons à fruit à former 8c à nourrir. La Nature, comme je l'ai dit , s'étant chargée feule de pour- voir à leurs befoins , & de les gou- verner , nous n'avons d'autre minilrère à exercer envers elles , que de les conferver précieufement. Les pèches qu'elles rapportent font prefque tou- jours les meilleures , les plus groiïes Se les plus hâtives. Tant il eft vrai que c'en: la nature des couloirs & la iiltration qui fait le fruit, de nullement la grof- feur de la branche. Dans les années de ftérilité 3 ou lorfque les fleurs [ont gelées , ces brindilles demeurent tou- jours naines , leurs bourgeons tien- nent de leur nature j 3c de leurs yeux on ne voit éclorre que des branches maigres 3c fluettes , d'où je conclus que la fève qu'elles reçoivent n'eft pas configurée , de même que celle qui paire aux gourmands. Ceux qui abattent ces derniers, dans l'intention de faire refluer la fève vers les autres» du Jardinage. 331 branches , renverfent l'ordre de la Nature. 11 eft aufii impofîible qu'une fève affinée & purifiée , deftinée aux brindilles &c à leurs fruits patte aux gourmands , qu'il l'eft qu'une fève grof- fière , matte , épaifTe , propre aux gourmands , fe porte à leur défaut aux lambourdes & branches fructueufes , ôc s'infinue par les orifices déliés de leurs fibres menues. Cette fève néanmoins , à force de fe filtrer dans les petites branches voi- fines de ces gourmands , 8c d'y cir- culer, s'affine & donne des yeux à fleurs aux uns & aux autres , qui produifent des fruits l'année fui vante. Telle eft: la raifon pour laquelle on fait ufage à Montreuil des yeux des gourmands , qui deviennent une fource inrariffable de branches fruc- tueufes. Tout ceci recevra un nou- veau jour dans le Chapitre fuivant > où je traiterai de la taille des gour- mands. Ces principes s'appliquent , à peu de chofe près , aux arbres de fruits à rioyau , & moins à ceux de fruits à pépin, à caufe de leur façon diverfe de pouffer , relative à la nature de leurs branches tant à bois qu'à fruit %. f$z La Pratique ôc à la difpofîtion différente de leuftf boutons à fruit* Quant a leurs lam-» bourdes & à leurs brindilles , & à la méthode de tirer fur les branches fortes de ces derniers , il n'y a nulle différence , fi ce n'eft qu'ils doivent être étendus Se prendre l'eiïor, au-lieu que le pêcher demande à être con- centré &c rapproché. CHAPITRE III. De la manière de convertir les Gourmands en Branches fruc- tueufes. Avant que de procéder à la di- rection Se au gouvernement des gour- mands 3 je les confidérerai dans deux temps différens ; favoir , durant la poufle depuis le mois d'Avril jufqu'à l'automne , 3c ensuite à la taille du printemps fuivant , parce qu'on doit fe comporter différemment dans ces deux circonstances. Quant à ce qui regarde la poufle , je n'en parlerai ici qu'en pafTant, pour au JardînAô!. $$$ en traiter plus au long à l'article de rébourgeonnement. Si j'abats ces gourmands , je fuis fur que la bran- che à laquelle je les fupprime eeflera de pouffer , de produire du fruit , 8c que toute l'économie de l'arbre s'en relfentira. Il dépérira , maigrira , ôc ne me donnera que des branches fluettes , de faux-bourgeons ; la gom- me l'attaquera de toutes parts , les yeux ou boutons qui ne doivent s'ou- yrir que l'année fuivante , s'ouvriront prématurément. Les fleurs qui naîtront des bourgeons formés à la place des gourmands fupprimés avorteront , faute d'avoir été produites dans l'or- dre de la Nature , ôz faute d'une fève affez abondante , dont on aura arrêté le cours & coupé le canal par la fup- prelîion des gourmands deftinés à la recevoir pour la tranfmettre aux bran- ches latérales qui naifTènt d'eux. D'un autre côté, fi j'en conferve un fi grand nombre , je ne pourrai les placer non plus que les branches latérales. Pour mettre donc un frein à l'intempérance de la fève & pour Famufer , je laiïfe pouffer tous ces gourmands jufqu'au mois de Juillet, en les paluTant de mon mieux, & je 334 La Pratique les rabats dans ce temps à deux, trois de quatre yeux , ou à un feul bour- geon latéral le plus bas. Voici quel eft l'effet de ce ravalement. Leurs yeux s'ouvrent par en bas , & il en naît plufîeurs branches fructueufes appe- lées crochets , dont les yeux ont le temps de fe former pour faire pro- duire l'année fuivante à chaque bran- che ainïi arrêtée une prodigieufe quan- tité de pêches j on taille ces branches , enfans de l'induftrie , au printemps fuivant , à un, deux & trois yeux. Quelquefois auiîî pour ne les pas fa- tiguer ôc en dompter la fougue peu- à-peu s je commence vers la fin de Mai, à les arrêter à une des branches latérales qu'elles ont pouflTées , puis dans le courant de Juin je les ra- baiife à un ou deux bourgeons plus bas , Se finalement comme je viens de le dire. Ces opérations réitérées fe font lors de l'ébours;eonnement , & n'exigent qu'un peu d'attention & d'application. J'ai dit que les gourmands ne dé- voient être fupprimés, que dans le cas de néceflité } par exemple, lorfqu'ils font mal placés , ou qu'il y a à crain-? dre qu'en leslaiffant, l'arbre ne vienne du Jardinage. 335 à s'emporter. C'eft fon âge & fa force qui me décident } à un arbre foible j'enlaiffe peu & je les taille fort court; à un arbre jeune & vif j'en laifTe da- vantage , & je les alonge. J'appelle gourmand mal placé celui qui naît fur le devant d'une branche , qui fait le coude , le cerceau , l'anfe de panier , qui eftpar derrière, ou trop près d'un autre , qui croife fur une ou plufieurs branches , qui pouffe perpendiculai- rement à la tige , ou fur la greffe même , fans qu'il foit néceffaire pour le renouvelement de l'arbre. Dans tous ces cas , je le fupprime lors de ré- bourgeonnement. Un gourmand a pouffé dans le mi- lieu d'un arbre , & fe trouve bien placé pour le garnir; je le laifTe croître environ a. deux pieds de haut, & je le coupe enfuite à moitié , au mois de Mai ; les yeux reftans s'ouvrent & font éclorre autant de nouveaux bourgeons. Ils peuvent avoir chacun vers la mi- Juin fept ou huit pouces de long. Je coupe de nouveau ce rameau a moitié Se je retranche trois ou quatre de ces bourgeons jufqu'à ce que vers la mi- Juillet je le ravale une troifième fois fur un ou deux de ces bourgeons fy^S La Pratique reftans , 8c il en fortira deux qui avant la chute des feuilles s'alonge- ront confidérablement, 8c auront en- core le temps de s'aouter. L'année fuivante , on taillera defTus. Ce gour- mand cefe de lecre , & devient une bonne branche , qui donne du fruit à la taille fubféquente dans les arbres de fruits à noyau , 8c par la fuite dans ceux à pépin. Si on laifTe plufieurs gourmands fur la même branche , il faut , en taillant , ravaler fur l'inférieur , à moins que la nécefïité de garnir l'arbre par le haut ne détermine à préférer le fupérieur. Le grand art du gouvernement du pêcher, je l'ai déjà dit, confifte dans le rapprochement. Ain fi , taillez le plus que vous pourrez fur les gour- mands Se les demi-gourmands , de taillez fort long , quand il n'eft pas pofïible de faire autrement fans nuire à l'arbre. S'il n'a poufTé que des gourmands, je fuis forcé à tailler defTus. Je les alonge pour lors confidérablement , Se je taille , fuivant leur nature , le peu de petites branches qui le gar- nifTent. Je fuis fur d'avoir l'année fuivante un nombre prodigieux de bonnes p v Jardinage. 357 bonnes branches à fraie. Si an con- traire je ne lui lailîe point jeter (g a feu , ou il ne produira encore que des gourmands , ou il ne pouliera point du tout. Celui qui , au-iieu de tailler fur les gourmands , alongeroit ces branches faibles , mettrait cet ar- bre dans un tel état dé dépérhTement* qu'il ne pourrôit plus fe remettre ou que très-difficilement. Pour placer tous les bourgeons nés de ces gourmands , je laifTe environ un pied de diftance entre chacun d'eux* & lors du-palillage je remolis ces vides a droite & à gauche avec ces bourgeons , en les plaçant , non en face les uns des autres , mais à l'op- polite , de façon qu'étant entrelacés , chacun remplit le vide qui fe trouve entre eux, en préférant toujours ceux d'en-bas , & fupprimant ceux qui font confuilon. A l'égard des gourmands qui ont , foit au-deifus , ioit à leurs cotés de bonnes branches fructueufes, je ne balance pas à m'en défaire, quand ces dernières font en état de me don- ner du fruit, & qu'elles. ne peuvent être confervées pour la taille qu'aux dépens des gourmands. Je les facrirle- rois 5 au contraire , fi elles étoienc Tome L P 3$8 La Pratique foibles Se ruinées. Mais dans le cas ou je peux me fervir des deux à la fois , je taille fur ma branche à fruit comme a l'ordinaire , Se j'alonge le gourmand qui me fournira de quoi remplacer la branche fructueufe épuifée l'année fui vante , Se qui fera jetée à bas. Une des raifons pour lefquelles on doit être fort réfervé à abattre des gourmands , eft tirée de la nature de la plaie qu'on fait a l'arbre , Se de fon étendue. En confidérant à la loupe la tifîure des parties fraîchement coupées du gourmand , Se le nodus qu'il a fait à la branche où il eft né , Se dont il vient d'être féparé , on voit à l'un Se à l'autre une infinité de trous, comme ceux d'un dé à coudre , à travers les- quels fort une eau limpide. On peut faire la même remarque fur les autres branches ^ avec cette différence que ces orifices font prefque impercepti- bles , & qu'il ne s'y fait point d'é- coulement. De plus, à la jonction du gourmand à la branche, eft une bafe beaucoup plus groffe que le corps de la branche dont il eft né , laquelle s'é- tend à droite Se à gauche , Se occupe horizontalement toute fa capacité. Or, en coupant les gourmands , on tranche bu Jardinage. 339 le fil des fibres -, 8c la fève qui y paf- foit avec abondance , fe trouve ra- lentie , parce qu'elle n'a plus le même pafTage , 8c que la plaie eft amortie par le defféchement 8c la flétriflure de cette partie frappée de l'air 8c du fo- leil. En conféquence de cette bafe du gourmand , qu'on juge fi par l'am- putation la branche n'eft pas éventée, ii la moelle Se toutes les parties inté- rieures expofées à l'air , ne doivent pas être altérées 8c deflféchées , ainfi que ce qui peut refter de vif à cette branche, à laquelle on ôte un gour- mand beaucoup plus gros qu'elle , puifquen la coupant à quelque endroit que ce foit, la partie incifée qui refte meurt à une ligne près de l'incifion. Telle eft la raifon pour laquelle une branche à qui on a ôté un gourmand ne profite plus , 8c qu'avec lui elle croîs, quand ce n'eft point une branche à fruit. J'ai avancé qu'il falloit tailler fort long les gourmands , 8c à proportion les demi-gourmands. Je leur donne - ordinairement depuis un pied jufqu'a dix-huit pouces , 8c quelquefois trois ôc quatre pieds de taille fur certains 3 40 La Pratique arbres qui ont fait des poiuTes exce£^ fives , & qu'on ne peut dompter au- trement. En trois années ils font gar- nis de toutes parts Se formés : la tige pou (Te à proportion. Au refte , cette longueur de trois Se quatre pieds que je donne aux gour- mands , n'a lieu qu'à l'égard des deux branches-mères néceifaires pour for- mer mon arbre. Mais après que je lui ai laiiTé jeter fon feu , je le traite fuivant qu'il le demande \ Se autant j'ai été prodigue à fon égard , autant je deviens économe & ménager , juf- qu'a rapprocher ces mêmes branches que par nécefïité j'avois alongées. Il eft alors dans le cas d'un arbre qui auroit eu une trop grande abondance de fruits , Se qui a befoin de repos Se de foins pour fe refaire : je le tiens court l'année fuivante , Se même en- core après , je lui donne quelque en- grais. Se bientôt il revient. Il n'y a point à appréhender Pavortement des yeux d'en - bas de ces gourmands fi gros Se fi nourris. Leur vigueur eft telle qu'ils feroient éclorre des bran- ches de tous leurs yeux , fi on les aban- donnoit à eux-mêmes. Enfin , je puis alîurer qu'au moyen î>ù Jardinage, 541 du traitement que je prefcris , les ar- bres ceiferont de pouffer des gour- mands, ou en poufferont en fi petite quantité , qu'ils ne donneront pas grand exercice au Jardinier : les bran- ches fruéhieufes les remplaceront. Il eft certain que dès qu'un arbre fe porté à fruit , il ne pouffe plus en bois comme auparavant , &C qu'il produit d'autant plus de branches a bois qu'il rapporte moins de fruit. Les règles pour la taille des gour- mands, font les mêmes pour les ar- bres de fruits à pépin , que pour ceux à noyau , tels que les ceriiiers en efpalier , les abricotiers , les pruniers Se les pêchers. Il n'y a de différences que dans la manière de les conduire , eu égard à leur façon de pouffer ^ différences qu'une bonne judiciaire fera aifément apercevoir. On voit ( PL FLJîg. 1.) un poi- rier en éventail de 3 8 pieds d'éten- due, & âgé de cinquante ans , dont les branches font difpofées en forme de rayons qui vont du centre à la circonférence. Il eft dans les jardins de M. l'Archevêque de Rouen à Gail- lon. # , fa fouche de 1 8 pouces de dia- mètre, b , branches latérales partant Piij 34i La Pratique immédiatement de la fouche , &c pla- cées horizontalement, c, deux bran- ches-mères dont les membres garnif- fent l'arbre haut & bas. Elles fe trou- vent plus fortes que les autres , ce qui pourroit infirmer robfervation faite fur les branches perpendiculaires qui prennent toute la nourri*. lire , 6c dont il a déjà été parlé. Mais on. remar- quera que les trois branches cotées e ne forment qu'un tout. Suivant ma méthode on n'en auroit laiflé qu'une, ck l'autre mère-branche en auroit pro- fité d'autant, d , meinbres de branches- crochets ayant des lambourdes & des brindilles. les trois branches e partent du corps même du poirier , & s'élè- vent perpendiculairement , l'arbre n'ayant pas été dirigé de jeunerTe fé- lon mes principes. Ces branches font plus fortes que les latérales. A la fig: i. de la PL VIL eft un poirier de reize ans planté dans le petit potager d'en-bas de M. l'Arche- vêque de Paris , à Conrlans. n , tige de cinq pieds de haut, b , fa grof- feur de fîx pouces, c , canal direct de la fève fupprimé. d , cicatrices de deux branches - mères inférieures qui ont cté coupées , à caufe de deux poiriers bu Jardinage. $43 voifins qu'elles offufquoient. e , les deux branches-mères avec les mem- bres & les branches-crochets, f, éten- due de l'arbre de vingt- deux pieds. g, hauteur de trois pieds, h , branches coulées à droite ôc à gauche , à caufe du treillage qui ne monte pas plus haut. LaJ?£. 2. repréfente un Albergier- tige , de Montgamet en Tour aine , âgé de dix-huit ans: il eft expofé au levant &: au midi , 8c applique a une3 terratTe de 20 pieds de haut dans le même jardin. #3 tige de fix pouces cle diamètre fur cinq plecls de haut. 6 , jonction de la greffe & Ton bourrelet qui l'excède , l'arbre ayant été greffé fur prunier, c , canal direct de la fève 3 coupé & recouvert, d , hauteur de quinze pieds depuis la greffe juf- qu'à l'extrémité d'en-haut. e , étendue latérale de 27 pieds. f> branches du milieu qui garniffent à la place du canal direct de la levé ; elles font perpendiculaires fur obliques. g> font fix branches-mères paralèles d'un côté comme de l'autre. On diflingue dans les poiriers de pommiers cinq fortes de branches. ï°, Des gourmands ou branches de Piv 544 La Pratique faux-bois que je mets dans la même claflfè. 2°. Des branches à bois qui poufient fur les yeux de celles qui font taillées tous les ans. 3". Des lambour- des qui croiflerit également par-tout, &c percent aufïi du vieux bois. 4°. Des brindilles qui naiffent de ces lambour- des & des autres parties de l'arbre. 5°. Des branches folles ou chif- fonnes. Je fuppofe d'abord, qu'on leur a fair prendre la forme d'un V ouvert, &c qu'on a fermé le canal direct de la f ve pour ne leur laiffer pouffer que des br.nches obliques. Dès la pre- mière année , je les alonge par les ex- trémités , pour donner aux arbres le me yen de s'érendre au moyen da DU J A R V r N A S */ 345: quoi ces arbres font toujours des avor- rons. Il eft évident que dépouillé'; d'année en année de leurs produc- tions , &c forcés de pouffer en vain de nouveau bois , ils font un temps confidérable à grandir & à f e former. Il ne faut que du bon fens , difent les Montreuiliois , pour concevoir qu'un homme dont on tire continuel- lement le fang & lafubftance, ne peut profiter , être en embonpoint 8< tra- vailler. Ce raifonnementeft jufte, & je penfe qu'on ne donne point allez d'eiïor aux arbres à de fruits pépin , foit en ef- palier , foit en buifïbn. Voyez la diffé- rence pour la force Ôc la grotfeur des arbres en plein vent , avec les buif- fons du même âge. Aux premiers tout refte &c leur profite ; aux autres leurs plus belles 8c leurs meilleures poulfes font en pure perte. Si on me demande ce que je fais de ces branches qui croifTent au-def- fous de celle quiapoufTé à l'extrémité,, je répondrai que dans les pommiers & poiriers de deux & trois ans 5 j'en abats de deux une , de je taille long, en faifant de ces branches autant de membres de de. crochets fur les braa- 34^ La Pratique che^-mères, & à la pouffe je les appli- que fur le mur de toute leur longueur,, mais lors de rébourgeonnement je ne conferve que ce qui peut trouver place au treillage , Se cependant j'ai du bois franc , des bourgeons & des fruits en abondance au bout de quatre à cinq ans. À l'égard des buiffons , je les laifïe monter. L'année d'après je me com- porte de même , en chargeant l'arbre à proportion de fon étendue. J'ai confondu les gourmands avec les branches de faux-bois dans les ar- bres de fruits à pépin , parce qu'ils partent également de l'écorce & non de boutons ou d'yeux comme dans le pêcher. Les Jardiniers les lahTent pouf- fer aux bluffons , ôc à la taille ils les coupent près de l'écorce j il en renaît bientôt deux ou trois autour de la plaie. Quant aux arbres en efpalier, ils les coupent dans le mois de Juin à trois ou quatre yeux j telle eftlaraifon pour laquelle tous les pommiers de poiriers de nos jardins font comme des hérifTons fur le devant ou des têtes de faille. Ces yeux ne tardent pas à s'ouvrir , ÔC produifent autant de branches qui font auiïi coupées à la taille fuivante. La fève laifée d'être Dv Jardinage. 347 troublée dans fon cours , abandonne enfin ces louches informes qui nefonrr qu'un tiiïu de cicatrices. Je n'ignore pas qu'il en naît quelquefois des bou- tons A fruit , mais ces arbres font on ne peut pas plus difformes. On voit à Montreuil des arbres de fruits à pé- pin pleins de fanté , & qui tapiflent la muraille prefque a-uiïi régulièrement que les pêchers. La féconde efpèce de branches eft formée de celles à bois qui naiiTent des yeux des rameaux fur lefquels on a taillé l'année précédente. Au-lieu de rabaifTer fur la dernière d'en-bas , 8c de la tailler à trois ou quatre yeux, il faut tailler fur la plus haute ; ôc quant à celles qui font au-deiïbus , les ôter en partie en les coupant bien près ; à coté il pouiTera des lambour- des. Je proportionne la longueur de la taille de cette branche fupérieure à la vigueur de l'arbre ; s'il eft fort , je lui en donne une dans les commen- cemens d'un pied de long j je la porte enfuite à trois Se quatre pour le domp- ter & le mettre à fruit , faut à le tenir plus court l'année fuivante > & même à lui lanTer moins de bois à l'ébour- geonnement» Pvj A l'égard des lambourdes , on fe? contente de les caffer par le bout j iî elles font trop longues , on les raccour- cit, afin que la fève ait moins d'yeux à nourrir & de chemin à faire pour arriver aux derniers. Ces lambourdes , au refte , prefque femblables à des brins de verges , font longues &; étroi- tes j elles ont les yeux gros , s'aoutent de bonne heure , fe forment en bois avant les autres bourgeons , & fortent de l'écorcedu vieux bois. Lorfqu'elles font en trop grand nombre , on les met à bois en les taillant a un feul œil durant deux ou trois ans , après quoi l'arbre eft en état de recevoir la fève dans toutes fes parties , & fur- tout dans ces lambourdes qui devien- nent fructueufes.^ Les brindilles même étant placées fur le devant , font très-précieufes -y elles croiffent par -tout indifférem- ment , & font trois ans à donner du fruit , chaque bouton paffant par diffé- rens états avant que d'être parfaite*- .rnent formée Dans les vieux arbres fur-tout qui ne fe portent qu'à fruit', on eft fouvent forcé d'ôter de ces brin- dilles pour faire pouffer de nouveau bois ; on taille auiîi fur le vieux , & \ » 0A DU J A R D f M A G 1. $4$ on leur ôte de diftance en diftance quelques branches. S'ils ont des gour*- mands , on les taille long, Se on fup- prime la grolTe branche la plus voifine. C'eft la manière de renouveler peu-àv peu Se de rajeunir les vieux arbres. Quant aux jeunes qui ne donnent que des brindilles , leur durée ne fera pas longue fi on n'a foin de rabattre fin: le vieux bois pour leur en faire pouf- fer de nouveau. Les branches nommées chiffonnes", qui font la dernière efpèce 3 éprou^- veront le même fort que dans les arbres de fruits à pépin , celui d'être retranchées comme inutiles Se infé- condes , à moins que l'arbre n'en eut pas d'autres , ou qu'il y eût des vides à remplir qui ne puffent l'être qu'avec leur lecours. Dans ces deux cas on les tailleroit a un feul œil durant deux ans. Alors la fève , à force d'y arriver, élargit peu-à-peu leurs fibres Se leurs. pores , Se elles deviennent à la fia branches à bois. Quoique j'aye, dans ma féconde par- tie , proferit les branches verticales ,. je ne laiffe pas de m'en fervir dans certains cas , Se d'en tirer de grands avantages : trop heureux de recourir 350 La Pratique' à ces fortes de branches , en ufant néanmoins de précautions , lorfqu'un arbre de moyen âge eft dégarni du milieu*, Se qu'il n'y a pas d'autre moyen de le rendre plein , ou que des arbres déjà âgés font éclorre des branches perpendiculaires propres à les rajeunir. Dans ce double cas , voici deux moyens d'en faire ufage. Le pre* mier eft de les couper dans le fort de leur pouffe à deux yeux vers la mi- Juillet , pour avoir des bourgeons qu deviendront branches fructueufes i Sz qui , à la taille fuivante , donneront bois Se fruit. Le fécond moyen eft de tailler au printemps ces branches à un œil en courfon , Se de kiifer éten- dre de toute leur longueur celles qui en proviendront pour tailler deifus l'an- née d'après. Si les unes Se les antres prenoient trop de nourriture , on les réduiroit à deux ou trois yeux. Ces branches dont je parle, quoi- que perpendiculaires dans leur ori- gine , étant arrêtées dans le bas au fort de leur pouife , Se ce (Tant de mon- ter , leur feu eft amorti j Se par la fouftraction de la partie la plus confi- dérable d'elles-mêmes, comme par la plaie qu'elles reçoivent , elles font du Jardinage. 351 nécefîitées a fe partager & à répartir leur levé aux yeux fur lefquels on les a taillées. Les pêchers en plein vent , loin d'être abandonnés à leur fort , doi- vent être taillés : les règles font les mêmes , avec cette différence , qu'ils ont befoin de l'être plus d'une rois 9 parce qu'ils font maltraités par les vents roux ou de galerne , 6c qu'ils font prefque tous les ans gelés en hi- ver , ôc au printemps. C'eft pour cette raifon qu'ils font fort fujets à la gom- me. On les taille auffi fort court 9 ainfi que les nains en plein vent & fur un grand nombre de branches. Quand un arbre eft achevé 3 avant que de paiTer à un autre , je m'en éloigne de deux ou trois pas pour mieux apercevoir les défauts qu'une trop grande proximité , en travail- lant , auroit fouftraits à mes yeux. Je crois cette attention aufli efïentielle que le coup d'œil général dont j'ai parlé avant la taille. A l'exemple de ces fameux Peintres qui perdent de vue leurs ouvrages pendant quelque- temps pour y revenir à tête repofée y foit feuîs , foit avec des gens de l'Art y un habile Jardinier doit faire la revue r 35 i La Pratique de tous fes arbres généralement, &* les vifiter fucceilîvement pour une dernière fois , après que fa taille e& achevée.. J'ajoute que , comme un père tear- dre , il doit étudier leurs befoins-, guérir leurs maladies ,. prévenir les dangers auxquels ils peuvent être ex- pofés j enfin les défendre contre cette foule d'ennemis qui les attaquent fans cefïe. Durant la taille, les vents froids-, les neiges fondues , la grêle , le givre ôc les gelées tardives donnent un con- tinuel exercice au Jardinier. Tous les jours fur les huit heures du matin, lorfque le foleil commence à paroître., il eft obligé d'ôter {qs paillatïons qu'il replace promptement dans le couss de la journée „ fi des ouragans des- tructeurs ou des nuages de grêle me- nacent les fleurs. Sans m'arrêter aux attentions qu'exigent les bourgeons , foit en les couvrant , foit en les dé- couvrant 'y je me bornerai à dire que les paillaffons ne doivent être appli- qués que dans le bas des efpaliers , un peu au-deflus de la terre. Les influen- ces nuifibles d'en-haut , ne tombent point perpendiculairement, mais font envoyées obliquement par les venrs du Jardinage. 355 vers le bas. Rarement les endroits éle- vés font- ils incommodés de la gelée y elle n'exerce le plus fouvent fes fu- reurs meurtrières contre les végétaux que dans les bas , & c'eft pourquoi les Vignerons taillent beaucoup fur des bois longs qu'ils ne courbent pour les attacher aux échalas qu'après que les grands périls font paffés. Toujours les bourgeons du cep font gelés avant ceux du haut. Immédiatement après la taille il faut labourer les arbres , non-feule- ment pour que le foleil puilfe donner de l'adtion à la fève Se fe faire fentir aux racines , mais auflî pour détruire la demeure des mulots , remplir les fouilles des taupes , 6c mettre dans le fond de la terre quantité d'œufs d'infecles près d'éclorre, & d'animaux logés dans le pied des arbres. J'ai dit que dans le printemps les branches vivement frappées de la gelée périfloient lorfque les rayons du foleil fe faifoient fentir. 11 faut donc , après les avoir abattues , dé- tacher quelques rameaux voifins pour couvrir la nudité du mur. La gomme flue auflî à quantité de plaies faites dans le printemps : fî elle féjourne t 354 Là Pratique le mal devient prefque irréparable. Depuis le temps de la taille jufqu a celui dupaliflage , le pêcher eft fujet à de grandes révolutions. Le foleil dardant à plomb Tes rayons fur fa tige 3c fur {qs racines , tout-a-coup des vents fougueux, accompagnés de froids deiTéchans , interrompent le cours de la fève , & fléttifTent fa belle verdure. Ses feuilles à l'inftant fe récoquillent ôc changent de couleur , c'eit là ce qu'on appelle la cloque , maladie dont je parlerai dans ma quatrième partie. Un pêcher alors cefte tout- à-fait de pouffer , Se eft fou vent pris par la jaunifTe. Le Jardinier foigneux doit en chercher la caufe , Se employer les remèdes que j'indiquerai. 11 arrofe , il fume , il jette de l'eau de fumier au pied de tels arbres , il fouille pour voir ii leurs racines ne font point chan- creufes , gangrenées , rongées des vers ou attaquées par des fourmis. 11 doit encore faire la guerre aux lima- çons , aux pucerons , aux chenilles y arrofer pendant les féchereftes , buter le pied de fes pêchers durant les grandes humidités , en élevant la terre en glacis pour jeter les eaux au loin , 8c rabattre enfuite ces du Jardinage. 355 ilus , lorfque le temps eft remis. Son miniftère exige qu'il vifite géné- alement tous fes arbres en efpalier , ur-tout les abricotiers , pour les dé- arrafTer des bois morts gelés durant hiver , &c dont la mortalité ne fe éclare qu'au printemps. De plus , uantité de bourgeons nailTans fati- ués des gelées d'hiver & du prin- smps avortent , ainh que des yeux ur lefquels il a taillé. Les uns de- mandent a être fupprimés tout-à-fait , i. les autres à être rabattus fur le ►ourgeon voifin , le plus vigoureux. Il l'on néglige ces foins 3c fi l'on émet a la taille lui vante a oter ces >ois , on recule d'un an la guérifon le ces plaies , & on met obftacle à la ommunication de la fève. Nombre de fruits qui ont noué , e trouvent a. découvert : en proie .ux rayons du foleil , ils vont être cou- onnés. Le Jardinier tirera defïus quel- ques feuilles voifines qu'il retiendra ivec un jonc , ou y appliquera une euille large pour leur fervir de para- sol» 356 La Pratique CHAPITRE IV. Divers expédiens pour former les Arbres , & leur faire rap- porter du fruit. jyl aintenant les arbre s font en bon état , Se s'efforcent par leur figure riante 3 &: par l'abondance de leurs fruits de récompenfer le Jardinier de toutes fes peines. Ils fembîent n'af- pirer qu'après rébourgeonnement , ÔC le pakffage. Avant que d'y procéder , il eft effentiel de les fuivre de nou- veau dans leurs diverfes façons de pouffer , à cet âge formé dont il eft préfentement queftion. A dix ou douze ans, ils fe démentent quelquefois au point qu'ils deviennent méconnohTa- bles. Quel parti prendre pour les di- riger, fuivant les différentes révolu- tions qui leur arrivent ? Voici plufieurs moyens très-utiles qui conduifent à cette fin : i Q. La courbure dos branches. 2°. Les éclater. ©u Jarbi.nage. 357 »5°. Les tordre. 4D. Ca(Ter les branches lors de la taille , & les bourgeons à la pouffe en Juin Se Juillet. 5°. Déplanter pour replanter aufïî» tôt en la même place. 6° . Ne tailler que durant la fève. I. Courbure des branches. Je voulois conferver , vers la mi-Juillet , un gourmand pour en faire , Tannée fui vante , la bafe d'un des côtés d'un arbre , je m'avifai de le courber Se de le coucher prefque le long de la muraille qu'il furpalfoit beaucoup. Pour lui faire place , je dépalilïai en- tièrement la branche fur laquelle il avoit pouffé , Se que je me propo- fois de fupprimer à la taille fuivante , afin de la remettre fur ce gourmand. Je me trouvai dans la nécelîité de forcer tant foit peu la branche-mère pour la faire defeendre. En viiitant l'arbre j'aperçus qu'elle avoit cefîé de poufter , ainfi que le gourmand. Je vis les veux à bois de ce dernier fe convertir en boutons à fruit dans tous les bo.irgeons de la branche - mère ainfi forcée , Se en moins de trois fe- maines ce changement fe fit. Au gour- mand courbé Se furbaiffé fe formèrent 358 La Pratique autant de lambourdes qu'il y avoît d'yeux dans le bas, &c ces lambourdes taillées Tannée fuivante donnèrent amplement du fruit j c'eft de-là que m'eft venue l'idée de la courbure des branches. Ce n'eft autre chofe que l'action de courber à propos & forcé- ment une ou plufieurs branches à de[- fein d'arrêter la fève pour la faire re- fluer dans d'autres. Un pêcher , par exemple , ne pouffe que d'un côté , il s'emporte du haut , le refte laiffe voir la muraille toute dégarnie. Je courbe alors les rameaux trop vigoureux , de je laiffe les autres s'étendre en liberté. Bientôt le fort eft fubjugué , & le foible ne tarde point à l'égaler. Toutes fortes d'arbres &c de branches font fufceptibles de la courbure. Ceux qui font âgés, dont le bois eft ufé, chan- creux ïc caffant , ne peuvent jouir des avantages attachés à cette pratique. Les faifons du printemps & de l'été font les plus propres à la courbure > qui a lieu principalement a. l'égard des branches - mères &c des gour- mands. Je commence par la branche-mère qui s'emporte d'un feul coté. Après m'être afluré de fon état , je la prends bu Jardinas!. 359 «Tune main en la faifant defcendre , appuyant peu-à-peu Se la tenant vers le haut , pour voir jufqu'à quel point je puis la courber. Je la remecs à fa place naturelle ; & à l'endroit du mur où j'ai remarquai que je pouvois la faire defcendre , je chaiTe un gros clou que je garnis bien pour la pré- ferver de la rouille &: des contufions ; je la mets fur ce clou, placé à un tiers du bas de la branche , tandis que vers l'autre tiers au-defTus , appuyant un peu fortement, je la fais obéir, de je chafTe dans le mur an pareil clou garni, mais en-de(Tus de la branche dans l'endroit où je l'ai un peu forcée. L'effet s'enfuit dans toute l'étendue de la peau , tant fupérieure qu'infé- rieure. En courbant ainfi la branche avec effort , il faut qu'en-deiïiis l'é- corce s'alonge , & qu'elle appuyé fur la partie ligneufe : au contraire la par- tie en-deffous obéit , fe ride & forme quantité de petits bourrelets , qui oc- casionnent autant de nodus. La tenfion forcée de l'écorce en-deffus caufe une obftruction qui étrécit &: bouche même les pafïages de la fève , tandis qu'en- deflous les vides de cette écorce opè- rent le même effet : il ne lui refte par $6o La Pratique conséquent d'iffue que par les côtés, mais le tout eit tellement comprimé , qu'il fe reffentde la pieilion de récorce ôc des nodus. Cette branche ne reçoit donc de nourriture que pour fon en- tre rien. Je ne perds point de vue cependant la branche qui profite peu. Je la dé- paliffe auiîi pour la laiffer dans toute fa liberté , je la redrefïe même fi elle eft un peu courbée Se gênée , & je l'attache uniquement afin qu'elle ne foit pas le jouet des vents. Or, tandis que la fève ne pafTe que difficilement dans la branche courbée , il s'en fait dans la foible une erTufion fur abon- dante qui s'y porte avec une telle im- pétuofité , que Souvent en un mois elle égale & furpafTe l'autre en grof- feut. On eft même obligé de lâcher tant foit peu la branche courbée , pour tempérer le fiux de fève qui fe porte entièrement vers l'autre. Ce qui dé- cide du temps que celle-là doit refter gênée , c'eft fon dépérifiement vifi- ble , &: le progrès de celle-ci. Jufqu'à ce que les pores de la branche qui ont été bouchés , les fibres affaiiTées , en un mot les couloirs de la fève ayent repris leur jeu ôc leur r effort , u t U J A R t> r N A € ï. 3 6t £1 fe parle trois femaines ou un mois. Si elle refte fougueufe , on la détache pour la courber davantage. Si cette branche a du Fruit , je m'y prends à plufieurs fois d'une façon plus modérée , qui me mène égale- ment à mon but. Je mets deux clous dans la muraille , l'un en- de (fus 8c l'autre en-defïbus , mais je ne force la branche que médiocrement : huit jours après je les chalTe dans le mur deux pouces plus bas, & je répète la même opération une troisième fois. Lorfqu'à la taille prochaine le feu de la branche courbée eft amorti , elle exige beau- coup de ménagement. Dans le cas contraire , il faudroit la charger. La branche libre qui aura profité ample- ment , peut être taillée long , finon elle fera retenue. Ce que j'ai dit jufqu'à préfent ne regarde que la courbure des branches- mères. Cette pratique a aufli lieu à l'égard des gourmands placés dans lé haut d'un arbre , Se qui menaceroient le bas d'un dépouillement total. Les Jardiniers les coupent aux extrémités comme les autres branches j j'ai fait voir les inconvéniens qui en réful- tent : je les préviens par la courbure ^ .$ o i La Pratique ce parti eft préirirable à celui de les railler ou de les abattre. Dans le pre- mier cas ils s'emporteroient j dans le fécond > ils feroient un grand vide dans l'arbre. Comme les branches dont je parle font des jets de Tannée précédente ou de l'année même , je place vers le bas un clou dans le mur , enfui te je les plie ev je mets un autre clou en-deifus vers la moitié j cz un troifième au bout. Nonôbfrant cette gène violente , je ne laiife pas de charger beaucoup ces branches , fauf a les décharger à l'ébourcreonnement ou à les rabattre à trois bourgeons , iuivant leur force. Il y en a auxquelles je fais faire l'arc, 3c je les afloiblis au point de les ren- dre fages , en les foula^eant en cas de befoin. Souvent je courbe avec elles celles dont elles font forties. Quand je vois que le gourmand forcé & la branche dont il fort font domptés ; je les taille d'année en année plus court , & tous deux me fournilfent des branches fruclueufes. Enfin, lorf- que je puis m'en paiTer , Se que je prévois que leur fuppreiïion n'occa- fionnera point de nouveaux gour- mands , je les retranche tout-à-fait. t>v Jardinage. 3^3 Cette méthode de courber ainfi les branches eft utile: i°. Quand après avoir taillé long plufieurs gourmands des années précédentes , ils continuent de prendre toute la fève. i°. A l'égard des pêchers plantés trop près les uns des autres : je force les bourgeons en contre-bas , à commencer depuis la première branche & toujours en re- montant. 30. Pour les arbres qui ont atteint le haut du mur , & s'empor- tent au-deiïus du chaperon: bien loin de couper leurs branches par les bouts, je les courbe toutes , & je les arrange près Tune de l'autre fous le larmier , en forme de cordon ; &c vers la fin d'Août , fi leur confufion eft trop grande , je les arrête par les extrémi- tés fans aucun rifque. Ces arbres pouf- feront par la fuite plus modérément , &: n'auront point été épuifés. îï. Navrer les branches. Na- vrer en terme de Jardinier , de Vi- gneron , de Bûcheron , de Treilla- geur , eft donner un coup de ferpe à un bois q.ui n'eft point droit , & y faire une entaille en biais, pour pefer delfus afin que fa partie la plus lon- gue monte fur la plus petite. C'eft d'après cette opération que j'ai eiTayé 1 Qji 5 ^4 La Pratiqué de dompter des arbres trop vigoureux i en leur faifant , de propos délibéré , divexfes entailles femblables. J'avertis d'aberd qu'utiles aux arbres de fruits à pépin , elles ont rarement lieu pour les arbres gommeux. Cependant', en obfervant d'efïuyer tous les jours la gomme à mefuie qu'elle flue , on peut les employer pour le pêcher, comme je l'ai fait heureufement. Je veux affa- mer une groffe branche , qui prend trop de nourriture ; je lui donne , avec une ferpe bien tranchante , un coup à cinq ou iîx pouces au-def- fus de l'endroit de fa naiffance , & je lui fais une entaille à mi-bois , en- defïous ou fur le côté en biaifant : j'y applique enfuite l'onguent de Saint Fiacre. Cette opération tient un peu delafcariflcation, mais fes fuites font toutes différentes. Le printemps eft l'unique faifon où il foit permis d'y recourir , afin que la fève foit ralen- tie dans fon cours , 8c que les parties fe réunifïent. On peut faire pluiieurs de ces entailles aux branches qui ne pouffent que du bois , ainfl qu'à celles qui s'emportent trop. On n'ufe , au refte , de femblables exoédiens qu'envers des arbres fou- D V JaRDI'nAGI, 36$ gueux , qui , avec le fecours des opé- rations ordinaires , ne veulent point fe mettre à fruit. Ce font des re- mèdes violens qui doivent être ré- fervés pour le cas d'une extrême né- ceflité. Mais il eft un moyen fur de n'y jamais recourir , c'eft de donner plus d'eftbr aux arbres , fans les épui- îer par des tailles courtes qui ne les font pouffer qu'en bois. Confidérez les arbres des champs qui groffiflenî 8c produifent du fruit abondamment peu de temps après qu'ils font plan- tés. Rien n'eft plus commun que de voir en Normandie des pommiers donner une pipe de cidre pefant 1 1 à 1500, indépendamment du marc de de tous les fruits tombés ou pourris. L'effet de ces entailles eft de cou- per les fibres , &c de ralentir le cours de la fève. En donnant de l'air à l'inté- rieur de la branche 5 elles opèrent une difîipation des parties fnbftantielles. Par ces plaies vous obligez la fève de fe porter a ces endroits entamés , afiïi d'y donner du fecours , d'y former des bourrelets , àes nodus , des ci- catrices *, enfin , vous faites autant de nouveaux couloirs qui fervent à la Qiii $66 La Pratique filtrer , Se autant de barrières qui la forcent a féjounier davantage , à fe cuire & a fe digérer , plus qu'elle ne raiioit en le portant avec împetuoiite. Dans le printemps , .lorsqu'une branche gourmande prend toute la nourriture , on l'éclate pour les mêmes raifons , à l'endroit de la bifurcation , Se on y met enfuite de l'onguent de Saint Fiacre &c des édifies , ainri que je l'ai déjà preferit. Jufqu'à ce que la future foit faite , la maîtreffe bran- che & les deux qu'on a éclatées fe modèrent , la réunion s'en fait avant l'automne fuivante. Cette idée m'eft venue en voyant de femblables éclats furvenus aux arbres de la campagne : î'ai remarqué dans les branches écla- tées un ralentiifement d'aclion de ia fève. Ce que le hafard avoit fait , je l'ai elTayé avec fuccès. Un gourmand très-gros , par exemple, je le plie du bas juiqu'à ce qu'il éclate , puis avec une ligature je rapproche fes parties, cv je fuis aimré qu'il pouffera moins. Ou il m'eft néceCTâire , ou il rie l'eft point : dans le premier cas , les yeux du bas feront éclorre des bourgeons à fruit appelés branches - crochets ; dans le fécond ? fi je l'abats, j'épuife r>u Jardi'nage. 367 mon arbre , &c ce gourmand fera remplacé par de faux-bourgeons. Eu l'éclatant j'évite ces pou-ffes fuperrlues, 8c ce gourmand fe modère. III.Tordre les arbres eft une autre façon d'éclater , qui contribue beaur coup à leur fécondité. En voyant tra- vailler des Vignerons qui couchoient des ceps de vigne pour faire des pro- vins % j'ai remarqué que certains ceps craquoient dans leurs mains & fe tor- d/oient. Ils pouffoient moins que les autres provins , 8c en les fouillant , j'ai vu qu'à l'endroit où ils étoient tordus , il s'étoit formé un 110 du s 8c un calus aiTez °ros. De-là j'ai tiré des inductions , £< j'ai imagine , pour ar- rêter dans, différentes occa^-ons ces torrens cle fève , de tordre les bran- ches &: les. bourgeons , afin de mettre les arbres à fruit. Ce moyen m'a tel- lement reufll , que j'ai été forcé de difeonrinuer , les arbres ne pouiloient prefque plus en bois, 8c ne dcMj«eÀeî$£ que des brindilles 8c des lambourdes* La raçon de tordre eft (impie , de a lieu depuis Mai jufqu'en Septembre. Vous prenez une branche jeune ou un bourgeon formé , 8c ferrant bien fort y vous la tournez d'une main ea^- Qiv 3 68 La Pratique dedans , & de l'autre en-dehors l comme pour défiler Un cordage, juf- qu'à ce que vous entendiez un cra- quement. Vous êtes fur que la bran- che ne prendra plus de nourriture que pour fa fubfiftance , de qu'elle ne mourra point ; mais l'année iuivante 11 l'arbre produit des fruits à noyau , elle en donnera abondamment , & s'il eft à pépin , elle fournira beaucoup de boutons à fleur. IV. Casser les branches à. la taille & les bourgeons lors de la pouffe. PafTant près d'un poirier , j'a- perçus un bourgeon cafTé par le vent dans un endroit de l'atbre où il étoit fort néceiïaire : c'étoit à la mi-Juin. A force de l'examiner , je remarquai qu'à l'endroit des fous-yeux où il avoit été calfé , il fe formoit environ quinze jours après un commencement de verdure. Il y parut enfuite une lam- bourde , qui fournit plufieurs boutons à fruit. D'après cette découverte , j'effayai de caifer de propos délibéré, Se la Nature m'apprit à la fuivre. Cette opération n'a qu'un rapport éloigné avec celle que la Quintinye a qua- lifiée de pincement , de qu'il preferic À l'égard des bourgeons feulement 15 u Jardinage* 3 69 qu'il pinçoit a cinq, fix , fept ou huit yeux en Juin 5c Juillet , au-lieu que je les caflfe près des fous- yeux , &c que1 j'étends cette opération jufqu'aux bran- ches. Je préviens d'abord qu'elle ne convient qu'aux arbres de fruits à pé- pin , & point du tout à ceux à noyau , fi ce n'eft a l'égard des gourmands fur- numéraires dont on veut faire des branches frudfcueufes , & qu'on cafte à moitié dès les premiers jours de Juillet *, j'en ai parlé ailleurs. Deux fortes de branches fe préfen- rent lors de la taille , envers lefquelies taffement a lieu \ les branches natu- relles , produites par les yeux de l'an- née précédente , de celles- de faux- bois. Nos Jardiniers , je l'ai déjà dit, ravalent tous les ans fur la plus baffe des branches qui ont poufle des yeux laides à la taille précédente 'r enforte' que s'ils ont taillé par fuppofition- à cinq yeux chaque branche qui en aura pouffé autant , ils jettent à bas les quatre premières pour tailler la. plus batte à cinq yeux. Les annéesfuivantes pareille pouffe & pareil ravalement* deforte que la poufïe des quatre bran- ches fupérieures eft toujours inutile pour l'arbre qui profite peu , &: vm Qv 37© La Pratique rapporte communément que des feuil- les. Le cûjfement , au contraire , en pro- curant aux arbres , foit en buiflon , foit en éventail , une étendue im- menfe , eft. la fource d'une grande abondance de fruits. Les Jardiniers ne l'emploient que pour les lambourdes , &: moi je le prefcris pour toutes fortes de branches. Lors de la taille je coupe près de l'écorce deux des cinq bran- ches qui ont pouffé précédemment, 8c j'en laiffe trois , une entre ces deux fupprimées , une autre dans le bas , ôc celle qui eft placée tout au bout que je taille à un pied , &: même à dix- huit pouces dans le cas d'une extrême vigueur. Je caffe , en appuyant fur ma ferpette , les deux branches que j'ai lailïeés , de je les éclate à l'endroit des fous-yeux à un quart de pouce de leur infertion. Quant aux arbres en efpalier , je coupe aufîi les branches de devant de de derrière , fi on ne les a point ébourgeonnées , 3c je taille en forme de crochets deux de ces bran- ches , en en fupprimant une entre- deux , & j'alonge celle du haut à deux &c à trois pieds proportionné- ment à la vigueur de l'arbre. du Jardin a* gIe. 37* On me demandera pourquoi je caife au-lieu de couper. Si je -coupe , la plaie fe recouvrira, ' cv aux yeux qui font au-deiïous repou-fferont de nou- veaux bourgeons qui communément deviennent branches à bois. En caf- fant , au contraire ; je fais une' plaie inégale de pleine d'efquilles : alors le recouvrement ne pouvant fe faire que difficilement , ou- même point du tout , la fève refte dans la bran- che , s'y- cuit & s'y perfectionne. C'eft la longite-ur-de fon féj-our qui forme le fruit'; §£M#3f¥3f(Sâ paffage rapide à travers fes( fibres longitudinales des branches;' La fève trouvant du côté de ces efquilles autant d'obftacles à fo 11 paHTage ne peut monter,. ni former i!e bourrelet , mais elle s'affine & s'in- fmue à travers -les fous-yeux, &: fait éelorre des «lambourdes , des brindil- les , ou des boutons à fruit pour l'an- née fuivante. On voit \fig. 1. PL FIIL) une branche fruàueufe nouvelle , prove- nant de cajjement , fur laquelle on re- marque les rides ou anneaux a , ainfr que les boutons à fruit b, Il eft aifé de concevoir qu'en fubftituantà la fève des couloirs moins nombreux £c moins* Q vj fj% La Pratique fpacieux , tels que ceux des branches à bois , & que formant des tamis Se des cribles plus ferrés , elle doit être plus rapprochée , plus concentrée , Se par conféquent mieux travaillée Se mieux filtrée. La raifon de la différence de taille pour les arbres en efpalier , eft tirée de ce qu'ils n'ont qu'une face. Tout le devant 8c le derrière étant fuppri- mes , on ne peut ménager du bois que fur les côtés , Se par conféquent il s'agit de tirer les branches par les extrémités pour les garnir ; de-là les branches-crochets qu'on y laifTe. De plus , en ébourgeonnant- ces- arbres , on leur ôte tout le bois qui peut faire confufion y il eft donc néeefiake de leur en lai fier plus lors de la taille qu'aux buifions. Enfin , fi vous les tailkz court , Se Ci vous n'épargnez pas les branches-crochets y vous n-'a- vez point de fruit, mais des gour- mands à l'infini. Supprimez-les , vous perdez vos arbres , laifTez-les tous, vous faites confufion. Le milieu eft «lonc la conduite que je tiens. Le cajjsment fe pratique pareille- ment fur les arbres en efpalierr Ces branches - crochets fui lesquelles je du Jardinage. 375 taille , produifent d'autres branches \ ne pouvant les placer toutes , de étant fort éloigné de les abattre , je prends le parti de cafler. Cette opération fe fait en deux faifons >. vers la mi-Juin jufqu'à la mi- Juillet pour les bour- geons qui ont pouffé de l'année j Se lors de la taille d'hiver, tant pour les branches à bois > que pour celles de faux-bois. Par fon moyen , les arbres fur franc qui , dans les mains des Jar- diniers , ne peuvent porter de fruit , parce qu'ils les tourmentent toujours à leur détriment, deviennent fouvent d'une année à l'autre les plus féconds du jardin. Il faut cependant en ufer modérément. Un Jardinier indiferec qui s'aviferoit chaque année de ca(Ter toutes les branches fecondaires de fes atbres e> celles de faux-bois , les met- troit tellement à fruit , qu'ils ne pouf- feroient plus que des brindilles Se point de branches à bois. Ils cefTe- roient de plus de grolÏÏr Se de s'alonger, & donneroient une telle quantité de fruits , qu'enfin ils périroient épuifés. Le cajfement des bourgeons fe fait en les appuyant fur le coupant de la ferpette , à l'endroit où ils portent à fauxj ils s'éclatent tout de fuite. La $74 La Pratique fève qui a coutume de couler dans les canaux deftinés aux bourgeons caftes , y arrive comme à fon ordinaire , &c ne trouvant plus d'ilfiie , elle eft for- cée de féjourner autour des fous-yeux où elle fait effort pour entrer , & de s'y arrêter faute d'un paftage iuiri- famment fpacieux. Elle fe filtre donc , sinfinue par menues parcelles à tra- vers les calibres de ces fous-yeux, «Se enfin elle fait éclorre une petite ver- dure qui eft une lambourde , une brin- dille ou un bouton à fruit. Nos Jardi- niers , ainfi que je l'ai rapporté plus haut , font tout le contraire j ils caf- fent à un , deux ou trois pouces : la fève alors enfile les yeux du reftant du bourgeon , Sç forme ces toupil- lons , d'où s'enfuit l'amaigrlifement de la branche-mère , l'épuifement de l'arbre , 5c enfin la privation de tout fruit. Quant au nombre des branches na- turelles , des faux-bois Se des bour- geons qu'il faut cafter , il n'y a point d'autre règle à fuivre que la force des arbres 5c la quantité de leurs' poiuTes. j'eftime qu'on peut caffer le quart des branches furies arbres les plus vigou- reux. S'ils fe portent à fruit par eux- du Jardinage. 375 mêmes , ou fi l'on a alongé & laifïç des branches-crochets , le cajjement n'a point lieu. S'ils font foibles de s'ils n'ont que des pouffes médiocres , il faut bien fe garder de le mettre en ufage à leur égard. V. Déplanter pour replanter en la même place. Ce moyen que j'ai rarement employé m'a toujours réuiîL J'avois été obligé de déplacer quel- ques arbres de mon jardin , & je m'aperçus qu'ils me donnoient beau- coup plus de fruit qu'auparavant. Je pris de-Ià occafion d'elTayer de lever plufieurs arbres infertiles , &c de les replanter au même endroit. L'événe- ment répondit à mon attente , & ils ne cefTèrent depuis de me donner des fruits abondamment. Je fis fouiller un pommier d'api , un bon-chrétien Ôc une bergamotte âgés d'environ quinze ans , qui pouf- foient beaucoup de bois , &c fleurif- foient quelquefois fans jamais rappor- ter , & je découvris avec la plus grande attention leurs racines depuis le" tronc , jufqu'aux extrémités. Quant à celles du deffous , je fis tout mon pofîible pour ne les point éclater. Lorfque ces arbres furent bien dégagés 37<> La Pratique de ne tinrent plus , je les fis mettre de côté , & on tranfporta toutes les terres de leurs trous. J'y fubftituai celles du voifinage , je remis enfuite ces arbres clans leur même place , après quoi je fis faire un large ballin, Se y jeter une demi-douzaine de féaux d'eau. C'étoit immédiatement après la chute des feuilles. On ne doit recourir a ce moyen > qu'après avoir fondé les racines & les. branches des arbres inféconds. Si ort les trouve faines, on employerai leur égard les engrais , les arrofemens , le rappel , on les récépera même pour leur faire pouffer de nouveau bois^ Ainfi je ne propofe cette pratique ^ que comme un exemple , fans abfo- lument la confeitler, quoiqu'il n'y ait- aucun rifque à courir en prenant les précautions que j'ai prifes : je lrai efîayée plufîeurs fois fur le pêcher , qui ne s'accommode nullement du traitement des autres arbres ; aufli. n'a-t-elle réuffi que fur des fujets de trois ou quatre ans* Ne tailler que durant la sève* Quelques arbres rébelles & fougueux ne fe mettent point à fruit : on peut effayer d'abord de les décharger feu- r>u Jardinage. $7$ lement des bois confus , Se attendre vers la mi-Avril â quand la fève aura nourri les nouvelles pouffes , à les ravaler fur quelques-unes des inférieu- res. Cette pratique que j'ai vu réuilir eft fondée fur ce que la lève eft retar- dée par la diftribution qui s'en fait à tant de branches & de boutons aux- quels elle a été répartie , & que le? plaies des coupes occafionnent une grande extravaiion de fève que l'on peut voir fortir entre l'écorce de le bois. En fe hâtant de les recouvrir, elle fe diftribue d'autant moins dans tout le refte de l'arbre , qu'elle eft plus ralentie par le foleil , l'air & les vents qui amortirent 3 defféchent & refler- rent les différens endroits qui ont éprouvé des plaies. Ainfi domptée , elle coule avec moins d'impétuofité , & eft néceffairement digérée Se filtrée > au point que les yeux à bois fe gon- flent , jufqu'à devenir autant de bou- tons à fruit pour l'année fuivante. Il e-ft efTentiel d'obferver, que l'erTufion trop abondante de la fève dans toutes les différentes parties de l'arbre, les rend fi tendres de fi caiTantes , que le plus léger froiflement de l'habit % de la main ou de la ferpette les jette à bas» 57§ La Pratique Ces remèdes s'appliqueront avec un égal fuccès à certains pruniers qui ne pondent que des gourmands , fans brindilles ni menus. bois , & à quantité de pêchers., qui n'ayant que des gour- mands ou des branches chiffonnes , font plufieurs années fans rapporter. A ceux-ci je ne laiife ni brindilles , ni lambourdes qui ne foient taillées à un feul œil , de je fupprime les trois quarts de ces branches, folles , qui pullulent de toutes parts. Quantité de poiriers èzàe pommiers fur franc pouf- lent des forêts de bourgeons , & ne fe mettent a fruit que fort tard. Des poi- riers boutonnent tous les ans , ôc pro- mettent fans rien donner j leurs bou- tons au-neu ae 1e roriner ce de fleurir s'alongent fans jamais grofhr, de avor- tent enfin. A ces arbres j'emploie les expédiens ci-defTus indiqués. Je -pour- rois ranger dans leur dalle ces indivi- dus ftériles- 8c féconds tout eniemble j produisant des fruits qui avortent , o-u qui nouent , mais qui ne tiennent ja- mais, &c ceux qui laiifent tomber leurs fruits fans les amener à maturité , ou n'en donnent que peu ou point du tout. Laiïe de voir de pareils arbres oc- cuper inutilement la terre , on les ar- du Jardinage. 57^ tache. Plus d'une fois je l'ai vue, avec peine , couverte de ces individus dont les racines étoient dans le meilleur état. Plus d'une fois j'ai fait fendre leur tige & leurs mères - branches , après les avoir fondées , Se j'en ai con- clu qu'on ne peut être trop réfervé à abattre de tels arbres , qu'il eft aifé , comme on l'a vu, de faire fructifier. Dans les végétaux que j'ai été obligé d'arracher , j'ai remarqué que les con- duits de la fève étoient totalement bou- chés & obftrués par des grumeaux de fuc, par des nodus & des efpèces de glandes fquirreufes , qui avoient formé des conglomérations. Elles font très- fréquentes dans tous les fruits dont les arbres font malades , 8c dans ceux: qui ont pâti de la gelée lorfque les fruits ont noué , tels que quantité de prunes Ôc d'abricots. K3S $8o La Pratique CHAPITRE V. De ly E bourgeonnement. JL e s arbres doivent avoir fait de ra^ pides progrès , 3c avoir befoin d'être ébourgeonnés. Depuis le printemps, leurs bourgeons alongés ôc multipliés préfentent un touffu difforme : les uns demandent qu'on leur afligne une place , en les étalant pompeufement fur la muraille ou fur le treillage , les autres femblent s'attendre à cure re- tranchés , comme membres fuperflus, pour donner ï ceux-là plus de nourri- ture & de relief. L'ébourgeonnement , j'ofe le dire, eft au-deffus de la taille pour l'impor- tance j il la difpofe pour l'année fui- vante. On peut jufqu'à un certain point fuppléer à une taille défe&ueufe , au-- lieu que rien ne peut réparer un ébour- geonnement vicieux. De-là dcoend la fécondité de l'arbre , comme la faute ôc fa durée. Il eft queftion ici de la fai- fon de l'ébourgeonnement & de la méthode qu'il faut y fuivre, du Jardinage. 381 C'eft en conféquence de l'empire abfolu de l'Art fur la Nature , que les hommes fe font avifés de donner aux arbres en efpalier cette forme Se cette étendue , qui de chaque branche fait autant d'éventails } Se que par le re- tranchement de celles de devant Se de derrière , ils ont forcé la fève de fe porter fur les côtés , en la gênant dans fon cours. Le pêcher a plus be- foin qu'aucun autre arbre d'être ébour- geonné : il produit tous les ans une iî grande quantité de bourgeons, qu'a- bandonnés à eux-mêmes , ils n'offri- roient à la vue qu'un objet informe , Se que devenant le jouet des vents, ils feroient immanquablement cafTés. Le fruit, outre qu'il profiteroit moins, acquerroit aulîî moins de faveur. L'exactitude de l'ébourgeonnement eft moins eflentielle dans les autres arbres , parce que le touffu de leurs feuilles , qui font d'ordinaire plus larges Se plus ferrées que celles du pêcher , en cache la difformité ; Se de plus le préjudice qu'on peut leur faire, en les dégarniffant en quelques en- droits, eft réparable par ces branches, que j'appelle adventices , qui percenç à travers la peau. $$i La- Pratique Cet art de rébourgeonnement n'eft autre chofe que la fuppreilion fage Se raifonnée des rameaux fuperrlus , que le choix judicieux de ceux qu'il faut palifTer , que ce goût & cette intelli- gence pour n'en conferver qu'une quantité fuififante. Il fe répète autant de fois que les bourgeons s'alongeant jk fe multipliant , donnent lieu à le re- nouveler. Le point ellentiel efb de fuir également la confufion &. le vide. Pour celui-ci, il faut toujours tirer du plein au vide , mais fans forcer , fans croi- fer , fans caufer aucune difformité. On évite la confufîon, en laifiant en- tre les bourgeons un efpace fuitifant, pour qu'ils ne fe touchent point , de que leurs feuilles ne jaunilfent ni ne tombent. L'époque de Pébourgeonnement n'eft pas plus fixe que celle de la taille. On doit fe régler fur la faifon, l'âge, la vigueur des arbres , le climat , les exportions différentes & les circonf- ta'ices particulières de l'abondance ou de la difette des fruits. Les Montreuillois le diffèrent juf- que dans le mois de Juin , lorfque les bourgeons de leurs arbres ont un pied ou quinze pouces de long. C'eft du Jardinage. 383 moins la propreté Se la régularité que le befoin des arbres qui les guide. Voici leurs principales raifons : i°. En «bourgeonnant de bonne heure , on met le fruit au grand air. Comme en Avril Se au commencement de Mai , il eft encore fort tendre , il eft en danger d'être frappé du foleii Se de tomber. 20. En retardant Se en laif- fant alonger les bourgeons , Se ne fup- primant que tard les furnuméraires , les arbres ne s'épuifent point à en pouiTer de nouveaux. 3 °. La gomme eft plus a portes de Muer au mois d'Avril que quand l'écorce eft plus formée. 40. A peine les arbres com- mencent-ils à fe reir.ettre des fatigues -qu'ils ont eiïuyées par les tailles faites à leurs rameaux , à peine les cicatrice? commencent - elles à fe recouvrir, qu'on leur en fait de nouvelles. 5 °. Tant que le fruit eft a couvert fous cette efpèce de forêt hériffée de bour- geons , il jouit d une fraîcheur qui con- tribue beaucoup à fon accroiiiement. Les bourgeons d'ailleurs fe trouvant a l'aife pou (Te ut Se s'alongent ; leurs yeux , leurs boutons pour l'année luivanre , fe forment Se fe façons nent. Tous ces avantages difparoif^ ^54 La Pratique fent dans l'ébourgeonnement préci- pité. Doit-on ébourgeonner par provi- fion , & remettre a palilfer à un autre temps ? Cette façon de travailler a des fuites fâcheufes. i°. Les fruits dénués de l'appui des bourgeons qu'on leur a ôtés font abattus par les vents. 20. Les feuilles des bourgeons du bas , après avoir jauni, tombent &c font avorter les yeux pour l'année fuivante. 3 °« De nouvelles occupations font oublier le paliffage. 40. En ébourgeonnant à vue de pays , on court rifque de fuppri- mer certains bourgeons mieux placés que ceux que l'on conferve , ou d'é- pargner ceux qu'il faudroit jeter à bas. Il peut arriver auiîî qu'on ne trouve pas (on compte dans le nombre des branches qu'on a laiiTées , comme fuf - fifantes. Ces mêmes branches non pa- lifTées venant à être cafTées par les vents , opèrent encore des vides. En palifTant au contraire, à mefure qu'on ébourgeonne, on prévient tous ces in- convéniens. Beaucoup de Jardiniers qui n'en- vifagent que la régularité ôc l'unifor- mité , commencent à palifTer par un bout de Fefpalier foit pour Tome I. R %%6 La Pratique remplacer l'année prochaine ceux qui feront épuifés ou retranchés. En ébourgeonnant les arbres de deux Se de trois ans, leur difpoiition & la distribution de leurs branches doivent être confultées. Je donne en général beaucoup de charge à des arbres quoi- que jeunes, quand ils font extrême- ment vifs. Mon but eft de leur procu- rer un plus prompt avancement, &; de faciliter dans leur totalité le cours de la fève. Rien de plus à éviter dans le Jar- dinage , que la pratique de pincer , de raccourcir Ôc d'arrêter les bour- geons. Toutes ces mutilations font la caufe du dépéri (Ternent des arbres. La prétendue régularité qu'on leur attribue difparoît trois femaines après, par un nombre infini de faux- bour- geons d'autant plus alîidus à pouffer qu'on eft plus obftiné à les retrancher. Pour l'ébourgeonnement il ne faut fe fervir que de la (a) demi-ferpette j (a) Durant l'impreflion de cet Ouvrage # j'ai appris que Borné, Maître Coutelier à Paris, rue des cinq Diamans , frère de celui dont j'ai parlé pag. z$ , vendoit, comme lui, & au même prix, les outils de Jardinage gravés <îans la PI. I. de ce volume. du Jardinage. 387 Zc couper avec la pointe de cet outil tout près de l'écorce îes branches furnuméraires &c les faux-bourgeons. Si ces derniers naiflent à côté d'un oeil , on les retranchera à une ligne au-deifus de peur de l'endomma- ger. Lorfque vers le mois de Sep- tembre on n'a plus à craindre la gom- me ni l'avortement des yeux , près defquels on éclate de petits bourgeons tardifs , on peut fans conféquence calfer quelquefois, mais hors ce cas, il n'eft pas permis de pincer parles bouts, A l'égard des gourmands , on doit i°. les conferver , tant qu'on peut, proportionnément à la force de Par-* bre. 1*. Ne les abattre que dans le cas de nécefîité. 30. Les pâli (Ter de toute leur longueur avec leurs bour- geons latéraux , en ôtant ceux de de- vant de de derrière. 40. Pâli (Ter aufli , fans rogner ni pincer , les bourgeons qui pouffent à droite & à gauche des yeux d'en- haut de ces gourmands. 5P. au cas qu'il n'y eût point de place pour les étendre fur le mur , les fupprimer , en les coupant à une ligne près de chaque œil , le plus tard qu'il fe peut , afin d'éviter la pouffe des nouveaux bourgeons. Rij '?S8 La Pratique Je me fuis déjà expliqué fur le traï* tement à faire aux branches chiffon- nes Se de faux-bois. Si cependant l'ar- bre n'en avoit point d'autres Se que fa jeuneffe pût faire préfumer fon réta- bliffement, on palifferoit de toute leur longueur ces branches foibles, mais en petit nombre. L'arbre feroit alors en état de les nourrir } Se à la taille on les couperoit fort court , jufqu'à ce qu'il fe remît. S'il n'y a point lieu d'en efpé- rer ce fuccès , il faut lui chercher un fucceffeur. Quatre fortes d'arbres fe préfentent actuellement pour être ébourgeonnés : les uns font nouvellement plantés , ou le font depuis trois ou quatre années. 'Les autres qui ont huit à dix ans , com- pofent la claife des jeunes. Ceux d'un âge formé , Se d'une vafte étendue , yiennent enfuite. Les vieillards enfin fe préfentent au dernier rang. Parmi ces différentes fortes d'arbres , je diftingue ceux qui font extrêmement vigoureux , de ceux qui font plus fa- ges , ceux qui font malades depuis long-temps d'avec ceux qui n'ont que) des maladies paffagères. Les uns ont été bien conduits ; les autres, Se c'eft b plus grand nombre , l'ont été fort BU JAKD1NA15IH ^oy mal. Quantité de gourmands , Se de* branches tant fécondes que ftériles , fe remarquent à tous } enfin la plu- part , pour avoir été plantés trop près , fe touchent , Se leuts rameaux alon- gés s'entrelacent : il s'agit de pref- crire des règles pour ces différentes clalTes. Une des plus effentielles , eft de? confidérer la nature des bourgeons qui ne doivent pas être indiferétement j étés à bas. Comme le pêcher eft l'arbre le plus difficile à ébourgeonner , je le prends pour exemple. Ses fruits, au pre- mier paliftage fur-tout , n'étant pas fort gros , & étant cachés fous les feuilles dont ils empruntent la couleur , tom- bent aifément , fi on n'a foin de tâter les branches qu'on veut ébourgeonner, afin d'épargner tous les bourgeons chargés de pêches. Il faut en outre , avant que d'en jeter aucun à bas , le préfenter en place 5 on conrroîtra par- là s'il eft dans fon ordre naturel , s'il ne forcera pas ou s'il n'éclatera point du bas. J'ajoute qu'il eft de conféquence dans cette opération de conierver foi- gneufement , non-feulement les feuil- les deftinées à préferver les fruits des Riij TU 500 La Pratique rayons brûlans du foîeil , mais aufli toutes les autres , quelque part qu'elles foient. Cette proportion fera traitée de minutie par ceux qui ignorent quel peut-être le miniftère des feuilles dans l'ordre de la végétation. Grew ( Ck. VI. p. 188. ) dit « que les parties les aï plus grofiières du fuc demeurant 3> dans les feuilles , il n'entre dans le » fruit que les plus pures Se les plus v délicates. Deux fortes de branches doivent être fupprimées dans les arbres lors de rébourffeonnement , d'abord celles qui font irrégulières , infécondes , tortues , chancreufes , gommeufes , contre l'ordre de la nature , mortes ou mourantes j enfuite les bourgeons furnuméraires , quoique branches fruc- tueufes pour l'année fuivante , de les. gourmands inutiles. Après avoir fait choix de ceux qui font le mieux pla- cés , on en fupprimera un entre deux ou même deux de fuite félon que la muraille eft plus ou moins garnie. Les mêmes règles doivent s'obfer- ver à l'égard des arbres en ccntrefpa- lier 8c en éventail ? avec cette diffé- rence , que les premiers étant moins ghves que ceux d'efpalier , on peut fc U J A R D I # A Gï. 59Î leur laifïer plus de bourgeons, &: que les féconds qui préfentent une double face, demandent à être ébourgeonnés par-devant comme par-derrière. Les buifTons qu'on évide , en feront dé- dommagés par la quantité de bour- geons bien placés au pourtour qu'on leur laiiTer a: il faut plus d'intelligence pour les ebourgeonner a propos que les autres arbres. On coupera à ceux en plein vent tous les bourgeons mai- gres qui pouffent par pelotons , de on n'en lailfeta qu'un ou deux bien placés. On leur retranchera les poulies qui fe croifent Ôc s'entrelacent , de certains gourmands qui emporreroienc tout l'arbre , en appauvrillant leurs voiiins. Élaguer peu-à-peu les bour- geons du haut de la tige pour ne laifïer que ceux qui doivent former une belle tête , eîl le moyen de n'avoir que des arbres chargés de fruits nombreux ,. gros & exquis , & qui préfenteronc un coup d'œll charmant. Un point capital de l'ébourgeon^ nement, relativement aux arbres en efpalier , eft de ne jamais abattre le bourgeon qui termine la branche , à moins que celui de de (fous ne fut meil- leur. A la taille, comme je l'ai dit plus- Riv %e>i La Pratique haut , on rapproche , on reiferre , on concentre \ à rébourgeonnement on ne peut donner trop d'extenfion aux arbres , quand ils pouffent vigoureu- fement , 8c que tons les milieux font garnis. Il fe rencontre fouvent de grof- fes branches de vieux bois , mortes depuis la taille du printemps , qu'on ne fait fi on doit abattre ou laifïer • je penfe que de fortes incitions faites aux arbres en Juin & en Juillet leur font très-préjudiciables, & qu'elles doivent être remifes a l'année prochaine. Néan- moins on peut diminuer la difformité caufce par la prcfence de ces branches , en paliffant deffiis ou à coté des bour- geons voifins. Rien de plus ordinaire aux gour- mands que de produire à leur extré- mité deux ou trois branches : on ne lahTera que celle qui fera le plus avan- tageufement placée , on coupera les deux autres. A l'égard des bourgeons que la Nature donne uniformément à tous les arbres pour fervir de mè- res-nourrices aux fruits ; loin de les fupprimer ou de les couper à deux ou trois yeux , un bon ouvrier les cou- lera le long d'une branche de vieux bois , ou les retournera en anfe de î)U Jardinage.' 393 panier fut le devant ou fur un cote ; ectre difformité 5 au refte , n'efl: que, pafïagcre ; elle difparoît lorfque le fruit efl: mur, ou à la taille fuivante. Les bourgeons que la gomme aura pris , feront raccourcis à un (Lil au- deffous du mal , afin qu'il en pouffe de nouveaux. Point d'arbres ni d'arbuftes qu'on ne puiffe ébourgeonnet pour qu'ils prennent une figure régulière* Les cerifiers- , guigniers Se bigarreautiers , par exemple, tant en efpalier , qu'en Contrefp.ihcr , reifemblent , fans l'c- bourgeonnemcnt , à des heriffons. Comme ils pouffent différemment qu'un pécher 8c qu'un pommier , ils doivent aufli être ebourgeonnés d'une autre manière. Ils n'exigent pas non plus la meme prccifîon ni la même correction. Leurs boutons toujours gros &. nourris , parce que leurs fruits ioiit par paquets fortant du même œil , Ôc qu'ils font abondaus en fève , ont befoin d'un plus grand nombre de branches qui leur fervent de refervoirs & de mères-nourrices. Ils pouffent jnoins de branches abois feuLementy que de branches à fruit. Le ceriûer fait aufli eclotre fur 1$ vieux bois quantité de brindilles en devant qui font précieufes , Se des branches fortes, fouvent aplaties avec des côtes , ôc cannelées qui prennent jbeaucoup de fève : on ne confervera celles-ci qu'autant qu'elles feront en nombre égal de chaque côté. La fi- gure qu'il doit avoir eft- celle d'un éventail régulier. Jamais (es branches perpendiculaires ou demi-perpendicu- laires ne s'approprient toute la fève y comme celles du pêcher. S'il s'emporte du haut , quoiqu'il fe dégarniffe rare- ment du bas \ rapproché à la taille il pouffe afTez aifément. La façon de l'é- fcourgeonner , eft de lui ôter les ra- meaux trop nombreux , de laiffer tous ceux qu'on peut paliffer, quand même ils feroient trop drus , Se de conferver les lambourdes des côtés & celles qui font droites Se courtes en-devant ; ces dernières donnent les plus beaux fruits Se les plus abondans. On les retranche enfuite lorfque de nouvelles lambour- des les remplacent. Un cerifier en efpaîier , bien dreffé , ebourgeonné à propos , Se palifïé fui- vant les règles , forme un riche coup d'œil , fur-tout lorfque paré de fes fruits il étale fes rameaux fouples , du Jaidinasb, 395 dont le feuillage d'un vert brun de obfcur , contrafte avec le bel incarnat de fes fruits pendans négligemment au bout d'une queue alongée. Les précoces font une clafTe fépa- rée^ leur bois eft toujours plus fluet y cependant bien gouvernés , ils acquiè- rent une étendue femblable à celle des arbres d'uiae constitution plus robufte. Il eft fort commun d'en voir a Montreuil qui ont trente pieds, de face & au- delà : ils ne fe plaifent qu'au midi ôC clans une terre neuve. Tous les arbres fruitiers qu'on pa- lifTe contre Fufage ordinaire , deman- dent à être ébourgeonnés. Tel eft le figuier que des particuliers , plus cu- rieux de l'excellence de fon fruit que de la quantité , placent en efpalier. C'enY celui qui craint le plus la gêne , &C qui poiuTe d'autant plus , qu'on lui donne moins Ténor. Pour lui faire prendre une forme régulière afin de l'ail ujettir au treillage , on eft forcé de couper quantité de rameaux placés par-derrière qui empêchent les gros bois d'approcher du mur r ainfl que ceux qui dardent de toutes parts en- devant , d'où il arrive que les faux— bourgeons fe multiplient à l'infini, $$6 La Pràtiq^ï Le bois du figuier eft rempli d'une moelle fpongieufe , &c fa fève eft lai- teufe. Par la fupprefïîon de fes ra- meaux , on met la moelle à l'air qui la defieche , la pluie s'introduit en- fuite dans les petites cellules que la Nature y a pratiquées , & de-la s'en- fuir la pourriture qui occafionne bien- tôr la mortalité de ces branches in- cifées. Comme fes pores font fore ouverts & fes conduits intérieurs très- dilatés , il fe fait une extravafion de cène sève laiteufe qui flue jufqn à éva- cuation totale. Telle eft la raiion pour laquelle tout figuier qui n'eft pas em- paillé l'hiver ou qui l'eft mal, gèle aifément , fur-rout s'il tombe de la rreige , du givre 8c des frimats. Il fait le plus fouvent éclorre du bas quantité de branchettes creufes qui gèlent en hiver ou qui fèchenr au printemps > faute de confiftance fufîîfante , loir pour fupporter le froid , foit pour réfif- ter au grand air du printemps. Beaucoup de Jardiniers ont la mau- vaife habitude de retrancher fans cefTe au figuier tous (es bourgeons , afin ,. difent-ils , qu'il ne s'emporte point en- bois. Ils prétendent fixer dans le bas de l'arbre Se dans fon fruit la fève qui tîourrit les bourgeons nombreux au haut des branches de ceux qui pouf- fent à leur gré. Je défapprouve égale- menr l'ufage G?tffe CHAPITRE VI. Du Palijfage. .L'art du paliffage confiée à atta- cher d'abord au treillage le côté le plus difficile de l'arbre , puis paiïer à l'autre, Se finir par le devant Se le milieu. Il n'eft pas dans l'ordre de la Nature. Toujours elle porte en avant fes ra- meaux pour fuivre la direction Se l'impreilion de l'air. Toujours les bour- geons attachés Se arrêtés s'écartent dix- jnur par leur extrémité. On diftingue deux fortes de palif— Dtr Jardinage. $££ fagesj'un d'hiver de l'autre d'été. Tous deux ont également pour objet l'uti- lité Se l'avantage de l'arbre; le der- nier fe propofe de plus de former un- coup d'œil régulier. Tous deux ten- dent à lui donner plus d'étendue , à faire naître l'abondance , à accélérer la. maturité du fruit , Se à lui procurer , avec un colot is charmant , une faveur douce Se un parfum exquis. De la façon dont on a traité juf- qu'ici les arbres en efpalier , qui ne parviennent jamais à garnir les mu- railles , il n'eft pas aifé de concevoir que le paliflTage contribue à leur don- ner plus d'étendue. On croiroit que ce feroit plutôt l'office de la taille. Rien cependant n'eft plus vrai. Par la taille Se Tébourgeonnement, onôte aux arbres d'efpalier toutes les branches tant de devant que de derrière. Patmi celles qu'on lailfe pour être dreffées en éven- tail, il y en a au moins la moitié qu'on fupprime aux différens ébourgeonne- mens. Cette fuppreflion peut être efti- mée la troiiième partie de leurs mem- bres. Joignez encore à ces prodigieux retranchemens , celui de l'extrémité de leurs rameaux , Se vous en conclurez <3ue»les arbres, au-lieu de s'alonger. 4© bre 8c le fruit ont également part aux bienfaits de l'air qui s'infmue par fes pores , l'humecte , le rafraîchit , lui porte la rofée durant la nuit & lui verfe , le jour, des pluies fécondes. Dans les arbres de tige 8c en builïort l'air circule & pénètre de toutes parts , au-lieu que contre la muraille il a moins de jeu & d'action. Le palilTage fi utile pour tous les arbres a pour le pêcher des avantages particuliers. Nul ne forme un plus riche tapis vert, &: ne fait un plus beau coup d'ceil qu'un pêcher bien paliffé y fes branches flexibles 8c do- ciles à nos volontés , femblent collées- fur la muraille 8c incorporées avec elle. Dans les autres arbres nombre de branches pointent fur le devant , de y font S.qs éminences } comme elles font la bafe du fruit, on ne peut les fupprimer : mais au pêcher nulle branche faillante , nul rameau indocile ; excepté les maîtreiTes bran- ches , fa fuperficie ne doit point avoir plus d'un pouce d'épaiifeur. La beauté de fon feuillage toujours d'un vert aaiffant. , . le coloris &: le velouté de du Jardinage. 40$ fes fruits le font admettre dans les jardins les plus réguliers , pour y figurer pompeufement avec les fleurs rares &: précieufes. Quelle riche paliffade qu'un efpa- lier d'arbres dont les branches font diftribuées d'une manière raifonnée &c bien entendue , où l'intelligence a préfîdé pour leut donner plus ou moins d'étendue ., pour avancer ou reculer les bourgeons , & dont le vide , la confufion & la difformité font ban- nies ! La PL VUL en offre deux mo- dèles (fg. 1 & fig* 3 ) défîmes d'a- près des pêchers de treize ans , gref- fés fur amandiers , & plantés par l'Au- teur dans le peut potager de l'Ab- baye de Livry : ils ont feize pieds d'étendue fur onze de haut. Dans celui de la fig. 1. les branches a font forr prefTées , mais à la taille on peut les éclaircir. Le vide b fe remplira à me- fure que les bourgeons s'alongeront. Ceux de la lettre c s'élèvent a la hau- teur du chaperon \ loin de les ro- gner , on les a coulés de côté en les couchant. La branche-mère d eft plus forte que fa parallèle \ cette dernière , parce qu'elle porte deux membres , a pouffé moins vigoureufement : on les 5j©4 La Pratique rendra égales en chargeant beaucoup la forte &: foulageant la roible. e deux membres dont le fupérieur eft plus fort que l'autre. Pour que le paliifage foit dans les règles , il faut , pour ainh* dire , qu'on puiife apercevoir du premier coup d'ceil l'origine de chaque branche , &c faifir ce bel enfemble , où. les parties fe rapportent au tout. J'ai dit en parlant de la diftribution des branches , qu'on ne devoit laiifer que les obliques , de façon que chacune formât autant de petits éventails qu'il y a de mem- bres dans l'arbre. Suivant la méthode ordinaire , il n'en forme qu'un , en prenant la figure d'un demi-cintre où toutes les branches partent du tronc, comme autant de rayons qui vont du centre à la circonférence. Rien n'em- pêche que ce qui a été pratiqué juf- qu'ici dans la totalité de l'arbre ne ioit répété dans chacune de {es par- ties , &c que de toutes en particulier on ne faiTe en petit, ce qu'on a fait en grand dans chaque arbre. Ces fubdivi- iions qui composent un tout fi parfait, offrent un afpecl: qui charme toujours, parce que l'image de l'abondance s'y trouve jointe à celle de l'agrément. Bu Jardinage. 40 y Je vais plus loin , &c je prétend» qu'il 'faut moins de temps pour diriger Ârpaliffer un arbre félon ma méthode, que fuivant l'ancienne. Gouverné , comme je l'enfeigne , tant pour la taille que pour rébourgeonnement, je diminue l'une &: l'autre. Un feul oc- cupe la place de trois , il efc évident qu'en y employant les mêmes mo- mens , on ne peut pas dire que la fomme du temps que le travail exige foit augmentée. Je tire les branches-mères par leur extrémité tant que je puis les étendre, ainn* que les bourgeons qui en naif- fent, &c les membres qui croiifent perpendiculairement de diftance en diftance fur ces branches-mères obli- ques. Enfin , je tire également fur le milieu , en alongcant à droite & à gauche chaque bourgeon, Se c'en: ainfi que je forme autant de petits éventails particuliers de chacune des branches. Les obliques qui ont poufle des deux jambes de mon \/ font paliltées avec leurs faux - bourgeons , &c fervent à garnir le mur. Je continue la même opération d'année en année , &c ce travail commencé de bonne heure de- vient par la fuite d'une extrême fa- 4o£ La Pratiqui cilité. On ne le réitère qu'autant de fois qu'il fe préfente des bourgeons à arrêter , à mefure qu'ils pouffent de nouveau & qu'ils s'alongent. Le paliifage à la loque l'emporte fur les autres façons d'étendre les bran- ches , Se les bourgeons des arbres , tant de ceux qui donnent des fruits de primeur , que du pécher. Comme cet arbre délicat eft fouvent attaqué de la cloque , plus fes rameaux font rap- prochés du mur , moins il eft fujet a être pris par les mauvais vents. Ses .boutons étant comme collés fur la mu- raille , s'alongent plus promptement , ôc fes fleurs s'ouvrent auiîi plutôt qu'au palilfage fur le treillage. Une des rai- fons pour lefquelles le pêcher réufîit mieux à Montreuil que par-tout ail- leurs , c'eft parce qu'on y attache fes branches fur le mur même : le fruit y reçoit immédiatement la réverbération des rayons du foleil. Il doit aufli avoir plus de goût , parce que la cuiifon 8c la digeftion des fucs s'y fait infini- ment mieux que dans ceux qui en font éloignés d'un ou de deux pouces fur un treillage carré. La Nature nous montre des exceptions quant à ce point y dans l'abricotier & dans le au Jardinage. 407 Çrunier. Les fruits de l'un de de l'autre n'ont point de goût & fort peu de cou- leur en efpalier , en comparaifon de ce qu'ils en ont en plein vent. Il eft maintenant quellion de favoir en quoi le paliftage a la loque eft utile à l'arbre. Je ferai obligé d'entrer à ce fujetdans quelques petits détails, ne- ce'Xaires pour repondre aux difficultés faites par les adverfaires de ce palif- fage. Toute ligature gène plus ou moins l'écorce des arbres fur laquelle elle appuie. Cet;:? écorce, ou eft dure dans le bois formé , ou eft tendre dans les bourgeons de l'année. Si elle eft dure, on lie les branches avec de J'ofier : cet ofier venant à fècher preuve nécessairement l'écorce de la branche , de fait par rapport aux parties mitfcu- leufes des arbres , ce que tait une li- gature fur nos membres auxquels elle caufe un ferrement , qui empêche jufqu'à un certain point la circulation des efprits. La jeune branche venant à groiïir , l'oller qui entre dans fon écorce, la coupe , &c il s'y forme deux boursiers. De-là naît un chancre , v Jardina gï. 405 »e bourgeon , de les tordre enfuit© deux ou trois fois Se de les couper *y que l'on le compare, dis-je , àl'a&ijn de prendre une loque dans fa trouve , de la plier fur la branche ou fur le bourgeon , Se de chaffer le clou, Se on décidera de la facilité Se de la promp- titude de l'opération. A une longue branche on met cinq à iix joncs , au- lieu qu'à la loque un ou deux clous fufïifent, Se quand le bourgeon s'a- longe Se ptend fon pli par en-bas, il fuffit de faire une petite pefée pour lever Le clou avec la tête du marteau, Se le repoier plus haut. Un avantage de la loque qui décide de fa prééminence fur le palifTage au jonc , c'eft qu'elle vous force , pour ainn* dire , de ne placer que les bour- geons néceifaires , Se de fupprimer les autres , parce que la muraille , une fois garnie , ne vous permet pas d'en employer de furnumeraires , dont les feuilles mifes les unes fur les autres, cauferoient une confufion révoltante. De plus , lorfque la loque eft bien travaillée , quelque vent, quelque ou- ragant qui furvienne , il n'y a ni bran- ches détachées , ni bourgeons caffés ou offenfés. Tome I% S S^iô La Pratiqué Si ce palhTage , me dira-t-on , eft le plus avantageux , au moins n'eft- il pas le plus honnête. J'en conviens pour le temps de l'hiver & du prin- temps j les campagnes font rarement habitées alors , & on ne profite guère de cette décoration fi vantée du treil- lage carré. J'avoue qu elle eft devenue 'indifpenfable , eu égard aux planta- tions réitérées & aux endroits dégarnis des murs. Mais fi la façon de bien conduire les arbres pour garnir en peu He temps les murailles , avoit lieu , je 5c enfin la gangrène» è v Jardina êrt. \ÏY La façon de placer les boUrgeons ne Varie point fuivant les différentes for- mes de treillage. Obfervz toujours de ne jamais faire prendre de faux plis aux bourgeons, de ne les point for- ~cer ni contourner, & que la naiifance de chacun Foit, comme je Lai dit, -aperçue , en les considérant depuis leur bafe jufqu'à leur extrémité. Il faut que les branchés foieht toutes placées dans un ordre de proportion-, Se efpacées à une forte d'égalité , de fur-tout après les fé- chère (Tes. QSL. Il...rii.il .^.^.«r,,»,,,,, .,,,_, Bfcgg ■A ■LE PECHER ; r ! £T LES AUTRES ARBRES: i. t CONSIDÉRA DA^S LEUR VIEILLESSE. 4- , „1 . m£3^!*f&*i QUATRIÈME PARTIE. ■€■■.,,,, ■ ==^g^^gg^,— j: a i ■ '»• CHAPITRE PREMIER. Dm-- moyens de renouveler les vieux-' Pêchers. E temps où le pêcher approche cfe là vieillefîe n'eft pas aifé à déterminer.. S'il a peu de beaux jours , il ne fane l'attribuer qu'à ceux qui le cultivent.* Bien^ conduit , il n'eft jamais vieux* dans- un fens ,.. quelque- rtombtettfes» $ue £bient fes années y, la- fécondité > SB* 4i3 La Pratique. _£* h vigueur ck la fanré continuent d'être n partage. - Je distingue deux fortes de pécher* vieux ; ceux qui ont été bien gou- vernes depuis leur jeuneiTe , jufqu'au. temps où ils commencent à être fur le- retour , de ceux qui l'ont été mal. Comme les pêchers de la première claffe forment- le plus petit nombre, je puis également les envifager fous ce dernier rapport , Se ne preferire aT leur égard qu'un grand ménagement > & une partie de ce que je vais appli- quer aux autres. Les vices d'origine éc les vices accidentels occasionnent donc les diverfes maladies des pechers dans leur vieillefTe. Les plus ordinaires font d'être épuifés de ruinés , d'être mangés de gomme 5e de chancres , d'avoir l'écorce defféchée , d'être cou- verts de gale Se de moulïe ; enfin d« n'avoir plus qu'un refte de vie que leur communique un peu d'écorce verte encore, dans la partie feulement qui répond à la muraille. Ce ne font plus ces branches vigou- reufes , ces gourmands nourris &c multipliés , ces beaux jets furchargés de boutons , ces rameaux verdoyans > te ce touffu de bourgeons pullulans de» BU J.UDIKA6!. 415* -tous cotés. Ils font remplacés par dos jets chédfs , des yeux uniquement 1 fleur fans prefque aucun bouton a bois, £c quantité de faux-bois. Les traite- mens «5c les remèdes que je vais pref- crire pour leur guérifon contribueront à les renouveler. Avant que d'entrer en matière , je ne puis qu'applaudir à l'ufage prefque univerfel , de planter un jeune arbre entre deux vieux qu'on élague à me- fure qu'il s'étend , jufqu'à ce qu'il devienne allez fort pour les rem- placer. Je fuppofe préfentement un pécher ancien qui a encore de la refïburce , quoique privé de fes gourmands , chargé de branches perpendiculaires au tronc , emporté du haut , 5c dé- garni du bas ex des cotés. On peut l'ebotter , c'eft un trifte expédient y après lequel il n'eft plus bon qu'à brû- ler , s'il ne fe remet pas \ le ravalement £cle rapprochementfont deux movens plus propres à le rétablir. Mais le dif- cernement néceifaire pour faire tour- ner ces opérations au proiit de i*ar::e . y préiide bien rarement. Faut-il rava- ler ? on abat tout l'arbre j; greffe ou fur deux o:; - S V j 420 JL A J/ R A TIQUE" branches à fîx pouces de longueur chacune. S'agit-il de rapprocher ? on le récépe entièrement fur le jeune bois , ou fur la fouche , ce qui s'ap- pelle étronçonner. Il arrive de-là que Farbre qui fouvent a l'écorce fort dure, ne peut pouffer de bourgeons de meurt , ou que la multiplicité des plaies lui caufe un tel épuifement , qu'éventé il ne fait que des poufles maigres , & que les groifes branches brufquement rapprochées meurent en partie. Si on m'objecte l'exemple dès ar- bres des forêts qui s étant coupés par- le pied , font éclorre de leur tronc de nouveaux jets qui percent immédiat tementde l'écorce , & s'élèvent prodr- gieufement j je répondrai que le tronc étant continuellement imbibé en terre* de l'humidité qui y réiide, fon écorce eft beaucoup plus aifée a s'ouvrir pour la fortie de ces jets , au-lieu que l'é- corce éeailleufe de ceux qui font ra- valés fur le gros bois , frappée de l'air, êc dës-lors plus compacte ôc plus dure-, ne peur être que difficilement percée par l'éruption de la levé. De plus , la coupe de ces vieux bois étant expofée au- foleil ^ aux pluies , ôc aux diverfe$. intempéries de l'air ne peut fe guérir,- Se tandis que dans- les arbres vigou- reux , le. bourrelet cieatrifant com- mence à-, fe faire , la partie ligneufe Se la moelle s'attendriflenr , s'exco- rient , Se l'humidité les mine peu à peu. Quoiqu'il arrive auflî à de vieilles louches coupées dans les bois de fe convertir en pouflîèrey l'arbre ne périt pas : fes rejetons fortant du tronc pour îa plupart , prennent racine en terre > & font en état de fubfifter par eux* mêmes*. La délicatefTe du pêcher exige que le ravalement Se le rapprochement ne fe fanent que par partie Se en trois ou quatre années. Alors on donne le temps a chaque plaie de fe cicatrifer 3 Se là fève îr étant ni éventée ni évaporée , fuftit , tant pour produire de nouveau bois , que pour former le bourrelet eiTentiel au recouvrement de ces ou- vertures, fuccefïîves» La première année , je ravale trois gro (Tes branches , une dans le milieu, Se une à chaque côté ; la féconde 6c la troifième , je double Se triple ce retranchement fi Darbre eft coniidér» rable. Les bourgeons qui naiffent forx: communément des gourmands* Je les» rwr m.V 1KJ/AAA .« • #i 421 La Pr AT I Q V 1 JahTe pouiïer de toute leur longueur ? en fupprimant feulement les faux- bour- geons de devant & de derrière , Se confervant précieusement ceux des cotés pour amufer la fève. La féconde année , je taille fort long ces pouffes ; êc les faux-bourgeons des cotés me donnent des fruits qui, à la troiiième,. font plus abondans encore fur les branches-crochets 3 nées immédiate- ment des yeux de tous ces gour- mands. On diftingue deux fortes de rap- prochemens : Tun fe fair fur le vieux bois des années précédentes , l'autre furies bourgeons de la dernière pouffe. Tous deux s'exécutent au printemps à la taille , mais différemment félon la nature des branches , & l'état actuel de l'arbre , en rapprochant celles qui choquent davantage par leur dépouil- lement & leur épuifement. S'il faut les ravaler , & qu'il n'y ait point de poufïes dans le bas , on a bientôt pris Ion parti : mais fi dans le bas de cet branches épuifées on trouve quelque bon bois , on coupe au-dedus &: on le rapproche à deux ou à trois bran- ches. Si on n'en laifïoit qu'une £c cui'eUe vînt à manquer y on n'aurois D U ; J A R D I N A G E. 4I f plus de refïource , l'arbre feroit dé- garni. Je taille à deux ou trois yeux ces branches de la pouffe précédente. Lorfquil eft queftion de l'ébourgeon- nement, je rapproche fur le bourgeon d'en-bas ; & l'année fuivante , fa- longe ou Je tiens de court à propor- tion de la vigueur des bourgeons. Je commence toujours par ravaler les branches perpendiculaires , qui font ordinairement la caufe du mauvais état des arbres. Pendant quatre ou cinq années , me dira- 1- on, que durent ce ra- valement 3c ce rapprochement, vos arbres font ftériles. Je diftingue les arbres fruitiers à pépin de ceux à noyau. Si je ravale 3c rapproche les premiers , où le fruit eft trois ans à fe former , je n'en puis avoir que vers ce temps- là aux nouvelles branches que Je fais pouffer. Mais comme je me reft reins a décharger ôc à rappeler l'arbre , alors les lam- bourdes 3c les brindilles qui reftent3 font plus fructueufes qu'auparavant. Si ce font des arbres de fruits à noyau, comme les boutons à fruit fe for* ment dans chaque année , je ne puis irianquer d'en avoir, puifque Je fais 424 La Pratique pouffer de nouveau- bois franc à-- lac place d'un bois ufé. La féconde année Se la troiiième ,, l'augmentation erc fenfible , jufqu'à ce que mon arbre étant touc-à-fait formé , je fuis en état de le charger. J'oublie alors qu'il elï vieux, 8z je le conduis comme un jeune. Sur les vieux arbres on rencontre fréquemment des chancres ,. de la gomme-, des plaies non recouvertes,, des chicots , des onglets : je fais dif— paroître toutes ces difformités \ la con*- fidération de tant de plaies , indépen- damment de celles du ravalement 8c. du rapprochement-, eft une des rai— fons pour lefquelles je ne fais pas mon- opération en une feule année. Je gratte- avec la pointe de la ferpette les vieil- les écorces qui s'exfolient , & je. coupe tout ce. qui eft mort , jufqu'à ce que. j'arrive au vif. Je fais la même chofe aux chancres que je nettoyé bien. J'ote. les bois morts , j'enlève la vieille. gomme, Se j'applanis les lèvres def- léchées de ces plaies. Je creufe juf- qu'au vif dans toutes les cavités avec" la pointe de la ferpette. Lorfqtie l'ar- Bre eft exactement vifité, j'applique- œaes; catapîafmes fur fes plaies, A*¥ du Jardinage. 4.25 refte la faifon du printemps eft la feule convenable pour de femblables panfe- mens. Par de rels moyens , la fève qui fe porte naturellement vers les plates pour opérer la réunion des parties 9 coule à la faveur de ces topiques } 6C au bout de quelques années l'écorce , foit de la tige, foit des branches de ces vieillards , fe trouve auilî liiTè que celle des jeunes arbres. Les différentes fuppreflîons que je viens de détailler , opèrent néceffaire- ment de grands vides aux efpaliers. Je les remplis , ou je tâche de les rendre moins fenfibles en cette manière. Je dépilitfe mon arbre entièrement , 3c lorfque les panfemens font achevés , je diftribue à diftances à-peu-près éga- les , tous les bois reftans , mais je n'en force aucun , je ne m'avife point de trop plier les branches pour les at- tirer & remplir un vide , elles écla- teroient aifement. On a vu que la tenfion de la peau altéroit la circula- tion de la fève. AflTez fouvent ces ar- bres foibles font des pouffes fauvages qui partent du tronc Se des racines ^ leurs branches ufées à force d'y rece- voir la fève , ne font plus en état de la contenir. Les fibres font rapprochées 4i6 La Pratiqué Se comme ctifpées, & les pores de la peau font fermés. Les racines néan- moins font encore pleines de force, La fève ne rencontrant que des obf- truétions dans les parties de l'arbre, produit quelquefois ces fauvageons dont je parle : on les greffe &c ils le renouvellent j alors ils font préférables à de jeunes arbres. Au-lieu de le ré- céper , il vaut mieux laiffer la fouche deux ou trois ans afin de fervir de tireur à la nouvelle pouffe , & lui donner le temps de groffir fufïifam- ment pour pouvoir être fevrée fans altération. Outre ies moyens que j'ai indiqués pour remettre les vieux pêchers , il en il eit indifpenfable de te renouveler. Ce moyen ieul m'a fouvent réuiîl pour remettre de vieux pêchers. Si ce chan- gement de terre ne fuffit pas , il faut un fecours plus puifTant , tel que celui des engrais* La néeeffité de fumer le pêcher fe fera fentir à tons ceux qui ont étudié. la nature de cet arbre. Etranger parmi nous r il doit être traité différem- ment que les naturels du pays : fi on. le confidère enfuite par rapport à la/ grande diiripation Se à la déperdition de fa fève caufées par les bourgeons nombreux qu'il fait éclorre , par fon flux de gomme, par le dc{Téchement qu'occafïonne dans toutes fes parties, l'imprefllon vive des rayons du foleil ^ © u Jardinage. 4^ &C par la difette des fucs de la terre épuifée , il eft certain qu'il a befoin ■d'être fumé de temps à antre. L'automne eft la faifon la plus con- venable pour cette opération On fait un bafîin d'environ un pied de profon- deur , à commencer vers l'endroit ou abouthTent les grofles racines , & on va en mourant jufqu'au pied de l'ar- bre. On laiiTe le fumier durant l'hiver fans le couvrir y Se au printemps , lors- qu'il eft bien fondu &c prefque en miet- tes , on laboure ôc on l'enterre. Quand on fume au printemps , le fumier , quoique pourri , a toujours une cru- dité qui ne fournit point des fucs bien travaillés. Le pied des arbres fumés alors eft couvert de mauvaifes herbes , ils deviennent eux-mêmes tout noirj par les divers infectes qui les rongent; prefque toujours les pucerons de la cloque les attaquent. A Montreuil on fume les pêchers tous les trois ou qua • tre ans. Ne feroit-il pas mieux de pren- dre le befoin pour la règle de la mefure de la diftribution du fumier ? Les vieux pêchers fe mettent beau- coup plus à fruit qu'à bois. La raifon «n eft que la fève n'y coule plus avec la même célérité que dans les 4^0 , La Phatiquî jeunes. Les fucs nourriciers y font jinceffamment retardés par l'épaiftif- fement des liqueurs , 6c parce que leurs pores étant plus ferrés , & prefque fans moelle , le parenchyme eft plus aplati , leurs couloirs , leurs féparations font extrêmement pre(Tés , de il fe forme par conféquent dans les paiTa- ges de la fève des obftructions èc des embarras qui opèrent une lenteur dans fon action. Qu'aperçoit-on dans l'ex- térieur de ces vieux arbres? Une quan- tité de cicatrices qui ont occafionné desnodus fréquensparlefquels l'action £e la fève n'eft pas peu retardée. Leur écorce n'eft point , comme celle des jeunes, imprégnée de liqueur & de cette lymphe , qui à la moindre contufion fe fait apercevoir , mais elle eft fèche , plate de dure , telle que la peau des vieillards. Un affaifTement univerfel, en un mot, fait que leurs conduits organiques n'ont plus leur jeu , ni leur relTort , comme autrefois. L'é- vaporation des parties fpiritueufes y eft rare , tout y eft employé & mis à profit , au-lieu que dans les jeunes il s'en fait une diflipatioii çonfidërabie , qu'ils font obligés de réparer aux dé- pens de l'abondance de la fève. La. &û Jardinage. 45 1 dureté des parties qui compofent*4a racine des vieux pêchers , eft telle , que les fucs de la terre y font admis avec moins d'aftluence , 8c qu'ils y font un plus long féjour. Ce font là les eau- fes de l'abondance 8c de l'excellence des fruits , nés fouvent fur de vieilles fouches , fruits fi favoureux Se iî fubf- tantiels , que ceux des jeunes arbres les plus vigoureux ne peuvent leur être comparés. Les jets que. produifent les pêchers dans leur vieillefTe , font ordinaire- ment très-courts , les boutons à fruit font plus gros 8c plus ferrés. Rarement pouflent-ils âes gourmands ; chaque année ils perdent quelque branche ufée , qu'il faut tâcher de remplacer par une voifine. Un Jardinier qui ré- fléchit peu , voit beaucoup de bou- tons à fruit bien nourris , 8c tire def- fus amplement. L'année d'après, quan- tité de branches épuifées par cette charge furabondante fèchent 8c périf- fent. La mort de l'arbre fuit de près cette funefte abondance , dont le Jar- dinier s'étoit applaudi. Il eût réuni à , donner à fon Maître des fruits cueillis fur un fujet étique , s'il l'eût taillé court & conduit avec la plus grande -retenue- foi La Pratiqui Deux ou trois yeux laifles aux bonnet branches , un feul aux foibles , & une diftribution raifonnée , pour que l'ar- bre foit toujours plein , conftituent toute l'économie de celui qui tire à fa fin. Quant à ceux qui par leur vigueur imitent les jeunes , je leur lâche un peu la main , en les rap- prochant Ôc les concentrant le plus qu'il m'eft poflible. Leurs pouffes vi- goureufes ne me font point perdre de vue leur âge. Ceux qui ont été bien conduits &: qui donnent des gour- mands , je les traite comme les jeunes , en ne les alongeant néanmoins à la taille que médiocrement. L'ébourgeonnement de ces vieil- lards eft fondé fur les mêmes ratfons. On ne doit leur laifler que de bon bois , de ne pas être féduit par des bourgeons nombreux & de belle appa- rence. Leur petit nombre fur lequel j'afïïeds ma taille , eft préférable à la quantité qui ne feroit qu'entretenir l'arbre foiblement. Dans les années abondantes en pêches , les vieux fem- blent , à l'envi dQS jeunes , s'efforcer de prouver leur fécondité : il faut pour lors les décharger proportionné-^ nient à leur état. Non-feulement t>v Jardinage. 435 Non-feulement on ne doit point fouffrir de mauvaifes herbes , ni même de plantes utiles au pied des arbres , tant jeunes que vieux, mais il faut la- bourer ceux-ci , en hiver de au prin- temps à la bêche préférablement à la houe. Cet infiniment coupe les ra- cines , Se ne réduit point aflez en miette la terre dont il n'atteint pas le fond aulîî avant. Outre ces labours que j'appelle fonciers» , il en eft de fuperficiels , autrement dits binages , qu'il faut faire tous les quinze jours ou trois femaines , à moins qu'il ne furvînt de grandes fécherelfes. Mais après des pluies abondantes , ce fou- lèvement des parties fulfureufes de la terre que le labour développe , quand il eft frappé des rayons du {o- leil, porte jufqu'aux racines une cha- leur douce & bénigne qui s'inimue dans les parties intérieures de l'arbre. Ces binages légers dont je parle , em- pêchent , fans erTruiter la terre , les mauvaifes herbes de croître. Celle qui feroit labourée foncièrement tous les quinze jours , feroit bientôt privée de fes fucs par l'évaporation. L'humide radical qui n'eft plus le même dans la vieiileife des arbres* Tome I. T 434 ^A Pratiqui que dans leur jeunelTe , demande a être entretenu durant les fécherefles par les arrofemens deux fois la fe- maine. Ils font encore plus néceiTaires vers le temps de la maturité des pê- ches , je fuppofe que les terres font fèches &: fablonneufes. Il n'en eft pas du pêcher comme de la vigne , à qui les engrais & l'humidité font préjudi- ciables pour le goût de-fon fruit. La pêche dans uimerrein trop fec , eft âpre 8c petite ; dans un terrein hu- mide , elle grcfïit , mais n'a point de goût } elle eft délicieufe lorfque la terre eft fuffifamment humectée , en même temps q«e fes fucs font animés de fpiritueux. gs ^{?^ CHAPITRE II. Des défauts naturels du Pécher. \J N pêcher , malgré ces attentions , peut ne pas répondre à nos foins : il n'en faut pour lors chercher la caufe que dans fes défauts naturels. Il en eft de deux fortes j les uns extérieurs, »u Jardinage. 45 £ comme les loupes , les excréfcencrs, les calas & les bourrelets des grefifcs -y les autres intérieurs, tels que les f.iu- vagecuis de prunier fur lesquels le pécher a été greffé 3 la délicate fïe de l'arbre , Se fon mauvais tempéra- ment caufés par le fumier k& le ter- reau dans lequel il aura été élevé. Ces derniers qui attaquent fa con- formation intérieure font fans remède, les autres peuvent être réformés &c cor- rigés. Tous lui occafionnent fouvent des maladies de la mortalité. J'ai fait plufieurs fois l'opération de couper les loupes qui croiflent fur les arbres.^Quelques-uns l'ont foutenue &? ont guéri , d'autres (ont morts. Quand. ces loupes ne font que nailfantes &c 1 groffes comme un œuf de pigeon , 1 on ne rifque rien d'en faire l'amputa- I tion , fur-tout à de jeunes arbres ; en y appliquant l'onguent de Saint Fiacre ji 8c le renouvelant au befoin , la plaie guérit parfaitement , fouvent au bout de Tannée. Ainfî que les os des animaux , le corps des arbres eft fujet à des exof- tofes formées d'un bois extrêmement dur , dont les fibres font irr ■igalières : la partie ligneufe qui, .dans ces en-. Tij '4$6 La Pratique droits, s'eft développée avec plus d'a- bondance qu'ailleurs , paroît en être la caufe. D'autres qui forment des cminences fuivant la direction de la tige , font occafionnées par un coup violent de foleil. La plus conddérable des difformi- tés du pécher 3c des arbres fruitiers , eft le bourrelet qui fe forme à l'en- droit de leur greffe. Pendant les trois ou quatre premières années elle grof- fît confidérablement , tandis que la tige refte à-peu-près dans le même état. Au bout de dix ans , ce bour- relet , dont les progrès ont été il (en~ fibles , commence à fe fendre , en- fuite la peau s'écaille , 3c l'arbre va toujours en dépériffant. Les branches latérales meurent les unes après les autres. Les perpendiculaires au tronc fubfiftent feules } leur groffeur eft quelquefois du triple de celle de la tige. ( Curieux de connoître la caufe d'un événement iî fingulier , j'ai tiré de terre quelques poiriers fur coignalîier, 3c des pêchers fur prunier , dans lef- quels cette difformité du bourrelet ctoit plus fenfible : j'en ai difféqué les différentes parties > ôc j'ai aperçu bu Jardinage.' 437 ûm microfcope des finuoiités: & des ouvertures femblables à celles qui Gompofenr l'éponge. Dans les jeunes arbres , elles étoient extrêmement molles, humides , aqueufes , de per- cées de quantité de petits trous , tels que ceux d'un dé à coudre j en les coupant l'eau diftilloit de toutes parts; Dans les arbres vieux de defTech.es , ces parties devenues auili dures &c aufîi compares , qu'elles étoient £1-. ciles à couper dans les premiers , avoient leurs pores extrêmement fer- rés , à-peu-près comme ceux du tronc même. Ces obfer varions m'ont amené au point de regarder ce bourrelet comme un dérangement de nature. Toutes les fois qu'il grofîit , fans que la tige profite à proportion , ou qu'il fe tuméfie & fe dilate , tandis qu'elle relie toujours la même , ou à-peu- près , on peut afTurer que l'arbre ne vivra pas long -temps • mais lorf- qu'elle croit proportionnément au bourrelet, quoiqu'il foit un' peu do- minant , c'eft un ligne non équi- voque de la bonne complexion de l'arbre. Quatre caufes m'ont paru concourir: à la formation de ce difforme bour- T iij 43 S La Pratiqua reler^ i°. Vnc greffe qui, dans ià pcplivire > a éi?é £j*ph . lée fur un fau- vage-vr non Û\.\2i ou vicieux, 2°. Les b: Àcfi • perpeniiculaires à la tige, 5 °. Le retranchement des gourmands , 4°. Le ;- . .emcnr, Se la fupprclîion des e>: lis des bourgeons durant la pou!''.'. J'ai ri. Ti des fanvngeons d? toute er; -'-ce a là grofTeur feulement dune foire plu ni', à écrire , de j'ai vu la fevè fe porter vers l'écufïbn. Quand au printemps j'avois coupé la tète du fauvigeon , je voyois en moins de fix femrines là greffe former un bour-> reîet du double de la groffeur de la- tine , ex à inclure- qu'il au^mentoit 2 elle ne prohtoit que médiocrement. JLe contra're arrivoit quand la tige du iauvngecn étoit en proportion avec la greffe. J'ai une autre fois choifi une bouture c!e prunier , Se une d'aman- dier , toutes deux remplies de nodus &: de callofités , mais jeunes ; elles avoienr la moelle noire. Je les ai récépees pour leur faire poiuler de nouveaux bourgeons que j'ai grcrïés Se qui ont pris. Au bout de huit à dix ans la tige n'avoit que très- peu groffi. bu Jardinage. 439 La fève ne peut féjourner dans un fujet , ni lui titre adaptée, qu'autant qu'il eft capable de la conferver 8C de la faire tournera fon profit. Or, toutes les fois que la tige n'eft pas affez grofTe , ou qu'elle a des nodus, la fève qui ne cherche qu'à fe porter vers le haut , trouvant dans Lccuflbil plus de jeu & plus de flexibilité , y pa(Te plutôt que dans la tige où elle n'a pas les mêmes facilités. L'écuiTon ou la greffe eft de nature poreufe , fpongieufe, aifée à fe dilater j donc il eft plus naturel que la fève s'y porte, que dans la tige où elle n éprouve que de la roideur Se un ferrement uni- verfel dans toutes Ces parties. La greffe, au contraire , molle & fibreufe prête toujours ; de-là cette extenfion de la peau formant un bourrelet , qui fe gonfle horizontalement , ôc recouvre la tige de deux ou trois pouces. Quand elle eft proportionnée a TécutTon , ou que le fujet a la bonté Ôc l'intégrité requifes ; on conçoit qu'y ayant de l'efpace & du jeu pour la fève , que la peau & le parenchyme de la tige étant flexibles , cette fève agit fuivant fon cours ordinaire , en fe répandant «gaiement dans la tige & dans l'écuiToru Tiv 44° La Pràtiqxj! Examinez tous les arbres qui ont des branches da plomb à la tige , de ces branches perpendiculaires , ou qui le furent dans leur origine ; vous n'en trouverez prefque point dont le bour- relet de la greffe ne foit du double au moins plus gros que le tronc , de dont les branches verticales n'ayent auili beaucoup plus de groiTeur. Il eft con- tre nature que les branches-mères foient plus groiTes que la tige. Les gourmands , ai-je dit , font les entrepôts & les magafins de la fève. Lorfqu'elle en eft privée , il faut qu'elle fe dépofe autre part. Après s'être por- tée vers récuiTon , elle fe décharge horizontalement à l'endroit de la fu- ture qui s'eft faite entre lui & le fau- vageon. L'écuiTon fe trouvant inondé de fève , doit grolîir toujours , Se for- mer nécessairement un bourrelet. Cette fève imprégnée de fels , de parties ni- treufes , vitrioliques, dont Jes acides , les pointes 3c les efprits font dans une fermentation continuelle , agit furfon principal récipient , & produit incef- lamment ce gonflement &: cette tu- meur. On voit ( PL IX. fi g. i . ) un pê- cher fur prunier avec un bouru-let a î> U J A R B I N A G 1.' 44I /aillant de la greffe , caufé par l'en- gorgement de la fève, b , canal di- rect de la fève qui n'a point été coupé dans le temps , & qui devra l'être quand les branches inférieures c feront fuffifantes pour garnir, l'arbre, d , tige qui profite peu , tandis que tout Pac- croilTément fe fait dans la greffe qui eft en forme de loupe , Sç eft ordi- nairement trois fois plus groiïe. Les fous-yeux de cet arbre ne font pas marqués. On les verra diftinctement dans la fig. z de la même planche à la lettre h. a eft le bourrelet quî forme l'efpèce de foudure de la fur- pouiîe avec la pouffe primitive. Tout ce que je viens de dire n arrive omt, du moins à ce degré , lorfque a fève fe dépofe dans les gourmands comme dans des entrepôts. De ce gonflement du bourrelet de la greffe & ,. . r1 v q.ui attire ôc contient une 11 grande quantité de fève, s'enfuit nécefïaire- ment le peu d'accroiffement de la tige y faute de ce mouvement fucceflîf du haut dans le bas , comme il fe fait du bas vers le haut. Ce mouvement étant interrompu , la fève ceffe d'être diftribu.ée ,. & eft interceptée dans le bourrelet de la greffe d'où elle ne peut T v I 44* La Pratique plus fortir. On conçoit bien par la groflfeur des gourmands un envoi de lève du bas vers eux : mais aufîi pour qu'elle fe communique des gourmands aux branches inférieures , il faut que la fève y retourne. Leur confervation contribue à faire groflîr ces dernières fenfiblement , au préjudice de celles qui font au-delà du gourmand. En tirant toujours du bas en haut, le bas s'épuife , comme on vient de le voir. A mefure que la fève monte , loin de lui donner le temps de pafTer dans les fibres tranfverfales de la tige , par le moyen defquelles feules peut ie faire fon accroilTément en grofleur, on la force de venir au fecours de tous les jets qu'on pince continuelle- ment , 8c à la place defquels elle s'oc- cupe à faire de nouveaux rameaux né- cessaires à fa circulation. On trouble par-là fon cours , on l'arrête 8c on l'oblige à revenir fur fes pas. Ne trouvant point de canal qui lui foit plus analogue que la greffe , elle y îejourne, 8c y opère une dilatation extérieure* Lorfque les arbres font vifs y on peut bien corriger la difformité de ces bourrelets > 8c donner lieu à la tige vv Jardin a g s, 443. de groflir & de prendre plus de nour- riture , mais il n'ed pas poffible de la faire difparoïtre. Je ne fais qu'un moyen pour y réiiifir , qui eft- Finci- fion , dont j'ai parlé plus haut. Elle confifte à fearifier au printemps , l'é-r corce de la tige , depuis le tronc juf- qu'à ce bourrelet , d'abord par derrière l'arbre 5 l'année fuivante on réitère cette opération fur un des côtés , à la troifième fur l'autre , & à la quatrième par -devant. Elle n'eft utile qu'à l'é- gard des arbres dont l'écorce eft liflfe , unie , & dénuée de nœuds. Au refte on ne la répète qu'à proportion des progrès de la tige. H eft certain , i°. que par rincifioft vous fixez la levé fur la tige, & vous l'empêchez de s'élever comme aupa- ravant, & de fe décharger dans le bourrelet , ce qui occafionne une di- verfîon. 20. En la forçant de fe porter à l'incirion pour la guérir , vous opé- rez une extenfion 6c une dilatation» dans la tige. $°. Quand les deux lèvres de la plaie font ouvertes , une peau nouvelle fe forme peu-à-peu , qui opère une future de deux ou trois lignes. 40. Cette peau étant plus mince que l'ancienne, prête par la fuite à Tvj 444 La Pratique rnefure que la fève fait effort pour y arriver. J'ajoute enfin que l'onguent de Saint Fiacre y eft tellement etfen- tiel , que fans lui vous perdez tout le fruit de votre opération j les lèvres de la plaie fe fèchent , de la réunion des parties eft bien différente. >e ^^^gjÊfëffi^ ^ CHAPITRE III. Des maladies du Pêcher ., qui lui font communes avec les autres arbres, 1 a n t de caufes fi différentes Se Ci oppofées en apparence concourent à la végétation, qu'il n'eft pas étonnant que les arbres éprouvent fouvent des dérangement de fanté. D'ailleurs les parties qui compofent leur individu font fi fines , leur organifation eft fi compliquée, qu'il en doit réfulter des obftruéHons &c quantité de maladies. On peut leur afiigner deux caufes ; les unes font internes ou cachées , les autres externes ou apparentes. Les premières font celles qui ne fe t)V Jardikagl 44f manifeftent point, & qu'on ne connoît fouvent que lorfqu'on ne peut plus y remédier. Si l'on s'y fut appliqué dan9 le temps , il eût été très-poflibie de les découvrir, ou du moins de les con- jecturer Se de les détourner.. Telles font les fuivantes : le vice de la terre fans fond , ftérile par elle-même , aride , fablonneufe , pierreufe , ou glai- feufe , la trop grande abondance comme la difette de fève, les racines chancreufes , pourries , gangrenées , de enfin la mauvaife plantation- de l'arbre. Il eft d'autres caufes internes des maladies des pêchers , produites par les animaux leurs ennemis , comme les gros vers de terre qui mangent leurs racines , Jes taupes , les mulots qui les mettent à jour , fans que rien parohTe au-dehors. Les caufes externes font ou natu> relies & ordinaires , ou accidentelles* Parmi les premières , on compte la gomme , les gelées tant de l'hiver que du printemps , les neiges , les frimats qui font avorter les boutons ou fécher les bourgeons , l'humidité , la féche- reffe qui occafionne diverfes maladies^ ielles que la jauniiTb , la rouille > la 44^ La Pratique brûlure $c la lèpre , en&n toutes les fuites de l'intempérie de l'air. Les autres caufes externes nommées accidentelles, font celles qui n'ont pas coutume de nuire au pêcher, mais qui lui de viennent fouvent funeftes , foit qu'elles foient forcées , foit qu'on ne puiife les pré- voir. Les fuivantes font de ces deux genres j favoir la grêle en été qui abat les bourgeons, les feuilles 3c les fruits,, cV qui , par fes meurtrifTures , occa- fionne dus flux de gomme , des cal- losités de des plaies , les ouragans y les vents impétueux , les galernaux auteurs de la cloque, les vents cou- lis , & les contagieux qui portent avec eux la vermine de l'air èc de la terre. J'ajoute à ces caufes externes de maladies les mouffes , la teigne , la gale , 6c les autres que j'ai détaillées dans ma troifième partie. On peut y comprendre les ennemis qui font. la guerre au pêcher , tels que les four- mis , les punaifes , les limaçons , les limaces , ôc les perce-oreilles. Ne pourrois-je pas joindre aux cau- fes des maladies des arbres, le voifl- nage des plantes plongeantes , traînan- tes, puantes > de celles qui portent une bv Jarbïmacî. 447 ombre trop épaiffe , en un mot de celles qui ne font pas moins funeftes aux arbres , comme les pois , les fèves y les haricots , les vignes , enfin les fui- tes de l'ignorance , & de la maladreffe de ceux qui les gouvernent , telles que le défaut de culaire , la mauvaife taille» les labours fuperficiels ou trop pro- fonds , le fumier trop chaud ou env ployé fans choix, les branches forcées ou éclatées dans le temps de la taille > la trop grande proximité des arbres dont les racines 8c les rameaux fe nui- fent réciproquement , le pincement des branches &c des bourgeons , la fup- prelîion des gourmands , & la greffe engorgée. Celle-ci eft faite pour jouir du bienfait de l'air , fentir les rayons du foleil , & être ifolée. Il faut qu'après les pluies humectantes 6c les rofées douces qui s'infînuent à travers fes pores , elle éprouve le hâle deffé- chant des vents dont l'haleine effuie l'humidité qui n'a pu parler dans fa fubftance , Se qui la morfondroit par un trop long féjour. Quand donc la greffe eft enterrée 9 cette humidité fe mêlant avec la fève , la rafraîchit , Se lui caufe des crudités» 448 La Pratique Elle paiTe alors , fans être digérée J à travers les parties humides qui la pénètrent • au moyen de quoi l'arbre devienr fujet à quantité de maladies , fur- tout à la jaunifTe , ne profite plus de la tige, fes branches d'en-bas meurent promptement , Se les autres dépériffent avec lui. Son fruit ne noue point, ou s'il noue 5 il eft petit r pierreux , ra- bougri , Se fort mauvais ; il tombe pour peu que la faifon foit humide , il n'eft point de garde Se mollit. Si des racines ont pouffé contre l'ordre de la nature à ces greffes en~ .terrées qu'on veut dégorger , on les coupe au printemps tout près de l'é- corce , Se en y applique de l'onguent de Saint Fiacre. Les badins qu'on & coutume d'y pratiquer , font trop pe- tits , fe remplirent bientôt par les pluies &: les labours > ils ne convien- nent d'ailieurs qu'aux vieux arbres , pourvu qu'on creufe la terre de quel- ques pouces de profondeur , Se à une certaine diftance de la fouche. Cette partie des arbres ne fe plaît point en général à lair , elle ne craint pas moins* la trop grande humidité. Le premier relTerre trop fes pores Sc- ia, féconde y opère trop de relâche- du Jardinage. 44$ inent ; la réuflite d'un arbre dépend beaucoup de la manière dont fa Touche eft placée en terre. Je ne puis conce- voir que la Quintinye ait confeillé de déchauffer les arbres aux approches de l'hiver, afin que les humidités de cette faifon humectent leur tronc Se leurs racines. Difciple aveugle de ce grand Jardinier , j'ai fuivi quelque temps fes avis Se j'ai vu avec peine cette partie des arbres Ci précieufe fe rider , fe flétrir Se devenir prématuré- ment écailleufe. Il ne faut point balancer à lever en motte les jeunes plants pour les re- placer à leur alignement , après avoir mis au fond du trou de la terre qui les exhaufife > Se y jeter enfuite quel- ques cruchées d'eau. Dans les terres qui ne font point corps , on lailfe la> motte un peu plus forte qu'elle ne devroir être , Se on attend que la gelée l'ait durcie pour faire cette opé- ration. Quant aux arbres d'entre deux ^gesy ils peuvent être levés Se mis en place de la façon fuivante. On fait une large tranchée , a$n de fouiller jufqu'au bout des racines. On prend enfuite pour point aappui un tréteau de 45^> La Pratique charpentier , ou un tonneau qu'on approche du trou , & on garnit de chiffons le tronc de l'arbre. On coule fur cette garniture un cordage , & on y paiTe une longue pièce de bois , fur le bout de laquelle on fait une pefée. Cependant deux hommes coupent en deflbus là motte de l'arbre qu'on tient fufpendu un peu plus haut que l'engor- gement de la greffe, à caufe de Pafraif- iement qu'éprouveront les terres qu'on mettra deffous. Quand il eft à la hau- teur requife, on lailîe tout doucement aller le levier , on fait le rempliffage avec la terre de la fuperficie , &: l'on arrofe. L'arbre ne fe relTent point de cette opération , fî l'on a l'attention de le fumer & de le fouiager à la taille. Dans une maifon de campagne où étoit un carré de pommiers de vingt ans qui n'avoient jamais rapporté , j'aperçus que la terre étoit beaucoup plus haute que celle du carré voifin. J'entrepris de le rabaiffer • je fis donc faire des tranchées dans les entre-deux des arbres , & mettre à part la terre de deiïus , qui fervit à remplacer celle du fond qu'on enleva à la profondeur d'un fer de bêche , de on dégorgea t> u Jardinage* 451 ènfuite routes les greffes qui fe trou- vèrent a la hauteur convenable. Fouillant au pied de quelques ar- bres malades pour en vifiter les raci- nes , il m'eft arrivé en les taillant de les trouver fort faines, j'y ai remarqué feulement une forte d'affaiiïement j en effet leur peau étoit forr aplatie, & tenoit fortement fur la partie li- gneufe qu'elle preiïoit intimement. Au- lieu que dans un arbre fain elle eft rebondie , fe détache aifément y eft abreuvée d'une fève abondante, de imbibée d'un fuc glutineux qui colle les doigts ; dans les arbres malades la peau eft fèche en plufieurs endroits , ôc ne s'enlève qu'avec une forte d'ef- forr. Après avoir mis tremper dans de l'eau ces fortes de parties aftaiffées > les racines du jour au lendemain font devenues renflées & comme rebon- dies , femblables" en un mot à celles qui, fur les mêmes arbres, étoient douées de vigueur & de jeuneffe. Cet affairement de la peau m'a femblé avoir beaucoup d'affinité avec celui de la peau des branches , éV en être la caufe directe ; j'ai vifîte celles-ci pour m'en affurer , & j'y ai remarqué les *nêmes fymptômes de maladie» 45 * La Pratique j'ai commencé par mefurer avec ulî compas ces racines dans leur fort, un peu au-deiTus de la moitié en remon- tant vers le tronc , j'en ai entouré quel- ques-unes avec de la ficelle qui avoir trempé dans l'eau durant quelque temps. Aiïiiré de la caufe du mal , je me fuis appliqué à en chercher le re- mède. Les engrais, les arrofemens, Se les fomentations dont je parlerai ayant été mis en ufage , je vifitai quinze jours après ces racines arTaiifées , ôc je trouvai que la peau étoit augmen- tée d'une ligne fur la grolfeur d'un pouce.} la ficelle, de lâche qu'elle étoit, bandoit & appuyoit fortement fur la peau. Après les avoir ouvertes en plu- fieurs endroits , j'y retrouvai ce gluant & cette humidité qui en font infépa- rables quand l'arbre efb en pleine fan té, Ôz la peau fe détachoit aifément. Dans la couleur de la moelle , dit Haies ( a ) , vous pouve^ conjeclurer la maladie des arbres. En taillant un pê* cher y vous juge^ que le froid a offenfé la branche & le bois, lorfque la moelle ejl noire ou jaune , au-lieu quelle ejl verdâtre dans le jeune bois» Cependant (a) Seat, des Végétaux, du Jardinage. 455 les fymptomes des maladies du pêcher ne décident pas toujours de leur na- ture. Ils font fouvent prendre le change , ainfi. que les diagnoftiques de nos maladies , capables d'induire en erreur les gens de l'Art. Il n'y a qu'une longue expérience qui puifTe faire éviter la méprife. La jaunifTe , par exemple , dans le pêcher a pour prin- cipe la fécherelfe & la trop grande hu- midité , la pourriture des racines 8c la piqûre des infectes dans le fond de la terre. Comment difcerner alors quelle eft la vraie caufe de cette ma- ladie ? comment fe décider pour la cure Se les remèdes ? C'eit à quoi je vais m'appiiquer , en faifant con- noître , autant qu'il eft pofîible 5 leur nature différente. Les principales maladies du pêcher peuvent fe réduire à la gomme , à la cloque des feuilles , à la brûlure , à la jauni (Te , à la lèpre , autrement dite le meunier. Je les traite féparément , 8c je donne des remèdes pour les faire ce(Ter, d'après des expériences fuivies pendant un long cours d'années. La gomme, quoique peu dange- reufe par elle-même , devient la ma- ladie la plus fâcheufe du pêcher 3 8c là 454 ^A Pratique caufe de fa mort. Ce n'eft dans {où ^principe que l'éruption du fuc propre dans les vaiffeaux lymphatiques , qui forme un dépôt contre nature. Le pê- cher Se tous les arbres gommeux ayant le bois aufîi poreux que l'écorce ten- dre , il n'eft pas étonnant que la fève fe décharge par ces pores extrême- ment ouverts , qui ont auffi plus de capacité pour la recevoir. Cette dou- ble considération ne peut rendre les Jardiniers trop circonfpects , pour ne leur point faire de plaies mal-à-pro- pos , ni à contre-temps. Il en eft de la fève du pêcher comme du fang excravafé qui fe caille hors de notre corps. Sa nature vifqueufe , gluante , limoneufe , fe coagule dès- lors que fes parties ceffent d'être agi- tées , elles s'affaiflent dans le repos de fe deiTéchent par la preilion de l'air. Les globules épais , onctueux , épars dans la partie féreufe de la fève , 3c confondus avec elle , fe ramaflent Se fe rapprochent les uns des autres. De même que le fang deftiné par fa nature à porter la nourriture Se la vie , endommage par le levain mordant qu'il acquiert en croupi flan t , les par- ties charnues , les membranes , les du Jardinage. 455 tnufcles de les ofïemens même , ce qui produit enfuite la gangrène } dès- que la fève celfe d'être contenue 8c de circuler dans les vaifîeaux deftinés à la tranfmettre aux parties du pêcher , qui en reçoivent la nourriture Ôc l'ac- croiiïement , elle produit néceifaire- ment fur la peau Se fur la partie li- gneufe des effets femblables à ceux du fang extravafé. De-là , je conclus que le Jardinier doit apporter par rapport à la gomme , les mêmes foins requis pour empêcher le fang de faire aucun dépôt aux parties de notre corps. Dans les amandiers , les abricotiers, les pruniers ôc les cerifiers , le dom- mage caufé par la gomme fe répare plus facilement. La Nature remplace les branches deiféchées par de nou- velles qui percent de la peau , & fou- vent même aux endroits malades. Le pêcher éprouve très- rarement ces heu- reux événemensj fa peau plus tendre &c plus poreufe rend plus confidéra- blés les plaies que lui fait la gomme : les fuites en font aulîî plus fâcheufes ; non feulement les branches ne pouf- fent plus , mais il n'en revient point d'ordinaire à leur place. hes pêchers fur prunier y fon; 456 La Pratique fnoins fujets que fur amandier, arbre abondant en fève , dont l'écor:e , la moelle Se le bois font plus tendres re- lativement à fes pores plus dilatés. Il eft à remarquer que ce dernier eft plus fouvenc attaqué de la gomme par la tête Se les branches , que par la tige qui dans le prunier y eft fujette. Je dirai à ce lu jet que les abrico- tiers fe greffent fur des fauvageons ou des pruniers , Se qu'il eft rare d'en voir fur amandiers. Ceux-ci cepen- dant furpaiîent pour la groffeur Se la durée , ces fortes d'arbres fruitiers , leurs fruits plus abondans font auiîî plus gros Se plus* favoureux , foit en efpalier , foit en plein vent. La gomme eft très-préjudiciable au pécher par la grande diiîïpation de fa fève que la Nature eft obligée de réparer. Ses caufes naturelles vien- nent ou de trop de plénitude, comme dans les arbres vigoureux dont l'é- corce fe fend d'elle-même , ou de fa conftitution defeclueufe , ou de l'in- tempérie de l'air, du dérangement des faifons par les froids tardifs , tes vents deftrudteurs , la grêle Se le vice de la terre. Lorfqu'au printemps , à 6q^ chaleurs imj Jardinage. 457 chaleurs prématurées fuccèdent des froids excelïifs 3 la fève s'arrête au milieu de fon cours , la gomme alors congelée paroît de toutes parts , & quantité de branches 3c de bourgeons meurent. A l'égard des caufes étrangères , elles peuvent être prévenues. J'en ai rapporté plusieurs , auxquelles j'ajoute les fuivantes. Un Jardinier taille l'hi- ver , ou attend que la fève foit tout-à- fait montée , comme à la mi-Avril , pour récéper du vieux bois , abattre des maîtrerTes branches, jeter a bas des gourmands : cette fève arrêtée tout-à-coup par des plaies 3c des inci- fions , éprouve une révolution uni- verfelle. On évente la moelle dans un temps où le haie 3c le foleil def- fèchent tout. A chacune de ces cou- pes faites contre l'ordre de la faifon , elle bouillonne , 3c forme d'abord de petites pleurs comme des goûtes de rofée , qui fe convertiffent en autant de boulettes perlées de la groifeur d'une tête d'épingle. Ces globules de gomme , en iéjournant fur les bran- ches , caufent autant de petits chan^ cres fur la peau , qui produifent uns infinité de taches noirâtres. De-là ces Tome L V 45$ La Pratiqué pouffes fi. chétives &: ces branches' dont la moelle eft noire &c jaunâtre.* Comment ces ulcères multipliés n'in- terromproient-ils pas le cours de la fève? Si on n'a pas foin de couper net, avec la ferpette , ou d'unir propre- ment les plaies faites avec la fcie à main ; fi on néglige d'appliquer l'on- guent de Saint Fiacre aux amputations de gros membres faites dans leur temps , on voit à toutes ces incifions autant de petits grumeaux de gomme. Le bon gouvernement & la pratique de tout ce que j'ai dit contribuer à la fanté de l'arbre , font les préfervatifs les plus efficaces contre cette maladie. Quant aux remèdes actuels , je n'en connois qu'un qui confifte à enlever la gomme dès qu'elle paroît , fans lui donner le temps de fe fècher & de fe durcir. Pour cet effet , que doit faire un Jardinier ? Vifiter fes arbres de temps en temps dans fes momens per- dus, & toujours après quelque pluie froide , faire le tour de fes efpaliers & enlever jufqu'aux moindres vertiges, foit avec fes doigts , foit avec des chiffons mouillés , la gomme qu'il aperçoit. Celle qu'on lame > fert à en BU J A R D I N À G H. 459 attirer de nouvelle. Ainfî les Chirur-" giens , pour arrêter la fuppuration d'une plaie , efïuyent à fond j ce qu'Us fe gardent bien de faire tant qu'elle doit avoir lieu. Si la gomme amafTée en grumeaux , s'eft épaifïie , fécliée &: durcie , il ne faut pas l'enlever forcément , de peur d'occafionner une nouvelle plaie qui ferviroit d'ifïue à un nouveau flux de gomme , mais attendre une pluie qui Tait fuffifamment détrempée. Cette opération ne fufïit pas : pour voir fi la gomme n'a pas carié en fond , vous fonderez la plaie avec une efpatule de bois que vous porterez dans tous fes replis, attirant au-dehors ce que vous pourrez avoir de cette gomme \ &c la pointe de la ferpette vous fervira enr fuite à enlever jufqu'au vif le bois rongé & pourri. L'application de l'onguent de Saint Fiacre empêchera que les pluies ne continuent à carier l'arbre. Si la tige écoit attaquée de la gomme depuis le haut jufqu'en-bas, on fe contenteroit de panfer les en- droits malades , fans envelopper en- tièrement la tige , qui veut avoir la li- berté de l'air j les trachées qui doivent en afoirer les parties fpiritueufes , foit Vïj 460 La Pratique celles qu'il contient , foit celles qui vieffir^rr-de la rofée &c des humidités de la terre , étant bouchées , quantité de branches , ainfi que je l'ai éprouvé, meurent fucceflivementc La maladie que les Montreuillois appellent la gorme , eft la même que celle dont je viens de parler , mais différemment modifiée à l'occafion d'un événement qui fe paffe alors dans toute la Nature , & qui eft commun aux végétaux. Cette gorme eft la nielle qui attaque les grains , les melons , les fèves , les oignons , Se qui laiffe fur les épis du blé une couleur rou- geâtre vers le temps de la fleur ; comme ils font tendres alors , ils font plus faciles à être rongés Se alté- rés par cette humeur âcre^ & mor- dante. Il en eft de même du pêcher ; fur fes jeunes pouffes & fur-tout fur fes gourmands elle fait des taches livi- des , de couleur canelle , femblables à celles de la rouille du fer : les efpèces qui s'en reffentent le plus font les pêches hâtives , & les mignones dont le bois eft plus tendre & plus poreux. J'attri- bue cette maladie qui commence à la mi-Mai, Se dure jufque vers la mi- Juillet 3 à la difpofition de l'air 3 à fa du Jardinage. 46*1 conftitution , &c au vice intérieur de la plante occasionné par fon action. Elle eft fort commune dans les années extrêmement fèches ou humides , quand au lever du foleil les brouil- lards s'élèvent lors de la belle faifon. Les pêchers en repentent plus vive- ment les atteintes après ceux des printemps , durant lefquels ils ont étrangement fouffeut de la gelée , comme en 1749. Dans les terres for- tes , dans les climats chauds 6>c fecs elle eft moins fâcheufe y 8c de moin- dre durée. La gorme fait un grand tort au pê- cher , ôc détruit quantité de bour- geons depuis l'endroit qu'elle attaque jufqu'à leur extrémité, ce font tou- jours ceux qui ont poufle depuis le printemps. On n'y connoît point d'au- tre remède que de couper le bour- geon à un œil plus bas que l'endroit malade , Ôc il s'en forme un nou- veau a l'œil au-deiïbus. Comme Genre maladie eft contagieufe , & qu'elle prend d'une heure à l'autre , il faut vifiter tous les arbres plutôt deux fois le jour qu'une , &c en arrêter promp- tement le progrès. La cloque. Vers la Rn de Mars Viij 462 La Pratique ou en Avril, les fleurs épanouies du pêcher , fes feuilles verdoyantes , ôc fes bourgeons déjà alongés , offri- ront le fpectacle brillant d'un vert naifîant , lorfque d'une nuit à une autre , du matin au foir , tout ce fu- perbe appareil fe trouve changé en un défaftre affreux. Ses feuilles liffes Se unies fe recoquillent j à ce beau vert fuccède une couleur livide , d'un brun noirâtre ëc rougeâtre tout enfemble. De minces qu'elles étoient , elles ont acquis fubitement le double cV le tri- ple de leur épaiiTeur ordinaire ; dif- formes , repliées , elles font grave- leufes , raboteufes 8c galeufes. Les bourgeons dont l'écorce étoit unie Se luifante , & la figure ronde , font remplis de boiTes , d'inégalités , de calus } leur groffeur par le haut eft du triple de celle du bas , 6v la gomme en découle de toutes parts. Les fruits naiflans , dénués de l'ombrage des feuilles repliées, oui fe lèchent , font à la merci des rayons du foleil • & bientôt dépourvus de nourriture par la privation de leurs mères-nourrices, ils fe fanent Se tombent. Enf n les pu- cerons vont fe loger dans les replis. de ces feuilles brouies 3 & achèvent du Jardinage. 46? de mettre le comble à la difgrace de ces arbres infortunés. Quelle peut être la Caufe fatale d'une métamorphofe fi fubite 8c Il étrange ? Le feul fouftle paiTager d'un vent brûlant peut bien changer l'éco- nomie extérieure de l'arbre , 8c dé- truire cette brillante harmonie , mais non pas déranger en un moment fon organifation. Je me fuis tranfporté , lors de la cloque , en différens cantons durant nombre d'années , pour obferver 8c fuivre cette maladie dans tous les ter- reins 8c a toutes les portions , comme aufli pour recueillir les fentimens des plus experts dans l'Art du Jardinage. Tous s'accordent à dire que la cloque eft une maladie peitilenrieile du pê- cher , l'une des plus bizarres 8c des plus variables de celles qui concourent a fa perte , 8c ils l'attribuent à un mau- vais vent. Mais ce vent pernicieux , auteur de ces dcfordres , fouftle tous* les ans , 8c eft accompagné des gelées meurtrières , 8c néanmoins ce n'eft pas toujours alors que cette maladie a lieu. Quelques feuilles font rôties , quel- ques bourgeons deftechés , certaines branches viciées meurent, nombre de Viv 4(^4 La Pratiqua fruits avortent , ceux qui font noués font grillés , fans que tout l'arbre foit maltraité. Il eft démontré que dans un tel événement il y a un dérangement de nature occafionné par une caufe acci- dentelle qui n'a pas encore été décou- verte. Cet accroiffement fubit , tant dans les feuilles que dans les bour- geons, qui immédiatement après cette xnétamorphofe , pefent deux & trois fois plus que les feuilles épargnées , n'eft pas le feul eftet du vent. De plus , ayant examiné au microfcope & diiféqué ces bourgeons & ces feuil- les cloquées, je les ai trouvées diffé- remment conformées que les feuilles faines du même arbre. Le flux de gomme qui paroît inceftamment dans rout le vieux bois , n'annonce-t-il pas une abondance de fève mal préparée, mal cuite de mal digérée ? Il faut fuppofer qu'il s'eft fait dans la tige d'a- bord , enfuite dans le réfervoir de la greffe , puis dans les grofTes branches, ni même après les pluies froides du printemps, ni après certaines gelées fortes , pen- dant lefquelles le foleil ne paroiifoit point. 40. Je n'ai jamais vu les pê- chers brouis ni cloques lors des plus grands vents du nord & les pi us froids , ii ce n'eft qu'ils futTent rabattus fur l'efpalier par quelque toit ou bâtiment voiiin , par un mur ou par une mon- tagne. 5 Q. Ces vents deftructeurs four- rlent du midi au couchant en forme de tourbillons , &c apportent avec eux: des exhalaifons contagieufes , non- feulement aux plantes délicates , telles que les laitues placées fur des coftiè- res , les pois hâtifs , les melons 3c concombres avancés fur couches , mais aux plantes robuftes , comme les lilas & les chévre-feuilles. 6°. Lx cloque n'a jamais attaqué un pêcher Yv 466 La Pratique après ces vents de galerne , qu'ifs n'ayent été précédés , accompagnés ou fuivis de coups paffagers d'un foleil très-ardent , ou de quelque chaleur immodérée pour la faifon. 70. Elle ne prend pas toujours uniformément, îbuvent elle arrive tout d'un coup , d'autres fois peu à peu v tantôt avec la naiflance même des bourgeons y rantôt lorfqu'ils font a cinq ou fix feuilles. La cloque n'eft donc qu'une indi- geftion en forme , caufée par le con- trafte du froid Se du chaud. Elle ne prend , comme je viens de le dire , qu'après que la terre a été durant quelque temps échauffée par la dou- ceur des zéphirs , ou qu'après que les rayons pénétrans du foleil ont mis la fève dans un mouvement fubit. Alors , par une révolution foudaine , ces vents de galerne apportent des froids mor- fondans qui l'arrêtent. Cène révul- fion momentanée de la fève > ne lui permet pas de fe préparer dans fes cribles , ni de féjourner dans les ca- naux propres à la digérer ; elle y ar- me groflière. Elle a bien pu monter,, mais s'étant morfondue en chemin , «île ne defeend plus 3 ôc fe jette alors du Jardinage. 4^7 dans les parties les plus voifines ; favoir3 l'extrémité des bourgeons Se les feuil- les vers lesquelles elle a été lancée d'abordr De-là naît le volume énorme de chaque feuille , Se le gonflement des bourgeons épaifîis par leur extré- mité. Les Montreuiilois ne eonnoiifent d'autre remède a la cloque , que de laifler agir la Nature fans toucher aux arbres , ni aux feuilles cloquées , qu'ils: laiifent tomber d'elles-mêmes. Ils com- parent ces arbres ainfi maltraités à un homme atraqué d'une fluxion de poi- trine , ou atfoibli par d'abondantes faignées de par des epuifemens consi- dérables , à qui 011 donne le temps de fe remettre &c de prendre de bonnes- nourritures , avant que d'exiger de lui aucun travail. De même pour ces for- tes d'arbres ils attendent patiemment que les nouvelles feuilles foient ve- nues , Ôc que les bourgeons , après s'être remis , foient fufEfamment alon-- gés pour être paliiTés. Les arbres fe dé- barrafTent feuls de tous les bourgeons- delTéchés. En 1749 , nombre des pê- chers de Montreuil , dont je défefpé- rois prefque , fe font remis d'eux- mêmes 3 Ôc étoient en- juillet auift 468 La Pratique pleins & aufÏÏ verts que ceux que la cloque avoit épargnés. La cloque , difent les Montreuil- lois , a fait pâtir les arbres : la pre- mière fève qui a coulé inutilement leur a occalionné un épuifement. Leur faire alors pouffer de nouveaux jets , en fupprimant ou en raccourciffant les jets cloques, c'eft leur demander au- deiïus de leurs forces actuelles. Mais laiiTez-les fe remettre de leurs fatigues, donnez le temps aux racines d'envoyer à la tige Se aux branches de nouveaux fucs , attendez qu'ils foient en état de les cuire Se de les faire circuler au re- nouvellement de fève , permettez aux parties relâchées Se arfaifTées , de re- prendre leur jeu Se leur reiïort • alors la Nature travaillant à loifir à réparer ces accidens > les arbres fe rétabliront peu à peu* Je ne puis qu'applaudir à cette pra- tique qui a pour baie un raifonnement aulïi jufte. Néanmoins perfuadé que la Nature veut en nombre d'occafions être aidée , Se qu'elle m'a paru en avoir grand befoin après la cloque 5 je penfe qu'il eft à propos de donner aux arbres cloques des fecours pour l'ex- citer fans la forcer, Je les laiffe durant du Jardinage; 46^ quelque temps fans leur rien faire , afin que la fève fe reproduife , &c que celle qui eft extravafée , rentre en partie pour erre mieux travaillée, ou forte tout-a-fait ôc fe décharge. Ce temps ne peut être déterminé que par celui qu'emploient les arbres à fe re- mettre de leur crife , c'eft-d-dire quand les feuilles brouies commencent à fe faner. Je préviens leur chute j Ôc avant , la pouffe des nouvelles , je vais les oter Se les recueillir dans un panier pour les briller, avec celles qui ont pu tomber. En voici la raifon. La clo- que n'arrive jamais qu'elle ne foit fui- vie d'un déluge de pucerons qui s'atta- chent aux feuilles devenues extrême- ment tendres. En laifïant fur terre ces feuilles remplies des œufs de tous ces petits animaux , ils fe multiplient à l'infini l'année fuivante,Ôc reviennent aiTaillir les pêchers. Après cette première opération , je» jette à\ bas les bourgeons rabougris , étiques ôc morts , & je fais aux ar- bres une forte de taille. Les arbres font malades , il faut les foulager^ ils font épuifés , il faut leur fournir les moyens de prendre vigueur. Or , iî je leur lahTe trop de bourgeons à 470 La Pratique nourrir , combien auront-ils de peine à fe remettre , de combien de temps s'écoulera- 1- il avant leur rétablisse- ment ! Le refte des bourgeons choifis que 'je conferve , profite d'autant qu'ils font en moindre quantité. C'efl ainfi qu'en 1749 j'ai conduit une infinité de pêchers , & j'ai eu la fatisfa&ion de les voir rétablis un mois plutôt que ceux de Montreuil. Autour du pied de ces arbres , je mets du terreau \ s'ils ont été fumés , j'y jette un peu d'eau. Je répare de- cette façon leurs pertes, Se leur épui- fement , & je leur donne le moyen d'agir plus promptement. Je ne dirai point qu'après Fenlèvement de toutes les feuilles cloquées r un labour eft effentiel. La cloque ne fe borne pas aux effets dont j'ai fait la trifte peinture , elle étend fa malicniré fur la poufie de l'année & fur le fruit , comme fur celle des années fuivantes. D'abord elle fait avorter à chaque bourgeon cloqué tous les yeux du bas jufqu'à h. quatrième 6c cinquième feuille ,. &: par conféquent nulle efpérance de fruit à la taille prochaine qu'on di obligé d'alonger à. ce.ux- des- r> u Jardinas i. 47 1 yeux qui ont pouffé après coup. Une autre fuite non moins fa- eheufe de la cloque eft Pavortement de tous les boutons à fruit des bour- geons. En faifant tomber leurs feuilles, elle les force d'ouvrir leurs boutons pour en reproduire de nouvelles ,. Se cette reproduction ne peut fe faire qu'aux dépens de la fubftance de cha- que œil qui dès'-lors étant altéré , n'eft. plus en état de donner du fruit pour l'année fuivante, Audi ne doit- on compter d'en avoir qu'à l'extrémité de- quelques branches. Plus d'une année un pêcher fe ref- fent des fuites de cette maladie. Après* fa guérifon :r il perce à travers la peau en diftérens endroits, Se fait éclorre des gourmands ou des branches ad- ventices , dont j'ai tant de fois parlé. Un Jardinier entendu taille d'année en année le plus long qu'il lui eft pof- fible fur ces fortes de branches , les étend , 8e rabaiffe infenfiblement les autres fur lefquelles il rapproche fon arbre. La brûlure du pécher par la tige , la greffe Se les branches , n'eft que trop commune j on en ignore le principe, qu'on dit être le foleil en 472 La Pratique été. Il eft étonnant que l'inutilité des préfervatifs employés pour s'en ga- rantir , n'ait pas défabufé du préjugé généralement adopté à cet égard. Dès la cinquième Se fïxième année que le pécher eft planté , fur-tout a l'expoiltion du midi , l'écorce de fa greffe commence à fe rider , infenii- blement elle fe durcit Se fe feche. Les pluîes Se les humidités qui pénètrent dans ces gerçures , jointes à l'impref- fion des rayons du foleil ,. font écailler cette écorce qui fe détache , Se tombe enfin en pourriture. Au bout de qua- torze ou quinze ans , un pécher qui doit être dans la vigueur de {on âge , n'eft plus qu'un fqueiette. Aux autres exportions la même chofe arrive à la tige Se aux groifes branches , mais avec quelques diffé- rences. Les parties en face du midi, qui font d'ordinaire de figure ronde comme toures les branches , s'arraiifent Se s'aplatiîîent dans la fuite confidéra- blement. Si on lève l'écorce en cet en- droit , on la trouvera tellement col- lée fur le bois , qu'on aura de la peine à la détacher 5 tandis qu'à cette même branche Fécorce de derrière eu: ronde , gonflée comme les autres , du Jardinage. 475 pleine de fève , Se quitte aifément le bois. Levez avec la ferpette l'é- corec à l'endroit où le foleil du midi la frappe , vous la trouverez d'un jaune pâle , au-lieu que par derrière , elle a fa verdeur ordinaire. Confidérez éga- lement les moyennes branches Se les grofles j le devant & le côté qui ré- pond au midi, font toujours deûechés. Toutes les fois néanmoins que la brû- lure fait des progrès , elle s'étend aux parties malades , fans qu'on puifle trop faire cette diftinction. Mais re- gardez celles qui commencent à brû- ler dans les pêchers , & à quelque expofition que ce foit , vous les ver- rez deiTéchées à l'endroit où chacune d'elle répond au midi , ôc non ail- leurs. Ces faits une fois établis , je pré- tends que la caufe principale de la brûlure du pêcher n'efl point le foleil en été dans fon midi , mais le froid de la gelée des hivers , de que fi le fo- leil y concourt , ce n'eft que comme caufe accelToire 8c inftrumentale. Avant que d'embrafTer un fentiment fi oppofé à celui de tout le monde , j'ai pris plusieurs précautions pour ga- rantir mes pêchers de la brûlure 3 I 474 L^ Pratiquî telles que d'entourer leur tige de paille , de toile cirée , d'écorces d'ar- bres , de planches Se de douves. Tou- tes ces tentatives, loin de les préferver de cette maladie , leur ont attiré un déluge d'infectes 3c de vermine , qui s'y trouvoient d'autant plus à l'abri , . qu'on ne s'avifoit point d'aller les y chercher. Enfin dans une forte gelée , . au mois de Janvier , lorfque le fo- leil à l'heure de midi étoit dans fort plus grand éclat, j'aperçus un ancien pommier que j'avois laifîe pour me donner du fruit, en attendant que mes jeunes plants fulTent en état de m'en fournir -y je l'aperçus , dis-je ,, tout mouillé. Un coup de vent du midi l'avoit courbé vers le nord par le bas de fa tige. Je reconnus que cette humidité , qui avoit aufiî trempé la terre de défions , étoit de ces frimats blancs que la nuit, durant l'hiver , fe plaît à verfer fur tous les végétaux, & que le foleil fait fondre alors malgré la fraîcheur de l'air. Sur les trois heu- res après midi , je vis que ce pommier étoit incrufté en face du midi d'une couche de verglas épaifFe d'un demi- pouce , depuis le commencement de fa courbure jufqu'en-bas. Très-fain, du Jardinas!. 475 du côté du nord , il étoit carié fore avant du côté du midi , à l'endroit où fe trouvoit cette incruftation. Je réi- térai la même obfervation durant trois jours , au bout defquels , quand les frimats furent fondus , j'enlevai avec une éponge toute cette humidité dans la partie cariée de l'arbre. Après des inciiions faites jufqu'au vif, j'en rem- plis la cavité avec de la boufe de vache que j'entourai de linge , ôc que je cou- vris d'une planche. Cette découverte me fit penfer à mes efpaliers fur lefquels je fis les mêmes remarques de auxquels j'ap- pliquai les mêmes remèdes. Il n'y eut plus de brûlure à mes arbres dès cette année , ni les fuivantes. i°. Si elle avoitpour principe la chaleur excefîive du foleil en été, mes jeunes arbres, avec tous les préfervatifs dont j'ai ufé pendant nombre d'années , auroient dû être exempts de cette maladie. Or, ils ont également brûlé, il faut donc admettre une autre caufe de la brû- lure que le foleil. 20. Il n'y a perfonne qui ne convienne que la glace appli- quée fur l'écorce du pêcher , gèle la fève qui n'eft qu'une eau fort lim- pide. Elle doit , ainfi que tous les 476 La Pratique liquides qui gèlent , perdre fa faveur ôc fes propriétés. Les pointes des fels ôc des acides dont elle eft compofée , doivent être émoulfées par l'effet de la congélation , d'où il réfulte un déran- gement dans les organes de la végé- tation, ôc un dommage confidérable pour l'arbre. $tf.L'écorce étant flétrie ôc defTéchée , la partie, ligneufe ôc même la moelle doivent s'en reflTentir. Coupez quelques-unes de ces bran- ches , quoiqu'elles ne foient pas mor- tes , vous trouverez leur moelle noire. Durant les années où la gelée a été longue ôc forte, lorfque le foleii a beaucoup lui en hiver , la moelle des petires branches eft de couleur jaune, qu'une nouvelle fève jointe à la vi- gueur de l'arbre fait enfuite difpa- roître. 4P. Ne font-ce pas les faux- dégels qui gâtent les biens de la terre ? Ils ne font auiîî que trop de ravages fur les parties des arbres tant de fois dégelées Se regelées. 50. Tout le monde convient que la gelée mord davantage fur l'eau chaude que fur la froide. Eit-il étonnant que le foleii échauffant les frimats fur la tige ôc fur les branches du pêcher , puis fe retirant prefque auili-tôt, cet arbre ii eu Jardina» e. 477 poreux foit engourdi &c pénétré du froid. 6°, Il n'arrive que trop fouvent à la vigne Se aux autres végétaux d'être gâtés , lorfqu'il gèle au printemps , Ôc que le foleil paroît enfuite. yQ. Si cet aftre , durant l'été, brûloir les pêchers, tous devroient l'être dès la première ou féconde année , temps où ils font plus tendres , où ils ont l'écorce moins épaiflfe , Se où ils ont moins de fève 6c d'humide radical , que quand ils ont pouffé en terre de profondes ra- cines. 8°. Enfin , qu'on examine rous les arbres qui furent gelés en 1709, on reconnoîtra qu'ils font dépouil- lés de leur écorce ôc cariés en face du midi , tandis qu'ils font fort fains du côté du nord , d'où venoit le froid apporté par un vent violent. Cette brûlure ne doit donc être attribuée qu'à la fonte fucceflive des frimats &c des neiges que le foleil occafionne , Se qui eft fuivie d'une nouvelle congé- lation. Je conviens que durant l'été l'impreiîion des rayons du foleil fur l'écorce attendrie par ces congélations réitérées, rend l'exfoliation plus facile, mais pour lors elle fait le même effet que les pluies de les humidités de cette faifon. 47 S La Pratique Les remèdes convenables à la gué- rifon de la brûlure regardent la tige , la greffe , 3c les grofTes branches faillantes , fur lefquelles les incruf- tations des frimats fondus , conver- tis en verglas , s'attachent après que le foleil a difparu. A mefure qu'il les fait fondre, ils coulent de toutes les parties fupérieures de l'arbre fur la tige. Celle des nains eft communé- ment plus maltraitée , dépouillée de fa peau & deiféehée , parce que l'hu- midité & la fraîcheur de la terre dont elle eft plus voifme , influent beau- coup fur la congélation de ces frimats fondus. Pour s'oppofer à leurs ravages , voici deux moyens que j'ai conftam- ment éprouvés. Le premier confifte a appliquer les paillalîons fur les arbres, foit dans les temps nébuleux avant la neige , foit lorfque le foleil darde vivement fes rayons durant les fortes gelées. J'ai expliqué plus haut la façon de les fabriquer ôc de les pofer. Le fécond eft doter avec un petit balai de plumes de volaille les frimats de la nuit 8c les neiges , en hoiuTant l'ar- bre du haut en-bas fur-tout à l'expo- fition du midi , avant que le foleil ©u Jardinage. 47^ puî(Te les faire fondre. Je -ne parle ici que des gelées fortes & à glace, du- rant lefquelles les frimats fondus peu- vent former des incruftaâons de ver- glas. Lorfqu'ils fondent d'eux-mêmes , ou par la chaleur du foleil durant une gelée médiocre , ils tombent à terre , ou ils font pompés par l'air de féchés par le foleil. Je puis affluer qu'avec ce dernier expédient dont il ne faut point fe faire une chimère , les boutons de mes arbres ne fe font point refTentis de la gelée : leurs branches , leur greffe Se leur tige n'ont point été incruftées de glace, 8c ils ont été conféquem- ment préfervés de la brûlure. Quand on voit que l'extrémité des branches eft noire, il eft inconteftable que celle des racines l'eft auflî. On les raccour- cit alors jufqu'à l'endroit où elles font vives , en obfervant d'ailleurs les pré- cautions que j'indiquerai en parlant de la vilite des racines par rapport à la jaunilTe. La jaunisse , maladie commune a tous les végétaux , les attaque en différens temps de leur pou(fe , &c fou- vent lorfque leur verdure ne fait que d'éclorre. Elle eft fuivie de la chute prématurée des feuilles , & d'un chan- 480 La Pratique gement total dans l'arbre. Sa peail s'aplatit de fe relTerre contre la partie ligneufe , elle jaunit en dedans feu- lement, Se devient d'un pâle blafâtre: enfin la partie de la levé qui l'imbibe tant dans les branches de la pouffe précédente , que dans les bourgeons de l'année , fe fèche Se tarit peu à peu. Cette maladie attaque jufqu a la moelle qui , après avoir jauni, noir- cit. Les boutons à bois Se à fruit tra- vaillés imparfaitement , font petits Se mal nourris. Les rameaux chétifs Se maigres fèchent par le bout , Se leur extrémité noircit, comme s'ils avoient paffé par le feu. Les branches privées de cette fève abondante , principe de leur élafticité , fe cafTent facile- ment Se cèdent au moindre effort. On n'y voit plus cet humide qui leur eft ordinaire ; Se n" l'arbre a rapporté des fruits , ils font jaunâtres , petits Se d'un goût fade. La jauniffe prend quelquefois en vingt-quatre heures , quoique d'ordi- naire elle fe prépare de loin : les feuil- les des arbres pâliflent , fe replient Se jaunilTent tout-à-fait. Les jeunes Se les vieux , les foibles Se les vigoureux en font également attaqués j nul terrein , nulle nv Jardinas!. 48 r fiulle expofîtion n'en peuvent garantir , fa durée n'eft point fixe : elle décide communément du fort de l'arbre , quand elle eft à un certain point , &T qu'elle a été négligée. Après avoir vhité les racines de quantité d'arbres atteints de la jau- nilTe , j'ai trouvé que dans .plulieurs cette maladie venoit du vice de la terre qui navoit point de fond, Se que les racines avoient gagné le tuf, le fable , la craie , ou la glaife , & étoient devenues noires par le bout , comme fi elles eufTent palTé par le feu. J'ai mis alors en œuvre les remèdes prefcrits dans ma première partie. D'autres fois , j'ai vu quantité de ces gros vers blancs qui fe tranforment en hannetons , 8c qui avoient rongé les moyennes &c les petites racines , en- dommagé l'écorce des. grofTes , 6c mangé le chevelu. Au-lieu de décou- vrir toutes les racines a la fois , je les prends alors par parties, & à mefure que je les vifite & que je les taille , je les recouvre de terreau on&ueux ou de fumier bien confommé. Je les fais enfuire arrofer amplement avec de l'eau de fumier jufqu'à ce que les ar- bres ayent repris vigueur. Cette opé-: Tome I, X 4$ i La Pratiqua ration faite nécefïairement dans ûîî temps où les racines ne . doivent point être mifes à l'air , m'oblige à couvrir durant le jour ces arbres , avec des paillafïons que j'ote le loir. Fouillant au pied de quelques poi- riers de bon-chrétien d'hiver , je trou** vai de pareils vers dans leur tronc , qui avoient pénétré jufqu'à la moelle éc gagné à la hauteur de huit à neuf pouces. Je fis avec un cifeau , une ou- verture au tronc, à l'endroit par lequel le gros vers étoit entré , ouverture que je conduifis à trois pouces en avant dans le corps de l'arbre. Après avoir détruit cet animal dangereux , je ren* dis la plaie de l'arbre unie , &: j'en remplis toute la capacité d'onguent de Saint Fiacre , dont je la couvris pareil- lement. L'arbre ayant été enfuite beau- coup foulage tant à l'ébourgeonnement qu'à la taille , fut remis parfaitement, éc la plaie fut couverte au bout de trois ans. Quand je voyois que les taupes Se les mulots avoient mis à jour les ra- cines de mes arbres , & qu enfuite la fécherefTe les avoit pénétrées , j'em- ployois le changement de terre , les engrais, les labours après des pluies j. î> V J"AKlïlrfÀG'£ 4S3 $u le foir après des arrofemens faits durant le jour , j'y jetois de l'eau de fumier , ou de mares bourbeufes. Avec ces précautions , qu'aucun Jardinier ne s'avife de prendre , j'ai confervs quantité d'arbres attaqués de la jau- niflfe. Voici la compofition d'un bouillon très-efficace pour la guérifon de cette maladie. Prendre une couple de féaux d'eau & les mettre dans unbacquet j y jeter ce qui fait : Crottin de cheval , la valeur d'un demi boiiTeau , mis en miette & pul- vérifé. Crottin de mouton , aufîi pulvérifé , plein les deux mains. Boufe de vache , environ un demi- boifTeau , bien délayée. Autant de terreau gras Se vif. Commencer par mêler le tout en- femble , puis le jeter dans le bacquet Se le bien délayer. Faire un baffin autour de l'arbre , à un pied du tronc , oter la terre juf- qu'aux premières racines , tk verfer le tout dans la jauge, Quand l'imbi- bition eft faite , remettre la terre afin que rien ne s'évapore. On réitère 9> X ij. 4S4 L a Pratique fï un bouillon ne fufSc pas , ce qui efl fort rare. L'eau des lavures de vaiffelle qu'on a lanTé fermenter fuffifamment dans des bacquets eft auiîi une excellente fomentation au pied des arbres jau- nes , fur les premières racines defquels on la répand. Cette eau , ainfi que celle prife dans les jpuifarts des cui- fines , eft merveilleufe pour la jauniffe des plantes étrangères 5 telles que les orangers. Dans les grandes fécherefTes , qui occaiionnent fouvent la jauniffe , il faut arrofer amplement. Quelquefois j'ai trouvé au pied des arbres des four- millières , & des fourmis jaunes , que j'ai détruites avec les remèdes qui ieront indiqués à la fin de cette partie. La jaunifle qui peut eefTer en quinze jours , dure aulli le refte de l'année jufqu'au printemps fuivant , qui eft le plus fouvent fon terme. Les remèdes ont alors produit leur effet. Les nou- veaux fucs , après avoir été portés dans toutes les parties de l'arbre , ont rem- placé l'humeur viciée dont elles étoient imprégnées. Il eft une efpèce de jaunifîe qu'on peut qualifier de mortelle , quand © tf Jardinage. 485 cette humeur a tellement gagné Se dé- térioré les organes des végétaux par fon long féjour , que toute la maiTe de la fève eft gâtée. L'unique remède eft de replanter. On s'aperçoit que le mal eft incurable , lorfqu'il réfifte a tous les remèdes indiqués ci-devant. La rouille a pris ce nom de cer- taines taches brunâtres, de la couleur du fer rouillé , qui fe forment fur les feuilles & fur les branches de la pouffe nouvelle. Elle eft plus ordi- naire aux arbres de fruits a pépin qu'a ceux à noyau , elle attaque commu- nément les pruniers en efpalier , & le pêcher n'en eft pas exempt. Voici comment elle fe forme. La fur face mince de légère des feuilles eft alors enlevée , 8c au-lieu de ce beau ver- nis Se de cette verdure fraîche , on aperçoit une couleur livide: elles de- viennent raboteufes & rades au tou- cher , elles font enfuite a jour, comme un rézeau. Les bourgeons de l'année deviennent graveleux } leur écorce eft un peu brunâtre, 3c conféquemment contufe Se endommagée. La caufe de la rouille eft quelque- fois la même que celle de la jauniffe, & on emploie auili les mêmes remèdes* Xiij <4%6 La Pratique Souvent elle eft occafionnée par un principe étranger qu'il faut chercher. Plus extérieure qu intérieure, ion liège eft dans les feuilles &c fur l'écorce des arbres , dans les feuilles des plantes ôc des fleurs. Elle affecte rarement , comme la jaunifTe, les parties nobles des végétaux. Une des plus fâcheufes fuites de cette maladie eft la chute des feuilles ainfi corrodées , à la place defquelles l'arbre eft forcé d'en pro- duire d'autres j ce qui ne peut fe faire qu'aux dépens du bouton à fruit , qui dès-lors avorte pour Tannée fuivante* Il faut diftinguer deux fortes de rouille , fur-tout dans le pécher 3 i'une qui naît d'un dérangement in- térieur & d'un vice de la fève , S£ l'autre qui a pour principe des caufes extérieures. La première eft produite par le dé- rangement même de la faifon. En 1 7 5 1 , la pluie dura prefque depuis le mois de Janvier jufqu'en automne, & à l'exception d'une douzaine de jours fort chauds vers la fin de Mai , on fe chauffa jufqu'au mois d'Août, ôc les nuits pendant l'été furent extrê- mement fraîches. Ces humidités fuc- ceffives ÔC réitérées , ces contraries de Dtf Jardinage. 487 chaud & de froid arrêtèrent la fève au point qu'on ne vit jamais une rouille femblable à celle de 1751. L'effet de cette maladie fut la chute prématurée des feuilles ; & par l'a- bondance d'une fève mal cuite , les yeux ou boutons deftinés à fleurir l'an- née fuivante, s'ouvrirent tous ôc pouf- fèrent des branches chiffonnes. Je re- marquai que la plupart des melons furent gercés , fendus , ouverts Ô£ fort mauvais. Les prunes , fur-tout celles de moniteur , furent dans le même cas. Ce qu'on put faire de mieux alors , fut de donner de l'air au pied des arbres , en fouillant la terre 5c en découvrant leurs premières racines. L'autre efpèce de rouille qui a pour principe des caufes extérieures , vient de l'érofion ou de l'enlèvement de Fé- piderme des feuilles. On ne peut l'at- tribuer qu'à des animaux dont il fait la pâture durant la nuit. La Na- ture s'efforce de produire cette partie enlevée de defïus la feuille , mais comme elle ne peut la réparer dans- le même état où elle étoit originaire- ment , la feuille ainfi rongée prend une couleur brunâtre livide. Xiv La Pratique Après avoir long-temps réfléchi fur la caufe de cette maladie , j'imaginai que les fraîcheurs de la nuit y contri- buoieur, ainii que les brouillards, les rofécs de les humidités j j'allai dans cette idée vifiter fur le minuit avec de la lumière ceux de mes pêchers qui en étoient le plus attaqués. C'é- toit vers la mi-Mai. Je trouvai une avant- pèche couverte de petits perce- oreilles qui en rougeoient le feuil- lage , Ôc qui avoient entamé nombre de fruits les plus avancés. A l'afpedfc de la lumière, tous ces animaux firent une prompte retraite. Je vis en- outre beaucoup de limaçons, la plupart gros comme des pois &: des noifettes , je les failis aifément. Je continuai cette c halle nocturne , . & je m'aperçus bien- tôt de {es effets , non- feulement par la beauté du feuillage de mes arbres , mais par l'intégrité de mes chaflfelas &: de mes mufeats qui, tous les ans, étoient entamés à mefure qu'ils, tour- noient. Lorfque cette rouille des feuilles Se des branches tire fon origine de la féchereflfe &c d'un défaut de fève , on peut la faire ceflTer par le moyen des arrofemens. Le foleil 3 durant les tu Jardinage. b 489 grandes ardeurs de l'été , rôtit peu à peu la fuperficie des feuilles dont il pompe l'humide radical. Alors elles fe lèchent en-deiîus , &c il n'en refte , pour ainil dire , que la carcalFe , elles bruniffent, fe brouillent ou au défaut de la terre trop légère , & incapable de réparer par de nouveaux- fucs la tranfpiration des plantes. La malad'e nommée le blanc ^ Le meunier ou la lÈpre , parce que' les branches qui en font attaquées de- viennent toutes blanches , déconcerte1 les plus grands Maîtres de l'Art qui n'ont pu encore y trouver de remède.* Dès la fin de Juin , & durant les mois: de Juillet & d'Août , jufqu'en'- Sep- tembre , il fe forme à l'extrémité des" bourgeons ? aux fexiilles: &: aux' rà*- Xv jtfO La PRATIQflf mcaux , ai nu" qu'au fruit même , un duvet blanchâtre allez refTemblant a la chancLTure qui paroît fur les vian* des cuites , &: trop long-temps gar- dées. Cette matière cotoneufe arrête la tranfpi ration des arbres , 3c les prive* des bienfaits de l'air. En fuivant la lèpre dans fon com- mencement , dans {qs progrès, de dans fa fin , j'ai remarqué *, i°. Que ce duvet blanchâtre atta-» ou tail- lés fort court > iî on eft obligé de les conferver. 4°. Elle attaque également toutes- fortes de pêchers en tous lieux. Ceux qu'on arrête par les bouts , qu'or* rogne & qu'on pince , en font bien plus maltraités , ainii que les arbres couverts de moufle , de bois morts , de chicots, de chancresfc5c de plaies non panfées. 50. Cette maladie eft tellement contagieufe , que les bourgeons de l'arbre le plus fain , placé à côté d'un* autre qui en eft attaqué , ne tardent point à être couverts de lèpre. Il ejl: vrai qu'elle n'y fait pas le même; Xvjy 49* La Îratiquï progrès , mais elle ne laiiTe pas de s'étendre. 6°. L'humeur, principe de ce du- vet blanc dans le pêcher , vient d'une fève mal cuite Se mal préparée , qui filtre à travers les toupillons de feuilles dont chaque bourgeon eft couronné , &c qui font plus petites que celles des yeux inférieurs. Elle commence à dif— riller de ces dernières, Ôc de l'écorce du bourgeon -, comme une humidité' gluante qui colle tant foit peu les doigts. Son principe eft la gomme qui flue des feuilles où elle eft différemment modifiée , plus amincie , plus déliée que dans les grands réfervoirs de la* levé. Je fuppofe , que la fève , après avoir- monté facilement , trouvant fes paffa- ges fermés à fon retour, eft obligée de fluer au-dehors ; & qu'étant dé- placée , elle produit les mêmes rava- ges dans les plantes que le fang dans' nos corps en femblable oecafion. Elle- ne flue point par bouillons comme F autre gomme dont j'ai parlé ci-de- vant , mais par petites parcelles minces & fuperficielles. D'abord frappée dej l'air, coagulée enfuite , &c aplatie fur les feuilles & fur la peau , elle ner DU J A R D r N A G 1. 4«) jf tarde pas à être defTéchée par le haie , les vents de le foleil. Le tifïii de cette humeur vifqueufe tr Jardinagi. 497 que fe féparant en deux , elle met à jour la partie ligheufe j & le bois rou- vert auparavant de fa pe<:u (k imbibé d'une humidité nourrfLinte, fe trouve à fec en cet endroit. Cette peau s'en- tr'ouvre fou vent de trois & quatre li- gnes j l'air alors , le foleil , les pluies y les gelées , dilatent & font gercer les deux parties de la peau léparées i'une de l'autre. Par cette ouverture qui imite , lorfqu'elle fe fait dans les gros arbres , le bruit d'un coup de piftolet, la fève s'évapore & Mue jufqu'à la réu- nion des parties. La gomme y arrive 9 fui vie de la carie & du deiféchemenc de la peau , qui opèrent des chancres par la fuite. Si on n'a pas foin d'aider la Nature a fermer ces ouvertures, quantité de pu- cerons de de vermine de toute efpèce s'y établirent pour l'été , & en font leur quartier d'hiver. D'autres animaux non moins nuifibles , tels que les cloportes, les bêtes à cent pattes , & les vieux pa- pillons qui fe choifilTent eux-mêmes leur tombeau , picotent fans cefîe la peau de l'arbre avec leurs petites pin- ces tranchantes , ou leurs trompes pointues , Ôc rendent inutiles tous les efforts de la Nature , pour refermée 49$ La Pratique une plaie qu'elle s'eft faite elle-même* Les oifeaux qui font leurs délices de cette peuplade d'animaux , percent avec leur bec aigu cette peau mince 8c déliée, tant pour fe nourrir de fes fucs, que pour détacher les œufs qui y font dépofés. Ces divers renouvellemensde plaies occafionnent un nouveau rlux de lève , 8c une nouvelle gomme. Pour comble d'infortune , le retour de l'hi- ver devance la guérifon de ces plaies , 8c y introduit par le founle des vents- les humidités morfondantes : au prin- temps l'écorce s'exfolie \ telle eft l'ori- gine de la paralyfie de la tige 8c des grofTes branches , des chancres Se fou~ vent de la mort des rameaux Se de l'ar- bre même. Par toutes ces fentes la Nature ne femble-t-elle pas nous inftruire de nous preferire ce que nous devons faire? Le Jardinier fidèle a fa voix recourt à l'opération de la faignée 8c au topique ordinaire qu'il recouvre avec des lattes retenues par des ofiers. C'eft l'unique moyen de détourner des arbres tant de maux réfultans de ces ouvertures non refermées. On a vu plus haut la manière de la faire. La brûlure de l'extrémité des bran- du Jardinage. 499 ches eft plus fréquente aux arbres de fruits à pépin qu'à ceux à noyau. Elle confifte dans le dépouillement préma- turé des feuilles , de dans une noir- ceur qui paroît au bout des branches. Trois foçtes de pêchers en font at- taquées : les vieux fur leur retour , les jeunes qui font épuifés , de tous ceux dont les racines ont atteint le tuf. Ces marques noires qui fe forment au bout des bourgeons m'ont para comme autant de petits chancres occa- fionnés-par Fappauvriiïement de la di-r fette des fucs nourriciers. Leur effet eft la maigreur des bourgeons , de$ yeux & des boutons ; les feuilles de- viennent petites de maigres ; le fruit rare 3c médiocre annonce que les ra- cines font également noires par leur extrémité. Les arbres jeunes de vigou- reux fe guérifTent par le renouvelle- ment ôc le changement des terres > par des engrais Se une taille fort courte durant quelques années. Le deiTéchement des racines , leur brûlure par le bout , leur chancif- fure ( a ) de leur moififlure ne font (a) Ce font de véritables plantes : vues au mkrofeope , on y diftingue des racines ^ 5oô La Pratiqué pas faciles a guérir , quand ils font" invétérés. La difette de fève en eft la caufe. Comme elle eii interne on ne peut que la conjecturer. Le Jar- dinier vigilant fouille au pied de fes arbres & va d'abord à la fource du mal. Lorfqu'il s'aperçoit que les ra- cines font noires par le bout, il les retaille jufqu'à l'endroit où elles font vives & faines , il arrofe , il fume , il change la terre , il la fonde aupa- ravant pour voir lî elle a du fond , en un mot , il n'omet rien de ce que j'ai prefcrit en pareille occasion. Si les racines font chancies au point que l'arbre foit défefpéré , il fe re- loue à replanter. Cet examen ne doit point être re- mis au temps de la chute des feuilles , lorfque le bois effc amplement aouté. Les arbres paroififent alors fort fains , à l'exception de ceux qui ne pouffent plus , des rabougris 3 des chancreux , des gangrenés. Mais il en eft qui font des poulies équivoques , qui donnent chaque année des apparences trom- peufes 3 & dont le dépouillement des des tiges , des rameaux & des fleurs. Nom- bre de Savans & de Curieux les ont aperçus.- t>u Jardinage. jô** feuilles arrive avant le temps marqué. Toutes ces obfervations doivent être faites vers les mois d'Août &c de Sep- tembre , lorfque la fève commence à fe modérer dans fon mouvement , foit pour donner a chacun leur trai- tement convenable, foit pour la re- plantation. Fin du Tome premier. X'^l J3 X JE DES CHAPITRES ET TITRES Du Tome premier, V>hapitre Premier. Du Jardinage, en général , Pag. i Chap. II. Du jardinage confidéré du côté de l'efprity 3 1 Chap. III. Du Jardinage conjîdéré du coté de l'opération, 56 Chap. IV. Des diverfes pratiques ufi- tées dans le Jardinage , 66 Discours fur Montreuil , 117 LE PÊCHER Et les autres Arbres conjidérés dans leur premier âge. PREMIÈRE PARTIE. V_>hApitre I. Defcripiion du Pêcher , /on gouvernement commun aux autres arbres , 1 4 ( Chap. II. Des différentes fortes de greffes & de celle du Pêcher en par- ticulier, ijî Chap. 111. Des terres propres au Pê- cher, & des moyens de corriger celles qui ne lui conviennent point , 16S Chap. IV. De la plantation des Arbres jruitiers , 181 TABLE. ,0, LE PÊCHER les autres Arbres confidérés dans le fécond âge, ou leur jeuneffe. SECONDE PARTIE. IAPITB.E I. Des Abris } 215 iap. II. Des Efpaliers & des Expo- rtions, 221 iap. III. De la façon de former la Pécher & des divers ordres de fes hanches, 228 iap. IV. Diverfes Pouffes du Pécher, durant fes premières années, 249 iap. V. De la diftribution proportiot- telle des Branches , 257 LE PÊCHER les autres Arbres confidérés dans leur âge formé. TROISIÈME PARTIE. iapitre I. De la Taille, 299 jap. II. Suite de la Taille , du temps de la faite , & des Buiflons , 313 iap. III. De la manière de convertir les Gourmands en branches fruclueu- fis, f 332 hap. IV. Divers expédiais pour for- mer les Arbres, & leur faire rapporter du fruit , 356 hap. V. De l' Ebourgeonnement , 380 HAP. VI. Du Paliffage , 398 $o4 T A B L É. LE PÊCHER Mt les autres Arbres conjidérés dans leur vieilleffe* QUATRIÈME PARTIE. Chapitre I. Des moyens de renouve- ler les vieux Pêchers > 417 Chap. II. Des défauts naturels du Pé- cher y ■ 434 Chap. III. Des maladies du Pécher qui lui font communes avec les autres Arbres > 444 Fin de la Table. ERRATA. Vage 1 1 , ligne x 3 , fpécul aires , lifeç fpéculaire, ■ 13, — - 7 , a fait , lifeç a faits. 1 14, — — 1 6 y laifle , life[ laifTécs. " 1 6> — 1 , rendu , life\ rendues. ■ 5 7, — 18, du i life{ de. ' 74, 18 , femé, lifer planté. 1 ■ 7j, ■ 8 , femés , lijfa plantés. 1 102., — Z2. , leur jus, /i/è^leur eau. 1 '■ zo$ >mmmmzz le 13, noyaux de pêches qu'on laine croître , life^ noyaux qui produifent des arbres qu'on laiiTe croître. ■"•*■ 186 , — ■ 1 p , on la fearifie , life[ on fea- rifîe. *■■■— 3 45 , —.1 y , arbres à de fruits pépin, lif. arbres de fruits à pépin. 1 3 69 , ■— 15, cajfementy lifez le cajfement. "■ ' 3 7 * j ~ ' 1 , tels que ceux, ///q- que ceux. pn^tTiQi /. /:•„,/. PR.//1QII:. / . /. ■ J f K.-r;rl J\-„/, M J-j .JLJUi FXLdT.Tm.I. TL.1J /'/t// '. Tam.Z. PR. 1 1 . Tarn 1 ^/. 7L>/>r/t Jha&i, l'ICri IQ L E Tarn . I .y. Robert Jku&MtÊ* PL . VU. ÏS£ SH .X Rs&trt Sai/pAt s_>- /•/<..-/ i . T. r . JT-Lj . J ^\ j'jlj i iqi /: / . i . PI .IX, r.Jt../,.;/ .I\„/, <.. .- WË^^^ ■"^fflr*^ ^^-^^^B '.. r -, r fÊS&iïMË lit ■fftfjV. ^k .' >-*-' %k^^H UNIVER9ITY OF ILUNOI9-URBANA 3 0112 040091156 #s& &8i « % 1 *. *!flw 1 1