;r^ m ,*»" " 4i JOHNA.SEAVERNS LE DEMNSANQ EN IRLANDE HUNTERS, HACKS et TROUPIERS PAR E. MEULEMAN ÉDITEUR : LUCIEN LAVEUR l3, RUE DES SAINTS-PÈRES, l3 PARIS 1910 DU MEME AUTEUR à la Maison F. Van Buggenhoudt, à Bruxelles. L'organisation des jurys dans les concours et expertises de chevaux reproducteurs, 1908. — Brochure gr. in-8°, 68 pages 1.50 Les haras royaux hongrois et le domaine d'Ungarish- Altenburg. — Brochure illustrée de 27 clichés . 1.50 Les chevaux argentins. — Plaquette in-8°, 8 pages, deux planches hors texte de 11 clichés 1.50 Le Demi-Sang en Irlande PAR E. MEULEMAN VÉTÉRINAIRE DE RÉGIMENT AU 2e RÉGIMENT DE GUIDES PROFESSEUR A L ÉCOLE DE GUERRE COLLABORATEUR DE LA REVUE « CHASSE ET PÊCHE » Préface du Comte DE COMMINGES PARIS LUCIEN LAVEUR, ÉDITEUR l3, RUE DES SAINTS-PÈRES (\Te) A Monsieur le Lieutenant Général e. r. BRICOUX AIDE DE CAMP HONORAIRE DE S. M. LE ROI ANCIEN COMMANDANT DU DÉPARTEMENT DU GRAND ÉCUYER ANCIEN COMMANDANT DE LA Ire DIVISION DE CAVALERIE HOMMAGE DE RESPECT ET DE GRATITUDE E. Meuleman. Tous droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays, y compris la Suède et la Norvège. PREFACE Le signataire de cette préface est tout à fait confus d 'avoir été prié de présenter ce livre au public. Il n'avait, en effet, aucune autorité pour cela. Mais sans doute M. Meuleman a-t-il voulu honorer, en ma personne, V École française de Saumur, où je fus lieutenant écuyer, et les remontes militaires, auxquelles feus le plaisir très grand d'appartenir quelque temps? Quoi qu'il en soit, cet honneur m'a permis de lire, avant sa parution, les épreuves de ce travail, qui est considé- rable. Il est aussi de ceux qui s'imposent sans recomman- dation d'aucune sorte, par leur intérêt singulier et leur mérite propre . La bibliographie du hunter est, certes, nombreuse et variée. Innombrables sont les articles de journaux, pres- que aussi innombrables les brochures et les livres traitant tout ou partie de cette question si complexe. Mais les articles de journaux, la plupart très superfi- ciels, ont le tort — que leurs auteurs me pardonnent, ce sont des confrères — ont le tort d'être écrits par des journalistes... Rares sont, en effet, les journalistes, même les spécialistes, connaissant à fond les questions d'élevage, et surtout d'utilisation du cheval. Il faut avoir fait autre chose que du journalisme pour les bien connaî- tre. Ces articles cependant ont souvent une grande valeur de documentation statistique. Les brochures, elles, ont le plus souvent servi à la polémique, et tous les livres ne sont pas exempts de parti pris; beaucoup ont vieilli en ce sens qu'ils considèrent l'utilisation du cheval en fonction — VIII — des mœurs d'une époque déjà lointaine pour nous, qu'ils croient posséder et qu'ils professent une vérité définitive, ce en quoi ils ont grand tort, le propre de la vérité étant justement d'être relative. Mais le plus grand reproche qu'on peut faire au plus grand nombre des ouvrages hippiques sur l'élevage et l'emploi du cheval, c'est d'avoir été écrits soit par des hommes de science ignorants peu ou prou de la pratique, soit par des hommes de cheval pratiquants, mais trop sou- vent fermés et même par fois hostiles à la théorie pure. Il y a déjà longtemps j 'écrivais dans les Races de chevaux de selle en France, que le meilleur homme de cheval était l'homme de science, le vétérinaire, à- condition qu'il fût aussi cavalier et sportsman. Et ceux qui, en France, ont le mieux écrit sur le cheval, comme, entre autres, MM. les vétérinaires militaires Jacoulet et Joly, sont, sans conteste, ceux chez qui la pratique, V utilisation du cheval de toutes les manières et surtout aux allures vives, ont vivifié la science acquise dans les écoles... Et voilà pourquoi je puis dire à M. le vétérinaire militaire Meuleman, que ses travaux ont tant de valeur. M. Meuleman a dépouillé l'immense et difficile biblio- graphie anglaise du hunier, si touffue, mais où il y a tant à émonder... De tous ces matériaux choisis avec intelligence — celle justement du théoricien pratiquant — il a su édifier une œuvre compacte, exacte, et d'où il a pu tirer les déductions les plus rationnelles. C'est là, en littérature hippique du moins, un grand mérite! D'autant plus, qu'à tout prendre, notre auteur nous promène dans V inexploré... On raconte que le président Roosevelt, lors de sa récente visite à l'hôtel de ville de Paris, entendant prononcer le nom d'un ancien président de la République française, M. Grévy, [s'écria vivement : — « J'en ai tué un! j'en ai tué un! " On pensa se scandaliser avant d apprendre que, tout à ses souvenirs de chasse, M. Roosevelt voulait parler d'un animal africain d'une espèce peu connue, le zèbre de Grévy (equus grévyi). Eh bien ! le hunter, dont le nom est sur toutes les lèvres continentales, est aussi peu connu, quant à ses origines, son élevage, sa forme, son modèle, ses aptitudes, que le zebrus grévyi du président Roosevelt! M. Meuleman a, ici même, et le premier aussi complètement, raconté les origines du hunter, son histoire, son évolution, ses progrès en somme, puisqu'il s'adapte, en fin de compte, aux néces- sités modernes; il en a décrit le modèle, spécifié les apti- tudes, étudié son élevage au point de vue théorique et pratique en étayant ses observations personnelles de toute la documentation des auteurs anglais anciens et modernes et des bons éleveurs et amateurs contemporains. Grâce à lui le hunter sera, je le souhaite, un peu moins ignoré de tous les continentaux qui en parlent si abondamment... sans le connaître ou si peu. Mais doit-on, à ces derniers, faire un grave reproche de leur ignorance1? Assurément non. Le hunter, en effet, est une spécialité dont l'usage n'est courant qu'aux Iles Britanniques. Assurément, en Angle- terre, comme sur le continent, il est arrivé, jadis, un moment où la locomotion équestre disparut. Mais si, sur le continent, Véquitation resta en quelque sorte reléguée aux armées, au contraire, en Angleterre, elle devint extrê- mement à la mode sous les espèces du sport de la chasse à courre. Tout le monde fut homme de cheval et tout le monde l'est resté parce que « c'est dans les mœurs ». Sur le continent une microscopique minorité de « civils » monte durement à travers pays. Ce sont des originaux tout à fait en dehors des mœurs. Et ceux-là seuls qui font partie de cette mino- rité, savent, avec les officiers de cavalerie des armées modernes, quelles qualités doit avoir un hunter, qu'il soit anglais ou continental. Ce n'est d ailleurs que depuis une époque relativement récente que la notion du hunter se concrète dans les intel- ligences sportives et militaires . Les concours hippiques, les raids de toute sorte, ont fait plus pour cela que l'évolution toujours trop timide des méthodes des cava- leries ?nilitaires. N'a-t-onpas vu presque toides les cavaleries européennes — la cavalerie française jusqu'à ces dernières années — remonter leurs poids lourds avec des carrossiers? Ces carrossiers, quand ils avaient un peu de figure, passaient pour d'excellents chevaux de selle : ils portaient leurs cavaliers, trottaient longtemps sur route et galopaient majestueusement. . . Les classiques veneurs, eux, se sont longtemps contentés de bons bidets plus ou moins trotteurs à V ordinaire et galopeurs — un peu — à V occasion. Ce n'est que depuis relativement peu de temps qu'une certaine classe de la société s'est mise, comme à Pau, comme à Spa..., comme dans la, campagne romaine, etc., à galoper gaillarde- ment à travers pays. Dans les armées, des généraux entreprenants, très secondés par une jeune élite cava- lière, ont aussi créé et encouragé un mouvement analogue. Il est alors arrivé que civils et militaires se sont, à l'usage, aperçus qu'en dehors du pur sang et de V anglo- arabe, aucun animal de la formule carrossière n'était capable d'égaler ni de suivre, même de loin, le hunter importé d'Angleterre. La Belgique, VItalie ont remonté leurs officiers et leurs écoles avec des irlandais, lesquels, pas toujours de première qualité, ont cependant, tous, des aptitudes galopeuses et saideuses. La France, pays d'élevage et de protectionnisme chevalin, semble, malgré les ardentes récriminations régionales des éleveurs d'étalons carros- siers-trotteurs, vouloir essayer de se créer un hunter ou du moins un succédané du hunter, un issu du père pur sang, apte à galoper vite et à sauter de même — je dis vite, car V anglo-normand d'origine carrossière saute parfaitement bien et très fort aux allures modérées... Donc, aujourd'hui, une élite cavalière connaît sinon le hunter de grande classe, du moins le hunter de modèle honorable et courant. Mais à part ces professionnels —je parle des militaires — et des amateurs civils de huniers, qui donc, sur le continent, possède la connaissance du cheval de selle au plus modeste sens du mot? Personne. Ni dans les écoles vétérinaires, où la théorie ne chevauche jamais à côté de la pratique, ni parmi les cavaliers nom- breux qui, depuis la menace automobile, foisonnent vrai- ment (officiers de réserve, bourgeois enrichis amoureux de sport, veneurs «purs », c'est-à-dire pour lesquels le cheval XI — ti est qu'un animal locomoteur), ni chez les cavaliers par snobisme ou par hygiène, ni chez les éleveurs auxquels l'usage d'une selle est 'presque toujours étranger, nulle part on ne sait, nulle part on ne peut savoir ce qu'est un cheval de selle. Mais si, dans les milieux cavaliers non spécialistes dont je viens de parler, on est ignorant du hunier, du moins a-l-on une évidente bonne volonté à s'instruire. Chose curieuse ! C'est au moment où la crise chevaline, causée par l'automobilisme, attaque l'élevage du carros- sier dans ses œuvres vives, que le cheval de selle continen- tal semble, ait contraire, appelé par les exigences de nou- velles mœurs militaires et civiles à évoluer vers le modèle et les aptitudes du hunter irlandais ! C'est pour cela que le livre de M. Meuleman vient à son heure. Il y a quinze ans il n'eût pas trouvé cent lecteurs. Qui donc s'intéressait au cheval de selle? Aujourd'hui, j'en suis certain, le titre seul du livre, le nom de l'auteur et sa qualité d'homme de cheval belge, d'officier et de vété- rinaire assureront de nombreuses éditions de cet ouvrage. Tous les cavaliers, tous ceux que passionne ou qu'occupe l'élevage du cheval de chasse et de guerre, voudront y lire comment par le pur sang on peut créer le demi-sang pour fort poids, comment les Anglais ont fait pour y parvenir et comment ils s'efforcent de surmonter des difficultés dues à des causes d'actualité, pour ce, passagères, souhaitons-le pour la gloire de l'espèce chevaline sélectionnée. Ce livre est écrit sans parti pris, avec un souci scrupu- leux de présenter la question sous toutes ses faces, dans toutes ses relativités. L'exposition méthodique, le style net et concis, l'absence de ces termes abstrus, pédants, par quoi trop d'auteurs, recommandables cependant d'autre part, obscurcissent leur prose, mettent ce livre à la portée de tous, amateurs, professionnels et savants zootechni- ciens. Puisse-t-il être lu par beaucoup, il sera compris d autant ! C'est le meilleur souhait et le plus beau compli- ment que je puisse lui faire. Il le mérite. Comte de Comminges. AVANT=PROPOS A la fin de 1902, le désir d'être édifié sur les conditions de l'élevage en Irlande, au point de vue spécial de la production des troupiers, nous amena à faire des recherches dans cette voie. Etant donnée la haute estime acquise, depuis si longtemps, par les chevaux irlandais, étant donné le commerce important dont ils sont l'objet, nous nous attendions à disposer d'une abondante bibliographie, dans laquelle nous n'aurions eu qu'à puiser tous les renseignements que nous désirions. Nous ne tardâmes pas à devoir nous convaincre de notre erreur, car il nous fut impos- sible de trouver un ouvrage de langue anglaise ou française exposant la question d'une manière complète. Il faut arriver en 1905 pour voir Willard John Kennedy, professeur à l'Iowa State Collège of Agriculture, publier dans le Twenty-first Report of the Bureau of Animal Industry de Washington, sous le titre Hunter Horse production in Ireland, et comme suite à la mission dont il avait été chargé par le gouvernement des États- Unis, un rapport donnant une excellente vue d'ensemble sur l'élevage irlandais. A bon droit, on peut s'étonner de pareille chose, car on a toute raison de croire que pour tout pays où se pratique l'élevage du demi-sang de selle, il y ait utilité à s'inspirer de ce qui se fait et s'est fait dans cette Verte Eiïn, dont les chevaux jouissent d'une réputation mondiale. A plus d'un titre, en effet, l'histoire de l'élevage en Irlande est fertile en enseignements. Les traités classiques n'en donnent que des notes générales ; quant aux ouvrages spécialement consacrés aux chevaux ou questions hippiques, s'ils sont parfois plus précis, ils sont loin de l'aborder en entier et de lui accorder tout le développement qu'il 9 peut comporter. Une série de revues et publications de sport et delevage en ont fréquemment parlé et parmi celles que nous avons parcourues nous citerons, en langue française, l'Accli- matation, le Bulletin de la Société du Cheval de guerre, Chasse et Pêche, la France hippique, le Sport universel illustré, la Revue spoy^tive et mondaine ; en langue anglaise : The Breeders Gazette (Chicago), The Farmers' Gazette (Dublin), The Field, The Journal ofthe Royal Agricultural Society of England, Live Stock Journal, The Veterinary Record. Toutes ces revues ont publié de nombreux articles, chroniques et notes qui, réunis aux renseignements trouvés dans les ouvrages auxquels nous venons de faire allusion, exposent la question sous toutes ses faces. Mais nous ne nous en sommes pas tenu là, nous avons cherché et trouvé dans une série de publica- tions officielles la confirmation de nombreux détails. C'est des renseignements épars puisés à toutes ces sources et nullement de science et d'expérience personnelles que nous avons élaboré de toutes pièces l'étude que nous commençons aujour- d'hui. Nous l'avons entreprise et conduite sans parti pris, nous inspirant de cette pensée de Descartes : » Pour rechercher la vérité, il ne faut pas avoir l'esprit imbu des notions antérieure- ment acquises. » Dans les nombreux textes que nous avons eu à traduire, nous nous sommes efforcé de faire abstraction de nos idées personnelles et nous avons mis toute notre conscience à chercher à bien pénétrer la pensée des auteurs, voulant en cela faire mentir l'aphorisme italien : « Traduttore, traditore ». Dans cette même pensée, lorsque nous avons eu affaire à des termes ou expressions ne trouvant pas ou difficilement leurs synonymes exacts en français, nous avons pris soin de les reproduire ou de les utiliser purement et simplement après en avoir donné la signi- fication ; enfin, nous nous sommes abstenu de tirer argument de phrases dont le contexte eût modifié le sens. En un mot, nous répéterons ce que nous écrivions, il y a peu de temps, à propos d'une note sur les chevaux américains : Si quelque erreur se glissait dans ce qui suit, qu'on veuille bien nous la signaler ou l'excuser, la vérité seule nous suffit. Nous manquerions à tous nos devoirs si, en terminant cette courte préface, nous ne présentions l'expression de tous nos remerciements à ceux qui voulurent bien mettre à notre disposi- tion une série de clichés d'une valeur inestimable au point de vue de la documentation de notre étude. En tout premier lieu, nous — 3 — avons nommé Sir Walter Gilbey, Bart., l'éminent éleveur, dont la compétence et l'érudition font un des conseillers les plus écoutés de l'élevage du Royaume-Uni; M. T. -P. Gill, secrétaire du Department of Agriculture and Technical Instruction l'or Ireland; M. A.-B. Charlton, secrétaire de la Hunters' Impro- vement Society; M. Th. Me Row, secrétaire de la Royal Agri- cultural Society of England, MM. les directeurs de The Farmers' Gazette, du Live Stock Journa' et du Sport Universel Illustré. Nous devons aussi remercier tout spécialement M. F. Van Buggenhoudt, propriétaire-directeur de Chasse et Pêche, pour les clichés qu'il a bien voulu nous prêter et pour le soin tout particulier qu'il a apporté dans l'impression de notre ouvrage. Avant d'aborder notre sujet, nous croyons utile cependant de nous arrêter un instant pour fixer la portée de certains termes ou expressions que nous aurons l'occasion d'employer assez fré- quemment. Cela nous parait d'autant plus nécessaire qu'en matière chevaline peut-être plus qu'en toute autre, les opinions, les goûts et les points de vue personnels sont trop facilement généralisés et servent trop souvent de point de départ à des discussions et à des controverses plutôt oiseuses. En cherchant à établir la situation de l'élevage en Irlande et en nous plaçant au point de vue de la valeur commerciale des chevaux, nous aurons à signaler l'abondance des déchets et à rapporter le procès et les griefs que l'on fait aux chevaux trop légers dans la production actuelle. Pour éviter toute erreur d'in- terprétation, fixons donc ce qu'il faut entendre par là. Envisagée d'une manière générale et sans méconnaître l'im- portance de la taille, la valeur marchande des chevaux de demi- sang est en fonction de quatre facteurs : le type, la conformation, les allures et le tempérament. Nous ne mettons aucune préoccu- pation à les citer dans im ordre quelconque, car leur importance relative n'est pas immuable, elle varie au contraire avec le genre de cheval auquel on s'adresse : cheval de selle courant, cheval de parc ou de boulevard, cheval de chasse, cheval de harnais. Pour se vendre assez cher — et sans pour cela être parfait — tout cheval doit réunir plus ou moins heureusement ces qualités, — 4 — tandis que ceux péchant assez fortement dans une ou plusieurs d'entre elles, seront considérés comme des déchets. Ils devien- dront des rebuts si les défectuosités sont nombreuses et exagé- rées et pour tous deux leur valeur marchande sera réduite dans une proportion plus ou moins grande. Citons un exemple : D'une manière générale on peut dire qu'un cheval manquant de type, de silhouette et d'allure plus ou moins relevée, ne peut entrer dans la classe des chevaux de luxe. Cependant le cheval de chasse peut, sans grand inconvénient, être heurté, anguleux, voire un rien commun dans son type ; en revanche, on ne lui per- mettrait pas, comme à d'autres, de pécher dans sa conformation et par manque de sang. Cela tient à ce que pour lui, la valeur utilitaire supposée prime la valeur conventionnelle. Par valeur commerciale, nous entendons non celle que payera un amateur pour le cheval qu'il cherche et qui lui convient en tout point, ou celle que le marchand lui en demandera, mais celle que le marchand donnera sur le marché lorsqu'il va réapprovisionner ses écuries. Pour ce qui est des chevaux trop légers et à plus forte raison des légers, personne ne pense à les classer comme déchets ou à méconnaître leurs qualités, parce que légers. Loin de là, et lorsqu'ils sont réussis, ils ont au contraire beaucoup de valeur ; mais, commercialement parlant, ils constituent plutôt un article spécial, de demande plus limitée et moins générale que le cheval charpenté qui aurait les mêmes qualités. Il en résulte que lorsqu'ils sont manques et vont échouer dans les déchets, leur valeur marchande tombe dans une proportion plus grande que ceux d'un type plus fort et mieux étoffé. Est-ce à dire que tous ces déchets soient de mauvais chevaux ? Certes non. C'est ainsi que certains sujets, manquant de type et de conformation, se révèlent parfois comme extraordinaires. Aussi lorsqu'il s'agit de chevaux de chasse ayant fait leurs preuves, leur voit-on, malgré cela, acquérir une grande valeur. Mais ce n'est plus là leur valeur commerciale, c'est leur valeur utilitaire réelle, c'est leur valeur intrinsèque comme hunter. Mais encore, en prenant en considération que nous nous pla- cerons au point de vue d'un élevage qui doit écouler ses produits dès qu'ils ont l'âge marchand, il faut reconnaître que les chevaux classés comme déchets à trois, quatre et même cinq ans, alors qu'ils sont encore verts ou à peine dressés et essayés, se déve- loppent parfois tout autrement qu'ils ne le promettaient. N'est-ce pas ce que nous voyons tous les ans dans nos remontes? Eût-on jamais pensé à vendre comme remontes et à laisser partir au prix de 30 à 40 livres sterling tant de vulgaires troupiers qui se révélèrent comme des chevaux de tout premier ordre. Il est vrai que l'inverse se présente aussi et beaucoup de poulains que leur origine et plus souvent leurs caractères extérieurs désignent comme appelés à un brillant avenir, se font reléguer dans les déchets au moment où l'on est à même d'apprécier ce qu'ils valent réellement. C'est là un point qui montrera une fois de plus combien il est difficile d'apprécier un jeune cheval, plus difficile encore de présager ce qu'il deviendra, et combien les éleveurs et les marchands eux-mêmes s'y trompent à l'occasion. LE DEMI-SANG EN IRLANDE HUNTERS, HACKS ET TROUPIERS Parmi les grandes questions que soulèvent l'organisation des armées et leur mise sur pied de guerre, la remonte de la cava- lerie a toujours été au nombre de celles qui ont le plus retenu l'attention, et s'il fallait rechercher l'origine de l'importance qui lui est attribuée, on devrait remonter jusqu'à l'époque des grands capitaines de l'antiquité historique. « Qui voudra feuilleter les historiographes des antiquitez grecques, romaines et d'autres, dit Jean Tacquet dans Philipicca, en 1618, il y voira quels despens excessifs ces nations ont faict et supporté à eslever des chevaux, et cela avec raisons bien pregnantes : car l'effect et l'expérience leur a faict paroistre quel avantage ils ont eu en guerre avec nombre grand de cavalerie, s'efforçans d'en faire le nombre plus grand à eux possible, et tel, que sans les histoires d'authorité, il ne nous seroit croyable. » En dépit des modifications apportées dans la tactique par les progrès des sciences militaires et en particulier de la balistique, de nos jours la question des remontes n'a rien perdu de son importance. Depuis plus d'un demi-siècle, elle a fait l'objet de nombreuses études et de fréquentes discussions dans les parle- ments, dans le monde de l'armée et de l'agriculture, et son impor- tance se manifeste d'une manière saisissante, lorsqu'on envisage les dépenses extraordinaires affectées en France, en Allemagne, en Italie, en Autriche-Hongrie et même en Russie, à l'élevage du cheval propre au service de la cavalerie. — 8 — En Belgique, la question est simple à fixer : Nous ne produi- sons pas de chevaux de demi-sang et certainement nous ne devons pas nous leurrer de l'espoir de voir nos éleveurs délaisser le cheval de gros trait pour le cheval léger. Dès lors, le problème, fort complexe sans aucun doute, peut s'énoncer comme suit : Où trouver de bons chevaux pour la cavalerie en temps de paix, où les trouver en temps de guerre ? De ce chef, les besoins de notre armée s'identifient aux conditions de l'élevage et à la qualité des chevaux des pays qui sont ses fournisseurs ou qui peuvent le devenir. Dans quelque pays que ce soit, exception faite pour ceux de grand élevage pastoral, comme certaines républiques sud-améri- caines et les républiques australiennes, le problème de l'élevage du cheval propre au service de l'armée est singulièrement plus compliqué que ceux auxquels donne lieu la fourniture des arme- ments, des équipements, etc. Ceux-ci sont, les uns d'ordre tech- nique, les autres d'ordre économique, et les objets ou matériels auxquels ils aboutissent sont d'un type uniforme comme valeur et qualités. Telles ne sont point les conditions dans lesquelles s'établit la production du cheval de demi-sang. Celle-ci est soumise aux aléas inévitables, inhérents à toutes les industries de production animale ou végétale directement influencée par tous les facteurs, le plus souvent inaccessibles ou inconnus à l'homme, sous lesquels la nature traduit son action. Si, comme les autres, l'éle- vage est une question économique, il ne parait guère contestable qu'il est bien plus d'ordre général et qu'il est soumis à l'action de contingences nombreuses ignorées des autres industries. Tout en tenant compte des conditions locales et de milieu, l'élevage doit tabler non sur une production uniforme, mais sur des produits de valeurs très différentes et dont la dernière catégorie doit, autant que possible, trouver à s'écouler, sinon avec bénéfice, au moins sans laisser trop de perte. D'un autre côté, pour s'assurer un maximum de gain, l'éle- vage doit inévitablement s'inspirer et se plier aux besoins du commerce. Dans celui-ci, les besoins des remontes militaires ne constituent incontestablement qu'un facteur isolé, important, sans doute, de la grande dirigeante du marché : la demande, et lorsque celle-ci réclame le type du cheval de cavalerie, point n'est besoin de prêcher les éleveurs, leur intérêt même les incite à s'orienter dans la voie de sa production. Sous ce rapport, 9 — l'empire austro-hongrois et la Russie se trouvent dans des con- ditions particulièrement favorables. Mais il s'en faut de beau- coup qu'il en soit partout ainsi. En dépit des exhortations aux fermiers, de l'augmentation des prix d'achat, de l'octroi de primes, de l'élaboration de programmes ne manquant ni d'at- trait ni de justesse, on voit les fermiers de certains pays faire preuve d'une inertie que les encouragements officiels ou privés ne parviennent pas à vaincre. Cette inertie est cependant com- préhensible ; le producteur ne veut point lâcher la proie pour l'ombre et il garde ses préférences au cheval demandé par le commerce, à celui qu'il sait être d'une défaite plus courante, sinon plus lucrative. Dans les nombreuses discussions auxquelles la production du cheval de troupe a donné lieu, on a peut-être oublié ou attaché trop peu d'importance, non pas au côté économique, mais à ce que l'on pourrait appeler le côté commercial de la question ; on a parfois perdu de vue la dualité du but de l'élevage du demi- sang, les besoins du commerce et ceux de l'armée. On dit aux éleveurs : « Produisez-nous le cheval de tel type », mais cette exhortation unilatérale suffit-elle et ne faudrait-il pas la com- pléter en disant à ceux qui utilisent le cheval de demi-sang : « Servez-vous du cheval type galopeur, type selle, au lieu d'em- ployer le cheval type trotteur, type de harnais » ? Ce sont, en effet, ces consommateurs qui font du marché ce qu'il est et ce qu'il recherche, et du jour où ils réclameront, avec plus de qua- lités et de distinction peut-être, le cheval genre selle ou troupier, l'éleveur aura vite fait de mettre sa production à l'unisson des besoins du commerce. En attendant, et en admettant que ce modèle assure un bénéfice pour les chevaux de classe et ceux acceptés par les commissions militaires, les refusés restent pour compte à l'éleveur, qui ne peut s'en défaire aussi facilement et au même prix que pour la catégorie identique de l'autre modèle. N'est-ce pas à cela qu'en Angleterre et même en Irlande, cette terre classique du galopeur, le cheval de harnais doit les pro- grès qu'il a faits? N'est-ce pas pour cela aussi que dans certaines régions de la France, et notamment en Normandie, beaucoup d'éleveurs conservent malgré tout leurs préférences au cheval de harnais ? Et en Allemagne, en dépit des importations nom- breuses et importantes de juments irlandaises remontant à la moitié du xixe siècle, en dépit de la mise à la disposition des éleveurs d'étalons de pur sang de haute lignée, des mesures pour — 10 — favoriser l'élevage du cheval de selle et des règlements qui l'im- posent même dans une certaine mesure, ne voit-on pas les éle- veurs de certaines régions, ceux de l'Oldenbourg, par exemple, rester fidèles à leurs chevaux de harnais ? Mais encore, lorsqu'on parle d'élevage, il convient de se bien pénétrer que ce n'est point là une industrie pratiquée dans beau- coup d'établissements importants, où le bénéfice du compte cheval est estimé par le bilan annuel, bien plus que par les prix de vente respectifs des différents produits. Cet élevage est au contraire tout à fait dispersé, il est aux mains de très nombreux petits fermiers qui retirent un, deux ou trois poulains de leurs juments et qui préfèrent souvent, sinon toujours, un gain moyen assuré. Ils n'aiment point à risquer ces grands écarts de prix qui les laissent plutôt sceptiques — d'autant plus que c'est généralement l'intermédiaire qui en profite — et dans la com- préhension qu'ils ont de leur industrie, le bénéfice s'établit par cheval vendu. Or, dans tous les pays, cet élément petit fermier est celui qui forme la très grosse masse des producteurs et dont les élèves doivent être pris pour type moyen de la qua- lité de la production. Par là c'est avec cet élément qu'il faut compter, sans perdre de vue que l'élevage du cheval de gros trait gagne tous les jours du terrain, grâce à son rapport plus régulier, plus économique, grâce surtout à ce qu'il est moins fertile en déboires. Dans ces conditions, il n'est point étonnant que beaucoup de pays aient devant eux un problème très com- plexe et que l'on en soit toujours à discuter les moyens employés ou à employer pour le solutionner, en amenant le monde agri- cole à entrer dans la voie de la production du cheval répondant aux besoins de la cavalerie. Mais lorsqu'on envisage sous toutes ses faces la question de l'élevage du troupier, on doit aussi reconnaître qu'elle ne se limite pas uniquement au domaine commercial ou économique, et puisque notre pays s'approvisionne dans le Royaume-Uni, où cette question est depuis plusieurs lustres l'objet de nombreuses discussions et de nombreux projets, il n'est pas sans intérêt de donner ici l'opinion exprimée par J.-L. Nickisson dans une courte étude, intitulée : Foal Futurity Classes (*) : « Il est insensé, dit-il, de toujours répéter que la production du cheval léger (') In Live Stock Journal Almanac 1908, p. 47. — li- se réglera par la loi commune de l'offre et de la demande. A de nombreuses reprises, il fut montré que le problème du cheval léger est essentiellement une question nationale et militaire plutôt qu'une question purement agricole et assurément il est parfaitement injuste et inutile de demander à la majorité des agriculteurs de produire ce cheval léger, à moins de les assurer en même temps qu'ils trouveront pour celui-ci un débouché facile et ouvert à un prix rémunérateur. » Ce qui tend à affirmer la véracité, la justesse de cette opinion, c'est que partout l'on se plaint des difficultés rencontrées pour la remonte des cavaleries, non seulement comme nombre, mais aussi comme qualité des chevaux, et il y aurait là le sujet d'une étude d'ensemble du plus haut intérêt, tant au point de vue militaire qu'aux points de vue agricole et économique. Notre but personnel est plus modeste. En nous inspirant des plaintes auxquelles ont donné lieu depuis longtemps déjà la qualité, la classe des chevaux présentés à nos commissions de remonte, il nous a paru utile d'étudier les conditions de la production du cheval de demi-sang, propre au service de la selle, en Irlande, pays qui est notre grand fournisseur. Ce qui nous a porté à donner à notre étude le titre : Huniers, Hacks (*) et Troupiers, c'est que, d'une manière générale, l'éle- vage du cheval de troupe de prix ordinaire n'est pas le but visé, la raison d'être de la production du demi-sang type selle. Par- tout où celle-ci est entreprise et bien installée, l'éleveur a en vue un cheval de plus grande valeur ; ce qu'il espère, c'est le cheval de chasse de belle classe, c'est le beau cheval de selle. Dans l'ensemble de la production, ceux-ci constitueront les trois ou quatre premières classes dont les qualités et la distinction régleront la valeur dans le commerce ; les troupiers formeront, si l'on veut, les deux classes suivantes, et en dessous d'eux vien- dront ceux qui devront s'écouler comme chevaux d'attelage léger pour le commerce, les fiacres, les cabs et les petites bourses. En ce qui concerne particulièrement l'Irlande, les chevaux qui échouent à l'appel de la classe des hunters sont joints à la masse commune et connus dans le commerce comme misfits, c'est-à-dire comme déchets et comme rebuts. (*) Nous avons donné ici au terme « hack » la signification peut-être un peu critiquable de « cheval de selle ». — 12 — Si quelques grands éleveurs, possédant des juments de choix qu'ils donnent à des étalons de premier ordre, ont la quasi-cer- titude — car en élevage rien n'est certain — de voir leurs élèves briguer les honneurs des premières catégories, la grande masse des agriculteurs ne peut rêver y aboutir que de temps en temps. Ceux-ci doivent ainsi prendre pour base le prix auquel ils vendront les chevaux de classe moyenne, et dans cette éva- luation c'est souvent d'après celui des troupiers qu'ils suppute- ront le côté économique de leur industrie. Dès lors, et en dehors de toute question du but réel du cheval de remonte, il ne faut point s'étonner si la production et le prix de celui-ci ont été pris pour base des innombrables discussions et suggestions relatives aux conditions de l'élevage du light horse. Ces discussions remontent à quelque dix lustres, mais il faut arriver en 1873 pour voir le gouvernement s'y intéresser par la nomination du Lord Rosebery's Committee. Depuis une quinzaine d'années, et surtout depuis la guerre anglo-boer, cette question a pris une importance toute particulière et il n'est de session où le Parlement, tant à la Chambre des Lords qu'à la Chambre des Communes, n'ait eu à s'en occuper. Dans les commissions et grandes sociétés telles que la Royal Commission on Horse bree- ding, la Hunters' Improvement Society, la Royal Dublin Society, la Royal Agricultural Society of England, la Brood Mare Society, etc., c'est là un sujet d'études constant; certaines d'entre elles y doivent même leur but réel, leur seule raison d'être. Enfin, les revues d'élevage et d'agriculture et même les grands quotidiens s'en occupent sans rémission, et dans ces derniers temps notamment cette question a pris un tel regain d'actualité que le ministre de l'Agriculture, Lord Carrington, jugea nécessaire d'en faire le sujet du long discours prononcé le 18 octobre 1907, à Scarborough. Il est vrai que la campagne en cours soutenue par tous les intéressés aux choses de l'élevage, — et ils sont nombreux et puissants, — tend à rien de moins qu'à amener le gouvernement à ouvrir les cordons d'une bourse jusqu'ici fermée pour les encouragements pécuniaires à l'éle- vage. Alors que l'élevage du cheval figure au budget pour 7 mil- lions 200,000 francs en France, 4,750,000 francs en Allemagne, 5,840,000 francs en Hongrie, 3,500,000 francs en Autriche, 2,100,000 francs en Italie, en Angleterre le budget ne prévoit rien. Nous disons » rien » parce qu'on ne peut taxer d'encoura- — 13 — gement la somme de 125,000 francs votée depuis quelques années par le Parlement et dont 105,000 francs sont destinés à être répartis en primes à des étalons de pur sang. En cela, le gouvernement anglais eut en quelque sorte la main forcée. Lorsqu'on se représente qu'en Belgique, notre seule race de gros trait émarge annuellement en encouragements pour une somme de 300,000 francs, on doit convenir que l'Angleterre ne fait rien pour son élevage. Il est vrai que jusqu'ici l'initiative privée a réalisé de si belles choses que l'on comprend le désir des gouvernements de lui laisser encore le soin de sortir l'éle- vage du demi-sang du bourbier dans lequel il se débat. Il est cependant à croire que cette fois les pouvoirs publics n'échap- peront plus aux justes revendications du monde agricole tout entier pour mettre un terme à la crise sévissant depuis long- temps déjà. — 14 — CHAPITRE Ier Aperçu sur la topographie, la géologie et la climato- logie de l'Irlande (*) Dans son aspect général, l'Irlande affecte la forme d'un bas- sin, d'une gigantesque cuvette, et dans ce pays réputé pour ses riches pâtures, ce qui frappe particulièrement, c'est l'aspect montagneux de la région côtière qui descend en gradins vers la grande plaine centrale, après avoir opposé à la violence des flots le rempart infranchissable de ses flancs rocheux. Venant de Holyhead, à peine le voyageur est-il à mi-chemin que là-bas, vers la gauche, se profile à l'horizon la ligne bleue des montagnes du Wicklow, dont les avancées à pic, les lacs, les torrents et les cascades ont inspiré à Thomas Moore l'admi- rable poésie : The Meeting of Waters. Puis, en approchant de Dublin, les détails se dessinent : ce sont les sommets arrondis de Killiney, les promontoires escarpés de Howth et de Bray et les masses effritées des collines entourant Enniskery. Ils forment là, les premières assises, comme une sorte d'avant-plan à la belle lande granitique qui se projette bien loin vers le sud, dans le Kilkenny et le Wexford, et s'infléchit vers l'ouest à la ren- contre des massifs du Waterford et des montagnes du Galty, célèbres par l'abri qu'ils fournirent jadis à des patriotes irlan- dais. Au nord de Dublin et jusque près de Dundalk, la contrée moins mouvementée s'étend en collines coupées de riches val- lées. Bientôt après se dessinent dans le ciel brumeux les crêtes rugueuses de Carlingford, auxquelles, de l'autre côté de la baie dominée par le phare de Greenore, s'opposent majestueux et comme tout fiers de la masse imposante du Slieve Donard, les dômes énormes des Mourne Mountains avec leurs jolies terrasses granitiques. A Belfast commence la région volcanique de l'Antrim avec ses longs fragments noirs, s'étendant en lisière de hauts plateaux (*) D'après « The Topography and Geology of Ireland », by Greenville A.-J. Coole ; « The Soils of Ireland », « The Climate of Ireland », by J.-R. Kilroe, in Ireland Indusirial and Agricultural, 1902. — 15 — de Carrickfergus vers Limavady et Londonderry et à laquelle on doit l'une des plus grandes curiosités de l'Irlande. Nous avons nommé la fameuse Chaussée des Géants aux innombrables colonnes basaltiques incessamment lavées par les flots agités au souffle des vents du nord. Passant alors vers l'ouest, puis vers le sud, en traversant le Donegal, tout hérissé des pointes rocheuses des monts Tyron- nels, c'est le Mayo, apparaissant avec ses majestueuses falaises à pic de plus de 600 mètres de haut, sans rivales dans le Royaume-Uni ; c'est ensuite le Galway, avec ses côtes déchique- tées. Mais là, entre la baie de Clew et celle de Galway, s'étend, en une sorte de péninsule fortifiée contre la fureur des vagues de l'Atlantique, la région du Connemara, et celle-ci, dans ses plissements gigantesques, avec ses lacs parsemés d'iles, avec ses coulées et ses tourbières, garde toujours un caractère primitif, un aspect désert et sauvage traduisant avec une expressive fidélité la triste existence du pauvre Paddy (*) qui l'habite. Plus au sud encore, les hautes terrasses calcaires des comtés de Clare et de Limerick conduisent dans le Kerry, aux masses stratifiées de vieux grès rouge et de roche carbonifère, dont les âpres crêtes culminantes vont s'évanouir dans la baie de Bantry. Mais elles forment là une région unique par son charme, sa poésie et son pittoresque, celle des lacs étages de Killarney avec leurs ruines, leurs rochers, leurs ilôts verdoyants et leurs cot- tages bigarrés qui se mirent dans leurs eaux cristallines. Et cependant, en dépit de cette large ceinture rocheuse, l'Irlande n'en est pas moins un pays de plaines. Le centre de la coDtrée se présente, en effet, sous la forme d'une vaste dépres- sion et le voyageur peut passer de Dublin à Galway, de Dundalk à M allô w, sans que les quelques collines rencontrées sur son chemin lui enlèvent l'impression de ces plaines immenses renom- mées pour leur production chevaline. Mais par la présence des montagnes ainsi massées sur les rives, le centre du pays n'a point de versant pour ses eaux et c'est la chance et le hasard plutôt qu'une question topographique qui orientent leurs cours vers l'Atlantique ou la mer d'Irlande. La plaine centrale devient ainsi, en réalité, une sorte de réunion de territoires pour les eaux qui ruissellent des montagnes et des collines environnantes, (*) « Paddy » et « Pat » sont deux sobriquets employés pour désigner les Irlandais. — 16 — et pour le sable et le gravier qu'elles charrient. Cette concentra- tion des eaux pluviales dans le centre du pays, jointe au manque de versant pour leur écoulement, a provoqué la formation de réservoirs naturels, de lacs prodigieusement nombreux, parse- més partout, mais particulièrement dans le nord, et représentant un ensemble de 2,300 kilomètres carrés, soit la trentième partie du territoire. Mais si les terrains calcaires offrent presque toujours les con- ditions nécessaires pour la filtration et le drainage des eaux vers ces lacs et les rivières qui les alimentent ou leur servent d'émis- saires, dans la grande plaine centrale ces facilités font parfois défaut. C'est ainsi qu'aux pâturages remarquables confinent d'énormes régions couvertes de marais et de tourbières, telle la vaste tourbière d'Allen, ou d'alluvions tourbeuses, comme celles rencontrées le long des principales rivières canalisant cette con- trée, le Shannon, le Barrow, le Bann, l'Erne, le Galway, le Moy, etc. Sans aucun doute, beaucoup de ces terrains plats ont été améliorés, grâce au système de drainage inauguré dans la première moitié du xvme siècle ; il reste cependant beaucoup à faire, car les black et red bogs comptent aujourd'hui encore pour près d'un septième de la superficie totale de l'île et dépassent parfois en étendue les vastes tourbières des Pays-Bas. Ce sont là des régions incultes et désertes, parsemées çà et là de quelques misérables cabanes aussi noires que la tourbe qui les entoure. A côté de ces régions, il y a des plaines immenses de terres arables, de pâturages renommés, et il est des contrées spéciales où la valeur de ceux-ci constitue une source de richesse quasi inépuisable. C'est ce qui existe dans la Golden Vein, sur les confins de Tipperary, du Limerick et du Cork ; pour l'est de la province de Leinster, y compris une partie des comtés de Meath, de Dublin et de Kildare ; pour la vallée du Lagan, avec une por- tion de l'Antrim, du Down et de l'Armagh. Il faut cependant noter qu'il est aussi des parties où la terre est pauvre, soit natu- rellement, soit comme résultat de son exploitation épuisante par de petits fermiers qui l'on fait tomber bien en dessous des condi- tions dans lesquelles elle se serait conservée sous l'influence d'une culture convenable. En dehors de ces régions exceptionnelles, il y a une grande partie du pays dont les terrains accusent une fertilité nettement supérieure à ce qu'il est convenu de considérer comme terres - 17- moyennes. Cependant elle est coupée çà et là par des surfaces tourbeuses, des régions argileuses mal drainées, des zones ro- cheuses ou rocailleuses de faible valeur et par des plaines d'allu- vions. Beaucoup de ces dernières constituent toutefois un sol de bonne qualité. D'un bout à l'autre de grands espaces, le roc est entièrement recouvert de détritus incomplètement dérivés des masses solides sous-jacentes et ces deux parties, la roche et la croûte qui la cache, sont parfois dissimulées par des dépôts 'alluvionnaires plus récents, tourbe, sable, etc., qui enlèvent à ces régions la grande valeur qu'elles auraient sans eux. A côté de ces espaces, il y a aussi, et principalement dans les régions montagneuses, de nombreuses parties de terrains dont la couche superficielle argileuse de formation locale se présente sous les caractères de terres de bonne qualité. Mais, sans contredit, c'est à la grande plaine centrale que revient la réputation de fertilité de l'Irlande. Là, ainsi que dans la province de Connaught, le calcaire apparait dans les plaines basses, recouvert seulement d'un sol relativement peu épais, d'une richesse proverbiale. Le terrain y est remarquablement adapté pour être destiné à des pâturages d'élevage, en raison de la grande quantité de calcaire et de phosphate de chaux qui sont déposés à l'état libre et pris en quantité extraordinaire par les graminées des pâtures temporaires et des prairies permanentes. En réalité, cette richesse calcaire du sous-sol est un des fac- teurs qui interviennent pour donner à l'Ivernie les qualités remarquables qui en font un pays d'élevage justement renommé. Depuis des siècles, cette fertilité de la Verte Erin a été recon- nue comme un caractère général, quelquefois surfait peut-être, mais cette réputation est due en grande partie aussi aux condi- tions de son climat. Son humidité très accusée et sa température uniforme donnent à la végétation cette verdeur quasi perpétuelle qui a valu au vieux pays des Celtes le titre expressif d'« Eme- raudedes Mers ». Par sa situation à la lisière du continent, l'Irlande est sou- mise sans cesse aux effets non mitigés des brises et des tem- pêtes montant de toute part de l'Océan ; elle jouit ainsi d'un climat essentiellement maritime, dont l'humidité est encore aug- mentée par le régime de ses eaux, la multitude de ses lacs, l'étendue de ses marais et de ses tourbières. Ce n'est cependant pas le pays de fogs classiques de la grande métropole, c'est celui — 18 — des brumes qui s'effrangent en longues traînées accrochées aux flancs des montagnes, et des gros nuages charriés par les vents. C'est aussi celui des légers brouillards que le crépuscule voit s'élever des vertes plaines, et la nature y prend alors ce carac- tère de douce tristesse et de tendre mélancolie que reflètent les vieilles mélodies irlandaises, dans lesquelles, avec les richesses harmonieuses de la langue du pays, les flleas chantaient les joies, les peines et les espérances du peuple de l'Hibernie. Mais cette humidité excessive n'est pas sans avoir quelques inconvénients. On lui doit d'occasionner souvent des printemps tardifs et d'engendrer, surtout dans les parties montagneuses, des périodes de pluies copieuses et de forte nébulosité, qui retar- dent parfois jusqu'en octobre le moment des moissons, jusqu'en novembre la récolte des avoines. Normalement, la moisson y est toujours en retard sur celle des pays de même latitude, et la rentrée des froments ne s'y fait jamais avant les premiers jours de septembre. « La terre y est si fréquemment arrosée, dit Emmanuel Domenech, que le soleil n'a guère de temps de dorer les moissons. Si les blés y mûrissent, cela doit être au clair de lune, par habitude, ou bien parce que c'est la destinée de toutes les choses d'ici-bas de jaunir en vieillissant. » Comme compensation à ces inconvénients, il y a l'influence bienfaisante du Gulf Stream. Sous l'action de celui-ci, le réchauf- fement est tel qu'en hiver, la température moyenne y est de 1 1° supérieure à celle des pays de même latitude de l'Amérique et de l'W. de la Russie. En été, au contraire, par l'intervention de l'humidité, la chaleur se tempère et se régularise au point d'être inférieure de 3 à 6° C. à celle de la Prusse orientale. Et en comparant la température de Dublin à celle de Westport, on trouve que dans cette dernière ville, battue par tous les vents de l'Atlantique, la moyenne annuelle est supérieure de près d'un degré C. à celle de Dublin; cependant, il y fait moins froid en hiver et moins chaud en été. Pour mieux faire ressortir ces détails, nous donnons ci-après les moyennes comparatives de Dublin et de Bruxelles, qui carac- tériseront l'uniformité de la température et la forte humidité du climat irlandais Encore faut-il prendre en considération que Dublin est à une latitude nord de quelque deux degrés et demi supérieure à celle de Bruxelles. — 19 rr — 1 Br^meli f / HT / l M, ÏÏ / f IV n ïï //" M W™».~.a &WAg a i ft ! S T ! (> Ti | T S s{ ¥ \ Ci ,y iy < T\ Ter Dé rai rr m f/e m a» 1DL m Wr de fl lit >lh •-. f fo tl'e/A'ùi i ' 1 F. M. M. A. S. N. D. Température moyenne Moyenne des maxima Moyenne des minima Humidité rel. moy. c 3 3 Q a M 3 u m 0 3 3 Q — X 3 u a 3 3 Q 3 H « c 3 3 0 * a B"" Janvier 5°2 2°4 704 4°6 2°9 0°0 85 86 Février 6°1 3°7 8°4 6°4 3°8 1°1 85 82 Mars 6°3 5°7 9°0 9°1 3°5 2°2 82 73 Avril 8°8 9"5 12°0 13°8 5°6 5°2 80 64 Mai 11»1 13°3 14<>6 18°2 7°5 8°4 76 62 Juin 14°3 17°0 17°9 21°7 10°7 12°1 77 64 Juillet 16°0 18<>4 19°5 23°1 12°4 13°7 80 55 Août 15°4 17°9 18°8 22°4 12°1 13°5 82 66 Septembre 13°2 15°2 16°3 19°1 10»1 11°1 84 71 Octobre 9°9 10°8 12°6 14°0 7^2 7°5 85 78 Novembre 6°9 6°3 9°3 8°8 4°6 3°7 86 84 Décembre 5°1 3°2 7°3 5o5 2°8 1°0 86 86 909 10°3 12°8 13°9 6°9 6°6 82 73 En fait, la douceur du climat, l'humidité et la température sont telles qu'on trouve à l'état naturel des plantes dont l'aire européenne se limite au midi de la France, c'est le cas pour l'arbousier. Par là môme, et jusque dans les districts septentrio- naux abrités contre les vents polaires, la période de la végétation active y est poussée jusque bien tard en hiver. Par là encore, les animaux peuvent être élevés en plein air, au grand profit écono- mique de l'exploitation chevaline, au grand bénéfice de la santé, de la résistance et des qualités qui caractérisent les vrais pro- duits irlandais. — 20 — CHAPITRE II Origine et histoire des chevaux irlandais Durant de longues années, sur la foi accordée aux travaux de Sanson, l'éminent zootechnicien français, on a considéré les che- vaux irlandais comme formant une race spéciale, bien définie, YEquus caballus hibernicus ; mais les recherches des savants anglais ont abouti à d'autres conclusions, plus conformes aux découvertes paléontologiques et aux faits de l'histoire. D'après eux, la souche des équidés irlandais doit remonter à plusieurs types : 1° le cheval de l'Europe centrale, dont les osse- ments de Solutré ont fait connaître les caractères squelettiques ; 2° le cheval du nord de l'Europe, dont Cossart Ewart a fait YEquus caballus celticus, qu'il considère comme une race bien distincte, caractérisée notamment par l'absence de châtaigne aux jarrets et d'ergot aux boulets (*). Ce sont là les facteurs primordiaux des chevaux irlandais qui, si l'on s'en rapporte à ceux dont Dio Cassius parle pour la traction des chariots du nord de la Grande-Bretagne, devaient être petits, légers et rapides. Un troisième facteur devait intervenir dans la suite, pour accentuer profondément les éléments de cette vigueur et de cette endurance qui sont considérées depuis des siècles comme des caractères typiques des chevaux de la Verte Erin. Ce troisième facteur, c'est le cheval oriental ou plus exactement le cheval d'origine nord-africaine, auquel, d'après Ridgeway, il faut attribuer la paternité de tous les types que nous avons coutume de synthétiser sous le nom de cheval arabe et de ses dérivés. Il n'a jamais été contesté qu'un certain nombre de chevaux d'origine orientale, abandonnés par les Sarrasins après la défaite de Poitiers et qui formèrent souche en France, furent introduits en Angleterre et de là en Irlande, ou directement en Irlande ; mais ceux-là formèrent le petit nombre des sujets de cette race. Ils avaient été précédés par ceux importés grâce aux relations C) Ce caractère se retrouve assez fréquemment encore chez des poneys dn Connemara. Cossart Ewart : The Ponies of Connemara. — 21 — commerciales qui unissaient l'Espagne à l'Irlande. Cependant, si les historiens paraissent d'accord pour faire remonter à une époque antérieure à l'ère chrétienne le début des relations très suivies de ces deux pays, ils ne le sont pas au sujet de la date de l'importation des chevaux. Plusieurs d'entre eux pensent qu'elle ne tarda pas à se faire et cette hypothèse s'est trouvée appuyée par la découverte récente d'une station lacustre à Craigwarren (Antrim), où l'on trouva, avec trois squelettes en parfait état de conservation de chevaux du type nord-africain, de nombreux objets variés. D'après les caractères de ceux-ci, le Dr G. Coffey (*), directeur du Musée des antiquités de Dublin, estime que ce dépôt date au plus tard du xe siècle et qu'il est fort possible qu'il remonte au vie siècle. Mais dans cet ordre d'idées, tout récemment, le Dr R.-F. Scharff (**), en rendant compte de l'étude des ossements du National Muséum de Dublin, a mis en évidence des faits d'une réelle importance. Les carac- tères des ossements de l'époque préhistorique ont avec ceux des restes de Craigwarren Crannog une ressemblance très marquée et, sans mettre en doute les conclusions de Dr Coffey, Dr Scharff émet l'opinion que les chevaux irlandais doivent une partie des caractères que l'on attribue aux chevaux du nord de l'Afri- que, aux chevaux sauvages vivant dans l'île à l'époque préhis- torique. Pour nous représenter ce qu'était le cheval irlandais vers le xiie siècle, nous devons nous remémorer les guerres sans fin qui ensanglantèrent l'Ivernie et nécessitèrent l'usage de chevaux légers et résistants pour conduire à la bataille les partisans légèrement armés, montant sans selle et dirigeant leurs chevaux au moyen d'une sorte de licol. A défaut d'une description pré- cise de ce cheval, les écrits de Giraldus Cambrensis, secrétaire et chapelain du roi Henri II, ne peuvent laisser aucun doute sur la manière de combattre des Irlandais à l'époque de l'invasion de leur pays par les Normands (1172). Jusqu'à ce moment, les auteurs paraissent d'accord pour dire qu'il est vraisemblable de croire que l'Irlande n'avait d'autres chevaux que ceux-là et ils étaient déjà connus sous le nom de Hobbies, ainsi qu'en témoigne (') Coffey, George, «Craigwarren Crannog », in Proceedings of the Royal Irish Academy, vol. XXVI. section C, 1906-1907. (") Scharff, R.-F., « On the Irish horse and its early history ». Proceed- ings ofthe Royal Irish Academy, mars 1909. — 22 — un document écossais » donnant le nombre de equi discooperti qui dicuntur hobelarii (c'est-à-dire Hobbies) parmi les troupes irlandaises servant en Ecosse en 1296 (Ridgeway) ». Mais nous devons nous rappeler aussi qu'à cette époque, et encore longtemps après, l'Irlande en était toujours à la période pacagère de l'agriculture; elle était presque entièrement cou- verte de pâturages consacrés à l'élève du bétail et du mouton. La surveillance des troupeaux nécessitait aussi l'usage d'un cheval plutôt léger, répondant en même temps aux conditions dérivant du caractère errant des populations. L'ensemble de tous ces faits aboutit à la production d'un cheval de petite taille, très résistant, très vigoureux, dont l'al- lure spéciale (Hobbling) serait, pour certains auteurs, l'origine du nom de « Hobbie » (*) sous lequel il fut connu et qui s'est trans- mis jusqu'à nous en se transformant parfois en Hobini,Haubini ou Hobby. De l'intervention des trois facteurs cités plus haut et sous l'influence des conditions extrêmement favorables de milieu et de service, le hobbie apparaît comme un produit naturel de l'Irlande, dont la valeur ne tarda pas à être connue sur le conti- nent. Les documents historiques en signalent de nombreuses exportations, non seulement en Angleterre, mais aussi en Es- pagne. En Italie, les archives de Venise et de Modène contien- nent toute une correspondance échangée de 1470 à 1528, entre les ducs de Modène et le roi d'Angleterre, au sujet de l'autori- sation d'acheter et d'exporter des étalons et juments hobbies (Cox). En France, ils étaient particulièrement prisés et recher- chés pour être offerts en présent aux grandes dames. C'est là un détail relevé par un auteur du milieu du xvne siècle, mais leur réputation y était appréciée hautement dès le xve siècle, car Mathieu d'Escouchy fait mention du hobbie irlandais dans ses chroniques de 1444 à 1464 et, en 1528, le roi d'Angleterre en envoya au roi de France (Cox). En 1558, Thomas Blundeville, dans Breeding ofHorses and Art of Ryding, s'exprime comme suit : « Le hobbie irlandais est un assez beau cheval, ayant une belle tête et un corps bien proportionné, bien que certains d'entre eux soient minces et à croupe pointue (pin buttocked). Ils ont une excellente bouche, (*) S. Sidney le fait dériver de « hobin », qui, d'après Larousse, se disait autrefois pour un cheval marchant l'aubin. — 23 — ils sont agiles, doux, faciles à dresser; le plus grand nombre d'entre eux marchent l'amble et ainsi ils conviennent très bien comme chevaux de selle pour les longs voyages. Les Irlandais armés de dards et de lances légères, en font usage pour combattre en campagne et beaucoup d'entre eux réussissent très bien à cet usage parce qu'ils sont légers et rapides. » Blundeville a une haute opinion du hobbie irlandais, car il conseille d'en user pour l'élevage du road horse (*), si on ne trouve pas à donner les juments à un joli genêt d'Espagne. Cette valeur du hobbie est confirmée par Michael Barrett (**), disant : « Quoique le genêt espagnol, le hobbie irlandais et le coursier arabe sont tenus l'un et l'autre, par Maister Blundeville et Maister Markham, pour être les principaux pour l'allure et l'action élégante {for pacing and neate action)... » Toute réserve faite au sujet de l'influence plus ou moins favo- rable de la nourriture, du service et du milieu, cette origine a donné au hobbie des caractères spéciaux et, en dépit des avatars subis par le cheval irlandais dans le cours des trois derniers siècles, plusieurs auteurs s'accordent à voir dans certains poneys de la région montagneuse du Mayo et du Galway, connus sous le nom de « poneys du Connemara », les vrais descendants des hobbies, les seuls représentants actuels de l'ancien type échappé à des croisements. Les premiers grands chevaux qui apparurent en Irlande furent ceux qu'y importèrent les Normands au xne siècle et dans la suite ils devinrent le point de départ de modifications du hobbie. Mais à la même époque, les campagnes d'Henri II devaient aussi marquer le début d'une ère de transformation progressive des chevaux irlandais autochtones. Les Anglais fixés dans le territoire soumis, YEnglish Pale, grâce à la reconnaissance de vassalité de Pembroke, roi de Leinster, importèrent avec eux les chevaux qui leur étaient nécessaires pour donner à leurs cultures l'importance que celles-ci devaient avoir à leurs yeux. Ces gros chevaux dont les chroni- queurs parlent sous les noms de Dextrarius etMagnus Equus, puis de great horse et war horse, souche primordiale des races actuelles de gros trait, — shire, clydesdale, sufiblk, — don- nèrent lieu à des croisements avec le hobbie. La zone dans (') Road horse, roadster : cheval de fatigue, bidet. (*') The Vineyard of Horsemanship, 1618. — 24 — laquelle ces croisements s'effectuèrent s'étendit peu à peu avec celles des nouveaux territoires soumis d'une manière effective à l'influence anglaise, sous le règne des Tudor et des Stuart. Cette augmentation graduelle vers le nord et vers l'ouest, de l'aire d'action de chevaux d'un type de plus grande taille et de plus forte corpulence que le hobbie, marchait de pair avec l'extension de la culture des céréales et la diminution de l'importance de l'industrie pastorale. Pour apprécier de la valeur attribuée à cette époque aux forts chevaux, il convient de se rappeler que le poids toujours crois- sant des armures en imposait l'emploi et que, dans le but de mettre un terme à leur pénurie et de subvenir aux besoins des armées, tous les souverains qui se succédèrent de Henri II à Elisabeth édictèrent des mesures nombreuses et parfois très sévères en vue de favoriser leur production. Dans de telles con- ditions, on comprendra tous les efforts des Anglais pour imposer etîdévelopper l'élevage du great horse dans le « territoire sou- mis ». Cependant, en dépit des représailles dont les Anglais accompagnèrent leur domination, il n'apparait pas que les im- portations de gros chevaux furent favorablement accueillies. L'histoire témoigne au contraire des vives résistances que sus- cita le croisement des chevaux irlandais avec ceux-là et l'on est porté à croire que, devant la nécessité d'obtenir un cheval plus puissant, les Irlandais cherchèrent, en partie, à y arriver par une sorte de sélection de leurs plus forts hobbies. Malgré cette résistance du peuple irlandais, on admettra diffi- cilement que les great horses ainsi introduits n'aient pas eu une influence réelle et que leurs métis n'aient pas facilité la création d'un type plus fort qui, à une époque plus rapprochée de nous, fut connu sous le nom de Irish draught horse (*). A l'appui de cette opinion et en se basant sur des faits historiques, Ridgeway (25) (**) considère le type plus grand et plus étoffé de certains chevaux actuels des comtés de Meath et Westmeath, comme la descendance directe des chevaux qui y furent importés jadis par le Dr Winter, proviseur du Collège de la Trinité à Dublin, à l'époque où il fut largement doté par Cromwell. (") Draught horse : cheval de trait. (") Les nombres entre parenthèses renvoient à l'index bibliographique publié à la fin du volume. — 25 — En admettant ces faits comme établis, on doit certainement reconnaître que l'action remarquable du sol calcaire et du climat de l'Irlande a eu pour effet de provoquer la disparition des carac- tères qui rappelleraient ces gros chevaux, car cette action répétée sur une série de générations a eu pour résultat de confirmer chez l'Irish draught horse une richesse et une netteté particulières du système osseux. Mais en même temps cette action a pergnis à ce type de cheval de se fixer définitivement, en laissant aux caractères spéciaux de vigueur, d'endurance, de sang, si l'on veut, que les hobbies tenaient surtout des chevaux d'origine orientale et de leur élevage à la dure, de reprendre le dessus et de s'imprimer comme une marque indélébile des purs produits irlandais. Notons du reste que les importations de chevaux espagnols et français de souche orientale se continuèrent avec plus ou moins de régularité jusque dans la première moitié du xvme siècle, époque marquant le début de l'introduction du pur sang anglais de course en Irlande. Si les auteurs diffèrent un peu d'avis sur le rôle joué par les gros chevaux importés par les Anglais, il est un fait qu'ils recon- naissent et qui n'est du reste pas contestable, c'est que l'arrivée des Anglais en Irlande fut le point de départ d'une extension progressive de l'agriculture qui se continua jusqu'au commen- cement du xixe siècle, aux dépens de l'industrie pastorale. Or, il y a des relations trop intimes entre la culture et l'élevage pour ne pas trouver là les causes de l'évolution subie par l'an- cien hobbie. Sous l'influence des conditions que nous venons d'énumérer, l'élevage irlandais aboutit à la production de l'Irish draught horse, dont la première mention date du xvine siècle. Mais ce qualificatif ne doit point le faire considérer avec la taille et la corpulence des chevaux de trait actuels. Dans ce pays de terres légères pour une grande partie, c'était le cheval adapté aux besoins multiples des petits exploitants, particulièment nombreux à cette époque ainsi que nous le montrerons. C'était par excel- lence le cheval de ferme se pliant à toutes les exigences, passant avec une aisance égale des traits de la charrue aux brancards de la charrette lourdement chargée et à ceux de la carriole pour conduire à bonne allure les produits à vendre aux marchés voi- sins. Dans son ensemble, il manquait plutôt d'élégance; son type court et ramassé n'en faisait point un cheval de chasse, au sens attaché aujourd'hui à cette expression, surtout sur le con- — 26 — tinent ; mais à l'occasion, derrière les chiens, il montrait une disposition naturelle et une adresse particulière à franchir les obstacles, et si sa conformation ne lui permettait pas une grande vitesse; il rachetait cela par sa vigueur, sa résistance et la sûreté de son allure. Voici, du reste, la description que nous trouvons de la jument de cette souche : « D'une manière géné- rale, ^lle est de taille moyenne, d'une taille de lm55 à lm58, courte dans le dos, puissamment faite dans le rein et bien déve- loppée dans son arrière-main. Dans ses grandes lignes, elle est du type bas et large; elle est près de terre, très musclée dans ses avant-bras, nette et bien faite dans ses rayons osseux en dessous du genou. Bien qu'elle soit si profonde et si bien proportionnée dans sa silhouette pour donner l'impression qu'elle appartient à une petite race, elle couvre beaucoup de terrain et ses membres sont dépourvus de poils grossiers aux tendons et boulets. En règle générale, la tête est jolie, bien faite, et cependant le carac- tère commun en est plus fréquemment accusé que dans les autres parties du corps. » En somme, l'Irish draught horse était le cheval à tout faire, comme l'était notre ancien ardennais, que les armées de l'Empire utilisèrent non seulement comme cheval d'artillerie, mais aussi comme cheval de cavalerie légère. Et serions-nous loin de la vérité en nous le représentant sous le type de l'ancien postier breton râblé, avec lequel il aurait du reste une parenté d'origine. A toutes ces qualités de structure, de conformation et d'en- durance, les juments de ce type, dont on parle aujourd'hui sous les noms à'Irish cart mare (*) et à'old Irish mare (**), joignaient un caractère remarquable qui fut une des causes de la perte de leur race : Ce fut leur adaptation à donner par croise- ment avec le pur sang anglais, ces merveilleux hunters qui firent une réputation mondiale à la production chevaline de la Verte Erin. C'est là un point que nous envisagerons dans un chapitre prochain. En admettant comme fondée cette évolution de l'Irish draught horse, on ne doit cependant pas perdre de vue que son élevage n'a point échappé aux conditions de milieu et que la fer- tilité des belles plaines du Leinster et du Munster eut pour résultat de produire des chevaux plus étoffés que les contrées moins riches ou montagneuses des comtés en bordure de la mer. (') Cart horse, cart mare : cheval, jument de charrette. (") Old Irish mare : vieille jument irlandaise. — 27 — Mais où que ce soit, la richesse ne fleurissait pas dans les milliers de petites fermes dont ils étaient les tâcherons auxquels nulle corvée n'était épargnée, et la nourriture plutôt parcimo- nieuse qui leur était allouée ainsi qu'un élevage à la dure leur avaient donné une rusticité qui n'était pas leur moindre qualité. Telle est, en résumé, l'histoire de l'évolution du cheval irlan- dais jusqu'au xvme siècle, jusqu'au moment où l'importation du pur sang anglais de course et l'éclosion d'événements poli- tiques devaient avoir des effets désastreux sur la conservation de ses caractères et peut-être aussi de ses qualités. Abstraction faite des poneys du Connemara, cet Irish draught horse (*), ce cheval de charrette, ce cheval à toute fin, est peut-être le repré- sentant de la vraie race irlandaise moderne, au sens zootechnique du mot » race » . Qu'on ne nous fasse pas le reproche de consi- dérer ce détail comme un simple point de doctrine, comme une question dogmatique ; sous une apparence purement scientifique, il a une importance dont nos voisins d'outre-mer apprécient au contraire la valeur et la portée pratique considérables. Mais nous verrons plus loin que l'Irish draugt horse n'était pas le seul cheval élevé en Irlande. Sous l'influence de l'occupation et de la domination progres- sives contre lesquelles les Irlandais n'avaient cessé de lutter désespérément depuis plusieurs siècles, et après avoir enduré des famines terribles, dont celles affreuses de 1740 et 1741 qui firent mourir plus de 400,000 personnes, à la fin du xvine siècle, l'Irlande était fortement engagée dans la culture des céréales. L'élevage de l'Irish draught horse y trouvait certes sa raison d'être, mais que ce fût soit par nécessité, soit par fashion pour ce qui était d'origine anglaise, des faveurs spéciales furent accor- dées à l'importation du gros trait anglais, alors connu sous les noms de Large Black, de Heavy Black et de Black Draft Horse. Le 18 avril 1730, le Roi signait un arrêté pour « l'encou- ragement de l'agriculture » et le gros trait y participa à ce point qu'un acte daté du château de Dublin, le 15 juillet 1748, annon- çait que six prix, montant respectivement à 80, 60, 50, 45, 35 et 30 livres sterling, seraient accordés, le 1er janvier 1749, aux six meilleurs lots importés de six juments du type black draft, (*) Les Statistical Surveys, datant des cinq premières années du xvme siècle, font aussi mention, sous le nom de garron, d'un cheval indi- gène irlandais. — 28 — de trois à cinq ans, ayant au moins quinze mains et demie de taille, soit lm5?5 (Cox). L'initiative privée s'associa à cette mesure et le compte rendu d'une séance du 11 février 1768 de la Royal Dublin Society fait mention de primes montant à 30 livres sterling, données à des lots de six juments importées, et à 10 livres sterling pour des étalons. Vers 1800, la Farming Society, sous le patronage de la Royal Dublin Society, encou- ragea non seulement le Black draft, mais aussi le Suffolk Punch. En dépit de ces importations, il semble que la fin du xvme siècle fut le moment de l'apogée de l'Irish draught horse ; malheureu- sement des événements politiques surgirent à ce moment et nous devons les rappeler très brièvement, car leurs effets se font encore sentir aujourd'hui et ils eurent avec la question agricole et l'élevage des connexités indissolubles. Alors que la Révolution française grondait de l'autre côté de la mer, les Irlandais voulurent profiter de ce que l'attention du gouvernement anglais était tout entière à ce qui se passait et se préparait en France, pour tenter de recouvrir leur liberté. On sait comment échoua la campagne de leur association » Irlan- dais Unis », inspirée par Tone en 1791, et l'on connaît les ter- ribles représailles qui suivirent son échec. En 1800, le bill d'Union de Pitt voté par le Parlement aggrava encore la situa- tion déjà si misérable des vaincus. Ils furent spoliés du peu que leur avaient laissé les dotations princières que Cromwell, après avoir mis l'Irlande à feu et à sang, avait prélevées au détriment des patriotes irlandais, en 1652, lors de 1' « Acte de pacification ». La sévérité des évictions alliée à la disparition de la petite propriété, demêmeque les atrocités dont les catholiques (*) furent l'objet, eurent pour résultat de dégoûter les petits fermiers, et lorsque survint le rappel des fameuses Corn Laws, ce fut le signal de l'abandon de la culture des céréales. Ce fut par là le point de départ de la recrudescence de l'industrie pastorale et malheureusement aussi la préparation, l'origine de cette période tristement célèbre des famines de 1847, — the black forty seven, — de 1848 et de 1851. En dépit de l'intérêt particulier (*) Une loi pénale prévoyait qu'à dater du 20 janvier 1695, il était défendu à tout papiste de posséder un cheval d'une valeur supérieure à 5 livres ster- linget que tout protestant était autorisé à s'en saisir éventuellement, dans des conditions déterminées et moyennant le payement de la somme ci-dessus. Cette loi était encore en vigueur en 1819 (Cox, p. 99). — 29 — que Gladstone voua à l'Irlande, en dépit du bill qu'il fit voter en 1870 pour la protection des fermiers et celui qu'il fit passer en 1881 pour l'acquisition des fermes par les fermiers, toutes ces mesures pesant sur le monde agricole se sont continuées jusqu'à nos jours, en s'aggravant encore dans les trente dernières années. A l'appui de tous ces faits, faut-il rappeler l'intensité extraordi- naire prise par l'émigration irlandaise vers l'Amérique du Nord? Pour caractériser l'importance de l'abandon delà culture résul- tant de ces événements, nous ne pouvons mieux faire que d'emprunter la statistique suivante à l'étude Statistical survey on Irish agriculture, parue dans une publication du gouverne- ment irlandais (*) : 1901 Acres Augmentation Diminution 1,317,574 » 53.5 p. c. 1,079,443 » 25.3 » 2.178,592 65.7 p. c. » Nous pouvons ajouter que de 1860 à 1901 les pâturages per- manents augmentèrent de 9,483,634 acres à 10,557,238 acres. Quant à la disparition de la petite culture, nous la caractéri- serons par le tableau suivant, pris à la même source : Statistique du nombre de fermes d'après leur superficie (en acres de 6,557 mètres carrés) 1855 Acres Céréales .... 2,832,564 Racines .... 1,444,930 Prairies temporaires 1,314,807 1 à 5 ac. 5 à 15 ac. 15 à30ac. 30 ac. et plus Disparues. p. c. p. c p. c. p. c. Nombres. 1341 44.9 36.6 11.5 7.0 „ 1851 15.5 33.6 24.8 26.1 120,864 1861 15.0 32.4 24.8 27.8 1,854 1871 13.7 31.5 25.5 29.3 24,342 1881 12.7 31.1 25.8 30.4 17,399 1891 12.3 30.3 25.9 31.5 9,731 1901 12.2 29.9 26.0 31.9 1,165 Nombre de petites exploitations disparues de 1841 à 1901 : 175,565 Si les considérations dans lesquelles nous venons d'entrer paraissent nous écarter de notre sujet, elles ont cependant avec celui-ci des relations si étroites qu'elles étaient nécessaires pour mettre en évidence l'origine de l'une des modifications subies par le cheval irlandais et de la crise que son élevage traverse depuis assez longtemps déjà. De cette dernière statistique, il résulte (") Ireland Industrial and Agricidtural, 1902, pp. 304-325. — 30 — qu'en soixante ans, 175,565 petites exploitations de 1 à 15 acres sont disparues au profit des fermes plus grandes. Sans envisager ce fait à tout autre point de vue qu'à celui de l'élevage du cheval, tous les initiés aux choses de ce pays sont d'accord pour reconnaître qu'il eut des conséquences désastreuses, la suppres- sion de ces petites fermes a fait rentrer dans le domaine pasto- ral toutes les terres cultivées par ces petits tenanciers, sans que l'adjonction de celles-ci aux exploitations plus importantes ait été compensée par une extension des cultures auxquelles elles ser- vaient. L'élevage n'a peut-être pas souffert de ce fait, si l'on considère uniquement le chiffre de la population équine. En 1882, celle-ci était de 539,465 têtes et elle augmenta progressivement jus- qu'en 1895, époque de son apogée avec 630,287 chevaux, puis elle a diminué régulièrement jusqu'en 1901 — 546,916 chevaux — pour atteindre en 1905 le total de 608,994. Il faut noter aussi que cette progression s'est établie concurremment avec celle des exportations très grandes qui s'effectuèrent toujours. En 1885. celles-ci accusent un chiffre de 28,165 et, avec quelques fluctua- tions, arrivent au maximum de 42,087 chevauxexportésenl899, pour retomber comme minimum de cette période à 25,260 en 1902 et remonter à 33,816 en 1906. La population chevaline n'a donc pas été atteinte comme quantité, car, ainsi que nous le montre- rons plus loin, les importations de chevaux en Irlande ne peuvent être rendues responsables de ces mouvements du cheptel équin. Mais par le fait même de la disparition de la petite culture et par celui de l'exode et de l'éviction des petits fermiers, l'Irish cart mare perdit autant d'utilité et de raison d'être. Beaucoup d'entre elles passèrent dans les exploitations plus grandes et n'y trouvant pas à être employées pour la culture des terres qu'elles servaient antérieurement à exploiter, terres qui allaient sans cesse agrandir l'étendue des pâturages, ces juments restaient cependant d'un rapport lucratif pour la production, par croise- ment avec des pur sang, des hunters et de leurs succédanés les troupiers. D'un autre côté, les petits fermiers encore en posses- sion de leur lopin de terre, cherchaient eux aussi à avoir leur part au festin, en élevant des chevaux qui se vendaient bien, et leurs juments étaient exploitées pour la production des métis recherchés par le commerce au lieu d'être données à des étalons de leur race. Que pouvait-il résulter de pareilles situations, si ce n'est la — 31 - souillure de la race et l'impossibilité de plus en plus grande de la voir se conserver par l'accouplement de sujets de souche pure ayant quelque valeur. C'est ainsi que s'établit la disparition de ces old Irish mares, élevées à la dure et peinant par tous les temps, dont les caractères propres, la rusticité etle travail avaient fait la fortune de l'élevage irlandais. Cette synthèse de l'histoire de la disparition de l'Irish draught horse est peut-être de nature à donner prise au scepticisme de ceux qui n'ont point eu l'occasion d'en étudier les détails ; elle ne fait cependant que refléter fidèlement l'opinion exprimée par des personnalités très compétentes du monde de l'élevage du Royaume-Uni. Mais pour en mettre toute la véracité en évidence, nous donnerons ci-après la traduction in extenso d'un passage emprunté à une étude très documentée : The Horse in Ireland, parue dans le « Journal of the Département of Agriculture and Technical Instruction » (Ireland), octobre 1904, pp. 25 et 26 : « Durant les cinquante dernières années, l'Irish draught horse a régulièrement été en décroissant comme nombre et qualités, et au moment présent il a presque disparu. L'accroissement de l'industrie agricole à la fin du xvine siècle avait été la cause principale de son évolution ; la grande décroissance de la culture, surtout dans ces vingt-cinq dernières années, est particulière- ment responsable de sa rareté actuelle. La décroissance de la superficie des terres cultivées commença dans les grandes fermes et progressivement l'élevage de l'Irish draught horse passa pres- que exclusivement dans les mains des petits fermiers. La dépres- sion agricole, qui débuta vers 1879 et qui s'est continuée de nos jours, appauvrit (crippled) tellement ces petits fermiers qu'ils furent obligés de vendre leurs meilleurs poulains pour faire face aux nécessités qui les pressuraient de tous les côtés. Par là, et après un drainage de vingt-cinq ans, il ne nous reste que quel- ques individus dégénérés et très vieux d'une race de grande valeur, et cela doit être considéré comme une perte nationale. » Par son origine, cette citation acquiert une valeur particulière, car si l'on s'accorde à reconnaître que ces juments de l'ancien type irlandais sont, ou plutôt ont été un des facteurs principaux de la valeur des hunters de ce pays, on ne comprendrait pas l'aveu de la disparition de leur race. Un auteur pourrait émettre pareil avis, qu'un gouvernement se refuserait à s'en faire le pro- pagateur par la voie d'une de ses publications, s'il n'y avait pas là un fait indiscutable. Ajoutons cependant que certaines per- sonnes compétentes nient cette disparition totale, tout en recon- — 32 — naissant, il est vrai, qu'il n'existe plus que quelques rares spé- cimens, ayant quelque valeur, de l'ancien descendant des hobbies. Nous manquerions cependant à la vérité si nous ne signalions que cette question de l'Irish draught liorse qui, pour beaucoup, forme la base de l'élevage en Irlande, paraît trop peu fondée à d'autres pour pouvoir être acceptée sans réserve. Lors de l'enquête de 1897, si nombre de témoins parlèrent avec enthousiasme de l'Irish cart mare, d'autres affirmèrent qu'ils en ignoraient l'exis- tence ; aussi les commissaires se séparèrent-ils sur ce point. Sept d'entre eux se rallièrent aux conclusions avancées par les pre- miers témoins, tandis que les cinq autres émirent l'opinion sui- vante : » En dépit des renseignements intéressants qui ont été ournis, il a été impossible de tracer l'histoire de l'Old Irish mare et devant l'importation répétée de sujets dispersés dans tout le pays, la vieille jument irlandaise apparaît, dans une période comparativement récente, comme le produit heureux et acciden- tel d'une poulinière vigoureuse avec un cheval fécond {a hardy dam and a luchy horsé), produit élevé sans souci de race et modelé par les conditions exceptionnelles de milieu. Il est plus que probable que différents types de chevaux furent pro- duits pour répondre aux besoins spéciaux de chaque district et période. » L'opinion exprimée dans cette dernière phrase paraît trop juste pour ne pas retenir l'attention ; mais, en dépit de cela, il paraît difficile de croire que les nécessités créées par la culture, aussi bien que par les transports à longue distance, n'aient pas abouti, comme dans nos régions occidentales, à créer un type de cheval adapté à ces divers travaux, type que nous pourrions peut-être synthétiser, avec assez de chance de vérité, par l'expression « trait léger » (*). A côté de celui-ci il est cependant de toute évidence que l'Irlande élevait toujours des chevaux plus légers, dont nous allons parler en traitant du demi-sang. (*) Il n'est pas sans intérêt de rappeler ici que le gros trait de cette époque était loin d'avoir la taille et la corpulence de celui d'aujourd'hui. A l'appui de cette opinion, nous pouvons citer la légende suivante d'une gravure ori- ginale en notre possession, publiée à Londres en 1792 d'après un tableau de C. Catton : « Portrait d'Éléphant, un cart-horse âgé de quatre ans. Eléphant est supposé un des chevaux de la plus forte ossature et de la plus grande corpulence pour sa longueur dans le royaume. 11 toise seize mains un pouce (1 m. 65)... » Le passage cité page 27, d'après Cox, confirme cette inscrip- tion. Aujourd'hui, les shires arrivent couramment à 1 m. 75, 1 m. 80 et plus. — 33 CHAPITRE III Historique du demi-sang irlandais et anglais Nous ne pouvons penser à parler de l'élevage du demi-sang irlandais sans jeter un coup d'œil rétrospectif qui doit éclairer d'un jour particulier les enseignements à retirer des phases par lesquelles passa cette industrie. Dans l'Europe occidentale, la production d'un cheval d'allure plus ou moins rapide, apte au service de la selle et de l'attelage, s'imposa de bonne heure, car il répondait à plusieurs nécessités. Les voyages, pour lesquels le cheval était le seul moyen de loco- motion, le luxe attaché aux choses de l'équitation, des courses et de la vénerie, sont les causes certaines de cette évolution. Puis, au xviie siècle, avec la disparition des armures pesantes, les besoins des armées vinrent s'y ajouter. En Irlande, les guerres, les courses et la chasse à courre furent les facteurs les plus efficients de cette production. Il ne semble pas, du reste, que l'Ivernie ait jamais été sans chevaux légers et rapides. Les courses paraissent y avoir tou- jours existé, car Brehon Laws, un recueil de lois de l'ancienne Irlande, parle de 1' » hippodrome du Roi » et en 1673, cinquante ans avant l'introduction du pur sang, Sir William Temple fait mention de courses à organiser à une semaine fixée. Comme chevaux d'armes, l'Hibernie a toujours été remarquable par la vitesse de ses montures, maints récits en font foi, et Sir William Temple rapporte, en 1673, avoir rencontré un acheteur qui avait rassemblé pour l'armée française vingt chevaux payés de 20 à 60 livres sterling. Pour ce qui est de la chasse, Bêde le Vénérable (675-735) écrit que l'île... est renommée pour la chasse... du cerf et du chevreuil, et en 1525, on trouve trace écrite des équipages du comte d'Ormonde et d'Ossory, du comte de Kildare. On chassait alors le daim, le cerf, le renard, le lièvre et la martre. Il était résulté de ces faits une production de types multiples, mentionnée, d'après Cox, par Stanihurst, dans Description of Ireland : « Les chevaux sont d'allure facile et prodigieusement - 34 — rapides à la course. Le Nag (*) ou le Hackenie (**) est très bon pour voyager, quoique d'autres rapportent le contraire, et s'il est dressé en conséquence, vous aurez un petit bidet (little tit) qui voyagera un jour entier sans rafraîchissement. Leurs che- vaux de guerre (Horses of service) sont appelés Chiefe hors es ; étant bien dressés, ils sont d'un courage excellent. Ils se manient bien et mâchent bravement sur leurs brides ; communément, ils n'amblent pas, mais galopent et courent (run). Ces chevaux ne sont que pour les escarmouches... Vous avez de la troisième sorte un bâtard, ou métis (mongrel), hobby, presque aussi grand que le cheval de guerre, fort en voyage, aisé en ambiant et très rapide à la course. . . Volaaterane écrivait que cette race prove- nait des Asturies, la contrée de l'Espagne entre la Galice et le Portugal, de quoi ils sont nommés Aasturcones, un nom appli- qué à propos maintenant au genêt espagnol. » Il serait peut-être impossible de faire la part exacte de la chasse, des courses et de la guerre dans la production du light horse irlandais, jusque dans le cours du xvnr3 siècle, car il est fort probable que le cheval demandé par l'une était aussi celui réclamé par l'autre. Cependant elles durent alors diverger dans leurs effets. Du côté des courses, l'importation de ce que l'on pouvait alors qualifier de pur sang avait débuté en 1724 avec Fearnought et Infant, et elle fut telle que vers 1750, non moins de cent treize étalons faisaient la monte en Irlande. Les courses se dévelop- pèrent à ce point qu'en 1739 Georges II défendit celles compor- tant un plate d'une valeur inférieure à 20 livres sterling. Il en résulta une évolution vers la production du pur sang, qui en fit une branche spéciale dans laquelle l'Irlande n'a jamais cessé de briller. Du côté de la guerre, les événements de 1800 enlevaient tout espoir aux patriotes irlandais. Seule, la chasse, bien plus que toute autre question hippique, continua ainsi à justifier l'élevage du métis. L'origine de celui-ci remontait certainement très loin, car aux xvie et xviie siècles, l'Irlande, pas plus que l'Angleterre, ne (') Nag : bidet, petit cheval, cheval de route. (' ') Hackenie : Ce terme fut introduit en Angleterre par les Normands ; à l'origine, il fut appliqué à un cheval de selle de bon type, plus léger et plus rapide que le Great Horse utilisé par les chevaliers bardés de fer (Sir W. Gilbey, Bart., The Harness Horse). — 35 — pouvait échapper à l'engouement pour le croisement avec le che- val arabe, nord -africain, avec le genêt d'Espagne et le coursier napolitain. Le terme mongrel (métis), employé dans le docu- ment cité plus haut, ne peut laisser de doute à ce sujet. Mais les étalons de ces souches furent supplantés par le pur sang. Cependant la chasse à courre ne réclamait pas encore des che- vaux vites. » Ce fut en 1780, écrit Sir W- Gilbey, Bart.t que William Childe,de Kinlet, Flying Childe, introduisit la méthode de marcher vite derrière les chiens. Avant l'époque de M. Childe, les hommes montaient en chasse d'une manière que nous consi- dérerions trop lente et par trop prudente, l'obstacle étant pris à l'arrêt; mais l'excitation de la course rapide à travers le pays une fois connue, la vieille et lente méthode disparut vite. » Ici, il est nécessaire de fixer ce qu'était le hunter irlandais de cette époque, métis de premier, deuxième et peut-être de troisième croisement du pur sang avec la jument du pays, et aussi le pro- duit de l'accouplement de ces métis entre eux. En 1838, dans Wild Sports of the West, Maxwell disait : « Durant le siècle dernier, l'W. de l'Irlande fut célèbre pour sa race (breed) (*) de chevaux. Ils étaient de la classe appelée « the old Irish hunter », un animal fort, endurant, avec bonne ossa- ture (well-boned), qui, sans prétention à une vitesse extraordi- naire, était suffisamment rapide pour des fox-hounds, un excel- lent weight carrier (**), et mieux encore, capable de tenir avec n'importe quels chiens dans n'importe quelle contrée. » Comme sauteurs, en 1809, dans History and Delineation of the horse, Lawrence en dit ceci : « D'Irlande seulement, nous importons beaucoup de chevaux de selle, autant peut-être que 1,500 en un an, plus en certaines années. Les irlandais sont les plus forts et les plus sûrs sauteurs du monde » (the highest and the steadiest leapers of the world). Comme type, nous avons mieux que des descriptions pour nous en faire une idée exacte ; ce sont les tableaux de Stubbs, de Sartorius, de Ferneley, d'Alken, de Herring et de bien d'autres, remontant à la fin du xvme siècle et au commencement (') Nous devons faire remarquer ici qu'en matière d'élevage, le terme breed est souvent employé abusivement, sans souci pour la signification que les sciences naturelles attribuent au mot « race ». (' ') Les expressions weight carrier, heavy iceight, iceight carrying hunter servent à désigner les cbevaux de classe pouvant porter gros poids. Médium et light iceight hunter pour poids moyen et léger. — 36 — du xixe siècle. Dans toutes ces œuvres, nous retrouvons le même type de hunter, accusant du sang, de la vigueur, du type, mais aussi une charpente qui en fait de vrais weight carriers. Ne sont-ce pas ces hunters qui inspirèrent au major Whyte Mel ville cette jolie poésie dont notre muse, hélas ! ne peut donner qu'une traduction libre et sans arriver à en rendre toute la beauté : Une tête de serpent, une peau de souris, Un œil comme une femme, brillant, doux et brun ; Un dos et un rein à porter une maison, Une croupe pour le faire bondir au-dessus d'une ville. Dans la contrée très profonde, je vous donne ma parole, C'est un orgueil, un plaisir de le voir allonger. Par jachères et pâtures, il passe comme un oiseau, Pour lui rien n'est trop large, ni trop dur, ni trop haut. Lundi, nous courûmes une heure dans le Vale ; Pas un bullfinch émondé et de trouée pas apparence, Tous les fossés étaient doubles, chaque clôture avait son rail Et les fermiers sur la ligne fermaient les barrières. J'étais en tête lorsque nous vînmes au brook, Un gros, plein à bord et profond jusqu'au menton ; Comme il l'avait passé, il tourna la tête, Nous étions huit à l'aborder, sept y plongeaient. Mais le désir du « toujours plus vite » commençait à se faire sentir. Dans les courses, cela paraissait trop logique, et voici, d'après Hunter Sires, ce qu'en dit un article publié, en 1810, dans Sporting Magazine : » Les Queen's Plates furent données au meilleur de trois parties liées (three heats), sous la condition que chaque cheval, hongre ou jument, porterait 12 stones (76 kilos). Par cette méthode, une race (?) plus forte et plus utile fut vite créée, et si le cheval ne gagnait pas les guinées, il était cependant fort assez pour faire un bon hunter. Par ces croise- ments, nous avons des chevaux de pur sang, trois quarts sang ou demi-sang, propres à porter n'importe quel poids... » On sait trop bien que ces Queen's Plates n'empêchèrent cepen- dant pas l'évolution du pur sang vers la spécialisation de la vitesse, sans souci de l'aptitude à porter du poids et pour le demi-sang, la recherche du train continua. Sur ce point, en 1845, David Low exprime une opinion qui marque une étape de cette transformation : « La rapidité du train a été portée à un degré qui assimile la chasse à une course, animée certainement au plus — 37 — haut degré, mais différant dans son caractère et les sentiments qu'elle excite, de l'exercice légitime de la poursuite. L'effet com- mence à être perçu dans les caractères des chevaux employés qui, dans les grandes contrées du hunting, tendent manifeste- ment vers une forme plus légère que celle devant caractériser le vrai hunter. Et même il est maintenant très commun pour un veneur d'user de chevaux entièrement de sang... » Vers 1860, Stonehenge ne dit pas autre chose lorsqu'il écrit : " Cependant, chaque année, les hunters sont d'origine plus dis- tinguée et deviennent de plus en plus capables de lutter de fond et de vitesse avec leurs rivaux de l'aristocratie chevaline. Très prochainement, nous devons nous attendre à voir le pur sang ordinairement battu, sur le terrain de chasse, par des chevaux ayant en réalité toutes les qualités de la race pure, quoiqu'il y ait une tache dans la généalogie à la distance de quelques géné- rations, mais il faudra produire et dresser ces chevaux unique- ment en vue de la chasse. » Déjà avec la citation reprise à David Low, nous sommes peut- être tombé dans l'élevage du hunter dans le Royaume-Uni. C'est que, malgré tous nos efforts, il nous fut impossible de trouver trace de documents se rapportant à cette époque et visant spé- cialement la production de la Verte Erin. Sans nuire au carac- tère de notre travail, nous nous croyons autorisé à nous baser sur ces faits généraux, car il n'est mentionné nulle part que l'élevage irlandais y ait fait exception et tout fait présumer le contraire. Vers le milieu du xixe siècle, il apparaît nettement que l'on commença à se rendre compte que la voie dans laquelle on était engagé ne donnait pas toute satisfaction, et nous voyons invoquer les causes qui devaient expliquer la situation moins satisfai- sante de la production du demi-sang. La première de celles-ci, la disparition des juments, est signalée, dès 1847, par Sir Henry Smith, au concours agricole de Northampton. C'est là une opinion qui ne cessa d'être reproduite jusqu'aujourd'hui, dans tous les milieux, en Angleterre comme en Irlande, en prenant parfois une exagération qui fait douter de sa valeur réelle. La seconde cause invoquée soulève la question de l'emploi du pur sang. En 1863, dans une étude intitulée The Breeding of Hunters and Roadsters, Gamgee, l'un des premiers, jeta une sorte de cri d'alarme en écrivant : « Une des plus grandes erreurs qui fut faite dans l'emploi de l'étalon de pur sang pour les — 38 — juments du pays (country mares) a été la préférence donnée aux plus grands chevaux exhibés, particulièrement si ces monstres bâtards (spurious monsters) avaient un pedigree remontant à Eclipse ou à Childers. En règle générale, ces trop grands (over- grown) étalons de pur sang, c'est-à-dire ceux toisant 16 mains 2 pouces (1 m. 676), ont fait du mal dans les contrées parcou- rues par eux. » En 1865, W.-C. Spooner publiait un travail remarquable : Cross-breeding in horses, dont on ne fait bien souvent que répéter les idées aujourd'hui. Loin de contester le rôle du bon étalon de pur sang dans la production des métis, il en proclame, au contraire, toute la valeur, mais en mettant en garde contre les croisements trop violents et contre l'allégissement fatal résultant de l'emploi irraisonné et continu du thoroughbred pendant une série de générations. Il stigmatise aussi l'abus que l'on fait des pur sang de qualité inférieure qui devraient, dit-il, « être remplacés par des entiers de trois quarts ou de demi-sang possédant de l'ossature, de la musculature et de bonnes disposi- tions pour le hunting ». Il signale aussi le nombre, plus élevé à cette époque que trente ans avant, de produits dont le corps, suffisamment bien conformé, est porté par des membres trop minces et franchement défectueux dans de nombreux points. Il voit en ceux-ci le résultat de ces croisements trop violents et de l'emploi étendu du mauvais pur sang. Mais où Spooner apparaît quasi en novateur, c'est lorsqu'il fait ressortir l'erreur dans laquelle on a versé jusque-là. Il montre, en effet, que pour les espèces bovines et ovines, et sans avoir perpétuellement recours à la souche amélioratrice, les Anglais ont marché vers un but déterminé, qu'ils ont cherché et qu'ils sont arrivés à fixer les qualités qu'ils recherchaient spécialement : en un mot, qu'ils ont créé des races se reproduisant avec tous les attributs qu'on leur voulait. Il fait ressortir en somme que rien de pareil n'a été fait jusque-là pour le demi-sang, que celui-ci reste toujours un métis et qu'en raison de la diversité et de l'inégalité des facteurs employés, son élevage reste d'une incertitude déconcertante. A cette époque, la situation précaire de la production du métis fit l'objet de nombreuses études critiques qui trouvèrent un légi- time écho dans la grande presse quotidienne. C'est ainsi qu'en juillet 1873,1e comte de Rosebery se fit, à la Chambre des Lords, l'organe de ceux, bien nombreux, « qui désespéraient de l'avenir — 39 — du cheval anglais » (Sidney) et obtint la nomination d'un comité chargé de faire une enquête. Dans leurs conclusions, les commissaires envisagent la dé- croissance de la population chevaline irlandaise, qui, de 629,075 en 1859, était tombée à 540,745 en 1872, et ils rapportent le fait à l'exportation des juments pour l'étranger, au profit plus élevé, plus certain et plus rapidement réalisé par l'élevage du bœuf, du mouton, etc. Le pur sang fait l'objet d'investigations serrées et nombreuses, d'une part quant à sa valeur réelle à cette époque, d'autre part quant aux qualités de ceux employés. Sur ce dernier point, voici ce que dit le comte Spencer, Lord gouverneur de l'Irlande, — ce qui ne l'empêchait pas d'élever des chevaux : « Je crois qu'il y a une quantité beaucoup plus grande de chevaux unsound (*) en Irlande qu'en Angleterre, parce qu'il n'y a pas autant d'ar- gent dans le pays. Les gens achètent un pur sang unsound ou broken down et ils en retirent une somme considérable par les saillies, parce que très souvent il n'y a pas là d'autre étalon. « L'abondance de ces mauvais étalons est confirmée, entre autres, par le vicomte Doneraile, par Capt. Fulke-Greville M. P., et nous devons retenir la déclaration bien spéciale de celui-ci au sujet de la production générale : « Je ne suis pas sûr que la qualité a diminué, mais je suis certain qu'il en est ainsi pour l'ossature, que les chevaux sont de beaucoup plus petite ossature (ofmuch smaller bone) ; en réalité, qu'ils sont de beaucoup des chevaux plus petits et plus semblables à des hacks que les grands, forts et puissants chevaux qu'ils avaient coutume d'être.» Il ne fut pas seul de cet avis. Ne quittons pas l'enquête de 1873 sans signaler les avis con- cordants de deux grands marchands irlandais, W. Mac Grane et P. Sheils, au sujet de la poulinière pour hunters. Le premier l'appelle a light well bred cart mare, une légère jument de trait de bonne souche, ayant deux ou trois croisements de sang (*) Pour parler d'un cheval sain et d'un cheval qui n'est pas sain, les Anglais et les Américains emploient des termes ne se retrouvant pas dans la langue française sous forme de termes ayant la même signification. Ces termes sont le substantif soundness et l'adjectif sound pour un cheval sain, le sub- stantif unsoundness et l'adjectif unsound pour un cheval qui ne l'est pas. Pour éviter les périphrases, nous en ferons usage tout en faisant remarquer que leurs significations peuvent varier suivant qu'il s'agit de chevaux repro- ducteurs ou de chevaux de service. — 40 — et remontant à la cart mare de jadis. M. Sheils l'appelle Irish cob, en signalant que quinze à vingt ans auparavant elle était très abondante dans le Sud, où elle était beaucoup employée pour les diligences. Ces deux opinions accusent ainsi un allégis- sement de l'ancienne cart mare, d'où devait résulter et continuer celui marqué par les produits. Faisons remarquer ici que l'intervention pécuniaire du gou- vernement de même que d'autre mesures pour sauver et encou- rager l'élevage furent réclamées par tous, mais, d'après S. Sid- ney, « la conclusion générale du rapport du Lord Rosebery's Committee fut que, comme rien de réel ne pouvait être fait, il valait mieux ne rien faire » ! Certainement, on avait mis à jour bien des faits intéressants ; toutefois, comme résultat pratique, c'était plutôt pauvre, et ce fut le cas ou jamais de dire, avec nos voisins d'outre-mer, que l'on avait fait much ado about nolhing. Le gouvernement ne fit rien, il tint sa bourse fermée et s'abstint de donner suite aux mesures proposées pour mettre un terme à l'emploi des étalons tarés. On en fut ainsi réduit à continuer à discuter l'opportunité des mesures pour prévenir la déroute et la crise qui attendaient fatalement l'élevage du demi- sang. L'initiative privée intervint alors et le 4 mai 1875, par une lettre parue dans le Times, Lord Calthorpe offrait une souscrip- tion annuelle de 2,500 francs, si cent gentlemen voulaient suivre son exemple. Le résultat fut incomplet et les essais à la Royal Dublin Society durent être abandonnés. Vint alors 1885, année marquant une étape nouvelle dans l'élevage du demi-sang par l'initiative et le désintéressement avec lesquels SirW. Gilbey réalisa la création de la Hunters' Improvement Society. Le pre- mier acte de celle-ci fut l'allocation de sept primes, variant entre 100 et 25 livres sterling, à des étalons de pur sang sélectionnés en vue de la production des hunters. En 1887, la Royal Agricul- tural Society of England suivait cet exemple. De son côté, Lord Ribblesdale se fit à la Chambre des Lords le défenseur d'une proposition de Sir W. Gilbey, proposition pouvant se résumer comme suit : La somme jusque-là affectée aux courses sous le nom de Queen's Plates n'a pas abouti au résultat espéré ; elle trouverait un emploi plus utile pour l'encouragement de l'éle- vage. La reine Victoria accéda à cette proposition et créa la Royal Commission on Horse breeding, chargée de veiller à la distribution des Queen's Premium (aujourd'hui les King^s — 41 — Premiums), c'est-à-dire des primes à des étalons de pur sang choisis pour produire en Angleterre le fort cheval de chasse, étalons devant effectuer au moins cinquante saillies à un prix ne dépassant pas fr. 52.50. Actuellement, il y a vingt-huit primes de 3,750 francs. Puis, en 1889, après enquête, la Royal Commis- sion décidait que les tares et affections ci-après disqualifieraient les concurrents : 1° Cornage (roaring et ivhistling, pour faire la division entre les corneurs et les siffleurs) ; 2° formes coro- naires et du paturon (ring bone), pieds défectueux (unsound feet), maladie naviculaire, éparvin, cataracte. La Royal Dublin Society ne resta pas inactive et, en 1887, Lord Londonderry, alors gouverneur, obtenait du gouvernement un crédit annuel de 125,000 francs pour encourager l'élevage en Irlande. Celui du cheval y émargea pour 88,750 francs que la vénérable société — car sa fondation remonte à 1731 — était chargée de répartir. Cette somme fut tout d'abord affectée en seize primes de 5,000 francs à des étalons choisis à la condition de saillir, au prix maximum de 25 francs, au moins cinquante juments choisies appartenant à des fermiers dont la métairie ne dépassait pas la valeur de 5,000 francs. Ce système fut plusieurs fois modifié, et de 1892 à 1894 tous les étalons pouvaient con- courir pour être admis à saillir les juments choisies, mais ils n'étaient acceptés qu'après avoir été déclarés sains par une com- mission vétérinaire et après avoir passé l'épreuve d'un examen par une seconde commission au point de vue de leurs qualités. Les propriétaires des juments choisies pouvaient s'assurer, au prix de 25 francs, le service d'un étalon coté à 75 francs, la société payait le supplément. Comme on le voit, c'était là un premier encouragement, mais combien petit! En effet, de 1888 à 1894, on put choisir en tout 7,213 juments, soit une moyenne annuelle de 1,030 juments. Or, pour la période correspondant aux naissances, la production moyenne annuelle fut de 76,800 poulains ! En dépit de la bonne volonté de tous et des encouragements privés qui s'associèrent à celui-là, c'était trop peu pour arrêter la crise qui ne faisait que s'accentuer. Celle-ci apparut dans toute son étendue lors de l'enquête décrétée en juillet 1896 par Lord Cadogan, gouverneur de l'Irlande, et plus récemment, en 1904, lors du référendum organisé par une commission composée de représentants officiels de la Hunters' Improvement Society, de la Royal Commission on Horse Breeding, de la Brood Mare — 42 — Society, du Board of Agriculture, du War Office et du Depart- ment of Agriculture and Technical Instruction for Ireland. C'est là, avec beaucoup d'autres documents, ce qui va nous permettre d'établir la situation actuelle de l'élevage du limiter irlandais et anglais. Si nous précisons en disant « production du hunter », c'est parce qu'à côté de celui-ci viennent se placer le cheval de harnais, le poney, le trait léger et même le gros trait. Mais le cheval de chasse et ses dérivés, le cheval de selle et le troupier, forment la base de la question hippique irlandaise et ce sont les seuls qui doivent spécialement nous occuper. Des documents invoqués jusqu'ici il résulte à l'évidence que, d'une manière générale, le demi- sang irlandais a évolué vers un type plus légèrement charpenté. Mais ce qu'il faut retenir des faits mis en évidence par les différentes enquêtes, aussi bien que par la multitude des articles parus dans les publications offi- cielles et dans les revues d'élevage et d'agriculture, ce sont les croisements hétéroclites, ce sont les types si divers de reproduc- teurs de toute valeur, utilisés depuis assez longtemps pour obte- nir le demi-sang. On comprendrait à moins la crise avouée de l'élève du halfbred, non seulement en Irlande, mais aussi en Angleterre, et l'on se rend compte que tous les échos redisent le même cri : Cette industrie ne rapporte plus. Lorsqu'on recherche les causes d'une telle situation, on se bute à de grandes difficultés devant la multiplicité, la diversité et parfois l'opposition complète des opinions invoquées* à ce sujet, opinions que l'on a peut-être trop de tendance à généraliser, sans tenir compte qu'elles ne se justifient que par les points de vue spéciaux dont elles émanent, par les conditions particulières et de portée trop locale qui les engendrent, ou encore par une observation insuffisante des faits qu'elles veulent expliquer. On se bute aussi à d'autres difficultés, du fait que l'élevage est une question très complexe. Cependant il y a des causes générales que l'on peut rapporter : 1° aux étalons; 2° aux juments ; 3° à la production même ; 4° à l'absence d'intervention pécuniaire suffi- sante ou de toute intervention légale de la part du gouvernement pour proscrire l'emploi d'étalons défectueux et tarés. Nous allons les rencontrer en envisageant successivement chacun de ces points qui constituent les titres naturels des chapitres de l'étude d'un élevage et de ses conditions. Mais avant de les aborder, il convient que nous établissions la 43 - division de l'Irlande au point de vue de la production chevaline. Nous adopterons celle donnée par M. S. Ussher Roberts à l'en- quête de 1897 et que l'on accepte comme très exacte sans croire qu'elle soit nettement tranchée. Il fait trois districts : (Lia jJmWIsx^x, ^ 1° Celui du Centre, du Sud et de l'Est, ayant la Boyne pour limite au nord et comprenant toute la province de Leinster, la partie orientale de celle de Munster et la partie Sud-Est de celle de Connaught. C'est là le district de grand élevage, celui dans lequel, à peu d'exceptions, sont produits les hunters de classe et les meilleurs chevaux de remonte et de harnais. 2° Celui de l'Ouest, avec la partie occidentale des comtés de Kerry, Galway, Mayo, Sligo et Donegal, régions montagneuses n'élevant que des poneys. Pour la plus grande partie, ces régions correspondent à ce que l'on appelle en Irlande les Congested Districts, dans lesquels la pauvreté du peuple est telle que le — 44 — gouvernement a dû prendre ces contrées sous sa protection spéciale et prévoir un crédit particulier pour venir en aide aux habitants. 3° Celui du Nord, formé par la plus grande partie de la pro- vince d'Ulster, où se produisent le cheval de harnais courant, le cheval de trait et le cheval à tout faire (useful purposes). D'une manière générale, on n'y produit pas le beau cheval d'atte- lage et surtout pas le beau hunter. Ceux que l'on y trouve sont achetés à deux et trois ans dans le sud, aux grandes foires de Cahirmee, de Ballinasloe, de Cork, de Clonmel, Limerick, Hospital, Spancel Hill, etc. Les éleveurs du Nord sont des nourrisseurs plutôt que des naisseurs. - 45 — CHAPITRE IV Les étalons A. — Les étalons de pur sang L'ancien hunter irlandais était, nous l'avons dit, le métis de premier, deuxième ou troisième croisement de l'étalon de pur sang avec le cart mare. Il était aussi celui de l'accouplement de ces métis entre eux et l'ancien Irish hunter stallion, que son service n'empêchait pas toujours, comme aujourd'hui, d'être monté et de faire ses preuves à la queue des chiens, était un géniteur fécond marquant ses produits de ses qualités propres. Le pur sang de l'époque n'était pas moins heureux père et tous deux ont leur part dans la haute réputation du cheval de chasse irlandais. Mais tandis que l'étalon hunter perdait du terrain, le thoroughbred voyait sa vogue s'accroître sans limite par la folie de la vitesse qui caractérisa le dernier quart du xixe siècle. On multiplia de plus en plus les croisements sans tenir compte de ce que les générations devenaient de plus en plus légères, on produisait pour le commerce sans penser à l'avenir. D'aucuns, et non des moindres parmi les personnalités d'une compétence reconnue, voient dans l'extension de l'emploi du pur sang une des causes primordiales de la situation actuelle et il apparaîtrait ainsi que celui-ci fut le propre destructeur de l'œuvre remarquable qu'il avait réalisée. On ne doit cepen- dant pas croire que, sans réserve, ils en accusent le pur sang. Ce qu'ils font c'est le procès de l'abus ; c'est le procès de l'erreur commise en croyant qu'un pedigree dans Weatherby's Stud Book suffisait et suffit à légitimer la valeur d'un thoroughbred comme producteur de hunters ; c'est le procès de l'emploi irréfléchi et condamnable que l'on fit et que l'on fait d'étalons unsound, usés, épuisés ou mal conformés. Tout cela sans prendre en considé- ration que le pur sang d'aujourd'hui n'est plus celui de jadis, et sans égard pour les types si différents de juments auxquelles il fut et il est encore donné. C'est là, nous semble-t-il, une synthèse exacte des opinions défendues par la très grande majorité des éleveurs, et elle nous paraît également refléter celles qui ont guidé dans leur généreuse — 46 — intervention le gouvernement irlandais, la Royal Dublin Society et la Hunters' Improvement Society. Mais à côté de ces opinions, l'enquête de 1897 vit exprimer toute la gamme des avis, depuis celui faisant du pur sang le seul et unique reproducteur à conseiller, jusqu'à celui lui déniant toute valeur pour produire des weight carriers. Que ces idées dérivent de points de vue spéciaux ou d'observations incomplètes, elles traduisent malgré tout des exagérations et sont inappli- cables à une question aussi générale que celle du demi-sang en Irlande. On peut cependant les comprendre jusqu'à un certain point, car, même en matière de pur sang, les autorités sont parfois d'avis bien opposés et l'on conserve de l'enquête de 1873, le souvenir des réponses si typiques et si divergentes de l'amiral Rouss, du comte de Stadbroke et du général Peel, trois person- nalités des plus compétentes des choses du turf anglais. Il y a là trop de causes pour ne pas faire comprendre l'engoue- ment du pur sang qui sévit au point que dans Horse breeding in England etc., Sir W. Gilbey en arrive à dire : lorsqu'un fermier avait une jument à faire saillir, une seule chose retenait son attention, savoir si l'étalon à lui donner était de pur sang. M. T. Webber fut tout aussi catégorique en 1897 : » Les petits fermiers, dit-il, en usèrent jusqu'à en devenir malades. » Mais avec la pauvreté qui règne parmi ces métayers, il ne pou- vait être question d'acheter tous chevaux ayant de réelles qualités et pour satisfaire à la demande, l'Irlande fut inondée de la lie, du rebut du turf. Il faut encore y ajouter de nombreux pur sang pro- duits sur place, mais non inscrits au stud book, ce qui n'était pas précisément fait pour donner beaucoup de garanties sur leur valeur. En 1893, d'après Right. Hon. F. Wrench, ceux-ci étaient au nombre de 385 pour 442 inscrits et en 1896, d'après Minutes of Evidence etc., 264 pour 466 immatriculés au Weatherby's Stud Book. C'était là le seul moyen d'arriver à en donner la saillie au moindre prix possible. Sur ce point, Capt. Tuthill, secrétaire de la Irish Horse Breeding Association, fait remarquer que bien que le coût du service soit parfois fixé à une et deux livres sterling, le prix réel n'en approchait souvent pas, étant plutôt d'environ une couronne (6 fr. 25). Sir Owen Slake ajoute en plus que souvent le prix n'est réclamé que si la jument est fécondée. Ce qu'étaient et ce que sont ces étalons, certains témoins vont jusqu'à dire qu'ils défient toute description ; d'autres les montrent — 47 longs dans le dos, avec les épaules dans l'encolure, légers de membres, hauts sur jambes, manquant d'os et de charpente, avec des tendons maigres, des pieds défectueux, des jarrets farcis d'exostoses et de vessigons. Presque tous en parlèrent, les appe- lant des termes weeds (*) et iveedy avec le sens méprisable que ceux-ci comportent, présentant leur ensemble sous l'aspect d'une sorte de cour des miracles de l'aristocratie chevaline. Avant d'aller plus loin, il importe que nous fassions trois parts des thoroughbreds servant en Irlande: l°ceux affectés exclusive- ment à l'élevage des chevaux de course ; 2° les bons pur sang pour la production du demi-sang; 3° les mauvais dont nous par- lons. Voici, d'après le procès-verbal de l'enquête de 1897, la sta- tistique des étalons classés d'après les prix de saillies en 1896 : En dessous de 25 francs . De 25 à 50 francs exclus De 50 à 75 De 75 à 100 De 100 à 125 De 125 à 150 De 150 à 250 250 francs et plus . Totaux En rangeant dans la première classe les 33 étalons cotés à 250 francs et plus, en 1896, sur 730 inscrits il restait 697 pur sang pour les deux autres classes. La répartition de ceux-ci en bons et mauvais est impossible à faire, cependant on peut fixer approximativement les idées d'après ce qui s'est passé avec les primes de la Royal Dublin Society : En 1888, pour 16 primes de 5,000 francs, il n'y eut que 60 concurrents. En 1890, pour 18 61 — En 1891, pour 16 41 _ Ces chevaux devaient saillir gratuitement 50 juments choisies, ce qui porte à 100 francs le prix du service et il est intéressant de faire le rapprochement suivant : En 1907, sur 157 étalons admis par le Département de l'Agriculture, les saillies étaient fixées comme suit : 15 à plus de 100 francs, 13 à 100 francs, 129 à 75 francs et moins. Leinster. Munster. Connaught. Ulster. Total. 69 74 139 102 384 476 423 99 260 1,258 134 158 29 96 417 77 74 16 17 184 10 17 3 6 36 33 17 4 6 60 9 — 2 4 15 23 3 — 7 33 831 766 292 498 2,387 (") Weeds : chose de rebut, mauvaises herbes. Weedy, m^me sens. — 48 — A partir de 1892, avec le changement auquel nous avons fait allusion dans le chapitre précédent, voici les résultats à relever : 1892 : 147 étalons présentés, 46 refusés, 101 admis 1893 : 137 — 19 — 118 — 1894 : 141 — 36 — 105 — 1895 : 308 — 89 — 219 — Actuellement, d'après le règlement en vigueur depuis 1899, le Département de l'Agriculture fait choix des bonnes juments (nominated mares) et alloue 50 à 75 francs pour la saillie, le sur- plus étant éventuellement payé par le fermier. Pour être admis à servir ces juments, les étalons doivent subir un double examen : celui d'une commission vétérinaire pour être reconnus sains, celui d'une commission compétente chargée d'apprécier les qua- lités et défauts de conformation et les mérites comme reproduc- teurs. Ceux qui passent les deux épreuves sont registered, imma- triculés. En 1900-1901, sur 298 pur sang présentés 97 seulement furent acceptés. En admettant avec un document récent (*) « qu'en 1906, il y eut peut-être 100 bons étalons qui, pour une raison quelconque, ne furent pas présentés à l'inscription », on est en droit de consi- dérer les 163 registered comme les meilleurs. Cela ne ferait que 263 bons entiers de pur sang sur un chiffre moyen annuel de 650, et l'on voit combien il reste de place pour les mauvais, même en considérant le nombre 263 comme inférieur à la réalité. On pourra se rendre compte du mal que firent tous ces weeds, mal qu'ils n'étaient du reste pas seuls à faire. Avec les bons thoroughbreds, nous arrivons à la classe d'éta- lons dont on ne conteste ni les mérites, ni les services rendus à l'élevage, et il n'est pas discutable que ce type d'étalon ren- contre ouvertement peut-être 90 p. c. des suffrages des éleveurs de hunters. Ce n'est pas cependant qu'on puisse dire qu'ils n'aient engendré que de bons produits, car il serait au moins illogique de réclamer d'eux dans l'accouplement avec des juments de demi- sang, d'origine variable et parfois sujette à caution, ce qu'ils ne donnent pas infailliblement avec celles de race pure et de haute lignée. M. Ch.-W. Tindall, Sir Douglas Brooke et d'autres ont (*) Horse Breeding Schemes in Ireland. Mémoire soumis par le Département de l'Agriculture au Conseil de l'Agriculture et discuté le 30 novembre 1909, inFarmers1 Gazette du 4 décembre 1909. — 49 — cité des cas établissant sans réplique qu'ils avaient échoué avec d'excellentes juments données à de très bons pur sang. Cela n'empêche pas que le thoroughbred a racheté et rachète au cen- tuple ces défaillances isolées par le nombre de produits remar- quables qu'il a laissés, par le courant de haute valeur qu'il a infusé aux souches maternelles d'où sortent les beaux heavy weight du notre époque. N'est-on pas en droit de croire que c'est à leur concours que l'élevage dut de ne pas souffrir plus de l'action néfaste des mauvais étalons de toute espèce ; que c'est à eux que l'on doit pour 80 p. c. et peut-être plus, ces merveilleux hunters qui maintiennent la réputation mondiale des chevaux de la Verte Erin ? Faut-il s'étonner alors que tant d'éleveurs ne jurent que par le pur sang et ne croient qu'en lui pour réussir dans leur production ? Mais nous ne nous avancerons pas trop à dire qu'il est plus facile d'en parler que d'en trouver, même en se bornant seule- ment à rechercher les qualités de conformation et de type, et sans savoir ce qu'ils seront comme pères de hunters. La difficulté se complique encore lorsqu'on réfléchit qu'il faut pouvoir en donner la saillie à un prix abordable, c'est-à-dire 75, 100, 125 francs, exceptionnellement 250 francs, pour permettre à de tels géni- teurs de faire œuvre féconde. C'est là un point qu'on ne doit pas perdre de vue, et qu'il nous soit permis de dire ici que c'est l'erreur dans laquelle versa l'auteur de « Notes sur l'Elevage en Irlande (*) » en montrant, avec infiniment de raison d'ailleurs, qu'Ascetic fut l'un des plus célèbres producteurs de steeple- chasers et de hunters. Si nous en croyons Sir Owen Slake, la saillie d'Ascetic était fixée à 1 ,000 francs. Un autre cheval, Brown Prince, grand-père maternel de Merry Matchmaker, dont nous donnons la photographie, était coté à 1,250 francs. En 1904, lorsqu'à Ball's Bridge, Général Peace enlevait la Croker Chal- lenge Cup à Royal Mask qui avait été préféré à Red Prince II en 1903, tous les connaisseurs durent rester en admiration devant ce cheval dont les qualités statiques étaient rehaussées par une belle carrière de steeple-chaser. Mais sa saillie était fixée à 1,250 francs et limitée à 40 juments (**). A coup sûr de tels éta- (') Bulletin de la Société du cheval de guerre français, septembre 1907. (") Aujourd'hui cette anomalie a disparu; pour pouvoir concourir, les éta- lons doivent avoir servi au moins depuis l'année courante, au prix maximum de dix guinées (262 fr. 50) pour les juments de demi-sang. 4 — 50 — Ions sont hautement qualifiés pour engendrer des chevaux de chasse et l'on ne doit pas s'étonner s'ils laissèrent une progéni- ture remarquable. Mais le prix de la saillie les écarte de la pro- duction générale, et tout ce qu'ils peuvent faire c'est de procréer quelques demi-sang qui disperseront leur souche dans le pays. Sans souffrir du renom de ceux-là, Red Prince II restera incontestablement le pur sang idéal pour la production du beau hunter. Il l'était par son type et par une très honorable carrière sportive; il l'était doublement dans son origine, par son père Kendal (par Bend'Or) qui produisit nombre de chevaux de pre mier ordre et par sa mère Empress qui lui apportait le sang de steeple-chaser comme gagnante du Grand National de Liverpool en 1880; il l'était encore comme raceur de haute puissance héré- ditaire et il ne l'était pas moins par le prix de sessaillies (*), qui le mit à la portée de beaucoup de juments. Mais combien y a-t-il de Red Prince II? Si l'on peut regretter son départ de l'Irlande, on doit admirer le comte de Lehndorff de l'avoir payé bon prix — on parle de 50,000 francs — alors qu'il prenait dix-neuf ans. Il vaudra plus que cela à l'élevage allemand ! Le grand concours de la Royal Dublin Society est une des meilleures occasions pour juger de la valeur et des qualités des bons thoroughbreds dévolus à la production du demi-sang. Il n'est pas à nier que ceux qui y paraissent, méritent l'admiration des connaisseurs; mais il n'y a là que le dessus du panier et le seul reproche que l'on trouverait à faire, c'est qu'ils soient si peu nombreux à ce grand Show qui attire chaque année des amateurs du monde entier. Dans ces quatre dernières années, la classe des étalons de huit ans et plus comporta 11, 19, 18 et 7 concurrents; celle de moins de huit ans : 10, 7, 10 et 11 concur- rents, soit annuellement 21, 26, 28 et 18 étalons, alors que le nombre des registered variait entre 160 et 153 et que le nombre total d'entiers thoroughbred était en moyenne de 600. En dépit de la quantité et de la belle classe de pur sang élevés dans le Royaume- Uni, il ne paraît pas qu'il y ait abondance de hunter getters. L'Angleterre n'est pas seule à les disputer à (') D'après les renseignements de notre confrère M. Pallin, propriétaire de R.ed Prince II, celui-ci fut coté durant longtemps à 125 francs pour les juments de demi-sang, 185 francs pour les pur sang; ces prix furent ensuite portés à 185 francs et 262 fr. 50 et pour 1906 et 1907, au taux uniforme de 262 fr. 50. — 51 — l'Irlande, car depuis longtemps on reproche à l'étranger d'enle- ver les meilleurs et cet argument trouve place jusque dans des rapports officiels. (Ne serait-il pas plus juste de reprocher aux Anglais de les laisser enlever?) Dans le but de favoriser l'emploi des bons étalons, le gouver- nement irlandais en achète et les conserve pour les revendre aux fermiers avec facilités de paiement, mais voici ce que dit à ce sujet le mémoire cité plus haut : « Le département de l'Agricul- ture trouve actuellement de plus en plus de difficultés pour se procurer de réellement bons entiers thoroughbreds, à des prix abordables pour les fermiers, même quand le paiement est réduit à une annuité substantielle... A présent nos achats annuels sont insuffisants à remplacer nos pertes par mortalité, vente, etc. » Ceci nous amène naturellement à parler des qualités recher- chées chez ces géniteurs, toutefois, nous ne pouvons penser à les envisager en détail. Du reste, qu'y aurait-il à ajouter aux études remarquables (*) faites récemment par 1 eminent directeur de l'Ecole d'Alfort, aux échanges de vues qui en sont résultés ainsi qu'aux nombreuses observations et discussions soulevées par la question des déformations professionnelles des coursiers? Ces qualités peuvent se synthétiser dans les cinq expressions suivantes : conformation, taille, origine, performances, sound- ness. Comme conformation, ce que l'on veut, ou plutôt ce que l'on voudrait toujours, c'est le pur sang bien charpenté, court dans le dos comme conséquence de ses épaules longues et bien inclinées, de son garrot bien étendu et de sa croupe bien dirigée ; haut de poitrine, avec des membres solides, un tour de canon d'au moins 20 centimètres (**). De tels sujets, bien que parfois trapus d'apparence, n'en sont pas moins des longilignes d'un beau modèle. Ils font penser à ceux dont Lord Charlemont, Lumley- Hogson et d'autres parlent en disant : qu'ils sont courts dans le dessus, mais longs dans le dessous par leur épaule bien couchée qui porte l'avant-bras bien en avant, et que ces chevaux de lm575 à lm60 ne paraissaient pas leur taille grâce à leurs poi- (*) Barrier : Des qualités à rechercher chez les reproducteurs de vitesse, 4e congrès hippique de Paris 1008 ; De l'action amélioratrice du pur sang, 5e idem, 1909. (**) Red Sahib (par Red Prince II), dont nous donnons la photographie, mesure 21.5 centimètres en dessous du genou. — 52 — trines bien descendues. En les caractérisant ainsi, ils les rappro- chaient de ceux qu'alors ils considéraient comme mauvais parce qu'ils avaient trop souvent leur longueur dans le dessus et non dans le dessous, avec leurs épaules redressées dans l'encolure, courts dans la côte, avec un dos maigre et un corps semblable à une taille de femme. En lisant de telles descriptions remontant à près de quarante ans, on voit combien le colonel Cousté, dans sa belle étude Une foulée de galop, est dans le vrai en disant « que nos pères savaient juger un cheval ; que les préceptes vrais de leur temps le seraient encore du nôtre si nous avions eu la sagesse de regar- der où nous allions, où nous voulions aller ». Le vrai bon cheval de leur époque est resté le meilleur aujourd'hui pour produire le hunter dont l'une des qualités primordiales est la belle épaule bien allongée en arrière. En revoyant tout ce qu'écrivaient jadis des hommes de cheval tels que Lord Charlemont, le colonel Lut- trell, Lumlej-Hogson, etc., et des hommes de science tels que les professeurs Gamgee et Spooner, on ne peut se défendre de constater que, de nos jours, nous ne faisons trop souvent que les copier. Peut-être notre esprit investigateur ne se contente-t-il plus de la simple constatation ou observation d'un fait; nous avons cherché à approfondir la nature de celui-ci pour en expli- quer le pourquoi après en avoir pénétré le comment; mais c'est là tout ce que nous pouvons réclamer. Dans l'appréciation de la conformation, un dernier point, déjà signalé par Spooner, mérite de retenir l'attention. C'est l'action spéciale du farniente du haras, provoquant un développement du corps et une ampleur des formes qui font apparaître les éta- lons de pur sang retirés du turf comme l'incarnation de la force, de la puissance et de la vigueur. Mais il faut faire la part qui revient à la graisse pour déterminer celle de la charpente et de la musculature seules réclamées ici pour la reproduction du demi-sang. Comme taille, celle avoisinant seize mains (lm625) paraît la plus estimée et d'aucuns préfèrent même une taille un peu inférieure à celle qui la dépasse trop. Cela paraît résulter de l'observation très ancienne « que le grand pur sang associé à une poulinière près du sang (ivell bred mare) peut produire un grand cheval, haut jambe, mais jamais une monture à poitrine bien descendue... Avec une jument ayant de la taille et du volume, le petit pur sang bas sur jambes réussit mieux que l'autre (9) ». Il est — 53 — reconnu aussi qu'avec des mères étoffées, de souche un peu com- mune, tout pur sang a une tendance à donner une grande pro- géniture; nous verrons que la production des grands chevaux laisse beaucoup de déchets et que l'on voudrait les éviter en arrivant à des sujets ne dépassant guère lm65-lm67. A titre documentaire, nous donnons ci-après la répartition par taille des 153 étalons immatriculés en 1909 1^60 8 1™651 38 1^613 15 1*664 4 1^626 59 1*676 7 lm638 21 1*689 1 La question d'origine est loin d'avoir la même importance que pour le cheval de course. L'extrême vitesse qui fait la valeur dans la lutte au poteau, n'a rien à voir ici, et les chevaux n'ayant jamais gagné, ou retirés parce qu'ils manquaient de train, ont encore une vitesse supérieure à celle dont se contenteraient les meilleurs hunters. L'origine illustre est sans doute une qualité qui s'ajoute aux autres et il semble qu'à valeur égale des chevaux, elle guide la préférence, mais il ne paraît pas qu'elle prévale éven- tuellement vis-à-vis des qualités fondamentales de conformation. Eu égard à la sélection dont le thoroughbred est l'objet, la question d'origine ne reçoit ici qu'une attention très relative, à moins qu'il ne s'agisse d'une filiation de steeple-chasers. Dans ce cas, cette valeur est très grande, mais elle s'allie souvent avec la statique et la structure recherchées et c'est la seule circonstance dans laquelle on paraît faire mention de cette question. La portée des performances prend un caractère spécial et, lors du référendum de 1904, ce point fit l'objet de la question sui- vante : « Estimez-vous que les étalons sans performances de course devraient être handicapés (*) ou exclus? » Sur 466 réponses, 340 furent négatives, 65 affirmatives, 35 pour handi- caper seulement et 26 indéfinies. L'opinion générale se manifeste ici d'une manière catégorique et s'il nous fallait condenser les réponses, nous dirions qu'on veut avant tout l'ossature, la mus- culature et le type, qu'on n'accorde aucune valeur aux perfor- (') Le texte original emploie le rerhe to discourage (décourager, rebuter, exclure), mais il nous semble que la pensée des auteurs est mieux rendue par le terme français handicapé, pris dans l'acception de « diminuer la chance », qu'on lui attribue par extension. — 54 — mances en plat sur moyenne ou petite distance, mais que l'on en attribue beaucoup à celles de steeple sous bon poids et sur bonne longueur. De cette question de performances dérive celle de l'entraîne- ment, mais les quelques réponses qui y firent allusion, réédi- tèrent ce que les membres et les juges de la Royal Commission on Horse Breeding avaient dit. Les renseignements suivants (*) concernant l'attribution desKings' Premiums aux Hunter Shows de Londres renseignent complètement sur ce qui est admis aujourd'hui. « Jusqu'en 1903, les étalons furent entièrement jugés d'après leurs mérites, les juges n'ayant aucune information quant à l'âge et à la taille. En cette année, les commissaires royaux décidèrent que si après avoir subi une carrière d'en- traînement, un cheval restait sain, et s'il avait montré des mérites dans ses performances, ces faits devaient être portés à la con- naissance des juges. » En 1904, les juges s'exprimèrent comme suit : » Nous trouvons que l'information donnée par la Commis- sion, au sujet de la durée de l'entraînement des étalons et de leur carrière sportive, est d'un grand secours pour nous per- mettre d'apprécier leur soundness et leur constitution natu- relles. » Enfin, en 1905, ils ajoutent : « Par ces renseignements, dans certains cas des chevaux qui avaient été capables de sou- tenir l'épreuve du training, ont été préférés à d'autres probable- ment écartés du champ de courses pour défectuosités naturelles des membres ou défaut de tempérament. Les juges ne considé- raient pas qu'il soit nécessaire actuellement que les concurrents aient gagné une course, mais appréciaient beaucoup en leur faveur qu'ils aient été capables de courir honorablement durant une certaine période. » Placée sur ce terrain, la question de performances cède en somme la place à la valeur à accorder à l'épreuve sérieuse que constitue l'entraînement pour un cheval resté sain, et à ce point de vue elle justifie l'attention et la portée qui lui sont attribuées. Pour ce qui est de l'état de soundness, nous ne nous y arrête- rons pas longuement. Nous avons dit comment fut établie la liste des tares disqualifiant les concurrents et nous n'avons ni à cri- tiquer ni à justifier ce choix, pas plus que nous n'avons à apprécier ici la manière dont l'hérédité pathologique est envisa- gée dans le Royaume-Uni. Notre rôle doit se borner à constater (*) Twelfth report of the Royal Commission on Horse Breeding, 1908, p. 6. - 55 - qu'elle y est énergiquement défendue et surtout, ainsi que nous l'avons fait ressortir dans un travail antérieur (*), qu'elle y est appliquée par des moyens et avec une sévérité que l'on ne retrouve dans aucun autre pays. C'est à cela que nous devons de pouvoir donner ici, d'après les rapports 1 à 12 de la Royal Commission, la statistique des étalons disqualifiés pour unsoundness, lors des épreuves pour l'attribution des Kings' Premiums aux Hunter Shows d'Islington. On sait que les che- vaux sont tout d'abord l'objet d'un premier triage, mais que les rappelés doivent alors être reconnus sains par une commission de vétérinaires, pour pouvoir se représenter dans le ring en vue d'y concourir pour les primes. ta 03 * "S QQ -2 "3 Cor nage ^3 -03 13 à w O 03 - S s 03° 03 Sh e/3 ai o 03 kA 2 - a < ►S c s s 1* 9 O O 03 ce 5 »* s e3 ^ 13 ■H h ni O I s O q} S -S O c« 1889 90 52 » » » » » » » i7 55 1890 98 60 4 » 2 » » 9 2 17 43 1891 105 52 1 » 1 4 » S » 14 38 1892 117 58 2 10 1 » » 5 7 25 33 1893 105 55 » 3 » » » 4 4 11 44 1894 97 47 » o 1 1 t) 1 » 5 42 1895 124 56 2 ï » 2 » 5 » 10 46 1896 110 65 2 5 » » » » 1 8 57 1897 116 60 » 4 1 1 » 4 » 10 50 1898 116 49 » » » 1 » 2 » 3 46 1899 104 45 » » 1 1 » 1 1 4 41 1900 115 58 1 H) 2 » 1 3 2 9 49 1901 113 55 V) 5 1 1 » 3 2 12 43 1902 119 61 » 4 » 2 » » 5 11 50 1903 108 55 » 1 ■>■> » » » 6 7 48 1904 94 56 1 » » 2 » 2 4 9 47 1905 94 56 >) 1 » 1 » 2 1 5 51 1906 107 66 » 3 » 2 » 9 5 19 47 1907 101 51 » » 1 3 » 1 3 8 43 1908 88 51 1 2 0 1 22 » 1 60 2 7 44 1,056 14 41 11 1 45 194 862 L'enseignement que nous pouvons tirer de cette statistique est le suivant : Les étalons primés reçoivent une somme de 150 liv. st. (3,750 fr.) et ils doivent saillir au moins 50 juments, au prix de 52 fr. 50. D'après les chiffres de la période 1889-1007, le (') L'organisation des jurys dans les concours et expertises de chevaux facteurs, Bruxelles, 1908. — 56 — nombre moyen de juments servies fut de 55 par étalon. La prime équivaut par là à un supplément de 68 francs par jument et la saillie est ainsi payée à 120 fr. 50. Il y a donc lieu de croire à une bonne classe d'étalons. Or, si après un premier triage on arrive encore à un tel déchet, on est en droit de se demander ce que peuvent être, au point de vue sanitaire, les thoroughbreds servant librement en Irlande, et il y a lieu également de se rappeler les déclarations rapportées plus haut, du comte Spencer, du vicomte Doneraile et du capitaine Fulke-Gré ville. On peut croire aussi que, part faite de l'exagération et de la généralisa- tion, de nombreux témoins de 1897 ont traduit une situation exacte ; on peut comprendre également que certains d'entre eux aient pu dire que Yunsoundness plus fréquente de la production actuelle, est le résultat du croisement avec le pur sang. Pour ce qui est des allures du pur sang, il en est peu question ; cependant N. Morton parla de son trot pour faire remarquer qu'il était nécessaire que le cheval marchât bien clés épaules, fléchissant bien les jarrets, mouvant bien les membres en ligne droite, ne posant ni en pince ni en talons, mais bien à plat. A qualités égales, il donnerait la préférence à un cheval marchant aussi un peu du genou. Pour apprécier cette opinion, il faut tenir compte que N. Morton, quoique grand exposant de hunters de haute classe, habitait une région (Ballymena) où l'élevage du cheval de harnais est en faveur. Malgré cela elle ne doit pas être considérée comme peu partagée, parce que le pur sang est largement employé dans le Sud pour produire les beaux chevaux de harnais. Quant au galop, si nous le mentionnons, c'est afin de citer le fait avancé par M. Burdett-Coutts pour en faire ressortir le caractère héréditaire : « Si vous sortez une jument hackney et son poulain de leur boxe, dès la première fois vous verrez que le foal trottera et steppera à côté de sa mère, tandis qu'un jeune thoroughbred galopera. » Pour en finir avec la question du pur saug, il nous reste à envisager les résultats de son emploi dans les conditions que nous venons de fixer. Le rôle du bon thoroughbred n'est pas contesté, et comme améliorateur aussi bien que comme produc- teur, il est reconnu supérieur à tous les autres lorsque les juments sont conformées (suitàble) pour lui être alliées, exception faite d'exigences locales qui justifient aussi l'emploi d'entiers d'autres races. En revanche, le mauvais pur sang est accusé ouvertement et sans restriction d'avoir fait beaucoup de mal à l'élevage irlandais. - 57 — Sur le point spécial de l'allégissement, il n'y a guère d'opinion discordante, l'emploi continu du pur sang a entraîné et entraine fatalement la production de générations de plus en plus légères. Le fait a peut-être été moins apparent chez les grands éleveurs parce qu'ils partaient de juments bien conformées, d'excellentes souches, données à de bons entiers et aussi parce qu'ils pouvaient éventuellement se permettre de continuer l'élevage en conservant les meilleures pouliches, accusant du gros. Certaines familles de hunters ont été remarquables sous ce rapport, mais ce sont là des cas isolés et nous verrons l'avis judicieux qu'en déduisit le richissime éleveur londonien M. Burdett-Coutts M. P. L'effet a surtout été marqué chez les moyens et les petits fermiers, c'est-à-dire la très grande masse des producteurs de demi-sang, disposant de juments de classe inférieure ou moyenne et de souches souvent douteuses. A peu d'exceptions près, la plupart d'entre eux voyaient leurs bons produits enlevés par le commerce et c'est avec les refusés qu'ils continuaient l'élevage. En dépit de cela, les documents publiés depuis longtemps sur la question du hunter, laissent l'impression nette et précise que l'emploi continu du pur sang allégit progressivement les géné- rations. On comprend ainsi que beaucoup en arrivent à affirmer qu'après un nombre de croisements variant avec les origines des mères, on n'obtient plus que des iveeds, des produits trop légers, des claquettes invendables auxquelles ils rapportent pour la plus grande part la crise de l'élevage du demi-sang. Dans de telles conditions, il fallait rendre du gros aux produits, et c'est ainsi qu'entrèrent en scène les races de gros trait. B. — Les étalons de gros trait Aussi étonnant que puisse paraître sur le continent cet emploi des étalons de gros trait dans la production du demi-sang, il ne semble cependant pas contestable. Certainement, nous n'en- tendons pas rapporter que cet emploi est général, ou même qu'il se fait sur une certaine échelle, nous voulons seulement affirmer qu'il existe, et le premier document que nous invoque- rons est une lettre (*) de M. R.-G. Carden, le grand éleveur de Borrisoleigh (Tipperary), secrétaire honoraire de la Royal Dublin Society, que la Hunters' Improvement Society vient (") In Live Stock Journal, 24 février 1905, p. 178. — 58 - d'appeler à sa présidence. Après avoir rappelé la répartition des 2,460 étalons faisant la monte en Irlande en 1903, et après avoir parlé des pur sang et des demi-sang, il ajoute : « Mais je regrette de dire que nous ne pouvons nous permettre d'oublier la question des shires, des clydesdales et autres gros trait atteignant le chiffre élevé de 630 étalons, soit pratiquement le même nombre que pour les pur sang. Quiconque ayant quelque connaissance de l'élevage en Irlande, admettra que la production du gros trait est pratiquement nulle, par conséquent à quoi servent ces sbires, ces clydesdales et autres ? Dans le plus grand nombre de cas, ils sont utilisés pour être croisés avec les juments légères près du sang (light well bred mares) en vue de produire de la taille et du volume. » En 1897, un autre grand éleveur, particulièrement compétent, M. W.-T. Trench, disait : « qu'il y avait beaucoup de sang de thoroughbred dans sa contrée (Tipperary) et que ce sang est croisé avec ce que nous appelons des étalons de demi-sang et avec des étalons Suffolk punch et shires ». Un autre éleveur encore, M. T. -M. Carew, habitant sur la frontière du comté de Meath et du King's County, un des bons pays d'élevage, rapporta ce que nous résumons ci-après. Pour obtenir des produits ayant la taille et la masse qui qualifient leur aptitude à porter du poids, nous avons dû recourir à du sang de gros trait. Ce sont les clydesdales seulement qui nous les ont donnés et nous avons eu le plus gros prix pour les produits de juments ainsi obtenues, lorsqu'elles ont une couple de croisements. Le fait de l'accou- plement de juments légères avec des étalons de gros trait a été reconnu par M. Archibald (Fermanagh), et M. Richard O'Malley signala deux produits de juments de pur sang par des étalons clydesdales, qu'il vendit comme hunters, l'un 3,125 francs à trois ans, l'autre 10,500 francs à cinq ans. Voici enfin pour sa portée générale ce que nous trouvons dans The Farmers Gazette, du 4 septembre 1909, sous la plume de M. T.-W. Webber : « Si ces races (pur sang, hackney, shire, etc.) ont été produites par un juste système d'élevage, il est impossible de croire que le système actuel d'élevage des hunters (par l'usage alternatif de l'étalon de pur sang pour la qualité et le shire pour le volume) en Irlande, est bon {correct.) » Nous pourrions multiplier les citations, mais nous reviendrons sur cette question à propos des juments ; disons cependant que cet emploi est hautement condamné. Shires. Clydesdales. Total. 34 111 145 28 60 88 32 108 140 3 43 46 — 59 — A l'appui de ce que nous venons de rapporter, nous devons encore signaler le fait suivant. En conformité du règlement pour l'encouragement à l'élevage, les shires et les clvdesdales de race pure pouvaient seuls être enregistrés pour tout le pays, au même titre que le pur sang; mais à partir de 1905, le départe- ment de l'Agriculture limita exclusivement cette admission à ceux destinés à la province d'Ulster, aux comtés de Louth et de Dublin et au territoire situé dans un rayon de 16 kilomètres de la ville de Cork. C'était reconnaître là que ces races ne devaient plus être encouragées dans les autres comtés où l'on ne produit pas de gros trait, mais où il n'y a pas moins bon nombre d'étalons de ces races, ainsi que le montre la statistique ci-dessous. Cela confirme d'une manière tacite, nous semble-t-il, les faits avancés par MM. Carden, Trench, Webber et tant d'autres. Moyenne 1900-1905. Province de Leinster .... » Munster .... » Ulster » Connaught . . . 107 322 429 G. — Les étalons de demi-sang Il serait impossible d'en parler sans faire ressortir les diffé- rents types qu'ils comportent, différences justifiant les avis si divers dont ils furent et sont l'objet. On en rencontre, en effet, de tous les formats, de tous les modèles et aussi de toutes les origines, allant depuis l'étalon grossier et commun n'ayant qu'une dose minime de sang et de souche plus que douteuse, jusqu'à celui sorti d'une longue suite de générations de tho- roughbred et dont le pedigree comporte à l'origine — le plus souvent du côté maternel — une jument half bred ou hunter de l'ancien type. C'est là la tache qui leur ferme l'entrée du Weatherby's, car à dose infinitésimale près, ce sont là des pur sang et ils le sont tout autant que l'était l'immortel Eclipse. Dans le langage du breeding, c'est à ce type d'étalons qu'on donne l'appellation de cocktail, et les annales de l'élevage ont conservé les noms de certains d'entre eux ayant fait souche réputée ou joui d'une haute renommée. Tels sont les sang de Merry Andrew — 60 — et Diamond dans le Cork, Harkaway dans le Down, Mackintosh dans le Limerick, Oswestry, May Boy, etc. Au sujet de ces noms, faisons remarquer que Cox signale un étalon de pur sang du nom de Merry Andrew faisant la monte en Irlande vers 1750. Or, à l'enquête de 1897, M. John Barry traça jusqu'à ce Merry Andrew la généalogie de cette souche appelée, suivant les endroits, Merry Andrew, Old Andrew ou Andrew. Cox signale aussi un étalon du nom d'Harkaway descendant par père et par mère du fameux Pot80s par Eclipse. En 1839, la Sporting Review en parle comme un cheval extraordinaire auquel ses qualités valurent le surnom d'Irish Eclipse. Enfin, M. John Barry fait encore mention d'une autre souche ancienne remontant à des chevaux de pur sang appartenant à M. Hutchins et il y a là un rapprochement à faire avec ce que la France Hippique publiait récemment à ce sujet. Comme steeple-chasers, il ne faut pas remonter loin pour voir de ces cocktails battre des lots de pur sang de grande valeur dans des courses classiques. C'est le cas pour Roman Oak, enle- vant beaucoup d'épreuves en 1891 et gagnant la grande course de Manchester (50,000 fr.) en 1892. Parmi les winners du Grand National de Liverpool, on compte une série de ces demi-sang : The Lamb (1868 et 1871), Pathfinder (1875), Zoedone (1893), Old Fox (1886), Gamecock (1887), Frigate (1889), Flex (1890) et Corne (1891). Ce sont là quelques noms cités par Sir W. Gilbey, Barfc. dans Hunter Sires. D'un autre côté, le comte de Coventry et le capitaine Townshend signalent respectivement comme tels Hotspur et Curzon, qui coururent et se placèrent dans le Derby. A côté du cocktail, il convient de placer le demi-sang élevé selon la formule de la Hunters' Improvement Society, que celle-ci inscrit à son stud-book et auquel nous réserverons le nom d' « étalon hunter ». Ces étalons sont : 1° Ceux descendant de pur sang par le père depuis la troisième génération ou d'étalons hunters qualifiés et de juments hunters qualifiées ; 2° ceux produits par un hunter qualifié hors d'une jument de pur sang. Enfin on peut faire une troisième classe de ce que nous appellerons l'« étalon métis » et dans laquelle on rangerait tous les métis sans origine authentique connue ou acceptable, produits de tous les croisements possibles et parfois apparentés de près à une race de trait ou de gros trait. Dans ce qui suivra, — 61 — nous utiliserons ces trois expressions dans le sens que nous venons d'établir et nous désignerons l'ensemble par l'expression « étalons de demi-sang ». La question de l'étalon de demi-sang est soulevée depuis longtemps dans le Royaume-Uni, mais elle réapparaît sans cesse, gagnant de plus en plus d'importance et faisant l'objet de toute l'attention du gouvernement irlandais et de la Hunters' Improvement Society. Elle donne lieu à des discussions et à des polémiques sans fin ; toutefois il semble que le camp des partisans défendant la formule de la H. I. S. rallie de plus en plus l'opi- nion. L'enquête de 1897 ne pouvait manquer d'offrir le même aspect ; cependant bien des avis défavorables paraissent dus à ce que l'on parlait trop souvent sans spécification aucune, à ce que le bon demi-sang est très rare et aussi à l'observation, très exacte sans aucun doute, des résultats souvent sinon toujours désas- treux donnés par l'étalon métis. A moins d'une de ces bizarreries, d'ailleurs exceptionnelle dans ce cas, des choses de l'hérédité, on ne peut attendre de ceux-ci des produits de quelque valeur et leur progéniture est de rang très inférieur. Cependant, s'il faut en croire certains éle- veurs, au point de vue de la vente, cette production est néan- moins d'un placement moins difficile que les rebuts genre ficelle issus de mauvais pur sang. Cela tient à ce qu'ils sont plus étoffés, qu'ils trouvent plus d'emplois que les autres, et non à une ques- tion de qualités ; les uns comme les autres sont des rebuts ou des déchets, mais l'élevage doit trouver à les écouler. Personne ne pensa à ces étalons métis, si ce n'est pour dire qu'ils devraient être exclus, si ce n'est pour mettre en évidence tout le mal qu'ils ont fait à l'élevage irlandais. Les deux autres classes ont trouvé et trouvent plus de défen- seurs que d'adversaires. Nombre de ces étalons se sont affirmés remarquables par leur progéniture et quelques éleveurs ont même reconnu au cocktail une certaine supériorité sur le pur sang dans la constance à donner ou à conserver de la charpente à leurs produits. Capt. Tuthill fut très documenté sur ce point, citant de nombreux noms de ces cocktails et étalons hunters qui donnèrent une production remarquable aussi bien comme type et qualités que par les prix auxquels elle arrivait et par la recher- che dont elle était l'objet de la part des veneurs et des mar- chands. Mais pour être impartial, nous devons reconnaître aussi que — 02 — l'on peut invoquer des témoignages mettant en évidence les défail- lances du bon demi-sang et il en est qui lui ont contesté toute valeur en se basant sur la théorie que l'un des parents devait être de souche pure. Nous dirons un mot plus loin au sujet de quelques-unes de ces théories, mais nous donnerons ici, bien qu'elles soient assez lon- gues, deux réponses qui paraissent mettre au point la question de l'emploi du géniteur half bred. Le Capt. Fife n'a aucune confiance dans l'étalon métis, mais il en a beaucoup dans l'étalon hunter. « En utilisant un tel cheval, vous pouvez obtenir des reproducteurs d'une puissance extraor- dinaire et, à mon avis, c'est là un grand avantage. Les fermiers se plaignent invariablement que lorsqu'ils mettent un petit pur sang sur des juments légères près du sang, ils perdent la taille et obtiennent quelque chose d'invendable. Comme conséquence, malheureusement, ils donnent leurs juments soit à des cleveland, soit à des hackneys, soit à ces demi-sang dont ils ignorent l'ori- gine; ils obtiennent et élèvent alors un lot d'animaux communs inutilisables. Je pense qu'il y aurait grand avantage à fournir l'étalon que la Hunters' Improvement Society essaie de faire pro- créer. Je ne veux pas dire qu'un étalon de pur sang ne peut pas être, et il l'est parfois, aussi entièrement puissant que le type élevé dans la voie proposée. Par exemple, nous ne produirons aucun demi-sang qui soit plus puissant que Yard Arm (par Private et Conviction), c'est aussi le cas pour Royal Meath en Irlande; mais il n'y a pas une offre suffisante de chevaux ayant pareille puissance. L'introduction de l'étalon hunter serait plus avanta- geuse pour le fermier que pour le gentleman qui peut envoyer ses juments à longue distance pour avoir de bons étalons. » M. Burdett-Coutts M. P. : « Mon opinion au sujet de l'éle- vage du hunter en Irlande dérive de ce que, pour moi, l'usage constant et successif du pur sang détériore la souche des hunters. On trouve en Irlande des weight carriers avec toutes les qualifi- cations essentielles que comporte ce terme — taille, substance, bonnes épaules, membres courts, ossature forte et nette, qualité, endurance, avec des pieds durs et larges, et par-dessus tout, sains. Quelques-uns de ceux-là sont des sept huitièmes de sang, d'une souche de hunters connue depuis des générations dans le pays, il en est même qui sont plus près encore du pur sang. Ces chevaux ont résisté depuis des générations à l'action détérioratrice {dete- rioratiug opération) du croisement du pur sang en ce qui con- — 63 — cerne leur volume pendant qu'ils ont retenu ces propriétés néces- saires au hunter que le pur sang seul possède. Cela montre qu'ils doivent avoir une grande force de prépotence (a strong force of prepotency) à l'égard des propriétés si essentielles pour les hunters, propriétés que le pur sang ne possède pas et dont vous voulez imprégner la souche des hunters. Retenez quelques-uns de ces chevaux comme étalons et, avant de les utiliser, assurez- vous qu'ils ont de bonnes dispositions pour le saut, qu'ils ont de l'allure et de l'endurance. Cette épreuve vous permettra de savoir s'ils sont sains du côté de la respiration et s'ils sont indemnes d'autres points faibles héréditaires {transmissible iceakness). Admettez ce croisement toutes les fois et partout où le type du pays devient léger et weedy, et pendant que vous resterez fidèle au vrai hunter, vous améliorerez beaucoup son type... Je crois que cette manière de faire serait supérieure à l'introduction du hackney, infiniment meilleure que l'usage exclusif, constant et successif du pur sang, et cette idée mise en pratique provoque- rait une grande amélioration dans la race du weight carrying hunter. » En 1904, la commission du référendum avait prévu la ques- tion suivante : « Trouvez-vous que les poulains puissants, avec de l'os et des actions, provenant de juments hunters approuvées, devraient être conservés entiers en vue de servir d'étalons? » Les réponses furent : oui, 256; non, 170; indécis, 40. « Ces réponses, dit le rapport, offrent un intérêt d'autant plus grand pour la Hunters' Improvement Society, qu'elle était déjà entrée dans cette voie. Pour l'inscription au Hunter S. B. des étalons de cette catégorie, trois croisements de sang sont exigés du pou- lain (du père, père de la mère, et père de la grand-mère). On encourage d'autre part, aux expositions, les éleveurs à garder entiers les poulains hunters dont la mère est inscrite au H. S. B. Par là, il est agréable pour la société de trouver qu'une aussi grande proportion de correspondants sont d'accord avec les actes de la société, comme indication d'une juste appréciation des sen- timents des éleveurs en cette matière. « Dans les 256 réponses affirmatives, 150 expriment une appro- bation emphatique : » C'est la meilleure chose à faire. Ce qui est demandé aurait dû être fait depuis longtemps. C'est la vraie solu- tion de la difficulté : par ce moyen se former une race de weiglit carrying hunters qui procréeraient conforme au type (wich would breed true to type). Un correspondant irlandais va jusqu'à dire — 64 — que « cet étalon avec trois ou quatre croisements de sang est l'espoir économique de l'Irlande ». Mais parmi les réponses négatives, 131 sont tout autant défavorables. « Aucune idée ne pourrait être plus dangereuse. Une grande erreur, vous ne pou- vez vous passer de l'étalon de pur sang, etc. » Nous ne pouvons penser à rapporter toutes»les raisoDS invoquées tant par les parti- sans que par les adversaires, nous avons tenu à caractériser les idées qui ont cours sur cette question ; ceux de nos lecteurs que la chose peut intéresser, trouveront dans l'ouvrage du comte de Comminges, Le Hunter, la traduction in extenso du rapport du Comité du référendum de 1904. A en juger par ce qui se passe actuellement, il ne paraît pas contestable qu'en Irlande surtout il y ait un grand mouvement en faveur de l'encouragement et de l'extension de l'emploi de l'éta- lon hunter, en faveur de l'opinion rééditée par Charles-W.Tindall, lorsque quarante ans après Spooner il disait dans How to breed to a desired type : « Quelqu'un peut-il s'imaginer que les hunters doivent être la seule race qui ne se reproduise pas? » C'est ainsi que depuis 1906 les étalons de demi-sang de bonne souche sont admis à l'inscription par le gouvernement irlandais, au même titre que ceux de pur sang et après avoir, comme ceux-ci, subi victorieusement le double examen de leur soundness et de leurs qualités. C'est ainsi également que le département de l' Agricul- ture s'efforce d'en faciliter l'acquisition par les fermiers, soit par le prêt d'une partie du prix d'achat, soit en achetant lui-même les jeunes étalons hunters qu'il revend aux éleveurs avec facilités de paiement. Dans cette intention deux plans furent essayés : 1° L'un con- sistant à offrir un bon prix pour les jeunes entiers de trois ans conservés jusque-là par les fermiers; 2° l'autre visant à les rechercher vers l'âge d'un an. Le premier système souffrit de ce que les fermiers ne furent pas empressés à conserver leurs pou- lains entiers jusqu'au moment où ils pouvaient les présenter et alors les voir peut-être refuser. Le second réussit mieux; le département élève les poulains achetés dans ses deux dépôts d'étalons des comtés de Dublin et de Galway; ceux qui sont reconnus sains et recommandables à l'âge de trois ans, sont vendus pour les districts où le besoin s'en fait le plus sentir. « L'expé- rience tentée fut un succès et maintenant nous nous trouvons purement dans l'obligation d'augmenter nos opéiations en consa- crant un plus grand crédit à celles-ci. » — 65 — Le mémorandum du 4 novembre, auquel nous empruntons ces détails, manifeste d'une manière caractéristique l'extension que l'on cherche à donner au hunter sire, même au détriment du pur sang : <■■ Pour l'amélioration de l'élevage en Irlande, notre pre- mière tâche est sûrement de nous mettre en état de remplacer au moins un millier de nos plus mauvais et unsound étalons par d'autres sains et recommandables (suitables). Des thoroughbreds en nombre suffisant ne peuvent être obtenus et il n'est pas non plus désirable qu'il y ait trop d'étalons de pur sang... Heureuse- ment l'Irlande a ce qu'il lui faut sur son sol. On y élève en abon- dance des étalons de demi-sang de première classe, suffisamment forts pour le travail de ferme. L'ennui est que la valeur d'un cheval de première classe est plus grande pour un hongre que pour un étalon et c'est à ce fait qu'il faut rapporter la présence de tant d'étalons inférieurs. » Quelque opinion que l'on professe au sujet de la valeur compa- rative du bon entier de pur sang et de l'étalon hunter de bonnes souche et qualités, il paraîtra que le gouvernement irlandais fut heureusement inspiré en prenant cette décision. Dans l'impossi- bilité où il se trouve de se procurer assez de bons thoroughbreds, devant l'augmentation de la demande des petits éleveurs pour un bon demi-sang et surtout devant l'impérieuse nécessité qu'il y a à remplacer quantité d'étalons pur sang, métis et autres, aussi unsound que de conformation défectueuse, pour tout cela il n'est pas à contester que pareille mesure doive rallier les suffrages de tous ceux qui, sans idée préconçue, admettent la valeur indiscu- table du bon pur sang, mais n'hésitent pas non plus à croire que le rebut du turf est et restera un rebut que l'élevage du demi- sang doit exclure sans pitié. Que l'on se représente que la saillie de certains half bred est cotée à une demi-couronne (3 fr. 20) ; on en déduira le mal qu'ils ont fait, qu'ils font et l'accueil que devait trouver l'applica- tion du projet du Department of Agriculture and Technical Instruction. D. — Les étalons de trait léger Jusqu'ici, en parlant de l'ancien cheval irlandais, nous avons indifféremment employé les termes draught horse et cart mare, mais ce qui se passe aujourd'hui nécessite une différencia- tion pour éviter toute équivoque dans ce qui suit. En Angleterre, — 66 — les expressions cart et draught sont en réalité synonymes, elles s'appliquent aux chevaux de trait et on spécifie la destination de ceux-ci par les appellations dray horse, heavy draught horse, wagon horse, lurry horse, active lurry horse, van horse ou vanner, parcel carter, etc. Mais en Irlande, le terme cart parait réservé aujourd'hui aux chevaux de gros trait genre shire, clydesdale ou suffolk punch, et le qualificatif draught se rap- porte à un type moins corpulent que l'on pourrait assimiler aux chevaux de trait léger. Les statistiques irlandaises réunissent ceux-ci sous le nom à'Agricultural horses. Voici ce qu'en dit M. R.-G. Carden dans sa lettre au Live Stock Journal : » La grande majorité d'entre eux proviendrait de chevaux n'ayant aucune parenté avec le pur sang ; ils seraient élevés depuis des générations de lignées de demi-sang (breed for générations on half-bred Unes), mais ils sont en même temps un type d'étalons à membres nets et d'un tempérament éner- gique {a clean legged active stallion). » Capt. Fetherston- haught considère que ceux de sa région ont un bon mélange de sang de gros trait. Le 30 novembre dernier, à la réunion du Conseil de l'Agriculture, le professeur Campbellen par la sous le nom de : « half-bred Irish draught stallion ». C'est d'après cela que nous sommes amené à nous les représenter comme un type de trait léger, de format variant avec le milieu où ils sont élevés, pour répondre aux besoins multiples de l'agriculture et des petits tenanciers. Pour se figurer l'importance que ce cheval de trait prend dans l'élevage irlandais, nous donnerons, d'après Agricultural Statistics, la répartition par destinations de la population chevaline de la Verte Erin : Agriculture. . Transports . . Récréations . . Jeunes chevaux Total. . 1900 1901 1902 1903 1904 1905 369,685 354,750 358,312 364,639 368,954 373,184 43,344 46,443 43,442 44,571 45,900 45,872 29,478 27,043 27,041 27,353 27,966 28,247 566,978 564,916 579,765 595,746 604,930 708,994 Autant le gros trait anglais aux extrémités garnies de longs poils trouve d'adversaires, autant le draught horse trouve de partisans. C'est ce qui lui valut d'être admis à l'inscription en 1906 et lors de la réunion du Conseil de l'Agriculture, il n'est personne qui ne parla en sa faveur pour justifier les encourage- ments dont il est déjà et dont il devrait être l'objet. On l'a mon- — 67 — tré d'un élevage plus rémunérateur que celui du demi-sang et se prêtant beaucoup mieux aux conditions de milieu pour répondre aux exigences des petites fermes. Pour ce qui est de ses rapports avec la production du demi-sang, voici l'avis exprimé par M. O'Reill : « L'opinion existe que le croisement de sang shire et clydesdale avec le hunter irlandais avait un effet préjudiciable, mais, malgré cela, il doit être admis que la force doit être com- muniquée d'une certaine source à la progéniture du pur sang si l'on veut maintenir le caractère du cheval de chasse irlandais. » Nous verrons tantôt que cette source réside dans le cheval de trait et que l'on apprécie hautement, dans ce but, la valeur de l'Irish draught horse moderne. Que celui-ci ait une grande parenté avec l'ancienne souche, c'est là chose possible, mais il est certain que les étalons de ce type, bien plus que les gros trait, ont servi et servent encore aux croisements avec des juments de pur sang et des juments de demi-sang très légères pour engendrer des produits ayant du gros. De nombreux témoi- gnages en font foi et nous reviendrons sur ce point à propos des poulinières de trait léger. E. — Les étalons hackneys L'opposition suscitée, au moment même où nous écrivons, par le projet qu'avait le gouvernement irlandais d'importer quatre étalons anglo-normands en vue de faire quelques essais dans le district nord, donne à l'emploi du hackney un caractère tout par- ticulier d'actualité ; c'est ainsi que nous nous y arrêterons plus que nous ne comptions le faire. Bien qu'en 1873 lord Charlemont fit déjà mention qu'il possé- dait un étalon trotteur de Norfolk, prototype du hackney actuel, ce n'est guère qu'en 1891 que la question du hackney fut sou- levée. On avait en vue de l'introduire dans les Congested Districts pour donner aux poneys élevés dans ces régions un peu plus de type, un peu plus d'allure relevée, aux fins d'augmenter leur valeur commerciale. La question fut étudiée par un comité et douze étalons y furent introduits en 1892 ; mais, à ce moment, il y en avait déjà quelques-uns dispersés dans différentes régions de l'île. En 1897, le hackney trouva une opposition irréductible de la part des éleveurs de chevaux de selle, et même quelques éleveurs de chevaux de harnais demandaient à ce que l'on cherchât à — 68 — préserver de ce sang les chevaux d'attelage dont le type irlan- landais avait toujours été fort recherché, sans qu'il eût été néces- saire de recourir jusque-là au hackney. Cependant, il trouva de grands défenseurs parmi ces producteurs de chevaux d'attelage, pour la raison que ceux-ci gagnaient de la valeur par une belle allure et parce que l'étalon hackney était le meilleur à employer dans ce but, le pur sang ne donnant point à ses produits le trot relevé recherché et bien payé par le commerce. Certains éleveurs de hunters le défendirent également et nous relevons, entre autres, le témoignage de M. Carden disant « qu'il considère le croisement du hackney sur des juments de rebut du pays comme préférable à celui du pur sang dont on peut se servir à ce moment » . D'une manière générale, on ne contestait pas la valeur du hackney pour donner le cheval d'attelage, mais on craignait l'introduction de ses produits dans les centres d'élevage du hunter, où, d'après la grande majorité, ils causeraient un grand préjudice. L'opposition répondait à cela qu'ils ne feraient aucun lort, que le hackney était un cheval plein de sang et qu'il donne- rait du gros aux produits. Encore une fois toutes les opinions se firent jour et les commissaires eux-mêmes se séparent sur ce point. Sept d'entre eux conclurent » que l'encouragement des étalons hackneys ne devrait pas être continué aux dépens du budget » ; quant aux cinq commissaires restants, ils estimaient « que, dans la répartition du crédit, les besoins de chaque classe d'éleveurs devraient être reconnus en donnant le pur sang ou l'étalon hunter aux producteurs de chevaux de chasse..., le hack- ney à ceux de chevaux de harnais ». Quoi qu'il en soit, le gouver- nement n'admit jamais les hackneys à l'inscription et aux encou- ragements officiels — sauf pour les Congested Districts — et, à en juger par la statistique de la répartition des étalons par races, la vogue des hackneys ne s'accrut guère ; leur nombre resta sta- tionnaire. Quant aux services qu'ils rendirent, il y a de quoi contenter tous les goûts. Capt. Hayes, dans son livre, fait mention d'une jument par un hackney hors d'une poulinière hunter, marchant et trottant remarquablement, mais étant très dure au petit galop {very rough at the canter) et n'ayant « aucune idée du galop allongé ». Par contre, M. Morton mentionne avoir vendu à gros prix des hunters produits par un étalon hackney. Enfin, Rui'us, un des meilleurs sauteurs de concours du Royaume-Uni, n'est — 69 — autre qu'un hackney de souche pure. Néanmoins, dans leur ensemble, il ne semble pas que ces services aient été ce qu'on pouvait en espérer, car, en pensant aux anglo-normands, le gou- vernement voulait les introduire « où il est désirable de tenter quelques essais en vue de remplacer les étalons liackneys, shires et clydesdales ». (Lettre de R. Hon. T. W. Russel, vice-président du Department of Agriculture.) La question de l'introduction des anglo-normands, achetés à la fin de 1909, a soulevé trop de polémiques pour que nous n'en disions pas un mot d'après une lettre de M. Russell à M. P. A. Meeham, M. P. La mise en application du programme du gouvernement concernant les étalons de pur sang et surtout ceux de demi-sang a eu un succès qui fut beaucoup apprécié dans le centre et le sud du pays, mais elle n'a pas rencontré les besoins des éleveurs du nord, « qui ont refusé fermement jus- qu'ici d'acheter soit des demi-sang, soit des pur sang. Ils demandent un cheval plus fort, avec des actions, qui peut les aider dans la production du cheval de harnais... Le département considéra qu'il était de son devoir de chercher à satisfaire à cette demande et l'un des objets de l'expérience fut de savoir si les chevaux (anglo-normands) à essayer avaient les qualités que réclament les éleveurs du nord et si ces qualités étaient propres à être transmises à leur progéniture. Quant aux anglo-normands eux-mêmes, il n'est pas étonnant que tant de personnes firent des objections, attendu que, dans les controverses, ils furent diver- sement décrits comme Belgian hearse horses (chevaux belges de corbillard), Paris fanerai horses (idem), chevaux de trait, percherons gris ». Nous n'avons ni à justifier l'essai projeté, ni à apprécier l'opposition que trouva l'introduction de ces anglo-normands, mais nous devons reconnaître que les motifs invoqués et la manière dont ces chevaux furent décrits, dépassent tout ce que l'on peut imaginer. C'est ainsi que M. Irving, disant bien con- naître la Normandie et ses chevaux, n'hésite pas à écrire ce qui suit : " Ces chevaux sont les plus jolis du monde, mais aussi les plus mauvais. Ce sont des brutes sans utilité (useless brutes), sans courage ni mouvement, qui tomberaient plutôt que rester debout. 80 p. c. des chevaux que vous voyez au travail en Nor- mandie ont les genoux couronnés par suite de leurs mauvaises actions et de leur manque de courage. » Après cela, on aura une idée de la valeur des opinions mises à jour pendant cette polé- mique. 70 — A côté de ces cinq classes d'étalons, on en trouve d'autres races : Suffolk punch, comme gros trait; Cleveland bai et car- rossiers du Yorkshire ; arabes, gallois et même norvégiens comme cobs et poneys, mais ces trois derniers restent dans les régions à poneys. Statistique des étalons faisant la monte en Irlande. Pur Demi- lïack- Clydes- Agri- Autres sang. sang. ney. SMre. dale. cultural. races. Total. 1890 . . 667 484 25 6 221 472 50 1,925 1893 . . 827 855 29 i i 2 î 2,500 1895 . . 792 582 111 49 249 470 79 2,332 1896 . . 730 651 72 ? î 2 ? 2,387 1900 . . 681 460 115 62 460 382 149 2,109 1901 . . 694 540 112 81 367 469 107 2,350 1902 . . 689 521 136 107 346 338 187 2,424 1903 . . 662 561 116 113 371 491 146 2,460 1904 . . 668 610 114 108 351 452 152 2,455 1905 . . 607 499 116 114 320 396 263 2,315 1906 . . 553 880 (*) 94 114 271 293 91 2,296 1907 . . 557 557 106 115 250 573 n 100 2,258 Statistique des étalons immatriculés. Pur sang. Clydesdale. Shire. Demi-sang. Total. 1901 1902 1903 1904 1905 1906 1907 1908 1909 91 23 8 » 128 111 35 16 » 162 123 48 21 » 192 140 48 23 (12) 211 154 49 26 (16) 229 163 50 26 (19) 239 161 51 26 38 276 156 52 24 50 282 153 57 25 60 296 Pour terminer ce qui concerne les étalons, nous résumerons ou traduirons quelques notes de portée générale, que nous trouvons dans The Horse in Ireland, donnant une partie du rapport de (*) Les écarts assez grands des chiffres de 1906 et 1907 pour les demi -aang et les agricultural résultent vraisemblablement des répartitions effectuées par les soins du département pour corriger les renseignements fournis par les éleveurs. — 71 — l'inspecteur chargé de la mission dont nous mentionnons les résultats. Sur 2,400 étalons servant en Irlande, 30 p. c, soit environ 700, sont de race pure; le reste, soit 1,700, est connu comme half breds, sans aucune information définie possible à obtenir. En 1903, le gouvernement décida une enquête pour être édifié sur les origines et mérites de ceux-ci et des circulaires furent envoyées à tous les propriétaires annonçant que les chevaux seraient examinés dans les différents districts. 464 propriétaires répondirent, mais 367 étalons seulement furent présentés. Sur ce nombre, 353 furent rejetés par la commission chargée d'apprécier les mérites et les qualités ; 86 furent exclus pour unsoundness par une commission de vétérinaires. Comme résultat final, 12 étalons sur 367 furent déclarés sains et recom- mandâmes. L'origine de ces étalons fut une question difficile à débrouiller, d'autant plus que les pedigrees ou origines donnés n'étaient pas toujours dignes de confiance. Néanmoins, voici le résultat : 133 étalons issus de pur sang; 98 » » de shire ou clydesdale ; 125 » » de demi-sang ; 11 » » d'autres souches. Voici maintenant ce que dit le rapport de l'inspecteur : » D'après les statistiques de 1902, il y avait 2,424 étalons en service. En supposant que 400 de ceux-ci fussent des thorough- breds (tracés) et que les autres de race pure fussent au nombre de 300, le reste, 1,724, vient sous l'appellation à'halfbred. Je suis convaincu que dans les 367 sujets inspectés, nous avons eu le choix des half breds ; aucun étalon ne fut montré pour lequel le propriétaire n'attendait pas un certificat d'approbation ; les douteux restèrent dans leurs écuries. « Il semble incroyable que sur 1,724 étalons, 12 seulement furent trouvés méritoires. Dans un pays remarquable pour ses chevaux, pareil état de choses dépasse toute conception. Cela peut difficilement être attribué au manque de jugement des éle- veurs. L'exceptionnelle adaptation de notre sol pour élever des chevaux et son merveilleux effet en produisant de bons animaux hors de parents médiocres, ont peut-être rendu le fermier irlan- dais négligent des autres facteurs qui, dans des conditions moins — 72 — favorables, sont des conditions essentielles de succès. Quoique la soundness et la conformation soient des facteurs très importants dans la constitution d'un étalon, il y a des raisons pour croire que l'élevage est d'importance plus grande encore. Puisque l'élevage consiste dans la condensation dans un animal de la faculté de reproduire certains caractères, le type particulier que les éleveurs viseraient à produire devrait être défini avant que les essais d'évolution soient tentés (should be defined before his évolution is set about). » L'introduction des sliire, clydesdale, cleveland bai, hackney, suffolk punch, etc., durant les trente dernières années, a rendu l'élevage du bon étalon de demi-sang une pure affaire d'acci- dent. Jadis l'étalon de demi-sang irlandais consistait dans un mélange en proportions variables de deux souches, le pur sang et l'Irish draught horse. L'un et l'autre étaient les facteurs dési- rables de notre industrie chevaline, ils s'alliaient avec succès et par là notre contrée fut renommée pour son élevage. L'intro- duction des autres races aux fins de croisements et l'absence de toute direction dans la manière dont ils ont été utilisés, ont abouti à l'état chaotique dans lequel nous nous trouvons avec 1,724 chevaux de demi-sang contenant seulement 12 géniteurs de mérite. » C'est là un extrait d'un rapport officiel, donné dans une publi- cation officielle, Journal ofthe Department of Agriculture and Technical Instruction, et il ne nous appartient pas d'en apprécier autrement l'importance et la véracité. Mais combien rediront : Pareil état de choses existant dans le pays le plus réputé du monde pour ses merveilleux chevaux dépasse toute conception! D'aucuns ne voudront peut-être pas y croire et en réalité il y a moins de pessimisme dans la situation dénoncée par le référendum de 1904. Mais ce n'est là qu'une question de plus ou de moins et d'après les renseignements donnés par le récent mémorandum du département de l'Agriculture, il est incontestable que dans l'ensemble l'élevage irlandais n'a pas à se féliciter de la classe et de la qualité de ses étalons. — 73 CHAPITRE V Les juments Il serait impossible de faire pour les juments une répartition par race aussi nette que celle dont nous nous sommes servi pour les étalons. Alors que pour ceux-ci les documents sont assez précis sur leurs nombre et qualités, pour celles-là, au contraire, ils en parlent beaucoup moins et se bornent le plus souvent aux expressions demi-sang, croisement avec le pur sang, croisement avec le cheval de trait, etc., en somme des indications d'une por- tée générale. Pareille répartition serait difficile à l'aire, si l'on tient compte qu'on évalue approximativement à 100,000 juments le nombre de celles nécessaires pour arriver à la production moyenne de 65 à 70,000 poulains annuellement élevés en Irlande. Les poulinières de pur sang se rencontrent un peu partout, mais surtout dans le premier district d'élevage et plus spéciale- ment encore dans les régions avoisinant les centres de produc- tion du thoroughbred et les localités où les courses sont le plus fréquentes. En nombre impossible à déterminer, il en est de très bonnes que les éleveurs fortunés savent rechercher avec du gros et de la charpente. Certaines de celles-ci distancèrent même des demi-sang dans les concours pour juments propres à donner des heavy weight ; c'est le cas pour Katrine, dont nous donnons la photographie, qui se classa plusieurs fois en tète aux grands shows de la Hunters' Improvement Society et de la Royal Dublin Society. Il n'est pas nécessaire, nous semble-t-il, de nous arrêter à justifier la valeur de pareils éléments, c'est l'évidence même. A côté de celles-là, mais en nombre de beaucoup plus grand, on rencontre des mères de pur sang aux mains des petits métayers qui les attellent et s'en servent pour tous leurs travaux, tout en leur faisant donner des poulains. Celles-ci sont forcément de qualité douteuse, sinon souvent très inférieure, car ces cultiva- teurs les ont reçues en présent et plus souvent encore les ont achetées à vil prix. Dans un cas comme dans l'autre, il est diffi- cile de croire qu'elles fussent arrivées chez eux et qu'elles y resteraient, si elles avaient quelque valeur comme poulinières. — 74 - Les descriptions qu'oD en donne les montrent légères de char- pente, longues et étroites dans le dos et le rein, avec des membres grêles, de mauvais jarrets ou de mauvais pieds ; en un mot, elles formeraient le pendant avec les mauvais étalons dont nous avons souvent parlé. On conçoit que lorsqu'elles sont données à des étalons de valeur adéquate à la leur, on ne doit pas s'attendre à des produits de classe même moyenne ; on comprend également que certains éleveurs aient pu être aussi sévères pour la qualité des pur sang non tracés. Trop souvent cependant, elles sont livrées à des entiers de demi-sang, surtout à des trait léger et à des gros trait, ainsi que nous l'avons vu, et s'il leur arrive de donner un bon poulain ayant du gros et des qualités, le cas paraît plutôt exceptionnel. Comme juments de demi-sang, la belle classe est représentée par celles que l'on voit chez les fermiers aisés, par celles que l'on rencontre, en trop petit nombre malheureusement, aux concours de Ball's Bridge et d'Islington (*). Voici ce que dit le vicomte de Saint-Périer de celles qu'il vit à Dublin en 1909 (**) : « A vrai dire, lorsque nous avons examiné ces juments, nous étions loin de penser qu'elles pussent être aussi avancées dans le sang pur : sans doute la finesse de leurs tissus était grande, leur expres- sion noble, leur démarche pleine de vie et de puissance, mais l'ampleur de leur squelette, leur membrure remarquable, pour nous encore un peu imbu malgré tout et malgré nous du pré- jugé de Yaffinement, semblaient plutôt le privilège d'une race moins aristocratique. Il nous a fallu une étude très sérieuse, documents en mains, pour nous rendre à l'évidence : les pouli- nières les plus estimées en Irlande pour la production des hun- ters poids lourds sont en majorité des juments filles de pur sang du côté paternel et petites-filles de pur sang du côté maternel. Comme elles proviennent d'auteurs soigneusement choisis sur le modèle épais, elles ont assez de gros pour pouvoir en toute sécu- rité être livrées elles-mêmes à un reproducteur de race pure. « L'opinion ainsi exprimée ne laisse place à aucun doute, car c'est précisément le type de juments que la Hunters' Improve- (') Les concurrents sont' en si petit nombre qu'en 1906, la Hunters' Impro- vement Society décida de supprimer la classe des poulinières. En 1906 il n'y avait eu que 4 inscriptions pour le Hunter Show. (") U. S. P. Au HorseShow de Dublin, in Bulletin de la Soc. du Cheval de guerre, Paris, octobre 1909. — 75 — ment Society cherche à faire produire et inscrire à son stud book. Le modèle de ces juments est bien représenté par les photogra- phies que nous donnons : Grey Pullet est parmi les plus célèbres, non seulement par les championnats qu'elle remporta dans tous les grands concours, mais aussi par la haute qualité des produits qu'elle donna. Notons que son extérieur n'est pas de nature à la montrer comme une trois quarts de sang et cepen- dant elle est par The King, pur sang, hors d'une jument par Lothario, pur sang. Avec moins de valeur marchande peut-être, mais avec de grandes qualités comme poulinières, il faut placer à côté de celles-là les juments hunters qu'un accident quelconque a fait écarter de leur service à la queue de chiens. Soit comme dons, soit par achat, elles viennent souvent échouer dans une ferme et terminer leurs jours comme poulinières tout en gagnant leur nourriture par les services qu'elles rendent à l'attelage. Beau- coup d'entre elles rentrent certainement dans la catégorie des mères dont on peut attendre des produits de belle classe. Peut- être n'ont-elles pas toutes la charpente que réclame l'élève du weight carrier, mais celles d'un type moyen ou léger n'en ont pas moins fait leurs preuves. C'est là un point ayant beaucoup de valeur, car les bons médium et light weight hunters trouvent tout aussi bien à se placer à bon prix. Si nous prenons ces belles poulinières comme type, dans leur ensemble les autres peuvent se diviser en deux catégories : 1° celles d'un modèle de plus en plus léger, dont l'extrême est la mauvaise jument de pur sang; 2° celles d'un format de plus en plus volumineux, d'une souche de plus en plus commune, conduisant par une diminution graduelle de parenté avec le thoroughbred, aux juments de trait léger (Irish draught horse) et aux juments de gros trait (shire, clydesdale, suffolk) d'origine plus ou moins pure. Pour expliquer cette diversité des juments, il faut tenir compte des contingences locales si diverses, il faut surtout ne pas perdre de vue que presque toutes les poulinières pour demi- sang tenues par les métayers, font leur service dans les traits. Au point de vue agricole pur, l'usage du gros trait paraît plutôt limité à quelques régions où le sol est lourd et encore y con- teste-t-on son utilité en invoquant que l'Irish draught horse est apte, dans quelque région que ce soit, à faire face à toutes les nécessités. Le gros trait est mieux le cheval du grand fermier que — 76 celui du petit cultivateur ; or, d'après le Census Returns de 1891 — et abstraction faite des propriétaires fonciers et des gentil- hommes campagnards (Country gentlemen) — les fermages d'une valeur imposable de moins de 5,000 francs sont au nombre de 482,109 pour 4,756 fermages de 5,000 francs et plus, soit pour 99 p. c. de l'ensemble. On comprend par là que toutes les sympathies aillent à l'Irish draught horse et que les fermiers se rendent compte de l'avantage qu'il y aurait pour eux à chercher à faire revivre l'ancienne Irish cart mare. D'après major Stucldert, il en resterait encore dans les comtés de Kerry, de Cork et de Limerick qui sont vierges de toute accointance avec le gros trait anglais moderne et en juillet 1906 notre confrère M. Healy (32) confirma cette opinion en y ajou- tant une partie du Waterford. Mais de ce que nous avons vu, il est à présumer qu'elles ont une certaine parenté avec le thorough- bred ; toutefois, au point de vue de l'élevage du demi-sang, ce n'est pas un mal. En dehors de celles-ci, les autres, types modernes de l'Irish draught horse, « sont de souches très mélangées. Pour la plus grande part, elles sont engendrées par de communs étalons du pays (country sires) et ceux-ci sont produits de toutes les manières possibles (every way and any way). Quelques-uns ont une tache souvent éloignée de thoroughbred et dans beaucoup de régions les autres ne sont pas tout à fait indemnes d'infusion du sang shire ou clydesdale. Mais quelle que soit leur ascendance, il est généralement admis que les mérites que ces étalons pos- sèdent comme pères, ils les doivent à la forte dose de vieux sang irlandais dont ils ont hérité (128) ». De cette mixture de souches si diverses et d'accouplements très variés, il est impossible qu'on soit arrivé à une production uni- forme, de caractères bien fixés. Cependant, grâce à l'influence si favorable du milieu irlandais, on a abouti à des chevaux de trait énergiques, vigoureux et d'allure facile, qui trouvent leur emploi dans tous les travaux de la ferme et que le commerce recherche sous les noms de vanner s ou de parcel carters pour le camion- nage au trot. Quelle que soit du reste la parenté des juments de ce modèle avec l'old Irish mare, il est un point qu'on réclame particulièrement d'elles : c'est qu'elles n'aient pas les extrémités garnies de ces poils abondants remontant jusqu'aux genoux et jusqu'aux jarrets, qui constituent le feather des shires et des clydesdales et dont la présence serait un indice certain de parenté avec ceux-ci. D'une manière générale, les Irlandais — 77 — marquent une réelle aversion pour ce feather, ils ne manquent aucune occasion d'en témoigner ouvertement, comme ils ne laissent jamais échapper celles de nier la part de ces gros trait anglais dans l'élevage des demi-sang et de faire ressortir, au contraire, le rôle important de l'Irish draught liorse dans cette voie. Tout autant que jadis, celui-ci est actuellement un des facteurs de la production des hunters; c'est la source plus ou moins éloignée où les meilleures poulinières puisent leur charpente, et de ce que M. Burdett-Coutts a rapporté, aussi bien que de ce qui se voit aujourd'hui, on peut déduire que certaines de ces souches ont été remarquables par la constance avec laquelle elles ont transmis leur volume et leur forte ossature tout en promettant d'accumuler une très haute dose de sang dans leurs descendants. Par là, il n'est point étonnant que dans le langage des éleveurs et des huntingmen, il soit passé à l'état d'axiome que les meil- leurs weight hunters ont tous un rien de sang de trait (a bit of draught blood) dans les veines. Il n'est point étonnant non plus que M. Gilltrap ait pu dire avec beaucoup d'autres que la meilleure poulinière pour weight carrier est toujours par un draught horse. Le fait est d'autant plus vrai que si l'on donne un bon pur sang à une de ces juments de trait bien conformées, avec de bonnes épaules et de tempérament énergique, il en résulte assez fréquemment, dès le premier croisement, des chevaux de chasse de réelles qualités. Étant donnés la présence de ces juments de trait léger et les résultats de leur emploi, on conçoit que les Irlandais disent que les shires et les clydesdales n'ont rien à voir chez eux avec l'éle- vage du demi-sang ; la participation de ceux-ci n'est peut-être pas grande, mais en réalité elle n'est pas niable. Elle est du reste avouée par des éleveurs et il semble, ainsi que nous le montrerons, que certains hunters portent sur eux les preuves flagrantes de cette parenté équivoque. En 1873, sur quatre témoins irlandais, William M'Granne fut le seul à parler de l'emploi des clydesdales et à dire qu'ils avaient causé un grand préjudice à la race (breed !) des hunters. Mais en 1897, l'emploi des juments de gros trait croisées avec le pur sang fut largement traité ainsi que nous l'avons signalé en par- lant des étalons. Il résulte de ce qui fut dit, que nombre de juments et d'étalons de demi-sang ayant un, deux ou trois croi- sements de thorougbred, remontent à ces gros trait anglais par — 78 — leur ascendance maternelle. Pour signaler un exemple dans lequel la valeur de cette souche est mise en relief, nous rappor- terons, d'après notre confrère M. James Dunlop, que le métissage initial de la famille des Harkaways trace à des juments clydes- dales. Le feather n'est pas la seule raison invoquée pour justifier l'ostracisme dont les Irlandais voudraient, en général, frapper ces races : on leur reproche à l'occasion leur ossature manquant de densité dans le tissu, leur tempérament lymphatique entraînant des empâtements dans les articulations, etc. Mais à voir les choses d'un œil impartial, on est en droit de se demander s'il ne se glisse pas là une question de patriotisme, de fidélité de tradi- tion à tout ce qui est d'origine irlandaise, à moins que ce ne soit, une fois de plus, un exemple d'opinions diamétralement opposées, telles que l'hippisme en fournit tant. Il est réellement caracté- ristique, en effet, de rapprocher ce que nous venons de dire, des idées professées en Grande-Bretagne au sujet du rôle des shires, des clydesdales et des suffolks comme source de force et de charpente pour la production des weight carriers. Il y a vingt- cinq ans, le 2 mars 1885, au Farmers' Club de Londres, c'est là un point qui fut soulevé et discuté lors de la conférence de Sir W. Gilbey (17) ; et parmi les nombreux articles publiés sur ce sujet, signalons celui de M. G. S. Lowe, The cross ofthe cart mares, paru en 1905 dans le Live Stock Journal. Mais tandis qu'en Irlande on se borne à parler en termes généraux de ces races dont les seuls noms évoquent les chevaux de haute stature et de volume énorme dont nos voisins s'enorgueillissent à juste titre, en Angleterre, au contraire, on spécifie que les types à recommander pour les croisements sont ceux de moindre for- mat et de tempérament vigoureux, parmi lesquels se recherchent les beaux camionneurs légers qui sillonnent la grande métropole et les cités industrielles de la Grande-Bretagne. Ce que l'on conçoit mieux, c'est que les fermiers irlandais accordent toutes leurs sympathies à l'Irish draught horse qui fut et qui peut redevenir un produit naturel de leur sol et de leur élevage. On comprend surtout qu'ils veuillent viser exclusivement celui-ci dans leurs encouragements et qu'ils y trouvent plus d'intérêt en se rendant compte qu'ils ne pourront jamais lutter avantageusement contre les Anglais pour les shires, contre les Ecossais pour les clydesdales, leurs moyens ne leur permettant pas de payer les prix que ceux-ci mettent pour leurs reproduc- — 79 — teurs. C'est là, nous sernble-t-il, l'esprit dont il faut s'inspirer pour apprécier la discussion à laquelle le draught liorse a donné lieu le 30 novembre dernier au Council of Agriculture, discussion qui a mis en relief l'importance pratique et numérique de son élevage et qui a abouti à la demande d'encouragements de valeur égale à ceux affectés à la production des hunters. Les faits avancés dans cette réunion paraissent, du reste, accuser une tendance marquée de la part des petits éleveurs à abandonner l'élevage du demi-sang pour celui du draught horse. Pour revenir à la question des juments d'un type défini, nous devons faire allusion à celles de race cleveland bai. Alors qu'en Angleterre, l'ancienne poulinière de cette souche fut toujours comptée parmi les meilleures pour donner de beaux hunters, en Irlande cette race ne paraît pas jouir d'une grande vogue. On la défend cependant en faisant valoir qu'elle est de beaucoup supé- rieure au gros trait, grâce au sang qu'elle a déjà tout en possé- dant une ampleur suffisante ; néanmoins beaucoup d'éleveurs font mention des résultats mauvais ou douteux de son emploi. Pour ce qui est des juments légères de demi-sang, abstraction faite de leurs qualités, dont nous parlerons tantôt, elles vont depuis les belles poulinières mentionnées plus haut, jusqu'aux claquettes étriquées que l'on est obligé de donner à des demi- sang, à des trait léger et à des gros trait en vue d'arriver à un produit marchand. Il est certain que le sang de thoroughbred domine en elles, qu'elles sont le fruit d'accouplements irréfléchis autant que condamnables, mais il serait impossible d'apporter quelque précision sur ce point et ce que nous avons dit jusqu'ici fera du reste ressortir combien est illusoire leur valeur comme poulinière. Ce n'est pas encore tout et à côté de cette macédoine hippique, il faut faire une place, non sans quelque importance, à des po- nettes du Kerry et du Connemara qui, par croisement avec des pur sang, donnent fréquemment naissance à des hunters de belle classe. A première vue, on a quelque peine à croire que ces ponettes variant entre lm32 à lm42, dont les plus grandes ne dépassent pas lm47, puissent engendrer des chevaux de taille. Cependant le fait est réel. « J'ai vu, dit Th. Donovan, — mar- chand de chevaux de longue expérience habitant Cork, — un hunter extraordinaire de 16 stones (101 kilos), mesurant lm62o, par un cheval nommé Applause hors d'une ponette du Kerry, et j'ai vu une grande quantité de huniers remarquables hors de — 80 — très petites juments par des pur sang. » Notre confrère M. Pal- lin — alors possesseur de huit étalons de pur sang registered et plus tard propriétaire de Red Prince II — ne fut pas moins affirmatif. Il dit que quelques-uns des meilleurs chevaux de chasse qu'il connut provenaient de pareils croisements et il ajoute cette opinion digne d'attention : « Tous ces produits ont les dons et la nature robuste des poneys de Connemara avec les qualités et le courage du cheval de pur sang. Je ne connais pas de chevaux aussi sound que ces poneys et par là, ceux-ci ont une tendance à renforcer, à affermir ce que le pur sang pourrait avoir de délicat. » Par le fait même des qualités reconnues aux métis de premier croisement, on en déduira que les juments ainsi produites peuvent devenir des poulinières de réelle valeur. Quelles que soient les juments employées, il est un point qui doit être mentionné ici : c'est le fait, avoué en 1897 et en 1901, que dans certaines régions, on fait porter les pouliches de deux ans (*). Depuis 1887, nous avons personnellement l'occasion de constater tous les ans, que des juments de quatre ans présentées aux commissions de remonte portaient des traces irrécusables de poulinage et lorsqu'il s'agissait des remontes du printemps cela ne pouvait être que des poulinières ayant donné leurs pro- duits l'année précédente. Les résultats issus de cette pratique sont appréciés plutôt défavorablement et aboutissent le plus généralement à augmenter le nombre des non-valeurs sur le marché. Ayant ainsi établi ce que sont les juments aux points de vue de la souche et du type, cherchons maintenant ce qu'elles valent comme ensemble. En 1904, le comité du référendum avait prévu la question suivante : Y a-t-il dans votre district un nombre suffisant de poulinières aptes à produire les light horses, et dans ce cas quel est approximativement leur nombre? Réponses : nombre suffisant, 75 ; insuffisant, 358 ; réponses manquant de précision, 38. « Les chiffres approximatifs pour l'Irlande sont les suivants : Ballymena : environ 20 ; Cork : environ 50 dans un rayon de 4 milles; Down : environ 100 présentées annuellement pour (*) J. L. Nickisson signale que dans certains concours locaux irlandais, il y a des classes pour poulinières suitées de trois ans. (Voir Live Stock Journal Almanac, 1907 : « Some thoughts and suggestions on hunter breeding ».) — 81 — l'acceptation par la Royal Dublin Society ; Galway : environ 60 dans un rayon de 3 milles ; Kildare : environ : 100 ; Kilkenny : de 100 à 200 ; Newry : environ 200, mais pas de la classe pour élever ; Sligo : environ 500 à 600 utilisées pour l'élevage, mais 20 p. c. peuvent produire des hunters, les autres toutes légères ; Waterford : environ 400, mais beaucoup ne conviennent pas (unsuitable). » Comme réponses affirmatives, il faut noter celles de Clare, Clonmel, Cork, Dublin, Kells, Kildare, Kilkenny, Kilmactlio- mas, Lurgan, Mayo, Newry, Queen's County, Sligo, Ormond Hunt District. Antrim : beaucoup de juments, mais ne conviennent pas pour l'élevage ; Ballymena, . . . mais pas du type correct ; Down : grand nombre de juments, mais en règle générale ce sont des animaux refusés à la vente, tout ce qui passera l'inspection vété- rinaire est vendu ; Thomastown : bonne quantité de juments qui élèveraient des chevaux légers, mais très peu assez bonnes pour produire une haute classe de hunters ; Tipperary : en majorité vieilles et de soundness douteuse ; Wicklow : abondance de juments de force moyenne, pas abondance de juments de forte ossature avec des qualités. » La situation ainsi mise en évidence confirme ce qui fut dit à l'enquête de 1897. Sur douze commissaires, sept émirent l'avis suivant : « Bien que quelques bonnes poulinières soient tenues en vue de l'élevage dans presque toutes les parties du pays, nous avons eu de nombreux témoignages établissant que de très grands nombres ont été achetés et exportés par les étrangers. Il a été indiqué que les acheteurs ne regardent à aucune dépense pour obtenir le meilleur sang et les animaux les plus profitables, et qu'ils ne veulent pas acheter de juments unsound. Par le fait des « temps mauvais » et tentés par les bons prix offerts, les fermiers irlandais ont trop fréquemment vendu leurs meilleures juments et conservé les inférieures, souvent unsound, pour continuer l'élevage. » Les cinq autres commissaires ont été non moins catégoriques : « Il est plus difficile de se former une opinion au sujet des juments, mais il a été établi à de nom- breuses reprises que depuis un certain nombre d'années, toutes les meilleures juments ont été enlevées du pays, largement par les étrangers ; que trop souvent, seules les juments ne pouvant être vendues étaient conservées pour l'élevage; que les juments aux mains des petits fermiers étaient petites et weedy ; n'ont ni ossature ni substance; sont extrêmement mauvaises; juments — 82 de bonne souche, le plus souvent de chasse ou de course claquées ; beaucoup sont trop weedy pour être données à des pur sang ; les plus mauvaises juments, à encolure renversée, basses du devant et longues dans le dos; jusqu'à ce que vous approchiez pour les regarder, il ne vous paraît pas combien elles peuvent être mauvaises; petites et weedy juments, la chose étonnante est qu'on puisse avoir un bénéfice à en élever des poulains; et autres témoignages de môme nature. Il est évident par là que les bonnes juments sont surtout aux mains de grands fermiers et éleveurs... » Ce dernier fait, d'ailleurs commun à tous les pays, est d'ordre trop général, il est trop compréhensible pour qu'il soit néces- saire d'insister. Quant aux juments des petits fermiers, il ressort nettement qu'elles sont de qualité inférieure, sinon très infé- rieure, et il est à remarquer que les commissaires n'ont même pas cherché à atténuer la portée des témoignages recueillis. En somme il y a là une situation avouée qui marche de pair avec celle trouvée pour les étalons. Voici du reste quelques chiffres qui fixeront les idées. Ce sont les résultats donnés par les inspections des juments concourant pour la saillie par les étalons admis par la Royal Dublin Society : 1888 : 1,743 juments présentées, 790 admises, 740 saillies. 1889 : 2,094 — ? — 833 — 1890 : 1,748 — ? - 841 — 1891 : 1,520 — ? — 772 — 1892 : 2,473 — ? — 1,449 — Cet état de choses ne diffère pas de ce qui existe aujourd'hui. Voici, d'après les Annual General Reports ofthe Départ, of Agriculture and Technical Instruction, les résultats des mêmes inspections effectuées en conformité des règlements de ce département : 1906 1907 1908 1909 Nombre de juments présentées. 10,733 11,565 1 1 ,036 12,098 Juments acceptées par les commissions. Juments acceptées mais exclues pour unsoundness. 5,930 5,902 6,050 5,838 55.0 p. c. 51.0 p. c. 54.0 p. c. 48.2 p. c. 987 916 808 754 16.6 p. 15.5 p. 13.4 p. 12.9 p. Nombre de juments acceptées aux deux épreuves. 4,943 46.0 p. c. 4,986 43.1 p. c. 47.5 p. c. 42.0 p. c. 5,242 5,084 A quoi cette situation est-elle due? La principale invoquée est l'exportation des meilleitres juments par l'ét cause étranger — 83 — ou par des émissaires des gouvernements étrangers. Nous avons vu que Sir Henry Smith souleva le premier cette question en 1847. Peu après, en 1853, dans une lettre au colonel Wing- field, M. East, alors fournisseur de la remonte anglaise, attribue la difficulté de trouver de bons chevaux de remonte à la grande exportation des meilleures juments, notamment par les Alle- mands et les Russes. Il ajoute aussi : « Il y a peu d'années, lorsque le gouvernement français achetait des chevaux en Angle- terre pour son armée, il choisissait les meilleures juments pour ses établissements d'élevage... » En 1873, retenons ce détail cité par Capt. Fulke-Gréville : « A ce moment même, je connais en Irlande deux courtiers employés par les Allemands, un dans le Nord et l'autre dans le Sud, ayant, si je puis dire, un crédit illimité pour acheter des juments saines, fraîches et jeunes. Ils sont difficiles quant à la robe, ils ne doivent pas acheter des alezans et absolument pas des gris ; je crois que dans ces quatre derniers mois, 300 juments de cinq et six ans furent exportées en Allemagne dans un but unique d'élevage. » En 1897, il fut beaucoup question de ces exportations de juments, mais depuis que la guerre anglo-boer a remis en discussion, avec plus d'intensité que jamais, la question de l'éle- vage dans ses rapports avec la remonte de la cavalerie, c'est là un argument ressassé à toute occasion et dans tous les milieux depuis la Chambre des Lords jusqu'à la moindre revue d'élevage ou feuille quotidienne. Malheureusement ceux qui l'invoquent montrent parfois bien peu de soucis d'exactitude ! C'est ainsi entre autres que le 3 novembre dernier, à la réunion du Council of Central and Associated Chambers of Agriculture, Major Temple (*) dit qu'en 1905 « il y avait en Irlande des Belges et des Français vivant au milieu des fermiers en vue d'acheter tous les jeunes produits et un lot de poulinières ». Pour ce qui est de notre pays, nous pouvons dire qu'on n'y a que faire des pouli- nières irlandaises, quelles que puissent être leurs qualités, pour la bonne raison qu'on n'y élève pas de demi-sang, sauf quelques anglo-normands et quelques rares hackneys. Mais dans le concert d'exagérations, la palme revient certainement au comité du référendum de 1904. Voici ce qu'il dit dans son rapport (16) : <• Il est clair que dans une large mesure, la contrée a été et est (') « Farmers and Horse-breeding » in Live Stock Journal du 5 novem- bre 1909. — 84 — drainée de ses meilleures juments par les acheteurs étrangers, et un correspondant de Newry nous fait savoir qu'en 1904, le gouvernement hollandais enleva 350 des très meilleures (very best) jeunes juments irlandaises qui furent fournies par trois ou quatre marchands. » Pour se rendre compte de l'exagération et de la valeur de cet argument, il importe de noter que l'on fait allusion à des juments de trois et quatre ans achetées par la commission de remonte de l'armée hollandaise, au prix de 41 livres sterling, soit 1,025 francs! Les continentaux seront plutôt fort étonnés d'apprendre que les Irlandais cèdent leurs meilleures juments de trois et quatre ans à ce prix ! Et dire que d'un autre côté on avoue que les chevaux vendus comme troupiers ne sont que les déchets de la production des hunters ! Il est vrai que des éleveurs d'un esprit plus pon- déré et d'un sens pratique plus juste n'ont pas hésité à répondre que ce n'était pas avec des juments de cette valeur qu'on pou- vait espérer ; faire de bon élevage. Peut-être n'est-il pas sans intérêt de rappeler ici qu'en 1873, sur une question du duc de Richmond, P. Sheils, marchand irlandais, répondit qu'il ne voudrait pas se charger de fournir au prix de 40 liv. st., 150, ni même 50 pouliches de deux ans et demi qui pourraient faire de bonnes poulinières. Et l'on voudrait que plus tard, alors que les chevaux avaient augmenté de prix, les meilleures — car on ne se sert jamais que de ce terme — fussent vendues 41 1. st. à trois et quatre ans ! Mais pendant qu'on en était ainsi à exagérer, on ne s'est jamais demandé: 1° si ce fait était le résultat de la recherche des juments de préférence à des hongres ; 2° si les régiments anglais ne contenaient pas une aussi forte proportion de juments que ceux des pays se remontant exclusivement en Irlande, comme c'est le cas pour la Hollande et la Belgique ; 3° si les Anglais n'avaient rien à se reprocher dans cet exode des juments. D'après les renseignements fournis au comité du référendum par le colonel Knell, directeur de la commission d'achat pour l'armée hollandaise, » en 1904, les chevaux achetés compre- naient 05 p. c. de juments, mais durant plusieurs années ce taux fut plus élevé ». Cet officier supérieur ajoute que les juments vendues par réforme sont parfois employées à l'élevage lors- qu'elles sont achetées par des petits fermiers ou cultivateurs. D'après cela on en a déduit que l'on recherchait surtout des juments et en nous exprimant ainsi nous ne faisons que répéter — 85 — ce que l'on reproche aux commissions étrangères. Or il importe de ne pas oublier que ces commissions n'achètent ni chez les éleveurs, ni en foires, où elles pourraient choisir, mais unique- ment chez les marchands de troupiers. La preuve la plus con- vaincante de l'inanité de cet argument existe dans ce qui se passe avec les remontes belges. Puisque notre pays n'élève pas de demi-sang, il n'y a donc pas lieu de rechercher des juments ; de plus les chevaux sont achetés à des marchands belges qui vont se fournir chez des marchands irlandais, et nos fournisseurs s'effor- cent avant tout d'avoir des sujets présentables au moindre prix possible. Enfin les commissions de remonte visent uniquement, personne ne le contestera, à avoir les meilleures montures sans s'occuper qu'elles soient hongres ou juments. Or voici la proportion de juments dans nos remontes : Total des Nombre : de juments de chevaux achetés (*) 4 ans 5 ans 6 ans Total p. c. 1900 823 317 215 22 554 67.3 1901 801 355 212 10 577 70.1 1902 743 206 272 23 505 68.0 1903 889 291 330 38 659 73.1 1904 778 253 258 34 535 72.1 4,034 1,422 1,281 127 2,830 70.1 Certainement nous ne nierons pas que les remontes nous amè- nent des juments que la maturité révèle comme des sujets de tout premier ordre. Pour le montrer il suffira de rappeler les noms de Extra-Dry, Ox-Tail, Fritzy, Roxane, Miss, Folle-Fète, Gri- sette, Viens Poupoule, etc., qui s'illustrèrent dans les concours hippiques et dans les cross-countries, et bien d'autres encore, montures d'officiers ou simples chevaux de troupe, dont le renom des belles qualités ne dépassa pas leur régiment. Mais étaient- elles donc toutes taillées en poulinières et combien y en eut-il à côté de celles-là qui restèrent de vrais déchets? Ce qui leur manque presque toujours, c'est la belle épaule que l'on réclame des vraies mères, et ce détail ressort très bien dans une photographie que nous donnons. Notons en passant que c'est (") A l'exclusion des chevaux de trait de l'artillerie de campagne. — 86 — là un des grands reproches que l'on doit faire à nos troupiers et troupières d'aujourd'hui. Il est au moins singulier que personne n'ait jamais pensé à se demander et à demander si la cavalerie anglaise — qui à elle seule achète plus de chevaux que les remontes belge et hollan- daise— n'est pas aussi une sorte de tombeau pour les meilleures juments! En l'absence de documents précis de date récente, nous rapporterons qu'en 1873, M. Phillips — alors fournisseur de la remonte — répondit au duc de Cambridge que les chevaux de l'armée étaient « presque tous des juments ». Il serait intéres- sant que nos voisins d'outre-mer veuillent bien se donner la peine de rechercher s'il en est encore de même aujourd'hui. Puisque la question est présentée avec une importance extraordinaire, ce serait faire preuve d'un souci de documentation irréprochable qu'il serait difficile de reconnaître à ceux qui, dans ces vingt dernières années, firent grand état de cet argument. Voici, d'après Agricultural Statistics of Ihe Board of Agriculture les chiffres moyens annuels des exportations irlandaises en Grande-Bretagne : Étalons Juments Hongres Total 1881-1885 56 11,617 16,780 28,453 1886-1890 12 12,992 17,380 30,444 1891-1895 148 14,307 18,428 32,682 1896-1900 144 17,925 20,886 38,955 1901-1905 224 12,515 14,623 27,382 1906-1909 235 14,314 16,690 31,239 Sans chercher à supputer la proportion de juments dans la production générale, tirons de ces chiffres la simple conclusion que le nombre de celles-ci fut toujours sensiblement inférieur à celui des hongres exportés. Mais puisque sans réserve nos voi- sins d'outre-mer accusent l'étranger d'enlever aujourd'hui encore les juments irlandaises, aussi bien que les anglaises, il nous a paru intéressant de rapprocher les statistiques puisées à la source ci-dessus, de celles publiées par Annual Statement of the trade of the United Kingdom with foreign countries and British possessions depuis 1888, date à laquelle futcommencée la répartition des chevaux exportés en étalons, juments et hongres. — 87 — De 1888 à 1908 inclusivement : Juments importées d'Irlande en Grande-Bretagne. Juments exportées de Grande-Bretagne en Irlande . Chevaux exportés de Grande-Bretagne à l'étranger . Juments exportées de Grande-Bretagne à l'étranger . Juments importées de l'étranger en Grande-Bretagne. 307,932 49,080 623,769 105,603 184,146 Nous avons fait remarquer plus haut que tout le trafic des che- vaux avec l'étranger se faisait par les ports de la Grande-Breta- gne; cela facilitera la conclusion à tirer. D'après les chiffres globaux ci-dessus, sur l'ensemble de l'ex- portation à l'étranger, les juments n'interviennent que pour un sixième environ et il convient de faire remarquer qu'il ne s'agit pas entièrement de juments aptes à l'élevage, car il en est un certain nombre qui sont vendues comme chevaux de boucherie pour la Hollande, la Belgique et le nord-ouest de la France. Nous ne tiendrons aucun compte des juments importées de l'étranger, il n'est cependant pas niable que certaines d'entre elles sont vendues pour l'exportation. Malgré cela, il résulte que, déduction faite des 49,080 juments expédiées de Grande-Breta- gne en Irlande, la Grande-Bretagne a reçu 258,852 juments d'origine irlandaise et qu'elle n'a exporté que 105,603 juments à l'étranger. En admettant même que parmi celles-ci, il n'y en eût pas une seule d'origine anglaise, il se faitque la Grande-Bretagne a conservé 143,249 juments, soit près d'un tiers en plus que pour tous les pays étrangers et possessions anglaises réunis. D'après cela, il serait juste que l'Angleterre prenne la première place parmi les pays qui recherchent les juments irlandaises. Mais ce n'est pas le seul point sur lequel nos voisins ont une part de responsabilité dans la question des juments. Déjà vers 1825, Nimrod faisait mention du préjugéque la fashion sou- levait contre les juments, seul le hunter hongre était réellement de bon ton. D'un autre côté, Sir W. Gilbey Bart. constate en 1905, dans The Hamess Horse, que la même chose a existé depuis longtemps pour les chevaux d'attelage. Il faut recon- naître que les Anglais n'ont rien fait pour retenir les juments et ceux-là même auxquels leur fortune permettait de choisir les plus belles et les meilleures, étaient les premiers à leur préférer les hongres. N'est-ce pas du reste pour cela que ceux-ci ont toujours une valeur commerciale plus élevée que les juments? Nous n'entendons pas nier que des marchands étrangers aient souvent recherché les juments plutôt que les hongres, mais sans sup- puter les raisons de cette préférence, il nous paraît que seule l'exportation de celles achetées comme chevaux de commerce a pu atteindre l'élevage, tandis que l'exode des troupières ne doit pas être envisagé de la même manière. Aux yeux de ceux qui agitent aveuglément le spectre de l'exportation des juments, la crise de l'élevage devait naturelle- ment trouver sa cause dans le manque de bonnes poulinières. Sans aucun doute il y a là une part de vrai, car on n'exporte pas impunément des quantités de juments, surtout lorsque celles-ci sont le produit d'un élevage, d'un métissage spécial et non les représentants d'une race dont la perpétuation est assurée par la souche pure conservée dans le pays et par les conditions de milieu qui l'ont façonnée. C'est là un point dont on n'a pas tenu compte dans les innombrables articles et discussions soulevés par le sujet. Il est incontestable que depuis toujours, tant en Angleterre qu'en France et en Belgique, les transports et l'industrie ont enlevé à l'élevage des quantités de juments dont beaucoup eussent fait des mères de bonne et moyenne classes. Il est non moins certain que l'exportation s'y ajoute aujourd'hui pour effectuer une sorte de drainage continu des chevaux belges, boulonnais, clydesdales, percherons, shires, suffolks. Mais il s'agit là de races dans toute la portée scientifique de ce terme et leur existence n'en a jamais et ne saurait être menacée parce que leur type est fixe et en quelque sorte attaché au sol comme s'il était l'expression même de celui-ci, parce que les éléments de souche pure restant sur place les feraient réapparaître. Le hunter, au contraire, n'a jamais constitué une race ; il a été et il est resté un produit artificiel, un produit de croisement dont l'industrie était ainsi vulnérable en plusieurs points et notam- ment dans l'élément maternel qui est lui-même un produit fabri- qué de toutes pièces. En quelques endroits, le hunter a pu former ce que nous pourrions appeler des familles, sortes d'embryons d'où aurait pu surgir une race, mais la castration des jeunes mâles et la disparition des femelles, tous deux recherchés par le commerce, y mettaient obstacle en empêchant la sélection du type à fixer et la continuité d'action nécessaire pour y arriver. Ce manque de bonnes poulinières fut la raison même de la fon- dation de la Rrood Mare Society, cependant il ne manque pas d'éleveurs pour s'inscrire en faux contre cette prétendue disette de l'élément maternel de l'élevage. M. Ch. Tindall n'hésite — 89 — pas à dire qu'on trouverait de bonnes juments si lelevage du hunter était rémunérateur. En ce qui concerne particulièrement l'Irlande, il semble peu douteux qu'il en est encore beaucoup de belles, mais ce qui pourrait peut-être leur faire souvent défaut, c'est l'origine. Nombre d'entre elles, en dépit de leur belle con- formation, sont trop fréquemment les produits d'une série d'alliances hétéroclites et leur valeur comme poulinières est loin de répondre toujours à leurs qualités extérieures. Elles paraissent être beaucoup plus de belles juments que de bonnes mères et c'est à ce point de vue que les Irlandais regrettent amèrement les pou- linières de l'ancien type, car celles-ci constituaient une souche d'une valeur incomparablement supérieure à celles remontant aux races shire, clydesdale et suffolk. Débarrassée de toutes les exagérations dont on l'entoure, la question des juments reste incontestablement d'une importance capitale et on ne peut qu'applaudir aux efforts de ceux qui s'éver- tuent à en améliorer la qualité. — 90 — CHAPITRE VI La production du hunter et du demi-sang en général De ce que nous venons de voir, on déduira certainement qu'il serait aussi peu fondé qu'impossible de présenter la production du demi-sang irlandais comme le résultat d'un élevage uniforme par les facteurs utilisés. Au contraire, la variation la plus éten- due y règne en maîtresse et, abstraction faite des qualités, si l'on prend d'une part tous les types d'étalons s'échelonnant entre le pur sang et le gros trait, d'autre part, tous les modèles de juments du gros trait au pur sang, en y comprenant des ponettes du Connemara, on peut dire que tous les croisements possibles y sont effectués. La seule réserve que l'on pourrait faire, c'est que certains d'entre eux sont plus fréquents. Avec Kennedy, passons rapidement en revue ces différents croisements et les résultats qu'ils donnent. 1° L'étalon de pur sang avec la jument Irish draught. Actuel- lement la plus grande objection qu'on trouve à y faire est que le type moderne de celle-ci est souvent apparenté de près au gros trait et qu'il manque alors de tempérament énergique. Les pro- duits sont presque toujours taillés en weight carriers, mais ils laissent fréquemment à désirer comme endurance. 2° L'étalon de pur sang avec la jument de gros trait. Croise- ment violent au possible de résultats très variables, mais le plus souvent mauvais. Les produits sont presque toujours étoffés et de grande taille, ils pèchent par l'allure et surtout par défaut de vigueur et d'endurance ou sont de conformation manquant d'harmonie et d'unité. 3° L'étalon de pur sang avec la ponette de Connemara ou du Kerry. Résultats fréquemment bons avec des ponettes étoffées et râblées, alliées à un pur sang bon géniteur. Avec des thorough- breds manquant de taille et d'ossature la production reste petite, tout en étant remarquable de vigueur et d'endurance. 4° L'étalon de pur sang avec la jument de demi-sang. Beau- coup d'excellents heavy weights sont engendrés de cette manière si le père est un bon thoroughbred et la mère de bonne souche ; mais la qualité fait souvent défaut chez l'un ou chez l'autre, — 91 — parfois chez les deux. Dans ces cas les produits, quoique de bonne conformation, manquent plus ou moins de qualités, ou vice versa, pour devenir des hunters, ce sont des déchets qui s'écoulent comme troupiers, pour les cabs, etc. 5° L'étalon de pur sang avec la jument trois quarts de sang. Avec un bon père, c'est un des croisements, sinon le croisement qui donne les meilleurs résultats comme ensemble ; mais il échoue souvent aux mains des petits fermiers en raison des qualités insuffisantes des juments et de celles plus que douteuses des étalons qui leur sont donnés. Dans ces cas les déchets sont abondants et ils vont grossir les rangs des aspirants troupiers. 6° L'étalon de pur sang avec la jument sept huitièmes de sang. Des hunters de haute classe sont donnés par ce croisement, comme médium et surtout comme light weight hunters, parfois aussi comme weight carriers, mais le nombre de juments ayant conservé assez de charpente pour produire ceux-ci est plutôt très restreint. Les résultats incontestablement remarquables obtenus par les grands éleveurs sont malheureusement compensés par ceux désastreux que ce croisement a déterminés chez les petits fermiers, comme conséquence des qualités insuffisantes ou néga- tives des pères et mères. Les produits sont trop souvent très légers, ils manquent de taille et de charpente et leur abondance sur le marché réduit leur valeur commerciale à très peu de chose. 7° L'étalon de trait avec la jument de pur sang ou très près du sang. Production de conformation et de qualité très variables; le pourcentage de sujets réussis est minime et les déchets trouvent en partie place dans les troupiers de qualité plutôt inférieure à ceux issus des croisements 1 et 4. 8° L'étalon hunter avec la jument Irish draught. « Un grand pourcentage de cette production fournit de bons chevaux de chasse, mais en règle générale, ils ne possèdent pas tout à fait autant de qualités que ceux engendrés par le thoroughbred ; cependant leur conformation est si avantageuse que la classe moyenne des acheteurs les considèrent suffisants pour le com- merce » (Kennedy). 9° L'étalon hunter avec la jument de demi-sang. Pour Ken- nedy, de bons chevaux ont été produits de cette manière, mais les résultats sont sous la dépendance de l'origine des mères. Si les poulinières sont des demi-sang issues d'Irish mares, ces résultats sont très satisfaisants; mais si elles proviennent de juments de trait ils laissent à désirer. — 92 — 10° L'étalon huntor avec la jument de trois quarts ou sept huitièmes de sang. « Procédé devenant d'année en année de plus en plus populaire parmi les fermiers. Beaucoup d'excellents lmnters ont été produits de cette manière, surtout hors de bonnes juments, et le pourcentage de sujets utiles a été aussi élevé sinon plus grand qu'avec toute autre méthode « (Kennedy). A cela, il faudrait encore ajouter tous les croisements dans lesquels on utilisa les étalons métis et les étalons de gros trait, mais outre que ce serait chose fastidieuse à énumérer, elle n'au- rait d'autre finalité que de montrer l'énorme proportion de déchets engendrés par eux. D'après tout ce que nous venons d'exposer, est-il possible d'établir avec quelque certitude la fréquence comparative des divers croisements ? Est-il possible de dire que tous les meilleurs produits sont issus de pères pur sang ? Sur le premier point, s'il ne s'agissait que du facteur étalon, en tenant compte 1° du nombre de thoroughbreds renseignés, 2° du nombre de saillies payées pour les poulinières admises par le département de l'Agri- culture, 3° des opinions exprimées à maintes reprises, on pour- rait affirmer que le pur sang fut beaucoup plus employé que le demi-sang. Mais lorsqu'on y ajoute le facteur jument, la situa- tion se complique beaucoup en raison de la réaction qui se mani- feste depuis quelques années contre la production excessive de chevaux trop légers. Le deuxième point est peut-être plus délicat, car il importe de se garder de l'erreur trop facilement commise, surtout sur le continent, d'attribuer au pur sang la production des meilleurs sujets, comme il convient, du reste, de ne pas diminuer la part qui lui revient légitimement. Lorsqu'on se base sur les pedigrees des chevaux exposés à Dublin, à Islington, à Cork, etc., il ne saurait y avoir de doute, tout ce qui est bon se réclame de la paternité du pur sang et certainement c'est toujours là un argu- ment invoqué par les vendeurs, parce que cela rentre dans les goûts et les idées des acheteurs. Les produits issus de demi-sang sont très peu nombreux et moins abondants que ceux d'origine inconnue. Mais il est nécessaire de ne pas oublier qu'en dehors des pedigrees attestés par la Hunters' Improvement Society, rien ne garantit l'authenticité des pedigrees donnés. L'étalonnage est une industrie absolument privée ; aucune prescription officielle ne prévoit la tenue de registres de saillies analogues à ceux réglementaires dans plusieurs pays du continent ; en un mot, les — 93 — certificats d'origine n'ont de valeur que par la confiance qu'on peut avoir dans les personnes qui les donnent. Or, s'il y a des pedigrees d'une authenticité absolue, il est non moins certain qu'il yen a de faux. Si nous n'hésitons pas à nous exprimer ainsi, c'est qu'en 1897 cette question a été nettement mise en évidence. Major Con- nellan, en faisant ressortir les avantages qu'il y aurait à obliger les étalons à la licence et à l'immatriculation, dit que cela aurait pour résultat » de supprimer la fabrication de faux pedigrees. •> M. W. Trench exprima le même avis, et M. Wintor signala qu'il connaissait plusieurs cas dans lesquels des expo- sants avaient pris des inscriptions au concours de Dublin, d'après des pedigrees qu'ils possédaient et que les chevaux répondant à ceux-ci n'avaient été achetés qu'après. The Farmers' Gazette du 4 septembre dernier publiait un article, « Reliections on the R. D. S. Show », dans lequel M. T. Webber critique vivement l'admission des chevaux dont les pedigrees n'ont pas été vérifiés. On déduira de ces faits que les statistiques basées sur les origines inscrites dans les catalogues des concours de hunters peuvent difficilement être invoquées sans réserve pour justifier la part du pur sang, quelque grande que celle-ci soit en réalité. Nonobstant, nous croyons qu'il a à son actif la très grande partie des hun- ters de haute classe, et, nous l'avons dit, personne ne conteste la valeur du bon thoroughbred et la qualité des produits qu'il donne avec de bonnes poulinières. Il serait peut-être plus difficile encore d'établir ce que sont les mères des meilleurs hunters. Sans vouloir atteindre le rôle des juments de trois quarts et de sept huitièmes de sang, il semble cependant qu'il n'en manque pas dont l'origine est moins aristo- cratique. A moins d'invoquer uniformément des faits d'atavisme éloigné, on doit en trouver la preuve dans deux caractères pré- sentés assez fréquemment, isolément ou non, par des concur- rents et même des champions des plus grands shows : c'est d'une part la tète busquée, d'autre part la grossièreté du poil des tendons et boulets. Sur ce dernier point, voici comment s'exprime M. T. Webber dans l'article signalé plus haut : « Quant aux procédés de toilette et de dépilation par lesquels des chevaux nés de parents à extrémités poilues (Jiairy heeled) sont si adroite- ment présentés, je ne pense pas que les exposants irlandais aient quelque chose à apprendre. La chose est faite ouvertement et aucun hunter envoyé au show dans son état naturel, non toiletté, — 94 — crinière et queue flottantes, ne serait regardé. Cela tend malheu- reusement à ajouter de la confusion aux difficultés rencontrées par les éleveurs qui désirent produire de vrais bons chevaux par des procédés certains. » Pour éviter toute erreur d'interpréta- tion, notons que M. Webber signale ce fait pour chercher à arriver à plus d'homogénéité dans les croisements et pour deman- der que dans les classes de quatre ans et en dessous, les concur- rents soient présentés avec queue longue et crinière, et les membres non toilettés. Pour ce qui est de la tète busquée, les photos que nous donnons de Grandee, de Lady Emily, voire même de Knockloe, ne peuvent laisser de doute sur leur existence chez des hunters de haute classe nés en Irlande aussi bien qu'en Angleterre, car Lady Emily est née dans le Buckinghamshire. Jetons maintenant un coup d'œil sur la production dans son ensemble pour rechercher ce qu'elle est actuellement. Aujourd'hui, les fermiers ayant de bonnes juments qu'ils peuvent donner à de bons thoroughbreds, cocktails ou hunter- sires de valeur reconnue, produisent certainement des chevaux de tout premier ordre, n'ayant absolument rien à envier à ceux de jadis. Il est tout aussi certain que dans la masse, au hasard des accouplements bizarres, on voit parfois surgir des hunters absolument remarquables. C'est là le gratin, c'est là une pro- duction dont nul ne conteste ni les hautes qualités ni la grande valeur ; mais à côté d'elle et pour une part bien autrement impor- tante vient se placer celle constituant l'ensemble de l'élevage. C'est celle-ci qui constitue la grande industrie des moyens et petits fermiers, et en raison de sa valeur économique il convient de rechercher ce qu'elle est. En 1897, le rapport de cinq commissaires fut muet sur ce point, tandis que les sept autres émirent l'avis suivant : « Ces causes, — c'est-à-dire l'exportation constante de bonnes juments et l'infériorité des country stallions, — à moins qu'elles ne soient arrêtées, doivent aboutir à une détérioration de la produc- tion. Quelques témoins établissent que semblable détérioration s'est déjà produite à un certain degré dans quelques régions du pays et que les bons chevaux deviennent rares ; d'autres disent que l'Irlande produit encore autant de bons chevaux que jadis, quoique devant l'augmentation de la demande ils soient devenus plus difficiles à trouver. Même si cette dernière opinion est exacte, il est admis que devant l'augmentation de la production, les chevaux supérieurs sont relativement rares et qu'à ce point une — 95 — détérioration a déjà pris place. » Plus loin ils ajoutent : •• D'après ces causes, bien que les chevaux irlandais n'ont pas encore perdu en qualité, nous considérons qu'il y a grande raison de craindre qu'il puisse en être ainsi et il devient nécessaire de prendre des précautions. •■-■ En dénombrant les témoins qui accusèrent une détérioration, on arriverait peut-être à trouver qu'ils sont en majorité et parmi eux nous trouverions plusieurs marchands que leur commerce amène un peu partout dans le pays où ils peuvent ainsi juger de la qualité et de la valeur marchande des produits. Cependant cette question fut différemment interprétée par d'autres témoins. Pour ceux-ci, il y a tout autant de bons chevaux et peut-être même plus, mais le nombre de déchets et surtout de rebuts est proportionnellement plus grand que jadis. Capt.Fetherstonhaugh, notamment, justifie comme suit son opinion : » Je considère qu'il doit y avoir plus de chevaux élevés dans le pays, parce que je vois les foires pleines de chevaux invendables. Il y en a des nombres énormes qui sont traînés de foire en foire et spéciale- ment cet automne (1896), des chevaux auraient été vendus pour ce que l'on aurait voulu en offrir... Les foires sont pleines de chevaux unsound, invendables, pour lesquels il n'y a pas de demande. » De son côté, Th. Donovan, dont nous avons déjà cité le nom, s'exprime comme suit : » Dans les derniers jours des grandes foires, comme celles de Cahirmee et Balinasloe, vous voyez 300 à 400 chevaux parmi lesquels on en trouve difficile- ment un qui soit sain. Ce sont des sujets ayant du type, qui se vendraient 300 à 400 livres sterling s'ils pouvaient passer l'exa- men du vétérinaire. On a dit que les derniers jours de ces foires étaient faits pour les vétérinaires, car les acheteurs voient ces chevaux, les font examiner, paient une guinée et le marché est rompu. » Si pareille chose est signalée pour des chevaux de bon type, n'est-on pas en droit de croire que ceux de qualité inférieure sont au moins autant frappés par cette unsoundness qui leur enlève leur valeur marchande ? Depuis 1897, cette question de la valeur de la production actuelle est toujours restée ù l'ordre du jour et en août 1908, la l'armer s' Gazette la comprit parmi celles qu'elle soumettait à une série de personnalités de compétence avérée. Des réponses obtenues, on peut déduire que si la belle classe est plutôt en amé- lioration, les autres restent plutôt inférieurs à ce qu'ils étaient jadis et, en commentant les réponses, l'auteur de l'article de - 96 — fond : » The Irish hunter -, dit que « tous les correspondants, sans y mettre de pessimisme, indiquent qu'il y a danger de dété- rioration ». La chose est en réalité difficile à apprécier. Si l'on considère les produits présentés dans les expositions locales, on doit recon- naître que leurs qualités sont réelles. Si on juge d'après ce que l'on voit dans les foires, on doit tenir compte de deux choses : 1° Que les sujets de classe n'y viennent plus, car devant la con- currence effrénée résultant de ce qu'ils sont trop peu nombreux pour satisfaire à la demande, les marchands et courtiers vont les acheter sur place ou dans les expositions où ils sont présen- tés ; 2° que les chevaux ayant quelque valeur ou qualité qu'on y amène sont vendus la veille ou l'avant-veille, sans quitter les écuries où ils sont hébergés. « Il y a vingt ou vingt-cinq ans, disait en 1897 R. Johnson, marchand à Belfast, lorsque aux grandes foires on demandait un gros prix pour un cheval, on pouvait laisser aller le vendeur et revenir un ou deux jours après pour acheter ; aujourd'hui, quand on trouve un bon sujet, si on ne l'achète pas immédiatement, on ne doit plus compter le retrouver. » Enfin, il faut prendre en considération que dans le Sud notamment, beaucoup de produits accusant des qualités sont enlevés à trois, mais surtout à deux ans, pour aller dans le Nord et en Angleterre. Et encore, lorsqu'on cherche à être édifié sur cette question, il convient de la dégager de certaines contingences. Est-elle soulevée pour justifier l'aide précuniaire et les mesures que l'on réclame à cor et à cri, on présente la situation sous un jour excessivement sombre. Mais l'aspect change complètement s'il s'agit de faire ressortir la valeur des chevaux de la Verte Erin. Nous n'avons aucune raison de préférer le terme « détérioration » à tout autre, mais de quelque nom qu'on qualifie l'état de choses existant, il n'est pas contestable que l'élevage irlandais traverse depuis longtemps une crise, une période précaire par le fait qu'une grande partie de la production laisse à désirer. Il est avoué et indiscutable qu'il souffre de l'abondance des déchets et des rebuts contenant à côté de produits étoffés, mais manquant de sang, une énorme proportion de sujets trop légers, petits, que le commerce ne trouve pas à caser. « Il y a abondance de weeds du type light weight de peu de valeur, dit M. T. Webber, mais les animaux plus solidement bâtis sont surtout du type cheval d'omnibus ou de camion. « — 97 — C'est là en réalité le spectacle qu'offrent les chevaux présentés à nos remontes. En remontant à vingt ou vingt-cinq ans, et de ce que nous avons pu voir aussi bien que de l'avis de beaucoup d'officiers, les remontes avaient de l'os, de l'allure, du sang et bon type; ils n'étaient certes pas faits au même moule, et il en était qui laissaient peut-être à désirer, mais en dehors de quel- ques spécimens sortant de la note générale, l'ensemble ne man- quait pas d'uniformité. Depuis longtemps déjà, ceux que l'on présente constituent un mélange de tous les types, de tous les formats allant de la ficelle étriquée et péchant de partout, dont la seule qualité est le sang qu'elle paraît avoir, jusqu'au métis lourd et commun dont la plus haute aspiration ne saurait dépasser les brancards d'un camion. Et parmi ceux qui se réclament d'une statique, d'un type avantageux, il faut encore faire la part de ceux qui manquent de la vigueur, de l'énergie, de ce sang si l'on veut, sans lequel il n'est point de bon cheval d'armes. L'ancien type de remonte est aujourd'hui une excep- tion, l'offre insuffisante de bons chevaux lui a valu d'avancer d'un échelon et le commerce le réclame à un prix supérieur à celui du troupier. Si la situation n'était pas telle que nous venons de l'esquisser, comprendrait-on, depuis si longtemps que le bon demi-sang se paie à prix d'or, que l'on ne cesse de répéter que l'élevage ne rapporte plus? Comprendrait-on que l'on voie se manifester et que l'on encourage même le petit éleveur à délaisser le demi-sang pour produire l'Irish draught? C'est cependant là ce qui ressort du procès- verbal de la réunion du 30 novembre dernier du Council of Agriculture. Trop de causes ont leur part dans ce résultat pour permettre de déterminer celle qui revient à chacune d'elles. Le manque de qualité des étalons aussi bien que des juments et les accouple- ments de toute sorte en forment certainement l'origine. En ce qui concerne l'abondance de sujets trop légers, manquant de taille, il n'y a qu'une voix pour en accuser le mauvais pur sang, pour en accuser l'abus des croisements successifs avec le tho- roughbred, pour en accuser les éleveurs qui marchèrent sans direction définie et qui, avec une irréflexion regrettable, ont cru que l'étiquette « pur sang » suffisait sans plus pour valider les qualités d'un reproducteur. Or ces déchets trop légers sont pré- cisément ceux dont l'élevage trouve le plus de peine à se défaire. Le commerce ne les réclame pas, parce que le trafic et les trans- — 98 — ports ne trouvent pas à les utiliser en grand nombre et leur abondance sur le marché leur enlève quasi toute valeur. L'emploi de reproducteurs unsound devait avoir pour résultat l'unsoundness des produits. S'il est avéré que certains y échap- pèrent, « il y a eu de nombreux exemples, dit Kennedy, de yearlings et de deux ans provenant de tels parents, qui mon- trèrent de gros éparvins, des jardes (*), des formes du paturon, de l'unsoundness de la respiration ». Or, pour le hunter plus que pour tout autre cheval, la soundness est une des qualités primor- diales. L'intervention du gros trait n'était certes pas de nature à donner des produits de belle classe. Au début, les déchets qui en résultèrent étaient cependant d'une défaite plus facile et plus rémunératrice que celle des produits trop légers, mais depuis que l'électricité et l'automobilisme ont remplacé le cheval dans la traction des trams et des omnibus, leur valeur a beaucoup diminué. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit de l'expor- tation des bonnes juments, ni de l'utilisation des pouliches de deux ans ; mais il est encore un point dont on parle moins sou- vent et qui a également sa part dans la situation actuelle. C'est la production de chevaux de très grande taille. Si elle fut et si elle est parfois la résultante de certains croisements, notamment celui du pur sang avec de puissantes juments manquant de sang, il faut reconnaître qu'elle fut recherchée également en vue d'obtenir des weight carriers. Plus que toute autre, elle devait être fertile en déboires, et le vieux dicton : « Grands chevaux, grandes rosses », trouva à se vérifier, car le nombre de sujets réussis est très minime. Manque de fond, de sang ou d'allures, conformation défectueuse, trop massive, mais surtout trop enlevée, ce sont là les principaux points faibles qui firent départager de nombreux déchets. Aux dires de certains éle- veurs, il faudrait encore y ajouter que l'on trouve beaucoup plus de corneurs parmi les grands chevaux que parmi les petits. S'il fallait un dernier' argument pour faire ressortir l'erreur dans laquelle l'élevage versa par l'engouement pour la produc- tion de chevaux légers et de sujets de grande taille, il nous (*) Il s'agit ici de la jarde post-tarsienne à laquelle les Anglais donnent le nom de curb, et non de ''exostose de la tête du métatarsien rudimentaire externe. — 99 - suffirait d'en appeler à l'idéal vers lequel tendent ceux qui s'y intéressent et qui se dévouent à sa prospérité : « Viser à obtenir un heavy weight de lm65 à lm67 au plus, haut de poitrine et court de membres, râblé dans le dessus, puissant dans l'arrière- main et par-dessus tout ayant beaucoup de sang. » Sur le continent, la situation réelle de l'élevage irlandais est plutôt ignorée ; cependant si l'on ajoutait peu de foi aux dires des marchands invoquant sans cesse la rareté des bons chevaux, on avait pu cependant se rendre compte qu'ils n'étaient pas faciles à trouver. Il y a une quinzaine d'années, on crut en donner l'expli- cation en invoquant que des chevaux américains et hollandais étaient importés dans la Verte Erin, pour être revendus avec la marque Bred in Ireland. C'est là une question à laquelle il est assez difficile de répondre. Que l'Irlande importe des chevaux, le fait n'est pas douteux et voici, d'après Agricultural Statistics ofthe Board of Agri- culture and Fisheries, quels en sont les chiffres : Importation de Grande-Bretagne en Irlande. Moyenne annuelle Étalons Juments Hongres Total 1881-1885 23 747 1,566 2,336 1886-1890 45 1,137 1,698 2,880 1891-1895 106 1,571 2,364 4,041 1896-1900 125 2,587 3,477 6,189 1901-1905 211 3,703 4,107 8,021 1906-1909 351 2,466 1,974 4,791 De 1885, où elle était de 2,487 chevaux, l'importation monta graduellement jusqu'à 10,549 en 1901 ; depuis lors elle est en décroissance régulière avec 4,693 en 1909, minimum 3,979 en 1907. Quant à savoir d'où viennent, ce que sont et à quoi servent ces chevaux, quelques initiés pourraient seuls le dire. La recherche des origines est impossible parce que : 1° Les statistiques du commerce avec l'étranger et avec les colonies anglaises sont faites pour le Royaume-Uni dans son ensemble et uon séparé- ment pour la Grande-Bretagne et l'Irlande; 2° les chevaux venant de l'étranger sont tous débarqués dans les ports de la Grande-Bretagne; s'il y en a en destination de l'Irlande, ceux-ci sont réembarqués vers Dublin, Belfast, Waterford, Greenore, etc. , mais ils rentrent ainsi dans la statistique du trafic entre les deux — 100 — îles et par là l'origine réelle disparaît. Peut-on supputer cette origine d'après les données des importations anglaises? Nous ne le pensons pas, néanmoins il ne sera pas sans intérêt de nous arrêter un moment à cette question. De la France, de l'Allemagne et du Danemark, le Royaume- Uni importe surtout des carrossiers pour fournir les grands éta- blissements de voitures de remise et pour approvisionner les marchands qui les présentent comme cleveland bai, comme car- rossiers du Yorkshire, ou comme chevaux d'attelage en général, mais originaires du Royaume-Uni. De la Hollande aussi ce sont des carrossiers de la race d'Oldenbourg, élevés dans la Gueldre, le Drenthe et le Groeninghe; mais en dehors de ceux-ci, et à l'exclusion du vieux type frison relégué dans la Frise occiden- tale, la Hollande élève aussi des chevaux d'un type plus léger, dans le genre de ceux que l'armée attelle à ses batteries de cam- pagne. C'est vraisemblablement dans ceux-ci que se recrutent ceux auxquels M. Edw. Blackman fait allusion dans le passage suivant (*) : « Maintenant nous remontons le Royal Horse Guards et les deux régiments de Life Guards, avec des chevaux noirs amenés presque entièrement d'Allemagne; quelques autres d'Autriche et de Hollande et quelques-uns, mais très peu, de France. » Les importations russes méritent encore l'attention . Abstrac- tion faite de la diminution très marquée à l'époque de la guerre russo-japonaise, elles varient depuis 1900 entre 9 et 13,000 che- vaux expédiés exclusivement de Riga et de Libau, en destina- tion quasi exclusive de Hull et de Goole. Lors d'un voyage à Hull en octobre 1905, nous avons cherché sans y parvenir à nous rendre compte des types importés, mais s'il faut en croire un articulet publié le 4 décembre 1908 par le Live Stock Journal, ils comprendraient beaucoup de chevaux de petite taille, et un marchand nous a dit qu'ils étaient destinés au travail dans les mines. Ce seraient alors des chevaux des provinces baltiques de la Russie. Cependant nous avons quelque raison de croire qu'il y a également des chevaux fînois de taille avoisinant lm58, et en nous basant sur les descriptions et illustrations données par le Dr de Simonoff dans son ouvrage sur les chevaux russes, nous serions tenté de croire qu'il s'en glisse dans nos remontes, sans aller toutefois jusqu'à affirmer qu'ils furent éventuellement (*) « Horses for the Army », in Live Stock Journal, 3 septembre 1909. — 101 — achetés en Irlande. Mais hàtons-nous de dire qu'en dehors de cas spéciaux, les caractères ethniques nous paraissent avoir trop peu de valeur pour que nous puissions donner à notre hypothèse d'autre portée que celle d'une possibilité. Du côté des pays d'outre-océan, nous pouvons écarter la Répu- blique Argentine et l'Australie, dont les importations sont très minimes. Quant à celles de l'Amérique du Nord, rien que pour les Etats-Unis, elles ont monté dans la proportion effrayante de 1,319 en 1893, à 30,380 en 1900; mais elles ont décru de la même manière pour être de 780 en 1907. On peut donc estimer qu'elles sont quasi nulles aujourd'hui. Celles du Canada, qui s'élevèrent de 119 en 1889 à 12,903 en 1895, sont actuellement à 160 environ. En 1899, il fut avoué ouvertement qu'on avait importé et qu'on importait des américains en Irlande, et c'est en raison de la con- currence désastreuse qu'ils faisaient aux produits du pays que plusieurs témoins allèrent jusqu'à demander qu'ils fussent mar- qués au feu à leur entrée dans l'île verte. De ce que nous venons d'exposer, on déduira l'impossibilité de connaître l'origine et la destination des chevaux importés en Irlande. Sans doute il faut faire la part des pur sang et autres introduits dans un but d'élevage, de courses, de concours, de hunting,de polo, etc., néanmoins il en reste encore dont l'immi- gration parait devoir être une concurrence pour ceux élevés sur place. C'est là le fait qui paraît avoir motivé l'arrêté du 28 jan- vier 1907 destiné à enrayer l'importation en rendant plus sévères les mesures prévues jusque-là. Sans y mettre le moindre pessimisme, nous avons eu à rap- porter quantité de faits dont bien peu ne sont pas nettement défa- vorables à la production de l'ancienne Hibernie et cependant, en dépit de tout cela, les chevaux irlandais jouissent, à juste titre, d'une réputation universelle de puissance, de fond, de résistance que nous n'entendons pas amoindrir, et leur ossature fait l'admi- ration de tous. Bien des raisons ont été invoquées pour justifier pareille chose. Pour les uns, il faut attribuer cela à la richesse calcaire du sol et à son adaptation spéciale à produire des che- vaux avec forte charpente. Pour d'autres, cela est dû à l'amour inné des Irlandais pour les bons chevaux et au jugement dont ils font preuve dans la sélection et la perpétuation des meilleurs types (!?).' D'autres encore rapportent cela à l'emploi du pur sang. Toutes ces opinions sont peut-être exactes, dit l'auteur de — 102 — The Irish horse breeding Industry, mais aucune ne repré- sente la solution exacte de la question. Il est d'autres contrées où le sol est calcaire, où l'on emploie le pur sang, où l'on aime aussi les chevaux, et cependant ceux qu'on y produit ne valent pas les irlandais et ne combinent pas aussi remarquablement la vitesse, l'aptitude à porter du poids, le fond, le pluck du hunter irlandais. Sans nier l'influence heureuse que le pur sang a pu avoir depuis un siècle et demi, il faut aussi reconnaître que la renommée du demi-sang irlandais existait déjà à cette époque. En somme, quand on fait la balance, on serait tenté de croire à quelque intervention mystérieuse infusant aux produits irlan- dais ces qualités remarquables que les conditions matérielles n'expliquent ou ne justifient pas comme on le voudrait. Nous devons encore nous demander quels sont les caractères extérieurs qui permettent de reconnaître le hunter, le demi-sang irlandais. Il nous parait bien difficile de suivre ceux qui se sont évertués à en tracer la caractéristique et d'accorder quelque valeur à celle qu'ils en ont donnée. Le plus souvent, sinon toujours, on n'a abouti qu'à décrire un beau cheval de chasse ou à énumérer les qualités idéales recherchées chez celui-ci ; parfois aussi il faut y voir l'expression d'une imagination féconde et portée peut-être à une généralisation qui ne se justifie pas. N'est-ce pas ainsi qu'il faudrait apprécier la description du hunter irlandais avec le corps fait en coin, telle que Gayot l'a tracée? Si jadis la produc- tion irlandaise accusa une certaine uniformité par les caractères extérieurs du type, il n'en est plus de même aujourd'hui. En cela, nous ne visons pas la question de format, nous n'entendons pas comparer les sujets de classe avec les déchets, car les exem- ples sont nombreux dans les produits d'élite dont la valeur et les qualités furent consacrées par les honneurs récoltés aux concours de Ball's Bridge, d'Islington, de Richmond, de la Royal Agri- cultural Society et à l'International Horse Show de Londres. Les clichés que nous avons pu réunir nous offriront le moyen de passer en revue quelques-uns des caractères. Prenons tout d'abord la tête. Comme ensemble, Fable, Gold Dust, Moyglass, Grandee, Wizzard, Speck et Knockloe mar- quent une gradation caractéristique entre la tête fine et élégante à faire envie à un pur sang, jusqu'à celle plutôt peu distinguée, sinon commune. Comme profil, Fable et Moyglass d'un côté, Grandee, Knockloe et Lady Emily (celle-ci d'origine anglaise) — 103 — de l'autre, montrent qu'il est tout aussi inexact de dire le profil droit ou busqué. Dans de nombreux cas, on est en droit de croire que le profil busqué est un indice de parenté assez proche avec la race shire ou avec la clydesdale ; dans d'autres il parait un phénomène d'atavisme, car en ce qui concerne Grandee il est au moins un sept huitièmes de sang. L'encolure remarquablement sortie chez beaucoup de hunters de choix, exemple Fable, Wizzard, Grandee, etc., se raccourcit et même s'épaissit chez d'autres dont la valeur intrinsèque n'est pas moindre. En dépit de la position à la marchand du cava- lier de Speck, celui-ci ne parvient cependant pas à cacher le man- que de longueur dans le cou de sa monture et chez Knockloe nous trouverons plutôt une encolure en cheval de harnais, avec une attache de tête laissant même un peu à désirer. Chez les chevaux irlandais, écrit Barton dans The Horse, Us purchase and sélection, la croupe est généralement courte et inclinée. Les photos de Whisky (irlandais) et de Lady Emily (anglais) montrent qu'il n'est pas tout à fait dans l'erreur; cepen- dant on sera plutôt porté à croire que c'est là une exception, tout en constatant, d'après les clichés inclus, qu'il serait impossible d'assigner un caractère commun à beaucoup d'autres. Un nouveau point présentant des différenciations notables, c'est la finesse et l'abondance des fanons ; nous en avons déjà fait men- tion et nous n'y revenons que pour signaler l'irrégularité avec laquelle il se présente. S'il est plus fréquent chez les sujets d'appa- rence commune, on le rencontre cependant aussi chez d'autres marquant beaucoup de finesse. Comme modèle, la variété illimitée des croisements et l'emploi de reproducteurs de types très différents doivent, à priori, nous faire croire qu'il y a des hunters irlandais de tous les modèles, et en fait rien n'est plus vrai. Si par modèle on entend : belle épaule et bons membres, beau garrot et belle poitrine, beau carré de derrière, bons pieds et forts jarrets, il est incontestable que les chevaux de classe ne manquent pas d'uniformité. Mais dans notre compréhension des choses, ce sont là des beautés, des qualités qui se greffent sur des caractères d'ensemble qui sont très variables et qui nécessitent la répartition en une série de modèles. C'est là ce que montre bien la collection de champions et de primés que nous avons réunie. Grandee et Fable, par exemple, sont quasi faits en forts pur sang; Tennis-Bail, Whisky et Skittles sont déjà plus arrondis — 104 — dans leurs formes ; Speck et Gold Dust sont d'un genre plus étoffé, plus cobby, comme diraient nos voisins d'outre-mer; enfin Greystone et Mojglass, avec leur charpente herculéenne, repré- sentent l'extrême du modèle en force. Et Knockloe n'est-il pas encore un modèle différent? Si, quittant les élus des grands shows, nous descendons vers ceux qui se bornent à être des hunters remarquables par leurs qualités et qui s'affirment tels derrière les chiens, la diversité ne fait que s'accentuer. Nous y trouverons des weight carriers taillés en vraiscobs dont la taille descend jusqu'à 15 mains (lm52) et à côté de ceux-ci d'autres bâtis en chevaux de selle dont la taille montera jusqu'à lm80. Mais nous y verrons aussi des poids légers de petite taille, aux formes élancées, qui sont virtuellement des pur sang. Puisque nous parlons ici de poids, faisons remar- quer que Grandee, Gold Dust, Speck, Skittles et Knoc- kloe sont tous des lauréats comme médium weight, c'est-à-dire pour cavaliers de 85 à 95 kilogrammes, tandis qu'au Hunter Show de 1905, Lady Emily et Moyglass se rencontraient dans la même classe des heavy weights au-dessus de 95 kilogrammes. Up to date, en revanche, était parmi les light weights. On se rendra compte par là que l'on trouve dans les concours, aussi bien qu'en chasse, des hunters de tous les types et de tous les modèles. On en concevra également qu'il serait difficile, sinon impossible de chercher aujourd'hui à différencier le hunter irlan- dais de son congénère anglais et surtout de vouloir attribuer à celui-ci une vitesse supérieure, comme on a pu le faire jadis. Si l'expression hunter du Leicestershire tend à contribuer à cette croyance, il convient de dire qu'elle se rapporte uniquement au fait qu'avec ses belles prairies, ses larges ruisseaux et ses haies énormes, ce pays réclame un cheval de chasse à la fois très vite, très fort sauteur et très près du sang. Or, abstraction faite des pur sang qui y sont employés, l'Irlande fournit un large contin- gent de montures aux veneurs de cette région privilégiée et enviée. Nous ne grefferons pas sur cette question de modèle, celle de l'élégance, celle de l'esthétique des formes, car en cela plus qu'en toute autre chose, nous trouverions des différences énormes. Il est des hunters marquant beaucoup de distinction, — c'est le cas pour Tennis Bail et The Wizzard, — il en est d'autres d'un type plus anguleux — Grandee — et il n'en manque pas dont la con- formation heurtée va jusqu'à un aspect nettement commun. Mais — 105 — celui-ci n'est pas fait pour arrêter les huntingmen du Royaume- Uni. En gens pratiques, ils recherchent avant tout le cheval utile, le bon cheval, celui qui se montre brillant derrière les chiens, qui portera sûrement son cavalier à travers et au-dessus de tous les obstacles semés dans la poursuite ; par là ils s'occu- pent peu de la conformation élégante, les qualités réelles leur suffisent. C'est ce qui fit dire à des marchands que les Anglais retenaient les bons chevaux pour leur usage et vendaient les jolis chevaux pour le continent. Quant à attribuer une valeur ethnologique aux caractères de ces demi-sang, ce que nous venons de dire en enlève toute possibi- lité. Par le fait même de l'emploi du pur sang, les demi-sang, de quelque pays qu'ils viennent, ont de grands points de ressem- blance. Il en est peut-être de reconnaissables, mais dans l'en- semble ils ne sont pas différenciables ; la preuve en est que vers 1896, on prima des américains au Dublin Show aussi bien que clans plusieurs concours anglais. Du reste, dans les nom- breux ouvrages, études, articles, etc., que nous avons parcourus depuis longtemps, nulle part nous n'avons trouvé, pas plus du hunter anglais que de l'irlandais, une description ou un essai de description visant exclusivement la caractéristique du modèle ethnique. Nous sommes même en droit d'ajouter que les juges des grands concours sont loin d'être toujours du même avis au sujet de la valeur comparative des qualités de conformation, c'est ce qui se doit déduire des nombreux articles visant la manière de juger les hunters. Il est cependant un point sur lequel l'accord est complet et c'est aussi le seul que le cheval de chasse marque avec une constance caractéristique dans tous les modèles où il se présente : ce sont les allures. Le pas et le trot sont rasants, étendus et souples, à foulées franches, vigoureuses, bien cadencées ; le galop est cou- lant, aisé, énergique, à longues enjambées. Ce galop, c'est celui du bon pur sang, c'est celui dans lequel les membres postérieurs se fléchissent bien en dessous du corps pour embrasser beaucoup de terrain, et l'on éprouve souvent un certain étonnement de le voir marcher par des chevaux aussi forts que Grevstone et Moyglass. Mais le jeu des membres postérieurs est une condition sine qua non sans laquelle un hunter se fait déclasser et ne peut briguer les honneurs dans les concours ou l'admiration des connaisseurs derrière les chiens. Le trot rasant est depuis longtemps en honneur chez nos voi- — 106 — sins ; il y a plus de quatre-vingts ans que Nimrod en faisait l'allure du vrai hack et la présentait comme beaucoup plus sûre que le trot très relevé. Avec raison on assimile ce daisy cutting à ce que l'on qualifie de raser le tapis; il importe cependant de ne pas pousser trop loin cette assimilation, car le daisy cutter marche d'un beau mouvement d'épaule, avec beaucoup d'énergie et d'extension. Bien que le trot ne soit pas l'allure fondamentale du hunter, l'absence ou l'insuffisance de cette énergie et de ce pas allongé sont des causes de déclassement, et c'est ainsi que les remontes voient parfois arriver des chevaux bâtis en vrai hunter, galopant remarquablement, mais dont le trot laisse un peu à désirer. Lorsque au lieu de venir quasi entièrement de l'épaule, le trot s'arrondit par un mouvement plus accentué du genou, il paraît moins apprécié, on le compte même comme une faute, peu grave sans doute, mais qui suffit souvent à déterminer les propriétaires à ne pas exposer leurs chevaux comme hunters parce que le trot en a modifié la destination à leurs yeux. Sont-ils de taille moyenne et distingués, ils deviennent des chevaux de parc et parfois même des chevaux de phaéton. Sont-ils plus grands, on en fait des chargers, des chevaux d'officiers, à la condition qu'ils soient très élégants, mais on en fait des chevaux d'attelage s'ils se montrent plus ronds, plus massifs ou plus courts dans le cou. Cette différenciation n'a cependant rien d'exclusif et la photo que nous donnons de Whisky en mouvement, montre qu'un hunter de haute classe peut avoir un trot assez relevé. Quant à Peep Bo (lm56), il avait trois saisons de chasse en Irlande avant de se faire primer comme cheval de dame et comme covert hack à l'International Horse Show de 1909. On déduira peut-être de cette répartition que beaucoup de chevaux de harnais d'origine irlandaise, ne sont pas produits autrement que les hunters. Beaucoup d'entre eux, en effet, ont pour père un pur sang et leur destination dérive de leurs allures, de leur conformation et surtout des idées que les veneurs anglais et irlandais professent au sujet des qualités et caractères qu'ils réclament de leurs montures. Il ne manque du reste pas d'exemples de ces chevaux qui, après un service à l'attelage, se firent ensuite remarquer en chasse et classer comme hunters de choix. On déduira de ceci que les chevaux d'attelage dont nous venons de parler sont souvent bâtis en hunters, car, suivant l'expression de Ch. W. Tindall : » On peut faire un cheval — 107 — d'attelage d'un hunter, mais toutes les lois du parlement anglais ne feraient pas un hunter d'un cheval d'attelage. » C'est là une des raisons pour lesquelles l'Irlandais reste fidèle à son ancienne production du cheval de chasse, les produits qui échouent à l'entrée dans la classe des hunters pouvant faire d'excellents chevaux de harnais et des troupiers de valeur incomparable. Parmi les qualités que l'on reconnaît au cheval irlandais, il en est une qu'il paraît posséder à un haut degré et qui, depuis toujours, semble quasi inséparable de son pays d'origine ; c'est son aptitude, sa puissance et son adresse comme sauteur. Il les a conservées intactes et le hunting ainsi que les progrès de l'équita- tion, les ont affirmées. Si nous en recherchons l'origine, tout en prenant en considération les avatars suivis par la production du demi-sang, rious serions tenté de nous écarter de ceux qui y voient un attribut inné et de le rapporter soit au mode d'élevage en liberté dans des prairies clôturées de larges murs en pierres, soit à l'amour des Irlandais pour tout ce qui est chasse à courre ou obstacles, d'où dérive un dressage spécial. Cependant il ne manque pas de poulains exportés bien avant qu'ils aient pu pro- fiter de ces circonstances et qui se montrent tout aussi brillants que ceux élevés sur place. Il faudrait croire alors à une aptitude spéciale que lui vaut une infusion généreuse de sang de thoroughbred. Mais il est d'autres pays qui utilisent celui-ci pour produire ou améliorer leurs demi-sang et dont les chevaux sont manifestement inférieurs à l'obstacle aux irlandais. Ne poussons pas plus loin nos investi- gations et bornons-nous à constater l'unanimité avec laquelle on reconnaît les hautes et brillantes qualités de l'irlandais comme sauteur. Youatt en Angleterre et le comte de Montendre en France nous l'ont montré sautant à la manière des cerfs, se détachant des quatre membres à la fois et se recevant de même au delà de l'obstacle ; mais à en juger par l'oubli dans lequel nos revues sportives ont laissé cette manière de saut et surtout par ce que tous les horsemen ont pu constater, il ne semble pas qu'on doive ajouter beaucoup de créance à cette théorie. Dans l'ensemble de l'élevage, quelle est la proportion de demi- sang ? Il n'existe à ce sujet aucune référence certaine, mais voici pour les neuf dernières années les chiffres des juments admises à la saillie des divers types d'étalons enregistrés par le gouver- nement, et l'on pourra constater que le cheval de trait y a une part assez sérieuse. 108 Par Par Par Par pur sang clydesdale shire demi-sang Total 1901 1,102 328 114 » 1,544 1902 1,580 528 235 » 2,343 1903 1,651 658 285 » 2,594 1904 2,010 761 273 » 3,044 1905 2,436 758 281 » 3,475 1906 2,624 743 241 » 3,608 1907 2,325 695 218 295 3,533 1908 2,257 762 214 545 3,778 1909 2,003 735 198 654 3,590 17,988 5,968 2,059 1,494 27,509 Ces chiffres représentent les nombres de saillies payées par le département de l'Agriculture et l'on peut voir que le service des étalons de gros trait représente environ 30 p. c. de l'ensemble. Il importe cependant de ne pas perdre de vue qu'il s'agit là d'une moyenne annuelle de 3,000 juments saillies, et nous avons dit que l'on estime à 100,000 juments le nombre de celles nécessaires pour assurer la production entière. Il faut tenir compte aussi que ces saillies sont attribuées à des petits fermiers, parmi lesquels le cheval de trait a fait des progrès assez sérieux. En prenant pour base les nombres de chevaux de moins d'un an donnés par Agricultural Statistics de Dublin, c'est de 1890 à 1895 que l'élevage fut le plus florissant. Il accuse alors comme minimum de la période, 75,050 poulains en 1895 et un maximum général de 81,538 en 1892. Mais depuis lors et sans cependant descendre à 54,000 poulains comme en 1882, l'élevage décrut : 56,000 poulains en 1899, pour remonter ensuite et être actuelle- ment d'environ 60 à 68,000 poulains. Quelle est la proportion de sujets classés annuellement comme hunters? Un témoin de 1897 avait évalué leur nombre à 20,000, soit les deux septièmes de la production totale, mais ce chiffre fut trouvé exagéré. L'auteur de The Horse breeding industry in Ireland le fixe au dixième, soit 6,500 à 7,000 et il semble qu'il soit près de la vérité. A ce taux, l'élevage pourrait encore être assez rémunérateur si les déchets avaient une valeur pas- sable, or il ne semble pas que ce soit là le cas. En 1897, il est vrai que c'était l'époque des importations américaines, major C.-W. Studdert et M. W. Farrell fixent, le premier de 16 à 28 livres sterling, avec une moyenne de 20 à 21 livres sterling, le second de 16 à 25 livres sterling, les limites des prix payés — 109 — pour les troupiers dans leurs régions. Certainement les commis- sions et marchands étrangers payaient plus, mais la différence rentrait dans la poche de l'intermédiaire, dans celle des mar- chands irlandais qui se sont fait une spécialité du commerce des troupiers et par lesquels depuis longtemps il faut passer pour en trouver. A pareil prix, pour des chevaux de trois, quatre et par- fois cinq ans, on comprendra que l'élevage cesse d'être écono- mique et il faut les conditions bien spéciales de l'Irlande pour que la production du demi-sang n'ait pas subi un arrêt très marqué. On comprendra aussi que devant l'inaction du gouver- nement du Royaume-Uni, le gouvernement de l'île ait dû prendre des mesures pour sauvegarder autant qu'il le pouvait la grande industrie, une des principales sources de richesse de la Verte Erin. - 110 - CHAPITRE VII Hygiène et vente des demi-sang Notre intention n'est pas d'entrer ici dans de longs détails, mais seulement de nous arrêter brièvement à quelques points de cette question. Le régime des poulinières est variable. La plus grande partie d'entre elles font le service de cheval de ferme, les autres ne font pas ou très peu de travail. Ces dernières passent leur vie en prairie sans autre nourriture que l'herbe et parfois un peu de foin lorsque celle-ci fait défaut. On ne les rentre que peu de temps avant la mise bas pour les conserver à l'écurie jusqu'à ce que les poulains aient quelques semaines et on en profite pour leur donner un peu d'avoine, de son et de foin. Les autres, par le fait que le sol est léger, n'ont que rarement un service assez dur. En règle générale, après la cessation des travaux agricoles, on les met en prairie, le plus souvent d'une manière permanente, parfois pendant la journée seulement, jusqu'à ce que la reprise des travaux ou l'approche de la mise bas les ramène à l'écurie. Durant cette période, on leur alloue soit une ration de foin, soit du foin et un peu d'avoine. Après la mise bas et pendant tout l'été, après qu'elles ont reçu une ration de grains à leur rentrée du travail, elles sont lâchées en prairie avec leurs poulains pour la nuit. Avec la différence assez accusée d'un régime au grand air et d'une nourriture souvent parcimo- nieuse en avoine, le traitement des poulinières se rapproche de ce qui se voit dans nos régions. La période la plus recherchée pour la mise bas paraît être le mois d'avril et la première quinzaine de mai, et le sevrage se fait en septembre ou au commencement d'octobre. L'élevage du poulain varie assez bien. Si les fermiers aisés savent nourrir ceux-ci déjà avant la fin du sevrage pour les avoir forts en vue de passer l'hiver, et s'ils se rendent compte de l'avantage de loger plus ou moins confortablement leurs weanlings durant la mauvaise saison, il faut convenir que les petits fermiers ne peuvent que rarement se payer pareil luxe. Dès leur premier hiver, les poulains sont entretenus à l'exté- rieur ; les mieux traités sont rentrés pour la nuit, les autres ne — 111 — disposent que d'un hangar. Comme nourriture, deux ou trois livres d'avoine concassée, un peu de foin, de son, parfois des betteraves, du tourteau de graines, etc. Comme yearlings et surtout comme deux ans, le régime des poulains est plus simple encore. Dès leur premier printemps, on les met à la prairie, veillant uniquement à ce que l'herbe et l'eau ne manquent pas. Durant l'hiver, on ne les rentre pas, ils peuvent se mettre à couvert sous un hangar, mais il est assez fréquent qu'ils en profitent très peu, restant à la belle étoile même par les plus gros temps. En mauvaise saison, on leur donne parfois du foin, du trèfle séché, seul ou mélangé avec de la paille d'avoine, parfois rien autre que de la paille, mais ce n'est guère que lorsque l'herbe fait défaut. Durant leur deuxième et leur troisième années, et bien qu'on ne les nourrisse pas, on s'approche assez fréquemment des poulains dans le but de les habituer au contact de l'homme ; parfois, ils subissent un commencement de dressage dès l'âge de quinze mois. D'autres fois et surtout lorsqu'il s'agit de poulains étoffés, les petits fer- miers les attellent un peu dans leur troisième année. Lorsque les poulains prennent trois ans, ils sont l'objet de plus de soins, car c'est le moment de les vendre soit aux marchands, soit aux fermiers qui s'occupent de les dresser et de les préparer pour la vente. Cependant beaucoup de poulains de trois ans et surtout ceux qui promettent ou qui sont de bonne origine, passent encore leur été en prairie et c'est à l'automne que commence leur mise en état pour les avoir prêts à quatre ans pour le commerce. C'est à cet automne également que les jeunes chevaux sont proportionnellement à meilleur compte, car les petits fermiers n'ont pas à les nourrir pendant la période d'hiver. C'est au moins ce qu'invoquent ceux qui incitent le gouver- nement anglais à acheter les remontes à l'automne, à trois ans et demi. Mais il en est de moins heureux qui sont rentrés à trois ans à l'écurie, leur dressage est alors entrepris et certains d'entre eux sont montés en chasse dès la même année. « Mes meilleurs hunters ont été montés à trois ans derrière les chiens, » écrit Major W.-.T. Honner, de Brannockstown, et cette affirmation pourra paraître assez extraordinaire. Cependant ceux qui ont eu l'occasion de suivre des concours anglais auront certainement noté que quelques hunters de quatre ans accusaient déjà de la fatigue dans les genoux. Le fait cité par Major Honner ne — 112 — serait donc pas une exception ; néanmoins, en règle générale, c'est un peu avant quatre ans que le dressage finit et c'est à quatre ans et demi, après avoir fait leurs premières armes dans le Cub hunting (*), qu'ils participent aux épreuves du hunting proprement dit. Si une bonne partie de jeunes hunters reçoivent dès l'âge de trois ans et demi une nourriture convenable en grains et un régime répondant à leur destination future, pour d'autres ce n'est pas le cas et voici à ce sujet l'avis exprimé en 1897 par trois grands marchands de chevaux : M. N. Morton dit en parlant d'un nourrisseur du Nord qui vend annuellement trente à quarante chevaux : » Il achète ses chevaux en foires à trois ans et les met dans des petits boxes où il est étonnant qu'ils puissent rester ; il les nourrit de mashes préparés sous sa direction. Qu'il s'agisse là ou non d'une nourriture basée sur des principes scientifiques, le fait est que vous seriez étonné au delà de toute mesure de voir quand ils sont prêts pour la vente, combien ils se sont développés, et cela porte à croire vrai ce que me disait; un éleveur » que le meilleur » d'un cheval lui vient par la bouche » . M. R. Johnson, parlant aussi de jeunes chevaux amenés du Sud dans le Nord dit : « La majorité d'entre eux ne travaillent pas du tout, ils sont nourris comme des bœufs à l'engraissement. Ils vont alors à la foire de Moy et ce sont de bons chevaux abîmés par le manque de travail et d'exercice, car il y en a difficilement un qui soit proprement fait au mors (mouthed). « M. Hetherington, toujours au sujet des nourrisseurs du Nord : " L'homme du Nord nourrit le cheval comme on nourrit un porc pour l'avoir gras. Lorsque vous allez dans le Sud, vous pouvez voir ce qu'est un cheval, mais dans le Nord vous n'achetez qu'un cochon gras et vous ne pouvez dire ce qu'il deviendra ». Il signale aussi le manque d'exercice. La pratique dénoncée est-elle fort étendue, nous ne pourrions le dire ; mais, en ce qui concerne l'hygiène des chevaux prenant quatre ans, on ne doit pas se représenter qu'ils sont toujours bien logés. S'il est vrai qu'ils sont rentrés à la ferme, souvent ils ne disposent que d'un hangar dans la cour à fumier, où ils (*) Chasse de jeunes renards servant au dressage des jeunes chiens et aussi es jeunes chevaux. — 113 — sont en liberté, et c'est là ce que nous avons pu constater chez plusieurs éleveurs de Yorkshire, du Lincolnshire, du Leices- tershire et du Norfolk, qui vont en Irlande s'approvisionner de poulains de tout premier ordre. Nous citerons notamment feu A.-J. Brown, qui fut un des grands exposants du Hunter Show. Mais il est un autre fait qui prend place pendant l'élevage des poulains, c'est le truquage de la bouche pour les vieillir. On sait que cela se fait par arrachement des incisives de lait en vue de hâter la sortie des permanentes qui servent de base à l'appréciation de l'âge marqué. Ce n'est pas là chose spéciale à l'Irlande, car elle se pratique sur une grande échelle dans tous les pays d'élevage. A quel âge et à quels intervalles cela s'effectue-t-il ? Nous l'ignorons, mais en ce qui concerne les résultats, nous n'hési- tons pas à nous ranger à l'avis de ceux qui disent que cette pratique avance sérieusement la pousse des incisives de rempla- cement. Nous citerons quelques exemples. Parmi les chevaux qui sont présentés aux remontes, il en est dont les pinces sont franchement rasées, alors que les coins ne sont pas encore sortis ou commencent à peine à se montrer. Beaucoup de hongres marquant cinq ans faits (en octobre) n'ont pas encore leurs crochets. Mais ce qui montre mieux que tout autre exemple la portée de cet acte, c'est que chez des chevaux achetés avec une bouche de quatre ans, les coins ne tombent pas dans le courant de l'année. Par là, ils marquent quatre ans au moment de l'achat et ils marquent encore quatre ans l'année suivante ; ils ont donc été vieillis d'un an. Pour nous résumer sur ce point, nous ferons nôtre l'avis que nous exprimait, il y a peu de temps, un officier supérieur étranger qui a une longue pratique de l'achat des chevaux en Irlande, qu'à de très rares exceptions près tous les jeunes chevaux ont la bouche truquée. Beaucoup de grands éleveurs conservent au moins une partie de leurs produits pour les dresser et les vendre à l'âge de quatre ou cinq ans, mais les petits fermiers, en règle générale, s'en débarrassent comme poulains de deux ou trois ans, soit pour manque de place, soit par manque de nourriture. C'est ainsi que le commerce des chevaux prêts à mettre en chasse est en partie aux mains de fermiers aisés et de gentlemen farmers, qui trouvent dans la préparation des jeunes chevaux une occupation lucrative répondant à leurs goûts personnels et leur fournissant - 114 — en même temps l'occasion de paraître en exposants dans les principaux shows irlandais. Les marchands, de leur côté, ramassent tous les bons chevaux qu'ils peuvent trouver pour satisfaire la grande demande du commerce anglais et étranger. Ce sont là, avec les grands con- cours de Dublin, Belfast, Cork, Clonmel, avec les ventes publiques de Dublin et de Belfast, les principales sources où l'on peut trouver, soit des chevaux en plein service, prêts à être mis en service ou prêts à être entraînés s'ils doivent être soumis à un travail assez dur. En ce qui concerne les foires, celles de Cahirmee (Cork), vers la mi-juillet; de Ballinasloe (Galway), au début d'octobre; de Cork, de Clonmel (Tipperarj), de Limerick, de Spancel Hill (Clare), Ballybay (Monaghan)et de Moy (Tyrone) comptent parmi les meilleures. Les premières sont les deux plus importantes et elles attirent des amateurs et marchands de tous les pays. On y rencontre beaucoup de sujets de classe comme poulains et comme chevaux de quatre ans, mais les chevaux faits y sont plutôt rares. Les autres foires paraissent avoir perdu de leur importance tant comme nombre que comme qualité des chevaux offerts en vente. Il est vrai qu'elles sont excessivement nombreuses. D'après Purdon's Abnanacde l&Farmers' Gazette, auquel nous renvoyons pour les dates de toutes ces foires, les nombres mensuels oscillent entre 248 foires en mai et 188 en avril, avec un maximum de 19 foires en un seul jour, le premier lundi de mai. Il y a en tout 2,566 foires aux chevaux, auxquelles il faudrait encore ajouter les foires mensuelles réservées exclusivement aux poneys, qui se tiennent à Callan (Kilkenny), Charleville (Cork) et Round wood (Wicklow). Devant une telle abondance, on peut comprendre que beaucoup sont d'une importance minime et de valeur douteuse au point de vue de la classe des chevaux qu'on y rencontre. D'une manière générale, les horsemen du continent fréquen- tent peu les foires et attendent de préférence le grand concours que la Royal Dublin Society donne annuellement à la fin. d'août à Dublin. A côté du concours proprement dit, il y a là une vraie foire réunissant quelque 1,200 hunters de classe et poulains aptes à faire des chevaux de chasse. Les prix sont peut-être plus éle- vés que sur les foires, mais on peut y aller avec l'assurance de trouver un beau choix. On en trouve de même au concours annuel de la Hunters' Improvement Society, à l'Agricultural - 115 - Hall d'Islington (Londres), dans la première quinzaine de mars. Les prix auxquels se vendent les chevaux de classe varient beaucoup. Si l'on recherche un lauréat de concours, on tombe facilement dans les fancy priées, se justifiant uniquement par le désir de briller dans les grandes expositions ou parce que l'on dispose d'une bourse permettant de se payer ce que l'on croit être un rara avis. C'est ainsi, pour n'en citer qu'im exemple, qu'au concours de Dublin en 1908, Princess Ena, jument de cinq ans, par O'Connell p. s. hors d'une fille d'Ascetic, après avoir décroché le premier prix dans la classe des hunters légers, fut vendue 33,000 francs à un amateur hongrois. Mais s'il en est beaucoup d'un prix abordable, ce n'est généralement pas là qu'il faut aller pour trouver un cheval à bon compte. « La question de savoir si on peut acheter d'excellents che- vaux à bon marché est actuellement très controversée, écrit C. Clare (*). Des observateurs d'occasion nous disent sans hési- ter que l'époque est passée où pour 30 à 60 livres sterling on pouvait acheter un bon jeune cheval, sain et de bonne souche. Les fermiers, ajoutent-ils, commencent à demander plus de leurs produits. En cela il y a du vrai, les fermiers d'aujourd'hui con- naissent mieux qu'il y a vingt ans la valeur d'un joli cheval de bonne souche, à l'âge de quatre ans, surtout s'il a plus que lm62 et s'il promet de devenir un bon weight carrier. C'est particu- lièrement le cas dans les grandes foires de Cahirmee, Spancel Hill, Ballinasloe, partout où viennent les marchands de tous les pays d'Europe. Ce ne sont pas là les places à voir pour acheter des animaux de valeur à bas prix. Je recommanderais plutôt à celui qui est intentionné d'acheter, de se fixer pour quelques jours dans quelque contrée de sport du centre, du sud ou de l'ouest de l'Irlande et d'aller voir de ferme en ferme. Il serait vraiment étrange qu'il ne rencontrât pas quelques quatre et cinq ans qui promettent beaucoup et qui peuvent être obtenus à un prix très raisonnable. » Si c'est en été et s'il y a des expositions locales dans les environs, il ne faut pas manquer d'y aller. Très souvent, par le fait de disette de nourriture ou autres causes, le fermier ne peut se permettre de conserver son poulain pour l'hiver et il acceptera un prix raisonnable plutôt que de rentrer chez lui avec son cheval. » (') •• Equine Treasures from Ireland » in Live Stock Journal, 1er avril 1910. — 116 — A l'appui des considérations qu'il émet, M. C. Clare cite plusieurs cas dont nous retiendrons le suivant. Il y a peu de temps, à un concours dans le Westmeath, le premier prix fut attribué à un cheval de quatre ans dont la condition laissait à désirer et qui, six semaines auparavant, avait été acheté à un pauvre homme auquel il servait à charrier de la tourbe. Il ne doit pas manquer de semblables occasions, mais elles paraissent difficilement accessibles aux étrangers et ce qui manque peut-être le plus, ce sont les horsemen ayant le coup d'œil pour deviner au passage un vrai, un bon cheval, lorsque son état miséreux marche de pair avec les haillons de son attelage. En ce qui concerne particulièrement les chevaux de remonte, le temps est passé depuis longtemps où l'on pouvait les acheter en foires directement aux éleveurs. Déjà en 1873, le colonel A. -G. Maude, de la commission anglaise, signalait leur dispari- tion et en 1881 la commission d'achat de l'armée hollandaise put se convaincre de l'impossibilité de se fournir par ce système. En 1897, le colonel Saint-Quintin, avec l'expérience que lui don- naient plusieurs années de direction de la commission d'achat de l'armée anglaise, confirma entièrement le fait. Du reste, plu- sieurs marchands eux-mêmes établirent que ce commerce était centralisé dans les mains de quelques marchands qui se sont fait une spécialité de ce genre de chevaux et qui sont les pourvoyeurs des commissions étrangères. Dans tous les points du pays, ces marchands sont en relation avec des courtiers en titre, des cour- tiers d'occasion qui leur collectent et expédient tous les chevaux trouvés soit chez les petits fermiers, soit dans les innombrables petites foires peu fréquentées. C'est ainsi que dans une très grande mesure le type troupier est plutôt rare dans les foires un peu importantes, et ce qui se passe actuellement pour la remonte de l'armée anglaise montre sans réplique la difficulté, sinon l'impossibilité de traiter directement avec les éleveurs. Dans le but de faire profiter ceux-ci du bénéfice empoché par l'intermé- diaire, le War Office et le ministère de l'Agriculture ont pris des mesures pour favoriser l'achat direct aux producteurs, mais à en juger par ce que publient les revues d'élevage, on est loin d'avoir abouti au résultat désiré. - 117 CHAPITRE VIII Les encouragements à l'élevage Ainsi que nous l'avons fait remarquer dans notre introduc- tion, les choses remarquables réalisées dans le Royaume-Uni, en matière d'élevage de toutes les espèces domestiques, ont été l'œuvre de l'initiative et des encouragements d'ordre privé. Mais sous ce rapport, l'Angleterre et le sud de l'Ecosse ont été beau- coup mieux partagés que l'Irlande, grâce aux grandes fortunes que l'on y rencontre très nombreuses chez des personnalités entièrement dévouées aux choses de l'agriculture. Pour les favo- risés de dame Fortune, l'élevage est une mode, — combien heureuse celle-là! — un sport, un passe-temps, un hobby, comme disent nos voisins, mais c'est un hobby qui rapporte et dont l'heureuse influence se répercute jusque dans les résultats obte- nus par les petits fermiers. En Irlande, au contraire, les grandes fortunes sont beaucoup moins nombreuses et les fermiers en particulier sont loin d'être riches; c'est ainsi que vraisemblablement les encouragements dus à l'initiative privée furent moins nombreux et surtout moins importants. Cependant ils méritent hautement d'être cités et, à tout seigneur tout honneur, nous devons mentionner en premier lieu la doyenne des sociétés irlandaises : La Royal Dublin Society Elle fut fondée en 1731 dans un but général d'avancement et d'encouragement des choses de l'activité irlandaise et nous avons vu que déjà vers 1800 elle patronna la Farming Society en vue de primer les meilleurs lots de gros chevaux importés de Grande- Bretagne. C'est en 1868 qu'elle tint, Kildare Street à Dublin, sa pre- mière exposition chevaline, qui réunit 368 concurrents. En 1880, lorsqu'elle tint son dernier concours à cette place, elle avait — 118 — réuni 589 inscriptions et le nombre de visiteurs fut de 17,736. En 1881, elle prit possession des locaux de Ball's Bridge dont l'érection et l'aménagement avaient coûté 3,750,000 francs. De ce jour, la vogue de ses concours ne fit que s'accroître et ils sont depuis longtemps déjà la plus grande fête hippique du monde, attirant de tous les coins de l'univers tout ce que le sport du cheval compte de fervents et d'admirateurs. C'est ainsi que le nombre des visiteurs fut de 66,167 en 1897 et qu'il oscille depuis lors entre 55,000 et 60,000 personnes. Quant au chiffre des inscriptions le maximum fut de 1,431 en 1897 et il varie depuis lors entre 1,250 et 1,350 chevaux se disputant plus de 50,000 francs alloués par la Société en dehors de huit coupes de championnat d'une valeur variant entre 1,250 et 2,625 francs et de trois prix spéciaux de 250 à 500 francs. En prenant en considération que la Shire Horse Society donne 55,000 francs de prix, la Hackney Horse 53,375 francs, la Royal Agricultural Society près de 250,000 francs et, dans ces dernières années, l'International Horse Show plus de 300,000 francs, on pourrait trouver que les allocations du concours de' Dublin sont relativement minimes. Mais si le but de la société était et est de primer les meilleurs chevaux, il était bien plus de chercher à augmenter la renommée de l'élevage irlandais en fournissant l'occasion d'apprécier la valeur de ce que l'on pouvait y produire. Il faut reconnaître que sous ce rapport le résultat a dépassé ses espérances. Ainsi que nous l'avons signalé, lorsqu'en 1888 le gouverne- ment irlandais disposa d'une somme pour encourager l'élevage, ce fut la Royal Dublin Society qu'elle chargea de ce soin ; mais, en 1899, la création du Department of Agriculture and Techni- cal Instruction prévoyait un organisme chargé spécialement des questions de l'élevage. C'est ainsi que la Royal Dublin Society cessa par la suite d'être l'intermédiaire entre le gouvernement et les éleveurs. Citons aussi parmi les sociétés intéressées aux choses de l'éle- vage du cheval : 1° la Royal Ulster Agricultural Society (Belfast); 2° la Munster Agricultural Society (Cork); 3° la North-West Agricultural Society ( Londonderry) ; 4° la Irish Horse Breeders' and Owners' Association (Dublin) et non moins de 83 sociétés locales d'agriculture donnant des expositions. Celles-ci ont fait beaucoup pour encourager l'emploi de bonnes poulinières et pour montrer les types d'étalons recommandables. — 119 — Le Department of Agriculture and Technical Instruction En vue d'arriver à une répartition des encouragements adé- quate aux besoins généraux et locaux de l'élevage, le départe- ment est assisté : 1° par un comité consultatif (Advisory Committee) ; 2° par les comités d'élevage des comtés (County Council Live Stock Committees), nommés au sein des conseils généraux des comtés, qui sont spécialement consultés en ce qui concerne leurs territoires respectifs. D'un autre côté, en vue d'inciter les autorités locales à participer à ces encouragements, il fut prévu que des allocations ne pourraient être attribuées aux comtés qui n'auraient rien inscrit dans ce sens à leurs budgets. La somme allouée par le département devait être répartie : 10 p. c. en prix pour des yearlings ; 30 p. c. en prix ou primes pour des juments de deux à six ans saillies par un étalon immatriculé ; 60 p. c. en allocation pour les saillies des juments choisies. A. Étalons. — En vue de parer à la pénurie de bons étalons et d'avoir toute garantie sur ceux admis à la saillie des juments choisies, ceux-ci devaient être reconnus sains et recomman- dâmes et être immatriculés au registre du département. Au début, seuls les pur sang, les shires et les clydesdales inscrits au stud book de leur race, pouvaient être acceptés. Mais dès le début aussi, l'un des plus grands contretemps fut le manque d'étalons inscrits pour permettre dans certaines régions l'appli- cation du programme ; c'est ainsi que le gouvernement fut amené à donner quelques primes de 1,250, 2,500 et 3,125 francs pour inciter les éleveurs de ces contrées à en acheter. Dès le début encore et toujours dans le même but, le gouver- nement avait prévu le prêt d'une somme d'argent pour faciliter l'achat de bons étalons ; avant l'achat, ceux-ci doivent être reconnus sains et recommandables par les représentants du département mis gracieusement à la disposition des acheteurs. Ceux-ci paient un tiers du prix, le gouvernement complète et le remboursement doit s'effectuer en cinq annuités et avec majora- tion d'un intérêt de 2 1/2 p. c. par an. En 1903, pour répondre à la demande d'étalons de pur sang qui survient en mars, le gouvernement résolut d'en acheter pour les revendre sous le système des prêts ci-dessus. Il acquit, à cet 120 effet, la Chantilly Stud Farm, près de Dublin, où les étalons sont conservés en attendant d'être cédés. Mais en 1903 aussi, et « d'après les avis des comités d'élevage des comtés, il devint évident que les districts pour lesquels les étalons de gros trait avaient été exclus, demandaient d'autres étalons que les pur sang ». C'est alors que fut décidée l'inspec- tion dont nous avons fait mention et donné les résultats p. 70. En 1904 vint la restriction à certaines régions signalée p. 59, de l'acceptation des étalons de gros trait. Puis, en 1905, vint l'admission aux encouragements officiels des étalons de demi- sang et du type Irish draught; des primes de 1,250 francs furent offertes à condition que chacun de ces étalons servirait, au prix de 25 francs, au moins 30 et au maximum 50 juments apparte- nant à des fermiers dont la propriété n'avait pas une valeur supérieure à 750 francs. Seize étalons furent admis en 1905 et 19 en 1906. D'un autre côté, pour répondre à la demande d'étalons de demi-sang de bon type et de bonne origine, dès 1906 le gouver- nement achète des poulains qu'il revend à l'âge de trois ans, dans les mêmes conditions pécuniaires que pour les pur sang et après qu'ils ont été examinés au double point de vue de leur état sani- taire et de leurs qualités. Voici, à ce sujet, les nombres d'étalons vendus : Pur sang Vendus Encore Demi-sang Vendus Encore Achetés. comme à la Achetés. comme à la étalons. ferme. étalons. ferme. 1902. 7 7 » 1903. 11 10 » 1904. 17 16 1 1905. 3 1 » 1906. 2 2 » 12 0 5 1 1907. 4 3 1 21 O 11 2 1908. 9 9 » 28 14 7 1909. 10 5 5 28 » 28 A la réunion du 23 juin 1909, le Comité consultatif invita le département à demander au pouvoir législatif le pouvoir de défendre l'emploi, pour le service public, d'étalons autres que les pur sang inscrits au stud book, à moins qu'ils ne soient admis (*) 9 admis comme étalons. (") 14 admis. — 121 — par le département. Les comités d'élevage des comtés ratifièrent cette décision, à laquelle le département donnera suite en 1910. En ce qui concerne particulièrement les juments, le pro- gramme d'encouragement peut se résumer comme suit : dans chaque comté et durant les mois de février, mars et avril, il est tenu un certain nombre d'expertises (globalement environ 225) pour faire choix des juments ayant les mérites nécessaires pour être livrées aux étalons inscrits par le département. Suivant la race et les endroits, la somme allouée aux propriétaires est de 50, 62.50 ou 75 francs. La préférence est donnée aux juments de six ans et moins, en vue de porter les éleveurs à conserver leurs meilleures pouliches. L'allocation des primes de saillie est régie par la valeur des fermes occupées par les propriétaires des juments, mais la valeur maximum fixée varie suivant les comtés, et ce que l'on paraît avoir surtout pour but, c'est de favoriser les petits fermiers. Du chef de ce programme, le gouvernement irlandais s'est imposé des dépenses qui, de 137,000 francs en 1901, ont monté à plus de 220,000 francs. Tel est, dans ses grandes lignes, et d'après les Annual General Reports, le programme mis en pratique par le Dépar- tement de l'Agriculture. On ne méconnaîtra pas que ce pro- gramme paraît heureusement inspiré d'une juste appréciation du soutien réclamé par l'élevage, et l'adoption d'une loi réglant l'emploi public des étalons le complétera à la satisfaction sinon de tous, au moins de tous ceux qui, sans idée préconçue, n'ont en vue que l'avenir de la production chevaline. Certainement, si l'on tient compte de l'importance de celle-ci, on pourra trouver que le crédit est encore minime, mais il y a lieu de prendre en considération les conditions spéciales du gouvernement irlandais vis-à-vis du gouvernement anglais, dont on réclame vainement l'intervention effective, et il faut savoir gré à celui-là d'être intervenu aussi généreusement qu'il le pouvait, pour chercher à conserver à l'élevage irlandais une réputation que tous les pays lui envient. La Royal Commission on Horse Breeding 12, Hanover Square, Londres \V. Ce que nous avons dit de cet organisme pp. 40 et 60 suffira à établir son rôle dans l'élevage du demi-sang ; nous n'avons qu'une chose à ajouter, c'est qu'il concerne l'Angleterre et l'Ecosse. — 122 — La Hunters' Improvement Society 12, Hanover Square, Londres W. Nous avons déjà dit dans quelles conditions la H. I. S. fut fondée en 1885. Elle a pour buts : 1° d'améliorer la race et d'encourager l'élevage des hunters et autres chevaux utilisés pour la selle, l'attelage et les besoins militaires ; 2° de donner des primes aux expositions du printemps et d'obtenir pour les éleveurs l'usage d'étalons sains à un prix modéré ; 3° de publier un stud book des étalons et juments hunters et d'inciter les sociétés agricoles à donner des prix pour les juments et poulains à leurs expositions. La zone d'action de cette société s'étend à tout le Royaume- Uni et ses moyens d'action, dérivés uniquement des cotisations de ses 1,800 membres et de libéralités privées, consistent dans l'organisation annuelle, en mars, du grand Hunter Show de Londres et dans l'octroi de médailles d'or à cent sociétés affi- liées, pour être données en prix à leurs expositions à des juments et pouliches. Elle distribue ainsi annuellement 32,500 francs, auxquels il faut ajouter 105,000 francs attribués en primes par la Royal Commission on Horse Breeding aux 28 étalons sélec- tionnés en vue de la production de weight carriers. Nous avons déjà fait mention des conditions d'inscription au Hunter Stud Book ; elles ont cependant subi des modifications imposées par les circonstances et, aujourd'hui, le volume V, 1910-1911, est ouvert : 1° Aux étalons de deux ans et plus par un étalon de pur sang ou par un étalon hunter enregistré et hors d'une jument enregistrée dans les volumes IV ou V du H. S. B., pourvu qu'ils aient été inspectés et admis par un membre de la société désigné à cet effet et qu'ils aient été déclarés sains par un vétérinaire appointé par la société ; 2° Aux juments dans les conditions suivantes : Pedigree : A. Par un étalon de pur sang ou un étalon hunter enregistré et hors d'une jument enregistrée aux volumes IV ou V du H. S. B. B. Si elles sont, ainsi que leurs mères, hors d'étalons pur sang ou étalons hunter enregistrés. — 123 — Pedigree et prix : C. Si elles sont par un étalon pur sang ou étalon hunter enregistré qui ont gagné un prix donné par la société, ou si elles ont gagné ou produit le gagnant d'un prix dans la classe des hunters à une exposition nationale, régionale ou d'une société affiliée. Performances : D. Si elles ou leurs produits ont gagné des courses sous le règlement du Jockey Club ou du National Hunt. Inspection : E. Si elles ont été inspectées et admises par un membre appointé de la société. Le comité peut désigner un vétérinaire pour examiner les juments au point de vue sanitaire ; 3° Aux hongres qui ont gagné un prix à une exposition natio- nale, régionale ou à celle d'une société affiliée. L'inscription des hongres est de date récente et nous devons ajouter que les étalons et juments de pur sang peuvent être inscrits au H. S. B. Pour résumer en quelques mots le programme que la H. I. S. s'est tracé, nous dirons qu'elle a visé à favoriser l'emploi du bon étalon de pur sang et, par celui-ci, d'arriver à la production d'étalons et juments du type hunter ayant comme origine, con- formation et allures les qualités que l'on voudrait fixer pour en rendre l'élevage certain et rémunérateur. La haute considération dont elle jouit est une des preuves certaines de la justesse de son programme et des éminents services qu'avec des moyens limités, elle rend à la cause de l'élevage du demi-sang. Nous devons une mention spéciale à la Brood Mare Society, fondée en 1903 dans le but de favoriser l'élevage de bons che- vaux, menacé par l'utilisation de poulinières manquant de qua- lités et par l'exportation des juments. Pour y aboutir, elle voulait obtenir par dons et par achats des juments de bon type qu'un accident écarte du service pour les mettre à la disposition des éleveurs moyennant la redevance annuelle de 26 fr. 25 comme membre de la société. Les juments restaient la propriété de la société, les produits devenaient celle des fermiers. De fin décem- bre 1903 à avril 1Ô07, elle plaça ainsi 54 juments. Si le manque de bonnes juments d'élevage n'est pas admis par tous, on ne méconnaît cependant pas le but très louable de la B. M. S. et les services qu'une telle organisation peut rendre à l'élevage. Mais il y avait entre son but final et celui de la H. I. S. — 124 — un grand rapprochement et, en mai 1909, il y eut une fusion ; la B. M. S. constitue actuellement un comité spécial de la H. I. S. A côté de ces organismes très importants et visant spéciale- ment l'élevage du demi-sang, nous devrions ajouter pour tout le Royaume-Uni une grande quantité de sociétés qui s'en occupent en même temps que des autres branches de l'élevage ou de l'agri- culture en général. Il s'en faut cependant que la situation soit brillante, et dans ces dernières années, en soulevant la question du demi-sang au sujet de la mobilisation de l'armée, on a plusieurs fois affirmé que le Royaume-Uni ne possédait pas le nombre de chevaux suffisant, aptes aux services requis, pour faire face aux néces- sités d'une mobilisation des forces britanniques. Il est certes une chose qui ne manque pas : ce sont les projets, les programmes, les suggestions et mesures de toute espèce en vue de porter remède à la situation actuelle. Nous ne pouvons penser à entrer dans leur exposé et nous devons nous borner à dire que le gouvernement britannique ne montre guère d'empressement à intervenir pécuniairement en considérant l'élevage du demi-sang comme une question agricole qui réclame impérieusement son appui. D'après une communica- tion de M. Haldane, le 7 mars dernier, à la Chambre des Com- munes, le projet qu'il a élaboré avec le ministre de l'Agriculture envisage le problème au point de vue militaire seulement. Quel que soit le résultat de celui-ci, il est loin d'être accueilli favora- blement par les éleveurs et il est certain que par sa portée limitée, on ne doit pas attendre qu'il apporte un remède sérieux à la crise dont l'élevage du demi-sang souffre depuis trop longtemps. - 125 - CHAPITRE IX Les croisements et le métissage dans la production du demi-sang Dans l'exposé qui précède et sans nous faire le défenseur d'aucune thèse, nous avons eu à signaler bien des divergences dans les idées présidant à la production du demi-sang ; mais au moment de terminer notre travail, nous croirions être incomplet si nous ne nous arrêtions un peu aux causes responsables de cet état de choses. L'une des plus anciennes opinions est certainement celle d'après laquelle le produit de sujets de races différentes repré- sente l'intermédiaire entre ceux-ci. Cette opinion ne tient donc aucun compte de la puissance héréditaire individuelle dont Stephens a fait la base de sa théorie en lui donnant un caractère de fixité propre à chaque sexe. Pour Stephens, le produit hériterait toujours des organes de nutrition de la mère, toujours des organes de locomotion du père, toujours des deux pour le système nerveux central. En 1881, James Howard (8) reprenant les principes émis par Orton en 1854, établissait comme suit ses conclusions : 1° Du père dérivent principalement la structure externe, les caractères extérieurs et les qualités locomotrices. 2° De la mère dérivent la structure interne, les organes vitaux et dans une proportion beaucoup plus grande que du père, la constitution, le tempérament et les habitudes. 3° Deux reproducteurs étant accouplés, si l'un d'eux est de plus pure ascendance que l'autre, il exercera le plus d'influence dans les caractères imprimés à la progéniture, surtout si la plus grande pureté de souche est du côté du père. Spooner (7) fait allusion à une théorie attribuant beaucoup plus d'action à la mère qu'au père et d'après laquelle, dans la production du hunter, si on ne peut obtenir la pureté de souche des deux côtés, il est plus avantageux de la rechercher chez la poulinière. C'est ainsi qu'il défend l'accouplement de juments de pur sang avec un fort étalon pour obtenir le weight carrier. Le comte Cathcart (9) en mentionnant que le pur sang d'aujourd'hui — 126 — n'est plus celui de jadis, ajoute : « Et cependant il est générale- ment reconnu que le sang devra être du côté du père ». Le colonel Lutrell (9) dit : « Mon expérience en élevage m'a montré que la sélection de la poulinière est de la plus grande importance car, en règle générale c'est d'elle que nous devons attendre le format, la constitution, le tempérament et l'endurance. » D'après le feu duc de Beauffort, « pour élever un cheval de course ou un hunter rapide, il faut avoir la vitesse du côté de la mère, — abstraction faite de toute question de distance, — l'en- durance et les qualités du côté du père ». Il est encore une autre opinion aboutissant à la croyance de l'hérédité croisée : la pouliche tiendrait du père et le poulain de la mère. Enfin on défend aussi l'idée que dans la production du demi-sang, l'un des deux géniteurs, le mâle de préférence, doit être de race pure. Nous n'entendons pas nous arrêter à discuter la valeur de ces théories. En les citant, nous n'avons eu qu'un but, c'est de montrer qu'elles ne sont point concordantes et qu'elles justifient ainsi les idées variables, parfois entièrement opposées, professées par ceux qui s'occupent de l'élevage du demi-sang. Que depuis toujours le pur sang ait été choisi pour servir à cette production et qu'il y ait donné des résultats remarquables, il y a trop de raisons pour ne le pas comprendre. Mais qu'il soit encore le seul à employer et à conseiller, c'est là la question épineuse divisant les éleveurs en deux camps, les partisans exclusifs du pur sang, les défenseurs de l'étalon hunter. Dans l'histoire de l'élevage du Royaume-Uni, après avoir admiré ce que nos voisins ont réalisé dans le domaine de toutes les espèces domestiques pour créer, améliorer, modifier des races, il est étonnant de constater que le hunter soit le seul dont le type n'ait pas été fixé. En dépit de tout l'intérêt que lui valait son utilisation à ce sport d'essence nationale qu'est le hunting, il apparaît comme une sorte de paria auquel on refusa systéma- tiquement le bénéfice de tout ce qui fut entrepris pour les autres races chevalines anglaises. On lui contesta la possibilité d'être élevé à l'état de race, en invoquant cette théorie : Les races de demi-sang, toutes sorties de la métisation, ne sauraient se soute- nir par elles-mêmes, c'est folie de le tenter ; les métissages et les croisements donnent des individus, créent des produits utiles, ils ne fondent pas de races nouvelles. Il y a plus d'un demi- siècle que Gayot fit justice de cette doctrine et l'avenir lui donna — 127 — raison par l'anglo-normand en France, par le hackney en Angleterre. Cependant, aujourd'hui même, cette manière de voir trouve encore des partisans et l'argument invoqué est que le limiter traçant le plus souvent à une souche commune, le croisement est trop violent pour permettre la reproduction des caractères acquis. Parmi les nombreux exemples que l'élevage irlandais fournit contre cette objection, nous nous bornerons à rappeler le cas de la famille des Harkaways qui remonte à des juments clydesdales. Mais en Angleterre même, il est un exemple plus typique, c'est celui de la race de Cleveland. « A cette période (1836), les juments appelées clevelands étaient de fortes juments de trait (heavy cart mares) faisant le service général du trait dans les fermes du district de Cleveland et du N.-W. du Yorkshire. Les étalons voyageant alors pour le croisement avec ces juments, étaient des pur sang bais » (Sidney). Or, le cleveland bai est non seulement une race de carrossiers fixée depuis longtemps, mais on le considère aussi comme la souche originelle du carrossier plus léger qu'est le Yorkshire coach horse et comme une des meilleures souches d'où naquirent les plus beaux hunters anglais. Pour les adeptes de cette théorie, le hunter est et ne peut être qu'un métis et le pur sang est le seul procréateur à utiliser. Il y a là une exagération qui est vivement combattue. Quelles que soient l'abondance, la grande valeur et les mérites incontestables des bons entiers thoroughbreds, ceux-ci ne consti- tuent qu'un des facteurs de l'élevage du demi-sang et ce qui met- tra toujours cet élevage dans des conditions d'infériorité vis-à- vis des industries similaires s'occupant de races, c'est le manque d'uniformité dans le type et les qualités du facteur jument. Les poulinières doivent être produites artificiellement par croise- ments de pur sang sur des mères communes ; il en résulte comme un élevage spécial, laissant beaucoup de déchets, dont la production du hunter est entièrement tributaire et dont elle ne peut attendre aucune garantie de stabilité. Mais ceux-là même qui dénient la possibilité de fixer le type du cheval de chasse, ne se représentent pas que les juments dont ils recommandent l'emploi sont précisément du modèle auquel on voudrait aboutir — du gros avec beaucoup de sang. Ils oublient certainement que leurs aptitudes reproductrices sont démontrées par la constance avec laquelle elles donnent par le pur sang, des — 128 — produits doués de toutes les qualités qui en assurent la valeur. Si le pur sang est moins heureux avec d'autres, n'est-ce pas que les juments du genre recommandé ont une part sérieuse dans cette régularité? Par là même, on est fondé à croire que le rapproche- ment de géniteurs de ce type est de nature à en accuser, à en imprimer les caractères dans la progéniture. Que l'on refuse ces attributs à des issus de premier, deuxième et même de troisième croisement, on peut le comprendre et ne voir en cela qu'une question de degré de sang et de nombre de croisements. Que l'on refuse encore ces mêmes attributs à tous les produits d'une manière générale pour les reconnaître à quelques-uns seulement, ce n'est que trop juste ; l'élevage, du reste, n'est digne de ce nom, s'il ne se réclame d'une sélection judicieuse des géniteurs. Mais ne pas admettre la possibilité de partir de tels éléments pour arriver à perpétuer leurs caractères et qualités, c'est en réalité nier ce qui fut réalisé pour d'autres races et ce qui s'est fait jadis pour le hunter. Les défenseurs de cette thèse perdent certainement de vue que le pur sang, aussi paradoxal que cela puisse paraître, est un produit de croisement et de métissage transformé en race pure grâce à la sélection dont il fut l'objet. En fait, que désirent ceux visant à l'élevage du demi-sang par la sélection de ses meilleurs représentants ? C'est d'aboutir à un cheval qui soit virtuellement un pur sang par sa filiation, qui soit virtuellement encore un pur sang par son tempérament ardent et généreux, par son endurance, sa trempe et son courage à toute épreuve; mais qui ait autre chose en plus, c'est la charpente d'un weight carrier, seule chose que le pur sang ne peut infuser. Ce cheval n'est pas un mythe issu de l'idéal et des doctrines d'un théoricien, il existe nombreux à titre d'individus isolés provenant de mères de même type et il se rencontrait jadis de souche hunter de père et mère. On ne reprochera certainement pas aux défenseurs de ce genre d'élevage de méconnaître la valeur du thoroughbred et de ne pas proclamer la nécessité de son intervention pour arriver au résul- tat désiré. Pour ceux-là, la seule restriction est que l'avenir de l'élevage réside dans la réaction contre la continuité perpétuelle de l'emploi du racing horse, car c'est là une des causes auxquelles il doit l'état de prospérité insuffisant dont il se plaint aujourd'hui. Si le système actuel est condamnable, c'est parce qu'il a donné des résultats désastreux chez les petits et moyens fermiers, c'est parce qu'il aboutit à une production au jour le jour, sans aucun — 129 — souci de l'avenir, c'est surtout parce qu'il est un moyen et non un but. A ce système, il faut opposer celui qui vise à assurer l'avenir de l'industrie du demi-sang en la basant sur les principes de sélection et de continuité d'action dont l'élevage anglais s'honore d'avoir été l'inspirateur par Bakewell, les frères Col- ling, etc. C'est là le programme que la Hunters' Improvement Society eut en vue en créant son Hunter Stud Book et il est regrettable qu'elle n'ait pas été mieux écoutée. Les éleveurs ont fait preuve d'une inertie que les chiffres suivants mettent bien en relief. La Shire Horse Society fut créée en 1879 et le dernier volume de son Stud Book renseigne l'inscription de 27,944 étalons et de 62,506 juments. Pour la Hackney Horse Society (1884) ces chiffres sont de 11,273 étalons et 21,169 juments. Pour la Hun ters' Improvement Society (1885), ils sont seulement de 104 éta- lons et 4,816 juments. Il faut cependant reconnaître que les der- nières années accusent une inscription en progrès sérieux. Abstraction faite des efforts de la H. I. S., nous devons con- stater que ce que l'on a tenté pour l'élevage du hunter est le con- trepied de ce qui fut entrepris pour toutes les races de trait et les demi-sang d'attelage. Pour ceux-ci, dans les concours, la très grosse part des allocations va aux reproducteurs et le reste aux produits. De plus, au fur et à mesure qu'on avançait, on excluait les éléments non tracés pour admettre exclusivement ceux d'origines inscrite aux studs books. Il en est résulté que les étalons, les juments et les jeunes reproducteurs ont acquis une valeur incomparablement supérieure à celle des produits desti- nés à être utilisés dans le sens de leurs aptitudes respectives. Pour le hunter, au contraire, tout va aux produits et aujourd'hui encore on trouve, concourant sur le même pied, des produits d'origine inconnue et des produits tracés, issus ou non de parents inscrits au Stud book. Quant aux reproducteurs, si quelques étalons peuvent se flatter d'être encouragés, les juments ne tou- chent que de maigres allocations. C'est donc l'inverse de ce que nous venons de voir et le résultat a suivi le même chemin : la valeur des reproducteurs est inférieure à celle des chevaux de service. Certainement nous ne perdons pas de vue que de ce côté le hunter ne peut être rapproché d'un gros trait, toutefois, il peut être comparé au hackney. Tous deux sont des chevaux de luxe, mais le hackney se paie cher comme reproducteur et comme cheval de service et ce n'est pas le cas du cheval de chasse. Notre — 130 — conclusion conserve ainsi toute sa valeur et nous y ajouterons que depuis assez longtemps le commerce des reproducteurs con- stitue une ressource sérieuse de l'exploitation chevaline bien comprise. Sous l'action de tous ces faits, tous les élevages sont actuellement dans une situation très florissante, seul celui du hunter laisse à désirer et ne paie pas les producteurs. Ce que nous venons de voir nous le retrouvons sous une autre forme dans les courses instituées pour favoriser le demi-sang. Qu'il s'agisse de steeples, de cross-countries, de point to point, s'ils doivent être disputés dans des conditions exigeant une apti- tude à porter gros poids et à vaincre les difficultés sérieuses semées sur les parcours, leur efficacité n'est pas contestable. Mais en dehors de cette restriction — et c'est malheureusement ce qui arrive souvent — ils sont purement des épreuves de vitesse, ils constituent une prime à l'abus du thoroughbred et à la création d'une sorte de pseudo-pur sang à côté du vrai. Si les courses ont fait la fortune du racing horse, c'est parce qu'elles ont constitué une réelle sélection des reproducteurs. Tel n'est pas le cas pour le demi-sang, on le fait courir comme cheval de service et en réalité l'élevage ne profite pas des résultats fournis par les épreuves parce qu'on ne vise et on n'aboutit pas à perpétuer la lignée et les qualités des vainqueurs. L'encouragement va au cheval comme unité isolée et à celui qui en a tiré parti, alors qu'il devrait plutôt rentrer dans le patrimoine général de l'élevage pour servir utilement à son amélioration, en consacrant officiellement la valeur des souches et des individus. D'un autre côté, la valeur du demi-sang ne tient pas uniquement à la vitesse et, pour lui, les courses constituent ainsi un mode d'encourage- ment réclamant beaucoup de circonspection dans son utilisation, si l'on ne veut pas qu'elles fassent dévier l'élevage, du type de clie val qui doit assurer son succès économique. Ceci nous ramène au weight carrier et nous en avons déjà parlé si souvent qu'on pourrait y voir le fait de préférences per- sonnelles. Que chacun suivant ses goûts, ses aptitudes, le milieu dans lequel il vit, recherche un demi- sang du type léger ou fort, personne ne contestera ce droit ; mais dans son ensemble l'éle- vage ne saurait s'accommoder de ces points de vue spéciaux. La preuve en est dans l'unanimité avec laquelle la production du weight carrier est présentée et défendue comme le but final de tous les efforts à tenter. Il y a trop de bonnes raisons pour ne pas se ranger à cet avis. — 131 — Produire un demi-sang léger ayant beaucoup de sang est incon- testablement la chose la plus facile à réaliser, l'abus du pur sang y conduit tout naturellement. Mais, au contraire, il faut vaincre de grandes difficultés, faire preuve de beaucoup d'intelligence pour arriver à accumuler, à réunir chez un cheval une haute dose de sang et la facture d'un longiligne puissant. Si cette fina- lité ne tient pas compte de la demande de chevaux légers, elle y pourvoirait cependant, car pareille production ne s'établirait pas sans que, dans le nombre, on voie toujours surgir des light hunters. De plus, en partant du type préconisé et en retournant au pur sang, on pourrait toujours aboutir à des produits plus légers. En revanche, en partant d'un type léger, on n'obtiendrait jamais un fort cheval qu'en le dégradant par le croisement. N'est-ce pas ce qui s'est passé en Irlande et en Angleterre, et que réclame-t-on aujourd'hui de tous les côtés? Le moyen de produire le hunter pour gros poids parce qu'il est seul rémunérateur. L'élevage irlandais et l'ancien élevage du Yorkshire sont là pour prouver que la production de celui-ci a encore pour elle de don- ner un cheval de harnais de tout premier ordre. Devons-nous, enfin, répéter encore que les déchets conservent une bonne valeur comme troupiers de choix. C'est pour s'être écarté de cette voie que le demi-sang du Royaume-Uni a cessé d'être aussi rémunérateur que jadis et il y a là un enseignement que doivent méditer ceux qu'intéresse l'avenir de la production des hunters, des hacks et des troupiers en partant de la devise : Par le pur sang pour créer le demi-sang. Certainement la fixation d'un tel type ne sera pas l'œuvre d'un jour, mais sous l'égide du Department of Agriculture, de la Royal Dublin Society et de la Hunters' Improvement Society, c'est la voie tracée à l'élevage irlandais. C'est la voie de l'expé- rience et de la raison, c'est celle des renseignements du passé. Son adoption sera comme un retour aux choses de jadis, ce sera la Renaissance de cette tradition qui vaut à Paddy d'être insé- parable de son weiglit carrier autant que fidèle au Shamrock, emblème de son beau pays. FIN BIBLIOGRAPHIE 1 Nimrod (Lord Apperley). Remarks on the condition of hunters. Suite de lettres familières publiées de 1822 à 1828 dans Sporting Magazine, éditées en 1831. Traduction française par Guy- ton, 1862. 2. Low, David. The domestic animais of British Islands. London 1845. 3- Stonehenge. Le cheval anglais, traduit par le comte de Lagondie. Paris 1860. 4. Dickinson, W. On breeding of horses, in Journal of the Royal Agricul- tural Society of England, 1863. 5. Gamgee, J. senior. The breeding of hunters and roadsters, id. 1863. 6. Wilkinson, J. On the supply of horses adapted to requirements of the English army, id., 1863. 7. SpOONER, W. C. Cross breeding in horses, id., 1865. 8. Howard, James. The application of the natural laws to the breeding of horses, cattle and sheep, id., 1881. 9. Cathcart, Earl of. Half-bred horses forfield androad, id., 1883 10. Pease, A. E. Horse breeding for profit, id., 1892. 11. Report from the sélect committee of the House of Lords on horses, etc. London, 1873. 12. Reports by the commissioners appointed to inquire into the horse bree- ding industry in Ireland. Dublin, 1897. 13. Minutes of the évidence taken before the commissioners appointed to inquire into the horse breeding industry in Ireland. Dublin, 1897. 14. Reports of the Royal Commission on Horse Breeding. 12 reports 1887- 1908. London. 15. Minutes of the évidence taken before the Royal Commission on Horse Breeding. London, 1890. 16. Report of the Spécial Committee appointed to inquire into the présent condition ofthe breeding of hunters and other gênerai utility horses. London, 1904. 17. Gilbey, Sir W. Bart. Riding and driving horses. London, 1885. 18. Id. The Great horse. London, 1899. 19. Id- Horses past and présent, 1900. — 134 — 20. Gilbey, Sir W. Bart. Horse breeding in England and India, and Army horses abroad. London, 1901. 21. Id. Hunter Sires. London, 1903. 22. Id. The harness horse. London, 1905. 23. Id. Horses for army. London, 1906. 24. Cox, Michael, F. Notes on the history of Irish horses. Dublin, 1897. 25. Ridgeway, F. Origin and Influence of the thoroughbred horse. Cam- bridge, 1905. 26. Sidney, S. The book of the horse. Third édition, London. 27. Ewart, J. Cossart. The ponies of Connemara, in Ireland industrial and agricultural. Dublin, 1902. 28. The Irish horse breeding Industry, in idem. 29. The horse in Ireland, in Journal ofthe Department of Agriculture and Technical Instruction. October 1904. 30. Hunter Stud Book of H. I. S., vol. 1 à 4, 1902-09. 31. Kennedy, Willard John. Hunter horse Production in Ireland, in Tiventy-first Report of the Bureau of Animal Industry. Washington, 1904. 32. Cleary,J. Horse breeding in Ireland, in Veterinary Record. Septem- ber 8, 1906. 33. Tozer, Basil. The horse in history. London, 1908. 34. Comminges (comte de). Le hunter. Paris, 1907. 35. Montendre (comte Ach. de). Des institutions hippiques et de l'élève du cheval dans les principaux Etats de l'Eu- rope, Vol. III, 1844. TABLE DES PLANCHES pi. 1 Red Prince II, né en 1889, lm625, par Kendal par Bend'Or, hors de Empress par Blood Royal. Gagnant de 88,400 francs en obstacles et de la Croker Challenge Cup au concours de la Royal Dublin Society en 1898, 1902, 1905 et 1906. 2 Hack Hunter, d'après un tableau de George Stubbs R. A. 1793. 3 Smolensko, étalon hunter, d'après un tableau de J. N. Sartorius, 1817. 4 Étalon hunter, d'après un tableau de J. E. Ferneley, 1823. 5 Cognac, étalon hunter, d'après un tableau de J. E. Ferneley, 1826. 6 Général Peace, par Gallinule, gagnant de 57,285 fr. en obstacles et de la Croker Challenge Cup au concours de la R. D. S. en 1904. 7 Red Sahib, lœ66, par Red Prince II hors de Hindoo Girl, gagnant de la Croker Challenge Cup au concours de la R. D. S. en 1908 et de nombreux premiers prix en Angleterre. S'affirme comme un géniteur de premier ordre. 8 Riverstown, lm63, par Ascetic hors de Deodar, lauréat de nombreux prix. Captivation, né en 1901, lm65, par Cyllene par Bona Vista, hors de Charm par S* Simon; 1er prix R. D. S. 1909. 9 Ballymena (H. S. B. 23), lm625, étalon hunter, par Dear Boy p. s. hors de Gloriana (H. S. B. 2357). 10 Merry Matchmaker (H. S. B. 22), étalon hunter, par Matchma- ker p. s. hors de The Witch (H. S. B. 2099) par Brown Prince p. s., g. m. par Don John p. s. Lauréat de nombreux premiers prix (en compétition avec des p. s.). Père de nombreux pro- duits primés. Wexford (H. S. B. 37), étalon hunter, lm64, par Great Briton p. s. hors de Nellie (H. S. B. 2767) par Herbertstown p. s., g. m. par Bryan O'Lynn p. s. — 136 — pi. 11 Cheval de troupe (13 ans) d'origine américaine. Royal Fox (H. S. B. 52), étalon hunter, par Fox Hound p. s. hors de Roraany Queen (H. S. B. 2993) par Roman Emperor p. s., g. m. Wild Duck (H. S. B.) par King Otto p. s., g. m. par Longwaist p. s., g. g. g. m. par King Caradoc p. s. Lauréat de nombreux prix. 12 Poney de Connemara qui s'est distingué comme hunter. Étalon du type Irish Draught Horse. 13 G-rey Pullet (H. S. B., vol. VIII, record), poulinière hunter par The King p. s., hors d'une jument par Lothario p. s. ; gagnante de nombreux prix et championnats en Irlande. 14 Jument originaire de la remonte du 1er régiment de guides (présumée irlandaise), cheval remarquable comme puissance, endurance et allures. N'était son épaule, elle ferait un type parfait de poulinière pour hunter. Katrine, lm64, jument de p. s. poulinière pourhunters (H.S.B. 2912) (G. S. B., vol. XIX, p. 796) par Hacker hors de Lady of the Lake ; lauréat de nombreux prix. 15 Golden Leaf, lm625, poulinière hunter (H. S.B. 2896) par Ter- tius p. s. hors de Golden Fringe (H. S. B., supp. vol. II) par Discord p. s. Gagnante de très nombreux prix et mère de plusieurs produits primés. Everlasting, lm63, poulinière hunter (H. S. B., supp. vol. II), origine inconnue, a chassé deux saisons sous 95 kilos, gagnante de nombreux prix. 16 Princess Royal, yearling hunter (H. S. B. 3199) par Royal Mask p. s. hors de Homely Lass (H. S. B. 1907) parHomely p. s., g. m. Sweetheart (H. S. B. 1641) par Napsbury p. s. ; plusieurs prix. Modwena, pouliche hunter (H. S.B. 3175) par Wales p. s. hors de Madame Modjeska (H. S. B. 1134) par Gordon p. s., g. m. par Peppermint p. s. ; plusieurs prix. 17 Ponette du Connemara et son poulain. 18 Groupe de ponettes du Connemara. 19 Whiskey, au trot. Whiskey, lm65, hunter irlandais, par Sir Patrick, mère par Play Actor ; lauréat de nombreux championnats. 20 Lady Emily, 7 ans, hunter anglais (H. S. B. 1929) par Bragga- docio hors de Venus (H. S. B., suppl. vol. I) par Muleteer, premier prix et réserve championnat au Hunter Show 1905. Fut une jument de chasse remarquable, aujourd'hui pouli- nière et son premier produit (1908) a été primé comme pou- lain. — 137 — pi. Grandee, 6 ans, hunter irlandais, par Perizonius p. s., mère par Don Pedro p. s., g. m. par Old Victor (cocktail) ; cham- pion au Hunter Show 1905. 21 Speck, hunter irlandais, premier prix au R. D. S. Show de 1903. Fable, 5 ans, hunter irlandais, par Favoloo p. s., mère par Sam Chifney p. s. ; lauréat de plusieurs championnats. 22 Rikiki, cheval de remonte présumé irlandais, vainqueur de plusieurs steeples et cross-countries. Tennis Bail, hunter irlandais, par Court Bail p. s. hors de Empress (H. S. B) par Delight p. s. ; champion du Hunter Show 1902 (retiré à 18,375 francs aux enchères publiques le 25 mai 1905). 23 Moyglass, hunter irlandais, par Zag à Zig p. s. champion du R. D. S. Show en 1904 (vendu 7,875 francs aux enchères publiques le 25 mai 1905). Greystone, hunter irlandais, par Walmsgate p. s. hors d'une jument hunter; premier prix et réserve du championnat de l'International Horse Show 1909. 24 Up to Date, hunter anglais, par Savoy p. s. hors de Laura (H. S. B. 2420) par The Bold Marshall p. s. ; g. m. par Jujube p. s. (vendu 13,125 francs aux enchères publiques le 25 mai 1905). The Wizzard, 4 ans, hunter irlandais, par Skedaddle, mère par Cambuslang, 2me prix Hunter Show 1905. 25 Elliot, hunter pour gros poids, origine inconnue. 26 L'examen des light weight hunters au concours de Dublin 1909. Knockloe, hunter irlandais, par Victoricus p. s., gagnant de laPembroke Cup au concours de la R. D. S. 1909. 27 L'examen des weight carriers au concours de Dublin 1909. Skittles, hunter irlandais, gagnant de,la Samuel Ussher Roberts Cup au concours de la R. D. S. 1909. 28 Great Britain, hunter irlandais pour gros poids. Red Royal, hunter type Leicestershire. 29 Hunter américain (États-Unis). Red Sea, lm62, hunter irlandais, par Red Prince II, lpr prix à l'International Horse Show 1909. 30 Gold Dust, hunter irlandais, 1er prix et coupe au Royal Dublin Show 1903. Look Out, lm665, hunter irlandais par Beware p. s., mère par Perfection p. s., 1er prix et réserve du championnat à l'International Horse Show 1908. — 138 — pi. 31 Hunter irlandais, light weight. Peep po, lm56, hunter irlandais, par Lord Edward p. s., mère par Bacchus p. s. A chassé trois saisons en Irlande. 1er dans les Covert Hacks, 3me dans les Ladies' Hacks à l'International Horse Show de 1909. 32 Jeune hunter irlandais de trois ans. Les photos viennent des maisons : F. Babbage, Londres ; Chancellor, Dublin; Lafayette et C°, Dublin; Rouch et G0, Londres. TABLE DES MATIÈRES Préface vn Avant-propos 1 Introduction 7 I. — Aperçu sur la topographie, la géologie et la climatologie de l'Irlande 14 IL — Origine et histoire des chevaux irlandais 20 III. — Historique du demi-sang irlandais et anglais .... 33 IV. — Les étalons 45 a. Les étalons de pur-sang 45 b. Les étalons de gros trait 57 c. Les étalons de demi-sang 59 d. Les étalons de trait léger 65 e. Les étalons hackneys 67 V. — Les juments 73 VI. — La production du hunter et du demi-sang en général . 90 VIL — Hygiène et vente des demi-sang 110 VIII. — Les encouragements à l'élevage 117 IX. — Les croisements et le métissage dans la production du demi-sang 125 Bibliographie 133 Table des planches 135 U 2 pi. Q W Xi •a w H X w u <î M et; £ Si £ H - J s O | ï l-l < c Ph ^ £ £ 5 ^ S t i X ?;. UJ ^ (/> f-H C V 55 -, 'in U> ^ u o — ts r /^ ~ " ■« J S -5 » o •X1 u s o * o -s o g w (^ is D -S ffi 53 ►a 5? S O g J ~ < -5 H ■ft, a n > w o < PLANCHE VIII RIVERSTOWN (p. s.) Propriétaire : M. Ernest W. Robintson, Brookleigh Stud, Leighton Buzzard """; \. ^^K 'i y. ï$ » .. - fc" ~~ ~te' -*■ H ■ 1 ' flHHHi^l^HHHHHIHH 1 ^£ "j I.-*"" 1H • CAPTIVATION (p. s.) Propriétaire: M Thos. Lindsay, Crossgar, co. Down Cliché de The Farmers' Gazette Dublin X <î « s £ uj s J £ ^ -I 3 ^ X Î-H r* ^ 0) J3 — r O ^ S ^ PLANCHE XXVI . : .i-'àSnin ' ^&§ÊÊ )gkèè£- . ■. _ 'lâ^^fei mm*,:' " ■T. a -.''.'tÉL*-. 1H^ Idra *&idEî S VER t-£ 01 _ _ ■»#. - i ... - . ..»â> «V, « ,j , \wjjta~k Aiiu .4 à iW * ■ ■• ■ m m.*. . ' ■ A .'*-"> - • - -^ . •<. " , . . .,■'■ ' L'examen des poids légers à Dublin en 1909 KNOCKLOE Hunter (89 à 95 kos) gagnant de la Pembroke Cup à Dublin en 1909 Clichés de The Farmers' Gazette PLAN'CHE XXVII ■M 1Ê&% 4itu ftÈÊÈ^ ->u>' .Mi t ' H;. - ' H L'examen des weight carriers au concours de Dublin SKITTLES Ilunter (8g à y5 kos) gagnant de la Samuel U. Roberts Cup à Dublin 1909 Clichés de The Farmers' Gazette PLANCHE XXVIII GREAT BRITAIN Hunter irlandais pour gros poids RED ROYAL Hunter type Leicestershire Clichés du Sport Universel Illustré PLANCHE XXIX Hunter américain (États-Unis) Cliché de Chasse et Pèche RED SEA Hunter pour gros poids Propriétaire : M. John Drage, Chapel Brampton, Northampton Cliché du Live Stock Journal PLANCHE XXX GOLD DUST Médium weighl hanter Cliché de Chasse el Pêche LOOK OUT Hunter pour gros poids Propriétaire : M. J.-H. Stokes, Markct Harborough Cliché du Livc Stock Journal PLANCHE XXXI Lieht vveierht irlandais PEEP PO Propriétaire : Major Iîreeks, Farnborough, Hants Cliché du Live Stock Journal X X X fiffiVANBUGGEMOUDT