LEÇONS SUR LA PHYSIOLOGIE ET L'ANAÏOMIE COMPAREE DE L'HOMME ET DES ANIMAUX. rar-1Sl _ imprimerie de E. Martinet, rue Mignon, 2. S77' ô ni ù>3 LEÇONS a SUR LÀ PHYSIOLOGIE ET KANATOMIE COMPAREE DE L'HOMME ET DES ANIMAUX FAITES A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS PAR Dl. HIIilVE EDWARDS Cm.L.H., C.L.N., CE. P., C.C. % Doyen Je la Facullé des sciences de Paris Professer au Muséum d'Histoire naturelle; Membre de l'Institut (Académie des sciences); des Sociétés royales de Londres et d'Edimbourg ; des Académies de Stockholm, de Saint-Pétersbourg, de Berlin, de Kùnigsberg. de Copenhague, d Amsterdam, de BruxellM, de Vienne, de Hongrie, de Bavière, de Turin et de Naples; des Curieux de la nature de 1 Allemagne , de la Société Hollandaise des sciences , de 1 Académie Américaine; De la Société des Naturalistes de Moscou ; des Sociétés des Sciences d'Upsal, de Gottingue, Munich, Gotçnbourg, Lié». Somerset, Montréal, nie Maurice; des Sociétés Linnéenne et Zoologue de Londres; * 'de l'Académie des Sciences naturelles de Philadelphie; du Lycium de New-York; des Sociétés Eutomologiquesde France et de Londres; des Sociétés Anthropologique de Londres, et Ethnologiques d'Angleterre et d'Amérique ; de l'Institut historique du Brésil; De l'Académie impériale de Médecine de Paris; des Sociélés médicales d'Edimbourg, Je Suède et de Bruges; de la Société des Pharmaciens de l'Allemagne septentrionale ; Des Sociétés d'Agriculture de France, de New-York, d'Alhany, etc. TOME HUITIÈME shSh PARIS VICTOR MASSON ET FILS PLACE DE l'ÉCOLE-DE-MÉDKC.INE M DCCC LXIII Droit de traduction réservé. LEÇONS SUR LA PHYSIOLOGIE ET L'ANÀTOMIE COMPAREE DE L'HOMME ET DES ANIMAUX. SOIXANTE-SEPTIÈME LEÇON. Conséquences du travail nutritif.— Production de chaleur. — Causes des différences dans la température propre des Animaux. — Influence de la transpiration sur la faculté de résister à une chaleur excessive de l'air. — Vertébrés à sang chaud; Animaux hibernants. — Influence du froid sur les enfants nouveau-nés et les autres jeunes Animaux à sang chaud. — Influence de l'activité musculaire, du sommeil, etc., sur le développement de la chaleur. — Influence du système nerveux. S 1. — La plupart des transformations chimiques de la La production «J r i * de chaleur matière organique dont l'étude nous a occupés dans la dernière est une 01 *■ conséquence Leçon, sont, comme nous l'avons vu, des conséquences plus ^ ia 7 coinbuslion ou moins directes de l'introduction de l'oxygène dans l'éeo- piiydokwe. nomie animale par l'acte de la respiration. Cet élément com- burant, puisé dans le milieu ambiant et porté par le fluide nourricier dans toutes les parties de l'organisme, s'y fixe sur les matières combustibles qu'il y rencontre et les brûle d'une manière plus ou moins complète. vm. 1 NUTRITION. Or, toute combustion de ce genre est accompagnée d'un cer- tain dégagement de chaleur. Par conséquent, tout être animé, par cela seul qu'il respire, doit être un foyer calorifique, et la production de la chaleur animale, qui est si facile à constater chez l'Homme et les autres Vertébrés supérieurs, doit dépendre en totalité ou en partie de cette combustion physiologique. Telle fut, en effet, l'explication que l'illustre Lavoisier donna de ce phénomène, dès qu'il eut constaté le grand fait de l'ab- sorption de l'oxygène et de la production d'acide carbonique parles Animaux qui respirent; et cette théorie est certainement l'expression de la vérité, bien que la source de chaleur qu'elle signale puisse ne pas être la seule qui contribue à élever la température de ces êtres (1). (1) Avant la découverte de la na- ture du phénomène de la combustion, découverte dont j'ai rendu compte dans une précédente Leçon (a), on ne pouvait avoir cpie des notions fort vagues sur les causes de la chaleur animale, et pendant longtemps il régna à ce sujet des opinions qui aujourd'hui ne méritent pas la discussion. Ainsi les anciens attribuèrent la température propre dn corps de l'Homme à une chaleur innée qui se communiquerait du cœur au sang (6). Vers le commen- cement du xvne siècle, Van Ilelmont combattit cette hypothèse, mais il n'y substitua rien de satisfaisant, et il crut pouvoir expliquer la chaleur animale par la production d'un esprit vital qui se développerait dans l'intérieur du cœur (c). Descartes , adoptant des vues analogues, l'attribua à une fer- mentation du sang dans les cavités du cœur (d). Sylvius la considéra comme due à une action ou à une effervescence produite par le contact du chyle et de la lymphe, et il sup- posa, avec les anciens, que la respira- tion servait à emporter la chaleur ainsi produite (e). Plus tard, Steven- son s'approcha davantage de la vé- rité, en considérant la chaleur animale comme étant due aux transformations que les humeurs de l'organisme et les aliments subissent sans cesse dans l'intérieur du corps (/) ; et Hamberger compara ce phénomène à l'espèce de combustion spontanée qui se déve- loppe dans les amas de fumier (g). Enfin Mayovv en conçut une idée plus juste, lorsqu'il supposa que la ma- tière désignée sous le nom de prin- cipe nitro-aérien de l'air produit la (a) Voyez tome I", page 400 et suiv. (b) Voyez Haller, Elementa physiologiœ, lib. vi, t. II, p. 287. (fj Van Helmont, Traité de l'esprit de vie nommé archée ((Euï'rcs, trad. de Leconte, p*. I 85) (d) Descartes, De la formation du lœtus (Œuvres, édit. de M. Cousin, t. IV, p. 437). \e) Sylvius, Disput. med., cap. vu. (f) Stevenson, Médical Essays, t. V, 2° partie, p. 800. (g) Hamberger, Plujsiologia medica, 1751, p. 24. PRODUCTION DE CHALEUR. Quand je parle des découvertes de Lavoisier, j'ai toujours peine à ne pas dire combien est profonde l'admiration que son génie m'inspire. Dans nos écoles, on ne manque pas de le signaler à la reconnaissance publique comme le fondateur de la chimie moderne, science qui depuis un demi-siècle a con- tribué plus que toute autre à l'agrandissement des connais- sances humaines ; mais on ne lui rend ainsi qu'une justice chaleur en s'unissant au sang dans le poumon et en déterminant dans le fluide nourricier une sorte de fer- mentation comparable à celle dont naît la chaleur dans une combustion ordinaire (a). D'autres physiologistes substituèrent à ces hypothèses chi- miques des explications mécaniques, et attribuèrent la production de la chaleur animale au frottement du sang contre les parois des vaisseaux dans lesquels ce liquide circule, ou à d'autres causes analogues (6). Tout était donc incertain et obscur, lorsque Lavoisier, rapprochant entre eux les phénomènes de la combustion dans un foyer inerte et ceux delà respi- ration dans les poumons d'un Homme ou de tout autre Mammifère, fut con- duit à considérer cette fonction phy- siologique comme une véritable com- bustion, et à attribuer à cette coni h us- lion le développement de chaleur qui maintient la température du corps de ces êtres au-dessus de celle de L'at- mosphère. Ses vues à ce sujet furent développées successivement dans les beaux mémoires qu'il publia vers 1777 (c) : aujourd'hui elles sont géné- ralement admises dans tout ce qu'elles ont d'essentiel; mais pendant long- lemps elles ne furent pas adoptées partons les physiologistes, et quelques- uns de ceux-ci cherchèrent à expliquer la production de la chaleur animale par l'action du système nerveux, tandis que quelques physiciens se deman- dèrent si elle ne serai l pas due au jeu des forces électriques ; enfin des hypothèses mécaniques curent aussi leurs partisans (r/). Nous examine- rons bientôt comment l'action ner- veuse agit sur la température du corps, en influant sur les conditions dans lesquelles la combustion vitale s'opère, et nous aurons à chercher si d'autres actions chimiques ou phy- siques ne concourent pas à développer de la chaleur dans l'organisme ; mais je dois dire dès ce moment que la théorie lavoisienne, considérée non dans ses détails, mais dans son es- sence, me paraît être l'expression de la vérité, et rendre compte de tout ce qui est fondamental dans ce phéno- mène. (a) Mayow, Trartatus, p. 151 et suiv. (b) Boerhaave, Éléments de chimie, t. I, p. 213. — Haies, Hémostatique, ou statique des Animaux, p. 7G. (c) Lavoisier, Expériences sur la respiration des Animaux et sur les changements qui arri- vent à l'air en passant par leur poumon (Mém. de l'Acad. des sciences, 1777, p. 185). — Mém. sur la combustion en général (loc. cit., p. 592). (d) Winn, On a Remarkable Property of Arteries considered as a Cause of Animal Heat {London and Edinburgh Philosophical Magasine, t. XIV, p. 174). h NUTRITION. incomplète. Lavoisier était un des plus grands physiologistes des temps modernes, et ses titres de gloire comme tel ne con- sistent pas seulement dans les résultats immédiats de ses beaux travaux ; l'influence qu'il a exercée sur la direction des recher- ches physiologiques a été non moins puissante qu'utile : il a montré à tous ceux qui étudient les phénomènes de la vie comment la chimie peut les conduire à la solution de plus d'une question capitale; comment dans ce but ils doivent inter- roger expérimentalement la nature, et comment il convient de raisonner sur les faits que les recherches de cet ordre leur four- nissent. Avant lui tous les physiologistes se contentaient trop facilement de considérations vagues ou d'hypothèses dépourvues de bases solides ; il a commencé à les accoutumer à une logique claire, précise et rigoureuse, en même temps qu'il élevait leur esprit par la grandeur et la justesse de ses vues. Son style, simple et saisissant, était aussi un modèle à suivre, et, pour faire connaître ses pensées sur le sujet qui nous occupe ici, on ne saurait mieux faire que de rapporter ses paroles. « La respiration, dit Lavoisier, n'est qu'une combustion » lente de carbone et d'hydrogène, qui est semblable en tout à » celle qui s'opère dans une lampe ou dans une bougie allumée, » et, sous ce point de vue, les Animaux qui respirent sont de » véritables corps combustibles qui brûlent et se consument. » Dans la respiration, comme dans la combustion, c'est l'air » de l'atmosphère qui fournit l'oxygène et le calorique ; mais » comme dans la respiration, c'est la substance même de » l'Animal, c'est le sang qui fournit le combustible, si les Ani- » maux ne réparaient pas habituellement par les aliments ce » qu'ils perdent par la respiration, l'huile manquerait bientôt à » la lampe, et l'Animal périrait, comme une lampe s'éteint lors- » qu'elle manque de nourriture. » Les preuves de cette identité d'effets entre la respiration » et la combustion se déduisent immédiatement de l'expérience. PRODUCTION DE CHALEUR. 5 » En effet, l'air qui a servi à la respiration ne contient plus, à la » sortie du poumon, la même quantité d'oxygène; il contient » non-seulement du gaz acide carbonique, mais encore beau- coup plus d'eau qu'il n'en contenait avant l'inspiration. Or, » comme l'air vital ne peut se convertir en acide carbonique » que par une addition de carbone, qu'il ne peut se convertir » en eau que par une addition d'hydrogène , que cette double » combinaison ne peut s'opérer sans que l'air vital perde une » partie de son calorique spécifique, il en résulte que l'effet de » la respiration est d'extraire du sang une portion de carbone » et d'hydrogène, et d'y déposer à la place une portion de son » calorique spécifique, qui, pendant la circulation, se distribue » avec le sang dans toutes les parties de l'économie animale, et » y entretient cette température à peu près constante que l'on » observe dans tous les Animaux qui respirent. On dirait que » cette analogie qui existe entre la respiration et la combustion a n'avait point échappé aux poètes, ou plutôt aux philosophes de » l'antiquité, dont ils étaient les interprètes et les organes. Ce » feu dérobé du ciel, ce flambeau de Prométhéc ne présente pas » seulement une idée ingénieuse et poétique ; c'est la peinture » fidèle des opérations de la nature, du moins pour les Animaux » qui respirent : on peut donc dire avec les anciens, que le flam- » beau de la vie s'allume au moment où l'enfant respire pour la » première fois, et qu'il ne s'éteint qu'à sa mort. En considérant » des rapports si heureux, on serait quelquefois tenté de croire » qu'en effet les anciens avaient pénétré plus avant que nous ne » le pensons dans le sanctuaire des connaissances, et que la fable » n'est véritablement qu'une allégorie sous laquelle ils cachaient » les grandes vérités de la médecine et de la physique (1). » (I) Ce passage se trouve dans un mémoire écrit par Lavoisier et Séguin en 1780 (a) ; mais il est évidemment de la plume du premier de ces auteurs , dont le style est facile à reconnaître, et diffère beaucoup de celui de Séguin. (a) Seguin et Lavoisier, Premier mémoire sur la respiration des Animaux {Mém. de l'Acad. des sciences pour \ 789, p. 570). N> Lu / 6 NUTRITION. tous Cette théorie de la chaleur animale, je le répète, est inatta- les Animaux . , . produisent fjuable dans tout ce qui est essentiel. Au premier abord, cepen- plus ou moins i 1 • i ■ • • (•'»/>• de chaleur, dant, les physiologistes pouvaient se croire autorises a y taire des objections spécieuses. En effet, nous avons vu précédem- ment que tous les Animaux respirent : tous consomment donc de l'oxygène et produisent de l'acide carbonique. Mais ils dif- fèrent beaucoup entre eux sous le rapport de la faculté de Animaux développer de la chaleur, et depuis longtemps on les a classés, à sang diaud p0ur cette raison, en deux catégories, sous les noms (VAnimauoo à sang froid. ^ mng cjiaud ej d'Animaux à sang froid (1). Les premiers sont les Mammifères et les Oiseaux. La tempé- rature de leur corps est d'ordinaire notablement supérieure à celle de l'atmosphère, et en général ne change que très peu, malgré les variations qui peuvent survenir dans celle-ci. Chez les Animaux dits à sang froid, on n'aperçoit au toucher aucun indice de chaleur propre , et la température du corps s'abaisse avec celle du milieu ambiant. Tous les Animaux invertébrés, ainsi que les Poissons, les Batraciens et les Rep- tiles, présentent ce caractère, et comme la température de l'at- mosphère est d'ordinaire beaucoup au-dessous de celle de notre main, ils produisent sur nous une sensation de froid quand on vient à les toucher. Mais c'est à tort qu'on les a considérés comme privés de la faculté de produire de la chaleur (2). Tous (1) Dutrocliet a proposé de substi- grand renom qui ont considéré les tuer à ces expressions celles iVAni- Animaux à sang froid comme étant maux à haute température et iïAni- dépourvus de la faculté de produire maux à basse température , dési- de la chaleur, je citerai en première gnations qui en effet seraient plus ligne Treviranus (b). conformes à la vérité (cty; mais Tu- Je dois ajouter que depuis fort long- sage des premières est trop généra- temps quelques autres physiologistes lement répandu pour pouvoir être étaient d'un avis contraire, et pen- abandonné. saient que les Animaux vertébrés à (2) Parmi les physiologistes de sang froid, ainsi que certains Inver- (a) Dulrochet, Recherches sur la chaleur propre des êtres vivants à basse température [Ann. des sciences nat., 2' série, 1840, t. XIII, p. 5). (b) Treviranus, Biologie, t. V, p. 19. — Die Erscheinungen des Lebens, I. I, p. 410. PRODUCTION DE CHALEUK. / en développent, mais d'ordinaire la quantité en est faible ; et comme leur corps est généralement d'un petit volume, leur température se met très vite presque en équilibre avec celle du milieu ambiant. A l'aide d'un thermomètre ordinaire, dont on place le réser- voir dans l'intérieur du corps de l'Animal que Ton étudie, on peut presque toujours reconnaître que chez un Vertébré à sang froid la température est un peu plus élevée que celle de l'air ou de l'eau où il vit (1). La différence est très petite chez la plupart des Poissons : elle est communément d'un peu moins Température i , i / . des d un degré centigrade (2). Poissons. lébrés, n'étaient pas complètement dépourvus de chaleur propre (a). Ainsi , limiter avait remarqué que Peau en contact avec le corps d'un Poisson gèle moins vite que celle située à quelque distance (/<), et il avait constaté une certaine élévation de température au centre de divers agroupements d'Animaux invertébrés. (1) Dans les expériences thermo- métriques de ce genre, il faut avoir soin d'opérer sur des Animaux qui sont restés depuis longtemps dans un milieu à température peu variable , car leur corps ne se met que lente- ment en équilibre de température avec le fluide extérieur, et les diffé- rences observées dépendent souvent de cette dernière circonstance. C'est de la sorte que paraît devoir être expliquée l'infériorité de la tempéra- ture du corps, comparée à celle de l'atmosphère, signalée chez un Scor- pion et chez quelques Reptiles par M. J. Davy et plusieurs autres pbysi- ciens ('), ainsi que chez certains Pois- sons qui souvent avaient séjourné dans une eau plus froide que le milieu dans lequel on les observait (il). (2) En général, la température du corps des Poissons ne dépasse celle du milieu ambiant que d'environ trois quarts de degré ou d'un degré centi- grade (e), et, dans la plupart des cas où une chaleur plus forte a été obsci- vée, cela dépendait probablement de ce que la température extérieure au moment de l'expérience était inférieure à celle du milieu où l'Animal se trou- vait peu de temps auparavant, et que l'équilibre n'avait pu encore s'établir. Ainsi, Krafft estima la température propre du Brochet à 3 degrés (f) ; limiter attribua à la Carpe une cha- («) Haller, Elementa physiologiœ, t. II, p. 28. (6) Hunter, Observations on certain Parts ofthe Animal Economy, p. 105. (c) J. Davy, On the Température of Man and other Animais (Researches Anatomical and Physiological, t. I, p. 189 et suiv.). — Ann. de chimie et de physique, 1820, t. XXXIII, p. 181. (d) Verdun de la Crenne, Borda et Pingre, Voyage en diverses parties de l'Europe, de l'Afrique et de l'Amérique, 1778, t. I, p. 230. (c)liraun, De calore Animalium, dissert, physica expérimentales (Movi Commentarii Acad. scient. Petropolitanœ, 1709, t. XIII, p. 427). (0 Krafft, Prœlectiones in physicam theorelicam, 1750, p. 293. NUTRITION. Température Le pouvoir calorigène des Batraciens est également très des Batraciens, faible, et, dans la plupart des circonstances, la température de leur propre de 1°,9/| (a) , et Buniva évalua cette chaleur à 3 degrés (b) ; tandis que dans les expériences mieux faites par Broussonnet (c) et par M. Desprctz, l'excès de la température du corps de ce dernier Poisson sur celle du milieu ambiant ne fut trouvé que de 0°,93 par le premier de ces auteurs, et de 0°,86 par le second, différence qui est sans importance (d). M. Desprctz, en prenant toutes les précautions nécessaires pour éviter les causes d'erreur, ne trouva que 0°,7i chez la Tanche, et M. Becquerel, en opérant sur la même espèce, ne con- stata que 0°,5 (e), nombre qui se rap- proche extrêmement de celui fourni beaucoup plus anciennement par les observations de Martine sur divers Poissons (/■). Broussonnet trouva 0°,90 chez l'An- guille et de 0°,62 à 0°,93 chez divers petits Poissons ; Rudolphî trouva envi- ron 0°,5 chez la Torpille (g) ; et Ber- thold ne put découvrir dans quel- ques cas aucune différence entre la température du corps et celle de l'eau adjacente chez les Carpes, tandis que d'autres fois ( principalement dans la saison froide), la température de ces Poissons dépassait de 0°,25 ou de 0",50 celle du milieu ambiant ; chez les Anguilles, la chaleur propre était quelquefois de 1°,5 ou même de 2 de- grés (h). Eydoux et Souleyet trou- vèrent que la température d'un Re- quin était 2/j°,6, tandis que celle de l'eau dont on venait de l'extraire n'é- tait que 23°, 2 (t). Enfin M. Martins, en opérant avec un excellent thermo- mètre de Walferdin, ne constata que 0°,65 chez un Grondin, ou Trigla hirundo (j). Dans une observation faite par M. J. Davy sur un Poisson volant, la chaleur propre ne fut évaluée qu'à 0,20 ; mais la plupart des observations faites par ce chimiste donnent des ré- sultats plus élevés. Ainsi , chez les Truites du mont Cenis, qui vivaient dans de l'eau provenant de la fonte des neiges et dont la température n'é- tait que de l\°,h, il trouva une tempé- rature intérieure de 5°, 5, ce qui sup- poserait une chaleur propre de 1°,1. Chez un Squale, le même auteur vit (a) Hunier, Expériences et observations sur la faculté dont jouissent les Animaux de produire de la chaleur [Œuvres, t. IV, p. 220). (b) Broussonnet, Mém. pour servir à l'histoire de la respiration des Poissons (Mém. de l'Acad. des sciences, 1785, p. 191). (c) Buniva, Mém. concernant la physiologie et la pathologie des Poissons (Mém. de l'Acad. des sciences de Turin, an xil, l. XII, p. 78). (d) Desprelz, Recherches expérimentales sur les causes de la chaleur animale (Ann. de chuMe et de physique, 1824, t. XXVI, p. 338). (e) Becquerel, Traité de physique considéré dans ses rapports avec la chimie et les sciences naturelles, 1844, t. II, p. G7. (f) Martine, Essais sur la construction et la comparaison des thermomètres, sur la communi- cation de la chaleur et sur les différents degrés de la chaleur des corps, trad. de l'anglais, 1 751 , p. 173. (g) Budolphi, Eléments of Physiology, 1825, t. I, p. 157. (h) Berthold, N'eue Yersuche iiber die Temperatur der kaltblutigen Thiere, 1835, p. 30. (i) Blainville, Rapport (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1838, t. VI, p. 458). — Voyage autour du monde, fait en 183G et 1837 à bord delà Bonite, Zoologie, t. I, p. xxxn). (j) Martins, Sur la température du Spatangus purpureus, du Trigla hirundo et du Gadus œgle- linus des mers du Nord (Ann. des sciences uat., 3* 9crie, 184G, t. V, p. 190). PRODUCTION DE CHALEUR. (.) leur corps ne s'élève que d'environ un demi-degré ou trois quarts de degré au-dessus de celle du milieu ambiant (1). le thermomètre placé entre les mus- cles de la queue de l'Animal s'élever de 1°,3 au-dessus de la température du milieu ambiant, et dans l'intérieur du corps d'une Bonite il trouva que la température remportait de 10 de- grés sur celle de l'eau où l'Animal avait été pris, température qui était elle-même de 27 degrés (a). Chez un autre Poisson de la famille des Thons, le Pelamys sarda, M. J. Davy trouva également une température notable- ment supérieure à celle de l'eau dans laquelle l'Animal vivait. Chez quatre individus, la chaleur propre du Pois- son fut estimée à 7 degrés au moins (6). Enfin, Perrins a constaté une chaleur propre d'un peu plus de 2 degrés chez un Requin (c). Je dois ajouter qu'en comparant à l'aide d'un thermo-multiplicateur la température du corps d'une Ablette vivante et d'un individu mort qui étaient placés dans la inèm ! eau , Dutrocbet n'a pu reconnaître aucune différence [d). (1) limiter estima la chaleur ani- male de la Grenouille à 2°, 8 (c), et dans les expériences de Czermak elle varia entre 0°,32 et 2°, l\k (f) ; mais MM. Prévost et Dumas ne virent la température intérieure de ces Batra- ciens s'élever que de 1°.5 au-dessus de celle du milieu ambiant {<)). Dans les expériences de M. Becquerel sur le même Animai, les indications données parle thermo-multiplicateur varièrent entre 0", et 0',575 (h). Les résultats obtenus par Dutrocbet furent encore plus faibles : pour la chaleur propre de la Grenouille, il trouva 0o,0ft, et pour celle du Crapaud 0\2 (»). Enfin, M. Auguste Duméril, en comparant les indications données par deux ther- momètres placés l'un dans le cloaque de plusieurs Grenouilles et l'autre dans Peau où ces Animaux étaient plongés, évalua leur chaleur propre entre 0",7 et 0°,3 (j). D'après les observations de lludol- pbi et de Czermak, la température intérieure du Proteus anguinus pa- raît être notablement plus élevée; le premier de ces physiologistes l'estime à 1°,25, et le second l'a vue varier entre 2°, 6 et 5°,6 [k). (a) J. Davy, Observations sur la température de l'Homme et des Animaux de divers genres (Ann. de chimie cl de physique, 4820, t. XXXIII, p. 195). (6) J Davy, Misccllaneous Observations on Animal Heal (Philos. Tratis., 1844, p. 57, et Ann. de chimie, 3' série, 1845, t. XIII, p. 174). (c) Perrins, On Ihe Température of the Sea (Nicholson's Journal of Nat. Philosopha, 1804, l. VIII, p. 13-2). (d) Dutrochet, Recherches sur la température propre des cires vivants à basse température (Ann. des sciences nat., 2' série, 1840, t. XIII, p. 23). (e) Humer, Op. cit. [Œuvres, t. IV, p. 20ô). (f) Czermak, Zeitschrifl fur Physik von Baumgartner uiul Eltinghausen, 1821, t. III, p. 3s5 (cité d'après Berthold). (g) Prévost et Dumas, Examen du sang, etc. (Ann. de chimie cl de physique, 1823, t. XXIII. P. 01). (h) Becquerel, Traité de physique, t. II, p. 04. (i) Dutrochet, Op. cit. (Ann. des sciences nat., -2° série, l. XIII, p. 15). [j] A. Duméril, Recherches expérimentales sur la température d- s lleptiles (Ann. des sciences tint., 5" série, 1852, I. XVII, p. 7). (k) Rudolpln, Eléments of Physiology, t. 1, p. 100. — Czermak, 0p. cit. viu. 9 Température des Reptiles. 10 MTIUT10N. Chez les Reptiles, la chaleur animale est parfois un peu plus grande (1), et, comme nous le verrons bientôt, elle est sus- ceptible de s'élever notablement dans certaines circonstances, par exemple pendant la période d'incubation chez le Boa (2) ; mais d'ordinaire la température intérieure de ces Vertébrés à faible respiration ne dépasse celle de l'atmosphère que de 1 à o degrés. (1) La chaleur propre des Tortues a été estimée à 1",22 par Walbaum ; à 2°,78 par Martine ; à 2°, 88 par Tic- demann ; à 0°,9 , 2n,9 et 3°, 9 par M. J. Davy; enfin 1°,3 ou 3°. 5 par Czennak (a). D'après Murray, la température du Caméléon paraît pouvoir s'élever de plus d'un degré au-dessus de celle de l'air ambiant (/>). Chez le Lézard, l'excès de la tem- pérature du corps sur celle de l'air environnant a été trouvé de 0',75 par Berthold; de 0°,75 à 1°, 25 par M. Bec- querel ; de I°,25 à 8", 12 par Czer- mâk (c). Chez la Vipère et les Couleuvres, cette différence était de 0\21 à 6°, 3 dans les expériences de Czermak ; de 1°,1 à 3°, 9 dans celles de M. J. Davy, et de 0°,75 à 3°, 10 dans celles de M. Becquerel (d). Chez l'Orvet, Ber- thold a trouvé 0°,25 à 0°,50 (c). J'ajouterai que dans une série d'ob- servations thermométriques faites par M. Jones, la température des parties profondes de l'organisme fut trouvée presque toujours un peu plus élevée que celle des parties superficielles (/). (2) En 1835,un naturaliste voyageur, M. Lamarre-Picquot, annonça à l'Aca- démie des sciences que le grand Py- thon de l'Inde produit beaucoup de chaleur pendant que ce Serpent se tient enroulé sur ses œufs pour en assurer l'incubation. Cette observation n'inspira d'abord que peu de con- fiance (g) ; mais bientôt après M. Va- lencienncs eut l'occasion de bien con- stater le fait de l'élévation de la un Walbaum, Chelonographla, Oder Beschrcibimg ebiigè? SchildUrdléitt 1783, p< -26. — Tiedemann, Traité de physiologie, t. 11, p. 506. — J. Davy, Op, cit. (Ann. de chimie et de physique, 1826, I. XXXIII, p. 103). — Czermak, Op. cit. {b) Murray, Expérimental llesearches, 1826, p. 89i (c) Berthold, JSeue Versuche ùber die Tcmperalur dev kaltblûtigen Thiere. Gôltingen, 4 835. — Becquerel, Traité de physique, t. II, p. 65. (d) Czermak, Op. cit. — J Davy, Op. cit. — Becquerel, Op. cit., t. II, p. 65 et 67. (e) S. Jones, Investigations Chemical and Pliijsioloyical relative to certain American Verle- brata, p. 70 (Smithsonian Contributions to Knowledge). (f) Berthold, Neue Versuche ùber die Tcmperalur der kaltblûtigen Thiere, p. 23. (g) Duméril, Rapport sur un mémoire de M. Lamârre-Picquot, relatif aux Serpents de l'Inde et à leur venin (Ann. des sciences nat., 2" série, 1835, t. 111, p. 35). — Sur le développement de la chaleur dans les ceufs des Serpents cl sur l'influence attribuée à l'incubation de la mère (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1842, t. XIV, p. 193). PRODUCTION DE CHALEUR. 11 Chez les Insectes et les autres Animaux invertébrés, là con- nmpénui statation de la production de chaleur intérieure est plus difficile, insccic . et pour rendre ce phénomène sensible il a fallu d'abord faire agir à la l'ois plusieurs individus sur la boule du même thermo- mètre (1). Mais depuis l'invention des instruments délicats température pendant cette période chez un des Pythons de la ménagerie du Muséum. Il a vu la température de ce Reptile s'élever à M0, 5, bien que la température environnante ne montai jamais au-dessus de 35°,5 (a). (1) Le développement de chaleur par les Abeilles, quand ces Animaux sont réunis en grand nombre dans l'intérieur d'une ruche, n'échappa pas à l'attention de Swammerdam; Ma- raidi l'observa également, et Réaumur ainsi que Braun le constatèrent au moyen du thermomètre (6). Hubert trouva qu'en hiver la température des ruclics est maintenue par la chaleur propre des Abeilles à environ 30 de- grés centigrades (< , et plus récem- ment des observations sur la produc- tion de la chaleur par ces Insectes vivant en société turent faites par Juch, Newport et plusieurs autres physiologistes (cl). Des observations analogues ont été faites sur les Fourmis vivant en grand nombre dans l'intérieur d'une four- milière (e) et sur divers autres Insectes emprisonnés dans des vases. Ainsi Rengger observa une élévation très notable de température dans un pot renfermant beaucoup de Hannetons (/). rtausmann vil le thermomètre s'élever de plusieurs degrés dans une fiolo contenant des Carabes (g) , ci Juch obtint un résultat analogue avec des Cantharides h). Il est vrai que dans quelques-unes de ces recherches "ii ne prit pas toutes les précautions suites pout mettre le vase con- tenant les Insectes à l'abri de l'in- fluence de la chaleur propre de l'ob- servateur ; mais dans les expériences (a) Valenciennes, Observations faites pendant l'incubation d'une femelle de Python à deux raies (Ann. des sciences nal., 2' série, 1841, i. XVI, p. 65). \b) Swammerdam, Biblia Naturœ, t. I, p. 548. — Maraldi, Observations sur les Abeilles (Mém. de l'Acad. des sciences, 1712, p. 3-->0) — Réaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. V, p. (170. — Braun, De calore Animahum [Comment. Petrop., 1700, t. Xllt, p.' 428) (c) Huber, Nouvelles observations sur les Abeilles, t. II, p. 338. (d) Juch, Ideen zu einer Zoochemie, 1800, t. I. — Berthold, Neue Versuehe itber die Temperalur der kaltblutigen Thiere. r.ôuin-en ! g 15 — Newport, On the Température of Insects and Us Connexion with the FunctUm of Respira- tion {Philos. Trans., 1837, p. 299). — Brcycr, Observations sur le développement d'une chaleur propre et élevée chez le Sphinx Convolvuli [Ann. de la Société: enlomologique belge, 1800, t. IV, p. 921. — Gérard, Recherches sur la chaleur animale des Arti aies [Ann. de la Société enlomolowiuc de France, 4° série, 1801, t. I, p. 503;. (e) Juch, Op. cit., t. I, p. 9-2. (f) Ranggei-j Physiologische Vntersuchungen iïber die thierische Ilaushaltunn der Inseuten Tiibingen, 1817, p. 39. (g)Haùsmann, De AnimdUum emanguium respiration», GuUinsren, 1803. (h) Juch, Op. cit., p. 35. 12 NUTRITION. dont les physiciens de nos jours ont doté la scienee, on a pu s'assurer de l'existence de la faculté calorifique chez tous ces petits êtres, quand ils sont isolés aussi bien que lorsqu'ils sont réunis en tas ou renfermés en grand nombre dans une quantité limitée d'air. En effet, au moyen du thermo-multiplicateur, Nobili et Mclloni ont reconnu que la température intérieure des Insectes est toujours un peu plus élevée que celle de l'air extérieur (1). Chez les Mollusques, la température du corps de Bertliokl et de Jx'cwport , celte cause d'erreur fut évitée, et les résul- tats furent très probants (a). J'ajou- terai qu'en observant un thermomètre placî au milieu d'un grand nombre de Hannetons dans un sac à claire-voie, MM. Régnant! et Ueiset ont vu le mer- cure indiquer une température supé- rieure de '2 degrés à celle de l'air environnant (b) ; mais dans les expé- riences de Dutrocbet la chaleur propre des Insectes ne dépassa pas 0",5 (c). Pour le moment je n'indique pas les températures observées par la plupart des pbysiologistes dont je viens de parler, parce qu'elles varient beau- coup suivant les conditions biologiques, sujet sur lequel nous aurons bientôt à revenir. La température intérieure des Crus- tacés ne s'élève que très peu au-des- sus de celle du milieu ambiant (d), et il faut attribuer à quelque circonstance accidentelle indépendante du pouvoir calorifique de l'Animal le fait men- tionné par IUulolpbi, qui vit le. ther- momètre placé dans l'intérieur du corps d'une Écrevisse s'élever d'en- viron 6 degrés au-dessus de la tem- pérature de l'atmosphère (e). M. Va- lentin a trouvé cbez le Maia squi- nado seulement de 0°,30 à 0°,90 (/'). (1) Les expériences de ces deux physiciens habiles sur la production de la chaleur dans l'intérieur du corps de divers Insectes furent faites à l'aide d'un thermo-multiplicateur muni de miroirs collecteurs de la chaleur rayonnante, au foyer de l'un desquels ce trouvait l'Insecte empri- sonné dans un réseau métallique. La chaleur dégagée par l'Animal déter- minait une certaine déviation dans l'aiguille du galvanomètre, et l'étendue de cette déviation donnait la mesure de la différence de température entre le corps de l'Insecte et l'air am- biant (g). (a) Berlhold, Op. cil. — Newport, Op. cit. {Philos. Trans., 1837, p. 259 et suiv.). (b) Regnau.lt et Reiset, Recherclies chimiques sur la respiration des Animaux des diverses classes (Ann. de chimie et de physique, 3° série, 1849, I. XXVI, p. 517). (c) Duti'oehcl, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2" série, 1840, t. XIII, p. 27 el suiv.) (d) Berthold, Op. cit., p. 34. — i. Davy, On the Température of Mail and other Animais [Researches, t. I, p. 192). (e) Rudolphi, Eléments o/ Physiology, Iranslated by How, 1825, t. I, p. 15G. (f) Valcnlin , Zur Kennlniss der thierischen Wârrne (Repertorium fur Anat. und Physiol., 1839, I. IV, p. 359). (g) Nobili et Mclloni, Recherches sur plusieurs phénomènes calorifiques entreprises au moyen du thermo-multiplicateur [Ann. de chimie et de physique, 1831, t. XLV11I, p. 208). PRODUCTION DE CHALEUR. 13 tend aussi à se maintenir un peu au-dessus de la température Température du milieu ambiant (1), et un phénomène semblable a été MoiiusJueV etc. constaté chez les Vers (2) et chez les Zoophytes (3), mais n'est jamais bien notable. Du reste, la faiblesse de la faculté calorigène chez les Animaux inférieurs est en rapport avec (1) Spallanzani n'a pu apercevoir aucun indice de production de chaleur lorsqu'il observa une Limace isolée ; niais en réunissant plusieurs de ces Mollusques autour de son thermo- mètre, il vit la température s'élever de l ou { degré (a). D'après Hanter, quatre Colimaçons auraient fait mon- ter le thermomètre de plus de 2 de- grés (d), et Martine évalua la chaleur propre de ces Animaux à 1 °, 1 (V). Dans les expériences de M. Becquerel, la chaleur propre des Escargots fut trou- vée de 0°,9 (9). (5). — Leçons sur les propriétés physiologiques, etc., des liquides de l'organisme, 1859, I. 1, p. 57 et suiv. (d) Hering, Xersuche die Druckliraft des Herzens zu bestimmen (Archiv fur physiologische Heilkundc, 1S50, t. IX, p. 18). (e) G. Liebig, Uebcr d. Temperaturunterschiede des venosen und arteriellen Blutes, (inaug. Abhaudl.). Giessen", 1853. — Fick, Beitrdge zur Temperaturtopographic des Organisants (Miillcr's Arcldv fur Anat. und Physiol., 1853, p. 408). — Wurlilzer, De temperatura sauguinis arteriosi et venosi, adjectis quibusdam experimentis (disserl. inaug.). Greifswold, 1858. (/■) Saissy, Recherches expérimentales sur la physique des Animaux mammifères ibernants, p. 69. — John Davy, Experiments on Animal Heat (Philos. Trnas., 1814). — Researches Anat and Physiol., t. I, p. 149. — Nasse, Thierische \Xiirme (Wagner's Handtvorlerbuch der Physiologie, t. IV, p. 47). 36 NUTRITION. Boerhaavene se trompait pas lorsque, à l'exemple des anciens, il attribuait une action rafraîchissante au renouvellement de l'air dans l'intérieur des poumons, bien qu'il ait mal apprécié le degré d'importance de ce phénomène physique et qu'il ait méconnu le résultat final du travail respiratoire (1). Température §5, — La chaleur animale, avons-nous dit, se développe diverses parties partout dans l'organisme, puisque partout il y a production rorganisme. d'acide carbonique; mais il est évident que les réactions chi- miques dont ce phénomène dépend ne s'effectuent pas avec la même intensité dans tous les tissus ni dans tous les organes, et que par conséquent il doit y avoir aussi des différences dans la faculté calorigène des diverses parties du corps. Effectivement, cela ressort des observations thermométriques faites compara- tivement dans différentes régions chez le même individu (2 morts et dont ils mettaient le cœur à nu. M. J. Davy trouva ainsi le sang à la température de /ii°,22 dans le ven- tricule gauche, et à /i0°,53 seulement dans le ventricule droit. Cela résultait de la rapidité plus grande avec laquelle le liquide se refroidit dans les deux cavités du cœur, dont les parois n'ont pas la même épaisseur. ]\1. Georges Liebig a constaté ce fait en plaçant un cœur dans un bain d'eau légèrement chauffée, de façon à avoir équilibre de température dans toutes les parties de l'organe , puis en l'exposant à l'air froid et en mesurant comparative- ment la marche de l'abaissement de la température du liquide contenu dans les deux ventricules. Au commence- ment de cette seconde période de l'ex- périence, les deux thermomètres pla- cés, l'un dans la cavité droite, l'autre dans la cavité gauche du cœur, mar- quaient le même degré, mais celui du ventricule droit descendit plus rapidement que l'autre («). Dans les expériences de M. Cl. Bernard, faites sur des Chiens et des Moutons, la différence dans la température du sang avant et après le passage de ce liquide dans le poumon était en général d'environ \ de degré centi- grade (b). (1) Voyez tome I, page 376. (2) G. Martine, médecin écossais qui, vers le milieu du siècle dernier, ht quelques bonnes observations sur la température du corps humain, éva- lua à 1 degré centigrade la différence qui existe entre la chaleur de la peau et celle des viscères (c). Hunier fit (a) C. Lie'nig, Op. cit., 1853. (b) Cl. Bernard, Leçons sur les liquides de l'organisme, t. I, p. 110 et 11G. (c) Martine, Essais sur la construction et comparaison des thermomètres, etc., frad, de l'an- glais, 1751, p. 174. PRODUCTION DE CHALEUR. o7 mtiis le contact mutuel de tous les organes cl la rapidité des courants sanguins qui les traversent sans cesse tendent à l'aire disparaître les inégalités qui peuvent exister sous ce rapport, et plusieurs expériences pour apprécier l'influence que les causes extérieures de refroidissement peuvent exercer sur la température des parties qui y sont le plus exposées. Ainsi il porta successivement la boule d'un petit thermomètre à diverses profondeurs dans le canal de Purèthre, et trouva 33°, 3 centigrades à un pouce de l'extré- mité de la verge, 33°, 9 àdeuxpoucesde l'orifice urinaire, 34°, 5 à trois pouces, et 36°, 1 lorsque le réservoir était arrivé dans le bulbe de l'urèthre. En plongeant la verge dans de l'eau à 10 degrés où était placé le même organe provenant d'un cadavre et préalablement chauffé à 33°, 3, il vit que dans l'espace de temps nécessaire pour refroidir ce dernier corps à 10 degrés, la température de l'organe vivant était descendue à l!i°, 5 (a). Dans une série d'observations sur la distribution de la chaleur animale dans les différentes parties du corps, faites par AI. J. Davy sur des Mou- lons qu'on venait de tuer, le thermo- mètre fut introduit sous la peau ou dans la profondeur des organes, et donna les indications suivantes : a Au larsc 32,22 Au métatarse 36,11 A l'articulation du genou . . 38,80 Vers le liant de la cuisse . . 39,44 A la hanche 40,00 Dans le cerveau 40,00 Dans le rectum 40,50 Vers la base du foie 41,11 Dans la substance de cet or- gane 41,39 Dans le ventricule gauche . . 41,07 11 est probable que la graduation du thermomètre n'était pas exacte ; mais les résultats obtenus n'en furent pas moins comparatifs. En faisant des observations analogues sur le corps de l'Homme, les indications thermo- métriques ne pouvaient cire aussi exactes; car M. J. Davy ne pouvait appliquer qu'incomplètement le réser- voir de l'instrument sur les parties dont il voulait apprécier la tempéra- ture. Voici, du reste, quelques-uns des résultats qu'il obtint de la sorte : Sous la plante du pied. . . . 32,2-2 Au mollet ' ... 33,89 Au milieu de la cuisse. . . . 34,4 4 Près du nombril 35,00 A l'aisselle, où le thermomètre pou- vait être complètement entouré par les parties vivantes, le mercure s'éleva à 3fi°,67 (b). \V. Edwards el Gentil trouvèrent cbez un homme en bonne santé et au repos : Dans la bouche et dans l'anus. 38,75 A la main 37,50 Au pied 35,02 Ils virent aussi que dans l'aisselle et (a) Hanter, Expériences et observations sur la faculté dont jouissent les Animaut de produire de la chaleur (Œuvres, t. IV, p. 212). (6) J. Davy, An Account of some Expérimente on Animal Heat (Philos. Trans., 1814, I. CIV, p. 590). 38 NUTRITION. la principale cause des différences que Ton observe dans la température des diverses parties de l'organisme, est la faci- lité plus ou moins grande avec laquelle ces parties perdent la chaleur qui leur est propre. Or, il existe à cet égard des diffé- rences très considérables, et il est évident que lors même que chaque molécule de matière vivante développerait en un temps donné une même quantité de chaleur, la température produite de la sorte différerait beaucoup près de la surface de refroi- dissement et dans la profondeur de l'organisme. Les parties superficielles du corps doivent donc être moins chaudes que les parties internes, et, toutes choses étant égales d'ailleurs, la différence doit être d'autant plus considérable que cette surface est plus étendue relativement à la quantité de matière vivante qu'elle limite. îl en résulte que la forme des diverses parties du corps doit influer sur leur température propre, et que cette température doit être non-seulement plus élevée dans les parties intérieures que près de la peau, mais aussi plus dans l'aine le] thermomètre s'élevait sur un Lapin par M. Collard de Mar- moins que dans la main, mais il est tigny : probable que cette anomalie dépendait de quelque imperfection dansée mode Tempéralme lJc patmosphèl.e. 1 4°, 5 Réaum. d'expérimentation (a). Du tarse 17,5 Récemment M. Braune a profité d'un Du jarret 21(5) cas d'anus contre nature pour prendre Du pli de la jambe 26,5 la température de l'intérieur de Pin- Du co"> Près du ll,orax • • • 27-° testin, et il a trouvé 37°,S ou environ De rabdomeB' sous Ia Peau ■ ~ de degré de moins , tandis que la température de l'aisselle varie de 35°, 7 De l'intérieur de l'abdomen . 25,5 Au - dessous du diaphragme , près de l'estomac 30,5 à 37 degrés (6). Lhi thoi.aX) près du cœiu, _ _ dQ5 (r) Je citerai égalcment'à ce sujet les observations thermométriques laites Dans les expériences thermoméiri- (d) W. Edwards, Animal lient (Todd's Cijclopœdia of Anat. and PhysioL, t. II, p 660). (t) Braune, Ein Fall von Amis prœnaturahs (Arcliiv fur palh. Anat und l'hysiol., 1800, t. XIX, p. 470). (c) Collard de Martigny, Op. cit. (Journal complémentaire du Dictionnaire des sciences médi- cales, t. XLI1I, p. 269). PRODUCTION DE CHALEUR. 39 élevée clans le tronc que dans les membres, et les divisions ter- minales de ces appendices doivent être moins chaudes que leur portion basilaire. L'observation journalière suffirait pour mon- trer la justesse de ces conclusions ; mais, pour nous donner la mesure des différences qui existent à cet égard entre les diverses parties du corps d'un même individu , il faut avoir recours aux indications thermométriques, et, pour prendre la température dans l'intérieur de l'organisme^ on ne peut pas toujours se servir de thermomètres ordinaires ; souvent il l'aul avoir recours aux aiguilles thermo-électriques que l'on peut enfoncer sans inconvénient dans les parties vivantes, et qui permettent d'évaluer des différences très faibles. M. Becquerel et Breschet ont fait de la sorte une série de recherches inté- ressantes, et ils ont vu qu'il pouvait y avoir des différences de plus de 2 degrés centigrades entre la température des différentes parties profondes de l'organisme d'un même indi- vidu (1). Pour les parties superficielles, l'abaissement de la température peut être beaucoup plus considérable, et varie davantage suivant les conditions dans lesquelles l'individu est placé (2). qiics faites sur des Chiens, M. L. Fink trouva la température du rectum un peu plus élevée que celle du cœur et du cerveau (a). (1) Les observations faites à l'aide d'aiguilles thermométriques par Bres- chet et M. lîecquerel ne furent pas très variées ; mais elles montrent que dans la substance des muscles du bras la température est notablement plus élevée que dans le tissu cellulaire sous-nilané adjacent. Ainsi, dans un cas, la différence était de 1°,83, et dans une autre expérience de 2°,25 (b). Dans une autre expérience, l'aiguille introduite sous l'aponévrose plantaire y indiquait 32 degrés, tandis que, pla- cée dans le muscle biceps brachial . elle marquait 37°, 5 (c). (2) C'est aux diiFércnees de tempé- rature existant entre le tronc et les mem- bres, et au refroidissement éprouvé (a) Luil. Fink, Beitrëge zur TemperaturtopOi/raphie des Organisants (Mitller's Archiv fur Anatomie xind Physiologie, 1853, p. 112). (b) Becquerel et Breschet, Premier Mémoire sur la chaleur animale (Ann. des sciences nat., 2e série, 1835, t. III, p. 269). (c) Becquerel et Breschet, Deuxième Mémoire su1 la chaleur animale [Ann. des sciences nal , 2' série, 1835, t. IV, p. 245). Influence du volume 40 NUTRITION. Des considérations du même ordre nous conduisent à recon- du corps naître que le volume du corps des cires animés doit influer sur . , . , sa température, aussi beaucoup sur leur température propre, et que si la quan- tité de chaleur qu'ils développent était la même pour un même poids de matière calorigène, c'est-à-dire de substance vivante, celui dont la masse serait faible ne saurait résister aux causes de refroidissement dont tous sont entourés, comme le ferait celui dont le volume serait considérable. Pour conserver la même température quand le milieu ambiant est froid, les petits Animaux ont donc besoin de produire beaucoup plus de chaleur que ceux dont le corps est gros. Ainsi, une Mouche, par exemple, pour conserver en hiver la température intérieure dont elle jouit en été, aurait besoin de produire une quantité de chaleur énorme comparée à celle au moyen de laquelle le moindre Mam- mifère peut maintenir son corps à une température de 36 à 38 degrés ; et, comparativement, pour avoir la même tempéra- ture intérieure, une Souris et un Lapin ont besoin de brûler beau- coup plus de combustible organique qu'un Cheval ou un Bœuf. Or, en étudiant les phénomènes de la respiration chez ces par le sang en traversant les extré- mités, qu'il faut attribuer les diffé- rences constatées par divers observa- teurs entre la température du sang artériel et celle du sang veineux dans ces parties. En effet, le sang qui revient des membres et de la tête vers le cœur est moins chaud que celui qui s*y rend après avoir circulé dans les vais- seaux du tronc. Ainsi, M. J. Davy a trouvé /tO ° ,8/j pour le sang de la veine jugulaire, et Zil°,67 pour le sang de l'artère carotide (a). Dans les expé- riences faites par Breschet et M, Bec- querel sur des Chiens , le sang de l'artère crurale était dans un cas de 0°,8 et dans un autre cas de 1°,1 plus chaud que le sang de la veine corres- pondante. Ces savants trouvèrent aussi le sang un peu plus chaud dans la veine jugulaire que dans la veine cru- rale (b). Des observations analogues ont été faites récemment par M. Wur- litzer (c). (a) J.Davy, Op. cit. {Philos. Tram., 1814, p. 596). (b) Becquerel et Breschet, Recherches expérimentales ■physico-chimiques sur la température des tissus et des liquides animaux [Afin, des sciences nal., 2* série, 1837, t. VII, p. 9'J et suiv.). (c) YYiirlitzer, Le hmpcralura satiguinis arteriosi cl venosi, adjeclis quibusdam experimentis (dissert, inaug.). GreifswaW, 1858. PRODUCTION DE CHALEUR. Û l différents cires, nous avons vu qu'effectivement les petits Animaux à sang chaud consomment en un temps donné une quantité d'oxygène qui, proportionnément au poids de leur corps, est beaucoup plus grande que celle employée de la même manière par les gros Mammifères (1). § 6. — L'évaporation de l'eau qui a lieu sans cesse à la Enels surface de la peau et dans les voies respiratoires de L'Homme l'évaporation. et des autres Animaux qui vivent dans l'atmosphère, es! la principale cause de refroidissement qui contre- balance les effets (hermométriques du développement de la chaleur propre de ces êtres résultant de la combustion vitale dont ils sont le siège ; et c'est aussi en raison de cette circonstance qu'ils peuvent rester pendant un certain temps dans de l'air dont la température est plus élevée que celle de leur corps, sans que leur chaleur intérieure augmente notablement. En effet, à mesure que la température de l'air s'élève, la tension de la vapeur y augmente rapidement, et par conséquent l'éva- poration s'active ; dans de l'air très chaud qui n'est pas saturé d'humidité, la transpiration insensible, c'est-à-dire l'évaporation de l'eau, est donc plus abondante que dans l'air froid, et par cela même elle enlève à l'organisme plus de chaleur ("2). Il y a là encore une de ces harmonies régulatrices qui sont (1) Voyez tome H, page 515. (2) D'après les lois qui régissent la transformation des liquides en vapeur, ou pouvait prévoir que les choses de- vaient se passer ainsi dans l'économie animale, et les expériences de Dela- roche et Berger prouvent que la théo- rie est en accord avec les faits. Ainsi, l'un de ces physiologistes perdit par é\aporation, pendant un séjour de treize minutes dans une étuve : 50 grain, à la température de 40 ù 12 degré:-. 215 — do59ùGl ;»15 — do 71 à 72 En deux minutes il perdit 220 gram- mes, quand la température de l'air am- biant était entre 86 et 87 degrés (a). L'évaporation est beaucoup plus (a) Delaroche, Expériences sur les effets qu'une forte chaleur pro.luit dans l'économie ani- male, t806, p. 48. VIII. ^ Action de la chaleur sur les Animaux. Z|2 NUTRITION. si remarquables dans les œuvres de la création, et qui sont pour tous les esprits droits un objet d'admiration. Effectivement, soit en raison de la coagulabilité des matières albuminoïdes qui jouent un rôle si important dans la constitu- tion des tissus et des liquides de l'organisme, soit à cause de plusieurs autres circonstances dont l'examen nous entraînerait trop loin du sujet principal de celte Leçon, les Animaux ne peuvent continuer à vivre si la température de leur corps s'élève au-dessus d'une certaine limite, qui en général ne dépasse que de très peu le degré de chaleur auquel l'organisme se maintient naturellement chez l'Homme et les autres Ver- tébrés supérieurs (1). Aussi les eaux très chaudes ne sont-elles habitées par aucun Animal (wj), et l'élévation de la température grande dans l'air sec que dans l'air humide (a) ; mais quand ce fluide csl chargé de vapeur d'eau, son action sur la peau provoque plus facilement la sueur, ce qui peut déterminer des perles de poids plus considérables (6). (1) J'aurai à revenir sur ce sujet en traitant de la contraction muscu- laire et des fonctions du système ner- veux. (•_>) Quelques voyageurs parlent de Poissons ou autres Animaux, qui li tbi- teraient dans des eaux thermales dont la température serait beaucoup plus élevée que celle du corps des Animaux ordinaires ; mais leurs observations ne paraissent pas mériter confiance. Ainsi Sonnerat dit avoir vu, près de .Ma- nille, des Poissons dans une source thermale dont la chaleur aurait été entre 00 et 86 degrés (r) ; mais on sait aujourd'hui, par les observations plus précises de Marion de l'rocé, que dans les eaux en question le thermo- mètre ne marque pas plus de 36 de- grés là où l'on voit des Animaux vivants (d). Dans un hassin de la fontaine de Hammam-Vieskoulin , en Algérie, où l'on voit nager des Bar- heaux, la température de l'eau est à 58 degrés près de la surface ; mais vers la partie inférieure , dans les couches dont ces Animaux ne sortent pas, la température n'est que d'en- viron liO degrés (p). J'ajouterai que M. Prinsep a vu des Poissons sup- (a) VY. Edwards, De l'influence des agents physiques sur la vie, p. 217 ut ;i8ô. (b) Delaroclie, Op. cit., |> -4'J. ici Sonnerai, Voyage à la Nouvelle* Guinée, et Voyage aux Indes orientales et à la Chine. (d; Marion do l'rocé, Excursion au village de Los Bagnos, près de Manille (Journal de physique, 1822, t. XClV.p. 101). le) Tripier, Observations sur les sources thermales de llamman -Berda et Hammam- Mes- kouliu, situées entre Uône et Conslantine (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1S39, t. IX, p. 602). PRODUCTION DE CHALEUR. ko atmosphérique qui, dans certaines régions du globe, résulte souvent de l'action des rayons solaires, serait promptement mortelle pour tous ces êtres, s'ils ne possédaient en eux les moyens nécessaires pour produire du froid : or, celle l'acuité, comme je viens de le dire, leur est donnée par la transpiration dont ils sont le siège (IL Sous ce rapport, leur corps ressemble à porter une température de .'i<> degrés dans un réservoir à Calcutta (a), et que M. Cumberland estime à /i'i",6 la chaleur d'une source thermale dans le Bengale, où des Animaux de ta même classe vivent habituellement (b). Mais il esi probable que celle dernière observation thermométrique n'était pas exacte ; car Spallanzani, qui a fait beaucoup d'expériences sur ce sujet, a vu que toujours Ira Grenouilles, les In- sectes et les a i res Animaux qu'il plon- geait dans de l'eau à û'2 ou A3 degrés y périssaient très promptement (c . William Edwards a constaté aussi que ces animaux, ainsi que les Lézards, les Tortues et les Poissons, meurent presque instantanément lorsqu'on les plonge complètement dans de l'eau à 4'2degrés(d), Eofln, tout récemment, M. Cl. Bernard (c) et M. kiïlme ont vu que les, Mammifères mouraient tou- jours quand la température de leur sang arrivait à environ 45 degrés. D'a- près ce dernier, la limite de la cha- leur intérieure, compatible avec l'exis- tence des Oiseaux, ne dépassait pas /|S degrés, et il suffirait de o!i degrés pour déterminer chez les Grenouilles un étal tétanique du système muscu- laire qui entraîne la mort (/'). (1) Chacun sait que l'élévation de température déterminée par les rayons solaires sullit parfois pour nous don- ner la mort ; et jusqu'à l'époque où les navigateurs portugais, en poursui- vant leurs découvertes sur la côte occidentale de l'Afrique, eurent fran- chi la ligne, on croyait généralement qu'a raison de celte circonstance la zone torride était inhabitable pour l'Homme. Vers le milieu du xv1' siècle, on reconnut que cela n'était pas; mais les médecins, parfois témoins d'accidents mortels produits par l'in- solation, continuaient à penser que les Animaux ne pouvaient exister dans une atmosphère dont la température serait supérieure à celle de leur corps, et (pie la principale utilité de la respiration était le refroidissement dû à l'entrée de l'air frais dans les poumons. Quelques expériences faites sur les Animaux par Fahrenheit et Provoost, pour vérifier les vues de Boerhaave à ce sujet, vinrent à l'ap- pui de celte opinion, car ces physiciens virent un Chien, un Chat et un Moi- fa) Prinsep, voyez Gumberland, Sur des Poissons trouvée dans une eau thermale à foorée, au Bengale (Bibliothèque universelle de Genève, 1S39, l. NX, p. -0-i). (b) Cumberland, Op. cit. [Bibliothèque universelle de Genève, 183'J, t. XX, p. 204). (c) Spallaïuani, Opuscules de physique animale, t. I, p. ol cl 101 . (<0 W. Edwards, De l'influence des agents physiques sur la vie, \i. 374. (e) Cl. Bernard, Leçons sur les liquides de l'organisme, 1859, t. I, p. 51. (/') Kiïlme, Myologische Utitersuchungen, 1860, p. H3 et ruïv M NUTRITION. Faculté ces vases poreux appelés alcarrazas, dans lesquels on l'ait rafraî- de rë^isiGr à une certaine chir de l'eau en les exposant à un vent chaud ; et plus l'air qui de température, les entoure leur enlève de la vapeur, plus ils perdent de la cha- leur, et résistent aux causes d'échauiïement auxquelles ils sont exposés. C'est de la sorte que l'Homme peut supporter pendant quelque temps l'influence d'une atmosphère dont la tempéra- neau mourir en peu de minutes dans une étuve où la température était d'en- viron 63 degrés centigrades (a). Mais diverses observations faites par Lining à Charleslown , par Adanson au Sé- négal, et par quelques autres auteurs, montrèrent que l'élévation de la tem- pérature de l'air ambiant au-dessus de la cbaleur du corps n'est pas nécessai- rement mortelle pour l'Homme (6). Gmelin fit remarquer aussi que dans les bains de vapeur employés journel- lement en Russie, la température s'éle- vait souvent à 63 et même à Z|7 degrés centigrades ; l'abbé Cbappe y constata une température encore plus élevée (c), et, dans les expériences laites en 1754 par Deutze, on avait vu des Chiens supporter pendant un temps assez long une température extérieure de Zi2 ou Zt3 degrés, bien qu'ils aient péri quand la cbaleur fut portée au delà de hk degrés (cl). Mais ce furent les obser- vations de Tillet et Duhamel qui con- tribuèrent le plus à fixer l'opinion des pbysiologistes à ce sujet. En 1760, ces deux académiciens virent une femme entrer dans un four de boulanger, où la température était d'environ 132 degrés centigrades, et y rester douze minutes sans en être fortement incommodée (e). Bientôt après (en 177Zi), Blagden, Banks, Solander et Fordyce firent une série d'expériences sur le même sujet : un de ces savants supporta pendant quinze minutes une température qui s'éleva graduellemcntdeû8°,3 à blx°,h ; un autre put rester pétulant sept mi- nutes dans une étuve où l'air était à 99°, L\ ; enfin, dans une circonstance particulière, le même physicien résista pendant huit minutes à une tempéra- turc de plus de 127 degrés (/"). Dob- son , de Liverpool, répéta ces expé- (a) Boerhaave, Elementa chemiœ, t. 1, p. 148. (b) Lining, Lctter cencerning the lueather in South Carolina (Philos. Trans., 1748, p. 33G). Adanson, Histoire naturelle du Sénégal, 1757, p. 81. FI, Martin, Lctter, etc. (Philos. Trans., 1707, t. LVII, p. 218). Barker, Account of some Thcrmometrical Notes made al Allahabad in the East Indies (Philos. Trans., 1775, t LXV, p. 202). Mongo Park, Premier voyage dans l'intérieur de l'Afrique, t. 1, p. 218, 234 et 248. — Deuxième voyage, p. 12, etc. Ouselay, Travels in varions counlries of the East, 1819. (c) Gmelin", Flora sibenca, 1747, t. I, p. LXXXI. — Chappe, Voyage eu Sibérie, 1708, t. I, p. 51. (d) Boerhaave, Elementa chemiœ, t. I, p. 147 et suiv. (e) Tillet, Mémoire sur les degrés extraordinaires de chaleur auxquels l'Homme et les Animaux sont susceptibles de résister (Mcm. de l'Acad. des sciences, 1704, p. 180). tf) Bla°den, Expérimenta and Observations in an heated room (Philos. Trans-, 1775, t. LXV, „_ ni), Eurlher Expérimenta and Observ. in an heated room (loc. cit., p. 484). PRODUCTION DE CHALEUR. Û5 tiire dépasse de beaucoup celle de son corps, et qu'on a vu des personnes pénétrer impunément dans des étuves où le thermomètre marquait plus de 100 degrés (1). Dans de l'air riences, et arriva a des résultats ana- logues: ainsi un des hommes qu'il fit entrer dans une étuve chauffée à 106 degrés put y rester pendant dix minutes, et une autre personne y resta pendant vingt minutes exposée ù une température de 98°, 80 (ci). Enfin, vers le commencement du siècle actuel, Berger et Delaroche firent une longue série d'expériences analogues, dans lesquelles ils constatèrent de nouveau que L'Homme peut vivre pendant un certain temps dans de l'air chauffé à plus de 100 degrés (h). (I) En 1758, G. Ellis fit à ce sujet une observation importante. En se promenant à l'ombre d'un parasol par un temps très chaud, il vit le thermo- mètre qu'il tenait à la main monter à 105 degrés Fahrenheit (ou /|0",5 centi- grades) sous l'influence de l'air am- biant, et descendre à 97 degrés Fah- renheit (ou 3fi0,t centigrades) quand il l'appliquait contre son corps (c). En 1773, le célèbre physicien Franklin constata aussi, un jour d'été, que la température de son corps se mainte- nait au-dessous de celle de l'atmo- sphère, et il attribua celte circonstance à l'évaporation dont la surface de sa peau , couverte de sueur , était le siège (d). Cbangeux s'appliqua égale- ment à établir que la faculté de résis- ter à l'influence de la chaleur exté- rieure, constatée par Blagden et par d'autres observateurs, dépendait es- sentiellement des eflets de l'évapora- tion (e) ; tandis que Crawford, après avoir adopté d'abord une opinion ana- logue (/"), crut pouvoir se rendre mieux compte des phénomènes en les attribuant en partie à une diminution dans la quantité de phlogislique dont le sang se chargerait quand la chaleur extérieure s'élève (7), hypothèse qui trouva crédit chez quelques physiolo- gistes de l'époque, mais qui fut bientôt abandonnée. Blagden et ses collabora- teurs constatèrent mieux que ne l'a- vaient fait leurs devanciers, que la tem- pérature du corps humain reste à peu près constante, malgré l'élévation de celle de l'air ambiant, et ils recon- nurent qu'on résiste plus aisément à la chaleur extérieure dans de l'air sec que dans de l'air humide ; mais tout en admettant que l'évaporation dont l'or- ganisme est le siège pouvait contri- (rt) Dol son, Expérimente in an heated room (Philos. Trans., 1775, t. LXV, p. 4G3). (b) Delaroche (do Genève), Expériences sur les effets qu'une forte chaleur produit dans l'éco- nomie animale, thèse. Paris, 1800, n° il. (c) G. Ellis, .4n Account of the Ileat of tlic weather in Georgia (l'hilos. Trans., 1758, t. L, p. 755). (d) Franklin, Lettre sur le rafraîchissement produit par l'évaporation (Journal de physique, 177;!, t. II, p. 453). — Œuvres, ti ad. parDubourg, 1773, t. II, p. 191 et suiv. (e) Changeux, Doutes sur la puissance attribuée au corps animal de résister à des degrés de chaleur supérieurs à sa température (Journal de physique, 1770, t. VII, p. 57). (f) Crawford, Expériences sur le pouvoir qu'ont les Animaux, dans certains cas, de produire du froid (Journal de physique, 178:!, t. XX, p. 451). (g) Idem, Expertmenls and Observations on animal Heat, seconde édition, 1788, p. 18G el suiv. [\6 NUTRITION. saturé d'humidité ou dans de l'eau, il n'en serait pas de môme, et l'équilibre de température s'établirait entre le corps vivant et le milieu ambiant avec d'autant plus de rapidité, que le pre- mier offrirait plus de surface comparativement à sa masse. Les petits Animaux, par conséquent, doivent s'échauffer alors plus vite que ceux dont le corps est volumineux, et, toutes choses élant égales d'ailleurs, ils périssent plus tôt (1). huer à la conservation de la fraîcheur du corps, ils continuèrent à attribuer principalement à la force vitale la faculté en question. Enfin la théorie de ce phénomène physique fut bien établie par les expériences nombreuses de Delarochc et Berger, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler (a). (I) Ainsi, dans les anciennes expé- riences de Fahrenheit et Provoost, un Moineau mourut au bout de sept mi- nutes dans une étuve où un Chien et un Chat purent vivre pendant vingt- huit minutes. Alais ce sont surtout les recherches de Berger et Delaroche qui firent bien voir les rapports qui existent entre le volume du corps et la faculté de résistera l'action échauf- fante de Pair extérieur. Ainsi, dans une étuve où la tempé- rature s'éleva de 57°, 5 à 63°, 7 centi- grades, une Souris mourut au bout de trente-deux minutes. Dans l'étuve chauffée entre 62 cl 80 degrés, un Cochon d'Inde vécut une heure vingt-cinq minutes. Un Anon resta pendant deux heures cinquante minutes dans une atmosphère d'où la température s'éleva progressi- vement de GO degrés à environ 7ô de- grés, et quoique fort affaibli à la fin de l'expérience, il n'en mourut pas. Des différences analogues furent constatées par ces physiologistes entre des Oiseaux de petite et de moyenne taille (b). Beaucoup d'autres circonstances in- fluent également sur la faculté de ré- sister à l'élévation de la température : par exemple, la nature des téguments. Ainsi, quand la peau est protégée par des poils ou des plumes, qui sont des corps mauvais conducteurs de la cha- leur et qui emprisonnent une couche d'air qui ne s'échauffe que lentement, la haute température de l'atmosphère ne produit pas l'élévation de la cha- leur intérieure aussi promptement que lorsque la peau est nue cl ne reste pas en contact avec une couche d'air ra- fraîchie par l'effet de l'évaporation de l'eau qui se. dégage de l'organisme. C'est de la sorte qu'on se rend facile- ment compte de l'influence des vête- ments et autres enveloppes dans les expériences de Tillet et deBlagden, et que l'on comprend comment les Arabes ont pris l'habitude de s'entourer d'un manteau de laine quand ils sont expo- sés à de grandes chaleurs, aussi bien (a) Delarochc, Expériences sur les effets qu'une forte chaleur produit dans l'économie ani- male, 1800. (b) Delaroche, Op. cit., p. 22 et suiv. PRODUCTION DE CHALEUR. M Du reste, il ne faut pas croire que la compensation établie par 1 evaporation soit complète, et que sous l'influence d'une atmosphère très chaude, le corps humain conserve sa tempéra- ture normale ; celte température s'élève notablement quand la différence entre la chaleur intérieure et celle de l'air ambiant devient, forte (1), et c'est principalement à cause de cette augmentation dans la chaleur intérieure que les épreuves de ce genre ne peuvent être supportées longtemps sans des souf- frances considérables et sans un grand danger pour la vie. que s'ils avaient à se préserver du froid. Les expériences de William Edwards relatives à l'influence que l'agitation de l'air exerce sur la marche de la transpiration nous donnent la clef de ces phénomènes (a). (1) Dans les expériences de Berger et Delaroche , un Cochon d'Inde dont la température était de 38 degrés lors- qu'on l'introduisit dans l'élu ve, avait environ hh degrés au moment de sa mort. Tous les Animaux sur lesquels portèrent les recherches de ces au- teurs périrent lorsque la température de leur corps s'était élevée de 6 ou 7 degrés au-dessus de la chaleur nor- male. I n séjour de quelques minutes dans de l'air à 80 degrés lit monter de 5 degrés la température humaine prise dans la bouche (b\ Suivant Duhamel , les Charançons du blé résisteraient à une chaleur de près de 100 degrés centigrades (c) ; mais il résulte des expériences de M. Doyère que ni ces Animaux ni d'au- tres Insectes ne peuvent vivre quand la température de leur corps s'élève à l\l ou ^, et Researches Anat. and Physiol., t. I, p. 161). (d) Reynaud, Dissertation sur la température humaine considérée sons les rapports des dges, des tempéraments, des races et des climats, iliése. Pari?, 18-29. (e) Blainville, Rapport sur les résultats scientifiques du voyage de la Bonite (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1838, t. VI, p. 157). — Voyage de la Bonite, Zool., t. I, p. xxxi. 50 NUTRITION. divers voyageurs dans les régions glacées du pôle nord nous montrent que beaucoup de ces Animaux à sang chaud peuvent conserver leur température normale lorsque celle de l'atmos- phère est pendant des mois entiers à 50, 60 ou môme 80 degrés plus bas. Le célèbre explorateur des mers arctiques, Parry, vit plus d'une fois le thermomètre marquer 39 ou 40 degrés dans l'intérieur du corps d'un Loup ou d'un Renard que les chasseurs venaient de tuer, quand la température de l'air était de 32 degrés ou môme de 36 degrés au-dessous de zéro, et l'on doit des observations analogues au capitaine Back (1). Il est vrai que, dans les cas de ce genre, la déperdition de la chaleur animale est toujours ralentie par l'existence d'une fourrure épaisse, et que si la surface de la peau n'était pro- tégée contre le contact du milieu réfrigérant par une enveloppe formée par quelque corps très mauvais conducteur du calo- Ainsi, chez 8 personnes la température du corps s'est élevée, ternie moyen, de 1°,27, en passant du 47e degré de latitude nord, où la température at- mosphérique n'était que de 8 degrés, à l'équaleur , où celte température était de 29°, 5. En six semaines, ces mêmes individus ont ensuite perdu en moyenne 0°,G7, en s'avançant vers le sud jusqu'à une latitude où l'air était à 16 degrés (a). Dans ce cas, de même que dans celui observé par Eydoux et Souleyet, la variation dans la chaleur animale a été plus grande sous l'in- fluence de l'élévation de la température extérieure que lorsque l'on passait d'un climat chaud dans un climat froid. Des variations dans la température du corps en rapport avec la tempéra- ture de l'air ont été constatées aussi chez les Pigeons par Letellier (b). (1) Le capitaine Back trouva que la température propre de deux Lago- pèdes de la haie d'Uudson était de /|3°,3 centigrades, lorsque la tempéra- ture de l'atmosphère était dans un cas — 32°, 8, et dans l'autre — ;$5°,8; par conséquent, la différence entre la température du corps et celle du mi- lieu ambiant était de 76°, 1 pour l'un de ces Animaux, et de 79", i pour l'autre (r). (a\ Brown-Séquard, Recherches sur l'influence des changements de climat sur la chaleur ani- male (Journal de physiologie, 1859, t. II, [>. 549). (b) Lelellier, Influence des températures extrêmes sur la production de l'acide carbonique dans la respiration des Animaux à sang chaud (Ann. de chimie et de physique, 3* série, 1845, t. Mil, p. 488). le) Back, Narrative of Vue Avclie land Expédition to the mouth of Ihe great Fish river, 1836, p. 590. PRODUCTION DE CHALEUR. 51 rique, la température intérieure de l'organisme baisserait promptement, ainsi que cela a lieu chez l'Homme, quand il est plongé dans un bain d'eau glacée ou exposé à l'air froid sans être couvert de vêtements (1). Mais il n'en est pas moins vrai que le maintien d'une température de 30 à hO degrés au-dessus de zéro, quand pendant des mois entiers tout est gelé dans la nature inanimée, suppose un développement de chaleur énorme dans l'intérieur de l'organisme vivant. § 8. — La faculté de produire de la chaleur est donc en réalité beaucoup plus grande chez tous ces Animaux qu'on ne le supposerait par l'observation de la température de leur corps dans les climats doux ou tropicaux, et la quantité de chaleur qu'ils développent varie beaucoup suivant les circonstances ; tandis que chez les Animaux à sang froid, où la température du corps varie avec celle du milieu ambiant, les di lié' renées dans la quantité de chaleur développée restent presque con- stantes ou s'abaissent sous l'influence du froid extérieur. Or, puisque la production de chaleur est une conséquence de la combustion physiologique, el que celle combustion est à son tour en rapport avec le degré d'activité de l'être qui en est le siège, nous pouvons conclure de ce l'ait que pour l'Homme el (1) A l'occasion de la mort de plu- sieurs matelots qui, dans un naufrage sur les côtes de l'Angleterre, périrent de froid en quelques heures, Currie fit une série d'expériences intéres- santes sur les effets produits par l'im- mersion dans un bain très froid. Dans la plupart des cas, l'eau em- ployée était à environ G degrés, et un thermomètre placé sous la langue du sujet descendit promptement à 33 ou ;;'i degrés ; dans quelques circon- stances , cet instrument ne marqua même que '2i ou 29 degrés : et ce grand refroidissement aurait été évi- demment suivi d'accidents fort graves, si on ne l'avait combattu très prompte- ment par l'application de couvertures chaudes, par des frictions et par d'au- tres moyens convenables (a). (a) J. Currie, An Account of the remarkable Effects of a shipwreck on the Mariners ; with Expérimente and Observations on the Influence of immersion in fresh and sait ir.iter, hot and cold, on the Poirers of the living [iody (Philos. Trans.,^'9-2, p. 199J. Faculté productrice de la chaleur 5*2 NUTRITION. les autres Animaux à sang chaud, l'influence d'un froid modéré doit être fortifiante, tandis que pour les Animaux à sang froid elle sera sédative. Mais les recherches de mon frère William Edwards nous ont appris qu'il y a une distinction importante à établir à cet égard chez les jeunes . . . , , Animaux, entre les Animaux nouveau-nes et ceux qui ont passe les pre- miers temps de la vie. Ainsi l'enfant, en arrivant au monde, ne possède encore qu'une faible faculté productrice de chaleur (1), et, sous ce rapport, il ressemble beaucoup à un Animal à sang- froid, si ce n'est que l'abaissement de température intérieure dont ceux-ci ne souffrent pas est pour lui un danger consi- dérable. Il en est de même pour beaucoup d'autres Mammi- fères, ainsi que pour un grand nombre d'Oiseaux qui, même en été, meurent de froid, s'ils sont abandonnés à eux-mêmes et ne reçoivent pas de leur mère, ou de quelque autre source calori- fique, le complément de chaleur dont ils ont besoin pour main- tenir leur corps à la température voulue (2). Les Mammifères (1) W. Edwards fut le premier à éta- blir une distinction entre la faculté de produire de la chaleur et la production effective de cet agent physique ; dis- tinction qui est très importante, et sans laquelle il est impossible de bien com- prendre les variations qu'il a observées dans la température du corps de riJonnne et de celui des Animaux (a). (•>) Lorsque les petits Chiens nou- veau-nés sont à la mamelle, la tempé- rature de leur corps est à peu près égale à celle de leur mère ; mais s'ils sont éloignés de celle-ci, et que la tem- pérature de l'air ambiant ne soit que de 10 à 20 degrés, il suffit d'une heure ou deux pour qu'ils se refroidissent beaucoup. Ainsi, dans une des expé- riences faites par W. Edwards, un petit Cliien de forte race, âgé de vingt- quatre heures, faisait monter le ther- momètre à 37°, 7 5 au moment où on le sépara de sa mère pour l'isoler dans une atmosphère dont la température était de 13 degrés. Au bout de dix mi- nutes, sa température propre était des- cendue de plus de 2 degrés, et dans l'espace de trois heures l'abaissement fut de plus de 11 degrés. Un autre indi- vidu, dont la température initiale était de 36°, 8, perdit plus de 18 degrés en quatre heures, et sa température propre n'était alors que de 5 ou G degrés au- dessus de celle de l'air. Dans une autre série d'expériences, des Chiens de même âge, mais de plus petite taille, placés (a) W. Edwards, De l'influence des agents physiques sur la vie, p. 182. PRODUCTION DE CHALEUR. 53 qui naissent les yeux fermés, tels que les Chiens et les Chats, ainsi que les Oiseaux qui quittent l'œuf avant d'avoir le corps couvert de duvet, sont particulièrement remarquables par leur peu d'aptitude à produire de la chaleur, et leur corps se refroi- dit avec une facilité extrême (1). L'abaissement de température qu'ils éprouvent ainsi provoque une réaction intérieure, et dans des circonstances semblables, ('•prouvèrent en treize heures un abais- sement de température égal à 22 de- grés; ils étaient alors dans un état de faiblesse extrême : mais, placés devant le feu et enveloppés d'un linge, ils se réchauffèrent peu à peu ; en moins de cinq heures ils reprirent presque leur température primitive et parurent aussi bien portants qu'avant l'expérience (a). (.liez les Chats nouveau- nés l'abaisse- ment de la température propre du corps a lieu avec plus de rapidité (h), et chez les petits Lapins nouveau-nés la chaleur de ranimai descend pres- que au niveau de la température ex- trême en moins de trois heures (c). Lorsque ces divers Mammifères nou- veau-nés sont protégés contre l'action de l'air froid par une enveloppe de laine ou de quelque autre corps mau- vais conducteur de la chaleur, ils se refroidissent moins rapidement, mais leur température s'abaisse peu à peu, et au bout d'un certain temps descend aussi bas que dans les circonstances précédentes. Des expériences faites par Ilolland montrent que même a l'âge de trois mois les Lapins résistent moins bien au froid extérieur qu'ils ne le font à l'âge adulte {d). (1) Ainsi, dans nue des expériences faites par W. Edwards, des petits Moineaux âgés de huit jours firent monter le thermomètre à 30 degrés au moment où on les retira de leur nid pour les isoler: la température de l'air était de 17 degrés; et an bout d'une heure la température de leur corps n'était plus que de 19 degrés. Chez un de ces individus, la chaleur propre était même descendue à 18 de- grés, et par conséquent n'était supé- rieure à celle de l'air ambiant que de 1 degré. Le même physiologiste con- stata des laits analogues chez beaucoup d'autres jeunes Oiseaux, même chez des Épervicrs qui étaient presque aussi gros que des Pigeons. Il est aussi à noter que la différence qui existe sous le rapport de la résistance au refroidissement entre les jeunes Oi- seaux et les adultes ne dépend pas seulement de ce que les premiers ont le corps nu et les seconds sont couverts de plumes. Un Moineau adulte dont toutes les plumes furent cou- pées conserva sa température ordi- naire dans les circonstances thermO- fa) W. Edw.irds, Op. cil., p. 013. (6) Mem, ibid., p. (315. (C) Idem, ibid., p. 0 10. (d) Ilolland, An Expérimental Inqidry into the laivs which regulatc the phenomena of Organic and Animal Life, 1829, p. 130. 54 NUTRITION. pendant quelque temps la combustion respiratoire augmente ; mais- les forces de l'organisme ne suffisent pas au maintien de ce travail physiologique, et bientôt la température intérieure s'abaisse de nouveau pour descendre plus bas que dans la pre- mière période du phénomène : sous l'influence du froid exté- rieur, de nouvelles oscillations se produisent, et il en résulte bientôt un état morbide des poumons ou d'autres organes qui détermine la mort (1). Les petits Mammifères qui naissent les yeux ouverts ont la faculté de produire plus de chaleur, et peuvent par conséquent mieux conserver leur température propre sous l'influence du froid extérieur (2); mais dans l'es- métriques où les jeunes éprouvèrent l'abaissement de température indiqué ci-dessus (a). (1) On doil à M. Flourens une série d'expériences 1res intéressâmes sur les causes de la mort des jeunes Oiseaux de basse-cour qui se trouvent exposés au froid. Ce physiologiste a constaté qu'ils périssent par suiie d'un étal Inflammatoire des poumons (h). (2) Ainsi, les petits Codions d'Inde, qui naissent les yeux ouverts et qui peuvent tout de suite courir pour cber- eber leur nourriture, conservent leur chaleur propre lorsqu'ils sont éloignés de leur mère et exposés à une tempéra- ture extérieure de 10 à 20 degrés. Les Chevreaux, les Poulains eî beaucoup d'autres Mammifères sont dans le même cas. Mais ces jeunes Animaux n'ont ce- pendant pas la faculté productrice de la chaleur ;.ussi développée que les adultes, et ils résistent beaucoup moins que ceux-ci ù l'action refroidissante d'un air dont la température est très basse. Ainsi, nous voyons, dans les expériences de W. Edwards, que sous l'influence d'une température exté- rieure de 0 degré, des Codions d'Inde adultes ne présentèrent au bout d'une heure qu'une diminution de 2°, 5 dans leur chaleur propre, tandis que des individus de la même espèce, mais âgés de quelques jours seulement, perdirent de 7 à 11 degrés (c). Les Oiseaux qui, au moment de la sortie de l'œuf, sont en état de courir et de manger seuls, se trouvent dans les mêmes conditions que les Mammi- fères dont je viens de parler ; ils peu- vent produire assez de chaleur pour conserver la température propre des Animaux de leur espèce et nécessaire à l'exercice normal de leurs fonctions, lors même qu'ils sont soumis à l'action d'une température extérieure de 15 de- (o) W. Edwards, De l'influence des agcnls physiques sur la vie, p. l-il, ï!3S, 010 et suiv, (6) Flourens, Observations sur quelques maladies des Oiseaux (Ann. des sciences nat., 182U, t. XVIII, p. 03 et suiv.). (c) W. Edwards, Op; cit., p. 136 cl 625. PRODUCTION DE CHALEUR. 55 pèco humaine cette faculté n'est encore que très imparfaitement développée pendant les premiers jours de la vie extra-utérine, et la statistique nous apprend que la mortalité des jeunes enfants est notablement augmentée pendant nos hivers, lors- qu'on expose ces frôles créatures à l'influence du froid. Chez ceux qui naissent avant terme, le pouvoir calorifique est encore plus faible, et, pour leur conserver la température indispen- sable à l'entretien de la vie, il est en général nécessaire d'avoir recours à des moyens artificiels (1). Les médecins et les légis- lateurs n'accordent pas à ces faits toute l'attention qu'ils méritent; mais ils ont une grande importance pour l'hygiène publique, et je m'y arrêterais davantage, si le sujet spécial de mes études ne m'interdisait les digressions de ce genre (2 Influence du froia sur la mortalité des enfants. grés. Mais quand ils sont exposés à un froid de 9 degrés, et surtout de !\ 0:1 5 degrés, ils se refroidissent très rapi- dement («). (1) Les enfants, comme on le sait généralement, sont viables quand ils naissent à sept mois de la vie intra-uté- rine, mais à cette époque leur déve- loppement u'est encore que très in- complet, et, sous le rapport du sens de la vue, ils sont à peu près dans le même état que les petits Mammifères dont les yeux sont fermés au moment de la naissance; car la pupille est encore bouchée par nue membrane, et ce caractère, sans avoir aucun rapport direct avec la calorii ité, coïncide avec le faible degré de développement de la faculté de produire de la chaleur, qui fait ressembler les petits Chiens et les Chats nouveau-nés à des Animaux à sang froid. En effet, on sait que les en- fants nés avant terme ne résistent pas (a) Vf. Edwards, Op. cit., p. 1 14 Cl 623 (d) W.Edwards, Op. cil , p. 505. aux causes de refroidissement aux- quelles les enfants ordinaires peuvent être exposés sans inconvénient, et qu'ils ont besoin de chaleur artifi- cielle (6). Sous le rapport de la faculté de développer de la chaleur, le, en- fants à terme sont dans un état inter- médiaire entre celui des pciits Mam- mifères dont il vient d'être question et les Mammifères adultes; ils ne se refroidissent pas aussi facilement que les premiers, mais ils sont loin de put voir maintenir une température inté- rieure constante aussi bien que les seconds. (2) Il n'est peut-être aucun point de physiologie appliquée à l'hygiène sur lequel on ait n des idées aussi erro- nées que celui qui est relatif à l'in- fluence du froid sur les jeunes enfants. Dans l'espèce humaine, comme chez la plupart des Animaux des classes supé- rieures, l'instinct porte la mère à main- 56 NUTRITION. JI est également à remarquer que par eela seul que les jeunes Animaux sont moins volumineux que ceux dont la erois- sanee est terminée, ils doivent se refroidir plus facilement, et celle circonstance, jointe à leur moindre aptitude à produire tenir autour du nouveau-né une tem- pérature douce et à le soustraire autant que possible à l'action des vicissitudes atmosphériques; et cependant des au- teurs célèbres ont considéré ces pré- cautions comme étant non-seulement inutiles , mais même nuisibles aux jeunes enfants, et ont vanté les usages de quelques peuples qui , dit - on , plongent dans de l'eau souvent gla- cée les nouveau-nés, afin de fortifier leur constitution, et cela même dans les saisons les plus rigoureuses. Les belles expériences de mon frère au- raient pu suffire pour faire justice de celte erreur dangereuse, cl pour mon- trer que dans les premiers temps de la vie l'homme a besoin d'être pré- servé contre le froid extérieur. Mais afin de soumettre ce point de doctrine hygiénique a une nouvelle épreuve, et de chercher si Ton pouvait saisir quelques rapports entre la marche de la mortalité des enfants nouveau- nés et l'état thcrmométrkpie de l'at- mosphère , nous fîmes , en 1829 , .M. Villermé et moi, une sirie de re- cherches statistiques dont il ne sera peut-être pas inutile de dire ici quel- ques mots. En comparant mois par mois le nombre des naissances et le nombre des décès d'enfants âgés de un jour à trois mois, nous trouvâmes que pour la totalité de la France la morta- lité est la plus grande pendant la saison froide; qu'elle diminue beaucoup au printemps, et que celte diminution dans la proportion des décès a lieu plutôt dans nos départements méridio- naux que dans ceux du Nord ; enfin, (pic cette mortalité est plus forte quand le froid est rigoureux que lorsque l'hi- ver est doux. Nous en tirâmes cette conclusion, qu'en hiver il est mauvais d'exposer les enfants nouveau-nés au froid, et que les prescriptions législa- tives d'après lesquelles ils doivent être présentés à la mairie avant l'expira- tion du troisième jour qui suit la nais- sance, afin d'y faire constater leur état civil, est nuisible à l'hygiène pu- blique (a). Pour mettre mieux en lumière ce résultat, nous fîmes recueillir ensuite des documents comparatifs sur la mar- cbe de la mortalité des jeunes enfants mois par mois dans un certain nombre de communes où les habitations sont agglomérées autour de la mairie et dans d'autres où les habitations étant très éparses, le trajet à faire pour porter l'enfant de la maison paternelle au bu- reau de l'état ci vil est généralement plus long, et nous trouvâmes que, dans ces dernières conditions, sur 12 000 décès annuels d'enfants âgés de un à trente jours, le trimestre d'hiver (décembre, janvier et février) figurait, terme moyen, pour 1270 par mois, tandis que dans les communes où , en raison de (a) Milne Edwards ut Villermé, De l'influence de la température sur la mortalité des enfants nouveau-nés {Mém. de la Sotiëtc d'histoire naturelle de Paris, t. V, p. 01). PRODUCTION DU CHALEUR 57 de la chaleur, t'ait que la température de leur corps est eu général un peu moins élevée que celle des adultes de la même espèce. Cela résulte d'un grand nombre d'observations ther- mométriques laites d'abord par William Edwards, puis par M. Despretz, et plus récemment par .M. Roger (1). l'agglomération des habitations autour de la mairie, le trajet à faire était court, le chiffre correspondant n'était que de 116S5 (a). L'augmentation de la mortalité des entants nouveau-nés pendant la saison froide ressort également des recherches statistiques faites plus récemment en Belgique et en Suisse (b). Depuis quelques années l'attention de l'administration a été appelée de nouveau sur la question du transport obligatoire des enfants nouveau-nés à la mairie (c), et aujourd'hui, quoiqu'il n'y ait eu à ce sujet aucun changement introduit dans la législation, on tolère souvent la déclaration de la naissance par témoins. Dans l'intérêt de l'hygiène publique, il est à espérer que cette modification sera adoptée d'une ma- nière plus générale. Comme preuve de la faible résis- tance que les enfants nouveau-nés opposent au refroidissement, je citerai aussi le fait suivant qui a été constaté par M. Bàrensprung. Le bain tiède dans lequel on place ces petits êtres pendant quelques instants pour les laver aussitôt après leur sortie du seiu de leur mère, suffit pour faire baisser la température de leur corps de 0°,90, terme moyen, et quelquefois même de 1°,6 centigrade (d). (I) Avant la publication des recher- ches de mon frère, relativement à l'in- fluence des agents pbysiques sur la vie, on pensait assez généralement que la température des enfants et des jeunes Animaux à sang chaud éait un peu plus élevée que celle des adultes (e), mais ce physiologiste a constaté qu'il n'en est pas ainsi. Dans ses expé- riences sur les petits Chiens à la ma- melle, il a trouvé que la tempéra- (a) Hilne Edwards, Influence de la température sur lu mortalité des jeunes enfants (l'Institut, 1838, p. 3S8). (b) Quclelet, Lie l'influence des saisons sur l'Homme (Aun. d'hygiène publique, 183-2, t. VII, p. 564). — Lombard, De l'influence des s lisons sur la mortalité à différents âges (Ann. d'hygiène publique, 1833. t. X, p. 1 10). (c) l.oir, Du service des actes de )iaissance en France et à l'étranger; nécessité d'améliorer ce service (Compte rendu, des séances de l'Académie des sciences morales et politiques, 1845). — De l'exécution de l'article 55 du Code civil relatif à la constatation des naissxnces (Revue du, droit français et étranger, 1840, t. M). — Du, baptême, considéré dans ses rapports avec l'état civd et l'hygiène publique (lue. cit., 1849, t. Vil. — De l'étal civil des nouveau-nés au point de vue de l'histoire, de l'hygiène et de la loi, in-8, 1854. — H. Royer-Collard, Rapport {Bulletin de l'Acad. de médecine, 1. XV, p. 554). (d) Barens|irung , Untersuchungai iiber die Teinpcraturverhdltnisse des Fœtus und des erwachsenen Menschen (Miiller's Archiv fur Anat. und Pkysiol., 1851, p. 139). (e) Burdach, Traité de physiologie, t. IX, p. 631. — Holland, An expérimental Inquiry into Laws which vegulate the Phenomena of Organic Life, 1829, p. 124. vin. 5 Animaux hibernants. 58 NUTRITION. § 9. — En général, on réunit indistinctement sous le nom (ï Animaux à sang chaud tous les Mammifères, ainsi que les Oiseaux, parce que daus les circonstances ordinaires la tem- pérature de leur corps est notablement supérieure à celle de l'atmosphère; mais tous n'ont pas comme l'Homme, le Chien turc de ces Animaux était de 1 à 2 degrés inférieurs à celle des corps de leur mère, et en comparant la chaleur propre des enfants nouveau-nés à celle des hommes adultes, il trouva en moyenne dans l'aisselle 3/i°,85 pour les premiers, et 36", 12 pour les seconds. Chez un enfant né avant terme (à sept mois), mais paraissant hien portant, et âgé seulement de deux ou trois heures, il trouva seulement 32 degrés, en pla- çant également le thermomètre dans le creux de l'aisselle (a). M. Despretz trouva en moyenne 37°,1/| chez neuf Hommes âgés de trente ans, et seulement 35°, 06 chez trois enfants d'un à trois jours (6). Les observations thermométriques faites par M. Iîoger sont beaucoup plus nombreuses, mais donnent des résul- tats analogues ; elles font voir aussi (pie dans les premiers temps de la vie humaine les variations de température sont beaucoup plus considérables qu'à un âge plus avancé. Chez des enfants nés depuis moins d'une demi-heure, ce physiologiste trouva pour la température moyenne du creux de l'aisselle 3û°,tZi, et chez 33 enfants âgés d'un à sept jours la température maximum était o9°,0, tan- dis que le minimum était 30 degrés ; enfin, la moyenne était 37°, 08. Chez 13 enfants âgés de quatre à six mois, les extrêmes étaient 37°, 75 et 36°, 75 ; la moyenne, 37°, 1 1. Enfin, chez 12 enfants âgés de six à quatorze ans, les extrêmes étaient, d'une part 37°, 75, et d'autre part 37°, 0 ; la moyenne, 37°, 31 (c). J'ajouterai que, d'après AI. Mignot, la température des nouveau-nés se- rait un peu plus élevée. En effet, chez 13 enfants âgés de trois à cinq jours et placés dans une chambre où l'air était à 15 ou 16 degrés centigrades, il a trouvé que la température du corps prise sous l'aisselle ne variait qu'entre 37°, 3 et 38°,l(rf). Enfin, dans une série d'observations faites avec beaucoup de soin par M. F. von Bàrensprung, la température des enfants nouveau-nés fut trouvée presque la même que celle de la mère prise dans le vagin avant l'accouchement ; en moyenne, la diffé- rence n'était que de 0",07 (e). (a) W. Edwards, De l'influence des agents physiques sur la vie, p. 133, 235 et 23G. (fi) Despretz, Recherches expérimentales sur les causes de la chaleur animale {Ann. de chimie et de physique, 1824, t. XXVI, p. 338). (c) Roger, De la température chez, les enfants, 1844 ^Archives générales de médecine, 4e série, 1845, t. Y, p. 290). (rf) Mignot, Recherches sur les phénomènes normaux et morbides delà circulation, de la calo- ricité et de la respiration chex, les nouveau-nés, thèse. Paris, 1851, p. 9. {e) Bàrensprung, Untersuchungen iiber die Tcmpcraturvcrliàltnisse des Fœtus und des cnuachsenen Mensehen im gesxmden und kranken Zustande (Mùller's Archiv fur Anat. und Physiol, 1851, p. 130). PRODICTION DE CHALEUR. 59 ou le Cheval, une température à peu près constante, et parmi les Mammifères il en est un certain nombre qui, tout en étant aptes à produire plus de chaleur que ne saurait le faire un Reptile ou un Poisson, ressemblent jusqu'à un certain point aux Animaux à sang froid, car leur corps se refroidit facile- ment, et ils supportent sans inconvénient un abaissement de température qui serait mortel pour la plupart des Animaux supérieurs, et qui détermine seulement chez eux un état de torpeur. On les désigne sous le nom d'Animaux hibernants, parce que durant l'hiver ils restent plongés dans une sorte de léthargie ou de sommeil profond. Le froid engourdit de la même manière beaucoup d'Animaux inférieurs, et il est un grand nombre d'Insectes et de Mollusques, aussi bien que des Reptiles, des Batraciens et des Poissons, qui passent ainsi la totalité de la saison froide dans un état d'inactivité complète, durant laquelle toutes les fonctions sont suspendues ou du moins très ralenties (1); mais c'est chez les Mammifères hibernants que (l) Quelques Mollusques conservent leur activité à dos températures nos basses : ainsi, on voit souvent des Lini- uées et des Planorbes qui nagent dans de Peau recouverte d'une couche épaisse de glace, et dont la tempéra- ture, par eonséquent, ne peut s'élever guère au-dessus de zéro (c). Mais lu plupart des Animaux de cet embran- chement s'engourdissent au commen- cement de la saison froide, et restent dans un état de torpeur jusqu'au prin- temps. Quelquefois ce sommeil hiver- nal dure pendant la plus grande partie de l'année. Ainsi, on rencontre la 17- trina diaphûna dans les Pyrénées, blottie sous les pierres, à des hauteurs où la neige couvre la terre pendant neuf à dix mois (b). Les Colimaçons, aux premiers froids de l'hiver, cessent de manger et se ca- chent dans lu mousse ou dans des.trous creusés en terre, puis se blottissent dans leur coquille. En général, ils font alors suinter du bord de leur manteau une matière blanchâtre plus ou moins riche en carbonate de chaux, qui, en se solidifiant, constitue une sorte d'oper- (a) Picard et Garnicr, Histoire des Mollusques terrestres et /luvialiles qui vivent dans le dépar- tement de la Somme (Bulletin de la Société linnéenne du Xord de la France Abbeville 1810 t. 1, p. 278). [b) Charpentier, Catalogue des Mollusques terrestres et /luviatiles de la Suisse (Nouveaux Mémoires de la Société helvétique des sciences naturelles, 1837, t. I, p. 4). — Moquin-Tandon, Histoire naturelle des Mollusques terrestres et fluvialîles de France t I p. 115. ' " ' GO NUTRITION. ce phénomène est le plus remarquable, [tarée que, sous l'in- fluence excitante de la chaleur, ces êtres se raniment non- seulement de façon à pouvoir exécuter des mouvements plus culc temporaire nommé épiphragme, et bouche complètement l'entrée de leur coquille: puis ranimai se contracte encore davantage, de façon à laisser entre cette cloison et son pied un cer- tain espace qu'il remplit avec l'air chassé de son poumon. 11 reste ensuite dans un étal de torpeur profonde. Ce repos hivernal a été signalé par Aris- tole (a), et Uioscoride parle de l'oper- cule que ces Animaux forment pour fermer leur coquille (b). Spallanzani a constaté que leur respiration devient alors presque nulle, mais que leur sommeil est peu profond, en sorte que d'ordinaire il suffit de casser leur épi- phragme, et de les irriter mécanique- ment, pour les faire sortir de leur co- quille, et se mettre en mouvement (c). Quand la température est très basse, leur cœur cesse de battre (J). Il est cependant probable que, malgré cet état de torpeur, ils continuent à pro- duire un peu de chaleur, car ils ré- sistent pendant quelque temps à un froid très vif, et il faut les soumettre à l'action d'une température de 7 ou 8 degrés au-dessous de zéro pour déter- miner la congélation de leur corps (e). Des faits analogues ont été observés chez plusieurs autres Mollusques (/). Beaucoup d'Insectes qui passent l'hi- ver à l'état adulte s'engourdissent, et restent dans une léthargie plus ou moins profonde pendant toute la sai- son froide (fj). Mais c'est à tort que les entomologistes supposent qu'il doive en être ainsi pour la plupart des es- pèces xylophages, qui passent l'hiver dans le tronc des arbres, car là la tem- pérature est rarement assez basse pour produire un semblable sommeil hi- vernal. Les Fourmis tombent en tor- peur à 2 ou o degrés au-dessous de zéro {h). Les Abeilles s'engourdissent et paraissent mortes quand leur tem- pérature descend à 5 ou G degrés centigrades, et elles ne résistent que fort peu de temps aux effets ainsi pro- duits (i) ; mais, lorsque ces Ani- (a) Aristulc, Histoire naturelle des Animaux, trad. de Camus, liv. VIII, t. I, p. 495. (b) Dioscoride, De maleria medica, ljb. II, cap. V11I. (c) Spallanzani, Mémoire sur la respiration, p. 128 et suit. (dl Lister, Exerr.itatio anatomica in qua de Cochleis, maxime lerrestribus, et Limacibus agilur, 1094. (e) Gaspard, Mém. physiologigue sur le Colimaçon (Journal de physiologie de Magendic, 182-2, t. II, p. 313). . ., ' (f) Joty, Note sur des Anodonla c.ycnea et des Paludina vivipara qui ont résiste a la congélation (.l»/i. des sciences nat., 3« série, 1845, 1. 111, p. 373). — Moquin-Tandon, Op. cit., p. 115. (g) Schmid, Ueber die Winleraufentho.lt der Kafer (llliger Magasin fur Insectcnkunde, 1802, 1. 1, p. 209). . _ — Suckow, Ueber den WinUrschlafder însecle.n (Heussinger's Zeilschrift, 1827, l. I, p. 59/)- — Kirley and Spence, Op. cit., I. II, p. 437 et suiv. — Burmeister, Handbuch der Entomologie, t. I, p. 62G et suiv. — Newport, On the Température oflnsects [Philos. Trans., 1837, p. 275). [h) Huberlils, Recherches sur les mœurs des Fourmis, p. 202. (!) Piéaumur, Op. cit., t. V, p. G76. — J. Huber, Nouvelles observations sur les Abeilles, t. II, p. 321. production: df chaleur. Gl ou moins rapides et à jouir de la plénitude des facultés animales, mais aussi à produire beaucoup de chaleur et à avoir une température propre qui dépasse de beaucoup celle du milieu où ils vivent d'ordinaire (1). Certains Oiseaux, ainsi que divers Mammifères, appartien- nent à la catégorie des Animaux hibernants; mais il existe maux sont réunis eu grand nombre dans leur ruche, ils produisent assez de chaleur pour maintenir la tempéra- ture nécessaire à l'exercice de leurs fonctions. Comme exemple d'Insectes capables de conserver leur activité à de très basses températures, je citerai le Po- diira nivalis, qui court avec agilité sur la neige. Une espèce de cette fa- mille (le Desoria glacialis) vit en sociétés nombreuses sur les glaciers de la Suisse (a). (1) Les Mammifères chez lesquels le sommeil hivernal est le plus profond. et le ralentissement des fonctions nu- tritives est porté le plus loin durant cet état de torpeur, sont, les uns de petits Insectivores, tels que lesCham es- Souris et les Hérissons, les autres des Rongeurs qui se nourrissent principa- lement de fruits ou de grains, et qui habitent sous des climats rigoureux à cause de l'élévation des lieux ou de leur éloignemeni des régions tropicales : par exemple, la Marmotte des Alpes, le Loir, le Lérot, le Muscardin et le Hamster de l'Europe septentrionale. Nos Ecureuils, le l'orc-Épic et plu- sieurs autres Animaux du même or- dre hibernent aussi; mais tous les Rongeurs des pays froids ne sont pas dans ce cas, les Lemmings, par exem- ple. Quelques grands Mammifères qui se nourrissent principalement de fruits, et qui habitent les montagnes où le froid est long et rigoureuv, présentent des phénomènes du même ordre. Ainsi l'Ours brun et le Blaireau restent en- dormis dans leur tanière pendant pres- que tout l'hiver, mais leur sommeil est beaucoup moins profond que celui des petits Mammifères dont je viens de parler. L'Ours polaire, qui est es- sentiellement carnassier, ne s'engourdit pas de la sorte. Bufîon considérait les Mammifères hibernants comme des Animaux à sang froid, et pensait que la température in- terne de leur corps était toujours à peu près la même que celle de l'at- mosphère (ô). .Mais il était dans l'er- reur, et Spallanzanî lit voir que la chaleur propre de ces Mammifères est souvent de 15 à !20 degrés au-dessus de la température de l'air, lorsque celle-ci est assez élevée pour qu'ils res- tent éveillés (c). Humer trouva aussi (a) Nicolet, Recherches pour servir à l'histoire des Podurelles, p. ">S (Nouveaux Mémoires de la Société helvétique des sciences naturelles, 1841, t. VI). (b) Buflon, Histoire naturelle des Quadrupèdes, art. Loir (Œuvra, édit. de Verdièra, 1. XX, (c) Spallanzani, Opuscules de physique animale et végétale, 1. 1, p. 110. — Lortet, Observations stir le sommeil léthargique du Muscardin (Ann. de la Société a' agri- culture de Lyon, 1844, t. VU). 62 NUTRITION. parmi ces êtres beaucoup de degrés sous le rapport de la faculté de résister à l'abaissement de température et quant à l'intensité de l'état léthargique déterminé par le froid. Ainsi, chez les uns, la faculté de produire de la chaleur est assez grande pour qu'en hiver la température du corps ne que le thermomètre marquait 27°, 5 dans l'intérieur de l'abdomen d'un Loir en activité, bien que la tempéra- ture de l'air ambiant ne fût que de 17°, 7 (a). Des faits du même ordre ont été constatés par Mangili , Prunelle, Saissey, M. J. Davy, M, Regnault, et plusieurs autres expérimentateurs (b). Ainsi, dans quelques-unes des obser- vations de M. Regnault, quand la tempé- rature extérieure était comprise entre 10 et 15 degrés, la chaleur animale de la Marmotte, observée dans le rec- tum, était de 32 à .'35 degrés. Dans les expériences de Saissey, la température du corps de la Chauve- Souris ne s'est jamais élevée au-dessus de 31 degrés centigrades (c). Ce n'est pas seulement en hiver que les Mammifères hibernants s'engour- dissent ; toutes les fois qu'on les sou- met pendant un certain temps à l'in- fluence d'une basse température, leur corps se refroidit, et ce refroidissement amène à sa suite l'état de torpeur. Ainsi Pallas a déterminé le sommeil léthargique chez des Marmottes, en les plaçant dans une glacière pondant l'été, et Saissey a obtenu par le même moyen un résultat analogue dans ses expériences sur des Hérissons et des Loirs. La température à laquelle l'état de torpeur se déclare, varie suivant les espèces, et l'on peut conclure de là que la faculté productrice de la chaleur n'est pas également faible chez tous ces Animaux. Ainsi, Berthold a vu des Muscardins s'engourdir de la sorte dans une chambre où l'air était entre 10 et 17 degrés. D'après Saissey, le Hérisson et les Cbauves- Souris tombent en léthargie quand la température du milieu ambiant est de 6 ou 7 degrés, (a) Hunter, Expériences et observations sur la faculté dont jouissent les Animaux de produire de la chaleur (Œuvres, t. IV, p. 215). (6) Mangili, Saggio d'osservazioni per servire alla storia dei Mammiferi soggelti à periodico letargo. Milano, 1807. — Mémoire sur la léthargie des Marmottes (Ann. du Muséum, 1807, t. IX, p. 100). — Sur la léthargie périodique de quelques Mammifères (Op. cit., t. X, p. 434). — Saissey, Recherches expérimentales anatomiques, chimiques, etc., sur la physique des Animaux mammifères hibernants, 1808. — Prunelle, Recherches sur les phénomènes et sur les causes du sommeil hivernal de quel- ques Mammifères (Ann. du Muséum, t. XVIII, p. 20 et 302). — Berger, Expériences et remarques sur quelques Animaux qui s'engourdissent pendant la saison froide (Mém. du Muséum, 1828, t. XVI, p. 201). — Marshall-Hall, On Hybemation (Philos. Trans., 1832, p. 335). — Gmelin, Veber den Winterschlaf (iuaug. dissert.). Tubingen, 1839. — Regnault et Reiset, Recherches chimiques sur la respiration des Animaux (Ann. de chimie et de physique, 3e série, 1849, t. XXVI, p. 429 et suiv.). — Valentin, Beitrâge mur Kenntniss des Wintcrschlafen der Murmelthiere (MolescIioU's Untersuchungen zur Naturlehre des Mcnschen und der Thiere, 1857, t. I, p. 206 ; t. II, p. 1 et suiv). (f) Saissey, Op. cit., p. 10. PRODUCTION DE CHALEUR. 63 s'abaisse pas beaucoup, et que le sommeil qui accompagne ce refroidissement ne soit pas très profond ; tandis que chez d'autres, cette faculté s'affaiblit rapidement sous l'influence d'une basse température, et que le refroidissement du corps amène une suspension presque complète de tout travail phy- siologique (i). Les Animaux hibernants nous offrent un nouvel exemple des harmonies de la création dont tout naturaliste doit être si souvent frappé. Les Mammifères qui présentent cette particu- larité physiologique sont seulement ceux qui se nourrissent d'Insectes, de fruits ou d'antres substances analogues, et qui sont destinés à habiter les pays où pendani l'hiver ils ne pour- raient trouver aucun des aliments dont ils ont besoin. Mais celle privation no leur nui! pas, car le froid, qui fui! disparaître de la surface de la (erre les Animaux el les produits végétaux qui leur conviennent, les plonge dans un état de torpeur pen- dant lequel (eus les besoins du travail nutritif deviennent presque nuls : ils restent alors cachés dans quelque réduit et le Lérot s'endort de la même ma- nière sous l'influence d'un froid de U ou 5 degrés au-dessus de zéro. Le sommeil hivernal de la Marmotte nese déclare pas sitôt: pour le produire, il faut d'ordinaire un froid de G degrés au-dessous de zéro. (1) D'après 15ruguière, le Tenrec de Madagascar tomberait eu léthargie pendant la saison chaude, mais il pa- raît que c'est au contraire pendant les mois où la température est le plus b tsse que ces petits Animaux s'engour- dissent (a). Je ne parle pas ici des hypothèses qui ont été hasardées pour expliquer la cause des particularités physiologiques que présentent les Animaux hiber- nants, car aucune d'elles ne peut être considérée comme satisfaisante (6). (a) Desjardins, Note sur le Tenrec (Ann. des sciences nat., 1830, t. XX, p. 179). — Coqiicrcl, Noie sur les habitude» des Termes [Revue soologique, 1848, p. 39 . — Telfair, Letler [Proceedings of the Committee of the Zoological Society, 1831, pari. 1, p. S9). — Brown-Séquard, On the causes of the Torpidity of the Tenrec [Expérimental Hesearches avplied to Physiolegy uni Patholagy, isô3, p. 25). (6) Pastre, De la cause de l'hibernation chez- les Animaux donneurs [Nova Acla Acad. nat. curioa., 18-29, t. XIV, y. 661). — Oiio, De Animalium quorumdam per hyemem dormientium vagis ceptialicis cl aure interna (Nova Acta Aead. nat. curios., t. .Mil, p. 23 ; — Ann. des sciences nat , iH-2~, t. \l, p. 70). (j!\ NUTRITION. bien abrité; leur circulation se ralentit beaucoup; leur respi- ration, sans cesser complètement, diminue de façon que la combustion vitale devienne extrêmement faible , et que la graisse emmagasinée dans leur corps suffise pour l'entre- tenir. Les Oiseaux ne possèdent que fort rarement la faculté de dormir d'un sommeil profond pendant toute la durée de nos longs hivers ; mais la Nature pourvoit autrement à leur conservation en donnant à plusieurs d'entre eux l'instinct de l'émigration, qui les conduit dans des climats où la nourriture ne leur fait pas défaut il). Dans la suite de ce cours, nous aurons à revenir sur la considération de ces faits remar- (1) Les Hirondelles, comme on le sait, quittent nos contrées aux appro- ches de la saison froide, et il parait indubitable qu'en général elles émi- grent alors vers les parties chaudes de l'Afrique; mais quelques espèces de ce genre, telles que l'Hirondelle de rivage et l'Hirondelle de fenêtre, pa- raissent être susceptibles de passer la mauvaise saison cachées dans des trous et plongées dans un état de léthargie. Un naturaliste de Suède, OlaiisMagnus, a prétendu que dans le Nord, ces Oi- seaux passaient l'hiver sous l'eau, pe- lotonnés en groupes serrés, et cette assertion a été répétée par plusieurs auteurs; mais, dans l'état actuel de la science, elle n'est pas admissible (a). D'après le témoignage de divers ob- servateurs, des Hirondelles se trouvent parfois, pendant l'hiver, dans des an- fractuosités de rochers ou dans d'autres retraites, et y restent profondément engourdies. On cite plusieurs exemples de ce genre, et l'on a vu les Hirondelles engourdies par le froid reprendre leur activité quand on les eut réchauf- fées (b). Il esl même possible que lorsqu'elles sont dans cette espèce de léthargie, elles puissent' résister pendant un certain temps à l'asphyxie, et ne pas se noyer aussi vite que d'ordinaire. Du reste, l'action séda- tive du froid ne paraît pouvoir se faire sentir sur ces animaux qu'à la longue ; car Spallanzani, en soumettant des Hirondelles à une très basse tem- pérature pendant plusieurs heures, ne parvint pas à les endormir le). (a) Olaiis Magnus, Histoire des pays septentrionaux, 1561, p. 217. (b) AcliarJ, Remarks on Smallows on the Rhine (Philos. Trans., 1763, t. LV, p. 101). -— Glialelux, Voyage dans l'Amérique septentrionale, t. Il, p. 329. — Pallas, Voyage dans plusieurs provinces de l'empire de Russie, t. II, p. 409 (édit. tli> Lamarck). — C. Smith, Facts in regard lo the Ilgbernation of the rhimney Swallow (New Philosophicnl Journal, 1827, t. 111, p. 231). — Dutruchet, Hivernation des Hirondelles (Comptes rendus de VAcad. des sciences, 1838, l. VI, p. 673). {c) Spallanzani, Voyage en Sicile, t. VI, p. 13 et suiv. PRODUCTION DE CHALEUR. 65 quables ; mais je ne pouvais passer à coté d'eux sans les signaler. Sous le rapport de la faculté de produire la chaleur et de ^*JV™CM supporter le froid, il y a donc quatre catégories principales à &»** uu^aié établir: de ta chaleur. 1° Les Animaux à sang chaud et à température constante, qui produisent beaucoup de chaleur, et qui, sous l'influence d'un froid modéré, augmentent cette production de laeon à con- server une température propre qui ne varie que peu. T Les Animaux à sang chaud et à température variable, qui ne sont pas aptes à produire assez de chaleur pour résister à des causes de refroidissement d'une puissance médiocre, mais qui ne sont pas organisés pour supporter un abaissement notable de température intérieure, et qui périssent promptement quand la température du milieu ambiant s'abaisse beaucoup. 3° Les Animaux à sang chaud et à température essentielle- ment variable, qui se refroidissent très facilement, et pour les- quels ce refroidissement occasionne un ralentissement dans les fonctions vitales sans être une cause de mort, c'est-à-dire les Animaux hibernants. h" Les Animaux à sang froid, qui ne produisent pas assez de chaleur pour avoir dans les circonstances ordinaires une tem- pérature propre qui s'élève beaucoup au-dessus de celle du milieu ambiant, et qui supportent sans inconvénient un refroi- dissement considérable, soit en s'engourdissant, soit en con- servant la plénitude de leur activité vitale. Tous les Animaux invertébrés, de même que les Poissons, les Batraciens et les Reptiles, appartiennent à cette dernière caté- gorie, et beaucoup d'entre eux conservent une grande activité lorsque la température intérieure de leur corps ne s'élève que fort peu au-dessus de celle de la glace fondante. Beaucoup de Poissons sont dans ce cas, et, ainsi que nous le verrons plus tard, c'est pendant qu'ils subissent ainsi l'influence du froid G6 NUTRITION. que fort souvent ils vaquent aux fonctions de la reproduction. D'autres s'engourdissent quand la température de leur corps s'abaisse de la sorte, et il en est qui peuvent alors supporter la congélation sans périr (I). Nos connaissances sont encore très incomplètes au sujet des (1) Chez les Animaux à sang chaud, la congélation, même partielle du corps, est en général suivie de la mort des parties dont les liquides ont été solidifiés de la sorte (a) ; mais dans quelques cas on a vu certaines por- tions de l'organisme revenir à la vie et reprendre leur état ordinaire après avoir été complètement gelées. limiter a constaté des faits de ce genre chez des Lapins dont il avait gelé une oreille en la maintenant pendant une heure dans un mélange réfrigérant, et chez des Coqs dont il congela de la même manière la crête et les bar- billons (b). Les Animaux à sang froid résistent mieux aux elïels de la congélation, et un grand nombre d'entre eux peuvent continuer à vivre après que la totalité de leur corps a été solidifiée par le froid. Ainsi Lister a vu des Chenilles re- prendre le mouvement après avoir été congelées (c), et Iléaumur a constaté que les larves du Bombyx pityocampa peuvent supporter sans périr un froid de plus de 2Zi degrés au-dessous d*e zéro (d). Bonnet lit des observations analogues sur des Chrysalides du Pontia Brassicœ, et Steikers obtint le même résultat dans des expériences sur la congélation de quelques larves de Tipules (e). Je citerai également ici des recherches sur la congélation des Podurelles, faites par M. Nicol- let (f) ; mais une des expériences les plus remarquables à ce sujet est duc au capitaine Ross, Ce voyageur plaça 30 Chenilles dans une boîte, qu'il exposa quatre fois de suite pen- dant une semaine à une température de — h'1 degrés environ. A chaque exposition elles devinrent roides et furent congelées ; cependant ,a rès la première exposition, toutes revin- rent à la vie quand on les ramena dans une chambre chaude ; 23 survé- curent à la seconde congélation, 1 1 res- tèrent à la troisième épreuve, et 2 pu- rent être rappelées à la vie après la quatrième congélation {g). M. Joly (de Toulouse) a constaté aussi que des l'a- ludines et des Anodontes ont pu être pris dans un bloc de glace, dont la tem- pérature était descendue jusqu'à 5 de- grés au-dessous de zéro sans périr, ni (a) Au sujet des effets du froid sur le corps humain, je renverrai à l'article CONGÉLATION du Compendium de chirurgie pratique par Bérard et Denonvilliers, t. 1, p. 380 et suiv. (b) limiter, Traité du sang, etc. (Œuvres, t. III, p. 131). (e) Lisler, Goedartius, De insectis, 4 C>85, p. 70. \di Réaumiir, Mém.pour servira l'histoire naturelle des Insectes, t. II, p. 142. (e) Kirby et Spence, An Introduction to Entomoloijij, t. II, p. 453. (/') Ross, Effet d'un froid intense sur des Chenilles (Bibliothèque universelle de Genève, nouv, série, t. III, p. 483). (g) Nicolet, Recherches pour servir à l'histoire naturelle des Podurelles, p. 12 (Nouveaux Mémoires de la Société helvétique des sciences naturelles, 1841). PRODUCTION DE CHALEUR. G7 Animaux à sang chaud dont la faculté calorifique est faible; j'ai déjà dit que beaucoup de Mammifères et d'Oiseaux nouveau- nés présentent ces caractères, mais en général cela est de peu de durée, et longtemps avant Page adulte la température du corps devient fixe (1). Il me parait probable cependant que même paraître souffrir de cette congé- lation (a). Les œufs de quelques Insectes ré- sistent aux effets de la congélation, et peuvent môme supporter l'action d'un froid très intense. Ainsi Spallan- zani a constaté l'éclosion d'oeufs de Vers à soie qui avaient été exposés à — 30 degrés (o), et plus récemment Bonafous a fait des expériences ana- logues (c). limiter a constaté que les Crapauds peuvent supporter la congélation sans périr [d). Pendant un voyage en Is- lande, Gaimard a observé des faits ana- logues. Par l'action du froid, les Cra- pauds sur lesquels il expérimenta de- venaient roides, cassants, et ne lais- saient pas échapper une goutte de sang quand il les brisait ; cependant, en les dégelant dans de l'eau tiède, il les lit revenir à la vie. Dans ces cas la congélation s'était faite lentement; mais quand elle était rapide, elle dé- terminait toujours la mort. En ré- pétant ces expériences sur des Gre- nouilles, Gaimard ne put conserver vivants les Animaux dont le corps avait été gelé (e) ; mais M. Auguste Du- méril a constaté que la mort n'est pas toujours une conséquence de la con- gélation du corps de ces Batra- ciens (/') ; le même lait a été observé chez le Triton (y). Plusieurs auteurs parlent aussi de la reviviscence de Poissons dont le corps avait été roidi par l.t congéla- tion (/<). (1) W. Edwards a trouvé que les jeunes Chiens et Chats résistent d'au- tant mieux au refroidissement, qu'ils sont plus éloignés du moment de la naissance, et que vers l'âge de quinze jours ils se comportent sous ce rapport à peu près comme les adultes, quand la température extérieure est moyenne (i). («) Joly, Note sur des Anod'iila cycnea et des Paludina vivipura qui ont résiste à la congéla- tion (Ann. des sciences nat., 3« série, 1845, t. III, p. 373). (bj Spallanzani, Opuscules de physique animale, t. I, p. 84. le) Bonafou% Sur tics œufs de Ver à soie exposés à une basse température (Bibliothèque uni- verselle de Genève, 1858, nouvelle série, l. XVII, p. 20ÙJ. (d) Hunier, Experiments on Animal': and Vcgetables ivith respect to the power ofproducing lieat (Philos. Trans., 1775, t. LXV, p. 450). (e) Gaimard, De la suspension de la vie chez, les Batraciens par l'effet du froid (Bibliothèque universelle de Genève, 1 S 4 u , nouvelle série, t. XXVI, p. 207). (f) Au£. Duméril, Bechcrches expérimentales sur la température des Reptiles [Ann. des sciences nat., 3- série, 1852, t. XVII, p. 11). (g) Du Fay, Observations physiques et anatomiques sur plusieurs espèces de Salamandres (Mém. de l'Acad. des sciences, 1729, p. 145). (h) J. Franklin, First Overland Journey to the Polar Seas, t. II, p. 234). — Hubbard, On the Bessuscitation of Frozen Fish (Silliman's American Journal, 1S 50, t X, p. 132). (i) W. Edwards, De l'influence des agents physiques sur la vie, p. 136. Circonstances qui influent sur G8 NUTRITION. divers Mammifères ne se perfectionnent pas de la sorte, et que c'est en grande partie en raison de cette circonstance que plu- sieurs de ceux qui sont propres aux régions tropicales périssent promptement quand on les transporte dans nos pays, où les hivers sont froids. § 10. -— Puisque la chaleur animale dépend de la combustion vitale, et que cette combuslion est entretenue par l'oxygène ^cta'îeïr0." que la respiration introduit dans l'organisme, nous pouvons prévoir que toutes les circonstances qui influent sur la marche de cette fonction doivent agir d'une manière analogue sur la quantité de chaleur produite de la sorte. Ainsi, nous avons vu précédemment que pendant le sommeil la respiration est moins active que pendant la veille (i), et l'expérience nous apprend qu'il existe des variations correspondantes dans la puissance productrice de la chaleur animale. Chossat a conslaté que chez les Pigeons la température du corps est d'environ trois quarts de degré plus élevée le jour que la nuit (2) , et les observations de Hunter, de même que celles de Martin, montrent que chez l'Homme il y a aussi un refroidissement Respiration. (1) Voyez tome II, page 526. (2) Ces résultats furent déduits de 600 observations thennométriques fai- tes sur 20 Pigeons nourris de la ma- nière ordinaire et placés dans les mêmes conditions de température ex- térieure la nuit et le jour. A midi, dans l'état de veille, le thermomètre, introduit dans le cloaque, s'élevait, terme moyen, à Z|20,22, tandis qu'à minuit, durant le sommeil de ces Ani- maux, il ne marquait en moyenne que /U°,/i8. Sur 300 jours d'observations, il n'y en eut que 5 où la température du corps fut trouvée plus élevéelanuit que le jour, et 6 où elle était la même à midi et à minuit ; dans les 289 autres jours la différence était dans le sens indiqué ci- dessus (a). Je rappellerai aussi, à ce sujet, que dans les expériences de M. Boussingault sur la respiration des Tourterelles, la quantité d'acide carbonique produite par heure fut d'environ 9!i centigram- mes pendant le jour, et seulement de 59 centigrammes pendant la nuit (6). (a) Chossat, Recherches expérimentales sur l'inanition (Mém. de VAcad. des sciences, Savants étrangers, 1843, t. VIII, p. 553 et sniv.). {b) Voyez tome II, page 529» PRODUCTION DE CHALEUR. 69 notable pendant le sommeil (i). Souvent on a eu aussi l'occa- sion de constater que, sous l'influence du sommeil, l'organisme résiste moins bien à l'influence du froid que pendant la veille, et cela suppose une différence correspondante dans la faculté de développer de la chaleur. Nous avons vu également que la consommation d'oxygène influence ils l'exercice diminue pendant la veille, quand le système locomoteur est en musculaire, repos, et augmente beaucoup sous l'influence de l'exercice musculaire : or, il est facile de constater que tout déploiement de force mécanique est accompagné d'une augmentation dans le développement de chaleur dont l'organisme est le siège. La coïncidence de ces phénomènes a été mise bien en évidence par les expériences délicates de M. Becquerel et deBreschet. Ces Savants, en enfonçant dans le muscle biceps brachial d'un Homme les aiguilles de l'appareil thermo-électrique dont j'ai déjà eu l'occasion de parler, ont vu que cet organe s'échauffe chaque fois qu'il se contracte, et qu'il suffit d'un petit nombre de ces mouvements pour que sa température s'élève d'un demi-degré centigrade au-dessus de celle qu'il avait dans l'état île repos (2). (1) Martin observa un abaissement 1res sensible de la température du corps humain pendant le sommeil, et constata que le corps se réchauffe très promptemenl après le réveil [a). Hun- ier évalue la différence entre l'état de sommeil et la veille à 1 degré et demi Fahrenheit, c'est-à-dire environ 0°,83 centigrade (b). (2) Eu sciant du bois pendant cinq minutes avec le bras où l'une des sou- dures du thermo-multiplicateur avait été introduite dans le muscle biceps, l'augmentation de la température dans cet organe a été quelquefois jusqu'à 1 degré centigrade (c). Plus récemment des résultats analogues ont été obte- nus par M. Gierce, en expérimentant (a) Martin, Description des effets du sommeil sur la chaleur du corps humain (Journal de physique, illi, t. H, p. 292). (b) Hunier, Expériences et observations sur la faculté dont jouissent les Animant de produire de la chaleur (Œuvres, t. IV, p. 317). (c) Becquerel et Itrescliet, Itecherches sur la chaleur animale au moyen des appareils Ihernw- clectnques (Archives du Muséum, t. I, p. 402). 70 NUTRITION. D'ailleurs, chacun sait, par l'observation journalière, que tout exercice violent est accompagné d'une production consi- dérable de chaleur dans l'ensemble de l'organisme ( l), et si la température intérieure de notre corps n'est que peu modifiée par ce phénomène, cela tient à l'action régulatrice qu'exerce la transpiration (2). La sueur, qui souvent vient alors lubrifier la peau, contribue beaucoup à soustraire aux parties sous- jacentes la chaleur qui s'y développe, ei, chez les Animaux qui ne suent pas, des effets analogues sont obtenus par la pré- cipitation des mouvements respiratoires qui accroît l'exhalation de l'eau par les voies pulmonaires ou par d'autres phénomènes du même ordre (3). Mais chez les Insectes, où la densité des sur des Chiens (a) , et M. Helmholz a constaté que chez les Grenouilles Faction musculaire est accompagnée aussi d'une élévation dans la tempé- rature locale (6). (1) Je rappellerai, à ce sujet, les ob- servations pratiques faites par toutes les personnes qui se sont trouvées exposées à L'action de froids intenses, et, pour n'en citer ici qu'un exemple, j'ajouterai que les compagnons de voyage du capitaine Parry, lorsqu'ils hivernèrent dans les régions polaires, reconnurent que pour se réchauffer, rien n'était plus efficace que l'exer- cice musculaire (c). (2) On doit à M. J. Davy des obser- vations thermométriques sur la tempé- rature des diverses parties du corps humain chez le même individu, à l'état de repos et après une marche plus ou moins rapide pendant une heure ou deux. L'élévation de température pro- duite par l'exercice musculaire ne dépassa pas un demi-degré dans les parties profondes de l'organisme, ainsi qu'on pouvait s'en assurer par la tem- pérature des urines au moment de leur évacuation, mais dans les parties superficielles du corps elle a atteint près de 15 degrés. Ainsi, le thermo- mètre, placé entre les orteils, marqua avant la marche 21°, !i, et après, 36°, 7 ; dans la main, la différence fut en moyenne de 8°, 2 (d). (3) Les Chiens sont dans ce cas, et quand ils courent de manière à s'échauf- fer beaucoup, ils laissent leur langue pendre hors de la bouche, ce qui aug- mente la surface d'évaporalion et con- tribue à enlever de la chaleur à leur corps. (a) Gierce, Quccnam ratio sit calorie org. part, inflamm., etc. (dissert. inaug.) Halte, 1842. (b) Helmholz, Ucber die WârmeenlvÀckelung bei der Muskelaction (Mùller's Archiv far Anat. und Physiol., 1848, p. 144). (c) Parry, Journal of a Voyage for the Discovery of a North-west Passage, 1821, p. 147. (d) i. l)a\y, Op. cit. (Philos. Trans., 1844). — Observations diverses sur la chaleur ani'h aie (Ann. de physique et de chimie, 3° série, 1815, t. XIII, p. 185 et suiv.). PRODUCTION DE CHALEUH. 71 tégumenls et le renouvellement lent de l'air dans les trachées ne permettent qu'une transpiration faible, l'augmentation dans la production de chaleur qui accompagne l'activité musculaire détermine des effets thermométriques plus considérables. Ainsi, dans des expériences faites sur des Abeilles et d'autres Insectes par Newport, on a trouvé que le thermomètre restait à peu près stationnairc quand on le plaçait au milieu d'un cer- tain nombre de ces Animaux au repos, mais que la colonne mercurielle s'y élevait parfois de 1 5 degrés, ou même davantage, quand ces petits êtres s'agitaient avec violence (1). L'augmentation dans la production de la chaleur animale qui se manifeste lors de l'activité fonctionnelle des muscles dépend principalement de deux circonstances qui accompagnent la contraction de ces organes, el qui influent sur le degré d'in- tensité de la combustion vitale dans leur intérieur, savoir, la quantité de sang qui baigne leur substance (2) et l'excitation que le système nerveux y développe. .Mais il semble résulter des expériences de M. J. Béclard, que l'augmentation dans le développement de la chaleur qui accompagne la contraction musculaire est moins grande quand celle-ci est employée à (1) Newport, à qui on doit une série d*observ;i lions intéressantes sur la pro ■ due lion de chaleur chez les Insectes, a vu la température d'une ruche s'élever d'environ 30 degrés Fahrenheit, lors- que les Abeilles, sortant du sommeil léthargique dans lequel elles avaient été plongées par l'effet du froid, se sont mises en mouvement et se sont agitées avec violence (a). Dutrochet a fait aussi une série d'ob- servations comparatives sur la tempé- rature des Insectes au repos et eu mouvement, mais il n'opéra que sur (h s individus isolés, et par conséquent les résultats thermométriques qu'il obtint ne furent que très faibles. Dans tous les cas, la chaleur propre de ces petits animaux ne fut que de quelques fractions de degré ; cependant il y avait toujours une certaine élévation de température accompagnant l'action musculaire (6). (2) Vojez tome IV, page 308. (d) Newport, On the Température of Insecls (Philos. Trans., 1837, p. 303). (b) Dnirocliei, Recherches sur la chaleur propre des Animaux vivants à basse température [Ann. des sciences nat , 2' série, 1840s t. XIII, p. 43 et suiv.). 7*2 NUTRITION. produire un travail mécanique que dans le cas où elle n'est pas appliquée de la sorte, et ee fait s'expliquerait facilement par la transformation d'une portion de eette chaleur en mou- vement, conformément aux idées théoriques introduites depuis peu en physique (i). (1) M. J. Béclard vienj de publier un mémoire intéressant sur cette ques- tion (la). A l'aide d'un thermomètre très sensible appliqué sur la peau, dans là partie du bras qui correspond au muscle biceps, et convenablement protégé contre le refroidissement exté- rieur, il apprécie les changements de température qui se produisent dans cet organe lors de son action dans des circonstances différentes où le travail mécanique effectué n'est pas le même. Dans une première série d'expé- riences, il mesure de la sorte la eba- leur développée lorsque, par des con- tractions musculaires périodiquement intermittentes, un poids déterminé est maintenu en équilibre ou bien soulevé à une certaine hauteur, puis aban- donné à lui-même pour être ensuite soulevé de nouveau. L'élévation de la température au-dessus de celle obser- vée préalablement quand le bras était en repos, a presque toujours été nota- blement plus grande dans l'expérience statique, c'est-à-dire lors du maintien du poids en équilibre, que dans l'expé- rience dynamique, c'est-à-dire lors du travail mécanique effectue pour élever le poids un certain nombre de fois. Dans un cas, la différence en faveur de l'état statique s'est élevée à 0V26, et terme moyen elle a été d'environ 0°,16. Dans une seconde série d'expé- riences, M. Béclard compare le déve- loppement de chaleur observé dans la même muscle lorsque le mouvement effectué avait pour effet de soutenir le poids d'une manière continue sans l'élever, ou bien de l'élever et de l'abaisser alternativement en le soute- nant à la descente. L'élévation de la température fut sensiblement la même dans les deux circonstances, et l'auteur croit pouvoir rendre compte du désac- cord apparent entre ce résultat et le précédent, en supposant que, pendant le mouvement de descente, le travail mécanique négatif du muscle contre- balance les efTc(s du travail mécanique utile produit pendant les mouvements d'élévation. Mais ce raisonnement ne me paraît pas juste, car , lorsque le bras soutient le poids pendant la descente, le muscle biceps se con- tracte aussi bien que pendant l'éléva- tion, seulement l'effort est moindre. Quant à l'inégalité observée dans la première série d'expériences, lorsque la contraction musculaire était em- ployée, tantôt pour élever le poids, tantôt pour le soutenir seulement ; avant d'en rien conclure touchant la transformation de la chaleur en force mécanique, il faudrait peut-être exa- miner d'une manière plus approfondie toutes les circonstances qui accom- pagnent la contraction musculaire à divers degrés d'intensité, et leur in- fluence sur la production de chaleur. (a) J. Béclard, De la coutrailiuu musculaire dans ses rapports avec la température animale (Archives générales de médecine, 5e série, 1801, t. XVII, p. 51). de l'état de la circulation. PRODUCTION DE CHALEUR. 73 11 est, du reste, à noter que la contraction des muscles est accompagnée d'une augmentation dans le travail de combus- tion dont ces organes sont le siège (1). ■S 11. — L'influence que le contact du sang avec les tissus influencé , de l'c<- exerce sur le dégagement de la chaleur dans leur substance est t fo mise en évidence par les expériences sur l'élévation de la tem- pérature des organes quand la quantité de fluide nourricier qui les traverse augmente (2), ainsi que par les opérations chirur- gicales, dans lesquelles on a vu la ligature d'une grosse artère être promptement suivie du refroidissement des parties aux- quelles ce vaisseau se rend, et la chaleur se relever dans celles- ci lorsque la circulation s'y rétablissait. J'ai déjà eu l'occasion de citer les expériences dans lesquelles, en déterminant la para- lysie des nerfs vaso-moteurs, on provoque à la ibis dans la région correspondante la dilatation des canaux sanguins et une augmentation notable de la température (3). Les mêmes effets sont produits par des causes mécaniques qui déterminent l'ac- (I) Lorsque je traiterai de la con- dont les uns étaient restés en repos, traction musculaire, j'exposerai les et les autres avaient été mis en mou- faits qui prouvent l'existence d'une vement par une série de décharges combustion locale dans le tissu des électriques (b). muscles, et je nie bornerai ici à ajou- (2) Ainsi, dans les expériences de ter que M. Mattcucci a constaté une MM. Becquerel et Brcscbet sur la eba- augmentation dans la quantité d'oxy- leur développée dans les muscles, il a gène absorbé et d'acide carbonique sufli de la compression de l'artère qui produit de la sorte lors de l'activité se rendait à l'organe observé, pour que fonctionnelle de ces organes (u). Pré- l'appareil thermométrique accusât ini- cédemment M. Ilelmholz avait dé- médiatement un abaissement de tem- montré le même fait d'une manière pérature (c). indirecte, en comparant la quantité de (3) J'ai déjà eu l'occasion de parler matières azotées excrémentitielles con- des modifications dans la production tenues dans des muscles de Grenouilles, de la chaleur animale qui se lient évi- ta) Matleucci, Sur les phénomènes physiques el chimiques de la contraction musculaire (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1850, t. XLII, p. 048). (ft) Helniliolz, Ueber den Stoffverbrauch bel der Muskelaktion (Milliers Archiv fur Anat. und Fhysiol., 1845, p. 72). (c) Dccquerel et Bicschcl, Op. cit. (Archives du Muséum, t. I, p. 403). Mil. 6 7/j. NUTRITION. eumulation du sang clans une portion du système capillaire (1). Enfin, des phénomènes analogues se manifestent dans divers états pathologiques de l'économie, par exemple dans les cas d'inflammation locale (2), et l'influence que l'état de contrac- tion ou de dilatation des vaisseaux capillaires exerce sur le développement local de la chaleur, nous explique comment les causes qui modifient indirectement l'état des vaisseaux sanguins peuvent déterminer aussi des changements clans la température de nos organes. Ainsi, en étudiant la circulation, nous avons vu que le froid, ainsi que beaucoup d'agents chimiques, pro- voque la contraction des petites artères, et qu'une contraction plus ou moins persistante de ces vaisseaux est toujours suivie d'un état de relâchement qui permet l'entrée d'une quantité de sang plus considérable (pie dans l'état ordinaire (3). Nous pouvons donc prévoir que les applications froides sur la surface de la peau doivent tendre d'abord à y produire un abaisse- ment de température, non-seulement à raison de la chaleur déminent aux changements que les téricures, de façon à gêner le retour actions nerveuses déterminent dans de ce liquide vers le tronc, et il a fait l'état physique des vaisseaux sanguins voir que la température des oreilles (voyez ci-dessus, page 31). s'élève alors presque autant qu'à la (1) Pour bien démontrer que, dans suite de la section des nerfs en ques- les expériences où l'augmentation de tion (6). la chaleur locale a suivi la section des (2) Les parties qui sont le siège nerfs moteurs des vaisseaux de l'o- d'une inflammation ne présentent pas reille du Lapin (a), ce phénomène est une élévation de température aussi dû à la paralysie de ces vaisseaux et grande qu'on Je supposerait d'après à l'accumulation du sang dans la par- la sensation de chaleur que le malade tie qui s'échauffe, j\l. Brown-Séquard y éprouve ; mais cette élévation est a déterminé la congestion du sang souvent fort notable, dans les mêmes parties en tenant (3) Voyez tome IV, page 208 et sui- l' Animal suspendu par les pattes pos- vantes. (a) Voyez ci-dessus, page 31. (6) Brown-Séquard, Expériences prouvant qu'un simple afflux de sang à la tête petit être suivi d'ef]'ets semblables à ceux delà section du nerf grand sympathique au cou (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1854, t. XXXVIII, p. 117). PRODUCTION DE CHALEUR. 75 qu'elles enlèvent, mais aussi en ralentissant la circulation clans la partie refroidie ; et que ce refroidissement doit être suivi d'un effet contraire, par cela seul que les vaisseaux, après s'être contractés, se dilateront, et admettront par conséquent dans leur intérieur une quantité plus considérable de sang. L'expé- rience nous montre que cette réaction se manifeste toujours avec plus ou moins d'énergie. Je ne prétends pas qu'elle résulte seulement des circonstances dont je viens de parler et qu'elle ne dépende pas en grande partie de l'état du système nerveux ; mais il me parait indubitable que les variations dans le calibre des petits vaisseaux sanguins contribuent beaucoup à la faire naître il). Des considérations du même ordre nous permettent aussi de concevoir comment, parfois, il puisse y avoir désaccord (1) Dans ces derniers temps, à l'oc- casion des questions soulevées par remploi thérapeutique des allusions froides, les pathologistes et les phy- siologistes ont fait beaucoup d'obser- vations et d'expériences sur l'action que le froid exerce sur l'économie animale (a). Le premier effet est tou- jours un refroidissement plus ou moins marqué , mais bientôt après une réaction se manifeste, la tempé- rature du corps s'élève ; et si le déve- oppement de chaleur est favorisé par l'exercice musculaire, il en résulte une élévation de température qui dure assez longtemps et qui n'est pas suivie d'un nouveau refroidissement, comme dans le cas où l'action du froid exté- rieur est persistante. Dernièrement , M. Liebermeister a cherché à évaluer par des procédés calorimétriques l'augmentation que les douches ou autres applications froides provoquent de la sorte dans le déve- loppement de la chaleur animale, et il estime qu'elle peut être parfois égale à quatre ou même six fois la produc- tion normale (6). (a) Herpin, Recherches sur les bains de rivière à basse température (Gazette médicale, 184-2, p. 253). — Latom-, Du mode d'action de la médication réfrigérante appliquée sur toute la surface du corps (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 184G, t. XXIIt, p. 99). — lloppe, Lieber den Ein/luss des Wdrmeverlusles auf die Eigentemperalur ivarmblùtiger Titiere (Archiv fur pathol. Anat. und Pliysiol., t. XI, p. 453). — Hogspihl, De frigoris efjkacitale physiologica (dissert, inaug.). Leipzig, 1857. — BenceJoi.es et Dickinson, Recherches sur l'effet produit sur la circulation par l'application prolongée de l'eau froide à la surface du corps humain (Journal de physiologie, 1858, t. I, P- 72). — Tholozan et Brown-Séquard, Recherches expérimentales sur quelques-uns des effets du froid sur l'Homme (Journal de physiologie, 1858, 1. 1, p. 497). (b) Liebermeister, Physiologische Untersuchungen uber die quantitativen Verdnderungen der Wdrmproduction (Archiv fur Anat. und Pliysiol. , 1860, p. 520). 76 NUTRITION. entre In marche du travail respiratoire général et le développe- ment de la chaleur dans les parties superficielles de l'organisme, ainsi que cela a été constaté dans certains cas pathologiques , par exemple chez les personnes qui, après avoir traversé la période algide du choléra, sont sur le point de mourir (1). La richesse du sang influe sur le développement de la cha- leur animale, aussi bien que la quantité de ce liquide qui baigne les tissus vivants. C'est en raison de ces deux circonstances que (1) Dans la période algide du cho- léra, la consommation d'oxygène et la production d'acide carbonique sont réduites des deux cinquièmes environ, et la température du corps mesurée dans le creux de l'aisselle n'est que d'environ 33 degrés ou 3/t degrés; mais M. Doyère a constaté que quel- ques heures avant la mort, le malade se réchauffe d'une manière très remar- quable. La température du corps s'élève alors à 38 degrés, 39 degrés ou même davantage : ainsi, dans un cas, le thermomètre marqua, au moment de la mort, Z|2°,1, et la chaleur persista assez longtemps chez le cadavre (a). Des phénomènes analogues ont été observés dans quelques autres cas pathologiques , ainsi que dans des expériences de vivisections pratiquées sur le cervelet (6), et ne me paraissent pouvoir être rapportés qu'à la cessa- tion de l'influence des nerfs vaso- moteurs sur la portion périphérique du système capillaire. Dans plusieurs circonstances , les médecins ont cru remarquer que le cadavre se réchauffait notablement après la mort (b). 11 est probable qu'en général ce phénomène s'était réellement produit pendant les der- niers instants de la vie ; mais on con- çoit cependant la possibilité d'un ac- croissement réel dans la température des parties superficielles de l'organisme après que le moribond a rendu le dernier soupir, si durant l'agonie les vaisseaux capillaires avaient été con- tractés au point d'y empêcher l'arri- vée du sang, et si au moment de la mort . ils se sont relâchés ; car la pro- duction d'acide carbonique aux dépens de la substance des tissus organiques continue après la mort (cl), et par conséquent l'arrivée du sang chargé d'oxygène dans les parties dont ce liquide avait été exilé pourrait être suivie de phénomènes de combus- tion dont résulterait une élévation de température. (a) Doyère, Mémoire sur la respiration et la chaleur o.nimale dans le choléra (Moniteur des hôpitaux, 1854, t. II, p. 07). (6) Ivrimcr, Physiohgische Untersnchungen, p. 1 58 , 173, clc. (c) J. Davy, Observ. on Ihe Température of the Human Body after Death (Researches Anato- mical and I'hysiological, I. I, p. 228). — Dowler, Researches on post mortem Contractility (voyez Browu-Stiquard, Journal de phy- siologie, 1860, t. I, p. 375). (d) G. Liebig, Expériences sur la respiration (Ann. des sciences nat., 3« série, 1850, t. XIV, p. 321). PRODUCTION DE CHALEUR. 77 les saignées abondantes tendent à produire un abaissement dans la température du corps, et l'on sait, par les recher- ches de MM. Prévost et Dumas, que chez les divers Animaux il existe des rapports remarquables entre la grandeur de la faculté productrice de la chaleur et la proportion des globules organisés qui sont charriés par le tluide nourricier (1). § 12. — L'influence du système nerveux sur le développe- ment de la chaleur animale a été rendue indubitable par les expériences de Brodie, de Chossat et de quelques autres phy- siologistes. Je suis loin d'admettre toutes les conclusions que ces auteurs ont tirées des faits dont ils parlent ; mais ces faits n'en ont pas moins, à mon avis, une importance considérable. Ainsi Brodie a constaté que la décapitation est suivie d'un refroidissement très rapide du corps, lors même que les vais- seaux sanguins du cou ont été préalablement liés pour empêcher l'hémorrhagie, et que la vie est entretenue dans le tronc au moyen de la respiration artificielle (2) . On voit, par les expé- riences de Legallois, que dans ces dernières circonstances le refroidissement n'est pas aussi rapide que chez le cadavre (8), Influence du système nerveux. (1) Les Oiseaux sont de tous les Animaux roux dont la température est la plus élevée; et MM. Dumas et Prévost ont trouvé qu'ils ont le sang plus chargé de globules que celui des autres Animaux. Sous le rapport de la faculté productrice de la chaleur, de même (pie sous celui de la richesse du sang, les Mammifères occupent le second rang, et d\°z les Vertébrés à sang froid la proportion des matières solides con ternies dans ce liquide n'est en général que d'environ j ou ) de celle que nous offrent les Oiseaux (a). (2) Ce physiologiste constata aussi que la section de la moelle allongée produit le même effet sur le dévelop- pement de la chaleur animale (b). (3) Dans les expériences de Brodie, le refroidissement du corps après la section delà moelle allongée avait été plus rapide chez les individus où la vie avail été entretenue au moyen de la respiration artificielle que chez ceux où (a) Prévost et Dumas, Examen du sang et de son action dans les divers phénomènes de la vie (Ann. de chimie et de physique, 1825, t. XXIII, p. 04). (b) B. Brodie, The Croonian Lecture on some Physiological ftesearches respecting the Influence ofthe Braiu on the Action of the lleart and on the Génération of Animal Ileat (l'hilos. Trans., 1811, et Physiological Uesearches, 1851, p. 1). 78 NUTRITION. et que l'air qui traverse les poumons, tout en enlevant à l'or- ganisme beaucoup de chaleur, continue à entretenir la com- bustion physiologique ; mais cette combustion est fort réduite, et, suivant toute probabilité, le grand affaiblissement de la faculté productrice de la chaleur qui est déterminé par la lésion du système nerveux, dépend principalement de la dimi- nution que cette lésion amène dans le degré d'activité du tra- vail chimique d'oxydation dont l'organisme est le siège (1). Diverses substances toxiques qui exercent sur le cerveau la mort avait suivi immédiatement cette lésion ; mais Legallois obtint des résultats opposés. 11 trouva que la tem- pérature des cadavres s'abaissait plus rapidement que celle de l'Animal dont la respiration était entretenue artificiel- lement après la décapitation ou la sec- tion de la moelle allongée (a). Le dés- accord était probablement dû à la manière dont l'expérience avait été faite; car Wilson Pbilip a remarqué que le refroidissement, tout en étant retardé par le renouvellement lent de l'air dans les poumons d'un Animal soumis à ce genre d'expériences, est accéléré lorsque la respiration artifi- cielle est rendue très rapide, de façon à faire passer dans les poumons une quantité d'air qui dépasse de beaucoup celle nécessaire à l'entretien de la vie, et Brodie adopta cette manière de voir (b). Les expériences de Chossat montrent aussi que lorsque l'action du cerveau a été arrêtée par l'effet d'une section verticale de cet organe pratiquée au- devant de la protubérance annulaire, les mouvements respiratoires continuent, mais que le refroidissement du corps n'en marebe pas moins très rapidement, sans être cependant aussi prompt que dans le cadavre. La mort est arrivée douze heures après l'opération, et la température du corps était alors des- cendue à 1l\ degrés. Chez un autre Chien tué par la section de la moelle allongée et abandonné à lui-même dans les mêmes circonstances, la tempé- rature était tombée à 23°, 9 en onze heures (c). Au sujet de l'influence du cerveau sur le développement de la chaleur, je citerai aussi une des expériences de MM. Bectjaerel et Breschct. Ayant in- troduit l'une des soudures de leur appa- reil thermomélrique dans la substance du cerveau d'un Chien, ils constatèrent une température de 38°, '25 ; mais pres- que aussitôt, par l'effet de la lésion de cet organe, cette température baissa de plusieurs degrés, et quelques minutes après l'Animal mourut [d). (1) Brodie avait cherché à détermi- ner comparativement la quantité d'air (a) Legallois, Premier Mémoire snr la chaleur des Animaux qu'on entretient vivants par l'insufflation pulmonaire, 1812 (Œuvres, t. II, p. 1). (ft) Wilson Philip, ,4;i Expérimental Inquiry into the Laïus of the Vital Functions, 1820, p. 180. (c) Chossal, Influence du système nerveux sur la chaleur animale, thèse. Paris, 1820, p. 14. (d) Becquerel et Breschct, Op. cit. (Archives du Muséum, t. I, p. 402). PRODUCTION DE CHALEUR, 79 une action narcotique, déterminent aussi une grande diminu- tion dans la production de la chaleur animale. Ainsi, dans les expériences faites par Brodie sur les effets de l'empoisonne- ment par l'essence d'amandes arnères, le refroidissement du corps accompagna la perte de la sensibilité et fut non moins rapide que chez les Animaux dont le cerveau avait été dé- truit (1). Chossat a constaté aussi un grand abaissement dans la température du corps des Animaux narcotisés par l'o- pium^); des phénomènes du même ordre ont été observés par MM. Duméril et Demarquay chez des Animaux plongés dans un état d'insensibilité par l'action de l'éther ou du chloro- forme (â), et dans certains cas d'empoisonnement la mort est consomme'' dans les circonstances ordi- naires et chez nn Animal dont la vie est entretenue par la respiration artifi- cielle, et il n'avait aperçu aucune dif- férence ; d'où il conclut que la pro- duction de la chaleur ne pouvait être attribuée à la combustion physiologi- que (a). Legallois reprit ee sujet, et ar- rivai des résultais opposés, il constata que toujours chez les Animaux qui se refroidissent, soit par suite d'une lésion du système nerveux, soit par l'effet d'une gêne dans les mouvements res- piratoires, il y a une diminution notable dans la consommation d'oxygène (b). (I) Brodie assure que les effets de ce poison sur la production de la cha- leur sont non moins marqués que ceux déterminés par la décapitation, mais il ne donne pas les observations ther- niométriques sur lesquelles cette con- clusion est fondée (c). (2) Chossat, ayant injecté une for;c dose d'opium dans les veines d'un Chien, constata un abaissement graduel de la chaleur jusqu'au moment de la mort. Au début de l'expérience, la tem- pérature et aitde 39°, 8. Une heure après elle était descendue à 36°, G, et au bout de trois heures elle n'était plus que de 32°, 6 ; vingt heures après l'opération, elle était tombée à 23°, G, et quand l'Animal mourut, à peu près vingt-deux heures après l'introduction du poison, elle était de 22", 8 (d). (3) MM. Auguste Duméril et Demar- quay on! constaté que l'éther introduit dans l'économie sous la forme de va- peurs, soit par les voies respiratoires, soil par le rectum, détermine un grand abaissement de la température du corps, lors même que ces vapeurs ne donnent pas lieu à des phénomènes d'ivresse ou d'insensibilité. Dans une expérience faite (a) Bi-odie , Furlber Experiments and Observations on the Influence of the Brain on the Génération of Animal Beat Philos. Trans., 1812; — l'hysiol. Researches, p. 17). (b) Legallois, Deuxième et troisième Mémoire sur la chaleur anïnale [Œuvres, t. H, p. 21 et suiv.). (i l tirodie, Furthcr Experiments and Observations on the Influence of the Brain on the Géné- ration of Animal Beat [Philos. Trans., 1812, p. 205). (i/> Chossat, Mémoire sur l'influence du système nerveux sur la chaleur animale, p. 10. 80 NUTRITION. la conséquence du refroidissement de l'organisme (1). Enfin on sait depuis longtemps, par l'observation des effets de l'ivresse, que chez l'homme l'alcool diminue la puissance calorifique. La division de la moelle épinière dans la région cervicale peut produire à peu près les mêmes effets que la destruction sur un Chien, Péthérisation, prolongée pendant trente-cinq minutes, a fait baisser la température de 2°, 20. Chez un autre Chien, le refroidissement dé- terminé par L'administration du chlo- roforme a été même de Zi°,80 après une heure quarante minutes cPanes- thésie. Mais en général l'action exer- cée de la sorte sur la chaleur animale est moins forte. Chez une Poule, Pé- thérisation a fait baisser la tempéra- ture de 2°, 50 en quinze minutes, et dans un autre cas le refroidissement a été de 3°, GO en quarante minutes (a). Dans une série d'expériences sur les effets de l'empoisonnement par l'o- pium faites par Holland, l'abaisse- ment de la chaleur animale ne fut pas aussi considérable (6). (1) M. Brown-Séquard a constaté que l'action mortelle de plusieurs sub- stances toxiques est d'autant plus grande, que les Animaux qui y sont soumis sont placés dans des condi- tions moins favorables à la conserva- tion de leur chaleur propre. Ainsi, dans divers cas, en administrant la même dose de poison à deux Ani- maux (Lapins ou Cochons d'Inde) aussi semblables entre eux que possible, mais dont l'un était placé dans une chambre où la température n'était que de 8 à 10 degrés centigrades , tandis que l'autre était placé près d'un feu, dans une atmosphère dont la température se maintenait entre 24 et 30 degrés , cet expérimen- tateur vit ces derniers se rétablir assez facilement, tandis que les au- tres Animaux, après avoir éprouvé un refroidissement notable , périssaient au bout de quelques heures ou d'un à deux jours. Les substances qui agis- saient le plus fortement sur la faculté productrice de la chaleur étaient l'o- pium, l'acide cyanhydrique, le cyanide de mercure, la jusquiame, la digitale, e tabac, l'euphorbe, Le camphre, l'al- cool, l'acide oxalique et divers acides minéraux très dilués. Souvent le pre- mier effet du poison sur cette fonction déterminait une augmentation de la chaleur animale ; mais ce phénomène était suivi d'un refroidissement plus ou moins considérable, surtout quand l'action toxique n'était pas assez in- tense pour déterminer la mort ra- pidement, et que l'Animal pouvait y résister pendant quatre ou cinq heures (c). la) Au;:. Duméril et Deniarquny, Recherches expérimentales sur les modificatims imprimées à la température animale par l'éther et par le chloroforme {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1848, t. XXVI, p. 171). (b) Holland, Laws nf Organic and Animal Life, p. 255. te) Brown-Séquard, Recherches sur une cause de mort qui existe dans un grand nombre d'empoisonnements (Gazette mëd. de Paris, iSid, t. IV, p. 04 i ; — Expérimental Researches, 1853, p. 20j. PRODUCTION DE CHALEUR. 81 du cerveau; mais lorsque la lésion porte sur la parlie dont naissent les nerfs cervicaux de la huitième paire et les nerfs thoraciques des deux premières paires, il en résulte une élé- vation dans la température de la tête (1). La section de cette portion du système nerveux dans des points plus éloignés de la têle est suivie d'un certain affaiblissement dans la produc- tion de chaleur ; mais le refroidissement diminue à mesure que la lésion est située plus près de la région lombaire, où elle cesse d'avoir une influence bien appréciable sur ce phé- nomène. Nous avons vu précédemment que la destruction des gan- glions du système sympathique dont naissent les nerfs vaso- moteurs de la tête et des membres, est suivie d'une grande augmentation de la production de chaleur dans les parties cor- respondantes de l'organisme (2); mais je ne saurais attribuer ce phénomène à la cessation d'une action retardatrice que ces nerfs exerceraient dans les circonstances ordinaires sur le tra- vail calorifique, et je n'y vois qu'une conséquence de la dilata- tion que des vaisseaux sanguins éprouvent par suite de la para- lysie de leurs nerfs moteurs et de l'afflux considérable de sang qui en résulte. Quoi qu'il en soit, il est digne de remarque que toutes les parties du système sympathique ne paraissent pas jouer un rôle de ce genre. En effet, Chossat a trouvé que la destruction (1) M. Budge a constaté que chez le h ou 5 degrés.- Il en conclut que Pac- I.apin la section de la moelle épiniere lion exercée sur les vaisseaux de la entre la dernière vertèbre cervicale et tète par le grand sympathique cervical la troisième vertèbre dorsale est sui- a son point de départ dans la portion vie d'une dilatation des artères de la de la moelle épiniere indiquée ci- tête et d'une augmentation de chaleur dessus (a). dans les oreilles, qui peut s'élever à (*2) Voyez ci-dessus, page 31. (a) BuJgc, De l'influence de la moelle épiniere sur la chaleur de la tête (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1853, t. XXXVI, p. 377). 82 NUTRITION. de ki portion du système ganglionnaire qui constitue le plexus semi -lunaire est suivie d'un anéantissement si complet de la production de la chaleur, que le corps de l'Animal encore vivant se refroidit aussi rapidement que le ferait un cadavre placé dans les mêmes circonstances (1). Ce physiologiste obtint le même résultat en liant l'artère aorte thoraeique, opération qui n'arrêta pas la circulation dans la tète et les membres antérieurs, mais qui empêcha le sang d'arriver dans l'abdomen, où se trouvent les centres nerveux dont ii vient d'être question. 11 est aussi à noter que la température d'un membre para- lysé est d'ordinaire moins élevée que celle du membre cor- respondant qui a conservé la sensibilité ainsi que le mouvement, et que dans quelques cas on a vu le développement de chaleur y augmenter notablement sous t'influence de l'excitation déter- minée par l'électricité (2). § 13. — Faut-il conclure de tous ces faits que la production de la chaleur est indépendante de l'action comburante de l'oxy- gène sur l'organisme, et n'est pas une conséquence de la respi- ration? Non, certes. On pouvait le supposer quand on croyait que la combinaison de l'oxygène de l'air avec les matières combustibles fournies par l'économie animale avait lieu dans (1) Dans une des expériences de ce genre, Chossat vit la tempérai ure du Chien tomber à 27°, 8 en huit heures, et dans une autre expérience la tem- pérature, qui était /|0°,9 avant l'opéra- tion, descendit à 26 degrés dans l'es- pace de dix heures (a). (2) En 1819, Earle publia quel- ques observations intéressantes sur ce sujet. Chez un paralytique, il trouva que dans la main du côté sain le thermomètre marquait 33", 3, tandis que dans la main paralysée la tempé- rature n'était que de 21", 67 avant l'emploi de l'électricité ; mais elle s'y éleva à 25 degrés après quelques jours de traitement par cet agent exci- tant (b). (a) Chossat, Influence du système nerveux sur la chaleur animale, ilièse, 1820, p. 42. (b) H. Earle, Cases and Observations illustraling tkc Influence of the Nervous System in regulating Animal Heat [Medico- chirurgical Transactions, 1819, t. VII, p. 177;. PRODUCTION DE CHALEUR. 83 les cellules du poumon (1) ; mais aujourd'hui il n'en est plus de même. Nous savons que l'appareil respiratoire est seule- ment la voie par laquelle le principe comburant arrive dans le torrent de la circulation, et que, transporté par le sang dans la profondeur de toutes les parties du corps, l'oxygène de l'air s'unit à du carbone et à de l'hydrogène dans le système capil- laire général ou dans la substance des tissus où ces vaisseaux sont répandus. Par conséquent, pour expliquer la diminution dans le développement de la chaleur qui suit les diverses lésions du système nerveux, il suffit d'admettre que, d'une manière directe ou indirecte, la combustion physiologique est plus ou moins subordonnée à l'action normale du système nerveux, hypothèse qui n'est en désaccord avec aucun fait bien avéré. Il me paraît probable que l'influence exercée par les nerfs sur l'état de contraction ou de dilatation des capillaires sanguins contribue beaucoup à la production des phénomènes dont l'élude vient de nous occuper (2); mais j'incline à croire que (1) Brodiè et Cliossnt ne furent pas les seuls à attribuer au système ner- veux le pouvoir de développer de la chaleur indépendamment de toute ac- tion comburante déterminée par la respiration. M. de la lîive pensa qu'on pouvait attribuer ce phénomène au passage de courants électriques dans les nerfs (a) ; mais, comme nous le ver- rons par la suite, l'existence de pareils courants n'a pu être démontrée. (2) Il y a lieu de penser qu'il faut attribuer à l'action du système nerveux sur le degré de contraction des vais- seaux capillaires un pbénoniène fort remarquable qui a été constaté par W. Edwards et Gentil. Ces physiolo- gistes ont trouvé que le refroidisse- ment considérable de l'une des mains produit par l'immersion de cette partie dans de l'eau glacée est accompagné d'un abaissement considérable de la température de l'autre main non immergée (6). Au premier abord , on pourrait attribuer cet effet éloigné à un refroidissement dans la masse du sang en circulation ; mais il résulte des expé- riences plus récentes de MM Tbolozan et Brown-Séquard, que la température de la bouche n'est que peu modifiée par le grand refroidissement de la main immergée ; en sorte que le changement [a) De la Rive, Observations sur les causes présumées de la chaleur propre des Animaux (Bibliothèque universelle de Genève, 1820, t. XV, p. 4G;. (b) W. Edwards, Animal Heat (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol, t. II, p. GGO). Sk NUTRITION. l'action nerveuse contribue à déterminer les combinaisons chimiques qui s'effectuent dans l'intérieur de l'économie, et qui me paraissent être indubitablement la principale cause du dégagement de chaleur dont toutes les parties vivantes du corps de l'Animal sont le siège. Ainsi, en définitive, c'est toujours à l'introduction de l'oxy- gène dans l'organisme et à la combinaison de ce principe avec les matières combustibles fournies, soit par le sang, soit par les tissus, qu'il faut attribuer la production de la chaleur animale. Il est aussi à noter que le ralentissement du travail respira- toire suffit pour produire une diminution plus ou moins grande dans la production de chaleur. Ainsi, dans les expériences de Legallois, des Lapins maintenus étendus sur le dos se sont refroidis de 2 ou 3 degrés en une heure et demie, et Chossat a obtenu des résultais semblables en agissant sur des Chiens (\f. influence § H, — L'alimentation exerce aussi une grande influence raiinientation mr jP développement de la chaleur dans l'intérieur de l'éco- ia production nomie animale. Hunier a constaté que, chez les Souris, la pri- de chaleur. * ' r vation d'aliments est bientôt suivie d'un abaissement notable dans l'état thermométrique de l'autre mai» paraît devoir dépendre d'une action sympathique exercée par le système nerveux sur les vaisseaux san- guins de cette dernière partie, et d'une diminution dans la quantité de sang en circulation dans celle-ci par suite de la contraction de ces mêmes vais- seaux (a). (1) Dans quelques-unes des expé- riences de Legallois, laites sur des La- pins très jeunes, le refroidissement qui accompagne cette position du corps élait beaucoup plus considérable, mais dans ce cas le phénomène était com- plexe,et l'abaissementde la température devait être attribué principalement ù l'insuffisance normale de la produc- tion de chaleur dans les premiers temps de la vie (b). Dans des expé- riences analogues faites par Chossat sur des Chiens adultes, le refroidisse- ment déterminé par la fixation du corps dans la position indiquée ci- dessus n'a jamais dépassé notablement 2 degrés centigrades (c). (a) Tholozan et Brown-Scqnard, Recherches expérimentales sur quelques-uns des effets du froid sur l'Homme (Journal de physiologie, 1858, t. I, p. 500). (b) Legallois, Mim. sur la chaleur des Animaux [Œuvres, t. H, p. 1 1). (c) Chossat, Op. cit., p. 12. PRODUCTION DE CHALEUK. 85 dans la température du corps et d'une diminution dans la faculté de résister à l'action d'un froid intense (1). Plus récemment, M. Martins, professeur à Montpellier, a fait des observations analogues (2), et Chossat a mis ce fait mieux en évidence par ses expériences sur les effets de l'inanition. Il a constaté que chez des Animaux privés d'aliments la température du corps s'abaisse notablement, et qu'aux approches de la mort elle est quelquefois de 18 à 20 degrés au-dessous de la température normale (3). Je rappellerai aussi que chez (1) Chez une Souris vigoureuse et bien nourrie, limiter vit le thermomètre marquer 99 degrés Fahrenheit dans l'abdomen, près du diaphragme, tandis que chez un autre individu affaibli par un long jeûne, l'instrument, placé de même, ne marqua que 97 degrés. Le premier de ces Animaux, exposé pendant une heure à de l'air dont la température n'était que de 13 degrés Fahr, , se refroidit intérieurement d'environ 18 degrés Fahr. Le second, placé clans les mômes circonstances, perdit 123 degrés Fahr. (a). Des faits du même ordre ont été notés par les voyageurs qui, en explo- rant les régions polaires, se sont trou- vés exposés à des froids intenses et n'avaient souvent qu'une nourriture insuffisante. Ainsi, l'un des compa- gnons du capitaine Franklin, étant réduit à un état de grande maigreur, souffrit beaucoup des abaissements de température qu'il aurait sup- portés sans gène dans les circonstances ordinaires , et il remarqua que les Hommes avec qui il se trouvait sup- portaient beaucoup mieux l'influence du froid de la nuit quand ils avaient fait un bon repas que lorsqu'ils avaient passé la journée à jeun (b). Il est aussi à noter que dans des expériences sur l'alimentation, M. Ilammond con- stata un abaissement notable de la température de son corps après avoir vécu pendant quatre jours de gomme seulement (c). (2) M. Martins a eu l'occasion d'ob- server aux environs de Montpellier deux troupeaux de canards qui vivaient dans la même localité, mais dont l'un n'avait qu'une nourriture insuffisante, tandis que l'autre recevait journellement des rations abondantes et de bonne qua- lité. Chez les premiers la température moyenne était /il0, 177, tandis que chez les seconds elle s'élevait à Z|1°,978. La différence en faveur des Canards bien nourris était donc de 0",8 (d). (3) Dans une des séries d'expériences (a) Hunier, Op. cit. (Œuvres, t. IV, p. 218). (b) J. Franklin, Sarrative of a Journey to the shores of the Polar Sea in 1819, 1820, 1821 and 1822, p. 424. (c) Hamniond, Recherches expérimentales sur la valeur nutritive et les effets physiologiques de l'albumine, etc. (Journal de physiologie, 1858, t. I, p. 411). (. 30). PRODUCTION DE CHALEUR. 91 ne peuvent dépendre uniquement de la facilité plus ou moins, grande avec laquelle la chaleur animale se dissipe au dehors dans les divers organes, et qu'elles doivent résulter, en partie, de différences locales dans le degré d'activité du travail chimique qui s'opère dans les tissus vivants, et qui donne lieu au déve- loppement de cette chaleur. Mais l'étude de la température propre des diverses parties du corps est moins simple qu'on ne serait porté à le croire au premier abord, car cette tempé- rature est subordonnée à celle des parties d'où vient le sang qui les traverse. En effet, le torrent circulatoire est le grand égalisateur de la température intérieure de l'organisme, en même temps qu'il est la source alimentalrice de la combus- tion dont l'évolution de la chaleur animale est une consé- quence. Nos connaissances à ce sujet ne sont encore que peu avancées; mais, d'après les recherches de M. CI. Bernard, nous voyons que le foie est de toutes les parties celle où ce mouvement moléculaire paraît être le plus actif (1). Pour faire un pas de plus dans l'étude de la production de (1) Kn introduisant dans diverses artères et veines, chez an Animal vi- vant, de très petits thermomètres fort sensibles, M. Cl. Bernard a pu con- stater, ainsi que je l'ai déjà dit, des différences remarquables entre la température du sang qui se rend du cœur à certaines parties de l'organisme, ou qui, après avoir traversé celles-ci, revient vers le centre de l'appareil cir- culatoire. Dans les points où le sang revient de parties exposées à des causes de refroidissement considérable, les membres, par exemple, la température du sang veineux fut trouvée inférieure à celle du sang artériel ; mais dans les points où la déperdition de la chaleur animale n*est que faibli', la tempéra- ture du courant sanguin fut trouvée au contraire plus élevée après son passage dans les vaisseau* capillaires qu'avant son arrivée dans la profondeur des ihsus vivants. Cette augmentation de température était presque toujours très sensible dans le sang qui avait circulé dans l'épaisseur des parois du tube digestif, mais devenait encore plus grande après le passage du liquide dans le système de la v eine porte (a). Chez des Chiens vigoureux, M. Claude Bernard trouva que la température du sang de la veine hépatique était souvent de /il degrés, ou même da- vantage. Il constata aussi que la sub- (a) Voyez ci-dessus, pagcU3. 92 NUTRITION. chaleur chez l'Homme et les autres Animaux, nous nous trou- vons donc conduit à chercher quelles sont les matières com- bustibles qui dans la profondeur des organes vivants se com- binent avec l'oxygène, et donnent ainsi lieu à cette élévation de température. Sont -ce les matières alimentaires puisées au dehors, et charriées par le sang, qui sont brûlées de la sorte dans l'économie animale? est-ce le sang lui-même qui fournit ces combustibles, ou bien proviennent-ils de la substance des tissus vivants, et l'entretien de la combustion physiologique est-il lié à la destruction de la matière vivante? Ce sont là des questions qui touchent à la nature même du travail nutritif, et nous chercherons à les résoudre dans une des prochaines Leçons. slance des tissus situés profondément est en général plus chaude que le sang qui en part (a). Il est probable que les glandes ré- nales sont, de même que le foie, le siège d'un travail calorifique consi- tics du corps (b). dérable , car M. Brown-Séquard a trouvé que l'urine de l'Homme, ait moment de rémission, avait une tem- pérature, terme moyen, de 89°, 5, et était par conséquent notablement plus chaude que la plupart des autres par- (iionE-CENCE de la met. (Dictionnaire des sciences naturelles, t XI., p. 4G). — Becquere', Traité de physique considérée dans ses rapporte avec la chimie et les sciences naturelles, 1*44, i. Il, p. ISO. 9G NUTRITION. reste toujours privée d'ailes et ressemble à une larve vermi- torme. Dans le midi de l'Europe il en existe une autre espèee du même genre, dont les deux sexes sont ailés (1), et en voltigeant dans l'atmosphère, ces Insectes produisent pendant les belles nuits de l'été une illumination mobile d'un effet charmant (2) ; mais ces Coléoptères sont beaucoup moins brillants que quelques insectes phosphorescents qui. appar- tiennent à la famille des Taupins ou Élatères, et qui habitent les parties tropicales de l'Amérique , où ils sont connus sous le nom de Cucujos (3). On assure que la lumière émise par ceux-ci est tellement vive , que non -seulement elle a été souvent utilisée par les voyageurs pour s'éclairer pendant la (1) Ces Insectes phosphorescents cpie les Italiens appellent des Laccioli, et que les entomologistes désignent sons le nom de Lampyris italica, sont le izu-uz'.; dont parle Aris- tote , et le Cicindela de Pline. L'es- pèce que Ton rencontre dans les cam- pagnes des environs de Paris, ainsi qu'en Angleterre et en Suède, est le Lampyris noctiluca ; et il existe en Europe deux autres espèces du même genre, savoir : le L. sphndidula, qui est commun en Allemagne, et le L hemiptera qui se trouve plus au midi. On connaît aussi un grand nom- bre d'espèces exotiques du genre Lam ■ pyris ou des autres petits groupes génériques établis par les entomolo- gistes aux dépens de la famille des Lampyrides, et il est probable que toutes sont plus ou moins pbospbo- rescentes. Le Lampyris hemiptera ne brille que d'un éclat très faible (a), mais n'est pas privé de la faculté d'é- mettre de la lumière, ainsi que quel- ques auteurs l'avaient supposé. L'es- pèce qui habile la Corse paraît être distincte des précédentes et a reçu le nom de Lampyris bicarinata (b). ('2) Dans quelques cas très rares on a vu les Vers luisants briller jusqu'en hiver, même en Allemagne (c). (3) Le Taupin cucujo, ou Elater noctilucus, Lin., a près de 3 centi- mètres de long (d). On a donné le nom iVElater phosphorinus à une autre espèce du même genre qui brille aussi dans l'obscurité, mais qui est beau- coup moins grande, et qui se trouve à Cayenne (e). (a) Helbcg-, Merkwwdige Beobaohtung von Johanniswurmcheti (Voigt's Magaxin fur den nettes- teti Zustand der Naturkunde, 1805, t. IX, p. 100). (6) Mulsant et Reveillère, Description d'une nouvelle espèce du genre Lampyris [Ann.dela Société linnéenne de Lyon, 2* série, 1800, t. VI, p. 140). (r) P. Millier, Bcitr. zur Naturgesch. des halbdekkigen Leuchtkâfers Lampyris hemiplcra (Illijrer's Magasin fur Insecktenkunde, 1805, i. IV, p. 175). (d) Voyez Olivier, Entomologie, C0LÉnPTÈaE3, t. II, n" 31 . pi. 2. fig-. lia. (t'.'l Idem, ibid., Us;. 14 b. PRODUCTION DE LUMIÈRE. 97 nuit, mais qu'elle peut suffire pour la lecture des plus petits caractères (1). Chez tous ces Insectes, la production de lumière paraît être localisée dans quelques parties bien circonscrites de l'orga- nisme (2). La position de ces foyers varie; mais en général, sinon toujours, ils occupent le tronc (3). Chez les Élatères, ils (1) Pour plus de détails à ce sujet, je renverrai aux ouvrages généraux sur l'entomologie (a). (2) Quelques auteurs pensent que chez les grands Élalérides phospho- rescents de l'Amérique tropicale, la production de lumière a réellement lieu dans toutes les parties de l'orga- nisme, et qu'elle est seulement mas- quée dans la majeure partie de la surface du corps par l'opacité des té- guments (b). Mais M. Lacordaire, qui a eu l'occasion d'étudier ces beaux Coléoptères à l'état vivant, assure qu'il n'en est pas ainsi, et que la pro- duction de lumière est circonscrite dans trois points, dont deux occupent la face dorsale du prothorax et un la partie inférieure et postérieure du mésothorax Quand l'Insecte est au repos, ce dernier foyer n'est pas visi- ble, mais pendant le vol l'abdomen, s' écartant un peu du thorax, laisse à découvert une dépression triangulaire qui brille d'un éclat assez vif (c). Sui- vant Sloane (d) et Lees (e), il y aurait aussi émission de lumière par la face dorsale de l'abdomen, mais ce der- nier foyer ne deviendrait visible que quand les élytres se relèvent. M. Bur- meister parle aussi de la phosphores- cence de celte partie du corps (/) ; mais je dois ajouter que les observa- tions de M. Lacordaire sont en par- fait accord avec celles faites vers le milieu du siècle dernier, par Fouge- roux (y). (o) Les exceptions à cette règle sont douteuses. D'après Alzelius, le Paussits sphœrocerus, qui habitelacôte de Gui- née, émettrait une faible lueur par la massue arrondie qui termine ses an- tennes (h). Suivant Sihillc Merlan , le grand prolongement vésiculaire qui sur- monte la tète du Fulgora lanternaria d' Amérique serait très phosphores- cent (i) ; mais cette assertion a été (4, t. XLIV, p. 300). (/') Oviedo, Coronica de las Yndios, lili. XV, cap. n, p. 13. (y) Garmann , De luce Scolopendra: innohe (Kphem. iialurœ curiosorum , 1070, dec. 1, ann. 1, p. 270). — Ray, llistorla Insectorum, p. 45. — Réaumur, Des merveilles des Dails (Mém. de l'Acad. des sciences, 1723, p. 204). (/() Linné, Systema naturiC, edit. 12, t. I, p. 1003. (i) Newport, Monoyr. of the Class Myriapoda (Trans. of the Linnean Society, t. XIX p. 431). — Audouin, Remarques sur la phosphorescence de quelques Animiux articulés (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1 S 10, l. XI, p. 748). ij) Linné, Systema naturœ, edit. 12, t. I, p. 1 00 i-. (k) II. N. Griràui, Sur dis Vei's lu sauts [Ephém des curieux de la nature, iléc. 2, ann. 1 , obs. 172). PRODUCTION DE LUMIÈRE. *07 inférieurs (i), ainsi que chez beaucoup de Vers qui appar- Les vers. tiennent pour la plupart à la classe des Annélides (2) ; chez iicu.se quelques Articulés qui parais- sent être des Qydrachnés (a]. (1) Vers le milieu du siècle dernier, Godehen de Rivale observa en liante nier de petits Crustacés qui étaient très phosphorescents, et qui, à en ju- ger par les ligures qu'il en donna, de- vaient appartenir à la famille des Cypridiens (b). Quelques-unes des espèces du genre Sapphirina sont très lumineuses (c), et c'est probablement un de ces Ani- maux qui a été figuré par Macarlni \ sous le nom erroné de Limulus noc- tilucus (cl) ; mais la plupart des espèces de ce groupe ne paraissent pas avoir la faculté d'émettre de la lumière (<■). L'animal phosphorescent que Tilesius a appelé VOniscus fuhjens /'; , est probablement aussi une Sapphirine. Ce voyageur mentionne également di- verses espèces de la famille des Cyclo- piens et des Elypériniens comme contribuant à produire la phospho- rescence de la mer. \ iviani a constaté aussi un développement de lumière chez diverses espèces de Crevellines (yj. Le même phénomène a été observé par plusieurs naturalistes chez certains Dé- capodes macroures de la famille des Salicoqucs ou des groupes voisins : par exemple, chez un Crustacé pélagique que Banks appela Cancer fuhjens (h), et que Thompson a ligure de nouveau sous le nom de Noctiluca (i) ; chez le Sympkysopus hirtus, le Palœmon iiorliluciis, et quelques autres espèces indéterminables dont Tilesius a donné des figures {j). Lis petits Crustacés dont les zoolo- gistes ont formé les genres Phosphoto- carcinus (A), ou Lmcifer, et Podop- sis (/;, contribuent aussi à rendre la mer Lumineuse. (2 \ ers le milieu du siècle dernier. VianeJli, en observant la phosphores- cence des lagunes de Venise, trouva que ce phénomène était dû à la pré- sence' d'animalcules vermiformes qui émettent de la lumière (m), etGriselini, qui les désigna sous le nom de Sco- lopendres marines , en donna une (a) Tilesius, Ueber das ndchtlicke Leuchlen des Meercswassers {Xeuc Annatcn der Wcl'.erani- svhen Gesell8cha.fi fur die gesammtc Naturkimde, 1848, t. IV, pi. "21 Us, Gg. 16). (b) RtviHe, Mém. sur la mer lumineuse (Mm. de l'Acad. des sciences, Savants étrangers, l"oo, i. m, (.. :><;:i). (c) Thompson, Zoohgical llesearches, p. 47, pi. 8, fig. 2. (d) Mocartncy, Obterv. upon Luminous Animais {Philos. Trans., 18 iO, p. 258, pi. Il, Gg. 4/- (e, bann, Crmtacea, i. Il, p. 1248 (United States exploring Expédition under the command of capt. Wilkee), (fl Tilesius, Op. cit., t. IV, p. 7 cl suiv., pi. 21 G, Cg. i l, lô, 1S, 24, etc. [g] Vivianf, Pkosp'iorescentia maris, pi. 1, Gg. 4, et pi. 2, fi::. 2-10. — Baird, On the Luminoumets oj the Sca (Loudon's Ma g. of Nat. Hist., 183'J, t. III, p. 30G). (Ii) Macardiey, loc. cit., pi. 14, Gg. 4. — Tuckcy, Whileness and Luminositij of the Sea (Edinb. Philosophical Journal, 181'J, l. I, p. 217). (t) J. Thompson, Zoological Hcsearchcs, p. 52, pi. 5, fi£. 2. (j) Tilesius, loc. cit., pi. t\ a, Gg. 2 ; pi. 21 b, Qg. 19, elc. i/O Tilesius, Op. cit. (Xeuc Anualai der Welltranischen Gcsellschaft, t. IV, p. 74, pi. 21 a, Gg. 0 el 10). (0 Thompson, Up. cit., p, 58, pi. 7, Gg, 1 et 2. (m) Viaiirlli, Nirove scopenc iutorno aile lucc nolturnc âtlVaqui marina, 1740, 108 NUTRITION. Mollusques, certains Mollusques (1), cl un grand nombre de Zoophytes dont figure d'après laquelle on peut les reconnaître pour des Annélides de la famille des Néréîdiens (a). Bientôt après un voyageur suédois, nommé Adler, constate des faits analogues (b). Forskâl fit des observations sur des Annélides phosphorescents de la Mé- diterranée , qu'il désigna sous les noms de Nereis cœrulea et N. pela- gica (c). Olhon Fabricius constata la même propriété chez un Néréidien des côtes du Groenland (d), et au com- mencement du siècle actuel, Yiviani publia un travail spécial sur les Anné- lides qui contribuent à rendre la mer lumineuse sur la côte de Gènes. La plupart de ces Vers n'ont pas été représentés avec assez de précision pour que l'on puisse les déterminer spécifiquement avec quelque certitude. Mais l'un deux est la Sabelle unispi- rale (e) ; un autre paraît être une Syllis (/"), et un troisième appartient probablement au genre Néréide (y). La phosphorescence a été constatée plus récemment chez le Polynoe ful- gurans et la Syllis que M. Ehrenberg désigne sous le nom de Phutucha- ris (h), ainsi que chez la Syllis ful- gurans de Dugès (i), et le Chœtoptc- rus pergamentaceus (j). Yiviani a observé des phénomènes de phosphorescence chez un Turbellaria qu'il désigne sous le nom de Planaria refusa \k). Dans quelques cas le Ver de terre ordinaire, ou Lombric terrestre, pré- sente des phénomènes de phospho- rescence (l). Il paraît probable que les Vers lumineux observés sur la côte de Coromandel par Grimm étaient des Lombriciens (m). La faculté de développer de la lu- mière a été constatée aussi chez un petit nombre de Rotateurs , notam- ment chez le Synchœta baltica (n). (1) Quelques auteurs ont rangé les Poulpes parmi les Animaux phospho- (n) fii iselini, Obscrv. sur la Scolopendre marine luisante, 1750, p. 14, pi. 1, fig. 2-3. (6) Adler, Nocliluca marina (Linn., Amœnitates academicœ, 1704, t. III, p. 202, pi. 3). (e) Forskâl, Descriptiones Animalium quœ in itinerc Orientait obscrvavlt, 1775, p. 100. (d) Otto Fabricius, Fauna Grœnlandica, 1780, p. 291. (e) Le Spiragraphis Spallanxani (Viviani, Phosphorcsccntia maris quatuordeciin lucenliwm Animalculorum novis speciebus illustrât a, in-4, 1805, pi. 4. (fj La Nereis cirrhigena (Viviani, Op. cit., p. 1 1 , pi. 3, fig-. 1, 2). (g) La Nereis radiata (Viviani, Op. cit., pi. 3, fig-. 5 et 0). (h) Ehrenberg, Das Lcuchten des Mceres (Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1834, p. 547). (i) Voyez Auclouin et Milne Edwards, Annélides des côtes de la France (Ann. des sciences nut., 1833, t. XXIX, p. 229). (j) Quatrefages, Sur la phosphorescence de quelques Invertébrés marins (Ann. des sciences mt., 3» série, 1850, t. XIV, p. 240). (h) Viviani, Op. cit., p. 13, pi. 3, fig. 11 et 12. (I) Flaugergues, Lettre sur le phosphorlsme des Vers de terre (Journal de physique, 1780, I. XVI, p. 311). — Bruguière, Sur la qualité phosphorescente du Ver de terre en certaines circonstances (Journal d'histoire naturelle, 1792, t. II, p. 207). — Forester, Lettre (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1840, l. XI, p. 712). — Dugès, Traité de physiologie comparée, t. II, p. 14. — Audouin, Remarques sur la phosphorescence de quelques Animaux articulés (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1840, t. XI, p. 747). (m) H. N. Grimm, Sur des Vers luisants très rares (Éphém. des curieux de la nature, 1070, déc. 2, ann. 1 , obs. 172). _ (n) Ehrenberg, Das Leuchlen des Meercs (Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1834, ]>. 573, pi. 1, tig. -J. 109 PRODUCTION DE LUMIERE. quelques-uns appartiennent à la classe des Echinodermes (1) et zoophytes d'autres à celle des [illusoires (2), mais dont la plupart sont des Àcalèphes, et il y a même des raisons de penser qu'elle peut exister chez tous ces Animaux pélagiques (o). Nous ne savons roscents , mais ces Mollusques à l'é- tat vivant ne semblent pas avoir la faculté de développer de la lumière, et si dans quelques cas ils ont paru brillants dans l'obscurité, cela tenait probablement à la présence de matières étrangères à la surface de leur corps. Il me paraît en être de même pour les Moules qu'Adanson dit avoir trou- vées phosphorescentes (a) ; unis quel- ques Gastéropodes et beaucoup de Mol- luscoïdes de la classe dis Tunisiens jouissent de cette singulière propriété. Elle existe à un haut degré chez les l'yrosomcs (b), et a été; constatée chez beaucoup de Bipbores (c). D'après quelques auteurs, une espèce de Li- mace , Y Hélix noctiluca , brillerait aussi dans l'obscurité {d). Il est aussi à noter que chez le t'ieodora cuspidataunc lueur bleuâtre est développée dans la région abdomi- nale et apparaît au dehors et au som- met de la coquille (e). (1) Quelques Zoophytes de la classe des Echinodermes sont phosphores- cents ; cette propriété a été observée chez des Ophiures : par exemple, chez une espèce désignée sous le nom d'/ls- teiias noctiluca par Yiviani(/"),ct une espèce indéterminée des côtes de la Manche observée par M. de Quatre- fages (y). (2) M. Ehrcnberg signale l'existence de cette propriété chez quelques es- pèces des genres Peridinium et Pro- rocentrum (h). D'après .Mieliaelis, elle existerait aussi chez certains Cercaires el \ orticelles (/'). (3) La faculté d'émettre de la lu- mière est très fréquente , et d'après Escbscholtz elle serait même générale (a) Voyez Beart de la Taille, Dissert, de Animalibus phosphoreseentibus. Groningnc, 1821. (b) Péron, Mém. sur le nouveau genre Pyrosoma (Ann. du Muséum, t. IV, p. 441, pi. "2. — Meyen, leber das Leuchlen des Meeres (Nova Acta Acad. nal. cicrios., 1834, t. XVI, Snppl., p. 12"). — Bcnnct, On the Light emitted bij a species of Pyrosoma (Proceed. of the Zool. Soc, 1833, t. I, p. 79). — On Xocltiucœ {Op. cit., 1837, t. V, p. 51). — Huxley, Observ. vpon the Anat. and Physiol. of Salpa and Pyrosoma {Philos. Trans., 1851, p. 580). (<) Bosc, lhst. nat. des Vers, t. Il, p. 174. — Tilesius, Op. cit. (S'eue Ann. der Wettcranischen Gesells. fùrgesamm.Nalurkunde,l8l%, t. \LI1I, pi. 20 a, fig. 1-9). — Bennet, Observ. on the Phosphorescence of the Océan {Proceedings of the Zool. Soc, 1837, p. D. {d) Weltlj et Berlliclot, voy. Dugôs, Pliysiologie comparée, t. II, p. 11. \e) Bennet , Observ. on the Phosphorescence of the Océan, made during a Voyage from England to Sydney {Proceedings of the Zool. Soc, 1837, p. 51). (/") Vivrani, Op. cit., p. 5, pi. 1, fig. 1 et 2. [g] Quatre fages, Note sur un nouveau mode de phosphorescence observé chez quelques Anne- lides el Ophiures {Ann. des sciences nat., 2e série, 1843, t. XIX, p. 183). {h) Ehrenberg, Das Leuchien des Meeres, p. 505, pi. 2, fig. 1-0. (i) Michaelis, Ueber das Leuchten der OstSec, 1830. 110 NUTRITION. que peu de ehosc sur la nature des phénomènes qui déter- minent la phosphorescence de la plupart de ces Animaux ; mais dans la classe des Acalephes (a) ; elle a été constatée dans tesespèces suivantes: La Pelagia noctiluca (b), qui est très commune dans la Méditerranée, et qu i a été décrite d'abord sous les noms de Mo- dusapelagica, et de Médusa noctiluca. La phosphorescence de cet Acalèphe a été étudiée par Forskàl, Spallanzani et plusieurs autres naturalistes (c). La Pelagia panopyra (d), qui abonde dans les mers tropicales, et qui est très lumineuse (e). La Pelagia cganella, ou Médusa pelagica de LœHling(/'), qui se trouve dans l'océan Atlantique (g) , et qui peut- être ne devrait pas être séparée spéci- fiquement de la précédente. La Médusa aurita (h), qui est très commune dans la Méditerranée [i) ; YOceania pileata et YOceania mi- croscopica {j). UOceania Blumenbachii (k). La Cassiopea canariensis, observée parTilesius dans l'océan Atlantique (/). La Médusa pellucens de Banks (m), grande et belle espèce mal caracté- risée, qui paraît être voisine des Chry- saores. Le Ciarybdis marsupalis (n), qui habite la Méditerranée (o). L'Ëquorée l'orskalicnnc ou Médusa œquorea (p). Le Stomobrachium octodmla- turn (q), que M. Ehrenberg a décrit sous le nom de Melicertum campa- nulatum (r). Le Thaumantias hemisphœricà ou Mcdusa hemisphœrica des zoologistes du siècle dernier (s), petit Acalèphe de nos mers, dont la phosphorescence a été notée par plusieurs auteurs (/). La Willtsia stellaia (»), la Saphe- 389. I. f! 48. 2 (Mém. del'Acad. de Saint- (û) Eschschollz, System der Acalephes, 1829, p. 19. (b) Voyez l'Atlas du Règne animal île Cuvjer, Zoopiiytes, pi. 44. (c) Forskàl, Descrlptiones Animalium quœin itinere Orientait observavit, 1776, p. 109. — Spallanzani, Viaggi aile due Sicilie, 1793, t. IV, p. 211!. (d) Péron, Voyage aux terres australes, pi. 31, fvg. 2. (e) Lesson, Histoire naturelle des Zoophytes acalephes, p. (/') On Pelagia denticulata, Brandt, Schmirmq italien, pi. Pétersbourg, 1838, t. IV). (g) Bosc, Histoire naturelle des Vers, t. II, p. 140. — Lesson, Op. cit., p. 392. (h) Voyez VAllas du Règne animal de Cuvier, Zoopiiytes, (i) Humholdt, Voyage aux régions équinoxialet du nouveau continent, t. I, p. 78. (j) Ehrenberg, Uas Leuchten des Meeres (Mém. de l'Acad. de Berlin, 1X32, p. 538. (/,-) Rathke, IJeschreibung der Oceania Blumenbachii {Mém. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, Savants étrangers, t. II, p. 321). (/) Tilesius, Beïtr. mr Naturgesch. der Medusen {Nova Adus«, p. 20, pi. 1, lu'. 1 , PRODUCTION DE LUMIÈRE. 111 chez quelques-uns d'entre eux il est facile de constater que la matière lumineuse est le produit d'une sécrétion, et qu'elle nia dianema (a) ou Geronia dia- nema de Péron (6) , la Dianema appsndiculata (c) et la Dianema ou Tima Bairdii (, fiç. IV). (/) Voyea Forbca, 0/>. cit.. pi. 12, lig. 1. {g) idem, ibid., pi. 7, fig. 3. (h> Idem, ibid., pi. 12, fiff. 2. (i) Idem, ibid., pi. 13, ûg. 1. (j) Poash, Ubserv. on the Luminosity of tlie Sea [An», and Mag. of Nat, llist., 2* série, 1850, l. VI, p. 425). (fcj Forskal, Op. cit., p. 111. — Delle Chiaje, Meni. sulla stor.a e natomia degli Animait sema vertèbre del regno di Sa poli, t. III. p. 58. (/) Raçp, Êtablissemeut de la famille des Déroides {Ann. de la Société d'histoire naturelle, 1828, t. IV, p. 173, pi. 20). • un Wi.l, llorœ Tergestinœ, 1 S 44, p. 57. (n) Ehrenberç, Das Leuchten tUs Mecres, p. 539 (loc. cit.). (o) Forbes, O/). cit., p. 12. (p) Milne Edwards, Note sur quc'ques Acalèphes cténojthores [Afin, des sciences nat., 4* série, 857, l. VII, pi. J 4 » . (q) Forbes, Op. cit., p. 12. (r) Hassal, Suppléai, lo a Catalogue of Irish Zcophytes [Afin, and Mag. ofSat. Hist., 1841, t. Vil, p. 281). (s) Odhelins, Chinensia Lagerstromania (Linné, Amtvntt. aoad., 1759, t. IV, p. 359). — Bohadsch, De quibusdam An malibus marinis, 1"01, p. 101. — Crant, Sotie ■ reupecting the Structure ami Mode of droit Ih of the Virgularia and Pennalula pbosphoi ea ( Edinburgh Journal of Science, 1827, i. VU, p. 330). (fj \V. Rapp, l'iitcrsiicltuntjeit ttbcr tlca littu einiger l'olijiett des MilHlld dheheti .Veeres ;.V va Acia Acad. nat. curioêorum, 1829, l. M\', p. 468;. 412 NUTRITION. est susceptible de briller sans le concours d'aucune action vitale. On peut s'en convaincre en observant quelques-uns des Mollusques de nos côtes : les Pholades , par exemple. Ainsi, Pline, en parlant de ces Animaux, qu'il désignait sous le nom de Dactyles, nous dit que non-seulement la substance de leur corps émet de la lumière, mais que le liquide qui s'en écoule lorsqu'on les mange, et qui tombe à terre, pré- sente le même phénomène (1). Réaumur a constaté l'exacti- tude de ces observations (2), et en plongeant dans de l'alcool faible quelques Pholades de nos cotes qui n'étaient que peu phosphorescentes, j'ai vu un torrent lumineux en descendre et s'étaler en nappe au fond du vase, où il a continué à luire pen- dant un certain temps. Ph0c?nc°èes' La phosphorescence de la mer, qui s'observe souvent sur nos côtes, et qui dans les régions tropicales est un des phéno- mènes les plus magnifiques que les navigateurs puissent contem- pler, est produite parla présence de légions innombrables de petits Animaux presque microscopiques, qui flottent près delà (1) Voici textuellement ce passage Pholades (ouDails) vivantes sont lumi- remarquable de Pline : ncux tout comme la surface de leur « De Dactylorum miraeulis. peau, et que les particules de substance » Concharum e génère sunt dactyli qui s'en détachent lorsqu'on les manie, » ab humauorum unguium similitu- et qui restent adhérentes aux doigts, » dine appellati. 1 lis natura in tene- non-seulement rendent ceux-ci phos- » bris, remoto lamine, alio fulgore phorescents, mais peuvent même com- » claro, et quanto magis humorem muniquer cette propriété à l'eau dans » habeant, lucere in ore mandentium, laquelle les mains ainsi enduites ont » lucere in manibus, atque etiam in été lavées. Ce naturaliste habile nous » solo ac veste, decidentibus guttis; apprend également que la substance » ut procul dubio pateal succi illam phosphorescente de ces Mollusques » naturam esse , quam miraremur cesse de briller quand elle a été des- » etiam in corpore (a). » séchée, mais qu'elle peut redevenir (2) Réaumur remarque aussi que lumineuse si on l'humecte de nou- les fragments séparés du corps des veau (6). (a) Plinii secnmli Historiarum mundi liber IX, g lxxxvii, 11). (b) Réaumur, Des merveilles des Dails, vu de la lumière qu'ils répandent (Mém. de l'Acad. des sciences, 1723, p. 108). de la nier. PRODUCTION DE LUMIÈRE. 113 surface de l'eau et qui sont autant de foyers lumineux (1). Au nombre de ces êtres singuliers il faut ranger en première ligne les Animalcules gélatineux et rcniformes qui ont reçu le nom de Nocliluques (2). Leur structure est très simple. On n'aperçoit dans leur (1) La phosphorescence de la mer est très fréquente pendant les nuits obscures, sur les côtes méridionales de la France, où les pêcheurs langue- dociens la désignent sous le nom û'ar- tlenn (a). Elle n'est pas rare sur les côtes de la Manche, et parfois on l'observe même dans les régions po- laires (b). (2) Depuis l'antiquité jusqu'à nos jours le phénomène de l'émission do lumière par la surface de la mer a été signalé ou même décrit avec détail par un grand nombre d'auteurs dont on trouve l'indication dans un mé- moire publié sur ce sujet, en 1834, par M. Ehrenberg (c). En 1707, un de nos missionnaires, le père de Bourges, publia une bonne description de cette phosphorescence, et remarqua qu'elle était liée à la pré- sence de matières étrangères d'une consistance gélatineuse (d) ; mais il n'examina pas ces substances au mi- croscope, et par conséquent il ne put en reconnaître la véritable nature. Les premières bonnes observations sur les Animalcules qui d'ordinaire produisent cette phosphorescence sur nos côtes datent du milieu du siècle dernier, et sont dues à Yianelli. On donna d'abord le nom de Xoctiluques à la plupart de ces petits êtres, et c'est de nos jours seulement qu'il a été réservé au génie particulier de Zoophyies dont je parle ici. Vers la même époque, Rigault et Diquemare les firent con- naître (c), et Slabber, qui les désigna sous le nom de Nier-h'icul , c'est- à-dire Méduse réniforme, en donna une meilleure figure (/"). Plus récem- ment, Suriray, médecin au Havre, étudia à son tour ces Animalcules lumineux, mais il se forma des idées très fausses touchant leur structure intérieure (g), et ce fut d'après ses vins que Lamarck et Blainville pla- cèrent le genre Nocliluque à côté des Béroés, dans la grande division des hadiaires mollasses (h), ou auprès (a) Dunal, Xote sur la phosphorescence de la Dur dans les environs de Montpellier {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1838, t. VI, p. 83). (b) Robert, Phosphorescence de la mer dans les climats froids (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1838, t. VI, p. 518). (c) Ehrenberg, Das Leuchten des Mceres. Xeue Beobachtungen nebst L'ebersirhl der Haupl mo- ment e der geschichtlichen Entwicklung dièses merkwûrdigen Phclnomens (Alhandlungen der Akad. der Wissenschaften au Berlin, ans 1834, p. 411). (d) Voyez Choix des Lettres édifiantes (édit. de 1826), t. VIII, p. 174 et suiv. (e) Diquemare, Observ. sur la lumière dont la mer brille souvent pendant la nuit [Journal de physique, 171 5, t. VI, p. 519, pi. 2, tig. 8). ({) Slabber, Xaturkundige Yerlustiijungen, 1778, p. IÎ7, pi. 8, fig. 4 et 5. (g) Los observations de ce naturaliste furent présentées à l'Institut en 1810, et ne furent publiées que beaucoup plus tard. — Voyez Suriray, Recherches sur la cause ordinaire de la phosphorescence de la mer, et description de la Noctiluca miliaris (Magazin de z-oologie, 1830, cl. X, pi, 1 et 2). (h) Lamarck, Histoire des Animaux sans vertèbres, t. Il, p. 470. Mil NUTRITION. intérieur ni intestin, ni muscles, ni nerfs, ni aucun autre organe particulier, et la lumière jaillit sous la forme detin- celles de tous les points de leur surface. Elle est provoquée par l'agitation, ainsi que par toutes espèces d'excitants, soit physiques, soit chimiques, et elle ressemble beaucoup aux éclairs qui résulteraient d'une série de petites décharges élec- triques. Mi de Quatrclages, qui a fait sur ce sujet beaucoup des Diphyes, parmi les Actinozoaires de la famille des Physogrades (a). M. Ehrenberg donna à ces Animal- cules un nom nouveau, celui de Mam- maria, mais il n'ajouta rien d'impor- tant à leur histoire (6). Enfin, en 18Zi3, AI. Ycrhaeghe constata que leur orga- nisation ne ressemble en rien à celle des Acalèphes ou des Polypes, parmi les- quels quelques naturalistes les avaient rangés, mais se rapproche davantage de celle des lîhizopodes (c), fait qui ressort également des recherches plus récentes de M. Doyère (d) et de M. de (Hialrei'ages. Ce dernier auteur en a donné de bonnes ligures , et les caractérise de la manière suivante : Animalcules arrondis, de \ à \ de mil- limètre de diamètre, et de forme très \ ariable, tantôt sphérique , d'autres fois échancrés sur un point de leur surface, ou même cordiformes ; com- plètement transparents; revêtus d'une double tunique membraniforme ex- trêmement mince, et pourvus d'une sorte de tentacule grêle et conique ; intérieur occupé par une substance sarcodique qui se creuse de vacuoles, et constitue une sorte de trame dont les mailles sont occupées par un li- quide et sont formées par des expan- sions rhizopodiques. L'émission de lu- mièrea lieu quelquefois simultanément dans toute l'étendue de la surface du corps, mais en général des étincelles se succèdent sur divers points (c). Le mode d'organisation de ces sin- guliers Animalcules a été étudié plus récemment par MM. Busch, Krolm, Huxley et Webb (/"). (a) Blainville, Manuel d'actinolonic, p. 140. (il Elirenberg, Das Leucliten des Meeres (Mém. de l'Acad. de Berlin, 1834, p. 411). (c) Voyez Van Bcneden, Rapport sur tin Mémoire de M. Yerbaegbe, ayant pour titre : Recherches sur la cause de la phosphorescence de la mer dans les parages d'Osleiide{Bulletiii de l'Académie de Bruxelles, 1840, 1. Mil, ±' partie, p. 3). [d) Doyère, Sur la Noctiluque miliaire {l'Institut, 1840, t. XIV, p. 428). " (e) i Qualrefages, Observations sur les i\octiluques (Anu. des sciences nat., 3* série, 1850, t. XIV, p. -220, pi. 5, fig. 1-5). — Mémoire sur la phosphorescence de quelques Animaux inver- tébrés marins (lue. cit., p. 203). (H Buscb, Bcobaclitunnm itber Anat. und Entwickelung einiqer wirbellosen Seethiere, 1851, p. 103. — Krolin, Notix itber die Nocliluca miliaris (Wiegmann's Archiv fur 1852, p. 70, pi. 3, fi-j. 2). — Huxley, On the Structure of Nocliluca miliaris (Quai'teiitj Journal of Microscopical Science, 1855, t IU, p. 49). — Webb, On the Nocliluca miliaris (Q larterhj Journal of Microscopical Science, 1855, t. III, p. 102). PRODUCTION DE LUMIÈRE. 115 d'observations intéressantes, pense que ces lueurs ne sont pas dues à des phénomènes de combustion (l), et il les considère comme étant liées à l'action mécanique des tissus contractiles qui occupent l'intérieur du corps des Noctiluques (2). Beaucoup d'Annélides sont aussi très phosphorescents, et en étudiant au microscope quelques-uns de ces Vers, le natu- raliste que je viens de citer constata que la lumière émane de leurs muscles et se développe au moment de la contraction de ces organes. En raison de ces faits et des diverses considéra- tions qu'il serait trop long d'exposer ici, M. de Qualrelages et M. Ehrenberg sont disposés à croire (pic chez ces Animaux la phosphorescence résulte d'un développement d'électricité, et cette opinion est partagée par quelques physiciens; mais elle (1) M. de Quatrcfagcs a bien con- staté, ainsiquel'avaitdéjàfait M. l'ring, que les Noctiluques peuvent conti- nuer à briller pendant un certain temps, lorsqu'il ne leur est pas pos- sible de venir à la surface de l'eau se mettre eu rapport avec l'atmosphère, ou bien encore lorsque l'eau dans laquelle elles nagent est en contact avec des gaz Impropres à l'entretien de La combustion, tels que de l'hydro- gène ou de l'acide carbonique [a'. .Mais, à mon avis, ces faits ne prouvent pas que la production de lumière n'est pas due à un phénomène de combus- tion; car l'eau dans laquelle ces Ani- malcules vivent contient toujours en dissolution une certaine quantité d'oxy- gène libre ; c'est cet oxygène qui en- tretient la combustion respiratoire, et, lorsqu'il est épuisé, la mort arrive, ré- sultat qui est accompagné de l'cxlinc- lion de la lumière développée dans l'intérieur de l'organisme de ces petits Zoophytes. (2) M. de Quatrefages a remarqué que l'expansion filiforme de substances sarcodiques qui occupent l'Intérieur du corps des Noctiluques se rompt sou- vent spontanément, et que c'est dans tes points où ce phénomène est le plus fréquent que les étincelles sont les plus nombreuses. 11 a constaté aussi que si l'on presse entre deux lames de verre le corps d'un de ces Animalcules, ees brides se rompent ('gaiement, et il a vu (pie cet écrasement déterminait toujours une forte émission de lu- mière [b . (a) Pring, Observ. and Experiments on ine Nocliluca miliaris, tlie animalciilar Source 0/ the Phosphorescence of the Dritish Seas ; together with a few gênerai R' marks on Ihc Pheno- mena of Vital l'hosphorescence [Phitotophical Magazine, '•'•" série, 18-19, 1. XXXIV, |>. 401). — Quatrefages, Uén. suc la phosphorescence de quelques livertébt'és marins (Ann. des sciences nul., 3* série, 1850, t. XIV, p. 268}. {!>) Qualrefages, Op. cit. (loc. ci!., p. 270). H G NUTRITION. ne nie semble pas suffisamment fondée, et j'incline à penser que chez les Vers et les Zoopliytes, de même que chez les Insectes, ce phénomène doit dépendre de l'oxydation de quelque sub- stance combustible. En effet, M. Ehrenberga constaté que chez la Syllis, que ce naturaliste désigne sous le nom de Photo- charis cirrigera (1), la lumière se montre d'abord par étincelles dans les appendices tentaculiformes situés à la base de la rame dorsale des pieds, et gagne ensuite toute la surface du dos, mais ne se développe pas seulement dans l'intérieur de l'or- ganisme, et émane aussi du mucus qui suinte à la surface de la peau. Or, ce mucus continue à briller après qu'on l'a détaché du corps de l'Animal, et communique sa phospho- rescence aux objets sur lesquels on l'applique (2), circon- stance qui est incompatible avec l'hypothèse suivant laquelle la production de cette lumière dépendrait de l'électricité déve- loppée dans l'économie animale (3). (1) Il me paraît probable que la (3) J'ajouterai qu'à la suite de quel- Photocharis de M. Ebreuberg n'est ques observations faites par Forbes sur autre ebose que la Syllis monillaris la direction constante des traînées dont Savigny a donné une très belle pbospborescentes qui se manifestent figure (à). cbez les Pennatulides, M. Wilson (d'É- (2) M. Ebrcnberg s'exprime for- dimbourg) a fait des expériences éte- rnellement au sujet de la pbosphores- troscopiques en vue de constater le cence de cette Syllis (b); mais je dois développement d'électricité lors de l'é- ajouler que Dugès, en observant un mission de lumière par ces Animaux ; autre Annélide du môme genre, qu'il mais il n'est arrivé qu'à des résultats a appelé Syllis fuhjurans, n'a pu négatifs, et ce savant conclut de ses constater aucune excrétion de matière recberebes que probablement le phé- pbospborescente, bien que la lumière nomène est dû à la sécrétion de quel- développée dans l'intérieur du corps que matière spontanément inflam- fùt très intense (c). niable (d). (a) Savigny, Système des Annclides {Description de l'Egypte, Histoire naturelle, Annéudes, pi. 4, fig. 3). (b) Ehrenberg, Das Leuchten des Meeres (Mêm. de l'Acad. de Berlin pour 1831, p. 548). (c) Voyez Audouin et Milne Edwards, Classification des Annélides et description de celles qui habitent les côtes de France (Ann. des sciences nat., 4 833, t. XXIX, p. H'J). (d) Voyez Johnslon, Hist. of Drilish, Zoopiiytes, 4847, I. I, p. 154 el sufv. PRODUCTION DE LUMIÈRE. 117 On doit ranger aussi, parmi les Animaux marins qui pos- sèdent au plus haut degré la faculté photogénique, divers Tunicicrs, les Pyrosomes et les Biphores, par exemple (1 ), beaucoup de Coralliaires, tels que les Pcnnatules. et la plupart des Acalèphes (2). Chez ces Zoophytes, de même que chez les autres Animaux marins, dont je viens de parler, l'émission de lumière est provoquée par le choc et par toutes les causes qui déterminent la production de mouvements dans l'intérieur de l'organisme (3). Souvent ce phénomène ne se manifeste que dans, les parties du corps où des fibres musculaires se con- tractent, par exemple le long des côtes ciliées des Béroés (û); mais ces parties sont aussi celles où l'irrigation physiologique est la plus active, et, d'après quelques observations que j'ai eu l'occasion de faire sur des Béroés, ce serait dans l'intérieur des (1) L'émission de lumière par ces Tuniciers a été observée par plusieurs naturalistes, et contribue parfois beau- coup à la phosphorescence de la nier (a). (2) Voyez ci-dessus page 109. (3) Tour provoquer les décharges lumineuses chez ces Béroés, il suflit en général d'irriter mécaniquement l'A- mmal ; niais lorsque les éclairs se suc- cèdent rapidement, leur intensité s'af- faiblit beaucoup, comme si la provi- sion de matière phosphorescente accu- mulée dans l'organisme par un travail sécrétoire plus ou moins lent s'épui- sait [b). L'immersion dans de l'eau douce active beaucoup la production de lumière pendant quelques instants cbez la plupart des Acalèphes phos- phorescents; souvent elle peut même la déterminer quand celle-ci a cessé d'avoir lieu (c). Il paraîtrait, d'après les observations récentes de M. Allman, que l'action préalable de la lumière est défavorable à la phosphorescence des Béroés; il n'a pu constater ce phénomène que cbez des individus qui étaient restés quelque temps dans l'obscurité (d). (!\) Voyez l'atlas du Réyne animal de Cuvicr, Zoophytks, pi. 56, iig. 1 et 2. (o) Voyez ci -dessus, page 109. (ft)Marray, On Vie Luminosity of the Sea (item, of Vie Wernerian Nat. Ihst. Soc, 1821, 1. 111, p. 466). — Forbes, A Monograph of Vie British nakcd-cyed Medusœ, p. 13. — Bennet, Observ. on Vie Phosphorescence of the Oc.an (Proceedings of Vie Royal Society, 1837, p. 1). (c) Milnc Edwards Observations sur la structure et les fonctions de quelques Zoophytes, etc. (Ann. des sciences nat., 2* série, I. XVI, p. 210). (d) Allman, Sole on the Phosphorescence of Beroe {Proceedings of the Royal Society of Edin- burgh, 1862, p. 518). 118 NUTRITION. canaux sanguifères quête développement de la lumière parai- trait avoir son siège. Je suis donc porté à croire que le renou- vellement du fluide nourricier qui baigne le tissu sécréteur de la matière phosphorescente pourrait bien être une des causes de l'apparition des éclairs qui de temps en temps sillonnent tout le voisinage de ces conduits. Il est aussi à noter que chez d'autres Acalèphes le foyer lumineux est situé dans l'appareil reproducteur, qui reçoit beaucoup de lluidc nourricier, mais qui n'est que peu contractile (l). Enfin on sait depuis longtemps, par les expériences de Spaîlanzani, que chez d'autres Animaux marins qui appartiennent à la même classe, la phosphorescence persiste après la mort, et peut être transmise à des liquides dans lesquels on délaye la substance des parties lumineuses de l'or- ganisme (2). Quelques observations laites sur la phosphorescence des (1) Ainsi, Al. Ehrenberg a remar- qué que chez YOceania pilcata la phosphorescence réside dans la por- tion centrale de la face inférieure de l'ombrelle, où les ovaires se trouvent suspendus [a); et Forbes a vu .que la lumière émane aussi de l'appareil re- producteur chez la Diamma appendi- culata (b). (2) Spaîlanzani a constaté que chez l'Acalèphe qu'il appelle Médusa phos- phorea, et que l'on désigne aujour- d'hui sous le nom de Pelpgia nocti- luca (c), l'émission de lumière a lieu par la portion marginale de l'ombrelle, où se trouvent les principaux muscles locomoteurs. 11 trouva aussi que le mucus qui lubrifie la surface de la peau de cette partie est lumineux, et com- munique la phosphorescence aux doigts de l'observateur ainsi qu'aux autres corps auxquels il adhère. Spaîlanzani vit aussi que des fragments peu lumi- neux de cette portion du disque devien- nent très brillants quand on les plonge dans de l'eau douce et qu'en faisant la même expérience avec du lait ce liquide jetait un éclat encore plus vif. Le liquide phosphorescent obtenu de la sorte formait des traînées lumineuses quand on le répandait à terre, et une de ces Méduses plongée dans un verre de lait éclaira si fortement les objets adjacents, qu'à une distance d'un mètre on pouvait s'en servir pour lire une lettre (cl). (a) Ehi'fnberg, Bas Leuehten des Mccves [Mena, de VAcad. de Berlin pour 1834). {b) Korbesi .1 Monograph of the Bri'ish haked-cyed Sfeiiusœ, p. 14. (f ) Voyez VAllas du lUijne animal de Cnvier, ZoÔPUYîES, p|. 45. {dj Spaîlanzani j Yiaggi aile Due Sicilte, 171)3, (. IV, p. 210 et sniv. PRODUCTION DE LUMIÈRE. 119 petits Crustacés qui dans certains parages illuminent la sur- face de la mer, tendent également à établir que l'émission de la lumière est due à un liquide sécrété par ces Animaux. Ainsi, pendant un voyage dans le grand Océan , Eydoux et Souleyet ont vu ces Animaux lancer des jets d'une matière lumi- neuse qui, en se mêlant à l'eau, rendait ce liquide phospho- rescent (1). 11 est aussi des Poissons chez lesquels des phénomènes de phosphorescence ont été observés, mais il ne me parait pas bien démontré que la lumière dont brillaient ces Animaux leur appartint réellement, et ne fût pas développée par des Ani- malcules photogènes ou par d'autres corps étrangère dont la surface de leur peau pouvait être enduite Je dois ajouter qu'il parait y avoir de grandes différences dans la période de la vie à laquelle se manifeste la faculté pho- togénique chez les divers Animaux. Dans les uns elle existe avant la naissance et dure toujours (2), tandis que chez d'autres elle ne parait se développer (pie temporairement. § h- — En résumé, nous voyons que la faculté de produire de la lumière est beaucoup plus répandue dans le règne animal qu'on ne serait porté à le croire au premier abord; car, si elle n'existe que chez un petit nombre d'Animaux terrestres, qui (1) La matière phosphorescente lancée par ces Crustacés était assez visqueuse pour se coller aux. parois du vase dans lequel les Animaux étaient placés, et son émission produisait d'a- bord l'effet d'une fusée brillante, puis formait autour du petit être une sorte d'atmosphère lumineuse. Malbeureuse- ment Eydoux et Souleyet ne nous ap- prennent pas sur quelles espèces de Crustacés pélagiques ces observations furent faites (a). (2) M. Allman a constaté récemment que l'embryon des Béroïdiens dont on a forai : le genre Idya, est phospho- rescent avant l'éclosioo (6), et j'ai déjà eu l'occasion de dire que les œufs des Lampyricns sont lumineux. (a) Voyez Blainville, llipport sur les résultats scientifiques du voyaje d: la Conilc autour du monde [Comptes rendus de V Académie d:s sciences, is:;s\ t. VI, p. 158). (b) Allraan, Note on Ihs Phosphorescence of Ocroz [Procedinjs ofihz llxjal Sic. of Edindurgh, 1802, p. 518). 120 NUTRITION. pour la plupart Appartiennent à la classe des Insectes, elle est très commune chez les Invertébrés marins, principalement chez les espèces dont les tissus sont transparents, et cette circon- stance me porte à soupçonner que des phénomènes du même ordre pourraient bien se développer parfois dans la profondeur de l'organisme chez d'autres Animaux où ils restent inaperçus à cause de l'opacité des téguments. Dans l'état actuel de nos connaissances, il me paraîtrait inutile d'insister davantage sur l'histoire de ces phénomènes remarquables, et je me bornerai à engager les naturalistes qui naviguent ou qui habitent les bords de la mer à faire de nouvelles recherches sur son mode de production. Je terminerai donc là cette digression, et dans la prochaine Leçon je m'occuperai de questions qui touchent plus directe- ment à l'histoire du travail nutritif. SOIXANTE - NEUVIÈME LEÇON. Suite de l'étude des phénomènes de nutrition. — Mutation de la matière organique dans l'organisme. — ■ Pertes subies par le corps d'un Animal privé d'aliments. — Rôle des matières alimentaires. — Modes d'évaluation du degré d'activité de la combustion nutritive. — Circonstances qui influent sur l'activité de ce travail ; influence du volume de l'organisme, des différences spécifiques, de l'âge; des sexes , de l'exercice musculaire ; application de ces faits aux procédés employés pour l'engraissement des Animaux de ferme ; influence du régime. — Ration alimentaire de l'Homme et de quelques Animaux. § 1 . — La combustion physiologique, dont l'étude nous a Effet* de occupés dans les Leçons précédentes, s'effectue dans l'intérieur u combustion du corps des Animaux, et se lie de la manière la plus intime à presque toutes les manifestations de leur puissance vitale. Son degré d'intensité est même en rapport avec la grandeur de l'activité physiologique de ces êtres, et bien que dans certaines circonstances elle puisse continuer après la mort, on voit tou- jours la force vitale s'éteindre ou devenir latente, dès qu'elle s'arrête. Pour l'entretenir, il faut nécessairement que l'organisme puisse disposer de deux choses : d'une quantité suffisante de l'agent comburant, c'est-à-dire d'oxygène libre ou suscep- tible d'être enlevé à des corps dans la composition desquels il entre, et de matières combustibles aptes à brûler dans les con- ditions où l'Animal doit en faire usage. La respiration, comme nous l'avons déjà vu, fournit à ces foyers de combustion l'élément comburant que l'Animal trouve à l'état de liberté dans l'atmosphère, ou faiblement associé à l'eau qui est exposée au contact de l'air. Dans quelques cas extrêmement rares, l'être animé peut vivre aux dépens de l'oxygène qui se trouve à l'état de combinaison dans certains vin. 9 122 NUTRITION. corps auxquels il en enlève une portion, et il est probable que souvent des phénomènes du même ordre ont lieu dans l'inté- rieur de l'économie animale par l'action de certaines parties vivantes sur des matières préalablement oxydées par suite du travail respiratoire ordinaire; mais dans l'immense majorité des cas, c'est l'atmosphère qui fournit directement à l'orga- nisme l'oxygène nécessaire à l'entretien de la combustion phy- siologique : par l'acte de la respiration, le fluide nourricier de l'Animal s'en charge, et sert de véhicule pour le porter sur les combustibles avec lesquels il doit se combiner (1). L'oxygène qui est en dissolution dans l'eau, est libre chimi- quement; les Animaux aquatiques sont donc placés, sous ce rapport, dans des conditions analogues à celles où se trouvent les Animaux terrestres, dont le corps est baigné directement par le fluide atmosphérique. Et jusque dans ces derniers temps on devait penser que l'action de l'oxygène libre sur l'organisme était indispensable à l'entretien de la vie chez tous les êtres ani- més ; mais il existe quelques Animaux inférieurs chez lesquels le travail respiratoire peut être remplacé par un phénomène plus complexe, et l'introduction de l'oxygène dans l'économie peut être obtenue au moyen de la décomposition de certains composés oxygénés avec lesquels le corps vivant est en contact. Cela a été constaté par M. Pasteur, dans ses belles expériences sur certains Infusoires qui déterminent la fermentation buty- rique dans les dissolutions de sucre ou d'acide lactique (2), et (1) Voyez tome I, page /i30 et suiv. L'espèce de fermentation ainsi pro- (2) Il résulte des recherches de duite est accompagnée d'un dégage- ai. Pasteur que certains Vibrions peu- ment d'acide carbonique et d'hydro- vent vivre sans oxygène libre et en gène. Il est aussi à noter que ces décomposant des matières organiques, Animalcules périssent très-prompte- telles que le sucre et l'acide lactique, ment quand ils subissent l'action de qu'ils transforment en acide butyrique. l'oxygène libre (et). (a) Pasteur, Animalcules infusoires vivaitt sans gaz oxygène libre et déterminant des fer' mentations (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1861, t. LU, p. 344). SOURCE 1>ES MATIÈRES BRÛLÉES. 123 il me paraît probable que les Helminthes qui vivent dans l'in- térieur du corps des Animaux sont doués du même pouvoir désoxydant. Mais, quoi qu'il en soit à cet égard, la règle ordi- naire pour les êtres animés est d'entretenir la combustion physiologique au moyen de l'oxygène libre puisé directement ou indirectement dans l'air atmosphérique; aussi avons-nous vu que chez tous les Animaux, sauf les espèces intérieures dont il vient d'être question, la privation de cet élément com- burant est plus ou moins promptement une cause de mort appa- rente, suivie de la mort réelle. Je rappellerai aussi que nous avons constaté précédemment que l'activité respiratoire des Animaux, ou, en d'autres termes, la consommation d'oxygène faite par ces êtres est en rapport avec le degré de leur activité vitale et la grandeur de leur puissance physiologique. Bientôt nous verrons que les mêmes rapports existent entre ces phénomènes et la destruction des matières combustibles dont l'organisme est pourvu, de telle sorte que la mesure de l'action vitale peut être fournie également bien par la considération de ces deux ordres de faits. Mais, avant d'a- border l'étude de ces questions, il faut que nous cherchions à bien fixer nos idées au sujet de la source qui fournit à la combus- tion physiologique les matières combustibles destinées à fixer l'oxygène introduit sans cesse dans l'organisme par le travail respiratoire. § 2. — Il est évident que les matières brûlées delà sorte source dans l'intérieur de l'économie animale ne peuvent être que les combustible brûlés dans substances organiques qui y sont introduites sous la forme d'ali- ïorganisme. Au moment de mettre celte feuille tion exercée par certains Vibrions sur sous presse, j'apprends que cet expe- le tartratc de chaux. Ces Animalcules rimentateur habile a constaté d'autres vivent sans air, en décomposant l'acide faits du même ordre en étudiant Tac- tartiique (a). (a) Pasteur, Nouvel exemple de fermentation déterminée par des Animalcules infusoires pouvant vivre sans gaz oxygène libre et en dehors de tout contact avec l'air de l'atmosphère (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 9 mars 1803, t. LVI, p. 416). 124 NUTRITION. ments, et qui sont versées par l'appareil digestif dans le torrent de la circulation, ou bien celles qui constituent, soit des dépots ou réserves de matières nutritives, comme la graisse, soit le tissu même des organes. Mais les physiologistes sont partagés d'opinions au sujet du rôle accompli par ces deux sortes de corps combustibles. Jadis on pensait que tout ce qui se détruit dans l'économie provenait de la substance des organes, que cette substance se renouvelait tout entière avec une grande rapidité, et que la matière organique fournie par les aliments, et absorbée par l'appareil digestif, était exclusivement destinée, soit à la reconstitution des tissus soumis à cette loi de renou- vellement, soit à la formation des humeurs non excrémenti- tielles; enfin que toutes les matières excrétées étaient les pro- duits de cette destruction de la substance vivante. Travail Cette hypothèse reposait sur une multitude de faits fournis désassimiiation tant par l'observation journalière que par l'expérimentation des organique, pjjygiologistes. Ainsi, chacun saitque, lorsqu'un Animal est privé d'aliments, le poids de son corps diminue plus ou moins rapi- dement-, qu'il perd de ses forces en même temps qu'il perd de sa substance, et que la mort est toujours la conséquence de ces pertes, lorsqu'elles dépassent certaines limites. Quand il s'ap- proprie une quantité suffisante de matières nutritives, son poids reste stationnaire ou augmente, et cependant il continue à éprouver des pertes non moins considérables que s'il était privé d'aliments. Guvier, dont le style était souvent remarquable par le brillant des images aussi bien que par l'élévation des pensées et la netteté de l'expression, a parfaitement résumé l'opinion des physiologistes de son époque sur la nature du travail nutritif, lorsqu'il a dit : « La vie consiste essentiellement dans la «faculté qu'ont certaines combinaisons corporelles de durer » pendant un temps et sous une forme déterminée, en attirant » sans cesse dans leur composition une partie des substances SOURCE DES MATIÈRES BRÛLÉES. 125 » environnantes, et en rendant aux éléments des portions de » leur propre substance. La vie est donc un tourbillon plus ou «moins rapide, plus ou moins compliqué, dont la direction » est constante, et qui entraîne toujours des molécules de mêmes » sortes, mais où les molécules individuelles entrent et d'où » elles sortent continuellement, de manière que la forme du «corps vivant lui est plus essentielle que la matière (1). » Il est indubitable que l'organisme, considéré dans son en- semble, présente toujours des phénomènes de cet ordre, et que sans cesse certaines de ses parties se détruisent et disparaissent pendant que d'autres se forment pour leur succéder et en tenir lieu. Ainsi chacun sait que nos ongles, de même que nos che- veux ou les poils de notre barbe, croissent par leur base et s'usent par leur extrémité opposée, en sorte qu'au bout d'un certain temps la substance constitutive de chacun de ces appendices cornés se trouve renouvelée complètement, bien que leur forme générale n'ait pas changé. Nous avons déjà vu qu'il en est de même pour la couche de tissu utriculaire qui revêt les membranes muqueuses du tube digestif, des voies respiratoires et des cavités glandulaires; dans une autre partie de ce cours je montrerai que l'épidcrmc croit de la même manière par sa face interne, pendant que du côté opposé elle se détruit ou se détache de la peau. Enfin les belles expériences de M. Flourens sur les os des Mammifères et des Oiseaux établissent que [tendant le jeune âge ces organes s'accroissent et s'usent en même temps d'une manière analogue, mais en sens inverse, c'est-à-dire grandis- sent par la naissance de couches nouvelles à leur surface, tandis que vers le centre ils se creusent des cavités produites par la résorption progressive des couches primitives de leur tissu con- stitutif. Ce genre de changement a été mis bien en évidence par l'emploi alimentaire de la garance, qui, répandue dans le fluide (1) /«e Règne animal distribué d'après son organisation, 1817, t. I, p. 13. \2Q NUTRITION. nourricier, teint en rouge les parties superficielles des os, phé- nomène qui nous permet de reconnaître les portions de la sub- stance osseuse existante au moment de l'expérience, et de les distinguer de celles développées après que l'Animal a été remis à son régime ordinaire (1). Dans tous ces cas il y a remplace- ment d'une portion de l'ancienne substance constitutive du corps vivant par de la substance nouvelle ; et comme l'a très-bien fait remarquer M. Flourcns, la théorie de la rénovation matérielle de l'organisme, conçue delà sorte, est certainement l'expression (1) Le fait de la coloration des os en ronge chez des Cochons qui mangent une certaine quantité de garance, avait été signalé dès le milieu du xvie siècle par un certain Mizaud, dit Mizaldi (a), mais n'avait pas fixé l'attention des physiologistes, et était généralement ignoré lorsqu'on 1736, un chirurgien anglais, J. Belchier, l'observa par hasard en dînant chez un teinturier qui utilisait pour la nourriture de ses Porcs le son imprégné de garance pro- venant de ses ateliers. Belchier fit aus- sitôt des expériences sur la cause de ce phénomène (b), et il fût suivi dans celte voie par Duhamel et par plusieurs autres physiologistes, qui profilèrent de la coloration du tissu osseux obte- nue de' la sorte pour étudier le mode de croissance des os. Dans une autre partie de ce cours je rendrai compte des résultats obtenus ainsi par M. Flou- rcns ou par ses prédécesseurs (c), et ici je me bornerai à considérer ce sujet au point de vue de l'étude des phé- nomènes de nutrition. On a cru d'abord que le tissu osseux rougi par le principe colorant de la garance avait dû se former pendant que l'Animal recevait dans son orga- nisme celte substance tinctoriale mê- lée à ses aliments. Ainsi lîulherford, qui fut le premier à reconnaître que le phénomène en question est dû à la production d'une sorte de laque résultant de l'union chimique de l'alizarine, ou principe colorant de la garance, avec les sels calcaires de l'or- (a) Mizaldi, Memorabilium utilium et jucundorum centuriœ novem in aphorismos digestœ. Lutelise, 1584, p. 101, cenl. vu, aph. 91. (6) Belchier, An Account of Ihe Boues of Animais being Clianged to a lied Colour bij aliment only (Philos. Trans., 4830, t. XXXIX, p. 287). — Further Account, etc. (loc. cit., p. 299). (fi) Duhamel, Sur une racine qui a la faculté de teindre en rouge les os des Animaux vivants (Mém. de l'Acad. des sciences pour 1739, p. 1). — Si»' le développement et la crue des os des Animaux (Mém. de l'Acad. des sciences, 1742, p. 354). — Bazani, De coloratis animalmmquorumdam vivorum ossibus (Comment. Insl. Bononiensis, 1745, t. II, part. 1, p. 129). — De ossium colorandorum artificio per radieem rubiic (Op. cit., 1740, t. H, pars 2, p. 124). — Bcehmer, De radicis Rubiœ tinctorum effectibus in corpore animali (dissert, inaug.). Lipsia?, 1 752. — Nouvelles expériences sur les effets que produit la garance dans le corps des Animaux (Mélanges d'histoire naturelle, par A. Dulac, 1705, t. 111, p. 227). — J. Hunter, Expériences et observations sur le développement des os (Œuvres, t. IV» p. 409). SOURCE DES MATIÈRES RRULÉES. 127 de la vérité pour beaucoup de parties de l'économie animale, sinon pour toutes. Mais ce n'est pas ainsi que l'on se repré- sente généralement la mutation de la matière vivante dans l'in- térieur de l'organisme. On suppose que la substance constitu- tive de chaque fibre, de chaque lamelle de tout tissu vivant se renouvelle, molécule à molécule; que ebacune des molécules dont ces tissus se composent est usée et détruite sur place, pen- dant qu'une ou plusieurs molécules nouvelles de même espèce viennent en tenir lieu ; en un mot, que les matériaux constitutifs de ces fibres et de ces lamelles sont renouvelés à peu près comme les pierres d'un vieil édifice sont parfois remplacées successi- vement par la substitution de blocs nouveaux à ceux que le temps a détériorés. On se trouve ainsi conduit à admettre que la matière ganisme (a), pensait que cette combi- naison devait B'effectuer dans le sang et précéder le dépôt des matières ter- reuses dans le tissu de l'os. .Mais on sait aujourd'hui par les expériences de Gibson, ainsi que par celles faites plus récemment par MM. Doyère et Serres, que les choses ne se passent pas ainsi : que le tissu osseux préexis- tant se teint en rouge, pourvu que le fluide nourricier chargé, d'alizarine \ pénètre en assez grande abondance. Ainsi, un fragment d'os enfoncé sous la peau d'un Animal soumis au ré- gime de garance, se colore comme le l'ont les os vivants du même individu; et si la coloration du squelette a lieu promplement chez les jeunes Ani- maux, tandis qu'elle ne s'effectue que très-lentement ou très-incomplétement chez ceux qui sont avancés en âge, cela dépend seulement des différences dans le degré de perméabilité du tissu osseux et dans l'activité de la circula- lion des fluides nourriciers dans sa sub- stance aux dernières périodes de la vie. Dans tous les cas, la fixation de la garance sur les sels calcaires du tissu osseux est un phénomène analogue a celui dû à l'action des mordants dans la teinture d'une étoffe, et n'est aucu- nement liée au travail nutritif. (a) Rutheiford, cilé d'après Gibson. — Gibson, Obs. on the Effect of Madder root on the Bones of Animais (Mem. of the Lit. and Philos. Soc. of Manchester, 2* série, 1805, t. I, p. 146). — Flourens, Recherches sur le développement des os et des dents {Archives du Muséum, 1841, t. II, p. 315). — Serves et Doyère, Exposé de quelques faits relatifs à la coloration des os chez les Animaux soumis au régime de la garance [Ann. des sciences nat., 2* série, 1812, t. XVII, p. 153). — Brullé et Hugueny, Expériences sur le développement des os dans les Mammifères et les Oiseaux, faites au moyen de l'alimentation par la garance (Ann. des sciences nat,, 3* série, 1845, t. IV, p. 283). 128 NUTRITION. dont se compose chaque partie de l'organisme est toujours en mouvement, et que dans un espace de temps plus ou moins court la substance du corps tout entier se trouve renouvelée. Quelques auteurs ont môme cru pouvoir assigner une période détermi- née pour l'accomplissement de cette rénovation de substance dans le corps humain. Enfin, beaucoup de physiologistes admet - tent, conformément à ces vues de l'esprit, que la combustion physiologique dont l'économie animale est le siège, estalimentée uniquement par la substance des tissus; que la totalité de l'acide carbonique, de l'urée et des autres produits excrémentitiels for- més dans l'organisme, provient de cette source, et que par conséquent aussi toute matière nutritive absorbée par l'Animal n'est utilisée qu'à la condition d'être fixée dans ces mêmes tis- sus et d'en devenir partie intégrante (1). Mais beaucoup de faits paraissaient être peu favorables à cette hypothèse de la mutation générale et continue de la matière constitutive de l'organisme. Ainsi Duhamel a vu que les parties du système osseux qui ont été colorées par l'action de la garance chez un Animal vivant ne se décolorent pas, comme on le sup- posait d'abord, mais sont cachées sous les nouvelles couches développées ultérieurement; M. Flourens a montré que les parties teintes de la sorte conservent leur coloration anormale jusqu'à ce qu'elles soient elles-mêmes détruites ; que rien n'y décèle un renouvellement de substance, et que chez l'individu parvenu au terme de sa croissance , leur existence paraît être en général permanente (2). Les rapports qui ont été constatés par Chossat et plusieurs autres expérimentateurs (1) Celte hypothèse a été adoptée mutation de la matière dans l'éconn- récemment par MM. Bischoff et Voit, mie animale (a). dans leur intéressant travail sur la (2) Duhamel avait d'abord pensé (a) Th. BiscliolT und C. Voit, Die Gesetz-e der Ernàhrung des Fleischfressers durch neue Untersuchungen festgestellt., 1SG0. SOURCE DES MATIÈRES BRÛLÉES. 129 entre le mode d'alimentation et la nature ou la quantité des produits de la sécrétion urinaire, ont même conduit quelques physiologistes à penser que dans les circonstances ordinaires toutes les matières excrétées de l'organisme proviennent direc- tement des matières étrangères qui y ont été introduites ; de sorte que la combustion physiologique dont résultent l'acide carbonique, l'urée, etc., serait entretenue uniquement par les aliments (1). Mais cette hypothèse n'est pas admissible, et la qu'après la cessation du régime de la garance, les os rougis par cette sub- stance reprenaient toujours leur cou- leur primitive (a) ; mais, par la suite de ses expériences, il reconnut que chez les jeunes Animaux les parties rougies de la sorte se retrouvent au- dessous des couches du tissu osseux développées ultérieurement (/>). M. Flourens confirma ce résultat, et mon- tra que dans les cas où la teinte rouge vient à disparaître, cela ne dépend pas d'un renouvellement moléculaire de la portion du tissu qui a été garancée, mais de sa résorption complète pat- suite du travail d'accroissement (c), phénomène sur lequel je reviendrai lorsque je traiterai du mode de déve- loppement des os. Je citerai également ici une des ex- périences de MM. Doyère et Serres. Un jeune pigeon fut soumis au régime de la garance du 10 mars 1840 au 15 avril; le 15 mai on lui amputa une aile, puis le 30 janvier 1841 on lui amputa l'autre aile : l'Animal mourut des suites de cette seconde opération. Entre les moments où les deux ailes avaient été amputées, il n'avait reçu aucun aliment coloré ; cependant les os correspondants dans ces deux mem- bres étaient également colorés (d). 11 est du reste à noter que par le seul fait du lavage des os colorés opéré avec du sérum qui ne contient pas d'alizarine, l'espèce de laque formée par la combinaison de ce principe avec le phosphate calcaire des os peut à la longue abandonner une certaine quantité d'alizarine et pâlir plus ou moins (e) ; mais ce phénomène pure- ment chimique ne ressemble en rien à la mutation continue de la matière organique dont les physiologistes par- lent d'ordinaire sous le nom de mou- vement nutritif. (1) Chossat (de Genève) a fait une longue série d'expériences intéressantes sur les circonstances qui influent sur la sécrétion urinaire chez l'Homme. Malheureusement il n'a pas dosé di- rectement les matières azotées ef sa- in) Duhamel, Sur une racine qui a la faculté de teindre en rouge les os des Animaux vivants {Mém. de l'Acad. des sciences, 1739, p. 4). (b) Idem, Sur le développement des os (Mém. de l'Acad. des sciences, 1742, p. 365). (c) Flourens, Op. cit. (Mém. du Muséum, t. II, p. 407). (d) Doyère et Serres, Exposé de quelques faits relatifs à la coloration des os chez les Animaux soumis au régime de la garance {Ann. des sciences nat., 2* série, 1842, t. XVII, p. 172) (e) Brullé et Hngueny, Op. nt. (Ann. des sciences nat., 3* série, 1845, t. IV, p. 294). 130 NUTRITION. vérité se trouve entre les deux opinions extrêmes que je viens d'exposer. En effet, d'une part il est évident que des phénomènes de combustion ont lieu dans les liquides nourriciers de l'économie, que des matières organiques en dissolution ou en suspension dans ces fluides peuvent s'y oxyder, et que de ces réactions chimiques il peut résulter de l'acide carbonique ou. d'autres matières brûlées qui sont ensuite excrétées. La transformation des sels végétaux en carbonates, que nous avons déjà vue s'opérer dans le torrent circulatoire, nous en fournit une preuve irré- cusable (1). Mais, d'autre part, les faits fournis par l'étude des changements qui ont lieu dans le corps d'un Animal privé de tout aliment ou nourri d'une manière insuffisante, me semblent prouver non moins clairement qu'il y a consommation de la substance des organes par suite de l'action comburante de Unes qui se trouvent excrétées de la sorte, et il s'est contenté d'en appré- cier approximativement la quantité en déterminant d'une part le volume des liquides évacués, et d'autre part leur densité; puis en multipliant par un facteur constant, 3,32, le produit du- dit volume multiplié par l'excès de la pesanteur spécifique observée sur celle de l'eau distillée. La quantité de ma- tières solides contenues dans les urines a pu être évaluée de la sorte d'une manière satisfaisante ; mais comme la composition du mélange formé par ces substances n'était pas constante, des erreurs assez grandes pouvaient être commises quand on venait à appliquer les résultats ainsi obtenus à l'étude des mutations de la matière organique dans l'intérieur de l'organisme. Quoi qu'il en soit, Cbossat a trouvé que la quantité de matières solides sécrétées par les reins en vingt- quatre beures varie beaucoup suivant le régime ; que cette sécrétion augmente toujours peu de temps après qu'à la suite des repas, les produits de digestion arrivent dans le torrent de la circulation, et qu'il existe des relations intimes entre l'abondance de cette excrétion et la quantité d'aliments albuminoïdes in- troduits dans l'organisme peu de temps auparavant. Il en conclut que c'est l'al- bumine du cbyle qui, en traversant les poumons, se dépouille d'une certaine quantité d'eau et de carbone pour don- ner naissance à de l'acide carbonique et à de l'urée, etc. (a). (1) Voyez ci -dessus, tome VII, page 531. {a) Chossat, Mémoire sur l'analyse des fonctions urinaires {Journal de physiologie deMagenrlie, 1825, t. V, p. 65). SOURCE DES MATIÈRES BRÛLÉES. 431 l'oxygène dont le sang est chargé, que cette substance orga- nisée concourt à l'entretien de la combustion vitale, et qu'une portion des produits excrétés est le résultat des transforma- tions qu'elle éprouve. Examinons ce qui se passe dans l'économie des Animaux Entretien qui, étant privés d'aliments, ne reçoivent du dehors que l'un ia combustion 1,1 ' ' physiologique des facteurs des produits excrémentitiels, et tirent l'autre de leur p^ant r l'abstinence. propre fonds, c'est-à-dire de la substance constitutive de leurs organes ou de la réserve alimentaire représentée tant par la graisse emmagasinée dans leur corps que par les principes albuminoïdes et autres matières combustibles contenues dans leur sang ou dans les autres (luidcs de leur organisme. Ce sujet a été l'objet de plusieurs séries de recherches inté- ressantes laites, les unes par Chossat (de Genève) , les autres parM.Boussingaultetson élève Letellier, puis par MM. liidder et Schmidt, à Dorpat, MM. Bischoff et Voit, à Munich, ainsi que par quelques autres physiologistes; mais il esta regretter que dans la plupart des cas les résultats'constatés par cq<^ expé- rimentations n'aient pas été aussi complets qu'on aurait pu le désirer. Chossat, par exemple, n'a fait usage que de la balance et a négligé l'analyse chimique des matières excrétées, et aucun de ses successeurs n'a déterminé directement la quantité d'oxy- gène fixée dans l'économie animale. Cependant tous sont arrivés à des résultats intéressants, et leurs travaux jettent beaucoup de lumière sur ce que j'appellerai la résorption ou consomma- tion organique, c'est-à-dire la destruction ou l'abandon des matières qui entrent dans la composition du corps vivant, et qui ont été enlevées à l'économie animale, ou, en d'autres termes, la désorgan isa don phys iolog iq ne . § 3. — Nous voyons par les expériences de Chossat que chez Pi'euves les Animaux privés d'aliments, le poids du corps diminue plus ou désorganisation 11 physiologique. moins rapidement, suivant les espèces, ainsi que suivant plusieurs autres circonstances; que dans la première journée de jeune, la 132 NUTRITION. perte diurne, c'est-à-dire la perte subie pendant vingt-quatre heures, est plus considérable que pendant un certain nombre des jours suivants; qu'elle diminue en général progressivement sans présenter cependant de grandes différences, et que pendant la dernière période de l'abstinence mortelle, elle s' élève de nouveau de manière à devenir très-considérable. La mort est toujours la conséquence de cette déperdition quand la diminution du poids total du corps a atteint certaines limites, savoir environ 40 ou 50 pour 100 du poids initial (1). Pendant cette abstinence pro- longée, la combustion respiratoire a continué, l'excrétion de ses produits a contribué pour beaucoup à la production des perles de substance éprouvées par l'Animal ; et l'examen du cadavre a fait voir que les matières enlevées de la sorte avaient été fournies non-seulement par la graisse préexistant dans l'or- ganisme et par le sang, c'est-à-dire par les matières constituant ce quej 'appelle la réserve nutritive, mais aussi parles muscles et même par toutes les autres parties vivantes de l'organisme. La part attribuable au tissu musculaire était d'environ la moitié de la (1) Dans les expériences de Chossat la limite de déperdition compatible avec la vie a paru être de liO centièmes du poids initial pour les Mammifères, et de hh centièmes chez les Oiseaux. 11 en fut à peu près de même dans les expé- riences que ce physiologiste fit sur di- vers Vertébrés à sang froid («). Mais il est évident que cette limite doit varier beaucoup, suivant l'état d'engraisse- ment de l'Animal au commencement de l'expérience. Aussi ne devons-nous pas nous étonner en voyant des résul- tats un peu différents être obtenus dans d'autres circonstances, et je ci- terai à ce sujet les expériences de MM. Bidder et Scbmidt sur un Chat. L'Animal ne mourut qu'après avoir perdu 51,7 pour 100 de son poids initial (b), ce qui dépendait probable- ment de ce qu'il était très-gras. Chossat a trouvé que la mort arri- vait quand le poids du corps était ré- duit de la sorte, soit d'une manière rapide par la privation complète d'a- liments (ou l'inanition), soit d'une ma- nière lente, par suite d'une alimenta- tion insuffisante (c). (a) C. Chossat, Recherches expérimentales sur l'inanition (Mém. de l'Acad. des sciences, Savants étrangers, 1843, t. VIII, p. 447 et suiv.). (b) Bidder et Scbmidt, Die Verdauungssdfte uni der Stoffwechsel, 1852. (f) Chossat, Op. cit. SOURCE DES MATIÈRES BRÛLÉES. 133 perte totale, et celle afférente à la réserve nutritive ne s'élevait pas au tiers de cette perte intégrale (1). Je ne présente pas ces nombres comme l'expression de la consommation réelle de la substance constitutive des fibres musculaires ou des autres tis- sus de l'économie; car Chossatn'a pas tenu compte des matières organiques en dissolution ou en suspension dans les liquides dont ces parties sont imprégnées, matières que nous devons considérer comme appartenant à la réserve nutritive, de même que le sang et les dépôts de graisse; mais les résultats que je viens de rapporter n'en sont pas moins d'une grande impor- • tance pour la connaissance des phénomènes dont l'étude nous occupe ici. Dans des recberches analogues faites sur des Tourterelles par (1) Pour constater la part que les diverses parties de l'organisme peuvent avoir à supporter dans la perte, totale déterminée par l'abstinence, Chossat a divisé en deux lots les Animaux em- ployés à ses recherches : ceux du pre- mier lot furent asphyxiés au commen- cement de l'expérience, et le poids total de leur corps, puis le poids de leur sang, de leur graisse, de leur peau et de chacun de. leurs organes fut déterminé avec autant de précision que possible. Les mêmes observations fu- rent répétées sur les cadavres des Ani- maux morts de faim, et la perte subie par chaque partie de leur corps fut calculée d'après les termes de compa- raison fournis par les Animaux as- phyxiés. D'après ces données, Chossat a évalué de la manière suivante la perte intégrale de chaque partie comparée à son poids initial : Graisse* 0,933 Sang 0,750 Raie 0,71 t Pancréas 0,641 Foie 0,5-20 Cœur O.iiS Intestins 0,421 Muscles locomoteurs. . 0,423 Peau 0,333 Système osseux. ... 0,107 Système nerveux. . . 0,019 Ainsi la presque totalité de la graisse avait disparu de l'organisme ; le sang était réduit des trois quarts de son poids initial ; les muscles avaient perdu près de la moitié de leur poids, tandis que la perte de substance subie par le sys- tème nerveux avait été au-dessous de 1/50. Une perte intégrale abso- lue de 142'r, 17 se composait de 38='r,ft7 atuïbuablesàlagraisse;de7'r,86 four- nis par le sang; de 7/iS',63 par le sys- tème musculaire, de 15sr,87 pour les glandes, la peau, etc., et de 5gr,3Zt pour le système osseux (a). (a) Chossat, 0p. cit. (Mèm. de l'Acad. des sciences, Savants étrangers, t. VIII, p. 530 et 531). 134 NUTRITION. Letellier, le dosage de la graisse existant dans l'organisme, soit chez les individus pris comme terme de comparaison au commencement de l'expérience, soit chez ceux qui avaient été privés d'aliments pendant plusieurs jours, a été fait d'une ma- nière plus exacte, et les résultats obtenus de la sorte indiquent que la graisse fournit une part un peu plus grande à la consom- mation physiologique des substances constitutives de l'économie animale ; mais au moins les deux tiers des pertes éprouvées pendant l'abstinence devaient encore être attribués aux tissus et aux autres parties de l'organisme (1). M. Boussingault a avancé davantage la question. 11 a déter- miné comparativement les diverses pertes intégrales de l'orga- nisme subies par une Tourterelle privée d'aliments : la quantité de carbone exhalée par les voies respiratoires chez le même Animal, et la quantité d'azote, de carbone et d'hydrogène contenue dans les matières urinaires ou les autres produits exerémeutitiels évacués sous la forme de fèces. Par conséquent il a pu mieux apprécier la marche de la combustion vitale dans ces conditions biologiques. Or, il a trouvé que la quantité de graisse brûlée dans les vingt-quatre heures pouvait être évaluée à 2gr,58, tandis que les pertes diverses atfribuablcs à la com- bustion des principes albuminoïdes de l'organisme s'élevait à 4e',58 (2). (1) Effectivement , en discutant les résultats obtenus par Letellier, on voit que les Tourterelles privées d'aliments pesaient en moyenne l/il grammes, et par conséquent ne pouvaient contenir au début de l'expérience, d'après la moyenne générale servant de terme de comparaison, qu'environ 21 gram- mes de graisse. Or, la perle totale du poids qu'elles ont éprouvée pendant la durée de l'abstinence était en moyenne de 62 grammes. Ces Oiseaux avaient donc perdu au moins /il grammes de substance en sus des pertes dues à la consommation de la graisse (a). (2) Dans cette expérience, de même que dans celles de Chossat, la perle in- tégrale diurne s'est notablement abais- (o) Letellier, Observations sur l'action du sucre dans l'alimentation des Granivores (Ann. de chimie et de physique, 3' série, 1844. t. XI, \>. 159). SOURCE DES MATIÈRES BRULEES. 135 Enfin je signalerai comme une étude plus complète du même sujet les recherches de MM. Bidder et Schmidt sur les effets de la privation d'aliments chez le Chat. J'aurai souvent à les citer, et en ce moment je me bornerai à dire qu'elles confirment pleinement les résultats fournis précédemment par les expé- riences de Chossat, relativement à la consommation rapide et considérable de tissu musculaire, aussi bien qu'à l'emploi de la réserve nutritive pour l'entretien de la combustion phy- siologique pendant l'abstinence. Ainsi un Animal pesant 2572 grammes fut privé d'aliments; il vécut de la sorte pen- dant dix-huit jours, et il perdit pendant ce temps 30gr,807 d'a- zote, 205sr,96 de carbone, et 927gr,6w2 d'eau. Or, pour fournir à cette dépense, le sang avait perdu 93 centigrammes de son séc le second jour de l'abstinence; mais elle est restée ensuite à peu près la même pendant les sept jours qui' dura le jeûne. La quantité de carbone brûlé par l'Animal en vingt-quatre heures n'atteignait pas la moitié de celle consommée par le même indi- vidu dans l'étal normal, et a varié (!<> 0sr,21 à 06' ,07 par heure, sans que ces différences aient paru avoir aucun rap- port constant avec la durée de l'inani- tion (a). Voici les quantités de carbone exhalées par heure , sous la forme d'acide carbonique , par un de ces Oiseaux : (ir.tm. 1" Après avoir mange .... 0,213 2° Après avoir été privé d'ali- ments pondant vingt- quatre heuros 0,114 3° Le quatrième jour d'inani- tion 0,1 i i Gram. 4* Le sixième jour d'inanition. 0,113 5" Le septième jour d'inani- tion 0,072 Hans une autre expérience faite sur une Tourterelle du poids de 176 grammes , la quantité d'acide carbonique produite en une heure a été de : lïi .im. 0,11 4 après deux jours d'inanition. 0,121 après quatre jours d'inanition. 0,095 après onze heures seulement d'inanition. 0,073 après trente-six heures d'inani- tion. 0,0G5 après deux jours et demi d'ina- nition. 0,077 aprè9 trois jours et demi d'ina- nition. 0,077 après quatre jours et demi d'ina- nition. (a) Boussingault, Analyses comparées de l'aliment consommé et des excréments rendus par une Tourterelle {Ann. de chimie et de physique, 3" série, 1844, t. XI, p. 448). 136 NUTRITION. poids initial, la graisse 80 centigrammes, l'appareil muscu- laire 66 centigrammes, et l'axe cérébro-spinal 37 centigrammes. Enfin la quantité d'azote exhalée correspond à la désorganisa- tion de plus de 200 grammes de tissu musculaire supposé sec et dépouillé de graisse (1). (1) Les principaux résultats de cette Bidder et Schmidt dans le tableau ci- expérience ont été résumés par MM. joint (a) : DESIGNATION des ORGANES. REPARTITION DES MATIERES CONSTITUTIVES DE L'ORGANISME. AVANT L'INANITION, POIDS TOTAL 2572 GR. Muscles et ten- dons Os Graisse Œsophage, esto- mac el entrailles Axe cérébro-spi- nal Foie Poumons . . . . Reins Raie Pancréas Glandcssalivaires Cœur Aorte et veine cave Mésentère et épi- ploon Veux avec leurs muscles .... Larynx et trachée Utérus Vessie Ovaires Peau Poids à l'état frais. Sang- Bile. 1158,32 379,26 310,87 166,95 49,88 122 2t 2l'72 23,14 8,12 7,71 2,90 10,85 3,43 98,15 37,82 5,86 2,50 1,06 155,25 Totaux. Eau. 881,47 172,56 164,14 129,39 38,86 89,34 21,95 18,37 6,38 6,00 2,30 8,44 2,64 42,60 26,25 3,93 » 1,92 0,82 130,57 Sub- stance sèche. 276,85 206,70 146,73 37,56 11,02 32,87 5,77 4,77 1,74 1,71 0,60 2,41 0,79 55,55 11,57 1,93 » 0,58 « 0,24 24,08 APRES L INANITION, POIDS TOTAL 1241 GR. PERTES EPROUVEES PENDANT L'INANITION. 2572,00jl747,93 824,07 Poids à l'état frais. G uni. 380,98 325,00 215,40 115,40 31,12 49,33 20,55 21,70 2 27 T,h 1,01 12,33 2,13 19,00 12,02 4,33 10,91 5,36 0,39 9,88 0,96 Eau. 1241,02 281,98 118,30 77,11 88,28 23,71 37,74 15,39 16,58 1,75 0,87 0,61 9,40 1,02 14,17 9,14 2,87 8,61 4,14 0,29 7,52 0,79 Sub- stance sèche. 723,87 96,00 206,70 138,29 27,12 7,41 11,59 5,16 5,12 0,52 0,26 0,40 2,93 0,51 4,83 2 1,46 2,30 1 22 o|ïo )> 2,36 0,17 POIDS ABSOLU. Eau. 596,49 54,26 87,03 - 41,11 15,15 51,60 6,50 1,79 4,63 5,13 1,69 0,90 Sub- stance sèche. + 517,33 — 1,02 — 28,43 — 17,11 — 1,06 » + 2,22 » — 123,05 + -1021,06 GlMT", -180,85 0,0 - 8,44 - 10,44 - 3,61 - 21,28 - 0,61 0,35 \ 22 — i'.h — 0,20 + 0,52 — 0,28 — 50,72 — 8,69 — 0,47 + 0,64 » oo oo POIDS RELATIF correspondant A 100 GR. ■9« = • - -306,49 58,4 Gr.im 66,9 14,3 3u,7 30,9 37,6 59,6 25,9 6,2 72,0 85,4 65,2 37,8 80,7 08,2 26,2 93,7 65,0 0,0 5,7 27,8 32,9 64,7 lu, 5 •> 70^2 84,5 58,2 •) 35,6 91,3 75,1 24,3 » » 90,4 37,2 (a) Bidder und Schmidt, Die Verdauungssaefte und der Sto/fwcchsel, 1852, p. 331. SOURCE DES MATIÈRES BRÛLÉES. 137 § h. — D'après tous ces faits, il me paraît bien démontré que conséquence , , de ces faits. la combustion physiologique peut être entretenue aux dépens de la substance constitutive des organes ; mais cette oxydation de matières albuminoïdes est-elle un phénomène nécessaire ou n'a-t-ellc lieu dans les circonstances dont je viens de parler que parce que le principe comburant porté dans l'intérieur de l'économie parla respiration n'y trouve pas une quantité suffi- sante d'autres combustibles organiques ? En d'autres termes, la combustion vitale peut-elle être entretenue indifféremment par toute espèce de matières oxydables, ou doit-elle nécessairement être alimentée en partie par la substance des tissus animaux ou d'autres combustibles azotés du même ordre? Si l'entretien de cette combustion était l'unique condition de l'activité physiologique des Animaux, ceux-ci devraient pouvoir se nourrir d'aliments hvdrocarbonés sans mélange de matières azotées, à moins que ce ne fût pendant la période de croissance, lorsque leurs tissus, en voie de développement, nécessitent l'assimilation de matériaux semblables à ceux dont ces parties se composent. On devrait même s'attendre à voiries aliments remplir d'autant mieux leur rôle d'agents nutritifs, qu'ils seraient plus combustibles, ou du moins plus riches en carbone, en hy- drogène, et par conséquent les substances carbo-hydrogénées, telles que le sucre ou les graisses, seraient les aliments par excellence, ou tout au moins des aliments suffisants. Mais il n'en est pas ainsi : nous savons, par les expériences de Magendie et de plusieurs autres physiologistes, que ces aliments ne répon- dent pas à tous les besoins de l'organisme, et que les Animaux adultes, aussi bien que les Animaux en voie de développement, meurent toujours plus ou moins promplement quand ils ne trouvent pas dans leur nourriture des principes organiques azotés (1). (1) A l'époque où Magendie entre- légistes n'avaient que des idées très- prit ces recherches (1816), les physio- vagues ci fort incomplètes, ou même vin. 10 1o8 NUTRITION. Il est aussi à noter qu'un Animal nourri avec de la graisse, du sucre ou tout autre élément non azoté, continue à excréter des produits azotés par les voies urinaires. Or, dans ce cas, l'azote qu'il élimine ne peut provenir que de sa propre sub- stance, c'est-à-dire des matières azotées qui constituent les tissus de ses organes, ou qui se trouvent soit en dissolution, soit en suspension dans son sang et dans les autres fluides de l'organisme. La destruction d'une certaine quantité de matières de cet ordre, et leur transformation en urée ou en quelque pro - duit analogue, ont lieu constamment, quel que soit le régime de l'animal. j'ajouterai qu'un Chien qui ne mange que de la viande dépouillée de graisse peut, sans diminuer de poids, satisfaire à toutes les causes de déperdition inhérentes à son mode d'exis- tence (1). Il n'en continue pas moins à exhaler de l'acide Car- erronées, sur le rôle des aliments dans la nutrition, et assez généralement on supposait que les Animaux avaient la faculté de transformer en matière histo- génique toute substance nutritive; que la gomme ou le sucre, par exemple, se changeaient ainsi en chair, aussi bien que l'albumine ou la fibrine. Magendie chercha à déterminer si la vie d'un Animal pouvait être entre- tenue de la sorte à l'aide de matières réputées nutritives, qui ne contien- nent pas d'azote, et dans celte vue il soumit des Chiens à l'usage exclusif de sucre et d'eau distillée. Les Ani- maux soumis à ce régime dépérirent rapidement , la cornée transparente s'altéra, la faiblesse générale devint extrême, et la mort arriva au bout d'environ cinq semaines. En employant comme aliment unique, tantôt de la gomme , d'autres fois du beurre ou de l'huile, Magendie obtint le même résultat (a). Ainsi , dans les expériences de MM. Bischoff et Voit, relatives à l'in- fluence de l'alimentation sur les pro- duits de la sécrétion urinaire, nous voyons que chez un Chien dont la ration se composait uniquement de graisse, la quantité d'urée sécrétée en vingt-quatre heures était d'environ Ih grammes, et renfermait une quan- tité d'azote correspondant à 17 centi- grammes pour 1 kilogramme du poids total du corps (b). (I) La possibilité d'entretenir de la sorte un Chien a été constatée par M. Bischoff. (a) Magendie, Mémoire sur les propriétés nutritives des substances qui ne contiennent pas d'aio'e. 1816 {Journal de médecine de Leroux, 1817, t. XXXVIII). (b) Bischoff et G. Voit, Die Gesrlie der Ernflhrung des Fleischfressers, 18G0, p, 150 et suiv. SOURCE DES MATIÈRES BRÛLÉES. 1 .39 bonique, ainsi qu'à excréter de l'urée, et cela s'explique faci- lement, même sans l'intervention des matières grasses emma- gasinées dans son corps : car, dans ce cas, il brûle beaucoup de matières proléiques, comme on peut en juger par l'abon- dance des produits azotés que ses reins excrètent, et les prin- cipes albuminoïdes, en s'oxydarit pour donner naissance à de l'urée, doivent nécessairement perdre beaucoup de carbone et d'hydrogène. § ."). — L 'étude du mode d'alimentation des Animaux et celle Elliploi direcl des produits ordinaires du travail nutritif dont ils sont le siège, p0duersSë«en nous conduisent également à reconnaître que, dans l'état normal, ^^Hem la combustion vitale est entretenue en partie par la substance p,,yslol°s"iuc- des organes et en partie par les substances combustibles non azotées qui se trouvent dans le sang, OU qui sont emmagasinées autrement dans l'intérieur du corps, et qui ne sont pas aptes à servir de matériaux pour la constitution des tissus vivants. C'est donc avec raison que M. Dumas, dans ses savantes leçons sur la chimie physiologique, laites il y a une vingtaine d'années à noire école de médecine, et M. Liebig, dans une série de pu- blications d'un haut intérêt sur le même sujet, ont divisé les aliments en deux classes principales : ceux qui ne sont destinés qu'à l'entretien de la combustion vitale, et ceux qui sont assi- milables aux parties vivantes de l'organisme. Les premiers sont appelés communément les aliments respiratoires, et consistent en substances organiques carbo-hydrogénées, qui ne renferment pas d'azote, telles que le sucre et les graisses; les seconds ont reçu le nom autres fluides de l'économie. En effet, le poids de son corps diminue alors progressivement, et, ainsi que je l'ai déjà dit, celte perte est déterminée en partie par l'excrétion d'une cer- taine quantité d'urée; mais si le même Animal reçoit journelle- ment une ration do graisse sans addition d'aucun aliment azoté, non-seulement le dépérissement est moindre, mais la quantité absolue d'urée est diminuée. Ainsi, dans une scrio d'expériences fort instructives faites sur ce sujet par MM. Bischoff et Voit, le môme Animal a perdu par les.voies urinaires, en vingt-quatre heures, terme moyen, entre 30 et "22 centigrammes d'azote pour chaque kilogramme du poids de l'organisme, quand il était privé d'aliments, et seulement 17 centigrammes d'azote quand il recevait une ration de graisse. § 8. — Mais si les aliments doivent préserver les tissus vi- conséquences vants des causes de destruction ((('pendant d'une oxydation des "aliments superflue, en même temps qu'ils son! appelés à fournir aux organes les matières voulues pour leur croissance et pour la réparation des pertes auxquelles leur substance est nécessaire- ment assujettie, on conçoit que ces corps, pour bien remplir leur rôle, doivent être de deux sortes : les uns doivent être essentiel- lement réparateurs el organisâmes ; les autres doivent être doués d'une affinité plus grande pour l'oxygène que ne le sont les matériaux constitutifs des tissus vivants, c'est-à-dire doivent être plus combustibles. Or, ces caractères sont réunis, d'une part dans les aliments azotés, que nous avons appelés plastiques, d'autre part dans les aliments carbo-hydrogénés, que nous avons dési- gnés sous le nom d'aliments respiratoires. Nous pouvons donc prévoir que le régime le plus favorable à l'accomplissement du travail nutritif doit être \m régime mixte dans lequel il entre à la fois, suivant certaines proportions, des aliments azotés, tels que la fibrine, l'albumine ou la caséine, et des aliments dépour- vus d'azote, mais riches en carbone et très-oxydables, tels que les fécules, les sucres et les graisses. \I\ll NUTRITION. uiiiiit' § 9. — L'expérience est pleinement d'accord avec ces vues aiimematk>n théorî* jucs, et l'étude chimique des substances que la nature mixte. . . r, , . . _ destine uniquement a 1 alimentation des jeunes Animaux, dont la nutrition doit cire à la fois facile et forte, suffirait même pour nous apprendre qu'un pareil mélange convient mieux que tout autre régime. En effet, il est deux produits animaux, qui sont pour ainsi dire les types les plus parfaits de l'aliment, savoir : le lait, qui est la nourriture préparée par la Nature pour répondre aux besoins de l'Homme et des autres Mammifères pendant les premiers temps de leur vie ; et le jaune d'œuf, qui est une pro- vision de matière nutritive destinée à être employée d'une ma- nière analogue par l'embryon des Animaux ovipares, en atten- dant que ces êtres puissent cbercher dans le monde extérieur les aliments qui leur conviendront. Or, le lait et le jaune d'œuf, comme nous le verrons par la suite, sont l'un et l'autre des corps riches en principes albuminoïdes et en principes gras, c'est-à-dire en aliments plastiques et respiratoires. Ainsi, par son exemple, la Nature nous enseigne à donner aux Animaux que nous voulons nourrir le mieux possible, des aliments mixtes. Il est également à remarquer que la plupart des aliments dont les Animaux font usage instinctivement, sont en réalité des mélanges de ce genre. En effet, les Carnassiers trouvent dans leur proie des matières grasses aussi bien que des matières albuminoïdes, et presque toujours les substances végétales que les phytophages mangent contiennent du gluten ou quel- que autre principe azoté du même ordre, associé à de la fécule, du sucre ou des corps gras. Seulement, dans les aliments d'o- rigine animale, ce sont les matières plastiques qui prédominent, tandis que dans les aliments végétaux, ce sont d'ordinaire les principes immédiats earbo-bydrogénés qui abondent. § 10. — Avant d'aller plus avant dans l'étude des phéno- mènes de combustion dont l'économie animale est le siège, RÔLE DES ALIMENTS. 1^5 et d'examiner plus en détail les conséquences de cette action influence 1 * do l'irrigation chimique, je dois rappeler que la destruction des combus- physiologique tibles organiques effectuée ainsi n'est pas la seule cause de ia résorption, déperdition de substance agissant dans l'organisme, et que, par conséquent, ce n'est pas uniquement pour répondre aux besoins créés de la sorte, que l'Homme et les Animaux sont soumis à la nécessité de s'assimiler sans cesse de nouvelles quantités de matières étrangères. En effet, nous avons vu que de l'eau en quantité plus ou moins considérable circule toujours dans l'intérieur de leur corps, et qu'une partie de ce liquide s'échappe constamment au dehors sous la forme d'urine et d'au- tres humeurs excrémentiticlles. Or, cette eau lave, pour ainsi dire, les tissus qu'elle baigne, et doit entraîner avec elle une portion des matières solubles qui entrent dans leur composition ou qui s'y trouvent déposées. Par conséquent, pour empêcher cette soustraction de matière, ou pour en contre-balancer les effets, il faut que l'eau introduite dans l'organisme soit accom- pagnée d'une certaine proportion de ces mêmes substances solubles dont la présence l'empêche de se charger de celles préexistantes dans les tissus, ou permette à ceux-ci d'y puiser pour réparer les pertes qu'ils peuvent avoir subies. Pour mettre bien en évidence ce genre d'échanges qui s'éta- blit entre les solides et les liquides de l'économie animale, sui- vant que les uns ou les autres sont plus ou moins chargés des matières pour lesquelles ils ont une certaine affinité, il me paraît utile de prendre en considération certains phénomènes que l'on n'observe pas dans les circonstances ordinaires, et qui sont faciles à constater d'une manière nette. L'étude du mode d'action des poisons sur l'économie ani- male a permis aux physiologistes de reconnaître que beaucoup de substances minérales, qui ne sont pas des matériaux nor- maux de l'organisme et qui sont portées dans le torrent de la circulation par absorption ou autrement, se déposent dans le \(\Q NUTRITION. (issu de certains organes, et s'y combinent de manière à y être retenues avec plus ou moins de force. Ces tissus enlèvent donc au sang une portion de ces matières minérales dont la présence dans l'économie est accidentelle ; mais lorsque, par suite de la cessation de l'arrivée de ces matières étrangères et du renouvellement normal de l'eau dans le fluide nourricier, celui-ci cesse d'en être chargé, il redissout peu à peu les sub- stances qu'd avait abandonnées lorsqu'il en était saturé, et les expulse ensuite au dehors avec la portion de liquide qu'il cède aux organes excréteurs. Ainsi, dans les cas d'empoisonnement par les préparations arsenicales , la substance toxique est absorbée et introduite dans le sang ; puis elle circule avec ce fluide dans toutes les parties du corps, mais elle s'arrête dans certaines parties, et se fixe plus particulièrement dans le tissu du foie et de quelques autres organes, où elle s'accumule de façon à être facile à découvrir par les procédés d'analyse dont la chimie moderne dispose (1). Mais lorsque les désordres (1) Ce dépôt de l'acide arsénieux dans la substance des divers tissus de l'organisme, lorsque cette matière mi- nérale se trouve dans le torrent de la circulation, a été très- bien établi par Orfila. Ce toxicologiste a constaté aussi que le poison ainsi emmagasiné est en- suite résorbé et expulsé de l'organisme parla sécrétion ui inaire; circonstance qui explique L'utilité des diurétiques dans les cas où de petites quantités d'arsenic ont été absorbées (o). Des faits du même ordre ont été fournis par l'étude de l'action lente des préparations antimoniales sur l'économie animale. Ainsi, en expéri- mentant sur des Chiens, M. Millon a vu qu'à la suite de l'administration quotidienne d'une certaine quantité de tartre émélique, pendant plusieurs jours, l'antimoine se retrouve en pro- portions à peu près égales dans toutes les parties de l'organisme ; mais lors- que les Animaux qui ont été empoi- sonnés de la sorte ne périssent pas et sont remis à leur régime ordinaire, ce métal disparait assez promptement du tissu musculaire et de quelques autres parties du corps, tandis qu'il séjourne fort longtemps dans le foie, dans le tissu adipeux et dans les os. Chez un Chien qui fut tué quatre mois après la résorption de l'émétique, on trouva des quantités considérables d'anti- (a) Orfila, Mémoires sntr l'empoisonnement (Mém. de l'Acad. demédecine, 1*40, t. VIII, p. 418). - Traité de toxicologie, 1852, t. 1, p. 453). ROLE DES ALIMENTS. lkl produits ainsi ne sont pas mortels, et que l'introduction de l'arsenic dans le sang ne continue pus, le métal déposé de la sorte est peu à peu repris par les fluides en circulation et éliminé de l'organisme par la sécrétion uriuaire. 11 en est de même pour le mercure et pour le plomb ; suivant qu'il en existe davantage dans le sang ou dans les tissus qui sont aptes à s'en emparer, le torrent irrigatoire en dépose ou en enlève à mesure qu'il traverse ceux-ci, et, lorsque les solides vivants ont été chargés d'une de ces substances toxiques, on peut en accélérer la résorption et l'expulsion au dehors en introduisant dans le sang certains médicaments qui rendent ce liquide plus apte à attaquer et à dissoudre les composés insolubles que ce métal avait formés dans la profondeur des organes : par exemple, en administrant de l'iodure de potassium 1). Il en résulte que par l'effet de la combustion physiologique d'une part, et du lavage irrigatoire d'autre part, toutes les sub- stances combustibles ou solublcs qui entrent dans la compo- moine dans le foie ei dans les os, niais les autres parties du corps n'en contenaient que#fort peu (a). M. A. F. Orfila a constaté qu'à la suilede l'introduction lente des sels so- lubles de plomb et de cuivre dans l'éco- nomie animale, ces métaux pouvaient séjourner dans le foie, les os, etc., pendant huit mois ou même davan- tage , mais que peu à peu ils sont résorbés et excrétés avec les urines, la sueur, etc. {b). (1) On doit à Al. Melsens des re- cherches intéressantes sur ce sujet. Les composés mercuriels insolubles , tels (pie ceux résultant de l'action du sublimé corrosif sur les matières albu- niinoïdes, se dissolvent dans l'iodure de potassium, et cette substance, in- troduite dans le torrent de la circula- tion, les déplace, puis les entraîne .m dehors par les voies urinaires. Cela ex- plique l'utilité de l'emploi de ce médi- cament dans les cas d'intoxication lente par le mercure. Des etïels analogues sont produits par l'iodure de potas- sium, lorsque l'organisme est chargé de matières contenant du plomb (c). (a) Hilton, Sur lu permanence de l'antimoine dans les organes vivants {Revue scientifique et industrielle, 1847, t. XXVI, p. 3(3). (b) A. F. Orfila, De l'élimination des poisons, thèse. Paris, 1852. (r) Melsens, Mémoire sur l'emploi de l'iodure de potassium pour combattre les affections saturnines et mercurielles \Ann. de chimie et de physique, 3' série, 1849, t. XXVI, p. 215). — Parkes, On the Elimination of Lead by lodide of potassium [British and Foreion tted Heview, 1853, p. 522). Diversité iks éléments chimiques dont l'introduction est nécessaire. M\& NUTRITION. sition du corps animal sont susceptibles d'être détruites ou enlevées, et que pour empocher ces pertes ou pour les réparer, l'être vivant a besoin d'introduire continuellement dans son organisme de nouvelles provisions de chacune de ces sub- stances, lors même que sa croissance est terminée, et que son poids doit rester stationnaire. Pour se nourrir, il lui faut donc non-seulement des matières organisées propres à la formation de ses tissus, et des aliments de la respiration, mais aussi toutes les substances inorganiques qui sont nécessaires à la constitution, soit de ses organes, soit de ses humeurs, et qui sont sans cesse entraînées au dehors avec l'eau dont les reins ou les autres glandes opèrent l'excrétion. Ainsi l'Animal adulte, de même que l'Animal en voie de développement, a besoin de trouver dans ses aliments, en cer- taines proportions, tous les éléments constitutifs des corps composés qui sont à leur tour les matériaux dont ses organes sont formés, et il faut que ces éléments lui soient fournis dans un état tel, qu'il puisse les utiliser, c'est-à-dire déjà combinés de façon à fournir les matériaux dont je viens de parler, ou des substances à l'aide desquelles il pourra les produire. Pour connaître les besoins nutritifs d'un Animal, il suffit donc de connaître ce qui compose son organisme et la quantité de chacun de ses matériaux constitutifs qu'il perd en un temps donné, soit par les voies respiratoires, soit par la sécrétion urinaire ou toute autre excrétion. § i\ . — Ainsi que chacun le sait, les corps que les chimistes appellent simples ou élémentaires, parce qu'on n'en peut ob- tenir que des molécules d'une même sorte, ne peuvent être ni détruits, ni créés, ni transformés par les forces dont l'Homme dispose, et, à cet égard, la puissance vitale n'est pas plus grande. Aucun élément chimique ne peut donc naître dans l'économie animale, et tous les corps simples qui s'y trouvent ont dû v arriver du dehors. Jadis quelques physiologistes pen- ROLE DES ALIMENTS. 1/|9 saient qu'il n'en était pas ainsi, et que certains éléments étaient créés dans l'intérieur de l'organisme; mais c'est là une erreur dont la réfutation serait aujourd'hui superflue, et il suffit de la signaler en termes précis pour en faire justice. 1! est vrai que dans quelques cas certains éléments n'arrivent dans le corps de quelques Animaux qu'en si petites quantités à la fois, que nos moyens d'analyse ne nous permettent pas d'en constater toujours la présence dans les aliments ou les boissons dont ces êtres font usage ; mais toutes les fois (pie l'origine des matières constitutives de l'organisation a été attentivement examinée, on a pu se convaincre de la généralité de la loi que je viens de rappeler. Pour dresser la liste complète des éléments qui entrent dans Analogie 1 .Je composition la composition de la substance constitutive de l'organisme, il des principaux 1 aliments. faut analyser le corps tout entier de l'Animal dont on s'oeeupe. Mais l'étude que nous avons déjà faite de la composition du sang peut nous suffire en ce moment, car ce liquide est en quelque sorte le fonds commun dont toutes les parties de l'économie tirent leur substance, et par conséquent il doit contenir tout ce (pie ces parties renferment. Je me bornerai donc à rappeler ici tpie ce fluide nourricier est formé par de l'eau tenant en disso- lution ou en suspension des matières minérales fort diverses, aussi bien que des matières organiques, parmi lesquelles il en est qui sont composées non-seulement d'azote, de carbone, d'hydrogène et d'oxygène, mais aussi de soufre et de phos- phore. Au nombre des substances inorganiques se trouvaient le chlorure de sodium, des sulfates et des phosphates de soude, de potasse, de chaux et de magnésie ; enfin des composés de silice, de fer, etc. Par conséquent, il faut que l'Homme et les Animaux trouvent dans leurs aliments non-seulement du car- bone, de l'azote, de l'hydrogène et de l'oxygène, mais aussi du soufre, du phosphore, du chlore, du sodium, du calcium, et tous les autres éléments que je viens d'énumérer. 150 NUTRITION. Du reste, sauf les proportions qui varient, les mêmes élé- ments essentiels se trouvent réunis dans le corps de tous les êtres vivants, que ceux-ci soient des Animaux ou des plantes; et par conséquent la substance des uns et des autres peut tou- jours être un aliment complet pour l'Animal qui a le pouvoir d'en absorber une quantité suffisante. Ainsi, le régime du Carnassier et celui de l'Herbivore diffèrent entre eux beaucoup moins qu'on ne serait porté à le croire au premier abord. La proie dont le premier se nourrit contient beaucoup de matières grasses associées à des matières azotées, et par conséquent fournit à celui-ci un mélange d'aliments respiratoires et plas- tiques, en môme temps que des phosphates terreux et les autres sels minéraux dont l'organisme a besoin (i). Dans le régime de l'Herbivore, la proportion des matières carbo-hvdrogénées est plus considérable ; mais dans presque tous les aliments végé- taux, tels que la Nature les fournit, il y a aussi des substances azotées, et si l'Animal est capable de digérer une quantité considérable de ces matières végétales, il y trouve en définitive tout l'azote dont il a besoin. Il est aussi à noter qu'en général les Animaux boivent en quantité plus ou inoins considérable de l'eau, qui tient en disso- (1) On doit à MM. Gilbert et Lawes des Animaux de boucherie, les pre- nne longue ^érie de recherches très- mières sont beaucoup plus abondantes, intéressantes sur la composition chi- Quand ces Animaux ont été engraissés mique de l'ensemble de l'organisme pour le marché, on trouve chez le des divers Animaux de boucherie Bœuf deux ou trois fois autant de employés en Angleterre, et sur celle graisse cpie de matières azolées sèches, des différentes parties de leur corps. Chez les Moulons, cette proportion Ils ont trouvé que la viande , telle s'élève ordinairement à h pour 1, et qu'on la mange ordinairement, con- atteint quelquefois 6 pour 1 (a). En tient plus de matières grasses que France, les Animaux de boucherie ne de substance azotée sèche, et que sont pas chargés d'autant de graisse dans le corps entier de la plupart qu'en Angleterre. (a) Lawcs and Gilbert, On the Composition of sorne of the Animais fed and sVanijhtered as humun food(Philos. Tram., 1850, y. 024). ÉVALUATION DES BESOINS. 151 lulion des sels calcaires et autres. Or, ces matières minérales concourent aussi à ["entretien du travail nutritif dont leur orga- nisme est le siège, et il est probable que si beaucoup d'Ani- maux marins périssent plus ou moins promptement dans l'eau douce, cela dépend souvent de ce qu'ils ne trouvent pas dans celle-ci, comme dans l'eau de la mer, toutes les substances minérales dont ils ont besoin pour la constitution de leur orga- nisme (1). Ainsi, en résumé, nous voyons que, pour l'alimentation normale des Animaux, il faut la réunion de trois sortes de sub- stances : des matières organiques plastiques (2), des matières organiques essentiellement combustibles, et des matières miné- rales, lesquelles se trouvent effectivement associées dans pres- 1) U me parait également très-pro- bable que l'inaptitude de certains ani- maux marins à vivre clans Peau douce, ou de certains Animaux d'eau douce à vivre dans l'eau salée, dépend des phénomènes osmotiques qui se pro- duisent lorsqu'ils changeai de milieu. Ainsi l'Animal qui habite les eaux de la mer doit, par un effet d'endosmose, se charger d'une quantité inaccoutu- mée d'eau, lorsqu'il vient à être plongé dans de l'eau qui n'est pas chargée de sel, et l'Animal d'eau douce qui subit le contact de l'eau de la mer doit au contraire céder à ce liquide une cer- taine quantité de l'eau dont les tissus situés près de la surface de son corps sont chargés. Il serait intéressant d'étudier à ce point de vue l'action des bains. L'insalubrité des eaux qui provien- nent de la fonte des neiges et qui n'ont pas coulé longtemps sur un sol chargé de sels calcaires, dépend en partie de leur trop grande pureté et de l'absence d'une proportion convenable de ma- dères calcaires en dissolution. (2) bien ne nous autorise à penser que les substances azotées non orga- niques puissent servir à la nutrition de la plupart des animaux , et se substituer aux matières albuminoïdcs dans les phénomènes bistogéniques. Je dois ajouter, cependant, que quel- ques chimistes pensent que les compo - ses ammoniacaux peuvent être utilisés dans l'intérieur de l'organisme. Ainsi, M. Kublmann, ayant remarqué que les Mollusques d'eau douce se multipliaient beaucoup dans les fossés d'une usine où arrivaient des eaux chargées de bicarbonate d'ammoniaque, entreprit quelques expériences sur l'emploi des sels ammoniacaux dans l'alimentation des Cochons. Il constata que ces Ani- maux peuvent en prendre sans incon- vénient des doses considérables mêlées à leurs aliments, et que, sous l'in- fluence de ce régime, leur urine devient plus alcaline et paraît plus chargée 15*2 NUTRITION. que toutes les substances alimentaires, (elles que la Nature les fournit. Modes d'apprécintio» § 12. — Il résulte également de l'ensemble des faits dont des besoins . . . , nuiritffe. je viens de rendre compte, que 1 utilisation des matières ali- mentaires dans la profondeur de l'organisme est corrélative de l'oxydation de ces mêmes matières ou de celles qu'elles rem- placent, et que, par conséquent, tout ce travail intérieur, que je désignerai d'une manière générale sous le nom de mutation nutritive, est subordonné à l'absorption et à la fixation de l'oxygène introduit dans l'économie animale par l'acte de la respiration. Il doit donc y avoir une relation directe entre la grandeur de la puissance respiratoire et l'intensité du mouve- ment nutritif. Par conséquent encore, nous pourrons juger de la valeur fonctionnelle de ce mouvement par la quantité d'air que l'Animal consomme (I). Les connaissances que nous avons acquises au commence- ment de ce Cours, touchant l'activité respiratoire des divers Animaux et du même Animal, quand il est placé dans des con- ditions différentes, peuvent ainsi nous aider dans l'appréciation des mutations nutritives. Mais les rceberebes relatives aux d'urée que dans les circonstances Lartrate d'ammoniaque est un aliment ordinaires (a), tout comme le serait de l'albumine ou Pour les Animalcules qui jouent le de la caséine (6). rôle de ferments, et qui vivent à la (l) Tout ce que je dis ici s'ap- manière des Végétaux, en réduisant plique aux Animaux ordinaires ; mais des matières oxydées, la faculté d'uti- les recherches récentes de M. Pasteur liser les composés ammoniacaux dans m'obligent à faire des réserves au le travail nutritif a été mise hors de sujet des êtres animés microscopiques doute par les expériences de AI. Pas- qui appartiennent à la catégorie des leur. Effectivement, ce savant a cou- ferments, et qui ne respirent pas de la staté que pour ces êtres singuliers, le même manière que les précédents (c). • (a) Kuhlmann, De l'influence des alcalis dans divers phénomènes naturels, el en particulier du, rôle que joue Y ammoniaque dans la nutrition des Animaux [Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1847, t. XXIV, p. 2i33). (b) Pasteur, Mémoire sur les corpuscules organisés qui existent d:,ns l'atmosphère (Afin, des sciences nul., 4" série, t8ôl , t. XVI, p. 05). (f) Voyez ci-dessus, pa^e 122. ÉVALUATION DES BESOINS. 153 quantités d'oxygène employées par les êtres animés sont peu nombreuses, et elles présentent des difficultés considérables. Ce sera donc principalement par l'examen de faits d'un autre ordre que nous chercherons à nous éclairer sur la marche des phénomènes de combustion ou de rénovation organique dont l'étude nous occupe en ce moment. En effet, pour évaluer les résultats de ces actions molécu- laires, il n'est pas indispensable de tenir compte de l'élément comburant ; il suffit de prendre en considération les combus- tibles physiologiques, et de connaître, soit la quantité de ces corps qui arrivent dans l'organisme, sans en augmenter le poids, soit la quantité des divers produits excrémentitiels qui s'échappent de l'économie animale, genre de détermination qui est en général facile. On appelle ration d'entretien, la quantité d'aliments qu'un Animal doit consommer pour subvenir d'une manière complète aux besoins de la mutation nutritive dont son organisme est le siège. Ce travail s'effectue alors sans perte ni gain apparent, et le poids du corps reste stalionnaire ou n'oscille qu'entre des limites très-étroites. Si l'alimentation est insuffisante, la com- bustion vitale est entretenue en partie au moins à l'aide de la substance propre de l'Animal, et alors le poids de son corps diminue proporlionnément aux pertes qu'il subit. Si , au contraire, sous l'influence d'un régime déterminé, le poids de son corps augmente, il en faut conclure que la quantité des matières étrangères introduites dans son organisme dépasse celle dont il peut opérer la destruction et l'élimination. Quand l'Ani- mal est encore jeune et en voie de développement, cet excédant est employé en totalité ou en partie à la formation de tissus nouveaux; mais lorsque l'Animal est adulte, les matières com- bustibles surabondantes s'accumulent dans diverses parties , principalement sous la forme de graisse, et constituent des réserves de substance nutritive. 11 en résulte qu'en tenant vin. il 154 NUTRITION. compte de la quantité d'aliments consommés par un Animal et du poids de son corps, on peut évaluer avec une précision suf- fisante le degré d'activité de la mutation nutritive qui s'opère dans son organisme , sans avoir égard, ni à l'oxygène qu'il absorbe, ni aux matières qu'il excrète. La même question peut être résolue par l'évaluation des diverses excrétions qui, étant les produits de la mutation nutri- tive, donnent aussi la mesure de ce phénomène. Enfin, on peut juger aussi de l'activité plus ou moins grande du travail nutritif par la déperdition totale (pie l'animal subit quand il ne reçoit du dehors aucun aliment et vit aux dépens de sa propre substance. circonstances § 13. — Du reste, quelle que soit la méthode d'investigation sTr'ie deSré employée, on reconnaît facilement qu'il existe de grandes diffé- dUaCtravaii renées dans l'activité avec laquelle les mutations nutritives s'effectuent non-seulement chez les divers Animaux, mais aussi chez les individus d'une même espèce, suivant l'âge, le sexe et une multitude d'autres circonstances. influence II est d'observation que, lorsque toutes choses sont égales poids du corps, d'ailleurs, le volume du corps influe beaucoup sur la quantité de matière organique consommée par un Animal. Chacun sait qu'un Homme grand a besoin de plus d'aliments qu'un individu de petite taille, et que la ration d'entretien d'un petit Cheval serait insuffisante pour un Cheval dont la taille serait élevée. Il est vrai que chez deux Animaux de même espèce ou d'espèces voisines, cette consommation n'est pas tout à fait proportion- nelle au poids de l'organisme, et que, comparativement à ce poids, elle est plus forte chez les petits individus que chez les grands ; mais il y a toujours, chez les Animaux dont l'activité vitale est à peu près la même, un rapport intime entre la quan- tité de matière vivante dont l'organisme se compose et la quan- tité de matière alimentaire ou organisée qui est employée à l'entretien du mouvement nutritif. 11 en résulte que chez les QUANTITÉ DES PRODUITS DE CE TRAVAIL. 155 individus de grande taille, la quantité de matières urinaires excré- tées journellement est aussi plus considérable que chez les indivi- dus de même espèce dont le poids du corps est moins élevé. Cela ressort nettement des observations faites sur l'Homme par plu- sieurs physiologistes. Ainsi, dans les recherches de M. Scherer, la quantité d'urée sécrétée en vingt-quatre heures s'est élevée à environ 13, 18, 27 et 30 grammes chez quatre individus dont le poids du corps était de 16, 22, 62 et 70 kilogrammes (1). (1) Voici les principaux laits con- quantité proportionnelle d'urée, cal- statés par M. Scherer sur les quatre culée pour une même unité du poids individus mentionnés ci-dessus. Dans du corps, savoir, 1 kilogramme : la dernière colonne, on a indiqué la AGE. POIDS. CHINE. IT.KE. MATIÈRES exlracliYW, etc. MATIÈRE inorganique. PROPOIIT. D'L'i Et pour 1 Km du poids du corps.* N» 1 (fille). . . N* 2 (garçon). Ns 3 (homme). N* 4 (homme). Ans. 31/2 7 22 38 Kllofi . 10 22 62 70 Gnm. 755 1077 Si 56 1701 C,i MB. 12,98 18,29 27,008 29,824 Gram. 2,17 3,88 24,33 20,484 (jrjm. 10,98 10,23 23,627 20,919 Gram. 0,81 0,82 0,43 0,42 Des recherches analogues faites par M. [tomme! et par M. Bischoff ont donné des résultats semblables, sauf en ce qui concerne un vieillard, comme on peut le voir par le tableau suivant : EXPÉRIENCES DE M. ROMMEL. EXPERIENCES DE M. BISCHOI T. Age. Poids. Urée. Age. Poids .V N" V N* N- N' Ans. 1. 3 2. 4 3. 5 4. 18 5. 31 6. 65 Kilogr. 13,0 14,5 10,7 58 71 57 Urée. (iram. 13,57 15,59 18,22 30,52 39,28 19.17 Proportion d'urée pour 1 kilogr. Gram. 1,03 1,08 1,08 0.G2 0,51 0,33 N* .v N" .V N» An* 1. 3 2. 16 3. 18 4. 43 5. 45 Kl L'I 15 48 00 99 104 Gi -"ii. 11,27 19,80 20,19 25,32 37,70 Proportion d'urée pour 1 kilogr. Gi ani. 0,53 0,41 0,30 0,28 0,35 Je dois ajouter que les individus désignés ici sous le n" 3 dans les expé- riences de M. lUimniel, et sous les n09 3 et h dans celles de M. Bischoff, étaient du sexe féminin (a). (a) Scherer, Vergleichcnde dtersuchungen der in 24 Stunden durch den Harn austretenden Stoffe [Verlumdlungm der Phys. Med. Gesellschaft m W&ntburg, 1852, t. III, p. 180). — Rummel, lieitrdge tu den vergl. Vntersuch. der in 2i Stunden durch den Harn ausge- ichicdenen Stoffe [Verhandl. der Phys. Med. Gesellsch. au Wûrxburg, 1854, t. V, p. 110). — Bischoff, Der Harnstoff als Maass des Stoffwechsels, 1853, p. 25 et suiv. 156 NUTRITION. Effectivement, toutes les particules do substance organisée dont l'économie animale se compose, semblent participer à ce travail métamorphique et concourir à la production des matières excrémentitielles, dont la quantité nous donne la mesure de la somme des actions partielles accomplies de la sorte ; mais de même que la mutation de la matière n'est pas également rapide dans tous les organes d'un même individu, le degré de puis- sance mutatoire dont les parties correspondantes sont douées chez les divers Animaux peut varier. Par conséquent, il peut y avoir, à poids égaux, de grandes différences dans la consom- mation physiologique. Ainsi nous avons vu, au commencement de cette Leçon, que tous les Animaux meurent lorsqu'ils ne reçoivent pas du dehors de nouvelles provisions de matières nutritives, et vivent aux dépens de leur propre substance jusqu'à ce qu'ils aient atteint un certain degré de dépérissement. La quantité de matière qu'ils peuvent perdre ainsi sans que la mort en résulte, parait être à peu près la même pour tous; mais il existe des différences énormes dans la durée du temps pendant lequel ils peuvent vivre ainsi sur eux-mêmes, et par conséquent dans la rapidité avec laquelle ils dépensent la matière qu'il leur est possible d'abandonner (1). Nous voyons, par exemple, dans les expé- riences de Chossat, que les Mammifères et les Oiseaux privés (1) Chossat conclut de ses expé- riences, que dans l'inanition, c'est-à- dire l'abstinence complète de tout ali- ment organique, la durée de la vie est égale à la perte intégrale proportion- nelle divisée par la perte diurne proportionnellement moyenne (a) ; mais il est évident que pour que la perte intégrale proportionnelle ait toujours la même valeur physiologique, il fau- drait que l'état initial de l'organisme fût toujours le même, quant à la ré- serve nutritive contenue dans le corps de l'Animal. Or, il existe à cet égard des différences très-considérables, et par conséquent la question est moins simple qu'on ne serait porté à le sup- poser au premier abord. (a) Chossat, Op. cit. (Mém. de l'Acad. des sciences , Sav. clrang., t. VIII, \\ 472). QUANTITÉ DES PRODUITS DE CE TRAVAIL. 157 d'aliments organiques, et ne recevant que de l'eau, n'ont résisté à l'inanition qu'environ dix jours, terme moyen, et ont perdu en moyenne &2 millièmes de leur poids chaque jour; tandis que les Grenouilles placées dans des conditions analogues ont vécu aux dépens de leur propre substance pendant neuf mois ; en moyenne, et quelquefois jusqu'à quatorze ou quinze mois, mais que la perte de poids subie par ces Animaux n'était en moyenne que d'environ 0,0015 de leur poids initial, c'est-à- dire environ un trentième de celle constatée chez les Verté- brés à sang chaud. Chossat a obtenu des résultats analogues en opérant sur des Reptiles et des Poissons ; en sorte qu'on peut poser en règle que la consommation de matière organique nécessaire à l'entretien de la vie est beaucoup plus considérable chez les Mammifères et les Oiseaux que chez les Vertébrés à sang froid. Je pourrais citer ici beaucoup d'autres fails propres à mon- trer l'inégalité qui existe entre les Animaux supérieurs et ceux dont l'activité vitale est moindre, quant à la grandeur des besoins nutritifs et à la faculté de vivre avec peu, inégalité qui implique des différences correspondantes dans le travail de mutation de la matière organique dont l'économie est le siège ; mais je me bornerai à faire remarquer que les résultats aux- quels nous arrivons de la sorte sont parfaitement conformes à ceux que nous a déjà fournis l'étude des phénomènes de la res- piration. En effet, nous avons vu que la quantité d'oxygène absorbée en un temps donné par les divers Animaux est loin d'être proportionnelle au poids de la matière vivante dont leur corps se compose, et varie beaucoup suivant le degré de puis- sance physiologique dont ils sont doués. Ainsi, nous avons vu qu'un Poisson, lors même qu'il est beaucoup plus gros qu'un Oiseau, peut vivre pendant plus d'une heure avec une quantité d'air qui serait insuffisante pour l'entretien de la respiration de 158 NUTRITION. l'Oiseau pendant une minute (1). Or, la quantité de l'élément comburant, dont les Animaux font usage, est nécessairement en rapport avec la quantité de matières combustibles qu'ils consument, et par conséquent les Animaux dont la respiration est la plus active sont aussi ceux qui effectuent avec le plus de rapidité la mutation nutritive dont tout corps vivant est le siège. En étudiant la respiration, nous avons vu aussi qu'il existe des rapports étroits entre l'activité de cette fonction et les diverses manifestations de la puissance vitale ; que plus les actions phy- siologiques sont grandes, plus la consommation d'oxygène est considérable, et que tout déploiement de force est accompagné de phénomènes de combustion organique. Nous pouvons donc prévoir qu'il doit en être de môme pour l'emploi des matières combustibles dont la transformation accompagne ou constitue le mouvement nutritif, et que par conséquent l'abondance des produits excrémentitiels fournis par l'organisme, ainsi que la quantité de matière alimentaire nécessaire pour contre-balancer ces pertes, sont subordonnées au degré de puissance physiolo- gique déployée par l'Animal. Voyons si l'expérience confirmera ce raisonnement. influence § 14- — On sait depuis l'antiquité que l'âge influe beaucoup de râge" sur la faculté de supporter l'abstinence ; que chez les jeunes Animaux le besoin de nourriture se fait sentir à de courts inter- valles, tandis que dans l'âge mûr, et surtout dans la vieillesse, le jeûne peut être soutenu pendant plus longtemps sans aucun inconvénient grave. Le tableau tragique que le Dante trace des souffrances d'Ugolin et de ses enfants est l'expression de ce qui doit arriver quand des personnes dont l'âge diffère beaucoup périssent d'inanition : c'est le plus jeune qui meurt d'abord, et le plus vieux qui résiste le plus. Or, cela ne dépend pas de ce (1) Voyez tome II, page 516 et suivantes. QUANTITÉ DES PRODUITS DE CE TRAVAIL. 159 que celui-ci peut supporter des pertes plus grandes que le pre- mier, mais de ce qu'en un temps donné il perd moins : les expériences de Chossat nous le démontrent. En évaluant com- parativement ces pertes par la diminution du poids du corps chez des Tourterelles dont les unes étaient jeunes, d'au 1res adultes, et d'autres encore plus avancées en âge, ce physiolo- giste trouva que la perle diurne proportionnelle était : de 81 millièmes chez les premières, de 59 millièmes chez les secondes, et de 35 millièmes seulement chez les dernières. Or les premières, c'est-à-dire les plus jeunes, sont mortes de faim au bout de trois jours ; les secondes ont vécu sans aliments pendant six jours, et les plus âgées ont résisté aux effets mortels de l'inanition pendant treize jours. 11 est vrai que dans ce cas la perle intégrale a été beaucoup plus forte chez les individus les plus âgés, mais cette cause de différence, dépendant peut- être de la proportion de graisse accumulée préalablement dans leur corps, ne suffirait pas pour rendre compte des différences observées; el l'inégalité dans la durée de la vie alimentée uni- quement par la substance de l'Animal dépendait évidemment en majeure partie de la grande inégalité que la balance a révélée dans la dépense physiologique (1). Nous savons, d'ailleurs, (1) Il est à regretter que l'âge des Tourterelles employées par Chossal n'ait pas pu être constaté directement et n'ait été évalué que par les diffé- rences dans leurs poids (a). Des faits du même ordre ont été constatés sur des Chiens par Magen- die. Ce physiologiste, en expérimen- tant sur des Animaux âgés de quatre jours, vit la mort arriver après qua- rante-huit heures d'abstinence, tandis que des individus âgés de plus de six ans résistèrent encore après plus de trente jours de diète absolue ; d'autres Chiens déjà grands, mais plus jeunes que ces derniers, ont vécu sept, dix, onze, quinze et vingt jours sans ali- ments {b). Des expériences analogues (a) Chossat, Op. cit., p. 4C0. (b) Magendie, Itapport fait à V Académie des sciences au nom de la Commission dite de la gélatine {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1841, t. Mil, p. 255). 160 NUTRITION. que la combustion respiratoire est beaucoup plus active cbez l'enfant que chez l'adulte, et s'affaiblit considérablement chez le vieillard. Ainsi, nous avons vu que dans des conditions ana- logues un enfant a consommé par jour une quantité de carbone correspondant à 6 grammes pour chaque kilogramme du poids intégral de son corps, tandis que chez un adulte cette consom- mation diurne n'était, proportionnellement au poids total de l'organisme, que de 3 grammes (1). La grande diminution dans le travail de mutation nutritive qui nous est démontrée par ces faits ressort également de l'étude des produits de la sécrétion urinaire. Ainsi, M. Leeanu a trouvé que la quantité moyenne d'urée excrétée en vingt- quatre heures était d'environ 28 grammes pour les Hommes adultes de vingt à quarante ans, et d'environ 13 grammes pour des garçons de huit ans ; or le poids du corps augmente beau- coup plus que dans le rapport de 1 à 2 a dater de ce dernier âge. Enfin, le même chimiste a vu que la sécrétion diurne de l'urée n'était plus que d'environ 8 grammes chez des vieillards ; elle était par conséquent de beaucoup inférieure à ce qu'il avait constaté chez les enfants de huit ans, malgré la différence en sens inverse qui devait exister dans le poids total du corps ('2). ont été constatées par Collard de Mar- tigny dans ses expériences sur les effets de l'abstinence chez les Lapins adultes et jeunes (a). (1) Voyez tome II, page 56/j. (2) 11 est à regretter que dans ses recherches sur la sécrétion journa- lière de l'urine, M. Leçanu n'ait tenu un compte exact ni du poids des indi- vidus soumis à ses expériences, ni de la quantité d'aliments qu'ils rece- vaient. Je dois ajouter que le dosage de l'urée contenue dans l'urine d'en- fants de trois ou quatre ans n'a pas donné des résultats en accord avec la marche générale des phénomènes in- diqués ci-dessus ; car la quantité abso- lue de ce produit excrémenlitiel n'était pas égale au tiers de celle fournie par les urines d'enfants de huit ans, et la différence dans le poids du corps est loin d'être dans la même proportion (b) . (a) Collard de Marligny, Recherches expérimentales sur les effets de l'abstinence complète (Journal de physiologie de Magendie, 1828, t. VIII, p. 103). (b) Leeanu, Nouvelles recherches sur l'urine humaine (Ann. des sciences nat., 2" série, 1830, t. XII, p. 10G). QUANTITÉ DES PRODUITS DE CE TRAVAIL. 161 Ces vues sont pleinement confirmées par les résultais obtenus plus récemment à l'aide d'expériences dans lesquelles les pro- portions entre le poids total de l'organisme et le rendement journalier de l'appareil urinaire ont été déterminées directe- ment. Ainsi, dans les recherches de M. Scherer, la quantité d'urée excrétée en vingt-quatre heures élait de 0sr,81 par kilogramme chez un jeune garçon de sept ans, et de 08r,ft2 chez un adulte de trente-huit ans. Dans une série d'expériences analogues faites par M. Rummel, la décroissance des produits urinaires à mesure que l'Homme avance en âge était encore plus marquée. Ainsi, il y avait par kilogramme : Grara. 1,08 chez un garçon de huit ans; 0,62 chez un jeune homme de dix-huit ans; 0,51 chez un homme de trente et un ans; 0,33 chez un vieillard de soixante-cinq ans. Des différences du même ordre ont été constatées par M. Bischoff (1). §15. — La consommation dos matières organiques dépen- dant du mouvement nutritif diffère aussi suivant les sexes, et elle llL1 sexe est beaucoup plus grande chez l'Homme que chez la Femme. Nous avons déjà vu qu'à poids égal, le corps fournit beaucoup plus d'acide carbonique chez les petites filles que chez les gar- çons, et qu'à l'âge adulte, l'inégalité est encore très-grande, quoique modifiée par diverses circonstances dépendantes des fonctions de reproduction (2). La quantité des produits de la combustion physiologique qui s'échappent de l'organisme par les voies urinaires est également beaucoup moins considérable chez la Femme que chez l'Homme (3). (1) Voy. ci-dessus page 155, note. M. Lecanu, la quantité d'urée excré- (2) Voyez tome II. page 565. tée en vingt-quatre heures était, en (3) Ainsi , dans les expériences de moyenne, de 28 grammes pour les Influence Influence du volume du corps. Influence de l'activité musculaire. 162 NUTRITION. § 16. — Cependant, ainsi que je l'ai déjà dit, quand toutes choses sont égales d'ailleurs, l'activité vitale est en général plus grande chez les petits Animaux que chez ceux dont le corps est plus volumineux, et, pour un môme poids de matière vivante, les premiers consomment plus d'oxygène et brûlent plus de carbone que les seconds. Cette inégalité entraîne avec elle des différences correspondantes dans la proportion des produits excrémentitiels éliminés de l'organisme, et dans celle des matières alimentaires nécessaires pour constituer la ration d'entretien. En étudiant les phénomènes de la respiration, nous en avons déjà eu des preuves (1), et lorsque nous nous occu- perons de l'engraissement de nos Animaux de boucherie, j'aurai à signaler d'autres faits du même ordre qui sont non moins significatifs (2). § 17. — Dans une précédente Leçon, nous avons vu que le développement de la force musculaire est accompagné d'une Hommes adultes , et seulement de 19 grammes pour les Femmes (a). Nous avons vu ci-dessus que les re- cherches de M. Bischoff mettent encore mieux celte différence en lumière. Ainsi, dans le tableau qui représente les résultats obtenus par ce physiologiste, on trouve que pour 1 kilogramme du poids total du corps il y avait journel- lement : G r.iin. 0,35 d'urce chez un homme de quaranle- cinq ans ; 0,28 d'urée chez une femme de quarante- trois ans (6). M. Beigel a trouvé, pour 1 kilo- gramme du poids total, entre 0&',Z|/i et 0^,51 chez l'Homme, et seulement de 0&r,39 à 0sr,_'i7 chez la Femme. La moyenne était pour l'Homme 0*',Z|6, et pour la Femme 0'r,ft2 (c). (1) Voyez tome II, page 515. (2) En général, les Animaux de petite taille supportent l'abstinence moins bien que les grands. Ainsi Redi, qui lit beaucoup d'expériences sur les effets de la faim, estima que les Rats ne peuvent vivre plus de trois jours sans aliments, tandis que les Chiens qu'il soumettait à une diète absolue, ne mouraient de faim que vers le trente-quatrième ou même le trente- sixième jour (cl). (a) Lecanu, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2e série, t. XII, p. 106). (b) Bischoff, Der Harnstoff als Maass des Stofl'wechsels, p. 25. (c) Beigel, Op. cit. (Nova ActaAcad. nat. curios., 4 855, t. XVII, p. 500 et 501). (d) Redi, De Animalculis vins quœ in corporibus Animalium vivorum reperiuntur observa- liones (Opvsevlorum pars lertia, p. 1838, édit. de Coste, 1729). QUANTITÉ DES PRODUITS DE CE TRAVAIL. 163 augmentation de la combustion respiratoire. En effet , nous avons trouvé que chez les Insectes la quantité d'acide carbo- nique exhalé, quand l'Animal fait des mouvements violents, est dans certains cas vingt-sept fois plus considérable que dans l'état de repos ; et que chez l'Homme, la différence, quoique beaucoup moins grande, est encore très-notable : car, dans les expériences de Séguin, un Homme au repos n'a con- sommé que 300 pouces cubes d'oxygène, tandis que dans le même espace de temps il en employait 800 pouces cubes, lorsqu'il faisait des efforts musculaires intenses (i). Tout récemment, de nouvelles recherches ont été faites sur ce sujet par M. Smith, et elles mettent encore mieux en évidence l'influence de l'action musculaire sur la combustion respira- toire. En effet, ce physiologiste estime qu'en vingt -quatre heures la quantité d'acide carbonique qu'il exhalait par les pou- mons était, en movenne : 28,8 onces (ou environ 815 grammes) pendant un repos complet; 33,43 (ou 948 grammes) quand il marchait et agissait de la manière ordinaire ; 45,7 (ou 1293 grammes) quand il effectuait un travail musculaire considé- rable (2). Le rendement de la sécrétion urinaire est également aug- (1) Voyez tome H, page 531. carbonique exhalée par minute riait (2) Les recherches de \1. E. Smitli de 18,1 grains (ou 1«MG) quand il furent faites à l'aide d'un appareil marchait à raison de 2 milles par qui, sans gêner la respiration, per- heure , et s'élevait à 25,83 grains mettait de recueillir et de doser la quand a accélérait le pas de façon quantité totale de vapeur d'eau et à faire 3 milles (ou près de 3 kilo- d'acide carbonique, qui s'échappaient mètres) par heure; puis, quand il des poumons, ainsi que d'évaluer le était assis, la quantité du même gaz volume de l'air qui passait dans ces était d'environ 10 grains (0^,65); organes. enfin, lorsque étant couché, il était Dans une de ses expériences faites S(nis l'influence du sommeil, la quan- sur un Homme qui pesait 86k,8, et tité correspondante tombait au-des- qui portait un appareil spirométrique sous de 5 grains ou 0gr)32 (a). pesant 3\400 , la quantité d'acide (a) E. Smith, Expérimental Inquiries into Ihe Chemical and other Phenomena of Respiration (Philos. Trans., 1859, p. 693). iGli NUTRITION. monté par l'exercice musculaire. Ainsi, dans des expériences faites par M. Beigel, un Homme bien nourri, qui, en vingt- quatre heures n'excrétait que /i6 grammes d'urée quand il était au repos, en fournissait 52sr,32 lorsqu'il faisait beaucoup d'exercice (1). 11 paraîtrait aussi que ce genre d'activité phy- siologique tend à augmenter la puissance comburante de l'or- ganisme, et à rendre plus complète l'oxydation des matières brûlées dans le travail nutritif; car M. Hammond a trouvé que, sous l'influence de l'exercice musculaire, la proportion d'acide urique diminue dans l'urine, tandis que celle de l'urée aug- mente (2). (1) Lorsque la nourriture était in- suffisante, la différence déterminée par l'état de repos on d'activité muscu- laire n'était que dans le rapport de 31 à 33 (a). Dans des expériences comparatives faites sur des Chiens qui recevaient la même ration, mais qui étaient tantôt au repos, d'autres fois astreints à un travail musculaire fatigant, M. Voit a vu la quantité d'urée différer dans la proportion de 109*r,8 à l\l\«r,i, et même 117^,2 (6). (2) Voici les résultats obtenus par ce physiologiste en expérimentant sur le même individu : POIDS DE L'URÉE. POIDS DE L'ACIDE UniQUE. 487 grains. 082 804,9 24,8 13,7 8,2 Se livrant à un travail musculaire modéré. . Le même auteur a vu apparaître de l'urée dans l'urine d'un Boa qui était dans un état d'excitation, tandis que dans les circonstances ordinaires ce produit n'en contenait pas (c). M. Bergholz a constaté que l'acti- vité musculaire des membres infé- rieurs est accompagnée d'une augmen- tation plus grande dans la production des matières urinaires que ne le sont les mouvements exécutés par les mem- bres thoraciques (d) ; et cette différence (a) Beigel, Op. cit. (Nova Acta Acad. nat. curios., 1855, t. XVII). {b) Voit, Untcrsuchungen iiber den Einfluss des Kochsahcs, des Koffees und der Muskelbeive- gunyen au f den Stofwechsel. Munich, 18G0. (c) Hammond, On the lielations existing betiueen Urea and Uric Acid (The American Journal of Médical Science, 1855, t. XXIX, p. 119). (d) Bergholz, Ueber die Harnmenge bei Keivegung der unteren und oberen Extremitàten (Archiv fur Anat. und Physiol., 1801, p. 131). QUANTITÉ DES PRODUITS DE CE TRAVAIL. 165 D'après les faits que nous venons de passer en revue, nous conséquences , . ' • i î relatives pouvons prévoir que lorsqu ou veut appliquer spécialement la ;. l'engraisse- , , . vii ment. matière alimentaire au développement des tissus et a I accumu- lation de la graisse, il faut éviter tout déploiement de force mus- culaire, et, autant que cela est compatible avec l'entretien de la santé, maintenir l'organisme dans un état de repos profond, car la matière combustible qui serait détruite pour produire le mouvement serait perdue pour l'objet que l'on se pro- pose. La pratique a depuis longtemps conduit les agronomes à reconnaître cette règle de zootechnie , et lorsqu'ils veulent déterminer une obésité rapide, ils condamnent à une inaction aussi complète que possible les sujets sur lesquels ils opèrent. § 18. — Le régime exerce une influence plus grande sur la influence quantité des matières excrementitielles expulsées de 1 organisme par les voies urinaires. Chossat publia en 1825 une longue série d'expériences intéressantes sur ce sujet, mais il ne détermina pas directement le poids des divers produits de la sécrétion rénale, et c'est dans ces dernières années seulement que des recherches à ce sujet ont été faites avec toute la précision dési- rable. Néanmoins les expériences de Chossat montrent claire- ment que la quantité de ces substances urinaires croit avec la quantité des aliments, quand ceux-ci restent les mêmes, et qu'à poids égaux d'aliments, elle augmente à mesure que le régime devient plus riche en matières azotées (1). Plus récemment pourrait bien dépendre d'une certaine gène que la contraction des muscles moteurs du bras détermine dans le jeu de l'appareil respiratoire. (I) Dans une première série d'expé- riences qui dura dix jours, la nourri- ture consista principalement en pain, et le poids total des aliments était en moyenne de 39 onces par jour. La moyenne diurne des matières urinaires était représentée par 390 grains. Dans une seconde série d'expé- riences les aliments étaient les mêmes, mais leur poids était de 60 onces par jour, et la moyenne diurne de l'excré- tion urinairc s'éleva à 500 grains. Sous l'influence d'un régime végéto- albumineux, la sécrétion urinairc était représentée par 339 grains quand la quantité des aliments était de '25 ou 23 onces par jour, et par 513 à 563 quand la même ration pesait 30 onces. 166 NUTRITION. M. Lehmann, chimiste distingué de l'Allemagne, dont j'ai sou- vent à citer les travaux, lit sur lui-même une série d'expériences dont les résultats sont encore plus significatifs, comme on peut s'en convaincre en jetant les yeux sur le tableau suivant, où se trouvent réunies les moyennes obtenues par l'analyse des urines évacuées en vingt-quatre heures, sous l'influence de divers régimes (1) : RÉGIME. TOTAL des MATIÈRES FIXES. URÉE. ACIDE URIQUE. MATIÈRES EXTRACTIVES ET SELS. Aliments végétaux. . Aliments mixtes. . . Régime animal . . . Gram. 41,63 59,2/i 67,82 87,/iZi Gram. 15,408 22,481 32,496 53,198 Gram. 0,735 1,021 J,183 1,478 Gram. 17,139 19,312 12,746 7,314 M. Beigel a profité d'un mode de traitement adopté dans Enfin, lorsque le régime était essen- aliments, Chossat trouva que pour un tiellement animal , les produits uri- même poids d'aliments secs, la sécré- naires s'élevèrent dans la proportion tion urinaire était représentée par : de 339 à 534, quand le poids des ali- r . . • 1 n-} - on ™„«o ™->.. 16 à 19 crains avec le régime panaire, ments lut porte de 23 a 30 onces par , , . „ "à grains avec le régime albumincux. jour. Pour un même poids de matières La différence était donc à peu près alimentaires (1 once), la quantité de ma- (ians ]e rapport de 1 à 4- tière urinaire, évaluée comme dans les jc dois ajouter que le facteur va- expériences précédentes, varia dans riable dont Chossat se sert pour éva- les proportions suivantes : hier la sécrétion urinaire est le produit Gr.m. de la multiplication du volume de Régime panaire 9,9 l'urine par la pesanteur spécifique de Régime -végéto-albumineux. . . 10,7 ce liquide , et que, pour arriver à la Régime albumineux 13,6 connaissance de la quantité de ma- Régimevégéio-fibiineux. . . . 14,2 ^.^ ^.^ excrétée&j g admet que Régime fibrine» H,3 ^ ^^ ^ ^ ^^ par un Enfin, en tenant compte de la quan- facteur constant 3 (a), tité d'eau contenue dans ces divers (1) Les aliments non azotés compo- (a) Chossat, Uém. sur l'analyse des fonctions nrinaires {Journal de physiologie de Magendie, 1 825, t. V, p. 65). QUANTITÉ DES PRODUITS DE CE TRAVAIL. 167 quelques hôpitaux de l'Allemagne, et appelé hungerkur, pour faire des observations sur la quantité de matières urinaires sécrétées journellement par l'Homme, sous l'influence d'un régime extrêmement sévère ; et en comparant les résultats ainsi obtenus avec ceux fournis par un individu dont l'alimentation était abondante et très riche en matières animales, il a vu que la quantité d'urée était en moyenne de 18 à 23 grammes dans le premier cas, et qu'elle s'élevait de /i6 à 52 grammes dans le second cas (1). sant la ration dans la première série d'expériences étaient de la graisse, de l'amidon et du sucre. Les aliments vé- gétaux composaient la seconde espèce de ration. M. Ilaugbton (de Dublin) a fait éga- lement un certain nombre d'expé- riences relatives à l'influence du ré- gime sur la quantité d'urée excrétée en vingt-quatre beurcs. Les principaux résultats qu'il a obtenus sont résumés dans les tableaux suivants (a) : POIDS QUANTITÉ QUANTITÉ ACIDE ACIUC ACE DES INDIVIDUS. des corps. d'urine. d urée. liriqne. phospborique. Régime anin al. Ans. Livres. Onces. Grains. Grains. G r.ï [i - . N» 4. . . ... 37 120 34 465,00 1,02 47,14 N« 2. . . . . . 35 120 69 677,25 11,88 43,28 V 3. . . . . . 18 120 52 644,69 1,04 40,78 V 4. . . ... 30 174 50 554,10 7,40 38,10 N' 5. . . ... 40 189 45 030,00 5,20 23,7 2 V 6 ... 40 145 41 484,30 0,71 29,43 Régime végétal. N* 1. . . ... 03 173 70 307,50 0,50 30,00 03 132 81 578,81 0,71 32,47 N' 3. . . . . . 31 140 45 315,00 1,60 (b) 22,78 00 14'! 56 366,12 2,48 27,54 N* 5. . . , 31 14G 43 342,55 2,03 (b) 20,70 (1) Le hungerkur, ou traitement par la faim, est quelquefois employé dans les cas d'affections syphilitiques ; le malade ne reçoit qu'un quart de ration, composé de soupe, de pain et de tisane sudorifique (c). (a) S. Haui,'hton, On the Natural Contents of the Healthy Urine of Man (The Dublin quar- terhj Journal of Médical Science, 1850, t. XXVIII, p. 5 et 6). (b) Dans ces deux cas l'acide urique élait mêlé à de l'acide hippurique. (c) Beigel, Op. cit. (Nova Acta Acad. mt> curios., 1855, t. XVII, p. 527). 168 NUTRITION. Je pourrais citer également ici des recherches semblables à celles de M. Lehmann, qui ont été faites par plusieurs physiolo- gistes, et qui ont fourni des résultats analogues ; mais je préfère passer tout de suite à l'examen des faits obtenus par l'expéri- mentation sur les Animaux, car, dans ce cas, on peut intro- duire des différences plus grandes dans le régime et le mieux réglementer. On doit à MM. Bidder et Sehmidt un travail très- remarquable sur ce sujet. Ces physiologistes ont opéré sur un Chat (1), et ils ont évalué de la manière suivante, pour vingt* quatre heures, les principaux produits dont l'excrétion peut être considérée comme donnant la mesure des transmutations, de matière dont l'organisme est le siège dans diverses condi- tions de régime. PRIVATION d'iilimenls solides ; eau à discrétion. nourriture ordinaire sans eau. NOURRITURE ordinaire avec eau. ALIMENTATION la plus abondante possible, et eau à discrétion. Excrétion pulmonaire. Acide carbonique . Eau 16,30 15,00 21,32 17,08 Excrétion urinaire et fécale. Eau Urée Substances inorganiques. Soufre Acide pliospborique . . . 55,47 1,237 0,225 0,041 0,071 23,49 3,050 0,461 0,090 0,178 20,32 15,36 50,59 2,958 0,441 0.086 34,88 14,70 67,72 5,152 0,760 0,140 •? L'accroissement de la combustion physiologique dépendante (1) Dans ces expériences, l'Animal de régime, qui furent maintenues pen- fut placé, autant que possible, dans les dant plusieurs semaines consécu- mèmes conditions, sauf les différences tives (a). (a) Bidder et Sehmidt, Die Ycrdauungssaflc und der SI offwechsel, 1852, n. 345, RATION D'ENTRETIEN DE L'HOMME. 169 de l'introduction d'aliments dans l'économie animale est éga- lement indiquée par les différences que l'on observe dans les quantités d'acide carbonique exhalées en un temps donné. Je ne reviendrai pas ici sur les preuves que j'en ai déjà fournies dans une des premières Leçons de ce cours (l), et je me bornerai à ajouter que dans les expériences récentes sur la respiration de l'homme, par M. Smith, des faits du même ordre ont été constatés (2). § 19. — En résumé, nous voyons que les matières exeré- Résumé. mentilielles provenant, soit de la décomposition des matériaux constitutifs de l'organisme, soit des substances alimentaires ou des composés auxquels celles-ci donnent naissance par leur association à l'oxygène que la respiration introduit dans le fluide nourricier, s'échappent de l'économie animale, sous diverses formes, par trois voies principales : la surface respiratoire, l'appareil urinaire et l'intestin; que les pertes effectuées de la sorte varient suivant les espèces, les individus et les condi- tions biologiques dans lesquelles ceux-ci se trouvent, mais qu'on peut établir en principe général que toujours elles sont dans un certain rapport avec le degré d'activité vitale déployé par l'Animal. Enfin, que tout être vivant, pour rester dans son état normal, doit s'approprier chacun des éléments chimiques dont son corps se compose en quantités égales à celles de ces mêmes matières qu'il expulse de son organisme. Pour connaître quels sont les besoins nutritifs de l'Homme Évaluation i -, t • 1 , . i ''es l'esoins ou aun Animal quelconque dont la croissance est terminée et de rHomme. (1) Voyez lome IF, page 539. ['!) M. Smith, en expérimentant sur lui-même, fut conduit à évaluer en moyenne à 33,97 onces la quantité d'acide carbonique exhalée sous l'in- fluence d'un régime ordinaire, et à 21,7/i cette même quantité pendant une abstinence presque complète pro- longée pendant plus de vingt-quatre heures (a). (a) Smith, Un Uic Chemical and other l'henomena of Respiration (Philos. Traus , 185a. p. 003 ut U'JUj. VI11. 12 Dépense nutritive. 170 NUTRITION. dont le poids resle stationnaire, il surfit donc de connaître sa dépense physiologique, c'est-à-dire la quantité de chacun de ses cléments constitutifs qu'il perd en vingt-quatre heures, et de connaître la forme sous laquelle ces mêmes éléments doivent se trouver associés dans sa ration quotidienne pour qu'il puisse les utiliser. Or, nous avons vu dans les précédentes Leçons que celte dépense physiologique consiste principalement en carbone et en azote. Nous avons constaté aussi qu'en général, chez un Homme de taille ordinaire, l'exhalation pulmonaire verse journellement dans l'atmosphère environ 700 grammes d'acide carbonique, quantité qui contient 207 grammes de carbone (1). D'autre part, on sait qu'en France la taille de l'Homme est en général peu élevée, et que le poids moyen de son corps peut être estimé à environ 6^ kilogrammes. Par conséquent, il perd de la sorte, en vingt-quatre heures, à peu près ■—— de son poids, ou, en d'autres mots, pour chaque kilogramme de son poids physiologique, il emploie environ 36%25 de carbone pour alimenter le travail excrétoire dont ses poumons sont le siège. Mais pour un Homme de grande taille, celte consom- mation de carbone serait plus considérable, et elle s'élèverait aussi si l'individu faisait un grand déploiement de force mus- culaire (2). (i) Voyez iome II, page 506 et sui- vantes. (2) Celte évaluation, qu'on ne doit considérer que comme une approxi- mation, concorde très-bien avec les résultats fournis par les recherches récentes de M. Smith. Ce physiolo- giste a trouvé que les quatre Hommes sur lesquels i! expérimenta devaient exhaler par les pouvons, en vingt- quatre heures, terme moyen, 7,1/ii onces, ou 203 grammes de carbone, à l'état de repos, et 8,63 onces, c'est-à- dire 245 grammes, quand ils se li- vraient à un exercice modéré ; enfin 11,7 onces, ou 331 grammes, quand le travail musculaire était très-considé- rable. On peut donc considérer l'exha- lation de 2/j5 grammes de carbone par jour, comme représentant l'état nor- mal de ces individus ; et si l'on tient compte du poids du corps de ces per- sonnes, on voit que, pour une même quantité de matière vivante, la combus- RATION DENTUETIEN DE l'hOMME. 171 En établissant ce compte des dépenses de l'organisme, nous ne devons pas oublier que l'appareil respiratoire n'est pas la seule voie par laquelle le carbone est expulsé de l'économie, et qu'il s'en trouve aussi dans les urines, ainsi que dans les pro- duits sécrétés par l'appareil digestif, et évacués avec le résidu fécal laissé par les aliments. Or, nous savons que, terme moyen, l'Homme excrète, en vingt-quatre heures, environ 28 grammes d'urée (1), et que l'urée, dont la composition est représentée par la formule C*H*Az302, contient l/5e de son poids de carbone. L'organisme dépense donc journellement, sous la forme d'urée, environ 5gr,6 de ce dernier élément, et si l'on tient compte du carbone contenu dans les autres produits organiques sécrétés par les reins, matière dont le poids s'élève à environ 2 grammes par jour, et dont la composition ne s'éloigne que peu de celle de l'urée, on arrivera à un total d'environ G grammes, comme représentant les pertes en carbone attribuantes à l'excrétion urina ire. La quantité de matières organiques provenant de la bile, des sucs intestinaux, et des autres produits que l'organisme verse dans le tube digestif et évacue sous la forme de fèces, est peu considérable ; clic ne s'élève pas à plus de 25 ou 30 gram- mes (2), et ne renferme qu'environ 15 grammes de carbone. Par conséquent, en faisant la somme de la dépense physiolo- gique, on trouve que la quantité de carbone excrétée journel- lement est en moyenne d'environ 230 grammes (3). lion physiologique ne devait être que giques ordinaires, ces individus exha- la différente de ce qui a été admis ci- laienl donc par kilogramme du poids dessus. En clTet, les Hommes en ques- du corps 3sr,i de carbone (a). lion étaient de grande taille, et le poids (1) Voyez tome VII, page 514. moyen de leur corps s'élevait à 72 ki- (2) Voyez tome VII, page 158, note. logrammes; dans les conditions biolo- (o) Ces évaluations se rapprochent {a) Smiil), On the Chemical and other Phenomena of Respiration {Philos. Trans., lBô'3, p. 003). 172 NUTRITION. La déperdition d'azote, comme je l'ai déjà dit, n lieu princi- palement par les voies urinaires. Pour 1 gramme de carbone, l'urée contient 2sr,33 de cet élément, et par conséquent les 28 grammes d'urée excrétés journellement emportent de l'organisme environ 17sr,S d'azote, quantité qu'il faut élever à environ 19 grammes, si l'on veut y comprendre l'azote des autres matières urinaires. Les évacuations alvines entraînent au dehors environ 2 grammes d'azote par jour (1), et par conséquent la dépense totale de l'organisme peut être évaluée à environ 21 grammes d'azote en vingt-quatre heures. D'après ces données, nous pouvons prévoir que, dans les circonstances ordinaires, l'Homme doit trouver dans sa ration quotidienne au moins 230 grammes de carbone et 21 grammes d'azote assimilables-, que si ses aliments ne lui fournissent pas sous une forme utilisable ce poids d'azote et de carbone, il vivra en partie aux dépens de sa propre substance, et le poids de son corps diminuera proportionnément au déficit nutritif. Si, au contraire, sa ration contient une quantité plus grande de ces mêmes éléments, le surplus sera exerétç sous la forme de fèces, ou bien sera consommé physiologiquement, et détermi- nera, soit un accroissement dans l'activité de la combustion nutritive et une augmentation proportionnelle dans les produits excrétés par les voies respiratoires et urinaires, soit une accu- mulation de graisse ou d'autres matières organiques dans l'in- beaucoup des résultats obtenus par Dans une seconde série d'expé- M. Barrai dans une série d'expériences riences faites pendant l'été, le poids faites sur lui-même pendant l'hiver. des fèces, au lieu d'être en moyenne L'analyse des fèces donna par jour : de 29 grammes par jour, s'est trouvé Carbone 15,3 réduit à 17 grammes, et par consé- ~ or- quent ces matières m renfermaient Hydrogène ~,o ' A*ote ... 28 qu'environ 9 grammes de carbone (a). Oxygène 8,8 (1) Voyez tome Vil, page 586. (a) Darrul, Statique chimique des Animaux, p. 218 et suiv. RATION D'ENTRETIEN DE L'HOMME. 173 térieur de l'économie, et une augmentation correspondante du poids du corps. <* 20. — Les résultats fournis par la pratique et par l'expé- J(Ration rience sont en parfait accord avec les déductions théoriques que de l'Homme, je viens de présenter; mais, pour en bien apprécier la portée, il faut tenir compte des circonstances biologiques qui influent le plus sur l'activité du travail nutritif, et par conséquent aussi sur retendue des besoins. Or, parmi ces circonstances, il faut ranger en première ligne la quantité de travail musculaire effectuée par les Hommes dont on étudie le mode d'alimenta- tion, leur taille et leur âge. Des recherches expérimentales très-intéressantes ont été faites, il y a quelques années, par M. Barrai, sur la composi- tion chimique de la ration alimentaire d'un Homme adulte dont le genre de vie n'entraînait aucune dépense considérable de force musculaire. Dans une série d'observations, les aliments consommés chaque jour contenaient en moyenne environ : 121 grammes d'azote, 2G^'r,8 de carbone. Dans une seconde série d'observations, M. Barrai trouva : 27Gr,9 d'azote, 3GG grammes de carbone. La moyenne générale donna pour la consommation ordi- naire : 2^,1 d'azote, 31 h grammes de carbone. Enfin, la comparaison de ces quantités avec le poids du corps montra que pour chaque kilogramme de ce poids l'orga- nisme avait reçu journellement, sous la forme d'aliments : hh centigrammes d'azote et 5gr,9 de carbone. 17/l NUTRITION. Ces résultats, comme on le voit, ne s'éloignent que très-peu des évaluations que la théorie nous avait conduit à adopter, savoir , pour la ration d'entretien d'un Homme , terme moyen : 21 grammes d'azote et 230 grammes de carbone (1). Un accord non moins remarquable existe entre ces évalua- tions et les données statistiques fournies par une enquête admi- nistrative faite, il y a dix ans, en Ecosse, sur le régime des prisonniers. 11 s'agissait de constater si la ration des détenus, dans des conditions de la plus stricte économie, était ou non suffisante pour subvenir aux besoins physiologiques ; et afin de (1) Dans ses recherches sur la sta- tique chimique du corps humain , M. Barrai détermina le poids et la com- position élémentaire des diverses ma- tières alimentaires dont les personnes soumises à ses investigations firent usage ; chaque série d'expériences dura cinq jours, et les résultats obte- nus servirent de terme de comparaison pour l'étude des matières excrétées de l'organisme. La première série d'expé- riences, portant sur un homme âgé de vingt-neuf ans et pesant Zi7k,7, fut faite en hiver ; la seconde, faite sur la même personne, eut lieu en été ; la troisième porta sur un Homme âgé de cinquante-neuf ans et pesant 58k,7 ; enfin la quatrième fut pratiquée sur une femme âgée de trente-deux ans et pesant 62 kilogr. Pour le moment, je laisse de côté une autre série d'ex- périences faites sur un enfant. Le tableau suivant résume les prin- cipaux faits constatés relatifs à la composition des aliments consommés chaque jour, terme moyen : MATIÈRE ORGANIQUE SÈCHE. MATIÈRES MINÉRALES fixes. EAU. CARBONE. AZOTE. ( !ram. 31,2 20, t 31,2 23,5 1998,0 1842,4 200,2 1737,4 300,2 204,9 331,8 292,7 27,9 21 2 27,3 22,4 N« 2 520 N« 3 073 N« 4 573 Moyenne générale. . 621 20,5 1894,0 313,8 24,7 (fl) m) Barrai, Statique chimique des Animaux, p. 240 cl suiv. ration d'otretikn di: l'homme. 175 résoudre celle question, on tint compte du poids de chaque indi- vidu à son entrée dans la prison et à sa sortie, ainsi que de la quantité des divers aliments qui lui étaient alloués chaque jour. Les documents recueillis de la sorte par un des professeurs les plus distingués de l'école médicale d'Edimbourg, M. Christison, ne nous permettent pas de calculer avec précision la quantité de matières combustibles et assimilables dont se composaient ces rations; mais on en peut juger d'une manière approxima- tive, et je ne m'éloignerai certainement que peu de la vérité en estimant à 37 grammes d'azote et 212 grammes de carbone le poids de ces deux principes essentiels fournis chaque jour, sous la forme d'aliments, à chacun des détenus dans la princi- pale prison de l'Ecosse 1). Ces quantités sont un peu inférieures ( 1 ) Cette enquête eut lieu, par ordre du conseil général des prisons, dans toutes les principales villes de l'Ecosse ; mais malheureusement les aliments ne furent pesés qu'à l'état humide, et c'est seulement par une approximation in- directe que .M. Christison a pu évaluer la quantité des matières nutritives, soit azotées, soit non azotées, dont chaque ration réglementaire m' com- posait. C'est donc seulement d'une manière encore moins rigoureuse que l'on peut estimer les quantités de car- bone et d'azote contenues dans ces rations. Voici, du reste, les principaux laits signalés par ce physiologiste. NOMS des VILLES. Edimbourg Glasgow. , Aberdeen . Sterling. . Ayr. . . . Dundee . . Pcrtli . . . RATION évaluée en onces. Aliments azotés. 4, or. 4,00 3,98 4,27 4,47 2,73 2,G8 Aliments non azotés. 12,8? 12,58 13,03 13,40 13,20 14,00 14,H PROPORTION dos individus sur 100 dont le jiuicis fut maintenu ou augmente. 82,0 07,0 C8,0 29,0 40,0 diminué. 18,0 32,0 32,0 71,0 50,0 54,0 PERTE HOYKNKE des individus dont la ration était insuffisante. 1.5 4,0 4,2 5,0 5,2 5 3,2 La ration des détenus à Edimbourg Glasgow, où le régime était à peu de suffisait, comme on le voit, à 7 2 indi- chose près le même , l'alimentation vidus sur 100 ; mais dans la prison de était insuffisante pour environ le tiers 17G NUTRITION. à celles que je viens de présenter comme devant, en général, entrer dans la ration d'entretien d'un Homme. Or, elles étaient insuffisantes pour répondre aux besoins physiologiques d'un nombre considérable de détenus. Le séjour des prisonniers dans cette maison de détention n'était pas long, et cependant chez 18 individus sur 100 le poids du corps diminua notable- ment sous l'influence de ce régime. Il est aussi à noter que, d'après les calculs de M. Liebig, la ration alimentaire fournie aux détenus de la maison d'arrêt de Giessen contiendrait environ 265 grammes de carbone, quantité qui ne dépasse que de très-peu nos évaluations théo- riques (1). La nourriture fournie à nos soldats suffit à presque tous ces Hommes, et doit même être considérée comme surabondante pour un grand nombre d'entre eux, car on sait que souvent ils vendent ou donnent aux indigents une portion de leur pain de munition. Or, nous voyons par les calculs de M. Dumas que de la population ; et cependant, dans l'un et l'autre de ces établissements, le déficit, calculé d'après les vues théoriques exposées ci-dessus, n'avait été en moyenne que d'environ h gram. d'azote et de 18 grammes de carbone. Dans les prisons où la ration était plus faible, elle devenait insuffisante pour l'entretien du poids initial de l'orga- nisme pour la moitié ou même poul- ies trois quarts des individus (a). (1) M. Liebig nous apprend que dans cette prison les détenus ne sont astreints à aucun travail fatigant, et reçoivent, terme moyen, par jour : \ -r livre de pain, contenant 14,5 lotlis (b) de carbone. 1 livre de soupe, contenant 15 lotlis de car- bone. 1 livre de pommes de terre, contenant 2 lotlis. de carbone. Total : 17 lollis, ou 205 grammes de carbone. Le môme chimiste évalue à 297 grammes par individu la quantité de carbone contenue dans les aliments consommés journellement par chaque individu dans une famille particulière, qui se composait de cinq adultes et de trois enfants (c). la) Christison, An Account ofsome Expérimenta on the Diet of Pri&oners [The Monthhj Journal of Médical Science, 1852, l. XIV, p. 415). {bi Le lot li correspond à 15e',0. (C) l.iebiu", Cldmù organique appliquée ù la physiologie animale, trad. par Gcrturdt, 1842, p. 39 cl 303. RATION D'ENTRETIEN DK L'HOMME. 1-7 dans l'armée française les cavaliers, c'est-à-dire des Hommes qui ont loris une taille bien au-dessus de la moyenne, trouvent dans leur ration journalière entre 22 et 23 grammes d'azote associés à 330 grammes de carbone (1). Chacun sait que l'état de repos ou d'activité musculaire influe beaucoup sur la quantité d'aliments qui est nécessaire pour satisfaire à nos besoins ou pour soutenir les forces de nos i«J— £• Animaux de travail. Le dicton populaire : « Qui dort dîne », est sans doute une grande exagération, mais montre que depuis longtemps on a généralement reconnu l'existence de rapports étroits entre la dépense nutritive et le déploiement de la force Influence de l'activité musculaire sur la (1) M. Dumas nous apprend que la ration de ces soldats se compose, de : 125 grammes île viande fraîche, contenant 70 grammes de matières azotées supposées sèches. 1 000 grammes de pain, dont 750 grammes de pain de munition et 510 grammes de pain hlanc, le tout contenant 64 gram- mes de matières azotées sècbes el 590 grammes de matières non azo- tées sèches. 200 grammes de légumineux, contenant 90 grammes de matières azotées sèches et 150 grammes de matières non azotées. 125 grammes de carottes, choux, navets, etc., qui ne contiennent que des quantités insignifianli s de matières nutritives. Total : 151 grammes de matières azotées sèches , contenant environ 22s',5 d'azote. 740 grammes de matières alimentaires non azotées, contenant environ 328 gram- mes de carbone (a). Gasparin, agronome très-distingué, qui a réuni beaucoup de documents intéressants relatifs à L'alimentation de L'Homme et des Animaux, donne une évaluation un peu plus élevée de la ration des soldais français. Suivant cet auteur, chaque Homme reçoit jour- nellement : 750 grammes de pain de munition, contenant Os1 ,15 d'azote et 282 grammes de car- bone et d'hjdrogène. 510 grammes de pain hlanc, contenant 6,45 d'azote et 193 grammes de carbone et d'hydrogène. 125 grammes de viande, contenant 3,02 d'a- zote et 18 grammes de carbone et d'hy- drogène. 150 grammes de haricots, contenant 5,70 d'a- zote et 80 grammes de carbone et d'hydrogène. 500 grammes de pommes de terre, contenant 1 ,80 d'azote et 77 grammes de carbone et d'hydrogène. Total : 2041 grammes d'aliments, contenant 49?', 8 de matières grasses, et fournis sant 2Gsr,12 d'azole el G50 grammes de carbone et d'hydrogène. Le même auteur donne, d'après des (a) Dum 's, Traité Je cliimie appliquée aux arts, 1840, I. VIII p. 4G0. 178 NUTRITION. physique. 11 est d'observation journalière que la ration dont un Cheval peut se contenter, lorsqu'il reste à l'écurie, ne saurait lui suffire quand il agit, et que la quantité d'aliments dont il a besoin augmente avec la quantité de travail mécanique qu'il effectue. Ainsi, les agronomes estiment que, pour consti- tuer la ration d'entretien d'un de ces Animaux lorsqu'il est au repos, il suffit d'une quantité d'aliments contenant, pour 100 kilogrammes du poids du corps, '20 grammes d'azote et A 12 grammes de carbone; mais que, pour le Cheval qui tra- vaille, il faut augmenter celle ration dans la proportion d'envi- ron Six milligrammes d'azote par tonneau mètre, c'est-à-dire 1000 kilogrammes de force déployée (1). documents officiels, ie tableau suivant de la ration des ouvriers de la marine de l'État : 750 grammes do pain île munition, contenant 9sr,l 5 d'azote et 282 grammes de car- bone et d'hydrogène. 250 grammes de viande, contenant 6,04 d'a- zote et 30 grammes de carbone et d'hydrogène. 00 grammes de fromage, contenant 3,71 d'a- zote et 48 grammes de carbone et d'hydrogène. 120 grammes de haricots secs, contenant 4, 5G d'azote et 04 grammes de carbone et d'hydrogène. C0 grammes de riz, contenant 0,72 d'azote et 34 grammes de caibone et d'hydro- gène. Total : 24s1', 18 d'azote et 404 grammes do carbone et d'hydrogène (a). En Angleterre, les soldais reçoivent journellement 1530 grammes d'ali- ments contenant environ 285 grammes de carbone, dont le quart à peu près provient de substances azotées (b). Enfin , d'après les évaluations de ]\i. Liebig, les soldats hessois reçoivent journellement nue ration contenant 27,8 loths, c'est-à-dire environ li'65 grammes de carbone (c). (1) D'après Gasparin, la ration d'un Cheval du poids de /il G kilogrammes doit êire équivalente, pour l'entretien organique, à 7k,'-î3 de foin, contenant 83-rr,2() d'azote, et de plus, pour le travail que nécessite le labour ordi- naire du sol pendant douze heures, à 9\09 de foin, contenant llie\/i7 d'azote : total, 16k,92 de foin renfer- mant une quantité d,ï matières albu- minoïdes correspondant à 19isr,75 d'azote. D'une manière générale, cet auteur estime que, pour 100 kilogr. du poids du corps, la ration alimen- taire du Cheval qui travaille doit ren- fermer M grammes d'azote à l'état de (a) Gasparin, Cottrs d'agriculture, t. V, p 395. {b) Playfair, On the Food of Man (Edinburgh new Philos. Journal, 1854, t. LVI, p. 2GG). (c) Liebig, Op. ci!., p. 295. RATION D'ENTRETIEN DE l'hOMME. 179 La consommation de l'Homme est subordonnée aux mômes causes de variations, et lorsque le travail forcé a été introduit dans le régime de divers établissements pénitenciers, on n'a pas tardé à reconnaître que la ration alimentaire qui avait suffi aux détenus inactifs était insuffisante pour ceux dont les occu- pations nécessitent un certain déploiement de force méca- nique (1). Ainsi, dans une des prisons de l'Allemagne, dont M. Liebig nous a fait connaître le régime, les détenus sont astreints à un travail fatigant, et pour les nourrir on a trouvé nécessaire de leur fournil1 journellement une ration contenant 03 grammes de carbone de plus que n'en renferment les aliments consommés par les prisonniers de la maison d'arrêt de Giessen où le travail n'est pas obligatoire (*2). Divers documents sta- tistiques réunis et discutés parGasparin ont même conduit ce savant agronome à penser que la différence entre la ration d'entretien d'un Homme condamné au repos et la ration com- plète d'un ouvrier effectuant un travail mécanique pénible, celui du terrassier ou du batteur de blé par exemple, était plus considérable quant aux aliments plastiques. En effet, il regarde la ration d'entretien comme pouvant être réduite, dans le pre- mier cas, à environ l*2sr,5 d'azote et 265 de carbone, tandis que dans le second cas il l'estime à 25 grammes d'azote et 300 grammes de carbone (3). principes albuminoîdes et une quan- tité correspondante de carbone (a). (1) Dans la prison de Carliste, où les détenus qui ne travaillent pas reçoi- vent 13,6 onces d'aliments par jour, on a trouvé qu'il fallait donner au moins 15 onces à ceux qui étaient em- ployés à des travaux de force (6). ('2) M. Liebig a constaté que les pri- sonniers de la maison pénitentiaire de Marienschloss, où le travail est forcé, consomment par jour environ 323 grammes de carbone, tandis que pour ceux de la maison d'arrêt de Giessen, qui sont privés de tout exercice, la ration alimentaire ne renferme que 26b grammes de carbone (c\ (3) Gasparin n'a pas donné les bases {a) Gasparin, Cours d'agriculture, t. V, p. 401. (6) Christison, Op. cit. (Tac Uonthly Journal ofMed. S i :nce, 1S52. t. XIV, p. 420). (r) Liehii;, Chimie organique appliquée à la physiologie tau nalc, p. 39. Influence de lV'gû sur la consommation alimentaire. 180 NUTRITION. §21. — Nous avons vu précédemment que dans la vieillesse la combustion physiologique se ralentit. Par conséquent, la quantité de combustibles organiques nécessaire pour alimenter le travail nutritif doit être moins considérable que dans la force de l'âge. Celte différence se manifeste dans les recherches faites en Ecosse sur le régime des prisonniers (1), ainsi que dans les expériences de M. Barrai. Ce chimiste trouva que la consom- do ses calculs relatifs ù rétablissement de la ration d'entretien de l'Homme au repos, et il se borne à dire que ses résultats sont déduits de beaucoup d'observations recueillies dans des couvents et des prisons (a). Pour l'évaluation de la ration de travail, il rapporte les comptes annuels de l'ali- mentation des laboureurs dans divers établissements agricoles, et de quel- ques autres ouvriers. On peut résumer de la manière suivante les principaux résultats ainsi obtenus, relatifs à la consommation journalière de ces ou- vriers, dans différentes parties de la France : Fermes du département de la Corrèze. , . . AZOTE. CARBONE ET HYDROGÈNE. Grnm . 24,3 24,7 27,4 20,2 Gr.im. 723 591 971 945 24,1 805 La quantité d'azote contenue dans ces rations ne s'éloigne que peu , terme moyen, de ce que nous avons considéré comme strictement suffisant; mais les aliments hydrocarbonés sont beaucoup plus abondants que dans nos évaluations théoriques. (1) En comparant les effets d'une alimentation uniforme cbez des per- sonnes dont les unes étaient âgées de seize à vingt ans, et les autres de plus de vingt ans, M. Cbristison a trouvé qu'à Edimbourg la même ration était insuffisante pour 31 sur 100 dans le premier groupe , et seulement pour 2_'t individus sur 100 dans le second. A Glasgow, la différence fut encore plus considérable : soumis au même régime, les Hommes âgés de plus de vingt ans diminuèrent de poids dans la proportion de 36 individus sur 3 00, tandis que. cbez ceux âgés de seize à vingt ans, cette proportion s'éleva à 53 pour 3C0 (b). tu) Casparin, Cours d'agriculture, t. V, p. 395. ,//; Cliiïsiison, O/i «'. [The Monthly Journal of Med'icû Science, 1852, I. XIV, p. 422). RATION1 D'ENTRETIEN DE L'HOMME. 181 mation des aliments, évaluée d'après la quantité de carbone Contenue dans ces substances, était en moyenne, pour chaque kilogramme du poids du corps, 6gr,6 chez un Homme de vingt- neuf ans, et seulement de 5=r,6 chez un Homme de près de soixante ans. Chez un enfant de six ans, elle était dans la pro- portion de plus de 10 grammes de carbone pour le même poids physiologique (1). D'après ce que nous savons relativement aux produits du travail nutritif chez l'Homme et la Femme, nous devons nous attendre à trouver que leur ration d'entretien n'est pas la même ; et effectivement chacun sait, par l'observation journalière, qu'en général une différence assez notable existe dans la quan- tité d'aliments qu'ils consomment (*2). § 22. — L'élude des variations qui se manifestenl dans la production de la chaleur animait1 nous conduit à reconnaître ia aussi que, sous l'influence d'un froid modéré, les phénomènes d'oxydation augmentent d'intensité 3), et par conséquent la théorie aurait pu suffire encore pour nous faire penser qu'en hiver la consommation alimentaire doit être plus grande qu'en été. L'observation journalière prouve qu'effectivement il eu est Influence ilu sexe. Influence de température. (1) Le petit garçon sur lequel M. narrai fit des observations pesait 15 kilogrammes, et consommai) par jour en moyenne 315gr,8 de matière organique sèche, contenant lôksr,o de carbone et 7sr,92 d'azote. La consommation d'eau était de 1,069, et les matières minérales fixes contenues dans les aliments pesaient environ 9*'r,ù (a). (2) La différence dans les besoins alimentaires, suivant les sexes, ressort nettement il. 's observations de VLChris- tisou sur le régim ! des prisonniers. A Edimbourg, où la ration était la même pour tous les détenus, elle fut trouvée suffisante pour 90 Femmes sur 100 ; tandis que pour les Hommes elle n'é- tait suffisante que pour environ 73 in- dividus sur 100. Dans la prison de Glasgow la ration alimentaire était in- suffisante pour 121,7 Femmes ei pour /il Hommes sur 100 (6). (3) Voyez ci-dessus, page 87. (a) Barrai, Statique chimique des Animaux, p. 25G. (6; Glnisiiion, Op. cit. {T.iettjutlilij Jjiu'.ixl of Jleiial Ssienit, 1832, t. XIV, p. i-ll;. 482 NUTRITION. ainsi, et nous voyons, par les expériences de statique chimique dues à M. Barrai, que les différences déterminées de la sorte peuvent être fort considérables ; car ce chimiste trouva qu'en hiver il lui fallait journellement, pour se nourrir convenablement, 717 grammes de matière alimentaire organique sèche, tandis qu'en été il n'en prenait que 520 grammes (1 ) . Les climats influent non moins sur la grandeur des besoins nutritifs de l'Homme, et chacun sait que les peuples des pays chauds sont en général d'une sobriété remarquable, tandis que ceux des régions froides sont renommés pour leur voracité. Cette différence se révèle déjà lorsque l'on compare le régime alimentaire de nos labou- reurs dans le département du Nord et dans le midi de la France. En effet , d'après les documents "statistiques rapportés par M. de Gasparin, chaque ouvrier agricole consommerait par jour 2/i grammes d'azote et f)9l grammes de carbone et d'hy- drogène dans cotte région méridionale, tandis que dans la partie la plus septentrionale de la France cette consommation s'élève- rait à "lT\k d'azote et à 971 grammes de carbone et d'hydro- gène. Au premier abord, on pourrait supposer que cela dépend uniquement de fa distribution inégale des richesses dans ces deux parties de notre pays; mais si l'on établit la môme com- paraison entre les agriculteurs du midi de la France et ceux du canton de Yaud en Suisse , où l'aisance est moins grande qu'aux environs de Lille cl où le climat est aussi froid pendant une grande partie de l'année, on obtient des résultats ana- logues (2). On sait que rien n'est épargné pour assurer le bien- Ci) La quantité de carbone contenu riences faites sur la môme personne en dans la ration alimentaire était, terme été (o)« moyen, d'environ 366 grammes dans (2) Cet auteur a donné les détails la série d'expériences faites en hiver, de la consommation ordinaire des ou- et de 26/t grammes dans les expé- vriers de l'agriculture à Valleynes-sous- (a) Barrai, Statique chimique des Animaux, p. 247 ei siiir. ration d'entretien de l'homme. 183 être des soldats anglais qui tiennent garnison dans l'Inde, mais la ration qui leur est fournie est cependant notablement infé- rieure à celle que ces mômes Hommes reçoivent quand ils sont en Angleterre (1). S'il nuit en croire les récits de beaucoup de voyageurs, les habitants des régions circompolaires seraient d'une voracité inconcevable et sembleraient ne pouvoir jamais se rassasier. Mais il y a eu, suivant toute probabilité, beaucoup d'exagération dans l'évaluation de la quantité d'aliments qu'ils sont susceptibles de digérer (2); et s'ils se chargent énor- mément l'estomac lorsque l'occasion s'en présente, ils sont souvent exposés aux effets de la disette, en sorte que la des- Lanic, dans le canlou de V'aud, el il a calculé que la ration journalière de chacun de ces Hommes renferme 27=Y- d'azote associés à 642 grammes de carbone et d'hydrogène (a). (1) D'après les documents recueillis par M. Playfair, on voit que la con- sommation journalière du soldat an- glais correspond à environ 287 gram- mes de carbone, lorsque celui-ci lienl garnison en Angleterre, el à environ 267 grammes lorsqu'il habite l'Inde. Dans le premier cas, il reçoit aussi un peu plus d'aliments azotés que dans le second (6). (2) Ainsi , il me semble dillicile d'ajouter foi aux assertions de beau- coup de voyageurs relativement à la voracité des habitants de la partie septentrionale de la Sibérie et des autres régions circompolaires. Co- chrane, par exemple, assure que sou- vent il a vu unTonguie ou un Yakoiit dévorer 20 kilogrammes de viande par jour, et un amiral russe, Sarilchefl", rapporte avoir vu un Homme de cette dernière nation manger, à un seul repas , l 'i kilogrammes de riz cuit avec du beurre (c). Le capitaine Parry, pendant son séjour parmi les Esquimaux, a con- staté qu'à la suite d'une pêche abon- dante, ces Hommes se gorgent parfois d'aliments au point de ne pouvoir plus se mouvoir et d'être obligés de rester couchés dans leurs huttes. Vou- lant apprécier la capacité: digestive d'un jeune Esquimau, ce navigateur pesa les aliments dont on lui permit de manger à discrétion, et il fut con- staté ainsi qu'en un seul repas, cet individu consomma plus de 5 kilo- grammes de viande et de pain, ac- compagnés d'environ un demi-litre de sauce épaiss? et de beaucoup de bois- son alcoolique (d). (a) Gasparin, Cours d'agriculture, t. V, p. 396. {!>) Playfair, On the Food of Mail in différent Oondilims of Age and Bmploymsnt [Edinburgh new rhilosophical Journal, 1851, t. LVI, p. 206 . (c) J. D. Cochrane, Narrative of a Pedestrious ïoumzy tkrough Russia and Siberian TaHary to ihe Froicn Sea, 1824, t. I, p. 255. (d) Parry, Journal of a second Voyagé for the Discovery of a RjrtUwjsl P.issajc from the Atlanticto the Pacific, perfortnéd in the years 18-21, il, i'â, p. 413. Ration alimentaire de divers Animaux. 184 NUTRITION. cription de leurs festins ne nous éclaire que peu sur leur con- sommation moyenne : et pour ne pas donner d'idées fausses à ce sujet, je me bornerai à dire, d'une manière générale, que dans les elimats très-froids, l'Homme a réellement besoin de beaucoup plus de nourriture que dans les pays chauds (1). §23. — Nous ne savons que peu de eboses relatives à la quantité de matières nutritives qui est nécessaire pour l'entre- tien de l'organisme de la plupart des Animaux, mais un grand nombre d'observations ont été enregistrées touchant l'alimen- tation des espèees domestiques dont la production est un objet d'industrie rurale, et même on a fait sur ce sujet quelques recherches expérimentales dont les physiologistes doivent tenir grand compte. Ainsi, M. Boussingault, dans ses études sur l'ali- mentation des Tourterelles, chercha à déterminer le minimum d'aliments plastiques qui, associé à des aliments respiratoires en abondance, pouvait suffire au maintien du poids initial d'un de ces Animaux qui pesait 130 grammes, et il trouva que sa ration devait contenir au moins 31 centigrammes de matières albumi- (1) M. Scharling, après avoir criti- qué avec raison les assertions exagérées de beaucoup de voyageurs louchant la consommation des habitants des pays froids, me semble être tombé dans un excès contraire, en soutenant que dans les régions circumpolaires l'Homme n'a pas besoin d'une ration alimentaire plus forte que dans la zone torride. Il s'appuie principalement sur des docu- ments qui lui ont été fournis par l'administration de la marine danoise, relatifs à la consommation faite par l'équipage d'un navire qui a navigué successivement pendant plusieurs mois dans les mers du Nord et des Antilles, pièces d'où il résulterait que la ration journalière des Hommes était notable- ment plus élevée dans les régions tro- picales que dans les régions froides du globe (a). Mais il me paraît probable qu'il y avait là quelque cause d'erreur inaperçue par l'auteur de ce travail ; et je ferai remarquer à ce sujet que le capitaine Itoss, qui a vécu beaucoup parmi les Esquimaux, dit positivement que la ration de viande qu'il leur four- nissait d'ordinaire était six fois plus considérable que celle dont un Anglais se contenterait (o). (a) Scharling, Forlsalte Forsotj for al bestemme den moingde Kulsyre ci Mcnncskc uJaander l 24 limer [Det Vïde.nskabemes Sclskables Aftiandlinuer, 18*5, l. M, p. 381). [b) Itôss, Narrative ofa second Voyage in Scarch ofa N. \V. Passage, p. U'J. RATION D'ENTRETIEN DES ANIMAUX. 185 noïdes ; ce qui suppose l'azote alimentaire dans la proportion d'environ 31 milligrammes pour chaque kilogramme de l'être vivant (1). Des observations analogues, mais moins précises, ont conduit ce savant à considérer la nourriture des Bœufs et des Chevaux comme insuffisante, quand elle ne renferme pas des principes albuminoïdcs dans les proportions de 200 ou même 225 grammes pour 100 kilogrammes du poids du corps, tandis que pour les Porcs cette quantité relative descendrait à environ l/iO grammes (2). Du reste, je ne cite ici ces résultais (pie pour montrer que, suivant toute apparence, la ration d'ali- ments plastiques requise pour l'entretien d'un même poids de l'organisme varie considérablement suivant les espèces et les individus, aussi bien que suivant les conditions biologiques (3). (1) M. Boussingault a constaté d'a- bord que la Tourterelle mise en expé- rience était parfaitement rationnée avec ih grammes de millet ; puis il diminua progressivement la quantité de ce grain, dans lequel il existe une proportion considérable de principes albuminoïdcs, et il remplaça largement le déficit par des aliments non azotés, tels que de l'amidon, du sucre et du beurre. Or, il a trouvé que, sous l'in- (Uiencc de ce régime mixte, le poids initia] de l'Animal ne se soutenait plus lorsque la ration de millet lût ré- duite à lsr,5 par jour, bien que dans cette circonstance la quantité d'amidon et de beurre consommés suffisait am- plement pour satisfaire à la dépense totale de carbone occasionnée par la respiration et les autres évacuations. Or, ier,5 de millet renferme 0,31 de principes albuminoïdes, et par consé- quent M. Boussingault en conclut que ce poids d'aliments azotés était insuf- fisant pour l'entretien de l'organisme de cet Animal, dont le poids était de lo0 grammes, quelle que fiU l'abon- dance des aliments carbo-bydrogénés, mais non azotés (a). ('2) M. Boussingault, sans s'expli- quer formellement sur la quantité d'aliments plastiques dont ces Ani- maux ont besoin pour maintenir leur corps au même poids, dit que la ration quotidienne lui parait être insuffisante quand l'albumine ou la léguniine qui s'y trouve tombe au-dessous de : 1 ,20 pour une Vaclic laitière pesant 000 kilo- grammes. 1,00 pour un Cheval de travail pesant 500 ki- logrammes. 0,00 pour un Cheval pesant 400 kilogrammes. 0,1:2 pour un Porc pesant 85 kilogrammes (6). (3) J'ajouterai cependant, à titre de renseignement, que, suivant M. de (o) Boussingault, Économie rurale, 2< edit., 1851, I. 11, p. 2"5. (6) Idem, Op. cil , t. II, p, 270. MU. 13 186 NUTRITION. Ces différences peuvent dépendre jusqu'à un certain point de la part que le tissu graisseux forme dans le poids total de l'Animal (1), mais elles tiennent probablement aussi au degré d'activité du travail nutritif effectué dans les organes; et à ce sujet je rappellerai que nous avons déjà constaté que, toutes choses égales d'ailleurs, les produits de la combustion phy- siologique correspondant à un poids donné de substance vivante sont plus abondants chez les petits Animaux que chez les Gasparin, la ration d'entretien d'un Cheval qui ne travaille pas doit conte- nir de l'azote dans la proportion de 20 grammes d'azote et du carbone dans la proportion de A 12 grammes pour 100 kilogrammes du poids de l'Animal ; mais que pour le Cheval qui travaille à la charrue, celte ration doit être augmentée dans la proportion de 130 pour 100. Ainsi, il estime qu'an Cheval du poids de /|1(3 kilogrammes doit consommer une ration correspon- dant à 836r,2 d'azote pour les jours de repos, et à 19/t«r,75 pour les jours de travail (a). M. Baudement, qui a étudie avec beaucoup de soin les variations de poids du corps des Chevaux de cava- lerie qui étaient nourris avec la ra- tion réglementaire, a constaté qu'elle est suffisante, même pour ceux dont le poids s'élève à plus de C00 kilogr. Or, cette ration pour les Chevaux de réserve consistant en 5 kilogrammes de foin, 5 kilogrammes de paille et àk,2 d'avoine, et pour les Chevaux de ligne en h kilogrammes de foin, 5 kilo- grammes de paille et 5k,/t d'avoine, fournit aux premiers 909s',/ii d'ali- ments plastiques et 3k ,128,46 d'ali- ments respiratoires ; aux seconds , 757S'",8Sde matières azotées et 2u,G9Zi d'aliments non azotés (h). M. Alliberl, qui a réuni et discuté beaucoup d'observations relatives au régime alimentaire des divers Ani- maux domestiques, évalue à environ 2 grammes par kilogramme du poids du corps la quantité de matières albumi- noïdes consommées parles Chevaux de l'artillerie de la garde impériale, cl à 2sr,5 la quantité des mêmes principes azotés existant dans la portion de la ration correspondant au même poids du corps pour les Chevaux de travail ordinaire. Cet auteur évalue aussi à 2 grammes par kilogramme du poids de l'organisme la quantité d'aliments plastiques nécessaires pour l'entretien des Bœufs et des Vaches, en ajoutant toutefois à la ration de ces dernières un supplément correspondant à la pro- duction du lait. (1) Le tissu graisseux ne jouit que de très-peu d'activité physiologique, et par conséquent la ration d'entretien nécessaire pour réparer les pertes quotidiennes de l'organisme ne doit pas être la même pour les individus de même poids qui seraient sembla - (a) Gasparin, Cours d'agriculture, l. V, p. 40t. (6i Baudement, Études expérimentales sur l'alimentation du bétail {Annales de l'Institut agro- nomique de Versailles, 1852) t. I, p. 121). RATION D'ENTRETI£N DES ANIMAUX. 187 grands (1), et que par conséquent nous devons penser que pro- portionnément à leur poids, ces derniers consomment moins d'aliments que les premiers. L'observation confirme cette opi- nion, et ce lait nous explique pourquoi les agriculteurs qui élèvent des Animaux de boucherie trouvent en général plus de profit à opérer sur des races de grande taille (2). blés enlrc eux sous lous les rapports, saut la proporlion de graisse dont leur corps serait chargé, et ceux dont le poids est dû principalement au déve- loppement du système musculaire con- sommeront plus d'aliments que ceux dont le corps est chargé de graisse. Aussi, dans les expériences sur l'en- graissement des Animaux domesti- ques, voit-on que proportionnellement au poids vif, la quantité d'aliments em- ployés diminue à mesure que l'em- bonpoint augmente. Cela a été mis lits bien en évidence par les recher- ches di' mm. Lawes cl Gilbert sur le régime des porcs («). (1) Voyez ci-dessus, page 51. (2) M. Baudement amis ce fait très- bien en évidence par ses expériences sur l'alimentation des Chevaux et des Bœufs. Il a conclu de ces recherches que, pour 100 kilogr. de poids vif, les Che\aux exigent journellement : £07 grammes d'alimenls azolés cl 670 grammes d'alimenls respiratoires, quand ils pèsent de 100 « 450 kilogrammes. 193 grammes d'alimenls azotes et 070 grammes d'à' iments respiratoires, quand ils posent de 500 à 550 kilogrammes. D'après le même auteur, les Bœufs du poids de : 000 à 050 kilogrammes exigent 164 grammes de malières azolées el 626 grammes d'ali- menls respiratoires pour 100 kilogrammes tic poids vif. 700 à 750 kilogrammes exigent pour le même poids vif seulement 110 grammes d'alimenls asolés associés à G20 grammes d'alimenls non azolcs. 750 à 800 kilogrammes exigent pour le même poids \if 135 grammes d'aliments azok;s ci 6S0 ri immes d'alimenls respiratoires ((<). .l'ajouterai que, d'après M. Allibert, les Poneys, dont le poids n'est que d'environ '200 kilogrammes, doivent trouver dans leur ration journalière des principes albnminoïdes dans la proportion de 3 grammes par kilo- gramme, tandis que pour les grands Chevaux d'artillerie , il estime cette quantité relative à x2 grammes seule- ment. Le même auteur a fait une série d'expériences sur l'alimentation des Lopins et des Souris, cl il estime que pour le même poids de substance vi- vante, les premiers ont besoin de trou- ver dans leur nourriture journalière (a) Lawes, Pig feeding {.Journal oflhc Royal Agricultural Society of England, 1853, l. XIV, p. 105. — Lawes and Gilbert, On the Equivalency of Starek and Sugar ii Food [Report of the - i'1' meelmq of the Brilish Ass dation, 1854, p. 428;. (6) Baudement, Expériences sur la valeur alimentaire de plusieurs espèces de betteraves introduites dans la ration des Bœufs de travail [Mém de la Société centrale d'agriculture, 185;), 2« partie, p. 313). 188 NUTRITION. influence § 2/i. — Il est aussi à noter que certaines substances qui ne de certaines 4 A f matières sont pas susceptibles d'être brûlées dans l'intérieur de l'éco- rainérales. . , . , norme animale, ni d être utilisées pour la constitution des tissus vivants, paraissent pouvoir exercer une intluence considérable sur la marche du travail nutritif, et ralentir ou accélérer les métamorphoses chimiques qui ont pour résultat final la forma- tion des produits excrémentitiels. Ainsi l'arsenic, administré à petites doses, paraît ralentir la combustion respiratoire et favo- riser l'accumulation de la graisse dans le corps de l'Homme et des Animaux (1) ; tandis que l'iode, porté dans le torrent de la 8 grammes de matières albuminoïdes. Enfin, pour les Souris dont le poids moyen est seulement de 16 grammes, il évalue à Z|6 grammes la proportion de ces aliments plastiques calculée toujours par 1 kilogramme du poids du corps [a). Proportionnément à leurs poids, ces petits Animaux consomme- raient donc 2/j fois plus d'aliments azotés que ne le font les Chevaux. (1) MAI. Schmidt et Stùrawage (de Dorpal) ont fait une série d'expériences intéressantes, relatives à L'influence que l'introduction de petites doses d'acide arsénieux exerce sur le travail nutritif chez les Chats. Ils ont trouvé que cette médication détermine une grande di- minution dans l'exhalation de l'acide carbonique et dans l'excrétion de l'urée. La différence s'est élevée de 20 à /|0 pour 100 de la production ordi- naire ; et lorsque les fonctions diges- tives ne sont pas troublées, le poids du corps peut être notablement aug- menté par suite des effets ainsi pro * duits (6). L'arsenic (ou acide arsénieux) est, comme on le sait, un poison violent lorsqu'il est introduit en quantité un peu considérable dans l'économie ; et si quelques Animaux semblent résister mieux que l'Homme à son action toxique, cela dépend seulement de ce qu'il ne séjourne que peu dans leur tube digestif, et n'est absorbé qu'en très-petite quantité avant d'être expulsé au dehors avec les déjections. C'est de la sorte que l'acide arsénieux solide a pu être employé à hautes doses dans le traitement de la pleurésie chronique chez les Moutons (c), et administré de la même manière à des Bœufs et à des Chevaux (d) ; mais, employé en disso- lution, il est absorbé assez rapidement pour que son action toxique ordinaire se manifeste (e). (a) Allibert, Alimentation des Animaux domestiques, 18G2, p. 32. (b) C. Schmidt und L. Stùrawage, Ucber den Einftuss der arsenigen Sauve auf den Sloffwechsel (Molescholt's Untersuchungen xur Nalurlehre, 1850, t. VI, p. 283). (c) Cambessèdes, voyez Gasparin, Note sur l'emploi de l'arsenic à hautes doses dans le traite- ment de la. pleurésie chronique, des Moutons (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1843 LXVI.p. 23). (d) Danger et Flandin, Xote sur l'emploi de l'arsenic (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1843, I. XVI, p. 53 et 136). (e) Rognetla, Hôte sur l'arsenic considéré comme remide chez les Animaux domestiques [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, t. XVI, p. 57). Rôle des matières minérales dans RATION D'ENTRETIEN. MATIÈRES MINÉRALES. 189 circulation, lend à activer divers phénomènes de résorption, et à déterminer l'amaigrissement. Mais ce sont là des sujets dont l'élude appartient à la médecine plus qu'à la physiologie, et par conséquent je ne m'y arrêterai pas davantage ici. § 25. — Dans les considérations que je viens de présenter, il n'a été guère question que des matières alimentaires de nature organique; mais nous avons déjà vu qu'il existe des '«"«'".ion matières minérales en proportion plus ou moins considérable dans toutes les parties solides et liquides de l'économie animale ; que ces matières y jouent des rôles importants, et que les humeurs excrémentitielles en entraînent sans cesse au dehors. Il faut donc que la ration d'entretien de l'Homme et des Ani- maux renferme une quantité de chacune de ces substances correspondante à celle nécessaire pour contre-balancer ces pertes, ainsi que pour fournir à l'accroissement du corps lorsque celui-ci est dans sa période de développement. Dans la plupart des circonstances, ces substances minérales existent en quan- tité suffisante clans les aliments naturels que fournissent les deux règnes organiques ou dans les eaux employées comme boisson ; mais il n'en est pas toujours ainsi, et alors la ration d'entretien doit nécessairement contenir des sels minéraux aussi bien que de l'eau et des aliments azotés et carbo-hydro- génés. Ainsi, dans l'accomplissement des actes physiologiques normaux, certains Animaux font une très-forte dépense de chaux carbonalée, et, pour compléter leur recette quotidienne, ils ont besoin de manger des matières minérales aussi bien que des aliments ordinaires. La Poule est dans ce cas : les œufs qu'elle pond en grand nombre emportent journellement une quantité très-considérable de chaux qui est le principal élément constitutif de la coquille, et c'est en partie pour fournir à la sécrétion dont son oviduetc est le siège, que la Nature lui a donne l'instinct de picoter dans le sol et d'avaler de petits fragments de terre. Si elle est privée de celte ressource, elle Rôle du sel commun. 190 NUTRITION. ('puise bientôt la réserve de carbonate calcaire emmagasiné dans son organisme, et ne pond plus (1). Un phénomène analogue, mais dont l'importance est plus grande, a été constaté expérimentalement par Chossat sur des Tourterelles. En empêchant ces Oiseaux d'avaler des fragments de pierre et en les nourrissant de grains seulement, ce physio- logiste a vu que leurs os cessaient d'avoir la consistance ordi- naire et devenaient friables. Pour eux, les petites pierres cal- caires sont des aliments nécessaires, dont la privation est en général très-promptenient suivie de la mort (2). § 26. — L'importance physiologique du chlorure de sodium est rendue manifeste par ce que nous avons déjà vu relativement à la présence de ce corps dans le sang et à son influence sur la conservation des globules hématiques dans le sérum (3). Nous avons vu également que la sécrétion du suc gastrique nécessaire pour l'accomplissement du travail digestif est accompagnée d'une élimination d'acide chlorhydrique en quantité considérable (Z|); enfin, nous avons constaté aussi l'excrétion de beaucoup de chlorure de sodium par les voies (1) Vauqaelin a observé cette par- ticularité en nourrissant avec de l'avoine seulement une Poule qui , sous l'influence de son régime or- dinaire, pondait, un œuf tous les jours (a). (2) Dans ces expériences de Chossat, le tissu osseux a été en partie résorbé, et le squelette est devenu très-fra- gile (b) ; mais on voit, par les recher- ches plus récentes de mon fils, que lors de l'insuffisance des matières cal- caires dans la ration des Pigeons, la friabilité des os ne résulte pas d'un changement dans la composition chi- mique de la substance osseuse et d'une diminution dans la proportion des éléments minéraux de ce tissu, mais d'un ralentissement dans le tra- vail nutritif producteur ou réparateur, de façon que la quantité de tissu os- seux devient insuffisante (c). (3) Voyez tome f , page 196. (U) Voyez tome VU, page 26. (a) Vauquelin, Expériences sur les excréments des Poules comparés à la nourriture qu'elles prennent [Afin, de chimie, 1790, t. XXIX, p. 20). (b) Chossat, Note sur le système osscu.r (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 18 42, t. XIV, p. 451). (c) Alplioi^c Milno Edwards, Expériences sur la nutrition des os (Ann. des sciences nat., I. XV, p. 254). RATION D'ENTRETIEN. EAU. 191 urinaires (1). 11 en résulte que la ralio-n d'entretien de l'Homme et des Animaux qui se rapprochent de lui par leur mode de constitution, doit contenir une certaine quantité de cette sub- stance minérale. Pour l'Homme, la proportion de chlorure de sodium qui existe dans les aliments tels que la Nature nous les fournit, est en général insuffisante, et il est très-utile d'y ajouter une petite quantité de cette matière saline. Dans certaines circonstances, il en est de même pour les Moutons et pour quelques autres de nos Animaux domestiques; mais dans ces derniers temps les agriculteurs et les économistes ont singu- lièrement exagéré les avantages de cette pratique, et ils ont évalué avec non moins d'exagération la consommation utile du sel pour l'alimentation de l'Homme (2). C'est à tort que l'on considère la quantité de chlorure de sodium contenu d'ordi- naire dans les urines comme donnant la mesure de la quantité que la ration d'entretien doit contenir, car une grande partie du sel excrété de la sorte a traversé rapidement l'organisme sans y avoir joué aucun rôle utile, et l'excrétion de cette substance peu! diminuer beaucoup sans qu'il en résulte aucun inconvénient grave (3); mais, d'un autre côté, l'addition d'une certaine proportion de ce condiment aux aliments dont nous faisons usage est bonne non-seulement pour stimuler notre (1) Voyez tome Vif, page 517. (2) Beaucoup de ces exagérations ont été inspirées par le désir de faire abolir l'impôt dont le sel a élé pen- dant longtemps l'objet. Cette question a fait naître de nombreuses publica- tions il y a une quinzaine d'années, et parmi les plaidoyers en faveur de celle mesure financière, je citerai sou- vent un livre de M. Barrai, parce qu'on y trouve des renseignements utiles aux physiologistes (a). Pour l'appréciation des arguments invoqués par M. Demes- may et autres, je renverrai à un rap- port que j'ai adressé au ministre de l'agriculture en 1850 (6). (3) M. Wund a trouvé qu'en s'abs- tenant complètement de l'usage du (a) Barrai, Statique chimique des Animaux appliquée spécialement à la question de l'emploi agricole du sel, 1850. (6) Milnc Edwards, Rapport sur la production et l'emploi du sel en Angleterre, 1850. 102 NUTRITION. appétit, mais aussi pour entretenir les forées digestives, et pour modifier l'action exercée par l'eau qui peut se trouver intro- duite en quantité considérable dans le torrent de la circulation par l'absorption gastrique, et qui s'échappe ensuite de l'éco- nomie par les reins. 11 me paraît bien démontré que l'emploi de ce condiment tend à augmenter le travail de mutation de la matière organique dont résultent les produits excrémenli- tiels urinaires; mais il ne me semble pas aussi bien prouvé que ce résultat soit une conséquence directe de l'action du chlorure de sodium sur les substances en voie de transforma- tion (1), et ne dépende pas seulement de ce qu'un régime salé sel de cuisine pendant cinq jours, la par les voies urinaires a diminué de la quantité de cette substance excrétée manière suivante : l"jour. . . 2» jour. . . 3* jour. . . 4* jour. . . 5" jour. . . QUANTITÉ D'URINE ÉVACUÉE. QUANTITÉ DE CHLORURE DE SODIUM EXCRÉTÉE. Centimètres rubes. 2022 1428 1210 1341 1045 Grammes. 7,207 3,623 2,437 1,359 1,091 (a). (1) M. Bischofï a trouvé qu'un Chien qui mangeait journellement 500 grammes de bœuf, excrétait 22°r,50 d'urée lorsqu'il ne recevait pas de sel, et 28s',34 lorsqu'on avait ajouté du sel à sa boisson. Cela suppose une augmentation journalière de 5gr,8Zi dans la consommation nutritive des matières azotées sous l'influence du sel (b). Quelques auteurs ont considéré le chlorure de sodium comme exerçant une influence très-considérable sur l'engraissement des Animaux, et l'on a été jusqu'à dire sérieusement qu'une livre de sel fait 10 livres de graisse (c) ; mais dans la plupart des expériences bien faites par les agro- nomes, on n'a pu constater aucun effet de ce genre (d). La discussion des (a) \V. Wund, Ucbcr den Kochsahgehalt des Harns {Journal fur praklische Chemie, 1853, t. L1X, p. 207). (b) Bischoff, Einfluss des Kochsalzes auf die Harnstoffentleerung (Annalen der Chemie und Pharm., 1853, l. LXXXVI.I, p. 109). (c) Uemesmay, voyez le Moniteur universel du 20 mai 1847. (). M. Boussingault a remarqué que les hèles bovines qui, dans ses élablcs, recevaient une ra- tion de sel, avaient le poil plus lisse et plus beau que les autres (c). (1) Il est cependant à noter que, d'après les expériences faites par M. Barrai sur des Moutons, le sel pa- raît avoir augmenté la sécrétion uri- naire, non-seulement d'une manière absolue, mais aussi proportionnémenl à la quantité d'eau employée comme boisson. Sous l'influence du régime salé, cet auteur a trouvé aussi que la proportion d'azote excrétée par les voies urinaires était beaucoup plus considérable que sous L'influence du régime ordinaire (d). ('2) Pour étudier L'influence que l'eau exerce sur le travail nutritif, chez L'Homme, M. Bôker fit sur lui- même une série d'expériences dans lesquelles, après avoir constaté quelle était la quantité d'aliments néces- saire pour maintenir sans variations le poids de son corps dans lis circon- stances ordinaires, il continua ce ré- gime, mais en variant la quantité d'eau employée comme boisson. Pen- dant une semaine il ne prit journelle- ment que l'2(j0 grammes de ce liquide, et pendant une autre période de même durée il en prit oOfiO grammes par jour. Sous l'influence de cette ingur- gitation considérable de liquide le besoin d'aliments se fit sentir davan- (a) Milnc Edwards, Rapport sur la production et l'emploi du sel, p. 73. (0\ Delafond, Sur l'emploi du sel marin dans l'économie des Animaux domestiques (Mém. de la Société centrale d'agriculture, 1849, 1" partie, p. 385). (c) Boussingault, Recherches entreprises pour déterminer l'influence que le sel ajouté à la ration exerce sur le développement du bétail (Ann. de chimie, 1847, t. XIX, p. 117 ; t. XX, p. 113, et t. XXII, p. 110). (.V> kilo- grammes, celte même consommation était de 58 kilogrammes. Enfin, chez un troisième individu qui pesait 555 kilogrammes, elle n'était que de 50 ki- logrammes, ce qui donne pour chacun de ces Animaux 90 grammes par kilo- gramme du poids total du corps. Chez des Vaches, cette consommation d'eau (tait dans la proportion de 120 gram- mes par kilogramme du poids de ra- nimai (c). Le même auteur évalue à 150 gram- mes pour chaque kilogramme du poids de l'Animal la quantité d'eau qui entre dans la ration d'un Porc, tandis que cette proportion ne s'élèverait, d'après ses calculs, qu'à 6S ou même à 63 seulement chez les Moutons. (3) Quelques auteurs ont évalué la quantité des boissons par rapport à celle des aliments. Ainsi Sanctorius a cru pouvoir établir que, normalement', {a) Boussingault, Analyses comparées des aliments consommés cl des produits rendus par vu Clu val soumis à In ration d'entretien (An»', de chimie et de. physique, 1839, i. LXXF, p. 131;. (M Allibert, Alimentation des Animaux domestiques, 1S0-J, p. 101. !) M, m, 0\ . er., p. -10j. 196 NUTRITION. Ainsi que chacun le sait, la privation des boissons occa- sionne à l'Homme des souffrances très-vives ; il en est de même pour la plupart des autres Animaux. Mais les effets de ce genre d'abstinence ne sont pas aussi graves qu'on pour- rait le croire au premier abord , et lorsque les aliments organiques nécessaires pour constituer la ration d'entretien manquent, la mort est souvent accélérée plutôt que retardée par le libre usage de l'eau ; ce qui s'explique facilement par l'augmentation des pertes par excrétion que détermine le pas- sage d'une quantité considérable de ce liquide par les voies urin aires (1). § 27. — Nous venons de passer en revue les principales circonstances qui influent sur la consommation nutritive de l'Homme adulte ; nous avons cherché aussi à déterminer la quantité de chacun des principaux éléments chimiques que le corps humain a besoin de s'approprier. Mais les no- tions acquises de la sorte ne peuvent nous suffire, et pour compléter nos études relatives à la nutrition de l'Homme pour un partie d'aliments solides , mais les Lapins qui, en étant soumis l'Homme buvait normalement plus de à l'inanition , se trouvaient privés trois parties (en poids) d'eau ; suivant d'eau, ont vécu notablement moins Cornaro, cette proportion serait comme longtemps que ceux qui buvaient à 1 : 1,16, et suivant Robinson, comme discrétion. Par l'ingestion forcée d'une 1 : 2,5 (a). certaine quantité d'eau dans l'esto- (1) Ainsi, dans des expériences sur mac des Animaux privés d'aliments, ce sujet, faites par Cbossat sur des Chossat a vu la vie être abrégée Tourterelles, la mort est arrivée plus d'une manière très-remarquable. Ceux promptement cbez les individus qui qui étaient soumis à cette ingestion buvaient de l'eau à volonté que cbez n'ont vécu , terme moyen, que sept ceux qui en étaient privés. Pour les jours, tandis que ceux qui étaient Pigeons, la durée de la vie a été à privés d'eau ne sont morts qu'au bout peu près la même dans les deux cas; de onze jours d'abstinence (6). (a) Voyez Bimlach, Traité de physiologie, t. IX, p. 287. (6) Chossat, Recherches expérimentales sur l'inanition (Mêm. de l'Acad. des sciences, Savants étrangers, 1843, t. VIII, p. 501). RATION D'ENTRETIEN DE LHOMMH. 197 et des Animaux, il nous faut encore chercher sous quelle forme ces matières doivent être fournies à l'organisme, et approfondir davantage l'histoire physiologique des substances alimentaires : c'est ce que nous ferons dans la prochaine- Leçon . SOIXANTE -DIXIÈME LEÇON. Suite de l'étude des phénomènes de nulrition. — De la voleur nutritive des divers aliments. valeur § \ . — 11 a suffi de l'observation journalière pour faire rc- nulrilivc A , .. , ai/ des aliments, connaître que tous les aliments ne possèdent pas au même degré la puissance nutritive, et, lorsque les agronomes ont voulu donner à la zootechnie des bases scientifiques, ils ont compris que pour l'économie rurale il importait de connaître avec au- tant de précision que possible les différences qui peuvent exister à cet égard entre les diverses substances dont ils com- posent la ration de leurs Animaux domestiques. Les physiolo- gistes ont attaché aussi beaucoup d'intérêt à la solution des questions de cet. ordre, et les personnes qui s'occupent d'éco- nomie sociale et d'administration publique n'ont pu y rester indifférentes. Aussi, depuis une vingtaine d'années, des recher- ches expérimentales fort nombreuses ont été faites sur ce sujet, et l'on a cherché à déterminer avec précision, d'une part, quels sont les besoins nutritifs de l'Homme et des Animaux que nous élevons pour notre service; d'autre part, quelle est la valeur physiologique relative des différents aliments. M. Boussin- gault fut un des premiers à tenter la construction d'une table d'équivalents nutritifs, et d'importants travaux relatifs à l'ali- mentation de l'Homme ont été faits plus récemment par plu- sieurs chimistes, au nombre desquels je placerai en première ligne M. Liebig. Propoi-iion L'eau se trouve en si grande abondance dans la nature, qu'en contenue général la valeur vénale de la quantité de ce liquide dont un tes divers Homme ou un Animal a besoin pour sa boisson est pour ainsi aliments. ,. ,, , , .. . 1 1 ' i dire nulle, et qu on n en tient aucun compte dans les évalua- VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 199 tions dont il est ici question. Lorsqu'on veut comparer entre eux la puissance nutritive des divers aliments, il faut donc dé- terminer tout d'abord la proportion d'eau que ces corps peu- vent contenir, et les considérer que comme s'ils étaient à l'état sec, bien que cène soit jamais ainsi qu'on en lasso usage. Dans les premiers essais faits par les chimistes pour apprécier la va- leur physiologique des substances alimentaires, on se contenta des données obtenues de la sorte : et effectivement, quand il s'agit seulement de matières qui, par leur nature, se ressemblent beaucoup entre elles, on "peut arriver ainsi à des approxima- tions satisfaisantes dans beaucoup do cas [1 : mais lorsqu'on veut approfondir l'élude théorique de ces questions, il faut né- cessairement tenir grand compte de la composition el des pro- priétés de la portion solide des aliments, aussi bien que de leur quantité. (1) En 1818, le minisire de L'inté- rieur voulant s'éclairer sur la valeur nutritive des diverses substances cm- ployécs pour l'alimentation des déte- nus, a tressa à la Faculté de médecine de P uis une série de questions à ce sujet, et, pour \ répondre, Vauquclin »i Percj dosèrenl la quantité d'eau etla proportion de matières extractives con- tenues dans un certain nombre de c< s corps. Ils trouvèrent que la quantité de matière sèche contenue dans l kilo- gramme d'aliment était de : 750 pour le pain ordinaire de Parle. 310 pour la viande maigre ). J'ajouterai que M. Lawes et Gilbert ont déterminé la proportion d'eau contenue dans les différentes pal- lies du corps des animaux de bou- cherie (c). la) Percj et Vauquelin, Rapport fait à la l'acuité de médecine le 9 avril 1815 (Bulletin Foi u:t<: el de la Société de médecine, i. VI, p. 75). (&) Voyez ci-après, page 808. (c) 1 awes and Gilbert, Expérimental Inquiry inlo the Composition o[ som: of the Animais fed and siumhtcrcd as llunan Fool (Philos. Trans., 1 sô'J, t. CXLIX, p. 580 cl suiv.). 200 NUTRITION. ïriiif"'" Dans ^ Pratiqué) on peut suivre nue autre marche , et arriver par des tâtonnements à connaître la quantité de tel ou tel aliment particulier qui peut être substitué à une quantité déter- minée de telle autre substance nutritive dans la ration d'entre- tien d'un Animal adulte, c'est-à-dire dans la ration à l'aide de laquelle on satisfait à tousses besoins et l'on maintient son corps dans un état slalionnaire. Plusieurs agronomes ont publié des observations de ce genre; mais dans une exploitation rurale il est toujours fort difficile d'obtenir ainsi des résultats nets et constants, car les conditions dans lesquelles on opère varient trop, et, du reste, les faits enregistrés de la sorte ne pou- vaient résoudre la plupart des questions les plus importantes pour l'étude physiologique de l'alimentation. M. Boussingault a donc rendu à la science un service considérable, lorsqu'il a fait intervenir dans ces recherches l'analyse élémentaire des matières alimentaires, et qu'il a établi des comparaisons pré- cises entre leur pouvoir nutritif et leur richesse en azote ou fout autre principe constitutif. Évaluation Les premières expériences de M. Boussingault portent sur d'après l'azole ,, ,. . , . ,, . . ,,,, . , contenu. 1 ni mi en la l ion des Animaux de terme, tels que le Cheval et la Vache, dont la nourriture se compose de substances très-riches en carbone, mais généralement pauvres en azote. Or, les faits, dont j'ai rendu compte dans les précédentes Leçons nous ont montré que pour subvenir à la dépense nutritive de ces Ani- maux, il faut que leur ration quotidienne renferme une quantité considérable d'azote. Nous ne devons donc pas nous étonner si, dans le cas particulier que je viens d'indiquer, la condition dominatrice ait été la proportion de matières azotées contenues dans l'aliment. En effet, M. Boussingault a été frappé de la concordance qu'il trouvait entre la puissance nutritive des di- verses substances végétales dont il faisait usage pour la nour- riture de ses Animaux de ferme et la quantité d'azote que ces substances contiennent. 11 crut même pouvoir poser en prin- VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 201 cipe que la propriété alimentaire des végétaux réside essentiel- lement dans leurs matières azotées, et que leur faculté nutri- tive est proportionnelle à la quantité d'azote qui entre dans leur composition ; enfin, il dressa d'après ces vues une taWe d'équi- valents nutritifs, dans laquelle il donna le poids de chaque ali- ment correspondant à une quantité constante d'azote. Comme exemples de ces différences, je dirai que pour fournir à un Animal la quantité d'azote contenue dans 100 grammes de foin ordinaire, il faut : Grammes. 885 de navets. 669 de betteraves blanches de Si- lésic. 5Zi8 de betteraves champêtres. 479 de paille de seigle nouvelle. Ml de choux pommés. 382 de carottes. 319 de pommes de terre. 235 de paille de froment ancienne. 209 de fanes de pomme de terre. 1 lZi de paille de lentilles. 83 de foin de luzerne. Grammes. 68 d'avoine des magasins militaires de Taris. 60 d'avoine d'Alsace, première qua- lité. 58 de seigle d'Alsace , première qualité. 55 de froment d'Alsace. 27 de pois secs. 25 de li'iiiilles. 22 de tourteau de lin. 1/j de tourteau d'aracbis. Cette inégalité dépend en grande partie de la proportion d'eau contenue dans ces substances, mais elle correspond aussi en partie à la proportion d'azote que renferme la matière sèche ; ainsi, en faisant abstraction de l'eau et en analysant la matière sèche, M. Boussingault trouva pour 100 grammes : 0sr,Zi3 d'azote dans la paille de froment ancienne. lgr,50 dans la pomme de terre ordinaire. 2*r,o0 dans le froment d'Alsace. 3gr,8/i dans les pois jaunes. 5sr,20 dans le tourteau de lin. 8sr,89 dans le tourteau d'arucliis. En se fondant sur l'hypothèse de la proportionnalité de l'azote contenu dans ces aliments et de leur pouvoir nutritif, M. Bous- singault a fait diverses expériences dans lesquelles une portion du foin de la ration ordinaire fut remplacée par son équivalent vin . \k 202 NUTRITION. théorique de paille, d'avoine, etc., et dans un grand nombre de cas il vit que le poids du corps de l'Animal restait station- nante, malgré ces changements de régime ; mais dans d'autres cas, il n'en fut pas de même, et il n'y eut pas accord entre la théorie et les résultats observés (1 ). Le désaccord deviendrait encore plus grand, si l'on compa- rait entre elles d'autres substances alimentaires, telles que du riz, de la viande, du thé ou du café, et l'écorce de certaines plantes. En effet, les divers principes immédiats azotés qui peuvent se rencontrer dans une substance végétale ou animale ne sont pas tous également utilisables dans le travail nutritif dont l'économie animale est le siège, et, du reste, nous savons déjà que les substances carbo-hydrogénées sont aptes à se substituer en partie aux matières azotées comme aliment de la combustion physiologique, et par conséquent, en théorie aussi bien que dans la pratique, il faut en tenir grand compte. Il paraîtrait même que pour l'engraissement de nos Animaux de boucherie, leur rôle serait plus important que celui des prin- cipes azotés (2). Les questions relatives à la nutrition des (1) Pour plus de détails, au sujet de la proportion d'azote contenue dans les divers aliments, et de la valeur nutritive de ces substances, je renverrai aux ouvrages de M. Boussin- gault (a). Mais je dois ajouter que dans la dernière édition de son traité d' Économie rurale (1851), ce chi- miste éminent a beaucoup modifié ses premières idées sur les équivalents nutritifs, et qu'il n'attribue plus une importance aussi grande à la propor- tion d'azote contenue dans les aliments. Il est aussi à noter que, dans quel- ques substances alimentaires végé- tales, il existe des sels ammoniacaux en quantité fort notable, et que, par conséquent, la totalité de l'azote fourni par l'analyse élémentaire n'y est pas applicable à la nutrition. Dans VAga- ricus prunelhis, par exemple, à l'état frais, on a trouvé environ 2 millièmes de ces sels (6). (2) Ce résultat ressort des recher- ches de M. Lawes sur l'engraissement des Moulons et des Porcs (c). (a) Boussingault, Recherches sur la quantité d'azote contenue dans les fourrages et Sur leurs équivalents (Ann. de chimie et de physique, 183G, t. LX1II, p. 225, et t. LXVII, p. 409). — Économie rurale, 1844, t. II, p. 380 et suiv. (b) Voelcker, On the percentage of Nitrogen as an index to the Nutritive valour of food (Report of the British Association for the Advancement of Science, 1850, Transactions, p. 04). (c) Lawes, Agricultural Chemistry, Sheep-feeding and Manure (Journal of the R. Agricul- VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. *20o Animaux sont d'ailleurs beaucoup plus complexes qu'on ne serait porté à le croire au premier abord, el la valeur physio- logique des aliments dépend non-seulement de leur composition élémentaire et des qualités qui leur sont propres , mais aussi de leur mode d'association, et l'on se formerait des idées fausses du rôle que ces substances sont susceptibles de remplir, si on les considérait seulement d'une manière isolée (1). (1) La connaissance de la composi- tion élémentaire des substances em- ployées pour l'alimentation, soit de l'Homme, soit de nos Animaux do- mestiques, n'en est pas moins indis- pensable pour toute étude scientifique de la valeur nutritive de ces matières, el depuis quelques années beaucoup de recherches ont été faites sur ce sujet. Voici les principaux résultats ob- tenus par MM. Schlossberger et Kemp, en opérant sur 100 parties de ma- tières sècbes (m : ALIMENTS ANALYSES. Lait de Vache Lait de Femme fromage de Punlop Fromage hollandais île Gouda. . . Fromage de Cheater Fromage de Gloucester double . . Fromage de Gloucester vieux . . . Jaune d'œuf Huîtres Fuie et bile de Crabe Mollir- rpir- Moules bouillies ' . . . Foie de Bœuf l,-oie de Pigeon Soupe COIl.-CI'Vri' Anguille crue Anguille bouillie Anguille traitée par l'alcool bouillant. Saumon frais Saumon bouilli Saumon traité par l'alcool Hareng cru Hareng bouilli Hareng traité par l'alcool. .... AZOTE. 8,78 1,50 6,03 7,11 8,75 6,98 5,27 13,14 5,25 7,52 8,41 40,15 |0,66 I 1,80 12,16 6,91 6,82 14,45 12,35 9,70 15,02 14,48 12,85 I L54 ALIMENTS ANALYSÉS. Laitance du Hareng Cabillaud frais Cabillaud bouilli Cabillau.l traité par l'alcool . Plie {Flaunder) crue . . . . l'lie bouillie Plie traitée par l'alcool . . . Haie crue (taie traitée par l'alcool. . . Crabe Pigeon cru Pigeon bouilli Pigeon traité par l'alcool . . U cru Agneau traité par l'alcool. . Mouton cru Mouton bouilli Mouton traite par l'alcool. . Bœuf cru Bœuf traité par l'alcool. . . Jambon cru Jambon bouilli Jambon traité par l'alcool. . Blanc d'œuf AZOTE. I 1,60 l }.G4 19,98 lu, 72 U,IS 15,18 15,71 13,66 15,22 13,66 1--\I0 19,33 13,15 13,26 14,56 11,30 13,55 1 1,76 13,87 14,88 8,57 12,48 14,21 13,4-1 tarai Soc. of Fngland, 1849, t. X, p. 276). — Pig feediny {Journ. of the Agrirult. Soc. of England, 1853, t. XIV, p. 521). — I awes and Gilbert, On the Composition of foods in relation to Respiration and Feeding of Animais (Report of the 22th meeting of the British Association, p, 323). (a) Schlossberger und Kemp, Versuch zu einer Xutritionsskale nnserer Xahrungsmiltel aus heiden organischen Reichen, hergelcilet aus ihrem Stickstoffgehalt [Arch. f. l'hysiol. Heilh,., 1846, t. V, p. 17). Évaluation d'après la quantité de carbone. 20/j NUTRITION. Jadis beaucoup do physiologistes croyaient devoir refuser le nom d'aliments aux substances qui ne suffisent pas à l'entretien de la vie, et, après avoir constaté que le sucre, la gomme et les autres natures organiques non azotées ne remplissent pas ces conditions, on trouva que certaines substances azotées, la gélatine, par exemple, étaient également inaptes à répondre à tous les besoins de l'organisme ; en sorte que l'on consi- déra ce corps comme ne pouvant être employé utilement pour la nourriture de l'Homme et des Animaux. Mais celle manière d'envisager la question manquait de justesse, et des expériences précises montrèrent que la gélatine est susceptible de concourir à l'entretien du travail nutritif, pourvu qu'elle se trouve asso- ciée à des substances excitantes qui en facilitent la digestion et l'emploi ultérieur dans l'intérieur de l'organisme (1). (1) Cette question lui soulevée à l'occasion de l'emploi des soupes dites économiques dans les hôpitaux et au- tres établissements destinés à secourir les indigents. Darcet avait beaucoup préconisé l'usage de ces soupes, dont le principal ingrédient était de la gé- latine extraite des os de boucherie parla coclion à haute température, ou au moyen d'un traitement préalable par l'acide chlorhydrique [a). Cependant les produits obtenus de la sorte étaient fort mauvais et furent l'objet de plain- tes très-vives , à la suite desquels M. Donné, Canal, Magëftdie et plu- sieurs autres médecins firent des ex- périences, dont il leur parut résulter que la gélatine ne possédait pas de propriétés nutritives (6). Mais les re- cherches expérimentales de "William Edwards et Balzac prouvent que cette substance, tout en étant un aliment insuffisant est susceptible de jouer un rôle important dans la nutrition. Ainsi, un petit Chien mis au régime du pain et de la gélatine pendant soixante-quinze jours augmenta de poids de' 159 grammes ; dans une autre expérience, le même Animal soumis au même ré- gime augmenta de 29 grammes en vingt et un jours; mais, étant ensuite privé de gélatine et nourri avec du pain et de l'eau seulement, il perdit 333 grammes en trente-trois jours. Un au- to Darcet Mémoire sur les os provenant de la viande de boucherie, dans lequel on traite de (a) Uarcet, memm Vextraction de leur gélatine par le moyen de la vapeur, et de %ZZSE2£ ZSla°éZu£ Mineuse auJ en oUUnt (Recucit industriel, par Moleon), „Mi.Hnnmhre d'autres notes publiées dans le même recueil. * 7 Kni T Membre sur Vempli de la gélatine comme substance alimentaire (Archives géné- rales de médecine, 2- série, 1835, t. VIII. p .246). _Gannal, Lettre adressée à M. le baron Thenard, 1MI. _ _ ÏÏgendie Rapport fait à V Académie des sciences au nom de la Commission dite de la gélatine (Comptes rendu* de l'Académie, 1841.*.. XIII p. 237). — Liebig, Souvelles lettres sur la chimie, 18o2, p. -!0l>. VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 205 îl est évident que dans l'étude théorique des aliments il faut tenir grand compte de la quantité d'oxygène que ces corps renferment; car leur valeur comme combustible diminue pro- portionnellement à cette quantité, puisque cet élément com- burant s'y trouve déjà à l'état de combinaison avec un ou plusieurs des autres éléments constitutifs de la matière orga- nique dont il neutralise la puissance comme agent combustible. Ce n'est donc pas la proportion totale de l'hydrogène ou du carbone contenus dans un aliment qui inllue sur sa puissance nutritive, mais la quantité de l'un et de l'autre de ces élé- ments qui se trouve en excès, lorsqu'on suppose que la totalité de l'oxygène avec lequel ils sont associés est employée à les transformer en eau ou en acide carbonique. Ainsi, le sucre tre individu nourri de pain cl de gé- latine pendant trente-quatre jours perdit 20(J grammes de son poids, et dans un égal espace de temps il perdit /16/1 grammes lorsqu'il élait mis au régime du pain el de l'eau seulement. Enfin, dans d'autres expériences, ces pin siologislcs constatèrent qu'un Chien nourri avec du pain el de la gélatine assaisonnés de quelques cuillerées de bouillon bien sapide gagna en quinze jours 1618 grammes. Or, dansée cas, la quantité pondérale de matière alimentaire, autre que la gélatine que renfermait le bouillon, était insigni- fiante, et aurait été évidemment in- suffisante pour maintenir l'organisme à son poids initial, si elle avait élé ad- ministrée seule (<>it égale a 100 grammes, et j'ajouterai que, pour évaluer approximativement la quantité de matières albuminoïdes qu'ils contiennent, il suffit de multi- plier par 0,5 le poids de l'azote obtenu. élé constaté expérimentalement par HM. Lawes et «iilbert. En employant comparativement l'amidon ei le sucre de canne pour l'alimentation des Porcs, ces agronomes ont vu que pour des poids égaux de ces matières supposées à l'état sec, il \ avait égalité dans l'accroissement du poids du corps (/.' . (1) M. Wa\ a fait une série de re- cherches sur les proportions d'eau, de suhstances azotées et de matièresgrâs- ses contenues dans diverses espèces d'berbages employées pour l'alimen- tation des hestiaux en Angleterre. La quantité d'eau varia entre 57 et 87 pour 100: la proportion de principes albu- minoïdes était en général de 3 à h pour 100, mais dans quelques cas elle tomba à 2 pour 100, et dans d'autres elle s'éleva jusqu'à lo,9 pour 100; celle des matières passes varia entre 1,50 et 0,52 ; celle des matières amylacées ou sucrées varia entre 3,98 et 22,6 ; enfin, le dosage des matières miné- rales donne de 0,52 à 4,17 pour 100. Dans une autre série d'expérien- ces, M. W'.iv détermina la proportion d'azote contenue dans ces mêmes four- rages (6). (a) Lavvcs and Gilbert, On the Equivalency of Statcli and Sugar in food (Report of the 24th meeting of the British Association held in 1854, p. 4-21). (b) Way, On Vie relative Nutritive and Fattening Properties of différent natural and artificial Grasses (Journal of the 11. Agrieultural Soc. of England, 1 S 5 3 , t. XIV, \>. 171). 208 NUTRITION, NOMS DES ALIMENTS. Viande (sans os) Œufs (blanc et jaune ensemble) Lait de Vache Lait de Chèvre Fromage de Brie Fromage de Gruyère Chocolat Fèves Haricots Lentilles Pois Blé dur du Midi Blé tendre Farine blanche de Paris . . . Farine de seigle Orge d'hiver, ou escourgeon. Maïs Sarrasin Riz Gruau d'avoine Pain blanc de Paris Pain de munition (nouveau) . Pain de farine de blé dur. . . Châtaignes ordinaires Châtaignes sèches Pommes de terre Carottes Figues fraîches Figues sèches Pruneaux Lard Beurre ordinaire (frais). . . . Huile d'olive AZOTE. CARBONE Gram. 3 1,9.0 0,66 0,69 2,25 5 1,52 4,50 3,88 3,75 3,50 3 1,81 l,6/i 1,75 1,90 1,70 1,95 1,08 1,95 1,08 1,20 2,20 0,64 1,04 0,24 0,31 0,41 0,92 0,73 1,18 0,04 0,00 Gram. il 12,50 7 7,60 24,60 36 48 40 41 40 41 10 39 39 41 40 44 40 43 41 29,50 30 31 35 48 10 5,50 15,50 34 28 61,14 67 77 GRAISSE. Grain. 2 7 3,70 4,10 5,56 24 26 2,10 2,80 2,65 2,10 2,10 1,75 1,80 2,25 2,20 8,80 2 0,80 6,10 1,20 1,50 1,70 4,40 6 0,10 0,15 0,00 0,00 0,00 71 82 86 EAU. Gram. 78,50 80 86,50 83,60 58 40 15 12 12 10 12 14 14 15 13 12 12 13 13 36 35 37 26 10 74 88 66 25 26 20 14 9 J Je dois ajouter que les nombres désignés dans le tableau ne sont pas rigoureusement applicables à toutes les variétés de grains ou de légumineuses d'une môme espèce, car la compo- sition de ces plantes est sujette à quelques variations suivant les conditions dans lesquelles la culture en a été faite ; mais ici nous n'avons besoin que d'approximations. Quant à la proportion du soufre et des autres matières inorganiques contenues dans les aliments, les différences sont si faibles, qu'il est rarement né- cessaire d'en tenir compte dans l'évaluation de la valeur nutri- VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 209 tive des rations. Du reste, le dosage en a été tait par divers chimistes (1). Il est également à noter que, dans un grand nombre de sub- stances alimentaires employées par les agriculteurs pour la nourriture des animaux de ferme, il existe, en proportions plus ou moins fortes, des matières organiques qui, d'ordinaire, ne sont digérées que d'une manière incomplète, et sont évacuées (1) Voici, par exemple, les résultats obtenus d'une longue série d'analyses faites par M. Horsford (a). HATIKHES ANALYSÉES. Farine de froment de Vienne, n* 1 . . Farine de froment do Vienne, n° 2 . . Farine de froment de Vienne, n" 3 . . Froment de Talavera, de llulienheiin . . Froment de \Vhillingten, do Hohenheim Froment de Sandomir, de ilolienlieiin. . Farine de seigle de Vienne, n* 1. . . . Farine de seigle de Vienne, n* 2. . . . Seigle (Staudenrogen) de Hohenheim. . Seigle (Schilfrogen) de Hohenheim . . . Polenta de Vienne Mais de Hohenheim Avoine de Gie.-sen Orge de Hohenheim Orge d'hiver de Hohenheim Avoine du Kamtchatka, de Hohenheim . Avoine blanche de Hohenheim Riz ordinaire Farine de sarrasin de Vienne Sarrasin tarlare de Hohenheim Pois verls de Vienne Pois de Giessen Haricots de Vienne Fèves Lentilles Pommes de terre blanches Pommes de terre violettes Carottes Betteraves Radis Tnrneps jaunes. Choux Oignons . . . . 3,00 2,12 3, il 2,59 3,68 3,69 1,87 2,93 3,78 2,17 2,14 2,30 3.07 2,31 2,79 2,39 2,82 1,16 1,08 1,50 4,42 4,57 1,47 4,59 4,77 1,56 1,20 1,67 2,43 1,81 1,45 1,78 1,18 0,23 15 1 5 18 19 19 13 21 IS 18 15 10 15 10 20 17 20 08 07 H 14 14 14 I i 15 H 08 12 17 13 10 14 y. u ,« -= 0,70 19,10 0,86 13,54 1,10 21,97 2,80 16,54 3,13 17,11 2,40 17,18 1,33 1 1 ,94 1,07 18,71 0,80 17,T.-> 2,37 15,77 0,86 13,66 1,93 14,08 2,01 13,33 2,84 14,74 5,53 17,81 3,36 15,26 4,14 18,00 0,3G 7,40 1,09 G,89 2,30 9,90 3,18 38,03 3,79 29,18 «,38 28,54 4,01 29,31 8.60 30,40 3,71 9,90 3,30 7,66 5 , 7 7 10, GG 0,43 15,50 5,02 11,50 4,01 9,25 7,02 12,04 8,53 7,53 79,77 85,37 78,03 80,78 78,58 78,89 85,65 78,97 80,80 63,67 84,90 84,52 84,52 84,80 80,04 80,05 83,08 91,00 91,52 90,38 07,31 00,22 G0, 70 00,17 05,00 80,30 88,20 84,59 73,18 78,49 90,32 81,33 13,85 13,05 12,73 15,43 13,93 15,48 13,78 14,08 13,94 13.82 13,30 14,90 1 i,iu 16,79 13,80 12,71 12,94 15,14 15,12 14,19 13,43 19,50 13,41 15,80 13,01 74,95 08,94 80,10 81,01 82,25 83,28 87,78 93,78 (a) Horsford, Ueber dm Werth verschiedener vegetabilischer Nahrungsmittel, hergeleitet aus ihrem Stickstolfgehalt (Ann. ier Chemie und Pharm., 1848, t. LVIH, p. 166). ^10 NUTRITION. au dehors sans avoir servi à l'entretien de l'organisme. Il est donc utile de connaître la quantité de matières réellement uti- lisables que ces aliments renferment, et dans cette vue on peut consulter avec avantage les analyses dans lesquelles on a dosé la quantité de principes amylacés contenus dans ces corps (1). Pour montrer l'étendue des différences qui peuvent exister à cet égard entre diverses substances alimentaires dont on fait souvent usage pour la nourriture de nos Animaux domestiques, il me suffira de citer ici un petit nombre d'exemples. Ainsi les (l) Dans les analyses élémentaires ordinaires des substances alimentaires végétales, on dose en bloc la totalité du carbone provenant de la cellulose, delà cire et d'autres matières plus ou moins indigestes, aussi bien que celui fourni par les principes amylacés ou Amidon de haricots pur. Farine de fronienl, n° 1. Farine de froment, n° 2. Farine de froment, n" 3. Froment de Talavera. . . Farine de seigle, n° 1 . . Farine de seigle, n° 2. . Farine de seigle, n" 3. . Seigle {Staudenrogen) . . Seigle (Schilfi'ogen) . . . Avoine des prairies . . . Avoine du Kamtchatka. . Farine d'orge Orge Orge de Jérusalem. . . . Farine de sarrasin .... Sarrasin Farine de mais Maïs Epeautre Riz Fèves Pois Lentilles sucrés. Dans les analyses dont les résultats ont été consignés dans le tableau suivant, M. Kroker a déterminé la proportion de ces dernières sub- stances carbo-bydrogénées digestibles qui se trouvent dans 100 parties de matières sèches (a). NUMERO 1. » 77,74 05,88 55,51 85,7(5 37,71 38,81 39,02 NUMERO 99,90 » 05,21 00,10 00,93 07,42 57,70 57,21 55,92 50,59 01,20 00, 5G 54,88 54,12 57,07 57,77 44,39 44,80 47,71 47,13 37,93 3G.90 39,55 40,17 04,03 04,18 38,02 37,99 42, 0G 42,03 » 00,80 53,70 80,03 37,79 38,70 40,08 (a) Krocker, Bestimmiimj des Stàrkmchlgehaltes in vegetabUischen Nahrungsmitteln. (Ami 1er Chem. und Pharm., 1848, t. LV1II, p. 212). VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 211 agronomes évaluent à 300 grammes la quantité de substances indigestes contenue dans 1 kilogramme de paille d'avoine; à 220 la quantité des mêmes matières contenue dans le même poids de luzerne sèche; à 17 grammes le résidu digestif de 1 kilo- gramme de feuilles de betteraves, et à k grammes seulement ce même résidu laissé par la digestion de 1 kilogramme de pommes de terre jaunes. En général, ces différences dépendent principalement du degré d'agrégation moléculaire des tissus, et le déchet nutritif est d'autant moindre, que la proportion d'eau contenue dans la substance végétale est pins élevée. Mais on ne peut pas toujours juger de la digestibilité de ces aliments par des considérations de cet ordre; car la Betterave à sucre, par exemple, contient plus d'eau (pie les pommes de terre dont je viens de parler, et cependant ('lie fournit six fois pins de ma- tières indigestes (1). (1) M. Allibert, professeur à l'école tragriculture do GrignoQ, en traitant des rations équivalentes pour l'alimen- tation des Animaux domestiquée, a donné un tableau dans lequel toutes ces indications se trouvent réunies. L'intérêt qui s'attache aux connais- sances de cet ordre me détermine à reproduire ici ce document. Tableau de la composition des a liments (pour 1 kilog ranime). te 11 a en M 2 RAPPORT •r. a 5 NOMS h o if. V. t/j B O du ■^ d f- o o=r m te a. z'. O des ALIMENTS. < y. (- 5^ o u ri -3 C en ta a pa z o (T. H U jB < m a V. >r. Z ~ g '= < Sï — V) -^ 01 £ i 5 carbone albumin. au carbone respirai. - a m •< §- co a s.» o- • ■*! es sa 35 < H3 -o cfi ■o Grains et graines. r.r Ur. C.r. Gram. Gram. Gi 'ni Ur. Ur. Gram Avoine 11" 4:: 015 258 55 44 345 ::l:7 140 41 61 150 5fi 656 ?,7fi 10 8 340 5,1 144 15 40 \-2:\ 136 134 125 131 1°5 44 49 48 45 47 45 21 74 671 i 657 637 662 640 019 760 57N 284 276 2 HT 278 269 260 320 243 15 20 28 20 39 70 5 30 12 10 22 ÏÔ 31 50 4 24 1 340 341 337 339 347 301 315 341 li vsioloai( rue des aliments ne entre / ' ... des matières dépend pas sculeiiieiit de leur composition chimique ; elle est isomériques. , subordonnée aussi à leur mode d'arrangement moléculaire et à leur degré d'absorbabilité. L'influence exercée par le mode de groupement des atomes constitutifs d'un corps sur sa valeur nutritive a été mise en lu- mière de la manière la plus évidente par les recherches expé- rimentales de M. Pasteur, relatives aux différentes variétés de l'acide tarlrique. En effet, ce chimiste habile a constaté que NOMS des u a a s < w a a i 7.7S. O'o B« c rj, .» M -_ .fi w O a >• w3 0 0 > 0 11 m 00 < es 0 m H >^ WD V M CD b B « )C «1 O - Cl « es S < 2 0 lb £ 'c c c j.2 < s u ' 0 RAPPORT du carbone albumin. au a < u U a en Ci) C H O ;< w j« 5 => > N 5." ALIMENT S. < S 5 O B3 en a *3 U C carbone •< 1B «3 u u a es < 00 09 -S respirât. ^ Gr Gr»m Gr. Gr. îram. Gr un. Grain Gr. Gr. G,.* ni KHi 38 97 80 85 87 114 !16 259 «05 61 in 49 24 16 13 12 16 340 ::l :8 2,36 3,1 2,9 2,6 1,9 132 51 67 °69 188 326 150 89 28 30 27 «39 596 050 an 35° 30 «38 557 234 216 «00 16 15 20 332 315 330 155 160 195 20 30 99 30 044, 515 477 29 23 319 90 98 72 74 59 557 489 342 190 230 234 205 144 80 99 25 27 23 3'JO 330 20 22 18 312 269 344 325 234 464 427 2,8 2,3 2,25 5,3 6,2 125 140 560 123 122 21 35 45 32 121 29 20 359 35 44 o,73 20 205 163 l'Jo 85 63 30 137 34 58 14 410 265 328 212 449 250 6,1 7 2 147 310 61 270 41 85 Tourteaux. 327 335 111 121 332 308 139 129 60 84 48 67 298 317 1,68 1,6 134 08 51 117 22 21 3'; s 136 233 139 101 81 356 1,6 117 111 19 30/ 110 325 136 100 80 326 0 105 91 23 203 95 388 153 60 48 296 2 1 53 20 27 328 168 118 00 456 64 194 27 90 10 72 8 384 95 2 2 \),6 00 10O :i4 506 22 43 Tourteaux de sésame 424 153 103 08 82 66 287 0,9 100 50 17 3/ 13 157 66 17 14 93 6 720 41 195 743 267 » » 130 104 371 0,4 05 » 10 Foins. 72 26 444 18IÏ 38 30 242 8,3 130 244 100 Regain de pré naturel 124 45 405 170 35 28 243 4,4 141 215 58 120 28 106 27 43 10 38 10 41S 90 392 83 176 40 163 35 35 8 S2 8 28 6 26 6 257 54 229 "Ei 4,7 4,6 5 4 150 804 200 824 220 51 220 42 60 256 54 267 VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 213 les cires organisés qui déterminent la fermentation alcoolique détruisent l'acide tartrique ordinaire, lequel est pour eux une sorte d'aliment, mais qu'ils sont inaptes à agir de la même ma- nière sur la variété du môme composé appelée acide tartrique fauche; et cependant cette dernière substance ne diffère de la précédente que par le mode de groupement dyssymétrique de ses molécules constitutives (1). • pa M >r. Si 5) OU 3 Il APPORT QQ .1 3 1 3| — Cfi — 0) a du NOMS 3 k3 ta j < Z ./, ^ ™ carbone - : ■£. U ~. O des < 7 DQ Bd 0] c o < "3 C 5 albnmin. si ■r. rfi au a S'a '-fl -3 y. rr ALIMENTS. 2 a m y. o en en carbjne < ca ï *ç — s E3 en respirât. « -' s i/i c; ^ 130 57 9 / 86 3 720 52 115 Racines et tubercules. 28 9 116 49 0,10 8 66 0.3 820 25 250 15 16 8 5 6 3 109 82 57 40 31 24 i," 2 .1 1.4 1.6 1,0 53 42 29 9,6 (5 9 KIlO 883 920 8 10 3 479 400 88 V Navets jaunes 19 7 115 48 o 1.0 57 / 850 5 383 16 11 25 6 4 9 [08 70 202 45 29 sr, Î.5 0,5 2 1,2 0,1 1,' 53 33 90 7,7 7 9,1 801 910 759 4 3 4 400 076 | 287 l'ommes de terre jaunes 11 25-2 100 2 1,0 119 10 "00 h 230 O) 8 8 5 101 53 27 08 22 il n 9 0,5 2 7 0,4 78 37 10 9 4 2 792 901 945 12 6 10 348 311 i 548 23 13 10 4 125 53 0,5 15 par heure [a). il est aussi à Doter que dans les ex- périences, de. Magendie , des Cbiens nourris avec (b- la fibrine seulement en consommèrent beaucoup, mais néan- moins présentèrent tous les signes d'une alimentation insuffisante, et l'un de ces Animaux mourut d'inanition au bout de deux mois (6). (a) Boussingaull, Expériences statiques sur la digestion (Ann. de chimie el de physique, 3- série, IS4G, I. Wlll, p. 473). ib) Magendio, liapporl sur la gélatine [Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1841. l XIII, p. -272). VIII. 15 218 NUTRITION. évidemment applicables qu'aux cas particuliers qui les ont fournis, et de ce que les Canards ne sauraient vivre de fibrine ou d'albumine seulement , il ne faudrait pas conclure qu'il n'existe pas d'autres Animaux pour lesquels l'une ou l'autre de ces substances serait un aliment suffisant. Mais les faits que nous venons de passer en revue n'en ont pas moins une grande portée, car ils nous montrent que l'efficacité de toute ration ali- mentaire est subordonnée à trois choses : à la composition chi- mique des substances dont elle est formée ; à la rapidité plus ou moins grande avec laquelle l'absorption s'en effectue, et à la grandeur des besoins nutritifs de l'animal. Ainsi, on conçoit facilement que si un être animé qui posséderait la même puis- sance digestive que le Canard, respirait d'une manière beau- coup moins active, il pourrait entretenir la combustion physio- logique dont il serait le siège à l'aide du carbone introduit dans son organisme par l'albumine ou par la fibrine dont il se sus- tenterait; et que la variété dans le régime doit être d'autant plus grande, que la puissance absorbante de l'appareil digestif sera plus petite relativement à l'intensité de la combustion respira- toire et des autres phénomènes du travail nutritif. § h. — Pour constituer, sans emploi superflu de matière alimentaire, la ration d'entretien d'un Animal, il faut évidem- ment que la quantité de substance nutritive qu'il en peut tirer journellement porte dans le torrent delà circulation, sous une forme assimilable, une quantité de carbone, d'hydrogène et d'azote correspondante à celle de chacun de ces éléments chi- miques qui entrent dans la composition de l'acide carbonique exhalé en vingt -quatre heures, et dans l'urée ou les autres ma- tières excrémentitiellesdont la production est une conséquence nécessaire du travail nutritif. La composition de cette ration doit donc dépendre en partie du rapport qui existe entre le degré d'activité de la combustion respiratoire qui détermine la for- mation de cet acide carbonique et la grandeur des phénomènes VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 219 chimiques qui amènent la transformation des principes orga- niques azotés en produits urinai res. Si l'emploi nécessaire de ces dernières substances est restreint et la combustion physiolo- gique de carbone très-acïive, les aliments hydro-carbonés, tels que la fécule, le sucre ou les graisses doivent être en propor- tion considérable relativement aux aliments albuminoïdes; car la portion de ceux-ci qui ne serait pas employée dans l'orga- nisme [tour réparer les pertes occasionnées par la production nécessaire d'urée ou d'autres principes de même ordre, et qui ne servirait qu'à donner du carbone ou de l'hydrogène, intro- duirait inutilement dans l'économie un excédant d'azote, et son absorption occasionnerait une dépense superflue des forces digeslives. En composant la ration d'après ces principes, il y aura donc économie pour la consommation alimentaire et allégement pour le travail digestif. Mais ces avantages ne sont pas les sctils qui pourront résulter d'un régime mixte, comparé à un régime exclusivement albuminoïde. Si la combustion res- i m» •• , . ilos ration piratonc nécessite 1 introduction de beaucoup de carbone, et si complexes la puissance élémentaire de l'appareil urinaire n'est pas très- grande' l'alimentation de cette combustion au moyen de ma- tières albuminoïdes pourra amener la production de produits urinaires, tels que l'acide urique,. en quantité! trop considérable pour que l'organisme puisse s'en débarrasser en temps utile, et il pourra en résulter une accumulation de ces matières dans l'inté- rieur de l'économie, ainsi que cela se voit souvent dans certains états pathologiques, tels que la goutte 1). Or, l'observation nous (1) Nous avons déjà eu l'occasion déterminer la formation de graviers de voir que dans les affections de ce dans les reins (6). Les concrétions genre le sang est parfois très-chargé arthritiques sont en général formées de matières urinaires (a), et quel'em- aussi en grande partie par des ploi d'une nourriture trop azotée peul orales (r). (a) Voyez tome I, page 200. (6) Voyez tome VII, page 476. (c) Voyez Lhéritier, Traité de chimie pathologique, p. tj'J-i — Simon, Animai Chemislry, t. II, p. 477. Ration alimentaire de l'Homme. 220 NUTRITION. a depuis longtemps appris que les atïeetions de ce genre se déclarent le plus souvent chez des personnes qui se livrent trop aux plaisirs de la table. Les médecins savent aussi que, pour combattre ces maladies, il suffit parfois de substituer à l'emploi des viandes succulentes un régime végétal. Ainsi, supposons un Animal qui, en remplissant normale- ment le travail nutritif nécessaire au maintien de l'état stalion- naire de son organisme, produira par jour 800 grammes d'acide carbonique et 20 grammes d'urée ou d'autres matières urinaires analogues. S'il se nourrissait de fibrine ou de caséine seule- ment , il lui faudrait pour sa ration quotidienne environ o75 grammes de ces substances, car la fibrine, de môme que la caséine, ne renferme que 55 pour 100 de carbone environ ; mais ce poids de fibrine portera dans l'économie 60 grammes d'azote, tandis que pour remplacer la quantité d'azote excrétée normalement par les voies urinaires, il suffi- rait de 40 grammes de ce même élément, Si, au contraire, sa ration se compose de 25 grammes de fibrine et de 250 grammes de matières grasses, il pourra satisfaire aux mêmes besoins en n'employant chaque jour que 275 grammes d'alimenls. § 5. — (Test en examinant à ce point de vue les substances complexes dont l'Homme fait sa nourriture ordinaire, ou dont il se sert pour sustenter les Animaux placés dans sa dépendance, que nous pouvons juger de la part qui doit être attribuée à cha- cune d'elles dans la composition des rations destinées à ces usages. Ainsi le pain, qui constitue la base principale de la nourriture dune grande partie de la population en France, renferme des principes amylacés associés à des matières azotées et mêlés à des sels inorganiques et à beaucoup d'eau. Sa composition varie un peu suivant celle du blé dont on s'est servi pour le faire, et suivant la manière dont la mouture de ce grain a été prati- VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 221 quée (1). Celui qui est généralement employé à Paris contient, pour 100 parties en poids : 33 parties d'eau. 56,7 parties de matières amylacées, principalement de l'amidon ei de la dextrine. 1,3 partie de substances grasses. 7 parties de substances azotées, telles que gluline, fibrine, caséine et albu- mine, que Ton confond communément sous le nom de gluten. 2 parties de phosphates de chaux et de magnésie, chlorure de sodium et autres substances minérales. (1) Considérées sous le rapport ali- grasses que le périspcrme; enfin, les mentaire, les nombreuses variétés de principes albuminoïdes qu'il renferme froments diffèrent entre elles princi- n'ont pas les mêmes propriétés que paiement par la proportion des ma- celles de la partie profonde du grain, tières azotées contenues dans le grain, qui est blanche et beaucoup plus et, à raison de ces différences, on les riche en gluten souple et élastique, divise en trois catégories, savoir : les II en résulte que, suivant que le blés durs, les blés demi-durs et les blutage ou le procédé de mouture blés tendres. Les blés durs sont les employé enlève le son plus ou moins plus riches en gluten ou principes al- complètement, lu farine est plus ou buminoïdes, dont la proportion s'élève moins blanche, et apte à donner en général à près de 20 pour 100 ou par le pétrissage avec de l'eau une même davantage (22,7 dans le blé de pâte susceptible de bien lever. La Venezuela). Les blés demi-durs n'en coloration du pain bis est générale- renferment qu'environ 16 pour 100, ment attribuée au son, mais elle dé- et les blés tendres n'en ont qu'à peu pend principalement de l'action exer- près 12 pour 100 [a . cée sur le gluten par une matière La mouture a pour objet la sépara- particulière, appelée céréaline, qui se tion plus ou moins complète des té- trouve à la surface du périsperme, guments de la graine, dont les débris en contact avec le tégument de la constituent le son, et du périsperme qui graine (6). renferme la fécule, et qui, resté entier La farine des boulangers de Paris ou faiblement divisé, prend le nom contient : de iiruau, tandis que broyé d'une ma- l,rau'' J ,' , , Eau 10,0 nière plus complète, il prend la forme ,.. . r «- i « Gluten 10,2 de farine. Le son est coloré et cou- Amidon. 70 8 lient beaucoup de cellulose (environ Glucose 42 L\ centièmes) , et plus de matières Dextrine 2,8 (c). (a) Paycn, Précis de chimie industrielle, 1859, 1. II, p. 154. (b) Chevreul, Rapport sur vn mémoire de M. Mège-Mourtez, ayant pour titre : Recherches chimiques sur le froment, sa farine et sa panification {Comptes rendus de iAcad. des sciences 1857, t. XL1V, p. 40). (c) Dumas, Traité de chimie, t. VI, p. 589. 222 NUTRITION. Par conséquent, 100 grammes de ce pain renferment lgr,08 d'azote et environ .30 grammes de carbone. Or, nous avons vu précédemment que, terme moyen, la dépense physiologique d'un homme pouvait être représentée par 21 grammes d'azote«et 230 grammes de carbone. Pour fournir à son organisme une quantité de carbone équi- valente à celle qu'il exhale, il suffirait donc d'une ration d'en- viron 750 grammes de pain. Mais ce poids de pain ne lui don- nerait qu'environ 8 grammes d'azote ; et, pour trouver dans un tel aliment la quantité de principes albuminoïdes dont il a besoin, il lui faudra digérer, non pas 750 grammes de pain seulement, mais plus de 2 kilogrammes. Si l'Homme se nourrissait de riz seulement, le manque d'ali- ments plastiques serait encore plus grand. En effet, 100 grammes de cette céréale ne contiennent qu'environ 7 grammes de matières azotées associées à près de y 0 grammes de substances amylacées, à quelques traces de matières grasses, un peu de cellulose et une très- faible proportion de matières minérales. Pour fournir une quantité de carbone équivalente à celle qui est brûlée dans l'organisme de l'individu dont il vient d'être question, il suffirait presque de 650 grammes de riz ; mais cette ration ne donnerait guère que 7 grammes d'azote, et le déficit des aliments plas- tiques correspondrait à 14 grammes de ce dernier élément. Supposons, au contraire, la ration de l'Homme composée uni- quement de viande de boucherie peu chargée de graisse. Nous - avons vu précédemment que 100 grammes de cette matière ali- mentaire contiennent 78gr,50 d'eau et seulement 11 grammes de carbone associés à 3 grammes d'azote. Pour fournir à la dépense physiologique en matières azotées, il suffirait donc d'environ 700 grammes de cette viande; mais une pareille ration ne donnerait que 71 grammes de carbone, au lieu de 230, qu'il aurait fallu introduire dans l'organisme. Nous voyons donc que, pour rendre le régime de l'Homme VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 223 approprié à ses besoins nutritifs, sans dépense superflue des matières alimentaires et des forces digestives, il faut y réunir, dans certaines proportions, des substances animales et végé- tales. Par exemple, une ration composée de 600 grammes de pain et de 500 grammes de viande donnerait 235 grammes de carbone et environ 21 grammes d'azote, e 'est-à-dire les quan- tités voulues. Cette ration ne contiendrait cependant en tout que 512 grammes de matières solides, tandis que la ration composée de pain seulement, et pesant 2 kilogrammes, en con- tiendra 1350 grammes. Une ration composée uniquement de fibrine ou d'autres matières albuminoïdes et de graisse en pro- portions convenables serait encore plus substantielle, car, pour des poids égaux de substance alimentaire sècbe, elle donnerait une proportion plus élevée de principes plastiques et de com- posés carbo-hydrogénés utilisables â titre de combustibles; mais, ainsi que nous l'avons déjà vu, l'absorption des corps gras ne peut, en général, s'effectuer que lentement, et, par conséquent , l'usage d'une certaine quantité de fécule ou de sucre comme aliment respiratoire est généralement préfé- rable (1). Lorsqu'on veut nourrir d'une manière suffisante les Hommes, tout en ne faisant que la moindre dépense pécuniaire possible, (1) On doit à M. Hoppc une série d'expériences intéressantes, relatives au rôle du sucre dans l'alimentation des Cliiens. 11 a constaté qu'en asso- ciant cttte substance à la viande, on détermine une diminution dans la quantité d'urée excrétée et une aug- mentation plus rapide du poids du corps, que dans le cas où la ration se compose de viande seulement (a). Un mélange de viande crue pilée et de sucre constitue un excellent ali- ment pour les très-jeunes enfants qui viennent d'être sevrés, et qui ne di- gèrent pas le lait de Vache en quan- tité suffisante pour y trouver toute la nourriture dont ils ont besoin. J'ai eu plusieurs fois l'occasion d'en constater futilité. (a) Hoppe, Ueber den Einfluss des Rohrzucken auf die Verdauung und Ernâhrung (Archiv fur pathol. Anat. und Physiologie, 1856, t. X, p. 144). 2% NUTRITION. il faut tenir grand compte des faits de cet ordre, et prendre en considération, d'une part la valeur vénale des différents ali- ments, d'autre part leur valeur physiologique relative aussi bien qu'absolue (1). L'art de composer à bon marché des rations d'un pouvoir nutritif déterminé pour l'usage des Ani- maux de ferme est aussi d'une grande importance en agro- nomie. Mais ces questions ne sont pas de notre domaine, et nous ne devons nous en occuper qu'en tant que leur étude peut jeter d'utiles lumières sur l'histoire générale de la nutri- tion; elles sont, comme on le voit, très-compliquées, et, pour les résoudre, il ne suffit pas des données fournies par l'analyse chimique, il faut aussi avoir égard à l'ensemble des propriétés de chaque substance alimentaire, et bien connaître les besoins réels que le travail nutritif fait naître dans les organismes vivants , suivant les conditions dans lesquelles ces organismes fonctionnent. § 6. — D'après ce que nous savons déjà sur l'emploi phv- Influence ( p , de siologique des matières alimentaires, nous pouvons prévoir l'âge. également que la composition de la ration la plus convenable pour un Animal déterminé pourra varier, suivant qu'il sera jeune ou que sa croissance sera terminée, ou bien encore sui- vant qu'il sera au repos, ou qu'il fera un grand usage de sa force musculaire. Toutes choses étant égales d'ailleurs, le jeune Animal a besoin de fournir au travail histogénique dont dépend sa croissance, en même temps qu'il fournit à l'entretien de la combustion respiratoire ; par conséquent, il aura besoin d'une plus forte proportion d'aliments azotés que l'anima] adulte, (l) Je citerai à ce sujet des recher- sur la valeur relative du pain et de la ches intéressantes qui ont été faites viande de boucherie plus ou moins récemment par MM. Lawes et Cdlberl chargée de graisse (a). (a) Lawes ami Gilbert, Expérimental Inquiry into the Composition of the Animais fed ami slanghtercd as Human food (Philos. Trans., isr.8, p. 508 ei suiv.). VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 225 dont le corps ne grandit plus. Aussi, en comparant le régime alimentaire qu'une longue pratique a conduit à adopter dans divers établissements publics, pour des adultes et pour des enfants , a-l-on remarqué que la ration des derniers contient proportionnellement plus d'aliments plastiques et moins d'ali- ments respiratoires que celle des premiers (1). Comme nous l'avons déjà vu, l'activité musculaire accélère influence le travail chimique dont dépend la transformation des matières travail 11 . musculaire. albuminoïdes en principes urinaires, et par conséquent aussi, quelle que soit dans ces conditions la quantité de carbone brûlé dans l'organisme, il faut plus d'aliments plastiques que chez l'individu au repos. Sur ce point, les résultats fournis parla pra- tique sont parfaitement d'accord avec les vues théoriques, et chacun sait que l'ouvrier qui exécute des travaux de force a besoin de manger plus de viande ou d'autres aliments azotés que l'homme de lettres, dont le système musculaire ne fonctionne que peu (2). Un exemple remarquable de l'influence que le (1) M. riayfair a publié des re- cherches statistiques très-intéressantes sur le régime alimentaire des sol- dats, des prisonniers et des collégiens en Angleterre. 11 a fait connaître non- seulement le poids des aliments Mu- tés et non azotés qui sont consom- més par individu pendant une se- maine , mais aussi la quantité totale de carbone qui est contenue dans ces substances, et la proportion existant entre le carbone des aliments appar- tenant aux deux classes de substances indiquées ci-dessus, ce qui permet de bien apprécier la proportion des ali- ments plastiques et des aliments dits respiratoires dans ces diverses rations. Or, nous voyons, par les documents réunis dans ce travail, que si l'on re- présente par t la quantité de carbone contenu dans les aliments plastiques, celle du carbone contenu dans les ali- ments respiratoires est d'environ 5 ; dans le régime adopté pour les garçons desécoles publiquesde Londres, de 6,1 clans celui employé pour les adultes dans les maisons de refuge de la même ville, et de 6,8 pour les adultes dans les prisons (a). {'1) Je citerai, à ce sujet, un fait en- registré par M. l'layfair. Les détenus dans les prisons anglaises au Bengale sont nourris de manière à recevoir, pour une quantité d'aliments azotés (a) Playfair, On the Food of Mon under différent Conditions of Age and Emploi/ment (Edinburgh new Philos. Journal, 1854, I. I.V1, p. 266). 226 NUTRITION. régime plus ou moins azoté exerce sur le développement des forces physiques de l'Homme, s'est produit, il y a quelques années, lorsqu'on exécutait entre Paris et Rouen les grands tra- vaux nécessaires pour l'établissement du chemin de fer qui relie ces deux villes. Les entrepreneurs de terrassement avaient fait venir plusieurs escouades d'ouvriers anglais, et avaient remarqué que ceux-ci mangeaient beaucoup plus de viande que les ouvriers français employés aux mêmes travaux, mais faisaient aussi beaucoup plus d'ouvrage ; on mit alors les ouvriers français à un régime alimentaire analogue, et bientôt on les vit déployer non moins de force que leurs compagnons d'outre-Manche (1). § 7. — La température atmosphérique parait exercer aussi ia température. une certaine influence sur la nature des aliments qui convien- nent le mieux à l'Homme et aux Animaux, ainsi que sur l'em- ploi que ces êtres sont susceptibles de faire des matières assi- milables (21 Dans les pays très-froids, où la dépense de chaleur Influence de contenant 1 de carbone, des aliments carbo-bydrogénés dans la proportion de 7,6 lorsqu'ils ne sont pas astreints au travail, et de 5,9 lorsqu'ils sont con- damnés à des travaux de force. Les premiers reçoivent par semaine envi- ron 18 onces d'aliments azotés, les seconds plus de 28 onces des mêmes substances (a). (1) Les ouvriers anglais dont il est ici question consommaient journelle- ment 660 grammes de viande, 700 grammes de pain, 1 kilogramme de pommes de terre et 2 kilogrammes de bière. Ils recevaient ainsi ;u&r,9 d'azote alimentaire, tandis que les ouvriers français ne mangeaient que peu de viande, et se nourrissaient prin- cipalement de pain et de légumes. Des observations analogues ont été faites en Irlande, où les ouvriers se nourrissent d'ordinaire de pommes de terre et de lait seulement (6). (2) M. May a fait une série d'expé- riences relatives à la température la plus favorable à l'utilisation de la ra- tion alimentaire des Vacbes, et il a trouvé que c'est dans une atmosphère à 12° ou 13° centigrades que ces Ani- maux produisent le plus de lait et de viande à l'aide d'une quantité donnée d'aliments (c). (a) Playfair, Op. cit. (Edinb. new Philos. Joum., 1854, t. LVI, p. 266). (b) Payen, Des substances alimentaires, p. 379. (c) May, Bel welcher Temperatur wird bei Kûhen das Fulter am besten verwerthel (Moleschott's Untersuchungen zur Naturlehre, 1858, t. V, p. 319). VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 227 animale est très-grande, et où, par conséquent, la combustion physiologique doit être très-aetive, la consommation des matières grasses est en général fort considérable, et, comme l'a très- bien fait remarquer M. Liebig, ce régime est en parfaite har- monie avec les besoins du travail respiratoire, car les graisses sont, de toutes les substances alimentaires, celles qui, pour un poids déterminé de matière, fournissent le plus de combustibles et dégagent le plus de chaleur par le fait de leur oxydation. Eu effet, ces substances sont très-riches en hydrogène et en car- bone, mais ne contiennent que peu d'oxygène; on conçoit donc que, dansées circonstances, des matières de ce genre puissent être plus utiles que des aliments féculents ou sucrés, dans lesquels la totalité de l'hydrogène se trouve associée à de l'oxy- gène dans les proportions voulues pour former de l'eau, et par conséquent ne sauraient être utilisés comme combustibles dans le travail respiratoire (1). Il est aussi à noter que, toutes choses étant égales d'ailleurs, l'absorption d'une substance est d'autant plus facile, qu'il en existe moins dans le torrent de la circula- lion, et que, par conséquent, la combustion rapide des matières grasses sous l'influence de l'oxygène inspiré, qui semble devoir s'effectuer dans les climats très-froi<]$, doit tendre à augmenter la puissance de l'action absorbante exercée sur les matières dv même ordre par les parois du canal digestif. Aussi plusieurs des voyageurs qui ont visité les terres polaires insistent-ils non- seulement sur la grande consommation d'huile que font les habitants de ces régions glacées, mais aussi sur l'aptitude qu'ils avaient acquise eux-mêmes à suivre un régime analogue dont (1) M. Liebig a fait remarquer avec les matières amylacées, sont des ali- raison que les graisses contenant, pour ments respiratoires plus puissants, et un même poids de carbone et dbydro- (pie ce l'ait explique leur utilité dans gène, dix fois moins d'oxygène que le régime des habitants du Nord (a), (a) Liebig-, Nouvelles Lettres sur la chimie, p. 124, 1 41 , etc. 228 NUTRITION. ils se seraient mal accommodés dans les climals tempérés ou chauds (1). J'ajouterai que la quantité de chaleur dégagée par la combustion de l'hydrogène est presque trois fois aussi con- sidérable que celle qui résulte de la transformation du carbone en acide carbonique (2). Engraissement. § 8. — Lorsqu'un Animal mange ù discrétion, la quantité d'aliments qu'il consomme est en général réglée par la grandeur de la puissance fonctionnelle de son appareil digestif. Si cette puissance est insuffisante pour répondre aux besoins du travail nutritif, de même que lorsque la ration alimentaire est trop faible, l'Animal vit en partie aux dépens de sa propre substance, et le poids de son corps diminue plus ou moins rapidement. Mais lorsqu'au contraire la quantité de matière assimilable in- troduite dans le torrent de la circulation par l'appareil digestif est supérieure à celle des combustibles employés à l'entretien de la combustion respiratoire et du travail histogénique néces- saire pour la croissance du corps, la majeure partie de l'excé- dant est emmagasinée dans l'organisme, et la réserve nutritive ainsi formée constitue du tissu graisseux. L'aptitude des animaux ï\ se charger ainsi de graisse varie beaucoup suivant les espèces et même suivant les individus (3). (1) Je citerai particulièrement, à cet égard, les observations de M.Taylor (a). (2) Voyez ci- dessus, page 24. (3) La quantité totale de matières grasses contenues dans le corps de divers Animaux de boucherie, et ex- traite, soit par la fusion ou l'expres- sion, soit par l'action dissolvante de l'étlier, a été déterminée avec beau- coup de soin par MM. Lawes et Gil- bert. Cbez des Moutons qui n'avaient pas été mis au régime de l'engraissement, et qui se trouvaient dans leur état or- dinaire, celte quantité constitua 18,7 pour 100 du poids total du corps, mais cbez des individus surebargés de graisse, elle s'éleva à 45,8 de ce même poids total. Chez les Cochons de basse-cour, la graisse représenta les 23 centièmes du poids de l'organisme, et chez les Co- chons gras elle s'est trouvée dans la proportion de 42,2 pour 100. Chez les Bœufs ordinaires, cette pro- portion était de 19 pour 100, et, chez (b) Baron Taylor, Northern Travers, 1858, p. 40. VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 229 Chez quelques races de Moutons, elle est portée si loin, qu'en peu de temps le poids du corps peut être presque doublé de la sorte; mais, en général, lorsque l'accumulation de la graisse dans l'organisme dépasse certaines limites, il en résulte un état pathologique. Elle est favorisée par toutes les circonstances qui, sans affaiblir la puissance digestive et absorbante, diminuent l'activité du travail nutritif (1). Nous avons déjà vu que le repos musculaire est une de ces circonstances. L'inactivité des organes reproducteurs tend à produire le même effet, et la zootechnie pratique nous apprend que la castration prédispose à l'engraissement la plupart de nos Animaux domes- tiques. §9. — Nous avons vu précédemment que certaines sub- stances tendent à ralentir le travail de combustion physiolo- Aclion de diverses substances sur In nutrition. un Animal do. même espèce bien en- graissé, elle s'est élevée à 30,1 pour 100. Enfin, chez les jeunes individus, les matières grasses étaient moins abon- dantes. Ainsi, chez un Veau gras, le poids de ces substances ne constituait que 1/4,8 pour 100 du poids total, et cbez un Agneau engraissé, elles en- traient pour 28,5 centièmes dans le poids total du corps [a). (I) Beaucoup d'agronomes qui ont écrit sur l'élevage de nos Animaux de boucherie ont considéré le grand dé- veloppement des poumons et l'activité respiratoire comme étant des condi- tions favorables à l'engraissement ; mais il n'en est pas ainsi. Il est vrai que les individus dont le thorax est grand et les membres petits, sont eu général plus aptes à tirer bon parti de leurs aliments et à engraisser rapi- dement; aussi, en favorisant par la .'élection des reproducteurs le déve- loppement de ces particularités phy- siologiques, les agriculteurs sont- ils parvenus à accroître beaucoup cette aptitude dans certaines races de Mou- tons et de Bœufs. Mais les dimensions de la région tboracique du corps ne sont pas en relation avec la capacité pulmonaire ou l'activité respiratoire, et tout ce qui tend à augmenter la combustion pbysiologiquc est défavo- rable à l'utilisation des aliments pour la production de la graisse. On doit à M. Baudement de très-bonnes recher- ches sur ce sujet (6). (a) Larves and Gilbert, An bxperime ital Inqiury into llie Composition ofsome of Ihe Aninds jed and slaughtered as Human food {Philos. Trans., 1850, y. 509). (b) Baudement, Observations sur les rapports qui existe tt entre le développement de II poi- trine, la conformation et les aptitudes des races bovines lAnn. du Conservatoire des arts et métiers, et Ann. des sciencesnat., 4' série, 1801, t. XV, |>. 331). Café. Alcool. 230 NUTRITION. gique dont l'économie animale est le siège (1). 11 est donc évident que ces matières, si elles n'exercent aucune action nuisible sur l'organisme, pourront tenir lieu d'une portion des aliments combustibles dont la ration d'entretien se compose d'ordinaire ; et si, en même temps, elles excitent le système nerveux de façon à relever les forces, et si elles sont suscep- tibles de jouer le rôle de combustibles dans Faction de la respiration, elles pourront avoir une importance considérable dans la nutrition. Tel est le café, dont plusieurs peuples font, comme chacun lésait, un grand usage. M. Lebmann a con- staté expérimentalement que chez l'homme l'action de cette substance tend à diminuer beaucoup la production de l'urée et des matières salines dont l'existence dépend du travail d'oxy- dation qui s'opère dans toutes les parties vivantes de l'éco- nomie animale (2). Des effets analogues paraissent résulter de l'emploi de plu- sieurs autres substances qui exercent une action stimulante sur le système nerveux : le thé (3) et l'alcool, par exemple. Nous avons déjà eu l'occasion de voir que l'usage des liquides spiri- tueux est suivi d'une diminution dans la quantité d'acide car- (1) Voyez ci-dessus, page 188. (2) L'opinion contraire a été sou- tenue par M. Zobel (a). (3) M. Bôcker a étudié expérimen- talement l'action de l'infusion de thé sur l'économie animale dans des cir- constances d'alimentation insuffisante pour l'entretien du poiils du corps, et il a constaté que lorsque ce liquide était substitué à l'eau dont il buvait d'ordinaire , la quantité d'aliments solides consommés diminua, terme moyen, de 12 grammes par jour; mais ). 11 semblait même résulter des expé- riences de M. Ducbek, que ce liquide était d'abord transformé en aldé- byde (c). Mais les rceberebes plus récentes de MM. Lallemand, Pcrrin et Duray tendent à établir que cette transformation n'a pas lieu, et que la plus grande partie de l'alcool absorbé est assez promptement exbalée par les poumons (d). (1) M. Docker a remarqué que l'em- ploi du sucre, comme aliment, tend à diminuer notablement l'élimination des phospbates terreux par les voies uri- naires. Il évalue à 0gl ,013 la diffé- rence déterminée de la sorte dans l'excrétion du pbospbate de ebaux par kilogramme du poids du corps, et il conclut de ses observations que ce comestible retarde le travail de dés- assimilation dans le tissu osseux (e). (2) Il résulte des recberebcs expé- rimentales de M. Bocker sur les efTels produits par l'usage de la bière, que cette boisson, indépendamment de l'ac- tion qu'elle exerce à raison de son alcool, influe d'une manière remar- quable sur l'excrétion du chlorure de sodium par les voies urinaires. D'a- près l'analyse de la bière employée, on constata que ce liquide ne conte- nait que des traces de chlorure de so- dium et très-peu de chlorure de potas- sium ; cependant les jours où M. Bucker (a) Voyez Day, Chcmistvy in its Relations lo Physiology and Médiane, 1800, p. 515. (';) Bouchardat et Santlras, De la digestion des boissons alcooliques, et de leur rôle dans la nutrition (Annales de chimie et de physique, 3" série, 1847, t. XXI, p. 450). — Liebig, nouvelles lettres sur la chimie, p. 244. (c) Duclick, Ueber das Vcrhalten des Mkohols ira thierischen Organisants (Prager Vierlel- jahrschritt fur praktische lleilkunde, 1853). (d) Lallemand, Perrin et Duray, Du rôle de l'alcool et des aneslhcsiqxics dans l'organisme, 1860. (e) Bôcker, Beilrdge sttr lleilkunde (voy. Brilish and Foreign Med.-Chir. lieview, 1854, t. XIV, p. 403). VALEUR NL'TIUTIVE DES DIVERS ALIMENTS. 23o Je dois rappeler également ici que quelques peuples peu a van- substance» , ..... , . « . , . ., minérales. ces en civilisation emploient parfois comme aliment des matières terreuses, et apaisent ainsi les souffrances de la faim ou même se nourrissent un peu. Les substances minérales employées de la sorte renferment quelquefois des débris de matières organiques en proportion assez considérable pour donner à ces corps un faible pouvoir nutritif; mais, dans d'autres cas, elles sont troj» pauvres en principes de ce genre pour que leur utilité puisse être expliquée de la sorte, et il est probable qu'alors elles agissent seulement comme absorbants, pour s'emparer du suc gastrique et empêcher son action sur les parois de l'estomac (1). en prenait une certaine quantité à ses servent d'aliment contiennent une sub- repas, ses urines contenaient jusqu'à stance animale provenant des [illusoires 3 grammes de chlorure de plus que qui s'y trouvent en grand nombre, dans les circonstances ordinaires (a). C'est le cas pour le Bergmehl, ou farine (1) Humboldt a constaté ce aingu- de montagne, dont les Lapons mangent lier mode d'alimentation chez les en temps de disette (e). Ottomaques , peuplade des bords Les Chinois ont aussi recours à des de rorénoque, dans l'Amérique du matières terreuses pour apaiser leur Sud (b). M\I. Spix et Martius signa- faim en temps de disette (/"), mais lent les mêmes habitudes fiiez des in- cette sorte de farine minérale ne ren- diens de la rivière des Amazones (c . ferme que livs-peu de matières orga- et Labillardière a observé des faits niques [g). analogues chez les habitants de quel- Des observations relatives à l'emploi ques villages de Java (d). L'espèce de de la terre en guise d'aliment ont été terre glaise employée de la sorte ne recueillies par plusieurs autres au- paraît pas contenir de matières orga- leurs (/i), mais elles sont en général niques, mais d'autres terres qui parfois fori incomplètes. (u) Bôcker, Ueber die Wirkung des Biera [Archiv des Vereins fur gemiriach. Arbieten tur I orderung der wissensch. Ileilkumle, ] 854). (b) Humboldl, Tableaux de la nature, t. I, p. 188 cl suiv. (C) Spix cl Marlins, Beise in BrasUien, !. II, p. 527. {d) Labillardière, Voyage à la recherche de la Pérouse, t. Il, p. 32-J). (e) Humboldl, Lettre {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1837, t. IV, p. 293). — Trail, Examinaiion and Analysis of the BergMeal or Minerai Four found in West Bothnia [Trains, of the Roy. Soc. of Edinburgh, 1844, I. XV, p. 145). — Relzius. iVa(it-/-e; pulvérulente formée de dépouilles siliceuses d" in f moires, et désignée sous le nom de farine minérale, etc. {Comptes rendus de VAcad. des sciences, 1838, t. VI, p. 35(i). tf) Biot, Sole sur des matières premières employées en Chine dans les temps de famine, sous le nom de farine de pierre {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1837, t. IV, p. 301). — Stanislas Julien, Sur la t urine fossile {Comptes rendus de l'Acad. des sciences. 18il, t. XIII, p. 358). {g) Payen, Note sur la farine fossile des Chinois {Comptes rendus de l'Acad. des sciences 1841 t. XIII, p. 480). {h) Voyez Burdacli , Traité de physiologie, l. IX, p. 260. VIII. iG 23/l MJÏT.ITIU>\ Histo-énèsc. § lia — Les substances alimentaires que nous venons de passer en revue ne peuvent être utilisées pour l'entretien de la vie de l'Animal qu'après avoir été absorbées et introduites dans le torrent de la circulation. La digestion, comme nous l'avons déjà vu, a pour but de les rendre absorbables et souvent aussi d'en modifier les propriétés chimiques ; mais, quoi qu'il en soit à cet égard, lorsque ces matières sont arrivées dans le sang, elles s'y mêlent aux autres principes dont ce liquide se compose, et dès lors on peut en général les considérer comme des parties constitutives du fluide nourricier. En effet, leur rôle ultérieur se confond avec celui des matières préexistantes dans le sang, et elles servent tout d'abord à réparer les pertes que celui-ci éprouve sans cesse par suite des sécrétions^ de la combustion physiologique, ou des autres phénomènes à la production desquels il contribue. En poursuivant dans cette direction l'étude du travail nutritif dont l'économie animale est le siège, nous nous trouvons donc ramenés à notre point de départ, c'est-à-dire à l'examen du rôle du sang dans l'orga- nisme, sujet dont j'ai traité dans les premières Leçons de ce cours, et ici je n'aurai que peu de choses à ajouter à ce que j'ai eu l'occasion d'en dire précédemment. Si je voulais appro- fondir davantage ces questions, je me trouverais bientôt réduit à n'exposer que des conjectures assez vagues, et par conséquent je dois être bref. D'après l'ensemble des faits dont j'ai rendu compte^ nous devons penser, ce me semble, que la partie essentiellement nutritive du sang n'est en réalité que le sérum, qui tient en dissolution de l'albumine ainsi qu'une foule d'autres matières combustibles, et que la fixation de l'oxygène sur ces matières est déterminée principalement par l'action des solides vivants, dont les uns affectent la forme d'organites isolés et flottent au milieu du fluide nourricier, où ils constituent les globules du sang, et dont les autres, agrégés d'une manière plus ou moins KOLE DU SANG. "2o5 intime, composaient les divers tissus, tels que les membranes, les muscles ou la substance glandulaire. Pour que les phéno- mènes nutritifs de cet ordre se manifestent, il n'est donc pas nécessaire que le sang tout entier, c'est-à-dire le plasma et les globules, arrive en contact avec la partie vivante-, il suffit que le sérum y parvienne, et par conséquent aussi, quoique la multiplicité des vaisseaux sanguins soit une circonstance très- favorable à l'activité du travail nutritif, en rendant l'abord de ce liquide [dus rapide et plus abondant dans les solides adja- cents, la vascularité d'un tissu n'est pas une condition néces- saire pour rétablissement du mouvement nutritif dans sa pro- fondeur. 11 faut seulement que le solide vivant soit perméable aux liquides, et c'est ainsi que des réactions de chimie physio- logique d'une grande importance peuvent avoir lieu dans l'inté- rieur des utricules qui constituent les tissus épithéliques en général, aussi bien que la substance des glandes, quoique ces utricules soient dépourvus de vaisseaux sanguins. Cela nous permet aussi de comprendre comment les phénomènes essen- tiels de la nutrition peuvent se manifester de la même manière chez tous les Animaux, que ceux-ci soient ou non pourvus d'un système de vaisseaux destinés au service de l'irrigation orga- nique. Mais les réactions chimiques, qui jouent un rôle si important dans la vie végétative de tous les êtres vivants, ne sont pas les seuls phénomènes de nutrition dont l'étude doive nous occu- lter. Les matières plastiques contenues dans le fluide nourricier sont employées en partie à constituer les tissus qui provoquent ces réactions, et, pour achever celte partie de nos études phy- siologiques, il faut par conséquent examiner aussi comment l'organisation de ces substances s'effectue, comment un Animal peut s'accroître, et comment il peut réparer les pertes qu'il éproilve. Mais tout cC qui se rapporte au travail histogéniquC ne peut être bien saisi que lorsqu'on connaît ce qui se passe 256 NUTRITION. clans l'embryon au moment où toutes les parties vivantes com- mencent à se constituer et s'accroissent avec le plus de rapi- dité. Je terminerai donc ici la longue série de Leçons consa- crées spécialement à l'histoire des fonctions de nutrition, et je compléterai cette partie de ma tâche à mesure que j'avancerai dans l'étude d'un autre groupe de phénomènes qui se lient d'une manière intime à ceux dont je viens de parler, mais qui ont pour objet principal la multiplication des individus vivants. Par conséquent j'aborderai maintenant l'histoire des fonctions de reproduction, me proposant de ne traiter des phénomènes de la vie de relation qu'après avoir achevé l'étude des fonctions de la vie végétative. SOIXANTE ET ONZIÈME LEÇON. De la reproduction des Animaux. — Réfutation de l'hypothèse des générations dite? spontanées. § 1 . — Chacun sait que la durée de tout être vivant a des Destruction limites infranchissables, et qu'après avoir existé pendant un renouvellement temps plus ou moins long, les Animaux, comme les Plantes, êtrestivanis. meurent nécessairement, mais que cette destruction des indi- vidus n'entraîne pas la disparition des espèces ou types orga- niques dont ils sont des représentants, car ils ont tous la faculté de produire d'autres individus faits à leur image, et de perpé- tuer leur race par voie de génération. Chacun sait aussi que le Chêne et le Froment, de même que le Chien, le Cheval et l'Homme, ne peuvent naître que de leurs semblables, dont ils sont des produits et dont ils tirent leur puissance vitale. En cela, comme en beaucoup d'autres choses, ces êtres organisés diffèrent radicalement des corps bruts, qui durent tant qu'une force étrangère ne vient pas désassocicr leurs molécules con- stitutives, qui ne sont jamais engendrées par leurs semblables et qui résultent toujours de l'union ou de la décomposition de corps dont la nature diffère de la leur. Ainsi un atome de craie n'est pas produit par de la craie qui préexisterait, mais naît de la combinaison d'un atome de chaux et d'un atome d'acide carbo- nique ; de même que tous les autres corps bruts, il n'a ni ascendants ni descendants de son espèce, et il est une consé- quence des propriétés dont est douée la matière qui le con- stitue ; tandis que les corps organisés dont je viens de parler ne se forment que sous l'influence d'un autre individu de leur espèce qui imprime à la matière destinée à les constituer un vm. 17 L'origine des Animaux est parfois obscure. 238 REPRODUCTION. cachet particulier», en même temps qu'il y communique la puis- sance vitale dont il est lui-même anime. Aucun de ces êtres n'existerait s'il n'avait été engendré par des parents, et si les grandes lois de la Nature ont réellement la généralité que je leur ai souvent attribuée dans le cours de ces Leçons, nous devons penser qu'il en sera de même pour tout ce qui vit; que tous les Animaux, ainsi que toutes les Plantes, doivent être des descen- dants d'autres Animaux et d'autres Plantes, et que leur multi- plication à la surface de notre globe est toujours une consé- quence de la faculté génératrice dont les individus de leur espèce sont doués. Dans l'immense majorité des cas, il est facile de s'assurer qu'effectivement les Animaux et les Plantes se reproduisent, et ne peuvent naître que s'ils ont été procréés de la sorte. Mais dans quelques circonstances cette filiation n'est pas également évidente, et parfois même on ne s'explique pas bien, au pre- mier abord, comment certains Animaux peuvent avoir une origine semblable. On ne leur connaît pas de mère, et l'on ne voit même pas d'Animaux de leur espèce dans les lieux où ils naissent. Ainsi il n'est pas rare de voir des Anguilles, des Apus et d'autres Animaux aquatiques se montrer en nombre consi- dérable dans des mares ou même dans de petites flaques d'eau pluviales, au milieu de terres qui étaient restées à sec pendant de longues années, et qui par conséquent n'avaient pu être habi- tables pour des êtres de cette nature. Lorsqu'un cadavre exposé à l'action de l'air se putréfie, on voit souvent des milliers de petits Animaux vermiformes s'y développer, et dans quelques cas on trouve des parasites non-seulement dans les intestins de beaucoup d'Animaux, mais aussi jusque dans la substance d'organes en apparence inaccessibles à des êtres venant du dehors, dans la substance du foie, dans le globe de l'œil et dans l'intérieur du crâne, aussi bien que dans le centre de cer- tains fruits et dans le tissu du bois. HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 239 Pour rendre compte de faits de cet ordre, les philosophes de Hypothèse l'antiquité imaginèrent que le limon de la terre , les chairs u génération corrompues et d'autres substances privées de vie, pouvaient, spontanée sous l'influence de la chaleur, de l'air et de l'eau, se constituer en corps organisés qui prendraient vie sans avoir été engendrés par aucun être vivant. Par un singulier emploi des mots, on a appelé génération spontanée ce mode d'origine de corps vivants qui ne seraient pas des produits d'une génération quelconque, et qui se constitueraient de toutes pièces sans le concours d'aucun organisme préexistant; qui seraient créés et non engendrés. Cette manière d'expliquer la formation des Animaux dont l'origine était entourée d'obscurité fut généralement adoptée par les naturalistes anciens et par les écrivains du moyen Age ; aujourd'hui encore quelques physiologistes y ont recours, et dans ces derniers temps elle a été soutenue avec ardeur par quelques hommes de talent. .Mais, à mesure que la science a fait des progrès, on a vu presque toutes les prétendues excep- tions à la loi de la multiplication des êtres vivants par voie de génération rentrer successivement dans la règle commune , et il me semble impossible de ne pas croire que, dans l'état actuel des choses, la vie est toujours transmise, que la matière brute ou morte ne saurait à elle seule se constituer en forme d'être organisé, et acquérir le mode d'activité qui caractérise soit un Animal, soit une Plante, et que la multiplication de ces êtres s'effectue d'après le même principe essentiel, que ces corps soient des Hommes ou des Monades; en d'autres termes, que tout corps vivant provient d'un corps qui vit. § 2. — Il me paraîtrait presque inutile de rapporter ici tout ce que les anciens ont dit de la production des Animaux par le limon des fleuves ou la corruption des cadavres. Chacun de nous, dès son enfance, a été familiarisé avec les idées de ce genre par la lecture de l'un des plus grands poètes de l'antiquité, et ce que Virgile raconte des Abeilles du berger Aristée n'était 2q0 REPRODUCTION. que l'expression des croyances partagées par tous les natura- listes de son temps. Le grand Aristote avait pensé de même, et généralisant des observations incomplètes, il avait dit que tout corps sec qui devient humide, ainsi que tout corps humide qui se dessèche, produit des Animaux, pourvu qu'il soit susceptible de les nourrir (1). Quelques naturalistes du moyen âge et de l'époque de la renaissance firent un usage encore plus immodéré d'hypothèses analogues. Ainsi un érudit célèbre du xvne siècle, le père Kir- cher, assura que la chair d'un Serpent desséchée et réduite en poudre, puis semée dans de la terre et arrosée par la pluie, (1) Au début du cinquième livre de son Histoire des Animaux, Aristote s'exprime de la manière suivante: «Il y a des Animaux qui sont produits par d'autres Animaux qu'une forme com- mune place dans le même genre, et il y en a qui naissent d'eux-mêmes sans être produits par des Animaux sem- blables. Ceux-ci viennent onde la terre putréfiée, ou des plantes, comme la plupart des Insectes ; ou bien ils se produisent dans les Animaux mêmes des superfluités qui peuvent se trou- ver dans les différentes parties de leur corps. » Dans beaucoup d'autres pas- sages, Aristote parle de la production d'Animaux par le limon ou d'autres matières analogues : ainsi il explique de la sorte la formation des larves qu'il appelle des Ascarides, et qui, en se métamorphosant , deviennent des Mouches du genre Empis ; il dit que les Poux naissent de la chair, et que les Puces résultent d'une fermentation qui se développe dans les ordures ; il attribue aussi à la génération dite spon- tanée la formation des Teignes qui rongent la laine, et des Acarus de la cire, ainsi que celle des Anguilles et de quelques autres Poissons (a). Diodore de Sicile mentionne le dé- veloppement d'une foule d'Animaux aux dépens du limon du Nil échauffé par les rayons du soleil (6), et Plutar- que assure que le sol de l'Egypte paraît engendrer spontanément des Rats (c). La fable que Virgile raconte au sujet de la production des Abeilles au moyen du cadavre d'un bœuf (d) a été ac- ceptée sans critique par Pline (e). (a) Aristote, Histoire des Animaux, trad. de Camus, t. I, p. 237, 291, 31 3, 363, 367, etc. (b) Diodore, Bibliothèque historique, trad. par Gros, 1846, t. I, p. 12. (f) Quelques auteurs ont fait remarquer que ce passage ne saurait s|appliquer au Rat proprement dit, qui n'était pas connu des anciens ; mais on sait qu'il existe en Egypte une autre espèce du même genre qni, dans les temps modernes, a été désignée sous le nom de Mus cohirinus (voyez Geoffroy Saint-Hilaire, Description de l'Egypte : Hist. nat., t. II, p. 733, Mammifères, pi. 5, lig. 1). (d) Virgile, Géorgiques, chant IV. (e) Pline, Historiarum mundi lib. XI, ? XXIII. de Tïeili. HYPOTHÈSE DK LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 2A1 donne naissance à des Vers qui bientôt se transforment en Ser- pents (1). En 1638, un premier coup fut porté à toutes ces idées Expérience fausses par un médecin de Florence, dont j'ai déjà eu l'occa- sion de parler dans une précédente Leçon, François Redi (2). A l'aide d'expériences non moins simples que probantes, ce naturaliste constata que les prétendus Vers qui se montrent dans les charognes sont des larves d'Insectes ; que ces larves ne sont pas des produits de la putréfaction, mais naissent des œufs qui sont déposés sur la chair par des Mouches, et que les matières corrompues dont on les supposait provenir ne sont en réalité qu'un aliment dont ils se nourrissent (S). (1) Ce savant, trop crédule, s'occu- pait de linguistique, de mathématiques et de physique, aussi bien que d'his- toire naturelle, et il fut un des pre- miers à chercher à interpréter les hié- roglyphes égyptiens. 11 mourut à Home en 1G80. Ce fut en partie pour con- trôler les assertions consignées dans un de ses ouvrages (a), que Iledi entre- prit les expériences doni il va être question. (2) Voyez tome V, page 255. (3) Après avoir rendu compte de beaucoup d'expériences faites pour établir que les Animaux vermiformes qui se développent dans la chair en putréfaction sont des larves destinées à se transformer en Mouches de diffé- rentes sortes, Redi s'exprime dans les termes suivants : « D'après ces faits que je venais d'acquérir, je commençais à soupçon- ner que tous les Vers qui naissent dans les chairs y sont produits par des .Mou- ches et non par ces chairs mêmes, et je me confirmais d'autant plus dans celte idée, qu'à chaque nouvelle génération produite par mes soins, j*a\ais toujours vu des Mouches vol- tiger et s"arrèter sur les chairs avant qu'il y parut des Vers, et que les Mouches qui s'y formaient ensuite étaient de même espèce que celles que j'avais vues s'y poser. Mais ce soupçon n'aurait été d'aucun poids si l'expé- rience ne l'eut confirmé; c'est pour- quoi, au mois de juillet, je mis dans quatre bouteilles à large cou, un Sér- pent, quatre petites Anguilles et un morceau de veau. Je bouchai bien exactement ces bouteilles avec du papier que j'arrêtai sur leur orifice en le ser- rant autour du goulot avec une ficelle; après quoi je mis des mêmes choses et en même quantité dans autant de bouteilles que je laissai ouvertes. Peu de temps après, les Poissons et les chairs de ces seconds vaisseaux se rem- plirent de Vers et je voyais les Mouches y entrer et en sortir librement ; mais je n'ai pas aperçu un seul Ver dans les bouteilles bouchées, quoiqu'il se fut {a\ Kirclier, Munivs subterraneus, lib, MI. 2/^2 REPRODUCTION. observation Redi resta dans le cloute concernant le mode d'origine de vaiiisnieri. certains Yers ou larves que l'on trouve souvent dans l'inté- rieur du corps de divers Animaux vivants ou dans la sub- stance de certaines Plantes en pleine végétation, et, tout en refusant à la matière morte la faculté de s'organiser sponta- nément et de devenir ainsi un corps vivant, il inclina à penser que la force vitale dont les Plantes, aussi bien que les êtres ani- més, sont douées pouvait déterminer dans leur organisme la production d'Animaux parasites. Mais un de ses disciples, Vaiiisnieri, ne tarda pas à faire rentrer dans la règle commune un grand nombre de ces anomalies présumées, car il constata que divers Insectes qui se développent dans l'intérieur des fruits sont les produits d'une génération ordinaire, et qu'ils sont déposés à l'état d'œufs dans la substance des Végétaux, ou y pénètrent du dehors à l'état de larves pour y vivre et y grandir (1). écoulé plusieurs mois depuis que ces matières y avaient été renfermées ; on voyait quelquefois sur le papier qui les couvrait de petits Vers qui cherchaient un passage pour s'introduire dans ces hou l cilles : ils semblaient s'efforcer de pénétrer jusqu'à ces chairs qui étaient corrompues et qui exhalaient une odeur fétide... Je ne me conten- tai pas de ces expériences, j'en fis une infinité d'autres en différents temps et avec différentes sortes de vaisseaux, et pour ne négliger aucune espèce de tentatives, je fis enfouir plusieurs fois dans la terre des morceaux de chair, que j'eus soin de faire recouvrir de terre bien exactement ; et quoiqu'ils y restassent plusieurs semaines, il ne s'y engendra jamais de Vers, comme il s'en formait sur toutes les chairs sur lesquelles les Mouches s'étaient po- sées (a). » Redi constata aussi l'existence d'or- ganes reproducteurs chez divers Vers intestinaux que l'on supposait généra- lement ne se multiplier que par la gé- nération dite spontanée (6). (I) Vaiiisnieri était un neveu de l'illustre Malpighi, et il pratiquait la médecine à Padoue, vers le commen- cement du xvme siècle ; on lui doit beaucoup d'observations intéressantes sur la génération des Insectes dont les larves vivent dans ou sur les végé- taux. Il reconnut aussi que l'Animal vermiforme appelé OEstre, qui se déve- (a) Redi, Expérimenta circa generationem Insectorum (edit. de Lcyde, 1739), p. 32 et suiv.). (b) Idem, De Animalculis vivis quee in corporibus Animalium vivonim reperiuntur obsena- tiones, edit. de Leyde, 1T29. HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 2&3 Un autre naturaliste du xvne siècle, dont le nom revient sou- Recherches île vent dans ces Leçons, Swammerdam (1), combattit avec non swammerdam, moins de succès les erreurs qui régnaient depuis l'antiquité, touchant l'aptitude de la matière brute à former spontanément beaucoup d'Animaux inférieurs (2). Ainsi il fit voir que les Abeilles, dont le nombre se compte par milliers dans chaque ruche, sont toutes le produit, non pas de la putréfaction des cadavres, comme on l'avait prétendu, mais du développement des œufs pondus par l'individu que les anciens appelaient le roi, et que les modernes désignent par le nom mieux approprié de reine (3). Il constata que les Poux sortent d'un œuf, et en loppe dans l'intestin du Cheval, est en- gendré par une sorte de Mouche, mais il se trompa sur la manière dont ce parasite est introduit du dehors dans l'intérieur du corps de l'Animal où il vit (a). Vallisnicri pensait que la fe- melle pénétrait dans l'anus du Che- val pour y pondre ses œufs, tandis cju'en réalité elle les dépose à l'exté- rieur et les colle aux poils de cet Ani- mal, sur une des parties du corps que celui-ci a l'habitude de lécher. Le Cheval ramasse avec sa langue les larves qui sortent des œufs ainsi placés, les avale et les introduit dans son estomac, où elles séjournent fort longtemps; de là ces parasites passent dans l'intestin et s'échappent au dehors par l'anus, pour aller en terre achever leurs métamorphoses (6). (1) Voyez tome I, page 1x2. (2) Swammerdam ne ménagea pas ses expressions lorsqu'il parla des par- tisans de l'hypothèse des générations dites spontanées. Ainsi, en traitant de l'Abeille, il dit : « Quoique ce soit le comble de L'absurdité d'imaginer que la pourriture soit capable d'engendrer des Animaux aussi bien organisésquele sont les Abeilles, c'est cependant l'opi- nion de la plus grande partie des Hom- mes, parce qu'on juge sans vouloir rien examiner (c), » Enfin, il termine son ouvrage par ces mots : « En examinant donc attentivement le développement des Insectes, des Animaux qui ont du sang et des Végétaux, on reconnaît que- tous ces êtres croissent et se dévelop- pent suivant une même loi, et l'on sent combien est fausse l'opinion de la gé- nération spontanée, qui attribue à des causes fortuites des effets si réguliers et si constants ((/). » (3) Les résultats généraux des re- cherches de Swammerdam sur la gé- nération des Abeilles et des autres Insectes furent publiés du vivant de ce naturaliste en 1669 (e) ; mais la plupart {a) Vallisnieri, Délia curiosa origine dcgli Sviluppi e de coslumi ammirabili di molli Insetti (Opcre fisico-mediche, t. I, p. 3). (&) Bracy-Clarke, An Essay on the Dots of Horses and olher Animais, 1315, p. 17 et suiv. (c) Swammerdam, Diblia Natures, I. I, p. 530. {d) Idem, Op. cit., t. 11, p. 8G3. (e) Swammerdam, Histoire générale des Insectes, p. 96, clc. 2lili REPRODUCTION. pondent, comme les autres Insectes (1); enfin il expliqua d'une manière très-judicieuse l'origine des larves qui habitent dans l'intérieur des excroissances végétales appelées galles, ou dans la substance des feuilles de diverses plantes (2). L'histoire du mode de reproduction de ces parasites, et de beaucoup d'autres Insectes dont les mœurs sont analogues, ne fut complétée que bien plus tard par les belles recherches de Réaumur ; mais les faits introduits dans la science par Redi, Swammerdam et Vallisnieri auraient probablement suffi pour faire justice de de ses observations ne furent connues du monde savant que longtemps après sa mort, lorsqu'on 1737, son grand ouvrage, intitulé Biblia Natures, seu historia Insectorum in certas classes reducta, fut édité par son compatriote rillustrc médecin Boerhaavc. Une tra- duction française de ce livre parut en 1758 dans le 5e volume de la collec- tion académique de Dijon. (1) Dans quelques cas, les Poux se développent sur le corps humain en nombre si prodigieux, qu'au premier abord on a cru ne pouvoir s'expliquer leur multiplication par la voie ordi- naire de la génération, et qu'on a sup- posé qu'ils naissaient de la substance de notre organisme, opinion qui a été soutenue encore de nos jours par quel- ques auteurs. Les médecins ont con- sidéré ce phénomène comme dû à une maladie particulière qu'ils dési- gnent sous le nom de phthiriasis, et parmi les personnes quiont été infestées de la sorte, on cite plusieurs hommes célèbres : par exemple, AIcman, poète grec (a), Platon, le dictateur Sylla , les deux Hérodes, l'empereur Maximhi et le roi d'Espagne Philippe II. On a même attribué à cette maladie la mort de plusieurs de ces personnages. Ainsi que je l'ai déjà dit, les partisans de l'hypothèse des générations dites spontanées pensaient que les Puces naissaient de la poussière et d'autres matières inertes; mais en 1682, Leeu- wenhoekconslata que ces Insectes pon- dent des œufs et se multiplient par la voie de la génération ordinaire; il fit connaître en même temps les méta- morphoses qu'ils subissent dans le jeune âge (b). (2) Swammerdam n'eut pas l'occa- sion d'observer la manière dont les œufs sont introduits dans le tissu de la plante, qui, en se développant, consti- • tuera une galle, mais il constata que ces œufs donnent naissance à des lar- ves qui, après s'être nourries de la sub* stance végétale dont elles sont entou- rées, se transforment en Insectes ailés qui produisent à leur tour des œufs semblables à ceux dont elles étaient elles-mêmes sorties (c). (tt) Stoatahierdamj Biblia Nalurœ, l. Il, p. 72 3 et suiv, (b) Leuwenhoek, Arcana Naturœ détecta, epist. lxxyi (Opéra, I. Il, p. 325). (f) Burducli, Traité de physiologie, t. I, p. 3'J. HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 2fr5 l'hypothèse des générations spontanées (1), si, vers la fin du wne sièele, une découverte importante, en reculant les limites de l'observation possible , n'eût fait naître d'autres diffi- cultés pour l'explication desquelles on eut de nouveau recours à des suppositions analogues à celles dont la fausseté venait d'être reconnue pour tous les cas susceptibles d'être étudiés d'une manière approfondie. En examinant au microscope de l'eau pluviale'qui était restée Découverte des exposée à l'air, Leeuwcnhoek (2) y découvrit une multitude infères. d'êtres animés, d'une petitesse extrême, qui n'y existaient pas au moment où il avait recueilli ce liquide. Il constata aussi que des Animalcules microscopiques analogues se développent par myriades dans l'eau où l'on fait infuser des matières orga- niques, par exemple du poivre ou du foin, et il ouvrit ainsi un champ nouveau aux investigations des observateurs ainsi qu'aux hypothèses des physiologistes spéculatifs (3). De bonne (1) En 1737, Réaumur disait: «Nous (3) Les premières observations de n'avons plus besoin de combattre le Leeuwenhœk sur le développement sentiment absurde dans lequel on a été des Animalcules microscopiques dans pendant si longtemps sur l'origine des Peau pluviale datent de 1675, mais ne Insectes des galles ; il n'est plus de furent publiées que quelque temps philosophe qui osât soutenir avec les après. Il constata aussi la présence de anciens, peut-être même n'en cst-il ces petits êtres dans de l'eau de puits, plus de capable de penser que quel- dans de l'eau provenant de la fonte ques parties d'une plante peuvent, en des neiges, et dans l'eau de la mer. se pourrissant, devenir un Ver, une Enfin, il vit ces Animalcules se déve- Mouche, en un mot un Insecte, qui est lopper en très-grand nombre dans de un assemblage de tant d'admirables l'eau où il avait fait infuser du poi- organes (a). » Les observations de ce vre (b). Afin de donner une idée de la grand naturaliste sur la génération des petitesse et de l'abondance de ces Ani- Insectes qui se développent dans Pin- malcules, Leeuvvenhock chercha à cal- téricur des plantes sont pleines d'in- caler combien une seule goutte d'eau téret et d'une exactitude parfaite. pouvait en contenir, et il arriva à (2) Voyez tome I, page 42. cette conclusion que, dans certains cas, (a) Rcaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, t. III, p. 474. {b) A. Van LeeuwcnlioeK, Lettcr concernimj liltlc Animais by him observed in min water and snow water; as also water conlaining pepper had lain influai (l'hilus. Trans., 1078, i. Ml, [.. 8-21). Mil. 18 246 REPRODUCTION. Hypothèses heure quelques naturalistes attribuèrent cette production relatives à rorigine d'Animalcules à une sorte d'ensemencement d'œuts ou de de ces f ta Animalcules, germes qui , engendres par d'autres Animalcules de même espèce, auraient été entraînés par les vents et flotteraient dans l'atmosphère au milieu des poussières dont l'air est toujours plus ou moins chargé (1). Mais d'autres auteurs, ne pouvant apercevoir ni œufs ni germes de ce genre, crurent préférable d'expliquer la naissance de ces petits êtres comme les anciens expliquaient la formation des Abeilles d'Aristée ou la multipli- cation des Rats de l'Egypte, c'est-à-dire en supposant que la matière inorganique ou morte, soumise à l'action de la cha- leur et de l'humidité, posséderait la faculté de s'organiser et de constituer des êtres animés, lesquels vivraient sans avoir reçu la vie d'un autre corps vivant; ou, en d'autres ternies, ils attribuaient l'apparition de ces Animalcules à une génération dite spontanée. Vers le milieu du siècle dernier, ces questions ardues occu- pèrent beaucoup l'attention des naturalistes, et donnèrent nais- sance à deux hypothèses opposées qui ont eu trop de célébrité pour que je n'en dise pas quelques mots. il pouvait y en avoir plus de vingt- sept millions {a). Enfin, il constata avec beaucoup de soin que les Animalcules de Teau pluviale n'existaient pas dans ce liquide au moment de sa chute, et qu'ils s'y étaient développés quelques jours après (6). (1) Henry Baker, l'un des micro- graphes les plus laborieux du xvme siè- cle, interpréta de la sorte les faits observés par Lecuwcnhoek et par lui- même, relatifs au développement des Animalcules dans Peau exposée à l'air, eteontenant des matières nutritives (c). Ce fut aussi l'hypothèse que Spallan- zani et quelques autres auteurs adop- tèrent pour expliquer l'apparition des Animalcules dans les infusions ((/). (a) Lceuwenliock, Lcller wherein some Account is given of the Manner of his obstrvuig sa great a number of living Animais in diverse sorts of water, etc. (Philos. Trans., 1078, t. XII, p. 844). (b) Leeuwonhoek, Another Lettcr concerning his Observations on rain ivatcr (Philos. Trans., 1702, t. XXIII, p. 1152). (e) Baker, The Microscope made casg, 1742, p. G9. (d) Spallanzani, Opuscules de physique animale et végétale, trad. par Senelier, 1787, 1. 1, p. 232 et suiv. il\[»OTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 2Zl7 En réfléchissant sur les phénomènes naturels plutôt qu'en Emboîtement îles germes. observant la nature, un philosophe genevois, Bonet, fut con- duit à penser que non-seulement un Animal ne pouvait se con- stituer de toutes pièces et prendre vie sans avoir été engendré par un Animal préexistant, mais qu'il ne pouvait être une création de celui-ci ; que le jeune se développait dans le corps de sa mère sans être en réalité formé par elle, et qu'il y préexistait à l'état de germe. Appliquant ensuite ce mode de raisonnement à la série des êtres dont cette mère était elle- même descendue et à la progéniture future de ses produits, Bonet arriva à penser que le premier individu de cha/juc race devait contenir, inclus les uns dans les autres, les germes de tous les individus dont il était destiné à être la souche, de sorle que tous ces individus auraient existé à l'état de germes dès la création du Règne animal, et n'auraient fait que se déve- lopper à mesure qu'ils se seraient dépouillés successivement des enveloppes constituées par des germes placés moins pro- fondément. C'est celte hypothèse singulière que l'on connaît sous le nom de théorie de l'emboîtement des germes. Notre imagination s'en effraye comme de l'idée de l'infini, et cepen- dant Cuvicr considéra cette manière d'envisager le mystère de la multiplication des êtres vivants comme étant préférable à toute autre (1). Buffon, dont les conceptions nous charment toujours par Moiécnt* leur grandeur, lors même qu'on ne saurait les considérer "T1"' comme l'expression des laits acquis à la science, se plaça à un autre point de vue, et, adoptant en partie les idées de Mauper- tuis sur l'attraction élective des molécules (2), il regarda la (1) J'ai soin en t entendu Cuvier s'ex- (2) Mauper luis, dont la célébrité est pliquer à ce sujet dans la conversa- due surtout au voyage qu'il fit eu La- tion, et son opiuion a été recueillie par ponie avec Clusant et quelques au- son collaborateur Laurillard (a). très savants pour vérifier les idées de (a) Laurillard, Éloge de Cuvier (lleih.erches sur les ossements fossiles, cdil. in-8, t. I, p. 57). Dufl'un . 2fj8 REPRODUCTION. vitalité comme étant une propriété indestructible, non pas de la matière en général, mais de la matière organisée, c'est-à-dire de la substance constitutive des êtres vivants; il pensa que chaque molécule de cette matière vit par elle-même, et que la manière dont son activité physiologique se manifeste, dépend de son mode d'association avec d'autres molécules organiques. Le corps d'un Animal ou d'une Plante ne serait donc qu'une réu- nion d'une multitude d'êtres vivants avant chacun leur indivi- dualité, et susceptibles de se réunir de mille manières différentes pour constituer autant d'autres Animaux ou d'autres Plantes ; ce que nous appelons la mort d'un de ces êtres complexes ne serait alors que la dissolution d'une de ces associations, et les molé- cules organiques ainsi mises en liberté continueraient à vivre isolément, ou entreraient dans de nouvelles combinaisons pour former d'une part les Monades, par exemple, d'autre part quelque corps vivant plus complexe, tel qu'un Insecte ou un Quadrupède. Telle est, en peu de mots , l'essence de la théorie dite des molécules organiques de Bulïon, théorie d'après laquelle les Animalcules qui naissent dans les infusions ne seraient que des molécules des matières animales ou végétales mises en liberté par la destruction de l'association physiologique dont elles Newton touchant l'aplatissement de la ' terre aux pôles, combattit fortement la théorie de la préexistence et de l'em- boîtement des germes. Il crut pouvoir expliquer la formation des organismes en supposant que les molécules de la matière organisahle sont douées d'une sorte d'attraction élective en vertu de laquelle ces atomes se rapprocheraient et s'uniraient dans certains rapports, de façon à donner naissance à des assem- blages analogues à ceux dont ces mê- mes molécules proviennent, propriété qu'il comparait tantôt à l'affinité chi- mique ou à l'attraction en vertu de laquelle les parties constitutives d'un cristal se réunissent suivant un ordre déterminé, tantôt à une sorte d'instinct ou de souvenir d'un état antérieur. Les premiers écrits de Mauperluis sur ce sujet parurent peu d'années avant ceux de Buffon (a). (a) Mauperluis, Vénus physique, 1744 (Œuvres, t. II, p. 3). — Essai sur la formation des corps organisés, Berlin, 1754 (Œuvres, I. II, p. 139). HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 249 faisaient préalablement partie, et redevenues actives isolément après avoir cessé de manifester leur puissance vitale par un genre d'activité dépendant de leur mode de réunion en un orga- nisme complexe. Ce serait cette matière organique, et par conséquent vivante, qui, retenue dans l'intérieur de certains Animaux ou de certaines Plantes, formerait des Vers intestinaux ou d'autres parasites. Enfin, ce seraient encore ces molécules organiques qui, en s'associant dans l'intérieur des organes de la reproduction d'un être vivant, imitant le mode d'assem- blage des molécules dont le corps de celui-ci se compose, rem- pliraient une sorte de moule virtuel fourni par cet organisme préexistant, et constitueraient ainsi l'embryon destiné à perpé- tuer sa race (.1). L'hvDOthèse de la multiplication des êtres animés sans Fin- Renouvellement • » x île l'hypothèse tervention d'Animaux engendreurs, et par le jeu seulement des , age LGb). (2) Voyez à ce sujet les remarques présentées à l'Académie, le 5 janvier 1859 (6). (a) f'michct, Note sur des Proto-organismes nés spontanément dans de l'air artificiel et dans le ga; oxygène {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1858, t. XLVII, p. 979, el Aun. des sciences nat., i' série, 1858, t. IX, p. 3*7). — Pouchet et Houzeau, /. es sur les générations spontanées (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1858, t. XLVII, p. 982, cl Aun. des sciences nat., 4" série, t. IX, p. 350). (b) Milne Edwards, Fiemarqnes sur la valeur des faits qui sont considérés par quelques natu- ralistes comme étant propres à prouver l'existence de la génération spontanée des Animaux (Comptes rendus, t. XLVIII, p. 23, et Ann. des sciences nat., 4« série, 1858, t. IX, p. 353;. — Observations sur la question des générations spontanées, par MM. Payen, de 0_"a''ef3gcs, Claude Bernard el Dumas (Comptes rendus, t. XLVIII, et Ann. des sciences nat., 4e série, t. IX, p. 3G0). 26/j. REPRODUCTION. de conviction, et des preuves qui me paraissent décisives ne taillèrent pas à nous être fournies par les belles expériences de M. Pasteur (1). Expériences Jusqu'alors l'existence de propagules ou de germes d'Infu- "'' soires dans l'atmosphère était une hypothèse plausible pour expliquer l'origine de ces êtres d'une manière conforme aux lois générales de la reproduction ; mais c'était une supposition seulement, et l'on n'avait pu ni voir ni saisir ces corpuscules reproducteurs. 31. Pasteur, en faisant passer de l'air à travers divers corps qui remplissaient l'office de libres, du coton ou de l'amiante, par exemple, est parvenu à arrêter ces germes ou propagules, et, en les semant dans des infusions placées dans des vases hermétiquement fermés, il a pu déterminer à volonté le développement d'êtres vivants dans des conditions où aucun phénomène vital ne se serait manifesté si cet ense- mencement n'avait eu lieu. Ses expériences ont été instituées de manière à éviter toutes les causes d'erreur qu'il nous est possible d'imaginer, et les résultats qu'elles lui ont fournis me paraissent inattaquables. Les arguments à l'aide desquels M. Pouchet, M. Joly et quelques autres naturalistes ont cherché à les renverser ne me semblent avoir aucune valeur, et, sans m 'arrêter à les réfuter (2), je me bornerai à citer ici quelques (1) Les recherches de M. Pasteur dées par cet habile expérimentateur sur la génération dite spontanée lurent sont discutées d'une manière appro- d'abord communiquées à l'Académie fondie (b). des sciencesdans une série de notes («), (2) Pour plus de détails à ce sujet, puis réunies et coordonnées dans un je renverrai aux publications faites par mémoire où toutes les questions abor- ces divers naturalistes (c), aux dis- fa) Pasteur, Expériences relatives aux générations dites spontanées (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1800, t. L, p. 303, et Ann. des sciences nat., 4' série, t. XII, p. 85). — De l'origine des ferments. Nouvelles expériences relatives aux générations dites sponta- nées (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1*00, t. L, p. 849). (b) Pasteur, Mémoire sur les corpuscules organisés qui existent dans l'atmosphère, et examen de la doctrine des générations spontanées (Ann. des sciences nat., 4* série, 1861, t. XVI, p, 5). (c) Voyez ri-dessus, page 254. HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 2G5 parties du beau travail de M. Pasteur, car les détails qu'il donne suffiront, je pense, pour convaincre tous les esprits impartiaux, et montrent combien il est facile de laisser passer inaperçues des causes d'erreur. M. Pasteur constata d'abord que si l'on place dans un ballon de verre une dissolution de sucre mêlée à des substances albu- minoïdes et à une petite quantité de matières minérales pro- venant de l'incinération de la levure de bière; si l'on bouche ensuite ce ballon en étirant à la lampe son col effilé, et si, après avoir effectué celle clôture hermétique, on chauffe le liquide à 100 degrés, la fermentation ne s'y établit pas. Il ne s'y développe ni globules de ferment, ni Mucédinées, ni aucune autre espèce d'êtres vivants, lorsqu'on fait pénétrer dans le ballon ainsi disposé de l'air qui a été calciné en passant à travers un tube chauffé au rouge, et qui, après avoir été purifié delà sorte, n'a pu se charger (l'aucun corps organisé. Cette expérience, répétée un grand nombre de fois, a toujours donné, entre les mains de M. Pasteur, le même résultat. Les choses se passaient encore de la même manière lorsqu'une certaine quantité des poussières organisées qui flottaient dans l'atmosphère, et qui avaient été recueillies par la filtration de l'air, fut placée dans le col du ballon de façon à ne pas subir l'influence destructive de la chaleur et à ne pas arriver dans le liquide mis en expérience; mais, lorsque après avoir laissé eussions qui ont eu lieu entre M. Pas- bonne en 1862 (a), et aux autres pil- leur et ses antagonistes, dans des blications faites sur ce sujet par divers réunions scientifiques tenues à la Soi- auteurs (b). (a) Voyez la Revue des Sociales savantes, sciences mathématiques physiques cl naturelles 1862, t. 1, p. iï4 et suivantes. ' (6) Lavallée Poussin, le viviparisme et la question des générations spontanées (cxlrail de la Revue catholique de Louvam, lMi2j. — Jobard, De la génération spontanée (le Pro/jrès international, Bruxelles, 28 août 1861 1. — G. Gat)\o,Sulle generaziom spontanée (Giornale di farmacia, 18fi — Salimbeni, Sulla eterogenia ovvero siilla generaaione spontanea. Modena, 1863. — Voyez aussi les publications déjà citées pages 25-4 et suivantes, 266 REPRODUCTION. l'appareil dans cet état pendant un temps plus ou moins long, on l'inclinait de façon à faire tomber cette poussière dans le bain chargé de sucre et d'albumine , on voyait toujours des signes de fermentation se manifester promptement dans le liquide, et au bout de quelques heures des productions organiques s'y développer. Le point où ces poussières tom- baient dans le bain était toujours celui où les végétations commençaient, et si ces mômes corpuscules, au lieu d'être portés directement dans l'infusion, étaient exposés préalable- ment à une température d'environ 100 degrés, ils restaient inactifs, et la production d'Infusoires n'avait pas lieu. Mais pour dépouiller complètement de ces propagules les instru- ments ou les matières employés dans ces expériences, il faut i facilement «pic l'on pourrait le croire de prime abord. Nous savons, par les expériences de Doyère, que certains Animalcules, lorsqu'ils sont convenablement desséchés, peuvenl supporter îles températures qui dépas- sent de beaucoup cellede l'eau bouillante (2), et l'on a con- staté aussi que les g< rmes de quelques végétaux microsco- piques ne soûl pas tués par la chaleur des l'ours où se l'ait la cuisson du pain (o). On comprend donc que. dans beaucoup de (1) -M. Pouchel pense que les œufs (2) Voyez tome VII, page 529. do Yorticelles sont au contraire d'un (3) Ce fait a été constaté par volume relativement très - considé- M. Payen, à l'occasion de ses recher- rable : savoir, 0"",,,0i (a) ; mais ce ches mit les causes de la coloraiion du qu'il a pris pour des œufs riaient pro- pain de munition eu rouge (c), obser- bablcmcntdes Vorliccllesi 'nkystées(o), vée à Paris il y a quelques années (d). a)Pouchct, Note sur le développement et l'organisation des Infusoires (Comptes rendus de Âcad. des sciences, 1849, l. .XXVIII, p. 82 (b) Claparède et Lachmann, Études sur les Infusoires et les Rhizopodes, 1861, t. If, p. 81. (c) Payen, Op. rit. [Comptes rendus de VAcad. des sciences, 185'J, l. XLVI1I, p. 30). (d) Lcfimio, Rapport sur une altération extraordinaire du pain de munition (Ann. de chimie et de physique, 3* série, 18-13, I. IX, p. 5). 268 REPRODUCTION. cas, la chaleur employée en vue de détruire la vitalité des corpuscules contenus dans une infusion ou dans les parties accessoires de l'appareil, ait pu être insuffisante, et que des germes emprisonnés dans le vase avec les substances que l'on croyait dépouillées de toute matière vivante aient pu échapper à cette cause de destruction. Un seul de ces corpuscules invi- sibles, môme pour notre œil armé d'une loupe ordinaire, pourrait suffire pour peupler le liquide séquestré; car lorsque les circonstances sont favorables, ces petits êtres se repro- duisent avec une grande rapidité , et leur fécondité est extrême (1). Si l'on écarte d'une manière judicieuse les causes d'erreur, on voit que les êtres vivants ne se montrent jamais là où des germes vivants (2) n'ont pu arriver du dehors: ainsi, dans une des séries d'expériences laites par M. Pasteur pour empêcher le développement d'Infusoires au sein des infusions placées dans des ballons de verre restés ouverts , il a suffi de recourber le col de ces vases de façon que la poussière tombant verticalement dans l'atmosphère ne pût y pénétrer (3). Il est aussi à noter que si la naissance des ïnfusoires était due (l) D'après les calculs de M. Ehren- berg, il paraît qu'en mettant en expé- rience un Rotateur, on peut obtenir au dixième jour uu million de ces petits êtres ; U millions le onzième jour, et 16 millions le seizième jour. Pour les ïnfusoires àilspolygastriques, la progression serait encore plus ra- pide, car, d'après M. Ehrenberg, Le premier million serait obtenu dès le septième jour , et la multiplication pourrait devenir plus considérable en- core si les circonstances étaient favo- rables ( Animalcules ou des Végétaux microscopiques dont les hétérogénistes attribuent la formation donné les mêmes résultais (a), mais M. Pasteur m'a rendu témoin, et dont je pense que cela devait dépendre les résultats ont été placés sous les yeux de quelque défaut dans les procédés de l'Académie, me semblent à l'abri de opératoires employés par ces derniers " toute cause d'erreur et me paraissent auteurs ; car les expériences dont être complètement probantes. In\ i. Wyman, Expérimenta on ihe Formation of [nfusoria in boiled Solutions of Organic Matter enclosed in hermetically sealed Vessels and supplied with pure Air (Amciican Journal of Science, 1802, t. XXXIV). - Musset, Nouvelles recherches expérimentales sur l'hélérogénie, thèse. Bordeaux, 1862. 270 REPRODUCTION. à la matière employée de la même manière dans toutes les expériences (1). conclusion. Nous voyons donc que chacune des prétendues exceptions à la loi de la formation des êtres vivants par voie de généra- tion a disparu de la science dès que l'on en eut fait une étude approfondie, Lorsque la peuplade sauvage de l'une de ces îles qui sont isolées au milieu du grand Océan, vit pour la pre- mière fois des matelots jetés sur ses côtes par quelque nau- frage, elle crut, dit-on, que ces étrangers étaient descendus du ciel, ou nés, comme les Poissons, au fond des eaux ; mais elle ne tarda pas à reconnaître qu'ils venaient d'une terre inconnue située au delà des limites étroites de l'horizon, et dès lors elle n'attribua plus à une autre origine les nouveaux arrivants qu'elle vit aborder dans ses domaines, lors même qu'elle (1 ) Pour faire ces expériences , M. Pasteur plaça dans des ballons de verre les infusions reconnues propres à être le siège des générations pré- tendues spontanées , mais ne conte- nant rien de vivant ; puis il fit le vide dans ces vases et les ferma herméti- quement. Les ballons ainsi préparés furent ensuite transportés dans les lieux dont on voulait étudier l'air; là on les ouvrit pour laisser entrer ce fluide, et aussitôt après on les ferma de nouveau en prenant toutes les pré- cautions désirables pour empêcher l'introduction de corps étrangers. Dans onze ballons préparés de la sorte et remplis avec de l'air pris dans la cour de l'Observatoire à Paris, le développement d'Infnsoires ne fit dé- faut nulle part ; mais sur dix ballons remplis d'air dans la cave de cet éta- blissement où la température est con- stante, et où par consécpient il n'y a que peu de courants, neuf restèrent stériles et un seul donna des Infu- soires. Dans une autre expérience, M. Pas- teur opéra de la même manière sur soixante ballons , dont vingt furent ouverts dans la campagne, loin des habitations, au pied du Jura, dont un pareil nombre fut ensuite ouvert au sommet d'une des montagnes de cette chaîne , dont l'altitude est de 850 mètres au-dessus du niveau de la mer ; enfin les vingt autres furent remplis d'air sur le flanc du Mont- Blanc, près de la mer de glace, à une élévation de 2000 mètres. Dans la première série de ballons, les Infusoires se montrèrent dans neuf de ces vases et onze restèrent stériles. Dans la deuxième série , celle des ballons ouverts au haut du Jura, les Infusoires ne se développèrent que dans cinq vases, et dans les quinze HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 271 ne put apercevoir le navire qui les y avait transportés. Les partisans de l'hypothèse delà naissance a génétique des Ani- malcules dont les infusions se peuplent me semblent raisonner de la même manière que ces insulaires ignorants , lorsque ceux-ci n'avaient pas encore appris qu'ils n'étaient pas les seuls habitants de notre globe, et que la mer n'était pas un obstacle infranchissable pour les peuples civilisés. Mais je pense qu'à la longue ces physiologistes se laisseront convaincre par des observations analogues à celles qui ont du dissiper peu à peu les erreurs des Océaniens dont je viens de parler; et que tôt ou lard tous les naturalistes seront d'accord [tour reconnaître que la même loi fondamentale régit la production du chêne autres il n'y eut aucun indice d'acti- vité vitale. Enfin, dans la troisième série, celle des ballons ouverts sur le Mont-Blanc, dix-neuf de ces vases restèrent stériles et un seul se peupla d'Infusoires (a). Or, cette stérilité* des infusions em- ployées dans les expériences laites à de grandes altitudes où l'air est pur, ne dépendait en aucune façon de la nature des matières dont ces infusions se composaient, car un des ballons restés clos pendant plus de trois ans ayant été ouvert et placé dans des con- ditions où les poussières charriées par l'atmosphère peuvent y tomber, donna des Infusoires dans l'espace île quel- ques jours (6). Des expériences analogues ont été faites récemment dans les Pyrénées (à la Maladctta) par MM. Pouchet, Joly et Musset; mais les résultats ob- tenus ne furent pas les mêmes que dans les cas dont je viens de parler. Ces physiologistes, ayant opéré sur huit ballons, virent des Infusoires se développer dans tous (c). Peut-on en conclure que les faits annoncés par M. Pasteur sont inexacts .' K\i- demment non. Les expériences de. A1M. Pouchet, Joly et Musset, en supposant qu'elles aient été bien faites, prouveraient seulement que dans le lieu et au moment où les huit vases de ces naturalistes ont été remplis d'air, l'atmosphère était chargée de plus de poussières organiques qu'il n'y en avait au haut du Jura au moment où M. Pasteur s'y rendit. Ces expé- riences ne fournissent donc aucun ar- gument solide à l'appui de l'hypothèse de l'hétérogénie. (a) Pasteur, ilém. sur les corpuscules organisés qui existent dans l'atmosphère (Ann. des sciences nat., A- série, 18G1, t. XVI, p. 75 etsuiv.). (6) Pasteur, \ote en réponse des observations critiques, etc. {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1863, l. LVII, p. 7-24). (c) Expériences sur l'hétérogénie exécutées dans l'intérieur des glaciers de la Maladetta {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 18C3, t. LVII, p. 358). ecrotrencsic. 272 REPRODUCTION. et des moindres moisissures, celle de l'homme et de la monade; en un mot, la naissance de tout ce qui est doué de vie. Examen • § 5. — En attendant, je ne m'occuperai pas davantage ici de laproductkm cette question sans cesse résolue et sans cesse reproduite depuis s Par"a le temps d'Aristote jusqu'à nos jours; et laissant de coté l'hypo- thèse de l'origine agénésique des Animaux, je me hâte d'aborder l'examen d'un autre point de l'histoire de la multiplication de ces êtres : l'hypothèse de leur production par nécrogénésie. Dans l'état actuel de la science, il serait oiseux de discuter la portion des idées de Buffon qui sont relatives à l'indestructi- hilité de la matière organisante et à l'impuissance où seraient les êtres vivants d'en former de toutes pièces. Effectivement on sait que les Plantes et même que certains Animaux inférieurs peuvent, avec de l'eau, de l'acide carbonique, des sels ammo- niacaux et d'autres matières minérales, fabriquer pour ainsi dire les composés chimiques qui sont nécessaires à la constitu- tion de leurs organes, et former, avec la substance ainsi pré- parée, des tissus vivants. Sous l'influence des forces vitales, la matière inorganique peut donc devenir de la matière vivante. Mais la théorie des molécules organiques de Buffon, dégagée de ce qui est relatif à l'origine de la matière vivante, ne choque aucun des principes fondamentaux de la physiologie, et mérite de fixer notre attention; je m'y arrêterai même d'autant plus volontiers, que l'examen de cette question me fournira l'occa- sion de parler de divers faits importants à signaler, et qui ne trouveraient peut-être que difficilement leur place dans les aulres parties de ce cours. Ainsi que je l'ai déjà dit (1), Buffon considérait les Animaux et les plantes comme étant formés par l'assemblage d'un certain nombre de molécules organiques douées chacune de la puissance vitale, et réunies dans certains rapports de façon à constituer (1) Voyez ci-dessus, pas,rc 2/j7. HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIË. î273 par leur assemblage tel ou tel organisme particulier dont le mode d'activité dépendrait du caractère de cette association, mais dont la destruction ou mort n'influerait en rien sur les propriétés essentielles de la matière vivante des molécules dont je viens de parler, et aurait seulement pour effet de leur rendre leur indépendance individuelle, et de leur permettre de contrac- ter entre elles de nouvelles alliances , d'où résulteraient d'autres organismes. L'idée qu'implique le mot molécule ne nous permet pas d'employer ici le langage de Buffon; mais si l'on substitue à celte expression le mot organite, on peut dire, avec ce grand naturaliste, que la vie de ces matériaux de l'or- ganisme n'est pas nécessairement liée à la vie générale de l'être dont ils font partie; que chaque organite, devenu un corps vivant sous l'influence de la vie de l'Animal ou de la Plante qui le produit, a une vitalité propre, et peut conserver cette puis- sance biologique pendant un temps plus ou moins long après avoir cessé d'être uni à ses associes, c'est-à-dire aux autres parties de l'organisme de ['être producteur. Ainsi, les globules hématiques qui flottent dans le fluide nourricier des Animaux, et qui ont été l'objet de nos études au commencement de ce cours, sont, comme nous l'avons vu, des organites libres cl vivants, des individus biologiques qui, pendant la période em- bryonnaire, sont susceptibles de se reproduire par division spontanée ou par bourgeonnement, mais qui meurent prompte- iiient lorsqu'ils sortent de leur milieu ordinaire. Les Sperma- tozoïdes, dont l'étude nous occupera bientôt, sont également des produits de l'organisme qui jouissent d'une vie individuelle, et (lui peuvent même conserver leur mode d'activité spéciale pendantlongtemps après avoir été séparés de l'être dans l'inté- rieur duquel ils ont pris naissance. La vitalité propre de beau- coup de parties solides de l'économie animale est également mise en évidence par les signes d'activité qu'elles donnent après leur ablation : chacun sait que les tronçons du corps d'un 274 REPRODUCTION. Ver de terre continuent à se mouvoir après avoir été séparés, et des expériences récentes relatives aux greffes animales et à la transplantation de fragments de tissus vivants sur des parties éloignées de l'organisme, ou même d'un animal à un autre, prouvent que si les conditions dans lesquelles les parties vivantes se trouvent placées sont favorables à leur existence, elles peuvent continuer à vivre après avoir cessé d'appartenir à l'individu dont elles étaient primitivement des matériaux constitutifs (1). Dans la prochaine Leçon, nous verrons même que chez cer- (1) On trouve dans les écrits des chirurgiens un nombre assez considé- rable d'observations de cas dans les- quels certaines parties du corps bu- main, après avoir été complètement séparées de l'organisme et avoir été remises en place, s'y sont entées de façon à faire disparaître toute solution de continuité et à continuer de vivre comme elles vivaient avant l'accident. Or, on ne conçoit pas la possibilité d'une soudure semblable entre le corps vivant et une partie réellement morte. On sait que les greffes animales peuvent, dans certaines circonstances, avoir lieu assez facilement, si le fragment appli- qué à la surface d'une plaie saine reste pendant un certain temps en con- tinuité de substance avec l'être vivant. C'est sur la connaissance de ces faits que repose le principe de la rhinoplas- tic, opération dans laquelle le chirur- gien fabrique en quelque sorte un nez nouveau à l'aide d'un lambeau de la peau du front. On doit donc penser que dans les cas où des fragments du corps, après avoir été. complètement séparés, ont repris de la sorte, ils avaient con- servé une vitalité qui leur était propre. Parmi les histoires de nez coupés d'une manière complète et réintégrés, la plus célèbre et l'une des plus authen- tiques, au moins en apparence, est celle publiée en 1731, par Garengeot. Un soldat, se battant avec un de ses camarades, fut mordu par celui-ci de façon qu'il lui emporta la presque totalité de la partie cartilagineuse du nez. Le morceau ainsi détaché tomba à terre, et ayant été ramassé et lavé, fut ajusté à sa place naturelle et main- tenu avec un emplâtre agglutinatif; la réunion s'opéra promptement, et était complète au bout de quelques jours (o). Le. récit de Garengeot, quoique en accord avec quelques ob- servations plus anciennes {b), ne ren- contra pendant longtemps que des incrédules ; mais des faits analogues ayant été constatés par plusieurs {a) Garengeot, Traité des opérations de chirurgie, 2» édit., 1731. (b) Tar exemple, celles de FioravanU, chirurgien du xvi- siècle, de Mollnelh ci de Wmsœlt voyez Jobert, de Lamballc, Traite de chirurgie plastique, t. I, p. 109). HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIE. 275 tains Animaux inférieurs, ainsi que chez beaucoup de Végé- taux, des fragments de l'organisme, après avoir été détachés, se développent et se complètent de façon à devenir des Ani- maux ou des Plantes semblables à l'être dont ces fragments proviennent, et que la scissiparité est un des procédés que la nature emploie pour la multiplication des individus. En se plaçant au point de vue de la théorie, on peut donc concevoir la possibilité d'un phénomène de mémo ordre qui serait poussé plus loin, et qui aurait pour conséquence la trans- formation des organites ou éléments anatômiques d'un tissu autres chirurgiens (a), la possibilité de Dans quelques cas, l'oreille, après ccite soudure est considérée aujour- avoir été complètement coupée ou d'hui comme étant démontrée. La arrachée, a pu être réintégrée (c), el plupart (1rs expérimentateurs qui oui la réunion entre une portion de doigt ivé défaire des réintégrations de et le moignon (!<■ cci appendice .1 ce genre chez des Chiens ou d'autres été obtenue dans plusieurs circon- Animaux n'ontpas réussi ; mais Dief- stances (d). fenbach j est parvenu une fois (6). Des lambeaux de peau de la face el (). (i) Bert, De la greffe animale, p. 51. HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIE. 277 étaient doués de la faculté de se multiplier par bourgeonnement ou de toute autre manière, ainsi que c'est le cas pour beaucoup de cellules histogéniques , on concevrait aussi la possibilité d'une production d'êtres vivants par suite de la désagrégation de la matière vivante dont se compose le corps d'un Animal ou d'une Plante (1). Enfin, si les corpuscules ainsi mis en liberté avaient la même structure que les Animalcules des infu- sions, ou étaient susceptibles d'acquérir cette structure par l'effet de leur développement, il n'y aurait aucune raison pour ne pas admettre que les corpuscules dont je viens de parler deviennent fois très-considérable. Ainsi, M. Vel- peau obtint la reprise de la pulpe du doigt, qui n'avait été remise en place qu'une demi-heure après l'ablation de cette partie (a), et M. Ollier a pu opé- rer, avec non moins de succès , la réintégration d'une portion de doigt qui était séparée depuis quarante minutes (b). On cite des cas dans lesquels le fragment du doigt n'a été replacé que plusieurs heures après l'accident, et s'est cependant conso- lidé complètement (e). M. Ollier a transplanté avec succès des lambeaux de périoste pris sur des Animaux morts depuis vingt-quatre ou même vingt-cinq heures, et il a constaté que l'influence d'une température basse est favorable à la conservation des propriétés vitales de ce tissu ostéogé- nique ((/). Enfin M. Berl a greffé sous l,i peao d'un Rat la queue d'un autre Rat mort depuis vingt-quatre heures (e). (1) Les observations de M. G. Jaeger tendent à établir que, dans certaines circonstances, le corps des Bydres se désagrège, et que les cellules élémen- taires ainsi mises en liberté conti- nueraient à vivre et s'enkysteraient, il pense même que ces portions de sub- stance organique se transforment ainsi en Amibes ; mais cette opinion ne pa- raît pas être fondée, et rien ne prouve que les corpuscules enkystés de la sorte subissent ultérieurement un dévelop- pement quelconque (/). (a) Vclpcau, Nouveaux Eléments de médecine opératoire, 2° édition, 1839, t. I, p. 019. (b) Ollier, Nouvelle note sitr les greffes périostiques (Comptes rendus de l'Acad. des sciences 1861, t. LU, p. 1087). (c) Bailcy, Op. cit. (Edinburgh Médical Review, 1815, t. X, p. 317). — hegnault, voyez Barthélémy (Journal hebdomadaire, t. V, p. 15). — Carlizzi, Op. cit. ((/) Ollier, Note stir des transplantations d'os pris sur des Animaux morts depuis un certain laps de temps (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1800, t. L, y. 103). (e) Bert, De la greffe animale, thèse, t'aris, 1803, p. 53. (/*) Jaeger, Ueber das spontané Zerfallen der Sitssiuasserpolgpen nebst einigen Bemerkungen tiber Generationsweçhsel (Sitzungsbericht der ]\iener Akad,, 1860, t. X.WIX, p. 321). Vin. 20 278 REPRODUCTION. des Infusoires, et que ceux-ci soient, par conséquent, des pro- duits de la nécrogénésie (1). À l'époque où les microscopes n'étaient encore que peu per- fectionnés, on croyait généralement à cette identité de struc- ture entre les Infusoires et les éléments anatomiques des tissus ; on considérait les uns et les autres comme étant formés seu- lement par de petites masses d'une substance gélatineuse amorphe, et plus d'un observateur a cru avoir été un témoin oculaire de la transformation de ces particules en Monades ou en Kolpodes, par exemple (2). Mais aujourd'hui on sait que cette (1) Parmi les micrographes du siècle dernier, qui ont expliqué de la sorte la formation des Animalcules infusoi- res, je citerai en première ligne Olhon Frederick Millier (a). Une opinion assez semblable fut soutenue par Glei- chen(6),elde nos jours, cette manière de voir a eu beaucoup de partisans : Treviranus,Burdach et M. Pineau, par exemple (c). Les vues présentées par M. Gros (de Moscou), au sujet de ce qu'il nomme génération ascendante, s'en rapproche et à beaucoup d'égards (t/). (2) Lorsqu'cn 1822, je commençais à m'occuper de l'étude de ces ques- tions, les microscopes qui étaient entre les mains de la plupart des observa- teurs étaient si mauvais, qu'on était exposé à une foule d'erreurs, et qu'en voyant les Animalcules, en apparence très-simples, se montrer dans les in- fusions à mesure que des particules d'une forme analogue se détachaient des tissus organiques en macération, on pouvait être assez facilement induit à croire que c'étaient ces particules elles- mêmes qui, en devenant libres, consti- tuaient des Infusoires. Dans quelques circonstances, il était même très-diffi- cile de ne pas s'en laisser imposer pai- lles apparences trompeuses (e). Ainsi, M. Donné, en étudiant au microscope le mouvement ciliaire qui se fait remar- quer à la surface de diverses mem- branes muqueuses, constata que ce mouvement peut persister pendant plus de trente heures sur de très-petits fragments détachés de la membrane pi- tuitaire, et que par la désagrégation de ce tissu, des particules de l'épithélium (a) 0. F. Miiller, Vermium tcrreslrium et fliwiatilium historia, 1773, l. I, p. 21. (b) Glcichen, Dissertation sur la génération, les Animalcules spermatiques et ceux d'infusion, Irad. de l'allemand, an VII, p. 11. (c) Treviranus, Biologie, t. II. — Burdach, Traité de physiologie, t. 1, p. 13. — Pineau, Recherches sur le développement des Infusoires et des moisissures (Ann. des sciences nat., 3' série, 1845, t. III, p. 182). (d) Gros, De l'embryogénie ascendante des espèces ou générations perfectives équivoques et spontanées (Bulletin de la Société des naturalistes de Moscou, 1851, t. XXIII). — Loi nouvelle de la génération ascendante (Op. cit., 1854, t. XXVII, p. Î67), — Note sur la génération spontanée, etc. (Ann. des sciences nat., 3" série, 1852, t. XVII, p. 193). (e) Voyez Dumas, art. GÉNÉRATION, Dictionnaire classique d'histoire naturelle, 1825, t. VII, p. 194. HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIE. 279 identité de structure n'existe pas ; que dans l'immense majorité des cas, sinon toujours, les Animalcules microscopiques ont en réalité une structure très-complexe, et ne ressemblent aux organiles en question que par leur petitesse et leurs formes arrondies; enfin on sait aussi que les Infusoircs se repro- duisent comme le font les autres Animaux ou Plantes (1), et, dans l'état actuel de nos connaissances, rien ne vient à l'appui de l'hypothèse de leur production par nécrogénésie (2). portant des cils s'en séparent, et nagent pendant fort longtemps de manière à simuler exactement autant de Mo- nades [a). (1) Ce sont les belles observations de M. Ebrenberg sur l'organisation des Infusoircs, qui ont le plus contribué à saper les bases de cette hypothèse (6), et, dans ces derniers temps, le mode de reproduction de ces petits êtres a été étudié de manière à ne laisser aucune incertitude quant à leur multi- plication par voie de génération (c). (2) Gomme exemple des erreurs dont il est difficile de se préserver dans les recherches sur Porigiue des êtres mi- croscopiques, je citerai ici 1rs résultats annoncés il y a quelques années par M. Gienkowski ei réfutés ensuite par le même naturaliste. En observant des grains de fécule mis en infusion, il 1rs avait vus s'entourer d'une enveloppe membraniforme, puisse dissoudre peu à peu et être remplacés par des Infu- BOires (d). Ces faits furent constatés aussi par d'autres micrographes, et on les considéra comme démonstratifs de la production d'Animalcules au moyen de L'organisation spontanée de la ma- tière constitutive des grains de fé- cule [e). Mais les recherches ulté- rieure, de \i. Gienkowski les ont fait rentrer dans la règle commune; car ce naturaliste a montré que la pré- tendue enveloppe membraniforme dont le ?-ii*.iiii de fécule semblait s'entourer, loin d'être un produit de celui-ci, est en réalité le corps d'un Animalcule préexistant , qui , venant s'étendre sur le corpuscule amylacé, l'entoure pour s'en nourrir, de sorte que les petits êtres vivants qui naissaient en- suite dans l'intérieur de l'espèce de cellule ainsi formée descendaient de cet Animalcule, et non de la matière amylacée incluse (/'). (a) Donne, Sur le mouvement ci'.iairc (L'Institut, 183", t. V, p. 343). (b) Ehrenberg, Organisation, Systematik uni gcogrjphisches VerhâUnits der Infusinsthier- chen, 1830 (Mcm. de l'Académie de Berlin). (c)Balbiani, Recherches sur les phénomènes sexuels des Infusoircs (Journal de physiologie, 1861, t. IV, p. 102). — Ste'm, Die Infusionslhicrchen auf ihre Entwickelung untersucht, 1854. — Claparède et Laclimann, Etudes sur les Infusoircs, t. II, p. 74 et niiv, (d) Gienkowski, Zur Genesis eincs cimelligcn Organisants. (e) Regel, Professor Cicnkowski's Entdcckung um Eneugung (Bolanischc Zeilung, 1856, n« 38, t.' XIV, p. 665). — Merklin, Xachtragliche Bemerkungen tur Karto/felkrankhcit [Bulletin de la Société des naturalistes de Moscou, 1850, I. XXIX, p. 304). (f) Cienkowski, Ueber meinen tjeweis fur die Generatio primaria (Bulletin de la classe physico •mathématique de l'Académie des sciences de Saint-Pétcrsbow g, 1859, i. XVII, p. 81). 280 REPRODUCTION. Hypothèse § 6. — Mois si (out être vivant est produit par un autre être de la production ... , . -, ,,. • • r j -i t /* *i j des Ammaux qui vit, et si, dans I immense majorité des cas, il est tacile de x^nogenésie. voir que les jeunes ainsi formés sont des individus de la môme espèce que les parents dont ils proviennent, faut-il en conclure que le Règne animal tout entier est soumis à la loi de l'homogé- nésie, et, dans quelques circonstances, la puissance génétique ne pourrait-elle s'exercer d'une autre manière, et l'être qui reçoit la vie de tel ou tel Animal ne pourra-t-il pas être essen- tiellement différent de celui-ci ? Ainsi l'Helminthe qui apparaît dans l'intérieur de l'organisme d'un Poisson, d'un Chien ou d\n\ Homme n'cst-il pas un produit de cet organisme'' Les parasites diffèrent entre eux suivant les espèces animales où ils vivent ; et quelquefois même suivant les parties du corps où ou les rencontre ; souvent les places qu'ils occupent sont situées si profondément et sont si bien fermées de toutes [taris, qu'au premier abord on doit supposer que de pareils hôtes n'au- raient pu y pénétrer du dehors. 11 est aussi à noter que dans un grand nombre de cas on n'aperçoit chez ces parasites aucune trace de l'existence d'organes génitaux. D'autres fois les Hel- minthes sont pourvus d'un appareil de reproduction, et pondent des œufs ; mais, dans le lieu qu'ils habitent, on ne voit aucun jeune naître de ces œufs, et lors même que ceux-ci en produi- raient après leur expulsion au dehors, il resterait encore à expli- quer comment cette progéniture pourrait, de là, pénétrer dans le corps d'autres victimes et s'y établir. Enfin, la plupart de ces parasites ont une conformation très- différente de celle des Ani- maux qui vivent dans le monde extérieur, et ne semblent au premier abord ne pouvoir être assimilés à aucun de ceux-ci. Ces considérations et beaucoup d'autres arguments analo- gues avaient porté la plupart des naturalistes à penser que les Vers intestinaux étaient engendrés par l'être dont le corps en est infesté, et, par conséquent, que si ces parasites n'étaient pas le résultat d'un phénomène de nécrogénésie , comme le suppo« HYPOTHÈSE DE l'hKTKROGÉNIE. 281 saient les partisans de l'hypothèse des générations sponta- nées, ils étaient produits par xénogénésie. Mais aujourd'hui l'origine des Vers intestinaux n'est plus un Mode *' do propagation mystère pour les physiologistes. On sait qu'ils naissent les uns &* vers J r ' " ' inlestinaux.clc. des autres comme le l'ont les Animaux ordinaires; que la plupart d'entre eux subissent, dans le jeune âge, dc> métamorphoses variées qui lesrendenl difficiles à reconnaître, ef qu'en général ils voyagent nécessairement du corps d'un Animal dans le corps d'un Animal d'espèce différente, pour y achever leur dévelop- pement et s'y reproduire au moyen d'œufs dont révolution ne pourra se l'aire que dans quelque autre milieu I . On a pu (1) Jusque dans ces derniers temps l'apparition des Vers intestinaux dans la profondeur du corps de l'Homme et des autres Animaux étail attribuée, par la pluparl des naturalistes el des médecins, à on phénomène de généra- tion dite spontanée, et aujourd'hui encore cette manière de voir compte des partisans (a). Quelques auteurs ont cherché à expliquer ces faits par l'hérédité, en supposant que les para- sites en question, ou tout au moins leurs germes, étaient transmis aux jeunes par les parents dont ils nais- saient il,) ; niais cette hypothèse a de- puis longtemps disparu de la science, et depuis près d'un siècle d'antres zoologistes, dont le nombre va crois- sant chaque jour, pensent que tout Helminthe provient, par voie de gé- nération, d'un autre Helminthe de son espèce, et arrive dans le corps de l'Animal qui l'héberge à l'état d'œuf, de germe ou de larve, soil avec les aliments oo les Imi-suns. soit de quelque autre manière [C). Celte dernière opi- nion paraissait d'abord peucouciliable avec beaucoup de faits : mais elle est devenue admissible dès qu'on eut en- treva la possibilité de certaines trans- formations chez les parasites qui chan- gent de résidence. Le premier fait important à l'appui de l'hypothèse des transmigrations des Helminthes fut introduit dans la science vers la lin du siècle dernier par un naturaliste danois nommé kbildgaard. Cet auteur constata expérimentale- ment que les Vers intestinaux qui sont nommés aujourd'hui Schistocéphales, (rt) Bremser, Traité zoologuiue et physiologique des Vers intestinaux de l'Homme, 1K21. — Burdacli, Traité de physiologie, t. I, p. -21. — Doges, Traité de physiologie comparée, 1839, t. Ht, p. 204. — Bérard, Cours de physiologie, 1848, t. I, p. 99. — Pouchet, Hélérogénie, op. Traité de la génération spontanée, 1859, p. 52G et buîv. {b) Biera, Mem. sopra iprincipali Vermi del corpo umano, 1811. (c) Pallas, De Insectis viventibus intra viventia, 1768. 282 REPRODUCTION. suivre beaucoup de ces êtres singuliers dans leurs migrations, les semer en quelque sorte dans les organismes propres à les héberger, les voir pénétrer à travers les tissus de leurs hôtes, et constater les métamorphoses qu'ils subissent; enfin, on a pu se procurer leur progéniture et s'en servir pour renouveler avec succès les expériences d'ensemencement dont je viens de parler. En ce moment, il serait prématuré d'étudier d'une manière approfondie cette partie curieuse et complexe de l'his- et qui se trouvent dans le corps de l'Épinoche . peuvent continuer de vivre dans l'intestin du Canard , lorsque le Poisson qui les renfermait a été mangé par cet Oiseau (a). Vers la même époque, des expériences analogues furent tentées par Bloch sur les Ligules des Poissons, et par Gœze sur les Cestoïdes du Chat; mais elles furent mal combinées et ne donnèrent que des résultats négatifs (6). La ques- tion en resta là pendant près d'un demi-siècle, bien qu'en 1829 Grepliu eût fait connaître toutes les formes intermédiaires entre les Vers intesti- naux des Poissons et ceux des Canards, dont les transmigrations avaient été signalées précédemment par Abild- gaard (c). En 1842, l'attention des physiologistes fut appelée de nouveau sur ce sujet par une observation duc à M. de Siebold. Ce naturaliste distingué reconnut l'identité de structure entre la portion céphalique du Cysticerque de la Souris et la tète du Tœnia crassi- collis du Chat (d). Quelques années après, M. Van Beneden, professeur à l'université de Louvain, fit voir que les Tétrarhynques qui vivent dans l'in- térieur du corps des Poissons osseux ne diffèrent de certains Vers intesti- naux des Poissons cartilagineux que par l'absence de l'appareil reproduc- teur, et que ces derniers Helminthes doivent être considérés comme la forme adulte des premiers. Ce ne se- rait donc qu'en mangeant les Poissons osseux infestés de Tétrarhynques que les Poissons cartilagineux recevraient dans leur intestin les parasites qui y vivent (e). Enfin, en 1851,1e fait de ces transmigrations et de ces méta- morphoses des Helminthes a été établi expérimentalement par le docteur Kiichemneister, qui, en administrant à des Chiens et ù des Chats le Cysti- (a) Abildgaard, Om Indvolde Orme (Skrivtcr of Naturhistorie Selskabet Kiobenhaven, 1700, 1. I, p. 26). (b) Bloch, Traité de la génération des Vers des intestins, tract, de l'allemand, i 788, p. 94. — Gœze, Versuch einer Naturgescliichte der Eingeweidew armer thierschen Kurper, 1782, p. 20 cl 291. (c) Creplin, Novte observationes de Enlozois, 1829. '). (a) Leuckart, Nouvelle» expériences sur le développement des Vers intestinaux (Ann. des sciences mat., 4* série, 1 855, t. III, p. 351). (b) Schleisncr, Island undersogt. Forsug til en Nosographie of Island. Copenhague, 1849. — Eschrielit, Om de. Hydatiders Xatur og Oprindelse, der fremkalde den i Island endemiske Leversygge (Danske Yidensk. selsk. Forhandl., 1853). — Kùchenmeister, I'arasiten, t. I, p. 169etsuiv. — Siebold, Mcm. sur les Vers rubanés et vésiculaircs (Ann. des sciences nat 4' se'rie 1855, p. 204). 288 REPRODUCTION. Il est probable que le Ycr solitaire, ou Ténia de l'Homme, est dû pareillement à un Cysticerque qui vit en parasite da\is le corps du Coehou , et que des eauses analogues déter- minent le développement de beaucoup d'autres Vers intesti- naux (1). Migraiions Quelquefois les voyages imposés aux parasites sont plus Douves' etc. nombreux et plus compliqués. L'espèce de Douve, du genre Monoslome, qui se trouve dans le foie du Canard et de quelques autres Animaux aquatiques, nous en fournit un exemple des plus curieux. Ce parasite est pourvu d'organes reproducteurs, et pond un grand nombre d'eeufs qui, expulsés au dehors, donnent naissance à autant de petits Animaux aquatiques. Mais (1) On comprend qu'il soit difficile d'établir expérimentalement ce fait; quelques essais ont cependant été ten- tés dans ce but, et le résultat en a été favorable à l'opinion émise ci-dessus. Ainsi quelque temps avant l'exécu- tion d'un criminel condamné à la décapitation, M. Kùcbenmeister mêla aux aliments de cette personne de la viande de Porc contenant des Cjsti- cerques, et à l'autopsie , il trouva dans l'intestin quatre petits Ténias déjà fixés à la membrane muqueuse et en voie de développement (a. Al. Leuckart administra aussi des Cys- ticerquesdu Cocbon à un malade dont la mort était imminente et à deux an- tres personnes qui s'étaient prêtées volontairement a ces expériences. Dans le premier cas, le résultat fut négatif; mais, dans le second, il en fut autre- ment : en examinant les évacuations alvines provoquées par des vermi- fuges , il trouva dans les matières rendues par l'un de ces individus plusieurs Cysticerques en voie de développement, et deux Ténias qui avaient tous les caractères du Ver solitaire {b). Enfin, des expériences analogues ont été faites par M. Ihun- bert (de Genève) : ce naturaliste avala quatorze Cysticerques, et quelques mois après, il rendit par les selles, à plusieurs reprises, des fragments de Ténias (c). Des arguments en faveur de l'opinion que le Ténia de l'Homme provient des Cysticerques contenus dans la chair des animaux dont celui-ci se nourrit, avaient été fournis précédemment par les observations de beaucoup de médecins et de voyageurs. Ainsi on (a) Kiichenmeister, Expériences relatives à la transmission des Vers intestinaux chez l'espèce humaine (Ann. des sciences nat., 4e série, 4 855, t. 111, p. K77). {b) Leuckart, Die lilasenwitrmer und ihre Enlwickelung , 1850. (c) Voyez Berlholus, Dissertation sur les métamorphoses des Cesto'iùes. thèse. Montpellier, -1850, n" 100." HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIE. 289 ces jeunes, que quelques auteurs appellent des proscolex, n'ont pus le mode d'organisation propre à leur mère: ils res- semblent à des Infusoires ; toute la surface de leur corps est garnie de cils vibratiles, qui font fonction de rames nata- toires, et dans leur intérieur on n'aperçoit aucune trace d'or- ganes génitaux. Mais bientôt on y voit apparaître une espèce de sac contractile, appelé scolex, qui ne tarde pas à être mis en liberté; après quoi, le petit être qui provient directement du Monoslonc meurt et se détruit. Or, le scolex, ou sporo- cyste, dont je viens de parler, est un Ver qui va se loger dans la chambre respiratoire d'un .Mollusque gastéropode sait qu'en Abyssinie, ce parasite est d'une fréquence extrême ((/), et que, dans cette partie de l'Afrique, on fait grand usage de viande crue ou à peine cuite. 11 parait aussi que , dans ce pays, les musulmans, à qui l'usage delà viande de Porc est interdit, ne sont pas sujets à celle affection vermi- neuse (b) , et que les religieux de l'ordre des Chartreux, qui ne vivent que de substances végétales, en sont également exempts (c). Plusieurs mé- decins ont remarqué que le Ver soli- taire est particulièrement fréquent chez les charcutiers et les cuisiniers. A Saint-Pétershourg, où le Ténia est très- rare et où les médecins ont employé avec avantage l'usage de la viande crue pour le traitement de certaines affections du canal intestinal, on a constaté que les malades soumis à ce régime avaient souvent le Ténia (rf). Il me paraît probable que le Co- chon n'est pas le seul Animal dont la chair soit susceptible de contenir des Cysticerques aptes à se développer en Ténias dans le tune digestif de l'Homme, et que, par conséquent, l'introduction de ces Vers dans notre organisme n'est pas nécessairement subordonnée à l'emploi alimentaire du Porc cru ou imparfaitement cuit; mais il y a lieu de penser que, dans la plupart des cas, la présence du Ver solitaire dans notre intestin est duc à l'usage de cette viande infestée de Cysticerques cellulaires à l'état vivant. La cuisson doit avoir pour effet de tuer ces Vers vésiculaires, et de rendre le Porc ladre inapte à donner le Ténia. (a) Bruce, Voyage en Nubie, etc., IraJ. de l'anglais, 1797, t. IX, p. 167). — Rochet d'Héricourl, Second voyage sur les deux rives de la mer Rouge. • — Ferrct et Galmier, Voyage en Abyssinie, 1847, t. H, p. 109. — Bilharz, Ein Beitrdg sur Helminthographia humann (Zeitschrift fur wistensch ZoolonlC, 1853, t. IV, p. 53). (ô) Bruce, Op. cit. — Aubert, ilén. sur les substances anthelminthiques usitées en Abyssinie [Mêm. de l'Acad. d« médecine, 18 il, t. IX, p. 689). (c) Reinlein, Bemcrkungen ùber den l'rsprung des breiten Bandwurms in den Oedarmen der Henschen. Wien, 1855, p. 25. {d) Voyez Davainc, Traité des Enlozcaim, p. 89 et suiv, 290 REPRODUCTION. aquatique, la Limnée des étangs, ety passel'hiver. Là ce parasite donne naissance à des jeunes, qui n'ont pas sa forme et qui ne diffèrent pas de certains Animaux décrits jadis par les zoolo- gistes sous le nom de Cercaires. Leur corps, aplati et ovoïde, est armé antérieurement d'une espèce de dard, et se termine en arrière par une queue flexible au moyen de laquelle ils nagent avec agilité. Bientôt ces Cercaires, devenus libres, s'attaquent aux téguments de la Limnée, les perforent au moyen de leur pointe frontale, et pénètrent dans l'intérieur du corps de ce Mollusque , où ils s'entourent d'une vésicule appelée kyste. Ainsi enkystés, ils perdent leur armure fron- tale, ainsi que leur longue queue, et deviennent semblables à de petits Monostomes, si ce n'est qu'ils manquent complètement d'organes reproducteurs. Mais lorsque la Limnée qui les loge a été mangée par un Canard ou par quelque autre Animal analogue, et que, par suite de la digestion du corps où il était renfermé, le Cercaire, privé de queue, devient libre dans l'intérieur du canal intestinal de son nouvel hôte, il achève son développement et acquiert un appareil reproducteur (1). (1) Ces faits curieux ne furent ac- sans en soupçonner la véritable na- quis à la science que peu à peu, et ture ; et vers la même époque, Bory pendant longtemps on n'en connut ni Saint-Vincent crut avoir perfeclionné l'enchaînement, ni la portée. Vers la la classification méthodique du Règne fin du siècle dernier* Othon Frédéric animal en rangeant ces petits êtres Millier donna le nom de Cercaria à dans une division générique parlicu- divers Animalcules microscopiques, lière, sous le nom tYHistrionella (a). parmi lesquels se trouvaient les Cer- En 1818, Bojanus constata que l'un caires dont je viens de parler, ou du de ces Cercaires vit en parasite sur moins des espèces qui en sont très- la Limnée des étangs, et il fit con- voisines. En 1817 , INitsch observa naître l'existence des sporocystes mieux ces prétendus Infusoires, mais qui se trouvent aussi chez ce Mol- («) 0. Pi Millier, Ycrmium terrestrium et fluviatilium historia, 1773, t. I, p. 07. — Nitsch, Beitrâge zur lnfusorienkunde, oder Naturbeschreibung der Zerkarien und Bactl- îarien, 1817 {Neue Schrift. der nat. Gesellsch. zu Halle, t. III). — Bory Saint- Vincent, Histoire naturelle des Zoophytes , etc. (Encyclopédie méthodique, p. 101). HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIE. 291 Le cycle de phénomènes singuliers dont je viens d'indiquer brièvement les principaux traits recommence alors : le nou- veau Monostomc vivant dans l'intestin du Canard pond des œufs dont naissent des larves ciliées qui mènent une vie errante, puis donnent naissance à un Animal destiné à vivre en parasite dans le poumon d'une Limnée, et à produire une lusquc («;. En 1826, M. Baer dé- couvrit les relations qui existent entre les Cercaires et les sporocystes, dans l'intérieur desquels ces Animalcules se développent (6). Quelques années après, M. Wagner signale à l'atten- tion des physiologistes d'autres faits de même ordre (c), et M. Nitsch avait déjà constaté renkystement de ces Cercaires et la disposition de leur appendice caudal (d). D'autre part, les helmintologistes avaient fait con- naître les caractères zoologiques et le mode d'existence de ces espèces de Douves qui sont parasites des Oiseaux d'eau, et qui sont désignées sous le nom de Monostomum mutabile(e). En 1835, AI. Siebold découvrit le mode de reproduction de ces Helminthes, et constata le développement d'un être vivant dans l'intérieur du corps des embryons ciliés qui en naissent; mais il pensa d'abord que cet animal inclus n'était autre chose qu'un parasite (/). En 1842, M. Steenstrap appela l'atten- tion des naturalistes sur la signification de ces singuliers phénomènes {g). En- fin, dans un mémoire qui fera époque dans l'histoire de l'helminthologie , M. Siebold fit connaître les relations qui existent entre les embryons et les Vers monostomes , les tubes cercari- génères, les Cercaires et les Mono- stomes parfaits (h). Beaucoup d'autres faits analogues, relatifs aux transmigrations et aux métamorphoses des Vers de l'ordre desTrématodes, ont été constatés plus récemment par plusieurs naturalistes, et plus particulièrement par H. de Filippi (•). J'ajouterai que l'on trouve, dans l'ouvrage récent de M. Lcuckarl (a) Bojanus, Kurze \achriclil iibcr'dic Zerkarien und ihren Fundort (tels, 1818, t. I, p. 729). (6) Baer, Beitrdge zur Kenntniss der niedern Thicre (Mova Acta Acad. nat. curios., t. XIII, p. 627, pi. 31,f,g. 6). (c) Wagner, Beobachtungcn ûber deu Bau und die Entwickelung der Infusorien, etc. (teis, 1832, p. 394). — Bemerkungen Hier Cercaria [teis, 1834, p. 131). (d) Nitsch, Op. cit. (e) Zeder, Nachtrag sur Naturgeschichte der Eingeweidewilrmer, 180G, p. 154. — Creplin, Novce observ. de Entozois, 1829, p. 49. — Mehlis, Observationes de Trematodibus (tels, 1831, p. 171). (f) 0. T. von Siebold, Helmintulo , t. VI, p. 83). — De la Valcllc do Sainl-Gcorges, Symboles ad Trematodum evolutionis historlam. Bcrolini, 1853. — Moulitiie, De la reproduction des Trématodcs endo-parasites, 185G (Mém. de l'Institut genevois, t. 111). — Guido Wagener, Bcitrcige xur Entwickel. der Eingeweidewûrmer (Naturkundige Vcrhand- lungen, 1851, t. XIII). - — Pagenslecher, Trcmatodcnlarvcti und Trematodcn. Helmintologischer Deitrag, 1857. (a) Rud. Leuckarl, Die menschlichen Parasitai. Leipzig, 1862 et 1803. (b) Van Beneden, Nouvelles observations sur le développement des Vers cestoïdes (Ann. des sciences iut,t., 3" série, 1853, t. XX, p, 318). HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIE. 293 citaient, comme une preuve de la formation agénésique des Helminthes, le développement du Trichina spiralis dans la profondeur des muscles du corps humain ; mais, à peine cet argument avait-il été employé , que des expériences faites en Allemagne sont venues montrer que ce Ver agame est en réalité le produit génésique d'un Helminthe très-voisin des coup insiste sur ce que parfois la pré- sence d'Helminthes a été constatée dans l'intérieur du corps d'un fœtus ou de très-jeunes animaux qui n'avaient encore pris d'autre nourriture que le lait de leur mère, et qui, par consé- quent, ne pouvaient être considérés comme ayant reçu ces parasites du dehors mêlés à leurs aliments. Des faits de ce genre ont été signalés par les médecins de l'antiquité aussi bien que par plusieurs observateurs mo- dernes (a). Mais l'origine de ces Vers par homogénésie s'explique facilement depuis que l'on a constaté que beau- coup de ers Animaux, à l'état de larve, peuvent perforer la substancedes tissus organiques, et voyager dans l'intérieur du corps d'un être vivant à peu près comme le Ver de terre voyage dans le sol humide (b). En effet, puisque ces para- sites traversent les parois de l'intestin, ainsi que le péritoine, cl se répandent parfois jusque dans la profondeur îles muscles des membres (c), ou se logent dans l'intérieur des vaisseaux san- guins (ci), on comprend facilement la possibilité de leur arrivée dans l'uté- rus et leur passage jusque dans l'inté- rieur du corps du fœtus contenu dans cet organe. La présence de parasites animaux et végétaux dans l'intérieur des œufs a été constatée également dans quel- ques cas, et, en général, elle peut être expliquée de la même manière (c). Dans quelques cas, les parasites se rendent directement dans l'œuf à Ira- vers la coquille, sans laisser de traces visibles di' leur passage, ainsi que .M. Panceri l'a constaté récemment pour plusieurs Cryptogames (/). (ri) Baillet, Expériences sur le Cysticcrcus tereticollis, etc. (b) Hippocralc, Des maladies, liv. IV (Œuvres, trad. par Littré, t. VII, p. 59"). (c) l'ai- exemple, chez le fœtus humain, par Kerckling, Dotée et Brondel (voy. Uavainc, Traite des Enlozoaires, 1800, p. 8). — Chez le fœtus du Mouton. Voy. Fromœann, Observ. de verminoso in Ovibus cl Juvencis reperto hepate (Ephemcrid. Acad., 1075, doc. 1, ann. 0 et 7, obs. 188, p. 145). — Valentin, Distomeneier in der liukcninarlcsltohlc cincs Fëtus (Mù)ler's Archiv fur Anal. Uiul Phijsial, 1810, p. 317). (d) M. Davaine vient de constater expérimentalement des faits de ce genre en inoculant sur divers Animaux les parasites filiformes qui pullulent dans le torrent de la circulation chez les Moulons affectés de la maladie que les vétérinaires désignent sous le nom de sang de rate. (Duvaino, Recherches surlesInfusoiresdusang,etc., dans Comptes rendus de VAcad. des sciences, 1803, t. LV1I, p. 2-20.) (e) Barthélémy, Études sur le développement et les migrations d'un Xematoïde parasite de l'œuf de la Limace grise (Ann. des sciences nat., 4" série, 1858, t. X, p. 41). (f) Panceri, Del coloramento deli 'albumine d'uovo di GalUna e dei criptogami chc crescheno nelle uove (Atti délia Soc. italiana di scienze naturali, 1800, t. II, p. 271). VIII. 21 294 REPRODUCTION. Trichocéphales, ot qu'on pouvait en infester le tissu musculaire de divers Animaux , en ingérant dans le tube digeslif de ceux-ci des aliments qui renfermaient des parasites de cette espèce (1 ) . Tout dernièrement encore, l'origine du Bothriocéphale, qui infeste souvent le corps humain, particulièrement en Suisse, en Pologne et en Russie, était entourée de beaucoup d'obscurité. .Mais des recherches expérimentales, faites simultanément à Saint-Pétersbourg par M. Knoch, et à Genève par M. Ber- tholus, ont prouvé que c'est sous la forme de larves ciliées (1) Los 'migrations du Trichina spi- ralis paraissent avoir beaucoup d'ana- logie avec celles des Filaires dont il a été déjà question ci-dessus (page 283). C'est à l'état de scolex ou de larves dépourvues d'organes génitaux qu'on les rencontre dans le tissu musculaire où ils s'enkystent. On les a trouvés sous cette forme chez l'Homme (a), ainsi que chez quelques autres Mammifères (6). AI. Herbst, ayant administré à de jeunes Chiens de la chair d'un Blaireau in- festée de Trichines , trouva , trois mois après, les muscles de ces ani- maux envahis par un nombre immense de ces petits Vers filiformes (c). AI. Vir- chow (de Berlin) a fait des expériences analogues, et il a constaté que le Trichina spiralis de l'Homme, ingéré dans l'estomac d'un Chien, se dé- pouille de son kyste, et, devenu libre, achève son évolution clans l'intestin de cet Animal. Là les organes géné- rateurs de ces parasites se développent et produisent des spermatozoïdes ainsi que des œufs. En faisant manger à un Lapin de la viande contenant des Tri- chines, ce physiologiste a observé les mêmes faits, et il a constaté, en outre, que ces parasites, rendus libres dans l'intestin de ce Rongeur, deviennent sexués, et donnent naissance à de pe- tits Vers filiformes qui perforent en- suite les parois du canal digestif pour se répandre dans toutes les parties de l'organisme. AI. Virchow a obtenu de la sorte cinq générations de Trichines, en faisant manger simplement à des Lapins la chair musculaire des Ani- maux chez lesquels il avait déterminé (a) Hilton, Notes cf a peculiar appearence observed in Human Muscle, probably depending upon Vie Formation ofvcry small Cysticcrci {London Médical Gazette, 1853, t. XI, p. 005). — Owen, Description of a Microscopical Entoxoar infesting the Muscles ofthe Human Ilody [Trâns. ofthe Zool. Soc, 1835, 1. 1, p. 315, pi. 41, fig. 1-8). — Luschka, Zur Naturgcschichte der Trichina spiralis {Zcitschrift fur wissensch. Zool., 1851, I. III, p. 69, pi. 3). (6) Siebold, Hclminthologischc Beitràge (Wiegmann's Avchiv fur Naturgcschichte , 1838, t. I, p. 312). — Leidy, Existence of Trichina in the Hog (Ann. of Xat. Hist., 18-17, t. XIX, p. 358). (c) Herbst, Expériences sur la transmission des Vers intestinaux (Ann. des sciences nat., 3' série, 1852, t. XVII, p. 65). HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉME. 595 que ces Vers sortent de l'œuf; qu'ils vivent alors dans les eaux douces, puis s'enkystent et ne subissent leur développement complet qu'après être arrivés dans l'intestin propre à leur servir d'habitation (1). Beaucoup d'autres faits analogues ont été constatés depuis quelques années ; mais je ne pourrais, sans m'éloigner de l'ob- jet de nos études actuelles, entrer dans plus de détails relatifs à l'origine des Vers intestinaux. Du reste, le peu de mots que je viens d'en dire me semble devoir suffire pour montrer l'erreur de ceux qui, faute de connaître le mode d'introduction expérimentalement la reproduction de ces Vers (a). Des faits analogues ont été constatés par M. 1». Leuckart. Ce natu- raliste a trouvé quela transformation des Trichines agames en Vers sexués n'a jamais lieu dans le tissu muscu- laire, mais s'effectue très-rapidement dans le canal intestinal des divers Mammifères qui ont mangé de la chair infestée de la sorte, et que les parasites filiformes qui naissent de ces indi\ idus prolifiques dans le tube digestif d'un Animal nourri de celle façon pénètrent dans le tissu conjonctif interorganique de celui-ci, pour aller se loger dans l'épaisseur des muscles, où ils s'en- kystent (6). Il est donc présumante que la présence des Trichines dans les muscles du corps humain dépend de Tcniploi alimentaire de la chair du Lapin ou de quelque autre Animal infesté; de la sorte, et dont la cuisson n'aura pas été assez complète pour tuer ces parasites. (1) La fécondité de ce Bothriocé- phale est immense. Ainsi, dans un de ces Vers examiné par Eschricht (de Copenhague), le nombre desœufss'cst élevé à plus de dix millions (<•). La forme larvaire de ces Helminthes pa- rait avob? été constatée d'abord par Schubart (d), mais l'histoire de leur développement n'<\ été étudiée d'une manière approfondie que par les deux naturalistes cités ci-dessus (e), et c'est principalement au mémoire publié sur ce sujet par M. knoch que je renverrai pour plus de détails. (a) Virchow, Recherches sur le dével I du Tricliina spiralis ( Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1859, t. XL1X, p. 660). — .\ote sur le Tricliina spiralis [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1800, t. LT, p. 13). (b) K. Leuckart, Untersuchungcn uber Tricliina epiralis. In-4, Leipzig, 1800. (c) Eschricht, Anat. phys. ilntcrsuch. uber die Bothriocephalus, p. 114 (SoiaActa Acad. nat. cunos., !8i0, t. IX, supplément), (d) Voyez Van Beneden cl Servais, Zoologie médicale, t. II, p. 230, noie. (e) Knoch, Die Xaturgescluchte des breiten Bandtourau (Lioihnoccplialus lalus) mit beson- derer Berùcksiclitigung seiner Entwickelungsgeschichte (Mém. de l'Acad. des silences de Saint- Pétersbourg, !• série, t. V). — Bertholus, Sur le développement du BothrioctphàU de l'Homme {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1803, t. LVII, p. 503). 296 REPRODUCTION. de ces parasites dans le corps de leurs hôtes, se croyaient autorisés à les considérer comme des produits de l'organisation spontanée de la matière inerte, ou, en d'autres mois, de la génération dite spontanée. Là, de même que pour les larves de Mouches observées par Redi, et pour les Abeilles, dont l'histoire physiologique a été étudiée par Swammerdam, la multiplication des individus est régie par les lois générales qui président à l'origine des Animaux supérieurs. Le caractère essentiel des phénomènes zoologiques est partout le même, et la Nature n'a pas, comme le supposent les hétérogénistes, deux poids et deux mesures, suivant qu'elle veut produire un Animal microscopique ou un Animal gigantesque, un Animal obscur et parcimonieusement doté ou un Animal doué des facultés les plus merveilleuses. Toujours l'être vivant descend d'un cire qui vit. Résumé. § 8. — En résumé, nous voyons donc que, non-seulement la vie se transmet, et que les corps organisés sont toujours des produits de corps doués de ce mode d'activité, mais aussi que dans tous les cas où cette filiation a pu être observée, les individus qui naissent sont de même espèce que les individus dont ils descendent. Tout ce qui vit aujourd'hui à la surface du globe a été engendré, et chaque êlrc qui engendre imprime à ses produits le cachet organique propre à certains termes de la série d'individus dont il est lui-même descendu. Le jeune Animal peut ne pas ressembler en tout à ses parents, mais en général les différences sont légères et ne portent que sur les détails secondaires de l'organisme. Nous examinerons dans une autre occasion quelles peuvent être les limites de ces variations individuelles chez divers membres d'une même lignée, et quelles sont les circonstances qui déterminent ces particularités indivi- duelles. Ici il me suffira de constater que chez les Animaux, aussi bien «pic dans les Plantes, on ne connaît aucun individu qui ne soit fait à l'image de l'un de ses ancêtres, et qui ne ressemble HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIE. 297 à l'être dont il sort do la même façon que celui-ci ressemblait à certains de ses procréateurs. On appelle espèce, le groupe d'indi- vidus qui se ressemblent entre eux au même degré que l'on sait devoir se ressembler ceux qui naissent d'une même souche; groupe que l'on peut considérer par conséquent comme ayant une origine commune. La loi générale qui régit aujourd'hui la multiplication des Animaux et le renouvellement des êtres ani- més dont la terre est peuplée , est donc Y homogénésie, ou la production du jeune par (\e> parents qui sont, dans certaines limites, ses semblables. Nous verrons ailleurs que dans quel- ques cas la conformation du jeune peut s'éloigner considérable- ment de celle de son ascendant immédiat, et ne répéter l'image que d'un ancêtre plus ou moins reculé; mais alors la progé- niture de ce jeune ne diffère en rien d'essentiel de son aïeul, et par l'effet de ces retours périodiques à un même type, ce type se perpétue tout aussi bien que dans les cas où il se retrouve chez tous les individus qui proviennent les uns des autres (1). Une espèce peut s'éteindre ou se diviser, pour ainsi dire, en un certain nombre de races qui ont chacune leur cachet particulier, niais jamais on ne voit un Animal naître d'un Animal (\\\wr espèce autre que la sienne, et, sous l'influence (\e^ conditions dans lesquelles notre globe se trouve aujourd'hui, aucune transmutation zoologique ne semble être possible. En était-il toujours de même, et, à cer- taines périodes géologiques, les modifications introduites dans l'organisation des êtres qui se succédaient par voie de généra- tion ont-elles été plus considérables, et ont- elles amené l'ap- parition de types assez dissemblables pour que l'analogie nous conduise à les considérer comme des représentants d'autant (1) Cotte rotation de deux ou de tiennent à une même lignée, constitue plusieurs types chez les différents ter- ce que les zoologistes modernes ont mes d'une série d'individus qui appar- appelé des générations alternantes. 298 REPRODUCTION. d'espèces particulières? C'est ce que l'on ne saurait dire dans l'état actuel de nos connaissances, mais j'incline à croire qu'il a dû y avoir des transmutations de cet ordre, et que beaucoup de fossiles qui ont été considérés comme appartenant à des espèces différentes de celles de l'époque actuelle , ne sont en réalité que des races particulières. Peut-être même les différences entre certaines séries de termes d'une même lignée d'individus ont-elles été plus grandes encore. Ici ces questions ne sauraient être assez approfondies pour que la dis- cussion en soit utile, et tout en me proposant d'y revenir un jour, je ne m'y arrêterai pas eu ce moment, car il nous faut maintenant étudier les divers modes suivant lesquels la repro- duction des Animaux peut avoir lieu. Cette étude sera le sujet de la prochaine Leçon. SOIXANTE -DOUZIÈME LEÇON. Des divers modes df. reproduction des Animaux. — Scissiparité. — Gemmiparité. — Multiplication par des bulbilles. — Oviparilé ; génération sexuelle. — Composition et structure des œufs. fil. — Dans J'im et l'autre Règne organique, la multiplioa- -r™ modes . < m v principaux tion des individu? pou! se luire de plusieurs manières, lanlot de .,,.,... i reproduction. elle résulte du fractionnement du corps de 1 individu souche, phénomène que les physiologistes désignent sous le nom de scissiparité. D'autres fois elle est une conséquence do l'accrois- sement d'une portion de ce corps qui, en se développant, devient semblable à l'individu dont elle dépend; c'esl ce que l'on appelle gemmiparité, ou reproduction par bourgeonne- ment. Enfin, dans d'autres cas, elle a lieu au moyen d'oeufs ou de graines, c'est-à-dire de corps qui se séparenl ^ l'organisme producteur avant d'avoir donne naissance à une première ébauche de l'organisme nouveau, mais qui sont aptes à se constituer de la sorte quand ils sont placés dans des conditions déterminées. Du reste, cesdivers modes de reproduction ont un caractère commun, et, pour bien saisir celui-ci, il me semble utile de prendre d'abord en considération certains phénomènes dénutrition dont j'ai déjà eu l'occasion de dire quelques mots dans une des précédentes Leçons. s 2. — Tous les êtres vivants, avons-nous vu, ont la faculté de considérations ° préliminaires. s'assimiler des matières étrangères qu'ils emploient en partie à constituer de la matière vivante, laquelle est disposée d'une manière déterminée, mais variable, suivant les espèces, et con- court à la réalisation d'un certain type ou plan d'organisation. 300 REPRODUCTION. C'est ainsi que tout être vivant augmente de volume pendant la première période de son existence, que diverses parties de son corps s'accroissent sans cesse, et que d'autres restent en appa- rence les mêmes, bien qu'une portion de leur substance puisse se détruire continuellement. Quelquefois ce travail plastique a pour effet d'opérer périodiquement le développement d'or- ganes d'un volume considérable et d'une forme constante, tels que les bois dont la tète du Cerf est ornée. Dans d'autres circonstances, par suite d'un phénomène analogue, l'organisme répare des mutilations accidentelles, et se rétablit dans son intégrité après avoir subi des perles plus ou moins considé- rables. L'action nutritive s'exerce donc normalement suivant un certain mode, et tend à réaliser, chez tous les Animaux, une forme virtuelle propre à l'espèce dont l'individu est un des représentants. Chez l'Homme et les autres Animaux supérieurs, celte puissance réparatrice est fort limitée et ne détermine jamais la régénération d'une portion considérable du corps; elle peut faire disparaître des solutions de continuité et opérer la cicatrisation des plaies par le développement d'un tissu nouveau qui se soude intimement aux surfaces mises à nu accidentellement : elle se manifeste aussi par la produc- tion de la substance osseuse dans les cas de fracture et de résection de certaines parties du squelette; elle peut même, dans quelques cas, amener le rétablissement d'un conducteur nerveux, d'un vaisseau sanguin ou d'une portion du canal intestinal , mais elle ne donne jamais des résultats considé- rables, et ses produits plastiques sont toujours fort simples (1). Chez des Animaux moins élevés, il en est autrement, et les (1) Il paraît y avoir lieu de penser des observations de M. Simpson, que que pendant la \\a embryonnaire, la dans l'espèce humaine la reproduction tendance à la reconstitution des parties d'un membre tout entier est alors pos- manquanles est plus marquée que cbez sible. Ce médecin a l'ail connaître plu-. les Animaux adultes , et il résulterait sieurs cas dans lesquels l'amputation SCISSIPARITÉ. 301 parties reproduites de la sorte peuvent être à la fois très- volumineuses et d'une structure fort complexe. Ainsi, chacun sait que la queue des Lézards se casse faci- lement , mais que la mutilation déterminée de la sorte n'est que temporaire, et que bientôt un nouvel appendice caudal se développe à la place de celui qui a été détaché (1). Chez quelques autres Vertébrés inférieurs (2), et notam- ment chez les Tritons ou Salamandres aquatiques, la puissance réparatrice de l'organisme est même plus grande encore; et les pattes, avec leurs os, leurs muscles, leurs vaisseaux san- guins et leurs nerfs, peuvent être reproduites de la sorte. On a vu aussi la mâchoire inférieure et le globe de l'œil se régénérer complètement chez ces singuliers Batraciens (3). spontanée d'un membre chez de très- jeunes embryons semble avoir eu lieu, et aurait été suivie du développement d'un membre nouveau à l'extrémité dit moignon n . (I) Ce singulier phénomène a été constaté chez les Scinqueset les Orvets, aussi bien que chez les Lézards, par les naturalistes de l'antiquité 6). lia lieu aussi chez les Geckos (e). La queue adventive a en général la même forme que la queue primor- diale ; mais sa structure est moins perfectionnée. Ainsi la colonne rachi- dienne, au lieu d'être constituée par une série de vertèbres osseuses, n'y est représentée que par un stylet car- tilagineux. M. 11. Miiller a publié sur ce sujet des observations intéres- santes (J). (2) Broussonnet dit avoir vu la na- geoired'un Poisson se reproduire [e); mais Dugès a répété cette expérience sans succès (/"). Une reproduction par- tielle de ce genre a été observée chez un Syngnathe (g). (3) Vers le milieu du siècle dernier j le phénomène d<' la reproduction (le la queue et des membres des Tritons et des Salamandres a été étudié par plusieurs naturalistes, mais plus par- ticulièrement par Plateretti, Spallan- (a) Voyez Carpenter, Principles of Comparative Plnjsiology, 4851, p. 480. (//) Pline, llisloria mundi, lib. xxix, cap. 3S. (c) Dugès, Physiologie comparée, i. III, p. 4 88. ( OsservaHoni iniorno a due porzioni di Sanguisuga [Mem. delV Accad. délie scienxe di Tonno, 1822, t. XXVII, p. 137). — Moquin-Tmdon, Monographie de la famille des Hirudinées, 1846, p. 193. 308 REPRODUCTION. dans le point étranglé de la sorte, et chaque fragment se déve- lopper de façon à devenir bientôt un individu complet (1). Certains Acalèphes, lorsqu'ils sont à l'état de slrobile, se divi- sent spontanément en un grand nombre de tronçons discoïdes qui deviennent autant de Méduses (2), et un phénomène analogue paraît môme être très-commun chez beaucoup de (1) Tremblcy a vu la scissiparité se produire à différentes hauteurs dans le corps du Polype souche ; mais ce mode de multiplication n'a lieu epic rarement chez ces Animaux (a). Lau- rent a vérifié les observations de Trcm- bley, et a trouvé qu'on pouvait déter- miner artificiellement la formation de ces boutures en plaçant autour du corps des Hydres une ligature médio- crement serrée (h). Ainsi que je l'ai déjà dit, M. G. 3x~ ger a vu que, dans certaines circon- stances, le corps de ces Polypes se dés- agrégeait ; que lessphérulcs ou cellules élémentaires de leur substance, ainsi mises en liberté, vivent pendant des mois entiers en présentant des mou- vements analogues à ceux des Ami- bes, puis s'enkystent parfois. Suivant cet auteur , les corpuscules de tissu vivant ainsi désagrégés deviendraient, l'année suivante, autant de nouvelles Hydres. 11 désigne ce mode de multi- plication sous le nom de diaspora- genèse, ou propagation par dissémina- tion, et il pense que les propagules ainsi formés sont les corps décrits par les zoologistes sous le nom d'Ami- bes (c) ; mais ainsi que Ta fait remar- quer AI. Claparède, ils en diffèrent considérablement , et la production d'Hydres nouvelles au moyen de cel- lules élémentaires désassociées d'un individu souche est loin d'être prouvée par les observations de M. Ja?ger. ('21 Les strobiles ou individus polypi- formes de la Médusa aurita se mul- tiplient de la sorte (d). Aous aurons à revenir sur ce sujet, lorsque nous étudierons les phénomènes de géné- ration alternante chez les Acalèphes, et ici je me bornerai à ajouter que la division spontanée des strobiles a été attribuée à un bourgeonnement par quelques auteurs (e) , mais offre bien les caractères de la scissiparité, comme on peut le voir par les obser- vations de M. Van Beneden et de M. Agassiz (f). (a) Tremblcy, Mémoire pour servir à l'histoire d'un genre de Polypes, 1. Il, p. 54 cl 147. (b) Laurent, Nouvelles recherches sur l'Hylre (Voyage de la Donile, Zooi'iiytolouie, p. 25). (c) (i. Jceger, Ueber das spontané Zerfallen der Siisswasserpolypen nebst einigen Bcmcrkungcn ïiber Generationswechsel (Sitzungsbericht der Wiener Akad., 1800, t. XXXIX, p. 311). (d) Sars, Beskrivelser oy iagaltagelscr, 1835, p. 10, pi. I , fig. 0. — Mém. sur le développe- ment de la Mcdusa aurita (Ann. des sciences nat., 2" série, 1841, t. XVI, p. 321, pi. 15, %. 43-40). (e) Desor, Lettre sur la génération médusiparc des Polypes hydraires (Ann. des sciences nat., 3" série, 184) ; MM. Claparède et Lacbmanu ont dé- crit un phénomène analogue chez VUrnula epistylidis (r). (2) La reproduction des Spongillcspar scissiparité a été étudiée par Laurent. Le fragment détaché artificiellement ou naturellement du Zoophy te souche se creuse d'une cavité qui bienfôl s'ouvre au dehors, et constitue la partie centrale d'un système de canaux aquifères (d). 11 est aussi à noter que les Spongiaires jouissent à un très- haut degré de la faculté de réparer les solutions de continuité, et que les parties complètement séparées ou même étrangères l'une à l'autre se soudent rapidement entre elles dès qu'elles sont en contact (e). (3) Il paraît y avoir des différences assez considérables dans la manière dont la multiplication par scissiparité t'effectue chez les divers Amendes, et quelquefois le résultat semble être compliqué par des phénomène! de gemmation. Chez la Xnïs proboscidea , dont la scissiparité a été constatée par O. F. M tiller, Gruithuisen et quel- ques autres naturalistes, le corps de l'individu souche se partage en deux portions à peu près égales , et à l'extrémité antérieure de. la portion (a) Dujardin, Histoire naturelle des {illusoires, p. 230. (b) Schneider, Deitrâge »ur Naturgeschichte der Infusorien (Archiv fur Anal und Phwini •1854, p. 204). ^ ' (ci Claparède et Lachmann, Op. cit., 3* partie, p. 209, pi. 10, fig. 2, etc. ((/(Laurent, Nouvelles recherches sur la Spongilk,8« Éponge d'eau douce (Voyant: de la. Bonite, Zoophvtologie, p. 133). (e) Bowerbank, On the vital Poivers of the Spongiadœ {British Association for the Adimnr o[ Sciences, 1856, Proceed. of the Sec t., p. 438). ' 312 REPRODUCTION. Gemmiparité. § 5. — La gemmiparité est un phénomène fort analogue à la scissiparité ; la production de l'individu nouveau est aussi une conséquence directe du mode de croissance du corps de l'individu souche (1) ; mais les parties préexistantes de celui-ci n'entrent pas dans l'organisation du jeune ou n'y occupent postérieure une tête se développe avant que la séparation ait com- mencé (a). L'Annélide errant , dé- crit par O. F. Millier sous le nom de Nereis proliféra (b), et appelé Autolytus par les auteurs les plus récents (c) , présente un mode de division spontanée analogue, et M. de Quatrefages a observé les mêmes phénomènes chez une Syllis de nos côtes (d). Chez les Serpulins, que l'on a dési- gnés sous les noms de Protula clys- teri (e) et Filograna implexa (/"), une portion notable du corps de l'in- dividu souche entre aussi dans la composition de l'organisme du second individu nouveau ; mais chez la My- riana, que j'ai observée sur les côtes de la Sicile, un ou deux des derniers anneaux du corps semblent être les seuls qui concourent directement à la formation du jeune, et la presque totalité de l'organisme de celui-ci ré- sulte d'une sorte de bourgeonnement; enfin, ce n'est pas un individu seule- ment qui naît à l'arrière du corps de l'individu souche, mais une série nom- breuse de petits, qui sont d'autant plus jeunes qu'ils sont placés plus en avant (g). (1) Dans le langage employé par Burdacb, ces deux modes de multi- plication sont désignés sous le nom commun de génération accrémenti- tielle, et la gemmiparité a été appe- lée aussi génération surculaire (h). M. Huxley a représenté les mêmes idées d'une manière un peu différente en appelant développement continu la propagation par division ou par bour- geonnement, et propagation discon- tinue la multiplication que Burdach appelait sécrémentitielle (i). (a) 0. F. Muller, Zoologia Danica, 1788, t. II, p. 15, pi. 52, fig. C. (6) Idem, Naturgeschichte einiger Wurmarten, pi. 4 , fîg-. 2 . — Rœsel, Insectenbelustigungen, t. 111, p. 571, pi. 92, fig. 3, etc. — Gruithuisen , Anatomie der ge&ùgellen Naïs (Nova Acta Acad. nat. curios., t. XXI, 2" partie, p. 244, pi. 35, fig. 1 et 3). (c) Grube, Die Familien der Anneliden (Wiegmann's Archiv fur Naturgeschichte, 1850, t. I, p. 310). Agasste, on Alternate Génération in Annelids and the Embryologij of Autolytus coronatus (Boston Journal of Nat. Hist., 1862, t. Vil, p. 384.) (d) Voyez Milne Edwards, Rapport sur une série de mémoires de M. de Quatrefages, relatifs à l'organisation des Animaux sans vertèbres des côtes de la Manche (Ann. des sciences nat., 3' série, 1844, t. I, p. 22). (e) Huxley, On a Hermaphrodite and Fissiparous species of TubicolarAnnclid (Edinburgh New Philosophie alJournal, 1855). Krohn, Ueber die Erscheinungen bei der Fortpflanzung von Syllis proliféra und Autolytus prolifer (Archiv fur Naturgeschichte von Wiegmann, 1852, t. I, p. 66). (/•) Sars, Fauna UUoralis Norwegiœ, 1" partie, p. 87, pi. 10, fig. 18 et 19. (g) Milne Edwards, Observations sur le développement des Annélides (Ann. des sciences nat., 3« série, 1845, t 111, p. 170, pi. 11, fig. 65). (h) Burdach, Traité de pliysiologie, t. I, p. 48. (i) Huxley, On Agamic Reproduction (Truns. of the Linn. Soc, 1857, t. XXII, p. 219). GEMM1PAEUTÉ. 313 qu'une place très-minime, et celui-ci est constitué par des tissus de nouvelle formation qui se développent sur un ou plusieurs points du corps de l'individu producteur et qui sont en continuité de substance avec ces mêmes parties. La tendance à coordonner la matière assimilée de façon à réaliser la forme zoologique propre à l'espèce, au lieu de se manifester dans des fragments plus ou moins volumineux de l'organisme souche, se concentre ici dans un tissu nouveau produit par cet organisme, mais ne pouvant vivre encore d'une vie indépen- dante, et devant, pendant un certain temps, rester en connexion intime avec l'individu qui l'engendre et le nourrit. Les Hydres ou Polypes à bras des eaux douces se prêtent très-bien à l'étude du mode de formation des bourgeons ou excroissances reproductrices. Ces petits Animaux, comme j'ai J£Z déjà eu l'occasion de le dire, ont le corps à peu près cylin- clRVln- ''*' drique et creusé dans presque toute sa longueur d'une grande cavité digestive qui inférieurement se termine en cul-de-sac, et, par l'extrémité opposée, communique avec le dehors au moyen d'une bouche située au sommet d'un rendement dont la base est entourée d'un cercle de bras ou tentacules filiformes. Le bourgeon ne consiste d'abord que dans un léger renilemcnt d'un point bien circonscrit de la paroi latérale de la cavité stomacale qui fait alors saillie à la surface du corps et prend bientôt la forme d'un tubercule ou mamelon (1). Celui-ci s'al- Hodo do formation des bourgeons ucliairs (1) La multiplication des Hydres par gemmation a été très-bien étudiée par Trembley et par plusieurs autres natu- ralistes. Elle a lieu fréquemment pen- dant la saison chaude , quelquefois aussi en hiver, et paraît être provo- quée par l'excitation mécanique que les matières alimentaires d'un certain volume exercent sur les parois de la cavité digestive. En général, les bour- geons reproducteurs se développent près du pied de l'Animal, et il est rare d'en voir plus de trois ou quatre sur le même individu ; mais en nour- rissant ces Polypes abondamment avec des larves dont le corps est anguleux (a) Trembley, Mémoires pour servir à l'histoire d'un genre de Polypes d'eau douce t II p 3 et suiv. ' v' Mil REPRODUCTION. longe et se creuse d'une cavité qui en occupe l'axe, et qui est un prolongement de l'estomac de l'individu souche, mais qui ne communique pas directement avec l'extérieur et se termine en eul-de-sac extérieurement. Les tentacules commencent alors à naître autour de l'extrémité libre du bourgeon, dont la base se rétrécit et se transforme en un cylindre plein, de manière à interrompre la communication entre la cavité centrale de l'individu en voie de formation et l'estomac de l'individu souche. Puis l'extrémité opposée du bourgeon se renfle et se perfore pour donner naissance à la bouche. Enfin le pied s'étrangle, et le nouveau Polype ainsi constitué se détache de l'individu producteur pour devenir libre et jouir d'une vie complètement indépendante de la sienne. M.mipiieation La plupart des Coralliaires, les Sertulariens, quelques Médu- coral'iaires, saires, les Bryozoaires et certaines Ascidies, sont susceptibles bouV-eon- de se multiplier d'une façon analogue ; il en est de même pour nement. certains Vers. Mais en général les nouveaux individus provenant de bourgeons restent fixés sur l'individu souche et se repro- duisent à leur tour par gemmation ; il en résulte des colonies ou agrégats de Polypes qui sont unis par continuité de sub- stance, et constituent en quelque sorte un Animal complexe. Tantôt l'estomac du jeune reste en communication directe avec celui de l'individu dont il naît (1), d'autres fois il s'en trouve séparé par une portion du tissu commun ; mais en général et distend sur certains points leur liaires de l'ordre des Alcyonaires r estomac, on a vu des bourgeons se dont j'ai formé le genre Alcyoni- former sur les parties moyenne et dia (b) ou Paralcyonium (c). antérieure du corps (a). La gemmation C'est à raison d'un mode de gcm- n'a jamais lieu sur les tentacules. mation analogue que les colonies de (1) Par exemple, chez les Coral- Sertulariens présentent une cavité di- (a) Laurent, Nouvelles recherches sur la Spongille, ou Éponge d'eau douce, p. 4 (Voyage de la Bonite, Zoophytologie). (b) Milne Edwards, Mémoire sur un nouveau genre de la famille des Alcyonaires (Ann. des sciences nat., 2° série, 1835, t. IV, p. 328, pi. 42, fig. 1 , et pi. 13, fi-. G). (c) Idem, Histoire des Coralliaires, t. I, p. 429. GEMMIPAR1TÉ. M5 des voies restent ouvertes pour le passage des liquides nour- rieiers d'un estomac à l'autre, de façon que l'alimentation de chaque membre de la communauté profite à ses voisins. 11 est aussi à noter que chez certains Coralliaires les bourgeons se forment dans l'épaisseur de la couche extérieure du corps du Polype ou du tissu commun qui unit entre eux les divers individus (1), et que chez les Bryozoaires, ainsi que chez les gestive et irrigatoire rameuse et com- mune (a). Lorsque le bourgeon repro- ducteur commence à se former, il ne consiste qu'en un épaississement du tissu mou qui tapisse intérieurement la tige cornée de ces Zoophytes, et qui circonscrit leur cavité digestive ; à mesure que cette excroissance grossit, la portion adjacente du polypier se dilate , et il en résulte bien lût un tubercule qui s'allonge en forme de branche, puis se renfle à son extré- mité. Un canal central s'y creuse en- suite, et la partie terminale qui va constituer la portion protractile du Polype se sépare latéralement de la partie correspondante du polypier qui affecte la forme d'une cupule ; elle de- vient ainsi cla vifoi me, et la couronne de tentacules circumbuccaux commence à se dessiner sur son bord antérieur ; enfin, la bouche se constitue, et ces derniers appendices s'allongent et de- viennent protractiles. Divers degrés de l'évolution de ces bourgeons ont été décrits et figurés par plusieurs natura- listes chez les Campanulaires ou Ser- tulaires (6). La multiplication par bourgeons a été observée aussi chez quelques Médusaires du groupe des G) nmophlhalmes, notamment chez des Tl uni niant ias et des Lizzies (c). (1) Ainsi, chez les Alcyons propre- ment dits, ou Lobulaires, où le cœ- nenchyme est très-épais et parcouru par une multitude de canaux rameux qui naissent du fond de la cavité digestive de chaque individu, le bour- geonnement consiste d'abord en une sorte d'hypertrophie de ce tissu com- mun. Il se forme ainsi une protubé- rance plus ou moins volumineuse dans l'épaisseur de laquelle se développent ensuite plusieurs individus nouveaux. Pendant la première période de cette gemmation, la partie en voie de déve- loppement ressemble extrêmement à un Spongiaire (d). (a) Voyez tome III, page 52. (6) Cavoliui, Memorie per servire alla storia de' Polipi marini, 1 785, p. 151, pi. 5, fig. 3. — F. Moyen, Observationes zoologicœ (Nova Acta Acad. nat. curios., 1834, t. XVII, Supplé- ment, pi. 30, fig. 1 et 2; pi. 32, 33, 34). — Lister, Some Observations on the Structure and Functions of Tubular and Cellular Polypi and Ascidiœ {Philos. Trans., 1834, p. 373, pi. 9, etc.). — Van Beneden, Mémoire sur les Campanu'aires delà côte d'Ostende considérées sous les rapports physiologique, embryologique et zoologique (Mém. de l'Acad. de Bruxelles , 1844, t. XVII, p. 21, pi. 1, fig 5-11). — Idem, Recherches sur l'embryogénie des Tubulaircs (loc. cit., pi. 5, fig. 10-14). — Agassiz, Contributions to the Xatural Historg of the United Stales of America, t. TV. (c) Sars, Fauna Norwegiœ. — K. Foibe», A Monograph of the British naked-eyed Medusœ, p. 16 (Ray Society, 1858). (d) Milne Edwards, Observations sur les Alcyons proprement dits (Ann. des sciences nat. , £' série, 1835, t. IV, p. 339, pi. 1G, fig. 1 et 6). 316 REPRODUCTION. Ascidies, ils sont fournis par les parois de la cavité viscérale, de façon à n'avoir aucune connexion avec le tube digestif de l'individu souche (1) ; mais, dans tous les cas, la cavité dont le bourgeon se creuse, est d'abord un prolongement ou diverti- (1) Chez certaines Ascidies agré- gées, telles que la Claveline lépadi- forme, des prolongements semblables à des stolons naissent du pied de l'Ani- mal, et contiennent chacun un appen- dice tabulaire de la tunique mem- braneuse qui tapisse la cavité viscérale dans lequel le sang dont ce réservoir est rempli circule librement. Ces sto- lons rampent sur le sol, et à leur extré- mité naît un tubercule qui, en se développant, devient un nouvel indi- vidu (a). Chez les Ascidies composées, le bourgeonnement se fait à peu près de la même manière, si ce n'est que le prolongement digitiformc de la tu- nique de la cavité abdominale, au lieu d'être contenu dans un appendice ra- diciforme du système tégumentaire , reste empâté dans la profondeur de ce dernier tissu (b). Chez les Bryozoaires, les bourgeons reproducteurs se développent tantôt sur des . prolongements stoloniformes de l'individu souche (c), tantôt sur la côte (d) ou à l'extrémité antérieure du corps de celui-ci (e). Le mode de reproduction des Bi- phores,qui n'ont pas d'appareil génital, paraît devoir être considéré aussi comme un phénomène de gemmi- parité ; seulement le bourgeonnement a lieu dans un point déterminé à l'in- térieur du corps et se continue de façon à produire une série d'individus qui restent unis entre eux en forme de chaîne double ou de ruban, et qui se reproduisent seulement au moyen d'oeufs isolés (/). Nous re- viendrons sur ce sujet en traitant des phénomènes des générations alter- nantes. (a) Milne Edwards, Observations sur les Ascidies composées, p. 44, pi. 2, fig. 1, 1 b, etc. (6) Idem, Op. cit., pi. 7, fig. 1, d 6, 1 C, 36, 5a, etc. (c) Exemples : Vesir.ularia : voy. Thompson, Zoological Researchcs, 5' mém , pi. 2, fig. 1. — Bowerbankia : voy. Fare, Observ. on the minute Struct. of some of the higher Forms of Polypi (Philos. Trans., 1837, p. 400, pi. 9, fig. 2). — Laguncula reparu : voy. Van Beneden, Recherches sur l'organisation des Laguncula (Mem. de l'Acad. des sciences de Bruxelles, 1845, t. XV11I, pi. 2 et 3). — Pedicellina belgica: voy. Van Beneden, Recherches sur les Bryozoaires, histoire naturelle du genre Pedicellina (Mém. de l'Acad. des sciences de Bruxelles, 1845, t. XVIII, pi. 9 et 10). (d) Exemple : Alcyonelle, on Lophopus cristallinus : voy. Trembley, Mém. pour servir à l'histoire des Polypes, t. II, p. 140, pi. 10, fig. 8 — Raspail, Histoire naturelle de i Alcyonelle fluvialile (Mémoires de la Société d'histoire naturelle, 1828, t. IV, p. H 4, pi. 13, fig. 3, 1, 5, etc.). — Allman A Monograph of the fresh ivater Polyzoa , p. 35, pi. H , fig. 10-16 (Ray. Soc, 1856). (e) Exemple : Paludicella : voy. Dumortier et Van Beneden, Histoire naturelle des Polypes com- posés d'eau douce, 2" partie, p. 52, pi. 2 et 3 (Mém. de l'Acad. des sciences de Bruxelles, t. XV). (f) Chamisso, De animalibus quibusdam in circumnavigatione terrœ observatis, 1819. — - Escliricht, Anatomisk-physiologiske underôsgelser over Salperne (Mém. de l'Acad. des sciences de Copenhague, 1839, t. V1M, p. 297, pi. 4). — Krolin, Observations sur la génération et le développement des Biphores (Ann. des sciences nat., 3« série, 1846, t. VI, p. 110). — Huxley, Observ. upon the Anat. and Physiol. of Salpa and Pyrosoma (Philos. Trans., 1851, p. 573). GEHMIPARITÉ. 317 culum, soit de l'estomac, soit des branches radieulaires qui partent de cette cavité, ou bien de la grande chambre viscé- rale qui contient le fluide nourricier, de sorte qu'il y a toujours une solidarité nutritive plus ou moins complète entre les divers individus. Enfin, le siège des phénomènes d'accroissement reproducteur varie, et il en résulte des différences considé- rables dans le mode de groupement des individus et dans la forme générale de l'agrégat constitué par ces colonies zoolo- giques. Ainsi, chez les uns, les bourgeons peuvent naître sur tous les points de la surface latérale du corps des individus reproducteurs, et, en se développant, ils constituent alors des branches disposées irrégulièrement, ou en gerbe ; tandis que chez d'autres, la gemmation est limitée au pourtour du pied ou à certains points déterminés de l'un des côtés du corps (1). (1) Comme exemple de cette dissé- mination de la faculté gemmipare sur tous les points de la surface latérale du corps du Polype, je citerai d'abord les Hydres d'eau douce. Chez la plu- part des Alcyonaircs, celte propriété est répandue dans toutes les parties du cœnenchyme épais qui revêt exté- rieurement ces Animaux et qui con- stitue leur polypiéroïdc. Lorsque leur corps a une forme allongée et que le cœnenchyme se développe de fa- çon à empâter toute la colonie, il en résulte des masses plus ou moins ar- rondies, dans l'intérieur desquelles les individus sont disposés en gerbe, ainsi que cela se voit chez les Alcyons proprement dits (o). Lorsque le corps de ces Polypes est au contraire fort court, le cœnenchyme s'étale en lame plus ou moins mince à l'une des sur- faces de laquelle tous les Polypes font saillie , tandis que la surface opposée adhère à quelque corps étranger, comme chez les Anthélies (b) , ou donne naissance à un Polype épider- mique basilaire, comme chez le Corail et les Gorgones (c). D'autres fois la portion du cœnenchyme qui va être le siège du travail reproducteur s'al- longe d'abord, eteonstitue une branche rampante en forme de stolon à l'extré- mité de laquelle le jeune individu se développe, ainsi que cela se voit chez les Cornulaires (d). Dans l'ordre des Zoanthaires, on (a) Milne Edwards, Observations sur les Alcyons (Ann. des sciences nat., 2" série, 1835, t. IV, p. 339, pi. 15 et 10). (6) Saùgny, Egypte (Histoire naturelle, Polypes, pi. 1, fig. 5). — Milne Edwards, Histoire naturelle des Coralliaires, t. I, pi. B, i, fig. 3. (c) Cavolini, Mem. per servire alla storia dei Polipi marini, pi. 1. — Milne Edwards, Allas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 79 et 80. (d) Idem, ibid., pi. 05, fig. 3. 18 REPRODUCTION. influence L'étude de ces particularités est d'un grand intérêt pour de phénomène l'histoire morphologique des Coralliaires et de leurs polypiers, c sur conformation mais ne saurait trouver place ici, et je me bornerai à ajouter les Animaux , , , . . ,. ... 1. .. agrégés, qu en gênerai tous les individus produits ainsi par gemmation se ressemblent entre eux ; mais qu'il n'en est pas toujours ainsi, et que chez certains Zoophytes, ainsi que chez plusieurs Bryozoaires, les différences sont parfois si considérables, que l'association physiologique se trouve composée de membres dont les fonctions, de même que la structure, sont dissem- blables (1). La division du travail s'introduit alors dans l'as- sociation , et les divers individus peuvent être considérés rencontre des différences analogues tence de deux sortes d'individus chez dans la position des bourgeons et dans le Tendra zostericola (g), et M. de les rapports des divers individus entre Quatrefages a observé des faits ana- eux. 11 en résulte que le polypier est logues chez les Synhydres. Celles-ci se tantôt arborescent (a), tantôt mas- développent par bourgeonnement sur sif (6), et d'autres fois étalé en forme une expansion basilaire commune, et de lame (c). Quelquefois aussi les s'élèvent parallèlement entre elles en jeunes naissent sur une expansion restant libres, excepté par le pied: les basilaire de l'individu souche, et ne unes sont pourvues d'une couronne de communiquent avec lui que par l'in- tentacules grêles , d'une bouche et termédiaire de cette expansion (d) ; d'une cavité digestive qui communique d'autres fois l'expansion proligère est inférieurement avec celle de ses con- stoloniforme (e). Pour plus de détails génères au moyen de canalicules ; les à ce sujet, je renverrai aux traités autres n'ont pas d'appareil digestif et spéciaux sur les Coralliaires (/"). donnent naissance à des bulbilles ou (1) M. Nordmann a constaté l'exis- bourgeons reproducteurs caducs (h). (a) Exemple : le Dendrophyllea ramea (vov. l'Atlas du Règne animal, Zoophytes, pi. 83, %• !)• (6) Exemple : Y Astéroïdes calycularis (voy. YA/las dit, Règne animal, Zooph., pi. 83, Rg. 2). (c) Exemple : la Turbinaire grise, ou Explanaire mésentérine (voy. Y Atlas du Règne animal, Zooph., pi. 83 ter, fig. 2). (d) Exemples : le Polythoa mamellosa (voyez Lamouroux, Op. cit., pi. 1, fig. 4). (e) Exemple : le Zoanthus sociatus (voyez Lamouroux, Exposition méthodique des genres de l'ordre des Polypiers, pi. 1 , fig. 4 et 6). (/") Dana, Zoophytes, p. 57 et suiv. {United States exploring expédition under the command of Captain Wilkes). — Milne Edwards, Histoire naturelle des Coralliaires, t. I, p. 28 et suiv. (g) Nordmann, Recherches sur l'anatomie et le développement du Tendra zostericola {Voyage dans la Russie méridionale et la Crimée, par Demidoff, 1840, t. III, p. 631, Polypes, pi. 2). {h) A. de Quatrefages, Mcm. sur la Synhydrc parasite (Ann. des sciences nat., 2» série, 1844, t. XX, p. 230, pi. 8 et 9). GEMMIPARITÉ. 319 comme des organes particuliers d'un être complexe. Parfois même la ligne de démarcation entre les Animaux agrégés et les Animaux simples, mais à parties homologues multiples, devient ainsi assez difficile à établir, et les zoologistes ne sont pas tous d'accord au sujet de la manière d'envisager la consti- tution de certains corps animés , tels que les Stéphanomies et autres Hydrostatiques, qui, pour les uns, sont des colonies d'in- dividus polymorphes unis organiquement par une partie com- mune, tandis que pour d'autres, ce sont des individus pourvus d'une multitude d'organes de deux ou de trois sortes qui se répètent indéfiniment (1). Des incertitudes du même ordre existent au sujet du mode de constitution de certains Vers, tels que le Téuia, qui se compose d'une série d'articles dont la pro- duction est due à un phénomène de bourgeonnement, et dont la structure offre la plus grande analogie avec celle de quel- ques Animaux de la même classe dont le corps est simple : (1) Lesueur fut le premier à émettre l'opinion que les Stéphanomies étaient des Animaux agrégés vivant en so- ciété (a) ; mais jusqu'à ces derniers temps, la plupart des zoologistes pen- saient que les différentes parties de ces chaînes animées étaient plutôt des organes d'un seul et même individu. M.Vogt, puis MM. Leuckart, Huxley, Kolliker et quelques autres zoologistes, ont donné des bases plus solides à l'hypothèse de Lesueur, et aujour- d'hui la plupart des naturalistes s'ac- cordent à regarder ces singuliers êtres comme des colonies de Zoophytos hé- téromorphes. (6) Mais, ainsi que je viensde le dire, la ligne de démarcation entre les individus agrégés de la sorte, et les zoonites ou segments de certains Animaux annelés qui se mul- tiplient par une sorte de bourgeon- nement, est difficile à fixer avec pré- cision (c). (a) Voyez Lamarck, Histoire des Animaux sans vertèbres, 1810, t. II, p. 402. (b) Vogt, Recherches sur les Animaux inférieurs de la WidUerranée, 1854. — Leuckart, Ueber den Bau der Phymlie Zeitschrift /tir uissensch. Zoologie, 1851, t. III, p. 189). — Mém. sur la structure des Phgsalies et des Siphonojmores (Ann. des sciences nat., 3« série, 1852, t. XVIII, y. 201). — Agassiz, Contributions to the Xatural llisloru of the United States, 1800, t. III, p. 50 et suiv. (c) Quatrefages, Mém. sur l'organisation des Physalies (Ann. des sciences nat., i- sùrie, 1854, t. II, p. 137). — R. Leuckart, Ueber den Polymorphismus der Individuen, oder die Erscheinungen der Arbeitstheilung in der Salur, 1851. ^production par l'iilhiles. 320 REPRODUCTION. jadis la plupart des zoologistes considéraient un Ténia à seg- ments multiples comme étant un seul individu, tandis qu'au- jourd'hui la plupart des auteurs regardent ces espèces de rubans articulés comme des colonies composées d'autant d'in- dividus que l'on y comple de segments (1). §6. — Dans quelques cas, la multiplication des Animaux, tout en étant encore un phénomène de nutrition, s'effectue d'une manière un peu différente. La portion de l'organisme de l'individu souche qui correspond au bourgeon reproducteur se détache avant d'avoir constitué un nouvel individu semblable au premier, mais n'en continue pas moins à vivre et à s'ac- croître, et, en se développant, elle acquiert le mode de structure propre aux représentants parfaits de son espèce. On désigne sous le nom de bulbilles ces espèces de bourgeons caducs qui, de même que chacun des fragments du corps d'un Animal fissi- pare, jouissent de la propriété de se compléter de façon à réa- liser la forme typique propre de leur race. On en a observé chez quelques Zoophytes : chez les Synhydres, par exemple (2). Mais ce mode de reproduction est très-rare dans le Règne animal, et, du reste, les êtres chez lesquels il existe, de même que les espèces scissipares ou gemmipares, sont susceptibles de se multiplier aussi par oviparité. Reproduction § 7. — Chez la plupart des Animaux, et notamment chez 3U moyen d'œufe. tous ceux qui sont élevés en organisation, ce dernier mode de (1) Je reviendrai sur ce sujet lorsque je traiterai des générations alternantes. (2) M. de Quatrefages a fait con- naître ce mode de reproduction chez la Synhydre parasite. Les bulbilles ou bourgeons caducs se montrent d'a- bord sous la forme d'un tubercule creux dont l'intérieur communicpie librement avec la cavité digestive de l'individu souche. Celte excroissance s'allonge, puis s'étrangle à sa base, et enfin devient libre ; elle constitue alors un corps ovoïde isolé et indépendant, qui bientôt se lise, s'allonge, se garnit d'une couronne de tentacules à son sommet, et se perfore de façon à con- stituer un nouvel individu polypi- forme (a). (a) Quairefagcs, Mémoire sur la Synhydre parasite (Ann. des sciences nat., 2' série, 1843, t. XIX, p. 243, pi. 8, fig. 9 à 16). OVIPARITÉ. 321 reproduction est le seul qui existe, et, comme je viens de le dire, on l'observe aussi chez presque toutes les espèces qui sont scissipares ou gemmipares. Quelques êtres microscopiques, qui, à raison de leur petitesse extrême, n'ont pu être étudiés d'une manière complète, ne nous ont pas encore rendus témoins de ce phénomène ; mais il me semble probable qu'ils doivent être susceptibles de se multiplier de la sorte, et par consé- quent la génération ovipare me parait devoir être considérée comme une faculté commune à tous les Animaux. Dans ce travail reproducteur, la formation de l'individu nouveau n'est pas une conséquence de l'extension du tissu constitutif de l'individu souche; la matière plastique qui y donne naissance est produite par celui-ci sans être mise en continuité de substance avec lui ; elle en est indépendante avant d'être le siège d'aucun phénomène embryogénique appréciable, et elle possède seulement l'aptitude à un développement de ce genre. Tout en étant logé plus ou moins profondément dans la substance du tissu vivant de l'individu souche, le corps reproducteur n'y adhère pas, et dès l'origine il est isolé de façon à avoir une individualité propre. 11 consiste en une cel- lule ou vésicule membraneuse contenant de la matière orga- nisante, et quel que soit le degré de simplicité ou de compli- cation de sa structure, il peut être désigné d'une manière générale sous le nom tYœuf. La partie essentielle de ce corps reproducteur est toujours constitution ... de l'œuf. constituée par une sphère dite vilelline, qui loge primitivement dans sa partie centrale une cellule arrondie à parois membra- neuses, appelée vésicule germinative, ouvésicule do, Purkinje, en l'honneur d'un habile physiologiste de Breslau à qui on en doit la découverte (1). Cette utricule renferme un liquide albu- (1) Cette observation capitale, faite bliée pour la première fois en 1825, à d'abord sur l'œuf des Oiseaux, fut pu- l'occasion du jubilé semi-séculaire de 322 REPRODUCTION. Vilellus mineux qui est tantôt d'une transparence parfaite, d'autres fois chargé de corpuscules qui ont été désignés sous le nom de taches germinatives (1). Elle est entourée d'une couche plus ou moins épaisse de matière semi-fluide, visqueuse et gra- nuleuse, qui est en général fortement colorée soit en jaune, soit en brun, en vert, ou de quelque autre manière, et qui est appelée le vilellus. C'est elle qui forme le jaune de l'œuf de la Poule. A l'aide du microscope, on y distingue d'ordinaire trois sortes de . corpuscules : des granules blanchâtres, qui paraissent devoir être considérés comme destinés à entrer directement dans la constitution de l'embryon, à en être les premiers matériaux, et qui peuvent être désignés sous le nom de corpuscules plastiques ; des sphérules ou cellules d'un volume plus considérable , appelées plus spécialement les globules vitellins, qui ne paraissent jouer qu'un rôle indirect Blumonbach (a), et fut exposée d'une manière plus complète par M. Pur- kinje dans d'autres écrits (6). En 1833, M. Coste découvrit la vésicule germinative de l'œuf des Mammi- fères (c), et bientôt après plusieurs autres publications eurent lieu sur le même sujet (d). M. Baer avait de son côté constaté l'existence de celte vési- cule dans l'œuf d'un grand nombre d'Animaux inférieurs (e). (1) Le contenu de la vésicule ger- minative fut étudié vers la même époque avec beaucoup de soin par M. Wagner (/"), et l'on donne parfois le nom de ce physiologiste aux taches dites germinatives qu'y s'y font re- marquer. D'après M. Van Bencden, cette tache serait parfois due à la pré- sence d'une cellule logée dans l'inté- rieur de la vésicule germinative (g). (a)J.E. Purkinje, Symbolœ ad ovi historiam unie incubationem. Leipsig, 1825. (b) Seconde édition de l'opuscule précédent, 1830 — Article El, dans le Berlincr Encyclope- disches ÏXorterbuch, 1834, t. X. (c) Coste, Recherches sur la génération des Mammifères, 1834, p. 29. (d) Wharton Jones, On the Ova ofMan and Mammiferous Brutes asthey exist in the Ovaries before imprégnation, and on the discovery in them of a vesicle (London Médical Gazette, 1838, p. 680). — Bernhardt et Valcniin, Symbolœ ad ovi Mammalium historiam ante prœgnationem, 1834. (e) Baer, Lettre sur la formation de l'œuf. {f) Wagner, Einige Bemerkungenund Fragen ùberdas Keimblàschen (Mùller's Archiv fur Anal, und Physiol., 1835, p. 373, pi. 8, lig. 1-7). — Prodromius historice generationis Hominis atque Animalium, 183G. (g) Van Beneden, Recherches sur la structure de l'œuf dans un nouveau g:nre de Pùlync {Bulletin de l'Acad. de Bruxelles, 1847, t. VIII, p. 89). CONSTITUTION DE L'OEUF. 323 dans la formation du futur Animal, et qui consistent essen- tiellement en matière nutritive; enfin des sphérules trans- parentes, qui réfractent fortement la lumière, et qui ne pa- raissent être que des gouttelettes d'huile (1). L'analyse chimique nous apprend que le vitellus se compose princi- palement de matières albuminoïdes associées à des sels orga- niques et presque toujours aussi à des corps gras (2) ; mais Composition chimique 'lu Vitellus. (1) Les matériaux organiques du vitellus ont été étudiés au microscope par plusieurs observateurs, parmi les- quels je citerai MM. Baer, Wagner, Schwann, Coste, Prévost et Lebert, Gourty, Thompson, etc. (c). (2) La composition chimique des eeufs, mais plus particulièrement de l'œuf de la Poule, a été étudiée par plusieurs expérimentateurs; mais nos connaissances à ce sujet laissent en- core beaucoup à désirer: car, (Tune part, la distinction des principes im- médiats dont le vitellus est formé présente de grandes difficultés, et, d'autre part, les chimistes n'ont exa- miné en général que l'ensemble de la masse vitelline ou de l'albumine, sans chercher à déterminer le mode de distribution des matières entre les di- vers éléments organiques de ces corps (6). On sait depuis longtemps que le jaune de l'œuf de la Poule contient une huile particulière (c), et, d'après l'analyse de Prout, les matières grasses s'y trouveraient dans la proportion de 29 parties sur 100, associées à 17 cen- tièmes d'albumine et à 3'i centièmes d'eau (d) ; mais des recherches plus récentes ont fait voir que la compo- sition de ce vitellus est beaucoup plus complexe. Ainsi , M. Clievreul en a extrait deux principes colorants, l'un (a) Bacr, Etwickelungsg) Par exemple, chez la Salamandra maculata (voy. Wagner, Op. cit., pi. 2, fig. 1 7) ; le Triton igneus (Wagner, loc. cit.). (c) Voyez Wagner, Op. cit., pi. 2, fig. 21. — Kôlliker, Op. «(., pi. 1, fig. 1-2. (d) Voyez LallemanJ, Observ. sur le développement des zoospermes de la Raie(Ann. des sciences nat., 2" série, 1841, t. XV, pi. 10, fig. 15). (e) Voyez Wagner, Fragmente zur l'hysiol. der Zeugung, pi. 2, fig. 20. (D Par exemple, chez la Carpe: voy. Duiardio. Op. [cit., Anu. des sciences nat. , 2' série t. VIII, pi. 0, fig. 10.) — La Brème : voy. Wagner, Op. cit., fig. 19. — Le Leuciscus chrysoleuchas (espèce d'Able de l'Amérique), voy. Burnett, Remarks upon the Origin, etc., nf the Spermatic Particles, fig. 11 (Mem. of the American Academy new séries, t. Vj. ' (g) Voyez Wagner et Leuckart, Op. cit. (Todd's Cyclop., t. IV, p. 483, fig. 347). (h) Voyez Burnett, Op. kk ItFPRODLCTION. spermatozoïdes Chez les Animaux invertébrés, les Spermatozoïdes pré- des Mollusques, sentent en général des formes analogues à celles qui prédo- minent dans l'embranchement des Vertébrés. Ainsi, chez les Mollusques, ils n'offrent sous ce rapport rien qui soit bien important à noter (1); mais je dois faire remarquer que chez quelques-uns de ces Animaux, les Céphalopodes, par exemple, ils ne sont pas libres dans la liqueur séminale, et se trouvent Dujardin l'explique par l'enroulement chez la Sèche, ils n'ont pas le quart de d'un fil accessoire (a); enfin, Amici la longueur de ceux de l'Élédone mus - et M. Pouchet pensent qu'il est dû quée (e). aux ondulations d'une crête membra- Dans la classe des Gastéropodes, ils neuse (6), et je suis porté à croire qu'ils offrent des différences plus considéra- ont raison (c). blés. Quelquefois ils sont filiformes, Les Spermatozoïdes du Bombinator graduellement atténués vers l'extré- ïgneus présentent une disposition ana- mité postérieure et ondulés ou cou - logue, seulement ils sont beaucoup tournés en spirale comme ceux de plus petits (d). beaucoup d'Oiseaux (f) ; d'autres fois (1) Les Spermatozoïdes des Cépha- ces filaments se replient en boucle et lopodes sont filiformes et médiocre- leurs deux extrémités se tordent en- ment élargis antérieurement ; leur semble (g), ou bien, tout en conservant portion céphaloïde est cylindrique et la même forme générale, ils restent arrondie aux deux bouts et leur queue étendus (h); mais, chez la plupart de est très-grêle. Leur grandeur varie ces Mollusques, leur portion anté- beaucoup suivant les espèces: ainsi, rieure est brusquement élargie en — Mayer, Veber die Flimmerbewegungen (Froriep's Notizen, 183G, p. 245). — Siebokl , Heine Flimmerorgane an den Spermatozoen der Salamander (Froriep's Neut Notizen, 1837, t. II, p. 281). (a) Dujardin, Nouveau Manuel de l'observateur du microscope, 1843, p. 100. (b) Pouchet, Sur la structure et les mouvements des Zoospermes du Triton cristatus (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1845, t. XX, p. 1341). (c) Milne Edwards, Rapport, etc. (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1846, t. XXIf, p. 636i. (d) Voyez Wagner et Leuckart, Op. cit. (Todd's Cyclop., t. IV, p. 481, fig. 341). (e) Milne Edwards, Observations sur la structure et les fonctions de quelques Zoophytes, Mollusques et Crustacés des côtes de la France (Ann. des sciences nat., 2" série, 1842, t. XV111, pi. 17, fig. 7, et pi. 14, fig. 5). (f) Par exemple, chez les Doris : voy. Wagner et Leuckart, art. Semex (Todd's Cyclop. ofAnat. andPhysiol., vol. IV, p. 4S5, fig. 356 A). — La Paludine vivipare : voy. Wagner et Leuckart, Op. cit., p. 356 R. (g) Par exemple, chez l'Ambretle, ou Succiuea amphibia: voy. Wagner, Fragmente zur Physiol. der Zeugung, pi. 3, fig. 24. — Siehold, Veber die Spermatozoen der Crustaceen, Insecten, Cas- leropoden, etc. (Miïllei's Archiv fur Anut. und Physiol., 1836, pi. 2, fig. 1-7). (h) Par exemple, chez la Carinaire : voy. Milne Edwards, Observations sur la structure- de quelques Zoophytes et Mollusques (Ann. des sciences nat., 2* série, 1842, t. XVIII, pi. xr, fig. 7), FÉCONDATION. 3&5 renfermés dans des réceptacles appelés spermatophores, sur l'histoire desquels nous aurons bientôt à revenir (1). Les par- manière de tète ovalaire ou piri- forme (a). Les Spermatozoïdes des Gastéropodes pulmonés sont en gé- néral remarquablement longs, et leur renflement céphaloïde est épaissi en dessus à sa partie postérieure (b) ; mais il est à noter que ces filaments ne sont pas encore arrivés à maturité lorsqu'ils sont évacués par le mâle et qu'ils subissent des changements con- sidérables après leur dépôt dans l'or- ganisme de la femelle (c). Dans l'ordre des Mollusques acé- phales, la portion céphaloïde des Sper- matozoïdes est en général nettement caractérisée (d). Il en est de même chez les Mollus- coïdes, notamment chez les Acidiesdu genre Phalkisia{e) et lesBotryllest/). Les SpermatozoMes des Bryozoaires ont. été observés dans plusieurs espè- ces, telles que le Tendra zosteri- cola (g) , le Flustra carnosa (h) , le Halodactylus diaphanus (i) , le Palludicella Ehrenbergi (j), les Al- cyonelles (k), etc. (1) Ces Spermatophores sont des tubes qui, après avoir été assez bien (a) Par exemple, chez la Palelle: voy. Wagner et Leuckart, loc. cit., p. 485, fig. 355 A. — L'Oscabrion : voy. Wagner et Leuckart, loc . cit., fig. 355 B. — Le Vermet: voy. Lacaze-Dutluers, Mém. sur ianatomie et l'embryologie du Vermet (Ann. des sciences uat.. 4' série, 1860, t. Mil, p. 2 il"., pi. 5, 6g. 9). — Du Pleurobranche orange : voy. Lacaze-Duthiers, Histoire auatomique et physiologique du l'icurobranche (Ann. des sciences nat., 4* série, 1859, t. M, p. 365, pi. 101, fig. 0). (b) Par exemple, chez Y Hélix pomatia : voy. Kolliker, Uie Bildung der Samenfâden , pi. 1 , lig. 3. — Wagner et Leuckart, Op. cit. (Cyclop. of Anat. and Physiol., t. IV, p. 480, fig. 357). — Mamll, Anatomie microscopique, 2* série, pi. 10, lig. 14. — Le Limnée îles étangs : voy. Wagner, Fragmente zur Physiol. der Zeugung, \<\. 3. fig. 26. (c) Gratiolet, Observations sur les Zoospermes des Hélices (Journal de conchyliologie, 1850, t. I, p. 116, pi. 9). (d) Exemples : les Spermatozoïdes du Cyclas cornea, observés par M. Wagner (Entdeckung mdnnlicher Geschlechtstlieile bei den Actinien, in Wiegmann's Archiv fur Kalurgeschicltte, 1835, pi. 3, fig. 8 ; — Fragmente sur Physiol. der Zeugung, pi. 3, fig. 28). — !>e l'Anodonte: voy Siebold, Fernere lleobachtung ilber die Spermatozoen der wirbellosen Thiere (Mùller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1837, pi. 20, fig. 14). — Delà Clavagelle et .lu Taret: voy. Kolliker, Pie Bildung, etc., pi. 2, fig. 29. — Du Taret : 'voy. Kolliker, Op, cit , pi. 2, fig. 28; — Lacaze, Mém. sur le genre Taret (Ann. des sciences nat., 4* série, 1849, t. XI, pi. 9, fig. 34). — De l'Huître, de la Moule, commune, de VUnio, de la Trigonelle, du Pecten, des Bucardes, du Spondyle.de l'Anomie, du Dentale, etc., figurés par Lacaze- Uuibiers (Recherches sur les organes génitaux des Acéphales lamellibranches, dans Ann. des sciences nat., i' série, 1854, t. Il, pi. 6 à 9; — Mém. sur l'organisation de l'Anomie, loc. cit., pi. 2, fig. 7 ; — Histoire de l'organisation et du développement du Dentale, dain Ann. des science* nat., 4* série, 1856, t. VII, pi. 7, %• 8). (e) Kolliker, Die Bildung, pi. 3, fig. 53. (/') Idem, ibid., pi. 3, fig. 54 et suiv. (g> Nordmann, Recherches microscopiques sur l'anatomie et le dt veloppement du Tendra zosle- ricolu (Demidoff, Voyage en Crimée, t. 111, p. 068, Polypes, pi. 2, fig. 6). (h) Kolliker, Beilràge. pi. 2, fig. 17. (i) Van Beneden, Recherches sur les Bryozoaires, pi. 8, fig. i o (Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XVIII). (j) Aliman, A Monngraph of the fresh water Polyzoa, pi. Il, fig. 25 (Ray Swiety, 1856). (k) DumortH-r et Van Beneden, Histoire naturelle des Polypes composés d'un atome, pi. 5, tir. 2. 3/|6 KEPHODUCTiON. Spermatozoïdes tioularités que nous présente le sperme de quelques Insectes dearticùiës.ux dépendent du mode de groupement des Spermatozoïdes plutôt que de la conformation de ces corps (1) ; mais chez la plu- part des Crustacés et des Arachnides ils paraissent être rem- placés par des vésicules qui ont souvent une structure fort singulière, et qui sont probablement des spermatophores ou des organites producteurs des Spermatozoïdes plutôt que les ana- logues de ces derniers corpuscules. Chez les Crabes et les Homards, par exemple, la liqueur séminale est remplie de vésicules garnies d'appendices radiaires qui n'exécutent aucun mouvement spontané (2) ; mais chez d'autres Podoph thaï maires, les Mysis, par exemple, des Spermatozoïdes ordinaires se développent dans l'intérieur de gaines analogues et ne tardent observés par Swammerdam et par Needbam, ont été pris par quelques naturalistes modernes pour des Vers parasites. Pour plus de détails sur leur histoire, je renverrai à un mé- moire que j'ai publié sur ce sujet il y a une vingtaine d'années (a). (1) Ainsi, chez les Sauterelles et les Criquets, les Spermatozoïdes sont fixés par leur extrémité eéphaloïde sur une sorte de ruban, de façon à consti- tuer par leur assemblage un grand fila- ment barbu latéralement qui ressemble à une plume [b). Il en est de même cbez plusieurs autres Insectes (c). Chez beaucoup d'autres Animaux de la même classe les Spermatozoïdes sont filiformes et repliés en boucle avec leurs deux extrémités confondues en- semble (d) et il est à noter que la boucle ainsi formée a été prise quelquefois pour un renflement eéphaloïde (e). Il est aussi à remarquer que chez quel- ques Insectes les Spermatozoïdes sont renfermés dans des ampoules qui font office de Spermatophores : par exemple, cbez les Grillons (/"). (2) Chez le Homard, ces corpuscules séminaux se composent d'une cellule ovalaire ou allongée, renfermant à l'une de ses extrémités une petite vésicule ou amas de matières organiques grisà- (a) M Une Edwards, Observations sur la structure et les fonctions de quelques Zoophytes, Mol- lusques et Crustacés des côles de la France (Ann. des sciences nat., 2° série, d 842, t. XVIII, p. 331). ifr) SieboM, Ueber die Spermalox-oïden der Locuslincn (Acta Acad. nat. curios., t. XXI, p. 251, pl. 44-, Rg. 15). (c) Par exemple, la Cigale (voy. Dnjardin, Nouveau Manuel de l'observateur au microscope, pl. 11, fig. 18), et le Sphodrus terricola, de l'ordre des Coléoptères (Op. cit., fiç. 19). (d) Hammcrscliinidl, Ueber die Spermatozoen der Inscctcn (Isis, 1838, p. 358, pl. 4). (c) Siebold, Uebcr die Spermatosoen der Crustaceen, Inscctcn, etc. (Miiller's Archiv fur Anat. tttld l'hysiol., 1836, p. 3, pl. 2). (/) Lespés, Mémoire sur les Spermatophores du Gryllus campcslris {Ann. des sciences nat., \' série, t. III, p. 300 ; t. IV, p. 244). FECONDATION. Ul pas à devenir libres (1); enfin, chez quelques autres Crustacés, la liqueur séminale ne diffère en rien de celle des Animaux des autres classes (2). très, et donnant naissance, par cette même extrémité, à trois longs appen- dices roides etstyliformesqui divergent- comme des rayons (a). Leur confor- mation est à peu près la même chez la Galatée (b) ; mais chez l'Écrevisse (c), ainsi que chez la plupart des Décapo- des brachyures, leur portion centrale est constituée par une vésicule sphé- rique ou lenticulaire dont partent en rayonnant deux ou plusieurs petits appendices styliformes (d). Chez d'au- tres Crustacés du même groupe, la forme de ces corpuscules est intermé- diaire aux deux types dont je viens de parler (e). Chez les Pagures, ils ont d'abord une forme analogue à celle qui se rencontre chez les Crabes (/) ; mais ils acquièrent en se développant une sorte de boyau très-allongé qui fait saillie entre la base de la couronne radiaire (g). (1) On sait, par les observations de MAI. Frey et Leuckart, que chez les Mysis le sperme renferme d'abord des capsules qui ne paraissent différer des corpuscules séminaux dont il vient d'être question que par l'absence de rayons; qu'ensuite des Spermatozoïdes filiformes se développent dans l'inté- rieur de ces capsules, et qu'enfin ces Spermatozoïdes en sortent pour deve- nir libres, état dans lequel leur forme ne présente rien d'anormal (/>). Chez quelques Crustacés inférieurs, la li- queur séminale est logée dans des tubes qui l'ont fonction de Sperma- tophores, et qui ont quelque analogie avec ceux des Céphalopodes, sans avoir une structure si complexe. Ces corps ont été observés chez les Cy- clopcs (i). (2) Chez les Crustacés édriophthal- mes, la liqueur séminale renferme (a) Valenlin, Repertorium fur 1838, p. 188. — Kolliker, Beitrâge zur Kenntniss der Geschlechtsverhàltnisse, pi. 3, fig. 23. — Observ. pour servir à l'histoire des organes sexuels et du liquide séminal des Crustacés, etc. {Ann. des sciences nat., 2« série, t. XIX, p. 335, pi. 9 B, fig. 3). — Goodsir, Anatomical and Pathological Observations, pi. 5, fig. 19. (b) Kolliker, Op. cit. (Annales, t. XIX, pi. 9 B, fig. 2). (c) Henlc, Veber die Gattung Branchiobdella (Miiller's Arcluv fur Anat. und Physiol., 1835, pi. 14, fig. 12). — Siebold, Ueber die Spermatozoen , etc. (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol, 1836, pi. 3, fig. 24). — Mandl, Anatomic microscopique, 2* série, pi. 10, fig. 13. (d) Par exemple, chez le Tourteau (Cancer pagurus) : voy. Kolliker, Op. cil. (Ann. des science* nat., t. XlX.pl. 9 B, fig. 7). — Le Carcimis mœnas : voy. Kolliker, loc. cit., fig. 4. — Le Stenorhynchus phalangium : voy. Kolliker, loc. cit., fig. 'J. — L'Hyas aranea : voy. Kolliker, loc. cit., fig. 5. — Le Maia squinado : voy. Kolliker, Die Bildung der Samenfdden, pi. 3, fig. 38. — La Dromia Rumphii : voy. Kolliker, Op. cit., pi. 3, fig. 40. (e) Kolliker, Beitrâge, Ueber die Bildung der Samenfdden, pi. 3, fig. 50. (f) Kolliker, Beitrâge, pi. 2, fig. 21. (g) Kolliker, Die Bildung der Samenfdden. pi. 3, fig. 36 et 37. (h) Frey et Leuckart, Beitrâge zur Kenntniss wirbelloser Tliiere, 1847, pi. 10, fig. 16. (i) Siebold , Beitrâge z-ur Naturgeschkhte der wirbellosen Thiere, 1839, p. 36, pi. 2, fig. 41, 405. 348 RKPUODUCT10N. Dans la classe des Arachnides, la liqueur séminale présente des anomalies analogues à celles que les Crustacés viennent de nous offrir. Chez les Scorpions, on y voit des Spermato- zoïdes ordinaires (1); mais, chez les Aranéides, ce liquide ne contient que des capsules comparables à celles des Crabes, quoique dépourvues de rayons, et les corpuscules filiformes que l'on a vus se développer dans l'intérieur de ces cellules chez quelques Araignées n'ont présenté ni appendice caudal, ni mouvements spontanés; du reste, leur histoire réclame de nouvelles études (2). L'existence de Spermatozoïdes a été constatée aussi chez des Spermatozoïdes dont la conforma- tion ne présente rien d'important à noter (a) , mais ils ne paraissent pas jouir de la faculté de se mouvoir spontanément. Chez les Balanes, on a trouvé des capsules spermatiques fusiformes à deux rayons, qui paraissent être assez semblables à celles des Crustacés dé- capodes (b). (1) Ces Zoospermes sont filiformes et graduellement atténués d'avant en arrière (c). (2) Chez les Épéires, le sperme con- tient des cellules sphériques renfer- mant chacun un noyau qui se trans- forme en an corpuscule cylindrique ayant l'apparence d'un Spermatozoïde qui serait dépourvu d'un appendice caudal et ne serait pas mobile {d). Pour plus de détails au sujet des capsules spermatiques des Arachnides, je ren- verrai à l'article Semen publié par MM. Wagner et Leuckart dans le Cijclopœdia of Anatomy and Physio- logy de M. Todd. Chez les Myriapodes chilopodes, les capsules spermatiques ont aussi la forme de petites cellules membra- neuses dans lesquelles se développe tantôt un disque conique (e), tantôt deux corpuscules analogues (/") ; chez les Chilognathes, ils consistent en fila- ments capillaires enroulés en cercle (g). (a) Par exemple, chez la Crevotto des ruisseaux, ou Gammarus pulex : voy. Wagner et Leuckart, ait. Semen (Todd's Cyclop. ofAnat. and Physiol., t. IV, p. 495, fig. 384). — Chez YHyperia Medusarum : voy. Kolliker, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1843, t. XIX, pi. 9B, fig. 9). (b) Kolliker, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1843, t. XIX, pi. 9 B, fig. 10). (c) Kolliker, Die BUdung der Samenfâien, pi. 2, fig1. 16. (d) Voyez Todd's Cyclopœdia of Anatomy, t. IV, p. 491, fig. 374. (e) Par exemple, chez l'Iule terrestre : voy. Wagner et Leuckart, art. Semen (Tode's Cyclopœdia o/ Anat. and Physiol., t. IV, p. 492, fig. 376 et 377). (f) Par exemple, chez VIulus fabulosus : voy. Wagner et Leuckart, loc. cit., p. 493, fig. 378. (g) Par exemple, chez la Lithobie : voy. Stein, Uebcr die Geschlechtsverhàltnissc der Myriopv- den, etc. (Mùller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1842, pi. 13, tîg. 19). — Chez les Géophiles : voy. Stein, loc. cil., pi. 14, fig. 33. FÉCONDATION. 3/l9 beaucoup de Vers (1), ainsi que chez un grand nombre de spermatoio^ 4JCS V CF5 G* Zoophytes, (2), et dans ces groupes inférieurs du Règne animal ils *» foopbyies. (I) Chez les Annélides, lesSperma- lozoïdes ont en général nn renflement céphaloïde bien distinct, quoique cylin- drique et peu élargi (a) ; quelquefois ils se contournent en hélice d'une ma- nière très-remarquable (b). Chez les Clepsines et les Néphélis, ils sont con- tenus dans des spermatophores (c). Chez les Nemertiens surtout, leur portion céphaloïde est subovalaire, mais peu élargie et allongée (d), d'au- tres fois piriforme (e). Chez la Planaire verruqueuse, les Spermatozoïdes sont filiformes, très- allongés et sans renflement cépha- loïde distinct (f). (2) Les Spermatozoïdes des Coral- liaires et des Échinodermes sont pour- vus d'un renflement céphaloïde assez gros, bien distinct du filament caudal, et en général ovalaire (g) , mais quel- quefois globuleux (h). La conformation des corpuscules séminaux est à peu près la même chez les Médusaires (i) ; il est cependant à noter que quelquefois leur portion céphaloïde est cylindrique et très- élargie, par exemple chez la Cassiopée bourbonienne (j). Enfin on en a constaté l'existence chez lesSpongilles(A:), les Téthyes (/) ■ ta) Par exemple, chez le Lombric terrestre : voy. Kolliker, Die Bildung der Samenfdden, pi. 2,|tig.l~. — Les Polyophlhalmiens : voy. Quatrefages, Mém. sur la famille des Polyophthalmiens (Ann. des sciences nat., 3* série, 1850, t. XIII . pi. 2, iig. 13). — Les Hermelles : voy. Quatrefages, Mém. sur la famille des Hermelliens (Ann. des sciences nat., 3* série, 1848, t. X, pi. 3, fig. 2). — LesSyllis: voy. Keferstein, Vntersuchungen ùber niedere Seethiere(Zeilschr. furwissensch. Zool., t. XU, pi. 9, fig. 44). (b) Kolliker, Beitràge zur Kenntniss der Geschlechtsverhàltnisse und der Samen/lùssigkeit wirbelloser Thiere, 1841, pi. 2, fig. 10. (c) Fr Mùller, Ueber die Ceschlechtstheile von Clepsine und Nephelis (Mùller's Archiv fur Anat. und Plujsiol., 1840, p. 138, pi. 8, fig. 11-13). — Robin. Mémoire sur les Spermatophores de quelques Hirudinées {Ann. des sciences nat., i' série, 1861, t. XVII, p. 5, pi. 2). (d) Par exemple, chez le Semertes Khronii et le If. Epponbergii : voy. Kolliker, Die Bildung der Samenfdden, pi. 3, lu,-. 51 et 52. — Le Borlasia balmea : voy. Quatrefages, Mém. sur la famille des Némertiens (Ann. des sciences nat., 3« série, 1840, t. VI, pi. 9, fig. 6). (e) Par exemple, chez la Polia humilisel\aP.baculus:\oy.Qualre{;igcsloc. cit., pi. 11, fig. 5 etO. (f) Kolliker, 0p cit., pi. 3, fig. 59. (g) Exemples : les Spermatozoïdes de diverses espèces d'Actinies : voy. Kolliker, Beitràge, pi. 5 , fig. 1, 2 et 3. — Ceux de l'Echinus saxatdis : voy. Kolliker, Op. cit., pi. 1, fig. 4. (h) Par exemple, chez les Synaples : voy. Quatrefages, Mém. sur la Synapte de Duvernoy (Ann. des sciences nat., 2" série, 1842, t. XVII, pi. 5, fig. 2). — La Comaiulc de la Méditerranée : voy. Kolliker, Die Bildung der Samenfdden in Blàschen, pi. 2, fig. 19. (i) Par exemple, chez les Équorées : voy. Milne Edwards, Observations sur la structure, etc., de quelques Zoophytes (Ann. des sciences nat., 2* série, 1841, t. XVI, pi. 1, fig. 1 d). — Les Chrysaores : voy. Kolliker, Beitràge, pi. 1, fig. 9. — Les Rhizostomes : voy. Kolliker, Op. cit., pi. 1, fig. 8. — Le Polyclonia frondosa : Agassiz, Contributions to the N'atural History of the United States, t. III.pl. 13 a, fig. 23. (j) Kolliker, Die Bildung der Samenfdden, pi. 2, fig. 18. (fe) Leberkùhn, Zur Eiitwickehingsgeschichte der Spongilen (Mùller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1856, p. 500, pi. 15, fig. 34 ; pi. 18, fig. 17). (/) Huxley, Zoological Notes and Observation!:, on the Anat. ofthe genus Tethva (Ann. ofSai. HM., 2* série, 1851, t. VII, r, 370. 350 REPRODUCTION. ne présentent aucune particularité notable dans leur mode de conformation ou dans leur manière d'être, mais ils ressem- blent beaucoup aux corpuscules urticants qui se déve- loppent dans certaines parties du système tégumentaire, ou même dans des organes intérieurs, chez un grand nombre Mode d'Acalèphes et de Coralliaires, et au premier abord il est facile de développement de les confondre avec ces organites (1). des spermatozoaires Dans ces derniers temps, le mode de développement des Spermatozoïdes a été étudié avec beaucoup de soin par plu- sieurs physiologistes, mais principalement par M. Kôlliker (2). Ces corpuscules se constituent dans l'intérieur de petites (1) Les corpuscules qui constituent les cordons filiformes éjaculés par di- verses Actinies, et qui ont été décrits d'abord par M. Wagner comme étant des Spermatozoïdes (a), ne sont autre chose que des nématocystes ou cap- sules sétifères ratifiantes. Les vérita- bles Spermatozoïdes des Actinies ont été observés plus tard par M. Kôl- liker (6). On connaît également ceux de plusieurs autres Coralliaires (c). (2) Le fait du développement des Spermatozoïdes dans l'intérieur des cellules ou vésicules membraneuses paraît avoir été annoncé à la Société des sciences naturelles en 1835 , par Pelletier (cl) ; mais cette communica- tion ne donna alors lieu à aucune pu- blication (e), et M. Wagner fut le pre- mier à consigner dans les annales de la science des observations à ce sujet (/■). L'étude du mode de forma- tion de ces corpuscules sperma tiques fut ensuite portée beaucoup plus loin par M. Kôlliker, et elle a donné lieu à plusieurs autres publications (g). (a) Pi. Wagner, Entdeckung mânnlicher Geschlechtslheile bei den Aclinien (Wiegmann's Archiv fur Naturgeschichte, 1835, t. II, p. 215, pi. 3, fig. 7). (b) Kôlliker, Beitrdge, pi. 1, fig. 13. (c) Par exemple, du Cériantlic: voy. J. Ihiime, Mémoire sur le Cérianthe (Ami. des sciences nat., i- série, 1854, t. I, p. 377, pi. 8, fig. 5). — Du Corail : voy. Lacaze-Duthiers, Histoire naturelle du Corail, pi. 9, fig. 42. (d) Voyez Pelletier, Sur l'origine et le développement des zoospermes de la Grenouille (l'Insti- tut, 1838, p. 132). — Observations sur le mode de formation et le développement des Zoo- spermes citez les Batraciens (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1S40, t. XI, p. 810). (e) Voyez le Bulletin de la Société des sciences naturelles de France, in-4, n" 1 à 3. (f) Rud. Wagner, Die Genesis der Samenthierchen (Miiller's Archiv fur Anut. uni Physiol., 1830, p. 225, pi. 9). — Fragmente zur Physiologie der Zeugung. — Ueber die Spermatozoen (Wiegmann's Archiv fur Naturgeschichte, 1839, p. 40, p).2). (g) Kôlliker, Die Bildung der Samenfâden in Blàschen, 184G (Neue Denkschriften der Allgem. Schweitzerischen Gesellschaft fur gesammle Naturwissenschaften, t. VIII). — W. Burnctt, Researches upon the Origin, Mode of Development and Nature of the Spermatic Particles among the four classes of Yertebrated Animais (Mem. of the American Acad., new séries, vol. V). — D. Martino, Observations sur le développement des Spermatozoïdes des Raies et des Tor- pilles (Ann. des sciences nat., 1840, 3" série t. V, p. 171. — Lallemand, Observations sur le développement des Zoospermes de la Raie (Ann. des sciences nat., 2' série, 1841, t. XV, p. 247). FÉCONDATION, 351 cellules ou utricules membraneuses sphériques, et ces cel- lules naissent en nombre plus ou moins considérable dans l'intérieur d'une cellule commune. Les parois de ces cellules se détruisent spontanément lorsque leur rôle physiologique est accompli, et suivant que la disparition des utricules secondaires ou internes a lieu avant ou après celle des parois de la cellule mère, ou cellule enveloppante commune, la disposition des Spermatozoïdes varie. Lorsque la cellule mère cesse d'exister avant que les cellules secondaires soient mures, celles-ci de- viennent libres, et, comme chacune d'elles produit dans son intérieur un Spermatozoïde, ces corpuscules séminaux naissent isolément dans le liquide qui les renferme. Mais dans le cas contraire, c'est-à-dire quand les parois des utricules secon- daires se détruisent avant que la cellule commune ait cessé de la tenir emprisonnée, les Spermatozoïdes se trouvent réunis en nombre considérable dans un réceptacle commun, et sou- vent ils s'y disposent en faisceau ou d'une manière radiaire autour d'une masse albuminoïde centrale. Or, quand il en est ainsi, il arrive fréquemment que la cellule mère ou cellule commune se détruit à son tour avant la désassociation du groupe ainsi constitué, et que par conséquent les Spermato- zoïdes, quand ils viennent à être mis à nu, se montrent d'abord sous la forme de paquets plus ou moins gros; mais bientôt ils se séparent entre eux et deviennent libres tout comme ceux qui sont nés isolément (1). Le premier de ces inodes de forma- tion se rencontre chez la plupart des Mammifères (2), ainsi que (1) Chez le Pinson (Fringilla cœ- ricure ou caudale de ces corpuscules iebs), par exemple, les Spermatozoïdes est déjà dégagée et libre; ils forment sont réunis parallèlement en un fais- ainsi une sorte de pinceau (a). ceau très-long dont la portion anlé- ('2) Ce mode de développement des Heure reste engagée dans la capsule Spermatozoïdes a été étudié plus parti- commune, lorsque la portion posté- culièrement chez le Lapin (6). (a) Voyez Wagner, Icônes physiologiccc, pi. 1 , lig- !• (()) Kôlliker, Die Bildung der Samenfuden, pi. 4, fi£. H. 352 REPRODUCTION. chez beaucoup d'autres Animaux ; le second a été observé chez un grand nombre d'Oiseaux, de Batraciens, de Poissons carti- lagineux, de Mollusques, d'Insectes et de Vers. Le microscope ne nous a permis jusqu'ici de rien découvrir touchant la structure intérieure des Spermatozoïdes ; leur sub- stance constitutive paraît être amorphe (1); mais, comme je l'ai déjà dit, ces singuliers corpuscules jouissent de propriétés physiologiques très-remarquables. Ainsi , ils exécutent des mouvements qui paraissent être volontaires , ils nagent avec une grande agilité en battant l'eau avec leur longue queue, et, pour peu que l'on observe leurs allures, on ne saurait douter de leur vitalité. Ils ressemblent beaucoup à des Animaux ver- miformes qui seraient d'une petitesse extrême, et les anciens micrographes les désignaient sous les noms d'Animalcules spermatiques ou de Spermatozoaires . Quelques auteurs les considèrent comme des parasites comparables aux Vers intes- tinaux, et leur ont assigné une place dans les cadres zoolo- giques (2) ; mais ils ne sont en réalité que des produits de l'organisme assez analogues aux cils vibratiles des membranes muqueuses dont j'ai déjà eu plus d'une fois à parler. Ils ne périssent d'ordinaire que plus ou moins longtemps après qu'ils (1) Plusieurs observateurs ont cru (2) Bill fut le premier à assigner avoir découvert dans l'intérieur de cer- aux Spermatozoïdes une place précise tains Spermatozoïdes des organes dis- dans la classification du règne animal : tincts, par exemple un tube intestinal; il les rangea, avec les Vorticelles, dans mais les apparences très-vagues dont son genre Macrocerum (b) ; d'autres ils arguent ne peuvent être interprétées zoologistes les ont considérés comme delà sorte (a). très-voisins des Cercariés (c). (a) Valentin, Ueber die Spermatozoen des Bâren {Nova Ac ta Acad. nat. curios., t. XIX, p. 239, pi. 24). — Ehrenbcrg, Infusionsthierchen, p. 465. — Henle, Ueber die Gattung Branchiobdella (Mùller's Archiv fur Anat. vnd Physiol., 183"., p. 574). (b) Hill, Hislory of Animais, 1752. (c) Pa.las, Elenchus Zoophytorum, 1766, p. 416. — 0. F. Mùller, Vermium terrestrium et fluvial ilium historia, 1773, t. 1, p. 65. — Boiy Saint-Vincent, art. Zoospermes [Dictionn. classique d'hist. nat , t. XVT, p. 732 -r~ Cuvier, Règne animal, 3* édit., 1828, t. 111, p. 326, FÉCONDATION. 353 ont quitté l'être qui les a formés, et les conditions les plus favorables à la prolongation de leur existence varient suivant les espèces auxquelles ils appartiennent et les circonstances dans lesquelles la Nature les destine à vivre (1). Ainsi ceux de beaucoup d'Animaux marins périssent promptement dans l'eau douce, tandis qu'ils paraissent se plaire dans l'eau salée, et pour ceux de certains Animaux qui fréquentent les eaux douces, une dissolution de chlorure de sodium peu concentrée agit comme un poison (2). En général, ils ne vivent que quelques heures quand ils sont exposés à l'air ou répandus dans l'eau ; (1) La mort de l'animalqui renferme dans son corps les Spermatozoïdes n'entraîne pas nécessairement la cessa- lion de la viedeceux-ci, et parfois même ils se conservent mieux dans le cada- vre on dans la glande séminale cxtir-. pée ques'ilsavaient été mis en libertéet abandonnés à eux-mêmes. Ainsi, M. de Quatrefagesa trouvé des Spermatozoik- des vivants dans les testicules chez des Brochets morts depuis trois jours (a). Du reste, leur force de résistance varie beaucoup suivant les Animaux aux- quels ils appartiennent. Ainsi les Sper- matozoïdes des Poissons périssent en général très-promptement après leur sortie de l'organisme, et M. de Quatre- fages ne les a vus vivre que quelques minutes , lors même qu'il les plaçait dans les conditions les plus favora- bles : environ deux minutes pour ceux de la Perche et du Barbeau, trois minutes pour ceux de la Carpe, et un peu plus de huit minutes pour ceux du Brochet (b) ; mais, dans une des expériences faites par M. Wa- gner sur la laitance d'une Perche con- servée dans un verre sans mélange d'eau et à une basse température, les Spermatozoïdes étaient encore vivants au bout de quatre jours (c). Spallan- zani a trouvé que les Spermatozoïdes du Chien, exposés à l'air, ne vivaient qu'environ un quart-d'heure, tandis que ceux du Cheval ne périssaient quelquefoisqu'au bout de deux heures, et que ceux de l'Homme conservaient leurs mouvements pendant sept ou huit heures (d). L'urine normale, le mucus médiocrement épais, et la plupart des autres liquides de l'économie animale qui sont faiblement alcalins, ne leur sont pas nuisibles (e). (2) La vitalité des Spermatozoïdes semble ne pouvoir se manifester que lorsque leur substance renferme une certaine quantité d'eau, quantité qui serait variable suivant les espèces, et (aJQuatrefages, Recherches sur la vitalité des Spermatozoïdes de quelques Poissons d'eau douce [Ann. des sciences nat., 3* série, 1853, t. XIX, p. 35U). (b) Quatrefages, Op. cit., \\ 342. (C) Wagner, Traité de physiologie, trad. par Haliels, 1841 , p. 26. (d) Spallanzam, Opuscules de physique, t. 11, p. 187, 111,115, etc. (e) Donné, Cours de mirroscopie, p. 28fi. 354 ftEpnoDUcîioN. mais, ainsi que nous le verrons bientôt, ils conservent parfois toute leur activité pendant plusieurs mois, lorsqu'ils ont été déposés dans les organes génitaux de la femelle (1). L'étin- celle électrique les tue immédiatement et ils ne résistent l'influence de l'eau plus ou moins chargée de sel ou d'autres matières dont l'action chimique n'est pas nota- oie sur ces corps, paraît dépendre principalement des phénomènes osmo- tiques que ce liquide détermine. Ainsi, la dessiccation rend les Spermatozoïdes immobiles, mais ne les tue pas tou- jours, et dans quelques cas il suffit de leur donner de l'eau pour les rendre à toute leur activité. L'action de l'eau, chargée d'albumine , de sucre , de gomme, s'explique de la même ma- nière : dans une dissolution trop con- centrée, les Spermatozoïdes abandon- nent une portion de l'eau qui serait nécessaire à l'exercice de leurs fonc- tions, et lorsqu'ils ont été rendus im- mobiles de la sorte, ils peuvent re- prendre leur mobilité par l'addition d'une certaine quantité d'eau pure (a). Pour les Spermatozoïdes des Animaux marins, qui sont destinés à subir le contact de l'eau salée, l'action de l'eau douce est beaucoup plus nuisible que pour les Spermatozoïdes des Animaux terrestres ou lluviatiles, et détermine souvent leur mort instantanément. Aussi les Spermatozoïdes des Vers marins du genre Hermelle périssent instantanément au contact de l'eau douce (6). (1) Ainsi, chez les Insectes, les Sper- matozoïdes déposés dans l'appareil sexuel de la femelle peuvent y rester vivants des semaines et même des mois entiers. Il en est de. même pour cer- tains Animaux vertébrés, la Salaman- dre terrestre , par exemple (c). Il est aussi à noter que chez quelques Ani- maux le développement des Sperma- tozoïdes ne s'achève qu'après l'intro- duction de ces corpuscules dans l'ap- pareil génital femelle: par exemple, chez les Colimaçons (d). La température exerce beaucoup d'influence sur la résistance vitale des Spermatozoïdes qui ont été expulsés au dehors. Ainsi Spallanzani a vu les Spermatozoïdes de l'Homme, placés du reste dans des conditions analogues, mourir en moins d'un quart d'heure, à la température de 2 à 3 degrés au- dessus de zéro, tandis qu'ils vécurent deux heures à 10 degrés, trois heures à environ 14 degrés, et de sept à huit heures à 27 ou 28 degrés (e). M. de Quatrefages a constaté des faits du même ordre chez les Spermatozoïdes des Poissons (f). (a) Kcilliker, Veber die Vitalitdt und die Entwickelung der Samenfaden (Verhandlungen der l'hijsiologischa Math. Ccsellschaft., 1855, t. VI). (b) Quatrefages, Recherches expérimentales sur les Spermatozoïdes des Her nielles et des Tarets (Ann. des sciences nat., 3' série, 1850, t. XIII, p. 112). (c) Siebold, Veber das receptacnlum seminis der tveiblïchen Urudelen (Zeitschr. fur wissensch. Zoologie, 1858, t. IX, p. 463). (d) Gratiolet, iSole sur les Zoospermes des Hélices et sur les métamorphoses qu'ils subissent dans la vésicule copulatrice, où ils ont été déposés pendant l'accouplement (Journal de conchy liologie, 1850, t. I, p. 116 et 236). (ej Spallanzani, Op. cit., t. II, p. 107. (/') Quatrefages, Sur la vitalité des Spermatozoïdes (Ann. des scien. nat., 3e série, t. XIX, p. 347). FÉCONDATION. 355 guère mieux à l'action de beaucoup de matières toxiques (1). Du reste, la faculté d'exécuter des mouvements, quoique étant en général très-développée chez les Spermatozoïdes qui sont parvenus à l'état de maturité, n'existe pas chez les corpuscules séminaux qui paraissent être appelés à jouer le même rôle chez certains Animaux inférieurs. Considérés par quelques naturalistes comme des parasites wie des comparables aux Vers intestinaux, et comme n ayant aucun spermatozoïdes dans rôle à remplir dans le travail de la reproduction (i), les Sper- ia fécondation, matozoïdes sont regardés par la plupart des physiologistes comme des agents essentiels de la fécondation, et quelques auteurs ont été jusqu'à supposer qu'ils étaient des ébauches d'embryons destinés à se développer dans l'intérieur de l'oeuf (1) MM. Prévost et Dumas ont vu rosif, étendue dans 20 millions de par- que l'étincelle électrique frappait de tics d'eau de mer, tue les Spermato- mort tous les Spermatozoïdes sur zoïdes du Taret en moins de deux lesquels portèrent leurs expériences ; heures (c). mais ils n'ont pas obtenu des effets (2) Ainsi Burdach, dont le Traité analogues en employant un courant de Physiologie a joui d'une grande galvanique (a). vogue en France aussi bien qu'en Alle- Les agents chimiques qui coagu- magne, dit formellement que les Ani- lent l'albumine, ou qui modifient de malades spermatiques sont des Infu- quelque autre manière la substance soires qui se développent dans le constitutive des Spermatozoïdes, les sperme, quand ce liquide est devenu tuent plus ou moins promptement. En très-décomposable ; qu'ils n'ont avec général, les dissolutions alcalines très- l'organisme souche aucune connexion faibles ne leur nuisent pas, mais ils essentielle, que ce n'est pas en eux ne résistent que peu à l'action des que réside la faculté procréatrice, enfin acides, et certaines matières minérales qu'ils ne sont qu'un effet accessoire et sont pour eux des poisons violents, un phénomène concomitant de cette même à très-faibles doses (6). Ainsi une faculté (d). Il serait difficile d'accumu- partie d'eau saturée de sublimé cor- 1er plus d'erreurs en si peu de lignes. (a) Prévost et Dumas, Observations relatives à l'appareil générateur des Animaux mâles, etc. {Ann. des sciences nat., 1824, I. I, p. 288). (6) Kraemer, Observ. minos, et experim. de motu Spermatoworum (Dissert, inaug.). Gaitin.» gue, 184-2. (c) Quatrefages, Sur un moyen de mettre les approvisionnements de bois de la marine à l'abri de la piqûre des Tarets [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1848, t. XXVI, p. 113j. — Kolliker, Physiol. sludien ûber die Samenflussigkeit (Zeitschr. fûv wissensch. ZooL, 183G, t. VII, p. 201). (d) Burdach, Traité de physiologie, trad. par Jourdan, 1857, t. I, p. 133 et 134. 356 REPRODUCTION. et à devenir ainsi le jeune Animal, dont la mère serait pour ainsi dire la nourrice seulement. Il me paraîtrait oiseux de rappeler ici tout ce qui a été imaginé à ce sujet dans le cours du siècle dernier, lorsque l'imperfection des microscopes expo- sait les observateurs inhabiles à une foule d'erreurs (1); mais on ne s'est pas trompé lorsqu'on a attribué aux Spermatozoïdes une grande importance, et les expériences rigoureuses dont la science a été enrichie plus récemment prouvent que c'est en eux que réside la puissance fécondante de la liqueur séminale. Notons d'abord que chez les jeunes Animaux qui ne sont pas encore aptes à la reproduction, les liquides contenus dans les organes génitaux du mâle ne renferment pas de Sperma- tozoïdes, et que chez les Animaux où la faculté reproductrice ne se réveille qu'à une certaine saison de l'année, ces corpus- cules animés n'existent, ou du moins ne sont complètement développés qn'à cette même époque, et manquent ou n'existent que dans un état d'imperfection évident pendant le reste de l'année (2). On sait que certains Animaux hybrides sont slé- (l) On cite souvent, à ce sujet, une prétendue observation de Dalem- patius, qui aurait vu dans la liqueur séminale un Animalcule se dépouiller de son enveloppe, et montrer alors très- distinctement la forme d'un corps hu- main avec tète, bras, jambes, etc. (a). Mais l'écrit dans lequel cette relation se trouvait (6) paraît n'avoir été qu'une plaisanterie faite par François de Plan- tade, secrétaire de la Société royale de Montpellier (c). Buffon confondit les Spermatozoïdes avec les corpuscules agités par le mouvement brownien, qu'il trouva dans les ovaires ainsi que dans d'autres parties (d) et il considéra les uns et les autres comme étant de ces molécules organiques dont j'ai déjà eu à parler dans la précédente Leçon (e). Needham adopta des vues analogues, et considéra les Spermato- zoïdes comme étant le résultat de la décomposition du sperme. (2) Je reviendrai sur ce sujet lorsque je traiterai de la reproduction dans chacun des principaux groupes du Règne animal. (a) Buflbn, Histoire des Animaux (Œuvres, édit. de Desmarest, t. XII, p. 163). (&) Dalempatius, Lettre concernant une observation microscopique de la semence qu'on trouve dans la Nouvelle république des lettres, 1 699. (c) Portai, Histoire de l'anatomie, 1. IV, p. 231. (d) Buffon, Histoire des Animaux, p. 489 et sniv. («) Voyez ri-dessus, page 247. FÉCONDATION. 357 rilcs, les Mulets, par exemple, et le microscope a souvent permis de constater que chez ces métis inféconds il n'y a pas de Sper- matozoïdes (1). Enfin, dans les cas où la vieillesse amène l'impuissance, ces corpuscules spermatiques manquent égale- ment (-2). Dans diverses expériences sur la fécondation artificielle, on Preuves ' il- ' de la faculté a constate que la liqueur séminale dans laquelle les Spermato- fécondante zoïdes avaient été tués, soit par une exposition prolongée à spermatozoïdes. l'air, soit par l'action de la chaleur ou de divers agents chimi- ques, était sans action sur les œufs, et Spallanzani a trouvé que la fillralion de ce liquide suffit pour produire le même résultat. D'après tous ces faits, on devait être très-porté à croire que la puissance fécondante du sperme était liée à l'existence et à la vitalité des Spermatozoïdes dont ce liquide est chargé ; mais, pour ohlenir la démonstration de ce fait, il fallait des expé- riences comparatives, et celles-ci n'ont été bien instituées que de nos jours. On les doit à deux savants dont j'ai eu sou- vent l'occasion de citer les travaux, Prévost (de Genève), et M. Dumas, qui, avant d'être un des chimistes les plus emi- (1) L'absence de Spermatozoïdes les dimensions, ni la forme de ceux dans la liqueur séminale des Mulets propres à Tune ou à l'autre des espè- ordinaires a été constatée par plusieurs ces citées (b). naturalistes. Dans quelques casexcep- (2) Dans certains cas de stérilité du tionnels, ces métis deviennent fé- mâle, les Spermatozoïdes existent en conds (a). petit nombre dans la liqueur sémi- M. Wagner a trouvé quelques Sper- nale, mais n'atteignent pas leur déve- matozoïdes dans la liqueur séminale loppement normal, ainsi que j'ai eu d'un métis de Serin et de Cbardonne- l'occasion de l'observer chez un Coq très- ret, mais ces corpuscules n'avaient ni vieux et inapte à la reproduction (c). (a) Hebenslreit, Journal encyclopédique, 17G-2 (voy. Bonnet, Considérations sur les corps organisés, t. II, p. 211). — Gleiclien, Dissertation sur la génération, p. 45. — Prévost et Dumas, Op. cit. (An», des sciences nal., 1824, t. I, p. 18ii. — Hausmann, Ueber den Mangel der Samenthierclien bei Hausthieren, 1841. (b) Wagner, Physiologie, p. 38. (c) Lallemand, (Jbserv. sur l'origine et le mode de développement des Zoosper.nes [Ann. d sciejiccs nat., 3« série, 1841, t. XV, p. 43). les MU. o5(S REPRODUCTION. nents de son temps, s'occupait avec un succès éclatant d'études physiologiques. Dans toutes les expériences dont je viens de rendre compte, de môme que dans celles où les Spermatozoïdes avaient été tués par un choc électrique, on ne pouvait pas être certain que la perte de la puissance fécondante fût occasionnée par la mort de ces corps, et ne tînt pas à d'autres modifications déterminées dans la constitution de la liqueur séminale par les agents dont on avait fait usage. Dans l'expérience de Spallanzani sur le sperme étendu d'eau et filtré, on pouvait aussi attribuer, non à l'absence de Spermatozoaires, mais à l'altération de quelque autre partie de la liqueur prolifique, l'inaptitude de celle-ci à féconder les œufs. Pour décider la question, il fallait s'assurer qu'il n'en était pas ainsi, et cela a été fait par MM. Prévost et Dumas de la manière suivante : Une certaine quantité de sperme de Grenouille convenable- ment étendu d'eau fut jetée sur un filtre approprié à cet usage ; puis le liquide qui s'écoula à travers le papier, et qui ne ren- fermait pas de spermatozoïdes, fut mis en contact avec des œufs non fécondés ; d'autres omfs semblables furent alors arrosés avec le résidu resté sur le filtre, et qui consistait essentielle- ment en Spermatozoïdes. Ces derniers œufs donnèrent bientôt des indices de fécondation et se développèrent d'unemanière nor- male, tandis que les premiers restèrent stériles et ne tardèrent pas à se corrompre. Ainsi le sperme dépouillé de ses Spermato- zoïdes avait perdu ses propriétés fécondantes, et les Sperma-^ tozoïdes, séparés mécaniquement des autres parties constitu- tives de ce liquide, avaient conservé cette faculté. La même expérience, répétée plusieurs fois, donna toujours les mêmes résultats (1). 11 est donc évident que c'est aux Spermatozoaires (1) MM. Prévost et Dumas varièrent monslration, et toutes leurs expérien- de diverses manières ce genre de dé- ces, dont il serait trop long de donner FECONDATION. 359 que le mélange, c'est-à-dire la liqueur spermatique, doit son pouvoir fécondant. Il est également à noter que, dans toutes ces expériences de fécondation artificielle, le microscope lit découvrir un nombre plus ou moins considérable de Spermatozoaires fixés sur la surface de l'œuf de la Grenouille ou pénétrant dans la sub- stance albumineuse dont la sphère vitelline est entourée. § 3. — La condition de toute fécondation parait être en Los effet le contact matériel des Spermatozoïdes vivants avec l'œuf SpepSS|es à l'état de maturité. Les faits nous manquent pour décider si ce c,ansl'œuf- son! ces singuliers corps eux-mêmes qui possèdent la propriété fécondante, ou s'ils sont seulement les agents chargés de trans- porter jusque sur l'œuf une matière fécondante particulière qui serait distincte de leur substance constitutive. Mais pour que le mouvement organisateur qu'ils impriment à l'œuf soit suffisant pour déterminer la formation d'un Animal nouveau, une quan- tité de la matière fécondante supérieure à celle fournie par un de ces corps paraîtrait être nécessaire. Dans les expériences de MM. Prévost et Dumas, on trouva toujours plusieurs Sper- matozoïdes sur chaque œuf (1), et, dans des recherches ana- ici le détail, tendirent à prouver que le contact direct des Spermatozoïdes et de l'œuf est la condition essentielle de la fécondation de celui-ci (a). En 18i0, Prévost répéta avec succès cette expé- rience en séparant les parties liquides et solides du sperme de la Grenouille au moyen d'une action osmotique (6), et plus récemment Newport a obtenu les mêmes résultais en se servant d'un filtre (c). (1) Ces physiologistes remarquèrent aussi que ie nombre des œufs fécondés était toujours très-inférieur à celui des Spermatozoïdes employés {d). M. de, Quatrefages a obtenu des résultats [a) Prévost et Dumas, Second Mémoire sur la génération [Ann. des sciences nat., 1821, i. Il, p. 1 41 et suiv.). (6) Prévost, Recherches sur les Animalcules spermatiques (Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, 1810, t. XI, p. 908). (c) G. Newport, Un the Imprégnation of the Ovwn in the Amimibia (Philos. Trans., 1850. p. 169). [à) Prévost et Damas, Deuxième Mémoire sur Ut génération (Ann. des sciences nal., 1821, l. 11, p. 145 et suiv.). 360 REPRODUCTION. logues faites plus récemment en Angleterre par Newport, on a vu que le travail embryogénique avortait toujours dans les œufs qui n'avaient reçu le conctact que d'un ou de deux Sper- matozoïdes, tondis qu'il se poursuivait d'une manière normale là où la dose de cette matière fécondante avait été notablement plus forte. § h. — Ainsi que je l'ai déjà dit, les Spermatozoïdes qui se fixent sur la surface de l'œuf de la Grenouille pénètrent pro- fondément dans la couche albumineuse dont la sphère vitelline est entourée, et on les a vus s'avancer de la sorte jusque sur la membrane qui limite cette sphère. Cette pénétration des Spermatozoïdes jusque sur le globe vitellin paraît être même une condition de fécondation ; car, lorsque les œufs des Batra- ciens dont il est ici question ont été préalablement exposés à l'action de l'eau, de façon que leur albumen se trouve gonflé par l'absorption de ce liquide, les Spermatozoïdes ne peuvent s'y enfoncer, et alors la fécondation ne s'opère pas (1). analogues dans les expériences sur la fécondation artificielle des œufs de di- vers Annélides (a). Les expériences de Newport tendent à établir que les premiers phénomènes dénotant l'activité embryogénique se manifestent plus promptement quand la quantité de matière fécondante em- ployée a été considérable, que lorsque cette quantité est très-faible (6). (1) MM. Prévost et Dumas ont con- staté que l'eau absorbée par l'albu- mine de l'œuf de la Grenouille pen- dant que cette substance gélatineuse se gonfle est l'agent mécanique qui détermine la pénétration des Sperma- tozoïdes jusque sur la sphère vitel- line (c). Les actions osmotiques qui s'établissent entre l'œuf et le liquide ambiant nous expliquent pourquoi, lorsque ces corps sont en contact avec du sperme très-concentré, il peut arri- ver qu'ils ne soient pas fécondés ; fait qui a été remarqué par plusieurs physiologistes {cl). En effet, si le cou- rant osmotique, au lieu d'aller de (a) Quatrefages, Expériences sur la fécondation artificielle des œufs d'Hermelle et de Taret (Ann. des sciences nat., 5e série, 1850, t. XIII, p. 128). (b) Newport, Op. cit. (Philos. Trans., 1850, p. 210). (c) Prévost et Dumas, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1824, t. II, p. 129. (d) Quatrefages, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 3- série, 1851, t. XIII, p. 131 el suiv.). — Newport, On the Imprégnation of the Ovum of the Amphibia, second séries (Pliilus. Trans., 1853, p. 253). FÉCONDATION. 361 Des phénomènes analogues ont été observés chez beaucoup d'autres Animaux. Ainsi, chez divers Mammifères, on a vu les Spermatozoïdes logés plus ou moins profondément dans la couche de substance albuminoïde qui entoure la sphère vitel- line (1), et plusieurs observateurs habiles assurent les avoir suivis plus loin, c'est-à-dire au delà delà membrane vilelline et jusque dans le vitellus. Je ne parlerai pas ici de ce qui en a été dit par quelques MicroPyie auteurs du siècle dernier, qui se lancèrent dans le domaine de la fantaisie (2); mais, à raison de l'importance du sujet, je crois devoir entrer dans quelques détails relatifs aux faits annoncés successivement par plusieurs des ovologistes les plus habiles de l'époque actuelle. 31. Martin Barry fut le pre- mier à apercevoir chez le Lapin, dans l'enveloppe de la sphère vitelline, une petite fente qui lui parut livrer passage aux Sper- matozoïdes, et il annonça également avoir constaté la présence de ceux-ci dans l'intérieur de l'œuf de cet Animal (3). Mais son opinion ne rencontra d'abord que des incrédules, et elle dehors on dedans, et d'entraîner ainsi les zoospermes vers l'intérieur de l'œuf, s'établit de celui-ci dans Le liquide ambiant, il deviendra un ob- stacle pour la pénétration des Sper- matozoïdes. (1) Par exemple Andry, qui, au commencement du xvme siècle, était doyen de la Faculté de médecine de Paris (a). (2) Pour plus de détails sur l'his- torique de cette question , je renverrai à un article très-bien fait de M. Ed. Claparède (6). (3) Les premières observations de M. Martin Barry sur ce sujet datent de 1860. A cette époque, il avait re- marqué seulement, sur la surface de la membrane transparente ou zone pellucide de l'œuf du Lapin non encore fécondé, un point qui lui paraissait être un orifice, et dans un cas il avait aperçu dans ce même point un objet qui ressemblait beaucoup à un Sper- matozoïde' pénétrantjdans l'intérieur de l'œuf; mais il ne présenta ces ob- servations qu'avec beaucoup de ré- serve . En 1843, le même physiolo- (o) Andry De la génération des Vers dans le corps de V Homme, 1700. - Éclaircissements sur le livre de la génération, 1709. ^mu ussements J>) Claparède, Sur la théorie de la fécondation de Vœuf (Bibliothèque universelle de Genève Sciences physiques, t. \X1X, p. 284). "•»» w wnew, 3G2 REPRODUCTION. était déjà presque oubliée des physiologistes, lorsque, en 1852, M. Nelson (de Glasgow) arriva à des résultats analogues en étudiant l'œuf d'un Ver intestinal, Y Ascom mystaoo (i); et Newport, qui, pendant longtemps, avait combattu les vues de Barry, reconnut que non-seulement les Spermatozoïdes par- viennent en grand nombre jusque sur la membrane vitelline de l'œuf delà Grenouille, mais traversent cette tunique et se rendent dans l'intérieur du vitellus(2). Peu de temps après la publication de ces observations, M. Keber (d'Insterberg) annonça que chez les œufs de certains Mollusques (les Unio et les Anodontes), il existe à la surface de la sphère vitelline une ouverture en forme de goulot, à laquelle il appliqua le nom de micropyle, et que cet orifice livre passage aux Spermatozoïdes (3). Enfin, l'un des embryqlogistes les plus célèbres de l'Allemagne, M, Bischoff, après s'être souvent élevé contre les opinions giste se prononça d'une manière pins positive sur ce sujet, et affirma avoir vu des Spermatozoïdes clans l'inté- rieur de l'œuf (a) ; mais la plupart des embryologistes pensèrent qu'il s'en était laissé imposer par quelque appa- rence illusoire (b). (1) Cet auteur, en étudiant Y Ascaris myslaœ, a vu les particules spermati- ques pénétrer dans les œufs qui ne paraissent pas être limités par une membrane vitelline (c). Là il n'y au- rait pas d'orifice particulier compa- rable au micropyle dont parle M. Barry, et l'introduction du sperme dans la masse vitelline se ferait par tous les points de la surface de celle-ci. (2) Newport n'a conservé aucun doute relativement au passage des Spermatozoïdes à travers la membrane vitelline de ces œufs et à leur entrée dans la substance du vitellus. 11 pense que ce passage n'a pas lieu par un ou plusieurs orifices particuliers compa- rables au micropyle dont il a été question ci-dessus, mais indifférem- ment par des points quelconques (d). (3) L'ouvrage publié sur ce sujet par M. Keber est loin de présenter le haut degré de nouveauté que son au- (a) Barry, Iïesearches on Embryology, third séries {Philos. Trans., 1840, p. 533, pi. 22, îdeni, Spermatozoa observed tvithin the Mammiferous Ovum (Philos. Trans., 1843, ' (b) Bischoff, Traité du développement de l'Homme et des Mammifères, trad. par Jourdan, 1813 p. 29 (c)' Nelson, The Reproduction of the Ascaris mjstax (Philos. Trans., 1852, p. 563, pi. 28, (]«• 59 etc.) (fi) G. Nrwpmt, On the Imprégnation ofthe Ovum in Amphibia, second série» (PMto». Trans., 1853, p. 271, noir). FÉCONDATION. 363 dont je viens de parler, reconnut formellement l'exactitude des observations de Barry et de Newport. 11 assura avoir par- faitement bien constaté la présence des Spermatozoïdes dans l'intérieur de la sphère vitelline chez le Lapin et la Grenouille (1). Des faits du même ordre furent publiés bientôt après, tou- chant la pénétration des Spermatozoïdes dans l'intérieur de l'œuf chez les Ascarides, chez divers Insectes, chez la Crevette des ruisseaux et chez quelques autres Animaux (2) . Plus récemment, ces résultats importants ont été corroborés m ce qu'ils ont d'essentiel par d'autres observations, et leur lui attribua , et paraît comcnir doit avoir d'autant plus de poids aux beaucoup d'erreurs (a). 11 a été l'ob- yeux des physiologistes, que pendant jet de critiques très-vives (b), mais a longtemps il s'était très -nettement contribué à fixer l'opinion des ovolo- prononcé contre l'opinion de Barry gistes sur la question soulevée par touchant l'existence d'un micropyle M. Barry. Les observations de M. Leuc- et la pénétration des Spermatozoïdes kart sur le micropyle de l'œuf des dans l'intérieur de l'œuf proprement Naïs sont plus exactes (c), et il est à dit. En 1854, il est venu déclarer for- noter que l'existence d'un orifice de mollement que Barry et Newport ce genre avait -aussi été décrite anté- avaient raison, et que, comme eux, il rieurement chez l'œuf des Syngnathes, avait bien constaté le passage des Spcr- par Doyère (d), ainsi que dans les œufs nialozoïdesdansrinténeurdcl'œuf.iant ileVHolothuria tubulosa, delà Thyone chez le Lapin que chez la Grenouille [h). fusus et de YOphiotrix, par J. MM- (2) En 18ôi, M. Meissner publia 1er (o); des Modiolaria et des Car- un travail très-estimé sur la structure diums, par M. Loven (/'), et de teSter- de l'œuf de divers Animaux infé- napsis thalassoides, par M. Millier (g). rieurs, et se prononça nettement sur le (1) Le témoignage de M. BischoiT fait de la pénétration des Spermato- (fl) F. Keber, Ueber den Eintritt der Samemellen in dem Ei. Ein Beitrdge *ur Physiologie der Zeugung. Kônigsbcrg, 1853. (6) Bischoff, Widerlegung des von D' Keber bei den Najaden und D' Nelson bei den Ascariden behauptelen Eindringens der Spennatoioiden in das Ei. Giesson, 1853. — Hessling, Einige Bemerlmngen zu des D' Keber's Abhandlung : Ueber den Eintritt., etc. (Zeitschrift fur wissenschaftliche Zoologie, 1854, p. 392). — Mayer, Ueber das Eindringen der Spermatozotden in das Ei [Verhandlung des Naturhisto- risr.hen Vereines der preussischen Reinlande und Westphalens, 1850, p. 200). (r) Leuekart, art. Zeugung (Wagner's Ilandivorte.rbuch der Physiologie, t. IV, p. 801). — Beisati m Biselioff's Widerlegung, 1853. (d) Doyère, No te sur l'œuf du Loligo média et celui du^tngnathe(yinstitut,l850, t. XVlII.p. 12). (e) J. Miillei-, Untersuchungen iiber die Métamorphose der Ecliinodermen ; vierte Abhandl., 1852, p. 41. if) Loven, Bidrag till Kunncdomen om utverkUngen of Mollusca acephalu lamellibranchiala [YctensUaps-Akad. llandlingar, 1818|. w/i Max. Mullcr, De Yermibus quibusdam maritimis, dissert. inaug. Berolini, 1852. (/!.) Bischoff, Bestutigung des von D' Newport bei den Batracheiren und D' Barra bei den Kaninchen behaupteten Eindringens der Spermatoaolden in das Ei, fiiessen, 1S54. 3G& REPRODUCTION. il parait bien démontré que dans l'acte de la fécondation les Spermatozoïdes pénètrent jusque sur ou même dans la masse vitelline (1). perfectionne- §5. — Connaissant les conditions essentielles qui doivent ments de rappareii être remplies pour que la reproduction sexuelle puisse s'eflec- fecondateur. .. , .. tuer, nous chercherons comment la JNature les réalise, et, après avoir complété de la sorte le coup d'œil général que je me proposais de jeter sur cet ordre de fonctions, nous revien- drons à l'histoire des Spermatozoïdes pour en étudier la con- formation, les propriétés physiologiques et le mode d'origine. § 6. — Dans les fonctions de reproduction, de même que pour les fonctions de nutrition dont l'étude nous a occupés pré- cédemment, la loi de perfectionnement par la division du tra- zoïdes. Ses recherches portèrent prin- cipalement sur des Ascarides, le Mer- mis albicans, les Lombrics terrestres, divers Insectes, tels que des ^louches, des Tipules et des Cousins, des Co- léoptères (Lampyres, Elater, Tèlè- phores) , des Lépidoptères ( Pieris , Liparis , etc.) , des Hyménoptères (Tenthredo, Sirex, etc.), et des !\é- vroptères (Agrion et Panorpe). Il a examiné plus de deux cents espèces, et il a souvent été témoin de l'entrée des Spermatozoïdes dans le vitellus par le micropyle (a). Cet orifice a été observé aussi dans l'œuf de beaucoup de Poissons (6). (1) M. Lacaze-Duthiers a fait à ce sujet des observations très -intéres- santes chez les Dentales. 11 pense que le micropyle décrit par ses prédéces- seurs est souvent un orifice de la coque de l'œuf plutôt que de la membrane vitelline ; mais que dans les premiers temps la sphère vitelline n'a pas de tunique membraneuse de ce genre ; de sorte que les Spermatozoaires qui pénètrent par l'ouverture en question peuvent arriver directement sur le vitellus. Quoi qu'il en soit, M. Lacaze-Du- thiers a souvent vu très-distinctement les Spermatozoïdes pénétrer sous l'en- veloppe de l'œuf, et se loger entre elle et le vitellus vers le centre duquel ces corpuscules vermiformes paraissaient vouloir pénétrer (c). (a) Meissner, Ueobachtungen iiber das Eindringen der Samenelemente in den Dotter (Zeitschrift fitr ivissensch'. Zoologie, 1854, t. V(, n° 1 . p. 208, pi. 0 et 7; n- 2, loc. cit., p. 272, pi. 9). (b) Brach,Ueter die Mikropyleder Fische (Zeitschrift fur wissensch. Zoologie,iS5i , t. VU, p. 4 72). P.anson, On the imprégnation of the Ovam of the Stickleback (Proceed of the Roy. Soc. 1854, t. VII, p. 468). — Reichert, Ueber die Mikropyle der Fische, etc. (Mùller's Archiv fur Anat. und Physiol, 1850, p. 83, pi. 4 tiçr. 1-4). R. Leuckart, Ueber die Mikropyle und den feineren Bau der Schalenhaut beidenlmseckten- Eiern (Mùller's, Archiv fur Anat., 1855, p. 90). (c) Lacaze-Duthiers, Histoire de l'organisation et du développement du Dentale [Ann. des sciences nat., 4*' série, 185", t. VII, p. 204). FÉCONDATION. 365 vail et la spécialité des instruments règle les grandes modifi- cations que l'on rencontre lorsqu'on passe en revue les divers groupes du Règne animal, depuis les Zoophytes les plus simples jusqu'à l'Homme. Ainsi, nous avons déjà vu que chez quelques-uns des Ani- maux les plus inférieurs, le travail de la reproduction a lieu indifféremment dans presque toutes les parties de l'organisme, et n'a pour s'accomplir aucun agent spécial (1). Chez les Hydres, par exemple, les ovules, d'une part, et les Spermato- zoïdes, d'autre part, se développent dans la substance du tissu commun, et sont mis en liberté par la rupture des parois de la cavité qui les renferme: il n'y a ni organe sécréteur spécial , ni voies préétablies pour l'évacuation des produits, ni aucune disposition particulière qui soit propre à favoriser le rappro- chement des ovules et des Spermatozoïdes, dont dépend la fécondation des produits génésiques. Ce rapprochement est abandonné au hasard, et c'est par diffusion dans le milieu ambiant, ou par l'action des courants de celui-ci, que l'élément mâle est mis en contact avec l'élément femelle (2). Un premier degré de perfectionnement des fonctions de la reproduction est obtenu par la localisation du travail reproduc- teur des ovules, et des phénomènes dont dépend la formation des Spermatozoïdes, dans des organes spéciaux, qui sont, d'une part, un ovaire, d'autre part, un testicule. Ces instruments physiologiques appartiennent à la classe des glandes, et con- sistent essentiellement en une substance qui donne naissance à des utricules ou cellules membraneuses d'une nature parti- culière. Ces utricules constituent tantôt des ovules, d'autres fois les capsules spermatiques dont j'ai déjà eu l'occasion de parler dans cette Leçon ; et Jes Spermatozoïdes, de même que (1) Voyez ci-dessus, page 329. giaires aussi bien que chez les Hydres (1) Cette diffusion de la faculté re- d'eau douce. Nous y reviendrons dans productrice existe chez les Spon- une des Leçons suivantes. of)G REPRODUCTION. les ovules ainsi produits, doivent être mis en liberté, résultat qui peut être réalisé par le seul l'ait de la rupture du tissu circon voisin, si les glandes ovariennes et testiculaires sont pla- cées près de la surface extérieure du corps. Ces deux sortes de glandes constituent alors à elles seules tout l'appareil de la génération. Mais lorsque les fonctions de celui-ci se perfec- tionnent, la division du travail s'v introduit : le môme instru- ment cesse d'être affecté à la ibis à la production et à l'éva- cuation des éléments génésiques, et des voies préétablies sont disposées pour la sortie tant du sperme que des ovules, ce qui permet aux organes producteurs de se loger plus profondé- ment dans l'économie, et d'être par conséquent mieux proté- gés. Ici, de même que pour les fonctions dont l'étude nous a déjà occupés, ce résultat peut être obtenu par voie d'emprunt, et chez les Animaux dont l'appareil reproducteur est très- simple, nous verrons tantôt la cavité digestive, tantôt la chambre viscérale, servir de canal excréteur pour les ovaires et pour les produits des organes mâles (1). Mais, chez tous les Animaux les plus parfaits sous ce rapport, la Nature crée pour cet usage des conduits spéciaux, et il existe, en communication avec la glande génésique, un tube particulier qui est appelé oviducte, lorsqu'il appartient à l'ovaire, etcanal déférent, lorsqu'il dépend du testicule. Chez les Animaux inférieurs dont l'appareil reproducteur est (l) Ainsi, chez tous les Coralliaires, lesquels la chambre viscérale ou ca- les organes de la reproduction sont vite digestive communique directe- suspendus dans l'intérieur de la grande ment à l'extérieur, et sert à l'évacua- cavité digestive, et c'est par la bouche lion des œufs et du sperme, je citerai que leurs produits sont expulsés au les Poissons de la famille des Lani- dehors (a). proies. Je reviendrai sur ce sujet dans Comme exemple des Animaux chez la 75e Leçon. (a) Par exemple, le Corail (voy, Milne Edwards, l'Atlas du Itègne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 80, 6g. 1 6). — Les Actinies ou Anémones de mer (Milne Edwards, loc. cit., pi. 88, flg. 2). — Lacaze-Dntliicrs, Histoire naturelle du Corail, p. 127 et giiiv. FÉCONDATION. 367 constitué de la sorte, de même que chez ceux où le travail génésique n'est pas encore devenu l'apanage d'organes parti- culiers, le rôledes parents ne consiste que dans l'élaboration et l'excrétion des ovules et delà liqueur séminale ; la réalisation du phénomène de la fécondation est abandonné au hasard, et le con- tact des Spermatozoïdes et de l'ovulen'est déterminé que par les courants dont le fluide ambiant est le siège, ou par quelque autre cause accidentelle et indépendante de l'action des êtres produc- teurs: aussi y a-t-il alors souvent beaucoup d'œufs qui ne sont pas fécondés et beaucoup de semence qui ne trouve pas d'emploi. Mais, chez les Animaux d'un rang plus élevé, la Nature tend à économiser davantage les produits einbryogéniques en assu- rant de mieux en mieux la rencontre des deux éléments dont la réunion est nécessaire au développement de l'être futur : l'ovule et les Spermatozoïdes. Cependant, ainsi que je l'ai déjà dit, une autre condition de perfectionnement physiologique est la division du travail, qui a pour effet la localisation des divers phénomènes génésiques dans autant d'organes spéciaux. Or, ces deux tendances ne sauraient poursuivre loin leur cours sans devenir opposées, à moins que les résultats qu'elles déterminent ne soient accompagnés de complications considérables dans l'acte de la reproduction. En effet, pour que la première de ces conditions de perfectionnement soit réalisée chez des Ani- maux d'une structure peu complexe, il suffit que l'organe ovi- gène et l'organe spermatogène soient réunis chez le même individu et disposés de façon que leurs produits se mêlent pen- dant leur passage au dehors. Mais la division croissante du travail génésique amène bientôt la séparation des organes milles et des organes femelles, d'abord dans deux appareils distincts chez le même individu, puis chez deux individus de même espèce dont les fonctions sont différentes. Alors la mise en rapport des ovules et des Spermatozoïdes nécessite le rappro- chement sexuel de ces deux individus, et ne peut être bien gynes. 368 REPRODUCTION. assurée que par l'introduction de l'élément fécondant dans l'in- térieur des cavités destinées à produire les ovules, ou à les con- duire de l'ovaire hors de l'organisme de l'individu femelle et à les abandonner, au milieu ambiant. La fécondation, au lieu de se faire à l'extérieur et après la ponte, s'opère alors dans l'in- térieur du corps de la femelle, et quelquefois même très-long- temps avant la sortie des produits fournis par l'ovaire. On conçoit donc que chez les Animaux dont l'appareil repro- ducteur est d'une structure très-simple , l'hermaphrodisme puisse être à certains égards une condition de perfectionne- ment. Certains Échinodermes, dont l'anatomie a été étudiée avec habileté par M. de Quatrefages, nous en offrent un exemple remarquable. En effet, ce naturaliste a constaté que, chez les Synaptes, le tissu ovarien et le tissu sécréteur de la liqueur séminale sont fixés aux parois d'un même tube membraneux qui fait office tout à la fois d'oviducte et de canal déférent : or, les choses y sont disposées de telle sorte que les œufs, en se portant au dehors, frottent contre le tissu spermatogène, et déterminent aussi la rupture des utricules où se développent les Spermatozoïdes. Ceux-ci, mis en liberté par cette action toute mécanique, entourent immédiatement l'œuf et le fécon- dent avant son évacuation au dehors (1). (1) Ces observations ont été faites chez la Synapte de Duvernoy, qui ha- bite nos côtes. L'appareil générateur de cet Animal consiste en trois paires de cordons qui flottent dans la cavité viscé- rale etquidéhouchent au dehors parmi orifice commun situé près de l'extré- mité antérieure du corps. Ces cylin- dres sont creux, et, à l'époque de la reproduction , ils sont tapissés par des mamelons formés d'un tissu utri- culaire, dans les cellules duquel se développent des Spermatozoïdes. En- fin, dans les espaces que les bases de ces tubérosités testiculaires laissent entre elles, se trouve un autre tissu qui est ovigène, et qui constitue par conséquent un ovaire. Les œufs qui y prennent naissance s'en détachent bientôt, et tombent dans la cavité du tube générateur, où ils compriment les mamelons spermatogènes, en rom- pent les cellules, et déterminent la sortie du liquide séminal, qui est ainsi mis en contact avec leur surface. L'hermaphrodisme est donc ici aussi FÉCONDATION. 360 Mais, dans l'immense majorité des cas, la séparation des organes maies et femelles semble avoir plus d'importance que l'emploi économique de leurs produits, et les sexes étant sépa- rés, le concours de deux individus devient nécessaire pour bien assurer l'utilisation des matières reproductrices. Chez quelques Animaux inférieurs, ce résultat est obtenu Hermaphro- , , . / , , . ,. . dismo relatif. sans quel hermaphrodisme ait cesse d exister. Chaque individu est pourvu d'un appareil mâle aussi bien que d'un appareil femelle ; mais ces deux appareils ne sont pas disposés de façon que leurs produits puissent se rencontrer, et les ovules donnés par un de ces Animaux ne peuvent être fécondés que par la semence provenant d'un autre individu. Quelquefois la fécon- dation est alors réciproque, et chaque individu remplit vis-à-vis de son conjoint le rôle de mâle et de femelle. C'est ce qui a lieu chez le Colimaçon, par exemple (1). Mais chez d'autres Animaux hermaphrodites, la division du travail physiologique a fait un pas de plus : l'individu qui fonctionne comme femelle ne peut pas féconder son maie, et celui-ci, pour être fécondé, a besoin du concours d'un troisième individu. Les Mollusques gastéropodes du genre Limnée présentent ce singulier mode de reproduction, et, pendant l'acte de la fécondation, ils forment une sorte de chaîne dont chaque anneau joue le rôle de mâle avec l'un des individus adjacents, et est une femelle pour l'in- dividu situé du coté opposé (2). Chez quelques Mollusques complet que possible, et c'est par un ralistes du xvu" siècle (6) ; je revien- mécanisme très-simple que la fécon- (Irai sur ce sujet lorsque je traiterai dation des œufs est effectuée dans spécialement de la génération chez les l'organe même qui est chargé de les Mollusques. produire (a). (2) Le chapelet formé de la sorte (1) L'accouplement réciproque des par les Limnécs est quelquefois très- Colimaçons a été décrit par les natu- long. (a) Quatrefages, Mémoire sur la Synapte de Duvemoy (Ann. des sciences nat., 2* série, 1842, t. XVII, p. 66 etsuiv., pi. 5, flg. 1). (b) Redi, De Animalculis vivis quee in corporibus Auimalium vivorum reperiuntur observaliones (opusc. t. 111, p. 55). — Swainmerdam, Biblia iïaturœ, t. II, p. 807, pi. 48, fig. \. 370 keproihjction. Animaux dioï- androgynes, la division du travail physiologique est portée un peu plus loin, car le même individu ne remplit pas à la fois le rôle de mâle et de femelle ; celui qui a fonctionné comme mâle n'est pas fécondable dans ce moment, et c'est plus tard qu'il fait office de femelle, soit avec l'individu auquel il s'est déjà uni d'une autre manière, soit avec un autre qui est alors pour lui un mâle seulement (1). De là à la séparation complète des sexes, il n'y a qu'un pas à faire, et chez tous les représen- tants les plus élevés des types inférieurs du Règne animal, de même que dans le groupe des Vertébrés presque entier (2), ce dernier perfectionnement se trouve réalisé : chaque espèce est représentée par deux sortes d'individus, un de sexe mâle, l'autre femelle. Fécondation Ce caractère de supériorité physiologique n'implique, du adventive. „ . , . . , , , reste, aucun perfectionnement dans la portion du phénomène de la génération qui est relative à la fécondation des produits de la femelle, et, ainsi que je l'ai déjà dit, le contact des œufs et de la matière fécondante est souvent abandonné au hasard ; mais, chez les Animaux où l'utilisation des forces génératrices est plus nécessaire, la rencontre de ces éléments génériques est assurée de mieux en mieux par des rapprochements sexuels. Un premier indice de ce genre de perfectionnement dans le travail de la reproduction nous est offert par beaucoup de Pois- (1) C'est ce qui a lieu chez l'Ancyle nient admise de la séparation des fluviatile (a)* ainsi que chez divers sexes dans tout l'embranchement des Mollusques Acéphales , qui sont lier- Vertébrés. Aristole avait signalé les maphiodites, mais dont les glandes Serrans comme étant probablement ovigènes et spermatogènes n'arrivent hermaphrodites, et récemment M. Du- pas à la période d'activité en même fossé a constaté chez un grand nombr e temps. de ces Animaux la production si nui 1- (2) Quelques Poissons paraissent tanée d'oeufs et de laite riche en Sper- fairc exception à la règle générale- matozoïdes (6). (a) Moquin-Tandon, Recherches anatomico-physiologiqucs sur l'Ancyle fluviatile (Journal de conchyliologie, 1852, t. III, p. 344). (6) Dufossé De l'hermaphrodisme chez certains Vertébrés (Ann. des sciences nat., i' série, 1858, t. XV.'p. 2'Ji, pi. 8). FÉCONDATION. 37 I sons et par quelques Batraciens, dont les mâles, attirés proba- Fécondation blement par l'odeur des femelles ou des œufs que celles-ci ont directe. déjà pondus, viennent répandre leur semence dans l'eau cir- convoisine. Chez les Grenouilles et les Crapauds, la fécondation des œufs a lieu également après la ponte, mais elle est mieux assurée, car le mâle se cramponne sur le dos de la femelle, et, à mesure que celle-ci évacue au dehors ses nombreux œufs, il les arrose de sa semence. Chez les Mollusques les plus élevés en organisation , les spermatophores Céphalopodes, les sexes sont également séparés, et la féconda- tion a aussi lieu après la ponte, mais l'action des Spermatozoïdes sur les œufs est préparée avec plus de soin. La liqueur sémi- nale, avant d'être expulsée au dehors par le mâle, se loge dans des réceptacles particuliers appelés spermatophores (1) , qui servent à la transporter dans le voisinage de l'on lice destiné à livrer passage aux œufs, et qui l'y conservent à l'abri de l'action de l'eau pendant un temps plus ou moins long. La structure de ces gaines séminifères est très - remarquable , et l'endosmose y détermine des mouvements très-sinau- liers qui ont pour résultat la mise en liberté des Sperma- tozoïdes (2). Nous reviendrons bientôt sur leur élude, et ici je me bornerai à ajouter que des réceptacles analogues se rencontrent chez quelques Crustacés, ainsi que chez certains Insectes (3) et quelques Vers (A). Lorsque les fonctions de la génération se perfectionnent davantage, la fécondation n'a plus lieu après la ponte des œufs , mais dans l'intérieur du corps de la femelle. Le rap- (1) Voyez ci-dessus, page 365. (3) Voyez ci-dessus, page 3àG. (2) La fixation des Spermatozoaires (U) Par exemple, les Clepsines et les dans le voisinage de l'orifice terminal Xephelis, dans la famille des Hirudi- de l'oviductc a été constatée chez le nées (b). Calmar (a). (a) Robin et Lebert, Note sur un fait relatif au mécanisme de la fécondation du Calmar commun (Ann. des sciences nat., 3' série, 1845, t. IV, p. 95, pi. 9, fîg. 5 et 6). (6) Robin, Mém. sur les spermatophores de quelques Hirudinées (Ann. des sciences nat 4* série, 1862, t. XVII, p. 5, pi. 2). intérieure. 372 REPRODUCTION. Fécondation proclicmcnt sexuel est alors complet, et la liqueur séminale du mâle est introduite dans le canal que les œufs doivent traverser pour aller de l'ovaire à l'extérieur. A cet effet, la portion terminale de l'appareil mâle est dis- posée de façon à pouvoir s'appliquer exactement contre l'orifice de l'appareil femelle, ou même à y pénétrer plus ou moins profondément, et ce mode de fécondation nécessite l'existence d'un organe d'intromission. Dans sa plus grande simplicité, cet instrument ne consiste que dans la portion terminale du canal évacuateur du sperme, qui, en se gonflant ou en se renversant au dehors, devient saillant; mais lorsque l'organe copulateur se perfectionne, sa structure se complique davantage, et il est constitué par un appendice érectile dont la conformation varie suivant les Ani- maux. L'appareil maie peut être perfectionné aussi par l'adjonction de réservoirs destinés à emmagasiner la liqueur séminale jus- qu'au moment où l'Animal pourra l'utiliser, ou de glandes dont les produits, en se mêlant au sperme, facilitent le bon emploi de cette matière ; et, lorsque nous passerons en revue ces parties accessoires, nous verrons qu'ils sont obtenus tantôt par voie d'emprunt, tantôt au moyen de créations organiques spéciales (1). Ainsi qu'il serait facile de le prévoir, nous trouverons tou- jours chez les femelles dont les mâles sont pourvus d'un appa- reil copulateur, un organe correspondant. Lorsque la portion terminale des voies génitales est spécialement affectée à la réception de l'organe mâle, elle constitue un canal vestibulaire appelé vagin, et chez les Animaux où le rapprochement sexuel ne doit pas se renouveler fréquemment, et où cependant la (1) Les Araignées présentent sous ce garnie présentent, chez le mâle, une rapport des particularités très-remar- structure particulière, et deviennent quables : les palpes dont la bouche est des organes de copulation. FÉCONDATION. 373 production des œufs peut se continuer longtemps, on trouve souvent en connexion avec cette cavité copulatiïce un réser- voir destiné à loger et à conserver le sperme (1). Ces perfectionnements ne sont pas les seuls que la Nature perfectionne- . . menls introduit dans la structure de l'appareil femelle chez les Ani- de rappareii tic i> t '• < femelle. maux supérieurs. L œut , comme nous 1 avons déjà vu , se compose essentiellement d'une cellule membraneuse renfer- mant une substance plastique et un dépôt de matière nutritive qui constituent la sphère appelée vitellus. L'ovaire ne produit rien de plus ; mais chez beaucoup d'Animaux, l'œuf, en des- cendant dans l'oviducte, acquiert des parties nouvelles qui sont sécrétées par les parois de ce canal, et qui servent à augmenter la puissance nutritive du vitellus ou à en protéger la surface. Tels sont l'albumen du blanc de l'œuf et sa coque. Il est aussi à noter que l'œuf ainsi constitué devient le siège d'un travail embryogénique plus ou moins long à s'effectuer ; qu'en général , cette incubation se fait après la ponte , et que parfois elle nécessite encore l'intervention de la mère pour maintenir l'œuf à une température convenable au déve- loppement du jeune. C'est ainsi que la Poule est douée d'un instinct particulier qui la porte à couver ses œufs jusqu'au moment où les Poussins en sortent. Mais, chez quelques Ani- maux, l'éclosion de l'œuf a lieu avant la ponte, dans l'intérieur du corps de la mère, et alors l'appareil femelle est d'ordinaire pourvu d'une chambre incubatrice particulière, que l'on dé- signe généralement sous les noms d'utérus ou de matrice. La division du travail physiologique effectué par la mère peut même être portée plus loin. Ainsi, chez les Animaux ovipares proprement dits, c'est le contenu de l'œuf qui répondu tous les besoins nutritifs de l'embryon ; mais, chez certains Verté- (1) Nous venons que, chez les voir séminal joue un rôle très-impor- lnsecles , par exemple , ce re'ser- tant. vin. 26 374 KEPR0DUCT10N. brés, il existe un organe spécial qui est chargé de fournir au jeune un supplément de nourriture par le moyen de relations vasculaires qui s'établissent entre ses parois et le système san- guin de l'embryon. Quelques Poissons présentent cette parti- cularité physiologique, mais c'est chez les Mammifères qu'elle acquiert le plus d'importance. Chez ces derniers Animaux, l'œuf ovarien ne contient que fort peu de matière nutritive, et c'est la chambre incubatrice, ou utérus, qui administre la plus grande partie de la substance assimilable qui est nécessaire au jeune Animal en voie de formation. J'ajouterai que chez quelques Animaux qui ne sont pas pourvus de glandes spéciales pour la production du lait, la mère n'en nourrit pas moins ses petits à l'aide de matières sécrétées ou élaborées dans son tube digestif. Les Pigeons sont dans ce cas, et chez certains Insectes où l'on a observé des faits ana- logues, la division du travail physiologique est portée parfois à un plus haut degré que chez les Animaux les plus élevés du Règne animal. En effet, chez quelques Hyménoptères, il existe deux sortes d'individus femelles chargés, les uns de pondre les œufs, et par conséquent de donner naissance aux petits, les autres frappés de stérilité, mais remplissant les fonctions de nourrices et donnant aux jeunes tous les soins nécessaires à leur bien-être. Les Abeilles et les Fourmis nous offriront des exemples de cette particularité remarquable. Enfin, chez les Mammifères, le rôle de la mère ne se termine pas à la naissance de sa progéniture, et pendant un temps plus ou moins long elle continue à nourrir ses petits à l'aide d'un aliment spécial qu'elle élabore dans un appareil particulier : le lait qu'elle emploie à cet usage est un liquide riche en matières albuminoïdes, grasses et sucrées, qui est sécrété parles glandes mammaires, et par conséquent ces derniers organes doivent être considérés comme des annexes de l'appareil de la repro- duction. PARTHÉNOGENÈSE. 375 § 7. — Nous voyons donc que la Nature, tout en restant Partbénogenè fidèle à la loi fondamentale de la filiation des êtres vivants, varie les procédés physiologiques à l'aide desquels la repro- duction s'effectue, mais que dans l'immense majorité des cas le jeune Animal provient d'un œuf, et que cet œuf, pour donner naissance à l'individu nouveau, doit avoir subi l'in- fluence de la liqueur fécondante du maie. Jusque dans ces derniers temps, on était même fondé à croire que le dévelop- pement de l'embryon dans l'intérieur d'un œuf était toujours nécessairement subordonné à l'accomplissement de cet acte. Mais divers faits dont nous devons tenir compte ici tendent à établir que cette règle n'est pas sans exception, et que chez quelques Animaux la multiplication des individus au moyen d'œufs, ou de produits génésiques très-analogues à ceux-ci, peut avoir lieu sans l'intervention d'aucun agent fécondant. On sait depuis longtemps que certains Insectes, par exemple les Pucerons, dont nos Rosiers sont souvent infestés, se repro- duisent de deux manières. A l'approche de la saison froide, les femelles pondent des œufs d'où sortent au printemps suivant de nouveaux individus; mais ceux-ci ne pondent pas comme leurs mères et mettent bas des petits vivants. La production des œufs n'offre rien d'anormal; car la femelle qui les engendre, et qui se distingue facilement du mâle par l'absence d'ailes et par plusieurs autres caractères, s'aecouple préalablement avec un individu de ce dernier sexe, et se trouve fécondée de la manière ordinaire. Mais il n'en est pas de même pour les Pucerons vivipares. Avant l'hiver, tous les mâles, ainsi que les femelles déjà nées, périssent, et les œufs qui servent à perpétuer l'espèce d'une année à l'autre ne fournissent au prin- temps suivant que des individus femelles. Celles-ci ne ren- contrent donc aucun mâle pour les féconder, et cependant elles ne restent pas stériles; bientôt elles se reproduisent; seulement, au lieu. d'être ovipares, elles sont vivipares. On 376 REPRODUCTION. voit ainsi se succéder pendant l'été plusieurs générations de Pucerons femelles, et c'est seulement en automne qu'il naît des mâles. En plaçant ces Insectes dans des conditions favorables à ce mode singulier de reproduction, on a pu obtenir plus de dix générations de femelles aptes à se multiplier sans le con- cours du mâle (1). On a pensé d'abord que ces Pucerons vivi- pares qui se reproduisent, tout en restant solitaires, pouvaient bien être des Animaux androgynes, et, à une époque où les conditions de la fécondation n'étaient pas connues, on a sup- posé aussi que l'action de la semence du mâle sur l'organisme d'une femelle pouvait suffire pour rendre fertile pendant un temps plus ou moins long toute la lignée d'individus du même sexe qui en descendrait. Mais la première de ces hypothèses est tombée devant l'investigation analomique de l'appareil génital des Pucerons vivipares (2), et la seconde est en (1) Le viviparisme des Pucerons fut constaté pour la première fois par Leuwenhoeck (a) ; mais la découverte de la faculté que possèdent ces In- sectes de se reproduire sans le con- cours du mâle appartient à Bonnet. Ce naturaliste obtint de la sorte, avec le Puceron du Plantain, une série de dix générations (6), et bientôt après ses observations furent confirmées par les expériences de Bazin, de Trembley, de Lyonnet (c) et du célèbre entomo- logiste suédois Charles de Geer (d). Plus récemment, Duveau constata le même phénomène pendant une suite de onze générations ve), et, en éle- vant les Pucerons en serre chaude, Kyber a vu les femelles se succéder, en l'absence du mâle, pendant une période de quatre années (/). (2) M. Léon Dufour constata que chez les Pucerons vivipares l'appareil de la génération ne se compose que des ovaires (ou gaines ovigères) et de l'oviducte, sans que ce dernier tube soit pourvu des parties accessoires que cet anatomiste appelle des glandes scbiflques, et que d'autres auteurs considèrent comme une vésicule co- pulatrice ou un réservoir séminal (g) . Ces résultats ont été confirmés en tout ce qu'ils ont d'essentiel, et corn- fa) Lcuwenhoeck, Arcana Naturœ, p. 539. (b) Bonnet, Traité d'uisectologie, 1745, t. I. {c) Voyez Rcaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. VI, p. 531 et suiv, (d) De Geer, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. III, p. 28 et suiv. (e) Duveau, Nouvelles recherches sur l'histoire naturelle des Pucerons (Mém. du Muséum d'histoire naturelle, t. XIII, p. 126). (f) J. V. Kyber, Einige Erfahrunnen und Bemcrkungen ùber Blaltlâuse (Germar's Mag. der Entomologie, 1815, t. I, 2' partie, p. 14 et suiv.). (g) L. Dufour, Recherches anatomiques et physiologiques sur les Hémiptères, p. 232. PARTHÉNOGENÈSE. 377 désaccord avec tout ce que l'on sait touchant le mécanisme de la fécondation (1). Plus récemment, M. Owen a cherché à expliquer ce mode de multiplication en supposant qu'une por- tion de la substance germinative rendue viable par la féconda- tion n'est pas employée pour la constitution de l'embryon développé dans l'œuf, et reste simplement incluse dans le corps de celui-ci, où elle donnerait naissance à un nouvel individu qui recèlerait à son tour une partie de cette espèce de provi- sion de matière génésique, et ainsi de suite, jusqu'à épuise- ment de la matière plastique ainsi emmagasinée dans une série d'individus descendant les uns des autres. Mais cette nouvelle hypothèse ne satisfait pas mieux que les précédentes, et la marche bien connue des phénomènes embryogéniques ne nous permet pas de l'adopter. Dans l'état actuel de nos connais- sances, nous ne pouvons qu'enregistrer les faits physiolo- giques dont il vient d'être question, et les comparer à ceux qui nous sont offerts par les autres Animaux. Du reste, cette com- plétéspar les recherches entreprises plus qu'on l'avait d'abord supposé (b), et ni récemment en France, en Allemagne et la constitution de ces derniers corps en Angleterre, parplusieursauteurs(n). embryogènes, ni la structure des ov.ii- II existe quelques différences dans le res, ne paraissent offrir aucune parti- mode de développement de l'œuf pro- cularité importante (c). prement dit des Pucerons fécondables (1) Voyez ce qui a été dit ci-des- etdupseudofumouœufagamogénique sus touebant le mode d'action de la des Pucerons vivipares; mais ces dif- liqueur séminale, pages 334 et sui- férences ne sont pas aussi grandes vantes. (a) Dutrochet, Observations sur les organes de la génération des Pucerons (Ann. des sciences nat., 1833, t. XXX, p. 204, pi. 17, C). — Ch. Morren, Mém. sur l'émigration du Puceron du Pécher et sur les caractères et l'ana- tomie de cette espèce (Ann. des sciences nat., 2' série, t. VI, p. 84 et suiv., pi. 0 et 7, A). (b) Siehold , Ueber die innern Geschlechtswerkzeuge der viviparen und oviparen Blattlàuse (Froriep's Neue Notizen, 1839, t. XII, p. 308). — V. Carus, Zur naehern kenntniss des Generationswechsels, 1849, p. 20. — Waldo-Burnett, Researches on the Development of Viviparous Aphides (Silliman's American Journal, 1854, t. XVII; — Ann. of Nat. Hist., 2' série, 1854, t. XIV, p. 81). (c) Leydig, Einige Bemerkungen iïber die Entwickleung der Blattlàuse ( Zeitschrift fur wissensch. Zoologie, 1850, t. II, p. 02, pi. 5, B). — Huxley, On the Agamic Reproduction and Morphology of Aphis (Philos. Trans., 1857, p. 193, pi. 36). — J. Lubbock, On the Ova and Pseudova of Insects (Philos. Trans., 1858, p. 341, pi. 18). 378 REPRODUCTION. paraison suffit pour faire disparaître, en partie les difficultés dont on est tout d'abord frappé. En effet, du moment que nous avons constaté que, chez les Animaux scissipares, l'activité vitale d'une petite portion de l'organisme peut suffire à la production d'un individu nouveau, nous pouvons voir sans étonnement la substance plastique qui est élaborée dans l'appareil géné- rateur des Pucerons devenir un centre d'activité analogue. L'œuf fécond qui est formé de la sorte est assez semblable à ces espèces de bourgeons caducs, ou bulbilles, que nous avons déjà vus se détacher du corps de divers Animaux inférieurs, et devenir ensuite le siège d'un travail organisateur dont résulte un individu nouveau. Ces phénomènes de parthénogénésie, ou reproduction par des femelles vierges, ne se rencontrent pas seulement chez les Pucerons et d'autres Insectes de la famille des Aphides. 11 est au moins très-probable que divers Lépidoptères, particu- lièrement les Psychés, sont susceptibles de se multiplier de la même manière (1), et les observations faites depuis quelques (1) Réaumur fut le premier à en- trevoir le phénomène de la parthéno- génésie chez les petits Lépidoptères connus aujourd'hui sous le nom de Psychés, mais il hésita à y croire (a). Des observations analogues furent publiées ensuite par Schiflcrmiïller, Pallas et plusieurs autres natura- listes (6), mais elles n'avaient pas le caractère de précision nécessaire pour inspirer grande confiance, car l'exis- tence d'individus des deux sexes avait été constatée plus d'une fois (c), et elles furent révoquées en doute par la plupart des entomologistes de l'é- poque actuelle (d), jusqu'au moment où M. Siebold eut fait à ce sujet des expériences concluantes. S'étant pro- (a) Réaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, 4737, t. III, p. 153. (6) Schiffermiiller, Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge der Wienergegend, 177G. Pallas, Observatio Phalœnarum biga quarum allerius feinina artubus jyrorsus destituta, nudaque, vermiformis , alterius glabra quidem et impennis, altamen pedata est, utriusque vero, sine habito cum masculis commereio, fœcunda ova parit (Nova Acta Acad. nat. curios., 1767, t. -m, p. 430). (c) De Geer, Mém. pour servir à l'histoire naturelle des Insectes, t. II, p. 379. (d) Siehold, Ueber die Fortpflanzung von Psyché (Zeitschrift fur wissensch. Zoologie, 1849, t, I, p. 93). — Lacordairc, Introduction à l'entomologie, t. II, p. 384. — Bruand, Essai monographique sur la tribu des Psychides (Société d'émulation du Doubs, 1852). PARTHÉNOGENÈSE. S79 années sur les Abeilles tendent à faire penser que si le con- cours du mule est toujours nécessaire pour que l'Abeille reine produise d'autres femelles ou des Abeilles ouvrières, la fécon- dation ne serait pas également indispensable pour la ponte curé un grand nombre de cocons du Talœporia (ou Solenobia lichenella) el du T. triquetrella, il vit qu'il n'en sortit que des femelles, et que celles- ci, renfermées sous une cloche, ne tardèrent pas à pondre des œufs dont sortit une nouvelle génération de ces petits Lépidoptères. M. Siebold obtint ensuite des résultats analogues en expérimentant sur le Psyché hélix, dont on ne connaît encore que des individus femelles (a). Les Psychés ne sont pas les seuls Lépidoptères chez lesquels des phéno- mènes de lucinia sine concubitu aient été signalés ; des faits de cet ordre ont été mentionnés par Albrccht chez un Papillon (b); par Bernoulli, chez le Bombyx ( ou Gastropacha ) potatoria et YEpisema cœruleo- cephala (c) ; par Suckow, chez le Gastrophaga Pini (d) ; par Trevi- ranus, chez le Sphinx Ligustri (e) ; par M. Nordmann (/"), par M. Brown, par M. Tardy et par plusieurs autres entomologistes (y) , chez le Smerinthus Populi ; par M. Lecoq, chez YArctia ciaja [h) ; par M. Car- lier, chez leLiparis dispar (i); par M. Curtis, chez le Bombyx Polyphe- mus (j); par M. Lacordaire, chez le Bombyx Quercus (A.); et par M. Thom, chez le Nematus Ribesii (l). Plusieurs naturalistes assurent avoir observé des [ails analogues chez le Bombyx du Mûrier (m); mais si la parthénogénésie (a) Siebold, Walirc Pavthenogenesis bei Schmetterlingen und Bienen. Leipsig, 1856. — Recherches sur la parthénogenèse chez, les Lépidoptères et les Abeilles (Ann. des sciences nat., 4- série, 1850, t. VI, p. 195). (b) Albrecht , De Insectorum ovis sine prœvia maris cum femella conjunctione fœcundis (Ephem. nat. curios., 1190, dec. 3, ann. IX p. 20,). (c) Bernoulli , Observatio de quorumdam Lepidopterum facitltate ova sine progresse- coitu feecunda excludendi [Mim. de Berlin, 1172, p. 44 ; — Miscell. Acad. nat. curios., an ix et x, dec. 3, obs. 11, p. 26). (d) Suckow, Geschlechtsorgane der Insectm (Heussinger's Zeitschrift fur die org. Phys.,i82S, t. II, p. 2G3). (e) Treviranus, Vermisch. te Schriften., t. IV, p. 106). (f) Voyez Burmeistcr, Handbuch der Entomologie, t. I, p. 337. (g) Brown, A List of crepuscular Lepidopterous Insects, 1835 (Mag. of Nat. Hist., t. VIII, p. 557). — Kipp, Bienenzeitung, 1853, p. 752. — Newmann, Slawell etRobinson : voy. Lubbock, On Reproduction in Daphnia (Philos. Trans., 1857, p. 96). (h) Lecoq, De la génération alternante, etc. (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1850( t. XLIII, p. 1069). (i) Voyez Lacordaire, Introduction à l'entomologie, t.\U, p. 383. (j) Voyez De Filippi, Sur la génération d'un Hyménoptère (Ann." des sciences nat., 3' série, 1851, t. XV, p. 297). (k) Lacordaire, Introduction à l'entomologie, t. II, p. 383. (/) Tliom, On the Gooseberry Caterpillars and the Application of heat for their Destruction (Gardener's Magaiine, t. VII, p. 196. (m) Siebold, Op. cit. (Ann. des sciences nat-, 4* série, 1856, t. VI, p. 206). 380 REPRODUCTION. d'œufs dont naîtraient des mâles (1). Enfin, on connaît aussi plusieurs Crustacés qui semblent faire exception à la règle ordinaire, touchant l'union nécessaire des produits du mâle et de la femelle comme prélude du travail embryogénique dans existe parfois chez ces Insectes , c'est certainement un cas exceptionnel. 11 est probable que les Cynips fe- melles sont susceptibles de se repro- duire de la même manière, car les entomologistes ont cherché en vain à découvrir des individus mâles de plu- sieurs espèces de ce groupe (a), et M. Léon Dufour a vu que les femelles, au moment de leur sortie de la galle où elles sont nées , ont déjà dans leur intérieur des œufs bien dévelop- pés (6). (1) Des observations qui tendaient à prouver que l'Abeille peut se repro- duire sans le concours du mâle avaient été faites depuis longtemps par plu- sieurs observateurs (c) ; mais, à la suite des belles recherches de Iluber sur la fécondation de cet Insecte (d), on n'y attacha que peu d'importance jusqu'au moment où un agriculteur allemand, M. Dzierzon, curé à Carls- mark, en Silésie, vint donner à des faits du même ordre un grand intérêt. On savait par les observations de Iluber que l'accouplement des Abeilles ne peut s'effectuer que pendant le vol, et que si le rapprochement sexuel n'a pas lieu avant le vingt et unième jour après que la jeune Reine est sortie de sa cellule, celle-ci ne devient pas apie à produire des œufs d'ouvrières ou des œufs royaux, et ne pond que des œufs dont naissent des mfiles. Or, M. Dzier- zon annonça que les Reines retenues captives et placées ainsi dans l'impos- sibilité de recevoir le mule, pondent des œufs de ce dernier genre, et que dans les circonstances ordinaires les œufs donnant des femelles ou des ou- vrières sont les seuls qui subissent l'action de la liqueur séminale déposée dans la vésicule copulatrice au mo- ment du coït (e). Cette opinion a été conlirmée par les observations de plu- sieurs des naturalistes les plus émi- nenls de l'Allemagne, tels que M. Sie- bold et M. Leuckart (/). Elle s'appuie principalement sur les faits suivants. Lorsque la Reine, par suite d'un vice de conformation des ailes , ne (a) Hartig, Zweiter Nachtr, zur Naturgesch. der Gallenvespen (Germar's Zcitschr, fur Entom., 1813, t. IV, p. 597). (b) Léon Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 263 (extrait des Mémoires des Savants étrangers, t. VII, 1841). (c) Voyez Westwood, Introduction to the modem Classification oflnser.ts, 1840, t. II, p. 384. Hallorf, Recherches sur cette question : La Reine Abeille doit-elle être fécondée par les faux Bourdons ? (Voy. Scbirack, Histoire nat. des Abeilles (Trad. par Biassière, 1771). (d) F. Huber, Nouvelles observations sur les Abeilles, 1814, t. I, p. 91 et suiv. (e) Dzierzon , Théorie und Praxis des Neuen Bienenfreundes, 1841). — Nachtrages zur Théorie %md Praxis, 1852. (f) Siebold, Wahre Parthcnogenesis bei Schmetterlingen und Bienen , 1850. — Recherches sur la Parthénogénésie (An», des sciences nat., 4° série, 1850, t. VI, p. 170 et suiv ). — Leuckart , Zur Kenntniss des Generationswechsels und der Parthenogenesis bei den Insekten, 1858. PARTHÉNOGENÈSE. 381 l'intérieur d'un œuf. Les Daphnies qui habitent nos eaux douces sont dans ce cas (1). Dans l'état actuel de nos connaissances, il serait difficile de bien apprécier la valeur de tous ces faits exceptionnels. Faut-il penser que les œufs produits par parthénogenèse sont assimi- lables à ces bulbilles reproducteurs dont il a été question dans peut pas quitter la ruche, et par con- séquent ne peut pas s'accoupler avec le mâle, elle pond des œufs dont nais- sent des mâles seulement. Dans une expérience faite par M. Berlepsch, une jeune Reine retenue captive dans sa ruche depuis le moment de sa nais- sance , donna, au hout do quelques mois, une couvée abondante de mules, mais ne produisit ni des ouvrières ni des femelles. Une autre Abeille reine qui avait donné jusqu'alors des œufs de diverses sortes dans la pro- portion ordinaire, ayant été blessée à la partie postérieure de l'abdomen, là où se trouve le réservoir séminal , continua à pondre , mais ne donna plus que des mâles. M. Leuckart exa- mina avec beaucoup de soin les œufs pondus par les Abeilles reines dans les circonstances ordinaires, afin de voir s'ils offriraient quelques diffé- rences en rapport avec le phénomène de la fécondation : dans quelques cas, il parvint à découvrir des Spermato- zoïdes près du micropyle sur des œufs destinés à donner naissance à des ou- vrières, mais jamais il n'en trouva aucune trace sur les œufs mâles. Enfin, M. Siebold examina au microscope le contenu de ces deux sortes d'œufs : sur 52 œufs femelles, 30 lui montrè- rent des Spermatozoïdes, et les 20 au- tres furent abîmés par les mouvements nécessaires pour des investigations de ce genre ; d'autre part, 27 œufs re- tirés des alvéoles préparés pour les mâles furent examinés avec les mêmes soins, et dans aucun on ne trouva des traces de l'existence de Sperma- tozoïdes. (1) Les Daphnies femelles sont beau- coup plus nombreuses que les mâles, et, dans la plupart des cas, se repro- duisent sans s'être accouplées avec ceux-ci. Ce fait, observé par Schaefler vers le milieu du siècle dernier (a), a été constalé expérimentalement par plusieurs naturalistes (b). En opérant sur des femelles séquestrées dès leur naissance, on a pu obtenir jusqu'à six générations parthénogénésiques. (a) Schseffer, Diegrùnen Armpohjpen ; die geschwdni-ten und ungeschwânzten zackigenWasser- flôlie, etc., 1775. (b) Jurinc, Histoire des Monades, 1820, p. 100. — Slraus, Mcm. sur les Daphnies, p. 44 (extrait des Mémoires du Muséum d'histoire natu- relle, t. V). — Baird, Nat. Hist. of British Eatomostraca (Mag. of Zool. and Botany, t. II, p. 400). — Lubboek, Account of the two Modes of Reproduction in Daphnia (Philos. Trans., 1857, p. 79). — Smith, Sur les Ephippies des Daphnies, p. 13 (extrait des Nova Acta Soc, scient,, Upsal, 1859, 3' série, t. III). 382 REPRODUCTION. une Leçon précédente? ou faut-il supposer que dans les cas de cet ordre, la matière fécondante, qui d'ordinaire semble être portée dans l'œuf par les Spermatozoïdes, y est introduite par l'organisme de la femelle sans avoir revêtu la forme de ces corpuscules fertilisateurs ? On pourrait faire encore d'autres hypothèses à ce sujet; mais, en se livrant à de pareilles spé- culations de l'esprit, on n'avancerait pas la question, et il me paraît préférable d'avouer franchement notre ignorance, ne fût-ce que pour provoquer des investigations nouvelles. Résumé. § 8. — En résumé, nous voyons donc : 1° Que tout être animé est produit par un être vivant de son espèce. 2° Que tantôt il y a continuité de substance entre l'individu souche et l'individu nouveau, tandis que d'autres fois le germe de ce dernier naît en contiguïté avec le tissu vivant de l'orga- nisme dont il dérive, sans être jamais en continuité avec lui. 3° Que la génération par continuité s'effectue de trois ma- nières : par scissiparité ou par gemmiparité, ou par la pro- duction de bulbilles. !i° Que la génération par contiguïté a lieu au moyen d'œufs qui tantôt sont aptes à produire un individu nouveau sans rien recevoir du dehors, mais qui d'ordinaire restent sté- riles jusqu'à ce qu'ils aient subi l'action d'une matière fécon- dante particulière contenant des corpuscules organisés dits sper- matiques ; ou, en d'autres mots, que ce mode de reproduction a lieu de deux manières : tantôt par l'activité propre d'indi- vidus agames ou par parthénogenèse ; d'autres fois par le concours fonctionnel de deux agents sexuels différents. 5° Que la procréation sexuelle peut s'effectuer de trois ma- nières : au moyen d'un seul individu androgyne, c'est-à-dire pourvu des deux sortes d'organes sexuels, les uns mâles, les autres femelles; au moven de l'action combinée de deux indi- vidushomœomorphes, qui sont hermaphrodites comme le pré- RÉSUMÉ. 383 cèdent, mois dont l'hermaphrodisme est relatif et non absolu; enfin au moyen de deux individus dioïques, c'est-à-dire chez lesquels les organes maies et femelles ne coexistent pas dans le corps du même Animal et apparliennent à deux individus de sexes différents. 6° Que la production des œufs et des corpuscules sperma- tiques peut être diffuse, mais que dans l'immense majorité des cas elle est localisée dans des glandes particulières dont l'une, appelée ovaire, est l'organe femelle essentiel, et l'autre, nommée testicule, est l'organe mâle. 7° Que dans l'un et l'autre de ces organes il se forme des cellules ou utricules libres et vivantes, dans l'intérieur desquelles se développent les substances embryogéniques, savoir, d'une part, les corpuscules spermatiques, d'autre part la matière ger- minative. 8° Que d'ordinaire les corpuscules spermatiques affectent la forme d'Animalcules et sont doués de la faculté d'exécuter des mouvements spontanés. 9° Que ces Spermatozoïdes, pour féconder le germe contenu dans l'œuf, doivent arriver en contact avec celui-ci à l'état vivant, et pénétrer plus ou moins profondément dans son intérieur. 10° Que l'œuf ainsi fécondé peut être un appareil embryo- génique complet, c'est-à-dire contenant tout ce qui est néces- saire au développement de l'individu nouveau jusqu'au moment où celui-ci est devenu apte à vivre dans le monde extérieur ; ou bien un appareil embryogénique incomplet, qui doit rece- voir de l'organisme souche de nouvelles provisions de matières assimilables à mesure que le développement du jeune s'effectue dans sa cavité. Pour terminer celte esquisse rapide du mode démultiplica- tion des êtres vivants dans l'ensemble du Règne animal, il me parait nécessaire d'étudier maintenant les caractères géné- raux du travail embryogénique qui s'effectue dans l'intérieur 38/l REPRODUCTION. de l'œuf. Ce sera le sujet de la prochaine Leçon ; mais les notions sommaires que je présente ici ne sauraient nous suffire, et il nous faudra examiner d'une manière plus approfondie l'histoire anatomique et physiologique de l'appareil reproduc- teur dans chacun des principaux groupes zoologiques. Nous nous occuperons de ces études particulières dès que nous aurons passé en revue les faits dont la connaissance pourra compléter les idées générales que nous devons avoir du grand phénomène de la génération. SOIXANTE-QUATORZIÈME LEÇON. Suite des notions préliminaires sur la reproduction des Animaux. — Caractère général du travail embryogénique. — Fractionnement du germe. — Développe- ment du Métozoaire et du Typozoaire ; phénomènes des générations alternantes. — Analogie de ces phénomènes avec ceux que l'on observe au début du travail embryogénique chez les Animaux supérieurs. — Distinction à établir entre les divers termes de la série des êtres qui naissent successivement les uns des autres; Protoblastes, Métozoaires et Typozoaires. — Diversification des matériaux organiques; mode de formation et classification des tissus. S t. — Jadis beaucoup de physiologistes pensaient que dès Modi\ ° ' l " l * de formation son origine le jeune Animal en voie de développement dans le «fo ° " l'organisme sein de sa mère, ou dans l'intérieur d'un œuf déjà expulsé au *« Animaux. dehors de l'organisme de celle-ci, présente en miniature, et avec des teintes plus ou moins faibles, l'image exacte de ce qu'il sera parla suite; qu'il possède déjà toutes les parties qu'il aura plus tard, et que par les progrès du travail embryogénique, ces parties ne font que grandir et se dessiner plus nette- ment. Celte opinion, que dans l'ancien langage des Écoles on appelait le système de révolution, devait être adoptée par les naturalistes spéculatifs qui admettaient l'hypothèse de la pré- existence et de l'emboîtement des germes (1); mais elle ne (1) Les observations incomplètes de Swammei'dam sur les métamorphoses des Insectes furent considérées par quelques physiologistes du siècle der- nier comme probantes, en faveur de L'hypothèse de révolution. Effective- ment, cet anatomiste, en disséquant quelques-uns de ces animaux, avait aperçu sous la peau de la nymphe tous les organes dont l'Insecte parfait de- vait être pourvu, et il pensa que chez la larve, dès l'origine de celle-ci, il devait en être de même (a); mais il n'en est pas ainsi. Haller fut un des partisans les plus célèbres du système de l'évolution (6). (ci) Swanimerdani, Uïblia Nalurœ, t. I, cap. Il, ete. [b) Haller, Elementa physiologiœ, t. VIII, p. 1 50 et suiv. 386 REPRODUCTION. pouvait satisfaire les observateurs qui étudiaient d'une manière approfondie les phénomènes embryogéniques ; et dès que les physiologistes eurent commencé à s'occuper sérieusement d'observations de ce genre, ils furent conduits à considérer la formation du jeune Animal comme le résultat d'une sorte de construction progressive au moyen de laquelle son organisme s'enrichissait successivement de parties nouvelles ajoutées à celles précédemment constituées. On a appelé épigénèse ce mode de développement de l'embryon. Harvey, dont le nom est célèbre à plus d'un titre (1), fut un des premiers à nous montrer que le travail embryogénique présente ce caractère (2) . Wolff, dont les recherches ont une grande valeur, mit ce fait encore mieux en lumière (3), et tous les travaux de même ordre dont la science a été enrichie depuis un demi-siècle sont venus en fournir de nouvelles preuves. L'hypothèse de l'évolution est donc irrévocablement abandonnée aujourd'hui, et le système de l 'épigénèse est considéré par tous les physiologistes comme étant l'expression de la vérité. En effet, au début du travail embryogénique, il n'existe dans l'intérieur de l'œuf rien qui ait la moindre ressemblance avec le jeune Animal qui va se former, et bien que l'introduction des Spermatozoïdes dans la sphère vitclline ait pu être constatée, toute trace de l'existence de ces corpuscules dans l'intérieur de (1) Voyez lome III, page 22. (2) Le traité sur la génération pu- blié par Harvey en 1631 contient un grand nombre d'observations impor- tantes (a), mais est loin de valoir l'opuscule de ce grand physiologiste sur la circulation du sang. (3) Gaspard Wolff naquit à Berlin en 1735, et soutint en 1759, à Hall, une thèse très-remarquable sur la génération (h). Quelques années après, il alla se fixer à Saint-Pétersbourg, et ce fut dans les mémoires de l'Acadé- mie de cette ville qu'il publia la plu- part de ses travaux sur le développe- ment de l'embryon. (a) Harvey, De generatione Anlmalium, p. 652. (6) Wollï, Dissert, inaug. sistens theoriam generationls, 1759. — Edilio nova aucta et emendata, 11T4. EMBRYOGENIE. 387 l'œuf ne tarde pas à disparaître. Quelques physiologistes avaient supposé que le Spermatozoïde n'était autre chose que le rudi- ment du nouvel individu, ou tout au moins une partie essenlielle de l'organisme de celui-ci, par exemple son axe cérébro-spinal ; mais ces opinions ne sont pas fondées, et c'est en majeure par- tie, sinon uniquement, aux dépens de la matière plastique du vitellus que l'embryon se constitue (1). §2. — Pour bien saisir l'enchaînement des faits dont *" primitif de l'Animal 1 étude nous occupe en ce moment, et pour ne pas nous laisser naissant, distraire de la recherche du caractère général des phénomènes zoogéniques par la diversité des formes que ces phénomènes peuvent affecter, il me paraît utile de présenter ici quelques considérations qui, au premier abord, pourraient sembler un peu abstraites, mais qui trouveront bientôt leur application et (1) Il me semblerait inutile d'expo- ser ici les idées des anciens naturalistes relatives au rôle de la liqueur séminale dans la reproduction ; le nom donné à cette matière indique assez qu'on la considérait comme agissant à la ma- nière des semences végétales qui, dé- posées dans un terrain convenable, germent et se développent. Uippocrale axait supposé que la procréation était duc à l'union de ce fluide avec un pré- tendu liquide séminal qui aurait été fourni par la femelle, et qui, de même que la première serait venu de toutes les parties du corps (a). Aristote combattit celte hypolbèse, cl regarda la semence du mâle comme étant le seul agent prolifique, et comme devant être nourri en quelque sorte par la matière des menstrues de la femelle ou par quel- que cliosc d'analogue (b). Après la découverte des spermatozoïdes, beau- coup de physiologistes supposèrent que ces corpuscules étaient des germes, et que l'embryon n'était autre eboseque l'un d'eux, développé par l'effet de son séjour dans l'œuf (c). Quelques autres publièrent même à ce sujet de singuliers romans. Enfin, de nos jours, quelques auteurs ont pensé que les spermatozoïdes pouvaient bien être le rudiment du système nerveux céré- bro-spinal du futur animal (d). Mais aujourd'hui toutes ces idées sont aban- données, et l'on est d'accord pour regar- der ces corpuscules comme des agents fécondateurs dont l'existence ne se prolonge pas après que la fécondation a été opérée. (a) Hippocratc, De la génération (Œuvres, trad. par Litlré, t. VII, p. 471 et sniv.J. (b) Aristote, De generatione Animalium, lib. I, cap. 17 et suiv. (c) Voyez Haller, Elementa physiologiœ, t. VIII, lib. xxix, sect. 2. (d) Dumas, article Génération du Dictionnaire classique d'histoire naturelle, 1825, t. VII, p. 221, etc. 88 REPRODUCTION. qui nous serviront de guide dans l'examen de plus d'une ques- tion particulière. D'après tout ce que nous avons vu déjà, touchant la forma- tion et le développement de l'œuf, il me paraît évident que ce corps, dès le premier moment de son existence, c'est-à-dire lorsqu'il ne consiste encore qu'en une simple vésicule dite ger- minative. doit être considéré comme un être vivant, comme un nouvel Animal dont le corps est doué de la faculté de se déve- lopper suivant certaines règles et de se perfectionner plus ou moins, en s'enrichissant de parties nouvelles et en donnant naissance à des produits vivants, qui à leur tour s'organiseront de façon à constituer un nouvel individu. L'être primordial que, pour la faculté de l'exposition, j'appellerai le Pfopblaste^ termine là son rôle biologique, puis il meurt et disparaît; mais l'être qu'il a créé continue à vivre et à se développer, soit en vertu des seules forces dont il est animé, soit avec l'aide d'un agent complémentaire fourni par la liqueur fécondante du mâle. En se développant, il subit des changements considérables, et arrivé à une certaine période de son existence, il produit par une sorte de bourgeonnement local un nouveau corps organisé et vivant, qui, en se développant à son tour, deviendra un embryon, puis un Animal semblable à celui dont provenait le blaslogène dont il descend. Produits En m'excusant de ces néologismes, j'appellerai Métazoaire l'individu intermédiaire qui est né du Protoblaste, et qui sera la souche dont naîtra l'individu que je désignerai sous le nom de Typozoaire, parce qu'il est destiné à réaliser la forme défi- nitive de sa race, celle sous laquelle une nouvelle génération de Protoblastes pourra être produite. Les physiologistes qui s'occupent seulement de l'étude des Animaux supérieurs, négligent trop les anneaux intermédiaires entre la mère et l'embryon, et ne considèrent en général le Méta- zoaire que comme une partie de ce dernier en voie de formation. du travail zoogenique EHBKY06ÉNIE. 389 Mais lorsqu'on tient compte de ce qui se passe dans d'autres groupes zoologiques, et lorsqu'on veut embrasser d'un seul coup d'œil l'ensemble des phénomènes génésiques dans le Règne animal tout entier, les distinctions que je viens d'établir ne doivent pas être pendues de vue, parce que dans beaucoup de cas le rôle physiologique du Métazoaire, ou même celui du Protoblaste, s'agrandit beaucoup et offre un grand intérêt. Je dirai même que c'est faute d'avoir bien saisi les analogies qui existent entre ces différentes périodes de l'histoire génésique des Animaux supérieurs et les singuliers phénomènes désignés communément sous le nom de générations alternantes, ou de généagenèse (1), que ceux-ci ont semblé être des anomalies. En effet, chacun des trois individus qui représentent, comme nous venons de le voir, une seule et même espèce zoologique, le Protoblaste , le Métazoaire et le Typozoaire , est un être qui vit et qui procrée. Mais la faculté procréatrice dont ils sont doués n'a pas toujours le même caractère. Tantôt le Protoblaste ne peut donner naissance qu'à un Métazoaire, et celui-ci ne peut produire qu'un Typozoaire, qui à son tour ne peut engendrer que des Proloblastes; mais, dans d'autres cas, les produits de l'activité générique du Métazoaire et même du Protoblaste peuvent être homœomorphes aussi bien qu'hétéro- morphes, c'est-à-dire ressembler à l'être dont ils proviennent ou en différer : le Protoblaste peut alors se multiplier et fournir une génération nouvelle de jeunes Protoblastes, qui à leur tour donneront des Métazoaires. Quelquefois aussi le Métazoaire se développe davantage, et devient apte non-seulement à vivre dans le monde extérieur, comme le font les Animaux ordinaires, mais (l) M. de Quatrefages a proposé festent dans les divers termes d'une l'emploi de cette expression pou" dé- série d'êtres descendus les uns des signer les changements qui se mani- autres (a). (a) Quatrefages, Métamorphoses de l'Homme, cl des Animaux, 1862, p. 16. vin. 27 390 REPRODUCTION. aussi à reproduire de nouveaux individus laits à son image, les- quels à leur tour, donnent naissance à des Typozoaires, ou indivi- dus semblables à ceux dont sont sortis les premiers Protoblastes. Génération Comme exemple de cette génération homœomorpbique effec- l01piuque°r" tuée par les Protoblastes, je citerai ce qui a lieu chez certains 1» Protobiaste. Vers de la famille des Filaires dont j'ai déjà eu l'occasion de mentionner les migrations : le Mermis albicans, dont le mode de reproduction a été étudié avec beaucoup de soin par M. Meissner. L'appareil femelle de ces Animaux se compose d'un long tube, dans la partie la plus reculée duquel naissent des Protoblastes qui consistent chacun en une cellule renfermant un nucléus et un nucléole. Par les progrès du développement de cette vésicule, son noyau se dédouble; puis chacune des moitiés de ce corps se partage de la même manière, et par les progrès ultérieurs de cette scissiparité , le nombre des noyaux s'élèvera ensuite à huit ou à seize. Les noyaux ainsi produits sont des vésicules germinatives ou protoblastes destinés à deve- nir le centre d'autant d'œufs; ils s'accolent à la face interne des parois de la cellule primitive, et les poussent en dehors de façon à s'en revêtir et à déterminer la formation d'autant d'ampoules, qui deviennent bientôt des sacs ou des cellules secondaires pédon- culéesdont la base s'étrangle de plus en plus. La vésicule primi- tive, ainsi entourée de toute une progéniture de nouvelles vési- cules réunies en grappe, descend ensuite dans une seconde por- tion du lube génital, et là élabore dans son intérieur la substance vitellinc, qui, passant par les pédoncules creux dont je viens de parler, pénètre dans les cellules secondaires, s'agglomère autour des noyaux de chacune d'elles, et constitue le vitellus de ces œufs dont la tunique vitelline semble n'être autre chose que la portion de la membrane pariétale de la cellule primitive devenue pirifonne. Ainsi que je l'ai déjà dit, ces œufs sont d'a- bord réujris en grappe autour de la portion persistante de la vésicule primitive, qui s'allonge ensuite de façon à former EMBRYOGÉNIE. 391 une sorte de tige ou d'axe ovigère. Enfin, les œufs qui sont appendus autour de ce rachis, comme l'appelle M. Meissner, s'en détachent; leur pédoncule reste encore ouvert pendant quel- que temps, et constitue le micropyle dont il a déjà été question ; eniin la sphère vitelline s'entoure d'albumine, et après que la fécondation a eu lieu, le travail embryogénique commence (1). Voilà donc un corps vivant qui se multiplie lorsqu'il n'est encore qu'à l'état d'utricule, et qui produit toute une génération de Protoblastes dont la forme ne diffère pas de celle des œufs ordinaires. C'est en quelque sorte un œuf qui engendre d'autres œufs dont les produits seront des êtres d'une tout autre forme; et, s'il était permis d'appliquer à ces phénomènes les noms employés pour designer la succession des Animaux supérieurs qui sont procréés les uns par les autres, on pourrait dire que le Protoblaste né du Mer mis est la mère des Protoblastes qui sortent du corps de eesVers à l'état d Veufs, et que ces der- niers sont les arrière-enfants de l'Animal souche. S 3. — Du reste, que le Protoblaste soit le produit d'un &mwh«i ^ l hétéromor- corps reproducteur semblable à lui, c'est-à-dire d'une cellule Phifiue vivante, d'une vésicule germinative, ou qu'il naisse directement ie Protowaue. de l'Animal propagateur, son rôle physiologique est de courte durée ; car lorsque l'œuf dont il constitue la partie fondamen- tale est arrivé à maturité, il se détruit, et disparait après avoir transmis la puissance vitale aux rudiments d'un nouvel être : le Métazoaire dont il détermine la formation. Celui-ci, pour se développer et devenir apte à produire un Typozoaire, a d'or- dinaire besoin de subir l'influence excitante des Sperma- (1) Le travail de M. Meissner sur le fort intéressantes sur la formation des développement des Mermis a wetrès- cellules spermatiques ou œufs mâles, grande importance pour lu physiologie aussi bien que sur la production des générale, et contient des observations œufs de la femelle (a). (a) G. Meissner, Beitràge zur Anatomie und Physiologie von Mermis albicans (Zeitsckrift fur wissenschaftliche Zoologie, 1853, t.V, p. 207). 392 REPRODUCTION. tozoïdés. Mais, ainsi que nous l'avons déjà vu dans la dernière Leçon (1), la fécondation n'est pas toujours nécessaire, et, en général, même, le germe immédiat de ce nouvel être est reconnaissant avant que cet acte ait eu lieu. Ainsi la eicalri- cule, ou tache blanchâtre qui se voit à la surface du vitellus de l'œuf de la Poule, est le Métazoaire naissant, et ce germe est parfaitement distinct avant l'imprégnation; on l'aperçoit aussi dans les œufs qui restent stériles, aussi bien que dans ceux qui ont été fertilisés par le contact du sperme. Nous ne savons rien de positif relativement à la manière dont la vésicule germinative, ou Protoblasle, détermine la for- mation du germe et de ses dépendances, c'est-à-dire des maté- riaux primitifs du Métazoaire; mais nous devons supposer que ceux-ci sont des produits directs ou indirects de son action phy- siologique, puisque dans les premiers temps de son existence ce corps constitue à lui seul la totalité du nouvel être en voie de développement. 11 est aussi à noter que c'est toujours autour de la vésicule germinative que la substance blastogéniquc semble s'organiser et s'accumuler. Ainsi, dans l'œuf des Oiseaux, cette vésicule occupe d'abord le centre du globe vilellin et se retrouve plus tard au milieu de la cicatricule (2). Nous sommes dans une ignorance non moins grande au sujet de la cause qui détermine la disparition de la vésicule germinative. Quelques physiologistes avaient pensé que ce phénomène était dû à l'influence de la liqueur fécondante; mais (1) Voyez ci-dessus, page 375. par la destruction des parois de cette (-2) J'ajouterai que, d'après les ob- cellule primitive (a). Or, les matières servatious de M. Lereboullet sur l'œuf grasses semblent jouer un rôle consi- de l'Écrcvisse, la vésicule germinative dérable dans les phénomènes du frac- paraît être le 'siège d'une production tionnement du vitellus et dans la for- ou sécrétion remarquable des matières mation des cellules bistogéniques. grasses, qui sont ensuite mises en liberté (a) UvehouA Recherches d'embnjolo^e comparée sur le développement du Brochet, delà Perche et de VÉcrevisse, p. 217. EMBRYOGÉNIE. 393 cela n'est pas admissible, car il a été souvent facile de constater que longtemps avant l'imprégnation de l'œuf, la vésicule en question avait cessé d'exister (4 ). La disparition de cette cellule primordiale ne peut être con- sidérée que comme une conséquence de sa mort naturelle ; c'est le terme normal de l'existence d'un être vivant dont le rôle biologique est terminé, et en général ce phénomène semble caractériser la période de maturité de l'œuf (2). § d. — La matière d'apparence grumeleuse et gluante qui Formation constitue le germe, et qui, en se développant, va former le MciJLe. Métazoaire, ne reste pas inactive, et subit des changements qui trahissent bientôt le travail organisateur dont elle est le siège. Ces phénomènes se passent d'abord dans l'intérieur de chacun des nucléoles de la substance vitelline, qui semblent être autant d'organites doués d'une vitalité propre. Puis, le globe vitellin. (I) La disparition de la vésicule ger- minatlve dans les œufs non fécondés a été constatée, non-seulement chez les Animaux où l'action du mâle ne s'exerce que postérieurement à la ponte, les Batraciens, la plupart des Poissons osseux et divers Annélides, par exem- ple; mais aussi chez des femelles d'Oi- seaux que l'on avait retenues séparées des mâles. Pour plus de détails à ce sujet, je renverrai aux observations de MM. Baer, Coste, Jones, Bischoff, de Quatrefages, Ch. Robin et Lereboul- let (a). La disparition de la vésicule germinative avant la fécondation de l'œuf a été constatée aussi dans l'es- pèce humaine (6). (2) Chez les Poissons, la disparition de la vésicule germinative peut avoir lieu très-longtemps avant que l'œuf ait atteint sa maturité et ses dimen- sions ordinaires (c). (a) Baer, De ovi Mammalium et Hominis genesi epistola, 1827, p. 28. — Coste, Histoire du développement des corps organisés, 1. 1, p. 147. — YVharton Jones, On the first changes in the Ova of ilammifera in conséquences of imprégna- tion (Philos. Trans., 1837, p. 339). — Bischoff, Traité du développement de l'Homme et des Mammifères, p. 49. — Quatrefages, Éludes embryogéîiiques (Afin, des sciences nat., 3' série, 1848, t. X, p. 173). — Ch. Robin, Mémoire sur les phénomènes qui se passent dans l'ovule avant la segmentation du vitellus (Journal de physiologie, 1 802, t. V, p. 67). — Lereboullet, Recherches d'embryologie comparée sur le Brochet, etc., p. 9. (6) LebertetCh. Robin, Note sur l'empêchement de la chute de l'œuf par des fausses membranes qui recouvrent l'ovaire, et sur la disparition de la vésicule germinative (Gazelle médicale, 1852, p. 776). (c) Lcrebûullel, Recherches d'embryologie comparée sur le développement du Brochet, de la Perche et de l'Écrevisse, 1862, p. 9 (extrait des Mémoires de l'Acad. des sciences, Sav. éirany , t. XVII). 394 REPRODUCTION. considéré dans son ensemble, donne d'aulres signes d'activité(l). Il se resserre (2), et souvent on le voit se déformer lentement, à la manière des substances sarcodiques (3). Parfois aussi on y aperçoit un mouvement de rotation fort analogue à celui qui se (1) La plupart des physiologistes qui avaient observé ces changements clans la sphère vitelline des œufs non fécon- dés les avaient considérés comme le ré- sultat d'un commencement de désorga- nisation. Mais M. deQuatrefages, en étu- diant le développement desHermelles, a constaté qu'ils se produisent quand l'œuf est encore vivant et susceptible d'être fécondé. Ce naturaliste assimile tout à fait ces mouvements de la ma- tière plastique de la sphère vitelline à ceux qui déterminent le fractionnement, et qui d'ordinaire ne se manifestent que consécutivement à la féconda- tion ; mais, chez les Hermelles , ce phénomène s'arrête bientôt quand la fécondation n'est pas opérée (a). (2) Ce phénomène de rétraction a été observé chez les Mammifères (6) aussi bien que chez divers Animaux infé- rieurs (c). Ainsi, dans l'œuf du Lapin, la surface du globe vitellin s'éloigne de sa tunique membraneuse de façon à laisser entre elle et celle-ci un espace où s'accumule un liquide diaphane; espace qui a été décrit sous les noms de zona pellucida, de couche albumi- neuse, etc. M. Ch. Robin a étudié ré- cemment ce mouvement déconcentra- tion du vitellus chez les Nephelis (d). (3) La forme du globe vitellin subit souvent des changements considéra- bles et répétés, par l'effet de ces mou- vements qui ressemblent beaucoup à ceux des Amibes. Au premier abord, on avait pu croire qu'ils étaient une conséquence de la désorganisation des œufs non fécondés ; mais, ainsi que je l'ai déjà dit, M. de Quatrefages a constaté qu'ils se manifestent lorsque ces corps sont encore fécondables (e). On ne doit pas les confondre avec le phénomène de la segmentation qui est consécutive à la fécondation (/"). We- ber paraît être le premier qui ait signalé les contractions du vitellus à cette période initiale du travail em- bryogénique (y). Récemment, M. Stricker a observé dans l'œuf de la Grenouille des phé- nomènes de même ordre ; les cellules (a) Quatrefages, Etudes embryogéniques {Ami. des sciences nat., 3' série, -1848, t. X, p. 171 et smiv.). (b) Krause, Vermischte Beobachtungenund Hemerkungen. %Ei der Sdugethiere (Muller's Archiv fur Anat.undPhysiol., 18S7< p. 80/ffl. i, fig. 4, 5,6). — Bischoff, Traité du. développement de l'Homme et des Mammifères, p. 59 et 611. (c) Par exemple, chez les Hermelles : voy. Quatrefages, Mém. sur l'embryologie des Annélides (Ami. des sciences nat., 3' série, t. X, p. 173). — Le Strongle : voy. Bagge, De evolutione Slrongyli auricularis et Ascaridis acuminatœ vivi- parorum. Erlange, 1841, p. 9. (d) Ch. Robin, Mém. sur les phénomènes qui se passent dans l'œuf avant la segmentation (Journal de physiologie, 1862, t. V, p. 82). (e) Quatrefages, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 3* série, 1848, I. X, p. 172). (/") Ch. Robin, Sur les mouvements du vitellus qui précèdent ceux de l'embryon dans l'œuf (Compte rendu de la Société de biologie, 3* série, 1861, t. 111, p. 101). (g) E. H. Weber, Ueber die Entwickelung des medicinischen Blutegels (Meckel's Archiv fur Anat. uni Physiol., 1828, p. 366). EMBRYOGÉNIE. 395 montre plus tard chez l'embryon de beaucoup d'Animaux infé- rieurs (1). Ensuite le globe vitellin laisse échapper une ou plusieurs sphérulesd'une matière hyaline qui désormais ne joue- ront aucun rôle appréciable dans les phénomènes du déve- loppement (2), mais dont la sortie semble être liée au débutd'un mouvement moléculaire important qui caractérise une nouvelle période du travail embryogénique. Dernièrement, M. Robin a étudié avec beaucoup de soin le mode d'évolution de ces corpus- cules hyalins, auxquels il donne le nom de globules polaires,] et il pense que le point dont ils se détachent est le lieu où com- mence nécessairement le phénomène du fractionnement ou de la segmentation du vitellus, dont nous aurons bientôt à nous occu- per. Mais, dans l'état actuel de la science, cette généralisation ne me semble pas suffisamment motivée (â). ou sphérules embryonnaires émettent des expansions luhiformes et réfrac- tiles qui ressemblent beaucoup à ceux des Sarcodaires (a). (1) M. Biscboir a observé des mou- vements de rotation du globe vitellin dans l'intérieur de l'œuf riiez le Lapin, et il pense qu'ils sont dus à des cils vibratiles qui se seraient développés ;'i la surface de cette spbère (b). MM. Lebert et Prévost ont constaté que de très- bonne heure toute la sur- face du globe vitellin des Grenouilles présente des mouvements vibratiles, et ils attribuent ce phénomène à la pré- sence de cils (c). Cependant M. Lere- boullet, qui a pu étudier avec beaucoup d'attention la rotation du vitellus dans l'œuf des l'uissons,où elle est très-per- sistante, n'a pu apercevoir aucune trace de ces cils (d). (2) Les corpuscules qui bnt été assi- milés à ces globules chez les Insectes concourent à la formation des blasto- dermes (e); mais ils diffèrent beaucoup de ceux dont il est ici question. (3) L'apparence produite par la sor- tie de ces globules, appelés vésicules directrices par M. Fréd. Millier (/), a été d'abord considérée comme due à (a) Stricker, Ueber die Selbststandigen Beiregungen embryoneler Zellen (Bericht der K. Akad. der H'issensch. in Wien, 1864, n* 12, p. "2). (b) Bischoff, l'ebev das Drehen d:s Dotters im Sdugethïerenswdhrcnddessen Durchgang durch dm Eileiier (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1841 , p. 14). — Sur le mouviment rota- toire qu'exécute le vitellus de l'œuf des Mammifères dans son passage à travers l'oviducte (Ann. des sciences nat., •!• série, 1841, t. XVI, p. 208). — Traité du développement de l'Homme et des Mammifères, p. 39. (c) Prévost et Lebert, Mém. sur la formation des orgaties de la circulation et du sang dans les Batraciens (Ann. des sciences nat., 3* série, 1844, l. 1, p. 199). (d) Lerebuullet, Op. cit., p. 36. (e) Ch. Robin, Mém. sur la production du blastoderme chez les Animaux articulés (Journal de physiologie, 1862, t. V, p. 3521. t/') Fréd. Muller, Zur Kenntniss des Furchungsprocesses im Schneckeneie (Archiv fur Nalur- geschichte. 1848, t. I, p. 1). Sortie des globule polaires. 396 REPRODUCTION. Noyaa viteiiin. D'ordinaire la fécondation de l'œuf est promptement suivie la présence d'un hile, et leur expul- sion de la sphère vitelline fut aperçue pour la première fois par Duniortier (de Bruxelles) [a). D'ordinaire, ce phé- nomène est précédé par l'appari- tion d'un espace clair que M. Gruhe a appelé le pôle actif de l'œuf (6), et (pie la plupart des physiologistes dé- crivent comme correspondant au point occupé quelque temps auparavant par la vésicule germinative. Le centre, de cette tache devient ensuite saillant en manière d'ampoule, puis s'allonge, de- vient pédoncule, et se détache de façon à constituer un globule plus ou moins piriforme, qui reste libre dans le li- quide adjacent. Trompés par l'appa- rence de cette ampoule , beaucoup d'auteurs l'ont prise pour la vésicule germinative, mais elle ne se forme qu'après la destruction de celle-ci ; elle en est complètement distincte, et, ainsi que le pense M. Ch. Robin, son évolution semble être due à un phéno- mène de bourgeonnement (c). En gé- néral, deux, trois ou même quatre de ces globules polaires s'échappent suc- cessivement du même point, et par- fois se confondent ensuite en une seule masse qui reste pendant plus ou moins longtemps flottante entre la surface du vitellus et la tunique vitelline. On n'est pas encore bien fixé sur la na- ture chimique de la matière constitu- tive de ces globules hyalins ; à raison de leurs propriétés optiques, on les considère communément comme étant des corps gras, et quelques auteurs en parlent sous le nom de gouttelettes d'huile. Leur existence a été constatée chez un grand nombre d'animaux, parmi les Invertébrés (d), aussi bien que parmi les Vertébrés (e). (a) Dumortier, Embryologie des Mollusques (Ami. des sciences nat., 2' série, 1837, t. VIII, p. 136, pi. 3,fig. 2 et 3). (6) Grube, Untersuchungen ûber die Entwickelung der Clepsinen. Kœnigsberg, 1844. (c) Ch. Robin, Mémoire sur les globales polairesde l'ovule (Journalde physiologie, 1862, t. V, p. 149, pi. 3, 4 et 5). (d) Par exemple, dans l'embranchement îles Mollusques, chez : — Les Limitées voy. Dumorlier, Op. cit. ; — Pouchet, Note sur le développement des Limitées (Ann. des sciences nat., 2' série, 1838, t. X, p. 63); ■ — Ch. Robin, Op. cit. (Journal de physio- logie t. V, p. 169;. — L'Aplysie : voy. Van Beneden, Recherches sur le développement des Aplysies (Ann. des sciences nat., 2' série, 1841, t. XV, p. 126). — Les Dentales : voy. Lacaze-Dulliiers, Développement du Dentale (Ann. des sciences nat., 4- série, 1857, t. VII, p, 207, pi. 6, fig. 4). — Le Tergipes Edwardsii : voy. Nordmann , Monographie, etc. (Ann. des sciences nat., 3* série, 1846, t. V, p. 145). — LeTaret : voy. Quatrefages, Note sur le développement de l'œuf chez les Tarets (Ann. des sciences nat., 3* série, 1848, t. IX, |>. 34, et 1849, t. XI, p. 207). — Les Modioles et les Bucardes : voy. Loven, Ueber die Entwickelung der kopflosen Mollusken (Muller's Archiv fur Anat. undPhysiol., 1848, p. 539). (e) Par exemple, chez : — Le Lapin : voy. Barry, Researches on Embryology (Philos. Trans., 1840, pi. 24, fig. 135- 137). — Le Chien : voy. BischofT, Entwkkelungsgeschichte des Hunde-Eies, 1845, pi. 1, fig. 11-14. — La Brebis : voy. Bischoff, Mém. sur la maturation et la chute périodique de l'œuf de l'Homme et des Mammifères (Ann. des sciences nat., 3' série, 1844, t. II, pi. 8, fig. 10). -— La Truite : voy. Vogt, Embryologie des Poissons. — Les Epinoches : voy. Coste, Développement des êtres organisés (Allas, Poissons, pi. 1 c) EMBRYOGENIE. 397 d'autres changements dans la constitution intérieure du vitellus, dont la partie centrale s'éclaircit, de façon à former bientôt une sphérule plus ou moins distincte des parties adjacentes, et appelée noijau vitettin. 11 reste encore beaucoup d'incertitude sur la nature de ce noyau. La plupart des physiologistes la con- sidèrent comme une cellule ou vésicule, mais d'autres pensent que c'est un corps solide, ou bien un amas de matières grasses. Les faits probants nous manquent pour décider cette question ; mais, quoi qu'il en soit, cette portion du globe vilellin paraît jouer un rôle considérable dans les mouvements moléculaires dont l'œuf va être bientôt le siège (1). Nous avons vu précédemment que le vitellus contient deux sortes de corpuscules vivants formés, les uns par une sub- stance plastique, les autres par des substances nutritives. Dans l'œuf arrivé à maturité, ces matières sont plus ou moins mêlées entre elles ; mais lorsque la fécondation a été opérée, elles tendent à se séparer et à constituer deux couches distinctes, que (1) Cette tache claire centrale a été souvent confondue avec la vésicule germinalive, et c'est ainsi que beau- coup de physiologistes ont été con- duits à penser que cette cellule primordiale peut persister après la fécondation. M. Bagge fut le pre- mier à les distinguer (a). M. Reichert considéra le noyau vilellin connue dépourvu d'une membrane envelop- pante et formé par un liquide proba- blement de nature grasse (6) , et M. Cosle adopta une opinion ana- logue (c). M. kolliker, au contraire, le décrit comme étant une vésicule, et l'appelle cellule emhryonale (d). M. Vogt en parle aussi comme d'une vésicule à parois très-fines, remplie de liquide (e) ; mais M. Cb. Robin assure avoir constaté que c'est un corps solide , d'égale densité dans tout son diamètre (/"). (a) Bagge, Dissert, de evolutione Strongyli, elc , 1841 , p. 10. (/<) Reicliert, Ueber den Furchungs-l'rocess des Batrachier-Eies (Mùller's Archiv fur Anat. und Physiol, 1841, p. 521). (c) Costo, liecherches sur les premières modifications de la matière organique et sur la for- mation des cellules (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1815, t. XXI, p. 1 312). (d) Kolliker, Entwickelungsgeschirhte der Cephalopoden , 1844. (e) Vogi, Embryologie des Mollusques Gastéropodes (Ann. des sciences nat., 3* série, 1846, t. VI, p. 23). f/') Cli. Robin, Note sur la production du noyau vitellin 'Journal de physiologie, 1802, t . V, p. 309). 398 REPRODUCTION. M. Reichert et quelques physiologistes désignent sous les noms de vitellus formateur et de vitellus nutritif. La disposition de la première de ces couches à la surface du globe vitellin peut varier dans les différents groupes zoologiques: tantôt elle entoure complètement ce globe ; d'autres fois elle n'en occupe qu'un segment plus ou moins petit , mais son rôle est toujours très-important, et c'est dans sa substance que s'opère le travail appelé fractionnement ou segmentation du vitellus. segmentation. Ce phénomène fut étudié pour la première fois en 182/i par MM. Prévost et Dumas. En observant attentivement les œufs de Grenouille nouvellement fécondés, ces physiologistes virent se former à la surface du vitellus un sillon qui, en se prolon- geant, divisa bientôt ce globe en deux parties ; puis chaque hémisphère ainsi formé se partagea de la même manière, et les quatre segments obtenus de la sorte se subdivisèrent à leur tour. Le fractionnement du vitellus ne s'arrêta pas là ; il se continua avec une rapidité croissante, et bientôt toute la sur- face de ce globe prit un aspect framboise, par l'effet de l'entre- croisement des lignes dont sa surface se sillonnait. Il n'existait encore dans l'œuf aucune trace de l'embrvon futur, et ce fut seulement après que ce fractionnement fut poussé très-loin, que les premiers indices du développement de celui-ci devinrent saisissables (1). (1) Le fait de la segmentation du vilel- les résultats sur l'œuf du Crapaud (6) ; lus n'avait pas complètement échappé mais ni l'an ni l'autre n'en saisirent le aux investigations de Swammerdam caractère, et la découverte de ce phé- et de Spallanzani. Le premier de ces nomène appartient principalement à naturalistes l'entrevit en partie chez la MM. Prévost et Dumas, dont les ob- Grenouille (a ), et le second en aperçut servations devinrent le point de dé- fa) Swammerdam a aperçu et figuré le commencement du sillonnement du vitellus dans l'œuf de la Grenouille; mais il ne s'est pas bien rendu compte de ce qu'il avait vu (fiiblia Nalurœ, t. II, p. 81 2, lab. 48, fi>. 5, 8.) (6) Spallanzani mentionna l'existence de sillons entrecroisés à la surface du vitellus du Crapaud ; mais il semble penser que c'est l'état primordial de l'œuf. {Expériences pour servir à l'histoire de la génération des Animaux et des Plantes, 1780, p. 30.) EMBRYOGÉNIE. 399 Bientôt après, des changements analogues furent observés dans les œufs des Poissons, des Mollusques, des Zoophytes et d'une foule d'autres Animaux (1). On crut d'abord que, dans la classe des Oiseaux, ces phénomènes ne se produi- saient pas ; mais les recherches de M. Bergmann et de 31. Coste sont venues montrer que ces Animaux ne sont pas soustraits à part de tous les travaux modernes re- latifs au travail organisateur dont l'œuf est le siège avant l'apparition de l'em- bryon (a). Rusconi fut un des pre- miers à confirmer les observations de ces deux savants (6), et depuis lors le phénomène du fractionnement du vitellus a été étudié, soit chez les mê- mes Batraciens, soit chez d'autres Ani- maux de la même classe, par plusieurs naturalistes, parmi lesquels je citerai AI. AI. Baer , Reichert , Bergmann , Vogt (c). Le travail le plus récent sur ce sujet est dû à M. Max Srlniltze (d). (1) Le fractionnement du vitellus de l'œuf des Poissons osseux a été ob- servé par Rusconi chez la Tanche (e), par M. Vogt chez les Truites, par M. Agassiz sur l'œuf de la Perche (/"), par M. Coste sur l'œuf de l'Épi- noche (y). Ce phénomène a été constaté chez un grand nombre de Mollusques, tels que la Limnée des étangs (h), TAply- rie /), les Éolides (_/), les Actéons (k), (a) Prévost et Dumas, Deuxième mémoire sur la génération (Ami. des sciences nat., 1824, I. II, p. 110 et suiv., pi. 6). (b) Rusconi, Développement de la Grenouille commune, 182(5, p. 10, pi. 2, fig. 3. (c) Baer, Die Métamorphose des Etes der Datrachie vor der Erscheinung des Embryo (Muller's Archiv fur Anatomie and Physiologie, 1831, p. 481, pi. 11). — Reichert, Ueber den Furchungs-Process des lialruchier-Eies iMiiller's Archiv fur Anal, und Physiol., 1841, p. 523). — Bergmann, Die Zerkluftung und Zellenhilduni) im Froschdotter (Mùller's Archiv, 1841, p. 89). — Yogi , Untersuchungen ùber die Entwkkehingsgeschichte der Geburtshelferkrûte (Alytes obstetricans), in-4, ls'n'. — Newport, On the Imprégnation of the Ovum in ihe Amphibia (Philos. Trans., 1851, p. 183). (d) Max. Scliulize, Observationes nonnullœ de ovorum Ranarum segmentatione, 1803. (e) Rusconi, Lettre sur les changements que les œufs des Poissons éprouvent avant qu'ils aient pris la forme d'embrgoa (Ann. des sciences nat., 2" série, 1830, t. V, p. 304); — Biblia italiana, t. I.XX1X ; — iMiiller's Anhiv, 183(1, p. 205, pi. 13, fig. 3-9). (/") Vogt, Embryologie des Salmones, p. 39 et suiv. (Agassiz, Histoire naturelle des Poissons d'eau douce de l'Europe centrale, 1842). {g) Cosle, Histoire du développement des corps organisés (Poissons, pi. 1). (h) Herghi, Ueber die Eier von Limnœus (Isis, 1828, p. 213). — Lereboullet, Recherches sur le développement du Limnée, etc. (Ann. des sciences nat., 4' série, 1862, t. XVIII, p. 92 et suiv.). (i) Van Beneden, Etudes embryologiques, 1841. (ji Nordmann, Versuch einer Monographie des Tergipes Edwardsii, pi 4, fig. 16 à 24 (Acatl. de Saint-Pétersbourg, Savants étrangers, l. IV). (k) Vogt, Recherches sur l'embryologie des Mollusques Gastéropodes (Ann. des sciences nat., 3* série, 1846, t. VI, pi. 1, fig. 4-12i. /|0() REPRODUCTION. la règle commune (i). L'œuf des Reptiles et des Poissons pla- giostomcs présente des phénomènes analogues. Enfin, le frac- tionnement progressif du vilellus est encore plus marqué chez les Mammifères (2). Mais, chez les Crustacés, ce phénomène ne les Pourpres (a), les Vermets (6), les Anodontes (<•). les Dentales (d), et les Bot ry II es (e). Parmi les Vers et les Zoophytes chez lesquels le fractionnement du vitellus a été observé, je citerai les Hermel- les (/"!, les l 'rotules (g), les Lom- brics (h) , la Sangsue (/) , les Clep- sines (j) , les Strongles et les Asca- rides {k) , les Distomes (/) , les Oursins (m), la Médusa aurita («). (1) M. Coste a constaté que, dans cette classe d'Animaux, ainsi que chez les Heptiles proprement dits et les Poissons cartilagineux, les phénomènes de fractionnement se manifestent dans la portion de la sphère vitelline qui constitue la cicatricule. et n'affectent que peu ou point le reste de sa surface (o). Un mode analogue de segmentation paraît avoir lieu dans l'œuf des Mol- lusques céphalopodes (p). (2) Ce fractionnement du vitellus, chez les Mammifères, a été étudié avec beaucoup d'attention par M. Bischoff et M. Barry (q). (a) Koren et Daniel-sen, Recherches sur le développement des Pectinibranches(Ann. des sciences nat., 3* série, 1853, t. XIX, pi. I, fig. 1-10). (b) Lacaxe-Duthiers, Mém. sur ianatomie et l'embryologie des Vermets (Ann. des sciences nat., 4«série, 1860, t. XIII, pi. 7, fig. 18). (c) Carus, Nette intersuch. iiber die Entu ickelungsgesch. unserer Flussmuscheln, 1832. (d) Lacaze-Dulliiers , Histoire de l'organisation et du développement du Dentale (Ann. des sciences nat., 4° série, 1857, t. VU, pi. 0, fig. 5-12). (e) Lœwig et Kôlliker, De la composition et de la structure des enveloppes des Tuniciers (Ann. des sciences nat., 3* série, 1846, t. V, pi. 8, fig. 35 et 36). (/"; Qualrefages, Mém, sur la famille das Hermelliens [Ann. des sciences nat., 3e série, 18-18, t. X, pi. 3, lis-. 17-52; pi. 4). (g) Milne Edwards, Observations sw le développement des Annélides (Ann. des sciences nat., 3e série, 1845, I. III , pi. 9, fig. 46). (h) Uilekeni, Développement du Lombric terrestre (Mém. de l'Acad. de Belgique, Sav. étrang., t. XXVII, pi. 1, Gg. 9 et 10). (i) YYeber, Ueber die Entwickelung des medicinischen Blutegels (Meckel's Archiv fur Anat. und Physiol., 1828, p. 368). (;') De Filippi, Lettera sopra l'anatomie e la sviluppo délie Clepsine (Giornale délie se. med. chir.de Pavia. 1839,1.11, pi. 2). — Grube, Untersitch. iiber die Entivickel. der Clepsinen, 1844, pi. 1, fig. 5-13. (A) Bagge, Dissert, de evolutione Strongyli auriculati et Ascaris acuminatœ. Erlangen, 1841. (/) Mayer, Beitrâge zur Anatomie der Entoioon. Berlin, 1841, p. 27. (m) Derbès, Observ. sur la formation de l'embryon chez l'Oursin comestible (Ann. des sciences nat., 3« série. 1847, t. VIII, pi. 3, lig. 6-40). (n) Siebold, Neueste Schrifttn der Nalurforsch. Gesellschaft in Damig, 1839, t. III, pi. 1. (o) Cosie, Recherches sur la segmentation de lu cicatricule chez les Oiseaux, les Reptiles écaillevx et les Poissons cartilagineux (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1848, t. XXX, p. 638). — Histoire générale et particulière du développement des coiys organisés, pi. 2. — Agassiz, Embryology of the Turtle. Contrib. to the Nat. Hist. of the United-Stales, t. II, pl. 10. — Lereboullet, Recherches sur le développement du Lézard, etc. (Ann. des sciences nat., 4- série, 1862, l. XV11, pl. ;î, 6g. 9). (/;) Kôlliker, Entwickelungsgeschirhte der Cephalopojen, 1844, pl. 1. (y) Barry, Researches on Embryology (l'hilos. Trans., 1839, p. 307 et suiv. ; 1840, p. 529 et suiv.). — BiscliofT, Traité du développement de l'Homme cl des Mammifères, suivi d'une histoire du EMBRYOGÉNIE. /jOl revêt pas toujours le même earactère (|ue chez la plupart des Animaux (1), et ehez les Insectes il parait être remplacé par un travail de gemmation sur lequel je reviendrai, lorsque je traiterai spécialement du mode de développement de ces Animaux (2). Les apparences résultant de ce fractionnement de la ma- tière plastique ou germinative varient suivant le mode de constitution de l'œuf. Lorsque la proportion de matière vitelline secondaire ou nutritive est très-faible par rapport à celle de la substance blastogénique, la sphère vitelline tout entière y obéit et se divise en sphérules de plus en plus petites et de plus en plus nombreuses, ainsi que cela se voit dans l'œuf des Mam- mifères ordinaires et de beaucoup d'Animaux invertébrés. (1) Chez l'ixrevisse, le fractionne- (2) Chez les Insectes, le phénomène ment de la matière plastique de l'œuf de fractionnement n'a pas été* ob- s'opère d'une manière diffuse autour serve (c), et suivant M. Ch. Robin, ce d'une multitude de petits centres épais mouvement moléculaire serait rem- sur la surface du globe vitellin (a). placé par un travail de bourgeonne- Mais chez la Nicothoé, M. Van Benc- ment cystigène (d). Sous ce rapport, den a observé le mode ordinaire de les Arachnides paraissent ressembler fractionnement (6). aux Insectes (c). développement de l'œuf du Lapin, trad. par Jourdan, 1843, pi. 3 el 4. — Mêm. sur la matura- tion et la chute périodique de l'œuf, etc. {Ann. des sciences nat., 3» série, 1844, t. Il, p. 104, pi. 11). — Entwickelungsgeschichte des Meerschwcmchens , 1852, pi. 1. — Entwickelungsgesch. des liehes, 1854, pi. 1. -- P.eichort, [ieitràge zur Entwick. des Meerschwenchens, 1862, pi. 3. (a) Raihkc, Untersuch. ùber die Bildung und Entwickelung des Flusskrebses, 1820. — Rech. sur la formation et le développement de l'Écrevisse (Ann. des sciences nat., 1" série, 1830, t. XX, pi. 5, fig. 1). — Lereboullet, Recherches sur le développement du Brochet, de la Perche et de l'Écrevisse, 1802, p. 234 et suiv. (b) Van Beneden, Mém. sur le développement et l'organisation des Xicolhoés, p. 10 (Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XXIV, cl Ann. des sciences nat., 3e série, t. XIII, pi. 1, fiy. 13-17). (c) Kolliker, Observationes déprima Insectorum genesi, 1842(.l?m. des sciences nat., 2e série, 1843, I. XX, pi. 5, fig. 1). — Zaddach, Untersuchungen ùber die Entwickelung und den Bau der Gliederthiere, 1854 (Phryganides). — Leuckart, Die Fortpflanzung uni Enlwickelung der Pupiparen nach Beobachtungen von Melophagus ovinus (Abhandl. der Saturforchenden Gesellschaft in Halle, 1858, t. IV, p. 145). (d) Cli. Robin, Mém. sur la production du blastoderme chei les Articulés (Journal de physio- logie. 1862, t. V, p. 348). (é) 10. Claparède, Recherches sur iévnlulion des Araignées, p. 7 (extrait des Mémoires de la Société des arts et sciences d'Utrecht, 1862). 402 REPRODUCTION. Si la matière nutritive et non germinale est beaucoup plus abondante, sans être en quantité énorme relativement à la substance plastique dont se compose le germe, le fraction- nement de celle-ci peut encore affecter la totalité ou la majeure partie de la surface de la sphère vitelline, mais y détermine seulement des sillons plus ou moins profonds, tels que les lignes qui apparaissent dans l'œuf de la Grenouille. Enfin, lorsque la proportion de matière vitelline devient encore plus grande relativement à la matière vivante qui est susceptible de s'organiser, et que celle-ci constitue seulement le petit amas dont j'ai souvent parlé sous le nom de cicalricule, les phéno- mènes de fractionnement sont limités à cette partie germinale et ne modifient pas l'état du reste de la sphère vitelline, ainsi qu'il est facile de s'en assurer en observant l'œuf de la Poule peu de temps après sa fécondation (1). Nous voyons donc que les distinctions que j'ai indiquées précédemment au sujet de la constitution des œufs (2) correspondent à des différences dans les caractères du travail embryogénique préliminaire ; mais je me hâte d'ajouter que ces différences ne paraissent avoir que peu d'importance physiologique. Le point dans lequel le travail de fractionnement commence paraît être en général celui où les globules hyalins ont fait pré- cédemment irruption au dehors; delà les noms de vésicules directrices ou de globules polaires donnés à ces corpuscules (3). (1) La segmentation de la cicatri- core tonnée, et elle marche avec une cnle de l'œuf de la Poule , observée très-grande rapidité (6). pour la première fois, en 1845, par (2) Voyez ci-dessus, page 328. M. Bergmann (a), a lieu avant la ponte; (3) Pour plus de détails à ce sujet, elle commence dans l'oviducte, lorsque je renverrai aux observations déjà ci- la membrane de la coque n'est pas en- tées (voyez page 395). (a) Bergmann, Deobachtungen ùber die Dolterfurchung (Mùller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1847, p. 38). (6) Goste, Op- cit. (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1848, t. XXX, p. 630). — Hisl. du développement des élres organisés, 1. 1, p. 104 (Poissons, pi. 2). EMBRYOGENIE 403 § 5. — Il existe encore beaucoup d'obscurité relativement aux caractères histologiques des sphérules vivantes dont nous venons de constater la multiplication dans l'intérieur de l'œuf. La plu- part des embryologistes considèrent ces corpuscules comme étant des cellules, c'est-à-dire des utricules à parois membrani- formes, dont la cavité contient un liquide, ainsi que des matières solides qui y constituent une sorte de noyau. On pense aussi, assez généralement, que ces cellules naissent dans l'intérieur l'une de l'autre, et deviennent ensuite libres par la dissolution des parois de l'utricule procréateur, en sorte que le fractionne- ment du germe en voie de développement serait la conséquence de la production endogène d'une longue lignée de cellules blastémiques (1). Dans certains cas, les sphérules affectent, en effet, la forme utriculaire, et nous verrons bientôt que le déve- loppement de cellules vivantes joue un grand rôle dans le tra- vail constitutif des tissus organiques, chez les Animaux aussi bien que chez les plantes. Mais ce mode de structure, lorsqu'il existe, me parait être consécutif plutôt qu'originaire, et ne pas être aussi général qu'on l'admet communément aujourd'hui. Ainsi, je partage tout à fait l'opinion des embryologistes qui Sphérules ou cellules blastémiques. (1) Les vues de M. Schleidcn et de M. Schwann, relatives à révolution des cellules histogéniques (a), ont exercé depuis vingt-cinq ans une très-grande influence sur la manière d'interpréter les apparences offertes par le vitcllus en voie de fractionnement, et vers 1840 la plupart des observateurs regar- dèrent ce phénomène comme résul- tant du développement d'une lignée d'utricules endogènes (6). Parmi les physiologistes qui soutinrent cette opinion, je citerai en première ligne MM. Reichert (de Berlin) , Martin Barry (c). Les pathologistes en ont l'ait aussi grand usage ( schiedenheit der zwei Formenbei den Salpen(Verhandl. d. phys.-med. Gesellsch. in lYiirzburg, 1852, t. III, p. 57). — Ueber Salpen [Zeitschrift fur wissensch. Zonl., 1853, t. IV, p. 329). — H. Leuckart, Zoologischc Untersuchungen, 1854, I. II. GÉNÉRATIONS ALTERNANTES. ft09 vidus issus d'une même souche, mais dissemblables entre eux et ne réalisant la même forme organique que de deux géné- rations en deux générations. 11 appela Ammen, ou nourrices, les individus agames qui naissent de l'œuf pondu par un individu sexué, et qui produisent, par voie de gemmi- parité, des individus semblables à la mère dont ils sont les fruits. Enfin, M. Steenstrup montra aussi que cette périodicité dans le retour des mêmes formes organiques est moins rare qu'on n'aurait pu le supposer d'abord ; mais il ne rattacha pas ces phénomènes curieux aux lois générales de la propagation des Animaux, comme j'essaye de le faire en ce moment (1). Cependant, pour saisir ces analogies, il suffit, ce me semble, de comparer ce qui a lieu chez les Biphores dont il vient d'être question, et ce qui se passe dans l'intérieur de l'œuf d'un Ani- mal ordinaire. En effet, l'œuf du Biphore, de même que l'œuf d'un Mammifère ou d'un Oiseau, renferme un Protoblaste qui, en se développant, donne naissance à un Métazoaire, et celui-ci, chez le Biphore, se développe de façon à constituer une nourrice, c'est-à-dire un être possédant la plupart des caractères de sa mère, mais agame, et ce Métazoaire donne naissance, par gemmation, à des Typozoaires qui, dans ce cas, sont des animaux très-semblables à la nourrice dont ils des- cendent, mais aptes à se reproduire par oviparité. La diffé- rence principale qui existe entre les résultats de ce travail génésique et ceux dont les Animaux ordinaires nous offrent le spectacle, c'est que chez ceux-ci le Métazoaire reste dans un état d'imperfection organique très-grand, ne quitte pas (1) Ce travail très-remarquable de les idées des naturalistes touchant le M. Steenstrup parut eu 1 S4'2, et exerça mode de génération des Animaux infé- à juste titre une grande influence sur rieurs (a). (a) Steenstrup, Ueber die Generalionsweclisel in den niederen Thierklassen, -18-42. — On the Alternation of Générations, transi, by Busk (Ray Society, 1815). Û10 REPRODUCTION. l'œuf où il a pris naissance, et ne produit qu'un seul Typo- zoaire, au lieu d'en donner une série nombreuse, et de vivre dans le monde extérieur à la manière des Typozoaires dont il descend. Générations La série de faits dont j'ai déjà eu l'occasion de parler dans chez une précédente leçon, lorsque je décrivais le mode de multi- es' plication des Vers intestinaux du genre Monostome, est un autre exemple de ces générations alternantes (1). L'œuf pondu par un de ces parasites donne un Protoblaste qui affecte la forme d'un Animalcule couvert de cils vibratiles, et qui produit un Métazoaire, ou nourrice agame dans l'intérieur duquel naissent des Typozoaires dont la forme est d'abord celle d'un Cercaire, et dont le développement ultérieur amène la réalisa- tion du mode d'organisation caractéristique du Monostome sexué et ovigère. Générations Chez les Échinodermes, la multiplication des individus typi- "SÏÏm" ques et aptes à se reproduire au moyen d'œufg se fait par l'in- termédiaire de Métazoaires dont la structure est encore plus re- marquable que celle des Biphores nourrices. Ainsi, les Animaux bizarres que J. Mùller découvrit en 1846, et que ce naturaliste éminent désigna d'abord sous le nom de Plutcus paradoocvs, n'offrent, dans leur conformation, rien qui puisse faire soup- çonner leur parenté avec les Étoiles de mer à longs bras, appe- lées Ophiures. Ils ressemblent à une sorte de cloche irrégulière abord branchu, qui nage au moyen de cils vibratiles, et qui renferme dans sa substance hyaline une charpente solide com- posée de plusieurs baguettes calcaires. On y distingue une bouche, un estomac, des glandes, des rudiments d'un système nerveux. Plus tard se développe à la face concave de cette cloche mobile un groupe de caecums qui deviennent saillants, comme des tubercules, et se disposent par paires d'une manière (1) Voyez ci-dessous, page 285 et suivantes. EchinoJermes. GÉNÉRATIONS ALTERNANTES. ftll radiaire, de façon à constituer un petit corps étoile. Enfin ce corps, après s'être séparé du Pluteus qui l'a produit, se développe de façon à réaliser la forme et la structure des Échinodermes du genre Ophiure (1). Des phénomènes du même ordre ont été observés chez les Oursins et chez les Astéries (2), (1) J. Millier, dont la longue série d'observations sur le développement des Echinodermes ne saurait être citée avec trop d'éloges, et dont la mort ré- cente est un malheur pour la science (a) considéra le Pluteus comme étant la larve de l'Ophiure; mais ainsi que l'a fait remarquer M. Dareste, ce singulier Animal semble avoir plutôt les carac- tères d'un Métazoaire ou nourrice, car ce n'est pas son organisme qui se trans- forme pour devenir un Echinoderme, et celui-ci en naît par un phénomène de bourgeonnement (6). (2) Au sujet du développement des Echinides, je citerai non-seulement les recherches déjà mentionnées de Mill- ier, mais aussi celles de MM. Derbès, Krohn, Busch et Alex. Agassiz (c). Les principaux travaux sur le développe- ment des Astériens , dont les Méta- zoaires furent d'abord décrits sous le nom de Hipinnaria, sont dus à MM. Sais, Krhon et Danielssen (d). (a) Joliannes Mùller, Bericht ùber einige neue Thierformen der Nordsee (Archiv fur Anat. und Physiol., 184C>, p. 108, pi. C). — L'ebev die Larven und die Métamorphose "der Cphiuren und Seeigel (Mém. de VAcad. des sciences de Berlin pour 1840). — Ueber die Larven und die Métamorphose der Echinodermen , 1849 (Me'm. de VAcad. des sciences de Berlin pour i t — Ueber die Larven und die Métamorphose der Holothurien und Asterien [Op. cit., 1850). — Ueber die Larven und die Métamorphose der Echinodermen . Yierte Abhandlung, 1852 (Op. cit., 1851). — Ueber die Ophiurenlarven des Adriatischen Meeres, 1852 (même recueil pour 1851). — Ueber den allgemeinen Plan in der Enlvnckelung der Echinodermen, 1853 (même recueil pour \8b-2). — Ueber die Gattung der Seeigellarven ; siebente Abhand. ûberdie Metamorph. der Echinod., 1855 (même recueil pour 1854). (b) liaresie, Analyse des observations de Millier sur le développement des Échinodermes (Ann. des sciences nat., 3e série, 1852, t. XVII, p. 3"i2). (c) Derbès, Observations sur les phénomènes qui accompagnent la formation de l'embryon de l'Oursin comestible {Ann. des seiences nat., 3e série, 1847, t. VIII, p. 80, pi. 5). — Krohn, Beitrage zur Entmckelungsgeschichte der Seeigellarven. IleiJelberg, 1849. — Ueber die Entwickelung eincr lebendig gebarenden Ophiuren( Mùller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1851, p 338, pi. 14, fig. 2-5). — Ueber die Larven der Echinus brevispinosus (Mùller's Archiv, 1853, p. 361). — Beobachtungen iiber Echinodermenlarven (Op. cit., 1854, p. 208, pi. 10, fig. 1, -2). — Busch , Beobachtungen ûber Anatomie und Entwickelung einiger wirbellosen Seethiere, 1851. — Alexander Agassiz, On the Embryology of Echinoderms, IS6 A (Memoirs ofthe American Aca- demy, t. IX). (d) Pars, Beskrivclser og Iagttagelser. Bergen, 1835, p. 37, pi. 15, fig. 40. — Krohn et Danielssen, Zoologeske Bidrag. Bergen, 1847. — Observ. sur le Bipennaria asteri- gera (Ann. des sciences nat., 3e série, 1847, t. VII, p. 347, pi. 7, fig. 7-9). ■ — Max. Schultze, Ueber die Entwickelung von Ophiolepis squamata (Mùller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1852, p. 37, pi. 1). — Krohn, Ueber einen neuen Entwickelungsmodns der Ophiuren (Archiv fur Anat. und Physiol., 1857, p. 369, pi. 14 B). Générations alternantes chez les Medusaires. l\\ 2 REPRODUCTION. mais la forme du Métazoaire varie chez ces différents Zoo- phytes. Du reste, je me hâte d'ajouter que ces générations alternantes ne se rencontrent pas chez tous les Éehinodermes, et que chez plusieurs de ceux-ci, le développement se fait d'une manière continue, de sorte que le Métazoaire tout entier devient un Typozoaire, au lieu de produire celui-ci par voie de bour- geonnement (1). Dans d'autres cas le Métazoaire, tout en étant apte à sortir de l'œuf et à mener pendant quelque temps une vie errante, ' ne présente qu'une structure très-simple. Ainsi, l'œuf de la Médusa avrita donne naissance à un Animalcule cilié et de forme ovoïde, appelé Planula, qui ressemble beaucoup à nu Infusoire et ne montre dans son intérieur aucun organe parti- culier. Ce Métazoaire nage librement dans la mer à l'aide de ses cils, qui font office de rames; puis il se fixe sur la surface d'un rocher ou de quelque autre corps étranger, et se déve- loppe de façon à devenir cratériforme et à ressembler à un Polype. Alors son corps s'étrangle de distance en distance et (1) Chez tous ces Zoophytes, le Mélazoaire a une forme bilatérale, et le caractère radiaire ne se manifeste que chez le Typozoaire. Chez les Echi- nides, les Astériens et les Ophiures, ce dernier se sépare du Métazoaire, dont il naît par une sorte de bour- geonnement interne ; mais chez les Holothuries, le Métazoaire est persis- tant presque en totalité, et reste uni au produit qui en naît par bourgeon- nement et qui constitue la portion cé- phalique de l'Animal parfait. Sans le secours de figures, il me serait impos- sible de donner une idée nette de la conformation de ces Echinodermes en voie de développement, et des mé- tamorphoses qu'ils subissent. Je me bornerai donc à ajouter que les Méta- zoaires des Echinides ont une char- pente calcaire comme ceux des Ophiu- res, tandis que chez le Mélazoaire des Astériens et des llolothuriens, celle charpente n'existe pas. Ces derniers sont plus ou moins vermiformes. Des exposés des recherches de Mill- ier sur ce sujet ont été publiés par MM. Dareste, Huxley et Agassiz (a). (a) Daresle, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2e série, t. XVI, p. 154; t. XIX, p. 244; t. XX, p. 121 et 147 ; à' série, t. I, p. 153). — Huxley, Report on the Researches of Millier into the Anatomy and Development ofEchino- derms (Ann. of Nat. Hist., 2» série, 1851, t. VIII, p. i). — Agassiz. Lectures on Comparative Embruoloqy. Boston, 1840. GÉNÉRATIONS ALTERNANTES. /il 3 se divise en une série de tronçons qui ne tardent pas à devenir libres, et qui, en se développant, acquièrent peu à peu le mode d'organisation typique de leur race, ou, en d'autres mots, de- viennent autant de Méduses sexuées (1 ). Des phénomènes analogues nous sont offerts par d'autres Acalèphes dont les Planules ou larves ciliées constituent, en se (1) Les premières observations re- latives à cette partie intéressante de l'histoire des Acalèphes datent de 1829 et sont dues à un naturaliste norvé- gien, M. Sars, de Bergen. Cet auteur fit connaître alors quelques-unes des formes transitoires de la Médusa au- rita , mais il les considéra comme constituant des types zoologiques par- ticuliers, et il leur donna les noms gé- nériques de Scyphosloma et de Stro- bila (a). En 1835, Sars reconnut que le Scyphostome n'était qu'un premier état de l'Animal qu'il avait appelé Slrubila, et que celui-ci avait beau- coup d'analogie avec certains Aca- lèphes, notamment avec VEphira d'Eschscholtz (b). Enfin, deux ans après, le même naturaliste annonça que les Strobiles sont de jeunes Mé- duses (c), et, en 1841, il exposa, avec tous les détails désirables, la série de ses observations sur ce sujet : il montra, d'une part, la transformation des Scyphostomes en Strobiles, la nais- sance de Méduses éphiroïdes aux dépens des tronçons du Strobile, et le développement de ces Méduses en Aurélies et en Cyanées sexuées ; d'autre part, la production des Scyphostomes par les œufs de ces derniers Acalè- phes (c/). Vers la même époque, M. Sie- bold fit des recherches importantes sui- te même sujet, et déjà un naturaliste écossais, John Dalyell, avait constaté beaucoup de faits du même ordre (e). Diverses observations relatives à la filiation des Sertulariens et des Médu- saircs furent publiées peu de temps après par plusieurs autres zoologistes, et plus récemment M. Desor s'est occupé aussi du développement de la Médusa aurita (f) ; enfin, je citerai également ici à ce sujet les observa- tions nouvelles dont M. Agassiz vient d'enrichir la science (g). (a) Sars, Bidrag til Soedyrenes Xaturhistorie. Bergen, 1829 (Isis, 1833, p. 221). (b) Idem, Beskrivelser og Jagitagelser. Bergen, 18^5, p. 16 et suiv. (c) Wem, Wiegmànn'a Archiv fur Naturgeschichte, 1837, t. I, p. 486. (d) Idem, Ueber die Entwickelung der Médusa aurita und der Cvanea eapillata (Wiegmann's Archiv, 1841, t.I, p. 9). (e) Siebold, Beitrâge zur Naturgeschichte der wirbellosen Thieve (Neuste Schriften der Natur- ferschenden Gesellscltaft in Danzig, 1839, t. III). — Dalyell, On the Propagation of Scotish Zoophytes (Edinburgh New Philosophical Journal, 1834, t. XVII, p. 411 1. — Furlher Illustrations of the Propagation of Scottish Zoophytes 1 Op. cit., 1830, t. XXI, p. 88). — Rare and Remarkable Animais ofScotland, 1847, t. I, p. 99 et suiv. (/) Desor, Lettre sur la génération médusaire des Polypes hydraires (An», des sciences nal., 3« série, 1849, t. XII, p. 311, pi. 2, fig. 1-G). (\C/5 •>*! •>s* l\\!x REPRODUCTION. développant, non pas des Strobiles scissipares, mais des Sertu- lariens ou autres Polypes hydroïdes, qui se multiplient par gemmation, et produisent ainsi tantôt une nouvelle génération de Métazoaires (1), d'autres fois des Typozoaires dont la structure ne diffère pas de celle des Méduses ordinaires, et dont les œufs donnent naissance à d'autres Planules (2). Il est aussi à noter que, chez certains Acaièphes, l'individu Typo- zoaire peut se multiplier par bourgeonnement aussi bien que (1) Ce bourgeonnement peut avoir lieu aussi sur les Strobiles, qui sont susceptibles de se multiplier par scissi- parité; et les bourgeons peuvent naî- tre, soit directement sur les parois du corps de l'individu souche , soit sur des stolons qui partent de la base de celui-ci (a). (2) Les Sertulariens, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler comme ayant la faculté de se multiplier par bour- geonnement (6) , sortent de l'œuf à l'état d'Animalcules ciliés, analogues aux Planules dont il a été question ci-dessus ; puis ils se fixent, et en se développant, deviennent des Polypes hydroïdes qui sont susceptibles de se reproduire sous des formes dif- férentes. Parmi les bourgeons qui en naissent, il en est qui deviennent des individus polypiformes et pourvus de tentacules, ainsi que d'une ouverture buccale. Mais d'autres sont clos, et, en se développant, chacun de ceux-ci forme, par la dilatation de sa gaîne tégumentaire , une sorte de capsule dans l'intérieur de laquelle ils pro- duisent de nouveaux bourgeons en nombre plus ou moins considérable, lesquels bourgeons secondaires consti- tuent, en se développant, tantôt autant de Planules ciliées, ou Sertulariens à l'état de larves mobiles, ainsi que cela été observé par M. Lôven ; d'autres fois, de jeunes .Médusaires, qui plus tard deviendront sexués, et produiront, soit des vésicules sperma- tiques, soit des œufs, et procréeront ainsi de nouveaux Sertulariens : par exemple, chez le Campanularia gela- tinosa (c). Ces jeunes Méduses se détachent souvent à l'état de larves ciliées (cl) ; mais d'autres fois elles ac- quièrent leur forme typique lorsqu'elles (a) Sars, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2» série, 1841, l. XVI, p. 342, pi. 15, fig. 37, 42, etc. (&) Vovez ci-dessus, page 314. , cj i Lôven, Observations sur le développement et les métamorphoses des genres Campanulave Synchoryue (Ann . des sciences nat., 2' série, 1841, t. XV, p. 157, pi. 8). ((i)Ellis, llist.nat. des Corallines, 1756, p. 11G, pi. 38. _ Van Beneden, Mém. sur les Campanulaires de la côte d'Ostende, pi. 1 et 2 (Mém. de l Acad. de Bruxelles, 184*, t. XVTI). . . — Desor, Lettre sur la génération médusipare des Polypes hydratres (Ann. des sciences nat., 3- série, 1849, t. XII, p. 207, pi. 2, fig. 8-12). (e) Dujardin, Mém. sur le développement des Méduses et des Polypes hydraires (Ann. des sciences nat.., 3' série, 1845, t. IV, p. 257, pi. 14 et 15). — Desor, Op. cit., p. 205, pi. 2, fig. 13-16. GÉNÉRATIONS ALTERNANTES. as par oviparité, et que les jeunes produits de la sorte sont des Typozoaires, au lieu d'être des Métazoaires, comme ceux déve- loppés dans l'intérieur des œufs (1). Pour nous familiariser avec les faits de cet ordre, il me semble utile de citer encore ici le mode de multiplication des Multiplication • des Coralhaires, de la division des Alcyonaires: celle des Gorgones Aicyonnaires. et du Corail, par exemple. CesZoophytes se reproduisent à l'aide d'oeufs de chacun desquels naît un Métazoaire assez semblable à celui des Méduses dont je viens de parler, et cet Animalcule cilié, après avoir mené pendant quelque temps une vie errante, se fixe sur quelque corps sous-marin (2). Puis il devient le siège d'un travail de gemmation, par suite duquel des Polypes sexués naissent dans son épaisseur et surgissent à sa surface. sont encore adhérentes au corps de l'individu souche , ainsi que cela a été observé chez les Syncoryncs (a). Il arrive aussi parfois que la por- tion terminale d'un de ces Polypes hy- droïdes se sépare de sa base, et con- stitue un Animal libre et campanuli- forme,qui semble être destiné à devenir une Méduse sexuée (b). (1) C'est aussi à Sars que l'on doit la découverte de cette multiplication des Médusaires au moyen de bour- geons. Il constata ce fait chez deux espèces de dymnophthalmes, le Cytœis octopunctatu (ou Lizzia octopunctata, Forbes), et le Thaumantias multicir- rata (c). Plus récemment, E. Forbes observa les mêmes phénomènes chr-z le Thaumanticu lucida, le Lizzia blondina et le Sarsia proliféra. Les bourgeons peuvent naître sur divers points : de la surface des ovaires, du côté de la trompe stomacale, ou à la base des tentacules marginaux du dis- que natatoire (d). (2) Les premiers naturalistes qui ont observé les larves ciliées des Gor- gones et des autres Zoophytes les ont considérées comme étant des œufs doués de facultés locomotrices (e). M. Lacazc-Duthiers vient d'en faire une étude très-attentive (/"). (a) Ce sont ces larves qui ont été décrites par quelques auteurs comme des œufs ciliés Voy Grant Observ. sur les mouvements spontanés des œufs de plusieurs Zoophytes (Ann. des sciences nat.\ i" série, t. Mil, p. 52). (b) Nordmann, Sur les changements de forme que l'âge apporte dans la manière d'être des Campanulaires (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1839, t. IX, p. 704). (c) Sars , Fauna Norvegica. (d) E. Forbes, A Monograph of the British naked-eyed Medusœ, p. IG (Ray Society, 1858) (e) Cavohni, Memorie per servire alla storia dei Polipi marini, 1785, p. 100. — Grant, Op. cit. {Ann. des sciences nat., I" série, t. XIII, p. 52). (0 Lacaze-Duthiers, Histoire naturelle du Corail, 18fi4. /ll6 REPRODUCTION. Ici les produits de ce bourgeonnement ne se séparent pas de la nourrice qui les produit, et celle-ci constitue la base organique commune ou sclérosome qui réunit entre eux tous les individus dont l'assemblage l'orme ces singulières colonies. Chez ces Coralliaires, le Métazoaire n'est donc représenté que par une coucbe de tissu vivant qui a la faculté de bourgeonner et de produire ainsi des Typozoaires. caractères Maintenant supposons par la pensée que ce Métazoaire se du Métazoaire chez développe un peu moins, reste dans l'intérieur de l'œuf, et en les Animaux , supéncurs. bourgeonnant ne donne naissance qu'à un seul Typozoaire, puis cesse d'exister avant que son produit ait acquis sa forme défi- nitive, nous aurons une idée assez juste de ce qui se passe d'ordinaire dans les premiers temps du travail génésique chez les Animaux supérieurs. En effet, le corps celluleux ou granu- leux que nous avons vu se développer à la surface du globe vitellin de l'Oiseau ou du Mammifère, et que j'ai désigné sous le nom de blastoderme, représente une nourrice de ce genre, et nous allons voir maintenant que, par une sorle de gemma- tion, il va donner naissance à un Typozoaire, qui sera d'abord un embryon presque informe, mais qui, en grandissant, réali- sera peu à peu le mode d'organisation propre aux représentants parfaits de son espèce. Chez tous ces Animaux, ainsi que je l'ai déjà dit, le nouvel être en voie de formation se montre d'abord sous la forme d'une tache blanchâtre ou disque, appelé blastoderme, ou membrane proligère, qui repose sur la surface du globe vitel- lin. Sa croissance est rapide, et en s'ngrandissant, cette couche de matière plastique ne tarde pas à envahir la totalité de cette surface et à constituer une cellule ou sphère creuse dont l'in- térieur est occupé par la substance vitelline. Or, cette cellule blastodermique est en réalité un être vivant dont l'activité phy- siologique va se manifester d'une manière remarquable, et elle me semble pouvoir être considérée comme l'analogue de ces EMBRYOGÉNIE. 417 Métazoaires dont je viens de signaler l'existence chez beaucoup d'Animaux inférieurs : seulement sa structure est beaucoup plus simple que celle de la plupart de ces êtres ; elle n'est pas conformée pour vivre dans le monde extérieur, et elle est destinée à fournir toute sa carrière dans l'intérieur de l'œuf où elle a pris naissance. Bientôt une autre couche de matière plastique apparaît au- dessous de la première, et adhère à sa face interne dans le point central où celle-ci a commencé à se former, mais s'en sépare dans sa partie périphérique, et en grandissant, elle constitue une seconde cellule incluse dans la première et renfermant le globe vitellin. Les embryologistes la désignent généralement sous le nom de feuillet muqueux du blastoderme, et ils appellent feuillet séreux la couche externe que je viens de comparer à un Métazoairc. Pendant que le feuillet interne du blastoderme se développe de la sorte, la cellule métazoïque, ou feuillet séreux, présente dans le point où ce travail embryogénique a commencé, c'est- à-dire au centre de l'espace appelé Vaire germinative, un phénomène fort analogue au bourgeonnement, par lequel les Métazoaires produisent des Typozoaires. En effet, ce feuillet blastodermiquc s'épaissit dans ce point, et le cumulus ainsi formé s'avance, non pas vers l'extérieur, comme le font les bourgeons dont il a été question jusqu'ici, mais vers le centre du globe vitellin. Or ce cumulus, qui s'enfonce de la sorte dans l'intérieur de la cellule formée par le feuillet blastodermique dont il naît, constitue, avec le feuillet muqueux du blastoderme auquel il adhère par sa face interne ou ventrale, le premier vestige du corps de l'embryon futur, ou, en d'autres mots, du Typozoaire. Pendant que cette espèce de bourgeon s'avance ainsi , la partie adjacente de la cellule métazoïque, c'est-à-dire du feuillet séreux du blastoderme, s'accroît rapidement de façon à che- 418 REPRODUCTION. vaucher au-dessus de la face dorsale de l'embryon naissant, et à transformer en une sorte de bourse la dépression dans laquelle celui-ci s'enfonce. Les bords du repli circulaire ainsi constitués (1), se resserrent de plus en plus, jusqu'à ce que la fossette contenant la partie principale du corps du jeune embryon se ferme complètement, et représente une sorle de kyste membraneux inclus dans le Métazoaire, ou cellule blasto- dermique primitive, et suspendu à la paroi interne de celui-ci par un pédoncule, dernier vestige de l'entrée de la fosse résultant de l'espèce de bourgeonnement que je viens de décrire (2). Enfin, ce pédoncule se rompt, et alors toute con- tinuilé organique cesse entre la cellule externe qui représente le Métazoaire, et le jeune Typozoaire, qui porte à sa face ven- trale le globe vitellin et se trouve renfermé dans un sac membraneux auquel on a donné le nom iïamnios (3). Chez les Reptiles et les Oiseaux, le rôle de la cellule méta- (1) Ce repli se forme tout autour de l'aire germinative, mais il com- mence aux deux extrémités de l'em- bryon, et il donne ainsi naissance à deux espèces de voiles appelés capu- chon céphalique et capuchon caudal, qui s'avancent l'un vers l'autre en recouvrant de plus en plus le corps du jeune Animal. Voyez à ce sujet les ligures théoriques données par M. Baer et reproduites par beaucoup d'au- teurs (a). (2) Quelques auteurs appellent ce détroit Vombilic amniotique , mais cette expression ne me paraît pas heu- reuse. (3) L'embryon ne se développe, dans l'intérieur d'un sac de ce genre, que chez les Animaux vertébrés dont j'ai formé le groupe naturel des Al- lantoïdiens, c'est-à-dire chez les Mam- mifères, les Oiseaux et les Reptiles. Les Batraciens et les Poissons, de même que tous les Invertébrés, n'ont pas d'amnios. Cette cellule tégumentaire est remplie d'un liquide aqueux dans lequel l'embryon flotte plus ou moins librement, mais il adhère toujours aux parois de cette tunique membraneuse par un prolongement de la peau dont son corps est revêtu. Il y a de la sorle continuité de substance entre ces deux parties, et la membrane amniotique n'est en réalité qu'une sorte de pro- longement de la couche cutanée de l'embryon. C'est chez la Poule que le^node de formation de l'amnios a été, pour la (o) Burdach, Traité de physiologie, t. III, pi. 3. EMBRYOGÉNIE. £19 zoïque est alors terminé, et elle ne tarde pas à se désorganiser, puis à disparaître; mais chez les Mammifères, elle continue à vivre, et, après s'être dépouillée de la membrane vitelline qui la recouvrait ou s'être unie à cette tunique, elle se développe pour constituer l'espèce de poche incubatrice appelée chorion, dans l'intérieur de laquelle le jeune Animal en voie de formation se trouve renfermé. Une sorte de soudure s'établit ensuite entre des appendices vasculaires de l'embryon et la face interne de cette enveloppe externe, de façon que le Métazoaire et le Typo- zoaire, après s'être séparés un instant, se réunissent de nou- veau; mais cette union ne dure que pendant la vie intra- utérine, et lorsque le jeune Mammifère arrive dans le monde extérieur, il se débarrasse de la cellule métazoïque, et celle-ci cesse d'exister (1). Un phénomène analogue a été observé chez les Molluscoïdes particularités de la famille des Ascidies. Le jeune Animal qui naît dans l'œuf développement des Ascidies. première fois, bien constatée et cette découverte est due à M. Baer (a). Plusieurs autres embryologistes du commencement de ce siècle avaient supposé que, chez les Mammifères, celte poche était primitivement une vésicule close dans l'intérieur de la- quelle l'embryon s'enfoncerait, et cette opinion a été soutenue par quelques auteurs plus récents (6). M. Velpeau a cru que l'embryon se constituait dans l'intérieur de la vésicule amnio- tique, et que celle-ci se trouait pour laisser passer les appendices ombili- caux ((■}. Mais cette opinion est non moins insoutenable que la précédente, et depuis les recherches de .MM. Baer, Thompson, Coste, Bischoff, etc., etc., on est généralement d'accord pour adopter les vues présentées ci-des- sus (d). (1) Je reviendrai sur ce sujet lors- que je traiterai du développement des Mammifères et des Oiseaux en parti- culier. Ici je ne puis présenter que des notions très -sommaires. (a) Baer, Entivickelungsgeschichte, t. IL— Traité de Physiol., de Bimlach, t. III, p. 216 et suiv. (b) Dœllinger, Versuch einer Geschichte der menschlichen Zeugung (Meckel's Deutsches Archiu fur die Physiol., 1816, t. II, p. 388). — Pcekels, Neue Beitrâgezur Entwickelungsgescldchte des menschlichen Embryo (Isis, 1825. p. 1342). — Serres, Observations sur le développement de l'amnios chez, l'Homme (Ann. des sciences nat., 2' série, 1809, t. XI, p. 231). (cN Velpeau, Ovologie, p. 25. (d) Thompson, Contributions to the Uist. of the Structure of the Human Ovum [Edinburgh Med. and Surg. Journal, 1839, t. LU, p. 19). — Bischoff, Traité du développement de l'Homme et des Mammifères, 1843, p. 123, etc. Û20 KEl'RODUCTION. ressemble, par sa l'orme, à ces Cercaires dont j'ai déjà parlé en traitant des générations alternantes des Douves (1) ; mais bientôt ce pelit être se fixe sur quelque corps sous-marin, perd sa queue, et subit dans sa structure intérieure des changements considérables. Son corps, de forme ovoïde, se sépare en deux portions parfaitement distinctes, l'une superficielle et constituant une cellule tégumentaire comparable à un sac métazoïque, l'autre intérieure, également utriculaire, et contenant la masse vitelline. Ces deux cellules vivantes n'ont alors entre elles aucun lien organique, mais, par suite du travail de développement dont elles sont le siège, elles se soudent ensemble à l'extrémité antérieure du corps, et forment de nouveau un seul être, ainsi que nous venons de le voir pour le ehorion et l'embryon des Mammifères. Chez ceux-ci, cette union n'est que temporaire, la portion métazoïque du jeune Animal n'a qu'une existence très- courte , et c'est la portion typozoïque qui bientôt constitue à elle seule la totalité de l'organisme. Chez les Ascidies, au con- traire, la portion métazoïque ne se détruit pas, et continue à être une partie constitutive du nouvel individu dont elle forme la tunique tégumentaire (2). Développement Enfin, chez beaucoup d'autres Animaux, la séparation entre direct . , . ... , . -. , d'un la portion métazoïque et la typozoïque du produit engendre ne s'effectue jamais, et la totalité du nouvel être en voie de déve- loppement concourt à la formation de l'organisme parfait. Cela se voit chez les Batraciens, les Poissons et la plupart des Ani- maux invertébrés. (1) Voyez ci-dessus, page ZilO. danec temporaire de la sphère interne (2) J'ai étudié avec beaucoup d'al- par rapport à l'enveloppe externe tention ces phénomènes chez quelques était facile à constater par les change- Ascidies de nos côtes, où l'indépen- ments de position de la première (a). (a) Milne Edwards, Observations sur les Ascidies composées des cotes de la Manche, p. 36, pi. 5 (Mém. de l'Acad. des sciences, t, XVIII). Typozoaire. EMBRYOGÉNIE. /j21 Nous voyons donc qu'il existe, dans le Règne animai, une Résumé, multitude de nuances dans le degré d'indépendance des pro- duits du travail zoogénique dont l'œuf est le siège, ainsi que dans le mode d'apparition de ces produits, qui se montrent tantôt successivement, tantôt d'une manière simultanée, et qui peuvent avoir une même durée, ou bien être séparés par suite de la mort de l'un d'eux à une époque où l'autre est encore apte à vivre pendant longtemps. Ce sont donc des différences en plus ou en moins qui n'impliquent aucune dissemblance fondamentale quant au mode de transmission de la vie dans la série des individus appartenant à une même espèce. 11 en est de même pour ce qui concerne le degré de complication orga- nique des divers termes de cette série, et de l'aptitude des êtres, qui représentent ces termes, à vivre d'une manière plus ou moins indépendante. Le phénomène des générations alternantes, quelque singulier qu'il puisse nous paraître au premier abord, se rattache donc étroitement aux phénomènes généraux du développement des Animaux par voie de génération ordinaire; seulement, dans un cas, le second produit principal du travail zoogénique, celui que j'ai appelé le Métazoaire, ne se perfectionne que peu, ne remplit qu'un rôle très-court dans l'intérieur de l'œuf, et ne fournit qu'un seul Typozoaire; tandis que dans l'autre cas il se perfec- tionne beaucoup, il devient apte à mener pendant longtemps une vie errante avant que de donner naissance à l'individu typique qui réalise la forme la plus complète de la lignée d'êtres dont il descend, et il est apte à produire plusieurs individus de cette dernière catégorie, ou même un certain nombre de jeunes Métazoaires dont sortira plus tard la nouvelle génération de Typozoaires. Chez les trois sortes d'êtres, le Protoblaste, le Métazoaire et le Typozoaire, qui naissent les uns des autres par voie de géné- ration continue, et qui forment une série de termes en connexion MU. 29 k%% REPRODUCTION. avec les termes précédents et suivants au moyen de la généra- tion discontinue seulement, la faculté reproductrice se manifeste avec des degrés de puissance variables, et le travail zoogénique qui en dépend, est tantôt monosomique, d'autres fois polyso- mique. Ainsi le Protoblaste, ou l'œuf qui constitue le premier terme de cette série, peut se multiplier de façon à produire d'autres œufs, comme nous l'avons vu chez les Mermis, ou bien ne donner naissance qu'à un Métazoaire unique, ainsi que cela a lieu chez la plupart des Animaux; et ce Métazoaire peut à son tour produire un nombre plus ou moins considérable d'autres Métazoaires qui seront la souche d'autant d'individus typozoïques, ou ne fournir qu'un seul représentant typique de son espèce. Enfin, ces deux termes de la série spécifique, le Métazoaire et le Typozoaire, au lieu d'être parfaitement dis- tincts entre eux et de se succéder, de façon que le premier périt lorsque le second n'est pas encore parvenu à un dévelop- pement complet, peuvent se confondre plus ou moins intime- ment entre eux, et ne constituer qu'un individu zoologique unique. Je suis porté à croire que beaucoup de phénomènes térato- logiques dépendent de ce que, dans certains cas, le travail géné- sique effectué par le Métazoaire, au lieu d'être monosomique, comme d'ordinaire, devient polysomique ; de sorte qu'un même blastoderme, au lieu de produire un embryon unique, comme cela a lieu normalement chez tous les Animaux supérieurs, donne naissance à deux ou à plusieurs de ces corps, qui, en grandissant, se soudent entre eux, et constituent ainsi des monstres doubles ou triples dans la portion de l'organisme où cette fusion n'a pas eu lieu, mais simples là où elle s'est opérée de bonne heure. Pour plus de détails à ce sujet, je renverrai aux recherches que M. Lereboullet vient de publier sur la pro- duction des monstruosités chez les Poissons, et je ferai remar- quer seulement combien il est intéressant de voir que les êtres HISTOGENESE. 423 anormaux de cette classe, dont la formation dépend de causes que nous ignorons, ont un mode d'origine analogue à celui qui est normal dans d'autres groupes du Règne animal (1). § 6. — Lorsque l'individu typozoïque commence à se con- phénomènes stituer, sa structure est toujours très-simple ; mais à mesure usl°semques- qu'il se développe, son organisme se complique plus ou moins, et cette complication croissante, qui est une condition de per- fectionnement, résulte de trois choses : 1° des transformations qui s'opèrent dans la substance vivante, et qui amènent le déve- loppement d'un plus ou moins grand nombre de tissus distincts par leurs caractères anatomiqucs, ainsi que par leurs propriétés physiologiques; 2° de la manière dont ces tissus sont mis en œuvre pour la constitution des instruments physiologiques ap- pelés organes, et de la conformation de ceux-ci ; 3° du mode de groupement de ces organes en un seul tout, qui est l'individu zoologique. (1) Il résulte des observations de M. Lereboultet, que, chez les Poissons, la monstruosité par duplicité est tou- jours primordiale. Le blastoderme unique, après avoir constitué autour du vitellusune sorte de bourse repré- sentant ce que j'appelle un Métazeaire, produit sur son bord un bourrelet embryogène, qui d'ordinaire no donne naissance qu'à un seul tubercule, ou bourgeon typozoïque, destiné à deve- nir l'embryon du jeune Poisson; mais dans les cas tératologiques dont il est ici question, deux ou quelquefois même trois de ces bourgeons y sur- gissent, et, par suite de leur dévelop- pement, ces tubercules embryogènes venant à se rencontrer par leur base, s'y confondent entre eux, tandis que leur sommet reste libre dans une •'tendue plus ou moins considérable. Là où les bourgeons ainsi groupés conservent leur individualité , ils produisent les parties correspondantes d'autant d'embryons distincts ; mais là où ils sont unis, iis ne donnent chacun naissance qu'à une portion de la ré- gion correspondante de l'organisme, et ces portions d'origine différente coalescent de façon à donner, en der- nier résultat, un corps unique en con- tinuité physiologique avec deux ou trois tètes distinctes. Les différences qui se présentent cbez les divers monstres par excès paraissent dé- pendre principalement de l'étendue de la soudure primitive des bourgeons embryogènes (a). (a) Lerelioullet, Recherches sur les monstruosités du Brochet observées dans l'œuf, et sur leur mode de production {Ann. des sciences nat., 4e série, 1861, t. XVI, p. 359; 1803, t. XX, p. 129, pi. 2 et 3). V24 REPRODUCTION. L'étude comparative des tissus, qui sont pour ainsi dire les matériaux primaires de l'organisme, n'a que peu occupé l'at- tention des naturalistes avant le commencement du siècle actuel. A cette époque, un des hommes dont l'école française se glo- rifie à juste titre, Bichat, l'envisagea d'une manière large et philo- sophique, mais les moyens d'observation dont il disposait étaient trop imparfaits pour lui permettre de l'approfondir beaucoup, et jusqu'en ces derniers temps cette branche des sciences na- turelles, appelée tantôt anatomie générale, d'autres fois histo- logie, était restée presque stationnaire (1). Les perfection- (1) Les anatomistes de l'antiquité, Aristote et Galien, par exemple, avaient reconnu que, parmi les maté- riaux dont les diverses parties du corps humain sont composées , les uns sont semblables entre eux, tandis que d'autres diffèrent ; mais ils n'a- vaient à ce sujet que des idées très- vagues. Au xvie siècle, Fallope insista davantage sur ces analogies, et il cher- eba même à établir un système de classification pour les divers tissus qui concourent à la formation de l'orga- nisme (a). Vers le milieu du siècle suivant, Malpighi (b) et Leeuwen- boeek (c), en s'aidant du microscope, abordèrent l'étude de la structure in- time de ces matériaux constitutifs de l'économie animale (d). Ils furent sui- vis dans cette voie par quelques autres anatomistes, tels que Muys et Fon- tana (e). Haller, par ses recherches expérimentales , contribua aussi à mettre en évidence la similitude des propriétés physiologiques de certaines parties et les différences qui les distin- guent de quelques autres tissus (/"). Mais l'étude comparative de ces divers matériaux constitutifs de l'organisme et de leur classification naturelle ne prit corps qu'entre les mains de Bichat, dont les recherches sur l'anatomie gé- nérale font époque en histologie (g). En 1823, Béclard publia un autre (a) Fallope, Lecliones de partibus similaribus humani corporls liber singularis, 1575. (b) Voyez lome I, page 41. (c) Voyez tome I, pige 42. (d) Les observations microscopiques de Lecmvenlioeek sur divers tissus sont disséminées dans un crand nombre d'articles insérés tant dans les Transactions philosophiques de la Société royale de Londres que dans les recueils intitulés: Arcana naturœ délecta. Les recherches histologiques de Malpiglii sont consignées dans son traité sur la structure des viscères (Opéra omnia, t. II), et dans son travail sur les glandes tOpera posthuma}. (e) Muys, Investigatio fabricœ quœ in partibus musculos componentibus exstat, in-4°. Lugduni Batavorum, 1741. fontana. Observations sur la structure primitive du corps animal (Traité du venin de la Vipère, 1781, t. H, p. 187). (f) Haller, Mémoires sur la nature sensible et irritable des parties du corps animal, 4 vol. in-12, 175G. (g) Bichal, Dissertation sur les membranes et sur leurs rapports généraux d'organisation Mèm. de la Société médicale d'émulation, t. II). — Traité des membranes, 1800. — Traité d' anatomie, générale, ï vol. in-8, 1802. HISTOGENÈSE. /{25 nements apportés au microscope, il y a une trentaine d'années, rendirent les recherches de ce genre plus fructueuses, et vers 1838 deux savants allemands, M. Schleiden et M. Schwann, y imprimèrent une forte impulsion. Elle a été l'objet d'une mul- titude d'observations et d'un nombre presque aussi grand de publications; mais ses progrès n'ont pas été aussi considérables qu'on pourrait le croire au premier abord, car l'interprétation des faits a été trop souvent subordonnée à des vues théoriques, et des généralisations prématurées ont mis en circulation plus d'une hypothèse dénuée de base solide et même beaucoup d'idées fausses. La plupart des questions les plus importantes touchant la genèse des différents tissus sont encore entourées d'une obscurité profonde, et, dans l'état actuel de la science, on ne peut s'en occuper utilement qu'à la condition de discuter à fond tous les éléments de conviction pour chaque cas particulier (1). Je ne m'y arrêterai donc que peu ici, me réservant de revenir traité d'anatomie générale, et précé- pas heureux (6): aussi ne fais-je men- demment Meckel avait également écrit don ici de ce travail que pour ex- sur le même sujet ; mais ni l'un ni pliquer pourquoi je ne l'emploierai l'autre de ces auteurs n'ajoutèrent pas dans le cours de ces Leçons. Les beaucoup à nos connaissances (a). mêmes remarques s'appliquent aux Vers 1823, lorsque l'on commença à autres publications de cette époque (c), employer de nouveau le microscope, (1) Malgré ces réserves, je n'en je cherchai à me rendre compte de la reconnais pas moins que les travaux conformation des éléments anatomi- de Schwann (d) et des micrographes ques des différents tissus ; mais les de son école font époque dans l'his- instruments dont je disposais étaient loire de l'histologie, et ont changé si imparfaits, que je ne pouvais me complètement la face de cette branche préserver de beaucoup d'illusions des sciences naturelles. C'est principa- d'optique, et mes essais ne furent lement en Allemagne que l'on s'en est (a) J. Meckel, Handbuch der menseblichen Anatomie, 181G, t. I. — Manuel d'anatomie, traduit par Jourdan et Breschet, 1825, t. I, p. 1 à 503. — 1*. Béclard, Eléments d'anatomie générale, t823. (b) Milne Edwards, Mém. sur la structure élémentaire des principaux tissus organiques des Animaux (Archives générales de médecine, 1823, t. III, p. 105). (c) Treviranus, Ueber die organischen Elementa des thierischen Kbrpers (Vermisck'c Schriften , 1810, t. I, p. 117). — Heussinger, Histologie. Eisenach, 1824. (d) Schwann, Mikroscopischeu l'ntersuchungen iïber die Uebereinstimmung in der Strucktur und dem Wachsthum der Thiere und P/lamen. Berlin, 1838, 1839. — Fiech.surla conformité déstructure et d'accroissement des Animaux et des Plantes. (Afin. se. nat., 1812, i. XVII, p. 5 . Théorie cellulaire de Schwann. fr26 REPRODUCTION. sur plusieurs de ces points à mesure que nous aurons besoin de les élucider. Suivant M. Schwann, dont les idées sont assez généralement adoptées en Allemagne, les éléments primordiaux de l'organisme seraient pour les Animaux, aussi bien que pour les Plantes, des cellules ou utricules, et ces cellules se formeraient toujours de la manière suivante. Au sein d'une substance organisable, mais homogène et sans structure, que l'on a appelé cijto- blaslème, une certaine quantité de matière vivante se concen- trerait de façon à constituer un nucléole autour duquel un nou- veau dépôt de matières organiques aurait lieu et donnerait naissance à un corpuscule enveloppant, nommé noyau. Celui-ci serait ensuite entouré d'une nouvelle couche de matière orga- nique distincte du cytoblastème circonvoisin; des liquides et d'autres matières introduites, sous cette enveloppe extérieure s'interposeraient entre elle et la majeure partie de la surface du noyau, de façon à les éloigner entre elles partout, excepté sur un point où leur adhérence ne serait pas détruite. La partie superficielle de ce système de couches concentriques se solidi- fierait alors de façon à constituer une membrane utriculaire ou cellule qui renfermerait le noyau fixé à sa surface interne, occupé, et, parmi les auteurs qui ont publié sur ce sujet les travaux les plus importants, je dois citer en pre- mière ligne MM. Valentin, Henle et Kôlliker (a). Un tableau historique de ces re- cherches et des opinions très-diverses qui ont été soutenues, tant sur la structure que sur la genèse des parties élémentaires des tissus, se trouve dans le grand ouvrage de M. Mandl, et nous conduit jusqu'en 1847 (6); pour l'indication des recherches plus récentes, je renverrai au traité d'his- tologie de M. Kôlliker, dont nous pos- sédons en France une bonne traduc- tion, et aux citations que l'on trou- vera dans les pages suivantes de ce livre. (a) Valenlin , Entwickelungsgeschieht gewebe des menschlichen und thierischen Kôrpers ( Wagner's Handivbrterbtich der Physiol, 1842, t. I, p. 617). — Henle, AUgemeine Anatomie, 1841 ; Traité d'amtomie générale, trad. par Jourdan, 1843, 2 vol. — Kôlliker, Microscopische Anatomie, 1850-1854 ; — Eléments d'histologie humaine, 1855. ) Voyez Kôlliker, Éléments d'histologie, p. 77, fig. 32. HISTOGENÈSE. /$5 avons déjà rencontrée dans les parois des artères (1). D'autres fois la portion périphérique de ces organites à noyau distinct, ou la substance blastoïde adjacente, se résout en filaments plus fins qui sont disposés en faisceaux, et elle donne ainsi nais- sance au tissu conjonctif, dont nous avons déjà vu la disposition générale (2). Ces faisceaux de fibrilles, d'une consistance molle, affectent d'ordinaire la forme de brides ou de lamelles qui s'entrecroisent irrégulièrement de façon à circonscrire des espaces ou lacunes occupées par des liquides, et à réunir entre eux les organes adjacents (3). Le tissu aréolaire ainsi produit peut se condenser en forme de lame membraneuse, sans cesser d'offrir la structure feutrée dont je viens de parler ; mais d'autres fois ses fibrilles élémentaires se disposent en faisceaux parallèles, et, en se consolidant, deviennent les matériaux con- stitutifs des tissus tendineux et aponévrotiques dont l'étude nous occupera plus tard. La totalité, ou tout au moins la majeure partie de la substance constitutive de ces tissus fibrillaires ne parait pas affecter la forme d'utricules avant d'acquérir sa structure caractéristique, et, dans beaucoup de cas, son mode d'organisation définitif ne me semble pas pouvoir être considéré comme dépendant de l'influence bistogénique des corpuscules épars que l'on appelle communément les noyaux. Je pense aussi que le développe- ment des cellules proprement dites n'est pas nécessairement lié à la préexistence de ces noyaux, et peut se (aire par un autre procédé. En effet, chez les Animaux inférieurs, on voit souvent des vacuoles se creuser dans la substance sarcodique amorphe là où rien n'indique la présence d'un noyau de ce genre, et parfois les cavités pratiquées de la sorte se tapissent d'une couche membraniforme qui devient bien distincte du (1) Voyez lome III, page 513. je l'enverrai aux traités spéciaux d'his- (2) Voyez tome IV, page 399. tologie les plus récents, notamment à (3) Pour plus de détails à ce sujet, celui de M. Kôllikcr. /|3G REPRODUCTION. tissu circonvoisin. C'est ainsi, et non par la formation d'utri- cules qui deviendraient ensuite confluentes, que chez les Spon- giaires le système des canaux aquileres se constitue, et il me paraît bien probable que, dans certains cas, des utricules peu- vent naître de la môme manière au milieu de la substance blastoïde. Dans toute la famille naturelle de tissus dont nous nous occu- pons ici, c'est-à-dire dans les tissus cartilagineux, osseux et fibreux que l'on peut réunir sous le nom commun de tissus scléreux (1), ainsi que dans le tissu connectif et ses dérivés, les organites primordiaux, soit qu'ils affectent la forme d'utri- cules, soit qu'ils consistent en sphérules ou autres agrégats dépourvus d'une enveloppe membraneuse ou paroi distincte, n'occupent en général que peu de place, et la majeure partie de la substance organisée appartient à la matière inlermédiaire ou inlercellulaire. C'est cette matière qui donne à ces tissus leurs caractères les plus importants, tant au point de vue ana- tomique et physiologique que sous le rapport de leur composi- tion chimique ; et à ce sujet, je ne dois pas omettre de dire que les principaux tissus scléreux, de même que le tissu conjonctif et ses dérivés membraniformes,ont cela de particulier que, sou- mis à l'action de l'eau bouillante, ils fournissent de la gélatine, matière que les autres tissus organiques ne sont pas susceptibles de produire. Il est aussi à noter que tous ces tissus sont plus ou moins aptes à se suppléer mutuellement dans la constitu- tion des êtres organisés, et que des phénomènes d'ossification peuvent se développer dans chacun d'eux. § H. — Des organites d'un autre ordre sont les fibres mus- muscuiahe. cuiajreSj parties dont la substance est formée essentiellement du (1) Celte dénomination a été employée à peu près dans la même acception par quelques anatomistes (a). fa) Laurent, Mém. sur les tissus animaux en général, el sur les tissus élastiques eteontrac- 'Ues eu particulier (Ami françaises et étrangères d'anatomie, 4837, 1. 1, p. j7). Tissu HISTOGENÈSE. /j£7 principe immédiat albuminoïde appelé fibrine, que nous avons déjà rencontré dans le plasma du sang (1). Ils sont caractérisés aussi par leurs propriétés contractiles, et ils affectent toujours la forme de cylindres ou de corpuscules allongés et atténués aux deux bouts en manière de fuseau. On distingue souvent dans ces fils en voie de développement, ou même chez ceux qui sont arrivés à l'état parfait, un ou plusieurs corpuscules inté- rieurs analogues à ceux dont il a été déjà si souvent question sous le nom de noyaux, et la plupart des histologistes les con- sidèrent comme étant des cellules ; mais ils ne me paraissent avoir jamais une structure nettement utriculaire, et la substance qui entoure leur noyau me semble d'abord homogène, puis disposée à se fractionner, soit longitudinalement, en fibrilles, soit transversalement, en disques superposés. Dans une pro- chaine leçon, nous reviendrons sur l'histoire de ce tissu, et nous en étudierons la structure. § 12. — Enfin, le tissu nerveux est également distinct de tous les précédents; il est toujours riche en principes albumi- noïdes et en matières grasses d'une nature particulière, et il affecte tantôt la forme d'utricules, tantôt celle de fibres ou cylindres, comme nous le verrons par la suite. § 13. — Les divers organites que nous venons de passer Hàto^é* en revue sont susceptibles de naître de différentes manières. Ainsi que nous l'avons déjà vu, les cellules ou les sphérulcs pleines qui les constituent peuvent apparaître isolément et libres au milieu de la matière blastémique (2) ; mais en général ils se (1) Voyez tome I-, page 157. d'après MM. Lebert et Prévost les (2) Dans certains cas, les granules cellules constilutives du tissu pse'udo- dementaires qui sont les points de dé- chondrique de la corde dorsale ne part de ce phénomène histogéniquepa- seraient autre chose que les corpus- raisscnt avoir pris naissance dans Tinié- cules contenus dans les globules or- neur d'un organite dont la destruction ganoplastiques de l'œuf, qui mis en a précédé leur métamorphose. Ainsi, liberté par la destruction dès parois vm. 30 TÏ:-SII nerveux. /|38 REPRODUCTION. multiplient par suite de la scission d'un organite préexistant (1), ou d'une portion de cet organite contenue dans l'intérieur de la vésicule mère, lorsque ce corpuscule a une structure utricu- laire (2). Ce phénomène a la plus grande analogie avec celui du fractionnement de la substance germinale de l'œuf, ou de la production des cellules vitellines, et probablement il n'en diffère pas. Dans le tissu cartilagineux, il est souvent assez facile à observer (3). Ainsi que je l'ai déjà dit plus d'une fois, c'est dans l'intérieur de ces divers organites que les princi- paux phénomènes du travail nutritif paraissent avoir leur siège; mais il y a lieu de penser que dans certains cas ils peuvent agir d'une manière analogue sur les substances adjacentes et en modifier les propriétés (h). de ces vésicules, se développeraient de façon à devenir eux-mêmes des utri- cules (a). (1) Par exemple, pour la multiplica- tion des globules du sang chez l'em- bryon (6). (2) M. Kanstein a cherché à établir que la multiplication des cellules est toujours endogène; que l'utricule se formerait d'abord, puis produirait le noyau, qui serait aussi une cellule, et qui donnerait naissance à une autre cellule incluse, ou nucléole (c). Dans certains cas, des emboîtements de ce genre ont lieu, mais aujourd'hui per- sonne ne pourrait admettre que le travail cytogénique s'effectue toujours de la sorte. (3) Pour plus de détails à ce sujet, je me bornerai ici à renvoyer aux ouvrages spéciaux sur l'histo- logie qui ont paru récemment (d). La multiplication endogène des cellules a été observée aussi d'une manière bien nette dans les corpuscules splé- , niques, dont l'étude nous a occupés dans une précédente Leçon (e). (Zi) M. Kemak pense que toutes les cellules ont deux membranes tégu- mentaires (/"), et M. Kôlliker, sans ad- mettre cette généralisation, admet que dans certains cas les utricules peuvent se revêtir d'une enveloppe secondaire par l'effet d'une sorte de sécrétion ex- térieure (g). (a) Prévost et Lebert, Mém. sur le développement des organes de la circulation (Ann. des sciences nat., 3' série, 1844, t. I, p. 204). (b) Voyez tome I, page 342. (c) H. Kanstein, De cella vitali. Berlin, 1843. (d)Mandl, Anatomie, microscopique, t. II, p. 33 et suiv. — Kôlliker, Traité d'histologie, p. 23 et suiv. (e) Voyez tome VII, page 249. (0 Remak, Ueber runde Blutgerinnsel und ûber pigmentkugelhaltige Zellen (MûUer's Archiv fur Anat. und Physiol, 1852, p. U5). (g) Kôlliker, Op. cit., p. 41 HISTOGENÈSE. fr39 § ld. — Les matériaux primaires de l'organisme ne se pré- Ti„u3 sentent que rarement seuls ; presque toujours deux ou plusieurs fCcondaircs s'associent plus ou moins intimement pour constituer ce que l'on pourrait appeler des tissus secondaires. Ainsi, le tissu con- nectif et ses dérivés se trouvent mêles au tissu musculaire ainsi qu'au tissu nerveux, dans presque tous les instruments physiologiques constitués par l'une ou l'autre de ces substances, et, dans beaucoup de membranes telles que plusieurs de celles dont l'élude nous a déjà occupés fi), le tissu connectif, le tissu blasloïde et le tissu utrieulairc sont réunis. 11 en résulte que la classification des tissus n'est pas aussi rigoureuse qu'on pour- rait le croire au premier abord. Mais, en général, on peut rapporter chacun de ces tissus plus ou moins complexes à celui des éléments anatomiques qui domine dans sa composition. § 15. — En résumé, nous voyons que les matériaux anato- cbMiflca«on nuques, soit primaires, soit secondaires, employés par la iNature primiufc. dans la constitution du corps des Animaux, et devant par con- séquent être produits par l'organisme en voie de développe- ment, peuvent être rangés en cinq classes principales, savoir: 1° Les tissus sarcodiques, qui sont amorphes, au moins en apparence. 2° Les tissus utriculaircs, caractérisés par la forme vésicu- laire de leurs organites, et doués ordinairement de la faculté de sécréter dans l'intérieur de ces cellules des matières spéciales. o° Les tissus conjonetifs et seléreux, qui consistent en tra- béculcs, en filaments ou en une substance aréolaire, qui sont d'ordinaire susceptibles de se transformer en gélatine, et qui (1) Par exemple, les membranes péricarde (6) ou la plèvre (c), et les séreuses, telles que le péritoine (a), le membranes muqueuses (d), la peau, etc. («) Voyez tome VI, page b. (ft.i Voyez loine II, pa^e -iU'J. (r.) Voyez lonio III, page 3 î 1 . (d) Voyez tome VI, page 7. lillO REPRODUCTION. servent principalement comme moyen d'union ou de consoli- dation. k° Le tissu musculaire, qui se compose de fibres contractiles, et qui est formé principalement de fibrine. 5° Le tissu nerveux, qui se compose de iîls cylindriques en connexion avec des cellules particulières. Du reste, en étudiant ces parties constitutives du corps des Animaux, il ne faut jamais oublier que ceux-ci sont des associa- tions d'une multitude d'individus qui sont autant de foyers de puissance physiologique. Lesorganites élémentaires de l'écono- mie animale, cellules, sphérules, globules ou fibres, quel que soit le nom sous lequel on les désigne et la forme qu'ils affec- tent, ont chacun une vie qui leur est propre; chacun s'accroît, se nourrit, agit conformément à sa nature particulière, puis meurt d'une manière plus ou moins indépendante de ses coas- sociés ou de l'espèce de compagnie formée par l'union de tous. La comparaison que j'ai souvent employée au commencement de ces Leçons, pour donner une idée du mode de constitution des êtres animés, est applicable à ces parties élémentaires aussi bien qu'aux instruments plus complexes que nous avons appelés organes ou appareils. Ce sont tous des ouvriers qui travaillent ensemble, soit d'une façon identique, soit de mille manières différentes, et dont l'association représente une sorte d'usine qui a son individualité, son existence propre et son rôle dans la société ; qui renouvelle peu à peu son personnel sans changer de caractère; qui grandit ou dépérit suivant les circonstances; qui se transforme parfois; qui peut perdre plusieurs bras sans interrompre ses travaux, mais qui s'arrête et meurt quand un trop grand nombre de ses membres, ou même certains d'entre eux seulement cessent de remplir leurs fonctions. Tout Animal est une association d'organes vivants qui réagissent les uns sur les autres, et tout organe est à son tour une assoeintion d'individualités ou organiles qui fonctionnent en commun , HISTOGBNÈSE. /^l mais qui ont chacun une vie qui leur est propre. Ces orga- nises ne paraissent différer que peu d'un Animal à un autre, mais leur mode d'association varie, et c'est surtout à raison des différences dans les combinaisons de ces associations à divers degrés que chaque espèce zoologique possède des pro- priétés et des caractères anatomiques qui lui sont propres. Ces particularités ne sont que faiblement indiquées au début de l'existence de l'être vivant, mais elles se prononcent de plus en plus à mesure que celui-ci se développe et se perfectionne, ainsi que nous le verrons bientôt lorsque nous étudierons l'évo- lution de l'embryon. § 16. — Ces notions générales étant acquises, nous aborde- rons l'histoire particulière, de la reproduction dans chacun des principaux groupes zoologiques. Mais ici il me paraît utile de ne pas suivre la marche adoptée dans la première partie de ce cours pour l'étude des fonctions de nutrition, et au lieu de commencer par les rangs inférieurs du Règne animal, je prendrai d'abord en considération l'embranchement des Vertébrés, car c'est là seulement que nos connaissances sont arrivées à un degré de perfection suffisant pour nous per- mettre d'être à la fois bref et positif. SOIXANTE -QUINZIÈME LEÇON. De l'appareil de la reproduction et de ses produits chez les Animaux vertébrés ovipares. caractères fi ^# — Dans l'embranchement des Vertébrés, la reproduc- crânuvmw V généraux de rappareii tion est toujours sexuelle ; la multiplication des individus n a reproducteur . , .. ^s jamais lieu ni par gemmation, ni par scissiparité, et le travail Vertèbres génésique fondamental est toujours localisé dans deux organes glandulaires dont les produits sont réciproquement complé- mentaires : un ovaire et un testicule. Toujours, ou tout au moins presque toujours, ces organes essentiels ne coexistent pas chez le même Animal (1) ; les sexes sont séparés , mais il y a une analogie remarquable entre l'appareil mâle et l'appareil femelle. Ils se composent de parties correspondantes dont la similitude est d'autant plus grande, que leur structure est plus simple; et dans les rangs inférieurs de ce groupe zoologique, de même que chez divers Animaux invertébrés, la ressem- blance est si parfaite entre le mâle et la femelle, que pour reconnaître les sexes, il faut avoir recours à l'examen des pro- duits génésiques lorsque ceux-ci sont déjà arrivés à un certain degré de maturité. Ainsi, chez les Poissons de la famille des Lamproies, les organes mâles ne peuvent être distingués des organes femelles, ni chez les jeunes individus, ni chez les adultes, lorsque ces organes ne sont pas dans une période d'activité fonctionnelle, et à l'époque du frai ils ne sont diffé- renciés que par les œufs, qui se développent dans les uns, et la laitance ou liqueur séminale, qui se forme dans les autres (2). (1) Voyez ci-dessus, page 370. plusieurs anatomistes ont méconnu le (2) C'est à cause de cette similitude caractère dioïque des Lamproies, et ont entre les ovaires et les testicules que considéré ces Poissons comme étant APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. 4/|3 Du reste, chez tous les Vertébrés, môme chez ceux des rangs les plus élevés, il paraît en être de même jusqu'à une certaine période de la vie de l'embryon. Lorsque les organes de la reproduction commencent à se constituer chez celui-ci, les caractères sexuels ne s'y montrent pas encore, et c'est en employant un fonds commun que la Nature produit tantôt un maie, d'autres fois une femelle. Ainsi, dans l'espèce humaine aussi bien que chez le Poulet, les organes génitaux tant exté- rieurs qu'internes sont d'abord identiques en apparence chez tous les embryons , et c'est seulement à une certaine période de leur développement qu'ils deviennent plus ou moins dis- semblables chez le mâle et la femelle (1). Chez tous les Animaux de cet embranchement, les organes essentiels de la reproduction, c'est-à-dire les ovaires chez la hermaphrodites (a), opinion qui fut combattue par Magendie et Desmoulins, et qui est aujourd'hui reconnue fausse (b). A l'époque du frai (avril et mai), les ovaires sont remplis d'œufs dont le vitcllus est jaunâtre et les tes- ticules regorgent d'un liquide sperma- tiquc blanchâtre renfermé dans des vésicules ; mais après l'évacuation de ces produits génésiques, les organes reproducteurs perdent leurs caractères distinctifs, et les sexes deviennent de nouveau très-difficiles à reconnaître(6). (1) Les observations de M. Kobelt tendent même à établir que, dans la première période du développement de l'appareil génital, il y a uniformité de composition chez tous les individus, et que les différences s'introduisent plus tard par suite de l'atrophie de certaines parties et du développement considérable de quelques autres, sui- vant que l'embryon se caractérise comme mâle ou comme femelle (c). Je reviendrai sur ce sujet lorsque je traiterai des organes de la génération chez les Batraciens, les Oiseaux et les .Mammifères. (a) Home, On the Mode of Génération of the Lamprey and Myxine (Philos. Tram., 1815, p. 266). — Lectures on Compar. Anat., t. IV, pi. 143, fit,'. 1.) (b) Magendie et Desmoulins, Note sur l'anatomie de la Lamproie (Journal de physiologie expéri- mentale, 1822, t. II, p. 234). — Mayer, Analekten zur vergleichenden Anatomie, 1835, p. 8. — Panizza, Sulla Lampreda marina (Mem. dell'Instiluto Lombardo. Milano, 1845, c II p. 25). — Schleusser, De Petromyzontum et Angnillarum sexu. Dorpat, 1848. — Yogt et I'appenheim, Recherches sur l'anatomie comparée des organes de la générathn (Ann. des sciences nat., 4' série, 1859, t. XI, p. 368). (c) Kobelt, Der Neben-Eierstock des Weibes. Heidelberçr, 1847. Ixkk REPRODUCTION. femelle, et les testicules chez le mâle, sont logés dans la cavité abdominale ou dans des dépendances de celte chambre viscé- rale (1), et sont recouverts en totalité ou en partie par le péri- toine (2). Toujours aussi les produits de ces glandes sont évacués par des orifices qui sont situés dans le voisinage de l'anus et des ouvertures par lesquelles l'urine s'échappe au dehors, ou qui se confondent même avec ces émonctoires. D'ordinaire toute la portion profonde de l'appareil est double et symétrique chez la femelle aussi bien que (.'liez le mâle, et lorsque celte dis- position n'existe pas, la symétrie résulte de l'atrophie de l'une des moitiés plus fréquemment que d'un phénomène de coalescence ; mais pour les parties extérieures et celles qui les avoisinent, il en est souvent autrement, et ces organes sexuels, tout en restant symétriques, deviennent impairs et médians. Les différences qu'on y remarque sont nombreuses et importantes , mais elles résultent principalement des divers degrés de complication amenés par le perfectionnement crois- sant de cet ensemble d'instruments physiologiques. Elles n'af- fectent que peu les parties fondamentales de ce double appareil, c'est-à-dire les ovaires et les testicules ; elles portent pour la plupart sur des parties dont le rôle est secondaire, notamment sur les organes qui concourent à assurer l'utilisation des pro- duits génésiques, soit en les conduisant au dehors ou en leur (1) Ainsi que nous le verrons bien- testicules, se prolongent très-loin pos- tôt, les bourses qui logent les testi- térieurement, dans l'épaisseur de la cules chez la plupart des Mammifères queue («),• sous la colonne vertébrale, sont des appendices de la cavité abdo- mais l'espace qui les y loge est aussi minale. une dépendance de la cavité abdomi- Chez les Poissons de la famille des nale. Pleuronectes, les ovaires, ainsi que les (2) Voyez tome VI, page h. (a) Exemples : Pleuronectes flesus ; voy. Carus et Otto, Tabules Analomiam comparalivam illustrantes, pars v, pi. A, fig-, 1. — Solea vulgaris ; voy. Hyrtl, Beitrâge %ur Morphologie der Urogenilal-Organe der Ftsche {Denkschrifl der Wiener wissensch. Acad., 1850, t. I, pi. 53, lig. i). Appareil reproducteur des Poissons. APPAREIL DR LA GÉNÉRATION DES POISSONS. fr/|5 fournissant des matières complémentaires, soit en facilitant le phénomène de la fécondation, ou bien encore en contribuant à la réalisation des conditions nécessaires au développement des jeunes. § 2. — Dans la classe des Poissons, l'appareil génital femelle est parfois d'une simplicité extrême, et il ne présente jamais une complication bien grande (1). 11 affecte d'ailleurs trois formes différentes : tantôt il n'est constitué que par les ovaires, et l'évacuation des œufs n'est confiée à aucun organe spécial, mais s'effectue par l'intermédiaire de la chambre viscérale commune; d'autres fois il existe un oviducte, mais ce conduit n'est formé que par une portion de l'ovaire qui est disposée en manière de sac et s'ouvre au dehors ; enfin, dans d'autres cas, la division du travail physiologique est poussée plus loin, et il existe un oviducte spécial qui est indépendant de l'ovaire. \jAmphioxus est de tous les Animaux vertébrés celui dont Amphioxu l'appareil reproducteur est le moins perfectionné. Les ovaires de la femelle, de même que les testicules du mâle, sont atta- chés à la voûte de la grande cavité viscérale, de chaque côté du plan médian du corps. Ils sont fermés de tous côtés et recouverts par le péritoine; aucun tube n'en part pour con- duire les œufs au dehors, et ces corps, lorsqu'ils sont arrivés (1) L'appareil de la reproduction des Poissons a été l'objet de plusieurs travaux anatomiques très-importants, parmi lesquels je citerai en première ligne ceux de Cavolini, de Raihke de M. Hyrtl, de MM. Vogt et Pappen- heim, de M. Lereboullet et de M. Mai- tin Saint-Ange (a). (a) Cavolini, Memoria sulla generazione dei Pesci e dei Granchi. Napoli, 1787. — Ralhke, Ueber die Geschlechtstheile der Fische (Beitràge zur Geschichte der Tltierwelt, 1824, t. II, p. 117 à 210, pi. 5.) — Ueber das El einiger Lachsarten (Meckel's Archiv fiir Ana- lomie, 1832, p. 392). — Zur Analomie der Fische (Muller's Archiv, 1836, p. 170). — Hyrtl, Op. cit. (Mém. Je l'Acad. des sciences de Vienne, 1850, t. I, p. 391, pi. 52 et 53). — Vogt et Pappenbeim, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4* série, t. XI, p. 331). — Lereboullet, Recherches sur les organes génitaux des Animaux vertébrés (Sova Acta Acad. nat. curios., t. XXIII). — Martin Saint-Ange, Etude de l'appareil reproducteur dans les cinq classes d'Animaux vertébrés (Mém. de l'Acad. des sciences, Savants étrangers, t. XIV). Lamproies, eto /j/l6 REPRODUCTION. à maturité, s'en détachent et tombent dans la cavité de l'abdo- men, où ils restent en liberté jusqu'à ce qu'ils soient entraînés au dehors par le courant expiratoire qui vient des branchies et se dirige vers le pore abdominal situé dans le voisinage de l'anus (1). La chambre viscérale, qui est destinée essentiel- lement à loger l'appareil digestif, remplit donc ici trois fonc- tions différentes ; tout en servant à protéger les viscères, elle fait office de conduit expirateur et d'oviducte (*2). Chez le mâle, la liqueur séminale suit la même route et s'échappe aussi par le pore abdominal (3). Un degré de plus dans la division du travail physiologique se fait remarquer chez les Lamproies et les autres Cyclostomes. Chez ces Poissons, c'est aussi la cavité péritonéale qui tient lieu d'oviducte et de conduit excréteur delà semence, mais celte cavité n'est plus mise à contribution pour le service delà respi- ration ; le courant formé par l'eau expirée s'échappe au dehors sans pénétrer dans l'abdomen, et les orifices qui font com- muniquer le sac péritonéal avec l'extérieur sont spécialc- (1) Voyez tome II, page 201. (2) Les ovaires de VAmphioxus oc- cupent toute la longueur de la cavité abdominale, en arrière de l'appareil respiratoire; ils sont pourvus d'une tunique propre, et la portion du péri- toine qui les recouvre est d'une cou- leur brunâtre. Les œufs sont faciles à voir à l'état de liberté dans la cavité abdominale, et leur sortie par l'orifice expirateur a été souvent constatée. Pour plus de détails à ce sujet, je ren- verrai aux publications dont VAm- phioxus a été l'objet il y a une vingtaine d'années (a). (u) Les premières observations sur la liqueur séminale de VAmphioxus sont dues à M. Kulliker, qui a donné des figures des spermatozoïdes de cet animal (6). (a) Costa, Cenni zoologicœ, p. 49. — Yarrel, Hist. of British Fishes. t. II, p. O20. — Relzius, voyez Bericht der Akad. der WUsensth. zu Berlin, 1839. — Ralhke, Bemerkungen ïiber den Bau des Amphioxus lanceolaliis, 1841 , p. 25. — J. Mùller, Ueber den Bau und die Lebenserscheinung des Branchiostoma lubricum (Costa) ; Ampliioxuslanceolatus (Yan) (Me m. de l'Acad. de Berlin pour 1842, p. 79). — Quatrefages, Mém. sur le système nerveux, etc., de /'Ampliioxus (4)!». des scienres nat., 8«série,*1845, t. IV, p. 207). (6) Kôlliker,;f/e6er das Gernchsorgan von Amphioxus (Miillor's Archiv fur Anat. und PhysioL, 1843, p. 32, pi. 2, fi£. 3) APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. kkl ment affectés à l'excrétion des produits de la génération (1). L'ovaire, logé dans un repli du péritoine et suspendu ainsi à la voûte de la chambre viscérale, au-dessous des reins, affecte la forme d'un ruban froncé et replié sur lui-même transversa- lement d'une manière très-irrégulièrc. Il s'étend depuis le voi- sinage de la tête jusqu'auprès de l'anus, et, à l'époque de la reproduction, les œufs, en nombre très-considérable, se dcve- (1) Ce mode d'évacuation des œufs chez la Lamproie a été très- bien indiqué par Duméril. Il avait été observé aussi par limiter et par Home (a). Plus récemment, la dispo- sition de ('appareil de la reproduction de ces Poissons et des autres Cyclo- stomesa été étudiée d'une manière plus approfondie par Kalhke, J. Millier et quelques autres anatomistea (l>). Chez les Myxïnes (c) et les Bdcllo- stomes (d), l'appareil de la génération est constitué de la même manière que chez les Lamproies. L'ovaire est ren- fermé dans une longue bande du péri- toine qui est située du côté droit de l'in- testin, et qui présente un grand nombre de replis transversaux. Les œufs tom- bent dans la cavité péritonéale, et sont évacués par les pores abdomi- naux, qui, situés sur les côtés du rec- tum, vont déboucher au devant des oriliecs des uretères , dans le méat génitO-urinaire placé derrière l'anus. Chez le Lamproyon, les pores abdo- minaux sont si petits, que pendant longtemps ils ont échappé aux recher- ches des anatomistes (e). Ils se trou- vent de chaque «ùté de l'anus entre cette ouverture et le repli de la peau qui l'entoure (/"). Chez les Myxines, les canaux péri- tonéaux qui servent à l'évacuation des œufs sont également rudimentaircs ; mais, au lieu de déboucher isolément sur les côtés de l'anus, ils se réunis- sent à un orifice commun situé sur la ligne médiane entre l'anus et les ori- fices urinaires, dans la fente cloa- cale [g). (a) C. Duméril, Dissert, sur la famille des Poissons cyclostomes, suivie d'un Mémoire sur l'ana- lomie des Lamproie s, in-8, 1812, p, 85. — Hunier ; voy. The Descript. and Illustr. Catalogue of the Physiol. Séries ofComp. Anat. contained in the Muséum of the R. Collège of Surgeons of London, t. IV, pi. 59. — Home, Lectures on Comparative Anatomy, t. IV, pi. 143, tig-, 3. (b) Piallike, Benurkungen ùber den innern Bau des Querders (Ammoceles branchialis) und des kleinen Neunauges (Pelromyzon I'ianeri) (Beitrage sur Geschichte der Thierwelt, 1827, t. IV, p. 94, pi. 2, fig. 7 et 8). (c) Miiller, Untersuchungen ùber die Eingewe'ule der Fische, 1845 (Mém. de l'Acad. des sciences de Berlin pour 1843). — Martin Saint-Ange, Op. cit., p. 155, pi. 15, lig. 2 ut 3. () Duvernoy avait cru pouvoir con- est biloculaire. dure de ses observations que chez les (3) Les Rhinobates, les Myliobates, Poissons osseux vivipares, l'ovaire est les Ptéroplatées (/), les Torpilles (g), en général impair, et il cita comme les Anges, etc. (a) Schonevelde, Ichthyia et nomenel. Animal, quœ in ductibus Slesvici et Holsatix occurrunt i 024. (bj Rathke, Abhandl. &ur Blld. u. Entwick. Gesch., t. II, p. 1. (c) Cu\ier, Leçons d'anatomïe comparée, 2" édit., t. VIII, p. 67. (d) Hyrtl, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Vienne, 1. 1, p. 398). (e) Home, Lectures on Compar. Anat., Suppl., t. VI, pi. 53, fig-. 2 et 3. (f) J. Davy, Exper. and Obs. on the Torpédo [Research. Physiol. and Anat., pi. 2, fig. 1 2, 3). (g) Bruch, Sur l'appareil de la vénération chez les Sélaciens, pi. 4, 7, 10, mâle. 468 REPRODUCTION. Émissoles ou Mustèles, et dans la partie correspondante à l'in- sertion du placenta fœtal, ce naturaliste a trouvé sur les parois de l'utérus un épaississement vasculaire fort semblable aux cotylédons utérins que nous verrons se développer dans la ma- trice des Mammifères ordinaires (1). Appareil § h. — L'appareil mâle ne diffère que peu de l'appareil femelle chez les Cyclostomes, et même chez la plupart des Poissons osseux. Chez les premiers, les testicules, ainsi que les ovaires, n'ont pas de canal évacuateur, et la laitance (nom sous lequel on désigne communément la liqueur sémi- nale des Animaux de cette classe) tombe dans la cavité abdomi- nale pour s'échapper ensuite parles pores péritonéaux (2). Mais chez les Poissons osseux, où l'appareil femelle présente aussi ce genre d'imperfection, l'appareil mâle est mieux constitué, et les testicules sont mis en communication avec l'extérieur au moyen d'un conduit spécial (3). Enfin, chez les Plagiostomes, (l) On doit à J. Miiller, non-seule- de leur extrémité inférieure longe ment des observations très-importantes l'intestin, et va se réunir à son congé- sur ce sujet, mais aussi un exposé nère, près de l'anus. Le canal éjacu- très-complet de tous les faits précé- latoire ainsi formé débouche au de- demment introduits dans la science hors, entre l'anus cl le méat uiïnaire. relative à la reproduction vivipare des Chez le mâle, les pores abdominaux Squales. Je renverrai donc à son n'existent pas et le péritoine forme un mémoire pour plus de détails à ce sac complètement fermé (b). sujet (a). La plupart des naturalistes men- ('2) Voyez ci-dessus, page M6. donnent les Anguilles comme étant (3) Ainsi, chez les Salmoncs, où les dépourvues de canaux déférents, mais oviductes manquent, les testicules sont on ne connaît encore que très-impar- pourvus chacun d'un conduit excré- faitement les organes mâles de ces teur. Ces glandes, de couleur blanchà- Poissons, et quelques auteurs pensent Ire, ont à peu près la même forme que les individus décrits sous le nom que les ovaires, et varient beaucoup de mâles n'étaient que des femelles quant à leur volume, suivant les sai- dont les ovaires n'avaient pas acquis sons. Un long canal tortueux partant leur développement normal (c). (a) Millier, Ueber den glatten Hai des Aristoteles und ûber die Verschiedenheiten unter den Haifischen und Rochen m der Enltvickelung des Eies, 1842, avec G planches (extrait des Mém. de VAcad. de Berlin pour 4 840). (b) Vogt, Anatomie des Salmones, p. 85, pi. C, lis- 2 b. (c) Schleusser, De Petromyzon et Anyuillarum sexu (dissert, inaug.). Dorpat, 1848, APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. ft69 où l'ovaire est distinct de l'oviducte, l'appareil maie est consti- tué d'après le même plan fondamental que chez les Poissons osseux, c'est-à-dire est pourvu d'un canal évacuateur en conti- nuité directe avec les cavités pratiquées dans la substance du testicule. Ainsi, chez tous les Poissons, excepté les représen- tants les plus dégradés de ce type, il existe un conduit éjaeula- teur ou un canal déférent, et ce tube n'est jamais séparé du tes- ticule (1). Il est aussi à noter que la disposition générale de la Testicules portion fondamentale ou glandulaire de l'appareil reproducteur présente plus d'uniformité chez le mâle que chez la femelle. Ainsi, les testicules sont presque toujours au nombre de deux, même dans les espèces où l'ovaire est unique (2), et lorsque ces organes sont réunis en une seule masse, comme chez le Lançon, leur union est incomplète (3). Leur forme varie beaucoup. Chez les Plagiostomes, ils sont (l)Guvier signale l'Esturgeon comme s'ouvraut au dehors par un canal im- faisant exception à cette règle (a) ; pair très-court (/"). Chez les Plagio- mais il paraît que chez ces Poissons les stomcs, où l'un des ovaires seulement canaux séminifères vont déboucher se développe, les testicules sont dou- directement dans l'uretère {b). Du blés comme d'ordinaire, reste, des canaux péritonéaux analo- (3) Jusque dans ces dernières ali- gnes à ceux de la femelle existent chez nées les anatomistes considéraient le le mâle (c), et sont tantôt ouverts dans testicule de VAmmodytes tobianus l'uretère, tantôt fermés (d) : suivant comme étant impair ; mais M. Owcn M. Owen, cetteclôture serait due à une fit remarquer que cet organe pré- valvule (e). sente un sillon médian (g), et M. Ilyrll (2) Ainsi, chez la Perche, où il a constaté qu'il est en réalité composé n'existe qu'un seul ovaire, l'appareil d'une paire de glandes réunies entre mâle se compose de deux testicules elles (h). en forme de sac, réunis par leur col, et Chez les Fislulaires, la glande sper- (' le développement des Zoospermes de la Raie (Ann. des sciences nat., 2' série, 1841, t. XV, p. 237, pi. 10). — Vogt et Pappenheim, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4" série, I. XII, p. 100). (f) Hyrtl, loc. cit., p. 398, pi. 52, fig. 9. (g) Par exemple, chez la Piaie commune : voy. Vogt et Pappenheim, loc. cit. — Chez le Squatina angélus : voy. Bruch, Ov. cit., p. 35, pi. 1, fig. 1 et 2. (h) Par exemple, chez les Trigles : voy. Carus, Tabul, Anal, compar. illustr., pars v, pi. 5, fig. 4. , — Le Hareng : voy. Brandt et Ratzeburg, Medicinische Zoologie, t. II, pi. 8, fig. 1 . APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. Zl73 Poissons osseux, sa structure est en général très-simple, bien (jue l'on y remarque souvent un élargissement subterminal faisant fonction de réservoir, et de petites glandnles acces- soires qui, logées dans l'épaisseur de ses parois, versent dans sa cavité des liquides destinés à aider au développement ou à l'emploi du sperme. Mais, chez quelques-uns de ces Animaux, ainsi que chez les Plagiostomes, l'appareil évaeuateur de la semence se complique davantage, et peut se composer de plu- sieurs parties bien distinctes, telles qu'un épididyme, un réservoir séminal, des glandes accessoires et un appendice copulateur. Il est d'abord à noter que parfois le canal déférent prend la forme d'un tube étroit et s'allonge beaucoup ; au lieu de se porter en ligne droite vers la région anale, il décrit des ondu- lations ou des circonvolutions plus ou moins nombreuses, et souvent il forme ainsi une masse d'apparence glandulaire, appelée épididyme. Dans ce corps, le système évaeuateur se complique; en gé- néral, le tronc principal du canal déférent s'y divise et s'entor- tille d'une manière inextricable, et souvent il s'y anastomose avec des canaux appendiculaires qui sont semblables à lui par leur forme et leur contournement. Peu à peu le tronc. déférent se reconstitue, et grossit; ses circonvolutions deviennent moins nombreuses, et il reprend le caractère d'un tube évaeuateur ordinaire, en continuant sa route vers l'anus. La Haie est un son congénère au-dessus de la portion va déboucher au dehors derrière L'anus, terminale de l'intestin. Le canal excré- entre cet orifice et le méat iirinaire, teur impair et médian ainsi constitué sur les côtés desquels se trouvent les est très-large et court ; ses parois sont lèvres d'une espèce de cloaque rudi- garnies de follicules muqueux (a), et il mentaire (b). (a) Ce sont les paquets formés par ces follicules qui ont été décrits par Petit comme étant des vésicules séminales {Histoire de la Carpe, Mém. de l'Acad. des sciences, 1733, p. 20'J, pi. 7, 1ig. 2 et 3). [b) Martin Saint-Ange, Cp. cit., p. 121, pi. 12, fig. 1, 2 et 3. Réservoir séminal. dlll REPRODUCTION. des Poissons où l'épididyme est le plus développé et où sa structure a été le mieux étudiée (1). Les réservoirs séminaux sont pairs ou impairs, suivant qu'ils résultent d'une dilatation des canaux déférents avant leur jonc- (1) Les testicules de la Raie com- mune (a) sont suspendus par un repli péritonéal à la paroi dorsale de la cavité abdominale, de chaque côté de la colonne vertébrale, au-dessus du foie et des intestins. Ils sont très-aplatis et réniformes. Chez les jeunes indi- vidus, ils sont lisses, et en apparence homogènes ou simplement granuleux : mais à l'époque du rut, leur aspect change beaucoup ; ils se gonflent et se montrent composés d'une multitude de grosses vésicules arrondies, séparées entre elles par des vaisseaux sanguins, du tissu conjonctif et des prolonge- ments de la tunique membraneuse propre de la glande. Ces ampoules (6) sont pédonculées et composées d'une tunique membraneuse très-fine, dont la surface interne est revêtue d'un tissu éplthélique pavimenteux ; elles sont remplies de cellules ou utricules sper- magènes, et elles ressemblent aux caecums sécréteurs du testicule des Poissons osseux, qui seraient distendus en forme de vessie par l'accumulation des cellules spermagènes dans le fond de leur cavité, et qui se seraient un peu rétrécis dans le reste de leur lon- gueur. Cette portion pédonculaire constitue le canal évacuateur de cha- que ampoule et se réunit à ses con- génères pour former des branches de plus en plus fortes, mais dont le trajet est très-difficile à suivre à travers la substance du testicule. Le conduit ter- minal auquel ils donnent naissance résulte de la réunion de deux ou trois branches principales, et se sépare de la partie antérieure et dorsale de la glande pour s'enfoncer aussitôt dans l'épidi - dyme correspondant (c). Ce dernier corps a la forme d'une bande blanchâ- tre; il est arrondi en avant et s'atténue en arrière. Antérieurement, il dépasse notablement le testicule, et se trouve fixé sur le côté de la colonne verté- brale par un repli du péritoine ; en arrière, il s'applique sur le rein cor- respondant, et se continue jusque dans le voisinage du rectum. A l'époque du rut, il est très-difficile d'en débrouiller la structure, et quelques anatomistes avaient cru qu'il recevait directement du testicule plusieurs canaux sémini- fères ; mais il résulte des observations faites par MM. Vogt et Pappenheim, sur un jeune individu, qu'il naît d'un canal déférent unique, et que de dis- tance en distance ce conduit reçoit (a) Voyez Monro, The Structure and Physiology ofFlshes, pi. 11, fig. 1. — Vogl et Pappenheim, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4" série, t. XH, pi. 3, fig. 1). — E. Bruch, Éuides sur l'appareil de la génération chez les Sélaciens, thèse. Strasbourg, 1860, pi. 3, fig. 1. (b) Monro, Op. cit., pi. H, fig. x. — Millier, De glandularum secernentium structura penitiori, 1830, p. 106, pi. 15, fig. 8. — Lallemand, Op. cit. {Ann. des scienc. nat., 1841, 2e série, t. XV, pi. 10, fig. 2-8). — Bruch, Op. cit., pi. 3, fig. 2-7. (c) Vogt et Pappenheim, loc. cit., pi. 2, fig. 6. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. 475 lion, pour constituer le canal éjaçulateur commun (1), ou qu'ils sont formés par un élargissement de ce dernier conduit (2). Quelquefois on aperçoit une dilatation analogue dans la portion subterminale du canal génito-urinaire formé par le prolonge- ment du col de la vessie au delà de l'embouchure des canaux déférents dans son intérieur; mais cette ampoule ne pourrait servir comme un réservoir pour la matière fécondante, et elle ne semble devoir agir dans réjaculation que comme un organe d'impulsion (3). La structure de ces portions élargies des voies séminales se latéralement des tubes épididymiques propres qui sont contournés en pa- quets (a). Ce sont les circonvolutions multipliées de ces appendices et du tronc principal qui donnent à l'épidi- dyme son aspect particulier. Le canal déférent constitué par le tronc princi- pal dont je viens de parler, grossit postérieurement, et, en se dilatant en manière de sac derrière l'extrémité de l'espèce de pelote qui forme l'épidi- dyme, il devient le réservoir séminal. Celui-ci présente des replis longitudi- naux de sa tunique interne, et con- verge vers son congénère pour aller déboucher à côté de lui, sur la paroi postérieure du cloaque, au sommet d'une papille conique. Chez l'Ange [Squatina vulgaris), la structure de l'épididyme est plus simple. En effet, cecorpsglanduliforme ne paraît être formé que par les circon- volutions d'un seul tube déférent. Mais les réservoirs séminaux sont beaucoup plus développés (b). Chez le Squale émissole, le canal dé- férent, on pénétrant dans l'épididyme, se subdivise eu plusieurs branches qui ensuite confluent pour reconstituer un tube unique (c). (1) Par exemple, chez le Mullus barbatus, où chaque canal déférent se renfle postérieurement ((/), et chez le Brochet, où ces tubes se renflent de manière à devenir fusiformes près de leur terminaison (e). ('2) Ainsi, chez le Cobitis fossilis, les canaux déférents se terminent iso- lément dans une vésicule séminale piriforme impaire (/"). (3) Ainsi, chez l'Aulopyge hagelu, poisson de la famille des Cyprins , le canal déférent débouche dans le col de la vessie, et le canal génito-uri- naire présente près de son extrémité une petite dilatation ampuliforme (g). (a) Vogl et Pappenheim, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4" série, 1S59, t. XII, pi. 2, fig. 7). (b) Bruch, Op. cit., p. 31, pi. 1, fig. 1 ; pi. 2, fig. 1. (c) Martin Saint-Ange, Op. cit., p. 136, pi. 14. (d) Voyez Hyrtl, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Vienne, t. I, pi. 52, fig. 11). (e) Voyez Lereboullet, Rech. sur l'anat. des organes génitaux des Animaux vertébrés (Nova Acta Acad. nat. curios., t. XXlII.p. 83, pi. 30, fig. 202). (f) Hyrtl, loc. cit., pi. 52, fig. 10. (g) Hyrtl, loc. cit., p. 395, pi. 52, fig. 6. Glandes accessoires. &76 REPRODUCTION. complique, chez quelques Poissons osseux. Des cryptes ou des glandules se développent dans l'épaisseur de leurs parois, ainsi que cela se voit chez là Carpe (1) ; mais c'est chez certains Plagïostomes que les réservoirs séminaux atteignent leur plus haut degré de développement. Ainsi, chez les Squales, la partie subterminale de chacun des canaux déférents s'élargit en un réservoir piriforme, dont l'intérieur est divisé en une multitude de troncs ou loges par des diaphragmes transver- saux perforés au centre (2). D'autres fois, la portion subterminale de l'appareil évacua- tcur de la semence se complique par l'adjonction d'appendices tu biliaires ou de sacs membraneux, qui sont tout à la fois des organes sécréteurs et des réservoirs pour la semence. Ainsi, (1) Chez le Brochet, la structure des réceptacles constitués par le ren- flement des canaux déférents est iden- tiquement la même que celle des pa- rois de ces tubes, dont la surface intérieure est réticulée (a). Chez la Carpe, leurs parois sont plus glandu- laires ; on y remarque une multitude de petits orilices qui conduisent dans des follicules ou cryptes de la tunique muqueuse, et livrent passage aux liquides sécrétés dans ces cavités ; une disposition analogue existe dans la portion précédente du canal éva- cualeur du sperme , mais elle est moins prononcée (6). Chez la Baveuse à bande (Blennius gattorugine), où les canaux déférents ne se réunissent pas et forment cha- cun un grand réservoir séminal, des tubes sécréteurs assez complexes viennent déboucher dans le col de ces vésicules, et constituent des glan- des accessoires que l'on désigne quel- quefois sous le nom d'appendices prostatiques (c). Je crois devoir considérer comme des glandes accessoires, plutôt que comme de simples réservoirs sémi- naux, les grandes poches qui garnissent latéralement la portion subterminale de l'appareil mâle chez le Gobius jozzo {(1). (2) Ce mode d'organisation a été très-bien représenté par plusieurs ana- tomistes (e). (a) Lereboullet, Op. cit., p. 83, pi. 8, fig. 99 (Nova Acta Acad. nat. curios., t. XXIII). (b) Martin Saint-Ange. Op. cit. (Mém. de l'Acad. des scienc.,Sav. itr., t. XIV, p. 124, pi. 2, fig. 4). (c)Hyrfl, Op. cit., pi. 52. fig. 9. (d) Idem, lue. cit., pi. 52. fig. 7. (e) Par exemple, chez la Sélache (Squalus maximus) : voy. Carus elOtlo, Tabul. Anat. compar. illustr., pars y, pi. 5, fig. 8. — Chez rÉmisole : voy. M. Martin Sainl-Ange, Op. cit. (Mém. de l'Acad. des sciences, San. étrang., t. XIV). APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. !\11 chez les Squales, il existe à l'origine du canal génito-urinairc commun une paire de sacs membraneux très-grands et allongés, qui, à l'époque du rut, contiennent du sperme mêlé à une sub- stance jaunâtre formée par leurs parois (1). Un mode d'orga- nisation analogue se retrouve chez quelques Poissons osseux. Dans certains cas, l'appareil urinaire semble être mis à con- tribution, non-seulement pour compléter les voies affeetées à l'évacuation de la semence, mais aussi pour fournir à ce pro- duit les liquides nécessaires à sa dilution. En effet, chez le Squale émissole, l'uretère envoie plusieurs branches dans le canal déférent, et, à l'époque du rut, on trouve les Spermato- zoïdes mêlés à de l'urine dans les vésicules séminales où le sperme s'emmagasine (2). (1) Ces réceptacles cloisonnés for- més par le canal déférent, et ces vési- cules accessoires, ont été très-bien représentés chez le Squale aiguillât ou Acanthias, par Trcviranus (a). (2) Chez le Squale émissole, où es testicules de forme subcylindrique sont placés symétriquement à la partie antérieure et supérieure de la cavité abdominale, et sont encapuchonnés postérieurement dans une gaine de substance grise; le canal évacuateur ésultant de l'anastomose de tous les canaux séminifères longe le bord in- terne de la glande, et, après s'en être séparé, se subdivise en trois ou quatre canaux qui bientôt se contournent et s'enroulent sur eux-mêmes d'une ma- nière inextricable , pour former un épididyme allongé et claviforme. Ces divisions du canal déférent ne tardent pas à se réunir en un tronc unique, qui continue à se pelotonner sur lui- même, et se détache enfin de l'extré- mité postérieure et amincie de l'épidi- dyme. Il s'élargit ensuite pour consti- tuer le réservoir séminal, et celui-ci va déboucher dans le canal génito- urinaire médian, au-dessus des orifices des uretères. Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, plusieurs petits conduits urinaires pénètrent dans Fépididyme et y débouchent dans le canal déférent (6). Le réservoir sémi- nal qui termine chaque canal déférent a la forme d'un grand sac cylindrique ou plutôt fusiforme ; il est divisé in- térieurement en un grand nombre de loges par des diaphragmes membraneux transversaux dont le centre est percé d'un trou, et ses parois sont garnies de fibres musculaires aussi bien que d'une membrane élastique. Une des grandes vésicules accessoires se trouve appli- (a) G. K. TreviraDus, Beitrdije xur nàhern Kenatniss der Zeu(iuu ce revêtement cel- lulaire n'a qu'une existence transitoire-, el MM. Vogt et Pappenheim ont con- staté qu'après avoir acquis une épais- seur assez grande, il disparaît, ou se transforme en une membrane homo- gène et transparente. Le vitellus subit en même temps des changements con- sidérables; il grossit, et l'on y voit ap- paraître un grand nombre de granules opaques qui semblent animés d'un mouvement brownien, et qui, d'abord arrondis, se transforment plus tard en petites plaquettes irrégulières. Un dépôt de pigment noir et granuleux se montre aussi à la surface de la sphère vitelline, mais ne l'envahit pas en entier, de sorte que l'œuf reste d'un gris sale d'un côté, tandis que du côté opposé il devient noirâtre. (1) Ainsi, chez les Triions, à l'épo- que du frai, on trouve souvent des œufs libres dans la cavité viscérale, tantôt entre l'ovaire et les intestins, tantôt entre les circonvolutions des oviduetes, ou même entre les poumons et les parois abdominales (a). (2) Chez les Protées, les oviduetes commencent plus en arrière, vers le niveau du milieu de l'estomac, et se portent en ligne droite vers le cloa- que (6). Il en est à peu près de même chez la Sirène lacertine (c). (a) Martin Saint-Ange, Op. cit. (Mém. de l'Acad. des sciences, Savants étrangers, t. XIV, p. 113). (b) Configliachi, Del Proteo angnineo de Laurenti. Pavia, 1819. (c) Vaillant, Mém. pour servir à l'histoire anatomique de la Sirène lacertine (Ann. des sciences fiât., 4e ^érie, 1803, t. XIX, p. 313, pi. 8, fig. 1). APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES BATRACIENS. fr85 dant leur passage vers l'extérieur. Chez la plupart des Urodèles, ces tubes ont à peu près le même diamètre dans toute leur longueur (1); mais chez les Grenouilles et les autres Anoures, ils se dilatent beaucoup dans leur portion subterminale, et y constituent, de chaque coté de l'abdomen, un grand réservoir où les œufs s'amassent et séjournent pendant un certain temps (2). Enfin, ces conduits pénètrent dans le cloaque et y débouchent (1) Par exemple, chez les Sala- mandres (a) et le Menobrauchus late- ralis (6). (2) Chez la Grenouille, les oviduc- tes (c) se composent de trois portions bien distinctes. Chacun (Veux com- mence sur les côtés du cœur, par un oiïlice circulaire situé à une assez grande distance de son congénère, et rattaché au foie par une bride périto- néale; il se porte ensuite directement en arrière, et ses parois, très-minces et garnies d'un épithéliuin vibratile, présentent intérieurement des replis longitudinaux. La portion suivante est très-longue (J) et se contourne sur elle- même. Ses parois sont épaisses, élas- tiques et d'un blanc de lait; au contact de l'eau, elles se gonflent beaucoup, se brisent et laissent échapper une ma- tière gélatineuse. Sa tunique interne ou muqueuse présente une surface ré- ticulée et loge une multitude de glan- dâtes tabulaires groupées radiairement; un bourrelet composé d'un nombre considérable de papilles forme une sorte de valvule à l'embouchure de cette portion intestiniformc de l'ovi- ductc dans le réceptacle constitué par la troisième partie de ce conduit. Ce sac, que l'on désigne souvent sous le nom d'utérus, est très-grand et ova- laire ; il adhère à son congénère, à côté duquel il est situé au-dessus du rectum. Ses parois sont plissées, très- e\ti lisibles et fort minces, mais elles renferment cependant des glandules, ainsi que des fibres musculaires situées entre la tunique muqueuse et la tuni- que péritonéale. Postérieurement, ce réservoir incubateur se rétrécit et va déboucher dans le cloaque ou portion terminale de l'intestin, où s'ouvrent aussi les uretères et la vessie urinaire. Chez les Crapauds calamités, la portion inférieure de i'oviducte est cylindrique, grosse et très-allongée (e). MM. Vogt et l'appenheim ont con- staté que chez le Crapaud accoucheur, les deux sacs incubateurs communi- quent entre eux par une ouverture pratiquée dans la partie postérieure de (a) Voyez Carus et Oito, Tabul. Anat. compar. illuatr,, pars v, pi. C, fig. i . (b) Voyez Ralhke, Op. cit., t. I, pi. 2, Rg. 1. — Dello Chiaje, Dissertazioni sull'aiiatomia umana, comparata e patliologica, t. I, pi. 11, fig. 1 . (c) Voyez Rœsel, Hisl. natur. Ranarum, pi. 8. — Lereboullet , Recherches sur Vanatomie des organes génitaux des Animaux vertébrés (Aura Acta Acad. nat. curios., t. XXIII, pi. I ï, Bjj. 130, tlc.J. (d) Swatnmerdam, Ihblia Natures, t. II, pi. 47, lig. 5. (e) Rœsel, Hist. natur. Ranarum, pi. 21, fig. 24. VIII. 33 /j86 REPRODUCTION. au sommet d'une paire de papilles saillantes situées sur la paroi dorsale de ce vestibule commun. Œufs. Les œufs sont très-nombreux (1), et en général ils sont agglutinés au moyen d'une matière glaireuse. Ainsi, chez les Grenouilles ils sont réunis en masses informes (2), et chez les Crapauds ils sont disposés en chapelet ou forment de longs cordons cylindriques (3). Chez les Tritons, ils sont pondus isolément et fixés aux feuilles des plantes aquatiques, telles que le Pohjgonum persicaria, à l'aide du mucus qui les entoure (4). Presque toujours le vitellus est noirâtre (5). la cloison médiane formée par la son- dure de leurs parois internes. Chez le Ménopome, la portion sub- terminale de l'oviducte s'élargit aussi en manière de réservoir, mais beau- coup moins que chez les Anoures (a). Il existe également un utérus de ce genre chez les Salamandres terres- tres (6), tandis que chez les Tritons, roviducte est cylindrique dans toute sa longueur et ne se dilate pas de la sorte vers le bout (c). L'appareil génital femelle du Lepi- dosiren (d) ressemble à celui des Ba- traciens pérennibranches plus qu'à celui des Poissons plagiostomes. Les ovaires sont très-allongés; chaque oviducte se termine antérieurement par une ouverture particulière en forme de fente. Postérieurement, ces deux conduits se réunissent en un canal médian assez large, mais très- court, qui débouche à la partie posté- rieure du cloaque. A leur surface interne, ces tubes présentent des plis lamelleux, mais on n'y voit pas d'or- gane sécréteur particulier. (1) Swammerdam a compté plus de 1100 œufs dans les ovaires d'une Gre- nouille, et Spallanzani en a trouvé plus encore chez un Crapaud : une seule ponte lui en donna jusqu'à 1200. (2) Chez les Rainettes, les œufs sont groupés de la même manière. (3) Chez le Crapaud brun, les œufs sont réunis en un seul conduit cylin- drique très-gros (e) ; mais chez le Cra- paud commun, ils forment deux cylin- dres grêles (/■). (û) Ce pigment noir manque dans les œufs de l'Alyte,ou Crapaud accoucheur, et du breviceps, ou Crapaud bossu. (5) La femelle plie ces feuilles en deux pour y loger ses œufs (g). (a) Mayer, Analekten fur vergl. Anatomie, t. I, p. 72. (b) Sa longueur est d'environ dix fois celle du corps de l'Animal. (c) Voyez Rathke, Op. cit., t. I, pi. 1, fig. 1. Funk, De Salamandrœ terrestris tractatus, 1827, pi. 3, fig. 10. — Martin Sainl-Ange, Op. cit., pi. 10, fig. \. (d) Owen, Description of the Lcpidosiren annectens (Trans. of the Linn. Soc, t. XVIII, 349, pi. 17, fig. 7). (e) Rcesel, Historia naturalis Ranarum, pi. 17, fig. 1 et 2. /) Idem, ibid., pi. 20, fig. 2. Ig) Rusconi, Amoic. s des Salamandres, p. 19 et suiv., pi. 2, fig. 2, et pi. 3. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES BATRACIENS. Û87 § 7. — L'appareil mâle des Batraciens présente plusieurs particularités. En général, les testicules sont simples, c'est- à-dire ne forment chacun qu'une seule masse (1); mais chez les Tritons et les Salamandres, chacun de ces organes est en général divisé en deux ou plusieurs portions situées à la file l'une derrière l'autre (2), et offrant des apparences assez va- riées, suivant le degré de développement des produits séminaux contenus dans leur intérieur (3). Appareil mâle. (1) Ainsi, chez la Grenouille, les testicules ont la forme de deux corps ovoïdes un peu comprimés latérale- ment, d'apparence lactée ou grisâ- tre (a), qui portent à leur extrémité antérieure un groupe d'appendices graisseux, digités et de couleur jaune- orange (b), dont le volume est con- sidérable en automne ainsi qu'au printemps, et paraît être en rapport avec L'alimentation de l'Animal plutôt qu'avec l'activité reproductrice (c). Le volume des testicules varie suivant les saisons, et, à l'époque du rut, est sou- vent trois fois plus grand après l'ac- couplement. La tunique ulbuginée qui les enveloppe est mince et donne nais- sance à des prolongements cloison- naircs qui s'enfoncent plus ou moins profondément dans la substance de la glande. Les vaisseaux sanguins qui pénètrent dans ces organes par leur côté dorsal et interne forment à leur surface un réseau à mailles pentago- nales qui logent les extrémités des tubes séminifères. (2) On a depuis longtemps remar- qué les différences qui existent sou- vent entre les divers lobes du testicule cbez le même Animal, tant sous le rapport de la couleur que du volume et de la forme (d). La cause de ces différences, constatée par Duvernoy, indique une indépendance assez grande dans les fonctions des différents lobes de l'organe spermatogène (e). (3) Chez le Triton tœniatus, le testicule n'est pas subdivisé (/") ; mais cbez le Triton igneus, il se com- pose de deux portions bien distinctes, et chez le T. niger, ainsi que cbez le T. cristatus, on y compte d'or- dinaire trois et quelquefois même quatre parties. Chez la Salamandre commune, cette glande est toujours divisée en deux portions séparées par un étranglement et subdivisées cha- cune en lobules. (a) Quelquefois le péritoine qui les recouvre leur donne une teinte noirâtre. (b) Voyez Prévost et Dumas, Op. cit. (Ami. des sciences nat., 4824, t. I, ni. 20, fig. 1 et 2). — Lereboullet, Op. cit., pi. 7, fig. 85. (c) Ratlike, De Salamandrarum corporibus adiposis. Berolini, 1818, p. 4. (d) l'\v, Observations physiques et anatomiques sur plusieurs espèces de Salamandres (Mém. de VAcad. des sciences, 1729, p. U8, pi. 11, fig. 7). (e) Duvernoy, Fragments sur les organes génito -urinaires des Reptiles, p. 21 (extrait des Mém. de l'Académie des sciences. Savants étrangers, t. XI). (f) Hatlike, Ucber di« Entstehung und Entwickeluny der Gesclilechlstheile bei der Urodelen (Bcilr. sur Geschic.hte der Thkrwelt, 1820, 1. 1, pi. 2, fig. 6-12), , — Duvernoy, loc. cit., p. 20, pi. 1 et 2. Conduits évacuateurs. /|88 REPRODUCTION. Les tubes spermatiques qui constituent le testicule sont terminés en cul-de-sac, et leur fond occupe la périphérie de cet organe, de sorte qu'au premier abord, celui-ci paraît composé d'un amas de vésicules arrondies, logées dans les mailles d'un réseau vasculaire. Ces tubes, semblables à des doigts de gant, convergent vers le bord dorsal de la glande, et y donnent nais- sance à plusieurs vaisseaux excréteurs très-grêles qui s'en dé- tachent (1). Les voies par lesquelles les produits du testicule sont évacués au dehors présentent, dans cette classe d'Animaux, des varia- tions très-considérables, et ces différences dépendent principa- lement des relations qui s'établissent entre le conduit excréteur des corps de Wolf, ou reins temporaires, les canaux urinaires et les tubes séminifères. Pour en bien saisir le caractère, il est nécessaire de prendre en considération le mode de développe- ment de ces organes et les transformations qu'ils subissent chez l'embryon (2). Dans une des précédentes Leçons, nous avons vu que chez (1) A raison de la délicatesse ex- trême de leurs parois, ces tubes sper- magènes sont très-difficiles à étudier. Suivant MM. Vogt et Pappenheim, ils se rendraient dans une cavité centrale commune, d'où naîtraient les conduits efférents {Op. cit.). (2) Avant la publication des re- cherches de Rathke sur le développe- ment des organes génitaux internes des Vertébrés inférieurs, on ne savait que peu de chose sur ce sujet. Les travaux subséquents de J. Millier sur cette partie de l'embryologie sont d'une importance encore plus grande , et dans ces derniers temps, les observa- tions de M. Leydig et de M. Witticb ont jeté de nouvelles lumières sur plu- sieurs questions encore obscures ou mal expliquées par leurs devanciers (a). (a) Rathke, Ueber die Entstehung und Entwickl. der Geschlechstheile bei den Urodelen (Beitr. «Or Geschkhle der Thienvelt, 1. 1, 1820). — Untersuch. iiber die Geschleclits-Werkzeuge der Schlangen, Eiiechsen und Scluldkvoten [Abhandlungen xur Bildungsund Entwickelungs- geschichte des Menschen und Thiere, 1852, t. 1, p. 21 , pi. 3). j. Mùller, Bildungsgeschichte der Genitalien aus anatomischen Untersuchungen an Embryonen des Menschen und der Thiere, 1830. Wittich, Beilràge zur morpholog'schen und histologischen Entwickelung der Harn-und Geschlechts-Werkseuge der uackten Amphibien [Zeitschrift jiir wisse7isch. Zool., 1853, t. IV, p. 125, pi. 9). — Leydig, Amt.-Hislol. Untersuchungen iiber Fische und Reptilien, 1853. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES RATRACIENS. 489 tous les Vertébrés il se forme de bonne heure, dans la région dorsale de la cavité abdominale, un organe de structure glan- dulaire appelé corps de Wolf, qui est destiné à constituer l'ap- pareil urinaire chez les Poissons, mais qui , chez les autres Animaux du même embranchement, ne joue qu'un rôle tran- sitoire dans l'économie, et disparaît plus ou moins complètement à mesure que l'appareil rénal se développe (1). Le conduit excréteur de cet organe transitoire, que l'on peut désigner sous le nom de tube wolfien, se rend au cloaque, et sa portion pos- térieure est mise à contribution, soit par l'appareil génital seu- lement, soit par cet appareil et l'appareil urinaire pour l'évacua- tion de leurs produits. Il en résulte que tantôt cette portion du tube wolfien devient un canal commun faisant fonction d'uretère, aussi bien que de conduit déférent, tandis que d'autres fois l'uretère se constituant d'une manière indépendante, il en reste plus ou moins complètement séparé et sert uniquement à la sortie du sperme. Les différences anatomiques dont il est ici question dépendent donc principalement du point où la coales- cence de ces trois sortes de tubes s'effectue, et du développe- ment plus ou moins grand de la portion du système excréteur qui appartient en propre, d'une part aux testicules, d'autre part aux reins. Tantôt les conduits spermatiques et urinaires s'ana- stomosent et se confondent avant que de s'unir au tube wolfien. D'autres fois, celui-ci reçoit d'abord les conduits spermatiques, et constitue de la sorte un canal déférent particulier, puis s'unit à l'uretère pour former un conduit génito-urinairc commun qui se rend au cloaque. Enfin, dans d'autres cas, la séparation entre l'appareil urinaire et l'appareil génital associé au tube wolfien se continue plus loin , et ils débouchent isolément dans le cloaque commun. Le premier de ces modes d'organisation nous est offert par (1) Voyez tome VI, page 306 et suivantes. Ménobranches. 490 REPRODUCTION. Grenouiiies.etc. les Grenouilles et le Crapaud. Ainsi que je l'ai déjà dit en décrivant l'appareil urinaire de ces Animaux (1), les canaux efférents des testicules pénètrent directement dans la substance des reins, les traversent, et vont déboucher dans l'uretère ou canal excréteur de cette glande (2), conduit qui, à son tour, s'unit au tube wolfien pour aller ensuite se terminer dans le cloaque (3). Chez les Ménobranches ou Necturus, les canaux excréteurs du testicule s'enfoncent également dans la substance du rein, et débouchent, ainsi que les canaux urinifères, dans un conduit qui longe le bord opposé de cette dernière glande ; mais ce conduit se continue supérieurement avec la portion libre du tube wolfien, et paraît être constitué tout entier par ce même canal (Zi). Le Protée nous offre un exemple de la seconde combinaison organique dont il vient d'être question. Le canal efférent du tes- ticule, après s'être divisé et pelotonné de façon à constituer un épididyme, débouche par plusieurs branches dans le tube wol- fien, dont la portion antérieure reste libre et dont la portion postérieure reçoit plus loin en arrière les canaux efférents des reins, puis continue sa route vers le cloaque pour y verser, soit Protée. (1) Voyez tome VII, p. 337 et suiv. (2) Le mode de terminaison des canaux eflVrents dans les canaux urinaires n'a pu être constaté d'une manière satisfaisante, mais il est bien certain qu'ils y débouchent et que ces derniers versent le sperme dans l'ure- tère. Le réseau formé par les canaux efférents dans la profondeur de la sub- stance des reins a été observé avec soin chez la Grenouille par MM. Vogt et Pappenheim. (3) Le mode d'union des canaux efférents des testicules avec l'uretère, et de celui-ci avec le tube wolfien, est à peu près le même chez le Crapaud agua, ou Bufo maculiventris, si ce n'est que ce dernier tube est plus dé- veloppé (a). Les canaux efférents traversent éga- lement la substance des reins chez la Salamandre terrestre (6). (lx) Voyez ci -dessus, tome VII, p. 339, note 1. (a) Leydig, Handb. der Histologie, p. 528, fig. 258. (b) Leydig, Op. cit., p. 527, fig. 257. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES BATRACIENS. Zj9l l'urine, soit la semence. Ici, c'est par conséquent le canal déférent qui fait fonction de l'uretère, tandis que chez la Gre- nouille, c'est l'uretère qui tient lieu de canal déférent (1). Chez les Tritons ou Salamandres aquatiques, la structure de l'appareil génitp-urinaire se complique davantage, et, ainsi que je l'ai déjà dit, les anatomistes sont partagés d'opinion au sujet des connexions établies entre les voies mïnaires et séminifères. Quoi qu'il en soit, le mode de groupement des conduits génitaux et urinaires parait participer des deux types que nous venons de passer en revue : car une partie des canaux efférents du testicule se rendent directement dans le canal déférent constitué par le tube wolfien, tandis que d'autres, avant de déboucher dans ce dernier conduit, vont constituer un canal accessoire qui reçoit aussi une partie des tubes urinaires; mais la plupart des canaux excréteurs des reins, disposés en faisceaux . se rendent au cloaque sans s'anastomoser avec les conduits génitaux. Enfin, chez l'Alyle, ou Crapaud accoucheur, le canal évacua- teur du testicule, complété suivant toute apparence par le tube wolfien, se rend au cloaque sans avoir aucune communication avec l'appareil urinaire (2). Triions. Alyle. (1) Voyez tome VII, page 3S8, et pour plus de détails, les observations de M. Leydig (Unters. iiber Fische wid Reptilien, p. 78, pi. h, fig. 30. — Lehrbuch der Histologie, p. 5l27, fig. 257 A). (2) Chez le Triton à crête, par exemple, chaque testicule, garni de bandelettes adipeuses, et divisé, comme je l'ai déjà dit, en plusieurs lobes (or- dinairement trois) par des étrangle- ments, présente sur le long de son bord un léger renflement que M. Mar- tin Saint-Ange a décrit comme étant un canal commun, ou réservoir de Highmore (a). Les canaux efférents sor- tent isolément au nombre de quatre à six, et se pelotonnent bientôt sur eux- mêmes pour constituer un épididyme très-allongé, de l'extrémité antérieure duquel se détache un conduit assez gros qui se dirige en avant et va se confondre avec le tube wolfien adja- cent (ou ligament de Tépididyme , suivant quelques anatomistes), de fa- çon à former une anse et à se porter ensuite d'avant en arrière. Le canal déférent ainsi constitué présente de (a) Martin Saint-Ange, Op. cit., p. 101, pi. 11, fig. i. 492 REPRODUCTION. Chez quelques Batraciens, des glandes aceessoires se grou- pent autour de la portion inférieure du canal évacuateur de la semence, et ces organes sécréteurs, de même que diverses par- ties de l'appareil urinairc, peuvent servir comme réservoir pour ce liquide à l'époque du rut. Ainsi, chez la Grenouille, il existe à la partie postérieure de l'uretère une poche auriculiforme qui se compose de tubes sécréteurs, et qui est connue des anatomistes sous le nom de vésicule séminale (1). Chez les Tritons, la dis- nombreuses circonvolutions et reçoit successivement plusieurs canaux ex- créteurs accessoires fournis, comme la branche principale déjà mention- née, par l'épidiclyme. Enfin, il va dé- boucher dans le cloaque, à côté de son congénère (a). D'autres conduits excréteurs du testicule se rendent dans un canal accessoire qui gagne la partie antérieure des reins, et qui paraît y communiquer avec quelques branches des voies urinaires, puis va se termi- ner dans le tronc du canal déférent déjà mentionné (b). Les uretères fu- sionnes et nombreux qui naissent des reins, et qui vont déboucher dans le cloaque, à côté de l'orifice génital, sont gorgés d'un liquide blanchâtre à l'époque du rut, et plusieurs natura- listes les ont considérés comme des vésicules séminales (c); mais, en géné- ral, on n'y rencontre pas de Sperma- tozoïdes (d). MM. Vogtet Pappenbeim y ont cependant constaté la présence de ces corpuscules fécondateurs à l'époque du rut, chez la Salamandre maculée. (1) Cet appendice, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler (e), naît du bord externe de l'urèthre, ou canal uréthro- spermatique ; il est aplati et renferme sept ou huit petits systèmes de cavi- tés rameuses qui débouchent chacun dans l'urèthre par un orifice particu- lier. Il en résulte que ce réservuir pré- sente une apparence caverneuse {f) ; mais il est en réalité formé par une série de tubes rameux dont les troncs principaux sont rangés parallèlement et dont les branches s'élargissent en manière d'utricules. Ils sont tapissés par une couche d'épithélium et reçoi- vent beaucoup de vaisseaux sanguins. La tunique commune de ce réservoir spermatique est fibreuse et contrac- tile. Chez le Crapaud cornu (Ceratophrys dovsata), cette glande accessoire, ou vésicule séminale, manque. (Voyez tome VII, p. 338.) (a) Voyez Prévost et Dumas, Sur la génération (Ann. des sciences nat., 1824, 1. 1, pi. 20, !i£. 3 et A). — Lereboullet, Op. cit. (Nova Acta Acad. nat. curios., t. XXIII, pi. 8, fig. 92 et 03). (b) Voyez tome VII, p. 341. (c) Dut'ay, Observations sur plusieurs espèces de Salamandres (Mêm. de V Académie des sciences , 1720). — Ratlike, Ueber die Urodelen (Ueitr. zur Geschichte der Thierwelt, t. I). (d) Prévost et Dumas, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1824, 1. 1, p. 282). (e) Voyez tome VII, p. 337. (/") Voyez Lereboullet, Op. cit., pi. 8, fig. 88 et 89. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES BATRACIENS. 693 position du cloaque rend très-facile le reflux du sperme jusque dans la vessie urinaire (1). La terminaison des voies génitales dans le cloaque ne pré- cloaiuc- sente aucune particularité dont il soit bien important de tenir compte. D'ordinaire, ces orifices sont situés au sommet de petites papilles érecliles ou de plis de la membrane muqueuse qui tapissent ce vestibule commun, et l'on peut considérer ces éminences comme des vestiges de l'appareil qui, chez les Ver- tébrés plus élevés en organisation, effectuent l'introduction du sperme dans les voies génitales de la femelle; mais ici ils ne servent qu'à diriger le jet formé par ce liquide au moment de l'éjaculation (2). (1) Le cloaque est séparé du rectum par une valvule circulaire et deux gout- tières situées ù sa face dorsale, sur les côtés d'une sorte de raphé mé- dian conduisant l'urine, ainsi que la semence, des orifices des voies génito- urinaires dans la vessie, ou de ce ré- servoir vers le sommet de l'appendice éjaculateur. Quelques ailleurs consi- dèrent les uretères fusiformes de ces animaux comme étant des vésicules séminales, parce qu'à l'époque du rut on les trouve gorgés d'un liquide laiteux, et M. Bidder assure y avoir aperçu des Spermatozoïdes (a) ; mais dans la plupart des cas, la semence ne pénètre pas dans ces tubes (6). (2) Chez les Tritons, cette papille est située immédiatement derrière le repli valvulaire qui sépare le cloaque du rectum. Elle est creusée de trois sil- lons longitudinaux et recouverte d'un épithélium pavimenteux, mais elle ne contient pas de tissu érectile. Ainsi que nous l'avons déjà vu, la vessie urinaire débouche dans le cloaque, en face des orifices génito-urinaires. Il est aussi à noter que de nom- breux muscles entourent le vestibule génito-excrémentiticl, et servent, pour la plupart, à dilater l'anus, tout en tirant cet orifice en arrière (c). Tels sont : 1° Une paire de muscles rétracleurs supérieurs, ou coccy-vestibuliens ; 2° Une paire de muscles rétracteurs inférieurs, ou ischio-vestibuliens; 3° l ne paire de muscles ababscurs, ou ischio-coccygiens ; Zi° Un muscle abaissent- de l'anus, ou pubio-veslibulaire. Un effet contraire est produit par la contraction d'un sphincter anal très- gros. (a) Bidder, Vergteicli. anat. und histol. Untersuch. iiber die mdnnlichen Geschlechts- und Harnwerkzeuge bei nackten Amphibien, 4 846. {b) Prévost et Dumas, Observations relatives à l'appareil générateur det Animaux mâles (Ann. des sciences nat., 18*24, t. I, p. 282). — Dtnernoy, Fragments sur les organes génilo-urinaires des Reptiles, p. 93. (c) Voyez Lereboullet, Op. cit., p. 145, pi. 18, Gg. 191 ; pi. 19, Bg. 193, 194. Mode de fécondation 494 REPRODUCTION. Rlnfin, chez les Batraciens urodèles et pérennibranches, l'ap- pareil génital du mâle est complété par des organes sécréteurs qui débouchent dans le cloaque, et qui ont été considérés par beaucoup d'anatomistes comme les analogues de la prostate ou des glandes de Cowper, dont l'étude nous occupera dans la prochaine Leçon. Ils consistent en une multitude de tubes terminés par un renflement ampullaire et produisant une substance laiteuse. A l'époque du rut, ils deviennent turgides, et chez les Tritons ils ont alors un volume considérable (l). § 8. — Ainsi que je l'ai déjà dit, il n'y a presque jamais une véritable copulation chez les Batraciens (2), et d'ordinaire la fécondation des œufs n'a lieu qu'après la ponte. Souvent le mâle se borne à nager autour de la femelle, et à répandre dans l'eau qui la baigne la liqueur séminale destinée à vivifier ses œufs, ainsi que cela se voit chez les Tritons (3). D'autres fois, chez les Grenouilles et les Crapauds, par exemple, le mâle se cramponne sur le dos de la femelle, en la saisissant par les flancs (1) Chez les Triions, cet appareil glandulaire se compose de trois paires de lobes, dont deux bordent le cloaque, et la troisième s'avance sous l'abdo- men (a). 11 se trouve chez la femelle aussi bien que chez le mâle, mais il est beaucoup plus développé chez ce der- nier. Ces glandes sont également très- développées chez la Salamandre ter- restre (b). (2) Les Cécilies, qui paraissent de- voir prendre place dans la classe des Batraciens, bien que la forme générale de leur corps soit semblable à celle des Serpents, sont pourvues d'organes copulateurs analogues à ceux des Lé- zards (c). (o) Les manœuvres du mâle autour de la femelle sont très-remarquables. Il la poursuit, tourne autour d'elle, l'excite et semble en épier tous les mouvements ; dès qu'il s'aperçoit qu'un œuf est pondu, il s'en approche vive- ment et y lance un jet de sperme. Pen- dant la saison du rut, le corps du mâle prend aussi des couleurs plus intenses el des crêtes culanées se dé- veloppent tant sur le dos que sous la gorge, et acquièrent souvent des di- mensions très-considérables (d). (a) Voyez Martin Saint-Ange, Op. cit., pi. lt , fijj. 3, 3' et 6. (b) Rathke, Op. cit. (Bcitr. zur Geschichte der Thienuclt, t. I, pi. 1 , Çig. 3 et 6). (c) Voyez Duvernoy, Atlas du Règne animal He Cuvier, Reptiles, pi. 36 ter, fiff. 7. (d) Rusconi, Amours des Salamandres aquatiques, p. 17 et suiv. APPAREIL DE LA GENERATION DES BATRACIENS. 495 au moyen de ses pattes antérieures, et, tout en nageant avec elle, arrose de semence les œufs au moment où celle-ci les évacue au dehors (1). Mais, chez quelques-uns des Animaux de cette classe, la fécondation s'opère avant la ponte, et les œufs se développent dans l'intérieur de la chamhre ineubatiïce formée parla portion terminale de l'oviducte. Cela a lieu chez les Sa- lamandres terrestres (2) et chez un Batracien du Chili appelé Rhinoderma Darwinii (3). (1) Les Grenouilles s'accouplent dans l'eau et nagent ainsi, le mâle placé sur le dos de la femelle, qu'il embrasse étroitement entre ses pattes antérieu- res (a). Cette union dure très-long- temps, quelquefois une vingtaine de jours sans interruption, et chez quel- ques espèces, telles que la Grenouille rousse, le pouce du mâle se gonfle alors à sa base, et s'y couvre de rugosités qui s'enfoncent dans les flancs de la femelle, de façon à y déterminer des excoriations. Lorsque les œufs sortent du cloaque de la femelle , le mâle les féconde en y lançant sa semeice par petits jets; quelquefois il épuise sa provision de liqueur spermatique, et abandonne sa compagne avant que la ponte soit terminée, et alors un autre mâle lui succède. D'autres fois le même mâle s'accouple successive- ment avec deux ou même trois fe- melles ; mais, en général, l'accouple- ment, qui commence longtemps avant la ponte, dure jusqu'à ce que cette opération soit terminée. Pendant la durée de ce rapprochement sexuel, le mâle paraît être presque insensible à la douleur: ainsi, dans des expériences faites par Spallanzani, on l'a vu re- cevoir des blessures extrêmement graves, sans quitter sa femelle ni dis- continuer à féconder les œufs pondus par celle-ci. Il en est de même poul- ies Crapauds (6). (2) ].'• développement des jeunes Salamandres dans l'intérieur de l'ovi- ducte de leur mère a été constaté par Perrault et par Maupertuis (c), ainsi que par beaucoup de naturalistes plus récents. Chez la Salamandre noire des Alpes, la copulation commence à terre et se continue dans l'eau; le mâle s'unit à la femelle en se plaçant sous elle ven- tre à ventre et en l'enlaçant avec ses pattes : celle-ci l'entraîne alors dans l'eau, et l'union sexuelle dure plusieurs heures (d). (3) Le viviparisme de ce Batracien anoure a été constaté par M. Gay, et implique la fécondation intérieure (e). (a) Voyez Swammerdam, Biblia Nalurœ, pi. 48 a, fig. 1. — Rœsel, Hist. nat. Ranarum, pi. 1, fig. 1 et 2. (6) Spallanzani, Expér. pour servir à ihist. de la génération, p. SG, 288, etc. (c) Perrault, Mém. pour servir à l'histoire naturelle des Animaux, 3* partie, p. 81, pi. 16. — Maupertuis, Observations et expériences sur une des espèces de Salamandre (Mém. de l'Acad. des sciences, 1727, p. 32). (d) Schreibers, L'eber die specifische Verschiedenheit des ge/leckten und des schivarzen Erd- Salamanders oder Molches und der hôchst merkwurdigen ganz eigenthùmlichen Fortpflanzungs- weise des Letztem (Isis, 1833, t. V, p. 527). (e) Gay, Historia fisica y politica de Chile, Zoologia, t. II, p. 122. Dépôt des œufs. REPRODUCTION. est aussi à noter que certains Batraciens 496 §9.-11 n'abandonnent pas leurs œufs après les avoir pondus et fécondés, mais s'en chargent, et les transportent avec eux pendant que l'incubation s'effectue. Ainsi , chez le Crapaud accoucheur, où les œufs sont réunis en un chapelet glaireux, le mâle s'en empare à mesure que la ponte s'en effectue, entortille ce cordon autour de ses pattes postérieures, et le transporte ainsi avec lui à sec, jusqu'au moment où l'éclosion doit avoir lieu; mais alors il se plonge dans l'eau, dont l'ac- tion détermine la déhiscence de la coque des œufs et la sortie des petits (1). Le Pipa, ou Crapaud de Surinam, présente sous ce rap- port des particularités encore plus remarquables. Le mâle aide la femelle à accoucher et place les œufs sur le dos de celle-ci; ils y déterminent une sorte de gonflement ou d'hy- pertrophie de la peau, qui se boursoufle autour de ces corps, et , de la sorte , chacun de ceux-ci se trouve bientôt logé dans une espèce d'alvéole. Le dos de la femelle se creuse ainsi d'une cinquantaine de petites loges qui sont autant de (1) L'accouplement du Crapaud accoucheur, ou Alytes obstetricans, n'a pas lieu dans l'eau, comme cela est ordinaire chez les Batraciens. La femelle étant à terre, le mâle, dont la taille est beaucoup plus petite que la sienne, se cramponne sur son dos, et se fait ainsi transporter par elle. Lors- que la ponte commence, il tire à lui avec une de ses pattes postérieures le bout du chapelet formé par les œufs agglutinés, et l'entortille autour de ses cuisses en y donnant la disposition d'un chiffre huit qui serait couché transversalement (oo ). Il est à présu- mer que pendant cette opération , il les féconde en les arrosant de sperme, car leur enveloppe est encore molle en ce moment; mais, par le contact de l'air, elle ne tarde pas à se dessécher et à durcir de façon à constituer une coque assez résistante. Le mâle trans- porte ainsi les œufs avec lui pendant plusieurs semaines, et lorsque la période d'incubation est terminée, il va à l'eau ; puis, au bout de quelques minutes, sous l'influence de ce liquide, la coque de ces corps se brise circulairement, et laisse sortir le petit têtard, qui se met à nager (a). (a) Demours, Observations sur le Crapaud (Ném. de l'Académie des sciences, 1778, p. 7). APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES. 497 Apparei de chambres incubatrices dans lesquelles les embryons se forment et se développent (1). § 10. — Dans la classe des Reptiles, la fécondation des œufs s'opère toujours avant la ponte, par introduction directe du la reproduction liquide séminal dans l'appareil génital de la femelle, et à ce per- r^L*. fectionnement correspond une complication nouvelle des or- ganes mâles, qui se complètent parle développement d'inslru- ments copulateurs (2). A l'extérieur du corps, les différences sexuelles sont toujours faibles et souvent elles ne sont pas appréciables. Chez les Chclo- niens, les individus mâles sont reconnaissables à la forme un peu excavée de leur plastron sternal, et chez les Sauriens, la base de la queue est en général étroite et arrondie chez la femelle, tandis que chez le mâle, elle est un peu aplatie et élargie ; mais (1) Madame Mérian , iconographe lia- bile du xvne siècle (a), fut la première à parler de ce singulier Batracien; mais elle croyait qu'il produisait ses petits par le dos (6). Un autre naturaliste crut avoir constaté que l'individu qui porte ainsi les œufs était le mâle, et non la femelle (c) ; mais les observa- tions faites en 1762 par un médecin de Surinam, appelé hennin, firent dis- paraître ces erreurs (rf). Plusieurs au- teurs ont donné de bonnes figures du Pipa chargé de ses œufs (e) , et l'on sait, par les observations de Blumen- bach et de Duméril,que non-seulement le têtard se développe complètement dans l'intérieur de la loge ovigère, mais qu'il y subit même ses métamorphoses, de façon à en sortir sous la forme de Batracien anoure (/"). (2) Chez les Serpents, la copulalion dure plusieurs heures; les deux indi- vidus s'entortillent mutuellement en ne laissant libre que la partie anté- rieure de la tète et en se regardant nez à nez {g). (a) En généra], on désigne cet auteur sous le nom de mademoiselle Mérian, parce que jadis le titre de dame était réservé à la noblesse. (b) U.S. Mérian, Dissertation sur la génération et les transformations des Insectes de Surinam, 17-26, p. 50, pi. 59. (cl Vallisnieri, Historia del Cameleonte {Opère fisico-mediche, t. I, p. 433 et suiv., pi il H- 6). (d) Fermin, Développement parfait du mystère de la génération du fameux Crapaud de Surinam. Màstricht, 1702. (e) Seba, Thésaurus Animalium, t. IV, pi. 19 et 20. — Duvernoy, Atlas du Régne animal de Cuvier, Reptiles, pi. 39, fig. 2. (f) Duméril,* Erpétologie , t. VIII, p. 219. (g) Par exemple, chez les Vipères : voyez Charas, Anatomie de la Vipère [Mém. pour servir à l'histoire naturelle des Animaux, par Perrault, etc. ; publié par l'Académie des sciences, 1732, t. III, 2' partie, pi. 63). Ovaires 498 REPRODUCTION. ces caractères manquent souvent. La fécondité est beaucoup moins grande que chez les Batraciens (1), mais les œufs sont plus complets et ressemblent davantage à ceux des Poissons plagiostomes, car ils sont toujours pourvus d'une coque bien organisée, et quelquefois même cette enveloppe devient sem- blable à la coquille d'un œuf d'oiseau. Ainsi, chez les Crocodiliens, la sphère vitelline est entourée d'un albumen qui, à son tour, est renfermé dans une tunique membraneuse particulière, et celle-ci est revêtue d'une coquille calcaire. La coque de l'œuf est également calcaire chez certains Chéloniens (les Tortues terrestres et paludines), mais chez les Tortues de mer, les Sauriens ordinaires et les Ophidiens, elle offre seulement la consistance du parchemin. Je rappellerai aussi que l'albumen de l'œuf présente une composilion parti- culière chez les Chéloniens (2), et que chez les Ophidiens, cette substance manque. Enfin, la forme de ces œufs est en général ovalaire (3). § 14 . — L'ovaire est toujours double, mais n'est pas tou- jours placé symétriquement de chaque côté du plan médian ; (1) Le nombre des œufs pondus à la fois s'élève souvent à trente, ou même quarante, chez la Couleuvre à collier, mais ne paraît être que d'environ dix chez les Calamaries (a). Chez quelques Tortues, chaque ponte ne se compose que de quatre ou cinq œufs, ou même de deux ou trois seu- lement (6). (2) Voyez ci-dessus, page 325. (3) Chez les Chéloniens, les œufs pré- sentent des formes diverses suivant les espèces : quelquefois ils sont sphéri- ques, chez le Thalassiochelys cauuana et le Xerobates carolinus (c) ; mais, en général, ils sont ovalaires, et souvent leur grand diamètre l'emporte de beau- coup sur le pelit diamètre; parfois ils sont un peu incurvés, de façon à être presque réniformes(rZ), mais leurs deux extrémités sont toujours de même grosseur. Les œufs des Geckos sont sphéri- ques et à coque calcaire (e). (a) Schlegel, Physionomie des Serpents, p. 87. (6) Agassiz, Contrib. to the Nat. Hist. of the United States, t. II, p. 490. (c) Venez Agassiz, Op. cit., pi. 17, lig. 28-30. (d) Par expmple, chez le Malacoclemmys palustris : voy. Agassiz, loc. cit., pi la, fig. 14. (e) Duméril, Erpétologie générale, t. III, p. 274. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES. /l99 car dans les espèces dont le corps est très-étroit, les Serpents, par exemple, l'un de ces organes est placé beaucoup plus en avant que l'autre. Leur conformation diffère aussi un peu chez les divers Animaux de cette classe, et, sous ce rapport comme sous beaucoup d'autres, les Reptiles, dont l'anus a la forme d'une fente transversale, c'est-à-dire les Ophidiens et les San- 0i'h[cfc"s riens ordinaires, diffèrent de ceux où cet orifice est longitudinal, s;miens ' o " ordinaire?. disposition qui se rencontre chez les Crocodiliens et les Chélo- niens. Chez les premiers, l'ovaire est creux et consiste en un sac ou un tube assez semblable à celui des Batraciens, et dont la cavité reçoit les œufs quand ceux-ci, arrivés au terme de la croissance du globe vitellin, rompent leur capsule et deviennent libres; puis les parois de ce réceptacle se rompent à leur tour pour laisser sortir les œufs, qui passent dans l'oviducte. Les choses se passent donc là à peu près comme chez les Batraciens, si ce n'est que la cavité centrale de l'ovaire, traversée par des brides, est peu extensible, et que chaque œuf en sort presque aussitôt après qu'il s'est détaché des parois de cette glande ovi- gène. Cela est facile à observer chez les Ophidiens, dont les ovaires sont tubulaircs. Chez les Chéloniens et les Crocodiliens, les ovaires sont dis- chéioniens posés autrement (1). Par suite d'une coalescence plus complète crocodiliens des parois de l'espèce de sac formé par chacun de ces organes, leur cavité centrale s'efface, et chaque œuf, à mesure qu'il gros- sit dans l'épaisseur de leurs parois, au lieu de se porter en dedans vers ce réceptacle commun, fait saillie au dehors (2) ; la (1) La forme générale de ces or- tes, parmi lesquels il convient de citer panes, chez les Chéloniens, a été très- ' en première ligne Bojanns (a). bien figurée par plusieurs anatomis- ('2) M. Agassiz a publié récemment la) Chez In Tortue d'Europe, par Bojanus (Anat. Test, europ., pi. 30, fig. 188). — Chez le Chrysemys picta el le Glyptemys insculpta, par M. Agassiz (Contvib. to the Xat. Hisl. of the Uniled States, t. II, pi. 9 b, tig. 10 et 11). 500 REPRODUCTION. surface extérieure de l'ovaire devient ainsi fortement bosselée; puis chacun de ces tubercules, s'avançant davantage et s'étran- glant à sa base, devient pédoncule, et l'organe tout entier prend une longue série de recherches très- intéressantes sur le développement de l'œuf et sur l'embryologie des Tor- tues (a). L'accroissement des ovules ovariques est extrêmement lent, et ces corps reproducteurs, après avoir par- couru la première période de leur existence, restent pendant fort long- temps dans un état stationnaire : en sorte que chez une jeune Tortue âgée de cinq ou six ans, ils ont tous à peu près les mêmes dimensions. Mais, a l'époque de la puberté, le développe- ment d'un petit nombre d'entre eux s'active, et ceux-ci entrent dans la pé- riode de maturation, laquelle dure plusieurs années. Chaque année, à un moment qui paraît coïncider avec ce- lui de l'accouplement, une nouvelle série d'œufs commence à mûrir, en sorte que chez les individus adultes, l'ovaire renferme plusieurs de ces sé- ries d'âges différents et formées cha- cune par le nombre d'œufs destinés à composer une même ponte. Les pontes ne se renouvellent que d'année en an- née ; et chez les espèces étudiées par M. Agassiz, la période de maturation des œufs dure environ quatre années : de sorte qu'aux approches de la saison de la reproduction, indépendamment des ovules dans la première période de leur existence, dont le nombre est immense et dont le volume est varia- ble, mais toujours très-petit, l'ovaire renferme quatre séries d'œufs en voie de maturation et d'âges différents, qui se distinguent par les inégalités de leur volume. Chez le Nanemys guttata, qui, à chaque ponte, dépose deux ou trois œufs seulement, chacune de ces séries ne se compose que d'un égal nombre d'œufs ; chez le Chrysemys picta , les œufs qui sont arrivés à un même degré de développement, et qui sont destinés à être pondus à la fois, sont au nombre de cinq, six ou sept ; enfin, chez le Chelhydra serpentina, dont cbaque couvée se compose d'une hui- taine d'œufs, on trouve dans l'ovaire un nombre correspondant d'ovules de chacune des quatre catégories sus- mentionnées. Les ovules naissants se montrent d'a- bord sous la forme de pelits granules sphériques d'apparence graisseuse et complètement indépendants du stroma d'alentour. Ils sont beaucoup plus petits que les cellules du tissu circonvoisin ou même que les noyaux de ces cel- lules, et c'est plus tard que la capsule ou follicule ovigère se constitue autour de chacun de ces corps, d'abord sous la forme d'une couche d'utricules, puis d'une sorte de kyste composé de deux feuillets, une tunique externe granu- leuse, et une tunique interne hyaline, ou zone pellucide. Lorsque Tovule commence à se constituer ainsi, sa sub- stance paraît être homogène ; mais bientôt il semble se faire un départ entre la matière qui en occupe la pé- riphérie et celle gai se trouve au cen- tre : la première s'épaissit, la seconde (a) Agassiz, Contributions lo the Natural Hislory of thc United States, t. II, p. 451 et suiv., pi. 8, 9, 9 a. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES. 501 l'aspect d'une grappe de raisins; enfin la capsule de l'œuf se rompt, et ce dernier quitte l'ovaire pour passer directement dans l'oviducte. Nous avons déjà vu des ovaires en grappe s'éclaircit,et le tout offre alors l'aspect d'une cellule arrondie. Au début de ce travail d'évolution, la vésicule purkin- jéenne ne se distingue pas des matières adjacentes, et les observations de M. Agassiz ne me paraissent pas suf- fisantes pour résoudre les questions relatives à l'ordre de primogéniture entre cette cellule et les autres parties de la sphère vitelline; mais lorsque l'ovule est un peu plus avancé en âge, cette vésicule intérieure est très-visible et s'accroît rapidement. C'est évidem- ment un organite vivant, ayant son mode d'activité propre, et engendrant dans son intérieur d'autres organites quia leur tour donnent des signes d'un pouvoir génésique analogue. En effet, le contenu de la vésicule germinative ou purkinjéenne est d'abord homo- gène et transparent, mais on y voit bientôt apparaître un noyau appelé vé- sicule de Wagner, et dans l'intérieur de celte dernière cellule on voit naître ensuite un ou plusieurs nucléoles, ou vésicules de Valentin ; puis la vésicule wagnérienne se détruit, et le contenu de la vésicule purkinjéenne, après être de- venubeaucoup plus granuleux, s'éclair- cit de nouveau. Pendant que cesphéno- mènes s'accomplissent, le vitellusdonne également des signes d'une certaine activité vitale. On n'aperçoit d'abord, entre la vésicule purkinjéenne et la paroi extérieure de l'ovule destinée à devenir la tunique vitelline, qu'un li- quide homogène et transparent ; mais bientôt sa consistance se modifie, des corpuscules granulaires y apparaissent, et ces corpuscules, en se développant VIII. à la manière d'autant d'organites par- ticuliers, augmentent rapidement le volume de l'ovule. Ils sont de deux sortes. Les uns, hyalins, incolores et d'apparence albumineuse , occupent l'hémisphère du globe vitellin, où se trouve la vésicule germinative, et doi- vent être considérés comme les repré- sentants de la substance blastogénique dont il a été question dans une leçon précédente. Les autres, destinés à for- mer les cellules vitellines proprement dites, sont opaques , jaunes et riches en matière grasse ; ils se montrent d'abord au pôle opposé de l'ovule, et bientôt ils occupent l'un des hémi- sphères du globe vitellin; mais leur nombre et leur volume venant à aug- menter, ils envahissent peu à peu l'au- tre hémisphère, de façon à rétrécir de plus en plus l'espace hyalin qui entoure la vésicule germinative. Ces corpuscules vitellins, en se dévelop- pant, subissent aussi des changements considérables. Aux premiers granules opaques en succèdent d'autres qui sont d'abord hyalins, et dont la péri- phérie se condense bientôt de façon à donner à chacun de ces globules l'ap- parence d'une vésicule ou cellule arrondie, dont la paroi (appelée ecto- blaste par M. Agassiz) devient mem- braneuse et élastique. A l'intérieur de chacune de ces utricules se développe ensuite un noyau, ou mésoblaste, qui se montre d'abord sous la forme d'une tache appliquée contre la surface in- terne de l'ectoblaste, mais qui devient bientôt un corpuscule libre et à con- tours nettement dessinés; sa forme 34 502 REPRODUCTION. chez les Poissons plagïostomes, et lorsque nous étudierons l'appareil reproducteur des Oiseaux, nous aurons l'occasion de revenir sur l'examen des glandes ovigènes qui offrent ce mode de conformation. L'oviducle des Reptiles présente également, dans beaucoup de cas, des particularités de structure en rapport avec certains perfectionnements dans le travail physiologique. Ainsi, l'em- bouchure de ce canal jouit de plus de mobilité que chez les Vertébrés anallantoïdiens (1), et n'est pas toujours une simple fente en forme de boutonnière, comme chez les Batraciens, mais elle s'élargit ordinairement de façon à constituer un enton- noir très-évasé, et elle s'enrichit de fibres musculaires dispo- sées de manière à lui donner la faculté de changer de forme et de position, de s'appliquer sur l'ovaire, de l'embrasser et de recueillir ainsi plus sûrement l'œuf qui s'en détache. Ce mode d'organisation est porté à un degré très-remarquable chez la Couleuvre et chez d'autres Ophidiens. La portion suivante de l'oviducte (2), étroite et garnie comme d'ordinaire d'une tunique muqueuse couverte d'un épilhélium à cesse alors d'être arrondie pour deve- nir anguleuse, et sa couleur passe d'une teinte jaune pâle au jaune d'or. Ces changements coïncident avec le déve- loppement d'une nouvelle génération de corpuscules appelés cndoblasliques, dans l'intérieur du mésoblasle, lesquels offrent une apparence cristalloïde et sont très-chargés d'une matière grasse dont l'aspect a de l'analogie avec celle de la cire. Ces corpuscules deviennent assez gros et augmentent de nombre, de façon à constituer bientôt dans l'in- térieur de chaque cellule vitelline une agglomération anguleuse ; puis leur substance paraît être résorbée peu à peu, leurs angles s'émoussent, leur nombre diminue, et le mésoblaste ainsi que l'ectoblaste tendent à se désagré- ger pour faire place à de nouvelles cellules vitellines en voie de dévelop- pement. (1) Ce caractère se retrouve chez tous les Vertébrés du sous-embran- chement des Allantoïdiens. (2) L'oviducte des Reptiles est gé- néralement moins long et moins con- tourné que chez, les Batraciens. Chez le Gecko, ce tube est remar- quablement court (a). {a) Délie Chiaje, Dissert, sull'anat. umaaa comparativa, etc., t. I, pi. 21, Rs. t. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES. 503 cils vibratiles, ne présente rien qui soit important à noter, mais la seconde portion de ce conduit se modifie à peu près comme nous l'avons vu chez les Poissons plagioslomes; ses parois s'é- paississent, se plissent et s'enrichissent d'une multitude de glan- dules dont les produits servent à compléter l'œuf. C'est là que l'albumen et la coque se forment autour du globe vitellin (1); (1) La plupart des naturalistes con- sidèrent la formation de ces parties complémentaires de l'œuf comme étant le résultat d'un simple dépôt de ma- tières sécrétées par l'oviducte et ap- pliquées sur le globe vitellin, mais cette théorie mécanique ne me semble pas être l'expression de la vérité, et les enveloppes en question, tout en tirant tau substance des produits de la sécrétion des glandules de L'oviducte, se constituent eï croissent à la Manière des autres parties organisées el \i- vantes. Les observations de M. Agassiz sur le mode de formation de l'albu- men de l'œuf des Tortues fournissent des arguments puissants en laveur de -cite dernière manière de voir. En effet, fiiez ces Keptiles, l'albumen est beau- coup plus consistant que chez la plu- part des Animaux, et forme autour du globe vitellin un certain nombre de couches concentriques bien distinc- tes (a) : le tout est renfermé dans la membrane de la coque, et souvent celte tunique est déjà bien constituée avant que l'albumen sous-jacent ail pris tout son développement. C'est donc par imbibilion à travers celte membrane que la matière constitutive de l'albumen arrive alors en contact avec celui-ci et se trouve employée par lui pour la production de nouvelles couches du tissu constitutif de celle partie de l'œuf. La coque de l'œuf des Tortues est formée aussi d'une série de couebes superposées dont les premières ne sont guère plus consistantes que les parties adjacentes de l'albumen et se compo- sent, comme celles-ci, de corpuscules granulaires et allongés disposés en rangées parallèles. La direction de ces séries de corpuscules change de cou- rbe en couche, de sorte que les stries résultant de leur mode de groupe- ment s'entrecroisent. Dans les couebes plus superficielles de la membrane co- quillière, ces granules sont plus serrés entre eux et constituent des fibres monilil'ormes. Chacun d'eux parait formé d'un nodule central entouré de couebes concentriques, à peu près comme dans les grains de fécule. En- fin, le nombre de ces couebes et l'é- paisseur de la tunique résultant de leur superposition varient suivant les espèces. La coquille a pour base un tissu analogue; mais dans cette partie de l'œuf, chaque granule devient en quel- que sorte un centre d'attraction autour duquel des cristaux de carbonate cal- caire viennent se grouper radiaire- ment, de façon à constituer un nodule. Du côté de la périphérie de l'œuf, (a) Agassiz, Contributions to the Natural History of the United States, tome II, planche 9 a, fig. 43, 44. 50ft REPRODUCTION. et parfois même le tube, ainsi constitué, devient une chambre incubatrice : car, chez quelques Reptiles, le développement de l'embrvon commence ou s'achève même dans l'intérieur de l'œuf avant que celui-ci ait été expulsé au dehors, et dans ce dernier cas ces Animaux sont ovovivipares. La Vipère doit son nom à cette particularité physiologique (1), qui est commune à beaucoup de Serpents venimeux f2) et se retrouve chez l'Orvet, ainsi que chez quelques espèces de la famille des Lézards (3). Postérieurement, les deux oviductes se rapprochent pour déboucher dans le cloaque, et la portion de ce vestibule où ils vont s'ouvrir se prolonge souvent au-dessus de l'orifice du chacun de ces nodules calcigères s'ac- croît par la formation de nouvelles couches superposées, et il en résulte finalement une petite colonnette ou cylindre vertical dont la section hori- zontale offre une structure radiaire. Ces nodules sont disposés par rangées parallèles comme Tétaient les granules organiques dont ils dérivent, et, sui- vant qu'ils sont plus ou moins serrés entre eux, la suhstance de la coquille est plus ou moins poreuse ou dense. 11 existe à cet égard des différences dans les diverses familles de Chélo- niens, et il en résulte que, dans chacun de ces groupes zoologiques, la coquille présente des caractères histologiques particuliers. Pour plus de détails à ce sujet, je renverrai aux observations de M. Agassiz (Nat. Hist. of the Uni- ted States, t. Il, p. 507 etsuiv.). (1) La disposition générale de l'ap- pareil de la génération des Vipères a été assez bien indiquée par Charas (a). (2) Quelques naturalistes ont pensé que les Serpents venimeux étaient tous vivipares, et les Serpents non venimeux tous ovipares ; mais il y a de part et d'autre des exceptions à cette régler ainsi, dans les groupes des Coronelles, la plupart des espèces sont ovipares, comme chez les Couleuvres, mais 1» Coronelle lisse est vivipare. Cette der- nière particularité se retrouve aussi chez le Boa rativore; enfin les Najas, quoique très - venimeux , sont ovi- pares (b). (3j Une petite espèce de Lézard qui se trouve en Suisse ainsi que dans di- verses autres parties montagneuses de l'Europe, et qui a été décrite sous plusieurs noms (Lacerta montana, L. Schreibersiana, Zootocha Jacquini, Lacerta vivipara, etc.) , pond des œufs, contenant des petits tout formés et près d'éclore (c). (a) Charas, Anatomie de la Vipère [Mém. pour servir à l'histoire naturelle des Animaux, t. III, 2° partie, p. 207.pl. 60 e\.6i,Acad. des sciences, 1732). (b) Schlegel, Physionomie des Serpents, t. Il, p. 86. (c) i. F. Jacqnin, Lacerta vivipara (Nova Acta Hclvet., 1. 1, p. 33, pi. 1). — Cocleau, Note sur un genre peu connu de Lézards vivipares [Zootocha, Wagler), et sur une nouvelle espèce de ce genre (Ann. des sciences nat., 2* série, 1835, t. IV, p. 310). APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES. 505 rectum, soit qu'il se continue avec la vessie urinaire, soit qu'il se termine en cul-de-sac sans donner naissance à un réservoir de ce genre. Cette dernière disposition est parfois très-remar- quable chez les Ophidiens, où la portion supérieure du cloaque se dilate de façon à ressembler à un utérus dans le col duquel viendraient s'ouvrir, d'une part l'intestin , d'autre part les voies u ri n aires (1). 11 existe aussi à la partie antérieure du cloaque, chez les Chéloniens et les Crocodiliens, un appendice excitateur, nommé clitoris, qui, par sa structure, correspond au pénis du maie (2). Enfin, ce vestibule génito-excrémentitiel est souvent lubritié par des matières onctueuses que des organes glandulaires adja- cents y versent : chez les Crocodiliens et les Ophidiens, par exemple (3). (1) Chez le Coluber korros, cette que une paire de petits sacs glandu- portion utérine du cloaque est extrè- laires qui paraissent correspondre à mement développée, et se termine an- une partie de l'appareil copulateur du lérieurement par deux cornes (a), mâle (voyez ci-après page 507). Chez Une disposition analogue, mais beau- les Ophidiens, ces glandules ont la coup moins prononcée, se voit chez la forme d'une capsule ovalaire située de Couleuvre à collier (b). chaque côté sous la queue et communi- Chcz riguane, le fond du cloaque quant avec le cloaque par plusieurs ou- est divisé en deux sacs dans lesquels vertures pratiquées dans la lèvre pos- s'ouvrent les oviductes et les uretères. lérieure de l'anus; elles sont beaucoup (2) Le clitoris des Chéloniens (c) et plus développées chez la femelle que des Crocodiliens (d) ressemble tout à chez le mâle (e). fait au pénis, si ce n'est que son vo- (3) Les sacs glandulaires dont il a lume est moindre (voyez ci -après été question dans la note précédente page 509). sécrètent une matière onctueuse quia Chez les Sauriens ordinaires et les la consistance de la pommade. Chez Ophidiens, il n'existe pas de clitoris, les Crocodiliens, deux glandes volu- niais on trouve sur les côtés du cloa- mineuses et de forme ovalaire débou- (a) Stannius et Siebold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. II, p. 271. (6) Martin Saint-Ange, Op. cit., p. 91, pi. 10, fig. i. (c) Exemple, la Tortue: voy. Bojanus, Anatome Tesludinu europœœ, pi. 28, fig. 159. (d) Exemple, le Crocodile à museau de Brochet: voy. Carus et Otto, Tab. Anal. comp. illustr., pars v, pi. 0, fig. 2. — Isid. Geoffroy et Martin Saint-Ange, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1828, t. XIII, pi. 6, fig. 4). — Hunier, Illustr. Catal. of the Mus. of the R. Collège of Surg., t. IV, pi. 63, fig. 1 et 2. (e) Schlegel, Op. cit., p. 46. Appareil mâle. Organes copulaleurs. 506 REPRODUCTION. § 12. — Les testicules n'offrent rien d'important à noter (i).; ils sont toujours situés dans le voisinage des reins, soit au-des- sous de ces organes, dans le fond de la cavité abdominale, ainsi que cela se voit chez les Chéloniens (2), soit au de- vant d'eux, sur les côtés de la colonne vertébrale, comme cela a lieu chez les Sauriens et les Ophidiens. Il y a toujours un épididyme bien caractérisé, et les canaux déférents arrivent près du cloaque sans avoir aucune communication avec les voies urinaires, mais là ils se réunissent parfois aux uretères, et débouchent par une paire d'orifices communs situés sur le côté de ce vestibule, au sommet d'une petite papille (3). L'appareil copulateur est une dépendance du cloaque, et con- siste en un ou deux appendices érectiles, qui ne sont jamais complètement tubulaires, comme la verge des Mammifères, mais simplement creusés d'une gouttière longitudinale dont la base est en rapport avec la papille au sommet de laquelle dé- bouchent les canaux déférents. 11 affecte, dans cette classe, deux formes principales. Tantôt il n'existe qu'un pénis impair et chent aussi sur les parois latérales du cloaque. Chez les Tortues, ces or- ganes sont représentés par une paire de grosses vessies («). En général, il y a aussi dans l'épaisseur de la paroi antérieure du cloaque une série de glandules utriculaires. (1) La forme des testicules varie avec celle du corps : ainsi, chez les Ophidiens, ils sont très-étroits et re- marquablement allongés (6). (2) Par exemple, chez la Tortue d'Europe (c). (3) Chez les Lézards, celte jonction du canal déférent et de l'uretère a lieu près de l'extrémité inférieure du rein, à peu de distance du rectum, en sorte que le canal génito-urinaire ainsi formé est très-court (d). Chez la Couleuvre à collier, le ca- nal déférent et l'uretère vont débou- cher l'un et l'autre dans une petite ampoule commune qui, à son tour, s'ouvre dans le cloaque, au sommet d'une petite papille érectile (e). (a) Bojamis, Anatome Testudinis europœœ, pi. 27, fig. 156, 157. (b)Par exemple, chrz la Couleuvre à collier : voy. Martin Saint-Ange, Op. cit., pi. 10, fig. 1. (c) Voyez Bojanus, Op. cit., pi. 27 et 28, fig. 157 et 158. (d) Voyez Martin Saint-Ange, Op. cit., p. 67, pi. 9, fig. 2. (e)Idem, ïoid., p. 79. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES. 507 médian : cet organe est linguiforme et plein ; lorsqu'il devient apte à fonctionner, il se gonfle et s'allonge par l'afflux du sang- dans son intérieur, sans que sa forme change notablement. D'autres fois il y a deux verges qui, dans l'état de repos, ont la forme de tubes cutanés terminés en cul-de-sac, et s'ouvrant au dehors par un orifice pratiqué dans la paroi latérale du cloaque, mais qui, dans l'état d'érection, se déroulent à l'exté- rieur de façon à constituer un appendice saillant dont l'axe est creux (1). Le premier de ces modes d'organisation se trouve chez les Chéloniens et les Crocodiliens ; le second, chez les Sauriens ordinaires et les Ophidiens. Chez ces derniers Reptiles, l'anus a toujours la forme d'une fente transversale, et c'est en dedans de chaque angle ou com- missure de cette ouverture que se trouve l'entrée du sac exsertile ou appendice copulateur. Dans l'état de repos, celui-ci n'est pas apparent au dehors, et se prolonge en arrière, sous la base de la queue, entre la peau et la colonne verlél traie (2). Il se compose : 1° d'une tunique cutanée, ou prolongement de la peau qui en tapisse la cavité, et qui, lors de l'érection du pénis, (1) Les anatomistes appellent sou- vent ces appendices des « verges en fourreau », mais ce nom est assez mal choisi, car le cul-de-sac copulateur, que Ton compare ainsi à une gaine, ne renferme, rien, et c'est en se ren- versant comme un doigt de gant, par un mouvement d'invagination, qu'il devient exsertile et constitue un pénis imperforé. (2) C'est par suite de cette disposi- tion que la forme de la portion basi- laire de la queue est en général assez différente chez le mâle et la femelle pour pouvoir servir à la distinction des sexes. Chez les Lézards, par exemple, la queue est étroite et arrondie en des- sous chez la femelle, tandis que chez le mâle elle y est large, aplatie et sil- lonnée longitudinalement sur la ligne médiane : c'est le seul caractère exté- rieur qui puisse faire reconnaître le sexe de ces Animaux. Il est cependant à noter que chez le fœtus, les verges du mâle sont appa- rentes au dehors, et que ces appendices ne rentrent dans le cloaque qu'après l'éclosion (a). (o) Rathkc, Entwickelungsgeschiclite der Natter, pi. 3, fig. 17, 18, 19. — Martin Saint- Ange, Op. cit., p. 77. 508 REPRODUCTION. devient extérieur ; 2° d'une tunique fibreuse qui engaine la précédente quand l'organe est rentré, mais occupe l'intérieur de l'appendice quand celui-ci se renverse au dehors ; 3° d'une couche plus ou moins considérable d'un tissu spongieux érectile placé entre ces deux tuniques (1); h° d'un muscle rétracteur qui se porte du fond du cul-de-sac aux vertèbres caudales adjacentes, et qui occupe l'axe du pénis pendant l'érection. C'est ce dernier muscle qui fait rentrer la verge sous la peau, et c'est la contraction des muscles de l'anus qui en détermine la sortie. La forme du pénis ainsi constitué varie : tantôt il est simple et plus ou moins styliforme, ou conique, ainsi que cela se voit chez les Lézards et les Couleuvres; d'autres fois il est bifur- qué à son extrémité, par exemple chez les Iguanes, les Pythons, les Crotales et les Vipères (2). Sa partie terminale est parfois lisse, comme chez les Pythons; d'autres fois, hérissée de pa- pilles ou d'épines épidermiques récurrentes, comme chez les Couleuvres et les Vipères (3), ou même garnie de lames carti- lagineuses, comme chez le Tupinambis élégant. Le sillon qui est destiné à conduire au dehors la liqueur séminale en occupe la face antérieure, et lors de l'érection, la base de cette gouttière vient se mettre exactement en rapport avec l'embouchure du (1) Chez quelques Reptiles, la verge scytale (a), le Crotalus horridus (6), ne présente que très-peu de tissu érec- et la Coronelle grisonne ou Coluber tile, et se compose principalement de canus (c). tissu élastique. Chez les Iguanes , la bifurcation (2) Chez quelques Ophidiens, la bi- n'est que subterminalc (d). furcation du pénis est si profonde, (3) Chez le Dryinus lineolatus, ces qu'au premier abord, il semblerait y épines cornées sont de deux sortes, avoir quatre de ces appendices copu- et plusieurs d'entre elles acquièrent lateurs : par exemple, chez VAnguîs de très-grandes dimensions (e). (a) Voyez Carus et Olto, Tabul. Anatom. compar. illustr., pars v, pi, 0, fig. i. (b) J. Miiller, Bau der erectilien mànuUchen Geschlechtsorganc {Mém. de l'Acad. de Berlin pour 183fi, pi. 3, fîjf. 4). (c) Schlegel, Op. cit., p. 4fi. (d) Exemple, VIguana delicatissima : voy. Carus et Olto, Op. cit., pi. 6, fig. 5. (c) Carus et Olto, Op. cit., pi. G, fig. 3. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES. 509 canal déférent correspondant. Enfin, on remarque encore chez beaucoup d'Ophidiens, sous chaque verge, un organe sécréteur qui consiste en un caecum tabulaire, et qui renferme une ma- tière blanche (1). Chez les Reptiles dont l'anus est longitudinal ou arrondi, savoir, les Crocodiliens et les Chéloniens, l'appareil copulateur, ainsi que je l'ai déjà dit, n'est pas double (2) comme chez les précédents, et consiste en une verge pleine et linguiformc, située sur la ligne médiane, fixée par sa base à la paroi anté- rieure du cloaque et libre à son extrémité opposée, qui est susceptible de se reployer dans l'intérieur du vestibule com- mun, de façon à s'appliquer contre l'entrée du rectum et de la vessie urinaire, ou de se recourber en arrière et de faire saillie au dehors. Elle se compose essentiellement de deux cylindres ou cônes de tissu érectile, plus ou moins intimement unis sur le plan médian et revêtus par un prolongement de la peau, ou plutôt de la membrane muqueuse du cloaque, qui, se moulant sur la rainure laissée entre les bords de ces corps caverneux, forme en avant une gouttière longitudinale. La forme de cet appendice varie : souvent il est renflé vers le bout en manière de gland (3), et quelquefois la portion ter- (1) Ces organes, appelés poches grand, subcylindrique, renflé vers le anales, sécrètent un liquide fétide dont bout et terminé en pointe (c). La l'odeur est alliacée (a). gouttière qui en occupe la face dorsale (2) D'après M. Weber, le Crocodile est divisée antérieurement en deux rbombifère ferait exception à cette branches par une papille. Une paire règle, et aurait deux verges (6). de muscles rétracteurs s'insère d'une (3) Le pénis des Chéloniens est très- part au bassin, d'autre part à la face (a) Schlegel, Physionomie des Serpents, t. I, p. 4G. — Siebold et Stannius, Manuel d'anatomie comparée, t. Il, p. 270. (b) M. J. Weber, Beilrdge znr Anatomie une Physiologie, 1832. (c) Par exemple, chez la Tortue rayée (Testudo radiata) : voy. Duvernoy, Atlas du Règne animal de Cuvier, Reptiles, pi. 2, fij. 1. — Chez VEmys serrata : voy. Treviranus, Ueber die Harnwerkzeuge und die mdnnlichen Zeugungstheile der Schildk' ôten (Zeitschrift fur Physiologie, 1826, t. Il, pi. 13, lîg. 2 et 3). 510 REPRODUCTION. minale de sa gouttière dorsale se transforme en un canal complet, par exemple chez le Caïman à lunettes. 11 est aussi à noter que dans l'épaisseur de la verge de ces Animaux, ainsi que dans la partie correspondante chez la femelle, on trouve de chaque côté de la gouttière un tube membraneux qui est. formé par un prolongement du péritoine et qui communique avec la cavité abdominale; inférieurement, il se termine en euî-de-sac près du gland, ou débouche au dehors par une petite ouverture garnie d'une valvule membraneuse. On ne sait rien sur les usages de ces canaux péritonéaux, que nous rencon- trerons aussi chez plusieurs autres Vertébrés, et qui semblent être les représentants des pores abdominaux des Poissons inférieurs (1). oiseaux. § 13. — Dans la classe des Oiseaux , les différences sexuelles sont d'ordinaire accompagnées de particularités trèS- Différences sexuelles. inférieure de cet organe, près du gland, étudiés avec beaucoup de soin, par et en se contractant, ils le replacent MM. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire et dans le cloaque, de façon à boucher Martin Saint- Ange, chez ces Reptiles l'orifice du rectum. Pour plus de détails ainsi que chez les Crocodiliens (d). sur la structure de cette verge, je ren- L'occlusion de l'extrémité inférieure verrai aux excellentes figures données de ces canaux a été constatée par par Bojanus et reproduites dans plu- M. Mayer chez les Tortues (e). Mais sieurs ouvrages (a). chez les Crocodiles, on les a vus dé- (1) Ces canaux péritonéaux, dont boucher au dehors dans le cloaque, l'existence fut constatée chez les Ché- près de la racine du pénis chez le mâle, Ioniens, d'abord par Plumier (6), puis et à la base du clitoris chez la fe- par Cuvier et Duvernoy (c), ont été nielle if). (a) Bojanus, Anatome Testudinis europœœ, pi. 30, %. 183, 184, 485, 187. — Rwner Jones, art. Reptilia (lodd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. IV, p. 310, fig. 236-"239). (6) Voyez Stannîns et Siebold, Nouveau Manuel d'analomie comparée, 1. 1, p. 270. (c) Cuvier, Anatomie comparée, t. Vill, p. 289. (d) Is. Geoffroy Saint-Hilaire ei Martin Saint-Ange, Recherches anatomiques sur deux canaux qui mellent la cavité du péritoine en communication avec les corps caverneux de la Tortue franche, et sur leurs analogues chez le Crocodile, etc. (Ann. des sciences nat., 1828, t. XIII, p. 153, pi. 7). (e) Mayer, Analeklcn zur vergleichenden Anatomie, t. I, p. 44. (f) 0\ven, Notes on the Anatomy of a Crocodile (Proceed. on tke Commit tee of the Zool. Soc, 1831, t. I, r. 141). — Stannius et Siebold, Manuel d' anatomie comparée, t. I, p. 270. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 511 remarquables dans l'appareil tégumentaire, et quelquefois di- verses parties du corps qui n'ont aucune relation directe avec les organes de la reproduction sont beaucoup plus développées chez le mâle que chez la femelle. Ainsi, les ergots dont le tarse est armé chez plusieurs espèces manquent en général chez la femelle. Il en est de même des barbillons et autres appendices du cou. Comme je l'ai déjà dit, le plumage de celle-ci res- semble toujours davantage au plumage des jeunes individus, et c'est seulement chez le mâle qu'on rencontre ce luxe de colo- ration et cet énorme développement des plumes de certaines régions qui sont parfois si remarquables. Pour en donner des exemples qui sont généralement connus, il me suffira de citer le Paon et le Faisan doré de la Chine. §14. — Les organes de la génération des Oiseaux res- Appamigémta semblent beaucoup à ceux des Reptiles, si ce n'est que chez le 0iseaux- mâle les conduits déférents ne s'unissent jamais aux uretères et débouchent dans les cloaques par des orifices particuliers; que l'appendice copulateur est en général rudimentaire; et que chez la femelle, l'appareil tout entier avorte presque toujours d'un côté, en sorte qu'il n'y a qu'un seul ovaire et un oviducte unique, placés du coté gauche du corps (1). Dans les pre- miers temps de la vie embryonnaire, ce défaut de symétrie n'existe pas, et l'on trouve de chaque côté un ovaire et un ovi- ducte (2); mais bientôt l'une des moitiés de cet appareil s'atro- (1) Par exemple, chez la Poule (a), (l2) Rathke a constaté que chez le le Pigeon (6), la Grue couronnée (c), Poulet, les ovaires naissent sur le bord le Pélican (0^lei organe; mais en grandissant, ils en soulèvent la surface et la rendent bosselée; puis, distendant de plus en plus ces bosses, les transforment en autant de bourses dont la base se rétrécit à mesure que leur volume augmente. Ces bourses ovigères, appelées calices, deviennent ainsi pédonculées, et donnent à l'ovaire l'aspect racémeux dont je viens de parler. Chacune d'elles loge un œuf qu'elle embrasse étroitement, et leurs parois, quoique très-minces, se composent, comme nous venons de le voir, de trois parties, savoir : 1° d'une tunique externe qui est formée par une portion distendue des enveloppes de l'ovaire, et qui constitue le pédoncule du calice; 2° d'une tunique interne formée par la capsule ovigère ; o° d'une couche de tissu con- jonctif lâche, unissant entre elles les membranes précédentes, et provenant de la partie du stroma qui entourait directement la capsule et qui a accompngné cette vésicule dans son émi- gration vers l'extérieur de l'ovaire. De nombreux vaisseaux sanguins se ramifient dans l'épaisseur des parois du calice ainsi constitué, et se distribuent d'abord assez uniformément dans toutes ses parties; mais lorsque l'œuf ovarien est arrivé à ma- turité, ces vaisseaux se rétrécissent et s'atrophient presque sur l'éijuateur de l'espèce de globe représenté par ce corps. Il en résulte une bande blanchâtre qui entoure le calice et qui a reçu le nom de stigma. Enfin, la bourse ovigère se déchire le long de la ligne ainsi tracée, et laisse échapper l'œuf contenu dans son intérieur; puis le calice, devenu vide et pendant, se flétrit et disparait. Lorsque l'ovule ovarien est encore très-jeune (1), la vésicule (1) Depuis quelques années, le mode cherches, et les embryologistes sont de développement de l'ovule des Oi- partagés d'opinion sur plusieurs points seaux a été l'objet de beaucoup de re- importants de l'histoire de ce phéno- 520 REPRODUCTION. gerniinativc en occupe le centre et s'y trouve entourée d'un amas de granules empâtés dans une substance glutineuse; mais, à une période un peu plus avancée du travail ovogénique, cette cellule primitive vient se placer à la* surface du globe vitellin ainsi constitué, et les corpuscules blastémiques dont elle est entourée, l'accompagnant, forment dans ce point une tache opaque et blanchâtre, appelée couche proligère, qui se dessine de plus en plus nettement à mesure que la substance vilelline sous-jacente se colore davantage en jaune. Cette substance pa- raît se développer par couches successives et concentriques autour de l'espace central, ou latebra, occupé primitivement par la vésicule germinative, et d"un prolongement qui s'étend de cet espace à la couche proligère, où il s'élargit en forme d'en- tonnoir (1). Elle se compose de grosses vésicules jaunes, les unes sphériques, les autres plus ou moins polyédriques, rem- mène. Lorsque je traiterai de la for- mation de l'ovule des Mammifères, je reviendrai sur ce sujet, et j'indiquerai les relations qui existent entre les di- verses parties constitutives tant de l'ovule que de la capsule ovarienne dans ces deux classes d'Animaux. Ici je me bornerai à renvoyer le lecteur, pour plus de détails , aux principaux travaux originaux relatifs à ces ques- tions délicates [a). (1) Ce mode de conformation se retrouve dans l'œuf arrivé à maturité, et pour le mettre en évidence, il est utile de faire durcir par la cuisson un œuf de Poule nouvellement pondu, de le dépouiller de sa coquille, et de le couper verticalement en deux moitiés à l'aide d'un instrument bien tran- chant. Des différences de teinte dans la substance du vitellus rendent alors visibles les couebcs concentriques in- (n) H. Heckel, Die Bildting der fur partielle Furchung bestimmten Eierder Yogel [Zeitschrift fur u'issenschaftl. Zoologie, 1852, t. III, p. 420). P- ■?'). - Allen Thompson, art. Ovcm (Todd's Cyclopœdia of Analomy and Physiology, Suppl., t. Y, 1853. Leuekart, Zeugung (Wagner's Handwôrterbuch der Physiologie, t. IV, p. 788, etc.). Sunitcr, Nonnulla de evolutione ovi Avium, donec in oviductum ingredialur. Halle, 1O0O. Hoycr, Ueber die Eifolliker der Vogel, namentlich der Tauben und Hûhner (Archiv fur Atiat. und Physiol., 1837, p. 52). — Klebs, Die Eierstockseier der Wirbelthiere {Archiv fur pathol. Anat., 1861, t. XXI, p. 362). q Ge^enbauer, Ueber den Bau und die Entwickelung der Wirbelthiere mit partieller Dilter- theilung (Archiv fur Anat. und Physiol., 1861, p. 491), — Këlliker, Entwickchingsgeschichte, 1801, p. 24. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 521 plies d'un liquide albumineux chargé de granules et offrant souvent un noyau bien distinct. La substance qui occupe le latebra est moins dense, moins colorée et plus riche en ma- tières grasses que la substance vitelline circonvoisine. La pro- portion d'huile est plus grande aussi dans le voisinage de la tache proligère que dans la portion opposée du globe vitellin, et il en résulte une différence dans la pesanteur spécifique de ces parties, à raison de laquelle l'ovule, en flottant librement dans un liquide, se dispose toujours de façon que cette tache en occupe la partie supérieure. A mesure que l'ovule ovarique se développe, son volume augmente, sa couleur prend plus d'intensité, et son enveloppe propre ou tunique vitelline devient de plus en plus distincte (1). La tache proligère s'accroît aussi, et constitue la cicatricule dont il a déjà été question dans une leçon précédente (2) ; mais la diquées ci-dessus, et Ton remarque dans le centre de la sphère vitelline un espace plus clair qui occupe envi- ron le quart du diamètre de ce globe; un prolongement de même teinte s'é- tend de cette partie centrale jusqu'à la tache proligère (ou cicatricule), et, après s'être d'abord un peu rétréci, s'élargit en forme d'entonnoir au-des- sous de cette tache. (1) Cette membrane ne paraît pas exister dans les premiers temps du développement de l'ovule, mais les observations de M. II. Meckel tendent à établir que chez l'œuf très-jeune, le globe vitellin s'entoure d'une tunique temporaire qui disparaîtrait ensuite, et qui serait comparable à l'enveloppe appelée zona pellucida chez les Mam- mifères (a). Les recherches de M. Allen Thompson viennent à l'appui de cette opinion (6), mais elle a été combattue par M. Leuckart, ainsi que par la plu- part des embryologistes qui ont fait plus récemment des études spéciales sur ce sujet. Suivant MM. II. Meckel et Allen Thompson, toute la partie périphérique de la sphère vitelline proviendrait de la capsule ovarienne et serait déposée à la surface de l'ovule primitif, qui, plus tard, se revêtirait d'une tunique propre; tandis que, sui- vant la plupart des observateurs, toutes les parties existantes dans cette sphère s'y forment dans son intérieur par le développement ou la multiplication de cellules ou de corpuscules organi- sés. Pour plus de détails à ce sujet, je renverrai au mémoire de M. Gegen- bauer, cité ci-dessus (Arch. filr Anat. und Physiol., 1861). (2) Voyez ci-dessus, page 402. (a) H. Meckel, Op. cit. (Zeilschr. fur uissensch. Zool , 1859, t. III). (b) Allen Thompson, Op. cit. (Todd's Cyclop., t. V, p. 79). Descente de l'ovule dans l'oviducte. Structure de l'oviducte. 522 REPRODUCTION. vésicule germinative qui occupe le centre de ce disque blan- châtre s'aplatit, et disparait même complètement, lorsque le globe vitellin, arrivé à maturité, est près de sortir de sa capsule, ou peu de temps après sa mise en liberté. Il est aussi à noter que ce phénomène n'a aucun rapport avec la fécondation, car il se produit dans l'œuf stérile de la Poule qui n'a pas reçu les approches du mâle aussi bien que dans l'œuf fécondé. § 18. — L'ovule évacué dans cet état par l'ovaire est reçu dans l'oviducte; mais ce canal ne sert pas seulement à le conduire au dehors : de même que chez les Reptiles, les Ba- traciens et les Poissons plagiostomes, il a aussi pour fonctions de compléter ce corps reproducteur en ajoutant à la sphère vitelline un supplément de matières nutritives et des enve- loppes. C'est donc un organe sécréteur aussi bien qu'un organe évacuatcur. Il ne diffère que peu de celui de quelques Reptiles et de divers Plagiostomes, où nous en avons déjà décrit la con- formation; mais il me paraît utile de l'étudier ici plus attentive- ment, que nous ne l'avons fait chez ces Animaux, et d'entrer dans quelques détails relatifs à son histoire physiologique aussi bien qu'à son anatomie. Ainsi que je l'ai déjà dit, l'oviducte des Oiseaux est presque toujours impair et situé du côté gauche. Il s'étend depuis le voisinage du poumon jusqu'au cloaque, et il se compose d'un tube membrano-musculaire suspendu dans un repli du péri- toine appelé mesometrium, qui est assez semblable à un mé- sentère, mais qui renferme des fibres musculaires lisses. Sa tunique interne consiste en une membrane muqueuse, et entre celle-ci et le revêtement péritonéal se trouve une tunique char- nue dont la plupart des fibres sont transversales et en conti- nuité avec celles du mesomelrium. Chez quelques Oiseaux, le tube ainsi constitué est uniformément cylindrique dans toute son étendue, et ne présente, dans les diverses parties de sa APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 525 longueur, que peu de différences organiques (1); mais en gé- néral il en est tout autrement, et l'on y distingue quatre por- tions caractérisées par des particularités de structure aussi bien que par des fonctions spéciales, savoir : un pavillon, ou récep- teur; une trompe, ou transmetteur; une première chambre complémentaire, ou conduit albuminipare, et un réceptacle, ou chambre coquillière. La Poule est une espèce très-propre à l'étude de ces diverses parties de l'oviducte. Chez cet Animal, le pavillon est un large entonnoir à parois minces, dont les bords sont d'ordinaire rap- prochés de façon à simuler une grande scissure à deux lèvres plissées, mais pouvant s'écarter et devenir presque circulaires. Une bride péritonéale, contenant un cordon de fibres élastiques, s'étend de la commissure supérieure de cet infundibulum à la partie adjacente des parois abdominales, et le maintient sus- pendu sous le bord du poumon (2). Une autre bride analogue s'attache à la commissure opposée, et la fixe à la partie infé- rieure de l'oviducte, de façon à la tendre ; mais, par suite de la contraction lente des fibres musculaires dont il a été déjà question, l'espèce de boutonnière ainsi formée peut se dilater et aller s'appliquer sur l'ovaire, de façon à embrasser étroite- ment la capsule ovigère près d'éclater, et recueillir l'œuf qui s'en échappe. La surface interne de cet entonnoir est garnie de cils vibratilcs, et son fond présente un orifice circulaire qui conduit dans la portion suivante de l'oviducte. La trompe qui fait suite au pavillon est un tube étroit, presque droit et peu mobile, que l'œuf doit traverser rapide- ment. Ses parois sont minces et sa tunique muqueuse n'est que (1) Chez le Pigeon, par exemple (a). penseur du pavillon a été très-bien (2) La structure de ce ligament sus- représentée par II. Lereboullet (6). (a) Voyez Mnrtin Saint-Ange, Op. cit., p. 54, pi. 8, fig. 3. (b) Lereboullet, Rech. sur les organes génitaux des Animaux vertébrés, pi. 12, fij. 116 (Nova Acta Acad. nat. curios., t. XXIII). 524 REPRODUCTION. faiblement plisséc. Elle se continue intérieurement avec la pre- mière chambre complémentaire ou tube albuminigène, qui s'en distingue par son diamètre considérable, ses circonvolutions nombreuses, l'épaisseur de ses parois, les gros plis longitudi- naux et obliques formés par sa tunique muqueuse, et les nom- breuses glandules vésiculaires réunies par paquets que cette tunique renferme. Ces plis sont subdivisés en lobes qui se multiplient et se rapetissent vers la partie postérieure de l'or- gane, et ils disparaissent presque dans une portion rétrécie, appelée l'isthme, qui la termine et la sépare du réceptacle, ou chambre coquillière. Cette dernière portion de l'oviducte, que quelques anato- mistes appellent la chambre incubatrice ou l'utérus, est un élargissement ovoïde dont les parois sont garnies de fibres mus- culaires longitudinales aussi bien que transversales, et qui se plissent dans tous les sens quand elles ne sont pas distendues par la présence d'un œuf. La tunique muqueuse y est hérissée de longues papilles lamelleuses, arrondies au bout et logeant dans leur épaisseur des glandules particulières. Enfin, cette chambre terminale s'ouvre dans le cloaque par un col tabu- laire et étroit, dont l'orifice fait saillie à la partie latéro-supé- rieure du vestibule génilo-urinaire, en dehors de l'embouchure de l'uretère gauche (1). Formaiion § 19. — L'œuf ovarien, c'est-à-dire le globe vitellin, recueilli des irties compté- par le pavillon, traverse très-rapidement la trompe et ne sé- de journe que quelques heures dans la première chambre complé- mentaire (2); mais en passant dans cette portion de l'oviducte, il (1) Quelquefois l'oviducte est fermé Pingouins, un Héron et quelques au- dans ce point. M. Stannius a observé très Oiseaux (a). cette disposition chez des Canards, des (2) Voyez à ce sujet les observations (a) Stannius et Siebold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. Il, p. 3G7. • APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 525 se recouvre d'un albumen et se revêt ensuite de la tunique mena- Albumen. braneuse qui constitue l'enveloppe propre de cette substance. La matière protéique et organisable sécrétée par les glandules de la tunique muqueuse de ce tube se dépose par couches suc- cessives sur l'œuf pendant que celui-ci séjourne dans la por- tion plissée de ce tube, et ce dépôt, s'effectuant de prime abord dans une étendue assez considérable en amont et en aval du point occupé par ce corps étranger, aussi bien que dans ce point même, forme aux deux pôles du globe vitellin un appen- dice cylindrique en continuité avec les premières couches du blanc appliquées directement sur ce corps. La portion pro- fonde de l'albumen ainsi produite est plus dense que les couches formées ultérieurement et en reste distincte. On appelle membrane chalazifère la couche appliquée sur le globe vitel- lin (1), et l'on a donné le nom de chalazes aux deux prolonge- ments polaires qui en partent. Par l'effet d'un mouvement de rotation de l'œuf ou de quelque chose d'analogue, ces appen- dices se tordent fortement, et se recourbent sur eux-mêmes de façon à présenter un aspect fort singulier. Les premiers ovologisles en ont été très-préoccupés et y ont attaché un rôle important dans le travail embryologique, mais ils ne pa- raissent servir qu'à maintenir le globe vitellin dans une posi- tion déterminée par rapport au grand axe de l'œuf. L'albumen, de Dutrochet, de M. Piirkinje, et plus parties de l'albumen qui se forment, particulièrement celles faites il y a mais leur disposition spirale (b) ne de- qninze ans par M. Coste (a). vient distincte que plus tard, lorsque (1) Les chalazes sont les premières l'œuf a déjà sa coquille. (a) Dutrochet, Recherches sur les enveloppes du fœtus (Mém. de la Soc. méd. d'émulation, t. VIII, et Mém. pour servir à l'histoire anatomique et physiologique des Végétaux et des Ani- maux, 1837, t. II, P. 206). — Piirkinje, Symbulœ ad ovi Avium historiam, 4830. — Coste, Histoire du développement des corps organisés, 1849, 1. 1, p. 288 et suiv. (b) Baer, Ueber Entwickel., p. 31. — Wagner, Icônes physiologicœ, pi. 2, fig. 11. — Allen Thompson, article Ovum (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. V, p. 64, Ilg. 4G, A, B, C. 526 REPRODUCTION. en s'accumulant sur ce premier dépôt, prend une forme plus globuleuse, et à mesure que l'œuf descend dans l'oviducte, poussé par les contractions péristaltiques de ce conduit, son extrémité postérieure s'élargit plus que son extrémité opposée; sa substance affecte aussi une disposition spirale déterminée, suivant toute probabilité, par le mouvement de rotation que les plis obliques de l'oviducte font exécuter à l'œuf pendant son passage dans ce tube. Tous ces phénomènes peuvent s'accom- plir dans l'espace d'environ trois heures. L'œuf s'arrête dans l'isthme de l'oviducte pendant un laps de temps à peu près semblable, et là la couche superficielle de l'albumen se conso- lide et s'organise de façon à former la tunique dont j'ai déjà eu l'occasion de parler sous le nom de membrane de la coquille. Cette enveloppe se compose d'un feutrage, et forme deux feuil- lets unis l'un à l'autre, mais faciles à séparer (1). La production de l'albumen et de la membrane coquillière n'est pas subordonnée d'une manière absolue à la présence d'un globe vitellin dans l'intérieur de l'oviducte : ainsi, on rencontre parfois des œufs de Poule qui ne renferment pas de jaune (u2). On connaît beaucoup d'exemples de deux vitellus renfermés dans un même albumen, et il n'est pas très-rare de voir deux vitellus pourvus chacun de leur blanc, mais (1) Pour plus de détails sur cette l'ovule ovarique dans la portion albu- tunique, je renverrai aux observations minigène de roviductc (6). Dans les de M. Carpenter et de M. Allen Tbomp- campagnes, on appelle souvent ces son (à). œufs imparfaits des œufs de Coq, et (2) Cette anomalie paraît dépendre l'on s'imagine qu'il en naît un Ser- parfois de l'existence d'un obstacle pent, fable qu'il serait inutile de ré- mécaniqne qui empêche l'entrée de futer. (a) Carpenter, On the Structure of the animal Basis of the common Egg-shell and of the Membrane surrounding the Albumen {Trans. of the microsc. Soc., 1844, 1. 1, p. 4 09). — Allen Thompson , article Ovum (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol. , t. V, p. G5, fig. 46, D). (b) Lapeyronie, Mém. sur les petits œufs de Poule sans jaune que Von appelle vulgairement œufs de Coq (Hist. de l'Acad. des sciences, 1710, p. 553). APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 527 renfermés dans une même membrane coquillière, faits qui prouvent l'indépendance primordiale de toutes ces parties acces- soires de l'œuf (1). C'est pourvu de son albumen et de sa membrane coquillière que l'œuf passe de la première chambre complémentaire dans le réceptacle villeux qui occupe la partie inférieure de l'oviducte, et qui enduit aussitôt ce corps d'un liquide blanchâtre destiné à fournir les matériaux constitutifs de la coquille. Celle-ci est fermée par une couche plus ou moins épaisse de cellules vésieu- laires dans l'intérieur desquelles du calcaire carbonate ne tarde pas à se déposer et à prendre une apparence cristalline. Elle est toujours poreuse et perméable à l'air (2), mais son épaisseur varie beaucoup suivant les espèces (3). Il en est de même de sa densité et de l'aspect plus ou moins poli de sa surface (II). Il arrive parfois que l'œuf ne s'achève pas de la sorte, et qu'il est expulsé du corps de la femelle avant de s'être revêtu Coquille. (1) Il existe, dans les collections du Muséum d'histoire naturelle, un œuf double de ce genre, qui manque de co- quille et dont la tunique membra- neuse a la forme d'un sac allongé et fortement étranglé au milieu. Des ano- malies analogues ont été signalées par quelques auteurs [a), et Ton a vu même des œufs à trois jaunes (6). (2) Voyez, tome I, page £16. (3) Ainsi, non-seulement les œufs des petits Passereaux, mais aussi ceux de quelques Oiseaux d'assez grande taille, ont une coquille extrêmement mince : par exemple, ceux des Faucons, des Outardes, des Frégates et des Ti- namous. En général, Les Oiseaux qui pondent sur la terre nue ont des œufs à coquille plus épaisse : par exemple, le Paon, la Pintade, les Perdrix, la plu- parl des autres Gallinacés et presque tous les Oiseaux nageurs. (U) Comme exemple de ces diffé- rences, je citerai, d'une part, les œufs des Pies et des Bécasses, qui sont lisses et luisauts comme du verre; d'autre part, les œufs des Autruches, des Ca- soars et des Hoccos, qui sont piquetés et rudes. Chez beaucoup d'Oiseaux aquatiques, la coquille est grasse. (a) Polisius, De ovo gallinacco monstroso (Miscell. curios., 1685, obs. 44j. — 0. des Murs, Traité d'oologie, p. 101. — Davaine, Mém. sur les anomalies de l'œuf (Mém. de la Société de biologie pour 1800, série 3', t. II, p. 226, pi. 2, fi-. 10-14). (b) Valenciennes, Note sur des œufs à plusieurs jaunes contenus dans une même coque (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1856, t. XLII, p. 5). 528 REPRODUCTION. d'une coquille (1). Ce phénomène n'est pas rare chez la Poule (2), et paraît, en général, dépendre d'une fécondité trop grande, comparativement à la puissance digestive de l'Oiseau et à la quantité de matières calcaires que celui-ci peut introduire dans son organisme (3). Ainsi on l'observe principalement chez les individus malades, vieux ou nourris d'une manière trop excitante. Il se peut aussi que, par suite de l'arrivée presque simultanée de deux œufs dans la portion villeuse de l'oviducte, une coquille unique se constitue autour de ces deux corps, ou bien que le premier de ces œufs, après s'être revêtu de sa co- quille, soit enveloppé avec le second dans la coquille de ce der- nier. On trouve dans les annales de la science beaucoup d'ob- servations sur des œufs inclus de la sorte (Zi), et quelquefois même des corps étrangers ont été embrassés d'une manière analogue par la substance constitutive de la coquille (5). Mais (1) On appelle communément œufs (h) C'est principalement chez la hardés, les œufs qui sont dépourvus Poule que Ton a constaté l'existence de coquille et recouverts seulement d'œufs à double jaune, ou d'œufs à par une membrane coquillière plus ou coquille inclus dans un autre œuf. moins épaisse. Pour l'indication des auteurs qui ont (2) Des cas analogues ont été ob- signalé des faits de ce genre, je ren- servés, mais rarement, chez d'autres verrai aux écrits d'Isidore Geoffroy Oiseaux : par exemple, chez le Moineau Saint-Ililaire, de M. des ]\lurs et de domestique (a) et le Serin (b). M. Davaine (d). (3) Les agronomes ont remarqué (5) Ainsi on cite des exemples que dans les régions où le sol manque d'œufs dans la coquille desquels des de calcaire, les Poules donnent des fragments d'insectes qui avaient échap- œufs dont la coquille est remarquable- pé à la digestion, et qui s'étaient en- ment mince : dans l'Ardenne belge, gagés dans l'oviducte, ont été trouvés par exemple (c). incrustés dans la coquille (e). (a) Moquin-Tandon, Mém. sur l'oologie (Bulletin de la Société linnéenne de Paris, 1825, t. 1I(, p. 67). (b) 0. des Murs, Traité d'oologie, p. 101. (c) Joigneau, le Livre de la ferme, t. I, p. 950. (d) Is. Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire générale et particulière des anomalies de l'organisation, t. III, p. 318. — 0. des Murs, Op. cit. — Davaine, Op. cit. (Mém. de la Société de biologie pour 18G0, série :$•, t. II, p. 226). — Bert, Œuf complet inclus dans un autre œuf complet (L'Institut, 1862, t. XXX, p. 42). (e) Moquin-Tandon, Mém. sur l'oologie (Mém. de la Soc. linn. de Paris, 1. 111, p. 69). — Davaine, loc. cit., p. 242. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 529 des accidents de ce genre n'offrent que peu d'intérêt physio- logique. La forme, la coloration et le volume des œufs varient beau- coup dans la classe des Oiseaux (1). Toujours ce sont des solides de révolution dont la figure correspond à celle qui serait engen- drée par une ligne courbe tournant autour d'un axe; ils ne sont jamais complètement sphériques, et leur grand diamètre cor- respond à l'axe de l'oviducte qui leur a livré passage. En général, ils sont plus petits à un bout qu'à l'autre, ainsi que cela se voit chez la Poule, et quelquefois cette différence est même beaucoup plus prononcée que chez ce Gallinacé (2); mais d'ordinaire ils se rapprochent davantage d'une forme ellipsoïdale régulière, comme chez le Pigeon. On remarque aussi des différences considérables entre la longueur du grand axe de ces corps comparé à leur petit diamètre; mais ces par- ticularités sont loin d'être constantes chez les œufs des Oiseaux appartenant à une même famille naturelle, et sont sujettes à des variations assez grandes dans une même espèce (3) : aussi Forme et couleur des œufs. (1) La conformation extérieure et le mode de coloration des œufs d'Oiseaux ont été l'objet de beaucoup d'obser- vations, et ont donné lieu à la publica- tion de plusieurs ouvrages spéciaux, dont je me bornerai à citer ici les principaux (a). (•}) Comme exemple des œufs pres- que piriformes, je citerai ceux d'un Oiseau dont l'espèce est presque per- due de nos jours : le grand Pingouin, ou Aie a impennis. Les œufs de cet Oiseau sont tellement rares dans les collections, que la valeur vénale en est devenue excessivement élevée. (3) M. des .Murs, à qui Ton doit beaucoup de recberebes sur l'oologic ornithologique, rapporte à six types principaux la forme des œufs, savoir : 1° La forme sphérique, qui n'est jamais parfaite, mais dont s'éloignent peu les œufs très ramassés et à exlré- {■?) Zinanni, Pelle nova e dei niii degli Ucelli, 1737. — Klein, Ova Avium plurimarum dehneata, 17GG. — Schinz, Beschreib. und Abbild. der kûnstlichcn Nester uni Eier der Vôgel, 1819. — Moquin-Tandon, Op. cit. (Mém. de la Soc. linn. de Paris, 1825, I. III, p. 38). — Hewilson, Ulustr. of tin: Eggs of British Pirds. 2 vol., 1832. — Thienemann, Systematische Parstellung der Fortpflanzung der Vôgel Europa's mit Abbil- dung. der Eier, 1838. — Fortpftanzungsgeschichte der gesammten Vôgel, 184G-1856. — Brewer, North American Oology, 1857. — 0. des Murs, Traité général d'oologie ornithologique, 18G0. 530 REPRODUCTION. ne devons-nous y attacher ici que peu d'importance. J'ajouterai seulement que le petit bout de l'œuf est toujours l'extrémité qui, dans l'oviducte, est dirigée vers le cloaque, et cette circon- stance, jointe à celle de déformations accidentelles qui sont évidemment dues à une pression exercée par les parois de ce tube ou par les parties adjacentes de l'organisme, doit nous porter à croire que des causes mécaniques influent beaucoup sur la conformation de ces corps, lorsqu'ils ne sont encore revêtus que de leur tunique coquillière et n'ont pas encore de coquille. A raison de celte circonstance, des stries obliques qui se voient sur la tunique de l'albumen, de la torsion des chalazes et de la forme de l'œuf, qui, ainsi que je l'ai déjà dit, est tou- jours celle d'un solide de révolution, j'incline donc à croire que, pendant son séjour dans la portion moyenne de l'oviducte, mités similaires. Exemple, les œufs de tous les Rapaces nocturnes, à l'excep- tion des Effraies, et les œufs du Gor- fou, ou Spheniscula. 2° La forme ovalaire, ou plutôt ellipsoïde régulière, médiocrement al- longée et à extrémités très-obtuses. Exemple, les œufs de la plupart des Rapaces diurnes ; ceux des Perroquets, des Oiseaux-mouches, des Pigeons, des Cygnes, des Canards, etc., etc. 3° La forme cylindrique, ou plu- tôt ellipsoïdale très-allongée. Exemple, les œufs des Mégapodiens. h° La forme ovée, ou subovoïde, avec les deux bouts inégaux, comme dans l'œuf de la plupart des Gallina- cés et des Passereaux. 5° La forme ovoïconique, ou très- rétrécie vers le petit bout. Exemple, les œufs des Bécasses, des Chevaliers, des Pluviers, des Huîtriers, des Pin- gouins, des Guillemots, etc. 6° La forme elliptique, irrégulière, c'est-à-dire ayant les deux extrémités un peu pointues. Exemple, les œufs de la plupart des Totipalmes, ceux des Grèbes et ceux des Plongeons (a). Du reste, il y a souvent des diffé- rences de forme assez notables dans les œufs des espèces d'un même genre, et l'on rencontre aussi des variations considérables chez des individus de même espèce, ainsi que cela se voit dans les belles planches de l'ouvrage de Thienemann (6). Quelques auteurs ont cru pouvoir attribuer ces diffé- rences de forme à la position de l'Oiseau ou à la direction de son oviducte (c) ; mais nous manquons de données suf- fisantes pour examiner la valeur de cette hypothèse. (a) 0. des Murs, Traité général d'oologie omithologique, p. 63. ((/) Thienemann, Fortpflanzungsgesch. der Yôgel. (c) Hardy, Oologie omithologique (Revue et ilag. de zoologie, 18G1, p. 49). APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 531 l'œuf tout entier est animé d'un mouvement de rotation, tandis que le vitellus, maintenu dans une position fixe par les diffé- rences de pesanteur spécifique de ses deux moitiés, reste à peu près immobile (1); cela expliquerait la disposition deschalazes, si les deux extrémités de ces prolongements polaires adhé- raient à la portion périphérique de la couche albumineuse plus que dans le reste de leur étendue. Le volume de l'œuf est généralement en rapport avec la grandeur de l'Oiseau qui le produit, mais il n'en est pas tou- jours ainsi. Plusieurs espèces, telles que l'Aptéryx et les Mégapodes, dont la taille est médiocre, produisent des œufs très- gros (2), et c'est à tort que quelques naturalistes ont pensé que l'existence d'un œuf énorme , comme l'est celui de YJEpyornis, impliquait l'existence d'un Oiseau gigantes- que (3). En général, il y a une certaine relation entre le vo- lume relatif de l'œuf et l'état de développement plus ou moins avancé auquel l'embryon arrive avant l'éclosion (4). Il est aussi (1) Voyez ci -dessus, page 521. (2) Ainsi l'œuf du Coucou n'est pas plus gros que celui de l'Alouette, et l'œuf du Pluvier est aussi gros que celui de la Poule. (3) Ces œufs gigantesques, trouvés à Madagascar, ont de 0n\32 à 0IU,3i, sur 0m,23 environ, et leur volume corres- pond à celui de 6 œufs d'Autruche et de li8 œufs de Poule. A raison de ces circonstances, on a supposé que l'Oiseau auquel ils appartiennent devait avoir entre 3 et U mètres de haut (a). (h) Il existe chez les Oiseaux de grandes différences dans le degré de perfectionnement de l'organisme au moment de. l'éclosion, et, ainsi que nous le verrons dans la suite de ce cours, les uns naissent dans un état de faiblesse extrême, tandis que d'autres peuvent presque tout de suite pourvoir à leurs besoins. Buhle a conclu de ses nombreuses observations sur l'ovolo- gie, que ces différences étaient liées à la grosseur relative de l'œuf et du corps de l'Animal qui le produit, et que les œufs les plus petits, comparativement, sont ceux dont sortent les jeunes Oi- seaux les moins avancés dans leur dé- veloppement ; tandis que les œufs les plus gros, proportionnellement à la taille de la mère, appartiennent aux espèces qui naissent dans l'état plus (a) Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, Notice sur des ossements et des œufs trouvés à Madagascar dans des alluvions modernes et provenant d'un Oiseau gigantesque {Ann. des sciences nat., 4' série, 1850, t, XIV, p. 206). 532 REPRODUCTION. à noter qu'il peut y avoir à cet égard de grandes variations chez un même Oiseau, suivant les conditions physiologiques dans lesquelles il se trouve. Ainsi, parfois la Poule pond des œufs nains, et ceux que l'on appelle vulgairement des œufs de Coq ne sont autre chose que des produits de ce genre (1). L'Age de la mère exerce une certaine iniluence sur la grosseur des œufs, et chez nos Oiseaux domestiques les particularités héré- ditaires propres aux diverses races coïncident souvent avec des différences très-grandes dans le volume de ces corps (2). La coloration de la coquille varie beaucoup dans cette classe d'Animaux : tantôt elle est uniforme, comme dans l'œuf des Poules cochinchinoises, qui sont jaunâtres, et dans ceux des Casoars, qui sont d'un vert intense (3) ; souvent l'albinisme est complet (h); mais d'autres fois on observe des taches parfait (a). Mais la règle est loin d'être aussi absolue, et il y a, sous ce rap- port, de grandes variations parmi les Oiseaux précoces, ainsi que parmi ceux dont le développement est tardif. (1) Ainsi que je l'ai déjà dit, il me paraîtrait superflu de m'arrêter ici pour prouver que les petits œufs, ap- pelés œufs de Coq dans le langage commun, ne proviennent pas d'un mâle et sont le produit de la Poule. Souvent ces petits œufs manquent de jaune ou n'ont qu'un vitellus rudimentaire; ils sont, en général, pondus par des Poules affaiblies, soit par l'âge, soit par la maladie. La Poule n'est pas le seul Oiseau cbez lequel on ait observé ce genre d'anomalie (6). (2) Les œufs des Poules de dix -huit mois ou deux ans sont généralement plus petits que ceux des individus de trois ou quatre ans, et il existe des dif- férences énormes dans la grandeur des œufs fournis par différentes races d'une même espèce. 11 me paraît presque superflu d'ajouter que les œufs fournis par les poules de petite race, telles que les Poules naines, sont généralement très-petits. Ceux de nos Poules ordinaires pèsent environ 60 grammes. (S) Les œufs du Faisan doré sont couleur de chair ; ceux du Roitelet, du Grèbe, du Butor, etc., sont couleur d'ocre; ceux de rÉtourneau sont d'un vert glauque, ceux du grand Tina- mou sont d'un bleu intense, et ceux du Tinamou varié sont lilas. (!i) Par exemple, cbez les Poules de race ordinaire, les Pigeons, la Chouette, etc. D'autres fois ce fond blanc est azuré ou légèrement teinté (a) Neumann et Buhle, Die Eier dcr VBgel Deutschlands, 1819. (6) Voyez 0. des Murs, Op. cit., p. 93. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 533 dont la teinte est assez constante (1) suivant les espèces. Quel- ques physiologistes ont cru pouvoir expliquer ces maculations par des extravasations de sang provenant des parois de l'ovi- ducte, mais elles dépendent d'un développement particulier de pigment dans le tissu de la coquille. Il est d'ailleurs à noter qu'en général la matière colorante n'occupe que la couche externe de celle-ci, et qu'elle n'est pas détruite par l'action des acides faibles qui extraient la matière calcaire (-2). Quel- ques ornithologistes ont cru remarquer une certaine liaison entre la couleur des œufs et la disposition du nid destiné à les recevoir, ou les habitudes plus ou moins sédentaires des cou- veuses; de sorte que ceux qui, à raison des circonstances de cet ordre, sont le plus exposés à la vue de leurs ennemis, se- raient, par leurs teintes, les plus semblables aux objets circon- voisins (3) : mais cette règle souffre beaucoup d'exceptions. § 20. — Pendant la jeunesse, chez les Oiseaux de même que chez les autres Animaux, l'ovaire ne contient que des ovules Epoque de la reproduction de rose, de gris ou de vert , ainsi que cela se voit chez les Cigognes, les Spatules, les Cormorans, les Blon- gios, etc. (1) Quelquefois les taches forment une zone assez régulière ou une sorte de guirlande : par exemple, chez le Bec-croisé des Pins, le Bec-fin Orphée, la Pie-grièche à poitrine rose, etc. Les œufs des Oiseaux de proie sont en général marbrés ; chez la plupart des Pinsons, ils sont d'un bleu verdàtre, clair-semé de petites bandes d'une couleur de café. Chez d'autres Oiseaux, tels que les Mouettes et les Pingouins, la disposition et la teinte des taches varient beaucoup d'un œuf à un autre. (2) La coque, dépouillée de la sorte de ses sels calcaires, reste colorée, et quelquefois se sépare ensuite en plu- sieurs lames minces, dont les plus pro- fondes sont blanches ou légèrement azurées. La couche superficielle parait être formée par un tissu épithélique ou utriculaire (a). L'œuf de la Créce- relle et celui de la Perdrix se prêtent très-bien à cette expérience (6). (3) Gloger, ornithologiste habile, qui s'est particulièrement occupé de l'étude des œufs et des nids des Oi- seaux, a tiré cette conclusion de l'en- semble de ses recherches (c). (a) Dickie, On the structure of the Shell of Birds and Ihe nature and seat of the Cnlnu,- (Ami. ofnat. Hist., 2« série, 1846, t. II, p. 169). (b) Çornay, Mém. sur les causes de la coloration des œufs des Oiseaux, etc 1860 (c) Gloger, Ueber die Farben der Eier der Vôgcl (Vcrhandl. der Gesellsch. ' naturforschendev Freunde zuBerlin, 1829, 1. 1, p. 332). loisonenaei vin. 36 53/l KKPRODUCTION. rudimentaires, et les testicules ne renferment pas de Sperma- tozoïdes. Jusqu'à ce que l'Animal soit arrivé presque au terme de sa croissance, ses organes reproducteurs ne se développent que peu et restent dans un état d'inactivité presque complète. L'époque à laquelle ils deviennent aptes à exercer leurs fonc- tions varie suivant les espèces, mais toujours ce n'est que gra- duellement qu'ils acquièrent toute leur puissance, et à une pé- riode avancée de la vie ils ralentissent leur action; enfin, dans la vieillesse, ils cessent de fournir des produits, et alors on voit souvent la femelle prendre en partie le plumage du mâle. Je ne puis rien dire de général touchant l'âge de la puberté chez ces Animaux, et pour fixer les idées à ce sujet, je dois me borner à donner quelques exemples. Ainsi, la Poule commence à pondre avant la fin de la première année, vers l'âge de six ou huit mois, mais ne devient très-féconde que dans sa seconde ou troisième année ; puis sa faculté reproductrice décline, et ne se prolonge que rarement au delà de la sixième année, bien que l'on cite des cas dans lesquels la production d'œufs ait conti- nué jusqu'à l'âge de douze ou même quinze ans (1). C'est aussi vers l'âge de six mois que le jeune Coq commence à rechercher les femelles, et à l'âge d'un an ou quinze mois, il acquiert toute sa puissance comme reproducteur; il peut alors suffire à douze ou quinze Poules, ou même davantage, mais il s'affaiblit rapidement. Pour le Cygne, la puberté n'arrive que beaucoup plus tard (2). (1) La précocité des Poules varie les Poules dites cochinchinoises , le suivant les races et l'époque de la sont moins que celles de petite taille, naissance de ces Animaux. Ainsi les Les particularités inhérentes aux races Poulettes d'automne sont plus hâtives paraissent influer aussi sur la durée de que celles qui naissent au printemps, la faculté reproductrice (a). et les races de grande taille, telles que (2) Le Cygne noir d'Australie ne se (a) Rufz de Lavison, Sur la fécondation des œufs des Gallinacés (Ritlldin de la Société %oolo- giqtu d'acclimatation, 1862, t. IX, p. 375). APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 535 C'est en général au printemps ou au commencement de l'été que la ponte a lieu (1), et, quelque temps avant cette époque, les mâles et les femelles, qui jusqu'alors ne se recher- chaient pas, se réunissent, soit par paires, soit en troupes composées d'un maie et de plusieurs femelles. Je renverrai à une autre partie de ce cours tout ce que j'ai à dire de l'instinct admirable qui guide ces Animaux dans la construction du nid destiné à recevoir leur progéniture, ainsi que des soins que beaucoup d'entre eux prodiguent à leurs petits, et ici je me bornerai à parler de ce qui est relatif à la fécondation des œufs. L'époque des amours varie suivant les espèces, mais est réglée aussi en grande partie, par la température de l'atmos- phère. Ainsi on a remarqué que quelques-uns des Oiseaux de nos pays, transportés aux antipodes, où la saison chaude coïn- cide avec nos mois d'hiver, ont changé leurs habitudes d'une manière correspondante, et que chez eux le réveil des facultés reproductrices avait lieu au moment où, avant cette transporta- tion, tout phénomène de cet ordre était interrompu (2). La durée de l'accouplement est toujours très-court. Le maie, Accouplement, comme je l'ai déjà dit, saisit la femelle par le cou, et, montant sur son dos, applique son anus contre le sien. Tantôt la femelle s'accroupit pendant qu'elle reçoit ainsi le mâle, comme cela se reproduit aussi qu'à l'âge de trois ans, bien que sa croissance soit à peu près terminée au bout d'un an (a). (1) La ponte a lieu plus tôt chez quelques Oiseaux : ainsi elle commence en février pour le Cygne. (2) Cette observation intéressante relative au renversement des périodes de l'année où se manifestent les phé- nomènes d'activité génésique chez les Oiseaux de même espèce vivant en Eu- rope, ou transportés en Australie, a été faite sur des Alouettes, des Grives et plusieurs autres Passereaux qui avaient été portés d'Angleterre à Mel- bourne, et qui se sont mis à construire leur nid et à pondre, non en mai, mais en octobre (6). (a) Leprestre, Observ. sur le Cygne noir (Bulletin de la Société d'acclimatation, 1854, t. I, p. 410), (6) Miiller, On the Introduction of English singing Birds into Auslralia (the Ibis, a Maaa- %ine o/ gênerai Ornithology, 1861, t. III, p. Ht}). 536 REPRODUCTION. voit chez la Poule et l'Outarde; d'autres lois elle reste debout sur ses jambes, et le rapprochement sexuel n'est alors qu'in- stantané : par exemple, chez le Moineau et la Grue (1). Souvent un seul accouplement suffit pour assurer la fécondation de toute la série d'œufs dont se composera la ponte (2). La liqueur séminale du maie pénètre directement dans l'oviducte, et les Spermatozoïdes arrivent très-promptement à l'extrémité supé- rieure de ce tube, où la fécondation paraît s'opérer au moment même de la chute de l'œuf (3). Chez quelques Oiseaux, la ponte se renouvelle deux ou trois fois dans le courant de l'été (h); mais, en général, elle n'a lieu (1) Ces deux modes d'accouplement n'avaient pas échappé à l'attention d'Aristote (a). (2) Les anciens naturalistes pen- saient que l'influence fécondante du mâle pouvait s'étendre, chez la Poule, pendant toute une année, et Harvey assure avoir constaté que, par le fait d'un seul accouplement, le Coq peut féconder une vingtaine d'œufs qui ne descendront que successivement dans l'oviducte pour être pondus dans le cours d'environ un mois. Mais il ré- sulte des expériences de M. Coste , qu'en général, l'action de la semence du mâle ne s'exerce que sur les six ou sept œufs qui sont arrivés presque à maturité au moment du rapproche- ment sexuel (6) ; aussi d'ordinaire voit- on le Coq s'accoupler très-souvent, soit avec des Poules différentes, soit avec une femelle déjà fécondée. On assure avoir vu des Coqs cocher une cinquantaine de fois en un seul jour. Chez le Moineau et quelques autres petits Passereaux, le rapprochement sexuel se renouvelle parfois quinze à vingt fois par heure (c). (3) M. Coste a fait à ce sujet une série intéressante d'expériences, d'a- près lesquelles on voit que, chez la Poule, l'embouchure de l'oviducte se dilat eau moment du coït, pour rece- voir le sperme, et qu'il suffit d'environ quatorze heures pour que les Sperma- tozoïdes introduits de la sorte arrivent au pavillon (d). (h) Quelques Oiseaux font plusieurs pontes par an. Ainsi nos Pigeons do- mestiques, rendus à la liberté, en font trois ou quatre, et lorsqu'ils sont en volière, ils en font jusqu'à huit ou dix. Mais, en général, les Oiseaux à l'état sauvage ne font une seconde couvée que lorsque la première a été détruite par quelque accident. (a) Hist. des Animaux, livre V, trad. de Camus, t. I, p. 241. (b) Cosie, Expériences sur le nombre des pontes fécondées chez les femelles d'Oiseaux que l'on sépare du mdle après l'accouplement (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1850, t. XXX, p. 708). (c) Coste, Histoire du développement des corps organisés, t. II, p. 61. (d) Burdacli, Traité de physiologie, t. 11, p. 168. APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 537 qu'une fois par an et se compose d'un certain nombre d'œufs qui sont évacués successivement à un ou deux jours d'inter- valle ou même davantage. Ce nombre varie suivant les espèces, et d'ordinaire il est plus considérable chez les Oiseaux de petite taille que chez ceux d'une taille élevée. Ainsi la Mésange et le Roitelet pondent de quinze à vingt œufs, tandis que la plupart des Passereaux n'en ont que six ou sept, et que l'Aigle et les autres grands Oiseaux de proie n'en ont que trois ou quatre, quelquefois même deux seulement (1). Mais ces rapports entre la taille des Oiseaux et leur fécondité sont loin d'être constants, et beaucoup d'espèces de grandeur médiocre, les Pigeons, par exemple, et certaines espèces remarquablement petites, telles que les Oiseaux-mouches ('2), ne pondent que deux ou trois œufs; tandis que d'autres Oiseaux de plus grande taille, tels que les Paons et les Dindons, en pondent davantage (3), et l'Au- truche en donne un nombre non moins considérable (4). Tous les Gallinacés sont d'une fécondité remarquable, et en général (1) Azara pense que le Nandou, ou Autruche d'Amérique, ne pond qu'un seul œuf (a); mais cela me paraît peu probable , car les trous creusés en terre, qui servent de nid à ces Oiseaux, contiennent ordinairement vingt-cinq à trente œufs , quelquefois même plus de soixante (6), et il serait diffi- cile de supposer qu'un aussi grand nombre de femelles aient pu se réunir pour faire usage du même nid. ('2) Ce fait, si fortement en désac- cord avec l'opinion généralement reçue touchant la fécondité croissante avec la petitesse de la taille des Oi- seaux, a été souvent constaté par les naturalistes qui ont exploré l'intérieur du Brésil ou d'autres régions chaudes de l'Amérique (c). (3) Le Dindon sauvage pond une quinzaine d'œufs (d) ; le Cygne n'en pond ordinairement que de cinq à huit. (/i) La même femelle pond jusqu'à quinze ou même vingt œufs, mais, en général, n'en donne que dix ou douze (e). (a) Voyez Valenciennes, art. Oiseau du Dictionnaire des sciences naturelles, t. XXXV, p. 514. (6) Vavasseur, Note sur le Nandou {Bulletin de la Société zoologique d'acclimatation, 1858, t. V, p. 391). (c) Audubon, Ornithological Biography, t. I, p. 5. (d) Cosse, Sur l'Autriche {Bulletin de la Société zoologique d'acclimatation, 1857, t. IV, p. 337). (e) Veillot, La galerie des Oiseaux, t. II, p. 45. 538 REPRODUCTION. pondent au moins une douzaine d'œufs (1). Du reste, les cir- constances extérieures influent beaucoup sur la durée delà ponte et sur le nombre des œufs produits (2). Dès que la femelle commence à couver, elle cesse de pondre; mais si elle vient à perdre ses œufs peu de temps après, ou s'ils lui sont enlevés avant qu'elle ait réuni le nombre voulu, on la voit souvent en pondre d'autres (S). La nature stimulante de la nourriture tend également à augmenter la fécondité de ces Animaux (ft), et c'est ainsi que chez quelques-uns des Oiseaux élevés en domesticité, on est parvenu à rendre la ponte continue pendant un laps de temps très-considérable. Une Poule, par exemple, qui est con- venablement nourrie et qui ne couve pas, peut donner un œuf tous les jours ou tous les deux jours, pendant plusieurs mois de suite, et les agriculteurs citent des races chez lesquelles la fécondité est si grande, que chaque femelle donne jusqu'à cent cinquante œufs par an, ou même davantage (5). (1) Ainsi les Cailles pondent ordinai- ce sujet, par Marcel de Serres (d). rement douze ou quinze œufs, el par- (3) Les Paons, lorsqu'ils ne couvent fois elles ont deux couvées dans Tan- pas, donnent souvent trois pontes par née. Vieillot dit que les Colins houis an : la première, composée ordinaire- pondent vingt-trois ou vingt-quatre ment de cinq œufs, la seconde de œufs (a); mais, d'après les observa- quatre, et la dernière de trois; mais lions d'Audubon, il paraît que norma- chez les individus qui couvent, la lement ce nombre ne dépasse pas reproduction s'arrête pendant tout douze (6). La ponte de nos Perdrix se le temps que durent l'incubation et compose ordinairement de dix- neuf à l'éducation des petits, en sorte qu'il vingt œufs, mais elle est quelquefois n'y a généralement qu'une seule ponte plus considérable (c). Le Coq de par an. bruyère, quoique de grande taille, (Zt) Mais une nourriture trop abon- donne une quinzaine d'œufs. dante, qui leur fait prendre de la (2) Pour plus de détails sur le nom- graisse, tend au contraire à diminuer bredesœufs pondus pardiversOiseaux, leur fécondité. je renverrai à un mémoire spécial sur (5) Les Poules de la race appelée (a) Audubon, Omithological Biography, t. I, p. 390. \b) Prince de Wied-Neuwied, Voyage au Biésil, t. T, p. 89. — Audubon, Omithological Biography, t. I, p. 25t. ,'c) Buffon, Histoire naturelle. Oiseaux, t. III, p. 12, in-S. (d) Marcel de Serres, Tableau du nombre d'œufs que pondent les différentes espèces d'Oiseaux (Ann. des sciences nat., 2' série, 1840, t. XIII, p. 104). APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. f)39 L'œuf fécondé peut rester pendant un temps plus ou moins incubation, long dans un état d'inactivité complète, sans perdre sa faculté productrice (1), et le germe contenu dans son intérieur ne peut se développer que sous l'influence d'une température déter- minée. Quelquefois la chaleur du soleil suffit pour provoquer ce mouvement organisateur : ainsi, dans, les parties interlropi- cales de l'Afrique, l'Autruche se borne quelquefois à déposer ses œufs dans le sable, et l'incubation s'en effectue sous l'ac- tion des rayons solaires. Mais dans l'immense majorité des cas, pour ces Oiseaux comme pour tous les autres, les choses ne se passent pas ainsi, et l'un des parents, ou tous les deux alterna- tivement s'accroupissent sur les œufs de façon à les maintenir à une température voisine de celle de leur propre corps, c'est- à-dire d'environ !\0 degrés (-2). En général, c'est la femelle seulement qui couve; mais chez certaines espèces, le mâle Campine sont renommées pour leur fécondité, et quelques auteurs assurent qu'on en a vu pondre plus de deux cents œufs dans l'espace d'une année. Quelquefois ces Oiseaux en pondent deux par jour ; mais, en général, la ponte ne se renouvelle que de deux jours l'un. Sous l'influence d'une tem- pérature suffisamment chaude et d'un régime stimulant (par exemple, des rations de chènevis, de millet, d'a- voine, etc.), la ponte se continue par- fois durant l'hiver, mais en général nos roules de basse-cour cessent de donner des œufs à l'arrière-saison. On a remarqué aussi que la présence d'un ou de plusieurs œufs dans le nid pré- paré par ces Animaux les excite à pondre, et l'on peut obtenir le même résultat au moyen d'œufs postiches. La Pintade, qui est bien nourrie et dont les œufs lui sont soustraits à me- sure qu'elle les pond, est aussi très- féconde ; elle peut donner une centaine d'œufs par an. Le Canard n'en fournit pas autant ; il commence à pondre en mars, et, si les circonstances sont favorables, il peut continuer jusque vers la lin de mai, en donnant environ cinq œufs par semaine. Il en est de même pour l'Oie : en général, elle cesse de pon- dre et se met à couver lorsqu'elle a de sept à quinze œufs ; mais si on les lui soustrait à mesure qu'elle les dé- pose, elle peut continuer à en pro- duire jusqu'à quarante et même da- vantage. 1 ) Les œufs de Poule peuvent con- server pendant une huitaine de jours après la ponte la faculté de produire des embryons viables. (•2) il résulte des expériences ré- centes de M. Dareste, que le dévelop- Alimentation des jeunes. 5/l0 REPRODUCTION. remplit le même rôle, ainsi que cela se voit chez le Pigeon, la Cigogne, etc. (1). On peut déterminer aussi le développement de l'embryon dans l'intérieur de l'œuf au moyen de l'incubation artificielle; pour cela il suffit de le maintenir à une température d'environ !\0 degrés, sans empêcher l'accès de l'air. Ce procédé était connu des anciens. En Egypte, il constitue la base d'une indus- trie particulière, et a été pratiqué en France sur une grande échelle, mais sans donner des profits considérables (2). En général, les soins que la mère donne à ses petits après l'éclosion consistent à les protéger contre le froid, à leur apporter des aliments et à les défendre contre leurs ennemis, ce qui ne nécessite l'existence d'aucune particularité organique. Mais, ainsi que je l'ai déjà dit (3), quelques Oiseaux nourrissent leurs jeunes avec les produits d'une sécrétion qui a son siège dans le jabot : les Pigeons sont dans ce cas (û.) ; et il est à noter que, par sa composition chimique ainsi que par son rôle physiologique, le liquide alimentaire fourni de la sorte res- semble assez à du lait. Effectivement, M. Lecomte y a trouvé pement de l'embryon peut commencer sous l'influence d'une température qui n'est pas aussi élevée (environ 30°), mais ne se fait alors que très-lente- ment et d'une manière irrégulière pendant quelques jours, puis s'arrête toujours très-promptement. (1) Azara a avancé que chez le Nan- dou, ou Autruche d'Amérique, le mâle seulement couve les œufs de ses fe- melles, mais cela n'est pas (a). L'Autruche mâle d'Afrique couve les œufs la nuit, et les femelles qui vivent avec lui se succèdent pour les couver pendant le jour (b). (2) Pour plus de détails au sujet de l'incubation artificielle des œufs, je ren- verrai à un mémoire de Réaumur et à diverses publications plus récentes (c). (3) Voyez tome VI, page 294. (U) Quelques naturalistes ont pensé que l'espèce de bouillie donnée ainsi aux petits par les Pigeons ne consis- tait que dans une portion des ali- ments préalablement ingérés dans l'es- tomac de ceux-ci et à moitié digérés(of); (a) Vavasseur, Op. cit. (Bulletin de la Société zoologique d'acclimatation, 1858, t. V, p. 391). (b) Gosse, Op. cit. (Bulletin de la Société zoologique d'acclimatation, 1857, t. IV, p. 33iî). (c) Réaumur, L'art de faire éclore et d'élever en toutes saisons des Oiseaux domestiques, 1751. — Mariot-Didieux, Traité de galliniculture. (aire 406 Cas particuliers de géuéralious al- ternantes 407 Biphores 407 Trématodes, Echinodermes, etc. 410 Méiiusjiires 412 Cara< 1ère du Métazoaire cbez les Animaux supérieurs 416 Du blastoderme 416 Développement direct du Typo- zoaire 420 Résumé 421 Phénomènes histngéniques 423 Théorie cellulaire 426 Biastème 428 Sarcode 429 Tissus utriculaires 430 Tbsus scléreux 433 Tissu musculaire 436 Tissu nerveux 437 Tissus secondaires ou tissus com- plexes 439 Résumé de la classiGcation des tissus 439 SOIXANTE-QUINZIÈME LEÇON. De l'appareil de la reprodiction, et de ses produits chez les Ani- maux vertébrés ovipares 442 Caractères généraux de l'appa- reil reproducteur des Verté- brés 442 Similitude primordiale des or- ganes maies et femelles chez l'embrvon 443 Disposition générale de ces par- ties 444 Appareil de la reproduction de r Amphioxus t45 Appareil femelle des Poissons. . . 446 Développement et structure des œufs 459 Ponte 465 Poissons vivipares 466 Appareil mâle 468 Mode de fécondation 478 Poche incuba trice des Lopho- branches 479 Epoque du frai 480 Appareil de la reproduction des 481 Batraciens 482 Organes femelles 486 OEufs 487 Organes maies 494 Mode de fécondation 496 Dépôt des œufs 496 Appareil de la reproduction des Reptiles 497 Appareil femelle . 498 Formation des ovules 499 Oviductes 502 Cloaque 505 Appareil mâle 506 Organes copulateurs . 507 Appareil de la reproduction des Oiseaux 510 Différences sexuelles 511 Caractères généraux de l'appareil. 5 1 2 Organes mâles 513 Testicules, etc 513 Spermatozoïdes 513 Organes copulateurs 516 Ovaires 518 Formation de l'œuf 519 Oviducte 522 Formation de l'albumen 524 Formation de la coquille 327 Forme et couleur des œufs 329 Époque de la ponte. 533 Accouplement 535 Fécondité 536 Incubaliou 539 Alimentation des jeunes 340 *JÊ V