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LA SCIENCE

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POINT D'HONNEUR

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L'OFFENSE LE DUEL

SES USAGES ET SA LÉGISLATION EN EUROPE

LA RESPONSABILITÉ CIVILE, PÉNALE, RELIGIEUSE

DES ADVERSAIRES ET DES TÉMOINS

AVEC PIÈCES JUSTIFICATIVES

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Par A. C 11 o A n H o x

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THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY

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AVERTISSEMENT

DONT LA LECTURE EST INDISPENSABLE A l'intelligence DE l'OUYRAGE

Ayant de commencer une entreprise, on doit l'examiner sous tontes ses faces, de manière à en connaître les difficultés, à en pré- voir les suites, à posséder, en un mol, une ligne de conduite bien définie.

Ce n'est pas ainsi qu'agissent habituellement les individus qui veulent s'adresser à la juridiction du point d'honneur pour vider un différend, et ceux dont ils réclament l'assistance.

Demande, promesse, refus ont lieu sous l'impression du mo- ment, presque à l'aveugle.

Aussi quelles blessures d'amour-propre ils ont à souffrir lorsque leurs actes sont jetés au crible de l'opinion et minutieusement épluchés I

Quelle responsabilité, si la justice, intervenant à son tour, éta- blit leur bilan et règle leur compte!

Les avertir des périls et de la responsabilité qui accompagnent cette échéance, et parla notion exacte qu'ils en auront leur inspirer une crainte salutaire, tel est le but que nous nous sommes proposé en écrivant l'ouvrage que nous publions aujourd'hui.

Il est divisé en six parties, qui correspondent aux différents aspects sous lesquels peut être envisagé le rôle que les adversaires et les témoins auront à remplir dans le drame qui va se jouer.

La partie traite des offenses et des usages du duel. Les témoins y trouveront clairement indiquées les règles qui leur per- mettront de donner aux offenses la valeur qui leur est propre, de déterminer la personne offensée et l'étendue de ses privilèges, de stipuler les conditions équitables d'un arrangement ou d'une ren- contre, de les faire exécuter loyalement et, pour tout résumer, de

* ^.-1

11 AVERTISSEMENT.

remplir le mandat qu'on leur a confié avec une indiscutable correc- tion.

Une méthode uniforme basée sur la substitution de la coutume écrite, représentée par Chateauvillard et ses collaborateurs, A la tra- dition orale et aux consultations individuelles, nous a servi de guide, et communique à notre travail une autorité particulière.

Grâce à cette méthode el aux références dont nous nous sommes étayé chaque fois que nous avons traité une question controversée, des témoins, même inexpérimentés, pourront discuter à armes égales avec des collègues peu scrupuleux, mais ferrés sur la matière, et ne pas être leurs dupes.

Le chapitre F est consacré à cette exposition.

Sa lecture attentive éclaire le labyrinthe, obscur sans cela, des cinquante-sept autres, en montre l'enchaînement et permet, à qui n'efTraye pas Taridité du sujet, d'en tirer un bénéfice immédiat, qu'il ne saurait obtenir en les parcourant au gré de son caprice ou au hasard de ses besoins.

La 2'' PARTIE traite de la responsabilité pénale. Il ne suffit pas que les adversaires et les témoins sachent vider correctement une aflaire d'honneur, il faut en outre qu'ils connaissent la sanc- tion dont ils sont passibles après le dénouement.

Ils jugent alors avec connaissance de cause si cette sanction est de nature à les faire reculer, ou s'ils doivent passer outre.

Les seize chapitres que nous avons consacrés à la responsabilité pénale leur permettront, dans ce dernier cas, de combiner les moyens propres à atténuer le châtiment qui les menace, s'ils ne parviennent pas à l'éviter tout à fait.

La PARTIE traite de la responsabilité civile, qui, sous le nom de frais, amendes et dommages et intérêts, vise la bourse des mêmes personnes.

Cette question dont elles ne se préoccupent guère habituelle- ment, et qui, dans la somme des prévisions désagréables qu'un duel peut motiver, forme dans certains cas la colonne la mieux remplie, faitTobjet de cinq autres chapitres.

La 4* PARTIE traite de la responsabilité religieuse, c'est-à-dire des pénalités dont l'Église catholique et TÉglise réformée frappent ceux qui ont participé au duel.

Nous ne pouvions les omettre, car, à notre époque si peu

AVERTISSEMENT. m

croyante, il se rencontre encore des gens qu'aucune considération matérielle ne saurait toucher lorsque l'honneur est en jeu, et pour lesquels les censures ecclésiastiques constituent un obstacle infran- chissable.

La 5* PARTIE traite du duel à Vétranger, au double point de vue de ses usages et de sa répression en Europe.

Il est nécessaire, en efTet, que le Français voyageant à l'étran- ger, soumis, par conséquent, à des lois et à des usages qui ne sont pas les siens, connaisse exactement les droits qu'ils lui confèrent, les devoirs qu'ils lui imposent, de manière à les invoquer ou à les discuter suivant ses besoins, et à tirer le meilleur parti de la situa- tion qui lui est faite.

Deux chapitres sont consacrés à cette importante question.

Sous le titre d'AppENDicE, la partie contient les pièces justifi- catives.

C'est la partie anecdotique du livre, s'il est pernais d'appliquer cette épithète à la discussion théorique des affaires qui nous ont paru de nature à éclairer, par des exemples tangibles et vrais, certaines questions obscures ou difficilement assimilables.

Ces exemples sont tirés de la Gazette des Tribunaux, de V Annuaire du duely ou de procès-verbaux publiés dansiez journaux et ne portent que sur des faits tombés dans le domaine public.

Ils ne sauraient donc exciter une curiosité maligne et nuire aux personnes citées, que nous ne connaissons pas et dont nous avons caché les noms sous des initiales, toutes les fois qu'une divulgation complète nous a paru susceptible de leur être préjudi- ciable.

Un résumé, contenant Texposition succincte des matières trai- tées dans notre ouvrage, facilite les recherches.

Nous terminons le volume par un Index bibliographique et un modèle de procès-verbaux avant et après la rencontre.

Est-il besoin d'insister sur Tutilité que ces modèles, et spécia- lement le premier, offrent aux témoins?

Voici, en quelques mots, la manière de s'en servir :

Chaque page est divisée en deux colonnes.

Dans la colonne de gauche se trouve rénumération des ques- tions qui doivent être examinées avant le duel, et, à la suite de cha- cune, l'indication du chapitre qui s'y rapporte dans notre ouvrage

PREMIÈRE PARTIE

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL

CHAPITRE PREMIER Législation du point d'honneur

SON BUT, SON UTILITÉ CODE DE CHATEAUVILLARD

On entend par Législation du point d'honneur l'ensemble des règles qui déterminent d'une manière obligatoire les droits, les deYoirs et, partant, la conduite des individus engagés à un titre quelconque dans une aiFaire d'honneur.

La législation du point d'honneur a pour but de suppléer au silence ou à l'insufAsance de la loi ordinaire et de remédier à son impuissance.

Au Silence : car la loi n'accorde aucune satisfaction pour un certain nombre d'offenses ;

A VInsuffisance : car elle n'accorde que des réparations déri- soires pour certaines autres ^ ;

A son Impuissance : car il existe des griefs pour lesquels les atteintes à l'bonneur sont de nature tellement subtile qu'elles échappent aux qualifications légales, et qui correspondent à un sentiment si délicat qu'elles ont tout à perdre aux controverses pu- bliques et aux luttes du barreau.

Aux offenses qui ne reçoivent point de réparation ou qui ne reçoivent que des réparations insuffisantes, aux griefs qui ne ressor- tissent d'aucun tribunal, la législation du point d'honneur accorde le seul juge qui reste, « soi-même ».

1. Comparez, page 398 : Pourquoi le duel n'existe plus en Angleterre? Comment le supprimer en France?

1

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% PREMIÈRE PARTIE.

On Yoit que le droit de se faire justice à soi-même est substitué, par elle, au principe diamétralement opposé qui sert de base à nos lois civiles et pénales.

Il en résulte un antagonisme qui semble devoir leur interdire tout autre contact que celui qui natt de la lutte que la première soutient contre les deux autres.

Cette proposition n'est cependant pas aussi absolue qu'elle en a l'air. Des exemples récents montrent que les tribunaux, pendant les débats et quand ils prononcent leurs jugements, s'inquiètent de savoir si les règles adoptées [eu matière de duel ont été suivies dans les affaires qui leur sont soumises ^

Si nous parcourons les débats de ces trois affaires, nous voyons le président adresser de nombreuses questions relativement au corps à corps, au cboix du terrain, à l'emploi de la main gauche, au poids des épées, aux devoirs des adversaires et des témoins, etc. ; le ministère public requérir une sanction d'autant plus rigoureuse que les prescriptions de la législation du point d'honneur afférentes aux cas précités avaient été moins religieusement observées, et le juge- ment en subir le reflet.

Il n'est donc pas vrai de dire, comme on le fait souvent, que la correction ou l'incorrection de la rencontre, ne modifie ni la valeur de l'acte incriminé, ni la proportion du châtiment, et que, par con- séquent, les magistrats et les jurés n'ont pas intérêt à connaître les règles du point d'honneur.

Leur ignorance souvent voulue est au contraire préjudiciable aux affaires qu'ils ont en main.

Aussi lorsque, dans un procès célèbre, le président s'écriait en parlant de VEssai sur le duel de Ghateauvillard : u Voilà un ouvrage qui n'entrera jamais dans ma bibliothèque et que je ne veux pas lire, » il obéissait à un préjugé et prononçait une parole impru- dente, car bientôt après il interrogeait des experts pour savoir si les actes reprochés aux inculpés étaient loyaux ou déloyaux, c'est- à-dire conformes ou non conformes aux règles du duel que Ghateau- villard venait précisément d'édicter.

On voit que la lecture de l'ouvrage qu'il méprisait tant lui aurait été nécessaire pour adresser aux experts des questions précises et pour contrôler leurs déclarations, qui pouvaientrenfermer des asser- tions erronées et influer, par conséquent, sur l'équité de la sentence.

1. Voyez affaire Chapuis-Dôkeirel, Gazette des Tribunaux, no des 28-29 mai 1885. Affaire Drumonl-Meyer, ibidem, n^" des 6-27 juin, 4 Juillet 1886.— Affaire Naqnet- Monvielle, ibidem, no* des 1, 2, 11 août 1887, 14 janvier 1888. Mayer-de Mores, la Libre parole^ no« dos 30 et 31 août 1802, et l'Escrime française, no du 30 sep- tembre 1892.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 3

Si la connaissance des règles du point d'honneur est utile aux gens du palais, combien ne l'est-elle pas davantage aux adversaires?

Est-il admissible qu'ils choisissent une législation pour trancher leur différend, et qu'ils ignorent les devoirs que (cette législation leur impose? Ajoutons que cette connaissance du fus et nef as peut influer sur leur sécurité matérielle, car, ayant plus entière liberté d'esprit, ils pourront se battre avec plus de sang-froid.

La proposition est encore plus évidente lorsqu'il s'agit des témoins, des arbitres et des jurés d'honneur.

Les Témoins peuvent être considérés comme étant les pre- miers magistrats chargés d'appliquer la législation du point d'hon- neur. Ils représentent le degré inférieur d'une juridiction que les arbitres et les jurés exercent en dernier ressort, et à raison de la- quelle tous contractent une responsabilité morale et matérielle considérable.

En effet, le témoin qui, par son impéritie, cause un préjudice aux adversaires, encourt le blâme de l'opinion publique, avec une sanction pénale et civile plus rigoureuses que s'il avait agi confor- mément aux règles qui lui sont tracées par la législation du point d'honneur.

Tel serait le cas où, se départissant du rôle essentiellement modérateur qui lui est assigné, il envenimerait la querelle, empê- cherait un accord, et causerait la mort d'un homme pour une futi- lité. Au contraire, s'il ne s'écarte pas de ce rôle modérateur, si, dans l'espèce que nous avons posée, il épuise les moyens de conciliation compatibles avec l'honneur vrai, il peut obtenir des circonstances atténuantes et même éviter la condamnation qui le frapperait s'il avait moins bien compris son devoir ^

Maintenant que nous avons expliqué le but de la législation du point d'honneur et énuméré les différentes classes de personnes auxquelles la connaissance de cette législation est utile, il nous reste à indiquer la source à laquelle doit puiser quiconque veut en étudier les règles précises et la doctrine véritable .

La source, c'est le livre que publia en 1836 le comte de Château- villard et qui fait de lui le législateur du point d'honneur.

Pour bien comprendre les titres de cet écrivain à une qualifica- tion si élogieuse, il faut se demander sur quelle base reposait avant lui la législation qui nous occupe.

Il n'y avait rien de défini : tout se bornait à un certain nombre de règles non écrites, admises par l'usage, conservées plus ou moins

1. Voyez Cassation, 22 août 1S48, Dallôz, année 1848, l'« partie, page 16i.

4 PREMIÈRE PARTIE.

fidèlement par tradition, et interprétées selon l'intérêt personnel oa les caprices de la mode avec une fantaisie qui autorisa les duels les plus barbares et les plus excentriques.

« On a TU, écrit Gbateauvillard, des hommes se chasser comme des bêtes fauves dans un champ de blé ; des combattants blessés se faire porter en face l'un de l'autre sur des matelas, pour s'acheyer comme feraient des bouledogues; d'autres charger un seul pistolet, se yiser à bout portant sur le bord d'une fosse creu- sée à cette intention; d'autres s'égorger dans un envier avec un rasoir; ou armés d'un couteau, attachés l'un à l'autre dans une Toi- ture, se larder pendant un délai fixé à l'avance. »

Toutes ces choses étaient admises, pourvu qu'il n'y eût pas félonie.

Ghateauvillard passa en revue ces usages et les discuta avec le concours de soixante-seize collaborateurs émineuts par leur hono- rabilité, leur compétence en pareille matière, leur position sociale, et en tète desquels se trouvaient le général Excelmans et le marquis du Hallay, arbitres de presque toutes les affaires d'honneur pendant un quart de siècle.

Il élagua les usages qui ne lui parurent pas devoir être admis, il classa les autres avec une méthode aussi claire que logique et les réunit finalement en un ouvrage intitulé : Essai sur le duely titre modeste pour un livre si important.

La substitution de coutumes rédigées aux usages non écrits fit disparaître les inconvénients attachés à des conditions incertaines et variables ; les affaires d'honneur reçurent un cours régulier et furent enfin réglées suivant les formes voulues par la délicatesse et le droit.

On voit que louvrage de Ghateauvillard réunit toutes les condi^ lions nécessaires pour devenir la source à laquelle sera tenu de puiser quiconque veut étudier les règles précises et la doctrine véri^ table de la législation qui nous occupe, et qu'il constitue, par consé- quent, U7i code obligatoire pour tous les individus engagés à mi titre quelconque dans une affaire d'honneur.

Il est du reste considéré comme tel à l'étranger, notamment en Allemagne et en Autriche, il a été traduit, et il est proclamé « Gode international » par les principaux auteurs qui ont écrit sur les règles du duel. En Italie, de Rosis, Angelini et Gelli s'en sont inspirés ^

Est-ce à dire que ce code possède une si grande perfection, qu'on soit toujours assuré d'y rencontrer un article précisément et

1. Sur cette intéressante qaeition, yoyez ô« partie, le Duel à l'étranger (Usages). Chapitre lxxzi.

OFFENSliS. RÈGLES DU DUEL. 5

indiscutablement applicable à tous les cas qui peuvent se présenter?

Évidemment non.

Malgré sa clarté, il peut ofitrir des points douteux ; malgré sa prévoyance, il peut renfermer des lacunes.

Qui se chargera d*élucider les points obscurs, de trancher les controverses et de suppléer aux omissions ? Questions importantes pour lesquelles nous réclamons toute Tattention du lecteur.

A qui revient le droit d'interpréter le code de Cîhateauvillard?

Aux personnes qui ontledroitde l'appliquer, qui ont la juridic- tion, c'est-à-dire aux témoins, aux arbitres et aux jurés d'honneur.

doiTentrils oheroher la base de leur interprétation?

Si les décisions que les arbitres et les jurés ont données sur les cas douteux qui leur ont été soumis depuis 1836 avaient été recueillies, avec leur dispositif, en un corps formant jurisprudence, nul doute que ce recueil ne fit autorité, et que les intéressés ne dussent le considérer comme étant la base cherchée.

Malheureusement, il n'existe pas, et ne peut guère être fait, car les sentences arbitrales ou autres n'ont généralement pas été publiées, ou si elles l'ont été, ce fut dans des conditions d'actualité qui ont rendu leur dispersion immédiate et leur recherche infructueuse.

Il faut remarquer, en outre, qu'elles ne sont pas motivées.

Force est, par conséquent, de renoncera ce mode d'information, et de demander à la doctrine ce que la jurisprudence ne peut donner.

On interrogera d'abord les auteurs qui, depuis Château villard, ont écrit sur la législation du point d'honneur.

Nous mettrons en première ligne Tavernier, l'Art du duel, Paris, Marpon-Flammarion, s. d., ouvrage clair, bien écrit et respectueux des préceptes de Ghateauvillard ; puis Du Verger de Saint-Thomas, Nouveau Code du duel, Paris, Dentu, moins lucide, plus verbeux et de doctrine moins sûre que le précédent.

Il a été rédigé par un homme ayant longtemps servi dans l'armée italienne, imbu par conséquent des mœurs et coutumes de sa patrie originelle, qu'il s'efforce de nous faire adopter.

Viennent ensuite : le Jeu de Vépée, leçons de Jules Jacob, par Emile André, Paris, Ollendorf, 1887; l'Escrime et le Duel, par C. Prévost et G. Jollivet, Paris, Hachette, 1891.

Ni Tun ni l'autre ne doivent être oubliés, car, à la partie qui traite de l'enseignement technique de l'escrime, ils ont joint un abrégé des règles du duel et des usages du point d'honneur.

6 PREMIÈRE PARTIE.

Mais la place Tolontairement restreinte qu'ils ont assignée dans leurs ouvrages à ces matières (les seules qui nous occupent) montre clairement que leur but a été de publier une sorte d'aide- mémoire, une sorte de vade-mecum pouvant, suivant l'expression même de H. G. Jollivet, « mettre les témoins en garde contre la première impression qui les hante au début d'une affaire : celle de paraître ignorants du rôle qu'ils ont à jouer».

A ce titre, ils peuvent être consultés utilement.

Nous faisons toutefois nos réserves pour ce qui concerne cer- taines pages de f Escrime et le Duel (voyez notamment pages212-213), où, se plaçant à un point de vue diamétralement opposé au ndtre, l'auteur refuse à Ghateauvillard le rôle prépondérant que nous lui accordons, et substitue imprudemment, comme nous allons le dé- montrer, les traditions ou les consultations orales, l'initiative et l'appréciation individuelles, aux règles fixes de la coutume écrite.

Heureusement qu'au cours de son ouvrage, le sympathique écrivain se montre moins révolutionnaire que l'exposé de ses principes ne le ferait craindre, et qu'après quelques fugues il suit assez paisiblement la route tracée par son devancier.

Ces réserves faites et ce péril signalé, nous nous empressons de payer à ses qualités de style, de concision et de clarté le tribut qui leur est dû, et de reconnaître que son travail peut en effet rendre de réels services dans le cadre qu'il s'est tracé.

Faute de trouver dans les auteurs la solution cherchée, on consultera les personnes réputées compétentes.

Le lecteur s'étonnera peut-être que nous mettions au dernier rang l'avis des experts, bien que ce mode d'information soit fré- quemment employé.

Nous en usons ainsi pour trois motifs :

Le premier, c'est que les experts peuvent être très forts, très réputés comme duellistes, et ignorer les règles élémentaires de la législation qu'ils doivent élucider.

Le second, c'est qu'ayant à se prononcer sur des faits ou des hommes qui les intéressent, ils sont moins capables de le faire avec impartialité que les auteurs qui raisonnent théoriquement.

Le troisième et le plus important, c'est que le système contraire aurait pour effet d'entraîner l'incertitude et l'anarchie, par suite de la possibilité on se trouverait de faire prédominer l'opinion individuelle sur la loi écrite.

Terminons ce qui concerne le degré de créance méritée par les auteurs et les experts, en rappelant que jamais leur avis ne doit prévaloir contre une décision contraire de Ghateauvillard : ils n'ont qu'une valeur d'éclaircissement, et pas autre chose.

I

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 7

La première question, celle de l'interprétation résolue, passons à la seconde, c'est-à-dire à Thypothèse le code de Chateauyillard serait muet sur un point quelconque.

Gomment suppléer au silence qu'il aura gardé?

A défaut de loi précise, on doit recourir à Vusage.

L'autorité de Tusage ne saurait être déniée si les faits qui le constituent réunissent les conditions suivantes : ils doivent être uniformes, publics, observés par la généralité, réitérés pendant un long espace de temps, et non contraires à la loi écrite.

Nous trouvons la consécration de cette règle dans le duel au commandement, qui n^est pas inscrit sur la liste des rencontres considérées comme légales par Ghateauvillard, et qui n'en devient pas moins, grâce à l'usage, aussi régulier que les autres. Pour nous en convaincre, nous n'avons qu'à parcourir les chapitres xxxvn et uv de cet ouvrage. Nous y verrons que le duel au commandement réunit toutes les conditions énumérées plus haut, celle entre autres de n'être pas contraire à la loi écrite, puisqu'il constitue un perfec- tionnement du duel au signal, tel que le comprend Ghateauvillard.

CSomment l'usage se prouve-i-il?

L'usage se prouve au moyen de certificats, dont la valeur est d*autant plus grande qu'ils émanent des auteurs cités plus haut, et d'autant moindre qu'ils résultent de consultations individuelles.

Si nous appliquons cette proposition au duel au commande- ment qui vient d'être cité comme exemple, nous voyons que M. Ta- vernier doit faire autorité sur ce point.

Nous venons de voir que les règles formulées dans le code de Ghateauvillard peuvent être interprétées, et qu'il peut être suppléé à leur silence.

Nous allons aborder une troisième question, celle de savoir si les règles dont il vient d'être parlé sont abrogeables ou modifiables, et, dans le cas l'affirmative prévaudrait, quelles conditions sont mises à Tabrogation ou au changement.

Les règles formulées par Ghateauvillard sont-elles abrogeables

et modifiables?

Pas plus que les lois ordinaires, la législation du point d*hon- neur ne saurait prétendre à Timmutabilité, car elle correspond à

8 PREMIÈRE PARTIE.

un état essentiellement variable, celui des mœurs des homines qu'elle doit régir.

Les prescriptions qu'elle édicté peuvent donc être abrogées et modifiées.

Aucune hésitation sur ce point.

Dans quelles oonditions rabrogation ou le oliangement

peuvent-ils être opérés?

La question a une importance capitale : elle touche à l'existence môme de la législation du point d'honneur. En effet, si une licence absolue était accordée aux novateurs, cette législation serait ébranlée jusque dans ses fondements. Au contraire, si l'exercice du droit d'abrogation et de changement est circonscrit dans des limites justes et raisonnables, s'il correspond à un besoin réel, Teffet qu'il produit est vivifiant, il la rajeunit et en assure la durée.

Il est de principe qu'une loi ne peut être abrogée que par l'autorité qui Ta faite. Nous devons en conclure que la législation du point d'honneur étant une coutume écrite, rédigée par un homme compétent, assisté d'un conseil nombreux de collaborateurs et de critiques, peut bien être abrogée par une autre coutume écrite, mais à condition que cette nouvelle coutume soit rédigée par un homme aussi compétent que le premier, assisté d'un conseil jouissant d'une égale autorité.

Tant que ces conditions ne se trouveront pas réunies, le code de Ghateauvillard aura force de loi, et devra être observé religieu- sement dans ses prescriptions et ses parties essentielles ^

jNous disons prescriptions essentielles, car la prohibition de faire la moindre modification n'est pas absolue. Une modification est permise à condition qu'elle porte sur des détails de peu de valeur, qu'elle n'ait pas pour effet d'annuler une règle impor- tante de la coutume écrite, et soit plutôt une interprétation ou un perfectionnement apporté à l'application de cette règle qu'un changement ^

Nous ne saurions assez nous élever contre la tendance actuelle à considérer les prescriptions du code de Ghateauvillard comme démodées ; en effet, si cette tendance prévalait, elle aurait pour résultat de replonger la législation du point d'honneur dans le chaos dont ce livre Ta tirée, et de nous ramener à ces duels exceptionnels qu'il a rendus presque légendaires.

1. Voyez conformément Tarernier, page 302, et les divers auteurs allemands cités dans notre chapitre lxxxi.

2. Voyez nos chapitres xxx\ii, xxxvui, xxxix.

OFFEiXSES. RÈGLES DU DUEL. 9

Maintenir la priorité de la loi écrite, contenue dans VEssai sur le duel de Chateauvillard, sur l'usage non codifié et sur les innova- tions individuelles, telle doit être la préoccupation de l'homme qui écrit sur le point d'honneur. Tel sera le but de notre ouvrage.

Nous n'ignorons pas qu'un parli pris de cette nature nous réduit au rôle de simple commentateur, et nous enlève tout espoir de faire montre d'un esprit ingénieux et personnel, mais il nous procure eu revanche une base solide pour asseoir notre travail, et une voie sûre pour le mener à bonne fin.

Simple commentateur nous voulons être, simple commenta- teur nous resterons jusqu'au bout.

CHAPITRE II

Des offenses en général.

On entend par offense ce qui se dit, s'écrit, se fait ou même s'omet, avec l'intention de nuire à quelqu'un dans sa personne, dans son honneur ou dans ses biens.

Indiquons le sens des termes employés dans notre définition. Cette explication préliminaire nous parait indispensable à rintelli- gence du sujet.

Ce qui se dit, ou s'^crtï, comprend les injures, invectives, diflfa- mations, lettres, articles de journaux, dessins, peintures, gravu- res, etc., en un mot toute manifestation outrageante par la parole, par la plume, le pinceau, le burin, etc., d'une personne envers une autre.

Ce qui se /att^ désigne généralement, les coups, blessures, voies de fait, gestes, etc., en un mot toutes les manifestations outra- geantes d'une personne envers une autre, produites au moyen d'actes qui ne dérivent ni de la parole, ni de la plume, ni des autres moyens énumérés plus haut, et qui ne sont pas des omissions.

Ce qui «'omet, comprend toutes les manifestations outrageantes, exprimées au moyen d'abstentions, négligences intentionnelles, etc. En un mot, on offense une personne par abstention lorsqu'on ne lui rend pas certains devoirs auxquels elle a droit.

Par intention de nuire, il faut entendre l'intention d'offenser. Cette intention, sur laquelle nous reviendrons chapitre v, est indis- pensable à l'existence de l'offense, à condition de sortir du domaine de la conscience et de se manifester extérieurement.

40 PREMIÈRE PARTIE.

Que faut-il entendre par oes mots : dans sa personne, dans son honneur et dans ses biens?

Entre la personne et les biens, la distinction s'établit d'elle- même. On voit plus difficilement les caractères qui séparent la per- sonne de rhonneur, surtout au point] de vue qui nous occupe, et dans lequel l'honneur, à lui seul, absorbe en quelque sorte la personne tout entière. Il serait donc utile de bien s'entendre sur ce mot honneur, qui domine toute la matière des offenses.

Vhonneur est le patrimoine de la conscience, l'ensemble des vertus acquises et des principes observés, conformément aux pres- criptions de la loi morale.

Cette définition abstraite a le défaut de ne pas caractériser l'honneur plus conventionnel et plus mondain qui sert de base à la législation du point d'honneur.

A cette hauteur, beaucoup d'offenses ne sauraient l'atteindre.

L'honneur, qui ne relève que de la conscience et de la loi morale, ne se préoccupe guère en effet des préceptes arbitraires, et, à plus forte raison, des préjugés d'une société. Il est trop restreint relativement à l'extension que lui donnent les règles du point d'honneur, qui embrassent en outre certains sentiments, certaines qualités ou manières d'être , tels que la considération, l'amour- propre, la politesse, la dignité, la délicatesse, qui dérivent de lui et qui, non moins que lui, sont susceptibles d'être atteintes par une offense.

Nous appellerons l'honneur proprement dit honneur morale tandis que ses dérivés, quels qu'ils soient, seront compris sous la dénomination collective d'honneur social.

Cette distinction extrêmement importante pour le classement des offenses, et sur laquelle nous attirons toute l'attention du lecteur, n'est pas assez faite. Dans l'habitude de la vie, tout homme qui se prétend offensé demande réparation au nom de son honneur, quel que soit le genre d'atteinte qu'il ait subie, et bien que souvent l'honneur proprement dit ne soit nullement en jeu.

Lhonneur moral doit, bien entendu, occuper la plus haute place ; c'est celui qui tient à la personne, émane d'elle et peut se passer de l'opinion. C'est un sentiment qui nous donne l'estime de nous-même par la conscience de Taccompiissement d'un devoir.

Au contraire, la considération est extérieure. Elle arrive du dehors, elle naît moins des mérites que l'on a que des mérites que Ton parait avoir. C'est uu hommage rendu par ceux qui nous entou- rent à notre position dans le monde. Un homme considéré peut être

OFFENSES. RÈGLES DC DUEL. 44

sans honneur, et an homme d'honneur sans considération. Con- tester la probité d'nne personne, c'est atteindre son honneur ; con- tester son mérite et son crédit, c'est attaquer sa considération.

A côté de cette considération soumise à tant d'influences exté- rieures, nous trouTons un sentiment plus personnel, qui tient à la fois de l'honneur et de la considération parle besoin de se respecter et de se faire respecter qu'il inspire à Phomme. C'est l'amour-propre entendu dans son acception la plus autorisée, c'est-à-dire Testime de soi. II est vrai que ce mot désigne ordinairement une prétention voisine de la vanité ; mais lorsqu'il s'applique à une conception plus élevée de notre mérite, il prend le nom de dignité.

L amour-propre a pour auxiliaire la susceptibilité.

Nous n'entendons pointparler ici de cette ombrageuse méfiance qui se choque de tout, et qui fait dire d'un homme : a Quel fagot d'épines! » mais simplement de la faculté de sentir une offense, d'être affecté par elle.

Cette faculté est tenue en éveil par l'appréciation plus ou moins justifiée que nous avons de notre importance, de notre mérite, de nos vertus. On constate plus spécialement son action sur Pépiderme tellement sensible du point d'honneur. Elle nous met en garde non seulement contre les atteintes à l'honneur, à la considération, mais encore contre les infractions à la politesse, et contre tout ce qui frappe notre délicatesse.

La politesse est l'ensemble des règles établies par l'usage ou la convention, pour faciliter sous des dehors bienveillants les rapports que la vie sociale impose aux individus. La politesse comprend le savoir-vivre, qui lui-même se rattache à la délicatesse.

Celle-ci est également un produit de la civilisation. C'est une culture spéciale de tous les sentiments qui touchent à l'honneur, un raffinement dans la manière de comprendre et de sentir les procé- dés, dans l'interprétation des règles du savoir-vivre.

C'est elle qui fait le galant homme.

De même que le véritable honnête homme est celui qui ne se contente pas d'observer le code, de même Thomme délicat a pour principe de ne pas s'en tenir à Tobservation pure et simple de la politesse. Une politesse irréprochable n'est pas toujours la délica- tesse.

Nous pouvons maintenant nous faire une idée exacte du point dhonneur, intimement lié par sa nature même à toutes les défini- tions que nous venons de donner.

Nous l'intitulerons : la susceptibilité légitime de l'honneur sous toutes ses formes, contre toutes les atteintes qui le menacent. Il varie bien entendu de caractère et d'intensité, selon le tempéra-

\

n PREMIÈRE PARTIE.

ment, la position sociale de l'offensé, etc. ; mais ces distinctions Tiendront à leur place, lorsque nous étudierons les offenses au point de yue des circonstances gui peuvent le modifier.

L'offense, avons-nous dit, peut atteindre un individu non seu- lement dans sa personne, mais encore dans ses biens.

A première vue, cette proposition semble inadmissible. On ne comprend guère qu'un préjudice matériel, un dommage pécu- niaire, soient de nature à motiver une réparation par les armes, et on est tenté de renvoyer sans examen préalable aux tribunaux l'bomme qui s'adresse à la juridiction du point d'honneur pour une atteinte à ses biens. On aurait cependant tort d'agir ainsi.

Il ne faut pas confondre la lésion pécuniaire, qui donne droit à une réparation que les tribunaux peuvent en effet seuls accorder, avec l'offense qui existe concurremment. Il peut bien se faire, ne l'oublions pas, qu'un même acte nous atteigne à la fois dans notre honneur et dans nos biens.

Tel serait le cas un individu briserait le buste de mon père, le couvrirait d'ordures, le maculerait pour toujours. Lorsqu'il y a quelques années M. Lippmann, gendre d'Alexandre Dumas, lacéra en pleine exposition du Cercle artistique le tableau du peintre Jaquet représentant son beau-père en marchand juif, il est évident qu'il entendit causer à l'artiste non pas seulement un dommage ma- tériel et pécuniaire, mais encore lui rendre offense pour offense.

Les définitions et explications que nous venons de donner nous permettent de poser une règle qui doit être appliquée chaque fois qu'on veut opérer rationnellement le classement d'une ou de plu- sieurs offenses.

Toute tentative pour y arriver sans elle n'amènera que des résultats illogiques.

On peut la formuler ainsi :

La valeur des offenses est subordonnée,d'une part, à leur nature propre^ d'autre part, aux circonstances qui les modifient.

Par leur nature propre, les offenses se distinguent entre elles, d'abord lorsqu'elles s'opposent à des qualités d'espèces différentes, telles que l'honneur, la considération, la politesse, etc., auquel cas, elles deviennent desoffensesd'espècecontraireà ces mêmes qualités.

Une atteinte à l'honneur est toute autre qu'une simple infrac- tion à la politesse.

Ensuite, lorsqu'elles se trouvent en antagonisme avec une même qualité ou avec les fonctions d'une même qualité, mais à des degrés différents.

On entend par circonstances les qualités accidentelles s'ajou-

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 43

taDt à l'offense déjà constituée dans sa nature pour en modilier la portée.

Par qui Poffense a-t-elle été commise? A qui s'adresse-t-elle? Quelle est la condition? Quel est l'âge ou l'état de la personne offensée, aussi bien que de la personne qui offense?

Gomment l'offense s'est-elle produite? Est-ce par parole, par écrit, par action, par omission, spontanément ou avec préméditation, avec ignorance ou en pleine connaissance? Dans quel but et dans quelle intention 7

Enfin certaines questions de temps et de lieu devront également entrer en ligne de compte, sans oublier les circonstances acces- soires, les incidents, les nuances de toutes espèces, qui peuvent modifier en bien ou en mal la portée d'un acte injurieux.

C'est à l'aide de ces données générales que nous essayerons d'établir un classement méthodique et rationnel des offenses.

CHAPITRE III De la valeur et du classement des offenses.

En matière dépeint d'honneur, l'offense comprend trois degrés ou catégories :

L offense simple ou du premier degré;

L'offense grave, aussi nommée injure, qui est du deuxième degré;

Loffense avec voie de fait, qui est du troisième degré.

L'offense grave, avons-nous dit, prend le nom d'injure. Ce nom lui est exclusivement réservé ; aussi lorsque, au cours des chapitres relatifs à l'offense, le lecteur trouvera le mot injure employé sans adjonction d'épithète, il devra lecoubidérer comme synonyme d'of- fense grave ou du second degré.

La détermination de la valeur des offenses est l'opération la plus délicate que les témoins aient à remplir, principalement s'il y y a offenses réciproques, c'est-à-dire lorsqu'à une offense il a été répondu par une autre offense. Elle constitue également la partie la plus importante de la mission qui leur est confiée.

S'ils lisent nos chapitres vu et vin, ils verront que, selon que l'offense monte ou descend d'un degré, elle donne, s'il y a offenses réciproques, la qualité d'agresseur ou d'offensé et confère ou retire,

44 PREMIÈRE PARTIE.

dans tous les cas, certains avantages dont la vie des adversaires peut dépendre.

En effet, roffensé du premier degré choisit son arme; Voffenséiu second degré choisit son arme et son duel; l'offensé du troisième degré choisit son arme^ son duel et ses distances.

Cette considération, sur la gravité de laquelle il parait inutile d'insister, suffira, nous n'en doutons pas, pour expliquer notre in- sistance, frapper Tattention des témoins, et assurer au classement qu'ils entreprendront toute la sollicitude dont ils sont capables. Pour mener à bien cette entreprise, il leur faut non une solution donnée à Favance pour tous les cas, une étiquette pour chaque offense (la chose est impossible à tous les points de vue), mais une méthode rationnelle, une base d'appréciation leur permettant de ranger sans trop de peine, dans la catégorie qui leur convient, et grâce à des principes généraux, les offenses soumises à leur déci- sion.

Cette méthode leur est indiquée par la règle formulée au cha- pitre précédent, aux termes de laquelle : « la valeur des offenses est subordonnée d'abord à leur nature propre^ ensuite aux circon- stances qui les modifient ».

Ces deux points de vue, auxquels correspondront les chapi- tres IV et v, constituent la base de tout classement.

CHAPITRE IV De l'offense étudiée dans sa nature.

Dans ce chapitre, nous entendons apprécier les offenses d'après les qualités, vertus ou prétentions avec lesquelles elles se trouvent en opposition.

En principe, tout ce qui se fait, se dit ou s'omet contre Fhon- neur est une injure ou offense grave. Les atteintes à la considé- ration sont le plus souvent, mais ne sont pas nécessairement des injures.

Toutes celles qui concernent l'amour-propre, la politesse, la

délicatesse, pris dans le sens que nous leur avons donné chapitre n,

ne sont que des offenses simples, à moins qu'elles n'atteignent du

même coup l'honneur ou la considération, cas auquel elles dispa-

^raissent devant l'atteinte la plus grave, qui détermine le classement.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 45

Des atteintes à l'honneur.

Ce qui se fait contre rhonneur comprend tout d'abord la voie de fait, la plus grave de toutes les offenses» dont nous renvoyons rétude à la fin de ce chapitre, et qui donne à celui qui l'a essuyée le maximum des privilèges réservés à Toffensé. Viennent ensuite les actes outrageants, qui, sans constituer la voie de fait, se manifestent par des gestes, des attitudes et tous les mouvements extérieurs qui marquent le mépris.

Faire le geste de frapper quelqu'un, cracher devant lui, lui montrer le poing, lui tirer la langue, lui faire un pied de nez, exprimer par un jeu de physionomie le dégoût qu'il vous inspire, etc., peut, suivant les circonstances, constituer une offense grave.

Montrer la porte à quelqu'un entre dans la même catégorie.

Une démarche peut être gravement offensante, sans être accompagnée de gestes et de paroles. Lorsqu'il y a quelques années, H. Wilson fit sa rentrée à la Chambre, après le fameux procès des décorations, plusieurs députés quittèrent immédiatement la salle. Personne ne pouvait se méprendre sur le sens injurieux de cette retraite silencieuse.

Toute entreprise amoureuse contre une fille, une sœur, une épouse, etc., est une atteinte à Thonneur, qui peut conférer, sui- vant les circonstances, au père, au frère, au mari, etc., soit les pri- vilèges d'offensé avec injure grave, soit ceux d'offensé avec voie de fait, conformément aux distinctions établies chapitre viii.

Les omissions contre l'honneur sont également des injures. Si TOUS refusez de rendre àquelqu'un le salut qu'il vous adresse, après avoir déclaré publiquement que vous ne saluez jamais les gens que vous méprisez, cette omission fait présumer une offense grave de votre part.

Ce qui se dit contre l'honneur comprend toutes les injures par parole et par écrit.

La parole prend la forme d'invectives, d'outrages, d'affronts, etc. Elle sert également à la diffamation , c'est-à-dire à la calomnie, à la médisance, aux jugements téméraires, aux accusations de toute sorte portées contre l'honneur. Nous l'étudierons plus eu détail après que nous nous serons occupés de la considération.

Les écrits arrivent aux mêmes résultats sous forme de lettres, articles de journaux, livres, pamphlets, dessins, etc.

En résumé, on injurie quelqu'un en le traitant de malhon- nête homme, en lui reprochant toutes les actions contraires à la loi morale, si ces infractions sont en même temps contraires à riionneur social, si elles relèvent du point d'honneur.

46 PREMIÈRE PARTIE.

L'accord de la loi morale et des préceptes conventionnels de Phonneur social est en effet nécessaire, ne Poublions pas, pour constituer Phonneur d'espèce particulière qui nous occupe. C'est parce que Phomicide, le vol, le viol, le faux, le parjure, etc., trans- gressent à la fois les préceptes de la morale et les préceptes conven- tionnels dont il vient d'être parlé, que Pimputation d'une de ces infractions doit être indiscutablement rangée parmi les offenses qui lui portent atteinte.

L'introduction d'un élément conventionnel dans l'ensemble des qualités ou vertus qui forment cet honneur, qu'on peut très justement qualifier de spécial, amène nécessairement quelques ré- sultats illogiques.

C'est quelquefois sans cause bien apparente que Paccord existe ou n'existe pas, et que Pimputation de faits contraires à la morale constitue ou ne constitue pas en même temps une atteinte aux principes conventionnels de Phonneur social.

Pour ne prendre qu'un exemple : la colère et le mensonge sont des défauts réprouvés par la loi morale. Cependant, si je dis d'un homme du monde : <c Quel homme emporté et colère je ne l'of- fense pas dans son honneur. Le contraire a lieu si je m'écrie : « Quel menteur! » Pourquoi dans ce dernier cas une pareille aggravation de l'offense ? II faut en chercher la cause dans une vieille institution, celle de la chevalerie, le preux devait être un miroir de vérité que le moindre souffle ternissait. Le déshonneur attaché au men- songe, et par suite au démenti qui n'est autre chose qu'une accu- sation de mensonge, n'a donc pas d'autre motif que d'être un reflet de mœurs et d'institutions disparues.

Si Paccord sur lequel nous insistons n'a pas lieu, parce que les principes conventionnels attachent seuls une idée de réprobation à Pacte imputé, tandis que les lois morales ne le font pas, nous avons Pattein te à la considération, l'atteinte à Pamour-propre, etc., nous n'avons plus l'atteinte à Phonneur.

Atteintes à la considération.

La considération peut être atteinte par les mêmes manifesta- tions outrageantes que Phonneur (actes, paroles, écrits ou omis- sions). Mais si toutes les atteintes à Phonneur sont des offenses graves, il n'en est plus de même pour les atteintes à la considéra- tion. Elles sont tantôt du premier, tantôt du second degré.

En vertu de la définition donnée chapitre ii, qui fait dépendre la considération de causes extérieures, de mérites conventionnels souvent étrangers à Phonneur, une offense sera grave ou simple

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 47

suiyant l'importance que le monde attachera an défaut qui nous est imputé.

On voit de suite combien ce classement sera nécessairement arbitraire, puisque Timpression personnelle des témoins et des ar- bitres influera sur leur manière d'apprécier l'importance attachée par le monde à ce défaut. On peut dire cependant que l'honneur proprement dit est la source la plus efficace de la considération. Un homme jouit d'une réputation de probité incontestée ; on l'es- time à cause de cela. C*cst son honneur qui lui procure cette consi- dération. Le traiter de voleur, c'est l'atteindre à la fois dans son hon- neur et dans sa considération.

11 en résuite qu'en général la gravité de l'offense sera d'autant plus considérable que la qualité à laquelle l'atteinte aura été portée se rapprochera davantage des qualités constitutives de l'honneur, et qu'inversement la gravité de l'offense sera d'autant moindre que la qualité à laquelle l'atteinte aura été portée s'en éloignera davantage, et se rapprochera de celles qui constituent la politesse, la délica- tesse et autres tributaires de l'amour-propre.

Nous disons en général, car ces principes souffrent de nom- breuses exceptions, notamment en ce qui concerne l'imputation d'avoir reçu un soufflet sans en demander raison, d'avoir refusé satisfaction à une personne offensée, etc.^.

Ces distinctions, qui se présentent naturellement à l'esprit, ont été exprimées dans ces termes par Portails :

« Un citoyen a trois espèces de réputation à garder : la réputa- tion de probité, la réputation de vertu, la réputation de talent et de mérite. L'injure la plus grande est celle qui attaque la probité, parce que la réputation de probité est la plus utile à l'homme qui vit avec les autres hommes. La réputation de vertu vient ensuite, etc.. »

Elles nous amènent à examiner la considération, relativement à certaines conditions correspondant à ses rapports avec la vie privée, la vie professionnelle, avec la vie politique, avec la vie littéraire.

1. Voyez même chapitre : Considération privée.

Dans son beau livre sur la Diffamation^ Vinjurê et l'outrage, M. Grellet-Dumazeau a traité ces questions avec une ampleur de vues remarquable, un réel talent et une compétence qui s'imposent encore aujourd'hui. Aussi Pavons-nous suivi pas à pas, pour tout ce qui concerne les différentes espèces de considération, et lui avons- nous emprunté ce qui paraissait susceptible de rentrer dans notre cadre.

Le mélange intime de ces emprunts avec les passages qui nous sont personnels ne nous permettait guère d'indiquer exactement la part qui revient à chacun.

Cette déclaration générale suffira, nous Tespérons, pour nous éviter Timputation de plagiat.

* Voyez, du reste, pour plus amples renseignements : Opus citatum, 1846 Deus volumes in-8% tome I, paragraphe 70 et suiv.

1 «

/8 PREMIÈRE PARTIE.

Considération privée.

On appelle ainsi celle qui natt de la pratique des vertus et de Pobservation des règles de conduite qui font Thonnéte homme, le bon père de famille, le citoyen honorable.

Elle est complète lorsqu'elle a pour base Thonneur moral et l'honneur social, mais nous savons que le point d'honneur n'exige pas le cumul de ces deux qualités.

De même que certains actes contraires à la loi morale ne sont pas contraires aux principes conventionnels dont il a été parlé précédemment, de même que l'imputation de ces actes ne constitue pas une atteinte à l'honneur spécial qui nous occupe, de même certains actes, qui ne sont pas contraires à la loi morale, sont con- traires aux principes conventionnels sur lesquels repose la consi- dération, et lui portent atteinte.

Ainsi, recevoir un soufflet sans en demander réparation par les armes est évidemment conforme aux principes de la loi morale, qui interdit de se faire justice à soi-même. 11 n'en est pas moins vrai que Thomme du monde, frappé au visage, est livré au mépris s'il subit cet outrage avec résignation. Il est taxé par les uns de lâcheté, par les autres de faiblesse, et par tous de cette timidité qui fait dire d'un individu qu'il n'a pas de sang sous les ongles.

En présence de cette mésestime, publier qu'un homme a reçu un soufflet sans en demander satisfaction, c'est évidemment nuire à sa considération et commettre envers lui une offense grave.

Mais pour que cette offense soit sujette à réparation par les armes, il faut qu'elle s'adresse à un homme soumis aux préjugés conventionnels du point d'honneur et ne pouvant s'y soustraire ni par son état, ni par sa condition, ni par ses principes.

Un individu de basse condition, un paysan accusé d'avoir reçu un soufflet, ne restera peut-être pas insensible à l'outrage, mais ne cherchera certainement pas à laver son injure selon les formes indiquées par Chateauvillard.

Terminons ce qui regarde la considération par l'examen d'une question qui a soulevé de violentes controverses.

On s'est demandé s'il était permis à l'histoire contemporaine de faire une incursion dans la vie privée d'un individu, d'en révéler les secrets blessants, si ces secrets se rattachent à la vie publique et en expliquent les actes.

Nous n'hésitons pas à répondre négativement.

Le droit de critique, sur lequel nous allons revenir à propos des autres formes de la considération, ne doit pas franchir impuné- ment le fameux mur de la vie intime. Toute incursion dans le

à

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 49

domaine privé, quelle que puisse être la forme sous laquelle elle se masque, constitue une offense à la réparation de laquelle l'écri- yain ne saurait se soustraire sans contrevenir aux règles du point d'honneur.

Considération professionnelle.

La considération professionnelle s'entend de Testime que chacun peut avoir acquis dans l'état qu'il exerce.

Elle ne se confond pas avec la considération privée. On peut être un parfait honnête homme, très considéré, très bien accueilli dans le monde, et être un médecin sans valeur, un barbouilleur de plats d^épinards.

Cependant, quelques professions sont soumises à des devoirs spéciaux, donnant naissance à une considération qui se rapproche beaucoup de la considération privée. Les avocats, les notaires, etc., peuvent commettre certaines infractions susceptibles d'être punies disdplinairement et capables d'entacher gravement leur considé- ration, car les règles violées ont précisément pour but d'assurer la dignité de l'ordre par des obligations individuelles.

Telle est^ par exemple, celle du secret professionnel.

Les actes qui portent atteinte à une face de la considération professionnelle, autre que cette face sui generis, ne constituent généralement pas une offense grave, principalement si la profession exercée par l'individu visé le met en contact avec le public et le rend tributaire de sa critique.

Ainsi, l'avocat qui plaide devant un tribunal ne saurait être admis à demander réparation par les armes parce qu'on aura dit qu'il a perdu une bonne cause grâce à de piètres arguments, ou à son manque d'éloquence, bien qu'il doive résulter de cette imputation une atteinte à son amour-propre et même à ses intérêts pécuniaires.

Le droit de critique devient encore plus étendu lorsqu'il porte sur des personnes publiques, telles que fonctionnaires, agents de l'autorité, etc., et autres énumérées articles 222 et suivants du Code pénal, 31 de la loi de 1881. En effet, de leur qualité même naît le droit d'examiner leur conduite, de scruter leurs actes et de dévoiler les fautes de leur vie publique.

Mais il est bien entendu que le droit de critique est limité aux actes de fonction et ne s'étend pas à ceux de la vie privée. 11 constitue une exception aux règles ordinaires et n'a d'autre but que d'assurer par un examen vigilant la bonne administration des affaires publiques, abstraction faite de toute personnalité sans inté- rêt pour la société, ,

SO PREMIÈRE PARTIE.

Toute attaque à la vie privée constitue une offense dont le degré yarie naturellement selon la nature de l'atteinte et les cir- constances qui l'accompagnent. Constitueraient également offense les expressions outrageantes qui accompagneraient une critique, même tolérée, de la considération professionnelle.

Si j'impute, par exemple, à un fonctionnaire d'avoir interprété une circulaire ministérielle d'une façon erronée, je n'outrepasse pas mon droit de critique ; mais si je conclus par ces mots : « Il a agi comme un âne bâté », je commets envers lui une offense qui ne peut, comme nous le verrons pour la diffamation, être effacée par la vérité de mon assertion.

Peu importe, en effet, qu'il ait commis une énorme balourdise, et que je le prouve. L'épithète d'âne bâté était inutile à la sauve- garde de l'intérêt public, qui est la base du droit de critique. Au reste, cette distinction doit être faite chaque fois qu'en vertu d'un droit d'appréciation reposant sur n'importe quelle base, une face quelconque de la considération est en jeu.

Considération politique.

La considération politique est celle qui résulte de l'aptitude, du talent, de l'habileté, du dévouement dont un homme fait preuve dans le maniement des affaires publiques, ou de la gloire qu'il s'y est acquise.

Elle peut être librement discutée dans son origine et dans sa valeur.

Le droit de censure s'étend à tous les actes de la vie publique.

Les intérêts qui s'agitent dans cette sphère élevée sont trop importants pour que la vigilance qu'ils appellent n'obtienne pas toute la latitude d'action compatible avec une liberté sage et décente tout à la fois.

La considération politique ne peut naître que d'actes purement politiques, se rattachant à l'exercice d'un droit plutôt qu'à l'exercice d'une fonction.

Il ne faut donc pas la confondre avec la considération profes- sionnelle, qui est le patrimoine de toute personne exerçant une fonction publique ou privée, ou en dehors de la politique, et pour laquelle le droit de critique est plus restreint.

Le sénateur, le député, le publiciste, le journaliste sont des hommes politiques dont la considération, en ce qui touche cette face de leur personnalité, peut être impunément attaquée.

La distinction entre la considération politique et les autres considératioQft présente quelquefois une certaine difficulté, s'il

OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. H

s'agit, par exemple, d'un candidat à dès fonctions électives, qui ne peut être considéré uniquement, ni comme un simple particulier, ni comme étant revêtu d'un caractère public, mais qui participe de ces deux personnalités.

Les électeurs ont le droit de discuter sa personnalité politique, ses titres, d'apprécier son attitude, d'interroger tous les actes de sa vie publique antérieure, de contrôler ses opinions, ses votes et ses tendances, en un mot de rechercher s'il mérite la confiance de ses concitoyens.

Il s'ensuit que le droit de discuter le candidat comporte celui de diriger contre lui des imputations, ou d'employer des expressions qui seraient regardées comme blessantes dans le commerce habituel de la vie; mais il faut que ces imputations et ces expressions, appréciées au point de vue de l'intention, puissent être expliquées par les entraînements de la lutte électorale, sous la seule condition qu'elles n'aillent pas jusqu'à la calomnie. L'intérêt d'éclairer les électeurs passe avant celui du candidat.

On comprend, du reste, que ce dernier n'ait pas le droit de se montrer aussi chatouilleux que s'il était resté en dehors de la lutte électorale, car, par le fait de sa candidature, il a lui-même provoqué les électeurs à le discuter.

Irons-nous, comme le voudraient certains pnblicistes, jusqu'à donner au droit de critique une extension telle qu'il comportât celui d'attaquer Thonorabilité du candidat et de faire des incur- sions dans sa vie privée, sous réserve de la vérité des imputations? Certainement non. L'honneur, la considération privée doivent tou- jours demeurer indemnes.

La preuve n'exonère Toffenseur de sa responsabilité que si le fait qu'il avance est de nature à entraîner Tindignité de l'individu offensé ^

Ce que nous disons des hommes pris individuellement, nous le dirons des journaux qui représentent ces individualités.

Le journal qui exploite le domaine des événements et des opi- nions politiques doit supporter toutes les conséquences de ce genre d'entreprise.

Les inculpations de parti à parti ne ressortissent que du domaine de l'opinion.

La polémique doit jouir, dans ses rapports réciproques, d'une grande liberté et même d'une certaine licence. Ainsi, toute imputa- tion portant sur les vœux, les espérances, le but, etc., d'un journal est permise. On peut rechercher les antécédents des gérants, rédac-

1. Voyez, notre chapitre xu.

n PREMIÈRE PARTIE.

teurs, directeurs, propriétaires, pourvu que ces antécédents se rat- tachent à la politique et ne soient pas publiés dans un but de déconsidération privée.

Considération littéraire.

Nous entendons par ces mots non seulement la considération que donne la culture des lettres, mais encore la pratique des sciences et des arts; en un mot, la réputation de talent et de mérite.

Elle aussi peut être discutée librement.

On peut attaquer un livre, un système, un tableau, pourvu que Tœuvre ne soit pas le prétexte de l'attaque et l'auteur le véritable but.

Concédons à la critique le droit de déclarer que le système ren- ferme des propositions absurdes, le livre des opinions impies et malsonnantes, le tableau des allégories séditieuses, la statue des nudités déshonnétes ; qu'elle ait carte blanche a fortiori pour s'at- taquer au langage, au style, à la forme, au sujet.

La pensée tout entière de l'auteur appartient au critique. A lui le droit de l'interroger, de l'interpréter, de la dénaturer même.

Mais si nous livrons la considération littéraire de l'auteur ii toutes les chances de la publicité qu'il dépendait de lui d'éviter, gardons-nous de permettre que sa probité soit impunément atta- quée.

Nous n'entendons pas parler ici de sa probité d'homme privé ; il serait inutile, après ce que nous avons dit, de faire des réserves à cet égard, mais d'une probité particulière à l'homme de l'art qui rend sa moralité personnelle solidaire de la moralité de son œuvre. Il y aurait offense, non couverte par le droit de critique, dans le fait d'imputer à un peintre de produire comme original un tableau qui ne serait qu'une copie ; à un sculpteur d'exposer une statue moulée pour une statue modelée ; à un auteur des infidélités préméditées ou des interpolations dans les textes. Il ne s'agirait plus, en effet, d'un jugement porté sur l'ouvrage, mais de faits de fraude articu- lés contre l'ouvrier à raison de son ouvrage.

Ce n'est plus son intelligence, son jugement, son esprit, sa doc- trine, qui sont attaqués ; c'est sa bonne foi, son honnêteté.

Il n'est plus accusé de débiter un produit de mauvaise qualité, mais de tromper sur la nature du produit.

L'imputation de plagiat ne dépasse pas les limites de la critique permise, si on entend par plagiat les emprunts dissimulés de sujets, d'idées ou de textes partiels ; mais il en est autrement si le plagiat allégué prend les proportions d'une sorte de contrefaçon.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 23

Lorsqu'on attribue à autrui des vers, des lettres, des discours absurdes ou ridicules, altaque-t-on seulement la considération litté- raire de l'individu qui est censé les avoir publiés ? Cette attribution simulée ne donne-t-elle pas matière à réparation?

Si, car il ne s'agit pas, dans l'espèce, de considération littéraire proprement dite qui appartient au public, dont l'auteur provoque l'examen. La personne sous le nom de laquelle l'œuvre ridicule a été publiée, n'ayant pas recherché la dangereuse épreuve de la publi- cation, n'est pas tributaire du public. Sa considération privée est seule en jeu.

Il y a offense grave dans le fait d'imputer à un écrivain de vendre, sous l'autorité et la garantie de son nom, des ouvrages dont il n'est pas l'auteur, car une pareille imputation s'attaque à la pro- bité de celui qui en est l'objet.

Diffamation.

Nous croyons utile de dire quelques mots sur la diffamation, qui, soit par parole, soit par écrit, constitue un des moyens les plus fréquents d'offenser.

La diffamation consiste dans l'imputation ou l'allégation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération.

En principe, pour qu'il y ait diffamation, il n'est pas nécessaire que le fait allégué ou imputé soit faux. Le mot diffamation com- prend aussi bien la médisance ou le jugement téméraire que la calomnie.

La vérité des faits diffamatoires ne met pas V agresseur à l'abri aune réparation.

Si je dis : « M. X... est un cocu, » réelle ou fausse, Timputation est une offense. J'aurai beau me retrancher derrière la notoriété pu- blique, ou même derrière un jugement établissant clair comme le jour que M. X... a subi le sort de Ménélas, je ne pourrai me sous- traire au cartel qu'il m'adressera.

Il existe cependant deux cas la preuve décharge l'agresseur de l'obligation de réparer :

1^ Si le fait allégué ou imputé entraine l'indignité de la personne diffamée. On ne se bat pas avec un voleur ou avec un escroc * ;

2^ Lorsqu'il s'agit de personnes ayant agi dans un caractère pu- blic ou politique, pour faits relatifs à cette face de leur personnalité, c'est-à-dire absolument étrangers à leur vie privée et sous réserve

1. Voyez chapitre xii.

Î4 PREMIÈRE PARTIE.

des expressions outrageantes qui ont pu accompagner Timputatlon et qui n'ont rien à voir avec la preuve *.

Dans ces deux cas, le fardeau de la preuve incombe à l'auteur de l'imputation.

La loi pénale n'admet pas la diffamation sans que le fait allégué ou imputé soit précis et déterminé. Traiter quelqu'un de voleur est une injure, le traiter de banqueroutier est une diffamation, parce qu'alors l'imputation précise les circonstances dans lesquelles le vol s'est accompli.

En matière de point d'honneur, celte distinction est sans grande importance, puisqu'il y a offense dans les deux cas. Observons cependant que la précision du fait peut quelquefois modifier la va- leur de l'offense. Si d*une voix ironique je dis : « M. X... est un malin, » l'offense (en admettant qu'elle existe) est bien moindre que si j'ajoute : « Il a dans telle circonstance côtoyé la loi pénale avec une remarquable habileté. »

La tentative d'un fait contraire à l'honneur ou à la considéra- tion est une diffamation. Exemple : Reprocher à une personne d*a voir essayé de tricher au jeu.

Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait diffamation, que le fait allégué soit œuvre active de la personne à qui on l'impute, dès qu'il porte atteinte à l'honneur ou à la considération.

Dire d'une jeune fille qu'elle a été violée, d'un mari qu'il a été trompé, sont des diffamations, bien qu'il n'y ait aucun rapport actif entre le fait et la personne. Le fait allégué ou imputé n'a pas besoin non plus d'être directement personnel à l'individu qui se prétend diffamé.

Je suis militaire, en concurrence, pour obtenir un grade, avec Pierre qui l'emporte sur moi. Si je dis : « Ce n'est pas étonnant, Pierre a fait un cadeau à la femme du chef de corps pour être porté avant moi sur la liste de promotion *. » Il n'est pas douteux que l'of- fense n'atteigne ce chef de corps.

Pour qu'ily ait diffamation, il n'est pas nécessaire que l'honneur ou la considération aient été réellement atteints ; l'intention de diffa- mer et le fait imputé suffisent.

Peu importe, notamment, que l'honneur de la personne visée soit à l'abri de toute atteinte.

1. Vovez Considération professionnelle et poliliqm.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. Î5

Des atteintes à Tamour-propre et à la dignité.

Gomme Thonneur et la considération, V amour-propre et la dignité peuvent être atteints par des actes, des paroles et surtout par des omissions, qui, en cette matière, constituent le mode d'of- fenser le plus habituel. En passant de la considération à l'amour- propre, nous descendons d'un degré, surtout s'il s'agit de Tamour- propre inspiré par la yanité. Nous tombons alors dans Toffense simple.

Reprocher à un vieux beau ses prétentions ridicules, le persifler à cause de ses cheveux teints, de ses fausses dents, de ses prétendues conquêtes, c'est, dans certaines circonstances, latteindre douloureu- sement dans son amour-propre; mais l'offense, si offense il y a, ne dépasse pas la limite de Toffense simple.

Les atteintes qui sont motivées par des railleries, invectives, etc., portant sur des difformités et infirmités corporelles ou intellectuelles, comme s'écrier, par exemple : « Ah I le vilain bossu I Le déplaisant bancal I L'embélant personnage!» rentrent dans cette catégorie. Cependant, si elles ont rapport à certains points de vue intimes, elles peuvent constituer exceptionnellement Finjure grave.

Rééditer pour une femme les fameux vers adressés à la mar- quise de Pompadour :

La marquise est pleine d'appas; Les fleurs naissent sous ses pas. Mais se sont des fleurs b

ne saurait recevoir un autre classement, car c'est dire : « J'ai eu lieu de m'en apercevoir, j'ai eu des rapports intimes avec elle ; » c'est porter atteinte à son honneur en même temps qu'à son amour- propre.

L'imputation de certaines inaladies contagieuses risquerait d'amener le même résultat.

L'amour-propre d'un ordre plus élevé que celui dont nous avons parlé tout à l'heure, Vestime de soi, qui prend le nom de dignité, se confond dans certains cas avec la considération, et peut donner lieu à des offenses graves.

Un homme considère comme de sa dignité de rester fidèle à ses opinions, à ses principes, à ses engagements, à ses amis ; il a acquis par cette attitude le respect des gens qui Fentourent. Si vous cher- chez à compromettre cette manière de vivre à leurs yeux, si vous lui reprochez d'y contrevenir, vous vous rendez coupable envers lui

56 PREMIÈRE PARTIE.

d'une offense réelle, qui pourra être grave dans certaines circon- stances.

Traiter quelqu'un de pantin politique, de plat valet du pouvoir, rentre dans cette dernière catégorie.

Le qualifier de ganache, subissant Finfluence du premier Tenu, ne compte que comme offense simple. En effet, Pépithète de ganache ne vise que l'intelligence ; elle ne porte atteinte ni à l'honneur ni à la considération privée. Le plus honnête homme du monde, le plus vénéré, le plus éminent, un Socrate, un Platon, peuvent devenir ganaches en quelques secondes. Il suffit pour cela de la plus légère congestion.

Des atteintes à la politesse et au savoir-vivre.

Par cela même que la politesse ne concerne guère que les ac- tions superficielles de notre vie, les infractions à ce code d'urbanité sociale ne peuvent prétendre au titre d'offenses graves, et pas tou- jours même à celui d'offenses simples.

Il n'en est pas moins vrai que l'impolitesse joue un rôle impor- tant dans les affaires d'honneur, sinon comme agent direct et prin- cipal, du moins comme point de départ de discussions et alterca- tions aboutissant à des offenses réciproques.

La difficulté sera souvent de déterminer le véritable caractère d'une impolitesse. Est-elle suffisamment grave pour donner à celui qui Ta reçue le titre d'offensé? Au contraire, ce titre doit-il apparte- nir à la personne atteinte par la réplique que son inconvenance a provoquée ? Ou bien faudra-t-il laisser au sort le soin de départir les rôles ?

Trois hypothèses qui modifient singulièrement la position res- pective des antagonistes ^

Si la réplique constitue une atteinte à l'honneur ou à la consi- dération privée, l'hésitation n'est pas possible. C'est celui qui l'a subie qui est l'offensé ; mais dans le cas contraire la difficulté s'ac- centue.

Nous nous trouvons alors au dernier degré de l'échelle, à cette limite difficile à saisir qui sépare la simple inconvenance, trop minime pour valoir une réparation, de l'offense réelle.

La seule impolitesse sujette à réparation est celle qui a le carac- tère d'un affront, pour la constatation duquel les circonstances et la question d'intention jouent un rôle prépondérant.

Ne pas rendre un salut, parler à une femme sans se découvrir,

1. Voyez chapitre vm.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. tl

annoncer qu'on ne répondra pas à telle leltre, ou qu'on ne rendra pas telle visite, parce qu'on ne veut pas entrer en rapport avec « ces gens-là », ou se commettre avec « des espèces », ou voir des per- sonnes qui ne sont pas « du monde » ; regarder avec dédain, parler avec hauteur, etc., etc., sont des impolitesses qui peuvent constituer l'offense du premier degré.

Des témoins prudents verront-ils, par contre, matière à un duel dans un simple manque d'égards ou de procédés .-comme refuser un service, ne pas prendre l'initiative du salut lorsqu'on est beaucoup plus jeune, laisser une lettre sans réponse, négliger de rendre une visite, en un mot dans l'inobservation non visiblement préméditée de ces mille bienséances imposées par l'usage aux gens qui ont reçu une bonne éducation?

Évidemment non.

L'individu dont Tépiderme est trop sensible pour supporter phi- losophiquement ces coups d'épingle mondains n'aura d'autre res- source que de rendre impolitesse pour impolitesse, mais plus mar- quée cette fois, de manière à ce que l'intention soit bien précisée et qu'il n'y ait pas de doute sur le but de sa riposte.

Il 7 gagnera la qualité d'agresseur et devra subir l'arme de son adversaire; mais, étant donné son tempérament, ce doit être pour lui une considération secondaire.

Des atteintes à la délicatesse.

Ce genre d'atteintes offre une assez grande analogie avec celles que nous avons étudiées. La politesse et la délicatesse se touchent de près.

Il ne s'agit pas ici de l'indélicatesse prise dans son acception vulgaire et synonyme d'escroquerie. Le fllou ne relève que des lois pénales.

Nous ne parlons que des procédés de mauvais aloi, ou bien encore de ces froissements qu'une interprétation de toutes les conve- nances morales et sociales fait sentir plus vivement à l'homme bien élevé. Ces sortes de blessures n'exigent pas toujours une réparation. Lorsqu'elles sont légères, elles ouvrent simplement la porte à l'of- fense, par les représailles qu'elles provoquent ; mais leur légèreté n'est souvent qu'apparente; la forme extérieure recouvre parfois une atteinte véritable. Souvent elle se manifeste sous forme d'im- pertinence.

L'impertinence est une impolitesse perfectionnée. On pourrait la définir: le savoir-vivre de l'impolitesse. Elle frappe selon les

^ •l'^.r. '

J8 PREMIÈRE PARTIE.

formes ; ce qui ne Tempéche pas de pénétrer aussi profondément qu'une brutalité. Avec elle on peut tout dire au mauvais entendeur. Le bon entendeur envoie ses témoins.

Supposons qu'un convive, s'appropriant le mot de l'évêque de Grasse, dise à son voisin qui vient de se couper le doigt en man- geant une côtelette de porc: « Vous avez taillé dans le vif, mon- sieur 1 L*offense sera la même que s'il lui avait dit : « Vous êtes un cochon 1 » Offense grave assurément, malgré l'atticisme de la forme.

Si l'impertinence ne sort pas du domaine de l'impolitesse pro- prement dite, si elle n'atteint que nos ridicules, ne blesse que notre amour-propre, elle demeure naturellement une offense simple ou du premier degré.

En dehors des atteintes à la délicatesse par insinuations mal- veillantes, il y a les procédés indélicats. Nous voulons parler de ces actions permises par la loi, et tolérées dans certains milieux, mais qu'un galant homme ne doit pas commettre ; ce qu'en termes fami- liers on appelle un mauvais tour, et en termes vulgaires une canail- lerie: toutes les trahisons, fourberies, etc., dictées par l'intérêt, l'ambition, la méchanceté, etc.

Par exemple trahir un secret important (lorsqu'il ne s'agit pas du secret professionnel), desservir un ami, une personne qui vous a rendu service pour se substituer à un avantage dont elle devait pro- fiter; intriguer pour une place, une élection contre une personne à laquelle on doit des égards, etc. Ce sont en général des offenses du premier degré, à moins que les procédés employés n'aient causé une atteinte à l'honneur ou à la considération.

C'est surtout lorsqu'il s'agit d'une atteinte à la politesse, à la délicatesse, à la dignité, à l'amour-propre, qu'il faut tenir compte dès nuances, des incidents, de la qualité des personnes, des milieux, des intentions, etc., pour arriver à préciser la valeur de Toffense; en un mot de toutes les circonstances qui peuvent accompagner l'acte et dont nous nous occuperons au chapitre v.

On raconte que, sous l'Empire, Berryer, faisant le tour d'une assemblée se trouvaient réunis un grand nombre de ses amis poli- tiques, entremêlés de quelques sommités impérialistes, distribua des poignées de main à chacun des premiers ; puis, arrivant au groupe bonapartiste, replongea avec affectation sa main dans la profondeur de son habit, pour reprendre un peu plus loin sa distribution. Ce geste suffisait à manifester l'impolitesse.

Si un des adversaires politiques du grand orateur avait pris l'initiative de lui tendre ostensiblement la main auparavant, n'est-il pas évident que ce même geste aurait constitué un refus méprisant

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 29

et agressif, d'une portée inflnimeat plus considérable que dans la première hypothèse ?

De la voie de fait.

La voie de fait occupe le degré le plus élevé dans Téchelle des offenses; aussi la législation du point d'honneur accorde-t-elle le maximum des avantages à celui qui en est victime.

On entend par voie de fait tonie mainmise, tout contact insul- tant et matériel d'un corps contre un individu. Tels sont les coups et blessures, soufflets, coups de pied et coups de poing, coups de coude; tirer les cheveux, la barbe ou les oreilles, donner des chique- naudes, secouer par le revers de Thabit, etc.

La voie de fait consiste également dans Taction de lancer des objets, une matière quelconque sur la personne qu'on veut insulter.

Ainsi lui cracher à la figure, la lui barbouiller avec une matière de n'importe quelle espèce, jeter un verre, son contenu, des cartes à jouer, un gant, etc., sont voies de fait.

Le toucher équivaut au frapper. Tous les auteurs sont d'accord sur ce point.

La gravité de l'offense n'est pas proportionnée à la force du coup. Que la main frappe ou ne fasse qu'effleurer, le résultat est le même^

En matière d'offenses du troisième degré, Tintention est réputée pour le fait, si cette intention s'est manifestée par un commence- ment d'exécution, et si la tentative n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.

Vous levez la main pour me frapper, vous portez le coup, j'ar- rête votre bras ; quoique non atteint, je reste offensé avec voie de fait. Il en est de même si vous me lancez un objet quelconque à la figure, et si, par un mouvement de recul, j'esquive le coup.

Dans la matière qui nous occupe, la question d'intention joue un rôle primordial ; aussi les témoins devront-ils y porter toute leur attention. Nous traiterons du reste ce point dans le chapitre v, en même temps que nous étudierons les autres circonstances qui modifient la valeur et la portée des offenses.

Le geste le plus insultant n'est pas une voie de fait, s'il ne touche ni ne frappe, ou ne constitue pas la tentative de toucher ou de frapper. Ainsi, lever la main contre un individu à une distance trop grande pour que le contact soit possible, cracher à terre en le

1. Voyez Chateauvillard, chapitre premier, article premier. Tavernier, Art du duel, page 26.

30 PREMIÈRE PARTIE.

regardant d'un air méprisant, etc., sont des injures et non des voies

de fait.

La menace d'une voie de fait ne saurait, à plus forte raison, être assimilée à la Toie de fait elle-même ; c'est une offense grave, offense du deuxième degré et pas autre chose.

Conséquemment, si à une injure grave je réponds par ces mots :

u Tenez-vous pour souffleté, » ce soufflet verbal ne donne pas à mon adversaire le droit d'offensé, puisque c'est moi qui ai subi la première offense. Je reste l'offensé en vertu du paragraphe !•' de rarticle 2, chapitre vni :

(( Si les offenses sont du même degré, la priorité de la réception donne rang d'offensé ^ »

Nous terminerons ce qui concerne la voie de fait en recherchant pourquoi Chateauvillard la considère comme la plus grosse des offenses, et lui accorde le maximum des privilèges réservés à l*of- fensé.

Son but est évidemment d'empêcher que les querelles ne dégé- nèrent en rixes et en pugilats, offrant le scandaleux spectacle d'hommes réputés bien élevés se gourmant comme des croche- teurs.

Tel serait l'épilogue de la plupart des querelles, si la personne gravement offensée pouvait, sans perdre les avantages que lui con- fère l'injure qu'elle a reçue, se livrer à une vengeance d'autant plus tentante qu'elle est éclatante et immédiate.

N'oublions pas que la législation du point d'honneur doit être celle des gens bien élevés, des délicats, des raffinés. Ces considéra- tions expliquent certaines décisions qui peuvent surprendre tout d'abord, mais qui paraissent ensuite naturelles lorsqu'on les exa- mine au même point de vue que Chateauvillard.

CHAPITRE V

De Tofifense au point de vue des circonstances

qui la modifient.

Les circonstances donnent à l'offense une valeur relative, extrin- sèque, qui s'ajoute a sa valeur propre, tirée de sa nature même. 11

1. Voyez appendice no 1. Affaire Laur-Thomson, 12 juillet 1889.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 31

ne s'agit pas seulement d'une lésion morale, étudiée dans son essence, mais des transformations qu'elle subit en devenant un fait. Sur vingt offenses de même nature, il n'y en aura peut-être pas deux se produisant de la même manière.

De là, pour chacune d'elles, une manière d'être, un caractère particulier, qui modifient plus ou moins son intensité.

Dans certains |cas, les circonstances donnent à l'offense une moralité nouvelle et changent son degré. Grâce à elles, l'offense simple peut devenir injure grave, et l'injure grave perdre cette qualité.

Si à la suite d*un souper très arrosé, entre vieux amis, gens discrets, qui se connaissent dans tous les recoins de leur vie privée, qui aiment à se plaisanter et qui en sont arrivés à ce point les femmes deviennent le sujet des verbiages masculins, je dis en riant à l'un d'eux, magistrat et père de famille : a Et toi, Pierre, reçois tous mes compliments; j'admire avec quelle facilité tu passes de Thémis à Vénus, et te reposes des fatigues de l'une dans les bras de l'autre. Lorsque certain jour je t'ai surpris fourrageant les charmes deH°^X., dont l'époux est de ton âge J'ai cru voir non plus un conseiller à barbe grise, mais un jeune substitut. »

Cette interpellation peut constituer une plaisanterie de mauvais goût, un manque de savoir-vivre, mais non une injure grave, parce que le combat amoureux dont je viens de faire une quasi-apologie devient aux yeux des auditeurs, gens de plaisir, plutôt un succès envié qu'une atteinte à la considération de Pierre; et qu'en admet* tant même que ce récit apprenne quelque chose de nouveau aux amis de ce dernier, il peut compter sur leur discrétion.

Supposons, au contraire, qu'en sa qualité de magistrat, Pierre soit désigné pour juger un procès en adultère, que j'écrive les mêmes phrases dans le journal de la ville il va siéger, et que je termine mon article par les expressions suivantes : « Enfin, on ne pourra pas dire qu'il ne connaît pas son sujet ? » Mon imputation sera dénature à porter atteinte à sa considération, car la dignité de vie et la correction sont des qualités sans lesquelles le père de famille ne saurait prétendre au respect de ses enfants, et le magis- trat à celui de ses justiciables.

Gomme cette imputation a été préméditée, comme elle a été rendue publique, il n'est pas douteux que, bien qu'ayant été conçue dans les termes de la première hypothèse, elle ne prenne une mo- ralité nouvelle, ne change de degré, et qu'au lieu de rester offense simple, elle ne constitue une offense grave, à raison des circon- stances.

Dans certains cas, les circonstances ne changent rien au degré

PREMIÈRE PARTIE.

de Voffense, Il resle toujours le même. Elles augmentent ou dimi- nuent seulement son intensité dans le même degré.

Si rencontrant Pierre dans une rue il ne passe que deux ou trois inconnus, je le salue, si Pierre n'a pas l'air de me voir et ne me rend pas mon salut, il commet à mon égard une simple impo- litesse, qui tient le dernier rang des offenses simples, en admettant qu'elle soit considérée même comme une offense.

Si cette impolitesse a lieu en présence d'une assemblée nom- breuse de gens qui nous connaissent, si elle est accompagnée d'un coupd'œil agressif ou d'un sourire ironique, elle se métamorphose, grâce à ces circonstances, en atteinte grave à l'amour-propre, mais elle ne change pas de degré et demeure toujours offense simple, c On peut se demander quel intérêt ont les témoins ou les arbitres à constater cette métamorphose et à peser la nouvelle intensité de l'offense, puisque, le degré restant le même, le droit d'offensé n'est pas modifié.

Cet intérêt peut être considérable, lorsqu'il s'agit d'offenses ré- ciproques, prévues par l'article 3 du chapitre vni, aux termes duquel si, à une simple impolitesse, il est répondu par une atteinte grave à l'amour-propre, toutes les chances de la rencontre sont tirées au sort.

Si nous faisons l'application de cette règle à l'exemple précé- dent, c'est-à-dire au cas une simple impolitesse a été commise, on voit que si je réponds à l'omission de Pierre par l'épitbëte d'In- solent, qui constitue une atteinte grave à l'amour-propre, je perds la qualité d'offensé à laquelle j'aurais eu droit sans cette expression d'intensité majeure, et que je dois subir l'aléa du tirage au sort.

Dans la seconde hypothèse, comme les circonstances ont donné au salut refusé par Pierre le caractère d'une atteinte grave à l'amour- propre, je puisle traiter d'insolent sans perdre mon droit d'offensé, en vertu du paragraphe premier de l'article 2, chapitre vin, aux termes duquel : « Si les offenses sont du même degré, la priorité de la réception donne rang d'offensé. »

L'importance de la modification que l'offense peut éprouver sans changer de degré, par le fait des circonstances, est encore très sensible lorsque l'affaire se termine par un arrangement amiable.

Il est clair, en effet, que la réparation à laquelle sera tenu l'agresseur augmentera ou diminuera proportionnellement à la gravité donnée à Toffense, par les circonstances qui la modifient sans changer son degré.

Prenons encore le même exemple que tout à l'heure. Ne voyons-nous pas que si l'omission offensante a été faite devant une assemblée de personnes qui nous connaissent, j'aurai le droit

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 33

d'exiger que les regrets que Pierre exprimera leur soient communi- qués, tandis que, dans le cas il n'y aurait pas eu d'autres témoins que des inconnus, la publicité ne serait plus aussi nécessaire.

Les circonstances qui modifient Toffense sont relatives li"" A la qualité des personnes; 2^ à la manière dont elle a été commise.

Nous nous demandons d'abord :

Par qui Toffense a-t-elle été commise?

Puis, à qui s'adresse-l-elle ?

Puis, dans quel but, et par quels moyens?

Où?— et quand?

1<> Par qui Tofiense a-t-elle été commise?

L'acte offensant peut être plus ou moins grave suivant l'âge, rétat, la condition, la profession, la position sociale de celui qui le commet.

Suivant Vdge. Il est évident que des paroles proférées par un homme mûr ont une portée tout autre que celles qui le sont par un tout jeune homme sans grande consistance. Il est permise un vieillard d*adresser à un homme beaucoup moins âgé des con- seils sévères, et même, dans certains cas, des reproches qui seraient peut-être considérés comme offensants dans une bouche moins vénérable. ,

Suivant la condition et l'état des personnes. Entre parents (nous ne parlons ici, bien entendu, que de ceux entre lesquels le duel est toléré), les paroles et les actes n'ont pas la même valeur qu'entre étrangers; ainsi la parenté qui existe entre cousins auto- rise certaines libertés qui paraîtraient blessantes entre personnes qui n'auraient que des rapports de hasard ou de société.

L'amitié autorise également bien des familiarités et des liber- tés analogues.

Par contre, elle peut augmenter quelquefois la gravité de l'of- fense. Si un ami me diffame publiquement, si entendant quelqu'un me diffamer, au lieu de prendre ma défense il s'en réjouit, inter- roge le diffamateur, l'excite, coopère efficacement, en un mot, à l'atteinte portée à mon honneur, il n'est pas douteux qu'à égalité de lésion, cette atteinte ne soit plus vivement ressentie par moi que si elle avait été causée par un indifférent, car au préjudice viendra se joindre la douleur de la trahison.

L'autorité, l'ascendant légitime d'une personne sur une autre lui confèrent envers cette dernière une liberté de conseils et d'ap- préciation particulièrement étendue. Exemple : Le tuteur, même arrivé au terme de ses fonctions vis-à-vis son pupille, le précepteur

3

*. , j^. -"îi

34 PREMIÈRE PARTIE.

vis-à-yisde son élève, etc. Dans Tordre hiérarchique nous trouvons des dérogations encore plus accentuées, surtout dans la hiérarchie militaire ^

Suivaiit la profession. Ainsi les épithètes que se prodiguent les journalistes, les accusations qu'ils se jettent à la face, consti- tueraient souvent des injures d*une extrême gravité, si elles éma- naient de personnes étrangères à la presse.

Entre gens de plume, elles deviennent la même monnaie des polémiques quotidiennes, et n'émeuvent guère plus ceux qui les échangent que le public qui les lit. C'est un langage d'un genre spécial, auquel tout le monde est habitué et qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre.

Suivant la position sociale. Disons quelques mots sur Fin- fluence de la position sociale, abstraction faite de toute question de hiérarchie et de subordination réglementaires.

Le Français, répëte-t-on sans cesse, ne tient qu'à Tétiquette de la liberté, mais il est affamé d'égalité. C'est vrai. Mais il est non moins vrai que cet appétit ne saurait jamais être complètement assouvi. L'égalité devant la loi existe bien théoriquement, mais l'égalité sociale est un mythe.

Mille avantages de force physique et morale, de naissance, de fortune, etc., etc., sont et seront toujours pour détruire Téqui- libre tant souhaité.

De grande jalousie, et, disons le mot, grande haine de tous ceux qui, entraînés au bas de la roue, suivent du regard le mouve- ment ascensionnel de voisins plus favorisés.

Étant donné un pareil état d'hostilité, nous voyons que si un de ces derniers se livre à une offense vis-à-vis un des disgraciés, l'atteinte sera plus vivement ressentie que si elle émanait d'un habitant des étages du dessous, c'est-à-dire d'un égal ou d'un infé- rieur.

Il est donc vrai de dire que la position sociale n'est pas sans influence sur l'intensité de l'atteinte.

2^ A qui rofifense est-elle adressée ?

Plus encore au point de vue passif qu'au point de vue actif, la qualité des personnes influe sur la valeur des offenses. En effet, nous rencontrons ici un classement particulier à l'honneur social, qui correspond à diverses catégories d'individus plus ou moins sensibles à l'outrage, selon la position qu'ils occupent. De ces dé-

1. Voyes chapitre Lxm, Provocation entre militaires de gradée inégaux.

fT ^ 1

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 35

nominations d'honneur militaire, honneur du mari, honneur de la femme, honneur professionnel, etc., etc., concernant divers groupes ayant à défendre, chacun en ce qui le concerne, un bien qui lui appartient en propre.

L'honneur militaire est très chatouilleux. Presque toutes les atteintes dirigées contre lui sont graves. Le courage y tient la pre- mière place. Tout ce qui le met en doute devient une injure.

Si j'accuse, par exemple, un ancien officier d'avoir donné, sans y être obligé par un motif de force majeure, sa démission au mo- ment de la guerre, ou de n'avoir pas repris de service après nos premiers désastres, alors que tous ses camarades le faisaient et que lui n'avait aucune raison de s*en dispenser, cette accusation est plus injurieuse que si je reproche à un civil d'avoir trouvé moyen de ne pas quitter ses foyers à pareille époque. Cependant cette double imputation met également en doute le courage de cha- cun d'eux.

Lhonneur du mari est encore plus susceptible que l'honneur militaire ^

Lhonneur de la femme, de la jeune fille surtout, est très délicat. Il suffit d'un souffle pour le ternir. La moindre insinuation, une simple inconvenance, deviennent des offenses graves. Un homme réputé bien élevé qui se laisse aller à des propos grossiers, incon- venants, ou môme simplement à double sens devant une jeune fille, peut se rendre coupable d'une offense grave, alors même qu'ils ne lui sont pas adressés.

Pour faire apprécier combien l'honneur de la femme diffère de celui de l'homme, il suffit de rappeler le peu d'importance que Timputation d'adultère peut offrir dans certains cas, lorsqu'elle s'adresse au mari, comparée à celle qu'elle acquiert si elle est diri- gée contre la femme.

L'honneur du nom est moins exigeant que les précédents *.

Ce que nous avons dit au chapitre iv sur la considération pro- fessionnelle nous dispense de revenir sur ce sujet, qui clora la liste des exemples destinés à expliquer l'influence de la qualité de la personne offensée sur la portée de Toffense.

Nous y renvoyons le lecteur.

1. Voyez notre chapitre viii.

2. Voyez notre chapitre x.

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36 PREMIÈRE PARTIE.

30 Dans quel but et par quels moyens Tofifense

a-t-elle été commise ?

Laissant de côté pour le moment les divers mobiles particuliers (baine, jalousie, etc.) qui peuvent inciter l'bomme à offenser son procbain, nous allons nous occuper seulement de la question d'in- tention, qui, dans notre matière comme dans tous les actes humains, joue un rôle prédominant.

En effet, la perpétration d'un acte qui, par sa nature, est suscep- tible de porter atteinte à l'bonneur moral et social d'un individu, ne suffit pas pour engager la responsabilité de son auteur. Il est nécessaire qu'au fait matériel se joigne Tintention d*offenser.

LHntention d'offenser résulte du concours de trois conditions.

11 faut que Fauteur ait eu : l"" la connaissance des circon- stances qui impriment au fait un caractère offensant ; 2^ la capacité de discerner ce caractère offensant ; S"" qu'il ait joui du libre exer- cice de sa volonté.

En Fabsence d'une seule de ces conditions, il n^y a plus inten- tion offensante, il ne peut 7 avoir offense.

Reprenons en détail chacune d'elles.

l"' condition. Il est évident que si l'auteur du fait ignore le caractère offensant qui est attaché à ce fait, en un mot s'il est de bonne foi, sa responsabilité n'est pas engagée, bien qu'il y ait eu perpétration matérielle d'un acte préjudiciable. Si étranger, parlant et comprenant mal la langue d'un pays, je me sers, en m'adressant à un indigène, d'un qualificatif que je crois être une formule de politesse, et qui se trouve être une grossièreté, je ne serai tenu à aucune autre réparation qu'à établir mon ignorance, et partant la bonne foi avec laquelle j'ai parlé, et à exprimer mes regrets d'un malentendu qui a pu être préjudiciable. Cette dernière partie de la déclaration, qui peut être faite par l'homme le plus raffiné en matière de point d'honneur, sans lui attirer de blâme, est une con- dition essentielle pour que la partie adverse accepte l'explication ; car, en somme, j'ai commis, sinon une faute, du moins une impru- dence, puisque je me suis servi d'une langue que je ne connaissais pas. Je dois la réparer, sinon Fexplication sera justement rejetée.

L'offense peut exister sans que le but de Fauteur ait été de nuire à la personne offensée, par cela seul qu'il a pu et prévoir les conséquences préjudiciables de son acte, et que le mobile auquel il a obéi n'était pas de nature à l'exonérer de la responsabilité du mal qu'il a causé.

Si étant seul dans une chambre, je profère à haute voix contre Pierre des paroles outrageantes, qui sont entendues par plusieurs

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 37

personnes, j'aurai beau répondre au cartel qu'il m'adressera que mon but n'était pas de me faire entendre ; comme je ne pouvais ignorer le sens de mes paroles, comme il ne tenait qu'à moi de garder le silence ou de baisser la voix, comme ces expressions ont causé préjudice, l'exception de bonne foi ne saurait être admise.

Si, étant gérant d'une agence de renseignements, je fournis à mes abonnés des bulletins contenant des imputations diffamatoires pour des tiers, je ne puis me prévaloir de ce que je ne les ai rédigés que pour éclairer ceux envers lesquels Tagence était liée, et non dans une intention nuisible ; car cette intention résulte suffisam- ment de la connaissance que je dois avoir du caractère préjudiciable d'un mode de renseignements que des contrats d'abonnement ne sauraient autorisera

Si, étant journaliste, je publie des faits diffamatoires, peu importe que je ne connaisse pas la personne à la considération de laquelle ces faits portent atteinte, et que j'aie agi dans Tunique but de publier un article qui me paraissait de nature à intéresser le lecteur».

Peu importe, du reste, que le fait soit de notoriété publique, ait déjà été publié dans un journal, que j'aie cru à sa réalité, etc. ; car la réalité du fait laisse subsister l'offense et ne m'exonère d'une répa- ration que si elle entraîne l'indignité de la personne offensée '.

2* et 3* conditions. C'est par l'influence qu'elles exercent sur la volonté de Fauteur que ces dernières conditions entraînent son irresponsabilité. Elles résultent de la démence et de la contrainte produite par un cas de force majeure.

Démence.

Il y a démence toutes les fois que le discernement de l'auteur se trouvait, au moment de la perpétration de l'acte, couvert d'un nuage qui l'empêchait d'en percevoir la moralité , quel que soit d'ailleurs le nom de la maladie :*fureur, imbécillité, idiotisme, monomanie, lorsque le fait se rattache à l'objet de sa monomanie, etc. Il y a démence, en un mot, toutes les fois que Tesprit a été égaré par une aliénation momentanée ou par une aliénation complète et permanente.

Les passions, quelque fougueuses qu'elles soient, peuvent

1. Cest dans ce sens que la Cour d'Aix a jugfé, 19 février 1869. —Voyez Dallor, année 1869, 2*' partie, pa^^ 83.

2. Paris, 4 mars 1834. Dallox J. G. V. Pressé, outrage, n^ 878, 2s et 883.

3. Voyex notre chapitre iv : Diffamation. Conformément, Cassation, 21 février 1875. Dalloz, année 1877, V partie, page 186; et Uble des vingt-deux années, V^ Presse, Outrage, n<» 577 et 582.

38 PREMIÈRE PARTIE.

entraîner la volonté de Thomme, mais elles ne lui enlèvent pas son libre arbitre. Elles ne peuvent donc être assimilées à la démence. Tel est le désordre de l'esprit causé par la colère, la jalousie, etc.

Il en est de même de Tivresse. En effet, Tivresse n'est pas un cas fortuit et de force majeure, comme la démence, mais la consé- quence d'une passion qu*il dépend de l'homme de combattre.

Force msgeure.

La force majeure consiste dans la force qu*on ne peut ni prévoir ni éviter, à laquelle il est impossible de résister, et d'où résulte un état de contrainte qui enlève à la volonté humaine toute liberté. Ces caractères suffisent pour faire reconnaître si les faits proposés comme faits justificatif peuvent être considérés comme tels.

On peut encore ranger parmi les causes exclusives de l'inten- tion offensante, l'obéissance à la loi et aux ordres légalement émanés de l'autorité légitime, la juste cause, dans certains cas l'in- térêt public, etc.

Circonstances atténuantes.

A côté des causes sous l'influence desquelles le caractère offen- sant d'un acte peut disparaître totalement se placent certains faits qui, bien que laissant subsister l'offense, en diminuent la gra- vité.

Les circonstances atténuantes varient à l'infini. Nous citerons pour mémoire la provocation, qui, en droit pénal, va jusqu'à con- stituer une excuse légale et même jusqu'à enlever à l'acte tout caractère délictueux, lorsqu'il s'agit d'une injure.

Girconstsmces aggravantes.

De même que le caractère offensant d'un acte disparaît avec l'absence d'intention, ou s'atténue lorsque cette intention diminue, de même il s'aggrave avec son intensité majeure, et en particulier avec la préméditation, c'est-à-dire avec le dessein formé d'avance de commettre cette offense.

La préméditation implique, en effet, une résolution arrêtée de sang-froid, méditée, réfléchie, qui ajoute à la conscience du mal que l'action peut produire le calcul qui en mesure l'étendue et qui combine les moyens les plus assurés de Taccomplir.

Elle exclut la pensée d'un entraînement subit et irréfléchi.

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OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 39

Nous ne pouvons songer à cataloguer les faits qui indiquent la préméditation; ils yarient à Tinfini. Nous dirons seulement qu'elle peut être supposée, toutes les fois que Tinterralle entre la Yolonté et Texécution a été assez long pour faire admettre que la réflexion Tait entraînée ^

Preuve de rintention offensante, de la préméditation,

de la bonne foi.

A qui incombe la preuve de rintention offensante ? Il faut dis- tinguer : Si le fait est manifestement offensant dans sa nature, c'est à l'auteur à justifier de son intention, qui est présumée offensante jusqu'à preuve du contraire. Si le fait ne présente pas un caractère visiblement offensant, la preuve de rintention est à la charge de celui qui se prétend offensé. C'est également à lui qu'incombe l'obli- gation d'établir la iH*éméditation.

La preuve de la bonne foi doit toujours être faite par l'auteur de la prétendue offense, car la bonne foi est une exception en sa faveur.

La question de savoir qui doit faire la preuve a une importance particulière, lorsqu'on se trouve en présence d'offenses réciproques, lorsqu'il s'agit d'établir la priorité d'une offense, ou de comparer la gravité respective de deux offenses.

Une phrase équivoque semble m'accuser d'agissements indé- licats dans un acte d'administration, dans la gestion d'une tutelle, par exemple; je réponds à mon interlocuteur que ce n*est pas à lui, grec de profession , qu'il appartient de juger un honnête homme. Si je prouve que la phrase équivoque dont je me plains dit réellement ce qu'elle semble dire, je suis le premier offensé, grave- ment offensé, jouissant de tous les privilèges attachés à cette qualité.

Dans le cas contraire, les avantages passent à mon adversaire.

Modes de preuve.

La preuve peut être faite par toute espèce de modes, y compris les présomptions.

Elle peut résulter de la déclaration faite par Fauteur de Tacte prétendu offensant.

Cette déclaration constitue-t-elle un moyen auquel les arbitres

i. Voyex Dalloz J. G. V<» Volonté, Peines, Crimes et délits contre les per- sonnes.

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40 PREMIÈRE PARTIE.

et les témoins sont obligés de se rapporter en tout état de cause?

li faut distinguer :

Si cette déclaration a été faite spontanément ou en réponse à une question qui n'indique pas que les arbitres ou les témoins adverses ont entendu y subordonner la conclusion de l'affaire, la réponse doit être négative ; arbitres et témoins conservent toute liberté de contrôle. Il en est autrement dans l'hypothèse inverse. On ne saurait admettre, en effet, qu'après avoir subordonné l'issue de l'affaire à la parole de l'adversaire, arbitres et témoins puissent revenir sur le compromis.

La question d'intention offensante une fois résolue, passons à celle des moyens employés.

Nous n'entreprendrons pas, bien entendu, une énuméraiion impossible. Nous nous contenterons de montrer, par deux ou trois exemples, que la circonstance de moyen influe aussi sur la portée de l'offense et doit être examinée avec attention.

N'est-il pas évident que la publicité, et spécialement la publi- cité par la voie de la presse, constitue une circonstance très aggra- yante, d'abord à raison de la préméditation qu'elle indique, ensuite à raison du préjudice qu'elle occasionne?

Ce préjudice, dont l'étendue est en raison directe du nombre des personnes à la connaissance desquelles Toffense (une diffamation, par exemple) est portée, présente ce caractère spécial de gravité, qu'il est non seulement actuel, mais persistant. En vertu de l'adage Verba volant^ scripta manenty la personne visée est atteinte dans son honneur ou sa considération, non seulement au moment le livre parait, le journal est publié, mais pendant toute sa vie; souvent même la diffamation la poursuit encore par delà sa tombe.

Nous pouvons ranger encore parmi les moyens qui changent la portée de l'offense, l'ironie, l'allégorie, la persistance de l'attaque, la plaisanterie, qui, d'ordinaire, apaise l'âcreté d'un affront, et qui, dans certains cas, contribue à lui donner plus d'intensité, etc., etc.

4*' et quand l'ofiTense a-t-elle été commise?

Le temps et le lieu doivent également, avons-nous dit, entrer en ligne de compte dans l'examen d'un acte offensant.

Une invective reçue en public est évidemment plus grave que si elle l'a été nez à nez.

Un père de famille offensé devant ses enfants ressent plus vivement l'affront qui lui fait perdre sa dignité aux yeux d'êtres qui lui doivent un profond respect.

Le jeune homme criblé de sarcasmes devant la jeune fllle qu'il

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OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 41

doit époaser se trouve, pour des motifs à peu près analogues, dans le même cas, etc., etc.

Résumons notre chapitre en disant que toutes les circonstances, quelque accessoires, quelque secondaires qu'elles paraissent, doiyent être scrupuleusement examinées. Un mot, un geste, une phrase, s'interprètent de bien des manières. Une intonation suffit pour modifier le sens d'une parole. Un haussement d'épaules, par exemple, signe habituel du dédain, exprime quelquefois la commi- sération, ou bien encore une simple moquerie presque sympathique. Un mot souligné aggrave ou atténue la portée d'une expres- sion, etc.

La juste appréciation de toutes ces nuances exige de la saga- cité, du tact, de Texpérience et du sang-froid.

CHAPITRE VI De la nature des armes.

Il n'y a que deux armes qui, en France, soient admises comme armes de duel légales, c'est-à-dire qui soient susceptibles d'être tou- jours imposées à l'agresseur sans contestation valable de sa part : tépée et le pistolet. Le sabre n'existe qu'à titre exceptionnel ^

En dehors de Tépée, du pistolet et du sabre, dans certains cas que nous déterminerons, toute autre arme peut être refusée, car son adoption ferait rentrer le combat dans la classe des duels excep- tionnels, qui sont absolument prohibés*.

Daxis quels cas le sabre peut-il être imposé à l'agresseur ?

Cette question est controversée et réclame toute notre attention.

D'après Châteauvillardyle sabre peut toujours être imposé à un officier en activité de service ou à un officier en retraite reconnu propre à le manier. Il peut toujours être refusé par un civiP.

Relativement aux officiers, Chateauvillard considère à juste titre comme inadmissible la prétention que pourrait émettre l'un d'eux de récuser l'arme qu'il porte ou a portée au côté, qui a été l'insigne de son commandement, et dont il a pu apprendre l'escrime s'il a voulu.

1. Voyez Chateauvillard, cliapitre ii.

S. Voyez notre chapitre lviii.

3. Voyez Essai sur le duel, chapitre ii, article premier.

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42 PREMIÈRE PARTIE.

Du Verger de Saint-Thomas n'admet pas que le sabre puisse être refusé par qui que ce soit.

D'après lui, le sabre est une arme aussi légale que Fépée et le pistolet*.

a Le droit de refuser le sabre pouvait, dit-il, être accordé avant que tout le monde fût soldat, mais aujourd'hui il n'en est plus ainsi. Les carrières administratives et les magistrats eux-mêmes four- nissent des officiers aux armées de réserve. II est évident que les individus appartenant, soit à la réserve, soit à l'armée territoriale, ne sauraient refuser le sabre, qui est leur arme professionnelle lorsqu'ils sont sous les drapeaux, en alléguant qu'ils sont dans le civil *. »

M. Tavernier combat vivement la manière devoir de Du Verger, dont l'argumentation lui semble pécher par la base :

« Et d'abord, écrit-il, l'auteur se figure que tous ceux qui peuvent avoir une affaire d'honneur sont officiers, ou dans la cava- lerie. Les mots « arme professionnelle » ne peuvent signifier autre chose.

« Or, il est bien certain que l'agresseur appartiendra le plus souvent à l'infanterie et sera non gradé, ce qui fait qu'il ignorera généralement l'usage du sabre, bien qu'il appartienne à l'armée.

« L'opinion de Du Verger est donc sujette à caution, puisqu'elle s'appuie sur des arguments erronés '. »

M. Tavernier ne méconnaît pas la valeur du motif invoqué par les partisans du sabre obligatoire pour tout le monde, à savoir que l'escrime au sabre est beaucoup plus facile que l'escrime à l'épée, qu'elle laisse une bien plus large part aux moyens purement phy- siques, et qu'elle égalise les chances lorsqu'un homme inexpé- rimenté se trouve provoqué par un individu fort à l'épée et au pis- tolet. Mais cette considération particulière ne lui semble pas suffi- sante pour entrer en ligne de compte avec un motif général et péremptoire, qu'il développe en ces termes :

« Jusqu'à nouvel ordre, le code du duel de Ghateauvillard et de ses éminents collaborateurs a toujours force de loi parmi les gens d'honneur, sinon dans ses détails parfois un peu surannés, du moins dans ses grandes lignes. C'est toujours à lui qu'il faut s'en référer en cas de désaccord.

1. Voyez Nouveau Code du duel, page 180.

2. Conformément, voyez Emile Andiô et Jacob, le Jeu de Vépée^ page 222. Observons cependant que M. André, consulté depuis pâmons, a bien voulu reconnaître^ dans une lettre en date du 25 Janvier 1890, « qu'en pratique c'est plutôt le système contraire qui est admis».

3. Voyez Art du duel, page 300.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 43

« On ne peut s'en écarter et y contredire sans laisser la porte ouTerte à toutes les fantaisies du premier écrivain venu auquel il plaira de décréter, par exemple, que le fleuret démoucheté, que le fusil, le poignard ou toute autre arme peuvent être imposés par l'offensé.

« Donc, jusqu'à ce qu'un jury, composé d*hommes d'une indis- cutable compétence en matière d'honneur, ait modifié le code de Chateauyillard, en accordant au sabre les mêmes immunités qu'à l'épée et au pistolet, nous pensons que le sabre peut toujours être refusé par un civil. »

Cette décision, qui consacre la théorie de soumission à la cou- tume écrite représentée par Ghateauvillard, théorie que nous avons soutenue chapitre premier, rentre trop bien dans notre manière de voir pour que nous ne l'adoptions pas de préférence à celle de Du Verger, qui, imbu, comme nous Favons fait observer, des cou- tumes italiennes, veut introduire en France une arme qui, dans son pays d'origine, est beaucoup plus fréquemment usitée que les deux autres ^

Nous répéterons donc, après ces trois auteurs : Le sabre peut toujours être refusé par un civil.

Que fout-il entendre par le mot oivil?

Nous entendons : l"" l'agresseur qui n'a jamais été astreint au service militaire ; 2"" l'agresseur non-officier, qui, bien qu'ayant été astreint au service militaire, a cessé d'appartenir à l'armée, par exemple, s'il a atteint l'âge de quarante-cinq ans.

Nous disons : l'agresseur non-officier, parce qu'en vertu de la règle formulée par Château villard, chapitre n, article premier, l'of - cier est considéré comme militaire au point de vue spécial qui nous occupe, même après qu'il n'appartient plus à l'armée, pendant tout le temps qu'il est capable de manier un sabre. Cette arme peut tou- jours lui être imposée.

Restent les militaires non-officiers de l'armée active, de la réserve ou de Tarmée territoriale. Parmi eux, les uns appartiennent à des armes, la cavalerie, par exemple, le sabre fait partie de l'armement et son maniement est réglementairement enseigné; les autres appartiennent à des armes, l'infanterie, par exemple, le sabre n'est porté que par un très petit nombre d'individus (adju-

1. Conformément, voyez Prévost et Jollivet : VEtcrime et le duel, page 333.

44 PREMIÈRE PARTIE.

dants et sergents-majors) et son maniement n*est pas réglemen- tairement enseigné.

Quel est vis-à-yis eux le droit de l'offensé pendant les yingt- cinq ans qu'ils sont astreints au service militaire ?

Peut-il imposer le sabre à son agresseur, abstraction faite de la ca- tégorie à laquelle appartient ledit agresseur , ou bien sa préro- gative est-elle, au contraire, limitée?

M. Tavernier se prononce dans le sens restrictif. Nous sommes absolument d'accord ayec lui sur ce point, mais non sur la méthode qu*il préconise comme étant infaillible pour résoudre cette délicate question :

(1 L'agresseur appartient-il à un corps Parme du duelr^^fl^m^n- taire est le sabre, il ne peut décliner le sabre dans une rencontre.

« Appartient-il à un corps l'arme de duel réglementaire est Fépée, on ne saurait lui imposer le sabre comme arme de combat, t

Nous ne croyons pas devoir adopter ce critérium, par la rsdson qu'il n'existe en réalité aucune arme réglementaire pour les duels de régiments.

Une lettre ministérielle rapportée au n*" 2 de l'appendice, seul document officiel qui, à notre conaissance, puisse être consulté sur la question des armes de duel entre militaires, n'a en vue que la substitution de Tépée au fleuret. Elle ne parle pas du sabre et ne peut être invoquée dans notre espèce.

En l'absence de règlements, la désignation du sabre ou de l'épée appartient en fait aux chefs de corps.

Comment, dans ces conditions, admettre un critérium aussi variable ?

A notre avis, celui qui doit uniquement servir, c'est l'arme- ment.

L'agresseur appartient-il à un corps oii les militaires de son grade sont armés du sabre, il ne peut le décliner. Comment admettre quHl ne sache pas se servir de Varme qu'il porte au côté?

Appartiefit'il à un corps les militaires de son grade ne portent pas le sabre? Pour la raison inverse, on ne saurait le lui imposer comme arme de duel.

Cette règle générale permet de distinguer facilement et dans tous les cas, pour le présent comme pour l'avenir, la catégorie dans laquelle l'agresseur doit être rangé.

Elle est préférable à une énumération qui, vraie aujourd'hui, risquerait de devenir fausse un peu plus tard, étant donné le peu de stabilité des règlements militaires.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 45

Elle respecte le principe formulé par GhateauTillard. Elle donne satisfaction saffiisante aux innovations qui se sont produites en ma- tière de service militaire depuis 1836, époque de la publication de l'Essai sur le duel, puisqu'elle réduit, conformément aux nouvelles lois, le nombre des individus qui peuvent être regardés comme civils.

Elle doit être adoptée.

Nous ferons remarquer que le droit qui est accordé aux civils de refuser le sabre, et l'obligation de le subir qui est imposée à certains militaires, n'ont pas pour conséquence d'autoriser ces der- niers à refuser le pistolet si Toffensé le leur impose.

La nature de la profession qu'ils ont embrassée met à leur compte une charge de plus, celle du sabre, sans les exonérer des charges communes en France à tous les individus qui se soumet- tent à la juridiction du point d'honneur : celles de l'épée et du pistolet.

Terminons ce qui concerne le sabre par quelques conseils à Tadresse des témoins de l'agresseur auquel cette arme a été yalable- ment imposée, sans qu'il en connaisse Tescrime, ou sans qu'il pos- sède les moyens physiques nécessaires pour la manier, alors que son adversaire jouit de ce double ayantage.

Personne n'ignore que l'escrime du sabre telle qu'on rensei- gne dans les salles d'armes et telle qu'on la pratique arec les sabres de cayalerie est une gymnastique fatigante, qui nécessite un poi- gnet rigoureux, de la souplesse et des poumons à Tavenant.

Comment rétabliront-ils un peu l'équilibre?

Comment assureront-ils à leur client quelque chance de s'en tirer?

En refusant d'accepter les armes lourdes et de maniement diffi- cile, que les témoins de l'offensé s'efforceront naturellement de faire adopter, et en luttant pour qu'on choisisse au contraire des armes légères se rapprochant le plus possible de l'épée, le sabre droit des officiers d'infanterie, par exemple.

Ils soutiendront énergiquement que le privilège de l'offensé se borne, dans l'espèce, à imposer le sabre préférablement à l'épée ou au pistolet, mais ne saurait comporter celui d'obliger l'agresseur à accepter le modèle de sabre qui conyient à lui, offensé.

Ce modèle peut être discuté, et sur ce point les témoins de l'of- fenseur reprennent tout leur libre arbitre.

Leur ténacité et leur diplomatie sont-elles couronnées de succès, ils auront rendu à leur client un service signalé, car avec du sang- froid et en se servant uniquement de la pointe, ce dernier peut se tirer d'affaire, s'il a l'habitude de l'épée.

46 PREMIÈRE PARTIE.

Dans le cas contraire, ils réclameront un arbitrage ou le tirage au sort, et lui gagneront par le fait une chance de Toir écarter le modèle du sabre qu'il redoute.

CHAPITRE YII Privilèges de rofifensé.

Nous ayons divisé, chapitre m, les offenses en trois catégories : Foffense simple ou du premier degré ; l'offense grave, aussi appelée injure, qui est du second degré; l'offense avec coups ou blessures, ou du troisième degré.

Aux offenses de chacune des ces classes correspondent, ayons- nous dit, certaines prérogatives dont l'importance est en raison directe de leur gravité.

1** L'offensé du premier degré choisit son arme, qui devient celle de Tagresseur^

Par ces expressions, il faut entendre que l'offensé a le droit de décider, selon ses préférences, si c'est à l'épée ou au pistolet qu'on se battra, ou au sabre, si Tagresseur se trouve dans les conditions requises pour qu'il puisse lui être imposé. L'agresseur est obligé de se conformer à cette décision et ne peut opposer d'autres excep- tions que celles qui sont tirées de l'illégalité de Tarme ou de situations particulières énumérées chapitre xu.

Remarquons que le choix de Toffensé ne peut porter que sur une seule espèce d'armes, et que l'arme choisie doit servir pendant tout le duel. On ne peut, par conséquent, convenir que le combat, après avoir commencé à Tépée, finira au pistolet, ou vice versa.

L'opinion que nous émettons peut sembler contraire à l'article 15 du chapitre rv de Ghateauvillard, ainsi conçu : « Les témoins peu- vent déclarer qu'il conviendra de changer d'armes, si l'insulté est dans le cas de l'article 11 du chapitre r% c'est-à-dire avec voie de fait. »

Nous ne croyons pas que ce désaccord existe réellement.

Les mots « changer d'armes » ne signifient point passer du pis- tolet à l'épée, ou inversement. Ils signifient que l'offensé avec voie

i. VovM Ghateauvillard, chapitre premier, article 9. TaYemier, page 2S. Dtt Verger, chapitre premier, article 28.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 47

de fait pourra, à la Térité, employer d'autres armes que celles dont il se sera servi primitivement, mais à condition qu'elles soient de même espèce.

Si, usant de la faculté qui lui est accordée chapitre vi, article k, il apporte, par exemple, sur le terrain une paire ou deux paires de pistolets, il peut (en admettant que plusieurs balles doivent être échangées), après avoir tiré inutilement avec un des pistolets, choisir un autre pour tirer une seconde fois.

L'interprétation contraire aurait de grands inconvénients. En effet, si le droit d'ordonner le changement d'armes appartenait aux témoins, malgré Foffensé, ce droit pourrait avoir, dans certains cas, pour effet de diminuer le privilège de ce dernier, qui est de choisir Tarme qu'il préfère et qui deyient celle de son adversaire.

Si ce droit appartenait à l'offensé malgré les témoins, il pourrait, dans certains cas, lui procurer un supplément de privilèges auquel il n'aurait pas droit, et qui pourrait rendre pire la condition de son adversaire, si cet adversaire était habile au maniement de l'arme primitivement choisie.

Dans le cas le changement d'armes serait demandé par les deux antagonistes, les témoins ne devraient jamais l'accorder, car cette manœuTre complique la rencontre, augmente beaucoup leur responsabilité et peut faire naître des difficultés inextricables.

La direction d*un combat est déjà bien assez scabreuse lorsqu*il se passe comme à l'ordinaire ^

2"* L'o£fensé avec injure grave choisit son arme

et son duel.

Ce choix ne peut être fait que parmi les duels légaux *• Par ces mots : choisit son duel, il faut entendre que Toffensé peut, après avoir désigné son arme, choisir, parmi les différents.duelsadmis comme légaux, celui qui lui convient le mieux. Il peut choisir, par exemple, entre le duel au pistolet de pied ferme et le duel au pistolet en marchant, celui qu'il entend imposer à son adversaire. H. Tavernier, page 22, prétend que le bénéfice du choix du duel ne trouve pas son application dans une rencontre à l'épée, car il n*y a qu'une manière de s'en servir. Malgré la valeur de cet argument, nous croyons que, même dans ce genre de rencontre, le privilège de choisir son duel existe pour l'offensé avec insulte grave, en ce qu'il lui permet de fixer la durée des reprises et des

1. Voyez ^>peiidice n<* 3. Affaire deMalortie-de La Poeze. Gasette des Tribunaux, 4-5 décembre 1869.

2. Voyez Chateauyillard, chaiTttre premier, articles 10, 12. TaYeroier, page 22. Du Verger de Saint-Thomas, chapilre premier, article 29 et 31.

48 PREMIÈRE PARTIE.

repos, s'il n'aime mieux que le combat se poursuive sans inter- ruption *.

L'offensé avec coups ou blessures choisit ses armes,

son duel et ses distances*.

Il est libre d'user d'armes à lui appartenant, si ces armes sont reconnues propres au combat, mais il doit laisser la même latitude à son adversaire. Inversement, il peut exiger que ce dernier ne se serve pas d'armes à lui appartenant ; mais, dans ce cas, il ne doit pas se servir des siennes '.

Suivant une opinion qui dérive de celle que M. Tavernier exprime au sujet du choix du duel, le bénéfice du choix des dis- tances ne saurait avoir sa raison d'être que si l'offensé désigne le pis- tolet, parce que le duel à l'épée, nécessitant le contact des deux Ters au commencement de la rencontre, il ne peut être question de distances variables.

L'objection ne nous semble pas aussi péremptoire qu'elle en a Tair. On peut très rationnellement trouver Tapplication de notre règle en accordant à Toffensé avec voie de fait la faculté de déter- miner la dimension du champ dans lequel seront limitées les évo- lutions des acteurs, faculté précieuse dans certains états physiques.

L'assimilation d'une telle prérogative accordée à l'offensé du troisième degré qui prend l'épée, avec celle qui revient à l'offensé du même degré qui préfère le pistolet, est d'autant plus admisible que leur droit de choisir la distance est restreint dans certaines limites que ni l'un ni l'autre ne peuvent franchir *.

Telles sont les règles qui déterminent, en France, la position réciproque de l'offenseur et de l'offensé. Elles sont admises par tous les auteurs '.

L'annonce de cette unanimité peut surprendre en présence d'un passage de f Escrime et le duel, par MM. Prévost et Jollivet, De l'offense^ pages 212, 213, ce dernier déclare ne pas comprendre les distinctions faites par Ghateauvillard entre l'offense simple et l'offense grave, ne pas admettre la théorie grâce à laquelle l'offense simple entratne la faculté de choisir les armes, l'offense grave celle

1. Voyez notre chapitre xxix.

2. Ghateauvillard, chapitre premier, article 11. Tavernier, page 22. Du Ver- ger, chapitre premier, article 30.

3. Voyez Ghateauvillard, chapitre premier, article 11; chapitre 4, article 9; cha- pitre 5, article 7 ; chapitre 6, article 4. Tavernier, page 22. Du Verger, chapitre premier, article 30.

4. Voyez nos chapitres xxiv et xxxviii.

6. Conformément, voyez le Jeu de Vépée, par Emile André, page 195.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 49

de choisir les armes et le duel, l'ofifeuse avec voie de fait, le choix des armes, du duel et des distances, et il prétend n'accorder dans tous ces cas qu'un unique privilège, le choix des armes.

Si M. Jollivet s'était borné à cette affirmation de principes, notre assertion serait évidemment erronée, et les témoins de l'agres- seur pourraient invoquer son autorité chaque fois qu'il s'agirait de diminuer les prérogatives de Toffensé.

Les choses ne sauraient heureusement se passer ainsi. Il suffit d'examiner attentivement le reste du passage que cet auteur consa- cre à l'ofifense, pour constater que la divergence est moindre qu'on ne le supposerait tout d'abord.

En efifet, après avoir affirmé qu'une fois le choix des armes arrêté, les témoins reprennent leur liberté d'action, il ajoute : «Assu- rément les témoins de Tagresseur ne peuvent pas se refuser à un duel, soit à l'épée, soit au pistolet, (Paprès les conditions ordinaires qui leur seraient imposées; mais, à moins d'un blanc-seing donné d'avance par leur client, ils peuvent refuser les duels dits excep- tionnels. »

N'est-ce pas exactement la doctrine de Ghateauvillard ?

Le désaccord provient surtout d'un malentendu.

« Dans la rigueur des principes posés par Ghateauvillard, écrit plus loin M . Jollivet, les témoins de l'offensé auraient le droit d'imposer le lieu de la rencontre, la position sur le terrain, par exemple.

« Ce sont des prétentions excessives, sauf s'il y a eu voie de fait. »

Jamais Ghateauvillard n'a accordé ces privilèges à aucun offensé, même avec voie de fait.

Le lieu est choisi par les témoins, et la place tirée au sort.

Le lecteur nous pardonnera la longueur de cette digression en faveur de son utilité.

Il importe que les témoins de l'agresseur n'arrivent pas à diminuer les privilèges de l'offensé, en invoquant comme favorable l'opinion d'un auteur aussi sympathique que l'est M. Jollivet.

Grâce à nos explications, les mandataires de l'offensé pourront maintenir intacts les droits de leur client, et même les -augmenter s'il y a eu voie de fait, puisque M. Jollivet lui consent le choix du lieu, qui dans le système contraire est laissé aux quatre témoins, et le choix de la position, qui est tiré au sort.

Les règles qui déterminent les prérogatives de l'offensé, lorsque les deux adversaires sont français, les déterminent encore lorsque l'un d'eux est étranger, et que le différend a eu lieu sur le territoire français.

4

60 PREMIERS PARTIE.

Un Italien de passage à Bordeaux eut, .il y a quelques années, une discussion au théâtre avec un habitant de cette yille.

Conformément aux usages de son pays, il voulut lui imposer le sabre comme arme de duel. L'agresseur, qui était un civil, refusa d'accepter cette condition.

U soutint que les lois et usages d'un État sont dépourvus d'au- torité au delà des frontières de cet État, mais obligent indistincte- ment tous ceux, régnicoles ou étrangers, qui se trouvent dans rétendue de son territoire. U prétendit que la législation française du point d'honneur lui était par conséquent applicable, à Texclu- sion de toute autre, et qu'en vertu de cette législation il échappait comme civil à l'obligation d'accepter le sabre.

Cette application des principes formulés dans l'article 3 du Gode civil nous semble très rationnelle en matière de point d'honneur.

Réciproquement, si un Français voyageant à l'étranger récolte en route une affaire d'honneur avec un habitant du pays qu'il tra- verse, ce seront les usages de ce pays qui détermineront les privi- lèges de l'offensé et les autres conditions de la rencontre.

On conçoit tout l'intérêt que peuvent avoir les Français à con- naître cesprérogativespour les diverses contréesquinousavoisinent.

Nous recommandons spécialement la lecture du chapitre xxa, que nous consacrons à l'étude des usages du duel dans les pays qui nous entourent, comparés avec les usages français.

Nous terminerons ce qui touche à retendue des privilèges de Toffensé par l'étude d'une question fort intéressante, qui est celle de savoir si la relation qui existe entre la valeur de l'offense et les privilèges de l'offensé constitue, en faveur de ce dernier, un droit strict, auquel ses témoins nepeuvent renoncer sans son autorisation.

Supposons que Pierre, tireur au pistolet de première force, soit offensé par Paul, qui de sa vie n'a brûlé une amorce. Pierre choi- sira naturellement l'arme qu'il manie le mieux, c'est-à-dire le pis- tolet. Supposons que les témoins de Paul, l'agresseur, soient des gens de loi, imbus des idées admises dans le monde auquel ils ap- partiennent.

Ils soutiendront que la prétention de Pierre ne saurait être ac- ceptée. En effet, diront-ils, à côté des règles qu'il invoque pour baser son droit, il en existe une autre, la première de toutes, c'est qu'il faut la plus grande égalité dans les chances du combat. Or cette égalité n'existe pas entre deux adversaires de forces aussi dis- proportionnéees. Un duel dans ces conditions n'est plus qu'un odieux guet-apens, dans lequel le plus faible sera livré à la merci du plus fort.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. M

Us inTiteront, en conségaence, les témoins de Pierre, l'aflènsé, à renoncer à an avantage qui rend la rencontre déloyale K

Si les témoins de Pierre, effrayés des conséquences #a duel aussi disproportionné, obéissent à Fin jonction, yiolent-ils les du point d'honneur 7

Nous n'hésiterons pas à répondre oui. En effet, la dnânon offenses en trois catégories auxquelles correspondent trom priyi- lëges distincts constituant la base de la légidation à lagadte tes adversaires se sont soumis, il est clair que nul ne peut iMKher t cette base sans compromettre tout Fédiflce.

Par conséquent, si l'offense reçue par Pierre est du premier degré, ses témoins ne sauraient renoncer sans son autorisation au choix des armes, ou refuser de se conformer à celui qu'il aurait fait parmi les armes légales, puisque le droit au choix des armes constitue le privilège attaché au degré de l'offense qu'il a essuyée. Mais ils sont libres, si la nature de leur mandat le leur permet, de s^entendre avec les témoins de l'agresseur pour choisir un duel et des distances qui, tout en ne compromettant pas les intérêts de leur client, diminueront les dangers de la rencontre.

Si l'offense est du second degré, il leur est interdit de renoncer non seulement au choix des armes, sans l'autorisation de Pierre, ou d'aller contre son choix, mais encore de renonce à son droit de choisir le duel, ou de choisir un duel autre que celui auquel fl a donné la préférence, si elle est légale; mais ils pourront mitîger les conséquences du duel choisi par Pierre, en y apportant certaines modifications de détail, sous réserve que ces modifications ne por* teront pas atteinte au droit lui-même, et en choisissant la distance qai leur semblera le plus capable de diminuer les risques du combat ^.

Si l'offense est du troisième degré, outre le droit au dioix des armes et du duel, comme Pierre a acquis celui de choisir les dis- tances, il est évident que ses témoins ne pourront pas davantage y renoncer, qu'ils ne pourraient adopter une antre mesure q«e oeHe indiquée par lui, si elle est légale.

N'auront-ils donc aucun moyen de sauvegarder la responrabi* lité civile et pénale qui les menace par le fait d'un combat si inégal ?

1, Voyez, conformément, dansbt Revue critique de légiilatUm et 4t JMriijrmfcuci^ année ISfià, Tarticle intitulé : « Du duel et en particulier de cette question : Si rof- fensé a un droit al»olu an choix des armes, par FlandiD, conseiilnr à fat Cour de cassation. » Article curieux se trouvent développés les aorguments tm hymar et fat négative, et exposé en détail Tantagonisme de la législation pénale et de U législation du point d'honneur.

9. Voyes pour plus amples détails notre chapitre xxxvii.

52 PREMIÈRE PARTIE.

Leur seule ressource consiste dans la résignation de leur man- dat, qu'ils peuvent faire, si, de sa teneur, il ressort que mandataires et mandants se sont conservé une indépendance suffisante. Dans certains cas, ils peuvent décider que le duel sera au premier sang, ou qu'il ne s'arrêtera qu'après une blessure légère. Ils peuvent aussi apporter certaines atténuations au duel choisi ^

Mais ce ne sont que des palliatifs, puisque l'inégalité subsiste toujours et que le dénouement peut être tout autre que celui qui est souhaité par les témoins.

CHAPITRE VIII Détermination de la personne offensée.

Ghateauvillard a tracé des règles qui sont admises par tous les auteurs; nous les reproduirons textuellement. Formulées avec pré- cision et clarté, marquées au coin du bon sens, elles doivent être religieusement suivies par tous ceux, témoins ou arbitres, qui sont chargés de débrouiller la question la plus ardue et la plus impor- tante de toutes celles qui surgissent au cours d'une affaire d'hon- neur : la désignation de Voffensé.

Des commentaires explicatifs les aideront dans cette tftche, faci- litée du reste par une méthode de groupement sur laquelle nous attirons leur attention.

Y a-t-il une seule offense? Y a-t-il offense réoiproque?

Telle est la question qu'ils devront se poser d'abord. Elle forme la première division de ce chapitre.

Une fois cette séparation opérée, ils rechercheront les prescrip- tions applicables à chaque éventualité.

Ils verront que, s'il existe une seule offense, un article unique règle tout ; tandis que si les offenses sont réciproques, les prescrip- tions varient suivant qa'il y a concurrence entre offenses du même degré ou offenses de degrés différents.

C'est la seconde distinction à opérer. Nous n'avons pas manqué de la faire avec tout le soin réclamé par l'importance du sujet.

Nous examinerons enfin le cas un cai^tel est envoyé sans offense constatée ou sans raison suffisante.

1. Voyez nos chapitres xx, xxxvii, xxxviii, xxxix.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 53

L'exposé que nous venons de faire suffira pour démontrer, nous Tespérons, la nécessité de déterminer ayant tout la valeur des offenses, puisque, lorsqu'il y a réciprocité (et c'est le cas le plus fréquent), la désignation de la personne offensée résulte ou de la priorité de l'offense qu'elle a reçue ou de son degré plus élevé, et partant d'une mutuelle comparaison.

Cas il existe une seule offense.

« Article premier. Dans une querelle amenée par une dis- cussion, si l'injure arrive, c'est l'injurié qui est certainement l'of- fensé *. »

Des termes de cet article, il semble résulter qu'il est seulement applicable aux querelles amenées par une discussion, et qu'il est spécial aux injures graves. Il n'en est rien. Si Ghateauvillard pré- voit le cas d'une discussion, c'est à cause de sa fréquence; mais il ne limite pas la portée de la règle à cette éventualité.

Elle est générale, et vise a fortiori Thypothëse Toffense est essuyée à brûle-pourpoint et sans discussion.

Le mot injure est employé ici dans un sens général {quod non jure fit, tout ce qui est fait contre le droit), et noû plus dans le sens particulier il indique un degré spécial de gravité, par oppo- sition à l'offense simple et à la voie de fait.

Il faut décider, en conséquence, que toutes les fois qu'une per- sonne reçoit une impolitesse, une injure ou une voie de fait, sans y répondre, c'est elle qui est certainement l'offensée.

Cas il existe des offenses réciproques.

Il faut comparer les offenses entre elles et appliquer les règles suivantes :

Offenses réciproques du même degré.

a Art. 2. § 1®'. Si les deux offenses sont du même degré, c'est celui qui reçoit la première offense qui reste l'offensé *. »

Gonséquemment :

« § 2. L'injure grave constitue essentiellement l'offense, et,

1. GhateauTillard, chapitre premier, article premier. Du Verger de Saint- Thomas, chapitre premier, article 4.

2. Voyez Da Verger, chapitre premier, article 4.

9k PREMIÈRE PARTIE.

bîHi qall y soit répondu par une autre injure, c'est celui qui le liUMiifi Ta reçue qui reste Toffensé ^

c § B. S'il est répondu à une voie de fait par une voie de Ait, €'69t celui qui a essuyé la première qui reste l'offensé *. »

2î. La blessure ne constitue pas Toffense ou une aggraya- tion de l'offense ; ainsi, répondre à un soufflet par un coup qui occasionne une blessure grave ne constituerait pas que Toffensé fût celui qui a reçu la blessure, mais le premier qui a été touché'. »

Dans le paragraphe premier de notre article est formulée la règle générale. Dans les paragraphes 2 et 3, cette règle est appliquée aux deux cas les plus susceptibles de prêter à la controverse, à raison de rimpoitance des privilèges que Toffense procure alors à l'offensé : à rcÂense grave et à la voie de fait.

De ce que Ghateauvillard garde le silence sur Toffense simple, faml*il en conclure que cette règle générale ne lui soit pas appli- cable 7 Évidemment non. La preuve se trouve dans Tarticle 3 du même chapitre cet auteur, à la suite du principe général/ place la sevle exception qui doive y être apportée. -

Comme nous le verrons à l'article suivant, ces' deux articles se craipièleDt et s'expliquent Tun par l'autre.

M. Tavemier (voyez Art du duel, page 25) fait la critique du paragraphe k de l'article 2.

« A un soufflet, écrit-il, vous répondez par un coup de canne qui brise le bras droit de votre adversaire. Vous choisisses, en qua- lité de premier touché, Tépée...

a II est certain qu'il vous faut attendre la guérison complète de votre ennemi pour vous mesurer avec lui; mais pendant ce temps vous vous exercez à la salle d'armes, tandis que lui, ne pouvant en faire autant, se trouvera dans les conditions manifestes d'inégalité au jour de la rencontre, et ce par votre faute, puisque vous pouviez lui rendre son soufflet sans lui briser le bras.

(( En l'espèce , nous estimons que le premier frappé perd, à raison de la blessure infligée à son ennemi, l'avantage de sa situation première.

i. Voyez Ghateauvillard, chapitre premier, article 2. Du Verger, chapitre pre- mier, articles 7 et 9. ^ Tavernier, page 24. Affaires Floquet-Boulangeri 14 juillet 1888. aémenceau-Déroulède et Clémenceau-Millevoye, 20 au 24 décembre 18^. Appendice 4.

2. Voyez Ghateauvillard, chapitre premier, article premier, et affaire Ritter- Applcton, GaxetU des Tribunaux, 2 et 3 avril 1873. Voyez appendice 5.

2. Voyez Ghateauvillard, ibidem. Les dispositions de Tarticle 2 sont admises par tous les auteurs et entre autres par Du Verger, chapitre premier, articles il, 12, 13 et 14.

OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. 55

« Les chances de la rencontre doivent, selon nous, être tirées au sort. »

Cette solution ne nous parait pas exacte théoriquement :

!<" Parce qu*elle admet une sorte de compensation entre le soufflet et la blessure, compensation qui est contraire au principe formulé par M. Tavernier lui-même, page 26, en ces termes : « Dans les offenses avec coups et blessures, qui touche frappe; aucune différence n*est admise » ; 2<' parce qu'elle ne reconnaît plus ni offenseur ni offensé, contrairement à la règle énoncée par lui à la page 23 : « Dans une querelle, Foffensé est celui qui le premier reçoit une injure » ; 3"* parce qu'elle prive l'individu qui a reçu le soufflet de toute prérogative, même du choix des armes, qui lui reviendrait si» ayant essuyé une offense, il avait riposté par une injure de même nature ; k'' parce qu'elle le place dans la situation d'un homme qui demanderait raison d'une impolitesse quasi insai- sissable, survenue à la suite d'une discussion les convenances auraient été parfaitement observées ^

Cette assimilation est-elle juste et raisonnable?

Nous ne le croyons pas.

Tenons-nous-en donc à la règle de Ghateauvillard. Accordons à celui qui a essuyé le premier coup le rôle d'offensé qui lui appar- tient en droit, et laissons aux témoins ou aux arbitres la mission de décider en fait quelles atténuations sont compatibles avec les privi- lèges qui sont attachés à cette qualité.

a A RT. 3. Si, à une chose impolie, on répond par une injure, si l'agresseur se prétend offensé, ou si celui qui a reçu l'injure se prétend offensé, il n'y a pas à hésiter à remettre au sort toutes les chances de la rencontre qui doit résulter de ces débats *. »

Par le mot injure employé dans cet article, il faut entendre autre chose qu'une impolitesse, et autre chose qu'une offense grave du second degré.

En effet, si à une impolitesse il est répondu par une autre impo- litesse, c'est celui qui a reçu la première impolitesse qui reste l'offensé, conformément à l'article 2, paragraphe premier, du présent chapitre.

Si à une impolitesse il est répondu par une offense grave du second degré, c'est celui qui a essuyé l'offense grave qui est l'offensé, conformément à l'article 4 du même chapitre.

Par le mot injure, il faut donc entendre une offense du premier

1. Voyez Tarticle 6 du présent chapitre.

2. Voyez conformément Ghateauvillard, chapitre premier, article 3. Taver- nier, page 23. « Da Verger de Saint-Thomas, chapitre premier, article 5.

56 . . PREMIÈRE PARTIE.

degré, qui, sans porter atteinte à Thonneur ou à la considération, a une importance majeure relativement à l'impolitesse.

Au lieu d'être employée par Chateauvillard dans le sens qu'il lui donne généralement, et en particulier dans l'article 2 de son chapitre premier, c'est-à-dire au lieu de signifier une atteinte à l'honneur ou à la considération, cette expression, dans Thypothèse actuelle, indique une de ces atteintes graves à Tamour-propre, dont nous nous sommes occupés chapitre m.

N'oublions pas ce que nous avons déjà observé en étudiant plus haut l'article 2. L'article 3 est une exception qui doit être stricte- ment limitée au cas en vue duquel elle a été établie, c'est-à-dire au cas il est répondu à une simple impolitesse par une atteinte grave à l'amour-propre, ou, pour nous exprimer plus clairement, à une offense du premier degré par une offense du même degré, mais d'intensité supérieure.

Toutes les fois qu'à une simple impolitesse il est répondu par une autre impolitesse, ou à une atteinte grave à l'amour-propre par une atteinte analogue, la qualité d'offensé résulte de la priorité de Toffense reçue, sans qu'il y ait lieu de recourir au tirage au sort.

Offenses réciproques de degrés différents.

Si les offenses sont de degrés différents, les règles varient sui- vant qu'à une offense simple il est répondu par une injure grave, ou qu'à une injure grave il est répondu par une voie de fait. Nous allons étudier séparément chacune de ces hypothèses.

(( Art. 4. Si à une offense simple, il est répondu par une offense grave, attaquant l'honneur ou la considération, c'est celui qui a reçu l'offense grave qui reste l'offensé *. »

Cet article est clair. [1 convient toutefois de remarquer qu'il faut entendre par simple offense toute atteinte à Tamour-propre pouvant être rangée parmi les offenses du premier degré, abstraction faite du rang qu'elle occuperait dans ladite catégorie.

« Art. 5. Lorsqu'il a été répondu à une offense grave par une voie de fait, c'est celui qui a essuyé la voie de fait qui reste l'offensé *. »

M. Tavernier {Art du duel, page 28) enseigne que quelquefois la voie de fait doit céder le pas à certains outrages. A ce propos, il cite l'exemple suivant :

1, Conformément, voyez Tavernier, page 24. Du Verger de Saint-Thomas, cha- pitre premier, article 8.

2. Conformément, voyez Chateauvillard, chapitre premier, article premier. Tavernier, page 25. Du Verger de Saint-Thomas, chapitre premier, article 10, et l'affaire des !♦♦♦ J*** »!♦♦♦, Cajje((e des Tribunaux, 4 et 5 octobre 1880. Appendice n^ 6.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 57

« Une discussion s'éleva un jour, entre deux spectateurs, au sujet d'une place de théâtre.

« L'un d'eux était accompagné de sa mère, qui occupait un fau- teuil dont Tautre réclamait la propriété. Pour forcer la dame à déguerpir, ce dernier s'assit sur ses genoux. »

Que serait-il arrivé si le flls l'avait frappé ?

Cette voie de fait aurait-elle procuré au grossier personnage le droit d'offensé ?

Non, répond M. Tavernier. L'offense faite à la mère prime le coup porté, c'est une exception à l'article 5.

Nous sommes de cet avis, mais non pour le même motif.

Selon nous, il n*y avait pas lieu de déroger au principe que nous venons de poser article 5. En effet, dans l'espèce de M. Tavernier, ce n^était pas cet article qui devait être appliqué, mais bien le para- graphe 3 de l'article 2, car l'acte de l'agresseur pris en lui-même constituait non une injure grave, mais une voie de fait à l'adresse de la mère, en vertu de la règle « qui touche frappe ». Le fils acqué- rait naturellement le privilège d'offensé, puisque le soufflet qu'il administrait à Tinsolent ne constituait qu'une riposte.

L'artiole 5 est-il applioable lorsqu'il s'agit d'un maxi trompé qui firappe l'axnant de sa femme? A qui revient dans ce cas la qoalité d'offensé?

Pour résoudre cette question, il suffit de rechercher si la lésion subie par le mari peut être rangée dans la catégorie des offenses du troisième degré, car, s'il en est ainsi, le droit à la qualité d'offensé lui est accordé par le paragraphe 3 de Tarticle 2 du présent cha- pitre, tandis que, dans le cas contraire, c'est Tamant qui bénéficie de cette situation en vertu de Tarticle 5.

Pour arriver à cette solution, nous allons examiner :

Ce qu'il faut entendre par mari trompé ;

2*" Quelle est la nature et la base du droit du mari ;

3"" Quelle est la nature de la lésion.

Qu'est-ce qu'un mari trompé ?

Le mari trompé est celui dont l'épouse viole la foi conjugale, en abandonnant à un autre qu'à leur légitime propriétaire un corps, une âme, une affection qu'elle avait juré de lui conserver intacts.

Il résulte de cette définition qu'il existe deux sortes d'infidé- lités : l'une morale, l'autre matérielle, et que, lorsqu'il s'agit du point d'honneur, la qualification de mari trompé s'applique à celui qui a subi l'une ou l'autre de ces lésions, bien que leurs consé- quences ne soient pas également graves, et que, dans le langage

58 PREMIÈBE PARTIE.

nsael, Pépithète s'entende principalement de rhoinme qui a essuyé la lésion matérielle.

Quelle est la nature du droit du mari 7

Le droit de propriété exclusive sur la personne physique et morale de la femme, qui appartient au mari, constitue en faveur de ce dernier un patrimoine sacré, Vhonneur conjugal^ qu*il est tenu de défendre avec une jalouse sollicitude, sous peine d'encourir la mésestime publique.

La caractéristique de ce droit est d'être lésé non plus par une invective, une menace, un terme de mépris, comme lorsqu'il s'agit de Vhonneur personnel à l'individu offensé dépouillé de sa qualité d'époux, mais par tout acte d'apparence agréable ou flatteuse qui a pour but d'usurper son bien.

Quelle est la nature de la lésion 7

La caractéristique de la lésion qui résulte de toute tentative d'usurpation et de toute usurpation consommée est d'être subor- donnée au consentement de la femme. En effet, si c'est contre son gré que les témoignages d'amour lui sont prodigués, ces témoignages se métamorphosent en injure ordinaire, et le mari se trouve placé dans la situation de n'importe quel protecteur ^

Delà nature particulière du droit, de l'étroitesse de l'obligation, faut-il conclure que la législation du point d'honneur doive créer en faveur des époux trompés quelques privilèges spéciaux, à l'instar de la loi pénale qui excuse le meurtre commis par l'époux sur son épouse et sur le complice, à l'instant il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale* 7

Intervertit-elle en sa faveur Tordre dans lequel les offenses sont classées 7

Lui accorde-t-elle toujours, comme l'enseigne M. Du Verger de Saint-Thomas, page 174, le droit d'offensé avec voie de fait 7

Nous ne le croyons pas. Cette fols-ci, comme toujours, la classi- fication de Chateauvillard doit être maintenue, parce qu'elle suffit à déterminer aussi rationnellement et équitablement que possible la valeur de Toffense et l'étendue des privilèges de l'offensé, sans qu'il soit nécessaire de créer une exception arbitraire qui a le grave inconvénient d'accorder un privilège également considérable pour des offenses très inégalement préjudiciables à l'époux.

On comprend cependant qu'entre le compliment affecté, miel de la coquette, chicotin du mari, entre la déclaration passionnée, amoureusement accueillie, et la dernière faveur, il existe bien des degrés.

1. Voyez notre chapitre x. S. Code pénal, article 324, $ 2.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 59

Pour résoudre la question et décider qui, du mari trompé ou de ramant frappé, obtiendra le privilège d'offensé, nous applique- rons purement et simplement les règles ordinaires.

Nous rangerons dans la première classe les actes qui blessent Tamour-propre et la susceptibilité du mari sans entacher son honneur.

Nous rangerons dans la seconde ceux qui blessent son hon- neur, mais qui par leur nature ne constituent pas la voie de fait.

Nous ferons enfin rentrer dans la troisième ceux qui corres- pondent à la voie de fait, c'est-à-dire qui consistent dans le contact matériel d'une partie quelconque des deux corps, et nous accorde- rons le priyilège d'offensé du troisième degré à celui qui aura le premier subi la voie de fait.

La seconde classe comprendra, par exemple, les déclarations, aveux, promesses, rendez-vous, baisers envoyés de la main, etc.

La troisième classe, tous les attouchements, depuis Tétreinte furtive de la main, jusqu'à la conjonction finale.

A ce système on peut faire plusieurs objections, auxquelles nous allons répondre successivement.

Première objection Le principe de ranger dans la catégorie des offenses graves tous les actes qui lèsent l'honneur du mari, sans se manifester par un contact matériel, n'est-il pas trop arbitraire ?

Ne peut-il pas arriver, par exemple, que les épi très échangées, les paroles surprises, ne soient conçues en termes si libres qu'elles aient un caractère de gravité supérieur à une simple pression de main ?

Sera-t-il juste d'accorder au mari qui les intercepte un privilège moindre qu'au mari qui surprend Tétreinte?

A cela nous répondons : Les motifs qui nous ont dicté notre clas- sement reposent sur le danger plus ou moins grand que court le mari de subir le maximum de préjudice, c'est-à-dire l'acte con- sommé.

Il n'est pas douteux que la femme qui abandonne à un amant une partie quelconque de son corps expose bien davantage son époux à la lésion suprême, caractérisée par la perte de l'honneur et la survenance d'enfants illégitimes, que celle qui souhaite et prépare l'heure du berger. Il y a entre les deux situations toute la différence qui existe entre l'intention coupable et la tentative, toute la distance qui sépare la coupe des lèvres.

Il est donc naturel d'attacher aux actes préliminaires matériels, qui font courir aux maris les plus grands dangers de lésion maxima, une importance capitale relativement au classement des offenses.

60 PREMIÈRE PARTIE.

11 ne faut, da reste, pas oublier que, dans l'espèce proposée, on doit, pour déterminer la griëyeté des paroles et des épltres, considé- rer non ces paroles et ces épttres prises en elles-mêmes, mais les faits qu'elles expriment et constatent. C'est le fait indiqué par elles qui engendre seul l'offense et qui détermine la classe à laquelle cette offense appartiendra et l'étendue du privilège accordé au mari.

Il n'est donc pas juste de dire que ces lettres ou ces paroles procureront au mari des avantages moindres que ceux qui lui reviendraient s'il avait constaté de visu la pression de main, puisque, s'il résulte des termes de ces lettres ou de ces paroles que l'étreinte a eu lieu dans une intention coupable, elles serviront à prouver son droit au maximum des prérogatives qui sont l'apanage des offensés de la troisième catégorie.

Deuxième objection. On prétend que le principe de ranger dans la catégorie des voies de fait les offenses qui procèdent du contact, en admettant qu'il repose sur des motifs rationnels, a préci- sément le résultat que nous reprochons à Du Verger de Saint- Thomas, c'est-à-dire de n'établir aucune gradation entre les actes qui sont considérés comme voies de fait, et d'accorder au mari dont réponse a consenti la plus minime privante le même privilège qu'à celui dont l'épouse a tout donné. .'

A cela nous répondrons que l'inconvénient signalé existe bien réellement, mais qu'il est une conséquence de la division des offenses en trois classes et du parallèle que nous avons établi entre celle par le contact et la voie de fait. De même que celui qui est effleuré du gant acquiert un privilège égal à celui qui est accordé à l'homme qui essuie un soufflet retentissant, des coups violents, ou subit des blessures, en vertu de la règle « qui touche frappe », de même le mari, si un contact s'est produit, acquiert, en vertu de la même règle, des prérogatives semblables.

Pour bien comprendre Téconomie de notre système, il ne faut pas oublier que la question est traitée seulement au point de vue théorique, en raisonnant sur des hypothèses nettement tranchées, et en faisant abstraction de la question de fait et d'intention qui varie à l'infini.

En résumé, nous croyons pouvoir décider logiquement que si les offenses commises par l'amant ne proviennent pas d'un contact avec l'épouse, et si le mari le frappe, c'est l'amant qui est l'offensé, tandis que, s'il y a contact, c'est le mari qui jouit de cette préroga- tive.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 61

La solation est-elle analogue lorsqu'il s'agit de déterminer la situa- tion du père, de l'aïeul, du frère, etc., placés en face de l'amant de leur ûlle , de leur petite-ûlle ou de leur sœur, dans des con- ditions analogues à celles de l'épcuz vis-à-vis le séducteur de sa femme?

Nous ne saurions répondre aussi catégoriquement, car la question de fait joue en l^espèce un rôle prédominant. Les droits des ascendants et du frère ne reposent plus sur un principe unique, invariable et perpétuel, le droit de propriété, mais sur des bases multiples, qui sont Tautorité paternelle pour les uns, et la solida- rité familiale pour ce qui concerne les autres.

Ces principes varient en outre, suivant l'état de minorité, d^émancipation, de majorité, etc., dans des proportions tellement considérables, que le même acte accompli par le même individu, envers la même personne, peut être considéré comme offensant dans certaines conjonctures, et comme indifférent dans certaines autres.

Pour ne citer qu'un exemple, le billet doux adressé furtive- ment à une mineure, par un homme qui veut la séduire dans le but de répouser malgré l'opposition de ses parents, constitue une offense qui lèse le père dans son droit de puissance paternelle.

Au contraire, le même billet, conçu en termes identiques et remis dans un but analogue à une fille majeure, n'entraîne pas forcément ce résultat, puisqu'à vingt-cinq ans une fille peut se marier à son gré, sous réserve des actes respectueux.

Nous n'entreprendrons pas de classer ces diverses espèces d'offenses. Nous nous contentons de renvoyer le lecteur aux règles que nous avons tracées lorsqu'il s'est agi du mari trompé. Il pourra s'en inspirer dans une certaine mesure.

Rappelons enfin que, quelle que soit l'importance de l'offense, elle doit nécessairement trouver sa place dans une des trois divi- sions indiquées précédemment, sans qu'il soit loisible de procurer à l'offensé des privilèges supérieurs à ceux qui correspondent à la classe dans laquelle l'offense qu'il a subie est cataloguée.

Après avoir établi les règles à observer dans les différents cas il y a offenses commises par un seul individu et le cas il y a réciprocité d'offenses, il nous reste à examiner les règles à suivre lorsqu'il n'y a pas offense bien apparente^ ou lorsque le cartel est envoyé sans raison suffisante.

« Art. 6. S'il n*y a pas injure, mais qu'à la suite d'une dis-

62 PREMIÈRE PARTIE.

cussion les règles du savoir-vivre et de la politesse ont été suivies à la lettre, Tuo des antagonistes demande raison, le demandeur ne prend pas pour cela le rang d'agresseur, et celui qui raccorde le rang d'offensé. Toutes les chances de la rencontre sont tirées au sort^ »

A première vue, Tartlcle 6 peut inspirer une certaine hésitation, et on est tenté d'approuver la fln de non-recevoir conseillée par M. Tavernier en pareil cas. {Art du duel, page 2&.)

Cependant, pour peu qu'on y réfléchisse, on reconnaîtra que les dispositions dudit article sont parfaitement rationnelles.

Qui n'a pas rencontré sur sa route une personne experte en l'art de la raillerie, à laquelle le plaisir de lancer un bon mot et d'amuser la galerie ferait sacrifier son meilleur ami 7

Personne détestée s'il en fût, mais personne redoutée à raison de l'esprit qui assaisonne ses méchancetés, et qui rend une escar- mouche d'épigrammes et de saillies, chose périlleuse avec elle.

Elle se garde bien de commettre une imprudence. Il est presque impossible au pauvre diable qui lui a servi de plastron de carac- tériser une offense matérielle. Pourtant la blessure existe, d'autant plus perfide qu'elle est plus enguirlandée des fleurs de la politesse et masquée par le ton de la bonne compagnie ; d'autant plus cruelle qu'elle se compose de cent coups d'épingle, aux endroits les plus sensibles de Tépiderme.

Qui n'a pas été en contact avec un poseur infatué de sa per- sonne, de sa fortune ou de sa race, et dont l'attitude impertinente produit le même résultat 7

L'article 6 correspond à ces diverses situations et peut être invoqué chaque fois que l'amour-propre d'un individu a été fh)issé, sans qu'il en soit résulté une offense assez apparente pour être classée dans la catégorie de celles qui procurent à l'offensé le choix des armes.

Mais il ne faut pas se dissimuler qu'à raison des faits peu tan- gibles que prévoit Tariicle 6, son application sera généralement difficile; aussi la riposte par un vigoureux coup de boutoir, ri- poste qui ne demande pas une forte dose d*éloquence et qui a l'avantage d'être à la portée du premier venu, sera-t-elle générale- ment Vultima ratio de l'homme trop chatouilleux pour digérer une impertinence déguisée, et trop peu soucieux de sa peau pour faire entrer en ligne de compte la perte d'un privilège probléma- tique, avec l'humiliation d'avoir servi de plastron sans broncher.

Ajoutons que la perspective d'un dénouement de cette espèce

1. Ghateauvillard, chapitre premier, article 4. Du Verger de Saint-Thomas, chapitre premier, article 6.

OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. 63

émoassera généralement raiguillon du bel esprit et la morgue du vaniteux.

a Art. 7. Si on envoie un cartel sans raison suffisante, c'est bien certainement celui qui envoie le cartel qui est Fagresseur ; les témoins, avant de permettre le combat, doivent en demander la raison suffisante ^ »

Considératioxis sur l'esprit qui a présidé à la rédaction

des six articles précédents.

Dans ces divers articles, Chateauvillard n*es8aye pas seulement de réprimer les atteintes & Fbonneur et à la considération, mais de conserver les usages de la bonne compagnie, dans les conjonctures les plus irritantes.

Remarquons, à ce propos, la concordance qui existe entre la progression des privilèges accordés à Toflénsé et les écarts de plus en plus violents auxquels se livre Tagresseur.

Au cours d'une discussion, vous recevez une impolitesse à la- quelle vous ne répondez que par un cartel : vous avez le choix des armes.

Vous vous animez, au contraire, et répondez par une offense qui sans porter atteinte à Thonneurou la considération, en un mot sans constituer l'offense grave, a une importance majeure relative- ment À l'impolitesse : le choix des armes est tiré au sort.

Au lieu de cela, vous proférez une injure grave; peu importe que vous ayez essuyé la première offense ; c'est vous qui prenez le rôle d*agresseur, et procurez à votre adversaire le droit au choix des armes et du duel.

Au lieu d'une impolitesse, vous recevez une injure grave ; vous frappez votre adversaire : le coup vous enlève le choix des armes et du duel que vous auriez eu sans cela, et le transporte à votre anta- goniste, avec le choix des distances. Vous vous êtes conduit en homme mal élevé dans le premier cas, brutal dans le dernier. Tant pis pour vousl Sans doute, tl vous aurait fallu bien du sang-froid pour résister à la tentation d'obtenir une vengeance immédiate et éclatante, mais votre sang-froid aurait trouvé sa récompense dans le privilège d'offensé avec injure grave qui vous aurait été accordé *.

Le chapitre que nous venons d'étudier a soulevé plusieurs cri-

i. Voyex Chate&avilUrd, chapitre premier, article 5 et notre chapitre xvu. 3. Voyez notre chapitre lY (Voie de fait).

64 PREMIÈRE PARTIE.

tiques qui proviennent généralement de Tinterprétation yicieuse qui en a été faite.

Grisier entre autres, dans son livre Des armes et du duel, s'élève avec force contre Ténormité du privilège accordé par Tarticle 5 à l'offensé avec voie de fait :

(c Un homme, écrit-il, veut assouvir sa haine contre un autre. II injurie son adversaire dans ce qu'il a de plus cher ; celui-ci, dont la patience est épuisée par une telle continuité d'insultes, lève le bras et frappe. Le Code de Chateauvillard le déclare offenseur I Et celui qui, pour en arriver là, n'a cessé de l'insulter mortellement, choisira son arme, son duel et ses distances, ravissant ainsi une existence qu'il considère comme sa proie I »

La critique serait fondée, si le pauvre diable étaitpris forcément entre Talternative de recevoir sans broncher un déluge d'invectives et celle de frapper après avoir essuyé toute la bordée. Mais rien ne Ty oblige fatalement. Tant pis pour lui s'il agit avec une si grande maladresse. Chateauvillard est d'autant moins coupable qu'il lui offre (Voyez article 1®' de ce chapitre) le moyen facile de déjouer la manœuvre de son agresseur. II suffit qu'aussitôt après la première injure grave il lui adresse un cartel et se retire s'il le peut. Il ac- quiert par la force des choses le choix des armes et celui du duel, et oblige son adversaire à cesser de nouvelles agressions, qu'il ne peut continuer sans violer une règle fondamentale en matière de point d'honneur. En effet, à partir de la demande de réparation, toute altercation doit cesser. D'après les règles du duel, les adver- saires ne peuvent plus communiquer directement. Ils deviennent, si nous pouvons nous exprimer ainsi, pour mieux faire comprendre notre pensée, sacrés l'un pour l'autre. Le cartel adressé par l'offensé lui permet donc de garder ensuite le silence, sans encourir aucun blâme K

L'agresseur qui s'acharnerait encore ne pourrait s'en prendre qu'à lui s'il récoltait, en un de compte, une correction bien méritée. La persistance de l'attaque servirait d'excuse à la voie de fait, qui deviendrait un acte de légitime défense contre un individu qui, s'étant mis par sa manière d'agir en dehors des règles du point d'honneur, ne serait pas admis naturellement à les invoquer, pour obtenir réparation d'une conséquence de leur transgression.

Aussi les témoins repousseraient-ils sa prétention au droit d'offensé avec voie de fait, sans contrevenir aux règles que nous avons étudiées plus haut.

1. Conformément, voyez Prévost et JoUivet, l'Escrime et le duel, page 199, et à rélranger, Gelli.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 65

Duels à motifs secrets.

Nous ne pouvons clore le chapitre vm sans rechercher à qui reviennent les privilèges qui sont attachés à la qualité d'offensé, lorsque les motifs du duel sont tenus secrets.

Si les parties refusent de faire connaître les motifs de la provo- cation, à raison de la nature particulièrement délicate de l'offense, les témoins agiront prudemment en refusant leur concours.

En effet, comme récrivait le prince Bibesco à M. Ferry d'Esclands dans une lettre en date du 20 mars 1885 : « Les témoins ont le droit et le devoir de connaître la cause de la provocation.

« Il est inadmissible qu'on puisse la leur cacher.

« Je vais raconter une anecdote à ce propos :

« Il y a quelques années, deux hommes du meilleur monde cherchèrent des témoins pour une rencontre qu'ils disaient néces- saire, irrémissible. Leur haute situation ne permit pas de douter de la sincérité de leur allégation. Personne ne fit de questions sur le motif du duel, et on se trouva sur le terrain sans autre déclaration que le « c'est nécessaire ».

« Mais à de vagues indices, corroborant de vagues soupçons, les témoins conçurent des doutes, et, craignant de prêter leur con- cours à quelque aventure indigne d'un combat sérieux, ils invi- tèrent les parties à dire le pourquoi du duel.

tt Ils constatent un grand embarras, deviennent de plus en plus pressants, et exigent une réponse catégorique. Après de fausses explications, des réticences nombreuses, les adversaires se jettent à la figure dlnexplicables démentis. Les témoins comprennent enfin qu'il y a eu entre eux une de ces compétitions sans excuse, aux- quelles le duel doit être étranger. Us se retirent au plus vite et font bien. C'est par qu'ils auraient commencer. »

Si les témoins jugent ne pouvoir se dispenser de concourir à un duel de cette espèce, ils sont en droit d'exiger au moius que les adversaires affirment sur 1 honneur, et signent, que les motifs de la rencontre ne sauraient être divulgués pour des raisons d'ordre intime ^

Ils doivent être plus circonspects que jamais, prendre tout le temps nécessaire pour instruire Faffaire, et pour examiner s'il n'y a pas sous roche quelque motif contraire à Thonneur ^

1. Voyeï TaTornier, page 31. Dq Verger de Saint-Thomas, chapitre premier, article 21.

2. Voyez notre chapitre x?ii.

5

»-- ■^<

66 PREMIÈRE PARTIE.

Cependant, lorsqu'un des adversaires accepte sans discussion le rôle d'offensé avec toutes ses conséquences, comme il n'est guère admissible qu'un homme subisse de telles éyentualités, et de si grands désavantages, sans motifs sérieux et licites, les témoins peuvent être moins absolus dans leur refus de concours ^

En cas de duel à motif secret, Tobligation d'un procès-verbal rédigé minutieusement, et susceptible de sauvegarder la respon- sabilité des témoins, s'impose bien davantage qu'en temps ordinaire; car, dans ce cas, le combat est dit à outrance, et doit se poursuivre jusqu'à ce qu'une blessure mette celui qui l'a reçue dans Timpos- sibilité absolue de continuer.

Les témoins peuvent aussi y insérer une déclaration des com- battants, constatant que toutes les tentatives de conciliation ont été épuisées en vain, qu'ils sont décidés à se battre malgré tout, et que le refus d'assistance dont ils sont menacés ne fera que retarder la rencontre, et les obliger à prendre comme mandataires les premiers venus.

La responsabilité des témoins étant plus grande, avons-nous dit, que pour les rencontres ordinaires, il est juste qu'ils conservent une plus grande liberté d'action que dans les cas habituels, relati- vement à la fixation des conditions du duel.

Gomme ils ne peuvent juger par eux-mêmes quel est l'offensé et quelle est la griëveté de l'offense, ils ne sont pas tenus de s'en rapporter à la déclaration des adversaires.

Ils s'efforcent tout d'abord de s'entendre amiablement sur les armes, le duel et la distance. S'ils ne peuvent tomber d'accord, ils tirent au sort.

Il est bien entendu que le choix ou le tirage au sort doivent rigoureusement être exercés parmi les armes, les duels et les distances admis comme légaux *.

CHAPITRE IX Une seule réparation pour une même o£Fense.

Cet axiome fondamental de la législation du point d'honneur mérite toute l'attention du lecteur. Il a été introduit pour éviter

1. Voyez affaire Gérôme-Steyeos, 20 février 1862. Appendice 7.

2. Voyez nos chapitres xxxvu et xxxvm.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 67

que les querelles ne se perpétuent à rinfini et ne dégénèrent en vendettas, contraires à la justice et aux mœurs de notre époque.

Les articles suivants prévoient plusieurs cas ce principe est applicable ^

« Article premier. Nul cartel ne peut être envoyé en nom collectif. Si un corps, une association, une réunion d'individus, a reçu une insulte, il n'appartient au corps, à l'association ou à l'as- semblée que le droit d'envoyer un de ses membres pour venger celte insulte. Un cartel en nom collectif est toujours refusable, et il appartient à celui qui le reçoit, soit de choisir parmi ceux qui le présentent, soit de demander que le sort désigne l'un d'eux *. »

Des termes de cet article il résulte :

l"" Que le droit de demander raison d'une insulte collective appartient à la collectivité qui Ta reçue.

Par ce mot collectivité, nous entendons parler non seulement du corps, c'est-à-dire de la personne morale ou fictive, représentant une collection d'individus agissant dans un intérêt public ou dans un intérêt particulier, jouissant des mêmes privilèges, soumis aux mêmes devoirs, exerçant la même profession, mais encore de l'as- sociation, c'est-à-dire de la réunion de plusieurs personnes dans un but commun, et enfin de la réunion, c'est-à-dire de rassemblée publique ou privée d'un certain nombre d'individus.

Notre article s'applique donc aussi bien à l'offense reçue par les membres d'un tribunal, d'un corps d'ofûciers, etc., etc., qu'à celle qui est essuyée par les membres d'un cercle, les administra- teurs d'une société, les personnes réunies autour de notre table ou dans notre salon, etc.

2<> Que le droit de demander raison pour la collectivité n'ap- partient qu'à un membre de cette collectivité.

S^" Que le droit de récuser le champion qui se présente au nom de la collectivité est absolu pour l'agresseur, et que le tirage au sort est le seul moyen qu'on puisse alors employer '.

A propos de ce droit de récusation, remarquons que pour qu'il y ait matière à l'exercer, il est nécessaire qu'il existe un concert entre les membres de la collectivité pour désigner le champion qui devra la représenter. S'il en était autrement, l'agresseur opposerait

i. Voyez Épilogue de Taffaire Armand Carrel-Émile de Girardio, 22 juillet 1836, et surtout la circulaire ministérielle du 21 Juillet 1S58. Appendice n^ 8, relative à la provocation collective. Sausaiae, Dictionnaire de législation militaire, Vo Duel,

2. Chateauvillard, chapitre m, article 7. Tavemier, page 27. Du Verger de Saint-Thomas, chapitre premier, article 16.

3. Voyez ailaire X...-Perrier,.mars 1888. Appendice 9.

68 PREMIÈRE PARTIE.

purement et simplement une fin de non-recevoir pour inexis- tence de mandat, et le tirage au sort n'aurait lieu que lorsque la collectivité tout entière se serait unie pour demander réparation. Cependant, si la collectivité a un supérieur hiérarchique et si ce supérieur réclame ToSense comme sienne, il le fait légalement, et Tagresseur ne peut le récuser. C'est l'équitable contre-partie de la responsabilité qui est imposée audit supérieur par notre cha- pitre XI.

Remarquons, à propos du tirage au sort, que ce n'est pas parmi

es champions désignés par la collectivité pour venger son injure

qu'il doit être exercé, mais bien parmi l'universalité des membres

de cette collectivité. Tel est le véritable sens des mots : « parmi ceux

qui présentent le cartel », écrits dans l'article premier.

Conformément, si je dis : Les officiers de tel régiment sont des ivrognes, et si trois d'entre eux se présentent au nom du corps entier, j*ai le droit de les récuser, et d'exiger que le tirage au sort ait lieu entre tous les officiers du régiment.

Maintenant que nous avons établi clairement les droits réci- proques des antagonistes, il nous reste à expliquer ce qu'il faut entendre par injure collective.

Linjure collective est celle dont le vague intentionnel atteint un ensemble d'individus, un certain nombre de personnes qui ne sont pas nominativement désignées.

Si nous disons: Tous les membres de la Société X... sont des fripons, Tinjure est collective. Mais si nous disons : Pierre et Paul, membres de la Société X... sont des voleurs, l'injure ne présente plus le même caractère, puisque les noms sont donnés. Peu im- porte qu'un même vice les unisse dans notre esprit, et semble la vraie cause de l'insulte. Nous ne pouvons pas opposer l'exception de collectivité aux cartels de Pierre et de Paul, et nous leurs devons une double réparation.

Si nous disons : Pierre, administrateur de la Société X... est aussi voleur que ses collègues, nous proférons une injure person- nelle à Pierre, et collective à l'adresse des administrateurs consi- dérés comme association. Nous devons accepter le cartel de Pierre, et exiger le tirage au sort pour ce qui concerne la détermination du champion des autres administrateurs.

Une offense peut être collective, bien qu'elle s'adresse en apparence à une seule personne, et atteindre ainsi tout le corps, l'association ou la famille à laquelle cette personne appartient ; mais il faut pour que l'offense produise ce résultat qu'elle ne s'attaque pas exclusivement à la personne désignée.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 69

Il est nécessaire qu'elle compromette ThooDeur ou la considé- ration de la colIectiTité.

Exemple : Pierre écrit à Paul qu'il s'est aperçu que ce dernier fait usage dans son sceau, des armes de sa famille, à lui» Pierre, que ces armes ont été frauduleusement usurpées par le père de Paul. Il lui enjoint de les faire disparaître, et accompagne cet ordre de commentaires injurieux à l'adresse des gens qui se llyrent à de tels emprunts.

Paul a quatre frères, qui tous font usage de sceaux pareils au sien. Ils sont, par le fait, englobés dans l'injonction offensante de Pierre.

Cette injonction est deyenue publique.

A qui rcTient le droit de demander raison ?

A Paul seul, ou aux quatre frères réunis ?

A la collectivité des quatre frères. Car Toffense n'est pas dirigée contre Paul pris dans son individualité singulière, mais contre un membre de la collectivité dont II porte le nom, et partant contre la collectivité tout entière * .

Nous terminerons par une observation importante.

En matière de point d'honneur comme en matière de droit pénal, l'outrage appliqué, soit à une profession, soit à une classe entière d individus, ne peut donner lieu à aucun appel, s'il ne s^agit que d'une appréciation générale et pour ainsi dire théorique, sans application particulière à un plus ou moins grand nombre d'individus.

Gonséquemment, lorsqu'en 1888, l'auteur du livre intitulé Sous-^/f. dépeignit sous un jour absolument odieux et grotesque un certain nombre de types de sous-officiers, ce livre était bien offensant pour l'armée française en général et fut incriminé comme tel; mais il ne pouvait motiver l'appel des sous-officiers d'un régi- ment quelconque, s'il n'était pas établi que l'écrivain avait eu l'intention de viser spécialement les sous-officiers dudit régi- ment *.

« Art 2. Lorsqu'une même offense est commise par plusieurs individus envers une même personne, l'offensé est libre de choisir l'adversaire auquel il demandera réparation de cette offense '. »

1. Voyez, Grellet-Damazeau. Traité de la diffamation, de l'injure et de Voih trage, page 36.

ï. Voyez, pour ce qai concerne Tapplication de raziome et de Tarticle premier, appendice n" 10. Affaire de Pène-Hyenne, Gazette des Tribunaux, lS-19 mai, 15 Joillet 1858.

3. Voyez Tavemier, page 27. Du Verger, chapitre premier, article 17.

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70 PREMIÈRE PARTIE.

Il est facile de comprendre pourquoi les auteurs laissent à Toffensé ce droit d'option.

Ils Teulent éyiler que des adyersaires malhonnêtes, se coalisant pour insulter un même individu, puissent conserver Tespoir d'ar- river ainsi à une substitution déguisée. Du moment qu'ils ont été unis pour l'offense, ils restent solidaires pour la réparation.

L'offensé est absolument libre de choisir qui bon lui semble.

Il ne doit compte à personne de sa préférence, et serait impru- dent de ne pas user de cette prérogative, ou de se laisser égarer par une générosité qui, dans l'espèce, deviendrait une réelle duperie.

Sans ce risque personnel, quiconque en voudrait à son voisin pourrait s'adjoindre un spadassin qui manœuvrerait de manière à endosser le danger de la rencontre. C'est pour cela que les auteurs refusent aux agresseurs qui se trouvent dans le cas prévu par notre article 2 jusqu'à la chance du tirage au sort.

Lorsque les offenses essuyées par une même personne, de la part de plusieurs autres, sont de gravité différente, l'article 2 du chapitre ii est- il applicable?

Un exemple fera mieux comprendre l'intérêt de la question.

Supposons que Pierre et Paul s'entendent pour insulter Jean, ennemi du premier. Pierre, qui ne connaît rien aux armes, adresse à Jean une offense simple, d'où naît une discussion au cours de laquelle Paul, duelliste consommé, se livre envers ce dernier à une voie de fait. Ils pensent que l'article 2 est seul applicable dans l'espèce, et comptent bien que Pierre ne courra aucun danger, puisque Jean, ne pouvant adresser qu'un unique appel, choisira forcément l'adversaire qui Taura frappé.

Leur calcul sera-t-il couronné de succès?

Nous ne saurions l'admettre.

Jeanasubiunedoubleoffense;ilpeutexigerunedoubleréparation.

Gomment la lui refuser?

Du moment que l'offense s'est manifestée par des actes de nature différente (surtout s'ils sont classés, comme dans notre hypothèse, aux extrémités opposées de Téchelle des degrés), peu importe qu'un même mobile ait guidé les offenseurs; il n'y a pas la condition essentielle à laquelle est subordonnée l'application de l'ar- ticle 2. II n'y a pas « même offense », et partant aucune obligation d'appliquer la règle que consacre ledit article.

Si on ne peut pas forcer Jean à n'adresser qu'une provocation, peut-on du moins le contraindre à observer dans l'envoi des cartels un ordre particulier, à commencer, par exemple, par appeler l'au- teur de la voie de fait ?

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 1{

Rien ne justifie une telle préteDtion. Nous Terrons en effet, lorsque nous étudierons Farticle 3 du présent chapitre (le seul que nous ayons entendu inyoquer en faveur de TaffirmatiTe), que cet article ne s'occupe pas du cas un individu est offensé par plusieurs autres, mais qu'il établit un règlement d'ordre entre plusieurs personnes offensées par un même individu ^

Jean est donc libre de s'adresser d'abord à Pierre, sll le juge convenable, sans que Paul soit déchargé de l'obligation de lui rendre ensuite raison pour la voie de fait. Nous allons plus loin, et nous croyons que, même dans le cas les offenses seraient d'égale gravité, et seraient classées dans la même catégorie, Jean conser- verait encore ce droit, si lesdites offenses n'étaient pas identiques ; car elles ne rentreraient pas plus dans les termes de l'axiome inscrit en tête de ce chapitre que dans ceux de l'article 2, qui supposent u une même offense ».

Par contre, nous ne doutons pas que l'article 2 ne s'applique au cas plusieurs personnes répètent, par quelque moyen de trans- mission que ce soit, une offense de n'importe quelle nature, verbale ou écrite.

L'offensé est libre de choisir, parmi tous les individus qui ont écrit ou proféré l'offense, celui auquel il entend demander raison^ sans avoir à rechercher si la paternité lui en revient, ou s'il n'a fait que répéter cette offense. La personne appelée ne peut lui opposer une fin de non-recevoir absolue, tirée, par exemple, de ce que l'im- putation diffamatoire (si diffamation il y a) porte sur un fait connu de plusieurs personnes ; car, ainsi que nous l'avons expliqué cha- pitre IV, page 37, la vérité d'un fait, et à plus forte raison la simple apparence de la vérité de ce fait, n'autorise qui que ce soit à le publier méchamment, ou avec la perspective de causer un dommage à autrui.

S'il en était autrement, rien ne serait plus facile que de pré- parer d'avance son excuse, en semant à petit bruit la diffamation, pour la recueillir grossie et colportée par la malignité du monde toujours avide de scandale.

En conséquence, si une personne est appelée par une autre pour avoir raconté une chose offensante, et si cette personne nomme l'individu qui la lui a dite, la désignation qu'elle en fait ne la décharge pas vis-à-vis l'offensé.

De même, le journaliste qui publie une nouvelle injurieuse pour un tiers n'est pas exonéré par le fait que la nouvelle est copiée dans une autre feuille et reproduite sous toute réserve. En.

1. Voyez affaire Crestin-Cazalot. Gazette des Tribunaux, 26 Juillet-3 septembre 1847. Appendice n^ 11.

n PREMIÈRE PARTIE.

effet, le journaliste, en reproduisant Tarticle offensant^ s'est assi- milé Toffense et a en prévoir les conséquences.

Dans certains cas non prévus par les articles précédents, l'ap- plication de l'axiome : a Une seule réparation pour une même offense », peut soulever quelques difficultés.

On s'est demandé notamment s'il serait applicable au cas une personne publierait frauduleusement, sous le nom d'une autre, un écrit supposé dans lequel un tiers serait offensé, et si, par con- séquent, une seule réparation par les armes libérerait l'auteur de l'article de toute réclamation subséquente.

Nous ne le croyons pas.

Un exemple fera bien comprendre pourquoi :

Pendant la longue et irréconciliable brouille survenue entre le prince Napoléon et son fils aîné, il est arrivé à plusieurs journa- listes de mettre dans la bouche de ce dernier des propos outrageants pour son père, des accusations de trahison, par exemple. Ces propos offensaient directement le prince Napoléon. Ils offensaient égale- ment, le prince Victor, en lui prêtant méchamment une conduite révoltante et indigne d'un homme d'honneur. Il y avait double offense, et matière à double réparation.

La réparation accordée au prince Victor, en supposant qu'il l'eût demandée, ne libérait pas l'auteur de l'imputation de l'obli- gation de répondre au prince Napoléon, s'il s'était ensuite adressé à lui, et réciproquement.

(( ART. 3. Lorsque dans plusieurs querelles successives des offenses ont été commises par le même individu envers des per- sonnes différentes, la primauté de la réparation appartient à la première offense, si ces offenses sont du même degré, autrement l'offense la plus grave donne droità la primauté de la réparation

Remarquons que Tarlicle 3 ne fait pas double emploi avec l'article premier de ce chapitre, car il suppose, non plus un indi- vidu adressant une offense à une collectivité, mais un individu adressant des offenses non identiques à plusieurs personnes, dans des conditions telles que chacune ait droit à une réparation indi- viduelle.

Il règle l'ordre dans lequel les réparations seront accordées, s'il y a discussion relativement à la primauté du tour.

On voit que, pour que l'article 3 soit applicable, il faut néces- sairement que la classification des offenses soit opérée.

i. Voyez Tavernier, paje 28, Du Verger de Saint-Thomas, page 168, chapitre premier, article 18.

OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. 73

CHAPITRE X Personnalité des offenses, substitutions.

Les offenses sont personnelles et se vengent personnellement.

Ce principe, formulé pour la première fois sous celte forme concise par M. Tavernier, a une importance capitale et sur laquelle nous ne saurions trop insister, mais qui présente certaimes diffi- cultés d'application, qu'un exemple fera bien comprendre:

Pierre impute à Paul un fait déshonorant. Jean, fils de Paul, prétend être diffamé par cette imputation, bien qu'elle soit person- nelle à son père. Il dit qu'il y a solidarité entre les membres d'une famille, solidarité d'autant plus étroite que les degrés de parenté sont plus rapprochés; que ce qui blesse l'honneur du père doit né- cessairement blesser l'honneur du fils appelé à recueillir l'héritage d'un nom qu'il a intérêt à conserver pur de toutes flétrissures ; que par la force de Topinion, qui repose sur un préjugé injuste à la Te- nté, mais dont il faut tenir compte, l'atteinte rejaillit sur lui, Jean, et diminue sa considération.

Il demande en conséquence raison à Pierre.

Sa prétention est-elle admissible ?

Non, car l'injure, relativement à la matérialité de l'imputation, tombe exclusivement sur la personne du père. S'il est possible qu'elle rejaillisse sur la personne du fils, c'est en ce qui touche le dommage indirect, et non la chose imputée ^

L'axiome: « Les offenses sont pei'sonnelles et se vengent per- sonnellement », a pour corollaire : « Les substitutions de personnes sont interdites*, »

La raison de cette prohibition est facile à comprendre. Du duel par procuration à l'assassinat par devant témoins, de l'ami qui se dévoue au spadassin qui se fait payer, il n'y a qu'un pas. La législation du point d'honneur ne pouvait permettre qu'on le fran- chit.

Elle autorise donc à refuser le duel proposé dans de semblables conditions, sans encourir de blâme, quiconque ne trouve pas en face de lui un adversaire personnellement et directement intéressé.

1. Voyez Grellet-Dumazeaa, Traité de la diffamation, de Vinjure et de Voih trage, tome I, page 38.

2. Voyez affaire Dramont-Boissy-d^Anglas-Thomegttex, 6 décembre 1893. Appea- dlce n<* 115.

74 PREMIÈRE PARTIE.

Bien plus, même dans le cas Toffenseur y donnerait son adhé- sion, elle dénie aux témoins le droit de concourir à une affaire de cette espèce.

En cela elle reflète Tétat de nos mœurs qui répugnent à ces remplacements, et marche d'accord avec la loi pénale, en couvrant d'une juste réprobation, non seulement Thomme qui arme le bras d'un tiers, mais le tiers qui frappe dans une querelle il n'est pas intéressé.

Quelque stricte que soit la règle que nous venons de poser, elle comporte cependant plusieurs exceptions.

En effet, certains individus sont admis à venger des injures qui ne les atteignent pas directement. Réciproquement certains autres deviennent responsables d'offenses qu'ils n'ont pas com- mises.

Nous allons examiner :

l"* Les raisons qui ont pu motiver ces dérogations à la person- nalité des offenses ;

2<> Les divisions qui en résultent ;

3"" Les différences ;et les analogies qui existent entre les di- verses classes d'exceptions ;

/t® Les personnes admises à se substituer ;

50 Les conditions mises à ces substitutions.

Motifs qui ont fait admettre les stibstitutions.

Parmi les substitutions, les unes sont basées sur l'affection naturelle entre parents unis par les liens du sang, d'une manière si intime que Tatteinte à l'honneur de l'un rejaillit sur l'honneur de Tautre, avec la plus complète solidarité. Telles sont les substitutions de fils à père, de père à fils, etc.

Les autres sont basées sur Tirresponsabilité active et passive de la personne outragée. Par exemple, lorsqu'il s'agit d'offenses faites aux femmes.

2^" Divisions qui en résultent. 3<> Différences et ressemblances qui existent entre les classes.

On voit qu'il est rationnel de diviser les substitutions en deux classes d'après les motifs qui les ont fait établir.

Ces deux classes diffèrent, en ce que, lorsqu'il s'agit des substi- tutions de la première classe, le droit de se faire remplacer par un parent n'appartient jamais à l'agresseur, et n'appartient à l'offensé que si Finjure qu'il a subie est une injure grave ou une voie de fait;

OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. U

tandis que, pour ce qui concerne la seconde classe, le protecteur de la femme prend sa place dans toutes les conjonctures, c'est-à-dire quel que soit son rôle et quelle que soit la valeur de l'offense.

Elles se ressemblent en ce que le substitué s'incarne dans la peau de la personne qu'il remplace, jouit de tous ses privilèges, subit toutes ses charges, et accomplit valablement tous les actes que rincapable aurait droit de faire, s'il jouissait de sa capacité.

Elles se ressemblent encore, en ce que les substitutions con- stituant des exceptions à uq principe fondamental en matière de point d'honneur sont restreintes aux personnes spécialement auto- risées à en user, et aux cas en vue desquels elles ont été établies.

4"" Personnes admises à se substituer. Première classe de substitution.

La substitution de fils à père est formellement admise par Gha- eauvillard (chapitre premier, article 6). Elle entraîne celle du p^^t^ fils au grand-père, et réciproquement celle du père au fils, et du grand-père au petiUfils,

La substitution de frère à frère est-elle permise ?

La question est controversée.

Les partisans de l'affirmative s'appuient sur l'autorité de Du Verger de Saint-Thomas (chapitre premier, article 24), sur celle de Tavernier (p. 309), et de G. JoUivet (p. 211).

Les partisans de la négative, sur le silence gardé par Chateau- villard , et sur les conditions exceptionnellement rigoureuses aux- quelles il subordonne la substitution de fils à père ; toutes choses dont la concordance indiquerait, d'après eux, la volonté de res- treindre à la personne du fils le droit de remplacement.

Ils observent que cette solution est seule logique, si on admet comme ils l'admettent VEssai sur le duel comme guide et code du point d'honneur, et qu'elle est seule conforme au principe que les exceptions demeurent limitées au cas spécial en vue duquel elles sont édictées, et ne comportent pas d'extension.

Il est facile de voir, en relisant notre chapitre premier, que la solution négative est la conséquence directe des prémisses que nous 7 avons posées ; aussi n'hésiterions-nous pas à Tadopter, si nous n'étions effrayés de ses conséquences pratiques.

Eu effet, si on l'applique strictement, l'infirme qui n'a pas de fils ou de père en état de le protéger devient la victime assurée d'un brutal, assez lâche pour attaquer un être sans autre défense qu'un frère incapable de lui venir en aide. Aussi n'osons-nous pas proclamer absolument contraire aux règles du point d'honneur le

76 PREMIÈRE PARTIE.

concours prêté par des témoins au duel entre le frère de l'inca- pable et son agresseur, lorsque l'injure est très graye, et l'offensé affligé d'une infirmité permanente : en un mot lorsqu'il est digne d'un intérêt spécial et indiscutable. Mais ils ne doivent le faire qu'avec une extrême prudence, et n'admettre les raisons invoquées qu'après examen sévère ; toutes choses qui sont généralement sou- mises à l'appréciation d'un jury d'honneur.

Les raisons qui nous ont fait hésiter lorsqu'il s'est agi du frère remplaçant le frère n'ont plus la même valeur lorsqu'il s'agit de la substitution du neveu à ronde et vice versa.

En effet, les liens du sang deviennent de moins en moins étroits, la présomption d'une affection et d'une solidarité sans mé- lange d'intérêt moins forte.

Nous n'hésitons donc pas à la repousser, malgré l'opinion con- traire exprimée par Tavernier, p. 309, et Du Verger de Saint-Thomas, chapitre premier, article 23 *.

Nous repoussons, à plus forte raison, celle de cousin à cousin.

La substitution du tuteur à son pupille n'est admissible que si le tuteur est père, grand-père ou frère dudit pupille. Elle n'est pas autorisée hors de ces cas.

En effet, la tutelle est une charge imposée par la loi, ou par la volonté de l'homme, en vertu des dispositions de la loi, pour admi- nistrer gratuitement les biens d'un incapable et prendre soin de sa personne. Elle n'établit entre eux aucun lien du sang, aucune soli- darité d'honneur. Il serait injuste d'imposer à un homme chargé d'un fardeau si pesant un surcroît de responsabilité que rien ne justifie.

M. Tavernier admet la substitution diin ami à un ami, à con- dition :

Qu'il y ait offense grave de la part d'un agresseur majeur;

Impossibilité matérielle pour Toffensé de venger son hm- neur;

3** Qu'il n'existe aucun parent capable de se substituer à lui;

/t*" Que les liens du substitué avec l'offensé ne soient point ceux d'une amitié banale, mais de la plus grande intimité ;

5* Que l'agresseur accepte cette substitution. S'il ne l'accepte pas, un procès-verbal l'en punit.

Du moment que nous refusons d'étendre le droit de se substi- tuer à des parents aussi rapprochés que l'oncle et le neveu, nous devons le refuser, à plus forte raison, à l'ami, et interdire aux té-

1. Conformément, voyez G. JoUi?et, page 211.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 77

moias de prêter leur concours à un remplacement que nous consi- dérons comme illégal.

En effet, la violation du principe fondamental placé en tête du présent chapitre ouvre la porte à tous les abus en vue desquels il a été édicté, sans qu'il soit possible d'invoquer ni la communauté d'origine, ni la solidarité d'honneur, comme circonstances vérita- blement atténuantes.

Qui peut mesurer le degré d'affection qui établit, entre deux êtres étrangers par les liens du sang^ cette quasi-parenté sur la- quelle M. Tavernier s'appuie pour autoriser le remplacement? Cette amitié ne peut-elle couvrir une association de défense od l'ami jouerait le rôle de garde du corps de l'impotent ?

Peu importe le consentement de l'agresseur. L'intérêt général passe avant tout.

L'ami véritable a du reste la ressource de rendre une injure égale à celle reçue par son Pylade. Dans cette occurrence, M. Taver- nier remet au sort le soin de décider l'arme dont on se servira. Nous croyons qu'il commet une erreur. Il n'y a aucune indivisi- bilité entre les deux querelles, et partant aucun motif de faire exception aux règles ordinaires ^

S^" Conditions exigées pour que les personnes énumérées plus haut soient autorisées à se substituer à l'incapable.

<c Le fils, écrit Chateauvillard (chapitre premier, article 6), peut prendre la défense de son père, trop faible pour répondre à une offense : si l'adversaire est plus rapproché de l'âge du fils que de celui du père.... si ce dernier a soixante ans au moins. Il se met au lieu et place de la personne offensée et profite de ses droits. Le fils ne peut se mêler de l'affaire de son père, si ce dernier est l'agresseur. »

Et plus loin, dans ses remarques sur l'offense (p. 95), il ajoute : « Pour que le fils puisse prendre sa défense, il faut que son père ait été bien réellement et bien graToment offensé, qu'il n'ait pas provoqué Toffense par une offense égale, qu'il ait raison, enfin que l'agression soit flagrante et facile à élablir. » En résumé, quatre conditions, dont une est relative à l'incapacité physique, une autre au degré de l'offense, et dont les dernières regardent l'âge.

L'interprétation des textes que nous venons de rapporter, a donné lieu à une controverse trop importante pour que nous la pas- sions sous silence.

1. ConformémoDii voyez G. Prévost, G. Jolllret, l'Escrime et le duel, page 213«

78 PREMIÈRE PARTIE.

Oa s'est demandé si GhateauTillard exigeait bien réellement, dans tous les cas, le concours des quatre conditions pour que la substitution fût licite ; si certaines d'entre elles ne pouvaient pas manquer sans entraîner le résultat contraire ; enfin, dans le cas l'affirmative prévaudrait, quelles étaient ces conditions.

Aucune difficulté sérieuse ne pouvait raisonnablement porter sur le degré de l'offense. Il est clair qu'une atteinte grave à l'hon- neur ou à la considération, ou une voie de fait, sont seules capa- bles de justifier une pareille dérogation au principe de la person- nalité des offenses ; mais elle pouvait porter et elle porta en effet sur la question d'ftge.

Il parut injuste de refuser à un fils le droit de remplacer son père infirme et gravement offensé, par cela seul que le père aurait moins de soixante ans, ou parce que l'âge de Tagresseur ne se rap- prochait pas assez du sien.

Aussi M. Tavernier enseigne-t-il (p. 306) que du moment que le père est gravement offensé, et physiquement incapable de venger son injure, la substitution est permise, sans qu'il soit nécessaire de se préoccuper de Tâge.

M^ Du Verger de Saint-Thomas (Observations sur l'article 22 du chapitre premier) pose la question sans la résoudre. Nous croyons qu'on peut le faire au moyen d'une distinction.

Si le père est trop faible pour se mesurer, sans infériorité, avec son agresseur, le concours des quatre conditions est exigible. Si son état physique est tel qu'il se trouve dans l'impossibilité absolue de venger l'injure qu'il a reçue, il n'y a pas lieu de se préoccuper des conditions relatives à l'âge; il suffit que l'injure soit grave, non provoquée et facile à établir.

Cette solution nous parait ressortir des textes que nous avons cités plus haut. En effet, lorsque, dans l'article 6 de son chapitre pre- mier, Ghateauvillard met la question d'âge en avant, il ne prévoit pas une hypothèse générale embrassant tous les cas d'incapacité absolue ou relative qui peuvent se présenter.

Il ne vise pas ceux qui font de l'offensé la victime assurée de n'importe quel agresseur même plus âgé que lui : la perte de la vue, la paralysie, etc., etc. Il suppose, chose tout à fait différente, que le père est a trop faible » pour se mesurer avec un adversaire beau- coup plus jeune que lui. C'est le cas de don Diègue dans le Cid.

Substitution du petii-ûls au grand-père.

Les conditions sont les mêmes que pour la substitution du fils au père.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 79

Il faut eD outre que le grand-père n'ait pas de fils en état de le remplacer, car dans cette hypothèse le fils prime le petit^fils.

Substitution de père à fils et de grand-père à petit-fils.

Les conditions mises à la substitution du père au fils Tarient suivant Tàge de ce dernier.

Est-ce un enfant qui n'a pas encore atteint la majorité, que nous appellerons majorité sociale, c'est-à-dire dix-huit ans ? L*in- jure qui lui est faite est censée faite à la personne sous la puissance de qui il se trouTe, c'est-à-dire à la personne du père ou du grand- père, qui peuvent se substituer à lui, quand bien même il serait valide, à la seule condition que l'injure soit grave, facile à établir, et non provoquée.

Il n'en est plus ainsi, pendant la période qui court de dix-huit à vingt et un ans, car le jeune bomme commencé à compter dans le monde.

Le droit à la substitution n'existe plus de piano. L'état physique et moral de l'offensé, son habileté plus ou moins grande au manie- ment des armes, doivent entrer en ligne de compte, et la solution affirmative ou négative ne doit résulter, dans l'intérêt des deux parties, que d'un arbitrage ou de la sentence d'un jury d'honneur.

A partir de la majorité légale, c'est-à-dire de vingt et un ans, les conditions mises à la substitution de père à fils sont les mêmes que celles qui sont mises à la substitution de fils à père, sauf pour ce qui à rapport aux questions de proportion entre les âges, qui n'ont plus raison d'être ^

Mêmes conditions pour le cas peu probable ou le grand-père, en l'absence du père, voudrait se substituer à son petit- fils.

Substitution de frère à frère.

Les conditions exigées pour la substitution de frère à frère, si on admet le système qui la considère comme légale, sont identiques, mais il faut en outre que roiïensé n'ait ni père ni fils en état de le remplacer.

Offenses aux personnes atteintes de maladies mentales.

Les individus atteints de maladies mentales, tels qu'aliénés, idiots, etc., ne peuvent pas plus être offensés personnellement

!• Voyez notre chapitre xii, article 10.

80 PREMIÈRE PARTIE.

qu'ils ne peuvent être responsables des actes offensants qulls peu- vent commettre.

N'ayant pas Fexacte notioa du bien et du mal, du juste et de rinjuste, le point d*lionneur n'existe pas pour eux. Les parents qui sont assez rapprochés pour se substituer ne sauraient donc invoquer leur incapacité pour prendre leur lieu et place.

Il faut, pour qu'ils soient autorisés à demander réparation d'une offense qui semble viser plus spécialement l'insensé, que cette offense puisse être considérée comme leur étant en réalité person- nelle. C'est alors en leur nom qu'ils adressent le cartel qui en résulte. Nous n'avons pas besoin d'insister sur la délicatesse de la question et sur les difficultés que présentera souvent la solution ^

2"" Classe de substitutions. Offenses aux femmes.

Le père peut toujours prendre la défense de sa fille insultée, le mari de sa femme, le frère de sa sœur, le cavalier de la dame qu'il accompagne, etc.

Dans tous ces cas, l'offense n'atteint pas la femme (personne incapable), mais frappe son protecteur naturel, vis-à-vis lequel l'agresseur se trouve placé, comme si c'était à lui qu'il se fût adressé directement».

Par le mot protecteur naturel, nous entendons l'homme dont la femme doit attendre naturellement, et par la force des choses, aide et protection.

Dans le cas dont nous nous occupons, on voit qu'il n'y a pas, à proprement parler, substitution réelle dans le sens des substitu- tions précédentes, puisque la femme n'existe pas au point de vue de la réception de l'offense, ou de l'appel qui en résulte.

Aussi cette substitution, si substitution il y a, n'est-elle soumise à aucune condition spéciale. L'affaire est instruite et conduite d'après les règles ordinaires. En particulier, pour que l'intervention du protecteur naturel de la femme soit justifiée, il n'est pas néces- saire, comme pour les substitutions de la première classe, que l'of- fense subie soit une offense grave. Une offense simple suffit.

L'énumération des protecteurs naturels que nous avons faite en tête de cet article n'est pas limitative. Le droit de remplacement s'applique à toutes les personnes dont la femme peut attendre aide et protection, mais avec cetle restriction que le classement et l'ordre à observer sont déterminés par le degré de parenté, les mœurs, les

1. Voyez notre chapitre v (Intention).

2. Voyez Tayernier, page 309

OFFENSES. BÈGLES DU DUEL. 84

usages, les règles de la raison et du bon sens, mais non par le caprice des intéressés.

Ainsi le frère d'une femme qui possède un mari ou un fils en étal de venger son injure ne saurait s'imposer à Tagresseur, qui peut le récuser sans cesser d'agir correctement. La môme fin de non-recevoir pourrait être opposée au cousin d'une jeune fille qui se présenterait comme champion de son honneur, alors que la jeune fille a un père ou un frère capables de se battre pour elle ^

Si une femme qui a un mari, ou un fils, ou un père, etc., en état de venger son injure, se trouve offensée lorsqu'elle est au bras d'un individu dont le degré de parenté est plus éloigné, ou n'existe pas, à qui revient le droit de se battre pour elle, lorsque le parent le plus rapproché et Tindividu au bras duquel la femme a été offensée demandent ensemble réparation à Toffenseur?

Nous posons la question, mais nous renonçons à y donner une réponse théoriquement vraie, car elle suppose l'examen de faits trop variables pour être prévus. C'est affaire aux témoins, aux arbitres et aux membres d'un jury d'honneur, qui doivent s'inspirer des raisons de convenances, et rechercher si Toffense adressée à la femme n'a pas un côté personnel à l'individu qui lui offrait son bras. En Italie, c'est le cavalier qui est préféré*.

Pour que la rencontre puisse être autorisée, il faut, chaque fois qu'il s'agit de substitution pour offense à une femme, que la mora- lité et rhonorabilité de la femme soient indiscutables. A première vue, cette proposition semble contraire à la théorie que nous venons d'émettre sur la façon dont le protecteur de la femme acquiert le droit de se battre pour elle.

En effet, du moment que l'outrage ne s'arrête pas à celte der- nière, et frappe directement sou champion, du moment que le champion est considéré comme étant le seul offensé, il semble que son honorabilité suffise pour rendre le duel admissible.

Il n'en est rien cependant.

En effet, si la femme n'est point partie agissante dans l'affaire, elle en est au moins Toccasion et le motif déterminant. Or, dans une affaire d'honneur, les témoins doivent considérer non seule- ment l'honorabilité des combattants, mais encore la moralité des querelles et des motifs ^

1. Voyex affaire Traverso-Pelletier, 8 janvier 1882. Annuaire du duel, pu Ferreus. Affaire B. Wyse-de Solms-Le Pelletier, janvier 1892. Appendice 12.

2. Voyez Gelli, Codice cavalleresche, art. 2U.

3. Voyez notre chapitre xvii.

(>

82 PREMIÈRE PARTIE.

Il s'ensuit que la moralité et rhonorabilité de la femme devien- neDt uDe condition essentielle pour l'admissibilité de la rencontre.

Ix^ures à la mémoire des morts.

Ici se place la question si controversée de savoir si Toffense adressée à la mémoire des morts peut être considérée comme adressée à la famille du défunt, et si cette famille peut valablement en demander raison par les armes. Ni Ghateauvillard ni ses com- mentateurs ne Font abordée.

Nous n'bésitons pas à répondre oui.

En effet, la fortune mobilière et immobilière du défunt n'est pas seule à composer son héritage. Il transmet aussi son nom, qui devient la propriété collective de tous les membres de sa famille, unis dans une mutuelle solidarité, pour conserver ce patrimoine sacré qu'ils sont tenus de transmettre intact à leurs descendants. Il serait injuste de leur enlever le droit de défendre ce bien contre les attaques qui le diminuent, et de demander réparation du dom- mage qu'ils ont subi. Ceci est incontestable.

Mais à côté des droits de la famille privée, il y a ceux de la famille universelle que représente Thistoire. Que deviendrait son indépendance; serait l'utilité de ses enseignements, s'il lui était interdit d'offenser les morts, et de livrer à la justice de la postérité les actes de ceux qui ne sont plus ?

Gomment concilier deux principes aussi opposés ? Grâce à une fiction qui consiste à substituer le plus proche parent du mort à la personne de ce dernier, et à considérer comme étant personnelles au substitué les injures adressées à la mémoire du défunt?

Nous nous trouvons, au moyen de ce subterfuge, en présence d'une offense adressée à une personne vivante, et rentrant, par con- séquent, dans la catégorie de celles qui sont régies par les principes que nous avons développés lorsque nous avons traité de Toffense.

Les témoins appelés à se prononcer sur la valeur d'une insulte de cette espèce devront rechercher, d'abord, si elle présente un caractère de gravité suffisant pour motiver une rencontre. Ils devront examiner, conformément à la distinction que nous avons faite, dans notre chapitre iv, entre les droits de la famille et les droits de l'histoire, si le défunt a été un simple particulier, s'il a rempli des fonctions publiques, joué un rôle politique, exercé un art, une profession, etc., qui par leur nature l'exposaient à la censure de Topinion.

Était-il simple particulier ? Toute atteinte à son honneur ou à sa considération devient un acte d'autant plus coupable qu'il

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 83

dénote une haine que la tombe n'a pu désarmer. L'intention de nuire est évidente, car elle n'a pas Texcuse des intérêts froissés ou du contact irritant d'un ennemi. La blessure est d'autant plus cui- sante qu'elle frappe des parents à l'endroit d^une plaie mal cica- trisée et profane leur douleur.

A-t-il, au contraire, rempli des fonctions publiques? A-t-il joué un rôle politique? Exercé un art? etc., etc. En un mot s'est-il trouvé dans le cas d'être soumis à la censure de ses concitoyens ? A-t-il été, par exemple, journaliste? chef de parti ?

Il faut encore distinguer entre sa vie privée, dont l'honneur et la considération ne peuvent être lésés sans offense à sa famille, et sa Yie publique, littéraire et politique, qui demeure justiciable de rhistoire à laquelle elle appartient sans conteste.

Après avoir supposé que l'offense était reconnue assez grave pour motiver la rencontre, après avoir admis le droit de certains parents à la considérer comme leur et à se substituer au défunt, il r^te à examiner les autres conditions requises pour que la substi- tution soit valable.

Cet examen porte non seulement sur la capacité du substitué, mais encore sur celle du défunt, qu'on fait revivre pour la circon- stance.

Le parent qui demande la substitution doit réunir toutes les conditions de capacité qui seraient exigées de sa part, si Toffense lui était réellement personnelle, et s'il en demandait réparation pour son propre compte. De plus, il doit être parent à un degré assez rapproché pour justifier son intérêt à la substitution.

Quelle est la limite de cette parenté ? Peut-on accorder ce droit à toutes les personnes autorisées à se substituer à des individus vivants ?

Oui, car leur situation est la même.

Le père, le fils, le grand-père, le petit-fils, le frère jouiront de ce privilège.

Peut-on rétendre à Toncle ? au neveu ? au cousin germain ? La question soulève naturellement la même controverse que celle dont nous nous sommes occupés au commencement du présent chapitre. Nous la résolvons encore dans un sens négatif.

Observons que, même dans le cas les témoins et les membres du jury d'honneur adopteraient l'affirmative, ils ne pourraient autoriser la substitution que si le parent qui se présente pour rem- placer le défunt porte le même nom que lui. En effet, dans le caa contraire, le motif qui a fait admettre cette exception à la person- nalité des offenses (l'honneur du nom) n'existe plus.

Relativement aux conditions que doit réunir le défunt, il faut

84 PREMIÈRE PARTIE.

que la personne dont la mémoire a été attaquée possède la capacité nécessaire pour demander réparation. On la ressuscite en pensée pour cet examen, et on recherche si une des questions préalables, énumérées dans notre chapitre xu, ne peut lui être valablement opposée. L'exception d'indignité attirera particulièrement l'atten- tion.

Cette règle cesse d'être absolue, lorsque l'injure s'adresse plutôt au parent qui demande réparation qu'à la personne du défunt. L'offense à sa mémoire est alors considérée comme l'accessoire de l'insulte faite au parent, et comme un moyen détourné d'arriver jusqu'à lui. Il suffit, pour que le combat soit permis, que la personne qui adresse l'appel possède la capacité suffisante. L'agresseur ne peut opposer aucune question préalable tirée de l'incapacité du défunt.

Exemple :

Le 7 novembre 1832, Deulz livra la duchesse de Berry au gou- vernement de Louis-Philippe, moyennant une somme considérable, dans des conditions particulièrement odieuses. Les honnêtes gens de tous les partis, y compris les partisans du gouvernement qui profita de cette trahison, furent unanimes pour flétrir cet acte et accabler son auteur sous le poids de leur mépris.

Supposons que, vingt ou trente ans après, un historien ait publié le récit des guerres de Vendée. Il y rapporte naturellement la confiance accordée par la duchesse à Deutz, les négociations avec H. Thiers. Il discute le montant du prix fixé, etc., et qualifie sévè- rement la conduite du dénonciateur. Supposons que Deutz ait laissé un fils, et que ce fils ait provoqué Thistorien, à raison de l'injure essuyée par lui dans la personne de son père. Supposons que ce fils ait été un très honnête homme, qui, ne voulant pas bénéficier du prix de la honte, l'ait distribué aux pauvres ; tel, en un mot, que son nom seul soit contre lui.

L'historien aurait-il été forcé de se battre? Non, car si Deulz père fût revenu au monde, il aurait été considéré comme indigne et inca- pable de demander réparation.

Au contraire, si, pendant un procès, l'adversaire de Deutz avait fait paraître un mémoire commençant par ces mots : « C'est bien à Deutz de parler de désintéressement et de loyauté, lui fils d'un traître et d'un infâme, etc., » l'injure s'adressant bien plus au fils qu'à la mémoire du père, et ne pouvant être justifiée par aucun intérêt historique, il est certain que la capacité de Deutz fils suffi- sait pour que la rencontre fût autorisée.

La question préalable tirée de l'indignité de son père lui eût été vainement opposée.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 85

CHAPITRE XI

Responsabilité des parents. Protecteurs de la femme. Journalistes. Maîtres. Commettants. Supérieurs hiérarchiques. Avocats et leurs clients.

En principe, chacan répond personnellement de son fait. Le fait d'antrui nons est étranger. La raison nous dit que chacun n'est garant que de ses actes, et que l'auteur de l'offense doit seul répa- ration à Toffensé.

Cependant, par exception, la législation du point d'honneur admet certains cas la responsabilité incombe à d'autres personnes qu'à l'agent direct.

Ainsi :

l"" Certains parents sont responsables des offenses émanant de personnes qui les touchent de plus ou moins près.

2'' Les personnes chargées de protéger les femmes sont respon- sables des offenses qu'elles ont pu commettre.

Dans l'un et l'autre cas, l'incapacité de l'agent direct de l'offense est la cause de cette responsabilité.

Rangerons-nous dans la même catégorie les maîtres et com- mettants, supérieurs hiérarchiques, mandants et clients des avocats? Les rendrons-nous, comme le fait la loi civile pour certains d'entre eux, responsables des offenses commises par leurs [domestiques, préposés, inférieurs, mandataires ou défenseurs, quand bien même ils y seraient étrangers ?

Non, ils rentrent dans le droit commun, et ne sont tenus à réparer que ce qui peut leur être attribué personnellement. Aussi renverrions-nous le lecteur, pour ce qui les concerne, aux règles ordinaires, si certaines questions délicates ne venaient se greffer sur cette responsabilité personnelle, et ne nécessitaient des explications que nous donnerons au cours de ce chapitre.

Restent les journalistes dont la responsabilité est mixte. En effet, ils peuvent bien, dans certains cas, être tenus à rendre raison d'ar- ticles dont ils sont pas auteurs, ^nais cette responsabilité n'est pas celle du fait d'autrui ; car s'ils n'ont pas écrit Tarticle, ils l'ont publié, et y ont participé dans une certaine mesure.

La distinction entre les personnes tenues du fait d'autrui, les personnes qui n'en sont pas tenues, et les personnes qui n'en sont

86 PREMIÈRE PARTIE.

pas complètement tenaes, une fois signalée, nous allons examiner en détail les éventualités qui peuvent se présenter pour chacune d'elles.

Responsabilité de certains parents.

La responsabilité des parents dont nous donnons la liste plus bas n'est pas fondée, comme la responsabilité civile du père et de la mère, sur la puissance paternelle, qui, leur donnant le droit et leur imposant le devoir de veiller sur les actes de leurs enfants, les oblige à prévenir leurs fautes. Elle est la conséquence du droit exceptionnel de substitution qui leur a été accordé chapitre x, et lui sert de contrepoids.

Si ces parents sont autorisés à remplacer leurs parents inca- pables, lorsque ces incapables sont offensés, il est juste qu'ils les remplacent également lorsqu'ils sont agents de Toffense et tenus à réparation.

De la liaison qui existe entre le droit de substitution et la charge de la responsabilité, il résulte :

i^ Que la charge doit incomber aux personnes qui jouissent du privilège de la substitution ; qu'elle ne peut être étendue au delà de la liste que nous avonà dressée chapitre x, et qu'elle leur incombe de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de prouver leur faute.

Le fils, le petit-âls sont donc responsables des offenses com- mises par leur père ou leur grand-père incapables. Réciproquement, le frère Test de celles qui émanent de son frère placé dans les mêmes conditions. D'après notre système, l'oncle, le neveu, les cousins germains, étant exclus du droit de substitution, sont éga- lement déchargés de la responsabilité.

Que les conditions mises à la responsabilité sont les mêmes que celles qui sont mises à la substitution. Pour que la responsabilité du ûls et du petit-âls soit engagée de manière à ce qu'ils ne puissent s'y soustraire sans être blâmés, il est par conséquent nécessaire que le père et le grand-père soient incapables de rendre raison par les armes de l'offense qu'ils ont commise, que cette offense soit grave, etc., etc. ^

La responsabilité du père, à son défaut celle du grand-père, à son défaut celle du frère, a lieu de plein droit, lorsque le fils, petit- fils ou frère est âgé de moins de dix-huit ans, et abstraction faite de son état physique ou moral. De dix-huit à vingt et un, elle est

1. Voyez DOS chapitres x et m, articles 11 et 12.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 87

subordonnée à la constatation d'un état d'incapacité physique ou moral, faite par un jury d'honneur.

A partir de vingt et un ans, elle ne peut résulter que d'une incapacité absolue. Il est bien entendu que, dans toutes ces hypo- thèses, l'existence d*une offense grave ou d'une voie de fait est toujours supposée ^

Responsabilité des protecteurs de la femme.

Nous avons montré que l'offense adressée à une femme passe par-dessus sa tête, sans l'atteindre, pour aller frapper son protecteur naturel, directement, et comme si la femme ne se trouvait pas inter- posée entre l'agresseur et lui. Réciproquement, la femme est irres. ponsable des offenses qu'elle a pu commettre. Elles sont censées avoir été adressées directement et personnellement parle protecteur naturel qui en devient responsable de plein droit*.

Il en résulte que l'offensé doit demander directement réparation à ce dernier, qu'il peut le faire pour une offense du premier degré, et qu'il n'est apporté aucune exception aux règles ordinaires dans la conduite de l'affaire.

Si l'irresponsabilité de la femme n'avait pas pour correctif la responsabilité de Thomme qui est chargé de sa défense, nul ne serait à l'abri des nerfs ou de la méchanceté de certaines d'entre elles, qui possèdent un arsenal de traits cuisants pour l'amour- propre d'autrui, ou mortels pour son honneur.

Si la conséquence de chaque calomnie, de chaque médisance préjudiciables était un appel, la charité y gagnerait. La crainte du scandale, la timidité, l'affection pour l'objet de la provocation, la mobilité naturelle à la plus belle moitié du genre humain, seront du reste généralement de puissants auxiliaires pour une satisfaction amiable.

S'il arrive à Toffensé de provoquer un époux endurci, guer- royant avec sa femme, et peu disposé à endosser les mauvaises histoires de sa moitié, peut-être recevra-t-il la réponse que fit en pareille circonstance un vieux colonel du premier Empire à un sien compagnon d'armes : « Si j'avais été obligé de croiser le fer pour toutes les méchancetés de H""* X..., je serais mort depuis long- temps, ou la ville serait dépeuplée. C'est contre elle que je m'escrime depuis Waterloo. Déléguez-moi votre vengeance. Croyez que je me reprocherais d'ajouter un coup d'épée à la blessure que sa langue a faite à un galant homme comme vousl »

1. Voyez nos chapitres x et xii, article 10.

2. Appendice n^ 13.

88 PREMIÈRE PARTIE.

Et comme Toffensé se récriait :

« Si vous tenez absolument à vous battre, je suis votre homme; mais, de grâce, que ce ne soit pas pour ma femme I Allons, mon cher, allons déjeuner. Ma mort la réjouirait trop. »

De la boutade du colonel X..., tirons les conclusions suivantes :

Le refus de duel, permis à un vieux brave, serait dangereux pour tout autre qui n'aurait pas fait ses preuves.

Il entraîne un désaveu si humiliant pour la femme, qu'il con- stitue satisfaction suffisante lorsqu'il est inséré, par les témoins de l'offensé, dans un procès-verbal de constat auquel ils donnent la publicité qu'ils estiment nécessaire à la réparation de l'offense.

Responsabilité des journalistes.

Lorsqu'un article injurieux parait dans un journal, à quelle personne l'offensé doit-il demander réparation ?

La législation du point d'honneur étant liée par l'axiome qu*il n*est qu'une réparation pour une même offense ne peut, comme la loi pénale, atteindre tous les participants à l'offense, et distribuer à chacun d'eux une part proportionnelle à sa participation. Elle ne met en cause qu'un individu, celui qu'elle regarde comme l'auteur de l'offense, et dont la détermination varie, selon que l'article est signé ou n'est pas signé.

1" cas. L^article est signé.

Si Tarlicle est signé, le signataire est considéré, jusqu'à preuve du contraire, comme étant auteur véritable. C'est lui qui est respon- sable de son œuvre. C'est à lui que le cartel doit être adressé.

Il est fait exception à cette règle dans quatre circonstances :

Lorsque le signataire se dérobe ;

2*» Lorsqu'il y a impossibilité à une rencontre immédiate avec lui* ;

3* Lorsqu'il ne possède pas la capacité requise pour qu'un duel soit admissible avec lui ;

4"* Lorsqu'il est prouvé qu'il n'est qu'un prête-nom et que der- rière le signataire se cache une autre personne.

Dans les trois premières conjonctures, c'est celui qui^ ayant droit d'empêcher Vinsertion des lignes offensantes, ne l'a pas fait qui est responsable et qui prend la place du signataire. En autorisant la

t. Voyez affaire Rochefort fils-L*** V***-Arthup Meyer, 2 Juin 1880. Appendice no 20.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 89

publication, il est devenu complice de la personne qui a fait insé- rer l'article, et doit acquitter sa dette si elle est insolvable au point de vue de la réparation par la voie des armes. Gomme c'est le rédacteur en chef qui reçoit Tépreuve en page et qui donne le bon à tirer, c*est lui qui, dans lesjournauxoùil n'y a pas de directeur, est responsable. C'est à lui que l'offensé pourra toujours s'adresser.

Au contraire, lorsque le journal comporte un directeur, c'est le directeur qui doit prendre la responsabilité. Le rédacteur en chef ne vient qu'à son défaut. En effet, le directeur, par sa position, est à la tête de la feuille. Il possède un droit de veto qui l'emporte, en cas de divergence d'opinions, sur l'avis du rédacteur en chef. Il ne peut, par conséquent, se retrancher derrière ce dernier, et soutenir, par exemple, que, son rôle à lui directeur étant de donnerd'une manière générale l'impulsion politique et littéraire à la feuille, il ne saurait être tenu des questions de détail, qui ne lui passent généralement pas sous les yeux.

Du moment qu'il tient en main le moyen d'éviter l'offense, cela suffit. Peu importe qu'il en ait oui ou non usé, s'il lui était loisible de le faire. L'offensé n'a pas à entrer dans la cuisine du breuvage qu'il a avalé.

Dans la quatrième hypothèse, c'est naturellement la personne qui s'est abritée derrière le signataire qui prend sa place.

Le principe général une fois posé, reprenons individuellement chacune de ces espèces.

1^ HYPOTHÈSE. Nous dlsous quo le directeur ou le rédacteur en chef est responsable si le signataire se dérobe.

Décider autrement serait obliger l'offensé ou à garder l'offense, faute d'adversaire à qui s'adresser, ou à rendre au signataire une injure assez grave pour obliger Thomme le moins brave à sortir de son apathie ; mesure extrême, qui a l'inconvénient de déplacer les rôles, et de procurer à l'agresseur originel le privilège d'offensé, qui, sans cela, revenait de droit à l'individu visé dans Tarticle.

Observons, avant de terminer l'examen de cette première hypo- thèse, que nous prenons les mots se dérober dans le sens le plus large, abstraction faite des prétextes allégués pour refuser le duel.

Il suffit que le signataire esquive ou refuse une prompte répara- tion, pour que le directeur ou le rédacteur en chef puisse être vala- blement mis en cause.

HYPOTHÈSE. Ce que nous venons de dire est encore vrai, lorsque l'offensé ne peut rencontrer de suite le signataire.

Supposons, par exemple, que Pierre, qui voyage en Amérique,

*.?-. /

90 PREMIÈRE PARTIE.

adresse à un journal de Paris un article injurieux pour Paul, qui habite cette ville. Paul sera-t-il obligé d'aller le chercher outre-mer? Non. C'était au directeur ou au rédacteur en chef à prévoir l'éventualité d'unappelprovoquéparl'artide injurieux, avantde le laisser paraître. Si Paul juge que son honneur va être compromis par un délai prolongé, et s'il demande réparation immédiate à l'un d'eux, il doit la lui accorder.

3' HYPOTHÈSE. Même solution si le signataire ne possède pas la capacité requise pour se battre en duel.

Remarquons, à ce propos, que l'incapacité du signataire ne résulte pas seulement de son indignitéy comme on pourrait le croire en lisant un passage de M. TavernierS mais de toutes les causes physiques et morales qui ont pour effet de rendre un duel inad- missible avec lui ^

k"" HYPOTHÈSE. S*il est établi que la signature apposéeau bas d'un article offensant masque une tierce personne, nous avons vu qu'elle est responsable.

Ce principe s'applique notamment à l'hypothèse d'un directeur de journal ou d'un rédacteur en chef dont la personnalité se cache- rait derrière une signature de complaisance. Dans l'espèce, il est évident que c'est à Tun ou à l'autre de ces deux individus que l'of- fensé pourra demander réparation.

Tout le monde est d'accord sur ce point. Mais il y a controverse, c'est sur la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve.

Un article offensant pour Pierre, article signé Paul, parait dans un journal dont Jacques est directeur ou rédacteur en chef.

Pierre demande raison à Jacques, en soutenant que l'article est bien à la vérité signé Paul, mais que Paul n'est qu'un préte-nom derrière lequel il se cache.

Est-ce à Jacques, directeur ou rédacteur en chef, à prouver que Paul est bien réellement auteur de l'article? Ou bien est-ce à l'of- fensé Pierre à démontrer que la signature de ce dernier est une signature de complaisance ?

L'obligation de prouver l'interposition incombe, suivant nous, à Pierre. Par le fait que l'article porte la signature de Paul, il y a pré- somption qu'il émane de ce dernier.

Il existe, en faveur de Jacques, une situation de non-responsa- bilité acquise.

1. Voyez Art du duel, page 319.

2. Voyez notre chapitre xii, et appendice 14, affaire Maret-Ândrioax; hypo- thèse : Inégalité de situation entre les adversaires.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 94

Si Pierre veut aller contre cette présomption, il doit prouver le contraire dece qu'elle établit; s'il veutpriver le journaliste des avan- tages de sa situation, il doit démontrer que c'est à tort qu'il en jouit.

Cette application d'un vieil axiome de droit romain : Actori incumbit probatio, est indépendante de la difficulté plus ou moins grande, et même de l'impossibilité se trouve Pierre d'établir l'in- terposition.

C'est ici l'instant de rechercher quels éléments l'offensé devra produire pour arriver à la constatation du fait.

Dans l'espèce que nous avons posée, Pierre sera-t-il tenu de fournir la preuve directe, et pour ainsi dire tangible, que tel jour et à telle heure, en tel lieu, Paul a été chargé par Jacques de faire un article contre lui 7 Faute d'établir ce fait, perdra-t-il son droit d'ap- pel contre Jacques 7

Non. Les arbitres et les jurés, décidant ex œquo et bono, sont libres de puiser ou bon leur semble les éléments de leur convic- tion. Ils peuvent se contenter de la preuve indirecte, et en particu- lier des présomptions, c'est-à-dire des conséquences qu'ils tirent d'un fait connu, pour arriver à la constatation du fait contesté.

Les présomptions doivent être graves, précises et concordantes. Cette latitude atténue singulièrement l'immunité du journaliste, qui l'aurait en fait à peu près complète, si l'offensé était tenu de présen- ter un instrument écrit, ou d'offrir la preuve testimoniale.

L'attitude de Paul et de Jacques, leur refus de répondre autre- ment que par une fin de non-recevoir aux questions qui leur sont posées, ou à la déclaration qui leur est demandée, leurs rapports antérieurs avec Pierre, leur intérêt, etc., doivent entrer largement en ligne de compte.

Supposons, par exemple, qu'une feuille de reportage publie une histoire scandaleuse, dans laquelle Pierre joue le rôle de mari trompé, et oCi on insinue qu'il supporte son infortune avec une philosophie trop étonnante pour ne pas être intéressée.

L'article est signé Paul, simple rédacteur audit journal, et qui jouit de la capacité physique et morale nécessaire pour se battre en duel. Pierre le considère comme un comparse, payé pour endosser les mauvaises affaires inhérentes à la sp^ialité du journal. Il peut prouver que Paul rédige, dans la feuille qui l'a attaqué, les articles d'informations semblables à celui qui l'a diffamé ; que, quotidienne- ment, il accommode au goût des lecteurs les scandaleuses histoires qui sont fournies à la rédaction par un service de reportage spécia- lement organisé. Il peut prouver que Paul est une sorte de spadas- sin, qui profite de la crainte qu'il inspire aux gens paisibles, à raison de ses duels heureux et de sa force à toutes les armes, pour tirer

92 PREMIÈRE PARTIE.

impunément sur leur honneur. II peut prouver que Paul et lui ne se connaissaient même pas ayant Tarticle offensant, mais il ne peut établir aucune interposition.

A défaut de cette preuve directe, sera-t-il réduit à se contenter de Paul, et à lui demander réparation faute de mieux?

Nous ne saurions l'admettre.

Dans Tespèce, toutes les présomptions de yéracité sont en faveur des assertions de Pierre. On doit voir en Paul un instrument choisi par les individus qui dirigent le journal, pour élaborer le contingent d'actualités nécessaire à son alimentation quotidienne.

Dans le bon à tirer qu'ils ont don à Tarticle diffamatoire, il y a sinon une preuve d*un mandat qu'ils lui auraient confié à cet effet, du moins une présomption sérieuse de leur consentement. Le direc- teur ou le rédacteur en chef nous paraissent par conséquent res- ponsables, et tenus à réparation.

En vain objecteraient-ils, comme nous Pavons entendu objec- ter, que si cette solution prévalait dans les us et coutumes du jour- nalisme, la responsabilité personnelle, base de toute affaire d'hon- neur, ne serait plus qu'un vain mot. Dans l'espèce qui nous occupe, est la responsabilité personnelle 7 En quoi la dignité de la presse serait-elle compromise, parce que certains bureaux de rédaction cesseraient d'être transformés en officines de diffamations, d'injures et de scandales, gardées par une escouade de spadassins 7

Supposons que les témoins ou les arbitres ne considèrent pas comme suffisamment probants les arguments fournis par Pierre. Ce dernier est-il définitivement déchu de tout nouveau recours contre Jacques, et doit-il se contenter de Paul, s'il veut absolument se battre avec quelqu'un ? Nous ne le croyons pas.

Voici un moyen détourné que nous lui conseillons de tenter.

Il dira à Jacques :

« Le fait qui a donné naissance à l'article diffamatoire paru dans votre journal n'appartenait pas à la publicité. Il ne touchait ni à la politique, ni à la polémique, ni à un acte en dehors du cercle restreint de la famille. Il était, par conséquent, exclu des matières que vous pouvez traiter licitement.

« Soit par animosité, soit par désir de satisfaire la curiosité malsaine de vos lecteurs, soit pour tout autre motif, vous l'avez publié méchamment et sciemment.

« En ce faisant, vous m'avez causé un préjudice plus considé- rable que celui que Paul aurait pu m'occasionner, si vous ne lui aviez pas offert le moyen de diffusion le plus grand qu'un homme puisse employer, la publicité du journal.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 93

cf Dans la somme du dommage que j'éprouye, il existe donc une part qui vous incombe personnellement.

« Je yous demande, en conséquence, de publier une rétracta- tion conçue en termes susceptibles de neutraliser dans la limite de yotre pouyoir le tort que j'ai subi par yotre fait- »

Si Jacques se refuse à une demande aussi juste, ne doit-il pas être considéré comme s*assimilant complètement l'injure, et comme la répétant ?

Pierre ne se trouye-t-il pas dans les termes de notre article 2 du chapitre ix 7 C'est-à-dire en présence de deux indiyidus qui ont commis la même offense, enyers la même personne ? N'aura-t-il pas, en conséquence, le droit de choisir celui auquel il demandera rai- son ? Ne pourra-t-il s*adresser à Jacques, sans être tenu de prouyer l'interposition de Paul ?

Oui, nous n'en doutons pas.

En yain le directeur ou le rédacteur en chef objecteraient-ils que la loi assurant à Toffensé un droit de rectification et de réponse dans la feuille accusatrice (art. 13 de la loi du 29 juillet 1881), c'est à lui Pierre qu'il appartient d'en appeler à l'opinion publique et de l'éclairer.

Cette prétention nous semble inadmissible, car elle peut ayoir comme résultat de priver Pierre du droit d'obtenir, par la voie delà juridiction du point d'honneur, réparation de l'offense qu'il a subie. Nous verrons en effet, lorsque nous étudierons l'article 5 du cha- pitre xii, que le droit de rectification et de réponse ne peut être exercé dans certains cas sans l'intervention des tribunaux.

Il en résulterait, d'après une opinion fort accréditée, que si l'of- fensé, pour obtenir l'insertion de sa réponse, est obligé d'y avoir recours, il contrevient ipso facto à la prohibition édictée par le- dit article 5, et risque de voir opposer par le journaliste lui-même une fin de non-recevoir très correcte au cartel qu'il lui adressera postérieurement. Nous croyons que cette éventualité, si préjudi- ciable à l'offensé , milite énergiquement en faveur de la responsa- bilité de Jacques.

2" cas. L'article n'est pas signé.

Si l'article n'est pas signé, s'il n'est signé que d'initiales ou d'un pseudonyme, le directeur ou le rédacteur en chef, en un mot celui sans le visa duquel aucun article ne peut être imprimé, doit nommer l'auteur.

S'il ne veut pas ou ne peut pas satisfaire à la demande de l'of- fensé, il devient seul responsable de l'offense.

La prétention émise par certains journalistes de ne fournir

-x'.-

94 PREMIÈRE PARTIE,

aucune explication à Toffensé, lorsqu'il existe des initiales ou un pseudonyme, en un mot de le laisser se débrouiller, n'est pas admis- sible. Ils doivent nommer Fauteur et donner toutes les indications susceptibles de le faire retrouver immédiatement ^

Est-il nécessaire d'ajouter que la responsabilité du directeur ou du rédacteur en chef subsiste quand même il nomme l'auteur :

1^ Si la personne désignée se dérobe ;

io Si un duel immédiat est impossible avec elle ;

3"" Si elle est incapable * ;

k"" Si elle n'est qu'un prête-nom à l'abri duquel se cache une autre personne.

La chose est évidente, et nous nous contenterions de renvoyer le lecteur à ce que nous avons dit plus haut à ce sujet, s'il n'existait une différence relativement à la preuve, entre le cas l'article est bien signé, mais signé d'un prête-nom, et celui en l'absence de signature, la personne désignée par le directeur ou le rédacteur en chef comme auteur de l'article est considérée par l'offensé comme étant interposée.

Lorsque l'article est signé, si l'offensé prétend que l'individu nommé comme auteur de l'article est un prête-nom derrière lequel s'abrite, soit une tierce personne, soit le rédacteur en chef, soit le directeur du journal, c'est à lui, offensé, qu'incombe la preuve de l'interposition.

Au contraire, lorsque l'article n'est pas signé, c'est au directeur du journal^ ou au rédacteur en chef, à établir que la personne dési- gnée par lui directeur, ou lui rédacteur en chef, est bien auteur de l'article injurieux.

En effet, la situation n'est plus la même que dans l'hypothèse précédente, où, par le fait de l'existence d'une signature, il y a pré- somption que l'article émane bien du signataire.

Lorsque l'article n'est pas signé, il y a présomption qu'il émane du directeur ou du rédacteur en chef, et que la personne désignée par lui est une personne chargée d'endosser la responsabilité qui lui incombe. Il existe en faveur de l'offensé une position acquise, dont il ne peut être privé que si le journaliste établit la fausseté de la présomption qui fait la basé du droit de l'appelant.

Gomment l'établira-t-il ?

Nous le répétons, il n'y a pas de règle déterminée. C'est une question de fait, qui est laissée à l'appréciation des témoins, des

1. Voyez affaire Maret-Andricux, 29 octobre 1888, l'*' hypothèse. Appendice 14

2. Voyez affaire Laffite-comte de Dion, 4 juin 1880. Appendice n^ 14.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 93

arbitres et des jurés, qui sont chargés de trancher la controverse.

La dernière question qui nous reste à examiner, pour détermi- ner ce qui touche à la responsabilité des articles de journaux, est ceile de savoir à qui incombe la charge d'un article injurieux, lorsque le directeur ou le rédacteur en chef, après en avoir été dé- claré responsable, refuse de se battre ou d'accorder les rectifications demandées, se trouve dans des conditions un duel immédiat est impossible avec lui, ou ne possède pas la capacité requise pour une rencontre.

Certaines personnes voudraient que la responsabilité incombât dans ce cas au gérant.

Nous ne saurions l'admettre.

Le temps n'existe plus les journaux avaient un gérant, spa- dassin plus ou moins émérite, derrière lequel se retranchait la rédaction, et auquel les offensés étaient obligés de s'adresser s'ils voulaient obtenir une réparation quelconque.

Aujourd'hui, tous les auteurs sont d'accord pour ne considérer le gérantquecommeunhommedepaille,uniquementdestinéàrépondre à la justice, et généralement incapable au point de vue du duel.

L'offensé ferait un marché de dupe en changeant une person- nalité de l'envergure du directeur ou du rédacteur en chef contre un comparse d'aussi piètre volée que le gérant. Écartons-le donc sans appel.

A qui s'adressera-t-il ?

Au propriétaire du journal, à condition d'établir clairement que cette qualité s'applique réellement à la personne à laquelle il demande raison, et qu'en qualité de propriétaire, cette personne a commis une faute, une imprudence ou une négligence personnelle.

Nous énonçons le principe sans nous occuper de la difficulté que rencontrera souvent l'offensé à fournir la preuve, car cette dif- ficulté est une question de fait qui ne saurait influer sur le principe.

Nous disons que la faute, l'imprudence ou la négligence du propriétaire, engendrent sa responsabilité dans l'espèce qui nous occupe.

En effet, le propriétaire, qui choisit les personnes destinées à exploiter l'industrie dont il tire ses bénéfices, ne doit pas se borner à leur demander des aptitudes et une intelligence susceptibles de faire rendre à son entreprise la plus grande somme de produit.

Il a en outre le devoir de choisir des individus solvables au point de vue de l'honneur, c'est-à-dire susceptibles de payer la dette de réparation que tout homme qui commet une offense contracte envers Foffensé. En choisissant des insolvables, le propriétaire commet une faute, et devient d'autant plus justement responsable

96 PREMIÈKE PARTIE.

des conséquences de celte faute qu'il peut atténuer facilement et notablement la lésion qui en résulte, et que son irresponsabilité constituerait en sa faveur une source de lucre.

Nous disons qu'il est maître d'atténuer facilement la lésion.

En effet, sa qualité de propriétaire lui donne toute facilité pour faire insérer les rectifications, excuses ou désaveux réclamés par l'offensé.

Il peut les consentir, sans que sa dignité personnelle en souffre, et sans qu'il puisse être taxé de faiblesse, puisqu'il se borne à réparer les méfaits d'agents qu'il peut désavouer sans blâme.

Nousdisons qu'il est maître d'atténuer notablement la lésion.

En effet, si l'offensé obtient le rétablissement des faits, et autres satisfactions à la portée du propriétaire, il obtient réparation suffi- sante de la part d'un homme qui répond seulement du fait d'autrui.

Le désir de vengeance, le besoin de donner au monde une opinion favorable de son courage, ne sont en effet que l'accessoire des motifs qui doivent le pousser à se battre.

Si le propriétaire refuse une si facile et si juste réparation, il doit être considéré comme approuvant ipso facto l'offense, comme se l'assimilant. Il contracte envers l'offensé Tobligation personnelle de lui donner réparation par les armes, et doit être blàmé^ s'il s'y soustrait.

Nous disons que l'irresponsabilité du propriétaire peut consti- tuer en sa faveur une source de lucre. Qui Tempêche, en effet, de mettre à la tête de son journal des incapables, et de se livrer, à l'abri derrière ces personnages inertes au point de vue delà répara- tion d'honneur, à une entreprise d'injure, de diffamation et de scandale alléchants pour la malignité publique, et partant à une entreprise rémunératrice, si elle est assez habilement menée pour éviter les rigueurs de la loi pénale?

Notre système est du reste celui de la loi de 1881 sur la presse.

Aux termes de l'article kh de ladite loi, les propriétaires des journaux ou écrits périodiques sont responsables des condamna- tions pécuniaires prononcées au profit des tiers contre les gérants ou les éditeurs, auteurs, imprimeurs, vendeurs, distributeurs, affi- cheurs, conformément aux dispositions des articles i382-1383-138/( du Code civil, c'est-à-dire s'il est constaté à leur charge une faute, une imprudence, une négligence personnelle, une participation quelconque à la direction ou au contrôle des opérations.

Si la propriété du journal appartient non à une seule personne, mais à plusieurs, ou à une société, et qu'alors la participation des intéressés, tant à la propriété qu'à la direction et au contrôle de la publication, soit plus grande ou plus restreinte, plus active ou plus

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 97

efficace, la responsabilité civile des crimes et des délits contenus dans ce journal n'atteint que ceux qui sont personnellement en faute, ou à l'égard desquels le gérant peut être considéré comme un véritable préposé ^

En matière de point d'honneur, il en est de même, avec cette différence que les rectifications, les excuses ou le duel, remplacent les dommages et intérêts.

Responsabilité des réclames et des annonces.

Ce que nous avons dit touchant la responsabilité des articles contenus dans un journal s'applique également atuv réclames et aux annonces qui y sont insérées, quelle que soit la place qu'elles y occupent. Peu importe donc qu'elles soient placées à la quatrième page, que l'administration exploite elle-même cette quatrième page, qu'elle l'ait louée à un tiers ou à une société.

La responsabilité des réclames et annonces incombe, par con- séquent, d'abord à Tindividuqui les fait insérer; à son défaut, au di- recteur du journal ; à défaut du directeur, au rédacteur en chef; en un mot à celui qui a le devoir d'examiner ou de faire examiner le contenu de la feuille, et qui, pouvant opposer en dernier ressort son veto à la publication, ne l'a pas fait.

De ce que les lignes offensantes occupent une autre place que le corps du journal, il n'en résulte pas que les droits de Toffensé changent de nature, et que la responsabilité des journalistes dimi- nue ou se déplace.

S'il en était autrement, la voie de l'annonce ou de la réclame permettrait de tirer impunément sur l'honneur des gens.

A défaut du directeur, ou, à son défaut, du rédacteur en chef, l'offensé peut s'adresser encore au rédacteur faisant les fonctions de rédacteur en chef, sans en porter le .titre, ou enfin au secrétaire de la rédaction, qui est chargé de la mise en pages du journal, qui en a surveillé la correction, auquel, par conséquent, rien de ce qui s'y publie ne doit échapper.

Nous disons peut^ et non doit, car dès que l'offensé ne trouve ni directeur ni rédacteur en chef pour lui rendre raison par les armes, il est libre de s'adresser aux tribunaux pour obtenir répara- tion, et ne saurait être blâmé s'il use d'une juridiction autre que celle du point d'honneur.

A plus forte raison ne peut-il être contraint à accepter l'admi-

1. Voyez sur la responsabilité civile des propriétaires de journaux : Barbier, Code expliqué de la presse^ tome lî, n<" 825 et suiv. Code pénal annoté, do Dalloz. Appendice, loi da 29Jnillet 1881, article 4i, n^ 15 et suiv.

7

n PREMIÈRE PARTIE.

nîslrateur ou le gérant du journal, qui n'ont qu'une responsabilité d'ordre judiciaire et sont toujours récusables.

Telles sont les règles qui serrent à établir les responsabilités en matière d'offense par la voie de la presse. Bien qu'elles puissent sembler au premier abord avoir été inspirées par un sentiment de partialité un peu excessif pour le particulier, pour rindiyidu isolé, elles nous paraissent ne devoir point être atténuées en faveur des journalistes. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que le simple particulier, aux prises avec la puissance redoutable qu'on nomme la presse, serait destiné à succomber dans sa vie morale et physique, s'il n'était efficacement protégé par la législation du point d'honneur.

C'est lui qui joue le rôle de l'agneau que tout le monde connaît. C'est lui qui, dans l'affaire, est intéressant.

Les journalistes réservés et prudents, ceux qui préfèrent les articles sérieusement écrits et consciencieusement médités aux commérages, le reconnaissent en fait, car s'ils se laissent entraîner par hasard à une offense, ils ne reculent pas devant la responsa- bilité qui leur incombe.

Tel n'est pas malheureusement l'avis de certains autres. A leurs yeux, la nécessité de fournir quotidiennement au public sa pleine râtelée de nouvelles prime toutes les considérations et justifie tous les moyens. Le reportage devient un sacerdoce, devant l'exercice duquel la vie privée, la famille, l'individu, tout disparait.

Tant pis pour celui qui est pris dans l'engrenage. La copie avant touti

S'il réclame, on le regarde comme un gêneur qu'il faut écon- duire au plus vite. Aussi, pour peu qu'il soit timide ou ignorant des usages du point d'honneur, c'est le gérant qu'on lui offre pour lui répondre, ce sont des rédacteurs en sous-ordre chargés de cette besogne. Le directeur, le rédacteur en chef, ont bien autre chose à faire.

Si le pauvre diable ahuri proteste, si ses témoins menacent, il se trouve à point nommé un autre journaliste, non moins désinté- ressé dans la question, pour servir d'arbitre, et lui enjoindre, au nom de la responsabilité personnelle, au nom de la dignité de la presse, d'aller se faire embrocher par un comparse.

Au simple particulier placé dans de semblables conjonctures, nous dirons : « Ne vous égarez pas dans les bas-fonds. Visez la tête.

« Refusez carrément le gérant qui n'a rien à voir dans l'affaire, et les autres adversaires du même acabit. Refusez l'arbitre unique pris dans les journalistes qui ne sont pas connus par leur honnêteté etleurimpartialilé.Adressez-vousaudirecteurouaurédacteurenchef.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 99

« Dassiez-Yous être forcé de rendre, pour les obliger à se battre, une iojare plus graye que celle dont vous vous plaignez, dussiez- Tons perdre ainsi la qualité d'offensé, ne les lâchez pas.

« Mieux vaut courir un risque plus considérable, en ayant devant soi un adversaire sérieux, que de garder l'offense, ou de se battre même avec des chances majeures contre un homme sans consistance. »

Quiconque veut avoir recours à la législation du point d-hon-- neur doit, ne l'oublions pas, connaître assez bien l'usage des diffé- rentes armes admises comme légales, pour que l'adoption de l'une préférablement à Vautre ne le fasse pas hésiter. C'est un tort de n'en pratiquer qu'une seule.

Responsabilité des znsdires, commettants, supérieurs

hiérarchiques et mandants.

Comme nous l'avons déjà expliqué, la responsabilité des maîtres, commettants, supérieurs hiérarchiques ou mandants, eh matière de point d'honneur, n'est pas celle du fait d'autrui, c'est-à- dire la responsabilité édictée par Farticle 138/» du Code civil. S'ils n'ont point participé à l'offense, ils ne peuvent être appelés à cause d'elle.

C'est seulement lorsqu'ils ont commandé l'acte offensant, ou donné mandat de l'accomplir, que cet acte est considéré comme leur étant personnel.

Ils en sont alors responsables personnellement.

Mais la responsabilité des commettants, supérieurs et mandants, n'a pas plus, en matière de point d'honneur qu'en droit civil, le résultat de décharger ipso facto les préposés, inférieurs ou manda- taires, d'une part de responsabilité.

En vain prétendraient-ils repousser l'appel de l'offensé, en disant que c'est aux premiers à supporter les conséquences de l'ordre ou du mandat qu'ils ont donné, et partant les conséquences de son exécution.

Il y a faute commune ; faute de la part de celui qui a com- mandé un acte préjudiciable, faute de la part de celui qui a accepté de l'exécuter, soit qu*il ait connu le but de son mandat, soit qu'il n'en ait pas mesuré les conséquences.

Nous supposons, bien entendu, que l'offense est parfaitement caractérisée, et ne peut être couverte par aucun fait justificatif; l'autorilé de la loi, par exemple.

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400 PREMIÈRE PARTIE.

L'offensé ne pourra leur demander raison à tous deux, mais il pourra choisir celui d'entre eux qull préférera, conformément à Tarticle 2 du chapitre ix.

Nous n'ayons pas besoin d'insister sur l'importance de ce droit d'option, qui permet à quiconque subit un outrage de l'espèce que nous étudions d'avoir sous la main quelqu^un à qui demander répa- ration, même dans le cas Pun des agresseurs serait incapable.

Il est évident que si la faculté de demander raison était limitée à la personne qui exécute, et si cet individu se trouvait, par exemple, un domestique, celui qui aurait subi l'offense, ne pouvant décem- ment se battre avec cet inférieur, serait obligé de garder l'insulte.

Ceci posé, et le droit d'appeler ad libitum l'un ou l'autre des agresseurs une fois concédé à l'offensé, reste à examiner pour chacune des deux hypothèses les conditions mises à Pexercice de son droit :

lo L'offensé demande réparation à V individu qu'il prétend avoir donné l'ordre ou le mandat offensant.

Supposons que Pierre, chassant dans des bois loués par Paul, ait été rencontré par Jacques, piqueur et garde de ce dernier, et que Jacques, en même temps qu'il lui dressait procès-verbal, ait prononcé des paroles injurieuses qui semblent avoir été dites au nom de Paul.

Supposons que Pierre demande raison de cette offense à Paul, et que ce dernier lui refuse toute satisfaction.

Est-ce Pierre qui doit établir le bien fondé de son appel? La charge de prouver la neutralité qu'il a gardée dans l'offense, et par- tant la raison de sa fin de non-recevoir, incombe-t-elle au contraire à Paul ?

La distinction que nous venons de faire entre la responsabilité de l'article 1384 et la responsabilité du point d'honneur nous permet de trancher de suite la question.

S'il s'agissait d'un cas de responsabilité du fait d'autrui, tel que le prévoit l'article 1384, comme la responsabilité dans cette occur- rence résulterait de la présomption de la loi elle-même, il suffirait à Toffensé de prouver qu'il existe entre Paul et Jacques les quali- tés de maître à domestique, ou, si on aime mieux, de commettant à préposé. La responsabilité de Paul s'en déduirait naturellement. Mais il s'agit ici d'une responsabilité dérivant d'une faute person- nelle au maître. Elle n'a pas lieu de plein droit. C'est à celui qui demande réparation du dommage qu'incombe l'obligation d'en établir la cause génératrice, c'est-à-dire la participation du maître, du commettant ou du supérieur.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 404

Dans notre espèce, Pierre sera donc obligé de prouver non seule- ment que Paul est le maître de Jacques, mais encore qu'il lui a donné Tordre de prononcer les paroles injurieuses, ou l'a invité à le faire.

Rappelons encore une fois que cette preuve, étant laissée à Tappréciation souveraine des arbitres et des jurés, pourra résulter non seulement de documents écrits ou de témoignages oraux, mais encore de présomptions.

2** L offensé demande raison à Vagent direct de Voffense.

Supposons que les paroles injurieuses ont été prononcées non plus par Jacques, domestique de Paul, mais par Jean, garde général sous la surveillance duquel se trouvent placés les bois dont la chasse a été louée à Paul. Il jouit de la capacité nécessaire pour se battre en duel.

Si Pierre lui demande réparation, il ne peut s*y soustraire en alléguant que Paul Tavait chargé de la commission, puisque nous avons établi que la responsabilité de Fun ne décharge pas l'autre de la part qui lui revient dans l'offense.

S'il allègue une autre excuse, par exemple Timpossibilité il se trouvait de connaître le caractère injurieux de la commission dont on le priait, c'est à lui à en établir la preuve.

Lorsque l'agent de l'offense est un inférieur qui se retranche derrière les ordres de son supérieur hiérarchique, et prétend n'avoir fait qu'obéir à la loi en les exécutant, cette excuse n'est pas toujours admissible, s'il y a eu réellement injure, car l'injure, d'après son étymologie, suppose une désobéissance à la loi, qui est faite préci- sément pour sauvegarder les hommes placés sous son empire, et non pour les léser.

Il ne faut pas perdre de vue que, en général, l'obéissance impo- sée au subordonné envers son supérieur hiérarchique ne doit pas être complètement aveugle. Si l'ordre est évidemment criminel, il peut refuser son obéissance, et, dans le cas il a obéi, il est res- ponsable de ses actes. Il en est de même si l'ordre du supérieur est en dehors de ses attributions ^

Hâtons-nous d'ajouter qu'en pareille matière, il est difficile, sinon impossible, de tracer des règles absolues et de déterminer théoriquement les limites passé lesquelles la soumission devient coupable, et engendre la responsabilité de l'inférieur. Les unes et les autres varient suivant la profession et les circonstances.

Lorsqu'il s'agit de militaires, par exemple, ces limites n'existent pour ainsi dire pas.

1. Voyei Dallox, J. G. Peine, 417.

^i

401 PREMIÈRE PARTIE.

u £d effet, aux termes des règlements qui les régissent, tout su- périeur doit obtenir de ses subordonnés une obéissance entière et une soumission de tous les instants. Il faut que les ordres soient exécutés littéralement, sans hésitation et sans murmure. L'autorité qui les donne en est responsable, et la réclamation n'est permise à l'inférieur que lorsqu'il a obéi. C'est, dans son expression la plus stricte, Tobéissance passive. »

Du reste, pour apprécier à qui revient la charge de la respon- sabilité, il faut soigneusement distinguer entre l'ordre pris en lui- même et la manière dont il a été exécuté. L'offense peut en effet être absolument distincte de l'ordre.

Supposons qu'un supérieur chargé de la police d'un monu- ment public pendant une cérémonie dise à un subordonné : « Faites circuler dans telle partie de l'espace, et empêchez le public de pé- nétrer dans telle enceinte. »

Supposons que Pierre ignore cette consigne et la viole sans mauvaise intention, et que le subordonné lui crie en le repoussant brutalement : « Fous-moi le camp, sacré cochon I »

Si Pierre envoie un cartel au subordonné, ce dernier ne pourra être admis à soutenir qu'il devait obéir passivement aux ordres de son supérieur, car l'ordre pris en lui-même était parfaitement légal, et ne comportait ni les invectives ni les violences qui furent œuvre personnelle du subordonné.

Responsabilité des avocats et de leurs clients.

En matière de point d'honneur, comme en matière de droit civil ou pénal, Tavocat est responsable des paroles qu'il profère et des écrits qu'il produit devant les tribunaux.

Cette responsabilité a été consacrée par un certain nombre de décisions judiciaires *.

Elle est une conséquence des prérogatives attachées à la profes- sion d'avocat. En effet, l'avocat a le droit dédire tout ce qu'il importe aux tribunaux de connaître pour l'exacte appréciation des débats; maisil ne doit le faire qu'avec modération. Il ne doit jamais oublier qu'il a été interposé entre les plaideurs et la justice pour substituer aux emportements de l'intérêt personnel et au langage des passions le calme de la raison et le langage de la vérité.

1. Voyez décret du 28 décembre 1883. Règlement pour le service intérieur.

2. Vo3'ez Boulogne-fiur-Mer. Tribunal correctionnel. Gazette des Tribunaux^ 28 octobre 1829. Rouen, 7 mars 1835. Dalloz. J. G. avocat, n* 357. Cresson, Profession d'avocat, tome U, pages 57 et suivantes. Mollot, Règles de la profession d'avocat, tome I, page 389.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 403

Il doit, par conséquent, éviter tout ce qui aurait un caractère d'objurgation et de violence, l'inconvenance et la grossièreté des termes, remploi d'imputations étrangères ou inutiles à la cause, les allégations contraires à la vérité ou dénuées d'une raisonnable présomption d'exactitude ^

I^ partie don t l'avocat soutient la cause est également responsable aux yeux de la législation du point d'honneur, comme aux yeux de la législation ordinaire, s'il est établi qu'elle lui a donné mandat de prononcer les paroles ou de produire les écrits offensants '.

La responsabilité du client n*a du reste pas pour effet, comme nous Tavons déjà dit, de décharger Favocat de la part de responsa- bilité qui lui incombe. Il ne peut soutenir raisonnablement, pour éviter l'appel de l'offensé, qu'il a été induit en erreur, et que, par conséquent, c'est à son client à supporter les conséquences du man- dat qu'il lui a donné.

En effet, une des prérogatives les plus importantes de sa pro- fession étant de choisir librement ses moyens, sans avoir à subir ceux de la partie, et de présenter la cause qu*il plaide comme il le juge convenable, il est tout naturel de l'obliger à demander la preuve des faits que la partie lui apporte, et à examiner si ces faits sont nécessaires à la cause, ou imposés par un esprit de malice et de dénigrement*.

En s'en abstenant, il a commis une faute dont il doit suppor- ter les conséquences.

La double responsabilité du défenseur et du client entraîne pour Foffensé le droit de demander raison à celui des deux qu'il considère comme étant le véritable auteur de l'offense.

Lui refuser cette option, ce serait lui enlever, dans bien der cas, toute possibilité d'obtenir une réparation.

Si nous admettions, en effet, que l'avocat est seul responsable, la partie qui voudrait faire impunément outrager son adversaire choisirait un avocat infirme ou trop âgé pour qu'un duel fût admis- sible avec lui.

Dans l'hypothèse inverse, le recours de l'offensé serait non

1. Voyex casfation, arrêts des 15 et 20 février 4844. Cresson, Profession d^avocat, tome II, page 58, et cassation du 24 avril 1828, ibidem.

2. Sur la responsabilité personnelle du client au point de vue légal.

Voyei Rouen, 7 mars 1835. Dalloz, Jurisprudence générale, avocat, 357. Bordeaux, 7 août 1844. Dalloz, périodique, année 1845. partie, page 83.

3. Voyez Rouen, 7 mars 1835, précédemment cité. Tribunal de la Seine, GaieWe des Tribunaux, 5 et 6 avril 1830. Cassation, 2 août 1829. Cresson, Profession d'avocat, tome II, page 76.

404 PREMIÈRE PARTIE.

moins illnsoire, si pour un motif quelconqae la partie était inca- pable, on se dérobait ^

Le droit d'appeler ad libitum chacan des adversaires ane fois concédé à roffensé, il nous reste à énumérer les conditions mises à Texercice de ce droit relatiTement à la preuve, lorsque le choix de l'offensé se porte sur le client.

Conformément à ce que nous ayons expliqué plus haut, l'offensé doit prouver que son adversaire a donné à son avocat charge de prononcer les paroles, ou de produire les écrits offensants. Cette preuve résulte, nous le répétons, non seulement d'écrits et de témoi- gnages, mais de toutes les présomptions jugées suffisantes par les arbitres ou les jurés d'honneur.

Elle résulte notamment du mutisme gardé par un client pen- dant que son avocat prononce, et après qu'il a prononcé des pa- roles outrageantes.

Il a été jugé que « la partie qui souffre qu'un avocat, en sa présence et sans opposition de sa part, articule des imputations diffamatoires ou injurieuses contre son adversaire, « peut devenir personnellement responsable' ».

Si le vieil adage, « qui ne dit rien consent », a pu trouver son application devant les tribunaux ordinaires, il en sera de même à plus forte raison devant la juridiction du point d'honneur, qui n'est pas astreinte comme les premiers à observer des règles de preuves aussi étroites. Au reste, dans Tespèce qui nous occupe, la déclaration de la partie constatant qu'elle est étrangère à l'outrage, et qu'elle répudie les paroles de son avocat, est souvent la seule ressource dont puissent disposer les arbitres et jurés pour démêler la vérité.

Ce désaveu, qui peut être provoqué par une interpellation h l'audience, constitue, par le fait de sa publicité et de sa solennité, une bonne réparation.

Observons que l'avocat appelé pour une offense commise pen- dant une plaidoirie invoquera généralement Timmunilé judiciaire, et prétendra n'avoir pas excédé les droits de la défense.

Comme ce droit est très élastique, il naîtra une contestation qui risquera de s'éterniser, si par esprit de corps les confrères de l'agresseur prennent fait et cause pour lui. Dans cette prévision, Toffensé aura intérêt à faire constater par le juge quejes droits de la discussion ont été outrepassés, de manière à enlever à l'avocat tout prétexte d'éluder décemment une juste réparation.

1. Voyez Dalloz, Jurisprudence générale, avocat, 358.

2. CoDformément, voyez Bordeaux, 7 août 1814, Dalioz, périodique, année 1845, 2* partie, page 83.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 405

Il demandera, en conséquence, acte au tribunal des expres- sions offensantes, mais il n'usera de ce moyen que ail peut es- pérer avoir chance de réussir, car une fin de non-recevoir auto- riserait Tavocat à refuser toute satisfaction par les armes, sans pouvoir être blâmé, puisqu'il ne serait pas sorti de son droit.

CHAPITRE XII

Incapacités. Avec quelles pexnsoxmes un duel

n'est pas

Article premier. Le père, le fils, le frère, le parent, l'ami, etc., ne sont pas admis à venger par une nouvelle provocation le fils, le père, le parent, tués ou blessés dans une première rencontre loyale ^

Cet article vise Thypothëse les parents de la victime veulent se battre avec le vainqueur, précisément et uniquement à cause des suites fatales de la rencontre.

Nous allons examiner quels résultats entraîne cette prohibition.

Trois cas peuvent se présenter.

Le parent ou l'ami peuvent :

1** Adresser un cartel non injurieux ;

2"" Faire naître une discussion au cours de laquelle il provoque l'adversaire heureux ;

3"" Au cours de laquelle il manœuvre de façon à se faire insulter par lui.

1" Cas, Si le parent ou Tami envoie un cartel non injurieux, basé uniquement sur les motifs du premier combat et sur son dé- nouement, sa prétention doit être repoussée de piano, parce qu'elle viole l'axiome « qu'il n'est qu'une seule réparation pour une même offense ».

Cas. Si le parent ou Tami, instruit de la fin de non-rece- voir qui l'attend, dans le cas il adresserait un cartel de l'espèce précédente, provoque une discussion au cours de laquelle il insulte l'adversaire sorti vainqueur de la première rencontre, c'est ce der- nier qui est l'offensé. La proposition est tellement évidente que nous ne la formulerions même pas, si la nature particulière de l'of- fense et la protection méritée par celui qui la reçoit n'influaient sur l'étendue des privilèges qui lui seront accordés.

1. Oiateaavillard, chapitre m, article 8.

«^ . .- ^

40fi PREMIÈRE PARTIE.

Nous disons que Poffense est d'une nature particulière.

En effet, elle a été combinée dans le but de passer outre à la prohibition formulée plus haut, et de violer un principe fondamen- tal en matière de point d'honneur, sur l'utilité duquel nous nous sommes étendus longuement.

Nous disons qu'une protection spéciale est due à l'offensé.

Chateauvillard, page 95 et s., parle de l'intérêt qu*il lui inspire, à raison de l'inégalité dans laquelle il se trouverait, s'il lui fallait subir les assauts succesifs d'une légion de vengeurs, et à raison de rinfluence morale que peut avoir cette perspective sur Tâme la mieux trempée. Il est évident, en effet, que cette influence se fait sentir non seulement pour ce qui concerne la seconde affaire, mais encore pour ce qui touche à la première, si, comme il arrive trop souvent, le parent ou l'ami annoncent par avance l'intention de demander compte du sang répandu.

On comprend que la protection qui est due au vainqueur in- sulté ne peut se borner, comme dans le premier cas, an droit de refuser un duel contraire aux règles du point d'honneur, car cette fin de non-recevoir, très correcte théoriquement, laisse subsister une sorte de flétrissure attachée à celui qui garde une offense sans en demander raison.

Elle ne peut se borner non plus aux privilèges qui sont attachés dans les cas ordinaires à la catégorie à laquelle appartient l'offensé, puisque la perspective d'en subir les conséquences désavantageuses n'a pas arrêté le parent ou l'ami dans son entreprise.

Quelle sera l'étendue de ce supplément d'avantages?

Chateauvillard et M. Tavernier fulminent bien contre celte vio- lation des règles du point d'honneur, mais ni l'un ni l'autre ne ré- pondent d'une manière précise à la question.

Duverger, chapitre m, article 17, se contente de déclarer que le parent ou l'ami prend le rang d'agresseur, et que l'adversaire jouit de plein droit des prérogatives de l'offensé avec injure grave, ou même, s'il y a lieu, avec voie de fait. Il ne donne point d'autres ex- plications et ne motive pas sa proposition.

Nous croyons qu'il faut chercher la solution de cette question dans les paragraphes que Chateauvillard et M. Tavernier consacrent aux témoins qui reçoivent un injuste cartel, à raison du combat auquel ils ont prêté leur assistance'.

Les raisons invoquées en faveur du privilège des témoins sont les mêmes que celles qui justifient la protection du combattant

1. Voyei Chateauvillard, chapitre iv, article 24. Tayeroier, page 189.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 407

sorti vainquear de la première affaire, ayec cette seule différence que les témoins étant revêtus d'une charge particulièrement lourde, et d'un caractère spécialement respectable, ont droit à une sauvegarde plus étendue que l'adversaire sorti vainqueur du pre- mier duel. Aussi ne concédons-nous pas à ce dernier, dans tous les cas et pour tous les degrés de l'offense, le privilège d'offensé avec voie de fait qui appartient aux témoins placés en même conjoncture.

Nous supposons seulement que l'offense qu'il a reçue est d'un degré supérieur au degré qui lui reviendrait s'il l'avait essuyée en toute autre circonstance.

D'après notre système, l'offense est-elle du premier degré? Il bénéficie du choix des armes et du duel.

Est-elle du second degré? Il acquiert en outre celui des distances, qu'il garde a fortiori s'il a eu à subir la voie de fait.

3* Cas, La troisième hypothèse est celle le parent ou l'ami provoque une discussion, avec l'intention bien arrêtée de se faire insulter par Tadversaire de son parent ou de son ami, et atteint en effet ce but.

Remarquons d'abord qu'il faut écarter l'hypothèse le parent ou Tami se contenterait de soulever une discussion non injurieuse, au cours de laquelle il se bornerait à demander raison de la mort ou de la blessure de son parent ou de son ami.

Il n'existe dans ce cas aucune raison de s'écarter des règles ordinaires et d'accorder à l'adversaire sorti vainqueur du premier combat un supplément de privilèges ; car il peut opposer valable- ment la question préalable et n'est pas excusable de s'être laissé entraîner à des injures.

L'hypothèse qui nous occupe est celle il y a eu offenses réci- proques. Le parent ou Tami adresse la première offense, pousse la première botte, mais légère et sans gravité, afin de provoquer une riposte violente qu'il obtient en effet. Il semblerait rationnel et con- forme aux motifs énumérés plus haut que la question préalable pût être opposée valablement au cartel envoyé par l'auteur d'une telle manœuvre, puisque c' est volontairementqu'il a provoqué cette riposte.

Telle est bien notre opinion.

Hais la chose n'est pas toujours possible.

Si l'adversaire croit devoir accepter la deuxième recontre, quelle sera retendue de ses prérogatives ?

Lui accorderons-nous toujours celle d'offensé avec injure grave ou voie de fait ?

Non. En effet, si le parent ou l'ami a commis un acte coupable en provoquant une discussion dans le but d'éviter une prohibition

■; * ':*.

408 PREMIÈRE PARTIE.

du code du point d'honneur, l'adversaire en commet un autre en se laissant entraîner à toute la fougue de son caractère.

Nous nous contentons de «diminuer d'un degré la gravité de l'offense à laquelle il s'est livré, et d'appliquer purement et simple- ment ensuite les règles ordinaires.

A-t-il essuyé une offense de la première catégorie et riposté par une injure de la seconde ? Cette injure baissant d'un degré, et ne constituant plus qu'une injure de degré égal à la première, c'est lui qui est considéré comme l'offensé. Il a le choix des armes.

Répond-il à une injure grave par une voie de fait? Comme la voie de fait baisse d'un degré, il est censé avoir répondu à une in- jure grave par une injure du même degré, et acquiert le choix des armes et du duel.

Hais s'il répond à une offense simple par une voie de fait, malgré l'abaissement d'un degré, il perd sa position d'offensé, et le parent ou l'ami en obtient le privilège.

Ce système a l'avantage de tenir compte, pour déterminer la position des adversaires et leurs prérogatives, de la proportion qui existe entre les fautes qu'ils ont commises.

Jusqu'ici nous avons supposé que la préméditation du parent ou de l'ami qui provoque la discussion est clairement établie. En fait, cette éventualité se présentera rarement. Il masquera d'ordi- naire, sous des prétextes spécieux, le but réel de son entreprise, et s'efforcera d'égarer la religion des témoins.

C'est à débrouiller cet écheveau que ces derniers devront em- ployer leur perspicacité, conformément à ce que nous enseignons chapitre xvii.

Ils ne failliront pas à ce devoir de leur charge, et, s'ils jugent que le motif réel du combat soit contraire aux règles du point d'hon- neur, ils dresseront un procès-verbal motivé qui servira de décharge à l'adversaire sorti vainqueur de la première rencontre, s'il croit ne pas devoir ou ne pas pouvoir répondre au second cartel.

Au contraire, si la rencontre ne peut être évitée, les témoins de ce dernier revendiqueront les privilèges qui sont dus à leur client. Généralement un jury d'honneur sera nécessaire pour trancher le différend.

Art. 2. Le duel est inadmissible entre proches parents.

De quels parents veut-on parler? Quelle est la limite de cette prohibition ?

Il faut distinguer entre le cas il s'agit de parents unis par les liens du sang, descendant d'un auteur commun, et le cas il s'agit de parents par alliance.

OFFENSES. RÈGLES DD DUEL. 409

S'agit-il d'ane parenté naturelle, la prohibition est très étendue. Le duel est interdit entre ascendants et descendants, entre frères S entre oncle et neyeu '.

Est-il interdit entre cousins germains?

M. Tayernier répond négativement, mais il formule son opinion sous une forme si dubitative qu'elle équivaut presque à une fin de non-recevoir. Du Verger autorise la rencontre.

En présence d'avis si différents, nous croyons qu'il faut s'en tenir à celui de H. Tavemier, et ne pas interdire le duel dans cer- taines conditions absolument exceptionnelles, mais entourer la permission de tant de difficultés qu'elle constitue une exception.

S'agil-il de parents par alliance? Comme les liens qui les unissent sont pour ainsi dire artificiels et ne dérivent que de la loi, la prohibition est moins absolue.

On peut admettre, en conséquence,que s'il ne s'agit pas du beau- père, du gendre et du beau-fils, qui sont sacrés l'un pour l'autre, en vertu de raisons si évidentes qu'il est inutile de les rappeler, la question préalable de parenté ne peut être opposée de piano et sans discussion K

(( A des haines qui s'éternisent faute d'une soupape de sûreté, je préfère, écrit Du Verger, un bon appel qui soumettra l'affaire à l'appréciation de témoins sérieux et conciliants, qui arriveront presque toujours à arranger la querelle. »

Pour notre compte, sans être aussi optimiste, nous considérons un cartel envoyé dans de telles conditions comme devant être avant tout un moyen d'arriver à la constitution d'un jury d'hon- neur, alors que la demande d'un tel jury, faite directement par l'offensé, sans être précédée d'un appel, serait presque toujours repoussée.

Si l'arrangement est impossible, si le degré de parenté semble un empêchement à la rencontre, les témoins rédigent un procès- verbal qui sauvegarde l'honneur de l'offensé, sans la moindre effu- sion de sang.

Le degré est-il plus éloigné ? L'injure est-elle si grave que le dénouement menace de tourner au tragique malgré tous leurs efforts ? Y a-t-il en présence, par exemple, un mari trompé, altéré de vengeance, et le séducteur de sa femme? Ils peuvent autoriser le duel afin d'éviter de plus grands malheurs, mais en sauvegardant leur responsabilité par toutes les précautions imaginables.

1. Voyez Tayernier, page 55.

2. Voyez Du Verger de Saint-Thomas, chapitre m, article 19.

3. Voyez, comme exemple de duels entre parents, appendice n^ 15.

■.«

440 PREMIÈRE PARTIE.

Ainsi, dans l'hypothèse précédente, ils feront bien de réclamer au mari une déclaration spécifiant qu'en cas on lui refuserait assistance, il se fera justice lui-même.

En tout état de cause, les conditions de la rencontre, le compte rendu des efforts faits par les témoins pour éviter le combat, leur insuccès, doivent être soigneusement mentionnés au procès-verbal et signés des adversaires.

En résumé, le duel entre proches parents ne peut être qu'une exception rarissime. Mais le degré de parenté, lorsqu'il franchit les limites établies pour la prohibition absolue, ne saurait constituer un motif opposable de piano, sans discussion et sans appel, à la demande d'une mutuelle constitution d'individus destinés à former un jury d'honneur.

Art. 3. Un maître d'armes ne peut se servir de son arme professionnelle que s'il a été frappé ^

Nous ferons observer que la prohibition ne s'applique pas aux duels entre maîtres d'armes, qui sont régis par le droit commun, mais aux duels entre maîtres d'armes et amateurs. Encore faut-il distinguer quels sont les amateurs appelés à se battre avec des maîtres d'armes. Autant il semblerait anormal qu'un professeur d'escrime se battit à l'épée avec un tireur de force petite ou moyenne, autant il est naturel qu'il se serve de son arme profes- sionnelle s'il a affaire à un de ces amateurs qui ont l'habitude de croiser le fer, sans désavantage, avec les sommités de Tescrime dans les assauts publics.

Nous disons que le professeur victime d'une voie de fait peut se servir de son arme professionnelle.

A-t-on bien réfléchi à l'impasse dans laquelle il se trouve s'il use de ce droit contre un adversaire de force ordinaire, ou si, par une générosité souvent imprudente, il y renonce?

Dans le premier cas, le combat se termine-t-il par la mort ou la blessure de son antagoniste? Est-il poursuivi ? Il a contre lui l'opi- nion publique, la presse et le jury.

Dans le second cas, il se prive d'un avantage bien mérité, et le procure à son adversaire. Nous ne prévoyons pas l'hypothèse il refuse de se battre; car alors sa position n'est plus tenable.

En présence d'une situation aussi scabreuse, créée à un homme digne d'intérêt, puisqu'il a reçu l'outrage le plus sanglant qu'il puisse subir, pourquoi ne serait-il pas fait exception au principe qu'à une voie de fait il n'y a pas d'excuse possible ?

I. Voyez Tavernier, page 312.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 444

Pourquoi ne lui permettrait-on pas d'accepter, sans être taxé de faiblesse, une réparation suffisante? La menace faite par lui d'employer Fépée amènerait souyent la conciliation.

L'agresseur refuserait-il la satisfaction demandée, on ne pour- rait plus s'en prendre qu'à lui, si le maître d'armes, usant du pri- yilège auquel il a droit, se servait de son arme professionnelle.

Quoi qu'il en soit, rappelons que le maître d'armes est obligé de £aire connaître sa profession, aussitôt après la constitution des témoins.

Art. 4. Un débiteur ne peut appeler son créancier que s'il a acquitté sa dette.

« Il y a un principe bien connu, écrit Chateauvillard, page 99, tt c'est qu'un débiteur ne peut jamais tirer sur son créancier. Ainsi, (c dans une querelle qui prendrait sa source dans une affaire d'ar- « gent, et qui serait suscitée par le débiteur, les témoins ne doivent u pas laisser battre leur homme qu'il ait payé.

«c C'est plutôt une affaire civile qu'une affaire de champ clos. « Ce serait vraiment une manière trop facile d'acquitter ses dettes « que de tuer son créancier. Les témoins qui mettent leur veto sur a ce cartel doivent en faire la déclaration, qu'ils remettent à celui u qu'ils empêchent de se battre, en se rendant garant de son a honneur. »

Le cas est bien différent dans une querelle suscitée pour des intérêts pécuniaires, si c'est le créancier qui appelle son débi- teur.

L'interdiction qui fait l'objet du présent article est applicable même lorsqu'il s'agit de dettes de jeu non reconnues par la loi civile.

Art. 5. a moins que l'adversaire n'y donne son consen- tement, l'offensé qui a recours aux tribunaux perd son droit à envoyer ensuite un cartel *.

Rien de plus juste. Avant de se mettre en campagne, l'offensé doit avoir réfléchi à la juridiction à laquelle il s'adressera pour demander réparation. C'est le cas de rappeler le vieil adage : una via electa, non datur recursus ad alteram. Ici, comme en droit ordi- naire, il trouve son application.

Mais il ne faut pas confondre la plainte de l'offensé, ou la citation directe, avec la poursuite exercée d'office par le ministère public, et frapper de la même incapacité l'individu qui volon-

1. Voyez Du Verger de Saint-Thomas, chapitre ni, article 20. Taveroier, page 288 et suivantes. Affaire Grodet-Portalis, 12 novembre 1888. Appendice 16.

442 PREMIÈRE PARTIE.

tairement s'adresse aax tribanaux, et celai qui involontairement est cause d'une poursuite.

Au cours d'une discussion, mon interlocuteur se précipite sur moi et me roue de coups. Cet incident s'est passé dans la rue. La police intervient. Le ministère public poursuit d'office et fait con- damner mon agresseur à la prison ou à l'amende.

Peut-il opposer la question préalable au cartel que je lui envoie après ma guérison, sous prétexte que l'affaire s'est dénouée devant les tribunaux, et que je n'ai droit qu'à une réparation pour une même offense ?

Non, car la pénalité lui a été infligée au nom de l'ordre public qu'il a troublé, sans que je me sois plaint et sans que j'aie pu arrêter les poursuites.

Mais si je me porte partie civile, je renonce ipso facto à tout droit de réparation par les armes.

L'offensé qui, après s'être adressé à la justice, retire sa plainte, conserve-t'il le privilège de recourir ensuite à la voie des atomes?

Avant la loi du 29 juillet 1881, le retrait de la plainte ne pro- duisait aucun effet, car l'action publique une fois mise en mouve- ment ne pouvait plus être entravée. En est-il de même depuis que la loi de 1881, article 60, accorde à l'offensé qui se désiste le droit d'arrêter toute poursuite?

L'affirmative n'est pas douteuse.

Il importe que l'agresseur sache à quoi s'en tenir immédiatement sur les intentions de son adversaire. S'il est tenu de le suivre sur le terrain qu'il choisit, il n'est pas tenu de se conformer au sautil- lement de ses caprices. Cette solution s'applique également au cas où, pour une raison quelconque, la plainte serait entachée de nul- lité, au cas le tribunal serait incompétent, etc., etc.

Mais il y a une réserve à faire pour le cas l'agresseur, après avoir commis une offense, refuse d'accorder une réparation par les armes. Dans cette hypothèse, l'offensé, faute d'autre compensation, en est souvent réduit à porter plainte, ou à citer directement.

Si l'agresseur revient sur sa décision et accepte le combat qu'il avait refusé d'abord, l'offensé est libre, ou de poursuivre son action devant les tribunaux sans encourir de blâme, ou d'accorder le combat sans contrevenir à l'article 5.

Nous avons dit que le particulier victime d'une voie de fait pouvait en demander raison par les armes, quand bien même son adversaire aurait été poursuivi, si cette poursuite avait eu lieu d'office.

En serait-il de même pour les personnes qualifiées, protégées

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 443

par les articles 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, 222 et suivants du Code pénal, lorsque la poursuite a lieu non pas sur leur plainte, mais sur la plainte du ministre dont elles relèvent, ou à la requête du ministère public 7

Malgré tout l'intérêt que peut oflfrirleur situation, lorsque c'est contre leur volonté que Faction publique a été mise en mouvement, nous croyons qu*il faut répondre négativement :

l"" Parce que l'exception ne serait plus restreinte à des cas extrê- mement rares, comme dans l'espèce il s'agit du simple parti- culier;

2'> Parce que cette exception constituerait en faveur de per- sonnes déjà protégées par des pénalités exceptionnellement rigou- reuses une prérogative excessive, si on compare la situation qui leur est faite avec celle qui est faite au particulier placé dans la même situation.

Supposons qu'un magistrat de Tordre administratif, un préfet par exemple, essuie à l'occasion de ses fonctions, de la part d'un particulier, un outrage par paroles non rendu public. L'auteur de l'outrage sera passible d'une peine pouvant atteindre deux ans d'emprisonnement (article 222, Gode pénal).

Supposons qu'une offense identique soit adressée au simple particulier par le préfet, ce dernier ne sera passible que des peines de la simple police. Ne serait-il pas monstrueux d'accorder à ce magistrat le droit d'exiger la réparation par les armes d'une offense déjà si chèrement payée ?

M. Tavernier propose une espèce où, d'après lui, il serait avan- tageux pour l'offensé de saisir d'abord la justice, et cet appel à une juridiction diamétralement opposée à celle du point d'honneur ne lui enlèverait pas le droit de demander ensuite réparation par les armes.

Tel serait le cas un homme nous diffamerait de telle sorte que notre honneur ou notre probité serait en jeu, par exemple s'il nous accuse d'avoir manqué à des engagements matériels. Un duel ne prouverait rien.

« Vous êtes bien forcé, ajoute M. Tavernier, de saisir les tribu- naux pour établir la diffamation. Envoyez-lui vos témoins. S'il soutient son accusation après la décision de la justice, il ne pourra TOUS opposer la question préalable. »

Quelle que soit l'autorité de cet auteur, nous ne pouvons accepter sans réserve son opinion.

Faisons remarquer d'abord que ce procédé ne peut s'appliquer ni aux diffamations contre les particuliers, ni aux diffamations rela-

8

444 PREMIÈRE PARTIE.

tiyes à la vie privée des personnes qualifiées, ni aux outrages régis par les articles 222 et suivants du Gode pénal, qui ne sont ni les uns ni les autres delà compétence du jury, et pour lesquels la dé- monstration de la preuve n'est pas admise. (Article 35, loi du 29 juil- let 1881.)

Dans ces diverses hypothèses, la condamnation obtenue par la personne diffamée établit bien qu'il y a eu diffamation, mais ne prouve nullement que le fait imputé ou allégué n'est pas exacte

L'interdiction d'apporter la preuve s'appliquant aussi bien devant la juridiction civile que devant la juridiction correctionnelle, on voit que, dans les cas énumérés ci-<lessus, la partie diffamée n'aura aucun intérêt à choisir la voie conseillée par M. Tavernier *.

S'il s'agit de personnes qualifiées, diffamées à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, la cause sera bien soumise au jury, et la preuve sera bien permise, aux termes de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 ; mais, comme nous l'avons expliqué précédemment, le duel ne sera plus accordé par la législation du point d'honneur, car l'agresseur serait exposé à une double responsabilité.

Nous croyons qu'il est infiniment plus prudent de ne pas im- miscer la justice dans le débat, au risque de se voir fermer l'accès de a juridiction du point d'honneur, mais qu'il faut porter l'affaire devant un jury d'honneur, qui, n'étant lié par aucune restriction légale, admet toute espèce de preuves.

Gc jury, après avoir établi la fausseté du fait imputé, interdit ou permet ensuite une rencontre s'il la juge nécessaire.

Influence de l'exeroioe du droit de reotifioation et de réponse sur le droit de demander ensuite réparation par les armes.

La personne attaquée dans un article de journal peut-elle user du droit de rectification et de réponse qui lui est accordé par les articles 12 et 13 de la loi du 29 juillet 1881, sans perdre celui de demander ensuite réparation par les armes de Toffense qu'elle a subie ?

La question est controversée.

Les partisans de l'affirmative soutiennent que, dans l'espèce, les choses doivent se passer en matière dépeint d'honneur comme en matière civile ou pénale. Suivant eux, le droit de demander à un journaliste l'insertion d'une rectification ou d'une réponse constitue

1. Sur Tadmissibilité de la preuve, voyez Dalioz, Code pénal annoté, loi du 29 juillet 1881, article 35, 169 et suiv.

2. Voyez ibidem, 178, et parmi les arrêts, Cassation, 16 août 1882, Dalioz, année 1883, 1'* partie, page 401.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 415

un droit de légitime défense et non une réparation proprement dite. Ce droit est, par conséquent, tout à fait distinct de celui de deman- der ensuite réparation civile, pénale, ou les armes à la main. Sui- yant eux, Toffensé peut fort bien intenter d'abord une action pour obtenir l'insertion d'une rectification ou d'une réponse, et, après l'avoir obtenue, réclamer des dommages et intérêts, porter plainte en diffamation, citer directement ou, s'il le préfère, recourir à la voie des armes. Ils soutiennent que les motifs dont s'est inspiré le législateur de la loi de 1881, lorsqu'il a rédigé les articles 12 et 13, doivent dicter la solution de la question lorsqu'il s'agit du point d'honneur.

Une seconde opinion, qui réunit de nombreux partisans, pré- tend qu'il faut distinguer entre le cas l'offensé s'adresse aux tri- bunaux pour obtenir l'insertion de la rectification et de la réponse, et celui il se contente d'adresser au journaliste une simple demande verbale ou écrite, en dehors de toute procédure.

Dans le premier cas, l'offensé rentre dans les termes de notre article cinquième. N'enverrait-il qu'une simple sommation, il est déchu du droit de s'adresser ensuite à la juridiction du point d'hon- neur, en vertu de l'axiome : Una via electa non datur recursus ad aller am.

Dans le second cas, le recours à la voie des armes lui reste ouvert.

Puisque nous en sommes sur le chapitre de Tintervention de la justice dans les affaires d'honneur, examinons quelle doit être l'at- titude du combattant blessé et des membres de la famille du com- battant défunt, appelés à témoigner contre l'auteur de la blessure ou de l'homicide, dans un procès qu'ils n'auront, bien entendu, pas provoqué par une plainte ou uoe dénonciation, mais qui aura été précédé de poursuites exercées d'office par le ministère public.

Plus que jamais, ils se souviendront qu'ils doivent à la justice toute la vérité, mais rien que la vérité. Leur conscience devra les engagera se renfermer strictement dans les questions qui leur sont posées et à y répondre avec modération.

Ils n'oublieront pas qu'en choisissantpourtrancherleurdifférend la législation du point d'honneur, les parties se sont interdit d'avoir recours ensuite à la justice, non seulement par une plainte, mais encore par une intervention passionnée, qui aurait pour résul- tat de leur procurer indirectement, et pour ainsi dire par ricochet, une seconde réparation pour une offense dont ils ont déjà reçu satisfaction.

416 PREMIÈRE PARTIE.

Art. 6. On peut opposer la question préalable aux membres d'une famille qui, usant du bénéfice de la loi, auraient injustement poursuivi ou fait poursuivre l'adversaire d'un parent tué dans un duel loyal.

(( On peut Topposer, à plus forte raison, au combattant blessé qui aurait agi de même contre l'auteur de sa blessure ^ »

Qui peut opposer cette question préalable?

Toute personne appelée en duel dans la suite par le blessé ou par un parent qui a rendu plainte, qui s'est porté partie civile ou qui a réclamé une indemnité devant les tribunaux civils, à raison d'un duel antérieur loyalement terminé.

A ceux de ces individus qui, dans une seconde affaire, voudraient recourir à la voie des armes, la législation du point d'honneur répond :

(( Du moment que les adversaires avaient accepté librement ma juridiction, du moment que les chances étaient égales et que tout s'était passé loyalement, vos poursuites devenaient injustes. Il m'a été impossible de les empêcher, car je n'ai pas d'autre sanction que le blâme de l'opinion qui imprime une sorte de flétrissure à qui transgresse mes lois.

« Je vous proclame déchu du droit d'avoir recours à moi pour régler vos querelles futures, car rien ne me prouve que vous ne recommenceriez pas encore cette fois-ci.

u C'est à la juridiction que vous avez invoquée préférablement à la mienne, et en concurrence avec elle, qu'incombe votre défense. »

Ce droit d'opposer la question préalable, qui est peut-être for- mulé d'une manière un peu absolue dans l'article 6, et dont Tappli- cation sera quelquefois mitigée par les arbitres et les jurés d'hon- neur, constitue le seul frein susceptible d'arrêter la vengeance ou la cupidité des parents ou du blessé, puisque les conventions par les- quelles les combattants interdiraient à leurs ayants cause, ou s'inter- diraient avant la rencontre le droit de porter plainte ou d'exercer une action en dommages et intérêts, sont nulles aux yeux de la loi.

Nous sommes forcé de reconnaître que le frein n'est pas d'une solidité à toute épreuve, car la sanction est malheureusement trop platonique pour entrer en ligne de compte avec la haine et l'avidité de personnes souvent peu raffinées en matière de point d'honneur ; mais, tel qu'il est, il peut avoir une certaine utilité. C*est pour cela que nous sommes entré dans des détails aussi minutieux à son sujet.

1. Voyex Cbateauvillard, chtpiire in, article 8.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 417

« Art. 7. On peut opposer la question préalable à tout homme convaincu de malhonnêteté caraclérisée ^ »

II est souvent difficile de débrouiller un homme honorable du cahos de gens tarés qui grouillent dans les grandes villes. Un cri- térium de rhonorabilité des adversaires, c'est Thonorabilité des témoins qui les couvrent de leur pavillon *.

Lorsqu'une personne est poursuivie devant les tribunaux à rai- son d'un fait susceptible d'entacher son honorabilité, les témoins doivent surseoir jusqu'au prononcé du jugement.-

Une condamnation judiciaire n'entraîne du reste pas toujours l'indignité. Gela dépend de Tappréciation des motifs au point de vue de l'honneur.

Par contre, un acquittement prononcé faute de preuves, ou faute d'éléments suffisants pour tomber sous le coup de la loi pénale, n'exempte pas toujours de l'indignité. Cela dépend du verdict pro- noncé par l'opinion publique jugeant au point de vue de Fhonneur et de la délicatesse.

0 Art. 8. On peut opposer la question préalable à l'individu qui dans une rencontre a violé les règles du duel '. »

Remarquons que, pour que cette violation entraîne indignité, il faut supposer qu^elle est déloyale. Si les irrégularités ont été motivées par un oubli, un manque d'attention ou l'ignorance des règles du duel, il n'en serait plus ainsi ^

(( Art. 9. On peut opposer la question préalable à tout individu qui, sans motifs plausibles, a refusé de rendre raison de l'offense faite à un galant homme. Ces invalides de l'honneur, qui doivent être exécutés dans un procès-verbal rendu public, peuvent toujours être récusés par des adversaires ultérieurs \ »

Exceptions d'indignité.

Parfois, après la réception d'un cartel et avant l'engagement de l'affaire, une question préalable est posée, celle d'un jury d'honneur.

Un des adversaires déclare, par exemple, qu'ayant des doutes

1. Voyex affaire du capitaine des H*** et de rex-lieuteDant F***. Gazette des Tribunaux, 26 novembre iS53, 2 février 1854. Appendice n<»i7.

2. Voyez, du reste, pour toutes les questions qui touchent à l'article 7, Taver- nier. Questions de duel, pages 275 et suiv., et 315 et suiv.

3. Voyez Tavemier, page 47, note. Du Verger de Saint-Thomas, chapitre m, article 18. Prévost et G. Jollivet, page 207.

4. Voyez nos chapitres xxxvi, xliii, lvi.

5. Conformément, voyez Tavernier, page 270.

f ^-^ . -

fis PREMIÈRE PARTIE.

sur la loyaaté de son antagoniste, il réclame la constitation d'un jary, qui décidera si la personne suspectée est digne ou indigne d'en appeler & la juridiction du point d'honneur.

Une telle all^ation ne doit jamais être formulée sans preuves réelles. La question préalable dont nous nous occupons ne peut être posée que si on a la certitude du fait reproché. On ne doit même pas y faire allusion tant qu'on n'a pas une sanction pénale ou mondaine à invoquer contre l'individu que Ton . considère comme indigne ^

En admettant même que la partie qui veut invoquer la ques- tion préalable d'indignité tienne en main les pièces établissant le bien fondé de son imputation, elle agira sagement en ne l'ouvrant qu'après avoir mûrement réfléchi aux conséquences de l'acte qu'elle va entreprendre, et notamment à l'attitude que son adver- saire prendra à la suite du refus de dueL

Il peut arriver, en effet, que, dans son exaspération, il se livre vis-à-vis d'elle à une voie de fait ; qu'il la soufflette, lui crache & la figure, etc., etc.

Il peut arriver notamment qu'il la trouve dans un lieu public, et que là, coram populo, il lui présente deux cannes d'égale lon- gueur et d'égale grosseur, en lui disant: «Vous refusez de me rendre raison avec les armes ordinaires des duels. En voilà d'autres, les seules qui conviennent à un lâche tel que vous I Choisissez et défendez-vous, sinon je vous coupe la figure. »

C'est une éventualité qui s'est déjà présentée, et qui risque de se présenter chaque fois qu'un homme énergique, prêt à tout, et désireux de ne pas laisser croire à un guet-apens, voudra obliger la personne qui lui refuse satisfaction à se battre quand même avec lui.

Quelle attitude gardera cette personne? Reviendra-t-elle sur son refus ? Acceptera-t-elle la canne qui lui est tendue, au risque d'être bâton née d'importance? chose possible, car il est présumable que l'adversaire n'a choisi ce mode de combat qu'à raison de son habileté et de sa force.

Se laissera-t-elle battre et recourra- t-elle ensuite aux tribunaux, en proclamant qu'elle ne veut pas se commettre avec un indigne ?

Si elle prend le premier parti, mieux aurait valu ne rien dire.

Le changement d'avis, le retour sur une parole donnée en pré- sence d'une menace ne sont guère à son avantage.

Si elle prend le second, elle est obligée de laisser son adver-

1. Voyez G, JoUivet, V Escrime et le duel, page 207.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 449

saire sur le carreau, après lui avoir administré la plus belle volée de bois vert qu'il soit possible, sinon les rieurs ne seront pas avec elle. En pareille matière, la foule se range toujours du côté du plus fort.

Si'elle garde les coups, ce sera bien autre chose.

Pour que Topinion publique admette Pimmiition de la jus- tice en pareille affaire, il faut que Tauteur de la bastonnade ait pour le moins ramé sur les galères du roi. Cette assertion est sur- tout vraie lorsqu'il s'agit d'un militaire.

Si, peu sensible à ces considérations, la partie qui veut opposer la question préalable persiste dads sa fin de non-recevoir, le refus du duel et la demande d'un jury d'honneur doivent être faits par écrit et indiquer clairement les motifs à l'appui.

La rédaction de cette pièce sera modérée et convenable. On lui donnera le moins de publicité possible avant le prononcé de la sentence, pour une double raison : d'abord, parce que le jury seul a le droit de déterminer la diffusion qu'il entend donner à sa déci- sion ; ensuite, pour éviter de mettre le mauvais rôle de son côté, si l'affaire se déroule finalement en justice.

Avons-nous besoin d'ajouter que quiconque refuse un appel, en opposant la question préalable d'indignité, prend vis-à-vis de son adversaire le rôle de demandeur, et doit fournir la preuve.

S'il ne le fait pas, sa situation au point de vue de l'offense devient très mauvaise, et son adversaire acquiert ipso facto le rang d'offensé avec injures graves.

Si on a simplement des doutes sur l'honorabilité d'un adver- saire qui est inconnu, il ne faut pas demander la réunion d'un jury d'honneur, mais charger ses témoins de faire une enquête sur l'honorabilité de l'adversaire et sur celle de ses mandataires.

Si le jury d'honneur saisi d'une exception d'indignité autorise le duel, la rencontre qui s'ensuit ne peut être que très sérieuse et proportionnée à la lésion morale causée par la suspicion ^

La juridiction compétente, pour connaître en dernier ressort des questions d'indignité, étant celle du jury d'honneur y la per- sonne qui oppose cette question ne peut, sans encourir de blâme, refuser de lui soumettre l'appréciation des motifs invoqués pour justifier sa fin de non-recevoir. Réciproquement, l'individu contre lequel on l'oppose, ne peut se prévaloir valablement d'une décision

1. Voyex affaire de M***-de la P***. Gazette de$ Tribunaux^ 5 février i 87a Appendice n<» 18.

4S0 PREMIÈRE PARTIE.

émanée d'une juridiction autre pour se soustraire à celle du jury d'honneur ^

Il faut se défier des brerets d'indignité que se décernent jour- nellement les hommes de parti et les journalistes. C'est la menue monnaie de leurs polémiques. Les témoins devront considérer ce point de vue, tant pour ce qui concerne l'admission de la question préalable que Tappréciation de l'offense.

Peut-on opposer la question préalable aux individus qui, par le caractère dont ils sont revêtus, la profession qu'ils exercent, la posi- tion qu'ils occupent dans le monde, sont considérés comme inca- pables suivant les préjugés en vigueur?

Le lecteur sera frappé, à première vue, du vague de la question et de son manque de précision. Nous nous hâtons de constater que c'est intentionnellement que nous l'avons rédigée ainsi.

En effet, si tout le monde est d'accord pour admettre que le duel est inadmissible avec un prêtre, à raison de son caractère ; avec un domestique^ à raison de sa condition, etc. ; tout le monde reconnaît également qu'en dehors de catégories aussi nettement tranchées, il en existe d'autres composées de gens fort honnêtes à la vérité, mais qui ne semblent pas destinés par leur éducation à être justiciables d'une législation aussi raffinée que celle du point d'honneur.

Nous nous abstiendrons de donner une solution à cette question si controversabie et si discutée.

De quel droit frapperions-nous d'exclusion cette masse d'indi- vidus, du moment que les raisons invoquées pour ou contre la fin de non-recevoir ne reposent sur aucun principe théoriquement et moralement certain, mais sur une question de mœurs, et, disons le mot, de préjugés, qui varie selon les personnes, les époques et les milieux?

Nous ne pouvions passer sous silence cette question intéressante. Nous laissons aux membres des jurys d'honneur, dont la constitu- tion nous parait nécessaire en pareille circonstance, le soin de décider en fait quelle suite l'affaire devra comporter*.

1. Voyez affaire de B...-Paul Foucher, 24 mai 1883, Annuaire du duel, par Ferrens, Appendice, n* 19, et avis du jury d'honneur de la Société d'encouragement à l'escrime, affaire Ernest Judet, Clemenceau, Maujan, Pichon, le Petit Journal, du 31 août 1893, ibidem.

2. Voyez G. JoUivet, VEscrime et le duel, condiiions sociales, page 205.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. ^î^

Age en matière de duel.

«Art. 10. Minorité. —On peut opposer la question préa- lable au mineur ^n

En matière de point d'honneur, à quel âge finit la minorité? A quelle époque la majorité commence-t>elle ?

Ghateauyillard est muet sur cette importante question. Du Verger de Saint-Thomas admet deux espèces de majorité : la majorité légale, qui commence à vingt et un ans, et la majorité sociale, qui n^a pas de point de départ bien défini, et qui comprend les jeunes gens ayant fini leurs études et déjà admis dans la société ^

M. Tavernier ne reconnaît qu'une majorité, celle de vingt et un ans, mais il admet de si nombreuses exceptions, par exemple en faveur du jeune homme marié, engagé volontaire, étudiant en droit, en médecine, élève des écoles militaires, etc., que par une voie difi'érente il arrive au même résultat ^.

En résumé, d'après ces auteurs, le mineur, au point de vue du duel, est celui qui est encore au collège et n'a pas fini ses études.

Pour ce qui nous concerne, nous admettons la division de M. Du Verger de Saint-Thomas, à savoir: une majorité légale à partir de laquelle les jeunes gens entrent dans le droit commun, et une majorité que nous appellerons sociale, faute d'épithète plus caractéristique, qui commencera à dix-huit ans pour aller jusqu*à vingt et un.

Au lieu d'un point de départ indécis, nous prenons dix-huit ans, parce que c'est l'âge auquel un jeune homme peut accomplir deux des actes les plus importants de sa vie : s'engager dans l'armée et contracter mariage.

Comment refuser à un homme le droit de venger les injures qui lui sont adressées personnellement, ou qui sont adressées à son épouse, lorsque la loi lui reconnaît la capacité requise pour venger l'injure de son pays et pour faire un père de famille ?

Réciproquement, comment le soustraire à la responsabilité personnelle des offenses qu'il a pu commettre à pareille époque, ou dont sa femme s'est rendue coupable ?

En résumé, jusqu'à dix-huit ans, les enfants sont mineurs dans toute l'acception du mot, quels que soient leur situation

i. Voyez affaires Rochefort flls-L*** V***, 20 juin 1880. Haut do Lassus-H. de DeWa, 15 avril 1882, Annuaire du duel^ par Ferrens, et appendice 20.

2. Voyez page 240 et suiv.

3. Voyez page 233.

i%% PREMIÈRE PARTIE.

dans le monde et leur état physique. Us sont toujours récusables et irresponsables, mais la substitution est permise en leur fayeur, s'ils ont le droit d'offensé. Réciproquement, les parents admis à se substituer demeurent responsables des offenses auxquelles ils peuvent se livrer.

Vient ensuite la période de transition entre Tenfance et la majorité, entre la faiblesse et rentière possession des forces phy- siques et morales.

A cet état intermédiaire devront naturellement correspondre des règles qui tiendront une juste mesure entre Timpersonnalité active et passive de Tenfant et la responsabilité complète de Phomme qui jouit de tous ses droits. Aussi croyons-nous que, durant le temps qui court de dix-huit à vingt et un ans, le jeune homme ne saurait pas plus être récusé de plein droit pour cause de jeunesse, s*il demande réparation, qu'être déchargé de l'obligation de réparer les offenses auxquelles il se sera livré.

En revanche, nous pensons que le duel ne peut être autorisé que par la décision d'un jury d'honneur constatant:

l"" Que l'offense est une injure grave ou une voie de fait;

2^ Que la disproportion entre la situation physique et morale du mineur et son habileté dans la pratique des armes, comparées avec celles du majeur, n'est pas trop considérable;

Que les témoins choisis sont majeurs et expérimentés.

Est-il besoin d'ajouter qu'au cas la rencontre est autorisée, les témoinsdoiventse prévaloir d'une situation aussi exceptionnelle pour en mitiger autant que possible les conditions. Dans le cas contraire, c'est-à-dire lorsque le jury d^honncur n'admet pas qu'une rencontre immédiate soit possible, le père, le frère sont substitués activement et passivement au jeune homme, à moins que l'offensé ne préfère attendre la cessation de la cause d'impossibilité, ou la majorité légale. L'agresseur ne peut lui refuser réparation à l'échéance.

Dans ces deux cas, le jury d'honneur dresse un procès-verbal de constat, qui sert de décharge aux adversaires jusqu'au moment le duel peut avoir lieu.

Art. 11. Vieillesse. On s'accorde pour reconnaître qu'à soixante ans le vieillard peut cesser d'aller sur le terrain. On sup- pose, en effet, que ses forces physiques sont en pleine décadence ^

Cependant, la règle n'est pas absolue.

Dans certaines circonstances exceptionnelles, le combat d'un homme jeune ou d'âge mûr avec un sexagénaire peut être autorisé. Mais il faut le concours de plusieurs conditions, dont Tappréciation

1. Voyex affaire Sevestre-Félix Pyat, 5 juin i888. Appendice n^ 21.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 4S3

est laissée aux témoins, ou, mieux encore, aux jurés d'honneur, et qui varient suivant que le vieillard est agresseur ou offensé.

Si c'est le vieillard qui est agresseur, il faut :

l** Que l'offense soit considérable.

Les auteurs ne sont pas d'accord sur le degré nécessaire.

Château villard, chapitre iv, article 19, subordonne le duel à la voie de fait.

Tavernier, page 237, et Du Verger de Saint-Thomas, article 21, chapitre iv, le permettent également en cas d'injure grave.

En présence de cette diversité d'opinions, la nécessité d'un jury d'honneur s'impose encore davantage.

Nous croyons quMl ne faut pas l'enchaîner dans des limites trop étroites. On doit le laisser maître d'autoriser le duel chaque fois que la gravité de l'offense et sa nature sont telles que, malgré la sentence interdisant le combat, l'honneur de l'offensé resterait atteint d'après les préjugés existants.

2"* Il faut, en second lieu, que le vieillard donne son consente- ment par écrit à la rencontre.

Le refus d'écrire équivaut à un refus de duel ^

Dans ce cas, les témoins réunis dressent un procès-verbal qui tient lieu de décharge et de réparation à l'offensé.

S"" Il faut que les témoins ou le jury d'honneur examinent l'état physique et moral du vieillard et déclarent qu'il est apte au genre de combat imposé par l'offensé. {Ibidem.)

Ne l'oublions pas, Tâge de soixante ans n'a rien d'absolu et ne constitue qu'une moyenne destinée à servir de base pour l'apprécia- tion des témoins. Gomme le dit très justement M. Tavernier, certains sexagénaires sont si bien conservés, sont si bien entraînés, que le bénéfice de l'âge ne saurait être invoqué décemment en leur faveur.

Est-il besoin d'ajouter que l'âge de l'offensé doit naturellement entrer largement en ligne de compte, ainsi que son état physique, et, si c'est possible, son habileté à Tarme choisie. C'est un point de vue que les personnes appelées â décider la question ne peuvent impunément négliger.

Lorsque c'est le vieillard qui est insulté, et qui demande répa- ration, toutes les conditions restrictives indiquées plus haut ne peuvent plus être exigées. En effet, il serait injuste de lui imposer malgré lui une exception qui n'a été établie qu'en sa faveur, et de lui retirer le droit le plus important de tous ceux qui sont recon- nus par la législation du point d'honneur.

Tant pis pour le jeune homme qui offense un vieillard, il doit

1. Voyer mômes auteurs, ibidem.

424 PREMIÈRE PARTIE.

lui accorder réparation dans tous les cas il serait obligé de le faire, si, au lieu d'avoir dépassé la soixantaine, ToiTensé se trouvait dans la force de Tâge.

Que le vieillard soit insulté personnellement, qu'il prenne la défense d'une autre personne, d'une femme, par exemple, s'il remplit toutes les autres conditions requises pour le faire légale- ment, l'agresseur ne peut se retrancher derrière l'âge avancé d'un tel adversaire et refuser de le suivre sur le terrain. Mais comme la disproportion de vigueur et d'habileté qui existe entre eux place l'homme jeune dans une situation exceptionnellement délicate, il est juste d'exiger du vieillard qu'il signe un écrit constatant en termes précis qu'il veut la rencontre, qu'il choisit telle arme et qu'il se reconnaît propre à la maniera

Est-il besoin d'observer qu'en pareil cas, les témoins sont tenus d'épuiser tous les moyens de conciliation ?

Si le duel est inévitable, ils doivent équilibrer, autant que faire se peut, les chances, et, dans la limite du possible, atténuer les dangers de la rencontre.

Exception : Offenses commises par les journalistes.

« Dans une offense commise par la voie de la presse, l'attaque a été préméditée de sang-froid, sans provocation de la partie adverse, le bénéfice de l'immunité de l'âge ne peut plus être invo- qué. Sans cette exception, il deviendrait beaucoup trop commode de prendre des paravents sexagénaires, pour pouvoir, à l'abri de leurs cheveux blancs, tirer impunément sur l'honneur des gens^ »

État physique.

Art. 12. Impotence, infirmités. L'état d'inûrmité ou d'impotence constitue un autre empêchement au combat.

Il est clair que le duel à l'épée entre un homme valide et un homme amputé d'une jambe n'est pas un duel, c'est un assassinat. Mais si l'impotent a perdu une jambe il a gardé sa langue, qui peut lancer des traits mortels pour Thonneur d'autrui.

Lui accordera-t-on une immunité complète, et partant le pri- vilège d'offenser tout le monde impunément ?

Évidemment non.

De les prescriptions fort sages imaginées par Chateauvil- lard, chapitre iv, articles 16, 17, 18, pour réglementer la concor- dance qui doit exister entre certains états physiques et le droit de refuser Tarme de l'offensé.

1. Voyez affaire de Wyse, Edmond Lepclletier. Appendice n^ 21.

2. Voyez Tavernier, page 238. Mous partageons complètement Topinion de cet auteur.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. «5

Ayant d'examiner les différentes espèces posées parlai, obser- vons que rénumération qu'il fait n'est pas limitative. Ce sont des exemples, et pas autre chose.

Les témoins d'un homme estropié de manière à ne pouvoir se servir du sabre ou de l'épée peuvent toujours refuser ces armes, à moins que l'insulté ne l'ait été avec voie de fait.

Ainsi, les témoins d'un homme ayant perdu le bras droit, si c'est un droitier, le bras gauche, si c'est un gaucher, les témoins d'un homme amputé d'une jambe, peuvent se prévaloir de ces infir- mités pour opposer une fin de non-recevoir absolue à la prétention qu'aurait l'offensé du premier et du second degré de leur imposer l'épée ou le sabre.

Mais il en est autrement si l'offensé a essuyé de la part de l'in- firme une voie de fait.

<( Il nous a paru sage, écrit Chateauvillard, page 102, que l'homme estropié fût forcé de prendre l'arme de la personne qu'il insulte avec coups et blessures ; car, après tout, il ne tient qu'à lui de n'avoir pas recours à cette extrémité. Il est à présumer que, puisqu'il a eu la force de se faire justice par une pareille violence, il sera capable d'en faire autant l'épée à la main.

tt De plus, si on prenait toujours en considération son empê- chement physique, il deviendrait, lui impotent, le plus avantagé, car son étude a se porter spécialement sur le pistolet.

« Mais si ses témoins font ce refus, ceux de l'insulté choisissent parmi les duels au pistolet celui qui lui convient le mieux et la distance qu'il préfère ^ »

Il est juste que l'insulté, qui est obligé de subir l'arme de l'impo- tent, soit libre de choisir parmi les duels au pistolet légaux celui qui lui parait le moins désavantageux et la distance à laquelle il est habi- tué. Cette option ne peut être pour lui qu'une faible compensation des avantages qu'il perd en perdant le choix des autres armes.

Les témoins d'un borgne peuvent refuser le pistolet, mais seu- lement lorsque l'offense à laquelle il s'est livré est du premier degré. Lorsque son adversaire se trouve offensé avec injure grave ou voies de fait, il est obligé de subir l'arme choisie par la partie adverse*.

Il était naturel de préserver moins efficacement, comme le fait très justement remarquer M. Tavernier, le borgne dont l'infirmité

1. Voyez Giateauvillard, chapitre iv, article 18.

2. Ibidem, chapitre iv, article 17.

I i

426 PREMIÈRE PARTIE.

est moins complète, eu égard au pistolet, que ne Test celle de l'am- puté, par exemple, en face de Tépée.

On a élevé des objections contre la solution donnée à cette question. On a dit : « Pourquoi ne peut-on pas provoquer le borgne à toute espèce d'armes, y compris le pistolet?

« Est-ce qu'on ne ferme pas Pœil au pistolet pour mieux viser, et ne devient-on pas ainsi borgne volontairement? »

M. Tavernier l'explique clairement :

a Le borgne, écrit-il, ne voit pas, avec son œil unique, de la même manière que lorsque vous fermez un œil pour viser. De inégalité absolue, s'il n'est pas exercé. De plus, la vue dans le com- bat à Fépée n'est plus l'auxiliaire pour ainsi dire unique du tireur, comme dans le duel au pistolet.

a Au pistolet, c'est le coup d'œil, le rayon visuel, qui est l'agent vraiment actif. Dans le combat à l'épée, certes, le coup d'œil n'est pas à dédaigner; mais c'est un peu l'accessoire.

« Il y a en effet autre chose. Il y a la main qui pare, les jambes qui vous permettent d'éviter un coup en rompant.

<c 11 y a le sentiment du fer qui seconde très puissamment une vue imparfaite.

(( Au pistolet, l'homme qui y voit mal ne peut appeler à son secours aucune de ces ressources. »

Les infirmités anodines ou de minime conséquence sont insuf- fisantes pour procurer à celui qui en est atteint le droit d'alléguer l'impotence *.

Cependant il existe des infirmités qui, sans procurer à l'agres- seur le droit de refuser l'arme de l'adversaire, lui procurent celui de se soustraire à certaines conditions dont l'exécution lui est im- possible à cause de son infirmité.

Par exemple, le sourd sera-t-il tenu d'accepter un duel au com- mandement ou au signal, la perception de paroles et de nombres rapidement prononcés constitue l'essence même de la rencontre ?

Non. L'offensé ne perdra pas pour cela le droit d'imposer le pistolet, mais il devra choisir un genre de duel Touïe ne joue pas un rôle prépondérant et puisse être remplacé par un signal s'adres- sant à rœil.

Toute exception d'infirmité ou d'impotence doit être discutée par les témoins et, en dernier ressort, par les membres d'un jury d'honneur, qui, jouissant d'une autorité plus considérable, seront plus aptes que les premiers à mener à bien une entreprise si déli-

i. Voyez Chateauvillard, page 102.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. Ml

cate, et à couper court aux récriminations qui peuvent en résulter.

II est, du reste, indispensable, et nous insistons sur ce point, que leur décision soit appuyée d'un examen médical. En effet, l'in- firmité ou l'impotence peut résulter de causes qui ne sont pas apparentes, comme la perte d'un bras ou la perte d'une jambe, et l'impossibilité de se servir de Parme imposée par Toffensé n'en être pas moins réelle.

N'oublions pas qu'à raison de l'importance du rapport médical, il faut que les personnes, quelles qu'elles soient, témoins, arbitres ou jurés, appelées à se prononcer sur une exception de cette espèce, fl^entendent avant toute chose pour désigner le ou les hommes de l'art qui seront consultés ^

Lorsque les infirmités ne sont pas suffisantes pour empêcher que celui qui en est atteint se serve de l'arme choisie ou remplisse les conditions du duel, mais sont de nature à lui créer un désavan- tage, peut-il exiger de son adversaire l'emploi de moyens qui ren- dent la partie égale ?

Par exemple, dans un duel au pistolet, si Tun des antagonistes se trouve obligé par sa conformation de tirer en restant de face et en visant droit devant lui, ce qui l'oblige à présenter le corps tout entier, au lieu de se placer de profil et en s'effaçant, peut-il exiger que son adversaire adopte cette posture anormale ?

La question a été soulevée dans l'affaire Ledat-Maizeroy (voyez Écho de Paris, 13 octobre 1892) et n'a pas reçu de solution, car l'ar- bitrage proposé par les témoins de M. Maizeroy ne fut pas accepté.

Nous croyons qu'elle doit être résolue dans le sens de la néga- tive, spécialement si, comme dans l'affaire qui nous occupe, c'est l'infirme qui a désigné l'arme. Il suffit que son adversaire se con- forme aux règles générales du duel choisi, pour qu'il n'ait rien à exiger de plus.

La question de surface n'est pas à examiner.

S'il en était autrement, tout combattant obèse, en face d'un adversaire en lame de couteau, pourrait émettre la même préten- tion avec autant de droit, ce qui est admissible.

11 faut considérer, en outre, que l'adoption de cette condition n'aurait pas eu pour résultat de rétablir l'égalité entre les deux adversaires. Elle créait, au contraire, un avantage en faveur de M. Ledat, car elle lui permettait de tirer dans une position qui lui était familière et à laquelle H. Maizeroy n'était pas habitué.

1. Voyez affaire des l***-j***-M***, Gazette des Tribunaux, 4-5 octobre 1880, appendice 22, et appendice ti? 6.

4S8 PREMIÈRE PARTIE.

On objecte que, dans un duel entre Benjamin Constant et H. Forbin des Issarts, les deux adversaires tirèrent assis chacun dans un fauteuil, parce que Benjamin Constant était trop faible pour rester debout.

Ceci ne prouve rien, car H. Forbin des Issarts était maître d'accepter ou de remettre la rencontre au temps oCi son antago- niste se trouverait assez fort pour garder la position verticale sur le terrain.

Il accepta comme il était libre d'accepter toute autre condition non contraire aux règles du duel, mais on ne pouvait l'y forcer.

CHAPITRE XIII Des témoins. Qualité d'un bon témoin.

On n'est jamais tué que par ses témoins. Lorsqu'on réfléchit à la légèreté avec laquelle certaines personnes acceptent ce rôle dif- ficile, on comprend la justesse de cette boutade répétée si souvent, qu'elle est devenue un lieu commun ^

Les uns ne veulent que sang et combat et vous laisseraient égorger volontiers pour avoir le plaisir d'assister à un duel émouvant

Les autres se préoccupent médiocrement de votre honneur, et sont prêts à faire toutes les concessions pour se débarrasser d*une corvée.

Le rôle d'un bon témoin exige des qualités exceptionnelles, nécessitées par les charges multiples qui lui incombent. Écoutons Chateauvillard, page 105 :

u Après avoir rempli tour à tour le rôle de confidents, de con- ciliateurs, d'avocats, afin d'obtenir pour celui dont ils prennent la charge les meilleures conditions ou des réparations honorables, le rôle de juges du champ clos au moment du combat, ils ne doivent avoir qu'une seule pensée, celle de faire justice du coupable s'il arrive que le combat se passe hors des règles voulues. Ils ne sont plus les avocats des adversaires; ils sont leurs juges, mais ils ne sont jamais leurs seconds. »

Nous voyons que les témoins doivent joindre la conciliation à la fermeté.

1. Voyez affaire Dupuia-Habcrt, Gazette des Tribunaux, 25 juin 1888. Appendice Do23.

OFFENSES. RÈGLES DU DDEL. 429

Ils doivent être conciliants. Leur intérêt les engagea essayer par tous les moyens compatibles avec Thonneur et la conscience de dénouer pacifiquement l'affaire.

En effet, bien que la loi pénale considère les témoins comme complices, les tribunaux ont admis, dans certains cas, que s'ils ont bien réellement fait tous leurs efforts jusqu'au dernier moment pour empêcher la rencontre, ils peuvent, quoique ayant assisté au combat, être soustraits à la prévention de complicité du délit \ sur- tout lorsque leur assistance a eu pour but d'éviter de plus grands malheurs *.

Ils doivent être fermes, car, outre qu'ils s'exposent au camou- flet d'un désaveu humiliant, les témoins qui, par pusillanimité, se sont laissé entraîner à des actes préjudiciables à l'honneur de leur client, assument Tobligation de lui accorder réparation.

Ils doivent être diplomates, car les préliminaires du duel consti- tuent une partie la vie et l'honneur sont en jeu, et pour le gain de laquelle l'adresse est permise, lorsqu'elle ne s'écarte pas de la probité.

Certains arguments gagnent à être présentés sous certaines faces. Certains avantages demandent à être étalés, certains points faibles à être masqués.

Les témoins seront, autant que possible, d'âge moyen, car à cette période de la vie correspond l'apogée des forces physiques et morales.

Leur respectabilité doit être indiscutable.

Joignez à cet ensemble la connaissance des règles du duel, l'expérience des affaires d'honneur, l'habitude des armes, le coup d'oeil et le sang-froid, et vous aurez le bon témoin.

S'il est doté d'un ensemble physique et social qui en impose, vous aurez le témoin décoratif, l'idéal de M. Tavernier, celui que nous souhaitons à tous nos lecteurs.

Nous terminons ce chapitre en signalant une erreur dans laquelle tombent parfois les antagonistes en quête de témoins. Ils sont trop portés à choisir pour ce rôle des hommes doht le seul mérite est de bien tirer Tépée ou le pistolet. A coup sûr, la con- naissance des armes ne nuit pas, nous sommes les premiers à le reconnaître; mais il tombe sous le sens que tel qui sait à merveille tromper un contre sera peut-être très malhabile à arranger une affaire ou à soutenir les droits de son client.

L'intelligence, le tact et les autres qualités énumérées plus haut doivent aller de pair.

i. Cassation, 4 janvier 1845, Dalloz, année 1845, V partie, page 60. 2. Cassation, 22 août 1848, Dalioz, année 1848, l'« partie, page 164.

9

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430 PREMIÈRE PARTIE.

CHAPITRE XIV

Empêchements au rôle de témoins.

Nous yenoDs d'examiner quel est le maximum de qualités que le mandant doit souhaiter rencontrer dans son mandataire. Exa- minons maintenant quelle somme minima ce mandataire doit pos- séder, sous peine de léser les justes intérêts de la partie adverse et d'être récusé par elle.

Ces qualités obligatoires sont :

1<» L'honorabilité ; 2** impartialité ; 3* le désintéressement dans Taffaire ; k'' les conditions physiques et intellectuelles in- dispensables pour l'exécution de son rôle.

Honorabilité.

L'honorabilité parfaite est la qualité primordiale d'un témoin. Sont récusablesy par conséquent, ceux qui ne la possèdent pas intacte.

Les causes d'indignité sont les mêmes pour les témoins que pour les adversaires *.

Impartialité.

Les proches parents, père, grand-père, fils, petit-fils, frère, en un mot ceux en faveur de qui la substitution est permise, ne peu- vent pas plus être témoins pour que contre les parents auxquels ils pourraient se substituer*.

Le débiteur ne saurait être témoin contre son créancier, etc.

Les liens du sang qui unissent les premiers, la situation déli- cate où se trouvent les seconds, sont censés leur enlever la liberté d'appréciation et l'esprit de justice qui constituent le principal devoir d'un témoin ^

i. Voyez notre chapitre xii, articles 6, 7, 8, 9.

2. Voyez Chateauviilard, chapitre iv, article 25. —Affaire Clovis Hugues -Desmes, assises des Bouches-du-Rhône, Gasette des Tribunaux^ 22 et 23 février 1878. Appen- dice no 24.

1. Voyez chapitre xii, articles 1, 2, 4.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 434

Désintéressement dans l'affaire.

Par ces mots, il faut entendre que les témoins ne doivent avoir aucun intérêt qui puisse influer sur leur conscience et leur liberté dans l'affaire actuellement pendante.

Sont récusables entre autres :

Les personnes qui ont demandé une réparation à propos d'une offense atteignant une collectivité d'individus, soit par un cartel collectif, soit par cartels individuels ^

Les personnes qui ont participé à Toffense, lorsqu'une même offense a été faite par plusieurs individus envers une môme per- sonne*.

Les personnes qui ont demandé réparation à propos d'offenses commises dans diverses querelles successives, par un même indi- vidu, envers des personnes différentes ^

Ici se pose une question délicate.

Peut-on récuser un ancien adversaire uniquement à raison de cette qualité?

Non, au point de vue du droit strict, s'il n'a pas d'intérêt dans raffaire pendante et s'il n'existe entre lui et l'antagoniste de son mandant aucune animosité actuelle et constatée.

Mais si cette qualité d'ancien adversaire ne constitue pas un motif suffisant de récusation, il n'est pas douteux qu'elle ne soit un danger pour celui qui la possède, et ne doive l'engager à s'abstenir. Si son client viole, par exemple, une règle du duel, ou commet un acte déloyal, quelle sera sa position devant l'opinion publique et la justice? Extrêmement fausse évidemment ^

Conditions intellectuelles et physiques nécessaires pour

l'accomplissement du rôle.

Dans un duel, les témoins sont appelés à payer de leur intelli- gence, aussi bien dans l'intérêt de l'une que dans l'intérêt de l'autre partie.

Sont récusables, par conséquent, les individus atteints de ma- ladies mentales, les mineurs, les vieillards dont les facultés ne sont plus à la hauteur de leur mission, etc.

Leurs qualités physiques sont également mises à contribution dans l'intérêt commun.

1. Voyez chapitre IX, article premier. Tavernier,i4rt du du«l, page 271.— Affaire de Pène-Courtieis-Hyene. Appendice 25, avec renvoi au iO.

2. Voyez chapitre ix, article 2, et Tavernier, ibidem,

3. Voyez chapitre ix, article 3.

4. Voyez affaire Dupuis-Habert, Gazette des Tribunaux, 2b, 26, 27 juin 1888. Appendice d9 26.

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43S PREMIÈRE PARTIE.

Est récusable, par conséquent, tout homme qu'une infirmité quelconque rend incapable de remplir sa charge. Ainsi, dans un duel à l'épée, un boiteux ou un manchot n'aura généralement ni la dextérité ni la force suffisante pour suivre les adversaires dans leurs évolutions, et pour arrêter immédiatement la lutte, en cas de blessures ou d'inobservation des règles du duel.

Le sourd n'entendra pas le commandement ou les paroles d'arrêt, etc.*.

CHAPITRE XV

Engagement de Tafiàire. Constitution de témoins.

Aussitôt après avoir essuyé une offense, la personne offensée dit à son adversaire : u Monsieur, je vous enverrai mes témoins. »

C'est le meilleur moyen d'éviter que la querelle ne soit enve- nimée par la galerie ou ne dégénère en voie de fait, ce qui enlève- rait toute chance de conciliation.

Si les adversaires ne se connaissent pas, il y a échange de cartes et d'adresses. « Monsieur, veuillez me donner votre carte, » con- stitue la formule consacrée.

Quand bien môme le différend ne paraîtrait pas à celui qui reçoit cette demande suffisant pour motiver un échange de cartes, nous lui conseillons de s'exécuter immédiatement, car un refus l'exposerait à des injures, à des accusations de lâcheté ou à des vio- lences regrettables^

Celui qui demande réparation est tenu d'envoyer le premier ses témoins.

Ils se rendent au domicile de Tadversaire, ordinairement dans la matinée, heure à laquelle on est censé devoir le trouver plus facilement.

La courtoisie veut que, si l'adversaire est marié ou s'il vit dans sa famille, ils Talent prévenu la veille de leur visite et lui aient demandé un rendez-vous.

S'ils ne le trouvent pas, ils lui laissent leur carte sous enve- loppe, en ayant soin d'ajouter un mot annonçant qu'ils viennent de la part de M. X..., et qu'ils prient le destinataire de cette carte de

1. Voyez notre chapitre xii, articles 10, U, i2.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. f33

Touloir bien désigner une heure et un endroit ils rencontreront ses témoins.

En principe, c'est la personne chez laquelle on se rend qui a le droit d'indiquer l'heure et le lieu des conciliabules ; mais les témoins adverses peuvent, dans la lettre dont nous venons de parler, pro- poser le domicile de Tun d'eux.

Si l'adversaire ne répond pas, ils lui adressent une lettre recommandée, par laquelle ils le préviennent qu'en cas de non- réponse dans les vingt-quatre heures, ils considéreront ce silence comme un refus de duel.

Cette marche, que nous avons empruntée à H. JoliivetS est également suivie dans le cas l'offensé n'a pas pu répondre à Toffense par un cartel instantané; si, par exemple, elle s'est pro- duite dans un article de journal dont il n'a pas eu connaissance immédiate.

Elle est d'une exécution facile à Paris et dans les grandes villes, tout est simplifié : recherches de témoins, démarches et dis- tances ; mais elle présente quelques, inconvénients lorsque l'affaire se passe en province, et surtout à la campagne. Elle expose les témoins à des courses longues et souvent infructueuses.

Elle les assujettit quelquefois à des réceptions embarrassantes, ou à des scènes pénibles. Ils peuvent être reçus, comme nous l'avons entendu raconter, par (une femme enceinte, qui se doute de leur mission, se pâme et les met dans la plus ridicule situation; par une mère, qui vfiut à toute force leur offrir le vivre et le couvert jus- qu'au retour de son flls, hospitalité qu'ils sont obligés d'accepter, à cause de la neige et du verglas qui les bloquent et de la distance considérable qui les sépare de tout abri.

Mieux vaut, à notre avis, qu'ils préviennent de suite l'agresseur, par lettre chargée, que tel jour, à telle heure, ils se présenteront chez lui dans tel but. Ils calculent la date de cette visite de manière à lui laisser largement le temps de répondre.

Celui-ci, toujours par lettre chargée, accepte le rendez-vous, ou en offre un plus abordable ou moins susceptible d'effrayer son entourage. Il peut aussi leur désigner immédiatement deux manda- taires avec lesquels ils pourront s'aboucher.

Si l'agresseur ne répond pas dans un délai raisonnablement calculé, l'affaire reprend le cours indiqué précédemment, c'est-à- dire que les témoins de l'offensé se rendent au domicile de son adversaire et procèdent comme nous avons dit.

Cette modification à la marche ordinaire donne à Tagresseur un

1. \oyeiV Escrime et le duel, page 200.

43« PREMIÈRE PARTIE.

délai plus considérable pour se munir de témoins, chose souvent longue et difficile à la campagne, et même dans les villes de pro- yince, le duel est une rareté, et les amis ne cherchent qu'à esquiver la corvée.

Elle éyite en même temps l'immixtion gênante et énervante des femmes, toujours fâcheuse en pareille occurrence. Il est vrai qu'elles peuvent ouvrir ces lettres. Dans ce cas, nous avouons être à bout d'expédients, et renonçons à protéger d'une manière plus efficace un homme entouré d'une inquisition si vigilante.

Délais pour constituer des témoins et pour y répondre.

Leur nombre.

En principe, l'appel doit être adressé avant l'expiration des vingt-quatre heures à partir de l'offense connue.

La réponse de l'appelé doit être donnée et la constitution des témoins opérée avant Texpiration du même délai, à partir de l'envoi des témoins porteurs du cartel.

Donc, à partir du moment vous avez connu l'offense, vous êtes tenu d'envoyer vos témoins dans les vingt-quatre heures. De même, si vous recevez un cartel, vous devez y répondre et constituer vos témoins dans les vingt-quatre heures qui suivent la visite des témoins adverses et la remise du cartel ^

Hâtons-nous d'ajouter que ces délais ne sont pas sacramentels et ne sauraient être appliqués d'une façon draconienne.

Ils constituent une moyenne qui doit être, autant que possible, observée, et pas autre chose*.

M. G. Jollivet accorde deux jours à Toffensé pour envoyer ses témoins ^

Tous reconnaissent que certaines questions de fait (éloigne- ment, cas fortuits, maladie) peuvent excuser un relard.

Une prolongation ne saurait donc être refusée à la partie qui justifie d'une raison suffisante. Nous considérons comme suffisante la demande d'une prolongation de délais pour trouver des témoins, adressée par un adversaire qui affirme ne pouvoir se les procurer dans les vingt-quatre heures.

L'appelé qui se trouve en face de cet empêchement, plus sérieux qu'on ne le croit en général, devra donc prévenir immédia-

1. Voyez Chateauvillard, chapitre m, article 9. Tavemier, page 47.

3. Cette solution résulte des termes mômes employés par Cbateauvillard et des réserves expresses faites par UM. Tavemier, page 267, et Du Verger de Saint-Thomas, page 210.

3. Voyez VEscrime et le duel, pages 200 et 214.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 435

tement les mandataires adverses, leur demander une prolongation de délais et une attestation de cette demande.

S'ils s'y refusent, s'ils prétendent considérer sa requête comme une fin de non-receyoir, il réclamera énergiquement la réunion d'un jury d'honneur, chargé de se prononcer sur la raison suffisante du supplément de délais.

Observons, du reste, que l'entêtement des témoins adverses à s'en tenir à la lettre de la règle et à ne vouloir pas examiner la valeur des raisons invoquées serait mal interprété et considéré comme un prétexte mis en avant par leur client, pour profiter d'un cas de force majeure et esquiver ainsi les dangers de la rencontre.

Quel doit être le nombre des témoins?

Us ne peuvent être moins de quatre ; deux pour chacune des parties.

Cette règle, admise par la majorité des auteurs, doit être reli- gieusement observée, sous peine d'exposer les individus qui accep- teraient la direction d'une affaire en pareilles conditions, et les com- battants eux-mêmes, à une lourde responsabilité en cas de dénoue- ment fatal et de poursuites judiciaires.

L'éventualité d'une intervention delà justice ne doit jamais être perdue de vue.

L'opinion contraire est enseignée par M. JoUivet à la page 194 de son livre l'Escrime et le duel ; mais nous la considérons comme imprudente ^

CHAPITRE XVI

Rôle des adversaires et des témoins à partir du moment l'affaire est engagée jusq[u'à la première réunion de ces derniers.

Les adversaires ont des devoirs à remplir vis-à-vis l'un de l'autre et vis-à-vis les témoins.

Les témoins ont des devoirs à remplir vis-à-vis l'homme qui demande leur assistance et vis-à-vis son adversaire.

1. Voyez affaire Lullier-BoiroD, Gaxette de$ Tribunaux, 21 novembre 1868. Appen- dice 0* S7.

U6 PREMIÈRE PARTIE.

\o Devoirs des témoins vis-à-vis leur client.

Les personnes dont les adversaires sollicitent le concours doivent se faire raconter l'affaire par le mena. Elles jugent si elle mérite qu'on y donne suite, et, après avoir offert leur avis, acceptent ou refusent le mandat qui leur est proposé.

Mais, dans Tun ou dans Tautre cas, elles se rappelleront que leur devoir strict est de garder une discrétion absolue.

« Le témoin, écrit Chaleauvillard, page 97, est, pour ainsi dire, le confesseur de celui qui lui accorde sa confiance. Il doit garder le secret de sa conférence, obtenir l'aveu de sa peosée et de son désir. Ainsi, par exemple, un combattant peut dire au témoin : « Faites u tous vos efforts pour que l'affaire ne s'arrange pas; ma querelle « est déterminée par une cause secrète. »

c( Il peut dire aussi : « Faites tous vos efforts pour que l'affaire « s'arrange. » Il éprouve des regrets ou désire ne pas se battre.

« Il lui suffira que son honneur soit sauf.

« Si ces propositions qui lui sont faites, à lui témoin, s'ac- cordent mal avec ses principes d'honneur, après les avoir combat- tues, il doit se récuser, sans jamais trahir le secret de l'homme qui lui a confié sa faiblesse, sa haine ou son désir de vengeance, sous peine d'être considéré comme manquant de délicatesse et ayant forfait à l'honneur. »

Par le temps de reportage effréné que nous traversons, Tim- mixtion de la presse dans des affaires qui devraient lui être fermées est passée dans nos mœurs, nous croyons indispensable d'insister sur cette obligation trop souvent oubliée. Ajoutons que l'indiscrétion du mandataire peut donner au mandant qualité pour lui demander réparation du préjudice qu'il en a éprouvé.

Si les témoins croient pouvoir accepter le mandat qui leur est offert, après mûr examen et minutieuses explications, ils demandent à leur client ses instructions écrites et s'en pénètrent de manière à ne laisser échapper aucune chance avantageuse.

Nous disons qu'ils les lui demandent écrites.

Le rôle de témoin est, en effet, une corvée si lourde, qu'il ne faut pas s'étonner si ceux qui l'assument prennent leurs pré- cautions.

Outre une absence de mémoire, ils ont à redouter le moment de désarroi qui suit un duel malheureux ou déloyal, pendant lequel chacun rejette sur son voisin la responsabilité qui lui incombe.

C'est le quart d'heure des désaveux, des ignorances et autres agréments du témoin qui n'a pas pris ses précautions.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 437

Avec le mandat écrit, rien de pareil. Chacun sait ce qu*il a à faire et marche droit ^

2^ Devoirs des témoins vis-à-vis la partie adverse.

Les témoins porteurs d'un cartel yerbal doivent se borner à décliner leurs titres et qualités à l'adversaire qui les reçoit, et à lui expliquer brièvement, sans commentaires inutiles et toujours poli- ment, qu'ils viennent lui demander, pour telle raison, rétractation, excuses ou réparation par les armes.

Ils le prient enfin de leur désigner deux témoins avec lesquels ils conféreront.

S'agit-il d'un cartel écrit, ils s'assureront qu'il est rédigé sous forme de lettre, motivé brièvement, sans qualification blessante, et terminé par une formule en usage dans la bonne compagnie.

Ils refuseront de le transmettre s'il est inconvenant.

Ils se rappelleront, en eff^et, qu'un cartel de ce genre ferme la porte à toute conciliation et gâte Taflaire de l'expéditeur et des messagers, si la justice intervient.

Ils feront comprendre à l'offensé qu'une provocation outra- geante, entrant en ligne décompte dans l'appréciation des offenses, risque de déplacer les rôles '.

Les témoins ne doivent en aucun cas entrer en discussion avec l'adversaire auquel ils transmettent l'appel de l'offensé, sauf dans le cas, assez rare, ils peuvent espérer enlever une solution avantageuse pour leur client, et ils ont intérêt à battre le fer pendant qu'il est chaud. Il y a, du reste, péril à se découvrir dans les premiers pourpalers.

Si l'adversaire qui reçoit l'appeh persiste à discuter, s'il refuse une réponse immédiate, s'il ne veut pas accepter le duel ou constituer des témoins, les porteurs du cartel se retirent et dressent procès-verbal.

C'est seulement avec les mandataires constitués par celui qui reçoit la provocation qu'ils peuvent s'expliquer '.

Quelques mots sur l'intervention d'un ami commun.

Si les adversaires sont liés ensemble, il n'est pas douteux qu'un ami commun ne puisse essayer une démarche conciliatrice. L'ami, n'étant qu'un simple intermédiaire sans caractère officiel, peut discuter et faire des démarches interdites aux témoins, s'il espère ainsi négocier un rapprochement. Dans cette hypothèse, point de

1. Voyez affaire Nagaet-Monvielle, Gazette det Tribunaux du 9 août 1887. Appen* dice 28.

2. Voyez appendice n^ 29.

3. Voyez Tavernier, âge 46.

438 PREMIÈRE PARTIE.

règles à observer. L*intermédiaire bénévole agit au mîeax de la paix qu'il veut obtenir.

Les témoins qui adressent une letti'e chargée pour annoncer le jour, l'heure et le but de leur visite à la personne qu'ils veulent appeler, ne manqueront pas de s'assurer, avant de rédiger un pro- cès-verbal de carence en cas de rendez-vous manqué, que leur lettre est bien arrivée à son adresse dans les délais qu'ils avaient prévus.

Pour cela, ils consultent le registre d'émargement le réci- piendaire a signer. Ce registre porte, en effet, la date de la remise et fait foi si la signature est bien de la main de celui à qui la lettre était adressée.

Cette précaution n'est pas inutile. En effet, lorsque la maison est connue du facteur, principalement à la campagne et dans les petites villes, il remet parfois les lettres chargées à la femme, aux parents habitant la même maison, qui signent pour le destinataire. Est-il absent? la missive l'attend précieusement enfermée, à moins qu'elle ne soit ouverte et dissimulée pendant une période d'hésita- tions et d'inquiétudes aussi préjudiciables que naturelles.

Dans ce cas, la personne appelée n'est pas blâmable si elle ne répond pas dans les délais, car, pour des causes indépendantes de sa volonté, elle a ignoré le rendez-vous ^

Les témoins porteurs d'un cartel ne doivent jamais être armés.

La même interdiction s'applique également à celui qui le reçoit*.

3"" Devoirs des adversaires l'un envers Fautre.

A partir de la remise des cartes, l'affaire est engagée. Toute discussion doit cesser entre les adversaires.

Ils ne peuvent plus communiquer que par l'intermédiaire de leurs témoins.

Ce principe est absolu.

Pour nous servir d'une expression exagérée, mais qui rend bien la pensée du législateur en matière de point d'honneur, ils sont sacrés l'un pour l'autre au point de vue de nouvelles offenses.

Celui qui publierait dans un journal ou colporterait, comme cela arrive quelquefois, que son antagoniste a peur de lui, qu'il ne

1. Voyex affaire de Sirèmes-de Loucelles, Gasettedu Tribunaux, 39 janvier 1834. Appendice n* 30.

2. Voyez affaire Victor Noir-Pierre Bonaparte, Haute cour de justice, 21 mars 1870. Appendice 31.

OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. U9

se battra pas, et autres allégations déshonorantes, commettrait une faute grave contre les règles du duel ^

Les adversaires ne peuvent, sous aucun prétexte, se présenter à leurs domiciles réciproques pour se provoquer, régler les condi- tions du duel ou tenter la conciliation.

Qui peut prévoir le dénouement d'une entrevue seul à seul? Ne peut-elle cacher un guet-apens*?

Toute entrevue consentie pour ménager un rapprochement doit avoir lieu au domicile d'une tierce personne ou en terrain neutre et en présence des témoins.

L'entrevue sur un terrain neutre coupe court à bien des suscep- tibilités. La présence des témoins empêche que de courtoises expli- cations ne dégénèrent en discussions passionnées. En cas d'arran- gement, elle empêche que les conditions ne soient déniées ensuite.

Observons que les parties et les témoins qui refuseraient une entrevue conciliatrice assumeraient une grande responsabilité, par- ticulièrement en cas de poursuites devant les tribunaux. C'est un point de vue trop négligé, et qui peut attirer des réveils désagréables. Nous aurons à maintes reprises Toccasion de le constater, lorsque nous traiterons la responsabilité pénale et civile des témoins.

40 Devoirs des adversaires vis-à-vis les témoins.

La partie appelée doit accueillir avec courtoisie les mandataires adverses, les écouter sans interruption et leur donner sans com- mentaires une réponse immédiate et catégorique. Peu importe qu'elle refusela rencontre ou qu'elle oppose une question préalable. Cette attitude est obligatoire dans tous les cas. Il serait, par consé- quent, incorrect de refuser de les recevoir ou d'entrer en pour- parlers avec eux.

Il faut toujours répondre à un envoi de témoins par une consti- tution de témoins, même lorsqu'on juge le motif du différend trop peu grave pour nécessiter une rencontre.

En effet, s'il n'y a pas constitution, les témoins adverses se retirent et dressent un procès-verbal constatant simplement le refus de duel, qui produit toujours mauvais effet.

En cas d'arrangement, la partie qui le consent seule avec les témoins adverses parait avoir cédé à la pression et à la crainte.

1. Voyez affaire Dichard-de Bfasaas, GazetU des Tribunaux^ 26 et 27. septembre 18S2.. Appendice, qo 32.

2. Voyez affaire Roziez-de M***, Gazette des Tribunattx des il au 16 mars, 30 mars, 17 a?ril, 4 au 6 mai, 22 au 30 mai, 8 Juin 1858. Appendice, 33.

440 PREMIÈRE PARTIE.

Lorsqu'il y a eu offenses réciproques, il peut arriver que les deux antagonistes croient avoir rang d'offensé.

Dans cette occurrence, ils ne doivent point attendre, chacun sous sa tente, que Tautre fasse les premières démarches et engage l'affaire.

Peu importe qui commence.

Nous leur conseillons de constituer rapidement leurs témoins. La temporisation ne fait qu'envenimer les choses et prêter aux commentaires malveillants de la galerie ^

Est-il besoin d'ajouter que les adversaires ne doivent jamais assister, sans nécessité absolue, aux entretiens des témoins, et à plus forte raison participer aux discussions que l'affaire peut motiver «.

CHAPITRE XVII

Rôle des témoins une fois constitués. Instz*uction de l'afEBÔre. Constatation des faits.

Les témoins, une fois constitués, conviennent d'un rendez-vous pris pour le moindre dérangement mutuel.

Les témoins de rappelant vont trouver naturellement ceux de rappelé pour fixer la réunion. C'est à eux de faire la première démarche.

Aussitôt abouchés, ils commencent par essayer de s'entendre sur le choix d'un auteur destiné à leur servir de code. Ils s'engagent à le consulter et à s'y conformer en cas de désaccord.

Mention de l'auteur choisi est faite dans les protocoles du procès- verbal de rencontre.

Nous ne saurions trop insister sur les avantages d'une telle entente, qui met de suite l'affaire en voie de légalité et évite les consultations et les arbitrages, qui retardent quelquefois la solution. Cette clause est souvent insérée dans les procès-verbaux en Italie ^

Comme nous l'avons dit chapitre premier, nous conseillons

1. Voyez affaire Ritter-Appleton, Gazelle des Tribunaux, 2 et 3 avril 1873. Appen- dice, no 34.

2. Voyez affaire Levasseur-Arregiii, Gazelle des Tribunaux du 24 janvier, 20 fé- vrier, 14 mars 1842. Appendice, n<> 35.

3. Voyez Angelini, Codice cavallerescOf chapitre xv, paragraphe premier.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 444

d'abord Ghateauvillard et son JB^sat sur le duel, puis Tavernier avec son Art du duel, ensuite Du Verger de Saint-Thomas.

Nous engageons, du reste, les témoins qui ont une préférence à ne pas trop chicaner pour l'adoption de leur ouvrage de prédi- lection. Les points essentiels sont traités à peu près de même par- tout. L'important est que la condition d'un choix quelconque soit adoptée ^

Cette question vidée, les témoins échangent leurs pouvoirs^.

Ils examinent ensuite les questions préalables qui peuvent leur être opposées.

Elles se rapportent :

A l'identité; 2'* à Tâge; à l'impotence et aux infirmités; W à la parenté; 5** à la moralité des personnes et des querelles; 6* aux questions d'argent; 7*" à la profession; 8*" à l'axiome : u Une seule réparation pour une même offense. »

Identité. Les offenses étant personnelles et devant se venger personnellement, la première chose à examiner est la question des substitutions et des responsabilités '.

Age^.

Impotence. Infirmités *.

Parenté •.

Moralité des personnes ''.

Moralité des querelles.

On oublie trop souvent de rechercher si le motif de la querelle n'est pas contraire à l'honneur. Des témoins expérimentés donne- ront à un appel de cette espèce un dénouement tout autre que celui rêvé par l'agresseur *.

Lorsque la cause du duel n'a pas été correcte, lorsque, par exemple, l'offense a été combinée dans un but qui s'éloigne d'au- tant plus du vrai point d'honneur qu'il se rapproche d'un intérêt vulgaire et inavouable ; quand, par exemple, celui qui adresse la provocation ne cherche pas une réparation à l'atteinte subie par sa dignité, mais quand il poursuit une réclame et veut faire du duel une plate-forme pour sa vanité, les témoins doivent ramener à leurs

i. Voyez, sur l*incoDvénieDt de négliger cette précaution, affaire Clemenceau- Déroulède et Clémenceau-Millevoye. Appendice n^ 4. Barbier-Mont-Louis, 114.

2. Voyez, sur le mandat des témoins, notre chapitre xx.

3. Voyez nos chapitres x et xi.

4. Voyez notre chapitre xii, articles 10 et 11.

5. Voyez ibidem, article 12.

6. Voyez ibidem, article 2.

7. Pour ce qui concerne la moralité des personnes, voyez ibidem, articles 2, 6, 7, 8 et 9.

8. Voyez affaire OUiyier-Feulhrade, Gazette des Tribunaux, 4 août 1876. Appen- dice no 3G.

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j

442 PREMIÈRE PARTIE.

vraies proportions de semblables différends. Ils déterminent, en conséquence, les responsabilités, opposent la question préalable ou refusent leur concours ^

La recherche des motifs réels d'une rencontre est une opération sur laquelle nous attirons particulièrement l'attention du lecteur. Sans être contraires à l'honneur, ces motifs peuvent être de nature à influer sur la décision des témoins et ne doivent pas en rester ignorés.

L'opération est délicate, car il arrive rarement que le motif exposé dans le cartel soit exempt de sous-entendus. Souvent, der- rière Toffense qui motive le cartel, se trouve une longue série de petits griefs accumulés, de malentendus, de jalousies. L'outrage final est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. C'est à débrouiller cet écheveau que les témoins emploieront leur intelligence et leur finesse.

Questions d'argent *.

Profession '.

Axiome : « Une seule réparation pour une même offense *. »

Lorsque les témoins ont éclairci les faits, lorsqu'ils les ont mis bien en place, en un mot lorsque la lumière est faite, ils doivent employer toute leur ténacité pour les faire reconnaître comme vrais par les mandataires adverses.

En effet, l'unanimité dans la constatation de l'existence du fait matériel, dépouillé de toute espèce de qualification, constitue la seule base véritablement solide sur laquelle ils pourront établir leurs négociations ultérieures ".

Ils ont le droit de suspendre la séance ou de la renvoyer si un supplément d'instruction est nécessaire, comme nous l'avons dit chapitre xv. Ils ne doivent pas se laisser intimider par la menace d'une question préalable pour avoir dépassé le délai de quarante- huit heures qui forme, d'après certaines personnes, le laps de temps sacramentel entre la réunion des mandataires et le duel.

Leur première obligation consiste dans la recherche de la vérité, cette recherche ferait-elle traîner la rencontre.

Une fois la constatation des faits matériels opérée, on doit la mentionner au procès-verbal rédigé avant la rencontre.

1. Voyez affaire Betz-Pierotti, 16, 17, 18 décembre 1889. Appendice n^ 37.

2. Voyez notre chapitre xii, article 4.

3. Voyez ibidem, article 3, et Exceptions d'indignité, in fine.

4. Voyez notre chapitre ix et notre chapitre xii, articles 1, 5, 6.

5. Voyez affaire de Marseul-Daudier, Gazette des Tribunaux, 14 février 1881. Appendice n** 38.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. Ai^

CHAPITRE XVIII Solutions données à TafEadre après la constatation des faits.

Une fois les témoins d'accord sur le fait matériel, ils peuvent donner deux solutions à l'affaire :

(a) Us peuvent décider qu'il n'y a pas eu offense suffisante pour motiver une rencontre ;

(b) Ils peuvent, au contraire, décider qu'il y a eu offense suffi- sante.

A. suis décident qu'il n'y a pas eu offense suffisante, un procès-verbal constatant cette solution est rédigé et signé par les quatre mandataires, en double expédition, dont un exemplaire est remis à chaque antagoniste, comme sauvegarde de son honneur.

Observons que ce procès-verbal n'engage pas toujours lesadver* sabres. En effet, s'ils n'ont donné à leurs mandataires qu'un mandat dont ils se sont réservé de contrôler l'exécution, s'ils estiment que ces mandataires ont excédé leurs pouvoirs, ils sont libres de les désavouer et de constituer de nouveaux témoins, s'ils n'aiment mieux recourir à un jury d'honneur*.

B. S'ils décident qu'il y a offense, les témoins doivent déter- miner, immédiatement après, la valeur de l'offense s'il n'en existe qu'une, et la valeur comparative des offenses s'il y a réciprocité.

Ils en assignent le degré conformément aux règles formulées dans nos chapitres n, m, iv et v.

Ils décident ensuite, en se reportant aux règles que nous avons tracées chapitre vin, à qui revient la qualité d'offensé.

S'ils ne s'entendent pas sur ce point capital, ils peuvent, à con- dition que les termes de leur mandat les y autorisent, s'en remettre à un arbitre du soin de les départager, ou demander la réunion d'un jury d'honneur. Dans aucun cas ils ne peuvent tirer au sort la qualité d'offensé, car cette qualité résulte de faits matériels et ne peut dépendre du hasard. Le contraire serait toujours un non-sens, et dans certains cas une injustice.

Cette prohibition parait être en désaccord avec ce que nous

1. Voyez notre chapitre xx.

44i PREMIÈRE PARTIE.

enseignons chapitre viii, articles 3 et 6. Il n'en est rien cependant, car dans les deux hypothèses prévues par ces articles, qui constituent, soit dit en passant, deux exceptions, ce n'est pas la qualité d'offensé qui est tirée au sort, ce sont les conditions de la rencontre ^

La détermination de la personne offensée doit être Tobjet de toute la sollicitude des témoins, non seulement à cause des préro- gatives qui y sont attachées, mais encore parce qu'en cas de pour- suites judiciaires, c'est Tauteur de Toffense qui est considéré comme le véritable provocateur, alors même que ce ne serait pas lui qui aurait envoyé le cartel, et qu'il peut résulter de des circonstances atténuantes en sa faveur *.

L'importance de cette détermination n'est pas moindre lorsque les tribunaux ont à statuer sur le montant des dommages et intérêts demandés en réparation de la mort ou de la blessure d'un des champions ^

Deux hypothèses peuvent se présenter à cet instant :

LES TÉMOINS ABOUTISSENT DANS LEURS TENTATIVES DE conciliation; ils ne parviennent PAS A ARRANGER

l'affaire.

1^^ hypothèse. Les témoins aboutissent dans leurs

tentatives de conciliation.

Une fois que les témoins sont tombés d'accord sur la personne à laquelle revient la qualité d'offensé et sur le degré de l'offense, ils doivent faire tous leurs efforts pour arranger l'affaire si elle est arrangeable. Leur devoir et leur intérêt sont d'accord pour les y pousser*.

C'est, du reste, à ce moment précis que les tentatives de conci- liation doivent avoir lieu. Plus tard, elles auraient moins de chances de réussir. Elles en auraient vingt contre une d'échouer si elles étaient faites sur le terrain \

1. Voyez affaire Reynach-Rochefort, 26 mars 1882, Anntmire du duel. Appendice no 39.

2. Voyer Paria, 21 mai 1840. Dalloz, Jurisprudence générale^ Duel, n<* i24.

3. Voyez Demolombe, tome XXXI, page 413. Larombière, tome V, page 510. Soardat, Responsabilité y tome l, n^ 108 bis.

4. Voyez chapitre XIU.

5. Voyez affaire Dupuis-Habert, Gazette desTribunatuc, 25, 26 juin 1888. Appen- dice no 40.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 445

Hais la première condition pour que les témoins de Tofieuse tentent d'amener leur client à un arrangement, c'est que la répara- tion qu*on lui offre soit proportionnée à l'offense ^

L'honnête homme qui a commis une offense ne doit pas refuser de la réparer, lorsque des témoins honorables, après examen appro- fondi de l'affaire, lui conseillent un arrangement compatible avec son bonnenr, lui déclarent que dans un cas semblable ils agiraient de même et offrent d'insérer cette déclaration au procès-verbal '.

S'ils ne prennent pas Tinitiative de cette déclaration, l'agresseur, auquel une proposition d'arrangement ou d'excuse est faite, doit leur poser carrément la question suivante :

« Considérez-vous que je doive faire telle excuse ou telle démarche? La croyez-vous compatible avec mon honneur? A ma place la feriez-vous? Êtes-vous prêts à le signer? »

La réponse des témoins est la meilleure épreuve de leur sincé- rité. Ils ne peuvent se refuser à la donner avec précision '.

Voilà pour Tagresseur; reste l'offensé.

11 est clair que, de même que le premier est libre de ne pas faire d'excuses, de même le second n'est pas tenu davantage à les accep- ter, s'il ne les considère pas comme opportunes ou suffisantes.

En cas de doute, il posera à ses témoins la question que Tagres- seur aura adressée aux siens : « A ma place, accepteriez -vous les excuses proposées? Êtes-vous prêts à le signer ? »

Qu'arrivera-t-il si, malgré l'avis de ses mandataires, l'offensé refuse d'accepter les réparations ou excuses proposées ?

Écoutons Ghateauvillard, chapitre m, article k :

« Si celui qui a fait l'insulte fait réparation suffisante, si cette réparation peut annuler l'offense d'après le dire des témoins de celui même qui a reçu Tinjure, si ces témoins déclarent qu'en pareil cas ils seraient satisfaits, et qu'ils sont prêts à le signer; si celui qui a calomnié, par exemple, écrit une lettre de réparation bien explicite, celui qui a fait la réparation, si elle n'est pas acceptée, ne prend point le rang d'agresseur, et les armes sont tirées au sort. Mais à un coup il n'y a pas d* excuse possible. Les réparations ne sont valables que faites devant les témoins réunis. »

1. Voyez affaire Baron-Pesson, Gazette des Tribunaux, 30 janvier, 2 férrier, 23 JoiD, 7, 14, 25 août 1837. Appendice n* 41.

2. Voyez CtiateauTillard, chapitre m, article 4.

3. Voyez affaire Dupuis-H&bert, Gazette des Tribunaux, 25, 26 Juin 1888. Appen- dice, no 42.

40

446 PREMIÈRE PARTIE.

La règle posée par Tauteur de l'Essai sur le duel est-elle absolue? L'offensé qui, malgré ses témoins, ue croit pas devoir accepter les excuses de son adversaire, perd-il forcément le choix des armes ?

S'il y a offense avec voie de fait, nous venons de voir qu'il est dans son droit strict. Si l'offense est une injure grave ou une offense du premier degré, il lui reste le droit d'en appeler à la décision d'un jury d'honneur qui prononce en dernier ressort sur la question de savoir si les excuses étaient suffisantes ou ne l'étaient pas.

Il est un genre d'excuses qu'un honnête homme doit accepter, s'il le peut sans danger pour son honneur, et si la nature de l'offense est telle qu'une excuse soit admissible. Ce sont les regrets valables et suffisants, présentés spontanément et en temps utile, par celai qui, après s'être oublié, déclare que ses convictions religieuses lui Interdisent de se battre en duel. En effet, tout homme d'honneur comprendra qu'il faut cent fois plus de courage pour exprimer des regrets en pareille occurrence que pour échanger des balles ou risquer un coup d'épée.

Quelle que soit la religion à laquelle appartient un tel homme, accueillez comme elles le méritent les réparations offertes par lui, c'est-à-dire avec courtoisie, et n'en parlez jamais autrement.

Vous ferez bien, par exemple, d'ajouter au procès-verbal que, tout en cédant aux scrupules de votre agresseur, vous regrettez de n'avoir pas reçu de lui la réparation par les armes que vous souhaitiez.

Avez-vous, au contraire, maille à partir avec un tartufe que vous connaissez pour tel, et qui essaye de cacher son venin et sa lâcheté sous le couvert de la religion ? 11 est clair que vous n'êtes pas tenu à la même obligation ; obligation toute morale, nous n'avons pas besoin de le dire, et qui n'a d'autre sanction que la conscience.

Que dire de celui qui, connaissant la solidité des principes reli- gieux d'un individu et sa résolution bien arrêtée de refuser tout duel, Toffenserait gravement? Que dire, par exemple, du militaire qui, prenant à partie un séminariste appelé sous les drapeaux, lui ferait subir mille vexations et procédés injurieux, motivés par le ca- ractère sacerdotal dont il sera revêtu plus tard? Ce militaire commet- trait une mauvaise action, presque une lâcheté. Tous les honnêtes gens seront de notre avis ^

Excuses sur le terrain. Les excuses ne doivent pas avoir lieu sur le terrain.

L'offensé auquel des excuses sont offertes aussi tardivement

1. Voyez Colombey, Histoire anecdotique du duel, page 95. Appendice p*» 43.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 447

peut les refaser sans perdre ses privilèges et sans avoir à courir le risque du tirage au sort ^

On peut supposer, en effet, que c'est par calcul, pour mettre par exemple son courage à réprouve et obtenir des conditions plus douces, que l'agresseur a repoussé les tentatives de conciliation &ites en temps utile par les témoins.

Cependant, si les témoins de Toffénsé estiment en leur âme et conscience que les excuses présentées sur le terrain sont valables, et que rien ne s'oppose à ce qu'elles soient acceptées, ils peuvent lui conseiller de le faire, parce que, s'il y a poursuites judiciaires, sa position et la leur deviendraient alors mauvaises. La justice ne s'occupe guère, en effet, des subtilités du point d'honneur.

A qui incombe le blâme d'excuses faites sur le terrain?

Si le combattant qui fait des excuses les présente lui-même, spontanément, le blâme ne retombe que sur lui ^

S'il les présente lui-même, d'après le conseil de ses témoins, le blâme est partagé.

Pour éviter toute solidarité désagréable, les mandataires de celui qui s'excuse agiront donc prudemment, en déclinant, dans leprocès- yerbal rédigé ad hoc^ toute participation à cette démarche humiliante.

Si les témoins de l'agresseur présentent des excuses en son nom, il faut, pour reconnaître à qui revient le blâme, examiner la nature de leur mandat.

Ont-ils accepté un mandat impératif? Il est clair que c'est leur mandant qui doit être blâmé.

Leura-t-il, au contraire, donné carte blanche? Le blâme retombe sur eux seuls, puisque, comme le fait très justement observer Gha- teauvillard, chapitre m, article 6, ils se sont rendus responsables et garants de son honneur.

Si le mandat n'a été donné que sous réserve de contrôle, le blâme doit être partagé, puisque le mandant était libre de dégager sa responsabilité et de protester. Le silence gardé par lui doit être considéré comme un acquiescement.

hjrpothèse. Les témoins ne réussissent point à arranger

l'affaire.

Le duel est inévitable.

C'est le moment d'en discuter les conditions.

La tâche est très simplifiée, puisque la valeur de l'oflense est

1. Voyez Tavernier, page 293.

2. Chateauvillard, chapitre m, article 5.

448 \ PREMIÈRE PARTIE.

déterminée, ainsi qne la personne à qui revient le droit d'offensé ^

L'offensé avec offense simple a le choix des armes; avec injure grave, le choix des armes et dn duel ; avec voie de fait, le choix des armes, du duel et des distances, conformément à ce que nous avons dit chapitre vii.

A ce moment, ses témoins déclarent quelle est son arme, quel est son duel, quelles sont les distances, selon l'importance de la lésion subie.

Ils s'efforcent de faire prévaloirs es instructions et de tirer de sa position la quintessence des avantages qui peuvent lui être accordés. Autant la conciliation et la diplomatie étaient de mise au début, autant la ténacité leur est commandée à présent que la position d'offensé est acquise à leur client, ils seront donc inébranlables à maintenir ses droits.

Réciproquement, les témoins de l'agresseur s'efforceront de contester et de diminuer tant qu'ils pourront ces avantages, mais en employant les moyens compatibles avec l'honneur et la bonne foi dont ils ne doivent jamais se départir.

C'est pour en arriver à cette prompte solution que nous recom- mandons avant tout aux personnes chargées d'une affaire d*honneur de s'entendre sur le choix d'un auteur compétent, destiné à servir de guide et au besoin d'arbitre portatif, sans parti pris, et imbu de la saine doctrine que ne possèdent pas toujours ses confrères en chair et en os.

Inutile d'ajouter que les formes les plus courtoises doivent régner pendant les conférences.

L'entente est-elle impossible? Les témoins n'ont d'autre res- source que de s*<în rapporter à la décision d'arbitres ou d'un jury d'honneur.

CHAPITRE XIX Arbitrage. Jury d'honneur.

Les arbitres sont ceux qui, en dehors des témoins, ont reçu pou- voir de trancher une contestation relative à une affaire d'honneur. Indiquonslesensdesexpressionsemployéesdanscettedéûnition. Une explication nous parait indispensable à Tintelligence du sujet.

I. Voyez affaire Rocheforl-Dreyfus, 27 avril 1886, i4nnua»rc du doe/. Appendice no 44

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 449

Noos disons que les arbitres sont ceux qui ont reçu pouvoir. En effet, le libre choix fait par les adversaires constitue l'essence même de cette juridiction, et la condition sine qud non de sa raison d*ëtre.

Les parties peuvent confier la solution des difficultés relatives à leur différend, soit à un seul individu, soit à plusieurs. Dans ce dernier cas, chacune d'elles désigne moitié des arbitres ^

Le tiers chargé de départager les arbitres qui ne peuvent tom- ber d*accord est désigné, soit par les adversaires, soit, ce qui est plus ordinaire, par les arbitres eux-mêmes, soit par les témoins. Tout dépend des conventions.

Lorsque les questions soumises aux arbitres intéressent la per- sonnalité morale d'un adversaire, lorsqu'il s'agit, par exemple, d'une fin de non-recevoir basée sur un cas d'indignité, la réunion prend le nom de jury d'honneur. Le jury d'honneur n'est pas autre chose qu'une forme de l'arbitrage, aux règles duquel il demeure soumis.

Toute décision d'arbitres qui n'ont pas reçu mandat des deux parties, ou qui n*ont pas été agréés par elles, est nulle *.

Tel serait le cas les témoins d'un des adversaires, après avoir accepté un mandat aux termes duquel ce dernier se réserve le droit de contrôler leurs décisions, choisiraient, sans lui en demander licence, un arbitre chargé de trancher un différend sur- venu avec les mandataires de la partie adverse. La sentence de cet arbitre ne saurait lui être valablement opposée.

Il en serait autrement si, au lieu de se réserver un droit de veto, l'adversaire avait déclaré qu'il remettait purement et simplement sa cause entre leurs mains, et ratifiait par avance leur décision.

Nous disons que les arbitres sont ceux qui ont reçu pouvoir de trancher définitivement les contestations.

En effet, les arbitres régulièrement constitués et agissant dans la limite de leur compromis font office de juges, se livrent à des actes d'instruction, constituent, en un mot, une juridiction qui rend des sentences obligatoires et sans appel, devant lesquelles adver- saires et témoins doivent s'incliner, puisqu'elles émanent de magis- trats qu'ils se sont donnés eux-mêmes '.

Quelles conditions sont exigées pour être arbitre et juré ?

Ce sont les mêmes que pour être témoin, excepté en ce qui concerne les qualités physiques *.

1. Voyez affaire Maarel-Clémenceau, il, 12, 13 décembre 18K8. Appendice 45, lettre B.

2. Voyez affaire de Calonne-Fiorentino, avec renvoi à Taffaire Achard-Fiorentino. Cassette dis TribunauXf i" septembre 1850. Appendice n^ 46.

3. Voyez affaire Maarel-Clémenceau, 11, 12, 13 décembre 1888. Appendice no 45, lettre D.

4. Voyez nos chapitres xiii et xiv.

450 PREMIÈRE PARTIE.

Peu importe, en effet, qu'an arbitre ou qu'an juré soit ingambe ou cul-de-jatte, qu'il possède ses deux bras ou soit manchot. Gomme il n'assiste pas au combat et n'est pas appelé à payer de sa personne, une bonne tête suffit. Mais il est facile de comprendre que toutes les autres conditions sont plus impérieusement réclamées pour un homme qui juge en dernier ressort que pour un témoin dont il est toujours possible de critiquer la décision d'après le système que nous préconisons chapitre xx.

Compromis.

Un compromis, c'est-à-dire une convention particulière fixant les attributions des arbitres et des jurés, est indispensable pour déterminer leur compétence.

Le compromis peut être général, c'est-à-dire porter sur Ten- semble de l'affaire, ou spécial, c'est-à-dire ne porter que sur un objet.

Il peut embrasser les contestations présentes et les contesta- tions futures.

Formes du compromis^

Un compromis verbal serait valable, mais la forme écrite est infiniment préférable, car c'est Tunique moyen d'éviter les malen- tendus et les actes de mauvaise foi qui accompagnent trop souvent les stipulations verbales.

Il doit être daté et signé des parties contractantes.

Désignation du litige.

Le compromis désigne clairement Tobjet de la contestation et rétendue des pouvoirs des arbitres ou des jurés. Nous ne saurions assez insister sur Timportance de ces deux clauses, dont l'inobser- vation risque d'amener les plus graves complications.

Est-il besoin d'ajouter que les arbitres doivent rester stricte- ment dans la limite de leur mandat, et que toute décision prise en dehors est nulle * ?

Remarquons cependant que, dans ce cas, la nullité n'est que partielle. Tout ce qui rentre dans leur compétence oblige les témoins, s'il n'y a pas indivisibilité entre la matière qu'ils ont

1. Voyez appendice 45, lettre C.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 454

traitée à juste titre et celle qu'ils n'avaient point le droit d'aborder *.

Une dernière question à résoudre est celle de savoir comment doivent juger les jurés et les arbitres.

Ils sont tenus de juger d'après les règles du point d*bonneur. II leur est interdit de substituer leur opinion individuelle aux déci- sions des auteurs dont les écrits constituent la législation qu'ils doivent appliquer ^

Utilité de l'arbitrage. Nécessité de sa généralisation.

«Combien d'affaires d'honneur, écrivait avec infiniment de bon sens M. Gaston JoUivet, dans un article du 28 août 1889 paru dans le Matin, combien d'affaires d'honneur pourrait-on citer des pourparlers mal menés ont conduit à un dénouement fatal, qu'on aurait évité si, dès les premières divergences soulevées entre té- moins, ces derniers avaient eu recours à un arbitre I N*est-il pas, en effet, superflu de rappeler qu'à défaut d*autres mérites, ce tiers, désigné par les quatre intéressés, apporte dans Texamen de l'affaire une qualité nécessairement étrangère aux témoins : l'impartialité ?

M Pourquoi cependantcetteintervention salutaire est-elle si rare- ment sollicitée ? C'est que malheureusement la vanité a toujours été en France notre péché mignon. II en coûte à des témoins de s'avouer, au cours d'une entrevue, que leur éloquence reste im- puissante à terrasser les témoins advei*ses.

u Ils ont quitté leur client en rassurant délibérément que son affaire est entre bonnes mains, et il est pénible pour leur amour- propre de revenir lui dire piteusement : « Pas moyen de convaincre ces têtus I Ils veulent un arbitre. »

tt Aussi que de témoins, pour éviter d'avoir à faire choix d'un arbitre, en arrivent à se séparer sans s'être entendus ; et c'est alors que vous voyez s'étaler dans les journaux la formule sacramentelle : a Mes chers amis, je regrette de vous avoir inutilement dérangés, » qui appelle immédiatement la riposte des témoins de l'adversaire, expliquant la raison pour laquelle ils ont décliné la prevocation adressée à leur ami.

« Singulière bataille de plume chacun se donne raison, le public est très tenté de donner tort à tout le monde, et qui très souvent n'a pas l'avantage d^étre un dénouement, car ces corres- pondances désobligeantes ont plus d'une fois greffé un nouveau

1. Voyez appendice, n^ 45 lettre D.

2. Voyez notre chapitre premier.

452 PREMIÈRE PARTIE.

différeDd, inconciliable, celui-là, sur une première affaire qui, prise à temps, pouvait être arrangée par un arbitre.

« Puisque depuis les édits de Richelieu jusqu'à nos jours, ni la rigueur ni la persuasion n'ont déraciné chez nous le préjugé du duel, c'est bien le moins que les gens sensés approuvent et encou- ragent les meilleurs moyens proposés pour rendre les rencontres les moins fréquentes possible. Il n'y en a pas, selon nous, de préfé- rables à la généralisation de l'arbitrage. Mais pour que cette magis- trature conciliante puisse s'exercer avec fruit, deux conditions sont requises :

(t II faut d'abord que les témoins comprennent l'intérêt qa*ils ont à se décharger sur un tiers éclairé et impartial d'une respon- sabilité acceptée souvent à la légère. 11 faut ensuite que l'opinion publique intervienne.

(( C'est à elle, en effet, qu'il appartient de se prononcer énergi- quement, chaque fois que l'occasion se présente, contre les adver- saires et les témoins qui, après avoir refusé un arbitre, ont encore l'audace de maintenir leur provocation et de traiter de couard celui qui ne la relève pas ; et, plus énergiquement encore, contre ceux qui, après avoir remis leur différend à des arbitres ou à un jury d'honneur, refusent de se soumettre à leur décision, si cette déci- sion ne les satisfait pas complètement ^ »

CHAPITRE XX

Mandat des témoins. Sa nature. ^- Récusation.

Démission.

Comment les adversaires doivent-ils comprendre le rôle de leurs témoins ?

Nous nous trouvons en présence de trois systèmes, que nous étudierons d'abord au point de vue des rapports des mandataires et du mandant, ensuite au point de vue de la stabilité des conven- tions.

Rapport des mandataires et du mandant.

1" SYSTÈME. Suivant une première opinion, les témoins, une

\. Voyez affaire Ro*** et Re***, 27 octobre 1886, il nntiaire du dwe/. Appendice D«47.

OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. 453

fois choisis et mis au coaraot de Taffaire, devienDent maîtres de la conduire comme ils l'ectendent.

Ils consentent l'arrangement ou décident le duel à leur gré, et dans les conditions qu'ils agréent, sans que leur client puisse les discuter. Ils ne sont pas récusables par lui.

T SYSTÈME. Le second système impose aux témoins une mis- sion toute passive, qui leur est tracée par un mandat impératif auquel ils sont tenus de se conformer aveuglément.

3^ SYSTÈME. Le troisième système, qui est celui de Château- ▼illard, laisse aux témoins le droit de discussion et au client le droit de contrôle, avec la faculté de récusation réciproque ^

Le premier système serait excellent, si on avait à son service le témoin idéal ; mais trop souvent les mandataires ignorent leurs devoirs ou sont incapables de les remplir.

Nous ne le conseillons pas.

Le mandat impératif est encore moins acceptable pour deux mo- ûbi le premier, c'est qu'alors on n'est plus témoin, mais simple assis- tant ; le second, c'est que la personne qui vous demande votre concours TOUS prouve en même temps qu'elle n'a pas confiance en vous.

Il Tant mieux s'en tenir au troisième, qui est du reste générale- ment adopté.

La partie qui estime en son âme et conscience que ses témoins ont rempli d'une manière infidèle ou défectueuse leur mandat est donc libre de les remercier et d'en chercher d'autres *.

Réciproquement, si les témoins estiment que leur conscience ne leur permet point de l'assister, ils peuvent se retirer et résigner leur mandat entre ses mains. Nous disons entre ses mains : en conséquence, les témoins, qui sans lui avoir remis leurs pouvoirs, écriraient aux mandataires adverses qu'ils se désistent, commet- traient une faute grave '.

Tout changement de témoins, toute désignation de nouveaux mandataires sont signifiés k ceux de la partie adverse. Ce sont les derniers venus qui se dérangent, et se mettent à la disposition des autres pour les entrevues nécessaires *.

A quel moment les témoins peuvent-ils être récusés ou résigner leur mandat?

1. Conformément, voyez Château villard, pages 97, 98. Tavernlcr, page 52. Daverger, chapitre iv, articles 4 et 6, et observations sur cet article.

2. Voyez affaire Bé***-Cé***, 1" novembre 1884, Annuaire du duel. Appendice ii«48.

3. Voyez Chateauvillard, page 98. Tavemier, page 53. Du Verger, pages 213, 237 et suiv.

4. Voyez Tavemier, ibid. Duverger, ibid.

«. .^

454 PREMIÈRE PARTIE.

En principe, ce droit de récusation mutuelle existe jusqu'à la signature du procès-yerbal dans lequel sont insérées les conditions de Tarrangement ou de la rencontre; mais, dans leur intérêt propre, mandataires et mandants feront bien de ne pas attendre ce moment. Dans l'entrevue préliminaire et confidentielle que les témoins ont eue avec leur ami, ce dernier a leur expliquer Taffaire en toute sécurité, et leur demander leur a?is. Ils ont faire leurs obserra- tions et leurs réserves. C'était alors le moment de se récuser.

Outre qu'une révocation ou une démission tardives produisent mauvais effet aux yeux du public, elles peuyent amener des diffi- cultés ayec les témoins adverses, qui refuseront peut-être d*être mis en rapport avec de nouveaux visages. Ils ont le droit de scruter de très près les causes de ce remplacement, et ils n*y manqueront généralement pas; trop beureux qu'ils seront de vider l'affaire sans danger pour leur client, et en laissant le vilain rôle à son adver- saire ^

A plus forte raison, sauf le cas de force majeure, les témoins ne peuvent pas décemment abandonner leur client à l'instant de la rencontre, après l'avoir engagé par le fait de conventions qu'ils ont stipulées pour lui. Du moment qu'ils les ont signées, ils sont tenus d'en surveiller l'exécution. Une retraite à pareille beure constitue- rait une violation des règles du duel et un mauvais procédé dont leur mandant pourrait leur demander raison. Sur le terrain elle risque d'entraîner les plus graves conséquences *. La récusation opérée dans ces dernières conditions équivaut généralement à un refus de duel.

En résumé, la révocation et la retraite ne doivent être admises que dans les cas absolument exceptionnels.

Afin d'éviter toute équivoque, les instructions que les adversaires donnent à leurs témoins doivent être données par écrit et signées.

Nous insistons tout paiHiculiërement sur cet instrument écrit. Survient-ii une discussion après un arrangement ? Survient-il une poursuite après la rencontre? Avec lui, point d'ambiguïté possible. Les responsabilités sont clairement établies.

Stabilité des conrentions.

Quel que soit le système adopté, il faut que les témoins sachent sur quel pied ils traiteront entre eux, et si les discussions prélimi-

1. Conformément, voyez Chtteaavillard, Tavernier, Du Verger de Saint- Thomas, ibidmn. G. Jollivet, VEscrime et le duel, page 198.

2. Voyez affaire des deux officiers de chasseurs, Gaxette dei Tribunaux, 26 no- Tembro 1842. Appendice 49.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 455

naires aboutiront à des conventions définitivement arrêtées entre collègues, ou à de simples projets soumis à l'approbation des adversaires.

Il est injuste de laisser une partie aller de Tavant, croyant à un engagement sérieux, pendant que Tautre se réserve de refuser son adhésion si le résultat lui déplaît.

Ce qull importe d'assurer avant tout, c'est la stabilité et la sin- cérité des conventions. Nous ne voyons qu'une manière d'y arriver, c'est par réchange des pouvoirs entre témoins et la constatation de rétendue de leur mandat. Ceci ne veut pas dire que les témoins seront tenus de se communiquer mutuellement des instructions confidentielles qu'ils auront reçues, mais qu'ils sont obligés d'affir- mer s'ils possèdent la capacité de traiter directement au nom de leur mandant et de l'engager, ou s'ils sont tenus de lui en référer avant de conclure.

Telle est la question qu'ils doivent toujours se poser. La réponse des témoins est censée contenir l'expression de la vérité et engage leur mandant. Tant pis pour qui choisit des représentants malhon- nêtes ; l'adversaire ne peut en souffrir.

Si la question n'est pas posée, si les négociations sont enta- mées entre témoins qui ignorent leurs pouvoirs, les conventions stipulées n'engagent pas les mandants, qui sont réputés jusqu'à preuve contraire s'être réservé le droit de veto.

Cette preuve contraire résulte d'instructions écrites fournies par les mandataires dont les conventions sont contestées.

La partie adverse qui se plaint d'avoir cru traiter ferme, et sti- puler une convention définitive au lieu d'une convention sous réserve de la ratification du mandant, doit s'en prendre à ses témoins.

Les témoins qui se plaignent d'être désavoués ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Ils devaient exiger des pouvoirs écrits et échanger ces pouvoirs avec leurs collègues.

La partie qui refuse son acquiescement aux conventions ne peut le faire qu'en désavouant spécialement ses témoins. L'obliga- tion d'un désaveu est une mesure grave qui offre une garantie contre un mouvement de dépit, ou une légèreté irréfléchie ^

1. Voyez affaire Grandin-Durand. Journal le Cher, 18-19 mars 1889. Appendice 50.

4B6 PREMIÈRE PARTIE.

CHAPITRE XXI

Procès-Terbal de rencontre. Son utilité. •— Conditions

qull doit renfermer.

Les témoins qui règlent les conditions d'une rencontre doivent en préToir les é?entualités, et leur donner par ayance une solution basée sur les règles du point d'honneur. Dès qu'une question est résolue, ils Tinsèrent au procès-verbal, nommé procès-verbal de rencontre, ou mieux procès-verbal avant la rencontre. Elle devient condition. L'ensemble de ces conditions constitue la loi du duel en vue duquel les témoins ont été constitués.

On voit que ce procès-verbal est d'une importance capitale.

Aucun contrat notarié ne doit être rédigé avec une sollicitude plus minutieuse. C'est la vie, c'est l'honneur de leur client que les témoins tiennent en main.

Peu importe la longueur de sa rédaction. Il faut tout prévoir, ne rien laisser au hasard, voilà l'essentiel.

A partir du moment témoins et adversaires ont apposé leurs signatures, le procès- verbal devient obligatoire. Il instruit chacun de ses devoirs. Il supprime toute équivoque, évite toute discussion sur le terrain ou à la suite du duel, et détermine les responsabilités en cas de poursuites ou de contestations.

Bappeiez-vous donc, témoins, que si vous n'apportez pas à la rédaction de cette pièce capitale tous les soins dont vous êtes ca- pables, vous devenez lourdement chargés en cas d'accident, ou si les règles du duel ont été violées ^

Rappelez-vous aussi que la meilleure méthode pour éviter les catastrophes et pour rendre le duel moins dangereux consiste dans un procès-verbal bien fait.

Nous ajouterons qu'en cas de poursuites judiciaires, il devient un excellent instrument de preuve, pour constater que vous avez fait tous vos efforts afin d'arriver à la conciliation, et qu'il constitue, par conséquent, une chance de vous tirer d'affaire.

Nous insistons pour que ce procès-verbal soit fait en double expédition, toutes deux signées des témoins, signées et approuvées des adversaires.

i. Voyei affaires Chapuis, Deikerel-Naquot, Monyielle. Appendice vP 51.

OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. 457

Sauf le cas de force majeure, les couditions énoocées au procès- verbal doivent être exécutées strictement, sans que les parties puis- sent y apporter aucune modification sur le terrain, même de con- sentement mutuel ^

En effet, les premières conditions ont été débattues et pesées mûrement. Elles ont été écrites. Il serait dangereux de leur en substituer d'autres qui, prises rapidement, peuvent cacher des sur- prises plus ou moins loyales, plus ou moins conformes aux règles du duel.

Ce serait aller contre le but que des témoins sérieux doivent se proposer dans leur propre intérêt, à savoir : de substituer un instrument écrit, minutieusement étudié, aux conventions verbales dont on se contente avant le combat, quitte à les déplorer ensuite, lorsque la justice intervient, ou lorsque l'opinion publique et la presse font la critique de TafTaire.

Puisque nous nous occupons de l'interprétation des conditions insérées au procès-verbal, nous pouvons examiner la question sui- vante :

Est-il dans le droit des témoins de prendre la parole et d'inter- rompre le duel pour réclamer l'exécution d'une convention dange- reuse pour la partie adverse, mais à laquelle semble renoncer le client qu'ils représentent?

Certainement non. Le général Exelmans, consulté sur ce point délicat, rendit en ce sens une consultation à laquelle nous renvoyons le lecteur *.

Conditions qui doivent être insérées au procés-verbal

de rencontre.

Parmi ces conditions, les unes sont communes à tous les duels, les autres sont spéciales à chaque arme.

Nous les étudierons séparément.

Les témoins consulteront avec fruit la table des chapitres et surtout le résumé placé à la fin de notre ouvrage, ils embrasseront ainsi d'un coup d'œil les stipulations qui leur sembleront devoir mériter leur examen ou être laissées de côté.

Ce sera pour eux un aide-mémoire commode, grâce auquel

1. Voyez affaire Odysse Barrot-Jecker, Gazette des Tribunatâx, 3 et 4 août 1868. Appendice d* 52.

2. Voyez affaire Lemorle-do Mosny, GazeUe des Tribunaux, 21 août 1833. Appen- dice n« 53.

458 PREMIÈRE PARTIE.

ils se reporteront, si c'est nécessaire, à la discussion des points sus- ceptibles de controverse ^

Nous les engageons également à consulter le modèle de procès- verbal qui se trouve à la fin de ce volume. Il leur sera très utile*

CHAPITRE XXII Stipulations communes à tous les duels.

Les matières qui doivent être traitées d*abord par les témoins et faire l'objet des premières stipulations à insérer au procès-verbal sont communes à tous les duels et relatives :

l"" Au choix d'un auteur destiné à servir de code;

2*" Au résumé de l'instruction de Taffaire ;

3<» A la désignation de la personne offensée, au degré de l'offense et au choix des armes ;

«

k"" Au choix du duel et des distances ; 5<> Au jour, à rheureet au lien de la rencontre; 6"* A Tadjonction des médecins et à la valeur de leur consulta- tion en cas de blessure ;

T" A l'attitude des combattants.

Pour le n*» 1, voyez chapitre xvu.

Pour le 2, voyez chapitre xvu.

Pour le n* 3, voyez chapitre vii et chapitre viii.

Pour le n^ 4, voyez chapitre vu et chapitres xxxvii et xxxvni.

Quelques réflexions sur la marche à suivre au début de railalre et sur les premières conditions.

Les témoins apporteront tous leurs soins à la constatation des faits et à les faire admettre pour vrais.

Ils décideront d'après ces faits quelle est la personne offensée et la valeur de roflense.

Ces points établis, ils les mentionneront par écrit et les re- garderont comme étant la vraie base des négociations subséquentes. Alors, mais alors seulement, ils feront connaître larme choisie par l'offensé, puis une fois l'arme adoptée le duel, puis une fois le duel

1. Voyez sur la nécessité d*un procès-verbal avant la rencontre : Tavernier, page 168. Du Verger de Saint-Thomas, chapitre iv, remarques sur Tarticleil. Contra, voyez G. Jollivet, l'Escrime et le duel, pages 202 et 203, cet auteur émet des opinions très chevaleresques assurément, mais que les cinq ou six cents duels dont nous avons parcouru les comptes rendus nous autorisent à proclamer très imprudentes.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 459

choisi la distance, suvremi que le degré de TofTeose lui procure une de ces prérogatiyes, ou deux, ou toutes à la fois.

La situation de l'ofTensé étant dès lors bien établie, il se pré- sente fort de son droit. Les discussions ne peuyent plus guère rouler que sur des détails moins importants.

Souvent on procède d*une manière absolument contraire. L'une des parties, avant toute instruction et toute constatation des faits se proclame offensée, et déclare qu'en cette qualité elle choisit telle arme et même tel duel, suivant retendue de ses prétentions.

L'arme choisie déplalt-elle à l'adversaire ?

Il est évident que ses témoins chicaneront tant qu'ils pourront sur le degré de Toffense et sur la détermination de l'offensé. Les discussions seront plus ardentes et l'affaire mal engagée^

Reprenons Texplication des autres articles.

Article 5. Les témoins doivent déterminer le jour, l'heure €t le lieu de la rencontre.

Choix du jour.

Pour choisir le jour, il faut consulter non seulement la com- modité des parties, mais encore celle des témoins, la nécessité de terminer rapidement l'affaire, et les autres questions de fait qui ne peuvent être prévues d'avance.

En principe, une affaire d'honneur doit se vider dans les qua- rante-huit heures qui suivent la mutuelle constitution des témoins.

Ce délai de quarante-huit heures, que certaines personnes re- gardent comme sacramentel, n'a, comme nous l'avons déjà expliqué, d'autre motif d'exister que la crainte de voir l'affaire traîner, deve- nir publique et s'envenimer par ce fait. Certainement, la raison n'est pas sans valeur; mais nous considérons l'instruction parfaite de l'affaire, la détermination de l'offensé, les préliminaires de conci- liation et la rédaction d'un procès-verbal bien fait, comme autre- ment importants. Aussi refusons-nous d'une manière absolue de considérer le délai de quarante-huit heures comme sacramentel, et susceptible, s'il est dépassé, de constituer une fln de non- recevoir*.

Dans le cas un même individu aurait deux affaires sur les bras en même temps, il est absolument contraire aux règles du duel que les deux rencontres aient lieu le môme jour ^

i. Voyez affaire Barbier-Montlouis, 2 et 3 décembre 1893. Appendice 114.

2. Voyez ce qae nous avons dit à ce sujet, chapitre xv.

3. Voyez affaire B***-Ve8cot-Meunier, Gasette des Tribunaux, 21 novembre 1847. Appendice, et n<> 54^

460 PREMIÈRE PARTIE.

Choix de l'heure.

Le choix de l'heure peut avoir une certaine importance, et, en matière de duel, l'adage : « Savoir choisir son heure », doit être médité. En effet, pour certaines personnes obèses, maladives ou livrées à l'insomnie, le duel à l'épée est dangereux au sortir du lit. Baides, lourdes et quasi enkylosées, elles ont besoin, comme lesr vieux chevaux, d'un peu d'échauffement pour partir.

Le matin est favorable pour la majorité des tireurs au pistolet, qui n'ont pas besoin de souplesse, mais de calme et de sang-froid. Au contraire, les heures qui suivent les repas leur sont défavora- bles, car la digestion agite le sang, fait trembler la main et trouble le coup d'œil.

A qui appartient le choix de l'heure ?

Nous ne croyons pas que le choix de l'heure constitue une prérogative inhérente à la qualité d'offensé. Selon nous, il n'existe aucune corrélation entre le droit de choisir Theure du duel et le droit de choisir le duel lui-même ^

Nous croyons que le choix de l'heure, comme celui du jour, doit être déterminé par la commodité générale et les circonstances. Quoi qu'il en soit, nous signalons ce point à la sollicitude des témoins, qui tenteront naturellement de faire adopter Theure favo- rite de leur client*.

Il est d'une suprême inconvenance de se faire attendre sur le terrain.

Le quart d'heure de grâce suffit amplement pour fixer la limite de l'attente, parer aux écarts d'horloges en retard et aux accidents ordinaires du voyage. Passé ce délai, le premier arrivé est en droit de quitter la place, et ses témoins peuvent dresser procès-verbal de carence.

Cependant, nous conseillons de pousser la patience jusqu'à la demi-heure. En effet, une retraite plus précipitée pourrait être considérée comme un prétexte saisi au vol pour éviter le duel, et le blâme retomber aussi bien sur l'adversaire exact que sur le retar- dataire ^

Dans le cas l'intempérie des saisons risque d'amener un

1. Voyez cependant une Rcntencc de jur}- d'honneur en sens contraire. Affaire Dichard-de Massas, Gazette des Tribunaux y 26-27 décembre 1882. Appendice n*» 55.

2. Voyez Tavernier, page 65. G. Prévost et Jollivet, l'Escrime et le dueL page 220.

3. Conformément, voyez Tavernier, page 273.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 464

état d'infériorité pour le premier arrivé, il est clair que ses témoins sont tenus de l'obliger à quitter la place au bout d*un quart d'heure seulement ^.

Lorsqu'un obstacle de force majeure empêche un des com- battants d'arriyer à Fheure, ses témoins doivent prévenir ceux de Tadversaire avec toute la diligence possible, et s'entendre avec eux pour remettre la rencontre à un autre momend.

En cas de refus péremptoire ou de contestation sur la validité du motif justificatif, il n'y a qu'un arbitrage ou un jury d'honneur qui puisse trancher valablement le différent.

La partie qui refuse d'accepter la proposition qui lui en est faite est blâmable.

Est-il besoin d'ajouter que les arbitres et le jury d'honneur ne doivent admettre comme raison suffisante que les cas la force majeure est parfaitement constatée, c'est-à-dire les cas le retard n'est motivé par aucune faute, même légère, du combattant inexact*.

Les suites de Tinexactitude d'un des adversaires sont autres en Italie.

Voici comment s'exprime à ce sujet un auteur milanais, Gior- dano Rossi, dans son livre, Schenna di spada e sciabolUf Milano^ 1885 : « Si à l'heure et sur le lieu fixé pour la rencontre par le procès-verbal des témoins, une des parties ne se présente pas, ses mandataires se mettent à la disposition de son adversaire. Les témoins de celui-ci déclarent s'il doit y avoir duel. Dans le cas afûrmatif, le sort décide celui des témoins de l'absent qui prendra sa place, l'autre témoin servant de second au combattant.

a Si les témoins de l'adversaire déclarent ne pas accepter le remplacement du manquant par le témoin que le sort a désigné, on déclare le débat clos, au plus grand déshonneur de celui qui aura manqué au rendez-vous. »

Ce remplacement peut sembler chevaleresque à première vue; il nous parait à nous un non-sens. En effet, mettre en présence des gens qui n'ont aucun intérêt dans la querelle, c'est leur faire jouer le rôle de seconds, contrairement à la règle : « Les offenses sont personnelles et se vengent personnellement. »

Hâtons-nous d'ajouter que l'offre n'a presque jamais été faite de notre temps en France, et que, lorsqu'elle l'a été, on y a toujours répondu par une fin de non-recevoir '.

1. Voyez affaire Dujarrier-dc Beauvallon, Gazette des Tribunaux,^! mars 1S46 et numéros suivants. Appendice n** 56.

2. Voyez affaire Ajalbert-Ch. V***, 2 juin 1888, Annuaire du duel. Appendice 51.

3. Voyez affaire S***-M***, 11 décembre 1885, iinnuaire du duel. Appendice 58.

44

IBS PREMIÈRE PARTIE.

Ce n'est pas seulement au point de vue de la correction que nons recommandons une extrême exactitude sur le terrain. Nous songeons également à l'intérêt particulier des adversaires.

En effet, un tireur expérimenté profite des quelques instants laissés à sa disposition pour étudier son terrain, le tftter. se rendre compte du jour, du soleil, du vent, etc., etc., et, sniirant l'expression de H. Tayernier, pour se débarrasser de tous les impedimenta qui le gêneraient pendant l'action, ce qu'il ne pourrait pas &ire s^il n'arrivait pas le premier.

Choix du lieu. A qaï appartient le ohoiz du lieu?

Malgré l'opinion de H. Jollivet et les termes du procës-yerbal des 26 et 27 septembre 1882 S nous croyons qu'il doit en être pour le choix du lieu comme pour celui du jour et de l'heure, même si Toffense est une voie de fait. Il appartient aux quatre témoins de tomber d'accord sur ce point.

Autant que possible, le lieu de la rencontre doit être reconnu par eux à Tayance. II faut soigneusement éviter de marcher il'ayen- ture*.

Un sentiment de convenance défend de promener les adver- saires à travers champs, ou de les laisser en tête à tête.

En agissant autrement, on risque de voir la querelle s'en- venimer encore ou de donner l'éveil à la police, principalement si la rencontre se passe à l'étranger.

Nous ne parlerons pas des conditions relatives aux terrains propices à chacun des duels légaux, car ces conditions varient avec les armes choisies. Nous renvoyons le lecteur aux articles afférents, dans les chapitres que nous consacrons à chaque espèce de duel.

Nous dirons seulement qu'il faut choisir un endroit isolé, en dehors de la circulation et des regards indiscrets.

Cette précaution est plus importante qu'elle n'en a l'air. Abs- traction faite de l'ennui do se donner en spectacle ou d'être arrêté par un représentant de l'autorité, il existe un autre inconvénient qui s'attache à la présence des spectateurs étrangers.

S'il y a poursuite judiciaire, la multiplicité des témoignages émanant de personnes qui ignorent les conventions de la rencontre, et souvent les règles les plus élémentaires du duel, trop mal placées

1. Voyez l* Escrime et le duel, page 213, et les termes du procès-verbal des 20 et 27 septembre 1882. Affaire Dichard-de Massas. Appendice 55.

2. Voyez affaire Drumont-Meyer, Gaxette des Tribunaux, 27 juin 1886. Appen- dice n^ 59.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 463

du reste pour saisir les moindres détails de la lutte, embrouille la justice, et peut être nuisible aux combattants et aux témoins. Ce phénomène a été remarqué pour toutes les rencontres en présence d'une galerie.

Si le lieu du duel est reconnu d'ayance, il doit l'être par tous les témoins réunis, et mention de leur double présence être insérée an procès-verbale

Ac^onction des médecins. Influence de leur consultation sur l'arrêt ou la continuation du duel.

Art. 6. Aux quatre témoins il doit être adjoint deux méde- cins. Ce nombre peut sembler exagéré, mais il ne Test pas en réalité s'il y a deux blessures à soigner en même temps.

Les médecins ont une autre mission à remplir que celle de soigner les combattants blessés. Ils peuvent être consultés sur la question de savoir s'il convient d'interrompre le duel après qu'une blessure a été constatée, ou s'il faut le continuer.

Quelle est la valeur de leur avis ?

Elle dépend des stipulations du procès-verbal relativement à la grièveté nécessaire à la blessure pour amener la cessation du combat, et aussi du titre auquel il leur sera permis, à eux médecins, de se prononcer.

Nous disons que la valeur de leur avis dépend des stipulations du procès-verbal relativement à la grièveté de la blessure néces- saire pour amener la cessation du combat.

Il est évident que s'il a été convenu que le combat cessera lorsqu'une blessure mettra Fun des adversaires dans Timpossibilité de continuer, ou dans un état d'infériorité, le rôle des médecins se borne, dans le premier cas, à constater si le blessé peut ou non con- tinuer, et dans le second, si par le fait de sa blessure il n'est pas devenu inférieur comme résistance à son adversaire. Pour cela on compare autant que possible sa résistance actuelle à celle qu'il avait avant la blessure.

Mais s'il a été stipulé que le combat ne serait arrêté que par une blessure grave, les médecins ont un libre arbitre plus grand, car l'épithète de grave est très élastique.

Nous disons que la valeur de l'avis des médecins dépend du titre auquel il leur aura été permis de se prononcer.

1. Voyez affaire Naquet-Monvielle, il août 1887. Appendice 60.

164 PREMIÈRE PARTIE.

Eq effet, il peut être stipulé quUls se prononceront à titre impératif, c'est-à-dire seuls, et souverainement ; ou à titre consul- tatif, c'est-à-dire qu'après leur consultation les témoins restent seuls juges.

Il peut aussi être conyenu que le combat ne pourra cesser que sur l'avis conforme des médecins et des témoins.

Quelques réflexions sur les stipulations relatives à la gravité des blessures qui détermineront la cessation du combat nous pa- raissent utiles.

Il est imprudent de stipuler que le duel sera un duel à mort ou à outrance, à cause des poursuites judiciaires.

Dans les cas graves, il vaut mieux stipuler que le combat se poursuivra jusqu'à ce qu'un des adversaires soit mis hors de combat ou dans l'impossibilité de continuer.

On évitera de convenir que le duel sera au premier sang, car décider sans périphrase qu'une simple piqûre d'aiguille suffira pour laver une offense assez grave pour faire tirer l'épée, c'est donner à raffdire un caractère de puérilité ridicule.

Cependant on arrive au même résultat, grâce à un euphé- misme, en stipulant que la lutte continuera jusqu'à ce qu'un des champions ait reçu une blessure capable de le mettre en état d'infé- riorité. Par le fait, c'est l'équivalent du premier sang, mais gazé sous une périphrase. Il est clair, en effet, qu'en présence du vague de cette qualification, les médecins augmenteront généralement l'importance d'une égratignure, et que généralement aussi les témoins seront heureux de se retrancher derrière cette consultation pour éviter un dénouement qui peut être tragique, et dont ils ont une appréhension bien naturelle.

Dans les diverses hypothèses énumérées plus haut, si un doute subsiste dans l'esprit de témoins consciencieux, il leur est toujours loisible de demander à l'homme de l'art sa parole que son affir- mation est bien l'expression de ce qu'il croit être la vérité.

Si le procès-verbal de rencontre est muet sur la gravité que doit présenter la blessure pour amener la cessation du combat, les méde- cins ne sont plus consultés à titre impératif. Leur mandat se borne à renseigner les témoins, qui prononcent alors en dernier ressort.

Y a-t-il blessure grave? Le devoir des témoins est de s'opposer à la reprise du duel malgré le blessé lui-même.

La blessure est-elle légère ? C'est le motif de la rencontre qui les guidera surtout.

Du reste, les lémoins ne doivent jamais obliger le blessé, même légèrement atteint, à continuer la lutte malgré lui. A leur invitation s'il répond par un refus, il agit uniquement sous sa responsabilité

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 465

personnelle. Les témoins restent maîtres de dégager la leur, en faisant des réserves dans le procès-verbal après la rencontre*.

Un duel à Tépée terminé sans blessures prête généralement au ridicule.

Devons-nous refuser, en conséquence, aux témoins le droit de persuader aux adversaires, après un certain temps de combat, que l'honneur est satisfait?

Si l'affaire n'est pas grave, si le duel s'est prolongé longtemps, si les champions se sont bravement conduits, nous croyons, avec Chateauvillard*, que le droit de donner cette permission ne doit pas leur être enlevé dans certains cas exceptionnels.

Il faut songer, en effet, aux conséquences désastreuses d'une fin tragique survenue pour une bagatelle, et à tout le cortège de responsabilités qui en découle, s'il y a poursuites judiciaires. Mais les témoins n'useront de cette licence que sous condition de ne porter aucun préjudice moral à l'offensé, qui est toujours libre de refuser la proposition ^

Le procès-verbal de rencontre cité comme exemple d'un duel arrêté sans blessures est remarquable, en ce que, malgré sa nature insolite, il est signé de noms appartenant à des hommes célèbres alors, par leur courage, leur illustration militaire, leur compétence en matière de point d'honneur, et parmi lesquels nous voyons trois collaborateurs de Ghateauvillard.

Dans le duel à l'épée, quelques procès-verbaux contiennent la mention qu'après un certain nombre de reprises dont la durée est fixée d'avance, le duel sera arrêté définitivement, une fois que le laps de temps convenu sera écoulé, et quand bien même aucune blessure n'aurait été reçue ^

Les témoins espèrent ainsi diminuer les dangers de la rencontre et l'étendue de leur responsabilité. Atteignent-ils le but qu'ils se proposent? Nous ne le croyons pas. En effet, pour peu que les adversaires aient du cœur au ventre, ils ne voudront pas être soupçonnés d'avoir laissé couler le temps en vaines simagrées, mais, pressés par le court délai qu'on leur impose, ils auront hâte d'en finir. Au lieu d'assister à un combat sage et correct, généra- lement terminé sans grandes blessures, si les champions sont des

1. Voyex affaire Lavertujon-B***, 3 août 1889, Annuaire du rfwef. Appendice n<» 61. S. Chapitre nr, article 23.

3. Voyez affaires de BriqueviUe-dc Dalmatie, Fougcroux de Champignolles, tome II, 305 des pièces justificatives. Appendice 62. Contra, voyez Tavernier, page 1S2.

4. Voyez affaire Betz-Pierroti, Gazette des Tribunaux, 16, 17, 18 décembre 1889. Appendice n? 63.

466 PREMIÈRE PARTIE.

tirears, les témoins présideront à un ferraillemeni, & un vilain jeu, avant-coarears d'un dénouement diamétralement opposé & celui qu'ils espéraient.

C'est donc une clause à rejeter.

La mission des médecins est strictement restreinte à Texercice de leur art. Il leur est interdit de se mêler & la conduite du duel et de faire acte de témoins. U faut que ces derniers conservent l'absolue direction d'une affaire pour laquelle ils sont responsables.

Le rôle des médecins ne commence qu'au moment précis leur ministère est réclamé pour examiner une blessure, répondre à des questions, ou prodiguer des soins. Tout en se tenant à proxi- mité du lieu se yide le différend, il vaut mieux qu'ils n'assistent pas à la lutte ^

Attitude des adversaires une fois rendus sur le terrain.

Art. 7. Une fois sur le terrain, les adversaires qui veulent agir selon les règles de la courtoisie et de la bonne éducation se saluent et saluent les témoins adverses.

Mais ce salut n'est pas obligatoire.

Ce qui est obligatoire, c'est le silence sous les armes pendant toute la durée du duel.

Les exclamations, les cris plus ou moins articulés, plus ou moins bruyants que se permettent dans le duel à Fépée certains tireurs, sous l'influence de l'ardeur du combat ou dans le but d'impressionner leur antagoniste, sont interdits.

Chez les Italiens, en particulier, le cri devient souvent une sorte de feinte destinée à faire croire à une attaque franche, alors qu'on attaque à demi. Peu importent ces habitudes. Elles ne sont pas tolérées en France. Les étrangers, qui, chez nous, pour une affaire survenue en France, se battent avec un Français, doivent observer les règles de notre législation du point d'honneur à l'exclusion de toutes autres*.

Tout colloque entre combattants est interdit. Si une commu- nication doit être faite à l'une des parties par la partie adverse, ce sont les témoins qui se chargent de la transmettre.

Toute injure, toute violence entraînent suspension, car ces injures ou ces violences peuvent avoir déplacé les rôles et fait

1. Affaire Drumont-Meyer, Gazette des Tribunaux, n^ du 27 juin 1886. Appen- dice n* 64. Conformément, voyez G. Prévost et G. Jollivet, l'Escrime et le duel, page 194.

2. Voyez notre chapitre Lxxxi.

I. <*>u».! ~-..i ^.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 167

perdre à l'offensé sa situation originelle, ou lui ayoir procuré, au contraire, un supplément de priyilëge.

Pour tout résumer, il faut qu'après l'échange des saints, les ad?ersaires demeurent silencieux et à l'écart, jusqu'à ce qne les témoins leur disent de se déshabiller *.

1. Conformément, voyez Tavernier, pages 74 et suiv.

■i*i .".

CONDITIONS SPÉCIALES AU DUEL A I/ÈPÉE.

CHAPITRE XXIII

Qunz des épées.

Dans UD duel à l'épée, deux cas peuvent se présenter : Les adversaires se servent de leurs armes personnelles. Ils ne s'en servent pas.

!<" Si les adversaires sont autorisés & se servir de leurs armes, les deux paires, bien que n'étant pas tenues à se ressembler absolu- ment, ne doivent pas être trop dissemblables.

Ainsi les coquilles de Tune ne sauraient être très étroites, alors que les coquilles de la paire adverse protégeraient tout l'avant- bras.

Quant à la longueur des lames, elle doit être égale.

Le droit de se servir d'épées à lui appartenant est formellement reconnu par Ghateauvillard, chapitre v, article 7, à l'offensé avec voie de fait, à charge de laisser son adversaire user de la même faculté.

Il n*en est plus de même en cas d'offense simple ou d'injure grave. Gomme ce sont alors les témoins qui déterminent le choix des épées, on s'est demandé s'il leur était permis d'accorder aux combattants Tautorisation de se servir d*armes personnelles, lorsque l'un d'entre eux leur adresse cette requête.

Rien ne les en empêche, s'ils tombent d'accord sur l'opportunité d'une telle mesure. Tel sera, par exemple, le cas les deux adver- saires sont des tireurs également intéressés à se servir d'instruments souvent maniés. Au contraire, si l'un d'eux se trouve être un tireur peu habile, Taccord n'aura probablement pas lieu, car ses témoins rengageront à ne point abdiquer la chance de gêner son antago- niste, en lui imposant peut-être, grâce au tirage au sort, une arme qu*il n'aura jamais touchée.

Z^ Si les adversaires ne sont pas autorisés à se servir de leurs

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 469

armes, généralement chacun apporte sa paire d'épées. Dans ce cas, on tire au sort entre les deux paires quelle est celle dont on se serrira.

Il faut alors que les épées de chaque paire soient exactement semblables.

Quant à la différence de paire à paire, elle ne peut guère être plus considérable que lorsque les adversaires se servent de leurs armes personnelles. En effet, si, par suite du bris des épées ou de leur mise hors de service, il n'en reste plus que deux, qui ne sont pas de la même paire, il peut avoir été convenu que les adversaires s*en serviraient pour éviter de remettre la rencontre à une date postérieure.

Le combattant dont les armes ne sont pas sorties lors du tirage choisit entre les deux épées, composant la paire tombée au sort, celle qui lui convient le mieux.

Le même droit d'option appartient à celui qui n'apporte pas d'épées sur le terrain, et qui se sert de celles qui sont apportées par son adversaire.

S'il a été convenu (stipulation rarement demandée) qu'une seule paire inconnue des deux adversaires servira, le droit d'option n'existe pour personne. Elles sont tirées au sort.

Dans ces deux dernières éventualités, la mise hors de service d'une des épées entraîne forcément la cessation du combat.

En tout état de cause et quelle que puisse être la nature de la stipulation, les témoins sont tenus de se faire représenter, avant la clôture du procès-verbal, les épées dont les adversaires comptent se servir, de manière à les examiner et à les récuser si elles ne sont pas conformes aux conditions requises pour chacun des cas dont nous venons de parler. Mention de l'acceptation est insérée au procès-verbal *.

Nous empruntons à un livre publié par M. Lamarche, en 1881, sous le titre de Traité de l'épée, quelques détails relatifs aux qua- lités constitutives d'une bonne épée.

Ils aideront les témoins dans cet examen préliminaire.

L'épée doit être légère et bien en main.

On se ferait une fausse idée du poids d'une épée en la jetant sur la balance. La légèreté de l'arme dépend de plusieurs condi- tions, dont la principale est le lieu de son centre de gravité.

. *

1. Voyes, sur Tutilité de cette mesure, Taffaire Morès-Mayer, dans V Escrime fran" çaiie, n^ du 30 septembre 1892. Réponse des experts à la troisième question du juge d'instruetioD.

t .'. -1.

470 PREMIÈRE PARTIE.

En général, une épée est d'autant plus lourde que le centre de grayité passe plus en avant de la coquille. Une épée parfaitement équilibrée est celle dont le centre de grayité passe à un on deux centimètres en avant du pouce, sur la face supérieure de la coquille. La lourdeur du pommeau contribue du reste beaucoup à la légèreté de Fépée, car le pommeau est un contrepoids qui maintient le centre de gravité au niveau de Textrémité du ponce, de telle sorte que Taction des doigts consiste, non k produire une grande force, mais à constituer vivement et à volonté une sorte de poids additionnel chargé de faciliter le départ et de régler la direc- tion de la pointe. Une épée mal montée, mal équilibrée peut être récusée ^

Quel doit être le poids des épéoB?

La question est importante. Supposons qu'un homme vigou- reux et habitué à tirer avec des armes très pesantes se trouve en présence d'un partenaire moins heureusement doué, ou moins bien entraîné, il est clair que si les épées du premier servent au combat, il lui sera facile, en prolongeant le duel, de briser le poignet de son adversaire et de l'avoir à sa merci.

Les mandataires de ce dernier sont tenus de le soustraire & cette cause d'infériorité. C'est ce qu'ils ne font pas d'ordinaire, et jusqu'alors il n'a guère été en usage de constater le poids. L'affaire de Horès-Mayer vient de prouver qu'il y a une faute dont le résultat peut mettre en jeu la responsabilité des témoins.

A notre avis (et c'est le seul rationnel), toutes les fois que les épées soumises à l'examen ne sont pas d'un emploi habituel dans les duels à Tépée, ne sont pas celles dont on se sert d'ordinaire, les témoins adverses peuvent les récuser, et réclamer, dans l'intérêt de leur client, remploi d' épées ordinaires, d'un poids normal et courant.

Quel est le maximum de ce poids?

La déposition du commandant Esterhazy dans le procès intenté à M. de Mores après la mort du capitaine Heyer nous permet de le déterminer expérimentalement. Ce témoin a pesé soixante-dix-huit paires d'épées prises au hasard chez les principaux armuriers de Paris. Il a constaté que la moyenne des épées de combat varie entre 480 et 530 grammes. Aurdessus de 530 grammes, les armes n'ont pas le poids courant et normal, et peuvent être récusées ».

1. Conformément, voyez Tavemier, page 76 et suiv.

2. Voyez dans l'Escrime françaitef ïi9 du 30 septembre 1892, questions posées aux experts par le Juge d*instruction, article de M. Ranc et avis de M. Emile André. Voyez également affaire Naquet-Mo a ?ielle, Gazette des rrt&Mfiaua?, 11 août 1887. Appendice, n<>S5.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 471

Pour éviter les contestations qu'on peut soulever à propos du poids des épées, M. Émiie André, se faisant Técho de nombreux escrimeurs, exprime le vœu que les adversaires puissent toujours se servir d'une épée du poids qui leur convient. Les épées pourraient donc être de poids très différents, la longueur de la lame et la largeur de la coquille restant égales. Nous nous y associons com- plètement.

La lame doit être flexible, effilée progressivement et, surtout, n*étre pas chargée du bout.

Une lame tranchante, ébréchée ou épointée, ne saurait servir.

Les lames dont on a déjà fait usage sont reçues, après avoir été remises en état.

Les formes des coquilles sont assez nombreuses, mais toutes se ramènent à un segment de sphère dont la section couvrirait une surface arrondie de 8 à 12 centimètres de diamètre environ et dont la profondeur est ordinairement de 2 à 3 centimètres. Des épées montées avec des coquilles plus grandes peuvent être refusées.

Les témoins commettent souvent une méprise dans le choix des armes.

Us jettent volontiers leur dévolu sur de très larges coquilles, sans se douter que si elles sont un bouclier précieux pour la main, elles laissent glisser la pointe vers le corps, et peuvent entraîner un résultat tout opposé à celui qu'ils voulaient atteindre.

La surface de la coquille doit être bronzée ou noircie, pour éviter le miroitement du soleil. Elle ne peut être acceptée, si elle est percée de petits trous appelés casse-pointe, ou munie d'un bord relevé, formant gouttière, qui arrête la pointe de Tépée.

La fusée doit avoir environ 12 à U centimètres de long sur 7 centimètres de périmètre dans son plus fort. Elle peut être garnie en maroquin, en chagrin, en peau de requin ou en simple ficelle comme les fleurets.

Les garnitures en peau de requin, ou de chien de mer, sont dures. Elles peuvent, en quelques minutes, provoquer la formation d*ampouIes très douloureuses. On y obvie en cousant sur cette, fusée une mince peau de gant, qui prend bien la forme des stries et permet de tirer sans inconvénient, même avec la main nue. Celte enveloppe prolectrice, étant placée dans Tintérét des deux parties, ne peut être refusée. On vend également des fusées garnies en caoutchouc qui sont encore préférables.

Les témoins s'occuperont aussi du montage de ces diverses pièces. Ce montage ne doit pas être fait absolument horizontal, mais légèrement courbé.

j. .'

47S PREMIÈRE PARTIE.

En cas de désaccord relativement à Tadmission ou au refus des armes, les témoins prendront pour arbitre non un armurier, qui n'a d'ordinaire jamais manié d'épéesque pour les Tendre, mais un professeur d'escrime, qui s'en sert quotidiennement, et qui connaît théoriquement et pratiquement les qualités requises pour qu'elles soient propres au combat.

Une fois les armes acceptées, les témoins, qui voudront pousser la précaution jusqu'aux dernières limites, piqueront la pointe de chaque épée dans un bouchon de liège, et entortilleront chaque paire dans un papier fort qu'ils scelleront. Cette méthode, qui ne dispense pas du mesurage, évite qu'il ne se produise sur le terrain des discussions du genre de celles qui surgirent dans Taffaire citée comme exemple au numéro 66 de l'Appendice ^

Puisque nous en sommes au chapitre des précautions , signa- lons-en une qui peut être fort utile dans bien des cas.

Nous conseillons aux témoins de mettre dans le coffre du clas- sique landau qui les transportera sur le terrain un petit étau portatif, qui se trouve chez tous les quincailliers et s^adapte partout, un marteau, une lime fine ou un morceau de grès. Ces outils per- mettent de redresser sur place une lame tordue, d'aiguiser une pointe émoussée, et évitent que pour un très léger accident l'affaire ne soit remise & une autre fois.

CHAPITRE XXIV

CShoix du terrain. Mesure du champ. Tirage au sort des places.

Nous avons dit, chapitre xxu, que le lieu du combat doit, autant que possible, avoir été choisi par les témoins avant la ren- contre, et mention de ce choix avoir été insérée au procès-verbal. Occupons-nous maintenant des conditions spéciales que doit pré- senter un terrain destiné à une rencontre à Tépée.

Il faut choisir, si faire se peut, une allée ombreuse, à l'abri du soleil, du vent, de la poussière, assez longue pour que les adver- saires puissent rompre de la mesure permise, assez large pour que les témoins se rangent de chaque côté sans gêner l'action, plane,

1. Voyez affaire 01i?ier-Feailherade, Gazette des Tribuiuiux, 4 août 1876.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 473

de terrain solide, en dehors de la circulation et, comme nons rayons dit, des regards indiscrets.

Si la route est trop étroite, les témoins, forcés de se ranger d*un seul côté, ne peuyent surveiller le combat avec la même effica- cité *.

Gomme les conditions énumérées plus haut ne se rencontrent généralement pas toutes réunies, les témoins devront veiller à ce que les adversaires souffrent aussi également que possible des imperfections du terrain. Par exemple, si le duel doit avoir lieu dans une prairie exposée au soleil, les combattants seront placés de manière à le recevoir par côté, car, s*il en était autrement, celui qui le recevrait dans les yeux se trouverait à la merci de son adversaire.

Les places sont tirées au sort. Mention de cette condition est faite au procès-verbal. Observons qu'il faut remettre au hasard, non pas le droit, pour celui qui en est favorisé, de choisir une place plutôt qu'une autre, comme cela arrive quelquefois, mais tirer la place même que chaque combattant occupera.

Le tirage au sort des places doit être indépendant de celui des épées, afin d'éviter l'accumulation de toutes les chances au profit d'une seule personne.

Préalablement, on a déterminer en longueur et en largeur la surface de terrain accordée aux adversaires pour évoluer; en un mot, le champ du combat.

Mention en est faite au procès-verbal.

Le droit de déterminer la mesure du champ appartient, suivant nous, à l'offensé s'il y a eu voie de fait, et aux témoins s'il y a eu seu- lement injure grave ou offense simple ^

La dimension longitudinale du champ ne peut être moindre de kO mètres, ni supérieure à 60. Telles sont les mesures données par M. Tavernier, page 159. M. Emile André, page 235, porle le mini- mum à 25 mètres, et admet le même maximum. Gomme ces auteurs sont les seuls qui se soient occupés de la question, leur opinion doit faire autorité.

Elle est, du reste, très juste. En effet, s'il est utile, pour éviter Tacculement et le corps à corps, que chaque adversaire ait derrière lui un espace suffisant pour rompre largement, il ne faut pas qu'il puisse le faire indéfiniment, de manière à éterniser la lutte, comme cela s'est produit à diverses reprises ^

1. Voyez affaire Dichard-de Massas, Gaxef/e des Tribunaux, 26-27 décembre 1 882. Appendice n^ 67.

2. Voyez notre chapitre vu.

3. Voyez notamment affaire C*** et P***, Annuaire du duel, page 201. Appendice no 68.

474 PREMIÈRE PARTIE.

La dimension ducIiampenlargeardoitTarierentreSet 10 mètres.

Ces proportions noas paraissentrationnelles» car elles permettent aux adversaires d'opérer toutes les évolations qui sont dans leur droit S sans avoir nn double inconvénient qu'il importe de signaler.

Si le champ n'est pas délimité en largeur, ou s'il est de dimen- sions exagérées, il peut arriver» en effet, que pour tourner son adversaire un des combattants se jette dans un terrain impropre à la lutte, par exemple dans les broussailles qui bordent souvent les routes (cas auquel les témoins ne sont plus libres de suivre conye* nablementles évolutions des acteurs*}, ou que» trouvant derrière lui un espace considérable, il prolonge indéfiniment le combat.

Les extrémités du champ sont marquées d'unefoçon ostensible, par exemple au moyen de cannes plantées ou de mouchoirs posés à terre.

Le procès-verbal doit prévoir ce qu'il adviendra lorsqu'un des duellistes franchira les limites, et, en particulier, le nombre d'aver- tissements qui précéderont la suspension du duel.

S'il n'y a pas de champ limité, et si le combat menace de s^éter- niser à raison de la fuite continuelle d'un des adversaires, les témoins fixeront un champ, eu se conformant aux dimensions indi- quées plus haut, et préviendront le fuyard que, s'il dépasse encore la limite, le combat sera clos et procès-verbal dressé contre lui \

Hais, pour que cette mesure puisse être prise, il faut que les quatre témoins tombent d'accord, non seulement sur son opportu- nité, mais encore sur la dimension à donner au champ et sur le nombre des avertissements préliminaires.

Dans le. cas contraire, le duel est remis, car les discussions de cette importance sont interdites sur le terrain.

CHAPITRE XXV Toilette et visite des conibattants. Gants.

Le mieux serait que les adversaires se battissent le torse nu, car une chemise ou un gilet même du tissu le plus fin peut empê- cher de voir une première blessure, et partant d'arrêter le duel.

1. Voyez notre chapitre xxvii.

2. Voyez affaire Drumont-Meyer, Gazette des Tribunaux, 27 juin 1886. Appendice no 69.

3. Conformément, voyez Tavernier, pa^çe 160.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 476

Mais comme il y a des circonstances cette mesure n'est guère possible, par exemple à raison du froid, ou de l'état de santé des combattants, force est de rechercher quelle pelure est protec- trice contrôles intempéries, tout en restant perméable à Tépée.

H. Tavernier range dans cette catégorie la chemise ordinaire à plastron, col ou poignet empesés. Nous ne saurions partager sa ma- nière de voir et conseiller aux témoins pareille tolérance. A notre avis, elle doit, au contraire, être interdite.

La chemise empesée protège, en effet, comme une légère cui- rasse, le cou, la poitrine et le poignet. Si Tun des adversaires porte une chemise à col rabattu et l'autre à col droit, si son plastron est moins garni de triplure et moins empesé, si ses poignets sont plus petits ou plus échancrés, les chances ne sont pas égales.

Quelle responsabilité pour tout le monde si le mieux empesé des adversaires, après avoir reçu un coup qui glisse sur son plastron, traverse ensuite celui de son partenaire moins cuirassé I Pour que les chances fussent égales, il faudrait que les témoins se livrassent, au moment de la rédaction du procès-verbal, à un examen compa- ratif, et fissent pour les chemises ce qu'ils doivent faire pour les épées.

Nous permettons, en revanche, tous les vêtements qui ne peuvent arrêter Tépée, chemise de soie, de fil, coton, etc., non empe- sée, chemise et gilet de flanelle ou de molleton, qui, dans les hivers rigoureux, empêchent le pauvre diable vieux ou rhumatisant de tomber en garde déjà transi et perclus, victime assurée d'un adver- saire plus valide. Les témoins du premier manqueraient à leur devoir, s'ils ne soutenaient pas énergiquement les intérêts de leur mandant, et se laissaient arracher un costume d'une légèreté préju- diciable.

Arrivés sur le terrain, les adversaires se dépouillent des médail- lons, médailles, portefeuille, porte-monnaie, clefs, argent, ceinture, bretelles, etc., en un mot de tout ce qui pourrait arrêter la pointe de l'épée*.

Les combattants qui portent une ceinture, un bandage her- niaire ou un appareil chirurgical quelconque, sont tenus d'en faire la déclaration avant la conclusion du procès-verbal de rencontre.

Les témoins agiront sagement en faisant constater: que le bandage est justifié par une infirmité; 2" qu'il ne dépasse pas les dimensions nécessaires à la compression de la partie malade ; S"" qu'il n'est pas susceptible par sa grandeur de constituer une sorte de

1. Voyez appendice d? 70.

476 PREMIÈRE PARTIE.

cuirasse, mettant l'adversaire dans un état d'infériorité trop notoire.

Hais, dans ce dernier cas, il faudra considérer si Tinfirmité éprouvée par le porteur du bandage n'est pas de nature à compenser, par rincommodité qu'elle lui cause, l'avantage qu*elle peut lui pro- curer comme protection.

Cette constatation et ses conséquences seront insérées au procès-verbal.

Les conventions relatives à lu toilette des adversaires ont pour sanction la yisite que passent les témoins.

A la première invitation, les combattants se laissent examiner et palper. Ils subissent cette formalité sans manifester ni répugnance ni étonnement, et sont les premiers à la faciliter en entr*ouTrantleur chemise. Il est inutile d*8Jouter que c'est toujours un témoin adverse qui y procède.

L'adjonction des médecins est plus correcte, s'il existe une cein- ture ou un bandage, principalement si l'examen préliminaire que nous avons conseillé n'a pas eu lieu.

Les témoins manqueraient à un devoir strict de leur charge en ne mettant pas dans cette vérification un soin minutieux ^

Le refus de visite fait par un des adversaires entraîne refus de duel. En pareil cas, les témoins arrêtent Taffiiire et dressent un procès-verbal de constat K

La question des gants n'est pas sans importance et doit faire Tobjet d*une stipulation.

Les gants ordinaires, dits gants de ville, les gants d'ordonnance, sont toujours permis, pourvu qu'il n'y ait ni rembourrage, ni dou- blure, ni crispin, ni peau trop épaisse; rien, en un mot, qui puisse arrêter Tépée.

L'emploi des gants d'escrime ne peut résulter que du consente- ment mutuel, sans jamais être imposable'.

S'il a été convenu qu'on mettra des gants d'armes, un seul peut s'en servir, si L'autre refuse d'en faire usage; mais si, par oubli, il n'a été apporté qu'un seul gant, nul ne doit user de cet avantage.

Ghateauvillard permet aux combattants de s'entourer, à défaut de gants, la main d'un mouchoir, pour amortir le choc de la fusée ou de la coquille, et de se servir d'une martingale pour retenir l'arme sur le point de leur échapper. Il ne met d'autre restriction à

1. Voyez affaire Gllivier-Fouilherade, Gazette des Tribunaux, A tout 1876. Appen- dice n» 71.

2. Conformément sur ces questions, voyez Ghateauvillard, chapitre v, article 6. Tavernier, page 8 S.

3. Voyez Ghateauvillard, chapitre v, article 10. Tavomier, page 278. Du Ver- ger de Saint-Thomas, chapitre vi, article 10.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL- 477

cette licence, que Tobligation poar celui qui eu use de ne pas lais- ser pendre les bouts du mouchoir ou de la martingale, qui peuvent s'entortiller à Tépée adverse, ou troubler la vue de Tautre combat- tant, grâce au mouvement de rotation imprimé.

Nous conseillons aux témoins de faire en sorte que la question du mouchoir ne soit pas soulevée, car il peut en résulter des con- testations, si Tenroulage est fait de manière à établir des bourrelets protecteurs autour de la main ou du poignet. Ils y arriveront en stipulant que les combattants useront uniquement de gants, ou mieux encore en se les faisant présenter et en les enfermant dans le même paquet que les épées.

Terminons le chapitre a Toilette » par un conseil à l'adresse des témoins dont le client, à raison de sa calvitie, de son âge ou de quelque accident cérébral constaté, ne peut rester exposé aux interne péries des saisons, sans éprouver des troubles qui le mettent dans un état immédiat d'infériorité.

En prévision, soit de la neige, soit d'une pluie glacée, soit d'un soleil ardent, ils peuvent réclamer pour lui le droit de rester cou- vert, pendant la durée du combat, soit d'une légère calotte, soit d'une mince casquette. Il nous parait difficile que les témoins adverses puissent s'y refuser, si la coiffure (condition sine qud no7i) n'est pas de nature à arrêter la pointe de Tépée.

Bien entendu que l'adversaire peut rester également couvert, s'il le veut.

Les casquettes ou calottes sont présentées à l'acceptation des témoins au moment de la discussion des conditions.

CHAPITRE XXVI Le directeur du combat.

Le choix de l'homme appelé à diriger le duel est très important.

Outre les qualités exigées pour faire un bon témoin, il lui faut un supplément de coup d'oeil pour apercevoir la moindre blessure, de sang- froid pour suivre les moindres détails de la lutte, d'énergie pour réprimer les moindres écarts aux règles et conventions du duel. Il lui faut surtout une plus grande habitude des armes et des affaires d'honneur.

Le droit de choisir le directeur du duel revient aux témoins et

479 PREMIÈRE PARTIE.

non aux adversaires, qui ne sont plos que des soldats obligés d'obéir sans discussion.

Parmi quelles penonnes oe choix doit-il fttre exercé?

Nous nous trouvons en présence de deux systèmes.

Les uns soutiennent que le directeur du combat doit toujours être pris parmi les témoins.

Si tous les témoins sont tireurs et gens d'expérience, ils remettent la direction du duel au plus âgé, qui s'adjoint le plus Âgé de l'autre partie. Si les âges sont à peu près égaux, c*est le sort qui décide. S*il se trouve parmi eux des personnes d'expérience inégale, ils chargent de ce soin le plus habile. En cas de dissentiment, ils tirent au sort*.

Les autres veulent que le directeur du duel soit pris en dehors des témoins, et le plus étranger possible aux combattants. Le rôle du directeur du duel est si délicat, son intervention peut influer si complètement sur Tissue de la rencontre, que, d'après eux, on doit préférer un homme absolument indififérent au sort des deux cham- pions à un témoin qui n'est pas dans les mêmes conditions. L'in- tervention d'une cinquième personne a en outre l'avantage de départager les témoins, s'il y a entre eux des divergences de vues sur l'interprétation d'une clause du procès-verbal ou sur tout autre point.

Bien qu'il nous semble plus correct de choisir le directeur du duel parmi les témoins, qui, ayant rédigé les stipulations de la ren- contre, sont plus que tous autres à même d'en surveiller l'exécution, nous ne saurions interdire absolument de prendre un étranger.

Ne peut-il arriver que les témoins soient capables de remplir convenablement les seconds rôles et ne possèdent pas les qualités requises pour le premier ?

En pareil cas, les considérations, respectables assurément, mises en avant par M. Tavernier, doivent céder le pas au danger de voir l'affaire mal conduite, les conditions du procès-verbal mal exécu- tées, et finalement une catastrophe en résulter.

Nous acceptons donc un directeur pris en dehors des témoins, mais à condition :

1*" Qu'il approuve le procès-verbal de rencontre et promette de l'exécuter ;

Qu'il observe les conditions et n'innove rien ;

S'' Que, pour ce qui lui incombe, il partage la responsabilité des témoins.

i . Conformément, voyez Tavernier, page 92.

OFFENSES. RÈGLES DO DUEL. 479

Après avoir examiné par qui et dans quelles conditions peut être exercé le choix de l'homme appelé à diriger le combat, il nous reste à examiner en qaoi oonsiste son rôle. M. Tavernier l'explique avec sa compétence et sa lucidité ordinaires. Nous ne croyons pou-, Yoir mieux faire qu'en reproduisant textuellement les paragraphes qu'il consacre à cette importante question : :.) >

(( Une fois désigné, écrit-il, le juge du camp assigne à chacuD des témoins son rôle, il désigne celui qui devra le seconder dans sa tâche en se plaçant du côté opposé à celui il se trouve lui- même, et indique leur place aux autres témoins. Les combattants sont amenés par les témoins les plus jeunes à la place qui leur est échue par le sort.

a Le directeur de la rencontre se place du côté qui lui convient le mieux, à égale distance et sur le flanc des combattants, un peu en avant de ceux-ci, à un mètre de la ligne que traceront les épées pla- cées bout à bout. La personne appelée à le seconder dans sa tâche se place du côté opposé, et à une distance double environ, pour ne pas gêner les évolutions des combattants.

« Les autres témoins sont disposés intervertis, de manière à ce que chaque combattant ait à sa proximité un des mandataires delà partie ennemie. Tous les témoins, y compris les témoins dirigeants, sont armés de fortes. cannes et non d*épées. »

Si le directeur du combat est pris en dehors des témoins, le nombre cessant d'être pair et la disposition symétrique, l'ordre des places change naturellement. Le directeur du combat reste toujours au milieu, mais il n'a pas de directeur adjoint. Chaque tireur est entouré des deux témoins adverses placés l'un à droite et l'autre à gauche.

« Tout le monde ainsi placé, le directeur de la lutte prend der- rière lui la paire d'épées qui doit servir au combat, et qui a été placée préalablement à sa portée. 11 la reconnaît, la soumet à une contre-visite rapide, la montre au besoin à ses collègues, et, plaçant sa canne sous son bras, il saisit les deux épées en les croisant près de la pointe. Ace moment, il s'assure d'un coup d'œil que chacun est bien à sa place, et adresse aux champions les suprêmes recommanda- tions : « Messieurs, vous connaissez les conventions de la rencontre, vous les avez signées et approuvées. Je vous rappelle que, lorsque je vous remettrai ces épées, l'honneur vous ordonne de ne pas faire de mouvement avant que je n'aie commandé : « Allez ? » De même vous devez vous arrêter immédiatement au signal de : a Halte ! » ou de : « Arrêtez I »

« Ces paroles prononcées, les épées sont remises par lui aux champions. 11 les tient près de la pointe, et sans les lâcher. La dis-

480 PREMIÈRE PARTIEL

tance entre les combattants doit être telle qu'étant fendus ils ne puissent se toucher.

« Pour ce, en tenant les épées près de la pointe, les adversaires ayant les talons en équerre, on les oblige à se fendre légèrement en arri^, le bras tendu dans toute sa longueur.

« Ceci fait et la position de chacun embrassée dans un rapide coup d'œilfle directeur prononce: «Allez, messieurs! » en lAchant Tiyement les pointes d*épées et en se retirant quelques pas en ar- rière. »

La mise en garde préconisée par GbateauYillard diffère un peu de celle que H. Tavemier a recommandée. Il veut que les témoins marquent deux places à une distance de deux pieds plus longue quil ne faut, pour joindre les deux pointes d'épées, les adversaires étant fendus.

Ces deux méthodes sont bonnes. Nous pencherions cependant pour celle de Ghateauvillard, qui éloigne davantage les adversaires, les oblige à marcher, et empêche le coup de surprise.

Le soin et le tact avec lesquels le directeur du combat procède à tous les préparatifs antérieurs au commandement doivent être extrêmes, et la simultanéité entre le geste et la parole absolue.

« Le signal donné, le directeur du duel, ainsi que les autres assista nts, suivent avec, une attention extrême toutes les phases d e la lutte, le plus près possible des combattants, sans pourtant nuire en aucune façon à l'exécution de leurs mouvements. Il les accompagnent dans leurs moindres évolutions, en prêtant une attention particulière à se tenir toujours à peu près à leurs dis- tances respectives, si rapide que soit leur marche et leur retraite, en se gardant bien de se placer en arrière ou de se masser d'un seul côté. »

Ils se tiennent en silence, s'abstiennent de tout geste, prêts à arrêter le combat en cas de blessure ou pour une des causes de sus- pension temporaire ou définitive que nous étudierons au fur et & mesure de ce travail.

Le commandement verbal n'est pas toujours suffisant pour pro- duire ce résultat. Dans le feu de l'action, il peut ne pas être entendu. Mieux vaut qu'il soit accompagné de l'intervention effective des témoins, et principalement du directeur du combat et de son adjoint. G*est la partie difficile de leur rôle. Outre le danger personnel qu'on peut courir en détournant les épées dans un[corps à corps fougueux, on risque d'arrêter un seul adversaire. Quelle écrasante respon- sabilité, si l'autre combattant le frappe pendant qu'il ne peut se défendre I

Mais le commandement de : « Arrêtez I » doit précéder toute inter-

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 481

veDtioD effective ou lui être simultané. En aucune circonstance, cette intervention ne peut se produire à la muette.

En dehors des cas énumérés chapitre ixvin et suivants, c'est-à- dire en dehors des cas spécialement prévus Tintervention devient un devoir pour les directeurs et les témoins, parer un coup ou arrêter un combattant constitue pour eux une lourde faute, qui entraîne une sanction plus ou moins sévère, selon les cas.

Dans rhypothèse la violation serait assez grave pour entraî- ner la disqualification de celui qui s'en est rendu coupable, on peut se demander si le combat devrait être forcément remis, ou s'il serait loisible de le reprendre immédiatement.

Lorsque le directeur du. duel est choisi parmi les témoins, le combat ne peut être immédiatement repris, puisque la récusation du coupable réduit leur nombre à trois.

Lorsque le directeur est pris en dehors des témoins, la question est très discutable, car les témoins sont en nombre réglementaire. Nous croyons cependant que le combat, cette fois encore, doit être suspendu, et l'affaire remise, car l'émotion que cet incident produit et la passion qu'il soulève pourraient nuire à la bonne direction du duel. Si la faute incombe à un témoin, la rencontre est encore sus- pendue, parce que le directeur n'est pas témoin, et que le nombre quatre n'existe plus.

Pour terminer ce qui touche à la personnalité et au rôle du directeur du combat, il nous reste à parler des devoirs des témoins vis-à-vis lui et de leur importance réciproque. Nous avons dit que les témoins gardent le silence, et s'abstiennent de tout geste ; ceci ne veut pas dire qu'ils restent témoins passifs, laissant au seul direc- teur le soin de conduire la lutte à sa guise. Le directeur du combat n'est institué que pour unifier le commandement et éviter la confu- sion ; mais il n'est pas, comme certains pensent, le supérieur des autres témoins.

Leurs droits sont égaux comme leur responsabilité. Insti- tués pour stipuler les conventions insérées au procès-verbal, ils le sont également pour en surveiller l'exécution. Si le directeur du combat s'en écarte, ils peuvent et doivent le contrecarrer sans scrupule.

Trop souvent les adversaires se figurent qu'ils ne doivent obéir qu'au seul directeur du combat. Trop souvent les témoins qui s'aperçoivent d'un incident qui nécessite l'interruption du duel s'imaginent que leur rôle se borne à signaler le fait au directeur du combat, qui seul a le droit de commander l'arrêt. Tous deux se trompent.

48S PREMIÈRE PARTIB. :

bn exemple fera mieux comprendre les conséquences fâcheuses qui résulteraient de la mise en pratique de cette théorie.

Pierre et Paul se battent à Tépée. Jacques, simple témoin, croit s'apercevoir que le premier est touché. Il se contente de le dire an directeur du combat, sans donner personnellement Tinjonction d'arrêter.

Si le directeur du combat ne le liait pas immédiatement, et si j[>endant ce petit balancé Pierre atteint son adversaire d'un coup qui le blesse» ce dernier soutiendra qu'il y a eu félonie. Pierre lui répon- dra : « Le directeur du combat avait seul qualité pour m'intimer Tordre de suspendre le duel. Je lui ai obéi immédiatement. Je ne pouvais rien déplus. Tant pis pour vous, si l'ordre a été donné trop tard I » Et ce disant, il aura raison.

Au contraire, si on admet Topinion suivant laquelle Jacques a le droit d'ordonner l'arrêt, dès qu'il s'aperçoit d'un fait susceptible de le motiver, et s'il l'ordonne en effet, Pierre commet une infraction aux règles du duel, en n'obtempérant pas aussitôt.

Concluons donc en disant qu'immédiatement après l'engage- ment du combat, témoios et directeur ont un droit égal à ordonner ^'arrét, et que les adversaires doivent se conformer aussi bien aux injonctions des premiers qu'à celles du second '.

CHAPITRE XXVII

Les adversaires pendant le combat.

Une fois le signal donné par le commandement « Allez I » les combattants ont le droit d'évoluer à leur gré dans Tespace qui leur est assigné comme arène.

Se baisser, se grandir, avancer, rompre, sauter, se jeter à droite, à gauche ou en avant, voltiger autour de son adversaire, manœuvrer de manière à le placer dans une position désavantageuse et conquérir le côté le plus favorable, est dans les règles du combat. Tous les auteurs sont d'accord sur ce points mais à condition que

1. Voyez affaire Mermeiz-La Bruyère, le National, n^ des 9-10 septembre 1890. Appendice n<» 81 et 97.

2. Voyez Ghateauvillard, chapitre v, article 16. ^Taveroier, page 161. Du Ver- ger de Saint-Thomas, chapitre ti, article 15.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 183

les antagonistes observent les règles que nous étudierons dans les chapitres xxvm et suivants

Les témoins qui proposeraient des conditions restrictives de ces libertés proposeraient des conditions que les témoins adverses pourraient repousser, sans cesser d'agir correctement, et s'il y avait arbitrage, les arbitres devraient se prononcer en faveur de la fin de non-recevoir ^

Réserve de cette liberté est faite au procës-verbal, qui trace en outre les devoirs des combattants en cas de repos, acculement, corps à corps, désarmement, bris ou faussement d'épée, chute et blessure.

Nous allons étudier séparément chacune de ces hypothèses. Observons auparavant que les adversaires doivent chercher à se frapper d'estoc seulement. La structure de Tépée et son escrime rindiquent surabondamment.

Il faut donc regarder comme contraires aux règles du duel les coups de fouet intentionnellement portés, par exemple, sur la main ou sur le bras.

Serait» également contraire à ces règles Tacte du combattant qui, se servant de Tépée comme les Basques du couteau, la lance- rait contre son adversaire.

CHAPITRE XXVIII Usage de la main qui ne manie pas Tépée.

Le coup d'épée ne peut être paré qu'avec Vépée. Ce principe domine toute la matière.

// en résulte que l'acte d'écarter l'arme de son adversaire avec la main qui ne manie pas l'épée, aussi bien que l'acte de la saisir, constituent une violation des règles du duel^.

Aucune clause contraire ne peut faire l'objet d'une stipulation et être insérée au procès-verbal. Par contre, la prohibition doit y figurer clairement exprimée.

Trop souvent la négligence ou la timidité des témoins a causé la mort ou la blessure d*un des combattants. Il est probable, en

1. Voyez aff»ire Naquct-Monvielle, Gazette des TribunauXf 11 août 1887. Appen- dice n« 72.

2. Gonfornoément, voyez Chateauviilard^ chapitre iv, article 10 et chapitre v, article 14. Tavemier, page 246. G. JoUivet, l'Escrime et le duel, page 219, etc. Affaire Chapuis-Deckerel, Gazette des Tribunaux, 30 et 31 mai 1885. Appendice n»73.

184 PREMIÈRE PARTIE.

effet, que si les adversaires avaient été avertis qu'ils commettraient ane forfaiture en saisissant l'épée de leur partenaire, ou en parant avec la main, et s*ils avaient été engagés par leur signature, ils se seraient abstenus ^

Quelle est la sanotion de la prohibition qui fait le enjet

de oe ohapitre?

II faut distinguer:

S'il y a parade ou préhension non suivie d'un coup porté, ce fait peut être considéré bien plus comme un mouvement instinctif de préservation que comme un acte déloyal. Si cette aggravation n'est pas constatée, il nous semble difficile de considérer comme disqualifié Tindividu qui s'y sera laissé entraîner instinctivement K

S'il y a parade ou préhension suivie d'un coup porté, l'excuse du mouvement de préservation ne peut être admise, car sur le mouvement de défense instinctive est venu se greffer l'acte offensif, caractérisé par le coup porté.

L'intention déloyale est présumée, soit que le coup ait été suivi d'une blessure, soit qu*il n*ait pas abouti ; car, dans cette dernière hypothèse, la blessure n'a manqué que par des circonstances indé- pendantes de la volonté de son auteur.

La disqualification nous semble devoir alors être encouruer

Certains tireurs placent si mal la main qui leur sert de balan- cier, qu'ils ne peuvent jamais être assurés de résister au mouvement instinctif dont nous parlons. Nous leur conseillons de saisir avec force la patte de ceinture attachée à leur pantalon, ou d'introduire la main tout entière entre le corps et la ceinture. Ce point d'appui suffira généralement pour empêcher toute excursion en dehors de la zone permise. Si le mouvement est irrésistible, il faut attacher la main coupable'.

A cette question principale viennent se joindre deux autres propositions incidentes. On peut se demander :

S'il est permis de repousser son adversaire de la main qui ne manie pas l'épée, ou de le frapper avec le pommeau; 2f* de changer l'épée de main.

A la première, nous répondrons négativement. En effet, si la réponse était affirmative, les rencontres dégé- néreraient en scènes de pugilat, contrairement à Tesprit de la légis-

1. Voyez affaire Darzens-Moreas, le Temps, u^ du 22 mai 1888. Appendice 74.

2. Voyez affaire Darzens-Moreas. Appendice 74.

3. Voyez Cbateauyillard, chapitre v, article 15.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 485

lation du point d'honneur, qui cousidëre précisément le duel comme un moyen d'éviter les rixes et les violences indignes de gens bien élevés ^

C'est pour les mêmes raisons que dans un corps à corps, tous les mouvements sont gênés et le maniement d'une arme longue est difficile, il est interdit de saisir son épée par la lame, de manière à la raccourcir, et à en frapper plus commodément son adversaire, comme d'un poignard, sans cesser de le colleter.

Estril permis de changer de main?

La question est controversée.

Les uns soutiennent que, pour avoir ce droit, il est indispen- sable de prévenir les témoins de la partie adverse qu'on est dans rintention de se servir alternativement de la droite et de la gauche, d d'en obtenir Tautorisation ^ D'autres interdisent absolument cette manœuvre.

Les premiers donnent comme raison que l'absence de décla- ration causerait à l'adversaire une surprise sur laquelle il serait peu loyal de tabler. Les seconds ajoutent que le changement de main, même prévu, procure un délassement qu'on peut se donner au moment utile, et qui, étant presque toujours l'apanage d'un seul tireur, devient un avantage illicite.

Ces raisons ne nous satisfont pas.

A notre avis, les seuls avantages interdits sont ceux dont l'une des parties jouit, sans que l'autre possède la capacité d'en jouir également.

Tel serait le cas Tun des adversaires n'aurait qu'un bras, et l'autre voudrait se livrer à la manœuvre soit disant défendue. Il est clair que le manchot serait incapable de l'imiter, quMI y aurait impossibilité matérielle, et que Tinterdiction serait justifiée.

Hais il n'en est plus ainsi dans notre espèce. Les deux combat- tants sont supposés également valides, et par suite également capa- bles de prendre l'épée de l'une ou de l'autre main, et de se livrer à un exercice qui est une aff'aire d'habitude, et partant à la portée de tout le monde. A l'individu qui demanderait d'interdire l'emploi alternatif de la main droite et de la main gauche dans un duel il serait acteur, nous répondrions exactement ce que répondraient les adversaires de notre système à l'homme qui, n'ayant jamais touché une épée, se plaindrait d* avoir à croiser le fer avec un tireur

1. Conformément, voyez Château v illard, chapitre v, article 17.

2. Voyez Tavernier, page 26 i.

486 PREMIÈRE PARTIE.

de premier ordre, qui lui imposerait, en sa qualité d'offensé, Parme qu'il excelle à manier :

(( Les salles d'armes vous étaient ouvertes comme à lui. Gomme lui vous êtes valide. Gomme lui vous pouviez apprendre & défendre votre peau. Vous ne l'avez pas fait, tant pis pour vous I Tout ce que nous pouvons en votre faveur, c'est de veiller à ce que les con- ditions matérielles du combat soient égales. »

Si nos adversaires accordent à l'émule de Saint-Georges le droit d'user d'une aussi écrasante supériorité vis-i-vis un homme qui n'a jamais manié une épée, de quel droit laisserions-nous dépouiller ce malheureux de la mioce planche de salut que lui offre le chan- gement ?

Il peut arriver, en effet, que la nature ou l'habitude lui aient procuré dans d'autres exercices que l'escrime une force et une adresse, sinon égales pour les deux mains, du moins supérieures à la moyenne ordinaire. Dans ce cas, s'il parvient à faire traîner le duel en longueur, il est clair que son adversaire se lassera bien plus vite que lui, et qu'au bout d'un certain temps, la fatigue que le tireur habile éprouvera compensera dans une certaine mesure Tinexpé- rience du premier.

Soyons de bon compte.

Les raisons de surprises, d'avantages quasi déloyaux, sont au- tant d'arguties mises en avant par la majorité des bons tireurs, qui ne font fort que d'une main, et voudraient proscrire cette ma- nœuvre, qu'ils redoutent comme un danger. Les auteurs qui sou- tiennent l'opinion contraire à la nôtre ne seraient-ils pas dans ce cas ?

L'assimilation qu'ils essayent de faire entre Facte de parer avec la main qui ne manie point l'épée et l'acte de se servir alternative- ment de la gauche ou de la droite n'est pas admissible.

// n'y a qu'une défense licite, l'épée opposée à l'épée, mais peu importe la main qui la tient.

Nous soutenons, en conséquence, que le changement peut avoir lieu sans qu'une déclaration préalable soit nécessaire et sans que les témoins adverses puissent s y opposer. Nous le faisons d'au- tant plus volontiers que le silence gardé par Chateauvillard sur ce point, après les deux articles consacrés à l'interdiction de la parade avec la main qui ne manie pas l'épée, est un indice à peu près certain de l'acquiescement qu'il donne au changement de main K

1. Conformément, voyez G. Prévosl et G. Jollivet, V Escrime et le duel, p. i29.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 487

CHAPITRE XXIX

Les reprises et les repos.

Y aura-MI repos après un certain laps de combat ?

Le combat se poursuiyra-t-il au contraire sans repos jusqu'à ce qu'une blessure vienne l'interrompre ? Telle est la première ques- tion qu'on peut se poser, et sur Timportance de laquelle nous ne saurions trop insister, car dans certains états physiques Tissue du duel en dépend. Elle doit être discutée avant la rencontre, et faire Tobjet d'une clause insérée au procès-verbal.

Sur cette première question se greffe celle de savoir à qui re-

-vient le droit de décider dans l'un ou dans l'autre sens.

Elle est controversée.

Nous allons examiner les différents systèmes proposés.

Le premier, qui est soutenu par MM. Tavernier, p. 151 ; Du Yei^er de Saint-Thomas, chapitre vi, article 22 ; M. G. Jollivet, p. 227, accorde à tout combattant fatigué, qui en fait la demande verbale- ment ou par un signe convenu, la faculté de faire arrêter aussitôt le duel.

Cette opinion nous semble inadmissible. Nous ne comprenons pas qu'un tireur pressé, désorienté, puisse escamoter le péril qui le menace, en prétextant la fatigue et en faisant un geste ou un appel. Il y a une source de tromperies et de discussions qui doit la faire proscrire *.

Un deuxième système bien plus rationnel reconnaît aux seuls témoins le droit de décider, par accord mutuel avant la rencontre, s'il y aura ou non repos.

Il est appuyé de l'autorité de Ghateauvillard, chapitre iv, ar- ticle 12.

Nous Tadoptons lorsque l'offense est du premier degré, mais lorsqu'elle est du second ou du troisième, nous croyons que le pri- yilège de décider s'il y aura ou non repos appartient à l'offensé, comme conséquence de son droit au choix du duel, conformément à ce que nous avons expliqué chapitre vu.

1. Voyez affaire OUivier-Feuilhcrade, Gaselte des Tribunaux, 4 août 1876. Appen- dice n^ 75.

188

HfltoDS-nooB d'observer qoe cette solation très lo^qae et très

soateoable, puisqu'elle découle des prémisses posées par Chaleau- Tillard laï-mftme, chapitre premier, articles 10 et 11, nous est per- sonnelle. Noos DO prélendoDS donc pas l'imposer.

Dans le cas les (émoi os ne l'admettraient point, ils devraient s'en tenir au second syslC^me et rejeter absolument le premier.

Id clause par laquelle il est stipulé que le duel se continuera sans interraptlon est excessivement rare. Tout au plus nous rap- pelona-noos l'aToir rencontrée une fois ou deux dans les comptes rendos des nombreuses affaires qu'il nous a été donné de par- courir. .

Au contraire, celle qui accorde les repoa se voit continiteUeiiieat. Elle ne peut guère être refusée.

L'omission de la ctease slipolaDt qu'il j aura repos nous semble devoir être interprétée dans un sens négatif, car une fois sur le terrain il n'est plus temps de discuter une question anssi complexe *.

La duréedesreprisesetdes repos doit être dét^minée d'année et insérée au procès-verbal.

Nouq ne saurions admettre, comme l'enseigne H. Do Verga" de Saint-Thomas, qu'an témoin puisse arrêter le duel lorsqu'il Joge que l'an des combattants est fatigué, car il serait maître de tirer ainsi son client d'une passe défavorable.

On s'est demandé si cette prohibition détendait an cas Tun des combattants serait pris d'une quinte de totu on bien de ces éteruuements qui ahnrissent le patient, l'aveuglent et lui enlèvent temporairement ses moyens.

Nous croyons qu'il faut répondre affirmativement, parce que ces quintes ou ces éteruuemeuts peuvent être simulés dans le but de tirer celai qui s'y livre d'un mauvais pas, ou de le sauver de la fatigue.

Hais, dans le doate, la délicatesse, à défaut de prescription lé- gale, oblige son adversaire & garder la défensive et ji éviter de le charger pendant le cours de l'iocident.

La dnrée des reprises varie entre trois et cinq minutes environ.

La durée des repos est proportionnelle à celle des reprises, mais ne doit guère dépasser cinq minutes.

On comprend, du reste, que l'âge et l'état physique des com- battants entrent forcément en ligne de compte, lorsqu'il s'agit de dis- cuter cette importante question.

1. Voyez Tavernier, pige 15i.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 489

Les témoins d'un homme obèse, asthmatique ou atteint de bat- tements de cœur, par exemple, auront le devoir de s'appuyer sur son infirmité pour demander des reprises courtes et des repos nom- breux. Quand bien même la fixation de la durée des reprises et des repos appartiendrait à l'adversaire d'un être aussi malmené dans sa santé, les témoins de ce dernier ne devraient pas abandonner la partie.

En insistant énergiquement sur la responsabilité qui incom- berait à l'offensé et à ses mandataires, si leur refus d'accorder des repos fréquents et des reprises courtes amenait un dénouement fatal et des poursuites judiciaires ; en faisant vibrer les sentiments généreux et la crainte de l'opinion publique, ils ont chance d'éviter à leur client une lutte il serait vaincu par avance.

Lorsque le procès-verbal spécifie qu'il y aura repos, le direc- teur du combat ou son acolyte mesure, chronomètre en main, la durée de la reprise, et suspend le duel par le commandement « Halte I » ou « Arrêtez I » appuyé s'il le faut d'une intervention effective, à la seconde précise expire le délai.

A ce signal, les adversaires doivent rompre, en se tenant en garde, et suspendre tout engagement.

Le directeur du combat se place au milieu d*eux. Leurs man- dataires les rejoignent et les éloignent de quelques pas. Le délai fixé pour le repos une fois expiré, les combattants sont replacés en face l'un de l'autre. Les précautions indiquées chapitre xxvi pour la mise en garde, au début de la rencontre, sont prises de nouveau. Après le commandement « Allez! » le duel recommence.

Quel sera l'endroit devra être opérée cette nouvelle mise en garde ? Les adversaires occuperont-ils les places qui leur auront été désignées par le sort au début de la rencontre ? Reprendront-ils, au contraire, celles qu'ils occupaient avant le repos?

Il faut distinguer.

Si les conventions portent que le repos sera accordé sur la de- mande d'un combattant fatigué, on fera Tapplication pure et simple d'un principe sur lequel nous aurons à revenir souvent : « Le terrain conquis ne se rend pas, » et les adversaires seront placés à l'endroit précis qu'ils occupaient avant le repos. Si les conventions portent que le repos sera accordé après un certain temps fixé d'avance, le doute est permis, car on peut considérer chaque reprise comme un acte absolument terminé à l'expiration du délai stipulé, et celle qui suit le repos comme une seconde phase indépendante de la pre- mière. Nous croyons qu'il vaut mieux replacer les combattants au centre du champ.

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190 F&filllÈRB Ti^TIB.

CHAPITRE XXX L'aoculaBiflBtr

Le combat peat être eompliqu^ d'aoeolemeiitn Pim des lireinÉ, pressé par Fautre, butte, en rompant, contre la Ihnite natnireUë ou conventionnelle qui borne le champ*

Xn sarail oasy la (durmp doitrll être reiidtt?

Certains directeurs de combat, après aroir Ml faire halte, replacent les adversaii^es dans l'endroit ib ont commencé la lutte. Cette manière de procéder est nuisible à Phomntô qui au péril de ses jours a manœurré de manière à terminer Taction sur la limite de Tarène ^

Nous n'hésitons pas è la condamner et à &ire Papplication de la règle formulée par M.Tàferhier : « Le terrain conquis ne 8& rend pas. »

Du moment que les combattants ont derrière eux un e^Mice suffisant pour rompre largement, tant pis pour cehil qui se laisse acculer. 11 n'a qu*à reprendre roflènsive et à se débloquer par un vigoureux effort.

Lorsque Tud des adversaires franchit la limite conventionnelle, canne, mouchoir, etc., qui borne Tarène, le directeur du combat arrête le duel, et, après avertissement, replace sur la limite celui auquel cet accident est arrivé. Il fait ensuite reculer Tassaillant de la mesure strictement nécessaire pour que les épées soient engagées à 5 ou 10 centimètres de la pointe, en observant les précautions indiquées pour la mise en garde au moment de la première reprise '.

Remarquons que si on adopte la mise en garde préconisée par Château villard, ce mouvement de recul est un peu plus accentué. Dans Tune ou Tautre hypothèse, il a pour but d'éviter le corps à corps qui se produirait inévitablement sans cette précaution, tout en sauvegardant, dans la limite du possible, les droits de Tassaillant.

Dans son livre le Jeu de l'épée, M. E. André, page 252, soutient qu'il faut prévenir de Taccident qui le menace le combattant sur le

1. Voyez affaire Pons-Neveu-Saa Malato. Appendice iv* 76. Tavernier, page 157 et suiy.

2. Voyez chapitre xivi.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 491

point d'être acculé, pour qu'il ne soit pas surpris trop brusquement.

Telle n'est pas notre opinion. Nouscroyons que cet avertissement lai sera plus nuisible qu'utile, car il détournera son attention, qui ne sera plus tendue que sur un point : ne pas dépasser le but.

Combien de fois Facte de franchir la limite peut-il se produire sans eutralner la suspension de la lutte? Cette question doit avoir été prévue, et sa solution dépend de raccord des témoins, mais il existe des limites qui ne peuvent être excédées. Raisonnablement, trois actes répétés nous semblent plus que suffisants pour motiver la suspension du combat. La tolérance est naturellement d'autant moindre que la surface du champ est plus grande.

Il peut se faire que le moment du repos sonne au beau milieu deTacculement. Les choses se passent alors comme si ce dernier incident ne s'était pas produit, c'est-à-dire qu'à l'instant précis doit se terminer la reprise d'après les conventions, le directeur du combat arrête le duel, et le repos a lieu.

Après ce repos, les combattants sont replacés à l'endroit désigné par le procès-verbal, sans que la règle : « le terrain conquis ne se rend pas », puisse prévaloir contre la stipulation contraire, qui est alors la loi des parties.

Il en est de même lorsqu'au moment fixé pour le repos il se produit un corps à corps, un désarmement, une chute, un bris ou un faussement d'épée.

Observons que si un des combattants franchit la limite du champ, son adversaire n'est pas tenu de s'arrêter de lui-même, et sans attendre le commandement des témoins. Il peut continuer la lutte, car ce n'est pas à lui de juger s'il y a ou s'il n'y a pas incor- rection. C'est à ceux qui dirigent et surveilleat le combat.

Hais aussitôt le signal donné, la cessation doit être Instantanée. Cette éventualité se produira du reste rarement, car l'infraction est si apparente que les témoins interviendront en temps utile.

CHAPITRE XXXI Le corps à corps.

Le combat peut se compliquer de corps à corps, soit que cet incident se produise dans une portion du champ autre que ses extrémités, soit qu'il ait lieu à la limite de ce champ, et devienne une conséquence de Tacculement.

49S PREMIÈRE PARTIE.

Celte éventualité ne saurait être négligée dans le procès-rerbal de rencontre. Le corps à corps sera-t-il permis ou interdit? Les témoins, s'il se produit, derront-ils s'abstenir de toute interrention ou deyronl- ilsl'interrompreîTelles senties questions qui se posent tout d'abord.

Nous croyons qu'il faut y répondre négatirement, parce que le corps à corps métamorphose la rencontre en une sorte de rixe qui n*est autrr ^'Jiose que le duel au couteau, avec la seule différence de la longueur des armes ; duel les poitrines se heurtent, les membres s'entre-croisent, les moufement sont désordonnés, la Tiolation des règles reçues et des conyentions stipulées ne peut guère plus être é?itée que constatée.

Quelle responsabilité pour les témoins si pareil fait se produit et entraîne mort ou blessure^ I

Les signes auxquels on reconnaît le corps à corps ne sauraient être déterminés, théoriquement, d'une manière absolue. Cependant on peut dire qu'il y a corps à corps lorsque les ad?ersaires sont tellement rapprochés que les épées sont engagées jusque vers la coquille, et comme l'indique l'expression même (corps à corps), lorsque les antagonistes sont prêts de se toucher.

Le directeur du combat et les témoins sont tenus d'arrêter alors immédiatement la lutte, non seulement par une intenrention rer- bale, mais par une interrention manuelle si c'est nécessaire, en se précipitant entre les antagonistes.

Il ne faut pas se dissimuler que cette partie de leur mission est dangereuse et délicate ; dangereuse, car ils risquent d'être blessés; délicate, car, si l'une des épées est immobilisée avant l'autre, il peut arriver que Parme restée libre vienne frapper l'adversaire que rien ne défend plus.

C'est ainsi qu'au mois de mai 1892, le maréchal des logis Beaumalou a été tué à l'École militaire.

Le maître d'armes voulut parer un coup dangereux porté par Beaumalou. Il releva Pépée de ce dernier, et le court espace de temps pendant lequel il le mit hors de défense sufût pour que son adversaire le frappât mortellement.

La difficulté de relever les deux épées précisément à la même seconde constitue du reste l'argument principal, et non sans valeur, des personnes qui autorisent le corps à corps.

Une fois le corps à corps arrêté, les adversaires sont replacés à

1. Voyez affaire Drumont-Meyer, Gazette des Tribunaux, 27 juin 1886. Appendice no 77. Contra. Voyez G. Jollivet, PEscrime et te duel, page 217. Emile André, le Jeu de l'épée, page 228.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 493

Tendroit qu'ils occupaient au moment la lutte a été arrêtée. Le terrain conquis ne se rend pas.

Les précautions indiquées chapitre xxyi pour la mise en garde sont de rigueur cette fois encore.

CHAPITRE XXXII Le désarmement.

Le combat doit être interrompu lorsqu'il y a désarmement.

Un combattant est réputé désarmé, lorsque son épée est visible- ment sortie de sa main.

Tant que l'épée n*a pas quitté la main, le combattant n'est pas considéré comme désarmé, bien que Tarme vacille entre ses doigts.

Le tireur qui a désarmé son adversaire s'arrête net sans porter de coup et sans attendre le commandement des témoins. Il rompt et garde la position défensive, jusqu'à ce que l'épée ait été ramassée et que le directeur du combat ait donné le signal d'une nouvelle reprise.

u Dans Fardeur du combat, dans une riposte du tac au tac, écrit Gbateauvillard, il peut arriver qu'on n'ait pas le temps de voir que son adversaire est désarmé. Nous avons donc ajouté le mot « visiblement ».

« Lorsqu'il a pu être visible pour le combattant que son adver- saire est désarmé, il doit, sans attendre la voix des témoins, rompre en garde et s'arrêter. Et si les témoins ont pu voir que l'épée était sortie de la main avant la riposte, le combattant armé doit s'en être aperçu, et s'il a touché son ennemi il a agi contrairement aux règles établies.

« S'il était fait en cela de plus larges concessions, on unirait par frapper son adversaire lorsque son épée serait à terres »

C'est le temps et la position qui doivent établir le jugement des témoins. Ils ne s'en rapporteront donc qu'à eux seuls pour juger cette importante question.

Dans l'hypothèse que nous étudions, plus encore que dans celles que nous venons de traiter, le devoir des témoins et du directeur du duel est d'arrêter instantanément la lutte, puisque le combat-

1. Chateauvillard, chapitre v, articles 17, 18 et page 108.

43

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494 PREMIEHE PARTIE.

lant désarmé se trouve absolument, et sans défense possible, à la merci de son adversaire.

Le combatlantqui cherche â frapper son adversaire visiblement désarma, ou le frappe, commet un acte déloyal molivant disqualifi- cation et susceptible d'être déféré aux tribunaux.

Le comhaltaut désarma doit exécuter, aussitôt après, un bond en arrière, le plus rapidement possible, el sans attendre l'inlerven- lion des témoins ou du directeur du combat.

II n'essaye pas de ramasser son arme. Celte charge incombe à ceux qui l'assistent.

Il atlend hors de portée qu'on le remette en garde. Cotte remise en garde est opérée de la manière indiquée, chapitre xwi, pour le premier acte du duel, et à l'endroit occupé par les combaltaols à l'instant le désarmement s'est produit.

Cette fois encore, le terrain perdu ne se rend pas.

Du moment que le combattant qui a désarmé sou adversaire est tenude s'arréterspontauémcut, du momeut que, s'il ne le fait pas, il se rend coupable d'une félonie, il en résulte que le combat- tant désarmé ne contracte vis-i'i-vis de lui aucune dette de recon- naissance, car il n'a fait qu'accomplir un devoir strict. 11 ne peut invoquer, par conséquent, son altitude comme une générosité, pour obtenir le changement ou l'abandon d'nne condition qu'il considère comme lui étant préjudiciable.

Le procès-verbal doit être exécuté dans son entier, comme si le désarmement n'avait pas eu lieu '.

CHAPITRE XXXIII Le bris et le faussement d'é]

Le combat doit titre interrompu pour cause du bris ou du faus- sement d'une des épées.

Deux cas peuvent se présenter eu pareille occurrence : 1' Si les paires ont été tirées au sort, à moins de stipulation contraire, on met de côtéla paire dépareillée, et on prend celle que le sort n'a point choisie.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEU 195

Si le même accident se présente une seconde fois» la rencontre doit être remise» à moins qu'il n'ait été convenu que les armes restant en bon état seraient tirées au sort, ou que chaque combat- tant prendrait celle qui lui appartient.

2^ Si chacun des adversaires est autorisé à se servir de ses armes» l'épée faussée ou brisée est remplacée par une seconde de la même paire. Les deux antagonistes continuent, par conséquent, à user de leurs propres armes.

C'est surtout en cas de bris ou de faussement d'épée que la contre- visite des adversaires s'impose, pour peu qu'il y ait doute sur la cause de l'accident qui peut résulter d'une ceinture ou d'une cuirasse. Le refus de cette visite entraîne forcément arrêt définitif du duel, procès-verbal et disqualification ^

Le combattant qui s'aperçoit que l'épée de son adversaire est brisée doit s'arrêter spontanément et immédiatement, puisque son adversaire ne tient plus à la main qu'un tronçon inoffensif. Il reste sur la défensive et indique le pourquoi de sa retraite.

II agit de même en cas de faussement.

Pour plus amples détails, voyez notre chapitre xxxvi.

S'il continue le combat et cherche à frapper son adversaire, il viole les règles du duel, et cette violation peut devenir félonie.

Aussitôt après le réarmement des adversaires, ils sont replacés à l'endroit précis qu'ils occupaient au moment de l'incident, et les précautions indiquées chapitre xxvi pour la mise en garde sont appliquées.

Le terrain conquis ne se rend pas.

CHAPITRE XXXIY La chute.

Il n'est pas plus permis de frapper un ennemi tombé à terre qu'à celui-ci d'essayer, pendant qu'il est dans cette position, d'at- teindre son adversaire, ou de se relever et de le charger.

Tous deux sont tenus de cesser le combat spontanément, et d'attendre que les témoins les remettent en garde et que le signal soit donné pour recommencer la lutte. S'ils ne le fout pas, ils

1. Voyez affaire Ollivier-Feulherade, Gazette des Tribunaux, 4 août 1876. Âppea- dice 79.

196 PREHIËRB PARTIE.

violent les règles du duel et commclteot une iofraetioa qui peut être considérée comme une félonie.

Du reste, les témoins doivent intervenir et arrêter le combat à l'instant même la chute se produit.

commence l'instant de la cliule véritable? Quel est le moment précis oii cesse pour l'adversaire le droit de continuer? Question d'autant plus délicate que le petit inlerralle pendant lequel il hésite, en se dc^mandant ce qu'il doit faire, peut lui être fatal, si cet accident n'est qu'une feinte, ou s'il est assez incomplet pour permettre à qui le subit de reprendre l'attaque en même temps que son aplomb.

Nous croyons que le combat doit cesser au moment le com- battant qui tombe a touché terre, mais qu'il peut contiiuier pen- dant la période d'oscillation.

Il y a une question de fait qui est de la compétence des témoins. Du reste, mieux vaut cent fois pour le duellisic resté debout laisser échapper, en cas de doute, l'occasion d'un coup d'épée heu- reux, que risquer de commettre un acte dont la loyauté peut être discutée.

Est-il nécessaire d'insister sur le soin avec lequel les témoins doivent surveiller la lutte, de manière à intervenir au moment précis la chute est visible et appréciable? Ils le comprendront en songeant qu'une seconde de retard peut causer un malheur irré- parable.

Jamais la chute ne doit être permise comme feinte, Ea effet, da momeni que la chute véritable impose au combattant resté debout l'obligation de s'arrêter, cette prohibition devient nécessaire, et ia feinte de chute constitue an acte déloyal, parce qu'elle induit en erreur celui qui en est témoin, et le livre pour ainsi dire désarmé à la botte qui suit la feinte.

Le coup qui consiste à se mettre à genoux ou à s'aplatir, une main posée à terre et servant de point d'appui, pendant que l'autre cherche à toucher en ligne basse, n'est donc plus autorisé. Mention de ces défenses doit être insérée au procès-verbal '.

C'est une légère restriction apportée au droit, que nous ayons reconnu aux combattants, d'évoluer à leur gré pendant le duel. Ils conservent celui de se baisser, mais il est subordonné à la condi- tion que ce mouvement ne puisse pas être pris pour une chute. Lorsque le combat recommence, les adversaires sont replacés à l'endroit précis qu'ils occupaient au moment de l'accident, et les pré- cautions énoncées chapitre xxvi pourlamise en garde sontde rigueur.

1. Conrorménieot, voyei TtTernier, page 175.

OFFENSES, RÈGLES DU DUEL. 497

CHAPITRE XXXY La blessure.

La blessure est généralement répilogue du duel. Les témoins se pénétreront de ce principe, c'est qu'ils doivent arrêter les com- battants aussitôt qu*ils croient que la pointe de l'épée adverse a frôlé une partie du corps de l'un d'eux, et employer tous les moyens possibles afin d'arriver à ce résultat. Ils y sont tenus quand bien môme cette intervention mettrait leur vie en danger.

Il arrive que, dans la chaleur du combat, le blessé ne sent rien; souvent aussi la plaie ne saigne guère ou même ne saigne pas du tout. Les témoins doivent cependant voir que le coup a porté et Intervenir aussitôt. Ils n'ont pas le droit d'être aveugles.

Que de fins tragiques survenues pour des querelles insigni- fiantes, à la suite de blessures qui auraient mis fin au combat si les témoins s'en fassent aperçus ^

Le combattant qui croit avoir blessé son adversaire doit rompre aussitôt, en se tenant en garde sur la défensive et en disant :

« Je crois avoir touché. »>

Le blessé doit en faire autant, le plus rapidement que son état le permettra, et en articulant à haute voix le mot « touché ».

Dans ces deux occurrences, celui qui est intact ne peut plus attaquer, mais seulement parer et riposter, si le blessé ne s'arrête pas immédiatement. Toutefois, cette défensive n'est obligatoire que pendant quelques secondes, car le fait de ne pas s'arrêter immédia- tement après l'annonce de la blessure équivaut pour le blessé à son assentiment de continuer*.

On fait une objection à ce système.

Vous allez vous trouver, disent les adversaires, en présence de deux éventualités : d'abord en présence d'un individu qui, ayant vu la blessure qu'il a faite, continuera une passe d'armes qu'il croira devoir lui être favorable, et qui prétendra ne s*être aperçu de rien dans la chaleur de la lutte. Gomment découvrirez-vous son men- songe? Quelle sanction appliquerez-vous ?

i. Voyez affaire BeU-Pierrotti, Gaxette des Tribunaux, \0, 17, 18 décembre 1889* Appendice 80.

3. Cooformément, voyez Chatcauyillard, chapitre v, article 20 et page 109. Ta?crnier, pages 177 et suiv.

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198 PREMIÈRE PARTIE.

Ou bien vous vous trouverez en présence d'un blessé qui, par respect humain» ne Toudra pas annoncer qu'il est touché, de peur qu'en signalant une lésion peu grave il ne semble vouloir esquiver une prolongation du duel. Gomment prouverez-vous qu'il a volon- tairement gardé le silence?

Nous sommes les premiers à reconnaître qu'en matière de for intérieur, il peut y avoir des présomptions» mais non des preuves tangibles. Nous ne proposerons donc qu'un simple palliatif. Il con- siste dans Tinsertion au procès-verbal d'une clause stipulant que les blessures reçues ou portées seront annoncées.

La solennité d'un tel engagement d'honneur empêchera celui qui aura frappé de continuer une lutte inégale. L'obligation morale qui en résultera enlèvera au blessé la crainte de paraître céder à un sentiment pusillanime ^

Le directeur du combat et les témoins ne doivent, du reste, pas avoir besoin de l'avertissement des acteurs pour arrêter la lutte par une intervention effective.

Une fois le combat arrêté, si le blessé continue à croiser le fer avec précipitation et se jette sur son adversaire, cela équivaut encore à son assentiment de continuer. L'adversaire peut reprendre l'offensive.

Si, après le duel arrêté, le combattant demeuré intact se jette sur le blessé et essaye de le frapper, il y a félonie entraînant arrêt définitif.

Aussitôt que le combat est arrêté, les médecins s'approchent sur rinvitationdes témoins, examinenlla blessure et donnent leur avis*.

Si, malgré la blessure, la lutte doit recommencer, les formalités indiquées chapitre xxvi pour la mise en garde sont de rigueur.

Le procès-verbal stipulera si le champ sera rendu, ou si les combattants reprendront les places qu'ils occupaient au moment le combat a cessé. Nous croyons que, dans le cas actuel, il vaut mieux les remettre au milieu de Parène, parce qu'élant donné l'état d'infériorité dans laquelle se trouve le blessé, il serait injuste de le priver de la faculté de rompre largement, faculté si précieuse dans sa position.

Si le combat recommence, le blessé est libre de demander tous les repos dont il a besoin. Le directeur veille avec sollicitude sur lui, et fait cesser définitivement la lutte si la blessure se rouvre ou le met dans un état d'infériorité par trop grand.

1. Nous avons trouvé dans Gelli et Ângelini, auteurs italiens cités chapitre lxxxi.. la même doctrine enseignée.

2. Relativement à la valeur de cet avis, voyez notre chapitre xxii.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 499

CHAPITRE XXXVI

Devoirs des témoins et des adversaires dans les cas prévus

chapitre xxvm et suivants.

Au risque de nous répéter, nous croyons utile de réunir en un seul chapitre les prescriptions relatives aux obligations des témoins et des adversaires en cas de repos, d'acculement, de corps à corps, de bris ou de faussement d'épée, de désarmement, de chute et de blessures.

Dans tous ces cas, les témoins doivent arrêter le combat aussitôt que l'incident se produit, en criant : « Arrêtez I » ou « Halte ! )> et en se précipitant entre les antagonistes, à leurs risques et périls.

Les combattants sont tenus de cesser la lutte dans les huit cas précités^ à l'instant oii les témoins commandent « Halte! » ou « Arrêtez! » Nul prétexte ne peut les en empêcher.

Hais ne se bornent pas leurs devoirs. D'autres leur sont imposés si, pour une raison quelconque, le commandement des témoins se fait attendre.

Dans certains cas, ils sont obligés de continuer la lutte. Dans certains autres, ils sont obligés de l'interrompre spontanément.

Quelquefois enfin, bien que les règles strictes du duel ne les obligent point à prendre ce dernier parti, la délicatesse et le soin de leur honneur doivent le leur faire adopter.

1" Ils sont obligés de continuer la lutte jusqu'à lintervention des témoins, sans avoir le droit de Vinlerrompre volontairement, en cas de repos, d'acctilement et de corps à corps.

En eSét, les témoins seuls ont qualité pour mesurer la durée des reprises et pour contrôler si les limites ont été franchies, ou si le corps à corps est assez intime pour motiver Tinterruption du duel.

2** Ils sont tenus de cesser la lutte spontanément, et satis attendre l'intervention des témoins, en cas de désarmement, de bris d'épée et de chute, parce qu'en semblable occurrence, le combat- tant qui s'arrête n'a rien à redouter d'un adversaire incapable de le frapper pendant un certain laps de temps.

SOO PREMIÈRE PARTIE.

3^" Le cas de faussement d'épée et celui de blessure demandent à être examinés séparément, car, pour avoir été blessé oa aroir eu son épée faossée, le combattaut auqael arrivent ces accidents o*en reste pas moins armé et présentant un certain danger à son anta- goniste.

Écoutons Ghateauvillard : « S11 est dans le devoir de la cour- toisie de s'arrêter si vous avez blessé votre adversaire, ou s'il vous crie que vous êtes* blessé, et dans cette conviction se tient moins bien sur ses gardes, ce n'est pas dans la stricte loi du duel de cesser, car le combat ne doit être arrêté que par la voix des témoins. En effet, ne peut-il pas se présenter le cas un ad versaire de mauvaise foi, vous criant qu'il vous a touché, profiterait de votre hésitation pour vous frapper? » Pour résoudre le problème, il faut trouver no moyen terme, qui, tout en assurant la sécurité du combattant qui interrompt la lutte, lui évite de commettre un acte qui ne viole pas à la vérité la stricte loi du duel, mais qui n'en est pas moins incor- rect et blâmable, pour peu qu'on se place sur le terrain de la délica- tesse et de l'honneur.

Nous croyons que la solution est celle-ci :

En cas de faussement d'épée, celui qui s'aperçoit de l'accident ou entend son adversaire l'annoncer ; en cas de blessure, celui qui croit avoir touché ou; entend son adversaire l'annoncer, celui-là, disons-nous, doit, selon les règles de l'honneur bien compris (pour nous servir des expressions de Ghateauvillard), rompre vivement, en restant en garde, en conservant la défensive, et en annonçant le pourquoi de sa retraite, si c'est lui qui s'est aperçu du faussement ou de la blessure.

Il ne peut plus attaquer, mais seulement parer ou riposter, en rompant vivement, si l'autre partie ne Timite pas dans son arrêt et continue à l'attaquer. Le droit de riposter lui est accordé, car, bien que blessé ou armé d'une épée faussée, son adversaire n'en est pas moins resté dangereux.

Bien entendu, ce droit lui est refusé si le faussement met l'épée hors de service, et ne la rend plus dangereuse. Toutefois, cette défen- sive n'est obligatoire que pendant quelques secondes, car l'acte de ne pas interrompre immédiatement équivaut pour celui dont Tépée est faussée, ou qui a reçu une blessure, à son assentiment de con- tinuer*.

Dans cette occurrence, son adversaire reprend le droit d'atta- quer jusqu'à rintervention des témoins. Agir autrement nous semble gros de périls en cas de poursuites, de soupçons injurieux

1. Voyez ChateauYiUard, chapitre v, article 20 et page 100.

OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. 204

et de dbmmeDtaires malveillâDts. Dans le cas même la justice n'inteiriendrait pas, noas répétons ce que nous avons déjà dit : il vaut infiniment mieux manquer l'occasion de placer an coup d'ëpée heureux que de risquer un acte d'une moralité douteuse.

Un dernier conseil. Toutes les fois que le duel est interrompu pour une raison quelconque, le combattant qui a encore Tépée à la main doit, au lieu d'en baisser la pointe à terre et de rester immo- bile, rompre de quelques mesures, se tenir sur la défensive et con- server son arme la pointe en ligne, prête à repousser un retour offensif*.

Le combattant qui a lâché son épée, dont l'épée est brisée ou faussée, n'ayant plus que ses jambes comme préservatif, en usera pour mettre aussitôt le plus d'intervalle possible entre son adver- saire et lui. Il peut le faire sans scrupule : ce n'est pas fuir.

1. Voyez affaire Mermeix-dc La Bruyère, le National, 9, 10, 1i septembre 1890. Appendice noSl.

CONDITIONS SPÉCIALES AU DUEL AU PISTOLET.

Au lieu de se prononcer pour l'épt^e, si l'offensé choisît le pis- tolet, les témoins doivent irailer d'abord les questions relatives : au choix du duel, au chois des distances, au délai accordi^ pour tirer, au coup raté.

Une fois d'accord sur ces points généraux, ils s'occupent du choix ou de l'adoption des pistolets, et des questions qui s"y ratta- chent; par exeniple, des fraudes qui peuvent être commises à celte occasion, du chargement, du choix d'un terrain propice, du tirage au sort des places, de la toilette et de la visite des combat- tants.

Ils terminent enfin par la stipulalion des conditions spéciiiles à l'espèce de duel qui a élé désigné, et les insèrent au procès-verbal, à la suite de celles que nous venons d'éuumérer.

CHAPITRE XXXVII

Choix du duel. Responsabilité des témoins à raison de ce choix.

Le ckoix du duel doit être fait parmi les duels légaux, écrit Chateauvillard, chapitre premier, article 12.

Si nous faisons l'application de cette règle au duel aa pistolet, nous voyons :

r Que celui ou ceux auxquels appartient le choix du duel (témoins en cas d'offense simple, offensé en cas d'offense grave ou de voies de fait) ne peuvent l'exercer en dehors de la liste des ren- contres admises comme légales, sous peine de le voir rangé dans la catégorie des duels exceptionn^s et r^usé;

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. Î03

2'* Que tout choix portant sur une des rencontres comprises dans celte liste devient obligatoire et doit être acceptée

Les duels au pistolet considérés comme légaux sont au nombre de sept. Ils se divisent en deux classes, d'après la corrélation qui existe entre la manière dont le signal est donné et le laps de temps imposé aux adversaires pour tirer.

La première classe comprend les duels au visé, qui se subdi- visent en duels au visé de pied fei*me à tir successif, au visé de pied 'ferme à volonté, au visé à marcher, au visé à marche interrompue, au visé à lignes parallèles,

La seconde classe comprend le duel au signal et le duel au commandement.

Le duel au signal présente cette particularité qu'il peut être refusé si Toffensé ne Test pas avec voie de fait*.

L'énumération que nous venons de faire embrasse les ren- contres au nombre de six, indiquées par Ghateauvillard dans son chapitre vi, et un nouveau duel non cité par lui, le duel au com- mandement.

Bien que certains combats parmi les six premiers soient tombés en désuétude, nous les reproduisons.

En effet, si nous empruntons à Ghateauvillard la règle d'une importance capitale, en vertu de laquelle roffensé avec injure grave ou voie de fait impose à l'agresseur le duel de son choix, nous sommes obligé de lui emprunter aussi la liste des combats parmi lesquels ce choix doit être opéré.

Toute élimination aurait pour résultat de frustrer Toffensé d'un privilège important qui lui appartient de droit. Du moment, en effet, que l'agresseur ne serait pas lié par une règle précise, ayant force de loi, il s'autoriserait de cet exemple pour refuser le combat qui lui déplairait, sous prétexte qu'il est démodé.

Reste le duel au commandement, non traité par Ghateauvillard.

Il est la reproduction du duel au signal sous une forme moins compliquée et plus facilement exécutable.

Nous avons indiqué, chapitre premier, en traitant de l'autorité qui est attachée à Fusage, les raisons qui lui ont fait accorder droit de cité parmi les autres rencontres légales ; nous n'y reviendrons pas. Rappelons seulement que ce mode de combat est de beaucoup le plus usité à notre époque. Sur vingt duels au pistolet, il y en a bien dix-huit qui sont au commandement. VAnnuaire du duel est pour le démontrer.

i. Voyez notre chapitre vu.

2. Voyez Ghateauvillard, chapitre iv, article 1 1 .

i _

S04 PREMIÈRE PARTIE.

Responsabilité des témoins à raison du choix du duel.

La question du choix du duel est intimement liée à celle de la responsabilité des témoins. On comprend qu'après une rencontre suivie de mort ou de blessure grave, le mode de combat qui a pro- duit ce résultat ne saurait passer inaperçu. En pareil cas, Topinion publique et les tribunaux demandent aux témoins comment ils ont rempli cette partie de leur mission, et font entrer ce point essentiel en ligne de compte.

Mais leur responsabilité varie suivant que ce sont eux qui ont été appelés à choisir le duel, ou que c'est r offensé qui a joui de cette prérogative.

Dans le premier cas, leur responsabilité sera naturellement plus grande, puisqu'un libre arbitre complet leur aura été laissé, et que rien ne les a empêchés d'adopter le mode de combat le mieux approprié à Taffaire qu'ils devaient conduire.

Dans le second cas, elle sera moindre, car ils ont subir une condition qu'ils n'étaient pas mattres de changer.

Cette remarque faite, nous allons examiner quelle doit être la conduite des témoins dans chacune de ces hypothèses.

l'* HYPOTHÈSE. Lorsque les témoins choisissent le duel, la première idée qui leur vient à l'esprit est de rechercher s'il existe une règle indiquant par avance et à coup sûr le combat qu'ils devront adopter.

Cette règle n'existe pas, et ne peut être formulée. Les motifs susceptibles de faire pencher la balance varient en effet suivant la nature ou l'importance de l'affaire, l'adresse des combattants et maintes autres circonstances qu'il est impossible de prévoir. N'ou- blions pas non plus que, si les témoins sont autorisés à veiller sur leur sécurité, ce ne doit jamais être au détriment du client qu'ils représentent.

Tout ce que nous pouvons faire est de leur indiquer les qualités que le duel doit réunir pour être le meilleur, de leur montrer, en procédant par comparaison, quel est celui des sept combats légaux qui s'éloigne le moins du duel type, et de leur en conseiller l'adoption.

Le plus parfait, selon nous, est celui qui égalise le mieux les forces, qui est le plus court, le plus simple, le plus facile à conduire et le moins dangereux.

Pour trouver le duel qui se rapproche davantage de cet idéal, nous allons d'abord comparer entre elles les deux classes de duels, puis nous comparerons entre eux les duels de chaque classe.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. J05

Comparaison de classe à classe.

Si nous comparons les duels au yisé de la première classe avec le duel au commandement delà seconde, que nous prenons comme type à l'eiclusion du duel au signal à peu près tombé en désuétude, nous voyons que le duel au commandement se rapproche bien plus que le duel au visé de l'idéal que nous cherchons.

II égalise mieux les chances, il est plus court, plus simple, plus facile à conduire et moins dangereux.

Nous disons qu'il égalise mieux les chances.

En effet, la rapidité du commandement, l'obligation de faire feu dans un laps de temps sacramentel et très court, la crainte de dépasser le nombre trois et de violer la loi du combat, enlèvent au tireur habile une somme de moyens plus considérable que ne font les duels au visé, qui comportent un délai plus long et qui per- mettent d'attendre, pour lâcher le coup, qu'il soit bien assuré.

Nous disons qu'il est plus court, plus simple et plus facile à conduire.

Un parallèle détaillé nous conduirait trop loin. Contentons-nous de renvoyer le lecteur aux chapitres qui traitent des règles particu- lières à chaque espèce de duel. II verra que le commandement sup- prime les contestations relatives au coup raté, au supplément de délai accordé au blessé, à la primauté du tir, aux complications de la marche, etc. Nous conseillons de l'adopter.

Gomparaiscn entre les daels de la môme classe.

Si après avoir comparé les duels au visé et le duel au comman- dement, c'est-à-dire les deux classes de duel, nous comparons les duels de chaque classe, d'abord au point de vue de l'équilibre des chances, nous croyons que le combat de pied ferme à volonté et les divers combats à marcher présentent à peu près le même avan- tage. Pour tous le feu est à volonté.

Nous voyons, au contraire, que le combat de pied ferme à volonté, tel que nous le comprenons, l'emporte sur le combat à tir successif, par la raison que, dans le premier, la brièveté relative du délai et la vue d'une arme menaçante enlèvent au duelliste, môme habile, une plus grande somme d'avantages que si, tirant le premier et confiant dans sa force, il vise froidement un homme désarmé, victime assurée de son adresse.

Si nous comparons les duels au visé, au point de vue de la sim- plicité et de la facilité de direction, et si nous mettons d'abord en

»».. .

t06 PREMIÈRE PARTIE.

parallèle le duel de pied ferme à yolonté ayec le duel à tir saccessif, nous ToyoDs qae le premier supprime les difficultés relatiyes à la primauté du feu, qu'il est plus rapide et nécessite moins de calculs. Nous Toyons qu*il diminue la cruelle attente du patient, obligé de subir le bon plaisir de son antagoniste, pendant un espace de temps relativement interminable lorsque le duel est à tir successif.

Rappelons aux témoins, à ce propos, que s'ils sont poursuivis à raison d'une mort ou d'une blessure survenue dans cette dernière condition, ils auront à compter avec la répulsion instinctive qui s'attacbe à un genre de rencontre absolument délaissé à notre époque, et paraîtront devoir encourir une responsabilité plus grande que si le feu a été volontaire.

Si nous comparons entre eux les duels ft marcher, toujours au même point de vue de la facilité de leur direction, nous voyons que le duel à marche interrompue est plus embarrassant pour les témoins que le duel à marche pure et simple.

En effet, ils ont ft présider, non plus à une marche en ligne droite, mais à une marche en zigzag, limitée dans le sens de la lar- geur comme dans le sens de la longueur, et partant moins facile à surveiller.

Nous voyons que le duel ft lignes parallèles arrive dernier, car à tous les inconvénients signalés plus haut, il joint celui d'être presque aussi dangereux pour les assistants que pour les acteurs eux-mêmes.

Si nous comparons entre eux les duels de la deuxième classe, c'est-à-dire le duel au signal et le duel au commandement, nous comprenons vite la raison qui a fait délaisser le premier, en son- geant qu'il entraîne robligation d'une simultanéité absolue entre les feux et le dernier coup frappé, et partant le déshonneur si cette condition n'est pas mathématiquement exécutée.

Pour tout résumer, nous conseillons en première ligne l'adoption du duel au commandement, en seconde ligne Vadoption du duel à volonté. Nous mettons au troisième rang le duel à marcher.

Nous repoussons les rencontres à marche interrompue, et sur- tout à ligne parallèle et au signal, comme dangereuses, trop com- pliquées, ou d'une exécution trop difficile. Nous mettons au dernier rang, pour les raisons indiquées plus haut, le combat au visé à tir successif, gui occupait la première place il y a quarante ou cin- quante ans.

2" HYPOTHÈSE. Lorsqu'à raison du degré de l'offense qu'il a essuyée, l'offensé choisit son duel, il peut se faire que ce choix porte sur un mode de combat qui paraît aux témoins susceptible de

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. i07

compromettre leur responsabilité, ou de blesser leur conscience. Il peut se faire, par exemple, qu'un homme connu pour sa force au pistolet impose à un autre, dont la maladresse est notoire, un duel à tir successif.

Quelle conduite devront-ils tenir?

Leur sera-t-il permis de se retirer?

A défaut de cette permission, leur sera-t-il au moins loisible d'apporter certaines modifications au duel choisi?

Abordons d'abord la première question.

Les témoina peavent-Us se retirer?

Leur position est digne d'intérêt. Ils sont placés entre la légis- lation civile, la législation pénale et la législation du point d'hon- neur, auxquelles ils sont également soumis, et qui se trouvent, sur ce point comme sur tant d'autres, en antagonisme complet.

En effet, la législation pénale et la législation civile, non con- tentes de regarder le duel comme un acte délictueux, punissable quant à ses résultats, et sujet à réparation, même quand Tégalité des forces est absolue, considèrent cette inégalité comme une circon- stance aggravante frisant la déloyauté, lorsque le combattant le plus faible devient la victime du plus adroit.

Quand pareille éventualité se produit, les témoins deviennent les boucs émissaires, et peuvent encourir une double responsabilité, moins grande, avons-nous dit, que slls avaient, en cas d'offense simple, choisi librement le duel, mais qui n'en existe pas moins^

Au contraire, la législation du point d'honneur considère le duel comme une réparation dont l'agresseur contracte la dette en même temps qu'il commet Toffense, et les témoins comme étant chargés de veiller à ce que le payement de cette dette soit intégra- lement et loyalement acquitté.

Elle dit à l'agresseur :

(( Vous avez commis une injure entachant gravement l'honneur de M. X. Je lui accorde comme compensation le droit de vous impo- ser Parme et le duel de son choix. Vous ne pouvez vous y soustraire, si ce choix est fait entre les armes et les duels que je considère comme légaux.

a En vain objecteriez-vous que vous n'avez jamais touché Tarme qui vous est imposée, et que le duel vous est défavorable. Ces rai- sons n'ont pas de valeur à mes yeux.

1. Voyez Revue de législation et de jurisprudence f année 1863. Du duel et en par- ticulier de cette question : si Toffensé a un droit absolu au choix des armes.

208 PREMIÈRE PARTIE.

tt II fallait, ayant d'insulter, prévoir les conséquences d'un acte que TOUS pouidez éviter. Subissez-les, puisque tous n'avez pas cm devoir prendre le sage parti de l'abstention. Aujourd'hui il est trop tard pour vous plaindre. Faites des excuses si le payement vous effraye. »

Puis s'adressant aux mandataires de l'agresseur : « En accep- tant le rôle de témoins, vous vous êtes obligés à assister votre client dans toutes les conjonctures favorables ou défavorables qui résultent de l'affaire dans laquelle il s'est lancé. Il serait malhonnête de l'abandonner au moment il a le plus besoin de vos services, alors surtout que l'éventualité qui vous efiraye n'est autre chose que la conséquence nécessaire du fait à raison duquel vous avez accepté son mandat. »

A ceux de l'offensé : « Après avoir rempli tour à tour le rôle de confidents et de conciliateurs, vous êtes tenus de remplir Toffice d'avocats, afin d'obtenir pour celui dont vous avez la charge les meilleures conditions possibles. Au lieu de maintenir avec opini&- treté les prérogatives auxquelles sa position d'offensé avec injure grave lui donnait droit, vous essayez de l'en frustrer. En ce faisant vous violez ma loi! »

Gomment concilier des principes si opposés?

Gomment allier le désir bien naturel aux témoins de sauve- garder leur responsabilité avec les obligations qu'ils ont contrac- tées, moralement, vis-à-vis Tami qu'ils assistent?

Pour résoudre la question, pour décider si la retraite leur est permise, il faut rechercher avant tout quels sont les termes du man- dat qu'ils ont accepté.

Ont-ils accepté un mandat impératif? lissent obligés de suivre la condition de leur client, c'est-à-dire de prêter leur concours au duel qu'il impose ou qu'il subit.

Leur mandant leur a-t-il remis ses intérêts, en déclarant s'en rapporter à la décision qu'ils prendront, et en promettant de la ratifier ?

Une pareille confiance les oblige à agir vis-à-vis d'un ami si plein de confiance en leur probité comme ils agiraient pour leur propre cause, sans arrière-pensée et avec le sacrifice de leur sécurité fait d'avance. Cette fois encore, mandataires et mandant s'iden- tifient.

A-t-il été convenu que les mandataires et le mandant conser- veraient leur indépendance?

Ils doivent faire tous leurs efforts pour amener la solution qu'ils considèrent comme la meilleure ; mais si leurs conseils restent

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 109

inutiles, s'ils se heurtent à une impossibilité matérielle, s'ils ne peuyent vaincre, par exemple, Topiniâtreté d'un offensé qui prétend imposer un duel quj leur répugne, ils sont libres de se retirer en motivant, s'il y a lieu, le pourquoi de leur retraite.

La publication d'un procès-verbal motivé peut, dans certains cas exceptionnels et vis-à-vis certaines personnes, constituer un moyen susceptible d*amener le récalcitrant à composition.

Arrivons à la deuxième question.

LoTBqae les témoins ne veulent ou ne peuvent pas se retirer, quelle est la limite de leur droit en présence d'un duel qui leur répugne ou dont ils redoutent les conséquences?

Sont-ils tenus, par le seul fait que ce duel est compris dans la catégorie des duels légaux, d'appliquer à la lettre les règles tracées par Chateauvillard dans les chapitres consacrés à chaque espèce de combat ? Ne peuvent-ils essayer d'égaliser les chances et de dimi- nuer leur responsabilité, en apportant certains changements à la rencontre ?

L'obligation de suivre passivement les règles tracées par Cha- teauvillard semble ressortir des prémisses que nous avons posées ; mais, en y réfléchissant, on comprend qu'une distinction entre les éléments essentiels et constitutifs du duel et ses parties accessoires ne soit pas chose irrationnelle.

On sent que les règles principales, celles auxquelles on ne peut toucher sans défigurer l'œuvre de Chateauvillard, doivent être con- servées intactes, mais que certains détails sans importance capitale peuvent être modifiés dans une mesure prudente.

Il ne faut point oublier, par exemple, que depuis la publication de l'Essai sur le duel, c'est-à-dire depuis 1836, les pistolets ont été perfectionnés comme portée et comme précision, et qu'en observant servilement les règles tracées pour une époque les armes étaient inférieures, on augmenterait aujourd'hui les dangers de la ren- contre.

Nous avons enseigné, chapitre premier, que les témoins étaient libres d'élaguer certaines efflorescences inutiles, mais à condition que les stipulations nouvelles ne changent rien au titre et à la substance du duel que Toffensé a choisi comme lui étant favorable, mais qu'elles constituent plutôt une interprétation des règles de Cha- teauvillard que leur abrogation.

Il faut surtout qu'elles rendent effectivement le combat moins dangereux et plus facile à conduire, puisque tel est le but poursuivi.

Supposons, par exemple, que Toffensé impose le duel à marcher.

44

240 PREMIÈRE PARTIE. '^

Les témoins ouvrent le liyre de Ghateaavillard et cherchent le chapitre qui lui est consacré.

Supposons qu'après lecture faite, ce genre de rencontre les effraye. Quelles parties seront-ils tenus de conserver intégralement?

Quels détails peuvent-ils supprimer?

Ils sont tenus de marquer, entre les points extrêmes de la dislance fixée, deux lignes intermédiaires destinées à limiter la marche. Impossible de l'éviter. Mais ils peuvent, si l'offensé n'a pas aussi le choix des distances, prendre celle de vingt pas, qui est la limite maxima, comme intervalle entre les lignes intermédiaires.

Ils ne peuvent ni stipuler que la marche sera en zigzag, bien que cette marche présente plus de difficulté pour viser, ni permettre que les adversaires tiennent leur arme horizontalement pendant la marche. En effet, dans le premier cas, cette condition complique la surveillance du duel, et demeure la caractéristique de la rencontre à marche interrompue. Dans le second, l'obligation de maintenir le pistolet vertical est une gène, qui diminue la précision et la rapi- dité du tir.

Ils ne peuvent forcer celui qui a essuyé le premier feu à s'ar- rêter aussitôt pour tirer, car cette station forcée est encore une particularité du duel à marche interrompue, tandis que la faculté d'avancer jusqu^à la limite est une condition du duel à marche ordinaire. xMais ils ont la ressource de fixer un laps de temps rela- tivement court et obligatoire pour l'échange des deux balles, au lieu de permettre aux adversaires, comme le fait Chateauvillard, de tirer le premier coup à volonté, et d'accorder à celui qui a été manqué un espace de temps relativement long pour riposter. Celte diminution de délai atténue encore le danger de la rencontre.

Ils peuvent interdire le duel avec deux pistolets remis à chaque adversaire, et la continuation de l'affaire aussitôt après l'échange des premières balles.

Ce droit de modification admis, si le lecteur veut connaître les changements qui peuvent être faits aux autres duels légaux, il se reportera aux différents chapitres consacrés par nous à chacun en particulier, et leur fera l'application des règles précédentes.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 244

CHAPITRE XXXVIII CShoix des distances.

Nous sarons que le choix des distances appartient aux quatre témoins, en cas d'offense simple et d'injure grave; à l'offensé, en cas de voie de fait.

Faut-il en conclure qu'offensé et témoins puissent choisir la distance qui leur convient ?

Évidemment non. Tout le monde comprend la nécessité d'une limite minima, destinée à empêcher le duel à bout portant avec un furieux, duel réprouvé par la législation du point d'honneur, et la nécessité d'une limite maxima, capable d'éviter ia ridicule exagé- ration en sens inverse d'un homme trop prudent.

Ghateauvillard, chapitre vi, a déterminé, pour chacun des six duels qu'il considère comme légaux, les distances auxquelles les adversaires doivent être placés et doivent tirer. Nous allons les lui emprunter :

1** Pour le duel de pied ferme, au visé, à tir successif, la distance minima est de 15 pas et la dislance maxima de 35, qui, réduites en mètres, font 12 et 28 mètres;

Pour le duel à marcher, la distance minima est de 35 pas et la distance maxima de kO pas, qui, réduites en mètres, font 28 et 32 mètres, avec lignes tracées également entre ces deux distances et éloignées l'une de l'autre de 15 à 20 pas, ce qui fait, en mètres, 12 à 16 mètres;

3" Pour le duel à marche interrompue, la distance minima est de ^5 pas et la distance maxima de 50, ce qui fait, réduit en mètres, 36 et 40 mètres, avec lignes tracées également entre ces deux distances, et éloignées l'une de l'autre de 15 à 20 pas, ce qui fait, en mètres, 12 et 16 mètres;

Pour le duel à lignes parallèles, deux lignes parallèles sont tracées à 15 pas l'une de l'autre, ce qui fait, en mètres, 12 mètres. Elles ont chacune une longueur égale qui varie entre 25 pas et 35 pas, ce qui fait, en mètres, 20 ou 28 mètres;

Pour le duel ati signal, la distance est de 25 pas au minimum et de 35 pas au maximum, ce qui fait, en mètres, 20 et 28 mètres.

Dans le cas les distances ne seraient pas soumises au droit

r .1 .«. .

S4l . PREMIÈRB PARTIE:

de l'oflensé, elles seraient discutables, il peut être pris un terme moyen entre les distances prescrites ft chaque dueP.

La même faculté appartient, à plus forte raisonna Toffensé lors- qu'il est en droit de désigner la distance. Donc point de contestation possible en ce qui concerneles cinq rencontres énumérées plus haut.

Restent le duel à Yolonté et le duel au commandement.

Cbateauvillard n'indique qu'une distance pour le duel au visé de pied ferme à volonté, celle de 25 pas (voyez page 38). Impossible, par conséquent, de prendre un terme moyen, comme le prescrit le paragraphe 3 de la page 111, et de concilier son texte ayec celui de l'article unique consacré, page 38, au duel à volonté.

Faut-il interpréter l'omission d'une deuxième distance comme un oubli? Faut-il s'en tenir à la lettre de Tarticle spécial consacré au duel à volonté, et admettre une distance unique, celle de 25 pas? Devons-nous, au contraire, considérer cette distance comme étant une distance minima, et emprunter au duel à tir successif celle de 35 pas comme distance maxi ma?

Écartons d'abord l'hypothèse d'un oubli, qui nous semble inad- missible en présence des collaborateurs si nombreux sous les yeux desquels le livre a passé.

Restent les deux autres systèmes.

Ils reposent l'un et l'autre sur une interprétation de Particle unique, consacré, page 38, au duel à volonté, combiné avec l'ar* ticle 8 du duel à tir successif.

Que dit l'article consacré, page 38, au duel à volonté? « Les choses se passent comme dans le duel précédent, si ce n'est que, dérogeant à l'article 8 du duel à tir successif, les combattants sont placés à 25 pas, dos à dos, que le signal est donné, et qu'alors ils se retournent et font feu à volonté. »

On voit que Tarlicle 8 du duel à tir successif est formellement abrogé.

Les partisans du premier système prétendent que cet article 8 traite précisément du droit accordé à l'offensé avec voie de fait de choisir la distance de 35 pas comme distance maxima. Ils en con- cluent que la dérogation dont 11 est question page 38 porte sur ce droit, sur cette distance, qu'elle empêche de faire aucune assimi- lation sous ce point de vue entre les deux duels, et que l'injonction de placer toujours les adversaires à 25 pas ne comporte aucune interprétation restrictive ou extensive.

1. Voyez Chateauvillard, Remarques sur les duels au pistolety page 111, para- graphe 3.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 843

Les partisans du deuxième système objectent que l'article 8 ne consacre pas pour Toffensé avec yoie de fait le droit de fixer la distance à 35 pas, car ce droit lui est accordé formellement par Tarticle du même duel combiné avec l'article 11, chapitre premier, de VEssai sur le duel, mais qu*il détermine seulement les consé- quences entraînées par le choix de la distance de 35 pas opéré par Toffensé avec yoie de fait relativement à la primauté du tir.

D'après eux, l'article unique du duel à volonté, page 38, n'abroge que les dispositions relatives à l'ordre et à la primauté du tir, et ne touche pas à la distance, qui est réglementée par l'article premier du duel à tir successif et fixée au maximum de 35 pas.

Pour notre part, nous nous arrêtons à la distance unique de 25 pas ou, en mètres, 20 mètres, parce que la règle formulée page 111, paragraphe 3, est une règle générale, qui admet des exceptions; parce que cette exception est faite en termes précis: (( les combattants seront placés à 25 pas », dans Tarticle unique consacré au duel à volonté ; parce qu'en nous plaçant au point de vue de la diminution du danger, qui est le but visé, nous voyons que si l'interdiction de porter la distance de 25 à 35 pas, c'est-à- dire de l'étendre de 10 pas, augmente le danger, l'interdiction de rabaisser de 25 ft 15 pas, c'est-à-dire Tinterdiction de la diminuer de 10 pas, atténue le danger et produit compensation.

Donc, pour le duel à volonté, nous reconnaissons une distance unique de 25 pas ou 20 mètres.

Nous n'avons plus à nous occuper que du duel au comman- dément pour épuiser la liste des distances applicables à chaque duel légal.

Ghateauvillard ne parlant pas de ce duel, nous n'avons aucune donnée précise, mais nous pouvons tirer de nature de cette ren- contre des indices suffisants pour asseoir une opinion rationnelle.

Le duel au commandement n'est qu'une modification du duel au signal, dont il présente tous les caractères essentiels. Il faut donc se reporter à ce dernier duel pour déterminer la distance maxima et minima à laquelle les adversaires peuvent être placés. Elle varie entre 25 pas au minimum et 35 au maximum, ce qui, réduit en mètres, fait 20 et 28 mètres. Nous l'adoptons K

Ceci posé, et l'obligation de choisir la distance parmi celles qui ont été déterminées par Ghateauvillard une fois admise, on peut se

demander qaelle oonséquenoe entraînerait la désignation d'une dis- 1. Conformément, voyez Tavernier, page 216.

244 PREMIÈRE PARTIE.

tanœ inférieure aa w><«<TwnTifi réglementaire faite par on oflénaè avec ooapa et blesaorea.

Il y aurait duel exceptionnel, et obligation pour l'agresseur de refuser un semblable combat, auquel les témoins ne pour- raient prêter assistance sans yioler une règle importante du point d'honneur.

QueUe oonséciaenoe entraînerait la désignation d'âne distance supérieure au maximum déterminé par CShateauvillard 7

Il n'y aurait plus obligation, mais faculté pour Tagresseur de refuser cette distance exceptionnelle en sens inrerse de celle que nous Tenons de proscrire. S'il acceptait, les témoins devraient lui prêter leur concours. C'est une conséquence du caractère modé- rateur de leur mission.

Le même droit de refus appartient aux deux parties lorsque la désignation d'une distance supérieure à la distance maxima indiquée par Château villard pour le duel choisi provient de Tac* cord des témoins. En effet, la question d'une distance préférée peut n'être pas étrangère au choix qu'aura fait l'offensé avec injure grave d'un duel plutôt que d'un autre. L'agresseur, de son côté, pourra être intéressé à voir adopter une mesure plus courte, s'il a l'habitude de tirer à cette distance.

Si une distance supérieure au maximum réglementaire est choisie par convention mutuelle, rien n'empêche qu'elle ne devienne la loi du combat.

Ici se place une question délicate. Est-il permis aux témoins de s'entendre pour augmenter la distance convenue, à Tinsu des com- battants, en les trompant sur le nombre et sur l'amplitude des pas, ou de toute autre manière ?

Nous ne le croyons pas, si nous nous plaçons au point de vue des règles du duel.

En effet, le désir qu'ils peuvent éprouver de rendre le duel moins dangereux, et de sauvegarder leur responsabilité, ne saurait entrer en ligne de compte ni avec Tobligation stricte, en matière de point d'honneur, d'exécuter scrupuleusement les conventions in- sérées au procès-verbal, sans y apporter aucune modification sur le terrain, ni avec Tobligation de respecter les droits légitimes, tel que celui d'imposer sa distance, dont jouit Toffensé avec voie de fait.

C'est au moment de rédiger le procès-verbal de rencontre qu'ils doivent essayer d'imposer leur opinion.

OFFENSrES. RÈGLES DU DUEL. S45

' . . . ■•

Réduction des distances en mètres et centimètres.

Chateauvlllard ne compte que par pas. Quelle est, réduite en centimètres, Tamplitude de ces pas?

D'après M. Tavernier {Art du duel, page 202), le pas moyen représente 80 centimètres. Nous adoptons aussi cette mesure.

Au cours de ce travail, nous ramènerons donc au mètre celles qui sont énoncées en pas dans VEssai sur le duel. C'est en mètres que doit être insérée au procès-verbal la distance convenue. C'est au moyen d'un décamètre qu'elle doit être mesurée sur le terrain.

La nécessité de cette opération est évidente. En eflet, si un témoin a une taille de fantassin, un autre celle d'un tambour-major, un autre une taille moyenne, quelle difTérence dans l'ouverture du compas ! Quelle incertitude dans les mesures! Quelle porte ouverte aux contestations! Il faut y renoncer.

Terminons ce qui regarde la question des distances en indi- quant aux témoins ce qu'ils doivent faire toutes les fois qu'ayant le droit de choisir ils ne peuvent pas tomber d'accord.

Chacun spécifie la distance de son choix. Elles sont tirées au sort. On peut encore partager par moitié la différence qui existe entre elles, à condition que la mesure trouvée rentre dans celles que nous avons indiquées comme légales ^

CHAPITRE XXXIX Détermination du délai pour tirer.

Dans tous les duels au pistolet, le laps de temps accordé aux adversaires pour échanger leur feu, et passé lequel ils ne pourront plus tirer, doit être réglementé d'avance.

C'est un principe qui ne souffre pas d'exceptions. Aussi la ques- tion du délai doit-elle faire Tobjet d'une clause insérée au procès- verbal de rencontre, à la suite de celles qui sont relatives au choix du duel et au choix des distances.

A qui appartient le choix du délai?

Si les règles tracées par Chateauvillard pour chacun des duels

* . r -

Conformément, voyez Chateauvillard, page 112, paragraphe 1^..

t46 PREMrÈRE PARTIE.

légaux ûlaipot sacramentelles et doTaîent être suivies à la lettre, sans modiûcatioii possible, il est clair que le choix des délais serait la consi^queoce du chois du duel, puisqu'en désignant le duel de leur clioii, les témoins en cas d'offense du premier degré, l'offensé en cas d'oCfense du second el du troisième, désigneraient le délai qui est attaché par ChateauTillard à ce duel, et imposeraient par le fait le laps de temps qu'ils souhaiteraient pour échanger les feux.

Mais nous avons démontré, chapitre xxxvii, que les témoins n'étaient pas astreints à observer religieusement touten les régies édictées par Chalcauvillard.

Nous avons expliqué qu'ils peuvent y faire certaines modifi- cations d'une importance secondaire, à la condition que ces modi- licalions : simplifient la direction du combat; 2" le rendent moins dangereux; 3" ne changent rien â sa nature et ne dépouillent l'olTensé d'aucune prérogative considérable.

Il faut en conclure que, si les témoins apportent au délai fixé par Cbaleauvillard des changements présentant ce triple caractère, ils le font légalemcnl.

Oh {leut donc avancer hardiment f/u'eii (ait, te choix du délai leur appartient sous ces conditioMs.

La question de capacité résolue, il nous reste à indiquer :

Quels cbangenients les tèmoios peuvent apporter aux dètais de Ghateauvillard, saaâ sortir de la légalité et aana outrepaaser leur

droit.

Pour y arriver, nous diviserons les duels, au point de vue des délais, en trois catégories.

La première catégorie comprendra :

Le duel au visé de pied ferme k volonté ; le duel A marcher ; -- le duel à marche interrompue ; -- le duel à lignes parallèles ; en tout quatre duels.

La seconde catégorie comprendra le duel au visé de pied ferme à tir successif.

troisième comprendra le duel an signal et le duel au com- mandement.

Duels de la première oatégoiie.

Les changements qui peuvent y être apportés consistent dans l'adoption du commandement : « Tirez I » comme point de départ uniforme du délai accordé aux adversaires pour échanger leurs balles; dans l'immutabilité du délai, qui une fois adopté ne com- porte ni restriction ni extension ; enfin, dans la diminution ration- nelle da laps de temps indiqué par CbateauTilIard, de manière &

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. «n

restreindre proportionnellement le délai unique dont nous venons de parler.

Prenons comme exemple le duel de pied ferme à volonté.

D'après le système de Chateauvillard, les adversaires ont tout le temps qui leur convient pour tirer le premier coup. C'est à partir de Fexplosion que court le délai imposé pour riposter.

Dans notre système, le laps de temps indéterminé pendant lequel les antagonistes peuvent tirer le premier coup est supprimé. Ce n*est plus à partir de Texpiosion que court le délai, mais à partir c3a commandement : « Tirez I » Ce délai est moins long que celui i ndiqué par Fauteur de V Essai sur le duel.

Le combattant qui le laisse passer perd son droit, quand bien même le premier coup de feu aurait été tiré à la dernière seconde.

Après avoir expliqué en quoi consiste, pour les quatre duels de la première catégorie, ce système de changements, il nous reste à démontrer qu'il produit les trois résultats exigés pour légitimer n*importe quelle modification aux règles de Chateau^illard, confor- mément à ce que nous avons expliqué chapitres premier et xxxvii.

l*" Ce changement simpliQe la direction du combat :

En effet, le directeur du duel peut donner le signal au moment qui lui va le mieux, par exemple au moment Taiguille est sur la première seconde. Dans ce cas, il mesure à première vue le temps convenu.

Au contraire, si c'est le coup de feu qui sert de point de départ au délai, il peut se faire que l'explosion se produise au bout d'un certain nombre de secondes. Dans ce cas, le directeur du combat est forcé de se livrer à un petit calcul qui détourne son attention et peut nuire à la conduite du duel.

Le changement proposé fait disparaître, en outre, le supplé- ment accordé au blessé pour riposter, et par suite les complications qui en résultent souvent.

Il évite aux témoins l'embarras de se trouver dans une singu- lière position mentionnée au u"" 82 de l'appendice, c'est-à-dire en présence de deux adversaires restant pendant huit ou dix minutes sur une défensive motivée, soit par un combat de générosité, soit par une sorte de tactique, et réduits, pour terminer cette situation ridicule, à les faire battre au signal ou au commandement, bien que le duel primitivement choisi fût le duel à marcher, et qu'en agissant ainsi, ils violassent une règle fondamentale qui interdit de modifier sur le terrain les conventions stipulées avant la rencontre ^

1. Voyez affaire Coate-Beoolt, Ga;ie//e des TribunauXj3 août 1832. Appendice n^ 82.

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248 PREBIIÈRE PARTIE.

2'' Ce changement diminue le danger de la rencontre :

En effet, cette modification a pour résultat d'enlever aux com- battants la liberté absolue de tirer le premier coup dans un délai Indéterminé. Elle lui substitue Tobligation de se conformer à un délai relativement court, et procure aux adversaires une gène qui Influe défavorablement sur la précision du coup.

Quant à la diminution de danger résultant de la suppression du privilège accordé au blessé, elle est évidente.

Est-il besoin d'ajouter que la diminution des dangers de la rencontre atténue la responsabilité des témoins?

3<> Ce changement ne modifie pas la nature du combat, et ne lèse pas Toffensé de la deuxième et troisième catégorie dans sa pré- rogative d'imposer le duel de son choix :

En effet, il conserve aux duels dont nous nous occupons leur caractère distinctif, qui est le tir à volonté, c'est-à-dire le droit pour les combattants de faire feu sans être astreints à un ordre déterminé.

Le système que nous préconisons offre un danger.

Si les témoins avaient une latitude complète pour modifier les délais fixés par Ghateauvillard, ils pourraient, en les allongeant ou en les raccourcissant à volonté au delà de certaines mesures, modi- fier la nature de la rencontre.

Supposons que l'offensé ait jugé avantageux de se battre au visé à volonté, et que les témoins conviennent que l'échange des deux balles aura lieu dans le délai de trois secondes à partir du mot : « Tirez I » il n'y a plus duel au visé à volonté proprement dit, mais une sorte de duel au commandement ou au signal qui lèse l'offensé dans son choix.

Nous évitons ce péril en attribuant aux adversaires, pour échanger leurs balles, le temps que Ghateauvillard leur accorde pour riposter.

Examinons quel est pour chaque duel de la première catégorie l'effet de celte réduction.

Duel à volonté.

L'article consacré par Ghateauvillard au duel à volonté, page 38, il renvoie au duel à tir successif pour ce qui n'est pas formellement excepté, et il ajoute ensuite : « Les adversaires tirent à volonté », donne matière à deux interprétations.

Les uns regardent ces expressions : «Tirent à volonté » comme indiquant une exception, permettant aux adversaires de tirer et de riposter quand bon leur semble.

Les autres soutiennent que la combinaison des expressions

OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. «49

susdites, avec leur renvoi au duel à tir successif, implique Tidée d'une liberté qui ne serait absolue que pour le premier feu. D'après cette interprétation, rindiyidu qui n aurait pas encore tiré ne pour- rait le faire que dans l'intervalle d'une minute à partir du premier coup.

D'accord sur ce point avec Tavernier (voyez page 211), nous leur accordons seulement un délai d'une minute, à partir du com- mandement : « Tirez ! » pour échanger les deux balles à volonté.

Duel à marcher.

Cette fois encore, Ghateauvillard, page ^2, articleU, ne déter- mine aucun délai pour exécuter la marche et tirer le premier coup. Le délai pour riposter reste toujours fixé par lui à une minute à partir du premier feu.

Pour ce qui nous concerne, nous prenons le commandement : « Marchez comme point de départ du délai, et accordons encore une minute pour échanger les deux balles.

Duel à marohe interrompue.

Le premier coup peut encore, d'après Chateauvillard, être tiré ad libitum. Mais le délai pour riposter n'est plus que d'une demi- minute à partir du premier coup de feu.

Conformément à la règle de proportion que nous avons établie, nous réduisons à une demi-minute à partir du commandement : a Marchez I » le délai dont peuvent disposer les adversaires pour échanger leurs deux balles.

Duels de la deuxième oatégorie.

Le duel à tir successif ne comporte pas de délai ayant un point de départ unique, puisque les adversaires tirent l'un après l'autre.

Le seul changement qu'on puisse apporter à ce genre de ren- contre est de diminuer le laps de temps accordé par Chateauvillard pour tirer à son tour.

Cet auteur, page 37, article U, et page 117, accorde une mi- nute pour tirer et une minute pour riposter à partir du premier feu.

D'accord avec Tavernier (voyez page 209), nous réduisons ces proportions à une demi-minute pour tirer et une demi-minute pour riposter ; en tout une minute pour l'échange des deux balles.

DuelB de la troisième oatégorie. Duel au signoial.

Étant donnée la nature particulière du combat, nous ne voyons pas grande utilité à diminuer les délais choisis par Chateauvillard, page 55, article 8, et indiqués en ces termes :

ttO PREMIÈRE PARTIE.

« Si rinsulté se trouye frappé, si son témoin donne le signal, il doit le donner dans Tintervalle de trois à neuf secondes, c'est-à-dire trois secondes entre chaque coup, qui produisent neuf secondes pour les trois coups, ou de deux à six secondes, c'est-à-dire deux secondes entre chaque coup, qui produisent six secondes pour les trois.

(c Si le droit de donner le signal est tiré au sort, ce signal doit être donné dans Tintervalie de deux secondes à six secondes pour les trois coups. »> {Ibidem, art. 10.)

Dael au commandement.

Le duel au commandement, dont Ghateauvillard ne parle pas, constitue une modification pratique du duel au signal qui est très difficile à exécuter correctement.

Au lieu d'être astreints à tirer précisément et simultanément au mot (( trois », comme dans le duel au signal, les combattants peuvent tirer à partir du commandement : « Feu I » jusqu'au mot « trois ». Il y a donc pour eux une notable diminution dans la dif- ficulté du tir.

Il nous a paru juste de diminuer, en conséquence, les délais indiqués pour le duel au signal.

Les adversaires peuvent tirer dans un délai qui ne peut être moindre qu'une seconde et demie, c'est-à-dire que l'intervalle entre chaque coup compté à haute voix est d'environ une demi- seconde, ni supérieur à quatre secondes et demie, c'est-à-dire que rintervalie entre chaque coup est d'environ une seconde et demie *.

Les diminutions que nous venons de faire réunissent-elles les trois conditions susceptibles de légitimer un changement aux règles de Ghateauvillard ?

Évidemment oui. Les explications dans lesquelles nous sommes entré h propos des duels de la première catégorie rendent toute nouvelle démonstration inutile. Nous n'y reviendrons pas.

La nécessité d'opérer ces diminutions est justifiée par Texpé- rience. Nous conseillons aux témoins de s'en rendre compte avant la discussion des délais, en visant pendant une minute un objet quelconque avec un pistolet chargé à blanc, ou bien encore en se mettant face à face et en représentant le duel.

Ils jugeront par Ténervement général, par le sentiment anxieux du témoin qui compte les secondes, combien paraît interminable une fraction de temps, si minime en réalité.

1. Conformément, voyez Tavcrnier, page 217.

OFFENSES. RÈGLES DU DCEL. 224

M. Tavernier fait cette observation page 209.

Elle est confirmée par un exemple frappant *.

L'exclamation : « Mais tirez donc ! » échappée au témoin, exprime bien son angoisse. L'espace de temps n'est que de quatre ou cinq secondes. 11 lui paraît un siècle.

Obseryons, à ce propos, que les témoins ne doivent jamais se permettre d^interpellations semblables, qui peuvent influencer le tireur, et lui causer un préjudice auquel son adversaire n'a pas été exposé.

Si un combattant dépasse le délai fixé pour tirer, les témoins doivent l'arrêter; mais tant que le laps de temps n'esl pas expiré, il a droit de faire feu dans le repos le plus absolu.

Tant pis pour les assistants impressionnables!

Supplément de délai accordé au blessé pour riposter.

La nature du duel au signal et celle du duel au commande- ment ne permettent jamais d'étendre la mesure du délai pendant lequel les coups de feu doivent être échangés.

Aussi voyons-nous que c'est seulement lorsqu'il s'agit de duels an visé que Ghateauvillard accorde au blessé un laps de temps sup- plémentaire pour riposter. Deux minutes au lieu d'une seule, par exemple, dans la rencontre à tir successif, et deux minutes au lieu d'une seule (lorsque le blessé est tombé) dans la rencontre à marcher.

Il faut avouer que, si le duel est à tir successif, la faveur accor- dée au blessé est assez juste.

Du moment, en effet, que le combattant auquel revient la pri- mauté du tir a tout le temps nécessaire pour viser un homme qui conserve une attitude passive, et ne lui fait courir aucun danger, il est équitable d'accorder à ce dernier, s'il est blessé, le double du temps qui lui reviendrait sli n'avait pas été atteint.

Dans la pensée de Ghateauvillard, la minute supplémentaire pendant laquelle le blessé reprend ses forces et ses esprits com- pense rimpossibilité il est d'exercer son droit de riposte dans des conditions aussi avantageuses que celui qui a tiré le premier.

Cette compensation est-elle aussi justifiée lorsque le duel choisi ne comporte pas un ordre de tir réglementé d'avance ? lorsqu'il s'agit, par exemple, du duel à volonté, pour lequel le premier coup est ad libitum, d'après le système de Ghateauvillard ?

Nous ne le croyons pas. En effet, les situations ne sont plus

1. Voyez affaire Mazard-de Montbrond, 1*''' et 2 septembre 18i9. Appendice n«83.

f^- -

2tt PREMIÈRE PARTIE.

analogues à celles du duel à tir successif. Rien n'obligeait le blessé à attendre si longtemps le feu de son adversaire. Rien ne Tempd- chait de tirer ai«int. Son retard doit être considéré comme une tac- tique qui n'a pas réussi, et pas autre chose.

Pour ce qui nous concerne, du moment que nous adoptons un délai unique et sacramentel, pendant lequel les adversaires doivent tirer et passé lequel ils ne le peuvent plus, nous refusons au blessé tout supplément de délai à raison de sa blessure, soit que le duel ait été au visé à volonté, au irisé à marcher, ou à marche inter- rompue.

Cette fin de recevoir est-elle avantageuse dans la pratique ? Cette modification peut-elle être adoptée 7 Oui, car elle supprime les difficultés relatives à la constatation des droits du blessé, facilite la direction du duel, en diminue le danger, et ne change rien k la nature du combat.

Elle supprime, disons-nous, les difficultés relatives à la consta- tation des droits du blessé.

Gomment les témoins peuvent-ils, avec le système de Château- villard, constater l'existence et la gravité de la blessure ? Comment peuvent-ils reconnaître, par exemple, dans le duel à marcher, si la chute qui vaut au blessé un supplément d'une minute est expliquée par une blessure suffisante pour la motiver réellement 7 Ils n'ont pas d'autre ressource que de s'en rapporter à l'affirmation du blessé, ou de le faire examiner par les médecins.

Dans le premier cas, ils s'exposent à des erreurs provenant, soM d'une exagération faite de bonne foi, et souvent très naturelle, soit d'une amplification déloyale, très difficile à constater.

Dans le second, ils suppriment à la vérité le danger d*une erreur d'appréciation, mais ils augmentent la durée du combat et les difficultés de sa direction, puisque la vérification suppose un arrêt du duel, un nouveau délai, un nouveau point de départ et des calculs plus embrouillés. N'y aura-t-il pas complication, par exemple, si le blessé reste debout pendant la majeure partie du délai qui lui est accordé, s'il n'y a pas chute, et tombe au dernier moment ?

Il est donc juste de dire qu'en supprimant ce privilège on sim- plifie le combat.

On le rend aussi moins dangereux, puisque le temps pendant lequel celui qui aura tiré le premier coup restera exposé à la riposte sera diminué de moitié.

Malgré les raisons que nous avons données, certains témoins peuvent vouloir s'en tenir aux règles tracées par Chateauvillard,

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. M3

soit pour la question du délai, soit pour la question du supplément accordé au blessé.

Nous ne prétendons pas leur imposer notre système, bien qu'il ait pour résultat de sauvegarder leur responsabilité ; nous le leur conseillons, mais nous les laissons libres de choisir.

Aussi, dans les chapitres que nous consacrons à la monogra- phie de chaque espèce de duel, avons-nous soin d'exposer d'abord le délai fixé par Chateauvillard et le supplément accordé au blessé pour tirer.

Le tableau des diminutions que nous proposons vient après.

Les témoins ont, de cette manière, latitude absolue pour exer- cer leur choix en toute connaissance de cause.

CHAPITRE XL Coup raté. Coup tiré en Tair.

Dans le duel au pistolet, si un raté se produit, et s'il n'existe pas de stipulation contraire, le coup raté est considéré comme tiré*.

Donc, s'il n'y a pas de clause spéciale, aucune discussion ne I>eut surgir.

Les témoins qui prooèdent à la rédaotion du prooès-verbal de renoontre doivent-ils, pour plus de sûreté, consacrer cette régie par une oonvention spéciale, ou décider en sens inverse que la per- sonne dont le pistolet aura raté [pourra le faire remettre en état et tirer de nouveau?

La question est excessivement importante et mérite toute leur attention.

Pour la résoudre, il faut distinguer s*il s'agit des duels au signal et au commandement, ou des duels au visé.

S'agit-il des duels au sitjual ou au commaudewent, tout coup raté est considéré comme tiré. La règle est absolue, et découle de la nature même du délai accordé pour échanger les balles, délai trop court pour qu'il soit possible de Tinterrompre *.

1. Voyez Chateauvillard, page 37, article 13.

2. Voyez affaire Reinach-Déroulëde, 21 octobre 1800, Annuaire du duel. Appendice n* 84.

tu PREMIÈRE PARTIE.

S'agit-il des daels au visé de qaelqae nature qae ce soit, les témoins éprouveront un embarras très naturel, car les aateors sont muets sur ce point, et on troure des exemples dans les deux sens ^.

Il n'existe donc pas pour eux d'autre manière de se fonder une opinion rationnelle sur la valeur des deux systèmes que de com- parer minutieusement les résultats qu'ils entnilnent.

Supposons que le coup raté soit considéré comme tiré, et exa- minons quelles peuvent être les suites de cette convention*

Soit A... Tagresseur et 0... l'offensé.

0... tire le premier et rate. D'après les conventions, A... peut riposter. 0... doit attendre dans rimmobilité la j[>lus complète l'expiration du laps de temps qui est accordé à son agresseur pour faire feu... Si A... le tue ou le blesse, il use d'un droit strict, et n'est point blftmable au point de vue des règles du duel.

Cependant, quelle position plus embarrassante que la sienne, observent les partisans du rechargement, en présence d*un homme qu'il a gravement offensé, et qui est tombé à sa merci par la mau- vaise qualité de son arme, ou l'incurie du chargeur I S'il use de ce fameux droit strict, le fait d'avoir tué froidement on grièvement blessé un homme désarmé, qui ne lui a fait courir aucun danger, ne sera-t-il pas considéré comme un acte de barbarie frisant la déloyauté 7

Use-t-il de générosité, et refose-t-il de tirer? 11 prête à rire si le combat doit se terminer sans ucuvel échange de balles. Si un plus grand nombre doit être tiré, il joue sa vie.

Supposons maintenant que 0..., Foffensé, tire et manque, et que A..., Tagresseur, riposte et rate.

Si on applique la règle « coup raté, coup tiré », il est clair que le combat ou tout au moins le premier acte du combat est terminé, puisque A... ne peut plus riposter.

Ce résultat est injuste, font observer les partisans du rechar- gement. L'offensé n'a-t-il pas eu en main toutes les chances qui lui revenaient? Il a tiré, il a manqué; tant pis pour lui I Est-il équi- table de priver son adversaire du même droit? La réciproque est vraie dans le cas les rôles seraient intervertis.

Ils soutiennent que, dans tous ces cas, il faut recharger le pis- tolet du combattant qui a raté, mais en n'augmentant sous aucun prétexte le laps de temps fixé par le procès -verbal, car ce laps de temps est sacramentel.

Par conséquent, disent-ils, dans un duel à volonté ce délai

1. Voyez appendice n^ 85.

OFFENSES. RÈGLES DU DDEL. U5

serait fixé à une minute, si 0..., l'offensé, tire à la 50® seconde et rate, les témoins constatent le nombre de secondes écoulées depuis le commandement : « Tirez I » Tannoncent à haute yoix, procèdent au rechargement et n'accordent plus aux adversaires que dix secondes pour faire feu.

Les partisans de la règle « coup raté, coup tiré», objectent à leur tour que l'expédient proposé n'est guère pratique ; en premier lieu, parce qu'à la distance à laquelle se trouvent les témoins, il leur est impossible, dans certains cas« de s'apercevoir instantanément du raté ; tel est celui le raté provient de Tabsence de capsule ou d'une capsule qui ne fait pas explosion. Ils ne peuvent, dans ces conditions, donner le signal d'arrêt au moment précis l'accident se produit et exécuter la convention dans son entier. D'où la conséquence que l'individu qui dans l'intervalle entre le raté et le commandement : 0 Arrêtez ! » risposterait et tuerait son adversaire, ne serait pas blftmable, car il l'aurait fait dans les délais convenus.

Ils repoussent, en second lieu, l'expédient proposé, parce qu'en admettant même que les choses se passent régulièrement, l'égalité entre les chances des deux adversaires n'existe plus dans bien des cas.

Ne voit-on pas, dans l'exemple proposé, 0. . . rater à la 50' seconde, les témoins crier d'arrêter, et A... obéir, mais au moment où, après avoir longuement visé son adversaire, il le tient à l'œil, pour nous servir d'une expression triviale, mais qui rend bien notre pensée.

Lorsque après le chargement le combat recommence, il ne lui reste plus que 10 secondes pour lâcher son coup. Peut-on dire qu'il conserve tous ses avantages? Évidemment non, car ces 10 secondes ne sauraient compenser les 50 qu'il a perdues. Il est obligé de tirer plus rapidement et, s'il a l'habitude de viser très longtemps, il le fait avec moins grande chance de succès.

En troisième lieu, ils déclarent le rechargement inacceptable, parce que le calcul des secondes écoulées et celui des secondes restantes complique la direction d'une affaire déjà si compliquée.

Ils objectent, en quatrième lieu, qu'il est bien difficile, dans certains cas, de procéder au rechargement dans les conditions stipulées au procès-verbal ; par exemple, lorsqu'il a été décidé que deux balles seulement seraient tirées, et que les armes seraient chargées avant la rencontre par un chargeur de profession, si ce chargeur ne se trouve pas sur le terrain.

Notons en passant qu'il est indispensable que l'arme qui a raté soit déchargée complètement. Tout le monde a pu éprouver, en effet, le sentiment d'hésitation et de malaise produit par un pistolet simplement réamorcé et qu'il faut tirer à nouveau» Le manque de

45

U6 PREMIÈRE PARTIE.

confiance, la crainte d'nn antre raté, paralysent chez bien des per- sonnes, même habiles, tons les moyens.

Quelles complications! quelles portes ouvertes aux malentendus, aux discussions et à la manyaise foi I Quelle responsabilité pour les témoins !

En présence de considérations si contraditoires* et qui toutes ont une certaine valeur, nous n'osons nous prononcer étune manière absolue contre ou pour la règle « coup raté, coup tiré ». Nous croyons que la meilleure ressource pour tourner les difficultés que nous avons signalées consiste dans l'adoption du duel au commande- ment, pour lequel le coup raté est toujours considéré comme tiré, à raison de Tintervalle insignifiant qui sépare le mot « feu » du nombre trois.

C'est le sentiment instinctif des inconvénients signalés plus haut qui a probablement contribué à diminuer notablement les rencontres au visé, et à les faire remplacer de nos jours par le duel au commandement.

Malgré les observations que nous venons d'enregistrer, si Pof- fensé avec injure grave ou voie de fait, profilant du droit de choisir son duel, exige une rencontre au visé, nous croyons qu'il vaut mieux interdire le rechargement. Mais, dans ce cas, les témoins feront bien de réduire autant que possible les délais pour tirer et pour riposter.

Coup tiré en Tair. Les oombattants ont-ila le droit de tirer en l'air ?

Cette question, à laquelle une affaire récente vient de donner un regain d'actualité, a soulevé de vives conlroverses^

L'acte de tirer en l'air ne nous semble pas de nature à être expressément défendu; d'abord parce que Chateauvillard ne le prohibe point, ensuite parce qu'iln'estpas plus entaché de déloyauté que celui qui consiste à presser involontairement la détente après le signal, au moment d'abaisser le pistolet, et à échapper le coup.

Tous deux constituent un simple manqué.

Examinons quelles sont les conséquences de cette solution rela- tivement au droit de l'adversaire.

Il varie suivant que c'est Toffensé ou l'agresseur qui a tiré en rair.

Si c'est l'offensé, et si le duel est au visé, l'adversaire ne doit

1. Voyez affaire Lagucrre-Déroulède, 13 novembre 1890, appendice 86, et les avis ou consultations publiés à cette époque, ibidem, auxquels nous avons tous fait plasieurs emprunts.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 2ï7

pas riposter, car l'acte de l'offensé équivaut à un désistement. Il est censé renoncer à demander réparation de l'offense qu'il a subie, puisque cette réparation consiste précisément dans le coup qu^il s'a pas Toulu diriger contre son agresseur. Dans ces conditions, ce dernier n'a plus aucune raison de tirer, et les témoins doivent l'en empêcher.

Si le duel est au signal ou au commandement, comme les coups doiyent être simultanés dans l'un, et à peu près simultanés dans l'autre, les témoins ne sauraient intervenir utilement. C'est seule- ment lorsque plusieurs balles doivent être échangées, et après le premier acte du duel, que leur veto a sa raison d'être.

Si c'est l'agresseur qui tire en l'air, Toffensé conserve intact le droit de faire feu sur lui autant de fois qu'il est stipulé au procès- verbal; car l'agresseur, en approuvant et en signant le procès-verbal, s'est engagé à en observer et à en subir les conditions.

Nous ne saurions admettre qu'il soit libre de changer la loi du combat, et, parce qu'il lui platt de tirer en l'air, d'esquiver le feu de son antagoniste.

Ce serait trop facile si, après avoir insulté un homme, on pou- vait éviter les conditions qu'il vous a légalement imposées, et le frustrer de la réparation qui lui est due, en ayant l'air de faire le généreux.

Est-il admissible, en un mot, que les conditions du duel puissent être changées par la volonté de celui à qui on a demandé réparation, contre la volonté de celui qui avait le droit de Texiger?

Du reste, l'acte de tirer en Tair est généralement moins che- yaleresque qu'on voudrait le faire croire.

En effet, sll existe des cas Tagresseur doit subir le feu de son adversaire sans tirer sur lui ; s'il s'agit, par exemple, du séducteur d'une jeune fille placé en face du père irrité, personne ne niera qu*il ne lui soit loisible de manquer son adversaire, sans exprimer tout haut et d'une façon apparente son intention, au lieu de la garder pour lui.

Cette générosité ne semble-t-elle pas, dans bien des cas, une invite à une générosité pareille de la part de Toffensé, générosité forcée presque toujours, car elle procède d'un sentiment d'appréhen- sion bien naturel, celui de la responsabilité qu'il assume aux yeux des lois ordinaires s'il tue ou blesse un homme qui n'a pas voulu attenter à sa vie !

Nous conclurons en disant que si Tacte de tirer en l'air ne sau- rait être considéré comme déloyal et formellement interdit, il est, en revanche, de mauvais goût, offensant pour l'adversaire et sus- ceptible d'être interprété d'une manière peu favorable.

m PREMIÈRE PARTIE.

Aussilôtquelecoup de feu a été tiré en l'air par l'agresseur, les témoins doivent arrêter l'offensé et tâcher d'arranger l'affaire. Pour cela ils font valoir ïîs-à-vis les adversaires les arguments divers que nous avons indiqués. Ils en exagèrent au besoin la portée.

L'offensé, dûment instruit des risques qu'il court s'il lient à user de son droit à riposter, persiste-l-îl à vouloir l'eiercer? Les témoins ne peuvent l'en priver. Il n'a dans ce cas pour tirer que le laps de temps qui lui restait au moment le duel a été arrêté par eux.

Si plusieurs balles doivent être échangées, ils demandent k l'agresseur s'il entend recommencer, et les choses se passent comme nous venons de le dire, en cas de réponse afûrmative.

Si l'offensé déclare ne pas oser tirer sur qui ne se défend pas, à cause de l'écrasante responsabilité qui le menace dans le cas il le ferait, les témoins dressent un procès-verbal constatant que l'oPfensi? n'a pas repu réparation. L'agresseur est dans ce cas censé avoir refusé de se battre'.

Nombre de beilleB à échanger.

Le procf-s-verbal doit spécifier combien de balles seront échan- gées. Son silence doit élre interprété dans un sens restrictif, c'est- à-dire qu'en pareil cas le duel est an-été après le premier feu.

Le nombre de balles h échanger ne peut jamais dépendre du caprice des adversaires ou de l'exécution d'une condition, comme dans l'atTairc Mlra-Dovalle, Gazelle des Tribiinauj;, 27 octobre 1830. Appendice n" 87.

Le droit de décider combien il y aura de balles échangées ne fait pas partie des privilèges de l'offensé. Il appartient aui témoins.

CHAPITRE XLl Choix des piatolets.

Si l'offense est une offense du premier ou du second degré, les témoins choisissent les pistolets, c'est-à-dire qu'ils se procurent

1. Voyez conrormémsat Aageliai, Codice cavallereico, cbtpitre xviii, trticla 34. Gelti, article 410. Lea codes allemaDda déclarant ladigne celui qui tira deux

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 2Î9

d'ane manière qaelconqae, achat, location, etc., les armes propres an combat. Les adversaires sont obligés de s*en servir. Elles doivent leur être absolument inconnues.

Si Toffense est avec voies de fait, Toffensé peut se servir de ses pistolets, mais Tagresseur acquiert ipso facto le même droit ^

Dans cette seconde hypothèse, les pistolets de chaque partie sont présentés avant la clôture du procès-verbal aux témoins, qui peuvent les accepter ou les refuser, selon qu'ils sont ou ne sont pas conformes aux règles de nos chapitres xui et suivants. Mention de cet examen et du résultat est insérée au procès-verbal.

Si roffensé avec voies de fait ne présente pas d'armes, les té- moins exercent le choix des pistolets dans les conditions que nous Tenons d'indiquer plus haut.

Ce droit de choix ou d'examen une fois reconnu aux témoins, il nous reste à étudier trois questions qu'ils doivent forcément con- naître, s'ils veulent remplir convenablement cette partie de leur mandat.

Elles sont relatives :

1"» Aux conditions requises poar que les pistolets soient propres au combat et puissent être choisis ou agréés par les témoins;

2'' Aux manœuvres frauduleuses dont les armes peuvent être l'objet, au but de ces manœuvres, à leur résultat, aux moyens de les prévenir et de les reconnaître ;

3^ Aux conditions qui peuvent enlever au tir une certaine somme de justesse, au combat une somme de dangers proportion- nelle, tout en conservant aux armes leur précision et à la rencontre son caractère de loyauté.

L'examen de chacune de ces questions formera la matière d'un chapitre séparé.

CHAPITRE XLII Conditions mises au choix et à Tacceptation des pistolets.

Pour que les pistolets soient choisis ou acceptés par les témoins, il faut qu'ils soient reconnus propres au combat.

Pour que les pistolets soient propres au combat, il faut qu*ils soient capables de faire feu d'une manière assurée, et susceptibles d'atteindre avec justesse le but visé.

1. Voyei Chateauvillard, page 35, article 4, et notre chapitre i^ii.

r

^ 130

PREMltRE PARTIE.

Nous allons examiner successivement les causes qui peuvent ioflLier d'abord sur la certitude du départ, ensuite sur la précisiou du tir.

Les cames qtii influent sur la certitude du d^imrt sont : le sens de la communication ; 1" le chargement.

Nous disons que le sens de la communication influe sur la certitude ou l'incertitude du déparl. En elTel. la première condition pour que des armes ne ratent pas, c'est que le feu soit régulière- menl communiqni.^ h la poudre.

Pour cela il faut non seulement que la perforation du petit canal qui traverse la cheminée, pour aboutir à la chambre se trouve la charge de poudre, soil complète, mais quelle soit faite en équerre, et non directement comme dans les fusils à piston ordi- naires.

En elTet, avec la communication directe, s'il se trouve dans le canon la moindre grave, la moindre parcelle décrasse, ces corps étrangers sont projetés dans la chambre par l'ébranlement des coups de maillet.

Ils tombent de dans la cheminée, par suite de la situation verticale de l'arme pendant le char{;ement, et produisent, suivant leur volume, des longs feux ou des ratés, qui peuvent amener des complications désastreuses.

Au contraire, avec la communication en équerre, la grave ou la crasse s'arrête dans la partie à angle droit et ne produit pas d'obtu- ration.

Nous disons que le chargement est la seconde cause qui influe sur la certitude du départ.

En effet, si le chargeur verse la pondre avant de s'assurer que la communication n'est pas bouchée, s'il n'assujettit pas la capsule, en un mot s'il commet une bévue qui empêche le fen d'atteindre la poudre, le bon sens indique qu'il provoquera un raté.

On voit que l'opération du charçement mérite qu'on s'y arrête ; nous la traiterons en détail chapitre xlv.

r la jast«aB« du tir, abstraoUon &ite de

Le forage du canon et sa rayure; Les proportions de la chambre; 3" Lacharge; W Le guidonttage.

1> Forage. Rature. Les armes lisses, même parfaitement forées et repassées, ne peuvent aroir une portée et une exactitude

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. «34

égales à celle des armes rayées. En effet, pour permettre Tintroduc- don du projectile, 11 faut entre celui-ci et le canon une différence de calibre appelée vent.

Au moment du départ, le projectile, reposant sur la partie infé- rieure du canon, laisse à sa partie supérieure un yide passe une partie du gaz de la poudre; d*où résultent à la fois une série de l)attements dans Fintérieur du tube qui empêchent de prévoir la direction exacte que prendra le projectile au sortir du canon, et en même temps un mouyement de rotation d'arrière en avant qui Tient aussi accroître rincertitude de cette direction. Ces défauts sont corrigés dans les armes rayées.

Il n'est pas sans intérêt de rechercher quelle influence peut ayoir sur la précision du tir des armes, tant lisses que rayées, les irrégularités du forage et de la rayure.

Les défauts dans le forage et dans la rayure donnent, lorsqu'ils sont suffisamment prononcés, des déviations qui n'ont pas une Taleur constante et varient d'un coup à Fautre, mais qui diminuent à mesure que ces défauts s'éloignent de la bouche.

Ils se rencontrent rarement à un degré suffisamment considé* rable dans les pistolets neufs pour les rendre impropres au combat; mais dans les armes ayant déjà servi, la rouille, le nettoyage brutalement opéré avec une baguette en fer, ou mieux encore en acier, qui aplatit ou déforme un certain nombre de rayures, peut amener ce résultat.

Pour constater Tétat du canon, il faut entourer la baguette à layer avec un morceau de foulard de soie, l'enfoncer doucement et la retirer de même. Toute résistance éprouvée est l'indice d'une imperfection.

Il suffit ensuite de déculasser l'arme et de regarder dans le tube comme dans une lorgnette pour en constater l'état, car à chaque aspérité un peu considérable reste attachée une peluche de soie.

2* Proportions de la chambre. Pour qu'un pistolet con- serve une très grande somme de justesse, il faut que la partie de la chambre qui est en contact, d'un côté avec la balle, et de l'autre en communication avec le feu, ait une capacité de nature à contenir exactement la charge de poudre.

Il faut, en outre, que la concavité dans laquelle la balle doit être logée soit fraisée avec la fraise qui a servi pour le moule à balles, et ne soit ni plus ni moins profonde que la moitié de ladite balle, de manière à ce que cette dernière appuie partout et ne soit pas déformée par les coups de maillet.

Bien qu'une chambre mal proportionnée influe sur la justesse.

f m

PREMIÈRE PARTIE.

il faut reconnaître que, généralement, l'influence est trop minime pour rendre l'arme impropre au combat.

Cependant, comme la disproportion peut être telle que le con- traire se présente, nous ayons cru devoir entrer dans ces détails, qui ne seraient pas complets si nous ue rappelions aui témoins que la constatation des défauts provcuant delà chambre nécessite le décu-

3" CHAittiF. Le calibre exact du projectile, la juste propor- tion entre la quantité de poudre et le poids de la balle, forment la troisième condition d'une grande précision.

Nous disons que la balle doit être exactement du calibre de l'arme. En effet, une balle trop grosse ne peut entrer dans un pistolet lisse, et ne peut être introduite dans un pistolet rayé qu'à force de coups de maillet, qui la réduisent à l'état de lingot, au délrimentde

Si la balle est irop petite, le vent augmente en raison de la diffé- rence de calibre qui existe entre l'Ame du canon et le projectile ; les battements se produisent plus fréquents, et la balle ne reçoit plus de direction assurée.

Les témoins ne peuvent accepter une arme ainsi chargée.

Nous disons que la mesure de poudre doit être proportionnée au poids de la balle. Une charge de poudre exagérée fait relever le coup. Une charge trop faible produit le résultat inverse. L'expé- rience nous a démontré qu'on peut compter 25 centigrammes de poudre par 10 grammes de plomb, cl 2 centigrammes par chaque gramme en sus. Kous croyons pouvoir engager les témoinsâadopter ces proportions pour les calibres ordinaires.

4" GuiDOBHACE. Le guidonnage , c'est-à-dire la position régulière du guidon et du cran de mire, constitue la dernière condition d'une grande justesse. G'estcelle qui influe davantagesur Is précision de l'arme.

Dans le tir au pistolet, comme il ne s'agit pas d'une arme k longue portée, et comme la distance n'excède guère trente-cinq pas, il n'est pas question de corriger la dérivation latérale et la courbe de la trajectoire, et, par conséquent, de déplacer le guidon ou de se servir d'une hausse.

Pour que les pistolets soient considérés comme réglés, deux conditions suffisent.

II faut :

Que le cran de mire et le guidon soient placés exactement dans l'axe du canon, et que, par conséquent, la ligne de mire, c'est- à-dire la ligne déterminée par le fond du cran de mire et l'extré-

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 233

mité du guidon, soit parallèle à la ligne de tir, c'est-à-dire à l'axe du canon indéfiniment prolongé;

2o Que le fond du cran de mire et l'extrémité du guidon aient la même hauteur.

Cette dernière condition suppose que les canons sont d'égale grosseur partout.

Cette égalité du canon est générale à notre époque. Nous la supposerons toujours existante dans les explications que nous allons avoir à donner, et négligerons les corrections qui étaient nécessaires avec les armes anciennes, plus renforcées au tonnerre qu'à l'extré- mité.

Pour reconnaître si le cran de mire et le guidon sont bien dans l'axe du canon, on mesure généralement le pan sur lequel la mire et le guidon sont fixés, et on examine s'ils en occupent exactement le centre.

On s^assure également que l'épaisseur du fer à l'extrémité du canon est partout bien égale.

Cette Yérification ne donne pas une certitude absolue, car le milieu du pan peut lui-même ne pas être dans l'axe du canon; mais les témoins peuvent s'en contenter, parce que la certitude mathé- matique résulterait d'opérations délicates, et parce que l'approxi- mation à laquelle ils arrivent indique que Tarme est telle qu'elle est sortie de la main du fabricant, et n'a pas été repassée dans un but coupable.

CHAPITRE XLlll Opérations déloyales dont les armes peuvent être l'objet.

Certaines opérations déloyales peuvent être exécutées sur les pistolets, dans le but de diminuer leur justesse et d'enlever au com- battant de bonne foi, qui vise comme à l'ordinaire, toute chance d'atteindre son adversaire, tandis que ce dernier, prévenu, s'arrange pour corriger Técart.

Il importe aux témoins de les connaître.

Nous allons rechercher en conséquence :

l"" Quels moyens peuvent être employés, et quels en sont les résultats ;

2"» Dans quelles circonstances ces moyens peuvent être tentés ;

>...'.--

PUÈllIIÈRE PARTIE,

Commeiit ta fraude peut être reconnue ; II" Commeut od peut la prévenir.

1" Quels moyens peuvent être employés? Quels en sont tes résultats?

La manœuvre déloyale s'opère en déplaçant adroite ou à gauche de l'axe du canon, soit le guidon seul, soit le cran de mire seul, soit les deux en même temps. On peut aussi abaisser le guidon et exhausser le cran de mire, ou exhausser le guidon et abaisser le cran de mire.

Toutes ces opérations ont pour résultat de détruire le parallé- lisme qui doit exister entre la ligne de tir et la ligne de mire, et de produire une déviation latérale ou verticale.

Toiil déplacement du guidon à droite fait porter le projectile à gauche, lii^cipro^uemeiit, tout di'placeiiient diit/uidû» à gauche fait porter le /irojectile à droite.

Soit B le cran de mire placé dans l'axe A G du canon. Soit 0 le but à atteindre. Supposons qu'au lieu de laisser le guidon dans l'axe du canon, comme cela devrait avoir lieu régulièrement, une des parties le repousse à droite jusqu'au point E, Le combattant qui vise le but 0 n'a pas chance de l'atteindre, car la ligne de mire, c'est- à-dire celle qui est déterminée par le fond du cran B, le sommet du guidon K et le but 0, ne conserve pas son parallélisme avec la ligne de tir A G 0', c'est-à-dire avec l'axe du canon indéfiniment pro- longé, mais forme avec elle un angle 0 B 0' d'autant plus ouvert que le but est plus éloigné. La balle ira frapper en 0', à gauche du point visé.

Pour corriger cet écart, la partie qui connaît le déplacement du guidon vise à droite du but, d'une mesure égale à la distance qui sépare les points 0 et 0'.

Tout déplacement du cran de mire à droite fait porter l'arme à

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL.

235

droite. Tout déplacement du cran de mire à gauche fait porter l'arme à gauche.

JL.

4y

B

'TÇmwZT'

Soit B le cran de mire repoussé à droite de l*aie du canon. Soit E le guidon conservé sur cet aie. Soit 0 le point visé. La figure Dous montre que le projectile suivra la ligne de tir A G et ira frapper en 0', à droite du but, en formant un angle 0 E 0'. La correction s'opère en visant à gauche du but, d'une mesure égale à la distance 0 0'.

Si on repousse le guidon à droite et le cran de mire à gauche, Pécart se produit à gauche. Si on repousse le guidon à gauche et le cran de mire à droite, V écart se fait à droite. L'écart est plus consi- dérable que celui qui est produit par un déplacement pur et simple du seul cran de mire ou du seul guidon.

La correction s'opère en visant, à droite ou à gauche du but, d*une distance égale à l'amplitude de l'écart.

La figure suffira au lecteur pour s'en assurer.

Lexhaussement du cran de mire fait porter le projectile plus

haut que le but visé.

Si cet exhaussement est accompagné de l'abaissement du guidon,

l'écart est encore plus sensible.

hf^'-'

Lift» dt

-0' -0

Soit B le cran de mire placé comme le guidon E dans Taxe du canon, mais plus élevé que le guidon, qui est réduit à son minimum de hauteur.

Pour que le rayon visuel partant du cran de mire et passant

*•

236 PREMIÈRE PARTIE.

par Textrémité du guidon yienne frapper le but 0, il faut élever le bout du canon et donner à Farme une inclinaison oblique.

La ligne de tir suit le même mouvement et forme avec la ligne de mire un angle 0 K 0' d'autant plus grand que la différence de hauteur entre le cran de mire et le guidon est plus considérable. La balle ira frapper en 0' au-dessus du but 0. La correction s*opère« en visant au-dessous du but, d'une mesure égale à la distance 0 0'.

Réciproquement^ V exhaussement du guidon fait porter le pro- jectile plus bas que l'objet visé.

Ligmt'ém wiarw

La correction s'opère, en visant au-dessus du but 0, d'une mesure égale à la distance 0 et 0'.

2<> Dans quelles circonstances ces opérations déloyales

peuvent-elles être commises?

Elles peuvent être commises sur le terrain ou préparées avant la rencontre.

Si les guidons sont mobiles, un témoin déloyal peut en une seconde, sur le terrain, déplacer celui d'un des pistolets précédem- ment bien réglés, et remettre le pistolet déréglé à l'adversaire de son client, tandis que ce dernier recevra une arme qui n'aura subi aucune fraude.

Il peut aussi dérégler les deux armes. Son client, prévenu, cor- rigera approximativement la dérivation, et aura chance d'atteindre l'adversaire. Dans ces deux cas, il ne courra aucun danger, puisque le combattant non averti visera comme à l'ordinaire, et portera à droite ou à gauche du but qu'il veut atteindre.

Nous disons que les opérations déloyales peuvent être effectuées avant la rencontre.

Il peut arriver, par exemple, que des armes, même inconnues, restent entre les mains de témoins ou d'adversaires indélicats. Il peut avoir été convenu que chacun des adversaires apportera des pistolets et que le sort décidera la paire dont on se servira.

Dans ces deux cas, il est facile de régler à faux, sans éveiller

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. S37

l'attention, soit Tune des deux armes marquée d un signe convenu^ soit les deux armes à la fois.

Les choses se passent alors comme nous venons de le faire obserrer, mais avec cette aggravation que Tauteur ou le complice de la fraude aura pu faire Texpérience de l'écart produit, et pourra le corriger plus facilement que si l'opération s'est faite sur le terrain.

Pour peu qu'on ait le temps, le déplacement du guidon et du cran de mire, leur exhaussement, sont faciles et s'exécutent dans des conditions qui rendent la fraude presque insaisissable,

Supposons qu'on veuille faire porter des pistolets à gauche et très haut, on ne déplacera pas le guidon d'une quantité suffisante pour qu'il produise à lui seul cet effet, car la supercherie serait trop apparente. On se contente de le pousser légèrement à droite et de l'abaisser d'une petite quantité. On fait faire ensuite une plaque de mire plus étroite que le pan et plus haute que le guidon. On la fixe le plus à gauche possible du pan et on creuse le cran de mire bien au centre.

Les témoins qui examinent les armes ne s'aperçoivent point que, par le fait du petit intervalle qui existe entre l'extrémité droite de la plaque de mire et l'arête droite du pan, le cran de mire est reporté à gauche.

Gomme ces déplacements pris isolément sont très peu visibles, ils acceptent des armes qui portent sensiblement trop haut et à gauche.

Il existe une autre méthode pour faire porter un pistolet, à volonté, à droite, à gauche, en haut ou en bas du point visé. Cette fraude est rare, car elle nécessite une préméditation de longue date et la complicité d'un ouvrier habile, mais, en revanche, elle est difficile à constater.

Avant que le canon ne soit dégrossi à l'extérieur, mais après qu'il a été foré et rayé, l'ouvrier le met à la forge et le fait chauffer au rouge, puis le fermant dans un étau, à quelques centimètres de la chambre, il tire l'autre bout et l'amène légèrement à lui. Cette traction produit une courbe qui ne saurait être appréciée à Toeil DU, mais qui influe considérablement sur la précision du tir.

Pour mieux cacher la fraude, l'ouvrier finit les pans du canon à l'extérieur comme si la courbe n'existait pas.

Cette opération a sur la justesse du tir une influence plus consi- dérable que celle qui résulte du déplacement du guidon et de la mire»

Avec une courbe à peine sensible à la baguette enfoncée à plein dans le canon, on peut, à ce que nous a assuré un armurier, obtenir une déviation de 1 mètre par 15 mètres environ.

r

i38 PKEMlfcRE l'AKTIE.

L'écrasement de rayures près delà bouche, le trayail de la \m^^ ti la bouche m^me, sont également des causes de dérÎTalion.

On peut eufin rendre les chances inégales enlre les ilreurs, en donnant à une des délenles un degré de dureté supérieur à l'autre.

Cette inégalité est surtout préjudiciable lorsque le duel est au signal ou au comoiandeuient, car, dans ces cas, le doigt presse la détenle avec brusquerie, et entraîne, lorsque la résistante est eicessive, de grands écarts.

3* Comment les témoins reconnaîtront-ils l'existence des manoeuvres &auduleuses que nous venons de si^aler?

On reconnaît la fraude qui résulte du déplacement du point de mire et du guidon, en enfonçant dans le canon une baguette à plein qui dépasse l'orifice de 50 centimètres au moins. On fait ensuite passer un fil par le cran de mire et l'eitrémité du guidon, et on le prolonge jusqu'à celle de la baguette. S'il y a manœuïrc dans le genre de celles que nous aTous expliquées, le &I, au lieu d'aboutir au centre de ladite baguette, passe à sa droite ou à sa gauche, au- dessus ou au-dessous, suivant le genre d'opération à laquelle on s'est liïré.

On reconnaît la fraude qui consiste â donner une courbe au cynon lui-même en déculas*ant le pistolet. On voit que les bords du canon, à la culasse, ne sont plus d'égale épaisseur, L'eiameu de l'intérieur du lube ne donnerait pas des résaltats safflsamineDt précis.

Gomment les &audes dont nous venons de parler peuvent^lles être prévenues 7

Les fraudes qui se produisent sur le terrain, grâce au déplace- ment du guidon ou au durcissement des détentes, sont évitées en refusant toute arme munie d'un guidon mobile, et pourvue d'une détente dont une vis permet de modifier la sensibilité.

On évite les fraudes qui demandent un espace de temps plus considérable, en se serrant d'armes neuves, louées ou achetées par les témoins, et partant complètement inconnues des combattants; en ne les laissant ni entre leurs mains, ni entre les mains des té- moins, mais en les enfermant dans une boite scellée et en exigeant le tirage au sort de chaque pistolet.

S'il est impossible d'user de pistolets inconnus, on arrive au même résultat en autorisant les adversaires à se servir des leurs,

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. Î39

et en interdisant la clause en vertu de laquelle chaque antagoniste apporte sur le terrain une paire qui est tirée au sort.

Tel est l'énoncé des moyens qui nous semblent propres à empé- oher les fraudes que nous avons signalées plus haut.

Nous allons donner sur chacun d'eux des détails complémen- taires.

Lorsqu'il a été convenu que les armes seraient inconnues des €Mdversaires, on se sert de pistolets appartenant à la même paire, exactement semblables par conséquent, et n'ayant jamais été tou- chés ni vus par eux.

Le mot inconnu est pris dans le sens le plus étroit, et non sans raison. Il n'est pas douteux qu'un instant de maniement suffit à un tireur habile pour étudier la couche des armes, leur détente et les adapter à sa main .

Si, par impossible, les témoins ne peuvent ni acheter ni louer iine paire neuve, et en sont réduits à en emprunter une qui ait déjà servi, il est absolument nécessaire que les adversaires n'en con- naissent pas la provenance, et que leurs mandataires le certifient par écrit.

Nous n'admettrions jamais, pour notre part, des armes ainsi prêtées, car nous craindrions de retomber dans les doutes et les contestations que l'achat ou la location d'armes neuves, et absolu- ment inconnues, a précisément pour but d*éyiter.

Ayec la facilité des communications, rien n'est plus facile maintenant.

Nous disons que les pistolets choisis doivent être absolument similaires. Il faut entendre par ces expressions que le poids, la couche, la longueur, la rayure, le calibre, le guidonnage, la détente, etc., doivent être exactement les mêmes pour chacun d'eux.

Nous allons ajouter quelques mots à ce que nous avons dit 8ur la fraude produite par le durcissement inégal des détentes.

Trop souvent les personnes appelées à examiner les pistolets ne se préoccupent pas de savoir exactement si la dureté de la détente est la même pour les deux armes. Elles se contentent de les armer et de les désarmer, en retenant le chien, et se bornent à cette opé- ration qui constitue à peine un à peu près.

£n cela elles ont tort. La certitude est indispensable. Voici pourquoi : le coup de doigt, cet écueil du tireur au pistolet, est en raison directe de la dureté de la détente. Il en résulte que, bien que les adversaires soient armés de pistolets absolument identiques comme structure et fabrication, si ces pistolets n'ont pas des

ItO PREMIÈRE PARTIE.

détentes égatementdures.réquilibredans les chances n'eiiste plus, car ils sont munis d'instruments dont, avec la même adresse, ils ne peuvent pas tirer mi^me parti.

Pour s'assurer de Ja dureté des détontes, on arme un pistolet et, le tenant yerlicalemenl, on passe doucement sur la détente, â l'endroit se place le doigt pour tirer, un lien dont les deux bouts pendent de chaque cAté de la crosse et sont réunis par un double crochet en forme d'S. L'extrémité de ce crochet supporte les poids dont l'addilîon, remplaçant la pression du doigt, fait abattre le chien.

Les deux pistolets, pour être choisis, doivent supporter le même poids.

Que les armes soient louées ou achetées, leur contrôle nécessite le concours de tous les témoins. Mention du concert est insérée au procès- verbal.

Une fois choisis, les pistolets ne sont pas plus laissés à la dispo- sition des témoins qu'à celle des adversaires. On les enferme dans une boite entourée, par mesure de précaution, d'un ruban qui est scellé, serrure comprise, du sceau des témoins. VériOcation, bris des cachets et ouverture ont lieu sur le terrain même, à l'instant de la rencontre.

Les pistolets sont ensuite tirés au sort.

liemarquons, à ce propos, qu'il ne faut pas tirer au sort le droit pour le combattant favorisé de choisir l'arme qu'il pi-éfère, car la fraude pourrait en résulter si les armes n'étaient pas absolument inconnues des adversaires. On tire au sort â qui appartient chaque pistolet, au moyen d'une pièce de monnaie, de la courte paille on des billels.

2" Lorsgue les adversaires se servent de leurs armes person- nelles, chaque paire doit être remise, avant la rédaction du pro- cès-verbal, entre les mains des témoins, qui les acceptent ou les refusent, selon qu'elles sont eu bon ou en mauvais état, que les' guidons sont fixes ou mobiles, qu'il existe ou n'existe pas une diffé- rence de plus de quinze lignes (3 centimètres) de longueur au canon ', et que leur mode de chargement, la forme de leurs projec- tiles, l'âme du canon sont semblables ou dissemblables.

On voit que, si certaines limites de dissemblance ne doivent pas être franchies, une parité absolue n'est plus exigée comme s'il a été stipulé que les armes seraient inconnues des adversaires.

- Tavernier, page 199. Du Verger de

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 244

Nous répétons encore ce que nous avons déjà expliqué. Il ne Éaut jamais stipuler que chaque partie apportera une paire de pisto- lets, et que le sort décidera celle dont on se servira. Nous avons signalé les manœuvres déloyales qui peuvent en résulter; nous n'y reviendrons pas.

Constatons seulement que cette condition est fréquemment acceptée par des témoins qui se piquent d'être experts en matière cle duels, et que, par surcroît d'inconséquence, elle est souvent accompagnée de la clause accessoire suivante : u Les témoins des cleux parties devront apporter chacun une boite de pistolets. Us déclareront sur l'honneur que jamais les adversaires n'ont vu ou touché lesdites armes » ; ou bien : « Les adversaires apporteront chacun une paire de pistolets, qu'ils déclareront sur l'honneur n'avoir jamais été essayés par eux. n

Cette clause est un non-sens. En effet, le contrôle de son accomplissement résulte entièrement de la déclaration des per- sonnes intéressées, qui peuvent être de mauvaise foi.

La confiance en la parole des témoins est chose relative, ques- tion de fait et de personnalité, qui ne saurait entrer en ligne de compte lorsqu'il s'agit d'examiner, au point de vue théorique, un cas du genre de celui qui nous occupe.

Il suffit que la fraude soit possible pour que la convention dont die découle doive être rejetée ^

Si, par ignorance ou pour tout autre motif, les témoins adop- tent malheureusement la clause de l'apport des deux paires et du tirage au sort, celui dont la paire est tombée doit abandonner à la jpartie qui n'a pas été favorisée le droit de choisir entre les deux pistolets celui qui lui convient. Les témoins ne doivent jamais faire ce choix, exclusivement réservé au combattant dont les armes ne sont pas sorties ^

1. Voyez affairo Dujarrier-de Beau vallon, Gdsette des Tribunaux, 3 octobre 1846^ 27, 31 mars, 4 ayril, 21 Dovembre 1846. Appendice n^ 88.

2. Voyez affaire Le M***-de M***, Gazette des Tribunaux, 21 août 1833. Appen- dice n« 89.

46

PREMIÈRE PARTIE.

CHAPITRE XLIV Manière d'atténuer les dang^ers de la rencontre.

Si l'affaire à laquelle ils donnent leur concours a un motif peu imporlaul, si l'habileté des tireurs est très inégale, etc., etc., les témoins soubaiteot généralement, par humanité et dans le but de sauvegarder leur responsabililt?, que la rencontre se termine sans dénouement fatal, toujours à craindre avec les armes à feu.

Pour eu arriver là, que foot-ils?

Certains mellent des balles de liège ; d'autres, grâce à des pis- tolets à soupape basculant à l'intérieur, escamotent les projeclilcs, la poudre et la bourre restant seules dans le canon.

Nous ne citons que pour mémoire ces chinoiseries indignes de j^ens sérieux.

Certains esagërent dans des pioportions considérables la charge de poudre et la violence des coups de maillet. En cela ils se trom- pent, car la double ou la triple charge fait relever le coup et aug- mente la force de pénétration. Il en résulte que l'homme qui Yïse son antagoniste à la ceinture, comme les tireurs espérimentés ne manquent pas de faire, le touche à la tête, tandis que celui qui le vise l'i la lùle passe par-dessus, el que le projectile, qui n'aurait produit qu'une blessure avec la chaîne réglementaire, lue avec la ebarge plus forte.

Toutes ces manœuvres doivent être proscrites avec d'autant plus de raison que les témoins ont sous la main la possibilité d'ar- river an résultat qu'ils désirent sans sortir de ta légalité. C'est de choisir des pistolets lisses qui, par leur nature, ne possèdent qu'une justesse très relative '. ou de donner à la détente une dureté suffi- sante pour que le tir ne puisse s'exécuter qu'au mofeo d'une forte pression.

L'opération du durcissement des détentes ne doit pas être abandonnée au hasard de la morsare d'une lime manœnvrée par an ouvrier, ou à la sensibilité de son doigt.

Les témoins doivent, avanl de lui confier la mission de durcir les détentes, s'être entendus sur le poids qu'elles supporteront.

1. Voyei Dotn chapitre uii.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 243

En effet, sous prétexte d'atténuer la supériorité ou l'adresse ^attribuée à on des adversaires au moyen d'une détente rendue plus dure que les détentes ordinaires, ils risquent, s'ils outrepassent cer- taines limites, de créer une supériorité en sens inverse, en faveur combattant dont la vigueur de poignet dépasse la moyenne. Quelques indications seront utiles pour les guider. Dans les tirs publics, le poids supporté par les pistolets destinés u tir au visé est ordinairement de 800 grammes à 1 kilogramme, considère ces détentes comme douces. Le poids que supportent les pistolets destinés à exercer les amateurs au tir au commande- Knent, varie entre 1 et 2 kilogrammes. On les considère comme irelativement dures.

De 2 kilogrammes jusqu'à 3 kil. 500 grammes, il est possible à vtn homme qui a longtemps pratiqué ce genre de sport d'acquérir nne certaine régularité.

A partir de 3 kil. 500 grammes, le tir est forcément très irré- g^ulier, et le coup de doigt presque assuré, surtout avec le duel au commandement.

3 kil. 500 grammes ou 3 kil. 800 grammes représentent donc la limite extrême de la dureté acceptable.

" Observons que les témoins d'un homme habile qui accepte- raient Tadoption de pistolets à âme lisse et à détente durcie dimi- nueraient leur responsabilité en diminuant la justesse des armes, mais travailleraient en faveur de la partie la moins adroite, c'est-à- dire en faveur de la partie adverse, et non en faveur de leur client. Au lieu de fournir à ce dernier une arme précise, capable d'obéir à la direction qu'il lui donnera, ils lui fournissent un instrument qui ne le sert plus fidèlement. Ils le privent ainsi du bénéûcB de son adresse, et Tcxposent au coup de hasard qui peut fort bien le tuer. Ils devront donc peser les conséquences de l'acte avant d*y consentir, et se demander s'il rentre bien dans Tesprit du mandat qui leur est confié. Il y a une question de délicatesse sur laquelle nous appelons leur attention.

Ici peut se placer une question dont la solution se rattache à l'intitulé de notre chapitre, et qui a été controversée.

Peut-on interdire l'emploi de la double détente?

Les partisans de la négative soutiennent qu'elle n'a pas été proscrite par les auteurs, que son emploi n'a rien de déloyal, que, par conséquent, les combattants ne peuvent être privés de l'avan- tage qui en résulte pOjar qui a l'habitude de s'en servir.

t4V PREMIERE PARTIE.

Nous ne saurioas admetlre ce système.

Pour qu'il fût soutenable, il faudrait que le droit de choisir 1^*"*. détente fût une prérogative de loITensé, qui l'imposerait alors î^*^ juste titre. Or le droit de choisir les pistolets, ou de déterniiaer ei*^*

fait si ceux qui sont présentés peuvent servir, appartient unique *

metit aux ifiitoiiis '. 11 faut donc en conclure que le droit de refuser "*■ la double détente ne saurait leur être contesté.

Ajoutons qu'ils ont maintes raisons pratiques pour agir dans * ce sens. La double délente augmente le danger que courent les * adïersaires, les expose à violer les règles du duel par un départ précipité, qu'un simple frôlement du doigt peut occasionner*. Elle * est aussi fort dangereuse pour les témoins eux-mêmes, à raison de ' réchappement du coup dans les directions les moins attendues.

Le silence du procès-verbal doit donc toujours être interprété dans UD sens négatif.

Si les pistolets présentés aux témoius sont munis d'une double délente, ils peuvent en détruire l'effet en enlevant la vis qui se trouve sous la détente.

CHAPITRE XLV Chargement.

Le chargement est une opération de la plus grande împortaDce. Les témoins le comprendront pour peu qu'ils réfléchissent que la rie de leur client peut dépendre d'une cheminée obstruée, d'une capsule mal assujettie, et de maints accidents ou étourderies facilesà éviter.

Ils se rappelleront, en outre, que quelques grains de poudre en plus ou eu moins, quelques coups de maillet trop violemment donnés, peuvent amener le même dénouement, en enlevaDt au combattant qu'ils assistent la justesse de son arme.

Le chargement peut élre effeclué de deux manières : par les témoins ou par un chargeur de profession. Mention du mode auquel les témoins se seront arrêtés doit être insérée au procès-verbal.

Le chargement est-il opéré par les témoins, il faut distinguer s'il a été convenu qae les pistolets d'une seule et même paire servi- raient, ou si chacun des adversaires a été autorisé à se servir de ses armes personnelles.

1. Vofei notre chapitre lU.

2. Vo]'eiaSUreCrowUier>Hel*huii,FaugerouideauuoplKnettUe>|Ioiiiell,p>{rel3T.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. Ub

Lorsqu'il a été convenu que les pistolets d'une seule et même paire serviraient, un mandataire de chaque combattant charge un c]es pistolets. Ils opèrent à tour de rôle, en présence les uns des antres. Ils se servent de la même chargette, et comparent mutuel- lemcDt, en introduisant la même baguette dans les canons, le contenu des deui armes ^

Au lieu de faire charger un pistolet par un témoin de chaque partie, on peut convenir, au contraire, qu'un témoin, désigné à l'ananimité ou tiré au sort, sera seul préposé à cette opération, en présence des autres mandataires.

Lorsque les adversaires se servent de leurs armes personnelles, les témoins se contentent de charger les uns devant les autres et à tour de rôle*.

Le chargement doit-il être effectué par un chargeur de pro- fession ? Le chargeur peut accomplir sa mission, soit avant la ren- eontre^ soit sur le terrain même, et toujours en présence des quatre témoins.

Dans le premier cas, on comprend que l'obligation de sceller la botte contenant les armes devient encore plus étroite que si le chargement n'a lieu qu'à l'instant de la rencontre.

Quelle que soit la personne à laquelle la mission de charger les armes est confiée, elle aura soin de flamber chaque pistolet pour dégager le canon, de veiller à ce que la communication ne soit pas bouchée et à ce que la poudre arrive bien. Elle mettra dans chaque pistolet la même quantité de poudre, une balle de même calibre, frappera le même nombre de coups avec une vigueur égale, exami- nera si la capsule est garnie de fulminate, et l'assujettira à fond sur la cheminée.

Toutes ces opérations sont essentielles.

CHAPITRE XLVI Toilette. Visite.

Gomme la force de pénétration d'une balle est très supérieure à celle de la pointe d'une épée, les combattants qui se battent au

1. Voyez GhateauYillard, page 35, article 6. 1 Ibidem,

Sis PREMIÈRE PARTIE.

pistolet ne sont pas tenus de se dépouiller aussi complètement que lorsqu'ils se battent à l'arme blanche. Ils gardent tous les vêtements qui ne risquent pas d'arrôter le projectile, tels que redingotes, jaquettes, vestons, gilets, pardessus légers, gilets de Danelle, che- mises empesées ou non empesées, etc. Ils se dépouillent de tout ce qui peut leur servir de cuirasse : pardessus épais, tricots, clefs, argent, portefeuille, porte-monnaie, médailles, etc. '.

La visite est obligatoire et s'opère de la même manière que dans le due! à l'épine. Comme pour l'épée. le refus de se souraellre a la visite équivaut à un refus de duel *.

Les combattants agiront prudemment en revêlant des habits noirs ou de couleur foncée, avec absence complète de linge appa- rent. Les boutons, les bijoui, en un mot tout ce qui peut servir de point de mire doit être soigneusement enlevé.

Nous crof ODB poaToir leur conseiller des Tâtemeots amples ri flottants, qui trompent fadversaire sar la sltoation exacte de ligne qu'il doit s'efforcer de viser. Cet effet d'îndâdsion sera d'aa- tant plus sensible que le laps de temps accordé pour tirer sera pins restreint; mais il feut, bien entenda, qae ces Tfitements soient légers et incapables d'arrêter la balle.

CHAPITRE XLVll Choix du terrain. Tirage au sort des places.

Rappelons que le choix du terrain propice doit être opéré, si Faire se peut, par les témoins avant la rencontre. Nous en avons donné la raison chapitre xxu ; nous j renvoyons le lecteur.

Pour le duel an pistolet, il faut que les adversaires soient pla- cés en rase campagne, ou tout au moins dans un terrain ouvert, car le tir exécuté dans ces conditions est très différent de celui au- quel les amateurs sont accoutumés dans les établissements à ce des- tinés.

Une allée étroite, jalonnée d'arbres, formant une sorte de cou- loir favorable à la précision du tir, ne saurait être choisie.

1. Voyci Tavernicr, pages 2^6-227, et affaires BoDnet.d'Oriiuio, Laisani-de La Rochelle. Appendice 90. H. Jollivet permei de coaierrer un portereuille. Cet(« lolérancB est contraire i la logique et à l'eipérienco. Voyet FBtcrinu tt duêl, page 238.

3. Voyet C bateau tïI lard, page 36, article 0, et tous Ira auteurs.

-^^ ■"^

rrlîNSES. - RÈGLES DU DUEL.

247

Il faut éviter que l'un des tireurs se trouve placé devant un objet qui l'encadre et aide à le viser, tandis que l'autre a derrière lui l'horizon.

Les inconvénients résultant du vent, de la poussière, du soleil, de la neige, de la pluie, etc., doivent être partagés aussi équitable- ment que faire se pourra.

Les places, après avoir été désignées, sont tirées au sort.

Rappelons que ce n'est pas le droit de choisir une place plutôt qu'une autre qui est livré au hasard, mais chaque place indivi- duellement. Le tirage au sort des places est toujours indépendant de celui des armes.

CHAPITRE XLVIIl

Duel au visé de pied ferme à tir successif.

Quelle que soit notre appréciation sur les inconvénients et les dangers de ce genre de rencontre, nous ne pouvons nous abstenir d'en tracer les règles, car, par le fait de sa légalité, elle peut être imposée dans certains cas.

La caractéristique du duel à tir successif étant Texistence d'un ordre déterminé que les adversaires doivent suivre pour tirer, nous

rechercherons d'abord comment s'aoqaiert le droit de faire feu le premier, et à qui il appartient.

La condition primordiale, indispensable pour acquérir le droit de tuer le premier, est de posséder le choix du duel dont les règles admettent cette primauté.

Il en résulte que le privilège de l'offensé du premier degré, se bornant an choix des armes, ne comprend jamais le droit dont nous nous occupons.

En cas d'offense simple, si les témoins s'entendent pour adop- ter le duel à tir successif, ils doivent tirer au sort pour savoir quel sera le champion désigné pour faire feu le premier.

Lorsque l'offense est du second degré, la question devient plus scabreuse, car l'offensé a le choix du duel. Ghateauvillard ne lui accorde le droit de tirer le premier que si les distances sont fixées par les témoins à 35 pas ou 28 mètres ^

U Voyez Essai s w le duel, page 36, article S, et pages 113 et su iv. Du Verger de Saint-Thomas, chapitre viii, article il.

r

l'REMifcKE PARTIE.

M. Tavernier laisse au hasard le soin de déterminer l'ordre du tir, mais, en revanche, il octroie à l'offensé avec injure grave, outre le chois de t'arme, celui des dislances, pourvu qu'elles ne soient pas inft!Tieures à 25 pas '.

Bien qoe toutes nos préférences soient pour le tirnge au son. dont l'aléa paraît très propre à dégoûter l'offensé d'imposer un duel BDtipatbique aux mœurs de notre époque, nous ne croyons pas devoir adopter l'opinion de M. Tavernier, car elle est en désaccord avec les privilèges de l'offensiïque nous avons énumérés chapitre vu, et que M. Tavernier lui-même a posés en principe à la page 22 de son livre; privilèges en vertu desquels le droit de choisir les dis- tances est réservé au seul offensé avec voie de fait,

Aussi nous rangerons-nous celte fois encore à la solution de Chateauvillard, qui possède le double avantage d'fitre correcte théo- riquement, et de laisser aux témoins de l'agresseur la facilité de rendre illusoire le privilège de tirer le premier qui est accordé à l'offensé avec offense grave, s'ils trouvent ce privilège abusif.

Nous disons que la solution donnée par Chateauvillard est cor- recte lliéoriquement.

En effet, dans le système de cet auteur, l'offensé de la deuxième catégorie conserve le choix du duel, et les témoins le choix des distances, conformément aux principes généraux.

IVous disons que celte solution conserve aux témoins de l'agres- seur la facililé do rendre illusoire, s'ils le jugent à propos, le privi- lège accordé à l'offensé avec offense grave de tirer le premier. Uu moment, en effet, que la désignation d'une dislance de 35 pas constitue la condition sine quà non de ce privilège ; du momentque le droit de déterminer cette distance n'appartient ni à l'offensé ni à ses témoins, agissant isolément et en désaccord avec ceux de l'agres- seur, mais résulte d'un accord unanime entre tous les témoins, on voit que si les mandataires de l'agresseur n'acceptent pas, comme c'est leur droit, la distance de 35 pas et s'obstinent par exemple, à vouloir celle de 25, la seule ressource pour sortir de cette impasse sera de tirer au sort ta distance, ou de partager par moitié la diffé- rence qui existe entre les distances proposées, conformément â la règle admise par tous les auteurs el formulée par ChateauTîUard, page 112, SI.

Or le tirage au sort des distances équivaut au tirage an sort de la primauté du tir, puisqu'il y a autant de chances pour que la distance de 35 pas ne sorte point qne pour qu'elle sorte, autant de chances, par conséquent, pour que la condition h laquelle le droit

I. Vojrei Àrî du dnêt, pige SM.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 249

de TofTensé à la primauté du tir est subordonné dans l'espèce ne se réalise pas que pour qu'elle se réalise.

Le résultat est le même lorsque les distances sont partagées par moitié, puisque la distance de 35 pas ne saurait être atteinte, si on use de ce procédé. On peut dire, par conséquent, que si, fidèle A ses principes, Ghateauvillard donne d'une main la permission de tirer le premier à celui qui a le choix du duel, il la lui ôte de l'autre, lorsque les témoins de l'agresseur considèrent ce privi- lège comme abusif.

Lorsque l'offense est du troisième degré, la controverse n'a plus raison d'être, car l'offensé ayant le droit de choisir son arme, son duel et sa distance, peut choisir celle de 35 pas à laquelle est subordonné le privilège de tirer le premier, et acquérir ainsi le droit à la primauté du tir.

S'il ne choisit pas la distance de 35 pas, la question de savoir à qui revient le droit de tirer le premier est remise au sort. Le tirage a lieu sur le terrain.

La solution donnée à l'importante question que nous venons de traiter doit toujours être insérée au procès-verbal.

La deuxième question dont les témoins doivent s'occuper est irélatiTe à la distance à laqueUe les adversaires seront placés.

Elle varie entre 15 pas ou 12 mètres, et 35 pas ou 28 mètres.

La troisième <iuestion est relative au délai pendant lequel les «tdversaires doivent échanger leur feu.

Ghateauvillard accorde une minute à chaque combattant pour tirer, soit deux minutes pour l'échange des deux coups.

Nous avons expliqué, chapitre xxxix, la nécessité de réduire ce délai de moitié, ce qui, d'après notre système produit une demi- minute pour tirer, une demi-minute pour riposter, une minute en tout.

S'il y a blessure, Ghateauvillard accorde au blessé un supplé- ment d'une minute pour tirer à son tour, ce qui porte à deux mi- nutes, à partir du coup qui l'a frappé, le délai total pendant lequel il peut riposter.

Nous avons reconnu que les raisons données en faveur de ce supplément de délai n'étaient pas sans importance lorsqu'il s'agit du duel qui nous occupe. Malgré cela, nous conseillons aux témoins de le refuser, car il augmente notablement les dangers de la ren- contre.

1 . Voyez chapitre xxxvnr.

Ï60 l'REMLEUK PARTIE.

Ces trois questions préliminaire a réeolueB, examinons quelle est la marche du duel.

Une fois sur le terrain, les témoins mesurent le plus eiacle- ment possible les dislances et marquent les places. Puis ils tirent au sort chaque place.

Ils procèdent ensuite au chargement des pistolets, à moins qui; cette opération n'ait été eiécutée avant le duel.

Dans les deux cas, ils vérifient les scelliîs de la boite qui les contient, constatent s'ils sont bien dans l'état on les y a placés.

ils conduisent ensuite les champions à la place qu'ils doivent occuper daprès le tirage au sort.

Si le droit de tirer le premier n'appartient pas à l'offensé, ils tirent au sort pour savoir à qui reviendra ce privilège.

Us iloivent, nous n'avons pas besoin de le dire, apporter dans cette opéialion capitale la plus grande attention.

S'il a été convenu qu'une seule paire de pistolets absolument inconnue des adversaires serait apportée sur le terrain, ils tirent au sort 11 qui appartiendra chacun des pistolets.

Si malgré le danger d'une telle stipulation, il a 616 conTenu que chaque combattant apportera une paire, et que le hasard décidera celle dont on se servira, ils procèdent encore au tirage. Dans ce cas, le combattant dont la paire est sortie est tenu de laisser choi- sir à son antagoniste le pistolet qui lui convient.

Si les combattants sont admis à se servir de leurs armes, le tirage au sort n'a plus sa raison d'être. Ils prennent le pistolet qui leur convient.

Si, pour une raison quelconque, l'agresseur n'apporte pas d'armes à lui personnelles, et s'il consent à se servir de celles pré- sentées par l'offensé, ce dernier est tena de lui en donner le choix.

Les pistolets sont livrés non armés, et en même temps, au denx adversaires.

Ce dernier membre de phrase demande à £tre expliqué.

Dans plusieurs duels à tir successif dont nous avons lu le récit, nOQs avons constaté que le patient qui devait essuyer le premier feu n'était pas muni de son arme, et qne les témoins attendaient pour la lui remettre que son tour de tirer fût arrivé. En cela, ils commettaient une faute, puisqu'ils le privaient du bouclier tradi- tionnel que les tireurs dans cette position interposent devant la partie de leur corps pour laquelle ils tremblent le plus'.

Les témoins procèdent ensuite à la visite des combattants.

1. Voyei affaire Le VMieur-Arrighl, Gazette dti Tribunaux, ii-lH mars 1832, appendice 01, et k la page 210 du Dutl d traotrt les Agts, par Lcieinturier-FradiD, la gnvurc repriSsentant Dujairier uns arme attendant le fou du Beaurailon.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 254

Ils se placent d'an même côté et sur la même ligne, de ma- nière à ce que chaque combattant ait pour yis-à-yis les témoins adverses.

Ils s'efforcent de trouver une position où, tout en étant bien défilés, ils puissent surveiller efficacement les péripéties du drame.

Le directeur du combat lit alors les conditions du procès-ver- bal, ou tout au moins les rappelle, et termine par ces mots :

« Messieurs, vous connaissez les stipulations qui ont été arrêtées par vos témoins et ratifiées par vous. Je vous avertis que Thonneur vous oblige à les respecter et à attendre le signal « Tirez I » pour abaisser vos armes et viser K n

Il s'écrie alors : u Armez ! »

Après ce mot : « Armez I » qui prépare le signal, il ajoute pour donner ce signal : « Tirez ! »

Le commandement doit être prononcé très distinctement et à voix forte.

Dès que le commandement « Tirez ! » est prononcé, le com- battant admis à tirer le premier peut le faire dans le temps con- venu. L'adversaire doit attendre son feu dans Timmobilité la plus absolue, aussi effacé que possible, et protégé de son mieux par le bras, la main et le pistolet.

Aussitôt après l'explosion, il peut tirer s'il n*a pas été atteint, ou si ayant été blessé il a conservé assez de forces. En effet, c'est à partir du premier coup que court le délai qui lui est accordé pour riposter.

Il est bien entendu que son adversaire prend dans ce cas, à son tour, l'attitude passive que lui vient de quitter.

Ajoutons quelques mots à ce que nous venons de dire à pro- pos de cette attitude.

Dans quelques affaires, les témoins ont obligé le patient à tenir son arme verticalement devant la figure. En cela ils excédaient leurs pouvoirs. Tout ce qu'ils pouvaient exiger de lui, c'était Tim- mobilité, mais il était libre de protéger comme il le jugeait plus avantageux la partie du corps dont il redoutait surtout la lésion. Un exemple récent peut nous montrer que, pour être étroit, le bou- clier n'en est pas moins efficace dans certains cas*.

Tout coup raté est considéré comme tiré, à moins de stipula- tion contraire.

Si les deux coups sont partis sans blessures, et si le duel con-

1. Voyei affaire de T***-de P***, Juin 1839. Colombey, Histoire anecdotique du dwl. Appendice n^ 92.

2. Voyeï affaire Dreyfas-de Mores, journal V Escrime française, 3 février 1889. Appendice n<> 93. Prévost et G. Jollivet, page 239.

K% .- PREMIÈRE PARTIE

tîDue, on recharge de la mémi? maDiëre qu'avant le combat, el toutes les prescriptions obserrées au premier acte le sont encore sa second.

S'il y a blessure, et si le duel doit continuer, les témoins obser- vent les ri'gles lract''es cbapilre xsii, article G, relativement à l'in- tervention des mtideciDs.

CHAPITRE XLIX Duel au visé de pied ferme à Tolonté.

Les lémoins réunis pour établir les conditions d'une rencontre de cette nature doivent traiter, en premier lieu, les questions rela- tives à la dislance et au délai.

n n'y a qu'une distance, celle de 25 pas ou 20 mètres. Cette mesure n'est suceptible ni de diminution ni d'extension, et doit être forcément adoptée '.

ChateauTillard accorde aux adversaires tout te temps qui leur convient pour tirer le premier coup, mais il limite à une minute à partir de la première explosion le temps pendantleqiiel le combat- tant qui l'a subie peut riposter.

D'accord sur ce pointavec H.Taveraier (page 211), nous avons, dans notre chapitre xxxix, limité à une minute comptée h partir du commandement a Tirez 1 >< le délai pendant lequel les coups de feu doivent être échangés.

Les adversaires tirent à volonté pendant ce laps de temps. Aussitôt la minute expirée, ils ne peuvent plus le faire, et les témoins arrêtent le duel.

Chateauvillard accorde au blessé, pour riposter, deux minutes qui courent à partir du premier coup. Nous avons engagé les lémoins k refuser ce supplément, qui devient uo non-sens, s'ils admettent comme nous un délai unique, fixe, non suceptible d'ex- tension, avec le signal comme point de départ.

Sur le terrain, les choses se passent comme dans le duel à tir successif, sauf qu'à partir du signal « Tirez! » les adversaires tirent & volonté, simultanément, ou l'un après l'autre, sans autre limite à leur caprice que l'obligation de le faire dans le délai d'une minute

i. Vo;ei chapitra ixxviil

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 253

à partir du premier feu si les témoins adoptent la règle de Chateau- villard, ou à partir du signal s'ils adoptent notre système.

Nous renvoyons donc le lecteur au chapitre précédent pour tout ce qui concerne la marque des places, leur tirage au sort, le chargement, l'ouverture de la boite sont enfermés les pistolets, le tirage au sort des armes s'il y a lieu, leur remise, la visite, la position occupée par les témoins, l'avertissement préalable et la manière de donner le signal, le coup raté, le cas le duel doit continuer, le supplément en cas de blessure, le rôle des médecins et celui des témoins.

Ghateauvillard place les adversaires dos à dos et ne leur donne la permission de se retourner qu après le signal.

C'est une complication inutile, absolument tombée en désuétude dont M. Tavernier ne parle pas, et que M. Du Verger de Saint- Thomas n'a conservée que parce qu'elle se trouve d'accord avec les usages italiens. Elle peut être supprimée sans inconvénients.

CHAPITRE L

Duel au visé à marcher.

Distanoes. Dans le duel à marcher, les adversaires sont placés à une distance qui peut être de 35 pas ou de 28 mètres au minimum, etdeiOpasou 32 mètresau maximum. Chaque adversaire peutavan- cer de 10 pas ou 8 mètres. On voit que les distances peuvent être réduites à un moment donné à 15 pas (12 mètres) ou à 20 pas (16 mètres) suivant que le minimum ou le maximum aura été adopté.

Délai pour marcher et pour tirer. Ghateauvillard ne fixe

aucun délai pour exécuter la marche et tirer le premier coup, qui est complètement ad libitum. Le combattant qui l'a essuyé a une minute pour faire feu à son tour, à partir de la première explosion.

II reconnaît au blessé le droit de tirer sur son adversaire, mais il ne lui accorde point de supplément de délai si la blessure ne lui a pas occasionné de chute. Il lui concède, au contraire, deux minutes s'il est tombé.

Nous avons conseillé, chapitre xxxix, de substituer le signal au coup de feu comme point de départ immuable du délai et de n'ac- corder qu'une minute pour réchange des deux balles.

»« PREMIÈRE PARTIE.

Nous sommes obligé, par conséquent, de refaser loat supplé- ment au blessé, môme eu cas de chute.

Daus le duel à marcher, les choses se passent comme daos les duels précédents, avec quelques modiflcations.

La première ditTérence consiste en ce que les tëmoÏDS, une fois arrivés sur le terrain, i\e se conteoteot pas de marquer les dem extrémités de la distance choisie, mais tirent, entre ces estrémités et à dix pas de chacune d'elles, deux lignes qui indiquent les limites que les adversaires ne doivent pas franchir en marchant.

La deusième différence consiste en ce que le directeur du combat donne le signal par le seul mot : » Marchez! »

Les combattants marchent alors, s'ils le jugent à propos, mais ils doivent marcher droit l'un sur l'aulre. Ils sont oblige de tenir le pistolet verticalement en marchant. Ils peuvent mettre en joue en s'an'étanl. môme sans tirer, remarcher après, arriver jusqu'à la ligne traci'e par une canne ou un mouchoir entre les dislances, sans jamais la dépasser, tirer de leur place avant de marcher, tirer après avoir marché, tirer quand bon leur semble '.

Celui qui a tiré doit attendre dans l'immobilité la plus complète le feu de ïon adversaire.

Jusqu'à respiration du délai fixé, le combattant qui a essuyé le premier feu peut toujours tirer sur son adversaire. Il peut avancer jusqu'à la ligue tracée, mais l'adversaire n'est pas tenu d'avancer jusqu'à sa limite pour essuyer à son tour le second coup.

Il ne |ieut pas plus y ôtre contraint qu'on ne pouri'ait lui per- mettre de rétrograder pour diminuer le danger qui le menace *.

Nous proscrivons absolument la clause par laquelle deux pisto- lets sont remis aux combattants. C'est une complication dangereuse etioatile, puisque rien n'empêche les témoins, lorsque l'aCTaire est d'une gravité suffisante, de stipuler que le duel recommencera jus- qu'à ce qu'un des adversaires soit dans l'impossibilité de continuer, ou qu'un nombre déterminé de balles soit échangé.

Parfois, dans ce duel, on convient que le coup de feu du pre- mier qui tirera sera suivi immédiatement du feu de son adversaire. Dans ce cas, les témoins ne doivent sou&ir aucun retard. Celte clause n'est pas à conseiller, car le temps nécessaire pour ajuster et tirer, étant une mesure qui varie selon les individus, peut devenir un sujet de contestations.

L'intérêt commun exige que le laps de temps accordé pour

t. Voyci ChHteauvillard, pttge *I, article 12.

i. Voyez coitiututioD du géofral Exelmanf, Aflàire Lemerl^ile Haïay. Appen- dice n* 53.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 255

riposter à celai qui a essuyé le premier feu soit déterminé d'avance et que Tinsertion en soit faite au procès-verbal ^

Nous renvoyons le lecteur au chapitre xlvui pour tout ce qui concerne le tirage au sort des places, le chargement, l'ouverture de la boite sont enfermées les armes, le tirage au sort des pistolets, leur remise, la visite, la position occupée par les témoins, le coup raté, le cas le duel doit continuer, le supplément de délai en cas de blessure, le rôle des médecins, etc.

Le directeur du combat ne doit pas oublier l'avertissement préalable destiné à rappeler les conditions du duel.

Le signal se donne, nous le répétons, par ce seul mot : t Marchez I »

CHAPITRE LI

Duel au visé à marche in^rrompue.

Dans ce duel, les adversaires peuvent être placés à une distance qui est de 50 pas ou &0 mètres au maximum, et de 65 pas ou 36 mètres au minimum. Ils peuvent avancer chacun de 15 pas (12 mètres). Deux lignes sont tracées à distance égale des points extrêmes. Elles indiquent la limite de la marche et sont rendues bien apparentes au moyen d'une canne ou d'un mouchoir.

La marche peut réduire, par conséquent, la distance qui sépa- rera finalement les adversaires à 20 pas (16 mètres), ou 15 pas (12 mètres), suivant que la mesure maxima ou la mesure minima aura été adoptée.

Délai pour maroher et tirer. GbateauviUard ne fixe aucun

délai pour exécuter la marche et tirer le premier coup, qui est ad libitum. L'adversaire qui Ta essuyé a une demi-minute pour tirer à son tour à partir du premier feu. Le blessé peut tirer s'il en a la force, mais il n'a qu'une minute pour le faire à partir du temps il est tombé.

Nous avons conseillé, chapitre xxxix, de substituer le signal au coup de feu comme point de départ du délai, et de n'accorder qu'une demi-minute, en tout, pour l'échange des deux balles.

Nous sommes obligé de refuser, par conséquent, tout supplé- ment de délai au blessé.

1. Voyez affaire Dujarrier-de BeauvalloD, Gazette des Tribunaux, 27, 31 mars. \" avril, 2i novembre, 2 décembre 18 i6. Appendice n®94.

»it-.A'?:.'jii. .

B

PREMIÈRE PARTIE.

Dans le riuel à marche interrompue, les choses se passent comme dans les duels précédents, avec la seule différence qu'une fois le signal donné par le mol : « Marchezl <> les combattants marchent l'un sur l'autre, s'ils le préfi^rent en zigzag, sans toutefois s'éloigner de plus de deux pas de chaque cdtt5 de la ligne droite qui les conduit aux lignes intermédiaires. Ils peuvent marcher droit à ce but, s'arréler, resler en place s'ils le jugent plus avanlageui, viser sans tirer, même en marchant, s'arrêter et tirer. Mais au pre- mier coup tiré, les deux champions doivent rester en place. Celui qui n'a pas tiré peut le faire, mais sans avancer.

Nous renvoyons le lecteur au chapitre xLvm pour tout ce qui concerne le tirage au sort des places, le chargement, l'ouverture de la boite sont enfermées les armes, le tirage au sort des pistolets, leur remise, la visite, la position des témoins, le coup raté, le cas le duel doit continuer, le cas de blessure, le raie des médecins, etc.

Le directeur du combat ne doit pas oublier l'avertissement préalable, destiné à rappeler les conditions insérées au procès- verbal, et la nature du signal, qui se donne, nous le répétons, par le mot : « Marchez ! »

CHAPITRE LU Duel au visé à lig^ne parallèle.

Comme nous l'avons expliqué chapitre xxxvui, le duel à ligne parallèle n'est qu'une modification des autres duels à marcher, mais une modiûcation aussi dangereuse pour les témoiasque pour les adversaires et qui complique, en outre, la direction du combat.

Nous avons conseillé de ne jamais l'adopter. Nous n'en étudie- rons pas les règles, que le lecteur trouvera k la page Ii9 de l'Essai sur le duel de Chaleaavillard.

CHAPITRE LUI Duel au signal.

DistBDoe. ~ Dans ce duel, les adversaires sont placés k une

dislance qui varie de 25 pas ou 20 mètres h 35 pas ou 28 mètres.

Prott donner le signal. Le droit de donner le signal

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. «57

appartient aux témoins de l'offensé si Toffense est accompagnée d'une voie de fait. Si l'offense est du deuxième ou du premier degré, les témoins tirent au sort à qui reviendra cette prérogative ^

Délai dans lequel le signal doit être donné. Si Tintervalle des

coups frappés n'était pas réglé d'avance, le témoin d*un habile tireur donnerait le signal très lentement, pour que son client puisse bénéficier de l'adresse qu'il possède. Le témoin d'un mala- droit le donnerait très rapidement, afin de paralyser les moyens du tireur expérimenté.

Lorsque c'est un témoin de Tinsulté avec voie de fait qui doit donner le signal, il le fait dans l'intervalle de 3 à 9 secondes, ou de 2 à 6 secondes, c'est-à-dire 3 secondes entre chaque coup, qui pro- duisent 9 secondes pour les trois coups, ou 2 secondes entre chaque coup, qui produisent 6 secondes pour les trois coups.

Il n'est pas tenu d'avertir les témoins adverses du choix qu'il a fait entre ces deux manières de donner le signal ^.

Si le droit de donner le signal est tiré au sort, l'intervalle entre chaque coup doit être de 2 secondes à 6 pour les trois coups '.

On remarquera que le duel au signal présente deux exceptions aux règles générales.

La première, qui a été déjà signalée par nous chapitre xxxviii, est relative au droit que possède l'agresseur de refuser le duel au signal, toutes les fois que l'offense n'est pas avec voie de fait ^.

La deuxième, qui est relative au droit qui est accordé aux témoins de Toffensé, et par le fait à l'offensé, de choisir le délai s'il y a eu voie de fait, est une atteinte portée au principe formulé cha- pitre XXXIX, en vertu duquel le choix du délai doit résulter de l'ac- cord des témoins.

Dans le duel au signal, les choses se passent comme dans les duels précédents, pour tout ce qui concerne le tirage au sort des places, le chargement, l'ouverture de la botte sont enfermées les armes, leur tirage au sort, leur remise, la visite, la position des témoins, le cas le duel doit continuer, le cas de blessure, le rôle des médecins. Nous renvoyons le lecteur à ce que nous avons expli- qué chapitre xlviii.

Le duel dont nous nous occupons diffère des autres combats par la manière dont le signal est donné.

1. Yoyez Chateauvillard, pago 5i, articles 8 et 0. Du Verger de Saint-Thomas, page 388, articles 6 et 7.

2. Ibidem»

3. Ibidem,

4. Ibidem, chapitre iv, article 11.

47

A-^.

»S PREMIERS PARTIE.

Les combattaDts, aussitôt qu'ils ont reçu leurs armes, doireot les armer et teoir le boni du caaon vers la terre eo attendaot le signal.

Le signal se donne par trois conps frappés daosla main, & égale distance les uns des autres. Au premier coup frappé, les combattants doirent lerer leur arme; entre le premier, peodant le second et jus- qu'au troisième, viser.

Au troisième, qu'ils soient ou ne soient pas en ligne, ils doivent tirer simultanément. Simultanément est le mot. Il s'agit de la vie el de l'bonnear. Il n'ya, pour tirer avant ou pour tirer après le signal, ni l'excuse de l'agitation, ni aucune excuse possible.

On comprend la nécessité de l'aTerlissemeot préalable donné par le directeur du combat : « Souvenez-Tous, messieurs, leur ditMl, que l'bonneur exige que chacun de tous tire au troisième coup frappé, ne lève pas l'arme avant le premier coup, et ne tire pas avant le troisième. »

Si l'un des combattants lire avant le troisième coup ou seule- ment une demi-seconde après, il est un homme sans foi, et, s'il tue.

S'il tire avant le troisième coup, son compagnon peut prendr» tout le temps qu'il veut pour tirer, et tirer sans scrupule '.

La punition est bien méritée, et nous ne saurions blAmer I9- combattanl qui l'infligerait â un adversaire aussi déloyal. Mais oou» devons lui signaler les dangers auxquels il s'exposerait si, ea ral>-- scncc de stipulation prévoyant expressément ce cas, il usait de la permission donnée |iar Cliateauvillard, et tuait ou blessait son anta- goniste, après avoir visé gilus longtemps que les régies du duel au signal ne le comporteut'.

Il serait plus prudent, croyons-nous, de laisser aux témoins ou aux jurés d'honneur la titchc d'imprimer au combattant déloyal la sanction d'une flétrissure, qui constitue la punition la plus sévère que la législation du point d'honneur ait édictée, et même de le déférer A la justice.

Si l'un des combattants a tiré au troisième coup et selon la règle, et que l'autre oliampioa reste ti viser, les témoins doivent se jeter, à leure risques el pOiils, entre les adversaires et leur faire mettre arme bas. Dans ce cas, les témoins de celui des deux qui a agi selon les conventions peuvent demander tout autre duel et refuser celui-ci. Les témoins de celui qui est resté à viser doivent le répri- mander d'uoe vigouj'cuse manière et consentir à l'autre duel.

OFFENSES. - RÈGLES DU DUEL. «59

L'affaire est alors remise et procès-yerbal de constat dressé, conformément au principe que nous tenons à sauvegarder chaque fois que l'occasion se présente et qui serait violé sans cela : c'est qu'aucun changement important ne doit être fait sur le terrain, aoz conditions insérées au procès-yerbal dressé avant la ren- contre.

Dans le duel au signal, tout coup raté est considéré comme tiré. Il ne peut y.avoir stipulation contraire, puisque l'obligation de tirer simultanément est une condition essentielle des duels de celte espèce.

Terminons notre chapitre par une observation qui peut sembler trop minutieuse au premier abord, mais qui a son importance.

Dans le cas le pistolet d'un des adversaires ne serait pas parti au troisième coup, nous lui conseillons de le relever instanta- nément.

En effet, si un long feu se produit, et si le coup part après le signal, comment le combattant dont l'arme sera restée. braquée sur son adversaire pourra-t-il prouver qu'il n'y a pas de sa faute et qu'il a serré le doigt en temps voulu?

Ne peut-il se faire que les témoins, à raison de la distance, n'aient pas vu s'abaisser le chien, et que l'explosion du pistolet adverse ait couvert le bruit de la capsule?

Du moment qu'un retard d'une demi-seconde suffit pour rendre le coup déloyal, il faut éviter jusqu'aux chances les plus impro- bables d'un tel malheur ^

CHAPITRE LIV Duel au commandement.

Le duel au commandement n'est qu'une modification du duel au signal.

Tous deux, en effet, ont le môme but, celui d'égaliser les chances entre un homme habile et un autre qui ne Test pas.

Tous deux ont le même caractère, qui consiste dans l'obligation imposée aux adversaires de tirer dans un délai très court, et de se conformer à un commandement donné par trois coups frappés dans

1. Voyez affaire Ritter-Applcton, Gazette des TribunauXj 2 et 3 août 1873. Appen- dice n* ^5.

ÏCO PREM1(;HE l'AUTIE.

la main, et par les nombres ud, deux, trots, prononcés à intervalles égaux.

Le premier duel diffère du second en ce que TobligalioR de leverrarme au premier coupet de tirer simultanément au troisième, qui esl imposée aux adversaires dans le duel au signal, n'existe plus daus le duel au commandement. Elle est remplacée par la faculté de tirera Tolonté, dans un laps de temps qui commence an mol <i feu I) pour se lermint^T au nombre « trois ».

Il faut conclure de ce parallèle que les règles formulées par Cbateauvillard pour le duel au signal restent applicables au duel au commandement pour tout ce qui ne rentre ni dans la manière de donner le signal, ni dans le délai pendant lequel on doit le donner.

Elles sont applicables, par conséquent, à la question des dis- tances et à celle de savoir à qui revient le droit de donner le signal, car ces deux points sont indépendants de ceux à propos desquels il a été innové.

Distanoes. Les combattants sont placés, comme pour le duel au signal, â une dislance qui ne peut être ni moindre de vingt-cinq pas (20 mètres}, ni supérieur à Irenle-cinq pas (28 mètres) '.

Droit de donner le al^aal. Le droit de donner le signal appartient, comme lorsqu'il s'agitdu duel précédent, aux témoins de l'offensé, lorsque l'ofTensc est du troisième degré. Il est tiré au sort si l'offense est du premier ou du second.

La raison pour laquelle ce privilège a été réservé par Chateau- rillard à celui-là seul qui a essuyé le maximum des offenses est motivée par l'avantage considérable que lui procure le droit de recevoir un commandement auquel il est accoutumé. Aussi ne saurions-nous admettre l'opinion de M. Tavernier, qui en fait toujours l'apanage de l'offensé, même si l'offense est du premier degré et ne comporte pas le droit au choix du duel *.

Délai. L'importance de la réglementation du délai pendant lequel le commandement devra être donné est aussi considérable dans le duel dont nous nous occupons que dans le duel précédent, et pour les mêmes motifs. Cette question doit faire l'objet d'une stipulation insérée au procès-verbal '.

Mais comme dans le duel au commandement les adversaires ne sont plus tenus k l'obligation de tirer instantanément et simul'

i. Conformément, ToyeiTavornier, page 216.

2. Ibidem, pige 217.

3. Voyei affaire Déronlède-Clémenccau, 22 décembre 1S?I2, Appendice a' 1 13.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. Î6I

tanément au nombre trois ; comme ils peuvent le faire à yolontét à partir du mot « feu », il est juste de diminuer les délais fixés par Chateauvillard pour le duel au signal.

L'intervalle isochrone entre le mot <(feu », le nombre « un » et cbaque coup compté à haute voix, varie entre une demi-seconde, qui produit une seconde et demie pour les trois coups, et une seconde et demie, qui produit quatre secondes et demie pour les trois coups. Une bonne moyenne est celle d'une seconde, qui pro- duit trois secondes en tout ^

Dans le duel au commandement comme dans les autres duels au pistolet, excepté le duel au signal, le droit de choisir le délai n'appartient jamais à l'offensé, quel que puisse être le degré de l'offense. Nous rentrons dans la règle générale formulée cha- pitre XXXIX et qui réserve le droit aux témoins. S'ils ne sont pas d'accord, le sort décide, ou bien on prend la moyenne entre les deux desiderata s

Marche du duel. Dans le duel au commandement, les choses se passent comme dans le duel précédent, pour tout ce qui concerne le tirage au sort des places, le chargement des armes, leur tirage au sort, leur remise, la visite, la position des témoins, le coup raté, le cas le duel doit continuer ; le rôle des médecins '.

FJles diffèrent pour tout le reste.

Aussitôt que les pistolets ont été remis aux combattants, le directeur du duel leur résume les conditions de la rencontre, leur fait promettre de les exécuter, et termine son speech en disant : « Je vous rappelle que vous devez tenir votre pistolet verticalement; ou le bout à terre (suivant la position choisie par les témoins) ; répondre oui ou non à l'interrogation de « Êtes-vous prêts? » ; que rhonneur vous oblige à attendre le mot « feu » pour abaisser votre arme et tirer, et que vous ne pouvez plus tirer dès que le mot « trois » a été prononcé. »

Avant de commander le feu, il jette un coup d'oeil rapide sur la position des adversaires et veille à ce que le bout des canons soitdirigéen l'air ou à terre, suivant les conventions.

Il commande alors le plus haut et le plus distinctement possible: tt Ètes'vous prêts ? » A ces mots qui préparent au signal, les com- battants ne bougent pas leur arme, mais répondent oui ou non*

Dès qu'il a entendu la réponse affirmative des deux champions,

1. Conformément, voyez Tavernier, page 216.

2. Ibidem, page 217, il ne faut pas confondre dans ce texte le droit de déterminer les délais et celui de donner le signal.

3. Voyez chapitre xLVin pour toutes ces questions.

jj^. -. f

262 PREMIÈRE PARTIE.

il continue par le commandement de « Feuf » qa'il fait suivre de rénumération suivante, bien scandée et bien martelée dans la main : « Un » « deux » « trois ».

Dès que le mot « feu » est prononcé, les combattants abaissent ou lèvent leur arme et peuvent tirer. Le coup doit partir entre le mot tt feu » et le nombre « trois. »

Tirer avant le mot « feu » ou après le nombre « trois » constitue une déloyauté.

Dans le duel au commandement, tout coup raté est considéré comme tiré.

Position qae doivent avoir les pistolets dans le duel an oom-

mandement. Nous terminerons ce chapitre par une observation sur la manière dont les adversaires doivent tenir leur arme en atten- dant le signal.

Au lieu d'exiger que le bout du canon soit tenu en l'air et l'arme placée verticalement, comme nousl'avons indiqué pins haut, MM. Tavernier et G. Jollivet enseignent que le bout du pistolet doit être incliné vers la terre.

A première vue, il semble que ces deux positions se valent et qu'elles peuvent être choisies indifféremment. Il n'en est rien cepen- dant. La première nous semble préférable, et nous conseillons aux témoins de l'adopter, pour plusieurs raisons :

l"" Parce qu'elle n'est ni dangeureuse pour le tireur, ni suscep- tible de l'exposer à échapper le coup dans la direction de son antagoniste avant le signal ;

Parce qu'elle simplifie la direction du combat et rend cer- taines fraudes difficiles à commettre;

3" Parce qu'elle diminue le danger de la rencontre, et partant la responsabilité des témoins.

Nous disons qu'elle n'est ni dangereuse pour celui qui tire, ni susceptible de l'exposer à échapper son coup dans la direction de l'antagoniste avant le signal.

En effet, avec la position verticale, si pareil accident se pro- duit, il n'y a qu'une balle perdue en l'air, sans lésion morale ou physique pour personne.

En est-il de même si le bout du pistolet est dirigé vers la terre? Nous ne le croyons pas.

Les précautions que M. Tavernier conseille aux adversaires nous semblent constituer le meilleur argument en faveur de cette assertion : « Je recommande instamment aux combattants, écrit -il page 218, de ne jamais placer leur arme dans la direction de leur pied, comme je l'ai vu faire souvent. La moindre distraction, la

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 2&3

moindre contraction nerveuse, peut faire partir le coup. Il en résul- tera une blessure assez grave, toujours ridicule. On devra donc prêter son attention à tenir le bout du canon de l'arme à une certaine distance du pied droit. »

Mais ce n'est que le moindre inconvénient de cette position. L'échappement intempestif du coup peut avoir un dénouement plus fâcheux encore, lorsque le bout du canon est dirigé plus en avant du pied que dans la première hypothèse.

Un ricochet se produit-il alors ? La balle atteint-elle ou effleure- t-elle l'autre combattant ?

Le tireur coupable d'une simple contraction nerveuse peut être regardé comme ayant commis une déloyauté.

Pareil accident survint, il y a quelques années, dans un duel au revolver entre deux officiers belges. Les témoins adverses n'ad- mirent pas l'excuse du mouvement réflexe. Ils refusèrent de conti- nuer l'affaire, au grand préjudice moral de celui qui avait échappé le coup.

Nous disons que la position verticale de l'arme simplifie la di- rection du combat.

Elle évite les discussions qui peuvent s'élever relativement à l'angle plus ou moins grand que le canon du pistolet abaissé pourra former avec le sol, angle dont l'ouverture exacte doit être çtipulée au procès-verbal et vérifiée sur le terrain.

Les adversaires devront-ils laisser tomber le bras naturellement le long du corps? Pourront-ils le tendre au contraire en avant 7 Dans quelle mesure? Gomment les témoins s'assureront-ils qu'il y a symétrie dans la position des deux champions ?

Autant de questions qui n'ont plus leur raison d'être avec la station verticale, qui n'admet point de moyen terme.

Nous disons que la position verticale rend certaines fraudes difficiles à commettre.

Elle évite notamment celle qui consiste à relever le pistolet par un mouvement insensible, de manière à diminuer la course qa'il doit accomplir pour atteindre la position horizontale, et rendre le tir plus rapide.

En effet, le bout du canon tenu verticalement se détache sur Riorison. Il devient le point de mire involontaire de tous les regards, qui percevraient immédiatement la moindre oscillation iilégBlé si elle était esquissée.

Roos disons qu'elle diminue les dangers de la rencontre. En effet, le combattant qui tient le pistolet abaissé trouve

»:..''

I

Mf ['REMIÈRE PARTIE.

rapMemcnl sa ligne qu'il rencontre â la cheville de son adversaire.

Il peut, par conséquent, attaquer la détente à partir du genou.

Peu importe que cetle détente soit douce ou raîde, qu'il prenne fin guidon ou trop de guidon. S'il évite l'écart latéral, il est certain de toucher un peu plus bas ou un peu moins bas, mais en somme de toucher, ce qui est essentiel.

Or, grâce à la pression commencée au genou de l'adversaire et continuée progresst?emeiil en remontant, il évite, même avec une détente dure et inconnue, le coup de doigt, celle cause ordi- naire des écarts. Toutes les chances sont en sa fareur '.

Au contraire, le tireur qui a son pistolet dans la position fcr- tîcalo et qui est obligé de l'abaisser pour faire feu ne peut, sans imprudence, commencer à presser la détente à l'instant it ren- contre la tOle de son adversaire. Kn effet, s'il ignore la dureté de la détente, ou s'il prend trop de guidon, ce qui arrive d'ordinaire, il a bien des chances, l'émotion aidant, pour passer par-dessus son homme.

Son unique ressource pour éviter cet accident est de baisser le plus rapidement possible son iirme, de chercher h viser le point qu'il veut atteindre, et de serrer le doigt aussitôt qu'il l'a trouvé.

Mais comme cette manœuvre lui a pris du temps, comme il est obligé de courir après le commandement, il est plus que probable que la pression sera saccadée et qu'il donnera le coup de doigt, surtout si, comme cela arrive généralement, la délenle est dure et iDCOQDue. Il y a bien des chances, par conséquent, poar qu'il porte à droite ou à gauche.

On voit qu'avec le délai restreint qui est la caractéristique de notre duel, le combattant qui tient son arme penchée à terre se trouve dans de bien meilleures conditions pour atteindre son adversaire quecelui qui la tient verticale.

Les témoins soucieux de diminuer les dangers de la rencontre et leur responsabilité possèdent un moyen d'autant plus efficace d'y arriver, que la majorité des tireurs, des tireurs parisiens surtout, s'est exercée au tir de bas en haut'.

Le point de vue différent auquel nous nous plaçons, et qui est celui auquel les témoins doivent se placer dans la plupart des cas, explique notre dissentiment.

1. Conronnénicnt, Tojet opinion du prince Bibcico. Tavernier, page 197.

2. Contra, Toye* G, Prétoii et G. JoUiTet, PEtcrime et le dutl, p«çe 239,

CONDITIONS SPÉCIALES AU DUEL AU SABRE

CHAPITRE LV Duel au sabre.

Les règles du dael à Tépée sont applicables au duel au sabre, sauf pour ce qui concerne la nature des armes et la manière dont il est permis de s'en servir.

Les chapitres relatifs : l"" au choix des épées, pour tout ce qui n'est pas spécial à l'épée en tant que contexture ; 2"" au choix du terrain, à la mesure du champ, au tirage au sort des places; 3<» à la toilette et à la visite; k"* au directeur du combat; 5<> à l'usage de la main qui ne manie pas Farme; 6*" aux reprises et aux repos; !• à Tacculement; S"* au corps à corps; 9*" au désarmement; lO^» au bris et au faussement; 11"" à la chute; 12'' à la blessure, s'ap- pliquent également au duel au sabre.

Dans le duel au sabre, les témoins peuvent conseiller l'usage des sabres courbes comme moins dangereux, mais cette condition ne peut pas être imposée ^

Lorsque le signal est donné, les combattants se portent des coups d'estoc et de taille, avancent, rompent, se courbent, tournent et voltigent, se plient, font toutes les voltes qui paraissent avanta- geuses.

Nous renvoyons, du reste, le lecteur, pour plus amples explica- tions, au chapitre vui de VEssai sur le duel Chateauvillard entre dans de minutieux détails sur ce genre de combat et sur le duel au sabre sans coups de pointe, quelquefois en usage, mais qui ne peut être imposé par Toffensé qui a le choix du duel.

CHAPITRE LVl

Violation des règles du duel. Provocations à la suite

et à cause du duel.

Lorsqu'une infraction aux règles du duel ou aux conditions de la rencontre se produit, les témoins arrêtent le combat.

1. Voyez ce que nous avons dit chapitre vi sur l'adoption du sabre droit, et Du Verger de Saint-Thomas, chapitre vir, observations sur Tartlde 8.

f-^:.'

tt4, TRElirERE PARTIE.

Si l'iofractiOD e&t p«a grare, si les témoios s'accordent ponr la regarder comme simple faDt« excusable dans qm ceruiae mesure, et aoa comme qd acte entaché de déloranté, il y a interraption de courte dnrêe. Le combat est repris dans la séance a été commise l'infraclioD.

Si les témoins ne sont pas d'accord snr la raleoret le caractère de l'infraction, si les mandataires da délioqoant prétendent qn'ily a en simple faute, «rt si les mandataires adrerses soatiennent qn'Û y a eu intention déloyale, le combat oe peut être repris dans la séance l'infractioa s'est produite. 11 faut aupararaot qn'on jury d'tionnear se soit prononcé sur la qaaliflcalion à donner h l'acte-

Si l'infraction entraîne une blessure, le combat est toujours suspendu, même quand le blessé demande k continuer, ou si les témoins n'accusent pas de déloyauté celui qui a porté le coup, cas" la circonstance de la blessure donne au fait une grarilé spéciale et nécessite un examen plus approfondi que celui qai peut aToir lieu sur le terrain.

Si les témoins reconnaissent unanimement qu'il y a eu înlen tion déloyale, l'arrél du combat est définitif, quand bien même? l'infraction n'aurait pas causé de blessure.

Il existe des cas rinleutioD déloyale est si fortement présu mée, que la simple constatation du fait par les témoins entrains? l'arrêt définitif, bien que le procës-Terbai soit mnet snr U qaestiotv- de (li^-loyauté.

On peut ranger parmi les faits auxquels les circonstances don— nent tantôt le caractère de simples infractions, tantâl le caractère d'actos déloyaux :

Pour le duel A l'épi-c : le cas oi'i l'un des combattants engage le fer avant le signal, continue malgré l'arcrtissenient des témoins, pare avec la main qui ne manie pas lépée (droite ou gaucbe, selon qu'il est gaucher ou droitier], mais sans porter de coup.

Pour le duel au pistolet : le cas un des combattants abaisse ou lève son arme, vise ou marclie avant ou après le signal ou après l'ordre d'arrêter, mais sans tirer.

On peut ranger parmi les faits susceptibles d'entratuer ipso facto la présomption de déloyauté :

Pour duel à l'épée : le cas un des combattants refuse de se laisser visiter, est trouvé porteur d'une cuirasse, pare avec la main qulne manie pfis l'épée ou saisît l'arme adverse, et proûte de celle manixQTre pour toucher ou essayer de loucher son adver- sairaj le cas il le frappe ou cherche à le frapper lorsqu'il est " """ T-- t^sarraé ou tombé; le cas où, malgré la stipulation

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. Î67

contraire, il feint de tomber et touche ou cherche à toucher son adversaire qui croit à une chute véritable ; le cas il s'acharne sur le blessé, malgré Pinterrention des témoins.

Pour le duel au pistolet : le cas les armes auraient été Fobjet de manœuvres coupables ; le cas un des combattants refuserait de se laisser visiter, serait porteur d'un objet pouvant servir de cuirasse, tirerait avant son tour, avant ou après le signal ou malgré l'ordre d'arrêter, quand bien même le coup n'aurait pas été suivi de mort ou de blessure.

La récidive d'un acte entraînant simplement l'interruption du combat produit le même résultat.

L'interruption ou la suspension du combat doivent être consi- dérées comme un moyen d'arriver à punir l'infraction, l'arrêt défi- nitif comme une conséquence de cette punition, mais ils ne sont jamais une sanction proprement dite.

La sanction d'une infraction non entachée de déloyauté consiste dans le rappel à l'ordre, le blâme et l'insertion au procès-verbal.

La sanction d'une infraction entachée de déloyauté consiste dans la rédaction du procès-verbal de constat, dans la disqualifica- tion du coupable et dans la plainte ou la dénonciation du fait aux tribunaux répressifs.

Nous nous occuperons, au chapitre suivant, de ce qui concerne le procès-verbal de constat ; disons quelques mots de la disqualifi- cation.

Toutes les fois qu'un procès-verbal, signé de quatre témoins, constate, d'une manière authentique et indéniable, Texistence d'une infraction à laquelle la présomption de déloyauté est atta- chée, à plus forte raison toutes les fois que le procès-verbal déclare qu'il y a eu félonie, la disqualification est encourue de plein droit, et la question préalable d indignité peut être opposée de piano au délinquant, sans que celui qui refuse le duel puisse encourir de bl&me^

Toutes les fois que le procès-verbal invoqué n*est pas revêtu d'an caractère d'authenticité suffisant pour faire foi complète de l'existence de l'infraction et de son caractère déloyal, la disqualifi- cation ne peut résulter que de la sentence d'un jury d'honneur.

Il en résulte que la partie qui invoquerait, pour opposer la question préalable d'indignité, un procès-verbal rédigé de telle façon qu'il pût y avoir doute sur la déloyauté de l'acte, et qui refu-

i. Voyez affaire N***-Monvielle, Gazette des Tribunaux, 11 août 1887. Appen* dice n«.96.

^ «

ses i'RE!iiii:nE i-artie.

serait la proposition qui lui serait faite de soumettre le litige â la décision d'un arbitre, ou mieux d'un jury d'Iionneur, agirait incor- rectement.

Celte solution s'applique non seulement au cas celui qui oppose ia question préalable a élu partie dans l'alTaire l'infrac- tion s'est produilD, mais encore au cas oi!i c'esl un tiers qui n'y a pas Été mél^.

Trop souvent ou suit une marche diamélralement oppost^e. Au lieu de soumettre le litige à un jury d'honneur, qui est seul capable de lui donner une solution rationnelle et dcflnitive, les parties engagent une polémique dans les journaux, qui enregistrent à l'envi procès-verbaui, lettres rectiHcalivos, injurus et démeoiis.

En agissant ainsi, personne n'atteint son but.

En effet, lorsque la polémique est close, la question demeure en l'élat, et les intéressés n'ont obtenu d'autre résultat que de fati- gUL'i' le public de leur bruyante personnalité ' .

Lorsque l'infraction présente un caractère spécial de gravité, tant à cause de la déloyauté àv l'acte qu'à cause de la lésion corpo- relle qu'elle a entraînée, l'intérêt social eiige que le coupable reçoJTe une punition plus exemplaire que la disqualification, qu'on considère avec juste raison comme trop platonique. Mais comme la législation du point d'honneur n'offre aucun moyen de correction plus efflcace que la mise au ban de l'opinion publique, force est aux témoins de recourir à une législation mieux armée, c'est-à-dire aux tribunaux ordinaires.

Chateanvillard et ses commentateurs vont jusqu'à leur en imposer l'obligation •. Mais il importe de faire remarquer qu'en obéissant à celte injonction, en ajoutant la sanction de la loi répres- sive à la sanction du point d'honneur, ils exposent leurs clients et ils s'exposent eux-mêmes au danger d'être englobés dans les pour- suites comme coauteurs et complices.

Bien qu'au moment oi'i nous écrivons, le ministère public semble peu disposé à s'immiscer d'office dans les affaires d'hon- neur, le péril existe.

Il faut considérer, en effet, que celte inaction n'implique pas la volonté de désarmer et de tolérer le duel, mais une neutralité passagère qui disparaîtra avec les raisons accidentelles qui l'ont fait naître.

Le ministère public, obligé de fermer les yeux par ordre sapé-

1. Voyu affaire Hermeix-La Bruyère, etc., Etc. Le Kalional, n" de» 9, 10, Il «eptcmbre ISSO. Appendice n°S7.

S. Vojrei Estai lur U dutl, page 34, article W. ■~- Tavcrnier, page 187, etc.

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 269^

rieur, les ouvrira aussitôt que les duellistes yiendront eux-mêmes le réveiller. De leur côté, les magistrats, qui protestent in petto contre une impunité qu'ils trouvent scandaleuse, saisiront avec joie roccasion de faire un exemple, et de rappeler au public que Pacte déloyal n'est pas une condition sine qud non du délit, mais que ce délit existe indépendamment de toute félonie ^

Reste ù étudier le rôle du directeur du combat et celui des témoins, en cas de violation des règles ou conventions du duel.

Ils séparent immédiatement les combattants, les désarment et les éloignent. Un témoin de chaque partie se place à côté de son client pour éviter toute collision, pendant que les deux autres confèrent à l'écart. La conférence terminée, les premiers rem- placent auprès des antagonistes leurs collègues qui délibèrent à leur tour.

Est-il besoin d'insister sur la tenue correcte que doivent garder les témoins pendant tout ce temps? Il leur est interdit d^injurier et surtout de frapper Tauteur de Tinfraction >.

Ces procédés, contraires aux devoirs des témoins, enlèvent au procès-verbal rédigé après la rencontre une partie de l'autorité qu'il devrait avoir. Il semble alors dressé sous Tempire de la colère et en dehors de toute impartialité. Au lieu de nuire à l'auteur de l'infraction, il lui procure quelquefois des circonstances atté- nuantes qu'il n'aurait pas obtenues sans cela.

Provocation à la suite et à cause du duel.

Si le combattant sorti vainqueur de la lutte, si les témoins reçoivent sur le terrain une provocation à cause du duel, ils doivent refuser de se prêter à une rencontre immédiate'.

Les témoins qui reçoivent un cartel au sujet du duel bénéfi- cient des avantages accordés à Toffensé avec coups et blessures, s'il est démontré que les torts sont du côté du provocateur*.

Comme le fait justement remarquer M. Tavernier, page 189, on a voulu ainsi punir les provocations adressées, par certains tireurs forts aux armes, à des hommes inexpérimentés, dont la

1. Voyez cependant dans l'affaire Mermeix-Labruyère, précédemment citée, la lettre qae M. Mermeix adressa en vain au procureur général pour obtenir d'ôtre tra- duit devant les tribunaux.

2. Voyez affaire N***-Monvieîle, Gazette des Tribunaux, 11 août 1887. Appendice

ao98.

3. Voyez Chateauvillard, chapitre iv, article 5, et notre chapitre xii, article pre- mier. ^

4. Ibidem, article 2i. Du Verger de Saint-Thomas, chapitre iv, article 4o.

J70 PREMIÈRE PARTIE.

liberld d'action eût pu ôlre enlravée par l'espèce de terreur qa'ins- pirent géoéralenient les duellistes habiles et peu scrupuleui.

En faisant bi^ULÛcîer les provoqués de celte catégorie du clioii des armes, du duel et des distances, avantages accordés aui offeo- sé8 avec voie de fait, Ghateauvillard a voulu donner ù réfléchir aux agresseurs exercés et réserver, le cas échéant, de légitinies avantages à l'hounéle homme auquel l'accomplissement de son devoir a valu une odieuse provocation.

Le sentiment qui a inspiré le législateur du point d'honnenr esl celui qui a inspiré le législateur de la loi pénale lorsqu'il a frappé de sanctions exceptionnelles les injures et dîlTamatioDS adressées aux témoins ordinaires, à cause de leur déposition.

CHAPITIIE LVII Procès-verbal après la rencontre.

Aussitôt après la rencontre, un procès-verbal est rédigé. Il doit être fait en doubleexpédition.dontchacun des combattants conserve un exemplaire. Chaque exemplaire est signé par les quatre témoins.

Nous engageons les témoins h rédiger ce procès-verbal aussitôt après le combat, de manière à le faire avec le souvenir précis des moindres incidents de la lutte, sous le coup de l'événement, et avant que des conseils ou des observations intéressées n'aient pn influer sur la véracité absolue qui doit présidera la confection d'un acte si important.

NousIesengageoDsâ le rédigera huis clos, afin d'éviter des immix' tionseldesindiscrétionsTàcheuses; en particulier, celles de la presse'.

Cette recommandation est plus importante qu'elle ne semble tout d'abord. En effet, s'il y a des duels qui nécessitent une certaine publicité, il en est un plus grand nombre qui doivent rester inédits dans l'intérêt moral et matériel des parties.

Dans l'intérêt moral :

Abstraction faite du sentiment de gène et d'irritation que doit éprouver un galant homme, simple particulier, k voir traîner son nom dans les journaux, et cette notoriété malencontreuse inter- prétée comme une réclame de mauvais goût, il peut résulter de la

OFFENSES. RËGLES DU DUEL. «74

)ubIication un préjadice considérable, si les motifs du duel sont de nature intime ; si, par exemple, Thonneur d'une femme est en jeu. Dans l'intérêt matériel :

Nous verrons, en effet, lorsque nous étudierons la législation pénale, qu'un silence absolu constitue le moyen le plus efficace d'éviter l'intervention de la justice dans une affaire sur laquelle elle fermerait peut-être les yeux, si la publicité qui en est faite ne l'obligeait à s'en occuper malgré elle^

Nous n'ignorons pas que, par le temps de reportage à outrance ob nous vivons, l'entreprise est difficile. Elle mérite pourtant d*étre tentée.

Si elle ne réussit pas, si la presse aux écoutes surprend ce qui s'est dit dans des procès-verbaux échangés entre des gens qui n'ap- partiennent à la publicité ni par la nature de la querelle, ni par leur individualité, et qui se sont réunis pour régler leurs affaires à petit bruit; si elle dévoile l'incognito dont ils se sont entourés; si cette divulgation cause un préjudice matériel ou moral, la personne lésée pourra-t-elle demander raison au journaliste qui aura commis l'indiscrétion ?

L'énoncé de la question suffit pour indiquer quels sont les ar- guments sur lesquels s'appuient les partisans de l'affirmative. Ceux de l'opinion contraire raisonnent ainsi :

Il est admis que la publicité, qui doit respecter la vie privée, est à l'abri de toute responsabilité si elle enregistre un acte qua- lifié par la loi crime ou délit, par la raison que la vie privée n'existe plus en présence d'un pareil acte. Or le duel consommé est considéré par la loi comme une infraction de droit commun, et les duellistes comme les] auteurs [d'un fait susceptible d'être déféré aux tribunaux.

Entre les adversaires dans un combat singulier et les adver- saires dans une rixe ordinaire, la loi n'établit point de différence.

Il s'ensuit que les deux faits, étant identiques au point de vue de l'action publique, se trouvent placés sur le même rang vis-à-vis de la publicité. Il s'ensuit, par conséquent, que les journaux n'excèdent pas davantage leur droit en relatant un duel malgré les parties qu'ils ne l'excèdent en racontant que tel individu a été blessé par des souteneurs devant tel numéro de telle rue, bien que ce numéro se trouve être celui d'un mauvais lieu, et bien que le fait divulgué puisse nuire ù la considération de la victime.

Nous supposons, bien entendu, que le duel a été consommé, car la loi ne regarde comme acte délictueux ni le cartel, ni les con- ventions préliminaires.

1. Vo)ez affaire T***-R*^*, août 1890. Appendice 99.

ÎTi l'HEMlKIlE PARTIE.

Observons que le droit du journaliste se borne à enregistrer les faits. S'il accompagne son compte rendu d'appréciations difffi- matoires ou d'expressions injurieuses, il n'est pas couvert par l'im- munité dont nous Tenons de parler. Il demeure responsable Ws-à- Tis la ou les personnes olîensées et tenu à rt'paralion.

Le proct's-verbal doit mentionner l'heure, le lieu, la durée do combat, ses dilTérentes phases, les épisodes qui l'ont signalé, la nature et la gravité de la blessure, constater, en un mot, les faits avec clarté et concision.

Trop souvent les témoins sacrifient la première de ces qua- lités à la seconde, et, â force de vouloir être concis, cessent d'être clairs. Eu cela ils se trompent. Ils doivent non seulement énoncer le fait, mais spécilier les circonstances dans lesquelles il s'est pro- duit, si ces circonstances peuvent eu modifier le caractère et la qualification'.

Les témoins ne peuvent refuser en conscience de signer un procès-verbal relatant exactement les faits du duel, puisque ces faits se sont passés sous leurs yeux; l'honneur les oblige ii dire la vérité tout entière. Mais ils ne doiventaffirmer que ce qu'ils ont va personnellement. « de leurs propres yeux vu, ce qui s'appelle vu »,

Si un incident de la lutte échappe â l'un deux, il doit faire ses réserves dans le procès- verbal, quel que soit le degré de créance mérité par un collègue disant ; " J'affirme que tel incident s'est produit. » Il ne doit jamais se mettre à la remorque et signer de coaHanco'.

Si les témoins ne peuvent refuser de signer le procès-verbal constatant un faiteiact, ils peuvent refuser de signer celui qui con- tiendrait une appréciation sur la conduite de leur client, et no- tamment sur l'intention dans laquelle il a accompli l'acte qui lai ■<Kt reproché. En elîet, l'appréciation qu'on leur demande constitue l'arme la plus dangereuse dont la partie adverse puisse se servir pour exécuter leur mandant.

Il est donc juste qu'ils ne se prononcent qu'à bon escient, et prennent le temps nécessaire pour faire le calcul d'inductions et de déductions indispensable pour juger une manifestation aussi déli- cate du for intérieur. Mais s'il y a réunion d'un jury d'honneur, ou poursuites judiciaires, les témoins doivent donner leur avis en toute sincérité.

1, Voyci alTaii'o Mermeix-de Ia Bruyère. Appendice n* 100, avec renvoi au n- 01.

3. Voyei affaire Drumont-Heyer, Gabelle de* Tribunaux, 37 juillet 1SS6. Appeu-

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. «73

Le plus galant homme peut se tromper sur le compte d'un autre. L'aveu de son erreur ne saurait le discréditer. S'il se pro- nonce en son àme et conscience, il n'est sujet ù aucun appel à raison de sa déposition, et peut opposer la question préalable sans encourir de blâmée

Observons que si le témoin est réputé inviolable pour tout ce qui concerne son témoignage, c'est à condition qu'il témoigne avec modération. Il demeure responsable des expressions injurieuses ou diffamatoires qui sont inutiles à la connaissance de la vérité, et doit accorder réparation à la personne offensée, si l'indignité n'a pas été prononcée contre elle.

Est-il besoin d'ajouter que, même dans le cas la disquali- fication serait encourue, le témoin ne doit jamais se départir des convenances et de la modération qui constituent un des devoirs de sa charge.

Profiter de ce que la personne contre laquelle il dépose ne peut ni lui demander raison, ni lui faire courir de danger, pour la salir et Tinjurier, est indigne d'un honnête homme.

s'arrête le droit de qualifier l'acte, et partant le droit de qualifier l'auteur?

Le lecteur comprend que les limites avancent ou reculent sui- vant les circonstances, et qu'il y a une question de fait impos- sible à prévoir d'avance.

Il peut arriver que les témoins ne s'entendent pas sur la rédac- tion du procès-verbal. M. Tavernier leur conseille de rédiger alors séparément cette pièce importante. D'après lui, si l'une des rédac- tions contient à l'adresse d'un combattant des imputations suscep- tibles d'entacher son honneur, les mandataires de la partie sur le compte de laquelle il est parlé en termes offensants apprécient s'ils ne doivent pas protester, dans quels termes et dans quelle mesure. Cette protestation n'empêche pas leur mandant de se disculper s'il le juge convenable.

Nous ne conseillons pas de suivre cette marche, qui, outre l'in- convénient de mener aux polémiques contre lesquelles nous nous sommes élevé, présente celui plus grand encore de n'offrir aucuae solution.

Le jury d'honneur nous paraît, cette fois encore, la seule ma- nière rationnelle de clore le différend .

Lorsqu'un procès-verbal est rédigé et signé d'un commun accord par tous les témoins, aucun d'eux ne doit fournir de rensei- gnements capables de le modifier.

J. Voyez aflaire Dujarrier-de BeauvaUon. Appendice no 102.

4S

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S7i PREMIÈRE PARTIE.

Le procès-verbal fait foi entière de ce qu'il conlient,

Ësl-il admissible, en efTet, que des hommes raisonnables, comme doivent l'être des u^moios, soient assez légers pour collabo- rer à un acte qui ne contient pas reipression de la vérilé, et pour consentir à le signer'.

Si les témoins reconnaissent la nécessité de donner satisrac- tion à l'opinion publique, par eieniple en cas d'offense par yoie des journaui, ils peuvent s'entendre pour livrer les procès-verbaux à la publicité. Ils déterminent alors la mesure dans laquelle la pu- blication doit 6lre faite et les termes qui doivent être employés.

Mais, nous le répétons, celte mesure ne saurait être qu'une esceplion. Il nous parait inconvenant de mettre le public dans la confidence de querelles privées, sans motifs graves pour agir ainsi.

Ajoutons que le manque de convenance peut être suivi de désagréables réveils. Si certaines gens trouvent flatteur pour leur amour- propre de lire dans les feuilles publiques le récit de leurs eiploits, et de passer aux yeux de leurs concitoyens pour des foudies de guerre, ils digèrent moins bien les commentaires qui accompagnent souvent ce récit.

Leur épidémie pave linalement trop cher une célébrité de quelques heures. A celui qui se plaindrait d'apoir été jeté en pâture aux commérages et à la malice, les journalistes répondraient avec raison : » Ce n'est pas nous qui avons renversé le mur de votre vie privée. C'est vous, imprudent, qui en avez enlevé les premières assises et aves fait l'ouTerture par laquelle nous sommes entrés. >

CHAPITRE LVIII Duels exceptionnels.

Nous avons vu, chapitres vu et xxxvii, que le choix du duel ne peut étpe exercé que parmi les duels légaux, c'est-à-dire parmi ceux que nous avons empruntés à Château villard et à M. Taver- nier.

Tout combat dont les conditions ne sont pas calquées sur celles des dueh légaux, que nous avons étudiés précédemment, est dit excep-

1. Vojrez aOure Dariens-Horèii), k Tempi, n' du 32 mai 18S8. Appendice

OFFENSES. RÈGLES DU DUEL. 275

tionnel et peut toujours être refusé par les adversaires, quelles que soient les personnes {témoins ou offensé) qui prétendent l'imposer, et sans que celui qui le refuse puisse être blâmé ^,

Les témoins qui concourraient à un duel de cette espèce com- mettraient une infraction aux règles du point d'honneur et une imprudence au point de vue de leur responsabilité en cas de mort ou de blessures.

N'oublions pas que, dans l'état de nos mœurs, on regarde le duel ordinaire comme suffisant pour satisfaire au besoin de layer une injure.

Le duel exceptionnel est considéré comme Texpression d'un profond et sauvage ressentiment de haine et de vengeance. L'opi- nion publique le frappe d'une sorte de réprobation dont le verdict des jurés et la décision des juges se ressentiraient forcément, et pour ainsi dire malgré eux.

Parmi les duels exceptionnels, citons :

Le duel à toute autre arme que Tépée, le pistolet, et le sabre dans certains cas.

Le duel à cheval, à quelque arme que ce soit.

Le duel à l'épée, avec la parade de la main qui ne manie pas l'arme, ou avec la chute permise comme feinte, etc.

Le duel au fleuret, qui est du reste interdit dans l'armée par une circulaire ministérielle en date du 5 juillet 1889 et reproduite au n"* 2 de l'appendice.

Le duel au pistolet à une distance inférieure à quinze pas, soit de pied ferme, soit à marcher.

A bout portant.

Le duel à ligne parallèle, avec marche non interrompue.

Avec une seule arme chargée.

A la carabine.

Au fusil, etc., etc.

1. Voyez Château villard, chapitre premier, article 12, chapitre viir. Taver- nier, pages 223 et 282. Du Verger de Saiat-Thomas, chapitre x.

•w 1.^1-

DEUXIÈME PARTIE

RESPONSABILITÉ PÉNALE DES ADVERSAIRES

ET DES TÉMOINS.

CSonséquences légales du duel.

L'homicide et les blessures commis en dnel lèsent deux inté- rets : en premier lieu rintérét de la société, dont le daelliste a brayé la défense ; en second lieu Tintérét privé, qui souffre aussi du mal qui en résulte.

S'il y a double lésion, une double réparation existe pareille- ment:

La réparation publique, c'est-à-dire l'application d'une peine ; la réparation privée, c'est-à-dire le payement du dommage causé.

Pour obtenir cette double réparation, les intérêts lésés ont deux actions. La première est destinée à la société elle-même ; c'est l'ac- tion publique. La seconde est destinée au simple particulier; c'est Faction civile. Nous les traiterons séparément.

Action publique.

Avant d'étudier en détail l'action publique, nous croyons utile d'indiquer à grands traits les principales divisions que comporte cette partie de notre sujet.

Ce coup d'œil d'ensemble aidera le lecteur à en suivre le déve- loppement.

La première question est celle de la provocation en duel. Nous débuterons par elle.

Nous examinerons ensuite les conséquences du duel (homicide, blessure), tant au point de vue des combattants qu'à celui des té- moins, lorsque la rencontre a eu lieu sur le territoire français et lorsqu'elle a eu lieu en pays étranger.

Nous dirons quelques mots sur l'extinction de l'action publique et sur l'extradition.

I

ï-8 DEUXIÈME PARTIE.

Nous rechercherons eufin quels moyens peuTeut être tentés pour éviterla sanction de la loi pdnalc cl quelle est la valeur de ces moyens.

CHAPITIIE LIX

Provocation en duel entre personnes non revêtues d'un caractère public et non militaires.

Avant d'examiner quelle sanction est attachée par la lof fran- çaise â la provocation en duel, il importe de préciser le sens de celte eipressiou.

Par provocation, nous coleDilons et nous entendrons, chaque fois que le mot se présentera sons notre plume, le cartel verbal ou Écrit par lequel un individu qui se prétend offensé demande à son adversaire réparation par les armes. Donc nous supposons tou- jours l'articulation d'une offense préalable, et dans notre esprit le mot provocation est synonyme de demande en réparation par les armes, d'appel ou de cartel.

Nous emploierions indifféremment ces trois locutions, si le mot appel n'était également usité en législation pénale, et si nous ne craignions d'amener quelquefois une confusion.

Ces eiplicaliuus données, recherchons quels caractères la loi française attachée la proTOcation du duel.

Contrairement à ce qui existe chez la majorité des peuples qui nous enlourenl, la loi française ne regarde pas le duel comme une infraction de nature spéciale, soumise à une législation répressive particulière. Elle ne punît pas le duel en tant que duel, elle ne l'atteint que dans ses conséquences, qu'elle range parmi les atten- tats contre la personne (homicide, coups, blessures, violences).

11 en résulte que la provocation considérée en elle-même, et pour ainsi dire toute nue, abstraction faite de ses suites, n'a pas le caractère d'un délit.

Mais c'est à condition qu'elle n'ait pas été accompagnée d'ex- pressions diffamatoires ou injurieuses. Dans le cas contraire, si l'individu diffamé on injurié portait plainte, une peine pourrait être encourue par celui qui aurait adressé la provocation ; mais alors la peine ne serait pas motivée par l'acte d'avoir appelé son adversaire en duel, mais par les expressions injurieuses ou diff'a- matoires dont il se serait servi dans le cartel.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 279

C'est ce qui ressort d'un arrêt sur lequel nous attirons Tattention du lecteur *.

Il résulte de la jurisprudenceétabliepar l'arrêt du 15 octobre iShh :

1"* Que les conventions de duel non suivies d'effet sont bien à la yérité des actes préparatoires ayant pour objet une pensée coupable, mais ne constituent pas le commencement d'exécution nécessaire pour caractériser la tentative légale ;

2"* Que, même dans le cas le cartel aurait été accepté, le procès-yerbal de rencontre signé, les adversaires se seraient rendus sur le terrain, le ministère public ne pourrait poursuivre s'il n'y a pas eu commencement d'exécution ;

3"" Que la manière dont le duel a manqué (accord des parties, circonstances indépendantes de leur volonté) importe peu. Il suffit qu'il n'y ait pas eu commencement d'exécution '.

CHAPITRE LX

Provocation adressée aux personnes revêtues

d*un caractère public.

En est-il de la provocation en duel adressée aux personnes qualifiées, désignées dans les articles 222 et suivants du Gode pénal, et 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, comnie de la provo- cation dont nous venons de nous occuper au chapitre précédent?

Doit-on s'en tenir à la jurisprudence consacrée par l'arrêt du 15 octobre 18/i6, et décider que la provocation ne constitue pas un délit, si elle n'est pas accompagnée d'expressions outrageantes, in- jurieuses ou diffamatoires; si, au contraire, elle est conçue en termes polis ; si elle se borne, par exemple, à énoncer Poffense commise par la personne qualifiée et à lui demander réparation par les armes; si elle est transmise conformément aux usages reçus en pareil cas; en un mot, si de tout cet ensemble il apparaît que Fauteur a obéi non à une intention outrageante, mais au besoin d'obtenir une sa- tisfaction légitimée aux yeux du monde par le point d'honneur.

i. Voyez Cassation, 15 octobre 1844, Dalloz périodique, année 1845, l'* partie page 59, et Répertoire, ¥<> Duelf paragraphe 125. Sur le point de savoir si ]a question doit être résolue sous Tempire de la loi du 29 Juillet 1881 comme sous celui de la loi, de 1819, voyez solution affirmative, DaHoz, Répertoire, supplément, Duelf para- graphes 67 et 68.

2. Contra. Voyez la théorie soutenue dans les paragraphes 69, 70, 71 du supplé- ment au Répertoire de Dallez, V^ DueU

S80 DEUXIÈME PARTIE.

L'intérêt de la question est considérable, d'abord à raison d a nombre si grand di^à des personnes revêtues d'un caraclère public, et qui augmente de jour en jour, enlin à cause des pénalités cicep- tiunnellcment sévères qui les protf-gent.

En présence d'un aléa si menaçant, l'individu oITcasé par une personne qualifiée, doit Être à lut^me de mesurer les conséquences du cartel qu'il veut lui adresser.

Ce serait folie de sa part de se jeter en aveugle dans une entre- prise où il jouerait trop gros jeu.

La question n'offre point de difficulté, s'il n'existe aucune rela- tion entre l'exercice des fonctions, les fonctions ou la qualité de la personne et la provocation, car cette provocation est alors censée adressée à un simple particulier, et nous retonibons dans l'hypo- thèse de l'arrêt du 15 octobre iSkh-

Elle est controversée lorsque l'individu qui se prétend offensé par une personne révolue d'un caractère public lui adresse une provocation qui a un rapport plus ou moins direct avec ses fonc- tions ou sa qualité.

En admettant que la provocation soit alors de nature à motiver des poursuites, elle ne peut être incriminée que comme renfermant, soit les éléments constitutifs du délit de diffamation prévu par l'ar- ticle 31 de la loi du 29 juillet 1881. soit les éléments du délit d'injure prévu par l'article 33, paragraphe premier, de la même loi, soit les éléments du délit d'outrage prévu par les articles 222 et suivants du Code pénal.

Si elle ne renferme pas tous les éléments de la diffamation, de l'injure ou de l'outrage, elle ne constitue pas un délit.

Or une des conditions pour que l'article 31 de la loi de 1881 soit applicable, et pour qu'il y ait délit de diffamation contre un membre du ministère, un membre de l'une ou l'autre Chambre, contre un fonctionnaire, un dépositaire ou agent de l'autorité pu- blique, un citoyen chargé d'un service public temporaire ou per- manent, un juré, un témoin à raison de sa déposition, c'est que le fait qui lui est imputé ou qui est allégué contre lui porte atteinte à son honneur ou à sa considération.

Une des conditions pour que le paragraphe premier de l'arti- cle 33 soit applicable, et qu'il y ait délit d'injure envers les mêmes personnes, c'est que les to-mes employés rentrent dans la définition donnée au mot injure par l'article 29de la lot de 1881 :

Cl Toute expression outrageante, terme de mépris, qui ne ren- ferme l'imputation d'aucun fait. »

Une des conditions requises pour que l'article 222 du Code pénal

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 284

soit applicable et qu'il y ait délit d'outrage envers un magistrat de Tordre administratif ou judiciaire ou un juré, etc., c'est que les expressions soient de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa délicatesse.

Du moment que l'absence d'une seule condition suffit pour en- lever à l'acte incriminé son caractère de délit, on voit que, pour reconnaître si la provocation en duel adressée à une personne pro- tégée par les articles 31 et 33 de la loi de 1881, ou par l'article 222 du Gode pénal, peut tomber sous leur sanction, il suffit d'examiner, suivant le cas, si elle est de nature à inculper son honneur, sa con- sidération, sa délicatesse, ou à rentrer dans la définition donnée par la loi de 1881 au mot injure.

Si nous ne nous livrons pas au même examen relativement à la provocation adressée sans publicité aux personnes qualifiées des articles 224 et 225 du Gode pénal, c'est que l'outrage peut exister vis-à-vis elles, abstraction faite de toute atteinte à l'honneur, à la considération ou à la délicatesse ^

Trois systèmes sont en présence :

Le premier s'en tient à la jurisprudence inaugurée par l'arrêt du 15 octobre iShkei répond négativement.

Les partisans du second soutiennent que lorsqu'il s'agit de personnes qualifiées, c'est-à-dire de personnes spécialement pro- tégées par le législateur, les expressions « honneur, considération, délicatesse » doivent être prises dans un sens plus étendu que lorsqu'il s'agit de simples particuliers, et qu'il faut considérer comme portant atteinte à ces qualités tout acte qui indique un sentiment de mépris pour les fonctions dont ces personnes sont revêtues et l'autorité qu'elles exercent, ou qui est de nature à di- minuer le respect dont elles doivent être entourées* ; que tous ces caractères se rencontrent dans la provocation en duel dont nous nous occupons; qu'elle doit être, par conséquent, considérée comme renfermant une des conditions requises pour constituer un des délits prévus par les articles 31-33 de la loi du 29 juillet 1881, 222 du Gode pénal.

Un troisième système, le plus rationnel suivant nous, dis- tingue entre la forme et le fond de la provocation, entre la lettre et l'esprit, entre les termes au moyen desquels l'individu offensé par une personne qualifiée lui demande réparation, et les raisons mises en avant pour justifier cette demande.

1. Voyez Cassation, 7 mai 1853. Dalloz, année 1853, 1'* partie, page 250. Paris, 2 Janvier 1868, DaUoz, année 1870; partie, page 280.

2. Voyez Cassation, 17 mars 1851. Dalloz, année 1851^ l'* partie, page 99; et 25 Juin 1855, Dalloz, année 1855, l^* p&rtie, page 429.

Î8I DEUXIEME PARTIE.

Dans l'hypothèse d'un cartel rédigé en termes polis et me- surés, la forme ne saurait être considérée comme oulrageanle, mais il peut en être autrement si on enyisage le motif allégué.

Supposons, par exemple, un magistrat appelé en duel à raison d'une décision qu'il a rendue et que le perdant qualifie de déni de justice. Rien n'empi^che de soutenir que c'est un acte de la con- science du magistrat que ce dernier critique, son équité, son hono- rahitilé qu'il met en sus|iicion, que c'est, par conséquent, un outrage qu'il commet contre le magistrat en tant que magistral, cl que la provocation tombe sous le coup de l'article 31 de la loi de 1881, ou de l'article 2'22 du Code pénal, suivant les circonstances.

Mais pour que le magistrat puisse invoquer la protection des textes précédents, tl faut que ce soit dans l'observalion stricte des devoirs de ses fonctions qu'il ait été outragé, sinou il reutre dans la condition d'un simple particulier, et la provocation i\ lui adressée ne nous semble pas de nature à tomber sous le coup des^articles 31 et 222.

Supposons qu'un procureur de la République poursuive en vertu de l'arlicle 1 de la loi sur la presse, c'est-à-dire pour avoir négligé de déclarer dans les cinq jours le nom cl la demeure du nouveau gérant, le propriétaire d'un journal, homme universelle- ment connu et estimé.

Dans le feu de son réquisitoire, il le traite de canaille et de gredin.

Le jourualisle attend qu'il soit en dehors de l'exercice de ses fouctiuna, et lui adresse nue lettre non rendue publique et conçue en termes polis.

Dans cette lettre, il déclare s'incliner devant la décision de la justice, il proteste de son respect pour les magistrats, mais il s'é- lève contre les épithètes qui ont accompagné le réquisitoire. Il montre au procureur combien elles sont disproportionnées avec la gravité de l'infraction, et partant injustes. Il lui fait sentir le préju- dice qui en résultera pour son honneur, et lui demande de se rétracter ou de lui accorder réparation par les armes.

Le procureur pourra-t-il invoquer l'article 222 du Code pénal?

Nous ne le pensons pas, car les fonctions du ministère public consistent à requérir, mais non à injurier. En proférant une injure, il est sorli des attributions de ses fonctions. Il ne peut donc raison- nablement invoquer les dispositions exceptionnelles que la loi a édictées spécialement pour protéger les fonctions contre les troubles apportés à leur exercice.

La jurisprudence ne s'est pas, que nous sachions, prononcée sar l'importante gnestion que nous venons de traiter. Dans tontes

RESPONSABILITÉ PÉNALE. t83

les espèces qa*il nous a été donné de parcourir, la provocation en duel est accompagnée d'expressions injurieuses ou de menaces. Elles ne rentrent pas, par conséquent, dans l'hypothèse que nous ayons supposée, c'est-à-dire celle d'un cartel conçu en termes polis et mesurés*.

Dans cette dernière affaire qui n*a pas été publiée et qui suivit toute la filière de Tappel et de la cassation, M. de R... se considérant comme insulté par le sous-préfet de Gannat, qui avait mis en doute la loyauté avec laquelle il accomplissait certains actes de ses fonc- tions de maire, lui adressa une lettre à peu près conçue en ces termes :

« Monsieur le sous-préfet,

a Votre arrêt me prouve que le mensonge est le fait de ceux qui nous administrent. Vous m'en avez imposé pour arriver à vos fins. Apprenez que je ne suis pas d'humeur à le supporter sans en demander réparation par les armes.

« Queljour7Aquelleheurepourrez-vousrecevoirmes témoins? »

Il fut inculpé d'avoir, dans une lettre non rendue publique,

adressé au sous-préfet dans Texercice de ses fonctions des outrages

tendant à inculper son honneur et sa délicatesse ; mais les allusions

à la mauvaise foi du magistrat administratif furent seules visées.

CHAPITRE LXI

Procès-verbal constatant qu'une personne revêtue d'un caractère public a refusé de se battre.

Est-ce porter atteinte à l'honneur, à la considération, à la déli- catesse d'une personne qualifiée que de publier, sans accompagner cette publication d'aucun commentaire blessant, qu'elle a refusé de rendre raison d'une offense commise par elle, ou, en d'autres termes, qu'elle a refusé de se battre?

Pour mieux nous faire comprendre, prenons comme exemple l'affaire de R... citée plus haut. Supposons qu'à un cartel dépouillé de toute expression blessante, le sous-préfet ait répondu par une fin de non-recevoir pure et simple.

1. Voyez notamment : Cassation, 15 juin iS2S. Devilleneuve et Carette, page iil, 9" Tolume. Tribunal correctionnel de Charleville, Gazette des Tribunaux^ 9 mars iS33. Tribuoal correctionnel de Gannat, affaire do R***^, 9 août ISSi.

lU DEUXIÈME l'ARTlE.

Supposons que les lémoins de M . de lî. ., aient rédigé le procès- Terbai suivant :

" Aujourd'hui, ., nous... nous sommes présentés à la sous-pré- recture de Gannal, et avons rerais à M. X,.., sous-préfet, une lettre conçue en ces termes... •>

(Suit le texte du cartel.)

Il M. X... a déclart refuser toute rétractation el toute réparation par les armes. 11 considère l'arrêté il apprécie la conduite de H. de R... comme un acte parfaitement correct de ses fonctions, poui- le contrôle desquelles il n'admet pas d'autre intervention que celle de ses supérieurs hiérarchiques.

<• En présence de ce refus, nous avons rédigé le présent proc(>s- verbal, auquel M. It... donnera toute la publicité nécessaire pour sauvegarder son honneur publiquement offensé. »

Le sous-préfet aurait-il pu prétendre que la publication de ce procès-verbal constituait l'iaipulaiion d'un fait diffamatoire suscep- tible d'enlacher son honneur ou sa considération? Nous allons examiner la question au double point de vue de l'honneur et de la ronsidéralion.

Atteinte à l'honneur.

La possibilité d'une atteinte à l'honneur doit être écartée.

En effet, comme ledit forljustement M. Grellel-DumaKcau dans son beau Traité de la tlifffuniiHon, lic l'injure H île l'oiifrafie, auquel nous avons fajl et ferons cncwe de nombreux emprunts, l'honneur ne consiste pas dans l'estime qu'on a de soi-même d'après ses propres idées, ou dans l'estime que les autres ont de vous, d'après les impressions qui leur sont personnelles. Il peut se passer de l'opinion, mais il ne peut exister ni contre la morale, ni contre le droit; ce n'est pas une chose relative et variable, mais une et immuable.

Or, du moment que le duel est interdit par la morale el par la loi, il est difficile de soutenir que le refus de leur désobéir puisse entacher l'honneur, et que l'imputation pure et simple d'un tel refus produise le même effet.

Atteinte à la considération.

Trois systèmes sont en présence :

I" sïSTÈuE. Les partisans de l'affirmative, c'est-à-dire de l'opinion qui regarde la publication du procès-verbal comme une atteinte à la considération, raisonnent ainsi :

La considération ne peut se passer de l'opinion. Elle naît moins

RESPONSABILITÉ PÉNALE. S85

des mérites que l'on a que des mérites que l'on parait avoir. Elle est telle que le monde la fait. C'est lui qui la distribue à sa guise..

Or, d'après l'état de nos mœurs, le refus de se battre en duel entraîne un soupçon de pusillanimité humiliant pour celui qui en est l'objet.

Publier cette imputation, c'est rendre sa position équivoque et difficile, puisque, d*après ce qui vient d'être expliqué, la considé- ration se compose de cette bienveillance, de ce bon accueil, de cette déférence accordés par le >pionde à ceux qu'il estime et qu'il res- pecte.

Ce n'est pas l'opinion du moraliste et du jurisconsulte, mais c'est l'opinion du plus grand nombre, et cela suffit.

Les partisans de ce système invoquent à l'appui :

l"" Un jugement du tribunal correctionnel de NantesS jugeant que l'allégation dirigée contre un individu d'avoir reçu un soufflet sans en avoir demandé réparation est une diffamation ;

Un arrêt de la Cour de cassation', jugeant qu'il y a diffa- mation de la part de celui qui soutient que les coups par lui portés à un individu sont des soufflets et non des coups, a Attendu, dit l'arrêt, que cette imputation n'a d'autre but que d'imprimer une flétrissure publique sur le front de celui qui aurait reçu un outrage si sanglant que, dans les idées du monde, il doit se laver avec du sang. »

SYSTÈME. Une deuxième opinion admet bien une atteinte portée à la considération, mais la fait dépendre des qualités exigées pour que la personne soi-disant diffamée obtienne cette considé- ration.

Ce n'est pas la susceptibilité plus ou moins grande de l'individu qu'elle mesure, c'est l'opinion commune aux impressions du plus grand nombre, eu égard aux habitudes, à l'éducation, aux mœurs des personnes, à la profession qu'elles exercent et au milieu dans lequel elles vivent.

S'agit-il d'un officier, pour lequel le courage est une vertu si primordiale qu'elle se confond chez lui avec l'honneur?

L'imputation d'avoir refusé une réparation que le préjugé com- mande, que les traditions légitiment, est avilissante, susceptible de briser sa carrière, et partant une atteinte à sa considération.

S'agit-il, au contraire, d'un magistrat qui par sa position est chargé de faire respecter la loi, et qui, par conséquent, est tenu de la

1. Voyez Gazette des Tribunaux, 31 novembre 1838.

2. Voyez Dalloz, Jurisprudence générale, Vo Presse, Outrage^ 827,

r^-^ '.-' rt '■ .' ... - . - * A

186 DEl'XIKME PARTIE.

respecter luUinânie ? Le tort fait à sa coDsidération d'homme privé est largement compensé par le tort que ferait à sa considération professionnelle l'acceptation du duel. L'imputation de l'aToir refusé ne saurait donc produire les mêmes effets que dans l'bypothèse pré- cédente.

Dans ce système, les deux esemples types du militaire et du magistrat serrent à mesurer l'influence comparative du préjugé snr la considération des personnes qualiûées, qui est d'autant plus for- tement atteinte que les fonctions de ces personnes les rapprochent des militaires et les éloignent des magistrats.

3' SYSTÈME. Les partisans delà négative, c'est-à-dire de l'opi- nion qui n'admet pas que la publication du procès-verbal porte atteinte à la considération, raisonnent ainsi :

I^ loi n'a pas voulu abandonner davantage auï caprices de l'opinion l'appréciation de ce qui constitue la considération que l'appréciation de ce qni constitue l'honneur. On ne peut décider autrement sans donner son approbation aux préjugés les plus odieux.

La distinction qui a été faite par les partisans du deuxième sys- tème, entre une sorte de considération type spéciale au militaire et une autre particulière au magistral, est complt'-lement arbitraire.

Elle produit, lorsqu'on en déduit les conséquences, des résultats irrationnels que deux exemples vont établir clairement :

Exemple 1. Un dilïérend survint en 1883 entre M' Arson- ncau, arouéàBatna.ttlc capitaine de iUeui. pour dcsmali£s d'ordre intime.

Le capitaine, placé dans une situation très délicate vis-à-vis un mari outragé, aurait voulu éviter une rencontre avec lui. 11 Ût tous ses efforts dans ce but, mais l'autorité militaire lui ayant infligé des arrêts pour refus de duel, il dut mettre de côté ses scrupules. La rencontre eut lieu. M' Arsonneau fut tué '.

2' exemple. M. Telssière, conseiller à la cour de Grenoble, accepta la proposition de duel qui lui fut faite par un journaliste. 11 se rendit avec ses témoins au lieu de la rencontre, mais les gen- darmes empêchèrent le combat.

Il fut frappé d'une suspension de deux ans : « Attendu, dit l'arrêt, que le duel étant prohibé par nos lois, c'est une faute grave de la part du magistrat chargé de les faire respecter de donner, au contraire, l'exemple de leur violation *. »

i. VoyL-z CazelUdti Tribunaux.W du 29 décembre ISS3.

S, Voyez charabro réunie), procureur général conirc TeiMière; CaBMtion, 16 juin itt2. DaUoi, uuée 1883, 1" partie, p»ge 355.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 287

Si nous analysons ces affaires, nous nous trouyons en présence de deux individus, qui dans la même conjoncture, celle d'une pro- Yocation en duel à eux adressée, ont agi d'une manière diamétra- lement opposée, et ont été punis pour des motifs absolument contraires.

Supposons que ces deux aventures se soient produites dans la même ville et à des intervalles rapprochés. Supposons qu'un jour- naliste, rendant compte des mesures disciplinaires qui ont frappé le militaire et le magistrat, se soit placé sur le terrain des devoirs professionnels, et se soit livré à l'égard du capitaine et du con- seiller à des appréciations qu'ils regardent comme attentatoires à leur considération. Supposons qu'une double plainte ait été dé- posée.

Voilà donc des juges qui, slls adoptent le principe d'une consi- dération dépendant de la profession exercée par le plaignant et du milieu dans lequel il gravite, condamneront successivement le même individu parce qu'il aura écrit dans un même article que le capitaine de Rieux a été justement mis aux arrêts pour avoir refusé de se battre, et que W Teissiëre a été non moins justement suspendu pour avoir accepté un cartel.

Rien plus, s'il est admis que la considération est subordonnée à l'impression louangeuse du plus grand nombre, et la déconsidé- ration aux impressions méprisantes de cette même majorité, nous tombons dans Tabsarde.

Supposons, par exemple, qu'à sa qualité de magistrat, M"" Teis- siëre ait joint celle d'officier dans l'armée territoriale, et qu'à raison de cette double personnalité il ait fait partie de deux cercles, com- posés l'un de militaires, Tautre de magistrats et de ce qui de près ou de loin touche au palais.

Supposons que chaque cercle ait compté le même nombre de membres.

Supposons que, pendant une période d'exercices, notre officier- magistrat ait reçu la provocation dont il vient d'être parlé, qu'il ait refusé de se battre, et qu'à la suite de la publication d'un procès- verbal de constat les membres du Cercle militaire l'aient mis en quarantaine.

Sera-til admis à soutenir que sa considération se trouve grave- ment compromise, si le journaliste accusé par lui de diffamation peut prouver que les membres du Cercle du palais ont protesté en sens inverse et l'ont félicité de son obéissance à la loi 7

Non, car le nombre des membres étant égal, il y a eu équilibre entre le blâme et l'éloge.

A ces divers arguments qui battent en brèche le second système,

f !8i

!88 DEUXIÈME PARTIE.

les partisans de la négative en ajoutent un autre qui nous semble avoir une réelle valeur.

Comment admettre, disent-ils, que les tribunaux puisseot ra- lionnellement proclamer qu'un homme a souffert dans sa considé- ration, parce qu'il a préféré avoir recours à la loi pour trancher son diirérend plutôt qu'à l'épreuve antisociale des armes que cette loi prohibe et punît?

Une semblable décision serait en réalité une apologie du duel, dont elle impliquerait la uécessilé et la légitimité. Elle constituerait la reconnaissance du droit de se faire justice soi-même.

Lorsque les préjugés sont eu opposition manifeste avec toutes les idées de droit, de morale et d'ordre public, les tribunaux accom- plissent un devoir strict en s'efTorçant de les briser.

Les partisans de la négative font remarquer, en outre, que les espèces à l'occasion desquelles sont intervenus le jugement du tri- bunal de Nantes du 21 novembre 1838, et l'arrêt de la Cour de cas- sation du 2ii mai ifOili, invoqués en faveur du premier système, n'ont aucune analogie avec celle qui nous occupe.

Ces décisions visent l'imputation d'un soulflet reçu sans en de- mander réparation, tandis que daus notre hypothèse il s'agit d'une personne qualiûée qui refuse de rendre raison d'une offense qu'elle a commise.

lis font observer, avec juste raison, que si, dans les préjugés du monde, un homme est déconsidéré pour avoir gardé un soufQctsans l'avoir lavé dans le sang, il n'en est plus toujours de môme pour celui qui, ayant ofleusé un individu, refuse de lui accorder répa- ration.

Rien n'empêche de considérer cet acte comme étantincorrectau point de rue des règles du point d'honneur, mais comme ayant un autre mobile que la lâcheté. Témoin l'affaire de R..., le soas- préfet se retranche derrière les droits que lui confère sa profession.

Tels sont les principaux arguments invoqués pour ou contre la possibilité d'une atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne qualifiée, accusée d'avoir refusé le cartel qui lui est adressé.

Quelle serait leur valeur devant les tribunaux?

C'est ce que nous ne saurions dire positivement, car il n'existe sur ce point aucune jurisprudence.

Nous croyons cependant que le dernier système aurait chance de prévaloir, surtout devant le jury.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 289

CHAPITRE LXII

Influence de la perpétration et de la publicité sur la

juridiction compétente.

Si un individu offensé par une personne qualifiée veut lui adres- ser une proTocation qui a une relation avec ses fonctions et qui est susceptible de porter atteinte h son honneur, à sa considération ou à sa délicatesse, il a intérêt à éviter la compétence correctionnelle et à tomber sous celle de la Cour d*assises, pour deux raisons :

D'abord parce que les jurés sont accessibles aux considérations de mœurs, d'habitudes, voire même de préjugés qui doivent être étrangères aux magistrats correctionnels chargés d'appliquer stric- tement la loi ; ensuite parce qu'en matière de diffamation, la preuve des faits diffamatoires, admise devant la Cour d'assises, ne l'est jamais devant les tribunaux correctionnels, et que cette interdiction prive l'inculpé de son moyen de défense le plus efficace.

Pour obtenir d'être jugé par ses pairs, l'individu dont nous par- lons devra se préoccuper du moment propice à l'envoi du cartel et de la publicité qu'il convient de lui donner.

Il évitera de provoquer la personne qualifiée pendant qu*elle est dans l'exercice de ses fonctions, car c'est le moment oii il court le plus grand risque de tomber sous le coup des articles 222 et suivants du Code pénal ^

La question de savoir quand commence et quand finit l'exercice des fonctions attirera particulièrement son attention, car il ne doit pas oublier que les tribunaux seront toujours portés à étendre cet exercice jusqu'aux dernières limites de la vraisemblance '.

La question d'opportunité résolue, l'individu qui veut demander raison à une personne qualifiée examinera si le cartel doit être oui ou non rendu public.

La personne qualifiée est-elle comprise dans Fénumération faite par rarticle 222 du Gode pénal, le cartel devra être public, puisque Toutrage public diffamatoire ou injurieux est de la compétence du

i. Voyez Barbier, Code expliqué de la presse, n^* 609, 616, 618, 619; et Dalloz, Code pénal annoté, articles 222, 223, d«> 676 et suiv.

2. Voyez Dalloz, Code pénal annoté, condition de Poutrage dans ses rapports avec les fonctions et la qualité de la personne outragée, articles 222 et suiv. ; et la loi du 29 juillet 1881, article 31.

49

b:..^^.^.

*^

Î90 DEUXIÈME PARTIE.

jury, tandis que l'absence de publicité le rend josticiable des tribu- naus correctionnels'.

La personne qualifiée est-elle comprise dans l'énumératioa des articles 22'j, 22") du Code pi5nal7

L'espédileur du cartel jouit d'une bien plus grande latitude.

Eu effet, s'il rend le cartel public, il devieut justiciable de la Cour d'assises; s'il ne lui donne pas la publicité exigée par la loi de 1881 , il éciiappe également à la juridiction correctionnelle, pourvu qu'il le rédige par écrit ;car les outrages par écrit non rendus publics, adressés aux personnes désignées aux articles précités, à l'occasion de l'exercice des fonctions, ne peuvent être frappés que comme injure simple, donnant lieu aux peines de la simple police, prévues par l'article /i71 du Code pénal, auquel renvoie l'article 31 de la toi sur la presse'.

Mais pour bénéficier du silence que les articles 22E| et 225 gardent sur les outrages par écrit non rendus publics, l'individu qui adresse le cartel devra éviter de le lire on d'en faire faire la lecture à son adversaire ou à ses témoins ; car celte lecture constitue un des élé- ments de l'outrage verbal qui, dans ces conditions, entraîne toujours la compt'tence des tribunaux correctionnels'.

Nous terminerons cectiapiire en signalant à l'individu qui veut envoyer un cartel différentes questions dont il doit se préoccuper auparavant, sous peine de s'exposer aux périls que nous avons signa- lés plus haut.

£JIc5 sont rfilâliVËS :

Aux modes de publicité qui constituent une des conditions de la diffamation, de l'inj ure ou de l'outrage, et partant de la compétence des cours d'assises*;

Aux modes de perpétration des délits de diffamation et d'in- jure, rapprochés des modes de perpétration du délit d'outrage';

3" Aux personnes protégées, soit par les articles 222 et suivants, soit par l'arlicie 31 de la loi du 29 juillet 1881 \

1. Voyei Barbier, Code expliqué de la pretse, a" 610, 619.

2. Ibidem, w li\i.

3. Vojei Dalloî, RiSperloire, V" Prette, Outrage, d" 795, et C«ss»Uon, 11 Janvier 18S1. Dallai, aniiËe 1S51, 5* partie, page 436.

4. Voyet Dalloi, CoJt pénal annoté, loi du 29 juillet 1881, article 2B, a- 301 et suiv., notamment sur la praféralioa dans lea lieux et réunions publics, n" 3S8; sur IM letlreg-missivea, n" 452, publiËog postérieure ment i leur eipéditioD. Voyez affaire Gouttc-Soulard, Paris, première cbambrc siégeant correclionnellenient, Gasette dt* Tribunaux, n" du 25 novembre 1891. Carlos posliiesi loi du 11 février 1887.

5. Voyet Dallez, Code piaat annoté, toi du 29 Juillet 1881, article 29, ii°' 380 et suiv., SI article 2i2 du Code pénal, a" 50O et suiv.

6. Voyez Dalloi, Ccd* pénat annoté, article 322, d" 186 et suiv. ; article 221 n'iSet suiv., «rUclâ 31 de la loi du 20JuiUet IS81, ST'et suiv.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 294

II est difficile quelquefois de classer la persouDe qualifiée dans la catégorie qui lui convient; pourtant c'est une opération néces- saire, sans laquelle celui .qui veut lui envoyer un cartel risquerait d'obtenir un résultat tout opposé à son but, qui est d'éviter la com- pétence qu'il redoute.

.CHAPITRE LXIII

Provocation entre militaires de grades inégiaux. Armée de terre. Armée active. Réserve. Armée territoriale. Adversaires. Témoins. Cassation. Non-activité. Ré- forme. Plainte. Jury d'honneur.

La provocation en duel, même conçue en termes polis et mesurés, est interdite entre militaires de grades inégaux.

Cette prohibition, qui est formulée dans deux ordres du jour du ministre de la guerre, Fun en date du 11 juin 1835, rapporté à Fappendice n"» 10/|, l'autre en date du 3 février 1838, rapporté à Tappendice n'' 105, comporte une sanction rigoureuse qui doit être étudiée relativement à quatre hypothèses distinctes :

1"* En ce qui concerne l'inférieur provoquant un supérieur ;

2^" En ce qui concerne le supérieur provoquant un inférieur ;

3* En ce qui concerne le supérieur acceptant la provocation de l'inférieur ;

En ce qui concerne les témoins; et en distinguant, dans tous ces cas, si les adversaires et les témoins font partie de Tarmée active, de la réserve ou de l'armée territoriale au moment de la pro- vocation.

Nous rechercherons quel peut être le résultat de la démission donnée par l'un des adversaires, de la rétrogradation, delà cassation, de la mise en non-activité, en réforme, de la plainte déposée par l'offensé, ou de la demande d'un jury d'honneur formulée par lui.

Nous examinerons les avantages et les inconvénients de chacun de ces partis, et nous prononcerons en faveur de celui qui nous paraîtra offrir à Toffensé la voie la plus sûre pour obtenir répa- ration.

DEL'XIËUE PARTIE.

1" hypothèse. Le militaire qui adresse le cartel est un inférieur.

- IL FAIT PARTIE DE L'ARMÉE ACTIVE.

I

L'inrérieur qui, faisant partie <Je l'armée acti?e, provoque nn supérieur, commet un outrage de l'espèce prévue par l'article 224 du code de justice militaire.

La qualîQcation d'outrage appliquée à an cartel conçu eu termes polis et mesurés, et adressé à un homme qui porte un sabre ou une épée au ctïlé, semble anormale au premier abord. Il n'en est rien cependant. L'article 224 fait en effet partie des diverses prescriptions relatives à la subordination. Dans sa généralité il ne comporte aucune distinction onlre les différentes manières d'ou- trager.

Le législateur ne se préoccupe pas de la aalore du fait et du caractère qu'il peut présenter dans la déânition de la loi pénale ordinaire. Que la parole échappée à l'inférieur contre son supérieur constitue une injure, une calomnie, une diffamation, la loi dans tous ces cas ne voit qu'une infraction qui domine toutes les aubres, l'infraction à la subordination'.

La provocation en duel adressée par l'inférieur produit-elle ce résultat? Tonte la question est là.

Or il est indisculahle que si les inférieurs pouvaient appeler en duel leurs supérieurs chaque fois qu'ils croiraient avoir à se plaindre de leur procédés, c'en serait fait du respect qui doit entourer le grade, et assurer la sécurité du commandement, c'en serait fait de l'obéissance passive exigée par le décret de 1883 poi^ tant règlement sur le service intérieur.

Il y a donc bien infraction contre la subordination, outrage.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. Î93

et cet outrage tombe bien sous le coup de Tarticle 22/i du code de justice militaire :

('. Tout militaire qui, pendant le service ou à Toccasion du ser- vice, outrage son supérieur par fparoles, gestes ou menaces, est puni de la destitution avec 'emprisonnement d'un an à cinq ans, si ce militaire est officier, et de cinq ans à dix ans de travaux publics, s'il est sous-officier, caporal, brigadier ou soldat.

« Si les outrages n'ont pas eu lieu pendant le service ou à l'oc- casion du service, la peine est de un an à cinq ans d'emprisonne- ment. »

Des termes de cet article il résulte que le militaire qui pro- voque un supérieur encourt la même pénalité, quel que soit le degré hiérarchique de ce dernier. La loi ne reconnaît pas la dis- tinction de grade en ce qui concerne le supérieur outragé.

La hiérarchie militaire forme dans ses différentes parties, depuis le caporal jusqu'au général, une chaîne dont on ne saurait détacher un anneau sans porter préjudice à l'ensemble. Elle impose à Tinférieur de tous les degrés le même respect et la même obéis- sance. Le caporal, le général, &est toujours Vautorité *.

Observons que l'expression supérieur embrasse tous les mili- taires plus élevés en grade des armées de terre ou de mer, quels que soient l'arme ou le corps auxquels ils appartiennent*.

Mais la loi reconnaît une distinction de grade en ce qui con- cerne rinférieur. En effet, la pénalité varie suivant qu'il est ou n'est pas officier, lorsque la provocation a lieu pendant le service ou à Toccasion du service.

Adressée par un officier, elle est punie de la destitution et d'un emprisonnement de un an à cinq ans.

Adressée par un militaire non officier, elle est punie de cinq ans ft dix années de travaux publics.

Lorsque la provocation n'est pas motivée par le service, la dis- tinction de grade n'existe plus. Elle entraîne une pénalité variant entre un et cinq ans d'emprisonnement, que l'inférieur soit officier ou ne le soit pas.

On voit que le paragraphe 2 de l'article 224 pose la sanction du respect par l'inférieur au supérieur, abstraction faite de toute circonstance aggravante.

Le paragraphe premier spécifie deux cas d'aggravation motivés par la circonstance du service.

1. Voyez exposé des motifs, loi du 9 Juin 1857.

2. Voyez décret du 28 décembre 1883, Marques extérieures de respect, devoirs généraux.

IM DECXlfeME PARTIE.

De ce5denx aggravalioDs, l'une prend sa sonrce dans celle cir^ constance que l'un des mililair^s nt df serrice. Peu importe le motif qui a fait adresser la proTocalion. Ce motif serait-il relaliX à la vie priït'e, si l'un des adversaires est «le service, c*Ia sHffit'.

L'autre aggravallon prend sa source dans loccafion terrice. Elle est indêpendanle de la condition précédente et peut exister en dehors de tout service. II sufiil que la provocation ait eu le service pour cause, on. pour nous servir des termes du projet de loi, ■■ qne le souvenir du service ail poussé ilnférieur A l'adresser >.

Nous n'essayerons pas de poser une règle pour déterminer quand la provocation est adressée pendant le service ou à Tocca- ^on du service. Ce serait chercher en vain à spétiSer à l'avacce des cas qui varient à J'infini. Les conseils de guerre ont sur la question de fait un droit souverain d'appréciation.

Cetle appréciation, généralement facile lorsque la provocation a lien pendant le service, ou en dehors de toute question de ser- ■ricc, peut devenir plus délicate lorsqu'elle se produit à [octaiiou eu sfrnVe.

Supposons que pour se procurer un rendei-vous avec la femme d'an des capitaines de son régimeoi, un colonel donne à ce dentier an ordre de service qui l'oblige à s'absenter.

K son retour, le mari apprend son infortune, va trouver le colonel el, tn deken de tout serrict, loi reproche la déloyauté de sa conduite et lui adresse un cariel motivé par le rendei-vous.

Ne peul-on soutenir avec grande apparence de raison que ce cartel na pas le service pour cause "Ce n'est pas. en effet, de l'ordre pris en Ini-méme, ce n'est pas de la nature du senice qne le capi- taine se plaint, et à raison desquels il demande réparation. Non, cet ordre, ce serrice, il les a exécutés sans murmurer, avec toute la cor- rection requise, el en ce faisant, il a accompli tous les deroiis mili- taires qui procédaient du service.

Ce dont il demande réparation, c'est de l'atteinte portée à son honneur conjugal, atteinte purement privée.commise par un hooirae agissant en dehors de tout caractère public : réparation demandée eo veriu du droit le plus intime, celui de la puissance maritale.

Toutes choses exclusives de Tidée du sorice =.

I. Toyei lettre miBist^ri^lTe da 31 dcrembre IWJ: CblKpoBdrr. MammHéM

Irilw—j da mrwtîa dt Irrrt H dt mur. page jM. Ceittra^ V^«t Fnthtr, Ctm- fèrtmet» dt drcil pàial, édiiion de IMI, U I, page â9t.

i. Voyei iBT ttt diiVTtea nMitrm : Cipôw do autiK k^ ds 9 jaù ISS7. Dal- kx. uW mi. t* putie. pape lU. FaadWT. Ccmtmtmtmin nr li todt et jaOkt militmitr, fft» TM et soit. Aji4t de la Gnr de «MMti— . GmsttU ia THtwMKr, >• da I" jurier ItT,. ~ Pndkr^odérr. CcMMntoir* tm b csrir dtjutm mib- tmn, ptcM Ml M MIT.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 295

L'application de Tarticle 22i!i donne naissance à plusieurs ques- tions, toutes controversées, que nous allons étudier successive- ment.

l"' QUESTION. L'article 224 ne parle que des outrages par parole, geste ou menace. Faut-il en ccnclure que la provocation en duel adressée par écrit à un supérieur échappe à sa sanction?

A défaut d'une jurisprudence émanant de conseils de guerre ou de conseils de revision, qui fait à peu près complètement défaut, on a soutenu qu'il fallait suivre par analogie celle des tribunaux ordi- naires.

Avant la loi du 13 mai 1863, qui ajouta les outrages par écrit aux outrages par parole, geste ou menace, punis par Tar- ticle 222 du Gode pénal lorsqu'ils sont adressés à une certaine catégorie de personnes qualifiées, la question se posait dans les mêmes termes.

Elle fut d'abord résolue dans le sens de la négative, et la Cour de cassation regarda récriture comme une parole écrite ; mais, à partir d'un arrêt en date du 9 février 1839, l'opinion contraire pré- valut, et, depuis celte époque jusqu'à la loi du 13 mai 1863, l'ou- trage par écrit non rendu public échappa à la sanction de l'ar- ticle 222 du Gode pénal.

La cour n'admit pas que l'écriture fût une parole écrite, car la parole implique une articulation, l'émission d'un son, tandis que l'écriture, au lieu de frapper l'oreille, s'adresse directement aux yeux.

Elle prit le mot parole dans son sens naturel, au risque de soustraire l'injure écrite à une punition proportionnée à sa gravité, car elle ne crut pas avoir le droit de remplir cette lacune de la loi et de se substituer au législateur. Lorsqu'on discuta la loi du 13 mai 1863, cette question fut également posée au sujet de l'article 224 du Code pénal et résolue dans le sens deTarrét précédent. L'article 22& continua à ne viser que les outrages par parole, geste et menace ^

En présence du silence également gardé par l'article 224 du code de justice militaire sur l'outrage écrit, il semble rationnel d'admettre la même solution. Nous croyons que cette opinion peut fort bien être soutenue, tout en reconnaissant que, si les tribunaux se placent exclusivement sur le terrain de la discipline, la question risque fort d'être tranchée dans le sens rigoureux*.

1. Voyez Dalloz, Code pénal annoté, article 229, n<» 554 et suiv. Jurisprudence générale, \^ Presne, Outrage, n<" 781 et suiv. Rapport sur la loi du 13 mai 1863, Dalloz, année 1863, 4' partie, page 89.

2. Voyez cependant contra décision et revision, 22 juin 1881.

ni DEUXIÈME PARTIE.

Nous verrons, du reste, que la question a été trancbée dans ce scûs devant les tribunaux maritimes, lorsque nous étudierons la pro- vocation adressée par un inférieur appartenant à l'armée de mer.

2" QUKSTiox. Est-il néoeBaaira, pour que la provocation de llnférlour constitue un outrage, que le supérieur se soit tenu, rela- tive^nent à l'aote qui l'a motivée, dans la limite de ses pouvoirs, dans rezaote application des règles auxquelles la loi on les règle- ments militaires ont soumis son action?

L.a solution négative, qui est généralement admise pour l'appii- cation des articles 222 et suivauts du Code pénal ordinaire, noas semble devoir l'être également pour celle de l'article a2Ii du code de justice militaire. Elle ressort des principes sur la subordination, sur Ics fautes contre la discipline, sur le droit de punir, sur les récla- mations, etc., principes gui sont formulés dans le décret du 28 dé- cembre 1883. et aussi d'un arrôt trt>s important de la Cour de cassa- lion, rapporté par la Gazelle i/t* Tribunaux dans son numéro du l"ianvierl887.

3* <ii ESTiOS. Pour que la provocation de llnfirleor oonatltae un outrage, est-il néoessaire que le supérieur soit en uniforme?

La solution doit élre négative.

Le port de l'habit bourgeois ne suffit pas pour soustraire l'infé- rieur aux pénalités de l'article 22k, s'il a eu connaissance de la qua- lité de son adversaire '.

h' oiB^Tios. L'inférieur qui demande réparation à un supé- rieur peut-il se prévaloir d'uno sorte de compensation entre l'oSenae qnll a easoyée et le cartel qu'il a adressé ?

Peut-elle lui servir d'excuse ou de circonstances atténaantes?

Non, car aux termes de l'article 65 du Code pénal ordinaire, dont les dispositions sont applicables devant les conseils de gaerre en vertu de l'article 202 da code de justice militaire, « nnl crime, nul délit ne peut être excuse, ni la peine mitigée que dans les c^ et dans les circonstances la loi déclare le fait excusable ou per- met de lai appliquer une peine moins rigoureuse ■.

Or l'article S2fi du code de josUce militaire est mael snr ces deox points.

Le législateur s'est contenté de graduer les peines. 11 en résulte que, suivant le degré de culpabilité, les juges peuvent appliquer le minimum ou le maiimam, ou une peine intermédiaire, mais sont oblig- . -ï' : : I- ' - imites qui leur sont posées.

Du i-iéaie, k priui:ipe <}a cette matière est que les circonstances

I. VtijtaOtXk»tJmriipnÈime*9iKiirak, V* Prcst, 0»tngt,m*&ô.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 297

atténuantes ne peuvent être appliquées que pour crimes ou délits de droit commun (vol, pillage, etc.). La loi les rejette pour tous crimes ou délits militaires proprement dits (insubordination, rébel- lion, etc.).*

5^ QUESTION. En supposant que, pour on motif qaeloonqne, la provocation en duel adressée par un inférieur échappe à la sanc- tion de l'article 224 du code de justice militaire, peut-elle motiver une peine disciplinaire comme faute contre la subordination?

L'affirmative ne nous parait pas contestable.

En effet, aux termes de l'article 271 du code de justice militaire, les infractions contre la discipline sont laissées à la répression de Tautorité supérieure, qui est armée en outre du droit d'infliger cer- taines punitions dont la nature est déterminée par le décret du 28 décembre 1883.

B. L'INFÉRIEUR QUI ADRESSE LA PROVOCATION FAIT PARTIE DE LA RÉSERVE DE L'ARMÉE ACTIVE

OU DE L'ARMÉE TERRITORIALE.

Sa situation varie suivant qu'il se trouvait ou ne se trouvait pas sous les drapeaux au moment de cette provocation. Elle doit être examinée dans chacune de ces hypothèses.

l'*^ ESPÈCE. L'inférieur se trouvait sous les drapeaux.

Tout ce que nous venons de dire relativement au militaire de l'armée active lui est applicable.

En effet, aux termes de l'article 52 de la loi du 15 juillet 1889 : « Sous les drapeaux, les hommes de la réserve et de l'armée territo- riale sont soumis à toutes les obligations imposées aux militaires de l'armée active par les lois et règlements en vigueur.

«c Ils sont justiciables des tribunaux militaires en temps de paix comme en temps de guerre :

« En cas de mobilisation, à partir du jour de leur appel à l'aclivité, jusqu'à celui ils sont renvoyés dans leurs foyers-,

« 2^ Hors le cas de mobilisation, lorsqu'ils sont convoqués pour des manœuvres, exercices ou revues, depuis l'instant de leur réu- nion en détachement pour rejoindre, ou de leur arrivée à destina- tion s'ils rejoignent isolément, jusqu'au jour ils seront renvoyés dans leurs foyers ;

1. Voyez Exposé des motifs du code de justice militaire, Pradier-Fodéré, pages 271 et suiv.

'jk,'^*.**».-. _

S98 DEUXIÈME PARTIE.

« 3' Lorsqu'ils sont placés daos les liûpitaui militaires on dans les salles des hôpitaux civils affectés aux militaires, et lorsqu'ils voyagent comme militaires sous la conduite de la force publique, qu'ils se trouvent déteuus dans les établissements, prisons et péni- tenciers militaires, ou qu'ils subissent dans un corps de troupe une peine disciplinaire.

Toutefois, des circonstances atti^nuantes pourront être accor- dées, alors même que le code militaire n'en prévoit pas, aui hommes qui, n'ayaul pas trois mois de présence sous les drapeaux, se trou- veront dans l'une des positions indiquées aux paragraphes 2" et 3' ci-dessus, »

-2' ESPÈCE. L'inférieur ne se trouvait pas sous les drapeaux au moment il a provoqué le supérieur.

Sa situation varie suivant qu'il était ou n'était pas révolu d'effets d'uniforme, et doit être examinée relativement à chacune de ces

hypothèses.

1" CAS. Le HÉSERVISTE OU LE TEniilTOBl AL ÉTAIT BEVÊTII

d'effets d'uniforme.

II devient justiciable des tribunaux militaires, conformément aux dispositions de l'arlicle 53 de la loi de 1S80. Aucun doute sur ce point.

Il n'fii est plus de mi^me sur celui de savoir quelle sanction devra ùin- appJigut-e. La provocation tombera-t-elle sous le coup de l'article 224 dn oode dejustioe militaire, on eera-t-elle régie par l'artiole 224 du tableau D annexé à la loi du IS juillet 1889 ?

La question est controversée.

Le lecteur saisira facilement l'intérêt qu'elle peut offrir en con- sidérant que l'article 22^ du tableau D ne regarde le fait incriminé comme ayant eu lieu à l'occasion du service que s'il est le résultat d'une vengeance contre un acte d'autorité légalement exercé, et n'applique le deuxième paragraphe de l'article 224 du code de jus- tice militaire que dans le cas oii l'inférieur et le supérieur seraient l'un et l'autre revêtus d'effets d'uniforme ; double condition très favorable au subordonné, et qui ne se rencontre pas dans les dispo- sitions de l'article 22k du code de justice militaire. Elle a, en outre, de l'importance relativement à l'admission des circonstances atté- nuantes.

Les partisans du système qui n'admet pas l'application de l'article 22li, tableau D, mais bien l'application de l'article 22I| du code de j ustice militaire, s'appuient sur les articles 7 et 12, et princî- -

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 299

paiement sur le paragraphe 1* de Tarticle 17 de la loi du 18 novembre 1875; sur une circulaire ministérielle du 18 février 1876, relative à l'application de la loi précédente ; sur la discussion devant les Chambres, sur les travaux de la commission, et enfin sur l'article 53 de la loi du 15 juillet 1889 qui reproduit les articles précédemment cités et considère le réserviste ou le territorial revêtu d'effets d'uni- forme, en dehors de sa présence sous les drapeaux, comme un mili- taire en congé. Ils font observer que Tarticle 57 in fine de la même loi consacre cette assimilation.

Les partisans du système qui admet l'application de l'article 224. tableau D, soutiennent que le texte de l'article 12 de la loi de 1875, n*ayant pas été reproduit par l'article 53 de la loi de 1889, n'a plus aucune valeur, et que, du reste, Tarticle 53 est spécial aux marques extérieures de respect prescrites par les règlements militaires.

D'après eux, les expressions u sont considérés sous tous les rap- ports comme des militaires en congé » ne s'appliquent qu'à l'obser- vation des devoirs de déférence et de respect, et non aux délits que les réservistes et les territoriaux peuvent commettre lorsque, ne se trouvant pas sous les drapeaux, ils sont revêtus d'effets d'uniforme. D'après cette opinion, la compétence est réglée à leur égard par l'article 57 de la loi de 1889.

Une troisième opinion combine les deux systèmes.

Suivant elle, les hommes de la réserve et de l'armée territoriale non présents sous les drapeaux et revêtus d'effets d'uniforme sont très justement assimilés aux militaires en congé.

Il ne faut pas confondre, en effet, les deux membres de phrase qui composent le texte de l'article 53 de la loi de 1889. Le premier est spécial aux marques de respect; le second est général et com- prend tous les actes que les réservistes et les territoriaux revêtus d'effets d'uniforme peuvent commettre en dehors de leur présence sous les drapeaux.

Comme les militaires en congé de l'armée active, c'est en vertu de l'article 57 du code de justice militaire qu'ils sont renvoyés devant les conseils de guerre, et non en vertu de l'article 57 de la loi de 1889, qui demeure spécial à ceux qui se sont livrés aux mêmes actes alors qu'ils étaient revêtus d'effets civils.

La sanction dont ils sont passibles est celle des articles 224 du code de justice militaire, et 224 du tableau D annexé à la loi de 1889 combinés.

D'après cette troisième opinion, le paragraphe l*'de l'article 224 du code de justice militaire est applicable :

^r'.^,-u

300 DEUXIÈME PARTIE.

1^ A la provocation adressée par eux pendant le service, car l'article 224, tableau D, ne prévoit pas cette hypothèse ;

2"" A la provocation adressée par eux à l'occasion du service. Le paragraphe 1'''' de l'article 22i!i, tableau D, est spécial aux outrages adressés par les réservistes ou les territoriaux renvoyés dans leurs foyers et non revêtus d'uniforme.

Les partisans du troisième système font remarquer que, comme ce dernier paragraphe apporte un notable adoucissement à la rigueur de l'article 224 du code de justice militaire, il serait irrationnel de rappliquer à l'espèce qui nous occupe, car l'acte de s'être mis en uniforme pour adresser une provocation à un supérieur constitue une circonstance aggravante qui ne permet pas de le ranger dans la même catégorie.

Mais, si la provocation est adressée en dehors du service et sans avoir le service pour cause, l'application du deuxième paragraphe de l'article 224 n'est faite que sous réserve des dispositions spéciales indiquées au deuxième paragraphe de l'article 224, tableau D, c'est-à-dire dans le cas a le supérieur et l'inférieur auraient été Vun et l'autre revêtus d'effets d'uniforme au moment de la provoca^ tion>K

Remarquons, en ce qui concerne l'application des articles pré- cédents aux réservistes et aux territoriaux rentrés dans la vie civile» mais revêtus d'effets d'uniforme, qu'il n'y a pas à s'occuper du laps de temps depuis lequel ils ne sont plus sous les drapeaux. Cette condition est spéciale au cas oCi ils sont revêtus d'effets civils.

Se serait-il écoulé six mois, un an, deux ans même, depuis qu'ils ont été renvoyés dans leurs foyers, s'ils se rendent coupables d'une provocation outrageante envers un supérieur, ils peuvent être traduits devant les tribunaux militaires.

En parlant de l'intérêt offert par la question que nous venons de traiter, nous avons dit qu'elle touchait à un point important : celui de Tadmission des circonstances atténuantes.

En effet, si la provocation adressée à un supérieur par un réser- viste ou un territorial non présent sous les drapeaux, mais revêtu d'effets d'uniforme, tombe sous le coup de l'article 224 du code de justice militaire, comme cet article est muet sur les circonstances atténuantes, et comme le dernier paragraphe de l'article 17 delà loi du 18 novembre 1875 n'a pas été reproduit par celle de 1889, il est impossible d'en accorder sans violer l'article 65 du Gode pénal qui est applicable devant les tribunaux militaires, en vertu de l'ar- ticle 202 du code de justice militaire.

Au contraire, si la provocation tombe sous le coup de l'ar-

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 304

ticle 224, tableau D, il peut être accordé, aux termes de l'article 79 de la loi de 1889, des circonstances atténuantes, alors même que le code de justice militaire n'en prévoit pas, aux hommes ayant moins de trois mois de présence sous les drapeaux. Cet adoucissement à la rigueur des dispositions pénales se produit en temps de paix seulement, car en temps de guerre il n'y a jamais lieu à Tapplica- tion des circonstances atténuantes.

D'après le troisième système, si la provocation a été adressée pendant le service ou à l'occasion du service, il ne peut être ques- tion de circonstances atténuantes. Il peut au contraire en être accordé si elle a eu lieu en dehors du service et sans avoir le ser- vice pour cause.

Nous devons, pour être juste, reconnaître qu'en ce qui touche la question des circonstances atténuantes, le troisième système produit des résultats singuliers, puisqu'il prive de toute atténuation dans la peine le réserviste ou le territorial qui, non présent sous les drapeaux, mais revêtu d'effets d'uniforme, adresse une provocation à un supérieur pendant le service ou à Toccasion du service, tandis que le dernier paragraphe de l'article 52 de la loi de 1889 en accorde aux hommes qui, ayant moins de trois mois de présence sous les drapeaux, se trouvent dans l'une des positions indiquées aux paragraphes 2 et 3, c'est-à-dire qui sont convoqués pour des ma- nœuvres, exercices ou revues, placés dans les hôpitaux, etc., etc.

Il y a une anomalie qu'il importe de signaler.

Terminons ce qui concerne Thypothèse que nous venons d'étu- dier en déterminant le sens des expressions a effets d'uniforme » employées par l'article 53 de la loi de 1889.

Le législateur a entendu parler non pas de l'uniforme propre- ment dit, mais bien de l'un des effets composant l'uniforme et per- mettant de considérer celui qui en est revêtu comme appartenant à l'armée ^

2* CAS. Le réserviste ou le territorial avait été renvoyé

DANS ses foyers, ET n'ÉTAIT PAS REVÊTU D'EFFETS d'uNI-

forme au moment de la provocation.

Leur situation doit être examinée au double point de vue de la juridiction compétente et de la pénalité applicable.

Elle est réglée par l'article 57 de la loi du 15 juillet 1889 et l'article 224 du tableau D annexé à ladite loi.

!• Voyez circulaire ministérielb relative à Tapplicatioû de la loi du 18 novembre lS75b

.3M DEDXIËHE PARTIS.

L'article 57 est ainsi conçu : « Les hommes de la réserve 6e l'année active, de l'armée territoriale ou sa réserve, sont jiuli- ciables des tribananx militaires en temps de paix comme en taoj/i de ^erre, pour les crimes et délits préros et punis par les articles du code de justice militaire énamérés dans le tableau D annexé à la présente loi, lorsque, après aroir été appelés sous les drapeaBx,ili ont été renroféii dans leurs foyers.

« L'application de ces articles est Jàite aux Ineolpés soasréMne des dispositions spéciales indiquées au tableau.

Toutefois, les hommes appartenant A l'armée territoriale on i -la réserve de cette armée ne sont plus justiciables des tribunaux militaires en temps de paix, pour les crimes et délits prévus parles deux paragraphes précédents, lorsqu'ils ont été renvoyés dans lenn foyers depuis plus de six mois, à moins que, au moment oii les fidti incriminés ont été commis, les délinquants fussent revêtus d'elle d'uniforme. »

L'article 22li du code de justice militaire, livre IV, titre II, appli- cable dans les cas prévus par les articles 57 et 79 de la loi du 15 joit- let 1889, tableau D, est ainsi conçu :

a Pour l'application du premier par^raphe de cet article, la fait incriminé ne sera considéré comme ayant eu lieu & l'occasiOD du service que s'il est le résultat d'une vengeance contre un ade d'autorité légalement exercé.

« Le deuxième paragraphe de ces mêmes articles ne sera appli- cable que dans le cas le supérieur et l'inférieur seraient l'un et l'antre revêtus d'effets d'uniforme. »

Des termes de l'article 57, combiniis arec ceux de l'article 22in tableau D, 11 résulte :

Que pour motiver l'application du paragraphe premier i^ l'arlidij 224 du tableau D, il faut que les circonstances qui or^ précédé ou accompagné la provocation soient de nature à Ic:^ donner le caractère bien marqué d'un délit îDlenlioDocllemei^ accompli contre le devoir militaire, et dont la répression par Ic^ conseils de guerre importe essentiellement à la discipline. Il fan -^ que les juges reconnaissent que le fait incriminé a eu pour origine le désir de se venger d'un acte d'autorité légalement exercé.

Tel serait le cas un supérieur commanderait à l'un de se^ subordonnés un service que ce dernier exécuterait imparfaitement^ et 6 raison de quoi il le punirait.

une fois rentré dans ses foyers l'inférieur non revêtu d'effets- d'aniforme lui adresse un cartel motivé par la punition, les juges auront à rechercher non plus seulement si l'inférieur a été poussé

HESPONSABILITÉ PÉNALE. 303

à provoquer son supérieur par le souvenir du service, comme lorsqu'ils se trouvent en présence d*un militaire de Tarmée active, mais encore s*il n'y a pas eu illégalité commise par le supérieur.

2"" Que la provocation adressée pendant le service tombe sous le coup de l'article 224 du code de justice militaire, paragraphe pre- mier, sans qu'il faille pour cela qu'elle soit le résultat d*une ven- geance contre un*acte d'autorité légalement exercé.

En effet, l'article 224, tableau D, paragraphe premier, ne subor- donne Texistence de Toutrage à cette condition que si le fait a eu lieu à l'occasion du service.

3<> Que si un homme de la réserve de l'armée active renvoyé dans ses foyers, et non revêtu d'effets d'uniforme, adresse à un supérieur une provocation pouvant être considérée comme une ven- geance contre un acte d'autorité légalement exercé, il est justiciable des tribunaux militaires quel que soit le laps de temps écoulé depuis son renvoi dans ses foyers; tandis que l'homme de l'armée territo- riale qui se livre au même acte n'en est justiciable que si la provoca- tion s'est produite dans les six mois qui ont suivi ce renvoi. Ce délai écoulé, le territorial est rendu à la vie civile. Il peut demander à son supérieur toutes les réparations auxquelles il pense avoir droit, sans encourir la sanction de l'article 22i!i du code de justice militaire.

h'' Que si le réserviste, que si le territorial, avant les six mois écoulés, adressent alors qu'ils sont revêtus d'effets civils une provo- cation en dehors du service, et qui n'a pas le service pour cause, à un supérieur en uniforme, ils ne commettent pas un outrage ; car aux termes de l'article 224, tableau D, il faut, pour entraîner l'application du paragraphe 2 de l'article 224 du code de justice militaire que le supérieur et l'inférieur soient tous deux revêtus d'effets d'uniforme.

On voit combien ces conditions élargissent le champ des répa- rations que l'inférieur peut demander sans encourir les pénalités sévères qui l'atteindraient s'il faisait partie de l'armée active.

Pour mieux le faire comprendre, nous allons résumer les cas les hommes de la réserve et de l'armée territoriale, non revêtus d'effets d'uniforme et renvoyés dans leurs foyers, peuvent (en temps du paix) adresser à un supérieur une provocation sans encourir la sanction de l'article 224 du code de justice militaire, applicable sous réserve des dispositions spéciales indiquées au tableau D annexé à la loi du 15 juillet 1889.

Les hommes de la réserve de Varmée active^ les hommes de Varmée territoriale et de la réserve de cette armée (pendant lès six mois qui suivent leur renvoi dans leurs foyers) peuvent, en dehors

;/tf. -

I 301

DEUXIÈME PARTIE.

du service, demander réparation pour toutes les offenses étrangèrei au service et pour toutes celtes qui, bien qu'ayant le service peur cause, ne cùmmuniquetit pas à la provacation un caracti^re de cen- geance contre un acte d'autorité légalemeftt exercé.

A l'expiration des six mois, les hommes de l'armée territoriale et de la réeervede cette armée peuvent demander réparation de toutes les offenses qu'ils auront reçues, ces offenses seraient-elles retativei au service et susceptibles de communiquer à la provocation uncarac- tvre de vengeance contre un acte d'autorité légalement e.rercê.

Bienplus.cetteproTocalJon pourra ôtre conçue et transmise d'une façon moins correcte que dans les hypothèses que nous avons posées.

Mais si les hommes de la réserve et de la territoriale éviteDl la sanction des articles précités, ils De sont pas à l'abri des puuîlioDS disciplinaires que les règlements permettent h lautoriié militaire d'ioiliger'.

Lorsque la provocation émane de réservistes ou dp territoriaui officiers, ils peuvent encourir la destitution, conformémeDt aux dispositions de i'arliclc 7 du décret du 31 août 1878 '.

En effet, aux termes de cet article, si les infractions reprochées à un des officiers n'ont pas un caractère de gravité suffisant pour l'amener devant les tribunaux militaires, la révocation peut être prononcée contre lui par décret du président de la République, sur avis conforme d'un conseil d'enquéle : « Pour faute grave dans le service et contre la discipline. " (Paragraphe ïj.)

u Si, eu deiioi's de la période d'activité, il adresse à un de ses supérieurs (militaires), ou publie coutre lui un écrit injurieux, ou commet envers l'un deux un acte offensant. » (Paragraphe 7.)

Le paragraphe k nous semble notamment devoir être appliqué à la provocation couçue en termes polis et mesurés, adressée en dehors du service par un officier de l'armée territoriale non revêtu d'effets d'uniforme et renvoyé dans ses foyers depuis plus de six mois, à un supérieur à. l'occasion de service et dans un but de vengeance contre un acte d'autorité légalement exercé.

En effet, le motif de la provocation étant une rancune de ser- vice, il y a insubordination et faute grave contre la discipline.

Mats si la provocation a été motivée par une raison étrangère au service, il ne saurait, croyons-nous, en être do même, car en demandant réparation en dehors du service pour une affaire privée.

1. Voyez décret du 3S décembre tSS3 (PunU[ons). Droit de punir lors de la réDDion de l'armée territoriale, Instruction ministérielle du 32 man 1SS6, pago 4ii. 9. Voyei Dftilot, kiin6e 1879, i* ptrtie, page 5.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 305

rinfériear agit comme civil, comme simple citoyen et non plus comme militaire.

Le paragraphe 7 pourra être applicable à toute provocation inconvenante dans sa forme ou dans son mode de transmission, quel que soit d'ailleurs le motif qui l'a dictée, serait-il même absolu- ment privé.

On voit quel intérêt peut avoir l'officier de la réserve ou de l'armée territoriale qui veut demander réparation à un supérieur, à rédiger son cartel avec convenance'et à le transmettre de même.

Les témoins devront se pénétrer de cette situation et garder toujours une attitude correcte, ce qui ne les empêchera pas, du reste, de remplir leur mission avec toute Ténergie requise.

Nous n'ignorons pas que cette extension du paragraphe 7 à la provocation injurieuse motivée par une raison d'ordre privé est controversée, et que, d'après beaucoup de militaires, son applica- tion est limitée à Toutrage dicté par une rancune de service.

Nous n'admettons pas cette interprétation, en présence des termes généraux de l'article 7, qui ne fait aucune distinction entre la nature des actes offensants ou des écrits injurieux.

Le vague des expressions est intentionnel. Elles ont pour mis- sion de réprimer non seulement les fautes contre la discipline mili- taire, mais encore de maintenir entre hommes qui peuvent être de condition sociale très différente, mais qui sont placés sur un pied d'égalité par l'uniforme qu'ils portent, les règles de la courtoisie et de la bonne éducation qui doivent être l'apanage de tout officier français et lui constituer une respectabilité indiscutable.

11 faut y voir une obligation qui naît de la qualité d'officier, et qui vient s'ajouter à toutes celles qui lui sont déjà imposées par le même décret.

Si le réserviste ou le territorial non officier en est déchargé, c'est qu'il n'appartient pas à cette catégorie de militaires.

A qualité supérieure, obligations majeures. Rien de plus juste et de plus rationnel.

HYPOTHÈSE.

Le militaire qui adresse la provocation est un supérieur.

Le supérieur qui provoque son inférieur ne commet pas un outrage, mais il viole les règles de la discipline en recourant, pour vider son différend, à un moyen qui suppose l'égalité du grade.

20

306 DEUXIÈME PARTIE.

Si lesupérieurappartient à l'armée active, la faute esisle, qnelle que soit l'origiDC du différend. Si le motif de la provocatioD est relatif au service, elle est plus grave que si le motif est relatif à Ja vie privée, mais, dans ce dernier cas même, elle subsiste.

La sauctioD cousistera en une des peines disciplinaires déter- minées par l'article 271 du code de justice militaire et le décret du 28 décembre 1883.

Dans l'exemple rapporté au n' 105 de l'appendice (ordre du jour du ministre de la guerre, Gazette des Tribunaux du 3 février 1838), nous voyons que le chef d'escadrons qui provoqua un capi- taine fut mis en retrait d'emploi.

Le supérieur apparlient-il à la réserve ou à l'armée territoriale, il faut distinguer (rois cas ;

1" Celui il était présent sous les drapeaux au moment de la provocation ;

2" Celui il était renvoyé dans ses foyers, mais se trouvait en uniforme ;

3" Celui où, renvoyé dans ses foyers, il n'était pas revêtu d'elTets d'uniforme.

Dans les deux premiers cas, ce que nous avons dit du supérieur de l'armée active peut lui être appliqué, puisqu'aux termes de l'article 52 de la toi du 15 juillet 1889, sous les drapeaux il est soumis à toutes les obligations des militaires de son grade appar- tenant â l'armée active, et puisqu'aui termes de l'article 53, iinilem, il est considéré comme un militaire en congé lorsque étant reoToyé dans ses foyers il revêt un effet d'uniforme.

Dans le troisième cas, il faut examiner si la provocation est relative ou étrangère au service.

Relative au service, elle peut entraîner une peine disciplinaire.

Étrangère au service et adressée en dehors du service, elle nous paraît devoir y échapper, car, en adressant sa provocation S pareil moment et pour semblable motif, le supérieur agit comme civil et QQO plus comme militaire.

HYPOTHÈSE.

Le supérieur accepte la provocation de l'inférieur.

Même distinction que dans l'hypothèse actuelle et mêmes solu- tions. Toutes les fois que le supérieur, pouvant se servir de l'auto- rité dont il est armé par la loi, ne le fera pas et condescendra à

RESPONSABILITÉ PÉNALE. m

répondre à l'appel de rinférieur, il commettra xine f^ate contre la discipline et pourra être frappé d'une peine disciplinaire. Cette solution ressort des termes de Tordre du jour du ministre de la guerre, en date du 11 juin 1835, rapporté au n<> 105 de Tappendice.

Il* HYPOTHÈSE.

L'inférieur accepte la provocation.

Toutes les fois que le supérieur commet une faute en adressant ta provocation, l'inférieur en commet une en l'acceptant, mais nous croyons que Tobéissance passive qui lui est imposée doit militer en sa faveur et lui servir de circonstance atténuante.

Témoins.

Examinons maintenant la situation faite aa militaire qui, étant d'un grade inférieur à la personne provoquée, lui transmet le cartel d'un subordonné, ou, pour mieux nous faire comprendre, quelle serait par exemple la situation faite à un lieutenant qui, au nom d'un camarade du même grade, demanderait réparation à un capitaine.

11 faut distinguer.

Faisait-il partie de l'armée active an moment de la provocation ?

L'article 202 du code de justice militaire, qui rend applicables les articles 59 et 60 du Gode pénal ordinaire, permet d'atteindre ce témoin comme complice. Il est passible de la même peine que celle qui est édictée par la loi contre l'infraction commise par l'auteur principal.

Mais si cette assimilation du témoin au complice est rendue possible en vertu de Tarticle 202 du code de justice militaire, elle n'est pas obligatoire. L'autorité militaire peut sévir discipli- nairement pour faute contre la discipline, sans avoir recours â une incrimination susceptible de produire des résultats dispropor- tionnés avec la gravité de l'infraction, puisque l'article 224 ne prévoit pas de circonstances atténuantes.

C'est ce qui arriva dans l'affaire qui donna lieu à Tordre du jour rapporté au n" 104 de l'appendice.

L'inférieur fut traduit devant un conseil de guerre, mais les témoins ne l'y suivirent pas et subirent seulement quinze jours d'arrêt.

Le témoin était-il réserviste? territorial? sous les drapeaux? renvoyé dans ses foyers, mais revêtu d'effets d'uniforme ? Ce que

308 DEUXIÈME PARTIE.

Dous avons dit relatîTement au militaire de l'armée active peut loi élre appliqué.

Élait-il réserriste î territorial renvoyé dans ses foyers, mais dod revêtu d'effets d'uniforme î Sa situation est raodiliée par les arti- cles 57 de la loi du 15 juillet 1889. et 22i, tableau D, dans le scds que nous avons indiqué précédemment pour ce qui concerne l'io- férieur qui adresse une provocation dans les mêmes conditions.

Influence de la rétrogradation volontaire ou forcée, de la cassation, de la mise en non-activité, de la mise en réforme, de la retraite, de la démisaion des adversaires, sur les conséquences de la provocation.

Rétrogradation volontaire ou forcée. Cassation.

La rétrogradation volontaire ou forcée des adjudants et des sous-ofûciers, leur cassatiou, la cassation des brigadiers ou capo- raux, la remise volonlairE> du grade peuvent rétablir l'égalité hiérarchique entre les adversaires et permettre à l'offensé de demander une réparation qui l'aurait ciposé sans cela aux rigueurs de la loi militaire.

Non-activité.

L'état de non-activité, c'est-à-dire Icxclusion temporaire dn ser- vice où est placé l'ofûcier par sa suspension ou retrait d'emploi, ne change rien aux conséquences de la provocation qui lui est adressée oaquiest adressée par lui, car, pendant lanon-activité, ilresleson- rais à toutes les règles de la discipline et de la subordination'.

Réforme.

L'offlcier en réforme est libéré des obligations de l'état d'acti- vité et de non-activité.

Il ne fait plus partie de l'armée.

La provocation adressée par un ofûcier réformé à un supérieur en activité ne saurait, en aucun cas, tomber sous le coup de la législation pénale militaire, mais elle peut tomber, suivant les cir- constances, sous le coup de la loi du 29 juillet 1S81 ou de l'article 22h ou 225 du Code pénal >.

1. Voyez décret du 38 décembre 1883, mise ea aoa-telUM ou ea réforme des ofTiciers, et loi du 19 18ït aur l'élat des onTiciera.

2. Voyoi Alger, 2i mura 1877. Dalloi, année 1878, parfio, p»ee2M. (Ju- satiuD, 21 mai 1873, ibidem, Moie 1871, ]" partie, page 183.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 309

La provocation adressée par un militaire en activité de service à un ex-officier qui était de grade supérieur au sien avant que la réforme ne fût prononcée ne peut produire un résultat différent de rhypothèse précédente, car Toutrage visé par Tarticle 224 du code de justice militaire est une infraction purement militaire, supposant la présence de deux militaires de grades inégaux au moment elle a eu lieu.

Retraite.

La retraite produit les mêmes résultats que la réforme. Le militaire retraité cesse d'appartenir à Tarmée *.

Cependant les officiers ou assimilés qui restent après leur mise en retraite à la disposition du ministre de la guerre demeurent soumis, pendant tout ce temps, aux lois et règlements militaires sur la réserve et l'armée territoriale *.

Démission.

Les résultats de la démission sont plus complexes que ceux de la réforme et de la retraite.

Observons d'abord que la démission n'a d'effet que lorsqu'elle est acceptée. Tant que la notification de son acceptation n'est pas parvenue au démissionnaire» il reste soumis à toutes les obligations qui lui incombaient avant d'avoir envoyé sa démission K

On comprend l'intérêt que peut avoir l'officier qui veut démissionner à dissimuler le véritable motif qui lui fait prendre cette décision. Il est évident que, si l'autorité soupçonne que c'est pour se battre impunément avec un supérieur» elle ne l'acceptera pas.

Il ne faut pas croire que la démission, même acceptée, ait pour effet d'exonérer toujours celui qui la donne des obligations qui lui incombaient auparavant, et de le rendre d'une manière absolue à la vie civile.

Pour qu'il en soit ainsi, il faut qu'il ait satisfait aux prescrip- tions de l'article 37 de la loi du 15 juillet 1889 et accompli les vingt-cinq années de service militaire que tout Français doit faire dans l'armée active, la réserve de l'armée active, dans l'armée terri- toriale et dans la réserve de cette armée.

1. Voyez loi du 19 mai 1834 sur l'état des officiers.

2. Voyez loi du 22 Juin 1878.

3. Voyez Cassation, 30 août 1855., Dalloz, année 1855, 1" partie, page 415. Cassation, Gazette des Tribunaux^ n<> du 19 novembre 1885. Dalloz, Jurisprudence générale, Organisation militaire, n»* 1S3 et 849.

910 DEUXIEME PAIlTIE.

S'il n'y â pas satisfait complèiement lorsqu'il donne sa démis- sion, cet acte n'a d'autre effet que de lui faire perdre le grade qu'il occupait auparavant, cl de le faire rentrercomme simple soldat dans les rangs de l'une ou l'autre de ces armées, suivant le laps de ser- vice militaire qui lui reste à accomplir.

Dans certain cas, l'ofûcier démissionnaire peut obtenir, il est vrai, de renirer dans la réserve ou l'armée territoriale avec le grade qu'il occupait auparavant ; mais comme cette mesure dcpend unique- ment du bon plaisir ministériel, noua no nous en occuperons pas.

On voit que la démission d'un officier, même acceptée, n'a pas loujours pour effet de lui permettre d'adresser impunément une provocation à un supérieur.

Dans certains cas elle lui est non seulement inutile, mais rend sa condition pire. Si, par exemple, un oflicier de l'armée active n'a pas accompli, au moment oi!i il donne sa démission, le laps de temps pendant lequel il doit faire partie de la réserve de l'armée active, et s'il veut adresser une provocation motivée par un acte (l'autorité légalement exercé par le supérieur, comme il est descendu an rang des simples soldats, il encourt les travaux publics au lieu d'encourir l'emprisonnement dont il aurait simplement été passible avant d'avoir cessé d'être officier'.

Mais il a inlérét à la donner si. bien que relative au service, la provocation ne présente pas le caractère d'une vengeance contre un acte d'autorité légalement exercé, ou si elle n'a pas le service pour cause, h condition, bien entendu, d'ûlre adressée en dehors du ser- vice et en costume civil.

Si l'officier a accompli le laps de temps pendant lequel il doit faire partie de la réserve de l'armée active, il peut, au contraire, être intéressé adonner sa démission i car, en laissant écouler le délai de six mois porté au paragraphe 3 de l'article 57 de la loi du 15 juillet 1889, il peut demander réparation de toutes les offenses qu'il aura repues, quand bien même elles communiqueraient à la provocation le caractère d'une vengeance contre un acte d'aulorité l^lement exercé, sans avoir à redouter la sanction de l'article 22lt du code de justice militaire, même modifié par le tableau D, annexé à la loi de 1889.

L'inférieur est, par contre, toujours intéressé à ce que le supé- rieur auquel il veut demander réparation donne sa démission, car, cette démission une fois acceptée, il devient à son tour supérieur ou égal de son adversaire, et ne commet plus d'outrage en le. pro- voquant.

1. Arlicle 2!4, code dejaitice militaire, p&ragraphe i".

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 3H

Nous avons vu (hypothèse U) qu'il peut, à la-vérité, encourir une punition disciplinaire, mais comme la gravité de cette puni- tion est minime en comparaison de celle de l'article 224, nous ne saurions admettre que la crainte d'y être, exposé soit de nature à Tempécher de demander réparation pour une offense considérable.

Nous terminerons ce qui concerne les effets de la démission en signalant une erreur commise par un grand nombre de mili- taires. Ils croient que les officiers dont la démission est acceptée demeurent (même slls ont accompli le temps de service fixé par la loi du 15 juillet 1889), pendant cinq ans suivant les uns, un an et un jour suivant les autres, assujettis aux dispositions du code de justice militaire pour les provocations qu'ils adresseraient à un supérieur relativement au service.

C'est inexact. Ils rentrent complètement dans la vie civile.

On a confondre les dispositions de la loi française et celle du code militaire belge, qui contient, en effet, cette prohibition.

Plainte.

La seule voie que les règlements ouvrent au militaire offensé par un supérieur, pour obtenir réparation, est celle de la plainte par voie hiérarchique à l'autorité supérieure, qui est omnipotente pour décider quelle suite il convient d'y donner.

Il existe, en effet, un principe qui protège Finférieur contre les brutalités, injures et autres offenses graves du supérieur; c'est le principe même de la discipline.

Le mot discipline ne signifie pas seulement subordination , mais rapports du commandement et de Tobéissance, qui ont des devoirs réciproques.

Les principes généraux placés en tête du décret du 28 dé- cembre 1883 le disent formellement.

« Si l'intérêt du service demande que la discipline soit ferme, il veut, en même temps, qu'elle soit paternelle. Toute rigueur qui n'est pas nécessitée, toute punition qui n'est pas déterminée par le règlement ou que ferait prononcer un sentiment autre que celui du devoir, tout acte, tout geste, tout propos outrageants d'un supé- rieur à un subordonné sont sévèrement interdits, n

Le sens général des termes employés montre que l'interdiction s'applique non seulement aux actes, propos, gestes, qui constituent une offense relative au service, mais encore à ceux qui se pro- duisent en dehors du service, et qui atteignent l'homme privé. A raison des uns et des autres, le droit de porter plainte existe pour l'inférieur, et le droit de punir pour l'autorité supérieure.

Mt DEUXIÈME PARTIE.

En se plaçant au point de vue de la juridiction du point d'bonneur, la plainte est un pis-alier dont l'inférieur offensé peut user lorsqu'il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour obtenir réparation par les armes.

Toutes les fois que le subordonné ne peut adresser une pro- vocation sans encourir la sanction eiceplionnellemeot rigoureuse de l'article 22/i du code de justice militaire, la voie de la plainte lui est ouverte, sans qu'il puisse être atteint par la mésestime dont est frappé le civil qui demande aux tribunaux justice de son offense, au lieu de se la rendre à lui-même.

Tel serait, par exemple, le cas un sous-lieutenant récem- ment sorti de Saint-Cyr recevrait de la part de son capitaine, en présence de la troupe, l'apostrophe suivante : « Comment, voua ne pouvez pas sauter cet obstacle I Mais vous êtes donc un lâche! un poltron ! t-a triste empiète que vient de faire l'escadron I »

En effet, comme le sous-lieulenant n'a pas terminé encore l'engagement qu'il avait contracté avant d'entrer ù l'école, comme il ne cesserait pas d'appartenir à l'armée active, même s'il donnait sa démission, il ne peut se trouver aucun militaire pour soutenir qu'en se plaignant il a contrevenu aux règles du point d'honneur. C'est le supérieur qu'on doit blâmer.

Il est impossible de déterminer par avance la mesure des tenta- tives que le subordonné devra faire avant de porter plainte, s'il veut écliapper au Jjlâme. C'est une question de fait.

On ne peut raisonnablement exiger qu'il dise au supérieur : « Accordez-moi réparation par les armes, sinon je porte plaintd, » car cette menace sous condition équivaudrait à une provocation.

Nous ne nous dissimulons pas que est le côté scabreux de la question : aussi rec ii m an dons- nous à l'inférieur la plus extrême prudence. '

Les témoins, arbitresou jurés d'honneur appelésà se prononcer sur la suffisance ou l'insuifisance des efforts faits par le subordonné ne devront pas perdre de vue les difficultés de sa situatioa et se montrer trop exigeants.

Il suffit que l'intention de recourir à la voie des armes ressorte clairement de l'instruction à laquelle ils se seront livrés, et que la plainte soit uniquement un pis aller.

Il peut se faire que l'acte qui donne lieu â la plainte de l'in- férieur constitue une faute contre la discipline ou contre l'honneur, et que le supérieur soit frappé d'une peine qui fasse disparaître l'inégalité du grade, la réforme par exemple. A la suite de cette ré- forme, l'inférieur ne peut lui demander réparation par les armes,

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 343

sans contrevenir à l'axiome posé en tête du chapitre ix : « Il n'est qu'une réparation pour une même offense », mais il en est autrement si le supérieur a été traduit d'office devant le conseil d'enquête et sans que l'inférieur ait porté plainte ^

Jury d'honneur.

Si Tinférieur offensé par un supérieur se trouve placé dans la condition de ne pouvoir ni lui adresser un cartel immédiat sans encourir les pénalités du code de justice militaire, ni attendre qu'une modification dans leur état lui permette de croiser le fer impunément avec lui, ni donner sa démission, ni adresser une plainte à l'autorité supérieure, la réunion d'un jury d'honneur pa- raît devoir s'imposer.

II semble naturel que l'inférieur demande à ses pairs et aux pairs de son antagoniste d'examiner quelle suite il convient de donner à l'affaire.

Il n'en est rien cependant, et ce mode de trancher les diffé- rends est inusité dans l'armée. Est-ce à dire que l'inférieur doive y renoncer complètement. Nous ne le croyons pas.

Souvent le supérieur lui-même sera intéressé à prendre l'ini- tiative d'une telle demande. L'affaire s'est ébruitée, il s'entend plus ou moins directement accuser d'avoir forfait à l'honneur. La froi- deur croissante de ses camarades lui montre que son inaction les étonne, et qu'ils sont disposés à croire au bien fondé de ce qu'on lui reproche. Que lui reste-t-il à faire, sinon à prier ses camarades de se constituer en une sorte de tribunal d'honneur, devant lequel chacun plaidera sa cause?

Supposons que, bien loin de prendre l'initiative de cette dé- marche, le supérieur refuse d'accepter la i^rr^'^osition qui lui en est faite par son subordonné. Supposons qu'en présence de cette fin de non-recevoir l'inférieur tienne aux égaux du supérieur le langage suivant :

«It.-i... m'a grièvement offensé. Après avoir enlevé ma sœur en lui promettant de l'épouser, il l'a abandonnée », ou bien « Il était mon ami et il a séduit ma femme.

tt Je ne puis lui adresser de cartel immédiat sans m'exposer à la sanction de l'article 22((. Je ne puis, étant donnée la nature de Toutrage, attendre qu'une modification dans notre position mili- taire réciproque me permette de me battre impunément avec lui.

1. Voyez chapilre xn, article 5.

3U DEUXIÈME PARTIE.

.< Je ne puis donner ma démission sans enlever le pain de mes enfante.

« Je ne puis porter plainte, car l'olïense que j'ai subie n'ayant aucun rapport avec les devoirs militaires, cette mesure feraildouler de mon courage, et rendrait caduc mon droit d'appel ultérieur.

1^ II refuse de donner sa démission.

« 11 refuse de soumettre l'afTaire à votre eiamen. Je vous te dénonce comme ayant forfait à l'honneur, et je viens vousdemander votre appui pour l'obliger ti ra'accorder la réparation qui m'est si bien due. »

Des militaires fran<;ais demeureront-ils sourds à cet appel d'un honnête homme, d'un camarade, qu'ils sentent poussiî à bout, dé- cidé à tout, même au scandale ?

Persisteront-ils dans une neutralité qui peut être interprétée comme une approbation tacite, et qui les rend quasi solidaires d'une vilaine action?

Nous ne saurions l'admettre.

Supposons qu'émus decette requête ils se décident à examiner la conduite de leur camarade. Vont-ils se constituer en une sorte de conseil d'enquête bénévole, agissant sous l'œil et avec l'assen- timent de l'autorité militaire ! Non, les règlements ne les regardent pas comme une juridiction. Ce sera en dehors de l'autorité qiiils se réuniront, instruiront l'affaire et se prononceront. Il en résulte que leur décision n'aura aucune valeur légale.

Ceci ne veut pas dire qu'elle demeurera snns effet. Le blânie qu'ils infligeront, bien que platonique en apparence, sera appuyé d'une sanction redoutable, la quarantaine, qui, une fois prononcée, suivra l'ofûcier qui en aura été frappé dans les corps il per- mutera, et le placera dans une position tellement délicate, que géné- ralement il aimera miens donner sa démission que de servir dans de pareilles conditions.

Du reste, la persistance d'une situation aussi exceptionnelle ne manquerait pas d'attirer l'attention de l'autorité, qui ferait compa- raître l'ofûcier mis ù l'index devant un conseil d'enquête, comme si l'offensé avait porté plainte.

Les égaux du supérieur qui se réunissent en jury d'honneur ne peuvent jamais lui intimer purement et simplement l'injonction de se battre avec le subordonné, car, militaires eux-mêmes, les membres qui composent ce jury ne peuvent engager d'autres mili- taires à commettre un acte violant la discipline.

Par contre, ils peuvent déclarer que le devoir du supérieur est de donner sa démission et d'accorder ensuite réparation par les armes à l'inférieur.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 315

La discipliDe ne met pas obstacle à ce qu'ils emploient tous les moyens dont ils disposent pour l'y contraindre.

Lorsque les camarades du supérieur se réunissent pour exami- ner sa conduite, ils ne commettent pas, à proprement parler, une faute contre la discipline, puisqu'ils sont tous égaux en grade avec lui. Ils commettent tout au plus un empiétement sur les droits de l'autorité supérieure, que les règlements militaires ne punissent pas plus qu'ils ne punissent, croyons-nous, la demande d'un jury d'hon- neur qui est adressée par l'inférieur.

Il faut en conclure que la dénonciation de l'acte offensant, faite aux égaux du supérieur pour qu'ils examinent si sa conduite n'est pas contraire à l'honneur, peut constituer un moyen efficace d'ob- tenir indirectement et par pression 'morale une réparation impos- sible à obtenir sans cela.

Cette dénonciation a en outre l'avantage de conserver intact le droit de l'offensé à porter plainte s'il n'obtient pas satisfaction, ou à demander ultérieurement réparation par les armes si le supérieur consent à donner sa démission.

Mais l'efficacité du moyen est subordonnée à plusieurs condi- tions.

Il faut d'abord que l'offense offre un caractère de gravité consi- dérable, et porte atteinte à l'homme privé bien plus qu'au militaire. S'il s'agissait d'une question de service, les égaux du supérieur ren- verraient le subordonné à se pourvoir devant qui de droit.

Nous avons déjà expliqué que les mœurs de l'armée considèrent les questions de service comme ressortissant exclusivement de la juridiction militaire, et la voie de la plainte comme étant, en pareil cas, très compatible avec le respect de l'uniforme et l'honneur du soldat.

Il faut ensuite que la dénonciation et la demande de jury d'honneur adressée aux égaux du supérieur émanent d'un homme énergique, sachant habilement tirer parti delà répulsion qu'éprou- vent bien des gens à voir la presse immiscée dans leurs affaires.

Il y parvient en leur faisant toucher du doigt la position sca- breuse dans laquelle ils se trouveraient, s'ils répondaient à sa de- mande par une fin de non-recevoir que le public regarderait comme une approbation, et qui les rendrait solidaires d'un acte déshonorant.

- - - ^v

DEUXIÈME PARTIE.

CHAPITRE LXIV

Provocation entre militaires de grades inégaux. Armée de mer.

Armée activk. I^ silnalion lîe l'inférieur qui provoque un supérieur est réglée par rarticle 302 du code de justice mariljme, aax termes duquel :

ic Tout marin, tout militaire embarqué, lout individu Taisant partie de l'équipage d'un bfitimeut de l'État, qui, soit à bord, soit pendant le service ou à l'occasion du service hors du bord, ou- trage son supérieur par paroles, gestes ou meuaces, est puni de cinq à dii ans de travaux publics, ou, s'il est officier, de la desti- tution avec emprisonnement de un an à cinq ans.

Il Si Toulrage n'a pas eu lieu dans l'un des cas indiqués par le paragrapbe précédent, la peine est de un an à cinq ans d'emprison- nement. n

^ous avons peu de choses â dire sur cet article, car les hypo- thèses qu'il prévoit sont les mêmes que celles prévues par l'ar- ticle 221 du code de justice militaire. Nous renvoyons donc le lec- teur à ce que nous avons écrit sur ce dernier article, notamment en ce qui touche:

A l'influence que peut avoir le grade surla griëveté de l'outrage.

Au sens des expressions: « de service m » à l'occasion du ser- vice ».

Mais nous ferons observer, relativement à ce dernier cas, que la rédaction de l'arlicle 302 a été calculée de manière à ce qu'à bord l'outrage à un supérieur soit toujours puni comme ayant en lieu en service'.

II en résulte que la provocation à lui adressée à bord tombe sons le coup du paragraphe premier de l'article 302, quand bien même elle serait complètement étrangère au service.

Partout ailleurs qu'à bord, la distinction entre l'outrage pen- dant le service ou à l'occasion du service doit être faite.

Nous renvoyons également le lecteur à ce que nous avons écrit touchant l'armée de terre : pour la question de savoir si la provo- cation par écrit bénéficie oui ou non du silence gardé par l'ar- ticle 302 sur les outrages par écrit ; pour la question du costume,

miDiitârielle da 35 juin 1858 relalire à l'applicttiOD dn coda

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 347

pour la possibilité d'une compensation entre ToiTense essuyée et la provocation, etc.

Nous ajouterons seulement, en ce qui touche aux outrages par écrit, qu'une circulaire ministérielle du 19 janvier 1880 insérée au Bulletin officiel de la marine, page U5, a tranché la question dans le sens rigoureux, et que les conseils de guerre de la marine ont plusieurs fois appliqué l'article 302 à des hommes coupables d'ou- trages par écrit. Le conseil de guerre de Brest en a fait notamment l'application à un sergent d'infanterie de marine passé depuis moins de six mois dans la réserve de l'armée territoriale.

Précisons maintenant les individus qui tombent sous le coup de Particle 302 du code de justice maritime.

Par Texpression « tout marin » employée audit article, la loi a entendu désigner les aspirants, les officiers, le personnel des équi- pages de la flotte et tous les assimilés judiciaires.

L'expression « tout militaire embarqué » s'applique non seu- lement aux militaires de Tarinéede mer, mais encore aux militaires de l'armée de terre, lorsqu'ils deviennent justiciables des tribunaux maritimes par suite de leur inscription au rôle de l'équipage d'un bâtiment de l'État.

L'expression « tout individu faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'État » comprend tous les individus exerçant à bord une fonction quelconque, qu'ils soient marins ou ne le soient pas^

Occupons-nous maintenant de la situation faite aux passagers à bord d'un bâtiment de l'État.

Si le passager est un justiciable des tribunaux militaires non inscritaurôle de l'équipage, la provocation par luiadresséeàun supé- rieur tombe sous le coup de l'article 22I|ducode de justice militaire.

Si le passager n'est ni un justiciable des tribunaux militaires, ni un justiciable des tribunaux maritimes, sa situation est réglée par l'article 303 du code de justice maritime.

«Tout passager abord d'un bâtiment de l'État, coupable de voie de fait envers un officier de service, est puni de deux ans à cinq ans d'emprisonnement.

« L'outrage est puni d'un emprisonnement de deux mois à deux ans. »

Des termes de cet article il résulte que la provocation adressée par un passager non justiciable des tribunaux militaires ou mari- times n'est punissable que si le supérieur est officier et s'il est de service. A bord, elle tombe toujours sous le coup de sa sanction.

1. Voyez instructiou ministérielle da 25 juin 1858 relative à Tapplication du code de Justice maritime.

f 518.

DECXfÈME PARTIE.

Hors du bord, la provocation simplement. relative au service lui dchappc.

Il ne faut pas en conclure que la provocation adressée par un passager à un ofQcier qui n'est pas de service, ou à un gradé non otiicier pendant le service ou à l'occasion du service, restera com- plètement impunie. Elle pourra l'être disciplinaîrement aui termes de l'article 369 du code de justice maritime».

ItÉSEnVE ET ARMËe TEHBITOniALB DE l'aDMÉI:: DE UEB. Ce

que nous avons dit relativement à la provocation entre militaires de grades inégaux appartenant â l'armëe de terre, eu qualilé de réser- vistes ou de terriloriaui, peut s'appliquer aux réservistes ou aux territoriaux de l'armée de mer.

Ils sont également régis par la loi du 15 juillet 188'J, sauf pour ce qui coucerue les inscrits maritimes astreints à d'autres règles^.

CHAPITRE LXV Conséquences pénales du duel entre individus non militaires.

Après avoir examiné les conséquences pénales de la provoca- tion, il convient de rechercher celles que peut entraîner le combat.

On a vu, cliapiire 59, qu'en droit français, dill'ércnl. sur ce point de presque toutes les législations étrangères, l'homicide et les blessures commis en duel n'étaient pas considérés comnie des infractions de nature particulière, mais rentraient dans les infrac- tions du droit commun et étaient punis comme tels.

Nous allons rechercher de combien de manières un duel peut se terminer, quelle qualification {crime ou délit) peut être donnée à l'infraction, d'après chaque résultat, et dans ces différents cas quel article du code est applicable.

L'importance de la qualiflcalion est considérable, à raison de la compétence et des conditions mises k la poursuite, lorsque le duel a eu lieu à l'étranger.

1. Voyei âgHlcmcDt sur ces maticrM ; une circulaire ministérîcltc en date du (ijanvier 1873. BuHsd'n oflîciX de ia moitié. Décret du SJuLn 1883, édition de 1889, Hriicles 3t2 et suiv. Pour les troupes, le texte de la guerre. Décret du 3 jkDTier I88i sur les coaseils d'enquËte des officiers et assimiléli.

2. Vojci décret du 5 juin 1883, cdilLon de 1885. Décret du 31 janvier 1887. Voyez «gaiement sur ces matières : décret du 8 m&ra I88i. Décret du 20 mai 1885. Arrêté du !4 juin 1880, dans le Butklin officiel de la manne.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 349^

1^ Gompétenoe.

L'infraction est-elle qualifiée crime, les poursuites sont exercées devant la Cour d'assises. Est-elle, au contraire, qualifiée de délit, les poursuites sont exercées devant les tribunaux correctionnels.

Nous avons déjà expliqué, chapitre lx, lorsque nous nous sommes occupés de la provocation adressée aux personnes quali- fiées, rintérét que peut offrir la question de compétence. Cet intérêt n^est pas moindre dans le cas présent

Presque jamais les jurés ne condamnent les individus qui comparaissent devant eux pour faits de duel. Aussi a-t-on vu quel- quefois les duellistes traduits en police correctionnelle, & raison de blessures légères, soutenir qu'ils avaient eu Tintention de donner la mort, de manière à imprimer au fait le caractère de crime et à entratner la compétence de la Cour d'assises ^

Conditions mises aux poursuiieslorsque la renoontre a en lien

à l'étranger.

Nous verrons, en effet, chapitre lxix, que lorsque l'infraction est qualifiée crime, les conditions mises à la poursuite par l'article 5 du Gode d'instruction criminelle sont bien moijis rigoureuses que lorsque l'infraction est simplement qualifiée délit.

Voici les différentes hypothèses qu'on peut prévoir :

1'* HYPOTHÈSE.

Le duel i>eut se terminer par la mort d'un des combattants.

A. Cet homicide a le caractère d'un crime, et les disposi- tions de l'article 295 du Code pénal lui sont applicables».

Sur la question de savoir si ces dispositions sont applicables au cas l'auteur de l'homicide se serait tenu continuellement sur la défensive, et la victime se serait enferrée elle-même ^

B, Si les coups portés ou les blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée, les dispositions de l'article 309, paragraphe 4, sont applicables. La peine est celle des travaux forcés à temps.

1. Voyez affaire Granier de Cassagnac. Paris, !•' juin 1842. Dalloz, Jurisprudence, V<» Duelf no 120. Affaire Ranc-Yvan de Wœstine, Gazette des Tribunaux^ n^ du 30 Juillet 1872.

2. Voyez Cassation, 22 Juin et 15 décembre 1837. Dalloz, Jurisprudence, X^ Duelf no» 107 et 108.

3. Voyez Dalloz, Jurisprudence, suppléaient, Y* Duel, n* 49.

m 310

DEUXIÈME PARTIE.

Lorsqu'il y a eu priînul-ditation, les dispositions de l'article 3i 0, paragraphe 1", sont applicables. La peine est celledestraïaui forcés à perpétuité.

Dans ces deux cas, le fait à le caractère d'un crime'.

2- UÏPOTIIKSE,

Le duel peut se terminer -par la blessured'un des combattants.

Il faut rechercher l'intention.

C. SI l'intention de donner la mort est constatée, l'autear de la blessure et le blessé lui-même sont passibles, en vertu de l'article 2 du Code pénal, de la peine qui, en cas d'homicide coo- sommé, aurait été applicable.

Le fait a le caractère d'un crime'.

Si les adversaires n'ont pas eu l'intention de se donner la mort, ils ne sont responsables que des blessures qu'ils ont faites.

D. Si les coups portés ou les blessures faites volontairement ont été suivis de mutilation, amputation ou privation de l'usage d'un des membres, cécité, perte d'un œil ou autres inflrraités per- manentes, les dispositions de l'article 309 du Code pénal, para- graphe 3, sont applicables.

La peine est celle de la réclusion.

S'il y a eu prémiditation, c'est l'article 310. La peine est celle des travaux forcés à temps.

Dans ces deux hypothèses, le fait à le caractère d'un ctime.

Le blessé ne peut être poursuivi pour tentative da crime qal est imputé à l'auteur de l'inrirmitë permanente, car c'est le fait de l'inûrmité permanente qui constitue le crime et qui apporte une aggravation à la situation pénale; mais, d'après la jurisprudence inaugurée par le tribunal de la Seine le 10 mai 1873, et dont nous nous occuperons en détail à la fin de ce chapitre, il peut l'être en vertu de l'article 311 modifié par la loi du 13 mai 18C3, comme ayant exercé contre l'auteur de la blessure des violences ou voies de fait.

Pour ce qui concerne le blessé, le fait ne constitue donc qu'un délit, mais ce délit peut être justiciable de la Cour d'assises, en

1. Voyoz CasMtioD, t janvier Kiit. D&llot, année 1845, 1" parti?, page 60.

2. Voyez Cassation, S décembre 1848. Dalloi, Jurisprudence, V Dutl, 120. C*MalIoD, SO décembre ISSO.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 3t\

yertudece principe que la juridiction la plus haute attire àelle tous les faits accessoires ou concomitants du fait principal ^

£. Si les adversaires n'ont pas eu l'intention de se donner la mort, et si les coups portés ou les blessures faites yolontairement ont entratné une maladie ou incapacité de trayail personnel pen- dant plus de yingt jours, les dispositions de l'article 309, para- graphe 1*% sont applicables. La peine est celle d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d'une amende de 16 francs à 2,000 francs.

Le fait a le caractère d'un délit.

S'il y a eu préméditation, les dispositions de l'article 310 sont applicables. La peine est celle de la réclusion. Le fait a le caractère d'un crime.

Le blessé, qui ne peut être poursuivi ni pour tentative de délit (article 3 du Gode pénal) ni pour tentative de crime, puisque c'est le fait de la maladie ou de l'incapacité de travail pendant plus de YÎDgt jours qui, s'il y a eu préméditation, constitue le crime, peut l'être, en vertu de la jurisprudence du tribunal de la Seine, pour violences ou de voies de fait prévues par l'article 311.

Le fait a, relativement à lui, le caractère d'un délit.

Ce que nous venons de dire touchant la compétence de la Cour d'assises est encore vrai.

F. Si les coups ou les blessures n'ont occasionné qu'une maladie ou incapacité de travail personnel pendant moins de vingt jours, les dispositions de l'article 311, paragraphe r% sont appli- cables.

La peine est celle d'un emprisonnement de six jours à deux ans et d'une amende de 16 francs à 200 francs ou de Tune de ces peines seulement;

S'il y a eu préméditation, les dispositions de l'article 311, para- graphe 2, sont applicables. La peine est celle d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans, et l'amende de 50 à 500 francs.

D'après la jurisprudence du tribunal de la Seine, le blessé peut être poursuivi pour violences ou voie de fait, en vertu de l'ar- ticle 311.

Dans ces trois cas, le fait a le caractère d'un délit.

1. Voyez Faostin Hélie, Traité de l'instruction criminelle, 2377.

24

DEDXIF-MK PARTrE.

Le duel peut se terminer par la blessure des deux combattants.

G. Si les blessures sonl d'égale gravilé, les deux adversaires sont poursuivis suivant la gravité do la blessure, pour te même crime ou pour le mfime délit, et nous retombons dans les espèces précédentes,

//. —Si les blessures sont d'inëgale gravité, si l'une entraîne, par exemple, une intirmité permanente et l'autre une incapacité de travail de moins de vingt jours, la question d'intention joue encore un rôle prépondérant.

Si l'intention de donner la mort est établie, les deux combatr tants peurcnt en effet être poursuivis pour tentative d'homicide volontaiie.

Le fait a, pour ce qui les regarde tous deux, le caractère d'un crime.

Si les corabatlants n'ont pas eu l'intention de se donner la mort, chacun d'eux n'est responsable que des blessures qu'il a faites personnellement.

Dans l'espèce qui nous occupe, les dispositions de l'article 309. paragrapbe 3, ou 310, sont applicables à l'auteur de la blessure en- traînant infirmité permanente.

Le fait a. vis-à-vis Ini, le caractère d'un crime.

Les dispositions de l'article 311 sont applicables à l'auteur des blessures suivies d'une incapacité de travail pendant moins de vingt jours.

Le fait a, vis-à-vis lui, le caractère d'un délit qui peut cepen- dant, à raison de sa connexité à un crime, être justiciable de la Cour d'assises.

h HTPOTHESE.

Le duel peut se terminer sans blessure.

/. Dans ce cas, si les combattantsont eu l'intention desedoD- ner la mort, et s'ils sont poursuivis, ce ne peut être que pour tenta- tive d'homicide volontaire. Le fait a alors le caractère d'un crime.

S'ils n'ont pas eu l'intention de se donner la mort, il n'en résulte, d'après l'opinion généralement admise, qu'une tentative de blessure indéterminée qui échappe à toute répression.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 323

Cependant, d'après la jurisprudence du tribunal de la Seine, l'article 311 serait encore applicable aux deux combattants, comme ayant exercé vis-à-vis l'un de l'autre les voies de fait et les vio- lences prévues par ledit article ^

Preuve de rintention homicide.

La preuve de l'intention homicide est abandonnée au pouvoir d'appréciation des juges du fait ^

Ils peuvent puiser cette preuve dans la nature des armes, les conditions du combat, et toutes les circonstances susceptibles de faire connaître le vrai but des combattants.

Les armes à feu ont été reconnues par plusieurs arrêts comme plus meurtrières que les armes blanches; aussi, dans certaines affaires, voyons-nous, en l'absence d'indications plus précises, et bien qu'ils ne se soient fait que des blessures, les adversaires être présumés avoir tenté de se donner la mort parce qu'ils se sont battus aa pistolet, et le contraire se produire parce qu'ils se sont battus & l'arme blanche ^

S'il a été convenu qu'on se battrait à outrance, ou, en sens inverse, que le duel aurait lieu au premier sang, on ne peut guère élever de doute sur la portée de Tintention. Mais il n'en est plus de même s'il a été convenu de n'arrêter le combat que lorsqu'une blessure aurait mis l'un des adversaires en état d'infériorité, ou dans l'impossibilité de continuer.

Les témoins ne devront point perdre de vue ces diverses con- sidérations lorsqu'ils rédigeront les conditions du duel, puis- qu'étant regardés comme complices des adversaires, et partant soumis à toutes les règles de la complicité, ils ont le même intérêt que les combattants à éviter la sanction pénale et la compétence qui leur semblent le plus menaçantes.

Donnons quelques détails complémentaires sur la jurispru- dence du tribunal de la Seine dont il a été question aux paragraphes

Avant la loi du 13 mai 1863, modifiant l'article 311 du Gode pénal, lorsque le combat se terminait par la blessure d'un des champions, et lorsque l'intention homicide était écartée, le blessé ne pouvait pas plus être poursuivi que ne pouvaient être poursuivis les deux champions lorsque le duel s'était terminé sans blessures.

1. Voyez, sur ces deux opijaions, Dalioz, Jurisprudence, V^ Duel^n^ 61 et suiv.

2. Voyez Cassation, 5 avril 1838. Dalioz, Jurisprudence, Duel, h? 123.

3. Voyez Dalioz, Jurisprudence, V<> Duel, 120 et suiv.

r

m

I

^H Nous termÎDeroQS ce chapitre par quelques mots relatifs à

^f une loi récente, la loi du 26 mars 1891 sur l'atténuation et l'aggra-

vation des peines, dite loi Bérenger, qui intéresse particulièrement les duellistes et les témoins, car si elle permet aux tribunaux de se montrer indulgents vis-à-vis eus dans certains cas, elle leur donne aussi le pouvoir de les frapper dans d'autres, avec une rigueur justifiée parla situation particulière ils se seront placés.

Aux termes de l'article premier, en cas de condamnation k l'em- prisonnement ou à l'amende, si l'inculpé n'a pas subi de condamna- tion antérieure â la prison pour crime ou délit de droit cummuo, les cours et tribunaux peuvent ordonner, par le même jugement, et par décision motivée, qu'il sera sursis à l'exécutioa de la peine. Si, pendant le délai de cinq ans à dater du jugement ou de l'arrêt, le condamné n'a encouru aucune poursuite suivie de con- damnation à l'emprisonnement, ou à une peine plus grave, pour

1. Voyez Iribunal correctioDoel de Paris, 10 mtr» 1S73. Dalloi, JurttprudMee, gnpplémenl, VOuel n" 8,1. —Confirmé en appel. GazetU dei Tribunaux, 19 luillel 1873 (ChroDJque). Tribunal correctioQael de la Soiae. Gazttle de) Tribunaux, 3 Juillet 1872, 3t octobre 1812, 16 octobre 18Ï3, etc. Voyai également Iribunal correctionnel de Lyon, aff&ire Cierc-Ponct, GaselU dtt Tribunaux!, 1668, et Casstlioa. Casette du Tribunaux, 7 décembre 1873.

3|S DECXIÈME PARTIE.

La loi du 13 mai 1863 a permis, lorsque le duel s'est terminé par la blessure d'un seul combattant, de poursuivre le blessé eu même temps que l'auteur de la blessure, comme ayant exercé envers ce dernier des violences et voies de fait.

En ajoutant aux délits de coups et blessures, énoncés originai- rement par l'article 3U, les autres violences et voies de fait, la loi de 1863 a eu pour but de réprimer non les violences légères pré- vues parle code de brumaire an IV, mais les actes volontaires em- preints d'un caractère de gravité punissable qui, saus atteindre directement ou indirectement la personne contre laquelle ils sont dirigés, la contraignent à se mettre en état de défense et la mena- cent dans sa vie.

La nouvelle rédaction permet en outre de poursuivre les deux combattants lorsque le duel s'est terminé sans blessure, et lorsque l'intention homicide est ijcartée, pour avoir exercé vis-à-vis l'un de l'autre des violences et des voies de fait. Les juges ne considèrent pas, en elTet, les alternatives du combat, mais regardent comme Tiolenccs et voies de fait les actes, quels qu'ils soient, qui constituent 'attaque et la défense dans un combat singulier '.

Loi Bérenger.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 32S

crime ou délit de droit commun, la condamnation sera comme non ayenue.

Dans le cas contraire, la première peine sera exécutée, san3 qu'elle puisse se confondre avec la seconde.

Les peines de la récidive sont alors encourues dans les termes des articles 57 et 58 du Gode pénal modifiés comme il suit :

« Art. 57. Quiconque, ayant été condamné pour un crime à une peine supérieure à une année d'emprisonnement, aura, dans un délai de cinq années après l'expiration de cette peine ou sa prescription, commis un délit ou un crime qui devra être puni de la peine de Temprisonnement, sera condamné au maximum de la peine portée par la loi, et cette peine pourra être portée jusqu'au double, etc.

(c Art. 58. Il en sera de même pour les condamnés h un em- prisonnement de plus d'une année pour délit, qui dans le même délai seraient reconnus coupables du même délit ou d'un crime pouvant être puni de l'emprisonnement.

<( Ceux qui, ayant été précédemment condamnés à une peine d'emprisonnement de moindre durée, commettraient le même délit dans les mêmes conditions de temps, seront condamnés à une peine d'emprisonnement qui ne pourra être inférieure au double de celle précédemment prononcée, sans toutefois qu'elle puisse dépasser le double du maximum de la peine encourue. »

CHAPITRE LXVI

Conséquences d'un duel entre

Lorsqu'il s'agit de duels militaires, il importe de faire une dis- tinction entre le duel pris en lui-même, c'est-à-dire entre la con- vention de se battre, entre l'action de choisir la voie des armes pour vider son différend, et l'homicide ou les blessures qui peu- vent être les conséquences de la lutte«

Dans notre espèce, le duel pris en lui-même est un acte qui se rattache à la discipline, à la subordination militaire et aux obliga- tions spéciales de l'armée. Au contraire, Thomicide et les blessures se rattachent aux obligations qui sont imposées à l'universalité des citoyens, la prohibition de tuer ou de blesser s'appliquant aussi bien au non-militaire qu'au militaire.

_ ^'. u/.t_jV>..^

»6 DEUXIÈME PARTIE.

Il faut en conclure :

1" Que le duel pris en lui-même est an manquement ani devoirs militaires, s'il a lieu entre personnes de grades înégaoi, ou s'il a lieu entre personnes de même grade, mais qui n'ont pas obtenu de l'autorité compétente la permission de se batlre ;

Que ce manquement est une infraclîon toute spéciale que les mililairesseuls peuvent commettre, et qui tombe sous le coap de la législation qui les régit;

3- Que celte infraction n'existe plus lorsque deux militaires de même grade ont obtenu l'autorisation de se battre- La dislinction que nous venons de faire entre le duel pris en lui-même et Tbomicide ou les blessures qui en résultent res- sort des termes de l'ordre du jour reproduit au n" 105 de l'ap- pendice, et de la peine disciplinaire qui atteignit le militaire survi- Tant.

Le commandant ne fut pas puni pouravoir tué son adversaire, mais pour avoir adressé un cartel i un capitaine, son inférieur, et violé ainsi la discipline militaire.

Il" Que l'homicide ou les blessures qui résultent du combat sont des infractions de droit commun et ne sont considérés comme mililaires qu'à raison de la qualité de leurs auteurs; qu'elles devraient, par conséquent, demeurer soumises à l'application du Code pénal au même titre que l'homicide ou les blessures commis dans un duel entre non -militaires, conformément à la jurispru- dence inaugurée par la Cour de cassation le 22 juin 1837.

Bien que logique, l'extension de celte jurisprudence auK consé- quences des duels entre militaires n'a pas été suivie par les conseils de guerre.

A plusieurs reprises la question fut posée, et le ministère pnblic leur demanda d'établir leur jurisprudence. Ils répondirent chaque fois par un acquittement'.

Nous ne croyons pas qu'ils se soient prononcés depuis en sens contraire, et en vérité nous ne comprendrions guère qu'ils le fissent, dès l'instant que l'autorité supérieure peut autoriser des mili- taires à se battre et, par conséquent, ù faire tous leurs elTorts pour se tuer ou pour se blesser'.

Cette indulgence n'aura du reste l'occasion de s'eiercer que si les prévenus sont tous militaires ou assimilés. Dans le cas la poursuite comprend des individus non justiciables des tribunanx

1, Voyei conwil de guerre de Strasbourg. GastUetUs Tribunaux, du 39 mwn ISW. De U Rochelle, a' du 4 mai IS40.

2. Voyez lettre miuUtërielle en date du 5Juillel 1889. Appendice n* S.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 3«7

militaires, tous les préyenus indistinctement sont traduits devant les tribunaux ordinaires ^

Mais lorsqu'un ou plusieurs militaires restent seuls en cause, soit à raison du décès des non-militaires, soit parce qu'il a été antérieurement statué sur leur sort, ou pour toute autre cause, ]a juridiction ordinaire cesse d'être compétente, et les prévenus justi- ciables des conseils de guerre doivent être mis à la disposition de l'autorité militaire '.

Terminons ce qui concerne le duel militaire par une question à laquelle une affaire récente, celle le maréchal des logis Beau- malou perdit la vie, communique un regain d'actualité.

L'autorité supérieure peut-elle obliger les militaires à se battre en duel malgré eux ?

La réponse se trouve dans la lettre ministérielle reproduite au n^" 2 de l'appendice. Elle est négative.

Ils ne sauraient y être contraints disciplinairement, et le refus de le faire ne doit être passible d'aucune sanction.

En fait, ils sont presque toujours punis, mais alors le motif exprimé n'est pas le refus d'aller sur le terrain.

C'est généralement un soufflet reçu, ce sont des injures échan- gées ou une infraction disciplinaire quelconque, se rattachant plus ou moins directement au duel.

CHAPITRE LXVII Conséquences du duel relativement aux témoins.

Une des conséquences de la jurisprudence de la Cour de cassa- tion en matière de duel, c'est l'application aux témoins desf règles de la complicité .

Du moment, en effet, qu'on a appliqué le droit commun à l'homicide et aux blessures faits en duel, c'est très logiquement que les témoins sont considérés comme complices par aide et assistance.

Cependant il est impossible de méconnaître la différence qui

1. Loi du 22 messidor an IV-2. Code de Justice militaire, article 76. Voyez affaire de Coetlogon-Charpentier, tribunal correctionnel de la Seine, Gazette des Tri- bunauxy du 30 décembre 1868. Affaire de Beaumont-Allez-Claparède, tribunal correctionnel de la Seine, ibidem, du 2 décembre 1859.

2. Voyez Cassation, Gazette des TribunatuCf du 12 avril 1851. Affaire de Pène- Courtiels-Hyène et consorts. Réquisitoire du ministère public, Gazette des TribiA- naux, n«> des 14 et 15 juin 1858.

vlÀti.

m 3is

DEUXIÈME PARTIE.

sépare, au point de vue de la crimiDalilé, de celte aide ou de cette assistance, les ti^moios d'un duel des conipllce.i des autres crimes ou des autres délits.

Aussi, daDS certaines affaires, les témoins d'un duel un des combattants avait succombé ont-ils pu étredéclarésnoncoupablesde complicité, parce qu'il était résulté des circonstances qu'ils avaient épuisé tous les moyens de conciliation, et qu'ils ne s'étaient rendussar le terrain que pour y écarter lea chances probables d'un mslhear'.

Dans la plupart des législations étrangères, les tiers qui excitent les adversaires à se battre encourent une sanction. On s'est demandé s'il en était de même en France, et s'ils pouvaient être poursuivis comme complices. La question est controversée ^

Si on voulait appliquer les principes de la complicité dans toute leurélendue, il faudrait regarder comme complices du duel ceux qui par dons, promesses, abus d'autorité ou de pouvoir, menaces, ma- chinations ou artifices coupables, auraient provoqué au duel; ceux qui auraient procuré sciemment les armes ou instruments du duel.

Il faudrait poursuivre notamment le chef qui a ordonné 4 son inférieur de se battre, le maître d'armes qui a prêté son concours, l'ami quia offert son parc ou sa maison, celui qui a prêté les armes, l'armurier qui les a louées ou vendues'.

Mais sous la condition qu'ils auront agi avec connaissance de cause.

Pour qu'uneaction soit intentée aux témoins comme complices, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'homicide ou de la blessure soit mia en cause. 11 iiupoite peu qu'il soit en fuite ou réfugié à l'étranger, ou qu'à raison d'un privilège personnel le ministère public se trouve désarmé vis-à-vis lui.

Tel serait, par exemple, le cas un député tuerait un homme en duel, et la Chambre refuserait l'autorisation de poursuivre.

Tant que durera la législature, le ministère public sera désarnaé vis-à-vis le député, mais pourra exercer immédiatement les pour- suites contre ses témoins.

Lors même que l'auteur de l'homicide ou de la blessure rais eu cause avec les témoins serait déclaré non coupable, celte déclara- tion ne ferait pas obstacle à la condamnation de ceux-ci, car la non-cnlpabilité de l'auteur principal n'écarte pas l'existence maté- rielle de l'infraction.

. Voyez Cour d'aisitet de la Seipe, Gasette dti TribmaKc, n* du S jDla 1839.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 389

CHAPITRE LXVIIl Exercice de Taction publique dans l'étendue du territoire.

L'actioQ publique s'étend à tous les crimes et délits commis sur le territoire français.

On conçoit l'intérêt que peuvent avoir les duellistes et les témoins à savoir^u juste ce qull faut entendre par ces expressions.

Le territoire français comprend non seulement les contrées sou- mises à la souveraineté de la France, jusqu'à ses frontières (mère- patrie et colonies), mais encore tous les lieux cette souverai- neté se manifeste ostensiblement.

Tels sont les lieux flotte le drapeau français, les pays placés sous son protectorat, le rayon de deux lieues qui environne les rivages de la mer, les navires français en mer ou dans les pays étrangers, les lieux siègent certains consulats français en pays étranger.

Disons quelques mots des pays étrangers qui doivent être con- sidérés comme territoire français au point de vue de Tapplication de la loi pénale.

Ces pays sont tous ceux où, par Teffet des conventions interna- tionales, nos nationaux jouissent de rexterritorialité :

1<> Échelles du Levant et de Barbarie ; ordonnance d'août 1681, titres IX et XII, ordonnance des 28 février 1687, juin 1778, loi du 28 mai 1836.

2<> Pays d'extrême Orient ; Mascate et Zanzibar ; loi du 8 juil- let 1852, traité du 17 novembre 18U.

Perse, traité du 12 juillet 1855, loi du 18 mars 1858.

Birmanie, traité du 2k janvier 1873 et du 15 janvier 1885.

Siam, traité du 15 juillet 1867.

Chine, traités des 2k octobre 18U et 27 juin 1858.

Corée, traité du k juin 1886.

Japon, traité du 8 octobre 1858.

Il est de règle que, dans ces pays hors chrétienté, tous les crimes et délits commis par un de nos nationaux ressortissent de la juri- diction des consuls ^

Les délinquants français (les combattants et les témoins dans

i. Loi du 28 mai 1836, article i«' et circulaire ministérielle du 15 juillet 4836. Sur cette question, voyez Ferand-Giraud, Delà juridiction française dans Us f^ckelks du Levant et de la Barbarie, tome U, pages 344 et suiv. ^Loi du 8 juillet 18^2,

SSD DEUXIÈME PARTIE.

DOtre hypothèse) sont réputés se trouver en terre française, et les infractions dont-ils se sont rendus coupables doivent être qualiflées comme si elles avaient été commises en France'.

CHAPITRE LXIX

Situation faite par la loi française aux combattants et aux témoins lorsque le combat a eu lieu à l'étranger.

Cette question est importante, car elle correspond, pour les adversaires et les témoins, à l'espoir d'éviter les poursuites qui les attendraient s'ils se hatlaienl sur le territoire français, et à la croyance très répandue qu'on peut obtenir ce résultat en allant vider son différend sur les frontières.

La lecture de l'article 5 du Gode d'instruction criminelle, eu nous indiquant qu'il eiistc certaines conditions qui entravent alors l'action publique, nous montre que celte croyance n'est pas dénuée de tout fondement.

Itechercher quelles sont ces conditions, tel est le but du présent chapitre. Les discuter, déterminer la mesure dans laquelle elles entravent l'action du ministère public etjustiÛentles espérances des adrersaires et des témoins, tel sera l'objet du chapitre qui suivra.

Ces conditions varient selon que le résultat du duel constitae un crime ou un délit.

Elles sont an nombre de trois lorsqu'il s'agit d'an fait suscep- tible d'être qualifié crime.

l" Il faut que l'accusé ait la qualité de Français el que le crime soit puni par la loi française';

Il faut que l'accusé n'ait pas été jugé définitivement en pays étranger';

3" Il faut que l'accusé soit de retour en France '.

Les conditions sont au nombre de trois lorsqu'il s'a^t d'un fait susceptible d'être qualifié délit.

1. Loi de 1S36, article 75. Sur leaapplicatiiiD) decetteràgle, ToyeiAii, 17 norembre 1883, et C&ButiaD, 5 jsaviar ISSf. Sirey, 85, 1, St7, p. 8t, I, 433. L. Renault, dans Revut critique, 1881, p. 7IS et 7ie. Garrsud, t. I, p. 211, note 14. . S. Article 5 du Cc>de d'instrucdon crimiaelle, paragraphe 1.

3. Article 5, paragraphe 3.

if Article 5, para^pbe 5.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 334

1<> La poursuite ne peut être intentée qu'à la requête du minis- tère public*;

2"" Elle doit être précédée d'une plainte de la personne offensée ou d'une dénonciation officielle à l'autorité française par l'autorité du pays le délit a été commis * ;

S"" Elle n'a lieu que si le fait est puni par la législation du pays il a été commis'.

Bien entendu, la poursuite des délits commis à l'étranger sup- pose, comme celle des crimes, que l'inculpé a la qualité de Français, qu'il n'a pas été jugé définitivement en pays étranger et qu'il est de retour en France.

Ces prémisses posées, nous allons reprendre individuellement chacune des conditions que nous venons d'énumërer. Nous les dis- cuterons au point de vue spécial qui nous occupe.

Nous en tirerons ensuite les conséquences pratiques qui en découlent.

CHAPITRE LXX

Conditions mises à la poursuite des adversaires et des témoins, lorsque le duel a eu lieu à l'étranger, si le fait dont ils sont inculpés est qualifié crime.

1*^ condition. Il faut que l'inculpé ait la qualité de Français et que l'infiraction soit punie par la loi française.

C'est la qualité de Français qui donne à la loi qui régit l'inculpé la puissance de le punir.

C'est la loi française qui détermine seule la qualification. Peu importe, du reste, que la loi étrangère soit ou ne soit pas identique. Peu importe, par exemple, que la loi française considère l'homicide ou les blessures faites en duel comme des infractions de droit com- mun, tandis que la loi du pays le combat s'est livré les regarde comme des infractions de nature particulière. La loi française les atteint, cela suffit.

Du moment que c'est la loi française qui détermine seule la

1. Article 5, paragraphe 4.

2. Article 5, paragraphe 4.

3. Article 5, paragraphe S.

bA

381 DEUXIÈME PARTIE.

qualiQcalion ; du moment qae les condilioas mises par l'article 5 da Code d'inslruclion criminelleà la poursuite dcsiofractions commises à lélranger varient suivant qu'il s'agil de crimes ou de délits, on Toit que la première chose à faire pour connaître la situation des duellistes qui se sont ballus à l'étranger et celle des témoins, c'est de rechercher si les faits qui leur sont impuli^s présentent l'un ou l'autre de ces caractères, et, par conséquent, sous quelle qualiQcation ils peuvent Cire incriminés. Nous renvoyons le lecteur à notre chapitre lxv. Il verra à quel paragraphe correspond le fait et par- tant à quelle classe d'infraction il appartient.

condition. Il faut que l'inculpé n'ait pas été jugé difinitivement à l'étranger.

En admettant qu'un duel malheureux constituât une infraction à la loi pénale française et que son auteur méritât un châtiment, il n'est pas douteu.x que le jugement rendu déûnitivement à son profit ou contre lui à l'étranger uemette obstacle ù ce qu'il soit recherchéà nouveau lors de son retour à sou pays d'origine. Xoii bis in idem.

S'il importe que le coupable ne puisse se soustraire par la fuite à la peine qu'il a encourue, il n'est nullement besoin qu'il acquitte (leuï fois sa dette â la société universelle qu'il a lésée.

Deux Élals ont qualité pour lui en demander compte, l'un à raison du trouble matériel ou moral qu'il a éprouvé, l'autre à raison du lieu d'allégeance qui soumet à ses lois chacun de ses nationaux même expatriés.

Mais de ces deux compétences simultanées et parallèles, l'une lerrJtoriale, l'autre personnelle, c'est celle de l'État dans les posses- sions duquel le délit a été commis qui se justifie le mieux. Son inté- rêt, qui se confond avec le maintien de l'ordre public dont il a la garde et le souci, est plus directement en jeu.

L'action de la patrie de l'inculpé n'est que secondaire et 8ul>- sidiaire; ses droits doivent s'incliner devant ceux de la souveraineté territoriale.

Mais pour que la règle non bis in idem soit applicable, il faut que le jugement soit définitif, irrévocable, passé en force de cbose jugée'. C'est la condition sineiuà notiK

S'il ne l'était pas, la situation serait la même que s'il y avait eu simplement poursuite. L'action du ministère public pourrait être exercée.

Peu importe, du reste, que le jugement étranger soit un jugement

I. Voyez CauaUoD, Il décembre 1S61. Dalloi, «ddùo 1863, 1" partie, pa«e 300.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 333

d'absolation basé sur une lacune de la loi étrangère qui ne quali- fierait pas crime ou délit le fait reproché à Tauteur de Thomicide ou de la blessure, tandis que la loi française y attache un de ces carac- tères.

L'article 5 du Code d'instruction criminelle n'établit aucune distinction ^

Peu importe même que la peine prononcée n'ait point été exé- cutée, car l'autorité de la chose jugée réside dans le jugement, abstraction faite de ses suites.

Tel serait le cas un Français aurait été condamné à l'étran- ger par un jugement par défaut devenu définitif et se réfugierait en France. Il ne pourrait plus y être poursuivi '.

L'exception de la chose jugée peut être opposée en tout état de i^use. Elle est préjudicielle.

La preuve du jugement est mise à la charge de l'inculpé, parce que ce jugement constitue l'exception qui faitsa défense ; mais si son allégation parait sérieuse, bien qu'il ne puisse la justifier par un acte authentique, il n'est pas douteux que le juge ne doive ordonner, avant faire droit, l'apport des renseignements nécessaires pour la vérifier ^

La question de savoir si c'est d'après la loi du pays le juge- ment a été rendu ou d'après les dispositions de la loi française qu'un jugement étranger a acquis l'autorité de la chose jugée est controversée.

C'est d'après la loi étrangère {lex delicti).

La jurisprudence le décide ainsi en matière civile^.

Il n'y a aucune raison pour admettre en matière criminelle une solution différente. La législation étrangère a seule qualité pour dire si les magistrats chargés de l'appliquer ont épuisé l'action pénale. C'est dans les formes instituées par cette législation que le jugement a nécessairement été rendu. On ne comprendrait pas qu'il fallût se référer à d'autres dispositions pour établir s'il est ou non irrévocable.

La seule objection que Ton pourrait faire à ce système consiste dans l'obligation se trouveront les juges de connaître les lois étrangères.

1. Voyez Dalloz, Jurisprudence, Compétence criminelle, l? 133.

2. Voyez Dalloz, /uri^prtKieiictf, supplément, Duel, 78.

3. Voyez Faustiu Hélie, Instruction criminelley tome V, page 516.

4. Voyez GasBation, 23 juillet 1832, Dalloz, année 1832, 1" partie, page 311. Besançon, l'** août 1859, Dalloz, année 1859, 2' partie, page 211. Liège, 14 no- vembre 1879, Jurisprudence belge, 1882, page 1050. Dalloz, Jurisprudence, Chou jugée, n^ 332.

334 DEDXIÈME PARTIE.

Mais cette objection, déjà formulée en 18I|2 devant la Chambre des députés par M. de Beaumont, oe semble pas avoir arrêté le législateur de 1 866, puisque l'article 5, paragraphe 2, du Code d'ios- Iructiou crimiaelle suppose toujours chez nos magistrats lu con- oaissaoce des codes étraugers, en ne réprimant que les seuls délits correclioDDels commis hors de nos frontières qui sooi punis par la législation étrangère du lieu ils ont été consommés.

11 n'existe â notre connaissance aucun document de juris- prudence sur ce point, mais la solution que nous indiquons paraît adoptée par les auteurs'.

Si le combattant, auteur de l'homicide ou de la blessure, a été seul jugé définitivement en pays étranger, les témoins ne peuveut opposer ralablement l'exception non bis in idem, car cetle excep- lion constitue, aux termes mêmes de l'article 5, un privilège abso- lument personnel à celui qui a été jugé définitivement. Elle laisse subsister Taclion contre les témoins, qui, en leur qualitv de com- plices, peuvent tomber sous le coup de la loi pénale, quand bieii même l'auteur principal ne serait pas poursuivi à raison d'un obstacle de fait ou de droit.

3* condition. ~ Il laut que l'inculpé soit de retour en France.

La seule raison de la compétence de la juridiction française sur les crimes commis h l'étrdnger élaol la pn>sence de l'inculpé sur le territoire français et le scandale produit par son cootacl avec ses concitoyens, celte raison n'existe plus lorsque son retour n'a pas eu lieu.

Aucune poursuite, aucune procédure par contumace ne peuvent, en conséquence, être intentées contre lui, d'où la conséquence importante que te séquestre ne saurait être mis sur ses biens.

C'est seulement lorsque son retour s'est effectué que la juridic- tion française recouvre sa liberté d'action.

Encore faut-il que ce retour soit volontaire. En dehors du consentement de l'inculpé, les tribunaux français ne peuvent être saisis ^

Peu importe, du reste, que ce retour soit seulement temporaire.

1. Voyei ootammenl A. Peyroo, Effeli dei jugcmtnli rèpreaifs en droit mltma- tional, Paris, 18S5, pages h'-i et auiv. Garraud, page 148, DO(e I. Cf. Théurd, Revue pratique, tome X\1I, page 386. ~ Fausiin llélîe, Rapport à la Cour dtcat- tation, CaasstioD, 21 maral8U2, anoée 1862, 1" partie, page 140.

2. Voyez GaaMtioQ, 5 février 1857. Dallai, «nnée 18Ï7, 1^' partie, page 132.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 335

Il a été jugé que le seul fait de rentrer volontairement en. France autorise la poursuite, encore que la résidence de Tagent de l'infrac- tion ne se soit pas prolongée jusqu*au moment de cette poursuite ^

Ici une question peut se poser :

Quelle serait la valeur pratique du calcul fait par le duelliste accusé d'un acte qualifié crime, accusé, par exemple, d'avoir tué son adversaire, et qui, partant des principes ci-avant énoncés, raison- nerait ainsi : « L'homme que j'ai tué était un homme politique en pleine popularité; j'ai tout à craindre du jury qui, reflétant le courroux général, voudra venger l'idole du moment.

(( A la quasi certitude d'une condamnation sévère, je préfère l'exil, qui me laisse ma liberté et la disposition de mes biens. Je vais attendre tranquillement à l'étranger que l'action publique soit prescrite, et à l'expiration des dix années fixées pour acquérir la prescription je rentrerai tranquillement en France, dans mes foyers, la justice française ne me pourra plus rien. »

Pour résoudre cette question, il faut rechercher d'abord si la prescription doit être réglée d'après la loi étrangère ou d'après la loi française. Il est incontestable que c'est d'après la loi française.

Dès rinstant, en effet, qu'il s'agit d'une infraction punie par elle, elle seule peut déterminer les conditions d'exercice de l'action publique.

Il faut rechercher ensuite quel est le point de départ de la prescription, car du moment admis dépend le succès ou l'insuccès du calcul fait par notre duelliste.

Il est clair, en effet, que si, comme le veut une opinion, la pres- cription est suspendue pendant le séjour du duelliste à l'étranger et ne prend cours qu'au moment de sa rentrée en France, ses espérances seront déçues.

Elles se réaliseront, au contraire, si la prescription commence à courir à partir du jour où. l'homicide a été commis.

Les partisans du premier système prétendent que dans l'espèce il y a empêchement de droit provenant de la loi elle-même, qui subordonne l'exercice de l'action publique au retour de l'inculpé ; que, par son séjour prolongé, il met le ministère public dans la même position que s'il se trouvait en présence d'un individu pour lequel une autorisation préalable serait nécessaire.

Tant que l'autorisation préalable n'est pas obtenue, tant que le retour n'est pas effectué, le ministère public ne peut faire aucun acte; mais, par une juste réciprocité, la prescription ne saurait

1. Voyez Paris, 17 juin 1870. Dalloz, année 1870, partie, page 177.

Voyez Paris, 17 juin 1870. Dallez, année 1870, partie,

» -r^

336 DECXEËME PARTIE.

courir contre lui en vertu de la maiime Contra non ralentem non curril prescriplio.

Ib soutiennent que celle solution n'a pas pour effet de rendre imprescriptibles les crimes et les délita, puisque l'inculpé peut à volonté rentrer ou demeurer et, par conséquent, donner ou ne pas donner nuissance à la prescription.

Les partisans du second système font remarquer que si, pour les crimes et les délits commis ,'■ l'étranger, il est fait application delà loi française, il eat juste que l'inculpé puisse invoquer les privilèges qu'elle accorde à ceux qui ontsu se déroberait châtiment pendant un certain nombre d'années.

Il n'y a aucun motif de déroger aus règles générales, qui en cette matière sont d'ordre public.

Ils observent, en outre, que la prescription en matière crimiaelle reposant sur la présomption légale que* les preuves du crime el celles de l'innocence ont périr, et que la société n'est plus après un certain temps intéressée à sévir, la maxime Contra nan calentem non ciirrit prescriplio n'est plus applicable".

Ce dernier système étant généralement adopté, il faut en conclure qu'à l'expiration de son eiil de dix années, l'auteur de l'homicide commis en duel pourra rentrer en France, libre de toute sanction pénale, et que son calcul aura été juste.

Supposons maintenant que le duelliste rentre en France avant l'expiration des dix années nécessaires pour lui assurer l'impunité, la prescription continue à courir en sa faveur tant qu'il uc sur- vient pas d'actes d'instruction ou de poursuite qui viennent l'inter- rompre.

Peu importe que le ministère public ignore son retour, car les empêchements de fait ne suspendent pas la prescription.

Pen imporle même qu'après être rentré en France le duelliste se soit réfugié de nouveau à l'étranger. En effet, du moment que sa résidence, même temporaire, même absolument passagère, a pour résultat de rendre au ministère public la liberté que la loi lui refusait auparavant, il est clair qu'une nouvelle éclipse ne peut influer sur la prescription de l'action.

Si depuis la perpétration du crime dont il s'est rendu coupable jusqu'au premier acte d'instruction ou de poursuite, dix ans se sont écoulés, il ne peut plus être condamné.

Tout ce que nous venons de dire relativement à la prescription des crimes est applicable aux délits, avec la différence que pour

- Braa de

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 337

ces derniers la prescription s'accomplit par un laps de trois ans K

Ce que nous yenons de dire des duellistes est applicable aux témoins, qui juridiquement sont des complices.

S'il est intervenu des actes d'instruction ou de poursuite non suivis de jugement, tout le temps qui s^est écoulé avant l'acte inter- ruptif est réputé non avenu, et la prescription ne reprend son cours qu'à partir du dernier acte d'instruction ou de poursuite, même à Tégard des personnes qui n^étaient pas impliquées dans Pacte d'instruction ou de poursuite '.

Dès que l'instance a pris fin par un arrêt ou un jugement devenu définitif, le cours de la prescription de l'action publique est irrévocablement arrêté. Cette décision donne naissance à une nouvelle prescription, qui est celle de la peine.

Les peines portées par décisions rendues en matière criminelle se prescrivent par vingt ans. Celles qui sont portées par des déci- sions en matière correctionnelle se prescrivent par cinq ans. Ces délais partent du jour ces décisions sont devenues définitives. (Articles 635, 636 du Gode d'instruction criminelle.)

Quelques mots sur les effets des condamnations par contumace.

Un exemple le fera mieux comprendre que tout antre genre de démonstration.

Supposons que Pierre se batte à l'étranger avec Paul et le tue. Il revient en France avec l'espoir de ne pas être inquiété. Des pour- suites criminelles sont cependant exercées contre lui. Pour les éviter, il franchit de nouveau la frontière, et une condamnation par contumace est prononcée.

Quelle prescription Pierre pourra-t-il invoquer ?

Il ne pourra invoquer que la prescription de la peine, c'est-à- dire celle de vingt années courant du jour la condamnation aura été prononcée.

Si avant l'expiration de ces vingt ans il rentre en France et purge sa contumace, trois conséquences peuvent en résulter :

Il peut être acquitté. Tout est alors terminé à son avantage.

Il peut être condamné à une peine criminelle. Supposons qu'après cette condamnation il parvienne à s'échapper, il ne pourra invoquer toujours que la prescription de la peine (vingt ans), cou- rant du jour la condamnation contradictoire sera devenue défi- nitive. (Article 635, Gode d'instruction criminelle.)

Il peut être condamné à une peine correctionnelle. Cette fois encore, il ne pourra invoquer que la prescription de la peine, mais

1. Voyez article 638 du Code dUnstruct ion criminelle.

2. Voyez articles 637 et 638 du Code d'instruction criminelle.

%%

au DEUXIÈME PARTIE.

ce sera celle de cinq ans courantà partir du jour lacondamnaHon sera devenue déflniliïe. (Article 636, Code d'instrucUoD crimineUe.]

Pource qui concerne les témoins, supposons qu'après la coDdam- oalion par contumace de Pierre, ils quittent le territoire (étranger ils étaient restés jusqu'alors et rentrent eu France.

Quelle situation leur est faite relativement ft la prescription?

Pourront-ils, comme Ils l'auraient pu ayant la condamnation par contumace de Pierre, invoquer la prescription de l'acliou, c'est- à-dire celle de dix ans? ou devront-ils suivre la condition de l'autenr principal, et invoquer celle de la peine {vingt ans)?

Ils pouiTonl invoquer la prescription décennale, car i'arrét par contumace n'est pas un acte de poursuite, mais une décision por- tant condamnation, complètement étrangère à ceux qui n'y sontpas nominativement désignés.

CHAPITRE LXXI ^^

Conditions mises à la poursuite des adversaires et des témoins lorsque le duel a eu lieu à l'étranger et qae le fait dont ils sont inculpés est qualifié délit.

Avant d'examiner les conditions auxquelles l'article 5 du Code d'instruction criminello subordonne la poursuite des délits commis à l'étranger, il faut rechercher dans quel cas le fait dont sont incul- pés les adversaires et les témoins peut être qualifié délit.

Si nous nous reportons au chapitre lxv, nous voyons qu'il peut en être ainsi quand le fait correspond à une des hypothèses prévues dans les paragraphes E, F, /, c'est-à-dire lorsque la blessure a entraîné une maladie ou incapacité de travail personnel de plus de vingt jours (en l'absence d'intention homicide et de prémédita- lion) ; lorsque la blessure a entraîné une maladie ou incapacité de travail de moins de vingt jours [en l'absence d'intention homicide) ; lorsque le duel s'est terminé sans blessures (en l'absence d'inten- tion homicide), ou lorsqu'il s'agit du blessé.

Cette première question résolue, nous allons passer à l'examen des conditions mises par l'article 5 à la poursuite des délits.

l" condition. La poursuite ne peut être intentée qu'à la requête du ministère public {article 5, paragraphe A).

La loi supprime ainsi le droit de citation directe.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 339

condition. La poursuite doit être précédée d'une plainte de la personne offensée, ou d'une dénonciation officielle à Fautorité française par Tautorité du pays'où le délit a été commis {ai^ticle 5, paragraphe h)-

Des termes de Tarticle 5, qui ne parle que de la partie offensée, il faut conclure que le droit de porter plainte est limité dans notre espèce au blessé, que personne ne peut l'exercer en son lieu et place, ni de son vivant ni après sa mort ; qu'il est, par conséquent, refusé aux parents, aux héritiers, etc., etc.

Quel que puisse être Tintérêt invoqué par un tiers, ce tiers ne saurait, dans Thypothèse qui nous occupe, se porter partie civile» caria partie civile n'existe qu'accessoirement à l'action publique. Il peut seulement intenter un procès civil en dommages et intérêts, en vertu de l'article 1382 du €ode civil.

Cette prohibition est la conséquence du principe qu'en matière pénale il est interdit de suppléer aux termes de la loi et de les étendre par voie d'interprétation. Du moment que l'article 5 a établi une législation spéciale et exceptionnelle pour la poursuite de délits commis à l'étranger, il doit être renfermé dans les termes il est conçu*.

Un arrêt de la Cour de cassation, en date du 17 août 1832, cité par Dalloz, Jurisprudmce, Compétence criminelle, n"» 133, semble- rait consacrer une jurisprudence contraire; mais il ne nous parait pas applicable à notre espèce, car il vise le cas d'un Français assas- siné, et partant dans l'impossibilité de porter plainte.

La plainte du blessé, étant la base et le point de départ néces- saires de l'action publique, doit satisfaire, à peine de nullité, à certaines conditions de forme et de régularité.

La plainte doit être adressée au procureur de la République, à ses auxiliaires, au juge d'instruction. (Gode d'instruction crimi- nelle, articles 63 et suivants.)

Elle doit être rédigée par le plaignant ou par son fondé de procuration spéciale, ou en sa présence par le procureur de la Répu- blique. (Code d'instruction criminelle, articles 31 et 65).

Elle doit être signée par les mêmes personnes. Si elles ne veu- lent pas ou ne peuvent signer, il en est fait mention *. {Ibid.)

Cela est si vrai que l'action en dommages et intérêts intentée par le blessé devant les tribunaux civils ne saurait remplacer la plainte et permettre au ministère public de poursuivre.

i. Conformément, Le Seyllier, Des actions publiques et privées j noi989. Carnet, observations additionnelles sur Tarticle 5.

2. Conformément, voyez Faustin Hélie, Instruction crxminelle, tome II, page ^7.

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340 DEUXIÈME PA&TIB.

Quanta la dùDOQcialion officielle à laquelle le paragraphe U de l'arlicle 5 du Code d'inslruclion criminelle subordonne, à défaut de plainte, rouverlurc de l'acllon publique en France, elle doit être adressée, conformément aux arliclos 30, /jS, âO du même code, soit nu procureur de la ik'piiblique, soil fi ses auxiliaires, par le magis- tral étranger au<iuel il eût appartenu de poursuivre le délinquanl français, si ce dernier fût demeuré bors de nos frontières.

A moins de conventions internationales, autorisant les magistrats étrangers à correspondre directement et sans intermédiaires avec les autorités françaises, la dénonciation officielle sera transmise à ces dernières par voie diplomatique, c'est-à-dire par le ministère des affaires étrangères, ainsi qu'il est de règle pour les demandes d'extradition. Le ministre des affaires étrangères, saisi de cette dénon- ciation, la transmet à son collègue de la justice, qui la fait lui-même parvenir biérarcbiquemenl au magistrat qui a qualité pour la recevoir'.

Tant que le blessé n'a pas porté plainte, tant que l'autorité étrangère n'a pas fait la dénonciation officielle, l'action reste sus- pendue. Le ministère public ne peut poursuivre; mais dès que la plainte a été portée, dès que la dénonciation officielle a eu lieu, il reprend sa liberté d'action contre l'auteur de la blessure, contre les témoins, et même, d'après la jurisprudence du tribunal de la Seioe, contre le blessé lui-même, quand bien même la plainte serait limitée à l'auteur principal.

On voit qu'en l'absence de dénonciation officielle, le blessé peut enchaîner, s'il le veut, l'action publique jusqu'à ce que la prescrip- tion soit acquise. Il lui suffit de garder le silence. Hais on ne peut ni s'engager d'avance à ne pas porter plainte, ni faire de cet engage- ment l'objet d'une transaction; ces actes sont nuls. (Article A du Code d'instruction criminelle.)

Rien n'empêche, par conséquent, le blessé de porter plainte après la signature de l'acte. Quelle que soit la stipulation, sa plainte ne cesse pas d'être valable.

La question de savoir si son désistement peut empêcher le ministère public de poursuivre, autrefois controversée, a résolue par plusieurs arrêts dans le sens de la négative *.

Dans le cas dont nous nous occupons, comme dans tous ceux qui sont prévus par l'article 5 du Code d'instruction criminelle, la

1. ContonnénieDt, voj'ei nottunmenl GilRrdOD, Ibùse de doclorat, Puis 1876, i. Voyoi DiUot, Jurùprudatct, V* Compilnct crîminelU, supplément, n* 83,

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 344

prescription de Taction publique court à partir de la perpétration de Facte délictueux, conformément aux principes généraux sur la matière et à ce que nous avons expliqué au chapitre lxx, et non à partir de la plainte.

3* condition. La poursuite n^a lieu que si le fait est puni par la législation du pays il a été commis {article b, paragraphe 2).

La raison de la solidarité étroite établie par ce texte, au point de vue de la répression des délits dont un Français s'est rendu cou- pable en pays étranger, entre la loi qui régit ce pays et la loi fran- çaise, se découvre aisément.

Sans doute, il peut paraître étrange que le législateur français ait subordonné l'application de notre droit pénal aux dispositions peut-être très différentes, dans leur lettre et dans leur esprit, qui ont trouvé place dans les codes étrangers, mais le sacrifice de notre autonomie législative est plus apparent que réel.

Tandis que le crime revêt par lui-même, et toujours, un carac- tère de gravité et d'immoralité absolues, qui exige impérieusement que son auteur ne demeure pas impuni, le délit est souvent une infraction toute contingente, toute relative, qui n'a porté qu'une &ible atteinte aux lois de la morale universelle.

Aussi lorsque l'État sur le territoire duquel un délit a été consommé a jugé sa répression inutile, la patrie de celui qui l'a commis, moins directement intéressée, aurait mauvaise grâce à se montrer plus sévère.

Au contraire, la loi nationale du délinquant et la lex loci s'accordent-elles pour déclarer punissable le fait allégué, il y a lieu de penser que ce fait est contraire au droit commun des peuples civilisés, et qu'ils ont un intérêt égal à le flétrir. L'harmonie de leurs dispositions est la meilleure preuve de son immoralité.

Presque toutes les législations ont cru devoir édicter contre le duel des pénalités particulières. Elles en ont fait une infraction dis- tincte de toutes les autres, ayant son caractère, son régime et ses lois propres.Telle, entre autres, la loi belge (Code pénal de 1867, article 423 et suivants). Telle la loi allemande (Code pénal,article 410), etc., etc.*.

Si la rencontre s'est produite sur le territoire belge ou alle- mand, il est hors de doute, étant donnée la jurisprudence de nos tribunaux relative au duel, que le Français qui a blessé son adver-

1. Voyez chapitre lxxxii. Législation des pays étrangers en matière de duel, textes et analyses. ._

311

DEUXIÈME PARTIE.

saire, {jui lui a, par exemple, infligé une incapacilé de travail de moins rie vingl jours, lomberail sous l'appiicatiou estensive de l'ai- ticlc 311 du Gode p^nal, el serait, eo conséquence, passible, à son retour en France, d'un emprisonnement de six joui-s h deus ans el d'une amende de 16 à 200 francs, si plainte préalable de rindlvidu blessé a été porlée, ou si le fait a été dénoncé officiellement par l'aulorité du pays le duel a eu lieu.

« Le délit est puni par la législation du pays il a été com- mis. » 1,'article 5, paragraphe 2, du Code d'instruction criminelle, per- met d'atteindre l'auteur et ses complices, et, d'après la jurispru- dence de la cour de Paris, le blessé lui-même.

Peu importe, au surplus, que la peine établie par la loi étrangère soit très différente dans son mode, ou dans son guaiitum, des péna- lités françaises. Ce que teut la loi, c'est que le même fait soit également prévu et réprimé dans les deux pays.

L'identité doit eiister, au point de vue do l'incrimination, non au point de vue du châtiment; mais cette identité doit être absolue; une simple analogie ne suffirait pas à autoriser l'application de l'article 5, paragraphe 2. Cela a été dit formellement au cours de la discussion soulevée par l'adoption de ce texte en 1866.

Ici se présentent deux questions :

1" QUESTION. Lorsque la rencontre a eu lieu dans un pays barbare, an sein de peuplades indépendantes, étrangères aux prin- cipes du droit des gens et aux obligations qui en découlent, le para- graphe 2 de l'article 5 est-il applicable?

La France conserve toujours son droit de répression, comme si le combat s'était passé sur son territoire. Elle peut saisir les cou- pables el les livrer à la justice de ses tribunaux, car l'article 5 du Code d'instruction criminelle suppose l'existence de rapports COD- stants et réguliers qui unissent les peuples entre eux, dont la récipro- cité fait le fondement, et qui assurent à chaque nation la protection efâcace etlesjustes satisfactions quelesautres obtiennent de sa part'.

2' QUESTION. La deuxième question n'a jamais été traitée. Elle est particulièrement intéressante en ce que sa solution peut offrir aux duellistes un moyen d'échapper aux rigueurs de la loi française.

Qae fïiudra-t-il décider al la législation da pays le oombat « au lian ne contient aooone dlaposiUoa war le dnel, et se borne, ainsi tfat la loi Bmaqtiiaa, i pnnir d'une manUre gènirale les coups et les Lles- snrea?

1. Vofei Cuuiiou, 17 mat 1839, Dalloi. JurUprudmee cnmintU*, n* 111.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 343

Nous n'hésitons pas à soutenir que c'est uniquement d'après les idées qui ont cours à l'étranger que cette législation devra être appréciée, et que les poursuites ne seront possibles en France que si, au lieu s'est passé le duel, la pratique judiciaire les eût per- mises.

Si nos tribunaux ont pu, dans un intérêt général, détourner l'article 311 du Gode pénal de son sens véritable et raisonnable, en assimilant un duel loyal au délit de coups etblessures, et en refusant au duelliste l^xcuse de la légitime défense, de quel droit éten- draient-ils une interprétation aussi excessive, aussi contraire aux lois qui gouvernent les autres peuples?

Ces lois ont leurs interprètes naturels ; ce sont les magistrats qui ont mission de les appliquer. Ils sont mieux h môme que per- sonne d'en pénétrer l'esprit et d'en dégager les conséquences qu'elles comportent.

Un acte législatif ne peut être isolé de la jurisprudence qui le complète et qui l'explique. Cette jurisprudence fait corps avec Jui.

Il suit de que, de même que l'étranger qui aurait pris part à un duel en France pourrait être poursuivi devant ses juges natio- naux, si sa loi personnelle contenait une règle semblable à celle qui existe dans l'article 5, paragraphe 2 du Code d'instruction criminelle français, de même le Français qui s'est battu sur un territoire étranger devra échapper à toute répression dana son pays, si la loi étrangère, tout en punissant le délit de coups et blessures, n'est pas appliquée au duel par les tribunaux locaux.

Il n'existe à notre connaissance aucun document de jurispru- dence qui se soit prononcé d'une manière formelle sur la difficulté que nous venons d'examiner ; mais il ne paratt pas que les auteurs aient jamais méconnu le rôle important qui appartient en cette matière aux décisions interprétatives de la justice étrangère.

« Nous croyons, dit Ortolan {Éléments de droit pénale 6* édition, par M. Albert Desjardins, tome I, page {(06, n^ 918 bis), que, à raison de la difficulté des preuves à tirer d'un pays étranger pour des faits souvent sans importance, à raison enfin de ces complications, pour nos magistrats, de législations et de jurisprudences étrangères mêlées à la législation et à la jurisprudence françaises, l'application de l'article 5, paragraphe 2, n'aura lieu qu'au moyen de la très grande latitude laissée au ministère public de poursuivre ou de ne pas poursuivre ^ »

1. Voyez aussi Gilardon, thèse de doctorat, Paris, 1876, page 209 ; et A. Wciss, Traité élémentaire de droit international privé, 1'^ édition, Paris, 1885, page 91.

F su

DElîXIÈMK PARTIE.

Si, coniiDc cela a lieu pour les cantons de Genève, d'Appenzel el d'Uri ', les Eribiinaux i^itraiigers n'ont pas encore eu à se prononcer sur la question, si aucun duel n'a encore fait l'objet de poursuites devant eux. en un mot si leur jui-isprudence n'est pas établie daus un sens ou dans un autre, l'interprétation du juge français ne sera plu» conamandc^c par celle que les magistrats étrangers ont donnée k leur loi nationale, puisque cette interprétation fait défaut.

Est-ce à dire que sa liberté soit entière?

Non. Les principes généraux de droit lui tracent des règles doot il ne peut s'affranchir.

Il est en effet universellement reconnu que toute disposition d'ordre pénal doit être interprétée reslrictivement : Pœnaiia mo« sunt extendnida. Or les bésilations trahies par la jurisprudence française jusqu'en 183-7, les différentes propositions de loi sur le duel qui depuis cette époque, et tout récemment encore, ont va le jour dans nos Chambres, les critiques dirigées par les cnminalistcs les plus autorisés contre le système de répression qui apréraludaas la pratique, témoignent assez combien ce système est incertain et fragile.

Ajoutons que, fût-il possible de te justifier au point de vue français, il n'est pas permis d'en élargir le domaine, d'en aggraver les conséquences, de le transporter dans la législation internatio- nale, en un mot de suppléer par analogie au silence el aux lacunes de la loi cl de la jurisprudence étrangères.

L'esamen dos diverses législations qui, autour de nous, se sont préoccupées d'assurer la répression du duel (et elles sont nom- breuses*) atteste que, dans les États elles sont en vigueur, le duel constitue une infraction spéciale, se suffisant à elle-même, ayant ses pénalités distinctes ; que nulle part, si ce n'est peut-être en Angleterre, on ne le confond, sous le rapport de l'incrirainatioQ et de la peine, soit avec l'homicide volontaire, soit avec les coups et blessures proprement dits'.

De cet accord presque unanime se dégage une sorte de droit commun international, auquel le juge fran(;.ais aurait dans tous les cas le devoir de se reporter, en cas d'obscurité ou de doute sur l'application d'une loi étrangère.

C'est par lui qu'il convient, k défaut de jurisprudence autorisée, d'expliquer le laconisme des codes qui ont laissé le duel eu dehors

1. Voyci Dotre cliapltrc Lxtxll. 3. Vojei notre chapitre Lixin.

3. Voyez DOtnmmcnt ChauTesu Adolpbe, FauïtÎD Hélie el Edmond Wilejr, 7A«orù dnCode pénal, S* édition, tome lU, n' 12HU

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 345

de leurs prévisions formelles, bien plutôt que par une pratique aussi locale, aussi incertaine, aussi justement attaquée que l'est celle de nos tribunaux sur ce point ; et ce droit commun réclame avec Topinion publique et les mœurs contre Tassimilation du duel- liste au meurtrier vulgaire.

Pour que le paragraphe 2 de l'article 5 du Gode d'instruction criminelle soit applicable, il est indispensable que le duel soit puni par la législation du pays il a eu lieu. Or cette condition ne peut être considérée comme remplie par une disposition générale répri- mant les coups et blessures, qu'aucune décision judiciaire n'est Tenue corroborer en la déclarant applicable au duel.

La circonstance que jamais un fait aussi fréquent que le duel n'a été l'objet de poursuites dans ce pays ne prouve-t-elle pas surabondamment qu'il n'y est pas puni ?

Résumant les développements qui précèdent, nous croyons donc pouvoir affirmer qu'un Français, combattant ou témoin dans un duel à l'étranger, duel terminé par une blessure qualifiée délit, ne peut être poursuivi en France que dans deux cas :

1** Si la loi répressive étrangère {lex deliti commissi) contient relativement au duel une disposition spéciale et formelle ;

2"" Ou tout au moins si, à défaut d'une disposition dece genre, une pratique judiciaire constante étend au duel, dans le pays il a lieu, les règles du droit commun qui concernent les coups et bles- sures ordinaires'.

£n dehors de ces deux hypothèses, si le duel a eu lieu, par exemple, dans les cantons d'Appenzel, de Genève ou d'Vri, nousesti^ mons que l'itnpunité est acquise au duelliste.

C'est au ministère public, seul compétent pour mettre en mouvement l'action publique répressive, qu'il appartient sans aucun doute d'établir que les conditions auxquelles est subordonnée la poursuite du duel en France, c'est-à-dire l'existence d'une législa- tion ou d'une jurisprudence conformes à l'étranger, se trouvent remplies, Onus probandi incumbit ei qui agit. Les travaux prépara- toires de la loi du 27 juin 186G sont formels en ce sens.

Mais comment cette preuve pourra-t-elle être rapportée? De quels faits, de quelles justifications résultera-t-elle ?

L'article 5 du Gode d'instruction criminelle ne le dit pas, et il est permis d'en conclure qu'à cet égard les juges sont maîtres

1. Cette opinion est celle de M. André Weiss, le savant professeur de droit inter- national, qui a bien voulu nous donner une consultation sur ce point.

346 DEUXIÈME PARTIE.

absolus de puiser il leur plaira les l'^lémeots de leur conviction ■.

Ordinairement la partie poursuivanle commuDiquera au Iri- bunal le lejte officiel de la loi étrangère sur laquelle elle se fonde '; ou encore celui des décisions ayant fixé la jurisprudence'.

La production des recueils de lois et arrêts étrangers sera le plus souïcnljugée suffisante.

En cas de la dénonciation ofûciclle dont il a été parlé précé- demment, cette dénonciation même pourra être considérée comme une présomption sérieuse que le duel est puni par la loi du pays il a eu lieu. Généralement, d'ailleurs, l'autorité étrangère appuiera sa dénonciation sur les textes des lois et décisions judiciaires, faci- litant ainsi dans une mesure appréciable la lâche et les investiga- tions de la justice française.

Parfois aussi, le minislèro public invoquera la doctrine una- nime des auteurs qui ont commenté la loi prétendue appli- cable*.

Il se prévaudra d'attestations émanées de magistrats étrangers'; de certificats délivrés par les agents diplomatiques, ou consulaires étrangers " ; de consultations d'avocats ou de jurisconsultes ''.

L'Institut de droit international a mis à l'étude il y a quelques années la question suivante : Quels seraient les moyens à proposer aux gouvernements, en vue de favoriser la connaissance des lois étrangères, et en particulier d'assurer la preuve de ces lois devant les tribunaux ' 1

1. Voyci CsssalioD, 17 décembre 1887, Dalloi, année 1888, 1" partie, pago 330.

2. Bordoaui, 4' chambre, 1" mars 1880. Pandcctei françauii piriodi<piet, 1890, 3' partiu, page 21 ; el les obaerTations <tc M. L. Beaucbct.

3. ConformémenI, ïoyei Iribuoald'AuverB, 13 janvier 1886, Jburnoidel Tribunavj: belges da 11 mars 1881).

i. Ail, 29 avril 184i. Sirey, année 1815, S' partie, page 114.

5. Tributml de laSeiae, 27 mare i»if>. Le Droit, du 28 mars. —Lyon, 1" janvier ISSl. La Ini du 14 octobre. —Bordeaux, 21 décembre 138U. Journal de Bordeaux, année 1887, 1" partie, page 91.

6. Caisalion, 4 avril 1881. Sirey, année 1883, 1" partie, page 65.

7. TribunaÈ correctionnel do BorJcam, 18 janvier 1882, Journal de droil {n(«ma- tional privé, tSS2, pngs 39, Chambérv, 23 février 1S8S, ibidem, 1885, page 6C5. Pau, 22 juin ]887. Galette du Palais, S janvier ISB7, aupplément. Tribnn&l de ia Seine, 13 février 18S9. U Droit du 2{ avril 1889. Cour d'appel d'Angleterre, IS février 1889. —Journal de droit inlernational privé, 1889, page 876.

8. Voyez le rapport de M. Pierantoni dana la Revue de droit internalionai de Gand, 1887, page 180; et les résolutions adoptées par l'inatitut datia eon Annuaire de 1888, pages 305 et auiv, Conforma mont, sur ta preuve des lois étrangèrea en géné- ral, Miltermaier, dans ]'Archiv fur eioitislische Praxia, totne XVill, ptges 67 61 suiv. Pierantoni, Délia prova delli leggi siraniere net giuditxi civili dans U Filantieri, 1883. Laurent, le Droit civil international privé, lome 11, page 262. Brocher, Court de droit international privé, tome I, page 153. Asser et Ririer, ËUmenlt de droit international privé, pages 34 et euiv.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 347

Observons que si le juge français est en principe maître d'attri- buer telle valeur qu'il juge convenable aux témoignages qui lui ont été fournis par le ministère public, la fausse application qu'il aurait faite de la loi étrangère donnerait ouverture à cassation.

A-til condamné le Français qui a blessé son adversaire en duel au delà de nos frontières, en s'appuyant à tort sur ce que la loi étrangère réprime le duel, sa décision devra être annulée.

En vain dirait-on, pour le contester, que la cour suprême n'a pas à veiller au respect des lois qui sont Tœuvre de souverainetés étrangères, et que sa mission se borne à assurer la stricte observa- tion de la loi française.

Sans examiner le mérite réel de cette objection, qu'il nous suffise de remarquer que, dans notre hypothèse, la cassation sera motivée non par l'interprétation inexacte d'un texte étranger, mais par une infraction directe à la loi française.

C'est la loi française en effet (Code d'instruction criminelle, article 5, paragraphe 2) qui exige, pour qu'un délit commis à l'étran- ger par un de nos nationaux encoure une répression sur notre sol, que de son côté la loi étrangère le punisse.

Si cette condition n'est pas remplie, la loi française est violée. Il y a erreur de droit, et par suite la Cour de cassation peut et doit exercer sa censure.

Son arrêt du 17 décembre 1887 (Dalloz, année 1888, l"' partie, page 330) semble le reconnaître ^

CHAPITRE LXXII

Extinction de l'action publique.

Disons quelques mots des causes qui peuvent éteindre l'action publique.

L'action publique est éteinte :

V Par le décès du prévenu;

2* Par l'amnistie ;

3"* Par l'exception de la chose jugée ;

Par la prescription ;

1 . Voyez au surplus, sur la cassaUon pour inobservation ou fausse application d*nDe loi étrangère, André Weiss, Traité élémentaire de droit international privé, 2* édition 1890, pages 297 et suiv.

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f 3IB

DEUXIÈME PARTIE.

Quelques lignes résumant ce que nous aTons déjà dit sur ce dernier mode d'eitinclîon nous paraissent uliles.

La prescriptioo, étant une eiception d'ordre public, peut être proposée en tout état de cause et devant toutes les juridictions.

Les délais de la prescription de l'action publique sont de dii ans pour les faits qualifiés crimes et de trois ans pour les faits qualifiés délits. Ils commencent à courir du jour ot le crime ou le délit auront été commis (articles 637-638 du Code d'instruction criminelle).

La prescription peut être interrompue par des actes d'instruc- tion ou de poursuite {ibkfi-m).

Dans ce cas, aui termes des mêmes articles, elle ne recom- mence à courir qu'il compter du dernier acte interruplif. Tout le temps qui s'est écoulé avant l'interruption est réputé non acquis.

Les actes d'instruction ou de poursuite interrompent la pres- cription non seulement envers les personnes contre lesquelles ils sont dirigés, mais à l'égard même des personnes qui ne sont pas impliquées dans cet acte. Ainsi la citation au combattant qui a blessé son adversaire interrompt la prescription vis-à-vis les té- moins.

CHAPITRE LXXIII Extradition.

La question d'extradition se rattache à celle du duel par des liens trop étroits pour que nous n'en disions pas quelques mots.

Supposons que deux Français se battent en duel, soit en France, soit à l'étranger, et que le duel se termine par la mort d'un des combattants.

Supposons que le survivant passe dans un pays voisin de celui la rencontre a eu lieu, afin d'éviter la sancliou d'une législation dont il redoute les atteintes.

Si l'extradition est demandé», le paye de reftage l'aooordera-t-il?

Il faut distinguer trois hypothèses :

Si l'état requérant et l'état requis considèrent le duel comme une infraction sui generis, si aucune clause des traités ne mentionne le duel parmi les faits passibles d'extradition, il est pro- bable qu'elle sera refusée.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 349

La question a été résolue dans ce sens par le tribunal fédéral suisse dans son audience du 27 août 1883. (Affaire Lennig'.)

2"" Si rÉtat requérant considère l'homicide commis en duel comme un meurtre ordinaire, et Tassimile à un crime de droit commun, tandis que l'État requis le regarde comme une infraction d'une nature particulière, peu importe que le meurtre figure dans les traités. En pratique, très probablement, cette fois encore, la demande sera repoussée.

Ainsi la Belgique n'extrade pas l'étranger réclamé sous l'incul- pation de meurtre en duel\

S'* Si la loi ou la jurisprudence des deux pays admettent l'assimilation de l'homicide commis en duel avec le meurtre ordi- naire, l'extradition sera très rationnellement accordée.

Bien ne s'oppose, par exemple, à ce que l'Angleterre consente l'extradition d'un individu accusé d'avoir donné en duel la mort à son adversaire, puisque le droit anglais qualifie cette infraction de murderer.

Peu importe que, d'après la loi de l'État requérant, elle constitue également un meurtre ou tout autre fait compris dans l'énumération du traité'.

Voici, du reste, la théorie de l'extradition en matière de duel, telle qu'elle est exposée par le docteur Lammasch, professeur à l'Uni- versité de Vienne, rapporteur de la Commission de l'extradition à rinstitut de droit international, dans un ouvrage qui fait autorité dans tous les pays de langue allemande, Auslieferufs pfticht und asylrecht^ Wien^ 1887 :

« Le duel ne figure à ma connaissance dans aucun traité comme fait nécessairement passible d'extradition.

« Bien n'empêcherait cependant d'accorder l'extradition à la suite d'un duel ayant entraîné la mort ou des blessures graves, dans le cas le traité l'autorise n pour toute sorte d'homicides volon- « taires, blessures et lésions volontaires* ».

a Mais lorsque le traité énumère, sous leurs noms techniques d'assassinat ou de meurtre, les infractions ayant causé la mort, il n'est pas possible à un État dont les lois voient dans le duel un délit

i. Voyez Journal de droit international privé, année 1883, page 533. Appendice 106.

2. Voyez Kirchner, VExtradition, page 369. —Bombay et GiU>rin, Traité pratique de Pextradition, Paris, 1886, page 170.

3. Voyez M. Stephcn, History of the criminal law of England, 3 vol. London, 1883, tome II, page 69.

4. Voyez notamment le traité austro-russe de 1874.

350 DEUXIÈME PARTIE.

spécial, dislJDCt de l'assassinat et du meurtre, d'exiger l'ealradilion du dudlisle qui a lue son adversaire.

u A plus forte ralsou cet État ne pourrait-iJ réclamer l'eilra- dilioD à raison d'une simple blessure Taite en duel, encore qu'une semblal)le blessure ne se trouve pas formellement eiclue «des coups « et blessures que le traité prévoit' u.

Ainsi l'article 216 du Code pénal allemand excuse le meurtre de celui qui a donne son consentement {Todttiiig rfei Einwitli- gendai). M, Lammasch eo conclut (page 172, paragraphe Ik) qu'aucua Élat allemand ne saurait être tenu de délivrer à la France l'auteur d'un meurtre ou de coups et blessures résullaut d'un duel, étant donné que ces faits ne sont pas compris par la législation alle- mande, non plus que par les traités d'extradition conclus entre la France et les divers États allemands, sous la qualificalioQ technique de meurtre.

Passant à l'Aulriche, M. Lammasch observe que les traités les plus récents conclus par la monarchie austro-hongroise limiteot l'extradition aux infractions qui ont trouvé place dans lenr nomen- clature; et encore faut-il que ces infractions soient passibles de peines d'une certaine gravité.

M. Lammasch eslime que l'Autriche n'est jamais, aux termes de ces traités, tenue d'accorder l'extradition d'un duelliste, alors même que la peine qu'il aurait encourue serait supérieure au taux d'uae année fixé par lesdils traités*.

C'est d'aprijs les mêmes distinctions que les difticultés relatives à l'extradition sont résolues en Suisse, et notamment lorsqu'il s'agît d'une demande adressée par un canton à un autre canton \

Le duel ne rentre pas dans les crimes et délits pour lesquels l'extradition de canton à canton est obligatoire.

La loi fédérale ne parle pas du duel. Le duel ne peut donc donner lieu ù extradition entre cantons suisses lorsque tous deux ou l'un d'eux possèdent une législation pénale faisant du duel an délit spécial.

Au contraire, entre cantons ne possédant pas une semblable législation, les lésions corporelles faites en combat singulier pour- raient être considérées, suivant le cas, comme meurtre ou coups et blessures volontaires donnant lieu à extradition.

Même dans ce dernier cas, l'extradition pourrait encore être

1. Paragraphe 1, p*ge 140.

2. Opu» citatum, p«r«grûphe IS, page 174.

3. Voyei loi (éd^le du U juillet 1SS2, niadifléopar celles du 34 juillet 1S67 el du 31 Hvrier 1873.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 331

refusée par le canton requis, s'il s'engageait à faire punir le duelliste à teneur de ses lois, ou à lui faire subir les peines déjà prononcées contre lai (loi fédérale, article 2).

Il est bon de remarquer que les traités passés entre les diverses nations qui nous avoisinent ne sont pas limitatifs quanta l'énumé- ration des faits qui peuvent motiver l'extradition.

Il est admis que les crimes et les délits non compris dans les traités peuvent y donner lieu*.

N'oublions pas, en effet, que Textradition est uniquement un droit de souveraineté de l'État requis.

Mais il est juste d'ajouter que dans la pratique un État demande rarement l'extradition pour un fait non compris dans les traités.

Terminons ce chapitre par l'étude d'une question qui peut offrir un certain intérêt, eu égard à la différence des pénalités qui attendent l'individu réclamé par deux États à la fois.

Supposons que des Français se battent en duel à l'étranger, en Bavière, par exemple. L'un d'eux est tué, l'autre rentre en France; mais comme il craint d'y être poursuivi, il se réfugie en Suisse, dans le canton de Genève.

Deux demandes d'extradition sont adressées à la Suisse : l'une par le pays d'origine du réfugié, l'autre par le pays le duel a eu lieu. Laquelle aura la préférence ?

En admettant que l'extradition soit possible, ce qui nous parait plus que douteux pour ce qui concerne la Bavière, en présence de la décision du tribunal Suisse du 27 août 1883, rapportée au 106 de notre appendice, il faut décider que le pays de refuge a le choix entre les deux demandes *.

Toutefois, cette règle est quelquefois écartée par les stipulations des traités. C'est ainsi que l'article 8 de la Convention franco-bava- roise du 29 novembre 1869 dispose que « dans le cas de réclamation du même individu, de la part de deux États, pour la même infraction, l'extradition sera accordée à celui sur le territoire duquel l'infraction aura été commise ».

L'Institut de droit international s'est prononcé dans le même sens dans sa session d'Oxford, en 1880.

1. Voyez Cassation, 30 juin 1827. Affaire de la Granville, 16 septembre 1841, Dallozy année 1841, V partie, page 440. Cassation, 18 juillet 1851, Dalloz, année 1851, 5* partie, page 248. 4 mai 1865, Dalloz, année 1865, l'« partie, page 248.

2. Voyez tribunal fédéral Suisse du 16 décembre 1876. Journal d$ droit inter- national privé, 1878, page 63; et Billot, Théorie de Vextradition, page 231.

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DEUXIÈME PABTIE.

CHAPITRE LXXIY

Moyens dont les combattants et les témoins peuvent i pour échapper à la sanction de la loi pénale.

Après avoir constaté que rboraicide et les blessures commis en duel rendent les adTersaires et les témoÏDS passibles en France des diverses sanctions que nous avons i^numérées chapitre lxv, noas alions eiaminer quels moyens ils peuvent tenter dans le bat de s'f soustraire, et quelle est la valeur de ces moyens.

Nous les diviserons en deux classes :

La première comprend les moyens estra-tégaux, c'est-à-dire pris en dehors de la loi. I-a seconde comprend les moyens empruntés à la loi, que les intéressés retournent pour ainsi dire contre elle- même et dont ils se font une égide.

UOîENS EXTHA-LÉGADX.

Nous n'en connaissons qu'un, encore n'est-il pas spécial au duel, et tellement banal que nous n'en parlerions pas, si l'amour' propre des duellistes et un étrange besoin de réclame ne le leur /aisaieul trop souvent négliger.

// s'agit du secret le plus absolu gardé avant, pendant et après la rencontre.

Jamais époque n'a été plus favorable que la ndtre à sa réossile. Depuis quelques années, la justice semble fermer les yeux sur les affaires d'honneur. Pour qu'elle les ouvrit, il faudrait qu'elle y fat contrainte par les scandales d'une tapageuse rencontre. Si elle intervenait, ce serait pour ainsi dire malgré elle.

Nous ne pouvons trouver un exemple plus frappant à l'appai de noire thèse que celui du sous-lieutenant d'infanterie de marine Wernert, tuant deux hommes à quelques jours de distance, sans attirer l'attention de la justice et sans que le ministère public une fois avisé exeri;At des poursuites '.

Nous ne saurions garantira tous ceux qui voudraient employer ce moyen un égal succès, car il faut, en cela comme en toute chose,

e Wernert, Gaittte det Tribunaux,

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 353

compter avec certaiDs aléas qui déjouent les plus habiles calculs. L'indiscrétion des témoins ou des personnes mêlées à l'affaire, la curiosité de reporters toujours à l'affût des moindres nouyelles» et cent autres causes suffisent pour produire ce résultats

Cependant nous le recommandons, car il joint à sa qualité de préservatif celle de rentrer dans Tobseryation correcte des règles du point d'honneur, qui interdisent d'immiscer le public à des querelles en dehors de sa compétence indiscutable.

MOYENS LÉGAUX.

Il n'en existe qu'un : le duel à l'étranger.

Mais comme il produit des effets très différents, suivant que la rencontre se termine par un fait de nature à être qualifié crime ou par un fait de nature à être qualifié délit, nous allons étudier sépa- rément chacune de ces hypothèses.

V cas. Le combat se termine par un fait de nature

à être qualifié crime ^.

Les adversaires et les témoins qui veulent se prémunir contre les poursuites du ministère public français, en prévision du cas le duel se terminerait par un fait de nature à être qualifié crime, la mort de Tun deux, par exemple, doivent non seulement choisir un territoire autre que le territoire français pour vider leur différend, mais, dans le cas l'hypothèse se réaliserait, ne plus y rentrer jus- qu'à l'expiration des dix années exigées pour prescrire l'action pu- blique ^

C'est seulement à la condition de demeurer à l'étranger pendant ce laps de temps que le ministère public français resterait désarmé.

On a reproché au moyen que nous signalons de condamner ceux qui en usent à un bannissement dont la rigueur n'est pas en proportion avec le péril qu'ils courraient en se battant dans leur patrie et en y restant; de constituer, par conséquent, un remède pire que le mal.

Cette critique, vraie dans bien des cas, ne l'est cependant pas toujours.

Que les duellistes et leurs mandataires aient raison décompter

i. Voyes affaire de Morès-Mayer, assises Seine. La Libre parole, n? da 20 août 1893. Affaire T...-R..., août 1890. Appendice 108.

2. Voyei notre chapitre lxt.

3. Voyez notre chapitre Lix.

23

«^.mi; Kk.-^-:' *'

354 DEUXIEME PARTIE.

dans une ceruime mesure sur l'indulgence des jarés lorsque le duel a été loyal, nous ne songeons pas à le nier ; Diais de à croire que celle indulgence leur est forcément acquise, il y a loin.

Noua pourrions citer plusieurs exemples à l'appui de cette asser- tion, et notamment, parmi les atîaires les plus récentes, les affaires Asselin-Sainl-Victor, Ghika-Soutzko, Betz-Pîcrotli, etc.

Ils ne doivent pas oublier que le jury se laisse aller d'ordinaire aux impressions du moment, au courant de l'opinion, et qu'il est bien plus disposé â prendre en considération la personnalité des indiri- dus en cause que la logique pure et la justice absolue. Une légitime sns|)icion peut donc les engager quelquefois à ne pas affronter son verdict.

Du reste, la rigueur de cet exil sera singulièrement atténua, pour bien des gens, par l'administration et la disposition de leurs biens que conservent leseiîlés. En effet, le choix qu'ils font d'un ter- ritoire élrangerpourse battre el lesoin qu'ils prennent d'y demeurer empêchent qu'aucune procédure par contumace ne soit intentée contre eux, et que te si'tjuesire ne soil mis sur leurs biens, comme il le serait st, le duel ayant eu lieu en France, Us s'étaient ensuite réfugiés à l'étranger.

Un inconvénient plus grave du moyen que nous signalons est d'exposer ceux qui l'emploient à être arrêtés sur le territoire de l'État le duel a eu Heu, et à subir la sanction de lois, sinon plus rigoureuses que les nâtres, du moins plus régulièrement appli- quées.

Pour s'y soustraire, ils sont obligés de se réfugier, aussitôt après le combat, dans un paytj qui n'extrade pas les individus réclaroAi sous l'inculpation de meurtre, blessures, lésions corporelles, etc., commis en duel.

La Suisse nous parait devoir élre avantageusement choisie. En effet, grSceà la variété des lois pénales qui régissent ses cantons très rapprochés les uns dos autres, elle se prête mieux que n'importe quelle contrée aux combinaisons qui peuvent être tentées dans le but d'esquiïer l'action publique '.

On voit que les intéressés ne doivent jamais choisir le pays sur le territoire duquel la rencontre aura lieu, et celui sur le territoire duquel ils se réfugieront ensuite, sans avoir comparé préalablement les diverses législations étrangères sur le duel et les divers traités relatifs à l'extradition.

Si les circonstances leur permettent de passer, sans être arrêtés,

t «péciitlemeot l'aSaire LeouiDg, tribuDkl fédérât

RESPONSABILITÉ PÉNALE- 355

de Fan des territoires choisis à l'autre territoire, il est probable que leur combinaison sera couronnée de succès et qu'ils échapperont à toute sanction pénale. Cependant la certitude ne saurait être absolue, car l'extradition est un acte de souveraineté de l'État requis. II peut la consentir malgré le silence des traités.

Observons, pour clore ce trop long débat, que dans certains cas l'honneur défend aux adversaires et aux témoins d'essayer le moyen dont nous nous sommes entretenus précédemment; par exemple, si un refus de comparaître devant la justice est de nature à jeter un doute sur la loyauté de la rencontre.

cas. Le combat se termine par un fait de nature

à être qualifié délits

Le choix d'un territoire étranger, dans le but d'éviter les consé- quences pénales d'un duel terminé par un fait susceptible d'être qua- lifié délit, terminé, par exemple, par une blessure entraînant incapa- cité de travail pendant moins de vingt jours, offre des chances de réussite bien plus grandes que si le choix avait eu lieu en prévision du cas le duel se terminerait par un fait susceptible d'être qua- lifié crime.

Nous savons déjà en effet que, si le territoire désigné appartient à un État dont la législation ne punit pas le duel, les adversaires et les témoins peuvent rentrer en France après le combat, sans y être atteints par aucune sanction pénale (art. 5, Gode instruction crimi. nelle, S 2) ; ^^ V^^ 1^ territoire appartient à un État dont la législa- tion punit le duel, ils ne peuvent être poursuivis après leur retour en France que si le blessé a porté plainte, ou si l'autorité étrangère a dénoncé officiellement le fait à l'autorité française (art. 5 du Gode d'instruction criminelle, § k).

Nous ne connaissons en Europe que trois pays rentrant dans les conditions énumérées au paragraphe 2. Ce sont les cantons de Genève, d'Appenzel et d'Uri.

Gomme leurs lois n'offrent aucune disposition spéciale et pré- cise punissant le duel, aucune pratique judiciaire constante éten- dant aux lésions corporelles faites en combat singulier les règles du droit commun relatives aux coups et blessures, nous croyons qu'ils constituent le seul port de salut susceptible de mettre duellistes et témoins à l'abri de toute poursuite en France, pour les faits dont nous nous occupons, lorsqu'ils sont de nature a être qualifiés délits.

1. Voyez chapitre lxv. . .

356 DEL'XIÈME PARTIE.

Bien que cette opinion De soit élayée d'aucune di^cisîon suscep- tible de former jurisprudence, nous hésitons d'autant naoios à la soutenir, qu'une erreur de noire part n'aurait pas d'autre nfsnt lai que de placer les intérossôs dans la position ils se Iroure- raienl si k- combat avait eu lieu sur le lerriloire il'un État le dasi est réprinii?.

Aucune poursuite ne pourrait, comme nous Tenons de le dire, f^lre eserci^c contre eux, sans avoir été précédée de la plainte du blessé, ou de la dénonciation oflicielle dontil est question au para- graphe h de l'article 5.

Or, dans la plupart des cas, ces conditions ne seront pas remplies, car le blessé se gardera bien de porter une plainte qui rendrait au ministère public sa liberté d'action et lui permet- trait de le poursuivre, lui blessé, en vertu de l'article 311 du Code ; pénal '. Généralement aussi, ils auront su écbapper à la pofiM iHrangére.

Mais s'il y a probabilité d'entraver les poursuites, il n'y a pas certitude, quand bien môme les adversaires se seraient engagés d'a- vance à ne pas porter plainte, ou quand bien même les précautions '■ les plus minutieuses auraient été prises afin d'éviter la dénoacia- i lion ofllcielle. Eu effet, dans la première hypothèse, l'engagement est illégal, el, dans la seconde, il faut compter avec un hasard mal- heureux.

Les recommandations que nous avons faites à propos du secret, qui constitue le seul moyen extra-légal d'éviter les poursuites, sont encore plus vraies dans le cas présent.

l.es adversaires et les témoins doivent en effet se prémunir, non seulement contre une arrestation flagrante deticto, ce à quoi ils peuvent arriver en se battant à deux pas de la frontière qu'ils tra- versent à la première alerte, mais encore contre les renseignements que la police étrangère recueillera, et qui lui permettront de for- muler la déooQciatian qui fournira au ministère public français la possibilité de sortir de son inaction.

Qu'ils seméflentdes douaniers qui, pendant la yisite des bagages, peuvent découvrir les armes, des cochers, hôteliers, reporters, etc., etc., en un mot de tous les gens qui les approchent et risquent de donner l'éveil à la police.

Inoonvénlents do dnel à l'étraiigar.

Après avoir signalé les garanties d'impunité qu'offre le duel à l'étranger, il nous reste à en montrer les inconvénients, de manière

I. Voyei notre chapitre uv.

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 357

à permettre aux duellistes de prendre une décision aTec connais- sance de caase.

Pour peu qu'ils soient hommes politiques, ou simplement hommes connus, pour peu que les préliminaires de la rencontre aient été ébruités, ils ont chance d'être reçus à la descente du train par les gendarmes étrangers, sans lesquels ils ne peuTent plus faire un pas, jusqu'au moment où, à bout de patience, ils se décideront à mettre un terme à cette situation ridicule et à rentrer en France comme ils étaient Tenus K

S'ils sont assez habiles pour dépister leurs gardes du corps et pour se battre quand même, ils courent risque d'être arrêtés et exposés à une législation souTent plus rigoureuse que la nôtre, tou- jours plus régulièrement appliquée*.

Nous ne citerons que pour mémoire, bien qu'ils aient leur importance, les pertes de temps et les frais occasionnés par des voyages qui ne sont ni à la portée de toutes les bourses ni à celles de toutes les positions, et la difficulté, plus grande qu'on ne le croit généralement, de rencontrer, même lorsqu'on n'est pas signalé à la police, un lieu propre à la lutte.

Nous voulons parler d'un lieu joignant aux conditions énumé- rées chapitres xxii, xxiv et xlvu celle de toucher à la frontière, tout en étant assez rapproché d'une ville française pour que le blessé puisse y être transporté facilement et y recevoir les soins nécessités par son état, sans avoir à redouter, pour lui et les témoins restés à ses côtés, la condamnation qui les frapperait s'ils demeuraient dans le pays le duel a eu lieu.

Nous avons entendu soutenir bien des fois que ces précautions, admissibles à l'époque le duel était sévèrement réprimé en France, sont inutiles aujourd'hui que le vent souffle à l'indulgence, et que le ministère public n'intervient guère que si le combat s'est terminé par la mort d'un des champions ou s'il a été déloyal. Pour- quoi faire tant de façons, nous disait-on, lorsque sénateurs et députés se battent à qui mieux mieux, lorsqu'on a pu voir naguère un prési- dent du Conseil croiser le fer sous l'égide du chef de la sûreté, venu Coût exprès pour assurer le calme nécessaire, lorsqu'un substitut près le tribunal de la Seine est replacé deux mois après avoir donné sa démission, à la suite d'une rencontre il a figuré comme acteur ^7

1. Voyez affaire Rochefort-Isaac, l* Intransigeant du 14 mai 1801. Rochefort- Thiébaut, la Presse du 8 septembre 1890. Appendice 109.

2. Voyez la désopilante affaire Marchis-Duchassin, Gazette des Tribunaux, n^ des 14, 17, 18 décembre 1876, et l*affaire Laguerre-Dérouléde, la Presse^ n** des 16, 17, 18 novembre 1890. Appendice n<" 110 et 111.

3. Voyez affaire Floquet-Boulanger. Appendice n^ 4. Affaire T..,-R..., août 1890. Appendice n<> 99.

r

DECXIÈME PARTIE.

I

Mieuï vanl s'escrimer ô sa porte et près de son médecin. C'est plas économique, plus confortable et moins (iangereuz.

il y a du vrai dans ce raisonnement, mais il ne faut pas trop généraliser. Ce serait folie de croire que toute rencontre terminée par de simples blessures est eierapte de danger.

Un pareil optimisme eiposerait les advei'saircs et les témoiosi uu réveil désagréable.

La neutralité actuelle de la justice n'implique pas son désar- mement. Le ministère public peut très bien fermer les yeui sur le cas de M. A.,., pemoua grata en haut lieu, et les onvrir sur celui de M. B..., un gêneur, qu'on voudrait mettreà l'ombre quelque temps.

M. B... aura beau faire ressortir l'impuaité du voisin et criera l'injustice, il n'en sera pas moins, très légalement, sinon très jus- tement, traduit devant les tribunaux et condamné.

Ne l'oublions pas : tant que la prescription ou l'amnistie n'ont pas couvert l'acte délictueux, les (-ombatlanlaetles témoins auraient tort de se croire indemnes parce qu'ils n'ont pas été poursuivis aussitôt après la rencontre. Ils demeurent passibles d'articles qui ne sont pas abrogés, et qui peuvent élre appliqués du jour au lende- main, sur un ordre du ministère'.

De même que nous avons conseillé aux adversaires et aux témoins qui voudraient vider leur querelle à l'étranger de choisir pour cela les territoires de Genève, d'Appen/el et d'Un, de même nous conseillerons de choisir le déparlemeot de la Seioe h ceux qui préféreraient que la rencontre ait lieu en France.

En eCfet, c'est l'endroit un événement de cette espèce pas- sera le plus inaperçu, laissera le public plus froid, et De les expo- sera guère ani poursuites que s'il y a un dénouement tragique.

En pareille occurrence, celte décision leur procurera, en outre, l'avantage de comparaître devant des jurés plus indifféreDts que partout ailleurs aux influences de clocher, moins ignorants que les provinciaux des usages du point d'honneur, moins malléables, par conséquent moins disposés à confondre un duel avec une rixe ordinaire, et celui qui tue un homme dans une rencontre loyale avec un vulgaire meurtrier.

Une question accessoire se grefTe sur la question des avantages et des inconvénients que présente le duel ù l'étranger.

Elle a été soulevée à propos de l'afTaire Lavertujon-BaretaQd*. On s'est demandé si la clause que le duel aurait lien à

RESPONSABILITÉ PÉNALE. 359

l'étranger pourrait être imposée comme condition sine qud non de la rencontre.

A notre avis, il faut distinguer si la condition est posée par un des adversaires, ou par un témoin.

Dans la première hypothèse, la réponse doit être négative, parce que le désir d'esquiver la sanction pénale ne saurait, dans bien des cas, entrer en ligne de compte avec d'autres intérêts plus respectables, notamment lorsque la partie adverse est nécessi- teuse ou dans l'impossibilité de voyager. La solution contraire lui enlèverait, en effet, la faculté de demander ou de rendre raison pour une offense donnée ou reçue, ce qui est contraire aux règles fondamentales du point d'honneur.

Dans le second cas, la réponse doit être afûrmati?e.

En effet, les témoins, qui se chargent bénévolement d'un lourd fardeau, et qui sont considérés par la loi pénale comme complices des adversaires, demeurent exposés à toutes les conséquences de la complicité. Il est donc bien juste qu'ils conservent la liberté de prendre les précautions qu'ils regardent comme propres à en atté- nuer le danger, et qu'ils soient maîtres de subordonner à cette con- dition l'assistance dont on les prie.

TROISIÈME PARTIE

RESPONSABILITÉ CIVILE DES ADVERSAIRES

ET DES TÉMOINS.

CHAPITRE LXXV

Éléments de la responsabilité civile. Conditions relatives au dommage souffert. Personnes auxquelles appartient Faction en responsabilité civile. Contre lesquelles elle peut être dirigée. En quoi consiste la réparation.

Le principe de la responsabilité civile est exprimé de la manière la plus générale dans Tarticle 1382 du Gode civil, en vertu duquel « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Dans la matière qui nous occupe, il faut entendre par le mot 0 dommage » tout préjudice qui est la cause du duel et qui existe à rinstant l'action en responsabilité civile est intentée. En effet, le dommage doit être prouvé au moment la personne lésée porte sa demande devant les tribunaux ; l'allégation d'un dommage éven- tuel ne suffit pas.

Un dommage matériel, pécuniaire, n'est pas le seul qui donne naissance à l'action en responsabilité civile. Dans certains cas, un intérêt purement moral suffit. Ainsi des dommages et intérêts peuvent être réclamés par un fils pour la mort de son père tué en duel, par une femme pour la mort de son mari, etc., quand bien même la victime aurait été à leur charge. Si les tribunaux font droit à cette demande, ce sera en compensation de la solitude et de la douleur ils sont plongés, de l'appui qui leur fait défaut, etc., etc. ; ils la lui accorderont pécuniaire, faute de pouvoir faire mieux.

Le droit de demander des dommages et intérêts appartient à toutes les personnes qui ont souffert un préjudice par le fait du duel *.

1. Articles i«' et 63 du Code d'instraction crimiDeUe.

361 TROISIÈME PARTIE,

On voit de suite quelle eiteosion peut être donnée à la respon- sabilité (les duellistes, et combieu la liste des réclamatioas peut être cbargéc. Nous n'entreprendrons pas de la dresser : nous nous con- lenterons de donner quelques exemptes, qui suffiront pour montrer la fécondité du principe formulé en (été du Code d'instruction criminelle.

Ainsi l'homme qui, dans un duel, aura fait des blessures à sod adrersaire, pourra être condamné à des réparations envers lui, bien que tout se soit passé loyalement '.

Celui qui aura donné la mon à son adversaire pourra être condamné à une indemnité au profit de ta famille du défunt.

Nous trouvons de nomlireux arrêts accordant des dommages et intérêts, notamment :

Aux enfanta. Affaire Bctz-Pierotti, assises des Bouches-dn- RhOue, 11 décembre 1880. Dailoz. Jurisprudence, V Duel, supplé- ment, n" ItS.

A la leure. Cassation, 29 juin 1827. Cour d'assises des Basses- Pjrénées, 15 août 1837. Voyez Dailoz, Jurisprudence. Duel, n" 105.

A la mère. Bordeaux, 15 avril 1835. Cassation, 30 juin 1836, ibidem. Cour d'assises de Seine-et-Oise, 25 norembre 1862, et Cassation, 20 février 1863. Dailoz, année ISC^, première partie, page 'J9.

Aux frères et sœurs. Même arrêt.

Etc., etc.

Nous arrêtons nos citations, malgré l'intérêt que pourraient offrir d'autres exemples.

Nous ne parlerons notamment du droit des héritiers et des créanciers que pour indiquer les sources auxquelles le lecteur pourra puiser, s'il veut étudier ces intéressantes questions et appro- fondir les controverses qu'elles ont soulevées. Cet examen dépasse- rait les limites de notre travail >.

1. Voyei Soardai, Traité de la rtsportsabiliti, (orne V, n* lOS bù. DemoloinlM, Contratt, tome Vlll, u" S12. Laroinbière, wmo V, page 710, Aubr; et Riu, tome IV, page 743. Rauter, Législation criminelle, fome II, i44.

2. Voyez, sur le droit des hériliers, Sourdat, Aeipontubilit^, tome I, n* 54. Labbé, Observationa eur un jugemem du iribunal correctiODoel de Besançon on dais du !•' décembre 1880, Sirey, année 1881, 2= partio, p»ge ÏO, Sur le droit des créanders, yoyei Sourdat, tomo I, n" 73. Dalloi, Juriiprvdtna, V* Obligaliont, paragraphe 502, n°* 16 et 1 7. Dcmolombe, Conirati, tome II, 80. Larombidre, tome I<', sur l'article 1160.— Labbé, Ob8cr\alions sur un Jugement du tribunal delà Soins du 9 Janvier 1879, Sirey, année ISSI, 2' partie, page 28.

RESPONSABILITÉ CIVILE. 363

Uaction publique, pour l'application de la peine, ne peut être dirigée que contre le prévenu. Elle s'éteint à la mort.

L'action en responsabilité civile peut être dirigée contre l'auteur du fait dommageable et contre ses représentants ^

En conséquence, elle peut êti*e dirigée contre la personne civi- lement responsable, par exemple contre le père d'un mineur qui aurait tué un homme en duel, et contre les héritiers, car les biens du défunt ne leur ont été transmis que grevés de cette obliga- tion, etc.

L'action en dommages et intérêts peut être également intentée contre les témoins, en vertu des articles 1382 et 1383 du Gode civil; mais la seule qualité de témoins ne suffit pas pour entraîner néces- sairement leur responsabilité civile.

On ne saurait admettre, par exemple, que les parents d'un individu tué en duel puissent raisonnablement, et par le seul motif que les mandataires de la partie adverse ont assisté au com- bat, leur réclamer des dommages et intérêts, alors qu'ils se sont acquittés de leur charge avec tout le soin et la conscience désirables, et qu'ils ont dirigé l'affaire avec la plus entière correc- tion.

Il faudrait que de leur part il se fût produit une faute, pour l'appréciation de laquelle les juges ont un pouvoir discrétionnaire. Dans ce cas, ils pourraient demander des dommages et intérêts même aux témoins de leur parent.

Un arrêt de la Cour de cassation belge, en date du 17 décembre 1888, nous offre un exemple frappant à l'appui de cette assertion.

Dans l'espèce, il s'agissait d'un témoin qui, sortant de son rôle modérateur, avait envenimé l'affaire, et avait contribué personnelle- ment à la rencontre '.

Nous croyons que des dommages et intérêts pourraient être également demandés à l'individu non témoin qui, par ses sar- casmes ou les écarts méchants de sa langue, aurait provoqué la rencontre.

Les tribunaux ont, pour la fixation des dommages et intérêts, un pouvoir discrétionnaire, mais ils devront tenir compte de la gravité du préjudice, de la situation sociale et pécuniaire se trouvaient les adversaires, et des circonstances qui ont préparé ou accompagné la rencontre. Us doivent se préoccuper, en particulier, de la faute imputable à l'auteur du préjudice. Il n'est pas douteux, en effet, qu'à égalité de dommage matériel, ils n'accordent une

1. Article 2 du Gode d'instruction criminelle.

2. Voyex Dalloz, Jurisprudence, supplément, Duelf n^ 75.

su TROISIÈME PARTIE.

iDdemoilé plus considérable à celui qai aara été obligé de se lultre, poar aiasi dire malgré lui. qu'à l'agresseor.

>~ooblioDS pas qu'eu matière de dutJ, c'est l'auleiir de l'offense et non celai qui a cnTojé le cartel qui est coasidà^ comme proTo- caleor*.

Les dommages et intérêts se traduisent toajonrs par le payement d'une somme d'argent. Ils peurent consister, par exemple, soit eu une somme fiie. payable d'un seul coop on â terme, soit dan^ une reste reyeraible on non rereistble, etc. >.

CHAPITRE LTÏVl

Mode d'obligatiOD des personnes responsables. Solidarité. Exécution des coodaumations sur les biens et la

En Tertu de l'article 55 du Code péaal, ions lesiadiridus con- damnés poar an même crime on pour an même délit sont tenns sdidairemeDl des amendes, des restitotions. des dommages et iiit«- rêls et des fr;iis.

Arant de faire l'applicfllion des rllsposilicns contenues dans cet article au sujel qui ntiui û -c:^^c, li^iiLiiii^ji-i I2 i-^LiL^i'ilt.

L'obligation est solidaire entre débiteurs, lorsque chacoo d'eu est A considérer, dans ses rapports avec le créancier, comme débi- teur de l'intégralité de la dette ; en d'autres termes, lorsine chaqae débiteur se trouve obligé, au (oui et pour le tout, comme s'il ^it seul débiteur.

De ce principe général, on peul, relatiTement aax suites péca- niaires d'un duel, tirer les conséquences soivaDles :

Tous les indiîidus, combaltanis et témoins, condamnés derant la Cour d'assises ou les tribunaux correctionnels, soit comme aateors de rbomicide ou de la blessure, soit comme complices, sool respon- sables les uns des autres, en ce qui concerne le pavement des sommes dues à l'État, c'est-à-dire en ce qui concerne les amendes encourues et les frais occasionnés par le procès, et en ce qui con- cerne le payement des dommages et intérêts alloués k la personne lésée. Dans ce cas, la solidarité a lieu de plein droit et bien que les

I. yojaJMloi.JariMprvUaagtMir*!», V*D»«(, d* ISi.M wi|>pl«m«st, ««ïî. i. ><TefCunlMB,a0féTTierll63. Dklloi. 1861, 1" putie, p«ge 99.

RESPONSABILITÉ CIVILE. 365

peines prononcées contre eux soient différentes et que le montant des condamnations ne soit pas le même.

Ainsi deux adversaires sont poursuivis avec leurs quatre témoins. Chacun d'eux est condamné à 500 francs d'amende, trois témoins sont condamnés à 100 francs chacun, le quatrième, Pierre, à 25 francs ; les frais du procès sont de 1,000 francs, ce qui fait un total de 2,325 francs.

Supposons que Pierre soit seul solvable. C'est lui qui, bien que le plus légèrement condamné, payera la totalité des 2,325 francs.

Lorsqu'il s'agit de dommages et intérêts et de témoins, il faut supposer, bien entendu, que les derniers ont été mis en cause à raison d'une faute personnelle, et ont été condamnés à cette répa- ration en même temps que l'auteur de l'homicide ou de la blessure.

Lorsque l'action en dommages et intérêts est portée directement devant les tribunaux civils, les juges peuvent prononcer la solida- rité ; mais ils n'y sont pas obligés comme lorsque la réparation est poursuivie devant les tribunaux de répression en même temps que l'action publique*.

On comprend toute l'importance que peut avoir, pour les per- sonnes mêlées à un duel d'une manière quelconque, et en particu- lier pour les témoins, la question de solidarité, surtout en ce qui concerne les amendes et les frais.

Elle est intéressante également au point de vue de la contrainte par corps. Chaque condamné peut, en effet, dans certaines condi- tions, être tenu personnellement de la totalité de la somme par ce moyen de recours.

Après avoir vu quelle était la nature de l'action en réparation civile, celle de la réparation elle-même et la manière plus ou moins rigoureuse dont le débiteur doit être tenu, nous allons indiquer sommairement comment s'exécutera la condamnation.

Uexécution peut porter sur tous les biens du condamné que la loi ne déclare pas insaisissables et, dans certains cas, sur sa per- sonne, par voie de la contrainte par corps.

La détention est une compensation du défaut absolu d'exécu- tion provenant de la mauvaise foi ou de l'insolvabilité du condamné.

Les jugements de condamnation prononcés parla Cour d'as- sises et les tribunaux correctionnels entraînent de plein droit la contrainte par corps pour le payement des amendes, frais et dom- mages et intérêts au profit de l'État et pour celui des dommages et intérêts dus à la partie lésée '.

1. Voyez Soardat, tome !•', n*« 162et8uiT.

2. Articles \, 2, 3, 4^ delà loi du 22 Juillet 1867 et loi du 19 décembre 1871,

^ 3M

TROISIÈME PARTIE.

Lorsque la rëparalion est poursuivie deTant les tribanans civils, il faut disllnguer :

Si l'action de ta partie lésée est fondée sur un crime ou un délit préalablement reconnu par les tiibunaui de répression, la contrainte doit s'exercer. Dana le cas contraire, lorsque l'action revél un caractère purement civil, elle ne peut pas être prononcée '.

CIIAPITRK LXXVII

Compétence. Action civile portée devant les tribunaux de répression. Devant les tribunaux civils, Preuve.

La partie lésée par l'effet d'uu duel, par exemple par la mort ou la blessure d'un des adversaires, peut porter l'action eu répara- tion civile, soit devant les tribunaux de répression, soit devant les tribunaux civils.

Nous allons étudier chacune de ces hypothèses.

De l'action civile portée devant la Cour d'assises.

Ln partie K^séc peut toujours se porter partie civile dcraot la Cour d'assises, à raison d'un Tait qui lui est déféré par le mlDis- tère public '.

En effet, la Cour d'assises est compétente pour connaître de l'action civile contre l'accusé condamné ou même acquitté.

N'oublions pas que la mission du jury est absolument diffé- rente de celle de la cour. Le jury a pour principal devoir de sauve- garder l'intérêt de la société. Lorsque, dans l'acte qui lui est déféré, il ne voit aucune cause de lésion pour l'intérêt social, il prononce un acquittement. La cour, au contraire, doit non seulement sauve- garder l'inlérét social, mais encore protéger l'intérêt du particulier lorsqu'il réclame sa sauvegarde.

Elle peut prononcer des dommages et intérêts, même en cas d'acquittement par le jury, lorsqu'elle reconnaît dans l'acte qui lui est déféré une cause de dommage pour la partie civile.

Dès lors, il ne faut pas s'étonner qu'une affaire soumise à l'un

RESPONSABILITÉ CIVILE. 367

et à Tautre reçoive en même temps une solution diamétralement opposée *.

Le duc de Grammont-Gaderousse, qui avait tué en duel son adversaire, fut renvoyé indemne par le jury et condamné par la cour à des dommages et intérêts considérables envers la mère, les frères et les sœurs de la victime.

Les arrêts de la Gour d'assises, alors même qu'ils statuent sur une demande en dommages et intérêt^, ne sont pas susceptibles d'appel. La voie de la cassation est seule ouverte contre eux.

De Taction civile portée devant le tribunal correctionnel.

Ge tribunal ne peut prononcer de dommages et intérêts qu'ac- cessoirement à un délit par lui reconnu. Il ne peut, par conséquent, acquitter le prévenu et accorder des dommages et intérêts à la partie civile *.

Mais le tribunal correctionnel est libre de rejeter la demande de la partie civile, après avoir condamné le prévenu, sMl reconnaît, par exemple, que le dommage n'existe pas.

Les jugements rendus en matière correctionnelle peuvent tou- jours être attaqués par la voie de Tappel.

De l'action portée devant les tribunaux civils.

La partie lésée peut toujours porter directement sa demande devant les tribunaux civils, lorsqu'elle ne veut pas exercer son action devant les tribunaux de répression concurremment avec l'action publique.

Elle ne peut faire autrement que d'agir devant les tribunaux civils toutes les fois que l'action publique est paralysée par un obs- tacle légal.

Tel est le cas le combat a eu lieu à l'étranger, dans un pays qui ne punit pas le duel, et s'est terminé par une blessure de na- ture à être qualifiée délit. Aux termes de l'article 5, paragraphe 2, du Gode d'instruction criminelle, aucune poursuite ne peut être exercée en France contre Tauteur de la blessure.

Force est donc au blessé ou à toute autre personne lésée de s'adresser à la juridiction civile pour obtenir des dommages et intérêts.

1. Voyez notamment Taffaire Dillon-de Grammont-Caderoasse, assises de àeine- et-Oise, 25 novembre 1862. Dalioz, année 1864, l**" partie, page 99.

2. Voyez, sur les personnes civilement responsables, Sourdat, tome II, 779.

368 TROISIEME PAKTIE.

Il en est de môme si l'action publique est éteinte, soit par la prescriptiou, soit par le dt^cès de l'inculpé.

De même si l'auleur du fait dommageable est couverl par l'im- munité parlementaire.

C'est aussi devant les tribunaux civils que l'actioa en dom- mages el intûrôls doit être portée, en cas de duel entre justiciables des Iribunaui militaires, car les tribunaux militaires ne statuent que sur l'action publique '.

Lorsque l'action en dommages et intérêts est Intentée si'paré- ment de l'action publique, elle reste suspendue tant qu'il n'a pas été prononcé sur l'action publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile, en vertu du vieux principe que le cri- minel lient le civil en état '.

Une question controversée est celle de savoir si la partie lésée peut cbanger de juridiction, passer du civil au criminel, c'est-à- dire porter sa demande devant le tribunal de répression après l'avoir portée devant la juridiction civile, ou i-ice versa passer du criminel au civil.

Supposons, par exemple, qu'un duel ait eu lieu à l'étranger et se soit terminé par une blessure de naturel être qualifiée délit, el dont la poursuite ne peut être exercée en France sans une platale ou une dénonciation offlcielle.

Le blessé, qui a peur d'être poursuivi en vertu de l'article 311 du Code pi'nal, si par une plainte il rend su liberté d'action au mi- nistère public, et qui cependant veut obtenir des dommages et intérêts, porte sa demande devant le tribunal civil. Entre temps, une dénonciation offlcielle se produit. Le ministère public pour- suit.

Pour avoir une solution plus rapide, le blessé Toudrail aban- donner l'action directe qu'il avait portée, et se joindre à l'actioa publique comme partie civile. Cette faculté lui sera-t-elle accor- dée ? Voyez, dans Sourdat, Responsabilité, tome P', n-" 232 et sui- vants, l'exposition et la discussion des trois systèmes rivaux.

La partie qui réclame réparation pour le dommage causé par l'clfel d'un duel doit établir l'existence de ce dommage et la faute qui lui a donné naissance.

Elle peut justifier sa demande par tous les moyens de preave reconnus par la loi,

1. Articles S3 el St, code de justice militaire. Arlictea 74 et 75, code nuri- 8. Article 3 du Code d'instructioD crîmiDelle.

RESPONSABILITÉ CIVILE. 369

CHAPITRE LXXVIII

Extinction de l'action civile. Renonciation. Transaction.

Désistement. Prescription.

Les faits, autres qu'une décision judiciaire, qui peuvent éteindre Taction en dommages et intérêts résultant de l'homicide ou de la blessure commis en duel, sont : la renonciation, la transaction, le désistement et la prescription.

Disons quelques mots sur chacun de ces moyens d'extinction.

Renonciation.

La partie à qui appartient l'action civile en réparation du pré- judice causé peut, à condition d'être capable, en disposer libre- ment, et, par conséquent, y renoncer purement et simplement. Nul n'est, en effet, contraint de poursuivre en justice l'auteur d'un dom- mage dont il a souffert ; c'est un acte qui dépend uniquement de sa volonté.

Transaction.

*

Le droit de renoncer entraîne celui de transiger.

La personne capable pour renoncer à l'action est capable pour attacher à cette renonciation les conditions qui lui conviennent, pourvu que ces conditions soient licites ^

Cependant, un arrêt de la Cour de cassation en date du 7 no- vembre 1865, rapporté par Dalloz, année 1866, première partie, page 204, semblerait indiquer qu'il doit en être différemment lorsque l'obligation est née entre coauteurs d'un acte délictueux ; dans notre espèce, entre l'auteur de la blessure et le blessé.

Telle n'est pas notre opinion. Nous croyons que l'arrêt est spé- cial aux dettes de jeu, et que l'analogie entre les deux cas n'est pas suffisante pour motiver la prohibition.

Ici peut se placer une question importante, car sa solution affirmative pourrait diminuer considérablement, dans certains cas,

1. Articles 2045 et 2046 du Code civil.

24

it .

310 TROISIÈME PARTIE.

la responsabilité de l'auteur de l'hooiicide ou de la blessure commu en duel.

On s'est demandé quelle sérail la râleur légale d'une conven- tion au moyen de laquelle les deux adversaires s'aSTranc^iiraieDl par avance de toute responsabilité civile, à raison de l'homicide qu'ils pourront commettre, ou de la blessure qu'ils pourront faire dans la rencontre qui doit avoir lieu, soit en renonçant puremeat et simplement à tous droits à des dommages et intérêts, soil en attachant à cette renonciation certaines coodilions.

Elle est nulle comme n'ayant pas de cause née, et, en admet- tant que la cause fût née, comme reposant sur une cause illicite'.

H en serait de mCme relativement à la convention par laquelle les adversaires s'engageraient, avant le duel, à constituer un ou plusieurs arbitres chargés de juger les difficultés qui pourraient surgir à la suite et â cause de la rencontre.

Désistement. ^^^|

De même qu'une personne lijjre de l'esercice de ses droits peut transiger, de même elle peut se désister.

Il y a deus manières de se désister, soit à. la suite d'une trans- action, soit en abandonnant purement et simplement sa demande formée devant les tribunaux.

Eolro ces deux modes de désistement, il existe une diUérence importante. Si le désislemcnt a lieu à la suite d'une transaction, il est lié a l'existence même de cette transaction. Il ne peut exister que si elle est valable et ne peut tomber qu'avec elle.

S'il a lieu sans transaction, il n'a d'effet que relativemeot à la procédure commencée.

Le fond du droit existe toujours, et la partie qui s'était désis- tée peut reprendre son action tant qu'elle n'est pas prescrite *.

En matière de renonciation, de transaction et de désistement, nous ne saurions recommander une trop grande clarté dans U rédaction de l'acte qui les constate.

L'ambiguïté pourrait être préjudiciable pour les deux parties, et en particulier pour l'auteur de l'homicide ou de la blessure.

11 a été jugé en effet : que celui qui transige sur les dommages et intérêts résultant d'une blessure ne transige pas sur les dom-

1. Article 1131 du Code civil. Voyei Troploog, Trantaetion, articles 2015, 3016,

RESPONSABILITÉ CIVILE. 371

mages et intérêts résultant de sa mort, si cette mort a été le résul- tat du même accident^; que la transaction par laquelle la victime d'un accident renonce à poursuivre la personne responsable de cet accident ne met pas obstacle à la réclamation ultérieure d'un sup- plément d'indemnité motivé par une aggravation de maladie sur- venue depuis la transaction ; et, spécialement, qu'une personne qui avait obtenu une rente viagère à raison de la perte d'un œil était fondée à réclamer un supplément lorsque la même blessure avait eu pour conséquence ultérieure la perte de l'autre ^

En cas de difficultés sur la transaction, les tribunaux ont un pouvoir discrétionnaire pour apprécier la valeur et la portée de la rédaction.

Prescription.

Lorsque l'action civile en réparation du dommage causé par la mort ou la blessure d'un des combattants est exercée concurrem- ment avec l'action publique, elle se prescrit par dix ans si le fait est qualifié crime, et par trois ans s'il est qualifié délit ^

A-t-on voulu étendre le même mode de prescription au cas l'action résultant du crime ou du délit qualifié serait portée de piano devant les tribunaux civils et la réparation du dommage serait poursuivie séparément de l'action publique? Faut-il appliquer, au contraire, la prescription trentenaire?

On admet généralement que la prescription de l'action pu- blique éteint en même temps l'action civile ^.

11 en est de même si la partie lésée, au lieu de baser sa demande sur le crime ou le délit qualifié, n'invoque que le fait dommageable en lui-même, en le considérant comme une faute ordinaire donnant droit à des réparations civiles en vertu de Tar- licle 1382 du Code civil ^

La prescription de l'action civile court du jour le fait qui motive cette action s'est produit (Fhomicide ou la blessure dans notre espèce), si dans le délai fixé pour la prescription il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite.

1. Paris, 11 août 1868. Dalloz, année 1868, partie, page 186.

2. Aix, 2 avril 1870. Dalloz, 1871, partie, page 241.

3. Articles 637, 638 du Code d'instruction criminelle.

4. Voyez Sourdat, Responsabilité, tome 1", 378. Larombière, Obligations, tome V, page 727. Curasson, Compétence des juges de paix, tome 1", 159. Contra, tribunal de Gien, 2janvier 1838. Cassation, 17 décembre 1839. Dalloz, année 1840, V partie, page 68 ; et Bourguignon, article 637, Code d'instruction cri- minelle.

5. Conformément, voyez Sourdat, Responsabilité, 379, et nombreux arrêts.

371 TROISIÈME PARTIE.

S'il a été fait des actes d'instnictio d ou de poursuite non sui- vis de jugement, le délai pour la prescription des deux actions ne recommence à courir qu'à compter du dernier acte, à l'égard même des personnes qui ne seraient pas impliquées daus cetle instruction ou celle poursuite'.

Le jugement rendu, une nou Telle cause d'obligation, résultant de la condamnation, se substitue à l'ancienne, c'est-à-dire à celle qui avait sa base dans le crime ou dans le délit déféré à la juridic- tion répressive. L'action civile qui naît pour en assurer l'eiécution dérive alors du jugement lui-même et ne peut plus être prescrite que par le délai ordinaire de la prescription, c'est-à-dire par trente ans, conformément aui dispositions combinées de l'article 642 du Code d'instruction criminelle et de l'article 2262 du Code civil- Mais il faut remarquer qu'il n'en est ainsi qu'à l'égard des individus qui ont été poursuivis personnellement. Vis-à-vis de ceux qui n'ont pas été impliqués dans la poursuilo, le jugement ne con- stitue, au point de vue de l'interruption, que le dernier acte d'io- struction et devient lui-même le point de départ de la prescription'.

CHAPITRE LX'XIX

Moyens dont les adversaires et les témoins peuvent user pour échapper à l'action en responsabilité civile.

Les adversaires qui engagent une affaire d'honneur et les té- moins qui les assistent ne songent guère d'habitude aux consé- quences pécuniaires que leur entreprise peut entraîner.

En cela ils ont tort, car, dans l'addition de la carte & payer, la responsabilité civile forme souvent la colonne la mieux remplie.

Qui peut, en effet, mesurer d'avance le dommage causé par un coup d'épée ou une balle de pistolet?

Ëu cas dejnort, le défunt peut laisser des enfants, une veuve, un associé et d'autres encore, ruinés par sa Un prématurée, ou. qui souffrent de sa perte.

Lorsqu'en 1862, le duc de Grammont-Caderousse tua le jour- naliste Dillon, il passa aux assises et fut acquitté, mais condamné

RESPONSABILITÉ CIVILE. 373

à des dommages et intérêts envers la mère et les frères de la yic- time, sous forme d'une somme de 100,000 francs et d'une pension alimentaire encore aujourd'hui payée.

Ce serait bien autre chose maintenant.

11 est vrai que tout le monde n'étant pas duc et millionnaire, l'indemnité ne monte généralement pas aussi haut.

Dans l'affaire Betz-Pierotti, qui fut jugée devant la Cour d'as- sises des Bouches-du-Rhône, le 11 décembre 1889, les dommages et intérêts alloués à la veuve et aux enfants du défunt n'excédèrent point 10,000 francs, auxquels il convient d'ajouter les frais qui enflent toujours singulièrement la note.

Si le duel se termine par une blessure, le champ des hypo- thèses reste encore grand ouvert, car cette blessure peut être égale- ment une cause de dommage plus ou moins grand.

On voit que dans la somme des prévisions désagréables» sus- ceptibles d'inspirer de salutaires réflexions aux indi?idus sur le point d'engager une afiaire d'honneur, la question pécuniaire ne doit pas être négligée. Il existe, en effet, des gens qui, par leur carac- tère, leur situation, leur entourage et cent autres causes, doivent être considérés a priori comme dispendieux, et qu'on ne doit en- dommager qu'avec circonspection.

Elle intéresse particulièrement les témoins qui, en leur qua- lité de complices, risquent d'être tenus solidairement avec l'au- teur principal pour les amendes et les frais, et qui peuvent être actionnés en dommages et intérêts, si dans Taccomplissement de leur rôle ils ont commis une faute qui a porté dommages

Il est donc naturel que combattants et témoins s'efforcent d'es- quiver le danger commun.

La difficulté de l'entreprise est plus considérable que lorsqu'il s'agit d'éviter l'action publique. Ce n'est plus, en effet, un seul ad- versaire (le ministère public), qu'ils ont à combattre, mais, toute la série des individus lésés, qui agissent en leur nom personnel, en vertu d'un droit qui leur est propre, et à l'égard desquels une con- vention à laquelle ils n'auraient pas [donné leur adhésion serait sans effet.

Ainsi la transaction, bien que très valable lorsqu'elle a lieu entre l'auteur de la blessure et le blessé, n'empêcherait point, par exemple, un père à la charge duquel son flls serait tombé, de ré- clamer au premier des dommages et intérêts pour les dépenses excep- tionnelles que lui aurait occasionnées la blessure, et ainsi de suite jusqu'à réparation complète des lésions.

1. Voyez cassation belge, 17 décembre 1888. Dalloz, Jurisprudence, supplé- ment, V® Duel, n. 75.

374 TROISIEME PARTIE.

Celle extension de la responsabilité ne pcarail être oubliée, car elle domine toute la malière.

Supposons mainlenaut que la difficulté dont nous venons d'eo- irelenir le lecteur soit aplanie; supposons, par exemple, qne l'au- teur de la blessure ou de rhoraicide n'ait en face de lui qu'une seule personne susceptible de lui intenter une action en dommages et intérêts, un fils, par exemple. Aura-t-il à sa disposition un moyen de l'esquiver li^galcment?

Nous n'en connaissons aucun.

Pour qu'il en fût autrement, il aurait fallu qu'avant le combat le fils eût pris l'engagement d'affranchir de toute responsabilité civile l'adversaire de son père, en cas il le tuerait ou blesserait dans la rencontre subséquente. Or toutes les conventions de ce genre sont nulles.

Nous allons voir qu'on ne peut pas y arriver non plus arec certitude par des moyens détournés.

Pour qu'il en fût autrement, on devrait supposer qu'en sous- crivant cette décharge, les personnes susceptibles d'être lésées lais- seraient en blanc la date et autres indications nécessaires, de ma- nière à les ajouter après le duel et à donner à l'acte l'apparence d'une convention libératrice intervenue postérieurement au fait géné- rateur de la lésion, c'est-à-dire après le combat.

Mais ceprocédé.qui pourrait peut-iître avoir une certaine valeur devant les tribunaux qu'il induirait en erreur, ne saurait être em- ployé dans notre espèce, parla raison qu'en matiùre de point d'hon- neur iQule supercherie est interdite, sous peine d'être eu contra- diction avec nue législation qui repose avant tout sur la bonne foi et la probité.

En effet, si la partie qui s'est engagée veut revenir sur sa pa- role, elle peut toujours établir qu'il y a eu simulation dans le but de frauder la loi ^

Elle peut, notamment, déférer le serment au défendeur, qui se trouve placé dans Talternative de commettre un parjure ou de re- connaître la nullité delà convention.

De ce que les renonciations antérieures au duel n'ont aucune valeur légale, il ne faut pas en conclure qu'elles soient absolument dépourvues d'efficacité, et qu'on doive y renoncer absolument; il peut arriver que l'engagement soit de nature à lier d'une manière si étroite l'honneur des contractants, qu'ils reculent au dernier moment devant la tare qui les disqualifiera s'ils ne font pas hon- neur à leur signature.

1. Vojei fionnier, TraiU da preuv*i, tome I, page 169.

RESPONSABILITÉ CIVILE.

376

Bien que personne ne puisse engager autrui sans son consen- tement, ne peut-il arriver, en outre, que la solidarité qui unit les membres d'une même famille, amène certains parents à endosser une promesse qui n'est pas la leur ?

Tout ceci est possible, mais nous devons avouer en toute sin- cérité qu'une victoire aussi éclatante du point d'honneur sur l'in- târét pécuniaire est chose trop problématique pour qu'on puisse raisonnablement fonder de sérieuses espérances sur un pareil moyen.

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QUATRIÈME PARTIE

RESPONSABILITÉ RELIGIEUSE DES ADVERSAIRES ET DES TÉMOINS.

CHAPITRE LXXX

Égalise catholique.

Le duet engagé oa simplemeat accepté est réproaré par l'Église catholique.

Elle n'admet aucune raison qui puisse le légitimer. En rain se rejette-t-on sur la réputation de lâcheté que procure un refus, sur la perte de sa dignité et de sa situation, sur la ruine de ses espé- rances, sur l'impossibilité d'obtenir justice autrement; en vain ^ense-t-on s'excuser sur ce que le duel accepté n'aura certainement ' 9 lieu, que tout est simulé, ou qu'on s'arrêtera au premier sang. ^B,ns ces inotifj ont été rejetés par les Sourerains Pontifes, et spé- ^K'enient par Benoît XIV [Detestabilem, année 1752.) ^P L'Église soutient la doctrine morale de toutes les forces de son jfl»vVoir coercitif. Les peines qu'elle édicté sont l'excommunication £u a privation de sépulture ecclésiastique.

*tt. Ezoommunioation.

^ Celle censure, portée par le Concile de Trente (Sess. 25, Cap. 19, Mefor.y, confirmée par Grégoire XIII {ad toUendam...); Glé- IVllI [llliiis vices; Benoit XIV {Detestabilem...) se trouve bien I dans ce qu'on peut appeler le code pénal de l'Église, Blitution de Pie IX, Àpostoliae sedis. |le est de celles dont le Souverain Pontife s'est réservé l'abso- ISn simplicirer, et soumise, par conséquent, à la jurisprudence de ^cette calt'gorie de peines. La voici dans sa traduction textuelle :

« Sont soumis k l'excommunication réservée au Souverain Pontife « simpliciter a ; ceux qui se battent en duel ; ceux qui pro- voquent en duel ou acceptent la provocation; tout complice et

376 nUATRlÈHE PARTIE.

toute personne qui y coopère ou le favorise ; cens qui y assistent à dessein ; ceui qui le permettent ou ne l'empêchent pas de tout leur pouvoir, de quelque dignité qu'ils soient, celte dignité serait-elle la royauté ou l'empire, a

Cette censure atteint donc quatre sortes de personnes :

Les duellistes; et cela en toute circonstance, quelles que soient les conililions du duel, dès l'instant il y a danger de blessure. La simple provocation, faite avec intention de combattre, même en dehors de l'acceptation, et l'acceptation non suiïie d'effet, tombent sous le coap de la censure ;

tes complices et coopéraleurs; sous ce nom viennent ceux qui favorisent le duel, comme les témoins et les conseillers; ceux qui dictent, écrivent ou portent les lettres de provocation, excitent au combat par leurs railleries; enfin tout autre coopérateur, comme serait un médecin ou un confesseur, qui, par l'effet d'une entente préalable, se tiendrait prôt â porter secours aux blessés (S. Off., 31 mai 188fi);

Ceux qui, à dessein, assistent au duel. On ne comprend pas dans cette catégorie les passants qui par hasard, de loin et sans Otre vus, regarderaient.

Il faut en excepter également le spectateur venu avec rinlenlion d'empêcher le duel ;

Enfin les autorités, qui permettent le duel, ou ne l'empêcheot pas quiind elles pourraient et devraient l'empêcher; par exemple les chefs d'armées, les propriétaires de terrains, etc.

Privation sépnltor» «oolésiastiqu«.

Cette peine atteint le duelliste dans toute sa sévérité. Benoit XIV déclare qu'elle sera encourue, avant même une sentence judiciaire, par les combattants morts sur le terrain, ou décédés ailleurs à la suite de blessures reçues en duel, quand même, avant leur mort, ils auraient donné des signes certains de repentir, et reçu l'absolution de la censure et de leurs péchés {Detestabileui , 20 novembre 1752).

Ou peut consulter également la lettre du pape Léon \III, adressée, le 11 septembre 1801, aux évéques de l'Allemagne et de l'Autriche qui l'avaient interrogé sur » ta mauvaise habitude des duels H, et en particulier le paragraphe il est question des duels militaires.

RESPONSABILITÉ RELIGIEUSE. 379

Église réformée.

La responsabilité religieuse des duellistes et des témoins appar- tenant à la religion réformée est déterminée par Tarticle 32 de la discipline des Églises réformées en France : « Ceux qui apellent ou font apeler en duel, ou qui estant apelés l'acceptent, même tuent leurs parties ; quand bien depuis ils auroient obtenu grâce, ou auroient esté austrement justifiez, seront censurez jusqu'à la suspen- sion de la Sainte Cène, laquelle suspension sera promptement publiée]: et en ce cas qu'ils yeuillent estre reçus à la paix de l'église, ils feront reconnaissance publique de leur faute. »

Il résulte de cet article que les Églises protestantes en France ont, par leur discipline, formellement condamné et interdit le duel, au nom de l'esprit même de la morale chrétienne.

Elles n'ont youlu ni atteindre ni frapper celui qui meurt dans un duel, car elles ne reconnaissent ce droit qu'à Dieu seul; mais pour le suryiyant, ou pour les deux ad?ersaires, si ni Tun ni Tautre ne succombe, la discipline les place sous le coup de la censure et de la suspension du sacrement de la Sainte Gène.

Cet article de Fancienne discipline des Églises réformées est encore en vigueur, comme toutes ses autres prescriptions, dont aucune n'a été abolie formellement. Ce n'est que l'application qui en a été modifiée dans la forme, pour être accommodée à notre temps.

Au lieu d'une censure et d'une suspension publiques, c'est le pasteur qui, au nom de son ministère, fait en particulier sentir leur faute aux coupables, et les engage à s'abstenir de la Sainte Gène, jusqu'à ce qu'ils aient désavoué leur faute et déclaré qu'ils re- viennent aux vrais principes chrétiens.

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CINQUIÈME PARTIE

LE DUEL A L'ÉTRANGER.

Usages. » Législation.

En France, raction publique et Faction ciyile s'étendent à toutes les infractions commises sur le territoire. Elles peuvent atteindre, par conséquent, les étrangers qui s'y sont battus et les témoins qui les ont assistés '•

Notre législation du point d'honneur est également seule ap- plicable, lorsqu'un Français et un étranger recourent à la voie des armes pour vider un différend survenu pendant que tous deux se trouvent sur le territoire français.

Réciproquement, dès que le Français a foulé le sol d'un pays étranger, il tombe sous le coup de ses usages et de ses lois, tant pour ce qui regarde les conditions de la rencontre que relativement à la sanction ^.

Point de difficultés, par conséquent, si l'offense, le cartel et les négociations ont lieu dans un seul pays.

Il n'en est pas de même lorsque l'offense a lieu sur le terri- toire d'un État où, pour une raison quelconque, le cartel ne peut pas être envoyé et les conditions discutées.

Supposons que, sur le quai d'une gare, à Paris, un Autrichien souffleté un Français, et que, dans la précipitation d'un départ en sens inverse, les deux antagonistes n'aient que le temps d'échanger leurs cartes.

Supposons que l'agresseur retourne en Autriche, l'offensé est obligé de lui demander réparation.

Supposons qu'il y ait désaccord sur les conditions de la ren- contre, le Français prétendant imposer le duel à l'épée, que l'Autrichien refuse, sous prétexte que cette arme est illégale dans son pays, on ne se bat qu'au sabre et au pistolet.

1. Art. 3, Code inst. crim.

2. Conf. Voyez Angelini, Codice cavalkresco, chap. vi ; Gelli, Codice cavalleresco, 3* partie, par. 5, article 220.

an CINQUIEME PARTIE.

Quelle législation du point d'honneur sera choisie pour tran- cher le différendî

Trois solutions peuvent être données à la question. Nous nous contenterons de les exposer, en abandonnant au lecteur le sois de conclure, car les limites de ce travail ne nous permettent ni de donner à celte controverse un développement suMsant, ni de moliver nos préférences.

Disons seulement qu'une alTairc récente, celle du capilainc Scrvan, commandant le paquebot fran(;ais Canada, avec le capi- taine Cietsch, commandant du paquebot allemand Allemania, rapportée au n" 113 de l'appendice, démontre clairement l'intérêt qu'elles peuvent offrir.

On peut décider que les règles du point d'honneur applicables seront celles du pays de l'offensé, parce qu'étant la personne iulé- ressanle, tous les avantages doivent être de son côté.

C'est la théorie soutenue eu Italie par Gelli : Codice caial- Ifiesco, par. 12; et Angelini, ibidem, chap. x, arl. 35,

Elle esl très rationnelle lorsque les règles servant à déterminer à qui revient la qualité d'olTensé sont les mêmes dans les deux pays, mais elle cesse de l'être en cas de divergence. On ne peut, en efTel, attribuer le r(Me d'offensé qu'après être préalablement tombé d'accord sur la législation applicable. C'est précisément la ques- lion.

On peut di^cider que les règles applicables seront les règles en vigueur dans le pays aura été envoyé le cartel, et les con- ditionsde la rencontre seront discutées; pour deux motifs: d'abord, parce que c'est à partir du moment le cartel est envoyé que commencent toutes les formalités qui donnent au différend le caractère d'une affaire d'honneur; ensuite, parce qu'en l'absence d'une législation internationale du point d'honneur, chaque Étal reste indépendant et ne peut pas subir davantage des lois étran- gères qu'il ne peut imposer les siennes aux États voisins.

On reproche à cette solution de produire des résultats injustes et de favoriser la déloyauté de l'agresseur. Il est clair, en effet, que si on l'adopte, rien ne sera plus facile à ce dernier que de se retirer dans le pays dont il trouve la législation la plus avantageuse, et d'obliger son adversaire à l'y suivre, s'il veut obtenir réparation.

On peut décider enfin que les règles applicables seront les règles en vigueur dans le pays l'offense a eu lieu.

Cette solution peut être avantageuse dans certaines hypo- thèses, par exemple s'il s'agit d'un Français offensé en Italie par un Autrichien, qui passerait dans certains cantons suisses le duel est inconnu, et il n'existe aucune règle spéciale en matière de point

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 383

d'honneur. Elle nous semble devoir être adoptée chaque fois que dans les deux États les règles qui déterminent à qui revient les droits de Toffensé ne sont pas les mêmes.

L'objection la plus sérieuse qu'on puisse faire à ce système est défavoriser aussi quelquefois Fagresseur, notamment lorsqu'il s'agit d'offenses commises par la voie de la presse.

Supposons qu'un homme de lettres publie à Vienne, contre un Français, une série d'articles il lui impute des actes déshono- rants, et qu'il les lui adresse à Paris sous pli recommandé.

Si le Français lui envoie ses témoins à Vienne, et, en sa qualité d'offensé, choisit Tépée, le journaliste pourra récuser cette arme, en disant que les articles ayant été publiés sur le territoire autrichien, ce sont les règles en usage dans ce pays qui doivent être appliquées, et que ces règles ne reconnaissent pas l'épée comme arme légale.

Les partisans du dernier système répondent que cette prétention n*est pas admissible, et que l'exemple ne prouve rien.

Ils soutiennent que l'obligation de venger une injure n'existe pour une personne qu'à l'instant cette injure parvient à sa con- naissance; que, dans l'espèce, c'est la réception des numéros, constatée par l'émargement du destinataire, qui produit ce résultat ; que cet émargement ayant eu lieu à Paris, la législation française du point d'honneur est seule applicable.

L'argument ne nous semble pas très concluant.

Gomme les lois et les usages étrangers diffèrent souvent des nôtres, on comprend tout l'intérêt que peut avoir le Français à être renseigné d'une manière précise sur leurs dispositions.

Nous avons consacré deux chapitres à cette importante ques- tion.

Le chapitre lxxxi traite des règles du duel chez les peuples qui nous entourent, et plus particulièrement chez ceux qui forment la Triple alliance (Allemagne, Autriche, Italie), car leur attitude vis-à-vis la France perpétuera longtemps encore une antipathie nationale grosse de froissements et de querelles.

La traduction que nous avons faite de neuf auteurs qui ont écrit sur ce sujet en langue allemande et italienne, l'examen comparatif de leurs doctrines auquel nous nous sommes livré, les références que nous donnons, communiquent à ce travail, coûteux et pénible, une utilité d'autant plus réelle qu'il est absolument inédit.

Grâce à lui, le Français pourra défendre ses droits contre les entreprises de témoins peu scrupuleux qui, profitant de sa qualité d'étranger, voudraient lui imposer comme légales des conditions irrégulières, mais avantageuses pour leur client.

^ ^■'--

384 CINQUlfiME PARTIE.

Le chapitre uxxu traite de la législatioa pénale chez les diffé- rents peuples d'Europe.

Nous n'insisterons passur son utilité, car les chapitres qae nous avons consacrés it la poursuite des délits commis à l'étranger et ani moyens d'éviter l'action publique la démontrent surabondamment.

Les textes des lois élrangëros qu'il contient sont au nombre de quarante-huit.

Cet ensemble constitue le recueil le plus complet qui, sur la malière, ait été publié dans noire langue.

Comme un grand nombre de l(fgislations n'ont jamais été tra- duites, comme un certain nombre d'autres ne se rencontrent pas dans les bibliothèques juridiques, on comprend que l'entreprise n'ait pas été sans oiïrir une grande difficulté'.

CHAPITRE LXXXI

RÈOLES sa DUEL EN ITALIE, EN ÂLLBMAGSE, EN AUTRICSE ETC., ETC.

RÈGLES DU DUEL EH ITALIE.

Les règles principales qui ont été formulées par Chateaavillard et reproduites par ses commentateurs sont admises dans toute l'étendue du territoire français.

Il n'en est pas toujours de même en Italie.

La question de savoir à qui revient le droit de choisir les armes, le duel et la distance, question primordiale s'il en fut, donne lieu notamment à de vives controverses qui ne sauraient nous laisser indifférents.

On va comprendre de suite pourquoi.

L'usage du sabre est aussi répandu en Italie qu'il est excep- tionnel en France. De 1879 à 1889, il y a eu dans toute l'étendue du royaume 2,758 duels, sur lesquels 00 ont été à l'épée, 79 au pis- tolet et 2,589 au sabre. On peut donc dire que dans la péninsule

1. C'est k l'iaépuisBble d^vaucoient d'un polyglotte aussi dislÎDgué que mode*Ie, M. G. Darcy, que nous detons d'avoir pu résister nu furdeau des traductions, et mener à bonoe Bn l'eatreprisB Écrasante, sans cela, dos cbspitrea LXXXi et liiui.

Ce témoignage de reconnaiasance eipliquera en même lempila dédicace de notre

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 385

l'épée et le pistolet sont les armes du petit nombre et le sabre Parme de tous^

Si une querelle s'élève entre un Français et un Italien, et si ce dernier a le choix des armes, il est donc à peu près certain qu'il prendra le sabre et que son adversaire en ignorera le maniement. De une infériorité pour le Français à laquelle nous allons essayer de le soustraire.

Deux écoles sont en présence.

La première ne recherche pas qui est agresseur et offensé, mais bien qui adresse le cartel et qui le reçoit.

Elle accorde au défié {diffidato) le droit de choisir Tarme dont on se servira, et au défiant {diffidanté) le droit d'imposer les condi- tions de la rencontre.

La seconde école ne s'occupe ni du défiant ni du défié, mais elle recherche qui est agresseur et qui est offensé.

Elle accorde à Voffensé le choix des armes, et, tenant compte de la gradation des offenses, elle estime qu'à raison de leur gravité ascendante, il peut joindre à ce droit celui d'imposer les conditions de la rencontre.

L'usage d'accorder le choix des armes à la personne qui reçoit le cartel vient des Espagnols. On l'a conservé plus ou moins intact dans les pays autrefois soumis à leur domination. A Naples, notam- ment, il est suivi par la majorité des duellistes.

L'usage d'accorder le choix des armes à l'offensé a prévalu dans l'Italie du Nord et du Centre.

Les disciples de la première école invoquent l'autorité de deux auteurs qui sont par ordre de date :

Bellini (Vincenzo), Manuale del duello, In-S^», 1881. Napoli : de Ângelis e figlio.

Rossi (Giordano), Scherma di spada e sciabplUy Manuale teorico pratico con cenni storici suite armi e sulla scherma e principali regole del duello. In-8o, 1885. Milan : Fratelli Dumolard*.

Les disciples de la seconde école invoquent l'autorité de trois auteurs qui sont par ordre de date :

De Rosis (Luigi), Codice italiano sul duello scritlo dal prof es- sore di scherma. In-8°, 1865. Napoli : de Angelis.— 2"* édition en 1869;

Angelini (Achille) (Tenente générale), Codice cavalier esco ita-

i. Voyez Gelli (Jacope) : Codice cavallerescOf 2* partie, chap. vni; article 148, et Statistica del duello.

% A consulter, dans Bellini, les droits réciproques du d^ffant et du défié : pré- face, et les chapitres i, paragraphe 5; u, paragraphe 4; iv, paragraphe 4; v, pfurar graphe 3. Dans Rossi, le chapitre ii.

25

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L

386 CINyirÉME PARTIE.

liatio, 1883. Firenze: G. Barbera. 2°édition. In-8°, 1886. Pîrenze: G. Barbera. édition. In-8". 1888. Ronia : E. Vercetlini;

Gelli (Jacopo) (GaTalîere), /( Duello, neila storia délia giuris- prudenzaenella pnitica ilaliana{Codice cavalleresco). Iq-8'', 1886. Firenze : Lœscherct Seeber. 2' édil. ln-8°, 1888 ; F. Stianti e Comp.

La cour d'honneur permanente de Florence a adopté ce code pour la solution des questions qui lui sont soumises '.

Il eiisle PDCore d'autres ouvrages modernes que nous n'avons pas pu consulter. Comme il se pourrait que leur autorité fût utiie- meut invoquée par l'une ou l'autre école, nous regardons comme opportun d'en donner le titre. Ce sont :

GandoÛ (Giovani). Melodoper la scherma di sciabola e. norme ijeiierali per il duello. ln-8°, 1876. Torino : Borgarelli;

Jacambo, Il Duello e la moderna civilita. In-8°, 1800. Napoli. 2' édition eu 1879;

Marchini, Il Duello esaïuinato. In-S". 1879. Savona;

Menta, I! Duello letile et il duello '«itaU. la-k°, 1875. Palerma. -

Quoique Napolitain, do Roaia s'élève avec force contre l'usage d'accorder au déflé le choix des armes :

0 iV'esl-il pas absurde el souverainement injuste, écrit-il dans sa préface, qu'une personne obligée d'adresser nne provocation, par cela m^me qu'elle est insultée, voie le choix des armes passer à celui qui l'a contrainte à cette extrémité?etc,, etc. »

De RoaiB divise les offenses en trois classes :

L'offense {offesa); S" l'insulte (insulta); 'S- la provocaLiofl avec voie de fait {la provoca:ionc eon via di fatti).

L'offensé choisit l'arme. L'insulté choisit l'arme, la place sur le terrain {posta) et la distance si le duel est au pistolet. Le provoqué avec voie de fait choisit l'arme, la place sur le terrain, les condi- tions de la rencontre et la distance si le duel est au pistolet'.

Même énergie dans le blàuie chez Angeiini:

ic Accorder lechoii des armes ù l'offenseur, écrit-il, chapitre vi, est un usage détestable el contraire au sens commun, etc. '. »

Angelini divise les offenses en trois classes, qui comprennent :

Les offenses graves ou avec insulte (ojfKseyratiiocoM insutlo);

2" Les offenses très graves ou avec outrage (affese gravissinie o con oltraggio) ;

3- Les offenses atroces ou avec voie de fait {offese atroce o con vie di fatto).

1. Voyei pase 402.

8. Voyei chapilrc ii, $% 9, tO, 11.

3, Vo/ei également bs préftco.

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 387

Il accorde à Toffensé le droit de choisir son arme, sa place sur le terrain et d'établir les conditions du duel, qui doivent être pro- portionnées à la gravité de l'offense.

S'il s'agit d'offense très grave ou atroce, l'offensé qui choisit le pistolet peut également établir que le duel sera de pied ferme. Dans ce cas, il tire le premier.

Si l'offense est de moindre degré, le duel doit avoir lieu en avançant {con avanzata) *•

Geiii s'élève également contre la coutume d'accorder le choix des armes au défié ^

Il divise les offenses en trois classes :

\^ L'offense simple ou avec insulte ou injure {ingiuria);

2^* L offense grave ou avec outrage ou offense {offesa) ;

3*» L*oiïense très grave, ou atroce, ou avec voie de fait, ou outrage (oUraggio).

L'offense simple donne le choix de l'arme.

L'offense grave donne le droit de choisir l'arme et d'imposer les conditions de la rencontre.

L'offense atroce ou avec voie de fait donne le droit de choisir l'arme, de dicter les conditions de la rencontre, d'imposer la nature du combat et de déterminer les distances dans le duel au pistolet'.

Les partisans de l'opinion qui s'appuie sur de Rosis, Angelini et Gelli, prétendent que leurs adversaires ont grand tort de leur opposer Bellini, car son témoignage constitue le meilleur argument en leur faveur.

Il confesse, en effet, dans sa préface, que si, au lieu de se borner à exposer sans commentaires le rituel minutieusement détaillé du système généralement en vigueur à Naples, il avait pu déterminer selon ses lumières les lois régulatrices du duel, si, au lieu d'un manuel, il avait fait un code, il n'aurait pas choisi d'autres principes que ceux de de Rosis, les seuls équitables.

Relativement à Giordano Rossi, ils objectent que son livre est un traité d'escrime, qui ne consacre que peu de lignes aux règles du duel, et ne saurait entrer en parallèle avec les ouvrages précédents.

Le Français qui a une affaire d'honneur en Italie avec un habi- tant du pays peut tirer un bon parti de ces controverses.

SHl a essuyé une offense, il réclamera le choix des armes

1. Voyez chapitre ?i. Mais il faut comparer les diyerses éditions pour quelipies détails qui Tarient de l'une à Tautre.

2. Voyez par. 9, article 149.

3. Voyez 1'* partie, article 11.

P 3S8

GINQCIKME PARTIE.

comme offensé, en inToquant de Rosis, Angelini et surtout Gelli dont l'onvrage a une grande autorit(!.

Dans ce cas, il soutiendra que la coutume d'accorder le choii des armes au àéù(' est une coutume provinciale, particularïste, qu'on De saurait pas plus opposer à un étranger qu'il ne serait per- mis de lui faire passer la TÎcille monnaie bourbonnienne à la place de la monnaie diïcimale actuelle.

Du moment que d'un bout à l'autre de la p<>Dinsule il n'entend parler que d'unité politique, judiciaire et administrative, du moment qu'il voit le même code civil, la m^mc législation pénale appliqués à tous les sujets du royaume, ou ne comprend pas que les choses se passent dilTéiemment en matière de point d'honneur.

C'est le cas de retourner contre les Italiens cette fameuse unité dont ils sont si fiers.

S'il ext agresneiir il réclamera le choii des armes comme défié, en faisant observer que l'opinion émise par Bellini est une opinion toute personnelle, qu'il n'essaye pas de faire prévaloir contre la coutume ancienne. Il constate, au contraire, que celte coutume continue â être suivie dans l'Italie du Sud parla généralité des duel- listes, et que de Rosis oblige seulement ceux qui ont apposé leur signature à la fin de son ouvrage.

Quelques détails nous paraissent utiles pour compléter l'esposé que nous avons fait des usages italiens relatifs aujt privilèges accor- dés au défié par une école el à l'offensé par l'autre.

Nous examinerons ;

l" Quelles sont les armes légales en Italie;

Quel est le sens des mots : place sur le terrain {posto) ;

En quoi consiste le droit de choisir les conditions.

Armes légales.

En Italie; ce sont l'épée, le sabre et le pistolet.

Gomme nous l'avons déjà expliqué. le sabre est l'arme de duel par escellence. Il ne peut jamais être refusé par un civil '.

A Naples, on se sert du fleuret attaché au poignet par un lien, bien plus que de l'épée proprement dite*.

L'usage du fleuret et du lien sont, au contraire, interdits par Angelini, chapitre xv, § l/i, et Gelli, articles lh^ et 181.

Si l'un des adversaires est étranger et doit se battre à l'épée, il peut se servir, soit de celle en usage dans le pays il se trouve,

1. Voyci Gelli, 2* partie, chapitre vin, ariiclo 117 el 148.

2. Voyez BelliDÎ, chapitres vui et x. De Itoiis, chapitre iv, paragraphe 3..

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 389

soit de celle en usage dans son propre pays, pourvu que les armes soient de même longueur et de de même poids ^. De Rosis observe que celte permission n'est que pour Tépée ; quant au sabre, il ne peut, d'après lui, y avoir de différence essentielle. Nous n'avons pas trouvé cette prohibition formulée par les autres auteurs.

Place stir le terrain {posto).

Les expressions employées par de Rosis et Angelini pour dési« gner un des privilèges de certains offensés signifient, non que celui qui en jouit pourra se placer il voudra, en mettant son adversaire dans la position la plus désavantageuse relativement au vent, au soleil, etc., mais qu'une fois les deux places déterminées par les seconds avec la plus rigoureuse équité, il pourra choisir celle qui lui semblera préférable *.

Gelli ne fait pas du choix de la place un privilège de certains offensés. Les seconds choisissent les places d'un commun accord, et en cas de contestation tirent au sort '.

En quoi consiste le droit de choisir les conditions.

L'étendue de ce droit varie suivant les auteurs.

D'après Beiiini, le défiant a le droit de décider si le duel sera au 4)remier sang, à blessure, à discrétion du chirurgien ou du blessé, au dernier sang, le nombre de balles à échanger, la question du gant et de la distance^.

On s'est demandé si le droit d'imposer les conditions comporte pour le défiant le droit d'imposer la nature du combat, ou, en d'au- tres termes, lui confère le choix du duel.

L'affirmative nous paraît indiscutable en présence des termes si formels du paragraphe 3 du chapitre vni :

a Aux sept conditions énumérées plus haut s'ajoutent, écrit Bellini, les suivantes pour le duel au pistolet: «Au commandement. Au visé. A la barrière ».

Ces trois duels étant rangés sous la rubrique « Conditions du duel », il est clair que celui qui possédera le droit de choisir les conditions possédera en même temps celui de décider que c'est au commandement, par exemple, que Ton se battra.

1. Voyez de Rosis, observations; Angelini, chapitre vi, paragraphe 4.

2. Voyez de Rosis, chapitres iv, article 8; v, paragraphe?; vi, paragraphes 2, 3, 4, i6. Angelini, chapitre xv, paragraphe 7, et chapitre xviii, par. 1 et 2.

3. Voyez Gelli, article 283.

4. Voyez chapitre viii.

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CINOUlfeME PARTIE.

Les duels présentas par Bellini comme légaux reviennent â nos duels au signal, au commandement, à volonté et à marcher.

D'après deRosts.le droit de déterminer les condilions comporte pour l'olTensé les mêmes prérogatives, et notamment le choix du duel, si l'arme adoptée est le pistolet '.

Les duels au pistolet considérés comme légaux par de Rosis sont :

Le duel fi distance Itic, au signal, au visé {sulla mira) -,

Le duel â distance lise, en se nplouruant, .iu signal;

Le duel en marchant ju?i(]u'ii la barrière, à volonté.

D'après Angeiini, le droit d'imposer les condttious comporte pour l'offensé â peu près les m^-nies prérogatives ; mais il n'enlralne pas toujours le droit de choisir le duel quand l'arme adoptée est le pistolet.

Eu effet, comme nous l'avons vu page 382, si l'offense est dn premier ou du second degré, la rencontre ne peut avoir lieu qu'en avançant.

L'offensé du troisième degré a seul le droit de choisir le duel, mais il est très limité dans son choix. Car la rencontre au visé ft tir successif ou la rencontre eu avançant sont les seules admises comme légales par cet auteur'.

Les conditions dont Geiii accorde la disposition ù l'offensé sont éoumérées articles iHi et suivants de la \lir partie, et relatives au choix du jour, de l'heure, du lieu, des repos, des gants, à la gravité que devra présenter la lilessure pour terminer la rencontre, et à l'avis des médecins.

Ces articles sont muets sur le droit d'imposer la nature du combat lorsque l'arme adoptée est le pistolet; aussi ne saurions- MOUS, comme le voudraient certaines personnes, accorder à l'offensé avec offense du deuxième degré celte importante prérogative.

En présence des termes si formels des paragraphes 2 et 3 de l'arlicte 11, elle nous paraît devoir être réservée au seul offensé, avec offense atroce ou voie de fait.

Cette solution est d'autant plus rationnelle que rieu dans la suite de l'ouvrage ne vient appuyer l'opinion contraire. L'article 416, le seul (lelli revienne sur les droits de l'offensé d'après la valeur de l'offense, ne fait aucune allusion au choix du duel.

Puisque nous en sommes à l'article Z|I6, observons qu'il ne doit pas être oublié du lecteur qui voudra se rendre un compte

i. Vojez chapitre ii, pir. 9, 10, It et s., cl vi iolilulé : Conditions indiipen- isbles pour le duel »u pistolet.

2, Voyet chapitre ïi, paragraphe 2.

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 394

exact de Tétat se trouve en Italie la question des droits de PolTensé. Il verra que, même étudiée dans Gelli, elle demeure obscure et incertaine.

Que signifle notamment celte phrase du paragraphe F : « L'of- fensé avec offense grave jouit du choix des armes ou des dis- tances », qui est en contradiction avec les paragraphes 2 et 3 de Tarticleli?

Comment concilier les expressions du même paragraphe F: « A Poflfensé revient toujours le droit de tirer le premier, en hom- mage au principe que tous les désavantages sont à la charge de Tagresseur », avec celles qui suivent: « C'est pourquoi nous conseil- lerons toujours de déroger au principe formulé plus haut, et de faire décider par le sort dans les duels au pistolet provoqués par des ofTenses non atrocement graves ».

Les duels au pistolet admis comme légaux par Gelli sont : le duel de pied ferme, en visant ou avec feu au commandement, le duel en avançant, au visé ou avec feu au commandement.

L'étude comparée des usages italiens en matière de duel pré- sente encore d'intéressantes questions, mais qui dépasseraient le cadre que nous nous sommés tracé. Nous nous contenterons de signaler, aussi brièvement que possible, celles qui peuvent être utiles au Français en Italie et qui diffèrent des règles admises dans notre pays.

En ce qui touche au degré de rofiènse.

L'ofTense par voie de la presse est du troisième degré ^ La menace de voie de fait équivaut à la voie de fait*.

En ce qui touche à la réparation.

0

L'offensé avec voie de fait peut demander réparation par les armes à l'offenseur, et s'adresser aux tribunaux civils pour obtenir réparation pécuniaire du dommage causé '.

L'offensé avec voie de fait a le droit d'imposer les conditions les plus graves, et, s'il est mis hors de combat, il peut se déclarer non satisfait et recommencer l'épreuve aussitôt rétabli *.

Ces deux articles sont en opposition avec le principe français qu'il n'est qu'une réparation pour une même offense.

i. Voyez Gelli, article 14.

2. Ibidem, article 20.

3. Voyez Gelli, par. 4, spécialement article 28.

4. Voyez Gelli, article 44. Angelini, chapitre v, page 42, et chapitre x, para- graphe 30.

' « 4

391 CINQIIÈWE l'ARTin.

En ce qui touche aux mandatairâs.

II faut distinguer entre les seconds et les témoins.

Le second est chargé de traiter l'alTaire, depuis le déÛ jusqn'it la couclusion. Le témoin ne fait qu'assister le second. Souvent il ne prend poiul part aux discussions et ne parait que sur le terrain '.

Si, pour une circonslaoce indépendante de sa personne, l'ofTensé ne trouve pas de rcprdsenlaDls, il prie les représentants de l'adver- saire de décider deux de leurs amis à Tassisler. Un refus non légitimé de servir de témoin, entre personnes de même condition, équivaut à une indélicatesse pour qui lu commet et à une offense pour qui essuie le refus. Aucun gentilhomme ne peut décemment refuser ce service, à un (étranger surtout '.

En ce qui touche à l'acceptation du cartel.

Le déû une fois accepté et les représentants constitués par celui qui a reçu le cartel, si la rencontre est jugée indispensable, le défié devra se rendre avec ses propres témoins dans la ville qu'hal)ile l'oiïensé, en hommage au principe que tous les désa- Tantages doivent élre à la charge de l'agresseur'.

En ce qui touche au droit de refuser le cartel.

A cinquante-cinq ans, un homme peut cesser d'aller sur le terrain '.

lEln ce qui touche aux droits et devoirs des témoins dans le duel au sahre et à l'épée.

Les témoins doivent commander halte pour suspendre ou arrêter le combat lorsqu'une blessure atteint l'agresseur.

Si le blessé est l'olTensé, les témoins doivent attendre qu'il ait riposté au coup de l'agresseur, on que celui-ci lui ait fait uoe seconde blessure ^

En ce qui touche au corps à corps.

il ne doit pas être interdit et ne doit être arrêté qu'en cas de violation des règles du duel °.

1. Voj'ci Belliiii, clinpilre i", puragrs|ihe 3; chapitre vi,par»gr»pheS.— De Rosis, chapitre m. Gcili, chapitre viii, article 57. Contra ADgelini, chapitre i\.

2. Voyei Angclioi, chapitre lï, paragniplie 1 . Gclli, cliapiire viir, articles 57.et CI .

3. Voyez Angclini, chapitre i, paragraphe 3S. Gclli,.arlicle 132. i. Voyez Gelli, article £22.

5. Vojei Gclli, articles 31i, 315.

6, Voyez Gelli, article 3Ï3. Apgclini, chapitre ïï, paragraphe 23. ,

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 393

En ce qui touche à la chute.

II est permis de se baisser jusqu'à mettre la main à terre, mais non le genou*.

En ce qui touche à la blessure. Elle doit être annoncée '.

En ce qui touche aux droits et devoirs des témoins

dans le duel au pistolet.

Il n'est pas permis de fixer d'avance le nombre de balles à échanger, car il est de règle qu'un duel ne doit pas se terminer sans blessure '.

Il est interdit de tirer en Tair, même pour l'agresseur, et de refuser de faire feu.

Cet acte est considéré comme une félonie et une nouvelle insulte, et après deux minutes l'adversaire peut continuer*.

RÈGLES DU DUEL EN ALLEMAGNE

ET EN AUTRICHE.

En Allemagne et en Autriche, les règles qui constituent la légis- lation du point d'honneur sont empruntées presque exclusivement à Ghateauvillard, qui dans ces pays jouit d'une autorité réellement étonnante, si on considère l'antipathie des deux races et leur hosti- lité politique.

Parmi les auteurs allemands et autrichiens qui se sont occupés du duel, les uns ont traduit purement et simplement son Essai, les autres en ont publié des extraits ou s'en sont largement inspirés.

Voici le titre de leurs ouvrages :

Pour Tempire d'Allemagne.

Chateauvillard {Graf de) Duell Code. Aus dem Franz ûbers. von. C. von. L***. 8% 1888. Karlsruhe: Bielefeld.

1. Voyez Angelini, chapitre xiv, paragraphe 8. Angelini, article 35S.

2. Voyez Gelli, article 361.

3. Voyez ADgelini, chapitre xvi, paragraphe 7. Gelli, article 392.

4. Voyez Angelini, chapitre xvin, paragraphe 24. Gelli| article 416.

394 CINQUIÈME PARTIE.

Die Coni-entionellen Gebrauche beim Zweikampt miter beson- derer Berilcksicktiijung des offizieratandeg von etnem altereti actiien offizier. Yieiie vmgearbeitete und term^hrle aitftage. S". BerliD, 1890. Verlag vou R. EiseDschraidt.

Pour l'Empire austro-hongrois.

Bolgar (Friz tod) (Oberlienl). Die Itegein d. Dtiells 8", 1880. Budapest. 2(e. Verm. Aufl. H". 188ii, Wien : Seidel u Soho.

Hergseil (Cuslav). Ducll Codex. Wienn. Pesl. Leipzig. A. Harl- lebeus Terlag, 1891'.

Sebelic (Raimund) (Oberlienl). DHell-Itegeln. 3te nnverând Auil., 12°. 1881. Debreczin : Czàtliy. k" Auf. 12". 1887. Graz ; Cieslar,

Nous ue voulons point passer sous silence les hommages que ces quaire écrivains rendent à Chateauvillard, car ils viennent à l'appui du la thèse que nous avons défendue pendant tout le cours de notre ouvrage :

(1 L'Essai sur h- duel est le véritable code du point d'honneur. »

Il Pour établir les règles du duel, écrit, page 6, l'auteur ano- nyme de la brochure allemande Die Convenlionellen, j'ai suivi les usages reçus dans notre armée et les décisions que le comte de Gho- teauviUard, membre du Jockey-Club, publia en 1830 dans son Exsaî sur le duel, avec la collaboration de généraui et de gcntilsbommes français, etquiareçupourainsidireunecoRi^crationintemattona^e.»

« Je me suis laissé guider, écrit Hergseil dans son avant-propos, par les prescriptions du comte de Gbaleauvillard...

Il Pour être anciennes, les règles elconsidérationsqu'il a tracées u'en offrent pas moins d'inestimables matériaux, et doivent être respectées de tous les hommes d'honneur, aussi longtemps qu'une association autorisée d'hommes aussi compétents en matière de point d'honneur ne nous aura pas conrectionné d'autres préceptes et d'autres lois... Cet ouvrage a, du reste, acquis une indiscutable valeur hors de son pays originaire. "

Bolgar et Sebetic se montrent aussi explicites dans le même seus.

Après une semblable affirmation de principes, on comprend que lesrègles formulées par ces écrivains ne peuventsensiblenient différer de celles qui constituent en France la législation du point d'honneur.

Dans ta brochure allemande, très substantielle sous un petit volume, la parité est eu effet quasi absolue, notamment en ce qui louche :

■ûre, e

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 395

La distinction et le classement des ofiènses.

C'est à l'offensé que revient le choix des armes, contrairement àPopinion très répandue, mais complètement erronée, qui Tattribue au défié *.

La nature des armes.

Mais nous ne retrouvons pas mentionnée la controverse relative au droit accordé par Chateauvillard au civil de refuser le sabre.

Par contre, le sabre et Tépée peuvent être refusés si l'intéressé en ignore complètement le maniement*.

Les règles spéciales aux diverses espèces de duels, etc., etc.

Une observation pour terminer ce qui concerne la brochure Die Conventienellen,

De son titre, on pourrait induire qu'elle ne règle que les diffé- rends survenus entre officiers allemands et ne s'applique pas à d'autres catégories d'individus.

Rien n'est plus faux.

L'auteur fait observer, au contraire, que les règles qu'il a empruntées à Chateauvillard, étant de droit commun, obligent tous les u gentlemen », pour nous servir des expressions qu'il emploie page 5.

Les modifications qu'il y apporte, conformément aux usages adoptés dans l'armée, constituent des exceptions justifiées par cer- taines situations particulières aux officiers *.

Comme la brochure dont nous nous occupons est l'ouvrage le plus nouvellement publié en Allemagne, il importait d'établir par qui et contre qui elle peut être valablement invoquée.

Dans les ouvrages autrichiens cités plus haut, il n'existe de désaccord avec les usages français que sur un petit nombre de points.

1. Voyez page 9, et Hergsell, !'• partie, Règles du duel en généraL

2. Voyez page 15 et la note.

3. Voyez pages il et 12, à propos du délai obb'gatoire de vingt-quatre heures; page 16, à propos de la violation des règles du duel; page 17, à propos de Tattente sur le terrain.

crNyilÈME PARTIE.

Ces dîTergences porleol :

Sur la valeur à donner à certaines

Lorsqae l'eiistcDce morale d'un homme est menacée par une injure ou une accusatioD imméritée, l'offense csl assimilée à la loie de fait. II en est de môme pour la menace de Toiede fait'.

Sur le droit de refuser le du^.

La proTocation est refusée lorsque le prorocanl a été dteUré sans honneur (r'Arfoi) poar aroir accepté un duel américain (geon de duel exceptionnel) on s'ètTc chargé d'une proTocation de ce genre*.

Sur la nature des armes.

Le sabre et le pislolel sont seuls admis par Elergsell comme armes légales, imposables à tout le monde, aussi bien aax cirtls qu'aux militaires.

D'après lui, l'ôpée peut toujours être refusée, par la raison que le duel à cette arme n'est pas en usage en Autriche.

Il spécifie que l'étranger, même offensé, ne peut prétendre l'imposer, bien qu'elle soit légale dans son pars '.

Bolgar est moins absolu. Il ne regarde pas le duel à Tépée comme illégal, mats comme pea mile, ce qui n'esl pas du (oui la même chose, et se contente de passer sous ^lence te droit du ciril à repousser le sabre, sans le lui dénier absolument.

Voiri, du reste, comment il s'exprirae, 1" partie, chapitre f. article 1" :

fl Le duel a trois sortes d'armes : le sabre, l'épée et le pistolet.

« Toute autre arme appartient à la catégorie des duels excep- tionnels. »

Et plus loin, 2* partie, chapitre ii :

0 Le duel à l'épée, habituel en France et en Italie, est très rare- meniemployé chez nous. Lu conseil d'honneur, réuni à Buda-Pesth, ayant eu ù se prononcer sur la possibilité d'un duel à l'épée, déclara que cette arme, non en usage parmi nous, pouvait être récusée.

Sebetic ne fait aucune allusion à cette coutume autrichienne, et aucune restriction à la liste des armes légales donnée par Cba- teauvillard.

> Les armes légales pour le duel, écrit-il, sont le sabre, Tépée et lo pistolet. «

I. Vjyn McrgnU. 1" jmixii. Do iatà « de l'olT^Dtc. OffeoM du 3* d«gré. Se-

u^ VvfFt UtrgwU, Refai do dud, 1" («nie, tnide 9, et loopadlé d«s tecood), VijM BcTfMtl, V [«"le, On ^iffétmUt torttt de ducli.

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 397

Comme Chateauvillard, il accorde aux témoins de l'agresseur le droit de refuser le sabre lorsque leur client est un civil, mais à condition qu'il n'y ait pas eu voie de fait ^

On voit que Tautorité de BoJgar et de Sebetic peuvent être utile- ment invoquées parle Françaisauquel un Autrichien prétendrait refu- ser le droit de se battre à l'épée en s'appuyant sur le texte d'Hergsell.

Sur certaines règles du duel au sabre.

Le duel au sabre sans coups de pointe, dans lequel on permet seulement le coup de taille {hiele)^ est de beaucoup le plus répandu. Toutes les fois que le procès-verbal de rencontre ne mentionne pas spécialement que les adversaires pourront frapper d'estoc (condition exceptionnelle, mais non illicite), la prohibition du coup de pointe est sous-entendue.

Dans le duel au sabre, il est permis de s'entourer le cou d'une cravate ou d'un mouchoir roulée

Sur certaines règles du duel au pistolet.

On ne doit jamais stipuler que le combat continuera jusqu'à ce qu'une blessure ait lieu. On peut refuser tout duel plus de trois balles devront être échangées; mais on peut stipuler qu'après trois balles échangées sans résultat, le combat aura lieu au sabre K

Lorsque l'offense n'est pas du troisième degré, on peut refuser non seulement le duel au signal, comme en France, mais encore le duel au commandement, qui, dans notre pays, est le mode de combat le plus répandu.

Sur certaines règles du duel à Tépée.

Lorsque ce genre de combat a lieu, par hasard, entre adver- saires qui tombent d'accord pour se servir de cette arme, les coups de pointe {stôose), réguliers d'école, doivent être dirigés seulement contre le haut du corps, avec exception du visage.

Cependant, de la part d'un tireur inhabile, les coups portés plus bas ou plus haut ne peuvent jamais être nommément réprouvés ^

La lecture de ce passage dénote une inexpérience de l'escrime à l'épée sur laquelle nous n'avons pas besoin d'insister.

1. Voyez l'^ partie, chapitres net iv. Des témoins.

2. Voyez Hergsell, 2* partie, Duel au sabre.

3. Voyez Hergsell, Refus d'un duel déterminé, 1'* partie : Pistolet, articles 2 et 5; et 2* partie : Différentes espèces du duel au pistolet.

4. Voyez Hergsell, Duel à Tépée, partie, article 28.

^--m.-! "^ r- -. .^

CINQUIÈME PARTIE

REGLES DU DUEL EN ANGLETERRE.

Lorsqu'un Anglais est offensé, il s'adresse aux tribunaux. Les magistrats de son pays ne lui marchaDdent jamais la réparatiou qui lui esl due, réparation avant tout pécuniaire, el dont le mon- tant peut atteindre une somme considérable.

N'avons-nous pas vu un écrivain condamné S 10.000 livres sterling d'indemnité pour avoir inséré dans une revue quelques lignes offensantes à l'adresse de la femme d'un gentleman ? Est-il besoin do rappeler à quel chiffre énorme se sont montes les dom- mages et intérêt» accordés à certains maris en cas de criminai conversation ?

On pourrait multipliera l'infini les exemples de la sévérité avec laquelle la jurisprudence des tribunaux britanniques réprime les injures privées.

En France, rbomme qui, placé dans les mêmes conditions, recourt aux tribunaux, est assuré de ne recevoir qu'une inGme répa- ration pour les atteintes les plus graves à son honneur.

Une telle inégalité dans la répression devait entraîner pour chaque iiays des conséquences diamétralement opposées. C'est ce qui arrive, en elTet.

Le duel est tombé en désuétude dans les Royaumes-Unis. Les règles qui présidaient aux rencontres ont naturellement subi le même sort.

Du moment que leslois ordinaires le protégeaient efficacement, pourquoi l'Anglais aurait-il recouru à la législation du point d'hon- neur, qui n'a d'autre raison d'exister que l'insuffisance de ces loisî

11 n'y songe même pas.

Aussi ne fait-il aucune différence entre un duel et une rixe ordinaire, et applique-t-il généralement sans scrupule aux duellistes les peines du droit commun.

Il H a sur ce point union intime entre les mœurs et la loi.

En France, c'est la loi répressive qui tombe de jour en jour en désuétude. Elle a beau, comme la loi anglaise, édicter contre les duellistes les peines du droit commun, les jurés se refusent à regarder comme un vulgaire meurtrier celui qui tue son adver- saire dans un duel loyaL Ils l'acquittent généralement.

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 399

En revanche, les rencontres y sont presque quotidiennes. L'homme du monde offensé doit, sous peine d'être taxé de pusil- lanimité, recourir aux armes pour venger son injure.

Sur ce point, il y a divergence absolue entre les mœurs et la lot.

La comparaison que nous venons de faire entre les deux peuples nous amène à penser :

Qu'une loi répressive, quelle qu'elle soit, est impuissante à extirper le duel, si les mœurs ne sont pas disposées à la recevoir ;

2*' Que la seule manière de les y préparer consiste à assurer aux citoyens dont on attaque Thonneur une satisfaction au moins égale à celle sur laquelle ils ont droit de compter, pour ce qui concerne les biens d'un moindre prix ;

Que cette satisfaction doit être pécuniaire ^

En vain objecterait-on que les Anglais ont Tépiderme moins sensible que nous, et que les considérations de nature à les arrêter dans leur recours aux armes ne sauraient nous influencer.

Les faits se chargent de réfuter le premier argument. Si nous consultons, en effet, la bibliographie de l'escrime ancienne et moderne, publiée en 1891 par Garl. A. Thimm, nous voyons, pages 195 et suivantes, que nos voisins d'outre-mer étaient autrefois aussi esclaves du point d'honneur que nous pouvons l'être, et se battaient souvent.

Au second argument, nous répondrons que, dans le siècle éminemment pratique nous vivons, tout le monde tient à sa bourse.

A Paris comme à Londres, la perspective de lui voir subir une abondante saignée peut arrêter les manifestations injurieuses de l'agresseur, tandis que celle de l'arrondir peut engager l'offensé à confier ses intérêts aux tribunaux.

L'âpreté de la lutte pour la vie, généralisant les nécessités, géné- ralisera leurs conséquences et tuera le préjugé.

Frapper fort sur la bourse, c'est frapper juste.

1. Cette thèse n^est pas noavelle. Elle a été soatenue en France par Sully dans ses Mémoires, Dareau, Mercier, etc. ; à Pétranger, par Jerem. Bentham, Traité de la législation civile et pénale, tomeU, page 325; Poffendorf, Droit de la nature, livre II, chap. V, S i% etc.

I hOii

CINQUIÈME PARTIE.

\

RÈGLES DU DUEL EN BELGIQUE.

11 n'a i^-lé publié aucun ouvrage sur les règles du duel en Belgique.

Du reste, les Belges se ballenl peu. Lorsque pareil fait se pro- duit, nous croyons, étant donnée l'afllnilé de mœurs et de langage qui les unit à !a France, qu'Us suiîent nos usages, mais sans oser l'alûrmer positirement.

RÈGLES DU DUEL EN ESPAGNE.

Sur les règles du duel en Espagne, on peut consulter : Iniguez (Eusebio), Ofetisas ij desafios, Recapitiilacio» de las

leges que r'njeit el diirto y ciiusaK originales de este, (omadas de

los mejores tratadistas, con notas del autor. 1 vol. en quarto

meoor.

Saoz (Adelardo), Esgrima del sable y consideraeiones sobre ef

duello.aa 8". 1886. Madrid, Fortaned.

REGLES DU DUEL EN HOLLANDE.

Sur les règles du duel en Hollande, on peut consulter : Joactiim (Ps), Gids in zake van eer vooriiamelijk ten dienste van officieren van de Nederlandsche zee en landmacht {scbut- terijen) en van het Nederlandsck. Indische léger, bevattende : 1' de internationale regels loor (het tweegececht) ; uittreksel uU het Nederlandsch }¥etboek van Strafrecht (het tweegevecht) met Aanhangsel waarin : 1' uittreksel uit de wet, regelende de bevor- dering eus van de militaire officieren bij de zeemackt (raden van onderroek); 2" idem idem van die bij de landmacht; idem van de Europeesche officieren bij de landmacht in Nederlandsck. Indië, 1889, a HoorD 8°.

Kock. {H. F. de) Het duel. Acad. proefschrift 8% 1876. Leyden.

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 404

REGLES DU DUEL EN RUSSIE.

L'administration de la Bibliothèque impériale de Saint- Pétersbourg nous informe que les seuls ouvrages sar le duel en Russie possédés par cet établissement sont les suivants :

Les Duels, par 6. L. E. Saint-Pétersbourg, 1837.

Le Duel et la Cour de cassation, par A. Lochwitsky. Saint- Pétersbourg, 1858. (Ce travail est un tirage à part des Annales de la patrie, n^» 10, 11, 12 de Tannée 1858.)

La brochure toute récente de Séversky :

OcoCennafl qacxB pyccRaro yrojiOBHaro opana*

Cette liste ne contient aucun ouvrage relatif aux règles du duel.

11 ne faut pas s'en étonner. Le duel a été sévèrement défendu en Russie depuis le règne de Pierre le Grand, et fut particulièrement antipathique à ses successeurs. On comprend qu'un livre rentrant dans le cadre de notre chapitre lxxxi ne pouvait être approuvé par la censure et imprimé.

Est-ce à dire que les Russes ne se battent pas? Les faits sont pour établir le contraire. Moins fréquentes que chez nous, leurs rencontres sont en revanche plus meurtrières. L'arme choisie est presque toujours le pistolet, et le duel, celui à marcher.

C'est dans un combat de cette espèce que leur grand poète Pouschkine fut tué, en 1834, par son beau-frère le baron d'Anthes.

Quels usages les Russes observent-ils dans leurs rencontres ? Nous n'avons pas pu le savoir positivement.

Le si bon et regretté prince Dolgoroukow, alors gouverneur de Moscou, avec lequel nous avons eu l'honneur de tirer souvent au pistolet à Vichy, nous a bien donné des détails intéressants sur la partie anecdotique et sur la répression, mais ne s'est jamais prononcé sur la question des règles du duel.

Nous croyons que ce sont celles de Chateauvillard, plus ou moins altérées par des usages forcément non codifiés.

Son autorité ne saurait être moindre dans un pays aussi ami de la France qu'elle ne l'est en Allemagne, les auteurs le pro- clament a Gode international et guide du point d'honneur ».

26

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CINQUIÈME PARTIE.

RÈGLES DU DUEL EN SUISSE.

Les rencoDtres entre citoyens suisses sont telleroeot rares, qu'on peut regarder le duel comme tombé en désuétude dans ce pays.

C'est, du reste, par celte affirmation que commencent presque toutes les lettres des jurisconsultes qui ont bien todIu nous ren- seigner sur la législatiou pénale des nombreux cantons qui formeal la Confédération helvétique.

Dans ces conditions, un ouvrage snr les règles du duel était sans raison d'être. Nous n'en connaissons pas.

Une erreur de copiste aous a empoché de dooner, page 386, le résnoié complet de noire apprécialion sur le Codice cavaltereKo de U. Gelli.

Nous nous empressons de la réparer, en disant que l'aatoriU dont il jouit en Italie est parfaitement justifîée.

Outre son Coc/lcB cavaUeresco, cet auteur a publié de q ombrent oarrages sur les spécialités qui se rattachent au duel. Il suffit de les parcourir poni comprendre leur succès, qui place M. Gelli au premier rang des auteurs ioùeiis dont la plume a traité le même sujet.

CHAPITRE LXXXII

Texte des lois qui répriment le duel dans les différents

États d'Europe.

ALLEMAGNE. - Gode pénal régissant tout l'Empire, 4870. Du duel.

Art. 204. Seront panis de la détention de six mois au plas, la provo- cation en duel avec armes meurtrières, ainsi que l'acceptation du défi.

Art. 202. La peine sera la détention de deux mois à deux ans, si la provocation porte que le combat ne cessera que par la mort de Tun des com- battants, ou si cette intention résulte du genre de duel choisi.

Art. 203. Ceux qui se chargent de la provocation, ou qui la trans- mettent à la partie adverse, seront punis de la détention pendant six mois, au plus.

Art. 204. Aucune peine ne sera prononcée, si lespartîesont spontané- ment renoncé au duel avant de commencer le combat.

Art. 205. Le duel sera puni de trois mois à cinq ans de détention.

Art. 206. Celui qui aura tué son adversaire en duel sera puni de deux ans au moins de détention-, la peine sera la détention de trois ans au moins si le duel ne devait cesser que par la mort d'un des combattants.

Art. 207. Celui qui aura tué ou blessé son adversaire, en violant Tolon- lairement les règles conventionnelles ou traditionnelles du duel, sera puni suivant les dispositions générales sur le meurtre ou les lésions corporelles, à moins qu'il n'ait encouru une peine plus grave aux termes des dispositions ci- dessus.

Art. 208. Lorsque le duel aura lieu sana seconds, la peine encourue pourra être augmentée de moitié, sans que, néanmoins, elle puisse dépasser dix ans.

Art. 209. Les intermédiaires du défi qui auront cherché sérieusement à empocher le duel, les seconds, ainsi que les témoins, médecins et chirurgiens appelés pour assister au duel, seront exempts de peine.

Art. 240. Celui qui volontairement, et notamment par des marques ou menaces de mépris, aura excité un individu à se battre en duel avec uu tiers, sera puni d'un emprisonnement de trois mois si le duel a eu lieu.

Modifications ob 4876. —Duel.

Article 208. Lorsque le duel aura lieu sans seconds, la peine encourue pourra être augmentée de moitié, sans que, néanmoins» elle puisse dépasser quinze ans.

CINQCIÉME PARTIE.

ANDORRE.

C»lte république est régie par des coutumes publiées on plutdl écrites (c'est UD manuscril) en langue basque (le poliUtr], mais ne conteoaQt proba- blement rien sur le duel.

A. un certain point de vue, on peut dire que le territoire d'Andorre e5t on territoire neutre, puisqu'il est soumis à des règles particulières; cepeudaot, la circonslanco rnSme que les jugements sont rendus au nom de la France sa Tait une sorte d'Ëtat vassal, sur lequel celle-ci exerce un droit de suzeraineti. un véritable protectorat.

On doit le considérer comme territoire français, au point de vue de la poON suite des crimes et délits commis par tous autres que les indigènes, et oottm- ment par les Français '.

ANGLETERRE.

Le duel, en Angleterre, est soumis à la législation de droit commun. On peut s'en assurer en consultant un traité élémentaire ou manuel de législation, intitulé the Cabinet lawyer [ItiSt), qui traite, dans le même cbapiire (p. 719J, du meurtre {murder^ momlonçhier) et du duel, soumis tous deux aux mâmes pénalités, allendu que, duos l'un comme dans l'autre, il y a eu expressed ma- lice or délibérais intention.

Des principes généraux du droit pénal, les cours de justice anglaises ont peu à peu tiré no certain nombre de règles, d'après lesquelles tout acte ayant pour effet de concourir A un duel conslitue une iofraction à la législation pé- nale anglaise :

Envoyer un déQ, alors même qu'il ne serait pas accepté, est un trouble à la paii publique. La pénalité estl'ameude ou la prison, à ladiscrétiOD de la cour, avec Taculié d'imposer au prévenu une garanLe de sa bonoe con- duite pendant trois ans.

S" Toute personne qui transmet le défi est punissable des œftmes peines.

Toute personne qui, à l'aide do paroles ou de lettres, on provoque une autre en duel, est exposée à la même répression.

iP Si le duel a eu lieu dans un endroit public, la pénalité ast celle ci- dessus.

Si le duel a eu lieu dans un endroit privé, la qualiQcation du ûéLU est différente, c'est un assoull; mais ses conséquences pénales sont les mêmes. Ce délit résulte du seul fait de tirer une épée ou de diriger un pistolet contre son adversaire.

11 convient de se rappeler que, d'après la législation anglaise, tout attentat

1. Voyeï Futier-HenoanD, Répertoire de drotl fi-ançait, article Andorre, n* 49.

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 405

à la vie est ud délit, l'auteur du délit le dirigeât-il contre sa propre existence ; ainsi la tentative de suicide a souvent été punie de six mois de prison.

6"^ et 7*^ Le simple fait de 8*assembler pour participer à un duel comme combattants ou comme témoins peut être relevé à rencontre de ceux qui y prennent part, comme délit de eonspiracy, réprimé par l'amende et la prison.

8*" Si le duel a lieu et qu'il y ait blessure môme légère, il y a délit de wUawful wounding (blessure illégale), ce qui expose l'auteur de la blessure à cinq ans de réclusion.

9"* S*il s'agit d'un duel à mort, il y a délit de atUmpl to mur,d^ (ten- tative de tuer), puni de la prison à perpétuité.

40^* En cas de blessure grave, il y a délit de wounding loilA intent to murder (blessure avec intention de tuer), ce qui entraîne l'emprisonnement à vie.

44° En cas de mort de l'un des combattants, le survivant est exposé à être pendu.

42° Les témoins, voire le médecin, qui assistent au. duel et Tencou- ragent par leur présence, sont exposés aux mêmes peines que les combat- tants.

Des poursuites criminelles pour duel ont été récemment Intentées en Angle- terre; les rigueurs pénales ne sont pas tombées en désuétude.

Le cas échéant, elles seraient appliquées avec la même impartialité aux étrangers qu'aux Anglaise

j

ILE DE MAN. HALTE. GIBRALTAR.

C^tte lie a une législation . spéciale qui porte le nom de Lex scripta ou Recueil d'ordonnances' et de statuts, publié en 4849. On n'y parle que des crimes de droit commun : meurtres, coups et blessures. Rien sur le difel, qui rentre par conséquent dans la catégorie des attentats ordinaires contre les personnes, et doit encourir les mômes peines, avec les tempéraments habi- tuels que comporte l'application de la loi dans les poursuites de cette na- ture.

Malte est également régie par des lois criminelles spéciales qui ne disent rien du duel.

De môme pour Gibraltar, dont le recueil, assez confus, de vieilles ordon- nances, ne fait aucune mention du délit qui nous occupe.

Pour l'une comme pour l'autre, s'en référer au droit commun.

1. Extrait d'un article publié par le Journal de droit international privé, sur Taffaire Martineau-Boulanger (1890, n<" 1 et 11, pages 77 et suiv.), 17* année.

CINQUIÈME PARTIE.

EMPIRE ADSTRO-HONGROIS. AUTRICHE. Gode pénal ds 185Î. Duel.

Abticle 4S8. Celui qui, poar quelqae cause que ce soit, provoque au combat avec armes meurtrières, el celui qui accepte cette provocation, commettent le délit de duel.

Abt. 169. Ce délit doit, si aucune blessure n'ec est résultée, 6tre pucj de six mois â un an de prison.

Abt. 160. Si dans le duel une blessure a eu lieu, la prison sera de noe â cinq aoQties, CepeDdanl. si le duel a entraîné une des suites désignées dans l'article 156, la peine sera de la prison dure da cinq à dix ans.

Art. 161. Si le duel a été suivi de la mort de l'un des combaiiants, le meurtrier sera puni de dix i vingt ans de prison dure.

Art. 163. En tout cas, le provocateur sera condamné à un plus long temps qu'il ne l'aurait été s'il avait élé le provoqué.

Abt. 163.' Celui qui a poussé l'une ou l'autre des parties à la provoca- tion ou à leur comparution effective sur te ternùn, ou bien a contribué avec intention à faciliter cette rencontre, ou bien encore a proréré des menaces on du mépris contre celui qui cherchait à détourner la provocation, sera puni de six mois à un ao de prison; mais si, en outre, son influence a été effecttvt et qu'une blessure ou la mort s'en soit suine, la peine sera de un an à cinq ans.

Art. 1 6i. Ceux qui m sont constilués assistants, autrement dit seconds pour un des combattants, seront punis do six mots à une année de prison, et, d'après la valeur de leur iuUueiice et le mal qui s'en est soivij pourront 4tn punis jusqu'à cinq ans.

AsT. 165. La culpabilité pour ce délit cessera:

a. Pour le provocateur, s'il ne comparait pas au combat;

b. Pour celui-ci, aussi bien que pour le provoqué, si, quoique ayant paru an combat, ils se sont volontairement désistés do commencer le combat;

c. Pour les antres complices, s'ils ont mis un zèle actif à obtenir le désiste- ment volontaire du combat, et que ce zèle ait produit son effet.

HONGRIE. Code pénal de 1880. Duel.

Article 193, La provocation en duel et l'acceptation de la provocation constituent un délit et seront punis au maximum de six mois de prison d'Ëlat.

Art. 394. I.a peine édictée ï l'article précédent est aussi applicable aux seconds, ainsi qu'à tous ceux qui empêchent l'accommodement (art. 300).

(On appelle second, segedeck, mémo celui qui porte une provocation.)

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 407

Art. 295. Celui qui excite directement un tiers à se battre en duel, ou qui, parce que le tiers ne provoque pas une autre personne en duel ou n'ac- cepte pas une provocation, le menace de son mépris, sera puni, au maximum, d'un an de prison d'État.

(Le délit est commis au moment les parties prennent position pour le combat; tout ce qui précède ne constitue qu'une tentative non punie.)

Art. 296. Celui qui prend position en armes potlr commencer le combat est puni au maximum d'un an de prison d'État.

Art. 297. Si les parties ont renoncé au duel, personne ne sera puni.

Art. 298. Celui qui blesse son adversaire en duel sera puni, au maxi- mum, de deux ans de prison d'État.

Si le blessé perd un membre ou l'usage d'un sens, ou s'il résulte de la blessure une infirmité incurable, la peine sera au maximum de trois ans de pri- son d'État.

Celui qui a tué en duel son adversaire, quand môme la mort ne serait pas survenue sur-le-cbamp, sera puni, au maximum, de cinq ans de prison d'État.

Art. 299. Le duelliste qui a violé les règles du duel établies parl'usage ou d'un commun accord, et par suite a tué son adversaire, sera puni de ta peine de l'homicide volontaire, et, s'il l'a blessé, de la peine applicable au crime de grave lésion corporelle (trois ans de réclusion).

Dans les cas prévus par le présent article, les seconds seront punis comme complices.

Art. 300. Ne sont pas punis, les témoins et les médecins présents au duel, non plus que les seconds qui se sont efforcés d'empêcher le duel, à l'excep- tion, pour ces derniers, des cas prévus à l'article précédent.

BOSNIE ET HERZÉGOVINE.

CODB PÉNAL DE 4880. DUBL.

Article 234. Celui qui, pour une cause quelconque, a provoqué quelqu'un au combat à armes meurtrières, et celui qui, sur cette provocation, a accepté le combat, commettent le délit de duel.

Art. 235. Ce délit sera puni, s'il n'en est résulté aucune blessure, de six mois à un an de prison.

Art. 236. Si une blessure a eu lieu, la peine est de une à cinq années de prison, et contre ceux à la charge desquels existerait quelque circonstance aggravante, ia prison dure (schweres) pour la môme durée.

Art. 237. S'il y a eu mort de l'un des combattants, le meurtrier sera puni de cinq à dix ans de prison.

Mais s'il avait été préalablement établi une convention concernant la mort de l'un des combattants, le coupable qui aurait réclamé ce genre de combat, si son adversaire a trouvé la mort, serait puni de dix ans à vingt ans de prison dure.

Art. 238. En principe, le provocateur est plus fortement puni que le provoqué, à moins que le provoqué n*ait donné lieu à la provocation par une conduite coupable ou méchante à un haut degré.

i08 CiNgLIÈME PAKTIE.

Art. 33tl. Celui qui, par moquerie, menace de mépris ou d'aae antre des manières désignées dans l'article 9, aura occasionné ou réclamé avec inien- tion l'mécution ou la provocation d'an duel ; celui qui, avec p médi talion, s cherché h fournir l'occasion et le moyen d'accomplir le délit, ou a été complice intentionnol d'une autre manière, sera, même s'il n'en est résulté aucun mal, puni de six mois à un au de prison; mais si une blessure ou la mort s'en eet suivie, le combattant sen puni d'après les articles 135, 236 et 137, et mémo d'après la plus grosse peine établie eu l'article S3T, si la convention dange- reuse a été stipulée sor son initiative.

Abt. 140. Ceux qui se sont constitaés assistants, autrement dit seconds d'un duel, sont punis de six mois à un an de prison et, selon l'importance de leur influence et des conséquences malheureuses de la rencontre, jusqu'à cinq ans.

Mais, dans la mesure le résultat du duel, ainsi que la convention dan- gereuse, dont parle l'article !37, ou les conséquences rigoureuses du combat, doivent être attribuées à leur influence, on les traitera d'après les disposiUoiis de l'article 339.

AnT. til. De la disculpabilîté [comme pour l'Autriche).

BELGIQUE.

CODB PÉNAL DB 4867.

ArtTtcLE 4'23. La provocation en duel sera punie d'un emprisonne- ment de quinze jours à trois mois et d'une amende de 100 à 500 Irancs.

Art. 424. Seront punis des mêmes peines ceux qui auront décrié publi- quement ou injurié une personne pour avoir refusé un duel.

Art. 425. Celui qui, par une injure quelconque, aura donné lieu à la provocation, sera puni d'un emprisonnement de un mois à six mois et d'une amende de 100 à 1,000 francs.

Art. 436. Celui qui, dans un duel, aura fait usage de ses armes contre son adversttire, sans qu'il soit résulté du combat ni homicide ni blessure, sera puni d'un emprisonnement de un mois h six mois et d'une amende de tOO i 1,000 francs. Celui qui n'aura pas fait usage de ses armes sera puni con- formément à l'article 4î3.

Art. 487. Celui qui, dans un duel, aura blessé son adversaire, sera puni d'un emprisonnement de deux mois h un an et d'une amende de 300 à 1,500 francs.

Art. 428. Si les blessures ont causé une maladie on incapacité de travail personnel, le coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 500 a 2,000 francs.

Art. 429. L'emprisonoemenl sera de six mois à trois ans et l'amende de 1 ,000 à 6,000 francs, si les blossures résultant du duel ont causé, soit une maladie paraissant incurable, soit une incapacité permanente de travail per-

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 409

sonnel, soit la perte de Tusage absola d'un organe, soit une mutilation grave.

Art. 430. Celui qui, dans un duel, aura donné la mort à son adversaire, sera puni d*nn emprisonnement de un an à cinq ans et d'une amende de 2,000 à 4 0,000 francs.

Art. 434. Ceux qui, d'une maniôre quelconque, auront excité au duel, seront punis des mômes peines que les auteurs. Dans le cas le duel n'aurait pas eu lieu, ils encourront un emprisonnement de un mois à un an et une amende de 400 à 4,000 francs.

Art. 433. Les coupables condamnés, en vertu des articles 425 et sui- vants, seront, en cas de nouveaux délits de môme nature commis dans le délai fixé par l'article 56, condamnés au maximum des peines portées par ces articles, et ces peines pourront ôtre élevées an double.

DANEMARK.

CODB PBNAL DE 4866. DUBL.

Article 208. Quiconque se sera battu en duel sera puni de l'empri- sonnement simple.

Si quelqu'un a tué une autre personne en duel, ou lui a fait une blessure grave (art. 204], la peine sera de trois mois d'emprisonnement au moins. S'il a été convenu entre les deux adversaires que le combat continuerait jusqu'à la mort de Tud d'eux, la peine pourra ôtre portée jusqu'à cinq ans d'emprisonne- ment dans une prison d'État.

Si quelqu'un, pendant le combat, par une violation volontaire des règles du duel ou des conventions intervenues entre les parties, a causé la mort de son adversaire, ou lui a fait une blessure, on appliquera la peine générale éta- blie pour le cas dont il s'agit.

Art. 209. Les témoins seront punis de deux mois au moins d'empri- sonnement simple, lorsqu'ayant su que le duel devait durer jusqu'à la mort de l'un des adversaires, ils ne s'y seront pas opposés, ou lorsqu'ils auront volon- tairement manqué aux devoirs que leur imposaient les règles du duel, ou les conventions intervenues entre les parties.

ESPAGNE. Gode pénal db 4870. Duel.

Article 439. Les autorités qui auront connaissance d'un duel projeté procéderont à l'arrestation du provocateur ; à celle de l'adversaire, si celui-ci a accepté le défi; ils ne seront mis en liberté qu'après avoir donné leur parole d'honneur de se désister de leur projet.

110 CINQUIÈME PARTIK.

Celui qui, manquant déloyalement à sa parole, proToqaeratt de oouveaa son adversaire, sera puni d'interdiction temporaire de l'exercice de toutes les fonctions publiques et même du banniasemonl.

Celai qui, dans les mèmas conditions, accepterait le duel, sera puai d'exil.

Art. i40. Celai qui luerail en duel son adversaire sera puni de récln-

S'il le blessait de blessures définies dans le 1 de l'arlicte 431 , il sera puni de la prison correction ne lie (applicalion des pénalités, moyenne ou maii- mum). £a tout autre cas, on punira de détention les combattaols, alors même qu'il n'y aurait pas de blessures.

Akt. 4i1, Au lieu des pénalités signalées à l'article précédent, an punira de bannissement, en cas d'homicide; d'exil, en cas de blessures stipulées dans le n" 1 de l'article 431, et d'une amende de 50 à 500 pesetas dans chacun des cas suivants :

Le provoqué ou dé&é qui se battrait pour ne pas avoir obtenu de son adversaire eiplica lion des motib du duel;

î" Le déQé qui se battrait parce que son adversaire lui aurait refusé des explications suffisantes, ou une satisfaction honorable pour l'offense encourue ;

L'offensé qui se battrait pour n'avoir pu obtenir de l'offenseur une esplicalioD suffisante ou une satisfaction honorable qu'il aurait de- mandée.

AiiT. 443. Les péualités établies i l'article i40 seront appliquées au maximum ;

t" A celui qui provoquerait le duel sans en expliquer les motifs à son adversaire, ai celui-ci l'eiigâait;

A celui qui, ayant provoqué, même avec raison, rejetterait les explica- tions suffisantes ou la satislactioD honorable que lui aurait offertes sou advei^

A celui qui, ayant faltinjure è son adversaire, se refuserait à lui accor- der des explications suffisantes ou une satisfactipn honorable.

Art. 443. Celui qui exciterait un autre à provoquer ou b accepter un due! sera puni respectivement des pénalités mentionnées à l'article 440 si le duel a eu lieu.

A H T. 444. Celui qui outragerait ou discréditerait un autre publique- ment, pour le fait d'avoir refusé un duel, encourrait une des pénalités établies pour les injures graves.

Art. 445. Les témoins d'un dueld'oi) résulteraient la mort ou des bles- sures seront respectivement punis comme auteurs de ces délits avec prémédi- tation, s'ils ont provoqué le duel ou employé quelque perfidie, soit dans l'oxé- cution du duel, soit dans le règlement des conditions de celui-ci, comme com- plices des mêmes délits s'ils avaient décidé un duel h mort, ou connaissaient l'avantage de l'un des combattants.

Ils encourent la réclusion et une amende de 250 â !,500 pesetas, s'ils n'ont point fait tout leur possible pour concllierles parties, ou s'ils n'ont point

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 4H

établi les conditions du duel de la façon la moins périlleuse possible pour la vie des combattants.

Art. 446. Le duel qui aurait lieu sans l'assistance de deux ou plusieurs témoins majeurs pour chaque partie, et sans que ceux-ci eussent choisi les armes et réglé toutes les^autres conditions, sera puni :

De prison correctionnelle, s'il n'en résulte pas mort ou blessure;

%"" Des pénalités générales de ce code, si la mort en est résultée, la péna- lité ne pouvant jamais être moindre que la prison correctionnelle.

Art. 447. On appliquera aussi les lois générales de ce code et, en entre, l'interdiction absolue temporaire de l'exercice de toutes les fonctions publiques :

A celui qui provoquerait ou donnerait lieu à un défi ayant en vue un intérêt pécuniaire ou un but immoral;

Au combattant qui commettrait la lâcheté de manquer aux conditions établies.par les témoins.

GRÈGE. Gode pénal db 4834. » Duel.

Article 208. Gelui qui, pour des moliiis quelconques, provoque un autre individu à se battre en duel, de même celui qui consent à se rendre sur le terrain de la lutte, seront punis :

^'^ D'un emprisonnement de quatorze jours à six mois, au cas oti le duel n'aura pas occasionné de graves blessures ;

i? D'un emprisonnement de trois mois à deux ans, au cas les blessures auront occasionné une incapacité de travail d*au moins trois mois ;

3^ Aux travaux forcés, au cas l'un des adversaires aura été blessé moi^ tellement ou aura été tué sans qu'il eût été convenu que le duel aurait pour but la mort de l'un ou de l'autre adversaire ;

Aux travaux forcés à temps, au cas il y aurait eu mort, en consé- ^ence d'un accord préalable. (Gode pénal, 442, 205, 207, 209, 240, 244.)

Art. 209. Seront punis d'un emprisonnement maximum de trois mois :

Geux qui auront provoqué ou accepté la provocation en duel, quoique le duel n'eût pas eu lieu ;

Geux qui se sont livrés à des menaces ou manifestations de mépris contre celui qui a refusé de se battre en dueL (Gode pénal, 443, 208, 330.)

A&T. 240. Est considéré comme circonstance aggravante le fait de re- pousser l'offire de la partie adverse, de mettre fin au différend par la voie judi- ciaire, ou bien, après avoir suivi cette voie, d'être revenu au moyen du duel. (Gode pénal, 205.)

Art. 244. N'est passible d'aucune peine quiconque a assisté au duel comme témoin ou aide. (Gode pénal, 56, 57, 208.)

*.* î-jiji^'^.

CIXUCIËME PABTEE.

ITALIE.

Code pénal dO: <- DÉCBiiBkE 4889. Dcbl.

Akticlb 1ï7. Quiconque provoque quelqu'un en duel est pnoî d'une amende pouranl s'élever jusqu'à 500 livres, quand même la provocsiioo n'au- rait pas été acceptée; maiâ s'il a été la cause injuste et dëtennioante du fail d'où est sortie la provocation, la peine peut aller jusqu'il deux mois de déteo- lion.

Est exempt de peine celai quj a été entraîné à la provocation par une insulte grave ou un grave outrage.

Celui qui accepte la provocation, quand même la cause iJa bit dont elle dérive aurait été injoâte, est puni d'une amende de tOO à 1,500 trancs.

Si le duel a lieu, on applique seulement les dispositions des articles sai- vaiits.

Abt. J3S. —Quiconque fait usage des armes en duel est puni, s'il ne cause pas à l'adversaire de lésions personnelles, de la détention jusqu'à deux

Si le coupable a été la cause injuste et déterminante du duel, la détention est de quinze jours a quatre mois.

Akt. 239. Le combattant en duel est puni de la détention :

De six mois ci cinq ans, s'il tue l'adversaire on lui fait une blessure amenant la mort;

i" D'un mois ù deux ans, s'il fait une blessure entraînant un des effets prévus dans le premier paragraphe de l'article 373;

3* Jusqu'à quatre mois, en cas de toute autre blessure.

Si le coupable a été la cause injuste et déterminante du duel, la détention est, dans le premier cas, de deux à sept ans; dans le second, de trois mois à trois ans ; et dans le troisième, de un à six mois.

Abt. S40. Les peines établies dans la première partie d«s deux précé- dents articles sont diminuées d'un sixième à un tiers, si le coupable a été entraîné au duel par une insulte grave ou par un grave outrage.

Akt. Sil. Les porteurs de laprovocation sont punis d'une amende poo* vant aller jusqu'à 500 francs; mais ilssoot exempts de peine s'ils empêchent le combat.

Les parrains ou seconds sont punis d'une amende de 400 à 4,000 francs, s'il n'est résulté aucune blessure de la rencontre, et de la détention pouvant aller jusqu'à dix-huit mois, dans les autres cas ; mais ils sont exempts de peine si avant le duel ils ont fait tout ce qui dépendait d'eux pour concilier les par- ties, ou si par leurs elTorls le combat n'a pas eu de résultat aussi grave que celui qui pouvait avoir lieu.

Art. 343. Sv l'un des combattants n'avait pris aucune part au fait qui a occasionné le duel et s'il combat à la place de celui qui était directement inté- ressé, les peines établies dans les précédents articles S3S et 139 sont augmen- tées de moitié.

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 4^3

Od n'applique pas cette augmentatioD de peine si le combattant est un proche parent de la personne intéressée, Ou encore si c'est un des parraina ou seconds qui se bat à la place de son client absent.

Art. 243. A la place des dispositions des articles 239 et 242, on applique pour l'homicide et les blessures résultant du duel les dispositions des chapitres I et n du titre IX :

Si les conditions du combat n'ont pas été établies préalablement par les parrains ou seconds, ou bien si le combat n'a pas eu lieu en leur présence ;

2^ Si les armes employées pour le combat ne sont pas égales et ne sont ni des épées, ni des sabres, ni des pistolets également chargés, ou bien si ce sont des armes de précision ou à plusieurs coups ;

3^ Si dans le choix des armes ou dans le combat, il y a fraude ou viola- tion des conditions établies ;

4*" S'il a été expressément convenu ou s'il résulte de la nature du duel ou de la distance entre les combattants, ou des autres conditions établies, que l'un des combattants devait rester mort.

Dans tous les cas, la peine est la réclusion; et dans le cas la condam^ nation n'entraîne pas l'interdiction perpétuelle, on ajoute l'interdiction tempo- raire des emplois publics.

Si la blessure entraîne une peine inférieure à celles édictées aux articles 23^9 et 242, on applique lesdites peines, augmentées d'un tiers, en substituant la réclusion à la détention.

Les parrains ou seconds» dans les cas des paragraphes 2, 3 et /ï, tombent lOus les mômes peines que celles établies dans cet article contre les coinbattants, toutefois elles peuvent être diminuées d'un tiers.

La fraude ou la violation des conditions qui règlent le choix des armes ou le combat est à la charge non seulement de son auteur, mais encore de celui qui, parmi les combattants, parrains ou seconds, en avait eu connaissance ^vant ou pendant le combat.

Art. 244. Quiconque offense publiquement une personne ou la désigne de quelque manière au mépris public, parce qu'elle n'a pas provoqué en duel on a refusé le duel, ou encore en témoignant du mépris ou en meni^çant de le faire, pousse quelqu'un au. duel, est puni de la détention d*un mois à un an.

Art. 245. Quand celui qui provoque ou défie {(itia) en duel, ou bien menace de provoquer ou de défier, agit avec l'intention d'extorquer de l'argent ou quelque autre profit, on applique, selon les cas, les dispositions de l'article 407 ou de l'article 409.

LUXEMBOURG. Code pénal du 48 juin, 45 octobre 4879. Édition de 4884.

Titre YUI. Des crimes et des délits contre les personnes. Chapitre m. Du dueL

m CINQDIÈME PARTIE.

Articl b iJ3. La provocation an duel et l'accepCatioD de cotle ptovo- catiOQ seront punies d'un empriaoDQement de quinïo jours h trois mois et d'une amende de tOO à 500 Trancs.

AttT. iîi. Seront punia des mêmes peines ceux qui aoroat décrié pobli- quemeot ou injurié une personne pour avoir refusé un duel.

Art. 4i&. Celui qui, par une injure quelconque, aura donné lieu à la pro- vocation, sera puni d'un eniprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende de 100 à 1,000 [rancs.

Art. 426. Celui qui, dans un duel, aura fait usage de ses armes conlrB son adversaire, sans qu'il soit résulté du conibal ni homicide ni blessure, ^ta puni d'un emprisonnement d'un moisb^ mois et d'une amende de îOOi 1 ,000 francs.

Celui qui n'aura pas fait usage de ses armes sera puni cou formé ment â l'article il3.

Le combattant qui a été blessé sera passible des peines prononcées par le paragraphe f ou le paragraphe i du présent article, selon qu'il aura fait anft de ses armes contre son adversaire.

Art. ht. Celui qui, dans un duel, aura blessé son adversaire, sen puni d'un emprisonnement de deux mots h un au et d'une amende de 300 i 4,500 francs.

Art. 428. Si les blessures ont causé une maladie ou une incapacité de travail personnel, le coupable sera puni d'un emprisonnement do trois moisi deux ans et d'une amende de 600 à 2,000 francs.

Art. 429. L'emprisonnement sera de six mois à trois ans et l'amende de 1,000 à 3,000 francs, si les blessures résullanl du duel ont causé, soil une maladie paraissant incurable, soit une incapacité pernianonlo de travail personnel, soit la perte de l'usage absolu d'un organe, soit une mutilalioD grave.

Art. 430. Celui qui, dans un duel, aura donné la mort à son advesaire, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de S,OO0 à 10,000 francs.

Art. 431 . Ceux qui, d'une manière quelconque, auront excité au dnel, seront punis dos mêmes peines que les auteurs.

Dans le cas le duel n'aurait pas eu lieu, ils encourront un emprisonae- ment d'un mois a un an et une amende de 400 à 1,000 francs.

Art. 432. Dans les cas prévus par les articles 417 à 430, les témoins seront punis d'un eraprisonnemenl d'un mois à un an et d'une amende de 100 è 1,000 francs, ou de l'une de ces peines seulement.

Art. 433. Les coupables condamnés en vertu des articles 423 et sui- vants seront, en cas de nouveaux délits de même nature commis dans le délai fixé par l'arlicle 55, condamnés au maximum des peines portées par ces article*, et ces peines pourront être élevées au double.

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 415

PRINCIPAUTÉ DE MONACO. Code pénal. Duel.

Article 307. Le duel est un délit.

SoDt coupables de duel les personnes qui,, par suite de conditions préala- blement établies, se rencontrent munies d'armes et accompagnées de témoins, et fooi usage de leurs armes l'une contre Pautre.

Art. 308. L'homicide commis dans un duel est puni de deux à cinq ans de prison.

S'il est résulté du duel des blessures ayant occasionné une incapacité de travail pendant plus de vingt jours, Fauteur des blessures sera puni d'un an à trois ans de prison.

Si les blessures n'ont occasionné aucune incapacité de travail pend ant plus de vingt jours, la peine sera de trois mois à un an de prison.

Art. 309. Le duel, non suivi de blessures, sera puni delà peine d'un mois à trois mois de prison.

Art. 340. Dans tous les cas, les coupables du délit duel seront condamnés à une amende de 300 à 3,000 francs.

Art. 344. Les témoins seront considérés comme complices; les médecins, chirurgiens ou officiers de santé ne sont pas considérés comme témoins.

Art. 312. La tentative de duel qui n'aura manqué que par des circon- stances indépendantes de la volonté des parties est punie comme le duel lui- même.

Art.' 343. Les articles précédents ne sont pas applicables si les com* battants n*ont pas été assistés de quatre témoins ou si les conditions du combat n'ont pas été loyalement remplies.

Dans l'un ou l'autre de ces cas, les articles 287, 296, 297 et 298 sont seuls applicables.

(Les articles auxquels on renvoie feraient considérer le duel c^omme un assassinat ou comme blessures volontaires, guet-apens, et, dans ces cas, l'auteur serait condamné à mort, à la réclusion ou à une très forte amende.)

MONTÉNÉGRO.

Le Monténégro n'a pas de loi réprimant le duel. Du reste, c'est à peine s'il a des lois pénales écrites. Tout est à peu près réglé par l'usage et la tradition. Dans bien des cas, c'est le souverain lui-même qui rend la justice.

D'ailleurs, le duel n'existe pas à proprement parler dans le pays. Les que- relles se vident à peu près comme en Corse par la vendetta, mais avec bien moins d'entraves et une répression moins assurée.

(Renseignements donnés de vive voix par M. le comte de Sercey, chargé d'affaires à Cettigne, en juillet 4889.)

416 CINQUIÈME PARTIE.

PAYS-BAS.

CODB PENAL DU 3 MARS 4884. DuBL.

Art I CLE 452. Est puni d'un emprisonnement de six mois oa plus :

4<^ Celui qui excite quelqu'un à faire une provocation ou à en accepter une, s'il s'ensuit duel;

V Celui qui transmet une provocation avec intention, s'il s'ensuit on duel.

Art. i53. Est puni d'un emprisonnement de quatre mois au plus ou d'une amende de 300 florins en plus, celui qui, en public ou en présence d'an tiers, fait des reproches à quelqu'un, ou l'expose à la raillerie, pour ne pas avoir provoqué en duel, pour avoir refusé une provocation.

Art. 454. Le duel, pour celui qui ne fait pas de blessures à son adver- saire, est puni d'un emprisonnement de six mois au plus.

Celui qui fait une lésion corporelle à son adversaire est puni d'un an de prison.

Celui qui fait une lésion grave est puni de trois ans de prison au plus.

Celui qui tue son adversaire est puni de six ans de prison an plus, et, s'il y a eu duel à mort, de douze ans au plus.

La tentative de duel n'est pas punissable.

Art. 455. Les dispositions relatives au meurtre, à l'homicide ou aux sévices s'appliquent à celui qui, dans un duel, tue son adversaire ou lui lait quelque lésion corporelle (détention de neuf années de prison) (sic) :

4<> Si les conditions n'ont pas été réglées d'avance ;

2^ Si le duel n'a pas eu lieu en présence de témoins des deux parties;

3^ Si l'auteur commet quelque fraude ou s'écarte des conditions, avec intention et au détriment de son adversaire.

Art. 456. Les témoins et les médecins qui assistent à un duel ne sont pas punis.

Les témoins sont punis :

De deux ans, au plus, de prison, si les conditions n'ont pas été réglées d'avance ou s'ils excitent les parties à continuer le duel;

2^ De trois ans de prison, au plus, si, avec intention, et au détriment d*une des parties, ils commettent ou permettent quelque fraude de la part des com- battants, ou permettent qu'on s'écarte des conditions.

Les dispositions relatives au meurtre, à l'homicide, aux sévices s'appliquent au témoin, dans un duel, si l'une des parties a été tuée ou blessée, s'il a, avec intention et au détriment de celle-ci, commis quelque fraude, ou permis quelque fraude, ou s'il a permis qu'on s'écartât des conditions, au détriment de la pei^ sonne tuée ou blessée.

LE DU£L A L'ÉTRANGER. 417

PORTUGAL. Code pénal ou 46 septembre 1886. Duel.

Article 381.— La provocatiOD ea duel sera punie d'un mois à trois mois de prison et d'une amende pouvant aller jusqu'à un mois.

En Portugal comme en Espagne, Pamende est proporlionnelle aux revenus du coupable; par conséquent, l'amende d'un mois est calculée d'après le dou- zième des revenus de l'inculpé.

Art. 382. Seront punis de la môme peine ceux qui, publiquement, discréditeront ou ii^jurieront une personne ayant refusé de se battre en duel.

Art. 383. Celui qui exdle quelqu'un à se battre en duel, et également celui qui, par une injure, motivera une provocation en duel, sera puni d'un mois à un an de prison et d'une amende correspondante;

Art. 384. Celui qui, dans un duel, aura fait usage de ses armes contre son adversaire, sans qu'il en résulte homicide ni blessure, sera puni de deux mois à un an de prison et d'une amende correspondante.

Art. 385. Si, dans un duel, l'un des combattants tue l'autre, il sera puni de un à deux ans de prison et du maximum de l'amende^ le temps de prison pouvant être porté au double avec les seuls effets de la prison correction- nelle.

4^ S'il résulte du duel Tun des effets signalés dans les n~ 3 à 6 de l'article 360 et dans Tarlicle 364, la peine sera la prison de six mois à deux ans, avec l'amende correspondante;

t^ S'il y a eu blessure, en dehors des cas énumérés dans le paragraphe précédent, la peine sera la prison de trois à dix-huit mois et l'amende corres- pondante.

Art. 386. Seront punis de la prison jusqu'à six mois et d'amende jus- qu'à un mois, les parrains, quand ils ne devront pas, en vertu des règles géné- rales, être punis comme auteurs ou complices du crime.

Art. 387. > Les peines généralement établies par la loi (le droit commun] seront appliquées lorsqu'il y aura homicide ou blessures résultant du duel dans les cas suivants :

Quand le duel aura lieu sans l'assistance de témoins;

2^ Contre toute personne qui, par intérêt pécuniaire, provoquera ou exci- tera, ou donnera lieu volontairement à un duel.

Art. 388. Si l'un des incriminés est un employé public, on pourra ajouter la peine de la démission, selon les circonstances.

CrN(JCIÈMK PABTIE.

BOOUAMS. Code pèhal. Don.

Abticle 168. Celui qui, dani un dael, en se servant d'armes, a'»

occasionné ni mort ni blesâures, est puni d'un e m prison aemeot de six jours à as mois et d'une amende île 100 à 1,000 francs.

A AT. 159. Lorsque le duel aura occasionné mort ou bieisures, la peine des combattants sera de six jours à deux ans de prison. Les juges pourront, d'après les circonstances, porter celle pénalité jusqu'à quatre ans de prison.

Art. i60. Silesconabaltanlsse sont battus sans témoins ni seconds, on si les règles Qxées par les témoins ou seconds n'ont pas èlé observi^es, et ù le duel a occastonaâ mort ou blessures do l'un d'eus, le coupable sera puni d'apris les dispositions générales comprises dans le présent code. (Renvoi k la législk- tion de droit commun sur les mourires et blessures; ce droit commun n'esl autre que celui de la législation française.)

An T. ïGl, Lorsqu'un militaire se bal avec an civil, il sera soumis i la juridiction des tribunaux civils.

Une note ajoutée h l'article Ï60 indique que cet article est emprunté lu code pénal prussien.

(Trsduclion et indicatioTis données de vive voix par un allaclié à la léga- tion de Uoumanie, avenue Uontaigne, 33.)

RUSSIE. Disposition du code de police préventive.

Article 355. Il est défondu, en cas d'offense personnelle, de provo- quer en duel, soit verbalement, soit par écrit, soit par intermédiaire, et il est également défendu d'accepter le duel sur la provocation d'autrui.

Art. 357. Il est défendu de transmettre une provocation en duel, d'exciler au duel et, en général, de faciliter un duel de quelque façon que ce soiU

Art. 361. —Les témoins du duel ont le droit de défendre le duel au nom de la loi el, s'ils supposentquo les combattants ne voudront pas leur obéir, ils doivent, pour leur propre justiGcaiion, dénoncer le fait, pour les personnes employées au service de l'Ëiat, It leurs supérieurs immédiats et, pour toutes Les autres personnes, à la police locale.

Art. 367. Les individus coupables d'un délit se rapportant à un dael sont renvoyés devant les tribunaux criminels pour yétro jugés conformément aux prescriptions des articles 1197-1513 da Code pénal [édition de 1866J.

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 449

Dispositions du codb pénal (4866).

Article 4497. Quiconque aura adressé une provocation en duel pour quelque raison que ce soit, excepté les cas prévus ci-dessous par Tarticle 4 499, si cette provocation n'a pas eu de résultat, quand bien môme ce serait par suite de circonstances indépendantes de la volonté du provocateur, sera puni d'uoe arrestation de trois à sept jours.

Si la provocation a eu pour résultat une rencontre, mais si cette rencontre s'est terminée sans effusion de sang, le provocateur sera puni d'une arrestation de trois semaines à trois mois.

Celui qui se sera rendu coupable de ce délit pour la seconde fois sera puni de la détention dans une enceinte fortiûée pour un temps de deux à quatre mois.

Art. 4498. Les peines établies par l'article 1497 seront augmentées d^un ou deux degrés si la provocation a été faite par celui qui a été la cause première de la querelle.

Art. 4499. Si la provocation en duel a été motivée par une offense grave faite au provocateur môme, à son père, à sa mère ou à un autre de ses parents en ascendance, ou bien à sa femme, sa ûancée, sa sœur, sa fille, sa bru, sa belle-sœur ou aux autres personnes dont la tutelle lui est confiée, et si la pro- vocation n'a pas de suite, le provocateur n'encourt aucune peine, ou bien est seulement puni d'une arrestation d'un à trois jours.

Art. 397.— Tout fonctionnaire qui aura osé provoquer son chef sera puni, selon les circonstances, de la détention dans une enceinte fortifiée, pour un temps de quatre à huit mois, ou de la privation de certains droits civiques, selon l'article 50 du présent code, et de la réclusion dans une maison de cor- rection pour un temps de huit mois à un an et quatre mois.

Si avec cela le fonctionnaire a provoqué son chef pour une cause prove- nant de leurs rapports officiels, ou pour se venger d'une peine disciplinaire qu'il aura encourue, le provocateur sera puni de la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps d'un an et quatre mois à quatre ans et de la privation de certains droits civiques selon l'article 50.

Art. 4500. Quiconque sera convaincu d'avoir excité un autre à se battre en duel sera puni selon les circonstances, au cas il s'en est suivi une ren- contre, de la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps d'un an et quatre mois à quatre ans, ou d'un emprisonnement de quatre mois à un an et quatre mois.

Les mômes peines sont prononcées contre celui qui aura exciré quelqu'un à se rendre coupable d*une injure grave à l'égard d'une autre personne dans le but de la provoquer en duel, au cas un duel s'en est réellement suivi.

Art. 4504» Quiconque aura transmis une provocation en due), sll n'a pas fait tout son possible pour empocher ce conflit, ou bien s'il n'a pas autre- ment tâché que la provocation n'ait pas de suites, sera passible des peines éta- blies par l'article 4497 pour la provocation môme.

«0 CINQUIÈME PARTIE.

Art. 1S01. Quiconque, ayant accepté une provocation en duel, se Ben rendu au lieu cociveDU, quand bien même la rencontre serait empêchée par des clrcoostanceg iadépendaDtea de sa volonté, sera puni d'une arrestation d'an k trois jours.

Mais au ca^ oit il aurait tiré l'âpée ou Tait usage des armes contre son adversaire, bien que la rencoalre n'ait pas eu pour suite l'effusion du sang, il sera puni d'une arrestation de trois à sept joors.

Art. 150^.— Quiconque, s'èlant biltu en duel, aura tué son adversaire ou lui aura causé de graves blessures, s'il est avec cela l'agresseur, ou bien si l'on ne peut décider qui est ragres^eur, maiss'ilest prouvé qu'il est le provocateur, est puni, eu cas de mort, de la détention dans une enceinte TortiGce pouma teuipi de quatre ans à six ans et huit mois; en cas de blessures graves et de mutilation, de la même peine, pour un temp^ de doux à quatre ans.

Si, pourtant, ce n'était pas lui qui était cause de la rencontre et que li provocation lui ait été adressée par son adversaire, il sera puni, en cas mort, de la détention dans une enceinte fortiliée pour un temps de deoi i quatre ans; ot en cas de mutilation ou de blessures graves, mais non iDor- telles, do la même peine pour un temps de huit mois à deux ans.

ART.tSOi.— Si, on acceptant la provocation, il a été convenu entre les combattants de se battre h niorl, et si, par suite d'une telle convenlion, l'un des deux adversaires a été tué ou moriellement blessé, le coupable sera panii ' au CHS cette condition aurait été proposée par lui, de la privation de UM ses droits civils et do la déiM)rlation on Sibérie; et au cas il a seulement i accepté celte condition, de la détention dans une eoceinle rortiGée pour ua temps do six ans et huit roois à dix ans.

Les témoins, |>our avoir admis une telle condition, seront punis de '^ détention dans une enceinte Tortiliée pour un temps de deux à quatre moïS'

Aht. IjOj. Si un duel s'est terminé, bien qu'avec effusion da sgngi mais avec des blessures légères ne mettant pas la vie en danger et ne causaa' ni mutilation ni dommages sérieux à la santé du blessé, les coupables sont punis d'un emprisonnement ou de la détention dans une enceinte fortifiai celui qui a été l'agresseur ou, si cela demeure indécis, le provocateur, pour un temps de huit mois à quatre mois l'un, et l'autre pour un temps de demi quatre mois.

Akt. 1506. Si les personnes convenues de se battre en duel, après s'être pt éparées pour le combat, mais avant d'avoir versé le sang, se réconcilient de leur propre mouvement ou par suite des conseils des lémoios, mais non par des circonstances indépendantes de leur volonté, elles n'encourent aucune peine.

Art. 15UT. Les témoins qui, avant ou pendant le duel, n'auront pas employé tous les moyens possibles de persuasion pour empêcher ou prévenir le combat, seront punis, ai le duel a eu pour suite la mort ou une blessure roorlelle de l'un des adversaires, de la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps de quatre à huit mois, et dans les autres cas d'un emprison- nement de deux h quatre mois.

N. B. Les médecins invités pour porter secours anx blessés ne sont pas considérés comme témoins.

LE DUEL A L'ÉTRANGER, 4)4

Art. 4508. Si les témoins du duel sont convainctis, non seulement de n'avoir pas employé tous les moyens possibles de persuasion pour prévenir ou faire cesser le combat, mais d'avoir, au contraire, excité les combattants à continuer ou à renouveler le duel, ils seront punis de la détention dans une enceinte fortiGée pour un temps de deux ans et huit mois à quatre ans.

Art. 4509. Si le duel a eu lieu sans témoins, et s'il a eu pour résultat la mort ou des blessures graves, le coupable sera puni de la peine instituée par l'article 4504, pour avoir proposé ou accepté de se battre à mort.

Mais si cette rencontre n'a eu pour suite ni la mort ni des blessures graves, les coupables ne seront punis que de la détention dans une enceinte fortifiée pour un temps d'uo an et quatre mois à trois ans.

A R T. 4540. Quiconque aura tué en duel Fon adversaire ou lui aura porté une blessure grave, en employant la trahison, sera puni du maximum de la peine établie par l'article 4454 du présent code pour meurtre ou préméditation, et, si le duel a eu lieu sans témoins, de la peine établie pour meurtre avec préméditation, eu cas des circonstances aggravantes citées dans l'article 4453.

En cas de blessures graves, le coupable encourt le maximum des peines établies par l'article 4477 pour blessures graves avec préméditation.

Les témoins qui auront aidé le coupable à porter le coup mortel ou à causer une blessure grave, en employant la trahison, subiront la môme peine.

Art. 4544. Quiconque se sera trouvé fortuitement à un duel et n'aura pas profité de cette occasion pour tâcher de persuader aux combattants de se réconcilier sera puni, si le duel a pour suite la mort ou des blessures graves, d'une des peines contenues dans l'article 4524, pour n'avoir pas porté secours à un homme se trouvant en péril.

Art. 4542. Quiconque aura reproché à une autre personne ou l'aura injuriée, soit verbalement, soit par voie de fait, de n'avoir pas accepté une provocation en duel ou d'avoir lait cesser le duel par suite d'une réconciliation, sera puni, si le duel en est résulté, d'une des peines établies par l'article 4 500, pour avoir excité au duel, etc. ; en cas contraire, d'une des peines instituées pour injures plus ou moins graves. (Code des peines de la juridiction des juges de paix, articles 430-435.)

(Traduction manuscrite d'Emilio di Pietro, qui se trouve à la bibliothèque de législation étrangère de Paris.

RÉPUBLIQUE DE SAINT-MARIN.

Le code pénal, rédigé en 4859, par le professeur Zappetta, fut promulgué peu après par le gouvernement, qui lui fit subir quelques modifications.

Cette loi pénale ne parle pas du duel, qui rentre dans les attentats de droit commun contre les personnes, meurtre, coups et blessures, et doit encou-

ru .«t. JLJ:-"^.- . .♦.

Ul CENl^UltHE PARTIE.

Tir les peines ordinaires, modîQées, comme partout ailleurs, par l'admisàon des cireoQfilances atténaantes.

Nous ignorons s'il existe une jarispmdeDce.

SUÈDE.

Loi pésale du 46 féviiieii (864.

Cfaap. stv. .— De l'astastiHat, du meurtre et det actes de violence.

g 38. K deux individus sont convenus de se battre en dael el que la mort de l'un d'eux s'en soit suivie, l'homicide sera condamné aut travaai forcés pondant six à dii ans. Si li>s conventions portaient qao le duel ne fini- rait que par ta raort de l'un des combattants, et que la mort s'en soit suivie, la peine des travaux Torccs à perpétuité on pendant dix ans sera prononcée.

Si un individu a reçu de graves blessures en duel, l'auteur encourra la peine de deux à six ans de travaux forcés. Si la blessure a été légère on s'il n'en est résulté aucune, la peiue d'nn emprisonne ment de sis mois à deux ans sera prononcée.

g 39. Celui qui aura provoqué autrui en doel ou qui aura accepté un tel déâ, sera puni d'un emprisonnement, bien que le duel n'ait pas en

§ io. Lorsqu'un individu aura agi avec déloyauté dans un duel, et que la mort do l'adversaiio s'en sera suivie, il sera puni d'i^prés le paragra~>he 1', comme coupable d'assassinat. Si par la déluyanté de l'un des deux combat- tants, de graves blessnres ont été cansées à l'antre, le coupable sera puni de six ans k dix ans do Iravaux forcé''. S'il en est résulté une blessure légère, la peine de deux à six ans de travaux forcés sera prononcée,

§ 41. Sera puni d'un emprisonnement celui qui aura servi d'aide pour arrêter les conventions d'un duel, ou de témoin dans un tel combat.

NOBVÈGE.

CODB PÉNAL DE <87Û. DtBL.

Abticlb 1b. —Chapitre XIV.— La peine dos travaux forcés est infliger-^ en cas do mort de l'un des adversaires, ou bien si les combattants ont décid^^ do se battre à mort, quelle que soit l'issue du duel.

A n T. 19. Chapitre xv. Il en est de mémo à le duel a eu pour consé-'^ quenco la porte d'un membre, d'un organe essentiel, ou une maladie grav» ^ ou des infirmités.

Si les blessures ne sont que légères, aucune peine n'est encourue. Le^ témoins ne sont pas punissables.

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 4S3

SUISSE.

CANTON D'APPENZEL-INNERGHODEN. Rhodes iifTÉRisuR.

Jusqu'à la fin de la trentième année de ce siècle a subsisté, dans ce petit canton isolé, la coutume du pugilat réglé : les blessures qui se produisaient dans ce pugilat restaient impunies ^

Quant au duel, il n'existe pas de règles légales. Ce demi-canton n'a pas de code pénal écrit. Le duel est regardé comme un delictumjuris communis. Il serait puni comme lésion corporelle ou homicide, avec admission, cependant, de circonstances atténuantes.

S'il s'agissait d'une simple lésion corporelle, il n'y aurait qu'une poursuite ex officio; mais, si la plainte était portée, il y aurait inévitablement punition, avec admission d'une peine légère .

(Traduction littérale d'une consultation demandée à un jurisconsulte du pays.)

Cette opinion n'est du reste appuyée sur aucune décision judiciaire. Il n'y a pas plus de jurisprudence sur cette matière qu'il n'y a de disposition législa- tive.

Une lettre de M. le procureur général, en date du 3 janvier 4893, nous permet de l'affirmer.

CANTON D'APPENZEL. Rhodes extérieur. Code pénal du 98 avril 4878.

Pas de législation spéciale sur le duel.

Le duel n'est pas visé dans le code pénal du canton.

Il n'existe aucune pratique judiciaire, aucune jurisprudence en cette matière, par la raison que, depuis un temps très reculé, il n'y a pas eu de duel sur son territoire.

Il est probable que si un combat singulier avait lieu sur le territoire du canton d'Appenzell, il serait regardé comme un délit de droit commun ; mais, en l'absence de précédents, on ne saurait Taffirmer.

(Traduction d'une lettre de M. le procureur général près la Cour de justice du canton d'Appenzel, en date du 24 décembre 4892.)

Voyez J.-B.-E. Rasch Wanderspiegel. Revw, 1872. Ofenbruzgen. ttudM histo- rtquei, 1868.

4li CINQUIÈME PARTIE.

CANTON D'ARGOVIB. Code pénal du 41 février 1857. Titre XXII.

Article 431. —Lorsque deux personnes se livrent, pour cause d^offense et d'an commun accord, à un combat en règle avec des armes mortelles, elles commettent le crime de duel.

Art. 132. Le duel est puni comme suit :

I. En cas de morl :

A. Quand elle n'est accompagnée d'aucune circonstance aggravante, de quatre à six ans de réclusion ;

B. Quand Fauteur de la mort a cherché querelle pour des motifs indignes, ou a refusé de se réconcilier pour des motifs indignes, de six à douze ans de réclusion.

II. En cas de blessures mortelles ou de muUlalion grave :

A. Dans le cas du paragraphe V, il, de la peine de la réclusion d'un à quatre ans ;

B. Dans le cas du paragraphe I*', D, Tauleur est puni de deux ans à six ans de réclusion.

III. SHl n'y a eu ni morl, ni blessure mortelle, ni mutilation, te duel est puni correctionnellemenl.

Art. 133. Les Féconds, témoins et médecins qui assistent au duel, ne sont pas punis on règle générale.

Mais si un second a causé la mort ou une blessure mortelle, ou une muti- lation grave, en violant intentionnellement les règles usuelles ou spéciale- ment convenues du duel, il est puni comme Fauteur de la mort ou de la bles- sure.

CANTON DE THURGOVIE. Code pénal du 15 juin 1841. Titre XXV. De la défense

PERSONNELLE ET DU DUEL.

Article 264. Celui qui provoque un autre en duel avec des armes mortelles et celui qui accepte une pareille provocation sont punis d'un empri- sonnement de deux mois au plus, si le duel a eu lieu et n'a pas causé de blessures, ou bien seulement dans le sens de l'article 85, lettre C. (Maladie ou incapacité de travail de moins de soixante jours.)

Art. 265. Lorsque, dans le cas de l'article 264, il est résulté du duel la mort ou une blessure grave, la peine est de deux ans de prison au plus, et s'il est établi qu'on a choisi un mode de combat devant nécessairement amener la mort ou une blessure grave, ou que l'auteur de celles-ci a cherché à se battre pour des motifs indignes, ou a rejeté des propositions de réconciliation acceptables, il peut être puni dos travaux forcés pour deux ans au plus.

LH DUEL A L'ÉTRANGER. 425

Art. 266. Dans les limites des pénalités légales, l'on doit toujours punir plus sévèrement celui qui a causé le duel par la nature de l'offense ou par une provocation de propos délibéré.

Art. 267. Les seconds, témoins et médecins qui ont assisté au duel ne sont pas punissables, pourvu qu'il ne soit pas établi qu'ils en aient été les pro- moteurs.

Art. 268. Lorsque les parties ont renoncé à se battre, sans en avoir été empêchées par des obstacles extérieurs, elles ne sont pas punies.

Celui qui excite à un duel ou témoigne à l'une des parties du mépris pour avoir refusé de se battre, ou à raison d'un accommodement, est puni d'un emprisonnement d'un mois au plus, ou d'une amende de 4 00 francs au plus.

CANTON DE BALE-VILLE. Code pénal du 47 juin 4872. Chap. xvi.

Provocation en duel,

Articlb446. Celui qui provoque en duel ou qui accepte une pareille provocation est condamné à un emprisonnement pouvant s*élever à trois mois ou à une amende pouvant s'élever à 4 ,000 francs.

Si la provocation stipule qu'une des parties doit perdre la vie, ou si cette intention résulte du mode de combat qui a été choisi, la peine peut s'élever jusqu'à deux ans d'emprisonnement.

A RT. 447. Le duel est puni de la prison.

Art. 448. Celui qui tue son adversaire en duel, ou lui cause une lésion corporelle grave, est puni de six mois à six ans de prison et, s'il y a eu inten- tion de donner la mort, de la réclusion pouvant aller jusqu'à dix ans.

Art. 449. Les porteurs de cartels sont punis d'un emprisonnement do trois mois au maximum, ou d'une amende de 4,000 francs au maximum. S'ils ont sérieusement cherché à empêcher le duel, i's ne sont pas punis.

Les médecins, seconds ou témoins d'un duel ne sont pas punis.

Art. 420. Si la mort ou les lésions corporelles ont été occasionnées par une violation intentionnelle des règles usuelles ou convenues du duel, les di^ positions sur l'homicide et la lésion corporelle sont applicables.

CANTON DE BALE-CAMPAGNB. Code pénal du 3 février 4S73. Chap. xvi.

Articles 446-420. Mêmes dispositions que pour le canton de Bàle- Ville.

:•■ r

426 CINQUIÈME PARTIE.

CANTON DE BERNE. Code pânal db 4866.

Crimes el délits contre les personnes.

Section IL Mauvais traitements et coups et blessures non qualifiés meurtre.

Article 448. Quiconque S9 bat en due^ sans violer à dessein les règles usitées ou convenues pour ce genre de combat, se rend passible des peines suivantes :

S'il tue son adversaire, il sera condamné à la peine d'une année à six ans de détention dans une maison de correction. Dans tous les autres cas, la peine ne pourra dépasser soixante jours d'emprisonnement ou quatre années de dé- tention dans une maison de correction.

Si les blessures n'ont eu aucune des conséquences prévues par les articles 439 (coups et blessures entraînant la mort), 440 (coups et blessures ayant pour conséquences une incapacité absolue de travail, une maladie incu- rable ou une autre infirmité permanente) et 444 (incapacité de travail person- nel de plus de vingt jours), le délinquant ne pourra être poursuivi et puni que sur la plainte de la partie lésée.

Si celui qui se bat en duel viole à dessein les règles usitées ou convenues, ou si le combat a eu lieu sans témoins, les dispositions des articles 4 23 à 449 (c'est-à-dire les dispositions sur les délits ordinaires contre la vie) seront appli- cables.

Les témoins et les médecins qui auront assisté à ce duel, de même que les porteurs du cartel, sont exempts de toute peine.

Cependant le témoin qui aura violé à dessein les règles usitées ou conve- nues pour le duol sera, suivant la gravité des circonstances, puni d'un empri- sonnement qui ne pourra excéder soixatite jours, ou de quatre années au plus de détention dans une maison de correction.

CANTON DE FRIBOURG.

Article 376. La provocation en duel avec armes meurtrières, et l'acceptation de celte provocation, seront punies d'un emprisonnement de quinze jours à deux mois et d'une amende qui n'excédera pas 600 francs. La peine sera de quatre mois d'emprisonnement si la provocation porte que le combat ne cessera qu'avec la mort de l'un des combattants, ou si cette inlen- lion résulte du genre de combat qui a été choisi.

Art. 377. Ceux qui acceptent la mission de transmettre une provocation en duel ou qui l'accompliront seront punis d'un emprisonnement de quinze à quarante jours

Art. 378. Aucune peine ne sera prononcée contre le provocateur ou

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 427

celui qui a accepté la provocation, ni contre les porteurs du cartel, si les parties ont spontanément, et avant de commencer le combat, renoncé aa duel.

Art. 379. Le duel est puni de deux à quatre ans de bannissement du canton ou d'une amende de 500 à 3,000 francs, s'il n'y a pas eu de blessures, ou si elles sont légères.

Si l'un des combattants a été tué ou s'il a éprouvé une lésion grave, la peine sera un bannissement hors du canton pendant six à dix ans ; cette der- nière peine pourra élre cumulée avec une amende de 2,000 francs au maxi- mum.

Art. 380. —Sera puni d'un bannissement hors du canton pendant dix ans celui qui tue son adversaire dans un duel qui ne devait cesser qu'avec la mort de l'un des combattants (art. 376).

Une amende de 2,500 francs sera cumulée avec cette peine.

Art. 381. Les médecins et les chirurgiens appelés au duel ne sont pas punissables, et ils ne sont obligés de dénoncer le duel projeté ou réalisé que quand ils en sont requis par l'autorité^

Les porteurs du cartel ne seront également pas punis s'ils ont fait des efforts sérieux pour empêcher le duel.

Les seconds ainsi que les témoins seront punis d'un emprisonnement de deux mois au moins.

Art. 382. Les peines établies contre le duel recevront leur application alors môme que les coupables seront convenus de se battre hors du canton, si le duel a été proposé et accepté dans le canton. (V., dans la partie criminelle, art. 4 33.) ,

Art. 383. —Si, par suite de la violation volontaire des règles convenues ou adoptées par l'usage dans un duel, l'un des adversaires a été tué ou blessé, celui qui a violé ces règles sera puni suivant les dispositions du présent cha- pitre.

CANTON DE GENÈVE.

Dans le canton de Genève, il n'existe aucune législation spéciale relative au duel, aucune jurisprudence sur la matière.

Des recherches minutieuses faites dans les archives par un magistrat fran- çais, un avocat genevois et le greffier de la Cour de justice lui-môme, ont amené la découverte de plusieurs enquêtes, mais toutes non suivies de pour- suites.

Tel est le cas de la rencontre le célèbre agitateur Lassalle perdit la vie, en 4864.

En présence de cette pénurie absolue de documents, il est impossible de prévoir avec certitude quelle interprétation serait donnée au silence du Code pénal. ,

L'homicide ou les blessures commis en duel seraient-ils considérés comme des crimes ou des délits de droit commun? C'est ce que nous ne saurions affirmer et ce que ne pouvait affirmer le procureur général auquel nous nous sommes adressé par l'intermédiaire de M. Gans, avocat à Genève.

P 498

CINQDIÈME PARTIE.

II croyait qu'il y aurait poursuites, couronnement au droit coaimun, mais, eo l'absence d'uDO jurisprudence quelconque, ne pouvait rien préjuger du résultat.

CANTON DES GRISONS. Code pénal du 8 jdillbt 1851.

Article 83. Celui qui provoque un autre en duel et celui qui accepte

une pareille provocation sont punis, si le duel a réellement lieu :

4" De la prison ou de la riïclusion de quatre ans au plus.sileduel a amené la mort de l'un des comballants, soit directement, soit par suite de blessures reçues dans le combat;

2" De deux ans de prisin au plus, si le duel a amena des troubles perma- nents dans la santé ou une mutilation corporelle quelconque;

3" Dtf trois mois de pd-oo au plus, si la blessure n'a amené ni des troubles permanents dans la sanlé, ni une mutilation corporelle;

De six semaines do prison au plus, s'il n'rst résulté du duel aucune blessure.

Art. 8i, Dans les limites des pénalités prévues par la loi, celui qui a amené le duel par la nature de l'ofrcnse ou par une provocation de propos délibéré doit être puni plus sévèrement. De mfme l'on tiendra compte, dans l'app'icalion de la peine, do la nature des armes et des condi'.ions du combat.

A aT. 85. Ceui qui ont poussé intentionnellement au duel ou à sa coati- nuatioii peuvent, selon les circonstances, être punis de la même peine que los CombaCtanls ou d'une peiae moindre.

Art. 8G. Seconds et témoins. Celui qui assiste comme second ou comme témoin au duel est puni, d'un emprisonnement de trois à douze se- maines, suivant que le duel n'a pas eu de suites ou qu'il s'en rst suivi des blessures plus ou moins graves, ou la moit; mais les seconds ou témoins ne sont pas punissables, s'il est établi qu'ils ont cherché à empêcher le duel, ou, pendant le combat, à empêcher celui-ci d'avoir une issue fatale.

Les médecins appelés à un duel ne sont pas punissables comme tels, pourvu qu'aucune autre faute ne soit à leur charge.

CANTON DE GLARIS. Code pénal de IseT, kevu en 4887.

Article tOS. Si une mort ou des lésions corporelles résultent d'uDduel en régie, l'auteur est puni, dans le premier cas, de six ans de réclusion, au maximum; dans le second cas, la peine subit la même atténuation qu'à l'article toi, page ! (si les blessures ont entraîné incapacité totale de travail, ou perle d'un organe, ou dérangements de facultés intellectuelles, sans espoir de gué-

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 429

risoo, ou si elles ont entraîné d'antres conséquences graves pour la santé} , la peine consiste dans les travaux forcés ou la prison ; s'il en est résulté une maladie ou une incapacité de travail de plus de quatorze jours» la peine est la prison seulement.

CANTON DE LUCERNE.

Code pénal criiiinbl du 29 janvier 4860, entre en vigueur

le 28 janvier 4864.

Article 476. —Si deux personnes se livrent d'un commun accord, à cause d'une affaire, à un combat réglé avec des armes de nature à mettre la vie en danger, elles commettent le crime de combat singulier (duel}.

Art. 177. Le duel est puni :

(a) De la réclusion, si l'un des combattants est tué;

(b) De six mois à deux ans de prison, si l'un des combattants est grave- ment blessé ;

(c) D'un an de prison au maximum» s'il n'en est résulté qu'une blessure insigniâante ;

(d) Le duel qui n'a entraîné aucune blessure est puni correctionnel- lement.

Art. 478. Si les combattants et leurs seconds ou témoins se sont rendus à l'étranger pour exécuter un duel convenu dans ce canton et l'ont mis à exé- cution à l'étranger, ils seront néanmoins tous traités et punis conformément au présent code.

Art. 480. Ceux qui menacent de mépris la personne qui a refusé de se battre en duel, ou qui lui ont témoigné du mépris, sont punis correction- nellement.

CANTON DE NIDWALD.

La loi du canton de Nidwald défend sévèrement le duel sous toutes ses formes, et punit les blessures ou la mort occasionnées par le duel comme des délits ordinaires. Les punitions, dans ce cas, faute de législation particu- lière, seraient celles des blessures et des meurtres ordinaires. La loi dit : « Si, dans votre pays, quelqu'un osait provoquer une autre personne en duel, lui et ses assistants perdraient leur honneur et leurs biens, i On voit que la simple provocation, de môme que l'acceptation d'un duel, sont sévèrement défendues : on peut en conclure que les duellistes seraient déférés à la justice et punis selon le droit commun, comme nous l'avons dit plus haut.

(Consultation d'un jurisconsulte de Stans, à nous transmise par l'obligeant canal de M. Scbmid, procureur général à Altdorf.)

L— -"^ f*'^ .- - . . . _ -• .**■!

CINQUIÈME PABTIE.

CANTON DE ^fSUCBAIEL. Code fAnal di: (S féihiei i89l. Cbapitksit^ De dcbl.

AsTicLB 177. Lorsqne la mort oo oae lésion corporelle pvre tOL le résultat d'un dnel régalier, ta peine sen l'er^pftsonnement jusqu'à cinq au. Celui qoi a été giièvemeat blessé pourra éùe exempté de cette peine. Si le dael n'a csusé aucune léâion grafe, cliacun des combaUanls sera coodamné i la prison civile jusqu'à trois mois.

Art. 478 L'amende jnsqu'ï 5,000 francs sera toujours prononcée contre chacun des adversaires, qael qu'ail été le résultat du duel.

Art. 179. Celui qui tue ou blesse griêiemeat son adversaire dans nn duel est pas^ble des peines ordinaires établies pour le meurlre et les lésions corporeJles ;

t' S'il s'est Tolontai renie ni écaité des r^les admises pour ce genre de combat, ou s'il commis quelque fraude;

V Si les cooditiaus du duel éUienl telles qu'il devait néce^£aîremeol ea résulter la mort de l'un des deux combaltauts;

Si le duel a eu lieu san^ témoins.

Abt. ISO.— <.>uiconqueeicitâ publiquement quelqa'nnà&re une profo- caMoQ ou à l'accepter, s'il en résulte un duel, sera puni de l'eiufHÎsoiineraeDt jusqu'à trois nuHs.

Sera puni de l'empiisonnemcnt jnsqa'i six mois celui qui reproche publi- quement à queliju'un do ne pas avoir fiiil une provoculion en duel ou de ne pas l'avoir ai'ceplée.

Art. 181. Les témoins présents à un duel ne sont pas ponis, à moina qu'ils se se soient prêtés à quelque fraude. Dans ce dernier cas, s'il est résulté du duel la mort d'un des deux combattants ou une lésion corporelle grave, les lémoins coupables seront punis, maijseulementà titre de complices, des peines qui frappent le meurtre et les lésions corporelles.

Les médecins ne sont pas punis.

Art. 18Î. En matière de duel, la tentative n'est pas punissable.

CANTON DE SAINT-GALL. Code pénal du !5 novembre (885, applichblh dkpuis le i" mai

<886, SOLS LE TITHB ; CniUBS ET DÉLITS SPÉCIAUX COMRI LA PAIX PUBLIQDB.

Article 4i>8. La provocation au duel et l'accepta lion de la provocation sont punies d'une amende de 500 francs au plus, ou de deux mois de prison au plus. Ces peines peuvent aussi être cumulées.

Si le duel a eu lien, les deux parties éont punies d'une amende de 500 francs

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 431

au plas, ou d'un an d'emprisonnement au plus. Ces peines peuvent aussi être cumulées.

Les porteurs de cartels, les seconds, les témoins et le juge du combat sont punis d'une amende de 400 Trancs au plus.

Dans l'application de la peine, il sera tenu compte du danger que pré- sentent les armes ou le genre de combat que Ton a adoptés ou que Ton a employés.

S'il est résulté du duel une blessure ou la mort, on applique les disposi- tions pénales sur les lésions corporelles ou l'homicide ; mais, suivant les cir- constances, on pourra appliquer une peine plus douce que la peine ordi- naire.

CANTON DE SCHAFFOUSE.

Code pénal ou 3 avril 4859, sous le titrb :

De la défense personnelle, grimes et délits contre la paix.

Article 448. Celui qui provoque un autre en duel avec des armes mortelles et celui qui accepte une pareille provocation sont punis, si le duel a effectivement eu lieu :

De six ans de réclusion au maximum, s'il a été convenu entre les par- ties que le duel serait prolongé jusqu'à la mort de l'un des combattants et si la mort s'en est réellement suivie ;

%"" De la prison au premier degré, de six mois au moins, si, sous une pareille convention, un des combattants a été tué, ou s'il en est résulté pour l'un d'eux ou pour tous les deux une blessure mortelle ou entraînant une alté- ration permanente de la santé ;

3"* Dans les autres cas, de deux ans de prison au plus, ou d'une amende de 4,000 francs au plus.

Le crime est consommé dès que l'un des combattants a fait usage contre l'autre des armes convenues pour le duel.

Art. 449. Application de la peine. Dans les limites fixées par la loi, celui qui a amené l'autre en duel, par la nature de l'offense ou par l'étour- derie ou la méchanceté de sa provocation, doit être puni plus sévèrement que l'autre.

Art. 420. Promoteurs ei aides. Ceux qui ont été les promoteurs du duel ou qui ont poussé à sa continuation, subissent les mômes peines que les combattants, d'après les distinctions contenues dans l'article 448.

Par contre, les seconds ou les témoins qui ont assisté au duel sont punis, dans le cas de l'article 4 4 8, page 4 , de la prison au premier degré, d'un an au plus; dans les autres cas, de trois ans de prison au plus, ou de 500 francs d'amende au plus. Les médecins et chirurgiens qui ont assisté au duel, en cette qualité, ne sont pas punis.

Art. 424. Tentative. Si les parties ont été empêchées de se battre, après s'être rencontrées au lieu convenu, elles sont punies des peines àpplir cables à la tentative.

t31 CINQDIÈHB PARTIE.

Si, sans en avoir été empêchées par descircODStaDcesexIérienres.ellesool renoncé à se ballre. elles ne sont pas punissabloa.

Art. m. Violation des réglet du combat. Si l'un des combatlub on des seconda a élé cause de la mort ou de téàons corporelles, par la violi- lion intenlionnelle des règles usuelles ou convenues du duel, il ^ pnoî d'après les disposiiions sur l'iiomicide ou Ips blessures corporelles.

A B T. 4 i3. Provocation nu duel. La provocation au duel ei son accep- latioD, lorsque des circonsLances eitérîeures ont empêché le duel d'avoir liea, â'jnl punies d'une amende de 100 francs au plus, ou de la prison an second degré, de quatre semaines au plus.

CANTON DE SOLEURE. Code pknal uv 39 août 1885.

AnricLB 110. § i. L'homicide est puni de cinq ans d'emprisoa- nement au maximum, si la mort résuite d'un duel en règle.

Les médecins et seconds qui ont pris pari au duel ne sont pas pnoù-

fables.

CANTON DH SCIiWVTZ. Code pénal cnlllI^BL uu 30 haï lâSI.

Article 67. Lorsque deux personnes se Uvmit à na oooibat en régie, avec des armes mortelles, pour la saiisTactiou d'une offense, et d'un Gommiin accord, ce crime est puni :

(a) De l'em prison nemenl de six ans au maximum, si la mort d'un des coin- batlanls s'en est suivie;

{b} D'uQ e m prison Dément de deux ans au maximum, en cas de blessure plus ou moins grave.

Art. 68. Les seconds et les témoins assignés an reodez-TOUS, qui ont assisté à un pareil combat, sont punis d'un emprisonnement de six mois au maximum; mais s'il est prouvé qu'ils ont cherché à empêcher le combat, ou à empêcher une issue dangereuse da celui-ci, ils ne seront pas punis.

CANTON DO TESSIN. Code pénal du 13 uars 1873, e\TnB bm viauBUR le I" haï.

Contrairement aux dispositions de l'ancien code lessinois, le code 1873 n'envisage pas le duel comme un délit exceptionnel. Il l'a classifié parmi les délits communs.

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 433

L'article 323 est ainsi conçu :

c La loi n'admet pas d'excuse pour les auteurs ou les complices d'homicides ou de lésions commis ou tentés à cause du duel, i

L'homicide ou la blessure en duel doit» par conséquent, être puni comme l'homicide volontaire et les lésions communes.

La tentative à l'égard du duel entre, elle aussi, dans la classification ordi- naire des délits prévus par l'article M : « Celui qui, par des actes voisins et capables d'atteindre le but, a manifesté l'intention directe de commettre un crime ou un délit, mais, par des circonstances accidentelles et indépendantes de sa volonté, n'a pas fait tout ce qui était nécessaire pour le perpétrer, est coupable du crime ou délit tenté. »

L'accord solennel des adversaires, la gravité de la provocation, la loyauté du combat ne peuvent être invoqués que comme des circonstances suscep- tibles de faire diminuer la peine, jamais pour excuser le délit

(Consultation de M. Francesco Azzi, avocat à Lugano.)

CANTON D'UNTERWALDEN (Obwald) Code pénal du 6 août 4864.

Si deux personnes se livrent, pour cause d'offense et d'un commun accord, à un combat en règle avec des armes meurtrières, elles commettent le crime de duel.

Celui-ci est puni :

(a) De la réclusion de deux à six ans, si l'un des combattants est tué;

(b) De la prison de six mois à deux ans, si l'un d'eux est gravement blessé;

(c) D'un emprisonnement d'un an au maximum , s'il en est résulté une blessure insignifiante ;

(d) Ceux qui prennent part à un duel duquel il n'est résulté aucune bles- sure, les témoins et les seconds sont punis correctionnellem ent.

Les dispositions ci-dessus s'appliquent également aux personnes domici- liées dans le canton, qui la quittent pour exécuter un duel convenu dans ledit canton et qui le mettent à exécution sur territoire étranger.

CANTON D'URL

Le duel n'est pas considéré, dans le canton d'Un, comme un crime ou un délit d'une nature spéciale; ce canton ne possède pas de Code pénal. La législation se borne à énumérer les délits et les crimes dans un seul article. Le meurtre et l'homicide, comme aussi la lésion corporelle d'une nature grave, sont punis par le tribunal criminel.

28

.*»*—■

43i CINQUIÈME PARTIE.

Le duel, une spécialité jusqu'ici ioconnue dans dos contrées, serait Trappe, lecaséchéanl, parles mËmes peines auxquelles s'expose celui qui se read cou- ps b'e d'un homicide involontaire ((otilsc/ifas^ ou d'une lésion corporelle grave. Le duel, par conséquent, rentre danâ le droit commun.

L'accord des parties, la loyauté da combat, le silence de la loi, etc., ne subiraient certainement pas h faire disparaître la criminalité de l'acte et à exempter l'auteur d'une poursuîle; toutefois, on lui attribuerait les circon- stances al lénuantcs. (Consultalion de M. le docteur Schmîd. procureur général à Alldorf.)

La jurisprudence est aussi muolte que la loi pénale aur la question du duel De l'aveu de M. Scbmid, il u'eiiste, dans le canton d'Uri, aucune disposition, particulière permettant de fiior une pratique Judiciaire quelconque.

CANTON DU VALAIS.

Article Î37. L'individu qui, pour un motif quelconque, aura défié quelqu'un en lui proposant de so battre avec des armes de nature à donner la mort, sera coupable de duel.

Il ËQ sera de mémo de celui qui, ensuite du déG porté, se sera présenté sur le lieu du combat.

AkT. i'iS. L'homicide commis en duel est puni par un emprisonnemeol qui peut s'élever h dix ans.

Art. Î39. Si le duoi a eu pour résultat des blessures do la nature do ccllos mentionnées aux articles âi5, !iG, !4S ou 349, la peine sera d'un empri- sonnement pour un terme qui n'oicédera pas les deux tiers de celui fixé sus- dits articles.

Art. 140. Dans les cas prévus aux deux articles précédente, celui qui aura proposé le déli sera condamné, outre les peines ci-dessus, h une amende qui pourra s'élever à 500 francs et à la privation des droits politiques pendant un temps qui n'excédera pas dix ans.

Celte disposition sera pareillement applicable à celui qui aura accepté le défi, s'il a été le provocateur de la dispute.

Art. S4I. Dans l'application delà peine du duel, le tribunal aura égard aux loris que peut avoir eus l'un et l'autre des délinquants, au momeot de la querelle qui a donné lieu h la provocation.

Art, ta. La peine du duel ne sera pas appliquée à ceux qui, après avoir provoqué ou accepté le déâ, se seront désistés volontairement.

Si le duel n'a pas eu lieu par des circonstances indépendantes do leur volonté, ou s'il n'en est résulté aucune blessure, la peine sera une amende qui n'excédera pas 100 francs et la privation des droits politiques pendaut cinq ans au plus.

La même peine est applicable à celui qui a proposé un dé£ non accepté par son adversaire.

Art. 243. Dans les cas prévus au présent chapitre, la peine de l'ompri-

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 435

sonnement pourra, suivant les circonstances, être remplacée par celle du bannissement, en comptant deux années de bannissement pour une d'empri- sonnement.

Par contre, dans les cas graves, la peine de la réclusion pourra, suivant les circonstances, élre substituée à celle de Temprisonnement.

Art. 244. Les peines établies contre le duel recevront leur application, lors même que les coupables seraient convenus de se battre hors du canton, si, d'ailleurs, le duel a été proposé et accepté dans le canton.

CANTON DE VAUD.

Code pénal du 48 février 4843. « Chapitre iu Des batteries et ou duel.

Article 247. Les dispositions des articles 240, 244, 242, 243, 245 et 2Zi6 sont applicables au duel. Toutefois, le tribunal, dans l'application de la peine, aura égard aux torts que peut avoir eus l'un ou l'autre des combat- tants, au moment la querelle a eu lieu.

Le maximum de la peine peut être élevé de moitié contre ceux qui ont été provocateurs, ou qui ont contribué à prolonger le duel, ou qui se sont conduits avec déloyauté pendant le combat.

Les témoins et autres asâstants du duel ne sont punissables qu'autant qu'ils ont empoché la réconciliation, excité ou envenimé la querelle, ou cherché à aggraver les conditions du combat.

Dans ce cas, ils sont réputés complices et punis comme tels.

Art. 248. Dans les cas prévus aux articles 242 à 247 inclusivement, la peine de la réclusion peut, suivant les circonstances^ être substituée à celle de l'emprisonnement.

Art. 240. Celui qui prend une part active à une batterie, lors même qu'elle ne présente aucun des caractères mentionnés aux articles suivants, est puni par une amende qui ne peut excéder 60 francs (90 francs actuellement), ou par un emprisonnement qui ne peut excéder quinze jours.

Art. 244 . Si la batterie a eu pour résultat une lésion du genre de celles qui sont mentionnées à l'article 234 (incapacité de travail de dix à trente jours), l'auteur de cette lésion est puni par un emprisonnement de dix jours à dix mois ; les autres personnes qui ont pris part à la batterie sont punies par un empri- sonnement qui ne peut excéder quatre mois, ou par une amende qui ne peut excéder 600 francs (900 francs monnaie actuelle).

Art. 242. Si la batterie a eu pour résultat une lésion du genre de celles qui sont mentionnées à l'article 232 (incapacité de travail de plus de trente jours; fracture d'os à un bras, à une jambe ou à toute autre partie principale du corps; privation de Tusage d'un œil, d'un membre ou de toute autre partie principale du corps], l'auteur de cette lésion est puni par un emprisonnement d'un. mois à deux ans; les autres personnes qui ont pris part^la batterie sont

436 CINQUIEME PARTIE. .

punies d'an emprisonnement qui ne peut excéder dix mois et d'aoe amende qui ne peut escéder 1,000 francs (l.ôOO francs monnaie acluelle).

A HT. îi3, Si labatteiiea eu pour réaullatune des lésions mentionnées à l'article Ï33 (privation complète de l'usage de la vuo, de l'ouïe, des deui bras, des deux jambes, démence, imbécillité, maladie incurable, inc3pacil« de 80 livrer à l'acte de la génération), raul«ur de celle lésion est puni d'un em- prisomiement de dix mois à quatre ans.

Si elle a eu pour résultat une lésion ayant occasionoâ la mort, l'auteur de cette lésion est puni par un emprisonnement de dix mois h quinxe ans. sans préjudice dos autres dispositions sur l'homicide.

Les autres personnes qui on t pris part à la batterie sont punies d'un cmpri- sODDementqui ne peut excéder deux ans, ou d'une amende qui no peut excé- der a, 000 frjncs.

Art. 345. Si le délinquant a encouru la peine d'un eœprisonnemenl de dix mois ou au delà, le juge peut substituer, en partie, le bannissement i l'emprisonnement (la ConsUtulion fédérale, article ii, ne permet plus de pro- noncer le bannissement], de lelle sorte que le délinquant soit condamné â^ mois au moins d'emprisonnement; en outre au bannissement pour un temps qui no peut excéder dix années, ni être moindre d'un an.

A AT. j46. Dans les cas prévus au présent chapitre, le juge peut libérer do toute peine celui qui a fait ses efforls pour arrêter la rixe, lora m^me qu'il y a pris une part active, ainsi que celui qui est suffisamment éprouvé par let^ mauvais Iraitemenis qu'il a éprouvés ou par les blessures qu'il a reçues.

Il existe un projet de code pénal vaudois (1882| qui apporte les modiSca- tions suivantes à celui de 1843 :

A HT. Îi7 (ancien 240). Le maximum de l'ameude est de 100 francs et de l'emprisoiinemont un mois.

Art. ii6 (ancien iil). Maximum de l'em prison nemODl on de la récla- sioQ pour l'auteur principal : deux ans; pour les autres personnes : emprison- nement d'un an au maximum ou une amende ne i cédant pas 3,000 francs. Cumul possible des deux peine-:.

Art. 349. A peu prés semblable aux anciens articles 142 et 343, saof l'amende contre les témoins, portée au maximum de 3,000 francs. Quanti la peine contre l'auteur principal, elle se réduit i l'emprisonoament, dont le maxi- mum est de quatre ans en cas de blessures, et de quinze ans en cas de

L'article 345 est supprimé.

CANTON DE ZUG. Code l'ii.vAL nu 30 janvieh 187S.

Article 79. Si la mort ou des blessures graves ont résulté d'an duel en règle, la peine est de six ans de travaux forcés an minimum et, s'il y a eu inteotioa de donner la mort, la réclusion de dix ans au maximum.

LE DUEL A L'ÉTRANGER. 487

Ceux qui ont été appelés à assister au duel, pour le régler, ne sont pas punis, pour\'u qu'ils n'en aient pas été les promoteurs.

S'il y a eu violation intentionnelle des règles usuelles ou convenues du duel, et quM soit résulté de celui-ci la mort ou des lésions corporelles, on applique les dispositions sur Thoroicide et les lésions corporelles.

CANTON DE ZURICH. Code pénal du 24 octobre 4870. Dispositions spéciales sur

LE DUEL, sous LE TITRE : CrIHES ET DELITS CONTRE LA PAIX

(Art. y2-97).

Article 92. Le duel est puni, tant en ce qui concerne celui /jui pro- voque en duel qu'en ce qui concerne celui qui accepte la provocation, d'un emprisonnement de deux mois au maximum et de l'amende maximum géné- rale : 15,000 francs fart. 23), môme s'il n'en résulte aucune lésion corporelle, ou seulement une lésion corporelle insignifiante. Mais s'il en résulte la mort ou des lésions corporelles désignées à l'article 438, lettre a (lésions entraînant une incapacité corporelle grave et permanente, ou une altération grave et perma- nente de la santé du blessé), la peine inQigée à l'auteur de cette mort ou de ces lésions est d'un emprisonnement de deux mois au moins ; maximum géné- ral : cinq ans (art. 9] et de l'amende.

Art. 93. Si l'on a choisi un mode de combat devant nécessairement entraîner la mort ou une blessure grave, ou si, lors du duel, les règles usuelles du combat ont été intentionnellement violées et qu'il en soit résulté la mort ou une lésion corporelle grave, les auteurs et complices, dans les deux cas, sont punis conformément aux dispositions sur l'homicide ou les lésions corpo- relles.

Art. 94. Les porteurs de cartels sont punis d'un emprisonnement de deux mois au maximum et de l'amende ; les seconds, les témoins et le juge du combat d'une amende de \ 00 francs au maximum. Les médecins ne sont pas punis.

Art. 95. Si ceux qui doivent prendre part à la rencontre se sont réunis pour le duel en un lieu déterminé, mais qu'il n'y ait pas été donné suite pour des moti^is extérieurs, celui qui a provoqué en duel et celui qui a accepté la provocation sont punis d'un emprisonnement d'un mois au maximum et de l'amende.

Art. 95. Celui qui excite à un duel, ou à la continuation d'un duel, ou qui cherche à empêcher le règlement amiable du différend ; celui qui, à dessein, fournit le local ou les armes pour un duel, ou qui le favorise autre- ment, doit être puni de deux mois d'emprisonnement au maximum et de l'amende ; dans des cas moins graves, de l'amende seule. S'il s'agit d'un auber- giste, Taulorisation de tenir auberge peut lui être retirée pour un certain temps.

438 CINQUIÈME PARTIE.

Art. 97. Il est défendu de tenir des réunions (associations) qui favo- risent le duel.

Celui qui prend part à ces réunions est passible d'une amende de police de 25 à 4 00 francs <•

1. C'est au savant professeur neuchàtelois, M. le docteur Mentha, collaborat^ir si apprécié de la Bévue pénale Suitse, que nous deyons d*aYoir pu dresser un état complet de la législation Helvétique en matière de duel.

Nous lui en exprimons toute notre gratitude, ainsi qu'à nos autres correspondants : M. F. Schmid, procureur général à Altdorf ; M. Axzi, avocat à Lugano ; M. Besney, avocat à Lausanne, et MM. les procureurs généraux des cantons d*Appenzel et de Genève.

AVIS AU LECTEUR

sur la manière de comprendre l'appendice.

Les auteurs qui se sont occupés du duel ont généralement appuyé sur des exemples los règles quMls formulaient.

Nous ayons cru deyoir les imiter, mais nous nous sommes bien gardé de pré- senter, comme ils Tout fait, des récits qui semblent imaginés pour les besoins de la cause. Les nôtres sont authentiques et entourés de garanties qui prouvent leur vé- racité.

En tète des cent quinze affaires contenues dans l'appendice, nous donnons, en effet, le titre des livres et des Joumaui nous les avons trouvées, avec le nom des parties, la page ou le numéro.

Le lecteur peut nous contrôler facilement.

Chaque affaire correspond à Pune dei règles posées dans ks cinq premières divi- sions du livre.

Elle est discutée théoriquement au point de vue de cette règle, dont elle tend à faciliter rintelligence.

Pour être fructueuse, la lecture de Tappendice devra donc se combiner avec celle des passages à élucider, qu'un système de numérotage fait concorder ensemble. Opérée isolément, cette lecture n^ottre du reste aucun intérêt, à cause de la banalité des sujets et du point de vue auquel nous les traitons.

Tous nos exemples sont tirés de la Gazette des Tribunaux, de VAnnuaire du duel ou de procès-verbaux publiés. Ils ne portent que sur des faits tombés dans le domaine public, émanant de personnes qui nous sont aussi indifférentes que peuvent Tètre les chiffres servant à résoudre un problème de théorie pure.

Le soin que nous avons pris d*élaguer tous les détails inutiles à la question, ou susceptibles de piquer une curiosité maligne, la précaution que nous avons eue de cacher sous des initiales les noms des parties, chaque fois qu*une divulgation com- plète nous a semblé de nature à leur être préjudiciable, su£Qront-ils pour éviter les réclamations qui accompagnent quelquefois semblables publications?

Nous ne saurions le prévoir. Mais cette conscience et cette impartialité nous dispenseront, du moins, de répondre aux réclamations qui porteraient sur autre chose que sur des rectifications matérielles, et nous permettront de renvoyer ces dernières à une seconde édition.

SIXIEME PARTIE

APPENDICE

N*" 1. Afbire Laur-Thomson.

42 juillet 4889.

A la suite d'expressions prononcées à la tribune du Corps législatif par M. Laur, et dans lesquelles il attaquait les députés de l'Algérie, M. Thomson, Tun d'entre eux, le rencontra dans les couloirs et lui dit :

M'avez-vous visé personnellement, monsieur?

J'ai parlé en général, repartit M. Laur.

Eh bien, reprit M. Thomson, vos paroles sont outrageantes pour ladépu- tation de l'Algérie dont j'ai l'honneur de faire partie. Je ne yeux pas faire de scandale, je ne veux pas vous gifler dans les couloirs de la Chambre, mais tenez cette gifle pour reçue.

M. Laur ne répondit pas. Il se relira, conversa avec quelques amis, puis, revenant sur ses pas,- il rencontra M. Thomson, qu'il essaya de souffleter. Ensuite il s'éloigna. Le député de Constantine se précipita aussi tôt sur M. Laur à coups de pied et à coups de poing. On sépara les combattants, non sans peine. Les témoins ne purent s'entendre sur la qualité d'ofiensé.

Un arbitrage dut être constitué. 11 aboutit au procès-verbal suivant : c MM***, Consultés sur la question de savoir qui de M. Thomson ou de M. Laur avait la qualité d'offensé ;

« Considérant que, si M. Laur s'est livré à une voie de fait sur la personne de M. Thomson, ce dernier lui avait quelques minutes auparavant adressé les paroles suivantes : cEh bien, monsieur, tenez cette gifle pour reçue I »

c Considérant que dans ces conditions, il est assurément regrettable que M. Laur ait manqué à la correction, en frappant qui ne l'avait pas frappé, alors qu'un certain laps de temps s'était écoulé depuis l'injure reçue;

« Mais que cependant M. Laur n'a fait que riposter à l'outrage sanglant qui lui avait été adressé, et qui dans l'espèce prime toute autre ofi'ense;

a Déclarent, à l'unanimité, que la qualité d'off'ensé appartient à M. Laur. »

11 choisit le pistolet. Deux balles furent échangées sans résultat.

Malgré l'autorité des personnes choisies pour arbitres, nous ne saurions admettre cette solution :

Ul SIXIÈME PARTIE.

Parce qu'elle assimile la menace, l'aononce d'une voie de Tait, à la voie de fail consommée; ce qui est illogique ' ;

ï" Parce qu'elle est contraire au principe formulé Jpar Chateauvillard, chapitre premier, article premier :

V Dans une querelle, si l'injure arme, c'est Tinjuriâ qui est l'offenâé. Haie si l'injure est suivie d'un coup, c'e.-t celui qui reçoit le coup qui est l'offensé.

Parce que M. Laur s'était laissé entraîner à une faute, bien excusable du reste, mais en somma i une faute, en riposlant de la manière que nous connai^ons il l'outrage qu'il venait d'essuyer.

Son devoir était d'y répondre aussitôt par an cartel.

Sans doute il lui aurait fallu bien du sang-froid pour résister â la leolatioD d'obtenir une vengeance éclatante Pt immédiate; mais, comme le dit en propres termes Clialeauvjtiard, ce sang-Froid aurait trouvé sa récompense dang le privi- lège d'offensé avec injure grave qui lui aurait élé alors très légalement altriboé.

Il ne conserva pas ce sang-froid. Ilfrappa. Ce coup, consLiLuanl une offense d'une catégorie supérieure a l'offense verbale qu'il avait re<;ue, aurait lui faire perdre la qualité d'oiïcusé, qui aurait passer à M. Thornsou.

Ministère de la guerre. Cabinet du ministère. Correspondance générale.

Puis, 5 Juillet 1888.

Le ministre de la guerre & H. le géoérsl commandaDt du. . . corps d'ar- mée, à...

« Mon cher général,

« Mon attention a été appelée sur le danger qui peut résulter de l'emploi du fleuret dans les duels militaires.

ic J'ai, en conséquence, décidé que, dans les cas fort rares oit une renconlre les armes ^ la main peut être non prescrite, mats nulorii^e par les che^de corps, les combattants ne devront jamais faire usage de fleurets, mais se ser- viront d'épées de combat, qu'on se procurera pour la circonstance.

< J'ai l'honneur de vous prier d'adresser aux cbefs de corps placés sous vos ordres des instructions formelles à ce sujet.

« Siijné: C- de Fketcinbt.

I. Dsni la Code pdntl, la distinction que noua [lisons ici a été observée d'une manière bien conclaaoïe i La menace verbait de tuer quelqu'un, lorsqu'elle n'est ac<^mpagnéo d'aucun ordre el d'aucune condition, ne constitue aucun délit. (Casa-, 22 août 1872.) L'acte accompli peut entraîner la paine capitale (art. 302).

APPENDICE. 443

3. AfOedre de Malortie-de La Poêze.

Gazette des Tribunaux, 4-5 décembre 4869, aoec renvoi

au n^ 48 de ^appendice.

« Il fui convenu qu'on échangerait Irob balles, et que, b'il n'y avait pas mort ou blessure grave, le combat se continuerait à i'épée jusqu'à impossibilité absolue pour le blessé de tenir son arme. M. de La Poëze, considéré comme l'offensé, demandait le pistolet, mais M. de Malortie imposa l'épée comme •complément, et en fit la condition sine qua non de son acceptation.

Les témoins commirent une faute en consentant à cette innovation, contraire au principe qu'une fois l'offensé reconnu, c'est lui qui impose son arme, qui devient celle de l'agresseur ^

N"" 4. Affaire Floquet-Boulanger.

U;u»7;eH 888.

Cléxnenceau-Déroulède, Qémenceau-Millevoye.

Du tO au 24 décembre 4892.

Le 44 juillet 4888, M. Floquet, président du Conseil, prononça devant la Chambre un discours très agressif contre le général Boulanger, son collègue, et le termina par les expressions suivantes : « Quels services avez-vous rendus à la République, pour vous en proclamer le champion, vous qui avez passé la plus grande partie de votre existence dans les sacristies ou dans les anticham- bres des ministères? »

A quoi le général répondit : ce M. le président du Conseil essaye d'être spirituel; il n'a réussi qu'à parler comme un pion de collège, pion mal élevé. Je lui répète donc ce que je lui ai dit quatre fois de ma place : « Vous en a avez menti! »

A la suite de la séance, il y eut échange de témoins, et le procès-verbal suivant fut rédigé : o MM..., témoins du général, ont réclamé pour leur client la qualité de premier offensé. MM..., témoins de M. Floquet, sans contester le caractère blessant des paroles de M. Floquet, ont déclaré qu'elles ne pou- vaient souffrir de comparaison avec la réplique outrageante du général. Les témoins de ce dernier ont déclaré renoncer au bénéfice de la situation qu'ils persistaient à réclamer pour leur client. En conséquence, le choix des armes appartient à M. Floquet* L'épée de combat est l'arme choisie. »

Le duel se termina par une blessure qui mit le général hors de combat.

1. Voyez auBsi affaire Pierre Bonaparte-de Ro?igo, 25 novembre 1849. Appendice no 78.

ut SIXIEME PARTIE.

Nous ne rechercherons pas pourquoi les Lémoins du général Doulanger k laissèrenl arracher une telle concession, mais noos exaraineroos au point Je vue théoricjue, \c. seul qui nous occupe, ai cette coDcessîOD était conrorme aai règles tracées par Chateauvitlsrcl.

Nous njus trouvons en présence de deux injures. Le général ps^uie la première. Quelle est sa valeur? Rentre-t-elle dans la catégorie de celles qui Foni visées par l'article ï de notre chapitre vniT Constitne-t-elle l'injure graTeî Toute la question 6i>t là.

Oui. Il est impossible de dénier qu'elle ne soit de naturel inculper l'honneoi du général et sa considération, puisque M. Boulanger fut accusé d'avoir gagné ses grades, non sur le champ de bataille et k Torce de loyaux services, mais comme un plat valet, piUer d' an ti chambres, bu moyen de complaisances inavouables.

L'intention d'in$ulter gravement est évidente. Il n'y a pjs jusqu'au moi > sacristie i>, très innocent par lui-même, qui n'acquière dans la bouche de U. Floquet, anticlérical, une significition particulièrement méprisante.

La phrase rentre donc parfaitemenl dans les conditions du paragraphe 2 de l'article 3 : « L'mjure grave constilue essentiellement l'offense, n Elle doii être clamée purmi celles du deuiième degré qui procurent à l'offensé le clioii des armes ei du duel.

Pou importait que M. Boulanger eût riposté par une autre injure i il n'eo restait pas moins l'offensé, car il avait reçu la première.

L'article 2 est formel, et notre solution ne saurait élrecontestée, du moment que la phrase du président du Conseil consUiue autre chose qu'une oiTense simple.

L'épilhèle de pion mal élevé et le démenti proféré on réponse sont-iU plus in.-^ultants? Rien n'est moins certain, et, nous ajouterons mème,rieD n'est moins utile à constater; car, pour que le général eùl perdu tout droit au choix des armes et au choix du duel, il aurait fallu qu'il se fût permis une insolle d'un ordre supérieur, c'est-à-dire la voie de fait, conibrmémeat à l'article 5 de notre chapitre viii.

C'est, du reste, l'opinion émise par H. Paul de Cassagnac :

« Les témoins du général, écrivait-i.l quelques jours après le duel, ont agi imprudemment en laissant prendre à M. Floquet une situation d'offensé qui ne lui revenait point. Do qui émanait la première injure? De H. Floquet. C'est ce qu'il fallait résolument maintenir.

a Que se fiit-il passé au pistolet, nous l'ignorons, mais U, Floquet avait grande chance d'y rester, le général tirant parfaitement.

Cet abandon des prérogatives qui revenaient à leur client inQua sur sa destinée d'une manière néfaste. Un général battu par un simple pékin, c'est ce que la foule ne put digérer. Après le coup d'épée de H. Floquet, tout son prestige disparut.

Deux affaires absolument analogues, l'affaire Déroulède-Clémenceau et Willevoyc-Clémenceau, viennent de surgir tout à point pour corroborer ce que nous venonsde dire touchant lanécessitéd'une stricte observation de l'article 2.

Dans la séance du 20 décembre 1S92 à la Chambre, HM. Déroulëde et

APPENDICE. 445

Millevoye dénoncèrent à tour de rôle Cornélius Hertz comme agent de réIran ger, et M. Clemenceau comme son complice. M. Clemenceau riposta par un double démenti, suivi d'un double envoi de témoins.

La question de la personne à qui revenait la qualité d'offensé fut immé- diatement soulevée, et donna lieu aux mômes controverses que lors du duel Boulanger. Nous allons montrer que, cette fois encore, il ne pouvait y avoir de solution rationnelle en dehors des dispositions de l'article 2.

Après s'être entendus sur le choix d'un auteur chargé de les départager, conformément à ce que nous recommandons chapitres i*', xvn et xxii, les témoins auraient chercher simplement dans quelles divisions pouvaient être classés les imputations et les démentis, de manière à établir les degrés des offenses qui en résultaient.

Si ils pouvaient être rangés dans la môme division, la priorité de la réception déterminait seule le droit d*offensé, conformément à l'article 2 dont la règle est reproduite dans tous les ouvrages qui traitent du poiut d'honneur. Dans notre espèce, les deux offenses étaient incontestablement des offenses graves, car, malgré les licences du langage parlementaire, on ne saurait pas davantage admettre qu'une accusation de trahison puisse laisser iodemne l'honneur de qui la reçoit, qu'on ne saurait l'admettre pour celle de mensonge. M. Clemenceau, ayant subi la première offense, devait ôtre déclaré offensé avec injure grave et jouir des prérogatives attachées à cette qualité : le choix des armes et du duel.

Au lieu de cela, on semble- avoir négligé do s'entendre sur le code auquel on devait recourir pour s'éclairer et se départager au besoin. On prétendit, croyons-nous, accorder le droit d^offensé à celui qui aurait subi l'offense la plus grave, abstraction faite du degré et de la priorité de la réception.

Aussi l'accord ne se fit-il qu'après trois arbitrages consécutifs et de longues discussions, au cours desquelles les mandataires de M. Clemenceau soutinrent une opinion diamétralement opposée à celle que leur client défendait quelques années auparavant, comme représentant de M. Floquet, dans son duel avec le général Boulanger.

Encore cet arrangement fut-il si incomplet, et les conditions si peu ex pli- âtes, que les prérogatives attachées à la qualité d'offensé restèrent indécises. Le droit de choisir son duel fut refusé à M. Clemenceau.

Dans la première affaire, il dut subir le tir au commandement, au lieu du duel à marcher qu'il souhaitait; six balles furent échangées sans résultat.

Dans la deuxième affaire, il ne reçut aucune satisfaction, car les témoins de M. Millevoye prétendirent lui imposer le duel au commandement avec échange de deux balles, et avec la condition qu'en cas de résultat négatif il y aurait suite à l'épée.

Cette condition ne pouvait ôtre acceptée, car elle accordait à l'agresseur une quote-part dans le choix des armes, contrairement à la doctrine enseignée par tous les auteurs ^

1. Voyez aussi, relativement à la nécessité de choisir an auteur et d'appliquer les articles de notre chapitre vui^ affaire Barbier-Monltouis. Appendice n*114.

SIXIÈME PARTIE.

H" 5. Affaire Ritter-Appleton. Gaz. tril/., S el 3 avril 4673, avec renvoi aux n<* 34-95 de l'appendice.

Une grande froideur refait entra U. Ritter, recereiiT des Snances i Hayenoe, et H. AppletOQ, sous-préfet, à propos de visites faites el non reoduee.

lis se rencontr^reot dans une soirée. Après une férié d'esplicaLtoos désa- gréables, trop longues à narrer, H. Ritter enjoignit â M. Appleton de le saluer. en s' écriant : a Voas le ferez, ou de mon gant jo vous frapperai an visage ! Dn morceau de musique tolerrompit la discussion. Dès qu'il fut terminé, M. RiUer se tournant de nouveau vers H. Appleton lui dit à bsnte voix, do ton la plut impérïeu): : « Venez, monsieur, voilà le moment 1 u Et comme H. Appleton s'j refusait, M. Ritter lui lança son gant i la Tigure.

Il riposta par un aouniot.

Après d'interminables discussions, M. Appleton fut considéré comme offensé. 11 choisit le (listolel et le duel au signal.

11 perdit le vie dans la rencontre.

La décision des témoins fut jasie. Elle ne pouvait donner lieu, da reste, à contestations, en présence des terme^^ formels de l'article 2, paragraphe 3, chapitre vin. Le souEUet donné par H. Appleton n'était en effet qu'une riposte il la voie de fait qui l'avait atteint le premier.

6. Affaire des I'" et J"*. Gax. Irib., àetb octobre tSBO, avec renvoi autvtide l'appatdke

A la suite d'un article qu'il conâdéra comme injurieux, M. des I**' envoya à H. J*** M***, rédacteur du journal Je Réveil du Midi, des témoins pour lui en demander raison.

Les mandataires de H. des 1'** ayant déclare qu'il choisissait l'épée, en sa qualité d'offensé, ceux de H. J"* H***, sans la lui contester, présentèrent une alleslation signée de deux médecins, constatant qu'une luxation ancienne du poignet le mettait dans un étal d'infériorité tel, qu'il refusait uu duel à l'épée, tout en acceptant le duel au pistolet.

Les témoins de H, dos 1*** en référèrent i leur client, et annoncèrent que ce dernier considérait cette fin de non-recevoir comme un refus de se battre. Les amisdu journaliste se retirèrent enprotestant et en déclarant leur mission terminée.

Quelque temps après, M. des 1"* et ses témoins se rendirent aux bureanï du journal, se trouvait M. J'** M*". Après un vif dialogue, M. des I**' elfleura de son gant la Sgure du journaliste, et sortit en disant qu'il ne donne- rait réparation de cet outrage qu'après avoir d'abord obtenu raison de l'injure dont il se plaignait.

Nous n'avons pas à apprécier ici la valeur de l'exception proposée par M. J*"H***, ni à étudier ici quelle était la meilleure manière de l'amener kse

. APPENDICE. 447

battre à Tëpée. Nous pouvons constater seulement que la prétention émise par M. des I*^**^ de ne rendre raison qu'après avoir obtenu satisfaction, Tépée à la main, de l'article injurieux, ne pouvait plus être admise.

Grâce à la voie de fait à laquelle il s'était livré, et en vertu de l'article 6, chapitre viii, les rôles étaient déplacés. D'offensé M. des I*** devenait offen- seur, et M. J*** M*** acquérait la situation que perdait son adversaire, avec un supplément de privilèges.

N"" 7. AfEedre Gérôme-Stevens. Gaz, trib,, ÎO février 4862.

Origine de la querelle : motifs d'ordre intime.

En pareille conjoncture, M. Gérôme, bien qu'ayant subi une voie de fiait, accepta sans discussion le combat au pistolet, de pied ferme, à tir successif, avec priorité de tir pour M. Stevens.

Il subit son feu, et reçut une blessure dont il manqua périr.

No 8.

A la suite du funeste combat qui, le tt juillet \ 836, coûta la vie à Armand Carrel, M. Emile de Girardin reçut une seconde provocation de M. de Feuillide» pour le motif qui avait déjà mis en présence les deux adversaires.

Le général Excelmans et M. Taxile Delord, témoins dans la première aflGaiire, déclarèrent qu'une réparation loyale et complète ayant été donnée, il n*y avait pas lieu d'en accorder une seconde.

Le cartel fut justement refusé, en vertu du principe énoncé chapitre ix qu'il n'est qu'une réparation pour une môme offense.

Violation de cette règle ; voyez : Affaire de Beaupoil de Saint-Aulaire-de Pierrebourg, 47 mars 4849. Golombey, Histoire anecdotique du duel. Affaire Hyène-de Pêne. Voyez appendice b9 4 0.

9. AfiEadre X...-Perrier.

Mars 4888.

A la suite d'un article paru dans un journal de Moulins, et qui visait la conduite tenue par les sous-officiers du 7* chasseurs dans les cafés de la ville, ces militaires chargèrent le plus ancien en grade de demander au jour- naliste réparation de l'offense adressée au corps des sous-officiers.

Il accepta l'adversaire présenté, mais rien ne l'y obligeait. La désignation du plus ancien, très correcte au point de vue des habitudes militaires, ne l'était plus théoriquement dans notre espèce.

448 SIXIÈME PARTIE.

Le journaliste pouvait très légalement refuser le doyen des sous-officiers et exiger le tirage au sort parmi tous les ipembres de la collectivité intéressée à la réparation.

N"" 10. -— Affaire Coiirtiels-Hyène-de Pêne. Gaz. trib., 48-19 mai^ ^^ juillet 4858, avec renvoi au n^ 25 de Vappendice.

DaDs les échos de Paris, au Figaro^ M. de Pêne avait laissé échapper une phrase moqueuse à Tadresse des sous-lieutenants de Tarmée française, au cours d'un article il insinuait que leur tenue dans les bals des Tuileries laissait fort à désirer.

Cette remarque fit éclater sur sa tête une tempête épistolaîre, grosse de provocations. Chaque correspondant se présentait comme le champion du corps entier des sous-lieutenants, insulté par le journaliste.

M. de Pêne se battit avec le plus acharné, M. Courtiels, du 9^ chasseurs, alors en garnison à Amiens, assisté de deux camarades du même grade. A la première reprise, M. Courtiels fut blessé.

Immédiatement, un de ses témoins, M. Hyène, aussi sous-lieutenant comme nous l'avons déjà fait observer, prétendit se substituer au vaincu pour venger l'injure commune.

Il provoqua M. de Pêne et le menaça de voies de fait, s'il ne lui donnait pas immédiatement satisfaction. Le combat eut lieu séance tenante, et bientôt H. de Pêne tomba grièvement blessé.

Ce duel est resté célèbre, non seulement à cause de la personnalité syos- pathique de l'écrivain, mais encore parce qu'il offre un exemple frappant de l'inol^ervation de l'axiome placé en tête du chapitre ix et de l'article pre- mier dudit chapitre.

Examinons d'abord quel était le droit' de M. de Pêne, relativement au choix de son adversaire.

Si tous les sous-lieutenants de l'armée avaient envoyé à l'homme de lettres un champion désigné par le sort et chargé de représenter la collectivité, M. de rêne (en admettant que l'oflense eût paru suffisante pour motiver la renconlre) était obligé d'accepter ce champion.

Mais il n'en fut pas ainsi dans celte malheureuse affaire. En effet, les huit ou dix sous-lieutenants qui lui envoyèrent des cartels ne pouvaient prétendre représenter une collectivité qui ne leur avait donné aucun mandat. Leur appel était personnel, et, comme il n'y avait pas offense personnelle, devait être repoussé par une fin de non-recevoir.

Si les sous-lieutenants avaient persisté dans leurs cartels, si ces cartels avaient été injurieux, ils auraient subi la condition d'agresseurs unis pour commettre la même offense envers la môme personne, et M. de Pêne aurait acquis, en môme temps que les prérogatives ordinaires de l'offensé, le droit de choisir parmi les insulteurs l'adversaire qu'il aurait préféré, conformément à l'article i de notre chapitre ix. Les témoins ne le firent pas, et commirent une première faute.

APPENDICE. i49

Ils en commirent une seconde, plus grande encore, en tolérant un deuxième duel, immédiat, entre un homme déjà fatigué et un autre frais et dispos, qui avait pu étudier le jeu de son adversaire.

Leur devoir était de refuser tout net leur concours, et de provoquer la réunion d'un jury d'honneur, qui n'aurait pas manqué de décider, conformé- ment à l'axiome du chapitre ix, qu'une réparation loyale ayant été accordée à M. Courtiels pour Tarticle prétendu injurieux, l'affaire était définitivement close.

De la menace proférée par M. Hyène naissait une nouvelle offense, qui procurait à M. de Pêne le privilège d'offensé, avec offense grave, et qui néces- sitait de nouvelles formalités ^ *

No 11. Affaire Crestin-Cazalot.

Assises Jura. Gaz, Irib., SI6 juillet et 3 septembre 4847.

Les lieutenants Bocher et Cazalot rencontrèrent M. Crestin, avocat à Besan- çon, dans un café de la ville. Bocher le traita de Jâche, de canaille, etc., et le provoqua en duel, à propos d'une dame qu'il prétendait avoir été diffamée par lui Crestin.

Ce dernier protesta contre ces imputations, et soutint qu'il était innocent des propos qu'on lui prêtait.

Le lendemain, il adressa une lettre à un autre lieutenant, offrant de démentir les paroles qui lui avaient été reprochées, et ce, en présence des per- sonnes qui les avaient rapportées. Ce dernier en donna connaissance aux officiers qui se trouvaient au café. Cazalot prit la lettre, et, apercevant Crestin qui se promenait sur la place, il la lui remit, en accompagnant cette démarche des épilhètes les plus injurieuses, et finalement d'un coup de pied.

A la suite de cette scène scandaleuse, une rencontre fut décidée, et Crestin, comme offensé, choisit le pistolet.

Cependant, Bocher, qui avait provoqué Crestin la vieille, prétendait que l'affaire lui était personnelle, parce que l'injure faite à ce dernier était antérieure à la voie de fait du lieutenant Cazalot.

Mais cette difficulté ayant été soumise à la discussion des officiers du régi- ment, ils décidèrent que les voies de fait exercées par Cazalot envers Crestin exigeaient une première réparation.

Dans la rencontre qui s'ensuivit, Cazalot reçut une balle qui le tua.

La décision des officiers était juste quant à la fin de non-recevoir opposée aux prétentions de Bocher, mais non quant aux motifs invoqués par lui.

C'était uniquement le bon plaisir de Crestin, qui devait désigner la per- sonne appelée à rendre immédiatement raison, quelle que fût la solution don- née à la question de savoir s'il devait se contenter d'un duel avec un seul de ses agresseurs, ou s'il pouvait appeler successivement les deux lieutenants. La gravité comparative des deux offenses ne pouvait entraver son choix.

i. Voyez circulaire ministérielle du 21 juillet 1858, relative à la provocation col- lective. Sauflsine, Dictionnaire de législation et administration militaire, Duel.

130 SIXIEME PARTIE.

En effet, si on adoptait la preoiiêre opioion, c'est-à-dire l'obligalion de l'eu tenir i une seule rencontre, ce ne pouvait âlro qu'en vertu de l'article i da cha- pitre is, qui confère à l'otleDso le droit de choisir qui boa lai senihle. S oa aloptatt, au contraire, la seconde opinion, aucune disposition spéciale ne TOaait entraver le libre arbitre de l'offensé. Crestin, dans les doux hypothèses, pouviïl doni choisir Cazalot s'il le jugeait opportun.

Ceci posé, exa[QinoDs ce qui touche au choix a Taire entre les denxopi nions relBlivement à la légalité d'une deuxième reoconire.

Nous croyons que, même ap èd son duel avec (^azalot, Crestia coiuenml inlacl le droit d'appeler Bocher pour l«s offenses de la veille, cor il y avait en réalité deux offenses d'espèces et de degrés différents, et non plus, comme dam l'espèce prévue pjr l'article t du cliapiUe ii, a même offense ■■ Cet arlids n'était pas plus applicable que l'axiome inscrit en téie du chapitre précité.

H" 12. Afihire Traverso-PeUetier.

8 janvier 188J. Annuaire d\i duel, par Ferrens.

M. Pelletier écrivit unelettrequelut M' (jâlioeau, défenseur de M. (tocheforl. dans le procès Rouslan. Cette lettre contenait des paroles offensantes poar M"" E. M..., sœur de M. Traverse. Ce dernier envoya ses témoins â U. Pel- letier, qui le récusa, en soutenant que c'était au mari de H*" E. M... et ooa i son frère de relever l'offense.

ABaire Bonaparte 'Wyse-de Solau-Edmond Lepelletier.

Janvie.r 189î, avec renvoi au n" 2t,

A la suite d'un procès retentissant, aiiquel M°" de Rule avait été mêlée, sa conduite fui jugée sévèrement par toute la presse.

M. Edmond Lepellotier se fit remarquer parmi ses plus ardents détracteart.

Le frère da tH-" dcKute, M. Bonaparte-Wyse, malgré ses soixante-septtns. se constitua chevalier de sa sœur, et envoya ses témoins à M. Lepelletier, qui le récusa, et accepta M. de Solms, fils d'un premier mariage de la din>e< L'arme choisie fut l'épée. M. Lepelle'.ier reçut une légère blessure.

En agissant ainsi, MM. Pelletier dans la premiôre affaire, et Lepelletisr dans la seconde, se conformèrent théoriquement aux règles du duel. Il ert clair, en effet, que le mari dont la femme porte le nom et partage la concbe passe avant qui que ce soit ; puis vient le lîls. Le ^re ne saurait prétendre U même rang.

Nous disons a se conformèrent théoriquement i, car nous ne prétendons nullement juger la question de fait, qui n'est pas de notre compétence et donl nous ignorona complètement les dessous.

APPENDICE. 45f

N^ 13.

Tiré du c Maître de forges », par Georges Obnet.

L'ioterpellation adressée par le duc au mattre de Torges» après l'offense à laquelle se livre la femme de ce dernier vis-à-vis la duchesse, résume parfai- ieaient la question :

c Approuvez-vous, monsieur,, ce que M'"" Darblay vient de dire à la duchesse ? Ètes-vous disposé à vous en excuser, ou ôtes-vous prêt à en prendre la responsabilité ? »

Le duc ne demande pas : a Êtes- vous disposé à faire des excuses pour M'^* Darblay ? » mais bien : « Êtes-vous prêt à vous eu excuser ? » comme si M*"* Darblay n'existait pas^ et comme si Toffense avait été commise par son mari.

N"" 14. Responsabilité des journalistes. AfEedre Maret-Andrieux.

29 octobre <888.

Le Radical, dont M. Henry Maret était le rédacteur en chef, publia, dans SOD numéro du 28, le compte rendu d'une réunion, signé R. F., au sujet duquel M. Andrieux, visé, fit demander à M. Henry Maret des explications par deux amis.

M. Henry Maret fit répondre par ses témoins qu'il n'avait personnellement aucune explication à fournir à M. Andrieux, l'arlicle étant signé des initiales d'un des collaborateurs du journal.

Les témoins de M. Andrieux ayant maintenu pour leur client le droit de demander des explications à M. Maret comme rédacteur en chef, un arbitrage fut décidé.

La question suivante fut posée à MM, A. de La Forge et Clemenceau, arbitres :

c M. Maret peut-il refuser à M. Andrieux les explications que ce dernier lui demande? »

Us répondirent : « MM... reconnaissent qu^en principe chacun doit être responsable de ce qu'il écrit, mais conseillent toutefois, dans le cas présent, à M. Henry Maret, de régler avec M. Andrieux la question qui lui est posée par celui-ci. »

M. Maret consentit immédiatementà une rencontre. Il fut blessé légèrement.

Cette affaire, que nous ne connaissons que par les procès-verbaux cités plus haut, peut être interprétée de deux manières :

4** hypothèse. M. Maret paraît avoir soutenu que si un article offensant est signé des initiales d'un rédacteur du journal cet article a paru, le rédac- teur en chef est dispensé de toute responsabilité.

Ul SIXIEME PARTIE.

Il semble avoir dil : » Je tous déclare que les initiales apposées an bas de l'arlicle sont celles d'un rédacteur do mon journal. C'est tout ce que je vous dirai. Cbercliez qui ce peut-eire, et débrouillei-vous avec lui. » Si notre supposition est exacte (ce dont nous ne sommes pascertain], cette ibéorie ëtail insoulenable. M. Maret n'avait pas i laisser cbercber l'auteur masqué par ces initiales. Il devait te désigner nominativement et immédiatement, faute de quoi il prenait son lieu et place.

hypothèse. On peut supposer également que le différend parlait snr la capacité du rédacteur qui réctamail la paternité de l'article signé B. F.

La lliÉorie des responsabilités personnelles, très admissible et très adml» en principe, est cependant sujette à des exceptions. Aussi, voyoDs-uoua Its arbitres, après l'avoir reconnue, conseiller en l'espèce à M. Maret de rendre raison h M. Andrioux, bien que l'individu qui avait signé K. F. eût accepté la patemilé de l'article.

MM. Audrieux et Maret étaient députés, personnage de même enTergnre. de le simple conseil tendant bien évidemment h épargner à H. Andrieux de se mesurer avec un reporter qui sans doute ne devait avoiraucune importance.

Disproportioa de perso naalttés, de la le conseil.

Affaire Laffîtte-comte de Dion.

1 juin 1880. Voyez Annuaire du ilwl, par Ferrens.

M. Jules LaDltle, directeur du foliaire, se battit avec le comte de Dion. pour un article non signé paru dans le Voltaire.

L'article était d'une femme. Le duel eut lieu à l'épce. SI. Lailjtte fut bluisé au visage et au coté.

Peu après, il eut une autre atîaire, dans un cas pareil, avec M. Albert Wolf. Elle s'arrangea devant un jury d'honneur.

Les témoins de M. Wolf étaient MM. C. des Pcrriùres et Bachaumont. Les témoiiis de M. LiHitto étaient MM. Giraudeau et Marcellin Pellet, député.

N" 15.

Comme exemple de duels entre parents, nous pouvons citer ceux de;

MM. de Broglie et de Trédern, beaux-frères, motivé par une lettre inju- rieuse de M. de Trédern à U. de Broglie, au sujet de sa déposition dans la procès Trédern, à Angers. La rencontre eut lieu à l'épée. M. de Broglie fui blessé au coté. 14 mars 1886. Voyez Annuaire du duel.

MM. Paul deCassagnac et Lissagaray, cousins germaios, pour insultes à la famille du premier. Il eut -lieu au fleuret, ill. Lissagaray fat blessé. YoyU Gaz. irib., 31 août, 1'^' septembre 1868.

Le duc de Hontpensieret l'infant Don Ilcnry de Bourbon, ï Madrid, cousins germains. mars 1870. Au. pistolet et à dix pas. L'infant Don Henri fut tué.

APPENDICE. 453

16. Affaire Grodet-POTtalis.

42 novembre 4888, Annuaire du duel.

Le «8 juillet 4888 parut un article du JT/A'*' Siècle, dont M. Grodet, gouverneur de la Martinique, se trouva offensé.

A la date du 26 octobre, ii assigna le journal devant la Cour d'assises. A quelque temps da là, il demanda une réparation par les armes à M. Portails, directeur de la feuille incriminée, et pour le môme motif.

M. Portails lui répondit que, du moment qu'il avait choisi le terrain judi- x:ialre pour obtenir réparation de son honneur, il devait s'y tenir ; qu'il ne lui était plus permis de choisir une autre juridiction ; que c'était au jury seul qu'il appartenait de trancher le différend.

Cette fin de non-recevoir était absolument correcte.

17. A£GBdr6 du capitaine des H'*"^ et de l'ex-lieutenant F***.

Gaz, trib., 25 nov. 1853 et % février 4854.

Le capitaine des H*** fut abordé brusquement, au Palais-Royal, par Tex-Ueutenant F***, accompagné par plusieurs individus, et sans aucune pro- vocation frappé par lui. « Je ne suis plus sous tes ordres, canaille 1 s'écria F*** ; tu seras bien forcé de te battre avec moi. »

Le capitaine des H*** s'y refusa, par la raison que F*** avait été flétri par on arrêt du conseil de discipline et chassé du corps*

Il traduisit son agresseur devant les tribunaux, qui le condamnèrent à -quinze mois de prison.

N'» 18. AflEedre de M***, de La P^. Gaz. trib., 4-5 décembre 4869, 5 février ^^70, avec renvoi au n** 3.

Au cours d'une soirée chez une femme du demi-monde, M. de M*** fut salué par H. de La P***. Il ne lui rendit pas son salut.

Une discussion s'ensuivit, après laquelle M. de La P*** lui envoya ses témoins.

Befus de M. de M***, qui dit ne vouloir consentir au duel que si M. de La P*** fournissait un certificat signé de deux hommes honorables constatant qu'on pouvait croiser le fer avec lui. Il prétendait que M. de La P*** avait reçu un soufflet et n'en avait pas demandé raison.

r

M. de La P'" prouva que l'auleur de ta voie do fait loi avait adressé des Bicuees.

I^ duel qui s'ensuivit devait èlre un duel à outranco. Il se lermiiia, en effet, par do graves et moluelles blessures.

N' 19. Affaire de B"*, Pa»il F*", rédacteur au National.

3i mi'i 1SS3, Vni/es Amimiife du iluel.

Origine do la querelle : article du National. M. Paul F**' conseolîlï donner réparation, â condition que son adversaire ferait la preuve queses asser- tions élaieet mal fondées, devant un jury d'honneur. M. de B*", ayant élé réintégré dans la Légion d'honneur, considéra la législation qui l'y avait fail rentrer comme suprême, et demeura dans l'attente des témoins de M. ¥"", déclarant quo celui-ci avait usé d'un prétexte pour ne pas ee battre.

M. F"" répondit, par lettre publiée, que M. de B*" cherchait une reit- contre pour éviier de produire son dossier.

Sans vouloir approfondir le bien fondé do ces allégations contradictoire!, qui n'ont aucune importance théorique et que nous ne connaissons que par les quelques lignes de l'^rmuoirerfiirfiiei, congtalonsque la correction se trouvail du côté de la partie qui demandait la conslitution d'un jury d'honneur poar trancher le différend.

Affaire Clémenceau-Maïuan-Picbon-Ernest Judet. Le Petit Jourtial du 3i août 1893.

Au cours de la campagne menée contre H. Clemenceau par le Petit Journal, MM. Uaujan et Pichon refusèrent de se battre avec Al. Ernesi Jadeii rédacteur de cette feuille, sous prétexte que le rôle joué par lui dans l'affaire des faux papiers entraînait sa disqualiGcation.

Les témoins deH. Judel s'adressèrent â M. de Villeneuve, président de la Société d'encouragement à l'escrime, qui convoqua de suite le juryd'honneur do cette Société.

Deux questions lui furent posées :

Un adversaire et ses témoins peuvent-iU s'arroger à eusaeuls ledroil de disqualifier?

Quand l'indignité n'est établie par rien, comment les témoins peuvent- ils couvrir leur client contre une assertion injurieuse, et établir le bien fondé de leur demande en réparation?

A. la première question, il fut répondu :

Lorsqu'une affaire d'honneur e?t engagée, il n'appartient pas k l'une des parties ou à ses témoins de disqualilier son adversaire, sans une preuve cer- taine de son indignité.

APPENDICE. 45^

A la seconde :

Celte indignité ne peut être établie que par une condamnation judiciaire infamante, ou par une sentence rendue par desarbilres régulièrementconstilués.

N*» 20. Affaire Rochefort fll8,-L*** V***, rédacteur au Oaalols, Arthur Meyer, directeur du Oaulols.

t juin 4880. Annuaire du duel.

Un article injurieux pour M. Rochefort parut dans le Gaulois, à la suite de l'affaire Kœchlin-Rochefort .

Eq l'absence de M. Rochefort père, son fils envoya ses témoins à M. L**"^ V***, rédacteur au Gaulois .

Ils ne purent le joindre.

H. Arthur Meyer, directeur du Gaulois, revendiqua la responsabilité de Farticle, mais prit date pour une rencontre ultérieure avec M. Rochefort père, ne voulant pas se mesurer avec le fils à cause de son jeune âge (dix-sept ans) .

Affaire Haut de Lassus-H. de Delva.

45 avril 4 882. Annuaire du duel.

M. de Delva étant mineur, les témoins de M. de Lassus voulurent se retirer. Ils consentirent cependant à prendre M. Tavemier comme arbitre.

Ce dernier conclut à remettre l'honneur de M. de Delva entre les mains de quelque personne ayant qualité.

M. de Delva refusa d'accepter ces conditions.

21. Affaire Sevaistre et Félix Pyat, députés.

6 juin 4888.

A cette date fut publié le procès -verbal suivant :

« A la suite de l'incident qui s'est produit hier à la Chambre des députés, entre M. Félix Pyat, député des Bouches-du-Rhône, et M. Sevaistre, député de TEure, ce dernier a demandé la constitution d'un jury d'honneur, qui déci- derait s'il pouvait demander une réparation par les armes à un de ses collè- gues, alors qu'il y a entre eux une absolue différence d'âge.

c Le jury d'honneu'*, après avoir lu le compte rendu ofGciel deTincident, est d'avis que M. Sevaistre est d'autant moins autorisé à transgresser les usages qur mettent un homme, dans le cas d'une absolue disproportion d'âge, en dehors- du duel, que la première provocation vient du député de l'Eure.

« Signé : A. de La For^e. P. de Cassagnag. »

'**- «r . . -

SIXlF.ME PARTIE

ÂfTaire Bonaparte- Wyse-Edmond Lepelletier. ^H

Janvier 181)2, nvee renvoi au «° (î.

Nous avons vu, an n" 11 de cet appendice, qu'a l'issue d'un procès reten- tissunt. M"* de Raie fui vi vemeot prise à parlie par la presse, et on parliculiet par M. Edmond Lepelletier; que M. Wy^e, frère de M°" de Rule, prit tt déreosQ de sa sœur, et, malgré ses soixante-sept an?, demanda léparalioD m journaliste.

La posilion do M. Lepelletier vis-à-vis un homme de cet âge était eilrf- meoient délicatî, aussi essaya-l-il, ce qui était fort naturel, d'eequlver nne rencontre au^sî disproportionnée par tous ks moyena poïâbles.

Ses témoins soutinrent que ai M. Wyae avait été offensé personnellement, leur client aurait été tenu de lui reûdre raison, mais qu'il n'en était plus ainsi du moment que H. Wyse n'était pas en jeu, mais intervenait pour autrui.

Ils lui opposèrent l'exception de vieillesse.

Fort lieurousement pour M. Lepelletier, te fils de W°" de Rute se pré- senta ensuite et trancha la difficulté.

M. Lepelletier se liiila de l'accepter, trop heureui de sortir ainsi de fausse position le plaçait le cartel du sexagénaire.

Si nous examinons celte affaire au point de vue théorique, nous voyons que la Qo de non-recevoir opposée par M. Lepelletier ne pouvait être admise, car il tombe sous le sens que l'exception de vieillesse ayant été éUtbIie pour sauvegarder le vieillard contre une demande de réparation émanant d'au liomme plus Jeune, ne peut lïtro invoquée contre lui lorsqu'il est offensé, oa qu'il se substitue légalement à une autre personne offensée.

Les témoins de M. Lepelletier pouvaient discuter la valeur de l'olTenst, les droils de M. Wyse à prendre en main l'honneur de sa sœur, etc., mais abstraction faite de toute question d'âge. Si U'°° de Rute n'avait pas eu de fils en état de se battre pour elle, et si son frère avait été admis à ^e substituer, H. Lepelletier, malgré sa répugnance que tout le mondre comprendra, n'aurai! pu se soustraire h un duel avec M. Wyse,

22. Affaire des I**- J^, M***. Gaz. Mb., 5 décembre 1S80, avec renvoi au 6.

A la suite d'une condamnation prononcée par la tribunal d'Avignon contre M. des I"*, M. J"* M*", rédacteur en chef de la Gazelle du Midi, 3crivit un article dans lequel M. des I"* vit une insulte.

Les témoins ayant déclaré qu'en sa qualité d'offensé, leur client choi^ssait l'épée, les (êmoios de M. J*** M*** présentèrent une attestation constatant qu'une luxation ancienne du poignet mettait H. J*** H*** en état d'iardriorité certaine et directe.

APPENDICE. 457

Ils ajoutèrent que H. J*** M*** était prêt à accepter toute autre arme de combat.

Les témoins de M. des I*** déclarèrent que leur client se voyant refuser le choix des armes, qui lui appartenait comme offensé, considérait l'allégation de M. J*** M*** comme un refus lui rendre raison. Les témoins du jour- naliste protestèrent et déclarèrent leur mission terminée.

Si nous nous en référons aux règles posées par Ghateauvillard, il est constant que les témoins de M. J*** M*** ne pouvaient obliger les témoins adverses à s'en rapporter au certificat qu'ils leur présentaient, |du moment que l'infirmité n'était point apparente, et pour ainsi dire patente.

Ceux de M. des I*** agirent correctement, en considérant comme un refus de duel l'opposition d'une exception qui avait pour effet de priver leur client de ta prérogative la plus importante, à laquelle lui donnait droit sa qualité d'offensé.

Le devoir des témoins de M. J*** M.*** était de demander la constitution d'un jury d'honneur, qui aurait désigné un ou plusieurs médecins pour exami- ner le membre blessé.

En agissant ainsi, ils étaient en droit d'espérer que les intérêts matériels et moraux de leur client seraient sauvegardés et qu'on lui réserverait solen- nellement le bénéfice d^une situation dont il aurait été injuste que M. des 1*** bénéficiât.

Cette sentence aurait coupé court aux commentaires malveillants et aurait obligé M. des 1*** à choisir le pistolet.

Pour un motif diamétralement opposé, les mandataires de ce dernier avaient tout intérêt à approuver et à provoquer cette constitution, car, dans leur conviction, la sentence devait faire justice du certificat et confirmer leur client dans son droit au choix de l'épée. «

Sur la question des infirmités qui ne sont pas un obstacle à l'emploi de Parme choisie, voyez chapitre xu, in /fn«, l'analyse de l'affaire Ledat-Maizeroy. Écho de Paris tn?dn 43 octobre 4892, les consultations de MM. de Àldama et Aurélien Scholl, et le Gaulois, même date.

23. Affaire Dupuis, peintre-Habert, critique d'art.

■»■

Gaz. trib., 25-26-27 juin 4888, avec renvoi aux n<" 26-40-42 de l'appendice.

Motifs de la querelle : dissentiments futiles suivis d'un article de M. Habert. Rencontre au pistolet. M. Dupuis est tué.

Nous ne pouvons offrir d'exemple plus frappant que la réponse d'un des témoins à un reproche du président :

« Si un malheur est arrivé, ce n'est pas à moi qu'il faut s'en prendre. Je n'entends rien absolument aux affaires d'honneur, i

Aussi les personnes présentes au procès assistèrent-elles au spectacle curieux d'un avocat général requérant une peine plus sévère contre les témoins, que contre l'auteur de l'homicide.

SIXIÈMIÎ PAItTIE.

N< 24. Aftfdre Desmes-Clovis Hugues. Aisiii-s Bouches-dii-JlhAne. Gaz, Int., S1-I3 février 1878.

Holifs de la rencjniro ! polémique de presse. Duel ï l'épéc. M. Deames est lue.

Dans celte affaire, le Mvo de la victime était témoin.

Devant la Cour d'assises, les quatre lémoins furent en coatradiclion sur une phase du combat, et sur les circoostances qui précédëreot et accom- pagnèrent le coup mortel.

Il s'agissait de savoir si, oui uu non, M. Clovis Hugues avait frappé Desmes apiès que celui-ci eut baissé son épée, s la suite d'une blessure que lui Deames croyail, prétendait-on, avoir faite à son adversaire.

Le jury rendit un vordici négatif sur loules les questions.

En présence des déposiliona absolument contradiotoirea faites par des té- moins également bien placés pour suivre les phases du comtal, mais dont l'un se trouvait tire frère du défunt, la réponse du jury était indiquée.

L'accusation de ce frère fut considérée à juste titre comme dictée par lj vengeance. Une suspicion bien naturelle plana sur sa déposition.

25. Affaire Hyène-de Pène-Courtiels.

Avec renvoi an ii" )0 t/e l'appendice. Mime affaire.

Le droit de H. de Pêne, et le devoir de ses témoins, élait réenser les deux sous-lieutenants qui se présenlèrent pour aseist«r H. Coarliels, comme

intéressés dans l'afFaire, en leur qualité de membres d'une collectivité offensée dont leur client prétendait venger l'injure.

Si la récusation avait été exercée, il est certain que leurs remplaçants étant pris en dehors du corps des sous-lieutenants, prétendu insulté, et n'ayant plus les mêmes motifs d'irritation, n'auraient jamais adressé une seconde provocation, suivie d'un duoi immédiat, en violation d'une règle fon- damentale du point d'honneur.

N" 26. Affaire Dupuis-Habert. Gaz. trib., 45-Î6-S7 juin 1888, «w^c renvoi au tfi *3-40-«.

. Voilà comment s'exprimait l'acte d'accusation sur la quosiion d'inimitié entre témoins et combattants :

Il Hab''rt constitua pour témoins MM. X*** et L"*.

X*'* aurait dd. à tous égards, décliner la mission qui lui était oflerte, car il était en mésintelligence avec Dupuis. l'adversaire de son mandant, et ne

APPENDICE. 459

se trouvait pas dans les conditions désirables de neutralité et d'impartialité pour opérer une conciliation que les circonstances rendaient nécessaires.

a Et c'est lui qui, en définitive, n'a pas craîut d'accepter la direction du combat! »

N<'27. AfEsdre Boiron, étudiant-Lullier, officier de marine.

Gaz. trib., 24 novembre 4868.

A la suite d'une altercation dans une brasserie, rendez- vous fut pris pour le lendemain, à Bagatelle. L'épée fut l'arme choisie. Grande fut la surprix de Boiron en voyant arriver seul Lu Hier, dont les témoins avaient manqué le train. Lullier ayant fait observer à son adversaire que du moment il avait des témoins, l'affaire pouvait avoir lieu, le duel commença et Boiron fut blessé après le plus fantaisiste des combats.

Quel témoin doué de bon sens aurait accepté un6 pareille mission, surtout en présence d'un cerveau brûlé comme Lullier ? La blessure de Boiron fûtpeut- ètre un bonheur pour ses mandataires et pour lui-môme.

Si Lullier eût succombé, s'il y avait eu poursuites, quel témoignage eusseni- ils invoqué pour affirmer la loyauté de la rencontre, puisque tous les téihoins auraient été les amis de l'auteur de l'homicide?

N<> 28. Affaire Naquet, ex-rédacteur en chef du Petit Daupbinols-Monvielle, rédacteur en chef du Réveil du Daupblné.

Grenoble. Police correctionnelle, ii août 1887, avec renvoi aux n* 5/, 60, 65, 72, 96 de ^appendice.

Le n^ 96 contient le procès-verbal après la rencontre. Motif du duel : polémique de presse. Duel à l'épée. M. Monvieiie eut son épée arrêtée par M. Naquet qui le blessa à l'aine, Au cours du procès, Naquet ne cessa de désavouer ses témoins et de leur reprocher le peu de soin qu'ils avaient pris de ses intérêts.

29.

C'était en 4846. Deux candidats de même nuance poliiique se présentaient à une élection pour le Corps législatif dans la petite ville de N.... A la suite d'une réunion privée, il fut convenu que l'un des deux, M. 0..., se retirerait et céderait la place à M. J..., qui avait, disait-on, le plus de chances.

Quelles étaient les conditions de cette retraite? Y eut-il malentendu? L'histoire ne le dit pas. Toujours est-il qu'au moment de s'eiécuter, M. 0.««

-.rf.Ap'X'jt. .%'

UO SIXIÈME PARTIE.

refasa. L'élection eol lieu, et les deux candidats restèrent sor le carreau. Un troisièmn prit li place.

Grande colère de H. J..., polémiques et cancans. Des amis communs inter- vinrent, et l'atTaire en serait restée là, si le Ris de M. 0..., qui faisait son droîE à Paris, n'avait adressé, par le canal de deux étourdis de son espèce et au nom de son père, une provocalion écrite, si injurieuse pour M. J..., que les négocia- tions devin renl infructueuses ot toute conciliation impossible.

Bien que H. 0... fût parfaitement valide, ses témoins obtinrent la substi- tution do son Gis. Le duel eut lieu h l'étranger. M. J... fut grièvement blessé.

Quelle responsabilité pour les témoins du 61s qui se chargèrent du cartel injurieux, si des poursuites avaient été exercées i raison do la blessure de M. J...1

N" 30. Aflaire de Sirèmes-de Loucelles,

Tribunal correct, de Saiitl-Lo. Gazvtte lrib.,t^ janvier 1834.

H. de Louc«lles ayant cbassé sur les propriétés de H. de Sirémes, en l'absence et sans la permission de ce dernier, fut provoqué par lui.

Il répondit |>ar la poste qu'il acceptait, et indiqua le lieu, le jour etl'heure du rendez-vous.

Pendant deui heures, il attendit vainement avec ses témoins.

M. de Loucelles n'avait garde de paraître. 11 était en train de diner paisi- blement, cheiun voisin, complètement ignorant de la réponse de M. de Sirémes, et de la garde forcée que le dernier montait infructueusement.

Fureur de M. de Sirémes, qui lui écrit qu'il ne se dérangera plus et ne répondra plus à ses lettres.

Le soir même, tout le monde disait que M. de Loucelles avait manqué à un rendez-vous d'honneur.

Deux jours aprèi, il recevait la fameuse lettre, oubliée dans le tiroir de la receveuse de la poste.

Il était donc fort innocent.

Pour bien montrer qu'il ne fuyait pas M. de Sirémes, il prit le parti excen- trique de faire publier il son de caisse l'annonce suivante :

Vingt francs de récompense à qui pourra lui présenter M. de Siréœes, qu'il cherche vainement pour une affaire d'honneur.

H. de Sirémes répondit à l'appel du tambour par celui de la police correc- tionnelle. L'histoire finit par une amende que paya M. de Loucelles.

N* 31. Aiïàire Victor Noir-Pierre Bonaparte.

Haute Cour de ytslice, 21 man (870.

Extrait de l'acte d'accusation : « Le 10 janvier 1870, MM. Yvan CalmoD, •dit Victor Noir, et Ulrich de Fonvielle, directeur de ia Marseillaise, se ren-

APPENDICE. 461

daient à Auteuil, au domicile du ptince Pierre Bonaparte. Ils étaient chargés de lui remettre, au nom de M. Paschal Grousset, un cartel motivé par une lettre publiée le 30 décembre dans le journal l'Avenir de la Corse.

« MM. Noir et de Fonvielle furent introduits vers le prince. Quelques in- stants aprèâv Victor Noir sortait en chancelant et venait s'affaisser mourant sur le trottoir. Presque aussitôt, M. Ulrich de Fonvielle se précipitait hors de la maison, tête nue, et brandissant un revolver. Le paletot de M. de Fonvielle por- tait les traces d'un coup de feu.

« Que s'était-il passé ?

« M. Ulrich de Fonvielle prétendait que le prince avait tiré sur lui sans pro- vocation. Le prince soutenait n'avoir fait feu qu'après avoir reçu un soufflet de Victor Noir et avoir vu M* U. de Fonvielle essayer d'armer un pistolet qu'il avait dans sa poche, etc., etc. »

32. Affaire Dichard, directeur du Petit Caporal; de Massas, directeur du Combat.

Gaz. irib.^ 26 et 27 septembre 4882, avec renvoi aux n*^ 55, 67 de V appendice.

Extrait de la sentence du jury d'honneur : « Au surplus, les soussignés se croient obligés d'interdire aux rédacteurs en chef du Petit Caporal et du Combat d'accueillir, dans les journaux qu'ils dirigent, toute nouvelle polé- mique d'un caractère outrageant pour l'un et l'autre de ces journaux, ou pour leurs rédacteurs en chef.

« Si le soin de leur dignité ne faisait pas à MM. Dichard et de Massas une loi de respecter, en se respectant eux-mêmes, la cause qu'ils ont l'honneur de servir, etc., etc. (Signé : Paul de Gassagnac, Guneo d'Ornano.) »

L'origine de la querelle fut une polémique de presse. Une rencontre à l'épée eut lieu dans la forêt de Saint-Germain. L'arrivée de la gendarmerie empêcha le combat. La polémique ayant continué, un jury d'honneur, composé de MM. de Gassagnac et Guneo d*Ornano, déclara qu'une rencontre nouvelle était nécessaire, et rendit la sentence que nous venons de rapporter. Le combat eut lieu à Nogent. M. de Massas fut tué.

Iifo 33. Affaire Roziez-de M*^, lieutenants d'infanterie.

Gaz. trib. du W au 46 mars, 30 mars au M avril, txau % mat, 22-30 mai,

8 juin 1858. Conseil de guerre de Lyon.

Motifs de la querelle : antipathie de vieille date; jalousie de de M*** contre son camarade.

Extrait de l'acte d'accusation : a De M*** ne quitte plus le lieutenant Roziez. . .

i«| SIXIËME PARTIE.

Il le reUrde dans sa marche. Une discussion vive et animée s'éli've ei ces paroles sont enlendues Venez, parlons e.

n Ils gravissent ensemble It-s marches du logement dp de M"*.

0 Que se passa-t-ilî

« La viclime seule pourrait le dire, mais die meurt trop loi, en laissaol (*c!iapper ces mots : " Le lâche I l'assassin ! »

u De M'" Trappe cbez un officier voisin, el kl dit : ( Venez, Hosiez est mnrl. Il t'st venu m'insuller cliez moi, nous nous sommes battus et je t'ai tué.

De SI*" fui condamné à mort.

N^ 34. Affaire Ritter-Appleton.

Cas. Irib. dts î e( 3 flt>riM873, avec rentoi auxn"' 5 eOS de l'appendice.

Nous avons e:ipliqué au n" ii comment l'affaire s'engagea. Nous savons qu'à la suite d'une discussion, M. Etilter jeta son gant à la ligure de M. Appleton, qui riposta par un soufQel.

Le lendemain, U. Applelouee rendit chez un ami. 11 lui dit que H. Ritler no lui avtdt pas envoyé de lémoios, et lui demanda s'il ne devait pas lui en envoyer lui-même. L'ami lui conseilla d'attendre, et do considërer l'affaire comme terminée si M. Ritler ne bougeait pas.

Pendant ce temps, M. Riiter attendait le cartel de M. Appleton.

Plusieurs semaines s'écoulèrent, pendant lesquelles les babiiants de Mayenne déchirèrent si bien les deux adversaires, les accusèrent si bien de lâcheté, que l'affaire, eùt-ello été minime, devenait inarrangeablo après èlre passée par tant de boudics.

Ils se battirent au pistolet.

M. Appleton fut tué.

N' 35. Affaire I.evasseur-Arrig'hi.

Gaz. trib., ii janvier, iO février, ii mari tSiî, avec renvoi au n" 91 de l'appendice.

Le commandant Arrighi, se croyant desservi auprès du miniitre de la guerre par le général Le vasseur, enconcul un vif ressentiment.

Il donna sa démission pour pouvoir se battre avec lui et vint le provoquer en Algérie. L'autorité, prévenue, le fit arr<ïter et embarquer de force. Le mal- heur voulut que dans le trajet le général se reoconlrât sur son passage.

Il le Trappa d'un coup de cravache. 11 y eut échange de témoins. L'arme agréée fut le pistolet ; mais une dissidence s'éleva sur la distance qui devait séparer les combattants.

Les témoins du général rerusèrent d'assister au duel, ai elle était moindre de vingt pas. Le commandant refusa le combat, s'il avait lieu à moins de dix pas.

Le général constitua de nouveaux mandataires, qui adhérèrent aux condi- tions imposées. Le sort le favorisa. II tira le premier et tua Arrighi.

APPENDICE. 46â

L'interrogatoire des témoins va nous montrer rinconyénient de laisser les adversaires assistera leurs conférences.

Écoulons M. Falcon, témoin du général :

a Je cherchais à me mettre en rapport avec M; Gasabianca, ténK)in du commandant, mais je ne pus parvenir à le rencoDlrer seul, et ne pus le voir qu'en présence d'Arrighi.

c J'eus ensuite trois entrevues avec M. Arrighi et M. Casabianca. Arrighi fut inébranlable, disant qu'il aurait préféré se battre en tenant le bout d'uo mouchoir et en tirant à un signal donné; qu'il regardait comme une concession Id distance de dix pas. »

« Le Président, Quelle était TinQuence d'Arrighi sur M. Casabianca? »

a M. Falcon, Casabianca ne m'a pas semblé agir librement, et je pense que, hors de l'influence d'Arrighi, il se serait prêté à admettre des conditions s'écartant moins des règles du duel. Dans nos conversations, j^ai constaté qu'il subissait toutes les volontés du commandant. »

N"" 36. -— Affaire Ollivier-Feuilherade.

Gaz, irih,, tx août 4 876, Assises (Seine), avec renvoi aux n**" 66, 71, 75, 79

de l^ appendice.

Malgré les prétextes dont les témoins d'Oilivier voilèrent le cartel, le seul motif de la rencontra était sa jalousie à l'endroit d'une maîtresse qu'il entre- tenait, dont il était fou, et qui le trompait avec le premier venu.

M. Feuilherade avait, croyait-il, obtenu ses faveurs, inde irœ et provo- cation.

Les témoins de M. Feuilherade, au lieu de ramener l'affdire à ses justes proportions et de soutenir énergiquement la cause de leur client, se laissèrent circonvenir par la diplomatie des mandataires adverses, qui les éblouirent de raisons et d'arguments spécieux, et leur escamotèrent toutes les prérogatives auxquelles leur client avait droit.

On en jugera par ces quelques lignes, extraites de l'interrogatoire des témoins.

Réponse de H. G***, témoin de M. Feuilherade : o Je reconnais que nous avons accepté l'insertion dans le procès-verbal de mots très exagérés, o

Interrogatoire de M. C***, témoin d'Oilivier :

« Le Président, Pourquoi avez-vous inséré dans le procès-verbal les mots a gravement offensé », alors que vous 8aviez que pour une cause de ce genre l'honneur n'était pas atteint?

« C***. C'est vrai, le mot « gravement offensé » est trop fort, mais c'était aux témoins de M. Feuilherade à se défendre. Enfin, il faut bien que chacun ait un rôle. Nous avions reçu mandat d'Oilivier pour lut obtenir ce privilège, etc. >

Le duel eut lieu à Tépée. OUivier fut tué. En procédant à l'autopsie, on constata qu'il portait une ceinture blindée, susceptible de lui protéger tout l'abdomen.

SI.\ir:ME PARTIE.

N" 37. Affaire Betz-Pierotti, journalistes.

Asiises Bouches-dn-Rhône, 16 ûl 17 décembre 18S9, avec renvoi aux n" 63, 80 de l'appendice.

Motif do la rencootre : refus d'insérer nn renilletOQ ; polémique de presse.

M. PieroUifut taé.

Le dui'l de Marseille, écrivait Albert Woff dans le Figaro du 16décembre, n'esl pas ce qu'on peut appeler une affaire d'iionneur. Il a pour point de départ celte cbofe inavouable, d'un écrivain répondant par de sanglantes personua- lilés su refus d'insertion d'un roman.

M. Dtlz n'en avait point él6 atteint dans son honneur, mais dans sa vanité d'auteur. L'origine de la rencontre de Marseillea donc été purement misérable. et mâme, en tenant compte du sangcbaud du Hidi et de l'exaltation politique, on DO saurait l'excuser. II y a dans ce cfs ta froide combinaison d'un homme (jui veut se rendre populaire, en tuant un malbeureux père de fiiniiile. Les détails sont vérilatilemeot répugnants.

Avant de se battre, M. lielz passe chez un papetier et lui recommande de se procurer »3 photographie, peur satisfaire la curiosité publique qui ne tar- dera pas à être éveillée en sa faveur.

Après le duel, il se rend à son cercle, saliafail de sa journée, ptôt à récoller la popularité qui doit s'attacher h son nom.

11 écrit à un ami que la mort de l'ierotii l'a mis en évidence, et que main- tenant il est ^(iT d'aller comme député confectionner les lois.

Dans celle cervelle affolée de parvenir par dee voies rapides, il n'y a place que pour une incommensurable vanité.

Betz fut condamné a deux ans de prison.

N" 38. Affaire de Marseul-Daudier.

Gaz. trib., 14 janvier 1881. Assises Mayenne.

M. de Marseul rencontra dans une rue do Laval M. Daudier, avec lequel il était en mduvais termes. II le regarda fltement, d'un air provocant, en se retournant sur lui à plusieurs reprises. Puis, il fit un geste de mépris à son adresse. Chacun continua son chemin.

A quelque temps de là, M. Daudier rencontra M. de Marseul et lui demanda si le geste était à son intention. M. de Marseul lui répondit que cela ne le regardait pas.

M. Daudier lui donna un soulûet,

La première opéiation deslémoins, une fois abouchés, fut d'examiner s'il était bien exact que M. de Marseul eût rencontré M, Daudier, l'eût regardé flïement et d'une manière agressive, eût accompagné ce regard d'un geste

APPENDICE. 465

méprisant, la Qatare de ce geste, etc. Ils durent constater les termes exacis de r interpellation de M. Daudier, ceux de la réponse de M. de Marseul, Tattitude des adversaires et la nature de la voie de fait.

Ce fut seulement après qu'ils furent tombés d'accord sur la malérialilé des faits, qu'ils les eurent insérés comme reconnus vrais an procès-verbal de ren- contre, qu'ils purent discuter logiquement la valeur comparative des offenses et déterminer celui des antagonistes qui avait le droit d'offensé.

Le duel eut lieu au fleuret. M. Daudier fut tué.

N<> 39. Affaire Reinach-Rochefort.

26 mars 1882. Voyez Annuaire du duel.

Motifs : article de l'Intransigeant. M. Rochefort répondit aux témoins de son adversaire par une lettre il refusa de se mettre à la disposition de M. Reinach, tant que celui-ci ne se serait pas mis à la sienne pour une affaire antérieure. Puis il constitua ses témoins. Une fois les quatre témoins réunis, ceux de M. Reinach consentirent à continuer les pourparlers de la présente affaire, à condition que la qualité d*offensé serait livrée au sort.

Les témoins de M. Rochefort refusèrent et se retirèrent.

N*" 40. Affaire Dupuis-Habert.

Gaz. trib., 25, 26 juin 4888. Assises Seine, avec renvoi aux n°" 23, 26, 42 de Vappendice.

Dans cette affaire, née de motifs absolument futiles, on attendit de se trouver sur le terrain pour proposer un moyen de conciliation qui était accep- table avant la rencontre, qui l'eût été sans doute la veille, mais qui ne Tétait plus à cet instant, et qui fut en effet repoussé.

L'inopportunité de celte démarche fut reprochée à juste titre aux témoins dans le procès qui suivit la mort de Dupuis.

Voyez l'interrogatoire des témoins.

N*" 41 . Affaire Baron-Pesson.

Voyez Gaz, trib., 30 janvier, 2 février, t3 juillet, 7,U et 25 août 4837.

A la suite d'un bal M. Pesson fut souffleté par M. Baron, une rencontre fut décidée.

Arrivés sur le terrain, les témoins firent une tentative suprême de conci- liation.

30

im SIS'J^ME PARTIE.

ÉcoutousM. D***, un des témoins de U. Pcsson :

« Nous trouvâmes M. Baron avec deux de ses amis. L'un deux, M. V*", dirait beaucoup que le duel n'eut pas lieu; mais les eiplicalions données par lui éUienl vagui^B, et ne pouvaient passer pour des excuses. Enfin, il s'appro- cha de M. Peeson et lui dit : » Baron reconuait ses torts; il est là, et ne me dédira pas >. Baron ne dit mot. n

Les adversaires Turent mis en présence.

M. Baroo Tut tuâ.

Comme le président reprochait à M. Pesson de n'avoir pas accepté les excuses de !a victime, ce dernier lui adressa une réponse qui est la mise en action du principe que nous avons formulé :

> Je TOUS demande, monsieur le président, si après l'insulte que j'avais reçue, ia plus grave qu'un liommu d'honneur puisse essuyer, je n'avais jws le droit d'être diCTicile, el st je ne pouvais pas demander des excuses peraonoelles et spontanées. M, V**' répéta bien, devant moi, que M. Baron reconnaissait aes torts, mais dernier s'obstina à ne rien dire. Ne pouvait-il arriver qu'il se contentât do laisser dire son témoin, quitte h. le désavouer ensuite pouraon coinplo? >

N" 42. AffEÔre Dupiiis-Habert.

Giix. irih., ï3 et IG juin <8N8. Assises Seine, avec reiivi aux 11" !3, i6. iO de l'appendice.

Un des témoins de M. Ilabert nous sembla avoir mal compris son rôle, lorsque, à.l intcrpellatioo du président : « lilnria, vous lui avez conseillé de ne pas rctircric mot injurieux », il répondit qu'il n'avait pas de conseil ï lui donner.

Son devoir était, au contraire, de répondre, en son âme et conscience, à U demande qui ki était faite par son client. Le rôle de cooGdent et de conseiller est une des faces du mandat qu'il avait accepté.

Vers 1S40, un jeune sainl-cyrien, qui se destinaità la cavalerie, vint faire son s'age à Saumur, avant de se lendro au régiment. Il appartenait à une fa- mille très pieuse. Très pieux lui-même, il était en butte à d'incessantes tracas- series.

Un camarade avait entrepris de le déniaiser par tous les moyens possibles.

A la un, voyant qu'il ne parviendrait pas à le faire battre pour de mé- chants propos qui ne s'adressaient qu'à lui, il attaqua l'honneur de sa mère el la Qétrit d'une épithète de caserne.

Le pauvre jeune homme ne put supporter une pareille injure :'il se battit et fut tué. (Colombey, Histoire anecdoliquc du duel, page 95.)

APPENDICE. 467

44. Affaire H. Rochefort, directeur de V Intransigeant;

C. Drejrfus, rédacteur de Nation.

27 avril 1886. Voyez Anntiaire du duel,

V

Motif : article de M. Dreyfus. Les témoins de M. Dreyfus refusèrent à M. Rochefort la qualité d'offensé. M. Rochefort proposa de s'en rapporter à l'arbitrage de cinq députés. M. Dreyfus accepta, mais M. Rochefbrt ayant vouhi que, parmi les arbitres, il y eut un membre de la droite, M. Dreyfus préféra lui reconnaître la qualité d'offensé.

M. Rochefort choisit le pistolet au visé à trente-cinq pas, avec faculté po^r chacun d'avancer de cinq pas, le feu continuant jusqu'à ce qu'un des combattants fûtatteiot. Les témoins de M. Dreyfus acceptèrent le choix du pistolet et propo- sèrent, ou le tir au commandement à trente pas avec décharge de deiiK.i>alles^ ou bien le môme avec décharge d'une seule balle, et, dans le cas il n'y aurait pas de résultat, reprise à l'épée.

Les pourparlers furent interrompus, repris, et enfin rompus défijutLvamant.

Si la méthode que nous conseillons avait été suivie; si le dagiré de l'offeasa reçue par M. Rochefort avait été établi; si un auteur avait été. choisi pour servir de code aux témoins, les négociations auraient été bien simplifiées et auraient amené une prompte solution.

L'offense essuyée par M. Rochefort était-elle une offense grave? Il avait le droit au choix du duel, et pouvait, partant, imposer. valablement la duel à marcher, qui est compris dans la catégorie des duels légaux. Tous les auteurs paras jusqu'alors le lui accordaient. Mais il ne pouvait prétendra au choix de la distance, car cette prérogative est réservée à Pôffensé avec voie de fiedt.Était- elle, au contraire, regardée comme une offense simple, le choix d^' doel appar- tenait aux quatre témoins et, en cai de désaccord*, devait être réglé par nu arbi- trage on tiré au sort.

45. Affaire Maurel-Clémenceau, député, directeur de

la Justice.

Documents parus dans les journaux les il, 12, 43 décembre 1888, à la suite d'une vioe polémique motivée par la récente élection du Var, et dans UigueUe M. Maurel se jugea offensé.

1" Lettre de M. Ataurel à M. Clemenceau :

« Monsieur,

« Vous avez traité de menteur et de faussaire celui qui, sue vaM demande expresse, sous vos yeux, a minuté pour voua, a recopié la dépêche .du j:S0 aor

i$K SIXIÈME PARTIE.

Torabre adressée au maire de la Soyne, di'pêche que tous avez finalement lan- cée ïoua-mPine, après qu'elle eùl élé par deux fois Tue et approuvée par vous intégralemoDl.

0 J'estime, dès lors, que vous me devez une réparation; mais il me con- vient aussi, avant de l'exiger, que la vérité des faits soit établie, pour que le public sache lequel de nous deux ment, lequel de nous deux est uo faus^re et un calomniateur. Je tous demande donc de soumettre immédiatement à un jury d'honneur, composé de trois républicaius, vos allégations et les miennes, car J'ai le souci légitime de corriger préalalilemenl vos défaillances de mé- moire, etc. (Â).

i' Réponse de M. Clêmatceau. « Monsieur, Tout ce que vous voudrez.

M. A***, dopulé, choisi pour arbitre par M, Haurel, se rendit chez M- Cle- menceau pour II- prier de désigner â son tour un de ses amis. M. Clémenc«ati lui répondit qu'il ne lui paraissait pas utile do faire choix d'an arbitre, et qu'il s'en remettait volontiers A la décision d'uu jury d'honneur tout entier composé par M. Maurel (S).

M.Haurol ayant déclaré ne pouvoir accepter de jury composé dans ces condi- tions, M. Clemenceau pria doux de ses amis de vouloir bien faire partie du jury.

M. Uaurel en Gt autant.

'A" Sentence du junj d'honneur. Hier, à midi, lej deux arbitres de U. Uaurel et ceux de M. Clé.nonceau, après l'audition des témoins de la scène de la dépêche, ont rendu ta sentence suivante :

a Les soussignés, choisis comme arbitres pjr HU. Hanrel et Clemenceau,

après avoir désigné M. Victor S**" comme cinquième arbitre en cas de désac- cord, 0!it examiné le différendqui s'est élevé entre AIM. Miurel et Clemenceau.

« Il est résulté de cet examen que ce différend n'est que le résultat d'une série de malentendus qui ne portent atteinte ni à k parfaite bonoe foi ni à l'honorabilité de MU, Mauret et Clemenceau.

n Les soussignés déclarent donc d'un commun accord que l'aSaire ne doit comporter aucune suite [C). »

A la suite do cette sentence, M. Maurel envoya à H. Clemenceau ses té- moins, pour lui demander réparation par les armr^s des exprès ions injurieuses insércrécs dans sa première letlro.

M. Clemenceau, par lintemiédiaire de ses témoins, déclara être prêt à accorder cette réparation, à condition que M. Maure! déclarât ne pas recon- naître la décision du jury d'honneur, disant que l'atTaire ne devait comporter

M. Maurel adressa aux membres du jury une lettre conçue en ces termes :

0 MM. X*** m'ont fait l'honneur de me remettre hier votre décision. Je me suis incliné.

a Je télégraphie, sans délai, de suspendre toute publication relaiive au diflérend qui s'est élevé entre H. Clemenceau et moi.

APPENDICE. 469

« ... Je m'étais incliné, plein de déférence pour les arbitres de la première solution, mais comme je Tai dit sur-le-champ à MM. M*** et L***, comme Je l'ai expressément réservé dans ma lettre réclamant un jury, comme je Tai écrit à M. R*** en le priant de siéger avec vous, je revendique absolument le droit de poursuivre la réparation de Tinjure que j'ai reçue. i>

Les témoins de M. Maurel maintinrent, en conséquence, le droit absolu de leur mandant de réclamer une réparation par les armes, sans décliner la sen- tence arbitrale qui lui donnait toute satisfaction sur la question de fait (D).

L'entente étant devenue impossible, du moment que M. Clemenceau ne voulait pas retirer les paroles qu'il avait appliquées à M. Maurel, un arbitrage fat décidé; mais M. Clemenceau écrivit à ses témoins ^de renoncer à Tarbi- trage et de se mettre à la disposition de son adversaire.

DISCUSSION THÉORIQUE DB L'BXBMPLB.

{A} Dans l'affaire qui nous occupa, nous voyons M. Maurel demander la réunion d'un jury d'honneur chargé de vérifier un fait matériel, relatif aux circonstances de la rédaction et de l'envoi d^une dépêche au maire de la Seyne, et ce avant toute constitution de témoins.

(B) M. Maurel agit correctement en refusant la proposition, faite par M. Cle- menceau, de s'en remettre à la décision d'un jury tout entier choisi par M. Maurel.

Sans doute l'adhésion de M. Clemenceau à un jury môme irrégulière- ment composé l'obligeait à s'incliner devant la sentence, quelle qu'elle pût être. Mais il n'en était pas de môme pour le public.

[C] Si nous nous rapportons aux pièces rapportées plus haut, les seules que nous connaissions d'après les journaux, il nous semble que les jurés excé- dèrent leur mandat lorsqu'ils jugèrent que l'aflbire ne comportait aucune suite.

En effet, le seul point soumis à leur décision était de savoir si réellement la dépêche adressée au maire de La Seyne avait été rédigée et expédiée dans les conditions indiquées par le demandeur.

La question de l'opportunité ou de l'inopportunité d'une rencontre subsé- quente ne pouvait être valablement résolue, puisque M. Maurel, dans sa lettre à M. Clemenceau et ses communications aux jurés, l'avait si formellement réservée.

En constatant que le différend était une suite de malentendus, ne portant atteinte ni à la bonne foi ni à Thonorabilité des adversaires, les jurés obli- geaient par le fait M. Clemenceau à retirer les épithètes dont il avait qualifié la manière d'agir de M. Maurel. Il ne le fit pas. M. Maurel restait offensé.

(/)) Quant à la prétention émise par les témoins de M. C'émenceau de subordonner la réparation demandée par M. Maurel à la condition qu'il décla- rerait ne pas reconnaître la décision du jury d'honneur, elle était contraire au principe que la sentence des jurés volontairement choisis par les parties est obligatoire pour tout ce qui est compris dans la limite du compromis, et engage irrévocablement les signataires.

..■^

«0 SIXIÈME PARTIE.

M. Maurel no pouvait pas ralionnellement renoncer au bénéfice de ta constalatiou du fait matériel soumis aux jurés, mais, en nous iilaçant Uiéori- quement au point de vue des règles que nous avons formulées sur rarbitraee, il nous semble avoir pu trè^ logiquement leur dénier le droit de l'empé^ber de demander réparation pour les épiUiètes écrites h l'occasion de oe fait.

N' 46. Affaire de C^llonne-Fio^entino, publicistes.

Voyez Affaire AcIianl-Fioie/ilino. Gaz, irtb., i" ieptembre (850.

MM.deCaloQtieet Pioreulino échangèrent dans les journaux une polémique très vive. Le second adres.sa au premier unn provocation. Avant d'y répondre, comme l'honorabililé de M. Fiorentino était mise en doute, M. de Calonne voulut un référer ï un jury d'honneur pris dans la Société des gens de lellres, dont lui-même faisait partie. Ce jury déclara que la provocation ne pouvait être acceptée,

M. Fiorentino protesta contre ce jogement rendu hors de sa présence, sans qu'il eût désigné ses arbitres et fourni aucune explication.

Au nombre des jurés se trouvait M. Amodèe Achard, M. Fiorentino le provoqua dans un violent article, se battit avec lui, et le blessa grièvement.

On voit que la décision du jury d'honnenr ainsi composé ne parut guère obligatoire, puisque, après avoir déclaré M. Fiorentino indigne, H. Acliard ne crut pas pouvoir lui opposer la question préalable d'indignité, comme il n'au- rait pas manqué de le faire, si la compétence du tribunal d'honneur aviiit été absolument indiscutable.

N" 47. Afiaire Ro*** et Re***.

37 octobre i88S. Voyez Annuaire dit duel.

Violation de cette règle.

Un jury d'honneur présidé par le général L*" ayant examiné l'honors- bilité de MM, Ro'** et Re*** et l'ayant reconnue parfaite pour tous les deux, M. Ro*", le lendemain da procès-verbal de ce jury d'honneur, écrivit qu'il ne lavait pas le passé de M, Re***, olc. En protestant contre la décision du jury d'honneur, il est clair que M. Ro*** commettait une faute et violait une règle importante de la législation qui nous occupe [s'il avait adhéré à la com- position de ce jury, et si les membres qui en faisaient partie aTaieut jugé dans la mesure de leur compromis).

APPENDICE. 474

48. Affaire Be***, Ce***, rédacteur à la France.

i** novembre 1884. Atinuaire du duel.

Motifs : lettres injurieuses et voies de fait.

Les témoins de M. Be*^^ déclarèrent ane rencontre avec M. Ce*** impos- sible, à cause de Tioexpérience de leur client dans l'arme que Toffeosé avait choisie, et lui infligèrent un blâme pour s'être laissé emporter à des voies de fait vis-à-vis M. Ce***.

A la suite du procès-verbal rédigé dans ce sens, M. Bé*** désavoua ses témoins par une lettre rendue publique. Il en constitua d'autres qu'il envoya à M. Ce***, qui refusa d*entrer en pourparlers avec eux.

Si les choses se passèrent comme les quelques lignes de V Annuaire sem- blent l'indiquer, M. Bé*** était en droit de récuser des mandataires qui fai- saient son procès au lieu de le soutenir, et qui le lâchaient sous un prétexte aussi préjudiciable à sa considération.

49. Deux officiers de chasseurs.

Gaz. 'trib. 26 novembre {842.

Au mois de novembre 4842, à Grenoble, un terrible duel eut lieu entre deux officiers des chasseurs d'Orléans, M. B*** et M. D***.

Les deux officiers du même corps qui leur servaient de témoins avaient employé vainement tous les moyens, toutes les représentations, pour les reconcilier. Désespérés de voir leurs tentatives échouer, ils essayèrent un dernier moyen sur le terrain môme du duel. Ils se retirèrent en négligeant malheureusement d'emporter les armes.

Le cliquetis des épées les rappela bientôt. Ils accoururent pour arrêter le combat. Trop tard malheureusement.

M. D***, atteint au cœur, tombait dans leurs bras«

M. B***, qui ne paraissait pas môme blessé et avait pris sa tunique pour s'en aller, s'affaissait à son tour.

Tous deux étaient morts.

N"* 50. Affaire Grandin-Durand.

Extrait du journal le Cher, 48 mars 4889.

A la suite de l'insertion, dans la Démocratie du 47 mars, d*un entrefilet que M. Grandin, directeur du journal le Cher, jugea offensant^ il chargea deux

.-•Vj; t'jî. .,. *■■ ■:

i7« SIXIÈME PARTli;.

de ses amis, ]HH. Jallct ot Hartiu, de demander à M. Durand, directeur de

la Démocriitie, dos explications oii une retractatioa.

H.Durand les ayant mis en rapport avec BI M. UirepiedetDncrot.îIseureDl une entrevue au cours de laquelle fut rédigée d'un commun accord et signée par tes quatre lémoins une note dont les termes mettaient Sn à l'incident et écartaienl la nécessité d'une rencontre.

H. Durand refusa d'accepter la rédaction du procès-verbal dressé de con- cert entre ses témoins et ceux de M. Grandin.

Il lea cliargea de porter ce fait à la connaissance des mandataires de ce dernier, en les assurant qu'il restait i kur disposition.

Les témoins de H. Grandin prolestèrent, et soutinrent que les manda- taires de M. Durand, en rédigrant el en signant le procès-verbal d'arrange- ment, avaient agi dans la plénitude de leur mandat; que ce procès-verbal restait acquis, parce qu'il était revêtu do tous les caractères qui en font une décision prise par des jugea ccmpétents; que l'écliange des originaux le proo- vait bien; qu'ils considéraient leur mission comme terminée, et qu'ils ne consentiraient jamais à admettre que les pouvoirs de MM. Mirepied et Ducrot fussent inïuRItanls.

II n'y a point d'exemple, ajoutatenl-ils, qu'une personne ayant constitue des témoins, c'est-à-dire ayant investi ileux do ses amis de sa confiance, et les ayant chargés de discuter avec les témoins do son adversaire le soin de régler une afToire d'iionneur, ne se soit pas inclinée devant la décision do ses représentants, qui, à partir du prenuer moment de l'entrevue, incarnent pour ainsi dire leur client, qui disparaît derrière eux.

niSCDSSION TRéOKlOUB.

Si les témoins de M. Grandin avaient demandé à ceux de H. Dnnnd : 0 Avez-vous pouvoir de traiter en son nom un arrangement définitif? i Si la réponse de ces derniers avait été affîrmative, elle était censée contenir la vérité, el M. Durand élait forcé de s'incliner devant l'arrangement, contre lequel il ne pouvait s'éievor qu'en produisant une preuve écrite, constatant que ses témoins n'avaient pas mandat suffisant; en produisant, par exemple, un double de ce mandat, muni de leur acceptation.

Ils ne semblent pas avoir posé cette question. S'ils ne l'ont pas lait, H. Durand est censé n'avoir donné qu'un mandat restreint, et sous réserve de ratification. Il conserve un droit de veto qui no peut lui être enlevé que sur la production d'un mandat contraire faite par MM. Mirepied et Ducrot,

Or celte production n'eut pas lieu. Rien n'empSchail donc M. Durand de récuser l'arrangement. Jusque-là sa manière do faire fut correcte.

Elle cessa de l'être lorsqu'il chargea MM. Mîrepiedet Ducrolde transmettre son refus el de commencer de nouvelles négociations, car c'était les forcer à se déjuger et à reconnaître comme non avenu un acte muni de leurs signatures.

Il devait les désavouer, el, après ce désaveu, choisir d'autres témoins qui, étant étrangers aux premières négociations, pouvaient les recommencer sur des bases toutes différonles, si leur conscience le leur permettait.

APPENDICE. 473

N^ 51.

Nous citerons, entre autres exemples des conséquences funestes de procès- verbaux incomplètement étudiés, les duels Ghapuis-Deckeirel , Monvielle- Naquet.

Dans ces deux affaires, il y eut préhension ou détournement de Tépée ennemie avec la main gauche, entraînant mort ou blessure, flots d'encre répandus pour et contre cette manœuvre, acquittement ou peines légères provenant surtout de Tindédsion se trouvèrent juges et jurés sur la valeur de chaque opinion, et tout cela parce que les témoins avaient oublié d'insérer ces deux lignes : « Il est défendu de saisir ou de détourner Tanne de son adversaire avec la main qui ne manie pas i'épée. »

S'il en eût été autrement, l'auteur de l'infraction n'aurait pu arguer ni de son ignorance des usages, ni de son étourderie. Sa signature le condamnait. Il est môme probable qu'à raison de cet engagement, les choses se seraient passées avec correction ^

N"" 52. AfGaire Odysse Barrot-Jecker.

3 et i août 1868. Gaz. trib.

Le duel choisi fut le duel au pistolet en marchant. Au commandement, M. Jeci^er fit dix pas, M. Barrot restant à la limite.

Les adversaires étant demeurés huit minutes sur la défensive, les témoins, pour couper court à la situation, décidèrent qu'ils échangeraient deux balles au commandement.

Ils excédèrent leur droit. Au lieu de changer la nature de la rencontre, ils devaient ou déclarer l'affaire terminée, en se fondant sur ce que l'inaction des adversaires, pendant un délai supérieur de plusieurs minutes au délai légal, indiquait leur volonté de terminer amiablement la querelle, ou, tout en conser- vant le duel à marcher, fixer un délai minime, passé lequel le combat devait cesser, si l'échange des balles n'avait pas eu lieu.

N"" 53. Affaire Lemerle-de Mosny.

Assises Marne, Gaz. trib», 24 août 4833, avec renvoi au 89

de Vappendice.

Dans un duel au pistolet à marcher, M. Lemerle avait manqué M. de Mosny, qui se préparait à riposter, lorsque de R*^*, témoin de ce dernier,

1. Voyez sur raffaireChapuis-Dekeirel, Tavernier, Art duduel, page 247, etlcn<>73, de l'appendice; sur raffaire Naquet-Mon?ielle, les n^* 28, 60, 65, 76 et 96 de Tappendice.

./.i

iïi sixi(':mr PAHÏMî.

cria d'arrêter, ea enjoignanl aux adversaires d'avancer jusqu'à la dtslBiKr de dix pas, limile cxtrf^me fixée par les conventions.

Il obligea M. Lemorle a essuyer ainsi le feu de son adversaire.

A la suite du dénouement malheureux de celte alTaire, une cousultalioa fut demandée au général Exelmans relativeoifntàla correction ou l'IncorrecOûnde cet ordre.

Lit général décida que de R*** avait violé Tes règles du duel, eu obligeant un homme désarmé à avancer plus prés i|ue no le demandait son adversûre pour t'ssuyer son coup.

Il ajouta que, dans tous les cas, un pareil droit existerait-il au profit da cxjmbntlant qui n'a pas encore lire, ce no serait qu'à lui seul qu'appartiendrail d'on réclamer l'exécution.

Les témoins, qui doivent apporter une impartialité et une justice eitrémee dans l'accompliisonient de leurs fonction!;, manqueraient donc à tous leurs devoirs s'ils interrompaient le combat, pour réclamer seuls, et en Taveurd'un seul combattanl, le bénéfice d'une condition aussi dangereuse.

N" 54. AtEaire B^^-Meimier et Vescot. Aisises Seitif. et-Oise. Gnz. Irib., 21 novembre 1S47.

B*", élève de Saint-Cyr, avait reçu des soufflets de deux cainaradei. Meunier et Vescot. Deux duels furent décidés.

B... croisa d'abord le for avec Vescot, qui fut blessé.

ImmédiatemEnt après, et sous le coup de l'émotion et de la lasâtuda causées par la première rencontre, les témoins laissèrent engager le second duel, qui devait avoir une issue fatale.

En effet, B... était tué au bout de quelques instants. Le blâme qui leur fut infligé était bien mérité.

N* 55. AffEiire Dichaxd-de Massas.

G/is. Irib., S6, î7 décembre *88!, avec renvoi aux n" 3!, G7 de l'appendice.

Extrait de la sentence du jury d'honneur : n H. Dichard, étant l'offensé, conserve naturellement le choiit du jour, de l'heure, et du lieu de la rencontre. - ' Signé : Cunéo d'Omano, Paul de Cassagnac. >

APPENDICE. 476

56. Affaire Dujarrier, directeur de la Presse, et de Beauvallon, rédacteur du Olobe,

Assises Seine-Inférieure, Gaz. /K6., 26 mars 4846, avec renvoi

aux n<~88, 94, 40i de l'appendice.

L'exposé de l'affaire est fait n<> 88. Motifs de la rencontre : discussion pendant un souper aux Frères provençaux. Extrait de l'acte d'accusation : « On partit pour le bois de Boulogne. La température était froide. Il était tombé beaucoup de neige. Dujarner arriva le premier. De Beauvallon se fit attendre pendant une heure et demie. . .

V Dujarrier, saisi par le froid, énervé de l'altente, était en proie à une surexcitation nerveuse qui fit craindre à ses témoins que l'issue du combat dans ces conditions ne lui fût fatale. Ils insistèrent -donc, ainsi que le docteur, pour que M. Dujarrier quittât le terrain, comme c'était son droit. Il s'y r^usa.

« Enfin de Beauvallon arriva, etc., etc. »

Les témoins de M. Dujarrier furent blâmables de n'avoir pas forcé leur client à se retirer.

Ils auraient dû, en désespoir de cause, le menacer de l'abandonner s'il ne le faisait pas, et dresser un procès-verbal de carence contre M. de Beauvallon.

Leurs prévisions se réalisèrent du reste, car un instant après Bl. Dujarrier manquait son adversaire, et recevait dans la tête une balle qui le tuait.

57. Affaire A***-Cai. V*^

2 juin 4888. Annuaire du duel.

Motifs de la rencontre : article de l'Événement du 4*' juin. Sur le terrain, M. Ch. y*** se fit excuser par ses témoins, qui déclarèrent qu'il ne pourrait pas arriver avant une heure et quart, par suite de l'impossibilité de se rencon- trer à temps avec son médecin et de trouver une voiture. Les témoins de M. A*** déclarèrent l'affaire terminée et se retirèrent.

Nous croyons que les motifs invoqués par M. Gh. V*** n'étaient pas suffisants. Quand on a sur les bras une affaire l'inexactitude peut être si préjudiciable à la réputation, on s'assure d'avance d'un véhicule ; au besoin on se passe de docteur, et on arrive avec ses témoins.

Mais s'il avait été prouvé que la voiture de M. Ch. Y*** s'était brisée en route, qu'en sautant il s'était donné une entcse, etc, comme ces accidents auraient constitué un cas de force majeure absolument fortuit et impossible à prévoir par l'homme le plus prudent, l'excuse devait être considérée conmie valable.

SIXIÈME PAHTIE.

N" 58. Affaire de S-'-M'". a décembre 1S85. AMinaire ilii iluel.

A la suite d'un article publié par M. H'**, une rencontre fut décidée.

L'arme elle duel choisis Tarent le pistolet avec qtistre balles éctiaa^ en marclianl.

Sur le terrain, M. M*" no vint pas.

Ses témoins produisirent une letlre de lui il déclinait le duel conTcnn. et SB mirent à la disposition de M. de S*", qui refusa celte substitution cocliaï» ant règles du dael.

N" 59. Affaire Drumont-Meyer.

Ga:, tiib., 87 juin 18SG. aD«c renvoi aux n" 64, 69, 77,<0trfe i'iippeiidkt. Tribunal correcUonnH de Pari».

Motifs de la rencontre : personnalilés dirigées contre M. Meyer dans (o France juive. Renconlre à l'épÉo près de Versailles. M. Orumont fut blessé.

Extrait de l'inlerrogaloiredeM. Mejer: u Le combat devait avoirlieuàla Celle-Saint-Cloud. A notre arrivée on nous Til attendre longtemps, pendant que les témoins se mettaient fila recherche d'un terrain, le moins mauvais ptssible.

* Il était quand mi^me si accidenté, qu'on dut enlever les pierre» qui le rendaient impraticable. _^^

60. Affaire Haquet-Monvielle.

Gaz. Irib., n aoûl 188y, avec i-envoi aux n" !8|51, 65, 7î, 96 t/e l'oppeiuJici'. Tribunal correctionnel de Greiuélf.

Dans ce duel, M. Monvielie eut son épée arrâlée par la iD3in gauche Ai M. Naquet, qui îo blessa en même temps à l'aine.

Devant lo tribunal, ce dernier soutint que le lerraio du combat avait été choisi par les^euls témoins da M. Monvielie et en l'absence des témoins de M. Naquet; que les conditions de ce choix étaient défavorables à un liomme de son âge, etc.

Cet ensemble de circonstances lui fut en effet compté, et attéoua dans une certaine mesure la rigueur de la condamnation.

APPENDICE. 477

N"" 61. Affaire Lavertiyon, directeur du Petit Centre,

et B***, avocat.

3 août 4889. Annuaire du duel.

Motif de la rencontre : polémique électorale. Rencontre à Pépée. A la première reprise, les adversaires furent tous deux légèrement atteints...

M. B*** refusa de continuer le duel, sous prétexte qu'il était trop violent.

Le motif allégué parut ajuste titre ridicule aux témoins, qui protestèrent. La conduite de Bl. B*** donna lieu à de vives critiques dont les journaux de l'époque se firent l'écho ^

N'' 62. Affaire de Briqueville-de Dalmatie.

Procès-verbal rapporté par Fougeroux deChampigmulles, tome II,

305 des pièces justificatives.

f Après avoir choisi pour arma Tépée, les adversaires ont commencé un combat qui a duré plus de dix minutes. M. de Dalmatie ayant rencontré une pierre est tombé à la renverse. M. de Briqu avilie s'est empressé de lui tendre la main et de le mettre sur le bon terrain.

« Le combat a recommencé. Cette fois, Pépée de M. de Briqueville s'étant, après une assez longue phase d'armés, engagée dans celle de M. de Dalmatie, B*e8t échappée de sa main. Il s'est avancé droit sur son adversaire, qui lui remit son arme avec empressement.

f A la suite d'un repos que nécessitait un attaque si vive, le combat reprit de nouveau. Les adversaires se précipitèrent Pun sur l'autre et arrivèrent bientôt au corps à corps. Les témoins se jetèrent entre eux, et déclarèrent qu^en gens d'honneur ils ne devaient pas permettre la continuation d'un enga- gement si opiniâtre.

« Les deux combattants se sont soumis à cette décision, et se sont séparés en se donnant réciproquement les marques d'uoe franche et loyale estime.

f Signé : maréchal Clausbl, général Jacquemont, f C. Ragot, député, général Exgblmans. »

La raison du duel était une attaque dirigée contre le ministre de la guerre, dans un discours à la Chambre

i. Voyez, sur ce sujet, Annuaire de la presse, année 1890.

478 SIXIÈME PARTIE.

63. Affaire Betz-Pierotti.

Voyez Gaz, trib.^ <6, 47, 48 décembre 4889. Assises de PAveyran, avec renvoi aux n** 37, 80 de l'appendice.

a II fat décidé que l'arme serait Tépée de combat et que chaqae reprise ne pourrait excéder ddux minutes. A la première blessure, le combat devait cesser. Si après deux reprises il n'y avait aucun résultat, le combat serait arrêté. »

N" 64. Affaire Drumont-Meyer.

Gaz, irib.^ 27 juin 4886. Police correctionnelle, Paris, avec renvoi

auxn*^ 59, 69, 77, 404 de l'appendice.

Déposition du docteur Danet : « Tout à coup un groupe tomba sur nous avec rapidité. Un terrible corps à corps se produisit. J'étais juste derrière M. DrumonI, mon collègue derrière M. Meyer. Je nepus m'empôcber de m'écrier: « Arrêtez, on ne se bat pas comme celai » Je saisis M. Drumont à bras le corps. Desfossés saisit M. Meyer. Les témoins arrivèrent, M. Duray en tète. >

En sa qualité de directeur de combat, ce dernier reprocha aux médecins, et en particulier au docteur Danet, cette intervention inopportune.

Il eut raison en droit et en fait. En droit, car les médecins n'avaient reçu aucun mandat. En fait, parce qu'en saisissant M. Drumont, sans être assuré que son collègue en ferait autant pour M. Meyer, le docteur Danet pouvait paralyser les mouvements du seul Drumont, et Toffrir sans défense à l'épée de son antagoniste.

65. Affaire Naquet-Monvielle,

Police correctionnelle f Grenoble. Gaz, trib.y 4< août 4887, avec renvoi aux n°* 28, 60, 72, 96 de Vappendice,

Lorsque M. Naquet fut traduit en police correctionnelle pour avoir blessé M. Mon vielle, en arrêtant de la main gauche l'épée de ce dernier, il se défendit en soutenant qu'il avait obéi à un mouvement instinctif de conservation pro- voqué par l'impossibiUté il se trouvait de parer l'attaque de M. Mon vielle avec une arme qui était sur lo point de lui échapper à cause de la fatigue occasionnée par son poids exceptionnel. 11 soutenait que les épées n'avaient pas été examinées par les témoins et dépassaient la pesanteur ordinaire.

Il y eut à ce sujet un débat sans conclusion, qui servit à Tinculpé, comme l'indique expressément l'extrait du jugement rendu sur appel le 43 jan- vier 4 888 :

APPENDICE. 479

« Attendu qu'il y a eu lieu de prendre en sérieuse coDsidération, pour Tapplication de la peine, les conditions d'inégalité dans lesquelles Naquet se trouvait vis-à-vis de son adversaire, à cause de la lourdeur des épées et de la fatigue, etc., etc. »

66. Affaire OUivier-Feuilhrade. Gaz- trib.j 4 août 4876, avec renvoi aux n®»36, 71, 75, 79 de l'appendice.

Des épées avaient été apportées par chacun des combattants. Le sort désigna la paire de M. Feuilhrade, mais un des témoins d'Ollivier ne les trouva pas assez pointues, et obtint que celles de son client lui fussent substituées, contrairement à la règle que l'arme tirée au sort doit toujours servir.

Les conditions indiquées pages 470 et suivantes, auraient évité jusqu'au prétexte de cette difficulté.

N"" 67. Affaire Dichard-de Massas. Gaz. trib., 26-27 décembre 4882, avec renvoi aux n*"32, 55 de l'appendice.

Le combat eut lieu dans une allée si étroite que les témoins ne purent se placer de chaque côté des combattants et surveiller aussi attentivement la latte qu'ils l'auraient fait s'ils avaient été rangés sur deux rangs.

Nous avons entendu attribuer à cette étroitesse du champ Timpossibilité ils se trouvèrent d'arrêter le combat, après une première blessure et avant le coup qui tua M. de Massas.

N*^ 68. Affaire C*** et P***, joumaUstes.

Annuaire du duel, page 204, septembre 4887.

Une rencontre motivée par une polémique de presse eut lieu à M***, il Y a quelques années, entre deux journalistes, MM. G*** et P***. La querelle 86 vida, si nos souvenirs nous servent bien, dans une très longue allée, aucun champ n'avait été délimité.

M. P*** rompait sans cesse, et M. C*^, asthmatiq<ie et manchot, le suivait de son mieux, haletant et suffocant.

Cet exercice dura si longtemps queforcefutauxtémoins, malgré différents repos accordés, de suspendre définitivement la bataille sans aucune blessure.

M. G***, capable de combattre l'épée à la main, ne pouvait lutter à la coursé. Outre un brevet de courage bien mérité, on lui en accorda malgré lui un antre, d'impotence, qui le mettait du coup» hors de service.

, Si le champ avait été délimité, M. G***, à petits pas, gagnait tout doucement

460 SIXIÈME PARTIE.

la lerraiti que H, l"" perdait eo rompant, et Gnissait par l'acculer, le metlanl ainsi dans l'obligation ou de Tranchir la limite, ou d'en découdre à portée. Dans le premier cas, il obtenait les hooneurs de la journée. Dans le second, il reprenait l'avantage que son Ijaliitudo des armes lui assurait.

69. Affaire Drumont-Meyer.

P'Aice eoireclioniieUe, Paru. Gaz. Irib., !7 j\iin (886, avec r aBaïn"* 59, 6i, "7 de l'appendice.

La propriâté oiise rencontrèrent les adversaires préâegtail un terrain mou- vementé et accidenté, dont on dut préalablemeat enlever Us pierres, pour le rendre un peu praticable.

Le combat eut lieu devant une écurie A. Derrière H. Heyerse irouTailunc

partie de sol mootueuse et rocailleuse B. Les médecins étaient cacbés ou* rière le pignon C. Le champ n'avait été délimité ni en longueur ni en largeur.

A la deuxième reprise, M. Drumont attaqua U. Meyer avec foagat- M. Meyer rompit ; mais pour éviter les aspérités du terrain qui était derriéw lui et no pas se hasarder dans la montée B, il contourna l'écurie, toujao'^ chargé par son antagoniste, et tomba au milieu des médecins qui étale"' cachés, avons-nous dit, par le pignon C.

Uncorpsà corps se produisit, au cours duquel M. Meyer fut accusé d'avoi' paré avec la main gauche.

Les docteurs arrélèreot le corps à corps, qui se passa hors de la vue des témoins masqués par le pignon.

Lorsqu'il s'agit de témoigner s'il y avait eu en réalité préhension de l'ép^ enaemle, ou parade de la main gauche, il en résulta que les témoins "^

APPENDICE. 48i

furent pas d'accord. Les uns n'avaient rien yu» un antre croyait s'être aperçu de gestes, mais n'osait l'assurer.

M. Duruy, qui avait tourné le pignon le premier, fut seul affirmatif.

Toutes choses qui n'auraient pu se présenter avec un terrain convenable» choisi d'avance, et un champ délimité en largeur comme en longueur.

N* 70.

A la suite d'une discussion d'intérêt, un duel eut lieu, le 46 mai 4860, dans un atelier de peinture de la rue Pigalle.

Un des combattants attaqua avec une vigueur surprenante. Son épée 8*arréta sur la bretelle de son adversaire, qu'on crut percé de part en part, mais qui ne fut pas blessé et qui riposta par un coup à la gorge de son parte- naire.

On voit que la négligence des témoins, qui lui laissera nt conserver des bretelles, changea le dénouement du combat.

est le danger réel d'un oubli ou d'une tolérance qui n'offriraient pas grand inconvénient s'ils n'avaient pas d'autres résultats que de diminuer le péril de la rencontre. Colombey [Histoire anecdolique du duel)»

N"" 71. AfiEBtire OUivier-Feuilherade; Gaz. irih,, 4 août 1876, avec renvoi aux n** 36, 66^ 75, 79 de l'appendicei

A la troisième reprise, Ollivier se fendit avec une extrême impétuosité, en attaquant sans se couvrir. Il s'enferra et mourut sur le coup.

Il fut transporté à Longwy pour y être embaumé.

Les médecins constatèrent que tout le côté droit de son abdomen était protégé par une ceinture munie d'un bandage d'environ 25 centimètres, flexible, susceptible d'arrêter un coup d'épée, et ne ressemblant pas au clas- sique bandage herniaire.

Us ne trouvèrent aucune trace d'infirmité justifiant cet appareil.

Grâce à cette cuirasse d'un nouveau genre, Ollivier, rassuré sur ses œuvres basses^ bien couvert dans les lignes du dessus, était à peu près tranquille pour sa peau. Une trop grande témérité le perdit.

Quelle confiance dans l'incurie des témoins ne lui était-elle pas nécessaire pour lui foire affronter le danger d'une visite, qui, si elle avait eu lieu, l'aurait perdu d'honneur !

Quelle incurie réelle en définitive, puisque la ceinture servit onze fois, à un très petit intervalle» sans exciter leur méfiance, et bien qu'à plusieurs reprises les adversaires eussent touché Ollivier sans occasionner de blessure !

L'exemple est devenu justement classique.

SIXIÈME PARTIE.

72. AfTaire Haquet-MonvleUe.

Gaz. Irili. Police correctionnelU, Grenoble, 11 août 4687, a attx n"* Î8, 60, 65, 96 de l'appendice.

Les témoins do M. Naquet demandèrent qu'il fùl interdit aux combattants de rompre pendant le duel de plus de troJa pas. Les témoins de M. Uonrielle repoussèrent ajuste titre cette condition.

73. Affaire Chapuis, lieutenant au 110° de ligne, et Deckeirel.

Gax. tTii., 30 el 3< mai 188!), Assises du !ford, avec renvoi aun°51 de l'appendice.

Motifs de la rencontre : discussion dans un café. Duel i. l'épée. M. Chapaia est tué.

Extrait du procès-verbal rédigé après la rencontre : a A. la reprise, H. Cba- puis 30 porta rapidemftal en avant, et les deux adversaires se trouvèrent do suite engagés de très près.

' « La main gauche de H. Deckeirel s'abattit et fit dévier l'épée de son adver- saire.

« M. Chapuis reçut, à ce moment, un coup d'épée qui lui traversa la poitrine.

a 11 n'a pas été possible aux témoins de voir si l'épëe de M. CbapuJs avait été seulement écariée, ou si elle avait éié saisie.

iiToulefois, il a été constaté après le combat par la docteur que M. Deckeirsl était atteint àl'indei de la main gauche d'une blessure d'environ un centimètre de longueur, paraissant provenir d'une arme tranchante, etc. >

Une consultation fut demandée à M, Anatole de la Forgo sur la légalité ou l'illégalité de la parade de la main gauche.

Il répondit: o J'ai été pendant de longues années pris comme arbitre avec le marquis du Hallay. Jamais ni lui ni moi n'avons permis la parade delà main gauche. Voyez-eo le danger dans l'affaire que vous allez discuter. Vous avez i interroger les quatre témoins du duel, qui ne sont pas d'accord sur ce qui s'est passé pendant le combat qui avait lieu sous leurs yeux, et qui ne peuvent dire s'il y a eu parade ou préhension...

La conclusion à Urer de ce duel est la nécessité d'interdire touleparade de la main qui ne manie pas l'épée. Si elle était permise, il pourrait arriver, eu effet, qu'instinctivement, et sans s'en rendre compte, un homme, au lieu

APPENDICE. Isa

de parer simplemeDt comme il aurait été permis, saisirait Tarme de son adver- saire» et rendrait le combat impossible et déloysd K »

74. Affaire Darzens-Moréas.

Le Temps, 22 mai 4888^ avec renvoi aunf* A03de V appendice.

Les témoins de M. Darzens prétendirent qu*ils avaient proposé d^nsérer au procès-verbal la défense de se servir de la main gauche, mais que les man- dataires de M. Moréas s'y étaient opposés dans un but de courtoisie.

Ils ne devaient pas souscrire à cette fin de non-recevoir. La courtoisie n'a rien à voir en pareil cas.

Pour l'intelligence de cette affaire, nous croyons utile de reproduire le procès- verbal publié après la rencontre :

ce A la suite d'une altercation survenue entre MM. Jean Moréas et Rodolphe Darzens, une rencontre à Tépée eut lieu aux environs de Paris. M. Moréas, au moment son épée venait de traverser la chemise de son adversaire, pour aller effleurer son bras gauche, s'est servi de sa main gauche pour éviter une riposte simultanée de M. Darzens. Le combat a été arrêté sur la demande expresse des témoins, d

Nous croyons avec M. Tavernier, page 200, que puisque dans cette affaire la parade n'a été suivie d'aucun coup porté, il y a eu irrégularité et faute, mais non félonie ; que, par conséquent, M. Moréas pouvait ôtre blâmé, mais non récusé.

Les témoins de M. Moréas devaient le soutenir énergiquement dans les discussions qui procédèrent de cette affaire, et, en cas de désaccord, soumettre la question de disqualification à un jury d'honneur.

N"» 75. Affaire Ollivier-Feuilherade.

Voyez GazArih,^ 4 août 4876, avec renvoi aux n* 36, 66, 74, 79

de Pappendice»

Dans ce duel, le procès-verbal fut muet sur la question des repos et sur celle des reprises.

L'interrogatoire des témoins va nous montrer à quoi on en arrive avec la tolérance que nous combattons.

Aux premières passes, Ollivier avait fait une telle dépense de force qu'il fut bientôt à bout.

Il fit un signe, et un de ses témoins, M. C***, ordonna le repos, auquel ceux de M. Feuilherade consentirent.

1. Voyez également aflaire Dramont-Meyer. Police correctionDelle, Paris, Gazette des Tribunaux, 27 Juin 1886, et n^* 59, 6i, 69, 77 de l'appendice ; Naquet-Monvielle. Police correctionnelle, Grenoble, 11 août 1887, etn»* 28,51,60, 65,72 de Tappendice.

su SIXIÈME PABTIB.

D«nD( ta Conr d*a9siM8, la qnettim de saroir s'Û CoanMÏt «fvrMflr la Imia qnand un des «dveraaJre* était latigné Tst posée.

IntMTOgé par le président, un des ténoisa de M. Feoiliende rêpondil : Cm! ime ijoesiion de loyauté de la pari de l'advenaire qni Le demande. Noua élioD$ cooTaiucoâ de celle d'Oltiiier.

Ce deroier était cuirassé, et la fiiligue qa'tl duait r«SMBtir venait ce que, conEïaat dans la ceinture qui lui prot^eait une partie du corp*, il s'était précipité sur wo adtereaite avec ucte aveu^e Impétaosité. La coDfiance lëmoias de H. Fenilberade était, comme oa le voit, ûngnliérement placée.

N" 76. Affaire Pons-San-Malato.

5 mai 1881.

Motif du duel ; altercaliOD dans un assaut. Bencontrc h l'épée au VéeU net. H. Saa-Knblo (ut blessé à la main, puis au poignet.

Après avoir acculé sod adversaire au mur du parc, H. Pons se vit dépouilier du bénéfice d'une habile stratégie, par le Tait de ses témoins, qui conseaiireot t rendre le champ. Celle concessïoa était d'autant plus iniempestire que H. Pona, mal guéri d'une chuta grave, avait à lutter contre un homme pour qui la EOuplease, l'agititc, la furia étaient la base d'un jeu redoutable-.

Neutraliser celte fougue par uoe tactique radicalemcut opposée, et Boir par acculer son adversaire, tel avait été l'objectif du maître.

La concession du cliamp remit tout en question.

Pour l'analyso détaillée du combat, voyez Tavemier, page (57.

N* 77. Affaire Drumont-Meyer. Gaz. trib., il juin 4886, auec renvoi aux 69, 6i, G9, 101 de Vappendice

Le compte rendu du procès-verbal auquel donna lieu ce duel constitue le meilleur argument en Tavcur de notre opiaioD.

Il fut convenu que le combat ne serait arrêté sous aucun prétexte, même en cas de corps à c/trps... A la première reprise, H. Drumont attaqua avec fougue, M. Meyer rompit...

A ce moment so produisit un terrible corps à corps. Les adversaires étaient poitrine contre poilrine, l'épée basse. L'un dos témoins a dit qu'ils se man- geaient le nez.

A la seconde reprise, un deuxième corps à corps aussi intime que le premier eut lieu... Ce fut un clioc extraordinaire, oii les combattants se livraient aux mouvements les plus désordonnés, chercliant à se frapper de haut en bas. C'est alors que M, Meyer blessa M, Drumont. La main gauche du premier s'abatlit sur l'épée do son adversaire pendant qu'il le lardait entre les jambes.

Les lémoins furent non seulement incapables d'ompécher cotte faute, mais encore de la constater authentiquement. Nous l'avons déjà vu n' 69.

APl>ENDICE. 485

Lorsque le président leur posa la question : f Avez-vdns vu Mèyer saisir l'épëe de Dnimont à la fin de deuxième reprise? » Deux répondirent : f Nous n'avons rien vu I » Le troisième n'osa pas l'assurer. Un seul l'affirma.

Aussi le tribunal, dans sa décision en date du 3 juillet 4886, après avoir blâmé énergiquement la permission du corps à corps, excusa-t-il dans une large mesure la violation des règles du duel qui se produisit sous la forme de parade de la main gauche, parce que cette incorrection avait eu lieu dans une lutte acharnée les combattants ne pouvaient guère être responsables d'un mouvement instinctif de conservation.

N^ 78. Procès-verbal de rencontre entre MM. Pierre

Bonaparte et

Gaz, Irib.^ 25 novetnbre 4849.

Motif de la querelle : discussion politique, t II avait été convenu entre les témoins que le duel commencerait au salû'e et continuerait à Tépée, après la première blessure reçue. -

« M. Bonaparte, ayant attaqué, a été arrêté par un coup de pointe qui l'a blessé à la poitrine et au poignet; mais au môme instant le sabre de M. de Rovigo est tombé, et, sur le cri des témoins, M. Bonaparte, l'arme levée, s'est arrêté en effet.

« Les blessures de M. Bonaparte n'ayant pas paru à ses témoins assez graves pour que le duel cessât, ils ont proposé de continuer le combat au sabre, en se fondant sur ce que la circonstance du désarmement devait forcé- ment modifier les conditions premières. Les témoins de M. de Rovigo, s'en rapportant exclusivement aux conditions premières, ont soutenu que le combat devait avoir lieu à l'épée. Pour prendre un moyen terme, les témoms de H. Bonaparte ont proposé le combat au pistolet. Ceux de M. de Rovigo ont encore refusé. »

Les témoins de M. Pierre Bonaparte n'avaient pas le droit de récuser l'épée, puisqu'une blessure avait été reçue. Ceux de M. de Rovigo avaient cent fois raison de s'en tenir aux conventions du procès-verbal, le désarme- ment étant sans influence sur leur exécution. Bien plus, M. Pierre Bonaparte était blâmable de n'avoir pas immédiatement cessé la lutte et d'avoir attendu pour s'arrêter l'intervention des témoins*

N"" 79. Affiedre Ollivier-Feuilherade.

Assises Seine, Gaz. trib., 4 août 4 876, avec renvoi aux n"»* 36, 66, 74 , 75

de Vappendice.

m

On découvrit au cours ^u procès que» dans une rencontre précédente, de Fontenay, adversaire d'OlIivier, l'ayant touché, eut son épée faussée»

t - -

U6 SIXIÈME PARTIE.

comme si elle avait frappé un corps dur, et que M. C*", témoin d'OlUïier, se coQtenla de redreasor la lame; après quoi !e duel recommença, saos que les tâmoÎDs adrersca songeassent h vériâer la cause de ce raosscmenl d'épée, vcrificalion qui aurait fait découvrir la cuirasse dont OUiTÎer se rovôlail les jours de rencontre.

N" 80. Affaire Betz-Pierotti.

Aitise» Bouches-du-Rh6ne. Gaz. trOt., 16, 17 et 4S décembre IS89, avec renvoi aux n°> 37, 63 de l'appendice.

Extrait de l'acte d'accusation : < Les conditions suivantes furent établies: l'arme serait l'épée de combat, avec gant de ville à volonté. Chaqac reprise ne pouvait excéder deui minutes. A la première blessure, le combat devait cesser. Si après deuï reprises il n'y avait aucun résultat, le combat serait arrêté.

0 Sur le terrain, i! avait été secrètement entendu avec los témoins que chaque reprise ne durerait qu'une minuta au lieu de deux.

B A la première passe, et après trente secondes de combat, Pierotli fui atteint au croux de l'estomac par l'épée de son adversaire et mourut sur te

1 L'autopsie a démODtré que Pierotli, avant de recevoir le coup mortel, avait été blessé deux fois, à la partie supérieure de la région inîeroe du bras droit. ■>

Ces blessures étaient, il est vrai, sans gravité; mais comme les motifs du duel c'taient très futiles, los quelques gouttes de sang répandues auraient pu sauver la vie à M. Pierotli, et à SI, Belz les deux années do prison auxquelles le jury le condamna*.

81. Affaire Mermeix, député boulangiste; de Labniyère, journaliste.

Le mtionat, 9,10,11 ieplembre 1890, avec renvoi au n" 97, 100 de l'appendice.

Une rencontre eu lieu le 7 septembre, entre MM. Hermeii et de Labniyère, à propos de la publication des Coulisses du boulangisme.

Au premier engagement, est-il dit dans le procès-verbal, M. Mayer-Levy, témoin de M. Mermeix, s'étant écrié : « M. de Labruyëre est loucliél » M. Maxime Dreyfus, directeur du combat, a arrêté immédiatement le duel,

1. Voye! aussi : Crim. cais., affaire Servant-Lavarile, 4 janvier 18i5j affaire Gtoïis Hugues-Deamcs, tMiseï des Bouches-du-Rlifine, Gasettt du Tribunaux, 82-23 révriarlSTS et n* Si de l'appendice; alTaire Dichard-de Hatial, GauU» <Ut TribUMaux. 3S « S7 décambM 1882, et n- 32, 65, 67 de l'appendice. ;

APPENDICE. «7

« M. de Labruyère, se dégardant à riojonction de M. Dreyfas,a élé touché au môme instant à la partie interne du médius, etc., etc. »

M. de Labruyère soutint (ce qui fut du reste nié par M. Mermeix} qu'il avait fiché son épée en terre lorsqu'il reçut cette blessure.

Si, au lieu d'agir ainsi, il avait rompu vivement, l'épée en ligne et bien en garde, il aurait évité le coup.

82. Affaire Coste-Benolt. Gaz. trib.j 3 août 4832.

Motif d'ordre privé. Duel au pistolet. Conditions : distance, cinquante pas; faculté d'avancer chacun de quinze pas. Arrivé à la limite, M. Benoit invite M. Coste à tirer. Celui-ci s'y étant refusé, il se produisit un combat de géné- rosité qui menaçait de s'éterniser. Les témoins convinrent que deux balles seraient échangées au signal. M. Benoit fut tué.

N"" 83. Affaire Mazard-de Montbron.

Assises Haute-Vienne, Gaz. trib., 4*' et 2 septembre 4849.

Motif de la rencontre : discussion politique. Duel au pistolet à tir successif. M. Mazard fut blessé.

Extrait de l'acte d'accusation : « M. de Montbron, après avoir essuyé le feu de son adversaire, l'ajusta pendant le temps que l'on met au tir pour viser un objet quelconque.

< A ce moment, un des témoins de M. Mazard s'écria : f Mais tirez donci a tirez donc I d M. de Montbron tira. M. Mazard tomba. Le môme témoin s'écria: a Monsieur de Montbron, vous avez visé bien longtemps. »

Et pourtant il n'avait mis que quelques secondes pour tirer.

N"» 84. Affaire Reinach-Déroulède.

Si octobre (890,

Motif de la rencontre : discussion politique à la suite des événements boulangistés. Duel au pistolet au commandement.

« Procès-verbal après la rencontre.

« Les deux adversaires au commandement donné ont tiré en même temps. La balle de M. Reinach n'a pas atteint M. Déroulède. Le pistolet de M. Dérou- lède n'est pas parti. Les témoins de M. Reinach ont alors proposé à M. Dérou- lède de recommencer le coup. M. Déroulède a décliné cette proposition. Les témoins se sont rangés de son avis, etc. »

Us agirent correctement».

SIXIÈME PARTIE.

Parmi les Boires le rechargemenl n'a pas ou Heu. citons, oulre l'afTaire précédeDle, l'aiTaire ChacnbellaD-BDucbSTdOD, Gaz. Irib., assises Lyon, mars 4Mî6.

Parmi celles le rechargeroeot a eu lieu : affaire de La Brun«rie-de Romans, idem, il aoùMSil;

Ferrer- Abiet, assises Gironde, S mai 1S3S:

Hszaril-de MonlbroD, assises de la Haute-Vienne, ibidem, {«octobre 1849.

Jf 86. Aifiûre Déroulède-Lagu^re. i3 Hovemlire 1890.

Moiifa de la rencontre : polémique à la suite des événements boulan- gislcs. La reoconlre devait avoir lieu su commandement.

Il avait été convenu que si les deux premières balles n'avaient pas produit de résultat, deux nouvelles seraient échangées.

Au signal, M. Laguerre tira sur M. Déroulède, qui tira en l'air. Deux seconds pistolets ayant été remis aux adversaires, H. Laguerre visa de nou- veau M. DéroulËde, qui celle Tois encore lira en l'air.

La ceoduile des adversaires Tut très diversement appréciée.

M. Déroulède avail'il le droit de tirer en l'air? M. Laguerre avait-il le droit de tirer sur H. Déroulède après que celui-ci eut tiré sa première balle en l'air?

Voyez les avis de AIM. de Casfagnac, Arène, Dreyfus, Dugué de La Fauconnerie, Carie des Perrières, R. Mitcbell, Ranc, Lockroy, Gasti ne- Reinette dans les numéros de la Presse, de VÈclair, de l'Événement des16 et 17 no- vembre 1 8d0.

N" 87. AfîEaire Mira-Dovalle. Gaz. Irib., %7 octobre 1830.

Le molir du duel Tut on article de Dovalle que Hira considéra comme iuju- rieui.

Arrivé sur le terrain, Slira sortit de sa poche la déclaration qu'il demau- dait. Elle lui Tut refusée. Dovalle, favorisé par le sort, tirale premier et manqua. Le même accident arriva à Mira.

Les témoins pensaient que l'affaire était terminée, mais Hira réclama de nouveau une rétractation qui lui fut encore refusée.

APPENDICE. 489

Il s'écria alors : a Eh bien, il n'y a plus que quatre balles I Continuons! Si elles ne suffisent pas, j'en apporterai vingt, et nous tirerons jusqu'à ce que j'aie obtenu satisfaction- >

Le nombre de balles à tirer n'avait pas été convenu. Au lieu d'en profiter pour terminer l'affaire après l'échange des premiers coups de feu, les témoins cédèrent.

Dovalle fut tué.

N'' 88. Affaire Dig'arrieivde Beauvallon.

Gaz. trib., 27-31 marsj 4 avril, 24 novembre, % décembre 4846, avec renvoi aux n~ 56, 94, 402 de Vappendice*

A la suite d'une querelle futile, entre Dujarrier, directeur de la Presse^ et de Beauvallon, directeur du Globe, une rencontre fut décidée. Les conditions du duel furent que les combattants, placés à trente pas, pourraient avancer chacun de cinq. La question de savoir par qui les armes seraient fournies fut laissée an hasard ; mais il fut stipulé qu'elles devaient être absolument incon- nues des adversaires.

Le sort s'élant dc'claré pour de Beauvallon, dTcquevilley, son témoin, présenta des pistolets d'arçon et des pistolets de précision. Les pistolets d'arçon furent rejetés conrme étant la propriété de d'Ecquevilley.

Celui-ci ayant remis alors à l'examen des témoins la paire de pistolets de précision, M. Bertrand, témoin de Dujarrier, introduisit un doigt dans le canon, et le retira noirci jusqu'à la naissance de l'opgle. Il manifesta la crainte que ces pistolets n'eussent été essayés. Mais d'Ecquevilley le rassura, en lui disant qu'il n'avait fait que les flamber. Il jura, d'ailleurs, sur l'honneur, que de Beauvallon ne connaissait pas les armes dont il allait se servir.

L'explication et le serment furent acceptés. Dujarrier manqua son anta- goniste et reçut de Beauvallon une balle qui le tua.

Le 26 mars 4846, de Beauvallon et les témoins passèrent en cour d'assises. De Beauvallon et d'Ecquevilley jurèrent que les pistolets apportés par ce dernier étaient bien réellement inconnus.

Tout le monde lut acquitté.

Mais un M. de Meynard déclara ensuite avoir assisté dans le jardin de d'Ecquevilley, le matin du duel, à l'essai des pistolets.

Sur une plainte du tuteur des enfants de la victime, d'Ecquevilley fut renvoyé devant la Cour d'assises de la Seine sous l'accusation de faux témoi- gnage en matière criminelle ; de Beauvallon comme témoin à sa requête.

De Meynard raconta que, la veille du duel, de Beauvallon vint le prier de venir s'exercer au tir le lendemain, à six heures et demie ; qu'ils allèrent à Chaillot, et que de Beauvallon tira, en effet, une dizaine de coups sur le mur dn jardin, avec deux paires, une d'arçon et une de précision, en lui indiquant la provenance de cette dernière. Ce fut lui, de Meynard, qui traça avec un caillou une ligne sur la muraille du fond. Cette ligne servit de point de mire.

iSO SIXIÈME PARTIE.

A la suite d'un verdict afSrmatlf sur toules les qaesltons, do Beauvalion tai coodamoé à hait ans et d'Bcf^aevilloy à dii ans de réclusion.

11 est impossible de rencontrer ua exemple pins frappant des conséquences nuisibles que peut avoir la stipulation contre laquelle nous venons de nous élever.

Les téa]oinsc«nvinroDt queles armas seraient inconnues des adversaires. C'était une oicallenle intention, mais ils ne comprirent paj qu'en taiisaot i chacun le droit d'apportsr des pistolets, on s'exposait k un résultat diamétra- lement opposé.

Quel moyeu de centrée leur restailT Les intéressés ne ponvaienl-ils pu les tromper impunémentT Ne pouvaient-ils apporter des armes non seulement conaaej, mais souEnisejà toites tes manceivroi déloyales dont nous avons parlé chapitre xliii, et jurer que la condition était strictement observée?

De B3auv3llon et d'Ecquevillay n'y manquèrent pas. Leur déloyauté serait demeurée impunie, s'il* n'avaient pas admis un tiers à l'essai das armes, par une imprudence qne la lecture des débats ne nous a pas eïpliquée, et s'étaient livrés seuls h l'expérience.

Ne d Ht-oQ pas s'étonner aussi de l'incoQséquaace des témoins adverses, qui n'arrêtèrent pas l'alTaire, en présence de la quasi-;:ertitude que leï pisto- lets d'arçon étaient conaus de Biauvallon et de l'épisode du djigis noirciT

Non; y puisoas un nouvel argument en faveur da la nécessité de pré- senter les armes avant la rédaction du procès- verbal, et da les sceller dans une boite, dont l'ouverture n'est faite que sur le terrain.

89. Affitlra Le M"-de M™.

AssiKS Marne. Gaz. Irib., 8( aoàl <833, avec renvoi au n' 53 de l'appendice.

DeR***, témoinde M***, emprunta chez un vétérinaire des pistolets d'iné- gale bonté.

Il les donna h un armurier, pour les remettre en état, et lui recomma nda de marquer d'un signe la meilleure arme. Oo colla surlacrosse un papier bleu.

Le droit de choisir, tiré au son, échut à de U***; de R*** lui remit l'arme marquée.

Les généraux Pajol et Excelmans, consultés sur la loyauté ou la déloyauté de cet acte, répondirent : < Il est évident qu'une partie qui connaît seule l'inégalité des armes, et peut seule distinguer la meilleure, ne peut sios déloyauté user du privilège de choisir que lui donne le sort. C'est se réserver un privilège qui rompt l'égalité, première loi du duel. £nQn, ce n'eat jamais aux témoins à exercer ce choix, mais bien au combattant que le sort favorise- Il y a donc, dans les faits rapportés plus haut, violation manifeste des lois du duel. 1

APPENDICE. 4^1

IT 90. AflEBdres Bonnet-d'Omano ; Laisant-de La Rochette.

Dans an duel au pistolet à tir successif qui eut lieu pendant les Cent- Jours, le général Bonnet ne dut la vie qu'à une pièce de cinq francs sur laquelle s'amortit la balle.

Il riposta, et le général d*Ornano reçut une balle dans la cuisse, dont il pensa mourir.

Même incident se produisit dans le duel entre M. Laisant et M. de La Rochette, rapporté par M. Tavernier, page 217. M. Laisant reçut une balle qui fut amortie par un gros pardessus d'hiver qu'il avait conservé. Il riposta et blessa grièvement M. de La Rochette.

Ces deux exemples montrent l'importance de la visite et la faute com- mise par les témoins qui la négligent, ou qui tolèrent un objet ou un yètement capable d'arrêter la balle.

Nous le répétons encore : si l'objet conservé n'avait pour résultat que de servir de bouclier et d'éviter un dénouement tragique, le mal ne serait pas bien grand, mais il peut être cause d'une riposte mortelle pour un homme qui sans cela n'aurait couru aucun danger. est l'iajustice et la violation des règles du duel.

N"" 91. Afbire Layasseur-Arrighi.

Assises BauchesHiW'Rhâne. ^Gaz. Irib,, 44, 45 mars 4842, avec renvoi au n9 35 de l'appendice.

Rappelons que la rencontre était au pistolet, à tir successif à dix pas.

Déposition de M. Casabianca, témoin d^Arrighi.

c Le commandant, atteint par le feu du général Levasseur, resta un instant debout, puis tomba en vomissant des flots de sang. Dans l'intervalle du coup à sa chute je lui présentai le second pistolet, en lui disant : « A votre tour, c tirez, commandantl » Il fit un léger mouvement conama pour le prendre, mais ne put en venir à bout. »

On voit que le général avait tiré sur un adversaire dont le pistolet était resté entre les mains des témoins, et qui était, par conséquent, privé, d'une légère chance de salut.

SIXIÈME PARTIE.

N" 92. Affaire de T***, député des Bouches-du-Rh&ne, et P^.

Juin 4839. Colombey, Histoire anecdolique du dueL

La primaulê dutiréchuCàM.deT***. Tandis que les témoins rhargeaient, H. P*** gourmaDdait leur lenteur el montrait une impatience fébrile. A peine les armes remises entre les mains des combattants, il pressa M. de T*** de tirer, sans attendre le signal. M. de T*" obéit et le tua.

11 Tut b'âmé b juste titre.

En obtempérant à l'injonction de son adversaire, il commit une fonte noa entachée de déloyauté, puisqu'il ne viola pas l'ordre établi, mais certainement contraire aux règles du duel.

N" 93 Affaire Dr^rfiis-de Mores. Voyez journal l'Escrime française, 3 février ) 8)

Dans l'affaire que nous rapportons. le duel eut lieu au commandement, mais il peut servir d'exemple pour tous les duels au pistolet.

U. Dreyfus tira entre feu el un; il replia aussitôt le bras dans la position classique de l'aitente en pareil cas. Bien lui en prit, car M. de Mores ayant tiré au commandement deux, la balle viot frapper son adversaire dans la partie supérieure de l'avant-bras, elle resta onfoucée.

Si M. Dreyfus n'avait pas pris l'attitude que nous recommandons, il esl évident que lit balle lui aurait causé une blessure sinon mortelle, du moins beaucoup plus grave.

N" 94. Affaire Diyarrier-de Beauvallon.

Gaz. trilt.il-3\ mars, 1" ni'cii, 21 novembre, ^décembre i&i6, avec renvoi aun"' o6, 88, 102 de l'appendice.

D'apiès les conditions, les combatlants, placés à trente pas, en pouvaient faire cinq avant de tirer. Un coup tiré appelait l'autre à l'instant même.

Le signal une fois donné, Dujamor tira aussitôt, et manqua son adver- saire. De Beauvallon releva lestement soa arme, et ajusia longtemps. ' Hais tirez donci Sacré n... de Dl... » lui cria un dos témoins, traduisant par cette imprécation l'anxiété des assislants. Lo coup partit: Dujarrier tombafrappé aa ! front.

Accusé d'avoir visé trop longtemps, il prétendit être resté dans les termes j de la convention, puisqu'il avait mis en joue immédiatement après le coup de | feu tiré sur lui, et n'avait pas visé plus de temps qu'on en met au tir. 1

. APPENDICE. «93

N"" 95. AfEàire Ritter-Appleton.

Assises Mayenne. Gaz', trib. 2 e( 3 avril 4873, avec renvoi aux n«* 6, 34

de l'appendice.

Le dael eat lieu aa pistolet, au signal.

Extrait de l'acte d'accusation : c Au signal donné, le pistolet de M. Ritter rata ; celui de M. Appleton fit feu au troisième coup, et la balle effleura le premier sans le blesser. Oq remarqua qu^après avoir vu rater son pistolet, M. Ritter ne l'avait pas relevé immédiatement, et avait continué à tenir son adversaire en joue. »

Si le pistolet avait fait long feu, ce retard aurait pu donner lieu à des commentaires fâcheux pour M. Ritter, bien qu'il ne fût en réalité coupable d'aucune déloyauté.

N<> 96. A£Eàire Naquet-^Monvielle. Gaz. Trib. 4 4 août 4 887, avec renvoi aux n^ 28, 54 , 60, 66, 72 de l'appendice.

Procès-verbal après la rencontre : a A la suite d'une polémique engagée entre M. Monvielle, rédacteur eu chef du Réveil du Dauphiné^ et M. Naquet, rédacteur en chef du Petit Dauphinois^ une rencontre a été jugée inévitable par les témoins des deux parties. M. Monvielle, offensé, avait choisi l'épée de combat. Sur la demande de M. Naquet, le combat ne devait cesser que sur une blessure assez grave pour mettre l'un des adversaires dans l'impossibi- lité de continuer.

c A la troisième reprise, M. Naquet, ayant saisi de la main gauche l'épée de son adversaire, l'a maintenue assez longtemps pour lui permettre de blesser M* Monvielle, ainsi mis sans défense, au tiers interne de Taine gauche. En maintenant l'arme de M. Monvielle, il s'est blessé lui-môme à la main gauche,

c Cet acte inqualifiable, et contraire à toutes le3 règles de l'honneur, a été blâmé avec la plus grande énergie par les quatre témoins.

ff Un médecin assistait à la rencontre. Un mattre d'armes dirigeait le combat.

« Signé : »...

La lecture de ce document suffît pour montrer que, dans une autre affaire, la question préalable aurait pu être invoquée contre M. Naquet, en vertu d'un procès-verbal aussi explicite, sans que la réunion d'un jury d'honneur fût nécessaire, et quand bien môme les témoins ne se seraient pas entendus pour ajouter le paragraphe ils apprécient sa conduite.

r.

SIXIÈME PARTIE.

N" 97. ASalre Mermeix-de Labruyère-Castelin- Pelletier-Millevoye.

Voyez le National, n" des 9, 10, 1) septembre 1890, et Ions le$ journaux de Paris de celle époque, avec renvoi aux n" 81 e[100 de l'appel*- dice.

À ia suite de la publication des Cûi4lisses du boulangisme, M. Hermeii demanda réparation à quatre pertonnes à U fois :

A M. de Labruyère, journaliste;

A M. CaBtelin. député;

A M. LepellelJer, journaiisto;

A M. Millevoye, député.

La première affaire fut rég:ée le 7 septembre.

Le procès- verbal après la rencontie contenait lesphrases soi vantes : u Au pre- mier engagement, qui a duré en\iron quarante secondes, M. Meyer-Lévy. lémoin de H. Mermeii, s'étant écrié : M. de Labruyère est touchél c M. Dreyfus a arrêté immédiatement le duel. M. de Labruyère, se dégardaut à l'injonclion de M. Dreyfus, a été touché au même insiant à la partie interne du médius.

« Il a été coDsiaté par tous les témoins que AL de Labruyère n'avait été auparavant atteint en aucune façon, a

La deuiième affaire h régler Était celle de U. Castelin.

Les témoios de ce dernier adressèrent le S septembre, i leur client, une lettre dans laquelle ils lui déclaraient qu'ils s'élaieot présealés cbez H, de La- bruyère, aQn d'être renseignés sur la nature des faits qui avaient donné lien a la rédaction du procès-verbal ci-dessus relaté, et que M. de Labruyère leur avait fait la réponse suivante : t Sur l'honneur, j'aflirme que M, Uerraeiz a mis à proBl pour me frapper le moment le combat était suspendu, sur l'ordre de M. Dreyfus, et j'avais rassemblé en arrière et Qché mon épée en terre. ••

Ils terminaient celto lettre en annonçant à M, Castelin qu'en présence des accusations formelles do M. de Labruyère, ils considéraient la rencontre comme impossible avec M. Mcrmeix, et l'avaient déclaré aux témoins de ce dernier.

Le même jour, les témoins de U. M«rmeix lui adressèrent une lettre ils protestaient contre le récit do M. de Labruyère :

i Lorsque M, de Labruyère, lui écrivaient-ils, reçut voire coup d'épée, vous étifz engagé dans une attaque très vive. Le coup a été lancé avant que le corn mandement o Halle I > fût prononcé... ei h rînslanl même M. de La- bruyère se dégardait après l'inleipellation de M. Meyer-Lévy... Nous jurons sur no tte honneur que M. de Labruyère a fait imprimer hier le contraire de la vérité; B etc.

A celto lettre, M. Mermeix répondit : « que la contre-vérité publiée par M. de Labruyère n'était qu'un prétexte fourni aux gens sans courage qui l'avaient insulté pour se dérober et refuser réparation i.

APPENDICE. 495

Celte lettre fut suhie d'ane autre de M. Castelin à ses témoins, déclarant approuver leur fin de noD-recevoir; d'une lettre de M. Mermeix à ses témoins, il proclama son mépris pour M. Castelin et ses mandataires, il traita le premier de a bon béta », et l'autre de c rien du tout », « solidaires de la lâ- cheté montrée par leur mandant »; d'une réponse de M. Castelin il reproche à son antagoniste ses délations, ses friponneries et sa lâcheté; d'une lettre de M. Delagneau, témoin de M. Castelin, il accuse Mermeix de détourne- ments et d'abus de confiance, et d'une lettre de M. Duret, autre témoin de M. Castelin, il traite M. Mermeix de « Judas, pis qu'un simple bandit, pis qu'un Cartouche et qu'un Mandrin, et justiciable des seuls balayeurs ».

Ces lettres ayant toutes été rédigées pour être communiquées aux jour- naux et l'ayant été en effet, nous ne croyons pas être désagréable aux per- sonnes citées en les reproduisant comme documents à l'appui^de notre thèse.

La troisième affaire à régler était celle de M. Lepelletier* M. Edmond Lepelletier, mis en cause à £on tour, répondit par une fin de non-recevoir moins crue dans les expressions, mais conçue dans le même £ens.

En présence de cette série de récusations, les témoins de M. Mermeix adressèrent à ceux de M. de Labruyère une lettre, en date du 9 septembre, ils leur demandaient une entrevue pour afSrmer leur procès-verbal, et prendre des dispositions afin de protester en commun contre les allégations de M. de Labruyère qui les atteignaient, eux témoins, bien plus que M. Mermeix, qui était couvert par le procès- verbal signé en commun et leurs déclarations postérieures.

A celte lettre, M. des Houx, témoin de M. de Labruyère, répondit par un refus tiré : l^* de ce que le mandat qui leur avait été confié par M. de La- bruyère était expiré par la signature du procès-verbal ; 2<> de ce que le procès- verbal n'avait besoin ni d'affirmation ni de confirmation, et que son témoi- gnage restait entier en dépit de tous les commentaires.

M. Mermeix proposa alors à M. de Labruyère la réunion d'un jury d'honneur.

M. de Labruyère répondit : « Après votre conduite, je vous considère comme n'étant justiciable que destriburaux de droit commun. »

M. Mermeix écrivit alors une lettre au procureur général, il l'informait du duel^t de tes péripéties, en lui demandant qu'une instruction fût ouverte.

Le ministère public demeura muet.

Restait à régler l'affaire avec M. Millevoye. Les témoins de M. Millevoye déclaièrent que leur client acceptait en principe le cartel de M. Mermeix, mais qu'il voulait qu'un jury d'honneur se prononçât auparavant sur les inci- dents du duel La bruyère. Une blessuregrave, reçue par M. Mermeix dans l'intervalle entre ces pourparlers et la réunion du jury d'honneur, arrêta l'affaire, qui n'eut pas de suite.

Si nous nous plaçons au point de vue théorique, le seul qui nous occupe, M. Millevoye nous parait avoir agi avec une indiscutable correction.

Faut-il porter le même jugement sur les polémiques et les fins de non- recevoir que nous rencontrons dans les affaires précédentes? C'est ce que nous ne nous permetterons pas de décider, car nous ignorons tous les dessous susceptibles de les expliquer, et ne pouvons les juger que d'après des docu- ments ofiiciels, et, partant, peu explicites*

r

«96 SIXIÈME PARTIE.

Il nous semblo cependant que les lémoias du duel M, de Labrnyëre fut blessé, auraient rédiger le procès-verbal de maniérée ae laisser planer fiucua doute sur la nature de l'infraction et les circonstances qui l'avaient accompagnée -

Lo coup qui a blessé M. de Labruyère a-t-il été porté après que ce der- nier eût rassemblé en arrière et fiché son épée en terre T

Le commandement : « Arrêtez 1 d de M. Dreyfus a-l-il, au contraire, été concomitant avec la botte de M. HermeixT C'est co qu'il fallait démontrer. C'est ce qui ne fut pas tranché.

Qu'en résulU-l-il?

Les témoins de M. Uermeix affirmèrent sur l'honneur un tail que lo pro- cès-vorhal laissait indécis.

.M. de Labruyère affirma de son côté sur l'honneur que ce ^l s'était passé d'une manière diamétralement opposée. Les témoins de M. de Labruyère refusèrent de donner dos explications, en s'appiiyjat précisément sur le procès- verbal qui engendrait l'équivoque.

Los doux antagonistes, dont les aSaires devaient se régler ensuite, furent accusés par M. Mormeix de proQter du litige pour esquiver le danger des ren- contres qui les menaçaient.

Au lieu d'échanger les injures que nous avons reproduites, non dans un but de dénigrement à l'adresse de per^uues que nous ne connaissons pas, mais comme un argument réel à l'appui de notre thèse, ne valait-il pas mieux suivre la marche qui vient d'être conseillée ?

N' 98. Affaire Naquet-Monvielle. Gaz. tria., H ootlf ISST, avec renvoi aux n" ii. 60, 63, ^i de l'appendice.

A la suite de l'infraction commise par M. Naquet et de la blessure qui en résulta pour H. Monviello, M. Naquet fut injurié par plusieurs témoins.

Un d'entre em, M. M'*', se laissa même aller jusqu'à le soufili'ter.

Il fut blâmé ajuste titre par le présideat, au cours du procès qui s'en- suivit, car il était sorti complètement de son rôle.

Interrogé sur les mobiles qui l'avaient poussé à cet a;te, il no put en in- voquer d'autres que la colère.

N" 99. Affaire T***-R'^.

Avec renvoi au 108 de l'appendice.

Cn duel mystérieui, dont les acteurs s'efforcèrent, par tous les moyens possibles,decachorle sujet et le résultat, eut lieu à Genève, au mois d'août 1S90, et défraya les commentaires de li presse pendaut quelques jours.

Les journaux d'i a for mations finirent par découvrir et par publier que

APPENDICE. 497

M. T***-R***, substitut près le tribunal de la Seine, avait été l'un des combattants.

M. T***-R*** fut obligé de donner sa démission. S'il avait commis celle infraction à la loi pour laquelle il avait charge de requérir, à une époque la tolérance en matière de duel était moins grande, il n*en aurait pas été quitte à si bon marché.

N*" 100. AfEBire Mermeix-Labruyère. Avec renvoi aux n**8l e^ 97 de l'appendice.

Au lieu d'insérer simplement au procès-verbal que M. Meyer-Lévy, témoin de M. Mermeix, s'étant écrié : « M. de Labruyère est touché! » M. Dreyfus arrêta le combat, et que M de Labruyère^ se dégardant à cette injonction, fut touché au môme instant^ il fallait spécifier quelle était l'attitude de M. de Labruyère au moment il reçut le coup et dans quelles conditions M. Mermeix porta ce coup.

La question offrait un intérêt d'autant plus grand que la version des té- moins de M. Mermeix paraissait attribuer son incorrection à une sorte de fa ta* lité, tandis que celle de M. de Labruyère tendait à lui imprimer un caractère de félonie.

101. Affaire Drumont-Meyer.

Gaz, trib,, tl juin 1886. Tribunal correctionnel de la Seine, avec renvoi

aux n"** 59, 64, 69, 77 de f appendice.

Extrait de l'interrogatoire des témoins :

Lente. « M. D*** a dit tout à l'heure qu'il n'avait pas vu la main de M. Meyer se porter sur l'épée de M. Drumont au premier choc. Youdraifr-il me dire comment il a consenti à l'insérer au procès-verbal ? »

Le TéMOiN. c Messieurs, nous entrons alors dans la partie délicate de l'affaire. Un des témoins» M. Duruy, affirme qu'il a parfaitement vu le mouve. ment. Nous ne pouvions douter de sa parole d'honneur, de son œil exercé, de l'énergie de sa déclaration. Il affirme nettement qu'il a vu.

c Que nous fallait-il de plus ? »

N^ 102. AfCaire Di\jarrier-de Beauvallon.

Gaz. trib,^ 27, 34 mars^^"^ avril, 24 novembre, 2 décembre 4846, avec renvoi atix n^ 56, 88, 94 de V appendice.

Ce fut avec raison que M. de Guise, appelé à déposer comme témoin, devant le juge d'instruction, contre d'Ëcquervilley et de Beauvallon, à propos

32

«M .•ilMtME P,VRT1E.

da duel Dujarrier perdit la vie, répondit à one menace qui lui était faite

ft cause de aa déposition, que, si une provocation lui était adre^éo, il la Iran:^ mettrait âinipleiuent au procureur du roi, pour lu jojudre aui pièces de U pro- céduro.

N> 103. Affoîre Darzena-Moréas.

Voyaz te Tempi, du Si mai 1H88, atiec renvoi au n'

Procès-verbal après la rencontre : « A la suite d'une altercation s entre MM. Jean Mor6as et Rodolphe Darzens, une rencontre à i'épée eut lien dans les environs de Paris.

I M. Moréas, au moment ofl son épée venait do traverser la chemise de son adversaire pour aller eltleurer son bras gauche, s'est servi de sa main gauche pour arri>ter une riposte simultanée de M. Darzens. Le combat a été arrêté sur la demande expresse des témoins. Ont signé, etc. >

Tout le monde semblait d'accord sur le^ faits, et l'incident paraissait clos. lorsque Il'S témoins de M. Moréas publièrent une prolestatton constatant que le coup porté par leur client était antérieur au mouvement qui lai avait fuît saisir I'épée de son adversaire; que le corps à corps allait commencer; que le direc- teur du combat allait commander l'arrêt; quelecoap de M. Darzens ne pouvait atteindre M. Moréas, et que, par le Tait, ce dernier n'avait pu détourner un coup effectir; euQn qu'on avait vu H. Moréas Gclier son épée en terre de la main droite, tandis qu'il saisissait l'épéo de son adversaire de la main gauche.

Les témoins de M. Darzens publit'renl une contre- protestation, dans laquelle ils déclarèrent s'en tenir i la première versioo et repousser l'interprétation don- née après coup.

Les témoins de M. Moréas nous paraissent mal fondés à prolester contre un procès-verbal aussi précis, et rédigé en commun sans aucune réserve. Les témoins de M. Darzens semblent avoir agi dans la plénitude de leur droit en opposant le procès-verbal que nous avons rapporté. Empressons-nous d'ajouter que l'infraction de M. Moréas ne l'cmpécha pas d'être accepté comme adver- sairo peu de temps après, et que depuis il s'est plusieurs fois battu, notam- ment le 1" juin 1888, avec M. Cellarius. rédacteur au Gil Blas; le 8 juin, avec M. Harden-Hickey, rédacteur au TriboiUel; le 7 août 18SS, avec M. Darzens.

M" 104.

Ordre du jour du minisire de la guerre, 11 juin 1835.

Au mépris de toutes les règles de la subordination, un lieutenant-colonel a osé provoquer en duel son supérieur. Un événement aussi fâcheu:(, qui aurait pu porter atteinte à la discipline du corps, méritait une punition prompte

APPENDICE. 499

et sévère. Le ministre de la guerre vient d'ordonner que ce lieutenant-colonel soit traduit devant un conseil de guerre.

Quant au supérieur qui, pouvant se servir de l'autorité dont l'armaient la loi et son grade, a eu la coupable condescendance de répondre à cette provo- cation, il sera puni par la perte de son emploi^ et les témoins officiers du corps, qui ne se sont pas opposés à cette rencontre, garderont les arrêts de rigueur pendant quinze jours.

En portant à la connaissance de l'armée des faits aussi graves que ceux qu'il vient de signaler, le ministre de la guerre veut prouver qu'aucune infrac- tion ne demeurera impunie, et qu'il est déterminé à maintenir l'autorité du grade, qu'il considère comme la base la plus solide de cette discipline, sans laquelle il n'y a pas d'armée possible.

Voyez également séance du conseil de guerre, Gaz. trib,, 8 juillet àHZ^*

N^ 105.

Gaz. trib.y 3 février 4838.

Ordre du jour du ministre de la guerre à l'occasion d'un duel entre un chef d'escadrons et un capitaine, dans lequel ce dernier succomba : c Un chef d'escadrons vient de provoquer un capitaine sous ses ordres. Celui-ci a répondu à la provocation de son supérieur :

c L*ordre du jour porté à la connaissance de l'armée, le 43 juin 4835, par le ministre qui m'a précédé, aurait prévenir tout renouvellement d'une aussi grave infraction aux règles de la discipline. Ce coupable oubli des devoirs du commandement, ce renversement de toute subordination exigeaient une peine sévère.

o Le chef d'escadrons qui a provoqué son inférieur sera mis en retrait d'emploi.

« Le témoin du môme grade sera puni d'un mois de prison»

c Le second témoin subira quinze jours d'arrêt, ainsi que le colonel du régiment qui n'a pas su faire usage de son autorité pour le maintien de la su- bordination. »

106. Tribunal fédéral.

Audience du 27 août 4883. Affaire Lennig.

Par note du 48 juillet 4883, l'État de Bavière, invoquant l'article 4*^, n^ 40, du traité d'extradition conclu, le 24 janvier 4874, entre la Suisse et TEmpire allemand, a requis l'extradition d'Eugène Lennig, étudiant en chimie, de Philadelphie, arrêté à Bàle ensuite d'un mandat décerné le 47 juillet par le juge d'instruction de Wiirzbourg. Lennig est inculpé c d'avoir, avec préméditation, porté en duel des coups et blessures ayant

eOO SIXIEME l'AltTIK.

entraîné la mort, crime pr6vu par les articles S06, 213 et 226 da (knje pénal >.

Arrêt I. Il n'est pas coDlestê et, d'ailleurs, il résnlte dea docamenls produits, que les blessures qui ont donné lieu i la demande d'extradition odI été faims en duel.

D'après l'article 5R de la loi sur l'organisalion judiciaire du 27 juin 187i, l'unique question à résoudre est de savoir si le prévenu est poursuivi i raiion de l'un des crimes ou délits énumérés dans l'article 4" du traité d'eKtrdditioD.

Arrél //. La réponse doit être négative. Le Code pénal allemand (art. 30t etsuiv.), ainsi que la grande majorité des codes suisses, envisage le duel comme un délit sui gcnerii, non assimilable au meurtre ou aux coups ot blessures. Or le duel n'est point spécialement meetionaé dans le traité enire l'AIIomagne et la Suisse, dont l'article I", 10, ne vise que le délit général de coups et blessures, et encore de coups et blessures graves, sua- ceptibies d'entraîner la peine des travaux rorcés. (Art. 2ï4 et suiv. Code pénal allemand.)

Colle omission s'explique par le caractère moins rigoureux des pénalités attachées bu duel, que le Code pénal allemand punit, nnâme dans les cas les plus graves, de l'inleroemont dans une forteresse {custodia honeala).

II importe peu que, dans son mandat du <7 juillet, le juge d'iestruction de Wtii'7.bou[g invoque, non seulement l'article Î06, mai:^ aussiles articles !!3 et tS6 du Code allemand, on se mettant de la sorte eu opposition mani- feste, soit avec le texte de ces dispogilions légales, soit avec la teneur mfme d'un premier mandat lancé le 13 juillet : c'est, en effet, au tribunal de céans, et à lui seul, qu'il uppariieal de recliorcber si le traité en vigueur lui fait un devoir d'accorder l'extradition à raison des faits imputés h Lennig.

107, Affaire du sous-lieutenzmt Wemert. CoiueU de guerre de Toulon, Gaz. irib., »" des 20-î( octobre 1890.

Dans la soirée du Si mai, le souB-lieu tenant Wemert disparut.

On le chercha vainement pendant plusieurs semaines. Sa disparition donna lieu aux commentaires les plus divers jusqu'au 9 octobre, époque à laquelle il se présenta chez son colonel en demandant à être jugé.

Il ût connaître à son chef que son départ était l'épilogue de drames san- glants dans lesquels il avait mortfUement frappé deux hommes. Le jeune oSicier expliqua, sans vouloir d'ailleurs entrer dans aucun détail, qu'une haine de famille l'avait mis dans la nécessité de se battre avec un civil habitant Lyon, et occupant un certain rang dans la société.

La rencontre avait eu lieu la nuit, aux ûambesui, dans le jardin de la maisonnette occupée par l'ofScier. Blessé grièvement d'un coup d'épée au bas- ventre, ce premier adversaire euccombait peu de jours après.

APPENDICE. 501

 quelque temps de là, second duel avec un des témoins de la première rencontre, qui avait accusé le sous-lieutenant de déloyauté. Cette fois encore, l'adversaire de M. Wemert, mortellement frappé, était emporté secrè- tement jusqu'au chemin de fer, et il expirait à Lyon, après quelques jours d*agonie.

C'est alors que, voyant sa.carrière brisée par la perspective d'un procès en cour d'assises, M. Wemert quitta Toulon, et qu'après avoir erré en Suisse, il se réfugia dans sa famille, à Schlestadt, il serait encore, s'il n'avait pas été accusé d'avoir vendu aux Allemands des pièces militaires, accusation à la suite de laquelle il vint se constituer prisonnier.

Traduit devant un conseil de guerre, il fut acquitté à l'unanimité.

108. Affaire T***-R***. Août 4890, avec renvoi au n^ 99 de Vappendice.

Un duel mystérieux défraya pendant quelques jours les commentaires de la presse, non qu'il eût présenté des circonstances extraordinaires, mais parce qu'on murmurait qu'un personnage en vue s'y trouvait mêlé.

Malgré la précaution d'aller se battre à Genève et de ne mettre dans la confidence que le nombre de personnes strictement nécessaire, un journal d'informations finit par découvrir que M, T***-R***, substitut près du tri- banal de la Seine, était l'un des adversaires.

M. T***.R*** dut donner sa démission. Ajoutons qu'au bout de deux ou trois mois, il fut replacé.

N<» 109. Affaire Rochefort-Isaac.

V Intransigeant, rfà 44 mai 4894 .

Motif de la rencontre : article de M. Bochefort, critiquant la conduite de M. le sous-préfet Isaac dans les événements de Fourmies. Nous nous con- tenterons de copier la lettre adressée à M. H. Rocbefort par ses témoins, car elle. résume toute l'affaire, dont les détails ne sauraient trouver place dans le cadre restreint de cet appendice :

a Cher ami,

« 11 avait été convenu que la rencontre arrêtée dans le procès-verbal que nous avons eu l'honneur de vous communiquer Aurait lieu sur le territoire hollandais, dans les environs de Breskens.

« Mais en arrivant à Heyst- sur-Mer, la gendarmerie est intervenue, et un commissaire de police nous a signifié que non seulement il avait reçu l'ordre

, «

t

602 STXltMF. PARTIE.

de s'opposer au duoi projeté, mais qu'il nous accompagnerait jusqu'à la fron- tière, Dii nous alleodraient les autorités bollandaises prévenues par télé- gramme.

a Dans ces conditions, nous avons dil rentrer avec vous i Bruges, escor- tés par la gendarmerie qui, a l'heure mËme nous écrivons, monte eucore la garde devant notre porte.

< Dans une nouvelle entrevue avec les témoin» de M. Issat, nous leor avons déclaré que nous étions a leur disposition, et leur avons demandé de nous indiquer un autre point de la frontière hollandaise oii la rencontre fût possible, le territoire français vous étant formé comme proscrit.

< Ces messieurs ont reconnu que, gardés à vue comme nous é^on?, nous ne pourrions donner suite à nos projets...

« Dès lors, nous n'avions plus qu'à considérer notre mission comme ter- minée, etc. »

A lire également dans le numéro du journal ta Prrtse.ea date du 8 sep- tembre 1890, h propos de l'alTairo Hochetort-Thiébaut, l'article intitulé Avant la rencontre, désopilant récit des tribulations que font .'^ubir aux chrimpions l'acharnemeni des reporters qui se cachent sous leurs lits, montent derrière leurs voitures, ou les escortent, en s'empilant dans des fiacres comme les invités d'une noce qui se rend au Bois.

N" 110. Affaire Marchis-Duchsissin.

f.Vir. Iril'., li diiccmbre 1R76.

A cotte date, on lisait dans la Gazette de Mons : < Hier arrivaient dans noire ville MM. Marchis et Duchassin, le premier maire, le second adjoint de la Cliapelle-Fouclié (Dordogne).

n II parait qu'à la suite d'une discussiou orageuse au Conseil municipal, MM, Marchis et Ducliassin avaient échangé des propos vifs qui avaient déter- miné la rencontre, el comme ces messieurs se figuraient que le duel ne tom- bait pas en Belgique sous le coup de la loi pénale, ils avaient fait bravement, avec leurs témoins et sept ou huit parents el amis, parmi lesquels le président du tribunal de Périgueux, gendre de M. Marchis, et le greffier du même siège, plusieurs centaines de lieues pour venir vider leur diRërend dans nos parages.

I Ces messieurs étaient descendus dans deux hôtels différents, oit leurs préparatifs avaient donné l'éveil. Aussi, quand ils arrivèrent au bois d'Havre, le maréelial des logis Crévecœur, en tenue bourgeoise, s'y tenait avec siï gendarmes qu'il avait disposés aui environs de Longue-Croix.

< Les dispositions du combat furent vite prises, plus vite que ne le sup- posait le maréchal des logis, qui faillit être victime do cette circonstance.

t Le duel avait lieu au pistolet de cavalerie. Les armes furent immédiate- ment chargées, el les combattants placés h vingt mètres.

<i A ce moment, le maréchal des logis s'avançait, après avoir lancé un

APPENDICE. 503

coup de sifQet qui ralliait ses hommes. Mais au même moment deux détooa- tions retentissaient, et tandis que les adversaires en étaient quittes pour Témotion, M. Crèvecœur, qui accourait derrière M. Duchassin, enlendit siffler la balle de M. Marchis à un pouce de son oreille et manqua être tué.

c Duellistes, témoins, parents, tous furent arrêtés et amenés en grande pompe à Mons, dans une voilure escortée de gendarmes à cheval, pour être conduits au Palais de Justice entre deux haies de curieux.

c Ils furent incarcérés et gardés sous les verrous, jusqu'à ce que la Cour d'appel eût statué sur leur liberté provisoire. Elle eut lieu le 20 décembre, moyennant une caution qui fut fixée à 3,000 francs pour chacun des adver- saires, ù

N*" 111. Affaire Lag^erre-Déroulède.

La Presse du \Z novembre 4 890 et n^ suivants.

Motifs de la rencontre : polémique à la suite des événements boulanglstes.

Le départ des adversaires fut signalé aux autorités belges. Bien que débar- qués à Namarpar des trains différents, ils furent immédiatement escortés de nombreux agents qui ne les quittèrent plus. Nous renonçons à peindre leur voyage de Namur à Visé^, dans cette aimable société, agrémentée de la persé- cution des reporters; l'assistance nombreuse qui les reçut au lieu du rendez- vous ; le retour aussi mouvementé que le départ, etc.

Enfin la rencontre finit par avoir lieu aux environs de Charleroi. Deux balles furent tirées sans résultat par M. Laguerre sur son antagoniste qui, par deux fois, tira en Tair.

 peine rentrés en ville, ils furent arrêtés et écroués.

A partir de ce moment, les journaux retentirent de leurs doléances : longs interrogatoires, visites médicales, fouilles, secret, régime peu confortable, rien ne leur fut épargné.

Ils furent enfin, non sans peine, remis en liberté, sous caution de 2,000 fr. pour M. Laguerre et de 1 ,500 francs pour M. Déroulède.

Le tribunal correctionnel de Charleroi, dans son audience du 23 juil- let 4894, condamna M. Laguerre à un mois de prison et 200 francs d'amende, et M. Déroulède à quinze jours de prison et 400 francs d'amende:

La peine de M. Laguerre fut plus élevée, parce qu'il avait fait usage de ses armes.

Il convient d'ajouter que ces condamnations furent conditionnelles, dans le sens de la loi Bérenger française.

Elles ne devaient être exécutées que si les condamnés devenaient récidi- vistes du duel en Belgique dans les trois années qui suivraient le jugement.

r

S04

SIXIÈME PABTIE.

I

N" 112. Affaire Déroulède-Clémenceau.

îi décembre 189!, avec renvoi au n*i.

Dans cette affaire dont ooas avons raconté les péripéties au 4 de cei appendice, le procès- verbal, autant que nous ayons pu en juger d'après les journaux, ne contenait aucune Btipulation reldtîve au dâiai dans lequel devait être donné le commandement.

Cette omission devint la source de contestations qui manquèrent amener un nouveau duel-

Nouâ empruntons h l'Écho de Pamle rédt de cet épisode :

u Ce Tut M. Dumontnil auquel échut la direction du combat. Voici com- monl il crut devoir donner les commandements :

Premier commandement. Messieurs, 6les-vous prèlsî II fut immé- diatement répondu d Oui t.

t Alors, M. Dumonteil laissa passer pre.'que une minute, se prome- nant même, Ondis que, pendant cette attente eicessivemenl longue, faite pour énerver les combattants, les adversaires demeuraient le bras longeant le pan- talon, l'arme dirigée vent la terre.

V Les deuxième et troisième commandements : Feu, une, deux, trois, furent donnés sans aucun arrêt entie chacun de ces quatre mots, prononces avec une extrême précipitation, intisitée en pareille circonstance. Les témoins de M, Clemenceau protestèrent vivement contre cette façon de diriger le combat.

i M. Clemenceau dit è H. Dumonteil : Vous avez dirigé le combat de manière à rendre imposaibla le lir.

« Al. Dumonteil répondit : J'ai tout fdit pour vous embarrasser, et j'ai réussi.

V Six battes fureot échangées fans résultat.

> Le dénouement, que la réputation de M. Clemenceau comme tireur au pistolet ne pouvait faire supposer, fut très commenté. Due altercation assez vive eut lieu entre M. Dumontpil et M. Raoul Canivet, directeur du Pari». On craignit qu'une nouvelle rencontre en fdt la conséquence, mais l'affaire put (tre arrangée. »

N" 113. Affaire Servan-Cietsch.

Tous les jourjiauux français de février à avriHS9i.

Le 1j janvier 1893, un différend survint entre le lieutenant de marine Servan, commandant le paquebot français Canada, et le capitaine Cietscb, commandant le paquebot hambourgeois Allemania, au sujet d'une indemnité réclamée par ce dernier, 6 l'occasion d'une avarie survenue pendant une manœuvre.

APPIiNDlCE. 505

Le capitaine allemand vint à bord du Canada, qui se trouvait alors dans la rade de Guayra. Il y formula sa réclamation d'une manière impolie. M.Ser- yan le mit à la porte.

La rencontre eut lieu le 30 mars, sur le territoire luxembourgeois. Six balles furent échangées sans résultat.

Cette affaire n'offre en réalité pas grand intérêt théorique, grâce à M. Ser- van, qui concéda de suite à son adversaire le choix des armes, et ne chicana sur aucune condition.

. Mais il pouvait en être autrement, car elle touche aux différents points que nous avons signalés à Tavant-propos du chapitre lxxxi, comme contro- versés.

On pouvait se demander notamment :

4*» Si une offense commise sur un navire de transport français pouvait être regardée comme ayant eu lieu sur notre territoire, ou si elle était, au contraire, censée commise sur le territoire de Guayra ;

t^ Quelle était la législation du point d'honneur applicable, alors que la correspondance relative au cartel et aux stipulations de la rencontre avaient été échangées, soit de paquebot à paquebot, soit dans des ports d'escale, soit du Havre à Hambourg et réciproquement.

N"" 114. Affaire Mont-Louis-Barbier, journalistes.

Le Petit Clermontois, n^ des 2 et 3 décembre i893. Extrait des procès- verbaux.

M. Barbier, du Petit Clermontois, fut souffleté dans un café de la ville par M. Mont-Louis, du Moniteur du Puy-de-Dôme, à la suite d'une altercation motivée par un article que ce dernier jugea offensant.

Tous deux réclamèrent la qualité d'offensé et prétendirent imposer l'arme de leur choix ; M. Barbier le pistolet et M. Mont-Louis l'épée.

Gomme ils se bornaient à ces affirmations contradictoires, sans appuyer leurs prétentions sur les règles de la législation du point d'honneur, l'affaire risquait de s'éterniser, lorsque M. Mont-Louis déclara que, tout en réservant ses droits à la qualité d'offensé, il était prêt à accepter « les conditions de M. Barbier, quelles qu'elles fussent, pour ne pas laisser à son adversaire un prétexte pour éviter la rencontre ».

M. Barbier choisit le duel au commandement à vingt-cinq pas.

On pouvait croire l'affaire en voie de conclusion rapide, lorsque M. Mont-Louis déclara subordonner son acceptation à la condition que le duel serait a au visé à courte distance, ou avec un seul pistolet chargé », sous pré- texte que son adversaire a n'avait jamais tenu un pistolet, et que lui voulait un duel sérieux ».

Les témoins de M. Barbier, pour éviter à leur client c un duel aussi dan- gereux », acceptèrent l'arme primitivement choisie par son adversaire, « l'épée ».

fi06 SIXIÈME l'ARTIE.

H. Barbier refusa de souscrire k ces conditions.

Eq préseace de ce dé.-aveu indirect, ses témoins se retirèrent, il réclama un arbitrage, mais son adversaire déclara s'en tenir aai termes des procès- verbuux.

A l'heure nous écrivons les choses en Pont là,

Bien que celto affaire ne présente qu'un intérêt local, nous n'avons pas cru devoir la passer sous silence, car elle ofTre nn argamenl de plus à l'appui de la thèse que nous avons soutenue pages 140, 141, 14S, 1 55, 138, 159, cl sur l'importance de laquelle nous ne saurions trop insister.

Si après avoir échangé leurs pouvoirs, et avant de formuler les prélenlions respectives de leurs mandants, les témoins s'étaient entendus pour choisir un auteur destiné h leur servir de code, oi pour constater les Faits, l'affaire aurait forcément reçu une solution conforme au bon sens et aux règles du point d'honneur.

La qualité d'olfensé avec voie de Tait aurait ét^ dévolue à M. Barbier, en vertu du principe admis par tous les auteurs et formulé en ces termes : Lors- qu'il a été répondu h une offense grave par une voie de fait, c'est celui qui a essuyé la voie de fait qui est l'offensé '.

Au lieu d'en être réduit à l'alternative de garder le soufûet qu'il avait reçu, ou de subir les conditions de gon adversaire, il acquérait le droit de choisir son arme, sou duel et ses distances, et partant celui d'imposer le combat au pistolet â vingt-cinq pas, que H. Mont-Louis ne pouvait récuser sans violer une règle fondamentale de la législation qu'il invoquait *.

N" 115. Affaire Drumont-Casiinir-PerieivThoiiiegiiez.

6 décembre 1893.

Au moment de mettre sous presse, on nous communique un article de M. Drumont paru dans ta Libre Parole du 6 décembre 1893, et la lettre qu'un escrimeur bien connu, M. Thomeguei, lui adressa à la suite de cet

Elle est conçue en ces termes :

u Monsieur le directeur,

a Votre a leading article de ce matin est outrageant pour H. Casimir- Perier, qui, dans sa position, ne peut se battre avec vous. Ayant l'honneur d'être Ëon neveu par alliance, je viens vous déclarer que je vous provoque en duel, à cause de cet article.

a Si vous n'êtes pas un lâche, vous relèverez le gant, et choisirez votre

<i J'ai l'honneur de vous présenter mes civilités, etc., etc. •>

APPENDICE. 507

Nous ignorons la réponse que fera M. Dramont, mais il n'est pas douteux qu'elle peut être négative, sans cesser de rester conforme aux règles du point d'honneur.

M. Thomeguex peut être récusé :

4<^ En vertu du principe formulé page 73 : c Les offenses sont personnelles et se vengent personnellement. »

L'article de la Libre Parolene le visait pas en effet, mais bien M. Gasimir- Perier.

t^ Parce que M. Casimir -Perler ne* se trouve pas dans les conditions exigées pour qu'une personne capable puisse se substituer à lui (page 77). Il n'est atteint d'aucune infirmité susceptible de l'empêcher de venger son injure.

3^ Parce qu'en admettant qu'il en fût atteint, et qu'il n'eût (chose que nous ignorons) ni fils ni frère capable de le remplacer, M. Thomeguex, neveu par alliance, n'est pas compris dans la catégorie des personnes admises à se substituer (page 75).

Nous passons sous silence la différence de position entre MM. Drumont, journaliste, et Casimir-Perier, ministre. Dans l'état actuel de notre société, les fluctuations sont si brusques et si rapides, qu'un homme politique n'est jamais sûr du lendemain. Il suffit de quelques voix pour que son adversaire de la veille occupe sa place.

L'inégalité momentanée de situations aussi précaires ne saurait motiver une exception valable à la règle générale.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES

contenues dans les quatre-vingt-deux chapitres

de Touvrage.

CHAPITRE PREMIER

Législation du point dlionneur. But. Utilité.

I. Code de CSiateauvillard.

Qu'estp-ce que la législation du point d'honneur? Son but. Elle supplée à l'insuffisance, au silence, à l'impuissance de la loi*

Son influence sur l'application de la loi pénale. —Son utilité. Sa con- naissance est nécessaire aux magistrats, jurés, avocats et antagonistes, indis- pensable aux témoins, arbitres et membres d^un jury d'honneur. Son influence sur la responsabilité des témoins.

Ëtat de la législation du point d'honneur avant la publication de VEssai sur le duel, de Ghateauvillard. Ce livre constitue le vrai code du point d'honneur.

Règles pour l'interpréter. Décisions des arbitres et des jurys d'honneur. Opinion des auteurs. Ck>nsultations d'experts. Leur valeur comparative.

Règles pour suppléer à son silence. Usage. Conditions auxquelles est subordonnée l'autorité de l'usage. Preuves de l'usage.

Abrogation et modifications des règles contenues dans VEssai sur le dueL

Importance de la question. Conditions mises à l'abrogation et aux modi- fications. — But visé par l'auteur du présent travail. Son rôle volontaire- ment effacé.

CHAPITRE II Des offenses en

Définition de l'offense. Offense par paroles, par action, par omission. Atteintes à la personne, à l'honneur, aux biens.

De l'honneur proprement dit et de ses dérivés. Honneur moral. -~ Honneur social.

De la considération.

De l'amour-propre. De la dignité. De la susceptibilité. De la politesse. De la délicatesse.

Du point d'honneur.

MO SIXIÈME PARTIE.

Commeot l'ofTense peut atleindre une personne dans ses bieas. DistinclioD des ofToDEes d'après leur nature et d'après les qui les modifianl.

CHAPITRE III De la valeur et du classement des oËfenses.

Degrés (le l'oiTense. Offense avec voie de Tait. OITeaso grave on injare. Offense simple. Importaoce de ce classemeol. Métbode i suivre pour l'opérer.

CHAPITRE IV De l'offense étudiée dans sa nature.

Atieintes i l'honneur. Par action. Go-'les. DémarchoB. Procédés. Omissions. Par paroles. Par écrit.

L'accord entre les préceptes de U morale et cortains préceptes conven- tionnels est nécessaire pour constituer l'honneur dont il est question ici.

Atieintos à la considération.

Leur nalure. Caracière relatif de la considération. Points de tuo auxquels elle peut ftro envisagée.

Considération privée.

Considération professionnelle. Droit de critique. Ses limites.

Considération politique. idem.

Considération littéraire. Idem.

Probité littéraire. Imputation de plagiat. -~ Écrits publiés sous le nom d'autrui .

Di/famation. La vérité du fait difTamaloire n'exonère pas le dilTaraateur d'une responsabilité. Exception. Tentative d'un fait. Fait personnel à l'individu. Pour qu'il y ait diffamation, il n'est pas nécessaire que l'Iion- neur ou la considération aient été réellement lésés.

AtteinUs à l'amour-propre. Infirmités. Difformités corporelles ou intellectuelles.

Alleinles à la dignité.

AUeinles à la politesse. L'impolitesse est-elle toujours une ofTense ? Caractère qu'elle doit posséder pour le devenir. Atteintes à la délicatesse. Impertinence. Procédés indélicats.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 541

De la voie de fait. Que faut-il entendre par voie de fait 7 Toucher vaut frapper. Tentatives de voie de fait. Menaces de voie de fait.

Exemple : Affaire Laur-Thomson, 42 juillet 4889. Appendice n^ 4.

Pourquoi l'offensé avec voie de fait acquiert-il le maximum des privilèges réservés à l'offensé ?

CHAPITRE V

De Toffense au point de vue des circonstances

qui la modifient.

Certaines circonstances changent le degré de Toffense. Exemples. Certaines autres modi6ent son intensité sans changer son degré. Exemples.

i^ Influence de la personnalité de l'offenseur. Age. État. Condi- tion. — Profession. Position sociale.

2o Influence de la personnalité de l'offensé. Honneur militaire. -— De la femme. Du mari. Honneur professionnel, etc.

3<^ Influence du but et des moyens. -— Intentions d'offenser.

Conditions requises pour la caractériser. Bonne foi. Cas l'offense existe sans que le but soit de nuire à la personne visée. Démence. Passions. Ivresse.

Force majeure. Autres causes justificatives. Circonstancesaggravantes.

Atténuantes. Préméditation.

Preuve de l'intention offensante. -^ De la préméditation. De la bonne foi. A qui elle incombe. Influence de la déclaration faite par Toffenseur.

Moyens employés.

Publicité. Ironie. Allégorie. Plaisanterie, etc.

40 Influence du temps et du lieu.

CHAPITRE VI Nature des armes.

Armes admises en France comme armes de duel. Épée. Pistolet. Sabre à titre exceptionnel.

Cas le sabre peut être imposé à l'agresseur et refusé par lui. Con- troverse.

Opinion de Chateauvillard. Le sabre peut être refusé par un civil. Opinion contraire de Du Verger de Saint-Thomas, tirée des nécessités du service obligatoire. Conformément, Emile André,' le Jeu de Vépée.

Opinion de Tayernier. Elle consacre Tautorité de Chateauvillard et tient compte des exigences de la nouvelle loi militaire.

ôlî SIXIÈME PARTIE.

CoDrormément. Prévost et JollÎTet, l'Etcrime et le duel.

CoDcInsioD.

Règle pour dislingaer les personnes actuellemeot comprises dans la caté- gorie des civils et dans celle des mililaireg aaxqnela le sabre peut être imposé ou ne l'être pas '.

Les militaires auxquels le sabre est imposable ne peuveot refuser le pistolet.

Conseils aui lémoios d'un agresseur auquel te sabre est imposé, alors qu'il est débile ou ignore rescrîme de celte arme.

CHAPITRE Vil Privilèges de l'ofTimBé.

L'off'enié du premier degré choitit son arme. Sens de ces expressions.

Le choix doit porter sur une seule espèce d'armes, lilégalilé de la conven- tion contraire.

Exemple : AfTaire de H... de La P,.., Gazette des Tribatwux, a" des 4 et o décembre )8G9 '.

L'iijfeiiié avec injure choisit ton arme et tûn duel. Sens de c«s expressions. Lo privilège du choix du duel tronve-t-il son application dans la rencontre à l'épée ? Controverses.

Voff'enté avec voie de fait choisit son arme, son duel et ses distances.

Sens de ces expresaioDS. Le bénéGce du choix des distances trouve-t-il son applicaiioD dans la renconire à l'épée? Controverse.

Opinion de M, Jol'ivel. sur les privilèges de l'olTensé, coolraire en appa- rence au systome de Cliateauvillard, Ces privilèges varient suivant les pays.

Exemple. Condition du Français à l'étranger. De l'étranger en France.

Les privilèges de l'offensé constituent en sa faveur un droit de propriété auquel ses témoins ne peuvent porter atteinte sans son coasentement.

CHAPITRE Vlll Déterminatioii de la personne offensée.

Importance de ce chapitre. Division.

Cas une seule offense est essuyée. Article prehier. Sens particulier du mot injure. Cas il y a offenses réciproques. Art. Ï. g i"- Si les offenses sont du même degré, la priorité de réception donne droit d'olTensé.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 543

§ 2. Application de cette règle à Tinjare grave *.

§ 3. A la voie de fait*. Silence gardé relativement à Toffense simple.

§ 4. Au cas à une voie de fait il est répondu par un coup entraînant infirmité temporaire. Opinion contraire de M. Tavernier. Discussion. La règle précitée s'applique-t-elle à l'offense simple ? Raison de douter.

Art. 3. Cas à une simple impolitesse il est répondu par une atteinte grave à Tamour-propre. Tirage au sort. L'article 3 est une exception à la règle posée au paragraphe premier de l'article f . Conséquences.

Offenses réciproques de deg^é différent.

Art. 4. Si à une offense simple il est répondu par une offense grave, celui qui reçoit cette dernière est l'offensé.

Art. 5. Si a une offense grave il est répondu par une voie de fait, celui qui essuie cette dernière est l'offensé \

Exception proposée par M. Tavernier. —Elle doit être ramenée à la règle de l'article 2, paragraphe 3.

L'article 5 est-il applicable au cas le mari trompé frappe l'amant de sa femme ? Doit-il être, au contraire, fait application de l'article 2, paragraphe 3 ? Assimilation des lésions portées à l'honneur conjugal et qui procèdent du contact avec la voie de fait ordinaire. Objections. Discussions.

Cas raïeul, le père, le frère se trouvent dans la même position vis-à-vis le séducteur d'une petite-ûile, d'une fille ou d'une sœur.

A rt. 6. Si l'offense n'est pas bien caractérisée, le choix des armes est tiré au sort. Situation particulière à laquelle correspond l'article 6.

A R T. 7. Si un cartel est envoyé sans raison suffisante, celui qui le reçoit esl l'offensé.

Résumé des sept articles précédents.

Concordance entre la progression des privilèges accordés à Poffensé et la progression des offenses essuyées par lui.

Considération sur l'esprit qui a dicté le chapitre viii. Critiques non fondées qu'il a fait naître.

Duels à motifs secrets.]

Responsabilité spéciale des témoins. ^ Leurs devoirs *.

1. Voyez affaires Floquet-Boulanger, 14 juillet 1888, Clémenceau-Déroulède,— Ciémeoceau-Miilevoye. Appendice n^ 4.

2. Voyez affaire Ritier-Appleton, assise Mayenne. Gaz, trib. 2-3 avril 1893. Appendice n**5.

3. Voyez affaire des L-J.-M. Gas. trib,, 4 et 5, octobre 1880. Appendice n^ 6.

4. Voyez affaire Gérôme-Stevons. Gas, trib., 20 février 1862. Appendice 7, et lettre du prince Bibesco à M* Ferry d'EscIand.

33

Ll '_

SIXIÈME PARTIE.

CHAPITRE

Une seule réparation pour une même offense.

r

^H Importance de cet âKiomo i,

^H Article pnBHiEit. Offemes aux coileelivités. La collectivité ne

^H peut demander raison qau par l'intermédiaire d'un seul membre.

^B En présence d'un cartel eu nom collectif ou d'un champion choisi par la

^^ collectivité, l'agresseur peut refuser cartel et champion, et esiger lo tirage aa

^H eort parmi tous les membres de la collectivité >.

^B Droit des supérieurs hiérarchiques.

^H Définition de l'olTenso collective. Exemples.

^1 Fin de non- recevoir opposable par l'agresseur lorsque l'offeoBe est gi^nérale

^H et sans application particulière.

^H Art. t. Si une mâme oOeuse est commise par plusieurs individus

^m eovors la mi^me personne, celle-ci peut choisir son adversaire. Pourquoi ?

^U Si les oITensos sont d'inégale gravité ou de nature différente, l'oiTensé peut

^M envoyer autant de cartels qu'il y a eu de personnes ayant adressé des offenses

dislîncles. Il n'est astreint à observer aucun ordre déterminé *.

^M Cas plusieurs personnes répètent une oDbnse. La désignation de

^M l'auteur ne les décharge pas. Application de ce principe au journaliste qui

^B reproduit un arLcIe offensant.

p Aht. 3. OITenses de degrés différents, adressées par un mfme individu

â plusieurs personnes. RÈglemoot d'ordre pour l'envoi des cartels.

Difficultés que présente l'application de ra\iome > Une seule réparation

pour une même offense >. Écrit offensant pour une personne, publié sous

le nom d'un tiers.

CHAPITRE X Personnalité des offenses. Substitutions.

Axiome. Les offenses sont personnelles et se vengent personnellemenl. Corollaire. Los substitutions de personnes sont interdites. Fsceptions â cette prohibition. Motifs qui les ont fait admettre. Division dos substitutions en deux classes. f* classe. Les substitutions de fils ï. père, petit-Gls à grand-père et

1. Voyez Rtraire GirardJn-Armand Currel, 22 juillet <S36, elc. Appendice a' S.

2. Vuyeï aff&ire X.-Perrior, t" mars IS8B. Appendice 9. Affaire de Pêne- Courlieli-Hjènc. Gaz. Irib. 18-19 mai, 14-15 juillet 1858. Appendice a' 10.

3. Voyez afTftire Crolîa-Cauloi, atsiscs Jura. Cas. trib. 30 juillet, 3 u^ptcmbre 1817. AppeudicenMl.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 545

vice versUj sont permises. De frère à frère tolérées. De neveu à ODcle et vice versa controversées.

Lea substitutions de cousin à cousin, de tuteur à pupille, d'ami à ami, interdites.

Conditions auxquelles les substitutions sont subordonnées.

Offenses aux personnes atteintes de maladies mentales.

2* classe, Substitution du protecteur naturel de la femme en cas d'of- fenses adressées à cette dernière.

Ordre à observer s'il y a concours entre les protecteurs <. Influence de la respectabilité de la femme sur la légalité de la substitution.

Offenses à la mémoire des morts, Droits de la fjoimille. Droits de Thistoire. Gomment les concilier.

Devoirs des témoins ou des arbitres appelés à se prononcer sur un cartel motivé par une offense de ce genre.

Conditions mises à la demande en réparation, adressée par un parent du défunt. Les unes sont relatives à la personne du parent, les autres à la per- sonne du défunt. Importance de ce double point de vue. Cas Toffense s'adresse bien plus aux parents qu'à la mémoire du défunt.

CHAPITRE XI

Responsabilité des parents. Protecteurs de la fenune. Mitres. Commettants. Supérieurs hiérarchiques.— Mandants. Avocats et clients

Parents. La responsabilité incombe aux parents qui jouissent du droit de substitution. Les fils, petits-fils, frères sont responsables des offenses com- mises par leur père, grand-père, frère et vice versa. Cette responsabilité n'atteint ni Toncle, ni le cousin germain, ni le tuteur.

Conditions mises à la responsabilité des parents.

Protecteurs de la femme, Leur responsabilité a pour conséquence l'irresponsabilité de leur protégée *•

Conséquence de la fin de non-recevoir opposée par le protecteur au cartel de l'offensé.

Journalistes, Deux éventualités. L'article est signé. L'article n'est pas signé.

4«' cas, Varticle est signé, Le signataire est responsable comme auteur présumé.

1. Voyez affaire Traverso-Pellotier, 8 janvier 1882. Anntuiire du duel, par Fer- reas. Affaire Bonaparte- Wyse-de Solins-Edmond Lepelletier, Janvier 1892. Appendice no 12.

2. Voyez appendice no 13.

616 SIXIEME PARTIE.

ii\ceptioD». Le directeur eu le rédacteur en chef fonl responsables :

Lorsque le signataire se dérobe;

i' Lorsqu'il ne peutôlro rencontré de suite' ;

3" Lorsqu'il ae possède pas la capacité requise pour se battre en duel;

4" Cas la-signature masque la persoonalilé d'un individu, et ootamment celle du directeur ou du rédacteur en chef. La preuve de l'inlorposilion Incombe à l'otreasé. Nature de la preuve. Preuve indirecte. En l'absence de preuve suffi- sante, moyen d'atteindre la personne dissimulée.

2' cas. —^ L'article n'est pas siijné. Initiales. Pseuionymes. Ubligations du directeur ou du rédocteur en chef. lU doivent nommer l'au- teur '. Ils sont responsables s'ils ne le font pas. Si la persoone indiquée se dérobe, est impossible â trouver, est incapable, est inlerposéo'. La preuve de celte interposition leur incombe.

Si le directeur ou le rédacteur en chef ne peuvent ou ne veulent pas se batire, l'offensé peut, dans certains cas, s'adresser au propriétaire. Pourquoi? Le gérant est toujours récusabla.

Conseils à un simple particulier aux prises avec an journaliste.

Maitrea, cummeltanls, supérieurs hiérarchiques. Leur responsabilité résulte uniquement de leur participation à l'offense commise par leurs domes- tiques, préposes ou inférieurs. Faute commune. Responsabilité coru- mune. L'offeneé a le droit de choisir entre les deux son adversaire. Avau- lages de ce droit. Conditions misesà son exercice.

Cas l'oirensé choisit le maître, commettaut, supérieur hiéraicliiqun. La charge de prouver qu'ils ont donné l'ordre lui Jocombe.

Cas l'offensé choisit l'ogeni direct de l'offense, valeur des exceptions que cet agent peut proposer : lois, règlements militaires, obéissance pas^ve, etc. Distinction â faire entre l'ordre pris en lui-même et la manière dont il a été

Avocats, clienli. La responsabilité des avocats est une conséquence des droits et devoirs de leur profession.

Reiponsabilitc du citent.— Ses effets. Elle n'exonère pa^ l'avocat. UroiL d'option accordé àl'offen^é. Conditions mises à l'exercice de ce droit.

La preuve du mandat donné iocombe à l'etrensé. Nature de la preuve. Présomption. Silence gardé par le client pendant ou après la plaidoirie.

Exceptions proposées par l'avocat. —Immunité de la défense.

L'offensé peut demanoer au tribunal acte des paroles ou des éciils olfen- sants. Utilité de cette demande po'ir h constatation de l'offense.

i. Vojcî affaire Boclieforl flIs-L -V.-Artliur Mej'er,2juJD I88t). .Xppendice 2i>.

2. Voyoï aff»ire Marcl-Aoïirieui, 29 octobre )S88. Appendice d" 14.

3. Voyei alTaires L&ni tu- comte do Dlou-LaUiie- Albert U'atff. Appcndiccn° H.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 517

CHAPITRE Xll

Incapacités. Avec quelles personnes le duel est

inadmissible.

Article p r e m i b r. ^ Prohibition faite aux parents ou aux atnis d'un homme tué ou blessé dans une rencontre loyale de provoquer soo adversaire à raison du résultat.

En cas de provocation, droits de l'adversaire : 4* si l'appel n'est pas inju- lieux; %** si l'appel est injurieux; 3*" si les parents ou les amis provoquent une discussion pour se faire insulter.

Art. 2. Prohibition des duels entre parents rapprochés. Elle est moins stricte entre parents par alliance qu'en cas de parenté naturelle. Degrés auxquels les duels sont permis ou seulement tolérés.

Exemple de duels entre parents ^ Conseils aux témoins. Précau- tions dont ils doivent s'entourer en pareil cas.

Art. 3. Prohibition faite au maître d'armes de se servir de son arme professionnelle. Exception s'il y a voie de fait. Position délicate du maître d'armes en pareil cas. Remède. Obligations qui en découlent.

Art. 4. Le débiteur ne peut appeler son créancier s'il n'a pas acquitté sa dette. Pourquoi ? Cas c'est le créancier qui appelle le débiteur.

Art. 5. L'offensé qui a recours aux tribunaux perd le droit d'appeler en duel son agresseur*, même s'il retire sa plainte. Exception lorsque la pour- suite est exercé d'office contre un simple particulier. Elle n'est pas applicable en cas d'offense à une personne qualifiée, bien que la poursuite soit exercée sans £on consentement.

Cas l'agresseur refuse d'abord de se battre et revient ensuite sur sa décision après que l'offensé a porté plainte.

Dans les affaires d'honneur, l'intervention de la justice est-elle quelquefois admissible? Opinion de M. Tavernier. Discussion.

L'exercice du droit de réponse et de rectification enlève-t-il à l'offensé celui d'appeler ensuite en duel son agresseur pour le fait qui a motivé l'action en rectification et en réponse? Distinction.

Devoir des parents ou amis d'un homme tué ou blessé dans une rencontre loyale, lorsqu'ils sont appelés à témoigner en justice.

Devoir du blessé.

La question préalable peut être opposée :

Art. 6. Aux parents qui ont poursuivi ou fait poursuivre l'adversaire 'un parent tué ou blessé dans un duel loyal, et au blessé qui agit de môme.

1. Voyez appendice n^ 15.

2. Voyez affaire Grodet-Portalis, 12 noyembre 1888. Appendice n** 16.

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:^i ..-.

548

SIXIÈME PARTIE.

Abt. 7. Atout homme convaincu de malhonnêteté caracl^fîsêe '. Sursû à l'aO^ire en cas de poursuites devant les tribunaux. CooséqneDces de certains acquittemeota.

Abt, s, A tout homme qui, dans une rencontre aotérienre, a violé gravement les règles du duel.

Abt. 9. A tout individu qui, sans motif plausible, a nfasé derendie raison & un galant ttomme.

Exceptions d'indignité.

Celui qui oppose l'eiMplion doit fournir la preuve du fait sur lequel il l'appuie. S'il ne le fait pas, il prend rang d'agresseur avec injuragrave. Lednel est dit h outrance '. Utilité d'une eiirâme circoospeclion . Il (sut en ceCt« matière tenir compte de l'altilude probable de l'adversaire, après le refus de duel. Pourquoi?

Le jury d'Iionneur est U Juridiction compéiente pour trancher les ques- tions d'indignité. 11 les tranche en dernier ressort'.

Peul-on opposer la question préalable aux individus qui, par leur posi- tion sociale, leur profession, sont, d'après les préjugés ou l'état des mœuri, considérés comme incapables?

AnT. 10. La question préalable peut être opposée au mineur. Limites de la minorité d'après H. Du Verger de Siint-Thomas et d'après M. Tavornier. Majorité sociale de dix-huit h vingt-un ans. Majorité légale â vingt-un ans.

Conditions auxquelles une rencontre est subordonnée pendant la majorité sociale ' .

Art. h.— a soixante ans, le vieillard peut cesser d'aller sur le terrain, -l'ourquoi'î

Exceptions. Conditions mises au combat avec un vieillard.

\" cas. Le vieillard est agresseur. Nécessité d'une offense CJjnsidérable. Gontroverie sur le degré. Consentement écrit du vieillard. Constatation de son aptitude physique et de son habileté comparée avec celle de l'offensé.

cas. Le vieillard est offensé. Nécessité d'une demande écrite. La rigueur des conditions requises dans le premier cas est mitigée. Pourquoi T Dans quelles liraires '.

L'exceplion de vieillesse n'est pas opposable par les journalistes. Pour- quoi?

Art. 1i. L'impotence et lesinGrmités empâchent le duel.

1. Voyez affaire du cipllainc des K. et de l'ex-liGuteDant F. Gaz. trtii., 39 oo- ïEmbre 1853 et 2 février 1854. Appendice n" 17.

2. Voyeî affaire de M.-de U P. Ga;. Irib. 5 février 1870, Appendice n" 18.

3. Voyoi affaire de B.-Paul F. 24 mai 1883. Ànnuair» du duel. Appendice 19.

1. Voyez affaire Rochefort flIs-L. V. 3 juin 1S80. Affaire Haut de Lasaus et II. do Delvft. Annuaire du duel. Appendice a' 20.

5. Voj-cî affaire Félii Pyal-SeTeaire, 5 juin 1888. Appendice 21.

0. VojBi affaire Bonaparte Wyae-Edniond LepellcUer, janvier 189Ï. Appendice

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 519

Règles pour sauvegarder la personne inûrme ou impotente, tout en ne laissant pas les personnes valides à la merci de ses insultes.

Exemples :

L'bomme extropié de manière à ne pas se servir du sabre ou de Tépëe peut les refuser si l'offense n'est pas une voie de fait;

Compensation accordée à l'offensé qui est obligé, par la force des choses, de subir le pistolet ;

Le borgne peut refuser le pistolet, mais seulement en cas d'offense simple» Pourquoi? Visite médicale. Jury d'honneur nécessaire ^

Infirmités qui ne permettent pas de refuser l'arme de l'offensé, mais qui rendent impossible le duel choisi par lui. Nécessité d'un examen médical. Fin de non-recevoir à certaines prétentions de Hnfirme *.

CHAPITRE XIII Des témoins. Qualités d'un bon témoin.

Le rôle des témoins indique les qualités qu'ils doivent posséder.

Ils sont, tour à tour, confidents, conciliateurs, avocats, juges du camp, magistrats chargés de faire appliquer la législation du point d'honneur.

Ils doivent posséder la discrétion, la conciliation, la diplomatie, la fermeté , la connaissance de la législation qu'ils appliquent', la science des armes, le coup d'œil, le sang-froid, Tâge, la vigueur convenable, et, par-dessus tout, l'honorabilité .

Témoin décoratif.

Erreur commise par certains adversaires dans le choix de leurs témoins.

CHAPITRE XIV Empêchements au rôle de témoin.

Sont récusables les témoins qui ne possèdent pas :

L'honorabilité. Causes d'indignité;

2<» L'impartialité, par exemple un débiteur ou des parents appelés à se substituer, etc. * ;

3<^ Le désintéressement dans l'affaire. Ce qu'il faut entendre par ces expres- sions ^

1. Voyez affaire des I.-J.-M. Gax, trib, 4 et 5 octobre 1880. Appendice 22.

2. Voyez affaire Ledat-Maizeroy, Echo de Paris du 13 octobre 1892. Appendice n* 22.

3. Voyez affaire Dapuis-Habert. Gax, trib,.ib Juin 1888. Appendice n* 23.

4. Voyez affaire Desmes-Clovis Hugues. Gaz, trib. 22 et 23 février 1878. Appen- dice no 24.

5. Voyez affaire de Pène-Coortiels-Hyenne. Appendice 25.

^.

BiO SIXlliME PARTIE.

Un ancien adversaire peul-il être récusé 'T

i* Conditions inlellectuelles et physiques néceasalrea à l'accomplisse ment du mandat de témoin.

CHAPITRE XV Engagement de l'afiaire. Constitution des témoins.

Offense. Échange ds cartes. Érliango de témoins. Marche à

Inconvénients de celle qui est indiquée par la majoriléde^ auteurs lorsque l'aiïaire a lieu en province ot surtout à la campagne. Modilîeations pro- posées.

En principe, le délai poar conaiiluer les témoins et y répondre est de qiiaraiilo-liuit heures. Ce délai n'est pas sacramentel. Cas de force majeure. Demande de prolongation, Itai-on sufritante.

Les lénioins doivent être au nombre de quatre. Tourquoi ' î

CHAPITRE XVI

Rôle des adversaires et des témoins à partir du moment t'aSaire est engagée Jusqu'à la première réunion de ces derniers.

Devoirs des témoins envers leur mandant.

Ils doivent l'écouler, le conseiller, accepter ou refuser carrément et sans arrière-pensée le mandat qu'il leur propose, et lui garder le secret. Droit du mandant en cas d'indiscrétion.

En cas d'accepiation, nécessilé d'un mandat écrit. —Pourquoi'?

Devoirs des témoins vis-à-vis la partie adverse.

Cartel verbal. Carlel écrit. Modération. Politesse. Danger des cartels injurieux'.

Les témoins ne doivent pas discuter avec l'adversaire.

1. Vojci affaire Dupuia-Habert. Gaz. Mb. des K.-Ï6-27 jain 1888. Appendice n" 20.

2. Voyei affïire Lullier-Boiron. Gaz. Irib. 21 novembre 1808. Appendice n* 2".

3. Voyoi ïffïire ^aquet- Mon vielle. Gai. (rtù. 11 août 1887. Appendice n* 28. *. Vojei appendice n" 39.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 524

InterventioD d'un ami commun.

Procès-verbal de carence. Précaution» à prendre avant de le dresser * . Les témoins qui portent le cartel et l'adversaire qui les reçoit doivent être sans armes*.

Devoirs des adversaires vis-à-vis Tun de l'autre.

A partir de rechange ou de la remise du cartel, ils ne doivent plus com- muniquer que par l'intermédiaire des témoins. Il leur est interdit d'échan- ger de nouvelles offenses *.

Danger des entrevues seul à seul *,

Devoirs des adversaires vis-à-vis les témoins.

Quiconque reçoit un cartel doit rendre une réponse immédiate, catégo- rique, polie, et constituer des témoins .

En cas d'offenses réciproques, nécessité d'engager rapidement l'affaire ^ . Les adversaires ne doivent pas assister aux entrevues des témoins *.

CHAPITRE XVll

Rôle des témoins une fois constitués. Instruction de l'afiTaire. Constatation des faits.

C'est aux témoins de l'appelant à aller trouver ceux de l'appelé. Choix d'un auteur destiné à servir de code. Son utilité. Les témoins échangent leurs pouvoirs. lis exatninent les questions préalables. Ces questions préalables sont relatives : 40 A l'identité»; A l'âge ;

3^ A l'importance et aux inGrmités * ; 4*» A la parenté**; 5* A la moralité des personnes**; A la moralité des querelles;

i. Voyez affaire de Loucelles-de Sirèmes. Gaz. trib. 27 Janvier i83i. Appendice n<»30.

2. Voyez affaire Pierre Bonaparte-Louis Noir, 21 mars 1870. Appendice n°31.

3. Voyez affaire Dichard-de Massas. Cas, trib. 26-27 septembre 1882. Appendice 32.

4. Voyez affaire Roziez-de M. Gaz, tnb, 11 au 16 mars, 30 mars, 17 avril, 4 au 6 mai, 22 au 30 mai, 8 juin 1858. Appendice n<> 33.

5. Voyez affaire Rilter-Appleton. Gaz, trib, 2 et 3 avril 1873. Appendice n^ 34.

6. Voyez affaire du général Levasseur et du commandant Arrighi. Gaz, trib. 24 janvier, 20 février, 14 mars 1842. Appendice n<* 35^.

7. Voyez nos chapitres x et xi.

8. Voyez notre chapitre xii, articles 10 et 11.

9. Ibidem, article 12.

10. Ibidem, article 2.

11. Ibidem, articles 6, 7, 8, 9.

sijjj —.:_>-

SIXIÈME PARTIE.

ImporUncA i]e la question ' ; Deroirs àes lémoîos en parnlle ntatière*;

A la qa^tion d'argent ' ;

A la profession * ; Eiceplioo d'indignité ' ;

8* A l'aiiomo : < Il n'est dil qu'âne réparation pOQf une même offeoee * >.

Les téinoîna constatent ensaile les faits matériels qui cvostitaent diSS- rend et motiveot l'appel. Ils doivent s'entendre sar ce point arant de d^der quelle est la valeur de l'offense et à qui revient la qnalité d'offensé '.

CHAPITRE XVIII

Solutions qui peuvent être données à l'afEùre après la constatation des faits.

Elles sont BU nombre de deux :

(A) Les témoins peuvent décider qu'il n'y a pas ou offense suffisante pour motiver une rencontre. Procès-verbal de constat. Droit de la partie qui s'est réservé la faculté de contrôler les résolutions adoptées par les témoins.

(fij Les ti^moios peuvent décider qu'il y a eu offense suffisante poor motiver une rencontre. Ils déterminent alors le degré de l'offense. Olfenses réciproques. Ils décident ensuite auquel des deux adversaires revient le droit d'offensé. Bn cas de désaccord, ils recourent à un arbitrage ou h un jury d'honneur pour établir ce droit, mais ils ne doivent jamais le tirer au sort. Pourquoi ' î

ImporUar^ que peut avoir devant les tribunaux la déteiminalion de la personne offensée, relativement à la question de savoir qui, de ragre.'sear ou de l'expéditeur du cartel, doit être considéré comme le véritable provoca- teur.

Une fois la désignation delà personne offensée opérée, il peut se présenter deux éventualilos :

f* hijpothèie. Les témoins aboutissent dans leurs tentatives de coorâ- lialion.

La conciliation eàt un devoir pour eux, Moment oii elle doit être tentée '.

3. Ibiitm, article 4.

i. Ibidem, article 3 et 9 in fine, eiception d'indignité, article 9 tn (int.

5. Ibidem, article 9, in fine.

r., Cliapitre i\.

1. Voj-ei affaire (le Marseul-Daudior. Coi. trib. li janvier 1881. Appendice n" 38.

S. Voyci atTaire Reynach-Roclietort, 20 mars 1882. Jnnuutrt du dtwi. Appendice

9. Voj-ez aflkire Qupuls-Babert. Gax. trib.25, 20 Juin 1888. Appendice 40.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 523

La réparation doit être proportionnée à roffèDse*.

Excuses. Critérium pour reconnaître si un arrangement peut, sans motiver un blAme, être proposé et accepté. Les témoins ne peuvent refuser de répondre à la question qui leur est posée à ce sujet *.

Si Toffensé du premier ou du deuxième degré refuse d'accepter des excuses jugées suffisantes par ses témoins, il perd ses privilèges. Armes et duel sont tirés au sort. Il n'en est plus de même s'il y a eu voie de fait.

Cas un homme déclare que ses convictions religieuses lui interdisent le duel et reconnaît ses torts.

Devoir de l'offensé. Insultes aux personnes connues pour refuser de se battre en duel à cause de leurs convictions religieuses. Séminaristes sous les drapeaux, etc. *.

Excuses sur le terrain. L'offensé peut les refuser sans perdre ses privi- lèges. — A qui incombe le blâme lorsque des excuses sont faites sur le terrain : Spontanément par l'agresseur ; Par lui sur le conseil de ses témoins ; Par les témoins on son nom?

2^ hypothèse. Les témoins échouent dans leurs tentatives de conci- liation.

Ils discutent immédiatement les conditions du duel. —La constatation des faits, la détermination de la valeur de l'offense qui ont été opérées antérieure- ment, facilitent leur tâche ^.

Rôle forcément opposé que les témoins de chaque partie ont à remplir.

Si Fentenle est impossible, ils recourent à un arbitrage ou à un jury d'honneur.

CHAPITRE XIX Arbitrage. Jury d'honneur.

Définition de l'arbitrage.

Sens des expressions « les arbitres sont ceux qui ont reçu le pouvoir... »

Les arbitres doivent être choisis par les parties ou agréés par elles. S'il y a plusieurs arbitres à nommer, chaque partie en désigne la moitiés

Tiers-arbitre.

Jury d'honneur. Il est soumis aux règles de Parbitrage. —Décision des arbitres qui n'ont pas reçu mandat des deux parties ou n'ont pas été agréés par elles *.

1. Voyez affaire Baron-Pesson. Cas, trib, 30 Janvier, 2 février, 23 juin, 7,14 août 1837. Appendice n^ 41.

2. Voyez affaire Dupuis-Habert. Gax. trib, 25, 26 décembre 1888. Appendice 42.

3. Voyez appendice 43.

4. Voyez affaire Rochefort-Dreyfus, 26 avril 1886. AuniAaire du duel Appendice n«44.

5. Voyez affaire Blaurel-Clémenceau; 11, 12, 13 décembre 1888.Appendicen«45(6).

6. Voyez affaires de Calonne-Fiorentino et Achard-Fiorentino. Gaz. trib. !«' sep- tembre 1850. Appendice 46.

5ïi SIXIÈME PARTIE.

Les décisions ëmanant d'arbitres et de juréa régulièrement constilués Ft agissaut dans la limite de leur mandat sont obligatoires pour les paities ',

Les conditions exigées pour ftlro nommé arbitre sont les mêmes que pour èlte [émoin, sauf pour ce qui touche aux qualités pbysiques.

Compromis. Définition, Son utilité.

Il est général ou spécial. La forme écrite est préférable, Il doit élre signé et daté, spéciGer le point litigieux et l'étendue des pouvoirs accordés uux arbitres et aux jurés. Nullité des décisions rendues pour ou contre le compromis'.

Cette nullité ne peut être que partielle '.

Comment doivent juger les arbitres et les jurés? Utilité de l'arbitrage. l'ourquoi est-il rare? Sanction de l'opinion publique *.

CHAPITRE XX

Mandat des témoms. Sa nature. Récusation, Démission.

Troij espèces de mandai :

Mandat tam réteree de contrôle. Les témoins no sont pas técusables par le mandant.

Mandai impératif. Les témoins doivenls'y conformer aveuglément, et peuvoni ôtre récusés.

Mu'tdal mus réserve de cotttrôle. Il su^jpuso uu droit de récusaliuo

Inconvénienls des doux premiers systèmes. Avantages du Iroiàième ■.

Devoirs des mandataires et du mandant vis-a-vis les uns les autres et vis- à-vis la partie adverse, on cas de récusation ou de démission.

ËD principe, les témoins peuvent etro récusés ou se retirer jusqu'à la signature du (troc es- verbal de renconlr.', mais il vaut infiniment mieux le faire avant. Pourquoi ? ^ Jamais sur le terrain '.

Nécessité d'un mandai écrit, sî^né et accepté, qui garantisse la stabilité des conventions. Échange des pouvoirs. Ce qu'il faut enlendie par ces expressions. Question à poser ab inilio. La réponse des témoins est présumée contenir l'expression de la vérité. Elle engage le mandant.

Si la question n'est pas posée, il est présume s'être réservé ce droit de contrôle. Preuve contraire.

1. Voyez affaire Maurcl-ClÛnieacc&u. Appendice □" lu (d). *2. ibidem. Appendice □' 45 (cj.

3. Ibidtm. Appendice 45 (d).

4. Voyei alTaire Ro.-Bc, 27 octobre 18S6. annuaire du dusl. Appeadice D°i7.

5. Vojci affaire Bo.-Ce., 1" novembre 1884. .annuaire du duel. Appendice 48. 0. Voyez Gax. trib. 26 novembre 1842. Appendice n" 49.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 525

Le mandant qui refuse de ratifier les conditions souscrites par ses manda- iaires doit les désavouer spécialement. Pourquoi ^ ?

CHAPITRE XXI Procès-verbal de rencontre.

En quoi il consiste. ^- Son importance.

11 instruit chacun de son devoir. Il supprime toute équivoque et toute discussion, avant, pendant et après la rencontre.

11 détermine les responsabilités *. » 11 constitue une chance d'éviter la peine en cas de poursuites j udiciaires.

Il est fait en double expédition, signée des témoins, signée et approuvée des adversaires.

Les conditions énoncées doivent être exécutées strictement et sans modi- fication, môme de consentement mutuel, principalement sur le terrain ^

Les témoins ne peuvent réclamer Texécution d'une convention dange- reuse pour la partie adverse et à laquelle semble renoncer le clieAt qu'ils représentent^.

Conditions à discuter pour dresser correctement un procès-verbal de rencontre.

Les unes sont cojimunes à tous les duels. Les autres sont spéciales à chaque espèce.

CHAPITRE XXll Stipulations communes à tous les duels.

Elles sont relatives :

Article premier. Au choix d'un auteur^;

Art. 2. A Tinstruction de l'affaire * ;

Art. 3. A la désignation de l'offensé, au degré de l'offense, au choix de.s armes ^ ;

Art. 4. Au choix du duel et des distances*;

Art. 5. Conditions relatives au clioix du jour, de l'heure et du lieude la rencontre.

1. Voyez affaire Grandin-Dorand, 18-19 mars 1889. Appendice 50.

2. Voyez appendice n** 51.

3. Voyez affaire Odysse-Barrot-Jecker. Gaz. trib, 3-4 août 1868. Appendice 52.

4. Voyez affaire Le Merle-de Mosny. Gaz, trib. 21 août 1833. Appendice 53.

5. Voyez chapitre xvu.

6. Ibidem.

7. Voyez les chapitres vu et viii.

8. Voyez les chapitres vu, xxxvu et xxxviii.

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536 SIXIEME PARTIE.

Le choix du joar. Ksi laissé auï lëmoins, Il faut consulter la com-

modilé générale. Le délai de quarante-huit heures n'est pas sacrameolel.

Le mâme individu do doit pas vider deui affaires dans la même jouruée '.

Choix de l'heure. Sou imporlaoce h raisoD de divers états pbrâiqaos. A qui il appartient*?

Esaclitude obligatoire. Quart d'heure de grâce. Procès-verbal de carence. lolempérie des saisons '.

Motifs invoqués pour justiGer ou retard. Cas de force majeure. LacoD- stilulion d'arbitres ou d'un jury d'honneur est nécessaire pour les apprécier*.

Cas les témoins d'un adversaire qui manque au reodeE-Toas offrent de le remplacer. Celte proposition doit être refusée '.

Choix du lieu. Le choix du lieu apparlient aui témoins. Le lieu doit être reconnu d'avance '. Pur les témoins des deux parties '.

Art. 6. Conditions relatives à l'adjunction des médecins. Ils ont une double mission : prodiguer leurs soins aux blessés, donner leur avis sur la blessure re^ue. Valeur de cet aviy. Stipulaiions relatives au degré de gravité que doivent présenter les blessures pour amener la ( combat.

DueL k mort. Duel à oulrance. Mise hors de combat. de continuer. Dual au premier sang. Ëtat d'infériorité.

Si le procès-verbal est muet sur la valeur qui doit être accordée h l'avis des médecins, ils sont inleriogés â titre cousuliatif seulement.

Le blessé ne peut âtre obligé de conliouer malgré lui. U peut refuser, sous sa responsabilité ".

Les témoins peuvent-ils arrêter ie combat avant qu'une blessure se soit produite f

Valeur de la clause portant qu'après un certain laps do temps Gxé d'avance, le combat serait arrêté même sans blessure ■°,

Les médecins ne doivent jamais faire acte do témoins".

Art. 7. Altitude des adversaires sur le terrain. Salut facullalif Silence sous les armes obligatoire. Eiclamalions, cris, appels inlerdil.«.

i. Vojez affaire B. Vescot et Meuaier. Gaz. Irib. 21 novembre 18*7. Appendice u' 5*.

2. Voyei alTairo Dichard -do Massas. Gai. trib. 20-27 décembre 18HS. Appendice D" M.

3. Voye^ atraire Dujarrier-de Beuuvallon. Gai. trib. 26 mars 1816 el Guivautee. Appendice bG.

4. Voyez affaire A.-Ch. V., 2 juin 1888. Appendice n" 57.

5. Voyez affaire S.-M. .annuaire du duel, H décembre 1885. Appendice 58.

6. Voyez affaire Drumoiit-Meyor. Gai. trib. 2 juin 1886. Appendice o" 50.

7. Voyez affaire Naquct-Mon vielle. 6'a;. Irib. Il aoû^ 1887. Appendice n" 60.

8. Voyez affaire Lavertujon-B. 3 août 1880. Annuaire du duel. Appendice n" 61 .

9. Voyez affaires de BriquBvilie-duc de Dalmalie. Fougcrouz-de Champigneulles, t. II, n" 30. Appendice b" fi2.

10. Voyez affaire Uotz-I'ierotti. Ga:. Irib. 16, 17, 18 décembre 1889. Appendice

11. Voyez affaire Drumout-Mejer. Gai. trib. 2 juin 1886. Appendice o" 6i.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 527

Les communications entre adversaires sont faites par l'intermédiaire des témoins.

CONDITIONS SPÉCIALES AU BUBL A L'ÉPÉE

CHAPITRE XXIII Choix des épées.

11 faut distinguer le cas les adversaires se servent d'armes à eux per- sonnelles et celui ils n'ont pas le droit de s'en servir.

Dans le premier cas, les deux paires peuveot être dissemblables. Pro- portions.

Dans le second, si chacun apporte sa paire, le sort désigne celle dont on se servira. Les épées de même paire doivent être identiques, mais certaines différences soot tolérées entre chaque paire. Le combattant dont la paire n'est pas sortie acquiert le droit de choisir parmi les épées tombées au sort. Môme solution lorsqu'un seul des adversaires apporte ses épées. S'il a été stipulé qu'une paire inconnue servirait seule, on tire au sort.

Les armes doivent être présentées à l'examen et à l'acceptation des témoins, au moment de la rédaction du procès-verbal.

Conditions requises pour cette acceptation. Les épées doivent être légères et bien en main. Centre de gravité, ^ Pommeau. Lame chargée du bout, tranchante, ébréchée. Poids «.

Coquilles. Dimensions. Percées. ^ A gouttières. Usées. •— Mon- tage.

En cas d'arbitrage pour l'admission des épées, l'arbitre ne doit pas être, si possible, un armurier. Pourquoi? Importance du chapitre xxii^.

Précautions utiles '.

Outils à emporter.

1. Affaire de Morès-Mayer, la Libre Parole du 30 août 1893.

2. Voyez affaire de Morès-Mayer, la Libre Parole des 30 et 31 août 1892. L*Ei' crime française, n* du 30 septembre 1892. Affaire Naquet-Monyielle. Gaz. trib. 11 août 1887. Appendice n*" G5.

3. Voyez affaire OUivier-Feuilherade. Gax. trib, 4 août 1870. Appendice 66.

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SlXIÈMi; PARTIE.

CHAPITRE X\IV

Choix du terrain. Mesure du cbamp. Tirage au sort des places.

Condilions que doit présenter un iBrraio propice au duel à l'épée.

IncoDvéoientB d'un terrain étroii'.

Le lirage au sort des places est indépendant du tirage des épâes.

Cbamp ou arène du combat.

Le droit d<^ déterminer les dimeDsiouB du champ appartient aux témoins vn cas d'offenses du premier et du deuiième degré ; A. l'oflonsé s'il y a voie de fait.

LJm.tes outre letiquelles ce choix doit âiretait (40 ï 60 mèlrds).

But de la délimitation longitudinale*.

But de la délimitation latérale ^.

Cas un des combattants frdDcliit plusieurs fois les limites. Averti>- semonis préalables. Leur nombre. Cas le procès-verbal ast muel sut la mesure du champ.

CHAPIÏHE XXV Toilette et visite des adversaires. Gants.

lurso im. Aiauljg«s. iucooïéûieals. Viîlomonls toJorëâ.

Cliemiso non empesée, de Qinelle, en soie, quelquefois en molleton. Chemises empesées interdites. Pourquoi?

Devoirs des lémoins dont le client est vieux, rhumalisaol, etc.

Les combatlatils doivent enlever ce qui peut arrêter le poiote de l'épée'.

Hernies et inllrmités motivant bandages ou ceintures. Déclaralion préalable. Constatation médicale. Visite de^ adversaires sur le lerraio, Comment et par qui elle est exécutée".

Le refus de visite enlraiiiB refus de duel.

Les gants de ville ou d'ordonnance sont toujours permis. Les ganls d'armes avec ou sans crispin ne sont pas imposables.

Mouchoir. Martingales. Casquettes. Calottes.

1. Voyez sllitiru Uiclmrd-de Musss. Ga2. Irib. 26 et 21 décembre I8â2. Appen- dice n" 07.

2. Voyci afl'aiieC**'* el P'*' Appeudico n" 6lf.

3. Vovw ufTuLre Diumout-Meycr, Gai^ette des Tribunaux, 27 juin 1880. .\pppndice n' 00.

4. \o}0i 10 mai 1800, Colonibcy, Histoire anecdotiqae rfu duel. Appendice 70.

a. Voye* afliiire OUivier-Feuilherade, GastlU des Tribunaux, iAoUlK'iG.Appca-

RÉSUME DES MATIÈRES. 5S9

CHAPITRE XXVI Le directeur du combat.

Importance de sa mission.

Qualités nécessaires pour la remplir.

Le droit de choisir un directeur du combat appartient eiclusivement aux témoins.

Parmi quelles personnes ce choix peut-il être exercé?

4 " système. Parmi les témoins seulement. Pourquoi ?

V système, En dehors des témoins. Pourquoi? ^ Discussion. Système mixte.

Conditions auxquellefi est subordonné le choix du directeur, lorsqu'il est exercé en dehors des témoins.

Rôle du directeur du combat. Il unifie le commandement et facilite l'exécution du procès-verbal. ^ Directeur adjoint.

Places. Remise des épées. ^ Rappel des conditions. Mise en garde. Systèmes de M. Tavernier, de Château viliard.

Signal. Surveillance du combat. Arrêt. Injonction verbale. Intervention effective. Coup paré sans juste cause.

Devoirs des témoins vis-à-vis le directeur du combat. Ils peuvent le contrecarrer s'il n'observe pas les conditions du procès verbal.

En cas d'incidents nécessitant suspension du duel, les témoins ne doivent pas se borner à signaler le fait au directeur du combat et à rester neutres. Leur devoir'.

CHAPITRE XXVIl Les adversaires pendant le combat.

Une fois le signal donné, ils peuvent évoluer à leur gré dans le champ qui leur est mesuré.

Conditions auxquelles est subordonnée cette liberté. Elle ne peut être restreinte que par consentement mutuel*.

i. Voyez affaire Mermeix-de Labrayère, 9, 10 septembre 1890. Appendice 81 et 07.

3. Voyez aflaire Naquet-Monvielle, Gazette des Tribunaux, 19 août 1887. Appen- dice u? 7Sé

34

SIXIEME l'ARTIE.

CHAPITRE XXVIM Usage de la main qui ne meuile pas l'épéâ.

Le coup d'épée ne peut Cire paré qu'avec l'épée.

La parade ou la prëheosion de l'arme adverse avec ia maÎD qui ne maaie pas l'épée constitue uno violaliou dt'3 règles du duel '.

L'interdiction doitfitre insérée au procès- verbal. Pourquoi'? Saoc- tion de celte défense.

Parade ou préhension non suivie d'un coup porté *; Suivie d'un coup porté.

Position de la main qui ne nianio pas l'épéo, eu cas de tendance à la parade ou à la prétieosion.

Défense de repousser l'adversaire de la main, de le frapper du pommeau ou avec l'épée prise par la lame.

Peut-on changer l'épée de main au cours de la lutteT Controverse. La solution négative doit éire rejetée. Pourquoi T II faut décider que le changement de main peut ôlre effeciué sans déclaration préalable et sans qne les témoins adverses aient le droit de s'y opposer.

CHAPITRE XXIX Les reprises, Les repos.

QuestioD§ qui s'y rattacbent.

Le droit de décider a'il y aura oui ou non repos, leur durée, la durée des

reprises appartient aux témoins en cas d'offense simple, h l'offensé en cas d'oBense grave et de voie de fait*.

Limites maiima et minima entre lesquelles ce choix peut ôtre exercé.

Devoirs des témoins dont le client se trouve dans un état physique entraînant une prompte fatigue.

Le silence du procès-verbal doit être interprété dans le sens négatif. Conséquences du système contraire".

Devoir du directeur du combat, des témoins et des combatlants en cas de repos.

A la reprise, les adversaires sont-ils replacés à l'endroit qui leur a été désigné par le sort au début du combat, ou â celui qu'ils occupaient au moment du repos ?

1. Vovez affaire Chapuis-Deckerel, Ga::elU des Tribunaux, 31 mui 1S85. Appen- dice n" 73.

i. Voyez affaire Diriena- Mo ri-as, le Temps, a- du 22 mai 1888. Appendko 7i.

3. Voyez affaire Darzene-Moréas, ibidem.

i. Vojoî noire chupitre vu.

5. Voyez aSkire OUivier-Feuilherade, Gatette des Tribunaux, 4 août I87â. Appeii-

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 534

CHAPITRE XXX L'acculement.

Qu'est-ce que racculement? II est une cause de suspension.

Devoir du directeur du combat et des témoins en cas d'acculement.

Cas la limite du champ eât franchie par l'acculé.

Remise en garde* Le terrain conquis ne se rend pas'.

Combien de fois le franchissement de la limite peut-il être toléré?

Le combattant prêt à franchir la limite ne doit pas être averti. ^ Pour- quoi? — Cas le repos coïncide avec Tacculement

Bien qu'un des combattants franchisse la limite, son adversaire n'est pas tenu de s'arrêter avant le signal des témoins.

CHAPITRE XXXI Le corps à corps.

Le corps à corps est une cause de suspension.

Le corps à corps ne doit pas être autorisé. Pourquoi * ?

Signes auxquels on reconnaît le corps à corps.

Devoir du directeur du combat, des témoins et des adversaires en cas de corps à corps. ^ Intervention. Suspension. ^ Remise en garde. Le terrain conquis ne se rend pas.

CHAPITRE XXXII Le désarmement.

Le désarmement est une cause de suspension.

Pour qu'un combattant soit réputé désarmé, il faut que son épée soit visi- blement sortie de sa main.

Le combattant qui voit son adversaire désarmé doit s'arrêter spontané- ment, sans attendre Tinjonction des témoins. Pourquoi ?

Attitude du combattant désarmé.

Devoir du directeur du combat et des témoins en pareil cas. Interven- tion. — Suspension.

1. Voyez affaire Pons-San-Malato, 5 mai 1881, Annuaire du duel. Appendice n«76.

2. Voyez aflledre Dramont-Meyer, Gazette des Tribunaux f 27 juin 1886. Appen- dice n« 77.

>. ' "V* ...«£ :...♦*■■

I S3t

H Acte de frapper ou de chercher à frapper un adversaire visîblemeat

H désarmé. Sanction.

H Remise eD garde. Le terrain conquis n6 se rend pas.

H Le comballanl qui s'arrête spontanément n'accomplit pas un acte de

H générosité, mais un devoir strict '.

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V lesqu

SIXIÈME PARTIE.

CHAPITRE XXXIH Bris et faussement d'èpée.

Ce sont des causes de suspoo^oo.

Les prescriptions â observer varient dans les deux cas, suivant qu'il a été stipulé que les adversaires apporteraient cliacnn une paire d'épées entre lesquelles on tirera au sort, ou qu'ils se serviraient de leurs armes peraon- aellcs.

Eu cas de biis et faussement d'épée, la contre-visite des adversaires peut s'imposer '.

Le combattant qui voit l'épée do sou adversaire brisée ou faussée doit s'arrêter spontanément. Pourquoi? Altitude de celui auquel arrive cet accident. ~ Devoir du directeur du combat et des témoins. lolervenlioa. Suspension.

Remise en garde. Le terrain conquis ne se rend pas.

Cas oii le combuttant qui s'aperçoit du bris ou du faussement do l'^pee adverse ne s'anèle pas,

CHAPITRE XXXIV La chute.

La chute est une cause de suspension.

Le combattant qui voit tomber son adversaire, l'adversaire qui tombe, doivent s'arrêter. Leur attitude rospoctive.

Devoir du directeur du combat et des témoins. Intervention. Sus- pension.

A quel moment la chult ost-ello tenue pour consommée et entrai ne -1-ellc obligation de s'arrêter ?

Toute espèce de coup, pour l'exécution duquel le combattant qui l'essaye prend une position susceptible d'être confondue avec une chute, est interdit. Pourquoi T

En cas de chute, le champ n'est pas rendu.

1, Voyei affaire Pierre Bonapftrte-deRovigo,Co«H«dM Tribunaux, iS novembre 1849. Appendice n' 78.

a. Voyer sffairo Ollivier-Feailherado, Gaiette dit Tribunaux, t août 1876. Appendice 7U.

RÉSUME DES MATIÈRES. 533

CHAPITRE XXXV La blessure.

J^a blessure est une cause de suspension ou d'arrêt déûnitif.

Le directeur du combat et les témoins doivent suspendre la lutte aussitôt qu'une blessure, môme légère, se produit. Pourquoi * ?

Devoir du' combattant qui a blessé son adversaire ou qui croit l'avoir blessé. Devoir du blessé. Droit du premier si le blessé ne s*arrôte pas instantanément. Objection tirée de la difficulté on se trouve d'éviter la mauvaise foi du combattant qui a porté le coup et le mauvais vouloir du blessé qui n'annonce pas qu'il est touché. Moyen d'y obvier.

Cas le blessé se jette sur son antagoniste après la suspension du combat. Cas le combattant demeuré intact essaye de firapper le blessé. Intervention des médecins. -:- Valeur de leur avis. Le champ doit-il être rendu en cas de blessure ? Raison de douter.

CHAPITRE XXXVl

Devoir des adversaires et des témoins dans les cas prévus

aux chapitres XXIX et suivants.

Ce chapitre est le résumé des règles éparses dans les chapitres précé- dents.

Devoir des témoins. Aussitôt que l'incident se produit, les témoins arrêtent le combat, verbo et opère, à leurs risques et périls.

Devoir des combattants, En tout état de cause, ils sont tenus de s'arrêter immédiatement après l'injonction des témoins.

Si l'injonction n'est pas concomitante avec le fait qui motive la suspension, le devoir des combattants varie suivant les circonstances.

4 « En cas de repos, d'acculement et de corps à corps, ils continuent la lutte jusqu'à l'intervention des témoins, quand bien même cette intervention se ferait a' tendre. Pourquoi 7

V En cas de désarmement, de [bris d'épée et de chute, ils sont tenus de 8*arréter spontanément et sans attendre l'intervention des témoins. Pourquoi ?

Z'* En cas de faussement d'épée et de blessure, le devoir des combattants est plus délicat. Pourquoi? Moyen terme qui garantit la sécurité de celui qui a porté le coup, de celui qui l'a reçu, et leur évite de commettre un acte

1. Voyez affaire Betz-Pierotti, Gaxette des Tribunaux, 16, 17, 18 décembre 1889. Appendice n9 80.

^ N . Jh '. ' Il il 11 ^H

U4 SIXIÈME PARTIE.

qui, s'il ne vîolo pas la stricto loi du duel, n'en est pas moins incorrect a point de vue de la délicatesse ot de l'Ijonneur.

Attitude des comballatits dans tous les cas d-deseus énoDCés '.

CONDITIONS SPÉCIALES AU DUEL AU PISTOLET

CHAPITRE XXXVII

Choix du duel.

Le choix du duel doit être laît entre les daels légaux par les témoins en cas d'ofTense simple ; par l'ofleosé, en cas d'offense grave, ou s'il y a voie

Il y a sept duels légaux, divisés en deux classes.

La première classe [duel au visé} comprend : Le duel de pied ferme i tir successif. Le duel de pied ferme 'd volonté. Le duel à marcher. Le due! â marclie interrompue. Le duel â lignes parallèles.

La deuxième classe comprend : Le duel au signal. Le duel au comman- dement.

La question dn choix du duel et la responsabilité des témoins sont intime- ment liées.

Leur responsabilité varie suivant que ce sont oui ou l'offensé qui choisis- sent le duel.

/" hypothèse. Lorsque les témoins sont appelés à choisir le duel, il est impossible de déterminer par avance cl à coup sur celui sur lequel ils ont intérêt à s'arnîter, mais on peut indiquer les qualités que doit posséder le duel type, et, procédant par comparaison, celui qui s'en écarte le moins.

Comparaison de classe h classe.

Comparaison entre les duels de la même classe.

Le duel au commandement est celui qui résume le mieux les qualités demandées. Puis vient le duel ou visé de pied ferme, à volonté. Lo duel à marcher. Le duel à marche inierrompue. Le duel au signal. Le duel au visé a tir successif.

2' hypothèse. Lorsque c'est l'offensé qui choisit le duel, quelle conduite peuvent tenir les témoins, si celui qui est imposé leur parait de nature à com-

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 635

promettre leur responsabilité ou à blesser leur conscience ? Peuvent-ils se retirer ? Intérêt de la question. Position scabreuse des témoins pris entre la sanctioa des lois ordinaires et les obligations imposées par la législation du point d'honneur. La solution de la question dépend des termes de leur mandat.

Peuvent-ils apporter des modifications au duel choisi? Conditions auxquelles ces modifications peuvent être exercées. Exemple.

CHAPITRE XXXVIII G3ioix des distances.

Le choix des distances appartient aux témoins en cas d'offense simple ou d'injure grave, à l'offensé s'il y a eu voie de fait.

Nécessité d'une limite maxima et d'une limite minima entre lesquelles le choix devra être circonscrit. Tableau des distances admises comme légales.

Conséquence du choix d'une dislance inférieure au minimum légal. Adversaires et témoins doivent la refuser.

Conséquences d'un choix supérieur au maximum. L^agresseur, si ce choix est fait par l'offensé, les deux adversaires^ si ce choix est fait par les témoins, sont libres d'accepter ou de refuser.

Cas le choix d'une distance supérieure au maximum résulte d'une convention mutuelle. Cas elle a lieu sur le terrain.

Les témoins ne doivent pas augmenter la distance stipulée au procès- verbal à l'insu des combattants. Pourquoi?

Nécessité d'énoncer en mètres la distance convenue et de se servir du mètre pour la mesurer.

Devoirs des témoins lorsque^ayant le choix des distances, ils ne peuvent tomber d'accord.

CHAPITRE XXXIX Détermination du délai pour tirer.

Le délai accordé pour échanger les balles doit être déterminé dans le procès-verbal.

Le droit de le déterminer appartient aux témoins. Pourquoi *■ ?

Les témoins peuvent apporter certains changements aux délais indiqués par Chateauvillard. En quoi consistent ces changements 7

Relativement à cette question, on peut diviser les duels en trois classes.

i. Voyez afiEeûre Coste-Benolt, GaMette des TribunauXy 3 août 1832. Appendice n0 83.

636 SIXIÈME PARTIE.

Pour Ici duels de la première classe, c'esUà-dire pour le§ duels au visé, è ToloDlé, k marcher, à marche interrompue, à ligues parallèles, le chaoge- ment consiste dans l'adoplion du commandement : a Tirez I > ou <i Marchez ! > comme point de départ uniforme d'un délai immuable et plus court que le délai indiqué par Cbaleauviliard.

Eiemple. Ce cbangemenl réunit les conditions requises pour être légal. Prouves à l'appui.

Proportions dans lesquelle les délais fixés par Château vil lard pour les duels précédents peuvent être dimioués. Effets de la diminution.

Pour le duel de la seconde classe, c'est-à-dire pour le duel â tir succes- sif, le seul changement consiste dans la diminution du délai. —Pourquoi?

Pour les duels de la troisième classe, c'est-à-dire pour le duel au signal, et pour le duel au commandement, nous conservons le laps do temps Gxé par Cbateauvjllard et Taveroier.

Expérience qui justiSe les diminutions proposées'. —Cas ou les témoins sont en désaccord sur la question des délais.

Supplément de délai accordé au blessé pour riposter. Il n'a pas raison d'élre si le dnel est au signal ou au commandement, filon qu'il soit accordé par Chateauvillard lorsque le duel est au visé, nous le refusons. Poiir<]uoi?

CHAPiTRE \L Coup raté, coup tiré en l'air.

Bd l'absence de stipulation contrairei tout coup raté est consdéré comme tiré.

Les témoins appelés à rédiger un procès- verbal de rencontre au pistolet

doivent-ils stipuler que tout coup raté sera considéré comme tiré, ou que l'arme sera rechargée et tirée à nouveau? Importance de la question.

La nature du duel au signal et du duel au commandement ne permet pas la clause du rechargement'.

Duels au visé. Comparaison des résultats produits par les deux sys- tèmes '.

Cas ou l'offensé tire et rate. Droit de l'agresseur si on admet la règle « coup raté, coup tiré i. Situation délicate on il se trouve.

Cas l'offensé tire et manque. l'agresseur riposte et rate.

Résultats des deux systèmes, Discussion. Impossibilité d'une solu- tion catégorique et absolument rationnelle. Palliatif. Adoption du duel au commandemenl.

1. Voyez affaire Maiard-de Monlbron, Galette det Trxbutuuix, 3 septembre 1S49. Appendice n* 83,

2. Voyei affaire Reintch-Oéroulède, Annuairt du dael, 21 octobre ISOO. Appen- dice D" 84.

3. Voyei appendice n" 85.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 537

Acle de tirer en l'air, Les combattants ont-ils le droit de tirer en Pair? Quelle influence peut avoir cet acte sur les droits de l'adversaire ' ? Les droits de l'adversaire varient suivant que c'est l'ofiTensé ou l'agresseur qui tire en l'air. Si c'est l'offensé, l'acte équivaut à un refus de duel. Si c'est Tagresseur, l'offensé conserve le droit de tirer le nombre de balles convenu au procès- ver bal. Pourquoi ? Devoir des témoins dans ces deux cas

Nombre de balles à échanger.

ndoit être inséré au procès- verbal. Le silence du procès-verbal est interprété dans un sens restrictif * ?

CHAPITRE XLI Choix des pistolets.

Le droit de choisir les pistolets qui serviront au duel appartient aux témoins, sauf en cas de voie de fait l'offensé peut se servir de ses armes personnelles, en laissant la môme faculté à l'agresseur. Les armes sont alors présentées à l'acceptation des témoins.

CHAPITRE LXII Ck>nditions mises à Tacceptation des pistolets.

Pour que les pistolets soient acceptés, il faut qu'ils soient propres au combat, c'est-à-dire capables de faire feu et d'atteindre avec la môme justesse le but visé.

Causes qui in/luenlsur la justesse du tir. 4<> Le forage et la rayure.

Les armes lisses moins justes que les armes rayées. Pourquoi? Vent.

Effet des irrégularités de forage et de rayure. Moyen de les reconnaître.

t* La proportion de la chambre.

3* La charge. La balle doit ôtre exactement de m&me calibre. Effets d'une disproportion entre la balle et l'âme du pistolet. Proportion qui doit exister entre la mesure de poudre et le poids de la balle.

i^ Le guidonnage. Guidonnage régulier, principale cause de justesse. Inutilité de corriger la dérivation latérale et la parabole de la trajectoire. Moyen de reconnaître si le guidonnage est régulier.

i. Voyez affaire Déroalède-Lagaeire, 13 novembre 1890. Appendice n* 86. 2. Voyez affaire Mira-Dovalle, Gazette des Tribunaux^ 27 octobre 1830. Appen- dice n* 87.

SIXIÈME PARTIE.

CHAPITRE XLIII Opérations déloyales dont les armes peuvent être l'objet.

Leur objectif. Enlever au tireur de bonne toi qui vise comm» à i'ot- tlinaire toute chance de toucher le but, tandis que soo adversaire prévenu

d'avance peut corriger l'écart,

J/oyen5 employés. Leurs réiullati:. Déplacement du guidon ou du cran do mire, ou des deux à la fois. Leur exhaussement. Leur abais- sera en I.

Le déplacement du guidon à droite Tait porter le coup à gaucho, et vice rrrta. Figure explicative, Manière de corriger l'écart. L'eihaiisse- ment du cran de mire fait porter le coup plus bsul. L'exhaussement du guidon Tait portf r le coup plua bas.

Figures explicalivea. Manière de corriger l'écart. La combinaison de ces fraudes est difiicila è découvrir et produit un grand écart.

Circonstances dans lesquelles ces manœuvres peuvent être commises.

Sur le terrain . Avant la rencontre. Plus dangereuse dans ce dernier cas. Manière de reconnaître les manœuvres frauduleuses une fois commises. Manière de les prévenir.

Pour les fraudes commises sur le terrain, adoption du guidon lîxe.

Pour les fraudes commises avant la rencontre, adoption d'armes neuve:;, inconnues des adversaires, non laissées entre leurs mains. Sens du mol inconnues. locanvénient des armes louées ou prêtées. Précautions à prendre on pareil cas.

Les pistolets d'une même paire doivent être similaires. Sens de cette expression.

Délentes. Moyen de s'assurer si leur sensibilité est égale pour les deux armes.

Scellement do la boUe des pistolets.

Co qu'il faut et ne faut pas tirer au sort. —Cas les adversaires se ser- vent d'armes personnelles. Elles doivent êlre présentées à Tacceplalion des témoins. Condilions pour être accopices. La stipulation que chacun des combattants apportera ea paire et qu'on tirera au sort doit être rejetée. Pourquoi ' î

Le combattant dont la paire n'est pas sortie choisit le pistolet qui lui convient. Los témoins ne doivent jamais choisir '.

1. VoyOE affaira Oujarrlernlo BeauTsIloD, GatitU ix* Tribunaux, 37, 31 mtrt, 4 «vril, novembre, 9 décembre 1816. Appendice, 88.

3. Vojei sffairo L"* M'"-do M., GaMlU de» TribvMMX, SI août 1833. Appen- dice 11° 89.

RÉSUMÉ DBS MATIÈRES. 539

CHAPITRE XLIV Manière d'atténuer le danger de la rencontre.

Les balles de liège, les pistolets à soupape, la double ou triple charge ne doivent pas être employés. Pourquoi? Le meilleur moyen cousiste à durcir les détentes.

Avant de pratiquer ce durcissement, les témoins doivent s'ôtre entendus sur le poids que supporteront les détentes. Pourquoi? Poids acceptable; Refusable.

L'emploi de la double détente est interdit comme dangereux pour les a dversaires et les témoins. Le silence du procès-verbal interprété dans un sens négatif. Manière d'annuler la double détente dans les pistolets qui en sont munis.

CHAPITRE XLV Charg^ement.

Importance de cette opération. Elle peut s'effectuer de deux manières : 40 Par le ministère des témoins. Distinction à faire entre le cas les pistolets d'une seule paire serviront et celui chaque adversaire est autorisé à se servir de son arme.

%"" Par un chargeur de profession. Soins qu'il faut apporter au chargement.

CHAPITRE XLVl ToUette. Visite.

Les adversaires peuvent garder les vêtements incapables d'arrêter la balle. Us doivent se dépouiller de tout ce qui peut l'arrêter ^

Conseils aux adversaires sur la tenue la plus capable d'atténuer le danger de leur situation.

CHAPITRE XLVII Cihoix du terrain. Tirage au sort des places.

Le choix doit être opéré avant la rencontre. U doit porter sur un terrain couvert, en rase campagne, et non sur une allée étroite, plantée d'arbres. Pourquoi?

1. Voyez affaires Bonnet-d'Omano, Laisant-de La Rochette. Appendice n^ 90.

SIXIÈME PARTIE.

Les désavantages provenant de l'élal de l'almosphère doivent être par- tagés.

La tirage au sort ne fomporte pas pour celui qui en est favonsA, le droil de choisir sa place. Pourquoi.

Le tirage au sort des places est indépeDdaot de celui des armes.

CHAPITRE XLVIII Duel au visé de pied terme à tir successif.

m

La caracl^rislique de ce duel esl la de icrmi nation de l'ocdre dans lequel les adveresires doivent tirer.

A qui appartieitl le droil de tirer le premier. Si l'offense est du premier degré, il est rerais au sort.

Si l'offenjiecfil du second degré : deux systèmes.

Il laul s'en tenir au système de Château villard, qui donne la primauté à l'offensé, A condition que les quatre témoins tombent d'accord pour fixer la distance h trente-cinq pas. Pourquoi T

Si TotTense est du troisième degré, U primauté du tir appartient h l'offensé. qui fiie la distance à trente-cinq pas.

Dittanct. Elle varie entre quinze pas ou douze mhtna et Irente-ciiiq pas ou vingt-huit mètres.

Délai pour t!clianger les balles. D'après Cbateauv illard, il est d'une mioule pour chaque combattant, avec supplément d'une minute s'il y a blei-

D'après notre système, le délai est réduit h une minute pour l'échange des deux balles, sans aucun supplément au blessé.

Starc/ie du duel. Mesure des distances. Tirage des places. Véri- Gcalion des scellés. Cbargemenl. Tirage au sort pour la primauté du tir s'il n'appartient pas à l'offensé. Pour les pistolets, idem.

Les pistolets sont remis non armés aux adversaires et en même temps '■

Visite. Position occupée par les témoins.

Rappel des conditions.

Avertissement préalable. Signal ',

Position de celui qui subit le feu'.

Coup raté, coup tiré.

Cas le duel continue aprèj les premières balles tirées.

1. \oyei sffaire LeTâiBeur-Arrighi, Ga:elte des Tribunaux, li, 15 msra i8t2. Appendice n'Or.

2. Voj ei Rllïire de T*" et P***. Colombey, Bistoirs atucdotigtu du dutl. Appen-

RÉSUME DES MATIÈRES. 544

CHAPITRE XLIX Duel au visé de pied ferme à volonté.

Distance unique : yingt-cinq pas ou vingt mètres.

Délai pour tirer. D'après Château villard, une minute à partir du pre- mier coup qui est ad libitum. Ce délai est porté à deux en cas de blessure.

D'après notre système, les deux balles doivent ôtre tirées h. volonté dans un délai immuable d'une minute à partir du signal. Tout supplément est refusé.

Marche du duel. Renvoi au chapitre xlviii, sauf pour ce qui concerne la liberté du tir et les droits et devoirs des adversaires à partir du signal.

CHAPITRE L Duel au visé à marcher.

Distance. Elle varie entre trente-cinq pas ou vingt-huit mètres et quarante pas ou trente-deux mètres. Chaque adversaire peut avancer de dix pas ou de huit mètres.

Délai pour tirer. Chateauvillard ne fixe aucun délai pour marcher et tirer le premier coup. Il accorde à celui qui Ta essuyé une minute pour mar- cher et liposter, et au blessé un supplément d'une minute s'il est tombé.

D'après notre système, marche et échange des balles doivent être exécutés dans le délai unique d'une minute à partir du signal. Tout supplément est refusé au blessé.

Marche du duel. » Renvoi au chapitre xlviii, sauf pour ce qui concerne le tracé des limites; la maiîière de donner le signal, la marche, l'attitude et le droit des adversaires à partir de ce moment ; le devoir du combattant qui a subi le premier feu et qui a tiré le premier.

La clause par laquelle deux pistolets sont remis aux combattants ne doit pas être acceptée. Pourquoi ? Idem^ celle par laquelle il est stipulé que le premier coup sera immédiatement suivi du second. Pourquoi ^ ?

i. Voyez affaire Dujarrier-de BeauvaUon, Gazette des Tribunaux, 27, 31 mars, 1*' avril, 21 novembre, S décembre 1846. Appendice 94.

SIXIÈME PARTIE.

CHAPITRE LI Duel au visé à marche interrompue.

Ditlaace. Elle varie entre cinquanle pas ou quaTaote mètres et qua- rante-cioq pas ou U-eole-siK mètres, avec Taculté pour les adversaires d'avancer rIibcud (le quinze pas ou douxe mètres.

Délai. Château villard ne ûxe aucun dëlai pour marcher et tirer le premier coup. Il accorde à celui qui l'a essuyé une demi-minute pour marcher et riposter, et une minute au blessa A partir du moment ou il est tombé.

Nous n'accordons qu'une demi-minulo à partir du signal pour marclieret tirer les deux coups. Nous reFasons tout supplément.

Marche du duel. Renvoi au chapitre xLviu, sauf pour ce qui concerne les limites, la manière de donner le signal, la marche qui peut n'eiécuter en ùgzag, l'atlitude, les droits et devoirs dos adversaires â partir du signal.

CHAPITRE LU Duel BU visé à marcher et à li^e parallèle. Renvoi ii VEttai »ur le duel de CbsieauTillard, page i9. 'Pourquoi T

CHAPITRE LUI Duel au signal.

Dislance. Elle varie entre vingt-cinq pas ou vingt mètres et trente-cinq pas ou viDgl-huit mètres.

Droit de donner le signal. Il appartieut b l'offensé avec voie de fait. Il est tiré au sort en cas d'ofTense du deuxième et du premier degré.

Délai. Si les témoins de l'olTensé donnent le signal, il est de six h neuf secondes pour les trois coups.

Si le droit de donner le signal est tiré au sort, le délai varie entre deux et six secondes pour les trois coups.

Marche du duel. Points pour lesquels il est fait un renvoi au cha- pitre xuviii.

Points spéciaux au duel au signal. Manière de donner le signal.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 543

Obligation imposée aux adversaires de tirer simultanément au troisième coup.

Cas un des adversaires tire avant ou après le troisième coup. Sanc- tion proposée par Chaleauvillard. Ses inconvénients. Cas oi!i un adver- saire reste à viser après le troisième coup. Coup raté, coup tiré. Conseils aux combattants dont le pistolet a raté ^

CHAPITRE LIV Duel au commandement.

Il est une modification du duel au signal. Ses ressemblances. Ses dissemblances.

Dislance. Elle varie de vingt-cinq pas ou vingt mètres à trente-cinq pas ou vingt-huit mètres.

Le droit de donner le signal appartient aux témoins de Toffensé avec voie de fait. En dehors de ce cas il est tiré au sort. Opinion contraire de M. Tavernier.

Délai. Nécessité d'une détermination antérieure au combat. L'intervalle entre le mot feu et le nombre trois varie d'une seconde et demie à quatre secondes et demie '•

Marche du duel, Points pour lesquels il est fait un renvoi au cha- pitre XLVllI.

Conditions spéciales au duel au commandement Manière de donner le signal. Obligations qui en découlent pour les adversaires et les témoins.

Observation sur la manière dont les combattants doivent tenir leur pistolet en attendant le signal.

La position haut le pistolet est préférable à celle le bout est incliné vers la terre. Pourquoi?

CHAPITRE LV Duel au sabre.

Les règles du duel à Tépée sont presque toutes applicables au duel au

sabre.

Points sur lesquels le duel au sabre diffère du duel à l'épée.

Renvoi au chapitre Chaleauvillard traite de ce genre de rencontre.

1. Voyez affaire Ritter-Appleton, Gazelle des Tribunaux, 2 et 3 avril 1873.

Appendice 95.

2. Voyez affaire aémenceau-Déroulède, 22 décembre 1892. Appendice 112.

SIXIÈME PARTIE.

CHAPITRE LVI

Violation des règles du duel. Prorocation à la suite et à cause du duel.

m 6u

I

^V Ed cas de violation des règles du duel ou des Bliputations du procès-

^r verbal, les tëmoins arrêtent le combat.

Cas l'infraction est peu grave et les (émoins s'accordenl pour la

^1 coaeidérer comme une simple fauie.

^L Cas les témoins ne sont pas d'accord sur la valeur de l'iofraclion.

^H Cas rinTraction a causé une bkssnre.

^H Cas les témoins s'accordenl pour déclarer qu'il y a eu déloyauté.

^H Faits qui entraînent ipso facto présomption de déloyauté.

^^Ê Pour le duel à l'épée.

^^M Pour le duel au pistolet.

^F Récidive d'une simple faute.

L'interruption, la susponsLon et l'arrêt définitif ne sont pas des sanctions. Exemple.

En quoi consiste la sanction d'uoe infraction non eotacbée de déloyauté et d'une infraction entachée de déloyauté.

Procès-verbal de constat. Renvoi au chapitre Lvu.

Disqualification. Cas elle est encourue de plein droit '. Cas la partie qai oppose la question pré&'able s'appuie sur ua procès- verbal douteux,

Nécessité d'un jury d'honneur'.

La dénenciation aux tiibucaux des faits entachés de déloyauté e^t dange- reuse pour le blessé et les témoins.

Devoirs du directeur du combat et des témoins en cas de violation des règles du duel '.

Provocation à la suite ou à cause du duel. Devoir de l'adversaire sorti victorieux d'une première rencontre'.

Les témoins qui reçoivent un cartel au sujet du duel bénéScient des piivilèges accordés aux offensés avec voie de fjit, si les torts sont du côté du provocateur. Pourquoi ï

1. VojcE affaire Miqust-Montviellc, Gaietlt dt» Trtàifmaux, 11 août 1887. Ap|i«a- n*9e.

Je National, n"des9, 10, 11 septembre

2. Voyoi affaire Mermeii-La Bruyéi 18»0 et auivaali. Appendice n" 97.

3. Voyez affaire Naquct-Montviclle. Appendi

4. Vojei affaire Hjène-de Pêne. Appendir Appendice n' S.

- Circulaire miniatérielle.

RÉSUfttË DES MATIÈRES. 545

CHAPITRE LVII Procès- verbal après la rencontre.

Sa forme*

Nécessité d'une rédaction immédiate et à huis clos. Pourquoi '?

Si, malgré les précautions prises pour garder Taffaire secrète, un journa- liste en publie un compte rendu et cause un préjudice aux acteurs ou aux témoins, est-il responsable ?

Nécessité d'une rédaction claire et précise *.

Ce que les témoins doivent signer. Ce qu'ils peuvent refuser '.

Leur droit relativement à la reconnaissance de la déloyauté de l'acte.

Obligation de déposer toute la vérité en justice ou devant le jury d'hon- neur.

Les témoins ne sont sujets à aucun appel à raison de leur déposition. ~ Réserves*.

Cas les témoins se séparent sans avoir pu rédiger en commun le procès- verbal.

Lorsque le procès-verbal est signé des quatre témoins, aucun d'eux ne peut avancer quoi que ce soit contre son contenu ^.

Opportunité de la publication du procès- verbal.

CHAPITRE LVIII Duels exceptionnels.

Qu'est-ce qu'un duel exceptionnel ?

Il peut toujours être refusé par les adversaires, sans qu'on puisse les en blâmer.

Les témoins qui concourent à un duel exceptionnel violent une règle du point d'honneur et encourent une grande responsabilité. Pourquoi?

Exemples de duels exceptionnels.

1. Voyez affaire T***-R***, août 1890. Appendice no 99.

2. Voyez affaire Mermeix-Labruyère. Appendice 100.

3. Voyez affaire Drumont-Meyer, Gazette des Tribunaux, 27 juillet 1886. Appen- dice n° 101.

4. Voyez affaire Dujarrier-de Beanvallon. Appendice 102.

5. Voyez affaire Darzens-Moreaa, le Temps du 22 mai 1888. Appendice n* 103.

35

SIXIÈME PARTIE.

CONSÉQUENCES LEGALES DU DUEL. SANCTION PÉNALE. RESPONSABILITÉ CIVILE. ACTION PUBLIQUE. DIVISION DU SUJET.

CHAPITRE LIX

Provocation en duel entre individus non revêtus d'un caractère public et non militaires,

La loi française ne punit pas la provocation si elle n'est ni dilTamatoiie li iajurieuse. Conventions de duel non suivies d'effet.

CHAPITRE LX

Provocations adressées aux personnes revêtues d'un caractère public (magistrats, fonctionnaires, etc.}.

La provocation adressée à une personne protégée parles articles 31 et 33 de la loi du 19 juillet 4831, liî et suivants du Code pénal, coastitue-t-elle un délit lorsqu'elle est conçue en termfs polis et mesurés?

Non, lorsqu'elle est adressée en dehors de l'eiercice des fonctions, el lorsqu'elle n'a aucun rapport avec les fonctions ou la qualité.

Lorsque la provocation est adressée à raison des fonctions ou de la qualité, il faut rechercher si elle est de nature à inculper, suivant le cas, l'honneur, la considération, la délicatesse de la personne qualiGée, ou <i rentrer dans la déSnition donnée au mol injure par la loi de 1881 sur la presse. Pour- quoi?

Controverse. Trois systèmes. Le système mixte est le plus logique. Son application au magistrat provoqué à raison d'une décision qu'il a reodue. -- Au ministère public.

Condition sans laquelle la personne quaUhée ne peut réclamer la pro- tection des articles 31 et 33 de la loi de 1881, !31 du Code pénal.

L'examen dont il vient d'être parlé n'a plus sa raisou d'être, lorsque la provocalioQ est adressée, saoa publicité, à une personne protégée par les articles 114 et suivants du Code pénal. —Pourquoi?

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 547

CHAPITRE LXI

Procès-verbal constatant qu'une personne revêtue d'iui caractère public a refusé de se battre.

La publicité donnée à un procès-verbal constatant qu'une personne qua- lifiée a refusé de se battre ne constitue pas une atteinte à son honneur. Pourquoi?

Gonstitue-t-elie une atteinte à sa considération ? La question est con- troversée.

Exposition des trois systèmes. Discussion. La solution négative est la plus rationnelle. Pourquoi?

CHAPITRE LXII

Influence de la perpétration et de la publicité sur la

juridiction compétente.

Intérêt des adversaires et des témoins à éviter la Juridiction correction- nelle et à être traduits en cour d'assises.

Moyens qu'ils peuvent employer pour y arriver. Le cartel doit être adressé en dehors de l'exercice des fonctions. Il doit être rendu public.

Si la personne qualifiée est comprise dans Ténumération des articles 224 et suivants du Gode pénal, le cartel» bien que non public, échappe à la com- pétence correctionnelle, pourvu qu'il soit rédigé par écrit. Pourquoi ?

Modes divers de perpétratioD de publicité.

Nécessité de faire rentrer la personne qu*on veut provoquer en duel dans la catégorie qui lui convient.

CHAPITRE LXIII

Provocation entre militaires de grades inégaux de l'armée de terre. Armée active. Réserve. Armée territo- riale. Adversaires. Témoins. Cassation. Non- activité. Réforme. Plainte. Jury d'honneur.

4'« hypothèse. Le mililaire qui adresse le cartel est un inférieur. A, Il fait partie de Vannée active.

La provocation adressée à ud supérieur constitue une infraction à la subordination punie par l'article 224 du code de justice militaire *.

i. Voyez ordre du Jour du ministre de la guerre. Appeqdice n^ 104.

t.-

5&8 SIXIÈME PA.RT1E.

Texte et explication de l'article 224 du code de justice militaire.

Sens du mot « supérieur ». Circonstances agrayantes. FrovocatioD pendant le service ; A l'occasion du service. La pénalité varie suivant que l'inférieur est ou n'est pas officier.

Provocation étrangère au service.

Questions controversées relatives à l'application de l'article 224 du code de justice militaire :

4<» La provocation adressée par écrit à un supéri<)ur tombe-t-elle sous le coup de cet article ?

t^ Y a-t-ii outrage si le supérieur ne s'est pas tenu dans la limite absolue de ses pouvoirs ?

SMl n'était pas en uniforme au moment de la provocation?

4'' L'offense subie par l'inférieur peut-elle lui servir d'excuse ou de circonstance atténuante?

5<^ L'inférieur qui a échappé à la sanction de l'article 224 peut-il encou- rir une peine disciplinaire ?

B. L'inférieur qui adresse la provocation appartient à la réserve de Varmée active ou à Varmée territoriale.

k^ espèce, L'inférieur se trouvait sous les drapeaux au moment de la provocation. Môme solution que pour l'inférieur de l'armée active (article 52 de la loi du45 juillet 4889).

espèce, L'inférieur ne se trouvait pas sous les drapeaux au moment de la provocation.

Il faut distinguer deux cas : celui il était revêtu d'effets d'uniforme au moment de la provocation ; t^ celui il n'en était pas revêtu.

Dans le premier cas, il est justiciable des tribunaux militaires, en vertu de l'article 53 de la loi de 4 889.

Il y a controvorse sur la sanction applicable (article 224 code de justice militaire, ou article 224 du tableau D annexé à la loi du 45 juillet 4889).

Intérêt de la question pour rinférieur.

Exposition et discussion des systèmes.

Influence des solutions adoptées sur l'admission des circonstances atté- nuantes. — Sens des expressions a elfets d'uniforme ».

Dans le second cas, la situation faite à l'inférieur, réserviste ou territorial non revêtu d'effets d'uniforme, est réglée par l'article 57 de la loi du 45 juillet 4887 et 22 i du tableau D annexé à ladite loi. Textes de ces articles. Conditions relatives à leur application.

§ 4*'^ Nécessité d'un motif de vengeance contre un acte d'autorité légalement exercé. Importance de cette condition. Elle est limitée à la provocation adressée à l'occasion du service.

§ 2. L'inférieur et le Lupérieur doivent être tous deux revêtus d'effets d'uniforme.

Nature des offenses à raison desquelles l'inférieur peut demander répa- ration sans rentrer dans les conditions des articles 57 et 224, tableau D.

Laps de temps à partir duquel l'inférieur de l'armée territoriale. peut

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 549

adresser une provocation de quelque nature que ce soit, môme motivée par un désir de vengeance contre un acte d autorité légalement exercé, sans devenif justiciable des tribunaux militaires.

Peines disciplinaires.

Cas la révocation peut ôtre prononcée contre un inférieur, officier de la réserve ou de l'armée territoriale, à raison d'une provocation, conformément aux paragraphes 4. et ^ de l'article 7 du décret du 31 août 4878.

V hypothèse. Le militaire qui adresse la provocation est un supé- rieur. — Examen de sa situation, suivant qu'il fût partie de l'armée active, de la réserve ou de l'armée territoriale. Cas il commet ou ne commet pas de faute contre la discipline.

3* hypothèse. Le supérieur accepte la provocation d'un inférieur. Mômes distinctions. Mômes solutions.

4* hypothèse. L'inférieur accepte la provocation du supérieur. Mômes distinctions. Circonstances atténuantes.

La situation faite aux témoins qui, étant d'un grade inférieur à la personne provoquée, lui transmettent le cartel d'un subordonné, varie suivant qu'ils font partie l'armée active, de la réserve ou de l'armée territoriale.

Complicité, en quoi elle consiste.

Influence que peuvent avoir sur les conséquences

de la provocation :

1* La rétrogradation volontaire ou forcée;

V La mise en non-activité;

La mise en réforme;

La retraite;

5<* La démission,

La démission n'a d^effet que lorsqu'elle est acceptée.— Intérêt de l'inférieur à dissimuler le véritable motif de sa démission.

La démission acceptée ne permet pas toujours à l'inférieur de provoquer impunément son supérieur.

Cas l'inférieur est intéressé à donner sa démission , à ne pas la donner; à ce que le supérieur la donne.

Les effets de la démission acceptée sont immédiats. Opinion contraire erronée.

6<> La plainte. Seule voie régulière ouverte à l'inférieur offensé par un supérieur.

Il peut en user, sans encourir de blâme, chaque fois que la voie des armes lui est fermée. Conditions mises à l'exercice de ce droit L'inférieur qui porte plainte perd tout droit à une réparation ultérieure.

T* Jury d^ honneur. Intérêt que peuvent avoir l'inférieur et môme le

660 SIXIÈME PARTIE.

supérieur à la constitution d'an jury d'honneur chargé de Irancher Inir <lifl&- rend. Sa composition parliculiëre.

Conseil au subordonné lorsque te supérieur oppose une On de non-recavoir

à la proposition qui lui est faite de recourir à celle solution. Situation dé- licate où il peut placer les égaux du supérienr. Ses résultais. Pre&sion morale. Quarantaine. Démission.

Conditiona pour que la leDtativedel'inrérieurréusaiase.

CHAPITRE LXIV Provocation entre militaires de grades in^aux.

Armée '/e mer. La sitoalion de l'inférieur qui provoque un supérioar est réglée par l'article 30Î du code de justice maridme.

Renvoi au chapitre précédent pour ce qui concerne l'armée active ; La réserve ; L'armée terrilorialo.

Exceptions, Outrages h bord. lascrila maritimes. Sens des expressions « Tout marin n, i Tout militaire embarqué », «Tout iadivido faisant partie de l'équipage d'un bâtiment de l'Ëtal i.

Situation faite aux passagers â bord d'un bâtiment de l'État :

Lorsqu'ils sont justiciables des tribunaux militaires, mais non inscrits au rôle du bâtiment.

!" Lorsqu'ils ne sont justiciables ni des tribunaux mililaîreâ ni des tri- bunaux maritimes (article 303 du coda de justice maritime).

CHAPITRE LXV

ConBéquences pénales du duel entre individus non militaires.

L'homicide et la blessure commis en duel sont des infractions de droit

Qualification. Crime. Délit. Importance de la qualification à raison de la compétence ; A raison des conditions mises à la poursuite, lorsque le duel a eu lieu à l'étranger.

Qualification qui peut é^e donnée à l'infraction dans diverses hypothèses. Articles applicables.

1'° hypothèse. Le duel peut se terminer par la mort d'un des com- battants.

A, Cas oii la mort est immédiate.

B. Cas la blessure faite volontairement, mais sans iotention de donner ta mort, l'a pourtant occasionnée.

RÉSUME DES MATIÈRES. 654

V hypothèse. ^ Le duel peut se terminer par la blessure d'un des com- battants.

C. Cas rintention de donner la mort est constatée.

/>. ~ Cas la blessore entraîne mutilation, amputation, privation de Tusage d'un membre, cécité, perte d'un œil ou autre infirmité permanente.

E. Cas elle entraine une maladie ou incapacité de travail personnel pendant plus de vingt jours*

F. Cas elle entraîne une maladie ou incapacité de travail personnel pendant moins de vingt jours.

3* hypothèse. Le duel peut se terminer par la blessure des deux com- battants.

G. Cas les blessures sont d'égale gravité. H. Cas les blessures sont d'inégale gravité.

4* hypothèse, Le duel peut se terminer sans blessure.

L Cas les adversaires ont eu Tintention de se donner la mort; N'ont pas eu cette intention.

Preuve de l'intention.

Détails sur la jurisprudence du tribunal de la Seine, qui permet d'atteindre les deux adversaires lorsqu'ils n'ont pas eu l'intention de se donner la mort, et que le duel s'est terminé sans blessure ; Le blessé, en môme temps que l'auteur de la blessure, lorsque le duel s'est terminé par la blessure d'un seul combattant.

Loi Bérenger sur l'atténuation ou l'aggravation des peines*

CHAPITRE LXVI Cîonséquences du duel entre

Distinction entre le duel pris en lui-môme et l'homicide ou les blessures qui en résultent. Conséquences.

A plusieurs reprises, les conseils de guerre ont refusé de punir Thomicide commis dans un duel loyal.

Lorsque parmi les prévenus se trouvent des individus non militaires et des militaires, les tribunaux ordinaires sont compétents.

L'autorité supérieure peut- elle obliger les militaires à se battre en duel malgré eux ?

CHAPITRE LXVII Conséquences du duel relativement aux témoins.

Les témoins sont complices des adversaires.

Différence entre la complicité des témoins dans un duel et la complidté

55* SrXIÈME PARTIE.

ordinaire. Conséquences. Excilalion au dueL Tente, locsiîon, prèl d'armes, de maison, de parc.

Les témoins peuvent dtre poursuivis, bien que l'auteur prindpaJ ne aoil pas en cause, aitétâ dâclaré non coupable, etc.

CUAPiTBE LXVIH

Exercice de l'action publii^ue dans l'intérieur du territoire.

L'action publique s'élecd h tous les crimes et délits commis sur le terri- toire français. Ce (jn'il faut enlendro par territoire. Pays étrangers qui doivent être considérés comme terriloire français, au point de vue de la loi pénale. Consulats, etc.

CHAPITHE LXIX

Situation faite par la loi freinçaise aux adversaires et aux témoins lorsque le duel a eu lieu à l'étranger.

Cette question intéresse particulii-rement les adversaires et les témoins. Pourquoi? Point do vue auquel il fout l'envisager.

Ènuroération des conditions qui reslreignenl Vaclion du ministère public: r Lorsque le résultat du duel conslîlue un crime ; i" Lorsqu'il coustilue un délit.

CHAPITRE LXX

Conditions communes à la poursuite des faits qualifiés crimes et des faits quedifiés délits, lorsque le duel a lieu à l'étranger.

i" condilion. 11 faut que l'inculpé ait la qualité de Français et que le fait soit puni par la Joi Trancaiso.

V condition. ~ 11 faut que l'inculpé n'ait pas été jugé déGnilivement à l'étranger.

Maiimo non bis in idem. Nécessité d'un jugement déSnllif.

Contumace. Jugement par défaut.

L'exception de la chose jugée est préjudicielle et personnelle.

La question de savoir si un jugement étranger a acquis l'autorité de la chose jugée doit être décidée d'après la loi du pays le jugement a été rendu.

3" condition. Il faut que l'inculpé soit de retour en France. CoDsé-

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 553

quences relativement aux condamnations par contumace et au séquestre des biens.

Nécessité d'un retour volontaire. Retour temporaire.

Valeur du calcul fait par un duelliste qui attendrait hors de France que le temps fixé pour la prescription de l'action publique fût écoulé pour y rentrer ensuite. Point de départ de la prescription de crimes et délits commis à l'étranger. Actes interruptifs, suspensifs. ~ Prescription de la peine.

Effets des condamnations par contumace relativement à la prescription : Vis-à-vis l'auteur principal ; Vis-à-vis les témoins.

CHAPITRE LXXI

Conditions mises à la poursuite des adirersaires et des témoins, lorsque le duel a eu lieu à l'étranger et que le fait dont ils sont inculpés est qualifié délit.

^^ condition. La poursuite doit être précédée d'une plainte de la per- sonne offensée ou d'une dénonciation officielle.

Le droit de plainte est limité au blessé.

Formes de la plainte et de la dénonciation officielle.

En l'absence de dénonciation officielle, le silence gardé par le blessé entrave l'exercice de l'action publique.

Nullité des conventions par lesquelles les combattants s'engageraient à ne pas porter plainte. Inefficacité du désistement.

%^ condition. La poursuite doit être intentée à la requête du ministère public.

3^ condition. La poursuite n'a lieu que si le fait est puni par la légis- lation du pays o^ il a été commis.

Motif de la solidarité établie par l'article 5 du Code d'instruction criminelle, entre la loi qui régit le pays étranger et la loi française.

Hypothèses diverses relatives à la troisième condition '.

Cas le duel a eu lieu dans un pays barbare, étranger aux principes du droit des gens.

Cas la législation du pays le combat a eu lieu ne contient aucune disposition sur le duel et se borne, comme la législation française, à punir d'une manière générale les coups et les blessures. Exemples : cantons de Genève, d'Appenzel et d'Uri.

Importance considérable de la question. Elle n'a jamais été traitée.

Il faut décider que le ministère public ne peut pas poursuivre. Pour- quoi?

La preuve que la législation étrangère punit le duel incombe au ministère public. Modes de preuve.

Fausse applicatioii de la loi pénale étrangère.

1. Voyez notre chapitre Lxxxni Législation étrangère en matière de duel .

jj

SIXIÈME PARTIE.

CHAPITRE LXXIl

Extincliou de l'action publique. Décès du préTena. Exception de la chose jngée. Prescriplion.

CHAPITRE LXXIII Extradition.

[ntérét de la question pour ]es adversaires et les témoins.

Cas l'Etat requérant et l'Éiat requis considèrent le dael comme une infrac^on de nalare spt^ciale <.

Cas l'Ëlal requérant considère le dael comme nne infraction de droit commun et l'I^tat requis comme une infraction de nature apéciate.

Cas les deux Ëlats admcltenl l'assimilation de l'homicide et des bles- sures commis en dnel avec lo meurtre et les coups et blessures ordinaires.

Théorie do M. le professeur Lammasch sur l'extradition. Son application aux pays de langue allemande.

Cas deux demandes d'cxtradilion sont adressées en roCme temps an CQÛme Ëtat par deux autres Étais, â raison de la mCme infraction.

CHAPITRE LXXIV

Moyens dont les adversaires et les témoins peuvent user pour échapper à la sanction de la loi pénale.

Moyen extra-légal, Secret absolu. Son efficacité il notre époque. Exemple, affaire Wernert, CazeKe rfej rrifcunaua;, n'des 30 eHI octobre 1890, appendice t07.

Moyen légal. Duel à l'étranger.

Son efficacité lorsque la rencontra s'est terminée par on fait susceptible d'être qnalihé crime.

Elle est sabordonoée à la condition d'un séjour de dix années hors de France.

Critiques soulevées par cette condition. Elles ne sont pas lonjours fondées. Pourquoi ?

Extradition. Contumace. Séquestre des biens.

1. Voyai Tribunal fédéral suiBie, 37 aoAt 1SB3. Appendice u" 1».

RËaUH.£ DES MATIÈRES.

555

Efficacité du duel à l'étranger lorsque le combat s'est terminé par un fait susceptible d'être qualifié délit.

Elle est assurée lorsque la législation de l'État choiffl ne punit pas le duel. Cantons de Genève, d'Appenzel, d'Un.

Elle est moindre lorsque la législation de l'État choisi punit le dueU Conditions mises à la poursuite. Plainte du blessé. Dénonciation offi- cielle.

Inconvénients du duel à l'étranger.

Intervention de la police étrangère qui peut rendre le combat impossible ^

Tribulations après le combat Législation plus sévère et mieux appli- quée*.

Frais. Perte de temps, etc.

Prétendue inutilité du duel à l'étranger en présence de l'inaction actuelle de la justice française.

Conseils aux personnes qui préféreraient se battre en France. Départe- ment de la Seine. Poursuites. Jury.

La clause que le duel aura lieu à l'étranger peut-elle être imposée comme condition sine qua non de la rencontre ?

1. Voyez affaires Rochefort-Isaac, Flntransigeant du 14 mai 1891. Appendice 109.

2. Voyez affaire Marchis-Dachassin. Gaz. trib, des 14, 17, 18 décembre 1876 ; Laguerre-Déroulède, la Presse des 16,17, 18 novembre 1890. Appendice u9* 110 et 111.

. «i

656 SIXIÈME PARTIE.

RESPONSABILITÉ CnriLE DES ADVERSAIRES

ET DES TÉMOINS.

CHAPITRE LXXV

Ëléments de la responsabilité civile. Conditions relatives au dommage souffert. Personnes auxquelles api>artient l'action ; contre lesquelles elle peut être dirigée. En quoi consiste la réparation.

Principe de la responsabilité civile exprimé dans l'article 4382 du Gode dvil. Sens du mol « dommage o. Un dommage moral suffit. A qui appar- tient l'action en responsabilité civile? Blessé, enfants, veuve, mère, frères et sœurs, héritiers, créanciers, etc.

L'action en responsabilité civile peut être dirigée contre l'auteur du fait dommageable : Contre les héritiers; Contre les témoins. —Nécessité d'une faute de leur part.

Pouvoir discrétionnaire des tribunaux pour la fixation des dommages et intérêts.

CHAPITRE LXXVl

Mode d'obligation des personnes responsables. Solidarité. Exécution des condsunnations sur les biens et la per- sonne.

Article 55 du Code pénal. Définition de la solidarité.

Efiets des condamnations prononcées par les tribunaux de répression rela- tivement à la solidarité. Témoins. Faute personnelle.

Cas l'action est portée devant les tribunaux civils.

Exécution de la condamnation sur les biens. Biens insaisissables. Sur la personne. Contrainte par corps. Effets des jugements de condam- nation prononcés par les tribunaux de répression.

Cas l'action est portée devant les tribunaux civils.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 557

CHAPITRE LXXVII

Compétence. Action civile portée devant les tribunaux de répression. Devant les tribunaux civils. Preuve.

De Vaclion civile portée devant la cour cTassises. Étendue de 8a juridiction. Elle prononce sur l'action privée aussi bien en cas d'acquitte- ment qu'en cas de condamuatiou. Exemple.

De Vaclion civile portée devant le tribunal correctionnel* Il ne peut prononcer des dommages et intérêts contre le prévenu acquitté.

De Vaction portée devant les tribunaux civils, Cas la partie lésée doit recourir forcément à cette juridiction. Cas l'action pub'ique tient l'action civile en suspens. Preuve.

CHAPITRE LXXVill

Extinction de Faction civile. Renonciation. Transaction.

Désistement. Prescription.

Capacité pour renoncer; Pour transiger. Transaction entre coauteurs du délit. Nullité de la renonciation, de la transaction, de la constitution d'arbitres antérieure à la rencontre.

Désistement. Ses effets. Distinction.

Précautions à prendre dans la rédaction de l'acte constatant la renoncia- tion, la transaction ou le désistement. Exemples.

Prescription. Sa durée lorsque l'action civile est exercée concurrem- ment avec l'action publique. Lorsqu'elle est portée devant les tribunaux civils. ~ Distinction.

Point de départ de la prescription. Actes d'instruction et de poursuite. Jugements.

CHAPITRE LXXIX

Moyens dont les adversaires et les témoins peuvent user pour échapper à l'action en responsabilité civile.

Les adversaires et les témoins doivent songer avant la rencontre à la question des dommages et intérêts. Son importance. Exemples.

558 SIXIÈME PARTIE.

Intérêt particulier des témoins.

Il n'existe aucun moyen légal d'échapper à l'action en responsabilité civile.

Moyen extra-légal.

Renonciation avec date en blanc inadmissible. Pourquoi?

Influence indirecte d'un engagement sans valeur légale. Gooclnsions.

RÉSUMÉ DES MATIÈRES. 5S9

RESPONSABILITÉ REUGIEUSE DES ADVERSAIRES

ET DES TÉMOINS.

- -J

CHAPITRE LXXX Censures ecclésiastiques.

Église catholique^

ExcommunicatioD. Personnes qui y sont soumises. Duellistes. Complices et coopérateurs. Assistants. Autorités. » Privation de sépul- ture ecclésiastique.

Église réformée.

Article 23 de la discipline des Églises réformées en France. Il ne fait pas mention de la privation de sépulture ecclésiastique. Pourquoi ?

Adoucissements apportés à Tancienne discipline relativement à la censure et à la suspension de la sainte cène.

».

***

560 SIXIÈME PARTIE.

LE DUEL A L'ÉTRANGER

Usages. Législation.

L'étranger est soumis aux usages du pays il se trouve. Controverse relativement à la législation du point d'bonneur, applicable lorsque le cartel ne peut être envoyé, et les conditions ne peuvent ôtre discutées, dans le pays roffeose a eu lieu.

CHAPITRE LXXXI Règles du duel en Italie, en Allemagne, en Autriche, etc.

Italie, -— Ces règles varient suivant les provinces, notamment en ce qui concerne le choix des armes. Deux écoles sont en présence. Auteurs qui se sont môles à cette controverse. Principaux arguments. Intérêt du Français à les connaître. Armes légales en Italie. Sens du mot « place » sur le terrain. Droit de choisir les conditions. Autres points sur lesquels les usages italiens diffèrent des usages français.

Allemagne^ Autriche, Règles. —Les auteurs qui, dans ces deux pays, ont écrit sur le duel, prennent pour guide Château villard.

Points sur lesquels les usages allemands et autrichiens diffèrent des usages français.

Angleterre, Duel tombe en désuétude. Pourquoi?

Belgique, Espagne, Hollande, ^Russie. Suisse,

RÉSUMÉ DES MATIÈRES.

564

CHAPITRE LXXXIi.

Textes des lois qui répriment le dael dans les divers États d'Enrope

dont les noms suivent :

Empire d'Allemagne ;

Andorre ;

Angleterre ;

Ile de Man ;

Malte;

Gibraltar ;

Autriche ;

Hongrie ;

Bosnie et Herzégovine ;

Belgique;

Danemark ;

Espagne ;

Grèce ;

Italie;

Luxembourg ;

Monaco;

Monténégro ;

Pays-Bas ;

Portugal ;

Roumanie ;

Russie ;

Saint-Marin ;

Suède;

Norvège ;

Suisse : Appenzel-Ianerchoden ou Rhodes intérieur; Appenzel ou Rhodes extérieur; Argovie ; Thurgovie ; Bâle-Yille; Bâle-Campagne , Berne ; Fribourg ; Genève; Grisous ; Glaris ; Lucerne ; Nidvvald ; Neuchâtel ; Saint-Gall; Schaffouse ; Schwytz ; Tessin;

Duterwalden (Obwald) ; Uri; Valais ; Vaud; Zug; Zurich.

36

-. 4

•. -. i.

.--. ■^ -

561

SIXIÈME PARTIE.

MODELES DE PROCÈS-VERBAlUX AVANT

LA RENCONTRE.

Procès-verbal avant la rencontre.

[ndication des points qui doi- vent être examinés par les témoius pendant la discus- sion des conditions.

Ouvrages à consulter.

Choix d*un auteur.

En première ligne, Chateauvillard, Essai sur le duel. En deuxième, Taver- nier. Art du duel. En troisième, Du Verger de Saint-Thomas, Nouveau Code du duel.

Sur cette question importante, voyez notre chap. i«' et pages i 40, U1, 4 48, 458, et appendice n°» 4 et 444.

Sens dans lequel peuvent être rédigées les stipula- tions insérées au procès- verbal.

Aujourd'hui (année, mois, jour] les soussignés (noms et prénoms) agissant comme témoins de M. A*** d'une part; Et (noms et prénoms) agissant comme témoins de M. 0*** d'autre part, se sont réunis à (indi- quer le lieu), pour examiner le diffé- rend survenu entre ces deux mes- sieurs.

Les soussignés déclarent choisir, pour les guider dans cet examen et les départager au besoin, le Code du duel, par Chateauvillai d .

A défaut de solution donnée par cet

auteur, ils consulteront (Indiquer

le nom de l'auteur et le titre de l'ou- vrage.)

MODÈLES DE PROCÈS-VERBAUX.

563

PREMIER POINT.

Conslalation des faits.

Les témoins éclaircissent avant tout les faits qui constiluent le différend et motivent l'appel. Ils doivent s'en- tendre sur ce point avant de soulever la question de savoir à qui revient le droit d'offensé, le choix des armes, etc . (Voyez notre cbap. xvii, page 142.)

Les soussignés exposent que : (Suit l'énoncé des faits.)

DEUXIEME POINT.

Existence ou non^existence d'une offense suffisante pour motiver la rencontre, (Voyez nos chapitres ii et suiv.)

S'ils décident qu'il n'y a pas eu offense suflisante... (Voyez notre chap. xviii, page 143.)

(^)

Les soussignés, après examen atten- tif dos faits exposés au § 4*", n'ayant trouvé ni dans les manifestations exté- rieures auxquelles s'est livré M. Â., ni dans sa conduite, aucune intention offensante vis-à-vis M. 0., estiment qu'il n'existe aucune offense et qu'il n'y a pas lieu de donner suite à l'affaire.

(B)

S'ils décident qu'il y a eu offense suffisante..., page U3.

Les soussignés, après examen atten- tif des faits exposés au § 4®', déclarent qu'il y a eu offense...

Ou bien :

Offenses réciproques.

TROISIEME POINT.

Valeur de l'offense.

Les témoins recherchent ensuite la valeur de l'offense ou des offenses.

L'offense comporte trois degrés :

degré. Offense simple. (Tout ce qui touche à l'amour-propre.)

V degré. Offense grave ou injure.

Que cette offense est une offense... (Indiquer si c'est une offense simple, grave, avec voie de fait. Spécifier le degré.)

Ou bien :

Déclarent qu'il y a eu offenses réci- proques

^ K

564

SIXIÈME PARTIE.

(Tout ce qui touche à ThoDOdur, à la considération privée.)

a*' degré. Voie de fait.

Sur la question des degrés, voyez DOS chap. III, IV, V. Château- villard, chap. 1**% art. 8. Taver- nier, p. 82. Du Verger, chap. i«', art. 2. Emile André, p. 495.

Que la première offense est une

offense (Indiquer comme plus haut

la nature et le degré.)

Que la seconde offense est une offense. . . (Mômes indications.)

QUATRIÈMB POINT.

Les témoins recherchent à qui revient la qualité d'offensé, suivant que Toffense rentre dans un des cas énumérés ci-dessous, mais sans dire un mot des privilèges qui y sont atta- chés, et sans faire connaître les pré- tentions do leurs clients. (Très impor- tant. — Pourquoi?) Voyez notre chap. XXII, page 459.

<•' cas. S'il n'y a qu'une offense.

Voyez notre chap. viii, art. I**. Chateauvillard, chap. V. Deux premières lignes de Tart. i**. Du Verger, chap. i", art. 4.

2'^ cas, S'il 7j a offenses récipro- ques,

{A) Offenses du même degré,

La qualité d offonsé revient à celui qui a reçu la première offense.

Voyez notre chap. viii, art. 2, §1«'. Du Verger, chap. i", art. 4.

Application de cette règle à V offense

grave.

Voyez notre chap. viii, art. 2, § 2. Chateauvillard, chap. i''', art. 2. Tavernier, p. 24. —Du Verger, chap. r, rt. 7 et 9.

MODÈLES DB PROCÈS-VERBAUX.

565

Application de cette règle à la voie

de fait*

Voyez notre chap. viii,art. 2, § 3 et 4. Tavernier, p. 85. Du Verger, chap. i**, art. U, 42, 43, U. Cha- teauvillard, chap. i", art. 4".

Offenses de degrés différents.

Si à une offense simple il est répondu par une offdnse grave, c'est celui qu i a reçu l'offense grave qui est l'offensé.

Voyez notre chap. viii, art. 4. Ta- vernier, p. 24, § 3. Du Verger, chap. !«', art. 8.

S'il a été répondu à une offense grave par une voie de fait, c'est celui qui a essuyé la voie de fait qui est l'offensé.

Voyez notre chap. viii, art. 5. Chateauvillard, chap. i", art. 4". Du Verger, chap. i", art. 40. Ta- vernier, p. 25.

cas. Si la qualité d'offensé ne ressort pas clairement de l'examen des faits.

Les prérogatives attachées à cette qualité sont tirées au sort.

Voyez notre chap. viii, art. 3 et 6. Chateauvillard, chap. i""', art. 3 et 4. Tavernier, p. 23 et 24. Du Verger, chap. I*', art. 5 et 6.

. ..Et que la qualité d'offensé doit être attribuée à M. 0.

Ou bien :

Comme il résulte de 1 examen attentif des faits que la qualité d'offensé ne saurait être accordée à aucun des adversaires, les soussignés décident que la question de l'arme sera remise au sort.

CINQUIEME POINT.

A cet instant, les témoins font leur s efforts pour concilier l'affaire.

Conciliation. Arrangements amiables.

Voyez sur ces matières notre cha- pitre XVIII, 4"* hypothèse et excuses, p. 4 44 et s. —Chateauvillard» chap. m,

.•'iji

Aii^^-f'J

-^^^ «,:<■& Uft^

SIXIEME PARTIE.

arl. i,5,6,pages98,99.— Tavernier, p. 391. Du Verger, chap.rï,arl. 1i, et observations sur cet article.

Les témoins peuvent rédiger, sui- vant le cas, les clauses suivontes :

Si l'initiative de la propoûtion d'arrangement vient du càt4 de l'ol- Unsè, elsi les témoins de l'agresseur

acceptent.

Les léoKUDS de l'offensé ayant dé- claré qne leur client était prêt i terminer l'affaire d'une manière couci- lisnte ai l'agresseur retirait ses maai- fcsialions offenaanles... (Les indiquer clei renient.)

Ou bien :

S'il faisait des ejcuses dans la forme ci-»près... (L'indifiuer clairement.) Ou bien :

S'il rxprimaitses regrets danslafoime ci-après... (L'indiquer clsiremeut).

Les témoins de l'offensé ont dé- claré y consentir.

11 en résulte que l'affaire se trouve arrangée bonorablempnl p'jur les deui

Si l'initiative vient du côté de l'agresseur, et si les témoins de l'or- fcnsé acceptent.

Les témoins de l'agresseur ayant déclaré que leur client était prêta terminer l'affaire d'une manière con-

(Indiqucr la nature de l'offre.)

(On peut reproduire la formule du paragraphe précédent.)

Les témoins de l'offensé out déclaré y consentir. Il en résulte que l'affaire est arrangée bon on ble ment pour les deux parties.

u bien sans mentionner do qui il 1.1 proposition d'arrangement.

Les parties étant tombées d'accord sur l'opportunité d'un arrangement amiable, col arrangement a été exé- cuté en présence de. . . (Indiquer les assistants.)

MODÈLES DE PROCÈS-VERBAUX.

667

De la manière suivante

Ou bien :

Dans la forme suivante

Les quatre témoins déclarent que l'offense est réparée et l'affaire déûni- tivement arrangée.

(D)

Lorsque les témoins d'une partie ne veulent pas accepter les propositions qui leur sont faites.

M' M' déclarent ne pouvoir ac- cepter

{E)

Lorsque les témoins d'une partie désirent en référer à leur client.

M** H' ayant déclaré vouloir con- sulter leur client au sujet de... (Indi- quer le motif) la séance s'est trouvée interrompue à... (Indiquer l'heure.)

Elle a été reprise à ... (Indiquer l'heure.)

IF)

Lorsque l'offensé refuse une répara- tion amiable jugée suffisante par ses témoins.

Voyez notre chap. xviii, page 445. Chateauvillard^ chap. iii> art. 4.

Attendu qu'une réparation a été consentie par l'agresseur sous la forme de... (Indiquer clairement en quoi elle consistait.)

Que cette réparation, jugée suffi santé par les témoins de l'offensé, a été re- fusée par lui ; il en résulte qu'il perd les droits attachés à sa qualité d'of- fensé. (Indiquer lesquels, choix des armes, du duel, des distances.)

Ils seront tirés au sort.

SIXIEME POINT.

Choix du jour, de l'heure^ du lieu du combat, Adjonction des mé- decins.

Voyez notre chap. xxii, art. 5 et 6, pages 4 59 et suiv.

Le combat aura lieu tel jour, à telle heure, dans tel lieu.

Chacune des parties amènera un mé- decin.

Ou bien : Les médecins seront amenés par.r.

SIXIÈME PARTIE.

Déclaration de l'a

dùliinvci

•, du duel et des L'offensé déclare choiMr telle anne.

iiisies. tel (iael, telle distance.

C'est spulemenl ï ce moment précis que les témoins de l'offensé loot con- naître l'arme, le duel, les dislances qu'il choisit, selon que le degré de l'oiTense lui donne droit il une de ces prérogatives, à deux ou à toutes à la fois.

L'offensé du proinier degré choisit son arme, le choix du duel et des dis- tances restant aux témoins.

L'offensédu dousiérao degré eboiât son arme el son duel, le choix des distances restant aux témoins.

L'offensé du troisième degré choisit son arme, son duel et ses distances.

Cesclioixne peuvent être eiercés que parinilssarnies,duels,dislanceslég3ui.

Ski* let prérogative» de t'offefué en général.

Voyei noire chap. vn, page 146. Sur le choix de l'arme.

Voyez notre chap. vu. Chaloau- villard.cliap. i", art. 9. Tavernier, page a. Du Verger, chap. i", art. S8. En cas de voie de fait, voyez notre chap, vu. page 4S. Cbaleau- villard,chHp. i",arl. 41,chap. M,arl.4, page 3S. Page 40, art. 4 et 6. Du Verger, cliap, vi, art. 9, chap. viii, art. 0.

Sur 1rs armes It'ij'iles.

Épee, pistolet, sabre exceptionnel- lement.

Voyez noire chap. vi. Chateau- villard.chap. ii. Tavernier, chap. i", page 19.

L'agresseur qui est dans le civil peut refuser lo sabre.

MODÈLES DE PROCÈS-YERBAUX.

569

Voyez notre chap. vi, in fine, page 44. Cbateauvillard^ chap. ii. Ta- vernier, page 300. Prévost et Jolli- vet, page 233. ^Contra, Du Verger, page 489. Emile André, page S23.

Sur le choix du duel.

Voyez nos chap. yh, page 47, xxii, xxxvn. Ghateanvillard, chap. i", art. 4 0 et 4 2, chap. vi, art. 4 «^ et suiv.

Tavernier, page tl, Du Verger, chap. 1*% art. 29, 34, et chap. vin.

Sur le choix des distances.

Voyez nos chap. vu, xxii, xxxvu.

Château villard, chap. i«', art. 44, chap. VI, § \^\ et à chaque duel au pistolet les distances maxima et mi- nima. Tavernier, page 22. Du Verger, chap. i", art. 30.

_. "... .. .a- :

CONDITIONS SPÉCIALES AU DUEL A L'ËPÊE.

HUITIÈME POINT.

Choix des épées.

Les épées doivent être présentées à l'examen des témoins dans le cas les adversaires ont le droit de se ser- vir de leurs armes personnelles, et dans celui chaque partie apporte une paire entre lesquelles on tire au sort.

Voyez noire chap. xxiu.

Conditions mises à Pacceplation des épées.

Voyez tôirfc w et Taver nier, page 75. Du Verger, chap. vi, art. 8, 9, et observations sur ces art ides . La- marche, Traité de Vépée, Marpon- Flammarion, 1884, chap. ii.

Sur la question du poids, voyez affaire de Morès-Mayer,daiis notre chap. xxiii, page 169, et Lamarche, page42.

Le poids ne peut pas dépasser 530 grammes.

Cas une épée se brise ou se fausse pendant le combat.

Voyez notre chap. xxxiii. Taver- nier, page 174.

Deux paires d'épées ont été présen- tées par les adversaires et acceptées par les témoins. Le sort décidera celle dont OD se servira.

Ou bien :

Chaque adversaire pourra se servir de ses armes.

Si une des épées est mise hors de service pendant le combat.. (Indiquer comment elle sera remplacée.)

Si cet accident se reproduit une seconde fois, ibidem,)

NEUVIEME POINT.

Mesure du champ les adversaires devront évoluer.

Maximum : 60 mètres de long sur 10 mètres de large.

Le terrain sera choisi par les quatre témoins réunis et les places tirées au sort. Le tirage au sort des places sera indépendant de celui des épées.

Le champ dans lequel les adver-

MODÈLES DE PROCÈS-VERBAUX.

574

■;

Minimom : 40 mètres sur 8 mètres.

Voyez noire chap. xxiv. Tavernier, page 459. Emile André, page 235.

Acte de franchir les limites. Nombre de fois qu'il est toléré.

Voyez ibidem, Tavernier, page 460.

saires pourront évoluer aura... mètres de long et..« de large. (Indiquer ces mesure.^)

L'acte de franchir (Indiquer le nombre de fois.) les limites du champ entraînera la cessation du combat.

DIXIEME POINT.

Toilette.

Obligation de se dépouiller de tout ce qui peut arrêter la pointe de Tépée^ par exemple chemises empesées, etc. Cas de hernies, etc.

Voyez notre chap. xxv. Chaleau- viliard, chap. v, art. 6. Tavernier, pages 82 et suivantes. Du Verger, page 356. Observations sur l'art. 5 du chap. VI.

Les gants d^armes peuvent être refusés.

Voyez Chateauvillard, chap. . v, art. 40. Tavernier, page 278. Du Verger, chap. vi, art. 40.

Les adversaires se battront le torse nu...

Ou bien :

Revêtus d'une chemise non empe- sée, etc. (Indiquer clairement le cos- tume.) Gants de viile à volonté.

ONZIEME POINT.

Les adversaires pendant le combat.

Voyez notre chap. xxvii. Cha- teauvillard, chap. V, art. 4 6. Taver- nier, pages 461 et 476. Du Verger, chap. VI, art. 45.

Pendant la lutte, iOS combattants pourront se baisser, se grandir, se jeter à droite et à gauche, rompre, se jeter en avant, voltiger autour de leur adversaire, mais sans jamais faire de coup pour l'exécution duquel le corps prend une position susceptible d'être confondue avec une chute.

DOUZIEME POINT.

Obligation de s'arrêter à IHnjonction des témoins.

Voyez nos chap. xxvi et suiv.,

XXXVI.

Ils s'arrêteront instantanément aus- sitôt que les témoins le leur enjoin- dront par les mots : « Halte ! » ou I « Arrêtez I »

SlXrÈME PARTIE.

Déiarmemenl viailile. Voyez DOS chap. xisii ot xxxvi. G hâte au ïi! lard, chap, v, art. 17, pagû 10g.

Ils davront le faire spontané me ot

>n CBS de désarmement.

Bris ou fauuemenl d'ëpêei. ytrfex 009 chap. xxxtii et xxxvi,

I ... De bria ou faussement ( rendant l'arme inoCTensive.

QUINZIEHE POINT.

Chuta. . .. De chute,..

Voyez nos chap, xx\iv ot xswi. -

Château vil lard, cbap. v, art. 17. - Tavernler, page 175.

EUE POINT.

Bletsure.

Vûyz nos chap. xxxv et xxxvi. Les blessures faites ou reçues doi-

ïenl ^Ire annoncées. Pourquoi ' Ibidem, Tavernior, pages 177 oL

... Et de blessure.

Toute bleasore devra être (iiDoucée.

Inleriliction déparer avec la main qui ne mame pas i'i'pée.

Voyez notre chip, xxvni. Cha- toauvillard, chap. iv, art. hd, el chap. V, art. 14. Tdvernier, page246. Eil-il permis de changer de mainf

Pour, voyez notre chap. xxviii. Prévost ot Jolhvet, page !Î9. Château villard reste muet,

Contra, Tavernior, page Î6i. Du Verger, chap. vi. art. 17, et obser- vations sur cet article.

Il leur est inlerdit de saisir le fer adverse, ou de parer avec la mainqui ne manie pas l'épée (gauche ou droite suivant que le tireur est droiiter ou gaucher).

Il est permis de changer l'épée de main, et do tirer à volonté avec la droite ou avec la gauche.

MODÈLES DE PROCÈS-VERBAUX.

173

DIX-HUITIEME POINT.

Reprises. Repos. Leur durée.

Voyez notre chap.xxu.— Château- Tillard, chap.iv,art. 42. Tavemier, page 454.

Le droit de fixer la durée appartient- il à l'offensé du deuxième et du troisième degré.

Voyez notre chap. xxix. L'état physique doit peser dans la balance. Idem,

La durée des reprises sera de. . . (Indiquer le nombre de minutes.)

A la suite de chaque reprise il y aura un repos de... (Indiquer le nombre de minutes.)

DIX-NEUVIEME POINT.

Corps à corps. Les corps à corps sont interdits

Pour Va/firmative, voyez notre chap. XXXI.

Contra, G. Jollivet et Prévost, page 247. Emile André, page 228. ;

Les corps à corps sont interdits.

VINGTIEME POINT.

Endroit les adversaires devront être replacés en cas de suspension du combat.

Pour cause de repos, acculement, corps à corps, désarmement. Bris et faussement d'épée, chute, blessure et Tiolation des règles du duel.

Cette question a été traitée par nous en détail dons nos chap. xxix à xxxvii.

Voyez Tavemier, page 457.

Dans le cas le combat serait sus- pendUf pour cause d'acculemcnt, de corps à corps, de désarmement, do bris ou de faussement d'épée, de chute, de violation des règles du duel, les adversaires seront replacés à l'endroit qu'ils occupaient au moment l'in- cident s'est produit.

Le terrain conquis ne sera pas rendu.

En cas de repos ou de blessure n'en- traînant pas la cessation définitive du duel, ils seront replacés au milieu du champ. Le terrain conquis sera rendu.

■; *>

CONDITIONS DU DUEL AU PISTOLET.

Le choix du duel doit Cire exercé parmi les dueU légaux, c'est-i-diro : aa visa de pied ferme, à tir successif.

De pied fermo à volonté.

A marcher.

 marche interrouipae. A ligne parallèle .

Au signal .

Au comoiaadement.

Le plus usité est le dut-1 au cont- nianderoent.

Sur les avanlugps ol les inconvé- nients do chaque duel, voyez noire chap. xiïTii. ChaleauvilUrd, chap. vr. Tavernier, pages 189 ol suiv. Du Verger, chap. vm.

Le duel choisi est le duel. ..(au com- mandement par exemple]. Indiquer clairement l'espèce.

Choix des distances.

Voyez dans nos chap. vu, xxwui à Lv, el dans Clialeauvillard,cliap. vi, les paragraphes consacrés au choix des distances pour chaque espèce de duel.

I Les adversaires seront placés à la distance de... (Indiquer cette mesure on mètres.)

Pour les duels k marcher ; Ils pour- ront avancer dp...

Délai pour tirer el riposici:

Le choix du délai appartient aux témoins.

Voyez ncis cliap. xliv, xlvhi h lv. Ghateauvillard.diap, vi.

Le délai doit toujours avoir comme

Le délai pour échanger les balles sera de,.. (Indiquer le nombre de secondes) à partir du signal.

Aucun supplément de délai ne sera accordé au blessé.

MODÈLES DE PROCÈS-VERBAUX.

576

point de départ anique le signal. (Très important.)

Nécessité de diminuer de moitié les délais fixés par Cbateauvillard. Pour- quoi.

Voyez notre chap. xxxix. Taver- nier, page 209.

Suppression d'une augmentation de délai en cas de blessure.

Voyez notre chap. xxxix. Con- sulter également le chapitre qui est consacré spécialement au duel choisi et la question du délai est toijyours traitée en détail.

Contra. Chateauvillard, chap. vi.

ONZIEME POINT.

Nombre de balles à échanger.

Si on ne convient pas que le duel continuera jusqu'à [ce qu'un des ad- versaires Eoit touché, les témoins dé- cident combien il y aura de balles échangées. Cette prérogative n'appar- tient pas à l'offensé.

Voyez notre chap. xl.

Tant de balles seront échangées.

Coup raté.

Voyez notre chap. xl. villard, page 37, art. 43.

DOUZIEME POINT.

Château -

Tout coup raté sera considéré comme tiré.

TREIZiéMB POINT.

Choix des pistolets.

Le droit de désigner les pistolets qui serviront au duel appartient aux témoins, excepté s'il y a voie de fait ; alors l'offensé peut exiger que chacun se serve des siens.

Voyez notre chap. xli. Cbateau- villard, page 35, art. 4.

La condition que chaque combattant apportera sa. paire et qu'on tirera au

Les témoins achèteront (ou loueront) une paire de pistolets neufs, absolu- ment inconnus des adversaires. Elle sera enfermée dans une botte scellée qui ne sera ouverte que sur le terrain.

(Ou bien : si les adversaires sont ad- mis à se servir de leurs armes.)

Chaque adversaire a présenté une paire de pistolets, qu'après examen les témoins ont déclarées propres au combat. Elles seront enfermées dans

: ..1^> :

576

SIXIÈME PARTIE.

sort doit être rejetée comme facili- tant la fraude.

Voyez notre cbap. iLm^ page 238.

Opérations déloyales dont les armes peuvent ô(re l'objet. Manière de les éviter.

Conditions mises au choix ou à r acceptation des pistolets. (Armes neuves, inconnues des adversaires, guidon fixe, détente de dureté égale, paires choisies enfermées dans une boite scellée qu'on n'ouvre que sur le terrain, t irage au £ort de chaque pistolet.)

y oyez sur ces questions nos cbap.

XL1, XLII, XLIII.

Manière d'atténuer les dangers do la rencontre. Voyez notre chap. xliv.

une boîte scellée qui ne sera ouverte que sur le terrain.

QUATORZIEME POINT.

Chargement.

Par un chargeur de profession. Par les témoins. Par un témoin désigné par le sort. Avant la ren- contre. — Sur le terrain.

Voyez notre chap. xlv. Chateau- teauvillard, page 35, art. 6.

Le chargement a été opéré avant la rencontre.

Ou bien : Sera opéré sur le terrain par un chargeur de profession choisi par les témoins. . .

Ou bien :

Par un témoin désigné parle sort, etc.

QUINZIEME POINT.

Toilette.

Voyez notre chap. xlvi, avec les réfé 1 enccs pour les autres auteurs.

Les adversaires se battront dans tel costume. (L'indiquer clairement.)

SEIZIEME POINT.

Choix du terrain. Tirage au sort des places.

Il est indépendant de celui des armes. Voyez notre chap. xlvii.

Le terrain sera choisi par les quatre témoins réunis. Les places seront tirées au sort.

Le choix du terrain sera indépen- dant de celui des armes.

CONDITIONS SPÉCIALES AUX DIFFÉRENTES ESPÈCES DE DUEL AU PISTOLET '

DIX-SEPTIEME POINT.

Duel au visé de pied ferme, à tir successif.

On trouvera les règles de ce duel dans notre chap. xlyiii, et dans Gha- teauTiUard, chap. vi, page 34.

A qui revient le droit de tirer le premier?

A Toffensé en cas de voie de fait et d'offense grave.

11 est tiré au sort en cas d'offense simple.

Yoyez Ghateauvillard, page 34, art.8 et page 44S.

Manière dont les témoins de Tagres- seor peuvent rendre illusoire le droit de tirer le premier accordé à Toffensé en cas d'offense grave, et arriver par on moyen détourné au tirage au sort.

Voyez notre chap. xlvuu

Duel au visé à volonté.

Yoyez notre chap. zlix. Gba- teauvillard, chap. vi, page 38.

Le droit de tirer le premier appar- tiendra à H. 0. comme ayant essuyé une voie de fait.

(Dans le cas contraire, on remplace par : Il sera tiré au sort.)

Duel au visé à marcher.

Yoyez notre chap. l. Ghateau- villard chap. vi, page 39.

1. Yoyez Ghateauvillard, chapitre vi, et observations sur le dael au pistolet, page llOi

37

SIXIÈME PABTIK.

Duel au viiè à marche interrompue.

Voj-ez notre cliap. ii. Clialeau- villard, page 45,

Dael au Hië à ligne parallèle. Château villard, cbap. vi, page 4'J.

Voyez noire chap. lui, etCbateau- villard, chap. tt, page 53.

A qui apj'arlieni le droit de donner

Aax lémoins de l'etTensé en cas de voie de fait. En cas d'oflenge grare ou simple il est lire au sort.

VofezClialeauvJtlard, pageSi, art.S et 9. Du Verger, page 388, art. 6 ei 7.

Délai dans Iwjuel le signal doit ftre donné, ibidem, ibidem.

Le lémoin do l'otTetifé avec voie de fdil n'est pas lenu d'avertir du délai

clio

ilnde?.

Voyez notre chap. llv, el Tavernier, page S 15.

A qui appartient le droit de donner le commaiidemenl?

Même solution que pour le duel au signal. Voyezpage S17.

Délais dans lesquels le commdnde- menl doit Être donné.

Voyez notre ciiap. uv, et Tavernier, page 2 1 7.

) SIgD!

On tirera au sort par qui '. sera donné.

Ou bien, en cas de voie de Taii M. X... est désigne pour donner I signal.

Le laps de temps accordé pou échanger les balles est do... dans l premier cas (si les témoins do l'offenst veulent bien le f.iire connaître]... e de. .. dans le second.

Mémo formule que pour le duel pré- cédent, seulement on remplace le mol V signale parlemot « commandements .

MODÈLES DE PROCÈS-VERBAUX.

579

Position que doit occuper le pistolet avant de tirer.

La position verticale est préférable à la position le boJt tourné vers la terre. Si on adopte cette dernière, il estnécessaire de spécifier à quelle dis- tance le bout du pistolet devra étre^ éloigné du pied. Voyez notre cbap. LX1V, page 259.

Avant de tirer, les adversaires tien- dront le pistolet verlicalement.

OIX-HOITIEME POINT.

On terminera par l'indicatioi du degré de gravité que devra présenter la blessure pour amener la cessation do combat. A outrance. Mise hors de combat. Impossibilité de continuer. État d'infériorité. Bael au premier sang.

Les médecins seront-ils consultés à litre impératif ou comme reoseigne- moDt?

L'avis conforme des médecins et des témoins sera-t-il nécessaire?

Voyez nos chap. xxii et xxxv.

Le combat cessera après une bles- sure. (Indiquer le degré de gravité né- cessaire.) Les médecins seront con- sultés à titre...

DIX-NBUVIEMB POINT.

Désignation de la personne appelée à diriger le combat.

Voyez notre chap. xxvi.

Les témoins ont convenu de char- ger M. X. de diriger le combat... Oa bien :

M. X. a été désigné par le sort pour diriger le combat.

VINGTIEME POINT.

Approbation du procès-verbal par les adversaires. Signature.

Voyez notre chap. xxi.

On termine ainsi : Les conditions insérées auditprocès- verbal ont été lues aux adversaires et agréées par eux. (Suivent leurs signa- tures et celles des quatre témoins.)

58a SIXIÈME PARTIE.

Procès-verbal après la rencontre.

En présence des témoins soussignés a en lieu aujourd'hui, à ...... heure

....... minutes à (indiquer le lieu) entre MM

(noms, prénoms, qualités) un duel à (indiquer l'arme), conformément

aux conditions préalablement établies dans un procès-verbal en date du

signé et approuvé par les deux parties, toutes les tentatives de con- ciliation renouvelées sur le lieu du comb at étant demeurées sans résultat.

Ainsi quMl avait été convenu, M. X*** a pris la direction du duel.

Le duel s'est passé de la manière suivante

(La marche du duel doit être racontée briè vement, lorsqu'il n'y a point à mentionner d'incident particulier. Dans le cas contraire, l'incident doit être exposé aussi exactement que possible, surtout lorsqu'une irrégularité ou une violation des règles du duel a été commise, et que cette irrégularité ou cette violation entraîne disqualification ou nécessité d'une intervention de Tautoiité judiciaire*}.

En foi de quoi

Signature des témoins : Les témoins de M. A*** Les témoins de M. 0***.

1. Voyez notre chapitre lvii.

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I

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TABLE DES CHAPITRES

AYB1TIS8IMBNT,

PREMIÈRE PARTIE

Cbapitie I'^.

IL

III.

IV.

V.

VI.

VIL

VIIL

IX.

X.

XL

XIL

XIIL XIV. XV.

XVL

XVIL XVIII,

Législalion da point d'honneur. But.

Utilité. Code de Ghaleauvillard .... 4

Des offenses en général 9

De la valear et du classement des offenses. . 43

De Toffense étudiée dans sa nature 44

De l'offense au point de vue des circonstances

quila modifient 30

De la nature des armes 41

Privilèges de l'offensé 46

Détermination de la personne offensée. ... 52

Une seule réparation pour une même offense. 66

Personnalité des offenses. Substitutions . 73

Responsabilité des parents, des protecteurs de

la femme, des journalistes, des maîtres, commettants, supérieurs hériarcbiques, mandants, des avocats et de leurs clients. 85

Incapacités. Avec quelles personnes un

duel n'est pas admissible 405

Des témoins. Qualités d'un bon témoin. . 4 28

Empêchements au rôle de témoins 4 30

Engagement de l'affaire. Constitution de

témoins 432

Rôle des adversaires et des témoins à partir

du moment l'affaire est engagée jus- qu'à la première rencontre de ces der- niers 435

Rôle des témoins une fois constitués. Instruc-

tion de l'affaire. Constatation des faits. 440

Solutions données à l'affaire après la consta-

tation des faits 443

586 TABLE DES CHAPITRES.

Chapitre XIX. Arbitrage. Jury d'honneur 448

XX. Mandat des témoins. Sa nature. Récu-

sation. — Démission. 452

XXI. Procès-verbal de rencontre. Son utilité.

Conditions qu'il doit renfermer 456

XXIL Stipulations communes à tous les duels. . . 458

Conditions spéciales au duel à l'épée.

Chapitre XXIIL Choix des épéeç 468

XXIV. Choix du terrain. Mesure du champ.

Tirage au sort des places 472

XXV. Toilette. Visite. Gants 474

XXVI. Le directeur du combat 477

XXVII. Les adversaires pendant le combat. ... 482

XXVI H. Usage de la main qui ne manie psi3 Tépée. 483

XXXIX. Les reprises et les repos 487

XXX. L'acculoment 190

XXXI. Le corps à corps 194

XXXII. Le désarmement 493

XXXIII. Le bris et le faussement d'épée 494

XXXIV. La chute 495

XXXV. —La blessure 497

XXXVI. Devoirs des témoins et des adversaires

dans les cas prévus chapitres xxvni et

suivants 499

Chapitre

XXXVII.

XXXVIII.

XXXIX.

XL.

XLF.

_^

XLIl.

Conditions spéciales au duel au pistolet.

Choix du duel iOt

Choix des distances 24 4

Détermination du délai pour tirer .... 245

Coup raté. Coup tiré eu l'air 223

Choix des pistolets 228

Conditions mises au choix et à l'acceptation

des pistolets 229

XLIII. Opérations déloyales dont les pistolets

peuvent être l'objet 233

XLIV. Manière d'atténuer les dangers de la ren-

contre 242

XLV. Chargemonl 244

XLVI. Toilette. Visile 245

XL VII. Choix du terrain. —Tirage au sort des

places 246

TABLE DES CHAPITRES.

587

Chapitre XLVIII. Duel au visé de pied ferme à tir successif. 247

XLIX. Duel au visé de pied fermeà volonté. . . 262

L. Duel au visé à marcher 253

L I. Duel au visé à marche interrompue . . . 255

* LU. Duel au visé à ligne parallèle 256

LIIL Duel au signal 256

LIV. ^ Duel au commandement 259

Conditions spéciales au duel au sabre.

Chapitre LV. Duel au sabre 265

LVL

LVH.

LVIIL

Violation des règles du duel. Provoca-

tions à la suite et à cause du duel. . 265

Procès-verbal après la rencontre .... 270

Duels exceptionnels 274

DEUXIÈME PARTIE. Responsabilité pénale des témoins et des adversaires.

Chapitre LIX.

LX.

LXI.

LXIL LXIIL

LXIV.

.

LXV.

LXVI.

L-XVIL

Provocation en duel entre personnes non

revêtues d'un caractère public ... 278

Provocation en d\)el aux personnes revê- tues d'un caractère public 279

Procès- verbal constatant qu'une per- sonne revêtue d'un caractère public a refusé de se battre 283

Influence de la perpétration et de la pu- blicité sur la juridiction compétente. 289

Provocat on entre militaires de grades tn^^at^ dans l'armée de terre. Ar- mée active. Réserve. Armée ter- ritoriale. Adversaires. Témoins. Cassation. Non-activité. Ré- forme. — Plainte, Jury d'honneur. 291

Provocation entre militaires de grades iné- gaux. (Armée de mer.) 346

Conséquences pénales du duel entre indi- vidus non militaires 348

Conséquences pénales du duel entre mili- taires 326

Conséquences pénales du duel relative- ment aux témoins 327

TABLE DES CHAPITRES.

Chapitre LXVIII.

LXXII. LXXllI. LXXIV.

- Exercice de l'aciioD publique dans l'inté-

rieur du terriloire 3^^^

Situation faite par Ja toi française aux com-

baltsnifi et aux lémoins, lorsque le duel

a eu lieu à l'élranger 3^

- Conditions mises à la poursuite des adver-

saires et des témoins, lorsque le duel a eu lieu à l'élranger et que le fait dont ils sont inculpés est qualifié crime. . 33-*

Conditions mises à la poursuite des adver-

saires et des icmoins, lorsque le duela eu lieu à l'étranger et que le fait dont ils sont inculpés est qualiGé délil. . 33!:^

- OxtinctioD de l'action publique ..... 34'?'

- Eïtradiiion 34»

- Moyens que les adversaires et les témoins

peuvent tenter pour échapper à la sanction do la loi pénale 35i

^TROISIÈME PARTIE. Responsabilité civile des adversaires et des témoins.

piTHB LXXV. Élémentsdola responsabilité civile. Con- ditions relatives au dommage soul- fert. Aqui appartient l'action enres- ponsabilité civile? Pereon nés contre lesquelles elle peut être intentée. . . 36t

LXXV!.' Modes d'obligation des personnes respon-

sables. — Solidarité. —Exécution des con dam nations sur les biens et sur la personne 364

LXXVII. Gompéience. Action civile portée de-

vant les tribunaux de répression. Devant les tribunaux civils. Preuve. 3G6

LXXVIH. Extinction de l'action civile. Renon-

ciation. — Transaction. Désiste- ment. — Prescription 369

LXXJX. Moyens que les adversaires peuvent tenter,

ainsi que les témoins, pour éviter l'action en responsabilité civile. . . 37i

TABLE DES CHAPITRES. 589 ,^:

'.. - 1"

■A

. -fi

QUATRIÈME PARTIE. Iv^

Responsabilité religieuse.

Chapitre LXXX. Église catholique. Église protestante. . 377

CINQUIÈME PARTIE. Le duel en pays étranger.

CbapitreLXXXI. Règles du dael en Allemagne, en Autriche,

en Italie, en Ëspagoe 384

LXXXII. Textes des lois qui répriment le duel danâ qua- rante-huit États ou cantons de l'Europe. 403

SIXIÈME PARTIE.

Appendice. Pièces justificatives 441

RÉSUMÉ 509

Modèles de procès-verbaux avant et après la ren- contre 362

Index bibliographique 581

'^«1

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-■?i

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1 ■J

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«1

à

TABLE DES AFFAIRES

RAPPOETÉES DANS L'APPENDICE.

I

N->. CAapilm

I. AfTairo Laur-Thomson IV.

i. LettrominislârielleiDlerdisaDt l'emplui du Heu rel dans les

duels militaires. . . VI et LXVI.

3. Affaire do M*"-de La P*" VII.

4, Affaires Fioqnot-Boulanger ; Clômenceau-Déroulède; Cle-

menceau-Mil! evoye VIII.

5 Affaire Ritter-Appleloa VIII.

6. Affaira des I*" et J'"-M— VQI.

-. Affaire Gèromo-Steveus . .' VIII.

M. Affaire Armand Carrel-Ëmile de Girardln IX.

9. Affaire X...-Perrior IX.

10. Affaire de Pène-Courtiels-Hyène IX.

H. Affaire Crestin-Caialot . (X.

i%. Affaires P elletier-Tra verso ; Bonaparte Wyse-de Solms-

E. Lepelleticr . X.

13. Exemple tiré du Maiire île forges XI.

14. Affaires Maret-Andrieui; J. LafiUo-comte de Dion;

J. LaûUe-AlberlWolf XI.

15. Affaires de Broglie-de Trédern ; Lissagaray-P. de Cassa-

gnac; duc de iMontpetisier-Infant de Bourbon . . . XII,

16. Affaire GrodeUPortalis XII.

17. Affaire du capitaine desH*" et de l'ei-lieutenant F"* , XII.

18. Affaire de M"Me La P*' XII.

19. Affaire de B'^'-Paul F"*. Affaire Judet-Clémenceau-

Uaujan-PicboD XII.

ÎO. Affaires Rochefort Cls-L*** ; V***-Arltiur Meyer; Haut de

Uissus-comte de Delva XI et XII.

TABLE DES AFFAIRES. 691

H. Affaires Sevestre-Félix Pyat; Bonaparte Wyse-Edmond

Lepelletier . XIl.

!!. Aftireades l***-J"'-H*'*i Ledal-Maû-roy XII.

SI. Affaire Dupais-Haberl XIII,

ii, Affiiire Desraes-Clovis Hugues XIV.

ft. Affaire do Pène-Courliels-Hyène. '.'...' XIV.

Î6. Affaire Dupuis-Haberl XIV,

ï7. Affaire Luilier BoiroQ XV.

i8, Affaire Naquol-Mon vielle XVI.

59. Affaire b"'-J"» XVI.

30. Affaire do Sirémes-de Loucelles , XVI.

31. Affaire Pierre Bonaparle-Viclor Noir XVI.

.rt. Affaire JJkliûrd-JeJHassaâ '. XVI.

23. Affaire Itoziez-de M*** XVI.

34. Affaire Ritlyr-Aiijilelon XVI.

35. Affaire Lo\ asseur-Ardghi XVI.

36. Affaire Ollivier-Feuilherade XVII.

37. Affaire Betz-PierotU XVU.

38. Affaire de Marseul-Daudier '. XVII.

39. Affaire tteinacli-Ilocliefort '. XVIII.

40. Affaire Dapuis-llabert XVIII.

il. Af&ire BaroD-Pesson XVIII.

il. Affaire DuifULs-IIabert .'..'.■ XVIII.

43. Entre élèves à Saumnr XVIII.

ii. Affaire Hoclieforl-Dreyfus .' XVIII.

iS. A^ire JMaurel-Clâmenceau XlX.

46. Affaire de Calonne-FiorentinO'Acbard XIX.

47. Affaire Ro***-Re'" XlX.

48. Affaire Be»**-Ce'** XX.

i9. Affaire B'»'-D*»*, à Grenoble XX.

60. Affaire Grandin-Durand XX.

61. Affaire Cliapuis-Dsckeirel-Naquel-Mofl vielle XXI,

63. Affaire OJyssR-Barrot-Jeckor XXI.

63. Affaire Lemerle-de Hosny XXI.

6i. Affaire B***-Meuaier-Ve8C0t XXII.

66. AOïiire Dicbard-de Uassas XXII.

56. A&ire Dujarrier-de Beauralloa XXJI.

67. Aff^re A'^-d. V»** XXJI.

68. Affaire S'**-M" XXJl.

TABLE DES AFFAIRES.

N«. Cbapltret.

59. Affeîro Drumont-Ueyer XXII.

60, Affaire Niquet-MonTiells XXII.

m. Affaire Uvertujon-B*»' XXII,

lit. AlTaire do Uriqueville-doc de Dalmatie. . . XXII.

es. Al^ro BeU-PwroIli XXU.

tit. Affaire Urumont-Meyor XXII.

65. \!tÛTO Naquol-Monvielle XXlll.

66. Affaire Ollivior-Feuilherade XXIII.

67. Ailiiîrc Uichard-do Massas XXIV.

68. Affiûre C"*-!"" XXIV.

fi9. Ail'ftiro Dfumonl-Moyer XXIV.

70. Affaire iliins un atelier XXV.

1{. Affaire OlUvior-Feuilberade XXV.

71. Affaire Naquot-Monvielie XXVII.

73. AI11iirt>CliBpui&-D©ckeirel , . XXVIII.

7i. Affaire Uarzoïu-Moréas XXVIU.

75. Affaire Ollivicr-Fwiilherade XXIX.

76. Affaire Pons-San-Matato XXX.

77. Affuiro nrumonl-Meyar XXXI.

78. Affaire Pierre Bonaparte-duc de Bovïgo XXXll.

79. Affaire OUivier-Feuilherade XXXIII.

SO. Affaire Belz-PieroUi XXXV.

81. Affaire Slermeii-de Labruyère XXXVI.

8i. Affaire Cosle-Benolt XXXIX.

83. Affaire Maiard-de Monlbron XXXIX.

84. Affaire Reinach-Déroulède XL,

85. Affaires Chanibellan-BouchardoD ; La Brnnen&-<le Romans;

Ferrer-Abiet; Mazard-de Montbron XL.

86. Affaire La guerre- roulède XL.

87. Affaire Uira-Dovalle XL.

88. Affaire Dujarrier-de Beauvallon XLIII.

89. Affaire Leir.erle-de M*" XLIU.

90. Affaires d'Ornano-BonnetiLaisanl-de La Hochette \LV1.

9). Affaire Lovasseur-Arrighi XLVUI.

9i. Affaire de T'"-P"* XLVUI.

93. Affaire Dreyfus-de Mores - XLVIII.

94. Affaire Dujarrier'de Beauvallon L.

95. Affaire Rilter-Appleton LUI.

96. Affaira Naquet-MonTiollo LVI.

TABLE DES AFFAIRES. 593

N»». Chapitre*.

97. Affaires Mermeiz-de Labruyère ; Mermeix-Castelin ; Menneix-

Lepelletier; Mermeix-Millevoye LVI.

98. Affaire Naquet-Monvielle LVI.

99. Affaire T***-R*** LVU.

400. Affaire Mermeix-de Labruyère LVII.

401. Affaire Drumont-Meyer LVII.

402. Affaire Dujarrier-de Beau vallon LVII.

403. Affaire Darzens-Moréas LVII.

404. Ordre du jour du ministre de la guerre, 44 juin 4835 .... LXIII.

405. Ordre du jour du ministre de la guerre, 3 février 4838. . . . LXIII.

406. Tribunal fédéral; audience du 27 août 4883. Affaire

Lennig LXXBI.

407. Affaire du lieutenant Wernert LXXIV.

408. Affaire T***-R»** LXXIV.

409. Affaire Rochefort-Isaac LXXIV.

440. Affaire Marchis-Duchassin LXXIV.

444. Affaire Laguerre-Déroulède LXXIV.

442. Affaire Déroulède-Clémenceau UV.

443. Affaire Servan-Gietsch LXXXI.

444. Affaire Barbier-Mont-Louis XXIf.

445. Affaire Drumont-Casimir-Perier-Thomeguex X.

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Paris. May et Motteroz, Lib.-Imp. réanies 7, rue S&iDt-Benolt

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