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Tome WV N° 1 - 1928
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LA TRIBVNE DE SAINT-GERVAIS
FONDÉE EN 1896
PAR
Ch. BORDES, ALEX. GUILMANT
ET
Vincent dIndy poursuit comme principaux buts
La connaissance des chefs-d'œuvre de la Musique Religieuse
L'application pratique du Motu proprio de Pie X
L'étude raisonnée de l'ancienne musique
Les progrès de l'art religieux moderne
Sous la direction de A. GASTOUÉ et A. TROTROT-DÉRIOT
Principaux Collaborateurs :
Ant. Auda. - Abbé P. Bayart. - Camille Bellaigue. - Eug. Borrel. Abbé L. Boyer. - L.Bragar-p. - .Maurice ^Brillant. - Abbé F. Brun. Paul Brunold. - AftcfrÊ.Gççt^Àf. -ÀbJ^eEfÇ^tL^Rp. -Norbert Dufourcq. Maurice Emmanuel. - Henri . Expert.-. - Jean ïÏuré. - J. & L. de La Laurencie. - F. de La T ©Réelle. -\*ft[èctor Laisné. - Paul Le Flem. Guy de Lioncourt., ; Pierre, de Mali.ngreau^t JVÏ--L. Pereyra. - André Pirro. - Abbé J. PtaïuÙR1. CK.feuôïi; -VM« JIosjy. - J. Samson. - Aug. Sérieyx. - G. Servières. - O. Tichy. - J. Tiersot. - P. Tirabassi. - Jean de Valois. - Ch. Van den Borren.
TOME XXV
TABLE ALPHABÉTIQUE
PAR NOMS D'AUTEURS
ARTICLES ET COMPTES RENDUS
181
62
BAYART (Abbé P.) Archives et musiciens ....
BELGODÈRE (V.) Lyon : Récital Marcel Dupré
BERTHIER (P.) Auxerre : La Schola St-Étienne. 25
BORREL (E.) Les concerts. . 27, 56, 96, 158, 195
BOYER (Chan. L.)
Périgueux : Deux premiers amis de la Tribune de Saint-Gervais : Chan. Chaminade, C. Boyer. 66
DUPONT (I.)
La musique sacrée dans le diocèse de Bayonne 196
DEROUX (J.) Les Amis des Cathédrales. ... 61
DUFOURCQ (N ) Pour la renaissance de l'Orgue. 88
Comptes rendus de :
Dupré (M.), 3 préludes et fugues.
166
Raugel (F.). Les grandes orgues des églises de Paris 69
Servières (G.), La décoration artis- tique des buffets d orgue . . 136
Vierne (L.), Pièces de fantaisie pour grand orgue 165
GASTOUE (A.)
Documents latins du moyen âge sur le chant byzantin 6
Semaine-Sainte, Orgue et Commu- nion 37
Nécrologie : Abbé A. Vigourel ; R. P. Claude Allez; Ph. Bellenot; 35. - Chan. Bourdon; R. P. Dom A. De- prez; Orner Guiraud; 111. — F. de LaTombelle 170
Notre Supplément. 22, 50, 91, 133,
157, 193
Comptes rendus de :
Bach (J.-S.), Cantate pour Noël, traduite et annotée par J. de Valois 107
Bertault (Ph.), Bossuet intime. 165
Boyer (Chan. L.), Souvenez-vous Eucharistique 107
Cromer (G.), Nouvelles précisions, nouveaux documents sur le Phy- sionotrace 164
Abbé Fœdit, La Maîtrise de la ca- thédrale de Metz 202
Johannès (Fr.), Le Solfège des Chansons de France 107
Huré (Jean), LEsthétique de l'Or- gue 163
La Laurencie (L. de), Les Luthistes.
165
Labriet et Husson, Le Chant scien- tifique 31
Locher (P.), J.-G. Sîehlé. . . 164
Machabey (A.), Histoire et évolu- tion des formules musicales. 201
Moberg (C.-A.), Uber die Schzvedi- schen Sequenzen 31
Monte (Philippe de), Œuvres d'é- glise publiées par le chan. Van NuFFELetCh. Van denBorren. 29
Mozart, Fugue en ut mineur, tran- scrite par Marcel Dupré. . . 202
Office des Morts à l'usage du dio- cèse de Bayeux et Lisieux. . 29
Poètes et musiciens du XV" siècle; 3 Chansonniers français du XVe siècle, publiés par E. Droz, G. Thibault, Y. Rokseth. . . 104
Perrier de la Bathie, la Faune des orgues ; la Flore des orgues. 202
Perruchot (M*"), Offertoires pour toute l'année 140
Pincherle (M.), Feuillets d'histoire du violon 165
Reinach (Th.), La musique grecque,
30
Rivel (J.), Historique des orgues de la basiliqueSaint-Just et Saint- Pasteur de Narbonne. . . . 201
Van den BoRREn(Ch.), Le manuscrit musical M. 222 C. 22 de la Bi- bliothèque de Strasbourg. . 105
Vannes (R.)> Dictionnaire universel,
31
GAY (Maurice)
Compte rendu de : Maritain (J.), Art et Scolastique 106
GR***
Italie : Congrès de l'A. I. de Sainte Cécile 68, 198
INDY (V. d).
Lettre à la rédaction de la Tri- bune de Saint-Gervais . ... 1
JEANNIN (DomJ.)
Du si bémol grégorien, à propos d'un ouvrage récent. . 143, 175
JOHANNÈS (Fr.)
Lyon : le Mystère de V Alléluia, de Dom David et G. de Lioncourt.
100
MALEINGREAU (Paul de) De la composition des orgues. 84
NOËL (Henry)
Œuvres françaises et belges dans les récitals d'orgue en Angle- terre 160
PEREYRA (M.-L.)
Angleterre : Anciennes orgues, an- cienne musique. . . . 108, 136
Compte rendu de : Cl. Janequin, 3o chansons publiées par M. Cauchie 141
PRIEUR (Abbé J.)
Un répons duXesiècle danslaliturgie actuelle de Bayeux . . 113, 147
RAUGEL (F.)
Notes complémentaires sur les grandes orgues des églises de Paris et du département de la Seine 12
SAMSON (J.)
A l'ombre de la cathédrale enchan- tée : M^ R. Moissenet. . 43, 119
SÉRIEYX (A.) Primauté du grégorien 2
SERVIÈRES (G.)
Les diverses imitations de l'orgue (avec un hors-texte) 75
SYSTERMANS (G.)
La maîtrise de Saint Rombaut de Malines 102
TICHY (O.)
Les cinquante ans de M. Max Sprin- ger à Vienne 135
M. l'Abbé Jos. Bovet, M. Al. For- nerod 109
Compte rendu du Schweizerischen Jahrbuch 139
TIERSOT (Julien)
La chanson populaire en Serbie.
185
La Tribune. ■**- A nos amis et abon- nés 37
22 novembre 1903-22 novembre 1928,
173 Distinctions honorifiques. . . 92 Divers 108, 134, 135, 161
Les Revues, articles à signaler. 32-35, 71-74, 108-111, 142, 167-169, 203-205
TROTROT-DÉRIOT (A.) Le « Requiem » de Berlioz à Saint-
Etienne-du-Mont 17
Sur une messe nouvelle. . . . 127 L'action paroissiale. 23, 51 92, 194 Concerts d'orgue et autres. 55, 58
VILLIER (Abbé G.)
La musique française sacrée dans le diocèse de Metz 64
SUPPLÉMENTS MUSICAUX
BERTELiN(Alb.),7*/3/7tfteZ?é?0,offer- Loth (G.),Salveregina,k4v.m. n°3
toire pour grand orgue. . . n° 2 ¥ /01 x , , 7 .
t» /d i\ r> • , r^A Lucas (Bl.), Jesu, dulcis memoria,
Berthier (Paul), Cantique de Pâ- à a v m n° 4
ques à 4 v. m n° 6
Rnvrp YPUn r\ a * r> • > Louis (Saint), Chanson de Mai à
B°4YEvR 4Chan"-3?^ Apfe"jesDu:\ 4 '" "^ "«"« <A" G^"%
v. m no 5 n z
Charpentier (M.-A.), Noëls sur les M% (-R,enaAU?)' ° D(?T"v JeS"
instruments, I, «A la venue de £*™ï?' à 4 V' m' ^A' rrotrot;
Noël » (publié par A. G.). . n« 6 Denot) ' ' ' n° 1
Cherubini, Requiem (graduel), à Palestrina, Tu es Petrus, à 6 v. m.
4 v. m. et orgue. ...... n° 5 0™* Rouy) n° 1
Collin (C.A.), Sacerdos et Ponti- Pér°tin, 2 Points d'Orgue en triple
fex, à 2 ou 3 v. et orgue . . n° 2 (A- Gastoué) n° 5
Du Fay (Guillaume), Ave verum, à Rémon (Abbé), O beatum Pontifi-
2, 3 et 4 v. (A. Gastoué) . . n° 3 cemi à 4 v. m. . . n° 5
Favre (G.), Le Saint vient de mou- Samson (J.), // est né, le divin En-
rir, pour sop. solo, chœur à 4 v. famé, harmonisé à 4 v. m. . n° 6
m. et orgue n» 4 Serres (L. de), Tantum ergo, à 3 v.
hoRMÉ (N.), Sanctus et Agnus, à de femmes n° 5
2 chœurs (A. Gastoué) ... n» 4 Stirps Jesse> motet grégorien à une
Guyot (Jean), Immolabit hœdum, à voix et organum (A. Gastoué).
4 v. m. (Ant. Auda) n» 1 n° 6
JosQuiN des Prés, Misericordias Tapissier (J.), Sanctus, unisson et
Domini, à 4 v. m. (A. G.). . n° 2 orgue (A. Gastoué). ... n° 3
Autres pièces notées
Répons Congregati sunt . . p. 150 Exemples grégoriens, p. 176 et s.
Hors-texte Grottes à orgues hydrauliques du Château-Neuf de Saint-Germain, p. 80
TABLE ANALYTIQUE
par ordre de matières
CHANT GRÉGORIEN ET LITURGIQUE
Articles :
Bayart (Abbé P.), Archives et mu- siciens 181
Gastoué (A.), Documents latins du moyen âge surle chant byzantin. 6
Semaine-Sainte, Orgue et Com- munion 37
Jeannin (Dom J.), Du si bémol gré- gorien, à propos d'un ouvrage récent 143, 175
PRiEUR(Abbé J.), UnréponsduXesiè- cle dans la liturgie actuelle de Bayeux 113, 147
Sérieyx (A.), Primauté du grégo- rien 2
Œuvres :
4 Congregati sunt 150
Exemples pour le bémol. 176 et s.
Bibliographie :
Ueber die Schzuedischen Sequen- zen, de C.-A. Moberg .... 31
La prononciation du latin, de M^ Moissenet 163
Office des morts à l'usage du diocèse de Bayeux et Lisieux .... 29
MUSIQUE ANTIQUE CHANTS POPULAIRES
Articles :
Tiersot (J.), La chanson populaire en Serbie 185
Gi livre s :
Louis (Saint), Chanson de Mai à la Vierge Marie. Supplément n" 2
Samson (J.), // est né, le divin En- fant, harmonisé à 4 v. m. S. n" 6
Bibliographie :
La musique grecque, de Th. Rei- nach 30
MUSIQUE POLYPHONIQUE
MAITRES ANCIENS
Œuvres :
Du Fay (Guillaume), Ave verum, à 2, 3 et 4 v. . . Supplément n° 3
Formé (N.), Sanctus et Agnus, à 2 chœurs Suppl. n° 6
Guyot (Jean), Immolabit hœdum, à 4 v. m Suppl. n° 1
Josquin des Prés, Misericordias Domini, à 4 v. m. . Suppl. n° 2
Mel (Renaud), O Domine Jesu Chris te, à 4 v. m. . Suppl. n° 1
Palestrina, Tu es Petrus, à 6 v. m.
Suppl. n° 1
Stirps Jesse, motet grégorien à une voix et organum. . Suppl. n° 6
Tapissier (J.), Sanctus, unisson avec orgue Suppl. n° 3
Bibliographie :
30 Chansons de Cl. Janequin, pu- bliées par M. Cauchie. . . . 141
Poètes et musiciens du XVe siècle; — 3 Chansonniers français du XVe s., publiés par E. Droz, G. Thibault, Y. Rokseth. ... 104
Œuvres d'église de Philippe de Monte, publiées par le Chan. Van Nufl'el et Ch. Van Den Borren 29
Le manuscrit musical M. 222 C. 22 de la Bibliothèque de Strasbourg, par Ch. Van den Borren. . . 105
MUSIQUE CLASSIQUE
XVIIe-XIX<» SIÈCLES
Articles :
Trotrot-Dériot (A.), Le « Re- quiem » de Berlioz 17
Œuvres :
Cherubini, Requiem (graduel), à 4 v. m. et orgue Suppl. n° 5
Bibliographie :
Cantate pour Noël, de J.-S. Bach, annotée par J. de Valois. . 107
ŒUVRES MODERNES
VOCALES
Articles : Trotrot-Dériot (A.), Sur une messe nouvelle 127
Œuvres :
Berthier (Paul), Cantique de Pâ- ques, à 6 v. m. ... Suppl. n° 6
Boyer (Chan. C), Agnus Dei, à 4 v. m., Suppl. n° 3; — Pie Jesu, à 4 v. m Suppl. n° 5
Collin (C.-A.), Sacerdos et Ponti- fex, à 2 ou 3 v. et orgue. Suppl. n° 2
Favre (G.), Le Saint vient de mou- rir, pour sop. solo, chœur à 4 v. m. et orgue Suppl. n° 4
Loth (G.), Salve regina, à 4 v. m.
Suppl. n° 3
Lucas (Bl.), Jesu, dulcis memoria, à 4 v. m Suppl. n° 4
Rémon (Abbé), O beatum Pontifi- cem, à 4 v. m Suppl. n° 5
Serres (L. de), Tantum ergo, à 3 v. de femmes Suppl. n° 5
Bibliographie :
Souvenez-vous Eucharistique, du Chan. L. Boyer 107
Offertoires pour toute Vannée, de Mgr Perruchot 140
ORGUE ET INSTRUMENTS
Articles :
Dufourcq (N.), Pour la renaissance de l'Orgue 88
Gastoué (A.), Semaine-Sainte, Or- gue et Communion 37
Maleingreau (Paul de), De la com- position des orgues 84
Pereyra (M.-L.), Angleterre : an- ciennes orgues, ancienne mu- sique 108, 136
Raugel(F-), Notes complémentaires sur les grandes orgues des églises de Paris et du département de la Seine . 12
Servières (G.), Les diverses imita- tions de l'orgue (avec un hors- texte) 75
(Voir aussi : Allemagne, p. 161 ; An- gleterre, p. 136, 160; Italie, p. 134)
Œuvres :
Bertelin (Alb.), Jubilate Deo, of- fertoire pour gd orgue. Suppl. n° 2
Charpentier (M.-A.), Noëls pour les instruments, I, « A la venue de Noël » Suppl. n° 6
Pérotin, 2 Points d'orgue en triple.
Suppl. n° 5
Bibliographie :
3 Préludes et Fugues, de M. Dupré,
166
L Esthétique de l'orgue, de Jean Huré 163
Les grandes orgues des églises de Paris, par F. Raugel .... 69
La décoration artistique des buffets d'orgue, par G. Servières. . 136
Pièces de fantaisie pour grand or- gue, par L. Vierne 165
Fuque en ut mineur, de Mozart, transcrite par Marcel Dupré. 202
La Faune des orgues ; La Flore des orques, par Perrier de la Ba- thie 202
Historique des orgues de la basi- lique Saint-Just et Saint-Pasteur de Nar bonne, par J. Rivel. . 201
MOUVEMENT MUSICAL ESTHÉTIQUE ET MÉTHODES
Articles : Belgodère (V.), Lyon : récital M.
Dupré 62
Berthier (Paul), Auxerre : La
Schola Saint-Étienne. ... 25
Borrel (E.), Les concerts. 27, 56,96
158, 195
Dupont (I.), La musique sacrée dans le diocèse de Bayonne. . . . 196
Deroux (J.). Les Amis des Cathé- drales 61
Gr***. Italie : Congrès de l'A. I. Sainte Cécile 68, 198
Indy (V. d), Lettre à la rédaction de la Tribune de Saint-Gervais. 1
Johannès (Fr.), Lyon : le Mystère de V Alléluia de Dom David et G. de Lioncourt 100
Noël (H.), Œuvres françaises et belges dans les récitals d'orgue en Angletene 160
Samson (J.), A l'ombre de la cathé- drale enchantée : M8* R. Moisse- net 43, 119
Systermans (G.), La maîtrise de St Rombaut de Malines . 102
Tichy (O.), Les cinquante ans de M. Max Springer, à Vienne. 135 M. l'Abbé J. Bovet; M. Al. Forne- rot 135
La Tribune. A nos amis et abonnés,
37
Distinctions honorifiques. . . 92 22 novembre 1903-22 novembre 1928,
173
Divers 108, 134, 135, 161
Les Revues, articles à signaler. 32-35, 71-74. 108-111, 142, 167-169,
203-205
Notre Supplément. 22, 50, 91, 133,
157, 193
Trotrot-Dériot (A.), L'Action pa- roissiale 23, 51, 92, 194
Concerts d'orgue et autres. 55, 58 Villier (Abbé G.), La musique fran- çaise sacrée dans le diocèse de Metz 64
Comptes rendus de l'étranger :
Allemagne, 108, 161 ; Angleterre, 108, 136, 160; Autriche, 135; Belgique, 102; Italie, 68, 134, 198; Suisse, 199. — Voir aussi Les Revues.
Bibliographie : La maîtrise de la cathédrale de
Metz, par l'Abbé Fœdit ... 202 Le solfège des chansons de France,
par Fr. Johannès 107
Le Chant scientifique, par Labriet et Husson 31
Histoire et évolution des formules musicales, par A. Machabey. 201
Art et Scolastique, par J. Maritain,
106
Schweizerisches Jahrbuch. . 139
Dictionnaire universel, par R. Van- nes 31
J.-G. 57é?M?,parleP. Locher. . 164
DIVERS
Bibliographie :
Bossuet intime, par Ph. Bertault,
165
Nouvelles précisions sur le Phy- sionotrace, par J. Cromer. . 164
Les Luthistes, par L. de La Lau- rencie 165
Feuillets d'histoire du violon, par M. Pincherle 165
NÉCROLOGIE
Abbé A. Vigourel; R. P. Claude Allez; Ph. Bellenot, 35; — Cha- noine Chaminade ; chanoine C Boyer, 66. — Chanoine Bourdon; R. P. Dom A. Deprez; Orner Guiraud, 111; — F. de La ïom- belle, 170.
IMPRIME PAR
DUCROS ET COLAS
7, RUE CROULEBARBE
PARIS
Tome XXV nouvelle série - N° 1 Mars 1928
LATRIBVNE DE SAINT-GERVAIS
REVUE MUSICALE
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA
0ct)ola ^autorum
Le maître Vincent d'lNDY,dont la Schola prépare en ce moment la prochaine exécution en concert de sa célèbre Légende de Saint Christophe, a bien voulu inaugurer en ces termes cette nouvelle série de notre périodique. Nous l'en remercions ici respectueusement.
VŒUX DE BIENVENUE
JE tiens à venir apporter mes vœux de bienvenue à la Tribune de Saint-Gervais qui vient de renaître, grâce aux efforts de M. Lafontan. Nous sommes, à la Schola, trop respectueux des saines traditions pour douter un seul instant que cette jeune Revue restera appuyée sur les principes qui ont fait la force de son aînée.
En ce moment surtout, où auditeurs et exécutants semblent se dés- intéresser de la vraie musique religieuse et reléguer avec mépris dans un coin obscur les lumineuses institutions du Saint-Père Pie X, en ce moment, nous avons besoin d'une tribune d'où chacun puisse clamer la vérité à ceux qui, volontairement ou non, se plaisent à cultiver l'erreur. Cette vérité triomphera, nous osons l'affirmer, si, au lieu de se battre à coups de textes on veut bien, d'un commun accord, s'en rapporter simplement à la musique.
Donc, souhaits sincères de longue vie à notre nouvelle Tribune de Saint-Gervais qui, nous l'espérons, continuera le bon et fructueux tra- vail entrepris par l'ancienne.
Vincent d'Indy, Directeur de la Schola Cantorum.
Ca tribune îre BaivA~1&eroaiB
A l'éminent collaborateur de Vincent d'indy dans la publi- cation de son Cours de Composition, M. Auguste SER1EYX, nous devons cette haute présentation sur l'importance de l'étude du chant grégorien.
PRIMAUTÉ DU GRÉGORIEN
Une Société de musique religieuse est fondée sous le titre de Schola Cantorum, dans le but d'aider par des moyens pra- tiques à la restauration du chant d'Eglise... Les membres sociétaires... auront la faculté de racheter leurs souscriptions par une somme de cinquante francs versée à la société dès leur inscription. Un Bulletin périodique sera envoyé gratui- tement à tous les membres de ia Société.
S'IL est toujours actuel de dire que « la France a quarante mil- lions de sujets, non compris les sujets de mécontentement », c'est une raison de plus pour signaler — une fois n'est pas cou- tume — un « sujet de satisfaction » : celui que nous procure un regard jeté sur le premier numéro de la Tribune de Saint-Gervais, paru vers la fin d'août 1894. On y trouve d'abord le programme à la réalisation duquel notre ami regretté Charles Bordes devait vouer l'effort de toute sa vie : une Société est fondée; des cotisations sont prévues; un Bulletin doit paraître, en attendant qu'une École soit ouverte. Tout y est, jusques et y compris l'offre de cette excellente combinaison financière, qui con- sistait à « racheter les souscriptions par une somme de cinquante francs » afin de recevoir gratuitement le futur « Bulletin périodique », celui-là même où sont publiées ces lignes, trente-quatre ans plus tard. En notre qualité d'heureux bénéficiaire de cette « excellente opération » du ra- chat de notre souscription de la première heure, nous devions ce juste témoignage de reconnaissance à la mémoire de son ingénieux inven- teur : petite mais légitime compensation.
En créant son « Bulletin périodique » en 1894, Bordes montrait à tous qu'il avait la foi, cette « foi intrépide » (fides intrepida) dont nous devons plus que jamais faire preuve en ces tristes temps; et les faits lui donnent raison une fois de plus aujourd'hui, en ranimant sa chère Tri- bune, grâce à l'effort persévérant de ses amis et fidèles continuateurs. Cette « restauration du chant d'Église » dont il seconda si vaillamment depuis lors les tentatives, bien timides encore il y a trente ans, est loin d'être achevée : ce trésor de la liturgie musicale, que des générations avaient laissé péricliter durant plus d'un siècle, il faudra que d'autres générations passent à leur tour, avant de lui rendre tout son éclat, en-
primauté bu <ëxfyoxien 3
richi de « ce que le génie a su trouver de beau et de bon au cours des siècles », ainsi que l'a prescrit, en termes inoubliables, le plus grand pape du vingtième siècle, le saint Pie X, en y ajoutant immédiatement la formule définitive de l'essentielle restriction : « toujours d'après les lois liturgiques ».
C'est à l'étude des moyens propres à obtenir et à conserver cet « enrichissement », dans les limites si clairement tracées par le saint Pontife défunt, que nous avons consacré, durant ce tiers de siècle écoulé depuis la fondation de la Tribune, des méditations assidues. Pénétrer, à travers « la lettre » de cet admirable « Gode de la Musique sacrée » — comme l'appelle son auteur lui-même — « l'esprit » profond qui l'anime; rechercher en quoi les usages contemporains de la « Langue musicale » s'adaptent sans dommage aux chants traditionnels de la litur- gie, en quoi, au contraire, ceux-ci et ceux-là sont radicalement incom- patibles; fixer, dans la mesure du possible, quelques principes métho- diques pour cette « adaptation » légitime et féconde; démontrer enfin, par quelques exemples et quelques tentatives de réalisation, dans quel sens et vers quel but cette application de la lumineuse parole pontifi- cale doit être orientée, tel fut notre constant souci, tel sera, si l'on veut bien nous suivre dans cette voie, l'objet principal de nos entretiens avec nos lecteurs, dans cette même Revue qui vit le jour aux temps lointains de nos premiers balbutiements artistiques.
« Le plain-chant grégorien, modèle suprême de toute musique sa- crée » : tel est l'article fondamental, auquel revient sans cesse l'im- mortel Motu proprio du 22 novembre 1903. Il faut appartenir à la gé- nération qui vit le jour dans la dernière moitié de ce « stupide xixe siècle », définitivement qualifié désormais, pour avoir quelque idée de la véritable « révolution » provoquée alors par cette simple recon- naissance d'un fait qui nous apparaît aujourd'hui comme la plus élé- mentaire évidence, et que nous avons désigné d'un mot dont on a quelque peu défiguré la légitime et loyale acception : la PRIMAUTÉ DU GRÉGORIEN. Que le « plain-chant » et le « chant grégorien » fussent une seule et même chose, et que cette chose fût aussi de la « musique », voilà qui nous paraît assez clair aujourd'hui : il ne faut pas laisser oublier qu'il n'en était nullement de même quand parut cette déclaration. Nous avons signalé naguère * les étonnantes alarmes d'un musicien à qui la lecture du Motu proprio pouvait « faire supposer que toute musique serait supprimée dans les églises et qu'à l'avenir on ne
1 . La Musique à l'Église, conférence faite au Cercle du Luxembourg le 22 avril 1910, et publiée au « Bureau d'Édition de la Schola ».
4 £a tribune ht Saint -(Bernais
pourrait y entendre que le plain-chant » ; ce porte-parole ingénu d'un groupe imposant d'ignorants savait du moins, lui, que ce « plain-chant » et le « chant grégorien », sans être « de la musique », étaient pourtant une seule et même chose ; combien, par contre, dans ce même groupe impo- sant, voyaient dans ce « chant grégorien » une lubie pontificale, en faveur d'on ne sait quelle combinaison commerciale avec des éditeurs en peine d'écouler leur camelote. Cela fut pensé, dit, écrit... et cru par. un bon nombre de naïfs, clercs ou laïques. Ne rencontrâmes-nous pas un vicaire d'une grande paroisse de Paris, qui nous blâma assez vivement pour n'avoir pas voulu admettre avec lui que le Motu proprio n'était exécutoire qu'à Rome même, et tout au plus dans le reste de l'Italie, mais nullement en France et moins encore à Paris? — Nous ne voulons pas nous « romaniser » à ce point, disait un autre, à propos des règles pour la prononciation latine : nous avons vécu en hommes, nous vou- lons mourir en um, ajoutait plus ou moins spirituellement un troisième, (qu'on a dit être un « prince de l'Eglise »). Ces quelques traits, au hasard de nos souvenirs, permettent de juger à quel point nos contemporains étaient préparés à voir dans le chant grégorien un « modèle suprême », et surtout un modèle musical. Pour nous, alors élèves et professeurs à la Schola, une telle évidence allait de soi; près de huit ans s'étaient pas- sés depuis l'avènement de la « Tribune » et la création de l'Ecole an- noncée ; et, comme l'a fort bien dit notre cher confrère et ami Amédée Gastoué : « Relever le nom de Schola Cantorum en 1895, pour dési- gner une société de musique religieuse, était donc déployer un drapeau, impliquant l'énergique volonté de se consacrer à la culture et à la dé- fense du « plain-chant », du chant « grégorien » *. C'est cette culture et cette défense que nous continuons aujourd'hui, sous le même drapeau, toujours déployé; et ce que l'érudition de nos confrères spécialisés dans cette voie apportera à la documentation rétrospective sur les sources et les vicissitudes historiques de ces « modèles suprêmes » que nous admirons encore, notre connaissance plus particulière de la trame profonde du « Langage musical », de ses principes immuables et de ses lois, nous permettra de le compléter par des aperçus, utilisables présentement, sur les ressources, à peine entrevues encore par quel- ques-uns de nos contemporains, que l'inépuisable « trésor grégorien » peut apporter, ou plutôt restituer à l'art musical.
S'il s'en faut de beaucoup, hélas ! que tout soit pour le mieux dans ce domaine, depuis la magistrale parole prononcée en 1903, il faut pour-
1. « La Schola Cantorum et le Chant grégorien », par Amédée Gastoué, pp. 127 et suivantes du livre La Schola Cantorum en 1925, publié chez Bloud et Gay, éditeurs.
Primauté fru (fôrégariett 5
tant reconnaître que « quelque chose est fait qui n'est plus à faire » : quelques idoles sont renversées... ou du moins fortement ébranlées, à la suite de cette solennelle proclamation de la « primauté du grégo- rien », que beaucoup se refusent à admettre, tout en la subissant à leur insu. Qui se souvient de 1 etonnement admiratif des « jeunes » qui, vers 1880, s'aperçurent que l'une des mélodies des Nuits Persanes de Saint-Saëns était tout de même en ré mineur, bien qu'il n'y eût à la clé ni dièse ni bémol ? On dit aujourd'hui : c'est un « premier mode », et personne n'est surpris, puisque le délicieux Secret de Gabriel Fauré est bien un « cinquième mode ». Et un petit Manuel du bon Lavignac, paru en 1909, nous montre ingénument tous les modes naturels pos- sibles sur les divers degrés de la gamme... en excluant précisément de notre « musique moderne » ce mode de fa ou « cinquième mode », employé par Fauré. Que nous voilà loin, tout de même, de cette « mystification oppressive » des deux modes classiques : cet éternel majeur, toujours vrai mais peu varié, et cet absurde mineur altéré, qu'on veut absolu- ment nous faire prendre pour un mode naturel. Avec ce fétichisme des modes, voici celui de la barre de mesure, de la « carrure » et du « temps fort » qui disparaît à son tour, pour faire place à une conception plus souple et plus réelle du rythme, tel que nous le montre ce « grégorien » si méconnu.
Sans doute, nous sommes encore loin d'avoir épuisé tout ce que notre langue peut et doit prendre — ou reprendre — dans cette « langue mère » si longtemps oubliée, dans cette « source de saint Grégoire » à laquelle on doit toujours revenir tôt ou tard. Mais nous lui devons déjà assez de précieuses acquisitions pour qu'il soit juste et désirable de lui donner quelque chose en retour. Durant ses siècles de sommeil, X idiome grégorien, si l'on peut ainsi s'exprimer, n'a presque rien perdu, tandis que notre « langue musicale vulgaire », terriblement amoindrie par certains côtés, s'enrichissait incontestablement dans le domaine harmonique et modulant : fille dénaturée de sa mère grégorienne, notre musique, tout en reconnaissant aujourd'hui ce qu'elle doit à cette mère abandonnée par elle, peut par les acquisitions qu'elle a su faire, lui rap- porter autre chose : disons mieux, elle le lui doit. Et c'est à ce juste retour des choses que nous voudrions apporter ici notre effort, en essayant d'accroître par le fruit de notre expérience l'éclat incomparable du « modèle suprême » de la musique sacrée, remis en honneur, il y a un quart de siècle, par le « modèle suprême » des Pontifes.
Auguste Sérieyx.
Ca tribune &e 0amt-(fàfn)at5
La récente « Semaine liturgique orientale » célébrée à Paris, et la question de l'union des Églises, rendent plus actuelle que jamais l'étude comparée du chant grégorien et du chant byzantin. M. A. GAST OU É développe une communication faite par lui au Congrès byzantin de Belgrade d'avril dernier.
DOCUMENTS LATINS DU MOYEN AGE SUR LE CHANT BYZANTIN
DÈS l'époque des permiers siècles chrétiens, où s'organisa la liturgie des églises latines, celles-ci s'efforcèrent de rappeler l'origine de la prédication qui les avaient converties, en conser- vant au moins, ou en adoptant en langue grecque, l'acclamation Kyrie eleison. Mais, de plus, à l'âge proprement byzantin, de nouveaux liens unirent, sur le terrain du chant liturgique, les églises latines, surtout celles de la France, avec leurs églises-mères de langue grecque. C'est que, jusqu'au moins vers le voe siècle, une bonne partie des chrétiens du Midi de la France étaient d'origine, ou au moins de langue, grecs. Aussi, dans de grandes églises de Provence, ainsi qu'on le voit entre autres, à propos d'un concile important tenu à Arles, au vie siècle, les deux chœurs soit du clergé, soit des fidèles, chantaient alternativement psau- mes et antiphones, un chœur en grec, et l'autre en latin1. Nous verrons que, pour certains chants, cet usage s'est très longtemps perpétué.
A Rome, le pontificat du pape saint Serge (687-701), qui était d'ori- gine syro-hellénique, a été marqué par divers emprunts très caractéris- tiques touchant cette union pratique des deux civilisations musicales. C'est ce pontife qui prescrivit, au moment de la fraction de l'hostie, l'invocation Agnus Dei, existant déjà comme prière du prêtre dans la liturgie de saint Jacques, mais que saint Serge fit chanter désormais dans la liturgie romaine. Or, le motif musical de ce récitatif (tel qu'on peut le lire encore dans l'Édition Vaticane, ordinaire n° XVIII), conservé pour les « fériés » ou jours ordinaires de certains « temps » liturgi- ques, est purement et simplement une psalmodie byzantine de Yekhos
1. On m'excusera de ne pas donner toutes les références de ces faits. Les livres pu- bliés sur l'histoire de la liturgie ou du chant fournissent les éléments suffisants à les illustrer.
BocnmentB latins î>u mopxt âge sur le cljcmt bgzantin 7
tetartos. Au règne de ce même pontife, il faut faire remonter plusieurs grandes « antiennes » (troparia) pour certaines fêtes de la Sainte Vierge ainsi que de la Croix. Par exemple, l'antienne des Vêpres du 8 Sep- tembre, Nativité de la Sainte Vierge, Nativitas tua, Dei Genitrix Virgo ; celle du 1er Janvier, Mirabile mysterium ; le beau chant du Vendredi- Saint pour l'adoration de la Croix, Crucem tuant, ne sont que la tra- duction latine des tropaires H ysvvïjaiç aou, — IlapaSô^ov fjuj<rnqptov, — Tbv I/uaupov (tou upoaxuvyjtTwpiev, des offices byzantins. Nous ne pouvons savoir si la mélodie conservée dans les livres de chant romain, pour ces antiennes et d'autres encore du même genre, est d'origine byzantine, mais la preuve peut être admise pour une autre pièce qui remonte aux solennités prescrites par le pape saint Serge, XAdorna thalamum tuum, à la procession du 2 Février pour la Fête de XHypapanti (comme les manuscrits latins du moyen âge continuaient de la nommer d'après le titre grec). Cette antienne offre une mélodie d'un caractère tout by- zantin, du mode tritos, et certains passages mélodiques s'adaptent difficilement au texte latin, ou même présentent quelques difficultés dans le chant. Or, si l'on place, sous cette mélodie donnée par les livres latins, le texte grec original du moine Cosmas, le KocTax6a-fj.Y|<jov tyjv vufXfpcova ctou, dont cette pièce est la traduction, toutes les anomalies disparaissent, les syllabes grecques tombent parfaitement à leur place, et les accents du texte et de la mélodie concordent complètement.
Donc, la mélodie conservée dans le chant latin pour X Adorna, a été faite pour le texte byzantin original, dont celui-là n'est que la traduc- tion. (Ce serait l'occasion d'en étudier les variantes extrêmement inté- ressantes si cette digression n'était trop longue *).
Le témoignage le plus ancien, historiquement, sur la similitude ou la parenté de la mélodie ecclésiastique dans les deux églises, est le vocabulaire même des tons, donné par un fragment que certains ma- nuscrits mettent sous le nom du célèbre Abbé Alcuin (vnie siècle) mais dont il semble qu'il faille faire honneur au pape saint Grégoire le Grand lui-même, en guise de prologue ou de préface à l'Antiphonaire 2, deux cents ans plus tôt; n'oublions pas que ce pontife, étant archidiacre, avait résidé plusieurs années à Byzance en qualité d' « Apocrisiaire » du trône apostolique de l'ancienne Rome, près de l'empereur byzantin. Or, ce fragment sur les huit tons ecclésiastiques romains, les classe en
1. Cf. mon Cours de chant grégorien, 2* édition, page 5i, et la Tribune de Saint- Gervais, xxive année, pp. 3 et 4.
2. La question a été traitée dans un livre très serré, de Dona Célestin Vivell, Vont Musik-Traktate Gregors des Grossen. Leipzig, 1911.
8 £a tribune î>f £aint- ©miette
authentes et plagales, rangés sous les dénominations de protus, deu- terus, tritus, tetardus, dans lesquelles il est aisé de voir l'emprunt di- rect fait à la nomenclature musicale byzantine, à peine latinisée.
C'est ce qui fait que le moine franc Aurélien de Réomé, dans son traité célèbre sur le chant ecclésiastique, le plus ancien qui existe, écrit vers l'an 825, dit que toute la discipline musicale vient des Grecs. Et, comme il a eu l'occasion de converser avec un chantre byzantin (sans doute un de ceux qui accompagnaient une ambassade de l'empereur de Constantinople près de l'empereur d'Occident), Aurélien fait remarquer la similitude de ce que les Latins nommaient littérature, avec les ene- khemata des Grecs, les syllabes noeagis, neagie, etc. Ces syllabes sont données, avec leur chant, dans les manuscrits latins des xe et xie siècles, par conséquent bien avant l'âge des manuscrits byzantins qui nous en sont parvenus *.
On peut penser que les noms de certains « neumes » du chant latin, tirés du grec, viennent de semblable source, tels epiphonus, cephalicus, oriscus, trigon : la preuve ne peut facilement en être faite. Mais elle est certaine pour l'ornement mélodique nommé quilisma, puisqu'il figure avec la même graphie et le même nom dans les anciens manuscrits de chant byzantin. Là encore, les sources latines sur ce neume sont bien plus anciennes, et nous renseignent ainsi plus exactement que des do- cuments byzantins sur l'origine ou l'antiquité de certains détails musi- caux. Nous savons aussi, pour rester sur un point de technique, que les tons appelés mesi parles byzantins, existaient à l'époque carolingienne, mais que les Latins n'avaient toutefois rien d'analogue (sinon tout à fait à l'état d'exception).
D'autre part, la similitude que les Latins du même temps constatent entre les tons authentes et plagaux et qui coïncide avec le célèbre traité Hagiopolite, ' Ayto-n oXtr/]ç, montre que ces tons étaient alors chantés diatoniquement 2.
Les livres latins de chant ecclésiastique ont enfin contenu des pièces écrites et chantées en grec, et dont la forme mélodique, la con- texture modale, les contours même de la notation accusent nettement une origine puisée, texte et musique, dans la tradition ancienne des églises grecques orientales. L'un de ces chants les plus célèbres est
1. Sur Aurélien et son traité, voyez mes Origines du chant romain, Paris, 1907, pp. 127 à 129, ou l'article que je lui ai consacré dans le Dictionnaire iV archéologie chrétienne de Dom Cabrol.
2. J'ai donné la description de ce traité dans le Catalogue des manuscrits de mu- sique byzantine de la Bibliothèque Nationale de Paris, avec de larges extraits.
documents latins ïru mogett tyt sur le rijant bgzantm 9
assurément celui du Trisagion du Vendredi-Saint, entré dans la liturgie romaine au ixe siècle, mais emprunté aux usages de la France et de l'Espagne où nous constatons l'emploi de ce chant dès le vie siècle. Ce Trisagion, dont la mélodie n'a rien de proprement « grégorien », mais au contraire offre un cachet byzantin irrécusable, est alternativement trois fois répété par les deux chœurs, en grec et en latin : Agios o Théo s, Sa ne tus Deus; Agios ischyros, Sanctus fortis; Agios athana- tos, eleison imas, Sanctus immortalis, miserere nobis. Ce chant est accompagné de « versets » (stikhera) qui ne sont pas non plus romains d'origine, mais dont le texte accuse une source orientale1.
Des chants alternés de ce genre, je l'ai dit plus haut, sont restés longtemps en usage en diverses églises. De précieux manuscrits latins, du ixe siècle jusqu'au xie siècle, contiennent ainsi, pour les fêtes solen- nelles, le chant alterné moitié en grec, moitié en latin, du Gloria in excelsis (le texte grec est écrit en lettres latines Doxa enypsistis) et du Credo in unnm Deum (Pisteuo is ena Theon). Or, ainsi que je l'ai fait remarquer il y a déjà longtemps, tandis que le chœur latin chantait avec le textus receptus de la liturgie romaine, le chœur grec chantait exacte- ment le texte byzantin de la liturgie grecque 2.
Dans le célèbre monastère de Saint-Denys, près Paris, on se servait de plus, pour le jour et l'octave de la fête des Saints Patrons, du 9 au 16 octobre, des ekphonèses, à la messe, telles qu'elles existent dans la liturgie byzantine ; l'épître et l'évangile étaient de même accompagnés des proclamations diaconales de même origine. Plus tard, « l'amour du grec » alla jusqu'à faire traduire entièrement en grec toute la messe latine pour le 16 octobre: mais, comme les hellénistes parisiens du xvie siècle ne connaissaient pas l'origine byzantine de ces divers textes, ils les modifièrent pour les rapprocher du latin. Toutefois, jusqu'à la Révolution française, et à diverses reprises depuis, on conserva ou on reprit l'usage, à Saint-Denys, de chanter en grec la liturgie de la messe pour le 16 octobre, octave de la fête de l'apôtre de Paris ; parfois même, le clergé latin fait appel en ce jour à un prélat grec pour y célébrer la liturgie byzantine.
Enfin, parmi des pièces musicales en partie disparues, il y a encore à glaner. Ainsi, toujours en me bornant au même monastère de Saint- Denys, l'offertoire de la messe votive de la T.-S. Trinité est purement et simplement la traduction latine du Kherouvikon de la messe de
1. Cf. mon Histoire du chant liturgique à Paris, pp. 18 à 20, et le même ouvrage pour les faits qui suivent.
2. Id. p. 69.
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saint Jean Chrysostôme. Voici ce texte latin que j'ai relevé sur les manuscrits parisiens des xe et xie siècles : Qui Cherubim mystice imi- tamur : et vivifiée Trinitati ter sanctum hymnum offerimus, omnem niinc mundanam deponamus sollicitudinem, sicuti regem omnium sus- cepturi, cui ab angelis invisibiliter rninistratur ordinibus, alléluia. C'est rigoureusement, on le voit, la traduction de l'^Oi ik )(_Epou(3lfA : mais, de plus, ces manuscrits en donnent le chant entièrement noté en neumes du xe siècle, et certainement pas latins d'origine.
Enfin, le moment où les ambassades byzantines en Occident, à l'époque de Pépin et de Charlemagne, entretenaient un constant échange d'idées entre les pays grecs et les pays francs, le moment où Constantin Copronyme envoya chez nous le premier orgue à soufflets que l'on y eût vu l, donna l'occasion à des clercs et chantres latins et byzantins, de se faire d'intéressantes confidences, dont Aurélien nous est un garant, dans un passage plus haut cité, et sur lesquels d'autres chroniques, de Saint-Gall, nous renseignent curieusement. De là, date l'usage dans les pays francs et germaniques, usage qui survécut jus- qu'au xvr siècle, dune série spéciale d'antiennes pour les « laudes » de l'octave de l'Epiphanie, antiennes dont on nous conte l'origine grecque, et dont la forme littéraire, ainsi que la mélodie intégralement conservée pendant tant de siècles, indique que l'original a certainement été une « ode » d'un « canon » de Xekhos tetartos (authentes). Qu'est devenu ce canon byzantin perdu, dont les sources latines donnent la traduction et le chant?2 Existe-t-il encore, et à quel mélode le doit-on? Voici, en tout cas, les premiers mots des tropaires que l'usage latin avait conservés :
Te, qui in Spiritu et igné...
Baptista contremuit...
Caput draconis Salvator conteruit (sic).
Peccati aculeus conteritur...
A qua comburit peccatum. . .
Magnum mysterium declaratur...
Ces tropaires, qui se rapportent à un même « hirmos », sont enca- drés par deux autres, du même mode, mais de coupe différente et plus
longs :
Veterem hominem renovans Salvator... et
Przecursor Johannes exsultat cum Jordane. . .
1. Voir mon livre sur L'Orgue en France, Paris, 1921, pp. 3o à 33, avec tous les
textes.
2. Dom Pothier a reproduit le texte et le chant de la plupart de ces antiennes dans les Varia; Preces, pp. 91 à 93.
BocnmenU latins on moyen âge $nv le cljant b^anttn n
Je livre aux byzantinisants ces textes dont peut-être ils trouveront les originaux.
Ces quelques faits ne sont pas les seuls dans la question qui est l'objet de cette étude forcément succincte : on pourrait parler de l'ori- gine byzantine du tonus peregrinus de l'office romain du dimanche; du chant en latin et en grec des fameuses acclamations Christus vincit, chantées en grec, Christos nika, à Metz, au ixe siècle ; des énigmatiques fratres hellenici du monastère de Saint-Gall (?) dont il est question, précisément à propos de chant, dans un écrit du xe siècle ; de la traduc- tion des tropaires de l'office byzantin de la fête de l'Aréopagite, à l'in- tention d'une église parisienne, au xne siècle; des curieuses variantes au texte du Trisagion, employées encore de nos jours dans certaines églises du Midi de la France, etc.
En tout cas, les quelques renseignements donnés ici permettent de constater qu'un nombre appréciable de sources de premier ordre pour l'étude de l'ancienne mélodie ecclésiastique byzantine se rencontrent dans les vieux manuscrits latins du moyen âge et sont encore en partie conservées par les livres de la liturgie romaine, même actuelle.
A. Gastoué.
12 Ca tribune îre $aittt*<&nnai&
M. RA UGEL complète très heureusement dans nos pages le superbe volume qu'il a fait paraître chez l'éditeur Fisch- bacher, et dont un de nos collaborateurs parlera en un pro- chain numéro.
NOTES COMPLÉMENTAIRES
SUR LES GRANDES ORGUES DES ÉGLISES DE PARIS ET DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE
LA publication de notre ouvrage sur les grandes orgues des églises de Paris et du département de la Seine1 n'a pas interrompu nos recherches sur quelques points restés obscurs de cette histoire; le texte du volume était à peine imprimé que nous retrouvions maints documents inédits qui, si nous les avions connus plus tôt, n'auraient pas manqué de nous servir pour établir avec toute la précision désirable l'histoire des orgues et des organistes dans certaines paroisses. D'autre part, ces derniers mois, plusieurs instruments ont été l'objet de transformations et de réfections assez importantes; enfin, au début de cette année est paru un ouvrage capital et richement illustré de M. Georges Servières sur la décoration artistique des buffets d'orgues : l'auteur y considère l'instrument au point de vue purement plastique; mais il tire ses exemples de toutes les régions de France et des pays limitrophes, et étudie tour à tour, l'histoire de l'orgue au moyen âge, celle de ses divers emplacements dans les églises, décrit son piédestal (cantoria, jubé, tribune de bois ou de pierre) et fait l'exposé des différents concepts suivis au cours de six siècles d'art, pour le revêtement des orgues, par les architectes et les décorateurs.
Un chapitre important est entièrement consacré à la période révo- lutionnaire; on y peut suivre le sort des orgues et des organistes, avec une liste complète des destructions totales ou partielles, des déplace- ments et des réfections d'instruments que l'on admire encore aujour- d'hui, ou dont on déplore toujours la disparition2.
Nous croyons donc utile de donner déjà une première série de notes complémentaires destinées à rectifier ou à enrichir certains chapitres.
1. Fischbacher, éditeur, Paris.
2. Georges Servières, La décoration artistique des Buffets d'orgues, Paris et Bruxelles, les Éditions G. van Oest, 1928.
XtotiB sut les granfrea ovines i3
NOTRE-DAME «
Dans le Cartularium Episcopi publié par Guérard, il est fait mention en 1279 de l'organiste Henricus : Magister Henricus, organista, parmi les huit nouveaux bénéficiaires qui doivent la résidence2. Le nom de ce primitif de notre musique polyphonique doit être ajouté à la liste des organistes de Notre- Dame que nous donnons page 95.
On s'est souvent demandé quel était l'aspect du buffet de l'ancien orgue du xve siècle à Notre-Dame ; la seule représentation connue de cet antique ins- trument est due à Israël Silvestre, dont le Cabinet des dessins du Musée du Louvre possède un croquis du chœur de notre basilique nationale tel qu'il était encore à la fin du xvne siècle 3. En étudiant ce dessin, destiné sans doute dans la pensée de son auteur à être un jour gravé, on aperçoit l'ancien maître-autel, la double rangée des stalles du xive siècle, le jubé qui se dressait jadis entre le chœur et la nef, et dans le fond de l'église, la silhouette d'un grand buffet gothique à trois hautes tours quadrangulaires surmontées de clochetons pyra- midaux, d'aspect analogue à l'ancien orgue de la cathédrale de Reims au xve siècle, dont un dessin à la plume de J. Cellier, reproduit dans nos Orga- nistes, nous a conservé la figure dans tous ses détails.
SAINT-PIERRE DE MONTMARTRE
Le buffet actuel, d'après M. Servières, serait celui de l'ancien orgue de Saint-Pierre-des-Arcis (1770), lequel fut affecté le 27 août 1791, à l'ancienne église Notre-Dame-de-Lorette et de là transféré, comme nous l'avons dit, à Montmartre après la désaffectation de l'église des Porcherons. L'ancien orgue de l'abbaye des bénédictines de Montmartre aurait été, en 1803, offert gracieu- sement à la paroisse de Villers-Cotterets (Aisne) par Pauline Bonaparte en sou- venir du général Leclerc, son premier mari 4.
1. On voudra bien, p. 79 de notre ouvrage, compléter le passage concernant l'évêque Odon ou Eudes de Sully et lire (ligne il) : sous le pontificat de cet évêque, qui termina la nef, commença la façade de la cathédrale et mourut en 1208, on exécutait déjà...
2. Guérard, I. 212. — CCCXÏV, anno 1279. — Rappelons aussi que dans le testament de Milon de Corbeil (XVII kal. julii 1271) il est question d'une distribution en espèces, aux organistes selon leurs états de service : vigenti solidi distribuentur organistis ecclesie, videlîcet cuilibet, qualibet vice, sex denarios... (Guérard, IV, 85). M. Gastoué a déjà signalé ce document.
3. La photographie du dessin d'Israël Silvestre existe aux Archives Photographiques du Ministère des Beaux-Arts. Cf. Marcel Aubert, Une vue du chœur gothique de N.-D. de Paris à la fin du xvir3 siècle, dans le Bulletin de la Société de l'Art Français. Année 1926 (IIe fascicule).
4. Cf. Servières, ouvrage cité, pp. i65 et 179.
14 £a tribune îre %aint~(&txwis
BASILIQUE DE SAINT-DENIS
On pourra compléter ainsi les renseignements que nous donnons, page 165 : Le grand orgue, après avoir été remisé à Saint-Martin-des-Champs, était destiné par Molard à être précieusement conservé pour devenir, en le complé- tant par les restes de l'orgue des Cordeliers, un instrument modèle. Mais ce projet n'eut pas de suite, et ce qui restait de l'orgue de la basilique, après avoir été dépouillé de sa soufflerie et d'un grand nombre de tuyaux pour la construc- tion d'appareils mécaniques expérimentés aux Arts-et-Métiers fut, en 1805, dépecé, et partagé entre les fabriques des églises de Saint-Roch et de la Madeleine 1.
SAINT-EUSTACHE
Le grand orgue qui, d'après une tradition que nous n'avons pu encore jusqu'ici vérifier, aurait été mis en place dans le chœur de cette église, vers le milieu du xvie siècle, par le facteur rouennais Antoine Josseline, était un douze pieds en montre. Nous l'apprenons par le devis, qui a été conservé, des répa- rations qui furent exécutées à cet instrument au cours de l'année 1565 par le « maître faiseur d'orgue » Jacques Pigache, demeurant à Paris. Aux termes de ce devis, daté du 26 mars, le facteur devrait exécuter un relevage complet, « escurer la montre de 12 pieds, renouveler la soufflerie et augmenter la pres- sion du vent, faire parler les jeux de pédale, et fournir un bon jeu de trem- blant qui se jouerait sur la saqueboute, la musette, le nazard et la flûte alle- mande (« fluste d'alement » 2).
Ceci se passait au temps où Mathieu de la Croix était titulaire des orgues de la paroisse. Quand Jehan le Secq fut nommé à la succession de Pierre de la Barre, il s'occupa bientôt de la construction d'un positif neuf qui fut ajouté à l'ancien orgue par le facteur Mathieu Languedul, demeurant alors rue du Bourg-l'Abbé, paroisse de Saint-Gilles. Ce positif était composé des 11 jeux suivants :
1 . Bourdon
2. Montre
3. Flûte (bouchée)
4. Nazard
5. Octave
6. Flagollet
Le facteur devait en outre refaire la cymbale du grand orgue, revoir tous les jeux et fournir deux claviers neufs de 48 touches, le tout moyennant mille livres.
1. Servières, Loc. cit. p. 204.
2. Minutes de Jean Doujat, liasse 71. Fonds classé par Coyecque (Étude de M. Roger Pascault à Paris).
8 |
7. |
Fourniture |
3 rangs |
4 |
8. |
Cymballe |
2 rangs |
4 |
9. |
Cornet |
|
2 2/3 |
10. |
Cromorne |
8 |
2 1 |
11. |
Régale |
4 |
Xtotes sut Us grcm&ea orgues i5
Jehan le Secq mourut en 1626; déjà depuis 1611 son fils Michel le rempla- çait aux claviers ; celui-ci toutefois ne semble pas avoir continué ses fonctions après la mort de son père, car le jeudi 10 décembre de cette année 1626, les marguilliers nommèrent à la succession de Jehan Le Secq, le sieur Yon, cousin dudit défunt *.
Précisément au début de cette année 1626, les orgues de Saint-Eustache avaient été entièrement restaurées pour le prix de 800 livres tournois par le célèbre organiste et facteur Luis de Aranda « ce rossignol charmant dont Louis XIII faisait tant d'estime » ; d'Aranda, déjà titulaire des orgues de la cathédrale d'Aix-en-Provence, demeurait alors à Paris dans le couvent des Augustins, paroisse Saint-André-des-Arts : son devis est daté du 17janvier 1626 2.
Ainsi peut se restituer l'histoire de l'ancien orgue qui fut déposé lors de la construction de la tribune actuelle et n'avait pas été remis en place avant l'époque révolutionnaire, car déjà en 1791, le curé de Saint-Eustache réclamait un instrument pour son église.
SAINT-NICOLAS-DES-CHAMPS
L'artiste qui, en 1774-75, a accommodé au goût de son temps l'ancienne tribune de Saint-Nicolas, et remanié le grand et le petit buffet, est le maître menuisier Borel dont le mémoire des travaux de retouche a été conservé 3.
SAINT-NICOLAS-DU-CHARDONNET
Le grand orgue de cette église a été relevé et réharmonisé, au cours des derniers mois de l'année 1927, par le facteur Paul Kœnig, qui conserva et utilisa les matériaux anciens tout en réussissant à introduire quatre jeux nouveaux. Voici la disposition de l'instrument inauguré par Louis Vierne le 8 dé- cembre 1927 :
1er Clavier. — Grand orgue (56 notes)
1. |
Bourdon |
16 |
7. |
Nazard |
2 |
2. |
Montre |
8 |
8. |
Piccolo |
1 |
3. |
Bourdon |
8 |
9. |
Cromorne |
8 |
4. |
Flûte harmonique |
8 |
10. |
Voix humaine |
8 |
5. |
Salicional |
8 |
11. |
Trompette |
4 |
6. |
Prestant |
4 |
12. |
Clairon |
4 |
2/3
1. Minutes de Jean Le Camus (Étude de Me Bossy, notaire à Paris). Le prénom de l'organiste Yon n'est pas donné le jour de sa nomination : on voit figurer fréquemment parmi les paroissiens nommés dans diverses minutes datées du 26 août 1627 au 26 dé- cembre i633 le nom de Geoffroy Yon.
2. Même minutier.
3. Cf. Georges Servières, ouvrage cité, pp. 69 et l3o ; et Arch. Nat. H3 3797 et LL 863-86.
i6
£a tribune k &Mnt~<&eïw\B
2e Clavier. — Récit expressif (56 notes)
1. 2. 3. 4. 5.
Flûte creuse Bourdon Gambe Voix céleste Flûte
6. Quinte
1 . Soubasse
2. Flûte
3. Bombarde
8 8 8 8 4 2 2/3
7. Octavin 2
8. Tierce 1 3/5
9. Bombarde 16 10. Trompette har- monique 8
11» Basson-Hautbois 8
Pédale (30 notes)
16
8
16
4. Trompette
5. Clairon
1 . Tirasse G. O.
2. — Récit
3. Grand orgue sur machine
4. Copula Positif sur G. O. (unisson)
5 . — (8e grave)
6. Expression du Récit
Pédales de combinaison
7
9.
Expression spéciale pour la voix
humaine Anches G. O. — Récit
10. Trémolo
Félix Raugel.
Ce « ftequient » îre fteriioz à 0amt~€tt™ne-îiu-Jît<mt 17
Nous sommes musiciens, et rien de ce qui est musical ne nous est étranger : la musique religieuse a de belles et mul- tiples formes, M. A. TROTROT-DÉRIOT y intéresse ici nos lecteurs.
LE « REQUIEM » DE BERLIOZ A SAINT-ÉTIENNE-DU-MONT
IL est beau d'entendre au concert la Grande Messe des Morts à laquelle feu Edouard Colonne, champion de Berlioz et qui fut son meilleur interprète, donnait tant d'accent et de relief1; il est mieux de l'écouter à l'église, son vrai cadre malgré ce qu'elle suggère de théâ- tral et surtout dans une nef comme Saint-Etienne-du-Mont que tra- verse le jubé célèbre, très propice aux fanfares du Tuba mirum qui doivent venir d'en haut. C'est ainsi que fut réalisé une fois de plus le rêve de Berlioz, le 11 novembre dernier, pour commémorer la Victoire et ses sacrifices et faire œuvre utile en faveur des Mutilés de guerre et des orgues splendides qu'on va restaurer. M. G. Pierné conduisait l'exé- cution assurée par l'Association des Concerts-Colonne, chœurs et or- chestre, que renforçait la chorale « Amicitia ».
En ce sens qu'il vise au drame, au tableau, à l'expression directe des images contenues dans le texte, le Requiem de Berlioz est le moins liturgique des ouvrages que la même donnée inspire. C'est l'œuvre d'un visionnaire, d'un poète romantique faisant appel aux suggestions de la musique pour fixer la courbe des sentiments, pour décrire les gestes, les scènes dont parle l'Ecriture, notamment la scène du Juge- ment dernier, centre du sujet et point culminant de la partition. Ici, Michel-Ange inspira Berlioz : la fresque de la Sixtine lui donna l'idée d'une transposition sonore, et c'est le Tuba mirum avec ses quatre fanfares placées aux quatre points cardinaux; l'effet en est prodigieux et sainement musical malgré le tour et le ton un peu communs des appels où trompettes et trombones marchant par degrés conjoints à distance de sixte, accusent l'accord de 7me dominante, avant l'entrée du chœur.
1. C'est après l'audition de 1904 au Châtelet, qu'a été écrit et publié dans L'Europe Artiste notre premier article justement sur le Requiem. A. T.-D.
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Berlioz eut soin de préparer cet effet grandiose. C'est d'abord l'introït Requiem aeternam en sol mineur , où se mêlent un thème dolent et fugué bâti sur 7me descendante (ré, ré-ré, si, sol, mi bémol), un contre- chant chromatique entrecoupé sur les mêmes mots, une vocalise arpé- gée continuée en plainte délicate, enfin les croches frissonnantes d'un récitatif qui achève de marquer l'inquiétude. Le tourment s'accentue avec le recto tono du Kyrie saccadé qui suit; d'abord sans force et suivi du Christe gémissant, le rythme augmente, insiste, s'exaspère jus- qu'à l'explosion convulsive du désespoir; on est en plein drame, on songe au miserere du Trouvère ; c'est un trait de réalisme qu'on peut récuser ou discuter mais qui porte, à sa place, avant l'angoisse, le cres- cendo de terreur causé par ce qui va suivre.
C'est alors le Dies irœ. Assez fatal en est le thème mineur sans sen- sible ; un chant plein d'humilité, comme nu et seul au départ, lui sert, plus loin, de contre-sujet. A quantus tremor commence l'agitation, que souligne le trémolo, la basse et le ténor en tierce accusant le thème; la rumeur grandit avec la peur du Jugement prédit ; les cris et gémis- sements se croisent; enfin, au dernier coup de vent des triolets chro- matiques succède l'accord formidable !
Il faut écouter ces appels dans une nef d'église pour en éprouver la grandeur inouïe et en admirer le dispositif. On voudrait penser à un plus beau style, mais dans leur accord génial la vibration et l'image suspendent l'action de l'esprit tourné vers les classiques et leurs mo- dèles. Il faut voir là une réussite du romantisme sans l'imagination duquel il manquerait quelque chose non à la pensée, certes, ni au sens du style dans l'art servi par la forme pure et parfaite, mais à l'idée et surtout à l'expression de l'idée dont les modes doivent se renouveler sans cesse. Il y a un mode épique de l'image exprimée par les sons dans le Tuba mirum du Requiem.
Tout le rythme de lœuvre en découle. Si Quid sum miser a le tort — sans être illogique — de ramener l'humble chant nu par lequel dé- bute la Prose sans autre apport qu'un changement de ton, Rex tremendaz procède par cris et présente une montée puissante accompagnée de cuivres, qui font suite aux effets du Tuba mirum mais dans le style classique du chœur dramatiquement traité : on y salue de beaux ac- cords {mi majeur), à la façon de Mozart, le mouvement d'une bonne imitation qui devient très expressive à libéra me de ore leonis, et sur- tout de riches oppositions, de saisissants contrastes que motive le texte et qui prouvent combien Berlioz vivait le sujet.
Le grand romantique avait besoin du stimulant de l'image. Elle
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manque au Quœrens me sans accompagnement; la formule en est un peu étroite mais n'empêche pas de sentir l'accent d'une contrition sin- cère; le frottement de seconde mineure y joue un rôle ainsi que les croches récitatives tramées dans l'harmonie, procédé psalmo-drama- tique dont Berlioz usera jusqu'au bout.
Il n'y a que l'excès lyrique — tare des romantiques — à regretter dans la phrase trop à découvert et trop larmoyante du Lacrymosa. Le gémissement était attendu. L'insistance qu'y met Berlioz va jusqu'à l'enflure de mélodrame, outrée tout à fait par ce colossal unisson à 9/8 qui révèle le goût d'une époque et qui date.
Mais Berlioz réserve des surprises. Le voici après cette démesure, à la page dantesque quoique simple : Domine Jesu Chris te, plainte « des âmes du Purgatoire » qui émerge, toujours la même (la — si, la — si, la) d'un fond symphonique en ré mineur où la modestie des moyen? techniques laisse toute sa valeur à la justesse sobre du style; un seu, éclat, celui des mordants accords sur pédale de tonique en syncope, qui soulignent le nom de l'Archange ... et sanctus Michael ; la fin tire son intérêt du majeur appelé par le promisisti du texte et pour lequel les voix s'étagent perdendosi dans une belle confiance mystique.
Il y a du stoïcisme dans Hostias etpreces, verset de l'Offertoire : c'est un choral-récitatif à voix d'hommes simplement déclamé, a cappella; trois flûtes à l'aigu et huit trombones dans le grave en remplissent les pauses de leur accord, varié par la modulation ; on connaît cet effet extra- ordinaire; il a le mérite d'avoir été trouvé avant Tannhzeuser de Wagner qui abonde en harmonies semblables et dont cet Hostias précède encore le premier « chœur des Pèlerins », qui en rappellera la démarche.
L'harmonie pré-wagnérienne remplit aussi le Sanctus et c'est son plus beau titre ; Berlioz y adopte, comme style, l'arioso contemplatif (ténor solo) avec alternance du chœur (3 voix de femmes) qui en imite les phrases, au-dessus et au-dessous desquelles scintillent et modulent les fameux accords mystiques qu'on verra s'épanouir dans Lohengrin et Parsifal. Ce frisson des voix de l'orchestre vaut mieux à notre avis, que la grâce un peu empruntée et sentimentale du solo, peu prosodique et qui sent l'arrangement après coup. La fugue tonale, trop « école », de YHosanna a le même défaut et moins de distinction; c'est la page banale de l'ouvrage.
Berlioz se montre embarrassé pour conclure ; il applique à XAgnus avec son découpage et ses pauses, le choral à voix d'hommes $ Hostias et preces; il se démarque lui-même en croyant prêter un nouveau ca- ractère au choral mis à trois temps au lieu de quatre, sans penser qu'un
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simple changement de mesure, s'il peut modifier matériellement des valeurs, déplacer l'accent, transformer extérieurement le rythme, ne saurait métamorphoser le style. Vu à travers autre chose, XAgnus du Requiem manque son but, exactement : de vérité esthétique.
La réapparition du verset Te decet hymnus de l'introït annonce la rentrée du thème grave de l'exorde : Requiem aeternam qui trouve sa conclusion, résolue en majeur, dans le Cum sanctis récité, puis X Amen accompagné des arpèges d'usage.
* * *
Dans son ensemble le Requiem de Berlioz a une haute signification dramatique. Et il a vu le jour en 1837 4, c'est-à-dire au plein du Roman- tisme dont on fête actuellement le centenaire. Il a les qualités et les défauts de l'école, dominée par la fièvre et les mirages du temps. Il est plein de génie et aussi de trous, de longueurs, de redites. Heureuse- ment la vision, l'image, la littéralité du mot avec l'intensité du senti- ment qu'elles provoquent, soutiennent le rythme de l'œuvre qui en acquiert une certaine unité psychologique et poétique. Musicalement la partition manque de ligne, même à l'intérieur de chaque morceau, sauf Hostias. C'est un art trop dispersé et épisodique. Berlioz ne ra- masse pas sa pensée comme les symphonistes allemands qui ont, d'autre part, un usage supérieur des grands procédés techniques. Il n'a ni la concision, ni la force de généralisation, ni le sens du développe- ment logique d'un Mozart, d'un Beethoven, même d'un Mendelssohn, que la fantaisie descriptive ne dérègle pas2; et il est loin d'écrire comme eux. En s'appliquant, Berlioz a pu écrire d'après les « canons », on ne peut guère admirer son feu d'artifice...; sa revanche, c'est la dé- charge de son imagination créatrice : elle emporte tout ! Son mérite est grand d'avoir quelquefois fait palpiter la fugue. Dans l'offertoire Domine Jesu Christe elle réalise, quoique modeste, une atmosphère : le Purgatoire, borné comme chant à une plainte singulièrement élo- quente. En 1904 nous n'avions pas noté cette page qui n'emprunte rien aux effets de théâtre ; elle est à l'opposé du pictural Tuba mirum ou plutôt elle le complète, avec le grandiose, demi-classique, du Rex tre- mendae.
1. La première exécution en a été donnée le 5 décembre 1837, à l'église des Inva- lides, pour le service funèbre du général Damrémont.
2. L Ouverture de la Grotte de Fingal, peinture musicale, « marine » incomparable dont la poésie vaut le coloris, est symphoniquement un chef-d'œuvre.
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On peut louer encore Berlioz pour la piété qui imprègne souvent sa Messe des Morts ; on n'y cherchera pas l'encens liturgique, on aura pourtant la surprise de reconnaître le parfum de X Ave verum (fluxit aqua...) dans les dernières notes élevées du Sanctus que. chante le ténor. Le cœur de Berlioz s'est penché sur les divines mélodies; il en tenait la tradition de Beethoven pour qui il avait un culte. Il a connu aussi les chorals, les majestueux édifices de Bach, la grandeur orato- rienne de Haendel, sans compter l'accent grec de Gluck au drame du- quel il doit tant. De tout cela il a tiré parti, comme Wagner, dont le soleil classique embrase seulement davantage le couchant sublime ! Son sens propre n'en souffrit aucun dommage. Belle leçon pour les novateurs toujours prêts à renverser les « idoles »...
Ce qui date dans le Requiem, c'est le style, le goût, certains traits de mélodrame; la facture a ses faiblesses qui sont de tous les temps; la grandiloquence, la furia même font partie de l'épopée musicale conçue par un romantique qui a voulu transposer Michel-Ange et Dante et auquel il serait puéril d'imposer, en le jugeant, nos limites. « Berlioz est toujours inférieur à son rêve ! » disait E. de Solenière. Si son rêve est grand, la réalisation l'est aussi, dans ce Requiem qui n'est que son opus 5, écrit à trente ans. Envergure et puissance en ca- chent souvent les rides. Et l'enthousiasme y sauve beaucoup de choses. Aussi positif qu'on puisse l'être par l'esprit et l'oreille, il est impossible de n'être pas ému en écoutant cette musique d'un génie évocateur, avant tout sincère, qui mérite qu'on s'abandonne à lui.
C'est ce que nous avons fait avant d'avoir rouvert la partition. Celle-ci a été mise en valeur à Saint-Étienne-du-Mont. L'accord des fanfares a été parfait; les cuivres ont modelé des sons d'un beau vo- lume et dégradé leurs notes avec justesse, tout en venant à bout d'at- taques difficiles. Au phrasé des chœurs on eût souhaité plus de lien et de souplesse, par exemple une clivis fondue sur em de Requiem, des inflexions et un balancé meilleurs pour Lacrymosa pris un peu vite, et quelques autres distinctions rythmiques obtenues hors de France par l'accent et la dynamie. Sans être séraphique, la voix de M. Thill, de l'Opéra, fit très bien du haut du jubé où il chanta le Sanctus. L'or- chestre fut généreux comme d'habitude. M. Pierné était secondé par son chef des chœurs, placé au milieu du jubé ; les fanfares obéirent à sa baguette précise. L'office fut célébré pendant l'exécution. M. le Curé de Saint-Étienne-du-Mont dit quelques mots inspirés du jour et de la solennité tout en désignant les Orgues en détresse qui y firent leur partie : c'est avec grande maîtrise et dans le vrai rythme accordé au
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mode lamentoso splendide de la pièce, que M. Singery, titulaire, joua d'abord Prélude en mi mmeur.de Bach, puis la Fugue; enfin, comme sortie, la grande Pièce en si mineur du Livre II.
Son Altesse Royale, Madame la Duchesse de Vendôme, avait bien voulu accorder son haut patronage pour cette cérémonie, que présida S. G. MgrChaptal.
A. Trotrot-Dériot.
NOTRE SUPPLÉMENT
Motet pour Pâques de Jean Castileti (Châtelet)
Plus connu sous ce surnom que sous son nom patronymique, Guyot, ce maître qui tint une place à son époque, est très représentatif de l'école de Josquin des Prés et de Jean Mouton. Il fut maître de chapelle de la cathédrale de Liège, puis de la chapelle impériale. Son motet lmmolabit hoedum, en deux parties, des VIIe et VIIIe tons grégoriens, tem- pérés par la « musica ficta », est d'un brillant effet ; il convient aux saluts du T.-S. Sacre- ment ou à une clôture d'office.
M. Ant. Auda, l'un de nos érudits collaborateurs, a restitué cette pièce d'après la belle édition originale donnée à Anvers en 1647 par Tilman Susato, en la réduisant en valeurs modernes, et en l'annotant pour l'exécution. Les accidents nécessités par les règles en usage à cette époque, mais non écrits, sont ici marqués entre parenthèses : on a corrigé quelques fautes légères de l'édition originale ou remédié à quelques défectuo- sités (trois mots mal disposés, crochets oubliés à quelques doubles croches).
O Jesu Christe, de Renaud Mel
Motet très facile et expressif, qui peut servir pour salut, communion, adoration. La vie de son auteur (nommé parfois en latin « Renaldus de Melle ») n'est pas entièrement connue. Mel semble être né à Sélestat ; sujet des ducs de Lorraine, on le retrouve à la cour de Belgique avec le titre de « gentilhomme flamand » et c'est en Italie, à Rome même, qu'il passe sa plus longue carrière, maître de chapelle du cardinal Paleotti.
La transcription de ce motet, publié vers 15^0, a été faite par M. Trotrot-Dériot suivant un procédé nouveau de distribution des mesures, destiné à faciliter le phrasé.
Tu es Petrus, à 6 voix, de Palestrina
L'illustre maître romain traita plusieurs fois ce texte, sous ses diverses formes, pour les différents offices des fêtes en l'honneur de saint Pierre ou pour le service de la basi- lique Vaticane. Cet admirable et brillant motet, un des plus beaux spécimens de l'écri- ture proprement palestrienne,est écrit à six voix, souvent disposées de manière à donner l'illusion de deux chœurs. L'effet produit par son exécution est considérable.
Ce Tu es Petrus fait partie du volume II de la grande édition des œuvres complètes de Palestrina. Il n'est que la moitié d'un grand motet en deux parties dont nous publierons la seconde prochainement.
A. G.
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Notre directeur A. TROTROT-DÉRIOT expose ici de quelle manière s'enchaîneront les chroniques motivées par les faits, les idées et les œuvres à l'ordre du jour, et comment de leur ensemble, se dégagera un essai de synthèse critique appliquée à la musique d'église ou autre et à son action la plus générale.
LE MOUVEMENT LITURGIQUE ET MUSICAL
Sous ce titre un peu général se placeront ici nos pages chroniques. Elles n'auront trait qu'à la musique bien que la liturgie embrasse d'autres choses dont pourra s'occuper la Tribune, incidemment. D'autre part la musique sera mise en cause dans ses manifes- tations les plus variées, pourvu qu'une esthétique haute et large y trouve son compte. Il y aura assez à dire pour rendre compte sous cet angle et à plusieurs, des faits, des œuvres et des idées qu'on aura jugé significatifs à l'église, hors de l'église, dans l'édition, les livres, les revues, etc. — d'un mouvement.
« Mouvement » veut dire quelque chose. Un mouvement digne de ce nom suppose une action plus ou moins coordonnée, mais appliquée à un objet précis, tournée vers un but élevé absolument digne du commun effort.
L'Eglise veut qu'au service de sa liturgie l'art et particulièrement la musique, déploie tous ses moj'ens, agisse avec ordre et méthode d'après ses directives, imprime comme autrefois la marque du beau à tout ce qui entoure le culte, afin d'exalter la prière traduite avec l'accent vrai et unanime qui convient à ses fidèles.
Ce qui nous intéresse, ce qu'on essaiera d'embrasser ici, c'est l'action d'ensemble rattachée à ces principes. La diversion même pieuse (mais elle est bien plutôt mondaine par le dilettantisme qu'elle exprime) est le contraire de ce qui va nous occuper. Si nous en parlons ce sera pour la critiquer (comme l'inertie ou l'erreur due à l'ignorance) et en tirer les leçons utiles. En principe on négligera ici les actes sans règle, les œuvres et les ouvrages sans doctrine, les faits tout bêtes (qu'on nous passe le mot) et sans portée que devraient s'interdire des catholiques. Une action prenant le caractère d'un mouvement dont les résultats pourront témoigner, voilà ce qui nous fera écrire.
Sous quelle forme pratique ?
Sous l'angle d'abord, où la liturgie et l'art étroitement liés (et l'on n'entend pas par là le seul respect des « rubriques ») pourront profiter de l'information et surtout des commentaires qu'elle fera naître puisqu'on la veut efficace. Il faut une critique. L'infor- mation sèche ne mène à rien qu'à priver de choix ceux qui la reçoivent : elle incite à suivre sans contrôle, à copier gens et choses sans discernement (comme on adopte un produit vanté par la réclame), ce qui a pour effet de consacrer des modes, d'accréditer et d'enraciner les pires usages. De combien de mauvais usages ose-t-on se départir à l'église malgré les prescriptions de Pie X et les appels réitérés de ses successeurs ? Ce sera notre tâche de le dire.
Pour ce faire, on suivra en premier lieu X Action paroissiale. Elle se concentre à l'église. L'office en est la plus haute manifestation. La perfection y est atteinte quand l'assemblée, le chœur et l'orgue y prennent part en qualité d'acteurs convaincus et intel- ligents. On observera ces trois rôles. On signalera les nefs qui chantent ; les scholas,
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chorales ou maîtrises possédant l'esprit de l'office, cherchant la primauté du grégorien (comme dit plus haut M. Sérieyx) jusque dans les réponses faites au célébrant, sans pré- judice d'un bon répertoire de musique, surtout polyphonique ; enfin l'intervention de X Organiste liturgique soucieux d'adapter son jeu au rythme de la messe, à l'ordre des vêpres et d'assortir en tout temps à la couleur du jour, ses pièces, écrites ou improvisées.
On voit le but : tenir à jour autant que l'information ample et sûre le permettra, l'état des réalisations inspirées par le Motu proprio,pour mesurer, avec le bien déjà acquis, ce qu'il reste de mal à combattre. C'est d'un rapport permanent sur l'office — non d'excep- tion ni d'apparat, mais courant et dominical selon l'esprit de la liturgie qui commande — que veut vivre cette chronique de l' Action paroissiale.
En nous renseignant (en toute bonne foi, dans le pur désintéressement que veut l'idée) chacun de nos lecteurs peut l'alimenter. Il nous faut des amis qui soient des cor- respondants : Dites-nous ce que vous faites ou voyez faire. Votre église a-t-elle ses mili- tants du grégorien et ses fidèles qui chantent, son organiste à la page, et touchant un instrument convenable, un art simple, mais adapté à son objet : nourrir et embellir la prière ? A-t-on, chez vous, la vaticane et prononce-t-on le latin à la romaine ? A-t-on renoncé au plain-chant local qui s'oppose à leur adoption ? Dites-nous quelle volonté aide ou entrave. On le sait, nombreux sont les obstacles. Pour les vaincre, il faut les connaître. Paris permet et nous a permis personnellement d'en sentir plus d'un et d'en dresser la liste avec celle des responsables. Nous n'avons à ménager rien ni personne. Et certainement vous voulez avec nous que le vrai selon Pie X, s'accomplisse et que les simulacres cessent.
Surtout, pensons que le « monde » est armé et milite pour garder ses positions. Il agit principalement par le « casuel ». Il en entretient les pratiques pour satisfaire ses goûts. Il en défend les abus à coups d'argent et c'est le scandale de sa double immixtion dans les sacristies et les "chapelles. De cette façon l'éducation liturgique est toujours à faire. Le « Grincheux » de la Petite Maîtrise vous l'a dit : des régions entières n'ont pas même l'idée de la grâce que procure un bel office ! Avec ce train des choses aggravé par l'affreux libéralisme des gens, que peut donner la « Journée grégorienne » ? Bel accident, il ne laisse pas de traces ou si peu ! Multiplions-le pourtant et c'est l'affaire du clergé qui veut bien nous lire. Nous le prions de compter qu'on en parlera ici, en ajoutant les remarques et comparaisons utiles.
Toujours à l'église, en marge ou en dehors de l'office, il y a les Auditions de musique sacrée. Elles ouvrent des horizons sur l'Ecriture paraphrasée et entretiennent le lyrisme chrétien sous la forme généralement classique d'où le style nouveau tire sa discipline. L'action en est excellente pourvu que la « primauté » de l'office soit dans la pensée de tous : clergé, chefs de maîtrises, exécutants, assistants.
De même les Récitals d'orgue à l'église sont bienfaisants si l'organiste ne s'évade pas, par ce moyen, du rôle qu'un Joseph Bonnet, un Charles Tournemire, un Jean Huré, un André Marchai par exemple tiennent pendant l'office, avec la volonté de prier à leur manière. Ces récitals devraient toujours être dans la couleur du temps liturgique comme le salut qui les suit. Le choix est lié au goût et à l'intelligence, qui sont le signe de la culture. Ce qu'on veut c'est le rayonnement catholique de la culture musicale dans la liturgie et hors de la liturgie mais sous son reflet : au sanctuaire et au concert et jusqu'au foyer où peut toujours régner le goût d'un art idéal.
Dans les salles qui possèdent un orgue on suit volontiers un art plus libre ; on n'aura garde de le négliger. Naturellement on ira entendre au grand concert l'orgue et l'orga-
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niste associés à l'orchestre ; du dialogue splendide, qui remplit symphonies et concertos le jeu coloré à l'église peut dépendre.
Parce qu'il disparaît, le beau style choral nous rendra curieux de tout ce qu'on tente pour le sauver. Sacré ou profane, il faut au Chant polyphonique outre la belle sonorité, le coup d'aile du rythme et l'effet de relief et de nuance inscrit dans la souple trame du contrepoint où s'affirme l'autonomie des voix. Les deux genres ont la faveur et se mêlent sur les programmes des chœurs réputés qui veulent rajeunir la musique et l'interprétation chorales. De ces chœurs Paris en compte plusieurs et aussi la province. Et la visite des groupes étrangers célèbres permettra d'établir des comparaisons.
Restent les Concerts symphonigues, les Auditions d'art ancien, de musique de chambre, de solistes et virtuoses exceptionnels et même de jazz, dont il pourra être inté- ressant de noter le « mouvement » pour être complets et impartiaux. La plume rapide de notre ami Eugène Borrel, aiguisée par son esprit, passera en revue les manifestations à retenir, de notre point de vue. A ses notes s'ajouteront les nôtres ou celles de bons juges de ce que ni lui ni nous-même n'aurons pu entendre.
Aucun fatras n'entrera dans ces chroniques. On n'en fera pas un journal, encore moins un palmarès par amour d'un fol éloge ou pour le plaisir que causent les citations. Mais avec la critique, une certaine insistance s'y fera sentir à cause des mêmes thèmes, des mêmes faits et méfaits, de l'obligation de montrer l'inertie et la routine recréant l'obstacle que l'action tenace, parfois héroïque de ceux-ci ou de ceux-là avait réussi à détruire — bref du service obstiné de l'idée fixe qui est celle-ci :
aboutir d'abord à l'église en réalisant liturgiquement l'office comme Rome le demande et redemande — avec le concours du peuple exercé, de la schola bien stylée et de la voix intelligente des orgues ;
recueillir ensuite partout, la sève du bel art qui prépare la fleur et le fruit de la vraie musique que les catholiques peuvent toujours spiritualiser dans le culte;
tenir enfin le rang d'une élite cultivée dans la société qui a le goût du beau, qui aime les jeux de l'esprit, qui sait orner la vie, ce qui oblige à briller par les mêmes prestiges si l'on veut en rallier certains éléments non enfants et influents qui se flattent d'honorer l'intelligence.
Car la musique est un moyen. La plus belle doit s'épanouir à l'église et présider comme autrefois aux harmonies ambiantes, élevées très haut sous son signe, tout au moins sous son reflet, par l'œuvre classique des grands Maîtres. Ayons le contrôle de ce que la grande famille catholique présente et entend. Ce n'est pas impossible avec tant de bons ouvriers dirigés par l'élite du clergé qui a compris. Et ensemble suivons le « Mouvement liturgique et musical » que de cette Tribune réservée à l'action, on appré- ciera.
A. Trotrot-Dériot.
AUXERRE. La Schola Saint-Etienne. — Notre ami Paul Berthier veut bien nous envoyer sous cette aimable forme épistolaire un intéressant aperçu de son œuvre.
Mon cher Maître,
Vous m'avez prié de vous dire ce que nous faisons à la Schola Saint-Étienne d'Auxerre ? Cela vaut-il d'être raconté ? nous faisons, mais... comme les autres, je pense, — de notre mieux, pour que les offices de fêtes soient musicalement convenables. Et ce n'est pas toujours facile. Nous nous recrutons péniblement; car les personnes inoccu- pées ne pouvant pas disposer d'une heure ou deux par semaine pour répéter, nous
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n'avons guère que des personnes extrêmement occupées; et il faut les faire répéter en trois groupes distincts (deux de dames et jeunes filles, un d'hommes). Les répétitions générales de ces trois groupes sont très rares. Mais il faut dire que l'exactitude aux ré- pétitions est une de nos règles fondamentales; la directrice, Mme Paul Berthier, est fé- roce sur ce point, dit-on. Nous ne demandons pas aux nouveaux et nouvelles de grands dons vocaux ni musicaux ; nous n'exigeons que de l'exactitude, un « petit » chapeau pour les dames, et un carton pour que les parties de musique -ie se mettent point en charpie. D'ailleurs il est rare (et c'est d'autant plus beau) qu'une voix dite de solo consente à s'enrôler sous une telle discipline. Rares sont les voix de solo qui se plient à une mesure exacte. Or le solfège est un de nos grands soucis, et nous consacrons beaucoup de temps à travailler la justesse; et quand cela ne va pas, nous allons à Dijon, à Saint-Bénigne, reprendre courage.
Avec tous nos petits moyens, un labeur acharné, le dévouement, le zèle, le bon cœur de tous nos chanteurs, nous arrivons à pourvoir de musique toutes les fêtes de l'année, et, en été, c'est chaque dimanche, jusqu'à la Saint-Germain, 31 juillet; nous chantons tout le propre grégorien, dans le petit paroissien de Gabalda, et des messes et saluts palestiniens ou autres; nous chantons même de l'Annibal Gantez et du Jean Cathala qui furent maîtres de musique à Auxerre. Puis nous portons cela à Sens, à Avallon, à Joigny, ou à la campagne. Nous chantons de petits concerts pour quantité d'oeuvres charitables; et là, nous glissons de la musique d'église à la cantate, à la chanson, chansons à 4 voix, chansons populaires, et nous poussons jusqu'à la chanson à boire dont ce pays est fort riche. Mais ici, généralement, les dames se taisent. Par contre, elles ont des Noëls en patois qui font pâmer messieurs les vicaires. Nous savons beaucoup de Noëls, même certains, inédits, de Marie Noël, la grande poétesse auxerroise qui est notre amie. Nous allons en chanter ces jours-ci, avec le « Mystère de l'Emmanuel » de Dom David et G. de Lioncourt : pour cela se joindront à nous nos deux groupes d'enfants, plus spécialement grégoriens, la Manécanterie de l'Orphelinat, et celle de Saint-Pierre. Ces deux chœurs qui fraternisent avec la Manécanterie de Paris, et se réunissent à elle parfois, portent le même costume et ont aussi des croix processionnelles du grand imagier, presque Auxer- rois, Fernand Py. Tous ces groupes, y compris celui de Paris, vont chanter ces jours-ci une Prise d'aubes, et un grand salut, à Saint-Pierre d'Auxerre.
Nous payons deux francs de cotisation par an; ce n'est pas cela qui paie notre mu- sique; et pourtant nous en achetons, car (dites-le à Trotrot) je déteste la polycopie. Etant une cinquantaine, nous ne tenons pas sur la tribune de l'orgue; il nous faut chanter par terre, dans le transept : c'est dur à remplir, ces quatre grands bras de la Croix!
Notre nom est « Schola Saint- Etienne x>; schola, à cause de « la » Schola, notre chère schola de Paris ; et Saint-Etienne, à cause du patron de notre église. Nous avons pris dans son office notre devise, « imitari quod colimus », à quoi nous donnons un sens à la fois religieux et artistique; et nous nous proposons d'imiter — de loin — tant les vertus de notre saint patron qui vit les cieux entr'ouverts, que les nobles exemples de mes maîtres vénérés de la Schola, à qui, après Dieu, nous devons d'exister.
Paul Berthier.
Notre prochain numéro contiendra entre autres une chronique détaillée sur la musique religieuse au diocèse de Metz, des notes sur la maîtrise de Matines, le mou- vement musical liturgique en Angleterre, etc.
CfB €onctrts 27
A utre forme de l'activité de notre revue. Notre sympathique collaborateur Eug. BORJ^EL veut bien se charger de traiter régulièrement ici des Concerts, (non pas des auditions reli- gieuses), afin de tenir nos lecteurs au courant du mouvement musical .
LES CONCERTS
« Ils sont trop !... » A cette même place, je me plaignais, en 1913, du petit millier de concerts qui constituaient la saison parisienne. Une statistique nous montre que le seul dernier trimestre de l'année 1927 a vu se dérouler plus de cinq cents concerts! Pour qu'en moins de quatre-vingts jours la même personne puisse être présente à toutes ces séances, il faut lui supposer un don d'ubiquité, dont les plus extraordinaires procès de béatification n'offrent aucun exemple. Or c'est un fait notoire (dont les causes sont peut- être trop aisément discernables...) que jusqu'ici pas un critique n'est inscrit au catalogue des Saints. La conclusion rigoureuse à tirer de ces prémisses, c'est qu'aucun d'eux n'a assisté à la totalité des concerts, ou qu'ils « bourrent le crâne » de leurs lecteurs.
A tout prendre, beaucoup de séances n'offrent qu'un mince intérêt : débutants, qui répètent la leçon apprise de leurs maîtres, — professeurs obligés de paraître devant leur clientèle — étrangers, qui entre deux trains se font entendre à Paris, — concerts organisés pour des œuvres, etc., etc., etc. Défalcation faite de tout cela, il reste encore un nombre imposant de soirées intéressantes. Il est matériellement impossible de les suivre et de les signaler toutes. Pourrait-on tout au moins, en choisissant les plus représentatives caractériser les courants principaux de la musique actuelle ? La réponse est négative : les conditions de la vie contemporaine imposent aux artistes et aux associations des exigences qui faussent le libre jeu d'une activité purement esthétique. Les œuvres modernes, en général, ne font pas recette; pour pallier le déficit causé par les premières auditions, nos grands concerts sont obligés de temps à autre de se rattraper par des festivals Wagner ou Beethoven, qui, eux, font salle comble. Les concerts ordinaires, écrasés par des taxes de toutes sortes, évitent autant que possible de présenter des œuvres passibles des droits d'auteur, ce qui nuit grandement à la diffusion de la musique moderne : d'autre part les ensembles — trios, quatuors, quintettes, etc. — qui exigent des répétitions onéreuses, ten- dent à disparaître, ce qui prive le public d'une des formes les plus raffinées de la musique. Au fond le nombre excessif des concerts ne permet de décompter qu'une richesse plus apparente que réelle...
Mais, en examinant la question de plus près il est facile de se convaincre que dans bien des cas, le critique qui écrit le compte rendu d'une séance se livre à une besogne illusoire. Voici un excellent instrumentiste qui a eu l'autre jour des défaillances accidentelles, va- t-on 1' « éreinter » impitoyablement ? Tel auteur, dont l'ensemble de la production impose le respect vient (pour employer un argot qui ne respecte pas les canons de la rhétorique) de pondre un affreux navet; faut-il le démolir sans ménagement? Puis il y a l'ami qu'on ne peut critiquer sans une sorte de trahison; le camarade, dont on ne peut décemment dire tout le mal qu'on pense... Il est vrai, cette critique est purement négative ; la vraie,
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comme l'a montré Ernest Hello, c'est celle qui sait et ose désigner, à l'attention de tous, les chefs-d'œuvre encore inconnus.Mais ici surgit une autre difficulté :1e malheureux critique ne dispose généralement, pour motiver son jugement, que d'une exécution. Quand il s'agit d'une œuvre très avancée, devant laquelle les gens du métier eux-mêmes restent perplexes, comment veut-on que le forçat, condamné à jeter au plus vite sa prose en pâture au grand public, puisse porter un arrêt étayé par de définitifs attendus ? Il est fort difficile de con- former instantanément sa pensée à des conceptions auxquelles on n'est pas du tout accou- tumé : s'il y a parmi nous un Beethoven ou un Wagner, il nous produira presque infail- liblement l'effet d'un fou, des entreprises duquel on se doit de mettre l'Art à l'abri... Nous rions aujourd'hui des accusations absurdes lancées à toute époque contre les grands créateurs : dans deux cents ans, on rira peut-être aussi de nous, sous le même rapport. Le fragment suivant, ne semble-t-il pas rédigé par quelque contemporain : « On admire ce qui est bizarre, ce qui est singulier, ce qui surprend, ce qui étonne. On choisit des thèmes d'une allure étrange et triviale; on s'accoutume, en composant, à négliger les Règles; on ne cherche plus à tirer de la Voix et des Instruments ce qu'ils peuvent pro- duire de flatteur. On s'embarrasse peu de donner à la voix des accompagnements favo- rables. La mode est de charger les partitions, d'accabler la voix qui chante au lieu de la soutenir. Les dissonances sont prodiguées de telle sorte qu'elles forment aujourd'hui le fond principal de notre musique, et souvent, les accords, en faisant frémir l'oreille, fré- missent entre eux de la bizarrerie de leurs assemblages i ... »
L'inutilité foncière de la critique apparaît ici clairement. En dépit des objurgations de toute nature, les musiciens n'en ont fait qu'à leur tête. De nos jours, on est réellement déconcerté par la singularité de certaines musiques. Il ne sert de rien de s'indigner; il vaut mieux chercher à comprendre. Un des coryphées de l'art le plus avancé, M. Schoen- berg, vient justement de faire récemment, dans les salons de notre confrère « le Monde musical », une causerie sur certaines tendances de l'école moderne. Voici comment on peut résumer les idées qui nous intéressent ici : « Jusqu'ici, la tonalité a été le moyen le plus commode pour grouper les sons entre eux. Mais l'apparition de plus en plus fré- quente, dans l'art contemporain, d'agrégations n'appartenant à aucune tonalité définie, et susceptibles néanmoins de produire un excellent effet, nous incline à penser qu'on peut envisager l'art des sons sous d'autres points de vue que ceux auxquels nous sommes tra- ditionnellement habitués. On nous dira que la tonalité obéit aux lois de la nature. Soit. La pierre qui tombe obéit aussi aux lois de la nature. Cependant, en utilisant autrement les mêmes lois de la même nature, l'avion prend son vol vers le ciel. Il n'est pas contraire à la raison de penser que la tonalité n'est qu'un cas particulier de lois beaucoup plus générales régissant l'art des sons, et qui permettront, à ceux qui auront le bonheur de les découvrir, des incursions toutes nouvelles dans le domaine de la musique. »
On répondra que le moindre grain de mil — ou le plus petit chef-d'œuvre — ferait bien mieux notre affaire. Certes : mais comme il a été dit plus haut, il nous serait fort difficile de le reconnaître dès l'abord : d'autre part, il n'est pas mauvais que les compo- siteurs fassent part au public de leurs idées : du xvie siècle à nos jours, l'histoire de la musique est jalonnée de manifestes retentissants, de programmes célèbres, qui ont parfois grandement servi aux progrès de l'art. Verbiage, dira-t-on. Non, quand il s'agit d'un Rameau, d'un Gluck et de tant d'autres qui ont quelque chose à dire: des idées claires d'abord, après quoi, les gens loyaux finissent par s'entendre. Aujourd'hui, la situation paraît plus confuse que jamais, et il semble très difficile de se décider pour ou contre
1. Bollioud de Mermet, en I746 — c'e»t-à-dire au moment où Rameau écrivait tant de pages géniales!
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telle ou telle tentative nouvelle. Quand à porter doctoralement un jugement définitif sur une œuvre donnée, c'est chose impossible. Bornons-nous donc à suivre avec sympathie les efforts des artistes sincères, pionniers qui défrichent des terres nouvelles. Nos arrière- neveux trouveront peut-être que les pièces les plus abstruses de notre temps sont aussi limpides que la plus simple bergerette du xvine siècle, mais comme nous n'en sommes pas encore là, conduisons-nous prudemment, ainsi qu'il convient à de simples pauvres gens du xxe siècle, dépourvus des lumières de l'avenir et, — avouons-le tout bas — un peu étonnés parfois de ce qu'ils entendent.
E. Borrel.
CONCERTS A L'ETRANGER
L'abondance des matières de ce premier numéro nous oblige à reporter au prochain fascicule les comptes rendus que nous ont adressés nos amis de Belgique et de Suisse.
L'EDITION MUSICALE
OFFICE DES MORTS à l'usage du diocèse de Bayeux et Lisieux, conforme à l'Edition Vaticane et aux traditions de l'Eglise de Bayeux. In-l6 de xh et 106 pages, cartonné, Bayeux, R. Colas.
Il nous est agréable de commencer la Bibliographie de cette nouvelle série de notre revue, par l'annonce de cette très intéressante publication grégorienne.
Le diocèse de Bayeux et Lisieux a un passé liturgique extrêmement intéressant, sur lequel déjà une préface courte et succincte placée en tête de cet Office des Morts donne de curieux détails, avec les références de quelques-uns des principaux manuscrits et chants anciens de ce diocèse du xie au xvie siècle. Les Chants pour les Défunts selon l'antique tradition occupent les premières pages de ce petit livre : ils com- prennent un Kyrie, un Sanctus (déjà dans les chants « simples » de la Vaticane), un Agnus (qui leur est aussi apparenté), enfin le superbe répons Congregati sunt et le Libéra avec des versets spéciaux, — chants remarquables sur lesquels M. l'Abbé J. Prieur, l'érudit artiste, fondateur de l'Ecole d'orgue de Caen, a promis de nous donner un article spécial.
Ces pièces sont publiées en notation grégorienne, mais sur cinq lignes, et avec la clef de sol médiévale, suivant le principe des nouvelles publications des RR. PP. Béné- dictins du Réray, auxquelles se réfère le reste du volume.
PHILIPPE DE MONTE (l52l-l6o3). Œuvres d'églises transcrites et publiées à l'usage de la Maîtrise métropolitaine de Malines : 1, Messe Inclina cor meum, à 5 voix, 35 francs; 2, motet Inclina cor meum, à 5 voix, 7 fr. 5o; 3, motet O bone Jesu, à 6 voix, il fr.; 5, messe Sine nomine, en F, à 4 voix, 18 fr. — Le n° 4 est formé de 2 motets de Benoît de Opitiis, Sub tuum et Summae taudis, à 4 voix, publiés en grand in-4°, 35 fr. — Bruges, collection Séries « Vetera », de la Musica Sacra, Desclée, De Brouwer et Cie.
C'est une superbe collection, à laquelle M. le Chanoine Van Nuffel, Directeur de l'Institut Lemmens de Malines, et M. Ch. Van den Borren, bibliothécaire du Conserva- toire de Bruxelles, ont consacré leurs talents.
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L'auteur, qui fut rival d'Orlande de Lassus, est justement célèbre, est plus connu en notre temps par sa célébrité que par ses œuvres. C'est directement sur leurs éditions originales ou même sur les manuscrits du temps, qu'ont travaillé les auteurs de la présente collection, qui ont conservé au vieux maître le nom que lui donnent les sources, Philippe de Monte, et ne se sont pas hasardés à le traduire en Philippe a de Mons » ou Philippe « Van den Berghe » ainsi que l'ont fait d'autres éditeurs.
A travers ces publications, Ph. de Monte apparaît vraiment comme un très grand maître. La pureté des motifs, l'aisance du contrepoint et des mouvements en imitation, la construction parfaite de toutes ces pièces sont des plus attachantes. Une comparaison curieuse est celle qui résulte du rapprochement du motet Inclina cor meum et de la messe du même titre, qui en est un développement cyclique. Ce sont de beaux modèles de composition à offrir à côté des chefs-d'œuvre connus du xvie siècle. — Le grand motet à six voix, en deux parties, O bone Jesu, ne le cède pas en beauté aux plus belles œuvres du temps, et sa disposition tantôt en accords verticaux qui posent la tonalité et les motifs, tantôt en imitations canoniques qui en sont issues, est extrêmement intéressante, et donne parfois par une ingénieuse disposition des voix (familière d'ailleurs aux clas- siques du xvie) l'illusion d'un double chœur. — La messe Sine nomine semble sortie de thèmes de l'invention de l'auteur : cet messe est de très moyenne difficulté, et sera par- faitement exécutée par les chœurs qui chantent la Missa brevis de Palestrina. Sa tona- lité en fa offre aux coupes du Kyrie, et ailleurs, des cadences à la dominante assez rares à cette époque. UHosanna est à cinq voix, les soprani y étant divisés, et le Benedictus (très expressif) est écrit pour deux soprani, alto et ténor.
Les deux motets de Benoît de Opitiis, du début du xvie siècle, ont plutôt un intérêt historique et documentaire. Le premier est écrit sur les paroles et les thèmes liturgiques de l'antienne Sub tuum : je signale aux exégètes que l'auteur, d'accord avec nombre de sources anciennes, ponctue :... libéra nos, semper Virgo. Le second motet, curieux, est une prière pour l'empire d'Autriche, en l5o8.
LES LIVRES
LA MUSIQUE GRECQUE, par Théodore Reinach, de l'Institut. Petit in-12 de 208 pages; 5 fr. Paris, collection Payot.
Il y a quelque temps déjà que ce petit et agréable livre est paru : il n'est pas trop tard pour le présenter à nos lecteurs. Substantielle étude, elle est écrite en même temps de manière très lisible pour les profanes, et fort captivante.
La musique grecque antique, dont on connaît très à fond les principes et les parti- cularités, offre peu de monuments notés. Les découvertes faites dans les proches années en ont révélé plusieurs autres. M. Th. Reinach, avec son érudition et son habileté coutumières, transcrit toutes ces mélodies en notation claire. Pourquoi cependant, après les réserves nécessaires qu'il fait sur le sujet du rythme, cherche-t-il à s'astreindre à la « mesure » quand même ? Cela porte le lecteur, fréquemment, à une idée faussée sur la valeur rythmique réelle de ces petites pièces : cette idée conduit le savant helléniste lui- même à transcrire en doubles croches (p. 207 et 208) des groupes de notes que la nota- tion originale de la plus ancienne hymne chrétienne découverte récemment ne note point différemment que les autres brèves; le lecteur pourra comparer avec la transcription que j'en ai moi-même donné dans la Tribune de Saint- Gervais, tome XXIII, p. 229. — Pourquoi aussi M. Th. Reinach passe-t-il sous silence la question de la première Pythiquc
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de Pindare ? Je sais bien qu'avec sa haute autorité, ce savant musicologue n'en tient point pour authentique la version musicale telle que Kircher l'a transmise; Gevaert, qui avait eu cette opinion en est revenu. Et cette musique a son cachet et son charme.
Volume d'une présentation claire, et accessible à la plupart des musiciens, ce petit livre de M. Th. Reinach sera grandement utile à tous ceux qu'intéressent les origines, les sources musicales qui sont à la base de la formation de notre propre chant grégorien.
UBER DIE SCHWEDISCHEN SEQUENZEN eine musikgeschichtliche STUDiE,par Cari Allan Moberg (Uppsala). [Étude d'histoire musicale sur les Séquences suédoises], 2 vol. petit in-4, prix : 18 couronnes; Upsal, Almqvish et Wiksell.
Voici deux beaux volumes qui viennent à leur heure, où les séquences médiévales intéressent liturgistes et grégorianistes. Thèse présentée par son auteur à Y Académie grégorienne de Fribourg en Suisse, dirigée par notre confrère M. le Professeur Dr Peter Wagner, ce travail de M. Moberg commence par une consciencieuse description des manuscrits suédois de chant liturgique ancien qui ont échappé à la « réforme » luthé- rienne. Cinq grandes photographies et les mélodies de 69 séquences donnent idée des sources, et du travail de l'auteur : les mélodies sont simplement transcrites en points et neumes, sans recherches rythmiques, mais avec le luxe de toutes les variantes des ma- nuscrits étudiés par l'auteur.
On trouvera là toute une série de chants qui montrent la part de l'influence française, et parisienne en particulier, dans les églises suédoises, au milieu d'autres mélodies venues des divers coins de l'Europe latine, ou de composition suédoise imitées des précédentes.
Il y a dans cet ouvrage une riche mine de mélodies dont beaucoup sont charmantes.
LE CHANT SCIENTIFIQUE, Contribution à l'étude de l'Émission Vocale Nor- male, par Labriet et Husson. In-8° de vm et 148 pages. Prix, 3o francs. Nancy, chez l'auteur, 18, rue des Dominicains.
Voici enfin, une démonstration scientifique et rationnelle des principes qui doivent présider à la culture de la voix. Les auteurs consacrent cet ouvrage successivement à l'étude de la Théorie de l'accord vocal, aux Principes d'Éducation vocale, par la compensation des voyelles, aux Points de vibration et « Passages », et établissent une « Synthèse du mécanisme vocal physique et physiologique normal ».
Partis des données physiologiques de Bonnier, Rousselot et Marage, les trois grands spécialistes, MM. Labriet et Husson classent méthodiquement chacun des phénomènes vocaux, et préparent mathématiquement les bases de Leçons de Pédagogie vocale dont la publication est en préparation.
En résumé, M. Labriet, professeur au conservatoire de Nancy, qui fut autrefois à la Schola l'élève de Bordes, puis de Perruchot, arrive à démontrer le rôle néfaste du chant «n « voix de poitrine », et à préconiser la pose de voix sur ou et ô, appuyé sur les obser- vations et les expériences scientifiques les plus rigoureuses. M. R. Husson, son collabo- rateur, ancien Élève de l'École Normale Supérieure, s'est chargé de la partie mathéma- tique de ce beau travail, où il met au point, en les rassemblant, les communications qu'il avait tout d'abord présentées à l'Académie des Sciences.
DICTIONNAIRE UNIVERSEL, Essai de terminologie musicale, comprenant plus de l5.ooo termes de musique, par René Vannes. In-8° de xn et 23o pages. S. 1. ni édit., 1925 (Imprimé par la Société d'Édition « Alsatia », Thann). Dépôt à Paris, Max Eschig et Cie.
C'est vraiment un travail utile auquel l'auteur, avec une patience louable, s'est con- sacré. Les langues européennes les plus répandues, dans l'ordre : italien, espagnol,
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portugais, français, anglais, allemand, latin et grec, lui ont fourni l'occasion de rendre aux musiciens un inappréciable service.
Tous les termes musicaux que M. Vannes a pu rassembler se retrouvent dans son Dictionnaire avec leurs équivalents dans les autres langues; et non seulement les termes proprement musicaux, mais les innombrables variétés d'épithètes pour indiquer, chez les auteurs modernes, les mille nuances d'expression au cours d'un morceaju. Je ne chicanerai pas l'auteur pour quelques petites omissions ou confusions qu'il faut néanmoins signaler : Pianoforte s'est employé en français aussi bien que Fortepiano, pour désigner l'ins- trument que nous nommons simplement Piano. Clavier, en allemand, signifie aussi bien piano que clavecin, et l'on est tout étonné de ne pas trouver ce dernier nom au dictionnaire, alors que clavicembalo s'y trouve (indiqué d'ailleurs par mégarde comme mot « français »). Je ne vois pas bien non plus pourquoi on trouve à Organo corale le français Orgue choral (?), et l'anglais Choir organ qui signifie plus spécialement le Positif, termes qui se retrouvent l'un et l'autre à Organo di Coro, qui serait plutôt Orgue de chœur.
J'indique ces petites bévues, et quelques autres qui se rattachent au chant liturgique, pour espérer qu'elles disparaîtront d'une édition future. L'ensemble du travail de M. R. Vannes, je le répète, à part ces quelques termes spéciaux, rendra de signalés ser- vices à tous les musiciens.
LE PRÉTENDU TRAITÉ de Musique du Codex Parisinus Latinus 7221, par R. Bragard (« Musée Belge », XXXIe année, n° 3-4, Liège).
Savante et très complète description d'un des manuscrits des œuvres de Boèce, catalogué jusqu'ici comme un traité anonyme de musique, et qui n'est en partie qu'un extrait d'un traité d'arithmétique. En étudiant ce manuscrit, croyant trouver une source de la théorie musicale, M. Bragard a découvert son origine et a pu identifier, dans un autre codex, ce qui manque à celui-là.
Les catalogues des grandes bibliothèques réservent encore de ces surprises.
LES REVUES
(articles à signaler) FRANCE
Tablettes de la Schola, XXVL année, n° i. — F. Raugel,/.^ chanoine Sébastien de Brossard (1654-1730), maître de chapelle de la cathédrale de Strasbourg, bien connu par son Dictionnaire de musique et de belles compositions; maître de chapelle de la cathédrale de Meaux au temps de Bossuet. — Guy de Lioncourt, Le Rythme grégorien, sur un nouveau livre du P. Dom Jeannin, article longuement développé et raisonné, fai- sant le point de départ de ce que nous pouvons admettre ou rejeter dans les propositions nouvelles du savant bénédictin. — Nfl 2, Hector Laisné, A propos de Beethoven et de Schubert, article d'esthétique sur l'émotion comparée chez ces deux maîtres, article vibrant d'un intense souffle religieux. — La musique religieuse; Requiem...! chronique intéressante; critique d'un Requiem « en musique », œuvre de concert, récemment exécutée dans une église en place de grand'messe funèbre).
PETITE MAITRISE, n" 176. — Abbé P. BAYART, Pour que le peuple chante, 11, V « or- ganisation » paroissiale, qui manque trop souvent, et les moyens d'y arriver. — A. Tro-
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trot-Dériot, Le « Requiem » de Berlioz, à propos de sa récente exécution ; idées reprises avec tout le développement qu'elles comportent, dans notre présent numéro. — Abbé J. Haro, L'Office des vêpres, intéressante et vivante conférence sur la forme, l'histoire, la pratique de cet office. — La Petite Maîtrise inaugure dans ce numéro des « Devoirs d'harmonie » et d'accompagnement grégorien à l'usage de ses abonnés.
Revue du Chant Grégorien, XXXIe année, n° 6. — Dom L. David, Le chant suppléé par l'orgue, excellente étude à la fois historique, critique et pratique, des décrets de la S. C. des Rites sur ce sujet si controversé ; très curieuses et singulières conséquences abusives de cet usage. — La « Fractio vocis », effet vocal ou mensuralisme, cite des textes qui semblent prouver que l'expression fractio vocis chez les auteurs du xue- xuie siècle ne s'entend pas d'une « diminution rythmique » comme on l'a admis jusqu'ici, mais d'une expression outrée dans la « diminution du volume de la voix », ou dans la mollesse de l'émission ; intéressante étude qui mérite attention.
Revue de Musicologie, n° 24. — J. Tiersot, Une famille de musiciens français : les de la Barre presque tous organistes, et occupant de hautes situations au xvne siècle. Yv. Rokseth, Josquin des Prés, pédagogue musical. — M.-L. Pereyra, Les Livres de Virginal, cet instrument était la forme anglaise du clavecin, aux xvie-xvne siècles; son répertoire musical est souvent mêlé de musique et d'orgue. — M. Vulpesco, La chanson populaire en Roumanie, son répertoire renferme entre autres des chansons religieuses et de nombreux noëls.
Musique, n° 4. — Ch. Van den Borren, Pour la musique du moyen âge, attire à nouveau l'attention sur les chefs-d'œuvre du xme au xve siècle.
Ménestrel, numéros du 9 décembre et du 6 janvier, articles de Alex. Cellier sur L'im- provisation, art français (improvisation à l'orgue) et Les grandes orgues de Paris d'après le livre de Raugel.
Revue Musicale, IXe année, n° 3. — Maurice Emmanuel, La polymodie, essai sur les diverses formes modales telles que celles que l'on rencontre dans le chant grégorien, et susceptibles de rénover l'aspect mélodique.
Autour du Lutrin (Saint-Brieuc), janvier-février (n° 91-92). — Esthétique du chant grégorien, excellente étude pratique, d'un sujet déjà précédemment et qui sera continué dans les numéros suivants. — Nos enfants de chœur, formation vocale, conseils et exercices pratiques où l'on reconnaît bien l'expérience de M. l'Abbé Gleyo, le dévoué rédacteur de cette vaillante revue.
Revue Saint-Chrodegang (Metz) Xe année, n° 1, numéro de Noël: — G. V. Les chants de la messe de minuit, notice pratique. — Un journal qui n 'est pas «à la page » à propos du trop fameux Minuit, chrétien ! — M. l'Abbé G. Villier, le sympathique rédacteur de cette autre revue locale, nous donnera dans le numéro d'avril des détails précis sur le mouvement musical religieux en Lorraine, au diocèse de Metz.
Informateur Musical et Théâtral (Lyon), VIe année, ri0 il, donne tout au long les propositions et décisions de la Société des auteurs au sujet de la taxation — tout à fait logique — de droits sur les cérémonies du culte, pour l'exécution des œuvres modernes de musique religieuse; cette perception prendrait la forme d'un « abonnement » des paroisses pour les offices ordinaires, et d'un pourcentage sur les classes de mariage et d'enterrement. — Il est en effet remarquable que les compositeurs de musique d'église,
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dont les œuvres se vendent déjà moins que les compositions profanes, ne touchent aucun droit sur l'exécution de leurs œuvres; la Société des Auteurs comblerait ainsi une lacune fâcheuse, si NN. SS. les Evêques acceptaient ces justes propositions.
BELGIQUE
Musica Sacra. — Il faudrait pouvoir citer la plupart des articles de cette excellente revue, qui ressuscita, après l'interruption causée par la guerre, à Pâques dernières. Nom- mons néanmoins, dans le n° 3g6 : chanoine Van Nuffel, A propos de la messe et du motet « Inclina cor meum » de Ph. de Monte, (Cf. notre Bibliographie, ci-dessus). — N° 397, Dom Joseph Kreps, In memoriam h. -A. Gevaert, belle étude sur ce maître de la musicologie antique et grégorienne. — Abbé de Schutter, La Maîtrise Saint- Pombaut, le superbe groupement musical si bien dirigé par M. le chanoine Van Nuffel, et son activité depuis la guerre. — G. Van Doorslaer, Livre de chœur contenant huit messes inédites de Ph. de Monte, description complète, avec photographies, de manuscrits du xvie siècle, récemment acquis par la Bibliothèque du Conservatoire de Bruxelles. — N° 398, Dom J. Kreps, article nécrologique sur le chanoine F. Verhelst, musicographe et compositeur religieux belge qui vient de mourir, ayant parcouru une belle carrière. — Abbé Ch. Eeckelaers, L'orgue électrique de l'école de Malines, construit par le facteur anglais Crutchley, comprenant 49 jeux, répartis sur trois claviers manuels et un pédalier, avec un grand nombre de combinaisons; photographie curieuse de la façade de cet instrument.
ITALIE
Bollettino Ceciliano, XXII, n° 12. — Bénédiction du Saint-Père et Programme du XIVe Congrès National de X Association Italienne de sainte Cécile qui se tiendra à Rome du 24 au 27 avril prochain. — D. Vittorio Toniutti, // supremo modelo, bel article sur l'art et l'expression dans le chant grégorien. — Encartage : motets et laudi d'Ercole Pasquini et de Fr. Soto (xvr3 s.). — Reproduit l'article donné par L. Vierne dans le numéro d'août dernier de la Revue Braille Musicale sur Ma tournée en A mérique.
ANGLETERRE
Musical Tiimes, 1er décembre. — A. Eaglefield-Hull, et W.-H. Grattan-Flood publient de nouveaux éclaircissements sur Purcell et sur les compositeurs de l'époque Tudor. — Page 1091, reproduction d'un autographe de Vincent d'iNDY, lettre adressée à Fr. Berger, de Londres.
ESPAGNE
Revista Musical Catalana, n° 285-286. — Fr. Pujol, Les œuvres du polyphoniste catalan Jean Pu/'ol (l5"]3 ?-l626), à propos de l'édition qu'en donne en ce moment d'après les originaux, M. l'Abbé H. Angles, dans les Publications du Département de la Musique à la Bibliothèque de Catalogne. — Continuation de l'étude détaillée des Sonates de Beethoven, par Bl. Sklva. — N° 287-288, compte rendu d'une remarquable conférence de Joaquim Renart, à l'occasion de la fête de sainte Cécile, sur la sainte, son culte, avec projections des peintures des Catacombes, de mosaïques du ixe siècle, et de
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nombreux monuments de la peinture depuis le xme siècle jusqu'au xixe : l'érudit artiste a fait remarquer — ce que nous avons déjà fait observer — que c'est seulement au xve siècle, vers sa fin, qu'apparaît un instrument de musique comme attribut de sainte Cécile.
Revista Parroquial de Musica Sagrada. — Cette excellente et pratique revue de musique sacrée poursuit une série de courts articles de M. l'Abbé Jean Llado, « magis- tral » de la cathédrale de Vich, sur Le restaurateur de la musique sacrée [Pie X], passant en revue sa famille, ses origines, etc.; le dernier numéro de 1927 arrive à Y « enfance et les premières études de Pie X », le premier fascicule de 1928 contient le quatrième article de la série : « Les études de Pie X à Castelfranco. »
ALLEMAGNE
Gregorius-Blatt et Gregorius-Bote, n° 12 de 1927. — Prof. D1 P. Wagner, fin de la conférence prononcée à Bonn, à l'occasion de l'Assemblée Générale du Caecilienverein du diocèse de Cologne, sur la réforme dans la facture des orgues de nouvelle cons- truction, dont la publication était précédemment commencée : s'élève contre l'abus des jeux fluctuants, de la boîte d'expression, réclame la clarté de la polyphonie par l'emploi des fonds et mutations. — 1928, n° 1, D1' Fellerer, Sur la compréhension de Palestrina au xvme siècle, comment les critiques et artistes estimaient ce maître : ses imitateurs et les compositeurs du style « à cappella » à cette époque; article à continuer.
NECROLOGIE
M. l'Abbé A. VIGOUREL; le R. P. Claude ALLEZ; Ph. BELLENOT.
La fête de Noël dernière a été marquée par le décès de deux des plus anciens amis et collaborateurs de la Tribune de Saint- Gervais et du Bureau d'Édition de la Schola.
M. l'Abbé A. Vigourel, Directeur au Séminaire Saint-Sulpice, dont les leçons litur- giques et musicales, dès 1875, aiguillaient ses élèves vers la restauration grégorienne, fut l'un des premiers et fervents disciples de cette restauration, dont, grâce à Dom Pothier, le monastère de Solesmes commençait à devenir le centre. M. Vigourel, qui resta tou- jours un fidèle disciple du maître bénédictin, tint à honneur de donner son concours actif à la Schola Cantorum alors fondée par Bordes, Guilmant et d'indy, et accepta la charge de Directeur des études grégoriennes dans la nouvelle école, charge qu'il conserva pendant quelque temps. De même, l'excellent Sulpicien commençait sa collaboration à notre revue : il y donna des articles appréciés, soit sur des curiosités musicales, soit sur des sujets purement liturgiques. Vaillant travailleur, et d'une robustesse rare, | M. Vi- gourel fit partie, pendant des années, de la Commission de chant grégorien formée pour la revision du Propre de Paris par le Cardinal Amette, et, malgré ses quatre-vingt- cinq ans, qu'il portait allègrement, parcourait encore Paris la semaine même qui pré- céda sa mort, appelé par les devoirs de sa charge sacerdotale et apostolique.
Ses obsèques eurent lieu à l'église Saint-Sulpice au milieu d'une affluence surtout ecclésiastique, mais où quelques maîtres de chapelle parisiens, qui savaient tout ce que
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la musique d'Eglise a dû à la prédication et aux conseils du cher M. Vigourel, tenaient à marquer par leur présence l'estime et l'affection en lesquels ils le tenaient.
Le R. P. Claude Allez était surtout connu comme Directeur de la très importante revue féminine Le Noël. Mais le P. Claude était un poète éclairé et exquis, et un bon musicien. Dès les débuts aussi de la Schola, il apporta à la fondation son précieux concours. Pendant plusieurs années, tandis que grandissaient, timides encore, les Editions Musicales de la Schola, le R. P. Allez fut vin conseiller très écouté : il comptait parmi la « Commission du chant populaire », chargée d'examiner et de recevoir les cantiques français ou en autres langues vulgaires publiés dans cette collection. Plusieurs de nos amis ont certainement encore entre les mains les plus anciens tirages des cantiques de Bordes et autres, où figure parmi les censeurs qui les acceptèrent ou les revisèrent, le nom de « M. l'Abbé » Cl. Allez. Plus tard, il fonda lui-même la Bibliothèque musicale du « Noël », où d'excellents cantiques et motets, anciens et modernes, furent publiés, des composi- teurs même dont les noms se retrouvent en nos catalogues. Fidèle ami du grégorien, le P. Claude le propagea partout par la parole et par l'exemple : le Congrès noëîiste qu'il avait organisé en juin dernier lui donna l'occasion de faire appliquer les idées — les nôtres — qui leur furent toujours chères, et le rayonnement de son action incessante et énergique détermina en province la création de près de trois cents scholas de jeunes filles, dans les millieux les plus variés.
L'église Saint-Pierre du Gros-Caillou était trop petite pour contenir tous les amis de ce « loyal serviteur » de l'Église et de l'art religieux qui se pressaient aux obsèques du R. P. Claude Allez.
Dans l'une et l'autre de ces cérémonies funèbres, ce fut intégralement le chant gré- gorien de la messe de Requiem qui fut exécuté; à Saint-Sulpice par un groupe des émi- naristes et les hommes de la maîtrise, sous la direction de Ph. Bellenot, l'un des doyens des maîtres de chapelle, disparu lui-même quelques jours après.
Bellenot, qui fut brillant élève de l'Ecole Niedermeyer aux jours de sa plus grande splendeur, était un disciple aimé de Saint-Saëns, en lequel il voyait le plus grand des maîtres, et au style duquel il demeura fidèle. Mais s'il conserva, en ses quarante-sept ans de présence au chœur de Saint-Sulpice, les traditions et le répertoire en usage, n'oublions pas que Bellenot, dès l'apparition du Graduel grégorien de l'Édition Vaticane, tint à le mettre en usage parmi ses musiciens. Il fut ainsi l'un des premiers, il y a déjà ' vingt ans, à introduire dans sa maîtrise la réforme grégorienne, et cela dès que le Pape eût parlé. Et le maître de chapelle de Saint-Sulpice poussa l'oubli de soi jusqu'à faire appel, pendant quelques semaines, à un spécialiste du chant grégorien auquel il laissa l'intégrale direction de son chœur, afin que le chant grégorien prescrit par le Souverain Pontife fut vraiment et sérieusement intronisé dans son église.
Bel exemple, et qu'il faut mettre en relief pour montrer la conscience d'un musicien d'Eglise dont la formation et les goûts étaient cependant tout autres. Quelque sentiment que l'on ait sur le genre musical auquel Bellenot restait attaché — toujours de qualité, cependant, encore que nous en aimions peu le style, et que nous discutions de son degré de convenance liturgique, — il faut d'autant plus relever, à son honneur, cet hommage rendu par lui au chant grégorien.
A. Gastoué.
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Tome MM N° 2 - 1928
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arts
LA TRIBVNE DE SAINT-GERVAIS
FONDEE EN 1896
PAR
Ch. BORDES, ALEX. GUILMANT
ET
Vincent dIndy poursuit comme principaux buts
La connaissance des chefs-d'œuvre de la Musique Religieuse
L'application pratique du Motu proprio de Pie X
L'étude raisonnée de l'ancienne musique
Les progrès de l'art religieux moderne
Sous la direction de A. GASTOUÉ et A. TROTROT-DÉRIOT
Principaux Collaborateurs :
Ant. Auda. - Abbé P. Bayart. - Camille Bellaigue. - Eug. Borrel. Abbé L. Boyer. - L. Bragard. - Maurice Brillant. - Abbé F. Brun. Paul Brunold. - André Cœuroy. - Abbé E. Collard. - Norbert Dufourcq. Maurice Emmanuel. - Henri Expert. - Jean Huré. - J. & L. de La Laurencie. - F. de La Tombelle. - Hector Laisné. - Paul Le Flem. Guy de Lioncourt. - Pierre de Malingreau. - M.-L. Pereyra. - André Pirro. - Abbé J. Prieur. - F. Raugel. - M. Rouy. - J. Samson. - Aug. Sérieyx. - G. Servières. - O. Tichy. - J. Tiersot. - P. Tirabassi. -Jean de Valois. - Ch. Van den Borren.
J.-S. BACH
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Les 10 grands Chorals variés de J.-S. BACH, dans l'ordre de la Messe, depuis le Kyrie (Fons honitatis) jusqu'à la Communion, replacés dans leur série définitive par V. D'iNDY. Cet ouvrage est adopté pour les cours de la SCHOLA CANTORUM, aux classes d'orgue et de composition.
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LA TRIBVNE DE SAINTGERVAIS
Fondée en 1895 par Ch. BORDES, Alex. GUILMANT et Vincent d'INDY
NOUVELLE SÉRIE SOUS LA DIRECTION DE
A. GASTOUÉ et A. TROTROT-DÉRIOT
SOMMAIRE DU N° 2 - MAI 1928
La Tribune : A nos amis et abonnés.
A. Gastoué : Semaine-Sainte, Orgue et Communion.
J. Samson : A l'ombre de la Cathédrale enchantée : Mgr. R. Moissenet, 1.
Notre supplément : Chanson de Mai, du roi saint Louis ; Josquin des Prés, Misericordias Domini, à 4 voix mixtes (lre partie) ; C.-A. Collin, Sacerdos et Pontifex, à 2 ou 3 voix et orgue ; Alb. Bertelin, Offertoire pour grand orgue.
A. Trotrot-Dériot, E. Borrel, Abbé G. Villier, Abbé L. Boyer, nos corres- pondants : Le mouvement liturgique et musical, Paris, Province; La musique sacrée dans le diocèse de Metz ; Périgueux : Deux amis dis- parus ; Étranger.
La Rédaction ; N. Dufourcq : Les Livres ; Les Revues.
ÉDITIONS MUSICALES DE LA SCHOLA CANTORUM
269, RUE SAINT- JACQUES, PARIS (5«) Téléphone : Gobelins 4o-02. Compte postal : Paris 33i-79
Tome XXV nouvelle série - N° 2 Mai 1928
LATRIBVNE DE SAINT-GERVAIS
REVUE MUSICALE
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA
Stljola Cantarum
A NOS AMIS ET ABONNÉS
Mille fois merci ! L'accueil sympathique ménagé de tous côtés à la Tri- bune de Saint-Gervais renaissante nous a — non point surpris, car nous connaissions les sentiments de tous à notre égard — mais infiniment touchés. De bien des points de la France et de l'Étranger, des lettres enthousiastes indiquent comment notre nouvelle série était attendue ; la manière dont elle a été accueillie marque bien notre raison d'être : la Tribune de Saint-Gervais répond pleinement à une nécessité, elle tient sa place particulière dans la grande famille de la musique d'église, et même de la musique, tout court.
Nous demandons instamment à nos amis de développer autour d'eux le mouvement si bien commencé, et de nous procurer le nombre d' abonnements — dont beaucoup déjà nous sont parvenus — nécessaires à une revue pour qu'elle puisse vivre pleinement et de plus en plus se développer. Notre avenir est entre leurs mains.
A tous, mille et mille fois merci.
La Tribune de Saint-Gervais.
SEMAINE SAINTE, ORGUE ET COMMUNION
VoilÀ, de prime abord, une juxtaposition dont la raison d'être ne s'aperçoit peut-être pas clairement. On en aura facilement l'expli- cation dans le banal récit qui va suivre, et dont l'enchaînement des événements qu'il narre a donné matière à mon article de ce jour.
Or, le Jeudi-Saint, au matin, n'étant point retenu par quelque devoir de ma charge, j'assistai, simple fidèle, à la messe solennelle requise par la liturgie de ce jour, dans une église du diocèse de Paris : je demande la permission de ne pas la désigner plus clairement. Malgré le personnel chantant assez réduit, l'émouvante liturgie se déroula tout d'abord
38 Ca tribune te &ahtt-$fcrMt0
sans encombre. Après X Introït, le Kyrie et le Gloria furent régulièrement chantés à deux chœurs. Le Christus factus est, sans apprêts, évidem- ment, mais correctement, suivit l'Epître : toutefois, aussi bien par besoin sans doute d'éviter une fatigue supplémentaire, que par une méconnaissance du sens intime des rubriques du Graduel, le répons ne fut pas repris après le verset, d'où un vide, un « trou », qu'il eût été facile de combler, avant l'Evangile.
Quoi de plus majestueux, dans une liturgie aussi solennelle et un peu spéciale, que la marche du diacre portant le livre saint, aux accents de l'imposante reprise par le chœur, du Christus factus est, lorsque le soliste a parachevé son verset jusqu'à omne nomenl Mais quel creux lamentable lorsque ce cortège liturgique s'effectue en silence, et que le triptyque du chant, répons, verset, reprise, est demeuré béant! Passons.
A l'offertoire, à X Or émus du prêtre, le chantre ne répondit rien. Nous pensions, tout d'abord, qu'une page mal préparée avait retardé l'explosion majestueuse du Dextera Domini, lorsque, au mépris le plus élémentaire à la fois des rubriques et des récentes prescriptions du Cardinal-Archevêque, l'organiste entama une brillante pièce de César Franck.
Un Jeudi-Saint!
Ne savait-il pas, cet organiste, ou le clergé de son église n etait-il pas là pour l'en avertir, que les pièces d'orgue sont interdites, comme aussi les sonneries de cloche, depuis le Gloria du Jeudi-Saint jusqu'à celui de la Résurrection? A défaut de la lettre des prescriptions reli- gieuses, le simple bon sens n'indique-t-il pas ce qu'il y a de déplacé dans l'exécution d'une musique aussi festive, pour une messe aussi pleine de recueillement, de tristesse, presque?
Après 1 Agnus Dei, ce fut bien pis. Dès que le chœur eût terminé le troisième Agnus, l'organiste entonna quelque chose comme ceci, et le continua, sans souci du Confiteor, pendant la plus grande partie de la communion des prêtres et des fidèles (et ils étaient nombreux), en cette cène mystique, commémorative de la Cène suprême où Jésus institua l'Eucharistie :
la sol mi sol do ré mi
pom pom pom pom pom
Etc.!!
Et il continua, ou reprit, le malheureux, pendant tout le temps de l'impressionnante cérémonie : je me trompe, vers la fin, par une transi- tion harmonique peu heureusement amenée, il modula dans un ton
Semaine Sainte, <jt>rgne et Communian 39
éloigné. Quelque chose d'amorphe semblait venir sous ses doigts, non sans que mon oreille crût reconnaître, au passage, quelque chose, mais quoi? C'étaient en effet les motifs de l'antienne grégorienne pour la Communion de ce jour : malgré l'impéritie du maestro, je le félicitais tout de même intérieurement de préparer ainsi un prélude au chant prescrit, que l'on aurait dû exécuter au début de la cérémonie. Mieux valait tard que jamais. Mais déjà les derniers fidèles se retiraient de la balustrade de communion : le maître de chapelle jugea dès lors qu'il était inutile de chanter le Dominus Jésus. Le prélude si malheureuse- ment préparé s'acheva dans le vide, lamentablement...
A la procession au reposoir, ce symbole dramatique du cortège qui conduisit Jésus à l'agonie, à la prison, à la mort, de nouveau l'orgue intervint, et interluda, sans goût, entre les strophes de l'hymne : il se croyait sans doute aux vêpres de la Fête-Dieu, et ne faisait aucune dif- férence entre le Pange lingua des triomphes de ce jour-là, et celui qui accompagnait ce défilé commémoratif, j'allais dire funéraire.
Si nous pouvons regretter au sens le plus élevé de l'art, que l'Église interdise aux offices ordinaires de la Semaine-Sainte le jeu de l'orgue, pour lequel tant d'émouvantes pièces ont été écrites depuis deux siècles, combien toutefois cette prescription paraît sage, en constatant ce qu'un organiste suffisamment capable est cependant amené à faire, par manque de goût, en de tels jours!
Cependant, la question ne devrait pas se poser : le jeu de l'orgue est interdit, voilà le fait. Pourquoi, de sa propre autorité, un de nos confrères en agit-il autrement? Pourquoi son curé ou le vicaire chargé des cérémonies le laisse-t-il faire? Première question.
Seconde question. Puisqu'aussi bien, malgré qu'il fût en l'occasion insolite, le jeu de l'orgue au moment de la communion des fidèles posait un problème d'ordre musical, comment ceux qui sont préposés au soin de la musique d'église en prennent-ils tant à leur aise avec les rubriques?
Or, si nous étudions dans leur lettre comme dans leur esprit, les règles qui président à ces fonctions, il est bien aisé d'en déduire ce que chacun, soit du point de vue purement religieux, soit de celui de l'art, devrait se mettre en mesure d'observer. Si je heurte quelque idée reçue, quelque habitude de personnes respectables, ou simplement — et plu- tôt — quelque routine, je m'en excuse, mais la faute ne m'en charge
40 £a tribune î>e Batttt-tiftmjais
point : elle est plutôt la résultante des habitudes routinières, que l'on prend souvent, et que l'on garde, en y voyant une tradition, ou une règle prétendue.
Deux cas se présentent, en ce qui concerne une grand'messe solennelle. Ou il n'y a pas de communion des clercs et des fidèles, ou il y en a. De façon ou d'autre, le cas est prévu par les rubriques. Pre- mier cas : la rubrique placée en tête du Livre Graduel suffit. Elle dit, au n° 9 des règles à suivre pour le chant de la messe, que, le « T.-S. Sa- crement ayant été pris [c'est-à-dire quand le prêtre a communié], le chœur chante l'antienne appelée Communion ». Dans la pratique, comme il se trouve que pendant ce temps le prêtre, et le diacre s'il y en a un, procèdent aux ablutions et purifications du calice, beaucoup de personnes se figurent que l'antienne de la Communion est prescrite pour ces fonctions complémentaires, d'où la source d'un abus que nous allons bientôt rencontrer.
Car, si, pendant une messe où les fidèles ne s'approchent pas de la communion, l'antienne de ce nom se trouve chantée à peu près au moment des ablutions, c'est simplement parce que personne ne s'est présenté pour communier.
Deuxième cas : soit pour la liturgie solennelle du Jeudi-Saint, la seule de ce jour où ait lieu une communion générale et obligatoire, soit pour toute grand'messe en laquelle les fidèles communient, ce qui se fait presque partout à Paris entre autres, les rubriques du Missel indiquent parfaitement l'ordre à observer. On me permettra donc de les reproduire ici, d'autant plus qu'elles n'ont rien de compliqué. Au cha- pitre X, n° 6, il est dit :
« S'il en est qui doivent communier à la messe, le prêtre, après avoir pris le précieux Sang, avant les purifications, ayant fait la génuflexion, place dans la pyxide les particules consacrées... [je passe les prescrip- tions purement cérémonielles]. Pendant ce temps, le ministre... fait pour eux la Confession disant : Confiteor Deo, etc. Alors le Prêtre... dit : Misereatur vestri et lndulgentiam etc.... puis, Ecce Agnus Dei,... Domine non sum dignus... [Suit la Communion de ceux qui se pré- sentent]. — N° 9. Si, à la messe solennelle, on fait la communion, tout se passe comme ci-dessus, mais on communie en premier lieu le Diacre, et le Sous-Diacre, et les autres suivant leur rang... Pendant ce temps le chœur chante l'antienne appelée Communion. »
Plusieurs prêtres ont l'habitude de dire ou de faire dire à voix basse, même aux grand'messes, le Confiteor, et ce qui suit. Cependant, le Graduel contient le chant du Confiteor, obligatoire pour le Jeudi-Saint, pour les
Semaine Sainte, #rgue et Communion 41
messes pontificales, ou aussi pour les absolutions solennelles du peuple, ce qui donne bien le sens que cette confession n'est point secrète ! Le Rituel, de son côté, même pour la Communion célébrée indépendam- ment de la solennité des messes, indique que le célébrant dit « clara voce », Ecce Agnus Dei et Domine non sum dignus et la suite ; le Missel précise en opposition, que les invocations Quod ore sumpsimus, etc., sont dites à « voix basse ».
Donc, l'ordre de la Communion à la messe chantée s'établit sans difficulté.
Lorsque le Prêtre a communié, le ministre (ou le diacre) « chante » ou dit par conséquent à haute voix, puisque cela tient la place du chant, le Confiteor : le Prêtre ajoute Misereatur, etc., ayant soin de dire éga- lement « à haute voix », Ecce Agnus Dei et la suite. Il communie alors les clercs ou les fidèles, et « pendant ce temps, le chœur chante l'an- tienne appelée Communion ».
C'est évidemment seulement après cela que l'on peut chanter quelques autres antiennes, hymnes ou motets, ou que l'orgue peut se faire entendre, quand son jeu est permis par la solennité du jour.
D'ailleurs, les paroles mêmes des antiennes de Communion — au moins des dimanches, fériés, et fêtes du Seigneur, — indiquent bien, sans contestation, et par leur titre même, que ce ne sont point des chants destinés à être chantés après que les fidèles ont communié! Cela est proprement absurde.
Voyez, au hasard, parmi celles qui se présentent à ma mémoire, la Communion de la Sexagésime :
lntroïbo... J'entrerai à l'autel de Dieu...
De divers dimanches après la Pentecôte :
VIe dim., Circuibo... Je circulerai dans son tabernacle, et j'immole- rai l'hostie de la joie...
VIIIe dim., Gustate... Goûtez, et voyez...
XIIe dim., De fructu... Du fruit de tes œuvres, Seigneur, la terre sera rassasiée...
XVe dim., Panis... Le pain que je donnerai...
Mercredi des Quatre-Temps, Comedite pinguia... Mangezles victimes, buvez le vin préparé...
XVIIIe dim., Tollite hostias... Prenez les hosties, entrez dans le sanctuaire... Etc.
42 £a tribune &e 0aint-©ertjai0
Dans tout cela, il y a une invitation à aller communier, ou l'indica- tion, au futur, de ce qui va se passer. Si l'on peut m'objecter deux ou trois autres textes de communion, où les paroles, prises dans l'Ecriture, contiennent un verbe au passé, cela est tout exceptionnel.
L'antienne de Communion est faite pour être chantée pendant la Communion; tout l'indique :
son nom;
son texte;
les rubriques des livres liturgiques.
Abandonnons donc cette coutume déplorable que l'orgue se mette à jouer sans interruption aussitôt après le chant de XAgnus. Il peut jouer jusquà la cérémonie de la Communion, exactement jusqu'au Confiteor : le Confiteor et ce qui suit doivent être entendus de tous. Le chœur, après le triple Domine non sum dignus destiné aux fidèles, chante alors l'antienne prévue, et le chant ou l'orgue peuvent enfin poursuivre jusqu'après les ablutions.
On peut se rappeler avec fruit que, dans les siècles de l'apogée litur- gique, tout ou partie d'un psaume était chanté avec l'antienne, pendant tout le temps que durait la communion. C'est là une habitude excel- lente, que tout autorise, et que j'ai personnellement, à diverses reprises, fait revivre.
Lorsque, à Rome, la coutume a repris, grâce à Pie X, à Benoît XV, et plus spécialement à Pie XI, de célébrer certaines grand'messes papales uniquement en chant grégorien, on a, par le fait même, réta- bli l'usage d'exécuter plusieurs versets avec l'antienne de commu- nion, ainsi à l'Ascension ou à la Pentecôte. A la première de ces fêtes, on chante sept versets du psaume Exsurgat Deus, sur le 1er ton de l'Introït, et on reprend la phrase Qui ascendit de l'antienne, et à la fin le Psallite, après chacun des versets.
Voilà donc la règle et l'exemple.
J'ai moi-même publié, au Bureau d'Edition de la Schola, des petites feuilles grégoriennes contenant d'anciennes antiennes de Communion avec plusieurs versets : Gustate; Corpus tuum, etc. On les utilisera aisément pour chanter pendant la Communion,... et non pas après.
A. Gastoué.
21 l'#mbre be la <£atl)éî>rale enchantée 43
A L'OMBRE DE LA CATHÉDRALE ENCHANTÉE Monseigneur R. Moissenet
I L'HOMME
Quel griet des générations d'artistes n'ont-elles pas fait au clergé de son manque de goût, de son mépris de l'art. On lui reprochait, entre autres choses et par-dessus tout, de n'y voir qu'un divertissement sans importance, de n'en point distinguer la portée spirituelle, d'ignorer le véritable sens de son action et l'importance de son rôle, d'oublier que la liturgie — expression parlée, colorée, chantée, chorégraphiée de la vie intérieure de l'Église — est l'art par excellence, celui qui, ayant vassalisé tous les arts, les rassemble en un faisceau harmonieux pour en offrir à Dieu l'hommage solennel et quotidien.
Que ce reproche ait été, en partie du moins, mérité, qui songerait à le nier?
Il n'en est pas moins vrai qu'à l'époque de la plus haute efflorescence de l'art occidental ce sont les évêques, les moines, c'est la sainteté qui dirigent, en même temps que la pensée et la vie sociale, l'art. C'est la sainteté qui crée l'art îgrégorien, le latin mystique, qui anime la peinture primitive. C'est elle qui, au cours des siècles, organise la liturgie.
Comment expliquer le revirement dont on s'étonne?
L'art, pour nos pères, n'était pas qu'un jeu : il participait à la vie. Le poète antique est un voyant inspiré ; la poésie est la langue du sacerdoce. Le poète- musicien (les deux alors ne sont guère séparables) apparaît toujours comme une sorte de prophète, celui qui profère la parole divine.
Les siècles passent ; l'art devient « une fiction à laquelle l'esprit s'égaye en liberté ». L'artiste, le poète peu à peu se rabaissent et finissent par consentir à tenir un rôle d'amuseurs. « Plaire au public, se divertir entre eux devient le but unique ». Et le vieux Malherbe, un jour d'humeur, avoue « qu'un poète n'est pas plus utile à l'état qu'un bon joueur de quilles ». Les grands musi- ciens du xvne siècle et même du xvie n'ont souvent d'autre ambition que d'être les valets de musique de la cour et de leur temps.
Les artistes sont donc les premiers coupables : ils ont détourné l'art de ses fins véritables ; c'est là que l'on doit chercher l'explication de l'indifférence où, peu à peu, le peuple en est venu à leur égard. Et si le clergé, influencé par cette conception déformée, s'est écarté de l'art, c'est qu'il avait un goût trop profond des réalités spirituelles pour s'attacher à de purs divertissements. Le
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vrai reproche qu'on lui pourrait adresser c'est de n'avoir pas réagi plus tôt, de n'avoir pas tenu, en l'occasion, son rôle d'éducateur, de chef.
Or, le remous qui depuis une trentaine d'années agite les consciences catho- liques a atteint les artistes. Une renaissance qui semble devoir être digne de ce nom donne actuellement les prémices d'un art qui s'efforce de chercher inspi- ration aux sources de la vie chrétienne.
Quand Jacques Maritain se tourne vers les artistes avec l'espoir de les aider à reprendre conscience de leur fonction, sa parole, semble-t-il, doit être enten- due d'abord par nous, musiciens d'église : en révisant les voies d'opération de l'artiste, en nous rappelant que nous sommes des hommes appelés à tenir un rôle nécessaire, il nous réenseigne le sens de notre action, la véritable di- rection de notre vie.
Nous avons, comme les autres, un métier à faire. Comme eux, nous sommes tenus de le bien faire. Et nos responsabilités vont loin parce que c'est aux âmes que nous parlons. Ce qui différencie notre labeur de celui du constructeur ou du potier c'est que, opérant au bénéfice de l'être, nous sommes tenus d'être ce que nous faisons, sous peine de ne rien faire d'utile.
Cette notion juste de son rôle, de son métier de musicien d'église, Mgr Moi s- senet l'a retrouvée à peu près seul ; il en vit depuis plus de cinquante ans. Aîné d'une famille nombreuse dans laquelle la musique avait place d'honneur, dès l'enfance il apprit quelle contribution puissante elle offrait à la vie. Direc- teur d'un petit collège, tout de suite il vit la place que le chant prendrait dans son apostolat. Quand la prudence regarde encore l'art en ennemi, il va pré- tendre, lui, s'en faire un allié. Quand, autour de lui, on craint de trop donner à la beauté qu'on considère non comme un attribut de Dieu, mais comme un luxe inutile sinon dangereux, oubliant que les parfums même ont été appelés à témoigner de la pensée de Jésus, lui entreprend quoi ? De remettre la beauté au service du culte? C'est trop peu. Cela fait de la beauté une servante étran- gère dont le culte peut à la rigueur se passer. Un luxe. Il veut, bien avant la célèbre formule de Pie X, la beauté intégrée au culte, comme un élément essen- tiel. Car le mot culte n'a pas de sens s'il ne veut pas dire : là tout n'est qu'ordre et beauté. Il n'exprime rien s'il ne signifie pas l'agencement des pa- roles, des gestes, des lignes, des couleurs, des sons en vue d'une traduction aussi parfaite que possible des sentiments qui s'imposent chaque jour à la col- lectivité chrétienne. La notion d'art et la notion de vie intérieure, dès la pre- mière heure, apparaissent, dans son esprit, inséparables. Et la volupté qu'en- gendre l'art, loin de la redouter, il la regardera comme une grâce divine. Il ne craindra donc pas de donner trop à l'art parce qu'il sait bien ce qu'il doit don- ner à la Grâce II connaît la mesure. L'art pour l'art est un inconnu pour lui. Et le mot de Cocteau — l'art pour Dieu — il y a longtemps qu'il l'a inventé et qu'il le pratique. Maritain, à Cocteau, répond : L'art pour Dieu suppose Dieu dans l'âme. Je l'entends, lui, me dire : Notre vie doit être un continuel
3 Timbre ire la Catljeîrraie enrtjanteV 45
recueillement en Dieu ; c'est Dieu qui doit agir, ce n'est pas nous. Le beau, pour lui, dans le chant sacré, «c'est ce quelque chose d humain, mis au service du culte divin, pour atteindre l'âme et l'émouvoir en charmant et en élevant les sens. Par l'art, l'âme, avec toutes ses puissances est mise en acte d'une ma- nière intense... Puisque l'Église veut qu'on chante, elle ne peut vouloir que de beaux chants... » Voilà son idée. Toute sa vie, « il la reprend, il la remâche, il la mûrit dans son âme » et la reporte, d'année en année, d'office en office, d'en- fant en enfant, « toujours pareille et toujours plus chargée de sens. »
Prêtre, non seulement il n'a pas redouté d'être un artiste mais il a vu l'art donner à son apostolat une orientation singulière, précise, certaine. Quand d'autres hésitent, cherchent, tâtonnent, se troublent, il part, lui, d'un pas ferme, avec certitude : il sait où il va, il sait le chemin. Non seulement la mu- sique lui permettra d'agir sur les autres, de rayonner, mais elle sera un de ses moyens d'épanouissement personnel. Ennemi né de tout dilettantisme, il voit, avant tout, les obligations immenses que l'art lui crée, et tout son effort tend à les réaliser. Le don de charité et le don de poésie ne sont en lui qu'un don, celui-ci n'étant qu'une forme de l'exercice de l'autre ; fondus en la pra- tique de l'amour de Dieu, ils constituent l'axe de son action. Une œuvre d'art ne lui apparaît supérieure que dans la mesure où vraiment elle est un réser- voir mystérieux de vie spirituelle.
Évêque, professeur ou curé de campagne, il eût été ce qu'il est : sa vie eût chanté Dieu. Il ne conçoit l'existence que comme un poème dont le thème, à développer en nous, est Dieu.
Vous avez approché parfois de ces hommes de pensée dont la présence suffit à féconder l'intelligence, de ces hommes de prière dont le seul regard fait prier. Souvent ils sont doués d'une étrange puissance de renouvellement. Comme à de certains livres, on peut toujours revenir à eux, sûr que les mêmes gestes, les mêmes attitudes, les mêmes mots diront quelque chose de nouveau. A chaque instant, ils manifestent des aspects inattendus, s'enrichissent à me- sure qu'on les approche, paraissent inépuisables. Leur vertu agit d'elle-même : sans un mot, sans un conseil ils vous gagnent. Pour qui a l'avantage de les trouver sur son chemin de tels hommes sont des signes...
C'est d'un musicien quej'entends m'occuper. Mais puisqu'il est inséparable de l'homme approchons celui-ci d'un peu près.
Indifférent aux consécrations de la mode s'il accueille la réputation et les lauriers comme des visiteurs aimables jamais il ne fait un pas au devant d'eux.
J'entends bien qu'il se connaît. Sa juste valeur il l'a sondée mieux que nous sans doute. Mais sachant bien d'où elle lui vient, il sait à qui la retourner et ne s'en inquiète qu'autant qu'elle intéresse son maître.
Dans la « corporation » des musiciens d'église il aurait pu être un person- nage influent, quelque syndic faiseur de lois, ou « gros bonnet » copieusement palmé. Il aurait pu régenter l'opinion (qui ne demande qu'à se laisser faire), et l'opinion n'y eût pas perdu ; mais il s'est contenté d'élever la voix quelquefois
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pour donner, en souriant, sa manière de voir. Insoucieux du qu'en dira-t-on et plus encore de ce qui se dit, il ne s'est greffé sur aucune puissance et a su préférer une action limitée, mais sûre, à une action plus étendue mais incer- taine. D'ailleurs, pour réaliser cette action plus vaste, ne lui eût-il pas fallu aliéner sa liberté, se livrer, comme d'autres, à des intrigues, à des calculs, ménager les cabales, soigner les coteries, politiquer en somme?
Sa nature droite et fière répugne à toutes les basses cuisines. Et au lieu d'une « place » qu'un jour il ne tenait qu'à lui d'accepter, il a préféré garder sa place et se vouer, dans son « village », au service de quelques vérités qu'il appelle ironiquement des lapalissades.
Son indépendance d'esprit, extrême, ses changements d'opinion, non dissi- mulés, sur des questions comme celle de l'interprétation du chant grégorien, de la prononciation romaine, l'ont pu faire, aux yeux de gens mal informés ou superficiels, passer pour un esprit paradoxal et même versatile.
Sans doute il n'aime guère, comme on dit, les chemins battus. Si notre époque a ceci de particulier qu' « elle suit des gens qui ne savent pas marcher 1 », qui le blâmera de ne point vouloir entrer dans le troupeau des suiveurs?
De là à cultiver le paradoxe pour lui-même, par une absurde affectation de ne pas penser comme tout le monde, il y a belle distance... N'oublions pas d'ailleurs que certains « paradoxes d'aujourd'hui constituent les préjugés de demain » et que « quand on a raison vingt-quatre heures avant le commun des hommes on passe pour n'avoir pas le sens commun pendant vingt-quatre heures 2 ».
Quant aux variations d'opinion, elles m'apparaissent non comme une fai- blesse mais comme une nécessité pour qui se contrôle et réfléchit. Un habile les dissimule, s'il faut, et n'hésite pas à mettre un masque. Un homme simple et droit dit : je ne vois plus comme hier.
Indépendance et liberté de pensée, pas plus qu'un goût très vif de la perfec- tion, ne sont faits pour conquérir la popularité. Connu dès qu'il eut commencé son œuvre à Dijon, Mgr Moissenet ne fut et ne sera jamais vraiment populaire. Dédaigneux des petites revues qui portent noms et programmes dans tous les milieux, il ne les renseigne pas sur ses réalisations. Au surplus il ne paraît pas goûter d'une façon particulière d'être coudoyé par la foule et je le vois fort bien « courant à l'extrême-orient quand le feu d'artifice se tire à l'occident ». Aussi beaucoup de ceux qui l'admirent avec éloquence, considérant qu'il importe, avant tout, de faire son chemin, le regardent-ils comme un modèle à ne pas suivre. Je crois pouvoir affirmer que « cela ne lui cause aucune tristesse et que le contraire n'ajouterait rien à son contentement. Il lui suffit d'être populaire parmi ceux qui sont dignes eux-mêmes de lui plaire»... Il appartient d'ailleurs à cette famille d'esprits qui ont, pour tout ce qui vise à autre chose qu'exceller, une indifférence « si tranquille qu'elle ne daigne même pas s'exprimer 3 ».
Indépendance et liberté de pensée, même vis-à-vis de soi, goût de la per-
l. Debussy. 2. Rivarol. 3. Baudelaire.
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fection, mépris de la popularité, autant de caractéristiques de l'homme qui passe dans la vie avec une sérénité à la fois doucement aimable et un peu dis- tante, et du musicien qui n'a d'autre ambition que de réaliser un chant qui enchante
Dieu est à ses yeux le seul juge dont le jugement compte ; mais il sait que c'est « le juge le plus sévère et que ses oreilles sont les plus parfaites1 »...
A sa joie de vivre nous comparons nos mélancolies et nous comprenons les causes de notre médiocrité quand nous voyons la foi qui l'anime, le feu qui jaillit de son regard, la volonté bien ordonnée que trahit sa main ferme et jeune.
Cet homme est, pour nous, une figure.
Devant son visage vivant nous nous recueillons et nous méditons.
Toute une année, j'ai suivi ses classes, assis sur un banc d'écolier.
Évidemment de voir opérer un parfait ouvrier de mon métier cela m'atti- rait. Mais autre chose m'attirait plus encore.
Tous les jours il répétait les mêmes observations. Et je retournais les entendre.
A chaque leçon je retrouvais les enfants pareillement groupés, pareillement attentifs ; déférents comme les enfants ne le sont plus nulle part.
Ce que j'avais vu une fois je le revoyais chaque fois. Ce qu'on avait fait hier on le refaisait aujourd'hui, sur le même texte ou sur un autre. La même phrase était redite, à satiété : jamais les intervalles ne sont satisfaisants pour cette oreille subtile ; jamais la tenue des sons n'est suffisante, jamais la diérèse n'est assez bien marquée, jamais le rythme n'est d'aplomb.
Entre temps des silences, coupés parles claquements isochrones du métro- nome.
Un, deux, un, deux...
Les enfants, leurs cahiers à la main gauche, les reins bien cambrés, comme dans l'action, la tête légèrement levée, l'œil tendu vers le maître, attendent. .
Celui-ci, au milieu d'eux : visage osseux, ni beau, ni laid, avec de fortes saillies, vivant, parlant ; en tous ses traits, tour à tour une fixité ou une mobi- lité extrêmes ; les yeux, deux rayons ardents ; le front, de calme ou d'ardeur inondé ; la bouche, tour à tour aimable ou sarcastique...
Quelques mots, et le long corps, pris dans l'étroite douillette, se balance, coudes serrés, au rythme de la machine à marquer les temps. Les chanteurs ont à peine recommencé qu'un geste nerveux les arrête ; le fichu de laine noire qui protège les épaules a glissé sur les reins.
Il relève ses lunettes, les assujettit au front, approche des yeux le diapason mobile pour vérifier le curseur, s'assurer qu'il est en place.
Une critique, un son, et le balancement de l'homme recommence, suivant la battue de la main, courte, sèche, rapide, précise, avec un arrêt à l'extrémité de chaque battement : le temps .
1. Saint Augustin.
48 Ca tribune he 6ahtt- Commis
La force physique de ce vieillard est comme empruntée aux éléments de sa musique, soutenue par les mélodies, mue par les rythmes.
C'est à l'église surtout qu'il faut le voir, certains jours, apparition vérita- blement hoffmanesque, devant les choristes suspendus à ses moindres impul- sions : face crispée, tendue, creusée par l'effort concentré de vouloir, il est là, comme hors du temps, perdu dans les ondes sonores, pris dans les lacs du rythme, possédé par son démon intérieur, flamme mouvante et rayonnante, incorporé au chœur pour le promouvoir et l'agir.
Actif bacchant de la beauté mystérieuse et divine, « votre bâton c'est votre volonté, droite, ferme, inébranlable »...
Mais la flambée d'âme il la réserve pour les grands jours A sa classe je le retrouve, « préparateur » patient, méticuleux, minutieux, maniaque, scrutant son texte pour en soutirer le moindre dessein, tel l'entomologiste Fabre, à qui il ressemble, observant à la loupe les transformations d'une larve, les évolu- tions d'un insecte.
Affectueux ou railleur, content ou mécontent, on le sent, là, tout à l'activité de vivre pleinement, à la joie de faire ce qu'il fait: ces enfants qui l'entourent; ses copies, si soignées ; sa classe, ornée de chers portraits (celui de son premier maître G. Krenger, ceux des amis de la maîtrise, de quelques musiciens illustres, de ses élèves préférés); ce mobilier si ordonné; jusqu'à l'hôte importun, ici, il aime tout.
Et de mon banc, dans mon coin, je regarde, incessamment, comme on relit, pour la centième fois, le même verset d'Imitation dont on sent bien, à force de scruter, la puissance interne, le principe de vie, mais dont l'application pratique désespère 1.
« Dijon, c'est le Bayreuth des musiciens d'église », m'écrivait quelqu'un le lendemain d'une de ces fêtes annuelles de Saint-Bénigne dont il est le fervent et scrupuleux pèlerin.
Maurice Emmanuel, le chanoine Clément Besse2 et bien d'autres connais- seurs m'en disaient autant. Bref, au cours de la guerre, un jour où j'allais re- joindre la régulatrice d'Is-sur-Tille pour être dirigé sur mon régiment je des- cendis à Dijon.
Comme je traversais ce silencieux quartier de Saint-Bénigne, quartier d'églises et de vieux hôtels, où des pigeons familiers trottent aux jambes des
1. L'école de la maîtrise fut, pendant bien des années, dirigée par trois des frères Moissenet, tous les trois prêtres. Le chanoine Joseph Moissenet seconde encore actuelle- ment Mgr René Moissenet. Il remplit la tâche délicate d'accompagnateur et assure la préparation première des enfants. Rôle ingrat entre tous et qui exige autant de savoir que de patience et de modestie. Il dirige personnellement une chorale féminine, la cho- rale des jeunes filles de Saint-Bénigne, qui chante exquisement.
Le colonel Moissenet professe l'histoire et les mathématiques à l'école. Il est prési- dent de la Société Palestrina (groupe d'hommes destiné à compléter le chœur des sémi- naristes) et règne au pupitre des basses.
2. On sait que le chanoine Clément Besse, fondateur dé la chorale des Franciscaines de Saint-Germain-en-Laye, se faisait gloire d'être le disciple de Mgr Moissenet.
21 Timbre î»e La Cathftrale enchantée 49
passants, dans cette rue du Tillot autrefois habitée par La Monnoye je croisai un prêtre aux pas menus et strictement mesurés, allant comme mû par un doux automatisme, légèrement incliné ou plutôt concentré par les ans.
Sans l'avoir jamais vu je le reconnus aussitôt.
(Je n'imagine pas le promeneur le plus distrait passant auprès de lui sans dire à son compagnon : qui est-ce?
Vous l'arrêtez, il se dresse, vous regarde : avant d'ouvrir la bouche vous avez pris une attitude. Confiance ? oui, confiance affectueuse, mais aussi réserve. Vous êtes pris d'un secret désir de plaire; mais à quoi bon se composer devant cet œil qui vous perce?.. )
Je l'abordai. Il m'entraîna
Nous sommes chez lui. Je revois sa chambre d'alors, étroite, embarrassée de livres. Et le voici : simple, aimable, tel le modeste artisan d'autrefois qui se levait pour vous faire l'honneur de son atelier silencieux. Type du bon ouvrier (race éteinte) pour qui le travail bien fait était un idéal de vie Jamais pressé, évidemment pas payé à la pièce Mené par l'amour de son métier qui lui est en somme l'outil prêté par Dieu pour forger son salut. Tout souci de succès recouvert, protégé, absorbé par la soumission entière aux exigences du travail à faire. S'il n'est point soumis à la commande comme le vieil artifex du moins il est soumis à Xordo, et son idéal d'art est un office liturgique où il n'entre rien d'étranger, où il n'a qu'à réaliser de son mieux les prescriptions du calen- drier liturgique
Humble il parle peu ; il s'informe de vous. Vous devez le pousser pour qu'il vienne au sujet qui vous amène. Mais vous y êtes. Les rôles sont changés. C'est lui qui parle Et je sens son naïf orgueil qui me domine. Personne mieux que lui ne sait. Il le sait. Il parle de la prononciation romaine, du chant gré- gorien, avec des moues et de francs rires qui vous fixent sur sa pensée avant qu'il l'ait énoncée... Il parle de la polyphonie, des maîtres espagnols, de Mora- les qu'il étudie et qu'il chantera après la guerre : après la victoire, Mossieu!
Vous auriez aimé l'entendre expliquer comment il conçoit son rôle de mu- sicien religieux, pénétrer du premier coup dans les grandes idées directrices de cette belle vie. De cela rien, pas un mot Si vous voulez savoir, com- prendre, il vous faudra revenir, assister aux offices ; démêler sa pensée dans ses actes.
C'est ce que j'ai essayé de faire.
J. Samson. (A suivre.)
5o Ca tribune ie 0amt-©er»aiô
NOTRE SUPPLEMENT
Chanson de Mai, du roi saint Louis.
L'usage de consacrer le mois de mai par de libres chants en l'honneur de la Vierge Marie remonte haut : les manuscrits du xmc siècle contiennent ainsi des « chansons pieuses » à Marie, reine de mai, adaptation des coutumes profanes qui faisaient élire sous ce titre une jeune fille que l'on mettait à l'honneur.
Le manuscrit d'où est tiré cette délicieuse pièce — qui toutefois n'est point « d'église » — la donne comme ayant été chantée par le roi saint Louis et enseignée par lui-même à un de ses écuyers : en est-il l'auteur ? c'est possible. Inscrite en 1914 au concert historique donné à la Sainte-Chapelle par la Société Internationale de Musique, cette chanson pieuse, répandue depuis par quelques copies, a fait le charme de tous ceux qui l'ont entendue.
Misericordias domini, à 4 voix mixtes, de Josquin des Prés.
Admirable exemple d'expression et d'équilibre vocal, ce motet de jubilation fut pour la première fois publié en 1519, à Venise, dans les magnifiques éditions de Petrucci. Originairement écrit comme grand motet en trois parties, on n'en publia bientôt plus que la première, celle que nous donnons aujourd'hui.
Sacerdos et Pontifex, à 2 (ou 3) voix et orgue, de C.-A. Collin.
Montrant résolument notre dessein de publier côte à côte des modèles anciens et des œuvres modernes choisies, le choix de la Tribune s'est arrêté aujourd'hui comme pièce vocale, sur cette intéressante composition de l'excel- lent organiste de Notre-Dame de Rennes.
Bâtie sur les thèmes de l'antienne grégorienne, cette pièce peut servir soit en l'honneur d'un confesseur Pontife, soit pour l'entrée d'un Evêque. Facile d'exécution, ce Sacerdos et Pontifex de C.-A. Collin sera très apprécié.
Jubilate Deo, offertoire pour grand orgue, d'Alb. Bertelin.
Magnifique spécimen de l'orgue moderne mis au service d'une inspiration grégorienne, cet ample morceau, paraphrase des motifs de l'offertoire du 2e dimanche après l'Epiphanie (ou du 4e après Pâques), donne une haute idée du talent d'Alb. Bertelin en ce genre. Nous détachons cette belle pièce d'un cahier de pièces grégoriennes d'Alb. Bertelin, dont les Éditions Musicales de la Schola préparent la prochaine publication.
A. G.
Ce mouvement liturgique et musical 5i
LE MOUVEMENT LITURGIQUE ET MUSICAL
L'ACTION PAROISSIALE
A Paris, l'attention se porte de plus en plus sur l'office en plain-chant et sur la part que les fidèles y prennent. Le meilleur exemple est donné à Notre-Dame de Lorette où M. l'abbé Ségaux forme et entraîne depuis longtemps des fidèles dont le nombre, sans atteindre celui des livres achetés : i.5oo, n'est pas moins respectable. Plus ancien de beau- coup est le chant collectif à Saint-Antoine-des-Quinze- Vingts; on nous dit qu'un grou- pement plus rationnel bien dirigé dans la nef permettrait d'éviter les flottements qui dépa- rent l'exécution. La réponse unanime est réalisée à Notre-Dame du Rosaire grâce au clergé qui chante en liaison avec les fidèles dont la voix est très bien perçue à la tribune, par l'organiste qui accompagne ; on y entend une bonne psalmodie et le Credo 111. Après quelques vicissitudes la nef de Saint- Jacques du Haut-Pas réalise de nouveaux progrès, grâce à l'Association paroissiale du chant liturgique formée par M. l'abbé Beaussart et aux leçons que R. Lefebvre peut donner plus efficacement (comme succes- seur d'Ach. Philip, démissionnaire) à ceux dont il s'occupe depuis longtemps et qu'il accompagnera ou dirigera lui-même, dorénavant. Un bel essai à Saint-Dominique (la jolie église dont le dôme byzantin se voit derrière la gare de Sceaux) n'a pas eu de suite ; l'élan semblait réel ; la méthode a-t-elle fait défaut ? C'est le moment de conseiller la lecture des articles si judicieux de M. l'abbé Bayart : Pour que le peuple chante, que publie La Petite Maîtrise. Quand il a chanté un ou deux dimanches le peuple n'est plus responsable de son mutisme ; un clergé s'honorerait en l'amenant à reprendre un rôle sans lequel l'office, diminué, moins dynamique, mal suivi à la tribune par le chœur de figuration, n'a plus le caractère que la liturgie impose. Ce rôle, le vaillant curé de Notre-Dame de Bercy le maintient dans son église. Le chant alterné rehausse vêpres et la procession mensuelle : à Notre-Dame d'Auteuil où des religieuses répondent avec style et douceur ; à Notre-Dame dont la confrérie timide aurait pu se développer ; en banlieue, à Sceaux, Gentilly, Asnières, Vincennes, Arcueil, Bourg-la-Reine. Il paraît qu'au Rosaire de Saint-Ouen la foule et le clergé chantent également et le grégorien y serait bon sans la rapidité exigée... afin d'écourter les offices ! A Sainte-Elisabeth les hommes chantent le Credo de Du Mont à la messe de 11 heures; l'assemblée fait de même à Suresnes (Notre-Dame de la Salette). Ces essais de chant unanime indiquent ce qu'on pourrait faire ; ils réussissent dans la mesure où l'agrément des fidèles est obtenu par l'autorité morale des curés.
On parle souvent de « maîtrises ». Paris n'en compte plus guère : les enfants ne chan- tent plus. Notre-Dame, Saint-Nicolas-du-Chardonnet, Saint-Louis-en-L'Ile en ont et font encore figure. Quelques enfants « tiennent » à Saint-Sulpice, au Sacré-Cœur^ Saint- Pierre-de-Montrouge, peut-être ailleurs, mais noyés dans les chorales mixtes par les- quelles le chant liturgique ne trouve qu'une formule bourgeoise, laïque, terriblement précaire et limitée. Le meilleur écho des grandes choses c'est tout de même à Notre-Dame
52 Cet t&rtbmte be 0ahtt-<fôm)aiô
qu'on l'entend; M. l'abbé Merret s'y dépense et présente un plain-chant sérieux bien ac- compagné par M. Albert Serre ; ravissante est la sonorité des enfants ; les voix du Grand Séminaire sont grosses mais nourries ; l'ensemble fait bien dans les chorals, les messes harmonisées de Du Mont, toujours en tête du répertoire facile que les conditions actuelles imposent. Comme autrefois à Saint-Merry (paroisse où le chant est tombé à rien), M. l'abbé Baudrier a fait surgir à Saint-Louis-en-L'Ile une maîtrise d'enfants ; elle se présente au chœur et en aube ; des clercs la complètent ; les voix sont à exercer mais l'esprit est bon, le grégorien est à l'honneur, la bonne musique s'inscrit au répertoire. De son côté M. Riba Marti, maître de chapelle, dirige une chorale capable d'aborder de grandes œuvres : Missa brevis (Palestrina), Messe du pieux roi saint Louis (Marc de Ranse) ; et il est accompagnateur émérite.
Le rôle des chorales commence après celui de ces unités régulières incorporées au service du chœur, où elles observent les prescriptions du rituel et contribuent, de cette façon, à la haute tenue liturgique de l'office. Les chorales ont un revers ; elles ne chan- tent que par intermittences. Elles sont à voix mixtes. Elles font « maîtrise » quand le zèle plus grand des femmes les attire au lutrin à peu près chaque dimanche. C'est le cas à Saint-Eustache. Dans cette nef immense F. Raugel songe toujours et avec raison au métal, à l'effet sonore que comme toute autre musique, sous-entend le grégorien ; son plain-chant un peu rude et rapide porte quand la masse l'exécute à l'occasion des grandes fêtes; mais les femmes qu'il emploie ne donnent que l'esquisse des pièces alléluiatiques pour lesquelles il faut le timbre mordant des enfants. Le chœur est à son aise avec la polvphonie et la musique moderne. Fréquente est l'exécution des messes de Lassus Palestrina, Victoria, Gabrieli ; on les a entendues avant Pâques ainsi que les Passions et Répons de Victoria pendant la Semaine Sainte. Rameau, Hœndel, Mozart, sont au réper- toire courant des saluts ; de même les chorals et cantates de Bach. Le xvue siècle est représenté par Schutz, Lalande, Lully, Du Mont, Clérambauît, Sébastien de Brossard ; de ce dernier le Canticum eucharisticum « pro pace anno 1667 » exécuté à Meaux puis à Saint-Eustache, a été une révélation ; nous y reviendrons. Les modernes, même très avancés, figurent sur les programmes de Saint-Eustache : Gounod, Franck, Saint-Saëns, Paladilhe, Fauré, Dubois, Widor, La Tombelle, Vierne ; Liszt et Bruckner; Caplet, Ber- thier, Bl. Lucas, Bertelin, Mulet, etc. Par ses fonctions régulières et par ce qu'elle pré- sente, la Maîtrise de Saint-Eustache tient la tête des groupes actifs adonnés à la vraie musique d'église à Paris.
D'autres chorales moins solides, moins homogènes mais qui doivent à certains élé- ments réguliers d'être des militantes du plain-chant, existent à Notre-Dame du Rosaire, à Saint-Dominique, à Saint-Lambert, à Saint-Léon, à Bourg-la-Reine et Arcueil. A Saint- Antoine, la schola de M"" de Laforcade (60 voix féminines) permet l'exécution soignée du propre. Dans le même sens agissent avec un noyau de professionnels, A. Le Guennantà Saint-Pierre du GROs-CAiELOuet M"le C. Gauthiez à Notre-Dame d'Auteuil. Sai.m-Etienne-du-Mont a une chorale très active; B. Loth la dirige, elle chante surtout des messes polyphoniques et des cantates d'église. Une chorale que dirige Ed. Barraud, chante avec mérite à Saint-Gervais mais sans passion pour le plain-chant, à l'écart duquel reste aussi la chorale de Saint-Eugène, qui ne chante qu'à la messe de 11 heures
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sous la direction de M, l'abbé Brun. Ailleurs fonctionnent les « maîtrises à casuel » dont les chefs, parfois bons musiciens, ne s'intéressent guère au plain-chant; leur éclectisme n'est que la marque d'un goût tenace pour un art à effets très imprégné de théâtre, grevé de fariboles pour solistes, inférieur quand il est bon à celui des grands concerts ou dont le conventionnalisme « petit-bourgeois » s'adresse à des gens sans culture ; la moindre polyphonie bien exécutée en fait sentir l'indigence. L'appareil de ces « maîtrises » com- posées aujourd'hui de gagistes hommes et femmes est peut-être indispensable ; ce n'est qu'une façade ; tout se fait sans répétitions ; on est à l'heure et on chante toujours la même chose ; la routine s'accompagne de dégoût ; dernièrement, nous avons entendu des choristes, une sélection de choristes ! massacrer l'Ave verum de Josquîn, X Ave Maria dit d'Arcadelt, chanter moins mal un Tantum de Bach — le tout « a cappella »; c'était à Saint-Germain-des-Prés.
La grossièreté à pleine voix a du crédit, au moins à Paris. Le clergé n'aperçoit plus qu'il est mêlé à cette décadence. Il en est victime, s'accoutumant à ce dont il faudrait préserver le public. De là sa tiédeur pour une Manécanterie comme ces « Petits à la croix de bois » qui manquent leur but à la messe basse qu'on leur impose. Ils ont l'air de revenants ces « Petits Chanteurs à la croix de bois » ! On les admire avec une curiosité mêlée d'inquiétude. Ils ne sont pas du siècle. Mais la tradition qu'ils raniment en impose aux séculiers libéraux qui éprouvent du remords devant l'évidence du vrai, du pur style liturgique qu'ils font revivre. La Manécanterie n'atteint pas la perfection de l'art que des naïfs ou des flatteurs lui attribuent ; son recrutement le lui interdit ; mais elle est la voix et l'apparition du chœur en aube ordonné pour l'office, attentif à l'autel et dont l'es- prit de prière soutient un chant suave qui touche les âmes. Les enfants — une quaran- taine — comptent de bons soprani à la voix flûtée et candide. La confrérie cherche des hommes pour équilibrer les pupitres, condition primordiale d'une bonne polyphonie ; elle est venue à Bourg-la-Reine (où le groupe paroissial lui a répondu) au retour d'un voyage triomphal à Toulouse et à Carcassonne dans la semaine de Pâques, avec M. Gastoué comme accompagnateur ; nous en aurons la relation.
Pour achever d'esquisser la situation à Paris, disons qu'on entend à l'Eglise des Etrangers, le troisième dimanche du mois, l'excellent Groupe de la Schola Cantorum. C'est, à côté de l'Institut grégorien qu'inspire et dirige Solesmes, l'organe de l'École qui n'a cessé de promouvoir et d'enseigner à fond le plain-chant. Qu'on veuille bien nous laisser choisir l'heure d'en commenter les exécutions.
On pourrait devoir aux Chanteurs de Saint-Gervais dont la « Tribune » nous sert d'enseigne, le couronnement de l'action paroissiale, dans la capitale. Mais le groupe ne chante plus qu'à Noël et à Pâques. On l'entendait naguère six fois par an. Il lui manque une aide matérielle, un patronage, une amitié puissante et pratique auprès du public. On dira que du temps de Bordes il avait plus de prestige. Soit. Bordes avait une élite jeune qui s'est usée depuis. Celle qu'a maintenue L. Saint-Requier et qui persiste avec P. Le Flem mène une dure existence. Au lieu d'un privilège reconnu par des subventions, les Chanteurs de Saint-Gervais ont le droit commun des troupes mercenaires dont les membres, collectivement intéressés à la recette, doivent, en outre, chacun pour soi, quê- ter ailleurs les cachets qui les font vivre. Ce n'est pas gai. C'est l'effet des institutions
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libérales qui tuent les corporations et démunissent l'homme. C'est l'effet de l'inatten- tion des têtes qui dirigent, de l'absence de culture, de mécénat éclairé, d'aristocratie. Une initiative métropolitaine fait défaut. M. le Curé de Saint-Gervais, si vaillant, ne peut pas tout faire. Il ouvre son église à des habitués qu'on prévient par voie d'affiches. La compagnie, si elle couvre ses frais avec le produit des places réservées et des quêtes, n'a pas le moyen de renouveler son matériel, encore moins celui d'enrichir son répertoire. Les œuvres qu'on a trop entendues perdent de leur intérêt. D'autre part, le stimulant de la nouveauté manque aux chanteurs, dans le même temps que l'Etranger envoie ses corps d'élite donner l'exécution modèle transcendante, de pages que nous ignorons. Les Chan- teurs de Saint-Gervais souffrent de cette concurrence. Ils en souffrent matériellement et moralement. Ils sont comme la « Vieille garde » qui se replie sur elle-même : la manœuvre est encore splendide, la cohésion du tir s'applique aux voix dont la nappe est toujours puissante; mâle était le Popule meus comme Y O vos omnes de Victoria entendus le Ven- dredi-Saint et nous n'insistons pas sur d'autres belles choses ; un jeu plus ardent et plus souple serait possible mais avec des voix neuves; le pupitre des altos est faible; quelques ténors peinent à l'aigu et font baisser le chœur ; P. Le Flem corrige beaucoup de choses, son adresse vaut son tempérament jeune, il a la confiance; c'est à lui à mener le train des idées et de l'interprétation dynamique dont tous les grands chefs étrangers donnent l'exemple. Qu'il s'agisse d'exécution chorale, de polyphonie, de théâtre et maintenant d'orchestre, nous sommes distancés, presque éclipsés par le reste du monde. Ce n'est qu'un cri. La répercussion du fait et du cri fera le vide autour de nos œuvres, celles d'église comme les autres, si nous en restons aux moyennes qualifiées « mesure » dont nous avons pris l'habitude. On a parlé d' « outrance » à propos du jeu dégagé des Ro- mains que fait chanter M£r Casimiri. Ils ont retrouvé le Rythme, c'est bien quelque chose. C'est par là qu'on force l'admiration et l'attention. Chacun est frappé de 1' « outrance de la modération » qui sévit en France. Elle ne cache pas du tout l'atonie, le manque de finesse musicale qui fait faire la moue aux connaisseurs. Nous sommes trop à la lettre et à la mesure précisément des partitions sous lesquelles il y a autre chose à lire. Gare à la fausse « mesure »! — à la mesure « topo » comme à la mesure que marquent les barres. Et puis, qui a dit qu' « une certaine outrance convient à l'art » ? Quelqu'un sans doute qui sait que l'expression, pour être totale, veut ses paroxysmes.
Revenons aux « Saint-Gervais ». Ayant la tradition ils ont naturellement la clé du grand style. Leur orgue vocal parle souvent très bien. En donnant l'impression de mon- ter encore, de ne le céder ni à Rome en intensité ni à Malines en onction et plénitude, ils ramèneront le goût de ne rien voir au-dessus d'eux, ce qui est le bon moyen de forcer l'attention de ceux qui peuvent et doivent les aider soit par un haut patronage, soit pécu- niairement. Il est temps que les Chanteurs de Saint-Gervais chantent plus souvent, impo- sent moralement leur concours, distancent et éliminent partout certains médiocres — au lieu de faire figure d'une institution délaissée et qui s'abandonne.
A. Trotrot-Dériot.
P. S. Laissant pour aujourd'hui Y Action paroissiale en province, nous donnons seu- lement plus loin quelques notes reçues de nos correspondants.
Ce mouvement liturgique et musical 55
Quelques Auditions a l'Eglise TOBIE, d'Albert Alain. — Tobie, le bel oratorio biblique d'Albert Alain fait son chemin. On l'a entendu à la Madeleine le l4 décembre. Comme à la cathédrale Saint-Louis de Versailles, avec les mêmes éléments (« Guilde Sainte-Marie » renforcée par des voix d'hommes pour les ensembles) et les mêmes distingués solistes : Mme Gri- veaux-Bittard, MM. Delort, R. Gilles, A. Sabatier, M. l'abbé Huet conduisit l'exécution. L'auteur tenait l'orgue d'accompagnement. Le R. P. Padé fut l'orateur. Au grand orgue le maître Dallier joua Electa ut sol(n° 5 de ses Invocations), plus tard une Improvisation, à la fin Toccata et Fugue en ré mineur de Bach.
Tobie a de grandes qualités et quelques défauts. Ses récitatifs continuent à paraître monotones. Quelques coins d'orchestre manquent de substance . Le procédé ne se fait pas oublier toujours. Mais ailleurs la couleur l'emporte ainsi qu'un lyrisme original traduit par de beaux airs (Tobie, Sara), des chœurs très bibliques (Scène des Noces), des ensembles à la Hsendel et surtout ces chorals dont l'élan catholique fait oublier Luther et l'antique forme.
Du Salut qui suivit :
0 sacrum convivium (Alain); Ave Maria (Victoria); Tu es Petrus à 2 v. (Ant. gré- gorienne) ; Tantum ergo (Alain) ; Laudate Dominum in sanctis e/us (Alain),
nous avons retenu l'arrangement de Victoria à 3 voix de femmes : transposé à la quarte en la, X Ave Maria sonne vert-vif, sans mystère ; et, dans ce jeu de tête (comme effet ) l'allure rapide du Sancta Maria a achevé de le compromettre ; il aurait fallu entendre Casimiri et ses « Romains » !
A la Madeleine. — Sous la présidence de Son Éminence, un Salut solennel précédé d'une audition de motets et de pièces d'orgue a été donné le 25 février au profit de la caisse de secours de l'Union des Maîtres de chapelle et Organistes.
A son orgue de 56 jeux et à 4 claviers, le maître Dallier impose les qualités qui ont fait sa réputation de virtuose et d'improvisateur ; il joua :
1 Grande Fugue en mi mineur (Bach) ; 2. Fantaisie en ut (Franck) ; 3. O clemens, o pia (Dallier); 4. Versets improvisés pour le Magnificat; 5. Improvisation sur le thème du Final du Concerto en ré de Haendel. %\
Auprès de lui M. Jacob présenta deux pièces de sa composition : a) Andante de la Symphonie ; b) Scherzo ; la fantaisie en est délicate et agréable.
On ne peut que louer la plénitude du groupe des Chanteurs de la Sainte-Chapelle avec lequel M. l'abbé Delépine obtient naturellement de beaux effets. On entendit l'un des plus beaux motets de Lassus, Nos qui sumus in hoc mundo ; le Psaume « Miserere» de La Lande, malheureusement incomplet : un chœur de M. Noyon, robuste comme tous ceux qu'il écrit : Gloire à l'Éternel; enfin, pour le Salut, les morceaux suivants :
1. Ave verum {Chérion); 2. Magnificat (Vivet) ; 3. Tu es Petrus (P. Kunc) ; 4. Tan- tum ergo(D. V. Fumet); 5. Psaume 99 : « Peuples de toute la terre » (M. de Ranse).
Beaucoup de grands accords bien mesurés et plaqués en faveur des voix, que cette simplification rend maîtresses de l'effet matériel. On songe ici au Magnificat sonore mais sans pensée, de M. Vivet; ni le rythme, ni les figures n'y ont de relief; il est au faux- bourdon Renaissance ce qu'est aux châteaux de la Loire l'hôtel Lutetia du boulevard Raspail. Ce qui pouvait avoir du style nous a paru être chez M. Fumet qui écrit toujours
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en musicien de la bonne école. Dans Peuples de toute la terre (Psaume XCIX), Marc de Ranse a voulu prendre visage de « Primitif » ; sa facture personnelle sauve le jeu de ses robustes accords un peu sommaires et tout en angles, alternés avec un cantique polyphoné dans le goût de Franck ; les traits sont trop simplifiés ou naïvement décadents; un art primesautier peut s'écarter sans trop de dommage des données et perspectives classiques — celui d'Honegger ; ici l'effet massif ou berceur privé du riche support d'un thème, ne les compense pas ; l'idée est trop courte et le lyrisme, que bride la forme, manque de dégagement. Pensée mélodiquement et avec suite, sans tant de saillants ni de mot à mot, la page aurait eu plus de force. Le secret de la force est dans Mauduit, Hsendel et le Beethoven de la « Neuvième ». L'auteur du Psaume 99 y a pensé; sa mémoire mélodique et harmonique, son lyrisme un peu verbal l'ont fait s'exprimer tout autrement. Et voilà posé un cas de conscience musicale au sujet duquel un volume pour- rait s'écrire... Il faudrait traiter : style et procédé, ou classicisme de la forme et de l'expres- sion. Le progrès est un mythe dès que le passé classique s'atténue ou s'efface. Dans Peuples de toute la terre quelque chose à notre avis, est perdu ; mais l'élan généreux qui s'y trouve avec les deux faces : masculine et féminine du chant, confère à la pièce un intérêt qui s'ajoute à celui de la formule assez neuve dont Marc de Ranse garde le pri- vilège.
LES CONCERTS
D'abord deux mots sur un des événements de la saison : l'inauguration de la grande Salle Pleyel. A la sortie des premiers concerts qu'on y a donnés, il était très amusant d'écouter les réflexions : Gomment trouvez-vous la Salle ? — Horrible — Extraordinaire — On y est bien assis — On se croirait dans le tombeau de Tout-An-Khamon — On y entend trop (de fait, l'auditeur placé au fond de la salle, à près de cinquante mètres du piano, a l'impression qu'il pourrait, avec un peu d'attention, percevoir pendant un silence le tic-tac de la montre battant dans le gousset de l'artiste), etc., etc. Pour reprendre un mot illustre : de quoi s'agit-il ? D'une salle de concerts. Qu'exige-t-on d'une salle de concerts? De bien entendre, et d'être confortablement installé. Ces deux conditions sont réunies ici : on peut même dire que l'audition a quelque chose de miraculeux : on entend également bien à toutes les places. Que faut-il de plus ?... Ici l'interlocuteur fait généra- lement les réserves relatives à l'étrangeté des formes, à l'inclinaison des murs, aux sin- gularités de cet immense vaisseau, à sa décoration...
Examinons la question à la lumière des principes. On a fait valoir que la beauté du Parthénon, et celle de la cathédrale gothique proviennent notamment de ce que l'archi- tecture traduit très exactement les nécessités constructives. Or la salle Pleyel n'est autre chose que la mise en matériaux modernes des équations définissant la surface optima à admettre pour la meilleure résonnance. De ce côté, aucun reproche sérieux. D'autre part, il est évident que beaucoup de gens sont choqués par la nouveauté des formes em- ployées ; ici, comme en musique, comme en peinture, il s'agit de ne pas se laisser domi- ner par la routine. La salle Pleyel ne ressemble à aucune autre ; d'accord. Mais où est la
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salle type, la Salle par excellence? On a l'habitude de salles rectangulaires; cela ne veut pourtant pas dire que jusqu'à la fin des temps, on ne bâtira que des salles rectan- gulaires ; toutefois au premier essai tenté dans une voie différente, on est tout désorienté. Ecoutons ici l'avis des spécialistes : les architectes moins réfractaires que le commun à l'évolution des formes, trouvent que le « parti » adopté est digne d'attention. Est-ce là un modèle définitif auquel on finira par s'habituer, ou s'agit-il d'un stade intermé- diaire dans la lente évolution des styles d'architecture, auxquels il faut parfois des siècles pour arriver au chef-d'œuvre ? Nul ne peut le dire maintenant. Et le même point d'inter- rogation se pose ici pour l'œuvre musicale nouvelle...
En ce qui concerne la musique, on en a fait plus que jamais : le premier trimestre représente le chiffre accablant de 900 concerts... sans compter tout ce qui se joue dans les églises. Glanons au hasard :
D'une manière générale les grandes sociétés orchestrales ont des programmes de tout repos, comprenant les œuvres classiques ou modernes consacrées ; de temps en temps une « première audition » vient apporter un élément de nouveauté. Cependant les Concerts Poulet, et surtout les Concerts Straram font spécialement le tour d'horizon de l'art contemporain. Chez ce dernier, on a applaudi, entre autres, le beau Psaume XLV1 de FI. Schmitt ; il semble toutefois que dans le vaste espace de la salle Pleyel, la magni- fique phalange instrumentale n'a pas gardé la cohésion et le fini qui caractérisaient les exécutions de la Salle Gaveau.
La Schola poursuit la série de ses instructives séances sous l'infatigable direction de V. d'Indy : fragments d'Hippolyte et Aricie, de Rameau; du Couronnement de Poppée, de Monteverde ; la Cantate pour tous les temps, de Bach ; la Paraphrase du LXXXIVe Psaume, d'A. de Castillon ; Rédemption, de Franck. Soit dit en passant, au milieu de ces chefs-d'œuvre, l'opéra du Maître français faisait une fière figure ; il est regrettable qu'on ne joue pas davantage le maître dijonnais ; car plus on le connaît, plus on l'admire.
Le monopole des premières auditions est tenu par la vieille Société Nationale, et par sa sœur cadette, la Société de Musique Indépendante. Comme dans des laboratoires bien outillés, où se font toutes sortes de recherches inoffensives ou dangereuses, dans ces séances de groupements d'avant-garde, on se familiarise avec la manipulation des nou- veaux composés sonores, quelque peu explosifs parfois — ce qui ne va pas, dans certains cas, sans déchirer les oreilles. Avec un peu d'entraînement on finit par se blinder — et c'est extraordinaire ce que l'on arrive à pouvoir supporter sans sourciller! Telle est la puissance de l'habitude. Nos arrière-neveux en entendront bien d'autres...
La musique ancienne est plus que jamais en honneur — c'est d'ailleurs un des traits de la vie musicale parisienne; les Musiciens de la Vieille France, la Société de Musique d'autrefois, la Société Violes et Clavecin élaborent à l'envi des programmes où on ne se contente pas des œuvres des xvne et xvme siècles, mais où on recherche avidement les pièces instrumentales et vocales du moyen âge. Bientôt les xme, xive, xve siècles nous deviendront familiers. Ajoutons que ce n'est pas un mince attrait que celui d'étendre ainsi ses horizons, de se pénétrer des sonorités d'instruments tombés en désuétude, et de trouver des rapports inattendus entre les pièces les plus distantes dans le temps. La So- ciété de Musicologie a donné, elle aussi, d'intéressantes démonstrations, entre autres la
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cantate Diane et Actéon de M. -A. Charpentier, d'une surprenante finesse. Enfin n'ou- blions pas la Chanterie de la Renaissance, qui, sous la direction vivante d'Henri Expert, divulgue les trésors de la Renaissance française, encore si peu connus qu'à chaque séance ce sont des découvertes et des révélations nouvelles.
Parmi les pianistes signalons comme modèles les programmes de B. Webster : — Partita en ut, de Bach ; Sonate en sol, de Schumann; Gaspard de la Nuit, de Ravel; la Barcarolle, de Chopin ; Islamey, de Balakirew ; — et de R. Casadesus : — Sonate en si bémol, de Chopin ; Papillons, de Schumann ; Saint- François de Paule, Feux-Fol- lets, de Liszt; Prélude, de Roussel ; Alborada del Gracioso, de Ravel. On a un véritable plaisir à entendre un tel choix d'œuvres de premier ordre, — surtout quand la perfec- tion de l'exécution répond en tout point à l'excellence du programme.
Pour terminer — car la place est mesurée, et il faut se déclarer pluribus impar ! — citons un cas très singulier . la Messe en si de Bach a été donnée récemment à Notre- Dame par les Concerts Colonne. On s'étonne qu'on en ait annoncé « l'audition inté- grale » ; car personne n'ignore aujourd'hui les dimensions exceptionnelles des morceaux de cette œuvre, destinés à être joués isolément, à des jours liturgiques déterminés. Pour exécuter le tout, il faut plus de deux heures et demie. Or, d'une part, les exigences du service canonial à Notre-Dame, ne laissent disponible que le court espace de dix heures à midi ; de l'autre, on a encore allongé cette manifestation artistique en l'adjoignant (pour la première fois, sauf erreur), à la célébration de la messe chantée. Pour ne pas termi- ner à une heure indue, on a été obligé de supprimer un grand nombre de morceaux, ce qui a porté atteinte à Y « intégralité » annoncée. Il est vrai que les fonctions liturgiques de grande envergure, permettant l'insertion d'une œuvre aussi étendue, sont très rares ; de toutes manières, il est désirable que la liturgie, l'art, et les exigences matérielles ne se fassent pas de mutuels dommages.
E. Borrel.
Addendum : Notre collaborateur omet précisément de se ranger parmi les protago- nistes de la musique ancienne : non seulement ses programmes forment une vraie antho- logie des œuvres des xvue et xvme siècles, mais sa connaissance de tous les secrets de la technique ancienne lui permet d'en donner des exécutions d'une rare valeur. La der- nière séance présentait un admirable Concerto de Tartini, des duos exquis pour deux violons seuls (joués avec M. Fizet), des pièces inconnues de Leclair, Quentin, Gian- notti; elle célébrait notamment les centenaires de Lolli (1728-1802), de Pugnani (1728- 179^) — et dans la partie vocale, de Steffani (-f- 1728) dont une magnifique cantate fut excellemment interprétée par le « Duo vocal de Londres » (Mlles Beaufort, soprano, et Christopher, contralto). Ces remarquables chanteuses révélèrent une quantité de pièces anglaises de Purcell, Dowland, Morley, où elles montrèrent des qualités de diction et de style vivement appréciées des auditeurs. Ajoutons que la délicate besogne du continuo a été réalisée à la perfection par MII1RS Borrel et Swainson.
CONCERTS D'ORGUE. — La pléiade des jeunes organistes compte un virtuose de plus : André FLEURY, brillant élève de M. Dupré et de L. Vierne. Pour son début
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devant le grand public, chez Gaveau, André Fleury montra l'accord de ses dons et d'une technique complète, sans paraître gêné par les accidents chroniques d'un instru- ment qu'on néglige et qui fait scandale. Ce qu'il joua était varié :
1. Prélude et Fugue en sol majeur (J.-S. Bach); 2. Trois chorals : a) Ardemment j'aspire ; b) Réveillez-vous, la voix... ; c) Maintenant réjouissez-vous (Bach) ; 3. Fan- taisie en la (Franck); 4. Toccata (Gigout) ; 5. Adagio (Tournemire) ; 6. Prélude et Fugue en sol mineur (Dupré) ; 7. Communion sur un 7Voë/(Huré); 8. Intermezzo de la Ie Symphonie (Widor); 9. Andante (Letocart); 10. Sicilienne (L. Vierne); 11. Final de la 5e Symphonie (L. Vierne).
L'artiste est ardent sous une apparence calme ; il unit le cœur à la délicatesse dans les chorals remplis de traits légers et se montra aussi fin dans les autres pièces douces du programme. Bach et Franck bénéficièrent de son jeu clair. Sa netteté et son brio, lui valurent un triomphe après l'exécution de l'originale composition de M. Dupré, qu'il dut bisser. Et il se montra virtuose accompli dans les pièces de Vierne et de Gigout. Nous retrouverons André Fleury; une séance des « Amis de l'Orgue » donnée avec son con- cours en sera l'occasion.
— Paul MARCILLY a donné un récital d'orgue à la Schola Cantorum avec un pro- gramme portant la marque de son goût raffiné ; il exécuta superbement :
1. a) Dialogue en la-mi (N . de Grigny) ; b) Récit de tierce en taille (idem); c) Fugue en ut (Buxtehude) ; 3. Prélude et Fugue en mi mineur (Bach) ; 4. a) Noël en musette avec variations (Daquin); b) Récit de nazard (Dandrieu) ; c) Duo en cors de chasse (idem); d) Esquisse en ut mineur (Schumann); 5. Prélude, Fugue et Variation (Franck); 7. Toccata en fa majeur (Bach).
Une registration soignée, des combinaisons longuement étudiées servirent l'art des vieux maîtres qui valut aussi par ce que P. Marcilly communiqua de vie intelligente par exemple à la Fugue en ut de Buxtehude, éclairée et graduée supérieurement et surtout au Prélude en mi mineur de Bach, où le phrasé et le rubato ne cédèrent rien au prin- cipe du style uni à notes égales sans divisions inventé contre l'éloquence...
Difficile à l'orgue est X Esquisse écrite pour piano à pédalier par Schumann ; elle fut bissée. Des oppositions que trouva la pièce de Franck, du brio apporté à la Toccata en fa de Bach, l'auditoire se montra charmé. P. Marcilly mit en outre beaucoup d'esprit à traduire, avec des jeux bien appropriés, les autres pièces de D'Aquin et Dandrieu.
Deux Sonates pour violon et piano complétaient le programme : l'une, de Blanche Lucas remplie d'idées, d'élans généreux, de sentiment poétique à divers titres mais trop privée de ligne et de consistance pour une sonate; l'autre de P. Marcilly, où revivent les formes classiques du style, du goût et de l'expression propres à la musique pure, ordonnée non pour un poème sentimental ou un paysage mais dans le cadre où l'esprit sympho- nique anime des généralités qui peuvent admettre la fantaisie et s'accorder aux modes nouveaux du rythme et de l'accent. On doit toujours à quelqu'un. C'est Bach, Beethoven et Schumann dont les influences grandissent P. Marcilly et percent dans sa sonate : X allegro est puissamment construit et développé ; à X adagio très ample s'enchaîne un scherzo schumannien d'un grand prix; dans le finale « piacevole » fusent, en s'imitant, le piano et le violon ; leur caprice est bien un poème ; mais l'esprit de la musique, maître
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des épisodes, les règle, les discipline, les coordonne et le contraire du romantisme se trouve réalisé pleinement.
L'exécution des deux œuvres fut impeccable grâce à l'archet sobre et fort de Mlle Hortense de Sampigny, très soucieuse de justesse, et au talent de pianiste que P. Marcilly ne pouvait révéler à ceux qui le suivent et l'admirent, comme nous, depuis longtemps.
SCHOLA CANTORUM. — Chez Gaveau la Schola Cantorum adonné en février ses 176e et 177e concerts. Au programme : Hippolyte et Aricie (acte IV, scène III) de Rameau, Le Couronnement de Poppée (mort de Sénèque) de Monteverde et la Cantate pour tous les temps de Bach. Le maître Vincent d'Indy dirigeait l'exécution. Rameau a plu : chœur des chasseurs bien enlevé, une Phèdre émouvante (Mme Lorée-Mourrey), un Hippolyte au beau timbre (M. Jouanneau), un soprano plein d'allant (Mlle Rogué). L'air du Cou- ronnement semble rééditer celui d'Orfeo, dont il a le mouvement admirable; il conve- nait à la basse sérieuse de M. Gébelin. Joints à Mme Legrand- Philip les mêmes solistes se firent apprécier dans la Cantate, moins pourtant que les chœurs où brille le pupitre des sopranos, et que l'orchestre dont les cordes firent merveille en rythmant la détresse de l'âme perdue sur « l'affreuse mer »... Citons encore M. Mondain (hautbois), M. Chaîne (trompette), Ach. Philip (grand orgue), J. Marseillac (clavecin).
SOCIÉTÉ BACH. — Pour ses deux premiers concerts à l'Église de l'Etoile, la Société Bach a repris la Passion selon Saint-Mathieu, donnée intégralement. Avec à peine cent exécutants y compris l'orgue, G. Bret assure à l'œuvre ses proportions. Dans ce cadre intime, l'intensité et le style dispensent de chercher le grandiose. Tout est au point. G. Bret fait un sort presque à chaque note. Les oppositions et les nuances sont splen- dides, parfois trop étudiées : la tension du style peut nuire au rythme. Alourdi, trop décomposé, nous paraît toujours le giand chœur en mi initial. Le final au contraire res- pire bien après un départ foudroyant ; c'est Amsterdam moins « im Grabe zu » et sa lame de fond! Que dire des chorals? Leur plastique n'a d'égale que la variété du ton et du mouvement imposée par le texte comme par la musique où l'on voit que Bach sut choisir ses timbres et aussi ses tonalités. G. Bret y met la même dynamie qu'ailleurs mais en tout respect de la démarche propre au genre : des pas d'accords souples, non liés, presque détachés, pour accuser l'unité de valeur : la syllabe.
Inutile de souligner l'esprit des autres interventions du chœur : la fureur, l'ironie, l'apitoiement y donnaient la mesure du réalisme que Bach recule seulement, en l'asso- ciant au large horizon du style.
En tête des interprètes se place M. Weynandt, le meilleur Evangéliste depuis Walter, de Berlin. Mmes Stooss et Lamond (pour la lre partie), Malnory et Debonte (pour la 2°) furent remarquables. M. Dufranne cumulait les rôles : Jésus au moins ne lui convient pas. Les chœurs furent merveilleux surtout les hommes, vu leur petit nombre. M. Alex. Cellier à son orgue, forme une des assises de l'exécution ; il avait joué au début Prélude et Fugue en ut mineur, très bien.
A. Trotrot-Dériot.
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LES AMIS DES CATHÉDRALES. — Le 8 février, M™ Jane Arger fit aux A. D.C. une causerie sur « Les Chanteurs dans l'Église du Moyen Age et de la Renaissance». Elle parla de ces temps... barbares, paraît-il,... « où il était aussi honteux de ne savoir point chanter que de ne savoir lire », où la musique était un des éléments essentiels des études, et non reléguée au rang des « arts d'agrément », où les chanteurs devaient savoir improviser à vue une partie de déchant ou de contrepoint sur un thème donné, et où enfin les compositeurs étaient des chanteurs : Ockeghem, Roland de Lassus furent renom- més pour la beauté de leur voix.
Cette causerie fut illustrée d'exemples musicaux exécutés parles chœurs des A. D.C. dirigés par leur excellent chef M. Letocart.
Des solistes : Mlles Chardon, Rozan, Masson, Mme Le Roux, prouvèrent que le chant grégorien est de la musique qui doit être chantée (et non murmurée), et que des pièces telles que le Commovisti (trait ambrosien) ou le Répons de sainte Hildegarde ont été écrites pour des chanteurs virtuoses.
Mlle Masson chanta en outre la délicieuse » Chanson de May à la Vierge » du roi saint Louis, que nous publions dans le présent numéro.
Les chœurs, après quelques exemples d'organum et de déchant (dont le « Conduc- tus ad tabulam », dit Prose de l'âne, de Pierre de Corbeil) firent entendre le Kyrie de la Messe « Se la face ay pale » de Du Fay, et un Sanctus d'OcKEGHEM, dont l'archaïsme nous apparaît maintenant comme singulièrement moderne.
Une impressionnante exécution d'une des plus émouvantes œuvres du début de la Renaissance :YAve Mari a de Josquin des Prés, nous conduisit par Willaert, et Roland de Lassus, jusqu'à l'Espagne de Victoria et l'Italie de Palestrina (élève du Français Fir- min Lebel). Le Benedictus et Ozanna de la « Messe brève » parut quelque peu acadé- mique auprès d' O magnum mysterium de Victoria, et surtout de Y Ave Maria de Josquin.
Mme Arger est l'auteur d'ouvrages qui font autorité sur la technique vocale, le rythme et les ornements dans la musique des xvneet xvme siècles, etc.
Dans sa causerie elle a paré de grâce et de charme une érudition solide et étendue, et a montré comment chantaient nos ancêtres : ils ne comprenaient pas qu'un chanteur fût ignorant de la musique, ou qu'un compositeur ne sût point chanter, et les rois eux- mêmes (Robert le Pieux, saint Louis...) chantaient l'office, dirigeaient leurs chanteurs, et étaient capables de composer des chants liturgiques ou des chansons pieuses.
Le 1er mars, les A. D. C. ont donné leur Concert annuel salle Gaveau, au profit des vitraux de la Collégiale de Saint-Quentin, sous la Présidence d'honneur de S. A. R. Mme la duchesse de Vendôme.
Les chœurs et l'orchestre, dirigés par M. Letocart, ont exécuté le Beati omnes de Michel de La Lande (surintendant de la Musique du Roi Louis XIV). Ce Psaume est composé dans la forme des « grands motets » des Du Mont, Lully, M.-A. Charpentier, fort injustement délaissés de nos jours. Ceux de La Lande étaient pourtant admirés encore aux Concerts spirituels, en 1752, et Daquin les trouvait « sublimes ». « Ils le sont en effet (ainsi que l'écrit Mme Jane Arger), par les éléments nouveaux qu'ils apportent à l'art musical de la fin du xvne siècle. Ainsi que nous voyons plus tard H^endel le prati- quer, La Lande fait dialoguer une voix de soliste et un instrument en des contrepoints
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fleuris dignes des déchants du moyen âge. Ses récits expressifs sont soutenus par des harmonies fermes qui dénotent une science solide. Les chœurs sont traités dans des so- norités amples ou avec des broderies élégamment mesurées qui certes devaient plaire au roi épris du style noble mais pompeux que décèle tout art de cette époque. »
Il fut ensuite du plus haut intérêt d'entendre le Judas Macchabée de H^endel, pour la comparaison qu'appelait le rapprochement avec le Psaume de La Lande. Il est bien évident que le grand compositeur du xvme n'ignorait pas notre école française du siècle antérieur, et qu'il connaissait particulièrement bien La Lande, dont la réputation s'était étendue sur toute l'Europe, et « notamment en Allemagne où ses œuvres tinrent une large place ». (J. A.).
M. Letocart dirigea avec la maîtrise et la perfection que ses qualités de musicien doublé d'un érudit lui permettent d'obtenir, en interprétant la musique de cette époque à la fois dans la lettre et dans l'esprit. Les chœurs furent à la hauteur de leur réputation. Les solistes, aussi bons chanteurs que bons musiciens, exécutèrent avec aisance les pages les plus difficiles : Mme Jean Droit surpassant dans ses vocalises les flûtes (ou les rossi- gnols), M. de la Patellière dialoguant avec les « trompettes éclatantes », sans oublier Mme Le Roux, MM. Jean Hazart et de Saint-Martin qui interprétèrent dans le meilleur style les soli de contralto, baryto i et basse.
Il est regrettable que la Maison Gaveau, qui pourtant est riche et prospère, néglige d'entretenir comme il conviendrait l'orgue de sa salle de Concerts. Il faut donc louer doublement Marcel Dupré, dont le dévouement égale le grand talent, de ne s'être pas laissé rebuter par les défauts d'un instrument qui ne manque pas de ressources, mais souffre uniquement d'un manque d'entretien ; il en a tiré un merveilleux parti en faisant entendre la célèbre Triple fugue en mi \? de Bach, et la Pièce héroïque de Franck, mais surtout en improvisant un Scherzo tout de verve, de fantaisie et de virtuosité sur un thème donné par M. Planchet (Maître de chapelle de la Trinité). Rappelé, il joua en bis, une pièce de Clérambault.
Les A. D. C. continuèrent leurs réunions avec, le 24 mars, une conférence du sculpteur Bourdelle, sur N.-D. de Paris (au Trocadéro) ; le 6 mai, une réunion à Bourges (avec une grande manifestation musicale en collaboration avec la Maîtrise), et le 12 juin, une réunion à Reims.
J. Deroux.
LYON. — Le 29 janvier, récital d'orgue de Marcel Dupré dans l'église Saint-Nizier justement chère aux Lyonnais à tant de titres : cathédrale primitive dédiée aux Saints Apôtres avant d'être placée sous le vocable d'un archevêque de la ville; premier champ d'action de saint Pothin qui y fut inhumé. L'édifice est un beau spécimen de gothique flamboyant ; son portail central est dû à l'architecte lyonnais de la Renaissance : Phili- bert Delorme.
Voici le programme musical qui y fut exécuté sous le double titre de Récital d'orgue et concert spirituel :
i. Prélude et Fugue en mi mineur (J.-S. Bach); 2. Deux Chorals', a) Ardemment j'aspire à une fin heureuse ; b) Réjouissez-vous, chrétiens (J.-S. Bach) ; 3. Qua-
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tuor op. 121 : Andante (G. Fauré) ; 4. Concerto en sol mineur : Adagio et Final (Haen- del) ; 5. Cortège et Litanie (Marcel Dupré); 6. Symphonie-Passion (Marcel Dupré); 7. Improvisation sur un thème liturgique donné ; 8. Quatuor en ré (César Franck). Sor- tie : Toccata (Ch.-M. Widor).
A première lecture, nous craignons un manque d'homogénéité, et supposons assez facilement qu'on aura cru devoir sacrifier à un public dont l'éducation liturgique est inexistante, ce qui le prépare mal à goûter une manifestation exclusive d'art sacré.
L'exécution confirme notre pensée. Dès le début du quatuor, on a tout à fait l'im- pression d'un manque d'équilibre dans la présentation, et le sentiment d'un antagonisme. Qui va l'emporter ? Après le Prélude et Fugue et les deux Chorals de Bach, le timbre séduisant des cordes, mis au service de pièces d'un incontestable intérêt, va-t-il éclipser l'austère et religieuse beauté que représente l'œuvre de l'immortel Cantor ? Il est regret table assurément, pour les artistes si justement renommés du Quatuor Crinière, d'avoir été placés en dehors de leur cadre, une acoustique défavorable pour eux s'y ajoutant : les sonorités trop diluées à travers les nefs nous apportent le détail de quelque caressante inflexion, sans que l'oreille puisse aboutir à établir la charpente de l'ensemble. Le même malaise se poursuit pendant le concerto d'Haendel où, toujours grâce aux mêmes dés- avantages, la cohésion ne parvient pas à s'établir.
L'orgue reprend ses droits avec Cortège et Litanie, et ses droits sont alors un triomphe qui le révèle une fois de plus comme l'instrument-roi, en parfaite harmonie avec l'édifice dont il est le vivant et majestueux langage; et combien plus il s'affirme sous la puissante personnalité d'un maître incomparable qui semble le plier à l'expression de son génie !
C'est un immense horizon qu'ouvre à l'âme la magistrale tétralogie de la Sympho- nie-Passion : trouble angoissé de l'attente ; — charme de la nuit bénie où, dans le souffle atténué de la brise s'élève peu à peu le chant de la berceuse, puis les pipeaux des ber-^ gers ; le thème de VAdeste se dégage graduellement et se répercute au milieu du bruis- sement de la marche silencieuse qui va se rapprochant dans le calme de la nuit. La mon- tée du Calvaire évoque non seulement la souffrance cruelle et l'amertume de l'Homme des douleurs, mais l'immensité saisissante de l'œuvre divine et rédemptrice ; et, par suite, plus impressionnant encore est le silence lourd d'angoisse qui semble traduire l'horreur éprouvée par la nature elle-même devant le déicide consommé par la malice humaine;
— tandis que, lentement, s'élève la plainte des Saintes Femmes pour s'exhaler dans le chant du Stabat Mater. Peut-être eût-on aimé que la conclusion grandiose nous apportât quelques-uns de ces thèmes de la liturgie pascale où s'exprime avec un sentiment si juste la mystique de la résurrection. L'écriture moderne prête à cette œuvre ses puissants moyens d'expression, les trouvailles neuves et originales de son harmonisation, sans heurts toutefois et sans bizarreries; et le solide équilibre de l'ensemble évoque la men- talité d'un Bach évoluant jusqu'au xxe siècle.
Est-ce l'imposante impression de cette magistrale symphonie qui fit relativement pâlir l'improvisation qui suivit ? Elle développa le thème de Y Ave maris Stella liturgique,
— visiblement étranger au public, à la majorité duquel la version de l' « air » de Lourdes, aux accents à rebours, est assurément plus familière !
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Nous eussions préféré un autre final que la Toccata de Widor dont on a quelque peu abusé déjà, et qui peut-être aussi fut nécessitée par les exigences de l'étiquette à succès. Est-il téméraire d'insinuer que nous eûmes l'impression de sentir la même pen- sée dans l'exécution du Maître? Il n'en laissa pas moins son auditoire transporté par l'éloquence de son génial talent.
V. Belgodère.
LA MUSIQUE FRANÇAISE SACRÉE DANS LE DIOCÈSE DE METZ
Metz a toujours tenu une place prépondérante dans l'histoire de la Musique sacrée. Qui ne connaît, en effet cette célèbre « École messine », fondée au vnie siècle par le grand évêque saint Chrodegang, et qui faisait loi dans le vaste empire carolingien ? Et, lorsqu'à travers les siècles, la décadence musicale étendit ses ravages sur tant d'autres régions, Metz, jusque vers la grande Révo- lution, resta fidèle à ses glorieuses traditions. Aussi se devait-elle de répondre, l'une des premières, à l'appel du grand pape Pie X.
C'est surtout à son évêque bénédictin, Mgr. Benzler, que revient le plus grand mérite de ce prompt mouvement de réforme. De suite après l'armistice, il fonda 1' « Œuvre de Saint-Chrodegang », destinée à cultiver la Musique sacrée selon les prescriptions du Motu proprio ; cette Œuvre, d'ailleurs, ne faisait que reprendre, en les amplifiant, les efforts tentés dans le diocèse, déjà bien avant la guerre, par 1' « Association de Sainte-Cécile ». Ce qui hâta beaucoup le succès de la tâche entreprise, ce fut, sans contredit, le grand Congrès litur- gique tenu à Metz à la Pentecôte 1922, pour tous les diocèses de l'est de la France.
La Tribune de Saint-Gervais t a publié un long rapport sur ces assises solennelles, présidées par S. E. le Nonce apostolique, qu'entouraient de nom- breux évêques et prélats. Afin de rendre féconde, dans le diocèse, la bonne semence jetée par tant d'illustres orateurs et d'éminents conférenciers, S. G. Monseigneur Pelt, dans un Mandement spécial, transmit à son clergé des avis pratiques et rédigea des règles très nettes au sujet delà Musique sacrée. Depuis lors, se basant sur ces prescriptions, le diocèse de Metz travaille avec autant de succès que d'ardeur.
L'autorité épiscopale fit avant tout, à chaque paroisse, une obligation de posséder un chœur de chant, qui devait « occuper un des premiers rangs dans la série des œuvres paroissiales ». Et pour arriver à cultiver plus facilement le chant liturgique, ces différentes chorales doivent s'affilier à 1' « Œuvre de Saint-Chrodegang ». Or, actuellement, il existe déjà plus de 150 maîtrises ou chorales affiliées. Pour venir en aide à ces différents chœurs de chant et surtout à leurs maîtres de chapelles, l'Œuvre organise de tempsen tempsune « Semaine d'études », mais plus souvent encore de simples cours grégoriens. De plus, on profite des dimanches de la belle saison, pour faire de nombreuses réunions
1. Année 1922, juillet-août, p. 181 et ss. (article de M. Gastoué.)
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régionales ou interparoissiales qui groupent, dans une localité déterminée, toutes les chorales d'une même région. Ces assemblées, auxquelles participent parfois jusqu'à trente chorales, prennent de ce fait l'allure de grandioses mani- festations : et c'est merveille d'entendre ces groupes d'hommes, d'enfants, de jeunes filles, rivaliser de zèle et de talent pour chanter telle composition clas- sique ou moderne, pour interpréter surtout ces pièces incomparables de l'iné- puisable trésor grégorien. Ces exécutions sont habituellement suivie d'une critique impartiale et de conseils judicieux.
Pour hâter la diffusion d'oeuvres musicales dignes de l'église, 1' « Œuvre de Saint-Chrodegang » se sert d'un moyen bien pratique. La plupart des cho- rales reculeraient devant l'achat répété et onéreux de nouvelles pièces de mu- sique. Aussi l'Œuvre a-t-elle créé un « Prêt-musique » qui s'augmente d'année en année et qui contient les meilleures compositions de l'Ecole classique, de l'École cécilienne et de la nouvelle École française. Toutes les chorales affiliées peuvent y puiser, et, moyennant une faible location, elles y trouvent, chacune suivant sa forces, messes, cantiques et motets. Pendant l'année 1927 seule, il a été ainsi expédié plus de 1.500 feuilles de musique.
De plus, le diocèse a adopté le Manuel grégorien du Chanoine Bargilliat, qui a eu le plus grand succès ; et pour favoriser le chant populaire, l'Evêché a publié un recueil officiel de cantiques français qui répondent aux Directives tracées par le Motu proprio et... « aux progrès réalisés à cet égard, en France, dans les dernières années * ».
Mais il importe surtout que les maîtres de chapelle soient tenus au courant des questions musicales, théoriques et pratiques, dont la connaissance leur est indispensable. C'est ce but que cherche à atteindre la « Revue Saint-Chro- degang », qui entre déjà dans sa dixième année et qui jouit, même hors du diocèse, d'une grande considération. Dans ces derniers temps, elle s'est attachée surtout à prémunir ses lecteurs contre l'envahissement d'une musique plus que médiocre ou déplacée à l'église, tout comme les idées «laïques «cherchent à nous envahir ; et elle a déclarée une guerre ouverte à tous les vieux clichés, qu'ils s'appellent « Noël » d'Adam, musique de Lambillotte ou solos de violon... En raison du caractère bilingue du diocèse, cette revue est éditée en français et en allemand. Elle offre, en outre, l'avantage d'un supplément musical, tiré à 1.000 exemplaires, qui renferme, pour les petites chorales, des pièces faciles et de bon goût.
L'Œuvre n'a pas négligé les organistes, ces collaborateurs indispensables des maîtres de chapelle. Jusqu'ici, grâce à Dieu, l'enseignement de l'orgue a encore été maintenu dans nos Écoles normales d'instituteurs. D'autre part, un cours d'orgue régulier a été organisé à Metz, pour la formation de nouveaux organistes.
Enfin, en 1921, 1' « Œuvre de Saint-Chrodegang » a fondé la Société des « Amis de la Liturgie ». Cette société, qui a comme présidents. G. Monseigneur
1. Paroles delà préface du recueil français.
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FÉvêque lui-même, donne une conférence mensuelle sur des sujets liturgiques variés.
Ajoutons, à la louange de la presse catholique messine, qu'elle n'est pas restée étrangère à l'apostolat musical dans le diocèse. Elle ne se contente pas de rendre compte fidèlement du travail qui se fait, mais ouvre largement ses colonnes aux questions liturgiques et musicales; et la « Vie liturgique » y trouve une aussi large place que la « Vie sportive » ou la « Vie agricole ». Les Bulle- tins paroissiaux eux-mêmes, ainsi que ceux de la «Ligue patriotique des Fran- çaises», suivent le même mouvement.
Aussi faut-il reconnaître que ces efforts communs et répétés ont obtenu, dans le diocèse, des résultats déjà fort appréciables : le chant grégorien surtout y est, de plus en plus, goûté et cultivé. Les cérémonies vraiment liturgiques y sont à l'honneur. Ne citons, par exemple, que la dernière fête de Noël à la cathédrale de Metz, où, devant une assistance considérable, l'office liturgique, présidé par S. G. Monseigneur l'Evêque, qui célébra pontificalementles messes de la nuit et du jour, fut intégralement chanté. Quanta la polyphonie, le pro- gramme des différentes fêtes de l'année, où l'on rencontre entr'autres bon nombre de pièces de la nouvelle Ecole française, prouve que le goût s'améliore de plus en plus. On peut en dire autant du bon cantique qui, peu à peu, se propage.
Certes, il reste encore de grands efforts à faire, bien des idées à redresser ou des abus à réprimer; mais les progrès, accomplis en ces dernières années, apportent l'assurance, qu'avec l'aide de Dieu, un travail constant, méthodique et persévérant, mènera à bien la tâche de réforme demandée par S. S. Pie X.
Dans le magnifique exposé que fit M. Gastoué à Metz, le 11 août 1920, sur 1' « École messine », le savant conférencier s'adressait à nous en ces termes * : « A vous de faire tressaillir, dans l'aurore d'une résurrection qu'ils attendent, les ossements de saint Chrodegang, du maître Théodore, ceux d'Amalaire, qui reposent, inconnus, au milieu de vous, et de rénover, après tant de siècles, la gloire de l'antique et valeureuse Ecole messine. » Ce court aperçu sur la Mu- sique sacrée dans notre diocèse montre que nous avons pris à cœur le désir du Maître et que nous essayons de le réaliser de notre mieux.
Abbé G. Villier,
Directeur de la Maîtrise de la cathédrale de Metz, Rédacteur de la « Revue de Saint-Chrodegang. »
PÉRIGUEUX. — Deux premiers Amis de la « Tribune de St-Gervais ». Ils sont morts tous deux et avec eux ont disparu deux artistes érudits, deux apôtres aux idées élevées, deux prêtres modèles dont l'un a formé des générations d'élèves.
M. le chanoine Eugène Chaminade s'est éteint doucement à Périgueux le
1. Revue de Saint-Chrodegang, année 1920, p. 119.
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17 octobre 1922. Il y était né le 15 octobre 1847. Toute sa vie (ou peu s'en faut) s'est écoulée à l'ombre des célèbres coupoles de Saint-Front.
Après quelques années de professorat au Petit Séminaire de Bergerac il dut, pour raisons de santé, prendre un poste curial dans le canton de Cadoin. C'est là qu'il eut l'occasion de s'initier aux remarquables manuscrits de l'abbaye voisine. Il les arracha à la destruction et au vandalisme. Il les traduisit sous la direction de Dom Pothier et il en publia une partie dans une brochure aujourd'hui à peu près introuvable : « Monographie des chants de l'abbaye de Cadoin », imprimée chez MM. Desclée.
Son Evêque; attentif aux travaux de l'abbé Chaminade, l'appela à la direc- tion de la Maîtrise de sa cathédrale. Le nouveau maître de chapelle apporta un grand zèle à la rénovation du répertoire musical. Il fut sévère : c'était néces- saire.
La maladie empêcha M. Chaminade de continuer son œuvre. Après six ans d'action, le cher « Chanoine » dû prendre une retraite qui était loin de l'oisiveté. Il écrivait sur la musique des articles très courageux, il publiait des livres, tels « la Musique sacrée telle que la veut l'Église », « 20 Motets français et étran- gers »1, « 36 Motets liturgiques », un « Manuel grégorien ». Il collectionnait les « Vieilles chansons du Périgord » et donnait volontiers conseils et leçons à ceux qui venaient les solliciter.
L'abbé Chaminade était un musicologue fort documenté plutôt qu'un compositeur. Il suivit avec enthousiasme le mouvement créé par Charles Bordes. Développant les idées du fondateur de la Schola, il l'attira à Périgueux et l'encouragea fortement.
M. le chanoine ,C. Boyer est mort à Périgueux le 15 septembre 1926 au cours d'une villégiature chez son neveu l'abbé Louis Boyer, maître de chapelle à la cathédrale. Il était né en 1853 dans le coin du Sarladais où tout est beauté, art et harmonie.
Avec lui a disparu un musicien complet fortement cultivé. C'était une nature d'élite, un cœur bon et droit, une conscience délicate. Il avait du prestige.
Il passa son existence — malgré de flatteuses situations qui lui furent pré- sentées — dans ce Petit Séminaire de Bergerac qu'il a illustré par le rayon- nement de son action sacerdotale et de son œuvre musicale. Qui ne connaît l'œuvre de l'abbé C. Boyer ? Ses « Motets » figurent parmi les meilleurs. Ils sont fortement architectures et toujours d'une grâce réelle. Quelques-uns paraissent froids à la première lecture. Mais à l'exécution ils sont d'un charme prenant. Ses « Messes » sont célèbres, ses « Cantiques » fort répandus méri- teront longtemps encore la faveur des musiciens et du public délicat.
M. l'abbé C. Boyer fut élève de Guilmant. Il garda de son maître un sou- venir ineffaçable. Entre l'élève et le maître il y eut toujours estime réciproque et cordialité touchante. A Paris, il eut l'avantage des belles relations musicales
1. Publiés par le Bureau d'Edition de la Schola ; les « 36 motets » peuvent également y être demandés.
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avec César Franck qui « daignait exécuter à son orgue ses premières œuvres de clavier » et avec Gigout qui lui réservait une place à la tribune.
Dès son retour à Bergerac, le jeune abbé affirma son tempérament. Il prêcha plus d'exemple que de parole. Progressivement il inculqua à ses élèves le sens et le goût du bel art français et lorsque le moment fut venu, il aborda la réforme totale sans effort et par évolution logique. L'art grégorien avait préparé les voies à l'art palestrinien. Les auditions du Petit Séminaire devinrent remar- quables. Aussi lorsque Charles Bordes rêva de lancer le mouvement de res- tauration musicale, trouva-t-il en l'abbé C. Boyer un auxiliaire de toute valeur et de toute sécurité. Leur amitié devint quelque chose de touchant. Peut-être un jour prochain nous sera-t-il permis de faire connaître certains détails de leurs relations. La création de la Schola, le développement du Bureau d'Édition et d'autres projets furent l'objet de lettres et de conseils entre Bergerac et Paris.
L'abbé Boyer fut certainement le musicien le plus favorisé aux concours organisés par Ch. Bordes Sa popularité devint énorme, Elle reposait sur une solide technique sans raideur et une sûreté de goût auxquelles s'alliait un charme indéniable dans l'invention mélodique. Le cher maître de chapelle suivit Charles Bordes dans son triomphe et sa retraite avec un cœur ému et un dévouement indéfectible. 11 voyait, non pas impassible mais un peu scep- tique, certaines tentatives contemporaines et d'accaparement musical. Il vit tomber les prétentions sous le ridicule, mais il fut charitable et extrêmement délicat.
Le 21 juillet on fêta ses noces d'or : ce fut un vrai triomphe. Deux mois après le cher Jubilaire rendait son âme au Dieu qu'il avait chanté toute sa vie.
Il est juste au jour de la résurrection de la « Tribune » de rappeler le sou- venir de ses deux premiers et fidèles amis.
Donnons leur une prière.
Louis Boyer.
ITALIE
En fin d'avril se déroulèrent à Rome les solennités du XIVe Congrès national de l'Association Italienne de sainte Cécile. Plus vivace que jamais, cette belle association est arrivée à un stade remarquable, dans la restauration pratique du chant grégorien et de la bonne musique d'église. Voici l'horaire sommaire de ces offices et séances, sur lesquels nous aurons à revenir.
Lundi 23 avril, veille du Congrès, réception des congressistes à l'École Pontificale Supérieure de Musique Sacrée. — Mardi 24, à 8 heures, messe votive solennelle en l'honneur de sainte Cécile, à l'église Notre-Dame de la Minerve, avec chants de la Société Polyphonique Romaine, sous la direction de M*r Casimiri ; chant du Veni Creator par l'assistance. A 9 heures, ouverture du Congrès, commémoration du neuvième centenaire de Guy d'Arezzo, parle R"1* Dom Amelli ; à 16 heures, Conférence de M.«T Casimiri sur les « Scholas
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cantorum et Chapelles musicales en Italie » avec exemples pratiques ; 18 h. Salut du T. -S. Sacrement ; 21 heures, Concert d'orgue par M8' Manari, profes- seur d'orgue à l'École Pontificale. — Mercredi 25, à 8 h. 30, Messe solennelle à la basilique de sainte Cécile au Transtévère ; schola formée par les élèves de l'École Supérieure, ; chœur général des congressistes avec la messe Cum jubilo. Conférences diverses au cours de la journée : La liturgie de sainte Cécile, par le RmL Dom Schuster ; Orgues et organistes d'églises par M8* Manari, etc. — Jeudi 26, messe solennelle grégorienne populaire pour tous les associés ; chœurs formés par les congressistes, les enfants des associations et la Jeunesse Catholique masculine et féminine ; ordinaire : la Missa brevis. Ce qui est appelé ainsi et est devenu populaire en Italie, et a grandement contri- bué à la diffusion du chant grégorien de la foule, est formé du Kyrie XVI, du Gloria XV, du Credo I, du Sanctus XIII, et de YAgnus ad libitum n° 2 : il faut avouer que c'est là du courage, et que les Français trouveraient trop simple cet ordinaire pour des réunions solennelles, même pour la foule. Parmi les exercices de ce jour : Conférence par le Rme Dom Paolo Ferretti sur le pro- gramme d'une association pour le chant des fidèles ; Visites au corps de saint Grégoire le Grand et à la tombe de Pie X, suivies d'une audience de S. S. Pie XI. — Vendredi 27, messe basse avec motets, et Communion générale, à la Cata- combe de Domitille ; visite à la crypte de sainte Cécile, sous la direction
de Mfcrr Belvederi.
Gr.
LES LIVRES
LES GRANDES ORGUES DES ÉGLISES DE PARIS et du département de la Seine, par Félix Raugel, in-4°, 278 pages, 46 héliogravures. Paris, Fisch- bacher 1927. Prix net : 90 francs.
Voici un ouvrage qui marquera une date dans la science musicologique. F. Raugel, qui, depuis de nombreuses années, s'est consacré à l'ancienne fac- ture d'orgue française, étudie ici les orgues de Paris et des environs, aux points de vue historique, technique et artistique. C'est un travail où l'on trou- vera mille détails intéressants et inédits, et dont la documentation fait honneur à celui qui l'a constituée. Il contient des renseignements précis sur les factures d'orgues des xvne et xvme siècles, sur les menuisiers ou sculpteurs à qui nous devons des chefs-d'œuvre comme les buffets de Saint-Étienne-du-Mont et de Saint-Louis des Invalides. Veut-on connaître, en outre, la date, la composition de tel ou tel instrument, la liste des organistes qui se sont succédés devant telle console, le livre de Raugel est là, désormais, pour les faire connaître.
L'ouvrage comprend trois parties : xvne, xvme, xixe et xxe siècles. Il reste à Paris une dizaine d'instruments datant du xvne siècle. Le plus beau est, à n'en pas douter, l'orgue de Saint-Étienne-du-Mont. Le buffet de celui-ci a été con-
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struit en 1631 par le menuisier Jean Buron. F. Raugel donne une excellente description de cet ensemble, — ouvrage de menuiserie, de sculpture et d'archi- tecture, — véritable modèle de style. L'auteur a montré, en outre, comment l'esprit liturgique avait présidé à l'érection de ce buffet.
L'histoire des orgues successives de Notre-Dame de Paris est présentée avec grande clarté. Un orgue existait sûrement à la fin du xne siècle ; le nom de certains organistes des xme et xive siècles est parvenu jusqu'à nous. En 1401, les orgues qui jusque-là étaient suspendues de côté le long de la nef, furent chan- gées de place. Peut-être furent-elles situées, dès cette époque au-dessus de l'entrée principale1. Restauré en 1565 par Nicolas Dabenest, facteur rouennais, l'orgue le fut de nouveau en 1610 par Valéran de Héman, et cette fois, exper- tisé par Paul Maillard. L'orgue de Notre-Dame devait être un des plus beaux de France, puisque les facteurs d'orgues les plus réputés étaient appelés à son entretien : V. de Héman, l'ancêtre d'une lignée de facteurs d'orgues renommés, était appelé en Normandie, en Champagne, en Poitou, et dans le Midi, pour restaurer, rhabiller, réappareiller des instruments. Paul Maillard travaillait surtout dans l'ouest de la France (Angers et Bretagne2). La restauration qu'il entreprit de l'orgue de Notre-Dame de Paris en 1610 porte à croire qu'il était d'origine parisienne.
C'est en 1733 que fut terminé le buffet d'orgue actuel de Notre-Dame. Un marché fut passé à cet effet avec le facteur F. Thierry. F. Raugel rappelle que c'est en 1755 que le chapitre de N.-D. prit l'habitude de nommer quatre orga- nistes titulaires, servant par quartier. En 1783, F. Clicquot construisit un posi- tif neuf, et des restaurations furent apportées à l'orgue par les Dallery dans la première moitié du xixe siècle. En 1863, A. Cavaillé-Coll transfigura l'instru- ment : le buffet du positif fut supprimé 3 et l'orgue inauguré cinq ans après.
C'est à F. Raugel que revient l'honneur d'avoir dressé pour la première fois un tableau chronologique complet des organistes de Notre-Dame, depuis Léo- nin, ce magister organicus de la fin du xne siècle, jusqu'à Louis Vierne.
Le chapitre consacré à l'orgue de la basilique de Saint-Denis dépend de la même méthode. Mais ici, F. Raugel n'a pas trouvé trace d'un instrument avant le début du xvie siècle.
Il faut croire cependant que l'orgue était aussi connu au moyen âge à Saint- Denis qu'à Notre-Dame de Paris. En 1604, un nouvel instrument est construit, puis un autre au début du xvne, œuvre du facteur Brocard. C'est vers 1841 que l'instrument actuel fut inauguré; le buffet dont le plan a été dessiné par De- bret, dans un style néo-gothique, est surchargé et lourd dans son ensemble. L'élégance, la sobriété du buffet d'orgue de Louis XIII avaient disparu à jamais!
1. L'habitude de placer les orgues dans la nef, au-dessus d'une travée, a cependant subsisté pendant tout le xve et xvie siècles (cf. les orgues de Chartres, Lorris, Metz, La Ferté-Bernard, etc..)
2. Il construisit un certain nombre d'instruments dans la région de Rennes.
3. On peut encore voir les boiseries de cet ancien positif dans les combles du bas côté nord de la cathédrale.
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F. Raugel donne encore ici une liste complète des organistes de la basilique parmi lesquels nous relevons Nicolas de Grigny, qui, plus tard, deviendra le célèbre organiste de la cathédrale de Reims...
L'ouvrage de F. Raugel apporte donc des renseignements très précis sur nos grandes orgues parisiennes. En outre il fera connaître un certain nombre d'instruments de second ordre, et qui ne sont pas sans intérêt, tels ceux des églises de la Sorbonne, de l'Oratoire, de Penthemont, de Notre-Dame des Champs, de Saint-Cloud, etc.. Ajoutons que l'ouvrage comporte, en appendice, les marchés du buffet et des jeux de l'orgue de Saint-Louis des Invalides (1679), ainsi que des tables précieuses pour qui veut consulter ce livre.
Dans le premier numéro de la Tribune de Saint-Gervais, F. Raugel a com- mencé la publication de notes complémentaires, et qui apportent des précisions nouvelles sur certains instruments (Notre-Dame, Saint-Denis, Saint-Pierre de Montmartre...) Nous avons l'intention de publier prochainement et dans leur entier, les trois pièces concernant les anciennes orgues de Saint-Eustache. Il faut espérer que d'autres notes complémentaires viendront enrichir le travail déjà si complet de F. Raugel. L'Histoire des Grandes Orgues de Paris doit être entre les mains de tous ceux qui s'intéressent à l'orgue, à son histoire, et à la musique.
N. Dufourcq.
LES REVUES (articles à signaler) FRANCE
Tablettes de la Schola XXVI, n° 3 : — Guy de Lioncourt, Motu pro- prio, chant grégorien et musique, exquisse générale, extraite des conférences données récemment à Liège, montrant combien en la « mélodie pure, riche de substance » du chant grégorien, une « source d'inspiration qui ne saurait être négligée par les artistes » pour être conformes aux directives pontificales. — N° 4. Analyse du Psaume 84 d'Al. de Castillon, et de Rédemption de Franck, par V. d'iNDY.
Petite Maîtrise. — N° 177. — R. Blin, Causerie sur l'harmonium ; N. Du- fourcq, Vart d'accompagner à l'orgue ; A. Létang, Notes d'un organiste ; A. Trotrot-Dériot, A quoi pensent les organistes. Parmi les pièces musicales, signalons Y Interlude d'Alb. Bertelin. — N° 178. X***, Simple histoire d'une schola, très pratique exposé de la façon dont a été créée une schola dans une petite ville, envisagée sous sa forme normale d'activité et de groupement catholique.
Revue du Chant Grégorien. — XXXII, n° 1. Dom L. David, Les 3 com- munions septuagésinales, analyse détaillée et pratique, en vue d'une exécu-
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tion soignée de ces pièces expressives. Jane Arger, A propos du timbre nasal, intéressante étude de chant, avec des remarques de L. R., qu'il faut lire pour en tirer tout le parti et le profit auxquelles elle tend. A. Gastoué, Nécrologie : M. l'Abbé Vigourel. — N° 2, Dom J. Jeannin, A propos de la « fractio vocis » dans les textes du moyen âge, donne de nouvelles précisions au sujet de ce terme étudié précédemment par Dom David, et s'étend sur les origines de la notation mesurée.
Revue Grégorienne. — XIII, n° 1. Dom Gajard, Le second volume du « Nombre musical grégorien » de Dom Mocquereau, étude de présentation enthousiaste de cet ouvrage récemment paru, article à suivre. Dom L. Char- pentier, Etude sur la « Virga strata », abondante documentation paléographi- que sur ce cas de la notation neumatique primitive, suite d'une étude commen- cée dans le tome XII et qui doit se continuer.
Revue de Musicologie. — N° 25. P. Wagner, La par aphonie ; ce que l'auteur appelle ainsi serait une certaine manière d'organum primitif; M. A. Gastoué lui répond dans le nc 26, démontrant que la thèse est viciée par une acception impropre des termes. N. Dufourcq, Les orgues des jacobins de Chartres, contribution intéressante à l'étude des orgues françaises au xvnc siècle.
Ménestrel, Nos 2 et 3. — René Brancour, Le « Tyrtêe de la Révolu- tion » (Gossec), avec plusieurs détails sur sa musique religieuse. — N° 4, J.- A. André Sarnette, Aperçu sur la Musique de l'Avenir, et, plus particulière- ment sur les « orgues automatiques électriques » : l'auteur y pense faire enre- gistrer des accompagnements de plain-chant, qui dispenseront de toute science les organistes futurs. 11 y a longtemps que cela a été tenté ! — Nos 7 et 8. F. Munch, La Musique religieuse d'Anton Bruckner, étude très intéressante et, semble-t-il, complète, sur l'œuvre religieuse de ce symphoniste viennois contemporain de César Franck.
Revue Musicale. — IX, 4. D. Plamenac, Autour d' Ockeghem est un des plus remarquables travaux qui aient été consacrés à ce grand maître de l'école franco-belge ; il n'en saurait être autrement : M. Plamenac poursuit en ce moment, en effet, l'édition des œuvres d'Ockeghem, qui tiennent une si grande place dans l'histoire de la musique. A. Gastoué, Une semaine litur- gique orientale à Paris, compte rendu pittoresque et détaillé des impressions produites par les messes orientales de cette semaine, avec des détails sur les œuvres exécutées.
Le Guide du Concert publie depuis quelques mois, toute une série d'études sur les chansons populaires de France, province par province ; l'auteur, J. Baudry, s'occupe en même temps des Cantiques locaux, des Noëls et de toutes les chansons inspirées dans le vieux folk-lore par le sentiment religieux
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ou les coutumes se rattachent aux fêtes. Il convient de signaler ici ces brèves et intéressantes chroniques.
Revue St-Chrodegang (Metz). — X. N° 2, publie une Communication offi- cielle de l'Évêchéau sujet des Messes de Mariages, prohibant désormais pour éviter de multiples abus, toute autre musique, que celle du chœur paroissial, et conforme aux règlements ecclésiastiques.
Revue Pratique de Liturgie et de musique sacrée (Lille). — N° 125-126, J. Delporte, A travers chants, étudie la réalisation pratique de certaines œu- vres de Guillaume Du Fay, et publie, avec la photographie de deux pages d'un manuscrit de la bibliothèque de Cambrai, la remise en partition du Sanctus de la messe « Se la face ay pale », l'une des plus expressives de ce grand maître du xve siècle.
Informateur Musical et Théâtral (Lyon). — VII, N° 3. Suite des détails de la campagne importante au sujet de L'éternelle question des droits d'auteurs, auxquels tant de groupements religieux veulentse soustraire, quant aux séances de patronage : excellent exposé de M. l'abbé Deyrieux, le spécialiste bien connu, en faveur de la Société des Auteurs,
ITALIE
Bollettino Ceciliano. — XXIII, N° 3, Gino Borghezio, Notice sur l'hymne « O Roma nobilis », chant populaire de pèlerins, du xe siècle, publiée dans le même numéro. — Règlements et programme de concours pour les Scholas grégoriennes des petits séminaires et groupements de jeunesse catholique.
Musica Sacra. — LUI, n° 5. — Lunelli, Délia riforma e del restauro dei organi antichi (intéressant article sur les réformes à apporter dans la restau- ration des orgues en usage en Italie, où la proportion des différentes familles de jeux est mal établie, et souvent sur un seul clavier, plus long d'une octave que les orgues françaises et allemandes. — D. R. Felini continue la publication de son Trattato di tecnica campanaria (Traité de la technique des cloches), IIIe partie, très judicieusement établi. — LIV, N°l. Droits d'auteurs, question qui s'élève partout, en Italie comme en France, devant les difficultés de vivre pour les artistes : il semble bien cependant que le principe du « droit » de l'au- teur à toucher pour les exécutions de ses œuvres, même religieuses, est à peu près partout mis hors de doute.
Bolletino Bibliografico Musicale, II, n° 2. — Consacré à Frescobaldi (1583-1643) ; étude bio-bibliographique de ce maître, avec la bibliographie de toutes ses œuvres, par Alb. Cametti ; le savant musicologue ne se prononce pas sur les trois fugues bien connues qui portent le nom de Frescobaldi, autre- ment que par « œuvre douteuse? », mais avec un point d'interrogation.
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ESPAGNE
Rivista Musical Catalana. — N° 289. Fr. Pujol, Les mélodies du Trou- badour Guiraut Riquier, à propos d'un travail de M. H. Angles dans le dernier volume des Estudis Universitaris Catalans (vol. XI, 1926). L'auteur rend un hommage parfait et ému à la mémoire de notre ami Pierre Aubry, à propos des polémiques de Beck sur la question de priorité dans les modes de trans- cription rythmique des chants de troubadours. M. F. Pujol note plusieurs de ces œuvres de Guirant Riquier, en transcription « modale » à la manière d'Aubry et de Beck, et en transcription « libre » qu'il propose, rebuté qu'il est par certaines façons de noter du système précédent.
ALLEMAGNE
Gregorius Blatt und Bote. — LU, N° 2, Dr W. Kurthen, V « Ave verum cor- pus » de Mozart, étude très fouillée sur l'origine (composé à Baden le 17 juin 1791, le jeudi delà Pentecôte), la forme et la beauté expressive de cette belle œuvre.
PORTUGAL
Musica Sacra, Coïmbre. — Empruntons à la Petite Maîtrise son jugement sur cette nouvelle revue :
« Parmi les revues nouvelles, et qui caractérisent un mouvement nouveau, il faut signaler une Musica sacra de plus, qui paraît depuis l'an dernier, men- suellement à Coïmbre, et consacre la rénovation de la musique religieuse en Portugal. Cette revue, inspirée par un bon sentiment, et publiée avec la per- mission de l'autorité ecclésiastique, semble démontrer que le Portugal est encore bien loin de la véritable voie en matière de musique sacrée.
A côté de quelques transcriptions intéressantes d'anciennes œuvres portu- gaises, les encartages comprennent de très médiocres compositions modernes, où le phrasé et- l'accentuation des textes latins sont à peine respectés ; des accompagnements grégoriens dont les auteurs semblent ignorer d'élémentaires lois de l'écriture harmonique et de la tonalité ; des adaptations (!) sur des airs d'opéra et des quatuors à cordes (! !) ; il y a même un cantique à la Ste Vierge arrangé sur les equale de trombones écrits par Beethoven pour les cortèges funèbres ! ! !
Nous supposons qu'il faudra un sérieux effort aux musiciens portugais pour se mettre au niveau des autres nations d'Europe, si nous en jugeons par la nouvelle Musica sacra de Coïmbre, que nous engageons à faire un vigoureux effort. »
A. Gastoué.
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Tome WV N° 3-1928
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LA TRIBVNE DE SAINT-GERVAIS
FONDÉE EN i8g5
PAR
Ch. BORDES, ALEX. GUILMANT
ET
Vincent dIndy poursuit comme principaux buts
La connaissance des chefs-d'œuvre de la Musjgue Religieuse
L'application pratique du Motu proprio de Pie X
L'étude raisonnée de l'ancienne musique
Les progrès de l'art religieux moderne
Sous la direction de A. GASTOUÉ et A. TROTROT-DÉRIOT
Principaux Collaborateurs :
Ant. Auda. - Abbé P. Bayart. - Camille Bellaigue. - Eug. Borrel. Abbé L. Boyer. - L. Bragard. - Maurice Brillant. - Abbé F. Brun. Paul Brunold. - André Cœuroy. - Abbé E. Collard. - Norbert Dufourcq. Maurice Emmanuel. - Henri Expert. - Jean Huré. - J. & L. de La Laurencie. - F. de La Tombelle. - Hector Laisné. - Paul Le Flem. Guy de Lioncourt. - Pierre de Malingreau. - M.-L. Pereyra. - André Pirro. - Abbé J. Prieur. - F. Raugel. - M. Rouy. - J. Samson. - Aug. Sérieyx. - G. Servières. - O. Tichy. - J. Tiersot. - P. Tirabassi. -Jean de Valois. - Ch. Van den Borren.
Tome XXV nouvelle série - N° 3 Juillet 1928
LATRIBVNE DE SAINTGERVAIS
REVUE MUSICALE
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA
Sel) cria Cantarnm
LES DIVERSES IMITATIONS DE L'ORGUE
L'ORGUE est un instrument complexe mis en jeu par un ingénieux mécanisme. Ce mécanisme a suscité des imitations de plusieurs genres : burlesque, gustatif, champêtre, aquatique même. D'où l'invention de 1' « orgue animal », de l'orgue « des saveurs », des chants d'oiseaux artificiels, enfin de l'orgue des jardins et des grottes, qui com- binait les mouvements automatiques des figures avec les effets hydrau- liques.
Au xve siècle, l'orgue d'église, encore imparfait, devait produire des sons assez peu harmonieux. Ce qui le prouve, c'est que le roi Louis XI les comparaît aux grognements du porc. Aussi, pour amuser peut-être le sire redouté, l'abbé de Baigné, qui suivait le souverain dans ses voyages, fit construire une vaste machine dont la décoration simulait un buffet d'orgue, élevé sur un soubassement divisé en loges de diverses grandeurs pour cochons de différents âges, depuis le cochon de lait jus- qu'au pourceau de 300 livres. Des pointes de fer pénétrant dans les cases, mises en mouvement par un clavier, piquaient ces animaux et leur arrachaient des cris qui ressemblaient aux sons de cet instrument primitif. Cette invention divertit beaucoup le bon roi et le fit rire, chose rare. Toute la cour applaudit au génie du compositeur et aux voix des nouveaux concertants1.
Dans son Traité des représentations en musique % le P. Ménestrier parle d'un orgue de chats, d'un fonctionnement analogue, imaginé pour l'entrée à Bruxelles de Philippe II, en 1549 3. Un homme habillé en
1. J.-F. Bodin : Recherches historiques sur la ville d'Angers, 1 vol. in-8°, 1849, Saumur.
2. 1 vol. in-12, Paris, 1681.
3. Ses assertions se fondent sur le récit de ce voyage par Juan Christoval Calvite.
76 Ca tribune te Saint- <&miat£
ours, était assis au clavier dont les touches, tirant les queues d'une vingtaine de chats, les faisait miauler sur différents registres vocaux : dessus, tailles et basses, selon la notation de l'air exécuté, « avec tant de proportion que cette musique de bêtes ne faisait pas un faux ton » !
Voilà un divertissement à la fois puéril et barbare et que proscrirait aujourd'hui, à juste titre, la Société protectrice des animaux.
Pour les amateurs plus raffinés, un certain abbé Poncelet n'avait-il
pas construit un orgue combiné de telle sorte qu'en abaissant une
touche du clavier, on tirait en même temps un son du tuyau et une
goutte de liqueur d'une fiole? Ces gouttes tombaient dans un verre et
l'exécutant dégustait ensuite le mélange résultant des diverses liqueurs
ainsi recueillies. L'« orgue à bouche », installé dans la salle à manger
de Des Esseintes \ est d'une recherche moins savante dans le choix des
sensations que cet «orgue des saveurs », datant de 1710. Chacun prend
son plaisir où il le trouve...
* * *
Debussy a pu écrire par boutade : — « Il est plus utile de voir le soleil se lever que d'entendre la Symphonie pastorale. » Cette sym- phonie célèbre est assurée d'une clientèle attitrée qu'elle doit, en grande partie, à ses effets imitatifs : la scène au bord du ruisseau, l'orage. Aujourd'hui encore, parmi ses auditeurs, combien attendent avec impa- tience le chant de la caille ou l'appel du coucou ! C'est évidemment pour les ancêtres de ces auditeurs, épris eux aussi d'effets imitatifs, que les facteurs d'orgues, du xve au xvme siècle, simulaient, grâce à certains artifices, les gazouillements des petits oiseaux, le chant du coucou, celui du rossignol2. Le contrat fait en 1511 par le chapitre de Saint- Michel de Bordeaux, avec le facteur Louis Goudet, pour la réparation de l'orgue, stipulait l'adjonction d'un « jeu de papegay ». Cette sym- phonie pastorale fut complétée par l'invention des jeux « de pluie et de grêle », au moyen de pois agités dans un tuyau par le souffle du vent3.
Entrés dans cette voie par complaisance envers la grossièreté ingé- nue des goûts des fidèles, les facteurs transformèrent la tribune d'orgue en une estrade de « batterie » où tous les instruments de per-
1. J.-K. Huysmans : A rebours, 1 vol. in-l8, Paris, 1884.
2. Dans son Histoire de l'abbaye de Saint-Denis (2 vol. in-40, Paris, 1Ô25), Dom J. Doublet, religieux bénédictin, fait l'éloge, pour sa douceur, de l'orgue construit par le pasteur Jean Carlier, de Laon, muni d'un « rossignol » qui joue si mélodieusement qu'il semble qu'on entende un rossignol naturel qui dégoise son ramage dans un bois.
3. Abbé Ply : la Facture d'orgue à l'Eglise Saint- Eus tache.
£e& hivetsts imitations oe l'orgue 77
cussion : tambour, grosse caisse, chapeau chinois, triangle, carillons et sonnettes4, firent entendre leurs bruits, comme dans une parade foraine !
Ces particularités ont été maintes fois énoncées soit par les histoires générales de la musique, entre autres par celles de J.-B. de Laborde et Burney, soit par les travaux des organographes : Hamel, Couwenbergh, Arthur Hill, J. Planté. (Voir aussi Van Elewyck : La Musique en Italie).
Dans son voyage en Italie 2, accompli en 1688, Max Misson rapporte qu'à Trente, il a eu l'occasion d'entendre, à Sainte-Marie-Majeure, des orgues « d'une incroyable grosseur. On a joué devant nous plusieurs airs nouveaux, contrefait le chant de quantité d'animaux, battu le tambour ». Il fut choqué de l'inconvenance de ces amusettes. Rogissart, dans ses Délices de F Italie2, avait raconté la même chose.
A cette époque, les grands seigneurs, les prélats romains se plai- saient, dans les jardins de leurs villas à terrasses et à cascades, dans leurs parcs aux attrayantes perspectives, à entendre les caquetages et les glouglous de l'orgue « hydraulique ». Les « Jeux d'eau de la Villa d'Esté », à Tivoli, avaient une réputation universelle. Dans ses jardins, dessinés et inventés par Claudio Venardi, en 1573, se trouvait un « orgue à eau » ; l'édifice dans lequel étaient disposés les jeux de tuyaux, existe encore. M. Corrado Ricci en a donné la reproduction dans son Architecture baroque**. C'est une succession de grottes artificielles, avec frontons segmentés, conques, vasques, hermès et statues placées dans des niches. Montaigne, dans son voyage de 1580-81, avait fort admiré cette « musique des orgues naturelles sonans toujours à la fois, par le moïen de l'eau, contrefaisant le son des trompettes, le chant des oiseaux ». Il n'admira pas moins les jeux d'eau de la Villa Pratolino à
i. Il résulte des recherches de l'érudit abbé A. Prévost dans les Archives de l'Aube qu'en l5o2-l5o3, lors d'une réparation de l'instrument de la cathédrale de Troyes, « on mit des sonnettes au Fol des orgues ».
2. 1 vol. in-12, La Haye, 1727.
3. 2 vol. in-12, 1707.
4. Ce divertissement remontait à une haute antiquité, s'il faut en croire Praetorius ( Syntagma musicum). La communication de l'air avec l'eau dans les tuyaux de l'orgue construit pour l'empereur byzantin Théophile, imitait le chant des oiseaux, et les chroni- queurs nous apprennent que cet orgue était en forme d'arbre. Au siècle suivant, Cons- tantin Porphyrogénète fit orner son trône d'un arbre d'or aux pieds duquel rugissaient des lions dorés, tandis que des oiseaux chantaient dans les branches. (Note de Barbier de Montault, Annales archéologiques de l857, tome XVII).
78 £a tribune k 0ahtt-($f ruais
Bologne, construite en 1575, pour le grand-duc François de Toscane et que vante aussi Rogissart, dans les Délices de V Italie. l
Au siècle suivant, en 1649, le P. Kircher, de l'Ordre des Jésuites, édifia un « orgue hydraulique » à Rome, dans le Jardin du Quirinal, par ordre du pape Innocent X. Et en 1762, le Dictionnaire de Trévoux impri- mait encore ces lignes : « Il y a des orgues hydrauliques en Italie, dans les grottes de quelques vignes. »
On sait que l'art des Jardins a été importé de la Péninsule, à la suite des guerres de Charles VIII et de Louis XII. Les dessins des par- terres, l'ornementation des allées et des perspectives dans les parcs français, s'inspirèrent de ce que nos architectes avaient vu en Italie. Les colonnades, les cascades en bassins étages, les rangées de Termes, les rocailles revêtues de plantes grimpantes, viennent d'outre-Monts. Une amusette rustique telle que les « orgues à eau », disposés dans des grottes, ne pouvait manquer d'être accueillie avec faveur dans un pays dont les reines, d'origine florentine, s'appelaient Catherine et Marie de Médicis.
Aussi Henri IV avait-il fait pratiquer des grottes artificielles au château neuf de Saint-Germain, construit à 200 toises de l'ancien. André du Chesne, historiographe du Roi, en décrit les merveilles2 :
« Orphée, avec sa lyre, faisant sortir toute sorte de bêtes sauvages qui s'arrêtent autour de lui; — un Neptune qui sort, armé de son trident, assis sur un char traîné par deux chevaux ; — Persa (sic) délivrant Andromède et frap- pant un monstre marin de son épée ; — un dragon mouvant ses ailes, levant sa tête et l'abbaissant », vomit et jette une quantité d'eau, « pendant que les rossignols artificiels chantent doucement ». D'autres oiseaux chantaient aussi « fort mélodieusement », dans une grotte où « une fille jouait d'un instrument de musique par l'artifice et mouvement des eaux » et « deux anges (!) son- naient de la trompette en l'honneur du Dieu des Mers. »
Ici quelques indications topographiques sont indispensables. Voici, d'après les plans et les gravures duxvn6 siècle, quelle était la disposition du château neuf de Saint-Germain et de ses parterres étages 3.
1. Voyages de Montaigne. (Edition de ses œuvres par M. Buchon), l vol. in-4° du Panthéon littéraire.
De même Pierre Trichet, en son Traité des instruments de musique (Ms. 1070 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, cité par M. A. Gastoué dans l'Orgue en France (appendice), fait allusion aux orgues hydrauliques de S. de Caus (page l5) et à propos des grottes de Tivoli, confirme la relation de Montaigne.
2. Antiquités des villes, châteaux, etc..., de toute la France, 1 vol. in-8°, Paris, 1647.
3. Cédé en 1777, par Louis XVI à son frère cadet, le comte d'Artois, il fut abattu en vue de constructions projetées qui n'ont jamais été faites. (Voir Dézaillier d'Argenville : Voyage pittoresque aux environs de Paris, 1 vol. in-12, 1779 (40 édition).
tes diverses imitations ht l'orgue 79
Précédée en manière d'ailes, de deux pavillons dont il reste celui qu'occupe le Restaurant Henri IV, la façade était tournée vers la vallée de la Seine. Au-dessous de la célèbre terrasse qui se prolonge sur le plan de la forêt, une seconde terrasse soutenue par un mur de pierre ; deux rampes contrariées y conduisaient. Quant à la troisième terrasse, située plus bas, le percement sous Louis-Philippe de la route en S, qui monte du Pecq à Saint-Germain en acheva la destruction et fit dispa- raître les grottes d'Orphée, d'Hercule et de Persée. Construites par l'Italien Francini que Marie de Médicis avait fait venir de Florence1, elles étaient incrustées de coquillages, de marbres de couleur et ornées de statues.
Des travaux d'exploration, entrepris aux frais de la Société des « Amis de Saint-Germain », ont fait reconnaître, en 1923, le bon état relatif de la Galerie dite Dorique, abritée par la seconde terrasse. C'est là qu'avaient été disposées trois autres grottes : au nord celle des Orgues, au sud celle de Neptune, au centre celle du Dragon. Des travaux de dégagement ont donné accès dans la grotte de Neptune dépouillée de ses personnages et machineries, enlevées après les éboulements de 166?. Quant à la grotte des Orgues, elle serait en ruines, au dire de M. G. de la Tourrasse, bibliothécaire de Saint-Germain-en-Laye ; celle du centre, qui sert de décharge aux eaux de la ville, est inexplorable2. Il reste donc aujourd'hui fort peu de chose des créations hydrauliques de Francini (Voir reproduction en hors-texte).
* * *
Montaigne qui était fort observateur, mais qui n'était pas ingénieur, s'était efforcé d'expliquer en termes assez vagues, les merveilles inven- tées par Thomas de Sienne, qu'il avait ouïes à la Villa d'Esté3 : « le son des trompettes contrefait » le chant des oiseaux, « qui sont de petites flûtes de bronze qu'on voit aux rigoles d'eau et rendant le son pareil à ces petits pots de terre pleins d'eau que les petits enfans soufflent par le nez... Ailleurs il sort comme un coup de canon; ailleurs un bruit plus dur et menu comme des harquebuzades; cela se fait par une chute
t. Francini a travaillé aussi aux grottes du Parc de Fontainebleau.
2. Voir la Revue : Beaux- Arts, du 1er novembre ig23 et le livre de M. G. Houdard : Les châteaux de Saint- Germain, 2 vol. in-49, 1909-10.
3. « L'eau tombe, écrit-il, avec une grande violence, dans une cuve ronde, voûtée et agite l'air qui y est et le contraint de gaigner pour sortir, les tuyaux des orgues et lui fournir du vent. Une autre eau, poussant une roue atout [avec] certaines dents, fait battre par certain ordre le clavier des orgues. »
80 £a tribune îre Bahtt-d&mjatô
d'eau soudaine dans des canaux et l'air, se travaillant en même temps d'en sortir, engendre ce bruit. »
Dans sa Théorie des Forces mouvantes^, Salomon de Caus a donné une explication plus scientifique et des exemples avec figures à l'appui. Si l'invention fit fureur au temps de Louis XIII, elle était encore goûtée sous Louis XIV. Dans ses Notes historiques sur l'orgue%, M. Eugène de Bricqueville nous rappelle qu'à Versailles, la Grotte de Téthys, démolie en 1686, était munie d'un « jeu de rossignol ». Le refoulement du vent dans un tube coudé faisait barboter l'air dans une boîte de 8 centimètres cubes, munie dune cuvette où plongeaient huit tuyaux de taille fort menue, qui émettaient ainsi une sorte de gargouillement.
Les inventions de Salomon de Caus étaient plus compliquées. Après avoir expliqué le moyen de simuler le chant d'un oiseau 3, il indique des variantes qui permettent d'imiter celui du rossignol, du coq et du coucou et même de « faire représenter plusieurs oyseaux, lesquels chanteront diversement quand une chouette se tournera vers iceux et quand la chouette se retournera, ils cesseront de chanter 4». Sa « machine pour représenter le son d'un flajollet avec le cours de l'eau », est com- posée d'un cylindre de boîte à musique actionné par le pignon et qui rencontre un sommier. Les dents du cylindre font mouvoir les touches du sommier et envoient l'air dans les tuyaux. Ce sont des engins ana- logues, mais de plus grandes dimensions que sa « machine à faire sonner un jeu d'orgues par le moyen de l'eau » et sa « machine hydraulique par laquelle les orgues pourront jouer sans aide de soufflets » (Probl. xxviii et xxxi).
Entré dans cette voie, l'ingénieux auteur a multiplié les inventions ;
1. t vol. in-folio, Francfort, i6i5.
2. 1 br. in-8°, Paris, 1899. «
3. Voici, d'après la figure du Problème XXII dans le livre de Sal. de Caus, comment fonctionnait la « machine pour faire représenter le chant d'un oyseau en son naturel, par le moyen de l'eau. » Celle-ci, provenant d'un récipient supérieur, par un tuyau, tombe sur les aubes d'une roue dont l'arbre porte un pignon denté, lequel s'engrène sur un cylindre. Des aubes, l'eau choît dans une boîte percée d'un trou qui communique avec un récipient inférieur dans lequel plongent deux tuyaux auxquels sont soudés deux robi- nets munis de règles traversières qui butent sur les chevilles du tambour. En abaissant ces règles, celles-ci font ouvrir les robinets, laissent entrer l'air du récipient inférieur dans les tuyaux qui aboutissent à des sifflets.
4. C'est à peu près le même système que le précédent, sauf que le tambour hausse ces règles qui introduisent l'air dans les sifflets. Montaigne avait vu à Tivoli cet ingé- nieux mécanisme. « Puis, écrit-il, par d'autres ressorts on fait remuer un hibou qui, se présentant sur le haut de la roche, faict cesser soudain cette harmonie, les oiseaux estant effraies de sa présence, et puis leur faict encore place. Cela se conduit ainsi alternative- ment tant qu'on veut. »
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£e& diverses imitattonô îre l'orgue 81
il expose successivement une « Machine à traîner sur l'eau une Galatée, tandis qu'un Cyclope joue du flajollet » (Probl. xxiv);et, dans le second livre qui traite plus spécialement des grottes et des fontaines : un « satyre qui joue du flajollet et une nymphe Escho qui répond aux cadences dudit satyre » (Probl. 1,7); une « Grotte d'Orphée jouant de la basse (dont le son est imité par un orgue caché » (Probl. xvii) ; une « Nymphe jouant de l'orgue tandis que respond un Escho » (Probl. xvm). Enfin la merveille du genre consistait sans doute à résoudre le Pro- blème xxxv, à savoir 1' « Histoire de la statue de Memnon, qui jette un son semblable à celui du tambour, quand le soleil donne dessus ».
Vingt ans plus tard, dans son Harmonie universelle^, le P. Mersenne n'a pu que se référer aux inventions de Salomon de Caus ; il fait allu- sion aux chants d'oiseaux ajoutés aux orgues qui, de son temps et jus- qu'au xvme siècle, furent d'un usage constant.
De son côté, le P. Kircher, religieux allemand, a donné dans sa Musurgia univer salis a, la théorie des orgues hydrauliques et des orgues de jardins imitant le chant du coq et d'autres volatiles, faisant mouvoir des automates, un singe qui joue de la flûte de Pan, des Cyclopes qui, de leurs marteaux frappent une enclume. Il avait, je l'ai dit plus haut, joint la pratique à la théorie.
D'après la monographie du P. Félibien 3, la Grotte de Téthys avait été construite près du palais de Versailles, du côté de la Tour d'Eau4. La rocaille avait été cimentée en 1664-65 par un sieur Delaunay, spécia- liste; elle abritait les beaux groupes sculptés par Girardon, Regnauldin, Massy et Guérin que l'on a transportés plus tard dans le bosquet dit : les Bains a" Apollon. Derrière le groupe principal, celui du dieu servi par les nymphes de Thétys, se trouvait dissimulé l'orgue hydraulique
1. 1 vol. in-folio, Paris, l636. Le livre VI traite de la construction des orgues.
2. 2 vol. in-folio, Roma, l65o.
3. 1 vol. in-folio, Imp. royale, 1676.
4. C'est-à-dire à l'angle nord-est du château, là où s'élève aujourd'hui X Hôtel des Réservoirs, M. P. de Nolhac, qui donne ces précisions dans son livre : La Création de Versailles (1 vol. in-fol. illustré, Versailles, 1901), reproduit la silhouette de cette tour. L'eau était amenée de l'étang de Glagny, grâce à une tuyauterie établie par D. Jolly, maître de la Pompe du Pont-Neuf.
82 Ca tribune be 5atnt-©fruatô
qui, d'après M. P. de Nolhac, aurait été offert au Roi par un habitant de Montmorency et adapté à l'édifice par Jolly. A la voûte et dans les niches, des oiseaux en relief étaient figurés au moyen de coquillages, faits, dit le descripteur :
« D'après les animaux que le Roy fait élever dans sa Ménagerie * et qui sont très rares et peu connus dans le pais. Lorsque les eaux du réservoir tombent en pluye, les poissons et les différents oiseaux paraissent vivants et même comme nager. Mais, lorsqu'au bruit de l'eau, le jeu des orgues s'ac- corde avec le chant des petits oiseaux qui, par une industrie admirable, joignent leurs voix à celle de cet instrument et que , par un artifice encore plus surprenant, on entend un Echo qui répète cette douce musique, c'est dans ce temps-là que, par une si agréable symphonie, les oreilles ne sont pas moins charmées que les yeux. »
Avec moins de précision, mais dans une forme moins lourde, Made- moiselle de Scudéry, en 1668, décrivait le même phénomène et les im- pressions produites par lui sur les visiteurs de la Grotte.
« Plusieurs miroirs enchâssés dans les coquillages multipliant encore tous les beaux objets et mille oiseaux de relief, parfaitement imités, trompent les yeux, tandis que les oreilles sont également trompées; car, par une invention toute nouvelle 2, il y a des orgues cachées et placées de telle sorte qu'un Echo de la Grotte leur répond d'un côté à l'autre, mais si naturellement et si nette- ment que, tant que cette harmonie dure, on croit effectivement être au milieu d'un bocage où mille oiseaux se répondent et cette musique champêtre, mêlée au murmure des eaux, fait un effet qu'on ne saurait exprimer. »
... O pauvre cervelle éprise d'artificiel, qui se délecte à écouter des voix simulées, alors qu'à cent pas de là s'ouvre un parc profond aux frondaisons emplies de ramages animés3 ! Mais le goût du grand siècle est tourné à la déformation de la Nature selon des combinaisons géo- métriques et par des inventions mécaniques. Les plus grands esprits s'y complaisent, au point que c'est dans cette Grotte de Téthys qu'a- près avoir prié le gardien de leur épargner la surprise humide des jets d'eau sourdantdu sol de manière à inonder les curieux et de la « réserver
1. En même temps, le Roi faisait faire par Delaunay et Jolly une grotte en rocaille à la ménagerie. Voir Marquet de Vasselot : La Ménagerie de Versailles et les deux pavillons, t br. in-8°, Versailles, 1899 et Bricqueville, ouvrage cité. Un dessin donne la coupe de la boîte où se trouve le mécanisme de ces tuyaux chantant par la pression de l'air dans une caisse à eau.
2. Nouvelle pour Versailles, car il y avait des précédents. A. du Chesne s'émerveillait à Saint-Germain, des petits oisillons, « vivans et branlans l'aile qui font retentir l'air de mille sortes de ramages et sur tous les rossignols musiquent à l'envi, en plusieurs chœurs.»
3. Un poète, — c'est-à-dire un versificateur, — du xvn° siècle, n'appelait-il pas les oiseaux « des orgues vivantes ! »
fies diverses imitations îre l'orgue 83
au bourgeois et à l'Allemand », — lequel s'empressa d'introduire dans ses parcs copiés de Versailles, cette facétie hydraulique *, — La Fontaine lut à ses amis : Boileau, Racine et Molière, les Amours de Psyché dont le Prologue renferme une description en vers et prose du lieu choisi pour cette lecture. La scène a été racontée avec agrément par M. André Hallays dans son livre sur Jean de La Fontaine2.
Cette merveille si vantée ne dura guère qu'une vingtaine d'années. En 1684, le facteur Thierry fut chargé de démonter l'orgue de la Grotte qui avait imposé maintes dépenses d'entretien et de réparations 3 et, en 1686, l'édifice fut démoli pour faire place à l'aile nord du Palais.
1. Elle se pratiquait déjà, à la grotte de Neptune, à Saint-Germain. Louis XIII s'en divertissait volontiers.
Elle fut imitée dans les grottes et les cabinets de verdure des parcs de mainte Rési- dence allemande. La margrave de Bayreuth avait fait disposer une attrape de ce genre dans les jardins de son château Fantaisie. (Voir les Mémoires de la margrave de Bareith et l'article sur cette ville au xvine siècle, dans Cités d' Allemagne, par Georges Servières, l vol. in-18, Paris, Fasquelle).
2. l vol. in-8° illustré, Perrin. La gravure de Lepautre y est reproduite.
3. Les Comptes du Bâtiments du Roi, publiés par Jules Guiffrey, relatent plusieurs paiements fait à Hénoc pour avoir rétabli l'orgue et à Thierry pour l'avoir démonté et transporté à Paris. Qu'est-il devenu ?
Georges Servières.
84 Ca tribune îre ôahtt- (Semais
DE LA COMPOSITION DES ORGUES
La profession d'organier n'est pas incompatible avec la connais- sance des œuvres écrites pour orgue; or, les facteurs laissés à eux- mêmes, composent des instruments inaptes à l'expression des œuvres, ce qui prouve l'ignorance du répertoire par la généralité de ceux auxquels on abandonne une prérogative du ressort des organistes. Parmi ceux-ci, combien nombreux, à notre époque encore, qui paraissent ignorer les admirables Archives de Maîtres de l'orgue publiés par Guilmant, qui méconnaissent les avis de Widor, répandus à pro- fusion, et condamnant le charivari des polyphonies à grand renfort de trompettes et de bombardes.
Forts de leurs connaissances, les organistes auraient dû demander depuis longtemps, que dans chaque diocèse, soit instituée une commis- sion ayant le contrôle des compositions d'orgues destinées aux églises; mais les organistes n'en savent pas, généralement, plus long que les facteurs, et leur ignorance leur a valu parfois les épithètes les plus acérées, quand le hasard les a mis en présence de chefs d'orchestre se rendant compte de la dégradation apportée au tutti par l'orgue, et courroucés ajuste titre, devant l'impossibilité par l'organiste, de remé- dier à un état sonore dû à l'ignorance de l'instrumentation et de l'or- chestration des orgues.
Nous n'avons pas permis jusqu'ici, qu'un de nos élèves attaque les claviers, avant qu'il ait été initié; 1° aux trois familles de jeux, et à leurs subdivisions; 2° à la composition d'un cornet, d'une fourniture, en se servant des jeux de 16, 8, 4, 2, joués à la quinte, à la tierce, sur des claviers différents, de façon à se rendre compte du dosage approxima- tif des différentes harmoniques; 3° à la perception des fondamentales, des reprises des mixtures; 4° au caractère de chacun des claviers; 5° à la critique des orgues utilisées.
Ces notions acquises, nous demandons à l'élève de définir les carac- téristiques de l'orgue de Titelouze, des Couperin, de Bach, de Franck; nous lui demandons la composition de trois instruments : un cinq jeux, un vingt jeux, un quarante jeux; nous lui demandons de saisir les dédoublements et transmissions sur un devis présenté par un facteur.
€omyositkn ots orques 85
Nous lui demandons son opinion sur les différents systèmes de trans- mission, mécanique, tubulaire, électrique, les facilités et les abus résultant de la facilité des engins de registration modernes.
Et c'est alors seulement que l'élève touche pour la première fois les claviers, non sans que son attention soit attirée sur les qualités et les défauts d'émission, particuliers aux registres et aux timbres.
Un point sur lequel nous attirons également l'attention, est celui de l'aplomb que doit exiger l'organiste, dans la construction de la console. Il est encore des facteurs construisant celle-ci en dépit des exigences les plus élémentaires de l'anatomie humaine; c'est pourquoi on voit des organistes de trente ans, courbés non pas sous le poids des ans et du savoir que les anciens voulaient gai, mais par les stations prolongées devant les claviers, dont l'arête antérieure du second ne correspond pas à l'arête antérieure des touches hautes du pédalier.
Munis de ces connaissances que parachèvera l'étude des œuvres, les organistes ne laisseront plus la composition du devis au bon plaisir d'artisans très honorables, mais qui n'ont pas à connaître les exigences de l'expression musicale. Ils refuseront impitoyablement des composi- tions comportant l'inévitable transmission de la bombarde à la pédale veuve du 8 pieds à anches, indispensable pour le chant en taille. Dans le cas où la modicité des ressources ne permet pas la présence d'un jeu à anches de 8, il est de toute nécessité d'y suppléer, par un accou- plement à l'octave aiguë de la pédale sur le clavier chargé de mixtures.
Dans les petits instruments, le dédoublement et les transmissions peuvent rendre de grands services, à condition que le fond d'orgue soit bien fourni.
Voici la composition d'un instrument qui permet de jouer toutes les œuvres anciennes :
2 claviers manuels de 61 notes. Pédale de 32 notes.
Récit expressif : Bourdon 16, 8. Diapason 8, 4, 2. Nazard 2 2/3. Tierce 1 3/5. — G. Orgue (hors boîte ou dans une boîte séparée). Quin- taton 16, 4. Flûte ouverte 8. Pédale par transmission, Basse 16, 8. Dia- pason 8, 4.
Tirasses, G. O. - Récit. Récit à l'octave aiguë.
Accouplements. G. O. - Récit. G. O. - Récit à l'octave aiguë.
En tout, six jeux; le prix d'un piano à queue. Le G. O. livré à lui- même constitue un petit plein-jeu, sur lequel la pédale en taille, avec les 8, 4, octaves aiguës, se détachera.
Si nous ajoutons une anche il faut se garder de lui donner une pres- sion trop forte, et d'autre part, avoir soin de lui réserver deux registres,
86 £a tribune te dahtt-Qifrroate
un de basse, un de dessus, ce qui permettra de dialoguer sur le même clavier sans se servir constamment de l'appel des anches.
Cette anche sera de toute nécessité, transmise à la pédale.
Un jeu dont la facture moderne s'enorgueillit, est le jeu de flûte harmonique. Passe encore pour les dessus, mais dans le médium, com- bien Guilmant avait raison quand il réclamait une flûte « bête ».
Jamais une flûte harmonique ne remplacera un beau bourdon clair, rehaussé par un 4 pieds tranchant; de même que la trompette criarde doit être laissée à l'orgue de carrousel et remplacée par ce beau jeu de musette que Cavaillé réussissait admirablement.
Nous nous souvenons de l'effet abominable de l'orgue dans YOrfeo de Monteverde; l'organiste eut la maladresse de se servir des flûtes susnommées et des anches à fortes pressions; l'orgue ne manquait cependant pas de bourdons, .et une musette ne demandait qu'à chan- ter en évoquant l'antique jeu de Régale.
Pour terminer, nous donnons la registration employée dans la 146e Cantate de Bach, dont l'Ouverture comporte un solo permanent de l'orgue. L'instrument était de Cavaillé.
Après de multiples essais, nous adoptâmes, de concert avec le chef d'orchestre, la registration suivante :
Au Positif, (effet d'écho) : Octavin 2, Carillon 3 rangs, Hautbois 8; ce dernier jeu pour amplifier les basses, le carillon se réduisant à un rang dans les deux octayes graves.
Au G. O. : Bourdons 16, 8, Prestant 4, Cornet à 5 rangs, (ne des- cendant qu'à l'ut trois), Nazard 2 2/3.
Nous corrigeâmes la basse par l'adjonction du Récit au G. O., le Récit comportant : la musette 8, le clairon 4, l'Octavin 2. Le bourdon 16 du G. O., nous permit de jouer à l'octave supérieure de la note écrite, sur le clavier du G. O.
A la Pédale, tous les fonds de 16, 8, accouplés ou non, suivant le dynamisme du dessin manuel.
Pour la Messe de Beethoven, nous avons soutenu les chœurs en excluant : les trompettes de 16, les flûtes harmoniques; en utilisant trente rangs de mixtures par la transposition à l'octave supérieure au manuel, et l'adjonction des octaves graves. Comme sons fondamentaux, rien que des bourdons. Une seule fois, nous utilisâmes la bombarde de la pédale, étoffée des fond.s de 32, dans la rentrée des basses, au Credo, (rythme ternaire).
On apprend beaucoup en essayant les alliages des timbres de l'orgue
Comp0ôitt0ii îres orgues 87
avec ceux de l'orchestre, mais comme ces expériences sont réservées à quelques organistes, du moins dans nos pays où l'orgue n'occupe pas la place qui lui est dévolue dans les pays anglo-saxons, le mieux sera de pallier à ces expériences ex-abrupto, par l'enseignement préconisé au début de cette chronique. Que tous les apprentis commencent par copier les compositions des orgues de Bach, de Couperin, de Titelouze; qu'ils copient les conseils de Raison dans la collection Guilmant; ils pourront tenir tête à tous ceux qui leur présenteront ces compositions d'orgues, incompatibles avec l'expression des œuvres qui forment le fonds du répertoire, revêches à l'accompagnement des voix, à preuve l'inutilité des jeux singeant les timbres de l'orchestre, dès que le ren- forcement du soutien instrumental s'impose.
Paul de Maleingreau.
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POUR LA RENAISSANCE DE L'ORGUE
Nous sommes des premiers à déplorer la décadence de l'orgue dans la vie musicale moderne. Mais, faut-il croire que cette décadence soit complète, et que rien n'est tenté ni fait pour l'entraver?
L'orgue n'intéresse plus le grand public ni les jeunes musiciens. Les temps sont devenus trop durs, on ne construit plus d'instruments im- portants; nos salles de concerts n'en possèdent pas, aussi le public se désintéresse-t-il complètement d'un instrument qu'il ne connaît ni n'entend plus. — Une salle, le Trocadéro, est dotée d'un merveilleux Cavaillé-Coll ; mais, qui peut se vanter d'y faire salle comble, de réus- sir à couvrir les frais énormes qu'entraîne ce théâtre ? Un récital de temps à autre n'est pas ce qu'il faudrait là ; seule, une série de concerts populaires donnés par une pléiade d'organistes, pourrait remettre en honneur un instrument trop méconnu.
Une des conséquences de ce manque d'instruments est le manque d'organistes. Dans nos Conservatoires et nos Ecoles de Musique, les jeunes musiciens ne sont plus tentés d'aller se faire inscrire aux classes d'orgue. — Pourquoi faire de l'orgue ? Il y a déjà peu d'instruments d'études; plus tard, est-on sûr de trouver une place d'organiste, et, dans l'affirmative, cette situation vous permettra-t-elle de vivre ? Nous ne le croyons pas. — Alors, le jeune organiste pourra-t-il s'en tirer en donnant des concerts? Non, puisqu'il n'y a pratiquement aucune salle de concerts à Paris ou en province, qui possède un orgue ! — Alors, mieux vaut faire du piano. — Et c'est là le raisonnement que vous tiennent nombre de jeunes qui auraient fait d'excellents organistes mais qui ne le peuvent, lorsqu'ils considèrent la situation actuelle de l'orgue.
S'il n'y a plus d'orgue, il n'y a plus de musique d'orgue; en effet, la littérature actuelle est extrêmement pauvre pour notre instrument. A part l'œuvre d'un Vierne, d'un Tournemire ou d'un Dupré, que peut-on citer ? Pourquoi d'Indy, Pierné, Dukas, Ravel, Ropartz, Rabaud, Hon- negger n'ont-ils pas ou si peu écrit pour l'orgue ? Il y a, pour un com-
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positeur, autant de ressources dans un orgue que dans un orchestre, et les pages qu'il aurait écrites, auraient été aussitôt jouées par nos orga- nistes.
* * *
Si, pour ces raisons, on constate la décadence de l'orgue en France, il faut cependant dire que, depuis un certain nombre d'années, un mouvement contraire se fait sentir, en faveur de l'instrument roi.
On ne construit plus d'instrument, avons-nous dit. Non, mais on restaure de vieilles orgues, et la chose a peut-être encore plus d'intérêt. Le mal que les facteurs du xixe siècle ont fait à nos anciennes orgues, se trouve ainsi, en partie, réparé. Ceux-ci avaient complètement aboli les jeux de mutation, et chaque fois qu'ils avaient un instrument du xvme siècle à restaurer, ils supprimaient toutes les mixtures. De nos jours, sous l'influence d'idées nouvelles, propagées par J. Huré, H. Mu- let, F. Raugel et bien d'autres, les mixtures sont conservées. L'orgue aussi est conservé dans son état ancien; il est seulement rajeuni par l'adjonction d'un 16 pieds de pédale, de claviers expressifs et complets. C'est ainsi qu'ont été ressuscitées les orgues de Saint-Sauveur du Petit-Andely, de Mitry-Mory (S.-et-M.), de Saint-Jean-Saint-François, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Nicolas-du-Chardonnet, de Paris. On travaille actuellement à la restauration des vieilles orgues de Saint- Nicaise de Rouen, de Gisors, de Saint-Nicolas-des-Champs, Saint- Étienne-du-Mont, de Paris. Des instruments presque entièrement neufs ont été placés dans les anciens buffets des cathédrales de Bourges et de Narbonne. A la cathédrale de Strasbourg, sera bientôt remonté l'ancien buffet (1489) qui contiendra un instrument de facture moderne. — Combien nombreuses sont encore les anciennes orgues des xvie, xviie et xvme siècles, qui devraient être complètement restaurées (Cau- debec-en-Caux, cathédrale d'Evreux, Uzès, Verneuil (Eure), Le Blanc, Saint-Calais, Cathédrale de Nantes, etc., etc...)!...
... Aucune salle de concerts n'existe où les organistes puissent se faire connaître. Soit. Mais, l'église leur en offre le moyen. Les messes de onze heures avec orgue sont régulières dans toutes nos grandes pa- roisses parisiennes, et il est un certain nombre d'organistes qui y don- nent de véritables récitals. En un sens, ils n'ont pas tort, puisque leur instrument est le seul qui leur permette de se faire connaître ; ils font aussi apprécier et aimer des pièces qui ne sont exécutées nulle part ailleurs (toute l'œuvre d'un Bach ou d'un Franck). Par contre, il serait souvent à souhaiter que les organistes n'oublient pas qu'ils jouent à
go Ca tribune fa 0aïîtt- ©mmis
l'église, et ils devraient adapter avec plus de soin leur programme (!) aux différents temps de l'année liturgique. — Quoiqu'il en soit, ces messes de onze heures sont très assidûment suivies dans certaines pa- roisses; elles peuvent, pour une certaine part1 — et si le programme en a été affiché — faire connaître les plus belles pages de la littérature de l'orgue.
Nous avons dit qu'un mouvement en faveur de l'orgue se fait sentir depuis quelques années. En effet un certain nombre de musiciens et de musicologues se sont intéressés à l'histoire de l'orgue, à son ori- gine, à ses perfectionnements. Ils ont ainsi fait connaître un instrument dont le public ignorait tout. Par leurs écrits, A. Gastoué, A. Cellier, J. Huré, et surtout F. Raugel ont donné des précisions sur l'ancienne facture d'orgues française, comme sur l'ancienne littérature de l'orgue. Il faut leur savoir gré d'avoir attiré l'attention des musiciens sur un instrument qui a tenu une si grande place dans notre vie musicale passée.
Peut-on parler d'une renaissance de l'orgue en France ? Pas encore. Pour que l'orgue, en effet, reprenne la place qu'il avait tenue au xvme siècle, il nous faudrait des concerts beaucoup plus nombreux. Les organistes, nous les avons, — quoique peu nombreux. — Ils sont même les meilleurs qui soient et vont faire connaître notre école d'orgue française dans le monde entier. Il n'y a qu'à Paris qu'ils ne peuvent pas jouer !
La société des Amis de l'Orgue récemment créée, tente un effort en faveur de l'orgue : elle donnera, annuellement, cinq concerts à ses adhérents, le plus souvent dans une église, le soir. — Pour une renais- sance complète de l'orgue, il faudrait arriver à donner une série de grands concerts populaires à la nouvelle salle Pleyel (lorsqu'elle pos- sédera son instrument) ou au Trocadéro, comme du temps des Guil- mant, des Gigout et des Widor. — Si mauvaise que soit donc actuelle- ment la situation de l'orgue en France, il ne faut point désespérer, mais voir les progrès qui ont déjà été accomplis en sa faveur, en attendant des jours meilleurs.
N. Dufourcq.
l . Pour une certaine part seulement, car il faut toujours compter avec le bruit des chaises, des chaisières, du va-et-vient de l'église, de la sortie, de la hallebarde du suisse, des cornes d'automobiles ! A l'heure actuelle, la meilleure formule de concert serait un récital d'orgue dans une église, le soir, après le dîner.
îtotre Supplément
NOTRE SUPPLÉMENT
Ave verum, à 2, 3 et 4 voix, de Guillaume Du Fay. Fidèle à son dessein, la Tribune de Saint- Gervais, tout en servant l'art moderne, remontera volontiers vers les formes les plus anciennes. Voici, pour ce mois, une œuvre de G. Du Fay, le grand maître de la polyphonie vocale naissante, vers le milieu du
xv« siècle.
Cette pièce, délicate d'exécution et profonde d'impression, fut composée pour alter- ner avec le Sanctus de la messe papale. La mesure pourrait en être battue soit à 3/4, soit à 6/8, en décomposant les temps, pour assurer la superposition des deux rythmes, très goûtée dans la musique médiévale. En dehors de la recherche et de la beauté ten- tées et réalisées dans ce motet, on verra avec intérêt que cet Ave verum a servi de modèle évident à celui de Josquin des Prés, que nous donnerons un jour en entier.
Sanctus, à l'unisson, avec accompagnement, de J. Tapissier. C'est la primeur d'une mélodie médiévale accompagnée, dont nous faisons profiter nos lecteurs. Son auteur est plus connu par la grande renommée qu'il eut au début du xve siècle, que par ses œuvres : ce beau Sanctus, découvert dans le précieux manuscrit d'Apt, remis en partition en 1914 pour une audition à la Sainte-Chapelle, est d'un grand effet> _ Mesure à décomposer, comme dans le motet précédent.
Agnus Dei, à 4 voix, du chan. C. Boyer. Des manuscrits laissés par le regretté compositeur, son neveu M. le Chan. Louis Boyer a bien voulu nous transmettre ce pieux motet que nous sommes heureux de publier, et dont l'interprétation est facile.
Salve regina, à 4 voix, de Georges Loth. Belle composition d'un moderne qui dirigea avec honneur la maîtrise du Sacré- Cœur de Montmartre pendant plusieurs années. Assez difficile d'exécution, ce motet est d'une belle couleur mystique et d'une écriture délicatement artistique .
92 Ca tribune ht 0aiitt-©ert)atô
LE MOUVEMENT LITURGIQUE ET MUSICAL DISTINCTION HONORIFIQUE
Mgr Moissenet, chevalier de la Légion d'Honneur .
Le Gouvernement vient de s'honorer en décernant à Mgr René Moissenet, l'admi- rable maître de chapelle et directeur de la maîtrise de la cathédrale de Dijon, la croix de Chevalier de la Légion d'Honneur. La manière puissante dont il a servi la cause de l'enseignement musical, de la culture vocale, appliqués à l'interprétation des grands maîtres, depuis plus de trente ans, ajustement attiré l'attention des pouvoirs publics sur ce musicien consciencieux et modeste.
Nous prions respectueusement Mgr Moissenet d'agréer nos vives et sincères félici- tations.
Nous avons le plaisir aussi de complimenter, au nom des amis de la Tribune de Saint-Gervais, notre éminent collaborateur M. Georges Servières : l'Académie des Beaux-Arts vient de lui décerner un prix spécial de la fondation Bernier pour son bel ouvrage sur la Décoration artistique des Buffets d'orgue, dont la revue rendra compte prochainement. La curieuse étude de M. Servières, que nous publions aujourd'hui, était primitivement destinée à former un chapitre de ce livre important.
L'ACTION PAROISSIALE
Honneur aux maîtrises d'enfants! Celle qui progresse à Saint-Louis-en-l'Ile sous la direction de M. l'abbé Baudrier a chanté le salut de clôture du mois de Marie, le 3i mai. Les voix sont moins belles qu'autrefois à Saint-Merry; néanmoins l'ensemble a du ton et promet de rajeunir, en le corsant, le « grégorien » qu'on entend murmurer ailleurs, faute d'enfants, ce qu'on ne saurait trop répéter.
C'est le cas à l'église Saint-Léon où nous avons succédé à M. Souberbielle nommé à Saint-Ambroise. Les dames de la Schola lisent le plain-chant en notation moderne. C'est une erreur. Ces notes rondes fractionnent les neumes ou ne les donnent que déformés, de sorte qu'on n'en a plus l'intelligence. La notation carrée parle justement à celle-ci; c'est une tâche d'en faire aimer le graphique; on s'emploiera donc à montrer la variété des signes et des groupes où l'intention des plain-chantistes est évidente, pour tout lecteur vraiment musicien.
Pour la clôture du mois de Marie, M. Souberbielle a fait chanter des fragments du Quant dilecta de Rameau (avec Mlle Lamboley et M. Boulé comme solistes) et un salut en musique très réussi. Les fêtes du T.-S.-Sacrement et du Sacré-Cœur ont eu de l'éclat. La schola aborda l'ordinaire II et IV à cette occasion. Le propre fut bien suivi. Donné
Ce manvemtnt liturgique et musical 93
au ténor et en la (?, le verset Caro de l'alleluia bénéficia du beau timbre de M. Le Bre- ton à qui il ne manque qu'un peu de lien rythmique (car il a du goût) pour être le soliste grégorien aimable, artiste, maître du style. Le chœur n'était pas au complet; il n'a pas encore l'aisance qu'exigent le mouvement et l'équilibre des grands faux-bour- dons chantés à vêpres : Vittoria, Viadana, Zaccariis, Andréas; mais le zèle des dames présentes permit d'améliorer le Magnificat Ve ton de Viadana qu'on redonna le ven- dredi soir (Sacré-Cœur), avant les fragments de la Passion selon saint Jean de Bach dont le rappel était de circonstance et qu'on présenta en triptyque : Calvaire, Tombeau, Résurrection signifiés par O quel amour Jésus... (n° 7), le final « Repose en paix » et le dernier Choral.
L'occasion de redresser quelque chose ne pouvait manquer, pendant les processions d'usage; très facilement le chœur se plia au rythme large accordé à l'ample phrase du Pange lingua et aussi de Y Adoro te extatique qui n'est rien moins que grégorien; de même furent balancés et non soutenus ni soudés, les accords des chorals de Bach qui procèdent d'une diction et font l'effet de pas différenciés seulement par l'intensité dyna- mique; le genre n'a de style qu'avec cette démarche qui permet d'ailleurs l'élasticité comme le relief des vocalises et l'opposition maxima dans les nuances; le pathétique est en plus, on ne manqua pas de le chercher.
Pour expérimenter les tonalités, on prit en la \> Y Ave Maria de Lourdes qui en devint presque acceptable; le plus beau timbre du Magnificat royal abordable à tous, est certainement la \> qui ajoute aussi de l'éclat; et c'est le ton idéal pour Homo qui- dam, YAgnus IV, le Magnificat VIe ton d'Andréas, Y Ave Regina de Soriano, etc. A chacun d'en faire l'expérience.
Bourg-la-Reine s'est distingué le jour de la Pentecôte, par une riche exécution de la Messe « Douce mémoire », de Lassus; la chorale en possède les nuances, que M. Bres- sel impose par une direction très expressive, notamment dans le crescendo émouvant de YAgnus. Correct sans plus — sauf la Prose bien enlevée à trois temps — le plain-chant resta au-dessous du niveau atteint en 1926; la beauté mystique du grégo- rien dépend d'une flamme qu'il faut rallumer sans cesse; d'autre part la voix et l'intelli- gence ont leur effort à donner quant au style; le moindre abandon, le plus léger repli du cœur, un simple crédit fait à la lettre sans cette tension de l'esprit attaché au sens et c'est un plain-chant dont le spirituel s'évanouit. Or, sans l'élan de prière, sans l'ardeur intérieure, sans cette grâce vocale qui est l'art d'animer mystiquement le rythme et l'accent des neumes, qu'est-ce que les Alléluias du IV et Veni, Sancte? Il faudrait des altos pour ce dernier; l'intériorité en serait plus belle et captivante.
Pas assez suivies mais intéressantes ont été les « auditions populaires » à N.-D. du Rosaire pendant le mois de Marie. On y entendit successivement A. Marchai, A. Fleury, Ach. Philip, Nadia Boulanger, tous grands organistes : nous avons donné leurs pro- grammes dans la Petite Maîtrise. Avec MM. Pisson et Gébelin, M. et Mme Tremblay firent honneur au « concert spirituel » : Carissimi (Ezéchias), Schûtz, Campra, M.-A. Charpentier, Steffani, Bach, Haendel; et la chorale paroissiale exécuta les motets et chœurs classiques de son répertoire. Elle se retrouva au complet (40 chanteurs) pour
94 *Ta tribune ire 0ahtt- (friront*
un grand concert donné à la Salle des fêtes, en juin; on y entendit des rondes populaires et des chansons polyphoniques (Lassus, Janequin, de Bousset); Mme Tremblay chanta deux Chansons de Miarka, d'Alex. Georges; M. Tremblay, l'air du Laboureur des Sai- sons de Haydn ; leur duo dans la Flûte enchantée fit plaisir; des morceaux de Chopin, Schubert, Scarlatti, Stravinsky (Pétrouchka) furent joués au piano par Mlle Lélia Gous- seau (ler prix du Conservatoire et prix Claire Pages).
Tant de bonne musique à l'église et au concert suppose des moyens d'exécution, des concours actifs, du temps pour le travail, des répétitions nombreuses et suivies. Tout le monde félicitera la Société chorale paroissiale en service et au complet pour une œuvre d'éducation populaire, si l'éducation liturgique spécialement grégorienne l'occupe et la préoccupe autant, si ses membres veulent d'abord approfondir le plain- chant, lui donner un caractère d'art dans l'office, en fournir le modèle aux fidèles de la nef qui doivent répondre, ce qui dépend beaucoup de M. Tremblay et de sa fidélité au programme qu'il avait, il y a quelques années. Il y a un « Vive labeur » des liturgistes, des grégorianistes, des hommes du Motu proprio. De ceux-ci on est ou on n'est pas. On en est quand les actes auxquels on s'oblige réfléchissent Vidée et l'imposent dans la paroisse à la hiérarchie mondaine (opinants grands et petits) qui croit légitime son dédain barbare du plain-chant.
En fait de liturgie et de plain-chant, d'art religieux tout court, comment qualifier les Maîtres de Chapelle dont l'Union responsable patronna l'exécution au Trocadéro, du Stabat de Rossini qui en est la négation? Voilà la concession type aux usages et au goût de la béotie anti-grégorienne! Rossini est un grand musicien d'une époque qui n'entendait rien au style d'église. Sa messe qu'on entendit à la Madeleine a des parties très belles gâtées par le goût des effets de théâtre. Le Stabat est bien au-dessous et c'est une machine de guerre contre le style sacré remis en honneur grâce à Ch. Bordes et à Pie X, depuis trente ans. L'U. M. C. O. aura payé d'une gaffe le concours de l'ai- mable Victor Charpentier et de sa troupe qui devait pousser à monter le Stabat rossi- nien à son répertoire; elle en a commis une autre en laissant changer l'ordre du pro- gramme à cause d'une cantatrice pressée, ce qui motiva le départ de Louis Vierne et la suppression déplorable de ses deux pages d'orgue avec orchestre. A part cela, on vante l'effet produit par le Psaume CL, par les pianistes Wiener et Doucet dans un Concerto de Mozart et par les pièces d'orgue (Bach, Franck, Vierne) que joua l'organiste de Notre- Dame, toujours puissant. -*
Formulé dans un meilleur esprit, le programme de la Gilde Sainte-Cécile compor- tait cette année une Journée grégorienne à la chapelle de l'Institut catholique. Là, Tierce et Grand' messe furent chantées, Vêpres et Compiles... abandonnées; les congressistes dirigés par M. le chanoine Victori, n'eurent que profit à s'entraîner à ce qui sera com- plet et parfait l'an prochain. Pendant ces Journées eurent lieu l'audition habituelle à la Sainte-Chapelle (motets de Lassus, Palestrina, Vittoria, Mouton, Praetorius); le concert prévu, chez Gaveau (œuvres éditées par la Procure); un office à Saint-Séverin (idem); le banquet à l'Hôtel des Sociétés savantes; des récitals d'orgue : à la Madeleine (Dallier), à Saint-Germain-des-Prés (Marchai); dans cette dernière église fit sensation le Beati omnes de La Lande exécuté par les A. D. C. et les Chanteurs de la Sainte-Chapelle sous
Ce mouvement liturgique et musical 95
la direction de M. Letocart; à quelques-uns ce psaume apprit quelque chose. Le reste consistait en réunions où l'habitude est de lire rapports, « causeries » et conférences avant leur publication; beaucoup d'initiatives y furent dévoilées par les meilleurs des hommes de diocèses, de villes où l'on ne fait rien d'efficace, grégoriennement parlant. On peut et on ne manquera pas de joindre ses vœux à ceux des amis du plain-chant qui viennent de pays où on ne croit qu'au style « en parties >», aux chorals, aux pâtes d'accords, aux pastiches d'outre-Rhin et aussi aux réussites d'école, et à ces pon- cifs « maître de chapelle » commis par les gloires locales qui ont crédit et influence. Il ne faut pas nous faire croire qu'une moisson lève là où est notoire la stérilité due à la croûte épaisse de formulaires qu'on trouve en province comme à Paris. Le genre faux subsiste dans beaucoup de maîtrises des grandes et petites villes. Le clinquant a son histoire qui dispense de remonter au moyen âge, épris de style. Le clinquant est moderne comme les particularismes, dont on se couvre. Et' le difforme est lié à cela. Seulement les enceintes du mauvais goût ont bel aspect dans les cathédrales. On n'expliquerait pas autrement la laideur qui dure et remplit amusicalement les plus belles nefs. C'est l'histoire de Saint-Sulpice et de basiliques provinciales d'où l'on nous prêche. L'homme averti sait que là, le plain-chant est nul ou sournoisement limité, sinon combattu. Pour aujourd'hui nous n'avons pas à donner d'exemples mais à mettre en garde à propos des voyantes assises de la Gilde, contre les palabres, la lecture de pal- marès, les fleurs académiques et cet échange de congratulations absolument sans rap- port avec la réalité des choses et le sens de l'idée qu'on veut servir. Il faut mettre à part l'intéressant rapport sur X Ecole d'orgue de Caen associée à la Schola Saint-Gré- goire de cette ville, pour une œuvre décentralisatrice utile et positive. M. Collin parla avec grand sens de la situation des organistes; nous comprenons son esprit de justice; la question relève de l'organisation corporative; celle-ci a ses conditions, personne n'ose les regarder en face; en attendant que la Gilde aboutisse sur ce terrain qui est le sien on ne pourra ici, que s'intéresser à la situation faite à la musique d'orgue par ceux qui ont mission de l'intégrer à l'office dans un esprit liturgique qui leur échappe générale- ment. Cela, on ne le dira pas aux réunions de la Gilde ni dans les Congrès présidés par des maîtres qu'on croirait désobliger par ces leçons.
Des Journées instructives sont celles qu'organise I'Institut grégorien en liaison avec les paroisses. Celle des Oblats commença le 5 mai au Sacré-Cœur par Compiles et Matines suivies de Laudes et des autres Heures; le lendemain à Saint-Germain-des-Prés, on chanta l'office du IV* Dimanche après Pâques avec l'ordinaire Lux et origo : style toujours soigné, voix qui portaient, chœur dans la nef sous la direction de Dom Maur Sablayrolles; l'impression, dit-on, fut bonne (nous étions à Bourges). Notre-Dame-de- Lorette fut choisie pour la Journée grégorienne du 3 juin, fête de la Trinité; les fidèles y chantent depuis longtemps grâce au dévouement de M. l'abbé Ségaux; Dom Gajard y régla un chant alterné encore un peu timide (côté nef) et parfois réticent (côté schola) surtout dans la psalmodie; à celle-ci ni l'égalité théorique, ni l'égalité pratique des notes ne convient, pas plus qu'aux chants syllabiques en général; les brèves non brèves engendrent un style guindé contraire au naturel que sert justement l'aisance oratoire; l'épèlement qui en résulte, même très distingué comme à l'Institut grégorien, ne vaut
96 Ca tribune î»e 8a\nt-<&evwi6
pas ce que l'instinct oratoire et musical (c'est tout un) sent et adopterait précisément
pour telles proses et hymnes sans l'opposition née de raisonnements comme celui de
D. G. à la Salle de Géographie, à savoir : que le « ternaire » est réclamé au nom du
goût populaire, qu'il faut s'en méfier et garder le « binaire » de principe exempt de
vulgarité. Le binaire et le ternaire sont dans la nature et tous deux prennent forme
dans la musique; a priori l'un vaut l'autre; c'est pourquoi on trouve le « ternaire »
établi, organisé, mis en cadence dans le plain-chant. C'est parce qu'on le trouve tel
dans la prose Veni, Sancte Spiritus avec ses longues et ses brèves conformes au
mètre du texte qu'on le réclame; l'idée qu'on nous prête de vouloir plaire au peuple à
propos des proses à trois temps qu'il aimera et suivra est absurde; on dit que dans
certains cas, le peuple est d'accord avec les musiciens pour chanter sur une cadence
ternaire ce qui n'a aucun sens autrement; on ajoute que l'art y gagne, la facilité aussi et
que l'autorité des manuscrits n'infirme pas plus l'hypothèse « ternaire » qu'elle ne
couvre l'hypothèse contraire défendue par les Bénédictins à Solesmes principalement.
A part cette entrave légère causée par l'esprit de système à la nature variée et
beaucoup plus libre qu'on ne croit des neumes bien en ordre, le rythme de l'Institut
grégorien nous donna satisfaction. Inutile de dire qu'au phrasé toujours superbe
s'ajoutèrent des nuances et une richesse d'expression qui cadrent avec tout ce qu'on
demande inlassablement pour la polyphonie, pour Bach et toute espèce de musique.
Car il n'y a qu'une Musique... •
A. Trotrot-Dériot.
LES CONCERTS
TRANSCRIPTION, ARRANGEMENTS, BEARBE1TUNGEN, TRIPOTAGES, TRIPATOUILLAGES...
On connaît la lecture :
Oui, je viens. — Dansons tant! — Plat doré. — Les Ternes? Elle!... Je viens seul. — On l'use. — Agent. — Ticket solennel, Etc., etc. Et celle-ci :
Oui, je viens dans son temple adorer l'Eternel, Car je redoute fort l'effroyable tunnel, Si célèbre depuis la fameuse journée, Où sur le Montparnasse un bock me fut donné, Etc. Si un éditeur en délire s'avisait de publier ces fariboles sous le nom de Racine, quel beau concert de réprobations s'élèverait à l'instant d'un bout à l'autre du territoire, dans la presse et les conversations!
En architecture on admettrait difficilement d' « adapter la Sainte-Chapelle à la sen-
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sibilité moderne » en y introduisant des ornements en charpente métallique et en ciment armé, voire en installant un bar américain au sous-sol. D'ailleurs (pour une fois l'Ad-mi- nis-tra-tion a du bon) les monuments historiques veilleraient...
Pour la musique, il n'en va pas de même : n'importe qui peut user de n'importe quelle œuvre pour n'importe quelle fin; le premier abruti venu peut réduire la cin- quième symphonie pour occarina et grosse caisse. Il n'y a rien à dire. J'ai sous les yeux un catalogue où Siegfried- Idylle est transcrite pour violon seul!
Le plus terrible, c'est que ces saletés s'éditent, se vendent, et se jouent. Et non pas comme on pourrait le croire, dans le salon du percepteur des Indirectes à Fouilly-les- Oies; mais dans tous les grands concerts.
D'autres fois, au lieu de réduire, comme ils disent, ils magnifient : ce n'est plus Notre-Dame rapetissée aux dimensions d'un bibelot d'étagère, c'est le bijou gonflé jus- qu'à devenir plus grand que la gare d'Orsay.
Les oc transcriptions » d'Athalie ci-dessus citée donnent précisément les deux types de fautes qu'on connut dans ce genre de sport : fautes d'accent, qui concernent l'inter- prétation, fautes de textes, qui regardent l'authenticité de l'œuvre.
Personne ne s'indigne ni des unes ni des autres ; personne même ne s'en inquiète. Au lycée, nos éditions du classique étaient précédées de tout un appareil critique, où l'on nous montrait que telle phrase absente du Codex vaticanus, se trouvait dans l'excel- lent manuscrit de Vienne, et était confirmée par le ms 3.5o2 du fonds latin de la Nationale...
Mais qui s'occupe de pareilles vétilles pour la musique? Il suffit qu'un virtuose appose sa signature sur une édition pour que soient légitimées les plus extravagantes fantaisies de texte, de liaisons, de nuances, de doigtés : « c'est comme cela que je joue... » Quant à savoir si c'est comme cela que l'auteur l'a indiqué personne ne s'en soucie.
Il faut pourtant prendre garde à l'immensité du domaine où le tripatouillage peut exercer sa malfaisance : d'un côté, il commence à la plus légère altération du texte de l'autographe ou de l'édition princeps, — après quoi on ne peut plus lui assigner aucune limite.
Non seulement les dégâts purement musicaux dûs au tripatouillage dépassent toutes les bornes, mais les productions qu'il suscite envahissent de plus en plus les concerts. On se souvient qu'il y a une vingtaine d'années, on consommait une moyenne de deux concertos par séance de concert dominical. A côté des chefs-d'œuvre classés, qu'on est toujours heureux de réentendre, l'intensité d'un tel débit avait amené sur le marché un tel excédent de navets, que la vraie musique, la musique tout court menaçait d'être étouffée sous cette avalanche. M. Trotrot-Dériot prit un parti décisif : il siffla les mau- vais concertos de telle manière que la crainte étant le commencement de la sagesse, les œuvres douteuses eurent vite fait de disparaître des programmes. Faudra-t-il recommen- cer cette petite opération de salubrité en ce qui concerne les transcriptions?
Pour l'instant, bornons-nous aux tripotages de textes. S'il est vrai qu'une science n'est qu'une langue bien faite, on peut apprécier le manque d'esprit scientifique, en la
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question qui nous occupe, à l'impropriété du vocabulaire employé. Ouvrons le diction- naire : Transcription : action de copier une chose écrite ; transcription d'un acte de l'état-civil. Il semble que la transcription doit inspirer la même confiance que l'origi- nal. Consultons un catalogue de musique : Berceuse de Tartampion, pour flûte et triangle, transcrite pour deux pianos à huit mains par Quincampois... Il est bien évi- dent que le sens musical du mot transcription ici est contradictoire à son sens normal, ce dont nous avise d'ailleurs le dictionnaire par la définition : action de reporter (!) un morceau de musique d'un instrument sur un autre.
Pour apprécier la qualité de cette opération, rabâchons des vérités premières. En principe, une œuvre d'art est ce qu'elle est, on ne doit y toucher sans aucun prétexte. En musique, si une pièce ne vous plaît pas, ne la jouez pas, laissez-la tranquille, « Mais si Fauteur avait connu telle harmonie, tel timbre, il les aurait certainement employés; voyez comme ça fait bien là... » Avec des si, on ferait tenir Paris dans une bouteille. Avec un tel raisonnement, on pourrait légitimement établir un building sur le Parthénon, faire de Sainte-Sophie une immense gare de chemin de fer, transformer Saint-Séverin en salle de cinéma, etc. etc.
Donc, pas de transcriptions : respect de la pensée de l'auteur, respect de l'œuvre qui en est l'expression. Un courant d'idée commence à se former dans ce sens; et comme le meilleur garant de la pensée des maîtres, ce sont leurs manuscrits ou les éditions dont ils ont eux-mêmes surveillé la gravure, la Bibliothèque Nationale de Vienne vient de créer un département d'Archives musicales photographiques : les chefs-d'œuvre seront reproduits en « phonogrammes » d'un prix accessible, dont la comparaison avec les éditions courantes permettra de constater les mutilations subies par la musique au cours des siècles.
Et il ne faut pas croire qu'il s'agit de peu de chose. Il y a une vingtaine d'années, j'avais déjà suspecté de l'authenticité certaines éditions de Franck — ce dont me railla agréablement Willy dans une de ses lettres de l'Ouvreuse. Or, pour ne contrister personne — éditeur ou arrangeur — de l'ancien continent, je citerai deux exemples pris de l'autre côté de l'eau : une édition de la Pastorale pour orgue de Franck, dans laquelle on a pratiqué de larges coupures, et la transcription pour les chanteurs nègres de... X Etude de Chopin en Mi majeur!! !
De telles libertés ne sont pas admissibles. Comment se fait-il donc, pratiquement, qu'on en abuse avec un sans-gêne déconcertant? Les musiciens ont beaucoup d'excuses. D'abord « ils ne savent pas ce qu'ils font. » Dans les Conservatoires, dans les cours, dans les leçons particulières on n'initie jamais les élèves aux questions de critique textuelle. Les élèves, devenus à leur tour maîtres, virtuoses, compositeurs, continuent d'ignorer ce qu'ils n'ont jamais appris. Où trouveraient-ils d'ailleurs le temps, pressés par les néces- sités du métier, de faire de la photographie musicale? Ajoutons que l'instruction, plus que rudimentaire, de la plupart des musiciens, sera à jamais incapable de leur suggérer les doutes qui pourront assaillir même un simple bachelier sur la question de l'authenti- cité des textes.
La contagion de l'exemple entraîne ceux qui n'ont pas de doctrine. Enfin, il arrive souvent qu'avec les transcriptions on gagne beaucoup d'argent. C'est un argument
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d'ordre général auquel les musiciens ne sont pas seuls à être extrêmement sensibles.
Toutes ces considérations expliquent bien des choses. Mais, musicalement parlant, il y a un fait historique qui diminue la responsabilité des musiciens en cette affaire. Dès la Renaissance, on prit l'habitude de suppléer, dans le quatuor vocal, les voix déficientes par des instruments quelconques. On ne voyait aucun inconvénient à exécuter le soprano sur une flûte, à chanter la partie d'alto, à mettre les deux voix graves à une viole basse et à un trombone. Au fond — et cela n'a pas varié à travers les siècles — l'auteur pré- férait être exécuté ainsi que pas du tout. L'usage persista jusqu'au moment où coin. mença l'instrumentation ne varietur des maîtres de l'orchestre. Jusque-là on trouve des pièces « propres à la flûte, au hautbois, au violon, à la viole, musette, vièle et autres instruments à l'unisson », avec une parfaite indifférence pour le timbre utilisé. Mais il ne nous est pas permis de réorchestrer Beethoven, comme l'a voulu Mahler... Et comme déjà — déjà ! — Mozart l'avait fait subir à Haendel !
Ces considérations, qui seront complétées, doivent servir à expliquer certaines sévé- rités, rendues nécessaires par le laisser-aller qui domine dans certains cantons de la musique. Et bornons-nous maintenant à relater quelques faits marquants.
Tout d'abord l'hommage rendu à Henry Expert par la Société Internationale des amis de la musique française. En quelques mots excellents, M. Migot a remémoré le cursis laboris d'H. Expert, et a exprimé le vœu qu'il soit bientôt admis à faire partie de l'Institut. Après quoi la Çhanterie de la Renaissance a donné un choix de pièces — dont le merveilleux Las, je me plains, d'A. de Bertrand — avec cette « douceur fran- çaise » et ce goût exquis, ce charme que seul H. Expert sait communiquer à ceux qu'il dirige. Non initié à ce genre de musique, l'auditoire, tout d'abord indifférent, ensuite étonné, intéressé, puis subjugué, éclate à la fin en ovations en l'honneur du maître qui a si bien travaillé, depuis tant d'années, pour l'art français. Mais quelqu'un ma-nquait à la fête : le gouvernement aurait pu s'associer à cette démonstration, et envoyer un représentant qui aurait apporté le témoignage officiel de l'administration bien due à celui qui a consacré sa vie, employé sa science et dépensé sa fortune à resti- tuer la musique de la Renaissance française en des éditions qui sont l'enseignement et la joie des musiciens et des dilettantes du monde entier. Du temps de Louis XIV, un tel homme aurait reçu une pension de la cassette royale. N'insistons pas et constatons simplement que, d'après les journaux, le Président de la Répuplique, M. Herriot et M. Painlevé ont parfaitement pu se déranger pour applaudir ou décorer des artistes de Berlin, de Vienne ou d'ailleurs, dont il ne s'agit pas de contester le talent, mais dont les services rendus à l'art français sont des plus discutables...
La Petite Scène a donné les Amants Magnifiques, de Molière, musique de Lully. La partition, peu importante, montre de temps à autre l'ongle du lion. Pour notre goût actuel, la pastorale serait peut-être un peu longuette, avec la réduplication de ses allu- sions à la situation des trois prétendants. Mais ce n'est qu'une ombre légère, qui n'atteint pas l'ensemble de ce spectacle bien français, restitué avec un goût exquis, une parfaite entente des décors, des costumes, de l'action scénique. Il faut noter que le clavecin, employé pour réaliser la basse continue et produit un excellent effet, et a joué vrai- ment, comme autrefois, le rôle d'agent de liaison entre les diverses parties orchestrales.
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M. Jan Sliwinski a eu l'excellente pensée d'extraire de l'œuvre immense de Schubert une vingtaine de lieds oubliés qui, présentés avec un soin pieux, et mis en valeur par sa voix prenante, ont révélé au public de nouveaux aspects du génie de ce grand Maître, aussi célèbre que mal connu.
Signalons en passant la séance d'orchestre de chambre, dirigé par Saminstry, et de Chant — Mme Croiza, — où ces artistes nous ont fait connaître des œuvres instrumen- tales et des mélodies d'Honegger, Schônberg, Auric, Szymanowski, Saminski, Jacobi, Krein. Ce petit tour d'horizon de la musique contemporaine, exécuté avec les moyens réduits dont on aime à se contenter actuellement, est très caractéristique de notre temps, et mériterait à lui seul une longue exégèse, que le manque de place ne nous permet pas...
M. Virgil Thomson, compositeur américain, a fait entendre quelques-unes de ses œuvres dans la nouvelle et charmante salle d'orgue du Conservatoire. Ce concert com- mençait par des variations et fugues pour orgue sur des cantiques américains (pas meilleurs que les nôtres!) une pièce pour voix seule et percussion, une Sonate d'Eglise Choral, Tango1 , Fugue pour clarinette, trompette, alto, cor, trombone, (ensemble aux sonorités exquises), et des airs pour soprano. Il est instructif pour nous de voir com- ment sont compris et transformés nos styles, hors de l'ancien monde : des parties agres- sives, ultra-modernes, voisinaient avec des refrains qui pour nous évoquent les habitudes de l'opérette. Ce mélange, qu'on peut remarquer même chez un Darius Milhaud, n'a rien enlevé à la sympathique attention d'un nombreux auditoire. Mme Marthe Martine, MM. Fleury, Prahl, Hamein, Adriano, Ginot, Entraigues, Lafosse, ont triomphé dans l'exécution périlleuse de nombreuses difficultés.
Pour finir rien qu'un écho de quelques-uns des intéressants concerts donnés à la Schola : première audition d'un chœur extrait de « Jan de la Lune » (concert de l'Associa- tion des professeurs de la Schola) de M. de Lioncourt — du même auteur réaudition du quatuor; quelques-uns des exquis Rondeaux de Ch. d'Orléans, mis en musique par M. d'Argœuves; le Sonnet pour alto et piano de Mme Cadier — enfin le concert donné au profit de l'Œuvre des Vieux Musiciens, par l'orchestre de la Schola sous la direction de M. Claveau : à noter la Médée de V. d'Indy, et l'acte de la Haine (d'Armide) où Mlles Andrée Campardon (la Haine) et Mad. David (Armide) furent remarquables de style et d'autorité.
E. BORREL
1, Ceux qu'offusquerait ce titre, n'ont qu'à se souvenir des Sarabandes, Courantes, Chaconnes, etc, nommé- ment désignées, ou simplement indiquées par le style et le rythme, chez les anciens organistes...
LYON. — Les il et 17 mai à la Salle Rameau, première représentation intégrale de la nouvelle œuvre due à la collaboration de Dom L. David et de M. Guy de Lioncourt : le Mystère de V Alléluia. Justifiant son titre, le texte et la mise en scène nous déve- loppent en effet dans le vrai sens spirituel de ce renouveau pascal, né de la douleur qui, selon le mot de l'apôtre crucifie le vieil homme pour le libérer du joug du péché en lui substituant le chrétien ce membre mystique du Christ qui perpétue dans l'Eglise la résurrection du Rédempteur. Et c'est ce qui nous explique les nombreux emprunts faits aux Offices de la Grande Semaine.
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Ce drame liturgique comprend trois parties :
I. Les ténèbres du Vendredi saint : remords des Juifs, désolation des amis de Jésus et adoration des anges.
IL La lumière de Pâques : les Saintes Femmes et les Anges, épisode de Madeleine, apparition du Christ.
III. Le Cénacle : prière des Apôtres, témoignage de Madeleine, les disciples d'Em- maûs, apparition du Christ.
Le chœur intervient, soit en polyphonie, soit par l'intercalation, dans l'action scé- nique, de pièces caractéristiques du répertoire liturgique : notons entr'autres le bel Offertoire Recordare, de la fête de N.-D. des Douleurs, le célèbre Media vita, le Chris- tus factus est dont aucune polyphonie n'égalera peut-être la sublime majesté; puis ce sont de joyeuses Antiennes pascales, l'Offertoire Jubilate, superbement nuancé et le Victimae paschali triomphant. Nous remarquons aussi la splendide gradation poly- phonique des alléluia du Samedi saint d'une fraîcheur et d'une clarté matutinales, ainsi que les dialogues des anges, le Regina caeli sur le thème liturgique, enfin le beau chœur final.
N'ayant pas eu l'occasion d'entendre le Mystère de l'Emmanuel, il nous semblait devoir redouter quelque écueil dans un développement musical prolongé des textes grégoriens. Il n'en fut certes rien : la belle musique de M. du Lioncourt a su admirable- ment mettre les ressources et la liberté d'une écriture très moderne au service de ces pièces liturgiques qui s'enchâssent dans un ensemble d'une parfaite cohésion. Ce serait le cas de conclure que les extrêmes se touchent parfois ; et, en somme, cette musicalité moderne de bon aloi, affranchie d'un conventionalisme qui fut souvent trop dramatique, et visant plus directement au moyen d'expression, ne s'apparente-t-elle pas en cela à la cantilène grégorienne si souple en son rythme, si étrangère à tous les poncifs qui dérivent surtout d'harmonisations banales ?
Il fallait toutefois le sens musical averti et le talent des auteurs pour ce commen- taire éloquent, et de si parfaite convenance qu'à aucun moment on n'eut la moindre impression d'une opposition entre les chœurs grégoriens et la polyphonie ou l'orchestra- tion qui en soulignaient si heureusement la couleur.
Nous disons bien : la couleur; car, s'il y avait à tenir compte d'une action scénique cette mise au point spéciale n'est en nulle contradiction de principe avec le caractère intrinsèque des pièces empruntées au répertoire de l'Office. Nous n'avions pas attendu cet exemple pour expérimenter que le grégorien se soutient sans pâlir auprès d'une riche polyphonie, à condition de ne pas lui infliger cette esthétique conventionnelle, étriquée, falote et sans conviction, refuge aisé, il est vrai, de grammairiens musicaux novices, mais que l'on s'étonne de voir accepter par d'autres. Et cette opinion, qui vise le seul point de vue d'art, laisse le champ très libre sur toutes autres questions d'école.
Les chœurs, dont il faut louer l'aisance et la souplesse, furent fournis par le groupe choral de M11* Monier, et la maîtrise qui, nouvellement constituée par M. l'abbé Perret à l'église Saint-Pothin, a le mérite d'apporter régulièrement cet appoint musical aux offices paroissiaux pour une compréhension bien nécessaire de la liturgie.
Parmi les solistes, le mezzo richement timbré de Mme Lysiane Doriani fit valoir le
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rôle de Marie-Madeleine; Mlle Thérèse Humbert, avec une parfaite intelligence de son rôle de la Vierge, semble avoir la meilleure éducation musicale au service d'un soprano très pur.
Le rôle parlé, — très succinct d'ailleurs, — du Christ nous déçut un peu : l'intention évidente était d'en faire le personnage distinct et distant de tous les autres; à notre très humble avis, nous l'eussions préféré s'exprimant en quelque récitatif très sobre dont le Resurrexi de Pâques, avec sa tonalité flottante et comme lointaine semble une expres- sion typique.
Quoi qu'il en soit de ce détail, l'œuvre est vibrante d'une émotion religieuse qui des artistes, se communiqua à l'auditoire. C'est une prédication des plus vivantes. Sou- haitons qu'elle se multiplie, qu'elle venge nos trésors d'art catholique de l'incompréhen- sion trop fréquente de ceux qui devraient les servir, ou du dédain dont les gratifie l'igno- rance. D'autre part, prier sur de la beauté n'est point un simple dilettantisme, c'est vraiment créer une atmosphère spirituelle où l'âme, déprimée par le contact des maté- rialités journalières de la vie, reprend conscience des réalités d'En-Haut pour y tendre dans un effort que stimule l'attrait.
François Johannès .
BELGIQUE
La Maîtrise de Saint-Rombaut de Matines et l'œuvre de Philippe de Monte. — Depuis une dizaine d'années — depuis la paix, — s'est magnifique- ment développée chez nous une institution dont l'influence, dans le domaine musical religieux, devient de première importance : la Maîtrise de la cathé- drale Saint-Rombaut à Malines. Institution bien ancienne sans doute et que fréquenta notamment dans son enfance le grand-père de l'auteur de la Neu- vième symphonie, ce Louis Van Beethoven, qui naquit à Malines le 5 janvier 1712. (Les récentes recherches consignées par le musicologue Raymond Van Aerde dans son livre Les ancêtres flamands de Beethoven, établissent la filia- tion malinoise, et non point anversoise, du génial compositeur).
Depuis la fin du xv' siècle déjà, la manécanterie de Saint-Rombaut, juste- ment réputée dans le monde musical, forma des musiciens et des maîtres de chapelle fameux, parmi lesquels nous citerons au hasard Philippe de Monte, Divitis (Ant. De Rycke), de la Hèle, Charles Major, et le reste (cf. Van Aerde, op. cit.). Charles Major, originaire de Thuringe, y fut précisément le maître de Louis Van Beethoven l'aïeul.
Aujourd'hui, sous l'impulsion du chanoine Van Nuffel, qui dirige aussi, après Lemmens, Tinel et Aloys De Smet, l'Ecole interdiocésaine de musique religieuse, la Maîtrise de Saint-Rombaut revoit ses jours d'antique splendeur et les offices solennels à Saint-Rombaut acquièrent, grâce à elle, une renom- mée mondiale.
Homme de volonté tenace autant que de science et d'expérience, le cha- noine Van Nuffel a établi sur les bases les plus pratiques le fonctionnement de
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la Maîtrise. Le point délicat en pareille matière, c'est d'abord le recrutement des enfants. Le groupe de quatre-vingt-dix jeunes voix dont la mue élimine chaque année une partie, on en assure la cohésion par une pré-instruction mu- sicale donnée déjà dans les classes primaires du Collège archiépiscopal de Saint-Rombaut. A chaque rentrée scolaire annuelle, le chanoine Van Nuffel recherche parmi les nouveaux venus les natures susceptibles de se dévelop- per vocalement ; deux professeurs du collège, « moniteurs » clairvoyants et dévoués du chef, en assurent la formation en des cours donnés plusieurs fois par semaine. A ces moniteurs est aussi confié le soin des répétitions du groupe des enfants enrôlés déjà dans la Maîtrise. La parfaite unité de vues existant entre celle-ci et la direction du Collège Saint-Rombaut est garante, on le voit, d'une alimentation régulière et d'un travail parachevé.
La difficulté se présente plus sérieuse en ce qui concerne la formation des séminaristes qui constituent, avec des amateurs malinois de bonne volonté, le groupe des ténors et des basses. Au séminaire aussi, un renouvellement partiel s'impose chaque année ; mais grâce à l'appui bienveillant des autorités ecclé- siastiques, le chanoine Van Nuffel réussit à compléter périodiquement son groupe de voix graves, qui compte en moyenne une soixantaine de participants.
La critique musicale de Belgique a constaté, avec une rare et touchante unanimité, la beauté des exécutions de Malines. De fait, celles-ci réalisent une perfection qui met la Maîtrise de Saint-Rombaut de pair avec les plus fameuses. Nous avions l'occasion de l'écrire déjà en 1925 : cette perfection réside dans la qualité et l'équilibre des voix, la chaleur et la beauté de la sonorité, la netteté de l'articulation ; dans ce phraser souple et plein d'élan qui allie à la discipline la plus stricte l'impression de libre spontanéité.
La pureté, la simplicité du style ; le souci de la couleur et du caractère propres des époques et des genres ; l'absence de toute afféterie et le mépris des effets de « virtuosité » chers à certaines maîtrises ultramontaines... tous ces éléments de l'intelligence et du cœur vivifient et rehaussent la splendeur dynamique et technique des interprétations de Malines.
Le répertoire de la Maîtrise témoigne de l'éclectisme averti de son chef lequel, dans ses propres compositions, unit d'ailleurs des hardiesses modula- toires très actuelles à l'esprit de la pure tradition. A côté des maîtres de la grande polyphonie, on entendit à Malines les intéressantes Messes (4 voix mixtes et orgue) des compositeurs flandriens Herberigs et Ryelandt, et les messes pour voix d'enfants de Caplet et du chanoine Van Nuffel.
Mais, depuis l'an dernier, la Maîtrise s'emploie surtout à ressusciter l'œuvre trop oublié d'un grand écrivain sacré de la Renaissance, Philippe de Monte, originaire de Malines et qui vécut, on le sait, de 1521 à 1603. En 1921, le musi- cologue malinois Van Doorslaer, fervent champion de la cause demontoise, avait publié une monographie déjà complète sur les origines, la vie, les composi- tions de Philippe de Monte. Avec l'aide du chanoine Van Nuffel et de notre éminent confrère Charles Van den Borren, l'œuvre de restauration est entrée
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dans la voie pratique. Mis en partition d'après le précieux Livre de Chœur de la bibliothèque du Conservatoire de Bruxelles, édités par les soins de la revue Musica Sacra, interprétés magnifiquement à Saint-Rombaut, des motets et huit messes de Philippe de Monte ont révélé un maître de plan supérieur, digne émule de Lassus et de Palestrina dont il est contemporain immédiat.
Dernier grand représentant de la branche néerlandaise des polyphonistes renaissants, de Monte a laissé une production considérable, religieuse et pro- fane. Il est un des plus remarquables compositeurs de madrigaux; le Dr Van Doorslaer en a mis en partition le premier livre, et le Dr Einstein s'occupe, pensons-nous, d'en publier à Berlin d'importantes séries.
Ainsi que nous le disait récemment le chanoine Van Nuffel, quelles que soient la valeur et la signification des compositions aujourd'hui connues de Philippe de Monte, il est trop tôt pour assigner au maître malinois une place précise dans la production du xvie siècle. Mais tout permet de penser que l'étude de ses quarante-huit messes et du millier de ses madrigaux et motets fera ressortir avec plus d'évidence encore la qualité magistrale de son art.
C'est pourquoi la Belgique a le devoir de devancer les musicologues et les éditeurs de Germanie dans l'œuvre de restauration si intelligemment initiée et poursuivie par nos savants spécialistes et par la Maîtrise de Saint-Rombaut.
G. Systermans.
LES LIVRES
1° POÈTES ET MUSICIENS DU XVe SIÈCLE, Paris, 1924; 2° TROIS CHANSONNIERS FRANÇAIS DU XVe SIÈCLE, fascicule I, Paris, 1927; publiés par E. Droz, G. Thibault, et pour le 2e, avec la collaboration de Y. Rokseth. Documents artistiques du xve siècle, tome i, 150 fr., et tome iv, 195 fr. (pour les souscripteurs). In-4° raisin, notices, héliogravures et transcrip- tions musicales. Paris, éditions Droz.
Bien que ces admirables publications dues à la science éclairée et au goût artistique de M"es Droz et Thibault, et de Mme Rokseth, n'intéressent pas direc- tement la musique religieuse, elles éclairent d'un jour trop grand la musique du xive siècle et du xve, pour ne pas les présenter à nos lecteurs. Nous étions indécis de savoir où en placer la notice : bibliographie pure d'un livre intéres- sant notre art, ou éditions musicales? A vrai dire, ces publications sont l'un et l'autre : mais, comme je doute que les luxueuses éditions de ces pièces médié- vales ou de la polyphonie vocale à sa naissance puissent être prises en main pour l'usage, je préfère les classer sous la première rubrique.
C'est à dessein que je rapproche les deux publications précédentes (dont
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la première parut alors que la Tribune de Saint-Gervais était encore en som- meil). Suscitées par le bel enseignement donné à la Sorbonne par notre émi- nent confrère et ami M. A. Pirro, ces volumes sont l'amorce d'un « corpus » de la musique française au xve siècle. Le tome des Poètes et musiciens, qui est déjà épuisé, contient quatorze pièces à plusieurs parties, tant vocales qu'ins- trumentales, allant de deux « déplorations » sur la mort de Guillaume de Machaut (1377) jusqu'à l'époque d'Anne de Bretagne (1500). Le 1er fascicule des chansonniers français du xve siècle contient quarante-neuf pièces, et l'ouvrage entier donnera deux cent quarante-cinq pièces demeurées jusqu'ici inédites.
L'art réel des successeurs de Machaut et des prédécesseurs de Du Fay, l'œuvre de cet auteur, de ses émules et de ses élèves, de Binchois, Busnoys, Ockeghem et tant d'autres, est ici magnifiquement illustré et exposé. Il n'est plus possible d'ignorer toutes ces œuvres véritablement artistiques, repro- duites, présentées, commentées avec un soin et une science des plus minu- tieux, si l'on veut connaître l'aspect réel, l'interprétation, des œuvres reli- gieuses contemporaines, dont nous donnons déjà quelques-unes dans cette revue.
Cette publication constitue un document d'art inappréciable autant qu'utile.
LE MANUSCRIT MUSICAL M. 222 C. 22, de la Bibliothèque de Stras- bourg (xve siècle), brûlé en 1870, et reconstitué d'après une copie partielle d'Edmond de Coussemaker, par Ch. Van Den Borren Extrait des Annales de l'Académie Royale d'Archéologie de Belgique, 1923. Anvers 1924, in-8° de 219 pages. 1928, en vente chez l'auteur, 55, rue Stanley, Bruxelles. Prix, pour la Belgique : 30 francs ; pour l'Etranger : 9 belgas.
Ce titre, un peu énigmatique pour « le grand public », est des plus capti- vants pour les musiciens qui s'intéressent, — et ils le devraient tous — à l'art du moyen âge. Le célèbre manuscrit de Strasbourg fut un des plus intéressants parmi ceux du début du xve siècle, et, depuis qu'il fut brûlé dans l'incendie de la Bibliothèque de cette ville, au cours du siège de 1870 par les Prussiens, combien on en déplorait la perte ! Depuis ce temps, la découverte que je fis du manuscrit d'Apt en 1900, celle du manuscrit d'Ivrée par M. le chanoine Gino Borghezio, et quelques autres attestations recueillies çà et là, permirent d'identifier quelques-unes des pièces du précieux manuscrit de Strasbourg, dont on possédait une table.
M. Ch. Van den Borren, érudit et chercheur infatigable, a eu la chance de remettre la main sur les notes et copies que E. de Coussemaker avait prises de ce manuscrit vers 1866, restées ignorées dans des papiers de famille. Aujourd'hui, il est ainsi permis de reconstituer presque en leur entier, les pièces de ce manuscrit alsacien, témoin du confluent artistique international qu'était Strasbourg aux environs de l'an 1400, et dans lequel, sans être pré- pondérante, l'influence française est si importante. Chansons, rondeaux,motets
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profanes et sacrés, morceaux de messes, composent ce manuscrit, au nombre de 213 pièces à 1, 2, 3, 4 voix, chantées ou instrumentales.
Le présent volume donne leur analyse complète, et laisse espérer que Ch. Van den Borren en donnera une transcription excellente et complète.
A. G. ART ET SGOLASTIQUE, par Jacques Maritain. 1 volume, 350 pages, Paris, L. Rouart, 20 francs.
Le beau livre ! écrit par un véritable poète. La magnifique et substantielle doctrine ! donnée par l'un des maîtres les plus éminents de la pensée française. Il s'agit, on ne l'ignore pas sans doute, d'un petit traité d'Esthétique d'après les principes de la philosophie thomiste. Une première édition en avait été donnée en 1920; l'auteur l'a soigneusement revue et enrichie de très précieux développements.
Un pareil travail ne saurait être résumé en quelques lignes, il est même impossible d'en indiquer les pages saillantes. Jusqu'aux moindres notes, tout est à lire : oh! non pas en chemin de fer, ou à l'heure de la sieste, mais dans la plus parfaite solitude et dans la plus grande liberté d'esprit. Il faudra même reprendre souvent cette lecture, pour s'assimiler une pensée si dense, si vigou- reuse, si tonifiante.
Les musiciens d'église seront heureux de trouver là d'admirables chapitres sur l'art religieux. Pourtant, si tout le monde s'accorde avec M. Maritain quant aux principes (l'essentiel en somme), peut-être les applications qu'il en fait ne satisferont pas certains lecteurs; pour ma part, je suis loin dégoûter quelques appréciations et jugements par trop catégoriques sur des musiciens et surtout sur des contemporains. Mais notre profonde admiration pour l'auteur, ne nous oblige pas à l'accepter comme maître de musique.
Au fait, si tout le monde ne s'entend pas, tant mieux ! Il serait souhaitable, je crois, qu'on élevât de ci, de là, quelques objections, non certes pour embar- rasser M. Maritain, mais pour l'amener à préciser, peut-être à rectifier quelques points secondaires.
Sujet de fréquentes et fructueuses méditations pour tous les artistes, source de nombreux courants d'idées vivifiants dans le monde artistique et intellectuel, voilà ce que devrait être ce petit ouvrage.
En terminant, je ne puis m'empêcher de formuler discrètement une remarque : il y a aujourd'hui en France un grand musicien, un chef d'école, dont l'enseignement s'inspire des mêmes principes que ceux de M. Maritain; il est infiniment regrettable qu'on le méconnaisse au point de ne pas le nom- mer et de ne pas faire la moindre allusion à ses écrits. Les élèves de la Schola, qui sauront de qui je veux parler, en seront franchement peines.
Maurice Gay.
C'CBtttott muôtrcde 107
L'ÉDITION MUSICALE
LE SOLFÈGE DES CHANSONS DE FRANCE, par François Johannès, 2e Livre, avec une préface de M. Henri Expert. In-8° de 76 pages; Editions Maurice Senart, Paris : prix net, 6 fr.
Voilà une délicieuse publication, qui, malgré son titre modeste, est le fruit d'un précieux travail, et rentre à merveille dans le cadre de notre revue. En deux mots, Fr. Johannès a voulu créer, comme le dit si justement notre con- frère M. Henri Expert, « un solfège pour les petits Français, basé sur nos chansons populaires » ; la lre partie, formée de « principes clairs, solides, d'une facile assimilation », parut il y a quelques années. La suite que souhaitait le préfacier, développant la partie des modalités du moyen âge « qui ont produit avec tant de chansons populaires, la merveilleuse floraison de nos chants d'Eglise », vient de sortir de librairie.
Une centaine de mélodies de vieilles chansons traditionnelles, empruntées à diverses provinces, et des exemples de chant grégorien, sont compris dans cette exquise méthode, destiné à abolir les rébarbatifs solfèges, aux leçons plates et souvent sans goût. Répandons autour de nous cet excellent ouvrage : il devrait avoir place dans toutes les institutions et écoles catholiques, par le choix des pièces qu'à recueillies l'auteur, et par le point de vue auquel elle s'est placée. Je dis: «elle», car F. Johannès est le pseudonyme sous lequel s'est fait connaître, par ses intéressantes œuvres de musique religieuse, l'une de nos excellentes correspondantes.
CANTATE pour le troisième jour après Noël. « Voyez quel amour le Père nous a témoigné », de J.-S. Bach, adaptation française et annotations de Jean de Valois Paris, Choudens ; la partition complète, prix net, 5 fr.
Voici, de cette intéressante œuvre du grand maître, une édition nouvelle, dont la qualité est d'avoir été revisée et adaptée par notre ami M. J. de Valois. La difficulté de traduire un texte de langue étrangère par une version à la fois fidèle et chantable a été très heureusement surmontée ; des syllabes françaises sonores, bien accentuées, correspondent du plus près à l'original allemand. L'adaptateur a établi son texte en vers libres, avec quelques assonances (que nous aurions dû voir surtout dans les chorals). Des annotations musicales et indications d'instruments sont précieuses à qui ne possède pas la grande édition de J.-S. Bach.
« Souvenez-vous Eucharistique », solo et chœur à 2 voix égales ou à l'unis- son, avec accompagnement d'orgue ou harmonium, par l'Abbé Louis Boyer. Lyon, Gloppe ; partition, prix net, 5 fr. ; parties de voix, 0 fr. 50.
Œuvrette simple et charmante du compositeur bien connu, destinée à une
journée de Première Communion. Facile et ému, ce cantique de M. l'Abbé
L. Boyer sera certainement goûté.
A. G.
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ANGLETERRE
Nous relevons, comme susceptibles d'intéresser nos lecteurs, les publica- tions suivantes de Bibliographie musicale anglaise, publiées à Londres pen- dant l'année 1927.
R. Meyrick Roberts, The organ at Liverpool Cathedral (Musical Opinion Office). — Charles W. Pearce, The évolution of the pedal organ and matters connected therezuith (ibid). — Herbert Westerby, The complète organ-recita- list (ibid). — J.-H. Arnold, Plainsong accompaniement (Oxford University Press). — Frederick-John Gïllmann, The évolution of the English hymn (George Allen and Unwin). — Handbook to the Church-Hymnary , édition revisée, publiée par James Moffatt (Oxford University Press). — James. -T. Lightwood, Methodist music of the xvmth Century (Epwarth Press).
Une messe anonyme à 5 voix Quam suavis, transcrite par l'organiste de l'Oratoire de Birmingham, H.-B. Collins, vient d'être mise à jour par les soins de la Plainsong and Medixval Society. Remontant à l'année 1500 environ, elle est construite sur le thème du Sanctus de la Messe des Anges. Essentielle- ment vocale et mélodique, elle se recommande par la variété de sa facture et de son écriture. Il est à souhaiter que cette œuvre paraisse bientôt dans une édition pratique, et qu'elle soit ainsi rendue à l'usage musical.
M.-L. P.
ALLEMAGNE
Parmi les nouvelles publications des éditeurs Breitkopf et Haertel, citons : L'Art de la Fugue (Kunst der Fuge) de J.-S. Bach, arrangé par Wolfgang Graeser pour l'orchestre suivant : quatuor, orgue, 2 clavecins ou pianos, un hautbois, un cor anglais, un basson, deux trompettes, deux trombones. L'œuvre, sous cette forme a été exécutée le 26 juin 1927, à l'église Saint-Thomas, de Leipzig, sous la direction du Dr Karl Straube.
LES REVUES FRANCE
En première ligne, je signalerai aujourd'hui deux Bulletins d'associations musicales qui, peut-être, deviendront un jour de véritables revues :
1" Le Bulletin de l'Union des Maîtres de Chapelle et Organistes (siège social : i5, avenue du Maine, Paris, xve), qui, depuis l'hiver dernier, paraît une fois par trimestre,
Ceô Uennes 109
selon les nécessités de l'œuvre. On sait comment l'Union, fondée depuis une vingtaine d'années, mais réorganisée à deux reprises, par suite de la guerre, prend de la vie et de l'importance parmi les musiciens d'église de Paris, auxquels elle est destinée. Son Bul- letin, très complet, comprend les convocations, comptes rendus des auditions de l'Union, liste des membres, catalogue de la bibliothèque, tous renseignements qui doivent être utiles à tous les confrères faisant ou non partie de l'Union parisienne.
2° La Tribune, organe de l'Association Amicale des Chanteurs d'Eglise de Paris (siège social, 2 bis, rue Laferrière, Paris, ixe). Le premier numéro de ce bulletin est paru en février, et correspond à l'importance de ce puissant syndicat. Bien qu'en principe destiné à traiter des questions d'organisation purement professionnelle, j'y ai vu avec plaisir, sous l'initiale de son président, un appel pressant en vue de la transformation du « répertoire désuet » par des œuvres se conformant aux exigences du Motu proprio, puis en faveur des répétitions pour préparer le chant grégorien du Propre du Temps. Il y a là l'indice d'un sérieux mouvement en faveur de la vraie musique religieuse, chez les Chanteurs d'Église de Paris.
Meilleurs souhaits à ces jeunes bulletins, et vœux d'une bonne continuation dans leur action salutaire et dirigée vers un but en rapport avec la destination de l'art litur- gique.
A. G.
Tablettes de la Schola, XXVI, n° 5. — G. de Lioncourt : L' accompagnement du chant grégvrien, excellent et très pratique article, véritable « programme » d'un accom- pagnement simple, respectueux des vraies modalités musicales et des appuis rythmiques à commencer par l'accent, vrai animateur de la mélodie.
Petite Maîtrise. — N° 180 (n° chant) ; note A messieurs les Curés et Maîtres de Chapelle du Diocèse de Paris, au sujet du conflit dont une partie de la musique d'église moderne est victime ; liste des compositeurs publiés au Bureau d'Edition de la Schola et ne faisant pas partie de la Société des Auteurs. — Suite des études de M. l'Abbé P. Bayart, Pour que le peuple chante, et des Propos d'un grincheux, de E. Borrel. — Nos 179 et 181 (nos orgue), Causeries sur l'harmonium, excellents conseils pratiques de R. Blin, et A quoi pensent les organistes ? suite des belles études critiques de A. Trotrot-Dériot. A signaler, parmi les pièces musicales du n° 181, la Fugue sur « Pange lingua », de Albert Bertelin, belle et aisée à jouer.
Revue du chant grégorien. — XXXII, n° 3. A. Gastoué : Une Salutation au T.-S. Sacrement, curieuse invocation commençant par Ave, salus mundi, remontant au moins au xme siècle, ayant donné lieu à une mélodie caractéristique de plain-chant, et mise en motet à 4 voix au xvne. — J. Remillieux : Un « grand » Mariage ; Dom L. David : La Messe « pro Sponsis » ; deux articles très complets et très captivants, à propos du répertoire chanté aux messes de mariage, pour qu'il soit plus religieux, et la messe plus liturgique.
Revue grégorienne. — XIII, n« 3. Dom F. Cabrol : Le chant du « Pater » à la Messe, ses origines, ses formes, première partie, historique, de cette belle étude qui sera
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continuée. — Dom Hébert Desroquettes, L' accompagnement de la mélodie grégorienne, article envisageant surtout le cas d'une clivis finale, où nous sommes d'accord avec l'au- teur sur la manière de traiter harmoniquèment cette clivis, dont la première noté est habituellement une appogiature.
Revue pratique de liturgie et de musique sacrée (Lille). — n° 127-128. Encartage, O vos omnes qui transitis, à 4 voix mixtes, de Jacques Van Berchem (xvie siècle), reconstitué par M. l'Abbé J. Delporte, œuvre belle et expressive, dont les paroles sont bizarrement formées de centons de divers répons de la Semaine-Sainte ; grand motet en trois parties, avec curieuse reprise de la première, il apporte du nouveau à notre con- naissance de la musique de cette époque, à laquelle M. l'Abbé Delporte continue, à tort, d'appliquer l'épithète d' « école flamande ».
Informateur musical et théâtral (Lyon), VII, n° 6, et Revue St-Chrodegang (Metz), X, n°3, reviennent sur le conflit des droits d'auteur; la première de ces revues tient pour leur légitimité, même à l'église : la seconde s'y oppose. Tout le conflit est entre ces deux exceptions; plusieurs projets sont à l'étude pour trouver l'heureux moyen terme. — Ajoutons toutefois qu'en plusieurs diocèses la perception. des droits d'auteur à l'église a lieu depuis un assez grand nombre d'années, sans que personne s'en soit jamais plaint.
Bulletin de la Schola Cazcilia (Toulouse). — Malgré son titre modeste, c'est un périodique bien intéressant que ce bulletin, publié par M. l'Abbé Louis Ollier, le dis- tingué maître de chapelle de la Cathédrale de Toulouse. Paraissant depuis un an et demi, ce périodique, avec les programmes des offices chantés de la cathédrale, et des nouvelles de la société, contient une bonne documentation et des articles intéressants sur la musique sacrée. Le n° lt, paru en mai, est extrêmement intéressant par une étude sur Charles Bordes et Georges Guiraud ; ce dernier musicien travaillait, au moment de sa mort récente (voir notre article Nécrologie) à un petit oratorio sur les Rameaux, dont il avait déjà autrefois étudié le plan, de concert avec notre regretté fondateur. M. l'Abbé Ollier publie à cette occasion une longue et curieuse lettre de Bordes à ce sujet, que nous lui demandons la permission de reproduire dans un de nos prochains numéros.
Czecilia (Strasbourg). — Ce très vaillant bulletin bilingue de V Union Sainte-Cécile du diocèse de Strasbourg poursuit vaillamment sa carrière, sous la direction du sympa- thique M. l'Abbé Emile Clauss, vice-président de l'Union, aux côtés du zélé M. le Cha- noine Jos. Victori. Avec un plan analogue à celui des « grandes » revues, ce bulletin très pratique répond à tous les besoins de l'Alsace chantante, par ses articles pratiques ou documentaires, ses réponses détaillées aux questions posées, etc. Dans les numéros de cette année, M. l'Abbé Goehlinger publie même toute une série d'études sur l'histoire musicale, Gesangund Musik einstund jetzt (Chant et musique autrefois et aujourd'hui) en partant de l'antiquité et du haut moyen âge. — Adressons nos particuliers remercie- ments à M. l'Abbé Em. Clauss pour les mentions spéciales qu'il a bien voulu faire, à diverses reprises, de nos revues et de nos publications.
Lyrica, Bulletin du groupe d'Études Scientifiques et Techniques du Chant (Paris.
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71, rue de l'Assomption), publie, dans son « Supplément n° 1 » de cette année, les très intéressants comptes rendus des séances consacrées à ce sujet : des rapports et confé- rences de MM. le Dr Cayla, Labarraque, professeur Husson, etc., sur la Respiration, sont particulièrement à signaler.
La Revue des Revues de l'Étranger est reportée au prochain numéro.
NÉCROLOGIE
M. le Chanoine Bourdon: R. P. Dom Anselme Deprez; M. Omer Guiraud
Ces derniers mois, la corporation des maîtres de chapelle et organistes a perdu trois des siens, dont la personnalité était marquante.
M. le Chanoine Bourdon, maître de chapelle de la cathédrale de Rouen depuis l8g5, tint une place parmi ses confrères. Héritier des traditions de grande musique de la cathédrale, à la tête d'un chœur fortement organisé, et bien soutenu par un clergé ami des belles choses, M. le chanoine Bourdon avait su réaliser à Rouen d'intéressants offices. Si le répertoire y gardait encore certaines œuvres plutôt décoratives, en usage depuis un siècle, elles étaient choisies, et remarquablement exécutées. M. Bourdon, connaissant à fond son métier, avait lui-même écrit un certain nombre de pièces à l'usage de la cathé- drale : ses idées personnelles sur le chant grégorien ne lui avait malheureusement pas toujours permis d'assurer une unité parfaite à l'exécution du plain-chant. Elles n'en avaient pas moins été approuvées par S. Em. le Cardinal Dubois, lorsqu'il était arche- vêque de Rouen. Erudit chercheur, M. le Chanoine Bourdon avait publié, en collabo- ration avec M. l'Abbé Colette, une belle Histoire de la maîtrise de Rouen, et une pré- cieuse notice sur les Orgues de cette église. Pendant longtemps, M. Bourdon eut au grand orgue, en M. Haelling, décédé l'an dernier, un remarquable émule pour rehaus- ser la beauté de ses offices.
Le R. P. Dom Anselme Deprez, de l'Abbaye de Maredsous, fut pendant de longues années organiste de cet important monastère. Bon musicien en même temps que litur- giste, ainsi qu'il est de tradition dans l'ordre de saint Benoît, Dom Deprez cherchait l'union parfaite des pièces d'orgue qu'il exécutait et de la liturgie qu'elles devaient enca- drer. Maîtres classiques et modernes étaient heureusement par lui mis à contribution, et volontiers donnait-il les plus larges conseils aux jeunes musiciens qui l'approchaient. Improvisateur consciencieux, Dom Deprez s'attacha aussi à la composition de Can- tiques populaires, presque tous publiés par les Editions musicales de la Schola Canto- rum, où ils forment cinq séries appréciées.
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M. Orner Guiraud qui jadis collabora avec Ch. Bordes en différentes occasions, et fut à Paris l'un de nos meilleurs confrères, tenait remarquablement, depuis vingt ans, le grand orgue admirable de la basilique Saint-Sernin de Toulouse. Serviteur exact de la liturgie, observateur minutieux de ses prescriptions et de son esprit, Guiraud savait allier dans son jeu l'art ancien et actuel, le sens grégorien et le goût populaire dans ce qu'il a de traditionnel. Compositeur, don qu'il tenait de famille, puisque son père X. Guiraud occupa un rang distingué dans la musique profane, Orner Guiraud est l'auteur du beau chant catholique et français (connu aussi sous le nom de « La Roubaisienne ») Debout, chrétiens! sur des paroles du R. P. Delaporte. Pendant quelques années, on put espérer que cette belle inspiration serait comme le drapeau musical des Congrès catholiques : les circonstances l'ont malheureusement desservie, c'est dommage; il conviendrait de remettre ce chant en lumière.
R. I. P.
A. G.
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Tome JtfV N° 4 - 1928
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LA TRIBVNE DE SAINT-GERVAIS
FONDÉE EN i8g5
PAR
Ch. BORDES, ALEX. GUILMANT
ET
Vincent dIndy poursuit comme principaux buts
ha. connaissance des chefs-d'œuvre de la Musique Religieuse
L'application pratique du Motu proprio de Pie X
L'étude raisonnée de l'ancienne musique
Les progrès de l'art religieux moderne
Sous la direction de A. GASTOUÉ et A. TROTROT-DÉRIOT
Principaux Collaborateurs :
Ant. Auda. - Abbé P. Bayart. - Camille Bellaigue. - Eug. Borrel. Abbé L. Boyer. - L. Bragard. - Maurice Brillant. - Abbé F. Brun. Paul Brunold. - André Cœuroy. - Abbé E. Collard. - Norbert Dufourcq. Maurice Emmanuel. - Henri Expert. - Jean Huré. - J. & L. de La Laurencie. - F. de La Tombelle. - Hector Laisné. - Paul Le Flem. Guy de Lioncourt. - Pierre de Malingreau. - M.-L. Pereyra. - André Pirro. - Abbé J. Prieur. - F. Raugel. - M. Rouy. - J. Samson. - Aug. Sérieyx. - G. Servières. - O. Tichy. - J. Tiersot. - P. Tirabassi. -Jean de Valois. - Ch. Van den Borren.
Tome XXV nouvelle série - N° 4 Août 1928
LATRIBVNE DE SAINT-GERVAIS
REVUE MUSICALE
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA
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UN RÉPONS DU Xe SIÈCLE
DANS LA LITURGIE ACTUELLE
DE BAYEUX
DANS une étude sur les « Propres diocésains des Églises de France », M. Gastoué écrivait : « Les deux Motu proprio de Sa Sainteté, sur la musique sacrée en général et le chant litur- gique en particulier, ainsi que les décrets de la S. C. des Rites et autres actes pontificaux qui les ont accompagnés, ramènent l'attention sur la contexture musicale — et littéraire — des nombreux offices et messes propres de nos Eglises. Ils prescrivent, en effet, aux Évêques la cor- rection musicale de leurs « propres diocésains ».
« L'autorité apostolique, en promulguant la restauration des mélo- dies propres de l'Eglise Romaine, suivies dans presque tout l'univers catholique, a tracé aussi, suivant en cela la tradition ecclésiastique, les sages règles qui devaient faire profiter les Églises particulières de cette même restauration.
« Or, si les chants romains sont aussi vénérables par leur origine et leur antiquité, qu'admirables par leur caractère artistique, il n'en est point ainsi, à de très rares exceptions près, de nos chants diocésains1. »
C'est l'une de ces exceptions que nous proposons d'étudier dans ces quelques notes : le diocèse de Bayeux a conservé depuis le xme siècle jusqu'à nos jours le répons Congregati; rétablie dans sa pureté primi- tive, cette admirable pièce vient d'être publiée dans le supplément diocésain de l'Office des Morts2. Avant de raconter son histoire, disons quelques mots de son origine.
1. Variations sur la Musique d'Eglise, p. l3-i8.
2. Voir Tribune de Saint-Gervais,xx\,page 29.
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I. UN RÉPONS TRADITIONNEL
Deux manuscrits le contiennent en neumes sans lignes, notamment le manuscrit 8663 (f° 58) de la Bibliothèque nationale où il figure en addition à une série de traités scientifiques1. L'origine du Congregati est incertaine : dans son Essai théorique, pratique et historique sur le Plain-Chant, imprimé à Gaen, en 1847, l'abbé Dolé, Directeur au Pensionnat Ecclésiastique de Vire et aumônier de l'Hôtel-Dieu, publia ce répons d'après un manuscrit bayeusain du xme ou xive siècle et à cette occasion il prit soin de citer l'opinion de l'abbé Le Beuf qui pré- sume que, « fabriqué en France », le Congregati pourrait « avoir été modulé à Paris, ou à Sens, ou bien à Chartres2 ». Ce qui est certain, c'est que ce répons est rare dans les manuscrits et qu'il semble être spécial à la région du nord-ouest ; « après l'avoir cherché dans plus de deux cents (manuscrits), écrit Dom de Sainte-Beuve, nous ne l'avons trouvé que dans ceux d'une région très limitée » à Paris, à Chartres, à Angers, à Bayeux, d'où il passa peut-être dans quelques églises d'Angle- terre3, à York par exemple (Antiph. xive s.).
A cela rien détonnant : dans son Introduction à la transcription de X Ordinarium Ecclesiae Bajocensis, xme s. (pages xliv et sq.), le Cha- noine Ulysse Chevalier dont « les services rendus par lui à la science liturgique sont pour nous un honneur » rappelle en ces termes l'in- fluence en Angleterre de la liturgie bayeusaine : « On l'a dit : le rite de Bayeux se retrouve en Angleterre : toute la liturgie anglaise actuelle vient de Normandie,... les chapitres des cathédrales d'York, Lincoln et Salisbury (Sarum) ont été créés en même temps (1090-1091) sur le modèle du chapitre de Bayeux. » En 1066, date de la conquête de l'Angleterre par les Normands, Odon ou Eudes I de Conteville, frère utérin de Guillaume, était évêque de Bayeux; l'ami de Guillaume, Lanfranc, abbé de Saint-Etienne de Caen en 1063, devint archevêque de Cantorbéry en 1070. L'histoire des Ducs normands explique- rait également en Italie et notamment en Sicile la présence de cer- taines particularités de la liturgie rouennaise. Les historiens l'ont
1. Ce manuscrit est du Xe siècle; les additions semblent indiquer qu'il appartenait à l'abbaye de Fleury (Saint-Benoît-sur-Loire). Chose curieuse, le répons Congregati est noté en neumes du type chartrain, dérivé de la notation messine, mais deux autres ver- sets surajoutés sont en pure notation française, et le tout cependant de la même main. (Note de M. Gastoué, qui a bien voulu consulter pour nous ce manuscrit.)
2. Traité historique et pratique sur le Chant ecclésiastique, Paris, 1741, p. 19, note b.
3. Les variantes des mss. anglais actuellement connus ne permettent pas de conclure à une filiation d'une manière certaine.
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écrit : « Nulle province ne jeta plus d'éclat au xie siècle que la Nor- mandie. »
Mais revenons à Bayeux : cette vénérable Eglise chante ce répons, à une place ou à une autre, depuis sept cents ans à la Commémora- tion des Fidèles Trépassés, in festo Animarum, comme on disait au xme siècle, (Goutumier de Bayeux)1. Nous disons au moins depuis sept cents ans, car notre Ordinarium, qui est le premier en date de nos manu- scrits à le signaler, codifie, comme tous les Ordinaires médiévaux, des usages existants. Le Congregati est à cette époque jusqu'à la réforme du xvme siècle le VIe répons de l'office nocturne à Bayeux et en d'autres diocèses. On trouve sa mélodie dans le bréviaire noté du xme siècle (ms. 74, Chapitre de Bayeux), dans un manuscrit du xive siècle (ms. 119, id.) et dans l'admirable bréviaire de la Collégiale du Saint-Sépulcre de Caen que possède la Bibliothèque de l'Arsenal à Paris (ms. 279, xme s.) : manuscrit très important pour l'étude du chant liturgique de Bayeux, il renferme tout l'office noté et même quelques préfaces, le canon et un certain nombre de messes votives; l'élément dominant est le bréviaire qui occupe les feuillets 1 à 303 et 324 à 598, monument considérable qui contient des pièces très rares, des prosuies, des Benedicamus tropés, des chants que le diocèse de Bayeux possède seul.
On retrouve notre répons in Die Commemor adonis Deffunctorum dans le processionnal de Mgr d'Angennes, 1624, témoin admirable de notre tradition liturgique et grégorienne, imprimé à Caen sur lignes rouges avec les neumes grégoriens, porrectus, climacus losanges, etc., le tout d'une netteté parfaite; puis dans le processionnal de Mgr de Nesmond, 1692 : c'est un livre de transition, il fait pressentir la déca- dence grégorienne et commence l'abandon de certains chants quasi syllabiques qui, à juste titre, enthousiasmaient les précédentes généra- tions; ce processionnal impose le chant de notre répons à la procession du 2 novembre ante Missam et le prescrit à la Cathédrale le soir du 1er novembre, à 5 heures, à la procession qui précède une cérémonie solennelle pour les Morts dont nous étudierons plus loin les rubriques curieuses et fort instructives. Cette cérémonie, en partie du moins, est restée en usage jusqu'à nos jours.
Ensuite, c'est l'époque de la réforme néo-gallicane du début du xvme siècle : contre toute l'autorité d'une tradition de plus de cinq cents ans, on corrige, on transforme les textes antiques, on supprime les répons dont les paroles ne sont pas tirées de l'Ecriture, on adapte
1. Et comme on le dit encore à peu près en Angleterre, of ail Soûls.
n6 £a tribune îre Saint- (Servais
tant bien que mal les nouvelles paroles sur d'anciennes mélodies ou on supprime les mélodies traditionnelles.
Nos liturgistes du xvme siècle maintiennent — exceptionnellement, nous verrons pourquoi — le répons Congregati aux processions du 1er et du 2 novembre ; à part quelques variantes inhérentes aux divers systèmes plainchantiques en usage aux xvme et xixe siècles, c'est la même mélodie avec le même texte littéraire que nous trouvons à la procession dans l'édition de Mgr de Luynes, 1749, jusqu'au procession- nal de Mgr Didiot, 1861, en passant par les processionnaux de 1808, 1822, 1840 qui rééditent les textes littéraires et mélodiques de 1749.
Donc, dès avant 1250 environ jusqu'à nos jours le célèbre répons a toujours été chanté dans l'Eglise de Bayeux. C'est un fait remarquable. « Le diocèse de Bayeux est actuellement le seul à notre connaissance, a écrit Dom de Sainte-Beuve, qui ait conservé l'usage de l'ancien répons dans son texte authentique pour la procession du 2 novembre. » Mais il est non moins nécessaire de remarquer que le Congregati est le seul répons de l'antique liturgie bayeusaine qui ait été gardé intégralement jusqu'à nos jours.
Notre diocèse a conservé l'usage de chanter en procession un répons avant la grand'messe. Or, sur 80 répons environ qui composent le pro- cessionnal de Mgr Didiot (1861) actuellement en usage, on rencontre seulement 8 répons de la liturgie romaine et encore avec des modifi- cations de textes, on rencontre seulement 2 répons de la liturgie bayeu- saine qui ne sont plus romains, les 70 autres n'ont aucune attache avec notre véritable et antique tradition, celle de 1250 à 1750!
Ces deux répons sont les suivants : 1° le répons ou plus exactement l'antienne avec versets (notre Ordinarium ne confond pas les deux genres) Christus resurgens, et sur cette grande antienne, il faut faire les deux réserves suivantes : en 1749, a) une phrase fut ajoutée à l'an- tienne ; b) le verset grec Dicant nunc Judzei, « d'une pensée très belle et très éloquente1 »,fut supprimé et remplacé parle verset Prœcipitavit\ 2° le deuxième répons bayeusain, maintenu dans le processionnal actuel, est le Congregati : c'est le seul maintenu intégralement au procession- nal. Les célèbres répons attribués à saint Fulbert de Chartres, ceux composés sûrement par le roi de France, Robert le Pieux qui, disent les vieilles chroniques : es grant solempnités chantoit en cuer avec les Chanoynes et les Moynes, et vestoit la chape de cuer et tenoit cuer^ disparurent en 1749, les paroles n'étant pas de l'Ecriture; ils
1. Cf. Revue du Chant grégorien, 1894, p. 35, article de Dom Pothier.
2. Cité par A. Gastoué, cf. Art grégorien, p. 84-85.
IKn Uéyorts îru Xe sikh Hns la liturgie actuelle îre tfageus iï7
furent remplacés, les répons bayeusains du xme siècle, par des textes nouveaux dont la composition mélodique fut confiée à un habitant de Vire, nommé Voivenel ; son œuvre fantaisiste a été jugée irrégulière et monotone par l'abbé Dolé ; la « pureté de son goût » et ses « études spéciales », écrivait en 1877 l'abbé Laffetay, donnaient à notre confrère le droit de juger le « travail » de Voivenel l.
« A cette époque de réaction contre les anciennes liturgies »s le Congregati fut donc maintenu ; cette affirmation appelle une réserve et demande une explication.
II. DEUX TEXTES POUR UNE MÉLODIE « SALUT » POUR LES MORTS AVEC PROCESSION
Les liturgistes du xvme siècle conservèrent le texte authentique à la Procession du 1er et du 2 novembre, mais ils le proscrivirent de l'Office des Morts proprement dit.
En effet de 1744 à 1861, l'Office des Morts (éditions de 1744, 1810, 1829, 1848) ne contient plus au VIe répons le texte littéraire du Congre- gati. Ce texte est mutilé et dans sa nouvelle forme ajusté péniblement sur la mélodie traditionnelle : Esto mihi in Deum protectorem, ut sal- vum me facias ; quia inimici mei consilium fecerunt in unum... (exac- tement le même texte que le rituel de Blois, 1730, et de Bourges, 1766); au verset, on lit : Adversarius tanquam leo....
Par contre, à ces mêmes dates, le processionnal de Baveux (éditions de 1749, 1808, 1822, 1840, 1861) garde le texte authentique du VIe répons traditionnel Congregati avec son verset Delicta juventutis.
Donc, de 1744 à 1861, on chantait la même mélodie à l'office sur un texte néo-gallican, à la procession sur un texte de tradition bayeusaine.
Pourquoi cette anomalie ? un fait d'histoire va nous l'expliquer : une fondation faite en 1503 va donner au fameux « respond » une admi- rable pérennité. Sans cette fondation, le beau texte traditionnel eût dis- paru comme les 70 autres, il fallut à la procession respecter la volonté des fondateurs : chanter le répons Congregati authentique et non sa contrefaçon; les liturgistes du xvme siècle furent liés par le texte de la fondation.
Que l'on nous permette d'abord de présenter un document peu connu,
1. Cf. Laffetay, Histoire du Diocèse de Baveux, 1877, T. 11, p. 63-64-
2. Notons en passant que dans l'abandon de nos traditions diocésaines, à Bayeux comme ailleurs, les plus coupables au point de vue littéraire et mélodique furent les réformateurs du xvme siècle, au point de vue liturgique proprement dit ceux de 1861.
n8 Ca tribune îre 0amt~©en)at0
le « Cérémonial selon les rites du Diocèse de Bayeux, tel qu'il était observé en particulier dans les Eglises de Vire. — A Condé-sur-Noireau, Imprimerie typographique de J.-P. Auger. » (Sans date) *.
Certaines remarques de la Préface sont extrêmement intéressantes : ce cérémonial est un « mémorial », il fut tiré, après approbation, à un petit nombre d'exemplaires. Relevons deux notes de la Préface : 1° « Cette Eglise (Vire) était renommée au loin pour la beauté de ses cérémonies et la majesté de ses offices »; 2° « Ces cérémonies ne sont, à quelques exceptions près qu'on a eu soin de marquer, que les rubriques avec les commentaires de meilleure note, et les anciens usages du Diocèse; usages qui remontent au moins au xne siècle. »
La Préface nous apprend que ces cérémonies « furent trouvées si belles par Monseigneur de Rochechouart... qu'il pria M. Roussel... de les lui rédiger, afin d'en faire un Cérémonial pour le Diocèse. Malheureuse- ment la mort y vint mettre obstacle et le Cérémonial n'eut point lieu. Monseigneur Brault qui s'y connaissait bien, les admira plusieurs fois ; et nonobstant son mandement du 20 février 1819, il les autorisa. Il témoigna même publiquement, dans son dernier voyage de 1820, le regret qu'il avait que le nouveau Cérémonial fut imprimé, car il les eût adoptées. »
Au chapitre XIIIe : « De la fête de Tous les Saints », on peut lire : « Le soir, après les Vêpres, sur les six heures, on fait le Salut solennel pour les Morts. » En note, on lit : « A l'instar de la Cathédrale dans laquelle Jacques de la Morissière et Jean Potier fondèrent en 1503, ce salut avec la procession solennelle à laquelle chaque chanoine et tous les clercs assistent avec un cierge allumé à la main. »
Et notre auteur cite d'après Hermant, qui dans son Histoire du Diocèse (Caen, 1705), pages 432-433, nous dit en effet que Jean de la Morissière 2, Doyen de l'Eglise Cathédrale fonda avec Jean Potier, Trésorier de l'Eglise de Bayeux et Prieur de Saint-Nicolas de la Chênée « le Salut avec la Procession solennelle qui se fait à cinq heures après les Vêpres de la Fête de Tous les Saints pour les Morts. »
(A suivre.) Abbé Joseph Prieur.
1. Imprimé après 1820.
2. Nous citons ces noms propres d'après l'orthographe de Hermant. On sait qu'au- trefois l'orthographe était phonétique, le même mot variait au point qu'il était écrit de plusieurs façons différentes dans le même acte. M. le chanoine Deslandes les cite ainsi : de la Moricière, de la Chesnaye. Cf. Etude sur l'Eglise de Bayeux, passim.
21 Timbre fre la Catljekalf enrljant^ 119
A L'OMBRE DE LA CATHÉDRALE ENCHANTÉE
Monseigneur R. Moissenet
II LE POÈTE
Allons à l'office du soir. Les vêpres sont d'une poésie trop délicate pour solliciter le goût et retenir l'attention de nos contemporains. Il leur faut du mouvement, des sports, les duperies du « cinéma »...
Nous serons presque seuls.
Un chant très pur achèvera de nous séparer du monde. Nous nous soumet- trons docilement à son charme et des perspectives lumineuses se lèveront...
A peine les heures, « la pierre de touche d'une maîtrise », sont-elles com- mencées et déjà la présence se manifeste. Je m'attache à elle et lui demeure- rai uni tant que durera le balancement de l'antienne et du psaume.
Je venais à la musique et c'est moi que je rencontre, le véritable moi, l'in- trouvable moi, le moi divin. Celui que me cache le moi de tous les jours. Le seul moi qui devrait parler enfin ; celui qui tous les jours se tait.
Ce moi, qui donc l'a tiré de son sommeil ? Le Dieu caché, qui le force à se lever ?
Cette musique.
La fin de cet art est « d'endormir les puissances actives ou plutôt résis- tantes de notre personnalité et de nous amener ainsi à un état de docilité par- faite 1 » où nous réalisons ce qu'on nous suggère.
Il met l'âme en face d'elle-même, l'isole de ses attaches charnelles ; il révèle l'Homme à l'homme, le rapproche des secrètes profondeurs « où règne une tranquillité absolue, un silence profond, là, où réside, cachée, la présence divine2 ». Ceci va plus loin que le catéchisme, que la théologie : la théologie explique ; ceci est de la théologie en acte. Cet art aspire à déclancher l'expé- rience religieuse.
Pour que la musique détermine la prise de contact avec Dieu en nous, il faut qu'elle crée cette disposition sereine où, insensiblement, nos sentiments s'élèvent et dominent toute contingence; qu'elle efface de notre pensée les menus faits des jours, qu'elle oblitère si complètement notre mémoire qu'il
1. Tancrède de Visan.
2. Brémond.
120 £a tribune îre 5amt-©m)at0
n'y ait plus de passé. Il ne faut même plus qu'il y ait d'avenir. Le présent seul survit dans cette catastrophe bénie, le présent éternel. Ce n'est donc plus de musique qu'il s'agit, ni d'art, ni de beauté même. L'heure de la contemplation est ouverte : je ne pense plus donc je suis. Mais je ne suis plus qu'un batte- ment d'âme ; la lumière des Voies royales s'est levée au cœur de l'être ; elle baigne mes facultés ; captées, mes puissances intimes sont retournées vers leur centre. Me voici recueilli ; enfin, je vis.
Assis contre un pilier, en cet après-midi où m'assaillait la mélancolie, j'ai connu l'apaisement bienfaisant que donne d'ordinaire le silence religieux des forêts. Enfants et hommes se relançaient comme une balle vivante les versets; mon livre s'était posé sur mes genoux. J'étais soustrait à l'action même des paroles ; la vertu intellectuelle des mots n'agissait plus en moi ; mais peu à peu la monotonie discrète de ces répétitions mélodiques m'investissait de paix; les lignes brutales de ma vie quotidienne s'embuaient; des mouvements très purs, auxquels ma volonté ne participait aucunement, mais suscités par la puissance virtuelle des sons, se faisaient en moi.
Quelqu'un me disait un jour : quand ils chantent je ne peux plus prier, j'attends. Mystérieuse attente où l'adhésion silencieuse à Dieu remplace le bégaiement si vain...
Attente souveraine : te serai-je assez reconnaissant, ô sainte musique, créa- trice de silence, de m'en avoir appris le sens. La parole est du temps, le silence que tu m'offres est de l'éternité.
Dans ce « grand empire du silence » dont parle Carlyle, le moine y vit tout le jour ; mais nous que les exigences quotidiennes veulent tout en actes et en paroles, nous qui passons notre vie dans un monde qui, après avoir galvaudé la parole, a démocratisé le silence1, quel bienfait trouverons-nous dans la pré- sence d'un de ces créateurs de silence !
Quel avantage qu'une église où l'on puisse, parfois, en paix, aller " attendre ».
Et quel retour sur nous-mêmes, à nous musiciens d'église, nous propose cette entrevision ! Si nous ne sommes que musiciens, nous ne sommes rien. Les anciens voyaient en Orphée « un faiseur de calme, un pacificateur par l'harmonie ». Ce symbole reste vivant pour nous et nous ne commençons d'exister que le jour où nous réalisons ce qu'il suggère.
Les psaumes s'étaient suivis.
Et nous étions encore à notre place q^uand commença le Tantum ergo. Le Tantum ergo de tous les jours, le beau, l'unique, le Tantum ergo dorien enfin.
« Voilà la fleur des choses et la plus profonde vie morale » s'écrie Barrés devant l'Héraclès du Phidias.
Voici la fleur de ma foi et la plus profonde vie religieuse.
Son admirable modelé, sa courbe forte et souple, type insurpassable du
1. Ne fût-ce qu'en imposant des « minutes de silence » à tant d'êtres qui ne soup- çonnent pas le prix infini du silence.
21 Timbre î>e la Catheîrrale encljantee 121
dessin linéaire musical, son aisance, sa grâce, sa plénitude, tout cela ne peut suffire à expliquer le mouvement qui se fait en nous quand, ici, cette mélodie commence.
« La musique creuse le ciel » écrivait Baudelaire.
Est-ce donc de ce pouvoir souverain que vient à ces trois lignes, que je connais depuis que je me connais, une puissance poétique d'une telle qualité?
D'où vient qu'ailleurs, partout, cette phrase m'apparaisse un simple rite de la bénédiction, pas plus lourd de sens que le banal encensoir ou l'ordinaire voile humerai ?
Sans doute un poète s'en est emparé. Ainsi de vieilles légendes indiffé- rentes se rechargent de vies multiples, quand un créateur les commande. Cette mélodie que j'avais toujours vue fripée, que j'entendais sans l'écouter, la voici, comme inspirée, qui parle divinement.
Nul poète, en vérité, n'a à ce point, manifesté « le rapport des sons aux choses ».
Aussi son secret n'est point de chanter mais d'être.
Son génie prend pied dans sa vie intérieure. Sans elle il n'existe pas. Plus d'artiste chez lui sans l'homme. Au rebours de tant d'artistes chez qui l'on découvre un abîme entre l'homme et l'artiste.
Ici l'art est à la mesure d'un chrétien qui se propose en tout et pour tout « d'aider la prière ». La forme de son apostolat tend à manifester aux privilé- giés qui l'entendent « les choses miraculeuses opérées en lui par la vertu et en vertu de la Sainte Foi». Son effort de musicien vise à exprimer, en des formes ordonnées par son intelligence les mouvements en lui de la grâce divine. Ainsi son acte d'artiste chantant devient un don de charité.
L'insurpassable supériorité de certaines merveilles d'art leur vient de ce qu'elles sont œuvres de saints et tendent à Dieu comme à leur propre fin. Ce n'est pas leur qualité intrinsèque qui est insurpassable, mais leur contenu divin.
Et cet art des Moissenet ce n'est pas sa vertu d'art, en tant que telle, qui s'empare de moi, c'est sa vertu de foi.
Le secret de ce poète c'est de ne prendre « de toutes choses que ce qui leur vient du ciel1 ».
Tout est là, car les notes et les paroles, qu'est-ce que ça nous fait, si ça ne va pas à promouvoir des élans intérieurs? Et le beau, ce qu'on appelle le beau, qu'est-ce qu'il vaut s'il est autre chose que « la beauté vue avec les yeux de l'âme1 »?
M'expliquerai-je davantage?
Reviendrai-je par exemple à cette première communion des enfants de la maîtrise ?
C'est la grande fête de famille : pour garder le plus profond caractère d'in- timité, elle se célèbre de grand matin à une messe basse que dit l'évêque. Les
1. Joubert.
122 . Ca tribune îre 0atttt~ Semais
communiants sont placés dans le chœur même, entre la balustrade de commu- nion et l'autel, en demi-cercle. Ils ont revêtu leur beau costume de maîtrisiens: soutane et camail rouges, rochet blanc, ceinture verte armoriée. Chacun devant lui a son cierge posé sur un chandelier. Grand cierge de cire, pâle, sur quoi s'enroule une branche de roses. Cierge enguirlandé de roses, arbre de Jessé, strophe d'un poème sans nom, comme tu parles à mon cœur!
A l'entrée de la nef, le reste des enfants, ceux qui ont communié déjà et ceux qui font leur première communion privée. Et sur tous ces enfants la grande ombre du « père Moissenet » qui erre, drapée...
Que chante-t-on ? Le sais-je ? Et que m'importe ? Ces notes ou d'autres notes. Il me reste, vague, le souvenir de Y Ave verum de piain-chant et d'un cantique ordinaire, un peu démodé peut-être, en tout cas pas un de ceux qui sont à la mode. La façon de chanter vaut mieux que ce qu'on chante ! Je n'étais pas venu pour entendre, mais pour suivre ma messe et je suis comme un enfant qui ne sait plus causer ni comprendre, mais qui aime : je regarde, je contemple, je me tais. Les larmes coulent de mes yeux ; j'incline la tête, je me cache ; ma gorge se serre ; un sanglot me secoue (ô ma belle enfance, serait-ce toi qui remonte ?) et je m'enfuis. .
Dehors je songe : as-tu prié? Ai-je prié? Non, j'ai fait mieux, j'ai adhéré à Dieu en silence.
On organise des « fêtes du peuple » ; mais la véritable fête du peuple (si, hélas, le peuple pouvait encore comprendre) ne voit-on pas que c'est ici qu'elle se donne? Quelle fête rivalisera donc avec celle-ci ? Quelle fête apportera aux sens cette consolation, à l'âme ce silence où elle se retrouve, au cœur cette paix? Où l'âme populaire trouvera-t-elîe un art qui réponde à ses intimes revendications comme cet art, wagnérien bien longtemps avant la lettre,, à quoi tous les arts coopèrent, la liturgie? Ici on ne célèbre pas les droits de ceux qui souffrent, leur douleur de souffrir; on ne les exhorte pas à la révolte. Mais la joie d'être modeste, petit, ignorant, caché, l'acceptation et la grandeur de la souffrance, tout ce que les autres honnissent enfin, on le chante ici et de quels chants! Chaque dimanche les portes de Saint-Bénigne s'ouvrent pour la vraie fête du peuple.
<r Os meum aperui et atiraxi spiritum ».
Ce mot de l'Ecriture pourrait être la devise d'un Moissenet. Il dit tout l'ob- jet de sa vie : ouvrir la bouche pour attirer l'esprit.
Mais comment attirer l'esprit ?
Relisez son opuscule sur « l'enseignement du chant sacré dans les sémi- naires. »
Vous n'y trouverez guère que des lieux communs. Il l'a voulu tel. Les lieux communs nécessaires à l'artiste — qui est un artisan, un ouvrier, qui a, comme tel, plus besoin de savoir-faire que de philosophie — il les a vus, par-
21 Timbre te la tëathéteale enc\)anth 123
tout, recouverts par la folle frondaison des belles idées. Les belles idées sont devenues le danger contre quoi il fallait réagir.
Remettre à leur place les lieux communs c'est ce qu'il fallait tout d'abord.
Sans eux rien à faire.
En effet, « il y a, en art, quelques lois expérimentales auxquelles le génie le plus fantaisiste ne peut échapper, non plus que « le lévrier le plus agile ne peut bondir hors de son ombre ». Il ne le peut, parce qu'elles tiennent à la constitution physiologique même de l'homme, à la nature invariable des choses, ou aux étroites conditions matérielles du métier. On les oublie souvent de nos jours, on les nie même quelquefois, mais quand on les oublie, c'est comme si l'on oubliait les lois de la pesanteur : on se casse le nez ' ».
Vous pouvez discourir sur la transcendance du beau, sur le symbolisme des œuvres, sur la mystique de l'art, à quoi cela mène-t-il si vous oubliez l'es- sentiel ?
L'essentiel c'est la mise en œuvre de la matière sonore, principe de toute musique. Nul n'attirera l'Esprit s'il n'a commencé par informer la matière.
On connaît le mot de Storez à propos de l'architecte bénédictin Dom Bellot qui ne craint pas de monter à l'échelle, de prendre en mains les briques qui sont sa matière, pour trouver « sur le tas » les combinaisons d'arcs et de cha- piteaux : « c'est l'art qui le guide dans ses recherches spirituelles ».
Ce goût de la matière qui est un des caractères de notre temps, MgT Moisse- net l'a retrouvé, lui, bien avant nous.
Il sait qu'une composition musicale est avant tout et essentiellement un assemblage de sons et que le rôle de l'exécutant est la mise en valeur de ces sons en tant que sons. C'est la matière qui le guide dans ses recherches spiri- tuelles. Loin de vouloir échapper à ses exigences, il s'appuie sur elle pour bâtir. Son esthétique est toute de conformité aux exigences de sa matière. Un Dom Bellot est le « poète delà brique » : il est, lui, le poète de la voix.
Il faut l'entendre expliquer les lois du chant choral pour comprendre jus- qu'où cela va. Quand les enfants ont compris, vous dira-t-il, que le son c'est de l'air qui se modèle avec la bouche comme la glaise avec la main, ce jour-là nous sommes sauvés, nous faisons ce que nous voulons.
« La musique vocale, écrit-il dans l'opuscule sur La Polyphonie sacrée, s'édifie sur la sensation, a pour premier objectif la délectation de l'oreille 2».
Ce n'est que par l'appréhension du sens que la lumière de l'être vient péné- trer l'intelligence.
« L'intelligence alors, détournée de tout effort d'abstraction, jouit sans tra- vail et sans discours. Elle est dispensée de son labeur ordinaire, elle n'a pas à dégager un intelligible de la matière où il est enfoui pour en parcourir pas
1. DE LA SlZERANNE.
2. Bossuet, dans la Connaissance de Dieu et de soi-même, écrivait : « La musique, par la juste proportion des tons, donne à la voix une force secrète pour délecter et pour émouvoir ».
124 £<* tribune îre £ahtt-<®m)atg
à pas les divers attributs; comme le cerf à la source d'eau vive elle n'a rien à faire qu'à boire, elle boit la clarté de l'être. Fixée dans l'intuition du sens, elle est irradiée par une lumière intelligible qui lui est donnée d'un coup, dans le sensible même où elle resplendit et qu'elle ne saisit pas sub ratione veri, mais plutôt sub ratione delectabilis^ ».
Si l'art doit demeurer essentiellement objet de joie pour les sens, il faut que cet art obéisse avant tout à ses lois formelles.
Aussi, loin d'éteindre la voix, de dématérialiser le son, Mgr Moissenet s'applique, et son premier effort porte là-dessus, à les amplifier et à les débar- rasser de toutes impuretés.
Le futur chanteur apprend chez lui à utiliser les ressources de tout son appareil vocal, de ses poumons, de son gosier, de ses lèvres, de sa bouche et à tirer parti des notes, des voyelles et des consonnes 2.
D'abord assurer le pain. Or, une exécution musicale, même inspirée par de hautes pensées si elle ne résoud pas avant tout le problème de la sonorité n'atteint pas son but.
Pour un Moissenet la voix humaine a au moins les mêmes titres que toute autre matière précieuse à collaborer au culte. Ceci est un des lieux communs qu'il a rajeuni et qui, depuis, a cours, sans d'ailleurs beaucoup modifier l'état de choses.
Cette matière vocale qu'il aime, comme un sculpteur aime la pierre, il la veut vivante, souple et ferme, pour servir les textes liturgiques ; tel le ferron- nier ancien « se passionnant à ce noble combat de l'homme pliant le fer à sa volonté d'artiste et à son dessein de beauté et dont chaque coup amène lente- ment l'énorme lopin de métal à épouser la forme gracieuse voulue par le forge- ron », note par note il plie à sa volonté le métal brut des voix enfantines.
Aristote, paraît-il, en ses difficiles recherches, disait souvent : « Cela ne sonne pas bien ».
Combien de fois, à ses répétitions, ai-je vu M?1 Moissenet faire recommen- cer le même intervalle : Cela ne sonne pas bien, disait-il ; et derrière ce mot de musicien dont l'oreille récalcitre, je devine la pensée de l'homme : cette note n'est pas à sa place ; elle n'a pas sa valeur ; mais surtout elle ne colle pas à la pensée, à l'intention, à la volonté de l'artiste. Cela ne rend pas un son de vérité.
1. J. Maritain.
2. On trouvera ailleurs (voici quelques références) des exposés sinon très complets du moins bien faits de la méthode employée.
Ce qui manque, ce qu'un ancien élève de la maîtrise devrait écrire, c'est une étude sur l'esprit pédagogique qui préside à ce travail. Lire donc entre autres :
M. Emmanuel : Le chant à l'école. (Grande Revue 1910-11). Cl. Besse : Un maître de Pédagogie vocale (Enseignement chrétien 1914). R. Moissenet et M. Emmanuel : La Polyphonie sacrée. (Janin, éd). Ch. Collin : Revue d'Apologétique (1928).
21 l'#mbre &e la Ca%'î>ralr enchantée 125
Si l'âme a ses exigences, la voix a ses lois et l'on ne peut satisfaire aux pre- mières qu'en se pliant aux secondes.
Distinguant avec soin ce qui est d'ordre matériel et ce qui est d'ordre spi- rituel, ce qui produit l'effet de l'effet produit, visant en dernier ressort à déga- ger les éléments de spiritualité que renferme l'œuvre, Mgr Moissenet sait qu'il n'atteindra son but que par une réalisation vocale, matériellement parfaite. Et ce respect de la matière est pour lui la première des lois.
Le respect absolu du texte, traduit par une articulation méticuleuse, en est une autre.
Pour le chrétien venu à une messe matinale se reprendre avant de vivre sa journée rien de plus salutaire que de voir un prêtre officier avec un soin infini, mesurer tous ses gestes, réfléchir tous ses mouvements, méditer toutes ses attitudes...
Son moindre geste se prolonge jusqu'à l'âme tendue, en écho bienfaisant.
C'est en ce sens que M. Emmanuel disait un jour à E. Poillot1 :
« Je voudrais voir le père René dire sa messe tous les jours. »
Ce soin qu'il apporte à l'autel il le transporte au chœur. Par une discipline qui règle avec une insatiable minutie tous les détails d'exécution d'un texte, discipline qui part de l'être, chargée de sens et d'activités, il prétend nous atteindre, et il nous atteint, nous, les fidèles.
Chaque syllabe, chaque note sont approchées, touchées par lui avec le même soin que la patène ou le corporal. Voyelles, consonnes, en tant qu'objet de culte deviennent choses sacrées. Cet homme a la religion des signes, l'amour des lettres, je ne dis point des saintes lettres (ce qui va de soi !) mais des lettres de l'alphabet. Et des lettres de l'alphabet il fait des lettres saintes, des signes imprégnés d'amour, de volonté, de vie. Cet amour dont il les charge c'est son propre amour de Dieu.
Respect du son, respect du mot, le respect ici fait tout.
Le poète, le musicien, c'est souvent en « remuant le marais » qu'ils agissent.
Le caractère propre de l'art d'un Moissenet est de se refuser à toute pres- sion d'ordre sentimental. L'exactitude lui suffit. Les seuls moyens qu'il accepte, articulation rigoureuse, rythmique scrupuleusement exacte, extrême souci de la tenue des sons, nous ne les rabaisserons pas en les qualifiant d'élémen- taire 2.
Fait singulier! Ailleurs des réalisations basées sur de tels principes n'abou- tiraient qu'à un art primaire, académique tout au plus. Ici elles vont aux
1. M. E. Poillot, ancien élève de la maîtrise, est l'organiste du grand orgue de Saint- Bénigne. Nous ne pouvons, en une simple note, dire tout le bien qu'il faut penser de lui autant comme interprète que comme improvisateur. Qu'il nous suffise de rapporter ce propos de L. Vierne : « Quand Poillot improvise je ne me lasse pas d'écouter... »
2. Il est clair que le mot « élémentaire » doit s'entendre ici dans le sens d' « essen- tiel ». L'importance de ces « lois fondamentales » est à noter d'autant plus que presque partout on les néglige.
126 Ca tribune te Saittt-Œmmnî
âmes. Sans confidences, sans sollicitation vaine surtout, cet art nous con- quiert. Alors nous sommes gagnés par son invite à la « renonciation totale et douce »; alors nous envahit la grande joie : «joie, joie, joie, pleurs de joie », et nous sentons monter en nous, grâce à lui, le mot de Pascal encore : « Sei- gneur, je vous donne tout »...
« Les bonnes larmes ne nous sont pas tirées par une page triste, mais par le miracle d'un mot en place. Peu de personnes sont dignes de pleurer ces larmes-là 1 ».
J. Samson.
La troisième partie de cette étude est l'exposé des idées particu- lières au maître de Dijon sur l'interprétation de la polyphonie. Par l'importance de ses développements ce travail dépasse les cadres de la Revue.
Mais nos lecteurs peuvent dès maintenant se procurer au bureau d'édition de la Schola l'étude complète : nous la tirons à part en une élégante brochure où l'on trouvera en outre un magnifique portrait de Mgr Moissenet.
i. J. Cocteau.
6ur une Messe ttouoelle 127
SUR UNE MESSE NOUVELLE
En l'honneur de sainte Cécile, la veille de sa fête notre excellent confrère A. Le Guennant a fait exécuter à Notre-Dame-du- Rosaire, par la chorale paroissiale qu'il dirigeait 4, la messe nouvelle à 4 voix de M1!e Blanche Lucas : Missa Corporis Chriti, qu'il a publiée dans sa Revue des Maîtrises.
L'œuvre nous a déçu tant par la matière musicale et sa forme que par l'idée qui y préside. Nous l'avons relue. Elle nous suggère des réflexions que nous croyons utile de présenter. Elle pose la question du sujet, des différentes manières de traiter un sujet, de l'impossibilité de changer le sujet en l'interprétant ou du danger de s'en évader en sui- vant une intention décorative.
L'auteur part du caractère, chargé d'images poétiques. Ce caractère situe sa musique, développée non pour elle-même en fonction du texte qu'elle devait suivre et traduire sans s'écarter du sens, sans fausser les termes, leur mouvement logique, sans trahir leur volonté explicite contenue dans la forme verbale, mais par rapport à un sujet issu de l'imagination active qui en substitue l'ordre à celui de la donnée vraie, littérale. De là une œuvre qui est comme en marge de la Messe, comme le reflet des sentiments qu'elle fait naître et qui se prolongent, puis se perdent avec l'image tout arbitraire qui en conduit la réminis- cence.
Dans une composition où l'axe du lyrisme disparaît au profit des échappées de l'esprit qui « voit », il est naturel que la couleur joue le principal rôle. C'est une scène champêtre que la Missa Corporis Christi\ avec sa litanie en répons distribuée dans le mode à l'unisson et sous forme d'octaves qui parlent comme des mélodies de terroir et qui se heurtent en cherchant à se fondre mais qui se rejoignent aussi musicalement. La Kyrie a déjà le sens d'une atmosphère ; ce n'est pas vague comme du Caplet ni parcellisé comme du Debussy; c'est appuyé et expressif, émouvant par endroits mais court, peu délimité, ressassé, nostalgique et monotone malgré la modulation.
Le jeu à répétition du plain-chant se fait supporter par la richesse interne des mélodies, par les multiples facettes du rythme, par l'ordre
1. Notre confrère a quitté peu après Notre-Dame-du- Rosaire pour Saint-Pierre-du-Gros- Caillou.
128 Ca tribune îre 0amt-<®mmt5
de la pièce, par l'objectivité de l'accent dans la prière. Ici on laisse flotter le sentiment — juste en soi — parce qu'on tient au paysage estompé où l'on fait dialoguer les êtres. Le sens généralisateur n'est pas suffisant ; et la « chose en soi » (comme disent les Allemands) cède aux apparences plus ou moins richement décorées. Ce n'est pas ce que fait Beethoven dans la Symphonie pastorale.
On voit déjà quel déplacement opère l'idée de l'auteur. La même idée fait courir un risque à la musique. Celle-ci subit les conséquences du postulat poétique qui en gouverne fatalement la démarche comme il en détermine les caractères. Si l'évocation est enfantine, la musique le sera aussi, elle ne sera fidèle qu'à l'image qui l'aura détournée de son verbe, de sa propre éloquence, de sa forme pure, de ses propriétés actives, bref de son style propre et du dynamisme. Ne parlons plus de la Messe qui sera tout juste un prétexte. C'est ce qui arrive dans le Gloria.
La musique n'a que l'ambition de répéter, dans le Gloria de M1,e Blanche Lucas, l'unique motif en forme de marche sur lequel tous les versets passent. L'idée du « cortège » imposait cela. Mais aucune procession n'est prévue dans le Gloria liturgique. Franck a chanté La Procession en la décrivant par la symphonie sur laquelle se pose une phrase entièrement soumise aux termes explicites du texte; ce qui fait que la musique — orchestre et chant — réalise l'évocation en la domi- nant; ainsi la composition musicale maîtresse de l'image et parlant au cœur et à l'oreille à ce propos, a le sens de l'art : c était le sujet, et l'expression musicale en est sublime.
Au contraire, dans le Gloria de MUe Bl. Lucas, un thème trop simple déambule sans variété et sans autre effet que son crescendo à propos d'un des chants les plus lyriques de l'Eglise où la modulation de l'idée et du texte, la dynamie de l'expression ne cessent pas.
Evidemment, on trouve des versets chantés sur la même mélodie dans les Glorias grégoriens ; mais ils ont l'accent avec la beauté du dessin accordé à la démarche mystique, celle de la prière, qui ne peut pas se comparer à une promenade. Si, dans ce Gloria, la musique n'est que passive, monothémâtique et gauche sous les mots, c'est à l'image voulue et imposée qu'il faut en attribuer la cause.
Le style pastoral de MUe Blanche Lucas est d'ailleurs dénué d'ampleur; elle nous dira qu'elle n'y tient pas; nous répondrons qu'un mouvement de berceuse très élémentaire ne peut pas suffire à un Sanctus ni surtout resservir pour le Pleni sunt en en séparant les mots, et qu'en outre il est déplorable de voir l'ingénuité cherchée décou-
0ur une Messe Xtomelle 129
vrir une prosodie aussi faible, qu'on ne trouve pas dans la Messe pas- torale de Samuel Rousseau trop théâtrale, bariolée et d'une mimique agaçante mais nullement paysanne, car les Bergers y ont du style et leur troupe sait discourir.
En réagissant contre ce style (celui de Samuel Rousseau) dont elle n'évite pas musicalement la réminiscence, Mlle Bl. Lucas aurait pu en garder les valeurs : abondance et souplesse du trait, déclamation juste, affectivité de la phrase, variété des tons — nous ne disons pas des effets et des mouvements trop influencés par le tableau et le jeu des personnages.
Dans la Messe pastorale, il y a un lyrisme dramatiquement traité qui laisse trop voir le chœur et les coryphées en scène; le jeu est plus abstrait et discret dans la Missa Corporis Christi qui se réduit à un pieux décor déroulé comme une image très primitive de l'âme paysanne, de sa nostalgie en marche ; la musique n'y est qu'esquissée. Nous con- tinuons à préférer et même à ne croire qu'à l'action intérieure et à la démarche invisible de la musique ordonnée dans la Messe parla prière, selon le sens vrai de la liturgie. Admettre l'incidence de limage poé- tique et surtout la primauté de son rythme dans l'expression du chant sacré, c'était courir le risque d'une antinomie. Cette antinomie appa- raît au moins dans le Gloria décoratif de la Missa Corporis Christi,
Voilà le danger. Déjà l'impressionnisme pointe dans la musique d'église à peine dégagée de l'esprit théâtral. Il est moins dangereux à l'orgue qui ne connaît pas, comme le chant, la littéralité du texte et qui n'en subit donc pas les servitudes. L'orgue transpose et paraphrase, colore, commente et amplifie ou se borne à de simples échos, sans cesser d'être à sa place, dans son rôle. Le chant liturgique, lui, a des lignes tracées, un cadre fixé, une donnée formelle imposée; s'en affranchir par fantaisie, c'est dévier du style. Et le style qui est d'abord une manière de voir et de concevoir dépasse le jeu des caractères partiels plus ou moins heureux même neufs, que peut faire valoir une œuvre. Ajoutons que les « caractères » n'illustrent souvent que des procédés. Chez les romantiques où ils abondent, les « caractères » peuvent se nommer plus d'une fois des « saillies ». L'originalité à tout prix est la sœur du baroque. Et il ne faut pas nous dire que ce qui nous paraît « baroque » est ce que nous n'avons pas l'habitude d'entendre. La musique s'éprouve, se vérifie ; ses rapports avec le sujet aussi.
Traiter un sujet, c'est avoir l'intelligence de ce qui y est virtuelle- ment contenu; c'est en respecter la nature, l'espèce, la catégorie, la norme et, le possédant en puissance, en réaliser la juste expression par
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l'aisance et les beautés de la forme : c'est Mozart et c'est Beethoven, l'un jouant avec ses thèmes, l'autre souffrant pour les fixer avant de créer mais atteignant les mêmes sommets.
Ne nous arrêtons pas au style plus approprié du Benedictus et de XAgnus où sont exposées des phrases simples, beaucoup plus classiques quoique sans large horizon ; elles sont calmes, discrètes et dune piété véritable; le mode litanique reparaît dans XAgnus avec l'écriture en octave et à l'unisson ; les paliers de cette dernière pièce sont intéressants.
M11' Bl. Lucas ne vise pas à l'effet et on ne peut pas l'accuser de rhétorique. A coup sûr son art est sincère. C'est surtout sa tendance qui nous fait écrire. Dans sa messe, il y a la vision et il y a la musique; selon nous, l'une fait tort à l'autre et les deux souffrent de l'arbitraire ou des principes vagues de son esthétique. Il ne suffit pas d'être nova- teur; il faut l'être sans confusion des genres, sans quiproquo, sans erreur d'acception et d'idée ; il faut l'être dans la vérité du sujet situé et exprimé comme il l'exige. Pour faire une messe, il faut la penser non devant la nature, avec la réminiscence mentale des litanies marines ou champêtres que des groupes plus ou moins ordonnés vont jusqu'à rendre cacophoniques, mais comme à l'office où les impressions fugi- tives n'ont pas place. En mettant les choses au mieux, la poésie des pèlerinages, le croisement et l'écho des voix qui s'espacent, se mêlent et se perdent, c'est une chose intéressante; ce n'est pas la Messe. C'est là-dessus que notre plume insiste. Quant à la musique, dominée par ce sentiment lié à la vision, elle-même fixée par le paysage, elle se satis- fait de le suggérer, d'en vivre, d'en communiquer la poésie. L'auteur s'étonnera qu'on lui demande autre chose. M1" Bl. Lucas dira qu'elle a voulu cela et que pour réaliser cela, les valeurs traditionnelles du dessin, du rythme, de l'harmonie, de la prosodie, du discours classique ne lui étaient pas utiles. Pour nous, c'est un scandale de suivre les sentiers mal tracés ou la route plate des mélodies qu'on nous propose quand ce n'est pas le terrain vague de l'harmonie — sous prétexte qu'une perspective nouvelle, foncièrement exclue par le sujet, nous récompensera. Sans être le champion du poncif ni du pastiche, on doit d'abord tenir au bon motif, à l'adéquation du style et à la richesse des formes qu'on n'a le droit ni d'ignorer, ni d'oublier, ni de discuter, car elles sont acquises, classées, sacrées, pas du tout périmées (pas plus que l'Évangile) : on ne progressera pas sans elles et on appauvrit la musique en les négligeant. Justement la Missa Corporis Christi est pauvre.
— Elle a pourtant certains mérites.
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— Mais elle pèche par la raison et par la forme, dans l'ensemble comme dans le détail musical.
— L'intensité de son Kyrie est fort belle. Il y a de la lumière à la fin du Gloria. Son Sanctus plane à partir d' « hosanna ». Voyons! la sérénité comme la contrition y sont touchantes...
— C'est la thèse du sentiment. Seulement que de choses du temps passé comprennent ces mouvements du cœur tout en magnifiant l'expression par des idées et des formes musicales achevées auprès desquelles celles de l'auteur ne sont que l'enfance de l'art : schéma, première coupe, petits plis, timide gaufrage.
Car l'interprétation la plus touchante ne nous détournera plus de la musique, ne nous donnera pas le change sur la musique, (errore posita !)
Nous avons vu trop de visionnaires et d'exégètes (et nous les sui- vions !) nier le ciel et les astres. N'est-ce pas le cher et si regretté maître Péladan qui, au bout de dix minutes qu'on en jouait, disait avoir entendu « tout Mozart »? Et vous, cher ami M.., selon qui il n'y avait pas de « pensée » chez Rossini ! (il s'agissait du Barbier, rien que cela) parce que vous étiez encore sous l'empire non de Wagner, qui admira Rossini à Venise, mais du Wagnérisme. Et nous que secouait la Marche funèbre du Crépuscule des Dieux (c'était en 1897 quand vint la Phil- harmonique de Berlin avec Nikisch) et qui croyions cela, cette poussée colossale des thèmes de Siegfried, musique géante certes, plus «grande» que l'oraison funèbre de la Symphonie héroïque, à la stupeur d'un voisin boche, jeune mélomane pris à témoin, dont nous entendons encore le « ah! non » très poli et juste qui nous permet de le remercier trente ans après, tellement sa franchise nous a fait réfléchir.
Souvenirs amusants mais instructifs. îl ne faut pas que les notations curieuses, les esquisses impressionnistes, les fantaisies colorées iné- dites nous trompent aujourd'hui, comme autrefois le grand rythme des génies grandiloquents dont, comme Wagner (que nous admirons toujours avec des réserves), la symphonie nous submergeait. Il faut dis- tinguer ce qu'on nous offre et en raisonner sans étroitesse. Nous serions fâché que M11" Bl. Lucas nous prît pour un pédant. On ne se tait (nous du moins) que sur ce qu'on n'estime pas, ce qui ne donne l'espoir d'aucun progrès et ce n'est pas le cas des pages de la très ima- ginative artiste dont nous parlons. Nous parlons pour elle et pour les autres, afin d'arriver à cette conclusion qui va dépasser sa messe. Quoi que tente le sens primitif, l'ingéniosité directe, la vivacité originale qui distinguent le génie barbare qui n'est pas spéculatif et qui n'aime pas
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les disciplines tellement il fait confiance au don (c'est l'histoire com- mencée d'Arthur Honegger), il n'y a pas lieu de lui sacrifier et ce serait folie de lui égaler ce que la tradition a fait fleurir par une lente culture et une longue discipline dans l'ordre du goût et du style auxquels la science prêta toujours ses procédés — depuis le mélisme grégorien et la pure cantilène, fleur de notre Occident jusqu'au choral le plus massif dérivé ou non de la polyphonie, si la plénitude musicale y demeure avec la juste expression commandée par le sujet qui reste le seul guide.
A cet égard, la nouvelle messe de Mlle Blanche Lucas nous a retenu comme un symptôme. Elle est faite pour l'église mais pensée du dehors comme en y allant ou en en revenant, en recherchant une autre ambiance où il soit question d'elle. C'est bien la Messe comme texte, mais c'est la prière des rustiques en exode... On dirait une Messe allé- gorique. Nous n'allons pas jusqu'à dire qu'elle jure avec l'office qu'elle appréhende suffisamment sauf le Gloria, vraiment trop détaché du sens, dans la marche où il se complaît. Il n'y a rien d'absolu dans un com- mentaire. On essaie seulement d'y marquer l'équivoque du genre ou si l'on veut son dualisme, nuisible d'abord à l'objectivité liturgique, ensuite au sens classique de la musique que l'auteur, à son insu, affaiblit de dix manières.
Il reste que la Missa Corporis Christi a l'avantage de la douceur, de l'humilité du cantique, de sa sobriété, du jeu de ses voix lointaines qui s'écoutent ou s'ignorent, s'entraînent ou se répondent comme les théories de fidèles qu'elles symbolisent, enfin de sa curieuse partie d'orgue très bien registrée qui lie l'atmosphère et pallie le creux des octaves et des unissons dialogues du chant ou au moins la monotonie que l'effet comporte, puisque ce chant n'est pas grégorien, qu'il est court, en surface, à peine ondulé, et qu'il se répète très souvent.
L'œuvre a été chantée deux fois à Notre-Dame du Rosaire et va l'être à Saint-Eustache. Nous en félicitons Mlle Blanche Lucas. L'appréciation toute personnelle qu'on vient de lire ne nous empêche pas de faire crédit à son talent très original, bien illustré par son Tantum ergo à 2 voix mixtes très émouvant, dont nous avons dit tout le bien possible en décembre et auparavant, en parlant des exécutions à Saint-Eus- tache.
Janvier 1927.
A. Trotrot-Dériot.
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NOTRE SUPPLÉMENT
Sanctus et Agnus, à 2 chœurs, de Nicolas Formé.
Voici qui sera certainement du nouveau pour la plupart de nos lecteurs. Nicolas Formé (1567-1 638) fut l'inventeur en France de l'écriture oc à grand chœur » comprenant un quatuor de solistes « a cappella » auquel répond et s'adjoint un chœur plus compact de quatre ou cinq voix soutenues de l'orgue. Nous avons choisi dans l'œuvre, à peu près inconnue en notre temps, de ce musicien autrefois célèbre, ces Sanctus et Agnus écrits pour la chapelle du roi Henri IV, que Formé dirigeait, et dédiés par lui à Louis XIII lors de l'édition de cette messe.
Il y a là, sans difficulté d'exécution, un bel élément de rechange dans les pièces du répertoire, et un intéressant exemple proposé aux compositeurs quant à la disposition des éléments musicaux.
• « Le Saint vient de mourir », de Georges Faure.
Composition de noble caractère, en l'honneur de saint François d'Assise, pour soprano solo, chœur à 4 voix mixtes et orgue. Ecrite pour l'année jubilaire du Poverello, cette pièce sera bienvenue en toute manifestation destinée à le glorifier. Facile d'exécution.
Jesu, dulcis memoria, à 4 voix mixtes, de Bl. Lucas.
Bel exemple d'inspiration émue et d'écriture moderne du motet, cette composition nouvelle de la distinguée musicienne qu'est M1,e Bl. Lucas sera vivement appréciée. Ce motet demande beaucoup de finesse dans l'interprétation.
A. G.
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LE MOUVEMENT LITURGIQUE ET MUSICAL COMMUNICATION DE LA SOCIÉTÉ
LES AMIS DE L'ORGUE
Siège social : 48, boulevard Maillot, Neuilîy-sur-Seine. Secrétariat général : 83, rue de Lille, Paris 7e. Programme du Concours de l'année 192g : Le prix décerné en 1929 est de CINQ MILLE francs.
Le programme des épreuves, arrêté après consultation de MM. Ch. M. Widor, Charles Tournemire, Louis Vierne, Joseph Bonnet, Alexandre Cellier, André Marchai est le suivant :
Première séance :
A) Exécution de mémoire de : Toccata, Adagio et Fugue en ut majeur, (J.-S. Bach; Peters, Livre III, n° 8).
B) Improvisation d'Église sur un thème de la liturgie catholique : a) Choral figuré, le thème traité en « cantus firmus »; b) paraphrase symphonique plus développée sur le même thème, dans la forme choisie par le concurrent.
Deuxième séance :
A) Exécution de mémoire d'une pièce choisie par le jury parmi les huit pièces ci-dessous désignées :
1. Quatrième sonate en trio (J.-S. Bach; Peters I); 2. Récit de Tierce en taille (N. de Grigny; Archives des Maîtres de l'Orgue, p. 17, Guiîmant et Pirro); 3. Premier choral en mi (César Franck) 54. Fugue en ut mineur de la Troisième Sonate (Alex. Guiî- mant); 5. Introduction et thème fugué en si bémol mineur (Eug. Gigout); 6. Premier mouvement de la Symphonie gothique (Ch.-M. Widor); 7. Final de la Troisième Sym- phonie (Louis Vierne); 8. Troisième partie du Triple Choral (Charles Tournemire).
B) Improvisation symphonique : a) Prélude et Fugue sur un thème donné; b) Impro- visation libre sur deux thèmes donnés, dans la forme d'un Allegro, Adagio et Final.
N.-B. — Ce concours est réservé aux organistes français des deux sexes, et de toute origine scolaire, nés après le 3l décembre l8g3. Le règlement sera envoyé sur demande adressée au Secrétariat Général, 83, rue de Lille, Paris 7e.
ITALIE
Le « Centenario Balbiani » et le nouvel orgue de Gênes. — Tel est le titre d'une plaquette que l'on vient de publier à l'occasion de l'inauguration récente du quadruple orgue électrique de la Basilique de Santa Maria Immacolata, à Gênes, restauré et ter- miné par l'importante firme Balbiani- Vegezzi Bossi, qui célébrait ainsi le centenaire de
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sa fondation (1828-1928). De nombreuses photographies illustrent les buffets, la console, la « centrale électrique » (sic!) des importantes commandes d'un tel instrument, etc. A la plaquette ont collaboré le chanoine Gino Borghezio, l'illustre compositeur G. Tebaldini, et le Dr B. Pavesi. Malgré les intéressants détails contenus dans ces études, on ne nous donne point le devis complet de cet orgue si curieux.
L'instrument a pour base celui qui fut construit en 1890 par le facteur anglais W. Trice, dont, paraît-il, la qualité de son est remarquable, et qui fut inauguré par notre maître Guilmant; malheureusement, les transmissions ne marchèrent pas longtemps, et la moitié des jeux ne parlait plus. L'orgue principal est placé au-dessus de la porte d'entrée . il ne comprend que l5 registres, parmi lesquels : Plein-jeu à neuf rangs; fonds de 32; prin- cipaux de 16, 8, et 4 pieds; deux violes et trois anches. L'orgue latéral du chœur, côté de l'épître, est formé d'un bourdon de 16; quintaton de 8; flûte de 4; deux mutations; euphone; unda maris; deux violes et une anche douce de 8. L'orgue latéral côté de l'Evangile comprend un petit plein-jeu de sept rangs; quintaton de 16; flûte ouverte; flûte bouchée; chœur de violes; hautbois. Le quatrième, orgue d'écho, placé dans une galerie, réunit en douceur l'ensemble des sonorités placées dans les trois autres. Tous peuvent parler ensemble, et se fondent dans un « cadre phonique » de même nature. Cet instrument a en tout 57 jeux et plus d'une trentaine de combinaisons et accouplements variés, dépassant de beaucoup ce qui s'était fait jusqu'alors en Italie. Notons que chaque clavier, même celui de pédales, peut parler en octaves aiguës.
La commission de réception, présidée par Telbaldini, a proclamé cet instrument <x un insigne monument d'art » dont pourra s'enorgueillir Gênes la Superbe.
AUTRICHE
Les cinquante ans de M. Max Springer, directeur de V Académie de musique à Vienne. — M. Max Springer est originaire du Wurtemberg. Il entre comme novice chez les bénédictins de Beuron mais les quitte pour des raisons de santé, se fixe à Prague comme organiste séculier de. l'abbaye d'Emmaûs d'où on l'appelle pour diriger la section de musique d'église à l'Académie de musique de Vienne, dont il devient plus tard le directeur. M. Max Springer est un musicien de grande envergure. Il conçoit la mélodie grégorienne dans son tout sans négliger ses détails et son rythme particulier. Son accompagnement est très libre sans tout de même sortir du style du plain-chant. Son improvisation, nourrie de thèmes grégoriens, se fond tout naturellement avec les parties chantées et ne fait qu'une seule œuvre de l'office. Le chant passe dans toutes les voix de l'accompagnement qui « se soumet comme un tapis au roi de tous les chants ». La faci- lité, avec laquelle il résout tous ces problèmes, l'amour et l'humilité avec lesquels il sert le chant divin émeuvent l'auditoire d'une manière irrésistible. Aussi les fidèles se rendent-ils nombreux aux offices préférant la monodie grégorienne à la polyphonie et aux orchestres qui s'installent en maîtres dans les autres églises. — Un musicien aussi doué pouvait-il résister aux attraits des chœurs et de la musique symphonique ? Non il succombe à la tentation et met au monde des œuvres puissantes, soumises, elles aussi, au charme souverain du chant grégorien. Ses messes « Lauda Sion », « Resurrexi », S. Crescentise, Missa festiva (pour soli, chœur et grand orchestre), son Te Deum révèlent
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la même unité de style due au monothématisme de leur composition (M. Springer s'y rattache à quelques compositeurs néerlandais du xve siècle). Le distingué directeur de l'Académie de musique ne se borne pas à la composition, c'est également un virtuose de plume. Ses principes d'accompagnement du plain-chant il les a exposé dans son Traité d' accompagnement. L'accompagnement complet du Graduel par M. Springer parut chez Pawelek à Ratisbonne.
Nous lui devons ensuite Le chant grégorien à la grand'messe et aux vêpres et le Solfège grégorien. L'élan de ses écrits lui a valu la place de critique musical du pre- mier journal catholique d'Autriche, la « Reichspost ».
O. T.
ANGLETERRE
Anciennes orgues : ancienne musique. — A la chapelle du « Jésus Collège », de Cambridge, se trouve un orgue dont l'historique présente un certain intérêt. Pourvu à l'origine de deux claviers, sans pédalier, attribué longtemps au facteur Smith (Father Smith, aîias Bernard Schmidt, (1630-1708), il fut reconnu être l'œuvre du facteur Bishop (xvui0 siècle), qui le construisit pour un membre du Collège, Sir John Sutton. A l'occa- sion de sa récente restauration par la firme Harisson, on découvrit qu'il possédait deux jeux beaucoup plus anciens que les autres. Leur présence semble s'expliquer par le fait suivant : lors de la construction de l'orgue de Cambridge, celui de Durham, dû à Smith, subissait des modifications. Or, en raison de l'admiration de sir John Sutton pour la facture de ce dernier, il est à présumer que les deux jeux en question furent simple- ment transportés de Durham, afin d'être placés dans l'instrument du Jésus Collège, que les travaux actuels ont laissés.
Cette supposition paraît d'ailleurs justifiée, car un compte rendu de l'inauguration de cet orgue, émanant d'un contemporain, Walmisley, mentionne une flûte, provenant de Durham. Il est à présent muni de quatre petits claviers et d'un pédalier; sa composi- tion est donnée dans le Musical Times, de janvier 1928, p. 56 (Londres, Novello).
L'orgue de l'église historique de Saint-Michael Cornhill, Londres, fut primitivement construit (1684) par Renatus Harris, le plus célèbre des facteurs de ce nom. Agrandi, en 1790, par le facteur Samuel Green (1740-1796), l'instrument fut ensuite reconstruit par Robson (1849), sous la direction de Richard Limpus, le fondateur du Collège royal des organistes d'église. Successivement remanié en 1 885-86, 1901, 1914 par les facteurs Hill, il a été adapté à la facture moderne (1927), par la firme Rushwarth-Dreaper, de Liverpool. La restauration a conservé l'apport des xvne et xvme siècles. Une description de cet orgue se trouve dans le Musical Times de janvier 1927, p. 60 (Londres, Novello).
LES LIVRES
LA DÉCORATION ARTISTIQUE DES BUFFETS D'ORGUES, par Georges Servières, in-4", 232 pages. Paris 1928, Van Oest. Prix net : i5o francs.
Cet ouvrage fait honneur à son auteur; il y a là un ensemble d'idées générales, de détails, de précisions qui dénotent un travail consciencieux et de longue haleine; un tel
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sujet n'avait pas encore été traité dans l'histoire de l'art et l'histoire de la musique : pour le mener à bien il fallait avoir beaucoup voyagé, avoir comparé entre eux les buffets d'orgues d'une même région, d'une même époque. On ne peut en effet étudier ces chefs- d'œuvre de notre menuiserie sans les avoir vus et analysés soi-même. C'est ce qu'a fait G. Servières depuis plus d'une quinzaine d'années, et dans son livre il s'est surtout attaché à donner des descriptions exactes d'anciens buffets — descriptions auxquelles il a ajouté le résultat de ses recherches personnelles dans les sources manuscrites ou imprimées.
L'ouvrage admirablement édité et présenté possède 48 planches formant une docu- mentation précieuse pour l'histoire de ces tribunes ou buffets. Plusieurs de ces reproduc- tions sont vraiment superbes; mais toutes, — si intéressantes soient-elles — ne sont pas toujours bien venues. De plus, nous les aurions peut-être autrement choisies. N'aurions- nous pas été en droit de trouver ici une véritable et belle reproduction du buffet de Saint-Jean de Perpignan 1, des reproductions des buffets de Lorris, Nonancourt, Saint- Maclou et Saint-Vivien de Rouen, Saint-Étienne d'Elbeuf, de Caudebec-en-Caux, de Beaune, de Luxeuil, de l'ancien buffet d Hombleux, de Beaumont-le-Roger... et de tant d'autres, alors que ceux du Mans, de la Ferté-Bernard, de Strasbourg, d'Amiens, du Grand Andely, de Saint-Étienne-du-Mont de Paris — si beaux soient-ils — se trouvent un peu partout?
Le livre porte comme titre La Décoration artistique des Buffets d'Orgues. G. Servières cependant n'a pas voulu s'intéresser seulement aux buffets proprement dits, et l'on se demande si ce n'est pas plutôt une histoire de l'orgue qu'il a tentée. L'instru- ment est étudié chronologiquement, et il est des chapitres comme L'orgue au XVe siècle, qui sont excellents et contiennent un grand nombre de faits précis. Le premier chapitre est consacré à l'origine de l'orgue et à l'orgue positif, le second aux divers emplace- ments de l'orgue. L'auteur passe ensuite en revue les différents piédestaux de l'orgue : il ne faut pas croire, à ce propos, que tous les jubés aient été construits pour recevoir un orgue au moyen âge (nous ne voyons pas ce que vient faire ici cette histoire et des- cription détaillée des jubés, dont un certain nombre n'ont jamais supporté un instru- ment). De même, peut-on étudier séparément les tribunes sculptées et les buffets d'orgues? et n'est-ce pas là une grave erreur? Dans la plupart des cas, tribunes et buffets ne fai- saient qu'un tout, et il existe encore de nombreuses tribunes du xvie siècle, pouvant donner une idée de ce qu'était le buffet disparu qu'elles supportaient. Après l'orgue du xvie siècle et l'orgue du xvne siècle, l'auteur passe aux buffets du xvme siècle, époque dans laquelle il distingue avec raison le buffet Louis XV du buffet Louis XVI. Après des considéra- tions d'ordre général relatives aux conséquences de la Révolution sur le sort des orgues, G. Servières conclut par un excellent chapitre où il est question de la décoration et de l'architecture des buffets d'orgue du xixe et du xxe siècles.
Tel est le résumé de l'ouvrage. Si l'auteur avait eu l'intention de s'occuper unique- ment de la partie Décoration de l'orgue, c'était un travail d'histoire de l'art qu'il entre- prenait : il y a mêlé X histoire proprement dite de l'instrument. « L'un ne peut aller sans l'autre »,nous répondra-t-on et nous sommes de cet avis. — Mais alors, qu'on n'écrive pas
1. Celle qu'en donne G. Servières est tirée du Dictionnaire de Viollet-le-Duc.
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un livre sur la Décoration Artistique des Buffets d'orgues, mais bien un ouvrage consa- cré à X Histoire de notre instrument. On ne peut séparer en les étudiant, le buffet du reste de l'instrument. — Si, d'autre part, sous son titre, l'auteur comprenait l'histoire de l'orgue, il convenait de citer des sources imprimées nombreuses et sérieuses, et surtout des sources manuscrites tirées des séries E, G, H, de nos archives départementales ou des Actes des Notaires. La bibliographie sommaire que G. Servières a mise en tête de son ouvrage manque d'unité. A côté de Praetorius, Dom Bédos ou A. Gastoué, on y trouve... encore Bottée de Toulmon, Couwenbergh (!), Toppfer. Si Degering est cité, on n'y voit pas Bùhle, Kinkeldey, ou l'article sur l'orgue de l'« Encyclopedia Britannica » (11e édi- tion 1910), car beaucoup d'auteurs ont écrit sur l'histoire de l'orgue, mais bien peu sont ceux qui ont su travailler, ceux que l'on peut croire réellement: un esprit critique dans la lecture de ces ouvrages est nécessaire pour ne pas répéter ce qui n'a pas été bien interprété ou ce qui ne peut être contrôlé. Avant de parler des orgues françaises des xne et xme siècles, il faut pouvoir vérifier leur existence : le sens du mot organum ayant été très souvent faussé, on en a conclu que des orgues existaient en no5 à Notre-Dame de Châlons, en 1118 à la Cathédrale du Mans, en 1221 à Meaux, en 1269 à Chartres!! Ceci n'est qu'une légende. Notre confrère, Mlle d'Aquillon vient de prouver qu'Ulrich Engelbrecht n'avait pas construit d'orgue à la Cathédrale de Strasbourg en 1260...
Certaines dates, ainsi avancées jusqu'ici sont sujettes à caution : Lorris l5oi, Moret i5io? Pour ces deux dates, on aimerait avoir quelques sérieuses références.
Enfin, les dates sur les orgues d'Avignon et du Comtat ont été autrefois données par M. Gastoué dans la Rivista musicale italiana, d'après les notes de l'ancien archi- viste Achard.
M. Servières a cherché en vain au Musée de Metz la tête du fameux « Gueulard» de l'ancien grand orgue de la cathédrale, qui roulait des yeux et tirait la langue à l'appel de la note la plus grave de la bombarde : mais cette pièce est toujours à la cathédrale, au Trésor, où l'on peut d'ailleurs se donner le plaisir de la faire fonctionner. De même, l'auteur n'a pu retrouver le « Gallimard » de Montoire, et le * Papotier » d'Avesnières ; nous lui signalons que le premier est très vraisemblablement la tête articulée conservée au Musée archéologique du Mans, tandis que le second se trouve entre les mains d'un architecte bien connu, de Laval; qu'il nous soit permis de rappeler que ce n'est pas une joueuse d'orgue qui orne le chapiteau du pilier central de la salle capitulaire de Senlis : M. Marcel Aubert a prouvé que c'était un chanoine avec son aumusse {Revue de l'Art Ancien et Moderne, février 1910). Relevons deux lapsus sur des titulaires d'église : à Valenciennes, page 48, il faut lire « église Saint-Nicolas », dont G. Servières reproduit et décrit si bien l'admirable tribune, ancien jubé; la même église de Bergues est citée tantôt sous un vocable, tantôt sous un autre : il faut lire chaque fois : « Saint-Martin », le titre de « Saint-Winnoc » (et non pas Winocq) étant celui d'une ancienne abbaye depuis longtemps détruite, et dont les beaux buffet et tribune (xvie ou début du xvir3 siècle et 2« moitié du xvme) ont été transportés dans l'église voisine, à Quaedypre.
A propos de l'orgue de la Cathédrale d'Angers construit en i5i3 par P. Josseline, G. Servières parle des tourelles hexagonales en saillie, encadrant l'instrument et repo- sant sur des piliers établis sur le sol. D'après lui c'est là « une architecture de buffet
exceptionnelle en France » : exceptionnelle de notre temps, mais pas autrefois, car elle est décrite par certains devis d'orgues des xve et xvie siècles. Cette très curieuse archi- tecture existait au xve siècle aux cathédrales d'Angers, de Chartres, de Metz, de Rouen, à Saint-Germain d'Argentan, à Saint-Hilaire de Poitiers, — au xvie siècle aux Cathé- drales du Mans, de Narbonne, de Vannes, aux Saintes-Chapelles de Paris et de Dijon, à Saint-Sulpice de Fougères, à Saint-Maclou de Pontoise...
Les buffets du xvie et du xvne siècle qui sont les plus beaux que la France possède, sont décrits avec grand soin par G. Servières ; il en a vu les mille détails, et cherche à faire comprendre à son lecteur la stature générale de chaque instrument. Précisons une fois encore le passage du buffet Renaissance au buffet Louis XIII. Le buffet d'orgue des xve et xvie siècles est un grand massif rectangulaire, plat et d'une architecture lourde ; ses tourelles sont de même hauteur, et seule, la sculpture est recherchée : les panneaux avec leurs entrelacs, les cariatides, les feuillages, les têtes d'anges, les fleurs, les petits personnages, les mascarons ne sont là que pour enrichir la Caisse de l'orgue. Le buffet d'orgue du xvie siècle est une pièce de musée d'un style un peu lourd, mais d'une grande richesse de décoration. C'est bien le contraire que nous trouvons dans le buffet d'orgue Louis XIII ou Louis XIV; ici, l'architecture a pris le pas sur la décoration. On recher- chera la façade élancée, les tourelles, d'inégale hauteur, ne seront plus mises sur le même plan. Le buffet xvne siècle semblera s'élancer vers la voûte de l'église avec ses grandes tourelles surmontées de plumets ou de dômes coniques. Si la ligne tient la première place, la décoration est au contraire délaissée et ne consiste plus qu'en palmes et en petites têtes d'anges. Le buffet xvne siècle, tel ceux des cathédrales de Meaux et de Bourges, de Saint-Merry de Paris, de Guingamp présente un certain aspect de raideur. Il existe encore quelques buffets-transition entre le xvie et le xvne siècle où une juste mesure a été gardée entre la décoration et la ligne : ce sont les buffets de Clermont (Oise), Dreux, des cathédrales de Toulouse, Nantes, Rodez. Rappelons que le plus beau de ces buffets-transition est peut-être celui de Saint-Étienne-du-Mont de Paris, construit en 1633. Il est malheureux de constater qu'il est unique en son genre, et qu'il ne fut guère copié au xvne siècle (sauf à Mitry-Mory)... Regrettons, avant de terminer cette critique, l'absence d'une table des orgues si nombreuses, citées au cours de ce beau travail.
L'ouvrage de G. Servières, malgré les quelques réserves qu'il nous a suggérées, n'en reste pas moins un livre de fond et que tout historien de la musique doit posséder. L'Académie des Beaux-Arts s'est honorée en lui décernant le prix Bernier, et c'est avec plaisir que nous voyons un érudit français traiter un sujet aussi spécial en histoire de la musique et apporter, en l'occurence, des renseignements aussi complets et aussi utiles pour l'histoire de notre art national. Norbert Dufourcq.
Schweizerisches Jahrbuch fur Musikzvissenschaft (zweiter Band), chez H.-R. Sauer- laender (Aarau), édité par les soins de la section de Winterthour de la Nouvelle société de musique suisse.
Après le premier Almanach suisse de musicologie qui parut en 1924 (K. Nef : Petites notices sur Mozart; P. Wagner : Media Vita; E. Bernoulli : Archéologue Bian-
140 Ca tribune î*e 0ahtt-<i$muita
chîni sur les instruments de musique dans les coutumes populaires et religieuses : J. Handschin : Une tendance peu remarquée dans la polyphonie médiévale; F. Gysi : Représentations alpines dans la musique; Cherbuliez : Problème de la musique reli- gieuse; E. Refardt: Les incunables grégoriens de Bâle; W. Merian : Gregor Meyer), voici un autre beau volume contenant les articles suivants : J. Handschin : Les hypothèses sur la polyphonie médiévale, ses débuts et son apogée; E. Bernoulli : Humaniste zuri- chois Hans Fries comme champion de la musique à l'école; W. Nagel : Andréas Schwilge; G. Walter : Un autographe inconnu de Mozart; R. Hunziker : Deux lettres de H. -G. Nâgeli à sa femme; G. Walter: Deux lettres inconnues de R. Wagner; M. Fehr : Dix-huit lettres de Hector Berlioz à J.-M. Rieter; Biedermann: éditeur de musique à Winterthour; R. Hunziker : Une lettre de Johannes Brahms (sur ses Afarien/ieder); A. Heuss : Art de poésie et art de musique; P. Marsop : llsebill de Friederich Klose, songe scénique-dramatique sur la scène et la nature; J. Handschin: Sur l'harmonie pure et les gammes tempérées. A retenir : les deux articles de J. Handschin, auteur de nombreux ouvrages sur la musique au moyen âge. Quant à son premier article (sur la polyphonie médiévale) nous n'y apprenons rien de nouveau après avoir lu les Primitifs de la Musique Française de M. Gastoué. Le second est intéressant par sa manière de défendre le système de 19 sons dans la gamme contre les 24 quarts de ton obtenus par le partage de 12 demi-tons de la gamme chromatique. Article scienti- fique, très documenté. — Citons également le travail de M. A. Heuss qui, revenant à la vieille querelle entre la musique absolue et la musique de programme se prononce pour la média via aurea. Avec Beethoven il voit le musicien au-dessus du poète, par le fait qu'il donne le caractère absolu ou intelligible du héros et non pas son caractère empi- rique donné par le poète. Les musiciens qui n'aperçoivent que le caractère empirique manquent leurs œuvres malgré leurs enseignes de musique à programme (il cite la Faust-Symphonie de Liszt, Jes poèmes symphoniques de R. Strauss excepté « Eulenspie- gel »). — L'article de Marsop sur « llsebill », symphonie dramatique de Friederich Klose, traite d'une manière très captivante une œuvre que — malheureusement, — nous ne con- naissons pas.
O. Tichy.
L'ÉDITION MUSICALE
OFFERTOIRES, ou motets, par Mgr Perruchot, 2 volumes, Paris; Bonne Presse. 1er volume, du 1er dimanche de l'Avent à la Septuagésime, 10 francs; 2e volume, de la Septuagésime au dimanche de Pâques, 12 francs. Chaque partie, port en sus, 1 fr. 25.
On ne peut avoir une idée complète de l'inspiration variée et de l'art de la compo- sition vocale que possède Mgr Perruchot, sans ajouter, à toutes ses œuvres séparées, la collection dont nous parlons aujourd'hui. Autrefois la Tribune en avait annoncé le pre- mier volume publié en 1921; le deuxième parut pendant que la revue était en sommeil : nous ne pouvons tarder plus longtemps à présenter le tout.
tf'tëMttfflt muôtcale 141
En gros, ce double recueil comprend trente-six pièces, à deux, trois, quatre voix égales ou inégales, même à double chœur soit « a cappella », soit avec orgue obligé; les unes sont directement inspirées (sans jamais le pasticher) de l'art palestrinien, d'autres font appel à toutes les harmonies de la palette classique. On sait le goût du maître, et sa science pour traiter les canons : il en est ici plusieurs, délicieusement présentés, et le contrepoint lié, qui favorise l'imitation, est la règle de l'ensemble de ces compositions.
Mais toutes ces combinaisons, bien que scolastiques, n'ont jamais, chez Mgr Perru- chot, rien de sec : mélodies et harmonies coulent douces et calmes, dans une modalité purement classique, sans heurts ni recherches de modernisme. Mgr Perruchot est comme un héritier de Palestrina, un Viadana de qui il se rapproche, ou mieux encore de notre vieux maître français Péchon, si peu connu, auquel il ressemble, qui se serait attardé en notre siècle, en gardant la sérénité des formes anciennes, enrichies de toutes les trou- vailles des sonorités plus récentes.
Ces offertoires ne sont pas que des offertoires, et la plupart conviennent aussi bien à un salut, une procession, une clôture d'office. Ils sont d'ailleurs mêlés de quelques autres pièces : Messe pour l'Avent et le Carême, toute une série de Deo gratias (tou- jours sur les thèmes liturgiques), plusieurs antiennes.
Dans le premier volume, les deux offertoires de Noël, à trois égales, Laetentur et Tui sunt, les Jubilate du temps de l'Éphiphanie, le Dextera Domini sont précisément de ces compositions qui conviennent à tout temps de l'année. Dans le second volume, je note au passage le Perfice gressus meos de la Septuagésime (ou d'un dimanche après la Pentecôte), les Parce Domine, l'un à 4 voix mixtes, l'autre à 2 chœurs, (maîtrise à 4 voix mixtes, confrérie à 3 voix égales), un Laudate Dominum quia benignus est, et le Domine spes mea dans sa version à 2 voix égales.
Ne voyons donc pas dans cette collection de l'illustre maître de chapelle un simple recueil utilitaire pour ceux qui voudraient chanter des offertoires polyphoniques : c'est avant tout un recueil de motets variés et de pièces pour toutes sortes d'exigences du service religieux. Puissent ces compositions de Mgr Perruchot, toujours élégantes et d'une très moyenne difficulté, se trouver au pupitre de beaucoup d'églises.
Mais pourquoi l'édition ne comporte-t-elle pas de parties de chœur ?
A. Gastoué.
TRENTE CHANSONS à 3 et 4 voix de Clément Janequin, pour soli ou chœur mixte, mises en partition par Maurice Cauchie. Un volume de IV et l33 pages. Paris, Rouart, Lerolle et Cie, 1928.
Les pièces de ce volume sont empruntées avec collections parus entre 1528 et l557, chez P. Attaingnant, H. Jullet, N. du Chemin, A. Le Roy-R. Ballard, ainsi qu'au pre- mier livre de madrigaux à 3 voix de Constantio Festa (Venise, A Gardane, 1541). Elles démontrent encore une fois la maîtrise incontestée de Clément Janequin (Jannequin), dans le domaine de la chanson poh/phonique.
Quoique cette édition soit conçue au point de vue pratique, nous constaterons, à regret, qu'elle ne le satisfait pas entièrement, non plus le côté historique, dont elle relève
142 Ca tribune ire Sahtt~<®m)atB
cependant. Pourquoi employer le terme « soli » improprement? Pourquoi omettre, à la table, le nombre de voix de chaque composition, l'indication de la diminution des mesures et des valeurs, des chansons transposées et de leur véritable ton? Pour quelle raison nous priver de la réduction des parties au clavier, pourtant si utile? Que ne nous renseigne-t-on sur la notation, les voix, les clés des originaux, ce qui remplacerait avan- tageusement, par exemple, la triple mention des dates de publication des recueils anciens. La place différente qu'occupent les mots « bien en dehors » ne demanderait-elle pas quelques précisions; enfin, le tic-tac vraiment rapide du métronome contribue-t-il à une
meilleure interprétation de la pensée de Janequin?
M.-L. Perevra.
LES REVUES
Revue Grégorienne, XIII, n° 4. — Dom de Sainte-Beuve, début d'une étude fouillée sur Les Répons de saint Fulbert de Chartres pour la Nativité de la Sainte Vierge, en commençant par Solem justitiae. — Dom Desroquettes, dans la suite de ses articles sur L' accompagnement delà mélodie grégorienne, modifie très heureusement, pages l34 à i38, le traitement rythmique et harmonique que depuis quelques années, les moines de Solesmes avaient adopté en certains cas : devant les quarts de barre, sur un mot accentué comme Deus, ou caelorum, où Dom Mocquereau avait déplacé l'« ictus » en le mettant sur la dernière syllabe, Dom Desroquettes démontre, « autorisé et encou- ragé par Dom Mocquereau », que 1' « ictus » est mieux sur la syllabe d'accent, qu'il est même avantageux d'élargir la note d'accent, et enfin d'y placer l'accord. C'est en somme revenir, après l'avoir abandonné pendant trente ans, à l'enseignement et à la pratique de Dom Pothier et de Dom Delpech : et c'est... ce que nous n'avions cessé de faire. On nous permettra de souligner ce rapprochement heureux.
L'Informateur, VII, n° 7. — E. Diérickx, Dom Anselme Deprez, article nécrolo- gique sur ce très sympathique musicien, donnant des dates et références précises sur ses œuvres.
BELGIQUE
Musica Sacra, XXXV, n° 2. — Dom J. Kreps, Mélodies grégoriennes et mélodies fauréennes, montre comment Gabriel Fauré s'était imprégné des modalités grégoriennes, qui influèrent considérablement sur la formation de sa personnalité; article documenté et intéressant. — L. Antheunis, Un grand polyphoniste du xvie siècle, Pierre Philips, attire l'attention sur ce musicien trop peu connu, anglais d'origine et réfugié en Belgique lors des persécutions dirigées contre les catholiques. Article fort incomplet cependant dont l'auteur semble ignorer les travaux et éditions de Guilmant et Pirro, de la « Ches- terian », de Van den Borren, Raugel, Gastoué, où les œuvres de ce musicien sont étudiées et ses dates fixées. — Dom Columba Skerett, Dom Anselme Deprez, article nécrolo- gique très détaillé par un de ses confrères, contenant des faits et renseignements, forts intéressants, avec un beau portrait du regretté bénédictin.
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Tome JCJCV N° 5 - 1928
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LA TRIBVNE DE SAINT-GERVAIS
FONDÉE EN 1895
PAR
Ch. BORDES, ALEX. GUILMANT
ET
Vincent dIndy poursuit comme principaux buts
La connaissance des chefs-d'œuvre de la Musique Religieuse
L'application pratique du Motu proprio de Pie X
L'étude raisonnée de l'ancienne musique
Les progrès de l'art religieux moderne
Sous la direction de A. GASTOUÉ et A. TROTROT-DÉRIOT
Principaux Collaborateurs :
Ant. Auda. - Abbé P. Bayart. - Camille Bellaigue. - Eug. Borrel. Chan. L. Boyer. - R. Bragard. - Maurice Brillant. - Abbé F. Brun. Paul Brunold. - André Cœuroy. - Abbé E. Collard. - Norbert Dufourcq. Maurice Emmanuel. - Henri Expert. - Jean Huré. - J. & L. de La Laurencie. - Hector Laisné. - Paul Le Flem. - Guy de Lioncourt. Pierre de Maleingreau. - M.-L. Pereyra. - André Pirro. - Abbé J. Prieur. - F. Raugel. - M. Rouy. - J. Samson. - Aug. Sérieyx. G. Servières. - O. Tichy. - J. Tiersot. - P. Tirabassi. - Jean de Valois.
Ch. Van den Borren.
Tome XXV nouvelle série - N° 5 Octobre 1928
LATRIBVNE DE SAINT-GERVAIS
REVUE MUSICALE
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA
Stl]ola Cantorum
DU SI BÉMOL GRÉGORIEN
A PROPOS D'UN OUVRAGE RÉCENT
LE très distingué professeur de l'Institut Grégorien de Paris, M. Henri Potiron, a lancé dernièrement une « nouvelle édition entièrement refaite » de son Cours d'accompagnement du chant grégo- rien. Parmi les problèmes que soulève la nouvelle théorie « tri-tonale » exposée dans l'ouvrage, celui de la nature exacte du si \> grégorien est sans contredit le plus important. En effet, les diverses échelles grégo- riennes sont considérées, dans cette théorie, comme appartenant à une première tonalité sous l'influence du si tj et comme passant à une deuxième tonalité sous celle du si |?, un mi \> sous-entendu et s'ajou- tant au si \> faisant enfin moduler dans une troisième tonalité. On le voit, il y a là une certaine assimilation avec ce qui se passe, cette fois pour une seule échelle modale majeure et mineure, dans la musique moderne ordinaire. Mais si notre ton de do laisse la place au ton de fa sous l'influence d'un si f> exprimé ou sous-entendu, c'est que ce si |? est quelque chose de substantiel, n'étant que la transposition de la note fa du ton type, celui de do. Toute la question est de savoir si le si \> grégorien est, lui aussi, note substantielle habituellement, ou bien s'il n'est que chromatisme d'attraction, qu'expédient extrinsèque à la constitution normale des échelles modales. Dans le premier cas, la théorie tri-tonale grégorienne aura un fondement réel, elle n'en aura aucun dans le second. Et, au point de vue pratique de l'accompagne- ment, l'adoption d'une hypothèse ou de l'autre amènera, au milieu de réalisations communes, de nombreuses divergences.
Et d'abord interrogeons les gens du moyen âge. Ils ont bien le droit tout de même de donner leur avis, eux qui ont vécu la musique qu'il s'agit d'analyser, alors que pour nous il y a tentation de voir trop cette musique à travers nos impressions modernes. Quel est donc l'enseigne-
144 ^a tribune îie 6aint-^rî)at0
ment du moyen âge au sujet du si b? Que celui-ci est un chromatisme d'attraction engendré par l'aversion pour le triton. Voici les paroles expresses de Guy d'Arezzo à ce sujet : « Ideo additum est, quia F cum quarta a se b tritono différente nequibat habere concordiam ». Donc chose surajoutée, superficielle, extrinsèque, en dehors de l'organisation normale, exceptionnelle, bien que l'exception puisse être fréquente, parce que fréquente est aussi la relation plus ou moins directe de triton ou de fausse quinte. Mais, d'un autre côté, de ce que l'aversion pour le triton ait été indéniable, au dire de Guy d'Arezzo, lequel est le meil- leur et le plus considérable témoin de toute la tradition grégorienne, il ne s'ensuit pas que cette aversion ait été obligatoirement obéie toujours, ni qu'elle n'ait pu varier d'intensité avec les siècles, les pays et les centres liturgiques.
En art, tout se réduit à des tendances satisfaites et à des tendances contrariées. De ce que souvent, en rythmique, nous ne faisons pas coïncider ces deux choses : note longue et note au posé, il ne s'ensuit pas que nous n'ayons une très réelle tendance à mettre plutôt au posé une note plus longue. Venir, par suite, nier l'existence et l'importance de l'aversion médiévale pour le triton en mettant en avant les cas nom- breux où celle-ci est carrément contrecarrée, c'est argumenter dans le vide. Le même Guy, qui cependant a formulé plus haut, en termes lapidaires, la tendance à fuir le triton, ne manque pas, comme les autres musicologues du moyen âge, de porter un bon nombre de si ly dans ses exemples, qui contredisent à la tendance en question.
Et puis, à côté de la tendance très réelle à éviter l'impression plus ou moins éloignée de triton, tendance, celle-là, négative, il en existait une autre, non moins réelle et de sens tout positif, c'était la préférence marquée qu'on avait, à la bonne époque grégorienne, pour le si fcj.. Écoutons à ce sujet de nouveau Guy d'Arezzo : « b vero rotundum, quia minus est regulare, quod adjunctum vel molle dicunt, cum F habet concordiam... Altéra vero \ in commune placuit ». Goût habi- tuel « in commune » pour le si^. L'autre si est une « irrégularité », « minus regulare », une chose par-dessus le marché, « adjunctum », une « mollesse, un énervement », « molle », supporté à cause du ser- vice transitoire qu'il rend.
Après Guy, Aribon, lequel vivait dans la deuxième moitié du xie siècle : « Hinc licet perpendere, j? utile, b autem multum utilius esse, ideoque admodum esse communiorem conjunctione disjunctionem ». (Gerb., Script., t. II, p. 218). Pour lui, l'utilité du si q est de beaucoup supé- rieure à celle du si |?, l'emploi du premier doit dépasser considérable-
Bu si bémol grégorien 145
ment en nombre, « admodum communiorem », celui du second. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Aribon, comme Guy d'Arezzo, ne met- tait pas sur le même pied d'égalité le si \> et le si q. Qu'aurait-il dit si on lui avait soutenu qu'il n'entendait rien à l'affaire; que, théorique- ment, le si \) est l'égal du si t], puisque sa présence, réelle ou même sous-entendue, a droit, elle aussi, à créer une tonalité à part; que, pra- tiquement, si l'on accompagne le chant grégorien, le si (?, dans les accords, dépassera de beaucoup en nombre le si t\ ? Tel est cepen- dant le résultat logique du système tri-tonal que nous analysons. On a voulu raisonner à priori sur l'art médiéval comme on raisonne scolastiquement sur les modulations de notre art moderne lequel, étant pétri de polyphonie depuis des siècles, et à base ordinaire uni- modale, a imposé à la mélodie elle-même, et surtout à nos oreilles, un sens de modulation que ne pouvaient éprouver les gens du moyen âge. Le résultat pratique est que la proportion entre le si z et le si \> est exactement inversée.
Jusqu'ici les bons accompagnateurs avaient le flair de la tradition médiévale. Sauf en 6e grégorien et pour quelques pièces du 5e (Aribon lui-même fait ces exceptions expressément), c'était au si q qu'allaient leurs préférences. Ils sentaient que c'était bien là la norme, et le bémol, l'exception. Qu'on examine aussi les admirables Pièces dans la tona- lité grégorienne (« tonalité » au singulier) du maître Gigout : c'est bien le si hj qui règne en maître. Alors que l'art modeste de l'accompagne- ment grégorien n'a de raison d'être que par rapport à la mélodie mé- diévale, a-t-on le droit de lui imposer aujourd'hui une esthétique qui est manifestement aux antipodes de l'esthétique médiévale? Le système tri-tonal ne peut avoir aucune portée harmonique, parce qu'il repose sur un quiproquo entre si \> essentiel et si \> simple expédient, simple chromatisme d'attraction. Ce système vient aussi, par la fréquence prépondérante du si [>, enlever à l'ensemble une grande partie de son charme archaïque. Des pièces entières, où même le si [? n'apparaît pas du tout, sont traitées avec si \> constant dans l'accompagnement, par exemple pour le 2e mode; pour plus de commodité, on le met carré- ment à la clef1.
* * *
Pour se soustraire à la tradition médiévale, on met en avant les perfectionnements de l'analyse moderne, laquelle nous permet de voir
1. Voir les offices harmonisés qui ont paru en application du système tri-tonal.
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les faits médiévaux sous un jour plus exact et plus complet que ne pou- vaient les voir les gens du moyen âge. Il est prouvé maintenant que certaines notes ont un caractère nettement modulant. Le jeu des modu- lations a été étudié dans son tréfonds, et nous savons, par exemple, qu'une pièce en fa majeur, en cas de cadence sur le do avec si : exprimé ou sous-entendu, module au ton de la dominante, au do majeur; qu'une pièce en ré mineur, en cas de cadence sur le la avec 5i q exprimé ou sous-entendu, module en la mineur.
A cela il faut répondre que le sens de la modulation tonale, entendu dans cette acception, et non plus dans le sens hellénique, est un pro- duit de l'usage séculaire de la polyphonie1, laquelle a de plus en plus précisé le rôle des sensibles. Avait-on, au moyen âge, le sentiment de la sensible tel que nous l'avons ? Comment d'abord auraient-ils pu l'avoir, des gens dont la musique avait le plus souvent la sous-tonique à un ton plein de la tonique ? Une sensible est essentiellement à un demi-ton au-dessous de la tonique. Le 5e et le 6e grégoriens ont tout de même leur sous-tonique à un demi-ton de la tonique. Ce mi sous-tonique a-t-il cependant en fait le caractère d'une sensible? Pas le moins du monde, puisque à peu près jamais on ne rencontre de cadence ascen- dante mi-fa ni supérieure, ni inférieure -. Mais si le mi, en mode de fa, n'a en réalité aucun sens particulièrement recherché de mouvement vers la tonique, faudra-t-il en attribuer un au si vers la quinte ? Il fau- dra simplement dire, lorsque le si amènera une cadence sur le do en 5e grégorien, que la note si : , foncière en mode autonome de fa comme dans les autres modes autonomes, sert de transition à une cadence sur une note de la triade modale, tout de même que le ferait le ré. Et précisément, le plus souvent sans comparaison, c'est le ré qui remplit cet office : la pente descendante de l'échelle se vérifie pour le mode de fa comme pour les autres.
Dom J. Jeannin. (A suivre) O. S. B.
1. L'examen des compositions primitives, jusqu'au xmc siècle, ne laisse pas décou- vrir trace de modulation tonale au sens moderne du mot.
2. La cadence mi fa est parfois une simple altération de la cadence fa sol. Par exemple, pour YAgnus Dei /Kdont nous parlerons plus loin.
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UN RÉPONS DU Xe SIÈCLE DANS LA LITURGIE ACTUELLE DE BAYEUX
(suite)
Quelle est la structure de ce « salut » ? quelle est la signification de ce mot ? S'agit-il d'une bénédiction du T. S. Sacrement, telle que nous la voyons ordonnée dans le processionnal de 1749, par exemple? (les éditions de 1624 et 1692 ignorent cette forme de dévotion.) Évidemment non.
Résumons le susdit cérémonial : le célébrant revêt étole et chape noires, les Ecclésiastiques ont des cierges allumés, on fait dans l'Eglise la procession pour les Morts, on chante le répons Congregati, au retour Libéra me, Dies irae, prières au cénotaphe, aspersion et encense- ment, chant du De profundis, on termine par les versicules et oraisons marquées au processionnal. C'est tout. Telle est la constitution de ce « salut ».
Hermant emploie donc ce mot dans son sens primitif, général, étymo- logique et non dans le sens restreint que nous lui donnons maintenant. Salut = salutation = Salve. Résumons quelques données de l'histoire. Dans un manuscrit du x-xie siècle, codex 121 de la Bibliothèque d'Einsiedeln, terminé en 996, on trouve deux fois pages 384 et 388 (Paléographie musicale, tome IV) l'expression « versus ad salutandam crucem », salutation ou salut à la Croix avec chants appropriés.
Il serait facile en ce sens de trouver dans notre Ordinarium du xme siècle un salut à la Vierge et aux saints, qui suivait les vêpres, comme le fait notre salut moderne au Saint Sacrement. Quoi qu'il en soit, des travaux récents, écrits sur les origines du Salut du Saint Sacre- ment en Belgique ' tendent à démontrer que : 1° en Flandre, le Salut ou Salve de la Vierge remonte à l'année 1365; 2° que pendant deux siècles ces saluts eurent uniquement et directement pour objet le culte de la Vierge Marie ; 3° qu'au xvie siècle pour donner plus de solennité au salut de la Vierge on exposa le T. S. Sacrement pendant le chant du Salve. Le Salut du Salve a précédé le salut du S. Sacrement, enfin
t. Cf. Questions liturgiques et paroissiales de Louvain, oct.-déc. 1925.
148 £a tribune be £aint-(iftm)ats
les deux « salutations » unies1 , puis dissociées, ont été combinées pour former notre salut moderne.
Notre historien emploie tout simplement le mot salut dans son sens original. M. le chanoine Deslandes parle dans son Etude sur l'Eglise de Bayeux des processions nombreuses qui « se rendaient sur la tombe de ceux pour qui on priait quand ils étaient enterrés dans l'Eglise ; les inhumations dans la Nef, la « Circata » (« déambulatoire autour du Chœur et du Sanctuaire »), les chapelles et le Chœur étaient fréquentes et presque à chaque pas on foulait une sépulture ». On allait d'abord en procession « saluer » les Morts et on revenait au chœur pour les chants solennels continuer et terminer le « salut »; l'ordonnance semble équivalemment la même que celle d'un « salut avec procession solennelle » du T. S. Sacrement : les chants funèbres sont appropriés au but déterminé, tout comme jadis pour le « salut de la Vierge » avec procession on chantait, en Flandre et ailleurs, le Salve, la prosuie Inviolata, ou un motet ou un répons de Beata. Quel autre sens donner en 1705 à l'expression de Hermant « salut avec procession solennelle pour les Morts » ?
En effet, si le Processionnal contemporain de Hermant ne mentionne pas l'expression « salut solennel pour les Morts », avec force détails il nous en donne, après la procession, le programme liturgique et musi- cal; cette cérémonie que Hermant désigne en 1705 sous le nom de salut revêt à la Cathédrale, le soir du 1er novembre, un caractère de solennité extraordinaire; les rubriques du Processionnal de 1692, imprimé à Caen (Mgr de Nesmond), valent la peine d'être étudiées et citées en entier2.
D'abord la procession : à 5 heures du soir sonnent toutes les cloches de la Cathédrale, des cierges allumés sont distribués à tout le clergé et la procession se déroule per ambitum interiorem Ecclesize
1. Signalons l'ordonnance des saluts à Bayeux au xvme siècle : 1° Ave verum. 2° Tantum ergo sacramentum ou O salutaris hostia. — « Deinde ». 3° Monstra te ou Sub tuum praesidium. 40 Antienne au Saint Patron, s'il y a lieu. 5° Prières « pro tempo- ris necessitatibus ». 6Ù Domine, salvum fac regem. 70 Deus omnium et immédiatement le f. Panem de cœlo suivi des autres versicules et des oraisons, Dominus vobiscum et Benedicamus.
2. Hodie in Cathedrali, pulsatis hora quinta serotina, omnibus Ecclesiae Campanis, distributisque in singulos de Choro Cereis accensis, fit Processio pro Defunctis, per am- bitum interiorem Ecclesiae, in qua cantatur R>. Congregati sunt, ut infra a D. Decano inchoandum. Tum in Choro ïjj. Libéra me Domine, ut infra. Deinde alternatim a Choro Musicorum et a schola plani cantus Prosa, Dies ira dies illae : tandem dicto, Pater no- ster,\n contrapuncto Psalmus De profundis, quo peracto dicitur a Célébrante, Requiem seternam, etc., postea Orationes in Collectario positae.
IKn UépotiB îru Xe siècle îratta la liturgie actuelle îre Gageas 149
aux accents si pathétiques du Congregati dont l'intonation est réservée, à l'encontre des us et coutumes, à M. le Doyen du Chapitre, probable- ment en souvenir de la dignité de l'un des fondateurs.
Ensuite se fait entendre au chœur, tum in Choro, car la procession est terminée, une succession de prières, de chants surtout, de carac- tère mélodique très différent : un répons, une prose, un psaume; c'est, d'après Hermant, le salut solennel.
Tous les éléments musicaux de la Cathédrale sont sans doute réunis, c'est le Chorus Musicorum du xvne siècle : 1° les solistes aux timbres différents : enfants de chœur, Petits- Vicaires, vénérables Digni- taires du Chapitre ; 2° le chœur : la Schola grégorienne, les Enfants de Chœur, les Heuriers qui « doivent chanter la basse-taille dans la mu- sique », les Hauts-Vicaires (ad onus serviendi de tenorista tant in piano cantu quam a/iis), qui « chantent la taille dans le plain-chant comme dans la musique », qui « chantent en faux-bourdons chacun selon le genre de voix qu'il a pour les chants », les musiciens laïcs à gages, « un grand nombre de musiciens en toutes les parties, un organiste et autres (des instrumentistes) qui dans les fêtes solennelles et de fonda- tion exécutent... mottets et autres morceaux de musique tant vocale que de symphonie. i »
Voilà le personnel musical qui, au xvne siècle, exécutait l'office « lorsque cela était requis pour les fondations et régulièrement aux fêtes solennelles ». Voyons maintenant le détail du programme.
D'abord un répons grégorien : le Libéra me, Domine avec les ver- sets2 en usage à Bayeux du xme au xvme siècle. Les rubriques affectées à ce répons, à la station du 2 novembre, sont des plus précises; la distri- bution des versets aux solistes, le 1er novembre, est sans doute la même, le premier verset Dies illa est chanté par deux Chanoines Dignitaires du Chapitre (a duobus ex Personis), le deuxième verset : Quid ergo miserrimus par deux « Petits-Vicaires Archichoristes » (a duobus mino- ribus Vicariis Archichoriis), le troisième verset : Vix justus salvabitur, précédé de l'antienne : Creator omnium introduite, récemment sans doute, à cette place insolite, est chanté par deux enfants (a duobus pueris Choralibus). Chaque groupe de solistes, à la station de la pro- cession du 2 novembre, a sa place assignée pour l'exécution du verset :
1. Les citations de cet alinéa sont extraites de X Étude sur l'Église de Bayeux de M. le chanoine Deslandes qui, d'après différents textes, a essayé de reconstituer la vraie physionomie du Chorus Musicorum (p. 354-358).
2. Ils ont été reconstitués sur le texte ancien dans le supplément diocésain de l'Office des Morts (Bayeux, 1927) pour la station de la Procession des Morts.
i5o Cet tribune àe 0atnt-(®m)aiô
1° rétro Celebrantem ; 2e in média navi ; 3° ante Crucem. Ces rubriques sont encore en usage.
A l'austère répons du xe siècle fait suite le Dies irœ qui était d'abord une « séquence » du répons Libéra ; la polyphonie avec ses sonorités vocales va donner, elle aussi, sa note funèbre, la Prose de Thomas de Celano est chantée à deux chœurs, une strophe par la schola grégo- rienne, une autre par le chœur des musiciens qui probablement chan- taient à quatre voix. On récite le Pater... et la polyphonie reprend ses droits avec le De profundis « in contrapuncto », faux-bourdon à quatre voix et à deux chœurs. Suivent les versicules et les oraisons « ad hoc. »
En parcourant ce programme on ne peut se défendre de penser au Dies iras, faux-bourdons pour alterner avec le chant liturgique, de Homet (xvme s.) et au De profundis, attribué au roi Louis XIII ((f 1643) chantés à Paris aux funérailles et édités par la Schola Cantorum; on ne peut s'empêcher non plus, en entendant la bonne polyphonie alterner avec les pièces grégoriennes, de voir en cette cérémonie pour les morts, ce qu'on appellerait aujourd'hui, servatis servandis, « un salut solen- nel... en musique ».
III. LE TEXTE DU RÉPONS CONGREGATI
À. Le texte mélodique. — Est-il besoin de commenter le texte si expressif du répons Congregatil Quelques remarques, d'ordre esthé- tique1, suffiront.
Le Répons Congregati sunt au nouveau propre de Bayeux
(Notation grégorienne sur portée de clef de sol)
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ongrega- ti SUnt, Dé-US,* ad deVOrân- Z/s se sont réunis, 6 Dieu, pour m'anèantir.
dum mé sedu-cto-res mé- i scripta tenén-tes
mes perfides ennemis. tenant la preuve écrite du
1. Pour l'étude critique du texte, cf. Revue grégorienne, 1923, articles de Dom de Sainte-Beuve.
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ma- la, quaegés-si: * Ergo vociferân-tur dicéntes :
mal que j'ai commis; ils crient donc contre moi en disant
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Mon Dieu, ne vous éloigne^ pas de mot , mon Dieu,
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us, in auxi-li- um mé- um ré- spice, Dé- us mé- us,
tourne^ vers moi vos regards secourables ; mon Dieu,
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in adju-t<5- ri- um mé- um intén- de. f. Deiicta
veuille^ venir à mon aide. Des fautes
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ne avértas fâci- em tu- am a me : qu6- ni- am trî-
ne détournez pas de moi votre visage ; puisque jt souf-
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bu-lor, veloci-ter exâudî mé, Demi- ne * Ergo.
/>«, hate^-'UOHS de m exaucer, Seigneur.
i52 5Ta tribune be Satnt-^raatB
Le répons proprement dit, sans le verset, constitue un petit drame en trois actes dont le premier mode met bien en relief le caractère général ; les trois divisions littéraires correspondent à une interpréta- tion mélodique, merveilleusement adaptée au sens des paroles.
Ier Acte, le fait de la conspiration :
Ils se sont réunis, ô Dieu, pour me perdre, mes perfides ennemis, tenant à la main la preuve écrite du mal que j'ai commis.
Congregati... — La mélodie représente par de sombres accents, évoluant autour de la tonique, atteignant à peine le tétracorde, l'assem- blée des conspirateurs.
Ad devorandum... — Ils se sont ligués pour «me dévorer» : la mélo- die s'anime, elle s'accroche à la dominante, la dépasse et par trois climacus descendants, dont le second est très expressif avec son si '* elle retombe avec accablement sur la tonique du mode et fait entendre des sanglots douloureux sur les deux pressus de me.
Seductores... — Ces neumes enveloppants, trois torculus (tous les mss. ne les donnent pas) veulent-ils par une marche ascendante et régu- lière traduire la volonté tenace des « séducteurs » qui poursuivent leur désir de mal progressivement et sans heurt? Certains sont tentés de sourire devant des traductions symboliques trop subtiles, l'expression dans le dessin mélodique est familière cependant aux compositeurs grégoriens et Bach n'a-t-il pas dans son choral pour orgue : Par la chute d'Adam, traduit par des dessins analogues (là et ailleurs) les séductions du serpent pendant que le soprano pleure et que la pédale maudit (intervalles répétés de septième diminuée descendante)?
Scripta tenentes. — Accrochée à la sous-dominante, l'affirmation est évidente avec les deux strophicus sur les syllabes accentuées « oui, ils connaissent mes péchés, ils les ont écrits et ils les tiennent bien en main pour les présenter au divin Juge. »
Mala quazgessi. — « Oui, j'ai péché, c'est vrai, ils sont armés contre moi » et douloureusement {si b) en deux retombées successives l'âme pécheresse dans un humble retour à la tonique laisse déborder son cœur amèrement contrit, quae gessi.
Et sans transition le IIe Acte commence, ce sont les clameurs des persécuteurs méchants :
Ils crient donc contre moi en disant : Dieu Va abandonné, pour- suivez-le, saisissez-le, il n'est personne qui puisse le délivrer !
Ergo vociferantur... — L'attaque brusquée sur le sol prépare la marche tonale en la d'un caractère si puissant, elle se déroule autour de la note la, atteint l'octave de la tonique et devient quasi-syllabique,
lin fôépons &u Xe ôtèrle fcàitô la liturgie actuelle be tfapeux i53
l'absence de neumes favorise l'explosion de la colère et de la méchan- ceté. Nos chantres ruraux ont certainement compris — trop peut-être — le sens de cette belle ligne mélodique qui brutalement retombe sur le ré.
Sur perseguimini les mss. hésitent entre si b et do et quelques cri- tiques concluent de là à la présence ancienne du si \ ; l'effet serait des plus dramatiques avec un élargissement sur la clivis sol-fa, de cette phrase on pourrait rapprocher certains passages d'oratorio, hardis pour l'époque, dont Gounod a tiré un merveilleux parti.
Quia non est... — C'est peut-être l'ironie provocante des insolents triomphateurs... la phrase se termine par une cadence suspensive à la sous-dominante et prépare Vhumble supplication du persécuté.
C'est le IIIe Acte.
O mon Dieu, ne vous éloignez pas de moi ; ô mon Dieu, tournez vers moi vos regards secourables ; ô mon Dieu, veuillez venir à mon aide !
Ces trois invocations, dont les deux premières répètent avec insis- tance la même mélodie, sont établies dans l'échelle grave du mode en opposition avec les accents superbes des persécuteurs ; il est inutile d'analyser les neumes en détail, c'est la faiblesse qui prie, qui supplie, qui invoque dans sa détresse l'aide de Dieu.
Le verset Delicta... — Préparée par l'humilité, c'est maintenant la prière confiante « oui, j'ai péché, mais vous êtes bon, Seigneur, et mes péchés vous les oublierez » : ne avertas marque un élan de confiance, sur quoniam la souffrance semble se raviver et le verset se termine en Domine sur la cadence finale du répons, Domine = intende.
Au xme siècle, à Bayeux, à certains jours et aux complies de Carême, (au répons In pace et à la célèbre antienne avec versets Media vitd) un enfant chantait seul les répons ou les versets (ab uno puero) ; si les vénérables rubriques le permettaient, l'exécution du verset Delicta par une ou plusieurs voix d'enfants avec la reprise par toutes les voix à l'unisson de la réclame Ergo vociferantur serait du plus bel effet.
Cette mélodie, depuis le xme siècle, est restée dans l'ensemble iden- tique à elle-même dans le diocèse de Bayeux. Toutefois les réserves suivantes s'imposent : les rédacteurs du Processionnal de 1624 cédèrent aux idées du temps en déchargeant les pénultièmes brèves de leurs neumes qui furent remplacés par un « losange » ; l'édition de 1692 sup- prima les porrectus et les climacus et marqua d'un losange un plus grand nombre de syllabes brèves ; les éditions du xvme siècle suppri- mèrent les pressus et les oriscus et ajoutèrent encore de nouvelles notes brèves ; l'édition de 1840 ignora le vrai caractère de la tonalité
154 Ca tribune îie 0amt~<®mmtô
grégorienne, elle agrémenta l'antique mélodie du do # et du sol #, le Congregati en ré « mineur » ne modulait-il pas en la « mineur! », mais passons, c'était à une époque (1839) où l'on chantait encore la première Messe royale de H. Du Mont (1669) { en conformité avec l'original, avec les altérations {do # et sol #) voulues par l'auteur. Enfin l'édition de 1861 faussa totalement le rythme grégorien, suivant les idées personnelles du ou des rédacteurs, elle ajouta dans le corps du répons et du verset soixante « longues » environ que ne connut jamais aucune édition pré- cédente, ces « doubles » et ces « triples » facilitaient « l'expression que demande l'exécution du Plain-Chant » (!) en donnant ainsi le temps, toutes les 4 ou 5 notes, de faire un decrescendo ou un crescendo ou même les deux nuances, « les sons filés » sur la même note2! Nous sommes bien loin, en 1861, du texte authentique publié en 1847 par l'abbé Dolé, qui eut le mérite — c'en était un à cette époque — de remonter aux sources grégoriennes du Diocèse dans son Essai déjà cité : « études spéciales, écrit l'abbé Laffetay, consignées dans un livre trop peu connu ».
Bref, l'histoire mélodique du répons Congregati pourrait à elle seule justifier un travail d'ensemble suri' « Histoire du Chant liturgique à Bayeux du xine siècle à nos jours ».
B. Le texte littéraire. — L'idée et le texte du répons sont empruntés au psaume 70 : la première phrase Congregati s'inspire du verset 11 : inimici mei consilium fecerunt in unum, à partir de dicentes le répons emprunte les versets 12 et 13 et ajoute la première partie du verset 1 du psaume 69.
Le verset est tiré en partie du psaume 24, verset 7 et du psaume 101, versets 2 et 3 ou du psaume 68, verset 21.
Ce texte, à l'office seulement, fut modifié au xvm° siècle. Mettons en parallèle le texte des deux répons :
TEXTE TRADITIONNEL TEXTE NÉO-GALLICAN
imprimé à Paris, chez J.-B. Coignard, 1744.
Congregati sunt, Deuslad devo- Esto mihi\in Deum f>rotectorem\
randum me | seductores mei | scripta ut salvum me facias \ quia inimici
tenentes mala | quae gessi. mei | (passage mélodique supprimé).
1. Remarque curieuse : le Petit graduel du Diocèse de Bayeux (Caen, l83ç)) donne deux éditions de cette messe : l'une, page 324, rythmée d'après l'original avec les altéra- tions susdites, caudées et losanges représentant blanches et noires, l'autre, page 683, avec quelques do dièses en moins, est rythmée en notes égales, exception faite des pénultièmes brèves et des finales longues.
2 . Cf. Méthode pratique de plain- chant par l'abbé V. P.-Youf, 1862 (2e édition, 1878, p. 107-uo), voir le ty>. Congregati reproduit avec « signes particuliers », « exercices très utiles à faire faire aux Elèves, surtout dans les Séminaires ».
Un fôqjottô ht Xe siècle Une la liturgie actuelle îre #a|?eu* i55
Ergo vociferantur dicentes : | consilium fecerunt in unum di-
centes : |
Deus dereliquit eum, persequi- Deus dereliquit eum, persequi-
mini et comprehendite eum, quia non mini et comprehendite eum, quia non
est qui liberet eum. est qui eripiat .
Deus meus, ne elongeris a me, Deus, ne elongeris a me, (mélo- die différente).
Deus meus, in auxiliummeumres- Deus meus, in auxilium meum
pice, respice :
Deus meus, in adjutorium meum Domine, memorabor justitix tuae
intende. solius.
Verset : Delicta juventutis meae Verset : Adversarius, tanquam
nememineris, Domine] et ne avertas leo rugiens, ! (passage mélodique
faciem tuam a me. supprimé .)
Quoniamtribulor,velociterexaudi circuit quaerens quem devoret. | me, Domine. |
Les alinéas et les traits dans ces deux textes indiquent les passages qui correspondent aux mêmes notes; par ce simple parallélisme il sera facile de deviner comment l'antique mélodie fut traitée. Ceux qui pos- séderaient un « émortuaire »... bayeusain du xvme siècle pourront com- parer les deux mélodies.
Les divisions du texte gallican ne répondent pas aux divisions du texte ancien; le nouveau texte est-il plus long? on allonge la mélodie; est-il trop court? on supprime des incises mélodiques, tel le répons Verbum cciro du 8= mode adapté, en 1749, sur le fameux répons De- scendit de cœlis ' du 1er mode qui se chantait avec neumes au temps d'Amalaire (f850).
Et que dire de l'adaptation mélodique aux nouvelles paroles ? le Deiim protectorem s'arrange de ad devorandum et les sanglots de me pour autant n'ont plus de raison d'être ; ut salvum me facias s'ajuste sur les serpentementsde seductores /l'humble Delicta juventutis se voit remplacé par X Adversarius rugissant; le tendre ne memineris Domine s'accommode des rugissements du lion; le confiant ne avertas dispa- raît et le quoniam tribu/or ne laisse pas assez de place aux évolutions du lion qui rôde ; la dernière syllabe de circuit est obligée d'emprunter quelques notes à velociter !
L'esprit janséniste des réformateurs du xvnr siècle explique la dis- parition complète des paroles confiantes de l'antique verset.
1. Ce répons fut chanté à Bayeux, à la procession de Noël, au moins depuis le xme siècle jusqu'à 1749.
i56 £a tribune ire 0atnt-<®m>atô
Voilà « seurement et en bref » un exemple très net de la corruption de la mélodie grégorienne au temps de la réforme gallicane.
* * *
Le diocèse de Bayeux, malgré les vicissitudes des temps, a donc eu l'honneur de garder dans sa liturgie l'admirable répons du xe-xie siècle et, dans sa vénérable Eglise, il revient jeune et embelli, les rides de sa vieillesse ont disparu, des ans l'outrage est réparé.
Son histoire a été laborieuse, mais combien instructive sans doute. Il est le prélude d'autres mélodies qui retentiront bientôt. Les canti- lènes de l'Eglise romaine — catholiques aujourd'hui de part la volonté de ses Chefs — prendront la place de celles qui, pour l'office, nous sont venues des humbles compositeurs de l'édition Reims-Cambrai : elles étaient, en 1861, les moins infidèles; les vénérables mélodies françaises, celles de Charlemagne, de Robert le Pieux, d'Adam de Saint-Victor, celles aussi de nos antiques compositeurs bayeusains, chanoines, prêtres ou moines, remplaceront aux processions les chants néo-parisiens des gallicans jansénistes du xvni" siècle. Oui, « c'est au type nouveau fourni par les livres parisiens de 1680 à 1736, écrit M. Gastoué1, que se réfèrent la plupart des recueils diocésains publiés depuis cette époque jusqu'au cours du xixe siècle. Sous les titres de chant « rouen- nais, rémois, lyonnais », etc., ce ne sont que des imitations, plus ou moins plates, sur des paroles diverses, du répertoire néo-parisien, lui- même pâle souvenir de 1' « ancien grégorien » passé à l'état de légende. »
L'on peut dès lors pressentir l'importance, la nécessité, l'intérêt évident d'une restauration grégorienne, diocésaine, traditionnelle, basée sur l'histoire et adaptée aux temps modernes.
Abbé Joseph Prieur,
curé de Luc-sur-Mer.
1. Cf. Le Graduel et l'Antiphonaire romains (histoire et description) A. Gastoué, p. 196.
Hotre ôupplintntt 157
NOTRE SUPPLEMENT
2 « Points d'orgue x> en triple, par Pérotin (xme siècle).
Le nom de Pérotin est illustre dans l'histoire de la musique. Ce maître fut l'inven- teur de la musique polyphonique et le premier à écrire à plusieurs voix. En même temps le grand Liber Organi qu'il mit au point à l'usage de Notre-Dame de Paris, entre 1180 et 1236, est un garant que ses compositions se partageaient aussi bien entre les voix qu'entre les instruments.
Ce « triple », écrit sur une basse empruntée à un Alléluia, du même timbre que celui de la Dédicace, témoigne de la fraîcheur d'inspiration et de l'art de Pérotin. Il est manifestement impossible de l'exécuter vocalement : son partage entre « trois orgues » en fait ressortir tout l'intérêt. Déjà, plusieurs de nos grands organistes : Joseph Bonnet, Marcel Dupré, Georges Jacob, ou W. Montillet, à Genève, l'ont inscrit aux programmes de leurs auditions.
Tantum ergo, à 3 voix mixtes, par L. de Serres.
Ce Tantum ergo, écrit, suivant le procédé des maîtres classiques, sur le thème litur- gique, transformé par l'écriture contrapontique, est remarquable d'écriture, d'émotion, et d'intérêt vocal. L'excellent maître qu'est L. de Serres, et dont toutes les compositions, trop rares, sont marquées au bon coin, nous donne ici aujourd'hui l'une de ses meilleures œuvres.
Requiem (graduel), de Cherubini; Pie Jesu, de C. Boyer, à 4 voix mixtes.
On a peu l'habitude de voir ici figurer le nom de Cherubini. Manquant souvent de profondeur dans l'idée musicale, ce compositeur fut un contrapontiste éminent. Nous avons détaché, de sa messe de Requiem en style de concert, ce graduel, qui rendra ser- vice à nombre de maîtres de chapelle. — L'éloge des œuvres du regretté chan. C. Boyer n'est plus à faire. Voici encore, pour le même objet, un Pie Jesu qui sera bien accueilli.
O beatum pontificem, à 4 voix mixtes, par l'Abbé Rémon.
Le répertoire courant de nos maîtrises n'offre rien en l'honneur de saint Martin . Cependant, ce patron de la France voit, depuis dix ans, sa fête doublement solennisée : le il novembre, que le deuil envahit, est jour de fête pour les églises, M. l'Abbé Rémon maître de chapelle de la cathédrale de Tours, a écrit cette œuvre a cappella,bien équi- librée et plutôt facile, invocation au grand évêque de Tours.
A. G.
i58 Ca tribune fa 8a\nt~<Œ>ema\8
LE MOUVEMENT LITURGIQUE ET MUSICAL LES CONCERTS
Suite de précédentes réflexions : Tripotages et... Tripatouillages
L'observation du n° d'août ne signifie pas qu'il nous soit loisible de chambarder les indications laissées par les auteurs antérieurs : on ne voit pas du Couperin transcrit pour saxophones, ou toute autre combinaison incongrue : ce qui était permis aux gens du temps, vivant dans une certaine ambiance artistique, est interdit à des musiciens venant deux cents ans plus tard, et ayant perdu toutes les traditions de l'époque. C'est pour cela qu'il faut condamner sans appel les réorchestrations de Lulli, Bach, Ha?ndel. Quand nous exécutons des œuvres anciennes, nous avons déjà assez de différences iné- luctables d'instruments (piano au lieu de clavecin, violons au lieu de violes, etc.), de dia- pason, d'interprétation, sans en ajouter d'autres de gaieté de cœur.
De même la transcription pour piano de l'œuvre d'orgue de Bach ne s'impose pas. Le grand nom de Liszt n'a rien à faire ici : ses arrangements ont été écrits pour faire connaître et répandre le nom de Bach à une époque où il était complètement oublié, et où les organistes ne le jouaient plus. Ces motifs sont périmés aujourd'hui : avant de jouer au piano — qui les rend très mal — les œuvres d'orgues du vieux cantor, qu'on extraie donc de son œuvre de clavecin la multitude de pièces que personne ne joue jamais, et qui sont cependant de pures merveilles.
J'en passe, et des meilleurs... Il ne faut pourtant pas laisser s'établir sans protester l'usage de jouer le Concert de Chausson avec un double quatuor. Dans ce Concert, Chausson a prévu six solistes; si on redouble quatre d'entre eux l'équilibre est détruit. Récemment ce chef-d'œuvre a été exécuté avec deux premiers et deux seconds violons, un alto et un violoncelle; l'inconvénient de cette combinaison c'est que deux des parties du quatuor, doublées, perdent leur individualité tandis que les deux autres la gardent. Il est pourtant si simple de conserver l'orchestration de Chausson ; le souci de la sono- rité n'a rien à voir ici : dans l'hypothèse, toujours vérifiée, où l'on entend le violon solo, on entendra aussi bien le premier ou le second violon. Sinon, soyons logiques : doublons le quatuor, prenons deux violons soli, et deux pianos, pourvus chacun d'un pianiste l...
Mais, en dépit du dictionnaire, la transcription s'étend beaucoup plus loin: non seu- lement elle en prend à son aise avec les instruments, mais elle devient une bearbeitung, une refonte du morceau. Supposez qu'on ajoute une dizaine de colonnes au Parthénon, ou deux nefs latérales à la Sainte-Chapelle, vous aurez idée de ce beau travail, qui pré- suppose un fameux toupet chez son auteur. J'ai sous les yeux des pièces anciennes que leurs «f réviseurs » ont trouvé trop courtes et auxquelles ils ont fait des « ajuts », comme disent les marins. Voici une sonate de Locatelli, méconnaissable : la ligne mélodique en
Cf momjfmfnt liturgique et muôital 159
est conservée, mais les rythmes en sont changés, et les harmonies ont été modernisées jusqu'à Debussy, sans doute pour trouver un plus facile accès aux oreilles contempo- raines. Voici des concertos de Vivaldi dans lesquels on a changé l'accompagnement et les traits de l'auteur, des pièces de Scarlatti dont on a modifié l'écriture pour l'adapter au piano actuel, des concertos de Leclair auxquels on a retranché ou ajouté des mesures, pour les mettre d'accord avec de prétendues lois d'équilibre rythmique. Notons encore l'accompagnement d'un second piano pour les études de Chopin — et ces cantilènes qu'on a déposées le long des préludes de Bach, et dont la dernière en date a été faite sur des paroles de Musset traduites en italien !
Ce n'est pas tout : on peut conserver scrupuleusement les notes et les instruments de l'auteur, et néanmoins altérer gravement sa pensée. Voici plusieurs éditions d'une même œuvre, signées de noms célèbres : l'une indique legato, l'autre détaché, ici c'est forte, là, piano. Que faut-il faire ? Choisir au hasard de ses préférences ? Cette solution toute subjective peut ne rien donner de bon dans un grand nombre de cas. L'auditeur éclairé pourra objecter à l'exécutant : pourquoi n'avez-vous pas tenu compte des indi- cations de l'auteur?
Car il faut toujours en revenir là. Un critique informé peut éreinter un artiste qui, faute d'avoir entre ses mains une bonne édition, aura donné une interprétation erronée. Pourtant le vrai coupable est ailleurs ; c'est l'éditeur qui a gravé n'importe quoi, au mépris des textes authentiques. Mais ici il faut encore faire des distinctions. Si l'édition exacte d'œuvres de Franck, de Wagner, de Beethoven, est facile à faire, il n'en va plus de même déjà de la plupart des auteurs du xve au xvme siècle. En effet, les indications de mouvement, de nuances, d'articulation, d'exécution, sont des plus rares dans ces anciennes musiques. Deux systèmes sont adoptés dans ce cas : l'un consiste à reproduire les anciennes éditions telles quelles, c'est le parti adopté pour les admirables éditions de Guilmant et d'Expert ; il présente l'avantage de ne déformer en rien le texte proposé, et d'offrir un document de la plus haute exactitude à ceux, heureusement de jour en jour plus nombreux, qui savent déchiffrer les quelques petits mystères des anciennes notations. Dans l'autre système, l'éditeur propose à l'exécutant les nuances, les mouve- ments, les articulations qui lui paraissent les meilleurs; honnêtement, on devrait mettre entre parenthèses les indications ajoutées * ; mais dans la majorité des cas, on se dispense de cette précaution si utile, de sorte que l'exécutant est infailliblement amené à se conformer un style de l'éditeur, qui n'est pas toujours très fameux... C'est pourquoi il faut réprouver cette façon de faire ! L'artiste qui a la responsabilité de son exécution, doit faire le nécessaire pour être à hauteur de sa tâche. Avec le progrès des études musicologiques, il est facile de se documenter, si on veut bien s'en donner la peine.
Au fond, on devrait pouvoir actionner en dommages-intérêts le vendeur d'une mau- vaise édition. On peut poursuivre le commerçant qui livre une infecte bibine à la place du Château-Iquem commandé ; mais à celui qui demande du Bach ou du Beethoven,
1. Ce qu'a très heureusement fait Debussy dans son édition de Chopin.
160 £a tribune ht £amt-<®mmi£
l'éditeur peut, sans risque aucun, repasser la version du Dr X, ou du Professeur Y. J'achète du diamant, on me donne du strass — je dois encore m'estimer heureux.
C'est pourquoi il serait souhaitable, tant que les idées ne seront pas modifiées et améliorées à ce sujet, qu'on fondât les Monuments Historiques de la Musique : chaque pays dresserait une liste d'auteurs et d'œuvres auxquels il ne serait permis de toucher sous aucun prétexte — tout comme il est interdit d'installer un casino dans le château de Chenonceau, ou une usine dans la cathédrale de Bourges. Un tel état de choses ne serait peut-être pas sans inconvénient ; à tout prendre, il serait certainement préférable à la tolérance illimitée dont jouissent présentement les profanateurs.
Mais en attendant le dépôt d'un projet de loi, l'avènement d'une législation inter- nationale, l'aller et retour des dossiers entre les bureaux, commissions et sous-commis- sions, il est plus sûr de commencer le travail soi-même et de prendre le fouet pour chasser les vendeurs du Temple. Car presque toujours derrière les tripatouillages, s'agi- tent des questions de gros sous. Et ce trafic rend les intéressés beaucoup moins inté- ressants...
E. BoRREL.
ANGLETERRE
Œuvres françaises et belges dans les récitals d'orgue. — On sait que nos voi- sins du Royaume-Uni goûtent beaucoup l'orgue et sa musique. En de nombreuses églises, l'organiste est autorisé à donner des récitals, qui lui fournissent l'occasion de montrer sa virtuosité et son goût, et de tirer parti des ressources de l'orgue qu'il a à sa dispo- sition, mieux que pendant les saints offices. A parcourir un certain nombre de pro- grammes des récitals donnés non seulement à Londres, mais en province au cours de cette année, j'ai remarqué l'intelligent éclectisme qui réalisait ces ensembles. La part qui revient à nos modernes compositeurs français et belges est à signaler. Voici le dépouil- lement très précis de ces œuvres, exécutées de janvier à juillet au cours de ces divers concerts d'orgue, où furent interprétés parmi nos grands organistes :
Boëllmann : Suite gothique (3 fois); Marche finale, de la suite n° 2.
J. Bonnet : Variations de concert en mi.
Th. Dubois ; Marche ; Fiat lux.
César Franck : Pastorale (3 fois); Grande pièce symphonique; Prière; Final (2 fois); Pièce héroïque (2 fois); 1er choral ; 2* choral (2 fois); 3e choral (3 fois).
Gigout : Toccata en si min.; Scherzo en mi.
Guilmant : /re sonate ; Allegro vivace de la même; 3e sonate; Scherzo de la 2e sym- phonie; Grand chœur en ré (2 fois); Invocation; Canzone en la; Allegretto en si; Marche religieuse ; Marche « Alla Hsendel »; Marche funèbre et chant séraphique.
Guy Ropartz : Méditation (n° 3).
Joseph Jongen : Chant de mai.
F. de La Tombelle : Marche Pontificale.
P. de Maleingreau : Symphonie de l'Agneau mystique .
Ce nt0Ut)fment liturgique et nrnaical
161
Louis Vierne : 3e Symphonie; Allegretto en ji; Carillon.
Widor : 5e Symphonie; /er mouvement de la même; Andante cantabile, d° ; Prélude et
Variations de la 8e symphonie.
Cette liste m'a semblé intéressante pour témoigner du goût des organistes et du public anglais à notre égard; elle peut servir de guide aux nôtres. J'admire moins que deux de nos confrères d'Outre-Manche aient aussi donné en transcription le Mouvement lent du quatuor de Debussy, et la Pastorale de Ravel !
Henry Noël.
ALLEMAGNE
Deux orgues modernes. — Voici la disposition de deux instruments allemands modernes, dûs à la facture d'Albert Moser, de Munich, très caractéristiques de l'emploi des jeux de mutation qui retrouvent à notre époque la faveur qu'ils n'eussent jamais dû perdre. L'un et l'autre ont même un registre de Neuvième, d'emploi si récent encore :
Orgue du couvent d'Altomùnster (1918; cf. Widmann, Die Orgel, 1922). — 34 jeux, 56 touches, de do à sol, 68 notes par prolongation au 2e clavier.
Ier Clavier Bourdon 16 ; Principal 8; Gemshorn 8 ; Salicional 8 ; Soloflôte 8;
Gedackt [= bourdon] 8; Amorosa [= flauto amabile] 8 ; Oktave [= prestant] 4 ; Rauschqùinte de 2 rangs; Nachthorn {=■ cor de nuit] 8; Philomela [flûte douce] 8; Kleingedackt [= petit bourdon] 4 ; Geigenprincipal [=: principal de violon] 4; Nasard ; Flautino 2 ;
Mixture [r= fourniture] de 2 à 4 rangs;
Trompeté 8;
Trémolo.
IIe Clavier
Quintatôn 16;
Flôtenprincipal [= montre] 8;
Echogamba 8;
Aeolina 8;
Vox coelestis 8;
Terz flôte [= flûte en tierce] 1 3/5 ;
Septime [= septième] 1 1/7 ;
None [= neuvième] 8/9 ;
Klarinette 8;
Vox humana 8;
Trémolo.
Au Pédalier, de trente touches, do à fa :
Echobass 16; Subbass 16; Kontrabass 16; Cello 8; Flôtbass 8; Posaune [= bom- barde] 16.
Tirasses et accouplements habituels.
Voilà un autre orgue, plus important et plus curieux, inauguré à Munich, il y a dix- huit mois, à l'église luthérienne Saint-Mathieu : 77 jeux ; 56 touches de do à sol, 68 notes par prolongation aux IIe et IIIe claviers. Plusieurs jeux sont de facture toute nouvelle.
l62
Ca tribune î>e 0amt~(®en)tttô
Ier Clavier
Prinzipal 16; Grossbourdon 16; Prinzipal 8; Viola baritona 8; Dolce 8;
Hohlflôte [= flûte creuse] 8; Gedackt [=: bourdonj 8; Rohrflôte [= flûte de roseau] 4; Oktave [= prestant] 4; Spizflôte [= flûte aiguë] 2 ; Oktave [= octavin] 2 ; Quint 2 2/3;
Terz [= grosse tierce] 3 1/5 ; Mixtur [= fourniture] de 5 rangs (com- posée de c1, g1, c%, g*, c3) ; Zimbel [= cymbale] de 3 rangs (c2, c3,g3) ; Cornet de 2 à 5 rangs (c, c, g, ci, el); Feldtrompete 8; 4 Pistons.
IIe Clavier
Jeux expressifs :
Rohrflôte 16;
Salicional 8;
Philomela 8;
Unda maris 8;
Dulciana 4;
Flôte pastoralis 4;
Sifflet 2;
Harmonia aetherea 2 2/3, à 3 rangs (g,c,e).
Jeux non expressifs :
Prinzipalino 8 ;
Nachthorn 8;
Lieblich gedackt [= bourdon amabile] 8;
Fugara, 4;
Nasard 2 2/3;
Larigot 2, à 2 rangs (c, g) ;
Mixtur 1 1/3, à 3 rangs (g, c, e);
Bassethorn [= cor de basset] 8 ;
IIIe Clavier, expressif.
Stillgedackt [= bourdon] 16; Alphorn [= cor des Alpes; bourdon] 8; Viola di gamba 8; Aeolina 8; Vox coelestis 8; Soloflôte 8 ; Quintatôn 8 ; Prestant 4 ; Gemshorn 4 ;
Mixtur major 2 2/3 à 6 rangs (g,c,g,c,e,g); Mixtur minor 2/3 à 5 rangs (g~c* de large diapason, c3 étroit, g3, c4) ;
Rankett 16 (nouveau jeu d'anches très doux) ;
Waldhorn (cor de chasse, à anches) 8;
Zink (cornet, à anches) 4 ;
Trémolo.
Jeux d'écho placés sur un autre sommier, mais parlant au même clavier :
Echobourdon 8;
Fernflôte [= flûte lointaine] 4;
Schnabelflôte [= flûte à bec] 2 ;
Quintflôte = [flûte en quinte] 2 2/3 ;
Terz [=: tierce] 1 3/5;
Septime [= septième] 1 1/7;
None [= neuvième] 8/9 ;
Oboe 8;
Vox humana 8;
Aeolsharfe [= harpe éolienne] 4 ;
Tremolo-Echo.
Pédalier : Majorbass 16; Contrabass 16; Subbass 16;
Echobass 16 [par combinaison); Oktavebass 8; Cello8; Gedacktbass 8; Choralbass 4;
Feldflôte [= flûte champêtre] 2 ; Rauschbass 3 i/5, à 5 rangs (comprenant
€ts Cturea i63
grosse tierce, grosse quinte, septième, Quintbass 5 1/3;
neuvième, quinte). Bombarde 16;
Grossorduin 3a (nouveau jeu d'anches Trompeté 8 ;
doux, du genre du Rankett du IIIe Clarine 4.
clavier);
6 accouplements ; 8 octaves aiguës et graves ; 4 combinaisons libres ; 5 tirasses ; l3 pistons; 3 crescendos.
LES LIVRES
LA PRONONCIATION DU LATIN, par Mgr Moissenet, publié sous le patronage de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, par Et. Rebourseau, libraire, il, rue du Chapeau-Rouge, à Dijon. Dépôt à Paris, Librairie A. Giraudon, 56, rue Notre- Dame-des-Champs, Vie. _ Grand in-8<* de 128 pages; prix pour les souscripteurs, exem- plaire sur beau vélin, l5 fr.; sur vergé de Rives, 3o fr. (exemplaires numérotés de 1 à 25). — Dijon, MCMXXVIII.
Annonçons seulement aujourd'hui cette thèse intéressante — dont nous ne faisons pas pour cela nôtres toutes les conclusions — et à laquelle uous consacrerons un article spécial dans un prochain numéro. Il faut lire, exposées avec un remarquable talent par M. Moissenet, les objections présentées par les opposants à la prononciation du latin à la romaine.
L'ESTHÉTIQUE DE L'ORGUE, par Jean Huré, avec préface de Ch.-M. Widor. Petit in-40 de xn et 2i4 pages. Prix net : 36 fr. Paris. Éditions Maurice Senart, 1923.
Plusieurs amis nous ont demandé de parler de cet ouvrage, puisque aussi bien, paru depuis quelques années, il n'avait pas été possible à notre revue de le présenter alors aux lecteurs. Maintenant que le cours des publications du Bureau d'Edition a repris, nous sommes heureux de dire ici tout le bien que nous pensons de cet important volume, dû à la science éclairée et au goût averti de M. Jean Huré, successeur de Gigout à Saint-Augustin.
On connaît déjà de cet excellent organiste la belle Technique de l'orgue, ce livre précieux où sont présentés de manière aussi précise que possible les exercices indispen- sables au toucher de cet instrument, les exemples authentiques de registration des œuvres de Bach, les réalisations proposées par M. Huré, et les meilleurs conseils aux élèves. (Éditions Senart ; voir Tribune de Saint- Gervais, t. XXI, P- 21).
Avec cet autre travail, M. Huré fait entrer ses lecteurs dans le domaine de la fac- ture des orgues, en ce qu'il convient brièvement d'en savoir, afin de se rendre compte de ce que doit être la vraie sonorité de chaque instrument, l'équilibre des jeux, le meilleur rendement dans la disposition d'un orgue. Conseil éminemment précieux, qu'il s'agisse de registrer une œuvre, de faire construire ou restaurer un instrument, de donner un avis éclairé sur un achat à faire ou une modification à proposer. Mais conseils artistiques
164 £ft tribune be 0atnt~#cnmii3
aussi : les pages et les chapitres sur l'étude des Maîtres de l'orgue, sur l'interprétation des œuvres anciennes, celle des ornements, etc., justifient amplement le titre de l'ouvrage, qui comprend également, avec l'orgue d'église, le rôle de l'orgue au concert, et au salon, l'étude de l'harmonium, etc.
De nombreux devis d'orgues, bien choisis, donnent à cet ouvrage une valeur spé- ciale, depuis l'instrument construit au début du xvue siècle à Saint-Godard de Rouen sur les plans de Titelouze, jusqu'aux plus modernes. De plus, M. Huré propose des devis types d'orgue moderne, depuis dix jusqu'à quatre-vingt-six jeux.
Je voudrais pouvoir donner de larges extraits de ce bel ouvrage de M. Jean Huré . Je signalerai cependant les pages sur les sonorités comparées des divers jeux de flûte (pp. 26 à 29); sur le staccato (p. 52); la comparaison entre les systèmes de transmission mécanique, électrique et tubulaire (p. 53 et suivantes), et en général les conseils artis- tiques sur le sens et la qualité du jeu de l'orgue, répandus à travers tout ce livre. Féli- citons M. Huré de s'élever contre cet abus de langage des organistes modernes qui fait nommer mixture les jeux de « mutation », alors que « mixture » désigne effectivement une variété allemande de la « fourniture » (disons toutefois que la mixture, à la diffé- rence de la fourniture, comprend volontiers, comme la « sesquialtera », une tierce). Et c'est avec plaisir que nous avons vu M. Huré rendre hommage à Boëly, l'organiste fran- çais si intéressant et si peu connu : l'édition complète de ses œuvres d'orgue — y com- pris de remarquables inédits — que nous avons depuis longtemps préparée, mériterait d'attirer sur ce maître l'attention de tous nos confrères.
Les critiques à relever dans le bel ouvrage de M. Huré seraient de médiocre impor- tance. Disons seulement que ce n'est pas « dès le xixe siècle » que l'on a cherché à enri- chir l'orgue de ressources telles que les pédales de combinaisons. Déjà au xv°, on savait faire parler les octaves graves et l'on employait les tirasses. La boîte expressive remonte au milieu du xvine, et l'étymologie de cromorne est bien Krumhorn ou « cor recourbé », à l'imitation de l'instrument d'orchestre du même nom usité dès le début du xvic siècle, et qui tira son nom de sa forme.
A. Gastoué.
J.-G.-E. STEHLE, organiste et compositeur (1839-1915), par A. Locher. In-8°, 162 pages, avec 6 gravures hors-texte. Strasbourg, F.-X. Le Roux et C'e : 5 francs.
Vie détaillée, et pieux souvenirs personnels, d'un organiste et maître de chapelle suisse, Stehlé, dont les œuvres religieuses sont bien connues, et forment l'une des meil- leures parties du répertoire « cécilien » : sa messe Sah>e regina, à 4 voix mixtes et orgue, en est arrivée à la 3oe édition. Sa grande autorité comme directeur de chœur lui donnait une influence considérable : de 1874 à igi3, il remplit la double charge d'orga- niste et de maître de chapelle de la cathédrale de Saint-Gall. Son rôle est successive- ment étudié par le R. P. A. Locher, comme critique, compositeur, pédagogue, etc., dans ce petit livre d'une lecture attachante.
NOUVELLES PRÉCISIONS, NOUVEAUX DOCUMENTS, SUR LE PHYSIONO- TRACE, par Gabriel Cromer; gr. in-8° de 32 pages, plusieurs hors-texte; Lille, Impri- merie Lefèvre-Ducrocq, 1928.
C'dSE&itton musicale i65
Curieuse plaquette, conférence faite par M. G. Cromer, un érudit spécialiste des arts de la photographie et de ses antécédents. Le Physionotrace est un procédé inventé par un musicien français de la chapelle du roi au xvme siècle, Gilles-Louis Chrétien, et qui lui permit de nous laisser la physionomie vivante de nombre de ses collègues, d'orga- nistes, maîtres de chapelle, compositeurs. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
BOSSUET INTIME, par Philippe Bertault, in-8 de 162 pages, ouvrage orné de gravures, édition originale, Paris et Bruges, Desclée de Brouwer et Cie, 1927; 10 francs. — LES LUTHISTES, par Lionel de La Laurencie, in-8, 128 pages, 12 hors-texte. Paris, Laurens, 1928; 9 francs. — FEUILLETS D'HISTOIRE du violon, par Marc Pincherle, avec une préface de Lionel de La Laurencie, in-8° de 182 pages, exemples musicaux. Paris, Legouix, 1927.
Trois ouvrages, qui n'intéressent point directement la musique religieuse, mais où plusieurs faits seront à glaner pour nos lecteurs. Ils suivront avec M. Bertault les rap- ports de spiritualité de Bossuet avec les Révérendes Mères Chantre et Organiste de monastères dont il avait la direction ; ils trouveront dans le livre de M. Pincherle de curieux détails sur tel bénédictin violoniste du xvne siècle, compositeur de sonates pour instruments à cordes avec orgue (pages 128 à l32), ou tel autre qui s'échappant du cloître, change de nom et va se faire applaudir dans les concerts (p. 91): enfin, avec l'éminent spécialiste qu'est M. L. de La Laurencie, ils s'initieront, s'ils ne la connaissent point, à l'histoire des luthistes d'autrefois, dont l'art, pendant deux siècles, se confond si fréquemment avec celui des organistes.
L'ÉDITION MUSICALE
Pièces de Fantaisie, pour grand orgue, en 4 suites, par Louis VIERNE. Paris, Lemoine. Prix net : chaque suite, 20 francs.
Chaque fois que paraît une œuvre nouvelle de L. Vierne, pour orgue, on ne peut faire autrement que d'applaudir. En effet, de nos jours, à part Widor, Vierne, Dupré, Tournemire, quels sont les organistes qui composent ? La littérature d'orgue n'a jamais été si pauvre que de notre temps. Sachons donc gré à ceux qui nous fournissent de nouvelles compositions surtout lorsque celles-ci sont dune écriture et d'une musicalité aussi belles que celles des Pièces dont nous avons à rendre compte.
Après sa Messe Basse, ses 24 Pièces en Style Libre, ses Cinq Symphonies pour orgue, voici que Vierne nous donne quatre suites de chacune six pièces de fantaisie. Parler en détails de chacune de ces Pièces dépasserait de beaucoup le cadre de cette notice : nous citerons seulement celles qui nous ont paru les plus réussies. On peut classer ces 24 Pièces en quatre ou cinq grandes catégories, correspondant à leur mou- vement et à leur forme. Parmi les Préludes, signalons le Prélude proprement dit de la lre Suite, page d'une belle tenue, et X Aubade de la 4e Suite.
On trouve aussi une série d'anc'antes, sous les titres d'Andantino, Requiem aîter-
166 €a tribune fa ^amU^ermie
nam, Lamento, Clair de Lune, Étoiles, Résignation ; notre préférence va au Clair de Lune en ré bémol, et surtout à la dernière de ces pièces, Résignation qui fait penser à Y Adagio de la 3e Symphonie.
L. Vierne excelle dans les petites pièces, courtes et rapides : Y Intermezzo et Y Im- promptu en sont deux charmants spécimens.
Une quatrième série comprend tout un ensemble de pièces de circonstances, dans lesquelles l'auteur n'a pas craint de traduire à l'orgue les sonorités mêmes de l'orchestre. 11 est peut-être le premier à nous avoir donné — sur cet instrument — l'impression de Feux Follets, de Fantôme, de Naïades, de Gargouilles et Chimères.
Citons, enfin, ces grandes Pièces de fantaisie, sortes de poèmes symphoniques pour quelques-unes, où l'on retrouve l'auteur des Symphonies, Y Hymne au Soleil avec l'op- position de ses deux thèmes, Sur le Rhin, où l'auteur a sans doute voulu laisser l'im- pression d'une certaine lourdeur, d'une grandiloquence que nous n'avons pas à envier à ceux d'outre-Rhin, Le Carillon de Westminster, Cathédrale, les Cloches de Hihckley. L. Vierne avait déjà laissé un Carillon fameux, dans ses 24 Pièces en style libre. Celui de Westminster est appelé à être encore plus célèbre : sans être d'une exécution trop difficile, cette pièce, d'une parfaite unité, produit un effet considérable, comparable, à un certain point de vue au Final en ré devenu classique, de sa ire Symphonie. — On ne peut s'empêcher de penser à l'auteur de Pelléas devant la pièce intitulée : « Cathé- drales ». Vierne a traité le sujet, sinon de la même manière, du moins en la situant dans une atmosphère analogue à celle de La Cathédrale Engloutie. Deux thèmes lents et chantant s'opposent directement, dont l'un finit par l'emporter au milieu dans un forte général, et à la fin, tranchant à la main gauche, dans une ultime prière qui se termine dans le calme le plus complet...
Voici pour les organistes, pour les musiciens, un ensemble de beautés qui leur per- mettra d'élargir leur répertoire moderne parfois trop peu étendu. Le chromatisme du Titulaire de Notre-Dame un peu rebutant au premier abord, ne les empêchera pas d'inscrire à leurs programmes des pages d'une si noble inspiration et d'une si belle
écriture.
N. Dufourcq.
Trois Préludes et Fugues, par Marcel DUPRE. Paris, Leduc. Prix net : 10 francs.
Plus anciennes que la Symphonie- Passion, ces trois compositions datent déjà de quelques années ; elles sont peut-être pourtant les plus belles pages écrites par l'auteur jusqu'à ce jour. Quoique de caractère différent, ces Préludes et Fugues présentent un des types les plus originaux de la littérature d'orgue moderne. S'il faut admirer leur belle écriture, il faut aussi en noter la difficulté d'exécution.
Qui n'a déjà entendu le premier Prélude et Fugue, en si majeur, cette vaste fresque, débordante de vie intense, d'une richesse de coloris, d'une dynamie extraordinaire ? Ne pourrait-on le comparer à un Delacroix ? — Cette œuvre demande un instrument puis- sant et dont les dessus sonnent bien : le ton dans lequel elle est écrite lui donne encore quelque chose de plus cru.
Très différentes sont la tonalité et la couleur du deuxième Prélude et Fugue; le mouvement est ici assez lent ; cette grande phrase en fa mineur se détachant sur un
Cru fônmf£ 167
pizzicato qui revient sans cesse, a quelque chose de plaintif et de tendre à la fois ; le thème repris dans la Fugue est cette fois-ci plus mordant. Un instant la plainte revient, la prière s'arrête : c'est l'extase : quelques mesures en majeur éclairent la fin de cette fugue qui se termine pp.
Les deux mains jetant pêle-mêle des accords en pizzicati sur le Récit, un thème paraissant à la pédale, phrases coupées, anxieuses, autant de questions qui se posent... : c'est le troisième Prélude et Fugue (sol mineur). L'atmosphère est spéciale; c'est un peu angoissant. Le thème paraît maintenant, toujours entrecoupé, à la main droite, le tout dans une teinte douce. Le jour vient à baisser, il meurt tout doucement, puis s'éteint : c'est la fin du Prélude. Soudain paraît / le thème de la Fugue, carré, à contre- temps, un peu dur. C'est une sorte de réponse au thème du Prélude. La pièce se déroule en gardant jusqu'au bout ce même caractère syncopé. A la strette, paraît, à la pédale, ff ' , le thème coupé du Prélude. La tonalité mineur conservée jusqu'au dernier accord inclus, laisse une impression de force.
Qui ne se rappelle la magistrale et inoubliable exécution que donna Marcel Dupré
de ses Trois Préludes et Fugues, au Trocadéro, pour la restauration de l'orgue, il y a
deux ans ?
N. Dufourcq.
LES REVUES FRANCE
Tablettes de la Schola, XXVI, 6. — Examens de fin d'année , Diplômes et Certificats. Nous relevons dans les résultats de cette année scolaire 1927-1928, qu'il a été décerné aux élèves de la Schola, pour le chant grégorien, deux diplômes du second degré, avec mention, deux certificats du premier degré et sept mentions; pour X orgue, un diplôme avec mention, cinq certificats et vingt-trois mentions; pour l'improvisation et l'accom- pagnement, deux certificats et six mentions.
Petite maîtrise, 182. — Abbé P. Baudrier, Brève enquête sur les cérémonies et le chant religieux des offices dominicaux dans les paroisses de Paris (1920-1927). Enquête dont les résultats font apparaître la disparition progressive des maîtrises d'enfants : « à peine peut-on citer en effet dix ou douze paroisses, dans cette grande ville de Paris, qui aient un groupement de 10 à 20 maîtrisiens », une quinzaine d'autres en ont encore quelques-uns. C'est trop peu. Il y a encore aussi trop de vieux chantres routiniers, et on abuse des messes de Du Mont, malgré le « progrès sensible » accompli depuis une quin- zaine d'années au point de vue du plain-chant. — Abbé J. Dupont, Mgr Perruchot à Nice, à propos d'un remarquable concert religieux avec conférence, que le vaillant maître de chapelle, malgré la fatigue de son âge, a brillamment donnée cet hiver. — Encartage musical, à signaler : André Sala, Cantique pour une prise d'habit, à 3 voix égales; Cécile Gauthiez, Libéra me, (facile et très pratique, les versets étant conservés en chant grégorien, suivant la vieille tradition classique).
i68 Ca tribune ht &a\xtt~1&txva\s
Revue du chant grégorien, XXXII, 4. — Dom L. David, Le verset d'Offertoire « Laudate nomen », bel exemple de cette ancienne forme de chant, pouvant servir en nombreuses circonstances; à signaler la curieuse vocalise du mot veritas, qui fut uti- lisée au xne siècle par l'auteur du Rosa vernans comme thème de son œuvre nouvelle. (Remarquons que le manuscrit de Montpellier (xe-xie siècle) transpose ce verset à la quarte, quitte à reprendre sur ejus la tessiture du mode employé).
Revue musicale, IX, 10. — G. de Saint-Foix, Les premiers pianistes parisiens : A. P. F. Boëly, dernière étude d'une remarquable série d'articles, où est heureusement mise en lumière la haute valeur du musicien probe et inspiré que fut Boëly. Il est ici étudié comme pianiste à la fois interprète et compositeur ; sa valeur comme organiste n'est pas moindre : nous lui consacrerons prochainement un travail spécial, en atten- dant une édition définitive de ses œuvres trop peu connues.
Autour du Lutrin (Saint-Brieuc). — Cette excellente et pratique petite revue régio- nale, que nous avions été si heureux de louer, vient de cesser, hélas! sa publication- Les efforts répétés de M. l'Abbé Y. Gleyo, maître de chapelle de la cathédrale, qui depuis plusieurs années assumait la tâche énorme d'assurer cette édition, et de relever l'antique école de la « Psallette », n'ont point suffisamment été soutenus ni compris... C'est là un fait déplorable, qui ne correspond guère aux progrès accomplis dans l'ensemble du pays.
Revue Saint-Chrodegang (Metz) X, 5. — L' « autonomisme » ...en musique sacrée, amusante variété, critique des... critiques portées contre la réforme de la musique sacrée ; il paraît que la restauration du chant grégorien est une « entreprise... boche, des juifs de Francfort » (!) et que c'est faire preuve d' « autonomisme » que de ne pas. vouloir du Noël trop fameux de l'antireligieux Adam.
ITALIE
Bollettino Ceciliano, XXIII, n° 4. — R. Casimiri, Guido d'Arez-LO au Vatican en 1 02J, suite à la belle étude de Dom Amelli parue précédemment dans la même revue sur ce sujet d'histoire musicale, montrant la convenance du Congrès récent de musique sacrée pour célébrer ce neuvième centenaire. — N° 5. Consacré principalement au Congrès; article du chanoine G. Borghezio, De Pie IX à Pie XI, commémorant les dates qui jalonnent les progrès de plus en plus marqués, de la musique sacrée, depuis cinquante ans. — N° 6. Dom Amelli, Saint Thomas d'Aquin poète et musicien eucha- ristique, signale un texte de Jean de Mûris qui avait échappé jusqu'ici, emprunté à Ugo de Castello, sur l'enseignement musical de saint Thomas d'Aquin. — D. Carmelo San- giorgio, Un nouveau registre de mutation : la Neuvième, article très complet et très intéressant sur les jeux de mutation autres que la quinte et la tierce : la Septième, pour laquelle l'auteur cite de nombreux exemples d'orgues allemandes modernes, mais passe rapidement sur celles de Notre-Dame de Paris, où cependant fut pour la première fois employé ce jeu par Cavaillé-Coll, ce qui était à indiquer, ce nous semble! La Neuvième est due au facteur Moser, de Munich, sur les conseils du maître de chapelle Hogner,
£es Menues 169
de Ratisbonne, et après plusieurs années d'expérience, appliquée pour la première fois en 1918 au couvent d'Altomiinster.
Santa Cecilia (Turin), XXX, nos 1, 2. — G. Sizia, grande étude sur les origines et le développement des grandes marques de facture d'orgue italiennes, Vegezzi-Bossi, mort récemment, qui fut le Cavaillé-Coll de l'Italie, et Luigi Bernasconi; S. Cordero di Pam- parato, Les origines de la Chapelle musicale des Princes de Savoie.
Bolletino Bibliografico musicale, III, n° 2: J.-A.-F. Orbaan, Notices inédites sur Lucas Marenzio, extraites de diverses archives romaines du xvie siècle.
Musica sacra, LIV, 4. — D. Carmelo Sangiorgio, L'ancien orgue de l'église des Bénédictins de Catane, commencement d'une étude détaillée sur cet instrument du xvme siècle, longtemps réputé, et donnant les contrats, devis, etc., intéressant cet orgue.
ESPAGNE
Rivista Musical Catalana, IV, n° 292. — V.-M. de Gibert, belle étude sur les Geistliche Lieder de J.-S. Bach, où l'auteur fait le point de départ de mélodies origi- nales du maître, et des très nombreuses autres qu'il n'a fait qu'harmoniser.
296. — Fr. Pujol, à propos d'un ouvrage récent de José Subira (in-40, Madrid, 1927), attire l'attention sur La musique dans la maison d'Albe, en donnant quelques détails sur l'époque de Juan de! Encina et le xve siècle, les chapelles de Bruxelles et de Naples, etc.
Revista parroquial de musica sagrada, 16. — Signalons l'encartage, comprenant quatre préludes pour harmonium, sur les thèmes de la messe Cum jubilo, par J. Muset 1 Ferrer, écrits dans un style agréable et pratique : l'Elévation et le Postlude sont par- ticulièrement réussis et peuvent servir d'exemples à ce point de vue.
ANGLETERRE
Musical Times, n° 1022. — J.-A. Westrup,>I/>\ï français dans le « Beggar's Opéra » et « Polly », qui furent deux célèbres arrangements anglais du xvuie siècle, où figurent des mélodies de Chansons françaises et de Noëls, dont l'auteur de l'article fait une recension détaillée.
AUTRICHE
Musica divina. — Cette belle revue de musique d'église se fait rapidement une place parmi les meilleures; chaque numéro mensuel contient de substantiels articles sur l'histoire et la pratique de l'art religieux. Mentionnons, dans les fascicules de la présente année 1928, l'étude importante de O. Ursprung sur Jacques de Kerle, le grand compo- siteur belge du xvie siècle (nos 3 et 4) ; celles de F. Erckmann sur Les Castrats (nos 2 et 3); les suppléments musicaux consacrés à un choix de Motets à 5, 6 et 7 voix de Luca Marenzio.
170 Ca tribune br £amt-®>mîais
NÉCROLOGIE
F. de La Tombelle Le l3 août dernier, mourait dans sa propriété familiale, au château de Fayrac, en Périgord, notre ami et collaborateur Fernand de La Tombelle, dont le nom et les œuvres parurent souvent, dès sa fondation, dans cette revue, et parmi les premières publications du Bureau d'Édition de la Schola. On nous avait demandé de parler du regretté défunt dans le journal La Croix : nous ne pouvons mieux faire que reproduire ici l'article biographique que nous lui consacrâmes dans le numéro de ce journal, du 23 août, en le complétant de quelques autres notes.
Un deuil tout récent a marqué de son ombre les annales de la musique religieuse. Avec peine, nous avons appris la mort, bien qu'elle ne fût point inattendue, d'un grand ser- viteur de l'art chrétien: F. de La Tombelle, dont les compositions, oratorios ou messes, mo- tets ou cantiques, pièces d'orgue et d'harmonium sont répandues un peu partout en France. Sans contredit, F. de La Tombelle fut l'un des plus féconds parmi les maîtres modernes de l'art religieux, et le reproche peut-être que l'on pourrait lui faire est de s'être trop fié à cette verve inépuisable, à une sorte de veine intarissable qui l'entraînait toujours plus loin, dans le désir de faire participer les autres aux trésors de musique qu'il portait en lui. Mais que, chez lui, tout était solidement pensé, écrit, composé !
Né à Paris le 3 août l854, d'une vieille famille périgourdine, en possession des dons de l'esprit et de ceux de la fortune, F. de La Tombelle fut doué pour toutes les recherches intellectuelles : la restauration de son château historique de Fayrac et sa belle bibliothèque le montrent bien. D'une culture générale et littéraire étendue, il a souvent écrit lui-même les poèmes de ses compositions vocales : son art, comme confé- rencier, était fin et délicat, et il comptait au nombre des meilleurs critiques lorsqu'il lui était offert l'occasion d'avoir à donner un compte rendu.
Pianiste, il avait étudié tout d'abord avec sa mère, excellente artiste, élève de Lizst et de Thalberg; organiste, il travailla avec Guiîmant; Th. Dubois lui enseigna contre- point, fugue et composition; il se perfectionna sous la direction de Saint-Saëns, à qui il avait gardé une grande affection, dans les divers domaines de la musique. Dès 1878, F. de La Tombelle fut un aide actif de Guiîmant, lors de la fondation des Concerts d'orgue du Trocadéro, et, moins de vingt ans plus tard, il se rangeait aux côtés des premiers fondateurs de la Schola Çantorum. Là, il collabora à la composition du Répertoire moderne de musique religieuse, aux conférences populaires, à la revue la Tribune de Saint- Gervais, et, pendant dix ans, remplit assidûment les fonctions de professeur, puis d'inspecteur des classes d'harmonie, en secondant Bordes, Guiîmant et d'Indy.
Les premières compositions de F. de La Tombelle lui valurent un prix de compo- sition de l'Institut de France et le prix Pleyel : de ce moment datent ses compositions profanes pour les Sociétés chorales, entre autres sa collection de la Légende de la glèbe, très appréciée par les groupements orphéonistes français et belges. Mais, bientôt, le compositeur se tournait vers l'œuvre religieuse, en commençant par l'orgue : son beau cahier dédié à César Franck, qui l'exécuta à Sainte-Clotilde, où figurent un grand Pré-
Nécrologie 171
lude et une Fugue sur la prose de l'Ascension et une délicieuse Canzonetta, marque parmi les premières pièces caractéristiques de F. de La Tombelle.
Sa participation à la fondation de la Schoîa le porta vers l'étude de l'art grégorien et l'usage des modalités antiques : de là, un Ave verum et un Adoro te, puis ces autres motets qui jouissent d'un succès si mérité : X O gloriosa, à deux voix égales; le Bene- dicta es tu, à trois voix mixtes; sa messe en l'honneur de saint Jean-Baptiste, qu'il écrivit spécialement pour montrer comment la participation des voix et des instruments devait être comprise pour s'accorder avec le Motu proprio de Pie X, est particulière- ment appréciée. De ses cantates et oratorios, Crux tient le premier rang et est très certainement la plus belle des productions modernes en ce genre; Les sept paroles de Notre-Seigneur en croix sont fort remarquables et sur un plan très original, où la para- phrase du grand orgue joue son rôle, en méditant à son tour ce que les voix ont proposé. Quant aux cantiques de F. de La Tombelle, ils sont très nombreux, et c'est là qu'on pourrait lui reprocher d'avoir quelque peu sacrifié au goût populaire, avec certaines tournures qui font penser à Massenet et à Gounod.
Mais ses pièces d'orgue et d'harmonium sont surtout intéressantes : leur nombre n'exclut jamais la qualité. La Tombelle, connaissant à fond ces instruments, et auteur d'une Méthode d' harmonium destinée aux musiciens déjà avancés, eut ce réel et rare mérite de savoir écrire spécialement pour ce dernier instrument, indépendamment des ressources que l'orgue peut offrir.
F. de La Tombelle fut un musicien digne, conscient de la hauteur d'idées à laquelle il faut maintenir l'art religieux. En même temps, très attaché à toute la beauté accu- mulée par les siècles passés, il savait en utiliser les procédés variés, tout en pensant en moderne, mais ne voulut jamais sacrifier aux recherches harmoniques des nouveaux compositeurs, les trouvant, quant à lui, inutiles, et ne les aimant pas. On aurait mau- vaise grâce à le lui reprocher, en considérant avec quel art et quel tact, avec quelle inspiration toujours fraîche et sa recherche dans la perfection de la forme et la justesse de l'expression, il sut employer les grandes traditions, au plus grand profit de la Beauté, élevée au rang de facteur spirituel. F. de La Tombelle fut une belle figure de musicien religieux, instruit et inspiré, probe et sincère : sa part dans la restauration de l'Art reli- gieux consacré au service du culte et de l'édification des âmes demeurera l'une des plus importantes de notre époque.
Ajoutons que F. de La Tombelle, dans ses diverses recherches de formes, donna encore un modèle qui, jusqu'ici, n'a pas attiré toute l'attention que cet essai méritait : la réalisation de Saluts qui, musicalement, formassent de leurs divers motets un tout, relié par des interludes d'orgue appropriés. Il voulait donner à cet ensemble libre et souvent hybride un cadre qui puisse se rapprocher, par l'intérêt artistique et l'effet d'unité, de la Messe ou de la Cantate. Peut-être La Tombelle a-t-il posé le premier jalon d'oeuvres futures qui auront fait fructifier ce germe intéressant.
Terminons en donnant le relevé des œuvres d'Eglise de F. de La Tombelle qui font partie des Editions Musicales de la Schola, avec des indications sur ses autres publica- tions religieuses.
172 Ca tribune bf 6aint-#fruaig
Œuvres de F. de La TOMBELLE faisant partie des collections des Editions Musicales de la Schola
A. Pièces latines
Messe en ré mineur, à 3 v. m. (S. T. B). Adoro te, à 3 v. ég.
Messe funèbre, à 3 v. m. (S. T. B.). Ave Maria, à 3 v. ég.
Pie Jesu, à 4 v. m., écrit à la mémoire Regina caeli, à 3 v. ég.
de Ch. Bordes. Deus in adjutorium, et faux-bourdons
De us Israël, à 4 v. m. pour les Vêpres, à 3 v. ég.
In te speravi, à 2 v. ég. Ave verum, à 3 v. m. (S- T. B.).
« Pro sponso et sponsa », à 2 ég. ou 4 v.m. Caro mea, à 3 v. m. (S. T. B.).
Salut bref, à 3 v. ég. O quam suavis, à 3 v. m. (S. T. B.).
Petit salut, à 3 v. m. (S. T. B.) Tantum ergo, à 3 v. m. (S. T. B.).
Christian regem, à 2 v. ég. Benedicta es tu, à 3 v. m. (S. T. B.).
Ecce panis, à 2 v. ég. Regina caeli, à 3 v. m. (S. T. B.).
Tantum ergo, à 2 v. ég. Salve regina, à 3 v. m. (S. T. B.).
Ad te confugimus, à 2 v. ég. Sancta Maria, à 3 v. m. (S. T. B.).
O gloriosa, à 2 v. ég. Oremus pro Pontifice, à 3 v. m. (S. T. B.)
O Cor, amore saucium, à 2 v. ég. Beata viscera, à 4 v. m.
B. Orgue et harmonium. Interludes dans la tonalité grégorienne, pour les messes, 2 fascicules. Fantaisie sur deux thèmes, profane et grégorien. Petite Pièce (spécialement écrite pour harmonium).
10 Pièces, sur des thèmes grégoriens, populaires ou originaux; 2 cahiers. Méthode d'harmonium. Préludes, Fugues, Chorals et Toccata. Versets pour les Vêpres d'un Confesseur Pontife (sur les thèmes grégoriens).
C. Chants français
3 Cantiques aux Saints.
Série de cantiques pour unisson de voix égales; 2 fascicules.
Nouveaux cantiques; 2 cahiers.
Hymne de Pâques, chœur à 4 v. mixtes.
D. Chant grégorien (accompagnement ) A collaboré aux Melodix Paschales. A collaboré aux Melodiaz Natales.
4 Ordinaires de la messe harmonisés à v. mixtes. Cantilènes grégoriennes, à 3 v. m.
E. Critique L'Oratorio et la Cantate, grand in-8°.
F. de La Tombelle avait publié aussi, dans la première « Édition Mutuelle >» de la Schola, son bel oratorio Crux, qu'il fit passer ensuite, avec l'ensemble de ses cantates religieuses, à l'édition Biton, qui partage avec la nôtre la majeure partie de ses œuvres religieuses : messe de saint Jean-Baptiste, motets, saluts, cantiques. Ses premières grandes œuvres d'orgues font partie de l'édition Richault, et comprennent six livraisons formant son op. 23 et respectivement dédiées à Guilmant, Dubois, Salomé, Gigout, César Franck, Clément Loret.
A. Gastoué.
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Tome MM M° 6 - 1928
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LA TRIBVNE DE SAINT-GERVAIS
Fondée en 1895 par Ch. BORDES, Alex. GUILMANT et Vincent d'INDY
NOUVELLE SÉRIE SOUS LA DIRECTION DE
A. GASTOUÉ et A. TROTROT-DÉRIOT
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SOMMAIRE DU N° 6 - NOVEMBRE 1928
La Tribune : 22 Novembre 1903 - 22 Novembre 1928.
R. P. Dom Jeannin : Du si bémol grégorien (fin).
Abbé P. Bayart : Archives et Musiciens.
Julien Tiersot : Les chansons populaires de la Serbie - I.
Notre Supplément : Stirps Jesse, motet à une voix et organum, xie siècle ; Il est né, le divin Enfant, à 4 voix mixtes, par J. Samson ; A la venue de Noël, symphonie instrumentale par M. -A. Charpentier (y 1704); Can- tique de Pâques, à 4 voix mixtes, par Paul Berthier.
A. Trotrot-Dériot, E. Borrel, I. Dupont, O. T., Gr. : Le mouvement litur- gique et musical; les Concerts ; la musique sacrée au diocèse de Bayonne; Italie ; Suisse.
A. Gastoué : Les Livres ; V Édition musicale ; Les Revues.
ÉDITIONS MUSICALES DE LA SCHOLA CANTORUM
269, RUE SAINT- JACQUES, PARIS (5 •■■) Téléphone : Gobelins 4o-02. Compte postal : Paris 33l-79
Tome XXV nouvelle série - N° 6 Novembre 1928
LATRIBVNE DE SAINT-GERVAIS
REVUE MUSICALE
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA
Scl)ûla Cantorum
22 NOVEMBRE 1903-22 NOVEMBRE 1928
Vingt-cinq années nous séparent du jour où le Pontife musicien, Pie X, publia son célèbre Motu proprio^z/r la réforme de l'art sacré: ce jour en est, de quelque façon, comme un premier jubilé; il permet de regarder au delà d'un quart de siècle en arrière, et de comparer.
Ah! s'il ne fallait compter qu'avec nos désirs, nous qui avons servi, tant d'années déjà avant sa promulgation, le futur » Code juri- dique de la musique sacrée », il apparaîtrait que bien peu de choses se sont accomplies depuis cette promulgation, au regard de ce qui reste à faire. Ceux qui, les premiers, eussent dû comprendre la parole du Pape, n'ont même pas alors essayé de l'entendre : forcés de l'écou- ter, combien de fois ne V interprètent-ils pas de travers ?
Mais, si tout ne s'est pas accompli selon ce que prévoyait le légis- lateur, que de bien ri est-il pas fait! Compter a-t-on pour rien la refonte et la publication des chants liturgiques de l'Église Romaine; — la reconnaissance à peu près générale de la restauration grégorienne, encore quelle soit si mal comprise ici et là; — V obligation, morale au moins, qu'il y a de reconnaître les efforts de ceux qui, de tous côtés, ont individuellement tenté d' obéir aux instructions pontificales ; — et, de façon générale, ce mouvement de conversion par quoi l'esprit public admet que le chant grégorien et les chœurs « a cappella » constituent vraiment la forme propre de la musique d'église ?
S'il nous fallait compter les instructions épiscopales et en évaluer les résultats, étudier les « propres » diocésains dont la mélodie a été révisée selon les sources originales et remise en usage, mentionner les
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Congrès, les Conférences, les Cours officiellement institués ou recon- nus, les examens même et les sanctions auxquels ils ont donné lieu, que de consolations et que de motifs d'espérer !
Enfin, les artistes de profession ne craignent plus, parce qu'ils savent, de pratiquer et de professer cette musique belle et noble, con- forme aux directions de Pie X; et il est bien peu de compositeurs qui, V ayant essayé, ri ont plus craint de s attaquer à ces procédés anciens unis à des formes nouvelles, d'où résulte un si vaste et si pieux ré- pertoire de musique sacrée, admirablement propre à son objet.
Nous disons : les directions de Pie X ; nous eussions pu aussi bien dire : les instructions de Benoît XV, les enseignements et les exemples personnels de Pie XL Un Pontife, continue et tente d'ache- ver ce qu'un autre a commencé, dans une perpétuité ininterrompue.
N'est-ce rien que tout cela?
Et, si le zèle de plusieurs d'entre nous trouve que le pas est lent et le mouvement tardif à s'établir, qu est-ce donc qu'un nombre infime d' années vis-à-vis de la pérennité de V Eglise ?
La Tribune.
L'article annoncé de notre directeur A. Gastoué sur La prononciation du Latin paraîtra dans le fascicule de janvier, premier du tomexxvi. — Le mêmt numéro contien- dra les couverture, titre et tables de l'année 1928.
Nota. — Votre abonnement se terminant avec le présent fascicule, afin d'éviter toute perte de temps ou écritures inutiles, ou des frais onéreux de recouvrement, pour son renouvellement, nous vous serons reconnaissants de bien vouloir remplir le chèque- postal inclus, et nous le renvoyer au plus tôt, compte chèque postal Paris, 331-79.
Avec nos meilleurs remerciements.
Bu si bémol grégorien 17^
DU SI BEMOL GREGORIEN
A PROPOS D'UN OUVRAGE RÉGENT (fin)
Mais, dira-t-on, lorsque la cadence sur le do, en 5e grégorien, est accompagnée d'une affirmation insistante de la tierce do mi, n'y a-t-il pas matière à parler de métabole en do? Métabole, si l'on veut. Mais pas métabole tonale. Chez nous la tierce fa la et la tierce do mi sont synonymes modalement, la première n'est que la transposition de la seconde. En musique homophone il n'en va pas de même. La tierce do mi appartient au mode autonome de do, et la tierce fa la à un autre mode autonome, celui de fa. Qu'on parle conséquemment en musique moderne de métabole tonale du fa ou do, puisqu'il n'y a pas métabole modale. Mais s'il y a métabole en chant grégorien par apparition insis- tante d'une nouvelle tierce, ce sera une métabole modale, ce que nous appellerions une simple « échappée modale ».
Autres considérations montrant toujours mieux que le système de trois tonalités ne peut s'appliquer au chant grégorien. Un 5° grégorien qui commencera par avoir le si \>, et qui se reposera ensuite sur le do avec si fc|, ne pourra être dit changer de ton qu'autant qu'il avait débuté par le ton de fa. De même un 1er grégorien qui fait entendre tout d'abord le si\>f et ensuite établit une cadence sur le la avec si fc|, ne pourra être dit changer de ton, qu'autant qu'il avait débuté par un ton diffé- rent. Voit-on cependant, en premier lieu, l'invraisemblance qu'il y aurait à supposer une modalité fuyant ainsi son ton principal avant même de s'y être assise ! Que notre fa majeur et notre ré mineur, qui ont un si \f essentiel, débutent par ce si |? avant de moduler, sous l'influence d'un si tf, exprimé ou sous-entendu, dans une autre tonalité, cela est tout naturel. Serait-il tout de même aussi naturel de voir adopter dans la mélodie à tout bout de champ l'ordre contraire, le si : d'abord, le si \> ensuite ? Eh bien ! pour le 5e grégorien et le lor, le ton le plus nor- mal (si ton il y avait) serait le ton avec si \ : cela est si vrai, que le système tri-tonal ne manque pas de mettre celui-ci en première place. Et l'on voudrait qu'à chaque instant l'on puisse rencontrer des 5es et des 1er8 grégoriens avec un ton secondaire pour débuter! C'est donc que le si \> n'a pas en lui de quoi nécessairement constituer un ton à part. C'est
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Ca tribune ùe £aint~<Etarvat0
donc qu'en cas de si \> initial le compositeur ou le chanteur médiéval a cherché tout autre chose qu'à établir une tonalité à part, et qu'objec- tivement le si [7 est dû à un autre fait, celui de la fuite d'une impres- sion désagréable, après quoi l'on reste dans le même ton en passant au si : normal. Une cadence à la quinte n'est de soi, malgré les sensa- tions qu'elle suggère en nous, qu'une cadence sur une des notes de la triade modale.
Un autre fait va nous révéler les mêmes choses. C'est celui de la contradiction qu'on constate à chaque pas, entre excellents témoins de la tradition médiévale, dans leur façon d'écrire, aux mêmes endroits, les uns, si \>, les autres un si bj. Peut-on supposer dans ces conditions un plan préétabli, au moins objectivement, de modulation essentielle tonale? Prenons simultanément, dans la Vaticane et dans le manuscrit bilingue de Montpellier (xie siècle) les trois introïts Gaudeamus, Rorate et Suscepimus. Voici les constatations qu'on y fait :
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Nous n'avons pas à discuter ici le plus ou moins d'authenticité de chaque détail. Les documents qui, en dehors de Montpellier, ont servi à établir la Vaticane, pouvaient avoir raison à l'égal de Montpellier. Peut-être même sur l'emploi ou le rejet du si \> y a-t-il eu une certaine liberté dès les premières origines. Ce qui ressort, tout au moins iné- luctablement, c'est qu'une chose sur laquelle les documents s'entendent si peu en pratique, devait avoir en théorie une bien petite importance, et certainement pas celle d'être à la base d'un système de modulation tonale. Du reste nous avons choisi les trois introïts ci-dessus uniquement parce qu'ils se trouvent à la suite l'un de l'autre sur la même page de Montpellier. Nous pourrions étendre notre enquête à l'ensemble des pièces du répertoire, et aussi à l'ensemble des documents divers. A quelle multiplication dans la variante n'arriverions-nous pas ainsi ! Et alors, encore une fois, y a-t-il matière à hésiter? Le si \> n'apparaît-il pas de toute évidence comme quelque chose de véritable accidentel, dans le sens de simple chromatisme d'attraction ? Dès le début nous
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Ca tribune îre 0atnt-<®mmi8i
trouvons partout ce si \>, mais deux fois le fa n'est pas éloigné, et cela établit, par sa répétition habituelle dans les intonations similaires, une formule avec si \> qui se maintiendra tout naturellement même pour les cas exceptionnels où le fa n'est pas exprimé. C'est donc pour éviter une impression de rencontre avec \efa, exprimé ou sous-entendu, que se bémolise le si. Toutes les autres fois que, dans une version ou l'autre, nous trouvons si f>, le fa est exprimé, à une distance plus ou moins grande. Mais le caractère accidentel, précaire, extrinsèque, et donc nulle- ment tonal, du si |? est clairement démontré dans nos exemples par la facilité avec laquelle il apparaît et disparaît pour une même note. Chose plus significative encore : le même fait se présente pour les cadences. Peut-on, dans ces conditions, parler de cadences appartenant à une tona- lité si le si est naturel, à une autre s'il est bémol ? La vérité est que les deux cas s'équivalaient, au point de vue essentiel, pour les gens du moyen âge, et donc doivent s'équivaloir pour nous. Toute la différence venait de ce que l'aversion pour le triton prévalait ou ne prévalait pas sur l'attirance que l'on avait pour le si tj normal.
Nouvel exemple montrant pour le mieux le caractère précaire du si \> grégorien. Prenons 1' 'alléluia Hsec est virgo. C'est, à n'en pas douter, un mode autonome d'ut à finale mi. Cependant une fois, par extraordi- naire, le si est bémolise. Mais vraiment, parce qu'un fa voisin a pu inciter à baisser le si, peut-on dire que la tonalité a changé? Bien sûr que non, et nous ne craignons pas, dans l'accompagnement, d'employer le si b pour préparer la cadence en do sur le mi, après avoir fait entendre le si \> un peu avant, de même qu'en chant grégorien le si tj et le si \> se succèdent à de brefs intervalles, parce qu'il n'y a pas modulation véritable de l'un à l'autre. Voici le mot alléluia où apparaît le si \> :
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Jusqu'ici nous avons montré que le si \? grégorien, et dans l'ensei- gnement du moyen âge, et dans les documents paléographiques, se montre absolument réfractaire, par sa qualité de simple chromatisme d'attraction, à servir de base à un système de modulation tri-tonale. Pour prouver ce système, l'on fait sonner bien haut des « équivalences modales ». Il nous reste à montrer que ces « équivalences modales », bien loin de témoigner en faveur d'un plan primitif tri-tonal, l'excluent positivement, toutes les fois que les versions différentes, et appelées modalement « équivalentes », sont le produit d'une altération opérée au cours des âges par suite d'aversion pour le triton.
L'on a soin, en effet, d'énumérer une multitude impressionnante de cas où tel document écrit dans un mode, tel autre dans un autre, une même pièce ou une même portion de pièce. Et l'on raisonne ainsi : Puisque le mode change avec l'écriture, c'est donc qu'il y a pour tous les modes un triple substratum commun tonal. Mais si, tout au contraire, la cause du changement d'écriture se trouve dans une altération provo- quée par l'aversion pour le triton, alors nous est confirmée la doctrine de Guy d'Arezzo : s'il y a eu aversion pour le triton, le si \> n'est que chromatisme d'attraction, par suite le ton de fa n'existe pas, et donc pas davantage les deux autres.
Prenons, par exemple, X Agnus Dei IV, qu'on nous présente comme une des multiples « équivalences de pièce entière ». Il est bien certain que primitivement cet Agnus Dei était chanté en 7e grégorien, et que, depuis de longs siècles, il l'est en 6e. Quelle est la cause et le processus de cette métabole modale ? La cause ? L'aversion pour le triton. Le processus? La présence réelle d'un fa % ajouté tout d'abord au fa sans l'écrire ; puis, plus tard, l'écriture mi fa se substituant à l'écriture fa sol et à l'exécution réelle fa # sol. Mais s'il est indéniable que le fa $ a souvent été entendu au moyen âge, si les auteurs nous parlent assez sou- vent d'une note qu'on exécute et qui « n'existe pas », c'est-à-dire ne figure pas sur le monocorde, si ce fa # est un produit de l'aversion pour le triton si fc] fa dont l'impression se faisait trop sentir dans Y Agnus Dei en 7e, alors de quel droit vient-on récuser les témoignages médié- vaux en faveur de cette aversion pour le triton et partant du caractère extrinsèque du si \> ?
Mais il y a mieux encore. Les « équivalences modales » témoignent, non seulement d'une façon indirecte en mettant en évidence l'aversion pour le triton, mais aussi souvent d'une façon directe, contre un système
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tri-tonal grégorien. En effet, les « équivalences modales » ne pourraient prouver de soi un substratum commun tonal préétabli, qu'au cas où elles laisseraient toujours intacte l'apparente identité tonale de la forme primitive et de la forme altérée. Or, il n'en est rien. A tout bout de champ les versions diverses amènent des apparences tonales toutes contraires. Prenons, par exemple, dans Réginon l'antienne Hodie Christus. Elle a pour intonation : sol la si tj. Et, comme elle est attri- buée au 3e mode, sa finale est : mi fa sol fa mi mi. Plus tard Guy l'attribue au 1er mode avec intonation : fa sol la, et finale : ré mi fa mi ré ré. L'altération s'est d'abord produite avec intonation : sol la si \, et finale mi fa % sol fa % mi mi. L'aversion pour le triton si \ /tf fc] a fait diéser le fa. Mais la version fa sol la, qui est entrée dans l'écriture, amenant ainsi un si \> (ici, à cause de la transposition, essen- tiel, puisqu'il représente un do primitif) ne serait-elle pas en ton de fa, si ton il y avait, tandis que celle de Réginon aurait été en ton de do ? Les « équivalences modales » ne prouvent donc rien au point de vue d'un prétendu plan tonal supposé préétabli.
On le voit, le système tri-tonal grégorien, sous des apparences scientifiques, par rapport à nos habitudes d'analyse moderne, repré- sente un bouleversement total des réalités historiques. Pour vouloir être tonal, il cesse d'être modal, en ce sens qu'il dénie au si b] le droit d'être seul foncièrement modal dans la plupart des échelles grégo- riennes. Il est basé sur le quiproquo déplorable d'un si \>, habituelle- ment simple expédient extrinsèque, devenant, à l'égal du si fc|, la carac- téristique d'un ton autonome.
Dom J. Jeannin, O S. B.
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ARCHIVES ET MUSICIENS
N'aimeriez-vous pas être archiviste ? Il y a les archivistes de profession et de carrière, officiels. Avec un soin jaloux, ils veillent sur les dépôts publics ; avec un zèle admi- rable, et au prix de quels labeurs, ils « inventorient », classent, analysent d'immenses tas poudreux. On sait, — on ne sait peut-être pas assez, — les services que, travailleurs eux-mêmes, ils rendent à tous ceux qui travaillent.
Il y a les archivistes d'occasion, formés aux écoles ou autodidactes, qui, pour avoir entrepris d'étudier quelque point d'histoire, l'évolution de quelques institutions, exploitent les fonds connus, où ils contrôlent leurs sources, flairent des rayons inexplorés, dans l'espoir de quelque bonne fortune.
Et il y a les archivistes désintéressés, fureteurs par goût, hommes d'une spécialité, — il n'est plus permis de dire : d'une marotte, — capables de prendre une à une des milliers de pièces pour y relever tout, uniquement, ce qui concerne l'objet de leur passion. La Bruyère, s'il écrivait de nos jours, ne manquerait pas d'ajouter leur portrait à ceux de l'amateur de tulipes et de l'homme du monde qui sait le mieux l'heure qu'il est.
Il ne faut pas rire de ces spécialistes amateurs, collaborateurs béné- voles des vrais savants. A moins qu'ils ne se fassent trop encombrants, les savants les apprécient et recherchent leur concours. Cela pour deux raisons.
La première est qu'un même travailleur, si heureux qu'il soit, ne peut pas visiter en même temps, ni même l'un après l'autre, tous les dépôts d'archives de la capitale, des provinces et de l'étranger. Quel avantage de pouvoir s'adresser de loin, à cet amateur clairvoyant et d'information sûre, qui verra le document douteux, produira une pièce révélatrice, indiquera le détail typique, interprétera plus d'une énigme.
L'autre raison, c'est que le plus grand savant du monde ne peut pas tout savoir. Or il y a de tout dans les archives, et leur mise en œuvre ne peut résulter que d'une collaboration de compétences. Pour nous en tenir à la musique, que de choses passent inaperçues jusqu'à ce qu'elles tombent sous les yeux d'un musicien. A condition que ce musi-
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cien soit aussi musicologue, liturgiste, et au courant de l'histoire locale. Cela fait bien trois hommes pour une seule tâche.
Or voici où je veux en venir. Quiconque a tant soit peu d'aptitude pour ce genre de travail, et tant soit peu de loisirs, devrait, dans nos provinces, explorer les archives publiques et privées qu'il a à sa portée; revoir ce qui a déjà été étudié, chercher de l'inédit, signaler soit aux archivistes officiels, soit aux musicologues connus, soit aux sociétés savantes, tout ce qui semble avoir un intérêt, même médiocre, pour l'histoire de la musique. Un détail qui paraît insignifiant peut parfois constituer une contribution appréciable à d'importants travaux. Si on osait, en pareille matière, citer un mot de l'Evangile, ce serait le cas de rappeler le précepte : Colligite fragmenta, ne pereant. On dit que saint François recueillait soigneusement les débris de manuscrits qu'il voyait traîner à terre. Voilà un patron tout trouvé pour notre confrérie.
Organistes, maîtres de chapelle, professeurs de musique, amateurs en quête d'occupations, que de personnes pourraient fournir ainsi de l'excellent travail. Tel manuscrit que je connais, a été feuilleté, au cours des trois derniers siècles, par les mains les plus expertes : personne n'a jamais signalé exactement son contenu musical. Un jour, quelqu'un me dit : « Il y a, dans ce volume, des sortes de chants bizarrement notés ; ce doit être la messe des morts. » La messe des morts, ce n'est pas très engageant; par acquit de conscience, j'y allais voir. L'heureuse trouvaille : les Offices de saint Winnoc et de saint Oswald1!
Des offices notés, en entier ou par fragments, des variantes de textes, des chansons, des traités, des partitions, des contrats... vous en trou- verez partout, rares ici, ailleurs à foison. Mais partout il y a quelque chose à prendre, jusque sur les chemises des dossiers, sur le dos des reliures, jusque dans la charpente et le mécanisme des orgues... Car on sait à quels usages a servi le parchemin de nos vieux livres.
* * *
Pour convaincre, et pour aider, ceux qui voudraient tenter de telles expériences, qu'il me soit permis de leur indiquer comment ils peuvent s'y prendre, et à quels résultats ils arriveront.
D'abord, ayons beaucoup de modestie et de savoir-vivre. On ne s'en va pas, tambour battant, sommer un archiviste de vous mettre en mains
1. Voir : La Tribune de Saint- Gervais, janvier-mai 1908. Le Comité Flamand de France a publié une reproduction du manuscrit (xic siècle) de ces Offices, avec une Intro- duction et une transcription. (Annales, 1926.)
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toutes les pièces de son dépôt. Il faut se faire connaître, avoir ses réfé- rences et ses recommandations. Vous serez accueilli toujours avec égards, mais avec méfiance. On hésitera à vous confier des documents précieux, même un à la fois. Vous serez surveillé, contrôlé. Ne mon- trez pas d'impatience, ne faites pas mine de réclamer, ou vous êtes perdu. Comprenez qu'au surplus, si vous êtes modeste, on vous aidera à chaque pas difficile. Si vous avez fait le fier, on vous laissera patauger, et ce sera bien mérité.
Commencez par un travail précis, facile et court. Par exemple, l'examen détaillé d'un manuscrit déjà décrit, d'une pièce cataloguée. Vous trouverez probablement des détails non signalés, qui peuvent avoir à présent une importance qu'on ne soupçonnait pas jadis. Vous trouverez des descriptions à rectifier, des analyses à refaire. Vous con- staterez parfois que tel, qu'on cite comme une autorité, a parlé longue- ment d'un texte qu'il n'a pas lu, comme qui rendrait compte d'un ouvrage d'après la table des matières.
Ainsi vous vous ferez la main et vous vous poserez. Bientôt on vous fera crédit. On aura recours à vous, on vous signalera les pièces intéressantes, on vous les apportera sans que vous les demandiez.
Vous aurez quelques surprises et quelques déboires. Avez-vous pensé trouver un nom dans un obituaire : cet obituaire n'est qu'un presbyterium, une collection de ces feuilles qu'on affiche encore dans les sacristies pour indiquer les offices de la semaine. Vous voulez con- sulter un missel, ce missel est un collectaneum. Vous êtes à l'affût de musique allemande : l'inscription que porte une farde vous inspire confiance ; hélas ! vous trouverez bien une « chaconne pour la flûte allemande » ; mais cela ne vous avance guère.
Par contre, consultez les testaments, les comptes de tout genre, les inventaires les plus variés, toutes les pièces enfin où on s'attendrait le moins à voir de la musique ; et pas une de vos séances ne s'achèvera sans que vous n'ayez récolté quelque détail de réel intérêt.
Alors vous serez le premier à en jouir et à en profiter. On apprend mal l'histoire dans les livres. Les pièces d'archives ressuscitent le passé, qui vous apparaît tout vivant. Vous voyez comment, en 1447, Philippe- le-Bon fait l'achat pour sa chapelle domestique « d'un livre plein de nouvelles chanteries comme messes, motets... » Vous voyez ce qu'on paie à « Pierre Alamir, aimant, écrivain de livres de musique » pour « un grand livre de musique, où sont plusieurs messes et autres choses servant au service divin que l'on fait tous les jours dans la chapelle domestique... » (Arch. dép. Nord. B. 2181, fol. 132). Ce qu'on paie,
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en 1507 « à seize compagnons chantres et quatre petits enfants en la chapelle domestique de Mgr l'Archiduc, chantant journellement en dis- cant les hautes et basses messes et les heures du jour... » (B. 2207, fol. 301.) Et ceci : «... Au fol de madame de Likerke... pour avoir joué plusieurs chansons sur l'espinette et le manicordion,... et fait plusieurs autres folies pour le passe-temps de mon dit Seigneur. » (B. 2185, fol. 153 v°.)
Vie liturgique, vie domestique, mœurs et coutumes, idées et modes ; et la place de la musique, tant que sacrée que profane, dans tout cela : telles sont les scènes qui sont évoquées, d'une manière parfois saisis- sante, au hasard des rencontres ; et bientôt ce n'est plus au hasard; car un peu d'usage fait pressentir d'instinct les sources qui donnent.
Plus instructives sont les pièces très diverses qui se rapportent au fonctionnement des institutions musicales : écoles, chapelles, maîtrises, chapitres même. Ici des noms de chantres ou de maîtres ; là des noms d'enfants de chœur avec la mention de leurs premiers essais de compo- sition ; ailleurs des inventaires de bibliothèques musicales, ou le réper- toire du chœur de telle église à une époque donnée. Et si vous tombez sur les pièces d'un procès, d'une expertise, d'une transaction, lisez, lisez jusqu'au bout : c'est là que vous vous instruirez le plus et le mieux.
Vous passerez ainsi des heures charmantes et utiles. Utiles à vous- même, utiles au public et aux savants. Car vous ferez, je le répète, des découvertes : textes inédits, ou inconnus; nouveaux noms de compo- siteurs, nouveaux détails sur la manière d'exécuter certaines œuvres. Vous pourrez contribuer à faire disparaître certaines légendes; trou- ver peut-être l'origine de certains usages locaux; indiquer le lien qui unit des textes ou des faits, dont on aperçoit bien l'analogie, mais dont on ne voit pas les rapports. Vous pourrez indiquer comment une mélo- die, une variante, a passé d'une région à une autre. Vous procurerez parfois à des savants la joie de voir leurs conjectures vérifiées. Rien n'est plus glorieux.
Vous pourrez surtout appliquer à l'histoire locale les lois de l'his- toire générale. Vous montrerez, par exemple, comment en tel diocèse, en tel chapitre, les règlements ecclésiastiques sur la musique ont été observés ou négligés; à quelles réformes musicales ont donné lieu les décrets du Concile de Trente; comment on a compris alors l'esprit et la lettre des lois sur la musique sacrée. Et vous comparerez avec la réforme de 1903.
(A suivre.) Abbé P. Bayart.
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LES CHANSONS POPULAIRES DE LA SERBIE.
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es peuples slaves sont, parmi l'Europe, ceux dont les chansons populaires ont le plus grand caractère d'originalité ethnique. La sève musicale y est abondante et savoureuse, plus qu'en aucun autre pays. On sait quelle est la beauté mélodique, aussi bien que l'aspect particulier, des chansons russes. Celles de la Pologne, produits d'une race affinée, ne leur cèdent guère en mérite. Celles des pays tchèques, bien qu'ayant subi déjà l'influence de l'Occident, sont d'une abon- dance et d'une vitalité rares. Et lorsqu'on arrive chez les Slaves du Su(j _ Ces peuples dont la réunion constitue aujourd'hui le royaume des Serbes, Croates et Slovènes, autrement dit l'État Iougo-slave, — l'on constate dans leur folklore musical une richesse, une vitalité, une spontanéité, une physionomie propre, qui en rendent l'étude plus intéressante encore que celle des chants d'aucun autre pays.
La Serbie a été longtemps pour nous, placés à une autre extrémité de l'Europe, une sorte de terra incognita, au moins à l'égard de l'inti- mité de la vie populaire. Ayant jadis, et jusqu'au cours du moyen âge, marché de pair avec le reste de l'Europe intellectuelle, elle a subi une catastrophe — l'invasion des Turcs — qui a réduit toute sa population presque à l'état barbare, fait régresser la civilisation et ramené les habitants d'un royaume jadis prospère à l'état d'un peuple primitif. Les vaincus se réfugièrent dans leurs pauvres villages, dans des maisons isolées, au creux des vallées, sur les sommets des monts, s'écartant autant qu'il était possible de l'oppresseur, auquel ils ne pensaient que pour essayer d'en tirer vengeance; et dès lors ce furent cinq siècles durant lesquels la Serbie a vécu en dehors du mouvement civilisateur du monde. Ceux mêmes à qui aurait dû incomber la mission de don- ner l'instruction au peuple étaient aussi ignorants que lui. Des prêtres disaient la messe et récitaient les prières par cœur, par la raison qu'ils ne savaient pas lire. Conditions d'existence évidemment funestes au développement d'un État, mais, en revanche, si le peuple qui les subit ne se laisse pas abattre, favorables à la conservation des qualités natives
de la race.
Si la chanson populaire est vraiment, comme on l'a défini, l'art des
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illettrés, nulle part elle n'eût pu mieux prospérer que dans un pays où les hommes les plus cultivés ne savaient même pas lire. Quand, par surcroît, ce pays est habité par un peuple à l'imagination vive, à l'âme ardente, il est sûr que les aspirations diverses qu'il porte en lui s'épan- cheront en un flot de lyrisme. En effet, la chanson populaire des Serbes, ou, pour mieux dire, de toute la collectivité des Slaves du Sud, est un trésor de la plus grande richesse et de la qualité la plus pure. On le verra bien lorsque, par quelques spécimens, on en aura perçu le sen- timent poétique et goûté la saveur musicale.
Mais d'abord arrêtons-nous un instant sur certaines particularités propres aux caractères mélodiques de ces chansons.
L'on trouvera en elles un air de famille commun aux divers peuples slaves, avec, en plus, certains traits par lesquels il apparaît que l'on approche de l'Orient. Faut-il conclure de cette dernière observation à une influence des Turcs ? Cela est peu probable. Le Turc a toujours été, pour le Serbe, l'ennemi, l'envahisseur, qu'il fallait chasser et se garder de prendre pour modèle, même dans ses chants. Admettons plutôt que le voisinage d'autres contrées et d'autres races a, par simples infiltrations, exercé son action sur le génie mélodique des Slaves du Sud. Au reste, les autres Slaves ne sont pas toujours étrangers à ces pratiques du chant.
Ces particularités consistent en l'emploi de quelques gammes diffé- rentes de celles de l'Occident et du Nord, aussi bien des modes grecs ou grégoriens que du majeur et du mineur modernes. La tonalité des mélodies ainsi conçues peut parfois nous sembler vague : c'est que nous sommes habitués à donner à la finale une importance prépondérante ; or, dans ces mélodies, la finale est souvent placée sur un tout autre degré que la tonique ou la dominante ; mais cela n'empêche point, si l'on veut étudier attentivement leur contexture, que le sentiment tonal s'en dégage très normalement. En fait, ces cadences, lorsqu'elles ne tombent pas sur la tonique, s'effectuent le plus souvent sur le second degré du ton, appelant harmoniquement l'accord de dominante. En outre, les chants serbes font un usage fréquent de l'intervalle de se- conde augmentée, placé entre le 3e et le 4e degré, ou le 6e et le 7e (notes modales) de la gamme mineure, ce que l'on est convenu d'appeler le chromatique oriental. L'usage de ces procédés donne aux chants des Slaves du Sud une physionomie particulière et une grande originalité.
Mais avant d'essayer de connaître ces chansons populaires elles- mêmes, il faut nous arrêter sur quelque chose de très intéressant et de vraiment rare.
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La Serbie a conservé l'usage de chants épiques qui, autant qu'on en puisse juger, semblent se rattacher à ses traditions les plus loin- taines. Ce n'est sans doute pas abuser des rapprochements historiques, des considérations de voisinage, des lieux, de leur nature, de leur esprit, que d'évoquer à leur propos le souvenir des rapsodies homé- riques. Des gens du peuple récitent ces poèmes et les chantent, s'ac- compagnant sur la Guzla, sorte de lyre rustique, violon primitif à la caisse bombée, montée d'une seule corde que frotte un archet recourbé. Les notes que fait résonner cette corde unique n'excèdent pas l'intervalle de quarte, mais peuvent se succéder par demi-tons. Quant au chant accordé tant bien que mal avec cet accompagnement, il n'est qu'une mélopée, très libre, syllabique, proférée avec rapidité, glapie, pourrait-on dire, par la voix, qui commence à l'aigu, mais passe à tout instant, sans transition, par larges intervalles, au grave, puis remonte, répétant souvent, vers par vers, une formule de psalmodie monotone, en change sans cause apparente, et ne s'arrête qu'à la fin de la laisse, sans autre raison musicale si ce n'est que le récit est achevé. L'instrument, saccadant toujours ses quelques notes, les entremêle, entre les vers, de trilles et d'ornements multipliés.
Sur cette musique extrêmement fruste sont prononcés les vers de l'épopée nationale. Ce sont les récits de la bataille de Kossowo, la funeste journée où la Serbie perdit son indépendance, ou ceux des exploits des héros nationaux et légendaires : Miloch, type de l'honneur serbe , Marco Kraliévitch, le Roland de la Serbie, de qui des rapsodies nombreuses ont chanté la carrière aventureuse et longue, car il a vécu trois cents années, passées pour la plus grande partie en chevauchées sur son coursier Charatz, fidèle compagnon de ses dangers, et aussi de ses bonnes fortunes ; l'heure du repos venue, l'on voyait l'homme et le cheval deviser familièrement et boire ensemble du bon vin.
Aussi bien les guzlars ne se croient-ils pas obligés à ne chanter que des histoires de l'ancien temps : leur répertoire épique s'est renouvelé de siècle en siècle, et il nous est advenu, pendant la dernière guerre, d'entendre l'un d'eux chanter les événements de la guerre balkanique de 1912. Nul doute qu'aujourd'hui les batailles de 1914 à 1918 forment déjà les sujets de nouveaux chants.
En raison de l'incertitude de leur forme, il est très difficile de fixer par la notation ces chants à la Guzla. Ayant, à une époque qui avait amené à Paris les soldats de l'armée serbe, eu l'occasion d'en entendre dire à quelques-uns d'entre eux, je me suis appliqué à les écouter, à en distinguer les formes, à en noter les moindres détails. Pour tout dire,
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le résultat obtenu ne saurait être donné comme né varietur. L'on ne lira jamais deux fois la même transcription d'un chant à la Guzla, l'on ne l'entendra pas lui-même deux fois identique, par la raison que les chants de cette sorte sont plus qu'à demi improvisés, et que par consé- quent il est impossible qu'ils soient reproduits plusieurs fois de suite de la même façon. Mais ces improvisations sont basées sur des for- mules, soit vocales, soit instrumentales, qu'il est possible de dégager, au moins par approximation, d'autant mieux qu'elles se répètent sou- vent au cours du même récit. La transcription qu'on va lire, établie non sans peine, semble donner une idée exacte, autant qu'on peut l'ob- tenir, de ces psalmodies, dont le souvenir mérite d'être conservé, sinon à cause de leur valeur musicale intrinsèque, du moins comme document d'une extrême rareté et témoignage précieux d'une tradition populaire dont l'origine remonte peut-être à l'antiquité la plus vénérable.
Ces chants narratifs commencent par un long prélude de l'instru- ment, jouant seul, répétant des dessins de quelques notes : ceux que la notation ci-dessous enfermera entre des barres et des points doivent être repris, non pas seulement une seconde fois, mais un grand nombre de fois successives. Puis la voix entre, commençant à l'aigu, sur un dessin de notes liées; se calmant peu à peu, elle fait succéder l'une à l'autre, suivant l'ordre des vers, diverses formules récitatives. La Guzla ne cesse pas de l'accompagner par son rythme obstiné, tantôt doublant le chant, tantôt le laissant s'échapper à l'aigu ou au grave à l'écart des quelques notes qui constituent tout son ambitus, le soutenant parfois en répétant indéfiniment la même note, semblable au ronronnement d'un bourdon de cornemuse.
Le Guzlar commence ainsi son long et monotone prélude :
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Les formules psalmodiques se précisent peu à peu et se répètent plusieurs fois sur les vers successifs, tandis que l'instrument continue inexorablement à scander sa fondamentale, ou parfois, quand l'occasion s'en oftre, double la voix :
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D'autres formules répétées, plus ou moins semblables aux précé- dentes, apparaissent ; puis une accélération du mouvement, la multipli- cation des croches sur les syllabes chantées, annoncent une conclusion, qui s'opère ainsi qu'il suit, sur un mouvement symétrique à celui de l'attaque1 :
1. En examinant ces notations, par lesquelles on voit l'instrument et la voix se super- poser en développant chacun une ligne vaguement dépendante de l'autre, il nous vient à l'esprit un rapprochement qu'il peut être particulièrement intéressant de signaler à la Tribune de Saint-Gervais . Dans l'Organum, ainsi que nous en pouvons juger d'après les exemples laissés par Hucbald et Guy d'Arezzo, la partie principale énonçait son chant donné tandis que la voix organale, la suivant à intervalles plus ou moins rapprochés
192 Ca tribune îre 0ahtt~(®m)at5
Ce n'est pas, redisons-le, pour ses qualités vraiment musicales, que nous avons reproduit cette psalmodie épique, mais parce qu'elle con- stitue un document vraiment unique, que la Serbie, à l'heure actuelle, est le seul pays à pouvoir nous offrir. D'autres pourront épiloguer sur ces formes mélodiques, où le demi-ton occupe une large place, et con- clure à des pratiques de chromatisme sur lesquelles ils trouveront évi- demment à disserter s'ils le veulent : nous leur en laissons le soin et ne les suivrons pas dans cette voie, constatant simplement que ce chromatisme n'est que le résultat artificiel de l'usage d'un agent sonore dont les ressources sont si restreintes que, s'il n'était pas em- ployé, l'instrument en serait réduit à deux notes, trois au plus, et que cette raison pratique, indépendante de tout principe et de toute théo- rie, est la cause unique de cette particularité tonale. Notons en tout cas que cette division des sons sur la corde de la Guzla ne va jamais jus- qu'à les partager en intervalles plus petits que le demi-ton et que, par conséquent, s'il est permis de parler de chromatique, la notion de l'en- harmonique reste totalement hors de place ici, le quart de ton, ou le tiers, étant complètement étrangers à la pratique de la Guzla.
(A suivre.) Julien Tiersot.
(n'excédant pas celui de quarte) l'accompagnait, restant habituellement au-dessous d'elle, parfois répétant la même note sans sembler pouvoir descendre plus bas qu'un certain son (sans doute la limite au grave de l'instrument); cependant le chant poursuivait son dessin mélodique, sans craindre les croisements sous la partie accompagnante. C'est, avec des différences de style, mais une grande analogie dans le procédé (la principale de ces différences est dans le plus grand espacement des parties) ce que nous devons de voir reproduire dans ces chants récitatifs de l'épopée serbe. Nous n'en saurions être surpris, étant donné la nature primitive de l'une et l'autre conception, produit des vieux âges, et d'où devait résulter de part et d'autre l'emploi instinctif des mêmes moyens.
îtotre Supplément 193
NOTRE SUPPLÉMENT
Stirps Jesse, motet à une voix (xie siècle).
Voilà un exemple authentique de motet « grégorien », œuvre du xie siècle ou du début du xiie, la plus ancienne peut-être du genre, restituée d'après les riches manuscrits de l'Ecole Limousine.
Sur une lente basse d'orgue, dont la « teneure » est empruntée au Benedicamus des Ies Vêpres solennelles, lui-même transcription du flos Filius ejus de Fulbert de Chartres, un compositeur anonyme a écrit le déchant fleuri, avec des paroles qui glosent l'original.
Pour Noël, nos lecteurs goûteront tout le charme de cette pièce primitive et fraîche.
Il est né, le divin enfant, à 4 voix mixtes, par J. Samson.
Type de Noël populaire, encore qu'il ne soit pas du nombre des « anciens » Noëls, ce chant a fait l'objet d'une écriture aussi solide que délicate et exquise, dans la réalisation d'un canon, et l'utilisation de motifs grégoriens du jour, par notre excellent collabora- teur J. Samson.
Nous avons publié, dans la Petite Maîtrise de septembre 1928, une réduction de cette pièce, pour une et deux voix avec orgue.
A la venue de Noël, symphonie instrumentale, par M.-A. Charpentier (f 1704).
Ce célèbre compositeur parisien, élève de Carissimi, a laissé une série d'exquis « Noëls sur les instruments », composés soit pour l'Abbaye-aux-Bois, soit pour le Collège des Jésuites (église Saint-Paul-Saint-Louis actuelle), soit enfin pour la Sainte-Chapelle, de 1680 à 1704. Du cahier de ces pièces faciles et charmantes, dont les Éditions Musicales de la Schola préparent la publication, nous détachons ici la première, qui rendra service pour les réunions de patronage ou pour la Messe de Minuit.
Cantique de Pâques, à 4 voix mixtes, de Paul Berthier. Pâques est loin de Noël ! Toutefois, pour permettre de préparer d'avance la solen- nité de ce grand jour, nous sommes heureux de publier dès aujourd'hui, ce pieux et beau cantique de MIIe Marie Noël, à la fois poète et mélodiste, cantique délicatement harmo- nisé à 4 voix mixtes par notre ami Paul Berthier.
A. G.
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LE MOUVEMENT LITURGIQUE ET MUSICAL
L'ACTION LITURGIQUE UNION DES MAITRES DE CHAPELLE ET ORGANISTES
A propos des deux notes (Petite Maîtrise et Tribune) relatives au concert où fut exécuté le Stabat de Rossini, au Trocadéro, l'aimable confrère qu'est B. Loth nous adresse une longue missive, à titre amical et sous sa responsabilité — nous dit-il — a mais d'accord avec les organisateurs du concert du 3 mai. » Du grief élevé contre eux ces « organisateurs » se sont émus — et c'est une preuve que la critique porte quand elle est sincère et s'adresse à des gens intègres; mais ils se défendent avec B. Loth, de l'avoir mérité ; il faut voir.
D'abord, nous dit B. Loth, PU. M. C. O. « n'est en rien responsable de tout ce qui concerne le concert du 3 mai. Ce concert n'a pas été organisé par l'Union, mais par deux amis de l'Union qui sont venus simplement lui dire un jour : « Nous voulons faire quelque chose pour la Caisse de secours, nous avons l'intention d'organiser un concert à son profit ». On accepta l'offre, « à la condition, très sage, que l'Union n'encourrait aucun risque financier, qu'elle n'aurait qu'à recevoir les bénéfices. » Satanée question d'argent! Faisons-lui sa part. Des besoins de sa Caisse de secours, de l'urgence qu'ils imposaient, l'U. M. C. O. est meilleure juge que nous. Toutefois, pour être complètement « sage », l'Union aurait dû, à notre avis, tenir au spirituel autant qu'au matériel qui la rendait prévoyante et prudente. Notre confrère le sent et il s'efforce de justifier l'Union à la merci des moyens offerts, à cette date tardive de printemps, aux organisateurs qui allèrent trouver L. Vierne et V. Charpentier. Nous avons dit que l'Association de ce dernier devait offrir les facilités d'un ouvrage comme le Stabat rossinien à son répertoire.
B. Loth plaide ensuite, mais mal : oc A l'église, l'inconvénient eut été trop grand. Au Trocadéro, le point de vue liturgique restait secondaire. » Ce n'est pas notre avis. Même limitée à sa Caisse de secours, l'U. M. C. O. était en cause. On produisait une œuvre reli- gieuse pour lui assurer des fonds. Moralement, l'Union couvrait l'entreprise et donnait son acquiescement au programme. On peut tenir compte des difficultés que notre con- frère nous fait connaître, sans souscrire à ceci : « D'autre part, la possibilité basée sur l'expérience, d'un succès financier; les premiers fonds si ardemment cherchés, trouvés enfin, avant l'assemblée générale de juin, il leur a semblé (aux organisateurs) de leur devoir d'agir, mettant l'action et la charité au-dessus des considérations d'école et des goûts de tel ou tel. » Voilà le mauvais argument. Il est trop facile, même dans une bonne intention, de borner aux choses pratiques (point négligeables, certes!) l'objet que « l'ac- tion et la charité » peuvent se flatter de servir, et de baptiser « considérations d'école » les principes pour lesquels l'esprit milite par devoir, aussi ardemment que charitable- ment. En matière de liturgie et surtout d'esprit liturgique, l'idée comme la chose est définie et la voie est tracée (Motu proprio). Ce n'est pas une affaire de goût, encore
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moins d'école. Les maîtres de chapelle n'ont pas le choix. Et leur Union les engage; mais elle peut subir les circonstances. C'est ce qui s'est produit. Admettons l'embarras où s'est trouvée l'Union, quand le zèle de ses amis lui a imposé le Stabat de Rossini qui devait faire recette, mais pas l'explication libérale où « l'action et la charité » trop dimi- nuées, n'ont qu'un but utilitaire et perdent de vue Vidée — en l'espèce l'idée liturgique sans laquelle les membres de TU. M. C. O. perdent tout simplement leur raison d'être.
Les idées mènent le monde et l'idée liturgique fait corps avec le catholicisme. Pen- sons-y toujours et parlons-en sans cesse! Si elle était forte parce que comprise, l'idée liturgique serait respectée, et d'abord des « amis » de l'Union qui n'ont pas eu l'air d'en tenir compte. La gravité du fait, c'est cet oubli ou cette indifférence, c'est, vérifiée une fois de plus, la pression du monde par qui tout dévie et à cause de qui on déroge. On, c'est nos confrères, c'est l'Union, les chanteurs d'Eglise et parfois nous-même. On n'a pas toujours le dessus dans la lutte. Encore faut-il lutter et ne pas chercher une justifi- cation à côté. Quand l'esprit est en jeu, il faut être intraitable. La charité, c'est : pas de concession à l'erreur et au mensonge. Sinon tout glisse. Voilà pourquoi il faut une critique entière. Atténuée, elle manque son but. Notre humanité n'est que trop portée aux compromis qui lui nuisent. Que viennent faire les « personnes » dans ce qui inté- resse la marche des idées et, avec les bonnes idées, le progrès de tous? Ceci n'est pas pour notre confrère qui ne voile aucun reproche sous sa rectification. Il nous dit qu'il faut juger en connaissant « tous les faits de la cause ». Soit. Nous en ignorions quelques- uns. Mais par une simple réflexion B. Loth nous a livré l'esprit qui court. Cet esprit est pour beaucoup dans la réapparition du Stabat de Rossini au Trocadéro. C'est lui, cet esprit, le responsable. Le reste n'est que contingence et accident. Aux aimables lignes révélatrices plus que justificatives de notre confrère voulant dégager l'Union, les «organisateurs» du concert, lui-même (secrétaire de l'U. M. C. O.) et beaucoup de monde, nous répondons, nous, sans nous arrêter au détail vrai qui l'occupe et qui nous convainc partiellement : — Veillons!
(25e anniversaire du Motu proprio.)
A. Trotrot-Dériot.
CHRONIQUE DES CONCERTS
Au moment où on demande aux rédacteurs leurs articles pour « composer » le numéro de novembre, les concerts n'ont pas encore repris. Il ne sera pas inutile de pro- fiter de ce répit pour parler un peu de la musique mécanique.
Elle s'impose actuellement à nous par deux voies principales : le phonographe et la téléphonie sans fil. La seule question qui nous intéresse ici est la suivante : Ces manifes- tations de la musique mécanique ont-elles un caractère artistique, et sont-elles suscep- tibles d'être suivies par des musiciens dignes de ce nom?
En ce qui concerne le phonographe, on peut répondre par l'affirmative : tous les enregistrements sont loin d'être parfaits, mais il y a tout de même des réussites. J'ai en- tendu cet été des scènes de Parsifal, dans lesquelles il n'y avait rien à reprendre ; dans
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bien des cas, on est parvenu à conserver le timbre caractéristique des voix et des instru- ments. Dès lors le phonographe cesse d'être un appareil de laboratoire ou un instrument de curiosité, et il mérite de prendre place — à un rang que l'avenir déterminera — dans la cité de l'Art.
Pour ce qui est de la T. S. F. on est loind'en être là : il n'y a guère que la voix de soprano qui soit reproduite sans déformation. Quand il s'agit de l'orchestre, on ne peut distinguer le violon de la clarinette; les basses demeurent indistinctes. D'autre part, on ne peut encore éliminer les parasites qui troublent trop souvent la réception. Pour le moment du moins, la T. S. F. ne peut donner à l'amateur le même plaisir que l'artiste, en chair et en os, entendu à la salle de concert.
La T. S. F. pourrait néanmoins remplir un rôle utile en diffusant de la bonne musique. Je n'apprendrai à personne qu'il n'en est rien. Et on touche là le point névralgique de la question. Du moment que la musique devient un article de bazar, il faut qu'elle s'adapte aux goûts de la clientèle — exprimé par des référendum, des enquêtes dans les journaux de T. S. F., etc. Si le résultat des votes donne la moitié plus une voix à la mu- sique de jazz ou de caf'conc', les commerçants de T. S. F. donneront tous leurs soins à vulgariser ces genres-là, au grand dam de l'Art ; c'est la « démocratisation » de la mu- sique. La T. S. F. qui pourrait être un merveilleux outil d'éducation musicale, ne fait que favoriser les goûts les plus bas de gens, qui, pris autrement,- pourraient être instruits de ce qu'est la vraie musique, et y prendre plaisir.
Le même inconvénient existe avec le phonographe. Mais ici, l'amateur éclairé évi- tera de lui-même les disques de mauvaise musique, au lieu qu'en T. S. F. on est obligé de « prendre » ce qu'on vous donne. Un coup d'œil jeté sur les programmes de la Radio- diffusion montre que ce n'est pas brillant : on a encore fort à faire pour que le résultat d'un plébiscite de T. S. F. désigne comme gagnants Bach, Beethoven ou Wagner!
E. Borrel.
LA MUSIQUE SACRÉE AU DIOCÈSE DE BAYONNE
Mgr Gieure est, parmi les évêques de France, l'un de ceux qui se sont le plus pré- occupés de faire écho à la grande voix de Pie X, en matière de musique sacrée.
Les périodiques liturgiques et les Revues musicales ont mentionné, en leur temps, les initiatives fécondes, prises à ce sujet par le zélé prélat : congrès, journées grégo- riennes en sa cathédrale, journées décanales et paroissiales, bulletin religieux, transformé une fois par mois en bulletin musical, grand'messes quotidiennes durant les exercices des retraites ecclésiastiques, manuel diocésain grégorien, réglementation très minutieuse du chant liturgique dans les nouveaux statuts synodaux, lettre pastorale sur le chant collectif des fidèles et les moyens de le promouvoir, lettre à MM. les Supérieurs et Pro- fesseurs des Grands et Petits Séminaires, et l'ordonnance qui la complète, rendant obli- gataire pour tous l'enseignement, théorique et pratique, de la musique sacrée, et insti- tuant des examens annuels avec notes, et par-dessus tout, inspection annuelle des séminaires et des établissements d'enseignement secondaire, et rapport, très détaillé, par
laponne 197
l'inspecteur diocésain, distribuant à bon escient, et en toute sincérité, éloges ou critique, signalant les défaillances ou les progrès, indiquant les remèdes à opposer à celles-là, les causes explicatives de ceux-ci.
Que toutes ces mesures et initiatives aient contribué à rendre particulièrement effi- caces et opérantes dans le diocèse de Bayonne, les instructions de Pie X, en matière de musique sacrée, il n'est, pour s'en convaincre, qu'à voir l'estime où est tenue la pratique du chant collectif, le nombre et la qualité des Scholas en pays basque et dans le Béarn, il n'est, aussi, qu'à lire le rapport de l'inspection musicale des établissements libres et des séminaires, en 1928, publié, récemment, dans le Bulletin religieux. Le rapporteur — M. l'abbé Dartiguelongue, curé de Saint-Martin de Biarritz, ancien maître de chapelle à la cathédrale — avait été obligé d'accuser un léger fléchissement pour l'année scolaire 1926-1927. Il a été d'autant plus heureux d'avoir à constater et à noter le redressement opéré au cours de l'année 1927-1928.
Heureux diocèse! L'élan y est donné et bien donné. En douteriez-vous ? Dans ce cas apprenez qu'au collège de l'Immaculée-Conception à Pau, la Schola compte plus de 100 membres sur 258 élèves, et celle de Saint- Joseph d'Oloron 40 sur 105 élèves, apprenez que dans les autres collèges Saint-Louis de Gonzague de Bayonne et de Biar- ritz, dans les petits séminaires de Nay et d'Ustaritz, les écoles cléricales de Mauléon, Moucade, Hasparren, la maîtrise épiscopale, le rapporteur s'est trouvé — bien qu'à des degrés divers — en présence d'un travail théorique sérieux, d'exécutions d'ensemble très soignées, voire artistiques, de voix assouplies et disciplinées.
Ah! le temps n'est plus où, si on ne pouvait douter, en les entendant chanter, que ces jeunes gens et ces enfants étaient bien les fils non dégénérés d'une vaillante race; il était impossible de ne point penser, à part soi, qu'ils abusaient un peu de la splendide, boîte de résonance que constituent leurs robustes poumons.
Oui, heureux diocèse, bien propre à être cité en exemple, puisque, aussi bien dans les séminaires et collèges libres, la musique et l'étude du chant sacré n'y sont pas regardés — ainsi que dans tant d'autres — comme des articles de luxe réservés à des privilégiés ou à ... quelques originaux, encore moins comme des divertissements sans importance.
Enfin, est-il beaucoup de grands séminaires en France, qui aient une culture esthé- tique et grégorienne si développée qu'ils prennent goût et trouvent charme et profit à pénétrer les secrets du travail d'adaptation ou d'élaboration, chez les centonisateurs ou les compositeurs de nos mélopées liturgiques? En est-il beaucoup, surtout, qui puissent se glorifier de compter 80 élèves étudiant l'harmonium?
Ce dernier détail a inspiré au rapporteur cette réflexion où percent des regrets mais aussi une légitime fierté : « Le grand séminaire nous prépare une génération de jeunes prêtres, je ne dis pas artistes, mais bien mieux outillés que nous, les anciens, pour faire exécuter, dans les paroisses, de la bonne et saine musique religieuse. »
En attendant, et vu les résultats déjà obtenus, on peut, sans trop de présomption, escompter que les chants liturgiques du congrès national eucharistique qui doit se tenir à Bayonne, en juillet 1929, seront d'une splendeur sans pareille.
I. Dupont.
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ITALIE
L Association Italienne de Ste Cécile vient de publier les Actes de son XIVe Congrès National, tenu en avril dernier. Un fascicule spécial du Bolletino Ceciliano, portant les nos ^_g_g.1o, les publie.
Les comptes rendus qu'ils contiennent, les discours et rapports qu'ils donnent, sont pleins d'intérêt, à la fois sur l'activité de l'Association et sur la marche, timide encore, mais continue, du mouvement de réforme musicale en Italie, en même temps que pour les leçons pratiques que l'on peut tirer, partout ailleurs, des observations rapportées. L'ouvrage s'ouvre et se clôt, tout naturellement, par des lettres et discours de S. S. Pie XI aux promoteurs et aux membres du Congrès. Le Pape, se félicitant de ce que le neu- vième centenaire du célèbre voyage de Guy d'Arezzo à Rome soit ainsi fêté, en tire des rapprochements entre les travaux de ce moine musicien, et l'activité des « Céciliens » ; ils doivent aider à la restauration du chant grégorien et à la rénovation de la musique sacrée. Pie XI s'appuie énergiquement sur les directives, les volontés et les lois de Pie X, dont l'année actuelle amène précisément le premier jubilé de vingt-cinq ans. Il insiste sur la participation des fidèles aux cérémonies et au chant grégorien, et tout particu- lièrement à la psalmodie.
L'un des rapports principaux du Congrès est celui de Mgr Casimiri : Scolae Çan- torum et chapelles musicales en Italie ; nourri de faits, ce rapport vivant et délicieux, éminemment pratique, ne craint ni ne ménage personne. Comment, dit-il aux autorités ecclésiastiques, vous vous plaignez que devant la crise des chantres et des maîtres de chapelle, vous ne trouvez personne pour les remplacer? « Mais, depuis vingt-cinq ans que le Motu proprio de Pie X est promulgué, un bon sujet... avait le temps de naître, de grandir, d'être ordonné prêtre, et d'avoir fait toutes ses études de chant dans un centre de culture musicale. » Les conclusions sont faciles à tirer, en France comme en Italie. L'éminent directeur de chœur qu'est Mgr Casimiri déplore aussi comment on laisse partout crouler les maîtrises d'enfants, en se contentant des « Enfants de Marie » plus ou moins nombreuses : « Est-ce que les Enfants de Marie peuvent remplacer une Schola Cantorum paroissiale? » Enfin, les moyens : ceux ordonnés — en vain — par Pie X, et au commencement de tout, que les Chapitres et les Fabriques donnent des honoraires suffisants aux maîtres et aux chantres : en passant, Mgr Casimiri entre même en des détails pratiques.
De plus, avec sa grande autorité et son expérience, il s'élève contre les chœurs trop nombreux que l'on veut avoir. Il rappelle comment dans la solennité fameuse de l'érec- tion de l'obélisque delà place Saint-Pierre, pour laquelle Palestrina composa son célèbre Vexilla régis à cinq voix, le chœur qu'il dirigeait, devant des milliers de spectateurs, comptait en tout et pour tout dix-neuf exécutants, y compris le chef. Et en plein air! Exemple frappant de l'excellence de la musique a cappella.
Très pratique aussi le rapport Orgues et Organistes à l'Eglise, par l'excellent pro- fesseur romain Mgr Manari. Il passe en revue ce que doit être l'orgue d'église ; au sujet de sa composition, montre ce qu'était l'orgue italien à l'époque de Gabrieli et de Fresco- baldi, avec des listes de jeux à l'appui, et dans quelle direction l'orgue doit, à l'église profiter des découvertes ultérieures, afin de pouvoir jouer facilement « l'universel Bach»
3talie - &msst 199
parmi les classiques, et les meilleurs modernes, ceux surtout qui suivent les règles don- nées par Pie X. Mgr Manari cite avec précision les règles pratiques à prendre pour assurer un bon recrutement des organistes et un choix convenable de leur répertoire.
M. le Chanoine Dr Borghezio traite de la Contribution des hommes et des jeunes gens catholiques au chant des fidèles. Là aussi, l'éminent bibliothécaire à la Vaticane, qui est en même temps homme d'action, offre à l'assemblée des vues éminemment pra- tiques. Utilisation des « œuvres » catholiques dans le sens liturgique demandé par Pie X organisation à faire par le clergé, aidé des maîtres de chapelle et organistes, pour suppléer entre autre, « aux matériaux avariés » que l'on utilise encore aux processions extérieures, de belles laudi en rapport avec le culte demandé par l'Eglise. Et ici, M. le Chanoine Borghezio cite nommément ces importations faites de France par les pèlerins, pour le déshonneur de la musique sacrée, telles que Nous voulons Dieu ou A u ciel, au ciel, au ciel...
Je ne puis ici passer en revue tous les actes de cet intéressant Congrès. Remarquons cependant encore que cette substantielle brochure donne la partition de la Missa Cho- ralis de l'éminent compositeur Or. Ravanello, à une ou à quatre voix, alternant avec le chant grégorien de la messe Orbis factor et le Credo IV. Sobre et facile, cette œuvre, publiée à l'occasion du Congrès est très bien construite et d'une agréable sonorité. Les versets grégoriens, destinés à la foule, sont exactement transcrits sur la notation Vaticane sans addition d'aucune sorte, que quelques épisèmes soulignant divers accents toniques.
En résumé, les Actes du XIVe Congrès de la Sainte-Cécile italienne sont un récon- fort et un modèle, abondant en leçons pratiques dont on peut partout profiter.
Gr.
SUISSE
M. l'Abbé Joseph Bovet; M. Aloys Fornerod.
LaTribune de Saint-Gervais a reçu de M. l'Abbé J. Bovet, l'excellent musicien reli- gieux suisse, zélé et distingué inspecteur de la musique au diocèse de Fribourg, l'admi- rable programme illustré publié à l'occasion de l'exécution de sa Messe du Divin Ré- dempteur, qui eut un si grand succès à la cathédrale de Fribourg, lors de la célébration, en mai, du vingt-cinquième anniversaire de la fondation du « Chœur mixte » de cette église. En attendant que nous puissions donner une analyse de cette messe, qui n'est point publiée, disons au moins la beauté de la présentation de ce programme analytique; orné de sept grands panneaux scéniques et symboliques de M. Henri Broillet, artiste, peintre à Fribourg, il a été réalisé par les ateliers de la « Sadag » (Société Anonyme des Arts Graphiques) de Genève, en une splendide édition, formant un in-4° petit de 3g pages et couverture.
Précisément, sous le titre : « Un musicien et un Apôtre », un numéro des Annales de cette année présente un intéressant portrait de M. l'Abbé Bovet, sous la signature de Pierre Deslandes. Nous sommes fort heureux d'en reproduire ici les principaux traits :
« Chez M. l'Abbé Joseph Bovet [que l'on vient de mettre en parallèle avec Jaques- Dalcroze]... démêlez le musicien, le patriote, l'apôtre. Sa musique s'inspire tout droit de l'antique tradition locale, celle de ce Ranz des Vaches qui ne cesse d'émouvoir tous les mondes minuscules du pays romand. Son patriotisme — mot bien gros pour un si délicat
200 €a tribune k &a\nt~<ê>exva\&
sentiment — est fait de cet foi inusable, de cette rude et calme volonté, de cette rêverie sans fadeur qui donnent le ton à l'âme de Fribourg.
L'apôtre... Si vous aviez vu, comme moi, l'Abbé Bovet, dans un quelconque casino d'une petite ville du pays de Vaud protestant, révéler à un immense auditoire — dans un éloquent, un respectueux silence — les trésors du chant grégorien, vous eussiez saisi d'un coup le pouvoir de la plus grave musique sur les plus simples âmes. Une confé- rence de Franciscain, chargée de bonne grâce et d'humour, sur le plus beau des sujets . Et cette foule écoutait la musique oubliée, comme on contemple un trésor inattendu... »
Détachons aussi, puisque nous louons nos amis de Suisse, ces quelques lignes, d'une chronique de M. Herman Lang, admirable chef de l'Union Chorale de Lausanne, à pro- pos de notre collaborateur Aloys Fornerod (qui lui-même tient les chroniques musicales de la Tribune de Lausanne). Après avoir relevé que la musique de M. A. Fornerod ne contient aucune de ces « outrances » qui caractérisent tant d'œuvres modernes, M. H. Lang ajoute :
« Seulement, il convient de se débarrasser, à son égard, de certains préjugés; les mêmes qui jadis, au nom d'un formalisme routinier, condamnaient l'œuvre vraiment novatrice de César Franck et la qualifiaient de musique savante.
« Dans le désordre de la musique moderne, M. Fornerod, passionnément, a cherché à voir clair. Il a constaté l'omnipotence, l'hypertrophie de la musique instrumentale : l'or- chestre-roi, le piano tyrannique accaparant tout dans leur puissance déformante. Il est remonté aux sources mêmes de la musique, à cet art grégorien, berceau de notre civi- lisation musicale. Il s'est en toute humilité mis à l'école des anciens. Le motet, le madri- gal, les formes les plus raffinées de la polyphonie vocale n'ont plus de secret pour lui. Combien y a-t-il de musiciens dits arrivés qui puissent en dire autant?
<c Ainsi armé, sûr des bases de son art, ses convictions bien arrêtées, M. Fornerod besogne en toute sécurité dans sa calme retraite du Mont. Il y édifie, jour après jour, une œuvre qui, par l'extrême économie des moyens (elle rappelle par ce côté Couperin et Rameau) par sa valeur constructive, par sa sévère beauté, s'impose aux suffrages des musiciens.
<i Ces qualités font tout le mérite des Trois motets dont la révélation nous fut donnée il y a quelques années déjà. Elles ont pris toute leur ampleur dans la Messe brève que l'ensemble vocal a cappella Motet et Madrigal sous la direction de M. Henryk Opiensky, donna en première audition.
« Qu'on ne se représente pas M. Fornerod dans les traits d'un ascète. Il aime et goûte la plaisanterie. Sa musique sait être gaie, malicieuse même. Témoin les six Chan- sons que M. Kunz, ténor, anima de sa musique.
« Les deux pièces de piano firent les délices de chacun. La Sonate en si majeur, pour piano et violon, marque le sommet du concert. C'est là une œuvre originale, d'une coupe, d'une langue très personnelles... »
Rappelons que A. Fornerod a donné, dans les Editions Musicales de la Schola, la belle Messe brève pour les Fêtes de la Sainte Vierge, que vient de louer le précédent chroniqueur.
O. T.
Cf0 Cbrfô 201
LES LIVRES
HISTOIRE ET ÉVOLUTION DES FORMULES MUSICALES, </w î* au xv* siècle de l'ère chrétienne, par A. Machabey, docteur ès-lettres. In-8° de 280 pages. 25 francs. — Paris, Payot.
M. Machabey a voulu réaliser ce qui n'avait jamais, sur un plan aussi complet, été tenté sur la formation et l'explication de ce qui caractérise, depuis les derniers siècles du moyen âge, le matériel musical de l'Occident : l'échelle majeure, l'échelle mineure, la « cadence parfaite ». Je me hâte de dire que son travail, extrêmement détaillé, est réa- lisé avec une conscience méticuleuse. Les opinions, cependant, émises en cours de route par l'auteur, ne sont pas pour autant démontrées.
Pour M. Machabey, l'origine de la gamme majeure, qui a prévalu peu à peu en Occi- dent depuis le ixe siècle, doit être cherchée dans l'art celtique : mais qui "connaît la mu- sique celtique?... Il existe beaucoup de chants « majeurs » dans le répertoire liturgique mozarabe, et les chants traditionnels marocains et syriens. Et, le seul chant que l'on puisse, dès le xie siècle, citer comme vraisemblablement d'origine celtique, M. Machabey le passe sous silence : c'est le lai latin sur la prise de Jérusalem par les croisés.
Quelques-uns des détails que l'auteur avance sur le chant liturgique, avec lequel il est peu familiarisé, sont controuvés, et ses hypothèses hasardées. Où M. Machabey, par exemple, a-t-il pu prendre l'interprétation qu'il donne au sujet de l'emploi d'instruments dans les chants religieux, du 11e au vie siècle ? (pages l5 et suivantes). Quand il s'agit de semblables accompagnements, chez les Pères et les écrivains ecclésiastiques, c'est pour des chants profanes et extérieurs. Mêmes confusions sur le rôle de la danse populaire et des évolutions accompagnant certaines cérémonies liturgiques, p. 26 et autres; sur les prescriptions d'Agobard de Lyon (p. 38-3g) au sujet de prétendus « Noëls » ! Au ixe siècle !
Ces petites taches, et quelques autres confusions du même genre, ne portent point tort à la thèse de l'auteur, mais elles empêchent que l'on puisse s'appuyer sur ses réfé- rences, sans les avoir soigneusement vérifiées et exactement interprétées.
Si le livre de M. Machabey est appelé à une seconde édition, — ce que je souhaite, —
il serait nécessaire que l'auteur fit une révision sévère des textes cités par lui, en en
mettant l'interprétation au courant des recherches les plus modernes.
A. Gastoué.
HISTORIQUE DES ORGUES DE LA BASILIQUE SAINT- JUST ET SAINT- PASTEUR DE NARBONNE, par Joseph Rivel, délégué paroissial aux travaux de restauration. Gr. In-120 de 104 pages, plusieurs héliogravures. Narbonne, imprimerie Brille et Gautier, 1927. Vendu au profit de l'Œuvre : 10 francs.
C'est un petit livre bien vivant et intéressant, que cette histoire et description du fameux orgue de Narbonne, par M. Rivel. Encore que l'auteur s'excuse de n'avoir pu lui donner la forme qu'il avait rêvée, ce livre étant composé de tirages à part du bulletin paroissial, l'amateur ou l'érudit trouvera là tout ce qui concerne un instrument intéres- sant, depuis la composition de l'orgue de Narbonne au xve siècle jusqu'au 68 jeux actuel, si bien mis au point par M. Puget, l'éminent facteur de Toulouse. Des photographies donnent l'ensemble et les détails du prodigieux buffet de Moucherel, œuvre unique dans l'art de la « hucherie » des grandes orgues. A. G.
202 £a tribune îre 0atnt- (Reniais
LA MAITRISE DE LA CATHÉDRALE DE METZ (1917-1927), notice historique publiée par les soins de M. l'Abbé J. Fœdit. In-12 de 38 pages. Plusieurs phototypies. Metz, Imprimerie Lorraine, 1928.
Intéressante plaquette, où nombre de maîtrises, de cathédrales comme d'autres églises, pourront puiser des leçons sur l'organisation et les conditions de vie actuelle des héritières d'une antique Schola Cantorum. Le rôle important de M. l'Abbé G. Villier dans cette refonte, et lors du beau Congrès de 1922, y est pleinement mis en lumière, et l'excellence de leurs résultats judicieusement soulignée.
I. LA FAUNE DES ORGUES, histoire anecdotique et scientifique des Organicoles et des Organophages, in-8° de 52 pages, 70 gravures et photos, 6 tableaux de parasito- logie. — II. LA FLORE DES ORGUES, histoire anecdotique et scientifique des Flo- rales accidentelles et parasitaires, in-8° de 16 pages. Par E. Perrier de la Bathie, Ingé- nieur agricole. Le n° I, franco, 7 fr. 80; le II, 4,85; chez l'Auteur, Ugine (Savoie).
Délicieuses autant que scientifiques plaquettes. M. Perrier de la Bathie, à la fois organiste et organier, et de plus spécialiste d'histoire naturelle, a décrit de façon humo- ristique les ennemis de l'orgue, et donné les formules précises qui permettent d'y remé- dier. Tous les organistes devraient posséder ces brochures pratiques.
L'EDITION MUSICALE
Fugue en ut mineur, de W. A. Mozart, transcrite pour orgue, avec toutes indications analytiques relatives à sa construction et à son exécution, par Marcel Dupré. Paris, Leduc. Prix temporaire, l5 francs.
Dans l'immense étendue de l'œuvre de Mozart, nombreuses sont encore les pièces dignes d'intérêt, et ignorées, — nous en publierons quelque jour ici même. — De celles-là, l'éminent organiste M. Dupré vient de détacher cette fugue à peu près inconnue, en ut mi- neur, qui donne, du talent de Mozart dans l'art du contrepoint et de l'imitation, une haute opinion (ce qu'on savait déjà). Mais ici, le jeu expressif du sujet et du contre-sujet, les altérations parfois rudes et les chocs des appogiatures, déterminent un chromatisme souvent d'une modernité étonnante. M. Dupré, en annotant pour l'exécution à l'orgue cette œuvre, a bien mérité de la musique : mais rares seront les virtuoses aptes à bien faire ressortir les détails de ce chef-d'œuvre du savoir faire de Mozart, encore que tous les musiciens aient intérêt à le connaître et l'étudier.
On pourra remarquer avec intérêt le rapprochement à établir entre cette œuvre du
maître autrichien, et les pièces similaires de Clementi, à la présentation desquelles nous
avons aussi songé, dans une disposition analogue.
A. Gastoué.
Nous rendrons prochainement compte des Mémoires de missions de recherches de 1' « Œuvre du chansonnier populaire de Catalogne », dont nous avons reçu le superbe volume I, fascicule 2; — et de l'ouvrage de M. Harvey Grâce sur V Œuvre d'orgue de J.-S. Bach.
fies Menues 2o3
LES REVUES
Petite Maîtrise, n° 184. — A. Trotrot-Dériot, La messe « O nuict, heureuse nuict » de J. Samson, critique complète et très poussée de cette œuvre non encore éditée, exécutée en concert à la cathédrale de Bourges avec un grand succès ; en résumé, « dans son envergure, la messe O nuict marque trop souvent, à notre avis, des tendances contraires — idée générale et musique — à ce qui nous paraît faire le prix du style et de l'expression naturelle, en particulier à l'église. » — Encartage : // est né, le divin Enfant, à une et deux voix et orgue, par J. Samson; c'est la réduction de la belle har- monisation à quatre voix, du même auteur, que nous publions aujourd'hui.
Revue du chant grégorien, XXXI, 5. — Dom G. Gontard, Place et rôle liturgique des clercs et des laïques, étude très détaillée, historique et pratique, de l'emplace- ment de chacun au chœur et au sanctuaire. — Dom L. David, Echos et mélanges, où il est question de Dom Pothier, de feu Houdard et de notes d'ornement, excellent article, sur le sens du mot « ornement » pris dans son acception large et musicale, des nuances de mouvement dans le chant, où tel climacus ou scandicus sera exécuté en triolet. D. David montre que cette façon de faire était celle de Dom Pothier; je suis person- nellement heureux d'appuyer ce souvenir, ayant maintes fois eu la même remarque à faire, et la même interprétation à proposer. — A. Gastoué, Note sur 1' « Ave salus mundi », salutation au T.-S.-Sacrement publiée dans un précédent numéro, et dont les origines peuvent remonter au xie siècle.
Revue grégorienne, XIII, 5. — Dom de Sainte-Beuve, suite de l'étude sur les répons de saint Fulbert de Chartres, avec le chant du Stirps Jesse, dont le motet publié aujour- d'hui par nous est précisément une glose en « organum fleuri ». — H. Potiron, La mo- dalité grégorienne, le rôle du bémol, chapitre extrait d'un livre récent, à quoi répond justement Dom J. Jeannin dans l'article que nous donnons de lui en ce moment. On peut d'ailleurs ajouter que plusieurs des critiques faites par M. Potiron sur l'Édition Vaticane portent à faux, car les passages incriminés par lui sont conformes à tel fameux manuscrit du xe-xie siècles, tel l'« Antiphonaire » de Montpellier.
Revue de Musicologie, 27. — Signalons spécialement les études de : A. Tessier, sur La carrière versaillaise de la Lande, qui intéresse fort l'histoire de notre musique religieuse française; de E. Borrel, Les indications métronomiques laissées par les auteurs français du XVIIIe siècle,très précieuses pour le mouvement des pièces anciennes ; de L. Bataillon, sur une Restauration des orgues de la cathédrale d'Evreux de 1774 à 1786, avec maint détail piquant sur les relations du chapitre et de la fabrique avec l'organiste et le facteur.
Revue liturgique et musicale, tel est désormais le titre de la revue pratique de liturgie et de musique sacrée de Lille, qui commence sa XIIe année, et recommence à I le numérotage de ses fascicules.
204 #a tribune îre 0atnt- (Semais
ESPAGNE
Revista musical Catalana, 297. — Ce numéro renferme un très important rapport de Pasqual Borda, sur la vie de la célèbre société musicale YOrféo Catala, dirigée par notre ami Lluis Millet, et tant applaudie à Paris il y a quelques années, et à Rome l'année dernière. Un de nos collaborateurs prépare un résumé de cet intéressant mémoire. — Dans le même numéro, commencement d'un article de J.-M. Thomas sur L'orgue du Palais des Beaux-Arts, de Barcelone, construit en 1888 avec transmissions électriques, et sur lequel Gigout, puis Widor, donnèrent de magnifiques récitals.
ANGLETERRE
Musical Times, 1027. — Une note de Roy Head, avec exemples notés, montre que Mendelssohn, qui a maintes fois utilisé des thèmes ou des fragments de chorals alle- mands, non seulement dans ses œuvres d'orgue, mais dans son trio en ut mineur, la fugue pour piano en mi mineur, etc., a employé aussi des hymnes anglaises. Le mouve- ment lent de sa sonate d'orgue n° 6 a pour motif, en 6/8 au lieu de 3/4, du ton connu sous le nom de « Rockingham »; le Prélude en sol majeur est basé sur le cantique des « Innocents » et rythmé de même, au lieu de 4/4.
AMÉRIQUE
The musical Quarterly, XIV, 3. — Rev. Léo P. MANZETTi,le maître de chapelle du Grand Séminaire de Baltimore, a donné un bel article sur Palestrina et le sens de sa musique religieuse, avec la place qu'elle tient dans l'art du xvie siècle, article illustré de fac-similés artistiques, portrait authentique du maître, sa signature en italien, et l'auto- graphe de son célèbre Popule meus.
The Catholic Choirmaster, bulletin officiel de la Société de Saint-Grégoire d'Amé- rique, publié chez J. Fischer et Bro., New- York, nous arrive avec une délicieuse couver- ture partie reproduisant, partie imitant un manuscrit noté du xme siècle, le texte étant remplacé, en lettres anciennes, noir et rouge, par le titre de la revue. Cet intéressant et pratique fascicule contient une revue d'ensemble des résultats obtenus aux Etats-Unis, à propos de L'observation du jubilé d'argent du Motu proprio, qui sera solennisé en nombre d'endroits à partir du 22 novembre de cette année, et dont les musiciens d'église américains projettent de continuer la commémoration à travers toute l'année 1929. — La même revue contient un article de James Whittaker visant à rendre compte du conflit entre S. E. le Cardinal Dubois et la Société des Auteurs, à Paris; il nous semble n'être pas extrêmement bien renseigné, sur le rapport pécunier de la musique d'église, quand il dit que « d'un trait de sa plume, Mgr Dubois a rejeté des millions (!) de revenu mu- sical » pour les musiciens qui ont collaboré au répertoire des églises de Paris. Hum !!!
MOTET POUR, PAQUES
à 4 Voix mixtes, en deux parties
IMMOLABIT HGEDUM, ALLELUIA!*
JEAN GUYOT
(Châtelpt,) 1512-1588
TRADUCTION On Immolera un agneau -alléluia! _pour la multitude des enfants d'Israël au soir de Pâques: Et on mang-era sa chair avec, des pains azymes, alléluia! La Pâque immolée pour nous, c'est le Christ, -alleluial -nourrissons- nous donc des azymes de la sincérité et de la Joie -."Et-
Moderato
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*La. restitution de ce. motet est_due à M. Ant. Auda transcription en réduction moderne daprès l'édition orig-inale de Tilman Susato, de 1545 . Voir Tribune de St Gervais.n? de Mars 1928
Répertoire des"CHANTEURS de S* GE.RVAIS" nouvelle série .
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Editions Musicales de la Scbola Cantorum
269, rue S1. Jacques , Paris, Ve. S. 2001 C. Tous droits réservés
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Motet à 4 Voix mixtes
Transcrit en notation
moderne, mesuré et annote'
par A. TROTROT-UÉRIOT
RENAUD MEL
XVI e Siècle
TRADUCTION. O Jésus-Christ, aie pitié' de moi, quand Je languis de douleur.
O Seigneur, tu es mon espérance. J'ai crié vers toi, aie pitié de mol.
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Cette pièce a été montée d'un ton: l'Original est en Fa. Sol? correspond au timbre le plus favorable. (in conseille la? si les dessus sont, des Voix d1Enfants . A.T..D.
Répertoire des"Chanteurs de Saint-Gervais," nouvelle série. Editions Musicales de la Schola Cantorum
269, rue SÎ Jacques, Paris V'.' S.2002C. Tous droits réservés
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Motet, à 6 Voix en deux parties . _ IL" Partie
Annoté par MICHEL ROUY Directeur Fondateur des Chanteurs Palestiniens de Marseille Transcription un ton plus bas que l'original
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♦Transcrit diaprés le manuscrit français 12.483 de la Bibliothèque Nationale Rythmé et harmonisé par A. GASTOUE*
Editions Musicales de la Schola Cantorum 269, rue SÎ Jacques, Paris, Ve.
S. 2004 C.
Tous-droit» réservé»
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MISERICORDIAS DOMINI
Motet de Jubilation à 4 voix mixtes
JOSQUIX DES PRES (vers 1450 1521)
TRADUCTION .. Les miséricordes du Seigneur, je les chanterai éternellement; par la miséricorde du Seigneur, tout a été créé; de la miséricorde du Seigneur, la terre est remplie; c'est par la miséricorde du Seigneur que nous ne sommes pas anéantis .
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Re'pertoire des "CHANTEURS de S* GERVAIS ',' nouvelle série. Éditions Musicales de la Schola Cantorum
269, PUB St" JaaqU.eS, PariS, VI S. 2005 C. Tous droits réservés
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SACERDOS ET PONTIFEX
pour un saint Evèque, ou pour l'entrée d'un Evèque
Paraphrase de l'antienne grégorienne Choeur à 2 voix inégales (ou à 3, alto ad libitum) avec orgue
C._A. COLLIN
Organiste d<\ grand Orgue de Notre Dame. Rennes .
TRADUCTION.- Prêtre et Pontife, ouvrier des vertus,* prie pour nous le Seigneur. on: (ainsi tu fus agréable au Seigneur.) Alléluia.
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*Nota _ .On dit. les paroles £.sec placnisti Domino'^ pour la réception, d'un évêque
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à JOSEPH BONNET Organiste du Grand-Orgue de S! Eustacht
JUBILATE DEO
Offertoire pour Grand Orgne
Z'i Dimanche après l'Epiphanie ou 4t après Pâques
A Dieu votre Jubilation par toute la terre: chantez le psaume en l'honneur de eôn nom. venez, écoutez-moi et je vous raconteral,vouB tous qui craignez le Seigneur. quelleB jçrandeB choses le Selg-neur a faites pour mon âme, Alléluia
ALB. BERTELIN
Editions Musicales de la Schola Canto.ru m 26<»,rue S ! Jacques, Paris, Vp.
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Transcrit et annoté
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D'après les manuscrits dp Trente publiés par G. Ailler.
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S.2006C.
Tous droits réservés
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""" Lrorig,inal porte ici. suivant l'ancien usagée, les paroles: Hosanna in e.vcelsis.
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SANCTUS
à l'Unisson avec accompagnement
Transcrit et annoté par A. GASTOUÉ*
J. TAPISSIER
vers 1400-1420. Ecole Parisienne
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Dessus ou Hautes Contres
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* D'après Tunique manuscrit, conservé au trésor d'Apt Transcription un ton plus haut.
Éditions Musicales de la Schola Cantorum 269, rue St; Jacques, Paris, V?
S.2007C.
Tous droits réservés
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S. 3003 C.
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SANCTUS ET AGIVUS
de la Messe à deux Chœurs Dédiée à Louis XIII
Transcription, réalisation
et annotations de
A. GASTQUÉ*
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NICOLAS FORME
Maître de la musique du Roy 1567-1V3&
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(SOLISTES) An.dan.te
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(Gd CHŒUR) SOPRANO
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BASSE I.
BASSE II
Réduction et réalisation à l'Orgue.
Obi. Péd. 8 et 16
"^D^après l'édition orig-inalejimiqup exemplaire connu à la Bibliolhèque Ste. Geneviève — Transcription un ton plus bas.
Editions Musicales de la Schola Cantorum 269, rue S^ Jacques, Paris, V?
S. 2008 C.
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Pour la Cérémonie du " Transitus"ou Commémoration de la mort de S* François d'Assise (4 Octobre) Pour Soprano solo, Chœur à 4 Voix mixtes et Orgue
Teite de RENÉ CRAMOISAN, O.F.M.
Musique de GEORGES FAVRE
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1. Le Saint vient de mou - rir!...
2. Les siè _ clés ont pas _ se: —
3. Grand Pau _ vre fra.ter - nel, _
O Pè - re,dont l'âme est simple et
le mon- de toujours bé _ nit ton é _ cou _ te pri . er tes fils de
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Fran _ ce. Gar _de leur tou~ jours
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S. 4001 C.
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Décembre 1926 Hit u don Grav.
Pour la Schola grégorienne de Roanne
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Motet à 3 Voix de femmes, a cappella
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(Graduale) à 4 Voix mixtes et Orgue
Extrait de la Messe de KEQUIEM en Ut mineur
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O BEATUM PONTIFICEM Antienne à Sti Martin
à 4 Voix mixtes
TRADUCTION. _ 0 bienheureux homme, dont l'âme possède le paradis! Reste avec nous pour toujours.
Abbé REMON
Maître de Chapelle
de la Cathédrale de Tours
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S. 3007 C.
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S, 3007 C
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2 'POINTS D'ORGUE" en triple
sur un Alléluia du VII* ton
M.D: R. Basson Hautbois et Flûte douce. M.G: P. Cromorne, Bourdon . Ped.: Jeux doux 16 et S .
Suivant les jeux que l'on emploiera pour faire ressortir le chant des deux claviers, on pourra.avec des jeux aigus, prendre la partie de la main droite une octave plus bas. On peut aussi prendre les deux parties manuelles sur un même clavier, en ajoutant flûte de 4 et nasard 2 ?
Publiés et annotés par A.GASTOL'E
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à 2 Claviers
Andantlno quasi moderato
PEROTIN le grand
(vers 1180-1236)
Editions Musicales de la Schola Cantorum 269, rue S?1 Jacques, Paris, V.e
S. 2701 C.
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8TIRP8 JESSE Motet Grégorien à une Voix et Orgue
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Transcrit et annoté par A. GASTOUE*
École Limousine X.I* Siècle
TRADUCTION.— La tige de Jessé a germé un rameau fleuri, et sur la fleur l'Esprit consolateur s'est reposé. Le rameau a produit un fruit: celui par qui vivent les siècles. De la tige de David na- quit le rameau mystique qui ainsi fleurit et porta la fleur. Le rameau de Jessé, c'est la Vierge, Mère de Dieu; la fleur, c'est son Fils et son Père. A cette fleur, produite hors des lois de la nature chan- tent justement les choeurs des saints: Louange, (ter) Jubilation, puissance, et règne sans fin au Maître des Gieux.
Vif et bien accentué, rythme libre
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Éditions Musicales de la Schola Cantorum 269, rue Sî Jacques, Paris, V?
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Noël populaire
Harmonisé à 4 voix mixtes par J. SAMSON
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Chœur réduit
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III IY, Y.
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De _ puis plus de qua _ tre mille ans
Ah! qu'il est beau,qu'il est char _ mant!
Une é _ table est son lo . ge _ ment,
Il veut nos cœurs il les at _ tend;
Par _ tez, ô rois de l'O . ri _ ent!
O Je _ sus, ô roi tout puis _ sant!
Nous le Ah que Un peu Il vient Ye _ nez
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pro_ mettaient ses grrâ.ces de paille est en fai_re vous u - nlr tit enfant
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De - puis Ah! qu'il Une é
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rois de |
l'O |
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sus, |
o roi |
tout |
puis |
a Tempo
ans Nous at _ ten.dionscet heu_reux temps.
_mantl Qu'il est doux, ce di _ vin en _ fant!
-ment, Pour un Dieu quel a _bais.se * ment!
„ tend; Qu'ils soient à lui dès ce mo _ ment.
- ent! Ye M nez a _ do_rer cet en _ fant!
_ sant! Ré _ gnez sur nous en „ tiè » re _ ment.
Il est
S. 4002 C.
NOEL8
pour les instruments
2 Flûtes (ou 1 FI. et 1 hautb.)
2 Violons
Alto
Violoncelle et Contrebasse
Accompagnement au clavier
M.-A. CHARPENTIER
Paris,+1704 Transcrit et annote' par A. GASTOUÉ*
I. A LA VENUE DE NOËL
Allegro modto
1er y0" Solo
FLUTES VIOLONS
ALTO
VIOLONCELLE CONTREBASSE
Basse continue et réalisation
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«D'après les manuscrits originaux de l'auteur, à la Bibliothèque Nationale de Paris.
Éditions.Musicales de la Schola Cantorum 269, rue St Jacques, Paris, V?
S. 2501(1) C.
Tous droits réservés
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CANTIQUE DE PAQUES
à 4 Yoix mixtes
Paroles et Musique de Marie NOËL*
Harmonisation de Paul BERTHIER
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* Paroles et air extraits du recueil de cantiques de Jacques Debout et Henri Élie,avec autorisation spéciale.
Editions Musicales de la Schola Cantorum 269, rue S* Jacques, Paris, Ye
S. 4003. C.
Tous droits réserves
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NOUVELLE SÉRIE SOUS LA DIRECTION DE
A. GASTOUÉ et A. TROTROT-DÉRIOT
SOMMAIRE DU N° 1 - MARS 1928
Vincent cTIndy : Vœux de bienvenue.
Auguste Sérieyx : Primauté du grégorien.
A. Gastoué : Documents latins du moyen âge sur le chant byzantin.
F. Raugel : Notes sur les Grandes Orgues de Paris.
A. Trotrot-Dériot : Le « Requiem » de Berlioz.
Notre supplément : 3 motets anciens : Jean Castileti (Chatelet), Motet pour Pâques, à 4 voix mixtes; Renaud Mel, O Jesu Christe, à 4 voix mixtes; Palestrina, Tu es Petrus (lre partie), à 6 voix mixtes.
A. Trotrot-Dériot, E. Borrel, Paul Berthier, nos correspondants : Le mouvement liturgique et musical, Paris, Province, Étranger.
La Rédaction : L'Édition Musicale; Les Livres; Les Revues; Nécrologie.
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choisies et publiées avec notes par FÉLIX RAUGEL,
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(assez facile) 2. »
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Sainte-Vierge (assez facile) 2.50
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difficile) ; la partition I3-5°
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GUY ROPARTZ. 2 Motets à 3 voix égales et orgue (assez faciles),
pour première messe ou jubilé sacerdotal ;
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Abbé FABRE . . Messe de Requiem, alternée avec le chant
grégorien, à 3 voix égales (facile) . . . 2.50 Nouvelle édition, soigneusement révisée, de cette intéressante et pratique composition.
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LA PETITE MAITRISE
N" 170. — GAY, Tota pulchraes, 2 v. ég. — RAFFAT DE BAILHAC, Reine des Anges, cantique, refr. à 2 v. ég. — Fr. BELATIEN-JOSEPH, Bone Pastor sur le thème liturgique, 2 v. ég. — GOURCY (de), Invocations à la Sainte Vierge, 3 v. ég. — CALLIER, Anges sur vos blanches ailes, cant. pour l'Assomption, à l'unisson. — CANTON, Ave maris stella, 2, 3 et 4 v. m.
\To jp _ FABRE, Salut à 3 v. ég. ou inég. — CIVIL y CASTELLVI (harm. par), Miseremini grégorien. — TICHY, Pie Jesu, ténor ou soprano. — SAINT-REQUIER, Ave verum corpus, soli et 3 v. m. (S. T. B). — CALLIER, Sub tuant protectionem, unisson. — DAUMER, Notre Père, chœur à l'unisson.
N° 174. — BRUN, Berceuse de Noël, unisson. — SÉRIEYX, Hodie Chrislus natus est, d'après l'antienne liturgique, 1 et 2 v. — ALAIN, La Nativité, prose-cantique à l'unis- son. — DAUMER (harm. par), GuillenU, vieux Noël. — LEFAUQUEUR, Entre l'âne et h bouvelet, 1, 2 et 3 v. ég. — SAMSON (harm. par), Noël nouvelet, xve s., 1 et 2 v. — WAILLY (de), Missa brevis : Gloria, 2 v. ég.
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LA Tribune de Saint-Gervais reparaît, grâce aux soins constants apportés à l'amélioration de nos publications par l'Administra- tion des Éditions Musicales de la Schola Cantorum.
Tribune de Saint-Gervais, ce titre est un programme. Il rappelle les jours où Ch. Bordes, avec ses « Chanteurs », faisait rayonner sur toute la France les chefs-d'œuvre grégoriens et palestiniens, de concert spirituel ou d'art populaire. C'est sous les voûtes de l'église Saint- Gervais que prit corps la première forme de notre Schola Cantorum, et que cette même revue naquit. Après quelques années de silence, interrompue par la guerre, puis victime des circonstances économiques, la Tribune renaît.
Fidèle à son programme de toujours, missionnaire — avant la lettre, — du « Motu proprio » de Pie X, notre revue maintiendra les droits, la défense, la connaissance de la musique religieuse, de la musique d'église surtout, sous toutes ses formes légitimes. Elle ne se privera pas pour cela de quelques incursions sur les domaines qui l'avoisinent,tels que l'art ancien, l'enseignement, les théories musicales.
Rajeunie et modernisée, agrandie dans son format, élargie dans ses cadres, la Tribune de Saint-Gervais repart, vaillante, pour une nouvelle série d'années : à nos lecteurs, à nos abonnés, de les rendre longues et prospères.
La Tribune paraît tous les deux mois, par fascicules de 32 pages in-8°, plus un encartage de musique ou de documents inédits. — Elle contient des articles de fond, historiques et esthétiques, techniques et pratiques, de documentation ou d'action, sur tous les aspects de la musique religieuse. — Les « Nouvelles Musicales » et la « Chronique des Concerts » font de La Tribune de Saint-Gervais une revue très vivante, que vient encore compléter une Bibliographie très étendue, avec une Revue des revues très détaillée. — Enfin, des « Variétés » permettent à la rédaction de sortir du cadre ordinaire et d'intéresser ses lecteurs à un certain nombre de questions ressortissant à la musique.
La Tribune de Saint-Gervais est composée et tirée par les maîtres- imprimeurs Ducros et Colas, à Paris.
Les manuscrits d'articles et d'études de fond doivent être envoyés à M. A. GASTOUÉ. — Tout ce gui concerne le " Mouvement liturgique et musical", à M. A. TROTROT-DÉRIOT. — Les ouvrages envoyés pour Biblio- graphie, simplement au nom de LA RÉDACTION de la Tribune de Saint- Gervais, à la Schola Cantorum, 269, rue Saint-Jacques, Paris, Ve.
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