N . ■■ i! :;*; 1 iSi LEÇONS SUR LA PHYSIOLOGIE ET L'ÂNATOMIE COMPAREE DE L'HOMME ET DES ANIMAUX TOME PREMIER l'ari-.. - Inpiinierie lie L. IMarti.vet. rue Mignon. '2. LEÇONS SUR LA PHYSIOLOGIE ET L'ANÂTOMIE COMPARÉE DE L'HOMME ET DES ANIMAUX FAITES A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS FAR u. iiii.Mi: En^v.%RD!«i 0. L. H., C. I.. N. Doyen de la Faculté des sciences de Paris, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle; Membre de l'Inslilut (Académie des sciences) ; des Sociétés rovales de Londres et d'EdiiJilioiu'a: ; des Académies de Stockholm, de Saint-Pétersbourç:, de Vienne, de lierlin, de Konig'sberg, de Copenhague , de Bruxelles et de Naples ; de la Société Hollandaise des sciences , de l'Académie Américaine ; De la Société des Naturalistes do Moscou ; des Sociétés Linnéenne et Zoologir|ue de Lojidres; de l'Ac;ulémie des sciences naturelles de Philadelphie ; du Lycéum de Niiw-York ; des Sociétés d'Histoire naturelle de Munich, Somerset, Montréal, l'ilo Meurice ; des Sociétés Entomologiques de France et de Londres; des Sociétés Ethnologiques d'Angleterre et d'Amérique, de l'Institut historique du Brésil; De l'Académie impériale de Médecine de Paris ; des Sociétés médicales d'Edimbourg, de Suède et de Bruges; de la Société des Pharmaciens de l'Allemagne septentrionale ; Des Sociétés d'Agriculture de Paris, de New -York, d'Albany, etc. TOME PREMIER PARIS LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON PLACE DE L'kCOLK-DE-«ÉDECINE M DCCC LVII Droit de traduction réservé. M. J. DUMAS SÉNATEUR, ME:\IBRE DE l'LNSTITUT DE FRANCE, PROFESSEUR DE CHI.MIE A LA FACULTK DES SCIENCES, ETC., ETC. Mon cher et savant ami , Lors(iue nous étions l'un et l'autre au début de notre carrière , je vous ai dédié mon premier opuscule , parce que déjà à cette époque vous étiez un des hommes ([ue j'aimais et que j'estimais le plus. Cn tiers de siècle s'est écoulé depuis ce temps , et ce sont les mêmes sen- timents qui me dictent aujourd'hui le nom insciit en tète de cet ouvrage. Mais ce n'est pas seulement en souvenir de notre vieille et constante amitié que je viens vous offrir encore une fois le fruit de mes travaux : recevez aussi ce livre comme un témoignage public de la haute valeur que j'attache aux découvertes dont la science vous est redevable. MILNE EDWARDS. Paris, au Janliii des Plantes, ce 1 1 janvier 1857. LEÇONS SUR LA PHYSIOLOGIE ET L'ANATOMIE COMPAREE . DE L'HOMME ET DES ANIMAUX. PREMIÈRE LEGON, Introduction. — Considérations générales suc le mode de constitution du Règne Animal — Tendances de la Nature dans la création des êtres animés. Messieurs, § 1. — Ces leçons ont pour objet l'i'tinle de la vie et de ses ^^-^^ instruments dans l'ensemble du Règne animal; ou en d'autres J"''°"'"^- mots, la physiologie rjénérale et Vanatomie comparée des êtres animés. A mes yeux, la pbysiologie et l'anatomie sont des parties inséparables d'une seule et même seienee. Non-seulement elles se prêtent un mutuel et nécessaire appui, mais leur but est commun, et elles doivent se conlondre sans cesse dans la pensée de tous ceux (jui, à l'exemple d'Aristote, cherclientà connaître la nature des animaux. Quel intérêt, en effet, le philosophe trouverait-il dans l'étude de la structure intérieure de tous ces êtres, si cette étude ne se liait, dans son esprit, à celle des fonctions de leurs organes? et comment pourrait-il acquérir {9 11 2 INTRODUCTION. des idées saines touchant les facultés dont les corps vivants sont doués, s'il restait dans l'ignorance des agents matériels ou instruments à l'aide des(iuels ces tacultés s'exercent? Pour résoudre de pareilles questions, il suffit de les poser nettement, et, par conséquent, je ne m'arrêterai pas davantage à motiver l'union intime que je me proi.ose de maintenir toujours ici entre l'investigation des phénomènes de la vie et l'examen des organes (jui servent à les produire. § 2. — Ne croyez pas cependant que, si j'attache une si grande importance aux études anatomiques, c'est parce que J'attril)ue au moded'arrangemcnt de la matière dont les Animaux sont composés le merveilleux ensemble de propriétés vitales dont ces êtres sont doués, et (lue, suivant les errements de quelques écoles physiologiques, je considère l'organisation comme étant tout dans l'économie des corps vivants. Non : les pro- priétés physiologi(pies de l'Animal ne sont pas, à mon avis, une conséquence de sa structure, mais la raison d'être de celle-ci. Chacune de ces machines admirables, en naissant dans la main du Créateur, me semble avoir été appelée d'avance à exercer une série d'actes déterminés, et porter en elle le germe de la puissance qui la fera agir, avant .pie .l'être [)nurvuc des instru- ments nécessaires à l'exercice de celte tbrce. li y a toujours harmonie entre les fonctions et les organes ; mais ce qui donune dans l'être auinié et commande en quchpie sorte ia nature qui lui sera pi'opre, c'est la manièiT dont les forces qu'il met en jeu doivent s'exercer dans son organisme, et non la manière dont ses organes sont constitués (1 ). Développer ici ces vues, si contraires aux idées des matéria- (1) La nature propre de chaque qui doit en provenir, nuiis le siège Animal est fixée longtemps avant que, de la force organogéniqne qm dé- celai - ci ait ancime des parlicula- terminera Fédilication de cet être rites de structure à l'aide desquelles nouveau. Gela se verra quand nous cette nature se manifestera. Le germe étudierons la génération des Ani- n'est pas une miniature de Tanimal maux. CONSIDÉRATIOAS GÉNÉRALES. 3 listes, serait chose prématurée, car ce n'est pas sur une cori' naissance superficielle de la Création qu'elles reposent. Elles se justifieront sans peine, à mesure que nous avancerons dans l'étude de la physiologie comparative; mais je ne vous deman- derai pas de les admetire au rang des vérités démontrées, jus- qu'à ce que vous ayez vu avec moi comment cha<|ue animal se développe et porte en lui le principe du genre de vitalité propre à son espèce, hien avant que d'avoir dans sa structure rien qui soit en rapport avec son mode d'activité l'ulurc ou (pii le distingue d'autres individus dont les facultés et les organes seront diftcrcnfs. Je le répète, ce serait prématuré d'insister en ce moment sin^ des considérations de cet ordre ; mais il m'a sem- blé utile de caractériser dès le début de cet enseigneuient la conclusion générale (pii en sortira. § o. — Les phénomènes que les corps vivants offriront à notre étude sont en partie des conséquences des lois de la physique et de la chimie qui régissent l'univers, et je m'appli- querai à mettre en évidence ces liens entre la nature inorga- nique et les êtres organisés; mais il en est d'autres qui ne trouvent aucune explication dans ces lois générales, et ([iii ne se produisent que là où il y a vie. On est donc conduit à les considérer comme dépendants d'une force qui serait propre aux corps doués de ce genre d'aclivité, et à personnifier en quelque sorte cette puissance par une dénomination spéciale, de la même manière qu'on le fait pour les forces physiques qu'on appelle lumière ou chaleur, par exemple, sans que cette désignation implique aucun jugement sur la nature intime de ces agents, et donne nécessairement l'idée ni d'un ilnide ni d'im mouvement vibratoire. Ce n'est pas avant d'avoir étudié (ouïes les circonslances dans lesquelles le principe vital se manifesie, que nous pourrons chercher utilement s'il est possible de nous former (pieUiue idée de sa nature cl des lois auxfiuellcs il est assujetti, ^iais je crois devoir, dès aujourd'luii, vous niettie en Il INTRODUCTION. garde contre des opinions erronées que vous rencontrerez cer- tainement dans vos lectures. Les physiologistes représentent souvent la force vitale connne étant en opposition avec les forces générales de la nature, et comme soustrayant la matière organisée à l'influence des puissances chimiques (1). Or, ce n'est pas de la sorte que nous la verrons agir; elle peut exercer nne influence plus ou moins grande sur le jeu des affinités, et elle détermine souvent la production de composés qui ne se forment pas en son absence; mais cet ordre de phénomènes n'implique aucune lulte de forces contraires, et rappelle seule- ment ce qui se voit tous les jours dans le Règne inorganique, lorsque le développement des affinités ordinaires de la cliimie est excité ou arrêté par l'inlluence d'agents physiques, tels que la chaleur ou l'électricité. Les êtres vivants ne sont pas sous- traits à l'action des forces générales delà Nature, mais ils sont soumis en même temps à l'iniluence de la vie, qui est aussi une force, et qui leur appartient en propre. C'est la vie qui coordonne les forces chimiques et physiques, de façon à produire les phé- nomènes dont les corps organisés nous offrent le spectacle, mais elle ne s'y substitue pas et n'en arrête pas les effets. Le physiologiste doit, par conséquent, étudier avec soin la série des réactions cliimiqucs et des phénomènes physiques dont l'organisme peut être le siège; mais il ne faut pas croire que dans la machine animée tout puisse s'expliquer par le jeu de ces forces, et je dois attacher non moins d'importance à bien mettre en lumière ce qui dépend de l'intluence de la puissance vitale, force sans laquelle aucun être organisé ne pourrait même commencer à exister (2). p,^_^ ^ [^ — Deux voies me sont ouvertes pour vous initier a la connaissance des phénomènes dont je vais vous entretenir. Je (i) Ciivier, Leçons d'anatomie corn- tant plus nécessaire que dans ce mo- parée t. I, p. 2. "i^'i^ '^^'^ idées fort analogues à celles (2 Cet énoncé m'a semblé d'au- dont je fais la criiique se produisent de ces lo^on? CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 5 pourrais vous tracer le tableau de l'état actuel de la science en vous ])arlant de ce que nous savons, sans m'occuper de la manière dont ces connaissances ont été acquises ; c'est la sous nne nouvelle forme el sont net- tement formulées par quelques cbi- mistes d'un grand mérite. Les écri- vains de celte école ne voient dans les phénomènes de la vie que le résultat des forces physiques et chimiques qui régissent la nialière inerte ; ils repous- sent toute idée de l'existence d'une force qui ne se manifesterait que dans les êtres vivants, et ils s'imaginent que le moment n'est pas éloigné où, d'après les lois connues des combinai- sons chimiques ou des pliénomènes de la physique générale, on expliquera la naissance de la pensée aussi bien que la formation des èlres organisés. Pour montrer jusqu'à quel point cette physiologie toute chimique ou pure- ment mécanique est portée, il me suffira de citer quelques passages du dernier ouvrage publié sur ce sujet par un professeur célèbre de l'une des grandes universités de l'Alle- magne, VL Lehmann. « Gomme on ne peut guèi'e démon- » trer l'existence d'une force dite n vitale , appartenant exclusivement » aux corps organisés, tous les phéno- » mènes propres aux êtres vivants » doivent pouvoir s'expliquer par les » lois de la physique et de la chimie : » ces lois seules nous donneront la » clef des phénomènes de la \ ie ; aussi » dans un avenir peu éloigné, la phy- » siologie animale sera-t-elle entière- )) ment réduite aux seuls principes de » physique et de chimie («). » Dans un autre passage du même livi'e. M. Lehmann assimile le ji'u du système nerveux à l'action des mus- cles ou au travail sécrétoire des glandes", et, dans le chapitre traitant des forces et lois des mouvements organiques (6), il s'explique plus com- plètement, et assure que l'hypothèse d'une force vitale n'est rien moins que logique ; puis, un peu plus loin, parce que le bichromate d'ammo- niaque, sous l'influence de la cha- leur, donne naissance à un corps dont la forme rappelle celle des feuilles de thé, il pense que le développement du poulet dans l'intérieur de l'œuf (et par conséquent la génération de tous les êtres vivants animés ou inanimés) dépend de forces du même ordre, et doit rentrer dans le domaine exclusif de la physique et de la chimie (c). Un autre pliysiologiste, à qui l'on doit un travail intéressant sur les fonctions du système nerveux, a im- primé dernièrement dans \ç:^ Archives de Millier, que bientôt sans doute la psychologie ne sera plus qu'une bran- che de la mécanique (r/). La large part que je me propose d'accorder ici à l'étude des phéno- mènes physiques et chimiques dont les êtres vivants sont le siège m'im- posait le devoir de prémunir mes (a) Précis de chimie physiologique animale, par Lehmann, traduit de l'allemand par M. Drion. Paris, 1855, p. 7. (b) l.ehmann. Op. cit., p. i9i. (c) I.etiniann, Op. cit., p. 20S. (rf)Fink, Vêler die Hirnfiinction QA'ùWev's Archiv fiir Anatomie und Phusiologie, 1851, p. .185). 6 INTRODUCTION . marche suivie d'ordinaire dans nos éeoles, et elle a l'avanlage de la concision et de la force. Ou bien je puis arriver au même but en vous faisant assister aux découvertes successives à l'aide auditeurs contre les exagérations aux- quelles cette étude a pu conduire quel- ques esprits d'élite. Du reste, c'est seu- lement après avoir traité de l'origine et du développement des animaux, qu'il me sera possible de discuter à fond les questions que je viens de soulever. Je me bornerai donc à ajouter ici que les idées développées dans cette leçon ne , sont pas en désaccord avec les opi- nions de tous les chimistes. Ainsi M. Dumas, dans les beaux travaux qu'il a faits en commun avec Prévost sur la génération, pose en fait qu'il existe chez les animaux deux ordres de phénomènes dont les uns sont sus- ceptibles d'une explication purement physique et dont les autres supposent un principe immatériel (a). Je citerai aussi à l'appui de ces vues le passage suivant emprunté aux écrits d'un autre chimiste dont l'opinion fait également autorité dans la science. Après avoir dit que c'est principa- lement à la chimie qu'il appartient d'expliquer les transformations que les êtres organisés fout subir à la matière des aliments qu'ils puisent au dehors pour se les assimiler, M. Chevreul ajoute : « Mais je conviens que tous les » phénomènes de la respiration, de la » circulation, des sécrétions, de la di- )) gestion et de l'assimilation seraient » expliqués |)ar les sciences mécaui- » ques, physiques et chimiques, que » vraisemblablement nous ne serions » guère plus avancés que nous le » sommes sur la cause première de » la vie ; car si ces phénomènes sont » réellement des effets dont les causes )) procliaines rentrent dans le domaine » des sciences que nous venons de » nommer, il est évident qu'il y a au » delà une cause plus générale, dont » l'effet, réduit à l'expression la plus » sinq^le, se révèle dans le développe- » ment progressif du germe et de )) l'être qui en provient ; et ici je » n'examine pas la question de la » préexistence du germe ou de son ori- » gine par épigénie. C'est bien effecti- » veulent la puissance qu'a le germe » de se développer peu à peu aux dé- » pens du monde extérieur, de ma- » nière h représenter l'être dont il » émane et à reproduire des êtres sem- » b'abies à lui ; c'est cette puissance, )) dis-je, dont l'action nous échappe » à son oiigine, et ne se manifeste à » nos sens que quand le germe appa- » raît déjà comme corps organisé, qui » est le fait capital de l'organisation, le » mystère de la vie. Car l'être vivant n ne peut se développer avec la con- » stauce que nous observons dans sa » forme et les fonctions de ses or- » ganes, sans qu'il y ail une harmonie » préalable entre toutes ses parties et » les conditions extérieures oîi son 1) existence est possible ; par consé- » quent, sans" que toutes les forces )) auxquelles nous rapportons immé- » dialement les piiénomènes de la vie » soient balancées dans leurs opposi- » tions, coordonnées dans leurs actes » successifs, de manière à concourir (a) Nouvelle théorie de la génération, par MM, Prévost et Dumas ( Annales des sciences natu- relles, iKSi, t. I, p. 'J). CONSIDÉIIATIONS GÉNÉRALES. 7 (lesquelles h scienee physiologique de nos jours s'est lentement constituée; vous montrer comment clinquc vérité acquise a conduit à une vérité nouvelle, et dire comment chaque grand résultat a été préparé avant que d'a[)paraître aux yeux de l'homme de génie qui y a attaché son nom, ])arce qu'il l'a posé sur des bases solides. Cette méthode d'exposition vous paraîtra peut-être longue et parfois fatigante ; mais j'ai la ferme conviction de sq supériorité lorsqu'il s'agit, non-seulement d'instruire de jeunes éhidiants, mais de former des investigateurs destinés à venir à leur tour reculer les bornes de la science. Pour vous apprendre à marcher dans la voie des découvertes, je ne saurais mieux faire, ce me semble, que de vous dire comment nos devanciers en physio- logie ont été conduits à découvrir tout ce que nous savons. Ces considérations d'utilité pratique auraient pu suffire pour déterminer mon choix; mais les raisons dont je viens de parler ne sont pas les seules qui me portent à préférer la méthode d'exposition historique et progressive. C'est, à mon avis, un spectacle plein d'intérêt et d'enseignements utiles que celui du dévelo[)pement graduel d'une science, des progrès de l'esprit humain dans la recherche du vrai, et des efforts con- tinus sans lesquels aucune conquête importante ne saurait s'effec- tuer. C'est une erreur de croire qu'une science quelconque ait » toutes vers un jjut unique. Eli bien, » jetties à une forme déterminée, sus- » il est évident pour moi que ce qui » cep;ii)le d'accroissement régulier aux » distingue essentiellement le corps » dépens du monde extérieur. En dé- » organisé du corps brut, ce n'est pas » finilive, je n"ai jamais aperçu aussi » la nature des forces auxquelles nous » clairement qu'aujourd'liui combien » rapportions immédiatement les phé- » il y aurait peu de raison à suppo- » nomènes de la vie, mais bien la » ser tiuc celui qui aurait expliqué » cause première du balancement mu- » la digestion, Tassimilalion, la respi- » tuel de ces forces et de leur coordi- » raliun, la circulation et les sécré- » nation pour maintenir la vie dans » tions, serait en état d'expliquer la » un assemblage de molécules assu- » vie (a). » (a) Appendice au sixième Mérnoive des liecherches chimiques sur la teinture, par M. Clicvrcul {Mémoires de l'Acadcmic des sciences, 1853, t. XXIII, p. 32). 8 lîSTRODllCTlON. atteint l'Age viril dès sa naissance, et soitsortie ducervean de l'in- venteur arniée de pied en cap, comme la JMinerve de la [)oésie antique. Chaque question s'est mûrie lentement; et si c'est pour tous une lâche ingrate et fastidieuse que de ra[)]»eler la longue série des opinions fausses ou incertaines dont elle a pu être l'ohjet, c'est au contraire une œuvre utile et pleine de charmes (au moins pour celui qui l'entreprend) que de montrer comment la lumière s'est faite. En vovant la manière dont la science s'est constituée et a grandi peu à peu, on en saisit mieux l'esprit et les méthodes ; on apprend à connaître les hommes aussi bien que les choses, et l'on s'inspire d'un juste respect pour les travaux des investigateurs de la Nature, lors même que les fruits de leur labeur n'auraient pas encore apparu ; car dans celte étude on rencontre maints exemples de faits qui, restés longtemps stériles et négligés, sont devenus tout à coup le germe d'une grande découverte lorsque le moment était arrivé pour en comprendre la portée, et qu'im homme de génie était venu y apposer son cachet. En traitant de cliacun des points dont l'étude doit nous occu- per ici, je présenterai donc une histoire succincte des i)rogrès réels de cette partie de la science, et l'on remarquera bientôt, je pense, qu'en suivant de la sorte Tordre clironologique des découvertes qui sont connexes, je suivrai en même temps Tordre logique des idées ; car les connaissances acquises à une époque sont toujoin\s les préliminaires naturels et souvent nécessaires des découvertes qui vont surgir, et Tenchaînement des faits dont une science s'enrichit successivement est d'ordinaire en accord avec les relations que ces faits doivent conserver dans noire esprit. Ce n'est hi des erreurs des observateurs, ni des o])inions contraires des écrivains, que je me propose de vous entretenir; c'est le récit des conquêtes réelles de la science physiologique (pie je viens vous faire. C(>^S1DÉRATI0^S GÉNÉRALES. 9 Je vous indiqiiorai ninsi, en passant, les sonrees on nons devons jiniser ponr eonijtléler nos élncles ; ear, dans ini conrs connue cchii-ei, le i)roressenr doit bien se gai'der de vouloir tont dire, et il doit désirer surtout enseigner à ai)|)rendre. Je in'a|)pli(|ucrai aussi à mettre en lumière les eonsé- (jnences à déduii-e (k> laits ([ue nous fournissent l'observa- tion ou rexpérience, et à coordonner ces laits de manière à en former un ensemble rpie l'esprit accepte. Part conséquent, à la narration des découvertes viendront se mêler nécessaire- ment la discussion des résultats qui en découlent et l'exposé des tbéories à l'aide desquelles on groupe les faits et l'on Ibr- mule les idées générales qui les résument. Dans quelques écoles de jibysiologie, on professe un grand dédain pour les vues ilv Icspril, et l'on répète à eliaque instant (jue les faits seuls ont de l'imporlance dans la science; que le pliilosoplie véritable doit se borner à les em^egistrer. Mais c'est là encore, cerne semble, une grave erreur. Une pareille pensée serait excusable chez un ouvrier obscur qui, employé sans relàebe à tailler dans le sein de la terre les mat('riaux d'un vaste édifice, croirait que le rôle de l'arcliitecte ne consiste qu'à entasser pierre sur i)ierre, et ne verrait dans le i)lan tracé d'avance i)ar le crayon de l'artiste (pi'un jeu de son imagina- tion, une fantaisie inutile. Mais l'ouvrier carrier lui-même, s'il ne restait pas dans son souterrain, et s'il voyait tous les blocs informes qu'il en a tirés se réimir sous la main du maître ponr constituer le Partbénon d'Athènes ou le Colisée de Rome, comprendrait (jue la science de l'arcliitecte n'est pas une science inulile, lors même que le monument créé par son génie ne devrait avoir qu'une durée éphémère, et que les d('bris de l'édi- lice tombé en ruines ne serviraient plus tard que de matériaux pour des constructions nouvelles. Il en est de même pour les théories dans la science : ce sont elles qui y donnent la forme et le mouvement ; qui servent de lien entre les faits dont la réu- 1. 2 10 INTHODLCnON. nion en inisceaiix est une des eouilitions de leur emploi utile; (jui iiuident et excitent les ex{)]orateurs dans la voie des décou- vertes. La chimie moderne est là pour attester l'utilité des théo- ries, bien que ces créations de Tesprit soient destinées le plus souvent à ne durer que jieu de temps, et doivent tomber dès (|ii'elles se trouvent en désaccord avec les résultats fournis par l'observation des choses. Exclure les vues théoriques de l'his- toire des phénomènes de la vie, serait priver les sciences natu- relles d'un élément qui leur est nécessaire, et, dans les études auxquelles je vais uic livrer avec vous, je ne crois pas devoir négliger l'usage de leviers aussi puissants, tout en m'appliquant à n'en l'aire qu'un sage emploi (1). Il me semblerait inutile d'appeler votre attention sur la dis- (1) Pour montrer que je n'exagère pas les tendances dont il m'a paru nécessaire de faire ici la critique, il me suffira de citer quelques lignes du résumé par lequel un professeur illustre du Collège de France terminait son cours de physiologie à Tépoque où je commençais mes leçons à la Sorbonne. « La découverte bien constatée d'un » fait, disait Magendie, est plus pré- » cieuse pour moi que les rapprociie- » menls les plus brillants, rapproche- » menls qui d'ailleurs ne servent à » rien, ne mènent à rien qu'à faire » ressortir le mérite, le talent oratoire » du professeur. » {Leçons fiur les phénomènes physiques de la vie, par Magendie, t. iV, p. 391.) Du reste, tout en m'élevant contre une toiulancequi me semble mauvaise, je croirais manquer à la justice, si je ne saisissais pas la première occasion pour olfiir un tribut d'éloges à l'ex- périnientaleur liabile et infaligable dont je viens de rappeler les opinions. Magendie a rendu de grands services à la science, non-seulement par les nombreuses découvertes dont il a en- richi la physiologie, mais aussi par la grande impulsion qu'il a su donner à l'examen direct et sévère des phéno- mènes de la vie. Il était remarquable pour l'indépendance de son esprit ; il faisait une guerre incessante à ces mots scolastiques sous lesquels on dé- guise trop souvent notre ignorance de la nature des choses; et il ne se las- sait pas de proclamer la nécessité du secours de la chimie et de la physique dans l'étude des fonctions vitales. Son nom reviendra fréquemment dans le cours de ces leçons, et ses travaux sont trop nombreux pour que je puisse en donner ici une liste; mais j'ajou- terai qu'on lui doit la démonstration du fait important de l'absorption veineuse et de belles expériences sur les fondions du système nerveux. Il débuta dans la voie des recherches vers 1809, et, après avoir siégé pen- dant trente-quaire ans à l'Académie des sciences, il mourut à Paris, en 1855. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. \'\ tinntion que qiip](Hios auteurs modernes onl {'Iierché à ('lablii' euire la physiologie qu'ils a|)|»ollent expériinenlale et la physio- logie d'observation ; la seieneedoit niellre à sou service tous les moyens d'investigation, et elle l'a loujoins l'ail. Pour (b'cou- vrir ce qui est, elle a eu recours à l'observation, c'est-à-dire à la constatation des faits qui existent sans que nous les ayons fait naître, et à l'expérimentation ou étude des faits dont nous déter- miuons la manifestalion ; l'observation cl rcxpériencc sont deux inslruments (pie la main du physiologiste a loujoiu's maniés et qui lui sont également nécessaires. Les moyens d'étude que les sciences physiques lui fournissent aujourd'hui sont, il est vrai, plus puissants et plus utiles que ceux dont dis- posaient nos pères; mais la physiologie expérimenlale n'est nouvelle que de nom, et pour la supposer (r(»i'igine toute récente, il faut ignorer ce que la science doit à nos devanciers. En étudiant ici les phénomènes elles instriunenfs de la vie, je n'aurai à m'occu[)er (pie delà physiologie et de l'analomie des animaux. J'avouerai volontiers mon impuissance à traiter de l'ensemble de la physiologie générale^ qui a pour domaine la Création organique tout entière, et doit embrasser tout c(^ qui est connu dans l'histoire de la vie cIkv. les plantes et les ani- maux: je ne pourrais vous parler avec contiance de ce (pii est du ressort de la botanique, car on ne ])arle utilemeul que de ce qu'on connaît bien, et un professeur de la Facullé de Paris ne doit pas être seulement l'écho des i»aroles d'autrui. ^lais sans sortir des attributs de m\\ chaire, j'ai un vaste champ à explorer. Pour remjjlir ma lâche, je ne dois pas me borner à l'élude des phénomènes et des instruments de la vie ch(V. un animal en particulier: ce n'est i)as la physiologie de l'homme éclairée par des expériences faites sui- les animaux qui doit nous occuper exclusivement, comme cela arrive lors- qu'on traite de cette science en vue de ses a[)plicalions à la mé- decine ; c'est la physiologie des êtres animés en général, (le[)uis It2 IMRODLCTION. les pins simples jusqu'aux plus pnrfnils. Je dois surlouf vous nioutrer coniment les grandes nianilestalions de la vie semodi- iient dans le Règne animal tout entier; comment les instruments variés que la natin^e a mis en usage concourent à l'exercice des facultés dont ces êtres sont doués, et tracer le tableau de ce (ju'il importe le plus de connaître dans l'ensemble de la Création animée, œuvre la plus merveilleuse de toutes les œuvres de Dieu, où chaque chose cependant est une merveille aux yeux de celui (pii sait voir. Pour remplir cette lâche, je me projiose d'étudier successive- ment toutes les grandes fonctions vitales dans le Règne animal tout entier (1 ). Je n(^ m'arrêterai i)as sur les prolégomènes que les physiologistes placent d'ordinaire en téfe de leurs livres, mais qui devraient, ce me semble, en être plutôt le chapitre final. J'en- trerai donc |ires(iue immédiatement dans le cceur du sujet dont nous avons à nous occuper ; mais avant d'aborder l'histoire des actes physiologiijucs, il me parait utile de dire quelques mots sur les lois qui semblent avoir régi la Création animale (2). Des tendances de la IVature dans la constilution des animaux. Diversi(é des èlres. ^5. — Lorsque le physiologiste porte les yeux sur les ani- maux innombrables qui peuplent la surface de la terre ou qui vivent dans le sein des eaux, et que, sans s'arrêter aux diffé- (1) Le nomljrc des leçons dont se compose le cours semestriel de phy- siologie el d'aiiatomie comparée de la Faculté des sciences ne me permet pas de m'élendic également sur This- toire de toutes les fonctions; mais chaque année je traite assez longue- ment d'une parlie de ce vaste sujet, sauf h ne présenter qu'une esquisse rapide du reste, et, tout en satisfaisant aux exigences des programmes de l'enseignement universitaire, je puis de la sorte approfondir tour ù tour les diverses parties de la science. C'est la réunion des leçons principales ainsi réparties dans une série de cinq ou six cours que je me propose de publier dans cet ouvrage. (2) J'ai développé ces vues dans un ouvrage sur les tendances de la Nature dans la constitution du Règne animal, publié, il y a quelques années, sous le titre iV Introduction à la Zoologie générale (1831). d pconomie. TENDANCES DE LA NATURE. 13 renées cxlérieures dont il est d'abord frappé , il observe la manière dont la vie se manifeste chez tous ces êtres, et le m(''- canisme de leur organisation, son esprit reste étonné à la vue de la diversité presque inlinie qu'il y remarque. Les condi- tions d'existence varient, les facultés diffèrent, les instruments, lors même qu'ils sont affectés à des usages analogues, ne se ressemblent pas toujours, et les différences anatomiques ou phy- siologiques se rencontrent, non-seulement d'espèce à espèce, mais entre les divers individus d'une même espèce, et jusque dans le même individu, à diverses épo(iues de son existence. Le premier caractère de la grande Création zoologique semble être en effet la diversité des produits. Mais lorsqu'on vient à étudier avec plus d'attention l'en- _ loi semble du Règne animal, on ne tarde pas à s'apercevoir que la Nature, tout en satisfaisant si largement à la loi de la diversité des organismes, obéit aussi à une loi d'économie; elle n'a pas mis en usage toutes les combinaisons physiologiques possibles, et se montre d'autant plus sobre d'innovations que celles-ci ont plus d'importance. Il semble aussi qu'avant d'avoir recours à des ressources nouvelles pour varier ses produits, elle ait voulu épuiser en quelque sorte chacun des procédés qu'elle avait mis en usage pour obtenir ces dissemblances, et autant elle se montre prodigue de variétés dans les œuvres de la Création, autant elle paraît économe dans les moyens à l'aide desquels s'obtient cette richesse de résultats. § 6. ■ — Parmi les causes qui déterminent les différences phy- nogrés . 1 . Il- • • 1 1 • 1 ''"^ perfection siologuiues dont les annnaux nous otirent des exemi)les si mut- varus. tipliés, l'une des plus puissantes est Y inégalité dans le degré de perfectionnement auquel ces êtres arrivent. Tous les animaux sont, il est vrai, également bien am- stitués pour remplir le rôle qui leur est assigné dans le vaste ensemble de la Création, et, à ce point de vue, on peut dire avec Cuvier qu'ils sont tous également parfaits dans l/j. INTRODUCTION. leur espèce fl) ; mais ce rôle est loin d'avoir toujours la môme étendue et la même importance. Chez les uns , les résultats du travail physiologique sont laihles, obscurs et grossiers ; les actes varient peu et sont d'une simi»licité extrême ; la |)uissance vitale ne s'exerce que dans une sphère étroite, et elle s'éteint promp- tement. Chez d'autres, au contraire, les fonctions se multi- plient à un haut degré; la vie se complique et se prolonge ; les facultés grandissent, et le jeu de l'organisme s'effectue avec non moins de précision que de puissance. En réalité, les animaux sont donc très inégalement dotés : les uns sont supérieurs aux autres sous le rapport physiologique; et comme les fonctions des êtres vivants, de même que le travail d'une machine inanimée, sont nécessairement en relation avec leur structure, il en résulte que les animaux di Itèrent aussi entre eux, par des degrés divers dans le perfectionnement de leur organisme. Pour donner la preuve de cette supériorité relative des uns sur les autres, il sutfit en effet de nommer ensemble l'Huitre, le Colimaçon ou le Poulpe, les Poissons, le Lièvre, le Chien et le Singe. Cette cause de diversité se révèle dans les individus d'une même espèce aussi bien que dans les espèces comparées entre elles, et se reconnaît encore dans les modifications que chaque individu subit pendant le cours de son existence. Le perfechonnement inégal des organismes est donc bien un des caractères de la Création zoologique; et quoique les ani- maux ne forment pas, comme le voudraient quelques i)hilo- sophes, une série naturelle, une sorte de cliaîne, depuis les plus sim{)Ies jusqu'aux plus parfaits, il existe entre ces termes extrêmes une multitude d'intermédiaires, et c'est avec raison (ju'en les comparant sous le rapi)ort physiologique, le natura- liste appelle les uns des animaux supérieurs, les autres des ani- maux plus ou moins dégradés, ou animaux inférieiu^s. (1) Voyez Dnvernoy, Leçoiis sur nisos, professées au CoUcgede Friince, l'hisfoire naturelle des corps orga- 1839, l" fascicule, p. /|. TENDANCES DE LA NATUKE. 15 Nous aurons ù éludicr, par la suile, les divers phénomènes de la vie à eliacun de ces degrés du perleclionnenieni des orga- nismes; mais dès ce moment nous devons chercher [)ar quel genre de procédés ces résultats ont été oblenus. § 7. — La supériorité relative d'un être vivant, de même que j^ fupérTodié. celle d'une machine inanimée, peut dépendre, soit de la puissance d'action dont il est doné, soit de la perfection plus grande avec laquelle ses organes fonctionnent. En effet, dans l'organisme, ainsi que dans le travail de nos usines, la quantité des pro- duits est indépendante de la qualité de ces mêmes produits, et l'importance des résultats obtenus est soumise à deux condi- tions distinctes : à la grandeur des forces mises en jeu, et à la manière dont ces forces sont appliquées. La supériorité d'un animal, i)ar i^apport à ceux auxquels on le compare, peut donc tenir à l'une ou à l'autre de ces causes : à l'intensité plus grande de la puissance vitale, ou à un meilleur emploi de la force dépensée. ' Or, le corps d'un animal se compose toujours d'un asscm- •""«''nco ' " de la masse. blage de parties distinctes qui, en fonctionnant, contribuent, chacune pour sa part, à la production de l'ensemble des phé- nomènes par lesquels la vie de l'individu se manifeste. Il est donc évident que, toutes choses égales d'ailleurs, la somme des forces dont cet organisme dispose doit être proportionnelle au nombre des éléments physiologi(pies qui concourent à le former, et il est non moins évident que , toutes choses étant encore égales d'ailleurs, ce nombre doit être en rapport avec le volume du cor[)S ainsi composé. L'inilucncc du volume d'un organe ou instrument physio- logique sur la quantité des produits sonnol venait de reconnaître pour des animaux. L'ouvrage de Trembley a pour titre : ^Jclnoircs poursercir à l'histoire d'un genre de Polypes d'eau douce, à bras en forme de cornes, 2 vol. in- 12. Paris, 17/i'i. — Cet ob- servateur babile et patient mourut à Genève, en \lSli. Les expériences sur la multiplica- tion des Hydres par division naturelle ou artificielle ont été répétées et va- riées par un grand nombre de natu- ralistes , parmi lesquels je citerai d'abord Rœsel von llosenhol". entomo- logiste célèbre de Kuremberg, et con- temporain de Trembley, qui a con- sacré à ce sujet un chapitre de son ouvrage intitulé : Der Insecten Behis- tijjunfien (vol. III, p. /iGô et suiv.). Enfin, dans ces dernières années, tous ces faits ont été vérifiés de nouveau par L. Laurent, naturaliste distingué, qui a remplacé temporairement Blain- ville dans la chaire de zoologie de la Faculté des sciences de Paris, et qui a publié un travail très étendu sur V Hydre et l'éponge d'eau douce, dans le l'oyage de la llonite (1 vol. in-8, Paris, I8/1/1). TENDANCES DE LA NATURE. 19 individu semblable par sa eonrormalion et ])ar ses faeultés à l'individu dont il faisait priniilivement partie. Il est donc évident que, chez ces zoopliytes, aucun acte de relation, de nutrition, ni de reproduction ne s'exerce à l'aide d'une partie délerminée de l'organisme qui en serait l'instrument nécessaire : car si la faculté de sentir, par exemple, ou celle de se mouvoir, dépen- dait de raction d'un organe spécial, le fragment du corps ren- fermant cet organe aurait été le seul à conserver sa sensibilité ou sa contractilité primitive; tous les autres en auraient été pri- vés par le seul fait de leur séparation. Chez ces animaux singu- liers, que le morcellement multiplie, toute portion de l'organisme est donc un agent commun, un instrument propre à tous les usages auxquels est destinée soit une partie voisine quelcon(pie, soit l'ensemble de l'individu ; la vie se manifeste, comme tou- jours, par une série nombreuse d'actes divers, mais on n'aper- çoit aucune division dans le travail physiologi({ue, aucune spé- cialité dans les rôles assignés aux organes. Il en est autrement dès qu'on s'élève dans chacune des séries d'êtres de plus en plus parfaits dont l'ensemble compose le Règne animal. On voit alors la division du travail s'iutroduii'c de plus en plus coniplétement dans l'organisme; les facultés diverses s'isolent et se localisent; chaque acte vital tend à s'effectuer au moyen d'un instrument particulier, et c'est par le concours d'agents dissemblables que le résultat général s'obtient. Or, les facultés de l'animal deviennent d'autant plus exquises que cette division du travail est portée plus loin; quand un même organe exerce à la fois plusieurs fonctions, les effets produits sont tous imparfaits, et tout instrument [)hysiologiquc remplit (Taiitant mieux son rôle (jue ce rôle est plus spécial. A chaque pas que nous ferons dans l'élude des phénomènes et des instruments de la vie, considérés dans l'ensemble du Règne animal, nous vei'rons siirgii' de nouvelles preuves de la tendance de la nature à perfecliomiei' les ui'ganitmes par la .^^' 20 INTRODUCTION. division du travail, et la vérité de cette loi deviendra si {)romp- tement nianileste à vos yeux, que je puis me dispenser de citer ici aucun exemple à l'appui de mes assertions (1). conséqnoiices ^ jQ. — Ccttc tcndancc à la spécialité dans les fonctions des anatnmiques. "^ ^ agents physiologi({ues, qui se prononce davantage a mesure que l'organisme se montre plus parfait, entraîne à sa suite d'autres conséquences dont il nous importe également de tenir compte. Dans l'organisme animal, ainsi que dans une machine quel- conque, le mode d'action de chaque |)artie est toujours intime- ment lié à la forme ou à (piek(ue autre propriété de cette partie elle-même. Les instruments qui sont identiques dans leur nature, et qui sont placés dans les mêmes conditions, doivent posséder les mêmes facultés et fonctionner de la môme manière, lien résulte (pic là où la division du tra\ail n'a pas été intro- duite dans l'organisme, il doit y avoir ime grande simplicité de structure. Mais, de même que la similitude dans les fonctions des différentes parties du corps suppose l'uniformité dans leur mode de constitution, la diversité dans les rôles doit être accom- pagnée de [)arlicularités dans la structure; et, par conséquent aussi, plus la spécialité d'action et la division du travail sont portées loin^ plus aussi le nombre de parties dissemblables doit augmenter et la complication de la machine s' accroître. compiicaiions \\ OU cst clïcctivemcnt ainsi, et l'anatomie, aussi hien que la physiologie, peut nous lairc connaître le rang qui, dans le Hegne animal, a[)partient à chacpie espèce; le nomhre de parties dis- semhlahles cjui entrent dans la composition du cori)S et la gran- deur dt>s différences que ces parties présentent entre elles seront les indices du degré auquel la division du travail a été amenée et de l'étendue de la série des phénomènes spéciaux (pii lésul- lera de raclion de l'ensenihle. Les Amihes, par exemple, animalcules microscopiques, qui (1) Pour plus do délails, voyez mon Infrodudion à la Zuulo[ile çiniérale, Cluip. III. Mode d'obtention TENDANCES DE LA NATURE. 21 paraissent être de tous les êtres animés les i)liis dégi'adés, ont le eorps eoinposc d'un tissu à peu près homogène, dont la dis- position n'offre nulle part aucune parlieularité bien manpiée. Les Hvdres ou Polvi)es d'eau douce de Tremblev ne présentent pas dans leur organisation une simplicité si grande, mais les divers éléuients anatomiques dont ils se composent sont ré- partis uniformément dans toute l'étendue des parois de l'espèce de sac à bord digilé qui forme la totalité de leur corps. Chez les animaux supérieurs, au contraire, il existe rarement plus de deux instruments entièrement semblables entre eux, mais le nombre des organes spéciaux devient énorme. § 11. — Si nous cherchons maintenant comment la Nature arrive à diversifier les organes réunis pour constituer le corns ,'^''"'."? '^ ' ' diversité. des animaux, et à multiplier les facultés dont ces êtres sont doués, nous reconnaîtrons aussitôt cette tendance à l'économie dont nous avons déjà signalé l'existence comme une des lois les plus générales de la Création (1). En effet, lorsfpi'une propriété physiologique commence à se Emprunts localiser dans nue série d annnaux de plus en pkis partaits, elle s'exerce d'abord à l'aide d'une partie qui existait déjà dans l'or- ganisme des espèces inférieures, et qui est seulement modifii'c dans sa struclure pour s'approprier à ses fonctions spéciales. Tantôt c'est, pour ainsi dire, un fonds commun qui fournit aux diverses facultés leurs premiers instruments particuliers ; d'au- tres fois, c'est à un appareil déjà destiné à des usages spéciaux que la fonction nouvelle emj»runte ses organes, et c'est seule- ment après avoir épuisé les ressources de ce genre , (pic la puissance créatrice introduit dans la constitution des êtres à organisation encore plus parfaite un élément nouveau. Nous voyons donc que la tendance générale de la Nature est créations spé- 1 • i ^ ci.iles. de varier de plus en i)lus les instruments physiologiques dont (Ij Op. cit., cliap. IV, p. 59etsiiiv. 22 INTRODUCTION. la réunion constitue l'organisme animal à mesure qu'elle pro- duit des espèces plus pnrlaites , et qu'en marchant ainsi du simple au composé, elle semble vouloir utiliser autant que pos- sible chacun des matériaux dont elle enrichit successivement la machine vivante. Lorsqu'une tbnction se montre d'abord ou commence à se localiser, elle est conhée, ai-je dit, à un agent qui existait avant que ce pertectionnement se lut introduit, et qui est alors un peu modihé seulement pour s'approprier à son nouveau rôle. Ensuite, ce n'est plus à l'aide d'un emprunt matériel (jlic l'instrument nouveau est obtenu : la |)artie de l'or- ganisme dont il se compose n'existait pas chez les animaux inférieurs conformés d'après le même plan; mais on ne peut cependant la considérer comme un élément de création nou- velle, car elle n'est au fond (pie la répétition d'une partie déjà créée et adaptée ailleurs à d'autres usages. Puis, enlin, ces matériaux d'origine commune ou homologues ne suffisant plus aux exigences croissantes de la loi de diversité , un élément organique entièrement nouveau s'introduit dans la constitution de l'animal et fournit à la fonction pour laquelle il a été créé un instrument spécial. La fonction ^ i^ . — l.çs faits dout jc vlcus de vous entretenir montrent pas dépendante ' de l'organe, combieu soiit fausscs les opinions de quelques naturalistes qui admettent comme une sorte d'axiome [ihysiologique, (jue la fonction dépend toujours de son organe, et que, par consé- quent, là où les mêmes facultés existent, il doit y avoir les mêmes instruments. D'après cette hypothèse, l'absence d'un organe déterminé devrait toujours entraîner la perle de la faculté à l'exercice de laquelle cette partie est destinée lorsqu'elle existe, et la similitude dans les propriétés vitales de deux êtres su\)\)o- serait nécessairement une ressemblance non moins grande dans Iciu^ structure. Mais ces idées ne sont pas acceptables. 11 est évident que loiit acie vilal doit avoir pour cause le jeu d'un instrumenf ou TKÎNDANCES DE LA NATURE. 23 organe (jnekoïKine donr In structure cs( appropriée aux fonc- tions que cet agent doit reniplir. 3Iais c'est une erreur grave de croire qu'iuK^ latnilté déterminée ne puisse s'exercer qu'à l'aide d'un seul et même organe : la Nature arrive au résidtat voulu par diverses voies ; et lorsqu'on descend dans le Règne animal, depuis Tlionuiie jusqu'aux êtres les plus dégradés, on voit (jue la fonction ne disparait pas lorsque l'instrument spé- cial, qui chez les espèces les plus parfaites était affecté à son service, cesse d'exister; elle se transporte ailleurs, et avant de disparaître de l'organisme, elle s'exerce encore à l'aide d'in- struments d'emprunt. Ces substitutions physiologiques se i>résentent à chaque in- substiiunons stant lorsque l'on compare entre eux les animaux inférieurs, et ''''""'°°"''''"' quelquefois on en voit des exemples se produire d'une manière accidentelle chez un môme individu, jusque dans les lamilles les plus élevées du Règne animal. Du reste, l'adaptation d'un instrument à des usages nou- veaux, lorsque sa destination primitive était tout autre, ne peut donner d'ordinaire (|ue des résultats incomplets ; et quand le travail physiologi(pie doit s'exécuter avec une grande pei'fection, la nature a presque toujours recours à des créa- tions s|)éciales. C'est par conséquent chez les animaux inle- rfeurs surtout (|ue les exeuiples de ces empnmts organiques sont les plus fréquents, les plus évidents; et c'est peut-être pour avoir trop négligé l'étude physiologique des êtres les plus dégradés que Ton a méconnu jusqu'ici l'importance de ce principe. § 13. — La nuiltiplicité des instruments physiologiipies et la cconiinoiion division du travail sont les principaux moyens que la Nature semble avoir mis en usage i)our augmenter le degré de perfec- tion dont elle a doté les diverses espèces animal(>s. Mais ce nombre croissant des agents de la vie, et cette variété dans les fonctions de ceux-ci, nécessitent la coordhiation de leurs actes, des actes. Siiliordination physiologique. 2/1^ INTRODUCTION. et cette coordination s'obtient por la liiérardiie et la centralisa- tion des forces. Ciiez les animaux inférieurs, les diverses parties de la maeliine ^ vivante, (juoique unies entre elles, ne sont que peu dépendantes les unes des autres; l'organisme peut exister pendant long- temps, sans le concours de plusieurs d'entre elles, et l'har- monie de leur action n'est pas nécessaire. 3Iais à mesure que l'observateur s'élève vers les êtres plus parfaits, il voit cette harmonie devenir de plus en plus intime et la subordination s'établir dans les fondions aussi bien que dans les caractères physiques des organes. Chaque parde de l'individu devient plus ou moins dépendante des autres parties, et le degré de cette dépendance mutudle varie suivant que les rôles attribués aux unes sont plus ou moins importants comparativement à ceux que les autres sont destinées à remplir dans le travail d'en- semble par lequel la vie se manifeste. Cette coordination nécessaire des fonctions , cette dépen- dance graduée des agents vitaux, n'a pas échappé à l'altention de Cuvier. Les relations qui existent entre le mode de conforma- tion des inslrumenls physiologiques et leur mode d'action étant non moins évidentes pour cet esprit logique et observateur, il est arrivé promptement à comprendre qu'une certaine harmonie fixe et préétablie doit régner dans la constitution organique de chaque espèce animale; que la manière d'être de certaines parties de ces macbines doit commander en quelque sorte le mode de conformation de qudques autres, et qu'il doit y avon^ entre les divers organes d'un mèuu^ animal une subordination anaton.ique aussi bien que physiologirpie; que les uns dominent pour ainsi dire sur les antres, et que la nature des premiers rèalc jusqu'à un certain point le caractère de l'ensemble. Le principe d'économie, dont il a déjà été si souvent question, intervient également ici, et son inlluence est d'autant plus puis- sante, .lue k>s dioses sur lesquelles elle s'exerce offrent plus TENDANCES UE LA NATURE. 25 (le vîih'iii'. H (Ml n'siille f[n(^ l(s parlinilnrités (l(^ slnifiiire pré- senlciit (raiihiiit jiliis de tixilé, que l(Mir imporlaiice est f)lus graiule; (pie les (l(^lails insigniliants peuvent varier pres({Lie à rintnii, chez les espèces on iiièine eliez les divers individus de la Création animée; mais (jue les différences oPi-aniciues dimi- nuent en raison du rang' (ju'elles occupent, et qu'il existe un certain rap[)ort entre la constance des dispositions analomi(jues et rim[»ortance des phénomènes qui en sont dépendants. Il en résulte aussi (pie pour connaiire (^e qui nous intéresse le plus dans le mode de conformation des machines physiolo- giques, nous n'aurons pas à nous arrêter sur l'étude des modi- li(nitioiis innombrahles (pic la Nature [leut avoir introduites dans les détails secondaires de leur forme ou de leur structure, et (ju'il nous suflira d'examiner avec soin les différences d'un ordre su[)érieui' dont riniluence est plus ou moins dominatrice, et dont le nombre est par cela même plus restreint. Un des movcns (pie la Nature a emidovés pour ol)lenir cennaiisaiiuM ' ^ " . des forcer. l'harmonie et la régulai'ité dans les actes vitaux chez les animaux supérieurs, est la centralisation des pouvoirs physio- logiques. C'est seulement chez les esi)èces inférieures, ou dans la constitution des appareils très simples, qu'elle augmente la puissance de la machine en multipliant les instruments simi- laires, et une de ses tendances les plus évidentes est d'élever l'organisme par la substitution d'un petit nombre d'instruments partaits à ces assemblages nombreux d'instruments grossiers. Or, [)our constituer ces organes spé(Maux , elle peut procéder encore par emprunt ou par création : tanttU elle réunit et confond deu\ ou [ilusieurs i)arties (jui ailleurs sont distinctes ; d'autres Ibis elle stibstitue à ces i)arties multiples un instru- ment nouveau et nni(jue. '^ id. -- Les causes de diversité que ie viens de siunaler uivcrsiiô sont puissantes, mais n'auraient [)as suffi à toute la variété d'or- d-oiganisaiion. ganisation dont le Règne animal nous oflre le spectacle, et, [)our -2() mTRODLCTlUN. nuilliplier davantage encore ses produits, nous voyons la Nature ap[ili(iuer ses procédés niodilicateurs à des types zoologiques divers. En effet, tous les animaux présentent certains caraclères communs, et sont constitués à l'aide de matériaux élémentaires qui se ressemblent pour la plupart; mais le (racé fondamental d'après leciuel ces matériaux sont réunis et coordonnés n'est pas toujours le même: il n'y a ni unité de composition, ni unité de plan dans celle vaste création; l'animal vertébré ne ressem- ble, par les traits les itlus saillants de sa structure, ni au mol- lus([ue, ni à l'insecte, ni au zoopbyte, et ainsi que l'a montré le plus grand des naturalistes de nos jours, Georges Cuvier(l), il existe dans le Règne animal quatre types fondamentaux, (|uatre conce|)tions zoologiques, dont semblent dériver toutes les espèces animales. Je ne pourrais, sans m'éloigncr du but de ces leçons, m'ar- rêter ici sur les caractères essentiels de ces quatre plans d'or- ganisation dont la distinction a conduit Cuvierà diviser le Règne animal en autant de groupes primaires désignés sous les noms d'Embrancliements des Vertébrés, des Annelés, des IMol- (1) Clviep. naquit à Monlbolliard en 17'j9, et mourut à Paris en 1832. 11 était icniarqnablc par son bon sens exquis, non moins que par la gran- deur de ses vues et rinimensité de son savoir. Sa célébrité est trop bien élablie pour que j'aie besoin de rappe- ler ici ses litres de gloire, et d'ailleurs je ne pourrai faire presque aucune de mes leçons sans avoir à ciler soit son ouvrage sur VAnatoinie cuiii parée, son Règne animal, ou ses Recherches sur les o.<>sements fossiles , so'il ses beaux mémoires sur V Organisât ion des Mollusques ou ses travaux sur V Histoire des Poissons. Il est du petit nombre des hommes de génie dont la science est lière de compter les noms, et c'ost ajuste titre qu'on l'appelle parfois l'Ari^tote des temps modernes. A ceux qui n'auraient pas le loisir nécessaire pour apprécier ses idées par l'étude de ses nombreux ou- vrages, ou qui voudraient en voir les traits les plus saillants rapprochés et comparés , je recommanderai la lec- ture d'un petit volume écrit avec le style élégant du littérateur cl la net- teté de pensée de i'honmiede science, que mon collègue M. Flourens a pu- blié sur les travaux (le ce grand natu- raliste {Analyse raisonnée des tra- vaux de Georges Cuvier, précédée de son éloge historique , jiar M. Flou- lens, in-1'2, Paris, 18Z|1). ti:m)am;i:s dl la natire. 27 Iiisqucs et des Zoopliyles. M:ils j'ai li- quer par une pareille transmuttition des espèces. Mais nous verrons par la suite (pie dans chaque groupe zoologique, com- posé des animaux qui semblent être des dérivés d'un type fondamental comnmn, les diverses espèces ne présentent d'a- bord entre elles aucune différence appréciable; mais ensuite se distinguent peu à [>eu par des particularités de structure de plus en plus nombreuses. Or, chaque espèce acquiert ainsi un carac- tère spécial qui la sépare de toute autre espèce en voie de déve- loppement, et chacun de ses organes devient différent de ce que sont les parties correspondantes chez un embryon quel- conque ; mais les changements que l'organe ou l'être tout entier éprouvent après qu'ils se sont déviés ainsi de la forme génésique commune sont en général d'autant moins considé- rables, que l'animal est deshné à acquérir une structure moins parfaite, et par consé(pient ils conservent souvent quelque res- semblance avec ces formes transitoires. En disant que la nature diversifie [taribis ses produits en les frappant d'iui arrêt de développement, j'entendrai donc parler non pas d'un état embryonnaire qui serait permanent pour (juelques animaux, tout en étant transitoire pour d'autres, mais de formes qui, en se spécialisant, seront restées assez semblables à celles que les embryons de ces animaux eux-mêmes et des autres espèces dérivées du même type fondamental affectent à ime certaine période de leur existence. § 17. — Ainsi, en étudiant chacun des grands appareils ^éimié. physiologiques à l'aide desquels les facultés de l'animal s'exer- cent, il nous faudra, [)our en [ireudre une idée complète, pas- ser en revue son mode de constitution, non-seulement dans les divers types zoologiques , mais aussi dans les divers états par lesijuels chacun de ces types passe avant que d'arriver à 1. 5 34 INTRODUCTION. sa forme définitive, et il nous faudra aussi comparer les uns aux autres , soit pour faire ressortir les points de similitude, soit pour signaler les dissemblances <{ui peuvent s'y rencon- trer. Dans la première partie de ce cours , je serai très sobre dans mes excursions sur le domaine de l'embryologie, sujet dont l'étude nous occupera spécialement dans une autre série de leçons. Mais lorsque pour faire bien saisir la nature ou les liens des choses dont je parle, il me semblera utile de remonter vers l'origine des organismes, je ne manquerai pas de le iaire. Les principes généraux que je viens de poser brièvement ne sont jias les seuls etitesse ou de leur éloignement, s'étaient jusqu'alors dérobés à nos regards. L'astronomie fut alors dotée du télescope, et, en modifiant un peu cette lunette composée, on inventa le microscope. Cet instrument est aujourd'hui d'une si grande importance dans les travaux des naturalistes, que je regrette de ne pouvoir rendre ici à son inventeur un juste tribut d'éloges; mais il règne à ce sujet beaucoup d'incertitude. La première idée de ces associations de lenlillcs paraît appartenir à un religieux du xui' siècle, Roger Bacon (1); cependant, si elle se réalisa entre (1) Roger Bacon i qu'il ne t'aiil pas crAnglclerre Cliarles I", et l'auteur confoudie avec son illustre liomonynie d'écrits dont rinlluence fut très grande François Bacon, le chancelier du roi sur la marche de la vraie philosophie) CONSTITUTION PHYSIQUE. 39 ses mains, ce qui paraît fort douteux, la science n'en lira aucun profil, et de tous les instruments d'optique inventés par ce phi- losophe expérimentateur, les seuls peut-être qui soient restés après lui, sont les lunettes ordinaires à l'aide desquelles le vieil- lard supi)lée à la faiblesse toujours croissante de sa vue (1). Ainsi que je l'ai déjà dit, ce fut au commencement du xvn" siècle seulement que le microscope fut placé entre les mains des naturalistes, et le mérite de cette invention a été attribué tour à tour au physicien Drebbel, à l'illustre Galilée, et à un opticien obscur de la petile ville de Middelbourg en Hollande, nommé était un des esprits les plus remar- quables de son siècle, et s'il eût vécu dans des lenips meilleurs, il eût cer- tainement rendu de grands services à la science. Il insista sur la nécessité de ralliauce des études scientifiques et littéraires, et proclama hautement qu'en matière de science, ^expérience était la seule autorité qui dût préva- loir. On l'appelait le docteur admi- rable, et ses inventions curieuses le firent accuser de magie. Il paya de la perle de sa Uberté l'élonneineut que causèrent les nouveautés suspectes et dangereuses contenues dans ses écrits, et ses manuscrits furent nais sous le séquestre le plus rigoureux. 11 appar- tenait au couvent des Cordeliers à Oxford, et il mourut en i2y2. On lui attribue non-seulement l'invention des lunettes, mais la connaissance de la poudre à canon, et l'idée d'employer la force expansive de la vapeur pour faire marcher les voilures et les na- vires. Ses écrits sur l'optique lurent pendant longtemps très utiles, et con- duit par ses éludes aslronomiques à reconnaître le défaut de concordance cnlre la durée de Tannée civile et le temps employé par le soleil pour accomplir ses révolutions, il proposa au pape Clément VU la réforiue du calendrier julien, réforme qui ne fut adoptée que trois siècles plus tard (en 1582), et qui a illustré le nom de Grégoire Xllf. Le principal ouvrage de il. Bacon, intitulé Opus niajus, ne fut publié qu'en ITÔ'o. On trouve un chapitre intéressant sur la vie et les écrits de ce philo- sophe expérimentateur dans ['His- toire des sciences naturelles au moyen âge, par M. l'ouchet, in-8, l>aris, 18513, (1) Le pouvoir amplifiant des len- tilles n'était pas ignoré des anciens. Ainsi on lit duns Sénèque : « Lillerae, » quamvis minulae et ohscurae, per » vilream pilam aqua plenam, ma- » jores, ciarioresque cernunlur (a). » l'Iine nous dit aussi : « Xero priii- » ceps gladiatorum pugnas spectahat » in sraaragdo [b]. » Or, on sait que Xéron était myope, et par conséquent l'émeraude en question était proba- blement une lentille concave. (a) Naturalium quœstlonum lib. I, cap. vi (édil. Lcmairc, Op. phiL, n° 5, p. 405). {b) Naturuks lUstonœ, lib. XXXVII, g 10. /|0 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. Zacbarie Jans, ou à un de ses voisins, Jean Lapprey; on a même prétendu que c'était au hasard seul que la science était redevable de cet instrument, et que des enfants, en jouant avec des lentilles, dans la l)0utique de Zacharie Jans leur père, avaient formé le premier microscope (1). Il me parait cependant bien avéré que 1 nivenlion de cet instrument appartient à ce dernier opticien; mais il me semble probable aussi que les perfeclionnemenis par suite desquels le microscope est devenu si promptement utile aux naturalistes sont en grande partie dus à l'homme de génie qui, le premier, fit usage du téles- cope pour étudier le ciel, qui trouva les satehites de Jupiter, et qui découvrit les propriétés du pendule (2). Quoi qu'il en soit, ce fut un compatriote de l'illustre Galilée (1) Le contemporain le plus illustre de ces physiciens, Descartes, ne men- tionne aucun (l'entre eux lorsqu'il parle de l'invention de ces instru- ments d'optique, et l'attribue à un opticien de la ville d'Alomar, nommé- Jacques iMeticus [a]. Drcbbel, que l'on cite souvent, d'après l'autorité de Uuygens, comme l'auteur de ccUe découverte , contribua beaucoup à faire connaître le microscope en An- gleterre, mais il était seulement le possesseur d'un de ces intrumenls qu'il avait acheté en Hollande. Un des biographes de Galilée, Viviani, assure que la découverte du télescope avait conduit ce grand homme à inventer le microscope, et qu'en 161'2 il en envoya un à Sigismond, roi de Po- logne. Enfin c'est par les recherches de Pierre Borol, auteur d'un ouvrage intitulé Dr vero lelesropii inventore, et imprimé à la Haye en 1655, que les droits de priorité des luneltlers de Middelbourg sont établis; quelques- uns des témoins, interrogés par cet auteur, attribuèrent la première com- binaison des lentilles à un ouvrier de cette ville, Jean Lapprey; d'autres ra])porîent cette découverte à Za- charie Jans, et en fixèrent la date à 1610 ; d'après le dire du fils de ce dernier, elle remonlerait même à 151)0. Alonlucla a discuté cette ques- tion avec beaucoup de soin et d'im- partialité dans son Histoire des ma- thématiques, 11, p. 'loi. (2) Galilée naquit à Pise en 156Zi, et étudia d'abord la médecine, mais ne larda pas à s'occuper principalement de mécanique et d'aslionomie. Ce fut à l'âge de dix-huit ans qu'il découvrit les propriétés du pendule; peu de temps après, il constata que l'eau ne s'élève dans les pompes qu'à la hau- teur de o'J pieds, fait qui conduisit son disciple Torricelli à la connais- sance de la pesanteur de l'atmosphère, (a) Descark-s , Uhplriiiue, i». i ■ GLOBULES ROUGES. M qui, l'un des premiers, appli'G DES ANIMAUX YEUTÉBHÉS. Lecuwenhoek (1), arriva à un résultat plus comiilct. On peut même dire que c'est à Lceuwenhoek qu'appartiennent réelle- ment la découverte du mode de constitution de notre fluide nourricier et les premières idées nettes sur l'existence des glo- bules du sang, ^lais ce serait manquer de justice envers Swam- merdam, si je n'ajoutais que plusieurs années avantla publication des faits constatés par ces deux naturalistes, il avait parfaitement bien vu et décrit ces globules chez la Grenouille ; seulement ses observations restèrent inédites, et par conséquent la science n'en profita pas (2). En 1673, Leeuwenlîoek vit, à l'aide de son microscope, (|ue le sang humain se compose d'une multitude incalculable de (1) Antoine Leeuweinhoek naquit en 1632, à Delft en Hollande, et mou- rut en 1723. Il se servait de micros- copes simples qu'il construisait lui- même, et qui consistaient dans une pe- tite lentille biconvexe enchâssée dans imc plaque d'argent trouée et garnie d'une aiguille mobile servant de porte- objet ; il avait un grand nombre de ces instruments dont le pouvoir am- plifiant variait entre ûO et IGO dia- mètres, et il s'en servait sans cesse pour examiner tout ce qui lui tombait sous la main. Il fit ainsi un nombre considérable de découvertes impor- tantes ; mais il se borna à enregistrer les faits qu'il apercevait sans les coor- donner et sans en tirer aucune con- clusion générale pour la physiologie ou l'anatomie. J'aurai souvent l'occa- sion d'en parler dans la suite de ces leçons, et de citer des observations qui furent pour la plupart publiées d'a- bord dans les Transactions 'philoso- phiques de la Société royale de Lon- dres, depuis 1673 jusqu'en 1723, et qui se trouvent réunies dans un ou- vrage intitulé : Opéra omnia, sou arca^m naturœ délecta, h vol. in-^, 17J9 à 1722. (2) Les recherches de Swammerdam sur l'anatomie et la physiologie de la Grenouille datent de 1658, mais ne furent publiées que cinquante-sept ans après la mort de ce grand naturaliste, par les soins généreux de son com- patriote Boerhaave. Or, des observa- tions inétlites ne peuvent enlever la priorité d'une découverte à celui qui, sans les connaître , a enriclii la science d'un résultat nouveau. La découverte des globules du sang ap- partient donc en droit à Malpighi et à Leeuvvenhoek, mais en réalité avait été faite par Swammerdam avant que le premier de ces anatomistes eut pu- blié ses observations incomplètes sur ces corpuscules. Voici le passage du livre de Swammerdam où l'existence des globules sanguins est indiquée : « in sanguine sérum conspiciebam , » in quo immensus fluctuabat orbi- )) cularium particularum , ex piano » velutiovata, penitus tanien regulari » figura gaudentium, numerus. Vide- » bantur autem hse ipsœ particuias GLOBULES ROUGES. /l3 corpuscules arrondis, d'une petitesse extrême, qui roulent dans un fluide hyalin (1). Bientôt après, il étendit ses recherches à beaucoup d'animaux, et arriva à cette conclusion imporlanfe, que chez les Oiseaux et les Poissons, aussi bien que chez les quadrupèdes, le sang doit sa couleur rouge à des corpuscules de ce genre ; que chez le bœuf, le mouton et le lapin, de même (jue chez l'homme, ces corpuscules sont terminés par un contour circulaire, et ne présentent pas dans leur volume des différences appréciables à l'aide des instrumenls dont il faisait usage; cnlin, que chez les Oiseaux, les Grenouilles et les Pois- sons, ce sont des disques ovalaires (2). Leeuwenhoek réservait le nom de globules aux corpuscules sanguins de l'homme et des autres mammifères, parce qu'il les croyait sphériques; mais les physiologistes qui le suivirent dans cette nouvelle voie de recherches ne tardèrent pas à constater que chez tous ces êtres, de même que chez les vertébrés ovi- pares, ils sont plus ou moins aplatis (o), et ressemblent, par » alium insiiper humon^ni in'.ia se » continere. Quod si a latere cas con- » tuebar ; crystallinos quasi l^acilios, » pliiresqiie alias figuias siniilabaiu : I) prout niminim diversimode in » sero sangiiiiiis circunivohebaiiliir. » Animadverlcbam praetcrea, quod )) color objectormii tanlo semper » remissior adpareat, qiiù ca.micros- i> copii inlervenUi, grandiora reprae- » sentantur [a). » Swammerdain naquil à Amsterdam en 1637, et lit nne partie de ses tra- vaux à l'aris; ses recherches sur Tanatomic el les métamorphoses des insectes sont très importantes. Il était trop pauvre pour pouvoir publier la majeure partie de ses Ir.ivaux, el il mourut en 1680. (1) Mk-roscop. Obscrv. {['kilos. Trans. of the Royal Society, 167/i, p. 23). (2) Philos. Traiis., 168û, p. 789. Les observations de Leeuwenhoek sur le sang, publiées d'abord dans les Transactions de. la Société royale de Londres, furent reproduites par ce micrographe dans le second volume de son grand ouvrage intitulé : Arcav.a )taturœ délecta. Elles sont entachées de quelques erreurs au sujet de la structure des globules , mais ont une grande importance. (:3! Senac établit neltcinent ce fait dans son ouvrage sur la Structure du cœur [b). Ce palhologistc célèbre na- quit en 169:), et inoi'.rut en 1770 ; il était médecin du roi Louis \V et a (fl) De sanguiiiis circnitu in rana adiilln {Biblia naturœ, 1738, l. 11^ p. 83.")). (b) Traité de In struct. du cœur, supiilcm., cliap. viii, l. Il, p. 056 (1149, éJil. in-4), lltl SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. conséquent, à une lentille ou à un petit disque qui, chez les premiers, aurait une forme circulaire, tandis que cliez les der- niers il serait elliptique. Pendant la première moitié du xvui« siècle, nos connaissances relatives à la constitution physique du sang ne firent que peu de progrès; maison 1770, Hewson(l) commença la publication d'un travail des plus remarquables sur Thistoire de ce lluide, et étudia bien mieux que ne l'avaient fait tous ses devanciers, les globules sanguins; il arriva à des idées beaucoup plus justes sur la structure de ces corpuscules aussi bien que sur leur forme et leur dimension ; on peut même dire qu'il posa les véri- tables bases de l'histoire physique du sang, et l'on trouve dans son ouvrage le germe de la plupart des découvertes accomplies de nos jours sur ce sujet si imj)ortant pour les physiologistes. Il est singulier de voir qu'après la publication des travaux dont les résultats sont si nets et si intéressants, la science, loin d'en profiter et d'avancer d'un pas plus rapide dans cette voie d'inves- tigation, resta stationnaire, ou plutôt recula. Dans les traités de physiologie du commencement de ce siècle, on en faisait à peine mention, et l'on alla jusqu'à dire que le microscope ne pouvait nous faire connaître ni la figure ni le volume de ces corpus- cules (2), et (jue probablement c'étaient des bulles d'air que IHiblié plusieurs écrits clans les Mém. de l'Acad. des sciences. (1) William Hewsox, anatomiste ha- bile ainsi que bon expérimentateur, naquit en 1739 à Hexham, dans le nord de l'Angleterre. Il exerça la chi- rurgie à Londres, et professa avec dis- tinction à l'école médicale fondée dans cette ville par VV. llunter. Il mourut en 177/1, à la suite d'une piqûre qu'il s'était faite en disséquant. Ses recher- ciies sur les propriétés du sang pa- rurent d'ubord dans les Transactions jiltilusophiques pour l'année 1770, et son Mémoire sur les particules rouges du sang fut inséré dans le même re- cueil en 1773. Une nouvelle édition des œuvres de ce physiologiste, accom- pagnée de notes très précieuses par AI. r.uUiver, vient d'être publiée par les soins de la Société Sydenhamienne de Londres (1 vol. in-8, 18/i6). C'est à ce livre que se rapporteront les cita- tions faites dans la suite de ces le- çons. (2) i'.irheriiiid, Xoiweanx éléments de pJiiisiuli)(iic , 1807, !['' édit. , I, p. /i23. GLOBULES ROUGES. Û5 Hewson avait figurées sous le nom de globules du sang (1); aussi dois-je signaler ici , comme un véritable service rendu à la science, la réhabilitation des observations microscopiques opé- rée, il y a environ trente ans, par IMM. Prévost et Dumas, dont le travail sur les globules du sang excita un vif intérêt (2). Vers la même époque, un physicien habile de Modène, M. Amici, ^'occupa avec succès du perfectionnement des microscopes, et grâce à l'impulsion ainsi donnée, les observations se multi- plièrent rapidement en même temps qu'elles devinrent plus faciles et plus exactes (3). Aujourd'hui, la constitution physique du sang a été étudiée (1) Précis élémentaire de physio- logie, par F. Magendie. Paris, 1817, I, p. 305. Il est encore plus surprenant de voir qu'en 1839, au congrès scienti- fique de Pise, un savant professeur de Padoue, M. diacomini, se fondant sur ses propres observations, a formelle- ment n\é l'existence des globules san- guins, et que son Mémoire sur ce sujet, imprimé d'abord dans le journal d'Omodei, ait eu les honneurs d'une traduction française («). (2) Prévost et Dumas, Examen du sançj et de son action dans les divers phénomènes de la vie {Bibl. iiniv. des sciences de Genève, 1821, t. XVII, p. 215, et A7in, de chimie, 1821, t. XVIII, p. 280). J.-L. Prévost (le collaborateur de mon savant collègue et ami M. Du- mas, professeur de chimie à la Fa- culté des sciences) naquit à Genève en 1790, et y mourut en 1850. Les études sur le sang dont il est question ci-dessus ne sont pas les seuls travaux physiologiques dont ces deux expéri- mentateurs ont enrichi la science. On leur doit aussi des recherches sur la contraction musculaire {h) et une série de Mémoires très importants sur la génération (e). En 1862, Prévost fit avec Leroyer, pharmacien à Genève, des expériences sur la digestion ((/), et plus récemment il a publié, en com- mun avec M. Lebert , une série de Mémoires sur la formation des organes de la circulation chez les Batraciens et chez le poulet (e). Prévost était un des médecins les plus distingués de Genève, et il était remarquable par la finesse de son esprit, ainsi que par son profond savoir. Une notice bio- graphique sur ce physiologiste émi- nent a été insérée dans la Bibliothèque universelle de Genève {Archives des se. phys. et nat., 1850, t. L, p. 2651. (3) Parmi les physiciens qui, dans {a)Ann. univ. di med., janvier 1840. — fle la nature, de la vie et des maladies du sano {Gazette des hùpilaux, mars 1840, t. II, n° 20). (6) Journal de physiol. expérim. do Mas-emlie, 182:^, I. III, p. 301. (c) Annales des sciences naturelles, i" série, t. I, II, III, IV cl XII, 1824 à 1S27. (d) Mém. de la Soc. d'hist. nat. de Genève, 1821), t. 111, \>. lia, el .\nn. des scienc. nat., 1825, t. IV. (e) .innales des scienc. nat., 1844 et 1845, 3" série, t. I à III. 46 SAJNG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. à l'aide de microscopes puissants, dans un nombre immense d'animaux, et la science est riche de faits relatifs aux globules dont l'existence était à peine soupçonnée pnr l'illustre Malpighi. Forme 1^^ [^ — Lorsouc CCS obscrvatious commencèrent à se mul- des globules. "^ ' tiplier, les physiologistes ne tardèrent pas à être frappés de la différence de forme qu'ils apercevaient dans les globules du sang chez les vertébrés dont la peau est garnie de poils, et chez ceux dont le corps est couvert de plumes ou d'écaillés. Déjà, vers le milieu du siècle dernier, Weiss (1) appela l'attention sur cette coïncidence, cl fut conduit à penser qu'elle ne souffrirait pas d'exception. Les recherches de Hewson, de Prévost et Du- mas, de Wagner (2), et de beaucoup d'autres naturalistes, ten- dirent à confirmer de plus en plus cette règle, et l'on admettait généralement, il y a peu d'années encore, que chez les verté- brés vivipares, c'est-à-dire chez les Manunifères, les globules du sang sont circulaires, tandis que cliez les vertébrés ovipares (c'est-à-dire chez les Oiseaux, les Rephles, les Batraciens et les Poissons), ils sont elliptiques. Mais de nouvelles observations sont venues montrer qu'ici, comme dans beaucoup d'autres choses, la Nature obéit à des tendances et non à des lois absolues. En effet, M. Mandl (3) a trouvé que chez le Chameau, le sang contient non pas des glo- bules circulaires connue chez tous les mammifères étudiés jusqu'alors, mais des globules de forme elliptique comme chez les Oiseaux et les vertébrés à sang froid. Il trouva ensuite que dans le genre Lama, les globules du sang sont également ellip- tiques. Ainsi, la petite famille des Camélicns tout entière pré- ces derniers lemps, ont contribné au (1) Obs. sur les glohulps du sang perfectionnement du microscope, je {Acta Helvelica, 17G0, t. IV, p. 351). dois citer aussi M. Lister, auteur d'un (2) P.. Wagner, Zur vergleichen- Mémoire important sur la construc- àen Physiologie des Blutes, in-8. lion de ces instruments, inséré dans Leips., 1833-1838. les Transactiuns philosophiques de (3j Comptes rendus de VAcad. des hSuciélé royale de Londres en i^2^^f sciences^ 183^, t. Vll, p. 1060. CLORULES Rorr.KS. [il sente celle singulière exception ; mais rien de semblable n'a été trouvé chez crautres animaux de la même classe, et cependant on a examiuc au microscoije le sang de plus de deux cents espèces choisies dans toutes les subdivisions naturelles de ce groujie, même parmi les Marsupiaux (1) et les Monoirèmes (2), qui, à ccrtaius égards, semblent établir le passage entre les mammifères ordinaires et les vertébrés ovipares (3). On ne connaît, au contraire, aucun oiseau adulte où les glo- bides du sang ne soient pas elliptiques, et comme le nombre des espèces étudiées s'élève à deux cent cinquante, il est à pré- sumer que dans cette classe on ne rencontrera pas d'exceptions à la règle. Il en est encore de môme pour les Reptiles, les Batraciens et les Poissons ordinaires ; mais on voit par les observations de Wagner et de quelques autres naturalistes, que dans un petit nombre des espèces les plus dégradées de la division des Pois- sons cartilagineux les Lamproies par exemj)le, la forme de ces corpuscules est à peu près circulaire (4). (1) Wilne Edwards, Rapport sur la facilement ceUe forme par endosmose note de M. Mandl, loc. cit., p. 1136, en présence de l'eau. Il n'a pas observé et Ann. des se. nat., 1830, 'J' série, le sang de ces animaux pendant la t. n, p. /iG. — (iuWixQv, Proceed. Zool. période emijryonnaire, mais il a trouvé Soc, 18/il. chez un Alpaca adulte quelques glo- (2) nobson, Obs. on the Blood of the bules circulaires très peu chargés de Ornithorhynchus Varadoxus {Tas- matièrecolorante,elil a vu touslespas- manian Journal of Xat. Se., vol. T, sages entre ces globules et les globules p. 9/i, publié à la terre de Van- elliptiques ordinaires. Ueste à savoir si Diémen, ISZil). ces corpuscules circulaires étaient des Gulliver, Sur le sang de l'Echidné, globules en voie de développement dans les notes de l'ouvrage de Hewson, ou des globules altérés. [On the Blood 18/46, p. 239. Corpnsc.J'hil. Trans., 18/i6, p. 77.) (3) l^es observations de M. Wliartor. (û) Les observations de i\l. Wagner Jones tendent à établir que chez les ont été faites chez le Sucet {Pteronuj- Lamas les globules sanguins sont cir- zon planeri) et V Ammocetes bran- culaires avant que d'avoir atteint leur f7na//s(a).M.VVharton.Ionesaconslaté entier développement, et reprennent aussi l'existence de globules sanguins (fl) Wagner, Ueitr. zur vergleichcndcn Physiologie, t. 11. Nachlrage zur vergl. Physiol. des niutes, 18:J8, p. 13, lab. 1, ùg. G. Volume des globules. 48 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. Enfin, il est aussi à noter que dans les premiers temps de la vie embryonnaire de tous les vertébrés ovipares, les globules normaux n'existent pas encore, et que le sang ne charrie d'abord que des corpuscules circulaires d'un aspect particulier (1). §5. — • Lorsque les micrographes ne possédaient que des instruments d'un faible pouvoir amplifiant, ils distinguaient dif- ficilement les différences qui existent dans le volume des glo- bules du sang chez les divers animaux ; cependant elles sont par- fois très considérables, et elles n'échai)pèrent pas à l'attention de Senac (2). La mesure exacte de ces corpuscules présenta même jusqu'en ces derniers temps des difficultés insurmonta- bles, et a fourni aux anciens observateurs les résultats les plus discordants ; mais par suite du perfectionnement de nos micros- copes, elle est devenue facile aujourd'hui, et a été faite avec soin chez plus de cinq cents espèces d'animaux vertébrés (3). Pour prendre ces mesures, on se sert tantôt d'un micromètre placé dans 1 intérieur du microscope, au foyer de l'oculaire, et circulaires chez la Lamproie (a). Mais cette particularité n'existe pas clans toute la iamille des l'oissons cyclo- stomes,car M. Millier a trouvé que chez le Gastrobranchc [Myxine glutinosa}, ces corpuscules, examinés à l'état Irais, sont elliptiques; quelques-uns sont même presque tusifornies (6). (J) Ce fait, important pour la solu- tion de plus d'une question, a été établi par MM. l'révost et Dumas (c). Hevvson, il est vrai, uvaildéjàtiguréces globules circulaires chez l'embryon de la vipère aussi bien que chez l'embryon du poulet, mais il n'avait rien dit dans son texte au sujet de cette forme {d). — Baumgartnera fait des observations analogues chez la grenouille et chez des poissons (e). — INous reviendrons sur ce point lorsque nous traiterons du développement de l'organisme. ( 2) Senac, Traité de la structure du cœur, t. 11, p. 056. (3) Il me semblerait tout à fait inu- tile de nous arrêter ici sur les évalua- tions données à une époque où la science ne possédait pas encore les moyens nécessaires pour arriver à des (a) VVIuu-lon Jones, The Bloud Corpuscule ConsUlered in Us Dilferent Pliascs of Development (P/ti/. T-caKS., 1840, p. 03, pi. 1). (b) i. Millier, Untevsuchungen ûber die Eiiujeweide dcr Fische {Abhandl. der h. Ahad. der Wis- *ensf/i. ftu «eWm, 1843, p. 119). (c) Prévost et Uuiiias, Sur le développement du mur et la formalion du sang {Annales des sciences nulurellcs, 18-24, 1" .scrit;, t, 111, p. 10-2). (d) Hewson's Works, pi. 5, fig. 4 et 7. (e) Baumgartner, Ueber Nerven und IJlut, p. 40. GLOBULES ROUGES. 69 dispose de façon à permeltre à l'obscrvalonr (le faire coïncider les divisions de cet instrument, d'abord avec celles d'un autre micromètre placé sur le porte-objet, au foyer de robjcclif, puis résultats exacts. Ceux qui seraient curieux de connaître ces premiers essais micromélriqnes pourraient con- sulter l'article de la grande Physio- logie de Haller, où les opinions de I.eeuwenhoek, Muys, Eller, Haies, Schreiber, etc., se trouvent exposées {Élém. phys., vol. H, p. 5Zi-56). En 1818, Evrard Home reprit cette ques- tion, et d'après les observations de Bauer, estima le diamètre des globules sanguins normaux de Tbomme à -'-, de pouce anglais, c'est-à-dire à environ ^ de millimètre (a). Puis il fit connaître les mesures prises, à sa demande, par Kater, qui, dans une observation, trouva 7^\- de pouce an- glais, et dans une autre rJir;» d'où il tira la moyenne de -„'— de pouce anglais, ou environ 7'- de millimètre (b). Quelque temps avant, le célèbre mé- decin, physicien et archéologue. Th. Young, était arrivé à des résultats sem- blables au moyen d'un instrument de son invention, nommé Vériomèlre [c). MM. Prévost et Dumas (J) furent les premiers à introduire ([uelque préci- sion dans ces mesures et à prendre d'une manière comparative les di- mensions des globules sanguins chez un nombre considérable d'animaux. Leurs évaluations sont un peu trop faibles, mais se rapprochent beau- coup de la vérité. Ainsi ils esti- maient le diamètre des globules de l'homme à ~ de millimètre, tandis que toutes les observations les plus récentes ne donnent qu'environ ~ de millimètre. Plus récemment, !\I. Wa- gner a publié une série de mesures du même genre (e); M. Mandl a aug- menté encore la liste des espèces étudiées sous ce rapport (/), et Aï. Ehrenberg a donné également quel- ques déterminations (//). Beaucoup d'autres observations isolées ont été faites aussi depuis quinze ans, mais c'est à M. Gulliver que l'on doit le plus grand nombre de ces mesures. Ses observations parurent d'abord dissé- minées dans divers journaux (princi- palement VEdinburgh Philos. Maga- zine), et furent ensuite réunies en tableau dans l'appendice à la traduc- tion anglaise de VAnatomie de Gcrber; enfin elles sont présentées de la ma- nière la plus complète dans les notes dont ce micrographe a enrichi la nou- velle édition des œuvres de Ilew- son (/;). (a) On the Changes the lilood Undergoes in the Ad of Coagulation {Phil. Trans., IRIS, p. 172). (h) Op. cit., p. 187. {c] Remarks on the Measiirement of Minute Particles , cspeciall'j those of lilood and Pus (Introduction to Médical Littérature, 4 813, p. 555). (d) Examen du sang ( Ilitlletm universel de Genève, l. XVII, 1821). Ce mémoire so trouve reproduit s;uis planclic dans 1rs Annales de chimie et de physique, 18-21 , t. XVTII, p. 280. (e) Vergl. PInjsiol. des Illutes, iS:VS cl 18:)S. — Uchcr die Anwendung liistolo'jischer Churac tere auf die Zoologische Sijstemntik (Miiller's .tiv/i. f.Anat. und Phys., 1835, p. 31 il. (/■; Anatomie iiucrosropifiue {Minnoircs sur le sang, in-folio, 1838). (£/) A la suite de son Mcuuiire sur les orpuics vitaux ( Miiiioircs de l'Acadanie de Berlin pour 1835, p. 717). (/i) The Works of Heirson Edited wilh an Introduction and .\'otes, by Ceiu-ijc riullivcr, in-8, 18i(!. • I. 50 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. avec l'image d'un globule sanguin placé an même foyer (1), tantôt de la chambre claire adaptée à l'oculaire du microscope. On trace alors sur un papier placé à une distance déterminée du prisme le contour de l'image des globules, et l'on détermine le pouvoir amplifiant employé, en dessinant de la même manière un objet quelconque de grandeur connue, une règle divisée micrométriquement par exemple, que l'on met sur le porte-objet à la place de la gouttelette de sang précédemment examinée ; puis en mesurant directement les deux images ainsi représentées. Ce dernier procédé, que l'on doit à M. Amici (2), est facile à pratiquer ; il est susceptible d'un grand degré de précision et ne nécessite aucune disposition dispendieuse dans la construc- tion du microscope. Aussi est-ce la méthode dont je conseille- rais de préférence l'emploi. En procédant ainsi, ou à l'aide de moyens analogues, et en employant des microscopes dont le pouvoir amplifiant linéaire est de 300 à hOO, on a pu reconnaître que dans une même goutte de sang, les globules rouges, tout en se ressemblant beaucoup, n'ont pas des dimensions invariables (3). 11 arrive parfois que quelques-uns de ces corpuscules sont près d'un tiers plus gros que ne le sont la jjlupart d'entre eux , et que d'autres au contraire sont notablement plus petits; mais, dans l'immense majorité des cas, leurs dimensions ne s'éloignent (pi'à pein(* de la moyenne fournie par la mesure d'un nombre (1) La disposition à laquelle je fais méUiode à M. Lisler (o). Les publica- allusion ici est celle employée dans Uons de ce dernier physicien datent, la construction des microscopes de comme nous l'avons déjj dit, de 1829. Cachet. (o) Miliic Edwards, art. Blood in (2} 06s. microscop. {Ada délia Todd's Ctjclop. of Anat. and Phys., Soc. ital, vol. XIX, et Ann. des sr. 1836, p. Û05. — Gulliver, Notes de ?ia(., 182/1, 1" série, t. II, p. /i6). C'est l'ouvrage de Hevvson, p. 236. h tort que M. Quekelt attribue cette (a) QuekeU, Pract. Treat. on the Use of the Microscope, 18i8, p. 203. GLOBULES KOLGES, 51 considérable de ces corpuscules ; nous ne nous occuperons donc ici (iiie de ces moyennes seulement. La grandeur des globules varie au contraire beaucoup cbez les divers animaux. Ainsi, chez l'homme, ils ont en diamètre envi- ron jY^ de millimètre (1), tandis que chez la Chèvre ils n'ont que âl^, et chezleChevrotain de Java (2) leurdiamètre n'est que de^^ de millimètre, c'est-à-dire que chez ce dernier ruminant ils sont à peu près quatre fois plus petits que chez la Chèvre et en- viron seize t'ois plus petits que chez l'homme. Chez la Grenouille ils sont beaucoup plus développés ; leur grand diamètre a environ js de mrllimètre, et chez la Sirène ils ont 7^ de millimètre. Ainsi, chez ce dernier Batracien ils ont environ trente fois le diamètre des globules du Chevrotain, et leurs dimensions sont à peu près sept fois et demie celles des globules du sang humain, ce qui suppose un volume au moins cinquante fois plus gros (3). J'ai réuni dans le tableau ci-joint (4) les mesures de ces cor- puscules chez la plupart des animaux vertébrés dont le sang a été étudié sous ce rappori, et par l'inspechon des chiffres qui s'y (1) Wagner a constaté que les glo- bules du sang sont tout à fait sembla- bles chez le nègre et les hommes de la race cancasique (a). ('2) (lulliver, Blood Corpuscles in Mammalia [Ann. of Nat. Hist. , 1839, vol. IV, p. 283;. M. li. Owen avait, peu de temps avant, signalé la petitesse des globules sanguins chez les Cheviolains ; ceux dont il a publié la mesure variaient entre TJ-retjfj, et il avait donné comme chiffre moyen ,'„ de millimètre en diamètre. {Contributions ta the Com- parotive Anatomy of the Blood Diseuses, in London Medic. Gazette, new ser., 1839-18/tO, vol. 1, p. 283 et /j73.) (3) Quelques auteurs ont pensé que la médecine légale pourrait tirer parti de ces différences de formes ou de dimensions des globules pour distin- guer entre elles les taches formées sur du linge ou autres objets par du sang humain ou par du sang de quelque vertébré ovipare ; mais la déformation des globules rend de pareilles obser- vations très difficiles, et, pour placer quelque confiance dans les résultats qu'on en obtient, il faut prendre beau- coup de précautions. Celte question a été traitée d'une manière spéciale par M. Mandl {b). (4) Voyez le tableau n° 1 placé à la fin de cette leçon. (a) Wagner, Nachti\ %ur vergl. Physiol. des Bhites, 1838, p. 5. (b) Mandl, Recherches médico-légales sur le sang, thèse in-4*. Paris, 1842. 52 SAW; DKS AMMAUX AEUTÉimÉS. trouvent inscrits, on voil que c'est dans la classe des JManimi- fères que les globules ont les dimensions les plus petites. Dans ce groupe naturel, on ne connaît aucun exemple de globules dont le diamètre dépasse j^ de millimètre; dans l'immense majorité des espèces, il ne varie qu'entre jh ^^ ih de milli- mètre; enfin, la moyenne fournie par toutes les mesures est d'environ j^ de millimètre. Dans la classe des Oiseaux, les globules sont plus grands. Leur petit diamètre est à peu près le même que chez la plupart des Mammifères, et ne varie qu'entre tttj et jIt de millimètre, mais leur grand diamètre n'a jamais moins de rh de milli- mètre (1), et atteint parfois 37. Les moyennes pour les deux axes de l'ellipse que représentent ces disques ovalaires sont j^ sur Yô de millimètre. Chez les Reptiles, les globules du sang sont encore plus grands. Leur petit diamètre varie entre rh et jj de millimètre, et lem^ grand diamètre entre ûV et j^- de millimètre. Les Poissons osseux ne diffèrent que peu des Reptiles sous ce rapport; en général, cependant, ils ont les globules un peu moins grands; mais pour les Poissons cartilagineux, le contraire s'observe : ainsi chez quelques Squales, leur grand diamètre a jusqu'à n de millimètre (2). Mais c'est dans la classe des Batraciens que les globules du sang arrivent au maximum de leur développement : chez la Grenouille, où ils sont le plus petits, leur grand axe a, comme nous l'avons déjà dit, J3 de millimètre; chez le Triton ou Sala- mandre aquatique , ils atteignent j^ de millimètre, et chez le (1) Chez rOiseau-Mouche, J. Davy. pas échappé à Ilewson {a), mais sont {Ann. ofNat. IlisU, 18^6, vol. XVIlf, élablis principalement sur les observa- nt 58 \ lions plus récentes de iVl\l. Prévost et (2) Ces divers résultats n'avaient Uiimas, de Wagner et de M. Gulliver. (a) Op. «î.,p. 217. GLOBULES HOUGES. 55 Protée ils ont environ yô de millimùlre, et sont, par conséciuent, presque visibles à l'œil nu (1). § 6. — Ainsi, chez les animaux vertébrés, à respiration aérienne, la tendance générale de la nature semble être de diminuer le volume des globules du sang, à mesure que l'orga- nisme se perfectionne: car, ainsi que chacun lésait, les Batra- ciens sont les plus dégradés de tous ces êtres ; les Reptiles, quoique supérieurs aux Batraciens, sont à leur tour des ani- maux intérieurs aux Oiseaux, et ce sont les Mammifères qui occupent le plus haut rang dans celte série. jMais ici encore ce sont des tendan<;es seulement que je signale, et non une règle absolue; car, parmi les Mammifères, ce sont les Rumi- nants qui nous offrent les globules les plus petits, et rhomme ainsi que les Singes ne diffèrent guère, à cet égard, des Rongeurs, c'est - à - dire des Mammifères les moins bien doués. Cette tendance est cependant digne d'attention, et acquiert un nouvel intérêt lorsqu'on étudie le sang d'une manière com- parative chez les animaux adultes et chez l'embryon. Tout ce que nous avons dit jusqu'ici, concernant les dimensions des globules, ne s'apphque qu'aux premiers. Or, Hewson avait déjà remarqué que chez le Poulet observé au sixième jour de l'incubation, les globules sont plus gros que chez l'adulte, et que le sang d'un embryon de Vipère, comparé à celui de sa mère, offrait une différence du même ordre (2). Prévost a trouvé que chez la Chèvre les globules sont deux fois plus gros dans le fœtus que dans la mère (3) ; M. R. Wagner a constaté des différences encore plus grandes chez des embryons de Cliauve-Souris comparés à Tanimal adulte, et a observé des li) Voy. P.. Wagner, Beitr. zur {S) Note sur le sang du fœtus chez veryl. Physiol. des Blutes, 1838, Bd II, les animaux vertébrés {Ann. des se. p. 21, tab., fig. à. nat., 1825, 1" série, t. IV, p. /i99) (2) Op. cit., p. 233. 54 SANG UES ANIMAUX VERTEBRES. faits analogues chez le Lapin , le Poulet, le Pigeon et le Lézard (1). M. Gulliver a étendu ces résultats par ses recher- ches sur des embryons de Chat, de Cerf et de Grenouille (2). Enfin M. J. Davy a constaté des différences du même genre en comparant le sang du Squale à l'état de fœtus et à l'âge adulte (3). Ainsi, chez tous les animaux de ce grand embran- chement, les globules sanguins diminuent de volume à mesure que Torganisme de l'individu se perfectioime (4), et les diffé- rences que l'on y remarque à cet égard chez l'embryon et chez l'adulte sont analogues à celles qni se rencontrent dans les fl) Les premières observations de M. Wagner (a) ne s'accordaient pas avec les résultais annoncés par l'ré- vost, mais ont été rectifiées par les recherches ultérieures du même phy- siologiste {b). Dans un embryon de Chauve-Souris {Vespertilio murinus), M. Wagner a trouvé que les globules avaient pour la plupart entre ,;,v et -^^ de ligne; tandis que chez l'adulte leur diamètre était de y^ à ,',; de ligne. Chez le Lapin adulte, M. Wagner évalue les globules à 7^ et 7^ de ligne, et chez l'embryon il lésa trouvés entre ,-^ et ,^„ de li;^ne. Pour que la différence soit bien notable chez la Chèvre, il ajoute que les observations doivent porter sur des embryons très jeunes fc). (2) Annot. de Hewson, p. 233 et 243. — Weber avait déjà constaté ce fait chez les jeunes têtards de gre- nouille. (Voy. Wagner, Op. «ï. , t. I, p. 3'.).) (3) Chez le Sqiialus Acanthîas. (Voy. Ann. of Nat. HisL, 18Zi7, vol. XVin. p. 57 et 58.) (/l) M. Bischoff a trouvé des diffé- rences du même ordre dans le sang de l'embryon humain comparé à celui de l'homme adulte, et il fait remar- quer aussi que dans les premiers temps de la vie les dimensions des glo- bules varient beaucoup dans le même sang, mais que cet état transitoire ne dure que très peu chez les Mammi- fères {(/). M. Paget a eu aussi l'occa- sion d'examiner les globules du sang d'un embryon humain très jeune et les a trouvés plus grands que ceux de l'adulte (e). Je suis porté à croire aussi que ces globules primitifs ne sont pas de même nature que les globules normaux. Quelques auteurs pensent qu'ils sont susceptibles de se multi- plier par fissiparité (/]. ]\ous revien- drons sur ce sujet en traitant du déve- loppement de l'organisme. (a) Wagner, Zur vergleich . Physiol. des Blutes, 4833, t. I, p. 38. (b) \Vai;ner, Nachtrâge zur vergl. Phtis. des Blutes, 1838, p. 35. (c) Beitrdge zur vergleichenden Physiologie, 1838, t. II, p. 36. (d) Traité du dcvelojrpement de l'homme et des mammifères, traduction française, p. 284. (e) On the Blood Corpuscles of the Human Embryo (Lond. Medic. Gazette, new. ser., 1849, t. Vlll, p. 188). (/■) Voyez Fahrner, De globulorum sanguinis in mammalium embryonibus atque adultis ori- gine. Turin, 1845. GLOKULES ROL'GES. 55 représentants de plus en plus élevés du type zoologique dont dérivent tous les vertébrés à respiration aérienne. Quant à l'exeeption apparente à cette règle tburnie par les Poissons, nous verrons bientôt qu'elle s'explique iaeileinent lorsqu'on lient compte des nécessités que la respiration aquatlipie impose à ces animaux. La comparaison des globules du sang chez les divers Batra- ciens fournit de nouveaux arginnents à l'appui des conclusions déduites des faits précédents. Effectivement ces animaux, comme on le sait, subissent dans le jeune âge des métamor- phoses plus ou moins considérables qui tendent toutes à les éloigner du type commun aux vertébrés Anallantoïdiens. Chez les uns, auxquels on a donné le nom de Perennibranches, l'animal adulte ne diffère de la larve que par l'existence de poumons et de membres, et conserve d'ailleurs tous les organes qu'il avait dans le jeune âge ; chez d'autres, appelés Urodèles, les branchies ne sont pas permanentes et disparaissent à mesure que les poumons se développent ; enfin, chez d'autres encore, qui composent la famille des Anoures, la queue s'atrophie par les progrès du travail embryogénique, en même tem[>s que les branchies se flétrissent et que les poumons se développent. Or, dans ces trois groupes, les globules du sang paraissent suivre, quant à leurs dimensions, ces divers degrés de per- fectionnement C'est chez les Batraciens perennibranches qu'ils sont le plus gros, et chez les Batraciens anoures qu'ils sont le plus petits; enfin les Batraciens urodèles, qui tieiment en quelque sorte le milieu entre ces deux groupes extrêmes, ont aussi, pour la plupart, les globules sanguins d'une grandeur intermédiaire. Nous voyons donc que chez tous les aniniaux vertébrés, il y a une tendance à l'amoindrissement du globule sanguin à me- sure que l'organisme se perfectionne, soit que ce perfectionne- ment s'effectue dans la constitution d'un même individu par le 56 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. progrès de son déveloi)pement, soit qu'il se montre dans la série naturelle des espèces dérivées d'un même type zoologique. ^ 7. — La discussion des chiffres inscrits dans ce tableau prouve qu'il n'y a aucune relation absolue entre la taille des animaux et le volume des globules de leur sang. En effet, leur diamètre est à peu près le même chez le Cheval et chez la Souris; chez le Paresseux, ils sont plus grands que chez le Bœuf, tandis que chez le Chat ils sont plus petits que chez l'homme, et nous verrons que sous ce rapport la Baleine se place entre la Grenouille et la Chèvre. M. Gulliver, à qui l'on doit la série la plus complète d'ob- servations micrométriques sur le sang, a pensé avec raison que dans des invesligations de ce genre il fallait s'attacher sur- tout à comparer entre eux les animaux qui se ressemblent le plus par le plan général de leur organisation, et qui a{>partien- nent par conséquent à une même famille naturelle. En procédant de la sorte, il a cru saisir un certain rapport entre la taille de l'individu et la grosseur des globules de son sang. Effective- ment, dans la classe des Mammifères, c'est chez l'Éléphant que ces corpuscules sont le plus gros ; ils sont aussi très grands chez la Baleine; tandis que c'est chez le Chevrotain, le plus petit des ruminants, que leur volume est le moindre. Cette coïncidence est remarquable aussi chez quelques oiseaux : (;'est chez le Gasoar et l'Autruche que les globules ont les dimensions les plus fortes, et chez les pehls Passereaux qu'ils sont le plus petits. Enfin, chez le Crocodile, ils sont également plus grands (|ue chez les Lézards, et de tous les Batraciens à branchies caduques, c'est la Salamandre gigantesque du .lapon qui a les glol)ules les plus gros (1). Mais d'un autre côté nous voyons que chez le Lion les glo- (i) M. VandorHoeven a tiouvéque tuurlijke Geschiedenis en Physiolo- cliez ce Batracien (le Crypfo5ro;ic/iî(.f yie, 18/il, t. VllI, p. 270, cl .inn. japonirus) les gloI)ules ont ~ sur vr. f'^s *f. nat., 18/il, '_'" série, t. XV, de niilliniètre. {Tijdscrift vnnr Na- p. 251.) (iLOBLLES UOIGKS. 57 billes (lu sang- ne sont pas plus gros que chez le Chat, et ({ue chez les Ceris, les Antilopes et les Chevaux, ils sont plus petits que chez le Lapin ou le Rat . Chez la Grenouille, ils sont aussi plus petits que chez les Tritons, dont la taille est cei)endant bien moindre. Les variations dans le volume du corps des animaux ne sau- raient donc être considérées comme réglant d'une manière directe et nécessaire les dimensions des globules de leur sang. Mais nous verrons plus tard que la respiration est, toutes choses égales d'ailleurs, plus active chez les petits animaux que chez les gros, et qu'il existe aussi d'ordinaire une relation intime entre l'activité de cette fonction et la rapidité des mouvements. Cela nous conduit donc à chercher si la petitesse des globules ne serait pas en rapport avec les besoins de la respiration. Or, si l'on compare entre eux les divers Mammifères sous ce rapport, en tenant compte tout à la fois de leur volume et de leur activité musculaire, c'est-à-dire des deux circonstances principales qui paraissent devoir faire varier leur puissance res- piratrice, on ne tarde pas à voir que chez les animaux consti- tués d'après le même plan fondamental, la nature tend à rendre les globules du sang de plus en plus petits à mesure que les besoins de la respiration augmentent. Ainsi, le mammifère dont les mouvements sont les plus lents, le Paresseux, quoique de petite taille, a les globules du sang presque aussi gros que ceux de l'Éléphant. Les animaux lierbi- vores, qui, dénués de moyens de défense, ne peuvent échapper à leurs ennemis que par la rapidité de leur course, et ont été doués par conséquent dune agilité très grande, sont au con- traire ceux où l'on trouve dans le sang les globules les plus petits. Après les Chevrotains, les Chèvres, les Cerfs, les Anti- lopes, etc., ce sont les Carnassiers chasseurs qui ont besoin de déployer la plus grande énergie musculaire ; aussi ont-ils les globules sanguins plus petits que les Rongeurs, On remarque I. 8 58 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. pareillement que les Singes, animaux qui, malgré leur pétu- lance, mènent une vie assez sédentaire, sont au nombre des mammifères dont les globules sont les plus gros ; enfin l'homme, qui sous le rapport de la puissance physique est moins bien doué que la plupart des animaux, a aussi les globules plus vo- lumineux que ceux d'aucun des mammifères constitués pour la course, le saut ouïe vol. Les IMammifères nageurs ont en général les mouvements plus lents et ont la respiration moins active que les espèces qui, tout en appartenant aux mêmes familles, sont organisées pour la course; et je ferai remarquer aussi que la nature semble tendre à augmenter chez ces derniers la petitesse des globules sanguins. Ainsi, de tous les Carnivores, ce sont les Phoques et les Loutres (pii ont ces globules le plus gros ; les Genettes et les Féliens qui les ont le plus petits. Parmi les Rongeurs, je citerai aussi les Castors et les Myopotames comme exemples d'espèces à gros globules ; les Écureuils et la famille des Rats comme les avant très petits. J'ajouterai que les globules sanguins ont f|i de millimètre chez le Cheval, et r^ chez l'Ane, dont le corps est cependant plus petit, mais dont les mouvements sont moins rapides et moins puissants. Les Mammifères qui s'engourdissent en hiver, et passent une grande partie de leur vie dans un état de sommeil léthar- gique, ont aussi, toutes choses égales d'ailleurs, les globules sanguins plus gros que ceux dont la vie est toujours active. Chez la Marmotte et le Porc-Épic, ces corpuscules n'ont qu'environ jj^ de millimètre, tandis que chez les Lièvres ils mesurent environ i\-. de nnllimètre, et que dans les familles des Rats ils ont de -^ ;> ^. Enfin, le Hérisson, qui de môme que la Marmotte et le Porc-Éi)ic a[)partient à la catégorie des ani- maux hibernants, est de tous les insectivores celui dont les glo- bules sanguins sont le moins petils. GLOBLLKS UOLGES. 59 Ce que nous avons déjà VU au sujet de la grandeur des glo- bules sanguins eliez les vertébrés ovipares à respiration aérienne, o'est-à-dire chez les Batraciens, les Reptiles et les Oiseanx, est également d'accord avec cette tendance de la luiture à multiplier le nombre de ces corpuscnlcs sous nn même vo- lume à mesure que les besoins de la respiration augmentent ; et cette relation nous permet de comprendre maintenant com- ment les Poissons, tout en étant des animanx inférieurs aux Batraciens, ont les globules du sang plus petits, car ils doivent posséder une grande activité musculaire, et cependant ils se trouvent placés dans des conditions peu favorables au dévelop- pement de la fonction de la respiration (1). La diversité dans le volume des globules du sang ne se trouve pas liée seulement aux circîonstances dont je viens de parler; elle est sans doute en rapport avec beaucoup d'autres choses (1) II me sérail facile de multiplier beaucoup les faits qui tendent à mon- trer l'existence d'une relation intime entre le volume des globules sanguins et l'activité physiologique. Nous re- viendrons sur ce sujet lorsque nous étudierons la respiration, et pour le moment je me bornerai à citer quel- ques exemples fournis par les Oiseaux et les lîeptiles, afin de montrer que la tendance signalée ci-dessus n'existe pas seulement dans la classe des Mam- mifères, Pour rendre cette comparaison plus facile, je prends le diamètre moyen fourni par la mesure des deux axes de l'ellipsoïde représenté par ces glo- bules chez les vertébrés ovipares ; et en procédant ainsi, je trouve que chez les Struthioniens, oiseaux qui ne sont pas organisés pour le vol, et qui sont de très grande taille, circonstances qui tendent toutes deux à amoindrir les besoins de la respiration, les glo- bules mesurent de ~ à 77-, de milli- mètre. Chez le Cygne, qui ne vole que peu, et qui, tout en étant un grosoiseau, est beaucoup moins volumineux que les précédents, ce diamètre n'est plus que de ^'-. Chez les Vautours, qui se font éga- lement remarquer par leur grande taille, mais qui ont le vol puissant, ce diamètre varie entre ^ et ~. Chez le Taon, les lloccos, les Din- dons et les Faisans, qui sont tous des oiseaux lourds, maisde moindre taille, ce diamètre varie entre ,|- et ~. Chez le Corbeau, il tombe jusqu'à Y77 , et chez beaucoup de l'assereaux il n'est plus que de j~ de millimètre ou moins encore. Parmi les Reptiles, je citerai le Caïman à museau de brochet, dont les mouvements sont très lents, et le Lé- 60 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. qui jusqu'ici ont échappé aux investigations des physiolo- gistes (1); mais j'ai insisté à dessein sur ces coïncidences remar- zard ocellé, qui se fait remarquer par sa vivacité. Ou a trouvé que chez le premier le diamMre moyeu des glo- bules est d'environ .-^r,, tandis que chez le second il n'était que d'environ ,^^ de millimètre («). Du reste, je suis loin de prétendre que les conditions physiologiques dont il vient d'être question soient les seules qui régissent les différences de volume des glohules sanguins, et je suis même porté à croire que toutes choses étant égales d'ailleurs, le ré- gime y influe. Giiez les phytophages, par exemple, les globules tendent à être plus petits que chez les carnivores. Eneflét, parmi les Mammifères, ce sont les Ruminants, les Pachydermes et les Rongeurs qui ont les globules les plus petits; les Carnassiers et les omni- vores qui ont les plus gros; et pour prendre des termes de comparaison dans un même ordre, je citerai le Co- chon et le Cheval. Chez ce dernier, les globules ont ^tt t'f millimètre, tandis que chez le Cochon ils ont :p^ . bien que ce dernier pachyderme soit de plus petite taille que le premier. (1) Je ferai remarquer qu'effective- ment il existe une tendance à l'uni- formité des glohules dans les diverses espèces de beaucoup de groupes naturels, et à certaines différences dans le volume (irdinaire de ces cor- puscules entre les diverses familles de Mammifères. Ainsi, chez les Singes de l'ancien monde, le diamètre moyen des globules oscille toujours autour de YTT,» et le nombre diviseur ne s'é- carte que de 4 en plus ou en moins. Chez les Singes d'Amérique, les globules sanguins sont un peu plus petits, mais diffèrent cependant à peine de ce qui existe dans le groupe précédent, car les termes extrêmes sont :^. et v^. Dans la famille des Lémuriens, la grandeur des globules diminue un peu plus, et tombe entre ,'v et ~. Il en est à peu près de même chez les Chéiroptères; ils varient entre -]- ei ,:t. Dans le petit groupe des Insecti- vores, les extrêmes sont -^ et ~. Dans l'ordre des Rongeurs, les varia- tions sont plus considérables; le dia- mètre des globules atteint -]-; et même ,\.^ , et s'abaisse jusqu'à ~. Ainsi, chez les Mammifères disco- placentaires, les globules sanguins ne varient (terme moyen) qu'entre 7J7 et -!- Chez les Carnassiers plantigrades, les variations limites sont 7^„ et ,47, et chez les Digitigrades elles se main- tiennent, dans l'immense majorité des cas, entre -^, et ^77. Chez le Phoque, ils sont plus gros : ils mesurent ^. Chez les Édentés, leur volume est plus considérable encore et varie entre -,y, et ^. Dans la famille des Ruminants ordi- naires (c'est-à-dire l'ordre tout entier, à l'exception des Camélieus), les glo- bules sanguins sont remarquablement (a) Note sut' les dimensions des rilnbules du snnrj rha quelques animaux vertébrés, par Al- plionse Wilne Edwards (Ann. des sciences nat., 185(1, 4° série, t. V). GLOBULES ROUGES.. 61 quables, parce que j'aurai à en arguer quand je ferai l'histoire de la respiration. J'ajouterai encore que la proportion entre le petit et le petits et ne varient guère qu'entre fTT ^t ^75 ; quelquefois ils n'ont que tVt (chez le Chevrotain de Java. Chez les Solipèdes, leur diamètre varie entre r^ et ~. Chez les Pachydermes ordinaires, les chiffres extrêmes sont ^rr et 7^,. Chez les Prohoscidiens , ils n'ont qu'environ y^. Chez les Cétacés, on a trouvé dans un cas :j^ (chez la Baleine), et dans un autre .^ (chez le Dauphin). Enfin, chez les Marsupiaux, les variations extrêmes sont ^tt et y^. Dans la famille des Oiseaux de proie diurne, le grand diamètre des glo- bules oscille autour de ^ ; on ne con- naît qu'un exemple où il s'élève à ~ , et les plus petits de ces corpuscules ont au moins ^^. Quant an petit axe de l'ellipse, sa longueur varie ordinai- rement entre ~ et ytt- Chez les Rapaces nocturnes , les dimensions sont à peu près les mêmes; mais chez les Passereaux elles Grim- peurs, les chiffres qui représentent le grand diamètre ne s'élèvent que rare- ment au-dessus de ^ , et se maintien- nent d'ordinaire entre -, et ■^. Dans la fanjille des Gallinacés pro- prement dits, et dans celle des Pi- geons, ce diamètre ne varie d'ordi- naire qu'entre ~ et ~. Chez les Palmipèdes, ce diamètre est presque toujoursd'environ ,\ et r^^. Enlin, chez les Écluissiers, il atteint parfois ~, et peut descendre jus- qu'à ^. Chez les Chéloniens, il ne s'éloigne pas notablement de ^, et chez les Sauriens il oscille entre ~ et ^. Chez les Batraciens et les Poissons, les différences deviennent beaucoup plus considérables. Lorsqu'il s'agit d'établir une éva- luation moyenne, on ne peut avoir une entière confiance dans les résul- tats, que si les données sont très nombreuses , ou si les variations entre les deux extrêmes sont très petites. Je n'ose donc tirer aucune conclusion de quelques mesures de globules qui ne paraissent pas avoir été faites dans ces conditions, et qui accuseraient des différences notables dans les dimensions de ces corpus- cules chez de simples variétés d'une même espèce zoologique ; mais je crois devoir les sit;naler à l'attention des micrographes pour en provoquer le contrôle. Dans les mesures publiées par !\1. MandI, l'évaluation des glo- bules du sang est, pour le Mouton d'Ecosse, , '7 de millimètre ; pour celui d'xAstracan -'7; et pour celui de Nor- wége -^ (a). Si ces différences étaient constantes, il faudrait en conclure que les conditions biologiques peuvent exercer une certaine influence sur le développement des globules sanguins, comme sur la taille des animaux ; ou bien que ces divers moutons ne sont pas des variétés d'une même espèce, mais des espèces très voisines d'un même genre. (o) Mandl, Anatomie microscopique {Mémoires sxtr le sang, p. 17). 6"2 SA>G DES AMJIALX VIÎRTÉBRÉS. grand diamètre des globules ellipti(jues varie aussi beaucoup. En général, ces corpuscules ne sont pas tout à fait deux fois aussi longs que larges ; mais on en connaît dans lesquels les deux axes sont dans le rap[)ort de 1 à 3, et d'autres où ce rapport n'est que de 1 à 1 1 (1). Il est probable qu'il existe quelque relation entre la minceur de ces globules et la disposition du système capillaire, mais on ne sait encore rien de positif à ce sujet. § 8. — J'ai déjà dit que les globules sanguins ne sont jamais sphériques , mais toujours plus ou moins aplatis et de forme lenticulaire ou discoïde. Gela se voit facilement lorsque ces corpuscules roulent sur eux-mêmes ou se réunissent en petites piles, ainsi que cela a souvent lieu dans le sang de l'homme et des autres mammifères pendant la durée de l'observation au microscope (2). ]M. Gulliver a constaté qu'en général leur épais- seur est égale à environ un quart ou un tiers de leur dia- mètre (3). siructme §9- — L'étudc dc la structure des globules du sang offre, comme on le pense bien, des difficultés beaucoup plus grandes que celles que présente l'étude de leur forme et de leurs dimen- sions. Aussi est-ce chez les animaux dont les globules sont les plus gros que les micrographes ont obtenu les premières notions exactes à ce sujet. Leeuwenhoek, Senacet quelques autres observateurs anciens avaient remarqué dans ces globules une tache centrale qui (1) Voyez le tableau ci-après. et n'avait pas écliappé à l'attention de (2) Cette disposition des globules Hewson (a), mais n'a été mise bien circulaires à se réunir en pile, comme en évidence que par MM. Hodgkin et des rouleaux de pièces de monnaie, Lister (6). ne s'observe pas dans le sang des ani- (3) Hewson's Works, note xcv, maux à globules elliptiques. F.lle est p. 216. très prononcée dans le sang humain, (a) Op. cit., p. 228. (b) Notice ofsome Mkroscopic Observations oftheBlood (Pliilos. Magax-ine, 1827, p. 133.) — Voyez aussi les fi^'ures publiées par M. Donné Jans l'atlas do son Cours de micrographie, pi. 2. des globules. GLOBULES ROUGES. 63 tantôt se montre comme un point obscur, et d'autres fois se détache en clair, suivant la manière dont l'objet est frappé par la lumière(l). Délia Torre (2) avait cru que cette a|)parence était due à une perforation, et que par conséquent les globules avaient la forme de petits anneaux. Mais cette erreur ne tarda pas à être rectifiée par Fontana :3) et Hewson [(i). Ce dernier observateur a reconnu que chez la Grenouille la tache centrale des globules est due à la présence d'un noyau solide. En étudiant le sang de l'Anguille, il a même vu ce noyau s'échapper de l'inlérieur des globules altérés par un commencement de putréfaction (5), et une observation analogue a été faite par MM. Prévost et Dumas sur le sang du Triton (6). Au moment où le sang vient d'être tiré , le noyau est difficile à distinguer, mais il devient promptement très visible, surtout si l'on ajoute un peu d'eau à la gouttelette placée sur le porte-objet du microscope (7). En (1) Senac, Traité Je la structure du cœur, t. If, p. 656. (2) Nuove usservazioni microsco- piche, in-Zi. Naples, 1776. (3) Voyez Osservazioni sopra i globefti del sangue, 1766, citées par Fontana dans son Traité sur le venin de la vipère, 1. 1, p. 6/j, et t. II, p. 2/i5. [h] The Works of W. Hewson, p. 216, etc. (5) Op. cit., p. 226. (6) jHibl. unie, de Genève, t. XVII, pi., fig. o. (7) MM. Wagner (a), Valentin (6), Henle [c], et enCin clans ces derniers temps, M. Molescliolt (r/),ont été con- duits à penser que chez la Grenouille les globules sanguins sont dépourvus de noyaux tant qu'ils circulent dans les vaisseaux de l'animal vivant, et que ce corpuscule central ne s'y constitue que par une sorte de coagulation inté- rieure lorsque les globules sont expo- sés à l'influence de l'air. M. Donders partage cette opinion (e); mais M. Kôl- liker ne l'adopte pas (/"), et M. Mayer assure qu'il a vu ces noyaux pendant que les globules circulaient dans les vaisseaux capillaires de la membrane palmaire des pattes postérieures de jeunes grenouilles iq). ■ (a) Aachtmne mr rergleichenden Physiolooie des Blutes, ISH.S.p. 14. (fc) nepertorium, 183", t. II, p. 185. (c) Traite d'anatomie générale, t. I, p. 450. (d) Veber die Entwickelung der lilulkôrperchen (.Miillcr's .Icr/i. /". .t»rt/. und l'Iii/siol., 185.1 p. 73, pi. 1, lii^. G). (c) Dondors et Molosehott, Untersurh. itbcr die IlhUkurperchemthUand. lieitr. ;■, den anat. iitid physiol. Wisseiisch., 1848, p. 360). if) Kollikei-, MihTo.ikopisclic Anatomie, 185i>, I. II, p. 583. [fl)},Uyer, llelter eigenthimlif.h qestaltete [iliitiellen (Miillcr's Arch. f. Anal., 1843, p. -208). 5/i SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. faisant agir un pou d'acide acétique sur le sang de la Gre- nouille, on démontre cette structure d'une manière encore plus convaincante, car on peut enlever ainsi l'enveloppe du noyau et mettre celui-ci à nu (1). La même organisation se retrouve chez les Poissons , les Reptiles et les Oiseaux, mais la sépara- tion du noyau est plus difficile à effectuer chez ces derniers (2), Les globules circulaires du sang des Mammifères ne sont pas renflés sur leurs deux faces comme les globules des vertébrés ovipares, et présentent au contraire une dépression centrale, de façon à ressembler à de petites lentilles biconcaves, à bords épais et arrondis. La tache centrale que l'on y observe est due à ce mode de conformation, et chez les Mammifères adultes il ne paraît pas y avoir de noyau à l'intérieur des globules nor- maux. Par analogie, plutôt que par l'observation directe de ces globules , on a admis pendant longtemps l'existence d'un nucléus chez tous les vertébrés ; mais, aujourd'hui que l'on dispose de moyens d'investigation beaucoup plus puissants qu'il y a un quart de siècle, on a pu s'assurer que chez les xMammi- fères le centre des globules normaux n'est ni plus solide ni plus opaque que leur partie périphérique (o). Dans le jeune âge (1) Milne Edwards, Ann. des se. mt., 1826, r'série, t. IX, p. 368, et Todd's Cydop., art. Blood. Millier, Beobachtungen zur Analyse lier Lymphe, des Bluts und des Chy- lus (l>oggendorl's Annalen der Phy- sikundChcmie, 1832, i. ll,p 513).— Obs. sur l'analyse de la lymphe du sang, etc. {Ann. des se. nat, 183 /i, 2' série, 1. 1, p. 3/i3). Donné, Cuurs de microscopie , 18/iû, p. 72. (2) La forme de ces noyaux est plus ou moins o\ alaire, mais le rapport des deux axes de l'ellipse varie dans des espèces fort rapprochées. Chez le Fai- san , par exemple, le noyau est deux fois plus long que large, tandis que chez le Coq le grand diamètie ne dépasse le petit que d'environ un cinquième, lien résulte que ces modifications ne pa- raissent pas avoir grande importance. Quant au volume de ces corpuscules, il est en général d'environ ^- de mil- limètre sur 7^,^ chez les Oiseaux, et s'élève à vk sur ,', chez l'Autruche. Chez les l'.eptiles, les Batraciens et les Poissons, ils sont en général plus pe- tits, comparativement aux dimensions des glohules, que chez la plupart des Oiseaux. (3) L'existence d'un noyau dans les GLOBULES HULGES. 65 cependant il en est autrement, et diez le fœtus on trouve dans ces corpuscules un noyau i>lus ou moins bien formé qui dispa- raît par les progrrs du développement. La présence d'un noyau dans les globules du sang peut donc être considérée comme un signe d'infériorité pbysiologique. Nous avons vu |»récédemment que par la forme des globules globules sanguins des Mammifères adiilles a été admise par Uewson (a), Home (6), MM. Prévost et Dumas (c), et quelques autres observateurs [d]. C'est principalement aux recherches de M .AL liodgkiii et Lister en Angle- terre (Pi, et de M. Donné en France if), que la connaissance du mode de con- stitution de ces corpuscules est due. La forme biconcave de ces globules n'avait pas échappé cependant ù quel- ques micrographes plus anciens, tels que Young ((/) et M. Amici (h). L'absence d'un nucléus dans ces globules a été constatée d'abord par MAL Hodgkin et Lister (en 1827), puis par M. Donné, AI. Wharlon Jones, etc. {i}. Plus récemment, M. Krause a an- noncé, il est vrai, que l'on pouvait isoler les noyaux des globules du sang humain en faisant infuser pendant deux jours ces corpuscules dans de l'eau distillée (/); mais ce physiolo- giste paraît avoir pris pour des noyaux libres un certain nombre de globules décolorés par l'action de l'eau, puis contractés (k). Aujourd'hui presque tous les mi- crographes s'accordent pour consi- dérer les globules normaux du sang des Mammifères comme étant dépour- vus de nucléus; mais, d'après quel- ques observateurs, il y aurait parfois parmi ces globules un petit nombre d'autres dont le centre serait occupé par un noyau. Ainsi M. AA'harton Jones assure avoir trouvé chez le Cheval et chez l'Éléphant quelques globules rouges à noyau intérieur. 11 a vu aussi que par l'addition de l'eau la même structure devient parfois visible dans quelques globules sanguins chez l'homme, le (n) On the Red Pariicles of Ihe Blood [}yorks of \V. Hewsun, p. ^21, 275, etc.) (6) Evei-anl Home, On the Changes the Blood Undergoes in the Ad of Coagulation (Phil. Trans., 1818, p. 173. (c) Examen du sang (Bibl. de Genève, 18-Jl, I. WIl). (d) Milne Eilvvaids, arl. Ulood (Totld's Cyclop. of Anat. and PhysioL, vol. I, p. 404). Millier, Op. cit. {.Ann. des se. 7iat., 1834, 2" série, t. I, p. 343). Nasse, art. Sang, inséré dans le ilandwortcrbuch dev Physiologie, von 11. Wairncr, 1842, I. 11, p. 90. ^ ' • (f) Hodgkin et Lister, Mieroscop. Obs. of the Blood and Animal Tissues (Phil. Mag. and Annals, 1827, t. V, p. 120). if) Donnu, Becherches sur les globules du «««j. Thèse in-4, 1831, i;l Cours de mieroscop., p. 67 et 08. (g) T. Young-, Introduction to .Médical Littérature, 1813. (7t) Voyez une note de l'archiduc .Maxirnilien d'Autiiche, insérée dans le Edinburgh Médical and Surgical .Journal, 1819, V, MX, [.. lis. (î) Xermischte Beobachtungen (Miiller's Areh. fiir .\nat. und PhysioL, 1837, p. 4). U) Wagner, Elem. of PhysioL, p. 240. (k) \V. .lones, Ob.wv. on some Points in the .\natomy, [Phgsiologii and Patltology of the Blood {Brilish and Foreign Médical Beview, 1842, n° 28). '■ " 9 66 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. du sang, les Caniéliens diffèrent des autres mammifères et res- semblent aux vertébrés ovipares ; mais ils ne présentent aucune anomalie du même genre relativement à la structure de ces corpuscules. On n'aperçoit dans ces globules elliptiques aucune trace de noyau central (1), et par conséquent le caractère dis- tinctif du sang des vertébrés vivi[)ares et des vertébrés ovipares paraît être la présence ou l'absence du nucléus. § 10. — Les micrographes ne sont pas encore complétenïcnt fixés au sujet de la structure de la portion périphérique des glo- bules. La plupart des observateurs pensent qu'ils sont limités par une membrane, et que par conséquent ce sont de véritables ntricules ou cellules isolées (2) ; d'autres supposent que ce sont Mouton, oto. {a). M. Scliultz a publié des observaiions analogues sur le sang de l'Klé])liant (6), et M. lNa^se a signalé Texislence assez fréqnente de globules rouges nucléoles chez les femmes en- ceintes, etc. (cj. Enfin M. Busk a trouvé dans le sang d'un homme un globule rouge qui était pourvu dun noyau bien caracléiisé, tandis que tous les autres globules contenus dans le même éclianliilon offraient l'appa- rence ordinaire (d). Mais M. Kôlliker est arrivé à des résultais contraires, et pense que •c'étaient seulement des globules dé- formés par l'action des réaci.fs qui ont pu présenter celte apparence (<^). Il n'est question, dans tout ce qui précède, que des globules dont le dé- veloppement est achevé ; car, ainsi que nous le verrons bientôt, il y a souvent un noyau dislincl dans les gidbules en voie de formation chez lembi yon des Manimilères, aussi bien que chez les autres vertébrés. (1) Donné, De l'origine des glo- bules du sang, etc. {Compte rendu, 18/i'J, t. XIV, p. 357). Gulliver, On tlie Nuclei of Blood Corpuscles {Mtdic. Chirur. Trans., vol. XXI 11). ('i) Un des premiers auteurs qui aient parlé des globules du sang, Bidioo, les considère comme étant des vésicules {[}. Weisse arriva à la même conclusion un siècle plus lard -'g), ainsi que llewson [Op. cit.). Mais ce fut surtout Wells (h) qui donna des aigiiments solides en faveur de cette opinion; ses expériences relatives à (a) W Jones, On the Blood Corpuscles (Philos. Traiis., t84fi, p. 73). (b) Ucber dus Eleiihantciiblvl (.\;iillfr's Ardi. fur Anal, und l'hyswl., 1839, p. 252). (c) Voy. Wan-niT, Uanduorlerbucli dev Physwlo{jie, i. Il, p. 90. (d Biisk, On the Omirreiice of a Nucleolalcd lied Corjmscle in Human Blood (Qnateiiy Jour- nal of Microscopical Science, 1852, vdl. I, p. 145). (e) K(illik(; , Mlkrosliipische Anatomie, t. Il, p. 583. (/") Bidino, Analomia humani corporis, tab. 23, fig. ■)(;, fol. 1085. (g) Acta Helvetica, 17(i0, t. IV, p. 221, eic. {h) Hewsoii, Observ. and Experiments on the Colouroftlie Blood (Phil. Trans., 1797, p. 429). GLOBULES ROUGES, ^' Simplement de petites masses lentieulaires de substance géla- tineuse (1). Cependant l'existence d'une tunique membraneuse me semble bien démontrée par les expériences dans lesquelles on détermine la turgescence des globules par l'addition d'une certaine quantité d'eau au li(iuide qui les charrie (2), et mieux encore par celles dans lescjuelles on donne ensuite une teinte l'action de l'eau et des matifros salines ville 'd),(im considère le noyau comme sur le sang le conluisirent même à ad- étant senlemi'nt le résullat de la coagu- mellie que ces vésicules devaient avoir lalion de la portion centrale de la leurs parois forméesd'une matière inso- luble dans le sérum, ainsi que dans des dissolut ons salines faibles, et avoir li'ur matière colorante renfermée dans l'in- téricur de cette tunique capsulaire. En effet, il constata que la matière colo- rante ne se dissout ni dans le sérum, ni dans les solutions salines, lorsqu'elle est reniermée dans les globules, m.iis qu'elle est au contraire solub!e dans ces menstrues lorsqu'elle a été préala- blement extraite de ces corpuscules par l'action de l'eau. I,a structure vésicnlaire des glo- bules rouges a été mise en évidence d'une manière plus comj)lète encore par les observations de MM. l'révost et Dimias, car ces physiologistes ont vu parfois le noyau central des glo- bules (lu sang (le la Salamandre mis i'i nu par la décliinu-e de lein- enve- loppe {a). Mais ils pensèrent que la tunique de ces corpuscules, au lieu de loger et de proléger la matière colo- rante, était constituée par cette ma- tière elle-même (h). (l)Cetleopininn futadoptéepar IJlu- menbach (c). C'est aussi celle deBlain- masse g.'îlatineuse après la cessation de la vie. Enfin elle a été partagée par M. Donné (e). M. Valenliu, dont l'au- torité est très grande dans les ques- tions de ce genre, admet l'existence du nucléus. mais pense que celui-ci est enveloppé seulement d'une sub- stance molle. (2) Ainsi Hewson avait remarqué que si Ton ajoute une quantité con- venable d'eau à une gouttelette de sang de Batracien placée sur le porte- objet du microscope, on voit les glo- bules non-seulement se gonfler, mais changer de forme et devenir presque sphériques. Or, on comprendrait diffi- cilement ce changemi'ut de forme si le globule était composé d'une ma- tière homogène taillée en disque ellip- tique et dépourvu d'une membrane enveloppante : car alors la masse, en augmentant de volume par suite de son imbibilion d'eau, devrait conser- ver à peu près sa figure primitive ; tandis (|ue, da,;s l'Iiypotlièse de la structure vé>icu!aire des globules, ce phénomène s'explique naturellement par le seul fait de l'élasticité de la (a) Biblioth. univ. de Genève, I. XVll, pi. 3, fit,'. 3. (6) Examen du, sang et de son action dans les divers phénomènes de la vie, pai- MM. l'révost et Diim;\s, loc. cit. (c) IHIimieiibaçli, Institutions physiologiques, Irailuil p;ir l'iiyiiet, 1797, p. 9. {d) Blaiiivillo, Cours de pliysiologie, t. 1, p. ai i. (e) Donné, Thèse sur les globules du sang, 18ol , p. 13. 68 SANG DES ANIMAUX. VERTEBRES. jaunâtre à la vésicule par l'addition de l'iode (l). Lorsqu'on les étudie chez les animaux où ils ont le volume le plus considé- rable, et (ju'on les suit de l'œil dans les petits canaux où ils cir- culent, on les voit s'allonger, se courber quand ils rencontrent un obstacle, puis reprendre tout à coup leur forme première dès que cet obstacle est dissipé; en un mot, on voit (pi'ils sont doués d'une grande élasticité et qu'ils se comportent tout à fait comme le feraient de [)etites utricules ou vessies membraneuses. Enfin l'espace compris entre celte enveloppe et le noyau paraît être occupé par une matière gélatineuse plutôt que par un liquide. Il est aussi à noter que les globules sont d'une texture très délicate et se laissent altérer ou môme détruire par un grand nombre de substances (2). Ils acquièrent facilement de la sorte tunique et de la propension des molé- cules du liquide absorbé à afleclcr une disposition spbérique. Hewson a con- staté des faits analogues en étudiant de la même manière le sang de l'homme {Op. cit., p. 222). (1) On sait que les globules san- guins de la Grenouille et de la Sala- mandre aquatique sont, dans leur état normal, très aplatis, mais se renflent et deviennent presque sphériques par l'action de Peau. Si Ton ajoute de Peau en quantité convenable, ils grossissent alors beaucoup, deviennent de plus en plus transparents, et semblent bien- tôt se détruire en ne laissant que leurs nucléus; mais M. Schultz a constaté que si l'on ajoute alors au liquide qui les baigne de la teinture d'iode, on les rend visibles de nouveau, et qu'alors ils se montrent sous la forme d'une grande vessie {a). On trouve également dans le tra- vail de M. ^^'harton Jones, sur le déve- loppement des globules sanguins , beaucoup de faits qui tendent à éta- blir la slruclurc ulriculaire -de ces corpuscules (6). Je citerai aussi, à l'appui de cette manière de voir, l'au- toiité de Wagner, qui considère les globules comme étant des cellules formées par un tégument ou cyste (c). (2) Les globules du sang se détrui- sent rapidement sous l'influence de divers agents chimiques. Ainsi Fr. Simon a vu qu'ils se dissolvent assez rapidement dans l'huile d'olive {ci), et Magendie avait fait précédemment la même re- marque (e). Si l'on mêle au sang un peu de bile, les globules disparaissent également avec rapidité, et cette action est due essentiellement à la matière que les (a) Schullz, Das System der Circulation, 1836, iii-S, p. 10, tab. i. (6) W. Jones, On tlie ISlood covpnscics {Plùins. Trans., 1820, p. (Ki). (c) Wncfiier, Elem. of Physiol., \'. 2311. (d) Simon, Phannaccutisches CenlvnWlatl, '183;i, p. Ôl'l.— Animal Chemislnj, vol. I, p. dH. (e) Mageiulie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, 1838, t. IV, p. 371. (GLOBULES KOLGIiS. ^^ une forme rentlée, ou même un aspect tVnmboisé, et des mocli- lications du même genre peuvent se produire dans l'organisme sous l'inlluenee de certains états pathologiques (1). Quant à la structure du nucléus des globules sanguins des vertébrés ovipares, nous ne savons encore ([ue peu de chose. Dans les es[)èces où leur volume est sutlisant pour en rendre l'étude microscopique la(ile, on y reconnaît une apparence tuberculeuse, et les observations de M. Owen sur ces corpus- cliimistes désignent sous le nom de biline. Vr. Simon, qui a fait beau- coup d'expériences sur ce sujet, a vu qu'en présence d'une très petite quantité de ce principe, les globules du sang de la Grenouille perdent pres- que instantanément leur membrane tégumentaire,etque le noyau se gonfle, puis devient de plus en plus trans- parent, et finit par se réduire en sphérules qui sont animées de mou- vements browniens très vifs (a). Hiinereld pense que les noyaux, après avoir résisté pendant un certain temps à l'action de la bile, se résolvent en un certain nombre de corpuscules élémeniaires. Les expériences de Scbultz , de Hiinefeld et de Simon (6) montrent que les globules sanguins sont détruits par l'action d'une petite quantité d'étlier : les noyaux ne sont pas attaqués et restent visibles pendant fort longtemps, quand on opère sur du sang de Crenouille ou de Poisson. Le docteur Cbaumonl,d'Édimi)ourg, a constaté que le chloroforme attaque les globules rouges avec plus de puis- sance ; en agitant une petite quantité de cette substance avec du sang, ce- lui-ci devient transparent par suite de la dissolution de ses globules rouges (c). (1) Ainsi Fr. Simon a trouvé chez \m individu atteint de la maladie de Bright les globules rouges du sang entourés d'une série de petites bosse- lures semblables à des perles (d), et Acherson a attribué cette altération à l'expulsion incomplète de la graisse contenue dans ces corpuscules (c Prévost, de Genève, a constaté que chez les Grenouilles l'abstinence très prolongée détermine des changements dans l'aspect des globules du sang ; la membrane utriculaire de ces corpus- cules paraît irrégulièrement contrac- tée, et ses bords sont comme chif- fonnés ( f). (a) Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. \{\. {b) Simon, Op. cit., vol. I, p. HO. (c) Cliaumoni, On the Effecls of CMoroform on Blood (Monthly Journal of Medicine, Edinburgli, 1851, vol. XV, p. 470). (d) Prévost, Note siir les effets produits sur le sang par une abstinence prolongée (Biblioth. univ. de Genève, arcli. des se, 18iS, t. VIT, p. 205). (e) Ueber die geheinmte und gesteigerte .iu/losung der verhrauchten Blutbldschen (Hufe- land's Journal, 181)8, p. 18). (/■) Ueber den physiologischen Nulzcn der Fcttstoffe (Mûller's Arch., 1840, p. 44). 70 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. Cilles chez la Sirène laeertifornie tendent à prouver qu'ils se composent de nucléoles ou granules renfermés dans une capsule membraneuse (1). § 11. — En abordant l'histoire de ces globules, j'ai dit que Leeuwenhoek les considérait avec raison comme donnant au sang sa couleiu^ rouge. Cependant, lorsqu'on les observe par transparence et qu'ils sont isolés, ils paraissent au premier abord tout à tnit incolores ; mais cela ne dépend que de leur faible épaisseur, et presque toujours lorsque plusieurs de ces corpuscules sont superposés ou qu'on les examine à l'aide de la lumière réfléchie sur leur surface, on voit qu'ils sont rouges, tandis que le liquide dans lequel ils nagent est jaunâtre. Il est essentiel de noter aussi que, dans les globules nucléoles, la substance rouge n'occupe pas tout l'intérieur de l'ulricule et ne constitue pas le nucléus. Celui-ci est incolore et demeure inalfaqué lorsqu'on dissout dans de l'eau ou dans de l'acide acé- tiipie la partie colorée dont il est entouré ('2). (I) Chez la Sirène, de même que chez lesaiities Bjlracieiis perennihraiiches, les globules roiigi's sont (rès grands, et M. Owen a dislingiié dans le nucléus de ces corpuscules un grand nom- bre de granules ou nuciéuli's doiiés d'un pouvoir réh'ingent considérable. L'existence d'une capsule autour dr. noyau elliptique ainsi consiiiué lui a paru démoairée par l,i double ligne marginale qu'il y apercevait (/). Chez d'autres animaux, par la dessiccation, ainsi que par l'action de divers léactifs, le noyau des globtdes sanguins se divise souvent en plusieurs fragments, et quelques physiologistes en ont con- clu que dans l'état normal ils se com- posent d'un assemblage de petites sphérules. Ainsi M. NicoUicci consi- dère le nucléus comme étant toujours formé de quatre parties ou globules (6). M. J.-A. Mayer a cherché à démontrer une segmentation conîinue du contenu des globules sanguins analogue à ce qui se voit dans l'œuf dans les premiers temps du travail embryogénique ; mais il paraît s'en être laissé imposé par des pliénomènes de déc )mposi- lion et pir la présence d'Infusoires dans le liquide observé \c). ('2) Ouelcjues physiologistes ont cherché à s'éclairer davantage sur la (fl) Owen, On the Blood disks of Sireii Lacertina {Microscojilc Journal and Structural Record, 184-2, vol. Il, p. 73, pi. d, fig. 2). (b) Nicolncci, Osservazioni microscopiche sulla slrullura df.'globetll sanyuini (voyez Miiller's Arch., 1843, berwht, p. 117). (c) Maycr, Das Pliâiloinen der Dolterfurchuncj an deii lilulsphareti (Froriep's iVeite Noli%en, 1840, Bd. XXXVII, p. 179), Globules incolores. GLOBULES BLANCS. 71 §12.— Les globules rouges, que l'on reconuaîl si facilement à leur forme et à leur coulein-, ne sont pas les seuls corpusenles solides que le liquide sanguin tient en suspension. Hewson y a découvert d'autres granules qui sont incolores et qui lui pa- rurent être semblables aux jioyaux des globules rouges (1). Pendant longtemps on les désignait sous le nom commun de globules lijmphatiques^ mais dans ces derniers temps on en a fait une étude plus attentive, et l'on a reconnu qu'il en existe de plusieurs sortes. Les premiers pas dans cette nouvelle voie d'investigation ont été faits par MM. Millier (2), Mandl (3) et Donné (/i;, et à l'exemple de ces derniers micrograpbes, tons les physiologistes distinguent aujourdhui dans le plasma au moins deux espèces de globules incolores que j'appellerai globulins et globules plasmiqves. § 1 3. — Les globulins du sang sont d'une petitesse extrême ; Giobuhns structure intérieure des globules san- guins de riioninie et de divers ani- maux, en soumellant ces corpuscules à raclion de certains réaclifs, et nolam- nient de l'acide acétic|iie. M. Martin Barry, par exemple, a l'ail de la sorle une longue série d'expériences dont les résiliais lui paraissent établir que ces globules sont des cellules renler- nianl dans leiii' intérieur une ])rogé- niture plus ou moins noinbieiise de jeunes cellules (a). Mais les appa- rences qui se produisent de la sorte ne paraissent pas dépendre de l'exis- tence réelle de cellules incluses, et sont piobablemeni les conséquences de la désorganisaiion du conlenu des glo- bules san-iiins et du mode variable de division des matières grasses qui s'y trouvent et y forment des spbérules autour de cliacune desquelles se con- centre une certaine quantité de ma- tière protéique Les faits observés par ce pbysiologiste seraient donc la con- séquence de la formation d'une sorte d'énuilsiondansluitéiieurdu globule, et non l'indice de l'existence de cel- lules organiques dans l'intérieur de ces iilriciiles. (I) llewson's Works, p. 82. Ci) Journal de l'oggemlorff, 1832. et Ann. des sciences nat., lS3Zi, 2' série, t. 1, p. SZi/j. (3) Anatoinie (jénérale. M. Mandl applique à ces granules le nom de uluhuli'S lymphatiques , désignation qui comprend ordinairement toutes les sories de globules blancs. (/l) Donné, Cours de microscopie, i8Uli,p. 85. im!^lVm':7Ti%t "" "''""' ^'^''''" Barry (Pftito.. Trans., 1840, p. 595, pi. 29, «t Globules plasmiqucs. 72 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. ils affeelent la forme de grains arrondis, el chez l'homme leur diamètre n'alieint pas jU de millimètre. Enfin ils paraissent être formés par de la matière grasse entourée d'une couehe même de substanee alliuminoïde solidifiée (1). § l/t. — Les globules plasmiques, auxquels M. Donné réserve le nom de globules blancs^ que M. Mandl appelle globules fibrineux , et que d'autres physiologistes nomment globules lymphatiques ou chijleux^ sont, ehez l'Iiounne, beau- coup plus grands que les globules rouges, et paraissent être composés ordinairement d'une vésicule arrondie , renfermant un certain nombre de petits corpuscules sphériques qui ré- fractent fortement la lumière et qui sont empâtés dans une matière gélatineuse. M. Donné en a reconnu Texistence chez les Oiseaux et les Batraciens, aussi bien que chez les 3Iammi- fères, et ÎM. Wharton Jones les a retrouvés chez les Poissons. Chez riiomme leur diamètre est d'environ j^ de millimètre, et chez les Batraciens, ainsi que chez les Poissons, ils sont encore plus gros (2). Leur nombre est en général peu considérable; mais, (1) M. Kulliker désigne ces corpus- cules sous le nom de granules élé- mentaires [a), et les considère comme étant de même nature cjue ceux du chyle ; ils se voient on grand nombre tontes les fois que des matières grasses sont introduites dans le sang, et ils abondent peu de temps après les repas. Ce sont aussi ces corpuscules que M. Millier a décrits plus anciennement sous le nom de granules lympha- tiques {b). (2) La grosseur de ces corpuscules blancs ne varie pas beaucoup chez les divers Mammifères. .M. Gulliver en a pris les mesures chez un ceilain nombre d'espèces, et a constaté les dimensions suivantes, que j'ai réduites en fractions de millimètre. Chez L'homme, 1/118' Pithecus Satyrus, 1/1 lO"^ Cercopithecus Sabœus, l/lll" llelarclos Malayanus, 1/118* iXasua rnfa, 1/106" Herpestos griseus, 1/153' Felis Caracal, 1/122' — Serval, 1/126' Kquus Caballus,. 1/126' Camelus Baclrianus, 1/132' Mosclius Javanicus, 1/13'i' Capra llircus, 1/127' — Caucasica, 1/126' Los Taurus, 1/118' Peramelos Lagotis, 1/118' (a) Kiilliker, Mikvoskopisclie Anatomic, t. II, p. .%".">. {h) Millier, Siu- le sang {Ann. des se. vat., 183i, 'l' série, t. I, p. 3M). GLOBULES BLANCS. 73 comme nous le verrons par la suite, il varie beaucoup suivant les condilions physiologiques de l'organisme. Ils ne glissent pas à la manière des globules rouges lorsqu'on les place sur une lame de verre pour les étudier au microscope, mais tendent à y adliérer, et, lorsrpie le sang est Iraîchement tiré des vais- seaux d'un animal vivant, on y observe souvent des phéno- mènes de déformation très singuliers ; leur tissu semble être doué de la iacullé de se contracter et de se dilater lentement, à la manière de la substance que M. Uujardin a observée chez les Rhizopodes , et que ce naturaliste a désignée sous le nom de sarcode (1). Ces mouvements ont été constatés d'abord dans les globules plasmicjues du sang de la Raie par M. Wliarton Jones, puis chez l'homme par M. Davaine; et, ainsi que nous le verrons bientôt, ils sont plus fréquents et plus remarquables chez beaucoup d'animaux invertébrés. Enfin M.N. Lieberkùhn, qui vient de faire une étude attentive de ces corps, croit même devoir les considérer comme étant des animalcules parasites, et les assimiler aux Amibes, petits Infusoires dont l'intestin de divers animaux est parfois infesté : mais les arguments en faveur de celte opinion ne me paraissent pas assez solides pour On voit qu'il n'existe, cliez ces di- nîS7nes inférieurs; sur les Rhizo- vers animaux, aucune relation entre la podes, sur les Infusoires appelés Pro- grosseur de ces corpuscules et le dia- tées ou AiiiiLes, et sur une substance mètre des globules rouges. Dans la nommée sarcode {Ann. des se. nat., classe des Oiseaux, le même pliysiolo- 18o5, 'i" série, t. IV, p. o/ioj. giste a trouvé que le diamètre des — Sur la substance ylutineuse cellules plasmiques est plus petit. (le sarcode) qui constitue en yrande Chez le Coq et le Moineau elles ont partie le corps des animaux iufé- ~ ; chez le Corbeau, rr„ ; chez l'An- rieurs, et sur la manière de l'étudier Iruche, ~, , et chez la Cigogne, 7J-7 {Ann. franc, et étrang. d'anatomie, de millimètre. Il leur assigne chez la 1838, t. il, p. 379). Couleuvre p,-, ; chez la (Grenouille 7^, — Sur la substance glutineuse des et chez les Tritons r^ de millimètre. animaux inférieurs pour laquelle a {Notes to W. Hewson's Works, by été proposé le nom de sarcode {Ann. G. Gulliver, p. 'Ih'è.) franc, et étrang. d'anatomie, 1639, (1) Dujardin, Mém. sur les orga- t. Ili, p. 65). I- 10 74 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. que, dans l'état actuel de la science, on puisse l'adopter; et lors même-que quelques-uns de ces corps seraient réellement de la nature des animaux sarcodaires, il n'en faudrait pas con- clure que tous les corpuscules incolores et granulés du sang sont des parasites, car il paraît évident, comme nous le verrons par la suite, que ce sont en général bien réellement des pro- duits de l'organisme (i). Il est aussi à noter que les globules blancs ou cellules (1) En étudiant le sang d'une Uaie, M. Wharton Jones remarqua la for- mation d'une dilatation partielle sur un point de la tunique des globules blancs granulés, et souvent même le passage successif de gramiles inté- rieurs qui du centre des globales pénétraient dans cette expansion; bien- tôt celle-ci disparaissait peu à peu et une aulre dilatation lobiformese mani- festait sur un point dilférent; les gra- nules y entraient, puis elle s'effaçait ; un troisième lobe faisait saillie ailleurs, et ainsi de suite. M. Jones constata des modifications analogues dans les glo- bules blancs du sang des grenouilles vi- vantes et dans le sang de l'homme (a). M. Martin Barry parait avoir ob- servé des phénomènes du même ordre lorsqu'il a cru voir des globules san- guins se couvrir de cils ; mais les mouvements brusques qu'il attribue à l'aclion de ces prolongements étaient dus, suivant toute probabilité, à des courants dans le liquide ambiant (6:. rius récemment, en observant une gouttelette de sang placée entre deux verres, M. Davaine a vu que ces globules blancs, plus volumineux que les globules rouges, ne tardent pas à se fixer, puis perdent leur forme arrondie et donnent ensuite naissance par un des points de leur circonfé- rence à des expansions transparentes qui changent lentement de volume, de forme et de position. Il ajoute que pendant que ces expansions se pro- duisent, se modifient et se succèdent ainsi, d'autres changements s'opè- rent dans l'intérieur des globules où des vacuoles semblent se creuser (c). Dans quelques cas ces changements se sont succédé pendant une demi- heure, et en lisant la description que M. Davaine en donne, on ne peut être que frappé de la ressemblance extrême que ce phénomène offre avec celui de la contractilité et de l'extensi- bilité du sarcode observé par Î\I. Du- jardin chez les iihizopodes. etc. Les recherches de M. Lieberkiihn {d) portent principalement sur le sang des {a} W. Jones, The Blood Corpusclc considered in ils différent Phases of Development {Philos. Trans., \UG, ].. 04, g 7, p. 07, § 2-i, et p. 71, § 58. (b) Martin Barry, On the Corpuscles of the Blood {Philos. Trans., ISiO, p. 51)8, et 1841, p. 227, pi. 22, fi'g;. 104 et 105). (c) Davaine, Recherches sur les globules blancs du sang {Mémoires de la Société de biologie, 1850, t. II, p. 103). ((/) Lioberkiihn, rdirr rsovospermieil {MùWur's Arch. fïir .Mial. und Phys., 1854, p. M, pi. 1). CLOHLLKS BLANCS. Jù {)lasmi({iies ne se e(tm|)oi'tLMit \)x-> de la iiièiiic manière que les globules rouges en présence de certains réaetits. Ainsi l'eau ne les détruit i)as tout de suite, mais les gonde lui peu et ne les dissout qu'à la longue. L'acide acétique concentré les con- tracte sans les dissoudre. Enfin M. Wharton Jones a vu rpie si on les laisse se goniler sous rinfluence de l'eau, et qu'en- suite on les traite par de l'acide acétique étendu, leurs gra- nules sont attaqués et un noyau central apparaît dans leur inté- rieur. § 15. — Cette circonstance a conduit M. Wharton Jones à penser que les cellules granulées dont il vient d'être question pourraient bien être seulement un état particulier d'autres cor- puscules qui tlottent aussi dans le plasma du sang des Poissons et des Batraciens, et qui ne paraissent différer à leur tour des globules rouges que par l'absence de la matière colorante dont ces derniers sont pourvus. Il distingue donc parmi les Poissons et des Grenouilles ; mais il a observé aussi les changemenls lents de forme dansqiielques corpuscules blancs (ou giobuli's lymphatiques) du sans; de l'homme ; el c'est par l'aspect de ces corps qu'il a été conduit ù les considé- rer comme étant des Auiibes, sorte d'Infusoiresdu groupe naturel des Sar- codaires, que l'on rencontre souvent dans les eaux stagnantes, et que les micrographes désignent quelquefois sous le nom de Protées (a). Je dois ajouter que de'jà, en 1841, y], Valentin [h) avait rencontré dans le sang d'un poisson du genre Saumon des corps qu'il a considérés comme étant des parasites semblables aux Amibes. Un parasite observé par Glug dans le sang d'une Grenouille, et rap- porté par cet auteur à ceux trouvés par M. Valentin, avait des mouve- ments vifs, et ne parait pas être de même nature (c). Il me semble très probable que les corpuscules hétéromorphes observés par Mayer dans le sang de la Gre- nouille, du Bombinator et du Triton, étaient des corpuscules de ce genre dont ce physiologiste n'a pas vu les mouvements, mais dont les variations de forme étaient ducs à des phéno- mènes d'expansion sarcodique {d). (a) Voyez Dujardin, Histoire naturelle des Infusoires, p. 220, pi. 1, Cig.il : pi. 3, fig. 20, etc. (fc) Valentin, L'ebcr cm Entmooii iin Blute von Salmo fario (Miiller's .Irc/f., 18il, p. 435, pi. 15, Wg. 10). (f) Ueber ein eigenthûmliches Entosoon im filute des Frosches (Miillor's .4j'cft., 1842, p. 148). {d) H. Meyer, Uebêr eigenthûmlidi qestaltete niutzellen (Mùller's Arch., 1843, p. 206, pi. é. fig. 1-27). 76 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. globules blancs deux sortes de corpuscules : d'une part, les cellules granulées ou globules plasmiques, dont je viens de parler, et d'autre part, les cellules mtcléolées incolores ; eni\n il suppose que les premières sont de jeunes individus de ces dernières qui, en se développant davantage, se chargeraient d'hématosine, prendraient une forme elliptique et devien- draient des globules rouges (1). Le physiologiste que je viens de citer a observé des varia- tions analogues dans le contenu des globules plasmiques ou cellules blanches granulées des Mammifères, lorsqu'on traite ces corpuscules par de l'acide acétique très étendu d'eau; il a vu alors un noyau circulaire se dessiner dans leur intérieur, et en comparant ce noyau aux globules rouges, il a ('lé frappé de leur ressemblance. D'autres faits, qu'il serait trop long d'é- numérer ici , sont venus corroborer le rapprocliement que M. Wharton Jones avait été comluit à établir d'après ces indices, et dans son opinion les globules rouges ou globules sanguins des Mammifères ne seraient autre chose que le noyau des cellules plasmiques devenues libres. Ainsi, d'après cette manière de voir, les globules blancs, ou cellules plasmiques , seraient les jeunes globules rouges des vertébrés ovipares, et ces derniers ne seraient pas les analo- gues des giol)u!es sanguins des Mammifères, mais les organes destinés à les produire. Dans l'état actuel de la science, cette (1) Philos. Tranis., IS'ifi, p. '71. rôle que ce physiologiste leur assigne, M. Wliarlon Jones distingue aussi et j'.ijoiiterai seulement ici que les dans le sang de riioniine, ainsi que observations de M. Don iers et celles dans le sang des Poissons, elc , deux de M. MolescUott ten.lent à établir variétésde cellules granulées incolores, Texistence d'une quatrième espèce de l'une à granulations très Unes, l'autre à globules incolores dont la substance granulations plus grossières. Dans une serait plus homogène (a). prochaine leçon je reviendrai sur le (a) fJonilei-s iind MolesL-lioU, Untevsuchunijeii iibev die Blutkoi'perchen {Hollândische Beitrdge %u deii unatom. und pliysiol. Wissenschaften, IS-iS, t. I, n° 3, p. 360). 77 GLOBULES BLANCS. ' ' théorie ne me semble pas admissible, mais je n'ai pas cru devoir la passer sous silence. § 16.— Depuis quelques années les physiologistes et les mé- decins se sont beaucoup occupés de l'élude des divers corpus- cules incolores du sang , principalement chez l'homme ; mais nous ne savons en réalité que fort peu de chose touchant la nature et les caractères de ces globules; il me paraît bien démontré que l'on confond d'ordinaire sous ce nom des choses qui peuvent être très différentes, et pour les distinguer il faut avoir recours aux réactions chimiques aussi bien qu'à l'obser- vation microscopique (1). Pour le moment, je crois donc inutile de m'arrèter davantage sur leur histoire, et j'ajouterai seulement que ces cellules plasmiques sont un peu plus denses que le (1) Les globules plasmiques nor- maux varient dans leur aspect. Les uns ne présentent dans leur intérieur qu'un seul noyau et ressemblent beau- coup à certains corpuscules du chyle ; d'autres renferment doux ou trois noyaux et ont beaucoup d'analog;ie avec les globules du pus. Coux dont les dimensions sont les plus considé- rables sont rarement aussi granulés que les petits , et leur contenu est souvent assez transparent pour laisser voir les noyaux. Du reste, quand ceux-ci ne sont pas visibles, on peut les mettre en évidence au moyen de l'acide acétique qui dissout la ma- tière granuleuse de ces celhdes; ce réactif attaque ensuite le noyau, y dé- termine une forme irrégiilière, des écbantrures, etc., puis finit par le désagréger et le réduire en quatre, cinq et même six petits corpuscules arrondis. M. Kôlliker pense que les cellules à noyaux multiples résultent d'une modification des cellules à noyau simple dont le nucléus se diviserait comme je viens de le dire (a). M. Bocker établit aussi une dis- tinction entre les globules blancs, suivant la manière dont ils se compor- tent en présence de l'acide cblorliy- drique et de quelques autres réactifs. Les uns seraient les cellules granulées de M. VVharton Jones ou les globules cbyleux de l'auteur; les autres pa- raissent être de vieux globules rouges décolorés ib). Dans l'état pathologique de l'orga- nisme, on renconire parfois dans le sang de Tliomme d'autres espèces de globules, savoir : 1" Des cellules ou sphérules qui renferment un ou plusieurs globules rouges du sang, en général plus ou (a) Kôlliker, MUiroskojiische Anatomie, 1852, B(1.1I,p. 57(5. (6) Bôclier, Veber die verschiedenen Ai'ten und die Bedeutung der gewôlktm (farblosen) Blut- kôrperchen [Arch. (lir physiul. Heilk., StuUgaii, 1851 , p. 575), 78 SANG DES ANIMAUX VEHTÉBRKS. sériiui , mais que leur pesanteur spéeilique est aïoins grande (jue celle des globules l'ouges; de sorte que lorsque tous ces corpuscules se déposent lentement par le repos dans le sang moins altérés et qui ont été obser- vés dans la rate, le foie, etc., par M\l. Ecker(a),Kuliiker^6),Gerlacli(c). Sanderson [d) et quelques autres phy- siologistes. 2° Des cellules granulées pig- mentaires décrites par M\I. KoUi- ker, Ecker, II. .Meckel, Virchow, Kunke, etc., et trouvées principale- ment chez des malades atteints de fièvres intermittentes et (ralTections de la rate {e). o° Des sphérules ou amas de ma- tière finement granulée et observés dans le sang de la veine splénique par Funke. h" Des corpuscules à couches con- centriques, trois ou quatre l'ois plus gros que les globules incolores ordi- naires, semblables à ceux du lliymus, et trouvés par M. Hassal dans un caillot librineux du cœur if). 5" Des cellules semblables aux cor- puscules du pus, et à noyau simple. On les trouve mêlées à beaucoup de noyaux libres, et on les a observées en abondance chez des personnes alFectées de tuméfaction de la rate ou des ganglions lymphatiques. Le doc- teur Cliaumont, d'Edimbourg, a trouvé qu'en présence d'une certaine quan- tité de chloroforme, ces globules inco- lores se modifient de la même manière que sous l'influence de l'acide acétique, et laissent voir un noyau divisé en deux ou trois parties, caractère qui les rapproche des globules du pus et les dislingue des globules blancs ordi- naires qui ne sont pas attaqués par le chloroforme, tandis que les globules rouges sont dissous (y). 6" Des cellules pâles, granulées ou pigmentaires, qui sont pourvues de prolongements cau.liformes, et qui ont été décrites par M. Virchow, Cor- van, etc. (/(). On rencontre parfois aussi, dans le sang à l'état pathologique, des fila- (a) Ecker, lleber die Verniuleningen,tvelche die BlutkiJrperchen in der MHz- erleiden {Zeitschr. fur ration. Medicin, 1847, t. VI, i>. 261). (b) Kollikcr, Ueher den Ban und die Verrichtungen der MHz {miheilung der Zilricher natur- fovschenden Gesellschaft, 184").— Art. Spleen fTodd's Cyclopmdia ofAnatomy, vol. IV, p. 782). ic) Gerlach, ['eber die Bluthôrperchen enthaltenden Zellcn der Mili {Zeitschr. fur ration. Me'dic, 1849, l.VU, ]>. 1',). ((/) Sanderson, On tlie .Metamorphosis of the Coloured Blood Corpuscles and their Contents in Extravasatedand Stagnant Blood {Edinburgh Monihbj Journal of Médical Science, 1851 , vol. XIII, p. 21(1). (e) Virchow, Zur palholog. Phiisiol. des Bluts (.Urhiv fur pathol. Anat., Bd. II, p. 587, etc.). Fiinko, Ueber das Milzvenenblut [Zeitschr. fur ration elle Medicin, 1851, Bd. II, p. 172). Planer, Ueber das Vorkommen von Pigment im Blute {Zeitschr. der Gesellschaft der .ierxte zii Wien, 1854, Bd. I, p. 127). {/■) Voy. Henle, Veber Hassall's Concentrische Korperchen d;s Blutes {Zeitschrift fiir ration. Medic, 1849, Bd. VII, p. 411). (;/) Chaumoni, Action of Chloroform on Blood Globules [Edinb. Monthly Journ. of Medic, 1853, vol.' XVI, p. 470). {h) Virchow, loc. cit. — Oowan, Case of Choiera, in ifhich the Blood was Remarkably Altered {Edinb. Monthly Journ. of Medic., 1854, vol. XIX, p. 249). (.LOBILES BLANCS. 79 défibriné, ils formeiil une couche "risâtre entre ces derniers et le liquide séreux qui surnage (1). 11 est aussi à noter que ces globules incolores sont particu- lièrement abondants dans le sang de la rate ("2), et que dans certains états pathologiques de l'organisme la quantité de ces corpuscules augmente à un tel point, que parfois ce liquide prend un aspect laiteux (3). Dans rétat normal de l'organisme , ces corpuscules blancs ments formés par de la fibrine coa- bules blancs deviennent beaucoup gulée (a), des pellicules de la même plus abondants peu de temps après substance (6), et des lamelles d'appa- les repas, ainsi que nous le verrons rence épidermique (cj; mais ces corps plus en détail dans une des prô- ne sont pas au nombre des matériaux chaînes leçons, normaux de ce fluide, et par consé- (3) Cette altération remarquable du quent ne doivent pas nous occuper sang, que l'on désigne aujourd'hui ici. Des flocons fibrineux paraissent sous les noms de leuknnic, de leuco- être assez communs dans le sang cythémie, etc., a été observée à peu de quelques animaux, et notamment près en même temps à Berlin par des Lamproies [d). M. Vircbow, et à Edimbourg par (Ij Donné, Cours de inicroscopie, M. Bennett, chez des malades affec- p. 8ù. tés d'hypertrophie de la rate. On l'a (2) Voy. Kolllker, loc. cit. — Vir- rencontrée aussi dans des cas d'hy- chow, Gesamm. Abhandl. zur tris- pertrophie des ganglions lympha- sensch. Med., 1855. tiques, de cancer, etc. La plupart de H. Gray, On the Structure and ces cas se trouvent reproduits et dis- Use of the Spleen. London, 185/i. cutés dans les ouvrages des deux pâ- li est aussi à noter que certains glo- thologistes que je viens de citer (e). (a) KoUikcr, Mikroskopische Anatomie, Bd. II, p. ô'S. (b) Nasse, Ueber die Form des geronnenen Fasersioffs {UuWcr's Arch. filv Anat. und Phys., 1841, p. 439). (c) Lcberl, Physiologie pathologique, 4 845, t. I, p. 44, pi. 1, fig. ii. Dondtrs, Xederlandsch Lancet, 18.">0, p. 30. (d) Maver, Ueber freie Primitiiiasem im Blute {Froriep's Neue Notizen, 1841, Bd. XVIII, p. 41). {e)\\vcUo\-i, Zur pathologischen Physiologie des Blnts {Arch. fiir Pathol, Anat. und Phys., 1853, Bd. I, p. .^)4"; Bd. II, p. 587; Bd. V, p. il.— Zur Gcschichie der Leukamie {Op. cit., Bd. MI, p lÙ.-~- Gesammelte .ibhandlungen iur wissenschaft. Med., iii-8. Francfort, 1855, I, p. 449. BenneU, Leucocythemia, or Whitc Cell Blood in Helatioii to the Physiology and Pathology of the LymphaticGlandutous System, m-S.Edwhmsh, 185'i. Voyez aussi Uhle, Ein Fait von Uenaler Leukœmie {.irch. (iu- pathol. Anat., I8oJ,Bd. V, p. 3-i6). Dans ce cas les cellules plasmiques paraissaient être aussi nombreuses que les globules '""oreisinirer, Zur leukœmie und Pydmie (.irch. fur path. .\nat., 1 853, Bd. V, p. 391). Ce patho- logiste a rcmarciuL' que- chez un individu dont le poumon .Hait hepatisé en partie, les cellules plasmi- ques étaient beaucoup plus nond.rcuses dans le sang des cavités droites du cœur que dans le ventri- cule gauche ; tandis que chez un individu dont les poumons étaient dans l'état ordinaire, la proportion de ces corpuscules blancs était la même des deux côl.'s du cœur. L'auteur attribue la différence 80 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS, ne jouent qu'un rôle très secondaire daus la constitution du sans des aniuiaux vertébrés , et ce sont les globules rouges qui donnent à ce fluide ses propriétés les plus remanjuables. Quelques auteurs pensent qu'il faut assimiler tous ces corpuscules à des vésicules inertes analogues aux bulles que l'eau savonneuse constitue autour des sphérules d'air, et que la tbrination en serait due à des réactions chimiques seulement. Ainsi Acherson les considère comme étant le résultat de l'action chimique exercée par des gouttelettes de graisse sur les matières protéiques du sérum (1). Mais cette manière de voir me paraît inadmissible. Quoique je ne puisse pas développer aujourd'hui les raisons qui militent en laveur démon opinion, je crois donc devoir au moins l'énoncer et dire que tous les faits les mieux constatés me sem- blent montrer que les globules du sang ne sont pas de simples concrétions inertes de matière animale résultant d'une sorte de précipitation ou de coagulation sphéroïdale ; que ce sont au contraire des parties vivantes ; des utricules qui s'accroissent et se modifient dans leur structure par les progrès de l'ûge, qui sont le siège de phénomènes pljysiologiqiies, et qui doivent être considérées comme autant de petits organes doués d'un genre d'activité spéciale. Nous verrons i)lus tard que les instruments à l'aide desquels les animaux produisent la bile, la salive, (Ij Acherson, Recherches sur der Fettstoffe ( IMiillcr's Arch. fur l'usage physiologique des corps gras, Anal., 1H/|0, p. /li). et nouvelle théorie de la formation Je revieiuliai sur ceUe question en des cellules à l'aide de ces corps traitant du mode de développement {Compt. rend., 1838, t. Vil, p. 837). des globules du sang. — Ueber den physiolo'jischen Nutzen observée dans le premier cas à une stase des cellules blanches dans les capillaires du poumon, déter'- minée par leur viscosité. Lcudet, llisloire et critique de la leukémie, etc. (Gaxelte hebdom. de méd., 1855, t. II, p. 5'25). Sclireiber, De Leukœmla. Diss. inaiig., 1854. Hischl, Ueber einen Fall von Leulidmie (Virchow's Arch. fur path. Anat., 4855, Bd. VIFI, p. 353). J. Vofrol, Ein Fall von Leukâmie, mil Vergrosserung der MHz und Leher (.4/r/i. fur pathol. Anat., 1851, 15d. III, p. 570). Vidal, De la letieocythémie spléniqiie {Gazette hebdom. de méd., 1856, t. III, p. 99). GLOBULES BLANCS. 81 riirine ou le sperme, se composent esscntiellemciii d'iiliiciilcs ou cellules vésiciilaires, dans l'intérieur desquelles siège le tra- vail de sécrétion qui donne naissance à ces produits. Les glo- bules du sang me paraissent être des utricules de même nature qui, an lieu d'être réunies entre elles pour former des lamelles, des tubes ou des masses compactes, sont restées disjointes et flottent librement dans le liquide nourricier. Ce sont, comme je le montrerai plus tard, des organes élémentaires ou orga- nites, et c'est à cause de la vitalité dont ces corpuscules sont doués que l'on peut dire avec raison que le sang est une matière vivante (i). (1) L'idée que le sang est une ma- tière vivante a été émise depuis long- temps ; on la trouve dans les écrits de Harvey («), et Hunter l'a soutenue avec talent (6) . Depuis lors elle a été adop- tée par quelques auteurs, mais repous- sée par le plus grand nombre, parce qu'il leur était difficile de concevoir l'existence d'un liquide vivant. Mais en la restreignant comme je le fais ici aux globules du sang, ces difficultés n'existent plus, cl les arguments dont on s'est servi pour la combattre me semblent de peu de valeur. Ainsi, M. Gulliver objecte que le sang peut être gelé sans perdre sa coagulabilité. En effet, llewson a constaté ce fait (c), ainsi que Hunter {cl}, et M. J. Davy a pu répéter cette expérience de la con- gélation à deux reprises sur le même sang, sans l'empèclier de se coaguler après qu'on l'eut laissé dégeler pour la seconde fois. Mais cela ne prouve rien contre la vitalité des globules san- guins, ni même contre l'opinion que cette vitalité se conserve tant que la fibrine plasmique est à l'état liquide ; car on sait également bien que la con- gélation n'est pas toujours une cause de mort dans les tissus qui en sont frappés, et que parfois l'organisme tout entier résiste à celte cause de destruction. Ainsi Bonnet a vu des larves d'insectes revenir à la vie après avoir été congelées, et le célèbre chi- miste Humphry Davy a observé le même fait sur des Sangsues (e). L'argument contre la vitalité du sang, tiré de la propriété que possè- dent les alcalis et divers sels d'empê- cher la coagulation du sang, n'a pas une valeur plus grande ; car dans ces cas on détermine la formation de com- posés protéiques nouveaux, qui sont solubles, et leur fluidité ne dépend pas, comme celle de la fibrine plastique, d'une influence physiologique. Mais, tout en attribuant une vitalité obscure aux globules du sang, il faut bien se garder de supposer ces orga- (a) Hancy, De gcner. exercit., 5i et 52 (Op. omn., p. 388 à 398). (h) Traité sur le sang {Œuvr. de J. Hunter, (nul. par Richclot, t. III, p. US). (c) Ilowson, Op. cit., p. n, etc. ((/) Huilier, Op. cit., t. ni, p. 130. (e) Voy. J. Davy, llcsearvhcs, l'husioloyical and .\natoinical, I. H, p. l'2[. I. 11 ^2 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. En terminant cette leçon , je rappellerai que les indications micrométriques relatives aux globules sanguins, dont je me suis borné à citer les plus importantes, se trouvent consignées dans les tableaux ci-joinis. niles doués de facultés que la plupart des tissus vivants de l'organisme ne possèdent pas, et de les croire suscep- tibles de se mouvoir spontanément (a). Parfois on y voit, il est vrai, non- seulement les phénomènes de con- traction et d'expansion sarcodiques dont j'ai déjà fait mention, mais aussi des mouvements de va-et-vient, une sorte de locomotion qui en a imposé à quelques observateurs. Ces mouvements sont quelquefois si marqués, qu'il m'a été impossible d'obtenir par la photographie des images nettes des globules tenus en suspension dans un liquide, tandis que desséchés sur une lame de verre, ils me donnaient dans les mêmes condi- tions des épreuves très belles. Mais l'observation attentive de ces phéno- mènes m'a convaincu qu'il n'y a là rien de vital, et que c'est seulement le résultat soit de courants déterminés par réchauffement inégal des diffé- rentes parties du liquide ambiant, soit de courants endosmotiques établis entre ce liquide et l'intérieur des glo- bules, soit enfin quelque chose d'ana- logue à ce que Dutrochet a appelé l'épipolisme. (a) Emmerson and Reader, On a Peculiar Motion observed in the Globules of the Blood (Edinb. Medic. and Stirg. Journ., 183G, t. XLV, p. 358). Hawley, Vital or Self-moving Power in Dlood {Edinb. Med. andSiwg. Journ., t. XLVI, p. 305). I^appenheim, De cellularum sanijuinis indole ac Vita, Berol., 1841 (Milliers Arch., I8ii, Berichtf p. 75). Mayer, Das Phcinomen der Dotterfurchung an dm BlutspMren (Froriep's NeueNotizen, 1840, Bd. XXXVII, p. 179). DIMENSIONS DES bLOBULES. 83 TABLEAU NM. Plnieu^iODS des globules rouges du sang des animaux vcrtObrés, Ces mesures doivent ôtre considérées comme de simples approximations, et il ne faut pas attacher beaucoup d'importance aux différences qu'elles accusent, lorsque celles-ci sont très légères, 2 ou 3 centièmes de millimètre par exemple; car les chiffres réunis ici sont des moyennes obtenues par un nombre assez restreint d'observations, et doivent nécessairement varier un peu, selon que le hasard aura amené sous l'œil du micrograplie une proportion plus ou moins forte de globules gros, petits, ou moyens. Celte comparaison doit être faite avec plus de réserve encore lorsqu'il s'agit de mesures prises chez diffé- rents animaux par deux ou plusieurs observateurs. En effet, pour les mesures micromélriques, comme pour les observations astronomiques, il existe des dif- férences constantes qui dépendent de la manière dont chaque observateur pro- cède dans les opérations qu'il effectue, et ces différences, que les astronomes appellent les erreurs personnelles, varient ici suivant que le micrographe a l'habitude de prendre ses mesures en dehors, sur ou en dedans du contour apparent de l'objet, et suivant qu'il emploie tel ou tel procédé de mensuration. Par exemple, toutes les dimensions données par MM. Prévost et Dumas et par M. Schmidt de Dorpat me paraissent être un peu trop faibles, et celles fournies par les recherches de Wagner, de Gulliver, ne sont pas identiques avec les esti- mations publiées par M. Jlandl. Ainsi le diamètre des globules du sang humain est évalué à :^ de millimètre par MM. Prévost et Dumas, ^tt pai' M- Mandl, et ■— par M. Gulliver. M. Mandl a cherché à corriger les chiffres présentés par ses devanciers en considérant comme d'égale valeur l'estimation variable du diamètre des globules du sang de la Grenouille par les divers observateurs, et en l'employant comme unité de mesure pour y rapporter les estimations faibles chez les autres animaux {Anat. microscop., Mém. sur le sang, p. 10). Il me parait évident que ces corrections ne sont pas toujours suffisantes, et que par- fois elles seraient nuisibles: il était peut-être utile d'y avoir recours lorsque la science ne possédait que peu d'éléments comparables entre eux; mais aujour- d'hui que, grâce aux travaux de M. GulUver, on a une longue série de mesures prises de la même manière, il me semble préférable de négliger les données, en petit nombre, qui paraissent èu-e en désaccord avec l'ensemble des faits, et de ne placer en regard que les résultats qui sont réellement comparables entre eux. J'ai déjà dit quelques mots des procédés employés pour mesurer les globules (page liS ) ; j'ajouterai ici que la manière la plus commode de les préparer pour les observations de ce genre consiste à placer une gouttelette de sang sur la lame de verre employée comme porte-objet, et à secouer fortement celle-ci. Hfi SANG DES ANIMAUX VERTEBRES. afin crôlcndrc le liquide en une couche aussi mince que possible et à le faire sécher très rapidement. On sait, parles recherches de M. Schmidt (a), que les globules ne sont pas notablement altérés dans leur diamètre par TclTet de cette dessiccation rapide, et la petite cause d'erreur qui peut en résulter est largement compensée par les avantages résultant de l'immobilité des globules ainsi collés sur le porte-objet et par la facilité avec laquelle on les conserve. J'ai reçu ainsi en très bon état des échantillons du sang d'un axolotl péché dans le lac de Mexico par un de mes jeunes amis (M. M. de Saussure), et je crois devoir conseiller aux voyageurs de se servir de ce procédé si simple pour recueillir du sang des Poissons, des Reptiles et des autres animaux exotiques dont nos ména- geries sont rarement pourvues. Afin de rendre ces évaluations plus faciles à comparer, je les ai réduites toutes en fractions de millimètre. Dans le tableau ci-joint, les espèces dont le nom n'est pas suivi d'une lettre initiale sont celles dont les globules ont été mesurés par IM. Gulliver; l'origine des autres chiffres est spécifiée par une indication de ce genre : D. =J. Davy, Ann. and. Mag. of Nat. Hist., I8/16, vol. XVIH, p. 56. E. = Alph. M. Edwards, Ann. des se. nat., 1856, t. V. M, = M. Mandl, Anatomie microscopique, V. II. = M. Van der Hoven , Tijdschrift for Natuurliske Geschiedenis en Physiologie, ISùl, VIII, p. 270. W. = M. Wagner, Vergl. Phys. des Blutes, Bd. I, p. 32 ; Ed. II, p. 13. g I. — Globules cîreialaÎE'os. MAMMIFÈRES. Hommo 1/1 20 Quadrumanes. Singes de l'ancien monde. Maximum, 1/132. — Minimum, 1/140. Simia troglodyles 1/134 rilliccus salyrus 1/133 Hylobates Hûoloclv 1/132 H. Icucogenys 1/135 H. Rafflcsii 1/139 Scmnopithocus moiia 1/138 Cercopithecus mourus 1/130 C. sak-eus 1/132 C. fuliginosus 1/129 C. ruber 1/134 C. pilealus 1/140 C. pygerytlirus 1/134 C. pctauiista 1/137 C. srisco-viridis 1/135 C. xlliiops 1/130 Macanis radialus 1/140 M. Rhcsus 1/135 M. niger 1/140 M. cynomolgus 1/134 M. Silenus 1/134 M. nomcstrinus 1/137 M. sylvanus 1/131 M. mclanotus 1/133 Cynriccphalus Anubis 1/130 C. leucophaeus 1/140 Singes d'Amérique. Maximum, 1/130. ■ — Miiiiuinm, 1/140. Aleles subpentadactylus 1/142 A. ater 1/141 A. Belzebutli 1/140 Cebus Apella 1/130 C. capucinus 1/130 Callithrix sciureus 1/140 Jaccluis vulgaris 1/143 Midas Rosalia 1/138 Lémuriens. Maximum, 1/130. — Minimum, 1/175. Lemiu" albifrons ~ 1/150 [a] Sclimidt, Die Diagnoslik verddMiger Ficelé in Criminalfdllcn. Milan, 1848. DIMENSIONS DES GLOBULES. 85 L. catia L. anjuancensis L. nigrifions Loris tardlgradus L. gracilis 1/153 1/157 1/175 1/145 1/136 Chéiroptères. Maximum, 1/14G. — Minimum, 1/170. Vcsporlilio mûri nus V. noctula V. fiipislrellus F'iccolus auritus 1/140 1/173 1/170 1/17C Insectivores. Maximum, 1/161. — Mininumi, 1/187. Talpa enrnpaea Erinaceiis europœus Sorex lelracrouurus 1/1 S7 1/101 1/181 Rongeurs. Maximum, 1/125. — Minimum, 1/108. Pleroniys nitidus P. volucella Sciurus vulgaris S. niger S. maxinius S. cinercus S. capistratus S. palmariim S. Listcri Arclomys pruinosus A. empêtra Dj-pus œg^yplius Mus giganteus M. decumanus M. rattus M. musculus M. sylvaticus M. messorius M. .\lcxandrinus Arvicola auipliibia A. riparia Ondatra zebethica Hisirix cristata Erithizon dorsatum Synetheris prehensilis Capromys Fournieri Myopotamus coypus Castor fiber Cavia cobaya Dasyprocta aurata D. Acoucbi Cœlogcnys subnigrr Hydrochœrus capybara Lepiis cuniculiis L. timidus 1/149 1/153 1/157 1/151 -1/150 1/157 1/155 1/151 1/155 1/137 1/138 1/104 1/153 1/154 1/147 1/150 1/151 1/108 1/153 1/145 1/105 1/140 1/13:> 1/133 1/135 1/137 1/1 3a 1/131 1/139 1/151 1/149 1/137 1/135 1/142 1/140 Edentés. Bradypus didactylus Dasypus sexcinctqs D. villosus 1/113 1/13G 1/130 Carnivores. Maximum, 1/120. — Minimum, 1/225. Ursus mariliraus U. arctos U. americanus U. americanus \ar. U. ferox U. labiatus Mêles vulgaris Arctonyx collaris Helarctos malayxanus Mellivora capensis Procyoïi lalor Nasua fusca N. ru fa Basaris asluta Cerccoleptis caudcvolvuliu Canis familiaris C. dingo C. vujpes C. fulvus C. argenlatus C. cinereo-argenleus C. lagopus C. aureus C. mesomelas C. lupus Lycaon tricolor Hyœna vulgaris H. crocuta Felis Ico F. coucolor F. unicolor F. tigris F. leopardus F. jubata F. pardalis F. doniestica F. bengalensis F. caracal F. cervaria F. serval Galictis vittata Herpestes grisous H. javanicus H. Smithii Paradoxurus leuconiystax P. bondar P. binotalus P. Pallasii Viverra civella V. tigrina Mustella zorilla M. furo M. vulgaris /152 /140 /145 /149 /140 /140 /155 /143 /140 /150 /15G /149 /152 /159 /t80 /139 /133 /104 /154 /153 /148 /153 /152 /143 /142 /149 /148 /l 49 /170 /175 /170 /105 /170 /l 00 /182 /173 /174 /185 /1(!0 /1C2 /104 /183 /189 /no /l(i7 /225 /1S3 /210 /l 08 /2H /108 /103 /105 86 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. M. pulorius 1/104 Marsupiaux, l,utra vulgaris 1/138 Phoca vitulina 1/129 Maximum, 1/135. — Minimum, 1 /ICO. Pachydermes. Didelphys virgineana Dasyurus viverrinus 1/140 1/100 Maximum, 1/1 OS. — Minimum, 1/177. D. Maugei 1/159 Eleplias indieus Rliinoceros indicus Sus scrofa S. bal)yroussa Dicolylis torquatus Tapii'us indieus 1/108 1/148 1/100 1/170 1/177 1/157 D. ursinus Peramelcs lagotis Hypsiprynmus setosus Macro|ins Bennettii M. ocydromus M. Derbyanus Halmaturus Billandieri 1/139 1/153 1/157 1/139 1/135 1/134 1/142 1/142 1/151 1/145 1/144 Equus caballus E. asinus E. Burehcllii E. hcniioniis 1/181 1/157 1/171 1/174 Phalangisla vulpina P. nana P. fuliginosa Petaurista sciurus Ruminants. Phascolomys Wombat 1/13G MONOTRRMES. Maximum, 1/155. — Minimum, 1/483. Mosclius javanicus 1/483 Ecbidna hystrix 1/130 M. Stanlcyanus 1/420 Cervus Wapiti 1/103 g II. — Gloltulcs clliptîfiues. C. hippela)ihus 1/149 C. axis 1/200 MAMMIFÈRES. C. dama 1/100 C. alces 1/155 G. barbarus 1/189 Camelus dromedarius 1/128 1/233 C. elaphus 1/170 1/199 C. bactrianus 1/123 1/231 C. macrourns Auchenia Vicugna 1/140 1/253 C. mcxicanus 1/203 A. Paco 1/132 1/247 C. marlial 1/200 A. lama 1/132 1/247 C. poreinus 1/212 C. Reevesii 1/249 OISEAU.X. C. caprcohis 1/204 C. virginoanus 1/198 Grand diamètre : Max. 1/59. — Min , 1/105. Antilopa cervicapra 1/201 A. Dorcas 1/193 Petit diamètre : Max., 1/110. —Min , 1/158. A. Gnu 1/189 A. Sing-sing 1/202 Rapaces. A. Pliilanloniba 1/201 A. picla 1/192 Diur7ies. A. bubalis 1/220 Camelcopardalis girafa 1/180 Gypaëtns barbalus 1/75 1/135 Capra caueasica 1/270 Calhartcs iota 1/74 1/145 C. Iiircus 1/250 Sarcorampbus gryphus 4/70 /1153 C. hircus var. 1/253 S. pupa 1/71 1/140 Ovis musmon 1/190 Vultur auricularis 1/72 1/130 0. arics 1/209 V. fulvus 1/72 1/133 0. lragcla|ihus 1/211 V. Kolbii 1/70 1/131 Bos taurus 1/108 V. leuconolus 1/71 1/135 B. taurus var. 1/1 80 V. angolcnsis 1/00 1/124 B. bison 1/100 Polyborus vulgaris 1/72 1/140 B. bubalus 1/181 Buleo \ulgaris . 1/73 1/145 B. caflVa l/iS7 P. lagopus 1/73 1/145 B. frontalis 1/109 Aquila chrysaulos 1/71 1/143 B. syllietanus 1/100 A. Boneilii 1/73 1/142 A. fucosa 1/73 1/137 CÉTACÉS. A. Ghoka 1/72 1/145 llelotarsus fypicus 1/74 1/130 Deliiliinus pliocœna 1/150 llaliaelus albicilla 1/72 1/133 Balicna boops 1/122 H. leueocc'phalus 1775 1/133 DIMENSIONS DES GLOBULES. 87 H. aguia 1/71 1/141 A. iHinctulaiia 1/84 1/163 Falco percçcrinus 1/75 1/152 Cardinalis Dominicana 1/84 1/143 F. tinnuiiculus 1/74 1/137 G. cucuUata 1/84 1/143 F. subbuleo 1/72 1/138 Ploceus Icxlor 1/88 1/180 F. rufipcs 1/79 1/149 Vidiia paradisœa 1/79 1/147 Milvus vulgaris 1/78 1/145 Loxia coccothraustes 1/81 1/149 Gypogcranus serpcntariiis 1/68 1/130 L. curvirostra 1/93 1/157 L. cnucleator 1/89 1/161 Nocturnes L. javcnsis 1/90 1/145 L. Aslrild 1/90 1/187 Otus bracliyotUâ 1/70 1/160 L. cœrulaîa 1/90 1/147 0. Yulgaris 1/72 1/133 L. Malacca 1/93 1/104 Buho maxinnia 1/G8 1/140 Dolichonyx oryzivorus 1/94 1/164 B. virginianus 1/72 1/157 Sturniis viilgaris 1/84 1/153 Syrniiim aluco 1/70 1/150 S. praîdatorius 1/84 1/164 Strix flammea 1/73 1/147 Molotlu'us scriccus 1/84 1/179 S. passerina 1/76 1/140 Corvus corax 1/77 1/157 Surnia nyctca 1/61 1/159 G. frugilegus 1/74 1/120 G. nionedula 1/88 1/164 Passereaux. G. pica 1/77 1/132 Gracula roligiosa 1/82 1/104 Deîitirostres. Fregilus graculus 1/83 1/177 Garrulus pileatiis 1/80 1/100 Lanius excubitor 1/79 1/209 G. glaiidarius 1/81 1/152 Vanga deslniclor 1/80 1/153 G. cristatus 1/80 1/139 Mucicapa grisola Merula vulgaris 1/86 1/83 1/164 1/167 Nucifraga caryocataccs Barila tibicen 1/74 1/83 1/125 1/153 Turdus niusicus 1/87 1/103 Coracias garrula 1/79 1/137 T. migratorius 1/91 1/103 T. canosus 1/90 1/153 Tênuirostres. T. viscivorus 1789 1/157 Orphciis polyglottis 1/88 1/147 Trochilus (Sp ?) D. 1/105 1/158 0. ru fil s 1/88 1/143 Sitia curopa;a 1/87 1/101 Motacilla alba 1/86 1/141 Gerthia familiaris 1/91 1/137 Sylvia pbragmites 1/79 1/140 Philomcla luscinia 1/74 1/173 Syndactyles. Accenlor niodiilaris 1/92 1/157 Erythaca nibccula 1/90 1/163 Alcedo hispida 1/83 1/145 Curruca atricapilla 1/90 1/163 A. gigantea 1/83 1/140 Roguliis cristatus 1/90 1/163 Troglodytes europceus 1/93 1/163 UHiMPEURS. Fissirostres. Piciis niinor 1/85 1/153 Guculus canorus 1/75 1/148 Hirundo nistica 1/84 1/157 Psittacus orytliacus 1/75 1/157 H. iirbana 1/85 1/157 P. albifrons 1/76 1/145 Cypselus apus 1/78 1/151 P. Augustus 1/82 1/142 P. amcricanus 1/83 1/150 Conirostres. P. Rcgulus 1/80 1/149 P. Dufresnii 1/89 1/133 Alauda arvensis 1/84 1/1 02 P. amazonicus 1/71 1/150 Parus cœruleus 1/90 1/162 P. leucocephalus 1/81 1/147 P. caudatus 1/84 1/180 P. badiceps 1/85 1/142 Embcriza citrinella 1/90 1/157 P. mcnstruus 1/83 1/140 E. cristata 1/91 1/160 P. niolanocephalus 1/79 1/153 Plectropbanes nivalis 1/N.l 1/187 P. mitratus 1/80 1/153 Fringilla cœlebs 1/89 1/103 Psiltaciila cana 1/82 1/104 F. Cbloris 1/88 1/142 P. Pullaria 1/85 1/153 F. araandava 1/89 1/189 Tanygnathus niacrorliynchus 1/83 1/153 F. cyanea 1/85 1/147 Pala3oriiis Alexandri 1/84 1/153 Linaria niinor 1/95 1/190 P. lori(uatus 1/86 1/153 Pyrgita domestica 1/84 1/138 P. bungalonsis 1/89 1/157 P. simplcx 1/89 1/157 Trichoglossus capistratus 1/87 1/153 Amadina fasciala 1/79 1/172 Psitlacara Icpturliyncha 1/82 1/155 88 SANG DES AKIMAUX VERTÉBRÉS. r. Murina 1/84 1/159 P. colcliicus 1/85 1/144 P. Palaclioiiica 1/83 1/157 Gallus domeslicus 1/83 1/136 P. viiidissima 1/80 1/165 Meleagris gallopavo 1/80 1/142 P. solstilialis 1/84 1/157 Numida Rcndallii 1/81 1/174 P. viresccns 1/83 1/163 Perdrix longirostris 1/81 1/149 Lorius domiccllus 1/82 1/103 P. Bonliami 1/78 1/129 L. ceramensis 1/83 1/157 Francolinus vulgaris 1/83 1/159 L. amlioinensis 1/80 1/163 Coturnix Argoondah 1/92 1/136 E. coccineus 1/85 1/157 Olryx virginlanus 1/87 1/157 L. sinensis 1/83 1/145 0. Neoxyemus 1/80 1/151 Nymphiciis Novœ-Hollandiœ 1/85 1/104 Tetrao urogallus 1/88 1/151 Platycercus nigei' 1/84 1/153 T. elrix 1/92 1/147 P. Pcnnantii 1/81 1/156 T. caucasica 1/76 1/130 P. pacificus 1/81 1/103 Tinaniiis rufescens 1/69 1/181 P. cximius 1/87 1/153 P. flaviventris 1/83 1/153 P. Vasa 1/81 1/153 ÉCHASSIER 5. P. scapulatiis 1/80 1/159 Macroccrus Illigcri 1/75 • 1/170 Struthio camelus 1/66 1/H8 M. Araranga 1/77 1/103 Rhea americana 1/75 1/119 M. Macao 1/75 1/188 1/149 Casuarius javanicus 1/59 1/110 M. soveriis 1/85 Droraaius Novœ-Hollandiœ 1/67 1/119 Plyctolophus Eos /^ïldicnemus crepitans 1/85 1/157 P. sulfureus Vanellus crislalus 1/78 1/130 P. rosaceus Hœmalopus ostralegus 1/75 1/157 P. galeritus Dicbolophus crislalus 1/74 1/133 P. Pliilippiriorum Psophia crepitans 1/74 1/137 Antbropoides virgo 1/74 1/148 Gallinacés. A. Stanlcyanus Balearica pavonina 1/75 1/74 1/129 1/145 B. Regulorum 1/73 1/137 Pigeons. Ardea cinerea 1/75 1/137 A. rainula 1/78 1/150 Columba palumbus 1/78 1/143 A. nyclicorax 1/70 1/140 C. risoria 1/84 1/139 Plalalea Iciicorodia 1/73 1/141 C. lurliir 1/79 1/133 Ciconia alba 1/69 1/135 C. figrina 1/82 1/142 C. nigra 1/71 1/134 C. rufina 1/91 1/135 C. Argala 1/68 1/140 C. clialcoptera 1/87 1/100 G. Marabou 1/73 1/136 C. Niioliarica 1/84 1/145 Ibis rubcr 1/76 1/124 C. Guinea 1/85 1/151 Numenius phœopus 1/73 1/176 C. Gorcnsis 1/80 1/143 Liniosa melanura 1/77 1/148 C. aui'ita 1/91 1/139 Scolopax gallinago 1/85 1/145 C. nioiilaiia 1/88 1/145 Baillis |iliilippinensis 1/82 1/133 C. Zenaida 1/87 1/141 Gallinula cbloropus 1/81 1/151 C. migraloria 1/75 1/183 C. coroneta 1/77 1/137 C. Iciicoccphala 1/84 1/144 Palmipèdes. C. niystica 1/83 1/138 Podiceps niinor 1/79 1/126 Gallinacés proprement dits. Pelicanus onocrotalus 1/70 1/133 Phalacrocorax carbo 1/79 1/148 Pénélope leucolophus 1/75 1/142 Larus ridibundus 1/82 1/157 P. cristala 1/75 1/142 L. canus 1/78 1/151 Crax globicera 1/78 1/144 Pleclroplcrus Gambensis 1/73 1/147 C. rubra 1/79 1/144 Cbenalopex œgyptiaca 1/73 1/151 C. Varellii 1/79 1/130 Cereopsis Novaî-Hollandia; 1/08 1/145 Oiirax mitu 1/79 1/137 Bernicla Saiidvicensis 1/73 1/151 Pavo crislalus 1/72 1/141 B. magellaiiica 1/73 1/151 P. iniilicus 1/72 1/141 Gygnus alratus 1/71 1/145 P. javanicus 1/74 1/137 Dendrocygna viduala 1/70 1/140 Pliasiamis pictiis 1/87 1/142 D. aulumiialis 1/75 1/148 P. nychlliciiicrus 1/74 1/130 D. arborea 1/70 1/147 P. siipcrbiis 1/83 1/141 . Dcndronessa spoiisa 1/79 1/101 P. liueatus 1/73 1/132 Anas galfriculala 1/76 1/135 DIMENSIONS DES GLOBULES. 89 Qucrqiicdula crecca Q. acuta Q. cireia Mareca Pcnclope Tadoriia vulpanscr 1/81 1/70 1/82 1/78 1/78 1/181 1/151 1/151 1/137 1/151 REPTILES. Grand diamètre : Max., 1/44.— Min., 1/08. Petit diamètre : Max., 1/47.— Min., 1/108. Chdloniens. Testudo grseca 1/49 1/8' T. radiata 1/49 1/86 Cistudo europa;a. E. 1/55 1/75 Emvs rubriventris. E. 1/52 1/90 Erays sigriz. E. 1/48 1/90 Che'lonia Mydas 1/48 1/74 Sauriens. Crocodilus aculus C. luciiis Alligator A. sclerops. E. Cliampsa fissipes Varanus arcnarius. F. liriiana cyclura Lacerla viridis L. ocellata. E. Ophidiens. 1/48 1/90 1/44 1/87 1/52 1/84 1/42 4/75 1/51 1/91 1/56 1/90 1/48 1/90 1/01 1/108 1/GO 1/100 1/41 1/105 1/55 1/90 1/54 1/85 1/50 1/71 1/02 1/90 1/59 1/94 1/45 1/66 1/43 1/71 1/41 1/78 1/44 1/66 1/44 1/66 1/48 1/66 1/55 1/80 Triton cristatiis T. Bibroni Lissotriton punctatus 1/33 1/33 1/32 Perennibranches. Prolcus angninus. W. 1/18 Sircn laccrliiia 1/16 Axolotes mcxicanus. E. 1/25 1/51 1/51 1/49 1/44 1/30 1/45 Anguis fragilis Psodopus Pallasii. E. Natrix torquala Coluber bcrus C. vipcrina. E. Pytlion tigris BATRACIENS. Grand diamètre : Max., 1/16. — Min., 1/48. Petit diamètre : Max., 1/30. —Min., 1/78. A.N0URE3. Rana esculenta. M. R. temporaria Bufo vulgaris B. calamita. W. Bombinalor igncus. W. Pelobates fuscus. W. Hyla arborea. E. Urodèles. Salamandra maculata. E. 1/28 1/45 Cryptobroncbus japonicus. V. H. 1/19 1/32 I. POISSONS. Poissons osseux. Grand diamètre : Max., 1/61.— Min., 1/110. Petit diamètre : Max., 1/95. — Min., 1/157. ACANTHOPTÉRYGIE.XS. Perça fluvialilis 1/83 1/111 Labrus lupus. E. 1/100 1/135 Acerina cernua 1/97 1/118 Serranus cabrilla. E. 1/80 1/122 Senanus scriba. W. 1/78 Mullus barbatus. E. 1/95 1/135 Cottiis gobio 1/79 d/114 Scorpena scrofa. W. 1/78 1/107 Sparus (Sargus?). W. 1/88 1/133 Miigil cephahis. E. 1/90 1/130 Scomber Colias? D. 1/00 1/1.57 Tliymnus communis. E. 1/06 1/120 T.'Pelamiilcs. D. 1/79 1/118 Xipliias gladius. D. 1/100 1/108 Labrus pavo. W. 1/110 1/155 Anarrbichas lupus. V. H. 1/61 1/130 Gobins nigcr. W; 1/66 Lopbius piscatorius. W. 1/78 Malacoptérygiens. Cj-prinus carpio 1/85 Cyprinus barbalus. \V. 1/66 C. aurai us 1/70 Tinca vulgaris 1/90 Leuccscus pboxinus 1 /79 L. crylbrophthalmus 1/79 Cobitis fossilis. P. et D. i/75 C. barbalula. W. 1/88 Esox lucius 1/79 Gaduslota.M. 1/80 Platessa flesus. W. 1/88 Anguilla vulgaris 1/09 Rboinbusmaximus. E. 1/80 Muracna conger. E. 1/80 Gymnotus elcctricus 1/69 LOPHOBRANCIIES. Syngnallms bippocampus.W, S. acus. W. 1/78 1/88 1/05 1/110 1/117 1/107 1/114 1/126 1/123 1/140 1/120 1/133 1/112 1/105 1/100 1/102 1/110 12 90 SANG DES ANIMAUX VERTEBRES. STUniONIENS. Acipenser sturio. V. H. ip^ ^/lOO SÉLACIENS. Graiiil diamclrc : Max., 1/31. — Miii., 1/52. Petit diamètre : Max., 1/39. — Min., l/TJ. Squaliis (caliihis ?). U. S. acaiitliias. D. 1/5-2 1/48 1/"'J 1/70 S. (inJotcrrainc). D. 1/39 1/45 S. (canicula?). D. 1/39 1/79 Squatina angélus. E. 1/40 1/03 Zygœna maliens. E 1/58 1/GG Torpédo ociilala. D. 1/31 1/39 Raja clavata. W. 1/35 d/00 Raia bâtis. E. 1/42 1/63 Cyclostome s. Pteromyzon planeii. W 1/.S7 Ammocelcs brancliialis. \Y. 1/138 TROISIÈME LEGON. 1" Du sang chez les animaux invertébrés; couleur de ce liquide; globules plasmi- ques; sang à sérum coloré; liquide cavitaire; séro-chyme des Zoophytes inférieurs. — 2° De la coagulation spontanée du sang; plasma; fibrine; caillot, couenne. Da sang chez les animaux invertébrés. § 1 . — En abordant l'cLudc du fluide nourricier, j'ai dit que san- Mono les anciens naturalistes réservaient le nom de sang au liquide rouge dont l'histoire physique vient de nous occuper, et qu'ils appelaient animaux exsangues ceux chez lesquels les humeurs sont incolores. 3Iais aujourd'hui, avec raison, on n'attache que peu d'importance à ces différences de teintes, et Ton com- prend sous la même dénomination tout suc propre de l'orga- nisme qui dans l'économie animale est l'agent spécial du mou- vement nutritif. En effet, si l'on ouvre le cœur d'un Colimaçon ou d'une Huître, on y trouve un liquide dont le rôle physiologique, comme nous le verrons bientôt, est le môme que celui du sang d'un animal vertébré; seulement, au lieu d'ôtrc rouge, il est incolore. C'est donc bien du sang au même titre que le fluide nourricier de l'homme ou du cheval, par exemple, mais c'est du sang blanc au lieu d'être du sang rouge (1). (1) La constatation de ce fait im- » rouge foncé; et parce que le sang des portant est due à Swammerdam. Vers » insectes, à l'exception, je crois, des le milieu du xvii= siècle, cet habile » seuls Vers de terre, n'a point cette naturaliste écrivait : « Le sang du Go- » couleur, les auteurs ont prétendu » limaçon est d'un l)lanc bleuâtre » que ces animaux n'avaient pas de )) très différent de celui de l'homme » sang. » {Tiihlianatunv, I, p. 119.) » et des grands animaux, qui est d'un 92 SANG DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. Cette espèce particulière de sang se rencontre chez presque tous les Mollusques, chez les Insectes, les Crustacés et chez la plupart des autres animaux invertéhrés : on le désigne généra- lement sous le nom de sang blanc; mais cette expression en donnerait une idée fausse si on l'employait sans faire au préa- lahlo quelques réserves. En effet, le sang de ces animaux n'offre presque jamais un aspect laiteux, et il est même très rarement tout à fait incolore ; presque toujours il présente une teinte jau- nâtre, ou hien une légère nuance de lilas ou de bleu; mais dans tous les cas c'est le sérum qui est coloré de la sorte, et cette coloration est en général très faible. J'ajouterai même que très souvent elle paraît être accidentelle plutôt qu'inhérente à la nature de l'animal, et qu'elle semble dépendre essentiellement des substances alimentaires dont celui-ci fait usage. En effet, chez les chenilles qui sont phytophages, le sang est en général verdâtrc, mais devient incolore ou jaunâtre, quand, à la suite de l'achèvement des métamorphoses, le régime de l'animal change; et d'ailleurs on peut déterminer à volonté des variations du même ordre en mêlant aux aliments dont ces petits êtres se nourrissent des matières tinctoriales telles que l'indigo ou la garance (Ij. Il me semble donc inutile d'insister davantage sur les différences légères qui se remarquent dans le sang presque incolore de la plupart des animaux invertébrés (2), sauf (1) M. Alessantlrini, de Bologne, ayant remarqué que les Vers ù soie à qui on a fait manger de la garance ou de rindigo ont les trachées leintes, et M. Bassi ayant confirmé ce résultat par de nouvelles expériences (o), M. Blanchard reprit l'examen de cette question, et trouva que, sous l'in- fluence de ce régime, le sang des che- nilles et des larves de Hanneton prend tantôt une nuance rose , d'autres fois une teinte bleue, suivant la nature de la matière colorante employée dans l'alimentation (6). (2) Dans l'embranchementdesMOL- LUSQUES, le sang est généralement in- colore ou seulement opalin ; quelque- fois on y remarque une teinte bleuâtre (n) Rapport fait au congrès des naturalistes à Venise par M. Dassi {Gai. mcdic. de Milan, t. VI, el Ann. des se. nat., 3° série, t. XV, j). 303). (b) Blanclianl, l\'ouv. observ. sur la circulation et la nutrition chex les Insectes {.inn. des se. nat., 1851, 3° série, t. XV, p. 371), GLOBULES BLANCS. 93 à revenir sur ce sujet quand je parlerai des Annélides, qui, au contraire, ont en général le fluide nourricier fortement coloré. § 2. —- Les animaux invertébrés ne sont pas les seuls dont le ^""f,,J''"' sang est incolore; ce caractère, ainsi que je l'ai déjà dit, se ren- des vertébrés. contre également cliez VAmplujoxus lanceolatus, sorte de pois- on même violacée trfis pAle : chez les Colimaçons et les Paludines, par exemple (o). Les zoologistes ne sont pas d'accord au sujet de la couleur du sang chez les Gastéropodes du genre Planorbe. Swammerdam avait trouvé ce liquide coloré en rouge (6), el des observations analogues ont été faites plus récemment par M. Quatrefages (c) et par M. !\Ioquin-Tandon (d). Cu- vier, au contraire, affirme que le sang de ce mollusque est d'un blanc bleuâ- tre, et que le suc rougei\lre que l'on voit suinter du corps de ces animaux, lorsqu'ils se contractent, est le produit d'une sécrétion analogue à celle du pourpre chez les Apiysies (e). Enfin M. T. Williams assure avoir constaté que le sang rt^andu dans la cavité gé- nérale du corps des Planorbes est inco- lore, à moins que, par suite de quelque lésion, il ne s'y soit mêlé une certaine quantité du suc rouge sécrété par l'ap- pareil tcgumentaire {f). Ces discor- dances d'opinion me semblent pouvoir s'expliquer à l'aide de quelques faits constatés par M. Quatrefages. Celui-ci a trouvé le sang incolore chez les jeunes individus et coloré en rouge chez les individus adultes, mais chez ceux-ci le liquide contenu dans le pé- ricarde olîrait la même couleur. Or, ce liquide péricardique n'est pas du sang, et par conséquent il me paraît pro- bable que sa coloration était due à une infiltration du suc rouge du système tégumentaire; s'il en était ainsi, la coloration du sang pouvait dépendre du même phénomène, et serait un ac- cident au lieu d'être l'état normal de ce liquide. Burdach (g), en s'appuyant sur l'au- torité de Carus, dit que le sang des Tarets est rouge ,* mais Carus , à son tour, n'en parle que d'après Home {h), qui était un observateur fort peu exact. Et, d'ailleurs, le fait annoncé par ce dernier («) est controuvé : le sang des Tarots est en réalité incolore comme celui des autres Mollusques (j). Quelques naturalistes ont dit que les Éolides ont les uns du sang rouge, les (fl) Ermnii, Wahmchmiinacn iibev (las Blut einiger MollusUen (Abhandlimgen der Alcad. dcr Wissensch. zu Berlin, 1810-17, p. 20t)). (b) Moquin-Tatidon, Ilist. nat. des Mollusqties terrestres et fluviatiles de France, p. 92. (c) Swamnicrdani, Biblia natnrœ, t. I, p. 189. (d) Quatrefiig-es, Sur le l'kinnrbis imbricatus (journal l'Institut, 1S4C, t. XIV, p. 4). (e) Mo(piin-Tandon, Observations sur le sang des Planorbes {.\nn. des se. nat., 1851, 3° série, I. XV, p. 145). (f) Cuvier, Mémoires pour servir à l'histoire des Mollusques : Sur la Llmnée el le Planorbe, p. 12. {g) rfui'Jarli, Traité dephijsloL, (rad. par Joiirdan, t. VI, p. 1(5. (/i) Carus, Anat. comp., l. Il, p. 507. (î) Home, On Ihe Teredo Gigantea and T. Navalis {rUilos. Trans., 1800, p. 270). 0) Qualrefa^jes, Mém. sur le genre Tard (Ann. des se. nat., 1849, 3° série, t. XI, p. 50). 94 SANG DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. son fort singulier qui appartient à l'embranchement des Verté- brés, mais qui est le représentant le plus dégradé de ce grand autres du sang vert (o) ; mais cela n'est pas, et l'erreur s'explique facilement : c'était probablement des matières ali- mentaires rouges ou vertes qui avaient été aperçues en mouvement dans les ramifications de l'appareil gastro-vas- culaire de ces Mollusques (6), et qui avaient été prises pour du sang, car ce liquide est en réalité presque incolore. J'ai observé aussi sur les côtes de Sicile une Ascidie simple, du genre Phallusia (Savigny), qui avait le sang coloré en rouge ; mais le plasma était incolore comme chez les Mollusques ordinaires, et la teinte en question était due à la présence d'une multitude de petits granules qui flottaient dans ce liquide (c). Je n'ai rencontré qu'un seul individu de cette espèce d'Asci- die, et je suis assez porté à croire que la couleur rouge de son sang pouvait tenir à quelque circonstance patho- logique ; du moins on ne pourrait sans de nouvelles observations arguer de cet exemple unique pour établir une exception à la règle générale qui régit à cet égard toute la classe des Tuni- ciers. Dans la classe des Insectes, le sang est tantôt incolore, tantôt jaune ou d'une teinte verte plus ou moins pro- noncée. Lyonnet a constaté que chez la che- nille du Cossus ce liquide paraît in- colore quand on l'examine en couche mince , mais présente une couleur orangée quand on le réunit en grosses gouttes ((/). Chez le Bombyx du mû- rier il est jaune (e). Comme exemple d'insectes à sang vert on peut citer la chenille de la Vanessa urticœ if). M. Marcel de Serres (y) a cru re- marquer une relation constante entre la couleur du sang des insectes et celle de leur tissu graisseux ; il ajoute qu'elle est verdâlre chez certains Or- thoptères, brun sombre chez la plu- part des Coléoptères, etc., mais il n'in- dique pas les espèces chez lesquelles il a fait ses observations. Burdach {h) attribue ces résultats à Meckel,qui s'est borné à en rendre compte {i). J'ai trouvé le sang jaunâtre ou verdâlre chez beaucoup de Coléoptères, mais jamais d'un brun foncé. Berzelius a dit que' les Mouches ont du sang rouge dans la tète, et du sang incolore dans le reste du corps (j) ; mais cela n'est pas, et c'est la matière colorante rouge des yeux de ces in- sectes qui en a imposé au savant chi- miste de Stockholm. Dans la classe des Crustacés, le sang est souvent d'une couleur rose (a) Voyez Wagner, Handworterbuch des Physiologie, Bd. I, p. 76. (b) Milne Edwards, Sur l'existence d'un appareil gastro-vasculaire chez la CalUopée {Ann. rfessc. 7Wf., 2"séne, t.XVIII.p. 330). ,o««.v,v aium (c) Milne Edwards, Rech. zool. [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1844, t. MX, p. 114U). (d) Lyonnet, Traité anatomique de la chenille qui ronge le bols de saule, 1762, p. 426. (e) Malpighi, Dissertatio epistolica de Dombyce, p. 15. (/■; Swaminerdam, iiif^na )in(iu-ff, t. II, p. 574. (g) Marcel de Serres, Observ. sur les usages du vaisseau dorsal [Mém. du Muséum, t. IV, p. 170). (/() Traité de physiologie, trad. franc, t. VI, p. 16. (i) J.-F. Meckel, Ueber das Riickengefdss der Insekten {Deutschcs Archiv fiir dic Physiologie, 1815, Bd. I, p. 469). (j) Rorzolins Traité de chimie, ('dit. do 1833, t. VII, p. 78. GLOBULES BLANCS. 95 type zoologique (1 ). Nous avons vu aussi que le sang est incolore chez les Vertébrés ordinaires pendant la première période de la vie embryonnaire. En général, cet état transitoire ne dure (juc très peu de tem|^,s; mais il paraîtrait que chez les Poissons il n'en est pas toujours ainsi, et que chez quelques-uns de ces ani- maux le sang ne se colore qu'à une période assez avancée de la vie embryonnaire. Effectivement cela a été constaté chez le Brochet par M. dcQuatrefages. Ces variations observées chez des animaux de la môme classe, et jusque chez le même individu à différentes époques de la vie, doivent nous porter à n'attribuer à la couleur du fluide nourricier que peu d'importance, et les observations microsco- l>iques viennent confirmer cette manière de voir, car elles nous montrent que le sang incolore des animaux invertébrés et le sang rouge des Vertébrés sont constitués à peu près de la même manière, sauf ce qui est relatif aux proportions de leurs maté- riaux solides et liquides. grisâtre très légère, ou plutôt de celle Chez les Zoophytes qui ont du que les peintres désignent sous le nom sang proprement dit, ce liquide est de teinte neutre; chez la Langouste incolore ou teinté en jaune, celte nuance est plus marquée que (1) L'existence d'un sang parfai- chez les Écrevisses ou les Crabes tement incolore chez VAmphioxus Chez les Arachnides, le sang est a été constatée successivement par presque incolore. Chez les Araignées, ]\IM. lletzius, Millier, Ouatreiages et il est d'une teinte un peu bleuâtre, et Huxley. Ces observateursont remarqué chez les Scorpions il est jaunâtre (a). aussi que le liquide ne contient pas des Chez une espèce de la famille des Tar- globules analogues à ceux des Verté- digrades qui se rattache à la classe brés ordinaires, et ne charrie que qucl- des Arachnides {VEnujdium testudo), ques corpuscules semblables à ceux M. Doyère a trouvé le sang coloré en que j'appelle ici les globules plas- brun rouge (6). miques (c). (fl) Blanclianl, Xote sur le sang des Arachnides {Ann. des se. nat.,i° série, t. Xll, p. 351 , 1^49). (()) Doyùic, Mémoire sur les Tardigrades {Ann. des se. nat., 1840, -2' soric, t. XIV, p. 311). (c) MiiUcr, Ueber den Uaii und die Lebciiserscheinungen des Branchiosloma lumbricum (Coslu), Ainpinjoxus lanccolatus (Varrd), p. 33 (lire des Mdm. de IWcaddmie dellerUn, 1842). Ùnalrcfagus , Màmire sur le système nerveux et sur V histologie du Dranchiostomc ou .\m- phgo.rus {Ann. des se. nnl., iHiô, 'à' scr\o, l. IX, p. 2'3-2). Uuxlcv, /luraotJH. of the Corpuscles of Vie Lilood of Amphijoxus {rrans^ liril. Assoe., 1847, p. 1)5). ' 96 SANG DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. En effet, le sang blanc contient aussi bien que le sang rouge des globules d'apparence utriculaire; seulement ces corpus- cules sont presque toujours incolores, leur contenu est granu- laire, et leur nombre est beaucoup moins considérable (1). Sang § â. — Chez les Mollusques (2) les globules du sang sont cir- Mollusques, culaires et plus ou moins aplatis ; leur contenu offre en général un aspect granuleux, et leur envelop])e utriculaire devient sou- vent bien distincte par l'action de l'eau qui la distend et la sé- pare de la portion centrale (3) . Une tendance que l'étude du sang chez les divers animaux vertébrés nous a laissé entrevoir se montre ici de la manière la plus nette : c'est l'abondance croissante des globules à me- sure que l'organisme se perfectionne. Chez les Bryozoaires, qui occupent les rangs les plus inférieurs de l'embranchement des (1) Jusqu'en ces derniers temps, on n'avait fait que très peu d'obser- vations microscopiques sur le sang des animaux invertébrés; mais, eu 18Zi6, M. Wharton Jones publia dans les Transactions philosophiques de la Société royale de Londres un travail important sur ce sujet («), et en 1852 M. T. Williamsinséradansle même re- cueil de nombreuses recherches sur la constitution physique du fluide nour- ricier dans tous les principaux groupes inférieurs du Règne animal (6). C'est principalement à ces physiologistes que l'on doit la connaissance des faits exposés ici. (2) Pour les observations microsco- piques sur les globules du sang des Mollusques, voyez : Poli, Testacea utriusque Siciliœ, t. I, p. Zi8, lab. 2,fig. 1-5 (1791); — Milne Edwards, Sur le sang de la Mactre {Ann. des se. nat., 2" série, t. IX, p. 369.pl. 50, lig. 9 (18'i6) ; — Schullz , lias System der Cir- culât., p. o5, pi. 2, lig. 10 et 12 (1836); — Wagner, Ziir vergleichrtiden Physiologie des Blutes, p. î9, etc. (1833) ; — Lebert and Robin , Kurze Notiz uber allgemeine vergleichende Ana- tomie niederer Thiere { Miiller's Arch., 18/i6, p. 121). — Wharton Jones, loc. cit., p. 96. — Williams, loc. cit., p. 6Zi3. (3)Voy. les observations de _AI.AVhar- lon Jones sur les globules du sang de la JMoule et du Buccin. Par l'action de l'eau, la cellule finit par se dissoudre et laisse échapper son contenu. {Loci. cit., p. 96 et 97.) {a) Wharton .tones, The Blood Corpuscle conmlered in Us dijfcrent Phases of Development on the Animal Séries. Mem. 2, Invertchrata (Philos. Trans., 1840, )i. 89). (6) Williams, On the Blood Proper and Ghijlaqueous Fluul of Invertebratc Animais (Philos. Trans., 1852, p. 595). GLOBLLES BLANCS. 97 Mollusques, ces corpuscules ne sont qu'en très petit nombre; il en est encore de même chez les Tuniciers. Chez les Mollus- ques acéphales et gastéropodes le sang en est plus chargé, et c'est dans la classe des Céphalopodes, c'est-à-dire dans le groupe comprenant tous les animaux les plus parfiiits du type Malacozoaire, qu'ils abondent le plus. Il est aussi à noter que ces corpuscules, comparés entre eux chez le môme animal, présentent, sous le rapport du volume et de l'aspect, d'autant moins de fixité qu'on les étudie chez des espèces plus dégradées. Chez les Mollusques les plus parfaits en organisation, ils sont loin d'offrir l'uniformité qui se re- marque d'ordinaire dans les globules sanguins d'un vertébré, et chez les espèces les plus imparfaites (les Molluscoïdes) on en voit de toutes les grandeurs, depuis environ xo-o jusqu'à tf de milli- mètre, et même davantage, sans qu'aucune de ces dimensions soit prédominante. Dans la classe des Bryozoaires, animaux qu'on a confondus pendant longtemps avec les Polypes, les corpuscules charriés par le sang varient dans leur aspect. Les uns sont des sphérules opaques et d'apparence homogène ; d'autres ont dans leur intérieur un amas de petites granulations, et il en est aussi où l'on aperçoit soit seul, soit au milieu de ces granulations, un noyau proprement dit. On distingue aussi ces trois sortes de globules chez les Mollusques acéphales et gastéropodes (1); mais les cellules granulées ou framboisées, qui sont les plus gros, varient moins sous le rapi)ort du volume, et c'est surtout dans la classe des Gastéropodes et dans celle des Céphalopodes que l'on trouve souvent un nombre considérable de globules à noyau simple (2). (1) Voyez les observations et les (2) Voici coinment M. Williams s'ex- ligures que M. Williams a données prime en parlant du sang des Cépha- des corpuscules sanguins chez un lopodes : « Ce liquide est riche en glo- grand nombre de .Mollusques doc. bules, et ceux-ci ont une structure cit., pi. 3li, fig. 6i-80). mieux élaborée que chez les autres I. 13 Sang des Insectes. 98 SANG DES ANIMAtX INVERTÉBRÉS. Il y ;i donc une grande analogie entre tous ces globules du sang des i^Iollusqucs et les globules blancs que nous avons trouvés en petit nombre dans le sang des Vertébrés, et que nous avons été conduit à considérer comme n'étant que des éléments organiques accessoires dans la constitution de ce li- quide; mais dans l'embrancliement dont nous nous occupons ici leur rôle doit avoir plus d'importance, car on ne rencontre jamais de globules semblables à ces utricules colorées qui sont les globules sanguins proprement dits de l'animal vertébré (1). § 4. — Chez les animaux de la grande division zoologique des Arthropodaires, ou animaux articulés proprement dits, les globules du sang varient beaucoup quant à leur forme et à leurs dimensions -, mais ici encore ils ne ressemblent jamais aux glo- bules rouges des animaux vertébrés. Dans la classe des Insectes ces corpuscules sont pour la plupart fusiformes ou naviculaires et plus ou moins déprimés ; Mollusques ; ils offrent plus d'unifor- mité sous le rapport du volume et de la forme que dans les familles moins élevées en organisation , et se rappro- chent davantage des globules sanguins des Vertébrés. Ils ont toujours un noyau, qui d'ordinaire est central, mais quelquefois périphérique. L'es- pace compris entre ce noyau et l'en- veloppe ulriculaire est occupé par un liquide bleuâtre fortement chargé de granules d'une petitesse extrême ; en- fin on y distingue par-ci par-là une gouttelette huileuse. D'autres globules simplement utriculaires et sans noyau ni granules intérieurs se rencontrent également; et, entre ces deux formes extrêmes, il y a beaucoup d'inter- médiaires. Du reste, les globules arri- vés à l'état de maturité offrent une ré- gularité remarquable sous le rapport du volume aussi bien que de la struc- ture et sont toujours utriculaires, mais leur capsule est très mince.» (Williams, loc. cit., p. 648.) (1) Dernièrement M. Davaine a insisté avec raison sur l'analogie qui existe entre les globules blancs des Vertébrés et les corpuscules sanguins des Invertébrés, ainsi que sur les dif- férences qui distinguent ces derniers des globules rouges du sang des Ver- tébrés, dilférences qui consistent dans la manière dont ils se comportent en présence de divers réactifs, aussi bien que dans leurs caractères phy- siques (o). (a) Davaine, Remarques sur les corpuscules du sanij de la Lamproie et sur ceux des animaux en général {Mém. de la Soc. de Biologie, 1856, 2° fcrio, t. II, p. 55). GLOBULES BLANCS. 99 ils sont incolores, et par l'action de l'eau ils s'arrondissent et se détruisent avec une grande facilité. En général, chez la larve, ils ne présentent d'abord ni noyau ni granulations inté- rieures; parfois ils se chargent bientôt de granules très fins et leur structure utriculaire est d'ordinaire assez bien carac- térisée. Chez l'adulte, ils sont plus petits et sont pourvus d'un noyau très distinct ainsi que de granulations périphériques; enfin leur membrane tégumentaire semble s'être atténuée au point de devenir difficile à apercevoir, et après leur sortie du corps ils se désagrègent rapidement, surtout en présence de l'eau. On voit donc qu'ici, de même que chez les Vertébrés, les globules du sang se modifient avec les progrès du développe- ment de l'organisme, et éprouvent des métamorphoses quand l'animal passe.de l'état de larve à l'état parfiiit. Chez les Crustacés, les globules sont en général ovoïdes ou circulaires, quelquefois naviculaircs, et ils offrent un aspect framboise dû à la présence de granules intérieurs. Dans ceux qui sont arrivés à l'état de maturité on distingue d'ordinaire un noyau central comme chez les Insectes, et ici encore l'enve- loppe membraneuse paraît tendre à disparaître (1). Sang des Crustacés et des Arachnides. (1) L'exislence de globules dans le sang de quelques animaux articulés avait été constatée par Leeuwenhoek, et Baker en mentionna l'exislence chez les Sauterelles (a). Ilewson publia aussi quelques observations sur les globales du Homard et du Palémon {h). M. Bowerbank a été un des pre- miers à faire bien connaître les carac- tères microscopiques du sang des In- sectes, dans un .Mémoire sur la circu- lation chez les larves d'Éphémères (c). M. Wagner [d), Ncvvport (e) et^Vharton Jones ont pubhé aussi quelques ob' servations à ce sujet (/"); enfin iM. WiU (a) Baker, The Microscope Made Easy, 1742, p. 130. (b) Hewson's Wortis, p. 234. (c) Bowerbaiik, Observ. on the Circulalion of the Blood in Insects {Entomological Magazin, 1833, vol. I, p. 240). {(/) Wag-ner, Ueber Blulkôrperchen bel RL'genwiivmern, Blutegclii nnd Diptercn-Larven (Miiller's Arch., dS35, p. 3M). — Vergl. Phys.'des PAules, lîd. I, p. 2!». (e) Newport, On the Structure and Development of theHloud(.\nn. of S'at. Ilist., 1S49, vol. \V. p. 281). — Ce travail n'a été publié que par extrait, et l'auteur m'a dit avoir tliangé d'opinion quant à l'interprétation des faits (ju'il avait observés. ifi NVharlon Joncs, Oj). cit. {rhilos. Trans., 1840). 100 SANG DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. Chez les Arachnides les globules du sang ressemblent en général à ce que nous venons de voir chez les Crustacés (1). Je ne pourrais, sans consacrer à l'histoire de ces corpus- cules plus de temps qu'il ne convient ici , rendre compte de tous les détails relatifs à leur aspect chez les divers animaux articulés. Mais je crois devoir ajouter qu'ici, plus encore que chez les A'ertébrés, il semble v avoir une certaine relation entre liams en a fait une nouvelle étude, principalement chez des larves de Libellules et autres espèces aqua- tiques. Ce dernier physiologiste a trouvé les globules fusiformes transparents et dépourvus de granules à leur inté- rieur chez la larve des Libellules, tan- dis que chez les mêmes insectes à l'état parfait, ils renferment des gra- nulations ainsi qu'un iiucléus. Chez d'autres larves, il a trouvé les glo- bules tantôt oblongs, tantôt fusiformes et légèrement granulés, mais toujours dépourvus de nucléus. Malheureu- sement il ne donne pas la détermi- nation spécifique des diverses espèces chez lesquelles il a observé et figuré ces corpuscules. On voit du reste par ces figures que les globules navicu- laires sont toujours mêlés à des globu- lins circulaires {a). 11 est à noter que chez quelques larves aquatiques de Diptères les glo- bules sont en si petit nombre, qu'ils échappent facilement à l'observa- tion [b]. (1) Les premières observations sur les globules du sang chez les Crustacés furent faites par Leeuwenhoek sur les Crabes. En 1753, Baker signala l'exis- tence de ces corpuscules chez VAselle vulgaire, petite espèce d'Isopode d'eau douce assez voisine des Cloportes. {Employment for the Microscope, p. 352.) Enfin, depuis une vingtaine d'an- nées, le sang de plusieurs autres espèces a été examiné par Weber, Wharton Jones, Williams et quelques autres naturalistes. Chez le Carcin Ménade, j'ai trouvé un petit nombre de globules circu- laires ou un peu ovoïdes qui parais- sent être légèrement déprimés au centre, qui varient en diamètre de rio '' rà, de millimètre, et qui nagent au milieu d'une multitude de granu- lations d'une petitesse extrême. Chez le.l/am squinado il y a quelques gros corpuscules fortement granulés dans lesquels j'ai cru distinguer un noyau central (c); mais iM. Wagner les croit simplement granulés {d^. M. Wharton Jones ne dit pas sur quelle espèce de Crabe il a fait ses ob- servations ; mais, comme le Tourleau {C. pagurtis) est le plus commun sur (fl) Th. Williams, On the Blood Propcr and Ch[iliiqueous Fltiid of Invertebrate Animais (Philos. Trans., 1852, p. 595, pi. 32 et 33, tlg. 40-50). (b) Wagntr, Op. cit. (Meckel's Arch., 1835, p. 3-20). Verloren, Mém. sur la circulation dans les Insectes (Extr. des Méni. del'Acad. de Bruxelles, Mém. comonnés, t. XIX, p. Cii). (c) Milne Edwards, Ilech. mici-osc. (Ann. des se. nat., 1820, t. IX, p. 300, pi. 50, fig. 9). {d} Wa-ner, Verni. Phys. des Dlntes. Tîd. I, p. 21, 1833. GLOBILES BLANCS. 101 la taille des aniihaiix et les . 180. (f) Milne Edwards, Recherches pour servir à l'histoire de la circulation che% les Annélides {Ami. des se. nat., 1838, 2" série, i. X, p. 190). (d) Dujardin, Observ. sur quelques Annélides marins {Ana. des se. nat., 2» série, t. XI, p. 288). (e) Quatrcfages, Sur la circulation des Annélides {Ann. des se. nat,, 3« série, t. XIV, p. 2S7). I. 1^ lOG SANG DKS ANIMAUX INNERIÉBRÉS. sang; en général, celirjuide y est incolore, mais dans la famille (les Némertes on connaît plnsieurs espèces dont le sang est rouge (1). Je ne m'arrêterai donc pas ici à éninnércr Joutes ces varia- tions de teinte; mais j'appellerai rattcnlion sur un l'ait plus iuipor- tant: c'est que lors même que chez un animal invertébré le sang est rouge comme celui d'un Vertébré, il s'en distingue par la manière dont cette coloration est produite. Chez les Vertébrés, avons-nous dit, la couleur rouge du sang est due aux globules que ce liquide charrie ; chez les Vers à sang rouge, c'est en dissolution dans le liquide lui-même (jue se trouve la matière dans une porlion du syslôme vascu- laire et du sang vert dans une autre portion du même système (a). Mais !\I. de Quatrefages a expliqué cette anomalie en constatant que , chez quelques Annélides tubicoles des côtes de la Sicile, il est paifailemcnt rouge quand il est en masse , mais paraît d'un jaune verdàtre quand il est en couches minces {b). Je me suis assuré ((ue le sang est incolore ou jaunâtre seulement dans les genres Aphrodite, rolynoé,Sigaléon et l'hyllodocé. M. de ()uatrefages a observé la même chose chez des Syllis (c). L'existence de sang incolore chez quelques Hirudinées avait été constatée en 1825 par MM. Mayor et Gosse , de Genève ((/). IVaprès d'autres observations ana- logues, M. do Filippi a séparé cette famille en deux sections, d'après des différences de cet ordre, savoir: les Sangsues à sang rouge { genres Sangnisuya, Hœmupis, Xephelis, Al- bione, etc.), et les Sangsues à sang blanc, qui forment les genres llœmn- caris et Clepsina (e). Enfin, M. Blan- chard a constaté aussi l'existence de sang incolore chez les IMalaco- bdelles [f). (L) iMihie Edwards, art. Annelida (Todd's C(/c/op. ofAnat. andPhysioL, V, p. 165, 1836). M. de QuaUefages a observé ce caractère dans le Cere- bratnlus crassus, le C. depressus, la Polia sanguiruhra et la P. beinbix. Dans cette dernière, la teinte du sang est jaune verdàtre quand il est en lames minces, et d'un rouge foncé quand il est en couches épaisses [çj). (a) Délie Gliiajc, ileniorie sulla xtoria e notomia dcijli animali senza vertèbre del vegno di ^a]iolï, vol. H, p. 390. (b) Quatrefages, Note sur le sang des Annélides (Ann. des se. nal., 2' série, t. V, p. 379). ((■) (Ju.ilrefages, Op. cit. {.\nn., 3' série, t. XIV, ]<. 28"). ((/) Voy. Mo'nogr. des Hirudinées, par Moquin-Taii.loii, iH-lC), p. 59, et Ilihl. univ. de Genève, mai 1827, p. -i7. ie) Del'ilippi, Men>. sunli Annelidl délia fam'KjUa délie Sangusughe, in-i. Milano, 1837. (f) Deu.rièmc Mém. sur les Malanihdelles {A)ni. des se. nat., 3- série, 18i9, t. XII, p. 270). iil) Quatrefages, Mrm. xur lu l'auiilU- des Xéutrrlieus i.\uu. des se. nat., 1840, 3' série, t. VI, ).. -Jti'i). Slilîl M CULOUÉ. 107 rolonuilo. C'osI donc h' pkisinii (jni, jauno ou inoolore chez les Verlébrés, et olIVant d'ordinaire la même leinle chez les Inver- l('brés, se colore parfois en jaune Ibneé, en rouge ou en vert chez les animaux inférieurs. Les globules ne jouent dans celte coloration aucun rôle essentiel, et d'ordinaire ces corpuscules [)araissent même manquer complètement dans ce liquide, qui ressemble par conséquent au sang incomplet d'un embryon de Vertébré dans la première période de son développement, plutôt (ju'au sang parlait de ces mêmes animaux parvenus au terme de leurs métamorphoses embryogéniques(l). Au premier abord l'absence complète de globules dans le sang rouge de beaucoup d'Annélides semble devoir renverser tout ce (|ue j'ai dit relativement à l'importance du rôle que ces corpuscules organisés jouent dans l'économie animale. Mais une étude plus attentive des choses fait disparaître cette objec- tion. En effet, ce sang rouge n'est pas le seul lluide nourricier dont les Annélides sont pourvus. Ils ont en même temps dans le système de cavités où se trouve en majeure partie le sang (1) La constatalion de ces faits re- que, chez ces êtres, le principe colo- laUfs à la composition pliysique chi rant est dissous dans le sang iiii-nième. sang cliez les Annélides est due prin- Les corpuscules que Ton y trouve sou- cipalement à M. de Qualrefages. J'a- vent, dit-il, n'appartiennent pas à ce vais déjà remarqué que, d'ordinaire, fluide, et proviennent du liquide con- ce sang, quoique rouge, ne contient tenu dans le système cavitaire géné- pas de globules comparables à ceux rai (c). l'ar ses recherches ultérieures, des animaux verlébrés ; et lliuiefeld M. de Quatrefages a été même con- avait annoncé que, par Texamen mi- duit à penser que, dans l'immense croscopique, on n'y apercevait aucune majorité des cas, le sang rouge des trace de ces corpuscules (a). M. Colin Annélides est complètement privé de avait constaté que la matière colo- globules quelconques. Il n'a rencontré rante du sang du Lombric terrestre qu'une exception à cette règle, et elle n'est pas contenue dans les corpuscules lui a été fournie par une espèce de quil voyait mêlés à ce liquide {h). En- Glycère des côtes de la Manche, chez fin, M. de Quatrefages a reconnu laquelle il a trouvé des globules rouges {a) Ueher das lilut tler negenwurmer (Journ. fur prakt. Chem., 1830, vol. XVI, p. -152). [b) De snnçinine ejusinœpai'tibus, Dissfrl. hiaug., Borol., 184-2 (voy. Miiller's Arr/i., 184:?, Bericht, p. r.xvi). (f) Note sur le sann des Annélides (Ann. des se. nat., ISiO, 3« série, I. V, p. 380). 108 SANG DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. incolore des autres animaux articulés, un liquide qui remplit évidemment des fonctions analogues et qui ressemble au sang rouge des Vertébrés aussi bien qu'au sang blanc des animaux inférieurs parla présence de globules organisés et libres. Avant que d'avoir étudié la disposition des canaux d'irrigation et des réservoirs du fluide nourricier chez les animaux invertébrés, il serait peut-être difficile de comprendre comment les Anné- lides peuvent avoir à la fois du sang de deux sortes, et com- ment je suis conduit à assimiler au sang blanc des Mollusques, des Crustacés et des Insectes, le liquide qui chez les Vers occupe la cavité générale du corps plutôt que le liquide contenu dans leur système vasculaire. 3e ne discuterai donc pas la question au- jourd'hui, me réservant d'y revenir quand je traiterai de la cir- culation chez les Vers. J'ajouterai seulement que le fluide nour- ricier général ou cavitaire des Annélides a été étudié avec une sagacité remarquable par M. de Quatrefages (1), et que les vues émises à ce sujet par ce naturaliste ont été pleinement et de forme discoïde nageant dans un liquide incolore {a). Mais M. Wil- liams, qui a publié récemment une sé- rie nombreuse d'observations sur le fluide nourricier des animaux inver- tébrés, affirme que cette exception n'existe pas ; que les globules rouges décrits par M. de Quatrefages se trou- vent dans le liquide de la cavité géné- rale du corps, et non dans les vais- seaux sanguins , et que , dans aucun Annélide, le sang proprement dit (ou sang coloré) ne renferme des éléments « morphotiques » quelconques, c'est-à- dire des globules (b). Carus admet- tait aussi que , chez les Sangsues , il n'y a pas de globules sanguins ; mais il dit positivement que, chez les Lom- brics, le sang en est chargé (c). Nous verrons bientôt ce qui a causé celte divergence dans les résultats de l'é- tude microscopique du sang des An- nélides. (1) Voyez de Quatrefages : Note sur le sang des Annélides ( Ann. des se. nat., 18/i6, 3-= série, t. V, p. 280). — Mémoire sur la cavité générale du corps des Invertébrés {Ann. des se. nat., 1850, 3"= série, t. XIV, p. 309). (a) Mém. sur la circvlation des Annélides {Ann. des se. nat., 1850, 3" série, t. XIV, p. 2R8). (b) On the Dlood Properand Chylaqueous Fluid of Invertehrate Animais {Philos. Trans., 1852, p. 032). (c) Carus, Anat.comp., i. M, p. 314 et 315. FLUIDE CWITÂIRE. 109 confirmées par les observations plus récentes de M. Williams(l). Il est aussi à noter ici que la description des globules du sang rouge des Annélides, donnée par Wagner (2),Wliarlon Jones (3) et quelques autres physiologistes (4), s'applique en réalité, non pas à cette humeur, mais au liquide cavitaire dont il vient d'être question (5), et que dans quelques animaux de cette classe les globules charriés par ce dernier liquide sont rouges comme les corpuscules sanguins des Mammifères (6). § 6. — Pour avoir des idées nettes au sujet du lluide nourri- Dégradations cier dans l'ensemble du Règne animal, il me paraît nécessaire, ^''Sufàr' tout en résumant ce qui vient d'être dit, d'anticiper un peu sur les résultats de nos études ultérieures, et de considérer ce liquide non-seulement en lui-même, comme nous venons de le faire, mais aussi dans quelques-uns de ses rapports avec les autres agents physiologiques. Nous avons vu que chez tous les animaux il existe un fluide nourricier, mais nous verrons par la suite que ce liquide n'est pas toujours renfermé dans un système de cavités closes, et nourricier. (1) Voy. Report on the British An- nelida, by Doctor Tliomas Williams {Report of the British Association for the AdvancementofSciencrs for 1851, p. 168, etc.). — On the Blood pro- per, etc. {Phil.Trans., 1852, p. 595). (2) Verçil Phys. des Blutes, Bd. 1, p. 23. (o) Phil. Trans., 18i6, p. 9/i, etc. (Zi) Ainsi , c'est parce que le sang rouge des Annélides , dont j'ai parlé dans mon Mémoire sur la circulation chez ces animaux, s'est trouvé mêlé à du liquide cavitaire, que j'y avais admis l'existence de globules, tout en reconnaissant que la matière colorante se trouve dissoute dans le sérum. (5) Quatrefages, Ann. des se. naL^ 3" série, t. XIV, p. 312. (6) M. de Quatrefages a constaté ce fait chez des Vers assez voisins des Térébelles, qu'il a nommés Apneunies («}, et iM. Williams a observé la même chose chez la Glycera alha. Chez cet Annéllde, le liquide de la cavité gé- nérale du corps charrie en très grande abondance des globules rouges, ova- laires et aplatis , qui ressemblent beaucoup à ceux de la Grenouille. Le sang rouge des vaisseaux est faible- ment rougeàtre, et serait, comme d'or- dinaire dans cette classe, dépourvu de globules. {Op. cit.,t\. Brit. Assoc, 1851, p. 172.) la) Quatrefages, Op. cit. (Ann. des se. nnt., 4850, 3' série, t. XIV, p. 3H) HO SANG. que dicz beaucoup d'aniiiiaux inférieurs, tels que les Polypes et les Acalèphes, les réservoirs qui le eoutienuent ne sont pas distincts de la cavité digestive. Chez ces Zoophytes, ce fluide n'est donc pas une humeur particulière, et ne consiste que dans l'eau qui arrive directement du dehors dans l'intérieur de restoma(\ et qui s'y mêle avec les matières alimentaires élaborées par le travail digestif et avec les produits excrémen- titiels éliminés de la substance des tissus organiques. Ce n'est donc pas du sang, et l'on pourrait l'appeler sérosité chymeuse ou séro-chyme. Chez les autres animaux la division du travail physiologique s'établit entre l'élaboration digestive des aliments et l'irrigation nutritive; le fluide nourricier est distinct du chyme ou lluide alimentaire et se trouve renfermé dans un svstème de cavités closes : c'est alors un suc propre de l'organisme, et l'on peut y appliquer d'une manière générale le nom de sang. Mais chez la plupart des animaux inférieurs, tels que les iMollusques, les Crustacés et les Insectes, cette division du tra- vail pliysiologique n'a (iiit que peu de progrès, et il n'existe dans la profondeur de l'organisme qu'un seule sorte de liquide chargé à la fois de remplir les fonctions d'un agent de nutrition et de servir à d'autres usages dont l'étude nous occupera dans la suite de ces leçons. Ce liquide général est api)elé le fluide cavitaire ou sang séreux. Chez les Échinodermes et les Annélides, la plus grande partie du tluide nourricier est encore représentée par ce liquide cavi- taire, mais il existe en outre un liquide particulier qui est con- tenu dans un système vasculaire distinct, et qui paraît prendre une part de plus en plus considérable dans le travail nutritif à mesure que l'on s'élève des Zoophytes vers les Annélides les plus parfaits. Ce dernier liijuide acquiert alors une couleur distincte, et il constitue le sang proprement dit. Enfin cliez les animaux supérieurs, dont se compose l'em- RKSIMÉ. 111 hraïK'lienioiit «les Verlébivs, la division (lu travail est portée encore plus loin, el au lieu d'un lirpiide cavitaire général par- tout le même, on trouve dans les divers réservoirs de l'orga- nisme trois sortes de liquides : la sérosité, qui occupe les lacunes iulerorganiijues, connue le l'ait le lluide nourricier conmnni chez les animaux inlérieurs, mais qui n'intervient plus d'une manière directe dans la nutrition; le sang proprement dit, (jui est au contraire l'agent essentiel de la nutrition ; enlin la lymphe, (jui ne diffère guère du sang que par l'absence de globules rouges, et (|ui semble être, connue nous le verrons par la suite, un simple dérivé de ce liquide , destiné à y retourner promptement et à y i)orter les matières dont elle s'est cliargée en passant à (ravers certaines parties de l'organisme. Je ne pourrais, sans m'éloigner beaucoup trop de l'objet de cette leçon, m'arreter sur les caractères et les usages de ces diverses humeurs organiques; mais il m'a semblé indispen- sable d'en signaler ici l'existence, pour faire bien comprendre ce qu'est le fluide nourricier chez les animaux inférieurs. En effet, nous voyons que chez les Vertébrés il existe quatre liquides récrémentitiels : le chyme ou liquide alimentaire, le sang ou liquide nourricier, la lymphe, qui est une dépendance du sang, et la sérosité ; mais que ces diverses humeurs tendent à se con- fondre de |)lus en [)lns à mesure (jue l'organisme se dégrade, jusqu'à ce qu'entin il n'y ait [)lus dans l'économie anituale qu'un seul liquide qui est en même temps du chyle, du sang, delà lymphe et de la sérosité, ou plutôt qui tient lieu de tous ces agents sans avoir encore d'ime manière nette les caractèi-es propres à aucun d'entre eux. Dans la suite de ces leçons j'aurai [)lus d'une fois à revenir uésmi.ë. sur ce sujet; mais dansée moment je me bornerai à rappeler les i>rincipaux résultats généraux fournis par les laits dont l'élude nous a déjà occupés. En résumant ces faits, nous voyons que cbez tous les animaux 112 SANG. qui sont pourvus d'un fluide nourricier propre, il existe, flot- tant dans ce liquide, un nombre ])lus ou moins considérable de globules ou corpuscules organisés qui paraissent être des utricules, ou cellules fermées, dont les parois sont membra- neuses et d'une délicatesse extrême ; que ces organites abon- dent dans le sang des animaux vertébrés et se trouvent aussi dans le sang cavitaire des animaux invertébrés, mais man- quent d'ordinaire dans le sang proprement dit chez ces der- niers : de sorte que dans le petit nombre de ces êtres qui possèdent à la fois ces deux humeurs, c'est au sang cavitaire plutôt qu'au sang vasculaire que semble être dévolu le rôle le plus important dans le travail nutritif. Nous avons vu aussi que ces corpuscules organisés augmen- tent en nombre et se régularisent de plus en plus à mesure que l'on s'élève des groupes inférieurs jusqu'aux classes les plus perfectionnées du Règne animal. Ces corpuscules organisés ne sont pas tous de même nature et se rangent en deux catégories principales : d'une part, les globules ordinaires, ou globules liématiques proprement dits, qui sont des cellules à parois membraneuses bien distinctes, rpii renferment une matière colorante rouge, qui dans l'état normal ne sont que peu ou point granulés à leur intérieur, et qui ne sont pas le siège de mouvements sarcodiques; d'autre part, les globules plasmiques^ qui sont incolores^ qui ont une structure utricMilaire moins bien caractérisée, qui ont le plus souvent un apparence granulée et qui semblent être composés en grande partie d'une substance sarcodi(jue susceptible de changer de foi'me et d'exécuter même des mouvements lenis analogues à ceux de certains animalcules infusoires. Bienlôt nous aurons l'occasion de voir que ces deux sortes de corpus- cules diffèrent aussi entre eux par leurs propriétés chimiques. Les globules 'plasmiques se rencontrent dans le fluide nour- ricier de tous les animaux. Chez les Invertébrés, ils existent RÉSUMÉ. 113 seuls ou mêlés seulement à des granules libres que l'on a nom mes (jlobulins, et même dans les cas, d'ailleurs très rares, où ils sont colorés, ils se distinguent des globules hématiques par l'ensemble de leurs caractères. Chez les Vertébrés, ils ne paraissent jouer qu'un rôle secondaire et se trouvent mêlés aux globules hématiques. Les globules hématiques^ que l'on désigne le plus ordinaire- ment sous le nom de globules rouges, ne se trouvent que chez les Vertébrés ordinaires, et nous avons vu aussi que chez ceux-ci, dans les premiers moments de la vie embryonnaire, de même que chez le vertébré le plus dégradé et chez tous les animaux invertébrés, le sang en est dépourvu. Nous ren- controns donc ici un premier exemple de cette ressemblance qui existe si souvent enire l'état transitoire de l'embryon des animaux supérieurs et l'état permanent de l'organisme chez d'autres aniuiaux moins parfaits ; mais dans ce cas, de même que dans les autres dont j'aurai à parler dans la suite de ces leçons, c'est une analogie seulement que je signale, et rien ne nous autorise à croire que le fluide nourricier d'un Mol- lusque ou d'un Amphioxus soit réellement de même nature que celui d'un embryon de Poulet ou de ^lammifère. Je rappellerai également que la coloration du sang n'est pas toujours en rapport avec le mode de constitution physique de ce tluide, et que le sang des Annélides, quoique le plus ordinai- rement rouge, comme celui des Vertébrés, en difl'ère par un caractère des plus importants : il doit sa couleur à la teinte [particulière du plasma, et non à l'existence de globules héma- tiques. Ainsi, pour le physiologiste qui étudie d'une manière atten- tive les modifications introduites par la Nature dans la consti- tution du fluide nourricier, le Règne animal se divise, non pas en animaux à sang rouge et animaux à sang blanc, comme on serait porté à le penser au premier abord , mais en animaux I. 15 li II SANG. dont le sang est chargé de globules hématiqiies ou en manquent; et celle division corresi>ond, sauf quelques cas de dégradation organique, à celle l'ondée sur l'anatomic comparée, dont nous aurons souvent à faire usage ici. En etïet, les animaux dont le sang charrie des globules hémati(|ues sont tous pourvus d'une colonne vertébrale, et ceux dont le sang ne contient que des globules plasmiques manquent de vertèbres. Les résultats fournis par l'étude de la constitution physique du suc nourri- cier des animaux sont donc en accord pariait avec les faits d'un tout autre ordre, d'après lesquels les zoologistes ont classé ces êtres en deux groupes principaux : les Vertébrés et les Inver- tébrés. Coagulation du sang. § 7. — La densité des globules sanguins ne diffère que peu de celle du liquide dans lequel ils sont plongés, et, lorsque le sang de l'homme, d'un Mannnifère, d'un Oiseau ou de tout autre Vertébré est dans son état normal, ces corpuscules y nagent librement ; ils y donnent de l'opacité , mais ils n'en diminuent que peu la fluidité. Lorsque le sang est sorti du corps vivant et abandonné à lui-même, il n'en est plus ainsi. On le voit alors se figer en quelque sorte, et se prendre en une masse gélatineuse qui t)eu à peu se contracte et laisse suinter de sa substance un liquide jaunâtre. Par suite de cette coagulation spontanée , le sang de tous ces animaux ( les seuls dont nous ayons à nous occuper en ce mo- ment) se sépare donc en deux parties : Tune, solide, opaque, rouge et d'une consistance gélalinelise, occupe le milieu du vase j l'autre, fluide, transparente et presque incolore ou légèrement teintée en jaune, surnage en plus ou moins grande abondance; Le premier de ces produits se nomme le caillot, ou truûr du sang; le second est appelé le sérum. COAGULATION. 115 § 8. — Ce pliénomène a été connu de tous temps , même par le vulgaire. Mais les physiologistes de l'antiquité et du moyen âge ne savaient, au sujet de cette coagulation sponta- née, que le peu que je viens d'en dire; et ici encore c'est à IMalpighi que l'on doit les premières expériences instructives Par le lavage, ce physiologiste dépouilla le caillot de la matière rouge du sang , et il reconnut que la trame en est formée par une substance fibreuse blanchâtre (1). A la même époque, les recherches de Borelli conduisirent ce médecin-mathématicien à penser que cette matière fibrineuse se trouve à l'état liquide dans le sang encore contenu dans l'organisme vivant, mais se coagule spontanément lorsque cette humeur s'est échappée du corps (2), opinion que les expériences les plus récentes des physiologistes de nos jours ont pleinement justifiée. (juglielmini ( 3j fit un pas de plus, car, en examinant le caillot au microscope, il y reconnut la présence des globules rouges du sang mêlés aux filaments blanchâtres précédemment obser- vés par Malpighi et les autres physiologistes de la fin du xvu« siècle. Enfin Ruysch (/|.), anatomiste célèbre par son habileté Principe coagiilabio. (1) De pohjpo cordis dissertatio (Op.umn.,p. 123, 1666). (2) De motu animalium , proposit. cxxxii, vol. Il, p. 167 (édit. de 1710). (3) De sanguinis natura et consti- tutione, 1701. (Op. omn., t. Il, p. 30.) (Zi) Comme divers auteurs qui font autorité dans la science attribuent cette découverte à un chimiste du xvm° sit-clc nommé Bucquct («), il me paraît utile de rapporter ici l'un des passages de l'ouvrage de Ruysch , où elle se trouve consignée : N'° XXXIX. «Phiola in liquore con- » tinens ramulum fruticis capensis » Portulacae, folio Hort. Amst. part. 1. » Inferior pars dicti rarauli obsita » est pseudo-membranula ex san- » guine seu cruore meo ( post venae » sectionem ) a me confecta , idque » sola conquassatione ramuli per san- » guinem, donec frigus contraheret )) sanguis : hoc facto aquae purte ra- » mulum indidi, aquà autcm saepius » renovatà , ramuloque digilis ali- » quolies compresso , cruor ramulo » cohœrens, albedinem Induit, repre- » sentans membranam veram , foliis » firmiter cohœrentem et pseudo- » fibris mcmbranosis ita perlexlam, » ut omnes sint putaturi veram esse (a) Voyez Dumas, Traité de chimie, t. VIII, p. M(\. 116 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. dans l'art des injections, compléta les découvertes dont il vient d'être question en séparant du sang' encore fluide la matière blanche et fibrineuse qui était destinée à former le caillot, et en empêchant ainsi le sang de se coaguler. Il y parvint en l)attant ce liquide avec des baguettes dès sa sortie du corps de l'animal vivant, procédé qui se pratique aujourd'hui dans tous les abat- toirs lorsqu'on veut conserver au sang sa fluidité, afin de l'uti- liser dans certaines opérations industrielles. De petits filaments blanchâtres et élastiques s'attachent alors aux baguettes avec lesquelles on pratique le battage -, et, en comparant ces filaments avec ceux que l'on obtient en lavant le caillot, Ruysch les trouva de même nature. Ainsi , il fut dès lors bien établi que la propriété de se coa- . guler spontanément, dont jouit le sang, est due à la présence d'une matière particulière qui, en se condensant, prend la forme de filaments (1). Dans les ouvrages des anciens physiologistes, elle est ordinairement désignée sous le nom de matière fibreuse. D'autres écrivains l'ont appelée tantôt gluten du sang , tantôt lymphe coagulable; enfin Fourcroy, au commencement du siècle actuel, lui donna le nom de fibrine (2), sous lequel elle est généralement connue de nos jours. » membranam, è corpore desiim- la fibrine forme en se coagulant, et il ») ptam. Notandiim vero illucl neuti- les décrit comme étant constitués par » quam successurum, nisi illico, post des séries de granules d'environ ~^„ » venae apertioneni , spiritibus non- de ligne, qui , à leur tour, sont com- » dum dissipatis, hoc fuerit institu- posés de corpuscules plus petits (de » tum. Vid. tab. 3, fig. 6, thés. 7. » ,V„; de ligne). Il a observé des mou- ( Thésaurus anatumicus septimus. vements moléculaires vifs, de con- Amst. 1707, in-/i", p. 11.) traction et de contorsion , dans ces Dans la figure à laquelle Ruysch ren- fibrilles, pendant plusieurs heures, voie se trouvent représentés les fila- {Correspondenzhl. Rhein. Westph. ments de fibrine retirés du sang par Aerzte, IS^'i, n° 10. Cité par Millier, le battage et encore adhérents à la Arch. fur Anat. und l'iujs., 18/i6, petite branche qui avait servi dans Bericht, p. 65.) cotte opération. (2) S^jstème des connaissances chî- (1) Récemment M. Mayer a étudié miques, t. IX, p. 157, an ix (1800). la structure intime des filaments que COAGULATION. 117 § 9. — C'est à la présence de la fibrine, disons-nous, que le sang doit la propriété de se coaguler spontanément et de se prendre en une masse de consistance gélatineuse et de couleur rouge. Mais d'où vient cette fibrine ? Dans le sang normal se trouve -t-elle réellement en dissolution dans le sérum, comme le pensait Borelli, ou est-elle fournie par les globules rouges? Ces questions ont longtemps partagé les physiologistes, et n'ont été pleinement résolues que par les expériences récentes d'un des naturalistes les plus habiles de notre époque, le professeur J. Millier, de Berlin. La plupart des physiologistes les plus éminents du siècle dernier pensaient que les globules du sang interviennent seuls dans le travail de la coagulation, et fournissaient à la fois la ma- tière rouge et la fibrine du caillot (1). Cette manière de voir fut adoptée et développée il y a environ trente ans par Home (2), ^IM. Prévost et Dumas (3) et quelques autres micrographes. Elle était môme assez généralement reçue tant en Allemagne qu'en France, et, dans cette hypothèse, on se rendait compte du phénomène de la coagulation spontanée du sang, en suppo- sant que les globules privés de l'influence de la vie s'attiraient (1) Sydenham , célèbre médecin ainsi que celles obtenues dans l'expé- anglais du xvii° siècle, pensait que rience de Iluysch sur le sang, ne sont la couenne du caillot est formée par la autre chose que les globules sanguins substance rouge du sang (qu'il appelait de Leeuwenboek dépouillés de leur fibrine) dépouillée de son enveloppe couleur(c). Jurin s'exprime d'une nia- colorée (a). Boerhaave considérait les nière plus nette, et attribue la forma- fibres sanguines comme étant formées tion du caillot à la réunion spontanée d'une chaîne de globules (6), et Ilaller, des globules {d). dont l'autorité était si grande parmi {1)Croonian Lectures on Blood,c[c. les physiologistes du siècle dernier, (Philos. Trans., 1818 et 1820). dit, dans son commentaire sur le pas- (3) Examen du sang, etc. {Hibl. sage précédent des écrits de Boer- univ. de Genève, lS2i, t. XV U). haave, que les fibres de la couenne, (o) Opéra omnia, p. 246. (b) Prœdilectiones academicœ, vol. II, p. 310. (c) Note f, loc. cit. {d) Jurin, .4?i Account ofSome Experimcnts lidating lo the Spécifie Cravitij nf Blood iPhilos. Trans., ni9,p. 1000). Soiivcn do la fibiiiic. 118 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. promptement, laissaient échapper leur nucléus, composé de fibrine, et, réduits à leur portion tégumentaire et rouge seule- ment , se trouvaient alors enveloppés et saisis par l'espèce de (rame résultant de la réunion des noyaux ou corpuscules fibri- neux ainsi nïis en liberté. Hewson, à l'exemple de quelques-uns de ses prédécesseurs, avait soutenu cependant une thèse contraire ; et, si les faits sur lesquels il basait ses convictions avaient été suffisamment dé- veloppés, son opinion aurait certainement prévalu depuis long- temps, Les médecins avaient déjà remarqué que, dans les maladies inflammatoires et dans f[uclques autres cas pathologiques, la masse gélatineuse formée par la coagulation du sang n'a pas le même aspect dans toute son épaisseur; que, dans sa partie inférieure , elle est rouge comme d'ordinaire ; mais que, vers le haut, elle est formée par une matière blan- châtre, à laquelle ils donnèrent le nom de couenne. Or, un physiologiste dont les écrits n'ont eu que peu de retentisse- ment, Davies, avait \n aussi que cette couche couenneuse est formée par une substance identique, au moins en apparence, avec celle qui constitue la trame de la portion rouge du caillot situé au-dessous; et il s'expliquait la différence de couleur entre ces deux couches en admettant que , dans les circon- stances ordinaires , la coagulation du sang ayant lieu avant que les globules, dont la pesanteur spécifique est plus grande (jue celle du fluide d'alentour, aient eu le temps de descendre vers le fond du vase, ceux-ci se trouvent empâtés également dans toutes les parties du caillot, qu'ils colorent uniformément ; tan- dis que, dans les cas où ime couenne se produit, les globules descendent plus aisément et plus vite, de façon qu'ils ont déjà abandonné la partie supérieure du liquide lorsque la coagula- tion s'efïectue : et alors le caillot est blanc là où la matière roagulable n'en rencontre plus, tandis qu'il devient rouge là COAGULATION. 119 OÙ il saisit ces corpuscules (1). Davies considérait donc la ma- tière plastique comme étant distincte des globules aussi bien que du sérum, dont elle se sépare par la coagulation spontanée; et, sans connaître les idées déjà émises à ce sujet en France par Petit, il professa une opinion analogue. Eftectivement, ce chirurgien avait été conduit à regarder le sang comme étant formé, non pas de globules et de sérum seulement, mais aussi d'un troisième élément physiologique, savoir, la lymphe , ou , pour me servir du langage moderne , la fibrine (2). Hewson soutenait la même doctrine, et il fit à ce sujet une expérience des plus ingénieuses et des ])lus concluantes. En examinant l'action de divers agents cliiiniques sur le sang, on avait constaté qu'en ajoutant à ce liquide une [lortion conve- nable de sulfate de soude ou de sel commun en solution dans l'eau, on retarde beaucoup sa coagulation, et Hewson ayant préparé un de ces mélanges de sang humain et de dissolu- (1) Davies, Essays to Promote the » sérosité se sépare du caillot de la Expérimental Analysis of Hunian » même manière que le petit-Iait se Blood, in-8. Bath, 1760. » sépare du lait caillé. La sérosité (2) J.-l^. Petit, qu'il ne faut pas » du sang n'est donc point susceptible confondre avec un autre académicien » de coagulation. Les deux autres par- du même nom et de la même époque, » lies , qui sont la lymphatique et la ranatomiste F. Petit, naquit à Paris » ylobuleuse , pour l'ordinaire, font en 167/i, et fut bon observateur non » ensemble un caillot qui nage dans moins que cliirurgien babile. Il mou- » la sérosité ; et l'on pnnrrait croire rut en 1750, et il est plus connu » que ces parties du sang sont toutes comme palhologiste que comme pby- » deux susceptibles de coagulation, si Biologiste ; mais je croirais manquer à )> nous n'avions pas observé plusieurs la justice qui lui est due, si je ne citais » fois, au fond des palettes et surtout ici textuellement Texplication qu'il o à l'ouverlure des cadavres , que la donne de la coagulation du sang. » partie globuleuse et la sérosité con- « Tout le monde convient que toutes » servent quelquefois leur lluidité, » les parties du sang ne sont pas sus- » pendant que la partie lymphatique » ceptibles de coagulation ; il est ce- » est seule coagulée. Il est ordinaire » pendant vrai que, quand on tire du n qu'à l'ouverture des cadavres, on » sang dans une palette, il se coagule » trouve le sang coagulé dans le cœur » d"abord tout entier ; mais, lorsqu'on » et dans tous les vaisseaux ; mais » le laisse reposer, on volt que la » celte coagulation n'est pas toujours 120 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. lion saline (1) le laissa reposer jusqu'à ce que les globules se fussent déposés dans la partie inférieure du vase, puis il décanta le liquide incolore qui surnageait, et y reconnut la présence de la fibrine. Eflectivement, en y ajoutant un peu d'eau, il la vit se prendre en gelée, comme cela a lieu dans le sang chargé de ses globules rouges, et former un caillot blanc. » la même. Quelquefois , la partie » rouge et la lymphe, exactement mè- » lées, forment un caillot rouge et » assez ferme ; d'autres fois, ces deux » substances, quoique coagulées, sont » presque exactement distinctes et » forment un caillot de deux couleurs ; » mais, attendu que la lymphe est plus )) légère, la moitié supérieure de ce » caillot est blanche , et l'inférieure » est d'un rouge brun, supposant que » le cadavre se soit refroidi dans la » situation horizontale, comme cela )» arrive d'ordinaire. Si l'on examine le n bassin dans lequel on vient de sai- » gner du pied, on trouvera toutes les )) parties du sang noyées dans l'eau » chaude, et, si l'on veut voir à l'in- )) stant quelle est la partie susceptible » de coagulation, on n'a qu'à jeter un )) pot d'eau froide dans le bassin, et » sur-le-champ on verra la partie » blanche se séparer de la partie » rouge et s'élever sur la surface de » l'eau, où elle forme des caillots très » durs , pendant que la partie rouge » demeure exactement mêlée avec n l'eau et sans former de caillot. De » ces expériences , connues de tout le » monde, on peut conclure que la par- » tie blanche est non-seulement plus H disposée à la coagulation que la par- » lie rouge, mais qu'elle est la seule » qui se coagule, et que la partie rouge » ne ferait point partie du caillot sans » la partie blanche qui la retient (a).» Pour mettre ce passage en accord complet avec la théorie de la coagula- tion du sang adoptée aujourd'hui , il suffirait de mettre le mot fibrine à la place du mot lymphe, et de dire glo- bules rouges au lieu de partie rouge. (1) Cette propriété remarquable que possèdent le sel commun et quelques autres substances de retarder la coa- gulation du sang lorsqu'on les emploie en proportion convenable était déjà connue il y a un siècle. Senac en parla {b) ; Fordyce également (r) : et il paraîtrait même que cette in- fluence du sel sur le sang n'était pas ignorée du vulgaire , car, en 1771, Ilewson disait qu'en Angleterre, les personnes qui emploient le sang des animaux de boucherie pour la pré- paration de substances aliiuentaires avaient l'habitude de recevoir ce li- quide dans un vase contenant du sel, et de l'y agiter à mesure qu'il s'écou- lait des vaisseaux, ce qui l'empêchait de se coaguler et permettait de le faire passer à travers un tamis sans qu'il restât sur celui-ci le moindre caillot((i). Quelques physiologistes ont cru avoir découvert ce fait il y a une quinzaine d'années. {(() Petit, Second Mémoire sur la manière d'arrêter les hànorrhagies {Méin. de VAcad. des sciences, il3i, p. 'Mi). (b) Scnac, Trailc de la structure, ITiO, t. II, p. 439. (f) G. Fordjxe, Eléments of the Practice ofPhysic, 17G8, 2* partie, p. 28. (d) Hcwson's Works, p. 14. COAGULATION. 121 Cette l)ellc exitérieiicc date de 1770 (1), et, iioiir la rendre déeisive, il ne restait [)lns qn'à voir si, dans ee cas, les globules rouges étaient restés intaels, car on pouvait croire que la librine provenait de ces corpuscules, et que le dépôt coloré était lornié de la matière rouge enveloppante des globules séparés de leur noyau. La théorie de la coagulation du sang soutenue par Hewson , et adoptée par beaucoup de compalrioles de ce physiologiste liabile, manquait donc encore d'une démonstration sut'lisante, et les faits dont ils arguaient pouvaient s'expliquer également bien par l'hypothèse contraire. Tel était à ])eu près l'état de la question (2), lorsque M. Mill- ier vint s'en occuper à son tour, et en donna une solution com- plète. 11 lit d'abord une expérience très analogue à celle de Hewson. Elle consista dans la hllration du sang de Gre- nouille délayé dans un peu d'eau sucrée, ce (pii en refarde la (1) On the Properlics of Blood, cliap. I, Experiment III {Op. cit., p. 12). IJiintcr a lait à pou pii's la même expérience, cl c'est pour celte raison que quelques écrivains lui attribuent la découverte de la théorie de la coa- gulation du sang; mais ses observa- tions sont postérieures à celles de llcwsoii. {On Blood, loc. cit., p. o^.) Une observation assez analogue à celle de Hewson a été faite par MM. Piorry et Scellc-Mondczert en opérant sur du sang couenneux non mélangé de liquide salin. Mais ces expériences ne sufllsaicnt pas pour donner la clef du pliénomènc de la forma lion dn cail- lot sanguin, car beaucoupdc physiolo- gistes pensaient que la matière de la couenne était dillérente de la fibrine ordinaire. (Voy. licch. sur Icarruin du ftdun, thèse par M. Sccllc-Mondczcrt, 1830.) {'}) L'illustre Bcrzclius pensait que la librine devait cire en dissolution dans le sang, .et non en suspension sous la forme de globules. Mais les motifs qu'il donne à l'appui de celte opinion pèchent par leur base, et n'a- vaient par conséquent aucune valeur aux yeux des physiologistes. Voici, en ed'et, comment il s'exprime : « Le » liquide incolore que charrient les » vaisseaux lymphatiques ne contient » pas, que nous sachions, de globules )) en suspenvion, ce qui n'enqièche » pas qu'il se coagule exactement » comme le sang et qu'il dépose un » caillot incolore. Mais, si ce liquide, )) séparé du sang par une espèce de » lillraiion, contient la librine dis- » soute , cette dernière est aussi en » j)aitie à l'élat de dissolution dans le » sang. La coagulation consiste alors » en ce que la librine dissoute se sé- » parc et emprisonne les globules. » IG 122 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. coagulation. Les globules des Batraciens, à raison de leur volume considérable, ne passent pas à travers le papier du liltre, comme cela arrive souvent lorsqu'on se sert de sang humain ; et 31. Miiller obtint ainsi un liquide incolore, dont la coagulation eut lieu cependant tout comme si les globules n'en avaient pas été préalablement séparés (1). Puis, dans une autre expérience, il s'assura, à l'aide du microscope, que dans le sang défibriné par le battage, et rendu par conséquent incoagulable, les globules ne sont ni déchirés ni altérés d'au- cune manière ajipréciable (2). Enlin, il arriva encore au même résultat par un autre i>rocédé. Il plaça au loyer de son micros- cope une gouttelette de sang de Grenouille étendu avec du sérum, de façon à écarter beaucoup les globules entre eux, et il vit bientôt le tout se prendre en une masse gélatineuse, bien que les globules fussent demeurés intacts. § 10. — Ainsi, aujourd'hui, on ne peut plus se refuser à admettre que la fibrine, dont dépend la coagulabilité du sang, {Traité de chimie, t. Vif, p. 32.) Ce manque dans la traduction française raisonnement est logique ; mais les de cet ouvrage (t. I, p. 95). Si l'on prémisses en sont erronées, car Hew- ajoute de Teau au sang avant de le son, et tous les autres micrograplies battre, Texpérience ne réussit pas, et qui se sont occupés de l'étude de la ce fait donne peut-être l'explication de lymphe, y ont reconnu la présence de ce que Berzelius avait dit relativement corpuscules incolores qui ressemblent à la disparition des globules dans le beaucoup au noyau des globules san- sang défibriné. {Traité de chimie , guins et aux globulins du sang. (Voy. t. Vil, p. 33.) Hewson, On the Fluid of Lymphatic ]\f. Figuier, qui a répété cette cx- Glands, loc. cit., p. 253, etc.) périence avec succès, tout en opé- (1 ) Beobachtungen zur AnaUjse dcr rant parfois dans des conditions moins Lymphr, des Bluts ^nld des Chylus favorables, puisqu'il s'est servi même (PoggendorfT's Ann. fiir Physik, 1832, de sang humain, a obtenu les meilleurs t. XXV, p. 537 ; — Trad. kmc.,An7i. résultats en mêlant à un volume de des se. nat., 2' série, t. I, p. 339). sang deux volumes d'une dissolution {'2) MùWer, Eléments uf Physiologij, de sulfate de soude marquant 16° à Translated by Balhj, t. I , p. 113. Le 18 " à l'aréomètre de Baume {a). passage relatif à l'état des globules Pour empêcher l'altération des glo- (tt) Voyez Comptes rendus de iAcadcimc des sckiiccs, lb-i4,t. XIX, p. iOi , cl Aun. de chimie, 3'=sciic,t. XI, i-. 503. COAGULATION. 123 se trouve en dissoliilion ou en suspension ( à l'élal de division extrême) dans le liquide où flottent les globules, et ne provient pas de ces corpuscules eux-mêmes (1). Le sérum qui se sépare du caillot après la coagulation du sang n'est donc pas identique avec le li< [uide qui tient les globules en suspension dans l'intérieiu' de l'organisme; et, pour intro- duire de la précision dans le langage de la pbysiologie, il est nécessaire de lui donner un nom particulier : c'est ce qui a été tait dans ces derniers temps, et aujourd'hui on l'appelle géné- ralement le plasma (2). Le sang normal se compose donc do globules solides et de plasma liquide. La fibrine se trouve alors dans le plasma. Par la coagulation spontanée, cette fibrine abandonne le billes et la dissolution d'une partie de leur matière colorante pendant la du- rée de la filtration, M. Dumas a trouvé de l'avantage à faire passer dans le li- quide placé sur le filtre un courant de bulles d'air {a). Voyez aussi à ce sujet une Note sur les globules du sang, par M. Bonnet {Comptes rendus, t. XXIII, p. 361, 18Zi5). (1) J. llunter, un des physiologistes et des chirurgiens les plus distingués de l'Angleterre , a publié en 179/i un travail très étendu sur le sang, et tout en admettant que la lymphe coagu- lable (c'est-à-dire la fibrine) se trouve h l'état liquide, il pensait qu'elle est simplement mélangée avec le sérum et non dissoute dans ce fluide {h). C'est aussi l'opinion d'un des pathologistes les plus célèbres de l'époque actuelle, M. Andral. Ce dernier pense que la fibrine affecte la forme de granulins dcT.'v de millimètre, qui seraient tenus en suspension dans le sérum {<;). (2) Schultz, Das Stjstem der Circu- lation, 1836, p. 8. En 1830, M. Babinglon a publié un Mémoire intéressant sur le sang, dans lequel, venant à l'appui des opi- nions de Hewsou sur le mécanisme de la coagulation, il cherche aussi à éta- blir que, dans le sang normal, la fibrine et le sérum sont unis, et for- ment un liquide particulier auquel il donne le nom de liquor sanguinis [d). C'est aussi sous ce nom que le plasma est désigné par Millier (e), par M. Mandl (/") et par plusieurs autres physiologistes. (a) Dumas, Bech. sur le sang (Ann. de chimie, 3' série, 1840, t. XVII, p. 453). (6) Œuvres de Hunier, frail. par Richclot, I. III, p. 34. ((■) .'Vndral, Essai d'Iiématolnijie pathologiiiue, 1843, p. 34. ((/) Some Considérations witli Respect to the Blood Founded on one or two Very Simple Experi- ments {Medico-chirurgicaL Transactions, vol. XVI, p. 293). (e) Millier, Pliysiologie, t. I, p. 80. (/') },lanA\, Sanguis respectu physiologico, in-8. Pestli, 1830. Séparalion (lu «ôrum. 12(1 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. plasma pour se réunir autour des globules et constituer avec eux le caillot, tandis que le plasma dépouillé de fibrine devient du sérum. Au moment où la coagulation spontanée du sang s'effectue, le caillot et le sérum ne forment qu'une seule masse gélati- neuse ; mais la fibrine qui consfitue la trame de ce caillot est une substance très élastique, qui tend à revenir sur elle-même, et, en se resserrant, elle chasse peu à peu la majeure partie du sériun emprisonné dans ses mailles. Le caillot acquiert ainsi plus de consistance et nage dans le sérum, mais il n'ex- pulse jamais la totalité de ce liquide, et dans la plupart des cas en conserve environ un cinquième de son volume, circonstance dont il faut tenir compte lorsqu'on veut évaluer les proportions des matières solides et fluides du sang (1). Il est aussi à noter Quelques auleurs l'appellent liquide intercellulaire {a), et des vues théori- ques au sujet du mode d'origine des cellules organiques y ont fait donner le nom de zoocambium [h); mais au- jourd'hui le nom de plasma est plus généralement employé. (1) Le professeur Schmidt, de Dor- pat, a fait, à l'orcasion de ses recher- ches sur le choléra, un grand nombre d'expériences sur le sang, et a étudié avec beaucoup de soin le phénomène de la coagulation. Il a constaté que dans les circonstances ordinaires le caillot se resserre d'une manière lente et continue pendant fort longtemps; mais que dans les premières douze heures les trois quarts de la quantité totale du sérum en sont expulsés. Dans les douze heures suivantes, IZi à 17 cen- lièmesde ce liquide se séparent du cail- lot, et pendant les deu\ ou trois jours qui suivent il en suinte encore une petite quantité (8 à 10 centièmes de la quantité totale du sérum). Lorsque la température est d'environ 16 ",1a rétrac- tion du caillot atteint son maximum entre vingt -quatre et quarante -huit heures; mais lorsque la température est entre 0" et 5", la séparation du sérum et du caillot se fait plus len- tement. Quoi qu'il en soit, le sérum qui s'échappe ainsi peu à peu paraît être identique pendant toute la durée du phénomène, et il en reste toujours une certaine quantité dans le caillot. En examinant au microscope des tran- ches minces de celui-ci, M. Schmidt a vu que les globules y sont très serrés, mais il a évalué l'espace oc- cupé par le liquide interglobulaire, ou sérum, à environ un cinquième du volume total du caillot. Enfin il estime que les globules forment au moins les /l dixièmes du volume total du sang; quelquefois même le volume de ces corpuscules est supérieur à celui du sérum (environ b'6 ou 5Z| pour 100 (r). (a) Sclimidt, Charakterisiik der epidemischen ChoUva. Leipzig, IRTiO, p. 3. {1} Horn, Leben des Blutes wid Geseize des Kreislaufs. Wiirlzb., -1812. ((•) C. Sclimidt, Charaliteristik der epidemischen (Umlera, p. U, COAGULATION. ^25 que cette propriété rétractile de la lil)rinc n'est pas également développée chez tous les animaux, et que chez l'homme elle s'affaiblit dans cerlains états pathologiques de fae'ori i\ ne plus pouvoir déterminer la séparation entre le sérum et le caillot. Celui-ci reste alors sous la forme d'une sorte de gelée trem- blotante, et (pielipies physiologistes (»nt cru nécessaire de dis- tinguer par une dénomination particulière la l]hriiie ainsi modifiée. On l'a i\\)\)c\vQpseuJo- fibrine (1). Le temps pendant lequel le sang conserve sa lluidilc' a[)rès sa RapMiié sortie du corps varie un peu chez les divers animaux, ainsi que h roagniaiion. chez les individus d'une même espèce, et jusque chez le uKMne individu, suivant qu'il est en santé ou qu'il est malade. Ainsi le sang du Cheval se coagule plus lentement que celui de l'honnnc. Le sang du Cliicn, au contraire, se prend en masse plus vite que le nôtre, et celui du Glouton et du Lapin éprouve le même chan- gement avec une rapidité encore plus grande. La coagulation du sang des Oiseaux, des Reptiles et des Poissons s'effectue aussi très promptement. On a remarqué encore que chez les jeunes individus elle est en général plus rapide que chez les adultes, et que des différences du même ordre existent entre le sang de la femme et celui de l'homme (^2). Ainsi la résistance (1) Magendie a ck'signé de la sorle la fibiine qui se produit rapide- ment dans l'organisme à la suite de saignées copieuses, et qui est moins dense que la librine normale [a). Ci) Le temps que le sang met à se coaguler a été estimé très diversement par les auteurs, et ce désaccord tient d'une part aux variations qui existent réeiiomont ù cet égard, et d autre part l'i la phase du pliénomène dont les observateurs ont tenu compte. En gé- néral il se forme d'abord une pellicule mince ù la surface du lluide, et ce premier degré de coagulation a lieu pour le sang de riiomme entre 1 mi- nute lib secondes et G minutes après que la saignée a été pratiquée; un second degré dans la coagulation con- siste le plus souvent dans la formation d'une couche gélatineuse contre les pa- rois du vase, et a lieu au bout de 2 à 7 minutes; la masse tout entière se prend en gelée entre U et 12 minutes après la sortie du sang ; enfin la coa- gulation devient complète entre 7 et IG minutes après celte sortie, et alors le sérum commence à se séparer du (a) Magendie, Leçon.i sur les phénomènes phtjsiquen de la vie, 1R37, t, 111, p. 3,)3. .^^ ^4° ^ÇviCA/ ^. \<2Q SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. que le sang' oppose à cette altération semble être plus grande chez les organismes puissants et actifs que cliez les êtres faibles ou lents dans leurs mouvements. Et j'insiste sur cette circon- stance, parce qu'elle viendra corroborer les vues dont j'aurai bientôt à vous entrelenir relativement à la cause de la lluidité du plasma. Il est aussi à noter qu'en général la consistance du caillot est en raison inverse de la rapidité avec laquelle le sang s'est coagulé (1). • § 11 . __ La couenne du sang (2"), dont j'ai parlé il y a quel- raillot, qui offre assez de consistance pour pouvoir ètie remué sans se dé- chirer. Or les observateurs qui parlent du temps employé par le sang pour se coaguler font allusion, les uns à l'ap- parition de la première pellicule, les autres à la prise en masse, et d'autres encore à la consolidation de celte ge- lée, M. A'asse a étudié avec attention tous ces divers degrés, et les chilTrcs rapportés ci-dessus sont basés sur ses observations («). La coagulabilité relative du sang de divers animaux a été étudiée par Thack- rah. Nasse et quelques autres phy- siologistes; mais les observations n'ont pas été assez multipliées pour que Ton puisse donner une évaluation moyenne du temps pendant lequel cette humeur conserve sa lluidité. Dans les expé- riences de 'rhackrah le sang des pe- tits Passereaux commença à se coa- guler en 20 secondes ou 1 minute; celui du Canard et de l'Oie en 1 à 2 minutes; celui du Lapin en moins de 1 minute; celui du Chien en moins de 3 minutes ; celui du Bœuf, terme moyen, en 6 minutes, et celui du Cheval entre 5 et 13 minutes (6). M. Nasse a trouvé que le sang du Pigeon se coa- gule plus vite que celui de la Poule, et celui de l'Oie plus lentement que ce dernier. Ses observations sur le sang des Mammifères sont en général assez d'accord avec celles de Thackrah, mais il considère le sang du Chien comme étant plus lent à se coaguler que celui du Bœuf et du Cochon. Dans les expériences de Nasse, la coagulation a commencé, terme moyen , au bout d'un peu moins de 3 mi- nutes pour le sang de la femme et de h minutes pour le sang de l'homme. La prise en masse gélatineuse s'est effectuée aussi environ une minute et demie plus tard chez l'homme. (1) Ilunter, Traité du sang et de l'injlam mation {OEuvres, trad. franc. , t. m, p. 38). (2) On donne souvent à cette couche le nom de couenne inflammatoire, parce qu'elle se montre le plus ordinai- rement dans les cas de phlegmasies, et que beaucoup de médecins l'ont considérée comme étant un signe caractéristique de ces maladies ; mais (a) Article Sang, par Nasse, dans Wagner's Handuiorterbuch der Physiologie, 1842, f. I p i04. — Voyez aussi Hunier, Traité du sang ( Œuvres, t. III, p. 30). (b) Tliackrali, Inqinry iiUo the Nature and Properties of l'.lood, 1819, p. 29. COAGULATION. 1-' quesinsUmls, etdoul l'élude îi beaucoup occupé les médecins de tous les (enii)s, n'est ipie la portion du caillot qui ne renferme [)as de globules rouges, et, par sa nature, elle ne diffère pas notablement de la tibrine, qui, dans les couclies inférieures du même caillot, a englol)é les globules dans sa substance au moment de sa solidification. Aussi la présence ou l'absence de cette matière blanchâtre à la surface supérieure du caillot et son épaisseur plus ou moins considérable dépendent-elles prin- cipalement soit de la lenteur ou de la rapidité avec laquelle la fibrine se prend en gelée, soit du degré de promptitude avec lc({uel les globules cessent de rester en équilijjre dans le plasma et tendent à se déposer au fond du vase où le sang a été recueilli. Chez quelques animaux dont le sang ne se coagule que lentement (le Cbeval, par exeuii)le), il se forme presque toujours une couche épaisse de couenne; tandis que chez ceux dont le sang se prend en masse très vite (comme cela s'ob- serve chez les Oiseaux), l'existence d'une portion incolore du caillot n'a pas été observée (1). Couenne du sang. elle n'est pas nécessairement liée à cet état patlioiogique. Dans ces derniers temps, M. natin a proposé de l'ap- peler hémaleucinc, et de donner Té- pilhète cVhémaleucogène au sang qui en produit ; mais cette nomencla- ture, dont je ne rapporte ici que la moitié, ne me semble ofl'rir aucun avantage, et par conséquent je ne l'emploierai pas (or). En parlant de la digestion, nous aurons à revenir sur l'influence que ^1. Uatin altrihue à cette fonction sur la production de la couenne. (1) L'influence que la lenteur de la coagulation de la fibrine plasmiquc exerce sur la production de la couenne a été mise bien en évidence par les rechercbes récentes d'un médecin italien, M. G. Polli. Effectivement, celui-ci a constaté, par une série de plus de quatre cents observations, que pour l'espèce bumaine la coagulation du sang s'opère, terme moyen, en 27 minutes lorsque le caillot est couenneux, et en 11 minutes quand il n'y a pas de couenne ; il a vu aussi que tout sang qui ne donne pas de couenne est toujours susceptible d'en fournir lorsqu'on en ralentit suflisam- ment la coagulation, el qu'au con- traire du sang couenneux donne un (fl) It;ilin, Ikch. cxjiévlm. sur l'hémaleiwose {l'Esculape, 1840), et liccli. cTpt'rim. sur la partie blanctie du sang appelée fibrine {l'Examinateur médical, nov. 1841). Cause de 128 SAKG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. 4s 12. — Nous connaissons donc maintenant le mécanisme do la coaguiaiioii. ]j| coagulalion spontanée du sang; mais, si nous voulions aller l)lus loin et chercher quelle est la cause du changement qui se manifeste ainsi dans la fibrine, nous nous trouverions prompte- caillot dépourvu de couenne lors- qu'on accélère sufEsammenl la coagu- la lion («)• Il est évident que si le temps em- ployé par la fibrine pour se solidifier reste constant , mais que la rapidité avec laquelle les globules tendent à descendre et à se déposer au fond du vase vienne à varier, il en résultera des dillérences du même ordre dans l'as- pect du caillot. Or l'observation nous apprend que celte tendance est loin de se manifester toujours avec une égale promptitude, et l'on a fait un grand nombre d'expériences pour découvrir la cause de cette inégalité. La tendance des globules à se dé- poser au fond du vase dans lequel on a reçu le sang varie suivant diverses circonstances ; on l'observe dans le sang qui a été défibriné aussi bien que dans le sang normal, et par le repos seulement ces corpuscules se séparent du sérum presque aussi complètement que lorsqu'ils sont entraînés par la solidification de la fibrine (6). Les dif- férences qui se remarquent dans la rapidité avec laquelle ce dépôt s'ef- fectue paraissent dépendre en grande partie des rapports qui existent entre la densité du plasma et la pesanteur spécifique des globules. La densité des diverses parties du sang avait été étudiée par Jurin au commencement du siècle der- nier (c), et a été déterminée avec plus de précision il y a quelques années. Les expériences de M. J. Davy ont donné , pour la densité du sérum , 1020 à 1030 , et , pour celle des glo- bules , environ 1132, évaluation qui ne s'éloigne que peu de celle donnée par Jurin. D'après quelques essais de M. Babington, la densité des globules serait même un peu plus considéra- ble {d). M. J. Uavy estime la densité de la fibrine à 10/i6 ou 1060(e). Enfin, MM. A. Becquerel et Rodier ont tiré de leurs expériences à ce sujet les ré- sultats suivants : densité du sang dé- fibriné de l'iiomme , moyenne, 1060 ; max., 1062 ; min., 1058 ; — du sé- rum, moyenne, 1028; max., 1030; min., 1027 (/'). La détermination exacte de la densité des globules pré- sente de grandes difficultés à cause de la quantité variable de sérum qui reste toujours interposée entre ces corpus- cules; mais à l'aide de quelques pré- cautions on peut arriver à une ap- proximation sufjisante. M. Scbmidt, de Dorpat, a fait beaucoup d'expériences à ce sujet, et, à l'aide d'une métbode qu'il serait trop long d'exposer ici, il est {a]Vo\\\,nicerche ed esperimoili littonto alla forma^ione délia cotenna nel sanguc, iii-8. Milano, 1843. (Extrait ries Annali universali di medtcina. 1843.) (b) SclmiiJt, Charak. der GhOlcra, p. 13. — Popp, Unlcrsuchmy ûbcf die Beschalfenhdl des menschlkhen DUilcs in vcrschiedencn hrnnkhcttcn, 18 45, p. 8. (t) Philos. Trans., 1719, p. iOOl. [il] Voy. ait. Morhid lllood m ToildV Ojclop. of Anal., vol. I, p. 418. (e) Voy. J. Liavy, Hesearch., Pltysiol. and Aiiat., \ol. II, p. 17. (/) Becquciol et Rodier, Recli. sur la composition du sang, iii'8, 1844, p. -2û. COAGILATION. 129 ment arrêtés. Effectivement, on ne sait presque rien à ce sujet. On en a fait l'objet d'un grand nombre d'expériences , mais on n'est guère arrivé qu'à des résultats négatifs. Ainsi , on a constaté que la coagulalion du sang ne dépend arrivé à des résultais propres à jeter quelque jour sur la question dont nous nous occupons ici (a). EfTeclivement il a vu que la densité des globules sanguins est susceptible de varier notablement. Cbez riiomme à l'état de santé il n'a trouvé que des différences très légères, la pesanteur spécilique de ces corpuscules se main- tenant entre 1,0885 et 1,0889. Chez la femme leur densité est un peu plus faible (entre 1,0880 et 1,0886). Enfin il a constaté que dans certains états pathologiques ces corpuscules acquiè- rent une densité sensiblement plus grande que dans l'état normal, tandis que dans d'autres maladies le con- traire a lieu. Ainsi M. Sclimidt dit que leur pesanteur spécifique était de : 1,1025 ou même 1,1027 chez des malades atteints de choléra ; 1,0855 dans un cas de dysenterie; l,08Zi5 dans un cas d'albuminurie; 1,0817 chez un hydropique {b). On peut juger approximativement de la densité du plasma par celle du sé- rum. Or, celle-ci est également sujette à varier. Ainsi MM. A. Becquerel etRo- dier ont trouvé que dans les maladies inflammatoires et autres affections ai- guës où le sang donne généralement une couche couenneuse plus ou moins épaisse, la densité du sérum, an lieu de s'élever à 1,028, comme dans les circonstances ordinaires, n'est que de 1,027. Ils ont trouvé aussi que cbez la femme la densité de ce liquide est, terme moyen, de 1,027, mais s'é- lève à 1,0281 pendant la grossesse et descend à 1,0257 chez les chloro- tiques (c). On voit par ces exemples que le dépôt des globules peut être accéléré ou ralenti, soit parles modifications qu'ils sont susceptibles d'éprouver dans leur densilé,soit parles variations du même ordre dans les propriétés physiques du sérum. On comprend donc que l'apparition d'une couche couenneuse puisse être due à des causes très diffé- rentes. Quelques physiologistes ont pensé que la promptitude plus ou moins grande avec laquelle les globules se déposent est dépendante de la dispo- sition de ces corpuscules à s'accoler entre eux et à se réunir en piles num- mulaires. On a cru aussi pouvoir ex- pliquer ces différences par l'adhérence plus ou moins grande entre leur sur- face et le liquide visqueux qui les charrie {d). Mais ces hypothèses ne reposent pas sur des bases solides. Il est d'ailleurs h noter que la fibrine n'exerce que peu d'influence sur ce phénomène, et l'on a constaté que les (rt) Schmicit, Op. cit., p. 18 cl suiv. (6) Op. cit., p. 53 et 143. (c) Becquerel et Pioiiiei-, Recherches svv la composition du sang, p. 92. (d) Henlc, Traite d'analoviie (inicrale (Kncijclop. anatom., t. I, p. 407). Gulliver, On the Formation uf tfic Huffyront of lilood (l.ancct, 1845, vol. I, p. 221) Lelimaun, Lehrbuch der pinjswioyisriien l'.liemie, 1853, t. 11, p. 134. 17 130 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. pas de ce qu'il est en repos, au lieu d'être en mouvement, comme cela a lieu dans l'intérieur de l'organisme vivant , bien que cette circonstance puisse contribuer à la déterminer (1). globules du Cheval, qui se déposent plus rapidement que ceux de la plu- part des animaux, se comportent à cet égard de la même manière quand on les place dans le sérum d'une autre espèce. M. IMiiller, il est vrai, a vu les globules se déposer plus lentement dans du sang défibriné que dans du sang dont la coagulation avait été re- tardée par l'addition d'un peu de car- bonate alcalin, mais cela dépendait probablement de l'action de ce dernier réactif (a). Quant à l'influence accéléra irice que cerlaines matières, telles que le sucre et la gomme, exercent sur le dépôt des globules, bien qu'elles aug- mentent la viscosité du sérum , il est probable que cela tient à une aclion exosmolique qu'elles auraient sur ces corpuscules et à l'augmenlation de la densité de ceux-ci par suite de la soustraction d'une portion de leur eau. La connaissance du mécanisme de la formation de la couenne nous permet d'expliquer plusieurs phénomènes sin- guliers en apparence qui ont depuis longtemps attiré l'attendon despallio- logisies. Ainsi on avait d'abord pensé que le sang n'était couenneux que dans les cas de maladie inflammatoire; mais on a vu que diverses circonstances indépendantes de l'état de l'économie influent également sur la production de la couenne : la forme du vase dans lequel le sang est recueilli, par exem- ple. En effet, le même sang peut don- ner une couche couenneuse épaisse ou mince, suivant qu'on le reçoit dans un vase large et peu profond , tel qu'une des palettes à saigner de nos hôpitaux, ou dans un vase étroit et conique, comme un verre à vin de Champagne, ce qui dépend probablement de la facilité plus ou moins grande que les globules trouvent alors pour s'éloigner de la surface du liquide en se dépo- sant (6). La rapidité du jet et l'élat d'agita- tion plus ou moins grande du liquide au moment de sa réception dans le vase influent d'une manière analogue sur la promptitude de la chute des globules, et par suite sur la couleur des parties supérieures du caillot. Il paraîtrait, d'après les expériences de M. Schultz, que la proportion de couenne est susceptible de variations assez grandes par l'ellet du mélange de diverses substances médicamen- teuses dans le sang. Ainsi le sang, qui, dans son état normal, fournissait 1,/|4 pour 100 de couenne fraîche, en donne, par l'addition de la teinture de cantha- rides, 1,66 ; avec le sulfate de quinine, 2.06; et avec l'essence de romarin, 2,7Zi (c). (1) Lower attribuait la coagulation du sang à ce défaut de mouvement (d). (a) Millier, Manuel de physiologie, l. I, p. P". (h) Vojez Scudamore, Essay on l'Aood, t8i'i, p. 42. Raiier, Essai sur la couenne inflammatoire, lliôsc, ■IStO. Babinglon, On Blood (Med. Chir. Tiaus , ISaO, vul. XVI, [i. 296). (c) Scliuliz, Yersnche ûber kunstliclie P.ildvnQvon entziindlichem Blut diirch Armeimrkungen {Ann. der Phys. vna Chem., t. LXVI, ji. 294). [d) Lower, De corde.. IfifiO, p. ■I":!. COAGULATION. 131 On sait que le refroidissement éprouvé par le sang après sa sortie de nos vaisseaux n'est pas la cause de la coagulation de ce liquide, car il se prend également en masse lorsqu'on le maintient à la température de notre corps. D'ailleurs, comme l'a fait remarquer Hunter, il se coagule chez les animaux à sang froid aussi bien que chez les animaux à sang chaud, et cependant il n'éprouve par le fait de sa sortie au dehors aucun refroidissement (1). On a prouvé d'une manière non moins certaine que ce n'est pas le contact de l'air qui détermine ce phénomène, car on a et cette opinion a été adoptée par beaucoup de pliysiologistes Senac conslala aussi qu'on peut empèclier ce liquide de se prendre en masse en le secouant fortement dans un flacon {a], Mais Hewson a prouvé que l'agita- tion ne retarde pas la coagulation de la fibrine (Op. cit., p. 9), et les re- cherches de J. Davy (6), de Scuda- more (c), de Prater ((/) et de quelques autres physiologistes montrent que, si le sang ne se prend pas toujours en masse lorsqu'on l'agite violem- ment, comme dans l'expérience de Se- nac, cela tient à la rupture du caillot à mesiue de sa formation et à la réu- nion de la fibrine en grumeaux, mais non au défaut de coagulation de celte matière. C'est en agissant d'une ma- nière analogue qu'on peut retarder notablement la prise en masse du sang, en remuant ce liquide au moment de sa sortie de l'organisme. Du reste, le repos, tout en n'étant pas la cause im- médiate de la coagulation, est une cir- constance qui est favorable à la pro- duction de ce phénomène et qui en est souvent la cause indirecte (e). (1) Voyez newson. On the Proper- tiesof Blood, Exper. I {Op. aï., p. 3). On a fait aussi beaucoup d'expériences pour déterminer l'irifluence de la tem- pérature sur la rapidité avec laquelle la coagulation s'elTectue, et, d'après l'ensemble des résultats ainsi obtenus, ij paraîtrait que, pour le sang humain et probablement celui de tous les ani- maux à sang chaud, la températm-e la plus favorable à la prompte coagula- tion est à peu près celle du corps ; qu'une température plus élevée, mais insufiîsante pour solidifier l'albumine, retarde la formation du caillot, et que le froid agit dans le même sens, mais d'une manière encore plus marquée. Dans quelques expériences de M. J. Davy, la coagulation, qui d'ordinah-e s'opère en quelques minutes, a été retardée de plus d'une heure par l'in- fluence d'ime température de 0". On peut consulter sur ce sujet l'ouvrage de Hunter sur le sang , ceux de Hey (a) Senac, Traité de la structure du cœur, t. II, p. 134. (h) Researches, Ptiysiological and Anatomical, vol. II, p. 04. {c) Scmlamorc, On the Blood, p. 41 et 113. (d) Exper. Inquir. in Chem. Phys., part, i, p. 17. (e) Voyez Hunter, Traité du sang ( Œuvres, t. III, p. 43). 132 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. Vil le caillot se former dans le vide barométrique aussi bien que dans des vases ouverts (1). On s'est convaincu que la sortie du sang au dehors de l'éco- nomie animale n'était pas la seule cause de sa coagulation spon- tanée, car, dans beaucoup de cas pathologiques aussi bien que dans les expériences des physiologistes , on a vu ce fluide se solidifier de la sorte dans l'intérieur du corps vivant (2). Enfin on n'a pu découvrir aucun phénomène physique, ni aucune réaction chimique qui soit de nature à nous éclairer sur la cause de ce changement dans le mode de constitution de (06s. on Blood, iii-8, 1779),(leThack- rah (0?t Blood, 1819, p. 937, etc.), de Scudamore {Op. cit.), de J. Davy ( Researches , vol. II ) , et les expé- riences consignées par M. Gulliver dans ses Notes à l'ouvrage de Hew- son. (1) Hunter, Op. cit., p. 35. J. Davy a oblcnu le même résultat en recueil- lant sous une couclie d'huile le sang au moment de sa sortie du corps vi- vant, de façon à le préserver du con- tact de l'air (o). Dans les expériences de Scudamore, la coagulation du sang, toutes choses étant égales d'ailleurs, s'est faite plus lentement à l'abri du contact de l'air qu'en vase ouvert {b). Schrœder van der Kolk déduit de ses expériences que le contact de l'air, quoique n'étant pas nécessaire à la coagulation du sang , la favorise (c). Les mêmes résultats ont été obtenus par M. Gulliver. Nous reviendrons sur ce fait lors- que nous étudierons les propriétés chimiques de la fibrine. (2) Les expériences de Hewson [d], les observations des chirurgiens sur la formation du caillot dans l'intérieur des poches anévrysmales , et l'histoire nombreuse des cas pathologiques dans lesquels la coagulation du sang a eu lieu dans l'intérieur des veines chez des malades affectés d'œdème des membres inférieurs, etc., prouvent assez que ce phénomène n'est pas nécessairement lié à la sortie de ce liquide hors de l'économie (e). On sait aussi que, dans le cadavre, on trouve des caillots dans le cœur et les gros vaisseaux ; mais, dans toutes ces cir- constances, l'influence de la vie a cessé de s'exercer d'une manière normale : tantôt elle est éteinte, et d'autres fois on peut penser qu'elle a été beaucoup diminuée par le fait de la mort par- tielle dont les globules extravasés peuvent avoir été frappés. (a) Edinb. Medic. Journ., iS-2S, t. XXIX, p. 244, et Research., t. II, p. 'JO. (b) Essay oa the Blood, iii-8, 18-24, p 27. le) ScliiTCdtT van lU'i- Kolk, Commentath de sangîtinis vase effluentis coagulatione. Groninga, 1820, p. 11. (d) Notes de l'ouvi-aire de Hewsoii, p. 20. (e) Boucliiil, Mémoire sur la coudulalioii du sauij veineux dans les cachexies cl les maladies chroniques (Gazette médicale, 1845, p. 241). COAGULATION. 133 lu fibrine plosmiciue, et, ainsi que nous le verrons dans la pro- chaine leron, nous ignorons encore ce qui se passe dans la composition de cette matière au moment où elle cesse d'être liquide pour se prendre en gelée (1). Ce qui, dans les circonstances ordinaires, contribue le [)lus à la conservation de l'état particulier de la librine en vertu duquel celle-ci reste fluide et coagulable, c'est l'inlluence de la vie. Hevvson, dans ses expériences sur les animaux vivants, a vu que du sang rendu stagnant dans l'intérieur des vaisseaux au moyen de deux ligatures ne s'y coagule qu'à la longue (2). (1) Quelques chimistes ont pensé que la coagulation du sang est accom- pagnée d'un dégagement de clialeur, pliénomène qui semblerait indiquer une réaction chimique. Ainsi Four- croy avait annoncé que, pendant ce changement , la température du sang s'élève de plusieurs degrés (a). Gor- don assure avoir constaté le même fait (6), et plus récemment Scuda- more a cru pouvoir tirer une con- clusion analogue d'expériences qui lui sont propres (Ojj. cit., p. 75). Hunier, au contraire, avait dit que ce changement n'est accompagné d'aucun dégagemeni de chaleur {Op. cit., p. 28). M. J. Davy est arrivé au même résultat en prenant beaucoup de pré- cautions pour éviter les causes d'er- reur qui se produisent dans les expé- riences de ce genre (c). M. Schrœder van der Kolk, qui a fait à ce sujet beaucoup d'expériences, en tenant compte de la température du sang près du iond du vase aussi bien qu'à la surface, est arrivé av[Qs liquides albumineux, influence qu'il rapporterait à la classe desphénoinèues de métabolisme. Or, dans le cas où le résultat annoncé par .\l. Buchanan ne serait pas inexact, ne pourrail-on pas penser que le sérum de l'hydrocèle a dissousde la fibrine et s'est transformé de la sorte en une espèce de plasma artificiel? (Voy. O71 the Coagulation of blood and otiier Fibriniferous fluids, in Proceedings of Glasyoiv Phil. 6'oc., ib/j5.) 18 138 SANG. prend en une masse gélatineuse dans laquelle les globules rouges du sang se trouvent empâtés. Nous voyons aussi que cette fjieulté de se coaguler sponta- nément se perd par Faction de divers agents chimiques, et je dois ajouter que parfois la fibrine plasmique semble éprouver, en partie an moins , une modification analogue dans le sein même de l'organisme, car, dans certains cas de mort subite par l'effet de la foudre (1), ou d'empoisonnement par des ma- tières que les toxicologistes appellent des poisons septiques, on voit que le sang reste fluide après la mort (2). Mais, dans (1) Hunter pensait que, chez les animaux tués subitement par une commotion électrique (riiomme frappé de la foudre, par exemple), le sang perd la propriété de se coaguler spon- tanément (a) ; mais un résultat diffé- rent a été invariaiîlement obtenu par Scudamore b). J'ai vu aussi le sang se coaguler très bien chez des oiseaux de petite taille tués par une décharge de la batterie électrique. Mais, dans certains cas, le sang est évidemment moins coagulable chez les individus foudroyés que dans les cadavres ordi- naires, et cette particularité se trou- vant liée en général à une rigidité cadavérique très considérable, je suis porté à penser qu'elle peut dépendre de la solidification d'une portion de la fibrine du sang dans les capillaires, même des muscles, plutôt qu'à la transformation de cette matière en une substance non coagulable. Chez les foudroyés, cette rigidité est parfois telle que le cadavre reste debout dans la position où était l'individu au mo- ment de la décharge électrique (c). (2) Le sang a été trouvé presque fluide dans le cadavre de quelques personnes empoisonnées par des cham- pignons, par l'acide cyanhydrique, etc. , ou asphyxiées par le gaz acide sulfhy- drique (d). Ainsi .1. Kavy a souvent trouvé le sang liquide dans le cadavre d'individus asphyxiés, et s'est assuré que cet étal ne dépendait pas d'un état de putréfaction {e). Les pathologistes ont enregistré plu- sieurs exemples de sang non coagu- lable. Ainsi Senac parle d'un de ses malades, un homme de trente-cinq ans, qu'il fit saigner, et dont « le sang ne se figea point (/"). » llewson rap- porte l'observation d'une femme en couche dont le sang était également incoagulable (g). On trouve des ob- (a) Hunter, Traité sur le sang (Op. cit., p. i'Sl). (6) Essay on Blood, 1824, p. 530. (c) Voyez Boiulin, Sur les victimes de la foudre (Comptes rendus de l'Acad. des scienc, 1854, t. XXXIX, p. 783 . (d) Orfila, Traité des poisons, 1827, t. II, p. 447, 482. (e) Traité du cœur, l. Il, p. 129. (/■) Hevvson's Works, p. 00. (g) i. Davy, liesearches, t. Il, p. 192. COAGULATION. 139 les circonstances ordinaires, rien de semblable n'arrive, et la fluidité dn sang se trouve liée à l'activité vitale, soit de l'ensemble de l'économie, soit des parties avec lesquelles servations analogues dans les Notes ajoutées à la nouvelle édition des OEu- vres de Hewson par M. Gulliver, et dans beaucoup d'ouvrages de méde- cine. ^ous reviendrons sur ce sujet dans une des procliaines leçons. Amussat a cru remarquer que, par TelTet de l'éthérisation , le sang de- vient souvent moins coagulable que dans Pétat normal (a). Hunter pensait que le sang est coagulé dans les vais- seaux des animaux hibernants pendant qu'ils sont en léthargie, et se liqué- fierait à leur réveil [b) ; mais les obser- vations de Saissy montrent qu'il n'en est rien, et que le sang, quoique dans un état de stagnation apparente, reste liquide chez le-; Marmottes, les Héris- sons, etc., au plus profond de leur léthargie (e). Ce l'ail a été vu égale- ment par M. Marshall-Mail id). On attribue aussi au défaut decoa- gulahilité du sang l'impossibilité où l'on s'est trouvé quelquefois d'arrêter l'écoulement de ce liquide, soit par des plaies très petites, telles que des pi- qûres de sangsues, soit à travers le tissu des membranes muqueuses. Ainsi, dans un cas de ce genre observé par M. Tardieu, le sang ne s'est pas coagulé par six heures de repos et paraissait dépourvu de fibrine (e). Les patholo- gistes désignent cet état morbide sous le nom de diathése hémorrhngique, ou hémon-hagie constitutionnelle, et il en est fait mention dans les écrits d'un médecin arabe Alsaharave ou Albucasis, qui vivait probablement dans le xi i' siècle (/"). Des exemples très remarquables de cette disposition à l'hémorrhagie ont parfois été observés chez divers membres d'une même fa- mille. Ainsi un médecin américain, Hughes, cite une famille oii, pendant quatre ou cinq générations, tous les in- dividus mâles étaient sujets à des acci- dents de ce genre ; les plus petites inci- sions donnaient lieu à un écoulement de sang qu'on ne pouvait pas toujours tarir, et plusieurs de ces personnes en sont mortes (g). M. Dubois, de Neu- chatel, a publié des observations ana- logues : dans une famille du nom de Gambe, trois enfants sont morts ainsi d'hémorrhagie, l'un par l'application de ventouses scarifiées au genou, un second poiu" s'être entamé la peau de la tempe en se heurtant à l'angle d'une table, et le troisième à la suite d'une api>lication de deux sangsues à l'é- paule {h). Beaucoup d'autres faits du même ordre ont été recueillis, principale- ment en Allemagne, en Amérique et (a) Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1847, t. XXiV, p. 284. (6) Hunier, Traité sur le sang, t. III, p. 48. (c) Rech. sur les anim. mammifères hibernants, p. 40. (d) MarsIiall-HiiU, On Ihjbernation {l'hilos. Trans., 18:i-2, p. 354). (e) Archives générales de médecine, 1841, 3' série, t. XI. (/■) Liber theoricœ nec non praclicœ MsalmravU e manusc. Arab. lat. versus a P. Ilicio, 1 519, fol. cxiv, cliap. XV. (g) Hu-hps, Case of Hercdllanj Uenwrrhaglc Tendency {American Journal of Ihe Médical Science,'\iM, vol Xt, p. 54-i). (/i) Duljois, Observ. remarquable d' hé nwrrhapli die {Galette méditak, 1838, p. 43). uo SANG. COAGULATION. ce liquide est en contact, soit des organites qu'il charrie avec lui (1). en Angleterre, depuis un qnart de siècle, ei Ton connaU ;uijoiird'iini plus de cent exemples de familles où cette disposition était héréditaire, ainsi qu'un grand nombre de cas isolés, l^mr plus de détails à ce sujet, je renverrai aux publications faites par Biadiey, lîush et Otio, iNasse et Krimmi'r, Schlei- mann, Grandidier, Sanson, Osborne, M. Lebert , M. Dequevauviller , M. Burnes, M. Wolll', M. VVaclis- muth, lange, i\l Bordmann, etc. (a). (l)La manière dont llunter com- prenait la viialilé du sang es! très dif- férente de ia théorie présentée ici. En eflet, ce physiologiste pensait que la fibrine (ou lymphe coagulable, comme il l'appelait) est elle-même une matière vivante, et que sa coagulation sponta- née est un phénomène d'organisation commençante, comme celui du dépôt de la matière plastique dans la cicatri- sation des plaies par première inten- tion et les inflammations adhésivesen général 6). Dans l'opinion professée ici, la fibrine ne serait pas elle-même une pnrtie vivante, mais une matière dont la fluidité est déterminée par l'in- fluence viiale , comme on conçoit qu'elle pourrait l'élre par une tempé- rature déterminée ou par tonte autre cause physifpie;et sa coagulation spon- tanée, loin d'être un phénomène vital, serait au contraire la conséquence de sa soustraction à celte influence, exer- cée soit par les globules, soit par les parois des vaisseaux ou par l'ensemble des parlies organisées et vivantes de l'économie animale. Il est probable que ce changement d'état de la fibrine tient à quelque phénomène chimique encore inaperçu ; mais ce qui déter- mine ce phénomène, ce semble être la cessation deriniluence de la vie. ! (a) Bradiey Rush et Odo, Médical Repository. Nrw-York, iS03, (. VI, p. l. îsasse et Kiimmor, Arck fiïr medlciiiische Erfahrungen, vou Horn, 1820, p. 385. SclilL-iniann , De disposUione ad hemorrhmjias pcviiiciosas heredilaria. Wirceburgii , iii-8, 1831. Grandidier, De dispos, ad hemoi'rhag. lelhal. hœredit. Diss. iiiaiig-. Case'lii, 1832. Sanson, Des liéinorrhagies Iraumaliques, th.pe île concours. Paris, 18:^6. p. 16 Osborne, Dublin Jniirnal of Médical Sciences, 1835, t. V, n° 19, et Arch. gén. de inéd.t 2» série, t. Vlll, p. 387. Leliert, Herherchcs sur les causes, les symptômes et le traitement des hémorrhagies constitu- tionnelles (Archives générales de médecine, 1837, 2° série, t. XV, p. 3(5). Dequevauviller. De la disposition aux hémorrhagies, Ih se. l'aris, 1844. Wolff, Delà diathèse hémorrhaijique héréditaire, tlièi^e. Strasbourg, 1844. Burnes, Heinorrhagic Duithcsis {Lancet, 1840-41, vol. I, p. 404), Waclismiilh, Die lUulerkrniilih' il, 1849. Litnge, Slatistische Unlersucltnng ilber lilutkrankheil, 1850 Bordmann, De l'hémophilie, ou de la diathèse hémorrhagiqiis congénitale, thèse. Strasbourg, 1851. (&) Vo^ez Hunier, Traité sur le sang, l' inflammation et les plaies d'armes à feu (Œuvres, I. III). QUATRIÈME LEÇON. Composition chimique du sang. — Notions historiques. — Classitication des matières constitutives. — Eau. — Principes albuminoïdes. — Matières grasses. — Matières sucrées. — Matières salines. — Matières de passage dans le sang. § 1. — Les applications utiles de la chimie aux études Historique physiologiques datent d'une époque si récente, qu'il ne me la fiucsiion. faudra pas remonter au delà d'un petit nombre d'années pour rencontrer les premières indicalions fournies par cette science au sujet de la composition du sang. Les alchimistes s'en étaient beaucoup occupés; mais il serait oiseux pour nous d'examiner leurs travaux. Les premières expériences sur lesquelles j'appellerai ici l'attention nous apprirent seulement que le sérum contient en dissolution une matière qui se coagule par l'action de la chaleur et de certains acides : c'est la substance qui donne au blanc d'œuf ses propriétés les plus remarquables, et qui est connue de nos jours sous le nom di albumine. L'illustre Harvey constata ce fait vers le milieu du xvu' siècle (1), et un de ses succes- seurs, Willis, en donna une démonstration plus complète (2). A la même époque, ainsi que je l'ai déjà dit, .Alalpighi (o) sépara du sang coagulé la matière rouge dont la couleur de ce liquide dépend, et une autre substance, la fibrine, que Ruysch isola plus tard à l'aide du battage, procédé dont les chimistes se servent encore aujourd'hui [k). J'ajouterai aussi qu'un con- ' (1) Harvey, De générât, anim. (3) En 1666, voyez ci - dessus , 1651, exercit. lu {Opéra omnia , p. 115. p. Z(06). (k) Ruysch, Thésaurus anatomicus (2) Willis, Defebribus, 1659, ch. i, septimus, 1707, p. 119. p. 13 et suiv. i4'2 ' SANG. temporain de Ruysch, Giiglielmiiii, dont le nom a déjà été pro- noncé ici , constata l'existence de sels cristallisables dans le sang (1j, et qn'un demi-siècle plus tard, Menghini, Badia et quelques autres expérimentateurs y démontrèrent la présence d'une certaine quantité de fer (2). Vers 1773, l'étude du sang fit un pas de plus : on savait déjà vaguement par les expériences de Boyle, de Haen et de quel- ques autres physiologistes, que ce liquide contient des matières terreuses et les laisse sous la forme de cendres lorsqu'on le calcine. Or, Rouelle, professeur au Jardin des plantes médici- nales (établissement qui porte aujourd'hui le nom de Muséum d'histoire naturelle de Paris), fit voir alors que l'une de ces matières inorganiques qui résiste à l'action du feu n'est autre chose que de Y alcali minéral, c'est-à-dire de la soude (3). Un autre chimiste de Paris, Bucquet, fit en même temps une étude comparative des diverses mafières animales contenues soit dans le sérum, soit dans le caillot, et Macquer eut le mérite de réunir tous ces résultats épars et de les coordonner de façon à donner (1) D. GcJGLiELMiNi, professeur à runiversité de Bologne, publia en 1701, à V'enise, une dissertation inti- tulée De sanguinis natura et consii- lutione, et cherciia à prouver que le sang contient une matière combustible qu'il désigne sous le nom de soufre, et que c'est par la décomposition de cette matière que cette bumeur four- nit 'ians les organes sécrétoires tantôt un liquide acide, tantôt un liquide alcalin. {Opéra, t. II, sect. hk.) (2) MENCHiNt, médecin de Bologne, fit un grand nombre d'expériences pour établir non-seulement que le sang contient du fer, mais que la pro- portion de ce corps y augmente lors de l'administration des médicaments ferrugineux [a) Vers la même époque, Badia publia des observations sur le même sujet [b). L'existence du fer dans les cendres provenant de la com- bustion du corps des animaux avait été constatée précédemment par Ga- leati ic). (3) Uoueile, Exp. sur le sel qu'on trouve dans le sang {Journ. de tnéd., 177.J, t. XL, p 37/i). —Obs. de chimie {Op. cit., 1776, t. XLVI,p. 67). (a) Meni,'-liiiii, De ferreai'uin partie ulnrum sede in sanguine (Institulo P.onnniensi Commeiitarii, 1740, t. II, y.ivl. Il, p. iii4, et |i:ni. m, p. 47.5). (6) BaJia, 0)iusculi scientiliche e filohgici. Xuncna, t. XVIII, p. i!42 (c) Caloaii , De ferreis pai'ticulis quœ in corporibus rcperlunlur (Inslil. Bonoii. Gominent., 174tj, i. II, p:iri. 11, p. 20). ( ONSTITUTION CHIMIQUE. iÛo pour la première l'ois un aperçu assez net de la constitution chimique du sang (1). Jusqu'alors c'était surtout en décomposant le sang par la distillation, que les chimistes avaient cherché à coimailre les matières qui concourent à le former; or, en agissant de la sorte, ils détruisaient la plupart de ces suhstances et en produi- saient d'autres, de façon que leurs expériences ne donnèrent que peu de résultats utiles (2). Mais à l'époque où nous sommes arrivés maintenant, on entra dans une voie nouvelle, ou plutôt on marcha d'un pas plus ferme dans celle déjà ouverte pai" Malpighi, Lower, WiUis, Ruysch, et quelques autres physiolo- gistes dont on néglige trop souvent de citer les travaux lors- qu'on fait l'histoire chimique du sang. En effet, on s'appli- qua alors lion pas à détruire, mais à séparer seulement les (1) Voyez l'article Sang dans la 2' édition du Dictionnaire de chimie de Mucquer, t. II, p. 341. Paris, 1778. C'est dans cet article que furent publiées les recherches de Bdcquet. Ce dernier naquit à Paris, en 17Zi6. Il rendit des services réels à la physio- logie. Mais c'est à tort que quelques chimistes lui attribuent la découverte de la fibrine ; l'expérience de la sépa- ration du caillot en fibrine et en nia- Uère ciilorante au moyen du lavage avait été faite plus d'un siècle avant par Malpighi , et, comme je viens de le rappeler, en 1707, Uuysch avait ex- trait ceue substance du sang liquide à l'aide du battage. Bucquet mourut en 1780. (2) Voyez, par exemple, les recher- ches de Horaberg sur le sang, insé- rées dans les Mémoires de l'Académie des sciences, pour 17 12. Les premières expériences de ce genre paraissent avoir été faites par Juncken, médecin à Francfort {Chimia experimentalis curiosa, 1681, p. 75). Il est singulier de voir combien les anciens chimistes se contentaient facilement d'explications vagues et de ressemblances grossières dans leiu's études physiologiques. Comme exem- ple de cette disposition et de l'obscu- rité qui devait en résulter dans leurs écrits, je citerai le chapitre du Cours de chimie de Lemery, où celui-ci expose ses idées relativement au sang et à la nutrition. C'est à propos du magistère de soufre (ou sulfure de potassium) qu'il en parle, et c'est par la ressemblance des phénomènes offerts par cette substance avec ceux de la sanguification qu'on peut, dit-il, se former une idée de cette opération physiologique {Op. cit.,\). 527, 11' édi- tion, Paris, 1780). Le contraste entre les idées dont Lemery se contente et celles exposées avec tant de netteté, trois ans avant, par Lavoisier, est frappant. idll SANG. matériaux constitutifs de cette humeur et à les étudier isolément; pour cela on substitua à l'action du l'eu celle des réactifs, tels que l'eau, l'alcool, les acides, ou les alcalis, à l'aide desquels on parvient à dissoudre telle ou telle matière sans toucher aux autres (1). Cette direction nouvelle conduisit bientôt à des résultats importants, et, grâce aux travaux de Berzelius, qui datent des premières années du siècle actuel, on put se former une idée assez juste des principaux matériaux qui entrent dans la com- position du sang (2). § 2. — Les connaissances acquises de la sorte auraient été cependant insuffisantes pour la physiologie, si en même temps les chimistes n'avaient jeté de nouvelles lumières sur la nature intime ou composition élémentaire de toutes ces matières dont le rôle est si important dans l'économie animale. Quelques expériences de Priestley [o) et de BerthoUet (4) nous avaient appris que les matières animales, telles que la fibrine ou l'albumine, diffèrent des substances végétales, du (1) Ce changement de direction dans voyage en Angleterre, et publia , à la les éludes de chimie physiologique a demande de Marcel un Mémoire très été très bien indiqué par Fourcroy dans étendu sur cette partie de la chimie ses Éléments d'histoire naturelle et animale, dans le troisième volume des de chimie (l'aris. 1786, t. IV, p. ol/j). Transactions de la Société médieo- L'article sur le sang, qu'il publia en chirurgicale de Londres (1812). 1800 dans son giand ouvrage intitulé Ce grand chimiste naquit en 1779, Système des connaissances chimiques à Vi'cslerlosa, dans la province d'Oslro- (t. IX, p. l'iô à 167), marque un gothie, et mourut en 18/i8. grand progrès depuis l'époque de (3) Les expériences de Priesdey sur Macquer : c'est clair et riche de faits. la production de Tair phlogisliqué par (2) Les travaux de Bk.rzelius sur l'action de l'acide nitrique sur les le sang et les autres liquides de l'éco- substances animales furent publiées nomie animale parurent d'abord dans en 1775 {Exper. on Air, etc., t. II, un ouvrage en langue suédoise intitulé p. 1Z|5). ForelasningariDjurkemieniSlockh., {k) BerthoUet, Recherches sur la 1808, 2 vol.), mais demeurèrent iguo- nature des substances animales [Mè- res de la plupart des physiologistes moires de l'Académie des sciences, et des chimistes, jusqu'au moment 1779.— Suite, /oc. cîÏ., 1/85, p. ^31). où cet expérimentateur habile fil ua CONSTITLTION flUlMIQUE. l/l5 sucre OU du bois, [)ar exemple, eu ce qu'elles coulieuncnt un élément qui ne se voit pas dans ces derniers , savoir de Vazote; du mouffet ^ pour me servir du langage de Berlhollel, ou de l'air phlogistiqué , suivant la vieille nomenclature encore em- ployée par Priestley. Mais c'est à Lavoisier que l'on doit les premiers essais judicieux d'analyse élémentaire des matières organiques. Ce grand chimiste comprit que pour se rendre compte des molé- cules simples qui en sont pour ainsi dire les matériaux pri- mitifs , il fallait sinon isoler ces éléments , du moins les réduire à un petit nombre de composés dont la constitution serait bien connue et dont le dosage serait facile. Pour y arriver, il les fit brûler dans des cloches remplies d'oxy- gène , de taçon à transformer , d'une part , leur carbone en acide carbonique, et, d'autre part, leur hydrogène et leur oxygène en eau-, puis il calcula la proportion de ces éléments d'après le poids des produits obtenus (l). Le principe sur lequel cette analyse repose est celui employé de nos jours, mais le procédé à l'aide duquel on l'exécute a changé. Si j'avais à faire ici l'histoire des progrès de la chimie organique, il me faudrait dire comment cette méthode a été modifiée et rendue applicable à la solution des questions dont nous nous occupons ici par deux des anciens professeurs les plus aimés de cette école, Gay-Lussac et M. Thenard (2); comment elle a été ensuite améliorée par Berzcliiis (o) et par beaucoup d'autres (1) Lavoisier, Mémoire sur la corn- chimistes consiste à fournir de l'oxy- binaison du principe oxygiiic (sic) gène aux corps coini)uslibk's au moyen avec l'esprit-de-vin, l'huile et diffé- du clilorate de potasse qui se décom- rents corps combustibles {Méin. de pose facilement sous rinlUience de la VAcad. des se, 178/i, p. 593). chaleur. (2) Gay-Lussac et Thenard, Méthode (3) Par la combustion lente à l'aide pour déterminer la proportion dos de l'oxygène fourni par le peroxyde principes que contiennent les sub- de plomb. (Voy. Berzclius, Traité de stances animales et végétales (Itecher- chi7nie, trad. par Esslinger , 1831, ches physico-chimiques, 18M, I. II, l.^',p. 27.) p. 2G5). La méthode inventée par ces I. 19 l/l6 SANG. expérimentaleurs habiles; mais ce serait m'éloigiier du sujet de ces leçons, et je me bornerai à ajouter que le perfectioimement le plus grand apporté à l'analyse élémentaire des matières organiques consiste dans remploi de l'oxyde de cuivre, pour opérer la combustion des substances que Lavoisier brûlait à l'aide de l'oxygène gazeux , et que ce pertectionnement est dû à Gay-Lussac (1). Depuis lors les deux genres d'investigation (juc je viens de caractériser ont été poursuivis par un grand nombre d'expéri- mentateurs : les uns se sont appliqués à séparer les divers prin- cipes immédiats qui coexistent dans le sang, et à en déterminer la ({uantité relative soit dans l'état de santé, soit dans l'état de maladie ; les autres ont étudié les propriétés et la composition élé- mentaire de ces diverses matières. Les travaux relatifs à l'histoire chimi(jLie du sang, lails depuis le commencement de ce siècle, sont trop nombreux pour que je puisse en présenter ici l'énuméra- tion, et je me bornerai à ajouter que c'est principalement dans les écrits de Berzelius (2) , de MM. Prévost et Dumas (3), (1) Gay-Lussac, Becherches sur et M. Dumas, après avoir publié les l'acide prussique (Ann, de chimie, recherches sur les Globules du sang 1815, t. XCV, p. 156). dont il a été question dans la deuxième (2) Le travail fondamental de Ker- leçon (p. Z|5), donnèrent un second zelius sur ce sujet date, comme nous Mémoire relatif à Texaraen du sang et l'avons déjà dit, de 1808 (a), mais de- y consignèrent les résultais de nom- meura presque ignoré jusqu'en 1812 , breuses expériences sur la constitution époque de la publication d'un Mé- chimique de ce liquide chez l'homme moire sur le même sujet, en langue et divers animaux. Enfin dans un troi- anglaisc (6), En i81Zj, iM. de la sième Mémoire, ils firent connaître Piive, de Genève, donna une traduc- leurs découvertes relatives à l'exis- tion française de ce Mémoire , et les tence de l'urée dans le sang et au rôle fait i qui s'y trouvent consignés ont été de cette humeur dans les sécrétions, reproduits dans le Traité de chimie Ces derniers travaux parurent d'abord de IJerzelius, dont une édition fut tra- dans la Bibliothèque universelle de duite en français, en 1831, et une Genève, et se trouvent reproduits dans autre en 1839. les Annales de chimie et de physique (3) En 1821, Prévost, de Genève, (1823, t. XXHI, p. 50 et p. 90). {«) Berzelius, Foei'claesninger i Djurkemien. "1 vol., Stockli., dSOS. {b) General Yiews of Ihe Composition of Animal Fluids (Med. Chir. Trans., vol. III). CONSTITUTION CHIMIQUE. 147 de M. Chevreiil (1), de M. Lecnmi (2), de M. ^Iiilder (3), de M. Nasse (4), de M. Denis (5), de Fr. Simon (6) et de (1) En 182i, M. Chevreul publia les résultats de ces expériences sur les matières grasses du sang et sur la composition du sérum dans certains états pathologiques. En 1827, il donna aussi sur l'histoire chimique de ce li- quide un article général. Voyez Mnn. sur plusieurs points de chimie orga- nique et considérations sur la nature du sang {Journal de physiologie, de Magendie, 182Z|, t. IV, p. 119), et l'article Sang du Dictionnaire des sciences naturelles, 1827, t. XLV'll, p. 187. (2) M. Lecanu, professeur à rÉcole de pharmacie de Paris, a publié plu- sieurs ■Mémoires sur ce sujet. Son principal travail est sa thèse inaugu- rale soutenue à la Faculté de médecine en 1837, et intitulée : Études chimi- ques sur le sang humain. (3) M. Mulder, professeur de chi- mie à Ulrecht, s'est principalement occupé de l'étude des matières albu- minoïdes du sang ; ses publications à ce sujet sont très nombreuses et se trouvent disséminées dans divers re- cueils hollandais et allemands ; mais il en a donné le résumé dans son ou- vrage sur la chimie physiologique (a). {h) Le professeur Nasse , de Mar- bourg, après avoir publié une série d'analyses du sang de divers animaux domestiques (h) et des recherches sur plusieurs autres points d'hématolo- gie (c) , a résumé les résultats de ses propres travaux et de ceux de ses contemporains dans un article très étendu inséré dans le Dictionnaire de physiologie publié par VI. AVaguer ((/). (5) M. Denis, médecin à Comniercy, a lait des expériences intéressantes sur les propriétés chimiques de la fibrine du sang et sur les modifications que ce fluide peut éprouver dans sa com- position. Son dernier ouvrage sur ce sujet vient de paraître au moment où cette feuille allait passer sous la presse [e). (6) Franz Simon, né à Francfort- sur-l'Oder, en 1807, s'occupa d'abord de pharmacie et de toxicologie ; il dé- buta dans la chimie physiologique par un travail sur le lait de la femme (en 1838), et fit paraître bientôt après plu- sieurs Mémoires importants , ainsi (a) Millier, The Chemisbij of Vcgetable and Animal Physiologrj, translated by Frombcrg;, witli Noies In- Jolinstoii. In-8, 184!l. (b) Nasse , Ueber das Blut der Hausthiere {Journ. fiïv praktische Cliemie , von Erdmaiin und Marchand, 1843, t. XXVIII, p. liC). (c) Das Blut in mehrfacher Beaiehung physiologisch und pathologisch Untersiwht. In-8, nonn,183G. (On trouve à la fin de cet ouvrage des indications bibliographiques très nombreuses relatives à riicnialologie.) (d) Handwurterbuch der Physiologie, von Puid. Wagner. Brunswick, 18i-2, t. I, p. 75 à 220. (e) Denis, lîechevches expérimentales sur le sang humain considéré à l'étal sain, i vol. in-8, Paris, 1830. — Essai de l'application de la chimie à l'élude physiologique du sang de l'homme el à l'étude physiologico'palhologique, hygiénique et thérapeutique des maladies de cette humeur. 1 vol in-8, Paris, 1838. — Études chimiques, physiologiques et médicales sur les matières albuminoides . 1 vol. in-8, 1842. — Nouvelles éludes chimiques , physiologiques et médicales sur les substances albuminoïdes. i vol. in-8, 1850. l/lS SANG. M. Lehmann (1), que je puiserai les faits dont je vais vous entretenir. Les reelierelies récentes des patliologistes de la France et de l'AIlcMiiagne sur la constitution du sang dans les maladies me fourniront aussi des résultats importants pour la physiologie. Mais, en abordant cette étude, je ne dois pas vous dissimuler l'imperfection extrême de nos con- naissances à ce sujet, et l'impuissance réelle où se trouve la chimie de faire dans l'état actuel de la science une analyse rigoureuse du sang, faute de moyens ])ropres à séparer entre elles les nombreuses matières qui s'y trouvent réunies, sans en changer la nature. Les résultats obtenus ont certes une grande imi)ortance, mais ce serait s'en former une idée fausse que d'y attribuer un caractère de précision qui est incompatible avec la nature des choses. Nature § 3. — L'cuscmble de ces recherches nous a appris que ^"nlng*"'' 1^^ s^^i'8' se compose essentiellement d'eau tenant en dissolution ou en suspension des matières très variées, mais qui se rappor- tent toutes à quatre classes de corps, savoir : 1° Des principes immédiats azotés que les chimistes con- qu'un trailc général (le chimie animale gischen Chemie und Mikroscopie, in fort riche en observations originales ihrer anwendung auf die praktische et renfermant un chapitre étendu sur Medizin (1vol. in-8, Berlin, IS/i/i), l'histoire du sang. Cet ouvrage, inti- dont la publication a été interrompue tulé Physiolugische und Pathologis- par sa mort. che Anthropochemie mit Beriicksich- (1) Le professeur Lohmann , de tigung der eigentlichen Zoochemia Leipzig, a publié ré(;emment un ou- ( Berlin, 18/i2), a été traduit en anglais vrage très important sur la chimie par les soins de la Société Sydenha- physiologique, dans lequel il rend mienne (a). On doit aussi à Simon un compte de ses recherches sur le sang recueil périodique intitulé : Beitrage et expose l'état actuel de l'hémato- zur physiologischen und palholo- logic (6). (a) Animal ChemUtry willi référence to Ihe Physinlogij and thc Palhology nfMan, h\ Fr. Simon, Iraiislateil by G. Day and !.. Cantclj. 2 vol. iii-8, 1845. (6) Lelimann, Lehrbuch der physinlod'tsclien Chemie. Zwpito Aiillag-c, lSb3, lUl. 11, p. 125 à244'. Un petit abrûgé île ce Manuel vionl d'èlre traïUiit en français sous le titre de Pn'cis de chimie phy- sinlngique animale (in-18, 1855). Enfin, une Iraduction anglaise par M. l'ay a été publiée par les soins de la Société Cavendi^li ilo Londrc:. 3 vol. in-8, 1852 à 1854. COMPOSITION CHDIIQUE. 1^9 naissent aujourd'hui sous le nom de matières albuminoides ou protéiques; 2° Des principes immédials ninilros liydrocarbonés, de la subdivision des corps gras; 3" Des malières sucrées; 4° Des matières salines. Sous ce rapport, le sang ressemble aux autres fluides que la nature élabore pour servir à la nutrition des animaux. En effet, le lait, qui est pour ainsi dire le type de l'aliment naturel, se compose d'eau, d'une matière albuminoïde (la caséine), de graisse (le beurre), d'une matière sucrée (la lactine), et de malières salines. Enfin, le jaune de l'œuf qui est destiné à fournir les premiers matériaux constitutifs de reml)ryon, est aussi un mélange de matières albuminoides , de matières grasses, de sels inorganiques et d'eau. La composition (chi- mique du sang est par conséquent en harmonie complète avec le rôle physiologique de cet agent. § 4. — L'eau constitue la plus grande partie de la masse Eau. du sang; et il est important de noter qu'une portion de cette substance entre dans la composition des globules, tandis que l'autre portion, chargée de fibrine et des principes propres au sérum, forme le plasma. ^5. — Ce sont les matières albuminoides qui donnent au sang Matières ^ 1 ^ albuminoïde». la jilupart de ses propriétés les plus remarquables , et on les apiielle souvent des matières plastiques, parce que ce sont elles surtout qui sont susce[>fibles de s'organiser et de constituer les pai'lies vivantes de l'économie. La fibrine, ([uc nous avons vue jouer un rôle si importaut dans la coagulation du sang, appar- tient à ce groupe. Il en est de même de l'albumine, dont nous avons également signalé la présence dans le plasma, et de la matière rouge (pii donne aux globules sanguins leur couleur caractéristique. Ces divers ])rin('ipes se ressemblent beaucoup eiUre eux et 150 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. sont composés essentiellement d'azote, de carbone, d'hydro- gène et d'oxygène unis à peu près dans les mêmes proportions. Ils sont si peu stables, qu'abandonnés à eux-mêmes sous l'in- fluence de l'air humide et d'une température douce, leurs élé- ments se dissocient ; ils se putréfient, et, par l'effet d'une sorte de combustion lente, ils se transforment en produits dont la constitution moléculaire est plus simple que la leur, savoir : de l'eau, de l'acide carbonique et de l'ammoniaque, par exemple. Cette instabilité est d'ailleurs une conséquence néces- saire de leur mode de constitution. La chimie nous apprend que les corps s'unissent entre eux, toutes choses égales d'ail- leurs, avec d'autant plus de force que leurs relations atomiques sont plus simples. Or dans chaque molécule d'un principe albuminoïde il entre comme matériaux constitutifs un nombre très considérable de molécules élémentaires. Ainsi, tandis que la composition de l'eau se représente par la formule HO, c'est- à-dire une molécule d'hydrogène unie à une molécule d'oxygène, celle de l'acide carbonique par CO-, et celle de l'ammoniaque par AzH^, la composition d'un atome ou équivalent de matière albuminoïde paraît correspondre à C^°H^"Az''^0^'^ (l). (1) Dans toutes les analyses qu'on a faites de cette matière, on a trouvé, pour 100 de protéine réputée pure, environ 55 de carbone, de 15 ù 16 d'azote , environ 7 d'iiydrogène et environ 22 d'oxygène. Mais la ma- nière d'interpréter ces résultats et de représenter la protéine par une formule varie suivant l'idée qu'on se forme de ce composé, et sera néces- sairement très arbitraire j-jsqu'à ce qu'on ait trouvé quelques combinai- sons bien définies et cristallisables, dans lesquelles on pourra déterminer le nombre atomique correspondant à un équivalent de cette substance. Dans ses premiers travaux, M. Mulder adopte la formule G'^Hi^^ Az^O^^ (a) ; mais, par suite d'une rectification dans le poids atomique du carbone et d'un cbangemenl dans la manière de considérer l'équivalent d'azote, il y substitua ensuite la fornuile G')0n30Az'«O'2 (6). I\I. Dumas a adopté cette dernière formule (sauf le change- ment dépendant d'un dédoublement (a) Muldei-, Sur la composition du quelques substances animales {Bulletin des sciences phy- siques et naturelles en Néerlande, 1838, p. 104). (b) Mulder, Chemistry of Animal and Vegetable Physiology, p. 294. composition; matières alblminoïdes. 151 L'histoire eliinn(iuc des substances albuminoïdes est encore très obscure ; mais, d'aprèsl'ensenibledes i'ails connus, il semble } avoir lieu de penser (]ue ces corps dérivent tous d'un môme principe organique, lequel, combiné avec^ quelques autres sub- stances inertes, telles que de l'eau, de la soude ou des sels on proportions très minimes, revêtirai! des caractères variés et constituerait les matières que l'on dislingue depuis longtemps sous les noms de fibrine^ d'albumine, de caséine, etc. Un habile chimiste hollandais, jM . j\Iulder, pense même avoir isolé et obtenu à l'état de pureté cette substance fondamentale de tous les principes albuminoïdes , et il lui a donné le nom de protéine {i). M. Liebig et ses disciples, il est vrai, sont d'avis Protéine. dans l'équivalent du carbone qui la fait écrire C8»H30Az'0O'2), mais il fait remarquer qu'on pourrait également bien représenter la composition cen- tésimale de cette substance par C96^60Azi2oi2^ ce qui la rendrait com- parable à quelques autres principes immédiats (a). !\I. Scherer pense que ces évaluations sont trop élevées en carbone et en azote, et d'après ses analyses, il serait préférable d'écrire C<8H72Azi20'< [b). Enfin, M. Regnault adopte pour celte substance la for- mule C36h25Az*0'û(c}. :\Iais les physio- logistes qui, au premier abord, pour- raient s'étonner de différences en apparence si grandes, ne doivent pas oublier qu'elles dépendent en majeure partie de la manière dont les chimistes évaluent le poids atomique du carbone et de l'azote, de sorte que dans le système symbolique des uns Az^ cor- respond à la même quantité pondé- rale que Az dans le système des autres ; ei que C^" dans l'ouvrage de iM. Du- mas est en réalité la même chose que C^" dans ceux de M. Alulder. Ces explications paraîtront superflues aux personnes qui sont au courant des travaux chimiques récents, mais ne seront peut-être pas inutiles à quelques naturalistes. (1) Depuis fort longtemps, on avait remarqué la grande analogie qui existe entre l'albumine, la fibrine, etc. Quel- ques chimistes les considéraient même comme étant identiques, tandis que d'autres les regardaient comme for- mant une famille naturelle de produits dont la composition élémentaire varie- rait dans des limites étroites. La théo- rie proposée par .M. Mnlder, et qui consiste à admettre, non lidentité de ces matières ni la dégradation dans la proportion de quelques-uns de leurs éléments, mais l'existence d'un prin- cipe fondamental dont les combinai- sons variées avec de petites quantités (a) Dumas, TraiU de chimie, t. VU, p. 43'.t. {b) Sclierer, Chemisch-physioloiteur a trouvé que la fibrine du sang veineux, couenneux ou non, est toujours solublc dans l'eau nitrée, et que celle du sang artériel l'est moins ; celle des deux espèces de sangs du Bœuf paraît être insoluble ; il résulte aussi de ses expériences que chez le Cheval, la fibrine du sang arté- riel serait au contraire plus soluble dans ce sel que la fibrine du sang vei- neux; enfin que la fibrine du sang des capillaires de l'homme est so- luble [e]. Berzelius remarque avec raison que cette dissolution protéique n'a pas toutes les mêmes propriétés que l'al- bumine ; elle ne se coagule qu'à une température plus élevée, et l'albumine ne donne pas comme elle un précipité gélatineux par l'addition de l'eau if). C'est donc à tort que MM. Denis, Liebig et Scherer ont admis que la fibrine se convertit en albumine par l'action du salpêtre. (a) Denis , Essai sur l'application de la chimie à l'étude physiologique du sang de l'homme, 1838, p. 70. — Etudes chimiques et ph\jslologiques sur les matières albumineuses,\)a\-U.Dm\i. Commercy, 1842, p. 104, etc. —Nouvelles études sur les subst. albuminoÏdes, 1856, p. 35. (b) Traité de chimie, t. \U, p. iôO. (c) Liebig, Lettre sur l'albumine, etc. {Comptes reiidus, 1841, t. XII, p 539). (d) Pharm. Central fllatt, 1843, p. 014. (e) Zimmeniiann, Polcmisches und Positives iiber den Fasersloff (Arch. fiir phys.IIeUk., 184G, t. V, p. 348. el Caz-. med., 1847, p. lO'J). (/) Ucrzclius, lUipp. sur les progrès de la chimie pendant l'année 1841, p. 312. 160 SAXCx DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. dissoudre de la sorte (1), et, comme nous le verrons parla suite, elle peut éprouver luie modification analogue dans l'intérieur de l'organisme. Par une ébullition jtrolongée dansl'ean, la fd)rine subit une autre transformation qu'il est important de noter : elle parait absorber de l'oxygène, et elle donne naissance à deux ])roduits, dont l'un, appelé par M. Mulder du bioxy protéine, est inso- luble, tandis (pie l'autre, nommé trioxyprotéme, se dissout dans ce liquide (2). Cette dernière substance paraît exister toute formée dans le sang ou s'y produire très facilement, et abonde dans la couche couenneuse du caillot-, mais sa nature cliimi(iue n'est encore que très imparla itement connue. Une transformation remarquable s'opère aussi dans la fibrine fraîche, lorsqu'elle est exi)0sée à l'action prolongée de l'air: M. Denis a vu (pi'elle peut alors se changer en partie en une matière albuminoïde solul)le (3 , et M. Scherer a constaté que dans les premiers temps qui suivent son extraction du corps vivant, elle absorbe de l'oxygène et dégage de l'acide carbo- nirjue(4i. Le même phénomène a été observé par :^I. George (1) Scherer, Chem. physiol. Unter- /|0 ou 50 fois son poids d'eau; la quan- such. {Ann. der Chem. und Pharm., tilé de matière ainsi formée ne varie l. XL, p. 13). La fibrine qui a élc mise que peu pour une quantité déterminée en digestion dans l'alcool devient éga- de fiijrine, et un résultat analogue est lement insoluble dans les dissolutions fourni par le traitement de Talbu- salines ; celle obtenue en fouetlant le mine {a). Des expériences de AL Le- sang, ou qui a été exposée pendant un canu tendent à établir que celte snb- certain temps à l'air humide, est dans stance est un composé de soude et le même cas. d'albumine (6). (2) Le tritoxyprotéine de M. Mul- (3) Denis, Études sur l'albumine, der est probablement la même chose p. 97, et Nouo. études sur les prin- que la critorine de M. Denis, ma- cipes albuminoïdes, p. 11/|. tière soluble dans l'eau, surtout à (h) Scherer, Chem. physiol. Unter- chaud, que ce physiologiste a obtenue such. {loc. cit.). en faisant bouillir de la fibrine dans C'est peut-être à une réaction du (a) Umii, Ilech. expérim. sur le sang, p. iOS. (b) Lecaïui, .Nouvelles recherches sur le sang {Journ. de vharmacie, IbJl, t. \\n, p. ■♦jj). COMPOSITION ; MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 161 Liebig (1). Mais, d'après les expériences de M. Sclieerer, il paraîtrait que la fibrine modifiée par rébullilion ne jouit pbis de cette propriété, et que les changements o|)éi"és dans la constitution de la fibrine fraîche par l'aclion de l'oxygène ne consistent pas seulement dans l'élimination d'une partie de son carbone. Effectivement, une portion de Foxygène employé n'est pas représentée par l'acide carbonique exhalé et reste pro- bablement unie à de la protéine pour constituer un composé soluble. Nous verrons plus tard quelle relation peut exister entre cette oxydation de la librine et d'autres phénomènes physiologiques ; mais il ne sera peut-être pas inutile de faire immédiatement l'application de ce fait à une circonstance particulière de l'histoire du sang que M. Marchai, de Calvi, a récemment signalée à l'attention des médecins. Ce pathologiste distingué a trouvé que le même sang fournit des quantités variables de fibrine suivant les conditions dans lesquelles la coagulation s'en effectue, et qu'il en donne moins lorsqu'il a été fortement agité que lorsqu'on le laisse en repos. Or l'agitation multiplie et renouvelle les points de contact entre la fibrine non coagulée et l'air dissous dans le sang ou mêlé à ce liquide, et par conséquent doit la voriser l'espèce de combus- tion lente par laquelle une portion de ce principe protéique s'oxyde au point de devenir soluble. On comprend donc que dans cette opération il puisse y avoir de la sorte destruction même ordre que tient la propriété reste à noter que cette propriété se dont jouit la fiijrine fraîche de décom- perd quand la fibrine a été modifiée poser l'eau oxygénée sans ciianger par l'élnillition, l'action de Talcool, etc. notablement de composition, pliéno- ISclierer, loc. cit.) mène qui ne se produit pas sous Tin- (l) Études sur la respiration {Ann. fluence des autres matières azotées des se. nat., 1850, 3' série, t. XIV, neutres de l'organisme (a;. Il est du p. 3121]. (a) Voyez Thenard, ^ouvellct obsen: sur Veau oxygénée {Ann. dephys. et de chim., 181P, l"série,'t. \I, p. 80). I. 21 Fibrine plasniiqiie. 15^ SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. dimc partie de la matière spontanément coagulable du sang, ainsi que l'ont observé MM. Corne el Alhiet, aussi bien que M. Marchai (1). § 7 . — La fibrine que nous venons d'étiidierdit'fère beaucoup de celle qui se trouve dans le sang à l'état normal, et que l'on peut appeler la fibrine plasmique. Celle-ci est en dissolution ou à un état de division extrême dans le sérum, et jouit seule de la singulière propriété de se prendre en masse sans le concours d'aucun agent étranger, et par le seul lait de la cessation de l'in- Uuence physiologique (ju'exercent sur elle soit les globules du sang, soit les tissus vivants de l'économie animale. Nous avons vu que la chimie nous fournit les moyens de retarder cette trans- formation de la fibrine plasmique en fibrine solide, ou de former avec la première de ces substances des composés solubles ; mais une fois que la coagulation spontanée de ce principe s'est effectuée, il nous est impossible de le ramener à son état pri- mitif, c'est-à-dire de reconstituer de la fibrine plasmique. Les (i) Marchai de Calvi, Note sur la dans les mêmes comliiions, ont été diminution de la fibrine par t'agita- analysées environ six lienres après la tion du sang [Comptes rendus, 1850, saignée. La diiïérence a été quelqiie- t. XXX, p. 30). fois de près d'un cinquième. [Comptes Cesexpériences intéressantes ont été rendus, t. XXX, p. ;<16.) répétées par \1. Corne et ont donné le De nouvelles recherches, faites par même résiillat. Voici comment il M. Alhiet, sont venues conlirmer ces opérait : Le premier et le quatrième résultats; dans une expérience, la quai t de la saignée ont été versés dans diirérence a été dans le rapport de immènievasecylin(lrique;ledeuxièiTie 3,8 à '\,0, el dans la seconde de 2,9 et le troisième quart ont été reçus à 3,0 pour 1000 parties de sang (a). dans un autre vase semblable au pre- Les résultats obtenus par M. Abeille mier. Le sang contenu dans l'un de paraissent être en opposition avec ces ces vases a été laissé eu repos; l'autre conclusions; mais comme il n'a pas a été soumis, pendant dix minutes, fait connaître tous les détails de ses à une agitation rapide; puis, ces deux expériences, nous ne pouvons y avoir portions de sang, placées d'ailleurs une conliance entière (6). (a) Alhiel, Effet de l'agitalion du sang considéré par rapport à la diminution qui en résulte dans la proportion de la ft-brine {Compt. rend , 1851, t. X\X1I, p. 7-23). , .„.. (&) Mcm. iur la cause- de la pbrin(ition et de la déHbrinatwn du sang {Compt. rend., ISol, {. XXXII, p. 378). composition; matières albuminoïdes. 163 dissolutions de la fibrine dans des eaux alcalines , acides ou salines, ne donnent jamais ce résultat; jamais on n'y rend la propriété caractéristi(|ue de la fibrine plasmique, savoir : la jacullé de se dissoudre dans le sérum sans le concours d'autres agents cliimiques et de s'y coaguler spontanément. La cause de ce cliangement d'état ou plutôt de mode de constitution de la fibrine est encore inconnue. Nous avons vu dans la dernière leçon que l'intervention ni de l'oxygène de l'air, ni d'aucun autre agent cliimique ou pbysique , n'est né- cessaire à la production de ce phénomène , et l'on considère généralement ces deux espèces de fibrines connue étant des substances isomériijues , c'est-à-dire des matières composées des mêmes éléments réunis dans les mêmes proj)ortions pondé- rales, mais dont les molécules constitutives sont groupées entre elles d'une manière diflerente, et dont les propriétés chimi(pies varient par suite de ces divers modes d'arrangement intérieur. Je suis porté à croire ce[)cndant qu'il y a ici quelque chose de plus , et qu'il s'opère alors un dédoublement dans la molé- cule de fibrine plasmique, par suite duquel une portion de ses éléments formerait une substance nouvelle insoluble, et une autre portion une matière soluble , à peu près connue dans la production des deux oxydes de protéine dont il a été question ci-dessus , mais sans addition d'oxygène et par un simple par- tage inégal de cet élément entre les deux dérivés de la fibrine plasmique (1). En effet, on trouve toujours dans le sang, comme nous le (1) Les recherches de M. Cahen , s'y produisent au moment de la coagu- quoiquc insuffisantes pour ('tabhr les lalion, par le dédoublement d'une sub- conciusions qu'il en déduit, ont conduit stance aibuniiuoïde plasmique déter- ce chimiste à une opinion qui a quel- miné par l'alcali libre du sang. Le que anal(ij:ic avec colle émise ci-dessus. rôle de la soude ne paraît pas avoir En ellet, il pense que la fibrine et l'ai- une importance si grande, et l'on voit, buniine, lellcs que nous les connais- par les expériences de M. Wiirtz, que sons, n'existent pas dans le sang, mais l'albumine peut être soluble lors même I. 20* 164 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. verrons bientôt, une certaine (|nantité de matière protéique soluble, (jui se distingue de l'albumine et qui pourrait bien avoir cette origine. Albumine. § 8. — L'albuminc qui se trouve aussi à l'état liquide dans le plasma du sang ressemble beaucoup à la matière protéique qui existe en grande abondance dans le blanc d'œuf, et qui est généralement désignée sous le même nom; mais elle n'est pas identique avec cette subslance, et M. Denis l'appelle serine (1). De même que la fdjrine, elle est susceptible d'affecter deux formes principales, et elle constitue (antôt une substance soluble dans l'eau, d'autres fois une matière solide et insoluble. Cette dernière, qu'on appelle albumine coagulée (2), se jiro- duit quand la température du sérum (ou, en d'autres mots, de qu'elle a été dépouillée des matières minérales avec lesquelles on la trouve (l'ordinaire unie, tout aussi bien que lorsqu'elle esta l'étatd'albuminate alca- lin. (Voyez, pour le travail de M. Cahen sur l'alcalinité du sang, les Arch. gén. de méd., W série, t. XXIII, p. 519.) Une hypothèse analogue est soute- nue par M. Denis. Ce physiologiste pense que la librinc n'existe pas dans le sang, mais provient de la décompo- sition de quelque matière albumi- noïde unie à des principes salins (a). Du reste, l'état actuel de la science ne permet que des conjectures vagues à ce sujet. (1) Il résulte des expériences de M. Muldcr que l'albumine du sérum conlient deux l'ois aulaiil de soufre que l'albumine du blanc dVeuf, la- quelle ressemble sous ce rapport à la fibrine. Ce chimiste croit pouvoir re- présenter l'albumine de l'œuf par la formule 10 Trot. + S.Ph., el l'albu- mine du sang par 10 Prot.-}-S2ph, (6). MM. Ticdemann et Gmelin ont trouvé que celte dernière variété d'albumine n'est pas coagulée par l'éther privé d'alcool , tandis que la j.rcmière l'est toujours (c). l'Jilin M. Melsens a re- marcpié que l'albumine du blanc d'œuf donne par l'agitation des filaments élastiques (d), tandis que M. Denis n'a pu obtenir rien de semblable avec l'albumine du sérum. Ce dernier au- teur réserve le nom iValbumine à la variété propre au blanc d'œuf, et appelle serine la variété qui se ren- contre dans le sang (e). [2) M. Denis a désigné cette va- riété d'albumine sous le noui d'aWii- min (/"). {a) Denis, Noiiv. études sur les substances albumiiioïdes , 185G, p. 1(55. (h) Miildor, Ctiemistnj of Animal and Vegetable l'Iiysioloyy , p. 30(5. (c) Tifdemanii et Gmelin, [iccli. sur la digestion, trjil. par .lourdan, 1827, t. I, p. xvij. (rf) Melsens, Note sur les matières albwninoïdes [Ann. de chimie cl de plnisique, 1851, 3" série, I. XXXIII, p. 4 70). {e) Denis, Nouvelles éludes sur les substances albuminoïdes, p. 7t). (/') Denis, Études sur les matières albvmineuses, p. 7!i. COMPOSITION ; MATIÈRES ALBIMINOÏDES. 165 ralbumiiie liquide) s'élève à 75 degrés, ou que ce fluide est soumis à l'aclion de certains réactifs avides d'eau, de l'alcool, par e\eni[)le; elle ressemble alors extrêmeuient à la fibrine ordinaire , mais elle n'agit pas de la même manière sur l'oxy- gène (1) , et elle ne paraît pas avoir tout à fait la même com- position ; elle renferme un peu plus de soufre poiu^ une même quantité de |)roléine, et d'après les analyses qu'en ont faites MM. Dumas et Cahours., elle contiendrait un peu plus d'oxygène relativement à la quantité |)ondérale de ses éléments combus- tibles (2). De même que la protéine et la fibrine , l'albumine coagulée entre en combinaison avec les alcalis, et forme ainsi des espèces de sels solubles. Plusieurs chimistes pensent que Valbumine soluble n'est autre chose qu'un composé de ce genre, et que c'est à l'état d'albuminate de soude que ce principe protëique se trouve en dissolution dans le sérum du sang. IMais, ainsi que Berzelius l'a tait remarquer, lalbuminate alcalin ne se coagule (1) M. Schercr a trouve^ que le se- pondérale du cirbonc n'a varié qu'en- runi du sang frais absorbe beaucoup Ire 0,535 et 0,532, tandis que pour la moins d'oxygène que ne le fait la fibrine ces r.himisles ont trouvé seu- fibrine humide , et ne donne pas , lemcnt entre 0,527 et 0,525 de car- comme celle-ci, de Tacidc carbo- bone. r>ans l'albumine, l'évaluation nique (a). La plupart des auteurs indi- de l'hydrogène a été de 0,0708 à quent aussi comme un des caractères 0,0729 , tanchs que pour lu fibrine la propres à distinguer l'albumine de proportion de cet élément a été esli- la fibrine l'inactivité de la première mée à 0,0692 ou 0,0700 {b]. Dans les sur l'eau oxygénée ; mais nous avons analyses de ?.I. .'^cherer, le carbone vu ci-dessus que la fibrine modifiée s'est trouvé, terme moyen, pour la par la chaleur, l'alcool, etc., ne jouit fibrine, 0,5/47/) , et pour l'albumine, plus de la faculté de déterminer la (),5/i88 (c). décomposition de ce corps. Il est aussi à noter que M. Vogel (2) Dans les diverses espèces d'albu- a toujours trouvé plus d'azote dans la mine d'origine animale analysées par fibrine du sang de lîœuf que dans 1\I!VI. Dumas et Cahours, la quantité l'albumine de l'œuf de l'oule (d). (a) Schercr, Chem. physiol. Untersuch. {loc. cit., p. iS). (6) Dumas et Cahours , Mém. sur les sjibstances azotées neutres {Annales de chimie, 1842, 3' série, t. VI, p. 385). (c) Sclieror, Chem. physiol. Untersuch. [Ann. der Chem. tind l'harm., t. XL, p. l). (d) Ueber cinigc Oegenstande ans der thierischen Chemie {Ann. der pr. Chem., 1839 , I. XXX , p. 36). 166 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. pas sous rinlluence de la elialciir, comme le fait l'albumine séreuse (4) ; et d'ailleurs M. Wûriz a montré que celle-ci peut être séparée presque complètement des matières minérales avec lesquelles elle est d'ordinaire associée, sans que pour cela elle vienne à perdre sa solubilité (2). L'albumine du sérum peut être solidifiée par une évaporation lente au-dessous de la température de 60 degrés, sans que cela la rende insoluble; et, chose remarquable, quand elle est ainsi à l'état solide, elle peut supporter sans se modifier une chaleur bien suj)érieure à celle qui en détermine la coagulation quand elle est en présence de l'eau. Je note ce tait , dont la constatation est due à M. Chevreul , |)arce qu'il nous fournira plus tard l'explication de phénomènes physiologi(pies très sin- guliers, observés chez quehpies Animaux inférieurs, connus des naturalistes sous les noms de ïardigrades et de Rohfères. Quant à la différence chimique qui peut exister entre l'albu- mine soluble et l'albumine coagulée , l'expérience ne nous a encore rien appris , et je suis porté à considérer également cette coagulation comme étant due à une simple transformation isomérique de ce corps (3). (1) Beizclius, Traité de chimie, (3) Quelques chimistes pensent que t. VII , p, 83. railjumine en se coagulant aljandonne [1) Ann.de phys. et de chim.,\^[xh, toujours une certaine quantité de o" série, t. XII, p. 217. soude, et que c'est de cette niodifica- Le résultat obtenu par M. Wiirtz lion dans sa conslilulion chimique que vient également à rencontre des idées dépendson élat particulier, quand elle émises par M. Denis, au sujet de l'état est coagulée [a), il est d'ailleurs à noter de l'albumine liquide dans le sang. que l'albumine coagulée, de même En ellet, ce dernier auteur pense que la fibrine, est susceptible d'éprou- que l'albumine pure est une substance ver une modilicaiion inverse par l'ac- insoluble , et que c'est à raison de sa tion de la chaleur. Klleclivement , à combinaison avec des principes salins, la température de 150 degrés, ces tels que le chlorure de sodium, qu'elle matières redeviennent solubles dans devient soluble. (A'o»r. r^uJ., p. 80.) l'eau (6). (a) LeliniaLin, Lehrhuch (1er plnjsiuluyischen Chemie, 185^, 1. I, ji. 313. (b) Woliler, Ueber die Loslichkeitdes librineii imd coagitl. Mbumins in Wasscv {.\nn dev Chem. jaulPharm., ■l8t-2, t. XLI, p. iî38). COMPOSITION ; MATIÉHES ALBLMINOÏUES. 167 En parlant des pro|)riétés de la protéine, qui sont aussi celles de toutes les matières albuniinoUles, j'ai dit (|ue ce corps pou- vait s'unir aux sels neutres à base alcaline et Ibrmer ainsi divers composés solubles. Or, le sérum , comme nous le verrons bientôt, contient j)lusieurs de ces substances salines, et par conséquent la serine ou albiuniiie que ce liijiiide renlerme doit y exister sous la forme d'un ou de plusieurs de ces composés salitères. J'insiste sur ce point, parce que la proportion des principes salins ainsi combinés avec l'albumine peut faire varier (luelques-uns des caractères de cette substance (par exemple, le degré de chaleur auquel la coagulation s'en effectue ) ; et que si le physiologiste n'en tenait pas compte, il serait souvent porté à croire à l'existence de princii)es protéiques nouveaux là où il ne rencontre en réalité que de l'albumine ordinaire combinée avec une proportion plus ou moins grande de chlorure de sodium, de phosphate de soude ou de quelque autre sel du même ordre (l). On admet généralement que l'albumine du sang se trouve en dissolution dans le plasma ; et, en effet, l'observation mi- croscopique vient conllrmer celte opinion. 3Jais le liquide ainsi constitué ne tîltre pas à travers les membranes organiques, comme cela a lieu quand l'albumine a été modifiée par l'action des acides dilués ou de quelques autres agents dont nous aurons à nous occuper par la suite. Cette circonstance a conduit M. Mialile à penser que l'albumine du sang se trouve à l'état granulaire, et, pour le prouver, il ajoute à ce liquide un })eu d'eau (1) Les expériences de M, Panum aussi que la quantité d'acide néces- montrent qnVn général le point de saiie pour précipitci" cette substance coagulation s'abaisse à mesure que la à une température donnée est en proportion de sel combiné ou mêlé proportion inverse de la quantité de avec l'albumine augmente. 11 a trouvé sel qui y a été ainsi ajoutée (a). (a) Panum, Ferneres ûbe;' die bisher wenig bcachtete coaguUrte Proteinverbindung , die constant im Sérum vovko^nmt {Archiv filr pathol. Anat., 1852, t. IV, p. 17; — Ann. de chimie, 1853, 3* série, t. XXXVU, p. -237). 168 SA>G DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. de biiryte qui y fait apparaître des granules albuiiiineux (1) ; mais cette expérience ne me parait pas démonstrative, et le résultat obtenu s'explique facilement par la formation d'un albuminate de baryte insoluble qui se précipiterait sous la forme globulaire. Caséine § 9. — Lu librinc et l'albuinine ne sont [)as les seules solublc. . , , . 111 r^ 1 matières ])roleiques contenues dans le plasma. Dans les pre- mières analyses un peu exactes de ce fluide complexe, les cbimistes y avaient reconnu l'existence de substances orga- niques qui ne se coagulent point par l'action de la chaleur; on les désignait sous le nom de matières extractives^ et Berzelius pensait qu'elles étaient formées en partie par de l'albumine unie à de la soude. Mais dans ces dernières années, ces résidus solubles ont été l'objet de nouvelles investigations, et l'on a extrait ainsi du sérum une substance protéique qui diffère nota- blement de l'albumine et qui est considérée par beaucoup de chimistes comme étant identique avec la caséine ou principe albuminoïde du lait. Pour l'obtenir, après avoir séparé le caillot du sérum et avoir dépouillé celui-ci de son albumine, en faisant coaguler ce prin- cipe à l'aide de la chaleur, on fait bouillir la liqueur liltrée avec quelques goutles d'acide acétique , sous l'influence duquel cette substance, qui était restée dans la dissolution, se coagule et se précipite. Elle ressemble beaucoup à la caséine du lait, mais ne jouit pas de toutes les propriétés cliiniiques ([ue possède cette sub- (1) Voyez De ralbiuniiie et de ses p. 1/iG. Luc opinion aualo;;ue relative divers états dans l'économie animale, à l'élat granulaire de l'albumine dans par M. Mialhe (L'««onmed/ca/e. juillet le sang a été soutenue aussi par 185'2), et Chimie appliquée à la phij- Uorn (a). siologie, par le même, 1850, in-8, ((() Xetie mcdiiinisch-chu'urgische Xcituiid, ci Ga:i. Jiieii., 1851, p. 3'.t, COMPOSITION ; MATIÈRES ALBUM INOÏDES. 169 stance (4), et elle semble se nipproelier davanlage encore d'une matière qui se produit aux dépens de l'albumine (juand celle-ci est soumise à l'aclion des agcnis de la digestion. Ce dérivé de l'albumine a été désigné sous le nom iWilbuminose (2), et quel- cjues chimistes la considèrent comme étant identique avec la matière protéitiue du sang dont nous nous occupons en ce mo- ment. Ce serait nous éloigner trop de l'objet essentiel de ces leçons que de discuter ici cette question, dont la solution d ail- leurs n'aurait dans l'état actuel de la science que peu d'impor- tance pour nos études actuelles: car les propriétés et la nature des diverses substances protéiques sont encore trop imparfai- tement connues pour qu'il y ait grand intérêt à savoir si la (1) Ainsi, ^]. Lehmann fait reniar- quer que colto siibslaiico prni('it|tie est piéci|Mli''e(le sa dissolution par l'acide carbonique, tandis que la caséine ne Test pas (Lehrb der physiol. Chemie, 1853, t l. p. o59). (2) Ainsi que je l'ai déjà dit, le nom (Valbiiiniiiose a été créé par M. Bou- chaidal pour désigner la matière qui se produit par Taction de.s acides très dilués sur les diverses subsiauces proléiques (a), mais a été ensuite détourné de son acception primilive pour être appli(|ué par M. Miallie à la substance qui résulte de l'action du suc gastrique (ou pi^psine acidiliée) sur les principes albumiuoïdes, sub- stance (jui est soUible dans l'eau et n'est précipilable ni par la cbaleur, ni par les acides, ni par la pepsine (6). Dans un autre travail, M\l. Mialbe et Pressât se prop'^sent de démontrer qu'il existe un étal intermédiaire entre raibumine proprement dite et l'alhu- minosi', et ils dés gnent sous le nom d'albumine modifiée ou cciséifurme, ce produit qui serait incomj»lé:ement jiréiipilable p.ir la ciialeur et Tacde nilrique, mais apte à se redissoudre dans un excès de ce réactif (c). MM. Robin et Verdeil, qui emploient également \c nom iValbumiiio^e, l'ap- pliquent à toutes les substances pro- téiques qui sont liquides, non coagii- lables par la cbaleur. iucomplélemenl co;'.gidab!es par les acides et suscepti- bles de se redissoudre dans un excès de ceux-ci {d . Enfin, M. Lebmann a donné le nom de peplone au même produit que M. Mialbe avait appelé albuminose [e]. (a) Compt. rend., 1842, t. XIV, p. 9G2. (b) De ht digestim et de iassimdat on des malières album'uioïdes {Jourii. dcpharmacie, 1846, :}• série, l. X, [i. 161). (c) Méiii. sur l'état physiologique de l'albumine dans l'éionomie {Compt. rend., 1851, t.XWlIl. p- 450). {d) Truite de chimie anatomique et physiologiiue, 1S53, !. 1 1, p. 329. (e) Lehrbvfih ier phjiiioloqi^th^n Ch-emie, i863, 3- Aufl., Bil. I, p. 318. I. 22 170 SANG DES AMM.U.V VERTÉBKÉS. fiiatièrc 'cilbiuniiioidc du st'rnni, i|iii est iiicoîigiilahit' \k\v I;i chaleur, se rapproche seuleiuenl dehi caséine par l'eiiseinble de ses propriétés, ou s'en distingue par quelque caractère secon- daire. Quoi (juil en soil, cette aihuunnose, ou caséine hémaiuiue, n'avait été signalée d'abord (jue dans du sang à l'état patholo- gique ; mais depuis une dizaine d'années son existence comme un des matériaux normaux du sérum a été niHtement constatée par plusieurs expérimentateurs (1 1. Ainsi un cliiiniste jiabile de Bruxelles, M. Stass, l'a trouvée dans le sang placentaire de la femme ;2), et vers la même époque, M. Panum (3j à (>)p('n- hague, et 31M. Natalis Guillot et Leblanc à Paris, après l'avoir rencontrée en al>ondance dans le sang des nourrices, en oui (1) Dès Ib'Jl, rexislence d'une nia- lière caséeuse dans le sang se trouve mentionnée plusieurs fois dans Ton- vrage de Tiedeniann et (înielin, inli- tul»i : Recherches expérimentales phy- siologiques et chimiques sur la di- gestion (trad. franc., 1. 1, p. 189, etc). Une observation relative à la présence du caséum dans le sérum du sang d'une Anesse, morte peu de jours après avoir mis bas, a été faite par .M. Morand, et publiée par M. Lepecq dans sa thèse inaugurale intitulée : Dissertations sur les causes qui donnent Heu a l'altération du sang. (2) Note sur le liquide de l'amnios et- de l'allantoïde (Comptes rendus, 1850, t. XXXI, p. 629). (3) M. Panum a constaté la présence " 'I- COMPOSITION ; MVTlKUriS am;lmi>oïi»i>. 171 coiisliiU* la pn'soncp dans lo sanii' do l'iionimo of d'iiii lii'and jionibre de Vlaniniirèi'es 1). f^ 10. — Ce sont aussi des subslaneos ))rotéi(|uos très voisines de l'albiunine et de la fibrine, (|ui, unies à de pelites quantités de malières grasses <'t iuoruani(]ues, l'ouslifuent les ulobules sanguins. -M. Lceauu a fait voir ([ur ccseorpuseules Iburnissenl à Tana- jyse eliimique au moins deux de ees subslane(^s, l'une incolore, l'autre rolorée en rouge intense f^). Il eonsidéra la première r.ldbiiliiie. (1) Dans une première noie, ces expérimentateurs annoncent avoir extrait du sérum du sang de deux IV-mniPs en pleine lactation une suh- blance qui leur a offert tous les carac- tères de la caséine. Le sérum du sang, privé d'albumine par la coagulation à chaud et filtré, donna ce précipité lorsqu'on le fit bouillir avec quel- ques gouttes d'acide acétique {(P. Dans un second travail, MM. Natalis, Ciuillot et Leblanc établissent que la présence de la caséine dans le sang de l'homme, de la l'enimc et de divers animaux tels que le Taureau, le Bœuf, la Vache, le Bouc, la Chèvre, le Mou- ton, la Brebis, le Porc et le Cliien, est un fait normal ; ils l'ont trouvée aussi dans le sang du fœlus. chez la Brebis et la Vache {b). Plus récemment, M. Moleschott, de Ileidelberg, a fait de nouvelles recher- ches sur cette substance albnminoïde du sérum, et il la considère comme étant bien réellement de la caséine (c). (2) Le nom de glohuline a été d'abord donné à la matière rouge des globules sanguins, par M. Lecanu (8). (b} Niisse, Uebev die Forin des geronnenen Fasersloffs (Miillcr's Arch., 18 il, p. 139). (rj Reichen, L'eber die sofjenannUn BluthOrperchen enthaltendenZeUen{lAii\\cv'sArch.,]'ti:>i, p. 481.) (rf) l-'unlie, Uebcr das Milivenenblut (Hc-nle uiid Pfeufer's Zeltschrift filr ration, iledicin, 1851, 11* 5, Bd. I, p. 172, t.ib. 1). — Neuc Beobachtungen iiber die Krystalle des Milzvenen- und Fisch-Blutes (ZeUschr. fiir ration. Med , 1852, I. 11. p 199). — Ufber Blutlirystatlisation [ZeUschr. fiir ration. Med., 185-J, t. II, p. 288). — Atlas der physiologisclten Chemie, Leipzig, 1853. — Atlas of Physiol. Chemistry, p. !.">, pi. X. (e) Kunde, Ueber Kryslallbdduny im Blute {Zeilschr. fur ration. Med., 18G2, t. II, p. 271, lab. 9, fu' 1-31. (f) Lilimaiin, Ber. d. Kijnigl. Sachs. Ces. d. Wiss., Leipzi:?, 1852, p. 23 et 78. — Annales de chhiiie, 1852, 3" ^énc, t. X.XXVI, p. 245. — Lehrb. der yhyuiol. Cliemie, 1853, t. I, p. 364. {g) l'urlure, et faut-il employer soit du sérum, soit une dissolution dans laquelle l'hématosine est insoluble : de l'eau chargée de sulfate de soude ou de sel comnum, par exemple ; ou bien encore une solution dans laquelle l'eau se trouve pour ainsi dire retenue en captivité par la présence du sucre, de la gonune ou de quelque autre matière organique analogue. Les propriétés chimiques des jirincipes constitutifs des glo- bules sanguins nous permettent aussi de comprendre la cause de quelques-uns des accidents qui se sont manifestés chez un malade atteint d'hydrophobie qu'un physiologiste avait espéré guérir en lui injectant de l'eau dans les veines (!2). L'hématosine soluble, de même ({ue l'albumine, ne se laisse ni coaguler ni fixer par le sulfate de magnésie, caractère (jui l'éloigné de la caséine; mais le sulfate de chaux l'entraîne et le retient, connue les mordants employés dans les arts fixent les matières tinctoriales (3). Unie à la globuline, elle se coagule à (1) Cette action de l'eau sur la ma- membrane muqueuse intestinale, et tière colorante des globules sanguins lors de l'autopsie on trouva son sang a été constatée par Young (fl). liquide partout et dans un étal de Mais c'est surtoutparlesexpéricnces putréfaction très avancée. (Voyez Hist. de Schultz sur la coloration des glo- d'un hydrophobe traité à l'Hutel-Dieu bules ainsi attaqués que la distinction de Paris, au moijen de l'injection de entre la matière colorante et le tissu Veau dans les veines, par Magen- tégiimentaire des globules a été mise die, Journ. de physiologie, 18'2o, en évidence. (Voyez ci-dessus p. 68.) t. III, p. 382.) (2) A la suite d'une expérience de (3) liobin et Verdeil, Traité de chi- ce genre, le malade eut une hénior- mie anatom,, t. III, p. 378. rbagie passive très abondante par la («) nemarks on Dlooil, etc., iii Introduction to Médical lAteralure, 1813. COMPOSITION ; MATIERES ALIÎUMINOIDES. 179 une température d'environ 75 degrés et devient insolulde dans l'eau. Alors elle ne reprend plus sa forme première, même après être entrée dans des combinaisons salines qui elles-mêmes sont solubles (1). H est aussi à noter (jue l'hémalosine est une substance très facile à altérer, et que sa teinte change sous l'influence d'une multitude d'agents cliimiques. Vue par transparence et en peiiie quantité, elle paraît d'un jaune rougcatre pale ; vue à la lumière réfléchie, elle est d'un rouge intense qui, à l'abri de l'action de l'air, est d'un ton louche et violacé, mais devient vif et éclatant au contact de l'oxygène. En abordant l'histoire chimique du sang, j'ai dit que les cen- dres obtenues par l'incinération de ce liquide renferment une quantilé remarquable de fer (2). C'est avec l'hématosine que ce métal se trouve en combinaison ; il paraît y èlre associé en proportion détinic , mais sa présence n'explique en rien la couleur rouge de cette matière, et il résulterait même des expé- riences de M. 3Iulder et de M. Van Goudoever que celle-ci peut en être dépouillée complètement sans que sa couleur soit changée par cette opération (3). Quant à la manière dont le fer se trouve uni à la matière protéique dans ce composé, nous ne savons rien de positif, mais il est probable que cet élément y existe à l'élat mélalli(jue, car M. Scheckund a vu qu'en l'atta- quant par l'acide sulfuriipie, il donne lieu à un dégagement assez considérable d'hydrogène^ puis se retrouve dans la liqueur à l'état de sulfate (h). (1) Ainsi l'iiématosinc coagiil(ie t-st (/i) La plupart des chimistes de la soluble dans l'eau ou l'alcool additionné (in du siècle dernier attribuaient la d'une petite quantité d'ammoniaque, couleur rouge du sang au fer. Deyeux ou de potasse, ou de soude caus- et l'armeiiticr pensaient que ce métal lique. s'y trouve en dissohilian, à peu près (2) Voyez page l/i2. comme dans la préparation nommée {'i) M\.MQV,Chemistni ofVcfjrtahlr jadis teinture martiale de Stalil, et avJ Animal Physiology, p. 'oô'). obtenue eu versant du nitrate de 180 SANG DES ANIMAIX VERTÉBRÉS. inoièiqL § M. — Une autre matière albiiminoïde peu diflerenle de utrictics. la fibrine, mais qui semble devoir en être distinguée, constitue, peroxyde de fer dans une solution de carbonate de potasse (a). Fourcroy crut pouvoir expliquer cette coloration en supposant que (la sous-phosphate de fer y était en disso- lution dans ralbiiniine , et il pensait même qu'il était possible de fabriquer ainsi de toutes pièces la matière rouge du sang (6). Wells, au contraire, attribuait la couleur rouge du sang à une matière organique (c), et Berzelins démontra pleinement ce fait dans sa Chimie animale, publiée en Suède en 1808 ; mais ses expériences à ce sujet ne furent connues en France et en Angle- terre qu'après la publication d'un travail de Brande qui conduisait au nicme résultat [d';. Brande alla rnèmc plus loin, et crut devoir conclure de ses expériences que la matière colorante du sang ne contient pas notablement de fer [e). Bientôt après, Vauquelin entreprit à ce sujet de nouvelles expé- riences (/■). Kt Berzelius fil voir que le fer est bien un des éléments consti- tutifs de la matière organique dont dépend la couleur rouge du sang {g). Enfin, le nom d'héinatosine fut donné à ce principe immédiat, en 1827, par M. Chevreul (/)). Vers la même époque, un chimiste allemand, Engelhard, fit une longue série d'expériences relatives à l'état dans lequel le fer se trouve dans le sang, et il arriva à cette conclusion que ce n'est pas sous la forme d'une combinaison saline ou même d'oxyde que ce niélal y existe, mais, ainsi que le phosphore et le calcium, uni directe- ment aux éléments dont se compose la matière organique rouge. Il montra, eu effei, que les acides ne le séparent pas, ou du moins qu'après avoir agi sur la matière colorante , ils ne donnent pas de précipité avec les alcalis et les autres réactifs employés d'ordinaire pour déceler la présence des sels de fer («). Mais d'autres expériences, faites par .M. il. Rose, prouvent que ces résultats n'ont jias la significalion qu'o:) leur attribuait, car la i)résence de l'albumine ou de toute antre substance organique non volatile (l'acide urique excepté) em- pêche la précipitation du fer dans les dissolutions où il existe cependant des sels ferrugineux en petite quantité (j). Berzelius pensait que c'est 3 l'état d'oxyde que le fer se trouve uni ù la matière colorante du sang, car on sait que l'albumine peut former avec les oxydes de ce métal des composés solubles ; l'hématosine serait donc une (a) Mémoire sur le sang {Journ. de phys., de chim. et d'hist. nat., 1"04, t. XLIV.p. 380, et 447. (b) Voyez Fourcroy et Vauquelin dans le Système des connaissances chimiques, par Fourcroy, 1. IX, p.'iSii!, etc. (f) Observations and Experiments on iltc Colour of the Blood {Pltil. Traus, 1797, p. 427). ((/) Berzelius, On Animal Fluiis (Med. Cliir. Trans., 1 SI 2, vol. III). (e) Braiulo, Chcm. ResearcUes on Hlood{Phil. Trans., 1812, p. 90). (/) Vaurpieliii, Sur le principe colorant du sang {Ann. de phys. et chim., 181C), t. I, p. 0). (g) Ann. de phys. et chim., 1817, t. V, p. 48. [h] Art. Sang du Vlct. dessc. nat., 1. .XLVII, p. 187. (i) Eugelliard, Commentatio devera materiœ sanguini purpureuni colorem impcrticntis na tura. Gœtliiig., 1825. (j) Ann. de chim. et phys., 1S27, I. XNXIV, p. 2r,S. COMPOSITION ; MATIERES ALBIMINOIDES. 181 suivant M. Lelimann, la membrane extérieure des globules (1). Elle fait gelée dans l'aeide acétique et les alcalis étendus d'eau ; elle ne se dissout pas dans l'eau chargée de nitrate de potasse, et elle ne contient pas de soufre ; mais du reste elle ne paraît combinaison analogue aux album. nalcs de fer. Cette opinion semblait assez bien îonriée; mais, d'-ipiès quelques nou- velles expériences, faites parScheckund et rapportées par Mulder, on revient anjourd'luii à l'hypothèse d'Engelhard. Elï'ectivement, si Ton fait digérer dans de l'acide sulfurique du sang desséché, et si ensuite on ajoute de l'eau , on dissout du sulfate de fer, et cette opération est accompagnée d'un déga- gement d'hydrogène, ce qui semble indiquer que de l'eau a été décomposée par du fer mélallique, et que ce n'est pas à l'état d'oxyde que ce principe préexistait dans le sang. Les expériences faites par AI. liermb- siiidt tendent aussi à prouver que le fer existe à l'étal métallique dans la matière colorante du sang, et qu'il y constituerait un sulfo -ferrocyanurc qui serait uni à un principe albumi- noïde («). Il est aussi à noter que le fer, tout en se trouvant uni à riiémalosine, ne paraît pas être essentiel à la constitu- tion de cette matière colorante. En effet, le sang auquel on a enlevé ainsi tout son fer, et qui a été ensuite bien lavé, donne encore, lorsqu'on le traite par de l'alcool aiguisé d'acide sulfu- rique, une dissolution rouge d'héma- tosine combinée avec de l'acide sulfo- protéique , mais ne renfermant plus de fer (h). M. Schecrer assure aussi qu'il est parvenu à enlever à riiémalosine la totalité de son fer sans en altérer la couleur (c). .Mais je dois ajouter que ]\f. Taddei a combattu l'opinion de l'existence d'une matière colorante rouge du sang qui serait exempte de fer {(/) . !\I. JMulder a trouvé dans l'héma- tosine 6,6/i centièmes de fer. et a cru pouvoir représenter la composition élémentaire de cette substance par la formule G"H22Az306Fe. Mais je ne vois pas bien comment celte composition s'accorderait avec l'hypollièsc, d'ailleurs si probable, de l'existence d'une matière protéique fondamentale, et avec la formule que M. JMulder en donne (voy. p. 150). J'ajouterai encore que .M. Polli pense que la matière colorante rouge du sang et la matière jaune de la bile sont une même substance à divers degrés d'oxydation ; mais cette hypo- thèse ne repose pas sur des bases suflisantes (e). (1) Lehmann, Précis de chimie physiologique animale, 1855, p. Vlh. (a) Versîwhe iiber die Hemâl'me (Jouni. fur Chemie nnd Plujsik, von ?cli\veiggcr, 1S32, l. LXIV, p. 314). (7;) Mulder, Chem. of Veget. and Aniin. Phijsiol., p. 335, cl Joimi. fiir pvakt. Chem., 1844, t. XMI, p. 186. (c) Sclieerer, Chemisch-physiologische Untersuchung. (Ann. der Chem.iindPharm.,i8iï , t. XL, p. 30. (rf) Sut color rosso del sangiie (Gaz-. Toscana délie scieniiemedico-fisiche, 1844, n- 17). (e) Polli, SuUa natura delta materia colorante rossa delsangue {Ann. di chimica appiir. alla Medic, Mil.iiic), grniiajo lS4(i). 182 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. Niicléine. |);is avoir toujours les mêmes caractères, et n'est encore que très imparfaitement connue (1). ^12. — Le noyau des globules rouges de sang des Verté- brés ovi|)ares paraît être formé principalement d'une matière |)rotéi(pic assez semblable ù relie qui constitue l'envelopjie de ces corpuscules. Jus(]ue dans ces dernières années la plupart des physiologistes j)ensaient que cette substance était de la fd^rine (2; ; mais les exi)ériences de M. J. Yogel, de Fr. Simon, et de M. Lehmann montrent ({u'elle ne se comporte pas de la même manière en présence de divers réactifs, et tendent à établir que, tout en appartenant au groupe des principes protéiques, elle serait distincte de tous ceux connus anciennement (3). On a proposé de la désigner sous le nom de nucléine (k)-, mais on (1) M. Mulder considère celle enve- loppe membraneuse comme élant formée par la subsiance qu'il nnnimc bioxyprotéine, mais les caractères clii- miques de ces deux corps ne sont pas les mêmes. M. Lehmann fait remarquer aussi que la facilité avec laquelle les parois des divers globules du même sang se laissent attaquer par l'eau, les acides affaiblis, l'éther, etc., est très variable, et que d'après ces différences on est conduit à présumer que la constitulion cbimique de ces téguments n'est pas toujours identique. Il pense que ce sont les jeunes cellules sanguines qui résistent le mieux ù l'action dissol- vante de l'eau, et que les globules déjà vieux se détruisent plus facile- ment. (Lehmann, Lehrbuch der phy- si(>logische)i Chemic, 1853, Bd. H, p. 150.) (2) Lv. Home, Op. cit. — Prévost el Dumas, Bibl. univ. (le Genève, t. XVIL — Letellier, Mém, sur le sang [Ga- zette médicale, 18o9, t. Vil, p. 25/i). (o) La fibrine estpromptement atta- quée par l'acide acétique, se gonfle, devient transparente et disparaît. La subsiance constitutive du nuciéus résiste au contraire pendant fort long- temps à l'action de ce réactif. M. J. ^'ogel, qui fut un des premiers h étu- dier atlentivcment les propriétés chi- miques du noyau des globules san- guins de la grenouille, le considère comme ayant plus d'analogie avec l'albumine coagulée qu'avec la fi- brine (a), Fr. Simon a été conduit à penser que cette substance albumi- noïde n'est identique avec aucun de ces principes protéiques [b), et M. Leh- mann adopte la même opinion (c). (/i) M. Maitland, qui a proposé celte dénomination, pense que le noyau des (a) Vog'i!l, Plnjsicn-Chemicnl Anahjse of llic Blood (in Waçjiier's Eléments nfRliysiolnfin, p. 2r)7). (/)) Fr. Simon, Animal Cliemiulnj, vol. I, p. ]i\. (c) I,eliniann, l.etninirh der phy.tiologischen C.hemie, I. IT, p. \^'t. COiMPOSmOiS -, MATIÈIlliS ALBL MINOIDES. d 8o ne sait en réalité presque rien sur sa nature un sur ses caractères, et, ainsi ([ue nous le verrons bientôt, il est probable que le nucléus des globules sanguins est Ibrmé en grande parlie de l)rineipes immédiats d'une autre classe. ^ 13. _ Enfin MM. Dumas et Caliours ont extrait du caillot .<:~ 'J insolubli'. une substance voisine de la caséine, mais qui est soluble dans Talcool à chaud, et ces chimistes pensent qu'elle constitue les globules blancs dont un nombre plus ou moins grand se trouve, comme nous l'avons déjà dit, mêlé aux glol)ules rouges (1). La caséine, ou quelque chose de très analogue, se trouverait donc sous deux formes dans le fluide nourricier, à l'état soluble dans le plasma, et à l'état insoluble dans les globules blancs. § l/i. — Enfin il existe aussi dans le sérum du sang une Maiière jaune. matière colorante jaune qui n'est encore que très mal connue, mais qui semble devoir appartenir au groupe des produits azotés dont l'histoire nous occupe ici (2j. globules sanguins est formé par un abondance dans le sérum des ictc- principe immédiat particulier de la riques une matière colorante jaune nature des matières cornées (a) ; mais, fort analogue à celle que renferme la ainsi que l'observa 1\I. Nasse, le pro- bile, mais que ce chimiste n'a pas cru cédé employé par ce physiologiste pour devoir y assimiler d'une manière posi- la séparation des noyaux devait lui don- live [d). M. Chcvreul a constaté la ner plutôt les débris des téguments présence d'une matière colorante des globules sanguins [h]. rouge orangé dans le sang des enfants (1) MM. Dumas et Cahours ont fait nouveau-nés qui sont attaqués d'ic- l'analyse élémentaire de cette sub- tère et d'induration sous-culanéc [e]. stance qu'ils désignent provisoirement M. Lecanu et M. V. lîoudet ont sous le nom de caséine du sang, et y retiré aussi la même matière du sang ont trouvé la même composition que de divers malades en proie à la jau- pour la caséine du lait (c). nisse {[). (2) Deyeux a trouvé en grande En 1835, .M. Martial Samson, dans (a) Maitlaml, An Expérimental Essmj on the Physiology of the Dlood. Edinbm-ii, 1838, p. 27. (b) Nasse, ;u-t. Sany (Wagner's Ilandwurterb. der Physlol., t. I, p. 140). (c) Dumas et Cahours, Mémoire sur les matières azotées neutres de l'organisation {Aau. de chimie, 3' séi-ic, 1812, t. VI, p. 415). (,G DES AMM.U'X VERTÉBRÉS. ^ 15. — En résumé, nous voyons donc qu'il existe dans le sang non-seulement de la fibrine, de l'albumine, de l'iiémalo- sine et de la globuline, mais aussi plusieurs autres matières albuminoïdes dont les caractères n'ont été encore que mal définis; et que parmi ces corps les uns sont tenus en dissolution dans le sérum, et d'autres y sont suspendus à l'état solide. Nous avons vu aussi (pie toutes ces substances ont entre elles une étroite analogie, et constituent pour ainsi dire une lamille naturelle dont tous les membres semblent dériver d'une môme souche; que toutes sont susceptibles d'éprouver une foule de modifications sous l'intluence des matières inorganiques avec lesquelles on les met en contact , et que les diftercnces qui les distinguent entre elles semblent être du même ordre que celles résultant de réactions de ce genre. Que toutes paraissent être formées d'une seule et même substance protéique dont les [)ropriétés secondaires varieraient un peu suivant que cette une Uù'se soutenue à l'École de phar- macie de Paris, et intitulée Études sur les matières colorantes du sang, a rendu couiple d'une longue série d'expériences sur le sang du Bœuf, et y signale quatre matières colorantes, dont une esl le principe jaune men- tionné ci-dessus. Elle donne au sérum sa teinte particulière, et elle est so- lublc dans l'eau, l'alcool, l'étlier et les graisses ; les acides concentrés et les alcalis ne lui font éprouver aucun changement à froid ; enfin elle est décolorée par le chlore. Plus récemment, M. Denis a con- staté que par l'ensemble de ses pro- priétés cette substance ne paraît pas différer de la matière colorante de la bile (ff). Cette dernière matière, que l'on désigne souvent aujourd'hui sous le nom de hilicerdine, ressemble à l'hé- matosine par sa composition, et con- tient aussi du fer. Fr. Simon considère la matière colorante jaune du sérum comme étant identique avec celle qu'il a décrite sous le nom d'hémaphéine, laquelle serait un dérivé de l'hématosine, modifiée par l'absorption de l'oxygène et l'élimination d'une certaine quantité de carbone (6) ; et enfin M. Marchand pense que cette hémaphéine n'est que de l'hématosine modifiée par un alcali. On voit donc qu'il existe beaucoup d'incertitude au sujet de la nature de ce principe colorant. {a) DiMiis, Esnai sur V applkaiion de la chimie à l étude du sanc, 1838, p. 130. (b) Simon, Me Farbeslojfe des Dîmes [Joiini. fUr prakl. Chem., 18 il, 1. XXII, p. 113). Animal Chemislrtj, vol. I, p. 43 et \). 169. COMPOSITION ; MATIKUES ALBIMINOÏDES, 185 subslaiicc luiiilamcnUile s'iiHil à nu iicu plus ou à un i)eu moins de telle ou telle matière saliue , alcaline ou acide , ou suivant (|ue cerlaius de ses atomes constitutifs sont éliminés et rem- [dacés par des atomes dilTérenls. En d'aulres mois, (jue lous ces corps dont le rôle est si imporlant, non-seulement dans la constitution du sang', mais aussi dans la Ibrmalion de toutes les autres parties de l'organisme , sont connue les variantes d'im même texte dont le sens ne cliangerait pas, mais dont la coii- texlure se modifierait par suite de quchpies subslilutions de mots, de quel(iues abréviations , ou bien encore de l'introduc- tion de quelcpies péri[)brases. Une étude approfondie des trans- formations qui s'o[)èrciit ainsi dans les matières albuminoïdes , lors même qu'elle ne conduirait pas à la solution de questions dont les chimistes se préoccupent à juste raison, touchant le mode de groupement des molécules constitutives de ces corps, [)0urrait avoir pour le physiologiste un grand intérêt; et pour n'en citer ici qu'un exemple, je rappellerai que, sous riniluence de l'oxygène ou d'autres agents, la fdjrine est susceptible de se transformer en deux substances protéiques dont l'une est soluble, l'autre insolultle: ce sont les coqis auxquels M. Muldcr a donné les noms de bioxyprotéine et de trioxyproléine. 0\\ dans l'organisme les matières albuminoïdes rencontrent sans cesse de l'oxygène, et Ion voit s'y développer d'une manière non moins fréquente des substances qui ont avec ces corps une ressemblance frappante. Il serait donc intéressant de comparer plus aîtentivemeni (pfon ne l'a fait jiisqu ici ces produits arti- ficiels avec (piel([ucs-uns des i)rin(Mpcs i)rotéi(iues d'une im- [lorlance secondaire dont il vient d'être ([uestion, et de cher- cher s'ils n'auraient pas une origine analogue. (]ela me [larait probable; mais, dans l'état actuel de la science, on ne saurait porter tro{> île réserve dans les appréciations de ce genre. Je iK^ m'arrêterai donc [)as sur ces (pieslions, et je m'abs- tiendrai aussi de parler de i^uchpies autres substances (pii I. 2/j 186 SA^G UKS ANIMAUX VERTÉBRÉS. semblent appartenir an même gronpe de matières organiques, et qni ont été signalées par les chimistes comme se trouvant dans le sang, mais qni ne sont probablement que des produits dus à diverses altérations des principes normaux de ce liquide déterminés par les réactifs dont on avait fait usage pour en effectuer la séparation. Telles sont les substances dont plu- sieurs auteurs ont parlé sous les noms de gélatine du sang, d'osmazome, d'épidermose, d'hémaphéine, de subrnbrine, de clilorohématine, de xantholiématine, etc. {i). (1) On avait remarqué depuis long- temps que le sérum coagulé par la chaleur laisse suinter une sérosité jaunâtre qui, dans certaines circon- stances, est susceptible de se prendre en gelée. Fourcroy et Vauquelin con- sidéraient cette matière comme étant de la gélatine (a). Parmentier et Deyeux admirent aussi la i^élatine au nombre des matériaux normaux du sang. Mais Bostock montra que les conclusions tirées des expériences de ces cliimistes n'étaient pas exactes, et que le sang ne contient pas de gé- latine (6). Berzelius était arrivé de son côté à un résultat analogue (c). Enfin Brande, en soumettant cette matière à l'influence de la pile électrique, en a retiré de la soude, et depuis lors on Ta considérée comme étant un albu- minatc soluble de soude (d). Dans ces derniers temps Texistencc de la géla- tine, comme principe constilulif du sang, a été de nouveau annoncée par M. Bouchardat {e)\ mais la matière dont ce chimiste parle ne paraît être que le produit de l'oxygénation de la protéine, découvert par iM. Mulder et appelé triuxijprotéine. La substance que M. Bouchardat a extraite des globules sanguins, et qu'il a nommée épidermose, paraît être aussi un produit de même origine, et ne diffère probablement pas de celui que M. Mulder nomme bioxy protéine (voy, p. 160). M. Ludwig a aussi obtenu dans ses analyses du sang une matière coa- gulée qui paraît être du bioxypro- téine (/'). La matière que M. Denis a séparée du sang par l'action de Taicool, et qu'il rapporte à la substance obtenue par M. Thenard dans ses expériences sur la chair musculaire, et désignée par ce chimiste sous le nom iVosma- zôme, est bien évidemment aussi un produit complexe {g). Berzelius la considère comme un mélange de laclate de soude et de matière orga- (fl) Ann. de chim., f. VI, p. 182, et t. VII, p. 140 ; puis avec plus de détails, Jlém. de l'Acad. des se, 1789, p. 297. {b) Boslock, 0)1 the Gélatine of the Blood [Medic. Cliir. Trans., vol. I, p. -47). (c) Berzelius, General Vieius oftIieGompos. of An'niial Fluids {Medic. Chlr. Trans., 1812, vol. III). ((/) Medic. Chir. Trans., vol. III, p. 220. (c) Compt. rend., 1842, t. XIV, p. 90. If) Ann. dcr Chem. tind Phurm., t. LVI, p. 05. — Berzelius, Rapp. pour 1845 , p. 477 ; ut Annuaire de chimie, 1847, p. 745. {(j) Hech. expcrim. sur le sang, ]>. 107. leres grasses. composition; matières grasses. 1^7 § IG. — Le deuxième groupe naturel de subshuices cousli- Mauèi tutives du sang se compose de corps gras. Parmi ces matières je citerai en première ligne, non pas à choksiérino raison de son importance, mais à cause de la netteté de ses caractères chimiques, la cJwlestérine^ principe qui fut trouvé vers la fin du siècle dernier, dans les calculs biliaires, mais qui n'est bien connu que depuis la publication des beaux tra- vaux de M. Chevreul sur les corps gras (1). C'est uue graisse non saponifiable qui re^te solide jusque vers 137 degrés, qui se dissout très bien dans l'alcool bouillant, mais qui s'en sépare presque entièrement par le refroidissement, et qui se présente nique, opinion qui osl aujourd'iuii généralement paita2;ée par les clii- mistes. Quoi qu'il en soit, celte sub- stance n'est probablement pas un des matériaux de l'organisation, mais un produit des opérations chimiques qu'on a fait subir à la fibrine, etc. La mntièrp colorante brune que M. ;Marlial Sanson a exlraite du sanjj, et que ce cliimislo considère comme étant distincte de la matière colorante rouge, paraît ne pas être autre chose qu'une portion de cette dernière altérée par l'action des acides concen- trés (a). Ce produit brun avait été précé- demment signalé par Sigwart ib). Les matières décrites par M^L Brelt et Bird sous les noms de chloro- hématine et de xanthohématine ap- partiennent à la même catégorie ; elles résultent de l'action de l'acide nitrique sur le caillot, et ne préexistent pas dans le sang. {London Médical Gazette, t835, vol. XVf, p. 751.) Scheerer a obtenu celte dernière substance par ses analyses du sang dans quelques cas de leukémie. (l'er- haiidl. der Plnjs. Mcd. Gesellsch. in Uurzburg, 1851, Bd. II, p. ^}'.:1.) Enfin la substance que M. O'Sliaugh- nessy a décrite sous le nom de sub- ruhine n'est aussi que de l'héma- losine altérée par les procédés d'a- nalyse (c). (l) Paulletier de la Salle fut le pre- mier à observer cette substance en traitant les calculs biliaires par l'alcool, et lourcroy, qui publia la découverte de ce chimiste, retira le même corps gras d'autres parties de l'organisme, mais le confondit avec la matière trouvée dans des cadavres et désignée sous le nom à'adipocire {d). En ISl/i, I\I. Chevreul" distingua nellement ces substances, et donna à celle qui nous (a) Eludes sur les matières colorantes du sang. (Joiirn depharm., 4835, t, XXI, p. i-20.) (b) Cité par Burdacli, Physiologie, I. VI, p. 80. (c) O'Sliauglinessy, Discovery of a Xew Principle in Iluman Dlood (Lancet, ISai-S,"), t. I, p. (M 7.) (d) Ann. de chimie, 178!<, t. III, p. 2i2, elc. i88 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. r.lors sons la forme de lames cristallines nacrées, rectangu- laires ou liiomboïdales. La cliolestérine eslinsohible dans l'eau, mais elle est tenue en dissolution dans le sérum du sang, et, ainsi que nous le verrons par la suite, se rencontre aussi dans la bile et dans le cerveau. Quelques cliimistes pensent que combinée avec des matières albuminoïdes, elle jonc un rôle im- piirtant dans la composition du noyau des globules (1). cm'ijrine. Unc maticrc grasse qui contient du phosphore au nomltrc de ses éléments constitutifs, et(pii a été désignée sous le nom de cérébrine^ parce que ce fut dans la substance du cerveau qu'on la découvrit (2), a été extraite du sang par M. Chevreul. Ce chimiste l'a retirée de la llbrine ainsi que du sérum (3). Mais, d'après les recherches les plus ré'centes, il paraîtrait que c'est occupe ici le nom de clwlestérine, jouaiil iiii rôle imporlaiu dans leur c'cstà-dire graisse biliaire solide (a). constilution, tjuelle que soit d'ailleurs La présence de la cliolestérine dans ccllequia pu appartenir anx substances le sang a été constatée par M. ]>cnis. de ce genre dans la première forma- Enfin, celte matière en a été mieu.\ lion des cellules. La facilité avec la- séparée par M. l)0iidet {I)). (piolle les globules et les noyaux sont (1) Iliinefeld considère le nucléus dissous par la potasse tendrait aussi à des globules du sang comme étant faire penser que la graisse de ces cor- formé d'une malièro grasse (la cbo- pnsculesn'estpasde lacho!estérine((/). lestérinc ou quelque substance ana- Nous aurons à revenir sur ces qucs- logue) combinée avec de Falbumine, tjons, lorsqu'en traitant de la forma- comme dans le jaune de Panir ('■:. lion des lissus organiques, j'exposerai .Mais, ainsi que l'observe l''r, Simon, les vues d'Acberson à ce sujet, quoique la fibrine et les globules soient (J) Vau(ineiin, Analyse de la malien' plus riches en matière grasse que les cérébrale {Aim. de chimie, 181L', autres matériaux solides du sang, ces t. LXXXI, p. 37 . corps n'en contiennent tout au plus (3) Art. Sajig du Dictionnaire des ((ue 5 pour iOO, et par conséquent sciences nalurclles, 18'27, t. XLVII, elle ne saurait être considérée comme p. 187 et 18S. (n) lies corjis qu'on appelle adipoclrcs (.In», de cliim., 1815, I. XCV, p. '>}, vi lîech. iliiin'ujnes sur les corps finis d'orioine animale, d53, de. (/;) fCssai chim. et crit. sur le sann {.loiirn. de pliarn)., I. MX, p. i7.'i), cl Nouvelles rech. sur la composition du sérum du sang humain (.\nu. de liiim , 18li3, t. LU, p. '-'W). — .M. I.cctiiii. Etudes cidmiqucs sur le sang, thèse. (c) Hiiiiefelil, Der Cliemismus, p. 108. ' ((/) Simon, Animal Cliemistrii, l.I, p. H^. composition; matières grasses. 189 prinripalenient dans les globules que ce produit se trouve (1). Jusque dans ces derniers temps on le considérait connue un principe immédiat parliculier, mais il semble résulter des expé- riences de M. Fremy que ce serait plutôt un mélange de deux substances auxquelles ce savant a donné les noms iVacitle oléo- phosphorique et d'acide céréhrique (2). Du reste, on ne le con- naît encore que très imparfaitement, et ce qu'il olTre de plus remarquable, c'est sa composition élémentaire. Le sang renferme aussi des acides gras (3). V acide oJéique, Anjessia* par exemple, se trouve dans le sérum soit à l'état de com- binaison avec la soude sous la forme de savon, soit à l'état libre ; car c'est un acide si faible, qu'U peut se trouver dans ce liquide en présence de carbonates alcalins sans se substituer à l'acide . (1) Berzeliiis, Traité de chimie, édit. (le 1838. Quelques expériences faites i"écem- nient par un physiologiste anglais, !M. Owen liées, tendent à confirmer cette opinion. En efTet, M. Rees a trouvé que les matières grasses obte- nues par faction de l'éther sur le caillot du sang veineux donnent par l'incinération des cendres dont la réaction est fortement acide ; tandis que les cendres obtenues de la mùme manière avec le sérum du sang vei- neux ou du caillot artériel étaient al- calines : ce qui suppose l'existence d'un carbonate alcalin ou d'un sel à acide organique dans ce liquide, tandis que l'acidité des cendres des matières grasses extraites des globules veineux devait être due à un acide fixe, proba- blement de l'acide phospliorique ré- sultant de la combustion du phosphore contenu dans ces graisses. [On a New Function of tlie Bed Corpuscles of the Blood, by 0. IVees, Philosoph. Magazine, 18ù8, t. XXXI! 1, p. 29.) ('2) L'acide oléophosphoriqué de Al. Fremy est liquide, l'acide céré- hrique est solide ; c'est surtout le pre- mier qui paraît se trouver dans le sang. {Recherches sur la compositiDii chimique du cerveau de l'homme, Comptes remhis, ]8/i0, t. Il, p. 7()3.) !\1. Denis dislingue dans le sang deux matières grasses phosphorées. Tune blanche, l'autre rouge (a). Mais il est probable que cette dernière n'est autre chose que la matièro phospho- rée blanche, altéi'ée ou colorée par de l'hématosine. (Lccanu, Thi'se, p. J3.) (3) C'est essentiellement aux travaux de M. Chevreul que l'on doit la con- naissance de la nature et des propriétés des graisses animales. Ses recherches à ce sujet se trouvent réunies dans un ouvrage spécial publié en 1823 (6). (n) Denis, Bech. expérm. surle sang, p. 101, 107, etc. (b) Clievrcul, UecUerches chimuiues sur les corps gras d'origine animale, \>i-î'^. p. IHi. 190 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. carbonique de ces combinaisons salines. C'est une substance (le consistance huileuse qui se solidifie et affecte une forme cristalline à la températin^e de k degrés au-dessus de zéro, qui se dissout dans l'alcool et dans l'élher, mais qui est insoluble dans l'eau et se trouve probablement à l'état d'émulsion ou de suspension dans le sérum, ou tenue en dissolution à l'aide des sels à acides gras que ce liquide renferme. h'acide margarique^ qui diffère de l'acide oléiqne par son point de fusibilité plus élevé et par quelques autres caractères d'une importance secondaire pour nous, se trouve dans le sang, mêlé à ce principe immédiat, en partie à l'état de liberté, en partie à l'état de combinaison avec de la soude (1). On a signalé aussi l'existence de l'acide stéarique et du stéaraîc de soude dans le sérum de Bœuf (2), et il est probable (|ue ces matières grasses se trouvent aussi dans le sang des aulres Ruminants. Je n'ai pas à in'occuper ici de l'histoire chimique de ces acides, mais il me semble utile d'ajouter qu'ils ont entre eux une très grande ressemblance, et que leur composition élémentaire ne diffère (pie fort peu, de façon que Ton comprend facilement qu'ils puissent se transformer les uns dans les autres, ou naître sous l'inlluence des mômes causes légèrement modifiées. En effet, la composition de l'acide oléique semble devoir être représentée par la formule Ç?^W^Kf,\{0. L'atome d'acide margarique paraît correspondre par sa com- j)Osition à deux atomes d'acide oléi(iue qui auraient perdu chacun deux équivalents de carbone , car sa formule est iMifin l'acide stéarique [)arait être de l'acide margarique qui (ij Voyez Lccanu, Eludes chimiques le sang {Gaz. médicafe, 1851, p. 5o0). xur le sançi, \^ù7.— Marcel, De la na- (2) i\ol)in et Verdeil, Chimie atia- lurc des graisses qui se trouvent dans tomique, t, II, p. 80 et 88. Oléine et stcariiio. composition; matières grasses. 191 aurait perdu un atome d'oxygène, et devoir être représenté par la formule C*^^H««0"',2H0. La chimie nous apprend aussi que ces acides dérivent de certaines graisses saponiliables que l'on désigne sous les noms (ïoléine^ de stéarine et de margarine, lesquels semblent même n'être autre chose que des composés salins, ou idiilôt des acides composés analogues à l'acide suHbvinique, formés de deux atomes de l'un de ces acides gras unis «\ un atome d'une substance particulière nommée glycérine, ((ui se laisse repré- senter par la formule C*^H"^0^,HO. Effectivement, sous l'influence des alcalis, ces graisses, dites saponifiables, abandonnent la glycérine pour former des stéa- rates, des oléates ou des margarates à base alcaline, et en [)ré- sence de l'acide sulfurique qui s'empare de la glycérine, leur acide est mis à nu. Or, le sang renferme de l'oléine et de la stéarine aussi bien que les acides gras dont il vient d'être question. On en a con- staté la présence dans le sérum ; et bien que ces corps soient insolubles dans l'eau, on comprend qu'ils puissent êlre dissous par ce liquide, car on sait que la stéarine est susceptible de se combiner à la manière d'un acide faible avec les alcalis (1), et le sérum, ainsi que nous l'avons déjà dit, est toujours alcalin (2). Le nom de séroline a éié donné à une matière grasse qui se scroiinu relire aussi du sérum, et qui a été considérée comme étant dis- tincte des i)récédentes (3); mais d'après des recherches récentes dont ce produit a été l'objet, il paraîtrait que c'est seulement (1) Extrait de quelques recherches clans l'état normal ils ne se réunissent faites à Giessen par MM. Liebijj et pas entre eux, tandis qu'ils se con- Pelouze {Comptes rendus, iS36,\.U\, fondent après qu'on les a soumis à p. /j!20). Taction de l'acide acétique [a). ('-') Zimmermann pense que les (3) M. lîoudel a obtenu celle sub- globules de graisse sont revêlus d'une slance en faisant bouillir dans de pellicule de matière albuminoïde ; car l'alcool du sérum dessécbé. La séroline (a) Op. cit. (Ai:ch. fur physiûloy. HeUkunde, iSlS, Bil. VII, p. ISI). i\n SANG DES AMMAUX VEUTEBRES. Cliolalc de soude. l'riiici|io odoranl. lin niéhiiiiie des parties cristallisables des diverses graisses dont il vient d'être question (1). Les reeherches d'Enderlin tendent à établir que le cholate de soude est un princi[)C constituant normal du sang, mais que dans les circonstances ordinaires cette substance en est promp- tement éliminée (2). Enfin il est probable que l'odeur particulière au sang est due à la présence de quelques traces d'une matière grasse volatile ana- logue à celle découverte par M. Chevreul dans le beurre de Chèvre et de Vache, ou dans la graisse du iMarsouin (3). En efiet, ^I. Malteucci a constaté que le sérum du sang de la Chèvre, chautïé avec de l'acide sulfuri(pie , donne de Yacide caproique, et l'on sait que chez d'autres animaux l'odeur sut (jeneris du sang s'exalte par l'action de ce réactif (4). se dissout alors dans ce liquide, et se dépose parle refroidissement; elle est fusible à û6" et se dissout facilement dans l'éther. {Xouvelles recherches sur la composition du sérum du sang, dans le Journ. de pharmacie, ISoo, l. XIX, p. 299.) (1) Les expériences de M. Gobley tendent à établir que la séroline n'est pas un principe immédiat, mais un mélange d'oléine, de margarine, de choleslérine, de cérébrine [Gazette médicale, 1851, p. 602). M. Lehmann adopte une opinion analogue {Précis dechiin. physiol, p. 139). {'!) New York Monthly Journal, 1852, et Scbmidt's Jahrhucher, 1853, t. LXWIi, p. li. (k) L'odeur du sang est en général assez marquée et varie suivant les animaux ; elle ressemble à celle de la sueur, et paraît être toujours plus intense cbez le mâle que cbez la fe- melle. Quelques anciens chimistes en avaient cherché la cause : Parmenlier etDeyeux, par exemple (a), ^lais on ne savait que peu de chose à ce sujet, lorsque Barruel en fit Tobjet d'expé- riences intéressantes, quoique les ré- sultats à en tirer aient été singuliè- rement exagérés par cet auteur. Il a constaté que Tacide sulfurique exalte l'odeur du sanget qu'elle est due à une matière volatile ; mais il a été beaucoup trop loin lorsqu'il a cru pouvoir ap- pliquer ces données à la solution des {o jChQwcaï, Recherches chimiques questions de médecine légale {b sur les corps yras d'origine animale, M. Soubeiran a fait justice de ces exa- 1823, p. i'ôli. géralions (c), et AL Schmidt de Dorpat, (()) l'aimciilicr cl Dcyciix, Mémoire mv le sang (Journ. deplvjs., 179-4, I. XLIV, p. 38G). [h] Uarniol, Mémoire sur le principe aromatique du sanij [.\nn. d' hygiène publique et de médc- riuc légale, 1S2'J, t. 1, p. 2ti7). (t) Souljciran, Sur un moijen de distinguer le tawj des divers aniinau,v (Arch. ijcii. de 'ncd.i 1" série, t. XM, p. 134). composition: matières sichées. 19o § 17. — On sait depuis longtemps que dans une maladie partieulière, eonnue sous le nom de diabète, l'organisme i)ro- duit et évacue au dehors, avec les urines, une matière sucrée à laquelle on donne aujourd'hui le nom de glucose (1), et déjà dans le siècle dernier on annonça avoir trouvé la même substance dans le t^ang des personnes en proie à cette affec- tion (2). Les recherches d'Ambrosioni (3), de 31ailland (/i), de Rees (5), de 31.M. Herry et Soubciran (6), et de beaucoup d'autres physiologistes , ont pleinement établi ce fait ; mais jusque dans ces derniers temps on croyait que le sucre était seulement un produit pathologique de l'organisme et n'existait pas dans le sang à l'état normal. En 18/t9, les belles expériences Malicres sucrées. qui a examiné celte question au même point de vue , a trouvé que l'odeur développée de la sorte est très recou- naissablc chez la Chèvre , le Mouton et le Chat, mais ne l'est pas chez les autres animaux soumis à ses expé- riences (a). M. Denis a reconnu que le principe odorant du sang est so- luble dans l'alcool et devait être con- sidéré comme un acide gras vola- til {h). Enfin AI. ]\Iatteucci a complété cette démonstration de l'analogie entre le principe odorant du sang et les acides gras volatils découverts par AI. Chevreul. L'acide caproïque dont il a constaté In présence dans le sang de la Chèvre s'y trouvait combiné avec une base, probablement de la soude. Il est à présumer aussi que l'odeur exhalée, en présence de l'acide sulfu- rique, par le sang de l'homme, est éga- lement due à l'existence d'im atpruate alcalin (c). (1) Quelques auteurs changent l'oi'- lliographe de ce mot, et écrivent gly- cosE comme étant plus conforme aux règles grammaticales. (2) Dobson , Experiments and Ob- servations on the Urine in a Diabètes {Med. Observ. bij a Society ofPhysi- cians in London, 1775, t. V, p. 298). (3) Ambrisioni, Dello zucchero nelle urine et net sangue dei diabetici {An- nali univ. di medicina di Omodei, 1835, t. LXXIV, p. 160). (ù) Rees, On Diabetic Blood {Cuy's Hospital Reports, 18o8, t. Ili, p. o98). (5) Henry et Soubeiran, Recherches sur le sang d'un diabétique {Journ. de chini, médic. , 1826 , t. XII , p. 3'JO). (6) Alailland, Suyar ublained from the Blood of a Patient in Diabètes {Lond. Med. Gaz., 18o6, t. XVII, p. 900). {a) ScbniiJt, Diagnostlk verdcichtiyer Flecke in Criminalfdllen. Leipzig', 1848. (b) Denis, Hecli. e.rpcriin., 1830, p. 82, a\. Essai sur l'application de la chimie à l'ctudcdn sang; 1838, p. 152. (c) MailtMicfi , Sur l'odc'.'.v dcveloppce par l'action de l'acide sulfariquc sur le sanij {.Uui. de chm. et de ph>js., 1833, t. LU, p. 137). I. 25 19/l SA>'G DES ANIMALX VERTÉBRÉS. de^^I. Cl. Bcniord sont venues montrer cependant que cette ma- tière se rencontre toujours dans certaines parties de l'économie animale (1 ; enfin un ])hysiologiste distingué de Dorpat, M. Cari Schmidt, a constaté bientôt après rpie chez le Ba3uf, le Chien et le Chat, aussi bien que chez rhonuiie, le sucre est un des prin- cipes constitutifs du sang à l'état normal (2). Je ne pourrais, sans anticiper sur l'étude de phénomènes dont nous aurons à nous occuper longuement dans la suite de ces leçons, faire connaître ici la source de cette glucose, ni dire quelles sont les circonstances dans les(pielles on la rencontre en plus ou moins grande abondance dans le fluide nourricier. Je me bor- nerai donc à ajouter (pie ce sucre animal se trouve princi- palement dans le sang qui sort du foie, et qu'il se détruit promptement de façon à disparaître [»resque entièrement dans le sang des parties de l'organisme qui sont un peu éloignées de son point d'entrée dans le torrent de la circulation (3). (1) Cl. Bernard, De l'origine du sucre dans l'économie cinimale {Mém. de la Soc. de biologie, 18Z|9, t. \, p. 121). — Recherches sur une nou- velle fonction du foie (Thèse inaugu- rale à la Faculté des sciences de Paris, in-i, 1853). (2) Schmidt , Charackteristilc der epidemischen Choiera gegemiber ver- wandten Transsudatious Anonialicn. ln-8 , Leipzig , 1850. — Harnznc- kei\ ein nurnialer 'Blutbesta)uUheil, p. 161. (3) Diverses questions relatives à l'origine et au mode d'élimination du sucre contenu dans le sang ont été très vivement agitées depuis quelque temps. Lorsque je traiterai des sécré- tions et de la statique chimique de l'organisme je rendrai compte des faits dont on a argué de part et d'au- tre et j'en démêlerai les conséquences ; mais en attendant je crois devoir citer les principaux travaux que ce débat a fait naître {a]. {a) iMguier, Mémoife sur l'origine du sucre contenu dans le foiéel sur icxislence normale du, sucre dans le sang de l'homme et des animaux (Ann. des se. nat., 1855, i' série, t. III, p. 17). — Deux'ième mcmo'ire sur les fonctions gUjcogéniques du foie (Loc. cit., p. -24). — ■ Troisième mémoire (Même recueil, l. IV, p. 91). Lelmiann, Analyses comparées du sang de la veine porte et du sang des veines hépatiques, elc. (Mcnic recueil, t. m, p. .^l)- Sur la présence du sucre dans le sang de la veine porte (Même recueil, t. IV, p. 1 53). Cl. Bernard, Remarques sur la sécrétion du sucre (Même recueil, t. IV, p. 51). Leçons de jihysiologic expér'imenlale, appliquée à la médecine , faites au collège de France, i855, in-8. COMPOSITION ; MATIKRr.S SALINF.S. lOo ^^ 18. — [.OS nialériaiix salins (pio l'on retire du sang coiisislent priiieipaleinenl en ehloiMire «le sotlimii, earbonafe de Bonde, phosphate de sonde, snllate de potasse et phosphates de ehanx et de maiinésie. Je dois rappeler eepeiidani que qiiel- qiies-nns de ces sels pourraient hicn ne pas y exister tout formés, et. être le résultat de la combustion du soufre et du phosphore contenus dans les matières albuminoïdes. Ainsi Berzelins pense que le sang ne renferme pas d'acide snlfurifiue, et que le sulfate de potasse obtenu dans l'analyse se forme dans le creuset du chimiste (1). 11 est aussi à noter que, d'après M. Liebig (2: et M. Enderlin (3), la soude qui donne au sang sa réaction alcaline ne s'y trouverait pas à l'état de carbonate, et appartiendrait à un sous-phosphate ; mais celte opinion ne paraît pas être fondée {l\). Quoi qu'il en soit, ces matières salines, indépendamment de Malii'MPS salincp. (1) Berzelins, Gêner. Vicies of the Compos. ofAnirn. Fluids {Med. Chii\ Tram., vol. Ill, p. 227). (2) Liebig, Uoher die Ahicesenheit der kolensauren Alkalien im Blute ( Ann. der Chem. und l'Iiarm. , l. LVIf, p, 126, et Renie scientif. et industr., l. XXIV, p. 85). (o) Ce chimiste pensait que oNaOjPO^ se transformait, sous l'influence de l'air et des matières carbonifères, en 2XaO,P05 + XaO,C02 [a). {!^) En elfet, le sang contient do Ta- cide carbonique libre, et ce corps, on présence du phosphate basique de soude, s'empare d'une portion de cet alcali et ramène le sous-phosphate à l'état neutre; il faut donc qu'une por- tion de la soude du sérum soit ici à l'état de carbonate, et non à l'état de — .Smi- k mécanisme de In formnVion du siirvc dans le foie {.\nn. des se. nat., tS55, i' série, t. IV, p. 109). Loconte, Recherches sur les fonctions glycogi'niques du foie (Wmc rcnnpil, t. III, p. 01). Reynoso, Mém. sur la présence du sucre dans les nrines et sur la liaison di ce 'phénomène avec la respiration (Même recueil, t. III, p. 120). Dumas, Rapport sur divers Mémoires relatifs aux fonctions du foie (Loc. cit.. t. lit, p. 320). .\n(lral, De quelques faits patholoijiques propres à éclairer la question de la production du sucre dans l'économie animale (.Même i-ecucil, t. III, p. 347). (lilili, Mém. sur l'assimilation du sucre (Même rociieil, I. IV, p. 2"). Cliaiivcau , Nouvelles recherches sur la fonction glycoqén'uiue {Comptes rendus de r.\cadcmie des sciences, 1850, t. .XLII, p. 1008). C.ollin, De la formntiDn du sucre dans l'intestin et de son absorption par les chiilifères {Gazette hebd. deméd., 1854, t. III, p. 233i. (a) Entlerlin, Ueber die milchsnurcn Sahe im Blute {.\nn. der Chcm. und Phys., 1843, t. XLVI, p. 104). — Physiol. chem. l'ntcrsucli. (.\nnal. derChem. vnd Pluirm., 1814, I. \(,1\, p. 317, vl 1. 1,\, 11. 33; — .\nnunirc de chimie. ISi.",, [,. ,")i4). 196 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. leurs usages dans le travail nutritif dont l'économie animale est le siège, jouent un r(Me important dans la eonstitution même du sang. El'feetivement nous avons vu (ju'en présence de l'eau les globules sanguins s'altèrent prompfement, tandis que dans des dissolutions salines analogues à celles rpie représente le plasma, ces cori)usculcs (^inservent longtemps le mode d'orga- nisation qui leur est propre, et ne subissent ni décomposition ni déformation. Quelques-unes de ces matières semblent même s'être combinées avec les principes protéiques du sang : ainsi la librine retient d'ordinaire une quantité assez considérable de phosphates terreux, et une certaine portion de chlorure de so- dium est très intimement unie à l'albumine, mais dans cet état ne donne pas, avec les réactifs employés d'ordinaire pour en déceler la présence, les précipités qui le caractérisent. L'affinité que les matières salines contenues dans le sérum d'une part, et les substances organiques constitutives des glo- bules, d'autre part, manifestent pour l'eau, nous donne une explication facile de beaucoup de phénomènes observés par les micrographes, lorsqu'ils étudient l'action, de divers réactifs sin^ le sang. Ainsi, indé[)endamment des altérations produites dans les globules sanguins par la combinaison chimique de certains sels avec les principes immédiats dont ils se composent, on observe que ces corps se contractent et se flétrissent pour phosphate tiibasique (a). Les vues de des premiers à reconnaître qu'à l'aide Bcrzelius h ce sujet ont été confirmées des procédés d'analyse employés par par de nouvelles expériences dues à M.Ii. riose,onpeutconstaterrexistence MM. Golding Bird (b), Lehmann'(c), du carbonate de soude dans le sang de II. Rose, Robin et Verdeil (r/), etc. la femme, du bœuf, etc. (e). Enfin M. Endcrlin a été lui-même un (a) Marcli;\nd, Jnurn. fiïi' pmkl. C.hem., t. XXXVIF, p. 321. — Bcrzulhis, Uavp. sur les yrnqr. de la phys. et de la chim. pour 18 iO, p. ?,2C>. (b) Ooliling Binl, On Certain lùillancs in Endcrlin s Resenrcheson the Constitution of Ihe Saline Ingrédients of Animal Fluids (Philos. Mag., 1845, vol. XXVI, p. 532). (r) Lclmiann, Arcli. der Pharni., t. L, p. 330. ((() RoMii cH ViTilcil, Traite de rhimie anatomiqite, I. H, p. 257. (ci Annal, der Cliein. und l'harm.. i. l.XVIl, p. ".iOl'.el Annal, de chimie, lRiO,p. 553. composition; matières salines. 197 niiisi dire quand la proportion des sels dissous dans le sérum dépasse certaines liuiites ; qu'ils se gonflent et deviennent tur- gides lorsque la (piantité des substances dissoutes dans ce licpiide (liniiniie notablement par rapport à l'eau qui leur sert de vélii- cule ; enfiu que la présence de quelques autres substances eu proportion déterminée tend à maintenir les globules dansleur état normal. C'est qu'en effet, lorsque les sels du sérum ne trouvent pas dans le liquide la proportion voulue d'eau, ils en enlèvent aux globules ; tandis que dans le cas contraire, c'est-à-dire quand la quantité d'eau qui les tient en dissolution dépasse cette limite, c'est la substance organique contenue dans les globules qui leur en enlève, et qui se gonfle par suite de cette absorption. Il y a donc daus le sang une sorte d'équilibre instable qui se rompt cbaque lois que les matières solides du sérum deviennent, à raison de leur nature ou de leur quantité, plus avides d'eau, ou bien qu'elles retiennent cette substance avec moins de force que dans l'état normal ; et la conséquence de ces cbangements est tantôt la sortie d'une portion de l'eau contenue dans les globules, d'aulrcs fois l'entrée d'une quantité surabondante daus rint('rieur de ces corpuscules. Les matières qui tendent à conserver les globules intacts sont au contraire celles dont l'affinité pour l'eau n'est pas assez grande pour en prendre aux globules, et dont la présence dans le sérum tend à empêcher ce liquide de passer dans la substance des globules et à rendre permanent le degré de concentration qui lui est ordinaire (1). Parmi les sels énumérés ci-dessus, les plus importants sous le rapport physiologique paraissent être le chlorure de sodium (1) L'action dos matières salines et ce liquide. L'élude des modifications des autres réactifs sur le sang est extrè- qu'elles y déterminent a beaucoup oc- mement complexe, et dépenden partie cupé l'attention des physiologistes, de leur avidité pour l'eau, en partie de Ainsi, vers la fin du \vii° siècle, un leur action chimique sur l'albumine philosophe dont l'influence a été consi- et les autres matériaux constitutifs de dérable sur la marche de la science, 198 SANG DFS ANIMAUX VERTÉBRÉS. et le sûiis-plio.spliate de soude. Ce dernier a la propriété de dissoudre non -seulement les matières protéiques, mais aussi des substanees inorganiques (pii sont insolubles dans l'eau Hubert Boyle, a fait beaucoup crexpé- l'iences h ce sujet (a) , et je dois citer égiilenient ici les recherches de Senac (b) , de Hewson (c) , de M. J. Davy(f/),de M. Schultz, etc. {c), • Hiinefeld (f) a également étudié l'action de diverses substances snr les globules du sang, et il est arrivé aux résultats suivants : L'enveloppe et le nucléus sont l'un et l'autre dissous par Taninioniaque, la potasse, la soude, la chaux , la ba- ryte, le savon, la bile, l'acide acétique, l'acide cyanhydrique, l'alcool, l'éther, le sulfure de carbone, etc. L'enveloppe est attaquée, mais non le nucléus, par l'eau, tous les sels am- moniacaux, les carbonates de potasse et de soude, le cyanate de potasse, le borax, les chlorures de baryum et de calcium, les oxalates, et les acides phosphorique, arsénieux, oxalique, citrique, chlorhydrique, etc. Le phosphore, le chlore, et l'iode produisent le même effet, par suite de la formation d'un acide. tue dissolution incomplète est dé- terminée par le lartrate et le borate d'ammoniaque, le bromure de potas- siuu! et l'acide malique. Les globules ne sont pas dissous par le carbonate de magnésie, la vératrine, la strychnine, l'acétate de morphine. le chlorhydrate de conéine, l'acide bo- rique, l'acide carbonique, le nitrate de potasse, le nitrate de soude, le tar- trate de soude, le phosphate de soude, le chlorure de sodium, le sucre, la gomme, les sulfates de potasse, de soude, de magnésie, le tartre éméti- que, le camphre , l'anémonine. llïmefeld a examiné aussi l'action de la salive , du suc gastrique , de la sueur sur les globules sanguins, mais les résultats obtenus ainsi n'offrent pas grand intérêt. M. KuUiker {g) a publié récemment des observations qui jettent un nou- veau jour sur le mécanisme des alté- rations que les globules sanguins peu- vent subir par l'action des liquides dont ces corpuscules sont entourés, il a trouvé que les globules du sang de la Grenouille éprouvent des chan- gements remarquables toutes les fois qu'on les plonge dans une dissolution concentrée d'urée. Leur contour de- vient irrégulier, et ils se transforment rapidement en cellules étoilées offrant en général de 3 à 6 prolongements claviformes; mais cet état ne persiste pas longtemps, caries prolongements dillluent peu à peu et laissent échap- per des gouttelettes qui palissent et disparaissent promplement ; enfin les globules se trouvent réduits à leurs (a) Boyle, Appa)'atu.. >2i}. composition; matières anormales. '10?> soit, leur quantilé est toujours si minime, que nous ])ouYons les négliger ici (1). Quant aux substances dont la présence dans le sang n'est qu'accidentelle, et dépend soit d'un état pathologique de l'or- ganisme, soit de l'introduction de matières étrangères, je ne Mali(''res anormale?, (1) La SILICE a peut-être plus crim- portance dans la composition du sang que ne semijlent l'avoir les autres sub- stances indiquées ici. Sa présence dans ce liquide chez l'homme a été signalée par M. IMillon en I8Z18 (a). M. Hennenberg a trouvé que le sang de la Poule fournit 59 millièmes de son poids en cendres, et que celles- ci donnent en silice 9 pour JOOO (6). M. Enderlin a également constaté la présence de la silice dans le sang des oiseaux ; il pense que ce corps y existe à l'élat de silicate de soude ou de potasse, et que la proportion en est variable, suivant que les aliments dont l'animal fait usage contiennent plus ou moins de silice suluble (c). Il a fait à ce sujet des expériences sur les- quelles nous aurons à revenir en étu- diant les phénomènes de la nutrition. La présence du manganèse dans le sang a été signalée par Wiirtzer { série, t. XIII, p. 88, et t. XIV, p. 410). (y) Cozzi, Analyse du sang dans un cas de colique saturnine {.lourn. de pharm., 1841, I. V, p. 157). {h) Maisons, De l'absence du cuivre et du plomb dans le sang {.\nn. de chimie. 1848, 3' série, I. XXIII, p. 358). (i) Traité de chimie anatomique, t. ]U, \^. '>Ù0. ij) Trans. ofthc lirilish Associât, for the Advnnc. of Srienres, 1851 , p. (Î7. COMPOSITION ; MATIERKS ANORMALES, 205 principes constitutifs ordinaires , (Vnntres dont l'oi ipne est encore tort obscure (/!;. Ainsi, dans quelques états i)at]iologiques de l'organisme, le sang contient des produits ammoniacaux, et, comme nous le verrons plus tard, cette anomalie paraît être liée à un tioulth^ (1) Le professeur Frerichs, de Bres- lau, a constaté la présence de petites qiuinlité de ledcixe et de tyrosine dans le sang hépatique de quelques malades affectés de ramollissement et d'atrophie du foie , de typhus , de variole, etc. [a], La leucine est une substance cris- tallisable qui a été découverte par Braconnot, et qui se produit facile- ment par la décomposition des ma- tières organiques , de la caséine, par exemple. La tyrosine est une substance cris- talline qui naît également de la dé- composition de la globuline et de diverses autres matières organiques ; on l'obtient aussi par l'action de l'a- cide sulfurique affaibli sur ces ma- tières {b). (2) M. Shatford de Toronto, au Ca- nada, a trouvé dans le sang d'un ma- lade atteint d'épilepsie des granules de formes diverses qui se renflaient au contact de l'eau , qui semblaient avoir une structure lamellaire, et qui devenaient bleu par l'action do l'iode. 11 les considère comme étant des grains de fécule (c). M. Virchovv avait déjà constaté la présence d'une ma- tière analogue dans certains cas pa- thologiques du cerveau, et dans la raie atteinte de la dégénérescence dite cireuse [d). Les expériences faites dans ces der- nières années par MM. Ilerbst, OEster- lin, Eberhard, Donders et.Mensonides, Bruch, Hoffmann et llarfels, sur le passage de divers corpuscules solides, tels que des grains de fécule, de l'in- teslin dans les vaisseaux cliylifères, et de là dans le torrent de la circulation, fourniraient d'ailleurs une explication facile de la présence des corpuscules observés par les pathologistos que je viens de citer [e] . (a) Frericlis und Staedelcr, Ueber dus Vorkommen von Leucin iind Tyrosin in der mcnschlichen Leber{mi\er-sArch., 1854, p. 382). (6) Liebig, Baldriansdureund ein neuer Kurper ans Msestoff (Ànn. dei- Chem. und Pharm., 1856, t. LVII, p. 427). — Hinterberger, Untersuchung des Ochsenhorns (Annal, der Chem. und Phavm., 1849, t. LXXI, p. 70). — Leyer und Koller, Zersetztingsprodtwte der Federn, etc., mit vevdiinntei' Schwefelstïure {.innal.der Chem. und Pharm., 1852, t. LXWIII, p. 333). (c) On the Présence of Starch in tlie lilood ofan Epikptic Patient [Quarterly Journal of Micros- copical Science, 1855, vol. III, p. 108). (d) Virchow, Découverte d'une substance qui donne lieu au.r mimes rcactions chimiques que la cellulose végétale dans le corps humain (Comptes rendus de l'.Acad. des sciences, 1853, f. XXXVII, p. 492). — Nouvelles observ. sur la subst. animale analogue A la cellulose végétale (loc. cit., p. 800). — Entdeckungen einer Substanh im menschlicheu Korper, welc.he dieselbe Reaet. giebt als die vegetabilische Cellulose (Journ. fur praht. Cliem., 1854, t. l.XI, p. 492). (e) Voyez Marfels, Recherches sur les voies par lesquelles de petits corpuscules solides passent de l'intestin dans l'intérieur des vaisseaux chylifères et sanguins (Annales des sciences natu- relles, 4' série, 1850, t. V, )>. 134). 200 SANG DES ANIMAUX VERTEBRES. dans la poiiion du travail (Himinatoire qui donne naissance aux matières constitutives de l'urine (l). Enfin je cilerai ('gaiement ici les cas de maladies du foie dans lesquelles certains produits de la sécrétion hépatique, au lieu d'arriver en totalité dans le tube intestinal , pénètrent en quantité plus ou moins considérable dans le sang et en altèrent les caractères (2). (1) Vers la fin du siècle dernier, Texistence de l'ammoniaque dans le sang fut annoncée par un médecin d"Édimbourg, Ferris (a) ; et dernière- ment la présence du lactate d'ammo- niaque dans ce liquide, chez des cho- lériques, a été constatée par M. Witt- stock {(j). MM. Schmidt (r) et Leh- mann {d) ont découvert du carbonate d'ammoniaque dans le sang des ma- lades atteints par celte allection épi- démique. Kidin M. Ueuling a sou- vent trouvé des produits ammoniacaux dans le sérum chez des malades afl'ec- lés d'urémie (e). Bulard et Rachet {[) paraissent avoir constaté des indices de la pré - sence de l'acide sulfhydrique dans le sang chez des malades atteints de la peste. (2) On a donné le nom de cholé- MiE à un état particulier du sang, dans lequel ce liquide contient en plus grande abondance certaines matières caractéristiques de la bile. L'existence sinon de la bile dans le sang de divers malades affectés d'ic- tère, au moins de la substance à la- quelle les chimistes ont donné le nom de résine biliaire, a été annoncée par Fourcroy et Vauquolin {'j), ainsi que par Orfila {h) ;et des observations ana- logues ont été publiées par Collardde Martigny (?) et Clarion (j'. M. Che- vreul {k) a retiré du sang d'enfants ictériques une certaine quantité de la matière colorante de la bile. Enfin d'autres analyses faites par M. Le- canu (/) et par ;\I. lîoudet (m) ont conduit au même résultat. Dans un cas de jaunisse observé par Fr. Simon, le sérum du sang était si fortement chargé de cette substance, qu'il paraissait rouge quand on en (a) Dissert, de sanguine covpore vivente circulent, putrido. Edinb., 1784. (6) Wittstock, Chemische Untersuchimg als Beitrage x-ur Physiologie der Choiera {Ann. der Phys. Wîd Chem. — Voyez Poggendorff, t. XXIV, p. 509.) (c) Schmidt, Characteristik der epidein. Choiera, p. 09. (d) Lehmann, Lehrb. fiir phrjsiol. Chemie, t. II, p. US. (e) Reidini?, Thèse sur l'existence de l'ammoniaque dans l'air c.rp'iré. Gk^icn, 485-i. — (Voyez Brit' and For. Med. Hev.,\o\. XV, p. 276. ) (f) Simon, Animal Cbemistry, p. 320. {g) Fourcroy l't Vauiiiioliii, Copie de guelques découvertes chimiques (.\nn. de chim., 1790, t. VI, p. 177). (h) Orfda, Éléments de chimie, 1831, t. II, p- 525. (i) Collard tic Marligny, Journal de chim. méd., t. I, p. 200. (j) Cdarion, Mém. sur la couleur jaune des ictériques {Journ. de méd., an \ui, t. X, p. 28S). (k) Cdievrcul, art. Sang du Ditt. des sciences naturelles, t. XLVII, p. 198. (() Lecanu, Journal de pharmacie, 1831, t. XVII, p. iSô. {m) Boudel, Kssaisur le sang (Jotirn. de pliarni., 'J!S33. t. XIX, p. 7i5). COMPOSITION CHIMIQUE. 207 § 21. — Nous ne savons encore que peu de chose au sujet de la composition chimique du sang chez les animaux inver- téhrés; mais il est facile de voir que chez un grand nombre d'entre eux, sinon chez tous, la constitution de ce li(|uide se rapproche beaucoup de ce que nous venons de trouver chez les Vertébrés. Effectivement les phénomènes de coagulation spontanée dont il a déjà été question indi(|uent la présence de la fibrine dans le fluide nourricier de la plupart des animaux inférieurs, et les expériences des chimistes nous y ont montré l'existence d'albumine, de matières colorantes albuminoïdcs et de matières salines. Le principe colorant ronge qui se trouve en dissolution dans le sang du Ver de terre et de beaucoup d'autres AnnéHdes, ?ang lies Invertébrés voyait une couclie épaisse, et ne deve- nait jaune que lorsqu'on rétendait d'eau, ou qu'on l'oi)sei-vait en couclic très mince; mais ce liquide ne parais- sait contenir , en quantités appré- cialjles, ni de la résine biliaire, ni de la biline, ou les substances qui en dé- rivent {a]. Tiedemann et Gnielin (6) ont trouvé de la bilipliéine dans le sang des ictériques. Heller en a souvent rencontré dans le sang chez des malades atteints de pneumonie, mais qui ne présentaient aucun autre symptôme de dérange- ment dans les fonctions du système biliaire [c]. MM. Becquerel etUodier ont trouvé aussi le sérum des iclériques for- tement teinté par le pigment bi- liaire {cl). Il est aussi à noter que M, Enderlin a extrait de ce liquide du cholate de soude, et ensuite quelques gouttelettes d'acide clioloïdique (p). L'hypoxanthine , substance que Scbeerer a extraite de la rate, et que quelques chimistes considèrent comme étant un protoxyde du radical hypo- thétique C^n-Xy2, dont Facidc xan- thique serait un deiiloxyde et l'acide urique un triloxyde , a été trouvée par M. Virchow (/") dans le sang de quelques malades atteints de certaines affections spléniques accompagnées de leucémie. Scbeerer en a trouvé aussi dans les analyses du sang de leucémique (g). (a) Simon, Animal Cliemistry, t. II, p. 329. {b) Simon's .4ni)(i. Chem., t. Il, p. 2()G. (c) becquerel et Rodier, Recherches sur la composilion du sang, p. tOO. (d) Enderlin, L'eber die Anwesenheit der Galle in dem Blute. (Annal, der Chem. uiid Phavm., 1850, Bd. LXXV, p. 10"). (e) Vircliow, Zur pathologischen Physiologie des liluls {.\rchiv fiir pathologische Anatomie und Physiologie, 1853, Bd. V, p. 41). (/) Sclicerer, Verhandl. der phys. med. Gesellsch. in Wilnburg, ISârl, Bd. II, p. 321. 208 SANG DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. parail axoir une grande ressemblance avee riiémalosinc des globules sanguins des Vertébrés et contenir anssi du fer (1). La matière colorante bleuâtre (juc l'on rencontre dans le sang de plusieurs de ces animaux paraît être aussi une sub- stance albuminoïde ; elle jouit parfois de la singulière pro- priété de })rendre une teinte plus foncée sous l'influence de l'acide carbonique, et de se décolorer par l'action de l'oxygène. Ce fait a été constaté par Harless chez (luelijues Céphalopodes, (1) M. Iliinefeld a éUidié la compo- siliou chimique du sang du Lombric terrestre , et y admet Texistence de ralijiimiiie elderiiématosine ; il en a retiré du fer (a). Du reste, la présence du fer ne sau- rait être considérée comme caractéri- sant chimiquement le sang rouge , car on a constaté aussi son existence chez quelques animaux à sang blanc. Ainsi M. Gent, de IHiiladelphie, en a trouvé dans les cendres fournies par du sang de Limule (6). M. Harless n'a trouvé aucune trace de ce métal dans le sang des Asci- dies (c). M. Lehmann a fait quelques expé- riences sur le sang des Insectes, prin- cipalement des Chenilles, il a trouvé ([ue ce liquide est faiblement alcalin, et dégage de Tammoniaque par son exposition peu prolongée à l'action de l'air. Il se coagule par l'ébullition et par l'action des acides minéraux. I^ar l'exposition à l'air, la teinte vert jau- nâtre de ce sang devient brunâtre , et l'acide acétique fait disparaître cette couleur. On y voit aussi des globules de graisse, et ÎM. Lehmann y a décou- vert parfois des traces de sucre (f/). On doit à M. Schmidt une analyse du sang de l'Anodonte. Ce liquide est incolore , et fournit un petit caillot également incolore. Il y trouve pour 1000 parties : -Eau 091,46 Fibrine 0,:î3 Albumine 5,03 Chaux l.S'J Phosiibalc de soiulc , siil- ) fate de chaux et cldo- > 0,3o rure de sodium. ... ; Phosphute de cliaux ... 0,34 La chaux indiquée ci-de.ssus ne se trouvait pas à l'élal de carbonate , mais en combinaison avec l'albumine. L'acide carbonique décompose cet al- buminale terreux (p). (rt) Hiiucfdd , Ueber dos Dlul der najcnwïmncr {Jouni. fi\v pralil. Cheinie, 18'J'J, I. Wl, !'• {b) Gcnl, Ueber die AschenbestandlhcUe des Blutes von Limulus (,>7«/).v {Annal, der Chcm. und Pharm., 1852, N. U., vol. V, p. 08). ((■) Lclimanu , Jnhvesbericht ûber die Fortschritte der (icsamniien m- und auslaudischen Medicin, von Golicbcu, 18 iO, t. II, p. 19. — ie/iri. der physwl. Cliemie, t. II, p. 2-22. (il) Schmidt, Xiir vergleiclienden Physiologie der wirbellosen Thiere. Brunswick, 1845, p. 58. ((■) Harless, l'eber das blaue Bliit ciniger ivirl)ellosen Thiere und dessen Knpferijehall (Midicr's Archiv fur Anat. und Physiol.,i8i1, p. 148). COMPOSITION CHIMIQUE. 209 ainsi que chez des Ascidies (1). .Mais le mrnie cliimistc a observe un })liénomène opposé chez le Cohmaçon. Le sang de ce dernier Mollusque renferme aussi une matière colorante bleue, mais celle-ci se décoloiT en présence de l'acide car- bonique 1^2). Plusieurs expérimentateurs ont annoncé qu'il existe du enivre dans le sang de divers Mollusques, Crustacés et Vers ; mais avant d'admettre ce résultat, il serait nécessaire d'examiner si ce métal n'aurait pas été introduit accidentellement dans le liquide pendant les opérations de l'analyse, ainsi que cela paraît avoir eu lieu dans différents cas où la même sub- (1) Harless a remarqué que, chez les Ascidies où le sang est parfaitement incolore pendant la vie, ce liquide de- vient bleu après la mort. 11 a observé le même changement dans le sang le- liré des vaisseaux de la tunique d'une Ascidia mamillaris vivante, et il a constaté que ce phénomène ne se pro- duit pas, quand on a fait passer un courant d'oxygène à travers le liquide. L'azote n'y déterminait aucune colo- ration; mais dès qu'il y faisait passer quelques bulles d'acide carbonique , la teinte bleue se manifestait, et deve- nait de plus en plus intense, à mesure que l'action de ce gaz se prolongeait. Le sang ainsi bleui redevenait presque incolore par l'action de l'oxygène. L'alcool et l'élher déterminent éga- lement cette coloration en bleu. Harless a constaté les mêmes phé- nomènes chez divers Céphalopodes, tels que le Calmar et le Poulpe (Élé- done), et la faculté de Ijhniir sous l'influence de l'acide carbonique s'est conservée pendant j)lu.sieurs jours après la mort de ces Mollusques. A sa prière, l'analyse de ce sang a été faite par Bibra, et celui-ci n'y a trouvé au- cune trace de fer, mais en a retiré une certaine quantité de cuivre, métal qu'il a extrait également du foie et des œufs de ces animaux. Ci) Harless a trouvé que le sang de VHelix pomatia retiré du cœur (pen- dant l'hiver) prend une teinte bleue à l'air. En y faisant i>asser de l'acide carbonique , cette couleur disparais- sait ; mais elle se montrait de nouveau au contact du gaz acide carbonique, et ces changements alternatifs pou- vaient se reproduire souvent. Par l'ac- tion de l'alcool , ce sang donne un caillot incolore. L'ammoniaque lait aussi disparaître la couleur bleue ; mais celle-ci est rétablie immédiate- ment par l'addition d'un peu d'acide chlorhydrique , réaction qui ne s'ex- pliquerait pas, si l'on nitrihuail la cou- leur bleue à la présence du cuivre. Pendant Tété , M. Harless n'a pas trouvé cette matière colorante dans le sang des Colimaçons. 27 210 SANG. stance s'est rencontrée parmi les produits extraits du sang de l'homme (1). Résumé. § 2*2. — En résumé, nous voyons donc que le sang est un liquide d'une composition fort complexe, ou plutôt un mélange de matières très diverses dont les unes sont à l'état liquide, les autres sous la forme de solides organisés. C'est de l'eau tenant en dissolution de l'albumine, de la iibrine et quelques autres principes protéiques, ainsi que des matières grasses et sucrées, du chlorure de sodium, et plusieurs sels alcalins; et charriant des globules vésiculaires dans la constitution desquels il entre de l'hématosine, de la globuline et quelques autres substances albuminoïdes, des matières grasses phosphorées, des sels ter- reux et un composé renfermant du fer. Les corps simples qui se trouvent dans le fluide nourricier, et qui paraissent être essentiels à sa constitution, sont, par con- séquent : de l'oxygène, de l'hydrogène, du carbone, de l'azote, du soufre, du phosphore, du chlore, du fer, du potassium, du sodium, du calcium et du magnésium. Je rappellerai également que les composés fournis par ces divers éléments sont de deux sortes : les uns sont des corps com- bustibles, pouvant par conséquent se combiner plus ou, moins facilement avec de l'oxygène, et donner ainsi naissance à de nouveaux produits; les autres sont des corps déjà brûlés, et par conséquent devenus indifférents par rapi)ort à ce principe com- (1) M. Ilaiiess, ainsi que je i\ii déjà Ilarless et Bibra, ce niélal se trouvé- dit, pense qu'il existe du cuivre dans rait aussi dans le foie des Crustacés le sang des Céphalopodes , et il en a (le Cancer pagurus, par exemple) et trouvé en proportion encore plus forte de divers Poissons , dont les Céplialo- dans le sang des Colimaçons (a). podes se nourrissent, et c'est ainsi M. Gent, de Philadelphie, en a retiré qu'il se rend compte de l'existence du aussi en quantités assez notables des cuivre dans le sang de ces derniers cendres fournies par le sang des Li- animaux, mules (6). D'après les expériences de (a) Harless, loc. cit. (6) Gent, Ueber die Aschenbeslandtheile des Blutes von Limulus Cyclo}is (Annalen der Chemie und Pharm., i852, N. R., vol. V, p. 68). RÉSUMÉ. 211 burant. Les matières grasses et sucrées, de même que les principes proléiques, appartiennent au premier de ces deux groupes; l'eau et les sels inorgani([ues forment le second. J'insisterai aussi sur le caractère particulier de toutes ces matières combustibles, dont les éléments sont si faiblement unis entre eux, dont la constitution est si facile à modifier. On comprend donc à première vue que le sang puisse fournir aux diverses parties de l'organisme les matériaux dont elles ont besoin, soit en leur abandonnant quelques-unes des substances qui y existent toutes formées, soit en leur cédant quelques sub- stances aptes à les produire au moyen d'un de ces phénomènes de ti\ansformation chimique dont la théorie n'est pas impossible à saisir. Dans cette leçon, nous nous sommes borné à l'examen des résultats fournis par Tanalyse (pialitative du sang; mais une simple énumération des matières constitutives de ce liquide ne saurait nous satisfaire , et nous devons maintenant nous occuper de Fanalyse (pianlitative de ce grand agent de la nutrition. CINQUIÈME LEÇON. Sommaire. — Suite de l'étude chimique du sang. — Proportions de ses divers principes constitutifs dans l'état normal. — Modilications dont elles sont suscep- tibles. Analyse § 1. — Eli truitant dc la composition eliiiiiiquc du sang dans la leeon précédente, je n'ai parlé que des résultats fournis par l'analyse qualitative, c'est-à-dire de la nature des matériaux dont ce fluide est formé, et je ne me suis pas occupé des proportions suivant lesquelles ces [»rinci[)es immédiats s'y trouvent associés. Ce sujet d'étude est cependant digne de la plus sérieuse attention, et sera aujourd'hui l'objet de notre examen. L'analyse quantitative du sang présente de grandes diffi- cultés, quand on veut la faire d'une manière complète; mais pour la solution de la i)liipart des questions dont le physiolo- giste s'occui)e, il n'est pas nécessaire de doser toutes les matières qui se trouvent réunies dans ce liquide, et l'on peut se borner à déterminer les proportions de celles dont le rôle est le plus important. Ce serait m'écarter du sujet de ces leçons que d'ex- poser ici d'une manière complète les diverses métliodes em- ployées à cet effet par les chimistes et d'en discuter la valeur. Mais, afin de permettre aux physiologistes d'apprécier les résul- tats obtenus de la sorte, il me paraît nécessaire de dire quel- ques mots de ces procédés analytiques. Dans les premières années de notre siècle, Berzelius, Marcet et quelques autres chimistes, ont cherché à déterminer les quantités relatives des principaux matériaux du sang de l'homme à l'état normal, et ont rendu ainsi à la physiologie un grand SANG. ANALYSE QUANTITATIVE. 213 service (1); mais il importait non moins de connaître les relations qui peuvent exister entre les variations dont ces proportions sont susceptibles, et les autres différences biologi(]ues qui se rencontrent chez les diverses espèces d'animaux ou chez les divers individus d'une même espèce; car cette comparaison seule pouvait jeter quelques lumières sur l'importance respective de ces substances variées et sur leur rôle dans l'organisme. Il fallait donc multiplier beaucoup les analyses, en s'attachant de préférence an dosage des matières en apparence les plus im- portantes et choisir les exemples en vue des questions dont on cherchait la solution. jMM. Prévost et Dumas, dont j'ai eu si souvent à citer les Méthodes d'analyse. noms à propos de l'étude et de la constitution physique du sang, furent les premiers à entrer dans cette voie de recherches analytiques comparées, et le procédé mis en usage par ces expé- rimentateurs habiles constitue la base de la plupart des mé- thodes généralement adoptées aujourd'hui. Voici, en peu de mots, la manière dont M. Dumas procède dans ce dosage (2). On reçoit le sang dans deux vases. L'un des échantillons est (1) Berzelius (a) publia eu 1808 des L'analyse du sérum due à Marcel analyses du. sang de rilomine, et il y donna à peu de chose près les mêmes trouva dans le sérum les matières résultats [b]. suivantes : (2) Dans ses premières expériences faites en collaboration avec Prévost, Eau "J0o,0 Albumine 80,0 de Genève, ÎM. Dumas ne dosait que Lactate de soude et ma- l'eau, les globules Confondus avec la tières extractives . . . . 4,0 m ■ , i i i- i n „» llvdrochiorate de soude et «brine (sous le nom de parUaile^)^ de pelasse 0,0 les malières solides du sérum, savoir, Soude, phosphate de soude Talbuminc et les sels solubles {c\ et matière anmialc. . . 4,-1 Perte 0,11 Mais dans des recherches ultérieures, -1000,0 ' il fit usage du procédé plus complet (a) nerzclins, General \iews of the Composition of Animal Fluids (Trans. of the Medico- Chirurgical Soc. of Loudon, vol. III). (6) Marcel, .1 Chemical Account of Varions Dropsical Fluids, with Remarks on the Sérum of the Blood, etc. {Medico-Chirunj. Trans., 1811, vol. Il, p. 313). (f) Prévost et Dumas, Examen du sang et de son action dans les divers phénomènes de la vie, i' Mémoire (Ann. dechim.et dephtjs., 1823, t. XXIII, p. 50). 21/l SANG. battu pour eu séparer la fibrine que l'on pèse, en employant toutes précautions d'usage dans les analyses de ce genre. L'autre échantillon est abandonné à lui-même jusqu'à ce que le caillot se soit formé et que le sérum en soit sorti. On sépare alors ces deux produits, et l'on dessèche l'un et l'autre pour déterminer la quantité d'eau contenue dans le sang. Le résidu iburni par le caillot se compose principalement de fibrine et de globules. Pour connaître la quantité de matières solides conte- nues dans ces corpuscules, on pèse donc ce résidu, et l'on déduit du poids total ainsi obtenu le poids de la fibrine prove- nant d'une quantité semblable de sang et fourni par l'échan- tillon recueilli dans l'autre vase. Enfin on obtient, par le dosage du résidu donné par le sérum, la proportion de l'albumine et des autres matières solides, telles que les corps gras et les sels solubles que ce sérum renfermait. J'ajouterai que si l'on veut déterminer la proportion des matières inorganiques conte- nues soit dans les globules, soit dans la fibrine ou dans le décrit ci-dessus (a) , et l'indiqua à MM. Andral et Gavarret, qui Tadop- tèrent dans leurs recherches sur la composition du sang dans l'état patho- logique {h). Nous verrons plus tard que le sang n'est pas identique au coniniencement et à la fin d'une sai- gnée ; aussi , pour éviter les causes d'erreur qui pourraient résulter de cette circonstance , M. Dumas recom- mande de recevoir ce liquide par por- tions à peu près égales dans quatre vases ; de délibriner celui contenu dans le deuxième et le troisième vase, et de laisser se coaguler celui contenu dans le premier et le quatrième, ou vice versa. Ou égalise de la sorte les dif- férences dans l'échantillon destiné au dosage de la fibrine , et dans celui avec lequel l'analyse s'achève. Enfin, pour tenir compte des matières so- lides contenues dans le sérum que le caillot retient emprisonné, ce chi- miste admet que la totalité de l'eau fournie par ce caillot appartient au sérum , et d'après la composition connue de celui-ci, il calcule le poids à déduire de celui des matières so- lides du caillot , ce qui donne d'une manière approchée le poids des glo- bules et de la fibrine réunis. (a) Dumas, Traité de chimie, 1846, t. VIII, i-. 4i)5. (b) Andral cl (lavari'ei. Recherches sur les modifications de proporilon de quelques principes du sang dans les maladies {Ann. de chimie et de physique, 1840, l. LXXV, p. 'iib). ANALYSE QUANTITATIVE. 215 sérum, on les obtient par rineinénilioii des résidus (jiie la dessiccation de ces trois matières a Iburnis. Des modifications légères et pins on moins heureuses ont été introduites dans cette méthode d'analyse par ^IM. A. Bec- querel et Rodier (1 , par M. Courlier {'2), par ^I. Popi) (o) et par M. Scheerer (4). Un jeune chimiste de BerUn, que la science a perdu trop tôt, Franz Simon, a adopté une marche un peu différente (5) ; mais le perfectionnement le plus important que l'on ait porté à ce genre d'investigation est dû à 31. Figuier, qui a eu l'heureuse idée de profiter de l'action bien connue de certaines solutions salines sur les globules et sur la fibrine pour (1) MM. A. Becquerel et Rodier {a) poussent leur analyse plus loin. Le sang du vase n" 1 est employé non- seulement pour donner le poids de la fibrine, mais après avoir été défibriné, est desséché pour le dosage de Peau par difl'érence, et le résidu solide ainsi ob- tenu, après avoir été pesé, est calciné pour servir à la détermination des proportions des divers principes mi- néraux. Le sérum du sang u" 2 est également évaporé et traité , d'abord par Teau bouillante pour séparer les matières extractives et les sels so- lubles, puis par de Talcool pour en extraire les matières grasses. Le ré- sidu est de l'albumine. (2) Pour rendre plus simples et plus expéditives ces analyses, M. Courlier reçoit le sang dans un flacon à large col, et l'agite vivement pendant quel- ques minutes ; puis le laisse reposer pendant vingt-quatre heures. Alors la fibrine surnage , le sérum constitue une couche distincte , et les globules se sont déposés au fond du vase , ce qui en rend la séparation facile (6). (3) Dans les expériences de Popp(c), le sérum du sang défibriné est séparé en partie des globules par décantation, lorsque ces corpuscules se sont dépo- sés, et analysé; mais il est très diffi- cile de l'obtenir ainsi sans mélange de globules. (i) Scheerer (c/) n'emploie pas le battage pour obtenir le sang défibriné, mais exprime du caillot les globules, qu'il mêle ensuite au sérum; puis il détermine la proportion de matières coagulables contenues d'une part dans le sang ainsi défibriné, et d'autre part dans le sérum. Ce procédé de dosage de la fibrine paraît mauvais. (5) La méthode employée par Si- mon (e) dans ses analyses du sang est d'une exécution diflicile , et n'inspire que peu de confiance aux chimistes. U sépare d'abord la fibrine , et en (a) Becquorel et lioiiior, traité de chimie pathologique, 185i, p. "20- (b) Voyez Jlillon, Éléments de chimie organique, 1848, t. U, p. 734. (c) Popp, Untersuchungen ûber die Beschaffenheit des menschlichen Blutes in verschiedenen Krankheiten. Leips., 1845. (d) 0. Scheerer, Beitrag zur Analyse des gesimden Blutes. Wiirzburg, 1848. (e) Animal Chemistry, vol. I, p. 171. 216 S4NG. séparer par le filtre le plasma, et obtenir ces corpuscules sans mélange de fibrine (1). Ce procédé , éminemment propre aux études physio- logiques , a été perfectionné par M, Dumas (2) , par fait le dosage, puis il la traite par Taicool et par l'éllier pour en extraire les matières grasses. Une certaine portion du sang défi- briné par le battage est évaporée mé- thodiquement pour la détermination de l'eau. Une seconde portion du sang défi- briné est chauflec jusqu'à l'ébullition pour coaguler l'albumine , puis éva- porée jusqu'à siccité. Le résidu est pulvérisé et bien desséché, et une por- tion du produit ainsi obtenu est traitée par l'alcool anhydre et par l'élhcir pour en enlever les matières grasses. On fait ensuite bouillir dans de l'al- cool alîaibH (d'une densité de 0,92 ou 0,93) le résidu de l'opéralion pré- cédente. Ce nienstrue dissout l'hé- mato-globuline, les sels, etc., et ne laisse que l'albumine. La dissolution alcoolique donne par le repos ou par l'addition de Falcool concentré des llocons d'hémato-glo- buline , que l'on sépare et que l'on traite ensuite par de l'alcool aiguisé d'acide sulfuriquc pour en séparer l'héniatosine, et qu'on lave avec de l'alcool, afin d'obtenir comme résidu la globuline. Puis la solution alcooli- que d'hématosine est saturée par de ranimoniaque, et évajjorée. Enfin le liquide alcoolique, qui avait laissé déposer les flocons d"hémato- globuline dont il vient d'être question est évaporé, et fournit les sels solubles, l'urée, etc. Ce proci'dé, comme on le voit, est beaucoup plus compliqué que les pré- cédents, et ne fournit pas des données plus utiles pour le physiologiste. (1) M. Figuier, professeur agrégé à l'École de pharmacie de Paris, a donné le procédé suivant {a) : On sépare la fibrine , comme d'ordinaire , par le battage, etl'on ajoute au sang défibriné deux fois son volume d'une dissolution de sulfate de soude (à 16 ou 18 degrés de l'aréomètre de Baume), ce qui permet de séparer les globules par le filtrage. Le sérum mêlé à la dissolu- tion saline passe, et les globules, res- tés sur le filtre, sont lavés avec une nouvelle quantité de dissolution saline. On détermine la quantité des globules et du sérum , puis on analyse l'un et l'autre de ces produits par les procé- dés ordinaires. (2) M. Dumas a adopté le procédé de M. Figuier ; mais ayant remarqué qu'au bout de peu de temps les glo- bules retenus sur le filtre s'altèrent, et que le sérum entraine de la matière colorante , il Ta modifié en faisant passer continuellement dans le liquide sanguin retenu dans le filtre un cou- rant d'air ou d'oxygène ; il conserve ainsi les globules intacts pendant tout le temps nécessaire à l'achèvement de l'opération du filtrage (6). (a) Figuier, Sur vne mrtlmle nouvelle pmir l'annlijse du fiana et sur la cnnstitulinn chimique des fiUibutes saiifiuim (Aiin. de cliim. etdephys., t844, 3" série, t. XI, p. -503). (/)) liiiiii:is, Berhetrhes sur k'sauçi {Anii. de clmn. eldepliys., ISiB, 3» série, t. XVlt, p. '152). ANALYSE QUANTITATIVE. 217 !^I. Hœfle (1) et \)\\v (|iiel([ues niilrcs expérimeiilateurs. J'ajouterai que, réeemment, un médecin distingué de Dorpaf, M. Schniidl (2) , a cberelié à obtenir une précision encore M. Lehmann objecte à cette mé- thode que le lavage des globules n'en- traîne que très difficilement la totalité du sérum, et que ces corpuscules re- tiennent une certaine quantité du sel employé («); mais ces inconvénients ne paraissent pas être très graves. Dans quelques cas pathologiques ce- pendant, l'addition du sulfate de soude n'empêche pas les globules de passer à travers le filtre (6) , et il est parfois utile de remplacer la dissolution saline par du sucre (c). (1) Hœfle, Chemie und Mikros- kopie am KrankenheUe. Erlangen, 18/|8, p. lo2. (2) Dans la méthode de ;\!M. Pré- vost et Dumas , on attribue au sérum la totalité de l'eau contenue dans le sang, et l'on calcule la proportion de sérum resté dans le caillot d'après cette donnée. Mais, en réalité, une partie notable de l'eau du caillot ap- partient aux globules, et il en résulte une erreur, dont ces expérimentateurs habiles ont fait mention, mais dont ils ont cru pouvoir ne pas tenir compte. Quelques autres physiologistes , au contraire, ont cherché à l'éviter, et la méthode do :\1. Schmidt {d) a princi- palement pour but la détermination précise des globules et du sérum. Dans cette vue, il a cherché à doser une fois pour toutes la proportion d'eau et de matières sèches que ces corpuscules contiennent, quand ils sont dans leur état normal, et c'est en multipliant par le coefficient ainsi ob- tenu le poids des globules secs, dé- terminé comme dans la méthode de MM. Prévost et Dumas , qu'il évalue la quantité de globules turgides conte- nus dans le sang dont il fait l'analyse. Pour opérer ce premier dosage fonda- mental, il a institué trois séries d'ex- périence ; il a cherché à déterminer d'une part, à l'aide de mesures micro- méiriques, la diminution de volume que les globules éprouvent par la des- siccation , et il a trouvé que cette ré- duction s'élevait à 68 ou 69 centièmes. Le volume des matières sèches était donc d'environ 31 ou 32 pour 100, ce qui correspond à environ quatre fois celui des matières solides tenues en dissolution dans le sérum. 11 évalua ensuite de la manière indiquée duns une des précédentes leçons (p. l'i/ij la proportion de sérum qui reste inter- posée parmi les globules dans le caillot , et trouva que c'est au maxi- mum de I/o* du volume de ce- lui-ci. Puis il calcula que le sang (c'est-à-dire le caillot et le sérum réunis) doit contenir de 53 à bk de son volume en globules. Enfin il cher- cha à contrôler les résultats ainsi ob- tenus en examinant la manière dont divers principes salins sont répartis entre le sérum et les globules. Ces recherches le conduisirent à penser qu'on peut évaluer la propoition des (a) Leliiiiaiiii, Lclirh. tler jiliysiol. Chemie, t. II, p. i83. (()) Didicit cl Diijardiii fils, Note sur lai'italité des globules du sang [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, ISKi, t. XXVII, p. -2-27). (r) Poggiale, liecherches chimiques suv le sançi {Comptes rendus, 181-7, t. XXV, p. HO), (d) C. Schmiilt, Charakteristili der epidemischen Choiera, ln-8, Leips., 1850, p. IS et siiiv. i 28 218 SANG. plus grande dans l'évaluation des globules sanguins par rapport au sérum , et que ses recherches ont conduit à la connaissance de laits intéressants , dont j'aurai bientôt à faire mention. D'autres essais ont été faits dans un but ana- logue, mais à l'aide d'une méthode différente, par 31. Vierordt. Enfin quelques physiologistes, en vue de la détermination des proporhons du plasma et des globules, ont cru préférable de peser d'une part le sérum, d'autre part le caillot simplement égoutté, ou bien d'évaluer comparativement le volume do ce liquide et celui des globules, qui, parle repos, tombent au fond d'un vase gradué; mais ces estimations ne sont guère susceptibles de quelque précision, et me semblent exposer l'expérimentateur à des erreurs plus graves que ne saurait le faire le dosage des matières solides réduites à l'état de siccité complète (1). Avant de rendre compte des résultats obtenus à l'aide de toutes ces méthodes analytiques, je dois avertir que ces résul- globules dans leur état normal en multipliant par le coefficient Zi le pro- duit qui, dans les analyses de ]\IM. Pré- vost et Dumas , est considéré comme représentant les globules à Télat sec. Ce mode d'évaluation a été beaucoup loué par quelques chimistes, M. Leli- niann par exemple ; mais a été assez vivement critiqué par d'autres. Ainsi M. Zimmermann s'est appliqué à prou- ver que le coefficient proposé par M. Schmidt est tantôt trop fort, tantôt trop faible , et ne peut inspirer au- cune confiance. Admettant avec Ber- zelius que la totalité des chlorures al- calins contenus dans le sang appar- tient au sérum, il préfère calculer la quantité de ce dernier liquide empri- sonné dans le caillot par le dosage de ces chlorures. Enfin il a recours aussi [a) Zimmennniiii, /in' Ululainilysc (Viovoi-fll I. M, p. 2:S). à la méthode des mélanges propor- lionnels, et il cherche à résoudre la question par le dosage du mode de répartition d'une certaine quantité d'azolale de baryte (a). (1) I.e professeur Vierordt, de Tu- bingiie, a cherché à arriver au même but que M. Schmidt en employant une autre méthode qui paraît fort compli- quée, et d'une exécution longue et difficile. Sur un échantillon de sang à examiner, il délerniine le volume total des globules par rapport au volume du liquide; puis il analyse le tout. Sur un second échaniillon, il sépare par le filtrage une certaine quantité du li- quide, et en fait l'analyse après avoir déterminé le volume total des glo- bules qui y restent. Enfin il calcule la proportion de la substance cherchée 's Arrhir fiir phyxinlimischc Ih'ilkiiiuie, 1S52, ANALYSE QUANTITATIVE. 219 tats ne sont pas toujours [)nrtaiteniciit comparables entre eux. En employant tour à tour pour l'analyse du même sang ces divers procédés, on s'est assuré que les mis accusaient tou- jours des proportions ou plus' fortes, ou plus faibles, de tel ou (= A) qui doit être attribuée au sérum, en se servant de la formule suivante : (1.) Vq = c œ 4- pij, (2.) V'q = c'x -\- p'y; ce qui donne et X y cp — cp c'vq — cv'q' cp — cp' V, représentant le volume du sang n» 1. F, le volume du sang n ' 2. q, la quantité de la matière A con- tenue dans l'unité de volume du sang n" 1. (f, la quantité de la même matière contenue dans Tunité de volume du sang n" 2. p, le volume du liquide séreux du n" 1. p', celui du n" 2. c, le volume total des globules du n"l. c', le volume total des globules du n" 2. X, la quantité inconnue de la ma- tière A apportant un volume connu de globules. y, la quantité de la même matière atlribuable au sérum (a). Ce procédé a donné lieu à beaucoup de critiques et de discussions ; on ne peut effectivement en faire usage que si la densité des deux sérums dilfère, et d'ailleurs le volume total des glo- bules est très diflicile à évaluer. Pour plus de détails à ce sujet, on peut consulter les diverses publications de M. Vircbovv, de M. Bois-Ray- mond, etc. {b). La comparaison des proportions du sérum et du caillot a été faite par quel- ques pathologibtes : Î\I. Zimmermann, par exemple (c ; et au moment où cette feuille va être mise sous presse, je re- çois un mémoire intéressant sur la composition du sang par M. Parchappe qui en a fait usage (d). Ce médecin pense qu'il est préfé- rable de doser les globules à l'état humide, soit en pesant, d'une part, le caillot coupé par tranches et sim- plement égoutté, et, d'autre part, le («^ Vierordi, lYcHC Méthode der chemischen Analyse des Blutes {Arrh. fin' phnsiol. Ileilkunde, 185-2, Bel. \I, p. 47). — Nene Méthode der Hest'mmvn(j des Raumiiihaltes der Illuikurperchen (loc. cit., p. 547). — Der Blittkôrperclten Volumen (Op. cit., iS5i, BJ. XIII, \k -2119). — Noch einmal der Blutkôrperchcii Yoliimeii (toc. cit., p. 204). — Zur Blutanalyse {Op. cit., 1855, Bd. XIV, p. :iOO). (6) Funkc, Observ. critiques sur la Méthode de Vierordt, dans Sclimidt's Jahrbhcher der gesammten Medicin, 1852, Bd. LXXIV, p. 3. P. Diibois-Haymond, Zur Kritik der Blutanalysen {Zeitschrift fiir rationellc Medicin, 1854, Bd. IV, p. 44). — Ztveiler Beilrmj ~naiicrc.. bules et le plasma. L'eau, qui se trouve en si forte proportion dans cette hu- meur, n'appartient pas en totalité au plasma ; les globules en sont plus ou moins gorgés, et cette eau intermolécnlaire dont leur tissu est imbibé est nécessaire à leur constitution. Le ]>rotesseur Sclimidt, de Dorpat, a entrepris beaucoui) d'expé- riences pour arriver à la détermination exacte de la quantité d'eau que ces corpuscules contiennent, et il l'évalue à 68 ou 69 pour 100 de leur volume (2). Il a calculé que dans le sang de l'homme les globules liumides représentent au moins dO pour 100, et souvent jusqu'à 5o ou 54 centièmes du volume de ce liquide. Dans le sérum, la ([uantité de matières solides ne s'élève pas tout à fait à un dixième en poids. L'albumine et la fibrine, comme nous l'avons déjà dit, appartiennent au plasma; la globuline, l'hématosine, et quel- ques autres matières protéiques encore mal définies, sont propres aux globules. Les matières grasses sont distribuées dans l'une et l'autre de ces parties constitutives du sang; mais (1) A. Becquerel et r.odier, Op. c)7., (2) Schmidt , Charakteristik (1er p. 23 et 27, ppidcmixchen Choiera , 1850. I '29 i226 SANG. les globules en renferment . davantage proportionnellement que le [)lasma, et nnus avons déjà en l'occasion de voir que les graisses pliospliorées paraissent confinées dans les globules, tandis que les acides gras, la cbolestérine et la matière dési- gnée sous le nom de séroline, se trouvent en majeure partie, sinon en totalité, dans le plasma. Les matières salines sont réparties d'une manière non moins inégale dans le plasma et les globules. ]M. Schmidt a constaté que la presque totalité des sels à base de potasse se trouve dans les globules, tandis qu'au contraire la soude est quatre fois plus abondante dans le plasma que dans ces corpuscules. Enlin, les pliosplrates terreux se rencontrent en plus grande proportion dans le ])lasma, tandis que la totalité du fer que le sang renferme appartient aux globules. D'après les données fournies par les expériences de M. Schmidt et d'après les résultats de ses propres recher- ches, M. Lehmann présente de la manière suivante la distribu- tion des diverses matières constituantes du sang de l'homme, dans les parties fluides et solides de ce suc nourricier : Matières Pour ^ 000 parties Pour d 000 parties constitutives. de globules. ilc sérum. Eau 688,00 902,90 Fibrine • » ^,05 Albumine » 78,86 Globulineeisubst. tégiim.desglob. -282,22 » Uéniatosine 16,75 » Matières extraclives 2,60 3,94 Matières grasses 2,31 1,72 Cblore 1,680 oMli Acide suUurique 0,066 0,115 Acide pbosphoriqiie 1,13Z| 0,191 Potas.sium 3,328 0,323 Sodium 1,052 3,3/il Phosphate de chaux 0,llZi 0,311 Phosphate de magiit^sie 0,073 0,222 oxygène libre, 0,667 0,^03 VARLVTIONS DANS SA COMPOSITION. 227 En résumé, le poids total des matières solides est donc là de 312 i)our 1000 parties de globules (savoir, 8,12 de matières minérales, et 323,82 de matières organiques), et de 97,1 (dont 8,55 en matières minérales, et 88,55 en matières organiques) dans le plasma. Enfin le même auteur évalue à 1,0885 la den- sité des globules, et à 1 ,028 celle du plasma (1). ^ 5. — L'analvse quantitative fournit des résultats dilTérents san^^ >-' " 1 . des lorsqu'au lieu d'opérer sur l'homme on étudie le sang de divers animaux. animaux. Ainsi, chez le Cheval, il y a en moyenne li millièmes de librine au lieu de 2 millièmes comme dans l'espèce humaine, et 1 Oopar- ties de globules au lieu de io!i. Chez la Poule, au contraire, la proportion des globules s'élève à 150 ; et si l'on examine le sang des Reptiles et des Poissons, on observe des différences beaucoup plus grandes, mais en sens contraire, car le poids relatif des globules, évalué de la même manière, tombe parfois au-dessous de 50. Je ne trouverais aucun intérêt à appeler l'attention sur les variations de densité (2) ni sur les caractères partic^uliers que [jeut offrir la composition du sang dans chacune des espèces zoologiques où l'analyse en a été faite, et je me bornerai à consigner ces résultats dans les tableaux présentés ici à titre de documents (3) . Mais l'examen comparatif du mode de constitu- (1) Lehmanii, Lehrb. der phxjsiol. M. J. Oavy, il paraîtrait qu'elle varie Chemie, 1853, Bd. II, p. 131. chez les différents animaux de la ma- (2) Parmi les recherches laborieuses nière suivante : Cochon, 1060 ; Mou- et délicates, entreprises en vue de la ton adulte, 1050 à 1058; Agneau, détermination de la densité du sang et 10/i6 à 1053; Bœuf, environ 1060; de ses différentes parties constituantes Veau, lOio ; Chien, 1050; Dindon, chez les animaux, je citerai celles de 1061; Saumon, 1051; Morue, 103Û; M. J. Davy, et, comme terme de corn- Squale, 1022; (Irenouille, lO/iO. {On paraison , je rappellerai d'abord que Dluod ; Researches of Phijsiol. and l'on indique généralement pour lape- Anat., vol. II, p. 15.) santeur spécifique du sang humain (3) Voyez les tableaux placés à la 1050 à 1057 à la température ordi- suite de cette leçon, naire. D'après les expériences de liichesso (lu saiijr. rii|i(irlion d'eau. 228 • sAîs-G. lion du lluidc noiirrieier cliez les divers animaux, et des diffé- renecs qui existent dans le jeu de l'organisme chez ces mômes espèces, conduit à des résultats intéressants pour la physiologie, et doit par conséquent nous occuper ici. p]n elîet, cette étude, commencée il y a trente-cinq ans par 31 M. Prévost et Dumas (1), prouve nettement qu'il existe une relation intime entre la richesse du sang en matières organiques et l'activité vitale de l'organisme. Voici les résultats de leurs expériences : Tableau des prottortions d'eau, de globules et lîbrine, et d'albumine et sérum, contenues dans le sang de divers Vertcbrés, par MH. Prévost et Dumas. OISEAUX. Eau/ Caillot. Album, et sels. Pigeon 797 156 Zi7 Poule 780 157 63 Canard 765 150 85 Corbeau 707 li6 56 Héron 808 132 59 MAMMIFÈnES. Singe. 776 lZi6 78 IJomme 78/i 129 87 Cochon d'Inde 785 128 87 Cliien 812 12Zi 65 Chat 795 102 U Clièvre 8U 102 83 Veau 826 91 83 Lapin 838 9Zi 68 Cheval 818 92 89 Moulon 836 86 77 vj:rtébrés a sang froid. Grenouille 88/i 69 Û6 Truite 86^ 6/i 72 Lotte 886 Zi8 66 Anguille 8ù6 9li 60 En jetant les yeux sur la série d'analyses publiées par ces pliy- (1) Examen du sang et de son ac- Ann. de phys. et de chiin., 1" série, tiiiu dans les divers phénomènes delà t. XXIII, p. 6^, 1823\ vie {liibliuUi. unie, de Geni-re, et v\Hi\Ti(»>s n\>s s.v coMi'osrnoN. ;2!29 siologis(es, on remarque tout de suite que si la quantité relative d'eau contenue dans le fluide nourricier des divers Yerlcbrés ne varie que dans des limites assez étroites, cependant elle est en jiénéral moins grande chez les animaux à sang cliand, c'(>sl- à-dire chez les 3himmileres et les Oiseaux, que chez les ani- maux à sang froid. Nous voyons, en elTet, que chez les Poissons, la proportion d'eau varie entre 846 et 88G millièmes, et que, terme moyen, elle est de 870. Chez les Vertébrés à sang chaud, MM. Prévost et Dumas ont trouvé qu'elle ne s'élevait en moyenne qu'à 800, et oscille entre 765 et 837. Des recherches analogues, failes plus récemment par MM. Bertliold, Hering, Nasse et Fr. Simon, indiquent des variations dans le même sens, mais souvent plus considéra- bles encore (1). Ainsi, chez les Vertébrés à sang froid étudiés (1) Dans les analyses de M. Ber- tliold (a), le dosage de la fibrine me paraît inexact ; mais les rt^sultals four- nis par l'évaluation de l'eau d'une part, et des matières solides de l'autre, con- cordent assez bien avec ceux obtenus par MM. Prévost et Dumas. Voici les principales données qu'on en peut tirer : Hering (b) évalue la proportion d'eau que le sang veineux contient à : Sérum. Caillot. Total de l'eau Poule .... 13 86 79 J'ii^t'on . . . 15 85 82 Bœuf .... 21 69 78 Veau .... 28 72 81 Chat .... 42 57 75 Chien. . . . -i7 53 75 Cochon . . . u 56 74 Chevreau . . 58 42 84 Mouton . . . 78 22 83 Grenouille. . 30 04 91 Carpe . . . . 53 47 8 G Millièmes. 841,2 chez le Mouton. 831,6 le Cheval. 794,9 le Bœuf. M. Nasse (c) a trouvé les quantités suivantes d'eau pour 1000 parties de sang : iMillicmes. 848 chez la Chèvre. 847 le Mouton. 825 le Veau. 821 le Lapin. 820 le Cheval. 807 le Chat. 703 le Bœuf. 791 le Chien. 783 le Hérisson 773 le Cochon. (a) Berlhoîil, Deitrdye xur Anatomie, Z r. • . ^ i 848 le Crapaud. W Saissy a trouvé que la même 809 le Cheval. quantité de sang fournissait /i=', 72 d'eau 795 le Bœuf. ^j^^^, j^ ^^^pj,^ ^^ j^ cochon d'Inde, et Je dois ajouter cependant que dans 6s',26 chez la Marmotte, le Hérisson, quelques expériences faites il y a peu le Lérot et la Chauve-Souris. Il ne dit d'années par M. Poggiale, la propor- pas si l'expérience a été faile avant ou tion d'eau contenue dans le sang d'un pendant que ces animaux étaient tom- Pigeon et d'une Poule n'était pas plus bés en léthargie (c). (a) Simon, Animal Chemistnj , vol. 1, p. 339, 340, 349. (6) Poggiale, Rech. chim.sur le sang {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, t. XXV, p. il 2). (c) Saissy, Rech. expérim. sur la physique des animaux mammifères hibernants. In-8, 1808. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 251 Ces résultats fournis par la comparaison de la quantité de matières solides contenues dans le sang de divers animaux tendent déjà à élablir l'existence de la relation dont j'ai parlé ci-dessus entre la composition de ce liquide et l'activité de la vie. . Mais c'est surtout par la déteririinalion des proportions du Proportion des gTobules caillot et du sérum, c'est-à-dire des globules et de la fibrine ot du sérum. d'une part, et du liquide albiimino-salin de l'autre, que les dif- férences dans la richesse du sang chez les Vertébrés supérieurs et les Vertébrés inférieurs deviennent manifestes. Ainsi, dans les analyses de MM. Prévost et Dumas, nous voyons que chez les Poissons et les Batraciens, la quantité de globules mêlés à de la fibrine ([ui se sépare du sang par la coagulation ne varie qu'entre 63 et 9/i millièmes, tandis que chez les Vertébrés à sang chaud elle ne descend jamais au-dessous de 86 et s'élève jusqu'à 157. Nous ne possédons pas assez de données numéri(iues pour pouvoir établir ici une comparaison utile entre les Poissons, les Batraciens et les Reptiles; mais il résulte des recherches dont les Vertébrés supérieurs ont été l'objet, que les Oiseaux sont de tous les animaux ceux dont le tluide nourricier est le plus fortement chargé de matières solides , et que sous ce rapport les Mammifères occupent le second rang. Dans les analyses de MM. Prévost et Dumas (1), la propor- tion d'eau tombe presque toujours au-dessous de 800 et des- cend même jusqu'à 765 chez les Oiseaux. Chez les Mammifères, les chiffres correspondants s'élèvent jusqu'à 836 et ne descendent pas au-dessous de 776. Chez les Oiseaux, les matières plasli(|ues réunies dans le caillot forment, après une dessiccation (îomplète, de 132 à 157 millièmes du poids total du sang. (1) Voyez le tableau ci-dessus, page 228. s s 232 SANG. Chez les Mammifères, cette proportion descend entre 1/iG et 86. Chez la Grenonillo, elle ne s'est trouvée être que de 69. Or, nous verrons par la suite que les Oiseaux sont de tous les animaux ceux où le travail nutritif est le plus actif et la puis- sance locomotrice la [»lus développée. Chacun sait aussi que sous ce rai)port les Mamuiifères sont bien supérieurs à \oui les Vertébrés à sang froid (1) . Ces résultats s'accordent donc parfaitement avec la tendance générale que les observations précédentes nous avaient déjà fait apercevoir. § 6. — A l'époque où ces reclierclies furent faites, on pen- sait assez généralement que la fibrine du caillot provenait de; globules ell'on ne cherchait pas à l'en distinguer dans l'analyse. Les résultats consignés dans les tableaux de I\ni. Prévost et Dumas sont par conséquent complexes, et pour rendre les investigations de ce genre plus utiles aux physiologistes, il était bon de séparer les globules des autres matières constitutives du sang. C'est ce qui a été fait par MM.. Nasse, Simon, Pog- giale et quelques autres chimistes. Dans ces analyses, nous voyons que chez les Oiseaux le poids (1) En discutant ici les conséquences lides et liquides amène proniptenient à tirer dés expériences de IMM. Pré- une modification importante dans les vost et Dumas, nous n'avons pas tenu proportions des matières solides et li- compte des résultats de leur analyse quides du sang. Dans une de ces expé- du sang d'une Tortue terrestre, parce riences faites sur un chien la propor- que l'individu dont ils se sont servis tion d'albumine cl de globules s'est n'était pas dans son état normal et élevée, après deux jours de diète, de n'avait ni !)u ni mangé depuis cinq 17 à 21 grains pour un même poids mois. Ce liquide ressemblait au sang de sang (6); cela tient probablement d'un oiseau et contenait : globules, à ce que les pertespar évaporation que 150 ; eau, 768 (u). Or, les expériences subit l'économie sont plus considéra- de M. Collard de Martigny montrent blés que les pertes par destruction de que rabsence complète d'aliments so- matières combustibles. {a) Pi-éviisl el Dumas, Examen du sang (Aiin. de cliiiii., '1S23, t. XXIH, p. 12). (b) herherchex expérimentales sur les effets Oc Vahsilnenee rnmplête Umivnnl de plujsiologie ,1e Mii-ciKlie, 1828, t. VUI, p. 172). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 235 des globules varie eiilre 121 et 150 niiiliènies du poids total du sang. Chez les Mammifères, la proportion des globules descend parfois jusqu'à 86 et se rapproche le plus souvent de 120 ou 130(1). Le Cochon est de tous les jMammifères celui dont le sang contient le plus de globules, et les agriculteurs savent deimis longtemps que c'est de tous les animaux de boucherie celui dont la nutrition est la [)lus active- Or, M. Nasse a obtenu, dans ses analyses, pour 1000 parties de sang, 145 parties de glo- bules, proportion qui n'est atteinte que rarement, même chez les Oiseaux. Le même chimiste a trouvé que chez la Chèvre les globules ne constituent que les 86 millièmes du poids du sang (2). Mais si ce Ruminant si vigoureux et si actif est inférieur aux JMam- mifères ordinaires, sous le rapport de la richesse du sang, il leur est de beaucoup supérieur, comme nous l'avons déjà vu, parle degré de ténuité des globules sanguins, et l'on comprend facilement que cette circonstance pourrait bien contre-balancer ou même dépasser en sens contraire l'influence de la faiblesse de la quantité pondérale de ces organites (o). Le Lapin et la Brebis ont aussi le sang peu chargé de glo- (1) Je crois devoir rappeler ici que (3) Dans les expériences de MM. An- le fer contenu dans le sang se U-ou- dral, Gavarret et Delafond («),la pro- vant dans la matière colorante, et par portion des globules n'a été ni aussi conséquent dans les globules, la quan- grande chez les jeunes Porcs, ni aussi tité de cet élément varie proportion- faible chez les Chèvres ; leur poids nellenient à celle des globules eux- moyen a été chez les premiers 105 mil- mêmes, sauf le cas où ceux-ci seraient lièmes, et chez les seconds 101. Mais plus ou moins décolorés. chez une 'J'ruie de deux ans, ces phy- (2) INasse, Ueber das Blut der siologisles ont trouvé pour les glo- Hausthiere [Journ.fur prakt. Chem., bules, loL'. 18^3, t. XXVlll, p. 1/iO). (a) Recherches sur la composition du sang des anlmaiiit domestiques (Anv. de cliim., 1842, 3- série, t. V, p. 311). ï, 30 23 /| 3ANG. bules comparativement au Chien, et chacun sait que la constitu- tion (le cehii-ci est bien plus robuste que celle de ces animaux herbivores. Ainsi, dans les analyses faites par le chimiste que je viens de nommer, les globules sont évalués à 123 millièmes chez ce dernier, et à 92 seulement chez la Brebis; enfin des expériences analogues faites par IM. Poggiale ont donné pour le sang du Chien 126 millièmes en globules, et pour le sang du Lapin 91 (1). Je pourrais beaucoup multiplier les faits de cet ordre ; je crois cependant devoir ne pas m'y arrêter davantage, car les relations qui peuvent exister entre la richesse du sang en globules et ractivité physiologique sont loin d'être simples, et nos connaissances à ce sujet sont encore trop incomplètes pour que nous puissions chercher utilement à en scruter tous les détails; mais la tendance générale des faits dont je viens de parler est assez manifeste pour que nous puissions considérer rabondancc des globules sanguins comme une condition de puissance vitale. vniiations § 7. — Cc résultat général est également mis eu évidence par l'étude des variahons de composition que le sang peut offrir chez les divers individus d'une même espèce, et chez le même individu dans diverses conditions physiologiques. En effet, la composition du sang n'est pas une chose constante soit dans l'espèce, soit dans l'individu; elle est sujette à des variahons. Les chiffres que j'ai donnés ci-dessus pour repré- senter les proportions de divers principes constitutifs de ce fluide ne doivent pas être considérés comme l'expression absolue des quantités existantes dans le sang d'un individu donné, mais les termes autour desquels ces quantités oscillent et l'étude de ces oscillations conduisent à des résultats intéressants. (1) Poggiale, Recherches chimiques sur le sang {Compt. rend, de l'Acad. des scienc, 18/|7, t. XXV, p. 112). 'lôo \.M!IM10.NS DA.NS SA CU.Ml'USlilU.N . Ainsi la composition du sang varie, quant aux proporlions des principes constilulils de ce liquide, suivant les sexes et les (cnipérauîcnls. J^ 8. — Pour évaluer d'une manière a[)proxima(ivc les rap- DinvimMcs poris entre la proportion pondérale de l'eau et celle des autres ies"!^wcs. matières qui s'y trouvent en dissolution ou en suspension, ori a eu souvent recours à la détcrniination de la densilé ou pesan- teur spécifique de ce li(|uide, c'est-à-dire à la constatation du poids d'une certaine quantité de sang comparée au poids d'un même volume d'eau pure. Or, les expériences de ce genre laites par M. Marchand, mais surtout celles (lues à M. Polli (1), montrent que la densité du sang est, terme moyen, la plus grande chez l'homme, et des recherches du même genre faites peu de temps après par 3DI. A . Becquerel et Rodier donnent le même résultat. Ainsi la dcjisité moyenne constatée par M. Polli a été, pour le sang de la femme, ô^l/i^ de l'aréomètre de Baume (2) et [)Our le sang de l'iiomme, 6%575. -MM. Becquerel et Rodier (3), en opérant sur du sang déti- (1) Polli, Dclla cotenna del san- yue, p. /i6 (extr. des Ann. univ. di medicina cTOmoclei, 18/|3). ('2) La délermination de la densilé du sang à Taidc des aréomC'lres or- dinaires présente quelque difficulté, à cause de la viscosité de ce liquide ; et pour donner à ces mesures plus de précision, M. llulin a proposé l'emploi d'un aréomètre d'une construction particulière [a). Mais il est à noter que ce procédé ne saurait fournir d'indica- tions qu'au sujet de la densité du sé- rum, la présence de globules on pro- portion plus ou moins forte dans ce liquide ne pouvant iniluer sur la ma- nière dont l'aréomètre s'y enfonce. (3) I^a mesure de ces densités a été prise par la méthode du flacon ; c'est- à-dire par la comparaison du poids d'un flacon rempli d'eau distillée d'une part, et de sang d'autre part, la tem- pérature des liquides étant la même. Les limites des variations observées par les auteurs ont été de 1062 à 1058 chez l'homme (//), de lO'JO à 1054 chez la femme (c). (a) Iliiliii, Etudes cliiiii. et jjlnjsinl. sur le sainj de t'liO]iiiiir, Uièso fac. de imid. de l'aiis, lH5o. (b) liccqiicrel et Rodier, Uceherchcs sur ta composition du saïuj, \i. 2:î. {c) Loc. ci,l., \>. i'i. 236 SANG. brillé, ont trouvé la densité moyenne de ce liquide comparée à celle de l'eau qu'on évalue à 1000 : 1060 chez l'homme adulte en état de santé; 1057 chez la femme dans son état normal. Cette différence dans le poids comparatif d'un même volume de sang n'est pas aussi significative qu'on pourrait le croire au premier abord (1) ; c'est un résultat fort complexe, et elle ne coïncide pas rigoureusement avec les variations dans les quan- tités relatives d'eau et des matièi^es solides , car la denské de celles-ci diffère notablement, et deux échantillons de sang dont la pesanteur spécifique serait la même pourraient être dissemblables par leur composition. En général, cependant, cette densité dépend de la présence d'une proportion plus ou moins grande d'eau, et les analyses dans lesquelles on a déter- miné la quantité relative de ce principe conduisent aux mêmes résultats généraux que les observations précédentes (2). (1) M. Letellier a insisté, avec rai- sang, dont la densité varie de 1,0^5 à son, sur cette circonstance, que la pe l,0/i9 : ce qui se rencontre principale- santeur spécifique du sang n'est en ment chez les enfants, les vieillards et rapport ni avec la proportion d'aucun les adultes d'une constitution chétive. de ses éléments organiques en particu- La seconde classe est caractérisée lier, ni avec leur somme. (Ce travail par une densité de 1.050 à 1,059: est resté inédit , mais un extrait assez c'est le sang des adultes en bonne étendu en a été lithographie sous le santé. titre de : Résumé de nouvelles expé- Dans la troisième classe, la densité riences sur les propriétés chimiques, de ce liquide s'élève de 1,061 à 1,069 : physiques, physiologiques et patho- cela se voi! ch€z les sujets très vigou- logiques du sang humain , iu-/|. reu\ et d'un tempérament sanguin. Saint-Leu-Taverny, 1837.) Enfin, dans la quatrième classe, la (2) On doit à M. Denis beaucoup densité varie de 1,070 à 1,075, et n'a d'expériences sur la densité du sang été observée par l'auteur que dans le comparée à sa composition chimique. sang fourni par le cordon ombilical il distingue sous ce rapport quatre cFun enfant au moment de la nais- classes. Dans la première, il range le sance (a). (a) Denis, Essai sur Vapplicalion de la chimie à l'élude du sanij de l'homme, d838 , p. 211, etc. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. ''1^1 En effet, il résulte clairement des recherches de M. Lecanu que le sang de la femme est plus aqueux que le sang de l'homme. Ainsi, les analyses faites par ce chimiste donnent en moyenne : 791 parties d'eau pour 1000 parties de sang chez l'homme; 821 parties d'eau pour la même quantité de sang chez la femme. Si, au lieu de s'en tenir à la considération des résultais moyens, on examine les termes extrêmes des variations dans la quantité relative d'eau, on arrive encore au même résultat. Ainsi M. Lecanu (1) a trouvé jusqu'à 853 millièmes d'eau dans le sang de la femme, et jamais plus de 805 dans le sang de l'homme. Enfin la proportion la plus faible a été de : 778 chez l'homme; 790 chez la femme. Cette inégalité dans la richesse du sang des deux sexes a été aussi mise en évidence par les recherches de M. Denis (2), ainsi que par celles pkis récentes de M. Schmidt (3) et de MM. A. Becquerel etRodier (4); et lorsqu'on entre plus avant dans l'étude de la cause de ces variations, on voit qu'elles dé- (1) Lecanu, Nouvelles recherches sur le sang, p. 27 (extr. du Journ. de pharmacie, t. X, 1831). (2) Denis, Bech. 'expérini. sur le sang, p. 290. (3) Dans les analyses comparatives de M. Schmidt (a) , la proportion d'eau fournie parle sérum était de : 90,884 pour 100 chez l'homme; 91,715 pour 100 chez la femme. Il évalue la proportion des globules humides contenue dans 1000 parties de sang , à : 513 chez l'homme; 396 chez la femme. et la proportion du sérum , par con- séquent , à : 487 chez l'homme ; 004 chez la femme. On doit se rappeler que dans ces observations AI. Schmidt porte au compte des globules la quantité d'eau qu'il suppose exister dans ces corpus- cules tels qu'ils se trouvent dans le sang, tandis que dans les expériences des chimistes il est toujours question des globules réduits par la dessicca- tion à leurs matières solides. (.Schmidt , Ëpid. Choiera, p. 30 et 33.) (Zj) Recherches sur la composition (a) C. Schmidt, Charaklerislili der epidemischen Choiera, p. 31 et 34. Leipzig, 1850. :>38 SANG. pendent principalement, non pas de la composition du plasma, mais des différences dans la proportion de cette partie liquide du sang et des globules qu'elle charrie. Ainsi, dans les expériences de M. Lecanu, ces corpuscules imis à la llltrine dans le caillot (i) forment, terme moyen : 99 luillièmes du poids total du sang chez la femme; 132 millièmes chez l'homme. Or les différences dans la proporlion de fibrine sont insi- gnifiantes, et lorsqu'on a dosé séparément ce principe, les glo- bules et le sérum, on est arrivé à des résultats analogues. Effectivement, dans les analyses faites par M. Denis (2), le poids des globules a été, terme moyen, de : 1/|7 chez Thomme; 138 chez la femme. Et dans les recherches de MM. A. Beccpierel et Rodier cette moyemie a été de : llil chez les hommes; 127 chez les femmes. Des résultats analogues ont été obtenus tout récennnent par du sang dans l'état de santé et dans tats fournis à ce sujet par les expc" l'état de maladie, p. 22 et 37. riences de M. Denis : (1) Dans les Mémoires de M. Le- canu, les quantités dont je parle ici sont aitrihuées aux globules seule- ment, mais se rapportent en réalité au caillot tout entier ; car à l'époque ou ce chimiste écrivait, on croyait assez généralement que la fibrine provenait des globules et devait Ijgurer dans l'évaluation du poids de ces corpus- cules (a). (2) On trouve dans le Traité de chimie animale de Fr. Simon le ta- bleau suivant, qui résume les résul- ta) Lecanu, Nouvelles recherches sur le sawj, 1851, i'. oO, ci Études chiin. sur le sang, 1837, p. 06. Compos ition du sang chez l'homme et la femme. IKiinmr. Femme. /• Maximum . . 790,0 S20,0 Eau. . . . < Minimum . . 733,3 750,0 (. Terme moyen 758,0 147,0 /• Maximum . . . ) Minimum . . ( Terme moyen 187,1 102,4 filubules -10-2,0 88,1 447,0 138,0 » Maximum . . . ' Minimum . . 03,0 60,4 Alliumine 52,3 50,0 ( Terme moyen 57,5 01,2 ( Maximum . . 2,9 3,0 Filiiiuc. . { Minimum . . 2,1 0,25 V Terme moyen 2,5 0J27 VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 239 le docteur Parcbappc, en comparant d'aliord le poids relalif du caillot égoutté et du sérum, on bien encore en mesurant l'es- pace relalif que les globules occupent en se déposant dans le sang défibriné (1). Le tableau suivant, construit avec les documents fournis par les travaux de 3DI. Becquerel etRodier (2), montre que le sang diffère dans les deux sexes par les limites entre lesquelles se produisent les variations dans les proportions de l'eau et des (1) Ce médecin (a) a obtenu par dix- neuf expériences sur des individus atteints seulement d'indispositions lé- gères les résultats moyens suivants : Sang de l'homme. Sans de la femme C liilol liumide. Séfum. 520 m 490 510 Chez les individus aftectés de mala- dies graves, des différences analogues se sont manifestées suivant les sexes, que le sang fût couenneuxou non. Dans le premier cas le poids du caillot hu- mide s'est élevé terme moyen à 513 chez l'homme , et . 240 SANG. globules, aussi bien que parla tendance que décèlent les résul tats moyens des analyses; et il prouve aussi que cette différence dans l'abondance relative des globules est la seule qui puisse être considérée comme ayant quelffue importance. Composition du sang dans l'espèce Iiiiniaine, d'après MIH. A. Becquerel et Bodier. Eau Globules Albumine .... Fibrine Séroline Matières gr. phosph Cholestérine. . . . Savon Chlorure de sodium Sels solubles. . . . Phosphates .... Fer Tolal moyen. 779 ■1Z|1,1 HOMME. Maxim. 69, /i 0,02 0./i9 0,09 3,1 2,5 0,3 0,5 760 15*2 • • • 73' • o • '3,5 • • • ■ • • 0,08 • ■ • 1,00 0,17 Minim. 800 131 62 im Ù,2 0,7 0,63 Total moyen. 791 127,2 70,5 '2-"2 • • 0,02 *0,'/i6 • • • 0,09 1 3,9 2,9 FEMME. Maxim. Minim. 51 0,5/1 773 137,5 75,5 2,5 0,06 • • • 0,80 • • • 0,20 1,8 813 113 65 1,8 imp. 0,25 0,02 0,7 3,5 9 p. 1,8 0,57 0,7 0,/i8 VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 241 Dans ces derniers temps la même question a été attaquée d'une autre manière : M, Welcker a cberclié à ('valuer l'al)ondance relative des globules rouges par la comiiaraison de la puissance colorante du sang, et en examinant d'ajn'ès cette mélliode ce li(|uide chez la femme, il ne l'a jamais trouve" aussi chargé d'hématosine que le sang de riiomna^ lui a ]»aru l'être d'or- dinaire (1). Ainsi la différence entre le sang cliez riionmie cl la femme vient à l'appui des résultats auxquels nous étions arrivé par la comparaison de la quantiti' relative de globules cl; de plasma dans les différentes classes d'animaux, et tous ces faits tendent à n^ettre en lumière l'importance^ de ces organiteS, puisque nous voyons que dans ces deux séries de recliercbes l'augmentation dans la proportion des globules sanguins a coïncidé avec une puissance physiologique plus grande dans l'organisme. Quelques faits épars et peu nomltreux tendent à montrer (jue les différences sexuelles sont accompagnées de variations analogues dans la composition du sang chez certains animaux. Ainsi ]\OI. Andral, Gavarretet Delafond ont trouvé que dans le sang d'un Taureau adulte et vigoureux la proportion d'eau n'était que d'environ 792 et celle des globules de s'élevait à (1) En évaluant la proportion des globules par la niéthodc indiquée ci- dessus (page 221), M. Welcker estime que le nombre de ces corpuscules con- tenus dans 50 millimètres cubes d'un mélange de sang et d'eau salée en quantités constantes s'élèverait en moyenne à 5,000,000 chez l'homme et à environ ^,7r)0,()00 chez la femme. Il n'a janiais trouvé 5,000,000 chez une femme, tandis que chez l'homme il a obtenu 5, '400,000 et même 6,000,00!) (o). Mais je dois ajouter que les résultats fournis de lu sorte ne peuvent être acceptés avec une en- tière confiance, car ils supposent que la ])uissance colorante des globules ne varierait pas, fait qui, d'après les recherches de M. Vierordt, paraît controuvé [h]. {a) Welcker, Blutkurperchenidhlung xmd farheprii foule Mctlicde (Vifi-leljdlirssch. fur. prain. Ueili., V. Priiç, 1854. Ijd. XXXXIV, p. Hl. (6) Vierordt, neUrâgc siu' l'hy.tiolofjie' des Ulules {.\rrh. fur y^yml. Ucill;., 18,')}, IM. NUI, p. ÎW. Différences suivant les âges. ^1X2 SANG. 117 sur 1000, tandis que les moyennes fournies par leurs expé- riences sur le sang de la Vache ont, été d'environ 102 pour les globules et de 808 pour l'eau (1). On voit aussi par les tableaux insérés dans le Mémoire de ces physiologistes, que la moyenne pour les globules a été de 100 chez les Béliers et de 90 chez les Brebis (2)-, mais cette tendance n'est pas constante et n'a été observée ni chez le Chien ni chez le Mouton (3). § 9. — Nous ne savons encore que peu de chose relahve- ment aux modifications (jue l'âge peut apporter dans la propor- tion des diverses mahères contenues dans le sang humain ; mais si l'on en juge par le petit nombre de faits recueillis, on arri- vera à des conclusions en harmonie parfaite avec celles tirées de l'examen comparatif de ce lluide chez l'homme et chez la femme. En effet, Polli a remarqué que la densité du sang est en général plus faible chez l'enfant que chez l'adulte (4), et dans les analyses faites par M. Lecanu on voit que la propor- tion d'eau est plus grande et celle des globules plus faible chez les vieillards (jue chez les hommes dans toute la force de l'âge (5). Enhn, M. Popp a constaté qu'en général la pro- portion des matériaux solides du sang est plus élevée à Tàge (1) Recherches sur la composition du sang de quelques animaux do- mestiques {Ann. dp chim., 18/i2, 3* série, t. V, p. 330, tab. 6). (2) Lac. cit., p. 327, tab. 1. (3) Si nous faisons abstraction de deux individus maladifs qui figurent dans le tableau de l'analyse du sang des Chiens donné par MM. Andral, Gavarret et Delafond , nous y trouve- rons pour la proporlion moyenne des globules, lZi9 chez le mâle, et 152 chez la femelle (lac. cit., tab. 8). 11 est aussi à noter que chez les Vaches laitières, cette moyenne a été d'environ 102, tandis que chez les Bœufs de travail elle ne s'est élevée qu'à 97. {Lac. cit., p. 333, tab. 10.) (/i) Polli, lUcerche ed esperim, sulla cotenna del sangue, 18/i3, p. Gl. (5) Lecanu, Nouvelles recherches sur le sang, 1831. p. 27. Chez la femme, la proporlion d'eau n'a pas varié sensiblement avec l'âge (loc. cit.). Chez les hommes de trente à quarante ans, la proportion des glo- bules (dosés à l'état sec) s'est trouvée, terme moyen, d'environ 133 pour 1000, tandis que chez les individus de quarante-huit à soixante-quatre ans elle est descendue, terme moyen, au- dessous de 120 {loc. cit., p. 30). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 2^3 adulte que dans radolescence, et qu'elle décroît dans la vieil- lesse (1). Mais c'est surtout par l'étude du sang chez divers animaux que cette tendance devient manileste. Ainsi, dans l'espèce bovine, ce fluide a été analysé d'une manière compara- tive à différents âges par MM. Denis, Nasse et Poggiale. Le premier de ces physiologistes (2) a trouvé les globules dans la proportion de : 17 pour 100 dans le sang du Bœuf, 15 pour 100 dans le sang du Veau. M. Nasse a obtenu 12 pour 100 de globules chez le Bœuf, et 10 pour 100 chez le Veau (3). Or, d'autres expériences montrent que le sang de la Vaclie est au moins aussi riche que celui du Bœuf, c'est-à-dire du mâle dont la constitution a été modifiée par la castration. Enfin, des recherches du même genre faites par M. Poggiale (/ii donnent les proportions suivantes : 92 pour 100 de globules chez le Veau, 126 pour 100 de globules chez la Vache. Cette concordance dans la tendance des résultats obtenus par trois expérimentateurs différents ne permet pas de douter que le sang des bêtes bovines ne soit plus riche en globules chez l'adulte que chez le jeune. D'autres analyses, dues également à ^I. Poggiale, montrent fl) Popp, Untersuchungen iiber die fournis par les analyses de ce chi- Bescliaffenheit des menscfdichen Elu- niiste. tes m cerschicdenen krankheiten. ^^^^ _ _ 79^ 7gg 83r> In-8", Leipzig, 18/i5. Globules'.. 123 120 oa (2) Denis, Recherches expériment. i^^^Z"': '. '. ^l ^l ^4 sur le sang, p. 256. Mat. grasses . 2 2 1,28 {o)^asse,reberdasBlutderHaus- Sels , etc. . . t) 10 H thiere { Journ. fur prald. Chemie , Vo^§ia\e, Recherches chimiques sur 18Û3, t. XXVllI, p. l'46). le sang {Comptes rendus de l'Acad. {U) Voici l'ensemble des résultats des sciences, 18Z|7, t. XXV, p. 112). 2[lh SANG. que la môme différence s'observe chez le (]hat ainsi que chez le Lapin, quoique d'une manière moins marquée (1). L'examen comparatif du sang chez la Poule et chez le jeune poulet a fourni à M. Denis vm résultat analogue (2), et M. Pog- giale a constaté des faiis du même ordre chez le Pigeon adulte comparé à celui qui vient d'éclore (3). Du reste, ces différences paraissent s'effacer de bonne heure (4), et il ne f\iut pas perdre de vue qu'en m'y arrêtant ici, je signale une tendance de la N;iture, et non une loi phy- siologique absolue. Aussi ne se manifestent-elles pas tou- jours : chez les Chiens nouveau-nés, par exemple, le sang, au lieu d'être plus pauvre que chez l'adulte , parait être plus chargé de globules (5). Il est aussi à noter que dans l'espèce (1) Ce chiiiiislc a trouvé dans le sang de l'animal adulte 109 niillièmes de globules et 8V1 millièmes d'eau, tandis que chez un petit Chat àgo de trois heures, la proportion des globu- les n'était que de 83, et celle de l'eau était de 86ù ; enfin, chez un Clial âgé de vingt-quatre heures, il a trouvé : globules, 8/i millièmes, et eau, 862 (loc. cit., p. 112, et 200.) Dans le Lapin adulte, M. Poggiale a trouve : globules, 91,5, et eau, 831 ; chez un Lapin âgé de trois heures: globules, 90; eau, 8/|2; et chez un autre individu âgé de vingt - quatre heures : globules, 91,2 ; ean, 8.'i9 [Inr. cit.). Or, il est à remarquer que les petits Lapins sont assez foris pour courir presque aussitôt après la nais- sance, tandis que les chats nouveau- nés restent pendant plusieurs jours dans un élat de grande faiblesse et ne se meuvent qu'à peine. (2) Dans le sang d'une Poule d'un an, Al. Denis a trouvé : globules, 16; eau, 77 pour 100. — Chez un Poulet de trois mois, nourri comme la poule précédente : globules, 12; eau, 80 (a). (3) Sang de l'adulte : globules, iU'i; eau, 795. Sang d'un Pigeon âgé de trois heures : globules , 130 ; eau, 822. Sang d'un individu de vingt- quatre heures : glob., 13^ ; eau, 816. (4) Ainsi, dans les analyses du sang du Mouton faites par MM. Andral, Gavairet et Delafond, on ne remarque aucune diiïérence notable entre des Béliers dont l'âge vaiiait de un à cinq ans; il en a été h peu près de même pour les lîrebis {h). M. Lecanu n'a pas trouvé de diiïé- rence dans la composition du sang de riionmie entre vingt-cinq et quarante- cinq ans [Op. cit., p. 27). (5) M. Denis a trouvé chez le Chieu adulte : globules : 97 ; eau, 830, et (n) Denis, Viecli. expérim. xiiv le samj, p. iK) et 257. (6) Andral, Gavarrei et DelafonH, Hech. sw la compos. du. saii'j de quelques animaux domestiques {Ànn. de chim. et de phys., 1842, 3" srrie, t. V, p. 327). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 2/l5 humaine on a trouvé le sang placentaire plus riche que le sang du fœtus, et que chez celui-ci les globules étaient en plus grande proportion que dans le sang de l'adulte (1) ; mais il me paraît probaijle que c'est à l'inlluence du sang placentaire plutôt qu'à la puissance physiologi(iuc du nou- veau-né que la richesse de ce liquide doit être attribuée chez ce dernier (2). § 10. — Les divers individus de même sexe et de môme âge, bien qu'ils soient tous en état de santé, peuvent cepen- dant différer entre eux sous le rapport du caractère physiolo- gique de leur constitution, ou, pour employer ici le terme propre, sous le rapport de leur tempérament. Chacun connaît l'idée qui s'attache aux expressions tempérament sanguin et Variations individuelles. chez des petits Chiens âgés d'un jour : globules, 165; eau, 780 (a). M. Pog- giale a obtenu les résultats suivants : Globules. Eiiii. Chien adulte 120 798 Cliien de une heure . . dlJ5 768 Chien (le 24 lieures . . it'3 771 Chien de 48 heures . . 158 775 Ici l'abondance dos globules décroît rapidement depuis le moment de !a naissance, et paraît tenir à l'inlluence de la mtue plutôt qu'à la puissance physiologique du jeune individu lui» même {b). (1) M, Denis a trouvé dans le sang placentaire d'une femme, dont l'orga- nisme était débilité par plusieurs sai- gnées successives : globules, '2'Jû ; eau, 701; tandis que le sang tiré du bras ne donnait que : globules, l/iO ; eau, 781 (c). M. Poggiale a trouvé dans le sang placentaire : globules, 112 ; eau, 7M. Dans trois autres expériences, il a comparé le sang placentaire fourni par le bout supérieur du cordon, et le sang du fœtus fourni par le bout inférieur du même cordon , et il a toujours trouvé la proportion d'eau plus grande dans ce dernier. Le poids des ma- tières solides a été, ternie moyen, pour le sang placentaire, 255 ; pour le sang fœtal, 252. 11 remarque aussi que le sang de reniant nouveau-né est très riche en globules, mais ne renferme que peu de fibrine {cl). (2) D'après d'autres expériences de M. Denis, la quantité d'eau diminue- rait progressivement chez l'homme de la naissance jusqu'à l'âge adulte, res- terait stationnaire de vingt à cinquante ans , i)uis augmenterait un peu. La matière colorante désignée alors par ce (a) Rech. expérim. sur le sang, p. 254 et 255. (b) Pogsialc, Rech. ehim. sur le sang (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, tSi7, t. X\V, p. H 2), et Cnmpos. du sang des animaux nouveau-ncs [loc. cit., p. 200). (c) Hech. expérim., p. 252. (d) Poggiale, loc. cit., p. l'J8. 2/l6 SANG. tempérament lymphatique. Or il est à noter iei que les varia- tions dans l'aspect général de l'organisme désignées sous ces noms correspondent à des variations non moins importantes dans la composition cliimique du sang. En effet, il ressort des analyses publiées par M. Lecanu, que chez les individus d'un tempérament dit sanguin, la quantité relative de globules est plus grande que chez ceux dont la constitution est lymphatique. Cette différence a été en moyenne dans les proportions de 136 à 116 millièmes chez les hommes, et de 126 à 117 chez les femmes (l). § 11. — Chacun a pu remarquer combien l'état de grossesse la gestation, causc dc l'affaiWissement chez la plupart des femmes. S'il y a réellement une relation entre la vigueur de l'organisme et la richesse du sang en globules rouges, nous pouvons donc nous attendre à en trouver la proportion amoindrie pendant la durée de la geslation. Or, c'est effectivement ce qui a été constaté par les analyses de MM. Becquerel et Rodier : au lieu de trouver 127 millièmes pour les globules, comme dans l'état normal de la femme, ils n'eu ont trouvé que dans la propor- tion moyenne de 111 2), et j'ajouterai que chez nos animaux Influence de physiologiste sous le nom de cruonne, ou ce qui revient à peu près au même, les gloljiilcs, augmenterait en quantité jusquaTàge mûr; à la naissance, elle serait de Sh sur 1000 ; jusqu'à dix ans, terme moyen, 68; dans la deuxième pé- riode décennale de la vie, 121 ; dans la troisième période décennale, 157; dans la quatrième, 152 ; dans la cinquième période, IZiO ; dans la sixième, l'25, et dans la septième (c'est-à-dire de soixante à soixante-dix ans), terme moyen, lia. La proportion dePaUju- mine ne varirait que peu, ainsi que celle de la fibrine ; cette dernière substance serait cependant un peu plus faible aux deux époques extrêmes de la vie. (Denis, Recherches de physiol. sur le sang {Journ. de physiol. de Magendie, t. IX, p. 218, 1829). Je dois faire remarquer, cependant, que le nombre des analyses publiées par M. Denis ne paraît pas suffisant pour établir la loi des variations que l'âge détermine dans la composition du sang, ainsi que cet auteur semble vouloir le faire. (1) Lecanu, Nouvelles recherches sur le sang, 1831, p. 30. (2) Les expériences de ces médecins portent sur neuf individus, et la pro- portion des globules a varié entre 127 VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 2/4.7 domesliques l'état de gestation parait exercer sur la composi- tion du sang une influence du même ordre (1). § 12. — L'état particulier de l'économie que les médecins appellent pléthorique^ état qui n'est pas encore une maladie, mais qui y touche de près et qui semble dû à un excès dans l'ac- tion stimulante du sang, à une surabondance de vie, lait égale- ment ressortir l'importance du rôle physiologique des globules. En eft'et, M. Andral, dont l'autorité est des plus grandes dans des ([uestions de ce genre, pense'que c'est la surabondance des globules sanguins qui caractérise essentiellement la [ilélhore. Chez la plu})art des hommes dans l'état ordinaire, la proportion Etat pléthorique. et 88, tandis que les limites des varia- tions étaient 137 et 113 chez les femmes dans Tétat ordinaire (a». Une analyse faite par Fr. Simon a donné des résultats ai^.alogues (6). Enfin, les recherches pi us nombreuses de MM. An- dral et Gavarret révèlent la même ten- dance physiologique (c). (1) La discussion des données nu- mériques contenues dans le travail de MM. Andral, Gavarret et Delafond, sur le sang de divers animaux domesti- ques, me ser.iiile conduire à un autre résultat. Si Ton compare les lirehis de la même race (dite Ikimboinllel ), en élaguant les individus de race croisée, on voit que la proportion des globules du sang est en général plus faible pen- dant la geslaUon qu'avant la féconda- tion ; mais que cette ditlérence tend à s'elTacer chez les individus d'un âge avancé {d). Ainsi les trois Brebis Ram- bouillet de un ou deux ans, dont le sang a été analysé par ces physiolo- gistes, donnent, terme moyen, pour les globules, 103,8. Les Brebis de même race en état de gestation donnent, pour Les individus de 4 à 8 ans . . 93,7 Pour ceux do 9àH ans . . . '100,7 Un autre l'ail qui ressort des ana- lyses publiées par les mêmes auteurs, c'est l'élévation constante de la pro- portion des globules chez les Brebis, deux ou trois jours après la mise bas. Vers la fin de la gestalion chez les quatre individus dont le sang a été examiné, la proportion des globules était descendue entre 92,9 et 95,0, tandis que deux ou trois jours après la mise bas elle était remontée entre 102,6 et 106,2. Un résultat analogue a été fourni p;ir l'analyse comparative du sang d'une Vache, cinq jours avant la mise bas et deux jours après (e). (a) A. Becquerel et Rodier, nech. sur la compns. du sninj, p. ^0. (b) Simon, Animal Chemisiry, \o\. 1, p. 335. (c) Andral, Essai d'hémnloloijie, p. 105. {d) Voyez le lalileau n" 1 annexé au Mémoire de ces auteurs (Ann. de chimie, 1842, 3" série, t. V, p. 3-27). . . . (e) Loc. cit., p. 332. Etat anémique. 2i8 SANG. des globules ne dépasse guère 130 millièmes, et ne serait même, (ra[)rès ce patliologiste, que de 127 en moyenne; mais dans la |)lélhore M. Andral a trouvé pour moyenne l/il , et a vu le poids des globules s'élever parfois à 15/i sur 1000 parties de sang. En- fin il tait remarquer que celle richesse considérable n'était pas accompagnée d'une augmentation dans la quantité de fibrine, ni d'un changement bien notable dans la proportion des autres matériaux constitutifs de ce li(pnde, sauf l'eau dont la quantité était, moindre que d'ordinaire (1). Dans l'état opposé à la pléthore, et connu des pathologistes sous le nom d'anémie, où l'organisme a perdu ses tbrces et où la vie semble parfois près de s'éteindre sans que ce délabrement puisse être attribué à une lésion quelconque, le sang conserve souvent les proportions ordinaires de fibrine et d'albumine, mais ne charrie plus la quantité normale de globules. Dans beaucoup (1) Andral , Essai d'hématologie pathologique, p, ai. MM. A. llecqueie! et Uodier pen- sent que ces conchisions ne sont piis justes, parce qu'on aurait évalué trop bas la proportion normale des globules, laquelle serait, d'après ces auteurs, de 1/jl, comme dans les cas de pléthore examinés par IM. An- dral. Mais je ferai remarquer que les hommes choisis par MM. Becquerel et Rodier, pour établir cette moyenne, étaient tous des individus d'une forte constitution, se nourris- ant bien, et dont quatre au moins sur six éprou- vaient souvent le besoin de se faire saigner, ce qui semble bien indiquer un état pléthorique. Du reste, ce qui, dans mon opinion, constitue la modi- fication du sang dans la pléthore, ce n'est pas la présence d'une quantité déterminée de globules dans le sang, mais l'augmentation de la proportion de ces corpuscules au delà d'un certain terme qui peut varier pour chaque in- dividu ; c'est , en d'autres mots, le défaut d'équilibre ou d'harmonie entre la richesse du sang et les besoins phy- siologiques de l'économie. Le même résultat paraît aussi pouvoir dépendre d'une surabondance dans la masse de ce liquide nourricier, circonstance qui, dans l'opinion de MM. Becquerel et lîodicr, serait la seule cause de l'état pléthorique [a). Du reste, dans leur dernier ouvrage, ces pathologistes se rapprochent beau- coup de l'opinion de M. Andral, car ils disent que le chiifre des globules augmente dans certains cas de plé- thore, mais non dans tous [b). (o) Becquei-el et Hodier, Rech. stw la compos. du sanij, p. i\. (b) Becquerel et Rorlier, Chimie pathologique, 1854, p. ^P. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 2^9 de cas de ce genre, M. Andral n'a trouvé les globules que dans la proportion de 65 au lieu de 127, et dans un cas très grave il a vu ce cliilTre descendu jusqu'à 28 (1). Des résultats analogues ont été fournis par l'étude des ani- maux domestiques (2), et l'on peut même les obtenir à volonté. En effet, Thackrah (3) avait remarqué qu'à la suite d'une des émissions saignée la masse du sang semble se rétablir assez rapidement, mais que la composition de ce liquide ne reste pas la même ; que l'élément acfueux y arrive plus vite que les globules n'y repa- raissent, et que par conséquent les saignées répétées appauvris- sent réellement le sang. Cette modification du fluide nourricier, sous l'influence de l'hémorrhagie, a été démontrée plus nette- Influence sangiunes. (1) Andral, Essai d'hématologie, p. k9. (2) Nasse a constaté que chez les Moutons affectes de la pourriture ou cachexie aqueuse, la proportion des globules qui , dans l'état normal, est de 92, tombe parfois jusqu'à 10. La proportion d'eau s'est élevée de 827 à 952. Chez des Chevaux affeclés de morve chronique , le même observa- teur a vu les globules tomber à /i3, tandis que dans Télat normal ils figu- rent pour 117; la proportion d'eau a augmenté en même temps et s'est élevée du chiffre normal de 80/i jus- qu'à 860 {a). ^IM. Andral, Gavarret et Deia- fond avaient obtenu aussi des résultats analogues : chez les Moulons en bonne santé, la proportion des globules, éva- luée, d'après le procédé d'analyse em- ployé par ces palliologistes , oscille autour de 100 pour JOOO parties de sang; mais chez les Moulons atteints d'hydroémie et dont le l'oie était in- fecté de Douves, elle a varié entre 78 et lu. {Annales de chimie, 18/i2, t. V, p. 335.) (3) Thackrah conclut de ses expé- riences à ce sujet, que « la quantité » relative du sérum augmente pen- )) dant la durée de la saignée. » Dans un cas, mentionné par cet auteur, la proportion du caillot pour 100 de sérum est tombée de 128 à 119 (6). Dans une expérience sur un Chien qui mourut diiémorrhagie , la pro- portion du caillot a été successive- ment de 333, 309 et 129 pour 100 de sérum, et chez un Bœuf tué de la même manière la proportion de cail- lot est tombée de 27 à 16 {Op. cit., p. 129). Il paraîtrait aussi, d'après ces expériences, que la fibrine du caillot est moins rétractile à la fin de l'hémor- rhagie qu'au commencement, caria quantité relative de sérum séparée du caillot était plus considérable le len- demain que le surlendemain de la saignée {Op. cit., p. 130). (a) Nasse, Veber das Blut der Hausthiere {Joum. fur prakt. Chemie, 1843, t. XXVIII, p. 1 46). (b) Tliackrah, Iiiquiry into the Nature and Properties ofBlood, 184 9, p. 99. I. 32 250 SANG. ment encore par les expériences de MM. Prévost et Dumas, et des recherches récentes, dues à un pathologiste distingué de l'Allemagne, M. Vierordt, montrent (jue la proportion des glo- bules hématiques diminue ainsi d'une manière très remar- quable (1). Or chacun sait combien les émissions sanguines (1) Dans une des expériences faites proportion des globules décroît pro- sur un Chat robuste, par Prévost et gressivement à mesure que rémission M. Dumas, le sang a donné d'abord sanguine se prolonge, et que dans 118 millièmes de globules ; dans une chaque nouvelle saignée elle devient seconde saignée, llli; puis dans une plus faible que dans la précédente, troisième saignée, 93: et cependant Ainsi la première saignée en a fourni: entre la première et la troisième émis- a,, commencemmuieropéraiion. iio.o sion sanguine Fintervalle de temps a la fin de l'opointion dOf'p," n'avait été que de sept minutes («) . Y-" f ^^'^"?''' ?" '^""'"'«"^'^menf. 97,3 ' ' ^ ' La 2' saig-nee, a la fin 89,8 Une autre expérience faite plus ré- La s- saignée, an commencement. 7G,1 cemment par MiM. Andral, Gavarret et La 3' saignée, à la fin 56,0 Delafond, montre encore mieux Fin- Les saignées furent pratiquées à quel- fluence des émissions sanguines sur la ques jours d'intervalle, et étaient si proportion des globules (h). Un Cheval copieuses, que la mort est arrivée peu fut saigné sept fois dans l'espace de d'heures après la troisième opéra- quelques heures, et le sang obtenu tion (c). M. Zimmermann a obtenu ainsi fournit des globules dans les des résultats analogues en examinant proportions suivantes : rinlluence des héniorrhagies sur la . , ,„, composition du sang artériel (fZ). i" saignée .... 104 ^ 2' saignée .... ii7 C'est par la méthode du dénombre- 3« saignée .... 8.5 j^j^^j^t ^igs globulcs dont il a déjà été •4' saicfnée .... 64 , 5' sai'^née .... 51 qucsliou au Commencement de cette G' saignée .... 44 Leçon (page 220), que M. Vierordt i" saignée .... ^ étudié l'influcnce de la saignée sur M. Zimmermann a fait aussi une la composition du sang. Ses expé- étude attentive de l'influence que la riences portent sur des Chiens et des saignée exerce sur la composition du I^apins, et il a comparé le sang prove- sang. Ses expériences furent faites sur nant de deux saignées pratiquées à dix des Chiens, et le sang de chaque sai- ou douze heures d'inlervalle. Il a gnée fractionné en 8 ou 10 parties. Or trouvé ainsi que la diminution dans la dans chaque expérience on voit que la quantité relative des globules aug- (rt) Prévost et Dumas, Examen du sang, 2'' Mémoire {Ann. de chim. et pliys., 1823, t. .\XIII, ].. 06). (h) Andi-al, Gavarret et DcIafonJ, Op. cit. {.inn. de chim., 1842, t. V, p. 323.) P(c) G. Zinimcrniann, Drei Dlutentziehunfjen an cinem Hunde, nebst Sectionst)efund {.\vcli. fur physiol. undpatliol. Chemie nnd Mikvos., 1847, liii.IV, p. 465). (d) Zimmermann, Ueber die quantitativen Yerândemngen ini Blute bei seinem Ausflusse aus .Arterifn (Inc. cit., p. 385). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 251 causent d'alïaiblissement dans tout l'organisme : il en résulte un état d'anémie plus ou moins intense, et entre les mains du médecin cette diminution des forces physiologiques devient parfois un moyen curatif. M. Vierordt a trouvé aussi que la mort arrive toujours quand le nombre relatif des globules est mente avec rabondance de la saignée, résultat qui s'accorde avec ceu\ obte- nus précédemment par M. Woller- son (a). Les nombres suivants mon- trent combien les différences produites de la sorte peuvent être considérables. Dans la première colonne se trouve l'indication de !a quantité de sang perdu par des Lapins, évaluée en frac- tions du poids total du corps de rani- mai ; dans la seconde, le nombre des globules hématiques contenus dans un volume constant du liquide exa- miné. 4/44G l/ii5 t/H3 1/110 1/85 1/55 1/43 10-2 9S 9 11 Si G8 69 52 Les expériences de M. Vierordt sur des Chiens ont fourni des résultats analogues, mais les dillerences étaient moins considérables. Chez un de ces animaux le nombre des globules ce- pendant est descendu de 89 à 52 par l'efTet de six saignées successi\es faites dans l'espace d'environ deux heures. Dans une de ses expériences faites sur un jeune Lapin, la mort est arrivée quand le nombre des globules était descendu à 68 pour 100 du nombre normal ; tïiais dans d'autres cas, chez mi Lapin adulte et chez un Chien, la soustraction du sang n'est devenue fatale qu'après un appauvrissement phis considérable : le nombre relatif des globules est tombé à 52 pour 100 du nombre normal {b). Je n'ai pas cru devoir tenir compte ici de quelques expériences rapportées par Magendie dans ses Leçons au collège de France, et qui tendraient à montrer que, sous l'influence d'une mauvaise nourriture et de saignées répétées, la proportion des globules, ainsi que celle de la tibrine et de l'al- bumine, irait en augmentant chez le Cheval, et qu'un animal ne rece- vant aucun aliment solide et ne bu- vant que de l'eau pendant vingt-quatre jours, aurait présenté, deux jours avant de mourir de faim, un sang deux fois aussi riche en globules qu'au com- mencement de l'expérience. U est aussi très singulier de voir, dans le récit de cette même expérience, que le cheval privé d'aliments restait dispos» alerte et facile à exciter à la course après trois semaines d'abstinence. Je suis porté à croire qu'il y a eu dans ces recherches quelques inexactitudes dans les analyses chimiques, et peut- être aussi un peu de commisération de la part du palefrenier (c). («) \V,.U,Ts,„>,/)<; mutalionWus in sano corpore sanyuhùs detmclione vroductis. Diss. inaug. ^7';v";rlS!-/y.ar«fle .ur Physiologie des Blutes iArckiv fiu' physiologiscke HeilUundc, lH5i. '• M Mt;. Mais d'indications bibliographiques à ce l'héinalologie est riche d'un grand sujet (c). (a) Recherches siw les modifications de proportion de quelques principes du sang, fibrine, glo- bules, matériaux solides du sérum et eau dans les maladies, par MM. Amiral clGavarret {Annales de ch mie, ISiO, 2" scrip, l. LXXV). — Réponse aux principales objections dirigées contre les procédés suivis dans les analyses du sang, ynr .MM. Amiral et oavarrel. lii-S, 1842. — Recherches sur la co.iiposilion du sang de quelques animaux domestiques dans l'état de santé et de maladie, par MM. Amiral, Gavarret et Dclalojid {Ann. de chivi., 1842, 3' série, t. V). — Essai d'hématologie patholoijiqtie, par M. Andral. In-8, 1843. (fi) A. Becquerel et Roilier, Recherches sur la composition du sang dans l'état de santé et dans l'état de maladie, ln-8, i844. — Kouvclti-s recherches sur la composition du sang (Cadette médicale, juin 1846). — De l'anémie par diminution de proportion de l'albumine dans le sang (G'as. méd., 1850). — ?;ovvelles recherclies d'hématologie [Gax-. méd., 1852). — Traité de chimie pathologique. Im-8°, 185 4. Becquerel, A'ote relative à quelques analyses du sang, etc., des cholériques {Arch. géii. de méd., 1849). (c) Nasse, Das Blut in mehrfacher Betiiehung physiologisch tmd pathologisch unterswht. Iii-S, Bonn, 1838. V.VUIATIONS DANS SA COMPOSITION. 257 de l'autre de ces causes modiOcatrices. Ou couipreud donc que la résultante de ces actions contraires puisse varier facilement, et que chez le même individu il i)uisse y avoir, suivant l'état de l'économie, des différences plus ou moins grandes dans la quan- tité relative de chacun des matériaux constitutifs du sang. Tant que l'individu est dans son état normal, ces variations restent renfermées dans des limites assez étroites ; mais dans l'état de maladie l'équilihre entre l'entrée et la sortie de chaque principe est souvent rompu, et alors la composition du sang s'éloigne davantage, à certains égards au moins, de ce qui est naturel et convenable pour le bon exercice des fonctions de l'organisme. Il existe, comme nous l'avons déjà vu, me sorte de type parti- culier pour le sang dans chaque espèce zoologi(jue, et c'est au- tour de ce type que les oscillations doivent se produire sans écarts considérables. :\fais si ces limites sont dépassées en plus ou en moins, ce changement indique un état pathologique, lors même que les proportions anomales pour l'animal où on les observe seraient les proportions physiologiques pour le sang d'un autre animal. Pour apprécier ces perturbations, il faut donc toujours comparer le sang d'un individu malade à ce que devrait être le sang de ce même individu à l'état de santé, et si les ré- sultats fournis par ce genre d'investigation ne paraissent pas toujours concordants, c'est probablement parce que ce terme de comparaison nianque le [)lus souvent et se trouve remplacé par une moyenne dont il peut en réalité s'éloigner plus ou moins, l.orsqu'on étudie ainsi le sang dans l'état de santé et dans l'état de maladie, on voit tout de suite que les proportions des divers principes constitutifs de ce fluide ne sont [)as liées entre elles, d'une manière invariable, mais sont au contraire plus ou moins indépendantes les unes des autres, de sorte que l'aug- mentation ou la diminution de la quantité absolue de l'un quel- con(pic de ces matériaux n'est pas nécessairement accomi)agnée soit d'une modification analogue, soit d'une modification en sens i. 33 258 SANG. Variations dans la proportion de fibrine. contraire, dans la quantité pondérale d'un autre principe. Cepen- dant il existe souvent à cet égard des coïncidences importantes à noter, et par conséquent il ne suffit pas d'examiner tour à tour les variations qui se remarquent dans la quantité de chaque principe immédiat, il faut aussi comparer ces variations entre elles et chercher les rapports mutuels qu'elles peuvent avoir. § ih. — Dans l'état normal de noire organisme la quantité de fibrine contenue dans le sang ne varie que peu, tant suivant les sexes, que suivant les individus (1), eta été évaluée à 3 millièmes par M. Andral, ou à environ 2,5 millièmes par MM. A. Bec- querel et Rodier (2). JMais dans tous les cas où l'espèce de surexcitation vitale, désordonnée et maladive, que les patholo- gistes désignent sous le nom de phlegmasie ou d'inflammation, se manifeste dans une partie de l'économie, la proportion de fibrine augmente rapidement dans le sang, et cet accroissement (1) l'our bien étudier les variations qui peuvent exister dans la quantité de fibrine contenue dans le sang, il faudrait ne pas se borner à doser cette substance comparativement à l'en- semble des principes constitutifs du sang tout entier ; mais, ainsi que l'a fait remarquer ]\!. Parcbappe, déter- miner le rapport entre son poids et celui du plasma, car c'est dans celte portion du fluide nourricier qu'il se trouve, et les analyses faites par les méthodes ordinaires ne nous éclairent que peu sur ce point. En ellet, si la proportion des globules vient à aug- menter ou à diminuer, la composition du plasma restant la même, sa richesse en tibrine paraîtra suivre une marche inverse, par cela seul que là où il y a moins de plasma, il y aura moins de librinc (a). Pour introduire plus de rigueur dans Fappréciatinn des faits, il serait à désirer que l'on pût tenir compte de ces circonstances ; mais les erreurs qui doivent résulter de l'ab- sence de ces données ne semblent pas de nature à entacher d'une manière grave les résultats obtenus par la dis- cussion des analyses pratiquées jus- qu'ici. Du reste, ce que nous cher- chons à connaître en ce moment, ce n'est pas la richesse absolue du plasma en fibrine, mais l'abondance plus ou moins grande de ce principe dans le fluide nourricier considéré dans son ensemble, et les rapports qui peuvent exister entre l'état particulier de l'or- ganisme et l'intensité du travail phy- siologique par suite duquel celte matière se trouve versée dans le sang. Or les résultats fournis par les ana- lyses ordinaires répondent à ces ques- tions. (•2) Voyez ci-dessus page 2/i0. (a) Parchappe, De l'analyse quantitative des principes constituants du sang {Moniteur des hôpitaux, ISriO, t. IV. p. iSS). VAKIATIONS DANS SA COMPOSITION. l259 est en rapport avec l'intensilé et la généralisation de la phleg- niasie locale, ainsi qu'avec la nature des tissus qui sont le siège de cette afteclion. Chez l'homme, la quantité relative de fibrine s'élève alors, le plus ordinairement, à 6 ou 7 millièmes; souvent elle atteint 8 ou 9, et dans ([uelques circonstances on l'a vue monter jusqu'à 10,5 pour \ 000, ou même plus haut encore (1). Chez les animaux, la proportion normale de fibrine n'est pas la même que chez l'homme, et varie suivant les espèces; mais on voit cette proportion s'élever de la même manière lorsque l'on compare le sang des individus d'une même espèce à l'état de santé et sous l'influence d'une inflammation locale (2). (1) M. Andral a vu la proportion de fibrine varier ordinairement entre 2,5 et 3,5; quelques personnes, sans être malades, peuvent avoir dans leur sang jusqu'à h millièmes de fibrine ou n'en présenter que 2 millièmes; mais ces extrêmes sont très rares. Dans les plilegmasies légères, cette proportion s'élève entre /t - et 5, e( c'est dans des cas de pneumonie et de rhumatisme aigu qu'elle arrive au maximum indi- qué ci-dessus (a). M. Stannius a obtenu un chiffre un peu plus élevé. Dans ses expé- riences la moyenne a été 3,59 ; mais il ajoute que la proportion la plus mi- nime s'est trouvée chez les individus dont l'état se rapprochait le plus de celui de la santé, et par conséquent nous ne pouvons pas considérer la moyenne qu'il donne comme repré- sentant l'état normal (6). Fr. Simon a fait quatre analyses du sang de malades affectés de pneumo- nie, etc. , et il a trouvé que la propor- tion de fibrine variait entre 3,/i et 9,15 (c). Dans un cas du même genre, M. l'opp a trouvé jusqu'à 12,3 de fibrine sur 1000 parties de sang (d). liifin M. Piindskopf (e; a publié aussi plusieurs analyses du sang de malades atteints de pneumonie, et dans un cas il a trouvé la fibrine dans la propor- tion de 12,7 pour 1000. M. Scheerer a trouvé aussi de 9 à 12,7 millièmes de fibrine dans des cas analogues (/"). (2) Dans la Vache, par exemple, la moyenne normale s'élève à environ h millièmes, et dans les phlegmasies aiguës la proportion de fibrine atteint quelquefois 13 millièmes (g). Les phy- siologistes qui se sont occupés d'expé- riences traumatiquessur les Chiens ont (a) Voy. Anilral et Gavarret, Sur les modifie, de proport, des pi'inripes du sang, et Andral, Hé- matologie, j). iS, 84, elc. (6) Slaiinius, Sur la fibrine du sang veineux de l'homme [Huiclani's Journ. derprakt. Heilk., elGas. méd., 1839, p. 183). (c) Simon , Animal Chemistrij, p. 200. {d) Popp, Unlersuchungen iiber die Beschaffenhcit des menschlichen Blutes in verschiedenen Krankheiten. Leipzig, 1845, p. 24. (e) Rindsiiopf, L'uber einige Zustânde des Blutes, cité par Simon , Ann. chim., vol. II, p. 262. (/■) Simon, loc. cit. (g) Andral, Gavarret etDelafond, loc. cit., p. 16. 260 SA.Ml. Au jircinicM' abord, un pouvait se demander si eette modifica- tion dans la conslitulion du sang était la cause ou la conséquence de la plilegmasie. M. Andral avait constaté que ces deux phéno- mènes sont simultanés, et pour déterminer l'un aussi bien que l'autre, il sulïil «l'irriter jusqu'à un certain degré, soit mécanique- ment, soit par l'action d'agents chimiques, un point quelconque de l'organisme (i). L'augmentation dans la (juantité de fibrine plasmique, de même que le développement de la chaleur, de la douleur, de la rougeur et le gonflement de la partie malade, est donc un des symptômes de l'inllammalion locale, et elle doit être considérée comme une conséquence de l'état particulier de la portion de l'organisme où la [ihlogosc a son siège. Elle augmente à mesure que la maladie s'aggrave, et elle décroît avec elle. Enfin elle est proportionnée à l'intensité et à la gravité de la plilegmasie (2). dû remarquer combien ces animaux sont peu sujets à riiiflammalion , ou plutôt comijien leur organisme est peu affecté par des lésions locales graves: or dans l'état normal leur sang ne contient, terme moyen, que '2,1 de fi- brine sur 1000, et dans les cas de phlegmasies les plus intenses MM. An- dral, Gavarret et Delafond n'ont vu la proportion de ce principe s'élever qu'à ^ seulement (loc. cit.). (1) M. Zimmermann a étudié expé- rimentalement ce sujet sur le Cliien ainsi que sur le Cheval, et il a toujours vu qu'à la suite d'une blessure ou d'une inflamnialion locale déterminée par l'application du tartre stibié, la proportion de fibrine augmente. Quelque temps après elle diminue, mais sans redescendre au taux nor- mal pendant la durée de la phlogose. Dans une de ses expériences, il fit une plaie au cou d'un cbien dont le sang renfermait 1 millième de fibvine, et le surlendemain il y trouva 3 pour 1000 de fibrine. Dans une autre expé- rience, sous l'influence d'une applica- tion de tartre stibié, la proportion de fibrine s'est élevée de l,ù pour 1000 à à- La proportion des globules dimi- nuait en même temps et le sérum était très chargé de matières grasses {a), MM. llobert-Latour et Collignon ont vu aussi la proportion de fibrine aug- menter dans le sang des animaux chez lesquels ils avaient déterminé une péripneumonie en injectant un liquide irritant dans la plèvre (6). (2) L'apparition d'un excès de fibrine sous l'influence d'une phleg- (a) Zimiiiermaiin, Ueber die Verândenintjen , welchc das lUut in Folge âusserer Yerletningen evleidet, nebst Untersuchungen iiber Eilerbildung {Arch. fiir physiologische Heilkunde, 1848, RI. VII, [1. 110). (6) Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1844, I. XIX, i>. 933. VARIATlOiNS DANS SA COMPOSITION. 261 Ce lait de l'aocroissement do la (luantité rolative de librine sous rinllaeiice des intlamiiialions locales a été nettement établi par les travaux de MM. Andral etGavarret ; toutes les recherches laites plus récemment sur le même sujet l'ont con- firmé, et l'on comprend lacilcment que la surexcitation vitale d'une partie déterminée de l'organisme puisse être accompa- gnée d'une certaine apparence de richesse plus grande dans le fluide noiuTicier. Mais il est à remarquer que cette augmenta- tion dans la proportion de fibrine ne coïncide pas avec une mo- dification analogue dans le nombre des globules sanguins. Dans les cas d'inflammation aiguë, la proportion de ces corpuscules est au contraire diminuée, à peu près de la même manière que dans les autres cas où les malades sont soumis à la diète (1). Enfin il est encore à noter que sous l'influence des phleg- masies l'augmentation de fibrine est ordinairement accomj)agnée d'une diminution correspondante dans la proportion de l'albu- mine contenue dans le plasma, et (pie souvent l'excès de fibrine correspond à peu près au délicit de Talbumine (2). Dans un autre état morbide de l'organisme qui est accom- pagné d'une grande prostration des Ibrces, et qui constitue ce que les pathologistcs a])pellcnt jj^re^cje, fCevre typhoule, adyna- mique, putride, etc., le sang se trouve modilié d'une manière in- verse; la [)rop(»rlionde fibi'ine descend au-dessous de la limite masie locale se manifeste chez les ma- du sang dans divers cas de phlegma- lades dont le sang est pauvre en sics [b) : . , . n.>nini>«. Kt-ininos. fibnne comme chez ceux ou ce pnn- £.„, -<)] 5 soi clpe se trouve en proportion normale. cioimies d28 H8,'> / , j I ,-. • ■.I • t 7 a,. \ Ailniinine .... OU (15,8 {t\nar^\, Ls:orli()ii des globules tombait de 104 à 38 (1). Ce n'est pas le moment d'examiner quelles influences cer- tains organes spéciaux peuvent exercer sur la composition chi- mique du sang , ce sujet nous occupera plus tard ; mais je crois devoir ajouter ici que le fluide nourricier, en sortant de la rate, diffère notablement de ce qu'il est dans le reste de l'économie. 11 est fort pauvre en globules rouges , mais, par contre, très chargé de tibrine. Effectivement les recherches récentes de jM. H. Gray mon- trent que chez le Cheval la proportion des globules hématiques y tombe souvent à environ la moitié de ce qui existe dans le sang veineux ordinaire, et que la fibrine y est, terme moyen, d'un tiers plus abondante qu'ailleurs (2). Le même physiologiste a remarqué aussi que la proportion de fibrine est plus considérable dans le sang des veines splé- (1) Voici les résultats fournis par ces sept saignées successives («) : l'ail. Fibi ine. CliUiules. M.it. sol. il 11 sérum. i" saignée. 812,1 3,1 104,0 90,8 %' saignée. 815,1 3,5 97,0 84,4 3" saignée. 8:n,8 3,0 85,5 73,7 4- saignée. 871,8 3,2 04,1 60,9 5« saignée. 884,8 4,3 51,3 59,0 6« saignée. 891,2 5,2 44,5 59,1 7* saignée. 89-1,0 7,6 38,3 60,1 Dans les analyses du sang d'un ma- lade afTecté de pneumonie et saigné à quatre reprises, M. Scheerer a trouvé que la proportion des globules était successivement de : 124,0 122,3 118,5 106,3 La fibrine s'est élevée de 9,7 àl2,7. mais est tombée à 8,8 au déclin de la maladie. Des résultats analo- gues ont été obtenus par M. Rinds- kopf (6). (2; Gray, On the Structure and Use ofthe Spleen, in-8. London, 1854. Des résultats du même ordre, en ce qui concerne les globules, quoique moins marqués, avaient été obtenus précé- demment par M. J. Bi'-(lard; mais dans la plupart de ses expériences, ce physiologiste n'avait pas dosé la fibrine .séparément. Il a remarqué que celte librine est beaucoup plus alté- rable que celle provenant du sang ordinaire. — Rech. expérim. mr les fonctions de la rate, p. 17 et suiv. (Extr, des Arch. génér. de met?., 18ù8). (a) Andial, Gavarrcl elDelafond, Ikch. sur la compos. du sann de qiœlqves animaux domesliqves {Ann. de chimie et de phys., 1842, 3' série, t. V, p. 323). (b) Voy. Simon, Animal ChemLitry, vol. I, p. 262. I. '^^ 266 SANG. niques, chez les chevaux qui sont mal nourris ou soumis à une abstinence complète. § 15. — Au premier abord , l'esprit ne saisit aucune relation entre tous les faits que je viens de passer i^apidement en revue, parfois ils paraissent même se contredire ; mais lors- qu'on vient à les discuter avec soin, on no larde pas à décou- vrir un lien qui seml>le les unir, et Ton voit qu'ils jettent beau- coup de lumière sur les fonctions des divers éléments du sang et sur l'origine de ses matériaux constitutifs. En effet, nous avons vu que toute phlegmasie locale est accompagnée d'une augmentation de fibrine plasmique, et que cet état maladif d'un point circonscrit de l'organisme n'est pas la conséquence de celle modification dans la constitution du fluide nourricier commun, mais la cause de l'abondance anor- male de fibrine, puisqu'il est toujours facile de produire celle-ci en déterminant par une excitation locale l'i'tat infiammatoire d'une portion circonscrite de l'organisme. Ceci ne peut guère s'ex[tliquer que de deux manières : en sup- posant que les tissus vivants de l'économie animale exerceraient une influence destructrice sur la fibrine, et que par l'exci- tation inflanunatoire cet emploi de la fibrine venant à être arrêté ou diminué dans le- point frappé de phlegmasie, le sang conserverait une plus grande quantité de celle matière ; ou bien en admettant que la source de la fi!)rine du sang est dans ces mêmes tissus susceptibles d'inflammation, et que, par l'accroissement d'activili' vitale caractéristique de l'état inflammatoire, ils en produisent plus abondamment que d'ordi- naire. Une multitude de faits qu'il serait trop long, et qu'il serait d'ailleurs prématuré d'exposer ici, militent en faveur de cette dernière hypothèse, et dans la suite de ces Leçons nous verrons qu'elle se justifie pleinement. Admettons donc que la fibrine se prodiu'se dans les tissus VAKIATlOiNS DANS SA liUMI'OSl'llON 267 vivants de l'orgîmisine et arrive dans le sang i)ar des voies que nous étudierons plus tard. Mais si raccroissenienl d'activité d'un [joiiit très limité de l'économie suffit pour changer notablement la quantité de fibrine présente dans la masse tout entière du lluide nourricier, il faut supposer (pic le rendement de ce travail de chimie physiologique dans le reste de Torganisme doit être aussi très considérable, et (pie si le sang ne contient d'ordinaire qu'une proportion si faible de celte substance, cela tient à ce qu'elle s'y détruit ou s'en élimine à mesure (|u'elle y arrive (1). Or l'antagonisme que nous avons vu exister entre les glo- bules sanguins et la tibrine semble indicpier que l'agent chargé d'employer et de faii-c disparaître la librinc à mesure de son apparition dans le fluide nourricier n'est autre chose que l'en- semble de ces dobulcs eux-mêmes. (1) Jusqu'à CCS derniers temps, la plupart (ios physiologistes considé- raient la librine comme étant un élé- ment essentiellement nuuitif du sang ; M. A\lKuton Jones supposait qu'elle était élaborée par les globules nu- cléoles rouges (rt), et M. Carpenter, qu'elle était formée par les cellules incolores du sang, pour ser\ir à la production des tissus nouveaux (6). Zimmermann a soutenu une opi- nion contraire; il pense que la (ibrine est un produit métamorphique des tissus, et doit disparaître de Torga- nisme (c). Fr. Simon suppose que la librinc provient de la transformation des glo- bules ((/]. Paulin I\I. r.cnnctt est arrivé (a) \V. Jones, Obscrv. on Somc Points in the Anal. Phijsiol. and Pathol. of the Blood, 1842, p. 21. (b) C.arpcntpr, Ilinnan Phij.sinlrxjii , i'i 195, lOli. (cl Ziminerm;mn, Zur Analij.sis und Synlhesis des psendoplastischen Pvocesses. Berlin, 1844. (d) Simon, Animal Cliem:s:ry. vd. 1, p. 15o, cic. (e) Leucocythemia or White Cell-lilood in relation lo the Physiology and Pathology of the Lym- phatic Glandul. System. h\-S', lidinb., 1852. à une conclusion analogue. Il pense que la librine du sang résulte en partie de la destruction des globules, en l)artie de la résorption e.\crénienti- lielle des tissus (e). Je considère aussi la fdirine plas- mique comme étant un produit du travail nutritif, et comme devant être éliminée de rorgani>me; mais je suis porté à croire qu'au lieu de provenir des globules du sang, ce principe pro- téique serait détruit sous l'influence de ces organites qui, chargés d'oxygène par l'acte delà respiration, détermine- raient sa combustion et sa transfor- mation en urée ou en quelque autre matière excrémentilielle. 268 SANG. Par des saignées répétées, avons-nous dit, on affaiblit l'ani- mal sur lequel on opère, on diminue l'abondance des globules de son sang, et l'on détermine une augmentation considérable dans la quantité de fibrine que ce liquide contient. 11 est impossible d'admettre qu'en afiaiblissant tout l'organisme on produise un surcroît d'activité dans tous les tissus vivants où la fibrine s'élabore et où une excitation quelconque amène une augmentation dans la production de cette substance. Si dans ce cas d'affaiblissement général la proportion de fibrine plasmique augmente, il faut donc attribuer cet accroissement non pas à une production plus considérable de cette substance, mais à un emploi moindre, et cette diminution dans le travail d'élimination de la fibrine coïncide précisément avec la diminution dans le nombre des globules. Nous sommes donc conduit à admettre que le sang se trouve continuellement placé entre deux forces physiologiques dont les effets sont contraires : celle développée dans l'ensemble des tissus organiques, qui tend à y verser de la fibrine, et celle dont seraient doués les globules sanguins qui détruiraient sans cesse la fibrine plasmique, soit en la ramenant à l'état d'une matière albuminoïde non coagulable spontanément, soit plutôt en déterminant sa combinaison avec une portion de l'élément comburant que nous verrons [>lus tard pénétrer dans l'écono- mie par les voies respiratoires; combinaison qui aurait pour conséquence l'élimination des matériaux constitutifs de ce prin- cipe protéique sous la forme d'urée ou de quelque autre produit du môme ordre. Le sang, sous le rapport de sa teneur en prin- cipes protéiques, serait donc dans un état d'équilibre instable, et sa composition chimique varierait suivant que l'activité fonc- tionnelle des tissus augmente ou diminue en présence d'un degré d'activité constante des globules sanguins ou de varia- tions dans la puissance de l'agent physiologique représenté par l'ensemble de ces organites. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION, 269 Les recherches de Fr. Simon sur les quantités relatives de fibrine et de globules dans le sang patliologiijuc viennent à l'appui de cette manière de voir. En effet, dans les cas observés par cechimiste, ces deux principes suivaient une marche inverse, et l'augmentation de l'un d'eux était toujours accompagnée de la diminution de l'autre (1). Nous aurons à revenir sur ces transformations des matériaux de l'organisme, lorsque nous étudierons les phénomènes de nutrition ; mais il me paraissait nécessaire d'en dire ici quel- ques mots, car les vues que je viens de présenter nous permet- tront de classer et de comprendre les faits épars, et souvent en apparence contradictoires, que nous avait fournis l'élude des modilications du sang. Effectivement, si l'hypothèse que je viens de présenter est l'expression de la vérité, il devra nous être possible de prévoir quels sont les changements ({ue le sang éprouvera dans des conditions déterminées de l'organisme. (1) Vy. Simon lire de ces faits une lies de résidu solide, M. Simon {(>) a conclusion trop absolue, car il la gé- trouvé : néralise. Or, dans certains cas, la production de fibrine peut être dimi- nuée sans qu'il y ait eu aucun chan- gement notable dans la proportion des globules. Ainsi dans les analyses du sang des malades adectés de fièvres intermittentes faites par MM. Léonard et Foley, la coïncidence signalée ci- Le même auteur fait ressortir la ten- dessus est loin d'être constante [a) ; dance analogue qui se remarque dans mais dans les cas observés par M. l'^r. les analyses faites par MM. Andral et Simon, le rapport inverse qui existe Gavarrct. J'ajouterai encore que les entre la quaniilé de ces deux maté- expériences de M. F'opp ont également riaux constilulifs du sang n'en est conduit ce physiologiste à conclure pas moins fort remarquable. Voici « qu'en général l'auginenlalion de fi- les résultats de l'analyse du sang brine coïncide avec le décroissenient de ces divers malades rangés d'à- des globules et des élémenls solides près la teneur en fibrine. Sur 100 par- du sérum (c). » (a) Rech. sur l'état du sang dntis les malad. ép'ulém. de l'Algérie (Rer. de Mém. de chir. el plMrm. milit., 1846, t. LX, p 1.35). (6) Simon, Animal Chemislry, vol. I, p. 247. (c) Popp, Untersuch. ûber die Beschafjfenheit des menschlichen Bhites, 1845, p. 95. Fibrine. Héniatoi;!obnUne. 1,4 43 1,6 40 1,7 40 2,0 42 2,0 39 2,1 36 3,0 28 6,0 22 270 SANG. Ainsi l;i proportion de librine doit augmenter dans le sang : 1" Lorsque l'aetivité fonctionnelle des tissus augmente dans un point quelconque de l'économie, toutes choses restant égales d'ailleurs. 2° Lorsque la proportion ou la puissance des globules san- guins vient à diminuer sans que la production de fibrine par les tissus change (1). Le même résultat en ce qui concerne la librine plasmique pourra donc être déterminé par deux états très différents de l'économie animale, et l'on comprend même que si les deux agents modificateurs du sang, les tissus et les globules, s'affai- blissent en même temps, mais (\ue la diminution dans l'action de ces derniers soit plus considérable que celle de la puissance fonctionnelle des tissus, il puisse y avoir encore augmentation dans la ])roportion de fibrine lors d'un affail)lissement général de l'économie. Le premier de ces trois cas où le sang doit contenir de la fibrine en sin^^bondance se trouve réalisé, comme nous l'avons déjà vu, chez les malades alti^nts de phlegmasies locales {"2). Le second, dans cet étal singulier dont j'ai déjà pailé sous le nom d(^ chlorose^ état où le sang semble avoir perdu de sa puis- Ci) Ou, ce qui revient au même, quand la puissance coniburanle ou transiormalrice de ces organites vient à diminuer, connue cela doit avoir lieu lorsque l'entrée de l'oxygène dans l'économie animale se Irouve arrêtée; et cela nous permettra probablement d'expliquer divers phénomènes dont la cause est resiée inconnue. Ainsi en observant les ell'els de l'bémorrhagie chez les Moutons, Scudamore a re- marqué que le sang qui s'échappe lorsque l'animal est à l'article de la mort, se coagule presque instantané- ment, ei que la coagulation a lieu plus rapidement que d'ordinaire dans le snng des personnes qui sont sur le point de tomber en syncope. [Essaij un IHood, p. ZiO.) ('2) Je pourrais ajouter ici qu'une modilicalion analogue dans la compo- sition du sang s'observe chez la femme pendant la grossesse. La librine est un peu plus abondante que d'ordinaire, tandis que les globules hématiques le sont moins. MM. A. Becquerel et lîo- dier ont trouvé, terme moyen, 3,5 de fibrine au lieu de 2,2, qui est, d'après leurs analyses, la proportion normale. {Recli. sur la coinpos. du sang, p. 31.) VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 271 sance vivifiante, où la peau acquiert uiu> pâleur livide, et où le malade devient presque incapaiile d'exercer ses muscles. En cltel, la quantité de fibrine est alors supérieure ou au moins égale à ce qui existe dans l'état normal; mais, ainsi (pic nous l'avons vu, la proportion des globules est tombée fort bas (1). D'après celte théorie, la proportion de fibrine doit s'abaisser non-seulement sous rinfluence de l'activité croissante des glo- bules sanguins, mais aussi par suite d'un défaut d'activité dans les tissus de nos organes. Ainsi, dans certains cas de scorbut où les tissus perdent de leur tonicité au point de laisser souvent échapper le sang qui les traverse, la proportion de fibrine diminue, quoiqu(^ celle des globules ne soit pas abaissée (2). Si raftail)lissemont du travail producteur de la fibrine, que nous supposons avoir son siège dans les divers tissus de l'éco- (1) Voyez la note 1 de la page '263. (2) Les médecins confondent en gé- néral, sous le nom commun de scorbut, des états pathologiques qui se ressem- blent par certains caractères, mais qui diffèrent beaucoup entre eux. Dans certains cas désignés de la sorte, il semble y avoir anémie, et le sang est pauvre en globules, en même temps qu'il contient de la fd^rine en excès : par exemple, dans un des matelots observés par Burk, et chez lesquels la proportion des globules, au lieu de s'élever à 133, comme dans l'état normal, est tombée à 60 et même à Zi8, tandis que la librine s'élevait de 3 à 5, ou même à 6 (a). Dans d'autres cas, le contraire s'ob- serve. Ainsi chez des hommes atteints de scorbut chronique. MM. l'.ecquerol et Rodier ont vu la proportion des glo- bules dépasser même le taux normal et atteindre 176, tandis que la fibrine descendait à 1,32, ou même l,lZi ib). Dans l'affection scorbutique dési- gnée sous le nom de purpura hœmor- rliagica, M. Houtier a vu la pro- portion de fibrine tombera 0,9, tandis que les globules se maintenaient à 121,7; et dans un autre cas du même genre, observé par M. llérard, la quan- tité de fibrine était trop petite pour pouvoir être dosée (c). M. Andral attribue surtout à cette diminution de la fibrine les hémor- rhagies qui se déclarent souvent dans le scorbut, ainsi que beaucoiq) d'au- tres épanchemenis sanguins [d]; mais je suis porlé à croire que les deux phé- nomènes sont des conséquences d'une seule et même cause, savoir, l'atonie des tissus. (a) Voy. Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. 315. (6) A. Becquerel el Rodior, A'ouv. rech. d'hématologie, p. 50 (extrait de In Gai. méd., 1852). (c)Voy. Becquerel el Rodier, Traité de chimie jtalhoL, p. liG. (d) Andral, Exsai d'hémntologif, ■1843, p. 127. 272 SANG. nomie, coïncide avec une diminution dans la proportion ou l'ac- tivité des globules, le sang pourra conserver la quanlité normale de fibrine et d'albumine, tout en s'appauvrissant sous le rap- port de sa teneur en globules ; genre de modification qui se rencontre dans l'anémie. D'autres faits, en apparence contradictoires, se concilient également à l'aide de cette hypothèse de la production et de l'élimination simultanées de la fibrine par deux agents indépen- dants l'un de l'autre : les tissus vasculaires et les globules san- guins. Ainsi les mouvements énergiques tendent à renouveler plus rapidement le contact du fluide nourricier avec le tissu mus- culaire, et dans les circonstances ordinaires tendent également à rendre le sang plus riche en fibrine. Mais tous les physio- logistes qui ont eu l'occasion d'examiner des cadavres d'animaux surmenés ont remarqué un résultat contraire. Par exemple , dans des expériences faites par Hunter sur des Daims forcés à la course et morts de fatigue, on trouva que le sang de ces animaux avait perdu la faculté de se coaguler spontanément (1 j. Or il me semble facile de comprendre qu'il puisse en être ainsi ; car en admettant que la source de la fibrine soit dans l'action normale des tissus organiques de l'économie animale, on conçoit que l'épuisement des forces musculaires doit tendre à diminuer considéraldement celte production, comme dans (1) Hunter, Sur le sang, elc. ( loc. cit., p. 138). M. ^. Davy et M. Gul- liver oui trouvé quelques petits cail- lots chez des Lièvres tués à la suite d'un exercice violent et prolonge ; mais ce dernier physiologiste a remar- qué que dans ce cas la majeure partie du sang contenu dans les vaisseaux de l'animal était peu ou point coagulable, tandis que la rigidité cadavérique était très grande (a). ^]. Wunderlich a fait remarquer que chez les personnes qui font abus des liqueurs alcooliques, ou qui sont nourries d'une manière insuffisante, il y a aussi une grande diminution dans la coagulabilité de la fibrine (6). («)Voy. Hewson's Works, p. 21, note. Ib) Wundprlicli, Paihologische Physiologie des Blutes. Stutt^., 4845. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. '273 les cas de pyrexies; et en admeUanl qiir, d'autre part, les glo- bules détruisent sans cesse cette même substance, on doit sup- poser aussi que sous l'influence de l'accélération de la circu- lation et de la respiration, qui sont toujours les consé(iuences d'une course rapide, ces organites devront fonctionner avec un surcroît d'activité. Il y aurait donc dans ce cas diminution dans la production de fibrine et augmentation dans l'emploi ou la destruction de ce principe; concours de circonstances qui expliquerait sa disparition plus ou moins complète, et par suite la non-coagulabilité du sang. Il paraîtrait aussi, d'après quelques expériences laites par M. Clément, que sous l'inlluence de douleurs intenses et pro- longées, la quantité de fibrine diminue dans le sang, comme si la souffrance entravait le travail producteur de cette matière (1). Mais ce n'est pas seulement sous le rapport de la quantité (]ue la production de fibrine peut varier; la qualité de cette substance n'est pas toujours la même, et Magendie a observé que lors- que l'organisme est affiiibli par des saignées répétées, le sang ne contient plus qu'une sorte de fibrine imparfaite qui est moins coagulable que la fibrine ordinaire, et ne donne presque aucune consistance au caillot. 11 a désigné cette substance sous le nom de pseudo- fibrine ou de néo-fibrine (2), et il paraîtrait que dans certains cas patbologiques une matière qui aurait une certaine analogie avec celle-ci existerait en grande abondance dans le sang aussi bien que dans la sérosité générale, et don- nerait au sérum la propriété de se prendre en gelée après que le caillot s'est formé comme d'ordinaire (3). (1) On sait que dans les écoles vété- pour étudier l'influence des souflian- rinaires on se sert d'animaux vivants ces excessives, mais momentanées, sur pour exercer les élèves aux opérations l'organisme. {Compt. rendus, 1850, chirurgicales, et que les victimes de t. XXXI, p. ô9.) ces cruelles mutilations éi)rouvenl (2) Leçons sur les phénomènes ainsi des douleurs atroces. M. Clé- physiques de la vie, t. II. ment a prolité do cette circonstance (o) Dans les cas d'endurcissement I. 35 "Ilk SANG. Il est ii]ii)ortniit de no pas perdre de vuequedans l'apprécinlion de la quantité de librine qui existait dans le sang, il n'a été ques- tion que de la fibrine plasmique ou fibrine spontanément coagu- lable; le dosage de cette substance est même fondé sur la pro- priété qu'elle possède de se solidifier de la sorte sans le concours d'aucun agent étranger ; il en résulte que si une portion de la librine du sang venait à perdre cette faculté, elle ne figurerait plus dans les résultats offerts par l'analyse chimique. Or, une modification de ce genre se réalise parfois, et les expériences intéressantes de M. Mandl prouvent qu'on peut même la pro- duire à volonté. Ce pathologiste a vu que le mélange d'une petite quantité de pus avec le sang normal détermine une dimi- nution 1res notable dans la proportion du caillot que ce sang fournit, et que des effets analogues sont })roduits par l'addition d'une certaine quantité d'albumine, ce qui s'explique d'ailleurs par l'action de la soude contenue dans cette dernière sub- stance (1). du tissu cellulaire sous-cutané , ou œdème compacte chez les enfants nou- veau-nés, le sang présente cette sin- gulière propriélé. La sérosité éj)ancl)éc dans le tissu cellulaire se prend aussi en gelée. — (Voy. Chevreul, Mémoire sur plusieurs points de chimie orga- nique {Journ. de phijsiol. de Magendie, 1823, l. IV, p. 119). — Léger, lie- cherches sur l'œdème compacte des nouveau-nés {Arch. gén. de méd., 18L!5,t. VU, p. 'i/j). C'est probablement à quelque alté- ration de ce genre qu'il faut attribuer la non-apparition du sérum après la coagulation du sang qui s'observe par- fois, et qui a élé signalée notamment dans un cas d'affection cutanée nom- mée urticaria tuberosa {a). (!) Voici comment M. .Mandl rend compte de ces expériences : « Nous avons recueilli dans deux éprouvettes du sang liquide sortant de la veine d'un malade : dans l'une de ces éprou- vetles fut mise préalablement une pe- tite quantité de pus ; l'autre était vide. Nous les avons soumis immédiatement à l'agitalion. Dans l'éprouvette qui ne contenait pas de pus se forma une grande membrane solide , cohérente ; mais dans l'autre éprouvette, le sang mêlé au pus ne fournit que des par- celles très petites, incohérentes, de la grandeur de 1 ou 2 millimètres et même beaucoup plus petites. Ces par- celles restaient collées aux parois du vase ou nageaient à la surface du sang; leur quantité était sans contre- (rt) Mi.ckenzie, Peculiar State of the filood {london Medic. Gai., New Ser., 1840-M, vol. Il, p. 55. VAUIATIOKS DANS SA CO.M POSITION . 275 § 16. — Nous avons vu ([u'à raison de son alHindaucc, l'alltu- mine est un des matériaux protéiques les plus importants du lluide nourrieier. Chez l'homme, on en trouve, teiine moyen, envh^on 70 pour 1000 parties de saui^, et l'on ne remarque à cet égard aucune ditïérence constante daiis les deux sexes (1). Mais cette moyenne ne représente pas d'une manière hien exacte la quantité réelle (|ui peut se rencontrer chez des individus en état de santé, car la projjortion d'albumine est susceptible de varier dans des limites assez étendues sans qu'il en résulte aucun trouble dans l'économie. Ainsi, dans le sang normal elle s'élève parfois jusqu'à 75 pour 1000, et d'autres ibis elle s'abaisse jusqu'à 62. Dans la plupart des maladies la quantité relative d'albumine ne varie qu'entre les mêmes limites, soit qu'elle diminue un peu, connue cela se remarque d'ordinaire dans les affections aiguës, ou ([u'cUe augmente légèrement, comme dans la chlo- rose ('2). Mais parfois, au (contraire, ce principe diminue d'une manière tout à fait anormale, et ce changement dans la constitu- tion du sang paraît être toujours lié à im état pathologique grave de l'économie. Lorsque le sang s'apiiauvrit delà sorte, son albu- mine parait subir aussi une modilication analogue à celle (tui donne naissance à la matière désignée sous le nom tValbu- Variiilions dans la (luaiUilt: d'albimiinc. dit beaucoup plus petite que la niasse de la fil)riue rolirée de la piemiore éproHvette. lui prenant des quantités plus considérables de pus , je suis même parvenu à réduire la fii)rine à des parcelles presque invisibles. J'ai obtenu des résultats pareils avec le blanc d'ceuf pur, agité préalablement pour le faire sortir des cellules dans lesquels on le trouve emprisonné Toutes les substances qui peuvent dissoudre la (ii)rine feront varier les phénomènes qui servent à déterminer la quantité de cet élément dans le saniî. » ;Mandl , Réjlexions sur les analyses chimiques du sang, dans Arch. (jèn. demèâ., 3° série, t. IX, p. 181.) (1 ) Voy. le lableau ci-dessus, p. 'i/iO. [/■\ proportion d'albumine dans le sé- rum est, terme moyen, de 80, et os- cille ordinairement entre 75 et 85, quebpiefois même entre 70 et 90 [a]. (J) Andral, IlénialoL, p. 155, etc. (a) Beciiuei-fl cl lioilicr, Trailc de cldiiiic jiiUlioloni'iiic, p. 55. 276 SA>G. minose (1). Eu etïef, celte subslaiicc seiiibh^ liltrer alors à tra- vers les parois membraneuses des vaisseaux sanguins, et tantôt s'échapper au dehors par les voies urinaires, comme cela se voit dans la maladie appelée albuminurie ; d'autres ibis s'épan- cher dans les cavités intérieures du corps pour concourir à la formation de la sérosité des hydropiques : phénomènes sur l'étude desquels nous aurons à revenir (juand nous nous occu- perons des sécrétions (2). En général, le sang est riche en albumine chez les personnes (1) Mialhe, De l'albumine ot de ses divers états dans l'économie (extr. de VUnion méd., juillet 1852). Voy. ci-dessus p. 168. (2) La dimiunlion do la proportion de raibumine contenue dans le sang est très remarquable dans raffection organique du rein, connue sous le nom de maladie de Bright. Ce fait, entrevu par Bostock [a) et par Babington (6), ressort évidemment des obsoivations dues à Chrestison, et a été établi plus nettement encore par MINI. Andral et CJavarret. M. Christison a constaté que dans cette affection la proportion d'eau qu'il estime à 775,7 dans l'éiat normal, s'élève entre 808 et 887; que la den- sité du sérum descend de 1030 à 1020 ou 1019; que le résidu solide laissé par celte portion lluide du sang tombe en même temps de 83 à 75, 63 ou même 52; que la fibrine s'élève en général de 3,8 à h ou 5, quelquefois même à 6 ou à 8 ; enfin, que la pro- portion dos globules s'abaisse de 137 à 57 ou même èi /i2 (c). MM. Andral et Gavarret constatèrent un rapport direct entre la diminution de la quantité d'albumine contenue dans le sérum et la proportion du même principe dont les urines sont chargées dans cette maladie {d). Fr. Si- mon a vu dans un cas du même genre l'albumine tomber à 63. Dans un cas observé par MM. Bec- querel et Bodier, la quantité d'albu- mine était descendue à 58 pour 1000 parties de sang {e), et dans une série de huit cas, étudiés plus récemment par los mêmes auteurs, la proportion de ce principe contenu dans le sérum s'est trouvée, terme moyen, 56, et au minimum Zi5 (/"). M. Schmidt, de Dorpat. a évalué à environ 82 mil- lièmes la proportion d'albumine con- tenue dans le sérum normal de l'homme, et l'a vue descendre au-des- sous de Ixh dans un cas d'albuminu- rie compliqué d'hydropisle {g). (a) Brighl, Reports of Médical Cases, p. 83. (6) Babiniîton, On Dlood {Medic. Chir. Traits., 1830, vol. \V1, p. 47, cl Todd's Ojdop. of Anat. and Phxjs'wl., vol. I, p. 420). (c) Christison, On the Granular Degeneralion ofllie liidneijs, 1839, p. 01. (d) Amiral et Gavarret, Op. cit. (,l)i«. de rliiin., t. V, p. 317). (e) Becquerel et Biidier, Rechercltes sur In composition du sang, p. 110. (/■) Becipierel et Bodier, Xouvellcs reclierrhes d'Iiéinatologie, p. -2i. (g) Schmiiil, Charakteristikder epidcmiscliCH Otolera, p. 121 VARlVriONS DANS SA COMPOSITION. 277 (.rime conslilution vigoureuse, doul la digesliou s'aoeoniplit bien, et en olïre le moins chez celles qui sont mal nourries (1) Du reste, ces modifications ne sont pas les seules que le sang subit d;ins cette affection, et, comme nous le ver- rons bientôt, il se charge en même temps d'urde. La diminution d'albumine se mani- feste aussi d'une manière remarquable dans la fièvre puerpérale et dans la fièvre typhoïde. Dans deux cas de fièvre puerpérale t;rave, MM. Becque- rel et Rodier (a) virent la proportion de ce principe protéique tomber au- dessous de 55 (dans un cas à 5/i, et dans un autre à Zi3 pour 1000 parties de sang, et les résultats obtenus par ces expérimentateurs ont été confirmés par M. Hersant (6). Chez les malades atteints de fièvre typhoïde, MM. Becquerel et Rodier ont vu la proportion d'albumine descendre terme moyen à environ 65 dans les premières saignée , et à 02 dans les secondes (c). Dans tous les cas de même nature, observés par IM.Ducom, Talbuminc s'est trouvée au-dessous du taux normal, et dans une analyse est descendue à 62,7 {d) Dans les maladies du creur, arrivées à une période avancée, MM. Becquerel et Rodier (e) ont constaté aussi un grand abaissement dans la proportion de l'albumine (quelquefois ils n'en trouvèrent qu'environ 67 pour 1000 parties de sang). Je citerai encore comme exemple des états pathologi- ques dans lesquels ce phénomène s'observe les cas d'anémie, où il se manifeste parfois avec rapidité et se traduit au dehors par la pâleur de la face, une grande débilité et une ana- sarqup générale (/'). l'iifin, d'après les expériences de M. Michéa, il paraît y avoir souvent chez les aliénés frappés de paralysie générale un abaissement dans la pro- portion des globules, qui coïnciderait avec une diminution dans la quantité d'albumine et une augmentation dans la proportion de fibrine ; laits qui s'ex- pliquent parfaitement dans l'hypothèse présentée ci-dessus [g). En résumé, les dernières recherches de MM. A. Becquerel et Rodier ont con- duit ces physiologistes aux conclusions suivantes : « La diminution de propor- tion de l'albumine, alors même qu'elle n'est pas très considér;\l)le, lorsqu'elle a lieu d'une manière aiguë, détermine rapidement la production d'une liydro- pisie. Lorsque cette diminution a lieu d'une manière chroniqtie, elle déter- mine également la production d'une hydropisie, mais il faut qu'elle soit bien plus considérable que quand elle est aiguë. Considérée d'une manière générale, l'hydropisie est le caractère symptomatique de la diminution de proportion de l'albumine du sang {h). (1) Ainsi M. Schmidta trouvé que le (a) Becquerel et Rodier, Recherches sur la composition du sany, p. 108. (b) Hersant, Sur la lièvre puerpérale [Can. iiiédic, 184(5). (r) Recherches sur la composition du sang, p. G7. (d) Uiicom, Rech. sur les matières albuminoïdes (Monit. des Iwpitau.v, isr)il, I. IV, y. Ôl8). (e) Nouvelles recherches d'hémalnlogie, p. 44. (/■) Becquerel et Rodier, De l'anémie par diminution de proportion de l'albumine du sang (Gaz-, médlc. de Paris, 1850). ig) Compt. rend, de l'Acad des sciences, iSM, t. \\\', p. ^M. (h) Becquerel et Rodier, Nouv. rech. d'tiématol. (Compt. rend., 1852, t. XXXIV, p. 835). 278 SANG. ou qui sont (l'une faible complexiou. Ordinairement elle est aussi en moindre abondance chez les jeunes sujets que chez les adultes. Enfin, chez les femmes affaiblies parles progrès de la ges- tation, cette matière diminue aussi un peu (1). L'augmentation de l'albumine dans les cas pathologiques est une circonstance rare et tout à fait exceptionnelle ; une diminution légère est au contraire un fait ordinaire, et coïncide le plus souvent avec l'abaissement dans la proportion des globules ; mais il peut se jtroduire indépendamment de toute variation dans la quantité de ces corpuscules (!2). La comparaison des proportions d'albumine et de fibrine dans le sang des malades, où la (piantité de ce dernier principe varie notablement, conduit à des résultats qui offrent aussi de l'intérêt pour les physiologistes. En effet, presque toujours les variations ({ui affectent ces deux principes suivent une marche inverse : l'abaissement du chiffre qui représente l'albumine coïncide avec l'élévation de celui (jui représente la fibrine, et vice versa (3). Enfin, il arrive souvent que l'excès en fibrine représente exactement le déficit en albumine, de sorte que, malgré les proporfions anormales de ces [irincipes, la somme sérum du sang de la veine jugulaire et 67, tandis que dans les deux der- du cheval contenait, terme moyen, niers mois elle sVst maintenue entre seulement 66,8 d'albumine, chez des 68 et 6/i. La proportion des giobuies a individus qui avaient été privés d'ali- varié entre l'i7 et IIG, pendant la prc- ments pendant longtemps avant d'être mière de ces deux périodes, et entre abattus, et 90,8 chez ceux qui avaient 115 et 90 pendant la seconde. La pro- fait un bon repas peu avant d'être sai- portion de librine, au contraire, est gnés [a]. montée assez régulièrement de 2 à 3, (1) M. J. llegnault a l'ait l'analyse puis à /i, à mesure que la grossesse du sang chez une série de vingt-cinq avançait [b). femmes en état de grossesse plus ou (2) Becquerel et lîodier. Traité de moins avancée, depuis le deuxième chimie pulholoiiique, p. 55. jusqu'au neuvième mois, et il a trouvé (3) Becquerel et Hodier, Recherches que pendant les cinq premiers mois la sur la composition du sang, p. 127. proportion de fibrine a varié entre 70 (rt) Voj-. Lcliniann, Lehrb. (1er physiol. Cliemic, 1853, t. II, p. 185. (b) i. Regnaiilt, Des modiftcaliom de quelques lliiides de l'économie pendanl la (jcslalwn. Thèse h la Faculté de médecine de Paris, 1847, p. 8. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 279 des deux réunis reste la même que dans l'état physiologique (1). Cette relation n'a pas éeliappé à l'attention des hématologistes et a conduit quelques auteurs à penser que la fibrine doit être le résultat d'une simple translormation de l'albumine, opinion qui ne manque pas de vraisemblance. § 17. — On ne sait encore que peu de chose sur les varia- tions qui peuvent s'effectuer dans la quantité de la caséine et des autres matières protéiques mal définies dont l'existence a été constatée dans le sang, et jusqu'ici la nature chimique des globules blancs dont le nombre devient parfois très considérable n'a pas été suffisamment étudiée. Je me bornerai donc à ajou- ter que, d'après les expériences de MM. Natalis Guillot et Leblanc, la proportion de caséum atteint son maximum normal chez la femme et les femelles de divers animaux domestiques vers la fin de la gestation et pendant l'allaitement, mais diminue beaucoup dans ces circonstances, quand le trouble est porté dans l'économie par des affections inflammatoires et quelques autres maladies (2). Variations dans la (luanlilé (le caséine, clc. (1) Voy. les remarques de MM. Bec- querel et l'iodier («), Wunder- lich (6), etc. L'abaissement des proportions de l'albuniine peut avoir lieu aussi d'une manière indépendante des modifica- tions qui s'observent soit dans la quan- tité de fibrine, soit dans celle des glo- bules. Ce t'ait a été souvent constaté par MM. Léonard et Foley (c). (2) Cette matière protéique est aussi plus abondante dans le sang des nou- veau-nés que dans le sang des adul- tes (dj. Sa disparition dans les cas pa- tbologiques a été observée aussi par M. Vernois (e). Dans quelques cas pathologiques le sang renferme des matières protéiques qui diffèrent plus ou moins de l'albu- mine, mais ne sont pas bien caracté- risées. Ainsi MM. Cbatin et Bouvier ont observé un cas de scorbut dans le- (a) Becquerel et Rodier, Recherches sur la composition du sang, p. 1-27. (6) WunderlieJi, l'ath. Physiot. des Blutes, 1845 (voy. Arch. fur yhysiol. und pathol. Chemie von Hellcr, 1840, l;,l. ni, p. 377). (c) Léonard et i'olej, Reclterches su,r l'état du sang dans les maladies endémiques de l'Algérie (Recueil de Mém. de médecine, de cliir. et de pharm. militaires, 1840, t. L.\, p. 135). (d) N. Guillot et Leblanc, Note sur la présence de la caséine dans le sang [Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1850, t. XXXl, p. 585). (e) Vernois, Ue la diminution et de la disparition de la caséine dans le sang des nourrices, etc. {Ga%ettedes hôpitatix, 1850, 3' série, t. Il, p. 596). Variations dans la quaiitilé des matières 'grasses. 280 SANG. § 18. — Les principes albuminoïdes ne sont pas les seuls matériaux constitutifs du sang dont la quantité relative soit sus- ceptible de varier, tant dans l'état normal que dans l'état patho- logique. Les matières grasses (1) sont dans le même cas, et le degré de leur abondance paraît être subordonné aussi à deux actions physiologiques opposées : celle qui en opère le verse- ment dans la masse du lluide nourricier, et celle qui en déter- mine l'élimination. La digestion fournit au sang des quantités quel ralbumine du sérum ne se coa- gulait qu'à la tempéialure d'environ 7i" (a). Peut - être faudrait-il atiri!)uer à quelque modificalion de l'albumine la proportion considérable de matières solubles dans l'eau bouillante que MM. Léonard et Foleyont trouvée dans le sang cbez qtielques malades en proie à la dysenterie et dans beaucoup de cas de fièvres intermittentes (6). La proportion des substances albu- minoïdes et autres que les chimistes confondent sous le nom commun de matières exfractives , augmente par- fois beaucoup : ainsi, dans un cas de dégénération graisseuse des reins , M. Scbottin a trouvé que ces produits étaient à l'albumine ordinaire dans le riipport de ~ , au lieu de t'o comme dans le sérum ordinaire (c). Il est probable que l'albumine du sang est susceptible d'éprouver aussi d'autres modifications, et que c'était un produit de ce genre qui don- nait au sérum lactescent observé par M. Caventou son aspect particulier. (Annales de chim. et dephys. , 1" série, 1828, t. XXXIX, p. 288.) (1) La présence de matières grasses dans le sang normal a été démontrée en 18-3 par M. Cbevreul , contrairement à l'opinion de Berzelius, qui considé- rait la graisse de la fibrine comme étant un produit de l'action des réac- tifs employés dans l'analyse (d). En 1830, .M. Babington, qui ne connais- sait pas les travaux de M. Cbevreul, arriva à un résultat analogue (e). Dans la plupart des anciennes analyses quantitatives du sang, on ne dosait pas les matières grasses; Nasse a été un des premiers à le faire chez divers animaux (/"), et M. Denis cbez l'homme malade aussi bien qu'en état de santé {g) ; mais les recherches compa- ratives les plus intéressantes sur ce dernier sujet sont celles de MM. Bec- querel et Jiodier (Rech. sur la compos. du sang, 18/i'2). (a) Cliatin et Bouvier, Composition du sang dans un cas de scovbul, et nouveau moyen de doser la fibrine du sang humain {Compt. rend, de l'Acad. des sciences, 1848 , t. XXVI, p. 171). (h) Léonard et Foley, Recherches sur l'état du sang dans les maladies endémiques de l'Algérie {liecueil de Mém. de médecine , dechir. et de pharm. militaires, 1846, t LX, p. 198 et 207). (c) Scliotlin, Mém. sur les cai-aclères de l'urémie (Gaictte hebdomadaire de médecine, 1853, p. 175, t. I, p. 44, et Arch. fur phys. Heilk., 1853). (d) Chevreul, Mém. sur plusieurs points de chimie organ. (Journ. de Magendie, t. IV, p. 119). (e) Babington, On Concrète Oil as a Priticiple of Healthij Blood [Medic. Chir. Trans., vol. XVI, p. 46). (/■) Nasse, Veber das Blut der Hausthiere (Journ. fûrprakl. Chemie, 1843, Ed. XXVIII, p. 140). (9) Denis, Rech. e.vpérim. sur le sang, 1830. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 281 souvent très considérables de [)rin(;i|tes gras qui y arrivent dans un état de division extrême sous la forme de glohiilins blancs; mais, dans les circonstances ordinaires, ces corpuscules s'y détruisent promptement, et ainsi que nous le verrons par la suite, ils paraissent être employés en grande partie à l'entretien des phénomènes de combustion qui constituent la base du travail respiratoire. Ainsi une multitude de globulins incolores, qui réfractent fortement la lumière, qui pour la plupart se laissent dissoudre facilement par Téther, et qui par conséquent paraissent être des particules de graisse entourées probablement d'une mince couche de matière albuminoïde soliditiée, se montrent dans le sang peu de temps après les repas, mais en disparaissent gra- duellement dans l'espace de quelques heures (1). On sait aussi, (1) Nous reviendrons bientôt sur Cliien,uneoa deux lieures après les l'étude des faits relatifs à Torigine de repas, surtout quand Tanimal a mangé ces globules graisseux. Leur prompte beaucoup de graisse (c). Enfin, les disparition dans le torrent de la circu- recherches encore plus récentes de lation a été constatée par MM. Nasse, M. Flirt et de M. Marfels mettent éga- Kôlliker et plusieurs autres phy- lement en lumière rinlUience de l'absti- siologistes (a). Les expériences de nence ou de l'alimentation, ainsi que MM. Donders et Moleschott, relatives celle des médicaments toniques sur à Tinfluence de l'abstinence sur la la proportion de ces corpuscules com- proportion des corpuscules blancs et parés aux globules hémaliques (rf). des globules rouges dans le sang des On a remarqué aussi depuis long- Grenouilles s'accordent parfaitement temps que dans les cas où l'on pra- avec les vues exposées ci-dessus (6). tique une saignée peu de temps après M. Bocker a trouvé que les globulins un repas, le sérum est souvent lactes- très réfrangibiesetsolublesdansl'élber cent, et l'on attribue assez générale- se rencontrent en foule dans le sang du ment ce phénomène à l'arrivée des (a) Kollikor, Éléments d'histologie humaine, tS")!'», p. Gilî. (6) Donilers et Moleschott, Unteisticltimg ûber die Blutkurperchen {HoMndische Deitrdge %u den anatoniischen und physiotogischen Wissenschaften, d8i8, p. 3()0). (c) 15ocker, Ueber die verschicdenen Artemind die Iledeutung der gervulklen fnrblosen lilut- korpeiThcn (Arch. fur physiol. Heitk., 1851, t. X, p. 555). (dj lliit, Icber das numerische yerluiUniss zwischen den weissen und rothen niutiellen (Arch. fiir Anat. und l'ItysioL, von MiUlcr, 185t'i, p. 17 i). — Marfels, Ikber das Vevlidllniss du- favblosen lihitkôrperchen zu den farbiyen in verschie- denen regelnuïssigen und unregelmâssigen Zustdnden des Menschen {llntcrsiichungen ziir Natur- lehredes Mensclienund der Thiere, von Moleschott; Frankf., 185C, Bd. I, p. 61). I. 36 C)0<:) SANG. parles expériences de M. Donné, que les i;lobules graisseux injectés directement dans les veines d'un animal vivant sont promptement éliminés (1). Enfin une longue série de faits dont il sera question dans une autre partie de ce Cours, nous montre que la graisse, transportée de la sorte par le lluide nourricier dans toutes les parties de l'organisme, peut s'y déposer avec une grande facilité, surtout quand la combustion respiratoire n'est pas activée par l'exercice musculaire ou par quelque autre intluence stimulante ; ou bien encore, qu'après avoir été déposée de la sorte, cette même graisse peut être reprise par le sang et rentrer dans le torrent de la circulation. Nous verrons aussi plus tard que le régime alimentaire des animaux exerce une grande influence sur la quantité de graisse contenue dans l'organisme; mais, dans l'état normal, la pro- portion de ces matières que le sang peut tenir en dissolu- tion ou en suspension d'une manière durable toujours reste très faible, et n'augmente pas notablement par l'usage d'ali- matières grasses charriées par le chyle (a). Dans une série d'expériences faites sur ce sujet par M. Thompson, de Glasgow, le sérum , qui était transpa- rent comme d'ordinaire quand la sai- gnée avait été faite avant le repas, est devenu lactescent et fortement chargé de graisse trois heures après l'usage d'aliments gras ; mais six heures après le repas, l'excès de matière grasse y avait presque entièrement disparu. Il a remarqué aussi que chez les Veaux que Ton fait jeûner de douze à vingt-quatre heures avant de les tuer, le sérum est limpide, tandis que chez les individus qui avaient mangé des matières féculentes et grasses, entre trois et six heures avant d'être saignés, ce liquide était laiteux et ren- fermait beaucoup de graisse libre (6). La grande disposition du sang à donner de la couenne dans ces cir- constances (c) paraît dépendre aussi en partie de l'abondance momentanée de la graisse dans le sang, à la suite du travail digestif. (1) Donné, Sur l'injection du lait dans les vaisseaux {Cours de micros- copie, iSlxh, p. 80). (a) Babington, Morbul CoMitions of the Blood (Todd's Cyclop. of Anal, and Phijs., vol. I, p. ^'2■■i}. (b) P.. D. Tliompson.O/i the Digestion of Vegetable Albumen, Fat andSInirh {PInlos. Magazine, 1845, New Ser., \ol. XXVI, p. 3-24). (f) Halin, Recherches expérimentales sur l'hémaleucnse, ou coagulation blanrlie du sang, inil- ijairement appelée couenne inflammatoire {Ksculape, 1840). V.VIU.VTIOXS DANS SA COMPOSITION. --'^^ niouls ric'lies en principes ^ras. La portion de ceux-ci, qui est alors absorbée et mêlée au sang, doit donc se détruire ou se déposer rapidement (1). Mais dans l'état pathologique il en est souvent tout autre- ment, soit que l'action comburante de la respiration, dont nous aurons bientôt à nous occuper, s'affaiblisse ou s'exerce sur d'autres matières combustibles, soit que la fixation de la graisse dans les tissus s'arrête. Ainsi la proportion des corps gras que le sang renferme change dans diverses maladies et devient par- fois tellement considérable, que le sérum en acquiert un aspect laiteux (2). Les questions ([iichpyarhémie, ou excès de matières grasses dans le sang, soulève, sont trop complexes pour (pic nous puissions les discuter en ce moment, et je ferai remarquer (1) Nous reviendrons sur ce sujet la nature des aliments sur la propor- en traitant de la nulrilion, et je me tion des matières grasses du sang a bornerai pour le moment à ajouter été, au contraire, fort manifeste. Ce que les expériences de M. Boussin- chimiste a pris pour premier terme gault, ainsi que celles de MM. Sandras de comparaison le sang recueilli chez et Bouchardat, établissent que le sang un Cheval nourri de la manière ordi- contient autant de matières grasses naire, et pour deuxième terme le sang chez les animaux que Ton nourrit avec du même animal, après qu'il eut été des aliments dépourvus de graisses que soumis pendant trois jours à une ali- chez ceux à qui Ton donne des ali- mentalion exclusivement amylacée. 11 ments très riches en ces matières (a) ; trouva dans le sang veineux : mais il est à noter que dans ces expé- . ç^Qg ^^ ^rais^sc sous le régime ordinaii-e ; riences il entrait beaucoup de prin- 3,592 de graisse après l'emploi des aliments r, , . j 1 , . . exempts de graisse (c). cipes féculents dans le régime, et nous ^ ^ verrons ailleurs que ces substances (2) L'existence de la graisse visible peuvent être employées dans l'orga- à l'œil nu dans du sang anormal avait nisme à former des matières grasses (6). été aperçue par Baglivi chez des Dans une expérience faite sur un Chiens empoisonnés par des cantha- Cheval par M. Lehmann.rinlluencede rides [d), et un fait analogue chez {a) BoMcliardat cl Sandras, Recherches sur la digesluin et i assimilation des corps gras {Ann. des scienc. nat., 1843, 2' série, t.XX, p. ■172). — Boiissingauli, Recherches sur iiniluence que certains priiirii>es alimentaires peuvent exercer sur la pro])ortion de matières grasses contenue dans le sang [Ann. de chimie, 1848, 3* série, t. XXIV, p. 400). {b) Dumas et Milne Edwards, Note sur la production de la cire des abeilles {Ann. des scienc. nat., 1843, 2' série, t. XX, p. 174). (c) Lehmaiin, Lehrbuch der physiol. Chcm., I!d. II, p. 212. (i) Baglivi, Dissertatio de usu et abusu vesicantiu}H, lOKO (Op. omn., 1745, p. 648). 28 Û SANG. seulement que cette anomalie paraît se lier tantôt à un état inflammatoire du foie, du péritoine ou de quelque autre organe imporlant (1) ; d'autres fois à des affections dans lesquelles la combustion respiratoire semble être entravée : le choléra (2), la peste (3) et la maladie de Bright (i), par exemple. l'homme avait été annoncé par Hew- (1) Dans un cas de péritonite, son (a) et par Fordyce {h), mais nié M. Ileller a trouvé le sérum composé ensuite par Hunter (c). De nouvelles de : observations faites d'abord par Trail Eau 829,51 en 1821 et 1823 (J). puis par Adam (.) ^::::'': ///////_ 'Hf, et Christison (/"), vinrent confirmer Matières exiract. et sels. . n,22 l'opinion de Ilewson. Aujourd'hui on ce sérum était laiteux (/). MM. Bec- connaît un nombre assez considérable querel et llodier ont vu que dans les de cas de ce genre, mais on sait aussi phlogmasies la proportion de graisse que ce n'est pas toujours à un excès de s'élève un peu, mais c'est surtout dans matières grasses que le sang laiteux l'jctère qu'elle devient considérable, doit l'aspect qui le caractérise (p. 280). oans un cas de ce genre ces patholo- Parfois cet état est dii à des granules gjstes en ont trouvé plus de ,^„ (j). albuminoïdes, comme dans le cas cité (2) Dans un cas de choléra violent ci-dessus, et chez un malade observé chez une femme, l où le sang Dans un autre cas du même genre, présentait à sa surface des gouttelettes M. Lecanu a trouvé environ 12 pour d'apparence huileuse (/), 100 de matière grasse [Journal de (3) Voyez Simon, Animal Chemis- chimie médicale, 2' série, 1835, t. I, try, p. 320. p. 300.) [k) Marcel a observé un cas de (a) Hewson's Works, p. 8b. (6) Fordyce, Inquinj into the Cause of Fever, 1774, p. 24. (c) Hiiiiter, Sur le sang (Œuvres, t. 111, p. 72). (d) Edinb. Medic. Chir. Joiirii., t. XVU, p. 235 et 037 ; t. XIX, p. 319. (e) Trans. of the Mcdic. Soc. of Calcutta, 1825, vol. I. (f) Edinb. Mcdic. Chir. Journ., vol. XXXII, p. 280. (ff) Simon, Palhol. chem. IJnters. {lieitr. iur phijsiol. und pathol. Chem., 1844, p. 287). ('1) Voy. Simon, .\n)mal Cheinisinj, vol. I, p. 332. (i) Heller, Pathol. chem. Untersuch. {.irch. fur pliyslol. i-.iid pathol. Chem., 1844, Bd. I, p. 5). (i) Becquerel et Rodier, Recherches sur la composition du sang, p. 106. (fc) Simon, .Animal Chemistrij , vol. I, p. 325. (l) Rayer, lievue médicale, 1827, t. 111, p. 528. VAUIATIO^JS DANS SA COMPOSITION. 285 11 est aussi à noter que dans les [tlilegmasies aiguës et même dans toute maladie aiguë lebrile, la proportion de eliolcstérine s'élève notablement ; l'inlluenee de la diète semble produire un résultat analogue, tandis que dans la grossesse la quantité de cette graisse non saponifiable est d ordinaire au-dessous du eh iiTre normal. iMM. Be('([uerel et Rodieront reiiiarqué aussi que la quantité de cholestérine ne diffère [las notablement dans les deux sexes, mais augmente dans la vieillesse chez la femme aussi bien que chez riiomme (1). Les variations dans la proportion des savons contenus dans le sang semblent suivre en général celles de la cholestérine (2). sérum laiteux chez uu diabétique. Daus les analyses du sang des diabétiques faites par Fr. Simon, la proportion des matières grasses s'est trouvée en général entre 2,li et '2,6 pour 1000 («). Dans une analyse ana- logue faite par MAI. Becquerel et llo- dier, la proportion de graisse était de '2,67 [b). Voyez aussi à ce sujet les observations de M. Bird (c). (l) D'après les analyses de AIM. Bec- querel et Uodier, le sang renferme- rait, terme moyen, environ 88 mil- lionièmes de cholestérine chez l'homme et 90 chez la femme ; le maximum se- rait de TT^ro-^ chez l'homme, et de T^^ chez la femme. Ces pathologistes ont fait voir aussi que la matière grasse phosphorée est un peu plus faible chez la femme que chez l'homme, où elle se trouve géné- ralenient dans la proportion d'environ r^, quelquefois de ^„. Elle devient plus abondante dans les phlegmasics et diminue souvent dans les fièvres typhoïdes graves. Dans les cas de phlegmasie aiguë, ces auteurs ont trouvé, terme moyen, deux fois plus de cholestérine que dans l'état ordinaire. Dans les cas d"ictère la proportion de ce corps gras augmente beaucoup plus et de- vient parfois cinq ou six fois plus grande que dans l'état normal. {Traité de chimie pathologique, p. 63.) D'après M. Cozzi, le sang paraît être aussi très riche en cholestérine chez les malades afl'ectés d'engorgement du foie ou de la rate, et qui sont très affaiblis par suite des fièvres endémiques des maremmes de la Toscane {d). Quant à la séroline et aux acides gras, ces matières sont en quantités encore plus minimes, et jusqu'ici leur étude n'a conduit à aucun résultat important pour l'hématologie. (2) il est à noter cependant que cette relation ne se rencontre pas (a) Simon, Op cit., vol. I, p. 325. (6) Bucquerol et liotlior, Op. cit., p. HO. (c) Bird, Obs. on the Fatty Matter of llie Blood [London Med. Galette, i 830, vol. XVIII, p. i 33) (rf) Gaictta medica ilaliana federativa, 1851 . 286 SANG. J'ajouterai encore que la proportion des matières grasses du sang varie beaucoup dans les divers animaux : ainsi, chez les Poissons et les Batraciens, ces principes sont si abondants, qu'ils forment souvent à la surface du sérum des gouttes huileuses visibles à l'œil nu (1). Nous ne savons encore que peu de chose relativement au rôle des matières grasses dans la constitution du sang, mais quelques physiologistes pensent qu'elles interviennent active- ment dans la production des globules hématiques ; et tout en repoussant la théorie qui a été hasardée i)ar Acherson pour toujours: ainsi, dans le sang d'un malade atteint de choléra sporadique, M. Heiler a trouvé une très forte pro- portion de graisse saponifiable, mais pas de cholestérine (a). Dans un cas de sang laiteux observé par MM. San- dras et Chatin, la proportion d'oléine et de margarine était aussi beaucoup plus élevée que celle de la choles- térine (6). (1) M. Nasse a remarqué que le sang est souvent lactescent chez les Oies (c), et M. Lereboullet, en examinant au mi- croscope le sérum d'un de ces oiseaux dont le foie avait subi la dégénéres- cence graisseuse, a constaté que l'as- pect laiteux de ce liquide était dû à la présence d'une multitude de très petites gouttelettes de graisse (cl). Dans les analyses faites par M. Bous- singault, la proportion de graisse exis- tant dans le sang normal a varié entre : 0,0021 cl 0,0070 chez des Pigeons ; 0,0034 et 0,0049 chez des Canards (e). L'existence de graisse liquide dans le sang a été constatée chez la Gre- nouille par M. Endcrlin {f . Fr. Simon l'a observée aussi chez le Crapaud, la Carpe et la Tanche. Voici du reste les résultats des analyses faites par ce dernier chimiste : Eau .... Mat. solides. Fibrine. . . Graisse . . . Albumine. . Hématoglobu- line . . . Sols , etc. . Cnrpn. 87-2,00 128,00 traces 2,97 83,85 24,03 6,13 Tanche. 900,00 100,00 traces 4,07 68,80 15,65 2,77 (Jrapaiul. 848,20 151,80 traces 9,61 112,33 29,75 2,43 Chez ces animaux, l'hématoglobu- line paraissait dill'érer aussi un peu (a) Heiler, Harn, Elut, etc., bel Choiera sforadirn [Arch. fur phijs. und path. Chemie uni Mikrosk., 1844, p. 14. (b) (f) sk., 1844, p. 14. ^ ■ • , I os!o\ Chalin et Sandras, Sur le sang blanc {Gabelle des hôinlaux, 1849, o' série, t. 1, p. -bJ). ^asse, [ilut (W'-Asner's Handworterbuch dcr Plnjsiotniiie, \id.\, \>. ii^t). sur ta propu t. XXIV, p. 403). tara i i v\'ir (/■) Enderlin, Chem. physiol. Untersuch. {Ann. der Chem. vnd Pbarm., 1842, vol. LXMI, p. 304). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 287 expliquer la formalion de ecsorganites (1), je suis porté à croire qu'il existe une relation intime entre ce phénomène et l'emploi physiologique de la graisse contenue dans le lluide nourricier. Un fait intéressant, et qui pourrait être invoqué à l'appui de ces hypothèses, a été constaté d'abord par Popp (2), puis par Fr. Simon (3), et plus récemment par M. T. Thompson (li) : c'est l'augmentation de la proportion des globules du sang sous l'influence de certaines matières grasses mêlées aux aliments. L'emploi de l'huile de foie de morue tend à produire ce résultat important, et l'huile de coco paraît jouir de la même propriété. Ainsi chez des phthisiques soumis à ce régime on a vu la pro- portion des globules s'élever jusqu'à ilik-, tandis que d'ordi- naire le sang de ces malades est moins riche en globules que le sang ordinaire. § 19. — Quant aux matières salines qui entrent dans la com- position du lluide nourricier, elles peuvent varier notablement de celle fournie par le sang des Mam- mifères. {Anim. Chem., t. I, p. 3Z|9.) (1) Voy. ci-dessus, page 80. (2) Popp , Untersuchungen uher die Beschaffenheit des menschlischen Blutes in verschiedenen Krankheiten, 1845. (3) Fr. Simon a analysé le sang de trois phthisiques. Chez deux de ces malades la proportion des globules était seulement de 63,8 ou de 7Zi,Zi, chiffres qui s'accordent très bien avec ceux obtenus dans des cas analogues par MM. Andral et Gavarret; mais chez le troisième malade, à qui depuis quelque temps on administrait avec avantage de l'iiuile de foie de morue, la proportion d'hématoglobuline s'éle- vait à 97,2. {Animal Chemistry, t. I, p. 280.) (/l) M. Th. Thompson a comnm- niqué récemment à la Société royale de Londres des observations analogues relatives aux effets de la même huile et de celle extraite des noix de coco, et consistant en oléine pure. Ses analyses portent sur le sang de sept malades et ont donné les résultats suivants : Globulps. 1° Une femme plithisique au 1" degré, avant l'emploi de l'Iiuile 129,20 2' Une femme au même degré, après l'emploi de l'huile de foie de morue 130,17 3° Un homme au 1" degré, avant l'em- ploi de l'huile. 410,53 4° Homme au 1" degré, après l'emploi de l'huile de foie de morue. . . . 141,53 5° Homme au 3' degré, après l'emploi de la même huile 138,74 0° Homme au 3' degré, après l'emploi de l'huile de coco 139,95 7° Homme dans les mi'mcs conditions. 144,94 L'usage d'huile d'amandes et d'huile d'olive n'a produit aucun effet utile. {On the Changes produced in the Blood by the Administration of Cod-liver OU andCocoa-nut OU, in Proceedings of the Ruyal Society, vol. Vif, p. Ui, April 185/1.) Variations dans la proportion des matières minérales. 288 SANG. dans leurs proportions, sans (|u'il en résulte aucun cliangement bien marqué dans les propriétés physiques ou chimiques de cet agent, ni dans la manière dont il agit sur l'organisme. Ainsi MM. Becquerel etRodier, en faisant l'analyse du sang chez onze hommes en bonne santé, ont obtenu tantôt 8 millièmes de ma- tières salines, tantôt 5 millièmes seulement ; et dans l'état actuel de la science il est impossible de poser aucune règle touchant l'influence que l'âge ou le sexe peuvent exercer sur le degré d'abondance de ces principes minéraux (1). Des variations analogues se rencontrent lorsque, au lieu de doser les sels en bloc, on évalue séparément chacune de ces substances. Ainsi on voit par les recherches de MM . A . Becquerel et Rodier, que dans l'état normal la proportion du chlorure de sodium peut osciller entre /t,5 et 2,5 pour 1000 parties de (1) M. Lehmann pense qu'en géné- ral le sang de riionime est pins chargé (le matières salines que le sang de la femme, et que chez les jeunes animaux la proportion de ces corps est plus faihie que chez Tadulte. Ainsi il admet que la quantité de sels contenue dans le sérum est, terme moyen, de 8,8 pour 100 chez l'homme, et de 8,1 chez la femme (a). Mais cette conclu- sion ne s'accorde pas avec les résultats obtenus parIMM. Becquerel etRodier, qui ont trouvé, terme moyen, 6,8 mil- lièmes de matières salines et extrac- tives chez l'homme, et 7,/i chez la femme (6). iM. Lehmann se fonde sur les expé- riences de M. Poggiale pour établir que les principes salins du sang sont plus abondants chez l'adulte que chez les jeunes animaux. Cela s'observe effectivement dans les analyses que ce chimiste a faites du sang d'un certain nombre de Chiens, Chats et Lapins nouveau -nés, comparées aux ana- lyses d'individus adultes des mêmes espèces ; mais le contraire se remar- que dans les analyses comparatives du sang chez le Veau, la Vache et le Bœuf : le Veau a donné 11,2 ; la Vache 9,9, et le Bœuf 8,7 (c). U est aussi à noter que des diffé- rences du même ordre se rencontrent parfois dans les diverses portions du sang obtenu d'une même saignée, et M. Zimmermann a constaté que la proportion des matières salines tend à augmenter par l'effet de la phlébo- toraie ((/}. (a) Leliniann, Lehrh. derphysiol. Chem., ^853, Bd II, p. 21 5. (6) Bcc(iiierol et Rodier, Recherches sur la composition du saiiy, p. 23 et 27. (c) Poggiale, Reclicrches chimiques sur le sang (Compt. rend, de l'Acad. des sciences 1841, 1. XXV, p. 112 et 200). (rf) Zimmermann, Ueber das Verlialten der Sahe im Blute mid Sérum beim. Aderlass (Heller'.s Archiv fur physiol. wid pathol. Chemie und Mikrosh., 1840, Bd III, p. 522). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 289 sang (i). 11 est rare que la iiroporlioii de ce corps augmente dans l'état pathologique (2) ; presque toujours elle s'abaisse, et cette diniinution paraît tenir surtout à l'abstinence à laquelle les malades sont généralement astreints ; elle tombe alors entre 2 et 3 millièmes, tandis que sous rinlluence d'un régime où ce condiment entrait à très haute dose , on a vu le sang devenir beaucoup plus chargé de sel que dans les circonstances ordinaires. Ainsi dans (pielques expériences de MM. Plouviez et Poggiale sur remj)loi médicinal du chlorure de sodium, la quantité de celle matière contenue dans le sang s'est élevée de li.li à 6,4 sans qu'il en soit résulté aucun trouble dans l'éco- nomie (3j. Cependant nous verrons bientôt que l'influence du sel contenu dans le sérum parait être considérable sur certains phénomènes qui se produisent dans la respiration, et que si la proportion de cette matière dépasse en plus ou en moins cer- taines limites, il semble devoir en résulter des inconvénients graves. L'abondance des autres matériaux salins du sang est suscep- tible de varier aussi par l'effet du régime. Ainsi, dans les expé- riences d'Enderlin, des Oiseaux nourris les uns avec du fro- ment, substance qui ne renferme que très peu de silice soluble, les autres avec de l'orge, (jui en contient lieaucoup, ont pré- senté des différences notables dans la composition des cendres (1) La quantité de chloiiire de so- par M. A. Becquerel, la proportion de dinm constatée par ces patliologistes chlorure de sodium s'est élevée à a été en moyenne de 3,5 pour 100 (a). 6,61 ((/). IM. Nasse a trouvé, terme moyen, (o) Dans un cas de ce genre, sous Zl,69 {b). l'influence excitante de la médication Enfin Fr. Simon , en discutant les saline continuée pendant plusieurs analyses faites par M. Denis , trouva, mois, MM. Plouviez et Poggiale ont vu terme moyen, à,U (c). la proportion des globules du sang s'é- (2) Dans un cas de choléra observé lever, chez l'homme, de 130 à l/i3(e). (o) Becquerel et Rodier, Traité de chimie pathologique, p. CT). (6) Nasse, L'eber dus ISlut (Journ. fiiv praki. Chem., t8i3, t. XXVIII, r- ' 18). (c) Simon, Animal Chemistry, vol. 1, p. 23"2. (d) A. Bccfiuerel, ISole relative à quelques analyses du sang, etc., des cholériques {Arch. gén. de méd., 1849, 4' sciic, t. XXI, p. 192). (€) Poggiale, Recherches chimiqxies sur le sang {Compt. rend., 1847, l. XXV, p. H2). I. 37 290 SANG. obtenues par l'incinération du sang. Chez les premiers, le sili- cate de {)Otasse était beaucoup moins abondant que chez les seconds; le chlorure de sodium était également en moindre quanUté ; tandis que la proportion des phosphates terreux était deux fois plus grande que chez les individus soumis au régime de l'orge (^1). Des résultats analogues ont été obtenus par M. Verdeil en faisant varier le régime du Chien (2). Dans les cas de maladie, on voit le sang de l'homme éprou- (1) Voici les rt^sultats que M. En- derlin a oijlenus de l'analyse des cen- dres du sang de quatre jeiuies Coqs du mênie âge, qui buvaient la même quantité d'eau, mais dont les uns ( n"" 1 et 2 ) avaient été nourris avec du froment, et les autres ( n" 3 et /i ) avaient été nourris avec de Forge. Cendres insolubles dans l'eau .... Phosph. de sesqui- oxyde de fer. . . Phosphate de chaux et de magnésie. . Phosph. de potasse tribasique .... Silicate de potasse. Chlorure de sodium et traces de sulfate de potasse .... I. II. m. IV. 23,^24 23,20 22,5 22,8 8,45 8,70 7,5 7, G 14,79 14,50 15,0 15,2 52,34 50,48 25,0 24,4 3,53 2,75 14,0 14,4 20,89 23,57 37,9 38,4 On voit que sous l'influence du ré- gime de l'orge, la proportion des phos- phates terreux a baissé de plus de moitié, et que celle du sel commun a beaucoup augmenté (a). (2) M. Verdeil a trouvé que chez les chiens nourris avec de la \iaude seu- lement le sang donne des cendres con- tenant beaucoup de phospliates alca- lins, mais peu de carbonates, tandis que le sang des mêmes animaux nour- ris de matières végétales seulement lui a donné une quantité considérable de carbonates alcalins, mais peu de phos- phates {b). Voici les résultats que ce chi- miste (c) a obtenus de l'analyse des cendres de deux chiens dont l'un fn" 1) avait été nourri pendant dix- huit jours avec de la viande, et l'autre (n" 2) avait été nourri avec du pain et des pommes de terre : N" I. N" II. Cldore 30,25 30,94 Sodium 19,00 20,04 Soude 5,78 2,02 Potasse 15,16 19,16 ■ Magnésie .... 0,07 4,38 Acide sulfurique. 1,71 1,08 — phosphorique. 12,74 9,34 _ 1,22 2,35 Chaux 0,10 0,70 Oxyde de fer . . 12,75 8,65 Ac. carbonique. 0,53 0j37 On voit qu'ici la dilïérence dans la proportion de la magnésie a été très considérable, ainsi que celle de la po- tasse et de l'acide phosphorique. \l. Verd'.'il rapproche ces laits des ré- sultats qu'il a obtenus de l'analyse com- parative des cendres du sang du Bœuf, du Mouton , du Porc , de l'Homme et du Veau. C'est dans le sang du Porc que la potasse était la plus abondante. (a) Enderliu , Physioloijisch-chemische Untersuchungen (Ann. der Chem. vnd Pharm., 1848, Bd. LXVll, p. 304, etA«». dechim., 1849, p. 501). (b) Note sur la rompos. des sels du saii;] [Mém. de la Soc. de biologie, 1850, t. I, C. R., p. 71). (c) Verdeil, Unlersuchung der lilulasche verschiedener Thiere (Ann. der Chem. und Pharm., 1849, Bd. LXIX, p. 89, ei Ànn. dechim., 1850, p. 571). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 291 ver des modifications notables quant à sa teneur en phosphates terreux et en sels alcalins (1). Mais les faits de ce genre con- statés jusqu'ici n'ont conduit encore à la solution d'aucune des questions physiologiques dont l'étude nous occupe en ce mo- ment, et par conséquent nous ne nous y arrêterons pas. Les matières salines du sang varient aussi en quantité chez les divers animaux, et, de même que pour les principes Orga- niques, la proportion qui est normale pour certaines espèces correspond à ce qui serait un état pathologique pour d'autres espèces voisines. Les analyses ne sont pas encore assez nom- breuses pour que l'on puisse en tirer des conclusions générales, mais il est à noter que chez le Chien et le Chat, animaux dont le régime est carnassier, les carbonates alcalins sont moins abon- (1) Le carbonate de sonde fourni par l'analyse des cendres du sang et les autres sels alcalins sont d'ordi- naire représentés par le chitfre 2,5 ; mais dans les phle^masies celte pro- portion s'abaisse en moyenne à 2,0 (a). Dans le sang d'un scorbuticfue, ana- lysé par M. Fremy. ainsi que dans un cas du même genre examiné par M. Andral. la proportion de ces sels alcalins était au contraire plus grande que dans l'état normal [b). Enfin M. Coben a constaté que dans certains états pntboiogiqnes, tels que des cas de fièvre typhoïde, l'alcalinité du sang est augmentée, mais que dans la plupart des maladies la proportion d'alcali libre diminue [c). Le phosphate de chaux varie entre O.ZiO et 0,30 (terme moyen, 0,3ô ). Dans presque toutes les maladies il devient plus abondant, et dans l'ané- mie il s'élève jusqu'à 0,ô:'(. Cette aug- mentation paraît être plus grande dans la (ièvre typhoïde et dans la phtbisie que dans les phlegniasies. Dans la grossesse on a trouvé 0,/j'2. C'est dans l'état physiologique que la proportion est la plus faible (. 138. (c) Gaiette médicale, 1850, p. vîlt, et 1851, p. 365. (d) Becquerel et Rodier, Traité de chim. path , p. G8. (e) Scliniidl, Charakt. der epidem. Choleia, 1850, p. 5i el suiv. 292 SANG. dants que chez les herbivores, tels que le Bœuf, le Mouton et le Cheval, tandis que les sels calcaires sont, au contraire, en plus grande quantité chez ces derniers (1). S'il était permis de tirer (1) M. Nasse a fait l'analyse du sang d'un certain nombre d'animaux do- mestiques, et a obtenu les résultats suivants (pour 100 parties de sang) : 1° Sels soinbles. PhospliatPS Siilf.tes C arbrmates Cil In nue alrnlins. alralins. alralins. d 1p $o(litim. Chien . 0,730 0,197 0,789 4,490 Chat. . 0,607 0,210 0,919 5,274 Cheval. 0,844 0,213 l,10i 4,659 Bœuf . 0,408 0,181 1,071 4,321 Veau . 0,957 0,269 1,263 4,864 Chèvre 0,402 0,265 1,202 5,175 Mouton 0,395 0,348 1,498 4,895 Lapin . 0,637 0,202 0,970 4,092 Cochon 1,362 0,189 1,198 4,281 Oie . . 1,135 0,090 0,824 4,246 Poule . 0,945 0,100 0,350 5,392 2" Matières insolubles. Peroxyde Cluniix. Anile A.Ule de fer. 1,1, nsphnritiue . snlfiiriq. Chien . 0,714 0,117 0,208 0,013 Chat. . 0,516 0,136 0,263 0,022 Cheval. 0,786 0,107 0,123 0,026 Bœuf . 0,731 0,098 0,123 0,018 Veau . 0,631 0,130 0,109 0,018 Chè\Te 0,641 0,110 0,129 0,023 Mouton 0,589 0,107 0,113 0,044 Cochon 0,782 0,085 0,206 0,041 Oie . . 0,812 0,120 0,119 0,039 Poule . 0,743 0,134 0,935 0,110 La magnésie et la silice ne furent pas dosées dans ces expériences (a). Dans la plupart des analyses du sang on a négligé le dosage des petites quanlités de potasse qui s'y trouve mêlée à la soude. M. Enderlin en a fait l'objet d'études spéciales et a ob- tenu les résultats suivants. Pour 100 parties de soude contenues dans les cendres obtenues par l'incinération du sang, il a trouvé la poiasse dans les proportions de 6,5 chez un Homme ; 13,5 chez un Bœuf; 5,5 chez un autre Bœuf; 4^,3 chez le Veau; /|3,9 chez un Pigeon, et 16,8 chez un autre. Dans trois analyses du sang de la Femme il a trouvé 1,6; 1,2 et 3,8 de potasse pour 10 de soude ; mais dans un cas de maladie de la poitrine il a vu la proportion de poiasse s'élever à û,18 pour 100 de soude (6). Plus récemment des analyses ana- logues ont été faites par M. Poggiale et ont donné des résullats un peu dif- férents, ce qui semble indiquer des variations 'dépendantes du régime ou des particularités individuelles. Pour tirer des recherches de ce genre quel- ques conclusions générales, il faudrait par conséquent avoir des moyennes établies sur des analyses plus nom- breuses. Voici du reste les proportions trouvées par M. t'oggiale (c) : Clilorure Chlorure Phosphate Sulfate Garboiintes PUosuliiite 0»vde Carb. et liqué (1) Ainsi M. Marcliand, ayant dissous 1 gramme d'urée dans 1200 grammes dfi sérum, n'a pu en retirer de ce liquide que 0,20, et il pensait qu'il n'était pas possible de retrouver ce principe im- médiat dans le sang, lorsqu'il existe en proportion inférieure à 1/ZiOO. Aussi n'a-t-il pu en constater aucune trace, bien qu'il eût opéré sur 3 litres de sang de chien (a). MM. Mitsclierlich, Gme- lin et Tiedemann étaient arrivés au même résultat négatif en opérant sur près de 5 kilogrammes de sang de Bœuf {b). C'est aussi en employant de très grandes quantités de sang que Simon a trouvé de l'urée dans ce li- quide chez le Veau {<;), el M. Garrod chez l'homme (d). Jusque dans ces derniers temps on n'était pas parvenu à le doser, el c'est seulement à l'aide de calculs hypothétiques que M. Mar- chand en évalua la proportion à 0,018 pour 100 (e). (2) On trouve dans la Thèse de M. Picard un examen comparatif des divers procédés employés jusqu'ici pour la constatation de la présence de l'urée dans le sang (/"). La méthode de M. Liebig, à laquelle il donne la préfé- rence, consiste dans l'emploi d'une dissolution titrée de nitrate de mer- cure. Si à une solution étendue d'urée on ajoute une solution également éten- due de ce dernier sel, on obtient un précipité blanc formé de 100 parties d'urée unies à 7 JO d'oxyde de mercure. En ayant soin de neutraliser la liqueur avec du carbonate de soude à mesure que l'acide nitrique se trouve mis en liberté par celle réaction, on peut pré- cipiter ainsi la totalité de l'urée; et du moment qu'il ne reste plus aucune (a) Maixliand , Ueber das Vorkommen des Harnstoffcs im thienschen Kôrpcr ausserhalb des Harns IJourn. fUrprakt. Chemie, 183", Bd. XI, p. 14"J). — Lehrbuch de)' physioL. Chemie, iSii. (b) Gmeliri uiid Tiedemann, Versuche ilber das Blut {Annalen der Physik und Chemie vonPog- gcndorff, 1834, Bd. WXI, p. ;!10). (c) Simon, Ucber das Vorkommen des Harnstoifs im Blute {Arch. fïir Anat. nnd Physiol., 1841 , p. 454, el Anii. des sciences nalur., 18i"2, i' série, t. XVIll, p. 380). — Animal Chemistry, vol. 1, p. 182. (d) Gai-rod, Observ. on certain l'aihol. Conditions of the Dlood and Urine in Goût, etc. (Med. Chir. Trans., vol XXXI, p. 83). (e) Loc. cit. Voyez aussi L'Iiériiier, Traité de chimie pathoL, p. 224. (/■) J. Picard, De la présence de l'urée dans le sang et de sa diffusion da,ns l'organisme à l'état physiolodiquc et à l'état pathologique. Strasbourg, 185G, p. 10 et suiv. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. '297 cette méthode à rétiide des variufioiis qui se produisent dans la quantité d'urée que le sang renlerme suivant les con- ditions où l'organisme se trouve placé. Les expériences ré- centes laites dans cette direction par un jeune médecin de l'Ecole de Strasbourg, x\I. Picard, ont conduit à des résultats intéressants, et en les multipliant davantage, on jeltei'a [iroba- blement beaucoup de lumière sur plusieurs des phénomènes les plus importants du travail nutritif. Ce chimiste évalue, terme moyen, à 0,016 pour 100 la quantité d'urée qui existe dans le sang humain à l'état normal, et ses expériences tendent à établir que la proportion en est un peu plus faible cliez la femme que chez l'homme (1). C'est principalement dans les circonstances où le travail éliminatoire de cette substance se trouve entravé ou arrêté qu'on la voit devenir plus abondante dans le fluide nourricier ; et ainsi que je le ferai voir dans une autre partie de ce cours, l'appareil urinaire est la voie principale par laquelle l'excrétion s'en opère : mais le sang peut s'en débarrasser aussi par la sueur, les sécrétions intestinales, etc. ('2). Des fails dont il serait prématuré de parler en ce moment tendent à prouver aussi que l'urée est un des produits du travail trace de cette substance, le nitrate de mercure donne un précipité jaune au lieu d'un précipité blanc. En \ersant la liqueur titrée goutte à goutte, on peut donc connaitreavec beaucoup de précision la quantité employée pour précipiter l'urée et calculer le poids de cette dernière substance, en admettant que /léquivalentsde nitrate de mercure correspondent à 1 équivalent d'urée. (1) M. Picard a dosé l'urée du sang de l'homme en bonne santé, et a trouvé pour 100 parties de ce liquide : 0,0105 0,014-2 0,0177 l. Le sang de deux femmes en bonne santé lui a fourni : 0,0153 0,0169 Dans deux cas de suppression des règles il a trouvé : 0,029 et 0,026 pour iOO. Chez une femme enceinte celte pro- portion est descendue à 0,0113 pour 100. (2) La présence de l'iu-ée en quan- Ulé anormale a été constatée dans le sang de personnes atteintes de l'atfec- lion des reins, connue sous le nom de 38 298 SANG. nutritif qui s'effectue dans toutes les parties de l'organisme, et que cette substance résulte de l'oxydation des matières pro- téiques soit des tissus, soit du sang lui-même. Il paraîtrait aussi que dans certains cas cette transformation maladie de Bright, par Bostock (a), ChrisUson (6), Babinglon (c), liées {d), Simon (e), lleller (/"), Scliollin (g), La Cava [h] et plusieurs autres patliolo- gistes. On a observé le même pliénomène dans un cas d'inflammation aiguë des reins («); et ainsi que je Tai déjii dit (p. 200), on peut le produire à volonté en extirpant ces organes ou en y ar- rêtant le travail sécréteur de l'urine. Dans une série assez nombreuse de cas de maladie de Bright, observés par M. Picard, la quantité d'urée contenue dans le sang, au lieu d'être 0,01 G pour 100 comme dans l'état normal, s'est élevée souvent à 0,03, et a parfois dé- passé 0,07. La proportion la plus forte que ce chiiuiste ait constatée dans cette affection était 0,15 pour 100 (j). Dans le choléra la sécrétion uri- naire est arrêtée, et il y a aussi accu- mulation de l'urée dans le sang. Ce fait, observé d'abord par O'Sbaugh- nessy (A), a été constaté ensuite par plusieurs autres palhologistes, tels que lîobertson(0,Simon(/n),!\Iarchand(n), r.ainy (o), Schmidt (p). Dans un cas observé par M. Picard, la proportion d'urée s'est élevée à 0,07 pour 100 (ryl. M. Chassagniol et Vardon ont con- staté la présence de beaucoup d'urée dans le sang d'individus morts de la fièvre jaune (?•). Un résultat analogue a été obtenu (a) Voy. Bright's Reports of Med. Cases, p. 83. (6) Chrislison, On tlie Granular Degeneratioii of thc Kidiiey, 1839, p. Gl. (c) Babinglon, Art. Morbid Condition of thc Blood (Toda's Cijclop. of Anat. and Pliysiol.,lS36, vol. I, p. 4-27). {d) Rees, On the Présence of Urea in the P.lood (Lond. Med. Galette, 1833, vol. XII, p. 676). (e) Simon, Animal Chcmistry, vol. Il, p. 22-2. (/■) Heller, Palliol. chem. und mikros. UHtersiich.{Arch. fur physiol. Mid puthol. Cheni. und Mikros., 1844, Bd. I, p. 17).— Path. Chem. des Morbiis Drightiiiloc. cit., 1845, t. II, p. 176). (g) Sur les caract. de l'urémie (Gaz-, hebdom ,t. I, 1853, p. 30, et .Arch. filr phys. Heilk., 1853, t. XII, p. 170). (h) P. La Cava, Ueberein an Ikmistoff se'ir reiches nint bci Albnminurie {UeWer's Arch., 1846, Bd. 111, p. 479, et Annali di chemica applicata alla médecine del 1>. Pdlli, 1846, Bd. II, p. '242). (i) Roniberir, voy. l'itnrd, Op. cit., p. 47. ij) l'icai-d, Op. cit., i>. 75. (/c) O'.Shaiignessy, Report on thc Cliemical Pntlioloijy of Choiera, 1832. (/) Robcrtson, Observ. on the P.lood of Choiera patients {Montldy Jiinrn., of Med., 135, vol. XVII, p. 243). {m} Simon, Op. cit. [Wûler's Arch. fiïr Anat. nnd PhysioL, 1841, p 456), et Anim. Chem., vol. I, p. .S25. (n) Marcliand, IJeber das Vorkom. das Harnstoffes im Tliicrischen KOrper aussserhalb des Hanies {.lourn. filrprakt. Chem., 1837, l!d. XI, p. 458). (o) Rainy, Urea in the Blood in Choiera (Lnndon Medic. fïrtï., 1838, 1839, vol. I, p. 518). Il évalue la quantité d'nrée à 1 grain par once de sang. (p) Schmidt, Charakl. der epidcin. Choiera. (?) Picard, De la présence de l'urée dans le sang, p. 54. (r) Chassagniol, Sur l'altération du sang dans la fièvre jaune (Comp. rend, de l'Acad. des se, I85:i, t. xxxvii, p, ri07). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 299 des principes protéirpies serait portée plus loin, et que l'urée à son tour passerait à l'état de carbonate d'ammoniaque, matière qui se trouverait alors dans le sang, mais en (piantité trop petite pour pouvoir être dosée (1). § 21 , — L'acide urique doit exister aussi dans le sang à l'état normal; mais les chimistes ne sont pas encore parvenus à l'y reconnaître, et sa [irésence dans ce liquide n'a été signalée que dans quelques cas pathologiques où cette substance excrémen- titielle devient beaucoup plus abondante que d'ordinaire (2). § 22. — Parmi ces matériaux éphémères du sang, je signa- Acide urique. par l'analyse du sang de quelques malades alleintsde fièvre typhoïde (a), d'éclanipsie h , de diabète (c), de rhu- matisme arliciiiaire [d), d'arthrite (e) et d'hydropisie /). Eni'm, M. Picard a conslaté une augmentation notable de la proportion de l'urée du sang dans un cas d'anémie, et chez plu- sieurs iiidivitlus affectés de maladies inflanmialoires. (1) L'existence de produits ammo- niacaux dans le sang a été constatée, ainsi que nous l'avons déjà vu, chez les cholériques et dans divers cas d'urémie (p. 206). M. Lehmann pense que c'est de la présence de ces matières, et non de l'existence de l'urée dans le sang, que dépendent les symptômes particuliers observés dans des cas de scarlatine et de maladie de Bright (g), hypothèse qui a été adoptée aussi par M. Frerichs (/(). Les observations de .M. Schùtlin à Kostritz ne sont pas favorables ù cette opinion (/). Mais, quoi qu'il en soit ù cet égard, il est bien avéré que de l'ammoniaque en petites quantités se développe très fa- cilement dans le sang et peut s'échap- per au dehors par les voies respira- toires (j). (2) M. Garrod a trouvé aussi de l'acide urique combiné avec de la soude dans le sang de plusieurs malades affectés de rhumatisme chronique. Dans un cas, 1000 parties de sérum lui fournirent 0,05 d'acide uriqne; dans un autre caî',la moitié de cette quantité. M. Gar- rod a toujours rencontré ce même (a) Steinberg, Unters. des Blutes eines nm Abdominaltyphus Verstorbeneii (Journ. fur prakt. Chem., 184:>, Bd XXV, p. :îK(!). — Hendersoii, Ediiib. Med. and Surg. Journ., 18i-4, vol. XLI, p. 2-23. — Taylor, Lond. Med. Gai., vol. XXXIV, p. 7(30. (b) Roniljcrg, Oppolzer, Braun, etc., cités par M. Picard (Op. cit., p. 48). {Cl Rainy, Lond. Med. Gaz-., 1838. (d) Picard, Op. cit., p. 52. (e) Carrod, On certain Pathnlogical Conditions of tlie blood {Trans. of the Med. Chir. Soc, 1848, vol. XXXI, p. 83).— L'Hëritior, Traite de chim. pathoL, 184-2, p. IGO. if) P.ccs, Op. cit. [Lond. Med. Caz-., 1833, vol. XII, p. 07(î). {gj Lehmann, te/i)'fc. der phijsiol. (Ihem., Bd. II, p. 218. (h) SchoUiii, Mémoire sur l'urémie ((Jaz-. hebdom. de méd., 1853, î. I, p. 31). (i) Frerichs, Die BriglU'sche Merenkranliheit, 1851. (;■) Picard, De la présence de l'urée dans le sang, p. 3. 300 SANG. Variations IcFai îiiissi le siicre ou glucose (1) , dont le rôle physiologique dans i»i"ii '.1 1 •! a proportion sem 1 onjet de nos études dans une autre partie de ce cours. de sucre. » t ii-i • • -, i ■,. . J.orsque nous nous occuperons de 1 histoire de la digestion, nous verroHS que du reste la proportion de cette substance varie également dans l'élat normal sous l'influence de l'aU- mentation ; et des analyses comparatives du sang qui arrive dans le foie par les vaisseaux appelés veines portes, ou qui sort de cet organe par les veines dites hépatiques, ont éta- bh que c'est en grande partie dans l'appareil biliaire que le principe datis lo sang des malades afTectés d'albnminnrie , mais jamais chez cenx atteints de ihumatisme (a). La pfésence de l'acide urique dans liî sang des goiilteuN. avait été déjà annoncée par \!aziiycf {b). (1) Voyez ci-dessns page 193. Ponr constater la présence du glucose, ou sucre animal, dans le sérum, on lait généralement usage d'un réactif appelé liqueur de Trommer (improprement dite de Frommhertz), liqueur de Bar- resunl,oi\ bien encore solution cupro- potassique. C'est un sel double de potasse et de cuivre (tarirate, par exemple', qui est d'ime belle couleur bleue, et (|ni, en présence du glucose, se décolore par l'ébiillition et donne un précipité de protoxyde de cuivre d'une teinte rougeàtrc. En employant une dissolution titrée de ce composé cui- vreux.on peut doser la matière sucrée. On pourrait se servir aussi du pro- cédé inventé par M. Biot, et fondé sur l'action rotatoire que le glucose exerce sur la lumière polarisée (c). Enfin, pour évaluer les petites quan- tités de glucose contenues dans le sang, on a recours aussi à la fermentation alcoolique et au dosage de l'acide car- bonique qui se dégage dans cette opé- ration. Tour plus de détails à ce sujet , on peut consulter les travaux de MM. Trommer , Barreswil , Feli- ling, etc. (d). (a) Garrod, Obs. on certain Patliul. Conditions of Ihe Blood {Med. Chirurg. Trnns., 1848, vol. XXXV, i>. 83). — On the Blood and Effused Fluids \n Goût, elc. (Med. Chir. Trans., 1854, 2° série, vol. XIX, p. 49). — Voyez aussi ; Stralil und X. Lielicrkùlin , Harnsâure im lihile nnd einige neue constante Bestandthcilc des Havns {Areh. fitr physinl. Heilk., ISi'J, Bd. VllI, p. 2'Ji). (b) Arch. gén. de méd., 1820, t. XI, p. 132. (r) Biot, Sur l'emploi des caractères ojHiriues comme diagnostic immédiat du diabète sucré (Gouipt. rend, de l'Acad. des sciences. 1840, t. XI, p. 1028). {d) Trommer, Unterscheiduny von Gummi, De.vtrin, Traiibenzucker und liohrzucker (Ann. der Clicm. und Pharm., 1841, Bd. XXXIX, p. 300). — Pélig-ot, Rapport sur un moyen de saccharlmétrie (do M. Barreswil), fait à la Société d'en- couragemunl (.Journal de pharmacie, 1844, 3" série, 1. VI, p. 301). — [•'eliliiii,', Quantit. Hcstim. des Zuckers im Harn (Arch. fiïr physinl. Heilkunde, 1848, Bd. Vil, p. (14. — Lelimauii, Lehrbucli der physinUigisrhen Chemie, 1853, Bd. 1, p. 20-4. — Cl. Berjiard, Leçons de physiologie, 1S55, p. 3 4, etc. — Figuier, /)e l'origine du sucre contenu dans le foie (Ann. des sciences nalur., 1855, 4= série, 1. III, p. 23, elc). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. SOI glucose est versé clans lo iluiclc noiirrieier (1). Des expé- riences dues également à mon savant collègue, M. Cl. Ber- nard , nous ont appris que l'excitation de certaines parties du système nerveux accroît beaucoup cette accumulation de (1) L'influence du travail digestif sur la richesse du sang en matières sucrées a été étudiée non-seulement par M M, Cl. Bernard. Lehmann, Figuier et plusieurs des auteurs dont les tra- vaux sont cités ci-dessus (p. 19û et 195), mais plus récemment encore par M. Becker, ^\. Poggiale et quelques autres physiologisles. Les expériences de ^M. Becker ten- dent à établir que la quantité de ma- tières sucrées contenues dans le sang varie beaucoup suivant la nature des aliments employés. xVinsi chez le Lapin il a trouvé : 0,045 pour 100 chez un individu à jeun depuis vingt-quatre heures. 0,109 chez un individu nourri d'avoine. 0,584 chez un individu nourri uniquemenl de carottes. 1,198 chez un individu dont les aliments avaient été chargés de sucre {a}. Mais sous l'influence d'un régime ex- clusivement nniiual. le sang continue également à recevoir, par suite du travail digestif et des transformations chimiques dont le foie est le siège, des quantités considérables de malière sucrée : fait qui a été démontré par M. Cl. Bernard et constaté aussi par beaucoup d'autres physiologistes. M. Cl Bernard a trouvé également qite la quantité de sucre contenue dans le sang décroît rapidement après Tachè- vement du travail digestif, et que par l'effet de l'abstinence prolongée ce principe y disparaît plus ou moins complètement gi.'iale, Recherches chimiques sur le sang {Comptes rciuius des séances de l' académie des sciences", 1847, l. XXV, p. 110 1. SIXIEME LEGON. Sommaire. — Quantité du sang. — Sou rôle dans l'organisme ; effets de l'hémorrha- gie, transfusion ; importance pliysiologique des globules hématiques. — Mode de destruction des globules. — Production de ces organites. — Action des tissus vivants sur le sang ; différences entre le sang artériel et le sang veineux. — Retour du sang veineux à l'état de sang artériel. Quantité du c /| — Lg g^j,o- r|es diveps animaux ne varie pas seulement sang .-i o 1 TanT" ^^"^'^ ^^ rapport de sa richesse plus ou moins grande; on a l'organisme, coustaté aussi des différences considérables dans la quantité de ce liquide qui est contenue dans l'organisme, et la tendance générale de ces faits est en accord avec tout ce que nous avons déjà vu touchant les relations qui s'observent entre l'activité vitale de ces êtres et l'état de leur fluide nourricier. La détermination rigoureuse de la quantité de sang existant dans l'économie animale présente de très grandes difficultés, parce qu'on ne peut ni extraire la totalité de ce liquide, ni mesurer exactement la capacité des cavités qui le contiennent, ni déterminer la relalion qui existe entre la portion qui s'écoule au dehors quand ces cavités sont ouvertes et celle qui reste dans les diverses parties du corps. La rapidité avec laquelle le sang se renouvelle, tout en s'appauvrissant, à la suite d'hémorrhagies prolongées ou répétées, vient aussi compliquer les investiga- tions de ce genre, et dans l'état actuel de la science on ne saurait accorder beaucoup de confiance aux résultats numé- riques obtenus de la sorte par quelques expérimentateurs et reproduits dans la plupart des ouvrages élémentaires (1). Mais (1) Voyez pour rindication des re- mise largement à profil par ses suc- cherches faites à ce sujet par Allen- cesseurs. Pour les observations plus Moulins, Drelincourt, Haies et quel- récentes, on peut consulter avec fruit ques autres expérimentateurs du siècle le Traité de physiologie de Burdach dernier, la grande Physiologie de ( t. VI, p. 118 ), et le Cours de phy- Haller (t. 11, p. '2 et suiv. ), auteur siologie de M. Bérard (t. III, p. 8). dont la vaste et solide érudition a été VAKIATIONS DE QUANTITÉ. 309 en tenant compte du poids du sang qui s'écoule rapidement du corps d'un animal que l'on saigne jusqu'à ce que mort s'en- suive, on peut au moins reconnaître que la quantité de ce liquide est très considérable. Herbst (1) a fait des expériences de ce genre chez divers animaux vertébrés, et a vu que le sang qui s'écoule ainsi repré- sente : ji du poids du corps chez le Bœuf; •fë chez le Chien ; 4i chez la Chèvre ; âV chez le Mouton ; j3 chez TAne ; Yï chez le Lapin; 2^ chez le Canard. Des résultats assez analogues ont été obtenus récemment par l'observation des produits de l'hémorrhagie chez les ani- maux de boucherie que l'on saigne dans nos abattoirs (2). Mais il est à noter que la facilité plus ou moins grande avec laquelle le sang se coagule chez les divers animaux influe beau- coup sur la portion de la masse totale de ce fluide qui s'écoule au dehors dans les opérations de ce genre. En effet, dans ces hémorrhagies, c'est d'ordinaire jtar suite de la formation d'un caillot que l'écoulement du sang s'arrête, et non à cause de l'épuisement coniplet de l'organisme (3). (1) Herbst, Comment, hist. crit. et (2) M. Vanner a trouvé que chez le Anat. phys. de sanguinis qucmlitate. Bœuf, le îMoiUon cl le Lapin la quan- in-Zi°, Gretlingue, 1822. Comme la dis- tilé de sang qui peut s'écouler au de- sertation de ce physiologiste est rare, hors de Téconomic constitue environ j'ajouterai que les principaux résultats ~ ou ^ du poids du corps (c). numériques de ses expériences ont (3) Amussat, Recherches expéri- été reproduits dans les ouvrages de mentales sur les blessures des vais- Schultz (a) et de Duvernoy (6). seaux sanguins , considérées prin- (a) Schultz, Das System (1er Circulation. StuHg., 1836, p. d07. (6) Seconde cdition de VAnatcimie comparée de Ciivier, t. VI, p. 13. (c) Vanner, Recherches ayant pour objet de déterminer le rapport tiumérùiue qui existe entre la masse du sang et celle du corps entier chez, l'homme et les mammifères {Comptes reiidus, 1849, t. XXVIII, p. (U9). 310 SANG. Quelques physiologistes ont cherché à résoudre cette question d'une manière indirecte \ mais les diverses méthodes qu'ils ont mises en usage laissent heaucoup à désirer, et doivent être considérées comme fournissant des indications comparatives plutôt que des résultats absolus. Ainsi, M. Valentin pratique à l'animal dont il veut évalue^ le sang une première saignée, puis injecte dans ses veines une quantité considérable d'eau salée, et peu de temps après répète la saignée ; il détermine ensuite la quantité de matières solides contenues dans les deux échantillons de sang ainsi obtenus , et en comparant la proportion de ces matières et de l'eau qui existent, d'une part dans le sang normal , d'autre part dans le sang auquel on a mêlé un volume connu d'eau, il en déduit par un calcul très simple la quantité totale de sang avec laquelle celte eau a été mélangée dans l'intérieur de l'orga- nisme (1). 3Iaiscela ne résoudrait la question que si la première saignée ne déterminait aucun changement dans la constitution du sang restant dans l'organisme, si la totalité du liquide cipalement sons le rapport de la formation et de l'organisation des caillots spontanés ohstructeurs des artères, etc., 18i2. (1) C'est surtout chez les Cliiens que ces expérieuces paraissent pouvoir donner des résultats satisfaisants ; car ces animaux supportent l'injection d'une quantité considérable d'eau sa- lée sans qu'il en résulte immédiate- ment ni épanchement, ni trouble no- table dans le mouvement circulatoire. Pour calculer la quantité totale du sang, M. Valentin fait usage des for- mules suivantes : 100 (y + '•) fG. de sang sont précisément ceux dont l'activité physiologique est lapins faible, et ce sont les Mammifères, puis les Oiseaux, qui, à poids égaux, sont le plus abondamment pourvus de ce fluide nourricier. M. AVelcher a trouvé aussi par ce mode d'appréciation que la quantité relative de sang doit être plus élevée chez l'homme que cliez la fenmie; résultat qui ressort également des expé- riences de M. Yalenliu. § 2. — La quantité de sang existant dans le corps diminue beaucoup par l'effet de l'abstinence. Les animaux que l'on a privés d'aliments et que l'on tait périr d'hémorrhagie n'en fournissent que très peu comparativement à ce qu'ils en don- nent dans les conditions ordinaires (1) ; mais les expériences de M. Valentin tendent à prouver que cette diminution n'est pas plus grande que les pertes subies par les autres parties de l'or- ganisme, et que dans la plupart des circonstances les rapports (1) M. Collard de Martigny a éludié résultats analogues, et l'auteur ajoute d'une manière spéciale rinlluence de que chez les animaux morts de faim l'abstinence sur la cjuanlité de sang, tous les tissus paraissent privés de en saignant de la même manière des sang, même ceux qui en contiennent animaux de même portée, les uns dans généralement le plus, et qu"on trouve les conditions ordinaires d'alinienta- seulement une petite quantité de ce tion, les autres plus ou moins long- liquitîe dans les cavités du cœur et à temps après qu'ils eurent élé coni- l'origine des gros vaisseaux (a). plétenient privés d'aliments. Chez des Dans les expériences de M. Chossat Lapins il a trouvé ainsi : sur l'inanition , l'influence de i'absti- r.r.nm. ucuce sur la quantité de sang existant Dans l'état normal, liiez 1111 individu, dans le corps a été également très environ 31 marquée. Ce physiologiste a trouvé Chez un antre dans les mêmes condi- " > lions 29 que chez les Pigeons la diil'érence entre Après trois jours d'abstinence. . . . 20 les individus qui sout siiflisamment Apres sept jours d'abstinence .... 13 , . . . , Après dix jouis d'abstinence 7 '^"^" nourris, et ceux qui meurent de faim, est dans les rapports d'environ Une autre expérience donna des 13 à 5 (6). (a) Rech. sur les effets de Vabstinence complète des aUments solides et liquides (Journ. de 7)/tj/«(0/. de Mai,'endie, 1828, I. VUI, p. 152). (b) Cliossat, liecherches expérimentales sur l'inanition {Mémoires de l'Académie des sciences : Savants l'trnnfiers, I. VUI, p. :,Q1 , lah. 40). VAKIATIO.NS DE (JLAISTITÉ. 315 restent les mêmes entre le poids du corps et le poids du fluide nourricier. D'un autre côté, une bonne alimentation tend à augmenter la masse du sang ; mais, chez les animaux qui deviennent sur- chargés de graisse, cette augmentation n'est pas proportionnelle à celle du poids du corps : pour s'en convaincre, il suffit d'exa- miner à ce point de vue les expériences de 31. Boussingault sur l'engraissement des animaux de ferme (1). J'ajouterai encore (pie, d'après les résultats fournis par les recherches de jM. Welcher, la quantité du sang paraît diminuer dans la plupart des maladies (2) ; et que, d'après quelques expériences dues à 31. Yierordt, il semblerait y avoir pour des animaux de même espèce une proportion plus forte de ce liquide chez les individus de petite taille que chez ceux dont le corps est très volumineux (3), tendance qui s'accorderait très (1) Économie rurale, considérée dans ses rapports avec la chimie, etc. , t. H. Chez les Oies maigres la quantité de sang recueillie était, dans ces expé- riences, d'environ -^ du poids total de l'animal, et chez les Oies grasses d'environ^.; {Gp. cit., I. Il, p. 60y). Dans l'engraissement des Porcs, pen- dant que la chair musculaire s'élevait de o96 à /il/i, et la graisse de -55 à 273 millièmes, le sang recueilli n'a augmenté que d'environ 2 millièmes (Op. cit., p. 601). Tour apprécier ces faits à leur juste valeur, il faut se rappeler que l'aug- mentalion du poids du corps, par suite de l'accumulation de la graisse, n'est pas l'indice d'un accroissement dans la puissance physiologique de l'indi- vidu. Celui-ci dans sou état normal sera plus vivace et plus fort, et par conséquent il y a ici deux causes qui doivent tendre à abaisser la proportion entre le poids du corps et le poids du sang, savoir, d'une part, ralentisse- ment dans l'activité vitale; d'autre part, surcharge inutile de la machine physiologique. CJ) M. Andral a vu aussi des cas d'anémie où la quantité de sang pa- raissait être beaucoup diminuée. U cite l'observation d'un ouvrier de la mine d'Anzin, dont tous les vaisseaux furent trouvés, lors de l'autopsie, vides de sang et ne contenaient qu'un peu de sérosité {a). (û) La méthode d'évaluation em- ployée par le professeur Vierordt repose comme celles de MM. Valentin, "Welcher, etc., sur la comparaison du sang normal et du sang étendu d'une certaine quantité de liquide; seule- (a) Andral, l'récis d'anatomiepatlioloifuiue, l. I, i'. ^ô. ;^1G SANG. bien avec divers faits relatifs à l'activité du travail respiratoire, que nous aurons à étudier dans une des prochaines leçons. § 3. — Ainsi les différences qui se remarquent dans la quantité de sang dont les organismes sont pourvus, paraissent coïncider avec les circonstances pliysiologiques dans lesquelles nous avons déjà vu la richesse de ce liquide varier, soit que l'on compare entre elles les diverses espèces zoologiques, soit que l'on examine les différences qui se rencontrent d'individu à individu d'une même espèce, soit enfin que l'on tienne note ment M. Vierordt, au lieu d'injecter de l'eau ou une dissolution saline dans les veines de l'animal pour obtenir le second terme de cette comparaison, se borne à pratiquer deux saignées à un intervalle de temps qu'il suppose suf- fisant pour que le volume du liquide en circulation soit remonté au taux primitif par le fait de la résorption de la sérosité circumvasculaire. Admet- tant que le volume du sang en circu- lation soit le même au moment des deux émissions sanguines, la quantité de liquide séreux dont ce liquide se sera chargé après la première opéra- tion sera équivalente à celle du sang enlevé par cette saignée, et la dilVé- rence dans le nombre des globules avant et après cette dilution dépendra de la quantité totale de sang existant dans l'économie. Ainsi, en représen- tant par c le nombre des globules hé- matiques contenus dans un volume déterminé de sang avant la saignée ; par c', ce nombre pour une même valeur de sang après la saignée ; par V, le volume du liquide résorbé, ou ce qui revient au même, le volume du sang soustrait par la première saignée, ^I. Vierordt effectue le calcul suivant : ,, , V (1 -f C) d'où il tire V '(' + t4^> Mais, comme on le voit, tout cela repose sur l'hypothèse du rétablisse- ment du volume primitif du sang par la résorption de la sérosité circum- vasculaire, car sans cela V serait une inconnue. Or cette donnée ne résulte d'aucune expérience directe et me paraît pour le moins fort discutable. Quoi qu'il en soit, en opérant de la sorte et en dénombrant les globules dans les deux échantillons, M. Vier- ordt estime que chez le Lapin la tota- lité du sang contenu dans l'organisme correspond à environ 1/16 du poids du corps, landis que chez le Chien ce sé- rail au moins 1/11. Un Chien de petite taille lui a donné luie proporlion beau- coup plus forte, mais qui évidemment devait dépasser la réalité (al. (rt) Viorni'dt, Heitrâge ztir Physiolo'j'ie des Blutea : l'ittersuchung ueber tien Ein/luss der Bliitentziehunu auf die Menijenverhâllnisse der r.hilkurpcrvhcn (Arch. fitr pltysiot. Ileillc, 1854, T3d. XIII, p. ïî7i ul .siiiv.). EFFETS DE L HEMORRHAGIE. 317 des modifications que l'état de santé ou de maladie détermine dans la composition du fluide nourricier d'un même individu. Tous ces faits tendent donc à montrer qu'il existe des rap- ports intimes entre la puissance de cet agent de la nutri- tion et l'activité vitale de l'organisme; liaison qui se manifestera de plus en plus nettement à mesure que nous avancerons dans nos études. Effets de § 4. — La sortie d'une quantité un peu notable de sang est toujours suivie d'un grand affaiblissement de l'organisme. Si l'hémorrhagic l'écoulement du fluide nourricier a lieu d'une manière lente et fractionnée, la plupart des animaux peuvent en perdre beaucoup sans que la mort soit une conséquence immédiate de rbémor- rhagie, car le sang est alors reproduit plus ou moins complè- tement par suite du travail physiologique dont l'économie ani- male est toujours le siège (1). Mais lorsque l'écoulement du liquide se fait rapidement, il en résulte bientôt des accidents graves. Les premiers effets d'une hémorrhagie abondante sont chez l'homme un sentiment de défaillance et de refroidissement, qui est bientôt suivi du ralentissement du pouls et de la respi- ration ; la face se décolore, les sens s'émoussent, la volonté devient impuissante à exciter des mouvements ; puis la sensi- bilité se perd, et l'on tombe en syncope. Si la perte de sang continue encore, la vie semble se retirer de plus en plus de ce corps inanimé, les battements du cœur s'aflaiblissent et devien- (1) Cette réparation des pertes pro- duites par riiémorrhagie est rendue bien évidente par les modifications que le sang hii-mème présente h la suite de saignées répétées (voy. p. '250, '265), et surtout par les 'expériences directes de i\l. Piorry, dans lesquelles ayant arrêté une première saignée au mo- ment où riiémorrhagie allait devenir mortelle, ce physiologiste a pu, tout en maintenant l'animal à la diète, en ob- tenir encore 10 ou 12 onces de sang, le lendemain, et le saigner encore après un ou deux jours de repos. ( Note sur les émissions sariguines, dans Arrh. l/én. de mcd., ]8'26. t. X, p. i;^8. 318 î^ANG. nent rares, la respiration devient petite et laborieuse ; souvent aussi des déjections involontaires et des mouvements convulsifs ont lieu ; presque tout indice de vie disparaît, et à cet état de mort apparente succède bientôt la mort elle-même. Des phénomènes analogues s'observent chez tous les animaux quand ils perdent leur sang, et en général la mort est d'autant plus rapidement la conséquence de l'hémorrhagie, que l'animal vit pour ainsi dire d'une vie plus active. Ainsi chez les Mammi- fères, et surtout chez les Oiseaux, ce résultat fatal arrive quekjues instants après que l'écoulement libre et rapide du sang s'arrête spontanément, tandis que les Batraciens et les Poissons de- venus ainsi exsangues peuvent continuer de vivre pendant plusieurs heures (1). Au premier abord, on a pu croire que les effets funestes des hémorrhagies intenses dépendent essentiellement du fait de la diminution du volume des liquides en circulation ; mais il en est autrement. Des expériences faites avec beaucoup de préci- sion montrent que la mort est déterminée par la soustraction des globules hématiques plutôt que par celle de l'ensemble du fluide nourricier. Ainsi quand le sang ne s'écoule que lente- ment, les liquides répandus dans les tissus circonvoisins afrluent dans les vaisseaux sanguins et contre-balancent en partie les pertes éprouvées par le tluide nourricier ; mais la mort n'en arrive pas moins dès que le nombre de globules que ce tluide charrie tombe au-dessous d'une certaine limite. Ainsi, dans les expériences de M. Vierordt, dont il a été question dans la (1) Ainsi, dans les expériences de presque totalité de leur sang. Des Sa- moa frère \V. Edwards sur les Batra- laniandres devenues exsangues de la ciens, des Grenouilles placées dans des même manière ont vécu plus de vingt- circonstances favorables ont vécu six quatre heures {a\ Des expériences lieures après qu'on leur eut enlevé le analogues avaient été faites précédeni- cœur, et qu'elles eurent perdu la ment par Haller (6). (a) Mém. sur l'asphyxie che-^ks Batraciens {Ann. de chim. etphys., 1817, 1. V, \i. 359, etc.) (b) Haller, Opei-a minora, t. I, \<. 116. Effets (le l'oblitération des vaisseaux sanguins. TRANSFUSION. 319 précédente leçon, les chiens onl péri quand, par siiilc des émissions sanguines, le nombre de ces corpuscules était des- cendu à environ moitié de la proportion normale, et chez le Lapin la mort est survenue avant que FaiTaiblissement du sang fut devenu aussi considérable (1). § 5. — Lorsque le sang, bien qu'il ne s'épanche pas au dehors et continue à vivifier les parties essentielles de l'orga- nisme, cesse d'arriver dans une portion du corps, il en résulte également des phénomènes qui sont de nature à nous éclairer sur le rôle de ce fluide dans l'économie animale. Swammerdam, Stenon, Haller et un grand nombre d'autres physiologistes (2), ont vu que si l'on oblitère au moyen d'une ligature le grand vaisseau ({ui porte le sang dans toute la partie postérieure du corps, celle-ci est aussitôt privée de la faculté de se mouvoir et de sentir, et toutes les fois que, par des moyens mécaniques analogues, on empêche d'une manière permanente l'arrivée du sang dans un organe, on détermine dans celui-ci une mort partielle (3). § 6. — Les résultats fournis par l'observation des effets de Transfusion l'hémorrhagie trouvent pour ainsi dire une coutre-épreuve dans une opération qui, après avoir occupé fortement les esprits (1) Dans les deux expériences sur les effets des liéinorihagies successives chez les Chiens, dont les résultats sont présentés avec détail dans le iMéuioire de M. Vierordt, la mort est arrivée quand les globules sont descendus à 52 pour 100 de la proportion nor- male de ces corpuscules. Chez le Lapin la mort a ett lieu quand ce nombre relatif est tombé à 68 pour 100 (a). (2) Voy. Haller, De motu saiiguinis per cor, exp. 52 {Opéra minora, t. 1, p. 7Z|). — Longet, Recherches expé- rimenfalps sur les conditions néces- saires à l'entretien et à la manifes- tation de l'irritabilité musculaire {Examinateur médical, IS/il). (3) Cotte expérience ne réussit pas également bien sur les petits vaisseaux, parce que leur ligature n'arrête pas la circulation dans les organes situés au delà du point obstrué , le sang conti- nuant d'y arriver par des voies laté- rales. Aous reviendrons sur ce sujet, lorsque nous étudierons la contracti- lité musculaire. (a) Werovdl, BeUràdi iur Phyuiolngie des Blutes {Archip far jihiisinloqische lleilknnde, 1854, t. Xin, i>. 273). 320 SANG. vers le milieu du wif siècle, est tombée presque aussitôt tlans un discrédit complet, et a été jusqu'à ces dernières années né- gligée des naturalistes aussi bien que des médecins, parce qu'on y voyait une méthode curative hasardeuse plutôt qu'une simple expérience physiologique : c'est la transfusion du sang. L'idée de renouveler directement le sang dans l'intérieur du corps vivant remonte à l'antiquité, car il en est question dans le poëme d'Ovide (1); et au commencement du xvn* siècle cette opération hardie fut préconisée par un chimiste célèbre de l'Al- lemagne, Libavius (2); mais elle ne fut réalisée qu'en 1665 par Un expérimentateur dont le nom reviendra plus d'une fois dans le cours de ces leçons, Richard Lower. Bientôt après, l'opé- ration de la transfusion du sang fut tentée sur l'homme par un m(klecin de Paris, nommé Denis, et après avoir été préconisée outre mesure comme moyen curatif, elle devint l'objet de criti- ques très vives et fut même prohibée par arrêt du parlement, à cause des accidents funestes qui étaient résultés de son emploi. L'attention y fut de nouveau appelée, il y a environ trente ans, par Blundel et par quelques autres écrivains, et aujourd'hui on y a recours parfois avec avantage pour soutenir les forces des malades près de périr d'hémorrhagie. Mais c'est surtout comme expérience physiologique qu'elle offre un grand intérêt, et c'est sous ce rapport seulement que j'ai à vous en parler ici (3). Quand on saigne un Chien au point de lui faire perdre 5 ou (1) !\!(5d<^e, feignant de céder aux (3) Les expériences sur la transfii- prières des filles de Pélias , qui lui sion du sang furent en quelque sorte demandaient de rendre à leur père sa préparées par celles relatives à Tin- jeunesse et sa vigueur, s'exprime en jection (ou infusion . comme on disait ces termes : alors) de diverses substances niédica- „......,,. , , ., menteuses et antres dans les vaisseaux btnngito, ait, gladios : vetcremque haurite Icruorem, sauguins d'auiuiaux vivanis. Vers le Ut repleamvacuasjuvenili sanguine venas. milieu du XVII* siècle, On s'en OCCU- QMam, lib. VII.) p^jj ^^ j^^^g pgj.^g^ ^^^^^^ ^ g^yie ^ (2) Libavius , Appendix necessaria guidé par les idées de Wren, pro- syntagmatis arcanorum chymico- fesseur d'astronomie à Oxford, fit di- rum, cap. iv, p. 7. Halœ, 1615. vers essais de ce genre en Angle- TRANSFUSION. 321 6 pour iOO (!(^ son poids, il tombe dans l'état de faiblesse extrême dont j'ai parlé il y a quelques instanls; et lors même qu'on arrête l'hémorrhagie, il meurt dans l'espace de quelques terre (a) ; Fracassati à Piso (6), Graaf en Hollande (c), et plusieurs autres mé- decins publièrent les résultats cropé- rations analogues. D'après la manière dont la nouvelle des expériences de Lower fut annoncée au public, on voit qu'à cette époque on discutait déjà sur la possibilité de l'opération de la transfusion du sang, mais qu'on la considérait généralement comme étant impraticable, lorsque ce physiologiste la fit pour la première fois , en 1G65, sur un Chien {d). La transfusion dusang chez l'homme fut pratiquée pour la première fois, à Paris, par Denis, en 1(367, après que ce médecin eut répété les expériences de Lower sur les animaux {e]. I^ower et King à Londres (/") , Major en Allemagne {g), Manfredi à Rome {h), et plusieurs antres expérimentateurs hardis suivirent son exemple ; mais bientôt des accidents funestes se mul- tiplièrent , et un médecin de Paris, G. Lamv, s'éleva avec force contre cette opération devenue meurtrière {i). Enfin, un airct du parlement de l'aris, en date du 17 avril 16G8, en prohiba l'emploi sans l'assentiment préalable de la Faculté de Paris (j). La transfusion élait depuis long- temps tombée dans l'oubli ou citée comme un exemple de 1.; folie impru- dente de quelques médecins d'un autre siècle, lorsqu'en 18 1 8 un chirurgien an- glais, M. Blundell, y appela de nouveau l'altention des praticiens et fit à ce sujet des expériences intéressantes (A). Bien- tôtaprès, MM. Prévost et Dumas firent, au point de vue physiologique , de nouvelles recherches sur l'action du sang étranger ainsi introduit dans l'organisme [l] , et en 1823, après avoir répété publiquement les princi- pales expériences sur la transfusion chez les animaux, je portai devant la Faculté de médecine de Paris la propo- sition devenue si nialsonnante depuis la décision du pailement, en y soute- nant que dans certains cas déterminés (a) Voy. Bojle, Vsefubiess of Expérimental Philosophy, part, ii, c?s. 2, p. 53, ."5, and Philos- Trans., 1665, voL I, p. 129. (b) Régnier de Graaf, Disputatio medica de natiira et usn succi pancrealici, 1664. (c) Anat. epist. de luujv.d, etc., 1655, et Journ. des sav., 1767, p. l-i2. {d) Voyez les communications de lîoyle à ce sujet clans les Trans. Phil. du 19 nov. et 17 déc, 1666, t. 1, p. 352 et 353, ainsi qu'un article dans le Journal des savants du 31 janvier 1667, p. 31, et l'ouvraire de Lower : Tractatus de corde, 1669. (e) Jo^wn. des savants, 1667, p. 69 et 134. (/") Fhilos. Trans., 1667, p. 557. (g) Chirurgia infusoria, 1667. (h) Prodromus à se inventœ chirur'jiai infusoria;, 1064, cl De transfusiùiie sangulnis, 1668, (i) l.tltre Contre les prétenduëii uUllU^i de la iranslmoii {Journ, des tiav., 1668, p, 14). ii) Pour plus de détails sur ce point de l'iiisloire de la t.cionce on peut consulter aussi ! Clorck, ieiter on the Origin Of Injection inlo the Veins, the ïransfmlon of Blood, ôlCi {Vhikiis. Trans., 1608, p. 172). Mercktin, De orlu et occasu transfusionis sanguiniSi iù'd, iu-8, SonlineUu:', Coufusio transfusionis sanguinis, 1608, (fc) Blundell, Exp^ on Ihe Transfusion oflilooi {MedicO'CMrurg. Tmu., iSl8, vol. IX, p. SG), [l] Exmnen dU sang, rir, {Rihl. nnH). de r.nu'rc. ISai, t, XVÎI, ri Annaks de chmi'-, ■l«91, t, .\Vll!,p, 201), î. 'il 322 SANG. heures (1). Mais quand on a laissé l'écoulemenl du sang con- tinuer jusqu'à ce que l'animal soit tombé môme dans un état de mort apparente, il suffît d'injecter dans ses veines une certaine quantité de sang tirée du corps d'un autre animal de même nature pour ranimer subitement cette espèce de cadavre. Si la transfusion a été convenablement faite, on le voit alors respirer librement ; son corps se réchauffe ; bientôt ses mouvements deviennent faciles ; il prend sa nourriture comme d'ordinaire, et ne larde pas à se rétablir complètement. Cette belle expérience ne prouve pas seulement combien le sang est nécessaire à la vie ; elle montre également bien que les propriétés physiologiques de cet agent sont dues en grande partie aux globules que le plasma charrie. Effectivement, M 31. Prévost et Dumas ont constaté que si le sang chargé de ses globules ranime ainsi la vie près de s'éteindre, il n'en est pas de même du sérum privé de globules et de fibrine. En injectant de ce liquide dans les veines d'un Chien exsangue, celte opération pouvait et devait même être introduite dans ta pratique médi- cale (a). L'exemple donné par M. Blundell {b) fut suivi par plusieurs médecins, et en 1825 ii publia l'ensemble de ses observations. Depuis lors on eut re- cours avec avantage à la translusion, dans un certain nombre de cas où le malade paraissait être sur le point de périr par bémorrhagie, surtout dans des accidents de coucbes, et Ton a étudié d'une manière suivie et judi- ciense les circonstances qui peuvent influer sur la réussite de l'opéra- tion. M. Bérard a réimi une douzaine d'observations de transfusion prati- quée sans accidents, et souvent avec grand succès, chez des malades, par quelques médecins français aussi bien que par des étrangers (c). Les princi- pales recherches expérimentales faites au point de vue de la physiologie, depuis la publication du Mémoire de MM. Prévost et luimas, sont celles de Dietfenbacli (d) et de Bischoff (e). (i) Ai. l'iorry a constaté que l'on peut impunément, sur presque tous («) Propositions soutenues à la Faculté de mcilecine de Paris on 1823 ; thèse n" 73. (6) Blundell, Some Remarks on the Opération of Transfusion {Researches, Anatomical and Physiûlocjical, in-8% 1825, p. 63). (c) Voy. Cours de physiol., t. III, p. 219. {d) Dieffenbach, Die Transfusion des Blutes, 1828. (e) Bischoff, Deitrdge zur Lehre von dem Rlute, etc. (Miiller's Arch., 1835, p. 347), et Ueber Transfusion (Mùller's Arrh., 1838, p. 351). TRANSFUSION. S23 ils n'obtinrent aiioAin des eftelsque produit la transfusion du sang- dans son intégrité, et le résultat fut le même que dans des cas où ils poussèrent de l'eau tiède au lieu de sang dans les vais- seaux de ces animaux (1). D'autres expériences faites par les mêmes physiologistes montrent que le sang privé de fibrine par le battage, mais encore chargé de ses globules, agit dans ces circonstances comme le sang non détibriné (2). Nous sommes donc, encore une fois, amenés à voir dans les importance globules du sang l'élément vivifiant par excellence du lluide giobuies. nourricier, et à attribuer à cesorganites un rôle des plus impor- tants dans l'économie animale. Une expérience très élégante, faite récemment par un des jeunes physiologistes de l'École parisienne, M. Brown-Séquard, montre encore mieux la puissance vivifiante du sang. Lorsque, par suite de l'interruption de la circulation sanguine, les parties contractiles de l'organisme ont perdu leurs propriétés vitales, et que la rigidité cadavérique s'y est déclarée, on peut les leur rendre en injectant du sang dans leurs vaisseaux. Les nerfs et la moelle épinière, dont les fonctions sensitives sont suspendues par l'interruption de la circulation, recouvrent aussi leurs propriétés physiologiques dès que le cours du sang se rétablit dans leur intérieur (3). les Cliiens, tirer en une seule saignée une quantité de sang équivalente au iV ou ï^ du poids de son corps ; mais que la mort a lieu si Ton dépasse de très peu celte limite [Arcli. de méd., 1826, t. X, p. 13S). (1) Examen du sang {Annales de chimie, t. XV III, p. '295). (•J) Loc. cit. Le même résultat a été obtenu plus récemment par MM. Dief- (■«■nbach et Bischoir. Op. cit.) (3) Des observations du même genre avaient été faites précédemment par M. Kay (a) ; mais \I. Brown-Séquard les a complétées et rendues plus in- structives (6). Les résultats obtenus par ce physiologiste ont été vérifiés par AL Stannius. L'action vivifiante exer- («) J.-P. Kay, Trealise on .X.sphyxia. In-8, Londoii, 183i. {b) Brown-Séqiiai'cl, Sur la persisianre de la vie dans les membres atteints de la ngidité qu'on appelle cadavérique {Gomjit. rend, de l'Arad.des se, 1851, t. XXXU, p. 855). — Rech. expérimeiit. sur la faculté que possèdent certains éléments du, sang de régénérer le» propriétés vitales {Compt. rend., 1855, t.XLI, p. 629). 324 SAi\G. Ainsi, quand ou lie l'aorte ventrale sur un Chien vivant, les propriétés vitales disparaissent aussitôt dans le train de derrière et la rigidité cadavérique s'y manifeste ; mais si on lève alors l'obstacle qui s'opposait au passage du sang, on voit la vie apparaître de nouveau dans les parties qui semblaient mortes : elles redeviennent sensibles et exécutent des mouvements volon- taires comme" avant l'opération. § 7. — Les recherches modernes sur la transfusion ont conduit aussi à d'autres résultats dignes d'intérêt. Action Lorsqu'on introduit dans l'organisme d'un animal du sang dusliy provenant d'un autre animal d'espèce différente, les effets de les'elpèces. l'opératiou ne sont pas les mêmes que lorsque les deux individus entre lesquels récliange du fluide nourricier a lieu appar- tiennent à la même espèce, il semble aussi qu'en général la différence dans l'action du sang est d'autant plus grande, que les animaux sur lesquels on opère offrent entre eux des dissem- blances plus profondes. Effectivement, c'est seulement par la transfusion du sang provenant d'un individu de la même espèce que des animaux devenus exsangues par suite d'une hémorrhagie ont pu être rendus à leur état normal ; et lorsqu'au lieu de remplacer le sang qu'ils avaient perdu par du sang semblable, on a employé le fluide nourricier d'un animal de même classe, mais d'un genre différent, le rétablissement n'a élé qu'incomplet. Ainsi, dans les expériences de MM. Prévost et Dumas, lorsipie du sang deVaclic ou de Mouton ('tait transfusé' dans des Chats ou des Lapins, l'animal exsangue se ranimait d'abord, mais ne recou- cée de la sorte par le sang se niani- riqne. M. Brown-Séquard a constaté feste égalemeni bien lorsqu'on emploie aussi que les propriétés vivifiantes du ce liquide dans so:î état normal ou dé- sang sont dans ces cas d'autant plus fibrine ; mais ne s'observe pas lorsque grandes que ce liquide est plus riche c'est du sérum dépouillé de i^lobules en globules et qu'il est en même temps que l'on injecte dans les vaisseaux des plus chargé d'oxygène, parties alleinles de rigidité cadavé- TRANSFUSION. 3125 vraitpasia santé; il se refroidissait rapidement, son pouls devenait rapide, et d'autres symptômes fâcheux se manifes- taient ; enfin la mort arrivait prescjue toujours avant le sixième jour(l). M. Blundell a vu des effets semblables résulter de la substitution du sang humain à celui d'un Chien (2). Il en a été encore de même lorsqu'on a transfusé une quantité considérable de sang de Mouton (3) ou de sang de Cheval (4) dans les vais- seaux presque vides du Chien ; et c'est seulement quand le volume du sang étranger ainsi porté dans le torrent de la cir- culation est peu considérable par rapport à celui du sang propre de l'animal resté dans ses vaisseaux, que rinjection de ce liquide a pu se faire sans danger (5) . Lorsqu'au lieu de remplacer le sang d'un iMammifère par celui d'un autre animal de la même classe, on y substitue du sang d'Oiseau, ou lorsqu'on introduit du sang de ^lainmifère dans les veines d'un Oiseau, les effets physiologiques ne sont plus les mêmes, et en général la mort arrive avec; une grande (1) Examen du sang [loc. cit.], (2) Researches, Physiol. and Pa- thol., p. 8/1, etc., 125. (3) Leacock a publié en 1817 des expériences dans lesquelles des Chiens chez lesquels on avait transfusé du sang de Mouton se rétablirent d'abord en apparence, mais moururent au bout de quelques jours. (Diss. inauij. de hœmorrhagia et transfusione, l-ldin- burgh.) (U) Scheel, qui a publié un travail considérable sur la transfusion (a), a essayé de remplacer le sang d'un Chien par celui d'un Cheval, mais le Chien est mort !e même jour (//. (5) C'est de la sorte qu'on peut s'ex- pliquer les résultats favorables obtenus par plusieurs des premiers expérimen- tateurs , lorsqu'ils introduisaient du sang d'Agneau dans le corps humain (Denis) ou du sang de quelque Mam- mifère d'espèce diirérenle. Burdach a rapporté beaucoup d'exemples d'expé- riences dans lesquelles divers animaux avaient bien supporté cette addi- tion (c). l\ est probable que l'expé- rience faite par Goodrige et citée par Blundell a été pratiquée dans ces con- ditions : un Chien, dans les vaisseaux du(iuel on avait injecté du sang hu- main, fut très soullrant pendant plu- sieurs heures, mais ne périt pas. {Op. cit., p. 01.) (a) Scheel, Die Transfusion des Blutes, 1802-3. (b) Voy. Biinlach, Traité de Physiologie , t. VI, p. i-01. (c) Burdacli, loc. cit. 326 SANG. promptitude, bien que la quantité de sang étranger ainsi trans- fusé n'ait pas été très grande, ni l'iiémorrhagie préalable abon- dante. I\1M. Prévost et Dumas ont vu le sang de Mouton exciter des convulsions intenses et déterminer la mort chez les Canards; et, dans les expériences de M. Dieftenbach, quelques gouttes de sang de Mammifère ont suffi pour tuer des Pigeons (1). Le sang des Poissons parait être également funeste aux Mammi- fères, et M. Gaspard a reconnu que du sang de Colimaçon intro- duit dans les veines d'un Levraut agit comme un poison vio- lent (2). Ainsi le sang étranger à l'organisme semble être d'autant moins apte à remplir les usages auxquels la nature destine le tluide nourricier, (pie l'animal dont il provient se trouve à un degré de parenté zoologique plus éloigné de celui au service du- quel on l'applique. Pour soumettre cette conclusion à une nou- velle épreuve, il m'a semblé qu'il serait intéressant d'étudier les effets de la transfusion du sang entre des animaux qui, tout en appartenant ù des espèces bien distinctes, font partie d'un même genre naturel, le Cheval et l'Ane, par exemple. A ma prière, un de mes collègues de la Société d'agriculture, M. Delafond, a bien voulu réaliser cette expérience à l'École vétérinaire d'Alfort. Après avoir saigné un Ane au point de le rendre (l) Vi'ieïÏQnhnch, Physiolngische Un- tersiichungen uber die Transfusion des Blutes ( Rusfs Maçjaz. der ge- snmmlen HeilL, Bd. XXX, Heft. i, IBuO). On peut consiillcr aussi sur la U-ausfusion on général un article du même auteur, extrait du Manuel de chirurgie de lUist, et intitulé : Ueber die Transfusion des Blutes nnd die Infusion der Arzneien. ln-8", Berlin, 1833. (2) Mém. phijsiul. sur le Colimaçon {Journ. dephysiol. de Magendie, 1822, t. II, p. o38). Magendie a cherclié s'il lui serait possible de retrouver les globules elliptiques du sang d'Oiseau ou (le Grenouille qu'il avait transfusé dans les veines des Chiens, et n'ayant pu y réussir, il a été conduit à penser que ces corpuscules s'y détruisent et qu'ils ne sont pas arrêtés dans les capillaires, car il n'a vu aucun indice d'inflammation ; phénomène qui se serait maniiesté si ces vaisseaux avaient été obstrués de la sorte. ( Le- çons sur les phénomènes physiques de la oie, 1838, t. IV, p. 365.) TKANSFUSION. 327 presque exsangue, il a injecté dans les veines de cet animal une quantité considérable de sang de Cheval, rendu incoagulable par le battage, et non-seulement l'Ane se ranima , comme cela aurait eu lieu s'il avait reçu du sang de Mouton ou de Chien, mais se rétablit d'une manière permanente et avec presque autant de facilité que si Ton avait injecté dans ses vaisseaux du sang d'un animal de son espèce. Le degré de parenté zoologique paraît donc être bien réelle- ment la circonstance dont dépendent les effets plus ou moins utiles de la transfusion. Au premier abord on a du être disi)osé à attribuer ces diffé- rences dans l'action physiologique du sang aux variations qui s'observent dans le volume et la forme des globules sanguins chez les divers animaux. 3Iais les expériences de M. Bischoff sont venues montrer que si la propriété vivifiante du sang réside principalement dans les globules, rintluence parfois toxique de ce fluide appartient cà la fibrine. Ce physiologiste a constaté que du sang de Mammifères, transfusé chez un Oiseau, après avoir été privé de sa fibrine par '« ct-""*^ le battage, ne produit aucun des symptômes fâcheux qui résul- tent toujours de l'injection du même sang non défibriné, et que l'introduction du sang de la Poule dans les veines d'un Chien n'était suivie d'aucun accident , pourvu que la fibrine en eût été préalablement extraite (1). Le même expérimentateur a observé que le sang défibriné, bien qu'il n'agisse pas toujours à la manière d'un poison sur les animaux d'espèces différentes de celle à laquelle il appartient (2), (1) Bischoff, Beitrdge zur Lehre exsangue sans revivifier cet oiseau ni y von dem Hlule imd der Transfusion délerminer les convulsions qui d'ordi- desselben {Arch. fiir Anat. und Phy- naire accompagnent l'espèct; d'enipoi- sioL, von .Millier, j835, p. 347). sonnenient produit par du sang d'un (2) Du sang défibriné de Chien lut animal appartenant à une autre classe, transfusé dans les veines d'un Canard Des résultats semblables ont été obte- Action de 328 SANG. n'en est pas pour cola pins apte à remplacer le fluide nourricier des premiers. Nous avons dit, il y a quekjues instants, que le sang d'un 3Iammitere pouvait ranimer momentanément un autre Mammifère près de périr d'hémorrliagie, bien qu'il ne fût pas propre à le rétablir dans son état normal ; mais il paraîtrait qu'entre des animaux de classes différentes cette substitution ne produit pas même ces effets excitants transitoires, après que le sang a été privé de son action toxique par la soustraction de sa fibrine (1). Du reste, l'influence singulière exercée par la fibrine (2) étrangère au sang particulier de ces groupes zoologiques n'est pas également puissante dans le sang qui se rend aux organes et dans celui qui en revient. Effectivement M. Biscboff a trouvé que les [)ropriétés toxiques dont je viens de parler existent à un bien plus baut degré dans le sang extrait des veines que nus par l'injection du sang de Canard dans les veines d'un Chien exsangue. (BischofV, loc. cit., p. 35/|.) (1) Lorsque la différence zoologique entre les animaux chez lesquels la substitution du sang se fait est plus grande qu'entre les Mammifères et les Oiseaux, le sang défibriné exerce aussi une influence plus nuisible. Ainsi, dans les expériences de Al. Bischolf sur les Grenouilles, la mort a toujours été la conséquence de rinlroduciion du sang défibriné de Mammirèie ou d'Oiseaux dans les veines de ces Batraciens, tan- dis que du sang de Poisson ne leur nuisait que fort peu (a). Or les Batra- ciens et les Poissons appartiennent à un même groupe naturel, celui auquel j'ai donné le nom de Vertébrés Anal- lantoïdiens ; taudis que les Reptiles proprement dits appartiennent, comme les Mammifères et les Oiseaux, au sous - embranchement des Vertébrés Allaiitoïdiens. Du sang de Criistacé agit aussi comme un poison sur les Batraciens. {Loc. cit., p. 368.) (1>) M. l'.ischoff attribue cette action toxique à un principe iinrnatériel qui accompaguorailla fibrine et détermine- rait la lluidité de cette substance ; mais je ne vois aucune raison suffisante pour chercher la cause de cette action ail- leurs que dans les propriétés de la fibrine elle-même, car il est bien pro- bable que celte malière n'est pas iden- tique chez tous les animaux, et l'on comprend que l'espèce de fibrine pro- pre aux Mammifères puisse agir d'une manière nuisible clieK dos nnhnaux oi'i la fibrine serait d'une autre sorte, et vice oersd. ( Voy. Bischofl', loct cil.f p. 356.) (n) BijcIiolT, loc. rit., p. SBO, TRANSFUSION. 829 dans celui lire des artères, résultai curieux, sur lequel j'aurai à revenir dans la suite (1). En résumé, l'action vivifiante des globules semble donc être la conséquence d'une propriété variable, suivant les espèces, ou plutôt être dépendante d'une harmonie nécessaire entre la nature intime du globule et la nature particulière des orga- nismes dans chaque groupe zoologique. § 8. — Les globules sanguins, dont nous venons de consta- ter l'importance physiologique, n'ont, de même que tous les autres matériaux vivants de l'économie animale, qu'une durée limitée. Après avoir rempli ses fonctions pendant un certain temps, chacun de ces organites cesse d'exister, et si dans les circonstances ordinaires leur nombre ne paraît pas varier, c'est qu'il se produit sans cesse de jeunes globules pour remplacer ceux qui s'usent et disparaissent (2) . L'altération graduelle des globules sanguins est mise en évi- Durée de l'existence des globules. (11 Dn sang veineux d'un Chien injecté dans les vaisseaux d'une Oie la tua, tandis que du sang artériel provenant du même Chien n'exerça aucune influence fâcheuse sur un autre oiseau de la même espèce. Le sang artériel du Chien rendait une Poule très malade, mais ne la faisait pas périr ; tandis que le sang veineux du même Mammifère fit mourir une autre Poule dans les vaisseaux de laquelle on transfusa ce liquide. ( riscliolî, Ueber Transfusion, dans Arch. fur Anat. und Phys., von Millier, 1838, p. 551). (2) iNous ne savons rien de positif touchant la durée normale de l'exis- tence des globules hématiques ; mais, d'après la lenteur avec laquelle ils reparaissent dans le sang après que ce liquide a été appauvri par l'effet d'une liémorrhagie, même très peu (rt) Magendie, Leçons sur le xang, ■183S, p. 305. I. abondante, il est à présumer que dans les circonstances ordinaires le renou- vellement de ces corpuscules ne doit pas être rapide, et que par conséquent ils sont destinés à durer assez long- temps. On sait d'ailleurs par des expé- riences récentes, dues à MM. Mole- schott et Jlarfels, que ces organites ne se détruisent que lentement lorsqu'ils sont introduits dans l'organisme d'un animal très différent de celui auquel ils appartiennent, n'après quelques expériences analogues pratiquées plus anciennement par Magendie, on aurait pu croire que les globules du sang d'un Oiseau ou d'un Batracien, intro- duits dans les vaisseaux d'un Mam- mifère, en disparaissent très prompte- ment [a); mais dans les recherches tlont je viens de parler, un résultat contraire a été obtenu par l'injection du sang de Mouton dans le tube ali- ti'2 ^.HO SANG. dence par les expériences dans lesquelles on prive un animal des matières nécessaires à leur renouvellement, c'est-à-dire d'aliments appro})riés à ses besoins. Ainsi MM. Schultz et Nasse , en étudiant les effets de l'abstinence sur la constitution du sang chez divers Vertébrés, ont vu qu'à la suite d'un long jeûne les globules pâlissent, se tripent et se défoiMiient (1). MM. Donders et ^loleschott, dans des expériences analo- gues, ont trouvé aussi que chez la Grenouille soumise à l'absti- nence beaucoup de ces globules devinrent extrêmement pâles et transparents; quelques-uns paraissaient comme déchn^és, et un très grand nombre d'entre eux semblaient réduits à leur portion nucléolaire. A mesure que la privation d'aliments se prolonge, la proportion de ces noyaux libres augmente, et dans un cas, après vingt-huit jours d'abslinence, ces physiolo- gistes ont trouvé ([ue plus de la moitié des globules sanguins avaient subi cette transformation (2). mentaire de !a Grenouille. Los glo- le conimcncenicnt de rexpérience, billes héniatiqucs du Moulon sont et ces physiologistes pensent que faciles à distinguer de ceux de ce 15a- leur existence se prolonge toujours tracien, à raison de leur petitesse et pendant une quinzaine de jours au de leur forme, et une lieure ou deux moins (a). après leur introduction dans l'estomac, (1) i. es observations de M. Schultz on commence à en trouver dans le poitont sur le Chien, le Lapin et le torrent de la circulation. Dans quel- l'rotée (6); celles de M. Nasse, sur la ques cas, 1\1M. ^lolescholt et .Martels Grenouille. Ce dernier pense que les sont parvenus à en inlroduire ainsi en globules incolores, dont le nombre nombre si considérable, qu'ils parais- devient considérable après la saignée sent être deux et même trois fois plus et lors de Tabslinence prolongée, ré- abondaiits que les globules ajjparte- sultenl en grande partie de la dissolu- nant en propre à l'animal sur lequel lion incomplète des globules berna- ils opéraient. Or l'étude du sang iiques dans le plasma allaibli (c). ainsi chargé de globules bémaiiques ('2) MM. Donders et Molcschott ont étrangers a fait voir que ceux-ci iroiivO que parmi les globules rouges n'en disparaissent que lentement ; on de la (irenouille il en est qui paraissent en retrouva parfois un mois uprès Otrc sans noyau ci qui résistent à l'ac' (a) Mtti-fels un'l Mctlc?clioK, l'cha' die Lchensdnue)' dév IslutkOrpei'chen {Viiiemich. auv IS'alur^ Iclire des Menschcn und dcr Thkre, von Molisclmii, 1860, bd. I, p. B2), (b) Sclinlu, Uebcr itn Zusiand des IHutes In clnem verImnga'Un Pi'QtdUi ^SifflOti's DtUrâge auf PhysioL, Chem, und. lHikroih., 1844, ji. .jG7j, {!') Vt>,V. VVasfnpv'n Hnndwlii'tfi'bin-h dci' l'htlfinJi)^!^, M. 1, )' 2oniiaîlre les changements que le sang éprouve quand une certaine quantité de ce liquide s'est extravasée dans un organe vivant et y séjourne plus ou moins longtemps. Lorsqu'un épancliement de ce genre se produit, beaucoup de globules semblent se dissoudre dans les liquides d'alentour; d'autres se flétrissent, et souvent il eu est qui se réunissent en petits amas, s'entourent d'une matière albuminoïde plastique et paraissent s'enkyster. Plusieurs observateurs, en étudiant le caillot résultant d'une blessure prulunde du cerveau, y ont vu des cellules à parois incolores bien distinctes qui renfermaient un nombre pins ou moins considérable de globules sanguins, et, à mesure que l'extravasation devenait plus ancienne, ils ont trouvé que les globules ainsi emprisonnés disparaissent ou se Iranstbrment peu à peu en granules pigmenlaires insolubles (1). Or, on voit souvent dans l'intérieur de la rate, espèce de réser- voir sanguin dont nous examinerons plus tard la structure et les usages, des cellules analogues, ainsi que des granules pig- mentaires libres (2) ; et les observations de M. Kdllilvcr tendent lion (le l'eau ijoaucoiip plus que les iiitLiianvituiies, qui renfermaient dans autres. Us les considèrent comme élant leur intérieur des glol)ules sanguins des globules arrivés an terme de leur aussi Jjien {[ue leur contenu ordinaire; développement, et ils ont remarqué et ces globules sanguins paraissaient que ce sont les premiers à dispa- èlre en voie de se transformer en gra- raîlre par l'elTet de la privation des nules pigmenlaires (/>). aliments (a). ('->) I a destruction des globules (l) M. Kollikcr, en examinant le rougcsdusangetleurtransformationen sang cxtravasé dans le cerveau d'un granules pigmenlaires ont été étudiées Pigeon, y a trouvé des globnles dits aussi parAIM. Uarlcss (c), Vircliovv (rf) (a) Donders uiiil Molosclioll, Untersurliuufien ubcr du- liluIkOrperchcii [llollâiulischc Beilvage z-u dcn anal, undyliys. Wissenschafteu, 1840, t. 1, ii" :i, p. 300). (6) ZeUschrift furt-atinn. Med., t. IV, p. 1). — Nassfi uiid KoUiKor, Eni'ujc Ikobavhl. ûbev die Capillai'gefâssc in entzimdeten Theilen (Zeitschr, fur ration. }kd., ISiO, \k\. IV, p. 8). ((■) Harless, Lkbcr den Evifln.ss der Caïc auf die Form drr Illniki'ifjdcheii. 1840. (d) Virclidw, Znr paihul. l'Iuislol. de.': lihUs (.4rf/i. fin- palhol. .Knal., 1847, BJ. I, p. 347). — leber Biulkôrperchen haltige Zellen (Anii., Bd. IV, p. 51 3. i 332 SANG. à établir que les globules sanguins contenus dans ces kystes microscopiques sont aussi des globules en voie de destruction ou de transformation en matière pigmentaire (1). Ces faits, et quelques autres considérations dont il serait pré- maturé de rendre compte en ce moment, me portent à regarder la rate comme étant im organe éliminateur des globules rouges du sang, bien qu'il ait aussi d'autres fonctions à remplir, comme nous le verrons bientôt (2). et plusieurs autres pathologistes. M.Vir- chow ne considère pas l'espèce d'en- kysiement décrit par M. KôUiker , comme étant un phénomène de ce genre ; mais les résultats annoncés par ce dernier physiologiste ont été pleine- ment conlirmés par les expériences d'un jeune médecin d'Edimbourg, M. San- derson (a), et s'accordent très bien avec divers faits constatés par M. Le- theby, relatifs aux altérations qu'avait subies le sang menstruel chez une fille dont la membrane de l'hymen, étant imperforée, avait déterminé la réten- tion de ce liquide dans le vagin (6). riusieurs phases de ces transforma- lions de globules ont été observées aussi par M. H. Millier dans un cas analogue (c). D'après les expériences de M. Stan- nius, il paraîtrait que les globules san- guins éprouvent très rapidement des altérations profondes lorsque ces cor- puscules sont en contact avec le tissu nerveux, elfets que cet auteur attribue à l'action des matières grasses de la substance médullaire; car il a vu des modifications analogues résulter de l'introduction de graisses liquides dans le sang chez le Lapin. Ce physiologiste a étudié aussi l'influence du froid sur les altérations que les globules san- guins présentent chez la Grenouille ((/). (1) Ces cellules sphériques renfer- mant des globules sanguins ont été étudiées d'abord par M. Ecker (e), el ont donné lieu à des interprétations très diverses. (2) Les observations de M. Kijlliker sur le sang contenu dans la rate de divers animaux ont conduit ce phy- siologiste à penser qu'un certain nombre de globules rouges sont mo- difiés dans cet organe, que leur matière colorante est détruite, et les corpuscules résultant de cette altéra- tion désorganisatrice s'agglomèrent en petits groupes qui s'entourent de ma- tières protéiques et se revêtent d'une tunique utriculaire. Ainsi les cellules granulées et incolores ou jaunâtres qui se trouvent dans le sang extra- la) Sanderson, On the Métamorphoses ofthe Coloured Dlood Corpuscules tind their Contents in Extramsed Itlond {Monthlij Journal of Médical Science, 1851 , t. XIII, p. 2t(î). {b) Lellieby, Microscopic and Chimiral Examinalion of Menstrual Fiuid wluch had been Retained for'some Time within the Vaijina (Lancel, 1845, t. II, p. 125). (r) H. Mullei-, Ueber die Bliiikorperchen in zuriick ijehaltener Menstrua (Zeitschr. far ration. Medicin, t. V, p. 140. • • q (d) Slannius, Ueobaclitnngen iiber Vcrjiingungsronjdnge im thienschen Urgantsmus, in-8, 1853 (voy. Canslall's^a/iresbcric/a, 1853, p. 20). (c) Eclvcr, Ueber die Verdnderungen ivekhe die lUuthorperchen in dcr Mili crletden {Zeitschr. fur ration. Med., 1847, Bd. VI, p. 261). DESTRUCTION DES GLOBULES. SSo L'examen chimique du sang avant son entrée dans la rate et à sa sortie de cet organe vient corroborer les résultats fournis par l'observation microscopique. En effet , 31. J. Béclard a vase dans la rate seraient des produits de la décomposition des globules rouges, et les restes de ceux-ci seraient les granules des cellules plasmi- ques ((7). Reste à savoir si ces trans- formations sont des phénomènes de l'ordre normal, ou dépendent d'un état pathologique. Les recherches les plus récentes de M. Kôlliker sont favo- rables à cette dernière opinion b). ]\1M. Gerlach (c), Schafïner ((?) et quelques autres physiologistes inter- prètent ces faits d'une manière diffé- rente, et pensent que ces noyaux ou granules, au lieu d'être des globules rouges altérés et près de se détruire, sont ces mêmes globules en voie de développement , opinion qui se rap- proche beaucoup de celle émise par M. Wharton Jones, mais qui ne paraît pas être fondée (e). Ce sont probablement des globules de ce genre que M. Remak a observés en grand nombre chez im Cheval au- quel il avait pratiqué, quelques jours avant, une saignée copieuse, et que ce physiologiste a considérés comme étant des cellules mères dans l'inté- rieur desquelles les globules blancs seraient produits par une sorte de multiplication endogène (/"). L'hypothèse de la formation des globules'rouges du sang dans la rate avait été soutenue plus anciennement par Hewson fa'], et adoptée par Spring {h) et quelques autres physio- logistes. -Mais, ainsi que je l'ai dit ci- dessus, c'est un travail inverse qui pa- ' raît avoir lieu dans ce viscère chez l'adulte. J'ajouterai que dans une publi- cation récente M. Remak 'i)a. combattu l'opinion de ^I. Kôlliker, ainsi que celle de Gerlach, et il pense que la rate ne peut être considérée comme étant le siège ni de la formation ni de la destruction des globules rouges. M. Kôlliker cite, à l'appui de son opinion, les résultats obtenus par un de ses élèves, M, Landis, dans une série d'expériences faites sur des Lapins (j). Les recherches récentes de M. Gray (a) Kôlliker, L'eber den Bau und die Verrichttingen der MHz {Mittheilungen der Zûricher naturforschenden Gesellschaft , 1847), el ariicle Spleen, dans Todd's Cyclop. of.Anat. and PhysioL, vol. IV, p. ■; 8-2.^ (6) Kôlliker, Éléments d'histologie humaine, trad. fr.iiK;., t85(î, p. 499. (c) Gerlach, Ueber die Blutkorperchen haltenden Zelten der MHz {Zeitschrift fur rationelle Medicm, 1848, Bd. VU). (rf) Scliaffiiur, Zur Histologie der Schildrïise und Thymus , p. 340. — Zur Kenntniss der malpighischen Kôi-perchen der MHz vnd ihres Inhalts. (Zeitschr. (ûr ration. Medicin, Mk^, t. Vlll, p. 345). (e) Handfield Joncs, Observations on the Development of Mammalien Blood Globules and on the Yellow Matler concuvrinq in the Spleen, in its Relations to the Blood (London Médical Gazette, 1851, t. XLVllI, p. 10-21). (/■) Remak, On the Production of Blood Corpuscles {Microscopi£ Journal, l. II, 1842, p. 156). (g) Hewson, Expérimental Inquiries, part. 3 (Works, p. 283). (h) Sprin?, Mémoire sur les corpuscules de la rate ( Mémoires de la Société des sciences de Liège, l. I, p. 124). (i) Remak, Ueber runde Blulgerinne und iiber pinment-kttgelhaltige Zellen(WMcrs's Arch., 1852, p. 115). (j) Landis, Beilrâge zur Lehre ûber die Verrichtungen der MHz. Ziiricli, 1847. 33/l SANG. constaté que chez le Chien le sang veineux qui a traversé la rate donne un caillot moins abondant que celui fourni par le sang veineux des autres parties du corps, et, dans des expériences analogues faites sur des Chevaux, il a trouvé que cette diffé- rence dépendait d'une diminution dans la proportion des globules rouges dans le sang splénique(l). M. Lehmann a constaté des faits du même ordre (2j. Enfin, un jeune médecin anglais, s'accordent très bien avec les, conclu- sions générales exposées ci-dessus. Il n'a observé dans le sang de la rate qu'un petit nombre de globules sanguins inclus dans des cellules inco- lores ; mais il considère comme une des particularités les plus remarqua- bles de ce liquide la présence presque constante d'un grand nombre de gra- nules pigmenlaires, tanlùl libres, tan- tôt réunis en masses, ou bien en- core renfermés dans des cellules, ainsi que l'existence des cristaux bacilli- formes dont nous avons parlé ailleurs (p. 173). Ces granules pigmentaires sont les uns d'un rouge sombre, les autres plus ou moins noirâtres, et ils résistent à l'aclion de l'alcool, de l'é- ther, des alcalis et de l'acide acétique. On trouve tous les degrés intermé- diaires entre les globules sanguins nor- maux et les granules pigmentaires ; quelques globules sont seulement un peu plus petits que d'ordinaire, d'au- tres crispés ou crénelés sur les bords ; enfin ceux qui sont renfermés dans des cellules deviennent de plus en plus irréguliers et foncés en couleur, et se transforment les uns en granules pig- mentaires, les autres en corpuscules bacillaires cristallins (a\ M. llandlield Jones a étudié également cette ques- tion, et il est d'avis que la matière (a) Gray, On the Slfucture and Use nf the Spleen, 1854, p (b) Op'.cH. [LondonMed, Gax., vol. XLVUl, p. 10'2d). pigmentaire jaune de la rate naît en partie de globules sanguins modifiés ; mais il pense qu'en général cette transformation ne s'opère pas dans l'intérieur de cellules incolores, comme le suppose M. Kolliker (b). Du reste, toutes ces questions sont encore fort obscures, et elles seront discutées lorsque nous traiterons des fonctions de la rate. (l) Dans les expériences de M. J.Bé- clard la proportion des matières solides et sèclies fournies par le caillot, c'est- à-dire par les globules et la fibrine réunis, a été invariablement plus faible dans le sang de la veine splénique que dans celui de la veine jugulaire. Dans une des ses expériences, le premier de ces sangs n'a doimé que l/i3, tandis que le second a donné 180. Dans le cas où la différence était la moins marquée, ce rapport était IGl : 177. Le dosage des globules dans le sang du Cheval lui a donné dans une expé- rience 128 pour le sang de la veine jugulaire, et 113 pour le sang splé- nique ; dans une seconde expérience, 119 : 110. (V^oyez Recherches expé- rimentales sur les fonctions de la rate et sur celles de la veine porte, p. i/i, extr. des Arch. gén. de méd., 18Zi8.) ('i) M. Lehmann cite une expérience n. DESTRUCTION DES GLOBULES. 335 M. Gray, vient de se livrer ù desinvesligalions analogues, et a obtenu le nieine résultat. Il a reconnu que le sang contient en général moins de matière solide après son passage à travers cet organe qu'en y entrant, et que cet appauvrissement lient à la diminution du nombre de ses globules rouges. Ainsi dans deux expériences taites sur des Chevaux et exécu- tées dans les circonstances les plus favorables, la proportion des globules rouges était presque deux l\)is aussi grande dans le sang des vaisseaux afférents à la rate que dans le sang qui sortait de cet organe. Presque toujours 3[. Gray a trouvé le sang de ces animaux notablement appauvri par son passage dans ce viscère, et il a vu que le degré d'intensité de ce phénomène était en rapport avec ractivité plus ou moins (^,onsidérable du travail nutritif. Chez les individus bien nourris et en bonne santé, la différence de composition entre le sang qui arrive à la rate ou qui en sort était très grande, tandis que chez ceux ([ui étaient mal sustentés ou soumis à l'abstinence, elle diminuait ou cessait même d'être appréciable. Nous reviendrons plus tard sur l'ap- préciation de ces faits ; cependant il était bon d'en tenir note dès aujourd'lnii, (nir ils tendent à établir non-seulement qu'il y a ime certaine consommalion de globules sanguins dans la rate, mais aussi que cette consommation se lie au travail nutritif (1). Par la dont les résultais sont également favo- M. Gray a comparé la proportion des râbles à l'opinion formulée ici. Kn glf^ljules contenus dans le sang de analysant comparalivemenl le sang Faorle (cVst-àdire le sangqui se rend d'un Cheval tué quatre heures après en partie à la rate) et dans le sang des avoir mangé, il trouva que les glo- veines spléniques, vaisseaux qui con- bnles sanguins humides constituaient tiennent le sang qui traverse cet or- 82 pour 100 dans le sang veineux de gane. Voici les résultats qu'il a ob- la rate; 06 pour 100 dans le sang icnns ; de la veine cave, et 7/i pour 100 dans le sang de la veine jugulaire {a), (1) Dans une série d'expériences faites sur des Chevaux bien nourris, Jj^u comparaison du sang des veines (h) WwHnn, lehrli. itef phiiitioU ChmU, IR.nH, RiJ, If, p, iû5. Sang noi'licjiir. S;ipg !pléiiif|iil'. 156 109 188 tiO 104 27 5S6 SANG. suite de nos études nous verrons, en effet, que les globules san- guins sont, suivant toute probabilité, des organites ebargés d'opérer certaines transformations cliimiques dans les matières tenues en dissolution dans le tluidequi les baigne, et que l'acbè- vemenl de ce travail sécrétoire est le terme de leur existence sous la forme d'utricules. J'ajouterai que dans le sang splénique où le nombre des globules avait subi cette diminution remar- quable, M. Gray a observé aussi que le sérum, au lieu d'être faiblement teinté en jaune, comme d'ordinaire, était coloré en rouge brun. On sait aussi, par les expériences de M. Lehmann, que l'addition de l'eau détermine dans ce sérum un précipité abondant d'albuminate neutre de soude, ce qui est aussi l'in- dice d'une modification dans sa constitution chimique (1). Ainsi il paraît bien démontré que le sang, en traversant plus ou moins lentement la rate, éprouve des changements con- sidérables, et qu'une partie de ses globules rouges y dispa- raissent (2). Mais de ce que la destruction des globules hémati- ques serait plus active dans ce viscère que dans la plupart des mésentériqiies a donne des résultais analogues. Chez un Cheval la propor- tion des glohules était de 157 dans le sang niésentérique, et de 9/i dans le sang splénique ; chez un second, de 63 dans le sang mésentérique, et de o5 dans le sang splénique. Enfin, M. Gray a constaté des dillé- renc?s analogues entre le sang qui revient de la rate et le sang qui revient des autres artères du corps : celui de la veine jugulaire, par exemple. La dif- férence était dans la proportion de 162 à 102 chez un individu, et de 139 à 108 chez un autre, et chez un troi- sième de 125 à 91. Mais cette diminution dans le nom- bre relatif des globules rouges du sang dans la rate est devenue moins mar- quée ou même a cessé de se faire re- marquer chez des Chevaux mal nour- ris ou privés d'alimenls. Chez un de ces animaux soumis à l'abslinence, la proportion des globules rouges était la même dans le sang artériel et dans le sang veineux de la rate (savoir, 91 pour 100 j; circonstance qui tendrait à faire supposer que la destruction des globules sanguins dans la rate se lie -. Annali universali di mcdicina, 1835, t. LWJ, \>. 495.) FORMATION DES GLOBULES. 33^ différent, sous ce rapport, dans les organisïiies dont le déve- loppement est achevé. Nous avons déjà eu l'occasion de voir que chez les animaux iToducUon vertébrés à sang rouge le fluide nourricier est d'abord incolore, *' chez"^' et que les globules dont il se charge bientôt diffèrent de ceux de l'adulte, soit par leur forme, soit par leur grosseur, leur struc- ture intérieure ou quelque autre caractère. C'est à une période très i^eu avancée du travail embryogénique que le sang com- mence à se montrer, et il consiste d'abord en un liquide com- parable au plasma qui s'accumule dans certaines cavités dont nous n'avons pas à faire connaître la disposition en ce moment. A cette première période de l'hématogénèse , ce fluide ne tient en suspension aucun corpuscule solide ; mais bientôt des glo- bules s'y montrent, d'abord en petit nombre , puis avec une abondance de plus en plus grande. Les micrographes qui ont étudié d'une manière approfondie ciobuies , ^ primordiaux, ce phénomène chez les Batraciens et les Poissons, s'accordent à dire que les premiers corpuscules dont le sang est ainsi chargé ont une grande ressemblance avec les cellules ou sphérules qui constituent les tissus d'alentour. Plusieurs de ces observateurs ont été même conduits à penser qu'il y a identité entre tous ces globules, et que les corpuscules primitifs du sang ne sont autre chose que des cellules détachées de la substance des parois des cavités où le fluide nourricier commence à se constituer. Ce point est encore indécis ; mais lors même que les globules pri- mitifs du sang se formeraient directement des matières orga- nisables fournies par ces cellules histogéniques, au lieu d'être le simple résultat de la désagrégation et de la dispersion de quelques-unes de ces mêmes cellules, il n'en serait pas moins bien établi qu'ils ont avec celles-ci une très grande ressem- blance (1) : ce sont des sphérules incolores dont les dimensions (1) Baumgiiitner fut un des pie- ment du sang chez le Têtard. Il signala miers à étudier le mode de développe- les particularités de forme que pré- 340 SANG. varient ; ils reiiferineiU un noyau diaphane et plusieurs granules qui ont l'apparence de globulins graisseux et qui sont entourés d'une matière gélatineuse plus ou moins granulaire; enfin ils paraissent être limités extérieurement par une vésicule mem- braneuse très délicate , et au contact de l'eau ils donnent par- fois naissance à ces expansions lobiformes sarcodiques dont j'ai déjà eu l'occasion de signaler l'existence éphémère, lorsque sentent les globules prlmordianx de ce liquide, et il considéra ces corpuscules comme étant des sphéiules du vitel- lus (a). Schullz a été également con- duit à supposer que ce sont des glo- bules vitellins autour desquels une membrane utriculaire se développe- rait (b) ; opinion qui a été combattue par M. Valentin (c). Reicbert mit mieux en himière la grande analogie qui existe cbez la Gre- nouille et le Poulet, entre les globules primordiaux du sang et les cellules constitutives des tissus de l'embryon ; il s'appliqua aussi à établir que ces globules sanguins ne sont autre chose que des cellules de cette espèce déta- chées des parois de la cavité du cœur {(}). M. Vogt, qui a fait une série de re- cherches très hîiportantes sur le déve- loppement des Poissons, pense qu'il n'existe, dans l'origine, aucun foyer pour la formation des cellules du sang, et que partout où des vaisseaux doi- vent se creuser, des cellules se déta- chent çà et là, et, emportées par le courant, se transforment en globules sanguins. Il a vu de ces corpuscules apparaître de la sorte dans la cavité du cœur, ainsi que dans d'autres organes, avant que ceux-ci eussent acquis des caractères histologiques spéciaux, et il croit qu'après l'établissement des vais- seaux proprement dits, cette produc- tion a son siège dans une couche du blastoderme, qui repose directement sur le vitellus et qui est désigné par lui sous le nom de couche hémato- gène. Ce seraient, d'après M. Vogt, les cellules de cette couche qui, en passant dans le fluide nourricier, perdraient leurs parois et laisse- raient échapper leur noyau pour constituer les globules sanguins dans l'intérieur desquels un autre noyau se développerait plus tard (e). Le même naturaliste était arrivé précé- demment à des résultats semblables, en étudiant le développement du Cra- paud accoucheur (/"). MM. Lebert et I^révost s'accordent, avec M. Vogt , quant à la grande ressemblance qui existe entre les premiers globules du sang de la Grenouille et les autres globules em- (a) B:iump;iirtner, Beobachtunçien ûber die Nerven und das Dliit in ihrem gesunden und krankhaften Zustande, p. 45 à 80. (b) C. H. Scliultz, Das System der Circulation, 1836, \>. 29. (c) Valentin, llandbuch der Entwickelungsgeschichtc des Menschen, 1835, p. 297. {d) V,c\cherl, Das Entirlckelungsleben im \VirbeUhier-Reich, 1840, p. 139. (<;) Vo!,'t, Embnjolmjie des Salmnnes {Histoire naturelle des Poissons d'ea'i douce de l'Europe centrale, par M. Agassiz, 184i, p. 201). il) Vogi, Entivickelungsgeschichte des Alytes Obstetrkans, p. 70. FORMATION DES GLOBULES. S/tl j'ai parlé des globules plasmiqucs du sang des animaux inver- tébrés (1), Quand le développement de l'embryon est un peu plus avancé , le contenu de ces globules s'éclaircit et devient plus homogène ; plusieurs d'entre eux s'allongent de façon à prendre une forme ovalaire, et ils commencent à se colorer eu jaune, puis en rouge. Ainsi c'est par l'effet d'un travail physiologique spécial bryonnaires que ces physiologistes distinguent des cellules vitellines , sous le nom de globules organoplas- tiques ; mais ils pensent que ce sont ces globules embryonnaires eux- mêmes, et non leur noyau, qui se transforment directement en globules sanguins. Us supposent que pour con- stituer ceux-ci, les globules organo- plastiques auraient perdu par exos- mose une portion de leur contenu granuleux, lequel se serait préalable- ment liquéfié (a). D'après les mêmes observateurs , les premiers globules sanguins du Poulet se formeraient dans les canaux capillaires périphériques de l'aire vas- culaire, et olfriraient d'emblée un ca- chet particulier de façon à ne pouvoir être confondus avec les autres glo- bules constitutifs de l'embryon. Us se formeraient de toutes pièces, et ce seraient leurs matériaux seulement qui seraient fournis par les cellules du feuillet angioplastique du blasto- derme (6). M. KôUiker admet une identité complète entre les premiers globules sanguins et les cellules histogéniques des autres parties de l'embryon, et pense qu'ils proviennent de la sub- stance des parois des gros vaisseaux, aussi bien que du cœur (c). M. Remak est arrivé au même résultat , et a constaté la présence des globules san- guins dans les grands canaux de l'aire vasculaire avant la formation du cœur. Les globules colorés se montrent de très bonne heure Ul). Enlui -M. Drunimond, qui a publié récemment un travail spécial sur ce sujet , considère ce dernier point comme étant hors de doute. Les globu- les sanguins primordiaux ne sont autre chose, dit-il , qu'une portion des cel- lules embryonnaires (ou organoplas- tiques) détachées probablement de la couche muqueuse de la membrane germinale [c). (1) Voyez ci-dessus, pages 7k et 103. (a) Prévost et Lcbert, Mcmoire sur la formation des organes de la circulation et du sang dans les Batraciens {Annales des sciences naturelles, 184i, 3* série, t. I, p. 205). {/)) Prévost et Leljcrt, .Wmoire sur la formation des organes de la circulation et du sang dans l'embryon du Poulet (Annales des sciences naturelles, 1844, 3* série, t. II, p. 240). (c) Kolliiier, Mikroskapische Anatomie, t. Il, p. 589. (rf) Remak, Unlersuchungen iiber die Entivickclung der Wirbelthiere. Berlin, 1855, p. 21. [ (e) Dniinmoiid, Ou the Develoimienl of lllood and lllood-Wessels (Edinburgh Monthlij Journal of Médical Science, 1854, t. XVIll, p. 214). 342 SANG ayiint son siège dans l'intérieur de chacun de ces organites, que riiématosine s'y produit, et nous verrons plus tard que ce travail a la plus grande analogie avec celui auquel on donne le nom de sécrétion. Les globules sanguins primordiaux se déve- loppent comme le font les autres tissus élémentaires de l'orga- nisme vivant ; mais les phénomènes que je viens de signaler ne sont pas les seuls indices de leur activité physiologique. Ces corpuscules, devenus rouges, ressemblent beaucoup à ceux de l'adulte; mais, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, ils ont des dimensions plus considérables (1). Ils sont pourvus d'un noyau qui parait être simple d'abord, mais qui ne tend pas à se diviser. Effectivement, on remarque souvent de ces globules primordiaux rouges qui, au lieu d'avoir un seul noyau, en renferment deux ou même davantage, et M. Kolliker a trouvé que cette division de leur portion centrale est le premier degré de leur multiplication par iissiparité : elle est suivie d'un étranglement dans l'écorce ou portion périphérique du globule, étranglement qui augmente avec rapidité, et donne bientôt à ce corpuscule la forme de ces boulets que l'on appelle rames, lesquels, tout en offrant leur forme sphérique ordinaire, sont liés deux à deux par un chaînon. Enfin ce physiologiste a vu que la portion intermédiaire, s'atténuant davantage encore, finit par se rompre, et qu'alors les deux sphérules, devenues libres et isolées, consfituent l'ime et l'autre un globule héma- tique semblable à celui qui les a produites (2). (1) Voyez ci-dessus, page 53. bryoïi humain. Elles furent publiées (2) Les observations de M. Kolliker d'abord par un des élèves de ce phy- sur la multiplication des globules san- siologiste (a), et développées davan- guins de l'embryon par fissiparité tage dans deux écrits qu'il publia lui- furent faites sur le Mouton, et confir- même (6).Quelquesannéesauparavant, mées par Texamen du sang d'un em- M. llemak avait constaté des faits du (a) FahnwT, De rjlobulorum sannuinis in mammalium embnjonibus atque adultis origine (DisserUition inautfuralo, Tiirici, 1845). {b) Kiilliker, u'eber die Blutkijrperchen elnes mcnschlichen Embrijo und die Entwickelung der lilutkorpe.i'chcn der Sângethiere (Zeitschrift fur ralioncllc Medicin, 1840, l, IV, p. 112). — Mikroskopische Anatomie, Bd. II, p. 589. — Éléments d'histologie humaine, 1856, p. 653. l'embryon. FORMATION DES GLOBULES. 2>!i2> Lorsque par les progrès du développement du jeune em- bryon le foie commence à se constituer, cette multiplication des globules sanguins par fissi[)arilé diminue, el, quand cet organe a acquis un certain volume, on n'aperçoit plus que difficilement quelques indices de l'existence de ce phénomène remarquable. Effectivement, "il se produit alors une autre sorte de glo- eiobuies bules. Chez le Poulet, ceux-ci sont faciles à distinguer des '^^cher précédents par leur forme, leur volume et par quelques autres particularités : ils sont elliptiques et beaucoup plus petits que les globules primordiaux. Ils paraissent être constitués par des noyaux de nouvelle formation qui s'entoiu^ent de granules, puis d'une membrane, et les cellules ainsi formées sont d'abord incolores; mais bientôt ils grossissent, l'hématosine se montre dans leur intérieur, et ils présentent alors tous les caractères ùe^ globules typiques, c'est-à-dire des globules sanguins propres à cette espèce zoologique arrivée au terme de son dévelop- pement. Cette coïncidence entre l'apparition du foie et celle des glo- bules typiques dans le sang des Oiseaux a été signalée à l'at- tention des physiologistes par MM. Prévost et Dumas, et a conduit ces observateurs à se demander si la production de ces corpuscules sanguins n'aurait pas son siège dans le viscère où se forme aussi la bile (1). même ordre chez le Poulet parvenu d'un embryon humain âgé d'environ à la troisième semaine de l'incubation, quatre semaines [h) , ainsi que les et chez l'embryon du Cochon. Il en nouveaux travaux publiés en 1855 conclut que probablement les globules par M. Ilemak (c). peuvent se multiplier par division (a). (i) Prévost et Dumas, Développe- On peut citer aussi a l^apijui de l'o- ment du cœur et formation du sung piuion de M. Kulliker quelques obser- (_yinn. des sciences naturelles, 182/|, vations faites par M. Paget sur le sang t. IV, p. 9(5). (a) Remak, On the Production of Blood Corpuscles {Microscopic Journal, 1842, p. 155, et Medicinische Vereiiis ZeUinuj, n° 27, juillet 1841). (b) Paget, On the Uloud Corpuscles of the Uuman Embryo {London Médical Gazette, 1849, New Séries, vul. Vlll, p. 188). (c) Ueiiiak, Unlers. iiber die Entwickelung der Wirbelthiere, p- 21 et 03. ?,ll!i SANG. La rapidité avec laquelle le sang augmente en quantité à cette période de la vie embryomiaire, et la disparition complète de tous les globules primordiaux longtemps avant que cet accroissement ait même commencé à se ralentir, ne permet- tent pas de croire que les globules typiques puissent résulter de quelque cliangement ou métamorphose que les premiers subi- raient. Les globules typiques ne peuvent être ni les globules primordiaux modifiés, ni la progéniture de ces cellules ; ils doi- vent se produire sans leur concours : et d'après les observations de M. Reicbert(l) et de M. Kôlliker (2), il y a lieu de croire que MM. Prévost et Dumas avaient raison quand ils supposaient que le principal siège de ce travail hématogénique est dans le t'oie, organe qui, à cette épo(|ue, est traversé par la presque totalité des fluides nourriciers destinés à opérer l'accroissement du jeune embryon. Les globules sanguins qui se produisent à cette période de la vie chez l'embryon des Mammifères diffèrent aussi des glo- (1) Reicliert, Das Entivickelungsle- ben im Wirbelthicr-Reich, p. 191. (2) M. Kôlliker a vu clans le sang du foie, chez les embryons de Mam- mifères, tous les passages entre les cellules incolores et les globules rou- ges, et il pense qu'à une certaine épo- que de la vie fœtale la production de ces globules a lieu uniquement dans cet organe (a). Les expériences de Weber sont également iavorables à cette opinion, et ce physiologiste pense que les glo- bules doivent naître dans les cellules épithéliques des parois délicates du système capillaire du foie (b). Mais M. Remak fait remarquer que les vaisseaux du foie sont limités par une membrane, et que par conséquent on ne saurait admettre que les cellules constitutives du tissu, de cet organe passent dans le sang pour y devenir des globules. Il pense que cette se- conde couvée de globules incolores (pour me servir de l'expression dont il fait usage) provient du tissu des vaisseaux lymphatiques encore à l'état d'ébauche {c). (a) Kiilliker, Ueber die Blulkôrperchen eines menschlichen Embryo iind die Entwickelung lier lilulkôrperchcn der Sdugetltiere (Zeitschr. fur ration. Med., t. IV, p. 128). (/;) Weber, Ueber die Bedeulung der Leber fiir die LUlduiuj der Biutkorpei'chen des Embi-yonen {Zeitschr. fiir ration. Med., iHHi, t. IV, p. IGO). ((■) Picni;ik, Entui. der \Virbelthiere, p. d05, 158, etc. — Ueber lUutleerc Cefdssc {LymphgefUsse] im Schwarize der Frosehlarve {^iluWev's Arch. fur Anat. undPhysiol., dSSO, p. lO-i). FORMATION DES GLOBULES. S/l5 billes primordiaux par leur nioiiidrc volume et par plusieurs autres particularités , mais ils n'ont pas encore les caractères des globules sanguins typiques ou parfaits. Ce sont de petites sphérules incolores à noyau central, qui, en avançant en âge, se chargent de matière colorante intérieurement et s'aplatissent en manière de disque , puis se dépriment au centre de leurs deux faces. Leur noyau diminue en même temps de volume et devient plus facile à désagréger par l'action de l'acide acétique; enfin ce corpuscule central disparaît complètement, et les glo- bules ainsi métamorphosés ne diffèrent plus de ceux de l'adulte. A mesure que l'embryon avance en âge, le nombre relatif des globules rouges à noyaux diminue, et après la naissance on n'en trouve presque plus , mais on ne sait pas à quelle époque précise leur transformation s'achève. Nous voyons donc que l'observation des modifications suc- cessives que le sang éprouve chez l'embryon n'est nullement favorable à l'hypothèse de M. Wharton Jones, dont j'ai déjà eu l'occasion de dire (juelqucs mots dans une précédente leçon (1). Les globules rouges dépourvus de noyau qui caractérisent la classe des jMammifères ne résultent pas de la sortie d'un noyau contenu dans des globules hématiques analogues à ceux des Vertébrés ovipares , mais sont des cellules qui primitivement étaient nucléolées comme ceux-ci, et dans lesquelles le noyau se détruit par les progrès de ce développement. L'apparition de la matière colorante dans l'intérieur, soit des globules primordiaux, soit des globules typiques, après la for- mation de ces corpuscules, est un fait important, et qui , je le répète, vient corroborer les arguments (pie j'ai déjà rapportés à l'appui de l'opinion que ces cellules sont des organites vivants comparables jusqu'à un certain point aux utricules glandulaires dans lesquelles nous verrons plus tard le travail de la sécrétion avoir son siège. (1 ) Voyez ci-dessus, page 7G. I. uu 346 SANG. Les globules rouges, disons-nous, sont d'abord des cellules incolores ; mais il ne faut pas confondre celles-ci avec les glo- bulins, ni avec les- gros globules plasmiques que nous avons rencontrés mêlés aux globules sanguins chez les jMammifères adultes. Ces derniers ne préexistent pas aux globules rouges dans le sang de l'embryon, et ne commencent à s'y montrer qu'à une période assez- avancée de la vie fœtale. Ainsi il paraît bien établi que chez l'embryon il y a au moins deux sortes de globules sanguins ; que les uns et les autres peuvent exister à deux états différents : avec un contenu granu- leux et incolore, ou renfermant une matière albuminoïde rouge d'un aspect homogène ; que cette coloration est caractéristique d'un degré avancé dans leur développement individuel, et que le noyau central dont les uns et les autres sont généralement pourvus dans leur jeune âge peut disparaître quand ils arrivent à l'état parfait (i). Il paraît ressortir également de ces faits que les globules du (1) M. J. Drummond, d' Edimbourg, de la seconde espèce, que j'appellerai a publié récemment une série d'ob- typiques, parce qu'ils ressemblent à servations sur le développement du ceux de l'animal parfait, dilt'èrent des sang chez l'embryon des Batraciens, précédents en ce qu'ils sont colorés ; des Oiseaux et des Mammifères (a), que leur volume est moindre, et qu'ils Il a trouvé, comme l'avaient fait ses ne renferment que peu ou point de prédécesseurs, que chez tous ces ani- granules ; enfin ils se distinguent aussi maux il y a pendant celte période de des globules primordiaux ou embryo- la vie deux sortes de globules. Ceux niques en ce que chez les Vertébrés de la première sorte, qui existent seuls ovipares ils sont elliptiques, et que chez les embryons les plus jeunes, et chez les jMammifères ils sont dépour- qui peuvent être appelés les globules vus de nucléus. M. Hrummond pense sanguins primordiaux ou embrijo- que les globules primordiaux dérivent nigues, sont ronds, granulés à l'inté- directement des cellules embryoniques rieur, nucléoles et incolores ; par les de l'œuf ou cellules, appelées vilellus progrès du développement ils se colo- et organopl(isti(pies, par MM. Prévost rent plus ou moins, et la matière gra- et Lcbcrt, et n'en dill'èrent pas dans nulée qu'ils renferment disparaît en l'origine ; qu'ils peuvent se multiplier grande partie. Les globules sanguins par fissiparité ou être produits par le (a) DrummniKt, On the Development of Blooil and Blood-WesseJs {Monthly Journal of Médical Science, i8r>.i, vo). WIII, j.. 2U). FORMATION DES GLOBULES. 3^7 sang de rembryon n'ont pas tous la même origine, et que les globules primordiaux sont produits à la surface des tissus en voie de formation dont la substance est en contact avec le fluide nourricier, soit qu'ils s'en détachent, soit qu'ils s'y con- stituent de toutes pièces. Des observations récentes de ^I. Kollikcr tendent à établir qu'à répo([ue de la naissance une partie de ces globules tirent leur origine de la pulpe de la rate , que les corpuscules blancs dont le sang du foie est alors très chargé proviennent de cette source; enfin que ces corpuscules, en mûrissant pour ainsi dire, se colorent peu à peu et constituent des globules rouges (1). Mais ce point de l'histoire du sang est resté fort obscur, et l'on ne sait encore rien de positif sur le mode de production des globules hématiques chez l'adulte. § 11. — Les globules du sang des animaux invertébrés me semblent avoir plus de ressemblance avec les globules de la première catégorie, ou globules primordiaux de l'embryon foie. Lorsque les globules typiques se montrent, on voit apparaître aussi des sphérules plasniiques ( ou globules blancs ), et M. Drummond pense que les premiers sont formés soit par ceux-ci, soit par les globules primor- diaux ; que cbez les Vertébrés ovipares ce sont les sphérules plasmiques eux- mêmes qui se transforment en globules typiques, tandis que chez les ;\lanuui- fères ce serait le noyau seulement des premiers qui, devenu libre, se déve- lopperait pour constituer ces globules rouges. (1) Dans un travail qui date du mois de juin dernier (1856), M. Kolli- ker a rendu compte d'une nouvelle série d'observations sur le sang du foie et de la rate chez des Mammifères nouveau-nés ou encore h la mamelle, cl il a reconnu qu'à cette période de la vie plusieurs des phénomènes héma- togéniques précédemment constatés chez l'embryon se produisent encore. Ainsi, chez Icsjeunes Chais, Chiens et Souris, il a trouvé dans le sang du foie beaucoup de cellules à un ou deux noyaux , dont quelques-uns étaient étranglés au milieu et semblaient être en voie de se multiplier par fissipa- rité, comme cela se voit chez les jeunes embryons. Ce sang hépatique est très riche en globules incolores, et ]\I. Kolliker pense que ces corpuscules proviennent en totalité ou en majeure partie de la rate ; car le sang venant des intestins n'ofTre rien de particu- lier, et celui de la rate en est plus chargé que celui du foie. Dans l'embryon, beaucoup de ces globules blancs se transforment en if.lobules rouges dans l'intérieur du Globules des Invertébrés. Production des globules chez les Vertébrés adultes. Origine des globules incolores. 3/1.8 SANG. des Vertébrés, qu'avec les jeunes globules typiquesde ces der- niers. Je suis porté à croire qu'ils peuvent naître des parois des cavités lacunaires où le fluide nourricier de ces animaux inférieurs est toujours en partie renfermé ; mais dans l'état actuel de la science nous ne pouvons former que des conjectures à cet égard, et par conséquent je ne m'arrêterai pas davantage sur ce point. § 12. — Je le répète, nous ne savons encore que fort peu de cbose au sujet du mode de production des globules san- guins chez les Vertébrés adultes ; mais ce qui a été constaté chez l'embryon nous permet de faire quelques conjectures , et comme cette question est d'une grande importance , je crois devoir ne pas passer sous silence les faits qui semblent de nature à nous aider à en trouver la solution. Nous avons vu que chez l'embryon les globules hématiques, quelles qu'en soient l'origine et la nature, se constituent d'abord sous la forme de cellules incolores ou globules blancs. Nous avons vu que chez l'adulte il existe aussi dans le sang des globules incolores : cherchons donc en premier lieu comment ceux-ci prennent naissance. Mais pour aborder utilement cette étude, il me paraît nécessaire de ne pas perdre de vue que, malgré la similitude d'aspect que ces corpuscules incolores peuvent offrir, foie ; mais les dernières recherches de M.Kôlliker portèrent ce physiologiste à croire que chez les petits Mammi- fères à la mamelle cette glande ne prend que peu de part à cette produc- tion, et que le principal siège du déve- loppement de ces corpuscules serait dans la rate, organe où nous avons vu que chez l'adulte il y a prohablement un travail éliminateur de ces mêmes globules. Effectivement, on examinant la pulpe de la rate, il y a trouvé beau- coup de cellules qui semblaient être des globules en voie de se multiplier par fissiparité, et d'autres qui établis- saient tous les intermédiaires entre des globules blancs et des globules rouges semblables en tout à ceux du sang (a). {a) Kolliker, Einirje Bemerkungcn iïbcr die Résorption im Danne, ûbcr das Vorkommen einer plvjsiolnijischcn Felllcbcr bcijunrjoi Sauqethieren und ûber die Funclioii der Mili, p. t-i et suiv. /IC.Ttr. der Verhandl. derphys.-med. Cescllschaft in VVM.r,i(/tH'g, tS5()). FORMATION DES GLOBULES. 3^9 ils ne paraissent pas être tous de même nature. Je suis même persuadé qu'une des causes pour lesquelles on n'a fait encore que si peu de progrès dans les investigations de cet ordre, tient en grande partie au vague et à la confusion qui régnent dans la détenninalion des différentes sortes de globules dont le sang peut être chargé. Ainsi que nous l'avons déjà vu dans une précédente leçon (1), quelques-uns des corpuscules incolores du sang des Vertébrés adultes ont beaucoup de ressemblance avec les globules pri- mordiaux du sang de l'embryon pendant la première période de l'existence de ces corpuscules, c'est-à-dire quand ils sont encore dépourvus d'hématosine, mais ne peuvent y être complètement assimilés, car ils ne paraissent pas être aptes à sécréter de la matière colorante, comme le font ces derniers. De même que les globules primordiaux, ils ne paraissent intervenir en rien dans la production des globules sanguins typiques, et leur existence est de courte durée. Effectivement la formation de certains corpuscules incolores du sang des animaux vertébrés est souvent une conséquence de l'introduction de matières grasses dans le sang, et semble s'expliquer en partie au moins par l'action chimique de ces matières sur les principes albuminoïdes du plasma. Ainsi on peut déterminer à volonté la formation d'un grand nombre de corpuscules qui, par leur aspect, ne se distinguent pas des glo- bules plasmiques; pour cela il suffit d'injecter du lait dans les vaisseaux sanguins d'un animal vivant ("2). On sait aussi, par (1) Voyez ci-dessus, page 71 et des Lapins, des Oiseaux, etc., et en suivantes. examinant leur sang plus ou moins (2) M. Donné (a) a lait sur ce sujet longtemps après ropération. Dans les des expériences intéressantes en injec- premières heures, les gloI)ules du lait tant du lait dans les veines des Cliiens, étaient parfaitement rcconnaissables (a) Doniit', De l'origine des globules du sang, de leur mode de fonmitiori cl de leur fin (Compt. rend., 18i5, I. XIV, p. 366, ut Cours de microscople, i>. 8'J el suivantes). — Uuiiias, Rapport gur ce travail {Compt. rend., 1843, t. XVI, p. !255). 350 SANG. les expériences de plusieurs physiologistes, que les globules blancs deviennent très abondants dans le sang peu de temps après les repas, surtout quand les aliments contiennent beau- coup de graisse (1). Enfin nous verrons, par la suite, que ces et isolés dans le sang de ces animaux ; plus tard ils se réunissaient au nombre de trois ou quatre en petits groupes qui s'entouraient d'une couche albumi- neuse vésiculaire très semblable à celle des globules blancs du plasma ; enfin, au bout d'un temps un peu plus long, ces sphérules laiteuses disparaissaient ou ne se distinguaient plus des cellules plasniiques. M. Donné a été conduit à penser aussi que ces modifications des globules graisseux du lait, la pro- duction des globules blancs et la trans- formation de ceux-ci en globules rouges, s'effectuent principalement dans la rate ; mais le passage entre ces corpuscules blancs et les globules rouges n'était nullement démontré. Il est à noter que les Chevaux ne résistent pas à l'injection du lait dans les veines. (1) Dans une série d'expériences sur le rapport numérique des globules rou- ges et blancs, avant et après les repas, MM. Donders et r\Jolescholt (a) ont trouvé que chez le Lapin la proportion des derniers augmente beaucoup pen- dant la durée du travail digestif. Ainsi, en comptant le nombre des globules blancs qui se trouvaient dans le champ du microscope disposé de façon à ren- fermer environ 2000 globules rouges, ils ont vu un ou deux de ces corpus- cules le matin, lorsque l'animal était à jeun depuis la veille ; peu de temps après qu'il eut mangé, le nombre s'en éleva à quatre, puis à dix ; trois heures après le repas il diminua de nouveau, et après un intervalle de neuf heures retomba à peu près au même taux que le matin. Chez l'homme l'in- fluence des repas était marquée éga- lement par une augmentation dans la proportion des globules blancs, mais la différence était moins grande. Dans une autre série d'observations analogues, M. Moleschott a vu aussi que la proportion des globules blancs est diminuée par l'abstinence et aug- mentée par les aliments féculents (b). Le docteur E. ilirt, de Ziltau, vient de publier un travail plus étendu sur le même sujet, et il a représenté par une courbe les nombres relatifs des globules rouges et des cellules plas- niiques ou lymphatiques observés dans le sang pendant les diverses périodes du travail digestif. Or , dans ces cir- constances, le nombre absolu des glo- bules rouges ne semble pas devoir varier notablement, et par conséquent les dillérences dans la proporlion des corpuscules blancs peuvent être con- sidérées comme étant l'expression des variations dans leur nombre réel. Le matin à jeun la proportion de ces cor- puscules était d'environ 1 globule blanc pour 1800 globules rouges; une heure après son déjeuner ( qui avait eu lieu à huit heures) , il en trouva 1 pour 700 globules rouges, et entre onze heures et une heure le nombre re- (a) Dnnders iind Moleschott, Untersuchungeii ûber die DIulkôrpcrchen {Hollàndische Beitrâge iU den anatomischen und phiislologisclieii Wissenschuften, 4848, p. 369). {b) Wiener Medic. Wochenschrift, i854, 11° 8, \>. 113. FORMATION DES GLOBULES. 351 globules ressemblent extrêmement à ([iielques-uns des corpus- cules qui sont versés dans le sang par un fluide particulier pro- venant du travail digestif, et appelé chyle. 11 arrive souvent que plusieurs des granules ou globulins à centre graisseux dont le sang est ainsi chargé se réunissent en petits groupes , et forment des sphérules de grandeur variable qui, en passant dans certaines parties de l'organisme, se trouvent englobées dans de la matière albuminoïde plastique, et constituent ainsi des globules blancs dont la surface tend à s'organiser en une utricule membraneuse. Au premier abord ce phénomène semble ne pas différer de ('clui qu'Acherson a observé lors de la réac- tion chimique qui s'effectue entre des gouttelettes d'huile et du blanc d'œuf; car l'huile, en s'emparant d'une portion de la soude qui rend l'albumine fluide, détermine la solidilica- latif de ces cellules plasmiqiies était redescendu à 1 pour 1500 globules rouges. Il dîna à une heure, et bien- tôt après les cellules plasmiques de- vinrent plus abondantes qu'elles ne l'avaient été après le déjeuner (1 pour environ ZiOO globules rouges). Deux heures après ce second repas, elles n'étaient plus que dans la proportion de 1 pour environ lZt75, tenue moyen. Enfin, après le souper (à huit heures du soir), on en trouva de nouveau presque autant qu'après le dîner (l : 550), cl à onze heures du soir elles étaient déjà descendues à environ ~ du nombre total des globules la). Lorsque nous étudierons la digestion, nous aurons à revenir sur ces faits importants. Le mode d'évaluation des globules blancs employé par M. Ilirt est à peu de chose près celui précédemment (fl) Hirt, Ueber das jiinnerische Verhâltriiss (Miiller's ,4cc/t. fur Anal, und Phys., 185) Voyez ci-dessus, page 76. Je dois sance a d'autres renflements occupés ajouter cependant que M. Remak était également par autant de corpuscules arrivé à une conclusion qui se rap- nuclélformes, et qui constitueraient proche un peu de celle de cet auteur, ainsi des touffes ou des réseaux de savoir : que les cellules incolores pro- tubes capillaires d'une ténuité et d'une viennent de la couche épithélique des délicatesse extrême, dont l'intérieur parois des vaisseaux sanguins, et que serait en communication avec les vais- les globules rouges y naissent par pro- seaux sanguins. Ces tubes n'auraient pagation endogène (b). I\Iais les der- qu'une existence assez courte, mais nières observations de cet embryolo- leur production serait continue, et les giste, consignées dans son bel ouvrage corpuscules nucléiformes logés dans sur le développement des Vertébrés, leurs ampoules seraient des globules lui ont fait modifier de nouveau son sanguins en voie de développement, opinion (c). (a) Fiilircr, l'ebcr die Mih und eini'jeliescmderheitcn ihres CapUlarstjsteuis {Avrhiv fur physiol. Heilkunde, 1854, Bd. XIII, p. 149, iil. 2. fig-. 1-5; et par exilait dans la Gmette hebdom., 1855, t. II, p. 314). (b) Voyez Sclionlein, Diagnostische und pathogenetische Viitersuchung , p. 110. Berlin, 1845. (c) Reniak, IJntersucUungen ûber die Entwickehmg der Wirbelthiere, 1855, p. 21 et fi3. FORMATION DES GLOBULES. 355 première période de développement, ni les instruments phy- siologiques cliargés de la formation de ces globules rouges. Mais il est probable que tous les corpuscules incolores engen- drés de la sorte , soit dans la rate ou dans les ganglions lym- phatiques, soit dans quelqne.autre partie de l'économie animale, ne sont pas de même nature, et qu'un certain nombre d'entre eux, au heu d'avorter et de disparaître, comme je viens de le dire, sont portés par le sang dans quelque autre organe pour achever leur développement et se transformer en globules rouges. 11 y aurait donc dans le sang certains globules plasmi- ques qui seraient adultes, si je puis m'exprimer ainsi, et d'autres qui seraient pour ainsi dire des larves de globules rouges héma- tiques, ou, pour parler plus correctement, de jeunes globules en voie de développement, et qui n'offriraient les caractères des globules blancs permanents que d'une manière temporaire. L'hypothèse de M. Wharton Jones, comme je l'ai déjà dit, ne semble pas être l'expression de la vérité en ce qui concerne le mode de production des globules rouges des Mammifères par la libération du noyau renfermé dans les globules blancs (1). jMais tout en repoussant cette partie des idées de cet auteur, je partage entièrement son opinion quant à la distinction à établir entre ces cellules incolores à contenu granulé, ou globules plas- miques essentiels, et les utricules qui se trouvent souvent mêlées aux globules rouges du sang et qui ne paraissent en différer que par le défaut d'hématosiue. Ainsi (jue M. Wharton Jones l'a remarqué, on trouve dans le sang des Poissons et des Batraciens beaucoup de globules pâles ou incolores qui appartiennent à cette dernière catégorie, et (|ui paraissent être de jeunes globules sanguins typiques (2). (1) Voyez ci-dessus, page o/i5. mais est mise presque hors de doute (2) La transformatiou des globules par l'existence simultanée de corpus- incolores en globules rouges n'a pu cules qui présentent toutes les nuances être constatée d'une manière directe, intermédiaires entre ces deux états 356 SANG. D'après la grande inégalité qui s'observe dans le volume des globules pâles ou rouges du sang de beaucoup de ces Ver- tébrés inférieurs, je suis porté à croire qu'au moment de leur première formation ces utricules sont beaucoup plus petites qu'elles ne le seront à une période plus avancée de leur exis- tence, et s'accroissent pendant qu'elles flottent dans le plasma et circulent dans l'économie mêlées aux globules parfaits. Mais chez les Vertébrés supérieurs, tels que les Mammifères et les Oiseaux, il n'en est pas de même : tous les globules sanguins ont à peu près le même volume ; on ne voit rien qui dénote dans ces corpuscules une période de croissance , et l'on ne découvre aucun intermédiaire qui puisse donner l'idée d'une transformation des globulins du plasma en globules typiques. On est donc conduit à penser que ces derniers globules doivent arriver dans le sang déjà tout formés. La plupart des physiologistes admettent que les globules san- guins s'élaborent dans un autre liquide dont l'étude nous occu- pera plus tard : le chyle (1). En effet, nous verrons alors que ce produit du travail digestif, après son passage dans certains organes appelés ganglions lymphatiques , se montre chargé de corpuscules (jui paraissent être des globules en voie de déve- loppement. ]\Iais cette source ne semble pas devoir être la seule qui fournisse ces organiteshématiques; et chez l'individu adulte, de même que chez l'embryon, le foie paraît jouer un rôle important dans la formation du sang. extrêmes. M. VVharton Jones a été le premier à bien établir ces faits par ses observations sur le sang de la Raie, et il est arrivé au même résultat en étu- diant ensuite le sang de la Grenouille. Mais ses recherches sur le sang des Mammifères n'ont jeté aucune lumière sur le mode d'origine des globules rouges dans cette classe d'animaux {a). (1) Il serait également prématuré d'examiner ici les relations qui existent à cet égard entre le sang et la lymphe ; nous nous en occuperons lorsque nous aurons étudié ce dernier liquide. (a) Wliarton Jones, The Blood Corpuscle considered, in Us Différent Phases of Development in the Animal SerUs {Philos. Trans.,\^W, \<.C3). FORMATION DES GLOBULES. 357 Nous ne savons encore que fort peu de chose à ce sujet, et les faits dont on peut arguer ne sont pas assez significatifs pour trancher nettement aucune des questions qui s'y rapportent ; mais les résultats déjà acquis ont cependant assez d'importance pour que nous ne devions pas les négliger, et, ainsi que je viens de le dire , ils tendent à faire penser que chez l'adulte aussi bien que chez l'embryon le développement des globules rouges s'achève au moins en partie dans le foie. Je citerai en premier lieu les expériences de M. Moleschott. Ce physiologiste a étudié les effets de l'extirpation de ce vis- cère sur la composition du sang chez les Grenouilles, animaux qui peuvent souvent résister pendant assez longtemps à cette mutilation , et il a vu qu'elle est suivie de changements très notables dans les rapports numériques des globules rouges comparés aux globules blancs. Il évalue que dans l'état normal ce rapport est comme 8 à 1, tandis qu'après l'extirpation du foie il l'a vu descendre à 2 globules rouges pour 1 globule blanc (i). Je mentionnerai aussi un résultat obtenu par M. Lehmann. Ce chimiste examina comparativement le sang qui arrive au foie et celui qui vient de traverser cet organe ; il fit son expérience sur un Cheval qui avait mangé abondamment quatre heures (1) L'extirpation du foie détermine toujours la mort de ces animaux, et, dans les expériences de 1\I. Moleschott, environ le tiers des individus mutilés de la sorte n'ont pas survécu plus de trois jours ; mais beaucoup ont vécu huit jours et quelques-uns jusqu'au qua- torzième jour. Lorsque la rate était extirpée en mcMne temps que le foie, le rapport entre les globules rouges et blancs ne changeait pas, et quand la mutilation portait sur la rate seule- ment, la proportion des globules rouges augmenta un peu. Les résultats indi- qués ci-dessus relativement à la dimi- nution du nombre relatif des globules rouges à la suite de l'extirpation du foie, sont les moyennes fournies par 133 observations, et M. Moleschott s'est assuré que les liémorrliat;ies abon- dantes sont loin de produire des effets aussi considérables [a). (a) Moleschott, Ucber Enlvjickelung der Dlutkôrperchen (MuUer's Archiv fiir Anal, und Physud., t853, p. 73). 358 SANG. auparavant, et il trouva que dans le premier de ces liquides les globules humides représentaient seulement les 66 centièmes du poids du sang , tandis que dans celui qui sortait du foie ces cor- puscules étaient dans la proportion de 7/i pour 100 (1). D'un autre côté , les recherches des micrographes n'ont fourni jusqn'ici aucun indice de la transformation de globules incolores en globules rouges dans l'intérieur de l'appareil hépa- tique des animaux adultes, et ne nous éclairent que fort peu sur le siège de ce phénomène (2). Quant à l'opinion ancienne qui attribue le travail d'hématogénèse aux poumons, elle ne repose sur rien (jui soit de nature à la rendre plausible. D'après ces divers faits, il me semble donc probable qu'un certain nombre de globules incolores engendrés dans la rate ou dans les ganglions lymphatiques se transforment en globules (1) Lehmann , Lehrb. der physiol. Chemie, t. Il, p. 195. (2) M, Fréd. Scliniid a étudié d'une manière comparative le sang qui arrive au foie par la veine porte, et celui qui vient du reste de l'organisme et qui se trouve dans le système vei- neux général (la veine jugulaire, par exemple), et il a cru y reconnaître des dilîérences assez grandes quant à la forme des globules. Les premiers étaient plus granulés intérieurement et leurs bords irréguliers ; mais dans la veine hépatique ils avaient leur aspect ordinaire, et le changement qu'ils subissent pendant leur passage à travers le foie me semble Olre un phénomène de développement plutôt qu'un indice de la destruction de ces corpuscules dans l'appareil hépatique. Il est aussi à noter que cet auteur a trouvé des différences notables dans la composition chimique du sang de la veine porte et dans celle du sang vei- neux général (a). Je dois ajouter qu'à la suite des ob- servations sur la multiplication des globules chez les Mammifères nou- veau-nés dont il a déjà été question ci-dessns (p. 3/i7). M. Kolliker est dis- posé à croire que chez l'adulte la rate est non-seulement le siège d'une pro- duction abondante de globules blancs, mais que ces globules se transforment en globules rouges dans l'intérieur de cet organe aussi bien que dans le foie (h). Mais cette opinion me semble inadmissible, à raison des résultats fournis par l'analyse chimique du sang avant et après son passage dans la rate. (Voy. ci-dessus, page 333 et suiv.). (a) Fried. Sclimid, Chemische xind milîrosliopischc IJntersncImngen ûber das Pfortader-Bliit {Archiv fur physiologische und pathologische Chemie und Mikroskopie , von Hcller, Wien, 1847, t. IV, p. 97 el318). (f)) Kôllikci-, Éléments d'histologie humaine, 1856, p. 057. DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG DES ARTÈRES ET CELUI DES VEINES, 359 rouges après qu'ils ont été entraînés loin de ces organes par le torrent de la circulation, et que cette métamorphose pourrait bien avoir pour siège principal le système vasculaire du foie. Je ne présente ces conclusions qu'avec de grandes réserves, car dans l'état actuel de la science on ne peut se former une opinion bien arrêtée sur aucun de ces points. Du reste , ainsi que je l'ai déjà dit, le renouvellement des globules sanguins ne se fait d'ordinaire qu'avec lenteur; car, à la suite d'une sai- gnée copieuse, la proportion de ces corpuscules diminue nota- blement et ne revient au taux normal qu'après un laps de temps souvent très considérable. Quoi qu'il en soit, ce travail hématogénique est évidemment activé par l'introduction abondante de certaines matières étran- gères dans les voies digestives; matières qui, pour la plupart, entrent comme éléments constitutifs dans la composition de ces corpuscules , les corps gras et le fer, par exemple (1) ; mais il est subordonné aussi à l'état des forces physiologiques générales, et la production des globules sanguins, de même que le développement des autres tissus de l'économie, est réglée par le degré de puissance avec laquelle l'organisme fonctionne aussi bien que par la quantité de matière organisable que la digestion fournit au travail de la machine vivante. ^13. — Les faits dont je viens de rendre compte nous Différences ^ '' ^ entre montrent que le sang n'est pas identique dans toutes les parties ^^^ ^^"s ^^ineux de l'organisme, et si nous examinons maintenant d'une manière sang anériei. comparative ce liquide dans les divers ordres de vaisseaux où il se trouve renfermé, nous y reconnaîtrons des différences encore plus considérables. En effet, nous ne nous sommes guère occupés jusqu'ici que de l'étude de la portion du iluide nourricier qui est contenue dans (1) Voyez ci-dessus, pages 287, 29/», etc. Différences physiologiques, 360 DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG les vaisseaux appelés veines ; et bien que ses caractères géné- raux soient applicables au sang qui coule dans un autre sys- tème de tubes nommés artères^ on ne saurait le confondre avec celui-ci, tant à raison de ses propriétés physiques que de son mode d'action sur l'économie. Il y a donc dans le corps du même animal deux variétés de sangs : le sang veineux, et le sang artériel. §14. — Chez les animaux vertébrés, les seuls dont nous nous occuperons en ce moment, ces deux sortes de sangs se dis- tinguent, à première vue, par leur couleur. Le sang des veines est d'un rouge sombre tirant sur le noir, caractère qui lui a valu le nom de sang noir. Le sang des artères est au contraire d'un Ion vermeil, et on l'appelle souvent le sang rouge., parce qu'il est le sang qui est rouge par excellence. Le sang vermeil et le sang noir sont loin d'avoir les mêmes propriétés physiologiques. L'expérience suivante en donne des preuves manifestes. Bichat, dont nous aurons souvent à citer les travaux (1), a substitué au sang vermeil qui se rendait dans la patte d'un Chien, du sang noir fourni par la veine jugulaire d'un autre animal de la même espèce, et il a remarqué que presque tou- jours, à la suite de cette opération, le membre placé dans ces conditions anormales était frappé d'une sorte de paralysie (2). (1) Bichat, Fun des physiologistes dont recelé française s'honore le plus, naquit en 1771, et, après avoir com- mencé ses études médicales à Lyon, il devint Télève de prédilection du célèhre chirurgien en chef de THôlel- Dieu de Taris , Desault. Il se livra de bonne heure à renseignement de l'anatomie ; en 1799 , il publia son beau livre sur la vie et la mort, et bientôt après il fit paraître le Traité d'anatomie (jénérale, ouvrage qui constitue son principal titre de gloire, et qui contribua puissamment aux progrès de la médecine aussi bien que de l'anatomie physiologique. On doit considérer ce livre comme la base de la science qui traite des tissus ou ma- tériaux divers dont se compose le corps humain, et qui porte aujourd'hui le nom cVHistologie. Bicliat mourut à Paris en 1802. (2) Bichat, Rech. physiolog. sur la vie et la mort, p. 362. (L'édi- tion que je cite ici est celle annotée par Magendie et publiée en 1822.) DES ARTÈRES ET CELUI DES VEINES. 361 Sur un au Irc Chien, il a envoyé delà même manière au cerveau du sang noir à la place du sang vermeil que cet organe reçoit d'ordi- naire, et il a vu se manifester presque aussitôt des symptômes d'étoutïement, suivis d'un état de syncope et de la mort (1). Elïectivement le sang vermeil jouit seul de la faculté d'entre- tenir l'activité vitale, soit dans l'ensemble de l'organisme, soit dans un organe en particulier. Quelques i)hysiologistes, exagérant les conclusions tirées des faits dont il vient d'être question, ont considéré le sang noir comme im agent délélèrc, une espèce de poison. Mais cette idée est fausse : le sang noir est insuffisant à l'entretien de la vie et ne saurait tenir lieu de sang vermeil, mais il exerce aussi une action vivifiante sur l'organisme ; car chez les animaux qui peuvent résister pendant un temps assez long à la privation de l'espèce d'excitation produite par cette dernière sorte de sang, les Batraciens, par exemple, la mort arrive plus vite quand on détermine la sorlie du sang noir que lorsqu'on laisse ce liquide dans l'intérieur de l'organisme (2). Quelle peut être la cause de celte grande inégalité dans la puissance vivifiante du sang vermeil et du sang noir ? Pour résoudre cette question, cherchons d'abord quelles niff'^'-enceâ ' ^ chimiques. sont les différences qui peuvent exister dans la constitution chimique de ces deux liquides (3). On trouve par l'analyse tous les mêmes matériaux dans ces (1) Op. cit., p. 360. dont deux agissent dans le même sens (2) W. Edwards, De l'influence des et une en sens contraire; de sorte que ayents physiques sur la vie, p. 9, la mémo densité peut coïncider avec 182Z|. une composition chimique très dilTé- (3) Quelques auteurs se sont appli- rente. Les globules étant plus denses qués à déterminer les différences qui que le sérum, leur abondance tend à peuvent exister dans la densité du augmenter cette pesanleur spécifique, sang artériel et du sang veineux; tandis (jiic la fibrine étant plus légère mais celle étude n'offre que peu d'in- à volumes égaux, la richesse du sang térèt, car la i)csanteur spécifique du en cotte matière tend à produire l'effet sang résulte de trois choses variables» inverse, (juoi qu'il en soit, voici quel- I. Zi6 362 DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG deux variétés du fluide nourricier, et au premier abord on n'aperçoit rien qui puisse jeter quelque lumière sur la question qui nous occupe. On ne remarque même que de légères diffé- rences dans les proportions de quelques-unes de ces substances constitutives du sang. Yoici, par exemple, les résultats numériques obtenus par un chimiste habile de Berlin, Fr. Simon (1), en analysant compa- rativement le sang artériel et le sang veineux de deux chevaux : CHEVAL N" 1. CHEVAL ]N° 2. Sang artériel. Saiitr veineux. Sang artériel. Sang veineux. Eau 760,08 757,35 789,39 780,51 Fibrine 11,20 11,35 6,05 5,08 Graisse 1,86 2,29 1,32 l,/i6 Albumine 78,88 85,07 113,10 113,35 Globuline 136,15 128,70 76,Zi0 78,0Z| Hématinc /i,87 5,18 3M 3,95 Sels, etc 6,96 9,16 10,00 10,82 MM. Poggiale et IMarchal (de Calvi) ont eu l'occasion d'exa- miner chimiquement le sang artériel et le sang veineux de l'homme, et y ont trouvé la composition suivante (2) : Sang artériel. Sang veineux. Eau 822,Zi6 818,61 Matières solides 177, 5Zi 181,59 Fibrine 6,17 6.08 Albumine 66,03 61,37 Globules 97,Z|6 106,05 Matières grasses 1,10 1,20 Chlorure de sodium 3,15 3,29 Sels solubles 2,10 2,19 Phosphate de chaux 0,79 0,76 Sesquioxyde de for 0,63 0,58 On voit que toutes ces analyses n'ont accusé que des diffé- rences insignifiatnes et moindres que celles qui se présentent ques-unes des déterminations obte- a été, dans les mêmes expéiiences, nues par M. J. Davy : pour le sang artériel, 1025, et pour Sang artériel. Sai,g vfineux. IC SaUg VClUeUX, 1027. ( J. Davy , Mouton -1057 1058 Besearch., Anat. and Ph^js., 1839, — . . . . 1047 d050 , .[ oo ^ Bœuf 1058 1061 ^O'" ^'' P" ^^'' Chien 1018 1058 (1) Anim. Chenust., n" 1, p. 19i. I,a densité tlti sérum du Mouton (2) ^^ sujet de cette observation DES ARTÈRES ET CELLl DES VEINES. 363 dans le même sang eliez divers individus en état de santé ou affectés de maladies légères. Ainsi le sang vermeil (l) est plus coagulable que le sang noir, et l'on y trouve ordinairement un peu plus de fibrine (2) ; était un homme aUecté d'encépha- lite (a). (1) Nasse a vérifié ce résultat chez un grand nombre d'animaux {h). (2) ^'ous voyons par les chiffres rapportés ci-dessus, que dans les expé- riences faites par MM. Poggiale et Marchai (de Calvi) sur le sang humain, la proportion de fibrine était sensi- blement la même dans le sang artériel et dans le sang veineux. Dans des analyses faites par M. De- nis le sang artériel de l'homme a donné 2,9 de fibrine, et le sang veineux 2,7 0-). Les proportions suivantes ont été obtenues : Chez le Cheval , par : Sjiig aitéiifl. Sang veineux. Maye.r{rf). • . ( 13,4 12,5 7,8 8,0 cliultz (e) . . ( 4,3 ■ ■ ( 5,3 3,3 8,1 Lecaiiu (f) . . ( 10,7 • ■ \ 5,2 5,7 4,(5 Uering Ig). . . Simon (h). . . 4,6 , . . 11,2 6,9 11,3 Lelimann (i) . . . 6,8 5,4 ( fi,7 6,4 Clément (i). ... ^;* *'J \ 5,3 4,9 Cliez le Mouton, par : Berlliold (k). . . . 5,6 4,7 Prévost et Dumas. 13,4 7,8 i' 5,4 4,8 Letellier ] 3,0 2,9 \ 4,3 3,9 Hering 0,t 5,3 Chez le Bœuf, par : Heriiig 7,6 6,6 Fr. Simon 4,9 4,8 Chez la Chèvre, par : BeillRild 4,2 3,6 Millier 4,8 3,9 Chez le Chien, par : Berthold 6,6 5,0 Denis 2,5 2,4 Chez le Chat, par : Berthold 5,2 4,7 On voit que, dans la grande majorité des cas, la quantité de fibrine s'est (rt) Poggiale , Recherches chimiques sur le sang {Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 1848, t. XXVI, p. 143). (6) Nasse, article Sang, dans Wagnor's Handwôrterbuch der Phtjsiologie, t. I, \<. i 70. (c) Denis, Rech. expér. sur le sang, p. 452 et siiiv. (d) Mayer, Ueber den IJntcrschied des artcriOsen und venosen Blutes riicksichtlich seines Gehaltes an Faserstoff (Dcutsches Archivfilr die Pliysiolngic, \i>n Meckel, 1817, t. lit, p. 534). — Ueber das relative Quantum, von Fasersiuff in den beiden Blutarten {Dcutsches Archiv fur Physiologie, 1823, t. VIII, p. 509). (e) Schulfz, Das System der Circulation, p. 128. if) Lecaïui, Études chimiques sur le sang humain, tlicsc, 1837, p. 80. (g)Hering, Physiologie mit steter Berïicksichtigung der Pathologie fin- Thierârzte, p. 118. Sl.itlgard, 1832. (h) Fr. Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. lOi. (i) Voy. Lelimann, Ichrb. der pliysiol. Chemic, vol. II, p. 203. (j) Clément, Recherches sur la composition du sang {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1850, t. XXXI, p. 289). (k) Berthold, Beitrage Aur Anat. Zool. und PhysioL, p. 260 et suiv. mil DIFFERENCES ENTRE LE SANG mais une augmentation bien plus grande de ce principe immé- diat s'observe dans le sang noir, pour peu qu'une pblegmasie se soit déclarée dans un point ([uelconquc de l'organisme, et le trouvée un peu plus grande dans le sang artériel que dans le sang veineux. M. Nasse a trouvé qu'en général il en est ainsi chez rilomme , le Cheval, le Chien, le Mouton et la Grenouille; mais que chez le Veau le contraire s'observe (a). Plus anciennement , Sigwart avait trouvé plus de fibrine dans le sang veineux que dans le sang artériel chez le Chien, le Bœuf, la Poule, la Grenouille, etc. ; mais ces résultats dépendaient probablement de quelque erreur dans le dosage (6). M. Wiss a l'ait quelques analyses comparatives sur le sang artériel et veineux dans diverses parties du corps, chez le Chien, et il a trouvé que la proportion de fibrine est plus grande dans le sang de l'artère caro- tide que dans celui de la veine rénale (s. a. 2,56 pour 1000; s. v. 1,62); mais dans une autre expérience il a vu que la proportion de cette sub- stance était un peu plus faible dans le sang de celte même veine que dans celui de l'artère rénale. Dans une troi- sième expérience il a trouvé l,/i8 de fibrine dans le sang de la veine porte, et 1,85 dans le sang des cavités droites du cœur. Enfin, dans une cinquième, il a comparé le sang veineux dans la jugulaire externe et dans les veines mésentériques et spléniques, ce qui lui a donné pour le premier 2,82 et pour le second 2,70 (c). Si ces dilférences étaient constantes, on en pourrait conclure que la fibrine se produit dans le système capillaire général plutôt que dans la veine porte, et que ce n'est pas dans le rein que cette substance s'est éliminée. Au premier abord on pourrait croire que le fait de l'existence de plus de fibrine dans le sang artériel que dans le sang veineux serait défavorable aux vues exposées ci-dessus relativement au siège de la production de ce prin- cipe immédiat {d). Mais il n'en est rien; car le sang artériel, en sortant des poumons, vient de baigner les parois d'une multitude presque innombrable de vaisseaux capillaires dont le tissu paraît être apte à donner naissance à de la fibrine comme l'est aussi le tissu des capillaires de la grande circulation. L'élévation du chiffre représentant la fibrine dans les cas d'allections inflam- matoires de l'appareil pulmonaire tend même à montrer que cette production doit être plus active là que partout ailleurs. Cette double source de la fibrine plasmique expliquerait com- ment le sang veineux en renferme quelquefois plus que le sang artériel, tandis qu'en général c'est le contraire qui s'observe. (a) Nasse, arlicle Sany, dans Wagnor's Handwôi'terbuch der Physiologie, p. 171 . (6) Sig-wari, Resultate einujer Vcrsuche ûber das Blut und seine Metamorphosen { Archiv fur Physiologie, von Rcil, 1815, t. XII, p. 11). (c) Wiss, Quantitative Analysen venosen und arlerieUen lluadeblutes {Archiv fiir pathol. Anat. und Physiol., 1847, t. I, p. 250). (d) Voyez ci-dessus la cinfiiiième leijon, | 15, p. 266 et suiv. DES ARTÈRES ET CELUI DES VEINES. 365 sang veineux ainsi modifié n'acquiert cependant aucune des (]ualités du sang artériel. Il est vrai que la fibrine du sang noir ne parait pas être tout à fait de unième nature que la fibrine du sang vermeil. Nous avons déjà vu par les expériences de M. BischolT sur la transfusion (1), que ses propriétés physiologiques ne sont pas identiques, et M. Denis a trouvé qu'elle ne se comporte pas tout à fait de même en présence des dissolutions salines (2) ; mais il n'y a rien là qui puisse nous éclairer siu^ la cause de la jiuis- sance vivifiante du sang vermeil. La somme des matières solides est tantôt un peu plus consi- (1) Voyez ci-dessus, page 327. (2) M. Denis a vu que la fibrine du sang artériel ne se dissout pas aussi facilement que celle du sang veineux dans les solutions salines. Il avait d'abord pensé que cette diflérence était encore plus marquée, et il l'attribue à un état de cohésion moléculaire plus considérable (a). Si les analyses faites il y a vingt-cinq ans par I\l. Michaelis étaient exactes, il y aurait aussi des dillérences nota- bles dans la composition élémentaire de ces deux variétés de (ibrine ; mais je ne crois devoir accorder que peu de confiance à ces résultats. D'après ce chimiste, la fibrine du sang artériel serait plus riche en carbone et en azote, mais contiendrait moins d'hydrogène que la fibrine du sang veineux. 11 en serait de même pour la fibrine, mais le contraire aurait lieu pour la matière colorante (h). Les résultats numériques de ces expé- riences ont été reproduits par M. Le- canu (r). La quantité de matières grasses que la fibrine entraîne en se coagulant, et que l'on peut extraire par l'action de l'alcool et de l'éther, paraît varier aussi. M. Lehmann en a extrait 2,156 pour 100 de la fibrine du sang veineux d'un Cheval, et 2,168 pour 100 de la fibrine du sang artériel du même ani- mal {(1). ^lais les différences à cet égard sont plus considérables entre les diverses portions du sang veineux. Ainsi I\1. Schmid a trouvé que la fibrine du Cheval fournissait : Dans le sang de la veine jugulaire, de 4-, 21 à 5,04 Dans le sang de la veine porlc, de 7,37 à 8,72 (e) (a) Denis, Nouvelles études chimiques, physiologiques et médicales sur les substances albumi- no'ides, 1850, p. 118. (/;) Michaelis, Dissert, inaurj. depnrtihus conslitutivis singularumpartium sanguinis arteriosi et venosi. Berlin, 1827. — Ucber die C.rundmischen der cimelnen lieslandlheile des Arterien- und Yenenblutes (Jahrbuch. der Chemie, von Schwcigger, 182S, t. XXIV, p. U4). (r) Lecanu, Etudes chimiques sur le sang, ihèse, 1837, p. 84. ((/) Lehmann, Op. cit., t. II, p. 178. (e) Schmid, Chem. und mikros. L'utersucli. iibcr das Pfortader-Hlut (.\rchiv filr physiologische and pathologische Chemie und Mikroskopie, von Heller, Bd. IV, 1847, p. 322), 366 DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG dérable dans le sang artériel, d'autres fois un peu plus faible ; mais à cet égard encore les différences sont légères, et ainsi que nous le verrons par la suite, elles dépendent évidemment de circonstances accidentelles et étrangères à ce qui caractérise essentiellement ces deux variétés du fluide nourricier : par exemple, de la quantité d'eau qui, dans un temps donné, a été absorbée par les parois de l'estomac et versée dans le sang veineux, ou de la quantité du même fluide qui a été enlevée au sang, d'un côté par l'évaporation pulmonaire et de l'autre par la sécrétion rénale ou quel([ue phénomène du même ordre (1). Il résulte cependant des analyses les plus récentes, que les globules rouges sont un peu plus nombreux dans le sang vei- neux que dans le sang artériel. Nous avons vu que dans les expériences de MM. Poggiale et (Marchai de Calvi) la différence a été évaluée à près de 1 pour 100, et Fr. Simon a retiré plus d'hématosine du premier de ces liquides que du second (2). M. Lehmann pense que les globules sanguins sont plus chargés (1) Voici les résultats obtenus par plusieurs physiologistes, en dosant com- parativement la quantité de matières sèches contenues dans le sang artériel et veineux, chez divers animaux. On a opéré sur 100 parties de sang, et par conséquent les nombres complémen- taires de ceux inscrits dans le tableau suivant correspondent à la quantité relative d'eau : Animaux. Mouton. S. nrliri.1. S. vpineux. Autours («). 17,07 1G,30 l'révost et Dumas. 18,2ij 03,81 17,72 15,88 Lctellier. Hering. Bœuf. CIiev.il Chai , 20.11 20,51 Hering 20,43 (17,65 119,62 20,54 I 10,84 Hering. 24, 2G ' 21 ',34 17 41 1 ,r.\o • Prévost et Dumas. 19,08 ) Lecanu. î Sifaon. (2) Le docteur Pallas, en examinant le sang extrait des vaisseaux capillaires par le moyen des sangsues, avait été conduit à penser que ce liquide est plus riche en matières solides que ne le sont le sang artériel ou le sang veineux (b). Mais dans une analyse comparative du sang des capillaires (a) Prévost et Dumas, Op. cit. {.Ann. de cMm., 1823, t. XXIII, p. 65 et suiv.). — Lctellier, Mém. inéd. (voy. Lecanii, Études chim. sur le sang, 1837, p. 8). — Hering, Op. cit., p. 118. — Simon, 0/). cit., p. 104. (b) Pallas, Expériences chiiDlqnes faites sur le sang veineux comparé avec celui retiré des vaisseaux capillaires de la peau {Journal de chimie médicale, 1828, t. IV, p. 465). DES ARTERES ET CELUI DES VEINES. 367 de ce principe colorant dans le sang vermeil que dans le sang noir, et il a constaté que chez le Cheval ces derniers corpus- cules fournissent, à poids égaux de matières sèches, un peu plus de fer (1) ; mais que, d'autre part, les globules du sang arté- riel sont les plus riches en matières grasses et en matières salines (2). On a signalé également quelques légères différences dans la composition du sérum du sang artériel et du sang veineux. Celui du sang artériel paraît contenir un peu plus de graisse et de ces substances mal définies que les chimistes désignent sous le nom de matières extractives (3). Il est aussi à noter (jue la obtenu à l'aide de ventouses scari- fiées, et du sang veineux provenant d'une saignée du bras , M. Denis n'a trouvé que des dilTérences insigni- fiantes (a). (1) Dans les expériences de IM. Leh- mann (h), la quantité de fer, comparée au poids total de globules à l'état sec, était, ternie moyen, de —; dans le sang artériel; — dans la veine jugulaire; ~ dans la veine porte; jv;; dans les veines hépatiques. (2) Un physiologiste anglais, AI. Rees, qui a été le premier à appeler l'atten- tion des physiologistes sur l'abondance plus grande des principes gras dans les globules du sang artériel, attribue à ce fait une importance très considérable pour la théorie de la respiration (c). Nous reviendrons sur ce sujet lorsque nous traiterons de cette fonction. Dans les analyses de sang de Cheval, faites par M. Lehmann, des différences en sens contraire ont été observées. 100 parties de globules humides ont donné, terme moyen : 0,608 de graisse dans le sang; 0,652 dans le sang de la veine jugulaire ; OiOSi dans le sang de la veine hépatique; 0,752 dans le sang de la veine porte. Ainsi, d'après ces derniers résul- tats, la quantité de graisse semble diminuer dans les globules à mesure que le sang s'éloigne de l'appareil di- gestif (d). (3) M. Lehmann a trouvé que dans les échantillons de sang de Cheval dont il a fuit l'analyse , le résidu solide du sérum fournissait, terme moyen, en matières extractives, 3,6 pour 100 dans le sang veineux, et 5,3 dans le sang artériel. ( Op. cit., p. 213.) (a) Denis, Recherches expérimentales sur le sang humain, p. 153 et 250. (h) Lehrb. der physiol. Chemie, vol. Il, p. 200. (c) Rees, On a Peciiliar Function of the Bed Corpuscks of the Blood {Philos. Mag., t848, 3- série, vol. XXXllI, p. 28). (d) Lehmann, Op. cit., t. II, p. 200. Influence des gaz dissous dans le sans:. 368 DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG proportion d'albiiiniiie paraît être un peu plus faible dans ce sérum que dans celui du sang noir (1). Quelques physiologistes avaient cru trouver une différence de volume entre les globules du sang artériel et du sang vei- neux (2) ; mais les observations de M . Millier (3) et des autres micrographes les plus habiles de l'époque actuelle montrent qu'il n'en est rien. Dans ces derniers temps, on a avancé aussi que la forme de ces corpuscules n'était pas exactement la même, et l'on a supposé que la différence qui se remarque dans la cou- leur de ces deux variétés de sangs chez le même animal dépen- dait de cette cause. Cette opinion ne paraît pas être fondée, et je ne m'y arrêterai pas en ce moment. Il faut donc cherclier ailleurs la raison des différences phy- siologiques du sang noir et du sang vermeil. Effectivement des expériences récentes dont nous aurons bientôt à nous occuper nous ont appris qu'elle tient essentiellement à une autre cause et se trouve liée à la quantité variable d'oxygène ou d'acide carbonique que ce fluide tient en dissolution. On a constaté que le sang artériel est plus fortement chargé de gaz oxygène que ne l'est le sang veineux, et que dans ce dernier il y a au con- traire une proportion plus grande d'acide carbonique (4). Or, l'expérience prouve que de cela précisément dépend le (1) Dans les expériences de Fr. Si- mon ceue différence s'est élevée jus- qu'à 7 millièmes (voy. p. 36'2) ; et dans celles de M. Lelimann elle s'est trouvée plus forte chez le Cheval. Le sérum artériel a fourni 9, '21 d'albu- mine , et le sérum veineux 11, /i2. {Op. cit., p. 210.) ('i) Kirmer, Physiologische Unter- suchungen, p. 228 (d'après Henle, Anat. gén., t. 1, p. Zi85). — Kalten- brunner, Expérimenta circa statum sanguinis, p. 71 (cité par Henle). (3) Millier, Observ. sur l'analyse de la lymphe, du sang et du chyle {Ann. des se. nat., 183/j, t. VIII, § 2, t. I, p. 3/j6). ik) Il n'est question ici que des gaz qui se trouvent en dissolution dans le sang, ou en combinaison lâche avec ses globules, et non de l'oxygène qui entre comme élément constituant des matières organiques ou autres, que ce liquide renferme. Quelques chimistes ont pensé qu'il serait intéressant de comparer la composition élémentaire du sang veineux et du sang artériel, sans tenir compte des principes immé- DES ARTÈRES ET CELl'I DES VEINES. 369 mode d'aclion si difierciiie du sang rouge et du sang vermeil sur l'économie animale. On peut à volonté transformer le sang noir en sang vermeil par l'addition d'une cerlaine quantité d'oxygène, et en <'hargeant d'acide carbonique ce dernier liquide, on y donne toutes les propriétés du sang noir. Du reste, il ne faut pas supposer que dans l'organisme ces deux espèces de sangs soient des choses foncièrement dis- tinctes. 11 n'existe dans le corps de l'animal qu'une seule et même masse de fluide nourricier dont chaque porlion devient tour à tour du sang noir ou du sang vermeil, suivant qu'il passe dans telle ou telle partie et qu'il subit telle ou telle inlluence. Le sang artériel, en traversant les organes dont il excite l'acti- vité physiologique, se modifie et devient du sang noir; mais par suite d'un autre phénomène dont le siège est ailleurs, la respirahon, ce sang noir reprend les caractères qu'il avait perdus, redevient apte à l'entretien de la vie , et constitue de nouveau du sang artériel. Le fluide nourricier, comme nous le verrons bientôt, est toujours en mouvement dans l'organisme, et chez le Chien, par exemple, il coule sans cesse des poumons vers les extrémités, diats plus ou moins variés qui en- trent dans sa composition. MM. Macaire et Marcel fils ont cxaniini' de la sorte le résidu soliile et sec du sang artériel et du sang veineux du Lapin : ils ont trouvé plus de carbone dans le résidu fourni par le sang veineux que dans celui du sang artériel, tandis que les proportions d'azote et d'Iiydrogènc étaient à peu près les mêmes dans les deux analyses; la quantité d'oxygène calculée par dilTérence était par con- séquent plus faible dans le sang vei- neux {a). Unaulieexpérinienlaieur, Michaelis, s'était appliqué à faire l'analyseélémen- taire comparative de Talbumine, de la fibrine et de la malière colorante du sang veineux et du sang artériel ; il y signale des différences assez considé- rables, mais ce résultat dépend pro- bablement de ce que les produits examinés contenaient des quantités variables de grai>se (h). (a) Macairc ft Marcot, Recherches sur l'origine de Va%otc qu'on retrouve dans la composition des subst(uices ainmalcs (Méin. de la Société de physique et d'histoire natur. de Genève, I. V, et Annales de chhnie et de pinjsique, tS42, t. LI, p. 3S-2). (b) Micliaelis, De partibus consiitntivis suigularum parlium sanguuns artcriosi et venosi { voy. Jahrb. der Chiiiiie, \un !?tl)\vi;ig^'tT, t828, I, WIV, y. 1)4). I. (û 570 DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG et de celles-ci vers les poumons. Si l'on examine le sang qui se rend à la patte, on voit que c'est du sang vermeil ; et si on l'observe de nouveau à son retour de cet organe, on y trouve tous les caractères physiques et physiologiques du sang noir ; puis en suivant ce sang noir dans l'économie, on le voit arriver aux poumons pour en ressortir bientôt à l'état de sang vermeil. Si la partie du corps que le sang vermeil traverse est privée de vie, il ne s'y transforme pas en sang noir (1), et si en passant dans les poumons ce sang noir n'y rencontre pas de l'air, il ne redevient pas sang vermeil. En effet, si l'on empoche l'air de pénétrer dans les poumons d'un Chien ou de tout autre Mammifère, la totalité du sang en circulation dans l'économie ne tarde pas à prendre les carac- tères propres au sang noir, et alors la sensibilité s'éteint, le mouvement cesse, et la mort arrive promptement. Bichat a montré que si l'on envoie au cerveau d'un animal ainsi asphyxié du sang vermeil pris dans le corps d'un autre individu de même espèce, on le ranime aussitôt. Mais le sang vermeil transfusé de la sorte, en agissant sur les organes qu'il traverse, se transforme aussi en sang noir, et par conséquent, pour entretenir par ce moyen artificiel la vie de l'animal, il faut lui fournir sans cesse de nouvelles quantités de sang vermeil (2). Enfin, si chez un animal asphyxié par la transformation de la (1) M. Brown-Séquard a trouvé physiologiste avait cru remarquer que le sang artériel cesse presque qu'il suffit de couper les nerfs de la entièrement de se changer en sang patte d'un animal vivant pour empê- noir,lorsqueles organes que ce liquide cher le sang de devenir veineux en traverse sont dans un état de rigidité traversant le membre ainsi mutilé, cadavérique trop avancé pour que et que, par l'influence du galvanisme, les propriétés vitales puissent y être cette transformation se rétablissait (6). rappelées («). C-^) Recherches physiol. sur la vie Un résultat analogue avait été an- et la mort, p. 37 U- nonce précédemment par Krimer. Ce (a) Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1855, t. XLI, p. 630. (b) Ph])siolO(iisd(€ Unlersuchungen (cité par Burdacli, ). VI, p. 471). DES ARTÈRES ET CELUI DES VEINES. 371 totalité de son sanp^ en sang veineux, on fait arriver de l'air dans les poumons , le sang vermeil apparaît de nouveau dans l'organisme et y remplit ses fonctions ordinaires. Ainsi le fluide nourricier se trouve placé entre deux puissances contraires qui le modifient chacune à sa façon : l'une y imprime le cachet propre au sang veineux, l'autre en fait du sang arté- riel, et, suivant qu'il revient des parties où siègent l'une ou l'autre de ces forces, il se présente avec les profiriétés caracté- ristiques du sang noir ou du sang vermeil. L'état instable de cet agent est ici encore un des traits les plus saillants de son histoire physiologique, et ces changements perpétuels dans ses propriétés sont des conditions essentielles de l'accomplissement de son rôle dans l'économie animale. Du reste, les changements de teinte qui dénotent d'ordinaire ces modifications importantes dans les propriétés vivifiantes du sang ne constituent pas les différences essentielles qui existent entre ces deux variétés du fluide nourricier. On peut, à l'aide de certaines réactions chimiques, donner au sang noir une teinte vermeille sans lui communiquer la puissance vivifiante qui est propre au sang artériel ; pour cela, il suffit d'y ajouter en proportion convenable certaines matières salines (du phospliate de soude ou du nitre, par exemple) (1) ; mais cette coloration (1) Hewson a remarqué que le nitre et beaucoup d'autres sels à base alcaline donnent au sang une teinte vermeille (a). M. John Davy a constaté le même résultat par remploi du sel commun et du borate de soude (6). Des faits du même ordre ont été ob- servés par Wells, Stephens (c), Hoff- man (d) , Lehmann (e) , etc. On a trouvé aussi que le sucre produisait un changement analogue dans la cou- leur du sang (/"),el toutes ces réactions s'accomplissent dans le vide aussi bien qu'à l'air. On a donné diverses explications de ce phénomène, sur lequel nous revien- (a) Hewson, On Blood (Works, p. H). (6) J. Davy, Miscell. Obs. on Blood {Researches, Physiol. and Anat., vol. II, p. 101). (c) Stephens, Obs. on the Heallluj and Diseased Propertics of thc Blood, and on thc Tlieorrj of Respiration (Philos. Trans., 1835, p. 343). (rf) Hofïman, Observ. and Exper. on the Blood (Lond. Med. Ga&etle, 1833). (e) Lehmann, Lehrb. der physiol. Chem., 1843, Bd. II, p. 142. (/■) Gulliver, Notes to Hewson's Works, 1846, p. 8. 372 DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG particulière accompagne toujours la modification par suite de laquelle le sang noir devient apte à remplir le rôle d'agent drons bientôt. Un médecin d'Edim- bourg, M. Cliaries Williams, on élu- diaiil l'action du sel sur le caillot, a vu que, dans le point de contact, une teinte blanche se m mil'estait avant que la couleur rouge parût avivée ; il a vu aussi que le mélange du sang liquide avec ces dissolutions salines est suivi de l'appaiiiion plus nette de beaucoup de globulins blancs; et il en a conclu que c'est en ren- dant le liquide ai)ie à réfléchir plus de lumière que ces matières en ren- dent la teinte plus brillante et plus vive (a). Des faits analogues avaient été constatés plus anciennement par M. Wells (6). M. Gulliver, et quelques autres micrograpbes, ont trouvé que les globules traités de la sorte par des matières salines, étaient toujours plus ou moins contractés ; ils ont cru re- marquer qu'un changement analogue était déterminé dans ces corpuscules par l'action de l'oxygène, et ils ont été conduits à supposer que les varia- tions de teinte en question sont dues à des dill'érences dans le degré de densité de la matière colorante des globules (c). Scluillz pense que les globules san- guins deviennent plus aplatis quand ils sont placés dans les circonstances qui leur donnent une teinte vermeille, tandis qu'au contraire ils se renfle- raient quand ils prennent une couleur sombre (d); et l'on a cherché à expli- quer ces variations de teinte par la ma- nière difl"érente dont ils réfléchissaient la lumière quand ils ont l'une ou l'autre de ces formes. M. Ilarless a publié beaucoup d'observations à l'appui de celte théorie mécanique des change- ments de teinte du sang rouge; et depuisquelqiies années cette question, développée par M. Scheerer, a donné lieu à des discussions dont nous ne pourrons parler utilement qu'après avoir traité des principaux phéno- mènes de la respiration (e). L'attention des physiologistes a été appelée, il y a quelques années, sur un phénomène de coloration du sang qui, au premier abord, paraissait fort singulier. Newbinning {f)a. remarqué que le caillot formé dans une soucoupe dont le fond était peint en vert avec de Toxyde de chrome, devenait plus vermeil dans les points correspon- dants à cette peinture, et Taylor {g) a fiiit des observations analogues. Mais (a) Cil. Williams, On the Changes produccd in Dlood iii thc Course of ils Circulation (London Med. Gabelle, 1835, vol. XVI, p. 788). {b) Observ. andExper. on the Colour of Blood [Philos. Trans., 1797, p. 429). (c) Gulliver, Noies to Hewson's Works, p. 9. (rf) Scliullz, Dus System der Circulation, p. 137. [e] Voy. Harlcss, Monographie ilber den Einfluss der Gase auf die Form der BlutkOrperchen von liana lemporaria. Erlangcn, 184(i. BischofT, Bericht (Miiller's Arch. fiir Anat. und Physiol., 1847, p. 117). Scliccrti-, Ueber die Farbe des Blutes {Zcitschr. fiir rationelle Medicin, 1844, t. I, p. 288). Brucli, Ueber die Farbe des BhUes (Zeitschr. fiir rationelle Medicin, 1844, t. I, p. 440). Renier, Beobachtung der Versurh., von, Prof. Scheerer iind D' Briieli, Ueber die Farbe des Blutes (Zcitschr. fiir rationelle Medicin , 1845, l. lit, p. 105). Bructi, Noch einmaldie Blutfarbe (Zcitschr., 1845, I. lit, p. 308, el 1846, L V, p. 440). (f) On certain Circumstances affccting the Colour of Blood duriug Coagulation (Edinb. New l'Iulos.Journ., 1839, vol. XXVll, p. 2U-2 et 358). (y) Taylor, Effects of Certain Pigments on thc Blood (Lancel, febr. 1840, vol. I, p. 836). DES AHTÈRES ET CELUI DES VEINES. 373 vivifiant, et dans l'économie animale la teinte vermeille ne se manifeste dans le sang que lorsque cette transformation s'accomplit. 11 en résulte que, pour le physiologiste, la couleur rouge vermeil du sang qui se trouve dans l'organisme d'un animal vertébré est toujours indicative de l'aptitude de ce liquide à y exciter le mouvement vital (1). Chez les animaux à sang blanc, il existe des différences ana- sang des logues entre le sang artériel et le sang veineux, en tout ce qui invertébrés, touche à l'action physiologique de ce liquide ; mais ces diflic- rences ne sont pas accompagnées de changements notables dans ses propriétés physiques. Lorsque nous arriverons à l'étude du rôle que joue le sang Modifications dans les diverses fonctions de l'économie animale, nous aurons dan" XL également à examiner quelles sont les modifications que ce ""s*""'- fluide subit par l'action des diverses parties de l'organisme, et nous verrons alors que sa composition chimique n'est pas iden- tique dans tous les vaisseaux (2) ; mais ces variations sont tou- jours légères, et ne peuvent changer en rien l'idée générale que j'ai cherché à donner ici de la constitution de cet agent nutritif. M. Dumas a expliqué ce phénomène en rappelant que les peintures de ce genre ont plus de saillie que celles faites avec les autres couleurs (a). (1) Il paraîtrait cependant , d'après les observations de Crawford et de J. Davy, que la différence de teinte entre les sangs veineux et artériel s'ef- face en partie lorsque l'animal qui fournit ces liquides est exposé à une température supérieure à '26 degrés. Ainsi, à Malte, pendant les mois les plus chauds de l'année , M. J. Davy ne pouvait distinguer aucune dilTé- rence entre le sang de l'artère caro- tide d'un Mouton et celui de la veine jugulaire du mèiue animal. Le sang veineux est alors plus rouge que d'or- dinaire, et le sang artériel moins ver- meil. (Voy. Crawfoid, 071 Animal Heat, 1788, p. 307.— J. Davy. Researches, Physiol. and Anat., vol. II, p. 1/|0. ) (2) C'est principalement le sang de la veine porte, c'est-à-dire le sang qui vient de l'appareil digestif, et qui n'a pas encore traversé le foie, qui offre dans sa composition des particularités remarquables, et son étude se rattache (a) Comptes rendus de l'Académie des sciences, l, VIII, p. 344. 37/l DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG DES ARTÈRES ET CELUI DES VEINES. Je ne pousserai donc pas plus loin l'étude du sang considéré d'une manière isolée , et je passerai tout de suite aux relations qui existent entre ce tluide et l'air atmosphérique, relations qui constituent le fait capital de l'histoire de l'une des fonctions les plus importantes de la vie des animaux : la respiration. naturellement à celle du travail di- ce liquide, mentionnés ci-dessus (voy. gestif. Je me bornerai donc à ajouter p. 300), on peut consulter à ce sujet ici qulndépendaniment des écrits les recherches de Scliultz, Fr. Simon, relatifs à l'existence du sucre dans Fr, Schmid, J. BéclardetLehmann(a), (a) Scludtz, System der Circulation, p. 140. Fr. Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. 202. Fried. Schmid , Chemisctie itnd mikrosk. Untersuctiungen ûber die Pfortader-Blut {Arch. fur phtjsiol. und palhol. Cliemie, von Hdler, 1847, t. IV, p. 318). J. Béclard, Rech. expérim. sur les fonct. de la rate et sur celles de la veine porte {Arch, gén. de méd., 1848, 4» série, t. XVIll, et Ann. de chim. et dephys., 1847, 3' série, t. XXI, p. 506). Lehmann , Einige vergleichendc Annlysen des Blutes der Pfortader imd der Lebervmen {Journ. fur praktische Chemie, von Erdmann, 1851, t. LUI, p. 205). SEPTIÈME LEÇON. DE LA RESPIRATION. Série de découvertes qui ont conduit à la connaissance de la nature de ce phénomène physiologique. notions acquises par les anciens. § 1. — Chacun de nous a pu reconnaître par sa propre Premières expérience combien est impérieux le besoin que l'iiomme éprouve de se gonfler la poitrine en y attirant l'air du dehors , puis d'expulser ce lluide pour en aspirer une nouvelle pro- vision, qui bientôt sera rejetée à son tour. On sait que nous ne pouvons vivre qu'à la condition de changer ainsi sans cesse l'air introduit dans notre organisme, et que ce renouvellement s'opère à l'aide d'une série de mouvements alternatifs qui se succèdent à de courts intervalles. Ce phénomène, auquel on donne le nom de respiration, a été connu de tout temps , et les premiers physiologistes de l'antiquité ont constaté que l'air inspiré de la sorte pénètre dans des organes particuliers appelés poumons (i). Aristote avait remarqué aussi que les animaux terrestres a sang rouge éprouvent le même besoin, et que tous meurent suffoqués, s'ils restent un certain temps sans respirer. Il ajoute (1) En esquissant ici l'histoire des découvertes dont la respiration des animaux a été successivement le sujet, je n'ai pas l'intention de parler de tous les travaux publiés sur cette fonction importante, ni de faire connaître les diverses opinions émises par les an- ciens écrivains touchant la nature de ce phénomène. Je ne parlerai que des faits bien constatés; quant aux hypo- thèses des physiologistes qui ont pré- cédé l'époque de Lavoisier, je me bor- nerai à renvoyer au troisième volume du grand Traité de physiologie de Haller. On trouve aussi l'analyse suc- cincte de beaucoup d'écrits plus ré- cents sur le même sujet dans un opus- cule intitulé : Mémoire pour servir d'introduction à un ouvrage sur la respiration des animaux, contenant la Bibliographie , par G. Fischer, in-8", Paris, 1798. 376 RESPIRATION. que certains animaux aquatiques, tels que le Dauphin et la Baleine, sont soumis à la même loi ; mais que les Poissons, les Mollusques et les Crustacés, au lieu d'avaler et de rejeter ainsi de l'air, avalent et rejettent de l'eau, ou, en d'autres mots, que parmi les êti^es animés les uns respirent l'air, les autres respi- rent l'eau, et que ces derniers sont pourvus à cet effet, non de poumons, mais de branchies. Il supposait d'ailleurs que chez tous ce passage d'un lluide étranger dans l'intérieur de l'orga- nisme était destiné à refroidir le sang, et par conséquent il ne devait y avoir à ses yeux aucune différence essentielle entre ces deux modes de respiration : l'une aérienne , l'autre aqua- tique. Quant aux animaux terrestres de petite taille, tels que les Insectes , Aristote pensait que le contact de l'air à la sur- face du corps suffisait pour les rafraîcliir de la sorte, et qu'ils n'avaient pas besoin de respirer, c'est-à-dire , suivant sa ma- nière d'envisager cette fonction , de recevoir l'air dans l'inté- rieur de leur organisme (1). (1) Les idées d'Aristote au sujet des rapports des animaux avec l'air étaient un peu vagues , très incomplètes et souvent tout à fait fausses. Il ne voyait dans la respiration qu'un phénomène physique, et bien qu'il eut quelques notions de la structure des poumons, il pensait que l'air insufflé dans cet organe pénétrait dans le cœur. C'est dans son Histoire des animaux (liv. 1, § 16, et liv. VIII, § 25), ainsi que dans son Traité des parties des animaux ( liv. II ) , qu'il expose ses vues au sujet de cette fonction. La théorie de la réfrigération de l'organisme par le fait de la respiration paraît avoir été assez généralement admise par les anciens. On la trouve dans les écrits d'Ilippocrale, de Pla- ton, elc. Plusieurs philosophes, tels que Dé- mocrite d'Abdère, Anaxagore et Em- pédocle, paraissent avoir cru que les animaux aquatiques, de même que les animaux terrestres, avaient besoin de venir à l'air pour respirer ce fluide. Aristote a combattu cette opinion ; mais, s'il a dit que les Poissons ne respirent pas, il entendait seulement par là qu'ils ne hument pas l'air comme nous. Un des successeurs d'Aristote, Era- sislralc, poussa plus loin que lui l'er- reur signalée ci-dessus au sujet de l'entrée de l'air dans le cœur. Ainsi que nous le verrons en traitant de la cir- culation, il supposait que les artères étaient remplies de ce fluide, et que celui-ci pénétrait par conséquent dans toutes les parties du corps. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 377 Des idées analogues, au sujet des usages de la respiration, sont exprimées d'une manière plus ou moins nette dans les écrits de beaucoup d'autres naturalistes de l'anliquilé, mais s'y trouvent parfois mêlées à des erreurs sur lesquelles il serait inutile de nous arrêter ici. ^ 2. — Pendant les longs siècles de barbarie qui suivirent , .Ét^' O o 1 slationnaire la décadence et la chute de la civilisation romaine , les sciences de la science ' pendant physiologiques ne firent aucun progrès important , et ce fut à '"^ ™°y^" l'époque de la renaissance seulement que les médecins et les naturalistes connnencèrent à chercher de nouvelles lumières en s'aidant de l'observation et de l'expérience. On s'appliqua d'abord à l'étude anatomique du corps humain, et bientôt, tout en perfectionnant nos connaissances sur la structure de nos organes, on enrichit la science de résultats nouveaux pour la physiologie ; mais ces premières découvertes ne contribuèrent que peu à nous éclairer sur les rapports des animaux vivants avec l'air atmospliériquc , et il nous faut arriver jusqu'au xvn« siècle pour rencontrer sur ce sujet des travaux dignes d'attention. Déjà quelques idées judicieuses sur la nature du phénomène de la respiration avaient , il est vrai , commencé à se faire jour ; mais elles ne furent ni assez développées, ni assez bien étayées de faits probants, pour prendre rang dans la science, et elles restèrent à l'état d'opinions plutôt que de résultats acquis. Par exemple, vers la fin du xv" siècle, Léonard de Vinci, qui compte au nombre des plus grands peintres de la renais- sance, mais qui était en même temps géomètre , physicien et naturaliste éminent, avait dit (|ue le feu consonune sans cesse l'air, et qu'aucun animal ni terrestre ni aérien ne peut vivre dans de l'air qui n'est plus propre à entretenir la llanune (1). (1) Léonard de Vinci naquit aux avoir liabilé Milan ol iîonio, il se fixa ■ environs de Florence, en 1/|52, et après en France, et nionriit à Aniboise , 1. US 378 RESPIRATION. Paracelsc , le chef de l'école des médecins -chimistes du XVI* siècle, avait également parlé de la nécessité de Tair tant pour l'entretien de la vie des animaux que pour la combustion du bois ; mais il n'avait certainement aucune idée nette du travail respiratoire, et je ne puis le considérer comme ayant contribué réellement à élucider l'histoire de cette fonction (1). §3. — Mais, vers le milieu du xvn' siècle, la chimie naissante vint fournir aux sciences physiologiques un fait capital . Un des membres de la vieille famille princière des comtes de Mérode, Jean-Baptiste Van Helmont, dont la vie tout entière fut vanHeimont. congacréc aux travaux du laboratoire, reconnut alors l'existence de diverses sortes d'air dont l'action sur l'économie animale est bien différente. 11 vit qu'un fluide aériforme, invisible à nos yeux comme l'air que nous respirons, se produit quand le char- bon brûle ou que le vin fermente ; qu'il sort parfois du sein de Découvertes faites par en 1519. Aucun de ses ouvrages ne fut publié de son vivant, mais il laissa beaucoup de manuscrits. Le passage relatif à la respiration dont j'ai parlé ci-dessus se trouve dans un ouvrage intitulé : Notice de quelques arti- cles appartenant à l'histoire natu- relle et à la chimie, tirés de V Es- sai sur les ouvrages de Léonard de Vinci, par Venturi, et a été repro- duit par M. Hoefer, dans son Histoire de la chimie, t. II, p. 98. Au sujet des travaux scienlifiques de ce grand ar- tiste, on peut consulter avec avantage VHistoire des sciences mathématiques en Italie, par M. Libri, t. III, p. 27. (1) La vie et les travaux de Para- CELSE appartiennent à Pbistoire de l'alchimie plutôt qu'à celle des sciences naturelles ; mais ce maître exerça une grande influence sur les opinions ré- gnantes en médecine, non-seulement à son époque, mais pendant fort long- temps après sa mort. Il mêla toujours des idées de magie et d'astrologie à celles qu'il avait en chimie et en phy- siologie ; mais au milieu du fatias de ses écrits on trouve souvent des vues saines et élevées , quoique obscures. Ainsi il considèie la putréfaction comme étant une sorte de transmuta- tion, et il chercha ù extraire des sub- stances eip.ployées en médecine leurs principes actifs pour les substituer aux mélanges informes des anciennes phar- macopées. Il avait aussi une indépen- dance d'esprit rare de son temps, et il préféra toujours les résultats de l'expérimentation à l'autorité des an- ciens, envers lesquels il se montra d'ailleurs d'une injustice révoltante. Il naquit en Suisse, en l/j93, et il mourut à Salzbourg, en 15/|0. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 379 la terre pour se répandre dans les mines ou les grottes (1) ; qu'il s'échappe en pétillant des eaux minérales de Spa, et qu'il se dégage quand on fait agir du vinaigre sur la matière crayeuse connue des pharmaciens sous le nom d'yeux d'écrevisse. Il vit aussi que ce fluide impalpable auquel il donna le nom de gaz sylvestre^ est impro|)re à l'entretien de la flamme, et qu'au lieu do faire vivre les animaux connue le gaz atmosphérique, il en détermine promptement l'asphyxie et la mort. D'après le peu de mots que je viens de dire de ce fluide nou- veau découvert parVanHelmont vers le milieu du xvn« siècle, vous avez dû y reconnaître le gaz acide carbonique des chi- mistes modernes. Il ne m'a|)parlient pas de vous entretenir de la grandeur du service rendu ainsi à la chimie ; mais je crois devoir faire res- sortir l'importance des découvertes de Van Ilelmont pour la science dont l'étude nous occupe ici, et cela, non-seulement à raison des conséquences que nous avons besoin d'en tirer pour bien suivre les progrès de l'histoire physiologique de la respi- ration, mais parmi sentiment de justice envers la mémoire de cet homme de génie dont les œuvres ne sont d'ordinaire citées dans nos écoles de médecine (jue pour en faire un objet de risée, à cause de quelques hypothèses obscures et d'un langage bizarre auquel les esprits superficiels s'arrêtent plutôt que de chercher le fond des choses (2] (1) Il cite à ce sujet la Grotte des grotte s'y répand en grande quantité. c7«'e7î5-, cavité souterraine qui se trouve Lorsque le Chien y entre, il se trouve près de Naples , et qui est souvent immergé dans cette couche de gaz visitée par les voyageurs. L'homme méphitique, tandis qu'à une hauteur peut y pénétrer et y respirer impuné- plus grande du sol l'air se renouvelle ment ; mais si celui-ci est accompagné facilement et conserve un degré de d'un Chien, l'animal tombe bientôt à pureté suflisante pour servir à la res- ses pieds, asphyxié, et y mourrait si pirntion de l'homme, on ne le relirait pour l'exposer à l'air. {'2) Van Helmont naquit à Bruxelles Cela dépend de ce que l'acide carbo- en 1577, et s'adonna avec ardeur nique qui se dégage au fond de la à l'étude de la médecine et de la clii- L'action (le l'air est une action chimique. 380 RESPIRATION. Dès ce moment les physiologistes ne pouvaient plus admettre l'explication dont tous les écrivains de l'antiquité s'étaient con- tentés au sujet du rôle de l'air dans la respiration. En effet, si l'air atmosphérique ne servait qu'à rafraîchir le sang dans l'in- térieur de nos poumons, le même effet devrait être produit par l'introduction de ce gaz nouveau, qui, placé dans les mêmes circonstances, est également froid (1). L'action vivifiante de l'air dépend donc non de ses propriétés physiques par les- quelles il ne diffère pas de l'air asphyxiant des grottes et des cuves à fermentation, mais de sa nature intime, ou, pour me servir du langage moderne, de ses propriétés chimiques. mie ; les séductions de la vie des cours ne purent jamais le d(étourner de ses travaux, et il se consacra tout entier à la science. Il mourut en I6/1/1, et ses œuvres furent publiées pour la pre- mière fois à Amsterdam, en 16/i8,sous le titre d'Ortus meclicrnœ , par les soins de son fils. Il fut le premier, peut-être, à proclamer la nécessité de l'emploi de la balance dans les expé- riences de chimie , instrument dont Lavoisier et ses disciples ont fait un siècle et demi plus tard un si heureux emploi. Il distingua parmi les gaz ou fluides aériformes, non-seulement le gaz sylvestre (ou acide carbonique), mais des gaz inflammables ; un gaz du sel (ou acide clilorhydrique) et d'autres encore. Il ne sut pas recueillir ces gaz et les étudier isolément, et ses idées louchant la nature de ces fluides étaient erronées ; mais il rendit un grand service à la science en faisant connaître leur existence. Quant à ses idées sur les éléments et à ses théories des forces vitales, elles se ressentent des lendances spé- culatives de la philosophie scolas- tique de son époque, et ne doivent pas nous occuper ici. Mais de ce qu'un auteur a mêlé des choses médiocres ou mauvaises à de grandes et utiles découvertes, ce n'est pas une raison pour lui refuser le tribut de reconnais- sance qui lui est dû pour les services qu'il a rendus, ainsi que le font d'ordi- naire les médecins, quand ils parlent de Van Helmont. (1) Cette doctrine du refroidisse- ment du sang par la respiration a été soutenue non-seulement par des écri- vains de l'antiquité et du moyen âge, mais aussi par des philosophes des temps plus modernes. Ainsi Descartes pensait que la respiration sert à rafraî- chir le sang et à augmenter la densité de ce liquide. Swanimerdam chercha à établir que ce phénomène est essentielle- ment mécanique, et que l'air sert à refroidir le sang et à enlever des va- peurs fuligineuses. [Tractatus de res- piratio7ie usuque pulmonum, 1667.) Helvélius professa une opinion ana- logue. [Mém. de l'Acad. des sciences, 1718, p. 222.) NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 381 C'était là un premier pas vers la connaissance de la théorie des phénomènes respiratoires, et ce pas était, à mes yeux, un pro- grès immense ; mais la découverte de Van Helmont , pour porter tous ses fruits avait besoin d'être développée et fécondée par d'autres travaux. § 4. — Quelques années après la publication des écrits du chimiste belge, un philosophe expérimentateur, dont j'ai déjà eu à citer le nom dans ces leçons , Robert Boyle , porta sur ces questions de nouvelles lumières, soit par ses propres tra- vaux , soit par les recherches auxquelles il excitait sans cesse les amis dont il s'entourait (1). A cette époque, un physicien de Magdebourg, Otto de Guéricke, venait d'inventer la ma- chine pneumatique à l'aide de laquelle on extrait facilement l'air d'un vase convenablement disposé, et l'on y fait le vide. Boyle fit j)erfectionner cet instrument nouveau par son ami Hook, et en profita pour étudier la respiration des animaux : il constata que l'air n'est pas nécessaire à l'entretien de la vie des Vertébrés terrestres seulement, comme le pensait Aristote, mais n'est pas moins indispensable aux Insectes, et que tous ces animaux, lorsqu'ils ont été asphyxiés par la privation de ce fluide, sont susceptibles de reprendre le mouvement lorsqu'on leur fournissant de l'air on rend de nouveau la respiration pos- sible. Il cliercha aussi à prouver que les Poissons ont également besoin d'air pour respirer, et qu'ils en trouvent dans l'eau qui Travaux de Généralité de l'acte de la respiration. (1) Robert Boyle, fils du comte de Corke, qui par ses talents s'était élevé aux plus hautes dignités de l'État, naquit en 16!26, et consacra tout son tenaps, ainsi que sa grande fortune, au service des sciences physiques et na- turelles. Son nom se trouva mêlé à toutes les questions qui se débat- taient pendant la seconde moitié du XVII' siècle, et ses œuvres forment 6 volumes in-/r. Il mourut en 1691. Le petit groupe de savants dont Boyle était le patron devint le noyau de la Société royale de Londres, com- pagnie dont l'influence a été très grande sur les progrès de toutes les sciences, tant à raison des travaux de ses membres que de ses publications. Le recueil des Transactions philoso- phiques de cette société date de 1665, et se continue aujourd'hui encore avec une régularité parfaite. Respiration (les animaux aquatiques. 382 RESPIRATION. les entoure (1). Enfin ses nombreuses expériences le condui- sirent à admettre que l'air devait contenir une substance vitale qui interviendrait dans les phénomènes de la combustion, de la respiration et de la fermentation, opinion que la chimie moderne est venue sanctionner un siècle plus tard (2). En 1690, la généralisation du fait de la nécessité de l'air pour l'entretien de la vie de tous les animaux, déjà tentée par Boyle , fut bien établie par les expériences de Jean Ber- noulli (o). Ce grand géomètre reconnut que les premières bulles qui se dégagent de l'eau exposée à l'action de la chaleur ne sont autre chose que de l'air qui était dissous dans ce liquide, et il fit voir que les Poissons ne peuvent vivre dans de l'eau qui a été de la sorte purgée d'air par l'ébulhtion. Ainsi, vers la fin du xv!!-- siècle, on savait, à ne pouvoir plus en douter, que sous le rapport de la respiration, il n'existe aucune différence fondamentale entre les animaux ; que tous ont besoin d'air pour exister, ceux qui habitent le sein des eaux comme ceux qui vivent dans l'atmosphère terrestre ; mais que chez les uns la respiration s'effectue directement à l'aide de l'air gazeux dont cette atmosphère se compose, tandis que chez les autres l'air (1) Neiv Pneumatical Experiments about Respiration (PhiL Trans., i 670, p. 2011, et 2035.) (2) U est suiprenant, ajoute Boyle, qu'il y ait quelque chose dans Tair qui soit seul propre à entretenir la tlamnie, et qu'une fois cette matière consom- mée, la flamme s'éteigne aussitôt ; et pourtant Tair qui reste a fort peu perdu de son élasticité. Enfin il arrive à dire que ses expé- riences sur la respiration l'ont conduit à soupçonner l'existence de quelque substance vitale qui se trouverait ré- pandu dans l'air et qui serait propre à l'entretien de la flamme. {Suspicions about some Hidden Qualities of the Air, in Works, vol. IV, p. 91, édit. de 1772.) (3) Ce physicien habile était frère de Jacques Bernoulli et père de Daniel BernouUi dont les noms sont égale- ment célèbres. Il naquit à Bàle, en 1667, et mourut en 17/i8. J'aurai à le citer encore lorsque je parlerai des premiers essais de chimie pneuma- tique. Les expériences dont il vient d'être question sont consignées dans son Dissertatio de effervescentia et ferinentatione nova hypothesi fun- data (Basiliœ, 1690, cap. 16). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 383 n'arrive aux organes respiratoires que par l'intermédiaire de l'eau où ce fluide est tenu en dissolution. Les idées d'Aristote, relativement au mode de respiration des êtres animés, se trouvèrent de la sorte tout à la fois rectifiées et complétées. Ainsi que ce grand naturaliste l'avait remarqué, les animaux qui sont pourvus de poumons respirent l'air en nature ; ceux qui n'ont pas de [loumons, mais qui sont pourvus des instruments nommés branchies, respirent l'eau dans lacjuelle ils trouvent de l'air dont l'état est approprié aux besoins parti- culiers de leur organisation. La distinction établie par Aristote entre le mode de respiration des animaux aquatiques et ter- restres subsiste donc toujours, mais se trouve en quelque sorte dominée par ce fait capital : que l'air, libre ou dissous, est éga- lement nécessaire à tous. Enfin, ces résultats physiologiques furent complétés par les Découverte travaux anatomiqnes de Malpighi (1). Aristote, comme je l'ai reîpSTes déjà dit, pensait que les animaux terrestres de petite taille ne respiraient pas, ce qui, pour lui, signifiait qu'ils ne recevaient pas l'air dans l'intérieur de leur corps. Mais en même temps que Boyle montrait la nécessité de l'air pour le maintien de la vie des Insectes, Malpighi découvrit dans leur organisme un appa- reil qui tient lieu de poumons, et qui, s'ouvrant directement au dehors par une série de petits orifices nommés stigmates^ porte l'air dans la profondeur de toutes les parties, à l'aide de trachées ou tubes ramifiés comme les racines d'un arbre (2). (1) Voyez ci-dessus, p. /il. tude l'appareil trachéen ciiez un (2) Les reclierclics anatoniiques de grand noml^re d'Insectes, et décrivit Malpighi sur la structure des Misecles aussi les organes à l'aide desquels parurent en 1669, dans son rraiïeswr plusieurs de ces animaux respirent le ver à soie, mais portent aussi sur dans l'eau, quand ils sont à l'état de beaucoupd'autres animaux de la même larves (6). Mais les idées que Swam- classe (o). nierdani professait relativement à la A la môme époque, Swamnierdam nature du travail respiraloire étaient fit connaître avec heaucoup d'exacii- ort erronée^. (a) Malpighi, Dissertaiio epistolkadc Dombyce {Opéra omnia, t. II, p. 73). (b) Swammerdam, Biblia nahirœ. 2 vol. iii-ful.,L,eyde, 1737. 38/|^ RESPIRATION. Résumé. § 5. — Nous verrons plus tard qu'Aristole, s'il s'était mépris au sujet de la respiration des Insectes, n'avait pas eu tort de croire que chez quelques animaux les rapports établis entre l'air et l'organisme par la surface de la peau peuvent suffire à l'entretien de la vie. Mais pour caractériser l'état de la science à l'époque dont je parle en ce moment, il me suffira d'insister sur les faits que je viens de rappeler. Effectivement ces faits démontrent : 1» Que l'air est nécessaire à la vie des animaux en général ; 2° Que les animaux terrestres respirent directement l'air atmosphérique, et que les animaux aquatiques respirent l'air qui est tenu en dissolution dans l'eau ; 3° Que la respiration aérienne peut s'effectuer à l'aide d'in- strimients physiologiques très différents entre eux ; que chez les Mammifères, les Oiseaux et les Reptiles, elle a pour organe le poumon, tandis que chez les Insectes elle s'exerce au moyen du système trachéen ; II" Enfin, que chez les Poissons et les autres animaux aqua- tiques dont la structure était alors connue, la respiration se fait à l'aide des organes particuliers que l'on connaît sous le nom de branchies. ^Q _ Un autre résultat d'une grande importance pour l'his- '^^ '■;"'■ toire physiologique de la respiration, quoique deja annonce par la respiration. jj^Qj^^rd dc Yincl ct Vau Helmont, ne fut bien étabh que par Boyle et les expérimentateurs dont ce philosophe excitait sans cesse le zèle. C'est que par la respiration l'air cesse d'être res- pirable, et que pour entretenir la vie des animaux, ce fluide doit être conlinuellement renouvelé dans l'intérieur du poumon ou de l'organe qui en tient lieu. Boyle reconnut ce fait en étudiant ce qui se passe chez des animaux qui sont renfermés dans une petite quantité d'air : il vit qu'ils s'y asphyxiaient plus ou moins rapidement, et pour les rappeler à l'existence, il lui suffisait sou- vent de leur fournir une nouvelle provision d'air non altère. artificielle. NATLIU: l)i: CK l'HÉiNOMÈNE. o85 Enfin, il monira expérimentalement, que cette altération de l'air qui le rcntl impropre à la respiration ne dépend jias de ee que ce lluide s'écliaulTerait par suite de son passage dans les poumons, et deviendrait de la sorte incapable d'opérer sur le sang le refroi- dissement au([uel les anciens physiologistes avaient attribué un si grand rôle, car en abaissant beaucoup la température de l'air vicié de la sorte, il ne put en rétablir les propriétés vivi- iiantes (1). *^ 7. — Vers la même époque, la nécessité du renouvelle- Expériences ment de l'air pour l'entretien de la vie fut démontrée d'une la respiration autre manière par un contemporain de Boyle, Robert Hook. Plus d'un siècle avant, l'anatomiste Vésale avait vu que le poumon s'affaisse lorsqu'on ouvre largement la poitrine d'un animal vivant, d'un Chien, par exemple , et que la respiration s'arrête; mais qu'on peut alors prolonger la vie en insuftlant de l'air dans ces organes (2). Du reste, il ne tirade ce fait aucune conclusion importante pour la physiologie de la respiration. En 1064, Hook pratiqua la même expérience sur un Chien, mais la perfectionna et en fit ressortir la haute portée. En pous- sant de l'air dans les poumons à l'aide d'un soufllet, puis en laissant écouler le fluide au dehors par l'effet du resserrement de ces organes, et en renouvelant sans cesse, par une série d'opérations de ce genre, l'air contenu dans l'appareil respira- toire, il empêcha l'asphyxie et fit vivre l'animal. Après avoir entretenu ainsi artificiellement la respiration et la vie pendant plus d'une heure, il cessa d'imiter les mouvements alternatifs d'inspiration et d'expiration, et ayant fait une ouverture à la surface du poumon, il établit un courant d'air continu à travers cet organe, à l'aide de deux soufflets adaptés à la trachée et jouant alternativement. Le poumon resta distendu et la vie se continua, comme sous l'influence de la res[)iration arfificielle (1) Lor. cil., § 15, p. 20Zi6 et suiv. lib. VII, Bàle , 154o ( Opéra omnia, (2) De hitmani corporis fahrica, 1725, t. I, p. 571). I. /i9 386 RESPIRATION. ordinaire, landis que l'asphyxie ne tarde pas à se déclarer dès <|ue l'air reste sLalionnairc dans cet organe. Hook en conclut avec raison (juc ce n'est pas le mouvement alternatif de disten- sion et d'alTaissement du poumon qui est efficace dans le travail respiratoire, comme l'avaient supposé quelques physiologistes mécaniciens ; mais que le renouvellement de l'air est la condi- tion essentielle de ce pliénomène vital (1). ^^jj^_^ § 8. -^ Nous avons vu dans notre dernière séance que le '''sur'"' sang ne présente pas la même teinte dans toutes les parties du " ''"^- système vasculaire ; que dans les vaisseaux appelés artères il est d'un rouge vermeil, tandis que dans les veines il est d'un rouge noirâtre. Il serait oiseux de nous arrêter ici à parler de l'expli- cation que les anciens physiologistes donnaient de ces ditfé- rences de couleur ; mais il est nécessaire d'ajouter qu'on avait remarqué aussi des variations analogues , quoique moins pro- noncées, entre la partie supérieure et la paitie inférieure du caillot obtenu dans la palette du chirurgien à la suite d'une saignée. Or, un médecin italien, Fracassah, annonça en 16G5 (jue cette différence de teinte était due à l'action de l'air sur la surface supérieure du sang , et que pour donner à la partie inférieure du caillot la môme couleur vermeille, il suffisait de retourner celui-ci et d'exposer à l'action de i'air la parfie qui, restée en contact avec les parois du bassin, avait conservé la teinte noirâtre du sang veineux ('2) . Cette observation conduisit bieiilùt à une autre découverte importante. Un des amis de Boyle, dont j'ai déjà cité le nom (luand j'ai parlé de la transfusion du sang, Lower, en ouvrant (1) Philos. Trans., 1G67 , vol. 1, Pour montrer où en étaitia physio- n" 28, p. 539. logie à celte époque, il me semble (2) Tétras anatomicarum episto- utile de transcrire ici le passage re- larum M. Malpighi , et C. Fracassai! : ialil'à celle observatioa qu'on lit dans De linçjmet cerebro. la-12, Bononia", l'un des recueils les plus accrédités 1GG5. du temps, le Journal des savants, et NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 38/ le thorax d'un animal vivant, s'aperçut que le sang vermeil ne se produit pas dans le cœur comme on le pensait de son temps; que ce fluide est encore noir lorsqu'il sort du ventricule pour se rendre au poumon ; mais qu'il devient vermeil dans ce dernier organe, lorsqu'on pratique la respiration artificielle, tandis qu'il conserve sa couleur sombre lorsqu'on cesse de renouveler l'air dans l'inlérieurdu poumon. Pour conOrmer ce résultat, Lower étudia l'action que l'air exerce directement sur le sang après que ce liquide est sorti de l'organisme, et, de même que Fra- cassati, il vit que, sous l'influence de l'atmosphère, le sang noir ou sang veineux prend l'aspect du sang vermeil ou sang artériel (1). Ainsi, pour les physiologistes qui n'auraient raisonné que sur des faits bien constatés, et qui ne se seraient pas contentés de vaines spéculations de l'esprit, disposition trop commune parmi les médecins de cette époque, la respiration ne pouvait plus être considérée comme un phénomène physique seulement (2). Les diverses expériences dont je viens de rendre brièvement compte établissent en effet que la nature du sang est modifiée qui se retrouve presque en entier dans les Transactions philosophiques, 1667, p. Zi92 : « Lorsque du sang s'est refroidydans un plat , la partie qui est au fond du plat paroist beaucoup plus noire que celle qui est au dessus. On dit ordi- nairement que ce sang noirâtre est du sang raélancholique, et l'on acoustume de se servir de cet exemple pour mon- trer que l'humeur mélancholique entre avec les trois autres humeurs dans la composilion du sang. jMais M. l'"racas- sati soutient que cette couleur noi- râtre vient de ce que le sang qui est au fond du plat n'est piis exposé à l'air, et non pas d'aucun mélange de melancholie; et pour preuve de cela, il assure que si l'on vient à l'exposer à l'air il change de couleur, et devient clair et vermeil. Il est aisé de vérifier si ce qu'il dit est véritable ; cette expé- rience estant aussi facile qu'elle est curieuse. » {Journ. des savants, 1767, p. i!iU.) (1) R. Lower, Tractatus de corde; item de motu et colore sanguinis et chyli in eiim transitu. In-8, 1669, p. 175 et suivantes. (2) Il ne faut pas croire cependant que ce fait si facile à constater, de la transformation du sang veineux en sang artériel par l'effet de l'action de Fair, ait été généralement admis par les contemporains et les successeurs des physiologistes anglais dont il vient Travaux de Majow. 388 RESPIIIATION. ]>;ir l'aclioii de l'îiir, cl qu'en iigissant ainsi sur l'organisme, l'air éprouve aussi dans sa consfitution des changements non moins im|)ortants, puisqu'elle perd ses propriétés vivitiante? . ^9. — Il V a donc dans la resiûration une action chi- mique, et les expérimentateurs que je viens de nommer avaierit été frappés de la ressemblance qui existe entre ce phénomène et celui de la combustion. .Mais cette analogie était entrevue plutôt que démontrée, et l'on ne savait encore rien de positif au sujet du genre d'altération que l'air éprouve par les effets de la respiration, ou de la cause de sa faculté comburante, lorsque J. Mayow publia sur ce sujet des recherches importantes. Les expériences de ce chimiste ne fournirent encore que des idées incomplètes et vagues ; mais ces notions étaient si rapprochées de la vérité, (jue l'on ne doit pas omettre d'en parler avec éloges, quand on trace l'histoire des progrès de la physiologie. Découverte Eu effct, Ics cxpérieiices de IMayow le conduisirent à penser ,run que 1 an- atmosphérique ne pouvait être un corps snnple, une principe aérien .,,,, .. d-i 'i vivifiant, matière élémentaire, comme 1 avaient suppose les anciens; mar» (Vêtre question. Les vérités même les plus simples n'entrent que lonlcment dans les sciences en générai , surtout dans les sciences médicales, et il a fallu près d'un siècle pour convaincre tous les i)liysiologistes que le changement de couleur du sang dans le poumon est dû à cette cause. Ainsi, en 1777, un des médecins les plus justement estimés du xviii' siècle , Senac, niait encore cette influence de l'air, et attri- buait la ditlérence de couleur du sang à une différence dans la densité de ce fluide {a;. L'illustre Ilaller n'avait pas des idées plus justes sur le rôle de l'air dans la respiration (6) , et Cigna , de Turin . après avoir fait une série d'expé- riences pour prouver que le déve- loppement de la teinte vermeille du sang est toujours dépendant de l'action de l'air (c) . hésita à sou- tenir cette opinion (rf), et il a fallu encore les expériences de Priestley . dont il sera question bientôt, pour porter la conviction dans tous les esprits (e). {a) Senac, Traite de la structure du arur, I. II, p. «0. (6) Haller, hJlementa pliysiologica, \ul. Il, lib. vi, sect. 3, j) 17, etc. (c) Cigna, De colore sanguinis e.rperimenta nonmdla {Miscellaneaphilosophico-mathematiVii Societatis Taurinensis, 1759, t. l,]). 08). (d) Cigna, Ue resinrallom ( Miscell. Soc. Taunii., 177o, i. V, p. l(tU). (e) Pr'iestlev, Observ. on Hespiratioti and tlie Use uf Uluod (l'iiilus. Trans., 1776, p. 239). N.VTLKi: 1)K CE PHÉNOMÈNE. 389 devait contenir quelque chose qui la rend apte à entretenir la vie des animaux, et qui lui est enlevé par le fait de la respira- tion (1). Ce principe vivifiant, dont il admet l'existence dans l'air, porte dans ses écrits le nom (V esprit nitro-aérien (2), et lui paraît être aussi l'aliment nécessaire de la combustion. 11 l'ait voir qu'un corps enllammé et emprisonné sous une cloche ne tarde pas à s'y éteindre, non pas, comme on le croyait vulgai- rement, par l'action des matières fuligineuses ou suie qui se produisent, mais parce que le corps en combustion se trouve alors privé de ce principe aérien comburant. Il montre que cet esprit nitro-aérien ne constitue qu'une portion de la masse de l'air, et (pie les animaux, par leur respiration, le consomment ainsi que le ferait un corps enflammé. En plaçant sous une cloche renversée au-dessus d'une cuve remplie d'eau, de petits animaux, il a vu le volume de l'air diminuer par les effets de la respiration (3), et il chercha aussi à prouver par des expériences que ce principe vital de l'air est le même que le principe com- burant. Enfin , il se trouvait conduit à penser que les parti- cules igno -aériennes, absorbées par la respiration , sont desti- nées à changer le sang veineux en sang artériel , et que cette absorption est la cause de la chaleur qui se développe dans le corps humain. Il admettait aussi que l'air enlève au sang des vapeurs ou effluves qui se trouvent ainsi expulsés de l'or- ganisme. Mais lorsque 3Iayow chercha à pousser plus loin ses investi- (1) Philos. Trans., 1668, p. 833. à noter qu'à cette époque les mots (2) Cette désignation , qui peut pa- esprit, gaz et vapeur étaient souvent raître bizarre aujourd'hui, .signifiait employés comme synonymes. la matière aériforme qui manifeste (3) Mayow trouva que la respira- son action quand le nitre est placé tion d'une souris avait détruit f; ou sur des charbons ardents et active la environ 7 pour 100 de l'air contenu combustion de ces corps ; ailleurs dans le vaisseau où il avait placé Mayow désigne ce même principe sous cet animal. {De sal-nitro et spiritu le nom d'esprit igno-aérien, et il es' nitro-aereo, 167Zi, p. 105.) 390 RESPIRATION. gâtions, il se trouva impuissant à expliquer ce que devenait la matière vivifiante de l'air qui avait disparu ainsi dans le travail respiratoire , et il accumula même de nouvelles ténèbres autour de cette question fondamentale en cherchant à concilier les faits nouveaux de la science avec d'anciennes idées rela- tives aux propriétés élastiques des gaz. Malheureusement pour les progrès de la physiologie et de la chimie, cet habile observateur mourut peu de temps après la [)ublica(ion de cette belle série de recherches, fruit des travaux de sa jeunesse. On voit par ses écrits qu'il était sur la voie d'une des plus grandes découvertes des temps modernes, et s'il eût vécu quelques jours de plus, Lavoisier aurait eu peut-être à exercer son génie sur d'autres questions que celles dont la solu- tion a i^endu sa gloire non moins impérissable que la science elle-même (1). (1) C'est à l'âge de vingt-neuf ans que ce grand chimiste publia en 167Zi ses recherches sur la constitution et les propriétés de l'air ; déjà il avait fait paraître son Traité sur la respira- tion, et il mourut à Oxford, en 1679, à l'âge de trente-trois ans. Non-seule- ment il était arrivé à reconnaître que l'air se compose en partie d'une ma- tière comburante et apte à entretenir la vie, et en partie d'un fluide impro- pre à la respiration ainsi qu'à l'ali- mentation du feu; mais aussi il avait été conduit à penser que ce même prin- cipe engendre les acides en se combi- nant avec certains corps, tels que le soufre ; qu'il se trouve condensé, pour ainsi dire , dans le nitre, et que c'est pour cette raison qu'un mélange de nitre et de soufre peut brûler dans le vide ; enfin que lors de la transfor- mation du fer en rouille, ou quand l'antimoine brûle, ces métaux se com- binent avec cette portion vitale de l'air, et que l'augmentation de poids de l'antimoine ainsi calciné ne dé- pend probablement que des parti- cules igno- aériennes fixées pendant l'opération. Or il suffit de substituer le mot oxy- gène à celui d'esprit nitro-aérien ou de principe igno-aérien , pour aper- cevoir nettement dans ces résultats de l'expérimentation les germes pres- que mûris de la grande découverte réalisée cent ans plus tard par l'il- lustre Lavoisier ; mais, pour arriver à cette découverte, il aurait fallu séparer les matières constitutives de l'air, et IMayow n'avait pu les voir que par les yeux de l'esprit. Dans un premier ouvrage de Mayovv (a), on trouve aussi des obser- vations judicieuses sur le jeu du dia- (rt) Traclatus duo seorsim editi, quorum prior Oxonii, 1667. O'jit de respiratione , aller de rachilide. In-8 , -NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 391 La luuitc police des travaux de IMayow resta longtemps inaperçue ; leur influence fut presque nulle sur les progrès de la physiologie, et il a fallu encore un siècle de découvertes pour en faire comprendre la signification et la valeur (1). § 10. — Ce qui manquait surtout à Mayow el aux autres chimistes de son époque , pour assurer le succès de leurs recherches sur la respiration, c'était l'art de manipuler les gaz p"''""""'ï comme on le fait d'un corps solide ou liquide. Ainsi nous voyons Boyle avoir recours aux procédés les plus grossiers, quand il veut étudier l'influence exercée par les animaux sur les propriétés chimiques de l'air; et lorsque, en I66/1., Wren voulut recueillir le fluide élastique qui se dégage pendant la fermen- Originc de la cliiniie lie. pliragme dans le mécanisme de la respiration ; mais c'est dans Je livre publié en 167Zi (a) qu'il exposa l'en- semble de ses recherches. Une analyse du premier de ces ouvrages se trouve dans les Transactions philosophiques de la Société royale de Londres pour 1G69, et Fourcroy a donné des extraits fort étendus du second (6) ; on peut consulter aussi à ce sujet l'ouvrage de .M. Iloeicr (c). (1) Quelques auteurs de la fin du xvii° siècle eurent cependant des idées assez justes sur la nature des phéno- mènes respiratoires. Ainsi Slare , à l'occasion des expériences de Boyle sur la coloration de la solution du cuivre ammoniacal par le contact de l'air, chercha à expliquer de la même ma- nière la coloration du sang artériel en rouge vif, et il ajouta que d'après les expériences sur la respiration des animaux en vase clos, il était conduit à penser que dans cet acte physiologique il devait y avoir non-seulement exha- lation d'une vapeur, mais absorption de quelque chose existant dans l'air. D'après le volume considérable d'air qui est nécessaire à l'entretien de la vie, il pense aussi que ce principe ou esprit vivifiant ne se trouve répandu qu'en petite quantité dans l'atmos- phère {cl). Mais les idées de Mayow furent combattues par Haies dont l'autorité était très grande pendant la première moitié du siècle suivant, et l'on attribua alors à des changements dans l'élasti- cité de l'air , plutôt qu'à l'existence d'un principe vital, les modifications que la respiration détermine dans les propriétés de ce fluide (e). (a) Ti-actatus quinquc medicn-physici : quornm prinms agit de sal-nitro el spiritu nitro-aereo, secumtus de respiratione, terliiis de respiratione fœtus in utero et ovo, quartus de motu inuscu- lari, etc. In-8, Oxonii, 1674. (6) Annales de chimie, an vu, t. XXIX. (c) Hoefer, Histoire de la chimie, t. II, p. i2G0. (d) Philos. Tram., 1693, n» -20i, p. 898. (c) Haies, Statique des végétaux et des animaux, t. I, p. 196 et suiv. 392 RESPIRATION, tation, il imagina seulement d'adapter une vessie vide au goulot du flacon renfermant la matière fermentescible (1). L'idée de faire usage d'un vase renversé sur de l'eau, pour y emprisonner de l'air, est fort ancienne, et dans les premières années du xvi" siècle elle donna lieu à l'invention de la cloche du plongeur (2). Vers la fm du siècle suivant, J.-B. BernouUi employa ce moyen pour constater la production du gaz qui se dégage dans certaines opérations chimiques (3). Mayow en fit également usage (ù); mais cet expérimentateur ne savait ni recueillir, ni transvaser commodément les fluides aériformes, et l'on attribue généralement l'art de les manier à un phar- macien de Paris, nommé :Moitrel. Il me semble cependant que le mérite de cette invention appartient davantage au célèbre astronome Halley ; car déjà en 1716, celui-ci, en perfectionnant la cloche à plonger, donna toutes les indications nécessaires pour guider les chimistes dans leurs expériences pneumatiques (5). Du reste , c'est surtout à Haies que l'on (1) Voyez Some Expiremcnts made opérer le sauvetage des richesses per- hHheAirPum.p(PhiLTrans.,lQn, dues sur les côtes d'Angleterre et vol. X , p. Ù/l5). — r^aiis lî> même aux Antilles par le naufrage des vais- année, llook employa aussi ce procédé seaux espagnols, et une personne pour recueillir le gaz qui se dégage nommée Phipps obtint même des ré- des coquilles d'huîtres par l'action sultats considérables. On trouve aussi d'un acide. f^ans les ouvrages de Bernoulli diver- (2) Un auteur du xvi^ siècle. Tais- ses inventions destinées à faciliter le nier, raconte qu'en 1538 l'empereur séjour sous l'eau, à l'aide de cloches Gharles-Ouint étant à Tolède , assista ou de masques ; mais dans les difté- à une expérience dans laquelle deux rents appareils employés à celte Grecs descendirent sous l'eau dans une époque, on ne renouvelait pas régu- sorte de marmite renversée, et y res- lièremcnt la provision d'air. lèrent pendant un certain temps sans (3) J. Bernoulli, Dissert, do effer- êlre mouillés et sans que la lumière vesc. et ferment, 1590. [Op. om., qu'ils avaient emportée avec eux se t. I, p. 21. fût éteinte (a). W Tract, de sal-nitro et spirUu Pendant la seconde moitié du nitro-aereo {Op. cit., 16^ h). xvii^ siècle, on s'occupa beaucoup de (5) The Art ufUving under W ater, remploi de moyens analogues pour or Means of Furnislwuj Air at the (a) Voyez l'ouvrage du pore Scl.ott , imprimé en 1G87, el intitulé : Technia curiosa, liv. III, cliap. IX, p. 393. 393 NATIKK UE CK I'HKNO.MEM:. doit les moyens d'expérimentation à l'aide desquels l'étude des gaz devint facile comme elle l'est de nos jours. Haies inventa la cuve à eau telle, à peu de chose près, que nous remployons dans tous nos laboratoires, et il fit usage de tubes recourbés pour conduire les gaz des vases dans lesquels leur dégagement s'opérait jusque dans les éprouvettes destinées à les recueillir. Il fit usage de cet appareil pour les gaz fournis par la distillation de beaucoup de matières organiques et pour faire quelques expériences sur la respiration ; mais il ne sut pas distinguer ces gaz entre eux, et il laissa à d'autres physiologistes plus clair- voyants la gloire d'en avoir profité pour résoudre les questions physiologiques dont la solution était restée incomplète entre les mains de ^layow' (1). § il. — La première découverte importante que cette nou- Dérouverie velle étude des gaz vint fournir à l'histoire de la respiration la production , , . 1^,1 T I -r»! 1 1. 1 1 i^'siC. carboniq. est due a un protesseur de Glasgow, Joseph Black, et date dans T ,_-,-. , . , , , , / • ' ' la respiration. de 175 y. Apres avoir constate que la magnésie préparée par précipitation contient une matière aériforme , et avoir isolé, recueilh et étudié les propriétés de ce lluide auquel il donna le nom d'air fixé [fiœed air)^ Black reconnut que ce gaz est aussi un des produits de la respiration de l'homme et des ani- Botfom of the Sea, by Ilalley {Philos. Iran s., 171 G, p. /i92). Je n'ai vu ce Mémoire cité par aucun des écrivains qui ont traité de l'histoire delà chimie pneumatique, et M. Hoefer, dans son ouvrage plein d'érudition , attribue excUisivement à Moitrel d'Elément l'invention de Tart de transvaser et manipuler les gaz ; or la brochure de ce chimiste ne date que de 1719 (voy. lloelér, Op. cit., t. Il, p. 3Zi2). (1) IJales, né en 1678, s'est occupé surtout de chimie appliquée à la phy- siologie végétale, ^on principal ou- vrage est intitulé Vegetable Staticks, I. et parut en 1727. On y trouve des expériences conduites avec une rare sagacité et une multitude de décou- vertes importantes. Les procédés dont il lit usage pour recueillir les gaz sont consignés dans le sixième chapitre de ce livre, et ses appareils y sont repré- sentés pi. 15 à 20. L'édition citée ici est la traduction française, intitulée : La statique des végétaux et celle des animaux (2 vol. in-8, Paris), 1779. On doit aussi à ce savant beaucoup de recherches sur le mouvement du sang, dont il sera question dans la suite de ces leçons, il mourut en 1761. 50 394 RESPIRATION. maux. Il s'assura de ce fait en soufflant à travers un tube clans de l'eau de chaux ou dans une solution d'alcali caustique : dans le premier cas , il voyait effectivement un précipité blanc se former, et dans le second l'alcali perdait peu à peu sa causti- cité. Black trouva aussi que le gaz exhalé de la sorte parles poumons est impropre à la respiration, et qu'il ne diffère pas de celui engendré par la fermentation vineuse ou produit par la combustion du charbon. Vair fixé ou air fixe, gaz que Bergmann, appela ensuite acide aérien^ n'était, comme on le voit, que la matière aériforme dont l'existence avait été signalée un siècle et demi avant par Van Helmont, sous le nom (ï esprit sylvestre ou de gaz (1). Black fut le premier à le recueillir de façon à pouvoir en étudier les propriétés et à nous le faire réellement connaître ; mais on ne saurait sans injustice pour ses prédécesseurs lui en attribuer la découverte, ainsi que le font la plupart des chimistes (2), et son (1) Voyez page 378, (2) En effet , non-seulement Van Helmont avait déduit de ses expé- riences que dans la fermentation, la combustion du charbon et la respira- tion, il se produit un fluide aériforme particulier, auquel, dans le langage de son temps, il donna le nom (Vesprit sylvestre (voy. p. o79) ; mais en 1696 Jean Bernoulli, en attaquant de la craie par un acide, avait obtenu le gaz acide carbonique, isolé et l'avait re- cueilli dans une éprouvette sous la- quelle la réaction s'opérait (a). Ce gaz était donc découvert longtemps avant que Back eût commencé ses belles recherches à ce sujet. Cependant le service rendu à la chimie et à la phy- siologie par les travaux de ce dernier expérimentateur est en réalité bien plus grand que celui résultant de la découverte simple de ce fluide. Black a été le premier à nous faire connaître réellement le corps désigné de nos jours sous le nom cVacide carbonique, et si la production de ce gaz dans la respiration a été soupçonnée par Van Helmont, elle n'a été démontrée que par les expériences de Black. C'est dans ses leçons qu'il exposa d'abord les résul- tats de ses recherches, et ils ne furent recueillis et publiés par la voie de l'impression qu'après sa mort, par les soins d'un de ses élèves , J. Uobi- son {b). Cet ouvrage est très rare, mais on trouve une analyse intéres- sante des recherches de Black dans VHistoirede la chimie de Uoefer (c). (a) Dissert, de cffervescentia, cap. xx. {h) Lectures on tiie Eléments of Chemistry, deUvered in (lie Vniversity of Edinburgli by the iate J. Black, IS03. 2 vol. w-i. (c) Tome II, p. 354. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 395 mérite priiu'ii)al aux yeux du physiologiste est d'avoir prouvé expériiuentalemeiil que ce corps est un des produits du travail respiratoire. ^Malheureusement il n'alla pas- plus loin et ne cher- cha ni à démêler les rapports qui pouvaient exister entre ce phénomène et le rôle de l'air dans la respiration, ni à détermi- ner la nature intime de ce fluide aérilorme. Or, cet air fixe ou air crayeux^ comme on le nomma aussi, n'est autre chose que le gaz acide carbonique des chimistes modernes. J'ajouterai que quinze ans après la découverte de Black, mais longtemps avant qu'elle eût été rendue ^publique par la voie de l'impression, Bergmann fît des recherches approfondies sur ce gaz et en constata la présence dans l'atmosphère (1). § 12. — Ce nouveau progrès dans la connaissance des phé- nomènes de la respiration des animaux fut suivi d'autres recherches encore plus importantes , prélude nécessaire des découvertes brillantes qui nous donnèrent la théorie des rap- ports des êtres vivants avec l'atmosphère , et qui servirent de fondement à tout l'édifice de la chimie moderne. Black naquit de parents écossais, proportion très minime; mais c'étaient à Bordeaux , en 1728, et mourut à des conjectures et non des démons- Edinburgli, en 1799. On lui doit aussi trations qu'il en donna , et , comme une découverte capitale en physique , nous le verrons bientôt, la découverte celle de la chaleur latente, qui date de la composition de l'air appartient de 1762. tout entière à un de ses contempo- (1) C'est à ce grand chimiste qu'on rains. Les expériences de Bergmann doit la connaissance de la plupart des furent connues des chimistes en propriétés de Vacide aérien, ou acide 1772, mais ne furent publiées d'une carbonique , et du rôle de ce corps manière complète que dans les Mé- dans la constitution des sels , ainsi moires de l'Académie de Stockholm, que beaucoup d'expériences précieuses pour 1775. Son Mémoire sur l'acide relatives à son action asphyxiante, etc. aérien se trouve reproduit dans ses Il est aussi à noter que Bergjiann fut Opuscula phijsica et chimica, vol. I l'un des premiers à avoir une opi- (1788). Bergmann naquit en 1735 et nion rationnelle sur la constitution de mourut en 178^. Il fut l'un des pre- l'air atmosphérique qu'il considérait miers à chercher à déterminer avec comme un mélange de trois lluides précision les proportions dans les- élastiques, savoir : d'air vital ou air quelles les corps s'unissent entre eux pur, d'air vicié et d'acide aérien en dans les combinaisons chimiques. Travaux de Prieslley. Découverte du mode de respiration des plantes. o9G HESIMKATION. En elTet, l'étude des gaz, préparée par les travaux de Haies et de Black , l'ut alors poursuivie avec ardeur par Priestley en Anglelerrc, par Schcele en Suède, par Lavoisier eu France, et donna bientôt des résultats également précieux pour la physio- logie et la chimie . En 1771, Priestley (1), après avoir vu, comme beaucoup de ses devanciers , (|uc par l'elTet de la respiration l'air de- vient inapte à entretenir la vie des animaux ou à alimenter la flamme , chercha s'il ne lui serait pas possible de rendre à ce fluide ainsi vicié ses propriétés premières. Il fit à ce sujet plusieurs essais infructueux; enfin il trouva que les plantes en végétation prospèrent dans l'air altéré de la sorte et le ramènent à son état primitif; car, sous leur influence, il rede- vient propre à la respiration des animaux et à l'entretien de la flamme (2). Ainsi il existe une sorte d'antagonisme entre l'action exercée sur l'atmosphère par les deux grandes divisions de la Nature (1) Priestley naquit en 1733 cl mourut en I8O/1. Il s'occupa de con- troverses religieuses non moins que de travaux de science. Parmi les nom- breuses découvertes qu'on lui doit, je citerai non-seulement celle dont il est question ci-dessus , mais encore celle du deutoxyde d'azote et de l'action remarquable que l'air (ou plutôt l'oxy- gène) exerce sur ce gaz ; celle des gaz acide clilorhydrique, acide sulfhydri- que, ammoniaque, hydrogène phos- phore, etc. {'2) Ce travail, lu à la Société royale de Londres, en mars 1772, et imprimé dans les Transactions j)hilosophiques pour la même année («), fut repro- duit dans l'ouvrage de Priestley sur Vair (6). Priestley n'étudia d'abord que très imparfaitement ce phénomène impor- tant de la respiration des plantes, et en 1779 il commença même à douter de l'exactitude de ses premières obser- vations à ce sujet (c) ; mais, l'année suivante, Ingenhousz répéta ses expé- riences, les confirma, et compléta sa découverte en constatant l'influence que la lumière exerce sur la décom- position de l'acide carbonique et le (a) Priestley, Observ. on Différent Kinds of Air {Philos. Trans., 1762, vol. LXII, p. 147). (6) Le chapitre cité plus spécialement ici est celui intitulé : On Air Infested vnth Animal Respi- ration and Putréfaction (fJ.rjicrim. and Observ. on Différent Kinds of Air, 2° cdit., vol. 1, p. 86 et suivantes). {c) Prieslley, E.rperim. and Observ. relntinij to Varions Branches of ^'alnral Philosopha, etc., 17TJ, vol. I,"p. 337, etC; NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 397 organi(juc : les Animaux vicient l'air par leur respiration et le rendent ainsi éminemment pro[)re à servir à l'alimentation des Plantes; tandis que les Plantes, à leur tour, le modifient d'une manière contraire et le rendent respirable pour les Animaux. La pureté de l'atmosphère terrestre, et son aptitude à rem[)lir le rôle (pii lui est assigné dans le système général de la Créa- tion , semblent donc dépendre des rap|)orts qui existent entre le fluide ainsi réi)andu à la surface du globe et les deux sortes d'êtres vivants à l'usage desquels ce fluide est destiné. Les filantes, pour satisfaire aux conditions de leur existence, a[>pro- prient l'air aux besoins des animaux, et ceux-ci, en le viciant par l'usage, fournissent aux végétaux un aliment qui leur est nécessaire, et qui, après leur avoir servi de la sorte, redevient un principe de vie pour les animaux. Les plantes défont sans cesse ce que les animaux ont fait, et les animaux en même temps détruisent les effets produits par l'action des plantes; de l'équi- libre de ces deux forces, agissant en sens contraire, résulte un état stable, et j'appellerai l'attention sur cette condition de durée, non-seulement à raison de l'harmonie admirable qu'elle nous révèle , mais encore parce qu'elle est un des caractères du grand œuvre de la Création. En effet, ce n'est pas en rendant les choses immuables que le Créateur semble avoir voulu en assurer la durée, mais en renouvelant ce qui les constitue ; et dans les grands phénomènes de la physique du globe, aussi bien que dans ceux de la Nature vivante, nous voyons qim la stabilité ne réside pas dans le repos , mais dans le mouvement s'opérant sans cesse dans un cercle fermé, ou consistant plutôt en une suite d'oscillations déterminées par le jeu de forces dégagement de l'oxygt-ne par raction ches en 1781 , et a fait des observa- des parties vertes des plantes (a). tions intéressantes au sujet de l'action Enfin, Priestley a repris ses recher- de la matière verte sur l'air, etc. (6). (a) Ingenliousz, E.tpi'.r. sur les végétaux, 1779 (trad. franc.; 1787, t. 1, p. XLVij et suiv.) (£») Priestley, Expcrim. and Observ., vol. II, p. Kî, etc. 398 RESPIRATION. contraires. De même que les vapeurs, en s'élevant de la surface des eaux , vont alimenter les nuages , et que l'eau des nuages, en tombant sur la terre sous la forme de pluie, revient dans les bassins d'où elle était sortie, pour s'y vaporiser de nouveau, et parcourir ainsi éternellement le môme cercle; de même nous voyons l'air fournir aux animaux une portion de sa sub- stance et en recevoir l'aliment que les plantes doivent y puiser; puis les plantes y verser à leur tour ce qui est nécessaire à la vie des animaux. L'atmosphère, en pourvoyant ainsi sans relâche aux besoins des êtres organisés, ne s'épuise donc pas , mais conserve une éternelle pureté et demeure toujours apte à remplir le même rôle dans la Nature : vasle association que la Providence a réglée. A l'époque où Priestley découvrit ce système d'échanges si bien pondéré , on ne ])Ouvait en comprendre nettement le mécanisme ; mais les faits nouveaux dont la science devait bientôt s'enrichir, et dont je dois mainte- nant vous parler, ne tardèrent pas à nous en donner une expli- cation complète. Découverte § IS. — Vcrs la mêiïie époque, ce grand expérimentateur fit roxygène. unc autrc observation qui resta d'abord stérile, mais cjui con- duisit bientôt à la découverte d'un lluide éminemment propre à l'entretien de la combustion et de la vie. Préoccupé d'idées théoriques dont la chute était prochaine , Priestley appela ce corps de Vair déphlogistiqué, car il supposait que c'était de l'air ordinaire privé du principe imaginaire appelé phlogistique. Or ce produit nouveau, que l'on désigna ensuite sous le nom iVair vital , n'est autre chose que V oxygène des chimistes Découverte actucls (i). Priestlcy obtint aussi par divers procédés le gaz lazote. impropre à la respiration, qui constitue le résidu laissé par l'air (1) Un des chimistes à bon droit les vreul (a), et un auteur remarquable plus célèbres de nos jours, M. Che- par l'étendue de son érudition, M. le (a) Journal des savants, 1851, p. 2^5 NATURE T)E CE PHÉNOMÈNE. 399 après qu'on y a fait limier du charbon ou du soufre, et qu'on a enlevé par laction de l'eau les produits de cette combus- tion. II en étudia les propriétés, et il le considéra comme étant de l'air chargé de phlogistique. Aujourd'hui on le regarde comme un principe élémentaire, et on le connaît sous le nom d'azote. ^ l/i . — Nous avons déjà vu que vers le milieu du xvu« siècle Fracassât! et Lower avaient constaté l'inlluence exercée par l'air Action lie l'oxygène sur le sang. professeur Bérard, ont attribué cette découverte à Bayen (a), qui, en cal- cinant de l'oxyde rouge de mercure, avait vu en efletun fluide aériforme se dégager de ce corps. Mais il me semble que celte opinion n'est pas fondée. Effectivement les recherches de ce chimiste, publiées dans le Journal de physique en 177Z|, datent de la même époque que celles de Priestley sur le minium, qui parurent également en 177/i, dans les Transactions philoso- phiques ; et d'ailleurs l'un et l'autre avaient été précédés dans la constata- tion de faits de ce genre par Lavoisier, dont le travail sur Vexistence d'un fluide élastique fixé dans quelques substances (le minium, par exemple), fut présenté à l'Académie des sciences en 1773. Mais ce qui constitue les droits de Priestley à la découverte de l'oxygène, ce n'est pas d'avoir vu que dans la calcination du précipité rouge de mercure il se dégage un gaz quel- conque qui pouvait être de l'acide carbonique ou tout autre fluide aéri- forme, mais d'avoir constaté que ce corps diifère de tous les autres gaz connus jusqu'alors , et c'est ce que Bayen ne songea pas à tenter (b). Priestley fait remonter ses premières expériences à 177/i ; mais celles qui lui firent distinguer son air déphlogis- liqué, c'est-à-dire l'oxygène de tous les autres gaz, sont du 1" mars 1775 (c). ScHEELE arriva au même résultat peu de temps après. En 177à, Berg- mann publia dans les Mémoires de l'Académie de Stockholm un travail sur l'acide aérien (ou acide carboni- que), dans lequel il annonce l'opinion que l'air atmosphérique contient, indé- pendamment d'une petite quantité de cet acide, un air qui ne peut servir ni à la respiration, ni à la combustion, et qu'il uomme air vicié ; enfin un air absolument nécessaire au feu et à la vie animale, qui fait à peu près le quart de l'air commun , et qu'il re- garde comme de Vair pur. Enfin, Scheele publia, en 1777, son ouvrage sur l'air et le feu, dans lequel il décrit le gaz qu"il nomma air du feu, et qu'il obtint , soit en chaufTant le précipité rouge de mercure, soit en traitant le minerai de manganèse par de l'acide sulfurique. (a) Voyez Bérard, Cours de physiologie, t. III, p. 328. (6) Voyez YEloge de Bayen par Parmentier, dans les Opuscules chimiques de Bayen, f. I, p. 52. (c) Voyez Experiments and Observations on différent Kinds of ,\ir, 1775, vol. II, p. '40', Lavoisier. AQO RESIMII.VTION. dans la production de la teinte vermeille du sang. Cigna (1) et Hewson (2) étaient arrivés à des résultats analogues, mais on ne savait encore rien de positif touchant l'influence que le sang exerce sur les propriétés de l'air, lorsque Priestley vint à son tour étudier les phénomènes de la respiration (3) . Il prouva que ce changement dans la couleur du sang est du à l'action de ce gaz oxygène dont il venait de découvrir l'existence, et (jue le sang, en agissant sur l'air, prive ce fluide de la propriété d'entretenir la combustion ou de servir à la respiration. Enfin il montra aussi que ces réactions peuvent s'opérer à travers une membrane organique aussi bien que lors du contact direct de l'air avec le sang, et que par conséquent les phénomènes qui se produisent à vase ouvert peuvent se manifester aussi entre ces deux fluides dans l'intérieur de nos poumons. Priestley avait donc entre les mains tous les éléments néces- saires pour résoudre deux des questions les plus grandes de la chimie et de la physiologie : celle de la composition de l'air atmosphérique, et celle de la nature de la respiration des ani- maux. Mais, s'il possédait à un haut degré le talent de l'expé- imentation, il n'avait pas l'esprit généralisaleur ; il semblait se plaire à attribuer au hasard plutôt qu'à une direction intelligente les résultats obtenus par ses patientes recherches , et tout en fournissant à la science des précieux matériaux, il n'éleva aucun édifice. § 15. — Le rôle d'architecte était réservé à un de ses con- temporains, qui, doué tout à la ibis du jugement droit et sévère (i) Cigna, Op. cit. {Miscellanea lion and the Use of Bîood {Philos. Soc. Taurinensis, vol. I, p. 68) , et Trans., 1776, p. 226). De respiratioîie [Op. cit., t. V, La principale conclusion qu'il sem- /1773)^ ble tirer de toutes ces expériences (2) Uewson , Inquiry inio the intéressantes, est que l'un des princi- Properties of the Bloud ( Works, paux usages du sang serait de rece- p^ J.N voir et d'excréter du phlogislique. (3) Priestley, Observ, on Respira- {Loc. cit., p. 2/|7.) r . NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. ÛOl sans lequel le génie devient inutile à l'homme de science, et de celle imagination de poëte qui sait embrasser l'ensemble des choses , saisir au premier coup d'œil des rapports qui échappent au vulgaire et en faire jaillir des lumières nouvelles, vint créer la chimie moderne. Ce grand architecte, vous le connaissez tous : c'était Lavoi- sier. Lavoisicr, dont le nom est à la fois un titre de noblesse pour la France et une flétrissure pour l'époque où une gloire si pure ne pouvait préserver de la hache du bourreau une tète innocente (1). L'histoire de nos connaissances relatives à la respiration se lie d'une manière si intime à celle des progrès de la chi- mie, que, tout en voulant ne vous parler que de physiologie, je me vois sans cesse conduit à vous entretenir de travaux chimiques ; et pour faire bien saisir la grandem^ des services rendus aux sciences naturelles par l'illustre Lavoisier, je serai même obligé de m'éloigner pendant un instant du but principal de nos études, et de vous dire quelles sont les erreurs qu'il avait à combattre en même temps que je vous raconterai les décou- vertes (]ui lui sont dues. ^16. — A la fin du xvn" siècle, les études chimiques étaient "^''^f * depuis longtemps poursuivies avec ardeur, et des faits en p»''°e'*"^"^- nombre immense avaient été constatés , d'abord par Gerber, Arnaud de Villeneuve, Raymond Lulle, et les autres disciples de l'école arabe , puis par des médecins et des métallurgistes, tels que Paracelse, Van Helmonl et Agricola , ainsi que par (1) Né à Paris, en 17Zi3, Lavoisier quier-Tainville l'envoya à l'écliafand. commença ses travaux chimiques en Tout liomme de cœur lira avec plaisir 17(j7, et dans l'espace de quelques et attendrissement les pages éloquentes années il changea la face de la science. et instructives dont les travaux et la Malgré les grands emplois qu'il occu- mort de Lavoisier sont le sujet dans pait, je ne connais pas de vie mieux l'ouvrage si remarquable de M. Dumas, remplie dans rinlérèt de la science et intitulé : Leçons sur la philosophie de riiumanilé. Le 8 mai 179/j, Fou- chimique, ln-8% 1836. I. 51 /|^02 RESPIRATION. une foule d'alcbimistes ardents à la recherche de trésors ima- ginaires : mais ces faits étaient épars et sans lien ; aucune théorie rationnelle ne les réunissait en un corps de doctrine, et la chimie était un art, mais pas encore une science. Au commencement du xviii' siècle cet état de choses chan- gea. Un médecin allemand, doué d'une intelligence puissante, Stahl (1), saisit ces faits dans leur ensemble, les coordonna en un système, et à l'aide d'une théorie simple et philosophique, il donna une explication plausible de tous les phénomènes chi- miques étudiés jusqu'alors. L'édifice ainsi élevé repose tout entier sur cette hypothèse, que la matière du feu ou phlogis- tique peut se présenter à deux états : libre ou en combinaison avec d'autres corps, et que les propriétés de ceux-ci diffèrent suivant qu'ils sont unis ou non à cette matière subtile et qu'ils en contiennent une proportion plus ou moins grande. Ainsi, dans la théorie de Stahl, les matières terreuses, telles que la rouille, la chaux et tous les corps aux([uels on donne aujourd'hui le nom d'oxydes, étaient des corps simples, et par leur union avec le phlogistique ils constituaient les métaux ; les combus- tibles tels que le charbon étaient des corps très riches en phlo- gistique et abandonnaient ce principe en brûlant. L'air était nécessaire à l'entretien de la flamme, parce que c'était elle qui enlevait aux combustibles en ignition leur phlogistique, et quand elle cessait de pouvoir agir ainsi, c'était qu'elle se trouvait déjà pourvue de tout le phlogistique dont elle était susceptible de se charger. Enfin dans les phénomènes delà respiration, tels que Priestley les comprenait, le sang, au contact de l'air ou séparé (1) Stahl naquit en 1660. Après 17/i7. Ses écrits, mélange bizarre de avoir professé à l'université de Halle, latin et d'allemand, sont difficiles à il occupa à Berlin la charge de premier comprendre. (Voy. à ce sujet Dumas, médecin du roi de l'russe, et mourut Leçons de philosophie chimique , dans cette ville en i73i. Son principal p. 75. - Hoefer, Histoire de la chi- ouvrage est intitulé : Fundamenta mie, t. II, p. Ù02. — Ghevreul, Jour^ chymicœdogmatico-rationalis.ln-li", naldes savants, 1851, p. 160). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. l\0o de ce fluide par une membrane organique seulement , cédait du phlogistique à l'atmosphère et produisait ainsi de l'air phlogis- tiqué ou azote ; tandis (jue les plantes, venant à leur tour absor- ber ce principe du feu, déphlogistiquaient l'air et le rendaient de nouveau apte à se charger du phlogistique dont les animaux devaient être débarrassés (1). Dans cette théorie de Stahl tout semble, au premier abord, s'enchaîner et trouver une explication facile. Elle était en accord avec tous les faits généralement connus à l'époque où elle vint animer en quelque sorte la masse informe des arts chimiques et en taire une science. Aussi fut-elle reçue avec enthousiasme et exerça-t-elle pendant la plus grande partie du xvni^ siècle une puissante influence sur les idées et sur les travaux des expéri- mentateurs ; mais tous les efforts de ceux-ci pour isoler et saisir ce phlogistique dont le rôle devait être si considérable dans la nature , avaient été vains , et il répugnait à quelques bons esprits, à Buffon, par exemple, d'admettre sans preuve aucune l'intervention incessanle d'un être imaginaire et insaisissable. Cependant, à l'époque où Stahl émit cette théorie, elle répon- dait à tous les besoins de la science ; car alors les études chi- miques avaient surtout pour objet la constatation des propriétés des corps et la connaissance de leur mode de préparation ; on n'était pas encore arrivé à chercher les proportions dans les- quelles ils se combinent entre eux, et l'usage de la balance était presque inconnu dans les laboratoires. Or l'emploi de cet instrument pouvait seul conduire à la con- naissance de la vérité, et c'est pour en avoir compris toute l'importance que Lavoisier a pu non-seulement renverser du premier coup le vieux système de Stahl, mais y substituer la théorie nouvelle qui sert de base à la science chimique de nos jours. (1) Observations nu Respiration and the Use of Bluud {Philos. Trans., 1776, vol. LXVI, p. 226). Tliéoiie Lavoisienne. dOtl RESPIRATION. En effet, la théorie du phlogistique suppose que les métaux, en se transformant en terres (ou oxydes), i)erdent quelque chose, et doivent par conséquent diminuer de })oids, tandis que par leur réduction leur poids devait augmenter, si dans cette opéra- tion ils absorhaient du phlogistique. Depuis longtemi)S il existait dans la science ({uelques faits propres à servir de contrôle aux idées théoriques touchant le rôle du phlogistique. Ainsi, longtemps avant que Stahl eût promulgué sa doctrine, un médecin du Périgord, J. Rey, dont le nom mériterait d'être cité avec honneur par les physiciens aussi bien que par les chimistes , avait dit que l'étain aug- mente de poids par sa calcination à l'air (1), et Stahl lui- même n'ignorait pas que la litharge et le minium , ou les cendres de plomb, comme on appelait alors les oxydes de ce métal , pèsent plus que le métal qui les fournit, et que leur poids diminue lorsqu'on les ramène à l'état métallique. Mais tous ces faits, insuffisamment développés, étaient tombés dans l'oubli, ou la signification n'en avait pas été saisie par les par- tisans de la doctrine du phlogistique, lorsque Lavoisier pubha ses premiers travaux sur la composition de l'air et les phéno- mènes de la combustion f!2). (1) J. Rev naquit vers la fin du XVI' siècle, et publia en 1630 ses expé- riences sur lu calcination des mé- taux («). 11 cilu Cardan, Scaliger et Césalpin comme ayant observé avant lui que le plomb augmente de poids dans cette opération, et il expliqua ces phénomènes en disant que le surcroît de poids vient de l'air, lequel s'est épaissi , s'est mêlé avec la cliaux et s'y est attaché. Iley fit aussi d'autres expériences pour prouver physique- ment que l'air est pesant; et je m'é- tonne que les physiciens ne citent pas son nom lorsqu'ils font l'histoire de la découverte de la pression atmos- phérique. Il émit aussi des idées très remarquables sur l'attraction univer- selle. Il mourut en 16Zi5. (2) M. Biot, dans un article fort remarquable sur les recherches de MM. Uegnault et Ueiset, relatives à la respiration, a examiné avec soin les droits de J. Iley à la découverte de la théorie de l'oxydation des métaux, et il remarque, avec beaucoup de raison. (a) Rey, Essays sur la recherche de la cause pour laquelle l'estain et lejilomb augmentent de poids quand on les calcine. In-S", 1630. (Réimprimé en 1777, après la découverte de Lavoisier.) NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 405 Dans une suite de recherches commencées en 1771 et cou- ronnées six ans après par l'expérience célèbre de l'analyse et de la synthèse successives de l'air au moyen du mercure qui, à des températures dilTérentes, absorbe ou aljandonne l'oxy- gène ( recherches dont il ne m'appartient pas de rendre compte, mais dont je ne saurais parler sans exprimer l'admiration qu'elles m'inspirent;, Lavoisier établit que l'air atmosphérique n'est pas un élément, ainsi que le supposaient les anciens, ni un fluide qui enlèverait aux corps en ignition ou aux animaux qui respirent un principe igné, pour l'abandonner ensuite aux plantes en végétation , comme le croyait Priestley ; mais un mélange de deux fluides élastiques dont l'un ne peut entretenir ni la vie, ni la flamme, et dont l'autre, au contraire, est à la fois l'aliment nécessaire de la combustion et de la respiration ; que ce gaz vivifiant est fixé par les métaux, qui se translorment en ces matières terreuses appelées alors des chaux métalliques, et désignées aujourd'hui sous le nom à'oxijdes ; que celles-ci augmentent de poids proportionnellement à la perte que cette combustion a fait éprouver à l'air; que le charbon, quand il brûle, produit à la fois de la chaleur et ce gaz méphitique déjà connu sous les noms à'air fixe ou à'acide crayeux, consomme également cet élément comburant de l'atmosphère ; enfin, que la respiration des animaux ressemble à la combustion du char- bon; qu'elle consiste dans l'absorption de ce même principe auquel le nom d'air vital convient si bien , et dans la production que clans la discussion des questions de priorité il faut bien distinguer entre « les assertions et les preuves, entre » les apparences et les vérités éta- » biles ; car il n'y aurait ni utilité, ni » équité, ni philosophie, à admettre » d'un auteur ancien, comme démon- » tré ce qu'on refuserait comme hypo- » thétique d'un contemporain. » Or, en appréciant d'après ces règles le livre de Rey, on trouve que ce chimiste, bien qu'il ait entrevu la vérité, ne Ta aperçue qu'obscurément et ne l'a pas démontrée ; en sorte que, malgré les idées justes de son précurseur, Lavoi- sier doit être toujours considéré comme le véritable auteur de la découverte à laquelle son nom est resté attaché. (Voy. Journal des savants, cahier de juillet 18/i9.) Découverte de la composition do l'air. Découverte de la composition de l'acide carbonique. Théorie de la respiration 406 RESPIRATION . du gaz acide crayeux: échange qui rend l'air impropre à l'en- tretien de la vie, et qui est accompagne d'une production de chaleur comme dans un phénomène de combustion. Pour achever ce beau travail, non moins remarquable par la sagesse des déductions que par la grandeur des vues, il fal- lait une découverte de plus, et Lavoisier ne laissa pas son œuvre inachevée. Pour bien comprendre en quoi consiste la respiration des animaux, il ne suffisait pas de savoir que tous ces êtres absorbent de l'air vital (ou oxygène, nom nouveau que la portion respirable de l'air portera désormais^ et qu'ils produisent de l'air fixe ou acide crayeux; il fallait, pour saisir les rapports de ces phénomènes et pour eii trouver la clef, connaître exactement la nature de ce dernier gaz dont les pro- priétés seulement avaient été étudiées jusqu'alors (i). Cette découverte complémentaire des grandes découvertes déjà faites par Lavoisier fut ébauchée par ses expériences dès 1775 (2), et se réahsa entre ses mains en 1780. Lavoisier constata que ce gaz est un composé d'oxygène et de carbone ; il détermina les proportions dans lesquelles ces élé- ments se combinent pour le produire ; et cette lumière nouvelle acheva de dissiper les ténèbres dont l'histoire physiologique de la rcspirahon était restée enveloppée pendant plus de deux mille ans que les philosophes cherchaient à en deviner le secret. En effet, aux veux de Lavoisier, comme aux yeux de tous, . la respiration des animaux se montre désormais comme un phénomène de combustion s'eiïecluant dans l'intérieur de l'or- ganisme et sous l'influence de la vie, de la même manière (1) Priestloy et Bergmanu semblent nique a été constatée par les expé- avoir considéié ce gaz comme un élé- ment ; Kirwan, comme un composé d'air vital et d'air inflammable, c'est- à-dire d'oxygène et d'hydrogène. La véritable composition de l'acide carbo- riences de Lavoisier publiées dans les Mémoires de l'Académie des sciences pour 1781, p. /iiiS. (2) Voy. Mém. de l'Acad. des se, 1777, p. 191. NATURK DE CE PHÉNOMÈJJE. /^O? que la comhusfion du cliarbon s'opère sous l'inlluence de la chaleur. L'oxygène de l'atmosphère qui disparaît dans ce travail physiologique se combine en totalité ou en majeure partie avec du carbone fourni par l'organisme, et forme ainsi du gaz acide carbonique qui est versé au dehors; et cette combustion, qui est une des conditions de la vie, est aussi la principale source de la chaleur intérieure que les animaux engendrent (1). (i) C'est une étude instructive et d'un grand intérêt que de suivre pas à pas le développement des idées de Lavoisier, à mesure qu'il avance dans ses nombreuses recherches dont le résultat a été non-seulement la con- naissance de la naîure de l'air, de la combustion et de la respiration, mais une chimie nouvelle que J'on appelle souvent, ajuste titre, la chimie de Lavoisier. Ce fut en 1772 qu'il déposa à l'A- cadémie des sciences une première Note contenant le germe de la plus grande de ses découvertes. Ou y lit que le soufre et le phosphore , en brûlant , fixent une grande qnantité d'air et augmenlenl de poids, et que les chaux métalliques calcinées en vases clos avec du charbon fournissent un fluide élastique en quantité très considérable («). Des faits du même ordre se multi- plient bientôt sous ses yeux, et dans un ouvrage présenté à l'Académie en 1773, et publié en ]77/i, il arrive à ces conclusions remarquables, que lorsque par la calcination un métal se léduit en chaux, il fixe une certaine quaniité de gaz puisé dans l'air; qu'il subit une augmentation de poids à peu près proportionnelle à la perle du poids de l'air employé dans l'expérience ; que la quaniité de malière ainsi absorbée est de beaucoup inférieure à celle de l'air employé, et que le résidu de l'air épuisé par cette action d'un métal n'est plus susceptible d'agir de la même manière ; de sorte que l'air atmosphé- rique semble être mêlé avec un fluide élastique particulier dont ces phéno- mènes dépendraient. Enfin, il ajoute plus loin que, d'après ses expériences, il seiublerait que cette malière absor- bable par les métaux se combine éga- lement avec le phosphore qui brûle, et constitue en volume le quart de l'air atmosphérique (b). En 1775 , dans son Mémoire sur la calcinalion de l'étain, Lavoisier con- state d'une manière plus précise des fails du même ordre, et termine son J.j'énioire en disant : « Sans anticiper sur les conséquences de ce travail, je crois pou voir annoncer ici que la totalité de l'air de l'almos- phère n'est pas dans un élat respi- rable, que c'est la portion salubre qui se conibine avec les métaux pendant leur calcination. et que ce qui reste après la calcinalion est une espèce de moufette incapable d'entretenir la res- (a) Voyez Lavoisier, Mémnires de chimie, 1. II, p. 83 et 88. (b) Lavoisier, Opuscules physiques et chimiques, 1774, 1. 1. AQg RESPIRATION. Cette théorie de la respiration des animaux, si simple et si nette, fut bientôt développée et étayée par les résultats que fournirent les études délicates de physique, pour lesquelles Lavoisier s'associa un jeune géomètre dont la gloire devait piration des animaux, ni l'inflamma- tion des corps. Non-seulement Tair de l'atmosphère me paraît évidemment composé de deux fluides élastiques de natures très différentes, mais je soup- çonne encore que la partie nuisible et méphitique est elle-même fort com- posée {a). » Dans un autre Mémoire sur la com- bustion du phosphore, Lavoisier déve- loppe des faits déjà indiqués sommai- rement dans ses Opuscules, et apporte de nouveaux résultats à l'appui de ses vues touchant la composition de l'air et le rôle du principe comburant de ce fluide (b). Enfin, c'est dans son Mémoire sur la respiration des ani- maux (c) qu'il fait l'analyse de l'air au moyen du mercure, qui, chauH'é en contact avec ce fluide , se transforme en précipité per se (ou oxyde rouge). Après avoir constaté la nature du résidu gazeux laissé dans cette opéra- tion , Lavoisier reconstitua l'air avec ses propriétés ordinaires en dégageant dans ce résidu le fluide élastique que cette même préparation mercurielle abandonne sous l'influence d'une température élevée, c'est-à-dire Vair déphlogisfiqué déjà découvert par Priestley. Il étudie ensuite les phéno- mènes chimiques de la respiration et arrive aux conclusions suivantes : a 1" Que la respiration n'a d'action que sur la portion d'air pur, d'air éminemment respirable contenu dans l'air de l'atmosphère ; que le surplus, c'est-à-dire la partie méphitique, est un milieu purement passif qui entre dans le poumon et en ressort à peu près comme il y était entré, c'est-à- dire sans changement et sans allé- ration ; » '1° Que la calcination des métaux dans une portion donnée d'air de l'at- mosphère n'a lieu que jusqu'à ce que la portion de véritable air, d'air émi- nemment respirable qu'il contient, ait été épuisée et combinée avec le métal; » 3° Que de même, si l'on enferme des animaux dans une quantité donnée d'air, ils y périssent lorsqu'ils ont ab- sorbé ou converti en acide crayeux aéri- forme la majeure partie de la portion respiralile de l'air, et lorsque ce der- nier est réduit à l'état de moufette ; 1) Ix" Que l'espèce de moufette qui reste après la calcination des métaux ne diflère en rien de celle qui reste après la respiration des animaux, pourvu toutefois que cette dernière ait été dépouillée par la chaux, ou par les alcalis caustiques, de sa partie fixable, c'est-à-dire de l'acide crayeux aériforme qu'elle contient, etc. (c). » Quant à la source de l'acide carbo- nique, Lavoisier dit aussi : « On peut conclure qu'il arrive de deux choses (a) LavoiMor, Mém. sur la calcination de l'éiain (Mém. de l'Mwl. des scmices, 4/74, p 3G6 . (b) Sur la combustion du phosphore de Kûnckel, et sur la nature de Vande qui resuite de cette combustion (Mém. de l'Acad. des sciences, 1777, p. G,")). • , - ,,„:„ (c) Expériences sur la respiration des animaux et sur les rhungemaUs qui arrivent a laii enpassantpar les poumons [Mém. de l'Acad. des .irienres, 1777, y. iSO). NATUliE DE CE PHÉNOMÈNE. /j09 bientôt égaler presque Ju sienne : rauteur du Traité de la mécanique céleste (Ij. Elle reçoit chaque jour de nouvelles confirmations, et si on l'applique à la grande découverte de Priesdey touchant la rcs[)irafion des plantes, on comprend aussitôt le fait fondamental de la stalique de l'atmosphère. L'oxygène de l'air, en servant à l'entretien de la vie des ani- maux, se combine avec du carbone foin^ni par leur substance, et rentre dans l'atmosphèi'e à l'état d'acide carbonique, pour être ensuite absorbé par les plantes et décomposé dans l'intérieur de leur organisme ; y dépose du carbone et reparaît au dehors à l'état libre, afin de servir encore une fois aux besoins du Règne animal, et de continuer à subir ces changements alter- natii^, tant que l'équilibre existera entre les deux grandes divi- sions de la Création vivante (2) . l'une par Teffet de la respiration : on la portion d'air éminemment rcspi- rable, contenue dans l'air de l'at- mosplière , est convertie en acide crayeux aériforme en passant par le poumon ; ou Ijien il se fait un échange dans ce viscère , d'une part , l'air éminemment respirable est absorbé, et de l'autre le poumon restitue à la place une portion d'acide crayeux aériforme presque égale en va- leur (a). » (1; Aous aurons à revenir sur ce travail de Lavoisier et Laplace, lorsque nous étudierons la faculté productrice de la chaleur chez les animaux (6). (2) En enregistrant ici ce fait si im- portant pour Vhistoire nalurelle de notre globe, je crois devoir mettre en garde contre une opinion qui au pre- mier abord semble en èlre une consé- quence ](''gitime. On pense générale- ment que la présence des arbres au milieu des grandes agglomérations de population telles qu'il en existe dans nos villes populeuses est très utile pour l'assainissement de Tair, parce qu'ils y décomposent l'acide carbonique pro- duit par la respiration de l'homme et des animaux en même temps qu'ils y versent de l'oxygène. Mais le fait est que rinlluence des végétaux sur la composition de l'air n'est appréciable qu'en vases clos, et devient complète- ment insensible quand il s'agit de l'air libre. En elfet, la quantité d'air ré- pandu autour de la terre est telle- ment considérable par rapport aux qiianiilés d'oxygène consommé par les animaux et à celles de l'acide car- bonique décomposé par les plantes, et le mélange de toutes les |)arties (a) Lavoisier, Mémoire sur la calcination de ViHain dans les vaisseaii.v fermés, et sur hi cause de l'augmentaticni, de poids qu'acquiert ce métal pendant cette opération (Lnc. cit., p. dOO) (6) Mémoire sur la chaleur, pav Lavoisier et Layilaro (,)/,-•,«. de l'Arad. des sciences, 1780. p. 355). " ' ! 52 A|() RESPIRATION. Les dix aimées comprises entre 1770 et 1780 font époque clans l'histoire de la physiologie, non moins que dans celle des sciences chimiques ; mais elles ne furent pas suivies d'un temps de repos, comme cela arrive souvent après un grand effort accompli, et Lavoisier lui-même ne s'arrêta pas dans l'étude des phénomènes chimiques de la respiration. La balance à la main, il chercha si rien n'avait échappé à ses investigations, et il s'aperçut alors que la quanhté d'oxygène consommé dans le travail respiratoire des animaux n'est pas représentée en totahté par celle contenue dans l'acide carbonique exhalé (1). Découverte La découvertc récente de la composition de l'eau, dans J;oï.ion la.[uelle, à son insu, il avait été devancé par Cavendish, lui ^' ''"'■ permit d'expliquer cette circonstance et de compléter sa théorie de la combustion respiratoire. Cavendish et Lavoisier, chacun de leur coté, avaient montré que l'oxygène, en brûlant le gaz appelé jusqu'alors de l'air inllammable, et désigné depuis ce mo- ment sous le nom d'hydrogène, ou générateur de l'eau, produit de l'eau comme il produit de l'acide carbonique lorsqu'il s'unit au carbone (2). Or, Lavoisier trouva que pour expliquer la pro- de raUnosphèic est si complet et si rapide à raison de la diiïusiliilité des gaz et des couranls dont celte masse fluide est sans cesse agitée, que l'analyse ne révèle aucune difléreiice dans la composition de Tair dans les villes et dans la campagne. U. Dumas a calculé que la quantité d'oxygène employée pendant tout un siècle pour l'entretien de la respiration de tous les êtres animés dont la surface du gloijc est peuplée ne dépasse pas 1/8000 de la quantité répandue dans l'atmos- phère, et que dans le cas où les plantes cesseraient de réduire Tacide carbo- nique excrété par ces êtres et à verser de l'oxygène dans l'air, il faudrait dio mille années pour que la diminutixn de ce dernier gaz pût devenir appré- ciable par nos moyens eudiométriques ordinaires (<;/). (i) Mémoire sur les altérations qu'éprouve Vair respiré, lu à la Société de médecine en 1785 ( Mém. de la Soc. de méd. , t. V, p. ô69 ; et Mémoires de chimies, par Lavoisier, /l' partie, p. 13). (2) La découverte de la nature de l'eau a donné lieu à beaucoup de débals, et a une importance si grande on physiologie, que je crois devoir m'y arrêter un instant, afin d'indiquer la («) Uiima^, F^^ni ,lr ^tolmr chimkue (/« rlra^ organifiés, 1842, \\ 18. NATUUE DE CE PHÉNOMÈNE. ^^^ duction de chaleur développée par la respiration, il ne suffisait pas non plus de celle dégagée par la combustion du carbone contenu dans l'acide carbonique exhalé; et comme l'air, en sor- tant des poumons, est toujours chargé de vapeurs aqueuses, il se vit ainsi conduit à admettre que l'oxygène inspiré sert à brûler de l'hvdrogènc aussi bien que du carbone dans l'inté- part qui appartient à chacun dans le service rendu ainsi à la science. La formation de l'eau lors de la com- bustion de Tair inflammable ou hydro- gène avait été observée de bonne heure par Macquer, dont j'ai déjà eu l'oc- casion de citer les ouvrages ( p. l/iS); mais ce chimiste n'avait pas compris la portée du lait dont ses expériences l'avaient rendu témoin (a). Vers 1781 , un physicien anglais , Warltire, vit que la détonation d'un mélange d'air inflammable et d'air ordinaire, déterminée par Télincelle électrique, est: suivie d'un dépôt de rosée [b). Bientôt après, Cavendish répéta les expériences de Warltire, et reconnut que l'eau déposée sur les parois du vase où l'on a fait brûler de l'air inflammable et de l'air commun est le produit de cette combustion. Il opéra de la même manière sur de l'hydrogène mêlé à de l'oxygène pur, et il tira de ses expériences cette con- clusion capitale, que ces deux gaz, en s'unissant, se convertissent en eau pure. Le Mémoire dans lequel Caven- dish rend compte de ses recherches lut lu à la société royale de Londres, le 15 janvier 178Zi, et parut dans les Transactions de cette Société six mois après ; mais la découverte faite par ce chimiste remontait à 1781 (c). En 1783, l'riestley. guidé par les expériences de Cavendish , dont il avait déjà connaissance , trouva que l'eau déposée de la sorte représente à peu près la somme des poids des deux gaz employés. Il constata aussi que l'eau est susceptible de donner naissance à des fluides aériformes ; mais, préoccupé toujours de l'idée du phlogistique , il ne découvrit pas que dans cette réaction l'eau est décom- posée ((/). A cette même époque ( 26 avril 1783), James Watt , le célèbre inven- teur des principaux perfectionnements de la machine à vapeur, donna aussi dans une lettre adressée à Priestley la véritable explication des résultats ob- tenus par celui-ci dans son expérience sur la combustion de l'air inflam- mable : il en conclut que l'eau est un composé des deux gaz oxygène et hy- drogène, dépouillés de leur chaleur latente. Mais la lettre de Watt resta inédite (conformément à sa demande), et ne devint publique par la voie de (a) Macquer, Dictionnaire de chimie, l'78, t. I, p. 5S3. (b) Voyez Cavendish, E.rperiments on Air (Philos. Trans., 1784, p. 126). (c) Cavendish, loc. cit., p. 127. (d) Priestley, Exper. relaling lo Phlogislon and the seeming Conversion of Water into Air [Phil, Trans., 1783", p. 427). [l\2 RKSPmATlON. rieur de l'organisme, et que les produits du travail respiratoire sont par conséquent tout à la fois de l'eau et de l'acide carbo- nique. Dans tous ses premiers travaux, Lavoisier ne se prononça la presse que poslérienrement à l'an- nonce de la découverte de Caven- dish (a). Pendant que ces travaux se pour- suivaient eu Angleterre , Lavoisier cherchait à Paris la solution de la même question. Ses expériences , commencées en 1777 (6), furent nettes et décisives , ses déductions logiques et lucides. Il communiqua un pre- mier travail sur ce sujet à TAca- démie des sciences, en novembre 1783 (c), et un second Mémoire le 21 avril 178'4(d); mais déjà, le 2i juin 1783, il avait rendu plusieurs phy- siciens témoins de ses expériences , et Blagden , secrétaire de la Société royale de Londres, qui était de ce nombre, lui avait appris que Caven- dish était déjà arrivé au même résul- tat, bien que ce dernier n'en eût en- core rien publié (e). Des imputations graves pour la mé- moire de Lavoisier se produisirent bientôt relativement à cette commu- nication verbale et à l'étendue des droits de Cavendish à la découverte de la théorie de la formation de l'eau. Ces accusations ont été même repro- duites de nos jours {f) ; mais la no- blesse du caractère du fondateur de la chimie moderne est trop bien connue pour qu'aucune tache honteuse puisse être imprimée à son nom , et quand je l'entends dire que c'est avant de connaître les expériences de Caven- dish qu'il avait trouvé la composition de l'eau, je le crois. En effet, je pense comme M. Flourens, que « le génie a toujours le droit d'être cru (g). » Lord Brougham , qui a attribué tout le mérite de cette grande dé- couverte à Watt et à Cavendish , et qui nous représente Lavoisier comme un homme dépourvu de probité scien- tifique , a sans doute omis de lire ce que Watt lui-même disait le 29 avril 178^ au sujet de la part qui appar- tient au chimiste français. En effet, quand Watt veut établir que l'eau pure est le produit de la déflagration de l'air déphlogisliqué et de l'air in- flammable , il déclare positivement que ce sont « les expériences faites (a) WaU. Thoughts on the Constituant Parts of Water and of Dephlogisticated Air ; with an Accojmt ofsomeExpeHments on that Snbject {Plnlûs. Trans., 1784, p. 329). (&) Voyez Lavoisier, Mémoires de chimie, t. 11, p. 248. (r) Lavoisier, Mémoire dans lequel on a pour objet de prouver que l'eau n'est point une sub- stance simple, lin élément proprement dit, mais qu'elle est susceptible de décomposition et de recomposition. Lu à la séance de renlrée puWif|ue da l;i Sain(-Marlin 1783 ( imprimé dans le volume des Mémoires de l'Académie pour 1781, p. 4(18, et piddié en 178i). (d) Lavoisier et Meunier, Mémoire où l'on prouve par la décomposition de l'eau que ce fluide n'est pas une substance simple. Lu à l'Académie des sciences le 21 avril 1784, ol imprimé dans le même volume que le précédent ( Mémoires de l'Académie pour 1781, p. 209). (e) Voyez le récit de Lavoisier dans le Recueil de ses Mémoires de chimie, dont l'impression fut interrompue par la niorl de ce savant ( lomo II, p. 248). if) Brougham, Lives of Men of Lettcrs and Science, who florished on the Time uf George lll (Cavendisli, vol. 11, p. 279). (g) Flourens, Histoire de la découverte de la-circulation du sang, p. 126. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 413 pas sur la source immédiate des matières combustibles ainsi enlevées à l'organisme par l'air que les animaux respirent ; mais dans des publications plus récentes, qu'il fit en commun avec Seguin, il chercha à avancer encore la question, et fut alors moins heureux que dans .ses recherches antérieures. Il pensa, en effet, que la combustion respiratoire a son siège dans le poumon même, et s'entretient à l'aide d'hydrogène carboné que le sajigy exhalerait (1). Dans cette théorie le poumon était donc le loyer chargé de produire la chaleur animale et de la distri- buer à tout le corps (2). Nons verrons bientôt que les choses récemment à Paris » qui en donnent la meilleure preuve (a). Il nie semble donc qu'en bonne justice les noms de Cavendish et de Lavoisier doivent être associés dans l'histoire de la découverte de la con- stitution de Teau. Les recherches de ces deux expérimentateurs furent exé- cutées simultanément, chacun arriva de son côlé à la connaissance de la vérité ; et si la lettre de la loi qui règle les questions de priorité donne peut-être gain de cause à Cavendish, l'équité veut que Lavoisier lui soit as- socié. Leurs découvertes sont comme deux enfants jumeaux qui , conçus au même moment, se sont développés côte à côte, et entre lesquels le droit d'aînesse est résulté d'une convention plutôt que d'une différence réelle. Quant aux droits que Watt peut avoir à cette grande découverte, je ne les place pas sur la même ligne que ceux de Cavendish et de Lavoisier. Watt, en lisant le récit des expé- riences de l'riestley, a eu une idée heureuse; mais pendant ([ue Caven- dish et Lavoisier interrogeaient fruc- tueusement la nature , il ne constata aucun fait probant , et il était si peu sûr de son interpiélation des faits observés par Priestley, qu'il n'autorisa la publication de la lettre où il en rendait compte qu'après avoir été confirmé dans son opinion par les travaux de Cavendish et de Lavoi- sier {b;. Watt a deviné juste ; Caven- dish et Lavoisier ont prouvé. Malgré le savant plaidoyer présenté en faveur di! Watt par un membre illustre de l'Académie des sciences de Paris (c), je persiste donc à regarder Caven- dish et Lavoisier comme ayant eu la plus grande part dans l'accomplisse- ment de ce progrès scientifique, et comme ayant par conséquent le plus de droits à notre reconnaissance. (1) Ce fut Seguin qui le premier attribua ce rôle à l'hydrogène carboné. (Voy. Méin. de chimie, par Lavoisier, t. 11, h" partie, p. 06.) (2) Mémoire sur la respiration des animaux , par Lavoisier et Seguin {Mémoires de l'Académie des sciences, 178y, p. Z1G6). (u) Philos. Trans., •1"84, p. o33. (6) Vojez son Mémoire, loc. cit., p. 330. (c) Arago, Éloge hlst. de James Watt {Mém. de l'Acad. des se, i. XVll, p. cxxxvni, etc. [l][l RESPIRATION. ne se passent pas ainsi, et que la combustion physiologique s'o- père en réalité clans la profondeur de toutes les parties de l'or- ganisme. Mais ce point est d'une importance secondaire, et ce qui domine la question est le fait de l'existence de cette combus- tion, fait dont la découverte appartient tout entière à Lavoisier. Généralisation § 17. — Les bellcs expéricnccs de ce chimiste portèrent ''oJfnuf ' exclusivement sur un petit nombre de Mammifères et d'Oi- par Lavoisier. ^^^^^ ^^^^ ^^^^^^^^ ^ ^^ ^^^^^^^.^ ^^^^^^ j.^ généralité qu'uu pareil sujet comporte, il fallait poursuivre ces investigations dans les autres classes du Règne animal, et voir si les choses se passent de la même manière, d'un côté chez les animaux aquatiques, de l'autre chez ceux qui respirent l'air par des trachées au lieu de poumons. Déjà, en 1777, Scheele avait dit que les Mouches, les Abeilles et d'autres Insectes périssent dans l'air confiné et ren- dent ce fluide impropre à rcntretien de la combustion (1). Priestley avait observé des faits analogues chez les Poissons (2), et, avant la mort de Lavoisier , Yauquelin avait constaté aussi que chez les Mollusques et les Insectes, les phénomènes respi- ratoires sont de même nature que chez les animaux supérieurs, avec cette seule différence que ces êtres peuvent vivre dans un milieu plus pauvre en oxygène [o). Mais la généralisation de ce résultat est due surtout à un physiologiste italien dont le nom reparaîtra ici chaque fois que j'aborderai l'histoire d'une des (i) Sc\ve\e, Abhandl. von der Lufl gène. Mais ce chimiste n'avait pas und dem Feuer, p. H8. constaté la production d'acide carbo- (2) Déjà en 1777, Priestley avait nique par ces animaux (a), constaté que les Poissons vicient Pair (3) Les expériences de Yauquelin de la même manière que les autres portèrent sur les Sauterelles, les Coli- animaux ; il supposait que c'était en maçons et les Limaces, animaux que y cédant du phlogislique, ce qui re- Ton rangeait alors dans la classe des vient à dire qu'ils absorbent l'oxy- Vers {h). (6) \^uqnè\C Oblèrvation's chimÛiues et physiologiques sur la respiration des Insecks cl des Vers {Ann. de chimie, 1792, t. XII, p. 273). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 415 grandes fonctions de l'économie animale, à Spallanzani, qui entreprit, vers la même époque, une longue série de recherches comparatives sur la respiration d'un grand nombre d'animaux, les uns terrestres, les autres aquatiques : des Annélides, des iMollusques, des Crustacés, des Insectes, des Poissons, des Reptiles et des Oiseaux (1). Il trouva que chez tous l'oxygène était nécessaire à la vie; que toujours ce gaz était absorbé, et que toujours il était remplacé par de l'acide carbonique. Enfin l'illustre physicien de Berlin, 31. de Humboldt, et un professeur de la Faculté de iMontpcUier, Provençal, publièrent, quelques années après, sur la respiration des Poissons, un grand et beau travail dont les résultats généraux s'accordaient parfaitement avec la théorie Lavoisienne : ils constatèrent que c'est bien l'air dissous dans l'eau qui sert à l'entretien de la vie de ces animaux ; que cet air est plus riche en oxygène cjue ne l'est celui de l'atmosphère; que les Poissons consomment l'oxygène dont ils se trouvent ainsi entourés, et qu'ils pro- duisent de l'acide carboniipie (2). (l) I/oiivrage de Spallanzam sur la respiration [a] est le dernier auquel ait travaillé ce naturaliste laborieux qui, né en 1729, mouruten 1799, après avoir professé successivement aux universités de Reggio, de Modène et de Pavie. Ce livre ne contenait qu'une petite portion de ses recherches , et après sa mort les registres de ses expériences furent confiés à Sénébier, qui en tira les matériaux d'un ou- vrage intitulé : Bapports de l'air avec les ('très organisés (h). C'est par conséquent dans l'ouvrage de Sénébier que l'on doit chercher la plupart des faits relatifs à la respiration dont la science est redevable à Spal- lanzani, et s'ils avaient été exposés avec plus de méthode, plus de conci- sion et plus de critique, ils auraient contribué davantage aux progrès de la physiologie. (2) En 1799, Humphry Davy avait fait aussi quelques expériences sur la res- piration des Poissons, et il en avait conclu que c'est l'oxygène tenu en dissolution dans l'eau qui sert à l'en- tretien de la vie de ces animaux. U ajoute que nous n'avons aucune raison pour supposer que l'eau puisse être décomposée par leurs branchies. Enfin, il annonce avoir constaté que (a) Mcmoin'.i sur la respiration, par Lazare Spallanzani, traduits en français d'après nn manuscrit inédit par Sénobicr. ln-8, Genève, 1803. fj^ ip] 3 vol. in-8, r.onève, 180". ^|g RESPIRATION. On constata même l'existence de phénomènes respiratoires chez l'emhrvon du Poulet, lorsqu'il n'est encore qu'imparfaite- ment développé dans l'intérieur de l'œuf, et la nécessité de ces phénomènes pour l'entretien de la vie du jeune animal en voie de formation (1). la respiration des Zoophytes s'efl'ectue de la même manière [a). Mais ce sont surtout les recherches de MM. Ilumboldt et Provençal qui fixèrent ce point de la science [b). (1) La nécessité d'une sorte de res- piration chez le Poulet, dans l'œuf, n'a pas échappé à la sagacité de INlayow, qui paraît avoir été aussi le premier ;■ se former des idées assez justes rela- tives au rôle du placenta chez le fœtus des Mammifères, car il considère cet organe comme servant à la fois à la nutrition et à la respiration des jeunes Mammifères (c). L'illusire Uéaumur fit voir aussi qu'en vernissant la sur- face externe des œufs, on empêche l'embryon de s'y développer (cl:, ^iais l'existence des phénomènes chimiques qui caractérisent la respiration ne fut bien constatée dans l'œuf que vers 18'20. A cette époque, un pliysiologistc anglais, nommé Paris, observa qu'à la fin de l'incubation , il se forme de l'acide carbonique dans l'air qui oc- cupe l'espace vide à une des extrémités de l'œuf (e). MM. Prévost et Dumas, en étudiant les pertes de poids que l'œuf éprouve pendant l'incubation , reconnurent aussi que l'exhalation est plus grande dans les œufs où le travail embryogé- nique s'opère que dans les œufs sté- riles. Ils attribuèrent une partie de ces pertes à la production d'une certaine quantité d'acide carbonique, et par des expériences indirectes ils furent conduits à penser que, terme moyen, un œuf de poide, dont le poids est de 50 grammes, devait abandonner ainsi à l'atmosphère, pendant le travail de l'incubation , environ 3 litres de gaz acide carbonique (/'). Vers la même époque, M. Bischoff fit voir que l'air contenu dans l'espace vide que l'évaporation produit dans la coquille de l'œuf est d'abord très riche en oxygène {g), et Dulk montra que la proportion d'acide carbonique y aug- mente à mesure que le développement de l'embryon avance. Ainsi,au dixième jour de l'incubation, il y trouva UM d'acide carbonique et 22,Z|7 d'oxy- gène pour 100, et au vingtième jour de l'incubation, 9,23 d'acide carbo- nique, et 17,55 d'oxygène sur 100 (/*). In) rnntributlons toPhyskal and Médical Knowledge, hyBeMoes,\). iSii. SS SoienoÎet Humholdt, neche^-c!,cs sur la rcspivaltou des Poissons (Mémon-es de la Soneie "^S'tàm!^ (cHm^rfe mpimfione fœtus in utero et ovo {Op. cU v 3 H et suW.) Id) P.oaunmr, Mém. pour servir à llmtoire des Insectes, 1 iM>, t H p. rf9 et suiv. S itïsA Memoir L the Physioloy,, of tl>e E,,j iAnn. of Philos 18^1 2' sene, vol. I, p. 2). tr\ ninTiTJ aii œ»/iiu flicî. (.•/«s.s'K/KÉ (/'/((«(. Haf., 18-27, t. Ml, p. 1-1. , r j.,» (i) ES, C/,S;.e UntersuclLo der Lnft, welche sicU in den Hmnererern Wndet Nrhwpio-c-er''! Ja/ir6- rfe»' C/icmic. 18-2:i, Bfl. IX, p. Aie). „ ,o ^ • - r„i,,.i, ^ S S ulrsuchungen iiber die in den HuMereiem enthaltene Luft (Schwe.gger s JaM>., 4830, Bd. XXVm, p. 363). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. Al7 Le iiomhredos oaz dont on doit l:i connaissanoo à Priestleyet aux autres chimistes du siècle de Lavuisier, ou à leurs succes- seurs, est assez considérable ; mais il n'est aucun de ces corps qui puisse se substituer à l'oxygène dans le phénomène de la respiration : aucun d'entre eux ne possède la propriété d'entre- tenir la vie comme le fait ce principe comburant, v\ la plupart de ces fluides élastiques exercent mémo une action nuisible sur l'économie animale ; plusieui s sont délétères, pour me servir ici de l'expression propre, et tendent à produire l'asphyxie et la mort, non-seulement parce qu'ils n'ont pas le pouvoir vivifiant de l'oxygène, mais parce que ce sont des poisons plus ou moins énergiques. Le protoxyde d'azote, comme on le sait, possède la propriété d'entretenir la combustion du charbon et de l'hydrogène ; une bougie que l'on y plonge continue à brûler, et l'on pouvait croire qu'il en serait de même pour la respiration des animaux, puisque les phénomènes de cet acte ont tant d'analogie avec^ une com- bustion ordinaire. Mais l'expérience prouve que ce gaz, de même que tous les autres , à l'exception de l'oxygène, est impropre à l'entretien de la vie des animaux. L'asphvxie s'y déclare assez promptement, et son action toxique se manifeste Précédemment , un pliysiologisle allemand, Vibourg, avait annoncé que l'incubation ne pouvait se poursuivie dans les gaz impropres à la respira- tion : fait qui avait été pleinement confirmé par les recherches plus ré- centes de Schwann (a). Dans ces derniers temps, ce sujet a été étudié d'une manière plus large et plus approfondie par M.M. Baudrimont de ces savants portent sur des œufs de Mollusques terrestres et de Rep- tiles aussi bien que sur des œufs d'Oi- seaux, et partout ils ont constaté une certaine absorption d'oxygène, ainsi qu'une exhalation d'acide carbonique et d'azote. U est aussi à noter que la quantité d'oxygène contenue dans l'acide carbonique exhalé s'est mon- trée supérieure à celle de l'oxygène et Marlin-Saint-Ange ; les expériences absorbé (6). (n) Schwann, De nccessitate aeris almospherici ad evnhitioncm puUi in nvo incnhito (voyer Milller's Arch. fur PbysioL, 1835, ji. 121). (b) Recherches anatnmiqneu et phyiiolugiques svr le )^ Nysten {(i) et plusieurs autres physiologistes, firent gène [sic) et le carbone, de manit'ie à former de l'eau et de l'acide carbo- nique qui n'existait auparavant ni dans le sang ni dans l'air. » Il admet aussi que cette combustion, tout en étant le phénomène principal de la respiration, ne constitue pas à elle seule cet acte ; qu'une porlion de l'oxygène est en même temps absorbée par le sang dont elle contribue à changer les propriétés (a). (1) Les expériences de Berthollet portent principalement sur les rap- ports qui existent entre la quantité d'oxygène qui disparaît dans la res- piration et la quantité d'acide carbo- nique qui y est produite {b). (2) Ces deux physiologistes pu- bUèrent en 1808 et 1809 une série de recherches sur la respiration de l'homme et de quelques petits Mammi- fères (c), et s'appliquèrent avec suc- cès à perfectionner la méthode expé- rimentale employée pour l'étude des altérations chimiques de l'air dans ce phénomène; mais tout en constatant de la sorte plusieurs faits intéressants, ils tombèrent dans des erreurs graves, dépendantes surtout de l'incertitude où ils se trouvaient au sujet de la quantité et de la nature de l'air res- tant dans les poumons au commence- ment et à la fin de chaque opération. Ainsi ils conclurent de leurs expé- riences que dans la respiration normale la quantité d'oxygène consommée est remplacée par un ralume égal de gaz acide carbonique, ce qui supposerait que la totalité du principe comburant serait employée à brûler du carbone, et qu'il ne s'en combinerait pas avec de l'hydrogène, comme l'admettait Jjavoisier. (3) Les expériences de Prout ont principalement pour objet les varia- tions qui s'observent dans la quan- tité d'acide carbonique exhalé par l'homme, et ne portent pas sur la théorie de la respiration {d). {h) Nysten a fait un assez grand nombre de recherches relatives aux eflets produits sur l'économie animale par la présence de divers gaz dans les vaisseaux sanguins et sur les phéno- mènes chimiques de la respiration dans les maladies. 11 a entrevu plu- sieurs faits imporlanis ; mais les pro- cédés eudiomé triques dont il faisait («) Fdui-croy, Systcine des connaissances cfiimiqucs, an ix, t. X, p. 372. (6) Berihollet, Sur les changements que la respiration produit dans l'air (Mém. de la Société d'Arcueil, 1809, t. II, p. 454). (c) W. Allen and W. Pepys, On Ihe Changes produced in Atmospheric Air and Oxygen Cas by Hespiration {Philos. Trans., 1808, p. 249). — On Respiration {Philos. Trans., 1809, p. 404). ((/) Prout, Observ. on Ihe QuantHy of Carboiiic Arid Cas emitted from ihe Lungs during Res- piration at Différent Times and under Différent Circumslances {Annals of Philosophy, 1813, vol. II, p. 328). — Some Furlher Observations on Ihe Qnantity of Garbmic Acid Cas emitted from Ihe Lungs {Icc. «(.,1814, l. IV, p. 331). ll<2S RESPIRATION. à ce sujet des expériences nombreuses; j'aurnis souvent à parler des résultats dont ils enrichirent ainsi la science, mais les faits constatés par ces savants ne pouvaient résoudre la question de l'origine de l'acide carbonique et nous éclairer sur le siég'e de la combustion respiratoire. Les vues de La- grange étaient donc à ce moment, de même qu'en 1791, à l'état desimpie hypothèse et manquaient de démonstration (1). usage n'avaient pas la précision néces- saire pour lui permettre de résoudre la plupart des questions fondamen- tales auxquelles il s'attaquait. Les travaux de ce physiologiste méritent cependant d'être cités avec éloge (a). (1) Vers le commencement du siècle, Thompson adopta l'hypothèse de l'ahsorption de l'air par le sang des vaisseaux pulmonaires ; et peu de temps après, Brande chercha égale- ment à expliquer les phénomènes de la respiration en supposant que l'air est absorhé à travers les parois de ces vaisseaux, puis décomposé par le sang de façon à donner peu à peu naissance à de l'acide carbonique et à de Peau qui, de même que l'azote, sont portés au poumon par !e sang veineux et ensuite exhalés ; mais ce chimiste n'apporta aucune preuve à l'appui de son hypothèse (b). Vers la même époque, l'illustre fon- dateur de la théorie atomistique , J. Dalton, combattit au contraire les vues de Lagrange ; il les considéra comme insoutenables et adopta plei- nement l'opinion d'une combustion s'efl'ectuant dans l'intérieur des pou- mons (c). En 1821 , Coutanceau exposa avec beaucoup de détails des vues iden- tiques avec celles de Lagrange dont il paraît ne pas avoir eu connaissance, et il cita à l'appui de ses opinions quelques expériences qu'il avait faites sur l'Homme, de concert avec Nysten, en 1806; mais elles n'avaient conduit à aucun résultat net. Voici le passage dans lequel l'auteur en rend compte : « Les résultats que nous avons obte- nus nous ont constamment montré, dans le gaz azote qui avait servi à notre respiration, une quantité d'acide carbonique égale à celle qui se forme dans une respiration ordinaire, et qu'ils tendent par conséquent à prouver d'une manière directe et incontestable que la production de l'acide carbo- nique pulmonaire est étrangère à toute espèce de combustion. Je ne puis néanmoins me dissimuler que, malgré tous nos soins, j'ai lieu de craindre que nos expériences n'aient jamais été portées à un point de per- fection suffisant pour en conclure tout ce qu'elles semblaient promettre, par la seule raison que nous n'avons pu parvenir à respirer longtemps le gaz azote assez pur et assez dépouillé de (a) Nysten, Recherches de physiolorjie et de chimie ■patholoQiqiies , pour faire suite à celles de Bichat, «?(>• la vie cl la mort. In-S, t'aris, 18 U. (fi) W.lkmih, Concise View of Ihe Theory of Hespirnlion{^\c\\o\.Journ., 4805, vol. XI, p. 7'J). (c) Dalton, On Respir. and Animal Heat (Mem. of the LU. and Philos. Soc. of Manchestm; •2' série, vol. II). NATURE DE €E PHÉNOMÈNE. /i'29 Ainsi la découverte de la nature des phénomènes locaux de la respiration restait à faire, et l'on comprendra facilement le sentiment d'orgueilleuse tendresse que j'éprouve en arrivant à ce point de l'histoire de la physiologie ; car c'est à un frère dont la mémoire m'est bien chère, que cette découverte est principalement duc. Justice ne lui a pas toujours été rendue i)ar les écrivains du jour, et je me félicite d'avoir l'occasion de rétablir ici la vérité. § 2. — William Edwards (1), après avoir fait une longue Expériences série de recherches intéressantes sur l'asphyxie, et avoir publié w. Edwards. sur le rôle de l'azote dans la respiration des travaux dont j'aurai gaz oxygène, pour en déduire rigou- reusement l'existence de Texlialalion carbonique pulmonaire, indépendam- ment de toute action directe du car- bone sur le sang. J'avouerai donc que, chimiquement parlant, on ne saurait démontrer l'impossibilité de cette combustion de carbone (a). » Or, indépendamment des causes d'erreurs dont l'auteur avait été frappé, ces expériences ne pouvaient inspirer que fort peu de confiance sous le rapport eudiométrique ; car elles donnaient pour la composition normale de l'air atmosphérique : oxygène, 22 ; acide carbonique, 2 ; azote, 76 pour cent (6); résultat qui doit suffire pour les faire juger. On voit donc que les opinions énon- cées par Coutanceau ne pouvaient exercer aucune influence sur les idées régnantes au sujet de la nature du phénomène de la respiration. (1) William Frédéric Edwards na- quit à la Jamaïque en 1776, et peu de temps après sa famille étant venue se fixer à Bruges , il y passa la plus grande partie de sa jeunesse; il y dé- buta dans la carrière scientifique comme professeur d'histoire naturelle à l'école centrale de cette ville, et il y publia vers 1807 une Flore du dépar- tement de la Lys. En 1808, il vint à Paris pour achever ses études médi- cales ; enl81Zi, il présenta à l'Acadé- mie des sciences un travail Sur la structure de l'œil , et il soutint à la Faculté de médecine une thèse esti- mée Sur r inflammation de l'iris. En 1815 et 1816, il fit, en commun avec Chevillot , une série de recherches chimiques très intéressantes sur les combinaisons du manganèse avec les alcalis (c), et vers la même époque il commença ses expériences sur Vas- phyjcie (d). Un premier Mémoire sur ce sujet, lu à l'Académie en 1817, fut bientôt suivi d'un travail sur Vin- (a) Coulanceau, Révision des nouvelles doctrines chimico-physiologiques. I11-8, 1821, p. 97. (6) Op. cit., p. 284. (c) Mém. sur le caméléon minéral {.\nn. de chim., 1817, (. IV, |i. 287. cl 1818, 1. VIII, p. 337). (rf) ,1/cHi. sur l'asphyxie considérée chez, les Batraciens (.knn. de chimie, 1817, l. V, ji. 350). — Deuxième Mém. {Op. cil., t. VllI, p. 226;. /|30 KESPIKATION. bientôt à parler, étudia avec une logique sévère les phéno- mènes fondamentaux de cette fonction, c'est-à-dire l'emploi de l'oxygène et la production de l'acide carbonique par l'orga- nisme animal. Il parvint ainsi à établir expérimentalement (\ue la formation de l'acide carbonique n'est pas une conséquence directe de l'abord de l'oxygène atmosphérique dans les poumons; qu'elle en est indépendante ; qu'elle se continue lorsque ces organes ne contiennent plus la moindre quantité de ce principe com- burant ; et que par conséquent l'espèce de combustion vitale dont ce gaz semble devoir être un des produits ne saurait avoir son siège dans la cavité respiratoire. Ses premières expériences portèrent sur les Grenouilles, animaux qui respirent à l'aide de poumons comme nous, mais fluence que la température exerce sur l'économie , sur l'influence vivifiante de l'air et sur la transpiration. En 1820, l'Académie lui décerna le prix de physiologie récemment fondé par M. de iMontyon , et en 1821, ses Re- cherches sur la respiration et sur l'in- fluence des saisons sur l'économie animale lui valurent pour la seconde fois cette récompense honorifique. En 182/j , il publia l'ensemble de ses recherches physiologiques dans un ouvrage qui est intitulé De l'influence des agents physiques sur la vie (a), et qui est remarquable par la lucidité de l'exposition et la logique des argu- mentations aussi bien que par l'im- portance et la nouveauté des faits. Une traduction anglaise de ce livre a été publiée par MM. Hodgkin et Fis- cher (6). On doit aussi à W. Edwards un Mémoire sur la contraction muscu- laire; des recherches sur l'alimenta- tion (c), dont nous aurons l'occasion de nous occuper dans une autre partie de ce cours ; des expériences sur la ger- mination (d), ainsi que divers travaux sur les Caractères phtjsiologiques des races humaines et sur quelques ques- tions de linguistique (e). 11 entra à l'Institut comme membre de l'Aca- démie des sciences morales et politi- ques en 1832, et il mourut à Versailles en 18Z»2. (a) Un vol. in-8, (6) On the Influence ofFliysical Agents on Life, ln-8, 4 832. (c) W. Edwards et Balzac , Recherches c.rpà'imentnles sur l'emploi de la gélatine comme sm6- stance alimentaive {Archiv. gén. de vud., 2° série, 1835, t. I, p. 313, et t. Vil, p. 272). — Alimentation (Encijclop. du MX' siècle, 1837, t. II, p. 265). (d) W. Edwards cl Colliii, De l'influence de la température sur la germination {Ann. des se. nat., Botanique, 1834, 2" série, t. I, p. 257). — Mém. sur la végétation des céréales sous de hautes températures {Ann. des scienc. nal.. Botanique, 1836, t. V, p. 5). (e) Voyez les Mém. de la Société ethnologique, 1. 1, 1841 -, et t. Il, 1845. — W. F. Edwards, Recherches sur les langues celtiques. In-8, 1844 (ouvrajje poslhume). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. /|31 qui, en liiver surtout, peuvent supporter pendant Irîs long- temps la privation d'oxygène, sans que mort s'ensuive, et qui, en raison de la conformation partieulièi'e de leur corps, se laissent comprimer les flancs de façon que la totalité de l'air contenu dans les organes resi)iratoires soit facile à expulser. Or, en plaçant dans une cloche renversée sur le bain de mer- cure, et remplie de gaz hydrogène pur, une Grenoiullc dont les poumons avaient .>té au préalable vidés d'air, William Kdwards reconnut que, malgré l'absence d'oxvgène dans le gaz respiré, l'animal produisait dans l'espace de^ quelques heures une quantilé d'acide carbonique égale à peu près au volume de son corps. Sjiallanzani avait annoncé le même fait vingt-cinq ans auparavant; mais les preuves qu'il en avait donnée'^s pc^i- vaient paraître insuffisantes, et il considérait ses observations comme favorables à la théorie de Lavoisier (i). La signification de cette expérience n'était cependant pas équivoque, et W. Edwards en a déduit de k^manière la plus lîicde et la plus nette la véritable théorie de la respiration. Il est évident que, puisque l'acide carbonique se dégageait du corps de l'animal sans (pie celui-ci fût en rapport avec l'oxy- gène, ce gaz devait être exhalé de l'organisme, et ne pas s(; former dans les poumons, comme le supposait Lavoisier, par (1) Des expériences analogues qu'à ce que W. Edwards eut établi avaient été faites vers la in. du siècle sans réplique les faits mentionnés ici. le. a er par Spallanzani , et ce physio- Ce serait cependant manquer de jus- og.s.e Illustre avait constaté aussi l'ex- tice envers Spallanzani qui de ne pas .alLond une certame quantité d'acide lui attribuer une très large part dans rbon,que ; mais d'après la manière les progrès accomplis depuis Lavoisi exacte dont il appréciait la quantité dans la connaissance de la nature de d oxygène contenue dans l'air atmos- l'acte respiratoire. Les expériences su phc^JKiue , n était évident que les la production de l'acide carbo ic moyens eud.omeUiques dont il dis- par les Batraciens placés dans rbyc pos.at e,a,e„t très imparfaits, et l'on gène sont consignées dans le li • de puvait penser que les gaz qu'il em- Sénebier, intitulé : Des rappotl / ployait étaient impurs : aussi ses dé- Vair avec les rfres or,ansTl couvertes restèrent-elles stériles jus- p. oG7, etc. /«'"*' •^, i. J, [•2,2 RESPIRATION. la combinaison directe de l'oxygène inspiré et du carbone excrété parle sang (1). Ce physiologiste obtint un résultat analogue en répétant les expériences de Spallanzani sur les Colimaçons, et il s'assura que les Poissons, bien qu'ils respirent à l'aide de branchies au lieu de poumons, produisent aussi l'acide carbonique par exha- lation (2). Mais toutes ces recherches ne portaient encore que sur des êtres inférieurs, des animaux à sang froid, et pour donner aux conclusions qui en découlaient toute la généralité désirable, il fallait les étendre aux animaux supérieurs, et notamment aux Î^Iammifères, dont le mode de respiration est en tout point comparable à celle de l'homme. La rapidité avec kuiuelle la mort se déclare lorsque les ani- maux à sang chaud sont privés d'oxygène, et aussi la quantité considérable d'air qui reste toujours dans leurs poumons, même après les mouvements d'expiration les plus forcés, sont des circonstances qui jusqu'alors avaient empêché les physiolo- gistes d'arriver à aucun résultat net dans des expériences ana- logues ; mais cette difficulté n'arrêta pas mon frère, car il sut la tourner. Pour cela il lui suffit de taire usage, non pas d'ani- maux adultes, comme l'avaient fait ses devanciers, mais de Mammifères nouveau-nés, qui effectivement ont la faculté de résister à l'asphyxie, à la manière des animaux inférieurs, et qui ont des poumons d'une très faible capacité. En procédant de la sorte, il trouva que les jeunes Mammifères, plongés dans une atmosphère d'hydrogène, et par conséquent ne recevant pas d'oxygène dans leurs poumons, continuaient cependant à exhaler de l'acide carbonique (o). Ainsi, chez les animaux supérieurs, de même que chez ceux (1) Voyez à ce sujet le cliapiu-e sur signes sur la vie , 182/i, p. hOU et les allérations de Tair par la respira- suivantes, tion, dans l'ouvrage de W. Edwards, (2) Op. cit., p. Z.37 et sujv. intitulé De l'influence des agents phy- (3) Op. cit., p. Uolx et suiv. NATL'RE DE CE PHÉNOMÈNE. 433 dont la vie est plus obseiirc et la siructure moins parfaite , la combustion (jue l'on supj)usait exister à la surface des organes respiratoires n'est pas nécessaire à la production de l'acide carboni(|ue. L'excrétion de ce gaz est même un }»hénomèn6 complètement indépendant de l'abord de l'oxygène dans les poumons, caria i)résence ou l'absence de ce |)rincipe combu- rant n'intlue pas directement sur les quantités expulsées de l'économie. Effectivement , en se plaçant dans des circonstances favo- rables , cet expérimentateur trouva que la (piantité d'acide carbonique dégagée par les Grenouilles plongées dans de l'hy- drogène pur était tout aussi considérable que celle produite par les mêmes animaux lorsqu'ils res|)iraient de l'air contenant la proportion ordinaire d'oxygène. W. Edwards en conclut avec raison que dans la respiration l'acide carbonique ne se forme pas de toutes pièces dans le poumon, mais qu'il est exhalé de l'organisme, tandis que l'oxy- gène de l'air qui disparaît est absorbé. Il se demanda ensuite quelle pouvait être la source de cette exlialation, et il fut con- duit à admettre que l'acide carbonique excrété devait provenir du sang. Il ajouta même que probablement ce gaz existe tout formé dans le sang, et il appuya son opinion sur des expériences inédites de Yauquelin, qui, en plaçant du sang dans de l'hy- drogène, avait obtenu un dégagement d'acide carbonique (1). § 3. — L'exactitude de ces résultats fut d'abord révoquée en doute par quelques auteurs ; mais elle ne tarda pas à être généralement reconnue. M. Collard de Martigny fut le premier à les confirmer, et afin de se mettre à l'abri des causes d'er- reur provenant de l'existence d'un peu d'oxygène ou d'acide carbonique dans les poumons des Grenouilles qu'il faisait Vivre dans de l'hydrogène, il eut soin d'analyser séparément (1) Voyez De l'mfluence des agents physiques sur la vie, p. 66/j et (1G5. /|3/j RESPIRATION. les gaz à diverses périodes de chaque expérience. Si l'acide carbonique dégagé par l'animal fût provenu des fluides aéri- formes restés dans les poumons, c'est au commencement de l'expérience seulement que l'hydrogène expiré en eût été chargé ; mais il n'en fut pas ainsi , et pendant toutes les pé- riodes de l'expérience, le dégagement de ce gaz continua. M. Collard de Martigny n'en constata pas une production tout à fait aussi abondante que l'avait fait W. Edwards , mais il acquit aussi la conviction que dans l'acte de la respiration ce gaz est exhalé de l'organisme, et ne résulte pas de l'union directe de l'oxygène inspiré avec du carbone que le sang verserait dans la cavité pulmonaire (1). (1) Collavd de MaHigny opérait sur le mercure, et après avoir comprimé sous l'eau les flancs, les fosses nasales et la bouche des Grenouilles destinées à ses expériences, il plaçait un de ces animaux sous une cloche remplie soit d'azote, soit d'hydrogène ; puis d'heure en heure, à l'aide d'un robinet adapté au sommet de la cloche, il vidait ce récipient , recueillait le gaz dans une autre éprouvette pour en faire l'ana- lyse et remplissait avec une nouvelle quantité d'azote ou d'hydrogène la cloche où se trouvait la Grenouille, La quantité d'acide carbonique s'est tou- jours trouvée un peu plus considé- rable au commencement de l'expé- rience que dans les périodes suivantes, et a toujours diminué notablement dans la dernière période. Mais cet abaissement dans le dégagement de l'acide carbonique s'explique parfai- tement par l'affaibhssement de la res- piration à mesure que l'asphyxie fai- sait des progrès ; et lors même qu'on attribuerait au résidu contenu dans le poumon au début de l'expérience la totalité de l'acide carbonique produit pendant la première période de la réclusion de l'animal dans le gaz asphyxiant, le fait de l'exhalation de cet acide, indépendamment de toute intervention directe d'oxygène dans les poumons, n'en serait pas moins évident pendant les périodes subsé- quentes Voici les quantités d'acide carbonique obtenues dans quelques- unes de ces expériences dont la durée était divisée en un certain nombre de périodes, d'environ une heure et demie ou deux heures, l'acide carbonique étant évalué en centilitres : Périodes. 1" . 2". 3". . 4'. . 5*. . VI. I. II. m. IV. v. 0 91 2,75' 1,'0 1,82 1,21 1,48 0 59 1,87 1,09 0,98 1,03 0,98 0,47 1,79 0,91 0,97 0,89 1,01 0,44 1,00 0,93 0,93 0,92 0,87 0,39 0,57 0,59 0,73 0,78 0,81 Dans rexpérience n» 1, une seule Grenouille avait été employée ;dans le n° 2 on avait placé trois de ces ani- maux sous la même cloche, et dans les autres on en avait employé deux. L'auteur les répéta dix-sept fois, et en obtint toujours des résultats analogues ; NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 4S5 M. J. Mûllcr, à l'aide d'une série de recherches où il prit de précaiilions plus minitieiises encore pour éviter les chances d'erreur dont quelques physiologistes pensaient que les expé- riences de W. Edwards pouvaient être entachées, constata également l'exhalation do l'acide carbonique en l'absence de l'oxygène dans le milieu ambiant. Ainsi, pour être bien sûr qu'il ne resterait pas d'air dans les poumons des Grenouilles dont il faisait usage, M. Mùller plaça d'abord ces animaux dans le réci- pient de la machine pneumatique et y fit le vide ; puis il les ren- ferma dans une quantité déterminée d'hydrogène parfaitement pur, et il trouva toujours qu'ils y dégageaient de l'acide carbo- nique, comme l'avait observé W. Edwards (1). J'ajouterai encore que M. Bergmann a répété de son côtelés mêmes expériences avec non moins de succès (2), et que le fait de la production de l'acide carbonique par la respiration sans le concours direct du gaz oxygène a été aussi en a-t-il déduit avec raison cette conclusion, que arexhalation de l'acide carbonique persiste longtemps après que l'inspiration de l'oxygène a cessé d'avoir lieu. » Mais, ainsi que nous le verrons par la suite, M. CoUard alla beaucoup trop loin dans sa critique de la théorie Lavoisienne, lorsqu'il consi- déra l'origine de l'acide carbonique comme ne se liant pas à des phéno- mènes de combustion organique déter- minés par l'oxygène absorbé au préa- lable (a). (1) Dans les expériences de M. Mill- ier, la quantité d'acide carbonique exhalée par des Grenouilles placées tantôt dans l'hydrogène, d'autres fois dans de l'azote, a varié entre 0,25 pouce cube et 0, 83. L'auteur a déduit aussi de ses propres recherches que les Grenouilles placées dans des condi- tions analogues, mais respirant dans l'air, produisent en six heures 0,57 d'acide carbonique, quantité qui ne s'éloigne pas beaucoup de celle obte- nue dans plusieurs cas où la Grenouille était plongée dans de l'hydrogène. Ces recherches sont consignées dans le Manuel de physiologie de Millier, trad. franc., t. I, p. 'iZi8. (2) Hans ces expériences, faites sur des Grenouilles placées soit dans de l'azote, soit dans de l'hydrogène, la quantité d'acide carbonique obtenue a varié entre 0.5 et 0,8 pouce cube (6). (a) CoUard de Maiiigny, Recherches expérimentales et critiques sur l'absorption et sur l'exha- alion respiratoires {.lownal de physiologie de Magendie, 1830, t. X, \>. 111). [b) Vojez la Pltysivlogie de Muller, t. I, ji. US. est un ccliangc de gaz entre l'organisme et l'atmosphère. ^3Q RESPIUATION. constaté également par M. Bischoff (1) et par M. Mar- ehand {^\ La respiration § h- — Ainsi, (kns l'acte dc la respiration, le dégagement de l'acide carbonique n'est pas un phénomène qui puisse dépendre directement de la présence de l'oxygène dans les poumons. En effet, le premier de ces gaz est exhalé lors même que le second n'arrive plus dans ces organes, et puisque cette production d'acide carbonifiue n'est pas interrompue par l'ab- sence de l'oxygène, on doit admettre que dans la respiration normale elle ne résulte pas davantage d'une combustion locale" entretenue dans la cavité respiratoire par l'air inspiré et par le carbone excrété. On peut aussi conclure légitimement de ces faits, que dans l'acte de la respiration l'oxygène qui disparaît est absorbé, tandis que l'acide carbonique qui apparaît est excrété de l'orga- nisme. Cette partie du phénomène de la respiration n'est donc pas (1) Voici les conclusions que M. Bi- schoff a déduites de ses expériences : « 1° Acidum carbonicum a Hanis » etiam in acribus oxygenium non )) continentibusexcernitur, unde hune » aérera jam in sanguine inesse, neque » ex oxygenio aeris atmosphœrici et » carbonico sanguinis in puhiionibus » formari sequitur. » 2° Hujus acidi carbonici quantitas » in certa quidam aeris quanlitate » eadem fere est in hydrogenio ac in » aère atmospbaerico. » 3° Oritur hoc acidum carbonicum » parlim in pulmonibus, partim in » cule, sed magis i*ysica quam orga- » nica ratione excerni videtur, quam » etiam in animalibus mortuis ejus » excretio observetur (a). » (2) Dans ces expériences faites sur des Grenouilles, M. Marchand n'a pas obtenu des résultats aussi considéra- bles que ses devanciers ; ces animaux ne vivaient pas aussi longtemps, et il suppose que dans les expériences pré- cédentes les gaz employés pouvaient contenir un peu d'oxygène; mais il me semble probable que ces diffé- rences dépendaient plutôt de Tin- fluence de la température et de l'acti- vité de la respiration de ces Batra- ciens (6). («) T -L -W. Bischoff, Commentatio 6e novis ,,ub».,/am ^r;,mmm«« cWmk^ ad 1841). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. llol une combustion , mais un simple échange entre l'air atmosphé- rique et le corps de l'animal : celui-ci s'empare de l'oxygène de l'air et verse dans l'atmosphère de l'acide carbonique. C'est le résultat de deux forces agissant en sens contraire et s'exerçant sur des matières différentes : V absorption respiratoire qui intro- duit de l'oxygène dans l'économie animale, et Vexhalation res- piratoire qui en élimine de l'acide carbonique (1). ^5. — Pour compléter la théorie des faits fondamentaux .^""^H'^/'"" Cl de 1 existence de la respiration , il fallait faire un pas de plus : déterminer ^* ^'.^"'"^X * ' r r carbonique libra comment cette absorption d'oxygène s'opère, et constater la *•*"' ^^ '^^' source de Tacide carbonique exhalé. Ainsi que je l'ai déjà dit, W. Edwards, se fondant sur les résultats de quelques expériences insuffisantes, avait été con- duit à penser que l'acide carbonique exhalé se trouve en disso- lution dans le sang veineux qui arrive aux poumons pour y subir l'influence vivifiante de l'air. Mais les recherches de M. J. Davy et de quelques autres chimistes (2) ne furent pas favorables à cette opinion ; car dans des expériences qui sem- blaient faites de manière à inspirer toute confiance , on ne parvint pas à déterminer un dégagement d'acide carbonique en quantité suffisante pour les besoins de cette théorie, et l'on chercha à se rendre compte de l'exhalation de ce gaz par des réactions chimiques dont le poumon serait le siège (3). (1) w. Edwards arriva à des con- clusions analogues au sujet de l'azote. Nous reviendrons bientôt sur ce sujet. (2) Voyez la note ci-aprôs, page Û38. (3) Ainsi MM. Mitscherlich, Gmelin et Tiedeniann n'étant pas parvenus à obtenir un dégagement de gaz lors- qu'ils plaçaient le sang dans le vide, et ayant vu au contraire des bulles s'en échapper lorsqu'ils y avaient mêlé au préalable de l'acide acétique, pensèrent que ce gaz devait se trou- ver non pas avec l'état libre, mais com- biné avec l'alcali que l'on sait exister dans le sang. Ils supposèrent aussi que dans l'acte de la respiration cet acide carbonique était mis en liberté, et se dégageait par suite de la décom- position du carbonate en question qu'opérerait un acide organique tel que de l'acide acétique, lequel, à son tour , résulterait de la combustion incomplète de quelque substance /i38 RESPIRATION. Le physiologiste dont je viens d'exposer les vues avait cepen- dant raison , et sa théorie des phénomènes de la respiration ne tarda pas à recevoir une san(,'tion éclatante. En effet, l'existence de l'acide carbonique en dissolution dans le sang, soupçonnée plutôt que démontrée jusqu'alors , fut bientôt mise hors de doute par les recherches de divers expérimentateurs habiles, surtout par le beau travail d'un professeur de Berlin, M. gnus, publié en 1837 (1). hydro- carbonée du sang. Ainsi, dans celte théorie, l'oxygène absorbé par les poumons était employé en partie à produire l'acide qui décomposerait le carbonate, puis à transformer l'acé- tate ou autre sel organique ainsi pro- duit en im carbonate (a). Cette théorie, qui au premier abord pou\ ait paraître très séduisante, a été abandonnée dès que la présence de l'acide carbonique libre dans le sang eut été constaté d'une manière indubitable, et ce fait a même été reconnu peu de temps après par l'un des auteurs des recher- ches dont je viens de rendre compte, M. Gmelin (6). (1) L'existence de gaz en dissolution dans le sang avait été annoncée de- puis fort longtemps. Déjà, dans le XVII* siècle, Mayow avait dit que du sang placé dans le vide dégage avec effervescence un gaz qu'il supposait être son esprit nitro-aérien. Voici en quels termes il s'exprime à ce sujet : « Si sanguis in vase aliquandiu serva- » tur, in vitrum collocetur, ex quo aer » per antliam aeream exhauritur, san- » guis iste in superficie, qua idem colo- » rem floridum obtinuit, leniter effer- » vescet, et in buUas assurget. Sin » autem sanguis arteriosus adhuc inca- » lescens, iu loco aère vacuo positus » fuerit, idem mirum in modum expan- » detur, et in bullulas penè infinitas » elevabitur : id quod partim a particu- » liscjus exaestuantibus, inque motum » posilis, partim ab aère particulisejus » interspersis oriri verisimile est (c). » La présjence de l'oxygène dans je sang peut être déduite aussi d'une ex- périence de Pricstley, qui est restée jusqu'ici dans l'oubli. Ayant placé du sang vermeil en contact avec de l'hy- drogène pendant un certain temps, il vit que le volume du gaz diminuait par son mélange avec du bi-oxyde d'azote (J). Fontana et Luzuriaga paraissent avoir obtenu des résultats analogues, mais je ne connais leurs expériences (a) Versuche iiher das Blut, angeslellt, in Verbiridiing nlit E. Mitsclierlich, von L. Gmelin und F. Tiedemann {Zeitschrift fur Physiologie, 1833, Bd. V, p. 1 ; roprodiiil dans les Annales dePog- HendorlJ, 1834, t. XXXI, p. 289). (6) Voyez la Préface de la Dissertation de Bischoff, inlilulée : Commentatio de novis quibusdam experimenlis ad illustrandam doctrinam de respiratione instituas. Heidelb., 1837. (c) De sal-nitro, etc., chap. 8. {Tractatus quiiique viedico-physici, quorum primus agit de tal-nitro et spiritu nitro-aereo, fie, 1074, p. 149). (d) Observ. on Respiration (Philos. Trans., illG, p. 'iii}. NATURE DE CE PIIÉNOMÈÎSE. /i39 Un des élèves de ce oliimisle, le docteur Bertuch, ayant répété l'expérience faite depuis longtemps par Vauquelin, et présentée comme nouvelle en 1835 par un médecin de {Mar- que par le peu de mots qui en a été dit dans la thèse inaugurale de M. Bi- schofT(a). Vers la fin du siècle dernier, (iir- tanner, ayant reçu du sang artériel dans un flacon rempli d'azote, trouva qu'au bout de quelques heures le gaz ainsi emprisonné avec ce liquide de- venait apte à entretenir la combus- tion, et il en conclut que de l'oxygène avait été dégagé par le sang (b). On cite aussi Rosa comme ayant fait une observation semblable (r). En 1799, Ilumphry Davy obtint un dégagement de gaz en soumettant le sang à rinfluence d'une température élevée. Dans une expérience faite sur 12 pouces cubes de sang artériel de veau chauffé graduellement jusqu'à 200 F (soit 93" centigrades), ce chi- miste obtint 1 pouce cube 1/10" de gaz acide carbonique , et 7/10" de gaz oxygène. Il obtint aussi de l'acide carbonique en chauffant du sang vei- neux humain jusqu'à la température de 112 F ( = àà" centigr.) {cl). Vogel avait observé aussi un déga- gement de gaz quand il faisait le vide au-dessus du sang, et en dirigeant à travers de l'eau de chaux le fluide aériforme ainsi obtenu, il avait vu un précipité de carbonate de chaux se former. Le sang contenait donc de l'acide carbonique libre (e). Vers la même époque, Nasse vit que de l'acide carbonique se dégage du sang lorsqu'on le laisse en contact avec de l'hydrogène pendant vingt- quatre heures (/"). Brand paraît avoir obtenu jusqu'à 2 pouces cubes d'acide carbonique en opérant sur une once de sang veineux, et en avoir trouvé aussi dans le sang artériel (y). Home et Bauer virent l'eau de ba- ryte se troubler lorsqu'ils placèrent ce réactif a côté d'un vase contenant du sang, sous le récipient de la ma- chine pneumatique où l'on faisait le vide (h). Enfin un autre médecin anglais, Scudamore, a vu, dans une série d'ex- périences sur la coagulation du sang, que l'eau de chaux, placée sous une cloche à côté du vase contenant le sang, se recouvrait promptement d'une pellicule de carbonate calcaire, tandis que dans les mêmes circon- stances une croûte semblable ne se formait qu'au bout de très longtemps, (a) Fontana et Lazuriaga, Von der wechselseitigen Thatiykeit des Blutes und Nervenstjstems^ ubersetzt von ^Vi^kel^lal. Braiinscliweig , 1804, p. H (voyez BischofT, Comment, de novis exper. ad ilhistrandam docirinam de respir., p. 13). (6) Voyez Hassenfralz, Ann. de chim., 1791, t. IX, p. 264. (c) Lettere fisiologiche, t. I, p. 370 (voyez Bisclioff, Op. cit., p. 14). {d) Beddoes, Contributions to Physical and Médical Knoivledge, p. 13-2 et 134. (e) Vogel, Vebev die E.ristem der Kohlensaiire un L'rin und tm UhUe (Journ fur Chem von Sclnveigger, 1814, Bd. XI, p. 3"J9). '' (f) Nasse, Ueber das Athmen {Dentsches Archiv fur Physiol., vonMeckcl, 181 G, Bd II p W''] (y) \oyez Home, Philos. Trans.,i8iS, p. iSi. ' (II) Philos. Trans., 1818, p. 172. [lllO RESPIRATION. gâte, M. Hoffman, vit que du sang agité avec de l'hydro- gène dégage de l'acide carbonique. Ce jeune physiologiste mourut avant que d'avoir achevé ses recherches, et M. Magnus lorsque du sang n'était pas placé sous le récipient. Il en conclut que le sang renferme de l'acide carbonique (a). Dans d'autres expériences, il dé- termina le dégagement de l'acide car- bonique en plaçant le sang sous la cloche de la machine pneumatique, et vit un précipité se former quand il fil passer le gaz dans de l'eau de ba- ryte ; mais les quantités obtenues de la sorte étaient toujours très fai- bles (6). A ces divers témoignages en fa- veur de l'existence du gaz acide car- bonique on dissolution dans le sang, qui set rouvaient déjà enregistrés dans les archives de la science à l'époque de la publication du travail de W. Ed- wards sur la nature du phénomène respiratoire, il faut encore ajouter les résultats obtenus par Vauquelin et pu- bliés dans l'ouvrage de ce physiolo- giste : savoir, qu'en présence du gaz hydrogène, le sang dégage du gaz acide carbonique (c). Quelques années plus tard, M. Col- lard de Martigny apporta de nouveaux faits à l'appui des vues de VV. Edwards. En plaçant du sang qui n'avait pas reçu le contact de l'air dans le vide barométrique, ce physiologiste obser- va un dégagement de gaz, et il re- connut que le fluide aériforme ainsi obtenu était absorbé en entier par la potasse ; d'oîi il conclut que c'était de l'acide carbonique, et que le sang ne contient pas d'oxygène libre, comme l'avait avancé Girtanner (rf). Le même expérimentateur chercha ensuite si le sang veineux contient plus de gaz acide carbonique que le sang arté- riel , et résolut la question affirmati- vement (e). Enfin il trouva que par la suspension de la respiration, la quantité de gaz acide carbonique resta stationnaire dans le sang veineux , mais augmenta notablement dans le sang artériel (/"). Ces résultats parurent concluants aux yeux de beaucoup de physiolo- gistes ; mais d'autres objectèrent que la quantité d'acide carbonique dégagé de la sorte par le sang était d'ordinaire tellement petite, qu'on ne pouvait attribuer à cette source l'exhalation abondante du même gaz dont les poumons sont le siège. Enfin quelques chimistes nièrent complètement les faits annoncés par les derniers auteurs dont je viens de parler. Ainsi, en 1828, M. J. Davy, le frère du célèbre chimiste, ne réussit pas à extraire de l'acide carbonique du sang par l'action de la pompe pneuma- tique {g) , et il crut reconnaître non- seulement que ce liquide n'en fournit (a) Scudumore, Essay on Dlood, 1824, p. 28. (fe) Op. cit., p. 105. (c) Voyez W. EiKvarils, Infl. des agenU physiques sur la vu, p. 465. (d) Colbrd de Martigny, Rech. sur Vabsorpt. et Vexhalat. respiratoires (Journ. de physiol. expér. deMageiidie, 1830, t. X, p. 110). (e) Lac. cit., p. 127. (/■) Lac. dr.,p. 129. ((/) J. Davy, Observ. relative to the Question " h there atiy Free Carboiuc .\cid in the Blood {Edinb. Med. aiid Surg. Journ., 1828, \ol. XXIX, p. 2.^3). NATLRR DE CE PHÉNOMÈNE. liki les continua. Celui-ci ne se contenta i)as d'avoir constaté le Expériences dégagement de l'acide carbonique du sang dans lequel on lait Ma^-nus. passer un courant soit d'hydrogène, soit d'azote ; il mesura la que par l'oiTet de la pulréfaclion, mais aussi ne serait pas susceptible d'ab- sorber de l'oxygène quand il est dans son état normal (a). M. Chrislison fit voir que celle dernière concliision n'élaitpas fondée, et que le sang agité avec de l'air ab- sorbe de l'oxygène et dégage de Facide carbonique ; mais ses expériences ne jetèrent aucune lumière nouvelle sur la question de la préexistence de ce dernier gaz dans le fluide nourri- cier (6). En 18o'->, m\. Mitsclierlicli, Gmelin et Tiedemann , comme nous l'avons déjà dit , arrivèrent également à un résultat négatif (c). Il en fut de même dans les recher- ches faites à Goettingue par Stro- meyer ((/). Enfin, M. Millier ne fut pas plus heureux dans les essais qu'il tenta pour dégager, à l'aide de la pompe pneumatique, du gaz acide carboni- que du sang, peu de temps avant la publication de la première édition de son Manuel de physiologie (e). A cette époque, il régnait donc en- core une grande incertitude au sujet de la présence de gaz acide carboni- que en quantité notable dans le sang veineux, et la queslion ne pouvait être en aucune façon tranchée par les expé- riences d'un médecin anglais, M. Ste- vens, qui publia on 1832 de nouvelles vues sur la théorie de la respiration, et qui est cité dans la plupait des trai- tés de physiologie comme ayant été la premier à bien constater l'existence de ce gaz en dissolution dans le sang. Dans son premier ouvrage sur ce su- jet, 'm{\[\x\é Observations on the Heal- thy and Diseased Properties of the Blood, il n'ajouta rien de nouveau sur ce point, et se fondant sur l'autorité de Vogcl, Brande, etc., pour admettre l'existence de l'acide carbonique libre dans le sang, il chercha à expliquer le dégiigement de ce gaz dans la res- piration, en attribuant à l'air une force aitraciive qui le ferait sortir du li- quide où il se trouverait en dissolu- tion. Dans la singulière hypothèse de Stevens, l'oxygène ne serait pas ab- sorbé par l'organisme, et ne servirait qu'à attirer ainsi au dehors l'acide carbonique dont la présence serait la cause de la teinte sombre du sang veineux, A ces idées bizarres, si peu propres à fixer l'attention des physio- logistes-physiciens, se trouvèrent mê- lées quelques observations intéres- santes sur l'influence des principes salins du sang dont j'aurai à parler par la suite. Enfin, dans une seconde pu- blication sur la théorie de la respira- (a) J. Davy, ObseiTations on the Cuacjulalion oflJlood [Edinhurgh Med. and Surg. Journ., 1828 vol. XXX, p. 248). (6) Obsci'v. to Endeavoiir to Assertion if Dead Animal Maller Absorhs Air on E.vposurc to the Atmosphère {Op. cit., 1830, vol. XXXIV, p. 247 et suivantes). (f) Clirislison, Inquirij on sonie Disputed Points in tlie Chemical Pliysioloijy of the Dlood and Respiration {Edinb. Med. and Surij. Journ., 1831, vol. X.\.\V', p. 9i). (d) Dissertatio liberumne acidum sanguine eniittatur, 1831. (c) Ilandb. der PliysiuL, M. I, p. 312. I. 56 /|/j2 RESPIRATION. quantité de gaz obtenu de la sorte, et s'assura qu'elle équivaut au moins à un einquième du volume du sang employé. M. Magnus obtint le môme résultat en faisant passer dans le sang un courant d'air atmospbérique, et il remarqua que dans toutes ces expériences la quantité d'acide carbonique dégagé était tion, insérée dans les Transactions philosophiques de la Société royale de Londres en 1835, M. Stevens, après avoir échoué dans ses tentatives pour déterminer le dégagement de Tacide carbonique du sang au moyen de la pompe pneumatique, reconnut la pré- sence d'une petite quantité de ce gaz dans de Thydrogène qui avait séjourné sur du sang pendant quelques heures; résultai que Vauquelin avait obtenu dix ans auparavant, et que W. Ed- wards avait consii^né dans son travail sur la respiration. Ainsi, sous ce rap- port, M. Stevens ne fit faire aucun progrès à la question qui nous occupe. Un autre physiologiste anglais, M. Holhnan, de iMargale, avait éga- lement répété l'expérience de Vau- quelin sans savoir que ce chimiste l'eût pratiquée, et il était arrivé à constater aussi un dégagement de gaz acide carbonique lorsqu'on agite le sang avec de l'hydrogène ; mais, au lieu d'employer du sang normal ou simplement délibriné , il se servait d'une dissolution de la matière colo- rante du sang dans le sérum (a). En 1836, un physiologiste hollan- dais, M. Enschut, répéta les expé- riences faites à l'aide de la machine pneumatique, et retira ainsi de ZjO cen- timètres cubes de sang veineux d'un Veau entre 2 et i centimètres cubes de gaz acide carbonique. La même quantité de sang artériel ne lui fournit qu'entre 1 et 2, 5 centimètres cubes de gaz. il signala aussi diverses circon- stances qui avaient pu faire manquer les expériences de ce genre entre les mains de quelques-uns de ses devan- ciers. Enfin il reconnut aussi l'exis- tence du gaz azote en dissolution dans le sang, mais son travail resta pres- que inconnu jusqu'au moment où M. Magnus eut établi de son côté le fait en question (h). L'année suivante, le professeur Bis- chofl', de ileidelberg, constata éga- lement le dégagement de l'acide carbonique du sang, soit par l'action de la pompe pneumatique, soit par le contact prolongé de l'hydrogène et de l'azote (c). Enfin, des résultats analogues fu- rent obtenus aussi à Edimbourg par i\K Mailland {d). On voit donc que la question traitée par \L Magnus était en grande partie résolue par ses devanciers; mais ce physicien eut le grand niérite de dé- montrer nettement les faits plus ou moins imparfaitement aperçus avant lui, et de donner à ses expériences ce ln\ london Médical Ca-Mtc, Mardi 1833, et par extrait rlans les Annales des sciences nul., isïi/^- irie, t. 1. p. 315. elles Arch. grn. demM., 1834,2- série, t. IV p 0b5. (M Enschut, Disseviatw phijsiolo,iico-med,ca de respvahonis chymmno. Lirecht, 18. b ,- Bi.d.otT Commentatiode novis quibusdame.riicrimenlis cliimico-physiotogicis ad illustran- damdoch-inamde,espiratwneinstUuasAlM.,m-. (d) Mailland, Experimoilnl Essny on thc Physiolo pour ruiner la première partie de » cette doctrine, de considérer cpie le » sanç] contient tout formé de l'acide » carboniciue dont il se débarrasse n dans notre poumon (a). » Ainsi voilà le fait qui confirme de la manière la plus positive les vues de W. Edwards transformé par M. Bé- rard en un argument qui les ren- verserait. Je ne comprends réellement pas comment cet auteur ait pu être conduit à faire un seml)lal)le raison- nement, et je manquerais à mes de- voirs comme historien, comme criti- que et comme frère du physiologiste dont la doctrine a été l'objet d'un pa- reil jugement, si je le laissais passer sans réplique. Serait-ce que M. Bé- rard suppose la présence d'ime ma- tière excrémentilielle dans le sang in- compatible avec l'expulsion de celte matière par la voie des sécrétions oq de l'exhalation ; mais le fait de la pré- sence de l'urée dans le sang et de son expulsion par la sécrétion urinaire, fait qui ne saurait être ignoré d'aucun physiologiste de nos jours, est là pour lui répondre. Quant â l'idée de Vengendrement de l'acide carbonique par la force pro- pre du poumon, je ne sais vraiment où il. Bérard a pu croire la rencon- trer dans lés écrits de mon frère. Du reste, pour juger de la valeur de la critique étrange que je viens de rapporter, il suffit de lire le passage du livre De l'influence des agents phij- signes sur la y;>. que j'ai cité ci-dessus (page Zi33). passage où W. Edwards dit positivement que dans son opinion, c'est le sang qui doit contenir tout formé l'acide carbonique dont l'exha- lation pulmonaire détermine l'élimi- nation. Puisque j'ai été conduit à relever ici quelques-unes des injustices com- mises envers la mémoire de mon frère, j'ajouterai qu'il me paraît peu convenable de la part de M. Magnus d'avoir cité les expériences de M. Mill- ier sur le dégagement de l'acide car- la) Bcrunl, Cours 'le physioUigie, t. III, p. 396. /j^6 RESPIRATION. de cette omission, M, Magnus, de même que W. Edwards, considéra donc l'oxygène de l'air comme devant être absorbé par le sang pour être employé dans la profondeur de l'orga- nisme, et l'acide carbonique comme ne se formant pas dans les poumons , mais étant apporté dans ces organes par le fluide nourricier, et ensuite exhalé au dehors. M. Magnus chercha même à faire un pas de plus dans l'explication des phénomènes de la respiration , et pour cela il s'appuya sur des recherches déjà anciennes de Dalton. Ce philosophe expérimentateur avait trouvé que lorsqu'un liquide chargé d'un gaz est mis en contact avec un autre gaz, il abandonne une portion du premier en même temps qu'il dis- sout une portion du second ; mais que cette substitution n'est jamais complète, et que le liquide retient toujours une portion de l'un et de l'autre gaz (1). Or, si l'on applique l'observation de Dalton aux phénomènes dont l'étude nous occupe ici , on peut prévoir les changements chimiques qui doivent se pro- duire par le fait de la respiration tant dans la composition de l'air que dans celle des gaz dissous dans le sang. Effectivement du sang veineux chargé de beaucoup d'acide carbonique, d'un peu d'oxygène et d'un peu d'azote, arrive en bonique chez des animaux qui respi- rent dans un gaz exempt d'oxygène, et d'avoir passé complètement sous silence les expériences dont celles-ci n'étaient que la répétition. Je me plais à croire que c'est parce que M. Rlag- nus ne connaissait que les travaux de son compatriote sur ce sujet, et igno- rait ce que W. Edwards avait fait dix ans auparavant sur le même sujet. Si je ne ciaignais de consacrer trop de place à une question qui m'est presque personnelle, il me serait facile de montrer aussi que justice n'a pas éié rendue aux travaux de ce dernier physiologiste dans l'article d'ailleurs si remarquable d'un physicien illustre, destiné à mettre en lumière les ser- vices rendus à la science par le travail de MM. Regnault et Reiset sur la respiration (o). (1) On the Absorption of Gases by Water and other Liquids, by J. Dalton {Mem. of the Literary, and Philoso- phical Soc. of Manchester, 1805, 2' série, t. I, p. 271). (a) Voyez Biol, dans le Journal des savants, août 1849, p. 51*. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. /l47 contact avec l'air inspire, on du moins ne s'en trouve séparé que par une membrane mince et perméable qui n'est pas de nature à s'opposer au passage des fluides aériformes. L'oxy- gène de l'air est soluble dans le sang, ce liquide doit donc en absorber : mais en se chargeant ainsi d'oxygène, il doit abandonner à l'air, qui est pauvre en acide carbonique, une portion de ce gaz qu'il tenait en dissolution ; par conséquent, l'oxygène absorbé doit pour ainsi dire se substituer à l'acide carbonique, et son absorption être accompagnée d'une exha- lation de ce gaz. Pour se rendre compte des phénomènes fondamentaux de la TheWie respiration, il suffit donc d'y appliquer les observations précé- m. «inus. dentés de Dalton relativement à la dissolution des gaz. Or, c'est ce que M. Magnus a fait ; et par conséquent, dans la théorie pro- posée par ce chimiste, la respiration serait le résultat d'un simple échange entre les gaz du sang et les gaz constitutifs de l'air inspiré , échange qui serait réglé par les lois ordinaires de la physique , et qui serait une conséquence éloignée de l'élimina- tion de l'oxygène l.ibre du sang dans la profondeur de l'orga- nisme par des causes dont nous n'avons pas à nous occuper pour le moment, et de l'entrée incessante d'acide carbonique dans le sang, qui d'artériel devient veineux. Le siège des phé- nomènes chimiques de la respiration ne serait pas dans les poumons, mais dans les parties de l'économie où cette trans- formation du sang s'opère, c'est-à-dire, conmie nous le verrons par la suite, dans le système des vaisseaux capillaires interposés entre les artères et les veines et distribués dans la substance de toutes les parties du corps. En d'autres mots, toutes les alté- rations chimiques produites dans l'air par la respiration des animaux seraient des résultats directs de simples pbénomènes de dissolution , et l'espèce de combustion par laquelle on rend compte de l'emploi incessant de l'oxygène absorbé et de la for- nnation de l'acide carbonicpie excrété serait un phénomène d'un j^/^8 RESPIRATION. autre ordre qui n'interviendrait que d'une manière indirecte dans ce premier acte du travail resi)iratoire. § 6. _ Une objection, qui au premier abord pouvait paraître très grave, a été faite à la théorie de M. Magnus par Gay- Lussac (1). Si l'acide carbonique dégagé pendant la respiration se trouve tout formé dans le sang qui arrive à cet organe, c'est- à-dire dans le sang vemeux, et s'en sépare au moment où ce liquide absorbe de l'oxygène, il faudra que le sang qui a res- piré et qui sort du poumon, ou en d'autres mots le sang arté- riel, en renferme moins que le sang veineux. Or, en comparant entre elles les moyennes fournies par les expériences de M. Magnus sur ces deux sortes de sangs, Gay-Lussac n'a pas trouvé de différence de ce genre, et par conséquent il lui a semblé impossible d'attribuer à cette source l'acide carbonique qui s'échappe du poumon à chaque expiration. Gay-Lussac tait remaniuer aussi que la quantité d'oxygène qui disparaît dans la respiratiou est seize fois plus grande que celle dont pourrait se charger dans les mêmes circonstances une quantité d'eau pure égale au volume du sang qui traverse les poumons. La première de ces deux objections ne repose pas sur des bases bien solides ; car, en rendant compte de ses expériences, M. Magnus avait eu soin de dire que jamais elles n'avaient été conduites de manière à déterminer l'épuisement des gaz dissous dans le sang ; la durée n'en avait pas été la même, et elles étaient trop peu comparables pour pouvoir fournn^ par leur réunion un résultat moyen de quelque valeur. D'ailleurs le dégagement de gaz obtenu à l'aide du sang artériel fiit-d toujours plus abondant qu'avec le sang veineux, cela pourrait dépendre de (^e que ce dernier les retiendrait plus fortement que ne le ferait le sang artériel. Les déductions théoriques de (1) Gay-Lussac, Observations cri- chim. et de phys., 3' série, 18W, tiques sur la théorie des phénomènes t. XI, p. 5). chimiques de la respiration {Ann. de NATL'RF. 1)K CE PHÉNOMÈNF:. /J/^Q M. Maginis étaient basées siii- les . 273 et siiiv. ^l'^^ HESPiHATION. sant dans la profondeur de l'organisme par la même voie que l'aeide siilfhydriqiie peut déleriiiiner la mort , lorsqu'il se trouve mêlé, même en proportions très petites, à l'air inspiré ; et quand on examine le cadavi-e de personnes asphyxiées de la sorte, on trouve souvent des indiees de la présence de ce gaz jusque dans la profondeur des i)arties du corps les plus éloi- gnées des poumons (\). Les effets toxiques sont d'ailleurs les mêmes lorsqu'on détermine l'absorption rapide d'une certaine quantité d'acide sulfhydrique par toute autre voie : en l'injectant directement dans les veines, par exemple (2); et j'ajouterai que c'est aussi en se dissolvant dans le sang que la plupart des gaz délétères et des vapeurs nuisibles agissent sur l'organisme de ceux qui les respirent. Exiiaiaiions & Q. — D'autres faits rrue les phvsiologistes négligent à a.ciHentciies. fort dïms la discussiou de la question dont nous nous occupons ici, montrent que tous les gaz tenus en dissolution dans le sang se dégagent de ce liquide dans le travail respiratoire, comme nous l'avons vu par l'acide carboni(]ue. On sait, par les expériences de Redi et de quelques autres (1) Des faits de ce genre oui lété mais, en général, ils exercent leur observés par plusieurs piiysiologistes, action nuisiijle par suite de leur et notamment par Broughton (a). absorption et de leur dissolution dans (2) Dans les asphyxies positives, le sang. Ainsi, dans les expériences de ainsi que je l'ai déjà dit (page /4I9), Nysten sur le gaz acide sulfhydrique, la mort arrive non à cause de Tinter- des effets analogues à ceux résultant ruption de la respiration, mais parce de la respiration d'un air rendu mé- que l'air respirable se trouve mêlé à phitique par la présence de cette une certaine quantité d'un autre fluide substance ont été produits quand aériforme qui est doué de propriétés l'absorption rapide s'en faisait soit toxiques. Quelquefois ces gaz, dits dé- par la surface de la peau, soit par lélères,agissent principalement en irri- celle de la plèvre, ou bien encore tant les voies respiratoires .: le chlore lorsqu'on en injectait directement et l'acide sulfureux, par exemple ; dans le sang en circulation (6). (a) Brougliton, An Expérimental Inqniry into the Physiological Effects of Oxygen and olher Grises uyion the Avhnal System (Qunrterly .lourn. of Seieii., Literat. and Arts, 1830 jaii., p. 1). (b) 7\yilcn , Recherclies de plujswlogie et de chimie patliologiques, p. 114 et suiv. NATURE DE CE l'HÉNOiMÈNE. 453 physiologistes du xvii' siècle (1), que de l'air injecté en quantités un peu considérables dans les vaisseaux sanguins d'un animal vivant déterniine des accidents graves, et souvent même une mort très prompte. Nous verrons plus tard à quelle action mécanique ces effets doivent être attribués ; dans ce moment il me suffira de dire que Nysten , tout en élucidant cette question, montra que les mêmes injections pratiquées d'une manière graduelle, avec lenteur et dans des limites déterminées, n'étaient pas mor- telles; il en profita pour étudier l'action de divers gaz sur l'éco- nomie, et en examinant les produits de la respiration chez un animal dans les veines duquel il avait injecté de l'hydrogène en quantité convenable pour que ce gaz fût dissous dans le sang, il en. retrouva des traces dans l'air expiré. Il en fut de même lorsqu'il eut chargé le sang d'une certaine quantité d'acide sulfhydrique ; ce gaz s'échappa de l'organisme par les voies respiratoires (2). (1) François Hedi, qui est connu sur- tout par ses travaux sur la génération prétendue spontanée, rendit compte de ses expériences sur l'introduction de Tair dans les veines, à l'anato- miste Stenon dans une lettre datée de 1667 (a). Vers la même époque, Antoine de FJeide constata aussi les effets nuisibles de ces injections sur un Chien, mais dans une autre expé- rience il vit l'animal se rétablir (6), Camerarius obtint des résultats ana- logues (c) , et ses expériences furent ensuite répétées par Harder (d), Bohin (e), Sproegel (/) et Bichat {g). mais sans fournir aucun résultat nou- veau de quelque importance. En 1811, Xysten fit à ce sujet des recherches nombreuses et intéressantes. Enfin , plus récemment, de nouvelles expé- riences ont été faites sur le même su- jet, à l'occasion des accidents mortels qui parfois se produisent dans les opé- rations chirurgicales par suite de l'in- troduction accidentelle de l'air dans les grosses veines du cou, d'abord par Magendie {h] , puis par Amussat (?)• (•2) Recherches de physiologie et de chimie pathologiques, par Myslen, 1811, p. 1/15. (a) Voyez Morçagni, De sedibus et caiisis movborum, lib. I, cpist. v, g 21. (b) Centuria observationum medkarum, 1683, obs. 90. (c) Ephem. Naturœ curios., 1080, dec. 2, ohs. 53. {d} Havdeeus, Apiarium observatwnibus inedicis, ltî8. (e) Botiin, Circulus anatomico physioUxjicus, tilO", p. 09. (/■) Sproegel, Exper. circa varia venena, Dissert, inaug. Gœtting'., 1753. i'j) Bichat, Recli. sur la vie et la mort, p. 268 et siiiv. {h) Journal de physiologie, 1821, t. I, p. 190. (ij Amussat, Rech. sur l'inlrod. accid. de l'air dans les veines, 1839, iii-8. 454 RESPIRATION. Conclusions. § 10. — Aiiisl, il est bien établi : Que tous les gaz tenus en dissolution dans le sang peuvent s'échapper de l'organisme par les voies respiratoires ; Que le sang veineux, en arrivant dans l'appareil où la respi- ration a son siège, tient en dissolution de l'acide carbonique libre; ou du moins dans un état de combinaison faible qui permet le dégagement de ce gaz sous l'influence des forces physiques qu6 nous savons pouvoir intervenir dans le travail respiratoire ; Que dans ce travail il y a excrétion d'acide carbonique; Que l'acide carbonique exhalé ne se produit pas au moment même, mais préexiste dans l'organisme, et s'en échappe, quelle que soit la nàtiire des gaz inspirés; Enfin que la quantité d'acide carbonique apporté ainsi dartS l'appareil l^espiMtoire par* le sang est supérieure {^ celle qui s'en échappe. Il est donc légitime de conclure que l'acide carbonique dont l'air se trouve chargé par la respiration des animaux provient d'une simple exhalation , qu'il est fourni par le sang, et qu'il préexiste dans ce liquide. Nous voyons d'autre part que dans le même travail une cer- taine quantité de l'oxygène de l'air disparaît ; Que de l'oxygène se retrouve à l'état libre dans le sang; Que l'absorption de ce gaz par du sang chargé d'acide car- bonique est accompagnée du dégagement d'une portion de ce dernier gaz; Enfin que dans le sang qui n'a pas respiré, ou sang veineux, la proportion de l'acide carboniiiue comparée à celle de l'oxy- gène libre est plus grande que dans le sang artériel, c'est-à-dire le sang qui a déjà subi le contact de l'air. Il semblait donc logique de conclure qu'il y a là une relation de causes et d'effets ; que dans la respiration il y a absorption de l'oxygène de l'air parle sang, et que l'oxygène, en se dissol- vant dans le sang, déplace pour ainsi dire de l'acide carbo- NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. /l&5 nique qui se trouvait tout rornié dans ce liquide et en détermine l'exlialation , ou du moins que ces deux résultats inverses sont dus à une cause unique (1). Quant à l'emploi de cet oxygène dans l'organisme et à la source éloignée de l'acide carbonique ainsi expulsé, je ne m'en occuperai pas en ce moment. Nous verrons plus tard que la belle théorie de Lavoisier, modifiée seulement quant au siège de la combustion physiologique, résout ces questions. Ici je dois me borner à montrer que la respiration proprement dite est bien un phénomène d'absorption et d'exhalation simulta- nées, un échange de gaz s'effectuant entre le sang et l'air atmosphérique. 3Iais quelles sont les lois qui régissent cet échange, et dans quel état les gaz charriés par le sang se trouvent-ils dans ce liquide? § 11. — Dans ces derniers temps, M. Yierordt, l'un des P"''^ médecins physiologistes les plus habiles de l'Allemagne , a ieté '^''tT'"'' 1 1 I • ^ c 7 j l'exhalation beaucoup de lumière sur ces questions importantes (2) . des gaz 13 après les expériences de M. 31agnus, les physiologistes , la respiration. tout en reconnaissant que l'acide carbonique exhalé par les (1) Pour l'explication de cet échange de gaz entre le sang et l'air, voyez Je paragraphe ci-après, page Zi57. (2) Les travaux de .M. Vierordt sur sur la respiration portent exclusive- ment sur l'homme et quelques Mam- mifères, et ne sont pas de nature ù être exposés ici avec détail. Aous y reviendrons dans une prochaine leçon, quand nous étudierons plus spéciale- ment les phénomènes de la respira- tion chez les Vertébrés pulmonés. Je me bornerai donc pour le moment à renvoyer aux ouvrages dans lesquels ce physiologiste a consigné les résul- tats de ses expériences et a développé ses vues théoriques (a). Les expériences de M. Vierordt ont été l'objet de quelques critiques peu importantes (6,, auxquelles ce physio- logiste a répondu dans deux articles spéciaux (c). (a) Vierordl, Physiologie des Athmens. Karlsnihe, 1845. -- Respiralion (Wagjiur's Handwtjrtevhuch der Physiologie, Bd. II p 8«8l (6) Loxvenberg, Henchl Mer die neuesten expevimenlellen Le,stungen m Be^^ua auf den 1 r'iïïrlïrsler '""""" '^""''"^ "" ■e^.rmen,.//e. PauJogie und nZlogli t (c) Vierorclt, In Sachen der Respirât ionslehre (Zeitschr. fur ration. Med., 1840, B,l V p 143) — Noch eme Antwort an H. Lôwenberg {loc. cit.. p. 457). '^ '' /j56 RESPIRATION. animaux existe déjà tout formé dans le sang, et que l'oxygène qui disi)arait dans le travail respiratoire est simplement absorbé par ce même liquide, considéraient ces phénomènes comme des choses essentiellement connexes,*et pensaient que le dégagement de l'acide carbonique était la conséquence de l'absorption de l'oxygène ; que ce dernier gaz déplaçait l'autre, et que par con- séquent il devait y avoir une relation constante entre la quan- tité d'acide carboniipic qui pénètre dans le sang et la quantité d'oxygène qui en sort. M. Vierordt a donné de cet échange des gaz entre le fluide nourricier et l'atmosphère une autre exph- cation qui est plus satisfaisante. Elle ne suftit pas , il est vrai , pour nous rendre complètement compte de tous les faits obser- vés, car les forces physiques que M. Yierordt met en jeu ne sont certainement pas les seules qui interviennent dans le tra- vail complexe de la respiration , mais elle nous donne la clef des phénomènes fondamentaux dont l'étude nous occupe en ce moment. Cette théorie repose entièrement sur les lois qui régissent les mélanges des gaz et des liquides, et qui ont été établies vers le commencement du siècle actuel par deux physiciens anglais, Henry et Dalton (1). Aussi, pour la faire connaître, me semble- t-il nécessaire de rappeler en peu de mots comment ces phy- siciens interprètent les faits de cet ordre. • L,i, Les molécules des fluides élastiques, comme on le sait, sont ""defiaT douées d'une force répulsive en vertu de laquelle ils se répan- ei des liquides, ^i^j^j ^j^j^g j.^ totalité de l'espace qui leur est ouvert et exercent (1) Les expériences de Henry (a) fu- ce sujet, résultats dont Texactitude, à rent publiées avant celles de Dalton (6), un degré d'approximation suffisante, mais c'est principalement à ce dernier a été confirmée récemment par les que l'on doit les résultats obtenus à recherches de M. Bunsen (c). (n) W. Heiirv, Exper. on the Quantity of Gases absorbedhy Watev (l'hil. Trans.,\»03,\>.^d}. (6) Diilion, On the Absorpiion of Gases by Water and othev IJquids {Mcm. of Ihe IMerary ana Philos. Soc. of Manchester, J805, 2° série, vol. I, p. 271). (c) Bunsen, Veber das Geseli der Gnsabsorplion (Annalen dev CUem. iind Ihavni., l»û», Bd. XCllI, i>. i, et par extrait : Ann. de chim., 18&5, 3» série, I. XLlli, p. -iVlî). NATUKE DE CE PHÉNOMÈNE, ll^l. une pression contre les obstacles qui s'opposent à cette diffu- sion. Or, quand un gaz se trouve en contact avec de l'eau ou tout autre lifpiide avec lequel il ne contracte aucune combi- naison cljimi((uc, il pénètre en quanlilc plus ou moins consi- dérable entre les niolécules de ce corps, comme si les espaces que celles-ci laissent enlr(3 elles élaient des vides. Le vo- lume du pjz (|ui se dissout ainsi est une certaine fraction du volume du liquide, et cette traction, qui varie suivant les natures respectives du gaz et du liquide, est toujours la même pour le même gaz dissous dans le même liquide, quelle que soit d'ailleurs la pression que ce gaz supporte. Le rapport reste aussi constant pour chaque gaz entre le nombre de molécules qui se logent de la sorte dans un certain volume de liquide et le nombre de molécules du même gaz qui occupent un espace égal dans l'atmosplière en contact avec la surface libre de ce liquide. Ce qui règle la quantité (ou, pour parler plus exacte- ment, le poids) du gaz dont un dissolvant se charge, c'est donc, toutes choses égales d'ailleurs, le degré de tension de ce même gaz dans l'atmosphère adjacente, ou en d'autres mots le degré d'écartement ou de rapprochement de ses molécules dans ce dernier milieu. Ainsi quand de l'eau se trouve en contact avec une atmos|)hère formée d'acide carbonique , elle en absorbe jusqu'à ce (pic l'équilibre se soit établi entre la pression exercée sur sa surface par cette atmosphère et la pression en sens inverse exercée sur cette même atmosphère par le gaz interposé entre ses molécules (1). Si, |)ar une circonstance quelconque, la pression exercée par l'acide carboni(iue gazeux vient à aug- (1) Il est bien entendu qu'il ne diminuée par Taction exercée sur s'agit ici que de la pression effective celles-ci par les molécules du liquide exercéesurralmosphère continue par qui les renferme, circonstance dont le gaz en dissolution, pression qui d('pend le degré de solubilité de ce dépend de la force expansive des tluide élastique, molécules do ce gaz, augmentée ou I. i« /t58 nESPlRATlON menter, un plus grand nombre de molécules de ce fluide élas- tique pénétreront dans l'eau, et sous un même volume l'acide carbonique dissous sera en plus grande quantité; tandis que, dans le cas contraire , lorsque la tension du gaz acide carbo- nique extérieur vient à diminuer , la force expansive du gaz dissous n'étant plus contre-l)alancée, une portion de celui-ci se dégagera, jusqu'à ce que l'équilibre de pression se soit rétabli. L'entrée du gaz dans le liquide qui le dissout, ou sa sortie dépendra donc du degré de tension de ce même gaz dans l'at- mosphère qui est en contact avec la surface libre du liquide; et quand cette atmosphère , au lieu d'être formée d'un seul gaz, comme je viens de le supposer, se trouve composée de deux ou de plusieurs lîuides élastiques , (^hacun d'eux se comporte comme s'il était seul et avait le même degré de tension qu'il présente dans ce mélange , c'est-à-dire avait ses molécules écartées entre elles à la même lu[)art de ces livres il n'en est pas f|uestion , et par conséquent j'ai cru nécessaire de les expliquer ici (1). En effet, les expériences de Vicrordt tendent à établir (pie les choses se |)assent de la même manière entre le sang et l'air atmosphé- rique ; de sorte <]ue l'échange des gaz qui constitue la partie essentielle de ce premier acte du travail respiratoire ne serait qu'une (;onsé(]uence de la solubilité des fluides élastiques dans le sang et des rapports existants entre la pression qu'ils exer- cent dans ce liquide et la pression propre à chacun d'eux dans (1) Voyez, pour pins de détails à ce sique dp l'Ecole pohjlechnùpie, par sujet, l'article sur le mélange des gaz IM. Lamé, t. F, p. 101 et suivantes et des liquides dans le Cours de jdnj- (1836). f^QQ ' KESP1RA.TI0N. l'air qui arrive au contact de la surface respiratoire et qui con- stitue l'atmosphère contiguë au milieu dissolvant constitué par lé fluide nourricier. Si les choses se passent de la sorte dans l'économie animale, les phénomènes chimiques de la respiration doivent dépendre principalement des rapports qui existent entre la quantité de gaz oxygène et de gaz acide carbonique dont le sang est chargé quand il arrive au contact de l'air inspiré et la ([uantité de cha- cun de ces mêmes gaz contenus dans l'atmosphère respiratoire « formée par cet air ambiant. Ainsi le sang veineux étant chargé d'une certaine quantité d'acide carbonique, et arrivant en contact avec un fluide élastique , devra en exhaler ou en absorber suivant que cette atmosplière gazeuse extérieure ne contiendra pas assez d'acide carbonique pour que la fraction de la pression totale appar- tenant à celui-ci soit apte à contre -balancer la tension exercée par le même gaz en dissolution dans ce liquide, ou en contien- dra une proi)ortion telle que la tension de l'acide carbonique atmosphériciue sera supérieure à la tension de l'acide carbo- nique sanguin. La (juantité exhalée ou absorbée serait donc subordonnée à ces deux circonstances. Voyons si les choses se passent réellement de la sorte. L'air que nous inspirons d'ordinaire ne contient qu'une pro- portion très faible d'acide carbonique ; le sang fortement chargé de ce gaz doit, d'après cette théorie, en abandonner, ainsi que cela a lieu : mais la quantité exhalée ainsi dans un temps donné doit diminuer à mesure que la proportion de ce même gaz existant dans cet air augmente. Si l'air inspiré se renouvelle assez rapidement pour ne se charger que de quelques millièmes de ce gaz , la quantité versée dans l'atmosphère par le sang devra être beaucoup plus considérable que si ce même air, en séjournant longtemps dans nos poumons, s'était mêlé à une forte proportion d'acide carboni(iue. Or les expériences de NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. Zl61 M. Vierordt monlrenl (|iie c'est prérisément dé la sorte (|iie l'exhalation de l'acide carbonique s'ettecliie quand nous respi- rons : la quantité de ce gaz qui se dégage du sang est d'autant pins grande que la tension de l'acide carhonifpie est riibindl'e dans l'air dont l'appareil pulmonaire est rempli, et l'on peut de la sorte à volonté tiiire varier dans la proportion de i à ifi la quantité de ce gaz dojit notre organisme se débarrasse dans l'espace d'une minute. On sait aussi que la gêne de la respira- tion devient d'autant plus grande que la proportion d'acide cjtr- boniiiue dans l'air inspiré devient plus considérable, lors niêrtië que la proportion d'oxygène ne varie pas ; et dans quelques expériences déjà anciennes, faites par Legallois en plaçant def> animaux dans une atmosphère très riche en acide carbonique, non-seulement le dégagement de ce gaz par la respiration a été annulé, mais il s'est produit un phénomène inverse, savoir, une absorption d'acide carbonique (1). Nous avons vu aussi que dans les expériences de W. Edwards l'exhalation de l'acide carbonique s'est faite à peu près de la même manière dans une atmosphère d'air ordinaire, d'azote ou d'hydrogène. M. Marchand a trouvé également '22. (•2) Kn ellet, la densité de l'air étant prise pour unité, colle de Toxygène est 1,10563, et celle de l'acide carbo- nique 1,5'2910. La racine carrée de 1,10563 = 1,0315, et celle de 1,5391U = 1,'2366. • Il devra donc passer f^ = 0,8503 d'acide carbonique pour 1,0000 d'oxy- gène. (3) Les expériences de MM. Valen- lin et Brunner lurent faites sur l'homme, et donnèrent toujours à peu près 1 volume d'acide carbonique ex- halé pour 1, 17602 d'oxygène absorbé. Les résultats observés ne s'éloignaient de ceux calculés d'après la loi de (Graham que de ^h («)• ^» des disci- ples de Valentin, M. G. von Erlach, a fait une série d'expériences sur la respiration du Chien, du Chat, de l'É- cureuil, de la Souris, du Cochon d'Inde et de la Grenouille, dont les ré- (0 Valentin un,i Brunner, Uelev das Verhàltniss der bel dem Athmen des ^f'^f'^l^'^'mr schiedenen Kohlensdurc ^tc dem auvch jeuen Prore.ss aufgenonmenen SauerslnUe (A,chw lur Physiol. Hediiunde 1843, Bd. 11, p. 373). r,A , o ai"1 — Valentin, Lelirbuch der Physiologie des Menschen, 184i, Bd. I, i i.s.". NATLUE DE CE l'IIÉNOMÈNE. /jG5 Mais cette explication théorique , toute séduisante fin'elle pouvait paraître an premier abord, ne résista |>as à la discus- sion. ElTectivement , des recherches laites dans un autre but nous avaient déjà ajipris que le passage des gaz à travers une membrane organique humide ne s'o|)ère pas d'une manière conforme aux lois de la diffusion i)osées par M. Grahani j)our le cas particulier dont il avait fait l'étude (1). Des effets de capil- larité, dont il serait impossible de rendre nettement compte snltats s'accordent généralement assez bien avec la théorie mentionnée ci- dessns. En eiïet, dans la |)hipart des cas, la quantité d'acide carbonique exhalé ne dilTérait que très peu de celle qui, d'après la loi de la dilliision des gaz, correspondrait au volume do l'oxygène absorbé ; et lorsque la produclion d'acide carbonique dépas- sait notablement cette production, ainsi que cela s'observa chez la Poule et le Cochon d'Inde, l'auteur a constaté que l'animal avait évacué beaucoup d'urine ou d'autresmatièrcsexcrémentilielles. Or, il a reconnu que ces matières don- nent lieu à un dégagement considé- rable d'acide carbonique, et par con- séquent il attribue à cette source, et non à la respiration, l'excès observe. Quand l'air respiré était déjà chargé d'une certaine quantité d'acide car- bonique, l'exhalation de ce dernier gaz était inféiicure à ce que la théorie aurait indiqué (a). Je dois ajouter que dans son der- nier ouvrage, M. Vjilentin déclare formellement que ce n'est pas une diéoiie des phénomènes respiratoires qu'il a entendu présenler en appli- quant la loi de Graham à la discus- sion des résultats obtenus dans ses expériences, mais une coïncidence qu'il a voulu signaler ; et il reconnaît que les faits constatés ne suffisent pas pour établir l'existence d'un rapport constant entre les quantités d'oxygène absorbé et d'acide carbonique ex- halé (6). (1) Dans les expériences de Graham, l'écran perméable interposée ntre les gaz était tantôt une lame de plâtre, lantot un morceau de vessie sèche ou de baudruche. Dans les cas de passage du gaz à travers une membrane hu- mide, les choses ne se présentent pas de même. Ainsi lorsqu'une vessie rem- plie d'oxygène est suspendue dans une cloche pleine d'acide carbonique, ce gaz pénètre dans celte vessie beau- coup plus vile que l'oxygène n'en sort, la distend et finit souvent par la faire crever. Or, d'après les lois de la dillusion, le volume du mé- lange dans l'intérieur de la vessie devrait au contraire diminuer. Cela dépend de ce que dans le passage h travers une membrane humide, le de- gré de solubilité du gaz joue un rôle important. {(i) Von Eiincli, Versiiche iibcr die ncsiiirritioii cinUjcr mil Luvgen athmcnder Wirbrltliiere, Iii-4, IWn, dSiii. (b) VuU'iiiiii, Gritiidriii.'i di-r l'Inisiidogie des Mmschen, 1851, p. 2C3. l. 59 /lt36 RESPIRATION. dans l'état acluel do la science, interviennent dans ce pliéno- mène (1). Lorsqu'eii luisant Fliistoire de Tabsorption j'aurai à traiter de Vendosmosc, nous nous occuperons de l'étude de ces forces ; mais en ce moment cela nous éloignerait trop de l'objet principal de cette leçon, et je me bornerai à ajouter que les expériences laites par les physiciens ou les physiolo- (l) Des expériences très intéres- santes, faites il y a vingt-cinq ans par un chimiste de Philadelphie , M. Mit- chell (a), et que je m'étonne de voir négliger par la plupart des physiciens qui depuis lors ont traité des phéno- mènes de la capillarité dont nous nous occupons ici, prouvent en effet que le passage des gaz à travers les mem- branes humides de l'organisme est soumis à d'antres influences. Ainsi non-seulement l'acide carbonique s'in- filtre de la sorte beaucoup plus rapi- dement que ne le fait l'oxygène, mais la pénéiralion de l'azote est beaucoup plus lente que celle de ce dernier gaz. D'après Mitchell , le temps néces- saire au passage des divers gaz à tra- vers une lame mince de caoutchouc serait dans les rapports suivants : . Ammoniaque ^ AciJe suif hydrique. . . 2 1/2 Cyanogène 3 1/4 Aiiile carbonique ... 51/2 Oxyde d'azote 6 1/2 Gaz oléfiant 28 Hydrogène 37 1/2 Oxygène 113 Oxyde de carbone . . . ICO Azote, environ 200 Le passage des gaz à travers des membranes animales varie aussi en intensité suivant la direction du cou- rant , de telle sorte que l'acide car- bonique traverse telle cloison orga- nique beaucoup plus facilement de dedans en dehors que de dehors en dedans, et qu'en employant telle autre membrane on peut obtenir le résnltat inverse. Ainsi lorsque l'air atmosphé- rique et l'acide carbonique sont sépa- rés par une cloison formée avec de la peau humaaie , ce dernier gaz passe plus rapidement lorsqu'il est en con- tact avec la surface épidermiqtie que lorsqu'il était placé du côté interne du derme. Lorsque ce gaz traverse les parois d'une anse d'intestin , il passe plus facilement de dedans en deiiors qu'en sens inverse. (Mitcliell, loc. cit.) M. Malteucci , qui paraît ne pas avoir eu connaissance des recherches de iMitchell , a fait quelques expé- riences sur le passage des gaz à tra- vers les membranes humides, expé- riences qui tendent aussi à prouver que l'endosmose doit jouer un certain rôle dans les phénomènes de la respi- ration. « Je remplis partiellement de gaz oxygène, dit M. Matleucci, le poumon d'un Agneau tué il y a peu de temps, et après avoir eu soin d'extraire par la succion tout l'air qu'il m'a été pos- sible d'enlever. La trachée étant élroi- (fl) On the Penelrativeness of l'iuids {PhiladeJphia Mirnal of Médical Science, vol. XllI, p. 3(5, and Jmirnal ofthe Royal institution ofGreat-Britain, Aug. 1831, vol. XXXI, p. 101). XATUKh; l)K (.;E l'HÉNUMÈlNK. ^67 gistes sur l'écliange des gaz dons des condilioiis ('(Muparables à celles on se trouvent l'air et le sang dans un organe respira- toire, montrent que eet acte doit être beaucoup plus complexe (jue ne le supposaient MM. "N'alentin et Brunner, et que la loi de Graham ne saurait nous en donner l'explication. D'ailleurs , un examen attentif des quantités d'oxygène et d'acide carbonique qui passent de l'air dans le sang, et du sang dans l'atmosphère [)ar l'acte de la respiration, prouve que cet échange ne s'effectue pas d'une manière conforme à la loi do tement liée , j'inlrodiiis le poumon sous une cloche pleine d'acide carbo- nique et renversée sous Teau. Au bout de quelques instants, on voit le poumon se gonfler et se distendre autant que le lui permet la capacité de la cloche. J'ai examiné les gaz après l'expérience , et j'ai trouvé que l'acide carbonique a pénétré dans les cellules pulmonaires et que l'oxygène s'en est dégagé : l'échange, cependant, n'a pas eu lieu en volumes égaux, et l'acide carbonique introduit dans le poumon est en plus grande quantité que l'oxygène qui l'a abandonné. Dans un poumon préparé comme je viens de le dire , j'ai trouvé après quatre heures que le gaz contenu dans celui- ci était composé de 2/3 d'oxygène et 1/3 d'acide carbonique, et celui qu'il y avait dans la cloche résultait du mélange de 1/Zi d'oxygène et de 3 6 d'acide carbonique. » J'ai essayé de tenir une vessie exactement fermée , à parois très minces, pleine d'oxygène, en contact avec de l'acide carbonique, ayant pris la précaution que la vessie ne fût pas mouillée. Le gonflement n'a pas lieu ; cependant, après un cerlain temps, ou trouve que l'échange entre les deux gaz s'est opéré, mais sans que l'acide carbonique introduit surpasse l'oxy- gène qui s'est échappé. Enfin , j'ai tenté de remplir complètement le poumon d'acide carbonique et de l'in- troduire dans cet état dans de l'oxy- gène : le poumon s'alî'aisse, les deux gaz se mêlent , mais le volume d'oxy- gène qui s'est introduit est moins con- sidérable que celui de l'acide carbo- nique qui est sorti. Pour tous ces faits, outre l'action réciproque des deux gaz à travers les membranes, on doit en- core tenir compte de la présence de l'eau qui baigne la membrane , eau dans laquelle l'acide carbonique est soluble. Le liquide acide ainsi formé se trouve, d'un côté, en présence d'un gaz durèrent de celui qui y a été dis- sous, et à l'égard duquel le gaz libre agit comme dans un espace vide. On pourrait donc se rendre compte de l'introduction plus considérable de l'acide carbonique dans le poumon en l'attribuant soit à une action parlicu- lièro des deux gaz , ce qui constitue- rait l'endosmose gazeuse , soit à un eflèt du gaz d'abord dissous , puis exhalé {a). » (a) Matteiicci, Leçons sur les phniomcnes pliys'utues des corps vivants^ iSiT, p. -JSi et suiv. /l68 UCSPIRATION. la (lit'fiisioii. Cela n ('f(' [ileinciiicnt démontré par une série de recherches laites il y a une dizaine d'années par MM. Regnault et Reiset avec un degré de précision inconnu jusqu'alors (1). (1) Dans un article très judicieux sur la respiration, publié en 18!|7, î\!. .1. r.eed (a) fit remarquer avec rai- son que le gaz acide carbonique du sang veineux et Toxygène de l'air ne sont pas placés dans les mêmes con- ditions que les gaz dont la difTusion avait été étudiée par I\I. Graliam; que ces fluides élastiques sont séparés par une membrane organique humide à travers laquelle le passage des gaz ne s'eirectue j)as d'après les mêmes lois ; que l'un de ces gaz est en dissolution dans un liquide, tandis que l'autre est libre ; qu'ils ne sont pas soumis à la même pression , à raison de la force motrice développée par le cœur ; enfin que celte théorie supposerait des rap- ports invariables entre la quantité d'oxygène absorbée et celle de l'acide carbonique exhalé , tandis que les proportions sont loin d'être les mêmes dans les diverses expériences faites jusqu'ici sur les altérations de l'air par la respiration des animaux. \\M. llegnault et Ileiset ont fait les mêmes objections contre la doctrine exposée ci-dessus. Voici comment ils s'expriment à ce sujet : récédemment que le sang renferme du danfiet'ng- ca^bonatc de soude , et l'on sait que les carbonates neutres à base alcaline, quand ils sont en présence de l'acide carbonique, s'emparent d'un second équivalent de ce corps et passent à l'état de l)icarbonates. 11 serait donc difficile de croire qu'une portion de l'acide carl>onique absorbé par le sang put y rester en présence d'un carbonate neutre de soude sans s'y combiner. Mais les expériences de M. Hemy Rose, de Berhn, nous ap- prennent aussi que les bicarbonates ainsi constitués sont si instables, que pom^ en opérer la décomposition il suffit des intluences sous lesquelles nous avons vu l'acide carbonique se dégager du sang (4). Ainsi ce chimiste a vu que dans le vide ces bicarbonates se décom[)oscnt, et il a constaté aussi que pour leur faire abandonner une portion de leur acide et les faire passer à l'étal de sesquicarbonates, ou même de carbonates neutres , il suffit d'agiter la solution qui les contient avec de l'air, de l'azote ou tout autre gaz qui n'exerce point d'action (1) Les expériences do M. 11. l'.ose peur d'eau entraine rapidemenl une ont été faites seulement au point de portion de l'acide de ces Jjicarbonates, vue de l'histoire chimique des carbo- et que le contact d'un gaz étranger nates, et portent sur les combinaisons qui se renouvelle produit le même de l'acide carbonique avec la potasse elTet que le vide. Des faits analogues et la soude (a). Il a trouvé que la va- ont été constatés par M. ÎNIarcliand [h). (n) H. fiosc, Uebev die Vevbinduiujen der Alkalien mit der Kohlensdure (Pnggrenil(irfl''s Annalen der Physik und Chemie, 1835, Bel. XXXIV, p. 14'J). (b) Marchand, Ueber die Eiiiwirkung des Sauerstoffes auf das Bliit und seine Bestatidtheile iJourn. fiir praktische Chemie, 1845, Bd.XXXV, p. 389). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. , 471 chimique sur ce li(jni(lc. I.'acido carl)()ui(|ne se comi)or(c donc ici à peu près connue s'il était libre, et lenu siuipleuienl eu dissolution dans la li(iuenr saline. Par conséquent le dégage- ment de l'acide carbonique du sang constatée pur les expé- riences de M. Magnus s'ex[)liquerait également bien dans l'hy- pothèse de l'union lâche de ce corps avec le cariiouatc sodicpie du plasma. Il est donc probable qu'une portion de l'acide carbo- ni([ue exhalé dans l'acte respiratoire se trouve léellement en combinaison avec la soude du plasma ; mais il ne parait pas possible d'admettre que la totalité de ce gaz soit Iburnie par la décomposition d'un bicarbonate sodique, car, ainsi que je l'ai déjà dit, il résulte des expériences de ce dernier physiologiste que la quantité d'alcali existant à l'état de carbonate dans le sang serait insut'tisante pour nous rendre compte du phénomène (1). 11 paraîtrait aussi que l'acide carbonique serait susceptible de contracter une union instable de même nature avec d'autres matières salines contenues dans le jtlasma du sang : le phos- phate de soude , par exemple. En el'tct , M. Liebig a reconnu que la présence d'un centième de ce sel donne à l'eau la l'acuité de se charger de deux Ibis autant d'acide carbonique que n'en absorberait l'eau pure sous la pression ordinaire (2). Mais le gaz ainsi condensé se dégage dans le vide, ou par l'agitation avec de l'air, tout comme celui d'une dissolution ordinaire. Par con- séquent, sans nous arrêter à examiner ici la nature des forces qui déterminent ces effets, nous pouvons assimiler ce mode de fixation à une dissolution, et conhnuer à considérer la portion excrétable de l'acide carboui(]ue du sang comme étant libre et simplement dissoute dans ce liquide (3j. La présence de ces (1) Cette question a été discutée à (2) J. Liebig, Souvelles Lettres sur fond par M. Tiossat, dans une thèse la chimie, liad. par Gerliardt , p. 85. soutenue récemment à la Faculté de (3) Je distingue ici la portion excré- niédecine de Strasbourg (a). table de l'acide carbonique du sang {a} Rossât, Phénomènes chimiques de la respiration. Strasbourg, 1853, p. 43 cl 44. /|^7-2 • RESPIRATION. principes salins dans le iluidc nourricier a pour eftet d'aug- menter le pouvoir dissolvant du sang, mais ne [)araît pas devoir influer autrement sur les phénomènes d'absorption et d'exhala- tion qui constituent l'acte delà respiration (1). État § 17. — L'état sous lequel l'oxygène absorbé par le sang (Jg l'oxv^triG 1 1**1 dans le sang, jans Ic travail respiratoire se trouve retenu dans ce liquide, soulève des questions du même ordre. Ce gaz est-il simplement dissous par le sang, ou y contracte- t-il quelque combinaison chimi(iue instable avec une ou plu- sieurs des matières constitutives du fluide nourricier ? J'ai déjà fait remarquer que la (juanlité d'oxygène dont le sang est susceptible de se charger dépasse de beaucoup celle qui pourrait se dissoudre dans un volume égal d'eau placée à la même température et sous la même pression. On sait par des ex[)ériences de Berzelius que le sérum du sang, dépouillé des globules rouges, dégage un peu d'acide carbonique, et s'empare d'une petite r[uautité d'oxygène lors- qu'on l'agite avec ce dernier gaz, mais que cette quantité est tout à lait insignifiante comparativement à celle qui dispa- de la portion du même gaz qui se irouve retenu chimiquement dans ce liquide de façon à ne pouvoir s'en échapper dans Tacle de la respiration. En ellet, les expériences de M. Leh- niann montrent qu'après avoir chassé du sang tout l'acide carbonique qui est susceptible de s'en lléga?er dans le vide, on peut encore en extraire une quantité considérable par rem- ploi de réactifs chimiques. Ainsi , dans douze expéiiences sur du sang de r.œuf, ce chimiste a obtenu, terme moyen, pour 1000 grammes de li- quide , 0?',1 o'2 d'acide carbonique libre et 0ï',G759 d'acide carbonique combiné (a). (1) Les expériences récentes de M. Fernet montrent que la solubilité de l'acide carbonique dans l'eau est diminuée de moitié environ par la présence de 15/100 de chlorure de sodium dans ce liquide ; mais que pour le phosphate de soude , au con- traire , les volumes de gaz absorbés augmentent avec les proportions de sel dissous d'une manière exirème- ment rapide. 1 es nombres obtenus dans ces expériences paraissent pou- voir être déduits du coeflicient de (a) Lehraann, Jouvi). fin- prakt. CMmie, 1847, Bd. XL, r- 133. NAILKE DK CE l'HÉiNOMÈXE. /i73 raît (jinind lo ;>ériiiii csl iiirlr iivcc l;i imitiri'e (.'oloranN^ du saij}4 (1). On sait aussi par une foule d'expériences beau(^oup plus anciennes, que l'action de l'oxygène sur le sang veineux des animaux vertébrés est accompagnée d'un changement remar- quable dans la couleur des globules qui passent du rouge noir au rouge vermeil. On est donc natui-ellement conduit à penser que les relations entre l'oxygène de l'air et le fluide nourricier doivent s'établir principalement à l'aide des globules hématiques. En traitant de la constitution physique du sang, j'ai déjà eu l'occasion de signaler la relation remarquable qui existe entre l'activité fonctionnelle de la respiration et le nombre des glo- bules que le sang charrie (2) ; dans la suite de ces levons j'aurai à revenir sur cette coïncidence , mais il me semble utile de la rappeler ici, car elle peut être invoquée à l'appui des vues soliibililé du gaz dans l'oaii piiio, eu y ajoutant le produit d'un coenicicnt constant pour le titre de la dissolution ; et .M. Fernet fait remarquer que ce résultat semble confirmer l'idée théo- rique qu'il y aurait là, outre la disso- lution du gaz dans l'eau, phénomène tout physique et soumis à dos lois bien connues , une combinaison véritable avec le sel qui viendrait compliquer le phénomène. Le carbonate de soude se comporte sous ce rapport à peu près de même que le phosphate (a). (1) Traité de chiiitir, ('-dilion de 1838, traduit par Valerius, t. III, p. 551. (2) Voy. ci-dessus, page 57 et suiv. Je saisirai celte occasion pour répa- rer un oubli que j'ai fait dans l'énu- mération des animaux à respiration faible dont les globules rouges sont d'un volume considérable. Le Lepi- dosiren , qui tient à la fois du Batra- cien et du Poisson , et qui vit enfoui dans la vase , a les globules du sang plus grands que ceux des Triions ou Salamandies aquatiques , mais moins grands que ceux de la l'rolée. M\\. Smith et Gulliver assignent à ces corpuscules les dimensions suiviuites : grand diamètre , ^ millimètre ; petit diamètre, ,-V; noyau, ^. Leurs ob- servations portent sur le Lepidosiren annectens (6), (fl) Fernet, Sur la solubiUlr des tjai- dans les dissnlulioiis salines, pour servir à la théorie dt la respiration (Ànn. de clam, et de ylius., iHîM, t. XLVII, p. 3G0). (b) A. Smith and Gulliver, 0» Ihe lied C.crpusclcs of the lilood of tlie Mud Fislt (Ann of Xat //i«f., 1848, vul. U, p. -21)^). I. 60 /l7/i RESPIRATION. que je présente au sujet du rôle de ces corpuscules dans la fixation de l'oxygène. * En effet, tout, dans 1 état actuel de la science, me semble tendre à prouver que la grande puissance absorbante pour l'oxygène dont le sang est doué dépend principalement des globules et réside en majeure partie dans ces utricules. Ils paraissent jouer le rôle de corps condensateurs de ce gaz et pouvoir s'en charger ou l'abandonner avec une extrême faci- lité , suivant les circonstances dans lesquelles ils se trouvent. Le plasma est un intermédiaire nécessaire entre l'oxygène et les globules: si, l'activité respiratoire est extrêmement faible, comme cliez certains animaux inférieurs, la quantité d'oxygène qui se dissout dans ce liquide, et qui est portée ainsi dans la profondeur de l'organisme, peut suffire à l'entretien de la vie ; mais lorsque cette fonction acquiert une grande puissance , ainsi que cela se voit chez tous les animaux supérieurs , la part du travail dévolue aux globules devient prédominante, et alors ces corpuscules vésiculaires semblent même devoir être consi- dérés comme les agents essentiels de la respiration. M. Dumas, en adoi)tant des vues analogues, a été même plus loin, et pense f[ue l'action de l'oxygène est nécessaire à la con- servation de la vitalité et de la structure propre des globules du sang. Ses expériences tendent à prouver aussi que l'inté- grité de ces organites est une des conditions essentielles de l'artérialisation du tluide nourricier. Il fait remarquer avec rai- son que la lil)rine du plasma est étrangère à cette réaction rendue manifeste par la teinte rutilante du sang, [luisque ce changement s'opère sous l'intluencc de l'oxygène dans le sang défibriné aussi bien que dans le sang coagulable. Enfin il a con- staté que la présence de l'albumine du sérum n'est pas plus indispensable à ce phénomène que ne l'est la fi[»rine; car si l'on remplace peu à peu ce liquide par une solution de sulfate de soude, les gloliules conservent à la Ibis leur intégrité et la NATURE DE et: PHÉNOMÈNE. /i7q faculté de clianger de teinte par leur agitation avec l'oxy- gène (1). l'n lait qui a été constaté à diverses reprises par plusieurs observateurs vient à Tappiii de ces résultais. Lorsque le sang (|iii s'écoule de la veine est reçu dans de l'eau pure, il reste presque noir, quelle que soit la durée de son exposition à l'air, tandis (pic mêlé à de l'eau sucrée il rougit promptenient au contact de ce fluide. Or, nous avons vu précédemment que par l'action de l'eau pure les globules se gonllentet se désorganisent promptement, tandis qu'en présence d'une dissolution de sucre ces organites conservent la forme et la structure qui leur sont ])ropres (2). (1) l^uinns, lievherches sur le sang (Ann. de chiin. et de phtjs., I8Z16, 3' série, t. XVII, p. ^58).. ('2) M. Sclierer a fondé en majeure partie sur des faits de cet ordre une théorie de la cause des changements de couleur que le sang présente en passant de l'état de sang artériel à celui de sang veineux , et vice versa. Ainsi que nous l'avons déjà vu, page 372 , ce chimiste pensait que la teinte vermeille ou noirâtre du sang dépendait de la manière dont les glo- bules réfléchissent la lumière lorsque ces corpuscules ont la forme de len- tilles biconcaves ou de lentilles bi- convexes , et un des arguments dont il se servait reposait sur la perte de la propriété de rougir au contact de l'oxygène quand les globules ont été renflés par l'action de l'eau («). M. Bruch a montré que les globules altérés de la sorte, ou même l'hému- tosine dissoute dans l'eau, sont suscepti- bles de prendre une teinte légèrement vermeille lorsqu'on agite le liquide avec de l'oxygène pendant longtemps, ou qu'on y fait passer pendant une heure ou deux un courant de ce gaz, et que, par conséquent, la théorie phy- sique proposée par M. Scherer n'est pas admissible [b). Mais il n^.n est pas moins bien établi que le changement de couleur dû à l'action de cet agent est beaucoup plus faible quand les globules sont désorganisés ou simple- ment distendus que lorsque ces utri- cules sont dans leur état naturel , et il est probable que la quantité d'oxy- gène dont ils sont susceptibles de se charger doit varier aussi beaucoup dans ces deux cas. M. Bonnet, chirurgien à Lyon, s'est occupé aussi de cette question, et, sans avoir eu connaissance des recherches faites par ses prédécesseurs, a bien (a) Sclierer, L'eber die Farbt des Blutes (Zeitschrifl fur rationelle Medicin, 18 il, Bd. I, p. -288). [b) l'.rucli, l'eber die Favbe des Blutes (toc. cit., p. 440). — Xoch eininal die BhUfarbe {Op. cit., 184r., BJ. 111, p. 308). — Das Xeucste sur Geschichte der Biutfarbc {Op cit., 1840, Bd. V, p. 440). 476 RESPIRATION. Nous sommes donc conduit à penser que l'absorption de l'oxygène par le sang n'est pas, comme le supposait M. Magnus, la conséquence d'une simple dissolution de ce gaz dans le fluide nourricier, et qu'il doit y avoir là une aclioii particulière exercée par les globules hcmatiques (1). Le plasma, ou sérum chargé de librine, est rintermédiaire à l'aide ducpiel ce principe vivifiant arrive jusqu'aux globules; et pour ([u'il leur parvienne, il faut que ce liquide soit susceptible iVcn dissoudre une cer- taine (pianlité. On (;om[»rend donc que si quel([ue modilication dans la composition chimique du liquide dans lequel ces. glo- bules sont tenus en sus[)ension venait diminuer notablement sa capacité dissolvante pour l'oxygène, le travail respiratoire pourrait être interrom[)u ; et cela arrive en effet cpiand le sang est fortement chargé de chlorure de sodium. iMais la quantité d'oxygène ([ui reste en dissolulion dans le plasma est extrê- mement faible comi)aralivement à celle (jui passe dans les globules hématiques, et son action sur ces organites est rendue manifeste par le changement ([ue nous avons vu se [>roduire dans leur teinte (2). conslaté la grande dilîérence qui existe dans l'aptitude du sang à rougir sous rinfluence de l'air, suivant que les globules lithnatiques sont désorganisés par l'action de l'eau ou bien dans leur état normal (a). (1) C'est aussi l'opinion à laquelle M. Dumas s'est arrêté dans son der- nier travail sur le sang [Op. cit., Ann. de chimie, I8/16, t. XV II, p. 658). :;2) Ainsi que nous l'avons déjà vu, les expériences des physiciens mon- trent que la présence d'une certaine proportion de chlorure de sodium diminue de moitié le pouvoir dissol- vant de l'eau pour l'acide carbo- nique et pour l'oxygène. U est donc évident que la présence d'un excès de celte substance minérale dans le sérum du sang doit ralentir le pas- sage de l'acide carbonique de leur intérieur jusque dans l'air extérieur, et la transmission de l'oxygène de l'atmosphère à ces organites. Or, cela nous donne l'explication de beaucoup de phénomènes que les physiologistes ont remarqués en étudiant l'influence des sels sur la manifestiilion des dille- rences de teinte existant entre le sang (a) Bonnet, Sur les globules du sang {Comptes rendus de l'Acnd. des sciences, 1846, t. XXIll, p. 261/. NATUKE DE CE PHÉNOMÈNE. /l77 § 18. — Si nous voulions pénétrer enrore plus avant dans l'in- vestigation de ces questions délicates, et déterminer si l'oxvf^ène absorbé par les globules s'y trouve à l'état de libertéet simplement condensé par ces organites, ou en combinaison cbimirpie avec leur substance, nous sortirions bientôt du domaine des fiiitsbien veineux et le sang artériel. Je ne pense pas que cette circonstance soit la seule dont il faille tenir compte dans l'explication de ces changenienis de couleur ; mais elle me paraît être la cause principale de la non-artéria- lisation du sang quand ce liquide est chargé de certaines matières salines. Pour s'en convaincre, il sullit de jeter les yeux sur les nombreux travaux dont cette question a été l'objet. Ainsi, en 1797, Wells lit diverses expériences sur rinfluence de l'air et des sels neutres sur la coloration du sang. Il remarqua d'abord que ces agents ne produisent pas de change- ment de teinte notable dans la matière colorante qui est en dissolution dans l'eau distillée, et que la solution est de même couleur lorsqu'elle a été obte- nue à l'aide d'un caillot noir ou d'un caillot préalablement rougi par le con- tact de l'air. Il reconnut ensuite que les sels neutres qui rendent vermeil le caillot veineux y délermincnt la so- lidification d'une matière blanchâtre ; d'où il en conclut que le changement de teinte produit dans le sang au mo- ment où ce liquide prend les carac- tères du sang artériel , est dCi h un phénomène analogue ; que sous l'in- tluence de l'air ou des sels neutres, l'enveloppe membranil'orme des glo- bules blanchit, et, réfléchissant alors plus de lumière, donne à la masse du sang une teinte plus claire, plus ver- meille (a). Ces expériences et cette hypothèse passèrent presque inaperçues des physiologistes. Mais , en 1832 , un autre médecin anglais, dont il a déjà été question dans cette leçon , Ste- phens, fut conduit par ses propres recherches à des résultats analogues. Dans un ouvrage spécial sur le sang, il avança que la teinte rutilante du sang artériel n'est pas due à l'action de l'oxygène, comme on l'admet géné- ralement, mais est la couleur naturelle de ce liquide ; que la teinte rouge- noire du sang veineux est due à la présence de l'acide carbonique , et qu'il suffit d'expulser ce gaz pour rétablir la couleur vermeille de ce fluide. Il prétendait aussi que l'oxy- gène ne détermine ce changement qu'en enlevant au sang l'acide car- bonique, pour lequel il aurait une force attractive. 11 annonça que le caillot du sang artériel privé des sels du sérum par le lavage devient noir, et qu'en l'absence de ces sels il ne reprenait la teinte vermeille ni par le contact de l'air, ni par l'action de l'oxygène pur ; mais éprouvait ce changement parle seul fait de l'addi- tion d'une petite quantité de sel marin, de carbonate de soude ou tout autre sel neutre contenu dans le sérum, lùifin il considéra comme démontré (fl) Wells, Observ. and Bxperiments on theColour ofthe Blood {Philos. Tmns., 1797, p. 420). klS UESPlK.VflUN. constalés, pour tomber dans le vide des hypothèses gratuites. Je crois donc devoir ne pas faire un examen approfondi des opinions diverses que les physioloiiistes de nos jours ont émises que la couloiir vermeille est due à Taction de ces sels sur riiématosine ; mais ses recherches étaient exposées d'une manière si confuse et si peu scientifique, qu'elles ne pouvaient in- spirer aucune confiance {a). On les trouve formulées plus nettement, et appuyées de quelques expériences mieux circonstanciées, dans im travail intitulé Observations sur la théorie de la respiration (b). Peu de temps après la publication du premier ouvrage de Stepliens , un autre médecin anglais , floffman , fit des expériences plus précises sur le même sujet, et en tira les conclusions suivantes : Que le sang dépouillé de matières salines est noir ; Que ni l'air, ni l'oxygène, sans l'in- termédiaire des matières salines, ne peuvent rougir le sang noir; Que le sel, au contraire, sans l'in- termédiaire de lair , lui donne une teinte vermeille; Et que du sang avec excès de sel et imprégné d'acide carbonique est noir, et ne possède plus la propriété de re- devenir rutilant , soit par l'action de l'air ou de Toxygène, soit par l'addi- tion d'une nouvelle quantité de sel (c). D'autres expériences faites par un physiologiste d'Édin-ibourg, M. C.Wil- liams, tendirent à établir que le chan- gement de teinte produit par du sel marin n'est pas le même que celui résultant de l'action de l'oxygène , et que , contrairement à l'assertion de Slephens , l'extraction de l'acide car- bonique du sang, soit ù l'aide de la pompe pneumatique , soit par la dis- solution d'autres gaz dans ce liquide, n'y ramène pas la teinte vermeille, fait qui est facile à vérifier, bien que le dégagement de l'acide carbonique soit accompagné d'une diminution dans l'intensité de la teinte sombre [d], Stcphens avait observé que le con- tact de l'oxygène ne détermine pas le développement de la teinte vermeille dans le caillot qui a été privé des sels du sérum par le lavage, et qu'une forte solution de sel produit ce clian- gement même dans un milieu for- tement chargé d'acide carbonique. M. W. Gregory et irving vérifièrent ce résultai en faisant usage d'acide carbonique et d'hydiogène parfaite- ment pur; ils virent aussi la couleur rutilante du sjng se manifester sous l'influence du sel dans le vide baro- métrique. Alais ils constatèrent aussi qu'en l'absence de l'oxygène cet effet ne se produit pas sous l'influence de dissolutions salines peu concentrées : en employant du sérum, par exem- ple ; et par conséquent la théorie de M. Stepliens ne sautait être appliquée à l'explication des phénomènes de la respiration {e). (a) Stepliens, Observ. on Blood, p. 10, 17, 27, etc. (/)) Philos. Traits., ISHS. p. 343. (c) HotTiiian, Observ. and Experim. on the Dlood (Lond. Med. Gaiette, Mardi 1833, vol. XI). (d) Williams, Observ. on the Changes produced on Ihc Blood tu tlie Course of ils Circulation {Lond. Med. Gaiette. 1835, vol. XVI, p. 788). (e) Gregory aiul Irving-, Experim. and Observ. on the Arterialisalion of the. lllood (Edinburgh New Philos. Journ , 1834, vol. XVI, p. 18.5). NATLIIE DE CE PHÉiNOMÈNE. 479 à ce sujet (1), et je me bornerai à dire que, suivant toute proba- bilité, si l'oxygène n'est pas simplement condensé dans les globules par (juelque force physique comparable à celle qui (1) M. Liebig pense que roxygène contenu dans le sang s'y trouve à l'état combiné ou non en simple dissolution. En oflet , « l'absorption d'un gaz par un liquide, dit ce chimiste illustre, est due à deux causes : l'une, extérieure, consiste dans la pression exercée sur le gaz en contact avec le liquide; l'autre, chimique, est l'attraction ma- nifestée par les parties constituantes du liquide. Dans tous les cas où un gaz est contenu dans un liquide sim- plement à l'état absorbé, et non !en combinaison chimique, la quantité de gaz dissous ne dépend absolument que de la pression extérieure ; elle aug- mente ou diminue à mesure que cette pression augmente ou diminue. Lors- qu'on agite la solution de phosphate de soude avec le gaz carbonique et qu'on la sature ainsi sous la pression ordinaire, on voit qu'elle absoibe deux fois plus d'acide carbonique que l'eau dans les mêmes circonstances; mais en opérant ensuite sous une pression double, on voit que la faculté d'ab- sorption de la solution n'augmente pas dans le même rapport : celle augmen- tation est bien moindre. En effet, la solution saline neutre se comporte avec l'acide carbonique, sous cette double pression, comme le ferait l'eau saturée de gaz carbonique sous la pression simple. La faculté d'absorber l'acide carbonique n'augmente donc pas plus pour la solution de phospliate de soude que pour l'eau pure, parce que l'altraction chimique qui exalte d'abord la l'acuité d'absorption de l'eau ne continue pas d'agir, il en est de même du sulfate de fer saturé de bi-oxyde d'azote sous une forte pres- sion. « Le sang se comporte absolument comme ces liquides. Si l'oxygène y était simplement absorbé, le sang, en dissolvant l'oxygène de l'air qui n'en contient que 1/5% devraitsous la pression simple absorber 12 pour 100 d'oxygène, et sous la pression double deux fois autant; agité avec de l'oxy- gène pur, il devrait en dissoudre en- viron le quintuple. » Tant qu'on n'aura pas démontré que la faculté d'absorption du sang pour l'oxygène change ainsi suivant la pression, il faut admettre que cette absorption est due à une attraction chimique, ayant pour effet de pro- duire une combinaison chimique. Si l'on considère d'ailleurs les ré- sultats des expériences de ^IM. Ile- gnaull et r>eiset, où l'on a fait respirer des animaux dans une atmosphère très chargée d'oxygène, et cet autre fait que la respiration est la même sur les pla- teaux élevés de l'Amérique centrale que sur les bords de la mer, on est conduit à admettre que le sang absorbe une quantité d'oxygène constante, in- dépendanlc jusqu'à un certain degré de la pression extérieure {a;. » Quant aux combinaisons chimiques que l'oxygène contracterait dans le sang, les opinions sont partagées. M. Liebig a attribué cette lixation transitoire de Foxygène au fer qui existe dans la matière colorante des [a] Liebig, .\ouveUes Lettres sur la chimie, [>■ 8 ^ 19. — jLisr|ii'i('i j'ai négligé de parler du rôle de l'azote iwie de rabiote. dans les pluMioniènes de la respiralion. C'est qu'en effet ce rôle est secondaire. iNon-seulenuMit ce gaz ne jouit pas de la faculté d'entretenir la vie des animaux, mais il semble ne leur être d'aucune utilité. Ainsi, Lavoisier s'est assuré que la res|)iration des Mammifères peut avoir lien aussi librement dans un mélange artificiel d'oxygène et d'hydrogène que dans le mélange naturel d'oxygène et d'azote dont l'air atmosphérique se compose. La substitution de l'hydrogène à l'azote dans l'atmosphère où i)LM. Regnault et Reiset ont fait vivre pendani fort longtemps divers animaux n'a déterminé aucun changement notable dans leur respiration (1); et le mélange d'un gaz inerte à l'oxygène ne paraît avoir pour effet que d'alïïnblir l'action de ce principe suivant les conditions physiologiques de l'organisme, l'our cela il a dosé l'acide carbonique contenu dans l'air qui a séjourné, dans les poumons pendant un même laps de temps (soit une nîinute), etqui y avaitétéintroduit à peu près en même quantité. D'après la loi de Dalton, la proportion d'acide carbonique conlenu dans l'air prove- nant de ces inspirations semblables devrait être la même si la tension de ce gaz dans le sang restait invariable, mais devrait augmenter ou diminuer suivant que la proportion de l'acide carbonique en dissolution dans ce liquide s'élevait ou s'abaissait, toutes choses restant égales d'ailleurs. Or, dans les expériences de M. Becker, la quantité d'acide carbonique fournie par l'air expiré de la sorte dans des conditions similaires a varié entre 61 et là pour 1000. Des différences aussi considérables ne pouvaient être attribuées à des erreurs d'expérience, et dénotent par conséquent des varia- tions considérables dans la richesse du sang en acide carbonique (a). (1) Dans ces expériences, comme dans celles sur la respiration ordinaire, MM. Regnault et Reiset ont disposé les choses de façon à enlever l'acide car- bonique au fur et à mesure de sa pro- duction et à maintenir dans l'atmos- phère «des proportions constantes d'oxyi^ène mêlé à l'hydrogène. Des Lapins, des Chiens et des Grenouilles furent placés dans cet air factice pen- dant plusieurs heures, et les auteurs résument leurs observations en disant que la i-osiiiratioii s'y faisait exacte- ment de la iiièine manière que dans l'air atmosphérique normal , sauf peut-être une consommation un peu plus grande d'oxij(]ène (b). (a) Becker, Die Kohlensmrespendung im Dlute, als proportionales Maass des Umsatzes der Kohlensaurstoff lialtigen Korper-und Nahrunys-Dcstandlheile (Zeilschr. fur ration. Medicin, •1855, N. F., Hrl. VI, fj. 24'J). {b) Regnault et l\eiset, Rech. ehim. sur la respiration, p. 200. IlSll RESPIRATION. vivifiant (|iii, dnns quelques cas, déterminerait une excitation trop grande s'il se trouvait à l'état de pureté (1). Dans les recherches de Lavoisier, l'azote entrait et sor- tait des poumons des animaux soumis à ses expériences , sans avoir éj^rouvé aucune modificahon appréciable ; le vo- (1) Lavoisier avait d'abord pensé que l'azote était nécessaire aux ani- maux pour délayer en quelque sorte l'oxygène dont l'action comburante déterminerait dans les poumons un état pathologique, si ce gaz y arrivait à l'état de pureté {a). Mais, par des recherches ultérieures, ce chimiste reconnut l'innocuiléd'un air très riche en oxygène : « L'air vital isolé de tout autre fluide, dit-il, n'a par lui-même aucune action nuisible sur l'écono- mie (6). » Dumas, de Montpellier, a cru pou- voir déduire de ses expériences que l'oxygène pur exerce une action très irritante sur les poumons, et peut déterminer la phlogose ou même l'ul- cération de ces organes (c). Beddoes crut remarquer aussi que les animaux à qui l'on faisait respirer ce gaz of- fraient souvent une teinte rouge anor- male dans les poumons, et. étaient même sujels à des inflammations pleu- rétiques (rf). De nombreux essais du même genre ont été faits sur l'Homme sans fournir aucun résuUat net. L'in- nocuité de l'oxygène pur sur les Mam- mifères et les Oiseaux a été con- statée aussi par M. de Lapasse (e). Enfin, MM. Uegnault et lîeiset ont repris dernièrement l'examen de cette question , et ils ont constaté que les animaux soumis à leurs expériences n'éprouvaient aucun malaise, et res- piraient de la manière ordinaire dans un air factice contenant deux ou trois fois plus d'oxygène que n'en renferme l'air atmosphérique normal (/"). On en a conclu que le mélange de l'azote avec l'oxygène est sans utilité physio- logique; mais cette opinion est trop absolue : elle est vraie dans la plu- part des cas, mais pas toujours. Ainsi, dans les expériences de MM. Bau- drimonl et Martin .Saint-Ange sur l'incubation, les œufs, placés dans de l'oxygène pur, ont souvent offert un état pathologique des vaisseaux circulatoires, des épanchements san- guins , et quelquefois même une hypertrophie de l'allantoïde , poche membraneuse qui , à une certaine période de la vie embryonnaire des Oiseaux, est le principal organe res- piratoire {g). J'ajouterai que Broughton (a) Lavoisier, Deuxième Mémoire {Mémoires de chimie, i' partie, p. 23, et Méin. de la Soc. roy. de méd., 1782, p. olti). {b] Lavoisier, Mém.del'Acad. des sciences, 178'J, p. (573. — Lavoisier et Seguin, Deuxième Mémoire sur la respiration {Ann. de chimie, t.XCl, p. 332. (c) Dumas, Physiologie, t. III, p. 59, elc. (d) Beddoes, On fnclicious Air, p:irt. l, p. 13, etc. (e) Lapasse, De l'action de l'o.rygène sur les organes de l'homme, etc. {Comptes rendus de t'Acad. des sciences, 184G, t. XXII, p. 10r,5). (0 Regnault et Reiset, Rech. chim. sur la respir., p. 2oO. (g^ Baudriuioul el Martin Saint-Ange, Mém. de l'Acail. des sciences, sav. étrang., t. XI, p. 031. NATUKK DE CE PHÉNOMÈNE. kS^ lume n'en était ni augmenté ni diminué (1), mais les résul- tats obtenus par d'autres. pliysiologistes furent souvent très différents et devaient paraître au premier abord ineonciliables entre eux. En effet, plusieurs expérimentateurs trouvèrent moins d'azote Absorpiinn il'azotL'. dans l'air expiré qu'il n'en existait dans ce tluide avant son entrée dans les poumons : Spallanzani (^), Davy (3), Pfaff {II) et Henderson (5), par exemple. MM. de Humboldt et Provençal assure avoir constaté expérimentale- ment que les animaux placés dans une atmosphère composée presque unique- ment d'oxygène y périssent avant que le gaz soit devenu impropre à l'en- tretien de la respiration d'autres indi- vidus de la même espèce. Il a remar- qué aussi que chez les animaux morts de la sorte le sang présentait partout une teinte vermeille (a). (1) Cinquième Mémoire sur la res- piration des animaux, par Lavoisier et Seguin {Mémoires de chimie par Lavoi- sier, h' partie, p. 63). Dans les expériences de MM. Va- lentin et lirunner, le volume de l'azote resta également à peu près inva- riable (6). (2) Dans les expériences de Spal- lanzani sur les Colimaçons, la dispa- rition de Tazote a été égale à environ un quart ou un cinquième de la quan- tité d'oxygène absorbé (c). (3) IJ. Davy évalue à plus de 5 pou- ces cubes la quantité d'azote qui dis- paraissait dans l'air employé à sa res- piration, et dans une expérience faite sur une Souris il trouva que 0,!x d'azote ont été absorbés pendant que 2,6 pou- ces cubes d'o.\ygène avaient été con- sommés et remplacés par 2 pouces cubes d'acide carbonique {d). (6) Les recherches de I*faff furent faites seulement sui' la respiration de l'homme, et comme la diminution dans la quantité d'azote n'y a pas été constatée d'une manière directe, mais calculée d'après la composition de l'air expiré, on ne peut pas attacher beaucoup d'importance à ces résul- tats, car cet auteur ne tenait pas compte des gaz restant dans les poumons avant et après l'expérience, et les dif- férences observées étaient légères (e). (5) Les expériences de Henderson furent faites sur l'Homme, et le déficit en azote a varié entre 12 et 17 pouces cubes, après que l'air eut servi à la respiration pendant environ quatre minutes (/"}. (a) Broughton, An Expérimental Inquiry into the Physiologkal Effevts of Oxygen (Quarterly Joxmi. ofSc, Lit. and Arts, 1830, jaii., p. 1). (b) Valentin, Lehrbuclt der Physiotoyic des Menschen, Bd. I, p. 58G. (c) Spallanzani, Méni. sur la respiration. Premier Mém., g 28, p. Ifil et suiv. (d) H. Uavy, Hesearches concernina Mtrous O.ryde and ils liespiratwn, 1800, ji. i-l'J'a i'.iS. (e) Pfatr, ?iouvelles expériences sur la respiration de l'air atmosphérique, principalement par rapport à l'absorption de l'azote, et sur la respiration du i/fli o.ryde d'aiote (Ann. de chimie, t. L\, p. 17", an XIII, et Nicliolson's Jou;-nn/ of Saturai Philosophy, 1805, vul. XII, p. '2¥J). if) Henderson, E.rperiments and Observations on the Changes which t!ie Air of the Atmosphère undergoes by Respiration, particularly with Regard to the Absorption of Sitrogen (Nidiolsoo's Journal of Satvrnl Philosophy, 1804, vol. VIll, p. 40). Exhalation d'azote. /|86 RESPIRATION, constatèrent aussi une absorption de l'azote dans la respiration des Poissons (1). Mais d'autres fois la différence était en sens contraire. Ainsi Jurine, Berlhollci, Nysten, Dulong, trouvèrent une certaine augmentation dans la quantité d'azote de l'air qui avait servi à la respiration (2). W. Edwards lit voir que ces différences dans les résultats ne dépendaient d'aucune erreur d'observation, mais existent bien réellement, et peuvent se présenter chez le même animal, suivant les conditions biologiques dans lesquelles celui-ci se trouve placé. Ainsi ce physiologiste constata que chez les Oiseaux il peut y avoir, dans différentes saisons de l'année, (1) Dans les expériences de M. de Huniboldt et Provençal, sur les Pois- sons , rabsorption d'azote était très considérable ; elle était à celle de l'oxygène comme 1 : '2 , quelquefois comme 5 : U [a]. Les mêmes expérimentateurs trou- vèrent que la respiration des Gre- nouilles ne change ni en plus ni en moins le volume de l'azote em- ployé (b). ('2) Dans un Mémoire sur la respi- ration, couronné par l'Académie de médecine en 1787, Jurine annonce qu'il sort des poumons de l'Homme, par l'expiration, plus d'azote que n'en contenait l'air inspiré (c). Les expériences de Berthollet por- tèrent sur des Cochons d'Fnde, et donnèrent une augmentation de 0,38 pour 100 parties d'air, due à de l'azote (d). Dans une première série d'expé- riences sur la respiration des malades, Nysten avait remarqué une augmen- tation dans la quantité d'azote contenu dans l'air expiré (e) ; mais, d'après la manière dont elles avaient été faites, il ne crut pas pouvoir en conclure que ce gaz avait été réellement exhalé (/); et pour résoudre cette question il fit des expériences sur des Chiens : il trouva alors que l'augmentation dans la quantité d'azote était très grande. Dans une de ces expériences, il évalue l'exhalation do ce gaz à 266 centi- mètres cubes, résultat qui doit faire supposer quelque erreur dans les ana- lyses (g). A l'époque dont je parle ici, les expériences de Dulong n'étaient con- nues que par un rapport de M, The- nard, publié dans le Journal de phy- siologie de Magendie. On y lit le (a) Mém. de la Soc. d'Arcueil, 1. 11, p. 388. (/)) Loc.cit., p. 389. (r) Jiirinc, Sur les avantages qtie la médecine peitt tirer des découvertes modernes sur l'art de connaître la pureté de l'air {Mém. de i.Acad. de méd., an vi, t. X, p. \'d). (d) BertliuUet, Notes sur divers objets, § ni: Sur les changements de l'air da)is la respira- tion (Mém. de la Société d'.ircueil, 1809, t. II, p. 459). {e) Nysten, Recherches de physiologie et de chimie pathologiques. In-S, 18H. (0 dp. cit., p. 215. ' (g) Op. cit. p. 224. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 487 l.-iiilùt aiigiiKMit:ilioii et d'aiitiTS fois dimiiiulioii dans la (|iuiMtit(' d'azole qui li-averse l'appanMl i)iilinoiiaire (1). Pour expliquer ces laits, W. Edwards avait pensé qu'il devait y avoir toujours à la Ibis dans le travail respiratoire une absorf)- tion et une exhalation d'azote, dont la résultante serait seule ap- préciable par l'analyse de r air respiré. Enetïet, ces phénomènes contraires n'altéreraient pas le volume primitit\le l'azote (|uan de l'espèce de cloison perméable représentée par les parois des vaisseaux sanguins des poumons, c'est-à-dire suivant qu'on introduisait une certaine quantité de ce tluidc élastique dans le sang ou dans le milieu ambiant. ^ 21. — Pour achever cette étude préliminaire de la nntm^e î-nnspiration "- ' pulmonaire. des phénomènes res[)iratoires, il ne nous reste ]tlus qu'à exa- miner l'origine de la vapeur aqueuse dont l'air (}ui sort de nos poumons se trouve chargé. Nous avons vu dans la dernière leçon qu'en général la quantité d'oxygène qui disparait dans l'acte de la respiration est plus grande que celle contenue dans l'acide carbonique exhalé, et que d'après Lavoisier cet excès d'oxygène serait employé à brûler de l'hydrogène excrété ]»ar les poumons et à produire de l'eau. On savait aussi qu'une quantité i)1us ou moins considérable de vapeur aqueuse s'échappe de l'organisme avec l'acide carbonique expiré, et les disciples de Lavoisier ont été conduits de la sorte à attribuer la transpiration pulmonaire à la formation de l'eau résultant de cette combustion respiratoire dont ils [)laçaient le siège dans les cellules pulmonaires (1). Nous examinerons ailleurs si la combustion physiologique doit être considérée comme donnant lieu à la production d'une certaine quantité d'eau dans la profondeur de l'organisme, et la question dont nous avons à nous occMipcr ici est seulement a disparu après sept nioiivements s'est trouvée de 93 pouces cubes (a). inspiiatoires était de 71 pouces cubes. (1) Aiusi Green, dans une lettre Dans l'autre cas, ce gaz entrait dans adressée à Van Mous, avance que la la composition de l'atmosplière respira- totalité de l'eau fournie par la lespi- loire pour 88 centièmes, et la quantité ration est de formation nouvelle, et absorbée au bout de liuit inspirations qu'il ne s'en sépare pas du sang {h). (a) H. Davv, lleseanltes, Chemical and Philosophical CJiie/lij concerning Mtrous Oxyde or Diphlogistirnied Mtrous Air and ils liespiration , 1H0O, [p. .">'.i4. (6) Annales de chimie, 1797, I. XMV, p. 190. /|9'2 , RESPIRATION. relotivc à la provenance directe de la vapeur aqueuse dégagée dans l'acte de la res|)iratioii. Or, il est facile de se convaincre que cette eau est fournie par le sang, de la même manière que nous avons vu h gaz acide carbonique être exhalé par ce fluide. En effet, nous savons déjà que le sang renferme de l'eau en abondance; environ les trois quarts de son poids appartiennent à cette matière, et l'absorption des boissons fait entrer chaque jour dans le torrent de la circulation un volume de ce liquide bien supérieur à celui <|iic l'orgaiiismc jieut rete- nir. Par conséquent, on n'a pas besoin de faire intervenir la combustion physiologique pour explicjucr le fait de la transpi- ration pulmonaire ; et d'ailleurs, comme je le montrerai par la suite, la quantité de vapeur aqueuse expulsée ainsi de l'éco- nomie est de beaucoup supérieure à celle qui poiu'rait être fournie par la totalité de l'oxygène en excès dont il vient d'être question. Dalton a constaté qu'il n'existe même aucune relation entre la quantité variable d'eau qui est vaporisée de la sorte et la quantité d'oxygène qui (lis|)araît dans le phénomène de la res- piration, sans être représentée par l'oxygène contenu dans l'acide carbonique (1). Ce qui règle la marche delà transj)ira- tion pulmonaire, c'est principalement l'état hygrométrique de (1) Dallon a fait voir que la qiian- faite sur liiimêmt', ce physicien respira tité de vapeur d'eau fournie «par la pendant dix minutes dans une éluve transpiration pulmonaire de Tllomuie où la température était de l/jO F (soit est (i peu près équivalente à celle qui, 60" centigr. ' , et où l'air était plus à la température du corps humain, est chargé d'humidité que ne l'est celui capable de saturer le volume d'air qui sort des poumons; cependant la plus ou moins chargé d'humidité lors quantité d'oxygène employée dans la de son entrée dans le poumon, que cet respiration était, comme d'ordinaire, organe expulse à chaque expiration. d'environ un quart plus grande que Dans le cas où l'air inspiré serait déjà celle contenue dans l'acide carbonique à la température des corps et serait à exhalé, l'ar conséquent, il y a coïnci- l'humiditéeNlrème, il est donc évident dence et non connexité euh'e l'absorp- que la transpiralion pulmonaire doit tion de l'oxygène et l'exhalation de être nulle. Or, dans une expérience l'eau {a). {a) On Respiration and Animal Henl (Manchester Memoirs, 1806, 2« série, vol. II). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. /l93 raircu contact avec l:i surface humifl(i jiar laquelle l'acte res- piratoire s'accomplit. J.a (piantifc d'eau (burnie à cette surface par le sang, dont elle n'est séparée que |)ar une couche mince de tissu perméahle, est toujours supérieure à celle qui peut s'y évaporer ; et dans l'intérieur des voies pulmonaires, de môme qu'à la surtace de la peau, les pertes dues à cette cause sont subordonnées aux conditions |)hysi((ues (jui indueraient sur la dessiccation plus ou moins rapide d'un linge mouillé ou de tout autre corps inerte. Une multiliide d'expériences faites par W. Edwards ne laissent aucun doute à cet égard. Elles mon- trent que l'évaporation a lieu chez le cadavre de la même ma- nière que chez l'animal vivant, et devient plus active ou plus faible suivant que l'air ambiant est sec ou humide, chaud ou froid, agité ou en repos. Nous aurons bientôt l'occasion de revenir sur l'étude de ces phénomènes, et je fournirai alors les preuves de ce que j'avance en ce moment (\). §22. — En résumé, nous voyons donc que la respiration Résumé consiste essentiellement en nu phénomène d'absorption et d'exhalation de gaz, par suite duquel un échange s'établit entre le sang et l'atmosphère; Que le sang charrie une certaine quantité d'acide carbonique qui s'y trouve en dissolution, ou (jui, retenu par des combi- naisons chimiques très faibles, se comporte comme s'il était simplement mêlé à ce liquide, et tend à s'en dégager dès qu'il arrive en contact avec de l'air atmosphéricpie, où il peut se répandre en vertu de la force expansive commune à tous les fluides élastiques ; Que l'oxygène est également susceptible de se dissoudre dans le sang, et que, par suite de la pression exercée sur (1; Voyez à ce sujet les divers clia- rouvra^e de \V. Kdwards relaliC à pitres qui traitent do la transpiralion Viiilluencc des aijoifs physique,^ sur cliez les animaux à sang froid, les ani- la vie. maux à sang chaud et Tlionime dans ffénéral. Ii9li RESPIRATION. ce liquide par l'oxygène de l'air, une certaine quantité de ce gaz y pénètre en même temps que l'acide carbonique s'en échappe ; Que dans les circonstances ordinaires le sang contient aussi en dissolution de l'azote, en quantité telle que l'azote de l'air insj)iré ne sufiit j)as à (\intre-balancer la tension de ce gaz, et qu'une portion s'en dégage i)our se répandre dans l'atmos- phère; mais que cette exhalation, d'une importance très secon- daire, n'offre rien de constant et se trouve subordonnée à la quantité d'azote libre que le sang tient en dissolution; de telle sorte que si ce dernier liquide n'est pas saturé de ce même gaz, ce sera au contraire un phénomène d'absorption qui se produira. Enfin, que l'exhalation de vapeur aqueuse qui accom[)agne d'ordinaire l'acte de la respiration chez les animaux terrestres est aussi une chose presque entièrement accessoire dans l'ac- complissement de cette fonction. Ce qui est essentiel dans la respiration se réduit donc à une absorption d'oxygène par l'organisme et à une exhalation d'acide carbonique dont cet organisme est la source, échange qui s'effectue par l'inlermédiaire du sang. Nous avons vu que les lois physiques auxquelles les disso- lutions gazeuses ordinaires sont soumises paraissent exercer une grande influence sur cette exhalation d'acide carboni(iue, et que l'absorption de l'oxygène semble être en partie au moins un phé- nomène du même ordre ; mais que cette pénétration de l'élé- ment comburant dans le sang est, selon toute apparence, liée à une certaine condensation de ce gaz par les globules hémati- ques, aussi bien qu'au cocfticicnt de sa solubilité dans le plasma. Il faut se rappeler aussi que ces deux effets contraires, l'ab- sorption de l'oxygène de l'air par le sang, et le dégagement de l'acide carbonique du sang dans l'atmosphère, tout en se pro- duisant simultanément, sont indépendants l'un de l'autre. iMais, bien que l'exhalation de l'acide carboni({ue ne soit pas Nature de ce phénomène. /i95 une conséquence immédiate de rabsorption de l'oxygène dans l'acte de la respiration, elle s'y trouve liée d'une manière indi- recte. En effet, ce [»hénomène, avons-nous dit, dépend de la (pianlité d'acide carl)oni(|ue qui se trouve en dissolution dans le sang ; et pour que ce dernier li(piide puisse en dégager ainsi sans cesse, il faut qu'il y ait dans l'intérieur de l'organisme vivant une source presque inépuisable de ce même gaz. Pour que l'absorption de l'oxygène soit également non interrompue, il faut aussi que le sang, saturé de ce principe, en abandonne d'un autre côté des quantités correspondantes. Par conséquent, la respiration, tout en ne consistant essen- tiellement (pi'eri un pbénoniène de dissolution et de déga- gement de ces deux gaz, est subordoimée à un autre pbénomène : à l'emploi de l'oxygène dans l'intérieur de l'économie animale, et à la production de l'acide carbonique soit dans le sang lui- même, soit dans les organes que ce liquide traverse. Or, ces deux résultais, comme nous le verrons |)lus tard, sont connexes : l'oxygène, introduit de la sorte dans la pro- fondeur de l'organisme, sert en dernière analyse à y engendrer de l'acide carbonique et quel(|ues autres produits de moindre importance, qui sont le résultat d'une sorte de combustion lente. Nous nous trouvons donc de nouveau en présence de l'idée que Lavoisier s'était formée du pbénomène de la respiration des .Vnimaux ; seulement, au lieu de placer le siège du feu vital dans l'organe respiratoire, et de supposer que l'oxygène de l'air est employé à brûler du carbone excrété au deliors par le sang qui traverse cet appareil et à y [>roduire sur place de l'acide carbonique, nous voyons (pie cette partie constitutive de l'atmosphère pénètre dans le sang et sert à alimenter la pro- vision de l'élément comburant dont ce licpiide est cliaroé- |)rovision (jui, à son tour, va fournir aux besoins de l'orga- nisme et y entretenir la itroduction de l'acide carbonique; enlin, que le gaz acide carboniijue ainsi engendré, après s'être dissous /l96 niiSPip.ATioN. dans le même véhicule, s'échappera :m (l(>hors par la voie à l'aide de laquelle l'oxygène est entré . "î i. MODE DK I'i:UFi:CTlONNt;ME>T DE SES ORGANES. 505 liKiiiellp lo passage dos gaz a lion doit vaiior Itoaiiconi», suivant i|iit' le lissii organi([iio inlerposc de la soric entre le lifpiide nourricier et l'atmosphère est plus ou moins perméable. En parlant des procédés mis en usage par la Nature pour diversilier les produits de la C-réal ion, j'ai dit que les dilTérences introduites dans les organismes animés dépendent en grande partie des divers degrés de puissance et de pertection avec les- quels leurs instruments pliysiologi(pies ronctionnent. Nous pouvons donc prévoir que l'activité respiratoire sera 1res ini'- ^Icchez les Animaux, et l'observation nous montre (pi'eitécti- vement il en est ainsi. Les uns ne consomment que peu d'oxy- gène et ne dégagent (pi'une faible (luantité d'acide earboni(|ue; ils résistent aussi pendant très longtemps à l'iriterruption de cet échange respiratoire. D'autres absorl)ent l'oxygène avec une grande rapidité, émettent en même temps des (luantités consi- dérables d'acide carboniipie, et périsserd très \ iie lorsque ce phénomène physiologique se trouve suspendu. Nous verrons j)lus tard (pie ces différences dans la puissance res[)iratoire et dans l'importance de ce travail sont en relation directe avec l'activité vitale et avec le degré de [icrfectionncmenl auquel rorjj;anismc arrive; en ce moment il me suffit d'annoncer le fait, sauf à fournir ailleurs les preuves de ce cpic j'avance. Nous devons donc nous altendre à trouver l'appareil respira- toire disposé de façon à agir avec des degrés de puissance très variés chez les divers animaux ; et si les règles que j'ai posées dans mn première leçon ; 1 ) relativement aux moyens de per- fectionnement physiologique sont vraies, nous [louvons pK'voir comment la Nature aura procédé dans la conslilulion de ces instrumenis, à mesure qu'elle en aura demandé un service plus actif. Ces perfectionnemenis pourront porter sur trois choses : ;1) Voyez ci-dessus, page 16 et stiivanles. 1. 6^ 506 HKSPIIWTION, Sur la inanièiT dont l'oxygène de ratmospliore est fourni à la surface res|)irante et dont l'acide carbonique exhalé par cette surface est entraîné au loin ; Sur la [)uissance absorbante et exhalante dont cette surface est douée ; Sur l'activité avec laquelle le lluide nourricier, séparé de l'atmosphère par un tissu perméable, fournit de l'acide carbo- nique pour alimenter cette exhalation, et s'empare de l'oxygène (]ui doit y être dissous, pour pénétrer ensuite dans les profon- deurs de l'organisme. , Conditions § " ~~ ExamluoDs d'abord ce qui a trait à la constitution ae lalurface ^'^ '-^^ perfcctionncmcnt de l'organe respiratoire lui-même, c'est- respiratoire. ;,,jj^.g ^j^ jjj elolson pcrméablc qui sépare le sang de l'air atmos- pljéri(|ue et qui doit livrer passage aux deux coinçants en sens inverse, formés l'un par l'oxygène absorbé, l'autre par l'acide carbonique cxlialé. La division du travail [)hysiologique est le procédé le plus puissant employé par la Nature pour arriver au perfectionne- ment des organismes ; mais la Puissance créatrice, ai-je dit, semble être toujours économe dans les moyens mis en nsage pour produire le résultat voulu, et n'arrive à spécialiser l'action des divers instruments de la vie que là où des organes, chargés à la fois do plusieurs fonctions différentes, ne suivraient plus aux besoins de l'animal. Nous pouvons donc prévoir que chez les membres les plus dégradés de la grande famille zoologique la respiration ne s'exercera pas à l'aide d'instruments spéciaux et aura son siège dans toutes les parties qui remplissent les conditions énumérées ci-dessus, (luels que soient d'aillein^s les autres usages auxquels ces parties peuvent être destinées. Respiration Or, chcz Ics Auluiaux les plus simples, et par conséquent diffuse. . ,.•!.• • • il aussi les plus uuparlaits, les tissus organiques qui occupent la surlace du corps ne diffèrent (jue peu des parties intérieures; et lors même qu'ils constituent une tunique bien distincte plus MODE DE rElU'KCTIONNKMr.M Di: SFS ORGANES. 507 OU moins nnalogiio ù l;i poiui des Animaux supérieurs, leur subsfauee est toujours laeilement j>erm(\nble aux gaz. Les tégu- ments eommims, tout en servant d'organe proteeleur au reste de l'économie, tout en étant l'agent nni(iue des Ibnetions do relation, et remplissani, coiiime nous le verrons ailleurs, beau- coup d'autres usages encore, pourront donc élre aussi l'inslrii- ment de la respiration, (^bez ces Animaux irdérieurs , nous pouvons donc prévoir ipie la respiration sera unirpiement cutanée. Nous pouvons prédire aussi rpie cbez h^s Animaux les plus .simples elle sera diffuse ; car la dégradation organi(pie suppose l'uniformité de structure, et la similitude dans la constitution des insiruments de la vie entraîne l'uniformité dans lein^s fonc- tions. Par conséquent la peau, étant partout semblable à elle- même, de\ra être un agent respiratoire dans tous les points où elle reçoit le contact du fluide respirable, c'est-à-dire dans toute l'étendue de la smTace extérieure du corps. Une première condition de perfectionnement de l'instrument influence . , , -IIP] 1 '''^ l'étendue respu^afoire sera 1 augmentation de la surtace de contact avec le «le la surface ,, . , • 1 I T-i • 1 1' 1 1 11- n respiratoire. tluide respn^able. h.xammons donc tout d abord 1 mlluence que le volume et la forme générale du corps peuvent exercer sur l'aptitude des téguments communs à remplir le rôle de pour- voyeur de la combustion physiologique. Nous avons vu déjà que les besoins de la respiration sont déterminés par des réactions chimiques qui se manifestent dans la substance même de toutes les parties de l'organisme et se lient au travail de nutrition dont toute matière vivante est le siège. Nous pouvons donc supposer que là où la matière orga- nisée se trouve douée d'une puissance nutritive égale, l'activité du travail respiratoire devra être proportionnelle à la quantité de cette matière employée à la constitution de la machine vivante. Ainsi nous devons présumer que, toutes choses égales d'ail- leurs, les animaux d'un même volume auront besoin d'absorber. 508 RESPIRATION. eu un temps donné, une même quantité d'oxygène et d'exlialer une même ({uantité d'acide earboniqnc. Or, la forme spliérique est de toutes les Ibrme? celle sous laquelle les corps à voliuiies égaux offrent le moins de surface. Nous devons donc la consi- dérer comme la moins avantageuse à l'exercice de la respiration cutanée, et nous pouvons prévoir que chez les animaux où la combustion vitale s'alimente par cette voie, elle ne pourra se rencontrer que si les besoins de cette combustion sont très bornés. Par conséquent, la Ibrme spliérique et les formes qui s'en approchent seront, à nos yeux, un indice d'infériorité zoologique; car la grandeur de l-a force respiratoire se lie, comme Je l'ai déjà dit, au développement de la puissance vitale. Il est aussi à remarquer que le volu.me d'une sphère, ou, ce qui revient au même, la quantité de matière dont elle se com- pose, n'est pas en rapport direct avec l'étendue de sa surface, et que la quantité de celte matière ({ui correspond à une étendue donnée de cette surface décroît rapidement à mesin^e que le diamètre de la sphère devient plus petit (1). 11 en résulte que la forme sphérique sera d'autant moins défavorable à l'exercice de la resi)iration cutanée, ([ue le corps de l'animal conformé de la sorte sera lui-même plus petit. Nous pouvons donc comprendre pourquoi la Nature n'a adopté des formes de ce genre que pour la constitution des animalcules inférieurs dont la masse est si faible , que pour les apercevoir il nous fiiut le secours du microscope. Ces applications de la géométrie élémentaire à l'étude des conditions du travail respiratoire chez les Animaux où les rela- tions entre l'air et l'organisme ne s'établissent (|ue par la surface générale du corps, nous conduisent aussi à prévoir (junn des premiers procédés employés par la Nature {)0ur augmenter la (1) On doit se rappeler en effet que rayons ; tandis que le rapport de leurs le rapport des surfaces de deux sphères volumes est égal à celui des cubes de est égal à celui des carrés de leurs leurs rayons. MODE DE PERFECTIONNEMENT DE SES ORGANES. 509 puissance absorbante et exlialante de ces a])pareils à eonibustion sera de substituer à la forme s[>béri(iiie de l'oriianisme une tbrnie plus ou moins lamelleuse ; de la sorte l'étendue de la siirtace res[>iratoire se trouvera augmentée sans fpie rien ail été cbangé dans l^e nombre ou la grandeur des [)artieules de matière vi\anle aux besoins desquelles le travail exéeuté par cette surtaec doit subvenir. El , efteetivement , lorsque nous étudierons le mode de développement des animalcules infé- rieurs, nous verrons qu'en général leur forme tend à se modi- lier de la sorte à mesure que lem* organisme se perfectionne. Mais si l'exiguïté de la masse des corps vivants à respiration diffuse est une condition favorable à la [missance relative de celte fonction , elle est d'antre part une cause d'infériorité phy- siologique , et nous avons d('jà vu (pi'un des moyens mis en usage pour perfoclioimer les organismes est d'en augmenter le volume. Toutes choses égales d'ailleu.rs, raccroissement delà masse vivante doit amener à sa suite une augmentation dans les besoins aux(iuels la respiration est api)elée à satisfaire. Ainsi , soit que le corps vivant devienne plus grand sans que l'activité fonctionnelle de chacune de ses parties intérieures augmente , soit que le volume de ce corps restant le même, la combustion physio!ogi(pie dont il est le siège s'active, il taudra que la sur- face respiratoire se modifie, et si sa faculté absorbante reste la même, il faudra que son étendue s'accroisse. Or, cet accroissement de la surface respiratoire s'obtient Localisation , . de facilement par quelques modifications dans la forme extérieure la respiration. du corps. Si la masse vivante, au lieu de se terminer par une surface bombée et lisse, se hérisse de parties saillantes; si la membrane tégumentaire, au lieu d'être unie, présente des pro- longements ; si elle se plisse an lieu de rester tendue, et si ces plis, au lieu d'être continus, se silloiment transversalement de façon à constituer des folioles ou des filaments appendi- culaires , la surface absorbante et exhalante ainsi constituée physiologiq 510 UKSPIR\T10^. par la niènie (iiiantité de tissu organique deviendra de plus en plus étendue, et cette surface recevant toujours le contact du fluide rcspirahle par chacun de ses points , l'activité fonction- nelle de la respiration augmentera d'une manière correspon- dante. Emprunt. Alusî cc sonl Ics parties saillantes de la surface du corps qui doivent tendre d'abord à devenir plus s|)ecialement 1(^ siège d'une respiration active, et à constituer les instruments princi- paux à l'aide desquels cet acte s'effectue. Ces parties sont en même temps les mieux appropriées aux besoins de la locomo- tion, et par conséquent nous pouvons nous attendre aussi à voir les organes du mouvement et ceux de la respiration sou- vent confondus chez les animaux inférieurs où la division du travail physiologique n'a fait que peu de progrès. Mais pour agir avec force à la manière de rames, et pour être des instru- ments puissants de natation, ces parties saillantes doivent offrir dans leur slnicture une solidité, une consistance qui sont incom- patibles avec nne grande perméabilité ; lorsqu'elles servent à la fois aux mouvements généraux de l'animal et à l'absorption du fluide respirable , elles ne sauraient être que des instruments très imparfaits tant pour la respiration que pour la locomotion, et ici encore le perfectionnement physiologique entrahie la spé- Division eialité d'action. 11 y aura donc division dans cet appareil à usages mixtes; certaines parties seront affectées uniijuement à la respiration et d'autres aux mouvements. Ce progrès cepen- dant pourra être insuffisant pour correspondre aux besoins croissants des organismes de plus en plus élevés , et alors , d'après les principes posés au début de ce cours, nous devons voir ai)paraître des organes de création nouvelle dont la struc- ture est combinée uniquement en vue des besoins de la respi- ration. La théorie zoogénique dont j'invoque ici le secours nous apprend donc que chez les Animaux les plus sim|)les la respi- du travail Créations orgaiiiqin'S MODE DE PERFECTIONNEMENT DE SES ORGANES. 511 ration doit être dilïiise ; qirà un degré un peu moins bas de rorganisatioii , elle tendra à se localiser , et tout en restant cutanée, s'exercera principalement à l'aide des parties appen- diculaires du corps qui servent en même temps à d'autres ser- vices physiologi(jues, aux mouvemeuts ou à la préhension des aliments par exemple ; puis, qu'en devenant plus parl'aite, elle aura son siège dans des parties de l'enveloppe générale qui seront adaptées spécialement à cet usage ; enfin que des pro- ductions organiques nouvelles pourront être créées pour satis- faire à l'activité toujours croissante de cette fonction chez les êtres dont les facultés sont plus parfaites. Nous voyons aussi que les parties saillantes affectées au service de la respiration ^pé^'^'*^^*- doivent se plisser et se digiter de plus en plus à mesiu^e que leur action devient plus intense , car pour elles une première condition de puissance est d'offrir sous un petit volume une grande surface, afin d'oftVir au lluide respirable des points de contact très multipliés sans (pie la substance vivante employée à les former soit en quautilé suffisante pour accroître notablement les besoins créés par la combustion |)hysiologi(pie. Ainsi les instruments spéciaux de la respiration, après avoir été obtenus par emprunt et avoir été constitués à l'aide de rames natatoires ou de (pielques autres api>endices de nature analogue, seront des parties nouvelles surajoutées à celles dont se compose l'organisme des Animaux inférieurs , et ce seront d'abord des parties saillantes qui auront la forme de lamelles, de tilaments, de panaches ou d'arbuscules , suivant que leur structure se perfectionnera plus on moins. On les désigne alors sous le nom de branchies , taudis (ju'on apj)elle patles bran- chiales les organes qui en lieiment lieu, lorsque cette division du travail ne s'est pas encore effectuée cl que la respiration s'opère essentiellement à l'aide des rames locomotrices. ^8. — 11 est également facile de comprendre que la struc- Ai>(.ropri;itii.ii ture du tissu dont ces instruments sont tonnes, atin d être plus 512 RESPIRATION. [jcrinéablo aux gaz, doit devenir aussi de plus eu plus délicate. Mais lors({ue la res|)iration est cutanée et dilTuse, cette condi- tion ne peut se réaliser qu'au détriment d'une autre Ibnclion, dont la tunique membraneuse de l'organisme est également chargée : celle d'agent protecteur des parties intérieures. Les propriétés en vertu desquelles la peau })réserve ces parties internes des lésions auxquelles le contact des corjts étrangers les exposerait sont inverses de celles qui favoriseraient son action comme agent d'absorption ci d'exiialation. Par consé- quent, sous ce ra[)port aussi, le dévelo[)pement de la puissance physiologique nécessite la division du travail, et pour obtenir un premier degiM' dans cette division, il sul'lit d'approprier plus spécialement une portion de la surface tégumentaire à son rôle d'organe défensif, et de placier sous la protection de l'espèce de gaîne ou d'armure ainsi obtenue nne autre portion de la tunique commune, dont le tissu, devenu plus délicat et plus perméable, est par cela môme apte à fonctionner plus spécialement comme organe absorbant. La respiration cutanée, de diffuse qu'elle était , tendra donc à se localiser dans certaines régions de la surface générale du corps avant même (pie l'organisme se soit enrichi d'instruments spéciaux })our l'exercice de cette fonction. Ce qneje viens de dire relativement au perfectionnement de la tunique commune du corps considérée comme organe respi- ratoire est également vrai |)our les j)atles branchiales ou les autres appendices (pii, chez les Animaux plus élevés, deviennent les agents spéciaux de la respiration. Toutes clioses égales d'ailleurs, leur activité fonctionnelle sera en rapport direct avec le degré de leur perméabilité, et celte dernière propriété sera Nécessité subordonnée à la délicatesse de leur structure. Mais lorsque ''proteTr" ^es parties sont saillantes à l'extériem^ une grande délicatesse de tissu les exposerait également à une multitude de lésions, et par conséfpient aussi nous pouvons prévoir que ce genre de Localisatirin de la respiration cutanée. Mode MODE DE PERFECTION^EMEM DE SES ORGANES. 513 perfectionnement nécessitera bientôt la rentrée des brancliies dans quelque cavité en communication lacile avec le tluidc audjiant, ou la création d'organes protecteurs destinés à les pré- server du contact des corps étrangers. Si les principes développés dans ma première leçon sont j,_,,,^.„ji^„ vrais, la chambre respiratoire où rapi)areil branchial cher<'hera ^^^ ^J'-^^^^.^^ d'abord refuge sera une cavité {)réexistante dans l'organisme des Animaux inférieurs qui dérivent du même ty|)e zoologiijue: ce sera un logement d'emprunt tel (|ue peut en fournir la bouche ou l 'intestin ; puis , lorsque la machine physiologique se per- lectionnera davantage, la division du travail s'établira, et la cavité renfermant les branchies appartiendra exclusivement à ces or- ganes : ses parois seront d'abord construites avec des matériaux semblables à ceux em|)loyés pour la constitution de ces appen- dices, un repli de la peau, par exemple. Eniin la chaml)re respi- ratoire pourra , en se perfectionnant à son tour, devenir le résultat d'une création organicjue spéciale. Or, ce sont là en elTet les formes sous lesquelles nous rencontrerons l'appareil protecteur des branchies dans les divers rangs du Règne animal. § 9. — Nous pouvons prévoir aussi que ce gem^e de |)erlec- Modc do tionnemenf oriianifiue doit entraîner à sa suite d'autres com- remumiuMneni >- 1 dii tluide plications dans la structure des Animaux. Lorscjuc les organes ^^pirabic. respiratoires sont extérieurs, le lluide rcspirable dans lequel le corps de l'individu est plongé peut se renouveler à leur sur- face i)ar le seul fait des mouvements généraux, et les iuslni- ments de lalocomoliou })envent constituer aussi l'appareil méca- ni(pie destiné à fournir à la surlace absorbante les matières à absorber, en mèuie temps <|u'il achève le rejet des matières excrétées. Nous vcriMus effeclivemcut (jue chez les Animaux les plus simples tciulc la sui face (ki corps est garnie de petits fdamenis uiohiNs, ajipelés cils vihratUes^ qui servent à la fois piiur la natarmn, l'ingurgilalinn des aliments et le renouvelle I. (i") 51 /l RESPIRATION. ment du lluide respirable (1). Chez d'autres Animaux, qui occu- pent un rang plus élevé, nous trouverons des pattes branchiales qui cumulent encore les fonctions d'organes de la locomotion et de la respiration, car ces rames renouvellent l'eau aérée qui baigne leur surface en même temps qu'elles déplacent le corps. Enfin, chez d'autres les instruments affectés au service de ces deux fonctions seront distincts, mais ce sera l'appareil de la loco- motion qui aura fourni en quelque sorte les matériaux de l'appa- reil respiratoire, et celui-ci se composera d'organes qui, dans le plan primitif du type zoologique dont ces êtres dérivent, étaient des pattes ou des rames natatoires, mais (pii ont été modifiés de façon à ne pouvoir plus servir comme leviers et à être propres à l'absorption et à l'exhalation seulement. Il s'établit ainsi des liens nombreux et variés entre le travail de la respiration et les phénomènes de locomotion, ou les actes qui doivent assurer l'entrée des matières alimentaires dans l'appareil digestif. i\Iais lorsque la respiration a pour ainsi dire élu domicile dans (1) La découverte des cils vibra- tiles des Animalcules infusoires est due à Leeuwenhoek (o) ; mais le mou- vement qu'ils déterminent paraît avoir été remarqué chez les Moules et les Huîtres vers la fin du xvii"= siècle par Antoine de Ileide (6). La plupart des micrographes qui ont étudié les Ani- maux inférieurs ont ajouté de nou- velles observations relatives à Texis- lence ou au jeu de ces filaments, et depuis vingt-cinq ans on les a re- trouvés dans diverses parties de l'orga- nisme dans toutes les classes du Règne animal. Les travaux de recherches les plus importants publiés sur ce sujet sont ceux de M. Ehrenbèrg (c), Shar- pcy [d), inu-kinje et Valentin [e). M. Sharpey a donné aussi un excel- lent article général sur les cils vibra- tiles considérés dans le Règne animal tout entier. (Todd's Oyclopœdia of Anat. and Phijsiol , 1836, vol. I, p. 606. ) (o) Leeuwenhoek, Epist. 17, 1687. — Continuatio epistolariim, 1715, p. 95. — Continuatio arcanorum ^'alura•, 1719, p. 382, 386. (b) Anatome Mylhti, \è8d. o< n - • . i ooo (c) Ehrenbèrg, Recherches sur les Infusoires {Ann. des se. nat., 1834, 2- série, I. 1, p. ---, el Mém. de VAcad. de Berlin pour i^2l, de). . . ■ , ,va- u (d) Sharpey, On a Peculiar Motion excited in Fluids bij the Surfaces of Certain Animais (tamo. Med. and Surg. Journ., 1830, vol. XXMV, p. H3). ie) Pui-kinie et Valentin, Entdeckung continiiirlicher durch mmperhaare erzeugtcr hlmmer- bewegunijen {Arch. fiir Phys., von MùUer, 1834, Bd. I, p. 391). — Commentatio physiologica de phœnomeno motus vibrotorii contimd, etc., 1835. MOUE DE FEKFECTIOM^EMENT DE SES ORGANES. 515 une chambre particulière , elle a besoin d'avoir à son service des agents moteurs spéciaux destines à assurer le renouvelle- ment du lluide respirable dans rintérieur de cette cavité. Delà encore une nouvelle cause de com[)lication dans la structure de l'appareil à l'aide (lu(picl cette lonction s'exerce, et, confor- mément à la loi du perfectionnement par division du travail , nous verrons onr respirer dans l'atmosphère. ^ 11 . — Nous avons vu, au commencement de cette leçon, conditions "de que le môme organe peut absorber l'oxygène qui se trouve à la respiration l'état de liberlé dans l'atmosphère ou ([ui est tenu en dissolntion dans l'eau. On comprend donc la possibilité de la respiration aérienne à l'aide d'instruments semblables à ceux qui sont destinés à agir dans l'eau, et l'exercice alternatif de cette fonc- tion dans les deux milieux par le même organe (1). Nous ren- (1) l'iiisioiirs cxpt'iienccs de Spal- fluide sur ses bi-ancliics , absorba lanzani prouvent que les branchies 9 centimètres cubes d'oxygène; tandis sont le siège de pliénotîiènes respira- qu'un autre Poisson de même espèce loires, quand ces organes sont en con- placé dans les mêmes conditions, tact avec l'air aussi bien que lorsqu'ils mais dont la chambre branchiale était sont plongés dans l'eau. Ainsi une maintenue fermée , n'en absorba que Tanche placée dans un récipient rem- U centimètres cubes. Dans d'autres pli d'air, et pouvant, par les mouve- expériences , la différence fut encore ments de sa bouche, faire passer ce plus marquée [a). (a) Sénebier, Rapports de i air avec les élres organisés, t. I, p. tSl et suiv. aérienne. de M. Flourens. 518 KKSPIKATIOIN. • contrerons en etïet des exemples d'animaux qui méritent ainsi bien complètement le nom d'Amphibies; mais l'observation nous apprend qu'en général les choses se passent autrement, et que la plupart des Animaux a(piatifiues s'asphyxient et meurent plus ou moins ra[)idement lorsqu'on les retire du li([uide où ils vivent d'ordinaire et qu'on les expose à l'air. Ce phénomène, qui au premier abord doit paraître bien singulier, puis(]u'ils sont alors entourés d'un milieu plus riche en oxygène, s'explique cependant très aisément et dépend de deux causes. Expériences Tantôt l'asphyxic des animaux aquatiques exposés à l'air tient à vm etïet mécanique des plus simples, dont l'influence a été mise en hunière par IM . Flourens. La densité des parties molles dont les instruments de la respiration se composent ne diffère que peu de celle de l'eau, et , lorsqu'elles sont plongées dans ce licpiide , la moindre force suffit pour l'aire flotter et pour écarter entre elles les lamelles délicates ou les filaments grêles dont ces organes sont formés. Il en résulte que l'eau aérée peut aussi se renouveler facilement dans tous les intersfices laissés entre ces prolongements membi^meux, et que l'action de l'oxygène s'exerce dans toute l'étendue de leur surface. Mais lorsque ces mêmes tissus sont plongés dans l'air, leur poids se trouve aug- menté de toute la différence qui existe entre le poids de l'eau et le poids de l'air en volumes égaux au leur, et par conséquent, à moins d'avoir une rigidité qu'elles n'offrent presque jamais, les lamelles respiratoires doivent , au contraire, s'affaisser, s'appliquer les unes sur les autres, et former une masse dont la surface seulement reçoit le contact de l'air. Or l'étendue de cette surface est d'ordinaire très petite, comparativement à celle qu'offre le développement de ces appendices, et la diffé- rence déterminée de la sorte est bien plus considérable que celle résultant de la quantité d'oxygène contenue sous un même volume dans de l'air ou dans de l'eau aérée. Par conséquent, MODE DE PERFECTIOTSNEMENT DE SES ORGANES. 519 il peut arriver que, par cette seule cireonstance, le Iravail res- piratoire se trouve affaibli au poiut d 'entraîner l'asphyxie et la mort (1). L'autre cause qui concourt d'ordinaire à rendre les or- influence ganes de respiration aquatique ini|»roprcs à la respiration h dessiccation. aérienne est la dessiccation (ju'ils éj>rouvent par leur exposition à l'air. Les recherches deW. Edwards tendent à montrer ([ue cette cause contribue à l'aire périr les Poissons que l'on retire de l'eau (2), et nous verrons plus tard que chez les espèces qui peuvent-résister plus longtemps que d'ordinaire à ce change- ment de milieu, la Nature a ménagé divers moyens propres à empêcher ou à retarder l'évaporation par la surface respira- toire. -Alais l'influence de la dessiccation sur la mort des Animaux aquatiques qui sont exposés à l'atmosphère a été surtout mise en évidence [)ar les expériences laites, il y a vingt-cinq ans, par Audouiu et moi, sur la rcs[)iralion des Écrevisses et d'autres Crustacés. Nous fîmes voir que chez ces Animaux la respiration se continue bien plus longtemps dans l'air humide que dans l'air sec , et que chez les Gécarcins ou Crabes terrestres, animaux qui sont destinés à vivre hors de l'eau, mais qui sont conformés d'après le même plan organique que les Crabes marins et les autres Crustacés dont la vie est aquatique, les branchies sont préservées de la dessiccation à l'aide de réservoirs d'humidité ou d'autres dispositions analogues (3). § 12. — Nous pouvons conclure de tous ces faits que les parties destinées à être le siège d'une respiration aérienne un peu ac- (1) Expériences sur le mécanisme (3) Voyez llapporl sur un Mémoire de la respiration des Poissons , par intilulé : De la respiration aérienne M. Flourens ( jhmales des sciences des Crustacés , par MM. Audouin et naturelles , 1830, t. XX, p. 5). Milne Edwards {Annales des sciences [T) Influence des agents physiques naturelles, 1828, t. XV, p. 85 , et sur la vie, cliap. ii , p. 113, Ole, Histoire naturelle des Crustacés, par 182^. Milne Edwards, t. I, p. 92). 5!20 RESPIRATION. tive devront être à l'abri de ces deux influences perturbatrices. Ainsi la peau ne pourra être un instrument puissant de res- piration chez aucun Animal terrestre, car, j^ar son exposition à l'air, sa couche superlicielle , composée de tissu utriculaire, se dessèche promptement pour former l'espèce de couverte nounnée épiderme^ et oppose un obstacle considci'able au pas- sage rapide des gaz , soit du dehors au dedans , soit en sens contraire. Elle ne pourra fonctionner de la sorte avec un peu d'activité (pie si l'Animal vit habituellement dans des lieux très humides, comme c'est le cas jiour la Grenouille et la Sala- mandre, et si la couche épidcnnicpie qui se trouve placée entre l'air extérieur et le derme où circulent les fluides nourriciers est très mince et très perméable. La même raison rendrait imfiro- pres à la respiration aérienne tous ces arbusculcs, ces franges, ces panaches (jni font saillie à la surface du corps cliez beau- coup d'animaux aquallipies , et y constituent, comme nous l'avons déjà vu, un ai)[)areil branchial plus ou moins [luissant. Pour être préservées de la dessiccation qui est incompatible avec l'exercice de leurs fondions, les surfaces où s'effectue la respiration aérienne doivent donc être logées dans une cavité intérieure, une chambre où l'air se charge f>romptement d'iuimi- dité sans jamais enlever l'eau interstitiaire qui est nécessaire pour donner aux tissus de l'organe ses propriétés physiologi- ques normales. On comprend donc que si une membrane feuilletée ou digilée, comme le sont d'ordinaire les instruments de respiration aijua- tique, était protégée de la sorte, elle |)Ourrait servir à la l'cspi- ration aérienne , et nous verrous qu'effectivement c'est pai- im procédé analogue (pie la Nature ai>pro[)rie à la vie terrestre l'organisation de (piehpies Animaux (|ui ont des branchies tout comme les Animaux aquatiques. Mais il est facile de prévoir par les considératinus (pie suggèrent les expériences de M. FIou- rens, combien celle stiucture serait \m\ favorable à l'activité MODE DE PERFECTlOMVEMExNT DE SES ORGANES. 521 du travail rospiraloire , et combien il serait prél'éi'able de dis- poser ces expansions en nuinièi'c de cloisons, afin de les main- tenir écartées entre elles. . C'est là en effet la différence anatomiqiie fondamentale qne nurdrences 1 on remarque d ordniau'e entre les organes spéciaux de respi- ics branchies 6t ration aquatique aux({uels on donne le nom de branchies, et les les poumons. instruments créés pour le service de la respiration aérienne et connus sous le nom de poumons. Des branchies sont des parties saillantes , des appendices absorbants qui renferment le fluide nourricier dans leur inté- rieur, et qui reçoivent le contact du fluide respirable par leur surface extérieure. Les poumons sont des cavités , des poches absorbantes qui reçoivent le fluide respirable dans leur intérieur, et qui l'entou- rent d'une couche mince de fluide nourricier contenu dans des canaux dont leurs parois sont creusées. Il est à noter cependant que la cavité affectée au service de Trachées. la respiration aérienne n'a pas nécessairement la forme d'un sac; elle peut être tubulaire, pourvu que ses parois ne s'affais- sent pas et qu'elle reste perméable à l'air. C'est effectivement la disposition qui se rencontre chez un grand nombre d'animaux, et qui est propre aux organes que les anatomistes appellent des trachées. Du reste, que la cavité respiratoire ait la forme d'un sac ou conditions d'un tube, les conditions de perfectionnement de cet appareil perfectiomiem, sont essentiellement les mêmes que pour les branchies, et consistent d'abord dans l'augmentation de la surface de contact offerte à l'air inspiré. Pour les trachées, cette augmentation s'obtenait par l'allon- gement et les ramifications de plus en j)lus nombreuses du tube aéri l'ère. Pour les poumons, elle résulte de la multiplication des cloi- Multiplicité , . , ,. . , Il I I ^''-'^ cellules sons membraneuses qui subdivisent en loges ou cellules la pulmonaires. I. 66 52*2 RESPIRATION. cavité du sac respiratoire. Plus la surface absorbante devra être étendue, plus, sous un même volume, le nombre de ces lamelles sera grande, et plus aussi les cellules pulmonaires seront petites, de'bïurfece § 13. — A CCS perfectionnements, dus les uns à l'augmenta- respiratuue. ^.^_^^^ dc l'étcndue relallvc de la surface respiratoire, ou de la perméabilité de cette surface, les autres au renouvellement plus rapide et plus régulier du iluide respirable, ou A la quantité d'oxygène libre que ce fluide peut fournir, viennent s'en ajouter d'autres qui sellent au rôle du sang dans l'acte delà respiration. Puisque l'oxygène consommé dans ce travail doit être dissous dans le tluide nourricier, il est évident que, toutes choses étant égales d'ailleurs, la quantité de ce gaz dont un animal pourra s'emparer sera d'autant plus grande que la quantité de sang mis en rapport avec l'atmosphère i)ar l'intermédiaire de l'or- gane de la respiration sera elle-même plus considérable. Ainsi la vascularilé plus ou moins grande du tissu dont cet organe se compose doit être une des conditions ([ui en règlent l'activité. Influence Enfiu, ituisiiue l'oxvgène absorbé doit être dissous par le de la nature ' i i i ■- du sang. g.|,^g^ 1q puis-ance respiratrice d'un animal doit dépendre aussi en partie de la faculté dissolvante dont ce liquide est doué. Or, nous avons vu (]ue la propriété d'absorber ainsi des gaz tient en partie à la présence des matières salines dont le plasma est chargé, mais principalement à la présence des globules qui semblent agir comme des corps condensateurs, et être com- parables sous ce rapport aux substances poreuses, telles rpie le charbon dc bois, (pii fixent dans leur intérieur des (piantités considérables dc fluides aériformes sans contracter avec eux aucune combinaison chimi(iue. Nous en pouvons conclure que la richesse du sang sera également une condition d'activité res- piratoire. D'après les faits ([ue j'ai rapportés dans une précé- dente leçon (1), je suis porté à croire (pic le volume de ces (I) Voyez ci-dessus, page 53 et suiv. MOUE DE PERFECTIONNEMENT DE SES ORGANES. 523 c'orpiisrulcs excrro aussi une certaine influence sur l'intensité des phénomènes dont l'étndc nous occupe en ce moment. Nous [)Ouvons ajouter encore que l'emploi plus ou moins innuence de rapide de l'oxygène dans la profondeur de l'organisme, et la la combustion ,.,,"., , . . , pliysiologique, production d acide carbonKjue, (pu en est nue couserpience, etc. doivent inikier dans le même sens sur l'activité avec laciuelle l'échange de ces gaz s'opère à la surlace de l'organe respira- toire, puisque le sang sera d'autant plus apte à s'emparer de nouvelles ipiantités d'oxygène qu'il aura abandonné [)lus rapide- ment la provision duiil il était déjà chargé. .^Inis ce sont là des considérations qui se lient à l'étude d'un autre ordre de phé- nomènes, et nous y reviendrons en étudiant la statique des Animaux. Enfin je renverrai également à un autre moment l'examen de l'influence du mode de circulation du sang sur l'activité du travail respiratoire, et dans la leçon prochaine je passerai à l'histoire anatomique des organes dont je viens d'in- diquer sommairement les caractères généraux. «5 ADDITIONS. Depuis l'impression des leçons précédenles sur le sang, l'instilution Smith- sonienne de Washington a fait paraître nn travail très étendu de M. J. Jones, professeur de chimie au collège médical de Savannah, sur divers points de physiologie comparée (1), et comme la science ne possède encore (jue peu de recherches de ce genre, je crois devoir en extraire quelques faits relatifs à l'his- toire du fluide nourricier chez divers Animaux. DEUXIÈME LEÇOIS. S 10. — Les observations microscopiques de M. Jones sur la structure des globules rouges du sang ont conduit à des résultats conformes on tous points aux vues exposées dans cette leçon. Il considère ces corpuscules comme des cellules libres qui, par leur mode de constitution et leurs propriétés, ressemblent aux cel- lules élémentaires des tissus sécréteurs (2). En étudiant l'action de l'acide acé- tique sur les globules du sang des Poissons et des Tortues, il a remarqué que la membrane tégumentaire de ces corpuscules adhère au noyau vers le centre du disque, et que les premiers effets produits par l'action de ce réactif détermi- nent le gonflement de la partie périphérique, de façon à les rendre biconcaves ou à leur donner la forme de petites clepsydres quand l'endosmose se concentre davantage aux deux extrémités du grand axe de l'ellipse. La tunique du globule devient ensuite de plus en plus transparente, et par l'action prolongée de l'acide elle peut même se dissoudre, et alors le noyau est mis en liberté. Ce réactif tend aussi à rendre le noyau plus distinct, et dans beaucoup de cas y fait apparaître un nucléole qui tantôt en occupe le centre, d'autres fois se trouve placé latéra- lement. § l/i. — M. Jones a trouvé que les globules blancs sont plus nombreux chez les Vertébrés à sang froid que chez les Vertébrés à sang chaud. Parmi les Clié- loniens, c'est chez VEmys terrapin (ou Emys concentrica, Gray) qu'ils lui ont paru être le plus abondants. Le sang de ces dernières Tortues lui a offert aussi beaucoup de globulins incolores (3). TROISIÈME LEÇON. § 7. _ M. Jones a constaté que le sérum du sang est d'une couleur jaune d'or chez diverses Tortues, telles que VEmijs terrapin, VE. reticulata et (11 Investigations, Chemical and Physiological, Hclative to Certain American Vertebrata, by Joseph Jones (Smithsonian Contributions to Knowledge, 1850, vol. VIII). (2) Jones, loc. cit., p. 29. (3) Id., ibid.,p. 32. 5'26 ADDITIONS. VE. serrata (1). Chez le Tesfudo Pulyphcinus, ce liquide est jaune pâle. Le même auteur a (.'galeiiient observé une couleur jaune d'or dans le sérum du Cathartes atratus (2). § 10. — M. Jones a remarqué des différences assez grandes dans la persis- tance de la coagulation du sang chez les divers Vertébrés. Ainsi chez les Poissons ce liquide se prend en gelée très promptement, mais les caillots ne tardent pas à se liquéfier de nouveau. Chez le Lepisosleus osseus, le caillot n'a que très peu de consistance, et dans un cas s'étiiit déjà redissous au bout de vingt minutes, de façon à laisser les globules hématiques se déposer libre- ment au fond du vase. Chez le Trxjgon sabina. Les. , de la famille des Haies, le caillot était d'abord assez consistant ; mais au bOut de fort peu de temps il avait complètement disparu. Le sang du Marteau {Zygœna malleus, Val.) a présenté la même série de phénomènes dans l'espace de quelques heures (3). Le sang de la Bana catesboeana se comporte de la même manière : dans l'espace de quelques heures le caillot se redissout et les globules hématiques deviennent libres (4); mais chez les Ophidiens et les Chéloniens ce phénomène de redissolution de la fibrine ne s'observe pas (5). Chez les Chéloniens le sang se coagule avec assez de lenteur pour que les glo- bules hématiques puissent se déposer au fond du vase avant la réalisation de ce phénomène, et il se produit au-dessus un caillot transparent (6). QUATRIÈME LEÇON. § 16. — M. Jones a constaté qu'en traitant le sérum du sang de la ChelO' mira serpentina par de l'acide sullurique et en chauffant doucement, on y déve- loppe l'odeur musquée qui est propre à cette Tortue (7). Chez le Testudo Polyphemus, celle réaction est accompagnée du développement d'une odeur dif- férente qui est également propre à cet animal, et qui rappelle celle du suint de Mouton (8). L'odeur musquée et lorl désagréable qui se remarque chez le Cathartes airains, se retrouve aussi dans le sang de ce Vautour, et s'exalte beaucoup par l'action de l'acide sulfurique (9). Il est donc probable que chez tous ces Animaux, de même que chez la Chèvre, le principe odorant du sang est un acide gras volatil plus ou moins analogue à l'acide caproïque (10). (1) Joncs, Op. cil., p. 13. (2) Id., ibid., p. Ifi. (3) Id., ibuL, p. I). (4) Id., ibid., p. 8. (5) Id., ibid., y. 37. (6) h\.,ibid., \>. a, a. (7) Id., ibid., p. 12. (8) Id., ibid., p. 15. (9) Id., ibid., p. 16. (10) Voyez ci-dessus, page 192. AUDITIONS. 527 CINQUIÈME LEÇON. § 5. - M. Jones a fait une sc'ric intéressante d'analyses du sang à TiUat nor- mal chez un certain nombre de Poissons, de Baliacicns, de l'.epiiles, etc. 1/au- teur compare les lésnltats ainsi obtenus avec ceux auxquels MM. F'iévost et Pumas, Nasse, Andial, etc., étaient arrivés, et il en tire des conclusions qui s'accordent parfaitement avec les vues exposées ci-dessus (1), touclianl la richesse relative du sang chez les animaux supérieiu-s et inférieurs. i;n effet, il établit : que c'est chez les Invertébrés que la quantité relative de matières solides contenues dans le sang est le plus faible; que parmi les Vertébrés, ce sont les Poissons, les Batraciens et les Heptile,-, aquatiques qui ont le sang le plus pauvre ; enfin qu'en général le sang est d'autant plus riche en principes organiques que l'animal est pourvu d'organes mieux constitués, que sa température est plus élevée et que ses facultés sont plus développées (2). Mais, ainsi que je l'avais prévu, il est une autre circonstance qui exerce éga- lement une influence assez grande sur les proportions d'eau et de matières solides conlenues dans le sang, savoir : la quantité plus ou moins grande d'eau que l'animal introduit dans son organisme sous la forme de boisson (o). M. Jones a fait sur ce sujet une série d'expériences très intéressantes, dont je rendrai plus amplement compte en traitant de la nutrition, et il a constaté que lorsqu'un animal est privé de boissons aussi bien que d'aliments, la quantité d'eau contenue dans son sang diminue plus rapidement que ne le font les maté- riaux solides de cet agent nourricier. Il en résulte une concentration du sang, qui est d'autant plus grande que les pertes par évaporalion et par sécrétion ont été plus considérables (/i). ïhi reste, pour bien comprendre ce qui se passe dans ces phénomènes complexes, il est nécessaire de tenir (''gaiement compte de la quantité totale de sang que l'organisme i)Ossède. En ellel. on voit par les expé- riences de M. Jones, faites principalement sur des Alligators et des Tortues, que chez les Animaux soumis à l'inanition la masse du sang diminue beaucoup, et que, malgré l'augmentation dans la richesse apparente de ce licjuide, la quantité de globules hémaliques et d'auUes substances solides en circulation s'abaisse rapidement. Ces résultais nous expliquent ranomalie qui s'observe dans la constitution normale du sang des Serpents, chez lesquels Al. Jones a trouvé ce liquide aussi concentré que chez les Vertébrés supérieurs; en elfet, ces animaux ne boivent presque jamais. Il est aussi à noter que les espèces sur lesquelles ce physiolo- (1) Voyez ri-ilossii.^, ii.iiru iil cl siiivanles. (2) Jones, Op. cit., p. 20. (3) Voyez ci-dessus, p.ige 232, noie 1. (4) Joncs, Op. cit., p. 08. 528 ADDITIONS. gisle a fait des exj)ériences sont remarquables pour la rapidilé et la vigueur de leurs mouvements. Le tableau suivant renferme les principaux faits constatés par cette série d'analyses, portant sur 1000 parties de sang : î NOM DE l'animal. GLOBULES SANGUINS Zygœna maliens Lepisosteus osseus .... Uana pipiens Heterodon platyrrliinos. . lletei-odon niger Psaïamopiiis tlageiliformis. Coluber constrictor. . . . Chelunia cardia Chelunura serpentina. . . Emys terrapiu Emys reticulata Emys serrata Tesludo l^olypliemus. . . Alligator mis>sihsippiensis . Ardea nyclicorax Syrnium nebulosum. . . . Gathartes alratus Chien » Inouïs total. tiirgidcs. Eau. 229,00 /|oO,l'2 IMM 'i70,/|0 Z|88,SU /if)9,'i0 289,5'2 2o5,/iO /ia7,2b o72,00 336.7(3 u9o,56 36/i,u8 315,8/1 Zi27,3(i 026,88 363, 6Z| 322,76 Mal. solides. 220,08 171,75 337,59 333,63 202.80 366,60 351,90 217, U 176,55 335, /|6 279,00 252,57 302,67 273,06 2o6,88 320.52 470, 16 197,53 2/j2,07 73,36 57,25 ■112,53 111,21 67,60 122,20 117,30 72,38 58,85 111,82 93,00 8/1,19] 90,89! 91,02 78,96 106.8/1 156,72 65,91 80,69 Poids. PLASMA. Eau. 706,56 7 71,00 5/i9,88 555,16 729,60 511,20 530,80 710, /i8 76/i,60 552,72 628,00 663,2/1 606,/i/| 6L'5,92 68/1,16 572,6/1 373,12 736,36 677,24 6/il,06 71/1,95 /j9/i,92 /l99,61 657,77 /l5l,70 1x36,13 662,05 718,/i5 509, b2 567,98 622,8/1 5/iO,71 550,80 636,01 519, 1/i 329,01 613,1/1 56/l,/i5 Mat. solides. 65,50 56, Oo 5/1,96 55,55 71,83 59, 5u 9/1,07 /l8,/i3 /l6,15 /l2,li0 60,02 /lO,/iO 65, 7o 85,12 /l8,J,5 53,50 /l/l,ll 120,22 112,79 SIXIEME LEÇON. § 1. — M. Jones a fait quelques expériences sur la quantité de sang existant dans l'organisme chez divers Vertébrés inférieurs, et les résultats auxquels il est arrivé concordent très bien avec les conclusions déduites des recherches de ses prédécesseurs (1). 11 évalue la masse du fluide nourricier par la quantité qui s'en écoule de l'organisme lorsqu'on ouvre les gros vaisseaux du cou, et qu'on favorise l'hémorrhagie par la position verticale du corps, la tête en bas. En pro- cédant de la sorte, le poids du .sang a été entre : 11 ° A à du poids du corps chez les Serpents ; » chez VEmys lerrapin; x chez VEmys serrata; » • chez le Testiido Polyphemus. (1) Voyez ci-dessus, page 313. ADDITIONS. 5"2y Il en conclu que " le Kdiiij est bcuucuui) viiiiim ahuitdant chez les Vertébrés à saïuj froid que chez les animaux à scinij chaud (!'. n § y. — M. Joncs a icniiuquc des alléialions très considérables dans la con- formation des globules liéniatiques chez lesTorlucs qu'il avait aspbyxiées dans du gaz acide carbonique. Ces corpuscules élaienl non-seulement l'rippés, mais avaient complètement perdu leur l'orme ellipsoïde et présentaient l'aspect le plus bizarre. Par l'action de l'acide acétique le noyau redevint visible, et ne parais- sait pas avoir été altéré (2). M. Jones a obtenu des résultats analogues par l'in- fluence de l'aspbyxie dans l'bydrogène et même par la strangulation, tant cbez VËmys tei'rapin que chez VEmys serrata (3), mais il n'a vu rien de semblable cbez les Vertébrés à sang chaud. Chez le Coluber yuttatus et le liana pipiens, asphyxiés par l'oxyde de carbone, le sang était d'un rouge vermeil très vil", et les globules ne paraissaient avoir subi dans leur forme aucun changement notable {U). HUITIÈME LEÇON. § 6. — Un médecin anglais, M. G. Ilarley, vient de publier des expériences sur l'action de l'air sur le sang, dont les résultats lui paraissent en opposition avec les vues de M. iMagnus sur la dissolution de l'oxygène dans ce liquide, et par conséquent avec la théorie de la respiration exposée dans celle leçon. L'auteur agite une ceriaine quantité de sang de liœuf avec de l'air jusqu'à ce que le liquide, dit-il, se soit saturé d'oxygène ; puis il le renferme dans un vase gradué avec un volume égal d'air atmosphérique, et après avoir laissé les choses dans cet état pendant vingt-quatre heures, il analyse les gaz, et il trouve tou- jouis que l'oxygène de l'air a diminué d'environ moitié, tandis que de l'acide carbonique a été dégagé, mais en proportion telle, que son oxygène ne corres- pond qu'à environ la moitié de l'oxygène absorbé. Un résultat analogue fut obtenu avec du sang défdjriné, et M. Ilarley en conclut que l'oxygène se com- bine chimiquement avec le sang, non-seulement pour donner naissance à de l'acide carbonique, mais aussi pour former avec l'hydrogène ou quelque autre principe combustible de ce liquide des produits non gazeux. Enfin il ajoute que, si dans le phénomène de la respiration, l'oxygène était simplement dissous dans le sang, comme l'admet M. Magnus, rien de semblable n'aurait dû se produire, puisque ce liquide avait été au préalable saturé de ce gaz. Je ne doute en aucune façon de l'exactitude des analyses de M. Ilarley, et je (1) Jones, Op. cit., p. 22. (2) Id., Md., p. 33. (3) Id., iliid., p. 3G. (4) Id., ibid., ]<. 34. (5) On the Condition of llie O.ri/ye'i absorbed inlo the Dlood during Respiration, by G. Harlej (Lond. Edinb. and IHib. Phïlosophkal Magasin, 4' série, décembre 1850, vol. Ml, p. 478). 1. 67 530 ADDITIONS. suis persuadé qu'eu effel le sang, de même que les lissus organiques, est sus- ceptible d'entier en combinaison avec l'oxygène, et de fournir ainsi, entre autres produits, de l'acide carbonique : lorsque nous étudierons les phénomènes de combustion piiysiologique dont l'organisme est le siège, nous verrons en ellet que des réactions de ce genre se manifestent partout. Mais cela ne prouve en aucune façon que, dans l'acle de la respiration, l'oxygène absorbé ne soit d'abord dissous dans le sang ou fixé dans ce liquide par le jeu d'affinités très faibles, et ne s'y comporte comme s'il y ('tait à l'état de liberté, fait qui est d'ailleurs mis hors rie doule par les expériences dans lesquelles M. Magnus a déterminé le dégagement de ce gaz ainsi emprisonné. La présence d'une certaine quan- tité d'acide carbonique dans l'air, en contact avec le sang aéré, ne prouve pas davantage la non -préexistence de l'acide carbonique dans le sang qui vient respirer, et l'exhalation de ce gaz par l'action des forces physiques seule- ment. Le travail de M. Ilarley n'ayant encore été publié que par extraits, je ne saurais bien apprécier le jour nouveau que ses expériences peuvent jeter sur l'importance des phénomènes de combustion dont le sang lui-même est le siège pendant le trajet de ce liquide de l'appareil respiratoire jusqu'au système capil- laire général, où il perd sa teinte vermeille et paraît se charger d'acide carbo- nique. Alais, quoi qu"il en soil à cet égard, les résultats consignés dans le Mé- moire de ce physiologiste ne me semblent infirmer en rien d'essentiel la théorie des phénomènes respiratoires exposée ci-dessus et fondée sur les expériences de W. Edwards et de M. Magnus. Je dois ajouter que M. ilarley a constaté aussi la faculté que possède la fibrine fraîche d'absorber une certaine quantité d'oxygène, et de dégager de l'acide carbonique, fait qui du reste n'était pas ignoré des chimistes (Ij. On lui doit aussi des expériences sur l'action que l'oxygène exerce sur l'albumine, l'hématosine, etc., et lorsque nous étudierons les phénomènes de combustion organique qui constituent en quelque sorte la deuxième période du travail res- piratoire, nous reviendrons sur ces recherches, dont l'intérêt est considérable. (1) Voyez ci-ilessii!i, p. 155 (;l IGO. IIN UL TOME PRl!:!VIIER. TABLE SOMMAIMi: DES MATIÈIlES. <" PRCMIERE LEÇON. INTRODUCTION. Sujet du cours 1 Naturo des phénomènes ;i étu- dier 2 Plan du cours 4 Méthode d'exposition 7 Utilité des théories !) Méthodes (rirnestigation Il Étendue du sujet 1 [ Notions préliminaires 12 TE^'DA^CKs de la Nature dans la CONSTITUTION DES ANIMAUX 12 Diversité des êtres 12 Loi d'économie 13 Pcrfectionneniont inégal des Ani- maux 13 Sources de supériorité !,"i Influence de la masse 15 Loi d'arcroissement l(j Répélilions or;-'aniques 16 Perfectionnement par la division du travail 10 Conséquences anatoniiques de cette division 20 Complications organiques 20 Mode d'obtention des instruments spéciaux 21 Emprunts physiologiques 21 Créations or{:aniqnes spéciales . . 21 Relations entre les fonctions et les instruments 22 Substitutions physiologiques. ... 23 Coordination des actes 23 Subordination physiologique. ... 24 Centralisation des forces 23 Diversité des types zoologiqucs. . 25 Adaptation d'un même type à des conditions d'existence variées. 27 Termes zoologiques correspon- dants 27 Diversité par arrêt de développe- ment -jS Réfutation de l'hypothèse des transmutations spétiliques. . . 20 TendaïKV's embryogcniiiues 30 Résumé 33 DEUXIÈME LEÇON. ÉTUDE DU SANt; 3(j Animaux à sang rou|;e et à sang blanc 37 Étude microscopique du sang dos .\nimaux vertébrés 38 Découverte des globules sanguins. il Korme des globules rouges 4(> Volume des globules rouges 48 Rapports entre la petitesse de ces globules et l'activité respira- toire j.j Additions ( note 2) i73 Structure des gloliules rouges. . . 62 Ailditions ,"12.5 Noyau des globules 63 Téguments des globules 66 Globules blancs 71 Additions 525 Globulins 71 Globules plasmiqucs ou lympha- tiques 72 Additions 525 Distinctions à établir parmi ces globules incolores 75 Vitalité des globules sanguins : ce sont des orjaniten 81 Tableau des dimensions des glo- bules rouges 83 TROISIÈ.ME LEÇON. Sang des animaux inveut. iuiés. . ;)1 Couleur de ce liquide 92 (1) Une table génorale par ordre alpliabéiiqne sera placéo à ht liii ilc l'niiv 052 TABLE SOMMAIRE DES MATIERES. Sang blanc de (juelques Verté- brés Saug des Mollusques Saug des Insectes Sang des Crustacés, etc Mouvements sareodiques des i;lo- bules du san^ chez les laverté- brés Sang des Vers Dégradations du fluide nourricier dans les rangs inférieurs du Règne animai Sang proprement dit Sang séreux, ou fluide cavitaire. Sérochyme Résumé COAGI'LATION DU SANG Princi|ie coagulable Source de la fibrine tlu caillot.. . Distinction entre le sérum et le plasma Séparation du sérum Additions Rapidité de la coagulation Couenne du sang Circonstances qui influent sur la coagulation du sang Coagulabililé du sang blacc. . . . Résumé QUATRIÈME LEÇON. Composition cuimiqie du sang... Historique des travaux relatifs à ce sujet Nature des matériaux du sang des Vertébrés Eau Matières albuminoides ou p7-o- téiques Fibrine Albumine Matières extractives Caséine suluble ou albuminose. . Globuliue Hématocrislalline Hémalosine Matière constitutive des parois des globules Nucléine Caséine insoluble Matière colorante jaune Résumé relatif aux principes al- buminoides Matières grasses 93 96 98 99 102 104 109 110 110 110 111 114 115 117 123 124 526 125 126 128 IS- IS? 140 140 148 149 149 157 164 168 168 171 173 176 180 182 183 183 184 187 Cholestérine Cérébrine Acides gras Oléine et stéarine Séroline Cboiate de soude Acides gras volatils Additions Matières sucrées; glucose Matières salines Matières accessoires Urée Acide urique Acide liip|)urique Acide iacti(|ue ('réaline M;ilières gazeuses Matériaux problématiques Matières anormales Composition du sang des Inverté- brés Résumé de la composition chi- mique du sang CINQUIÈME LEÇON. Analvse quantitative dk ce li- quide Méthodes d'analyse chimique. . . Analyse mécanique Méthode chromométrique Résultais généraux Composit. du sang de l'homme. Répartition des matières consti- tutives Composition du sang des ani- maux Additions Richesse relative de ce liquide. . Proportion d'eau Proportions des globules et du sérum chez les divers animaux. Variations individuelles Différences suivant les sexes. . . . Diflerences suivant l'âge Différences suivant les tempéra- ments Influence de la gestation Influence de l'état pléthorique. . Influence de l'état anémique. . . . Influence des émiss. sanguines. . Influence du régime Résumé relatif à la proportion des globules Variations pathologiques 187 188 189 191 191 192 192 526 193 195 199 199 200 201 201 201 202 202 20« 207 210 212 213 220 221 221 222 225 227 527 228 228 231 234 235 242 245 246 247 248 249 253 254 TABLE SOMMAIRE Proportion de fibrine Variations piitliolosiques Influence des émissions sanguines. Variations dans les divers vais- seaux Application de ces faits à la théo- rie de la production et de l'éli- mination de la fibrine Variations dans la quantité d'al- bumine Variations dans la proportion de caséine , elc Variations dans la proportion des matières grasses Piarrhémie Variations dans les proportions des matières salines Chlorure de sodium Phosphates terreux, elc Répartition des matières miné- rales dans les globules et le plasma Fer Variations dans les proportions d'urée Mode de dosage de cette sub- stance Produits ammoniacaux dans le sang Présence de l'acide urique en quantité notable dans le sang. Variations dans la quantité de sucre contenue dans le sang. . Mode de dosage de cette sub- stance Diabètes Matières dont l'existence dans le sang est .mormale Résumé Tableau n" 2. Composition chi- mique du sang de divers ani- maux ■258 260 264 265 266 275 279 280 283 287 288 290 293 294 296 296 298 299 300 300 303 303 304 307 SIXIÈME LEÇON. qlantité ve sang contenu dans l'organisme 308 Évaluation par l'hémorrhagie. . . 309 Évaluation par la méthode de Valentin 310 Évaluation par la méthode de Welcher 313 Évaluation par la méthode de Vierordt • 315 Additions 528 DES MATIÈRES. 533 RÔLF, PHYSIOI.OGIQUK DU SANG 317 KITcts de l'hémorrhagie 317 Effets de l'interruption de la cir- culation 319 Expériences sur la transfusion. . 320 Démouîtralion de l'importance pliysiologique di-s globules . . . 323 Effets divers du sang provenant d'espèces zoologiques dilTéren- tes 325 Propriétés physiologiques de la lihrine 327 Durée de l'existence des globules . 329 Destruction des globules 331 Additions 529 Influence de la rate sur ce phé- nomène 333 Renouvellement des globules . . . 337 Orisine des globules 338 Production des globules chez Pembryou 339 Globules primordiaux 339 Multiplication par fissiparité .... 342 Formation des globules typiques chez l'embryou 343 Rôle du foie dans ce phénomène. 34 3 Production des globules chez les Invertébrés 347 Production des globules chez les Vertébrés adultes 348 Origine des globules incolores.. . 348 Influence des matières grasses sur ce phénomène 349 Influence de la rate sur cette proiiucliou 352 Développement des globules rou- ges 354 Comparaison du sang vkineux et DU SANG AUTÉalEI 359 Caractères physiologiques 360 Dilîéreiices chimiques 361 Gaz contenus dans le sang 3158 Transformation du sang veineux en sang artériel, et vice versa. 369 Autres niodillcations du sang dans lorganisme 373 SEPTIÈME LEÇON. DE LA RE5PIR.\T10N 375 Série de déi'ouverles qui ont con- duit a la connaissance de la nature de ce phénomène phy- siologique 375 Nécessité de la respiration 375 53/1 TaBLF. SOMM.VlHi: Rcinarqucs (rArisiote sur la res- piration des animaux terrcslros et aquatiques 376 État de la science au xv" siècle. . 377 Découverte de diverses sortes de fluides aérifornies faite par Van Helmont 378 Applications de ces f.iits à l.i théo- rie de la respiration 380 Expériences de Boyie sur la né- cessite de l'air pour tous les animaux 381 Expériences de Hermiulli sur le mode de respiration des Pois- sons 382 Observations de Malpighi sur le mode de respiration des In- sectes 383 Résumé 384 Altérations de l'air par la respi- ration 38i Expériences de Hooke sur la res- piration artificielle 38o Observations de 1-racassati rela- tives à l'action de l'air sur le sang 380 Expériences de Lower sur le siège de l'artérialisalion du sang... 387 Expériences de Mayow relatives au principe vivifiant de l'air. . 388 Origine de la chimie pneuma- tique 391 Découverte de la production de l'acide carbonique dans l'acte de la respiration, par Black.. . 393 Découverte du mode de respira- tion des plantes, par Priestley . 390 Découverte de l'air vital , ou oxygène , par Priestley 398 Découverte de l'azote 398 Action de l'oxygène sur le sang à travers les membranes iOO Travaux de Lavoisier 400 Théorie du phlogisliquc régnant à cette époque 401 Découverte de la composition de l'air, par Lavoisier 405 Expériences sur les phénomènes chimiques de la respiration des animaux 105 Nature de l'acide carbonique. . . . 400 Assimilation de la respiration aux phénomènes de la combustion . 400 Découverte de la composition de l'eau par Cavendish et Lavoi- sier 4 10 DKS matikri:Fi. Théorie de la respiration donnée par Lavoisier 413 Généralisation de ces résultats relatifs à la nature des phéno- mènes de la respiration 414 Expériences sur l'action de divers gaz comparés à l'oxygène .... 417 Nature du phénomène ence de l'acide carbonique et de l'oxygène libres dans le sang Application des découvertes de M. Maguus à la théorie de la respiration Objections faites par Gay-Lussac. Réponse de M. Magnus Antres preuves de l'absorption des gaz par le sang Absorption accidentelle de divers ga/. par les organes respira- toires, et présence de ces gaz dans le sang Expériences de Nyslen sur l'ex- halation des gaz mêlés au sang. Conclusions Additions Des forces qui déterminent l'é- 421 422 423 426 428 429 430 431 433 43G 437 439 4ii 448 448 4o0 431 452 454 529 TABLE SOMM.VIHE DES M.VTIÈRES. f)35 change des gaz entre le sang et l'air inspiré V6o Tliéorie do M. Vierordt .... i 5") Lois des mélanges des gaz et des liquides 4.',6 Application de ces lois aux plié- nomènes de la respiration.. . . 459 Hy|)(itlK'se de MM. Brunner et Valentin relative ;"i l'échange des gaz d iiis les poumons. . . . 463 i'ilnde de l'état sous lequel l'acide carbonique se trouve dans le sang .ifi9 De l'état dans lequel l'oxygène se trouve dans le sang 47 2 Rôle des globules dans la fixation «le l'oxygène par le sang 474 Du rôle de l'azote dans la respi ration 483 Exemples d'absorpiioii dazole dans l'acte rie la respiration. . . 48."> Exemples d exhalation d'azote . . 486 Théorie de ces pliénoniènes 487 Application des lois de Dalton à d'autns i)hénoménes d'absorp- tions gazeuses par les organes respiratoires 490 De la Iraiispiiali')!) pulmonaire . 491 Source de l'eau exhalée 491 Résumé général relatif à la na- ture des phénomènes de la respiration 4113 Distinction entre la respiration proprement dite , qui est un phénomène d'absorption et d'exhalation, et la combustion nutritive, qui est le second de- gré de ce travail physiologique. 494 NELVIÈ.MK LECOX. DKS IJiSTIiUMI.iNTS DE I.A nESPir..\'nO.\. Caractères GKMiitAix Di;-; organks DE LA RES1MU.\T10N i97 Diversité des milieux lespirables. i97 Res()iration directe cl respiration médiate. 498 Caractères essentiels de tout or- gane de respiration i99 Propriétés des surfaces respira- toires 5i)(j Respiration cutanée 501 Respiration par dis membranes nmqueuscs, elc 50 i Conditions de perfedionnemenl des organes respiratoires Conditions de puissance de la surface respiratoire lU'spiration diffuse Influence de l'étendue de la sur- face respiratoire comparée à la masse de l'organisme Influence de la forme des animaux sur ce rapport Influence de la taille des animaux inférieurs sur ce rap|)ort Mode de perfectionnement de la respiration cutanée Constitution d'organes respira- toires dt'torminés EMi|)runts physiologiques Division du travail. Créations or;;aniques spéciales . . Influence de la texture des tissus sur l'aciiviié respiratoire Appropriation des tissus Localisai ion de la respiration cu- tanée Perfectionnement des branchies entraînant \i nécessité d'un appareil protecteur Mode d'ubtciition de cet appareil. Perfectionnement des agents mo- teurs du fluide respirable. . . . Cils vihratiles, etc Organes moteurs spéciaux Perfectionnement du travail res- I»iratoire par changement de milieu Conditions de la respiration aé- rienne Adaptation des organes de respi- ration aquatique à la respira- tion aérienne Expériences de M. Flourens E\|)ériences sur la dessiccation des surfaces rcsjiiratoires .... Resi)iralion cutanée chez les Ani- maux terrestres Difl'érences entre les branchies , les poumons et les trachées . . Perfectionnement de l'appareil pulmonaire iidluence de l'étendue de la sur- face Inniieiue du degré de vascula- rité . InniieiKc de la nature du sang.. Influence du mduvemeiit du sang cl de la combustion n;itrili\c. Additions 504 506 506 507 508 508 509 509 510 510 5 1 1 511 511 512 512 513 .5 1 3 513 514 51 5 517 518 518 519 520 521 521 521 .■i2.' ERRATA Page 28, note 2, Anatomie physiologique, lisez Anatomie philosophique. Page 102, note b, sang des Annélides, lisez sang des Arachnides. Page 175, noies, Scheerer, Usez Scherer. Page 193, ligne 8, Herry, /ises Henry. Page 207, notes, Scheerer, lisez Scherer. Page 283, ligne 11, pyarhémie, Wsez piarrhémie. Page 284, note, ligne 18, pyarhémique, lisez piarrhémique. Page 396, noie a, Phil. Trans., 1762, lisez 1772. "--^isf^ri"