21 é: és n ne k | Rae UE PE RÉEL | EË 1 | 2e | | \ ER | | D: TE vs VE ST ; PAT, es | id x: CL QE ' TL ; , à di: ES » Fe. | k ; N L'ARBRE, LA FORET er 1x PATURAGES DE MONTAGNE MANUEL DIS LARDRE: L'ENSEIGNEMENT SYLVO-PASTORAL DANS LES ÉCOLES PAR E.: CARDOT Inspecteur des Eaux et lorets — Membre de la Commission des Pelouses et Forèts du Touring-Club de France PARIS NOIUEENG-CLUB. DE FRANCE ve 65, Avenue de la Grande-Arméo, 65 : a 1909 A \ A diverses reprises des Congrès de Sylvicullure, d'Agriculture, des Corps conslilués de nos régions de montagne, ont émis le vœu que «des notions d'économie forestière et pastorale soient « données aux élèves des écoles normales et primaires ». C'est chose faite aujourd'hui. À la demande du Touring-Club, le Ministre de l’Instruction publique el le Ministre de l'Agriculture ont. en février 1906, adressé des instruclions à leur per- sonnel respectif pour que les instituteurs soient mis à même, après entente avec les agents des « Eaux et Forêts, de donner ces notions nouvelles à leurs élèves ». C’est pour contribuer à celte œuvre nécessaire que le Touring-Club publie ce pelit livre, heureux s’il peut être de quelque secours aux hommes de dévouement auxquels incombe la lâche patriolique d’instruire la jeunesse el de préparer la mentalité des générations futures. En leur fournissant ainsi un moyen de répandre parmi ces généralions le Culte de l'arbre, d'éveiller de bonne heure l'altention de l'enfant sur les bienfaits de la forêt, par qui le climat se fait plus clément, le cours d’eau plus régulier, l'herbe elle-même plus fraîche et meilleure nourri- cière des troupeaux, la montagne plus pilloresque el la plaine plus riante, le Touring-Club demeure fidèle à son but qui est de conserver et d'accroilre sans cesse, dans l'intérêt du tourisme, notre patrimoine de richesses el de beautés nalurelles. Puissent ceux qui liront ce livre s'inspirer de son esprit el en réaliser la pensée ! Ce sera la meilleure et la plus belle des récompenses pour le Touring-Club el pour lous ceux qui lui onl prêté leur concours, l’auteur du livre, M. Cardot, MM. Daubrée, Directeur général des Eaux el Forêls, Dabat, Directeur de l’Hydraulique Agricole, Calvet, sénateur, Mougin, Sardi, Thiollier et Perrot, inspecleurs des Eaux et Forêts, auxquels nous sommes redevables des clichés photographiques qui illustrent l'ouvrage. Associons à cel hommage MM. Cueille et Bouché, pholograveurs, et L. Pochy, imprimeur, lesquels ont apporté à l'exéculion des phologravures et à l'impression de l'ouvrage une note arlislique qui en double la valeur. Le Président du Touring-Club de France, A. BALLIF. « PRÉFACE Ce petit livre est dédié à la jeunesse. Il répond au désir récemment exprimé par MM. les Ministres de l’Instruction publique et de l’Agri- culture que des notions sommaires de sylvicul- ture et d'améliorations pastorales soient données dans les Ecoles. Son but est, surtout, d’inspirer aux enfants l’amour de l'arbre et des forêts, de faire ressortir l'utilité, le rôle essentiel que ces sociétés végétales jouent dans la nature et leurs rapports nombreux et étroits avec nos sociétés humaines. Le maintien en bon état des pelouses de mon- tagne n'offre pas moins d'intérêt, et leur dégra- dation, qui accompagne ou suit généralement les destructions forestières, entraîne comme celles-ci des conséquences si redoutubles sur le régime des cours d’eau et si funestes à la prospérité publique Ê qu’il importait également de leur consacrer une ; place importante. k Comment conserver les forêts et maintenir Ad en bon état les versants montagneux ? — La : réponse à ces deux questions est donnée par un exposé très sommaire de notions de sylviculture | et d'exploitation pastorale. . Ce livre renferme en outre quelques aperçus 7% sur l’histoire physique du globe; il donne un exposé des transformations successives qui s’ac- complissent à sa surface. L’homme, qui semble J’ai semé, les générations futures récolteront. té PHILIPPE CARDOT. st pelit, qui occupe une place si exiguëé dans limmensité des espaces terrestres, n’en exerce pas moins: sur ces transformations une influence qu'il importait de mettre en lumière. En détrui- sant les forêts, les pelouses de montagne, il agit sur le climat, sur la terre, sur le fleuve, sur le relief du sol — sur sa fécondité même. — L'homme peut produire la sécheresse ; il peut créer le steppe ; 1l peut créer le désert. Il peut tarir toutes les sources de la vie à la surface du globe. Et si l’on s’en réfère aux leçons du passé, si non content d'interroger les ruines des cités antiques, on veut bien, dans des recherches archéologiques d’un nouveau genre, interroger les ruines du sol qui les entoure, on ne tarde pas à découvrir que l’homme est l’auteur même de ces ruines et que par une exploitation immodérée il a engendré la stérilité et sa propre misère, là où régnaient autrefois la Fécondité et la Richesse. Ce livre contient encore un petit historique de nos forêts de France, et on a pris soin d'y consacrer le souvenir des grands hommes qui ont su dans le passé, par leurs écrits ou par leurs actes, préparer leur défense. Mais, en dépit de leurs efforts, les destructions forestières n’ont cessé de se développer dans notre pays. Elles furent suivies de la ruine des mon- tagnes, sous l’influence d’une exploitation pasto- 6 MANUEL DE L’ARBRE rale qui s’est trop longtemps immobilisée dans les pratiques les plus primitives. Il en est résulté deux fléaux également redoutables : le fléau des Torrents dans nos hautes vallées — le fléau de l’inonda- tion dans nos plaines. Il fallait indiquer les mesures prises au siècle dernier pour conjurer dans l'avenir leurs effets désastreux. Il fallait enfin montrer ce qu’il reste à faire — tracer le programme général de l’œuvre de restau- ration de nos forêts et de nos montagnes fran- çaises. Celle-ci, si étendue et si complexe, ne saurait être menée à bien qu'avec le Temps — et aussi, avec le concours de tous. L’Ecole, l’Instituteur, l'Enfant, doivent y coopérer. C’est par l'éducation des nouvelles générations, c’est en faisant ressortir le rôle social de l'arbre — ce rôle qui s'agrandit sans cesse avec la complexité crous- sante de nos civilisations modernes — que l’on pourra seulement rétablir l'harmonie désirable, et comme une sorte de Fraternité entre les forêts et nos populations humaines. Voilà bien des choses pour un si petit nombre de pages. Pour en rendre la lecture plus facile et plus attrayante, on y a intercalé quelques récits ou descriptions et aussi des gravures susceptibles d’éveiller ou de retenir l’attention des enjants, de frapper leur esprit. L'ouvrage vaudra surtout par l’usage qu’en sauront faire les instituteurs. Il renferme une série de thèmes qu’il leur sera très facile de commenter et de développer. — Des question- naires ont été établis pour leur faculiter cette tâche. — Le maître répandra la semence féconde. L'enfant en développera le germe et l’avenir se chargera de récolter. E. CarDoT. L'ARBRE. LA FORÉT EF LES PATURAGES DE MONTAGNE LIVRE !°* L’'ARBRE L'ARBRE AU VILLAGE. Rien n’est beau comme un village à demi caché sous le feuillage des arbres, ainsi qu’un nid d’oiseau. Les maisons apparaissent plus blanches, plus coquettes, plus avenantes au milieu de cette verdure ombreuse qui leur donne la fraicheur et l’abri. Il faut donc respecter et conserver pieuse- ment les vieux arbres qui ornent les avenues et parfois la place du village, entourent son église, son cimetière. Ils donnent au village sa physio- nomie particulière, le font reconnaître de loin, le fixent dans les souvenirs de ceux qui l’ont quitté et, dans l’exil lointain, rêvent du pays absent. Il faut les respecter, car ils sont comme les gardiens du foyer commun dont ils connaissent tous les secrets, ayant vu passer dix générations sous leur ombre, ayant vu leurs fêtes joyeuses, et leurs convois funèbres, — ayant vu des familles s’élever par une longue suite d’elforts jusqu’à la richesse et d’autres s’incliner peu à peu vers la misère. — Enfin ils rappellent parfois les grands souvenirs de notre histoire; ici, c’est un arbre sous lequel — au temps de Saint Louis — on rendait la justice. Là, c’est un contempo- rain du grand Sully planté pour obéir à ses sages prescriptions. Celui-ci rappelle la nais- sance du roi de Rome. Celui-là est un arbre de Liberté élevé sur la place publique pour com- mémorer les anniversaires républicains. L'ARBRE DANS L’ENCLOS FAMILIAL. Il faut soigner aussi les arbres de l’enclos familial : ils assainissent l’air à l’entour de Phabitation ; ils l’égayent du chant des oiseaux et parfois l’emplissent du parfum de leurs fleurs. Les arbres fruitiers du jardin et du verger méritent surtout des soins attentifs : s'ils sont bien greftés, taillés, entretenus par des engrais, si l’on prend soin d’assurer l’équilibre de leurs formes et de les défendre contre les insectes ou les parasites végétaux, ils sont l’ornement et la principale richesse de l’enclos. Ils contribuent 8 MANUEL DE L’ARBRE aussi à la parure du village, rien ne laisse au voyageur une impression plus agréable d’ai- sance, de bien-être, de vie heureuse, que la vue de jardins ou vergers bien ordonnés et tout remplis de fruits, de légumes et de fleurs. L'ARBRE AU VILLAGE. Il faut respceter les vieux arbres qui ornent et embellissent les abords d'un village. Is contribuent à donner à celui-ci sa physionomie particulière, le font reconnaitre de loin, et le fixent dans le souvenir de ceux qui l'ont quitté. Les arbres de l’enclos familial ont aussi par- fois leur histoire et leurs souvenirs. Tel d’entre eux a été planté à la naissance d’un enfant, et 1l en porte le nom; tel autre rappelle un accident ou un événement douloureux. Ces arbres sont comme des amis fidèles, depuis longtemps asso- ciés à de tristes ou joyeux souvenirs. Tous cependant ne méritent pas ce respect senti- mental qui les protège contre la hache. Plus d’un ne remplit plus la fonction pour laquelle il a été planté. Celui-ci, vieilli, déformé par les accidents ou les mutilations, dévoré chaque été par les in- sectes ou les champignons, n’est plus qu’une ruine végétale sans feuillage et sans beauté; — loin de concourir à orner l’habitation, il la dépare par son aspect misé- rable. Celui-là étend depuis trop longtemps ses longs rameaux sans fruits par-dessus les her- bages ou les cultures du potager. — Ces arbres doivent être sacri- fiés ou remplacés. Rien, dans les productions végétales mises à la disposition de l’homme, ne saurait échapper à la grande loi du renouvellement et de l’en- tretien. Enfin cet enclos familial avec ses arbres, ses fruits, ses fleurs, ses oiseaux, ses insectes, est pour l’enfant une merveilleuse école. Il n’a qu’à regarder tout autour de lui pour y surprendre quel- ques-uns des secrets de la nature. RÉCIT. La monnaie d'argent et l'éclipse. Le petit Paul se promenait avec son père sous l’ombrage des grands arbres qui entourent leur maison. Perçant la voûte obscure du feuillage, desrayons desoleilarrivaient jusqu’au sol et y formaieut des taches rondes, brillantes, quise déplaçaient à chaque souffle de la brise dans les branches « Père, disait-il, c’est comme de la monnaie d'argent ! — Eh bien, mon fils, tâche de la recueillir. » Et le petit Paul s'’avançait, son tablier largement ouvert. Les taches remplissaient bien le tablier ; mais dès que l'enfant voulait s’en aller pour rapporter sa précieuse récolte, la monnaie brillante retombait sur le sol et le tablier redevenait vide. Et l'enfant s’obstinait, tour à (5) L'ARBRE 9 tour se fâchant ou pleurant de ne pouvoir réaliser son désir, — Quelques années plus tard, le père et l'enfant se trouvaient denouveausous lecouvertdes arbres, c'était le 30 août 1905, à 1 heure de l'après-midi, le jour de l'éclipse. Ils venaient d'observer celle-ci en regardant le soleil avec un verre enfumé. Paul s’écria tout à coup : « Père, regarde donc la singulière forme qu'ont aujour- d'hui ne sont plus rondes aujourd’hui, elles ont la forme les taches de soleil, » — « Oui, mon fils, elles L'ARBRE DANS , LE LONG DES COURS D EAU. Comme elles seraient tristes, monotones, nos grandes plaines de culture et nos grandes vallées, s’il n’y avait le long des ruisseaux, des rivières ou canaux, le long des routes et chemins, et parfois à l’entour des champs, ces rangées d'arbres ou d’arbrisseaux qui de près égaient la vue par leurs feuillages variés et jusqu’à l’ho- rizon le plus lointain se profilent dans le ciel avec de si douces teintes ! En dehors de l'a- erément et de la di- versité qu'ils donnent aux paysages des pays plats, ces arbres rem- phissent des fonctions multiples : Tandis que les saules au feuillage argenté, s'inclinant sous la brise, suivent les méandres capri- cieux du moindre ruisseau, que les aulnes à la verdure luisante se pressent limpides et poissonneuses UNE BELLE RIVIÈRE, L'arbre fixe et embellit les Il assninit les d'un croissant, la forme méme du soleil, telle que lu viens de la voir sur le verre enfum la forme du soleil en partie masqué par le cône d'ombre de la lur et telle qu'elle apparaîtrait dans la chambre noir d'un appareil photographique. Cela te montre qu ul suffit souvent d'observer, de com- parer, de regarder dan es p es chose ” feuillage d'un arbre ! pour - 1 percep ”" L crands phén wnènes de La nature LA CAMPAGNE au bord des rivièri s, les hauts peupliers dressent le long des grands fleuves leurs avenues impo- santes. Tous fixent, consolident avec leurs racines les berges de terre meuble ou de sable. tend à détruire. que le courant des eaux ronger et à Tous om- bragent les masses liquides, modèrent les vents qui les agitent cette double l'é- qui Las et par action diminuent vaporaluon produit à leur surface, \insi ils dans la contribuent saison sèche à maintenir dans les ruisseaux et le flot qui doit alimenter les rivières bienfaisant villes, irriguer les prairies, les cultures, faire marcher les usines ou porter les bateaux. Les : ! ,s poIssons erux- mèmes tirent profit de ces bordures végé- tales installées sur les frontières de leur domaine liquide : les eaux maintenues plus fraiches, plus claires, plus abondantes sont rives d'un cours d'eau. 11 me cat le TE moins aux hampes dans leur v sujettes 10 MANUEL DE L’ARBRE contaminations produites par les chaleurs cani- culaires. Elles sont aussi plus riches en aliments et chaque branche qui s’incline à leur surface leur apporte son tribut d'insectes, d’animalcules ou de graines végétales pouvant servir à la nourriture de la gent aquatique. Et puis, qu’elles sont belles, douces au regard, agréables à suivre pour le promeneur, pour la barque de plaisance, ou pour le baigneur, ces rivières ombragées où viennent se fondre en un délicieux mirage la verdure des arbres et l’azur du ciel! Les bordures d’arbres sont bienfaisantes aussi à la terre riveraine : par le drainage naturel que forme dans le sol le réseau de leurs racines, par l’aspiration régulière de leur feuillage, elles font disparaître l’excès d’humidité qui rend marécageuses et infertiles dans un rayon sou- vent assez étendu les rives des cours d’eau. Aussi n’est-il pas rare de voir dans les plaines humides ces bordures s’élargir ou se compléter par d’autres alignements ou par de petits mas- sifs destinés à assurer mieux encore cette fonc- tion d’assainissement. Le peuplier, le tremble, l’aulne, le frêne, le saule sont dans nos climats les essences préférées pour cette utilisation. Elles aiment l’eau et, grâce à leur croissance rapide, en absorbent de grandes quantités pour véhiculer les matières assimilables nécessaires à la constitution de leurs tissus. La place qu’elles occupent sur le sol n’est pas perdue d’ailleurs et le produit ligneux qu’elles donnent dépasse souvent en valeur celui des herbages ou des cultures (1). (1) Le frêne est une essence très recherchée dans la carros- serie et l’ébénisterie. Les saules ou osiers sont utilisés pour la vannerie (fabrication des paniers, meubles de jardin, etc.). Le peuplier, le tremble et l’aulne, au bois tendre et facile à débirer en minces lambris, sont les essences par excellence pour la fabrication des caisses d'emballage, le revêtement intérieur des meubles, etc. On emploie aussi volontiers le peuplier et le tremble pour la pâte à papier et l’aulne pour la fabrication des sabots. On a dit que le peuplier pouvait chaque année s’accroître d’une valeur de 1 franc. En fait, un peu- plier de 30, 40 ans se vend fréquemment 30, 40 francs et dans les conditions les plus favorables, la production peut même atteindre 1 fr. 50 et 2 francs par arbre et par an. Sous les climats chauds, sur le littoral méditerranéen, en Italie, en Afrique, une autre essence, par sa croissance plus rapide encore est LE LONG DES ROUTES. Le long des routes, les arbres protègent le voyageur contre les ardeurs du soleil et lui donnent un abri temporaire contre la pluie. Ils fixent, consolident les talus de la chaussée et la protègent contre le desséchement : son utilité, sous ce dernier rapport, s’est encore accrue depuis que l’automobile y soulève la poussière en longs tourbillons (2). Ils sont enfin la beauté de nos routes, trans- formées grâce à eux en avenues d’un majes- tueux aspect. Dans les régions où la neige tombe en grande abondance, les bordures d’arbres ont encore l'avantage de marquer l’emplacement de la route qui bien souvent disparaît sous l’épaisse couverture blanche. Elles ont sauvé bien des voyageurs surpris par ces affreuses tourmentes d'hiver où la neige vole en tourbillons et dérobe à la vue les repères lointains qui pourraient les guider ! Dans certains pays, en Belgique, en Luxem- bourg, en Lorraine, on utilise pour les bordures de routes les arbres fruitiers : le pommier, le poirier, le cerisier, etc. Dans les montagnes granitiques, le châtaignier étale fréquemment son magnifique ombrage par-dessus les routes des vallées et contribue beaucoup à donner à celles-ci ces aspects verdoyants et cette déli- cieuse fraicheur qui les rendent si agréables à parcourir. Dans les montagnes calcaires, c’est le noyer à la ramure vigoureuse et à l'ombre plus utilisée pour le desséchement des marais et l'assainissement des contrées ravagées par la fièvre paludéenne, c’est l’euca- lyptus. — Le peuplier et le saule s'élèvent facilement, par simple bouture, — l’aulne et le tremble par marcottes, — le frêne par semis. (2) Parmi les essences le plus volontiers choisies pour les bordures de routes, on peut citer l'orme, le tilleul, le frêne, l’érable, le peuplier, l’acacia, le marronnier, le platane (parti- culièrement dans la région méridionale). Dans certaines régions, on utilise même le hêtre et le chêne en dépit de leur croissance un pou lente. Sur les plateaux et ccls élevés, la froidure du climat et la violence des vents rendent plus difficile la forma- tion de ces bordures d'arbres. Certaines essences peuvent seules résister à ces conditions spéciales : le frêne, l’érable. sycomore, l’alisier et le sorbier aux belles grappes de corail. À L’'ARBRE 11 fraîche encore qui borde les chemins et embellit les paysages. Ces arbres donnent des récoltes de fruits et ainsi contribuent à la richesse d’un pays. Mal- heureusement on les mutile souvent, ces arbres fruitiers qui bordent les routes. Pierres ou gaules brisent leurs branches. Ce qui sembie appartenir à tous n’est bien souvent respecté par personne. Mais ce qui est détruit par l’un fait la misère de tous. Chaque branche d'arbre brisée est comme immédiat des arbres l’excès d’ombrage et le développement du réseau superficiel des racines causent un certain dommage. Mais en agricul- ture, comme dans le com'nerce, il faut parfois savoir perdre pour gagner : qu'importe qu’une petite partie souffre, si le champ presque entier bénéficie de conditions plus favorables ? Or, ces arbres donnent un abri et un ombrage précieux. Ils protègent le champ contre les vents froids qui ralentissent la végétation — contre (Cliché extrait de ‘La Nouvelle Egypte”, par de Guerville.) LA ROUTE DU CAIRE AUX PYRAMIDES. Ce n’est pas seulement dans nos pâys occidentaux que l’on établit des bordures d'arbres le long des routes. Elles sont plus appréciées encore sous l’éclatant soleil et le ciel sans nuages des pays d'Orient, une pierre enlevée à la maison commune qui abrite l’humanité. A L'ENTOUR DES CHAMPS. Pourquoi conserver à l’entour des champs ces larges haies plantées d’arbres ? Leur empla- cement est perdu pour les récoltes. Sur une zone de quelques mètres, l’herbage parait étiolé et la végétation de toutes les plantes agricoles est languissante. Sans doute,sous le couvert presque les vents chauds qui dessèchent la terre. Matin et soir leurs ombres s’allongent sur pres- que toute son étendue et y entretiennent la fraicheur. Par eux, les dépôts de rosée sont plus abondants et se maintiennent plus longtemps sur le sol. En été, tous ces arbres se peuplent de petits oiseaux qui — si l’on a soin de les respecter, et de protéger leurs couvées — protégeront à leur tour les récoltes contre les dégâts des insectes. 12 MANUEL DE L’ARBRE Quand vient l’automne, leurs feuilles dessé- chées s’envolent tout au travers du champ, et c’est un engrais pour celui-ci. Il est facile d’ailleurs de limiter le préjudice qui peut être porté par les bordures d’arbres dans leur voisinage immédiat. Un fossé peu profond suffit à arrêter l’envahissement des racines superficielles. Une légère culture donnée au sol avec application d’engrais minéraux, chaux, cendres, scories de déphosphoration ou phosphates, permettent de faire disparaître les mousses et autres mauvaises plantes qui ten- dent à se développer sur les places trop ombra- gées. Enfin, il est d'usage d’émonder périodique- ment, soit tous les 4 à 6 ans, ces arbres de bor- dures ; ainsi on empêche l’arbre d’étendre trop au loin sa ramure. Les branches récoltées et réunies en fagots sont utilisées pour le chauffage et parfois leurs feuilles desséchées servent à l'alimentation des bestiaux et notamment des moutons et des chèvres qui en sont très friands. — En temps de sécheresse, quand les prés sont desséchés et que les fourrages manquent, les feuillages verts et les ramilles des arbres sont une ressource infiniment précieuse. Dans la désastreuse année 1893 ils ont sauvé de la famine bien des têtes de bétail. Done, il ne faut point médire de ces bordures d’arbres : chêne, frêne, orme, érable, peuplier, hêtre, qui entourent les champs et qui ont encore pour avantage, avec leur garniture d’aubépine, de prunier épineux, de coudrier, de troène, etc., d’embellir la campagne, de former d’excellentes clôtures et de donner à la propriété une sorte de cadre fixe qui la protège contre les empiètements ou les partages. Elles sont particulièrement appréciées en Bretagne et sur la côte normande, où les vents violents qui soufflent de la mer rendraient pres- que impossible toute culture, où elles maintien- nent verts et productifs presque toute l’année les gras herbages ou les vergers qui font la for- tune du pays. — En Provence et dans une partie de la vallée du Rhône, des rangées de cyprès, d’ifs, etc., abritent presque toujours les maisons, les vergers, les cultures maraïchères, les prairies contre le froid mustral. Dans les grandes plaines, humides en hiver et chaudes en été, c’est encore par des rangées de peupliers, d’aulnes, etc., que l’on peut défendre alternativement les prairies de l’excès d’hu- midité qui provoque l’envahissement des her- bages par les joncs, les carex, les prêles, etc.. et de la sécheresse qu: dessèche les bonnes espè- ._ ces végétales. Sur les plateaux élevés, sur les cols de mon- tagne parcourus incessamment par des vents violents, on est obligé parfois de moissonner les champs avant la maturité pour éviter que le vent en secouant les épis ne fasse tomber le grain et ainsi ne diminue d’un tiers ou d’un quart la récolte. Aussi dans ces régions où les terres incultes occupent de vastes espaces, les terrains agricoles qui avoisinent les villages apparaissent-ils, avec leurs ceintures d’arbres, comme de riants bocages où le regard se repose avec délices des aspects sauvages et désolés qui les environnent. Bien souvent, dans les vallées de montagne, le châtaignier et le noyer composent la bordure des champs. Leur production de fruits compense très largement le déficit des récoltes que la rigueur du climat ou les difficultés de culture y rendent toujours incertaines et peu abondan- tes. Hélas ! trop souvent on leur fait la guerre, à ces arbres bienfaisants, qui pendant de nom- breuses années ont fourni à la famille la provi- sion de châtaignes, de noix, d’huile, et parfois payé l'impôt ou le fermage ! On leur fait la guerre parce que leur bois est précieux et se vend cher. On en fait de beaux meubles ou des crosses de fusils. On les utilise pour la fabrica- tion des extraits tanniques et dans certains pays, comme la Corse ou le Dauphiné, ils tom- bent un à un sous la hache des marchands de bois et des usiniers. Ils disparaissent aussi par la maladie, sous l’action des insectes ou des champignons qui attaquent leurs feuillages ou leurs racines. Ces arbres ont parfois plus de valeur que la terre qui les a nourris. Quelques-uns se vendent 300 francs, 500 francs et plus. — Si dla L’'ARBRE 13 le propriétaire les exploite, c’est donc une partie importante de son capital qu'il réalise. Il ne doit le faire qu’en cas de nécessité, avec ménagement et en prenant soin, en bon père de famille, de remplacer par de jeunes sujets soigneusement plantés et greffés les arbres abattus. Dans les pays de steppes, là où les pluies sont rares et peu abondantes, où les vents froids et desséchants soufflent avec une violence accrue par l’immensité des espaces parcourus, aucune mise en valeur culturale ne serait possible, si l’on ne commençait, comme cela se pratique dans certaines parties de la Russie méridionale, par établir de larges rideaux boisés. Enfin, si l’on peut dire que, dans le désert, c’est la source qui crée l’oasis, on peut dire avec non moins de raison que c’est l’arbre qui permet de préserver ses cultures des rayons brûlants du soleil et de l'invasion des sables. Ainsi l’arbre est presque partout l’auxiliaire et parfois même l'indispensable protecteur de nos cultures : abri contre le vent, écran contre le soleil, régulateur de l'humidité dans le sol, four- nisseur d'engrais, producteur de récoltes, il enri- chit le cultivateur, ne lui demandant que quelques soins dans le premier âge, et, au moment où il tombe sous la hache, lui léguant encore en héritage un capital ligneux qui parfois est une petite for- tune. LA HAIE BOISÉE ET LA FRÉQUENTATION SCOLAIRE. La haie boisée avec ses fleurs du printemps, ses ombrages de l’été, ses petits fruits de l’au- tomne est pour l’enfant des campagnes le décor enchanteur, le cadre gracieux offert à ses jeux, à ses ébats, à ses promenades instructives. Elle favorise parfois l’école buissonnière, mais elle favorise plus encore la fréquentation scolaire. Le récit suivant en fait foi. Récit. — Le chevreau à l’école. Pierre avait bien travaillé à l’école pendant tout l'hiver. Son maître était satisfait de ses progrès, et son père en élait fier. Mais voici que le printemps arrive. L’herbe commence à pousser dans les champs et dans la grange la provision de fourrage est bien près d’être épuisée. I] faut songer à mettre le bétail au pâturage. Et c'est Pierre qui sera la berger. Avec regrets il quitte l’école, mais il se promet cependant d’apporter au champ ses livres d'étude. Cette promesse fut tenue. Or il n’y avait pas de clôture boisée à l’entour du champ. Pas le moindre ombrage! Un jour, Pierre étendu sur lherbe, en plein soleil, étudiait sa grammaire. Il faisait chaud, ses yeux clignaient sous la lumière trop vive, bientôt ils se fermèrent tout à fait. L'enfant s’endormit. Les vaches aussi souffraient de la chaleur. Les mouches les harcelaient. Elles quit- tèrent le champ ; leurs veaux les suivirent en gambadant, et aussi la chèvre et son chevreau. Pierre dormait tou- jours. Pour rentrer droit au village le petit troupeau traversa un grand champ de blé, couchant, brisant les chaumes en fleur. Le propriétaire les vit et les chassa furieusement jusque sur le chemin. Près du village, les vaches avisèrent un carré de choux. Leurs feuilles étaient fraîches. Elles y donnèrent de larges coups de langue jusqu’à ce qu’une femme bêchant non loin de là les effrayât par ses cris. Les voici à la porte de leur étable. Celle-ci est fermée. Elles divaguent tout inquiètes dans le village, entrent dans le préau de l’école, toujours suivies de leurs veaux, de la chèvre et de son chevreau. La chèvre avisant les feuilles vertes de la treille qui -acadre les fenêtres de la classe, se dresse sur ses pattes {e derrière et les broute gloutonnement. Son chevreau, d’un bond, saute sur le seuil de la fenêtre : grand émoi dans la classe. Tous les écoliers se lèvent, s’exclament : « Tiens, le chevreau de Pierre qui veut venir à l’école! » — L’instituteur court à la fenêtre, chasse le chevreau, aperçoit la chèvre qui ronge la treille, les vaches qui pié- tinent les parterres de fleurs, se précipite dans la cour, chasse tous les animaux, revient en maugréant à son pupitre où immédiatement il se met à écrire au père de Pierre une lettre ainsi conçue : « Monsieur, je prends la très grande liberté de vous faire observer qu'il serait bien préférable que votre fils Pierre continue à fréquenter l’école piutôt que d’y laisser venir les animaux de votre étable. Il s’en trouverait beaucoup mieux et la treille aussi. » Déjà le père de Pierre avait dû entendre les récla- mations violentes du propriétaire du blé et de la femme au carré de choux. Mais la lettre de l’instituteur le mor. tifia bien davantage. Quand son fils revint du champ, seul et tout penaud, il le gronda fort sur sa négligence. Dans la nuit il prit une grande résolution ; dès le lende- main matin il commencerait à établir une clôture pro- visoire à l’entour de son champ. En automne il planterait une haie vive avec des arbres de distance en distance pour donner de la fraîcheur au pâturage. Ainsi le bétail pourrait pâlurer sans gardien et son fils irait toute l* année à l’école. 14 MANUEL DE L’ARBRE QUESTIONNAIRE DU LIVRE ÎI° 1° Quelle est l'utilité des arbres à l'entour des habita- tions ? Pourquoi les arbres assainissent-ils Fair que nous respirons ? 920 Quels soins convient-il de donner aux arbres fruitiers ? ( plantation taille — fumure — moyens de déjense contre les parasites végétaux ou — greffage — animaux). 30 Quelles observations peut-on faire dans l'enclos fami- hal 2 Ex. la fécondation des arbres fruitiers. — Sur l'utilité Sur le rôle de l'abeille en ce qui concerne de l'oiseau pour la destruction des larves et che- nilles ; etc. 4° Quelle est l'utilité des arbres le long des cours d'eau ? Essences à y planter de préférence. — Quel peut être le rendement d'un peuplier ? 59 Quelle est l'utilité des arbres le long des routes ? — Essences à employer pour ces bordures. — De l'emploi des arbres fruitiers. 69 Quelle est l'utilité des arbres à l’entour des cultures ou pâturages ? — notamment dans les régions exposées au vent — dans les régions d'herbages et de vergers — sur les plateaux élevés — dans les plaines humides — dans les vallées de montagne (châtaignier, noyer) — dans les régions de steppes ou de déserts ? L'ARBRE ABRITE NOTRE DERNIER SOMMEIL... lombeau de Jean-Jacques Rousseau, à Ermenonville.) (Cliché de M. Perrot, Inspecteur des UN PIN SYLVESTRE DANS LES HAUTES-ALPES. L’arbre isolé, battu par les vents étend au loin sa ramure, sous laquelle les troupeaux aiment à venir s’abriter. — S'il n’est pas susceptible de donner à l'homme des produits aussi utiles que l’arbre des futaies, du moins il orne, embellit les paysages. et à ce titre, il mérite d’être respecté. LIVRE Il À FORET L'ARBRE EN FORÊT. L'arbre, ainsi que l’homme, aime à vivre en société. Isolé, il garde une forme fruste, gros- sière, adaptée aux luttes qu’il est obligé de sou- tenir contre les intempéries, les tempêtes : son fût est court, trapu, noueux, sa cime étalée ; ses racines s'étendent au loin sur le sol, comme pour s’y cramponner. En forêt, l’arbre, comme l'habitant de nos Cités, semble s’affiner au contact de ses sembla- bles, il prend une forme svelte, élancée, un port à la fois élégant et majestueux. Son fût s’élève droit, bien cylindré, dépouillé de branches jus- qu’à une grande hauteur. Celles-ci se groupent en une houppe compacte et régulière dont le foréts en retraite. 16 MANUEL DE L’ARBRE feuillage touffu retient presque tous les rayons du soleil. Tout d’ailleurs semble disposé dans cette société végétale pour assurer à l'arbre une exis- tence paisible et prospère. Il n'offre que peu de prise aux vents. Sous la voûte continue de feuil- lage, le sol, labouré par des racines très multi- pliées, maintenu constamment meuble, frais et fertile par l’ombrage, par la couverture des feuilles mortes et des dépôts d’humus incessam- ment renouvelés, présente les conditions les plus favorables à sa végétation active. Il semble qu'il n’ait plus à lutter que contre ses pareils. Il y a bien lutte en effet entre tous les sujets qui, en si grand nombre, composent les jeunes peuplements de la forêt. Tous veulent leur place au soleil, et dans cette lutte, il en est plus d’un qui succombe avant l'heure, anémié, étouffé par des voisins mieux armés ou plus vigoureux! De cette croissance active et régulière et de la sélection naturelle produite par cette lutte pour la vie, il résulte que l’arbre des forêts fabrique en plus grande quantité une matière ligneuse très supérieure sous le rapport de la qualité à l'arbre ayant crû à l’état isolé. Ce dernier, noueux, branchu, n’est le plus souvent apte qu’à donner du bois de chauffage. L’arbre des forêts au contraire produit un bois de structure plus homogène et plus fine, susceptible d’être utilisé pour tous les emplois de l’industrie. L'INVASION FORESTIÈRE DANS LE MONDE. Comme l’homme encore, l’arbre est un con- quérant, 1l a une force d’expansion extraordi- naire. Bien avant notre race humaine, il a con- quis le monde. Il crée peu à peu autour de lui — par son ombrage, par sès défoliations qui, en automne, jonchent la terre et se décomposent ensuite pour former de la terre végétale, des conditions favorables au développement de ses congénères. Il y jette ses germes par milliers et quelquefois par millions de graines, et voilà la lamille, la tribu, le bouquet de bois constitué. Mais ce n’est pas tout, cette graine est fréquem- ment pourvue d’une aile qui lui permet de voler au loin emportée par le vent, Ella est recherchée par le rongeur qui souvent l’enfouit dans la terre, à par l'oiseau qui l'emporte dans son bec et parfois l’abandonne à plusieurs lieues de distance. Que l’une de ces graines rencontre un peu de terre meuble, l’ombre et l’abri d’une pierre, qu’elle reçoive l’humidité d’une ondée et la voilà qui germe et va constituer peut-être la souche d’une nouvelle famille, d’un nouveau bouquet de bois. Et tous ces bouquets travaillant chacun à s’agrandir et à se multiplier, les espaces nus se réduisent de plus en plus et bientôt la forêt s’é- tend sur d'immenses lieues de pays. Cette transformation du sol nu en forêt passe d’ailleurs par des phases diverses et variables suivant les espèces qui la produisent, suivant les sols et les climats. Il ne suffit pas en effet que la graine germe, il faut encore que les jeunes sujets soient placés dans des conditions convenables pour qu'ils puissent se développer. Or, parmi nos grandes essences forestières, les unes ont le tempérament robuste et résistent assez bien, soit à l’insolation, soit à la gelée. Elles peuvent donc se développer en plein décou- vert, pour peu que le sol leur fournisse les élé- ments nutritifs qui leur sont nécessaires. Tels sont, par exemple, le chêne, le bouleau, les pins, le mélèze, l’épicéa. Les autres au contraire ont le tem- pérament délicat. Tels le sapin, le hêtre. Ils sont très sensibles à la gelée et résistent difficilement aux coups de soleil ou à la privation d'humidité dans le sol. Ils ont besoin d’abri pendant leurs premières années et on les appelle pour cela essences d'ombre, tandis que les premiers s’ap- pellent essences de lumière. La propagation des essences d’ombre est subordonnée à la présence sur le sol d’une végétation buissonnante suscep- tible de leur fournir l'abri nécessaire. Certains arbrisseaux tels que le coudrier, laubépine, le genévrier, etc., remplissent admirablement cette fonction, et forment en quelque sorte l’avant- garde qui préparera l'invasion des grandes es- sences. Le sol ne présente pas toujours des conditions favorables à l’installation immédiate de la végé- tation ligneuse : s’il est formé d’une roche com- pacte, il faut tout d’abord qu’il se constitue à sa … Pr LA FORET 17 surface un peu de terre végétale susceptible d’approvisionner les radicules d’éléments nu- tritifs. Il faut que la roche s’effrite sous l’action des agents atmosphériques ; il faut que toute une série de végétaux inférieurs, depuis le lichen et la mousse jusqu’aux plantes de nos prairies, aient travaillé par leurs formations et leurs décompo- sitions successives à constituer une couche de terreau sur laquelle l’arbre puisse s'implanter ou s’alimenter. Si le sol est mobile comme le sable du désert, tp APE le jeune plant fo- A7 restier si frèle, si QE faiblement enra- ciné ne peut s’y installer avant qu'il ait été préa- lablement fixé par une végétation gazonnante. Ze encore le brin d'herbe doit pré- céder l'arbre et pré- parer sa venue. Il arrive que le sol qui entoure une forêt s’est recouvert tout d’abord d’une vé- gétation herbacée si drue et si puis- sante quelagraine forestière ne peut arriver jusqu’à la couche de terre et y faire pénétrer sa radicule, ou que le jeune plant, dans son lent accroissement, ne puisse parvenir à se dégager des chaumes qui l’enserrent et finalement l’étouffent. Ainsi l'herbe peut devenir un obstacle à l’envahissement forestier. Cet obstacle n’est pas toujours insurmontable. En développant son couvert, son ombrage, la forêt tue, détruit la plupart des plantes herba- cées aui l'entourent, et ainsi, dénudant le sol, elle peut y rétablir des conditions favorables au développement de ses jeunes plants et avancer pas à pas, progressivement, sa lisière. Un obstacle beaucoup plus insurmontable à l'expansion forestière est celui qui résulte du climat. Si les organes d’un arbre ne peuvent résister à la gelée ou à un certain degré de froid ou de chaud, si la période de végétation est trop courte pour qu'il puisse müûrir ses graines, si enfin les chutes pluviales ne sont pas assez abon- NY $ | EntheS LA FORÊT DE LYONS (Eure). L'arbre des futaies, ayant crû à l’état serré, prend une forme élancée. Son fût se dépouille de ses branches basses Son bois, presque sans nœuds, a un grain fin qui le rend apte à tous les emplois du travail et de l'industrie. dantes pour dissoudre et véhiculer dans ses tis- sus les matières alimentaires, l'expansion fores- tière est définitivement arrêtée ou suspendue tant que les conditions se maintiendront les mêmes. C’est ainsi que par delà l’immense forêt, — formée des espèces les plus résistantes au froid, telles que l’épicéa, le mélèze, le bouleau — qui recouvre toute la partie septentrionale de la Sibérie, de la Russie, de la Suède et de la Nor- vège, de l'Amérique du Nord, existe la zone des 2 18 MANUEL DE L’ARBRE toundras (1), où l’on ne trouve plus ni arbres ni gazons, mais seulement des lichens et des mousses. C’est ainsi encore que dans les régions montagneuses l’arbre disparaît au-delà d’une certaine altitude (2.500 mètres environ dans nos montagnes françaises). Dans cette conquête des régions froides, chaque essence forestière s’arrête d’ailleurs suivant sa résistance plus ou moins grande au climat. La forêt conquérante est alors comme une armée enveloppée d’ennemis qui la harcèlent. Chaque étape, chaque pas en avant est marqué par des trainards qui ne peuvent suivre le mouvement d’invasion et succombent en chemin. — C’est ainsi que si l’on part de la côte méditerranéenne pour remonter les pentes de nos Alpes françaises, on voit le pin maritime, le chêne vert et le pin d'Alep s’arrêter à une altitude d’environ 700 mètres, — le chêne rouvre à 1.200 mètres — le hêtre et le pin sylvestre à 1.500 mètres, — le sapin et l’épicéa vers 1.800 mètres. Seuls le pin à crochets, le mélèze et le pin cembro arrivent presque jusqu’à la zone des neiges éternelles, à 2.500 mètres. Le même phénomène d’arrêt de l'invasion forestière se produit dans les zones désertiques où des chutes pluviales insuffisantes, des séche- resses prolongées rendent impossible la vie des grands arbres. Ici encore les essences se raré- fient peu à peu en nombre, au fur et à mesure que s’aggravent, par l'élévation de la tempéra- ture ou la sécheresse. les conditions de l’exis- tence, jusqu’à ce qu’enfin succombe le dernier arbre. Si la sécheresse provoque l’arrêt de la végé- tation forestière, elle ne suspend pas toujours ‘expansion végétale. C’est ainsi que, dans les parties centrales des continents, à côté des dé- serls caractérisés par une dénudation presque complète, on trouve d'immenses régions herba- cées. C’est la zone des steppes, des pampas. Une courle période de pluie suffit à mürir les graines (1) C'est le nom donné à ces plaines presque constamment couvertes de neige ou de glaces qui bordent l'océan Glacial Arctique el ne sont guère parcourues pendant la courte saison d'été que par les troupeaux de rennes. des plantes herbacées, et à assurer la reconstitu- tion du tapis végétal temporairement détruit par la sécheresse. La formation de ces steppes privés de toute végétation forestière n’est pas toujours le résul- tat des sécheresses trop prolongées ; elle peut provenir également d’un excès d'humidité dans le sol qui fait pourrir les racines des arbres ou ne ieur laisse pas une aération suffisante. Ainsi se constituent sous les climats les plus divers les steppes marécageux. Si l’on consulte la carte du globe, on constate que ces zones glacées, ces contrées sèches ou marécageuses qui semblent à peu près incon- cihables avec l’existence des forêts, n’existent en définitive que sur une étendue totale rela- tivement restreinte. On conçoit dès lors que nos grands végétaux forestiers, supérieurs par l’organisation et la longévité à la plupart des espèces herbacées, aient pu, dansla lente coloni- sation du globe, prendre dès l’abord une place prépondérante. LA LUTTE DE L'HOMME CONTRE LA FORÊT. Mais la forêt eut bientôt à lutter contre un ennemi terrible : l’homme. La forêt fut dans le principe un très grand obstacle au développement de la race humaine ; sans doute, elle lui fournissait des fruits, des raci- nes, du gibier pour son alimentation — un abri contre les intempéries ; mais le soleil faisait dé- faut sous ces voûtes obscures de feuillage, le soleil source de vie et de fécondité ! L’existence était dure, difficile, incertaine dans une lutte incessante, semée d’embüûches, contre les bêtes féroces et les tribus voisines. La recherche des aliments était de plus en plus difficile, précaire, au fur et à mesure que se multipliaient les fa- milles et que diminuait le gibier. — Alors com- mença le lent défrichement des massifs sécu- laires. Alors naquirent la culture et la domesti- cation des animaux. A l'existence nomade du chasseur, succéda la vie sédentaire de lagricul- teur ou la vie nomade de pasteur ; — à l’abri naturel, la hutte ou la tente; — à la poursuite du gibier et à la cueillette, le travail de la terre e4 al LA FORET GROS HÊTRE ET FORÊT EN RUINE. Dans les futaies trop largement ouvertes par les exploitations de l’homme et pâturées par les troupeaux, les arbres isolés l’un de l’autre et le plus souvent décimés dans leur jeunesse par le bétail s'accroissent très rapidement; mais ils ont des fûts très courts, ramifiés dès la base et prennent cette forme monstrueuse qui les rend impropres aux arts industriels. — Le sol se couvre d’une épaisse végétation herbacée et devient rebelle à l'ensemencement naturel, — C'est pour la forêt le commencement de la ruine 19 20 MANUEL DE L’ARBRE l'élevage du troupeau; — à la lutte pour la conquête du terrain de chasse, la lutte pour la possession des pâturages, ou l’échange pacifique des produits. Pour construire ses habitations, installer ses cultures, agrandir ses pâturages, assurer ses communications, chaque tribu défricha. Par le fer et par le feu les clairières s’ouvrirent partout Ce domaine est aujourd’hui bien réduit. Dans des contrées immenses de l’Asie, là où pendant des milliers de siècles les anciennes sociétés humaines s'étaient développées, épanouies en des civilisations prospères, les forêts ont presque entièrement disparu. En Europe, aux Etats-Unis, dans l'Amérique du Sud où de nouveaux groupements sociaux UN DÉFRICHEMENT DE FORÊT DANS LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE ( Amérique). D'immenses forêts sont abattues en Amérique pour approvisionner nos contrées européennes des bois qui maintenant leur font défaut. A travers les espaces déboisés et qui ne sont plus qu’une lande buissonneuse, des voies ferrées sont établies pour conduire les bois exploités jusqu'aux ports d'embarquement, à travers les grands massifs forestiers. Elles s élargirent de jour en jour, d’année en année, de siècle en siècle, pour faire place aux plaines découvertes, aux villages, aux cités. De la plaine, le défrichement remonta les vallées, s’attaqua aux plateaux, aux versants montagneux et jus- qu’à la limite des neiges, des terres éternellement glacées, l’homme poursuivit sa guerre contre l’arbre, sa conquête sur le domaine sylvestre. se sont :nstallés et constituent actuellement les grandes nations civilisées, la destruction des forêts continue. Il convient de voir si cette guerre de l’homme à l'arbre ne doit pas prendre fin et s’il n’y a pas inté- rêt à rétablir une harmonie durable entre nos gran- des sociétés humaines et ces sociétés végétales qu’on nomme les forêts ! LA FORET 21 DE L'UTILITÉ ET DE LA CONSERVATION LE BOIS DANS L'HABITATION. De toutes les productions que la nature offre à l’homme pour la satisfaction de ses besoins, il n’en est guère qui soit d’une utilité plus cons- tante et plus générale que le bois. — Voyez DES FORÊTS. la toiture. — On le trouve partout dans la mai- son, de la cave au grenier. Dans les pays très riches en bois comme la Norvège, la Suède, la Russie, la Sibérie, il tient plus de place encore et bien souvent il constitue à lui seul l'habitation tout entière. Il en est LE PORT DE SANTA-FÉ (Colastiné République Argentine. Sur le quai d'embarquement s'accumulent des montagnes de bois provenant de ces défrichements. Ces bois sont chargés sur des navires qui les transportent en Europe où ils doivent subvenir aux besoins de notre industrie et combler le déficit de nos forêts détruites, quelle place il tient dans nos usages domestiques et dans nos habitations. On le trouve dans l’âtre de nos cheminées, où sa joyeuse flambée réchauffe et renouvelle l’air de nos appartements. — Il est utilisé, soit sous sa forme naturelle, soit à l’état de charbon, pour la cuisson de nos aliments. — I] forme les parquets des chambres, les vantaux des portes, les cadres des fenêtres, les lambris des cloisons ou des plafonds, les plinthes et les frises, la carcasse des meubles, la charpente de de même dans certaines régions montagneuses élevées où l’abondance du bois et la difficulté de transporter d’autres matériaux a conduit égale- ment à remplacer tout ou partie des murs par des parements de bois et les tuiles ou ardoises des toitures par de petites planchettes se rerou- vrant l’une l’autre. Le chalet suisse est le type le plus connu de ces constructions rustiques qui ornent de façon si pittoresque les pelouses des montagnes. On le 22 MANUEL DE L’'ARBRE retrouve sur les hauts plateaux du Jura, sous une forme beaucoup plus massive et plus déve- loppée. On le retrouve enfin sur les hauts ver- sants de nos Alpes françaises et de nos Pyré- nées. C’est une grande privation et de grandes souffrances pour les populations quand le bois nécessaire pour la cuisson de leurs aliments ou pour la réparation des habitations vient à faire défaut. Dans les steppes et plateaux de l'Asie la pénurie de bois ou de broussailles oblige les tribus de pasteurs à faire leur feu LE PLUS HAUT VILLAGE D'EUROPE : SAINT- VÉRAN (Hautes- Alpes). Altitude : 2100 mètres, Dans les hautes régions montagneuses, les maisons sont presque complétement construites en bois. — Si les forêts viennent à disparaître, les constructions ne peuvent plus être entretenues et les habitants sont forcés d’émigrer. avec la bouse de leur bétail séchée au soleil. Dans les déserts de l’Afrique, l’Arabe utilise de même la fiente de ses chameaux. Il n’y a pas bien longtemps une pratique semblable était en usage dans quelques vallées des Hautes- Alpes dont les bois avaient été — par l’impré- voyance des habitants — complètement détruits. Enfin, on peut voir encore aujourd’hui dans certains villages de notre Bretagne, à la pointe extrême du Finistère, où les vents violents qui soufflent de la mer rendent difficile la croissance des arbres, les murs des maisons et des jardins tapissés de bouses de vaches pétries en forme de galette et destinées à servir de combustible. Dans les pays où le bois est devenu rare par suite de destructions importantes, les habitants s'imposent de longues et pénibles corvées pour se procurer la quantité de bois nécessaire à la cuisson du pain. On a cité souvent l’exemple de la vallée du Dévoluy (Hautes-Alpes) où les habitants dépensaient treize heures de fatigue pour rapporter une charge de bois à travers d’affreux précipices. Dans quelques-unes des hautes vallées très pauvres en bois de ce même département, on poussait l’é- pargne du précieux combustible jusqu’à ne faire qu’une seule cuisson de pain au commen- cement de l’hiver. Actuellement encore, les habitants, pendant la saison froide, séjournent presque constamment dans les étables, couchant à côté de leurs bestiaux, dans des condi- tions d’hygiène déplorables et n’allument le feu que pour la préparation des repas. En Chine, où sur d'immenses espaces les arbres font complè- tement défaut, les habitants ignorent totalement le chauffage des appartements. Des herbes, pailles ou racines desséchées suffisent à la cuisson de leurs aliments, et pour se défendre du froid, ils se bornent à ajou- ter un ou deux vêtements suivant la rigueur de la température. Ils tiennent cependant à ce que leur cercueil soit fait en bois et pour don- ner satisfaction à ce pieux désir, ils s'imposent parfois des dépenses considérables, faisant venir du Japon les quatre planches nécessaires. LE BOIS DANS L'INDUSTRIE. Dans nos pays civilisés, le bois ne sert pas seulement au chauffage et à l'habitation, il est utilisé encore pour de très nombreux em- plois industriels. A ce titre, les forêts jouent LA FORET 23 un rôle considérable dans l’économie générale d’une région et contribuent pour une part très importante à sa prospérité. Elles sont de grands et précieux distributeurs de salaires. Pénétrez sur le parterre d’une coupe en exploitation et vous y- trouverez : ici, la hutte du bächeron, là, celle du charbonnier qui empile les petits rondins pour en former ces grosses meules co- niques où se cuira le charbon; — ici, l'atelier du scieur de long, là, celui du sabotier ou du fabricant de merrains (1). Suivez la lisière d’un grand massif forestier et vous trouvez dans tous ses alentours des usines, travaillant ou transfor- mant le bois, des villages dont la population est occupée une grande partie de l’année à exploiter, transporter ou façonner les produits de la forêt : ici, c’est la scierie débitant planches et charpentes, là une fabrique de meubles, ici la tonnellerie, là le charronnage, ici la fabri- que de galoches ou de formes de chaussures, là les ateliers de tourneur où se font les jouets d’en- fants et tant de menus objets en bois; — ici une fabrique de caisses d’em- ballage, là une tannerie utilisant les écorces de chêne ou une fabrique d'extraits tanniques obtenus par la cuisson du châtaignier. Les usines étaient plus nombreuses encore autrefois à l’entour des forêts, alors que celles-ci fournissaient le combustible nécessaire au chauf- fage des fours utilisés dans diverses industries, ou à l’alimentation des machines à vapeur. Verreries, Tuileries, Briqueteries, Boulangeries, (1) Petites planchettes de chêne servant à la fabrication des duves de tonneaux. Pâtisseries consommaient des montagnes de menu bois. La métallurgie elle-même employait exclusivement autrefois le bois pour la fabrication de ses fontes de fer. Cette consommation duite depuis la découverte des mines de houille et d’anthracite. charbon de des bois de feu s’est bien ré- Ce sont ces forêts souterraines enfouies dans le sol pendant les anciennes périodes géologiques qui, aujourd’hui, fournissent pour la plus grande FABRICATION DE MARGOTINS DANS L’YONKNE. Dans les environs de Paris, le menu bois des taillis sert à fabriquer ces petits fagots appelés margotins que l'on utilise pour allumer les feux dans les appartements. part ce précieux combustible minéral que lon appelle parfois le pain de l’industrie. Mais d’autres emplois du bois, inconnus jadis, se sont révélés : Les Papeteries, les Cartonneries ürent du bois, rapé mécaniquement ou pétri chimiquement, une grande partie de ces pâtes blanches ou grisâtres qui doivent former le papier d'emballage, le papier de journal, voire même le papier d’écolier, et aussi ces feuilles de carton qui servent à la fabrication des boîtes et qui, Juxtaposées en grand nombre, collées 24 MANUEL DE L’ARBRE comprimées, peuvent donner une matière, l’ébonite, assez résistante pour servir à la fabri- cation des roues de locomotive. La distillation du bois tend aussi à prendre une grande extension pour la production de gaz de bois, les grandes villes tendent à se substituer aux pavés de pierre, absorbent des quantités pro- _digieuses d’arbres forestiers et nécessitent par suite l'emploi d’un nombre considérable de journées ouvrières. UNE EXPLOITATION DE BOIS A LA SCHLUCHT (Vosges). Les grands sapins sont transportés jusqu'aux scieries pour être débités en charpentes ou en planches. Quant aux hêtres, ils sont façonnés sur place en quartiers ou rondins que l'on empile pour former des stères de bois de chauffage. Dans les forêts aménagées. l'habitant des campagnes est occupé chaque hiver à ces travaux qui lui procurent un revenu constant et régulier. d'acide pyroligneux, de goudron, d'alcool méthy- lique, etc. Enfin la fabrication des étais de mines, des traverses de chemins de fer, des poteaux pour les télégraphes, les téléphones, les transports de force motrice, et celle des pavés de bois. qui dans CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DE LA RUINE DES FORÊTS. Aussi c’est la misère, c’est une véritable catas- trophe pour un pays quand dans un grand mas- sif forestier — à la suite d'exploitations trop importantes ou trop multipliées — les bois Ne. Mn ne | L'# * AR DRE DENT € LA AE ss M ee Ù 0. » pers # Pr L DE dos » “ LA FORÊT 25 d’œuvre ou d'industrie viennent à manquer. Les usines se ferment, les villages se dépeuplent partiellement et tous les habitants qui vivaient par la forêt sont obligés d'abandonner leur foyer, leur pays pour s’en aller au loin chercher de nouveaux moyens d’existence. La situation est plus critique encore dans les pays du Nord ou dans ces régions montagneuses élevées où le bois est indispensable à l’existence et à l'habitation. Là, la ruine des forêts entraine la ruine des villages : Les chalets de bois usés par le temps ne peuvent plus être réparés. Les habitants sont impuissants à se défendre contre les rigueurs du climat. [ls ne peuvent plus ni abriter leurs troupeaux qui sont leur seule ressource, ni cuire leur lait pour la fabrication des fromages. Tout leur manque à la fois : le couvert et le pain. Ils n’ont plus qu’à suivre cette forêt qui peu à peu a reculé ses limites, à la suivre dans sa retraite, ainsi qu'un convoi de malheureux, dépouillés par la guerre, accompagne tristement une armée en déroute ! LE PRINCIPE DE L'AMÉNAGEMENT. Si donc les forêts, à l’origine des civilisa- Lions, ont été détruites principalement pour faire place aux cultures, aux habitations de l’homme, pour faciliter ses migrations à travers le globe, elles ont encore à supporter aujourd’hui les exploitations nécessaires à la satisfaction de ses besoins. Mais s’il ne veut pas être victime de leur disparition complète, s’il ne veut pas s'imposer à lui-même des privations pénibles qui aillent jusqu’à le menacer dans son existence, l’homme civilisé est tenu d’arrêter leur destruc- tion ; il est tenu, sous peine d’exil ou de mort, de limiter, de régler leur exploitation de telle sorte que ces forêts se reproduisent, se renouvellent d’elles-mêmes sans jamais s’appauvrir ou s’é- puiser. C’est le principe de l'Aménagement, que notre bon fabuliste La Fontaine a formulé d’une autre façon en disant : « /7 ne faut pas tuer la poule aux œufs d’or. » Retenez bien, enfants, ce grand principe qui devrait être appliqué à toutes Les richesses natu- relles susceptibles de reproduction existant sur la terre. De son application dépend La conser- vation même de l'espèce humaine. Que devien- drions-nous, en effet, si les terres de culture, les prairies qui nourrissent nos troupeaux venaient à s’épuiser, si le poisson disparaissait de nos rivières et de nos rivages maritimes, et le gibier de nos campagnes, si toutes les ressources natu- relles, qui concourent à l’entretien de notre vie se réduisaient peu à peu, cependant que notre population continue à s’accroître ? Voilà pour- quoi depuis longtemps l’homme s’est ingénmié à renouveler et à augmenter, par la jachère, par l’assolement, par des travaux de culture et de fumure à retour périodique, par l'irrigation, par l'aménagement agricole en un mot, les pro- visions que nous donne la terre. Voilà pourquoi dans tous les pays civilisés on a établi des règlements plus ou moins sévères sur la pêche, sur la chasse, — créé des réserves gardées pour la protection des frayères et la mul- tiplication du gibier. Voilà pourquoi il est nécessaire d’appliquer aux forêts le principe de l’aménagement. Récir. — Les chênes de Hautepierre. La commune de Vigneaux-les-Futaies se compose de deux villages : l’un, les Vigneaux, que l’on appelle aussi le bourg, est bâti au pied d’un versant bien ensoleillé et tout tapissé de vignes et d’arbres fruitiers ; — l’autre, le hameau des Futaies, est situé sur le plateau qui cou- ronne le versant. Là s’étendait autrefois une grande et belle forêt de chênes et hêtres formant un demi-cercele à l’entour des cultures du village qu’elle protégeait contre les vents du nord. Elle appartenait au marquis de Hautepierre. Les vignerons du bourg plaisantaient volontiers les habitants du Haut, ainsi qu'ils avaient coutume de les dénommer. Au printemps, quand la neige commençait à peine à disparaître du plateau, ils leur demandaient des nouvelles de leurs vignes. Hélas! en fait de vignes, ceux-ci n'avaient que les tapis d’airelle myrtille de la forêt, dont les fruits noirs étaient bons, tout au plus, à faire de la confiture. Mais, à l'automne, les habitants des Futaies descendaient avec leurs carrioles chargées de barriques et de corbeilles vides, et une bourse bien garnie. Alors les gens du bourg ne plaisantaient plus, ils 26 MANUEL DE L’ARBRE étaient pleins de prévenance pour leurs compatriotes du Haut qui — bon argent comptant — venaient remplir leurs barriques de la vendange nouvelle et leurs cor- beilles de pommes et de poires. Car ils n'étaient pas à plaindre les habitants du pla- teau, en dépit de la rigueur de leur climat. S'ils n’a- vaient pas de vignes, ils avaient des terres étendues qui les occupaient tout l’été. En hiver ils devenaient bûcherons, ouvriers de bois. Chaque automne réguliè- rement, le marquis de Hautepierre venait dans la forêt marquer une coupe. Aidé de ses gardes, il désignait, faisait frapper de son marteau tous les arbres qui de- vaient être abattus. Il en marquait toujours à peu près la même quantité ; mais il y en avait pour tous : de beaux chênes pour les fabricants de merrains, des hêtres pour les sabotiers, de mauvais arbres et du menu bois pour les ouvriers qui façonnaient les cordes de chauffage et les fagots. Pendant environ trois mois tous les hommes valides du village étaient occupés dans la forêt, et au printemps, en été, ils employaient encore de temps en temps leurs journées perdues à charrier les produits jusque chez les tonneliers et marchands de bois du bourg. C’était une bonne source de revenus pour les habitants du plateau que cette forêt du marquis de Hautepierre! source régulière qui ne tarissait jamais et qu’enviaient parfois les vignerons du bourg, quand leurs vignes gelées les laissaient sans récolte et sans argent. Pourtant, quand le marquis vint à mourir, il laissa peu de regrets. On le disait avare, sévère pour les délinquants surpris par ses gardes. On se plaignait surtout qu’il était trop ménager de sa ïorêt. Avec ses coupes réglées, il laissait, disait-on, bien des arbres pour- rir sur pied. Si, chaque année, on mettait plus d’arbres en exploitation, la forêt n’en vaudrait que mieux et les habitants auraient plus de travail et plus de profits. Son fils héritier sembla bientôt vouloir donner satis- faction à ces plaintes. Il trouva que la forêt ne rendait pas assez. Il aimait le luxe, les plaisirs. Et tout de suite, ilagrandit, multiplia les coupes. — Grande joie, grand con- tentement dans tout le pays. Dans le hameau des Futaies, les bûcherons, fabricants de merrains et sabotiers tra- vaillaient plus longtemps et gagnaient davantage. Dans le bourg, le bois de chauffage était pour rien ; les tonne- liers achetaient leurs douves et les vignerons leurs bar- riques à meilleur marché ; les petits commerçants fai- saient de belles affaires. — Auberges, cafés ne désemplis- saient pas. Tout le monde était content. Le jeune mar- quis devenait très populaire et déjà on parlait de l'envoyer à la Chambre des Députés. — Tout le monde était content, excepté pourtant le vieux garde-chef Brizard qui secouait tristement la tête et répétait : C’est malheureux, je vous le dis, de voir tomber à la fois tant de beaux chênes ! Croit-on qu’il y en aura toujours, et, quand le dernier arbre de la forêt aura été abattu, que deviendront les gens du pays ? » Il n’y en eut pas pour longtemps. Les coupes, trop importantes pour les besoins de la région, se vendaient mal, et le jeune marquis dépensait de plus en plus. Bientôt on apprit dans le bourg qu'il était ruiné et que, menacé de poursuites par des créanciers, il avait vendu sa forêt en bloc à un gros marchand de bois étranger. On ne parla plus de le nommer député, et bien- tôt ce fut une consternation générale quand l’acquéreur laissa entendre qu'il allait faire coupe blanche, car, disait-il, «il n'avait pas payé la forêt en beaux écus sonnants pour la regarder pousser et y entendre chanter les oiseaux ! ». Quelques années lui suffirent en effet à exploiter tout ce qu'il restait de la forêt. Le dernier chêne de la forêt de Hautepierre tomba. Aujourd'hui on n’y entend plus retentir les grands coups de hache. C’est une triste lande entrecoupée de buissons où viennent paître les moutons et les chèvres. — Le hameau des Futaies est presque désert. On n’y trouve que des vieillards et quelques enfants. Les jeunes gens sont partis et les bras manquent pour cultiver la terre. Le bourg aussi a perdu sa prospérité d'autrefois. Les vignerons ne voient plus descendre à l'automne les gens de la montagne pour leur apporter des merrains, des sabots, du bois de chauffage et des barriques et des corbeilles de fruits à remplir — parfois aussi pour y chercher de jeunes épousées. Le commerce s’est réduit beaucoup et bien des boutiques se sont fermées. — Les jeunes filles ne se marient plus. — Le vieux garde Bri- zard, n'ayant plus rien à faire là-haut est venu bien tristement y finir ses jours. Quand autour de lui on parle de la misère du pays et de sa prospérité d'autrefois, il répond : « Je l'avais bien dit. Il fallait s’en tenir à la coupe réglée du vieux marquis et ne pas couper tant de beaux chênes à la fois ! » HISTORIQUE DES FORÊTS DE FRANCE. Pendant longtemps, dans nos pays européens et notamment en France, on a négligé d’appli- quer aux forêts ce principe de l'Aménagement. Les grands massifs forestiers, qui dans l’ancienne Gaule couvraient la majeure partie de son ter- ritoire, étaient livrés au pillage de tous; non seu- lement leurs limites reculaient sans cesse, mais par l’abus des exploitations et le ravage des troupeaux et parfois du gibier, leur production ligneuse allait sans cesse en s’amoindrissant. Il faut un siècle et plus pour former un arbre. Que devient dès lors un massif de haute futaie si, après l’exploitation, or ne lui laisse pas le temps de se reconstituer, ou si les animaux, LA FORÊT 27 | bétail et gibier, viennent sur le parterre de la salaires que donne la forêt est pour longtemps coupe brouter tous les jeunes plants qui tente- tarie. Heureusement des plaintes commencèrent —" | : Ayge < K} 9 Dix 4 h È L : ni dut LS LE CHATEAU DE BUFFON, près MONTBARD (Côte-d'Or). Ce ravissant paysage s’embellit encore du souvenir de notre grand écrivain-naturaliste qui l'un des premiers en France a su appliquer ses merveilleuses facultés d'observation à l'étude des arbres et des forêts, raient de se développer? Le bois se transforme à s'élever en France contre ces destructions peu à peu en un fourré de broussailles ou en une imprudentes. Écoutez ce qu’en a dit un homme lande stérile, et la source de tous ces profits et dont vous avez appris à connaître le nom, un 1 | à É Le % x x 28 MANUEL DE L’'ARBRE des grands noms de notre pays, Bernard Palissy : « C’est, dit-il, non une faute, mais une malédic- tion et un malheur à toute la France, parce qu'après que tous les bois seront coupés, il faut que les arts cessent et que les artisans s’en aillent paître l'herbe, comme fit Nabuchodonosor. » Ces plaintes finirent par être entendues. Peu à peu, l’autorité royale, les Pouvoirs seigneu- riaux et les Parlements de province rendirent des ordonnances ou édictèrent des règlements pour faire cesser les abus. On organisa les mai- trises forestières, dont les officiers avaient charge de régler et de surveiller les exploitations, de réprimer les délits. Un peu d'ordre naquit peu à peu de ces sages mesures, que deux grands ministres cherchèrent à rendre plus efficaces ou à compléter : Sully par ses sages prescriptions et Colbert par sa fameuse ordonnance de 1669 qui fut notre premier Code Forestier. C’est Colbert qui, dans sa préocupation de développer notre marine et frappé de la difficuité de plus en plus grande qu’elle rencontrait pour se pro- curer les bois nécessaires à la construction de ses navires, prononça la parole célèbre : « La France périra faute de bois. » De grands savants, Duhamel de Monceau, Réaumur, Buffon, des officiers des maîtrises forestières — des propriétaires de bois, Varenne de Fenille,se mirent à étudier les arbres et les forêts et à répandre les premières notions de l’arboriculture et de la sylviculture. Mais dans la plupart des régions de la France, par l’igno- rance des uns, la cupidité des autres encouragée encore par le haut prix que la disette croissante donnait au bois, les dévastations continuaient, et au moment de la Révolution, les Cahiers présentés aux Etats Généraux étaient remplis de doléances sur les maux résultant de la ruine des Forêts. Le désordre qui accompagna notre grande tourmente révolutionnaire, en laissant les bois livrés sans défense à la convoitise des populations riveraines, vint encore aggraver la situation, et si quelques mesures réparatrices furent prises sous le Consulat et le 4er Empire, les grandes guerres qu’eut à soutenir la France à cette époque en neutralisèrent en partie les effets. Il faut en venir jusqu'aux dernières années du Gouvernement de la Restauration pour que des dispositions législatives vraiment efficaces soient prises, en vue de modérer les défriche- ments des bois particuliers et d’appliquer aux forêts de l’État, des Communes et des Établis- sements publics une gestion régulière, basée sur les principes de l’aménagement et de la sylviculture. En 1824 fut créée l’École forestière de Nancy. Les noms de deux grands forestiers : Lorentz et Parade,sont attachés à la fondation de cet ensei- gnement. En 1827 fut promulgué le Code fores- tier qui prescrit l'aménagement de toutes les forêts publiques, organise leur gestion et leur surveillance et édicte des peines pour la répres- sion des délits forestiers (1). SIMPLES NOTIONS D'AMÉNAGEMENT ET DE SYLVICULTURE. L'aménagement est un travail qui consiste à régler l’exploitation d’une forêt, de façon qu’elle fournisse un rapport annuel aussi soutenu et aussi avantageux que possible (L. Tassy). La sylviculture est l’art de créer ou de régé- nérer et d'entretenir en bon état de végétation les peuplements forestiers. | Pour aménager une forêt ou en régler les exploitations, de telle sorte qu’elle ne s’appau- vrisse pas, on se base tantôt sur sa contenance, tantôt sur le volume de ses arbres. Si une forêt de bots taillis (2) est divisée en 30 parcelles de sur- (1) Aujourd’hui les forêts soumises à des aménagements régu- liers en application du code de 14827 comprennent, savoir : Forêts de l'État... Sins 1.174.345 hectares Forêts communales et d’établisse- ments publics... 1.940.889 ee 3.115.234 hectares A côté de cela on compte environ 6.000.000 d'hectares de forêts appartenant à des particuliers, lesquelles sont librement administrées par leurs propriétaires, et 6.226.189 hectares de terres incultes. (2) On appelle taillis une forêt feuillue que l’onexploite, à un âge peu avancé (10 à 35 ans) et qui est destinée à produire du bois de feu. Elle est constituée principalement par les rejets ou jeunes pousses qui se sont développés en cépées ou couronnes sur les souches des arbres précédemment exploités. e ES LA FORÊT 29 faces sensiblement égales et qu’on en exploite une chaque année, au bout de 30 ans — le ter- rain s’étant repeuplé immédiatement après la coupe, — on pourra recommencer celle-ci dans les mêmes parcelles précédemment parcourues et ainsi exploiter indéfiniment la même surface et par suite la même quantité de bois âgés de 30 ans. Si une forêt de haute futaie (1) renferme, d’après les dénombre- ments et cubages qui ont été faits, un volume de 300 mètres cubes de bois en moyenne à l’hectare et si, d'autre part. on a calculé que le volume total des arbres s’accroit de 2 %, soit de 6 mètres cubes en moyenne chaque année, en exploitant chaque année par hectare un volume égal à cet accroissement, soit 6 mètres cubes, — la forêt, si l’on a pris soin d’en assurer le renouvel- lement, pourra indéfiniment conserver le même volume de bois sur pied et la même production. On voit que la production sou- tenue d’une forêt aménagée est subordonnée à la régénération des peuplements dès après leur exploitation. C’est ici qu’inter- vient l’art du sylviculteur. Cette régénération peut être obtenue soit naturellement, soit artificiellement. Les arbres de futaie arrivés à un certain âge produisent chaque année, comme on l’a vu, des millions de graines qui sont épandues et dispersées par le vent, les oiseaux, les petits rongeurs, les insectes même, sur le sol de la forêt. Il faut favoriser le développement de ces germes (1) On appelle futaie, une forêt résineuse ou feuillue formée presque exclusivement d'arbres de franc pied, c'est-à-dire issus d’une graine, et destinée à produire du bois de charpente, de travail ou d’industrie. On l’exploite généralement par pieds d'arbres, à un âge plus ou moins avancé (35 à 200 ans),suivant l'utilisation la plus avantageuse que l’on peut donner au bois dans la région. spontanés. On y arrive en assurant au sol les conditions d’ameublissement, d’humidité,d’abri, de chaleur, de lumière qui peuvent le mieux permettre aux graines de germer, et aux jeunes plants de se développer. Ces conditions sont le plus habituellement et le plus sûrement obtenues L’ARBRE DE RÉSERVE DANS LES TAILLIS. Les bois-taillis ont perdu beaucoup de leur valeur depuis que le charbon minéral remplace si fréquemment le bois et le charbon de bois dans l’industrie et dans l'alimentation de nos foyers domestiques. D'où l'utilité de maintenir dans ces bois des arbres de réserve, susceptibles de fournir du bois de travail et d'industrie et ainsi de donner de la valeur aux coupes. par des coupes successives dites coupes de régé- nération, éclaircissant progressivement les mas- sifs. Les coupes à blanc étoc — c’est-à-dire celles qui ne laissent debout aucun arbre — doivent au contraire être le plus souvent proscrites, car elles provoquent le dessèchement, le dureisse- ment du sol ou son envahissement par de 30 MANUEL DE L’ARBRE grandes herbes ou des broussailles. Dans les bois feuillus (1) exploités en taillis où les arbres sont abattus à un âge de 10 à 35 ans, généra- lement insuffisant pour qu'ils puissent produire de la graine, la régénération s’obtient par les rejets qui se forment spontanément sur les souches exploitées. | Si la régénération spontanée par semis ou rejets a été incomplète, ou si des circonstances naturelles — la gelée, la sécheresse, un excès UNE COUPE D’ÉPICÉAS TROP CLAIRE. Les arbres en massif serré se protègent et se soutiennent les uns les autres. C’est donc avec beaucoup de prudence et de modération — surtout en montagne — qu’il faut diriger les exploitations d’une forêt. Après une coupe trop claire, les arbres réservés sèchent sur pied ou sont renversés par le vent. D'où le proverbe forestier: Massif clair, massif détruil. d’ombrage, une invasion d'insectes ou de cryptogames (champignons), — ou accidentelles telles qu’un incendie, une échappée de bétail, en ont produit la destruction partielle, 1l faut y remédier par des semis ou plantations artifi- crelles. Enfin il ne suffit pas d’avoir assuré la forma- (1) Se dit des arbres qui ont des feuilles à limbe développé, caduques, telles que le chêne, le hêtre, le charme, etc., par opposition aux arbres résineux (pins, sapins, etc.), dont les feuilles sont en forme d’aiguilles fines et persistent en général plusieurs années sur les rameaux. tion de ces jeunes massifs, il faut encore les placer dans les meilleures conditions de dévelop- pement. S'ils sont trop serrés, il faut les éclaircir en donnant de l’espace aux tiges du plus grand avenir et coupant les tiges chétives ou mal conformées. Cette sélection se fait déjà par la mort spon- tanée de celles-ci, comme elle se produit dans nos sociétés humaines où le plus fort, le mieux armé prospère et triomphe et où trop souvent le plus faible suc- combe épuisé dans la lutte. Mais ici la sensi- bilité pour les humbles est moins justifiée et le sylvi- culteur qui dispense la vie et la mort dans cette popula- tion végétale peut sans remords abré- ger la vie des Jeunes plantes vouées par la nature à une existence chétive ou éphémère. Une autre sélection s'impose: c’est celle devant favoriser les essences les plus précieuses aux dépens des autres qui bien souvent tendent à les do- miner ou à les étoufter. Ici l’on se trouve d’accord avec la plus équitable de nos lois so- ciales : La meilleure place au plus digne. Cette sélection se fait par l’opération forestière qu’on nomme la coupe de nettoiement. Toutes ces opérations forestières : coupes de régénération — d’éclaircie — de nettoiement, doivent être conduites avec beaucoup de circonspection et avec une connaissance sufli: sante des exigences des diverses essences, et de leurs relations les unes avec les autres. Le syl- LA FORET viculteur doit donc étudier les caractères par- ticuliers de nos principales essences dans leurs rapports avec le sol, le climat, l'exposition, et avec les peuplements (1) très divers où elles se trouvent mélangées. 31 qui occupent encore notre territoire. L’aména- gement forestier dans son principe essentiel est une opération d'arpentage ou un calcul. La syl- viculture est basée surtout sur l'étude et l’obser- vation de la nature. C’est un livre écrit dans la LA DESTRUCTION D'UNE FORÊT EN SAVOIE. Rien n’est lamentable comme la destruction par coupes à blanc étoe des forêts qui couvrent les pentes élev d'arbres séculaires, l'habitant n'aura même plus la ressource de trouver l'aliment de ses troupeaux. Après la coupe, es. Là où prospérait une riche rhododendrons, airelles, myrtilles, bruyères, impronres à la nourriture du bétail. Ainsi, c’est par l’aménagement forestier et la sylviculture que l’on peut conserver pros- pères et indéfiniment productives les forêts (1) On appelle peuplement l'ensemble des arbres de diverses espèces Ou essences qui constituent la forêt. orêt m ême, livre ouvert que chacun peut arriver à Lire et à comprendre. Ajoutons que la forèt ainsi aménagée et sou- mise à l'application des règles sylvicoles doit être pourvue de tous les organes nécessaires 32 MANUEL DE L’ARBRE pour assurer facilement sa gestion et sa sur- veillance, sa défense, son entretien et son exploi- tation (1). LES BOIS PARTICULIERS. — L'ASSOCIATION FORESTIÈRE. Ces règles fondamentales d’aménagement et de sylviculture ne sont pas toujours d’une appli- cation très facile pour les particuliers qui pos- sèdent des forêts. Ceux-ci, si l’on en excepte peut-être les grands propriétaires — n’ont le plus souvent ni les notions sylvicoles, ni sur- tout les moyens d’action qui seraient néces- saires. — La faible étendue de leurs domaines boisés et les partages qui, à la suite des décès viennent encore en accentuer le morcellement, sont un nouvel obstacle à une protection efficace et à une gestion suivie et régulière. Des associations formées entre plusieurs propriétaires permettraient souvent de remédier à ces inconvénients. Elles pourraient faire bénéficier tous ces petits bois d’une surveillance et d’une gestion collectives qui, s’appliquant à une superficie plus étendue, serait par là même, pour chacun d’eux, moins coûteuse, mieux organisée et plus profitable QUELQUES CONSEILS PRATIQUES. A défaut d’une organisation semblable, on peut résumer ainsi qu'il suit les principales règles à observer par les petits propriétaires pour conserver leurs bois et en accroître le revenu : 4° S'il s’agit d’un bois taullis, ne pas craindre d’en retarder de quelques années l'exploitation. Si une coupe faite à l’âge de 20 ans a une valeur vénale de 200 francs, elle vaudra souvent 400 francs à l’âge de 25 ans et 800 francs à celui de 30. — Réserver toujours dans ces coupes les plus belles tiges, et celles provenant de semis naturels, quelles qu’en soient les dimensions ; dans les forêts de montagnes réserver avec le plus grand soin les jeunes arbres résineux (sapin, épicéa, pin, mélèze). C’est ainsi qu’on arrive à constituer peu à peu par-dessus le taillis une réserve d'arbres de futaie qui accroîtra notamment dans l’avenir la valeur des coupes. (1) Bornes, clôtures, lignes de division, chemins, maisons de gardes, etc., etc, 2° S'il s’agit d’une forêt de futaie, on a souvent grand intérêt aussi à en laisser grossir les arbres. On peut s’en rendre compte aisément en les mesurant et estimant leur valeur à quelques années d'intervalle. — I] convient aussi, le plus souvent, de ne faire exploiter qu’un arbre sur deux, trois, quatre ou cinq, de façon que les trouées résultant de la coupe soient promptement regarnies, soit par le développement des arbres voisins, soit par celui des jeunes semis naturels existant sur le sol. 3° Enfin toute forêt en régénération doit être soigneu- sement clôturée et mise à l'abri du parcours des bes- tiaux. LA FORÊT ET LE SOL RéciT. — Le défrichement. « Quel dommage, me disait un jour le vieux paysan François, que je ne puisse défricher un coin de cette grande forêt quis’étend là-bas aux confins de ma pro- priété. Voyez, ajoutait-il, en enfonçant sans peine son bâton dans le sol jusqu’à une profondeur de plus de 0 m. 60, quelle bonne terre meuble et quelles belles récoltes de blé elle pourrait donner ! » « Et d’où provient cette terre, père François ?»—« Dame, du feuillage qui tombe chaque automne et qui, par l'effet de la chaleur, de l'humidité, finit par pourrir et former du terreau. » — « Par l'effet aussi des racines des arbres qui peu à peu ont pénétré, labouré le sol. Et encore par l’action des vers de terre, des insectes, des cham- pignons, d’une multitude d’animalcules ou de microbes qui vivent et se multiplient, meurent à leur tour sur ces débris et en achèvent la transformation en terre végé- tale. Il faut donc être reconnaissant à la forêt de ce lent et mystérieux travail par lequel elle prépare et renou- velle incessamment ces provisions d’humus (1) qui, en se mêlant, en se combinant avec la matière minérale du sol, finissent par composer la terre de nos cultures. Ce champ que vous voulez agrandir, ce champ avec ses belles gerbes ensoleillées dont vous êtes si fier, était perdu autrefois sous la voûte obscure des arbres. Ce sont eux qui lui ont donné sa fertilité première. C’est à eux que vous devez cette longue suite de récoltes dont vos ancêtres et vous-même avez profité: La terre ara- ble est fille de la forêt.» — «Oui, sans doute, mais quand la terre est formée, il faut s’en servir, il faut la mettre en valeur, il faut défricher. » — « Vous vous plaignez souvent, père François, que le blé ne se vend pas et paye à peine ses frais de culture. Ce serait bien pis, s’il vous fallait payer les frais d'acquisition et de défrichement du ter- rain. Un de nos grands agronomes du temps présent, M. Grandeau, vous a répété bien souvent qu'il y avait (1) Humus. Terre végétale, couche supérieure du sol, for- mée, en grande partie, par la décomposition des feuillages et racines. LA FORÊT 33 plus de profit à accroître par des engrais le rendement des récoltes qu’à étendre les cultures. C’est la vérité. Car si le blé se vend peu à notre époque, c’est qu'il y a _assez de champs de blé de par le monde. Hélas! on dé- friche trop peut-être dans les régions lointaines où s’in- stallent les civilisations nouvelles et où le sol ne coûte rien encore. Les forêts vierges d’ Amérique disparaissent sur d'immenses espaces. Les arbres sont abattus, leurs débris sont consumés, les cendres épandues. Puis on sème, on récolte pendant une longue suite d’années sans apporter le moindre engrais. On gaspille peu à peu le trésor amassé par des siècles de végétation forestière ! On a trop défriché aussi autrefois dans notre vieux monde, et bien des régions sont devenues des déserts. En France même, vous pouvez voir un peu partout de grands plateaux arides, des versants de coteaux, de montagnes, dénudés, dépouillés de gazon et de terre végétale. Pourtant il y avait autrefois des cultures sur ces terrains aujourd’hui stériles. On y voit encore les limites des champs, des vignes, marquées par des vestiges de murs ou par des clapiers (1). Et avant les champs, il y avait des arbres, des bois. Ce sont eux qui avaient peu à peu formé sur ces plateaux rocheux ou sur ces pentes rapides une mince couche de terre végétale. Les arbres disparus, les grands rideaux forestiers qui entretenaient encore la fertilité du sol et renouvelaient sa provision d’humus, une fois complètement détruits, cette terre, épuisée par une culture de plus en plus misé- rable :t impuissante, entraînée dans le sous-sol filtrant (2) ou au bas des pentes par le ruissellement des eaux, disparut à son tour. Voilà pourquoi il faut savoir limiter les défrichements. Conservons précieusement ce qui nous reste des forêts. Reconstituons par le reboisc- ment la terre végétale là où elle a été détruite. C’est une provision de pain pour l'avenir ! » (3) LA FORÊT ET LA TEMPÉRATURE, En été, quand, après avoir traversé une grande plaine brûlée par le soleil, on arrive sous les ombrages d’une forêt, on éprouve une déli- cieuse fraicheur. En hiver, c’est une impression (1) Amas de pierres (quelle qu’en soit l’origine) se dit, le plus généralement, des tas de pierres extraits des cultures et que l’on dispose en bordure des champs Cette expression est très usitée dans les régions monta- gneuses où on l’applique à des éboulis (clapes, clapiers) ou même à des dépôts faits par les avalanches ou les torrents. (2) C’est la couche du sol qui se trouve au-dessous de la couche végétale et qui, formée de bancs sableux ou de rochers fissurés, provoque l’infiltration des eaux dans les profondeurs. (3) La loi du 18 juin 1859 (Titre XV du Code forestier) nterdit aux particuliers de défricher leurs bois avant d’en avoir fait la déclaration à la Sous-Préfecture au moins quatre mois d'avance, durant lesquels l’Aministration peut signifier aux propriétaires son opposition au détricnement. contraire que l’on ressent et l’on se trouve réchauffé, protégé contre le froid par le couvert ou l’abri des arbres. Les observations thermo- métriques sont d’accord avec ces impressions. Sous bois la température moyenne est moins chaude en été, moins froide en hiver qu’en terrain découvert. Les écarts de la température diurne sont également atténués : le thermomètre s'élève moins haut dans le milieu du jour et s’abaisse à un degré moindre au coucher du soleil. Ainsi la forêt régularise la température et cet effet se propage dans un certain rayon à l’entour de ses massifs. Elle a donc une influence com- parable à celle de la mer dont la température beaucoup plus constante que celle de la terre tantôt réchauffe, tantôt refroidit ses rivages. Je n’ai pas besoin de dire combien cette régu- larisation du climat est favorable à la santé de l’homme aussi bien qu’à la prospérité de ses cultures. Celles-ci ont moins à redouter la gelée et les ardeurs du soleil. LA FORÊT ET LE RÉGIME DES PLUIES. La même influence régularisatrice est exer- cée par les forêts sur le régime des pluies (1). [ans les régions boisées, les pluies sont plus fréquentes, plus prolongées, mais moins vio- lentes. La caractéristique des régions déboisées est au contraire d’avoir des pluies rares, mais tor- rentielles. L’explication de ces faits est simple. L’atmosphère qui entoure les forêts est presque toujours humide. Après la pluie, l’eau séjourne sur :2 sol ombragé et ne s’évapore que très lentement. D’autre part, les racines vont cher- cher jusqu’à une grande profondeur l’eau néces- saire à la formation des tissus de l’arbre. Une grande partie de cette eau est rendue peu à peu par la transpiration des feuilles à l’atmosphère qui ainsi conserve tout l’été un degré d’humi- dité sensiblement plus élevé qu’en terrain dé- couvert. Or, on sait que l’humidité atmosphé- (1) Ensemble des caractères que présentent les pluies dans une région déterminée, notamment au point de vue de leur fréquence, de leur intensité, de leur distribution, suivant les saisons, etc. 3 34 MANUEL DE L’ARBRE - rique se résout d’autant plus facilement en pluie que l'air est plus abondamment chargé de vapeur d’eau et qu’ainsi il approche davan- tage de ce que l’on appelle le point de satura- tion. Le moindre abaissement de la température suffit alors à provoquer la condensation plu- viale. Cet abaissement de la température peut être provoqué par la forêt elle-même. On a cons- taté en effet que les couches d’air qui composent l’atmosphère au-dessus des massifs boisés sont jusqu’à une hauteur assez considérable plus froides que dans les régions environnantes. Les aéronautes, notamment, ont remarqué qu’en passant au-dessus de grands massifs boisés, leurs ballons s’abaissaient d’eux-mêmes vers la terre ainsi qu'il arrive par le fait d’un refroi- dissement extérieur, diminuant la tension du gaz dans l’aérostat. Il résulte de là qu’en été, quand les courants . aériens, déjà chargés d’une certaine quantité de vapeur, arrivent en contact avec cette colonne d’air plus humide et plus froid qui surmonte et enveloppe les forêts, ils abandonnent assez fréquemment, sous forme de pluie, de brouillard, de rosée, une partie de leur humidité. Voilà pour- quoi on entend dire que les forêts attirent la pluie. Voiià pourquoi dans les vastes plaines de la Russie méridionale où les récoltes sont très fréquemment compromises par la sécheresse du climat, le Gouvernement et parfois les pro- priétaires particuliers font planter à l’entour des terres de culture de grands rideaux boisés. C’est bien aussi à la disparition des forêts qu'il faut pour une grande part attribuer les sécheresses prolongées qui désolent certaines contrées telles que la Grèce, l’Asie Mineure, la Syrie, l’Algérie, l'Espagne, le Midi de la France, presque tous les rivages enfin de la Méditerranée. De faits nombreux relatés par les historiens, par les voyageurs, par les géo- graphes et entre autres par notre grand géographe français Ælisée Reclus, :il ressort nettement que ces régions étaient autrefois mieux arrosées, plus riches en eaux courantes, moins arides. Elles étaient à coup sûr beaucoup plus fertiles et prospères. Leur climat semble s’être asséché. Qu’elles pleurent à jamais leurs forêts détruites ! Car c’est surtout sous leur ciel chaud et lumi- neux que l’on peut dire : Terre sans eau, terre sans récolte. - LES FORÊTS, LA FOUDRE ET LA GRÊLE. Si les forêts attirent la pluie, elles attirent aussi la foudre. Quand le tonnerre gronde et que la pluie d’orage commence à tomber, trop souvent on vient chercher un abri sous le cou- vert des arbres. Les bergers y rassemblent volontiers leurs troupeaux. Combien ont été victimes de cette imprudence ! Certaines essences, par leur forme élancée, la flèche aiguë qui termine leur cime, peut-être aussi par leur conductibilité plus grande pour le fluide électrique, semblent être plus fréquem- ment atteintes par l'éclair. Tels sont le peuplier, l’épicéa, le sapin. Puisque les forêts tendent à décharger les nuages orageux de leur fluide électrique, on s’est demandé si elles n’exerceraient pas aussi une certaine action sur le phénomène de la grêle, si redoutable aux récoltes. Un certain nombre d’observations tendent à prouver que cette hypothèse est exacte et que les orages de grêle peuvent être dans certains cas arrêtés ou en quelque sorte désarmés à leur passage au-dessus des forêts. LES FORÊTS ET LES SOURCES. Les ruisseaux aiment à dérober sous le couvert des bois le mystère de leur naissance et on se représente volontiers les sources entourées d’arbres qui conservent la fraicheur et la limpi- dité de leurs eaux, en les abritant contre les rayons du soleil et les protégeant contre les poussières de l’atmosphère ou la pollution des ruissellements superficiels. Mais il existe des relations beaucoup plus pro- fondes et comme une sorte de parenté mysté- rieuse entre les forêts et les sources. On voit fréquemment celles-ci sourdre à l'intérieur ou à l’entour de grands massifs boisés, au pied de versants couverts de bois et de gazons. Les émergences d’eaux souterraines deviennent au LA FORÊT 35 contraire beaucoup plus rares, et surtout beau- coup moins constantes dans les régions déboi- sées. | On a pu voir même des sources disparaître après que des destructions forestières impor- LA FONTAINE DE VAUCLUSE. — tantes avaient eu lieu dans leur bassin d’ali- mentation. Les sources, bien qu’elles jaillissent fréquem- ment de couches souterraines très profondes, ne sortent pas, comme on le croyait autrefois, des entrailles de la terre. C’est Bernard Palissy qui, le premier, nous a donné l’explication juste de leurs origines. Elles sont alimentées par les vapeurs atmos- phériques qui se dégagent des mers ou des con- tinents et sous l'influence d’un abaissement de Source de la Sorgue. température se condensent sous la forme de pluies, de neiges ou de glaces. Pluies et eaux de fusion des neiges sellent à la surface du sol, créant parfois ces belles cascades que nous admirons, et alimentent direc- tement les ruisseaux et rivières, tantôt s’infil- et des glaces tantôt ruis- 36 MANUEL DE L’ARBRE trent dans ses couches profondes par les fis- sures des rochers, s’y creusent peu à peu de longs et tortueux conduits, y forment de vastes réservoirs ou de véritables rivières souterraines pour revenir enfin à la lumière à la base d’un versant ou dans la gorge d’un ravin. Ainsi se forment les sources. Mais on a vu que les forêts, en maintenant dans leur voisi- nage l'atmosphère plus humide et plus froide, provoquaient les pluies ou les rendaient plus fréquentes, plus prolongées et plus régulières. Par là même, elles contribuent déjà à augmen- ter et à régulariser le débit des sources. Mais elles agissent aussi en diminuant le ruissellement superficiel et provoquant par le réseau de leurs racines la pénétration des eaux dans les couches profondes. Enfin, par leur feuillage vert, par la couverture de feuilles mortes et l’accumu- lation d’humus qui se produisent sur leur par- terre, elles retardent l’écoulement des eaux pluviales et, agissant à la manière d’une éponge, les rendent en quelque sorte goutte à goutte. QUESTIONNAIRE 1° Quels sont les caractères distinctifs de l'arbre ayant crû à l’état isolé et de l'arbre des forêts ? 20 Comment s’est produite l'invasion forestière dans le monde ? 30 Comment distingue-t-on les essences furestières sui- vant leur tempérament ? — Essences d'ombre — essences de lumière. ko Des causes qui ont limité ou arrêté le développement des forêts : Quelle a été notamment l'influence du sol et du climat. Quelle a été la conséquence du développe- ment de la race humaine ? 5° Expliquer pourquoi la destruction des forêts par l'homme doit se limiter aujourd hui ? 6° Quels sont les divers emplois du bois — dans l'habita- tion — dans l’industrie. — Pourquoi la consommation du bois ne cesse-t-elle de s’accroître ? Quels sont les nou- veaux emplois de la matière ligneuse ? 70 Qu'est-ce que l'aménagement d’une richesse naturelle ? Pourquoi ce grand principe doit-il être appliqué aux forêts ? 8° Faire l'historique de nos forêts françaises, des mesures prises pour les sauver de la destruction. Citer les grands hommes qui ont contribué à l'application de ces mesures. 99 Æn quoi consistent l’'aménagement forestier et la sylviculture ? Ainsi encore elles retardent, prolongent la crue des sources et rendent leur débit plus constant el plus régulier. Récrr. L'Enfant et la Source ( Petite leçon symbolique ). « D’où viennent donc, disait Paul à son père, ces eaux fraiches et limpides qui en toutes saisons remplissent la source et s’épanchent dans le ruisseau ? » — « Mon fils, interroge la source elle-même et peut-être te révélera- t-elle son secret. Que vois-tu dans le calme miroir de ses eaux ? »— «J’y vois sur ses bords la silhouette renversée des arbres qui semblent y baigner leur fraîche verdure : au milieu, l'azur du ciel et de grands nuages blancs qui le traversent chassés par le vent, et çà et là les reflets de soleil qui miroitent à sa surface. » — « Eh bien, dit le père, tu vois là, rassemblés comme en un tableau, tous les éléments qui concourent à former la source : le soleil qui aspire l’eau des continents et des mers, le nuage qui la transporte dans les hautes régions de l’atmosphère, enfin les bois et les gazons qui a reçoivent, la tamisent, la laissent écouler peu à peu jusqu'aux conduits souterrains a‘où tu la vois sortir en soulevant légèrement le sable qui tapisse le fond du bassin. » pu LIVRE Il. 10° Comment aménage-t-on un bois taillis d’après sa con- tenance ? Comment aménage-t-on une futaie d'après le volume de ses arbres ? 119 Comment se fait la régénération naturelle dans un bois taillis ? 11° Comment se fait la régénération naturelle dans une futaie ? 12° Pourquoi faut-il éviter les coupes à blanc étoc ? Com- ment la régénération naturelle peut-elle être complétée? (Semis ou plantations artificielles). 13° Quels sont les soins à donner aux peuplements fores- tiers ? En quoi consiste la coupe d’éclaircie — celle de nettoiement ? 14° Quels sont les avantages de l'Association forestière pour les petits propriétaires ? Quelles sont les règles essentielles à suivre par ceux-ci pour la gestion de leurs bois ? 15° Quelle est l'action de la forêt sur le sol? Comment se forme la terre végétale ? Pourquoi convient-il de limiter les défrichements ? 16° Quelle est l'influence de la forêt sur la température d'un lieu ? 17° Expliquer l'influence régulatrice de la forêt sur le régime des pluies. 18° Quelle est son action sur les nuages orageux et la grêle ? 19° Quelle est son influence sur le débit des sources ? LIVRE II LA MONTAGNE LE LAC D'OREDON. Altitude : 1 869 mètres ( Hautes-Pyrénées ). Les lacs de montagne retiennent, emmagasinent l'eau qui provient des pluies où de la fonte des neiges, et ne la rendant que peu à peu aux cours d'en: Île contribuent à régulariser leur débit. 11 faut préserver de toute destruction les forêts et les pentes gazonnées qui les entourent, les protègent et ajoutent tant de charme à l'éclatant mirage de leurs eaux, 38 MANUEL DE L’ARBRE LES GLACIERS. Si les forêts arrêtent dans une certaine mesure les nuées pluvieuses, c’est surtout vers les régions montagneuses que celles-ci tendent à se: diriger et à se concentrer. — On voit presque en toute saison les crêtes ou les versants des montagnes s’envelopper de nuages, alors même que le ciel reste serein sur le vaste horizon des plaines. Au contact de ces régions élevées et partant plus froides, cette humidité va se condenser; sur les hauts sommets ou dans les cirques que bordent les plus hautes crêtes de nos montagnes alpestres et pyrénéennes, elle s’accumule en de grandes masses cris- tallines pour former les glaciers et névés. Ces belles nappes blanches, qui se profilent avec tant d’éclat par-dessus les horizons assombris des montagnes et s’enveloppent le soir d’une si douce lumière rose, semblent n’avoir pour l’homme que lattrait d’un beau spectacle. Le montagnard même les a maudites souvent ces grandes étendues glacées, les accusant de la froidure du climat, mettant sur leur compte les gelées printanières qui viennent détruire ses récoltes. Le montagnard avait raison sans doute, mais l'habitant de la vallée et des plaines sait depuis longtemps que le glacier est comme un grand réservoir laissant écouler peu à peu, pendant la saison chaude, les eaux qui doivent alimenter les sources, arroser ses cultures, faire marcher son moulin ou sa scierie; qu’ainsi il contribue à répandre au loin la vie et la prospérité. Ces glaciers étaient beaucoup plus étendus autrefois qu’ils ne le sont aujourd’hui. Il fut un temps où ils couvraient tous les versants, remplissaient toutes les gorges, toutes les vallées de nos montagnes et venaient s’étaler jusque dans nos plaines. Ce fut la période glaciaire. Puis le climat s'étant réchauffé, ils reculèrent peu à peu leurs limites, abandonnant sous forme de moraines (1), de blocs erratiques (2), (1) Moraines. Amas de roches, graviers, boues accumulées par les glaciers. (2) Bloc erratique. Bioc transporté par les glaciers, souvent très loin de son point d’origine. de collines de débris, les matériaux qu'ils entraînaient dans leur lent mouvement de descente, et laissant le sol dénudé en proie à l'érosion (1) des eaux ruisselantes. À ce moment il se produisit de grands changements dans le relief des montagnes. Des ravins se formèrent ou s’approfondirent, de grands dépôts alluvion- naires s’accumulèrent dans les vallées et les plaines voisines, Ce fut l’ère torrentielle. Enfin, peu à peu les pentes recouvrèrent leur talus d'équilibre, la végétation s’en empara, les torrents se fixèrent dans leur lit et nos mon- tagnes prirent leur forme d’aujourd'hui et leurs aspects verdoyants. Mais à travers des alternances climatériques diverses qui lont par moment interrompue, la grande évolution du recul des glaciers n’a cessé de continuer. Elle s’accuse un peu partout, dans nos montagnes européennes comme dans l'Himalaya. Dans nos Alpes, dans nos Pyré- nées, beaucoup de glaciers ont disparu. D’autres vont mourir. Évolution inquiétante pour l’hu- manité. Chaque glacier détruit, ce sont des milliers de sources et de ruisseaux qui pendant l’été vont tarir. C’est la montagne réchauffée et les pluies moins fréquentes ; c’est la sécheresse plus grande dans la montagne comme dans la plaine ! LES LACS. Les lacs retiennent une partie des précipi- tations atmosphériques qui se produisent dans les régions montagneuses. Ils sont l’un des grands charmes de ces régions avec leurs eaux vertes ou azurées qui reflètent les aspects changeants de leurs rives ici les pentes assombries par la forêt, ou la verdure claire des pelouses pastorales ; là les grandes murailles rocheuses ou les talus d’éboulis, ici enfin la neige éclatante des sommets. Mais, comme les glaciers, ils jouent un rôle important dans la distribution des eaux de la. montagne. Comme eux, ils sont des réservoirs où s’assemble le produit des nuées pluvieuses et des chutes de neige. Cette eau n’est rendue (1) Erosion. Action d’un liquide qui ronge, creuse, ravine. Tri LA MONTAGNE ET LES COURS D'EAU 39 que peu à peu et contribue à alimenter pendant peu le lac se comble, il devient marais, tourbiére, la saison sèche les sources et les rivières. et voilà encore un réservoir détruit. Malheureusement, ces lacs des montagnes, Glaciers et lacs disparus, que restera-t-il eux aussi, tendent à disparaître! Pour celui-ci, pour emmagasiner les eaux, pour les retenir le barrage qui retenait ses eaux s’est usé peu jusqu’à la saison sèche. Il restera : la Forêt ! PINS CEMBROS ET MÉLÉZES. — Forêt de Villarodin, près Modane (Sa voie ). Ce sont les derniers représentants de la végétation forestière dans les hautes altitudes, Le mélèze avec sa forme élancée et ses rameaux flexibles, le cembro avec son fût trapu et sa ramure vigoureuse bravent les chutes de neige et les tempêtes. En protégeant les versants inférieurs contre les avalanches et les torrents, et fournissant le bois nécessaire à la construction des chalets et à l'entretien de leurs foyers, ils sont la Providence de la Haute Montagne, en même temps que son plus bel ornement. à peu ou brusquement rompu et voilà le réser- LA FORÊT EN MONTAGNE. voir vidé, asséché. Pour celui-là, les pentes qui l’entourent laissent pleuvoir dans son bassin Glaciers et lacs n’occupent en somme dans les pierres de leurs éboulis, ou se déverser les la plupart des régions montagneuses qu’une déjections terreuses de leurs ravins ; et peu à étendue assez restreinte et les cours d’eau de 40 MANUEL DE L’ARBRE ces régions sont alimentés surtout par la fonte des neiges hivernales ou par les eaux de pluie qui ruissellent à la surface des versants. La fonte des neiges se produit assez brusquement au printemps. Quelques journées de soleil ou quelques rafales d’un vent chaud et humide suffisent à amener le déchirement de la grande couverture blanche qui tapissait les pentes. Les pluies abondantes et continues n’ont guère lieu qu’au printemps et à l’automne. Voilà des conditions fâcheuses pour une alimentation régulière et constante des cours d’eau. Maïs voici qu'intervient la forêt. Elle retient les neiges dans la zone élevée et les empêche de dévaler en avalanches jusqu’au bas des pentes ; elle ralentit leur fusion en les protégeant contre les rayons du soleil ; elle absorbe en grande quantité, dans sa couverture de mousse, de feuilles et de terreau, les eaux ruisselantes et ne les laisse écouler que goutte à goutte. Ainsi, comme les lacs et glaciers, elle concourt à retenir le grand mouvement de descente des eaux montagneuses. Malheureusement, pour remplir efficacement ce rôle de réservoir, de régulateur des courants d’eau, la forêt doit occuper dans les régions élevées une très grande place. Elle doit tapisser les escarpements, les versants rapides situés à la base des montagnes, remplir d’une végétation touffue les ravins, les combes (1) et gorges profondes où les eaux tendent à se rassembler. Et cela existait autrefois. C’est par ces versants inférieurs, par ces combes et ravins, qu'après le retrait des glaciers, les forêts montèrent peu à peu à l’assaut des montagnes ; c’est là qu’à la faveur d’un climat plus doux, de l’abri, de l'humidité persistante, elles purent s'installer solidement, se fortifier en quelque sorte pour ensuite escalader les hauts plateaux et les crêtes, et s’avancer jusqu'aux neiges éternelles. Mais voici qu’à l'invasion végétale a succédé l'invasion humaine. Trop à l’étroit dans les régions de plaines qu’il avait peu à peu dé- frichées et mises en culture, l’homme vint cher- cher de nouvelles installations et de nouveaux (1) Combe. Petit vallon étroit et allongé. moyens d’existence dans les vallées des mon- tagnes. Il défricha d’abord les terres basses et planes, riveraines des cours d’eau, — puis celles-ci ne lui suffisant pas, il fit grimper peu à peu ses cultures sur les versants les mieux exposés et les plateaux. Et en même temps il bâtissait ses habitations, ses villages : il fallait du bois pour les constructions ; il en fallait pour le chauffage dans les longs hivers et pour la cuisson des aliments. Il fallait aussi des pâturages pour assurer l’alimentation des troupeaux. Ainsi il dut ouvrir par la hache et par le feu des clairières de plus en plus étendues dans les grands massifs forestiers. Mais les forêts, je l’ai déjà dit, ont de grandes analogies avec nos sociétés humaines. Celles-ci tiennent leur solidité, leur force de résistance, du rapprochement, de l’union étroite entre tous leurs membres. De même les arbres d’un massif forestier se soutiennent, se fortüfient l’un par l’autre. Qu’une brèche vienne à s’ouvrir dans le massif, et voilà que les vents, la tempête, les avalanches, les coups de soleil sur les fûts privés de branches, la gelée, les invasions d'insectes, viennent compromettre les arbres riverains et agrandir la trouée. Le troupeau lui-même prit part à la destruc- tion: il faut 10, 12, parfois 15 ans au jeune arbre pour élever sa tige et la mettre à l’abri de la dent du bétail. Lors, qu’arrive-t-il quand les grands arbres qui couvrent encore le sol piétiné ont succombé sous l’atteinte de la maladie ou de la vieillesse? A côté des arbres morts qui dressent encore leurs squelettes blan- chis ou gisent étendus sur le sol du pâturage, on ne trouve plus que quelques rares jeunes semis étiolés, mutilés, qui ne pourront s’élever au- dessus du gazon. Les morts ne seront pas rem- placés, la forêt est irrémédiablement détruite. LES PRÉS-BOIS (1). Il arrive cependant qu’à la faveur des morts- bois (2) ou des végétaux semi-ligneux, aubépines, =: (1) Prés-bois. Prairies ou pâturages parsemés de bouquets de O1S. (2) Morts-bois. Se dit de tous les arbrisseaux sans valeur, qu : restent à l’état buissonnant. LA MONTAGNE ET LES COURS D'EAU coudriers, buis, genévriers, rhododendrons, etc., qui se développent sur le parterre de la forêt détruite et qui les protègent contre la dent des bestiaux, quelques jeunes arbres peuvent subsister ; mais alors intervient le pâtre. Il incendie cette lande buissonneuse qui nuit au développement des bons herbages et tout espoir 41 altitudes. Le bétail ui-même profite de ces abris et de ces ombrages. Il souffre moins du froid, du chaud, du vent, de ces variations de tem- pérature, si brusques et si accentuées dans la haute montagne. Enfin les défoliations (1) de l'arbre entretiennent, nourrissent le sol de la pâture. Elles ramènent à sa surface les éléments UN PRÉ-BOIS EN SAVOIE, Les rideaux boisés ou les bouquets de bois, par leurs ombrages, les feuilles ou aiguilles desséchées qu'ils laissent tomber sur le sol, entretiennent la fraîcheur et la fertilité des pelouses de montagnes. — Ils servent aussi d'abri au bétail, de conservation des bouquets des bois est pour longtemps anéanti. Ces bouquets de bois sont pourtant infini- ment précieux dans les pâturages de montagnes. Ils abritent la pelouse contre les vents glacés : ils la protègent contre les radiations du soleil si intenses dans l’atmosphère limpide des hautes humiques empruntés principalement à l’atmos- phère, et les éléments minéraux tirés des couches profondes du sol. Cette restitution est ici d'autant plus néces- saire, que ces terrains ne reçoivent le plus (1) Défoliation. Chute des feuilles. #2 MANUEL DE L’ARBRE souvent comme engrais que les déjections des animaux et que le ruissellement des eaux plu- viales sur les pentes rapides tend sans cesse à dissoudre et à entraîner les principes ferti- lisants. Les arbres, par la fraîcheur de leurs ombrages, et par les éléments qu'ils apportent au sol, Le drainage naturel produit dans le sol par leurs racines peut faire disparaître également les plantes des sols marécageux très impropres aussi à l’alimentation du bétail. Enfin, ces plantes néfastes, telles que la bruyère, les airelles, le rhododendron, etc., qui,en plein découvert, forment des fourrés si touffus que le bétail UN COIN DU PATURAGE DES GETS (Haute-Savoie). Les meilleurs pâturages, s'ils ne sont pas entretenus périodiquement par des travaux se dégradent. Les plantes impropres à la nourriture ues animaux telles que la bruyère, les genêts, les ajoncs, les bugranes, les euphorbes, les fougères, les graminées grossières, ete., se multiplient peu à peu, aux dépens des bonnes espèces. — Le piétinement répété du bétail dénude le sol, trace partout des sentiers où les eaux pluviales se rassemblent et ainsi prépare le ravinement. exercent enfin une très grande influence sur la composition fourragère des pâturages. Les graminées grossières et de peu de profit pour le troupeau, telles que le nard-raide (poil de bouc), les brômes, les fétuques, etc., recher- chent les pentes sèches ensoleillées. Le couvert des arbres tend à les faire disparaître. n’y peut trouver la moindre nourriture, croissent plus difficilement sous le couvert des arbres de futaie et y sont fréquemment remplacées par quelques-unes de nos meilleures espèces végétales. Qui n’a admiré la belle végétation herbacée que l’on rencontre dans les clairières des forêts de sapin et d’épicéa, ou celle que LA MONTAGNE ET LES COURS D’EAU 43 l’on trouve sous la futaie claire du mélèze ? Toutes nos bonnes légumineuses, les trèfles, les sainfoins, les anthyllides, etc., y trouvent les conditions qu’elles recherchent, un sol frais et riche en terreau, et s’y multiplient. Voilà pourquoi il fallait conserver avec le « pré-bois » plus grand soin cette forme du x Ce Le: ET les troupeaux se multipliaient. Dans le principe, les habitants se bornaient à estiver (1) sur la montagne les seuls bestiaux que leurs ressources fourragères leur avaient permis d’hiverner. Peu à peu, pour utiliser complètement les herbages de ces pâturages étendus et accroître leurs profits, les habitants firent venir pendant PATURAGE DES GETS (Haute-Savoie ). Les arbres fixent, consolident le sol des pâturages des montagnes. Leur destruction a pour résultat immédiat la formation des érosions et ravinements et pour conséquence la transformation des ruisseaux en torrents. qui existe encore dans le Jura et dans certaines parties des Alpes et des Pyrénées, mais qui a disparu sur la plus grande partie de nos mon- tagnes. LES PATURAGES. Au fur et à mesure que la population se déve- loppait dans les vallées, et que les pâturages s’agrandissaient par la destruction des forêts, l’été des bestiaux étrangers. Les communes surtout, pour se créer des ressources, affermèrent une partie de leurs montagnes à des pâtres des pays de plaine. Bref, on vit chaque été se produire une véritable invasion de troupeaux de moutons qui, jusque dans le voisinage des (1) Estiver, faire séjourner pendant l'été, par opposition à hiverner, faire séjourner pendant l'hiver. 44 MANUEL DE L’ARBRE neiges éternelles et des glaciers, dévorèrent les gazons de la montagne. A la destruction des forêts succéda la dégradation des pâturages. Le torrent de Lans (Hautes- Alpes) et son bassin de réception. Au déboisement et à la dénudation des versants succède le ravinement sous l’action des eaux ruisselantes provenant des pluies ou de la fonte des neiges. Ces eaux, chargées de matières terreuses, de pierres, de blocs, se concentrent très rapidement au pied du versant et déterminent ainsi la formation d’un Torrent, Cette dégradation affecte diverses formes ici les bonnes plantes du pâturage, inces- samment broutées par le bétail, disparaissent peu à peu, alors que les mauvaises plantes dédaignées par les animaux se multiplient de plus en plus. Ainsi se forment ces épais tapis de bruyères, de rho- dodendrons, d’airel- les, de fougères, de genêts, de gené- vriers, de buis, etc., qui rendent impro- ductives d’immen- ses étendues et obli- gent le bétail à se concentrer sur les espaces de plus en plus restreints où se maintiennent les bonnes plantes four- ragères. Là, les bons ga- zons tondus sans merci, épuisés par la surcharge des bestiaux, s’appau- vrissent peu à peu. Leurs touffes her- bacées deviennent de plus en plus naines, malingres. Quelques-unes meu- rent, et voilà la pelouse trouée, clairiérée et par suite de plus en plus exposée à la séche- resse. Le piétinement des animaux accen- tue la dégradation, isole de plus en plus les touffes, trace partout des sentiers où la terre se durcit et se déssèche, et où les eaux de ruissellement viennent se ras- sembler. Alors à cette dénudation partielle des versants succède le ravinement. LA MONTAGNE ET LES COURS D’EAU 45 À la fonte des neiges ou sous l’action des averses torrentielles de l’été, il se forme une multitude de petites rigoles qui vont en se creusant, en se multipliant d'année en année, puis se réunissent à la partie inférieure des versants pour former ces énormes échancrures ils drainent, rassemblent et écoulent rapidement toutes les eaux des versants. Presque complè- tement à sec une grande partie de l’année, voilà que brusquement, sous l’influence d’une pluie d’orage ou de la fonte des neiges, ils se chargent d’une énorme masse liquide qui LE RAVINEMENT DANS LES TERRES NOIRES ( Hautes-Alpes). Si le sol de la montagne est constitué par des matières inconsistantes ou facilement délayables par l’eau, telles que les marnes, les terres argiieuses, le Ravinement s’accentue très rapidement et forme ce que l’on appelle des Ruines. Ces Ruines donnent naissance à des torrents particulièrement dangereux qui dans leurs crues produisent des coulées boueuses semblables aux Laves des volcans. aux berges croulantes, par où s’échappent les eaux boueuses des torrents. LE TORRENT. Terribles ennemis pour les habitants des montagnes, ces torrents dont je viens de décrire la formation. Avec leurs ramifications multiples, affouille, ronge et attire peu à peu dans le gouffre qu'ils se sont creusé les terres, les rochers, les cultures, les arbres, les habitations, tout ce qui avoisineleurs berges croulantes.— Plus d’aisance, plus de sécurité dans la vallée. Au débouché du ravin s’étendaient de belles cultures, des prairies, un coquet village entouré de vergers; tout cela / est à la merci du monstre qui, à la première crue, peut les ensevelir sous une couche épaisse de boues limoneuses ou sous un amoncellement de blocs ou de graviers. Les canaux d'irrigation établis à grands frais à la base des versants et qui distribuaient partout leurs eaux fécondantes, sont comme le torrent lui-même, tantôt taris, tantôt envahis, comblés par la crue boueuse. Les chemins, les ponts sont coupés, détruits. L’habitant, ruiné 46 MANUEL DE L’ARBRE à nourrir ses troupeaux et qu'il n’en reçoit plus que les dégâts et les menaces de l’avalanche et du torrent ! (1) Récit. — La Maison du Ravin. Voici une maison singulièrement située : quelques mètres à peine la séparent de la berge croulante d’unravin. Plusieurs grosses lézardes apparaissent sur les murs : « Pourquoi, brave homme, votre maison a-t-elle été bâ. tie si près du ravin? » — « Monsieur, répond le vieillard, quand cette maison a été bâtie. ce ravin n’existait pas. LE RAVINEMENT DANS LES BOUES GLACIAIRES. — Vue générale du torrent de Valauria (Hautes- Alpes). Dans les sols constitués par des matériaux (sables, pierrailles, blocs) que les glaciers ont déposés au fond des vallées ou sur leurs versants, le ravinement.est aussi très énergique et produit parfois des effets singuliers. Il laisse debout les parties les plus résistantes du sol sous la forme de pyramides effilées ou de colonnes coiffées d’une grosse pierre que l’on nomme des Demoiselles. par des dégâts sans cesse renaissants, découragé par les vains efforts qu'il fait pour les réparer et pour protéger son pauvre domaine, n’a bientôt plus qu’une ressource : celle d’émigrer, abandonner sa vieille demeure familiale et ses champs, dont ses ancêtres étaient si fiers — et ses montagnes qu’on lui disait si verdoyantes et si riches autrefois, et qu’il a appris peu à peu à maudire, depuis que les arbres et les gazons en ont disparu, qu’elle est devenue impuissante Ce n’était qu’un ruisseau qui coulait presque au ras du sol et qui etait bordé d’aunes et d’osiers. Enfant, je le franchissais d’un saut. Mais peu à peu le ruisseau est devenu mauvais. Il s’est creusé d’abord un peu, puis beaucoup. Et à mesure qu'il se creusait, les talus s’ébou- (1) Dans les Hautes et Basses-Alpes, si ravagées par les torrents, le nombre des habitants a diminué de 1846 à 1896 de 60.109 habitants pour une population totale en 1846 de 287.222 habitants, — c’est une diminution de 20,9 p. 100. Dans les Pyrénées, la dépopulation de 1846 à 1901 a été de 22,4 p. 100 pour l’ensemble des arrondissements montagneux des 5 départements : Hautes et Basses-Pyrénées, Haute-Ga- ronne, Ariège, et Pyrénées-Orientales. (P. Descomhes.) LA MONTAGNE ET LES COURS D’EAU 47 laient de chaque côté; enfin il est devenu ce que vous voyez. C’est un mauvais, mauvais torrent. Voyez-vous, quand il donne, c’est effrayant. Regardez là-bas ce gros rocher plus gros que la maison. Ce sont les eaux qui l’ont amené là. Et j’en ai vu passer bien d’autres encore plus gros. Ils roulaient au milieu de la boue du torrent comme crue. Je remontai précipitamment, comme vous pouvez le croire. J'étais à peine arrivé ici que tout le ravin se remplissait à une hauteur de près de dix mètres de boue et de blocs. Tout cela descendait pêle-mêle, sans aller très vite, mais avec un bruit effrayant. En moins d’un quart d'heure tout était passé. » — « Mais ne craignez-vous point pour votre pauvre maison ?» — « Monsieur, quand LE LIT DU TORRENT. — Torrent de Valauria ( Hautes- Alpes). Terres et sables, pierres et blocs, provenant des Ruines de la montagne, s'accumulent dans le lit du torrent. C’est la provision de matériaux que le flot boueux des crues va charrier dans la vallée ou la plaine voisine. des tonneaux. Il faut que je vous raconte qu’un jour j'avais apporté ma baratte dans l’eau du ravin pour en resserrer les cercles. Comme une averse épouvantable commençait à tomber, je descendis pour la retirer. Je n’étais pas arrivé à moitié de la pente que je vis ma ba- ratte se mettre en mouvement et descendre le ravin en roulant sur les blocs. Et pourtant le torrent était encore presque à sec. C'était le courant d’air qui précédait la l'orage commence à gronder, nous déménageons vite nos pauvres hardes, nous faisons sortir les bêtes de l’étable et nous nous réfugions chez le voisin, à cette maison que vous voyez là-bas. Lui est encore un peu tranquille. I] se croit même à l'abri de tout parce qu’il est à 100 mè- tres du ravin. Il est jeune, et les jeunes rient de la pa- role des vieux. Je lui dis que quand ma maison aura disparu, la sienne y passera à son tour et qu'il ferait 48 MANUEL DE L’ARBRE bien de ne pas mettre tant de bêtes à laine sur la montagne, car, Monsieur, ce sont les moutons qui ont ruiné la montagne, et cest depuis que la montagne est ruinée que les torrents sont devenus mauvais. Quand je lui dis cela, il se met à haus- ser les épaules. Il n’a pas vu comme moi le ravin se rap- procher peu à peu. Au commencement aussi je n'y pre- nais point garde, mais à la fin je mesurais avec terreur de combien la berge serapprochait à chaque crue. —J’ai bien là-bas, au pied du talus, rangé quelques blocs et planté lument au pâturage; alors mes enfants ont compris qu’ils ne pouvaient plus vivre ici, et ils sont allés en Californie chercher fortune. » — «Travailler aux mines d’or peut-être? » — « Non, Monsieur, ils sont bergers, commeon l’estici. Ily a dans ce pays-là de grandes plaines désertes qui n’appartiennent à personne et où ils peu- vent garder de grands troupeaux. Ils réussissent bien, car ils nous envoient que:quefois de l'argent pour nous aider et nous disent qu’ils pourront revenir dans quel- ques années et qu'ils seront les plus riches du pays. DESTRUCTION D’UN VILLAGE PAR UN TORRENT. La place et l’église de Fourneaux (Savoie) envahies le 23 juillet 1906 par une crue torrentielle. Si le torrent, dans ses divagations capricieuses à l'issue du ravin, rencontre un bameau, un village, il l’enfouit sous ses déjections. Ainsi il advint du hameau de Sainte-Foix en 1896 et cette année même (1906) du village de Fourneaux en Maurienne (Savoie). quelques arbres pour le protéger. Mais à la première crue cela peut être emporté. Enfin j'espère toujours que ma misérable bicoque durera autant que ma pauvre femme et que moi. » — «Vous n’avez donc pas d’enfants?» — « Monsieur nous en avons quatre, mais ils ont quitté le pays. Que voulez-vous? Nous avions de bonnes terres autrefois, au pied du versant, là où vous voyez ces mon- ceaux de pierres. C’est le torrent qui les a ainsi recou- vertes. La montagne était belle aussi; on pouvait y tenir de beaux troupeaux, mais elle se dégrade de plus en plus et, dans quelques années, il faudra renoncer abso- LE FLEUVE TORRENTIEL,. L’habitant des plaines ne tarde pas à être victime à son tour de cette ruine des montagnes, commencée par le déboisement et le dégazonne- ment des versants et continuée par l’avalanche, le ravin, le torrent. Le grand fleuve qui les traverse s’alimente à tous les cours d’eau qui descendent de la région montagneuse. Si ceux-ci ont un régime irrégulier, torrentiel, ÿ “à LA MONTAGNE ET LES COURS D’EAU 49 s’ils s’assèchent pendant l’été, et si, sous l’in- fluence de la fonte rapide des neiges ou d’une pluie torrentielle, ils s’emplissent brusquement d’un énorme volume d’eau boueuse, chargée de pierres et de graviers, le fleuve aussi prendra les mêmes caractères. Il n’aura plus cette allure paisible, ce courant régulier d’eaux limpides s’écoulant doucement, emprisonné entre les bordures de gazons ou les bois, les denrées agricoles et les produits de l’industrie des cités. I] ne peut plus alimenter les canaux, à grands frais établis, qui fécon- daient au loin les prairies, les cultures et parfois approvisionnaient d’eau potable les agglo- mérations humaines. C’est la sécheresse, la stérilité, l’appauvrisse- ment pour la plaine autrefois riche et prospère, C’est aussi la menace incessante pour les rive- DÉGATS TORRENTIELS DANS LES VALLEES. Le torrent de Merdarel et le village de Jarjayes (Hautes- Alpes). Tout le long de la vallée le torrent poursuit sa course dévastatrice, élargissant son lit pierreux aux dépens des cultures, détruisant les ponts, les canaux, les habitations et parfois les villages établis sur ses bords. rangées d’arbres qui fixent et ombragent ses rives. Son lit n’est bientôt qu’une vaste plage de sable, de graviers, de limons qu’apporte et renouvelle incessamment un flot presque toujours troublé et tumultueux. En été, le courant très affaibli semble perdu au milieu de tous ces dépôts qui l’absorbent en grande partie. Dès lors, il ne peut plus suflire à porter les bateaux qui autrefois transportaient les rains du fleuve, car vienne une crue subite de tous les torrents de la montagne, comment ce lit déjà rempli par les dépôts précédents, ce lit dont le niveau supérieur atteint déjà et parfois dépasse le niveau des rives, pourra-t-il contenir l’énorme volume d’eau et de matières charriées ? En vain l’on a établi sur les points les plus menacés des enrochements, des fascines, des épis, des digues puissantes. Tous ces ouvrages 50 MANUEL DE L’ARBRE de défense et de protection sont tôt ou tard surmontés ou emportés. L'INONDATION. Triste et douloureux spectacle que celui de l’inondation, de l’immense nappe d’eau jaunâtre étendue sur la plaine : des épaves de tout genre, charpentes, meubles, pailles, fourrages, animaux vivants flottent ou nagent à sa surface. hs: vertes d’une épaisse couche de pierres, de graviers, de sable qui les stérilisent pour toujours. Plus loin, les récoltes de l’année détruites, les habitations démolies ou rendues inhabitables. Les ponts, routes, canaux, les édifices publics, le travail de vingt générations anéanti. Partout la misère, la ruine, et parfois l’épidémie venant ajouter à l’horreur du désastre de nouvelles victimes humaines. Alors retentissent les malédictions accou. LE FLEUVE TORRENTIEL. — La construction des Épis sur la Loire. En recucillant, rassemblant les eaux et les matières apportées par les torrents de la Montagne, les rivières de la Plaine prennent à leur tour le caractère torrentiel. Leur débit devient irrégulier. Leur lit s’exhausse peu à peu; on est obligé de construire des Digues ou des Epis (1) pour protéger leurs rives, y provoquer le dépôt des graviers ou limons, et ainsi assurer la libre circulation des eaux et des bateaux dans le milieu de la rivière, Ici, des arbres dont on ne voit plus que la cime. Là, des villages, des villes assiégés par les eaux, des maisons qui s’écroulent presque sans bruit, des hommes luttant désespérément pour sauver leur vie, leur famille ou leurs biens, des femmes avec leurs enfants étroitement embrassés, at- tendant dans l’angoisse le signal de la délivrance ou la mort la plus horrible ! Douloureuses conséquences aussi sur la rive immédiate du fleuve, les terres ont été emportées par l’érosion du flot, ou sont recou- tumées. On accuse le fleuve, le ciel, le nuage. C’est la montagne, c’est l’homme qu'il faut accuser. Quand, sur les pentes toutes couvertes de gazons et de bois, les eaux s’écoulaient goutte à goutte, le fleuve grossissait lentement, son lit n’était point rempli, obstrué par les pierres, (1) On appelle digue un ouvrage en pierre, bois ou fascines établi parallèlement à la rive et destiné à la protéger contre les érosions du courant ou ses débordements. L'épi est une jetée ou barrage partiel construit perpendi- culairement à la rive et qui a pour but de resserrer et fixer le courant dans le milieu du lit. LA MONTAGNE ET LES COURS D’EAU 51 les graviers, et le flot des crues pouvait passer sans grand dommage pour la plaine. L'INONDATION DE LA GARONNE EN 1875. Nous avons connu, hélas! dans notre pays de France, des spectacles de ce genre. L’inon- dation la plus récente est celle de la Garonne en 1875. Écoutez ce qu’en a dit notre grand géographe Elisée Reclus : « Tout un faubourg de Toulouse, le faubourg Saint-Cyprien, peuplé de 20.000 habitants, et plusieurs villages bâtis en briques ont été presque entièrement rasés. Près de 7.000 maisons ont été renversées. Des centaines de personnes ont été ensevelies sous leurs décombres. Les pertes matérielles causées par l’immense débâcle ont été évaluées à 85 mil- lions de francs. » La Garonne a d’ailleurs pris tous les carac- tères d’un fleuve torrentiel : son débit, qui s’abaisse à l’étiage (basses eaux) à 37 mètres cubes par seconde, s’élève à 10.500 mètres cubes au moment des crues. Son litest rempli de galets, graviers, sables, limons, qui obligent le courant à se diviser et à divaguer, ici érodant la rive domi- nante, là envahissant la rive dominée ; partout rendant la navigation de plus en plus diflicile. Le désordre de son régime se manifeste jusqu’à son embouchure. D’énormes bancs de sable s’accumulent dans l’estuaire de la Gironde et des travaux considérables ont dû être faits pour préserver le port de Bordeaux de l’en- vasement ou maintenir ses communications avec la mer. RéciT. — Les Dunes et les Landes de Gascogne. Brémontier. Chambrelent. Sur les rivages de notre golfe de Gascogne, la mer rejette d'énormes quantités de sable. D’ou vient ce sable? Un peu de l'érosion des flots sur les fonds sous- marins et sur toutes les falaises de la côte— pour la plus grande partie, des délaissés (1) de la Gironde. C’est le der- nier produit de l'érosion des montagnes apporté peu à peu par la Garonne et tous ses affluents. Les courants marins viennent mordre ces dépôts sableux et le flot des (1) Délaissés de la Gironde. Se dit de la portion du lit cou- verte de graviers ou de limons et abandonnée temporairement par le courant des eaux. marées les épand sur les rivages. Le vent d'ouest s’en empare à son tour et chasse le sable vers l’intérieur des terres où il ne tarde pas à former des monticules allongés qu’on appelle des dunes. Ces dunes sont instables, comme les éléments mobiles dont elles sont constituées. Elles se déplacent peu à peu sous l’effort continu du vent qui soulève incessamment la poussière sableuse pour la transporter plus loin. Vers la fin du siècle dernier, les dunes s’étaient avancées à plus de 5 kilomètres de la côte. Elles recouvraient les cultures, les forêts, barraient les cours d’eau et les for- çaient à s’étaler en nappes marécageuses. Ainsi s'était formé entre la Pointe de Grave et Bayonne un désert de 200 kilomètres de long sur une largeur moyenne de 5 kilomètres. Ce désert s’agrandissait toujours aux dépens des terres riveraines. Déjà plusieurs villages avaient été en- sevelis. Déjà le bourg de Teste apparaissait comme menacé de destruction dans un avenir prochain. Déjà on avait pu calculer que dans un nombre de siècles dé- terminé par la marche annuelle de l’envahissement (2u mètres environ) les sables atteindraient par terre is port de Bordeaux, déjà menacé directement par les apports du fleuve. En 1787 un grand ingénieur, Brémontier, s’aidant des observations et de quelques essais faits précédem- ment dans la région, traça et parvint à faire mettre à exécution un programme de travaux en vue de fixer par la végétation forestière les sables envahisseurs. Sur cette arène mobile, là où la nature, réduite à ses seules forces, s'était arrêtée, impuissante, l'intelligence, la volonté opiniâtre d’un homme réussirent. Par des clayonnages disposés à l'encontre du vent de l'ouest, par des couvertures de branchages que des cro- chets de bois fixaient au sol, par des semis de plantes herbacées ou semi-ligneuses: le gourbet, le genêt et l’ajonc, on parvint à fixer momentanément les sables et à donner aux jeunes semis de pin maritime l'abri et la protection temporaires qui seuls pouvaient leur permettre de se développer. Le succès dépassa toutes les espérances : Là où l’on ne voyait ni un arbre, ni un buisson, ni une touffe d'herbe, s'étendent aujourd’hui les ondulations verdoyantes d’une immense pineraie (1). Là où la gorge desséchée ne respirait que la poussière sableuse soulevée par le vent, règne maintenant une atmosphère humide, tout imprégnée de parfums de résine. Là où l'homme voyait avec terreur le sable stérile s’avancer chaque jour, menaçant d’ensevelir ses cultures, ses vignes, sa demeure, se trouve pour lui une inépuisable source de profits. < Toute une population est occupée à exploiter,façonner, transporter des bois et surtout extraire de ces pineraies (1) Pinerale. Bois de pins. 52 MANUEL DE L’ARBRE — de pin maritime cette matière précieuse — la résine — qui sert à la préparation de tant de produits industriels. (1) Cette transformation de la zone des dunes prépara et provoqua une autre transformation non moins impor- tante. Derrière ces monticules de sable qui s’étendaient tout le long des rivages, s’était formée cette immense zone marécageuse connue sous le nom de Landes de Gas- cogne. Au désert sablonneux et aride du littoral succé- S Er LA CÔTE D'ARGENT. Les Landes, restaurées par Brémontier et Chambrelent, pays flévreux et désert, il y à cinquante ans, sont aujourd’hui, grâce au boisement, une des contrées les plus saines et les plus riches de France, dait le steppe humide et malsain, presque désert aussi ; rien de plus triste que l'aspect de cette vaste plaine (1) Applications de la résine : couleurs, vernis, savons, bou- gies, torches de résine, cires à cacheter, goudrons, poix, noir de fumée, graisse végétale ou graisse de résine pour machines, encres d'imprimerie, etc — calfatage des navires — injection des bois — industrie du dégraissage — prépara- tion de vêtements caoutchoutés et imperméables, — soudure de certains métaux, utilisations médicinales et thérapeuti- ques, etc. inculte, en hiver à demi envahie par les eaux, — en été couverte d’ajoncs, de bruyères et de grandes herbes desséchées par le soleil. On l’a représentée souvent avec ses larges et mélancoliques horizons, ses troupeaux de moutons étiolés que des bergers perchés sur de hautes échasses, le teint hâlé, la face amaigrie, promenaient à travers la lande, et çà et là, sur de petites éminences, à l'abri d’un bouquet de pins (pignada), une misérable chaumière ou un pauvre village dont les habi- tants luttent péniblement contre la misère et la fièvre. — Ici encore l’homme a triomphé de la nature — après avoir vaincu le désert, il a vaincu le marais. Un homme dont le nom vient à côté de - celui de Brémontier, l'ingénieur Chambrelent, entreprit de remettre en valeur ces landes stériles. C’est l'arbre forestier, le‘pin maritime surtout, qui fut encore l'instrument de régéné- ration. Mais pour qu’il pût réussir sur ce sol inondé, une grande partie de l’année, il fallait tout d’abord par un vaste réseau de canaux d’assai- nissement assurer le libre écoulement des eaux stagnantes. Et pour qu’il pût donner lieu plus tard à des exploitations fructueuses, il fallait des routes de pénétration, des chemins de fer. En une quinzaine d'années, ce magnifique programme de restauration, qui s’étendait à plus de 600.000 hectares, fut presque complè- tement réalisé, et à la forêt bienfaisante des dunes, s’ajouta l'immense forêt landaise, plus bienfaisante encore : car si l’invasion des sables faisait reculer l’homme, le chassait de son pays, de son habitation, le marais faisait pis, il le tuait, lui infusait le lent poison de la fièvre. Or la forêt,complétant les résultats des canaux d'écoulement et d'évacuation des eaux, fit bientôt de cette région l’une des plus saines du globe. Là où un médecin employait autrefois pour soigner sa clientèle 1 kilogramme de sulfate de quinine, 100 grammes lui suffisent aujour- d'hui. Là où la vie moyenne de 1853 à 1859 était de 34 ans 9 mois, elle est maintenant d’après les statistiques portant sur le nombre dès décès et l’âge des décédés de 38 ans 11 mois et 19 jours. Plus de 4 ans d’existence gagnés par chaque citoyen de la patrie landaise! Et quelle transformation plus merveilleuse encore dans son existence elle-même! Quel) prodigieux accroissement d’aisance, de bien-être, de prospérité! La cahute sordide en bois ou en chaume où, pendant l'hiver, l'habitant sans feu grelotte du froid, de la fièvre et parfois de la faim, où toute la famille dévorée par la scrofule, la pellagre, s’entasse dans une promiscuité misérable, est remplacée par pr 4 * } Lo * in PO er Lie 1] v: LA MONTAGNE ET LES COURS D'EAU 53 des maisons en pierres, propres, saines, confortables, où dans les cheminées, pendant les froides journées, flambe constamment la flamme pétillante du bois résineux. C’est qu’il vient de l'argent maintenant dans ce pauvre pays! L'argent semble sortir de terre, et il en sort bien, en ef- fet. Ce sont ces bois de pins qui le produisent, qui le font jaillir du sol et le répandent sur toute la contrée, comme ils répandent leur graine et leur parfum de résine. Ces bois, toute la population est employée à les exploiter, à les façonner, à les transporter sur les routes qui par- tout sillonnent le pays.On en extrait la résine comme pour les hois des dunes. On les débite en étais de mines, en traverses de chemins de fer; on en fait des poteaux télé- graphiques, des pavés de bois, de la pâte à papier. Des chemins de fer les conduisent jusqu’à Bordeaux et de là ils se répandent dans toute la France et à Paris princi- palement, où ils sont utilisés pour le chauffage des fours des boulangers et pour les pavages en bois; en Angle- terre, où ils font concurrence aux bois de Suède et Nor- QUESTIONNAIRE 1° Quelle est l'action des glaciers et des lacs sur le régime des cours d’eau ? 20 Expliquer, sous ce même point de vue, le rôle de la forêt de montagne. 3? Quelle est l’utilité des bouquets de bois dans les pâturages ? 4° Expliquer comment s’est produite la destruction des fo- rêts et des prés-bois sur les versants montagneux. 9° Quelles sont les causes de la dégradation des pâturages? Expliquer les effets de la surcharge de bétail — Zd. de l'invasion des plantes nuisibles. vège; en Espagne; sur toutes les côtes de la Méditerranée et jusque dans les deux Amériques. Autrefois cette im- mense surface de 800. 000 hectares comprenant les dunes et les landes de Gascogne était presque sans valeur. Autrefois les landes les plus rapprochées des villages ne trouvaient pas acheteur à 50 ou 60 francs l’hectare. On raconte même que dans les régions les plus désertes, quand on voulait vendre une terre, on conduisait l’ache- teur sur une éminence et on lui cédait pour quelques francs toute l’étendue où il pouvait faire entendre sa voix. Aujourd’hui cette immense surface, plantée presque partout de pins maritimes, exporte ses produits aux quatre coins du monde. Elle aura bientôt une valeur de plus de 1.000 francs l’hectare, soit au total de près d’un milliard de francs. Elle paye aux habitants.sous forme de rentes, de salaires, de profits industriels et commer- ciaux, un tribut annuel de plus de cinquante millions de francs ! Et tout cela c’est à l'arbre, c’est à la forêt qu’elle le doit ! DU LIvReE Ill. 6° Qu'est-ce qu’un torrent ? — Comment se forme-t-il? — Quelles sont les conséquences des formations torrentielles dans les vallées de montagnes ? 70 Qu'est-ce qu'un fleuve torrentiel ? Expliquer le phéno- mène de l'inondation? — Ses conséquences. Ex. : les inondations de la Garonne en 1875. 8° Qu'est-ce qu’une aune ? — Comment se sont formées les dunes de la Gascngne? — Expliquer par quels travaux on est arrivé à les firer. — Quel en a été l'initiateur ? 90 Faire l'historique de la transformation des Landes de Gascogne en une vaste et productive forêt? — Quel en a été l'initiateur ? En faire connaître les résuitats. rMURE Rp PE | LES INONDATIONS LE LA LOIRE EN 1856. Quand des catastrophes de ce genre viennent à se produire, on accuse le Fleuve, le Ciel, la Nature. C’est bien souvent l'Homme qu'il faudrait accuser. S'il n'avait pas détruit les bois et les gazons qui tapissaient les montagnes, l’eau des nuées arriverait plus lentement au fleuve et n’entrainerait pas ces graviers, sables et limons qui viennent obstruer son lit, et déterminer ses débordements, LIVRE IV LA RESTAURATION DES MONTAGNES LES INONDATIONS DE LA LOIRE ET DU RHÔNE. Parmi les fleuves de la France, ce n’est pas seulement la Garonne qui a le tempérament torrentiel. La Loire et le Rhône l’ont à un plus haut degré encore : la Loire tire ses eaux des montagnes imperméables et presque complè- ne: LL.‘ fi. tement déboisées du Plateau Central et doit à cette double circonstance des crues extrêmement rapides qui, après avoir rongé les berges de tous ses ruisseaux ou rivières tributaires, ras- semble tout le long de son lit d'énormes bancs de sable et de limon. — Le Rhône, après s’être assagi et clarifié dans le magnifique bassin du Léman, reprend un flot troublé et tumultueux 56 dès qu’il a reçu les rivières alimentées par les grands torrents des Alpes et des Cévennes. Les désastres causés par les crues de ces deux fleuves ne peuvent être que difficilement évalués. D’après Elisée Reclus, la grande inondation de la Loire,en 1856, a emporté des routes et des ouvrages de défense pour une valeur de 172 millions de francs. Dans la même année, les dégats furent à peine moindres pour la vallée du Rhône. LA CORRECTION DES TORRENTS ALEXANDRE SURELL C’est à ce moment qu’on commença à agiler sérieusement en France la question des moyens à employer pour conjurer dans l’avenir de semblables catastrophes. Dès 1841, un homme de génie, Alexandre Surell, avait nettement indiqué les origines du mal. Ingénieur à Embrun Hautes-Alpes) il avait été vivement impres- sionné par le spectacle des versants ravinés et délabrés qui l’entouraient. Ses fonctions l’appelaient à réparer ou prévenir les dé- gâts des torrents. Il s’irritait d’une tâche ingrate qui consistait à rétablir incessamment et à grands frais des ouvrages, ponts, routes, canaux, digues, etc., que la première averse d'orage condamnait à une nouvelle et inévi- table destruction. Il fut amené ainsi à étudier les caractères particuliers des torrents et à approfondir les causes de leur formation. Lors, il formula les principes suivants : « La présence d’une forêt sur un sol empêche la formation des torrents. — La destruction d’une forêt livre le sol en proie aux torrents. » Ces trois lignes mériteraient d’être inscrites sur les murs de nos écoles ; qu elles le soient du moins dans la mémoire des enfants ! Elles expliquaient toute la genèse du fléau des inon- dations. Car de même que les ruisseaux font les grandes rivières, ce sont les torrents de mon- tagne qui font les fleuves torrentiels! L'origine du fléau étant connue, il fallait trouver la formule de guérison. Surell la donna. MANUEL DE L’ARBRE La végétation est le meilleur moyen de défense contre les torrents. Il fallait étouffer, en quelque sorte, chaque torrent sous un fourré épais d’arbres et de gazon. Il fallait constituer à lentour de son bassin une zone de défense végétale, largement épanouie dans le haut, où elle engloberait les plus petites ramifications du torrent. Cette zone couverte de bois, de buissons, d'herbes gazonnantes, retiendrait les eaux ruisselantes ou en ralentirait l’écoulement. Des murs de chute ou barrages (1), des clayon- nages (2), des fascinages (3) établis dans le fond des ravins, arrêteraient le creusement de ceux-ci, protégeraient leurs berges contre l’affouillement, et permettraient dès lors de les fixer à leur tour par la végétation. Mais qui pourrait mettre à exécution ce pro- gramme, qui solderait la dépense dans des régions où l'habitant lutte si péniblement déjà pour assurer son existence, dans des communes, des départements qui peuvent à peine avec leurs maigres ressources, entretenir les chemins, les édifices publics, et subvenir à toutes leurs charges ? Qui surtout aurait l’autorité néces- saire pour établir ces zones de défense et y interdire l’accès de la charrue et des troupeaux ? L’Etat seul pourrait s’en charger. N’était-il pas intervenu déjà pour refouler l'invasion des dunes de Gascogne ? Ne devait-il pas intervenir avec plus de raison encore pour sauver nos régions montagneuses d’une lente destruction et pré- server nos plaines du fléau de l’inondation? A la suite de la catastrophe de 1856, l’appel de Surell fut entendu. Les lois du 28 juillet 1860 et du 8 juin 1864, sur le reboisement et le rega- zonnement des montagnes, furent successi- (1) Barrage. Mur en pierre sèche ou en maçonnerie établi en travers d'un ravin pour empêcher l’affouillement des eaux, ralentir leur écoulement et retenir les matériaux qu'elles entraînent. (2) Clayonnage. Ouvrage formé de pieux et de branchages entrelacés. (3) Fascinage Ouvrage formé de fascines et de fagots fixés ou retenus par des pieux Ces deux derniers ouvrages s’emploient principalement pour fixer ou consolider les berges des ravins. ) sses- Alpes (Ba ARE P L A CHAMOUX ET DE DE RIOU LE BASSIN DE RÉCEFTION DES TORRENTS nts dangereux auxquels se contre les torrents rrection des torre « La végétation est le meilleur moyen de défen des montagnes en ruines et de la C 2 2 # © F1 = 4 1 la Re gloire d’en formuler 1 s difficultés du problème de Il a eu la génieur Sure Cette vue d'ensemble montre assez le elles donnent naissance. L'in 58 MANUEL DE L’ARBRE vement promulguées. Ces lois ont été remp depuis par la loi du 4 avril 1882 (1). Dès 1860, commencèrent les travaux sous la direction de l'Administration forestière et _ [es KE Ê S% lacées suivant le programme tracé par Surell. On en connaît, dans la plupart de nos régions monta- LA CORRECTION DES TORRENTS. — LES BARRAGES. Des barrages en pierre sèche ou en maçonnerie sont établis en travers des ravins pour ralentir l'écoulement des eaux du Torrent, retenir les matériaux charriés par lui, et surto permettre ainsi de les fixer définitivement par la végétation. ut pour empêcher l’affouillement de ses berges et gneuses, les résultats. On a pu voir bien des versants autrefois nus et arides se recouvrir peu à peu de végétation. Ce n’était tout d’abord que des taches vertes appa- raissant çà et là; ce sont maintenant de grandes masses sombres, qui se dra- pent sur les pentes, remplissent les ra- vins, couvrent les éboulis pierreux. Des montagnes grises, sans verdure, désertées par les plantes, les insec- tes, les troupeaux même, paraissant frappées de mort, semblent revivre et s’animer. Les oiseaux chantent dans les fourrés de (1) La loi du 4 avril 1882 sur la restauration et la conservation des ter- . rains en montagne auto- rise l’expropriation des ter- rains dont la restauration aura été déclarée d'utilité publique ; elle permet l'allocation de subven- tions aux communes, aux associations pastorales, aux fruitières, aux établis- sements publics et aux particuliers, à raison des travaux entrepris par eux pour l'amélioration, la consolidation du sol et la mise en valeur des pâtu- rages. Enfin elle arme l'Administration du droit de requérir la mise en dé- fens des pâturages, com- munaux et particuliers dégradés, et d'imposer aux communes la réglementa- tion de leurs pâturages. LA RESTAURATION DES MONTAGNES 59 jeunes bois et les insectes bourdonnent dans cades en cascades, dans des ravins tapissés de les grandes herbes qui tapissent leurs clairières. verdure. Déjà bien des torrents se sont assagis. Ils ne forment plus ces courants boueux, chargés PAT OU CNE NES CARTE de pierres et de blocs. qui, semblables aux laves Mais l’œuvre est loin d’être terminée. Que des volcans, se précipitaient dans la vallée avec dis-je? elle est à peine ébauchée. Au 1 janvier ex 4 ri o AS Se LINGE PAT | AA EPA ARTS; v : È n “tt, Me L'0 2 LA CORRECTION DES TORRENTS. Clayonnages et Fascinages dans le bassin du torrent de Merdare ]( Hautes- Alpes). Dans les Ruines, ou sur les berges complètement dénudées, on établit des clayonnages et fascinages et dans leurs intervalles on sème des graines fourragères, Ces travaux fixent le sol et donnent une première végétation que l’on complète ensuite par des plantations d'arbres ou d’arbrisseaux. un bruit de tonnerre. Bien des villages ont 1900, il n’y avait encore qu'environ 160.000 hec- recouvré la sécurité, et « la cloche de Péglise tares rendus à la végétation forestière (1). ne sonne plus l’alarme quand un nuage noir s’amasse au sommet de la montagne »! Leurs (1) Savoir : 84.498 hectares dans les Lerrains acquis ou ex eaux maintenant ne tarissent plus aussi com- 18.378 — De Ep re aEt par _ plètement et même en temps d’orage, dévalent les communes et les particu- É liers avec le secours des sub- presque claires par-dessus les barrages, de cas ventions de l'Etat. ste til 60 C’est peu vis-à-vis des 2 ou 3 millions d’hec- tares qui forment les bassins supérieurs de nos rivières torrentielles et des 6 à 7 millions d’hec- tares de terres incultes, landes, pâtis, bruyères, qui, dans toutes nos régions de montagnes, de plateaux, de collines, concourent par leurs MANUEL DE L’ARBRE entreprise ! Au résumé, le mal grandit. au lieu de se restreindre, et des mesures nouvelles, plus générales et plus efficaces, sont néces- saires. Les populations des montagnes doivent concourir, aider à l’application de ces mesures. Elles le LA CORRECTION DES TORRENTS. Vue d'ensemble du bassin du torrent de Merdarel et de la Fruitière des Tourrengs ( Hautes- Alpes). Dans toutes les parties stables du bassin on plante des essences résineuses aux feuillures appropriées au sol et à l'altitude, Mais il faut assurer aussi la restauration des pelouses élevées soit par une mise en défense temporaire et quelques travaux — soit par des moyens indirects tels que l'établissement d’une Fruitière. dénudations à leur donner un régime irrégulier. Et cette immense surface continue visiblement à se dégrader. Chaque jour, les dénudations s'étendent, des forêts disparaissent, des ravine- ments se produisent, de nouveaux torrents se forment ou prennent une allure dangereuse et ainsi compromettent l’œuvre de régénération doivent, sous peine d’être les premières victimes de la ruine inévitable de leur pays. NÉCESSITÉ DE L’EXPLOITATION PASTORALE. En se basant sur la marche actuelle des travaux de reboisement, il faudrait au moins 1.000 années et 1 à 2 milliards de francs pour couvrir de bois l’énorme superficie des terres _incultes. Et, d’ailleurs, comment pourrait-on linterdire aux troupeaux, la soustraire à cette exploitation pastorale qui contribue encore pour une si grande part à la prospérité des ré- gions montagneuses? L’habitant de ces régions ne peut espérer les riches moissons, les récoltes industrielles et maraîchères que la douceur du climat, l'emploi de machines agricoles, l’abon- _ dance des engrais, les facilités de communica- tion, la proximité des centres de population assurent au cultivateur des plaines. Sa culture doit se borner à ouvrir périodi- quement ses prés pour leur rendre la fertilité disparue, à produire le grain et les légumes nécessaires à l’alimentation de sa famille et de ses animaux. L'élève du bétail et la vente de ses produits, sous forme de viande, lait, beurre, fromage, laine, peaux, etc., voilà pour lui la tormule de l’exploitation. Et pour cela, il lui faut surtout des herbages, du pâturage. Le pâturage communal lui est particulièrement précieux. Il lui permet d’entretenir gratuitement ses animaux pendant toute la saison d’été, de donner aux terres de son patrimoine particulier les fumures nécessaires. Faire disparaître le pâturage des régions montagneuses, ne serait-ce pas en chasser Phabitant? Or, il n’est nullement nécessaire de rendre aux forêts le domaine si étendu qu’elles occu- paient dans ces régions avant l’arrivée de Uhomme. De même que le grand arbre, bien qu’à un moindre degré, la touffe d’herbe fixe le sol, retient les eaux, les divise. Le sol tapissé de pelouses et de prairies résiste très bien encore à l'érosion. Il suffira donc sur bien des points d’assurer la restauration de ce tapis herbacé si précieux pour l’habitant. L'AMÉNAGEMENT PASTORAL. Et d’abord, pourquoi les pâturages de mon- tagnes et surtout les pâturages communaux se dégradent-ils? C’est parce qu’on les surcharge LA RESTAURATION DES MONTAGNES 61 de bestiaux, et surtout, parce qu’on ne fait rien pour les entretenir en bon état. Tout pâturage surchargé se dégazonne et se dégrade. Il faut donc proportionner le bétail à la sur- face et à la fertilité du pâturage (1). Tout pâturagenon entretenu se dégrade : la maison privée de réparations tombe en ruines. La prairie la plus riche ne donne plus que des herbages sans valeur, si l’on ne vient pas périodiquement, par la culture ou par des engrais, régénérer sa flore fourragère. Comment le pâturage de montagne, soumis à tant de causes de dégra- dations, échapperait-il à cette nécessité de l'entretien? 1! faut donc que le pâturage soit périodiquement entretenu par des travaux ou tout au moins par des mises en défens partielles el temporaires, permettant aux gazons de se reconstituer. Enfin, le domaine agricole le plus misérable a sa grange, son étable, ses chemins de desserte, parfois ses canaux d'irrigation ou de drainage. La forêt productive a également ses lignes de division, ses chemins de desserte, ses maisons forestières, ses pépinières. Toute exploitation pastorale, pour être pro- ductive, demande également à être bien organisée, bien outillée. Ces trois principes constituent les bases de l'aménagement pastoral, plus nécessaire encore aux pâturages de montagne et surtout aux pâturages collectifs que l’aménagement fores- üer n’est utile à la conservation des forêts. En pratique, l'aménagement doit comprendre essentiellement : 1° Un Règlement fixant les périodes de parcours — le nombre maximum de bêtes à introduire par chaque usager — et la taxe à payer par tête de bétail. 2° Un plan cultural divisant le pâturage en un certain nom- bre de parcelles qui seront soumises, successivement et périodi- quement, à une mise en défens temporaire et si possible à des travaux (épierrement, extraction des plantes nuisibles, semis de graines fourragères, épandage d'engrais, clôtures, etc.) des- tinés à assurer la régénération ou l'entretien des pelouses; — indiquant aussi les ressources applicables à ces travaux (taxes ou journées de prestation). 5° Un plan d'organisation générale contenant le programme des travaux d'ensemble à exécuter suivant les ressources chemins d’accès, abreuvoirs, baraques de bergers, étables-abri, d'un pâturage communa (1) C’est ce que l’on peut appeler : respecter la possibilité du Pâturage. 62 MANUEL DE L’ARBRE fruitières, canaux d'irrigation ou de drainage, abris boisés, tra- vaux de défense contre les avalanches, les ravinements, etc. Le décret du 30 décembre 1897 créant au ministère de l'Agriculture le service des Améliorations pastorales, permet aux Communes de demander le concours d’agents techniques pour l’étude d'aménagements pastoraux et des subventions pour l’exécution des travaux, LES TROUPEAUX. LES MOUTONS TRANSHUMANTS. Ces principes ne sont malheureusement que très rarement mis en application dans nos régions montagneuses françaises, où le pâturage communal occupe une si grande place. D’im- . bergers transhumants de la plaine voisine et restreignent ainsi d’une façon très fâcheuse les profits des habitants. Que rapportent ces troupeaux étrangers? 50 centimes à 1 franc par tête à laine. C’est le prix de location pen- dant la saison d’été. Quel profit peut donner à l’habitant pendant la même saison le mouton élevé sur place? 3 à 7 francs. Déjà Surell avait tiré cette conséquence très claire : « St les habitants, au lieu d’attirer les bergers étrangers, élevaient des moutons à leur propre compte, ils auraient au moins les mêmes bénéfices avec des troupeaux cinq fois moins nombreux.» Un pâturage couvert d’un bon gazon, dru, com- plet, bien composé sur toute son éten- due, permet d’en- tretenir grassement pendant toute la saison d’été 10 mou- tons par hectare. Dans la plupart de nos montagnes communales, en partie dénudées, en partie envahies par lesmauvaises herbes LA HALTE D'UN TROUPEAU TRANSHUMANT SUR LE CHAMP DE FOIRE D’EMBRUN (Hautes- Alpes). Après avoir brouté pendant tout l’hiver les maigres herbages de la Crau, de la Camargue ou des coteaux arides de la Provence, les troupeaux transhumants vont, en été, dévorer les gazons des montagnes. Ils ont contribué beaucoup à la ruine des Alpes, menses surfaces sont laissées à l’abandon et livrées au pillage de tous. Chaque habitant y conduit tout le bétail qu’il possède, voire celui qu’il ne possède pas et qu’il loue ou qu'il achète pour la saison d’été. Des spéculateurs de bestiaux peuvent ainsi impunément ruiner la montagne aux dépens des petits propriétaires, dont le modeste troupeau est affamé par l'in- vasion de ce bétail étranger. Les communes elles-mêmes participent à cette invasion. Pour se créer des ressources, elles afferment des montagnes entières à des et les buissons, on ne compte guère en moyenne que 2 mou- tons par hectare. D'où encore cette conclusion: St l’on prenait soin d'entretenir par des travaux périodiquement renouvelés les pelouses communales, il sufirait, pour alimenter le même nombre d'animaux d’une surface 5 fois plus petite. LE GROS BÉTAIL. Ce n’est pas tout. Si, sous l'influence des fumures, des canaux d'irrigation, des bouquets ou rideaux boisés répandant autour d’eux la fraicheur de leurs ombrages, la pelouse peut pendant tout l'été se maintenir fraiche et LA RESTAURATION vivante, comme il arrive dans beaucoup de montagnes de Suisse, de Franche-Comté et de Savoie, on peut dans l'exploitation du pâturage substituer au menu bétail l’espèce bovine. Enorme progrès pour la montagne! Le gros bétail ne peut aller partout. Il n’ose aborder les pentes trop rapides. Il dépérit DES MONTAGNES 63 Voilà pourquoi le gros bétail ne peut jamais occasionner dans la montagne de graves dégâts. LE MOUTON. Le troupeau de moutons, au contraire, va partout où il y a une touffe végétale, fût-elle complètement desséchée; il recherche même les UN PATURAGE EN SAVOIE. La vache fait la montagne prospère, moutons et chèvres bien souvent la ruinent., (Produit annuel en région de montagne : mouton, 5 francs ; brebis laitière, 10 francs ; chèvre, 12 francs ; vache, sans organisation de l’industrie laitière, 50 à 100 francs ; avec organisation, 150 à 200 francs). rapidement sur les pelouses sèches et maigres. Il exige un gros prix d’achat et un approvi- sionnement de fourrages important pour la saison d’hiver. Tout cela concourt à l’exclure des pelouses dégradées et à en limiter le nombre suivant l'état et la fertilité de la montagne, et aussi, suivant les ressources des habitants. ruines, les pentes dénudées, ravinées, brûlées par le soleil. Comme il est peu exigeant et peu coûteux à élever, il semble qu’on puisse le mul- tiplier indéfiniment. Il supporte bien la fatigue, le froid, la soif et la faim. On peut done le faire venir de loin, sans trop de frais, et le faire vivre tant bien que mal sur le sable aride des déserts, sur les plateaux caillouteux, jusque sur ces pentes 64 MANUEL DE L’ARBRE pierreuses qui avoisinent les neiges éternelles et où la végétation a tant de peine à s’installer pendant la courte saison estivale. Quand il se rend au pâturage, 1l marche en rangs serrés et ce piétinement concentré dénude et dégrade le sol. Arrivé sur la pelouse, il s’étend en lignes de front comme une armée en bataille, et aucune partie du pâturage n’échappe à son LE BERGER DES PYRÉNÉES (Rosa Bonheur). et de jeunes pousses. Le mouton détruit les gazons, la chèvre s’attaque surtout au buisson, à l'arbre, c’est-à-dire aux deux organes qui, seuls, peuvent fixer, consolider les pentes es- carpées et maintenir la fraîcheur et la fertilité des herbages. Son agilité lui permet végétation qui cimente, d'aller détruire la tapisse les rochers, (Cliché L. L.} Triste auteur de sa propre ruine, — Les moutons semblent lui réclamer l’he be absente, On voit les restes des arbres brûlés par le dernier incendie que, dans son inconscience, il a lui-même allumé. atteinte. Voilà pourquoi le mouton est un si terrible ennemi pour la montagne. On a dit de lui qu’il faisait le désert derrière lui. Avec plus de raison encore, on pourrait dire que dans la montagne il fait la ruine et le torrent. LA CHÈVRE. La chèvre aussi est un terrible ennemi. Elle se nourrit d'herbes, mais aussi de bourgeons fixe les éboulis. Là où la forêt serait indis- pensable pour consolider la montagne, Ja chèvre broute un à un les jeunes plants qui doivent remplacer les grands arbres, et la forêt protectrice est condamnée à dispa- raitre. Voilà pourquoi les montagnes livrées aux moutons et aux chèvres sont presque toujours effroyablement dégradées. Voilà pourquoi les à A - L LA RESTAURATION pays d'Orient, l’Asie Mineure, la Perse, la Mésopotamie, la Syrie, la Grèce, la Sicile, la côte africaine, l'Espagne, nos montagnes pro- vençales, presque tous les rivages de la Méditer- ranée, livrés depuis des siècles aux pasteurs nomades et à leurs troupeaux, ont perdu peu à peu leur verdure et leurs eaux courantes, et avec elles, leur prospérité d’autrefois ! Voilà pourquoi il serait si utile de provoquer, partout où cela est possible, la substi- tution du gros au menu bétail dans l'exploitation pasto- rale des montagnes. Ce serait grand profit aussi pour habitant. On a cherché à déterminer le pro- duit moyen annuel des diverses catégo- ries d’animaux dans les régions monta- gneuses et on est arrivé aux résultats suivants : Le mouton, 5 fr. > la brebis laitière, 10 fr. ; la chèvre, 12 à 15 fr.; la vache sans organisation de l’industrie laitière, 50 à 100 fr. ; la vache avec organisation de l’industrie laitière, 150 à 200 francs. Ainsi, avec une bonne organisation pastorale et laitière, une seule vache peut don- ner autant de produit que 40 moutons, 20 bre- bis ou 15 chèvres! La vache laitière fait la montagne prospère. La chèvre ou le mouton la ruine. L'INDUSTRIE LAITIÈRE. Déjà le grand ingénieur Surell avait fait ressortir quels importants résultats, au point DES MONTAGNES 65 de vue de l’œuvre de la restauration des montagnes, pourraient donner la transfor- mation, le perfectionnement de industrie pastorale. Dès 1866, sur l’initiative de M. Calvet, alors garde général des forêts dans la région pyré- néenne, l’administration forestière mit en ap- plication cette idée, et depuis des fruitières (1) pour la fabrication du fromage et du beurre LA FRUITIÈRE-ECOLE. Les truitières où l’on rassemble tout le lait d’un village pour le transformer en beurre ou en fromage contribuent beaucoup à la prospérité d’une région. — Ainsi on a calculé qu’une vache dont le produit annuel dans les régions montagneuses ne rend pas plus de 50 à 100 francs si l’industrie laitière n’y est pas organisée, peut donner par l'installation de fruitières un produit de 150 à 200 francs. ont été installées dans les régions des Pyrénées et des Alpes françaises. (1) Fruitière : Établissement dans lequel on réunit le lait d’un groupe de cultivateurs, d’un hameau, d’une commune, et même de toute une région, pour le transformer en beurre, fromage, ou autres produits de l’industrie laitière. Tantôt ces fournisseurs de lait forment une Association coopérative gérée par une Commission qu'ils élisent eux-mêmes; tantôt ils font marché avec un Fruitier ou Laïtier qui leur paye le lait à un prix déterminé et fabrique à ses risques et périls.— Dans les deux cas, les cultivateurs bénéficient des avantages d’une fabrication et d’une vente faites en commun. Les installations de Fruitières peuvent bénéficier d'une subvention de l'État, en application de l’art. 5 de la loi du & avril 1882 sur la restauration des montagnes. 66 MANUEL DE L’ARBRE LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES MONTAGNES. CONSÉQUENCES D’UNE MEILLEURE EXPLOITATION PASTORALE. Ainsi l'aménagement pastoral, l'entretien rationnel et périodique des pelouses, le dévelop- pement de l’industrie laitière peuvent permettre aux habitants de réduire peu à peu l’importance des troupeaux de menu bétail, et en même temps de recueillir, sur une surface de pâturages relativement restreinte, des profits beaucoup plus importants que ceux obtenus sur les im- menses surfaces parcourues et dévastées au- jourd’hui. Cela étant, on pourra rendre à la végétation forestière une grande partie de ces terrains. Les crêtes rocheuses, les pentes rapides, les berges des ravins, les landes buissonneuses, se couvriront de bois de futaies, et en même temps que la montagne se consolidera et s’em- bellira, une nouvelle source de richesses ap- paraîtra pour l’habitant. LE DÉVELOPPEMENT DE LA RICHESSE FORESTIÈRE. J’ai indiqué le vroduit que peut donner dans la montagne un mouton, une brebis, une chèvre, une vache. Mais il faut que l’on sache que bien souvent l'arbre utilise beaucoup mieux le sol que les animaux. Il n’est pas rare de voir dans la montagne un arbre résineux acquérir en un siècle une valeur de 50 francs. Cela fait un produit de cinquante centimes par année. S'il y en a 200 sur { hectare, c’est un rapport de 100 francs par hectare et par an. Autrefois, le bois avait peu de valeur dans les régions montagneuses. Sur les hauts plateaux du Jura, il y a seulement un siècle, un gros sapin de 2 mètres de tour se vendait pour un écu de 5 francs. Il vaut 100 francs aujourd’hui. Dans cette région fortunée on voit, dans les ventes, des sapins de 3 m. 60 à 4 mètres de tour atteindre le prix de 500 et 1.000 francs pour un seul pied d’arbre. Autrefois on les eût laissés sur pied, faute de trouver un acquéreur. Certains cantons de ces sapinières ont une valeur de 15.000 et 30.000 à l’hectare qui ne valaient pas 500 francs il y a cent ans. D'où vient ce changement? Des routes se sont établies. Des scieries se sont construites. La population, les industries se sont développées. Puis, avec l’établissement des voies ferrées, est venue la grande pénétration commerciale qui jusqu’au fond des vallées les plus reculées va drainer aujourd’hui les produits forestiers en y laissant un large sillon d’or. Toutes les régions montagneuses sont appelées à voir tôt ou tard des transformations semi- blables. L’INVASION DES MONTAGNES PAR L'INDUSTRIE. — HOUILLE NOIRE, HOUILLE VERTE ET HOUILLE BLANCHE (1). Une double évolution qui se dessine actuel- lement dans ces régions va encore favoriser et accélérer leur développement économique. On a vu que, dans les temps passés, les forêts avaient exercé une sorte d'attraction sur l’industrie des plaines. A l’entour des massifs boisés, des usines de tout genre se groupaient, ainsi que dans le désert la verdure à l’entour des sources. Puis la mine de houille notre est venue détrôner les carrières de houulle verte, et les populations industrielles se sont entassées à l’entour de ces gisements souterrains de carbone, constitués déjà par la végétation dans les âges préhistoriques. Aujourd’hui lin- dustrie épuisée, meurtrie dans la lutte que lui impose la concurrence mondiale, tourne ses espérances, ses efforts vers la montagne. Là se trouve, dans les glaciers, dans les lacs, dans les eaux abondantes que les pentes om- \ breuses laissent écouler peu à peu en chutes (1) On sait ce qu'est la houille noire.— Par analogie, on peut appeler houille verte le carbone végétal accumulé par les forêts, et qui, avant la découverte des mines de charbon minéral, était utilisé comme combustible dans un grand nombre d’in- dustries. — Par analogie encore, on a heureusement désigné sous le nom de houille blanche, les glaciers et eaux des mon- tagnes qui tendent aujourd’hui à se substituer à la houille noire pour la production de la force nécessaire aux industries. LA RESTAURATION DES MONTAGNES 67 puissantes, une réserve presque inépuisable de francs soient distribués en salaires pour l’ex- de force hydraulique. Cette force produite par traction d’un combustible dont il faut sans cesse LA FORÊT DES FANGES (Aude). Nos montagnes des Pyrénées étaient couvertes autrefois de magnifiques forêts de sapins d’où l’on tirait une partie des bois nécessaires à notre Marine. — Ces forêts sont bien réduites aujourd’hui. Mais il en subsiste encore produisant de très gros arbres qui, comme ceux de nos belles sapinières des montagnes du Jura ou des Vosges, sont pour la région un élément important de richesse et de prospérité, la houille blanche, pour être utilisée, adaptée aux renouveler les provisions, ni que des millions moteurs industriels, n’exige pas que des millions d’hommes consument et exposent leur vie dans 68 MANUEL DE L’ARBRE un labeur pénible à 500 mètressousterre.—Triste les travaux destinés à la mettre en œuvre obligation imposée par nos sociétés à ces bûche- peuvent s’amortir par son emploi même. rons de la forêt morte ! Cette force immense, Depuis longtemps le montagnard connaissait LA GORGE D’ESCOULOUBRE-LES-BAINS (Aude) le secret de la force hydraulique. Depuis longtemps, il utilisait le petit ruisseau, la petite cascade rive- raine de son champ pour faire tourner la roue de son mouhn, élever et abaisser tour à tour la scie qui dé- bitait les planches et charpentes destinées à la construction ou à la réparation de sa de- meure, actionner les filatures qui tissaient la laine de ses trou- peaux. Mais, jusqu'ici, on n'avait pas songé. dans ces pays éloignés et isolés des grandes agglomérations humai- nes, à réunir tous ces ruisseaux, à rassembler toutes les eaux d’un vaste bassin monta- gneux derrière un gigantesque barrage, à les dériver par des canaux établis à grands frais, tantôt à ciel ouvert, tantôt en sou- terrain sur les pentes les plus escarpées, pour les conduire jusqu’à un promontoire d’où C’est la haute vallée de l'Aude. Elle recueille les eaux d'un vaste bassin encore boisé et les précipite dans elles puissent se déver- le défilé de St-Georges. Là, une chute de 100 mètres de hauteur permet à une usine électrique de distribuer force et lumière dans le département de l'Aude. ser en des chutes de 100, 200, 500 mètres de qui s'emmagasine dans les vallées derrière les hauteur, — d’associer, de réunir enfin tous les assises rocheuses de la montagne, est au con- filets d’eau épars dans la montagne en une traire gratuite, elle se renouvelle incessamment seule masse liquide et toutes les cascadelles en et les dépenses importantes que nécessitent une chute unique, de manière à produire une RS ve CUEILLE. & BOUCHE LA MONTAGNE DE LA MEIGE ET LE BOURG DE LA GRAVE (Hautes-Alpes). Les vastes glaciers du massif de la Meige approvisionnent d’eau et de force hydraulique les nombreuses usines et villages (papeteries, fabriques de produits chimiques, etc.), qui se suivent dans l’étroite et pittoresque gorge de la Romanche (Isère). Mais ses pentes inférieures, débo et ravinées, concourent aussi à à rendre les crues de cette rivière fort dangereuses, — Ze glacier était la richesse de cette vallée. — Le torrent en sera peut-être la ruine, 70 MANUEL DE L’ARBRE force énorme susceptible de faire marcher les innombrables rouages d’une grande industrie. Le développement des voies de communi- cation, et plus encore, les découvertes succes- sives faites par la science en vue de transformer la force en un courant électrique, et de la transporter au loin par l'intermédiaire de câbles aériens, faciitèrent l’évolution de l’in- dustrie vers les régions montagneuses, et déjà leurs vallées se peuplent d’usines fabriquant sur place ou faisant rayonner au loin dans les plaines voisines les éléments inutilisés de la force conquise. Ce développement industriel dans les vallées de montagne serait encore bien plus rapide, si les cours d’eau qui dévalent des versants n'avaient, par suite de la destruction des pelouses et des forêts,pris ce caractère torrentiel qui les rend souvent impropres à toute utili- sation et dangereux pour les installations riveraines. Il serait bien plus fécond aussi, et bien plus harmonique aux besoins locaux, Si l’on trouvait dans ces régions mêmes la quantité suffisante de matières premières susceptibles de transformation industrielle. Or, les deux productions essentielles de la montagne étant le bois et l’herbe, ce sont elles qui devraient avant tout bénéficier de la mise en œuvre des forces hydrauliques. Importantes scieries, papeteries à la pâte de bois, fromageries, beurreries et autres applications de l’industrie laitière, devraient pouvoir utiliser la majeure partie de ces forces. Malheureusement, dans la plupart de nos vallées des Alpes et des Pyrénées, les forêts existantes suffisent à peine à approvisionner de petites scieries pauvrement installées et outillées, et l’on ne peut se défendre d’un sentiment d’étonnement et de tristesse en voyant des wagons chargés de planches de sapin du Nord ou de pitch-pin d'Amérique remonter les rampes de leurs voies ferrées ! Ce n’est pas sans étonnement aussi, que l’on peut y voir parfois beurres et fromages arriver de la plaine voisine, tandis que dans la montagne dénudée ou privée de toute organisa- tion pastorale, les troupeaux produisent à peine le lait nécessaire à l’alimentation des habitants et des jeunes animaux. Une semblable situation ne saurait se main- tenir et le moment est venu pour les habitants des montagnes d’assurer, par la reconstitution de leurs pelouses et forêts, et par une bonne organisation pastorale, les profits importants que les réserves de force hydraulique produite par leurs cours d’eau permettent de réaliser. L’INVASION DES TOURISTES. Une autre invasion se produit actuellement dans la montagne, c’est l’invasion des touristes, des habitants des villes qui viennent chaque été y chercher l’air pur, le repos, la santé, la vue des beaux sites. Autrefois la montagne était dédaignée par eux. Elle était le pays des affreux rochers, des précipices, des eaux as- sourdissantes, des forêts sauvages, le pays des neiges, du froid et des violents orages. On ne l’abordait qu'avec un sentiment de crainte, d'angoisse. On se sentait comme oppressé, étouffé entre ces versants verts, ces murailles rocheuses qui bornent la vue des vallées. On n’aimait alors que les riantes campagnes cultivées, leurs moissons et leurs prés fleuris, les cours d’eau paresseux et limpides, les collines parées de pampres et de fruitiers en fleurs, les clairs ombrages peuplés d’oiseaux, les longues perspectives des routes à travers les forêts majestueuses, enfin les larges horizons de la plaine ensoleillée où l’œil s’égare à l'infini et où l’on sent toute la joie de vivre sous son atmos- phère constamment tiède et sereine. C’est l'écrivain philosophe, Jean-Jacques Rousseau, vers la fin du xvire siècle, et après lui, toute une pléiade de littérateurs et de poètes formés à son école, qui en France ont éveillé peu à peu le goût du publie pour la montagne, son admiration pour les tableaux, tour à tour gracieux, imposants ou sauvages, qu’elle offre à chaque pas au regard du voyageur. Puis, vers le milieu du siècle dernier, la construction des voies ferrées est venue déve- lopper le goût des voyages. On les dirigea tout LA RESTAURATION d’abord vers les plages où l’air salubre de la mer, le plaisir qu’elle donne aux baigneurs, et surtout la curiosité et l’admiration qu’ins- pirent ses grands spectacles, si souvent célébrés, attiraient dès l’abord les voyageurs, — puis vers DES MONTAGNES 71 fleuries entrecoupées de bois où paissent de grands troupeaux de vaches. Les Suisses d’ail- leurs avaient su de bonne heure comprendre tout le profit qui devait résulter pour eux de cette affluence de visiteurs. Ils s'étaient in- CASCADE DE FONTECOUVERTE. — Vallée de la Clarée ( Hautes-Alpes). Des bois de mélèze forment à l’entour de cette cascade un ravissant décor. — Il faut conserver avec un soin jaloux les arbres qui ornent et embellissent les sites naturels. Une loi récemment votée permet d'assurer cette protection (1), cette Suisse, qui la première avait su intéresser les écrivains, les littérateurs, les savants au spectacle de ses lacs, de ses glaciers, de ses sommets neigeux, comme aux tableaux gra- cieux de ses chalets rustiques et de ses pelouses géniés à leur procurer tout le confort et l’agré- ment qu'ils recherchent. Ils avaient multiplié (1) C’est la loi du 24 avril 1906 organisant la protection des sites et mo- numents naturels de caractère artistique. L'initisateur de cette loi est M. Ch. Beauquier, député du Doubs, président de la Société pour la pro- tection des Paysages et vice-président du Comité des Sites et Monuments pittoresques du Touring-Olub. 72 MANUEL DE L’ARBRE les moyens de communication, chemins de fer, tramways, bateaux à vapeur, routes, sentiers, créé partout des hôtels, organisé des apparte- ments, construit des villas, formé des guides, fait connaître et rendu accessibles leurs sites les plus remarquables. Ils s'étaient efforcés aussi et s’efforcent toujours de faire respecter leurs sites, de défendre et de protéger leurs montagnes par de bonnes législations ou des règlements strictement appliqués. Ces efforts n’ont point été vains. Aujourd’hui la Suisse, avec les quatre cinquièmes de son sol impropre à la culture, est un des pays les plus riches et les plus prospères qui existent sur la terre. C’est à plus d’un million que l’on estime le nombre de voyageurs qui, en été, viennent le visiter, et à plus de deux cents millions de francs la valeur de la gerbe d’or que ses habitants moissonnent chaque année en offrant sim- plement aux étrangers le spectacle de leurs montagnes. — Gerbe infiniment précieuse, qui se renouvellera tant que le pays gardera sa beauté, la parure que lui donnent les pelouses, les bois, les eaux limpides de ses lacs et de ses cascades, les neiges de ses sommets. Mais les plages du bord de la mer, les stations de villégiature établies en Suisse ne suffisent plus maintenant à contenir le flot des voyageurs de plus en plus nombreux qui chaque été se pressent aux embarcadères des grandes villes; puis le Touring-Club de France est venu mener son ardente campagne en faveur des beautés naturelles de notre pays, et c’est maintenant vers nos sites de France, vers nos montagnes de Savoie, du Dauphiné, du Briançonnais, du Massif central, des Pyrénées, du Jura et des Vosges que se dirigent les touristes. RÉCIT. — Paris en vacances. Paris, dès que le gai soleil a fait fleurir les thyrses blancs des marronniers, qui ombragent ses grandes avenues,dès qu’apparaissent dans ses parcs et ses squares la belle verdure des pelouses et la parure éclatante des corheilles de tulipes, jacinthes, primevères, myosolis, — les fleurs du printemps, — dès que la feuillée nais- sante projette son ombre légère sur les allées de sable soigneusement ratissées, où s’ébattent à la fois les enfants aux robes claires et les moineaux piailleurs, — Paris commence à avoir la nostalgie de la campagne el des grands espaces verts el ensoleillés. — Chaque li. manche les trains bondés de voyageurs emportent vers la banlieue une foule avide de respirer les parfums prin- taniers, l’air des champs et des bois. Puis vient la saison chaude; les ombrages des avenues se flétrissent ; les rues s’emplissent de poussière, l'atmosphère est étouffante et viciée entre ces longues rangées de murs blancs qui renvoient le soleil et emprisonnent l'air. Alors c’est la fièvre du départ, du voyage lointain qui s'empare de la population parisienne. Les enfants s’agi- tent dans les écoles, les grandes personnes supportent impatiemment leur labeur quotidien, tous, travailleurs ou oisifs, se sentent fatigués, épuisés, par le surmenage cérébral ou physique, par cette existence agitée que leur imposent le travail ou le plaisir. Alors on commence à voir dans toutes les rues des voitures chargées de malles se diriger vers les gares; puis l’activité et la circulation, même dans les quartiers populeux, se ralentissent, étage par étage les fenêtres des maisons se ferment et montrent pendant de longues semaines leurs persiennes constamment closes. Un grand nombre de rues, avenues deviennent presque désertes. Paris prend ses vacances. Heureuses alors les montagnes qui ont su conserver des pelouses et des bois, des sources et des cascades limpides, des sites naturels inviolés. Heureuses aussi celles qui ont su s'organiser, s’aménager pour recevoir convenablement et hospitaliser ce monde de citadins qui en échange leur apportent une bourse bien garnie, voire même leurs modestes économies ! C’est vers elles que l’on se dirigera de préférence. Ce sont elles qui béné- ficieront à leur tour de ce superflu de bien-être ou de cette épargne patiemment amassée pendant la mauvaise saison dans ces fourmillières des grandes cités! CLUB ALPIN ET TOURING-CLUB. De grandes associations se sont formées en France, pour faciliter ce mouvement d’émi- gration des villes vers les campagnes pendant les mois de l’été. Ce fut d’abord le Club Alpin fondé par Cézanne en 1874. Jaloux des lauriers remportés par les alpinistes étrangers dans l’exploration des montagnes et dans la conquête des hautes cimes, se souvenant aussi que le plus haut sommet de l’Europe, le mont Blanc (4.810 mètres), appartenait à la France et par droit historique et par droit de conquête, le premier piolet planté sur sa cime ayant été celui du guide savoyard Jacques Balmat, — le Club Alpin sut lancer toute une pléiade de jeunes et hardis explorateurs à l’assaut LE SAUT DU DOUBS, Un beau sie est souvent ia fortune d'un paus. 74 MANUEL DE L’ARBRE de nos grands sommets des Alpes et Pyrénées et à la découverte des glaciers et sites grandioses, jusque-là inconnus, que recèlent leurs hautes vallées. Des compagnies de guides furent formées, quelques gîtes ou refuges créés, et peu à peu la pénétration du touriste se fit jusqu’au cœur des grands massifs. Le Touring-Club fit plus et mieux en géné- ralisant l’œuvre du Club Alpin, en ladaptant à toutes les contrées de la France, en ouvrant et améliorant les routes, les modes de transport, les hôtels, en dressant l'inventaire général de tous ses sites et monuments pittoresques, en propageant dans tous les centres urbains le goût des voyages, en éduquant jeunes et vieux QUESTIONNAIRE 4° Quels ont été les principes formulés par l'ingénieur Surell pour empêcher la formation des torrents et pour en arrêter les dégâts ? — Expliquer le rôle de la végé- tation, — des barrages, clayonnages et fascinages pour la correction des torrents etla fixation des berges des ravins. 20 Quels ont été les résultats des travaux de restauration entrepris par l'Administration des Eaux et Forêts. Pourquoi il est nécessaire de les compléter en amélio- rant les conditions de l'exploitation pastorale ? 30 Quels sont les trois principes sur lesquels repose l'aménagement pastoral. Comment peut-on en faire l'application aux pâturages communaux ? 4° Quels seraient les avantages de lasuppression des trou- peaux transhumants ? 5° Pourquoi est-il avantageux de substituer le gros bétail aux moutons et aux chèvres dans l'exploitation des montagnes et de développer L'industrie laitière ? Qu'est-ce qu'une fruitière? dans la pratique des nouveaux modes de loco- motion : bicyclette, motocycle, automobile, canot automobile, que ies découvertes nouvelles mettaient à leur disposition. Vous vous souviendrez, enfants, du nom de cette association bienfaisante qui, en moins de 16 ans, a su grouper plus de cent mille adhérents. C’est elle qui m’a inspiré ce petit livre en vue de vous faire aimer et respecter les arbres, les bois et les gazons des pelouses pastorales, de vous montrer combien ils sont bienfaisants à l’homme des campagnes, et notamment comment ils peuvent attirer, dériver vers lui une part de cette richesse que le commerce et l’industrie accumulent dans les villes. pu LIVRE IV. 60 Quelles seraient les conséquences d'une meilleure exploitation pastorale au point de vue du développe- ment des forêts? Expliquer comment celles-ci peuvent devenir des sources de richesse et de prospérité. 70 Qu'est-ce que la houille blanche? Expliquer comment l’industrie tend à envahir les vallées de montagnes.— Comment les habitants de ces régions pourraient-ils participer aux profits résultant de l'exploitation des forces hydrauliques ? 8° Expliquer le développement du tourisme dans les régions montagneuses? le rôle exercé par le Club Alpin, et à un degré plus général par le Touring-Club, pour favoriser ce développement. Montrer comment les habitants de ces régions ont in- térêt à conserver leurs pelouses, forêts et tous les éléments de beauté de leurs paysages. LES RUINES DE TIMGAD ( Algérie à. in désert, Des fouilles, Vers 18475, l'emplacement de Timgnad était l'époque romaine. Dans cette région, où quelques moutons et dés eaux courantes | En détruisant les forêts qui couvralient les montagne RÉSUMÉ GENERAL ET APPLICATIONS PRATIQUES LA LOI DE SOLIDARITÉ MONDIALE, J'espère que de ce petit livre il résultera pour vous, jeunes lecteurs, cette impression générale : que les phénomènes naturels ont entre eux des + 138 ‘ « Le sn ga - : ein à | ava autrefous es …. des à + l'A L . : : à us Le a + LIVRE à la manifestation normale et régulière de l'u d'eux se répercute sur les autres el a, par suite pour résultat de compromettre l'harmome gét rale qui doit régner à la surface d tre terre La régularité du climat, celle d gime des pluies, du débit des sources, du régime des relations très étroites et que tout trouble apporté 76 cours d’eau, peuvent être gravement influencées par la destruction des forêts. — Bois et pelouses de montagnes sont également solidaires et la destruction des uns entraine la dénudation et le ravinement des autres. La ruine des mon- tagnes appelle à son tour la dévastation et la ruine des plaines. L'homme enfin est solidaire de ces transformations. Il en est la victime. Ses cultures, son bien-être, sa santé, son exis- tence même sont compromis ou menacés par elles. — Chateaubriand a dit : « Les forêts précè- dent les peuples. Les déserts les suivent. » l! On trouve partout dans le monde la véri- fication de cette parole. Pourquoi tant de civi- lisations disparues ? tant de pays autrefois richement peuplés et aujourd’hui déserts ?— Le fléau de la guerre peut passer, accumuler les ruines, détruire les récoltes. Si le sol a conservé des éléments de vie et de richesse, de nouvelles cités surgiront pour remplacer les cités détruites. — Mais que peut devenir l’homme, si le sol a été ruiné, stérilisé par ses abus d’exploitation, par sa négligence à observer ce grand principe de l'Aménagement des richesses naturelles qui seul peut assurer la constance de leurs productions ? Privé peu à peu de tout ce qui concourt à l’en- tretien de sa vie, de tout ce qui lui donnait le bien-être ou la sécurité, il n’a plus qu’à aban- donner la région devenue inhospitalière et à chercher sous d’autres cieux de nouveaux moyens d’existence. Or, c’est là, jeunes enfants, l’histoire abrégée de bien des contrées de la terre et l’homme qui, comme l’a dit Surell, devait y exercer une souveraineté bienfaisante, assurant autour de lui l’ordre et l'harmonie — n’en a été trop sou- vent que le conquérant malfaisant et dévas- tateur ! Sans aller au loin dans les vastes plaines ou plateaux de l’Asie, de la Chine et de la Mon- golie, du Turkestan, de la Perse, des Grandes Indes, de l'Asie Mineure, de la Syrie et de la Palestine — sans aller, plus près de nous, dans PAfrique du Nord, vous chercher les noms de cités enfouies sous le sable des déserts ou MANUEL DE L’ARBRE sous le limon d’un fleuve torrentiel, — il me RENE 3 Rene suffira d’éveiller votre attention sur les trans formations qui se sont accomplies— tout autour de nous — dans notre pays de France. À NOS MONTAGNES. FORMULE DE RESTAURATION. Nous avons, nous aussi, dans nos Alpes, dans nos Pyrénées, dans nos Cévennes, et dans nos . autres régions de montagnes et de collines, bien des versants dépouillés de leurs bois, de leurs pelouses, et parfois déchirés par les ravins. — Nous avons des torrents, des fleuves torren- tiels — et des villages et des grandes villes menacés ! Est-il digne d’un peuple civilisé, réputé par son génie d'entreprise et son esprit de solida- rité, de rester indifférent devant le danger qui menace certaines régions de son territoire ? — alors surtout que la formule de guérison est si simple : « Reboiïser certains versants — Mettre en dé- « fens quelques autres — Arméitorer les conditions « d’une exploitation pastorale qui actuellement « provoque la ruine des montagnes, en même «temps qu’elle engendre la musère de leurs habi- Ctants. — Moyennant quoi, la nature se chargera « d'achever l’œuvre de restauration. » NOS DÉSERTS. Nous avons, nous aussi, nos déserts : ces grands plateaux des Causses où sur le large horizon on ne voit ni un arbre, ni une toufle d'herbes émerger des pierres de la surface, — où la population ne dépasse pas 10 habitants par kilomètre carré, — cette région des Causses que tout récemment un de nos écrivains, M. P. Leroy-Beaulieu comparait aux plateaux rocheux du Sahara ! — Et combien de déserts plus petits sur tous nos plateaux calcaires de la Franche- Comté, de la Côte-d'Or, du pays de Langres, de. la Champagne et de la Lorraine, du Berry, de la Dordogne, des Alpes dauphinoises et proven- çales ! — offrant de semblables aspects arides et dénudés ! 1 "à RESUME GENERAL ET APPLICATIONS PRATIQUES 77 LA RESTAURATION ques lambeaux. Ils avaient parfois aussi des RD PES PATES RELCMRES cultures. Des clapiers, des vestiges de murs en Or, ces déserts avaient autrefois des bois, rappellent l’existence. des pelouses. Çà et là, il en subsiste encore quel- Maintenant ils ne sont plus que maigres LE RÔLE DE L’ARBRE DANS LA MONTAGNE. La Vallée de Cauterets. L'arbre fixe, consolide les versants les plus escarpés — et aussi les éboulis pierreux, les déjections de torrents, les moraines glaciaires, tous ces cahos de débris qui s'accumulent dans les hautes vallées. Ii est la richesse du montagnard : il lui donne le bois nécessaire à la construction de ses chalets, à l’approvisionnement de son foyer. — Il alimente ses scieries, lui procure des salaires dans la saison morte. — Enfin, en maintenant fraîches et fertiles ses pelouses pastorales, il lui permet d’entretenir ces grands troupeaux de vaches laitières qui, bien mieux que les mnoutons ou les chèvres, si destructeurs, sont l'élément essentiel de prospérité pour ses pauvres cultures. 78 MANUEL DE L’ARBRE pâtis (1) dont les moutons achèvent la ruine. Comment les remettre en valeur? Que leur manque-t-il pour recouvrer leur parure d’au- trefois ? — De la terre végétale, de l’humus, et aussi de la fraicheur. L’arbre peut leur rendre l’un et l’autre. Que l’on reboise les crêtes, mamelons, que l’on découpe et recoupe ces vastes plateaux par de larges rideaux forestiers de pin, d’épicéa, — de pin noir d'Autriche, ce grand régénérateur des ter- rains calcaires — et par de fréquentes haies feuillues où le chêne, le hêtre, l’érable, le noyer s’associeront à des buissons d’aubépine et de coudrier. — Et en combinant ces travaux avec des MISES EN RÉSERVE (2) localisées et tem- poraires, on verra le gazon se reformer peu à peu dans les intervalles — le gazon, la pelouse continue, la belle et bonne pâture se mainte- nant verte et fraiche pendant toute la saison de l’été — la richesse du paysan. NOS STEPPES. Nous avons aussi, en France, cette autre forme du désert : le steppe — le steppe de bruyères, d’ajoncs, de genêts, de fougères, etc. Il couvre plus d’un million d’hectares dans le Plateau central — presque toute l’épine dorsale de la France, depuis la Montagne Noire, les Cé- vennes, en passant par les monts de la Marge- ride, du Vivarais, du Lyonnais, du Forez, de la Madeleine, du Beaujolais, jusqu'aux collines du Morvan. Il rayonne sur les 150.000 hectares du plateau de Millevaches. Il déborde des versants pyrénéens par les plateaux de Lannemezan, de Ger, et vient jusqu’au milieu des plaines fertiles de la Gascogne étaler sa misère. — On retrouve ces landes, très réduites, il est vrai, sur les sommets et quelques versants des Vosges, — (1) Pâtis : Pâturage inculte, presque improductif. (2) La mise en réserve, ou mise en défens temporaire, peut à elle seule — sans frais — assurer le regazonnement naturel des terrains ainsi ombragés par des haies d'arbres. Mais il est évident que leur restauration pourrait être grandement accélérée par quelques travaux culturaux, tels que semis de graines fourragères, épandage d’engrais appropriés, etc. dans les montagnes des Maures et de l’Este- rel, — très étendues encore, bien que très mor- celées, par suite de partages entre les habitants, dans notre Péninsule de Bretagne. LA RESTAURATION DES PLATEAUX GRANITIQUES. Les populations sont parfois très attachées à ces landes. Elles leur servent de pâturages, — fournissent . des litières, — du combustible (fagots de genêt et d’ajonc). — Mauvais pâtu- rages ! — Mauvaise litière ! — Médiocre et coûteux combustible! Chaquechoseasa destination naturelle !—T faut de l'herbe au bétail et non des plantes semi-ligneuses.—Ilfaut p'ourlalitière des débris végétaux (pailles, feuillages) de décompo- sition facile ! — I] faut du bois, du charbon, pour l’alimentation du foyer domestique ! — Tout cela, le steppe ou la lande pourrait le donner à profusion : ici, — sur quelques points restreints et bien choisis, à proximité des villages — par le défrichement et la culture ; — là, soit sur pres- que tcute l’étendue des landes de montagnes, par leur transformation en pelouses et en bois. Bien que ces steppes se rencontrent surtout sur des terrains granitiques et sablonneux, naturellement pauvres et prompts à se dessé- cher, ils ne sont ni le produit exclusif et néces- saire du sol, — ni la conséquence du climat. Car il fut un temps où ils étaient aussi cou- verts de bois ou d’herbages ; — et chaque jour, on peut voir de nouvelles landes se former par la destruction des forêts, — une mauvaise exploitation pastorale — ou l’abandon des cultures. — Jls sont surtout le fait de l’homme, de la négligence humaine. C’est encore par des reboisements et par l'amélioration pastorale qu’on pourra rétablir sur ces terrains une végétation productive. Eux aussi manquent de la fraicheur nécessaire aux bonnes plantes fourragères. — Ils sont — sans défense — exposés au soleil et aux vents des- séchants. — Il faut leur rendre des abris, des om- brages. Il faut encore découper et recouper ces terrains par de larges rideaux forestiers, — ici. ‘ de pins sylvestres, de bouleaux, —là, d’épicéas, _ de sapins, de mélèzes, — parfois de hêtres, de frênes — parfois encore de chênes et de châtai- gniers. — Puis, dans les intervalles de ces bor- dures boisées, — d’autant plus rapprochées que le terrain craindra davantage l’asséche- ment, — il faut faire la guerre à la bruyère, aux ajoncs, aux genêts, à toutes ces plantes néfastes qui occupent la place des bonnes plantes four- ragères. — Il faut les faire disparaitre par des extractions, des écobuages (1), par des fauchages répétés ; des irrigations ou des drainages peuvent également en faciliter la destruction. — Elles ont formé à la surface du sol un. terreau acide, in- complet, très défavorable aux bonnes plantes herbacées. Il faut amender ce sol, le compléter, l’enrichir par des épandages de chaux, de cendres, de phosphates,— par des engrais animaux,— par le parcage (2), enfin par une muse en réserve tem- poraire qui pourra être suivie ensuite d’un pâturage intensif. — Ainsi on reconstituera peu à peu sur ces terrains des forêts et des pelouses pastorales et parfois même des cultures produc- tives. NOS MARAIS. LEUR TRANSFORMATION. EXEMPLE DE LA SOLOGNE. Les steppes marécageux existent aussi sur bien des points de notre territoire. Ils y occupent environ 350.000 hectares. On sait qu'il est possible d’en faire des terrains très productifs, par la double opération de l’as- sanissement et de la plantation. Je vous ai raconté l’histoire des Landes de la Gascogne. Au centre de la France, la Sologne nous a fourni un exemple analogue. Elle était aussi un pays de landes et de marais, de misère et de fièvre. . Aujourd’hui, avecses pineraies de pin maritime et pin sylvestre qui couvrent environ 80.000 (1) Ecobuage : Opération agricole qui consiste à brûler les mottes de gazon obtenues par un défrichement à la houe ou par un labour, et mises en tas. (2) Parcage : Opération qui consiste à faire séjourner un troupeau dans une enceinte fermée par des claies, où il laisse d’abondantes fumures. (FES RESUME GÉNÉRAL ET APPLICATIONS PRATIQUES 79 hectares, ses prairies et ses champs assainis, puis améliorés par des amendements calcaires, elle est devenue l’une des régions les plus saines et les plus prospères de la France (1). Mais com- bien de petits steppes marécageux pourraient subir des transformations semblables par le creusement de quelques fossés ou canaux et la plantation de pins, d’épicéas, d’aunes et de peupliers ! NOS MAQUIS. LEUR MISE EN VALEUR. Enfin nous avons en France — et non seu- lement dans notre département de la Corse — mais un peu partout des maquis (2), des fourrés de broussailles, ou de maigres taillis, trop fré- quemment exploités ou continuellement pâturés par les moutons ou les chèvres et qui ne renfer- ment plus que des morts-bois : coudriers, aubé- pines, pruniers épineux, buis, genévriers, etc., ou des cépées (3) misérables de chêne-vert, chêne, hêtre. charme. Ces terrains ne produisent guère que des rames de pois ou de haricots et des fagots de menu bois payant à peine les frais de façon. — Ils pourraient bien souvent rede- venir de belles futaies résineuses ou feuillues, rapportant 50 francs et plus par hectare et par an.- Des semis ou plantations, et parfois même une simple mise en réserve, suffisamment pro- longée, y interdisant à la fois la hache et le troupeau, pourront produire ce résultat. LA RÉALISATION DU PROGRAMME. MOYENS D'EXÉCUTION. Voilà, jeunes enfants, un beau et vaste pro- gramme à réaliser, une œuvre féconde et patriotique à accomplir, puisqu'elle doit avoir pour résultat d’embellir nos campagnes, d’en (1) De 1830 à 1896, la population de la Sologne s’est aug- mentée de 50 p. 100. Le nombre des décès qui, en 1859, était de 28,3 pour 1.000 n’est plus maintenant que de 15,7. (2) Maquis, nom sous lequel on désigne en Corse les fourrés de broussailles qui servent de pâturage aux chèvres et aux moutons, et parfois de refuge aux criminels poursuivis par la vindicte des lois. (3) Cépée: Ensemble de brins ou rejets se développant sur la souche d’un arbre coupé. 80 MANUEL DE L’ARBRE développer la prospérité, et d’y retenir une population qui n’y trouve plus ni assez de bien- être, ni assez de travail. — C’est une œuvre de longue haleine, aussi, car elle pourrait s’ap- pliquer à plus de 7 à 8 millions d’hectares, soit au 1/7 de la superficie du territoire français. — Et pourtant, un siècle, le siècle qui commence, suffirait à l’accomplir, si dès maintenant l’on se mettait au travail, — si dans chaque com- mune, dans chaque village, des chantiers s’or- ganisaient pour effacer peu à peu toutes ces taches déshonorantes de notre territoire, pour en faire disparaitre les terres incultes. Chaque année quelques hectares du communal seraient mis en réserve et soumis aux travaux jusqu à leur entière restauration. — Chaque année, les particuliers emploieraient de leur côté leurs journées perdues à la mise en valeur pastorale ou forestière des champs qu'ils ne peuvent plus utilement cultiver, et qui ne demanderaient plus dès lors que des travaux d'entretien peu umportants, périodiquement renouvelés. — Des projets de restauration, des aménagements pastoraux ou forestiers préparés par des agents techniques mis à la disposition des communes et même des particuliers, régleraient avec méthode la marche de ces travaux et en con- solideraient les résultats. — L’Etat, les dépar- tements, nos sociétés forestières et agricoles, — le Touring-Club enfin, si dévoué aux intérêts généraux du pays, encourageraient par des subventions ou des récompenses les premiers efforts. — Pour le surplus des dépenses, on aurait recours aux institutions financières qui ont déjà pour mission de faire crédit à la terre : au Crédit Foncier, aux caisses régionales de crédit agricole qui pourront, en vertu d’une loi récemment votée (1), faire des prêts longue échéance — et aussi, si on le voulait bien, à toutes ces caisses d’épargne, de secours mutuels, caisse nationale des retraites, ali- mentées en grande partie par l’épargne du paysan, et dont les fonds, tirés de la terre, (1) Loi sur les Avances aux Sociétés coopératives agricoles présentée par M. Ruau, ministre de l’agriculture. — Nous en donnons le résumé dans l’Appendice (page 95). féconder et en accroître les profits. . LE RÔLE DE L'ÉCOLE ET DE L INSTITUTEUR. | Mais cette œuvre dépend avant tout GE. l’assentiment, de la volonté des populations à l’école, par l’instituteur (1) rurales. C’est donc et par l'enfant, qu’elle peut seulement se préparer. Et déjà ceux-ci se sont mis à l’œuvre. Déjà quelques leçons de sylviculture et d’améliora- ration pastorale sont données dans nos établis- sements d'instruction primaire. Ce petit livre a pour principal objet d’aider à la généralisa- tion de cet enseignement. 5 SOCIÉTÉS SCOLAIRES PASTORALES FORESTIÈRES. Dans un certain nombre de nos départe- ments, on a fait mieux encore, on a voulu joindre l’exemple à la leçon, l’action à l’étude, on a fondé dans les écoles les socrétés pastorales- forestières. Elles ont pris naissance en Franche- Comté par l’initiative de M. Mayet, instituteur à Avignon-lès-Saint-Claude (Jura) — et de là se sont répandues — au nombre de 200 environ — dans un certain nombre de départements appartenant pour la plupart à la région de l'Est. — Ces petites associations n’ont pas seulement pour but de développer parmi leurs membres l'amour des arbres et des notions de sylviculture et d'amélioration pastorale. Elles exécutent elles-mêmes des travaux sous la direction de leurs instituteurs et déjà elles ont remis en valeur plusieurs centaines d’hectares et planté plus de 2 millions de plants forestiers sur les terrains communaux. Enfin, en créant sur des terrains mis à leur disposition par les communes et soigneusement clôturés, des places d'essai où seraient expéri- mentées diverses formules de restauration, elles pourraient déterminer beaucoup de communes (1) La haute importance du rôle de l’instituteur en ces questions a été ainsi définie : « Le maître dont l'initiative et « le dévouement auront fait émerger du milieu social qu'il « doit cultiver, quelques individualités avisées, prévoyantes, « industrieuses, et largement ouvertes aux progrès ruraux, « sera pour sa vallée ce que Chambrelent fut pour les Landes « un sauveur. » L. A. FABR&. i RESUME GÉNÉRAL ET APPLICATIONS PRATIQUES 81 et de particuliers à exécuter en grand ce qu’elles auraient fait elles-mêmes en petit, et ainsi faire rayonner tout autour d’elles le Progrès fores- ter et pastoral. LES MUTUELLES SCOLAIRES FORESTIÈRES (1). Dans la Loire et dans les Vosges, ces a$so- ciations ont pris une forme particulièrement intéressante, et elles se sont greffées sur les mu- tuelles scolaires dites petites Cavé, du nom de l’homme bienfaisant qui s’en est fait l’ardent promoteur. — Dès lors, leurs travaux de plan- tations, exécutés sur des ter- rains acquis par elles, grâce à de généreux donateurs, ou qui leur sont concédés par des communes, ont pour objet de créer des peuplements forestiers dont l’exploitation servira plus tard à grossir leurs fonds de retraite. LA CAPITALISATION FORESTIÈRE. De même qu'il suffit d’une bien petite graine pour produire un très grand arbre, de même aussi ces organisations enfan- tines pourraient devenir l’em- bryon d’un grand progrès social. Autrefois, les économies si péniblement acquises par le travailleur des champs s’engouffraient ‘dans le bas de laine et celui-ci se déguisait sous les piles de linge de la vieille armoire en bois de chêne. — Aujourd’hui, on ne laisse plus l'argent dormir ainsi. On le confie aux caisses de l'Etat, aux grandes compagnies financières, industrielles, ou commerciales, et le petit trésor s’accroit chaque jour de l'intérêt produit par ces placements. C’est la capitalisation finan- (1) L'initiative de la création des mutuelles scolaires forestières appartient: pour la Loire,à M. le sénateur Audiffred, membre du Comité des Sites et Monuments pittoresques du Touring-Club ; pour les Vosges, à M. Mignot, instituteur à Quieux-le-Saulcy. cière. Or, l’arbre aussi s’accroit constamment. Chaque année, il élargit dans le ciel le cercle de son feuillage. Chaque année, un cylindre de bois recouvre les cylindres précédemment formés. Et dans une forêt, tous ces accroissements, s’ajoutant l’un à l’autre, composent l'intérêt du capital ligneux et concourent à accroître celui-ci. C’est la capitalisation forestière. Cette capitalisation a ceci de particulière- ment avantageux dans les jeunes bois, c’est qu’elle se fait très vite. Il suffit d’une, deux, trois ou quatre années pour qu’un très jeune arbre LA MUTUELLE SCOLAIRE FORESTIÈRE DE QUIEUX-LE-SAULCY ET SA PÉPINIÈRE. ait doublé son volume. Cela veut dire qu’il s’accroit au taux de 100-50-33 ou 25 p. 100. — Ce taux d’accroissement du volume diminue, il est vrai, constamment avec l’âge. Mais à 20 ans, il peut atteindre encore 20 p. 100, — à 40 ans, 8 p. 100.— à 50 ans, 4 p. 100. — D'autre part, la valeur du bois au mêtre cube, croît — surtout dans la jeunesse — d’une façon très sensible avec le grossissement des tiges. Le mètre cube dans l’arbre de 1 m. 20 de tour vaut souvent deux fois plus que dans celui de0 m.40.— Ces deux causes agissent ensemble pour accroître rapidement la valeur des jeunes massifs fores- 82 MANUEL DE L’ARBRE tiers. Elles expliquent les profits financiers, parfois merveilleux, que l’on peut tirer de la plantation forestière. LE NOUVEAU RÔLE SOCIAL DE L’ARBRE. Elles expliquent aussi le nouveau rôle social de l’arbre dans nos sociétés modernes. Les forêts en croissance sont de véritables caisses d’épargne où le père prévoyant peut placer ses économies. — Qu’à la naissance de chacun de ses enfants il achète, au prix de 50 à 200 francs l’un, 5 hectares d’une terre inculte ; qu’il affecte à leur plantation quelques journées perdues de ses ouvriers et de lui-même, et voici qu’au bout de 25, 30 ans, ces terrains boisés ont acquis au total une valeur de 5.000 à 10.000 francs. — Ils seront la dot de ses filles ou l’avance indis- pensable donnée à ceux de ses enfants qui ne pourront continuer l’exploitation paternelle. — Peut-être lui épargneront-ils la pensée dou- loureuse du partage et du morcellement du domaine familial, quand la mort aura fermé ses yeux ! — C’est pour lui-même enfin une réserve précieuse, où, dans le cas d’un événe- ment malheureux, d’un revers de fortune, il pourrait trouver la planche du salut. LA FORÊT RETRAITE. Mais c’est comme placement en vue d’une retraite pour la vieillesse, que la plantation forestière ou la restauration d’une forêt ruinée pourraient jouer un rôle particulièrement bien- faisant. C’est, en effet, vers l’âge de 50 à 60 ans — l’âge de la retraite — que la plupart des plan- tations forestières peuvent être exploitées le plus avantageusement. Et voilà pourquoi je disais que les petites sociétés mutuelles scolaires forestières pourraient être l’embryon d’un grand progrès social dans nos campagnes. DERNIER RÉCIT. — Une Délibération au Conseil municipal des Essarts. Il y eut, tout récemment, une séance orageuse au Conseil municipal de la commune des Essarts. On vint à parler du projet de loi sur les retraites ouvrières. — « Comme toujours, disait l’un, ce seront les intérêts des paysans qui seront sacrifiés. » — « Mais non, disait l'autre, puisqu'on a l'intention d’étendre aux tra- vailleurs de la terre le bénéfice de la loi. » — « Oui-dà, je le veux bien, mais qui paiera l’énorme somme nécessaire pour procurer une retraite de 360 francs à une dizaine de millions de Français? On en demandera une grande partie à l'impôt, et c’est encore nous qui paierons !» Un jeune conseiller émit un avis ingénieux : « Il serait bien ‘facile, dit-il, d'assurer une retraite à beaucoup de nos paysans de France, sans qu’il ên coûtât grand’chose à la grande bourse commune, à la Caisse de l'Etat. — Nous avons là, tout à l’entour du village, 300 hectares de pâturages communaux. Si l’on en couvrait une partie avec des plantations forestières, celles-ci prendraient de la valeur d’année en année, et au bout de cinquante ans, les produits de leurs exploitations pourraient être mis en vente et employés à créer des pensions pour les vieillards de la commune. » Plusieurs conseillers se levèrent furieusement et frappant du poing sur la table : « Que deviendront, dirent-ils, nos bestiaux si on boise les pâturages ?» — «Vous savez fort bien. reprit le jeune homme, que la majeure partie de nos pâturages est actuellement couverte de buissons ou d'herbes sauvages impropres à la nourritüre des ani- maux. Si,par des travaux d'amélioration pastorale pour- suivis d'année en année, on remettait en bonne produc- tion herbagère la moitié de nos terrains — la partie la plus fertile — nos troupeaux seraient mieux nourris qu'ils ne le sont actuellement sur toute leur surface, le pâturage mieux fumé par un pacage plus intensif s’améliorerait et s’entretiendrait plus facilement en bon état. Et alors, nous pourrions boiser le surplus, soit les pentes, les crêtes, les mamelons, les surfaces embroussail- lées, et ces boisements contribueraient encore, par leurs ombrages, leurs abris, à maintenir la pâture plus fraîche plus fertile et plus productive. » — Ces dernières raisons frappèrent le Conseil municipal qui finalement décida qu'une commission serait nommée pour étudier la question. La commission se mit à l’œuvre, visita tous les ter. rains communaux, prit des renseignements à la ville voisine, auprès du président d’une société de secours mutuels, d'un agent forestier, et soumit au Conseil le projet suivant : « Notre commune a actuellement une population de 200 habitants. D’après les registres de l’état civil, le chiffre des naissances est de 5 en moyenne chaque année — l'effectif d’une escouade. La mort, malheureuse- ment, en éclaircira les rangs. Combien survivront à l’âge de 60 ans? — Les tables de survie indiquent la proportion de 2 pour 5. Si donc l’on voulait faire béné- ficier tous les enfants récemment nés ou à naître dans notre village d’une retraite à l’âge de 60 ans, il faudrait constituer le capital nécessaire pour fournir une rente viagère de 360 francs à chacun des deux survivants. Or d’après les tarifs de la Caisse nationale des retraites, il RÉSUMÉ GÊNÉRAL ET APPLICATIONS PRATIQUES 83 faudrait leur constituer à l’âge de 60 ans un capital de 3.867 francs. Nous avons cherché à déterminer la surface qu’il con- viendrait de boiser chaque année pour obtenir cerésultat. L'agent forestier venu sur place pour étudier les terrains à planter nous a fait connaître que, d’après son étude et les comparaisons qu’il avait pu faire avec des forêts de situation analogue, récemment exploitées, une planta- tion de pin sur 1 hectare pourrait donner le rendement suivant : Réalisation du peuplement principal entre RE LR 47 eo autos d'a 5.000 fr. Produit des éclaircies faites tous les 5 à 6 ans à dater de l’âge de 25 ans et capitalisé à la Caisse des Dépôts et Consignations...... 3.332 fr. ph 7: MR 8.332 fr. — Ainsi le reboisement de 1 hectare suffirait très largement à produire la somme nécessaire pour fournir à chacun de nos survivants leur retraite de 360 francs. La même opération de boisement de 1 hectare devrait naturellement se renouveler chaque année pendant 60 ans. On aura dès lors 60 hectares reboisés, et chacun de ceux-ci étant parvenu à l’âge de 60 ans sera exploité et immédiatement replanté. Donc le reboisement d’une surface de 60 hectares à raison de 1 hectare par an pourrait suffire à assurer indéfiniment à tous les enfants du village récemment nés ou à naître une retraite de 360 francs à l’âge de 60 ans. Quantaux moyensd’exécution, ilspourraient être assu- rés de la façon suivante : La société de secours mutuels et de retraites instituée à l’école serait élargie et s’étendrait à tous les habitants de la commune. — La commune mettrait à sa disposition, sous forme de concession ou de location à long terme, indéfiniment renouvelables, les 60 hectares de terrain nécessaire. Ce terrain serait dé- limité et divisé par des bornes en 60 parcelles égales. L’Administration forestière fournirait gratuitement les plants nécessaires à l'exécution des premiers travaux ainsi que la graine à ensemencer dans une pépinière qui serait établie pour approvisionner dans la suite le chan- tier des planteurs. Celui-ci serait formé par les enfants de lécole assistés des adultes et serait surveillé par linstituteur ou le garde forestier, sous la direction de l'agent forestier local qui donnerait toutes les instruc- tions utiles au succès. — Enfin la forét-retraite serait placée sous la régie de l'Administration forestière qui en assurerait la surveillance et l'entretien et réglerait les exploitations conformément à sa destination. » Mon récit s’arrête là, jeunes lecteurs, car le Conseil municipal des Essarts n’a pas encore statué sur les conclusions de ce rapport ; mais il suffit à montrer comment, avec le concours de tous et des sacrifices presque insignifiants soit pour l’État, soit pour les communes, soit pour les habitants mutualistes, pourrait s’édifier peu à peu dans beaucoup de nos petites collectivités rurales, propriétaires de vastes terrains incultes, la forét-retraite. Progrès énorme pour nos campagnes ! — Progrès très aisément réalisable dans beaucoup de nos régions de collines, de plateaux et de mon- tagnes. — Progrès populaire, s’il en fut ! — Le paysan verrait du seuil de sa porte le rideau forestier s'étendre d’année en année sur le versant aride. Il verrait chaque printemps verdir les feuilles nouvelles et,sentant ses forces faibhir, il dirait : « Qu'importe ! La sève gonfle de nouveau l'écorce de nos arbres. Ils vont grossir. Ils vont travailler pour nous. » — Puis, rappelant ses souvenirs : « Ces arbres, je les ai plantés quand j'étais écolier. Ils tenaient tout entiers dans mes petites mains ! Et main- tenant, ils sont aussi hauts que le clocher du village. Dans quelques années, ils me nour- riront et je pourrai attendre doucement, dans le repos, l’heure du grand sommeil ! » QUESTIONNAIRE DU LIVRE V. 1° Résumer les liens de solidarité existant entre les forêts et l'homme. Expliquer la parole de Chateaubriand : « Les forêts précèdent les peuples. Les déserts les suivent. » 2° Donner la formule applicable à la restauration de nos montagnes. 3° Comment pourrait-on remettre en valeur les régions désertiques de la France,savoir : nos plateaux cal- caires — nos plateaux granitiques — nos marais — nos terrains de broussailles, 4° Quels pourraient être les moyens d'exécution à appliquer à la mise en valeur de toutes nos terres incultes. Com- ment l’école et l’instituteur doivent y contribuer. 5° Qu'est-ce qu'une société scolaire pastorale-forestière ? Qu'est-ce qu'une mutuelle scolaire forestière 2? Leur mission et leur rôle éducateur. 6° Expliquer pourquoi les jeunes peuplements forestiers s’accroissent rapidement en valeur — comment dès lors ils peuvent constituer de véritables caisses d'épargne. 7° Expliquer comment on pourrait les utiliser pour créer des caisses de retraite aux ouvriers agricoles. — + ve 4 de FACE . 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OLIVIER DE SERRES. La destruction des forêts est non une faute mais une malédiction et un malheur à toute la France, parce qu'après que tous les bois seront coupés, il faut que les arts cessent et que les habitants s’en aillent paître l'herbe, comme fit Nabuchodonosor. BERNARD PALISSY. La France périra faute de bois. COLBERT. Plus un pays défriche, plus il devient pauvre en eau. BuFFON. Il importe non seulement à l’État mais à tous les habitants, de veiller à la conservation et de maintenir le respect dû à toutes les propriétés et notamment à celle des bois, objet de premier besoin. (Assemblée Nationale, séance du 11 décembre 1789.) De la conservation des forêts dépendent le succès de l’agriculture, du commerce, des manufactures et des arts, la marine, la navigation intérieure, les mines, toutes les commodités de la vie et notre existence même. (Extrait d’un Rapport fait en l'an IV à la Convention.) Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent. CHATEAUBRIAND. Partout où les arbres ont disparu, l’homms a été puni de son imprévoyance. CHATEAUBRIAND. La conservation des forêts est l’un des premiers intérêts des sociétés, et par conséquent l’un des premiers devoirs des gouvernements. DE MarTiGnac. RETENIR. La destruction des forêts est le signe précurseur de la décadence des nations. BAUDRILLART. En abattant les arbres qui couvrent le flanc et la cime des montagnes, les hommes, sous tous les climats, préparent aux générations futures deux calamités à la fois : un manque de combustible et une disette d’eau. HuMmBoOLDT. De la présence des forêts sur les montagnes dépend l’existence des cultures et la vie des populations. Alexandre SURELL. La végétation est le meilleur moyen de défense à opposer aux torrents. Alexandre SURELL. Les forêts ont pour effet de régulariser le régime des cours d’eau, en ce sens que, si elles augmentent le débit d'hiver, elles augmentent plus encore le débit d'été. CÉZANNE. Le perfectionnement des méthodes d’exploitation pastorales pourrait décupler la richesse de nos hautes vallées. CÉZANNE. Si réparer et relever des ruines est bien, en prévenir de nouvelles est mieux encore. Il est donc nécessaire que l’usage des pâturages soit réglementé, aménagé. La restauration vraie, durable des montagnes est à ce prix. A. MATHIEU, Ancien sous-directeur de l'Ecole forestière. L'ère de la restauration définitive de nos montagnes s'ouvrira lorsqu'on se décidera à aider ésolument leurs populations à remettre chaque nature de cultures, champs, pâturages et forêts en leur place naturelle. F. BRIOT. 86 Je ne sais pas de plus noble mission que celle d’aider la nature à reconstituer dans nos montagnes l’ordre qu’elle avait si bien établi et que seuls l’imprévoyance et l’égoisme de l’homme ont changé en un véritable chaos. P. DEMONTZEY. Celui qui a planté un arbre n’a point passé vainement sur la terre. Proverbe arabe. Qui tue un arbre, tue un homme ! Proverbe serbe. Chaque hectare dégradé dans la montagne en compro- met plusieurs dans la plaine. KRANTZ (Discussion au Sénat, loi 1882). Il est toujours périlleux d’essayer de modifier, si peu que ce soit, ce que la nature a arrangé en y mettant le temps, beaucoup de temps. VIoLLET-LE-Duc. L'équilibre entre le sol forestier et le sol arable est indispensable à la prospérité de l’agriculture. Malheur aux pays assez imprévoyants pour détruire leurs forêts! HERvVÉ-MANGON. La France bien aménagée et bien irriguée nourrirait facilement le double d’habitants qu’elle a maintenant. Ce résultat naîtra des reboisements et des irrigations. BABINET, membre de l’Institut. Le reboisement des espaces dévastés, le boisement et le gazonnement des terrains dénudés sont un besoin vital. E. REecLus. Ce ne sont pas les guerres qui ont fait le plus de mal à la région de la Méditerranée, mais bien la sécheresse, amenée et aggravée par les déboisements irréfléchis et par l’abus exagéré du pâturage des moutons dans les montagnes. DEHÉRAIN, De Madrid à Jérusalem, l’histoire et la géographi: répètent : forêts livrées aux moutons, forêts détruites . montagnes sans bois, montagnes sans vie. BROILLIARD. Le déboisement est un des fléaux les plus redoutables qui menacent l’humanité- Ce n’est point assez dire, il est un péril pour la vie même de l’univers. Pierre BauDan MANUEL DE L’ARBRE ER PTS 7 La vie des hommes est attachée à celle des arbres. Tassy La conservation des arbres, bois et forêts qui assurent l'équilibre climatique du milieu social est une application du principe de la Dette sociale, et de la Loi de solidarité qui lie toutes les générations. J. REYNARD. Les peuples qui aiment les forêts sont laborieux et prévoyants. En raison de leurs mœurs et de leurs tra- ditions, ils conservent et accroissent le capital, quelle que soit sa forme, qui constitue le matériel de leur civi- lisation. Ce sont les peuples en progrès. E. GUINIER. Celui qui plante un arbre est un bienfaiteur de l’hu- manité ; celui qui en détruit un inutilement est un criminel. André THEURIET. Les forêts sont des réservoirs naturels. En contenant le cours des fleuves durant la crue, en l’alimentant du- rant les époques de sécheresse, elles rendent possible ’utilisation de l’eau qui s’épuisait auparavant en pure perte. Elles empêchent que le sol ne soit délayé et protègent ainsi les barrages-réservoirs de la vase qui tend à les combler. La conservation des forêts est donc une condition essentielle de la conservation de l’eau. Président ROOSEVELT. Les forêts, les pâturages et les prairies, c’est toute l’économie rurale de la région montagneuse... et la conservation de la forêt est l’hygiène de la montagne. DE GoRssE. N'’abattez jamais un arbre sans en avoir planté dix. L'abbé Rozrer. Un vieil et bel arbre est comme un bon vieillard : il est plein de souvenirs et de sages conseils, il mérite le respect. NA 08 William Gas, instituteur. Les fêtes de l’arbre créent un lien entre l’enfant et l’arbuste. Elles font qu’une fraternité se développe entre le sang et la sève qui tiennent et tirent leur force d’un même sol. P.-A. CHANGEUR. La terre qui se boise n’est plus matière inerte : la forêt lui communique une vie réelle, la transforme. La pelouse fait de même, à un-degré moindre. L.-A. FABRE. ‘ 4e + + ES € Dés Ca. LOS + L 9 a NL) nt ; { APPENDICE 87 L’érosion ne naît pas en sol boisé, le déboisement provoque l'érosion, le reboisement l’éteint. L.-A. FABRE. Le salut de la montagne est dans le reboisement, Le salut des plaines est dans le reboisement, Le salut des rivières est dans le reboisement, Le salut de la terre est dans le reboisement. Onésime RECLUS. L’ennemi de toutes nos cultures, c’est la sécheresse. Et quelle est la cause de la sécheresse? Le déboisement. Jules MAISTRE. Si vous voulez de l’eau, faites des bois. Paul DESCOMB8Es, En formant des mutuelles scolaires forestières, les enfants des écoles auront fait plus pour avancer la ques- tion de la Loire navigable que tous les ingénieurs du monde. Abbé LemrIREe (Discours à la Chambre des députés du 17 novembre 1904). Quel meilleur et plus solide placement pourrait-on rencontrer pour les versements à la Caisse des retraites que celui du reboisement des terres incultes, c’est-à-dire la transformation successive de ces versements en belles et bonnes forêts, immuables comme la terre de France ! J. MÉLINE. Aimer les arbres, c’est aimer la patrie. p E. CARDOT, PAGES LITTERAIRES 4. Sujets de Dictées. L’arbre est la joie de la terre à laquelle il dunne l’eau des sources qui l’arrosent et l’humus qui la féconde; c’est la santé de l’air que sa verdure purifie. Un bel arbre, c’est une fête pour les yeux et des milliers d’arbres cela fait la forêt, le manteau de la terre, cette richesse d’une nation ! Un pays qui n’a plus de forêts est un pays fini !.. Un arbre, mais c’est la charpente de votre mai- son, c’est le mât des vaisseaux, c’est la chaleur de votre foyer qui vous donne un soleil en plein hiver ! André THEURIET. . PAYS DÉBOISÉS. LA GRÈCE. I] faisait encore nuit quand nous quittâmes Modon ; je croyais errer dans les déserts d'Amérique : même solitude, même silence. Nous traversimes des bois (1} Ces pages sont données à titre d'indication. — Dans les écrits de nos principaux écrivains, et notamment dans les récits de voyage, on trouve f emment des passages faisant ressortir l'agrément ou l’utilité arbres et des forêts, comme aussi les conséquences funestes de leur disparition. — Il convient d’appeler l’attention des enfants sur ces morceaux de littérature, et d’en faire l’objet de récitations, de dictées et d’explications instructives, d’oliviers, en nous dirigeant au midi. Au lever de l’au- rore, nous nous trouvâmes sur les sommets aplatis des montagnes les plus arides que j'aie jamais vues. Nous y marchâmes pendant deux heures : ces sommets la- bourés par les torrents avaient l’air de guérets aban- donnés, le jonc marin et une espèce de bruyère épineuse et flétrie y croissaient par touffes. De gros caïeux de lis de montagnes, déchaussés par les pluies, paraissaient à la surface de la terre. Nous découvrimes la mer vers l’est, à travers un bois d’oliviers clairsemé; nous des- cendîmes ensuite dans une gorge de vallon où l’on voyait quelques champs d’orge et de coton. Nous passâmes un torrent desséché : son lit était rempli de lauriers-roses et de gatiliers (l’agnus castus), arbuste à feuille longue, pâle et menue, dont la fleur lilas, un peu cotonneuse, s'allonge en forme de quenouille. Je cite ces deux ar- bustes parce qu’on les retrouve dans toute la Grèce et qu'ils décorent presque seuls ces solitudes jadis si riantes et si parées, aujourd’hui si nues et si tristes. CHATEAUBRIAND (/tinéraire de Paris à Jérusalem). LA GRÈCE 15 août 1832. Je n’écris rien : mon âme est flétrie et morne comme l’affreux pays qui m’entoure : rochers nus, terre rou- 88 MANUEL DE L’ARBRE geâtre ou noire, arbustes rampants ou poudreux, plaines marécageuses où le vent glacé du nord, même au mois d'août. siffle sur des moissons de roseaux: voilà tout. Cette terre de la Grèce n’est plus que le linceul d’un peuple, cela ressemble à un vieux sépulcre dépouillé de ses ossements, et dont les pierres mêmes sont dis- persées et brunies par les siècles. Où est la beauté de cette Grèce tant vantée? LAMARTINE (Voyage en Orient). L'HORIZON D’ATHÈNES. 18 août 1832. Cet horizon est admirable encore aujourd’hui que toutes ces collines sont nues et réfléchissent, comme un bronze poli, les rayons réverbérés du soleil de l’Attique. Mais quel horizon Platon devait avoir de là sous les yeux, quand Athènes, vivante et vêtue de ses mille temples inférieurs, bruissait à ses pieds comme une ruche trop pleine. quand les flancs de toutes les montagnes, depuis les montagnes qui cachent Marathon jusqu’à l’A- cropolis de Corinthe, amphithéâtre de quarante lieues de demi-cercle, étaient découpées de forêts, de pâturages, d’oliviers et de vignes, et que les villages et les villes découvraient de toutes parts cette splendide ceinture de montagnes ! LAMARTINE (Voyage en Orient). LA GALILÉE. La Galilée étair un pays très vert, très souriant, le vrai pays du cantique des cantiques... L'état horrible où le pays est réduit, surtout près du lac de Tibériade, ne doit pas faire illusion. Ces pays, maintenant brûlés, ont été autrefois des paradis terrestres. Les bains de Tibériade, qui sont aujourd’hui un affreux séjour, ont été autrefois le plus bel endroit de la Galilée. Josèphe vante les beaux arbres de la plaine de Génézareth, où il n’y en a plus un seul. André, martyr vers l’an 600, cinquante ans par conséquent avant l'invasion musul- mane, trouve encore la Galilée couverte de plantations délicieuses et compare sa fertilité à celle de l'Egypte. Ernest RENAN. LES ENVIRONS DE JÉRUSALEM. L'aspect général des environs de Jérusalem peut se peindre en peu de mots : montagnes sans ombre, vallées sans eau, terre sans verdure... quelques blocs de pierre grise perçant la terre friable et crevassée ; de temps en temps un figuier; auprès, une gazelle ou un chacal se glissant furtivement entre les brisures de la roche ; quelques plants de vigne rampant sur la cendre grise ou rougeâtre du sol; de loin en loin, un bouquet de pâles oliviers jetant une petite tache d'ombre sur les flancs escarpés d’une colline ; à l'horizon, un térébinthe ou un noir caroubier se détachant triste et seul du bleu du Pas un souffle de vent murmurant entre les branches sèches des oliviers ; pas un oïseau chantant ni un grillon criant dans le sillon sans herbe ; un silence complet, éternel, dans la ville, sur les chemins, dans la campagne... Jérusalem, où l’on peut visiter un sépulcre, est bien elle-même le tombeau d’un peuple, mais tom- beau sans cyprès, sans inscriptions, sans monuments, dont on a brisé la pierre, et dont les cendres semblent recouvrir la terre qui l'entoure de deuil, de silence et de stérilité. LAMARTINE (Voyage en Orient). LES RUINES DE GOLCONDE (Inde). Au tournant d’un faubourg d’Hyderabad, on lit cette inscription sur un vieux mur : Chemin de Golconde. Et autant il eût valu écrire : chemin des ruines et du silence. Le long de ce chemin désolé, où le trot des chevaux soulève tant de poussière, on rencontre d abord quan- tité de petites mosquées à l’abandon.… Ensuite, plus rien ; on s’enfonce dans les steppes brûlés, couleur de cendre, et les amoncellements de blocs granitiques y forment çà et là des collines, des tumuli, des pyramides qui, à force d’étrangeté, n’ont même plus l’air d’appar- tenir à notre monde terrestre. Après une heure de course, on arrive au bord d’un lac sans eau, desséché jusqu’à la vase de son lit, derrière lequel tout l’horizon est comme muré par un grand fantôme de ville, du même gris sinistre que le sol de la plaine. Et c’est là Golconde, qui fut pendant trois siècles une des merveilles de l’Asie.. Tout est silencieux et vide, dans l’enceinte immense. Golconde n’est plus qu’une plaine de cendres, semée de pierres en déroute, d’éboulements de toutes sortes, et d’où surgissent, comme des dos d'énormes bêtes endor- mies, les cailloux primitifs, plus résistants que les ou- vrages des hommes, ces mêmes blocs aux flancs ronds et polis qui jonchent le pays entier et qui, par endroits, s'élèvent en montagne... Au sommet de tout, sur la dernière terrasse, une mos- quée et un kiosque, d’où les sultans de jadis surveillaient le pays, regardaient venir du fond de l’horizon les armées. La vue qu’on avrit de là sur les campagnes, les jardins, les ombrages, fut célèbre aux siècles passés. Mais aujourd’hui ces plaines ont cessé de vivre. Les climats sont changés, il ne pleut plus ; l’Inde, à ce qu’il semble, se dessèche en même temps qu’elle décline et s’épuise. Pierre Lorr (L'Inde). LA CHANSON DE LA FAMINE. Ce sont des petits enfants surtout, ce sont de pauvres petits squelettes, aux grands yeux étonnés de tant souffrir, qui la chantent ou la hurlent, cette chanson > « e À l'entrée des villages, aux carrefours des routes, on à deux mains leur vontre affreusement creusé, dont la peau s'est plissés comme celle d'une outre vide. __ Pour l'entendre dans toute sa violenre, cette chanson- là, il faut aller au pays Radjpoute où les hommes en ce moment tombent par milliers, faute d'un peu de riz __ qu'on ne leur envoie pas. Dans cette région, les forêts sont mortes, la jungle est morte, tout est mort. Les pluies de printemps que la mer d'Arabie envoyait jadis, font défaut depuis quelques années, ou bien changent de route, vont se répandre, inutiles, sur le Bélouchistan désert. Et les torrents n'ont plus d'eau ; les rivières tarissent, les arbres ne peuvent plus reverdir… _ On a le sentiment de quelque chose d'anormal, d'une 3 désolation sans recours, d'une espèce d'agonie de la planète usée. Pierre Lorrt (L'Inde). LA MORT DE LA MONTAGNE. Le cirque de Julier, plus grand que grandiose, avec ses sommets d'un gris sombre, ses neiges en partie fondues, n'expliquait que très lugubrement l'écroule- ment futur de ce grand mur des Alpes... Qui aceuser de ces ruines? La neige seule? Celle-ci à son tour accusera le vent du midi, le fœhn, le siroco. La siroco dira « Accuse le désert ; le Sahara m'envoie. Qu'y puis-je? » Pour moi, neige et vent et désert, je les absous. Je ne m'occupe que de l'homme. « Moi, dit-il, et que puis-je à ces sommets si hauts où je ne vais jamais? » Au sommet? Rien — Beaucoup aux pentes, aux gradins inférieurs où s'appuient les sommets. La neige, chaque année, les chargerait sans doute. Sans doute, elle fon- drait en juillet ; mais sa masse rompue, divisée en ruis- seaux, ne ferait pas de torrent si l'antique forèt qui était là eût été respectée, si la hache avait craint de détruire la barrière vivante qu'ont longtemps respectée, honorée nos aleux. Aux lieux les plus sévères où l'on dit : « La nature expire » elle avait mis la vie. Rien ne la décou- Micunrer (La Montagne). POESIES. L'ARBRE FRUITIER. Plantez done pour cueillir: que la grappe pendante, La pêche veloutée ou la poire fondante Tapissant de vos murs l'uniforme blancheur D'un suc délicieux vous offre la fraicheur. Daunrie APPENDICE # LA FORÊT Au plus prolond des bois le Patrie à 208 ccœmur : Un peuple sans forêts «st un peuple qui mvurt. C'est pourquoi tous, let, lorsqu'un arbre esecomb, Jurons d'en replanter un autre sur sa tombe . Jurons d'ensamencer les friches dénudées, Que changent en torrents Les soudaines on4ées, Et les versants rongés par la dent des troupeaux, Où les rocs décharnés percent comme des on, Et puissent nos enfants voir, aux saisons futures, Des chênes et des pins les robustes rares Onduler sur la plaine et moutonner dans l'air, Pareils aux flots mouvants et féconds de Le mer ! André Taaoner. Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bris. Dans tout ce qui m'entoure at me cache à la fois, Dans votre solitude où je rentre en moi-même, Je sens quelqu'un de grandi qui m'écoute et qui m'aime Victor Heoa Aimez el vénérez, ne tuez pas les arbres : Un pays meurt, après que ses grands bots sont morts; Aucun n'est protégé par les splendeurs des marbres Et, les abris perdus, les peuples sont moins forts. Jean Lsson UN COUPLET OUBLIÉ DE LA MARSBILLAISE Arbre chéri, deviens le gage De notre espoir et de nos vonux ! Puises-tu Deurir d'âge en âge Et couvrir nos derniers neveux ! Que sous ton ombre hospitalière Le vieux guerrier trouve un abri. Que le pauvre y trouve un menk, Que tout Français y Wouve un frère ! Rouget de Lisim ei" : 90 _ MANUEL DE L'ARBRE 54 MODÈLE DE STATUTS DUNE SOCIÉTÉ SCOLAIRE PASTORALE-FORESTIÈRE. ARTICLE 4*%. —_ Il est fondé entre les élèves, anciens élèves et amis de l’école d , une Société ayant pour but: 1° De les attacher à la petite patrie qu'est lacommune, en les intéressant à sa prospérité et en les encourageant à mettre en commun leurs efforts pour l’accroître ; 2° De développer ainsi chez eux les sentiments de solidarité et d'affection réciproque. Pour atteindre ce but, elle s’occupera plus spécia- lement : 1° D'organiser l’enseignement mutuel des notions pratiques de sylviculture et d'amélioration pastorale ; 2 De mettre en valeur les terrains particuliers ou les terrains communaux qui lui seront confiés par l’ad- ministration municipale, soit par le reboisement, soit par l'amélioration rationnelle de la culture pastorale ; 3 D’assurer la conservation des nids, la protection des oiseaux destructeurs d’insectes nuisibles aux cultures de la région. ART. 2. —_ La durée de cette Société est illimitée. Son siège est à ART. 3. — Elle comprendra des membres actifs et des membres honoraires : les membres actifs sont ceux qui fournissent un travail effectif ; les membres honcraires sont ceux qui, par leurs cotisations, leurs dons en argent ou en nature, favorisent l’œuvre de la Société. ART. 4. — La Société est placée sous le patronage d'un comité composé : 1° De l'inspecteur primaire ; 2° d’un agent des eaux et forêts ; 3° du maire de la commune. Elle est administrée par un conseil composé : 1° De linstituteur, qui remplit les fonctions de président ; 2° de administrateurs élus chaque année par les membres honoraires et actifs. Les admi- nistrateurs sont rééligibles. ART. 5. — L'admission des membres est prononcée par le conseil d'administration. ART. 6. — Les ressources de la Société se composent : 1° Des cotisations et des dons des membres actifs ou honoraires ; si 2° Des subventions de l'État, de la commune, du département ou des Sociétés forestières. La Société pourra recevoir des livres, des plants, des outils, des graines, des engrais. ART. 7. — Les ressources de la Société sont ne en dépôt à la Caisse d'épargne. Le retrait des fonds ne pourra être décidé que par la majorité du conseil. 1 ART. 8. — Les engagements de l’association vis-à-vis des tiers sont garantis par le fonds social ; les membres sont dégagés de toute responsabilité personnelle. ART. 9. — Le trésorier est élu par le conseil et pris dans son sein ; il est chargé du maniement des fondés ; il est régisseur comptable des sommes qui lui sont confiées. ART. 10. — Les travaux de la Société ne pourront s'exercer que sur des terrains mis en défens par l’ad- ministration communale ou sur des terrains de parti- culiers qui en feront la demande à la Société. ART. 11. — Dès sa formation, la Société établira un règlement intérieur déterminant exactement la nature, l'étendue et la répartition des travaux à entre- prendre ; à ce règlement sera annexé le plan des terrains confiés par la commune à la Société. Ce règlement devra être approuvé par le comité de patronage. Aer. 12. — Chaque année le conseil se réunira obli- gatoirement pour élaborer un plan de travail de l’année et dresser un tableau résumé des travaux effectués dans l’année. Copie de ce plan et de ce résumé sera adressée à M. l’Inspecteur des Eaux et Forêts et à M. l’Inspec- teur primaire. ART. 13. — Les ressources seront employées : 1° A l'acquisition des plants, graines, outils, maté- riaux destinés à la culture ; 2° A des encouragements décernés par le conseil d'administration aux membres actifs les plus méritants ; ces encouragements consisteront soit en sommes versées à un livret de caisse d'épargne ou de caisse de retraites pour la vieillesse, soit en livres relatifs à l’objet même de la Société, soit dans la délivrance de plants forestiers ou fruitiers. ART. 14. — Le droit de vote en assemblée générale n'appartient qu'aux sociétaires âgés de plus de douze ans. ART. 15. — L'assemblée générale des membres actifs et honoraires se réunit obligatoirement une fois par an … pour l’approbation des comptes du trésorier. . ART. 16. — On cesse de faire partie de la Société par l'exclusion prononcée en assemblée générale à la majo- : x - décès, départ, démission "08 exclusion, entraîne ar le sociétaire la perte de tous droits au fonds social. j Pr 17. — Le montant de la cotisation annuelle est né à 2 francs. x Li ‘4 ss ART. 18. — En cas de dissolution, l’actif social sera n £6 affecté à une œuvre scolaire. R FORMALITÉS A REMPLIR. Les sociétés scolaires pastorales-forestières ont in- _ térêt à faire à la Préfecture où à la Sous-Préfecture une déclaration de fondation, en application de la loi | du 1*% juillet 1901. Cette déclaration, formulée sur : timbre à O fr. 60, est signée par le président et le secré- _ taire. Elle indique la date de l’établissement de la société, APPENDICE 91 son siège, son but, sa durée et fait connaître les membres du Conseil d'Administration. A la déclaration on joint deux copies également sur timbre des statuts et un mandat de 1 fr. 80 pour le timbre du récépissé. Après réception du récépissé de déclaration, on fait insérer au Journal officiel la déclaration de fondation, qui comprend une rédaction de trois lignes environ et peut être libellée ainsi qu'il suit : Date de la déclaration : . Titre et siège social : Société scolaire pastorale-forestière de (dep.) Objet: Mises en valeur pastorales-forestières. On s’adresse dans ce but à MM. Lagrange et Cie, 8, place de la Bourse, à Paris (11), et on leur demande trois nu- méros justificatifs dont l’un est adressé à M. le Préfet ou Sous-Préfet. — Le prix de l’insertion est de 3 francs la ligne. On y ajoute 0 fr. 70 pour frais d'insertion et envoi de trois numéros. LES MUTUELLES SCOLAIRES FORESTIÈRES. Les sociétés scolaires de secours mutuels et de retraites : dites: Petites Cavé, du nom de l’homme de bien qui en a été le fondateur, ont pour but : 4° D’accorder aux enfants sociétaires une indem- nité en cas de maladie. (Cette indemnité est payée à leurs parents et varie généralement entre 0 fr. 40 et 0 fr. 50 par jour). 2° De procurer à chacun d’eux un livret personnel de la caisse nationale des retraites à capital réservé ou aliéné. 3° De leur faciliter. à leur sortie des classes, l’ad- mission dans une société approuvée de secours mutuels d'adultes. Ces sociétés placent généralement leurs fonds dans les Caisses d'épargne, ou, plus avantageusement, à la Caisse des Dépôts et Consignations. Bien souvent, elles auraient plus d'avantages encore à les placer dans des acquisitions de terres improductives ou de forêts ruinées qu’elles mettraient en valeur par des plantations forestières. La loi du 1* avril 1898 sur les sociétés de secours mutuels leur concède cette faculté. L'art. 17 de cette loi stipule __ eneffet que les sociétés approuvées pourront, sous réserve k. de l’autorisation du Conseil d'État, recevoir des dons et legs immobiliers. Et l’art. 20 les autorise à posséder __ et à acquérir des immeubles jusqu’à concurrence des _ trois quarts de leur avoir, à les vendre et à les échanger. Les statuts des sociétés scolaires de secours mutuels 5 et de retraite sont connus. Ils imposent aux adhérents = cotisation hebdomadaire de 0 fr. 10, dont la moitié, soit O fr. 05. doit être, en général, affectée à la const- tution d’un livret personnel de retraite à capital réservé ou aliéné. (1) Pour permettre à ces sociétés d'utiliser la eapita- lisation forestière, qui aurait souvent pour résultat de décupler leurs fonds de retraite en 40 ou 50 ans, il suffirait d'introduire dans leurs statuts les modifications ou additions suivantes : FONDS SOCIAL. Le fonds social pourra, jusqu’à concurrence des trois quarts de sa valeur, être affecté à l'acquisition de terres incultes ou de bois ruinés destinés à être mis en valeur par des travaux forestiers. Ces acquisitions devront être soumises à l'acceptation de l’Assemblée générale. DES OBLIGATIONS ENVERS LA SOCIÉTÉ. Les sociétaires s'engagent à fournir pour l'exécution des travaux de mise en valeur forestière les journées de main-d'œuvre dont le nombre et la durée seront fixés chaque année par le Conseil d'Administration ; toutefois des exemptions pourront être accordées aux enfants malades ou qui justifieraient d'un motif d'absence plausible; ou enfin qui consentiraient à se faire remplacer ou à payer dans la caisse de la société une somme équi- valente à la valeur des journées. (1) On inscrit en outre sur ce livret une part des cotisations des membres honoraires et des subventions d'Etat. 92 MANUEL DE L’ARBRE DES OBLIGATIONS DE LA SOCIÉTÉ ENVERS SES MEMBRES. Un état sera tenu des journées de main-d'œuvre effectuées par chaque sociétaire. A la fin de l’année, on inscrira sur son livret individuel une ssmme déterminée par le Conseil d'Administration et représentant en tout ou en partie — suivant les ressources disponibles — a valeur des journées fournies. Les terrains ainsi mis en valeur par des plantations forestières seront assimilés au fonds commun de retruite, consigné conformément au décret du 26 avril 1856 Ils seront soumis au régime forestier, et aménagés en vue de la destination de ce fonds commun qui est de constituer des pensions de retraite aux sociétaires âgés de plus de cinquante-cinq ans et faisant partie de la société depuis plus de quarante ans. RENSEIGNEMENTS PRATIQUES. Essences convenant aux diverses natures de terrains à repeupler (1). SOLS ESSENOES Siliceux, sablonneux,|Pin maritime, pin pinier, chêne arides. tauzin, pin d'Alep, chêne yeuse (climats du Midi de la France), pin sylvestre. Sols siliceux, sablon- | Résineux en général, chêne rouvre, neux, frais. charme, châtaignier, bouleau, ro- binier. Sols légers, granitiques. | Mêmes espèces que ci-dessus. Sur les coteaux : le hêtre; dans les vallées : le frêne. Sols siliceux-argileux. | Pin sylvestre, épicéa, sapin, chênes rouvre et pédonculé, hêtre, châ- | taignier, orme, charme, bouleau, érable, frêne. SOLS ESSENOES Sols calcaires et argilo- calcaires. Pin noir d'Autriche, pin laricio de Cors:, hêtre, érable sycomore, robinier, pin d’Alep (Midi), pin sylvestre, épicéa, sapin (pourvu que le sol soit assez profond), noyer. Sols marécageux as- saiais. Aune commun, épicéa, pin sylvestre. saule, frêne. Sols à fonds mouillés, sujets à être inondés. | Aune commun, frêne, peuplier, saule. Pin sylvestre, pin maritime (région Bruyères et landes. sud-ouest). Observation. — On prendra soin de ne planter autant que possible que les essences existant dans la région ou y ayant été plantées avec succès. On prendra soin également de ne pas dépasser les limites d’altitude indiquées plus haut (page 18) pour les principales essences. LOIS ET DÉCRETS POUR FAVORISER EN FRANCE LES REBOISEMENTS ET LES AMÉLIORATIONS PASTORALES. 1° DÉGRÈVEMENTS OU EXEMPTION D'IMPÔTS. Loi du 3 Frimaire an VII. — Art. 116. Le revenu mposable des terrains qui seront plantés ou semés en bois ne sera évalué pendant les 30 premières années de la plantation ou du semis qu’au quart de celui des terres d’égale valeur non plantées. (1) Extrait de l’Alde-mémolre du forestier publié par la Société forestière de Franche-Comté et Belfort (1900). Observation. — Cet article permet d’obtenir le dé- grèvement des 3/4 de l'impôt foncier pour les terrains que l’on veut reboiser. Code Forestier. — Art. 226. Les semis et plantations de bois sur le sommet et penchant des montagnes, sur les dunes et dans les landes seront exempts de tout impôt pendant trente ans. Formalités à remplir. — La demande d’exemption ou de réduction d'impôt doit être présentée comme les ENT APPENDICE 93 demandes en décharge ou réduction concernant la con- tribution foncière des propriétés non bâties. Elle doit être adressée au sous-préfet ou au préfet. Si elle a pour objet une cote égale ou supérieure à 30 francs, elle doit être écrite sur papier timbré. On doit y joindre la quit- tance des termes échus ainsi que l'avertissement ou un extrait du rôle. Les communes ou établissements publics ont d'autant plus d'intérêt à réclamer les exemptions d'impôt, qu’elles sont affranchies en même temps de la taxe des biens de main-morte. 2° SUBVENTIONS FE! ENCOURAGEMENTS DE L'ÉTAT. Loi du 4 avru 1882 relative à la restauration et à la conservation des terrains en montagnes. — Art. 5. Dans les pays de montagnes, des subventions seront accordées aux communes, aux associations pastorales, aux frui- tières, aux établissements publics, et aux particuliers, à raison des travaux entrepris par eux pour l’amélio- ration, la consolidation du sol et la mise en valeur des pâturages. — Ces subventions consisteront soit en déli- vrance de graines ou de plants, soit en argent, soit en travaux. Formalités. — Pour obtenir une subvention en appli- cation de cette loi, il suffit de s’adresser au service local des Eaux et Forêts qui fournira un modèle de demande et toutes les indications nécessaires pour l’établir. — Si les terrains à reboiser appartiennent à une commune ou à un établissement public, ils seront, après l’exécu- tion des travaux, soumis de plein droit au Régime forestier. Décret du 30 décembre 1897 (Extrait). Art. 1. — Il est créé au ministère de l’Agriculture (Direction des forêts) un service des améliorations pastorales... auxquels ressortissent les études et les travaux relatifs aux objets ci-après : , Mise en valeur, aménagements et amélioration des pâturages communaux dans les régions pastorales ou forestières. Application de la loi du 4 avril 1882 en ce qui concerne la réglementation des pâturages communaux et la mise en défens. Aménagement et utilisation agricole des eaux dans les régions pastorales ou forestières. Formalités. — Pour obtenir une subvention sur le crédit des améliorations pastorales, — ou le concours d’un agent technique pour les travaux de mise en valeur pastorale et forestière des pâturages communaux — ou pour études relatives aux objets indiqués ci-dessus dans le décret, il suffit d'adresser une demande à M. le Minis- tre de l'Agriculture (Direction générale des Eaux et Forêts) en y joignant, s’il y a lieu, le devis dela dépense présumée. — L’allocation d’une subvention pour ces travaux n’entraîne pas la soumission des terrains au Régime forestier. 30 PRÊTS A LONGUE ÉCHÉANCE. Loi sur les avances aux sociétés coopératives agricoles. — Cette loi (promulguée le 29 décembre 1906) va per- mettre aux sociétés coopératives agricoles et notamment aux syndicats pastoraux ou forestiers qui seront affiliés aux caisses locales de crédit mutuel, d'obtenir des caisses régionales de crédit agricole des avances ou prêts remboursables dans un délai maximum de 25 ans. SUBVENTIONS ET ENCOURAGEMENTS DIVERS. Certains Conseils généraux allouent chaque année des crédits pour encourager par des subventions les com- munes, sociétés scolaires, particuliers, qui entrepren- nent des travaux de plantations ou d’améliorations pastorales. Quelques départements ont installé des pépinières entretenues en partie à leurs frais, en partie aux frais de l'Etat, où l’on peut se procurer gratuitement ou à bas prix des plants forestiers ou fruitiers. Pour participer à ces subventions ou délivrances de plants, il suffit d'adresser une demande à la Préfecture. Il existe en France un certain nombre de sociétés fores- tières auprès desquelles les particuliers planteurs et les sociétés scolaires peuvent trouver un bienveillant appui et de précieux encouragements. Ces sociétés délivrent des graines et plants forestiers et fruitiers, distribuent des récompenses : médailles, diplômes, livres, gravures, livrets de caisse d'épargne, gratifications aux planteurs et sociétés les plus méritants. Quelques-unes publient des bulletins contenant d’utiles renseignements sur toutes les questions sylvo-pastorales. Nous citerons: 4° La Société forestière française des Amis des arbres dont l’action s’étend à tout le territoire français. Elle a son siège social au Touring-Club, 65, avenue de la Grande-Armée, Paris. Cette société comprend actuellement 5 sections affiliées : Section lorraine des Amis des arbres, à Nancy (Meurthe-et-Moselle). Section d'Annecy des Amis des arbres, à Annecy (Haute-Savoie). Section de Tarentaise des Amis des arbres, à Moutiers (Savoie). Section d Auvergne des Amis des arbres, à Clermont- Ferrand (Puy-de-Dôme). Section du Chablais, à Thonon (Haute-Savoie). (D’autres sections sont en voie de formation.) 20 La Société forestière de Franche-Comté et Belfort à Besançon (Doubs). 30 La Société des Amis des arbres, à Toulouse (Haute- Garonne). &o L'Association des syloicuteurs de Provence, à Mar- seille. 5° La Société des Amis des arbres, à Nice (Alpes-Ma- ritimes ). 6° Le Ligue du reboisement / Algérie ). 70 La Société pour l'aménagement des Montagnes, à Bordeaux (Gironde). 8° La Société pour l'aménagement des Montagnes, à Grenoble (Isère). TABLE Livre I“. — L’ARBRE L'ARBRE AU VILLAGE. L'arbre dans l'onclos famiinl.s: 6e en SR Eee" Ne 7 Récit : La monnaie d’argent et l’éclipse................. 8 L’'ARBRE DANS LA CAMPAGNE. Lbilong/des cours d'eau"... --meCe-ece ec 9 Dolong'dEs routes EE he cnce cesser or 10 ADENIOUr US CHAMPS. esse certe cree 11 La haie boisée et la fréquentation scolaire ........ APE Récit : Le chevreau à l’école ..................... RE Livre Il. — LA FORÊT L'ARBRE EN FORÊT. L’'invasion forestière dans le monde ................... 16 La lutte de l’homme contre la forêt .............. ..... 18 DE L’'UTILITÉ ET DE LA CONSERVATION DES FORTS Reshoïsdansil'habitation 1... CR RE 21 Te Dos dans PIRAUSENIE eee ee ccteeercere tie Hi? Conséquences économiques de a ruine des forêts ..... .. 24 Le principe de l'aménagement ........................ 25 Récit : Les Chênes de Hautepierre ..................... 25 Historique des forêts de France ....................... 26 Simples notions d'aménagement et de sylviculture ....... 28 Les Bois particuliers. — L'Association forestière. — 32 Quelques conseils pratiques ........................ .. 32 La forêt et le sol. Récit: Le Défrichement............... 92 Por etINtoMmnéraIure et... CAS creer 33 La forêt.et le régime des pluies ........................ 33 Les forêts, la foudre et la grêle ....................... er MENTON ES LIOS SOUTCOB)------e-eme--c-cpeseeccecn .- 34 Récit: L'Enfant et la Source (Petite leçon symbolique)... 36 Livre III. LA MONTAGNE ET LES COURS D'EAU LORPIABIBIS ER EN AS ares nbiin SOL Nice Ie 38 RSR ER ER er eteinvce ct à SE PO ROME 38 TORONTO RTS SE AT PER 39 RE Dee D RS EN Ne RENE ES à 40 MN EPA DD AR ER AA DS RE >: ere CRE CeE 43 TO ORTEN A AR Code a else OUR ue te ee cs Mr 45 MAC ELE MAISON AU FAUNE Tue. «ee aies e de ee Te 46 PRrHenve torrent eds Mes estate se sue eu 48 LT 06 ECO) MON PPS ALL PORN ER 50 Hinandationtde la Garonne RER care ent 50 Récit: Les dunes et les landes de Gascogne. Brémontier. Him relent.. 2e tenmiess Roc ee ce 51 DES MATIÈRES À Livre IV. LA RESTAURATION DES MONTAGNES Les inondations de la Loire et du Rhône ................ 55 La correction des torrents. Alexandre Surell ............ 56 Situation actuelle des travaux .................. ..... 59 Nécessité de l’exploitation pastorale ................... 60 L'aménagement pastoral.............#+2240-7700 61 Les troupeaux. Les troupeaux transhumants ............ 62 Le gros bétail +. . 7 REC RE RER 62 Le mouton..." RS RSS 63 La chèvre 5.622695 tone RS 64 L'industrie ‘laitière »:.:5:5 #00 EC RR 65 LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES MONTAGNES. Conséquences d’une meilleure exploitation pastorale. ..... 66 Le développement de la richesse forestière .............. 66 L’invasion des montagnes par l’industrie. Houille noire, houille verte et houille blanche ...................... L’invasion dés:touristes ie RCE ER 70 Récit: Paris en vacances}. "52. ER EC COR 72 Club Alpin et Touring-Club/. .?. 1. #7-ÆOe Eee RER 72 Livre V. RÉSUMÉ GÉNÉRAL ET APPLICATIONS PRATIQUES La loi de solidarité mondiale ........................ - 75 Nos montagnes. — Formule de restauration.......... 76 Nos déserts ss ane tes seb RS ES 76 La restauration des plateaux calcaires ................. 77 Nos steppes, ARR Re E-Nete- HO CU DIE OE 78 La restauration des plateaux granitiques ............... 78 Nos marais. Leur transformation. — Exemple de la Sologne .:; me sise 20e SCC CRT Nos maquis. Leur mise en valeur ................... 1% 79 La réalisation du programme. Moyens d’exécution ........ 79 Le rôle de l’école et de l’instituteur ...................... 80 Les sociétés scolaires pastorales-forestières ............. 80 Les mutuelles scolaires forestières ..................... 81 La capüalisation forestière: Re 81 Le nouveau rôle social de l'arbre ........................ 82 La forêt-retraile ............ teams 82 Dernier récit : Une délibération au Conseil municipal des Essarts .....ss=us cest some teee